1
décembre 1933)a b La théologie chrétienne a-t-
elle
pour tâche de rendre acceptable le message de l’Évangile, d’en atténu
2
es avec nos plus récentes lumières ? Ou bien doit-
elle
, tout au contraire, assumer le scandale, montrer sa permanente et sal
3
qui n’est pas justiciable de leurs mesures puisqu’
elle
est le jugement de tous nos jugements et la « crise » de tous nos pro
4
des apaisements ou des directions positives. Faut-
il
encore ajouter à son trouble, l’aggraver, le rendre littéralement ins
5
et d’optimisme culturel sur lequel, trop souvent,
elles
s’étaient appuyées, la guerre et la révolution le bouleversaient brut
6
e et la Bible, m’ont fait l’effet — ne me le font-
elles
pas encore ? — d’être Charybde et Scylla. Si c’est cela l’origine et
7
êcher ? » Tourmenté par cette question à laquelle
il
ne peut ni ne veut se soustraire, Karl Barth se met à relire l’Épître
8
quiétante sans doute, pour notre esprit critique.
Il
résulte de cette étude un gros livre que trois éditeurs refusent mais
9
tendent de nous que nous les comprenions mieux qu’
ils
ne se comprennent eux-mêmes… Si nous ne prenons pas les hommes au sér
10
i nous ne les prenons pas davantage au sérieux qu’
ils
ne le font eux-mêmes, comment aurions-nous le droit de nous étonner q
11
us le droit de nous étonner que, pour la plupart,
ils
prennent peu à peu l’habitude de délaisser l’Église et de nous abando
12
s initiaux, de sa « problématique » particulière.
Il
n’est pas facile de résumer sans la trahir une pensée à ce point host
13
ctif. Disons tout de suite que les corrections qu’
elle
apporte constituent une sérieuse attaque contre toute religiosité. El
14
nt une sérieuse attaque contre toute religiosité.
Elles
consistent tout d’abord en une série de points d’interrogation que Ba
15
, piété, expérience religieuse, problème de Dieu.
Il
n’en faut pas plus pour que se lèvent de toutes parts de troublants p
16
ts de troublants paradoxes. La Bible nous parle-t-
elle
de religion ? Ne nous montre-t-elle pas plutôt, avec une insistance s
17
nous parle-t-elle de religion ? Ne nous montre-t-
elle
pas plutôt, avec une insistance significative, que les hommes religie
18
a Bible au contraire, vise le monde religieux, qu’
il
soit placé sous le signe de Baal ou de Yaveh. » La Bible nous parle-t
19
igne de Baal ou de Yaveh. » La Bible nous parle-t-
elle
de ces « expériences religieuses » sur lesquelles les modernes exerce
20
’est moins important que le mode de l’expérience.
Elle
est charge et mission, et non pas but et accomplissement et donc, en
21
ement et donc, en tant que réalité psychologique,
elle
est élémentaire, à peine consciente d’elle-même. » Les prophètes n’on
22
ronie, que le théologien doit avoir conscience, s’
il
veut parler valablement. Mais de quoi va-t-il encore pouvoir parler ?
23
, s’il veut parler valablement. Mais de quoi va-t-
il
encore pouvoir parler ? Ici le paradoxe devient plus aigu. Le théolog
24
onc la tâche du théologien est de parler de Dieu,
il
s’avère qu’en tant qu’homme il ne le peut : « Car parler de Dieu voud
25
de parler de Dieu, il s’avère qu’en tant qu’homme
il
ne le peut : « Car parler de Dieu voudrait dire, pour toute conscienc
26
une sorte de pendant protestant au néo-thomisme.
Il
est avant tout un rappel violent à la nouveauté éternelle de l’Évangi
27
existence devant Dieu. À la suite de Kierkegaard
il
nous fait voir que le christianisme, c’est l’immédiat, l’instant éter
28
e est mortelle à l’homme. Et c’est par là même qu’
elle
lui apporte, de l’extérieur, le gage de la résurrection. (La grâce n’
29
se refuse à cette mort, se refuse aussi à la vie.
Il
meurt de ne pas mourir, selon la parole profondément « dialectique »
30
e Sujet de toute existence et de toute recherche.
Il
est la présupposition de toute vie, la synthèse qui précède éternelle
31
théologie de la crise, une théologie dialectique.
Elle
est surtout et avant tout cela une théologie de la parole de Dieu. In
32
hrist en croix. La théologie n’est pas la parole.
Elle
ne peut que l’indiquer au-delà d’elle-même. Nous n’avons rien dit des
33
rise au sérieux des situations humaines telles qu’
elles
sont, qui seule permet un humour souvent rude ; de cette puissance cr
34
s plus solides de notre temps. C’est pour cela qu’
il
peut poser les questions les plus gênantes qui soient. ⁂ On l’a bien
35
émoignage courageux et authentiquement chrétien :
il
est le seul espoir que nous puissions garder dans la restauration spi
36
irituelle d’une Allemagne profondément paganisée.
Il
est aussi la plus éclatante réponse à tous ceux qui accusaient la pen
37
romand (24 février 1934)c Le Suisse romand est-
il
sérieux ? Je crains que mes raisons d’en douter n’ébranlent guère la
38
des personnes de sens. Mais après tout, ne serait-
il
pas étrange d’apporter des preuves sérieuses de la fantaisie de ce pe
39
e, cet excellent Toepffer dont on peut espérer qu’
il
les faire rire tous les deux ? Je ne songe pas tant aux traditionnell
40
nnelles farces de père de famille en liberté dont
il
assaisonnait ses Voyages en zigzag pour amuser son pensionnat, mais p
41
stus, toujours si digne dans l’adversité, bien qu’
il
lui arrive parfois de pousser « un immense cri en vingt-deux langues
42
gues ». La satire de Toepffer n’est pas méchante,
elle
n’est pas même « spirituelle » ; c’est plutôt, dans l’espièglerie la
43
romand rentre sous terre, pour éviter Amiel. Faut-
il
désespérer de le revoir jamais ? Mais non, il faut lire d’abord Pierr
44
aut-il désespérer de le revoir jamais ? Mais non,
il
faut lire d’abord Pierre Girard et Charles-Albert Cingria : La Rose d
45
its livres à tirage limité. N’allez pas croire qu’
il
s’agisse d’auteurs comiques : il s’agit d’abord de poètes. Je crains
46
ez pas croire qu’il s’agisse d’auteurs comiques :
il
s’agit d’abord de poètes. Je crains même de leur faire du tort en écr
47
crains même de leur faire du tort en écrivant qu’
ils
sont drôles. (Des gens viennent vous dire : tenez, voilà qui vous fer
48
déçu.) Pour comprendre l’humour de Pierre Girard,
il
faut avoir aimé Charlot, celui des Lumières de la Ville et du Cirque.
49
ec une conscience pure et des gants beurre-frais.
Ils
ne tardent pas à rencontrer une jeune femme qui leur fait perdre tout
50
ns, de gens qui ont l’air d’avoir compris de quoi
il
s’agit. Il n’y a plus qu’à perpétrer une horrible inconvenance, un de
51
qui ont l’air d’avoir compris de quoi il s’agit.
Il
n’y a plus qu’à perpétrer une horrible inconvenance, un de ces scanda
52
m dans notre langue, et c’est pourquoi sans doute
elle
ne s’y manifeste que par ces « ratés » émouvants, dont nous rions fau
53
Virginie présidé par son oncle âgé de 102 ans («
Il
avait arpenté tous les camps de la guerre de Sécession, mais il n’en
54
té tous les camps de la guerre de Sécession, mais
il
n’en parla pas »), et servi par un garçon triste qui perd le vol-au-v
55
n’ai pas de passeport ; je n’en ai jamais eu ; s’
il
doit être que j’en doive un avoir un, je veux qu’il ne soit de ceux q
56
doit être que j’en doive un avoir un, je veux qu’
il
ne soit de ceux que j’aie fabriqués moi-même. » Ainsi s’exprime Bruno
57
muz pendant la guerre. (C’est par cela surtout qu’
il
est Suisse, au mépris de tous les racismes.) On avait, dans ce groupe
58
tifs qui ont poussé M. Dominicé à l’écrire, et qu’
il
expose en une vingtaine de pages précises, mesurées, et convaincantes
59
ne de pages précises, mesurées, et convaincantes.
Il
me semble que cette préface caractérise d’une façon remarquable l’évo
60
étude au calvinisme le plus strict. Par là même,
il
se rend plus directement accessible au lecteur français. Essayons de
61
it ainsi nettement posée : pour devenir chrétien,
il
fallait « rencontrer personnellement le Christ ». Mais comment cette
62
le Christ ». Mais comment cette rencontre pouvait-
elle
avoir lieu ? Deux voies s’offraient : celle de l’histoire et celle de
63
aturel, M. Dominicé n’a pas de peine à montrer qu’
il
devenait « foncièrement irréel et sans intérêt ». À mesure qu’elle hu
64
oncièrement irréel et sans intérêt ». À mesure qu’
elle
humanisait le Christ sous prétexte de nous rapprocher de lui, l’histo
65
e jeune théologien interroge Calvin. Que trouve-t-
il
? Des arguments, une solution ? Non point : un renversement du problè
66
se sur notre amour pour Jésus-Christ — amour dont
il
nous sait tout incapables par nous-mêmes — mais sur l’amour de Dieu p
67
ns que l’exégèse de Calvin est toute didactique :
elle
veut sans cesse transformer nos questions en questions que le texte s
68
et ne pratique qu’une « exégèse d’obéissance » —
il
se laisse juger par le texte. On ne saurait imaginer rien de plus opp
69
lleurs s’y prête peu. Mais on regrette parfois qu’
il
suive à pas si prudents son modèle, et que l’admiration que lui inspi
70
ermes aussi respectueux des objections possibles.
Il
est vrai que ce livre est une thèse. Mais il n’est pas moins vrai que
71
les. Il est vrai que ce livre est une thèse. Mais
il
n’est pas moins vrai que Calvin sut parler un langage d’une verdeur a
72
rit de l’envergure de Kierkegaard eut légitimé, à
elle
seule, la création de cet Office et ses soins les plus diligents. Que
73
ues philosophiques et littéraires ! Probablement,
il
s’en fût amusé : tout ce qui touchait à l’opinion publique était pour
74
e était pour lui bien proche de la mystification.
Il
eut peut-être ri de se voir présenté tantôt comme anarchiste et pourf
75
camarade Nizan l’honneur de la trouvaille.) Mais
il
eût certainement protesté contre une erreur qui ne relève pas de l’in
76
traire d’un esthète. Comme Nietzsche, avec lequel
il
a pas mal de traits communs, Kierkegaard nous laisse un ouvrage d’aut
77
kegaard nous laisse un ouvrage d’autocritique2 où
il
dégage le sens général de son œuvre. On peut y lire ceci, en matière
78
ues œuvres traduites jusqu’ici, un peu au hasard,
il
faut l’avouer, le Traité du désespoir 3 est de beaucoup la plus centr
79
du désespoir, et quelles que soient les formes qu’
il
revête, du spleen banal jusqu’au péché contre l’esprit, jusqu’au refu
80
étien, seul, connaît toute la misère de l’homme :
elle
lui est révélée par l’Évangile qui sauve. ⁂ La lecture du Traité n’es
81
phétique : Plains-toi, l’Éternel ne craint rien,
il
peut bien se défendre ; mais comment le pourrait-il quand personne n’
82
peut bien se défendre ; mais comment le pourrait-
il
quand personne n’ose se plaindre comme il sied à un homme ? Parle, él
83
ourrait-il quand personne n’ose se plaindre comme
il
sied à un homme ? Parle, élève la voix, parle fort, Dieu peut bien pa
84
remière source, une réponse de Dieu, qui, même si
elle
foudroie, est plus magnifique que les commérages et les potins sur la
85
admirable de ces pages a été rendu aussi bien qu’
il
était possible par le traducteur). Mais il ne s’agit là que du premie
86
ien qu’il était possible par le traducteur). Mais
il
ne s’agit là que du premier volet d’un triptyque dont il nous faut at
87
’agit là que du premier volet d’un triptyque dont
il
nous faut attendre les deux autres parties pour saisir la pleine sign
88
saurait trop insister sur l’utilité de ce livre.
Il
rendra vaines, désormais, les introductions que les différents traduc
89
mais qui se répétaient fastidieusement. Surtout,
il
situera, définitivement je l’espère, la perspective dans laquelle il
90
ivement je l’espère, la perspective dans laquelle
il
faut considérer l’ensemble des écrits de Kierkegaard, et qui est cell
91
ce n’est pas le moindre piquant du livre. Fallait-
il
souhaiter à Kierkegaard une introduction plus systématique ? Je ne le
92
omme qui vient nous dire, en toute simplicité, qu’
il
a vu l’événement, et qu’il en est encore tout remué. On le croira san
93
n toute simplicité, qu’il a vu l’événement, et qu’
il
en est encore tout remué. On le croira sans peine : il n’a pas l’air
94
est encore tout remué. On le croira sans peine :
il
n’a pas l’air d’avoir pu inventer ce qu’il raconte. Cela donne envie
95
eine : il n’a pas l’air d’avoir pu inventer ce qu’
il
raconte. Cela donne envie d’aller voir. Or, je tiens qu’il n’y a rien
96
e. Cela donne envie d’aller voir. Or, je tiens qu’
il
n’y a rien de plus urgent pour nous que d’aller voir ce qui se passe
97
ié ce qui n’est pas simple chez Kierkegaard. Mais
il
a su le décrire clairement et fidèlement, sans pédantisme et sans lit
98
en Suisse, à Paris même. Né dans les universités,
il
paraît destiné à répondre d’abord aux préoccupations des intellectuel
99
’abord aux préoccupations des intellectuels, mais
il
y répond de telle sorte qu’il abolit rapidement les barrières convenu
100
intellectuels, mais il y répond de telle sorte qu’
il
abolit rapidement les barrières convenues entre intellectuels, hommes
101
ce discrète n’étonna personne. De quoi s’agissait-
il
? Ni de théologie, ni de problèmes sociaux, ni de morale ; ni même d’
102
sociaux, ni de morale ; ni même d’évangélisation.
Il
s’agissait de mettre en commun des difficultés intimes, d’entrer dans
103
s enfin, c’est le seul qui existe en français, et
il
contient un certain nombre de faits assez bouleversants pour qu’on pa
104
es, pragmatistes, optimistes, scientifiques, etc.
Il
voit la réalité fondamentale du christianisme primitif dans le contac
105
és et le « partage » (sharing) des grâces reçues,
il
sait qu’on ne peut être chrétien que totalement, personnellement, act
106
rsonnellement, activement. N’allons pas croire qu’
il
s’agisse là d’une nouvelle forme de pragmatisme américain. Dire que l
107
américain. Dire que la foi n’est réelle que là où
elle
se réalise ne signifie pas qu’il faille agir à tout prix. L’activiste
108
elle que là où elle se réalise ne signifie pas qu’
il
faille agir à tout prix. L’activiste moderne n’est souvent qu’un agit
109
eurs. Seule la foi peut nous rendre actifs lorsqu’
elle
nous engage dans une relation concrète avec le prochain. Mais comment
110
? L’erreur des chrétiens, trop souvent, c’est qu’
ils
s’efforcent d’endoctriner ceux qu’ils rencontrent. Le « partage » pré
111
t, c’est qu’ils s’efforcent d’endoctriner ceux qu’
ils
rencontrent. Le « partage » préconisé par Buchman ne ressemble pas à
112
le moral. Pour entrer en contact avec les hommes,
il
n’y a qu’un moyen : c’est de leur ouvrir sa maison. D’où les confessi
113
es récits de Begbie. Les disciples de Buchmann, —
il
refuserait cette expression — n’ont pas constitué d’organisation. Ils
114
expression — n’ont pas constitué d’organisation.
Ils
n’ont pas de registre des membres, ils ne nomment pas de comités, ils
115
anisation. Ils n’ont pas de registre des membres,
ils
ne nomment pas de comités, ils ne publient pas de revues, ils ne sont
116
istre des membres, ils ne nomment pas de comités,
ils
ne publient pas de revues, ils ne sont pas une secte ni une nouvelle
117
nt pas de comités, ils ne publient pas de revues,
ils
ne sont pas une secte ni une nouvelle Église. Ils travaillent par pet
118
ils ne sont pas une secte ni une nouvelle Église.
Ils
travaillent par petites équipes. Ils voyagent beaucoup et vont où l’E
119
elle Église. Ils travaillent par petites équipes.
Ils
voyagent beaucoup et vont où l’Esprit les appelle. Ils partent bien s
120
oyagent beaucoup et vont où l’Esprit les appelle.
Ils
partent bien souvent sans autre raison que la certitude qui leur vien
121
ller. La chronique des rencontres miraculeuses qu’
ils
ont ainsi vécues remplirait des volumes, et nourrit leurs entretiens.
122
ous prétexte que c’est abstrait : encore faudrait-
il
se garder de vivre une théologie équivoque. À quoi les membres du Mou
123
ine. Peut-être la plus sûre leçon des Groupes est-
elle
dans leur vision concrète de l’homme et de l’action de Dieu sur l’hom
124
n. Et quand ce livre n’aurait pas d’autre valeur,
il
a celle-là, qui compte, de nous montrer comment les hommes de ce temp
125
s de ce temps peuvent devenir des hommes réels. ⁂
Il
se peut que Kagawa soit l’homme le plus réel d’aujourd’hui. Je dirais
126
l’homme le plus réel d’aujourd’hui. Je dirais qu’
il
est le plus grand, si la mesure de la grandeur, dans sa vision, n’éta
127
le le destitue de ses privilèges aristocratiques.
Il
embrasse la pauvreté, s’enfonce dans les slums de Kobé, décide qu’il
128
reté, s’enfonce dans les slums de Kobé, décide qu’
il
n’aura pas d’habitation plus vaste que celle du plus pauvre habitant
129
s premiers hôtes sont un galeux, un alcoolique qu’
il
nomme la « statue de cuivre » à cause de son immobilité presque total
130
s sont hantées par les apparitions de sa victime.
Ils
dorment côte à côte. D’autres viennent : il faut écarter les parois d
131
ime. Ils dorment côte à côte. D’autres viennent :
il
faut écarter les parois de la pièce pour permettre à chacun de se cou
132
cher. Kagawa les nourrit de son travail. Parfois,
ils
se révoltent contre sa bonté souriante, fracassent sa vaisselle, lui
133
ante, fracassent sa vaisselle, lui tirent dessus.
Il
s’échappe et revient le lendemain. Il prêche dans le quartier des pro
134
ent dessus. Il s’échappe et revient le lendemain.
Il
prêche dans le quartier des prostituées, souvent lapidé. Épuisé par l
135
puisé par la tuberculose et une maladie des yeux,
il
arrive qu’il s’effondre pendant ses discours. Il écrit une Psychologi
136
tuberculose et une maladie des yeux, il arrive qu’
il
s’effondre pendant ses discours. Il écrit une Psychologie de la pauvr
137
il arrive qu’il s’effondre pendant ses discours.
Il
écrit une Psychologie de la pauvreté et un roman dont le tirage attei
138
du travail et prend la tête du mouvement ouvrier.
Il
conduit une première grève de 30 000 dockers et rédige leur manifeste
139
asés sur l’état du marché. » On le met en prison.
Il
y écrit en treize jours un roman : L’Archer tirant contre le soleil.
140
illi à sa sortie de prison par une foule en fête,
il
entraîne une centaine d’enfants au bord de la mer pour célébrer la li
141
élébrer la liberté. Sa ligne de bataille s’étend.
Il
crée l’Union des paysans. Il évangélise. Il devient le « fou du Chris
142
de bataille s’étend. Il crée l’Union des paysans.
Il
évangélise. Il devient le « fou du Christ ». À peine a-t-il réussi à
143
tend. Il crée l’Union des paysans. Il évangélise.
Il
devient le « fou du Christ ». À peine a-t-il réussi à faire reconnaît
144
ise. Il devient le « fou du Christ ». À peine a-t-
il
réussi à faire reconnaître légalement le syndicalisme qu’il a créé, l
145
à faire reconnaître légalement le syndicalisme qu’
il
a créé, le voilà qui lance une campagne pour la christianisation du J
146
ne est une invalide, mentalement dégénérée, écrit-
il
. Les banques, l’armée, les maisons de prostitution, les cabarets, les
147
ets, les magasins de tabac, les journaux, ne sont-
ils
pas autant de symptômes d’aliénation mentale ? La société de nos jour
148
été de nos jours manifeste une tendance au crime.
Elle
est devenue folle par sa faute, Dieu seul peut la guérir. » Les marxi
149
icalisme, qui n’est pas conforme à leur doctrine.
Ils
l’attaquent violemment : « Enterrez-le ! Enterrez Kagawa ! », proclam
150
ne ligue réactionnaire fait poser des affiches où
elle
reprend des termes semblables : « Brûlez-le, brûlez Kagawa ! C’est un
151
, 4 août 1934, p. 3. g. Comme l’indique la note,
il
s’agit d’Avant l’aube (Éditions « Je sers ») dont Rougemont donne une
152
rançais. Eh bien, Balzac n’est pas tout le roman.
Il
n’est même pas tout le roman français. Balzac, c’est le roman social.
153
sûr — ce sera l’honorable, la géniale exception.
Il
me reste à vous démontrer, ce qui n’est pas trop difficile, que Dosto
154
rence, parfaitement. Voyez-vous, je ne dis pas qu’
ils
furent tous des chrétiens. Plusieurs ont même écrit des romans furieu
155
endez romanciers de climats protestants. Que faut-
il
pour faire un roman ? Des caractères, de la vie intérieure, une moral
156
ire dix fois plus que vous n’en attendiez, puisqu’
il
n’y a qu’un million de réformés en France. Imaginez la proportion si
157
que l’origine, et quelques tics de psychologues.
Ils
sont, comme l’on dit « sortis du protestantisme » ; « sortis » est bi
158
» ; « sortis » est bien le mot ! C’est-à-dire qu’
ils
n’ont pas de foi, et qu’est-ce qu’un protestant sans foi ? Dans toute
159
ns l’Adam et Ève de Ramuz, mais Ramuz accepterait-
il
une étiquette aussi compromettante ? À parler franc, je ne connais qu
160
e histoire où tout le monde « se conduit bien » ?
Il
n’y aurait pas de roman. Une histoire dont le personnage principal es
161
qu’un quelconque happy end soi-disant édifiant s’
il
est certain que l’Évangile et ses promesses de salut sont seuls capab
162
Un vrai roman chrétien est d’abord réaliste. Car
il
faut bien connaître la nature et ses abîmes, si l’on veut être à même
163
rkegaard nous rappelle que pour aider les hommes,
il
faut d’abord les trouver là où ils sont. Ainsi ce livre est consolant
164
der les hommes, il faut d’abord les trouver là où
ils
sont. Ainsi ce livre est consolant, parce qu’il ne cache rien ; parce
165
ils sont. Ainsi ce livre est consolant, parce qu’
il
ne cache rien ; parce qu’il vient nous prendre où nous sommes. C’est
166
t consolant, parce qu’il ne cache rien ; parce qu’
il
vient nous prendre où nous sommes. C’est le charme profond de Selma L
167
ale. Cette femme n’est pas un ange ni une sainte.
Elle
a péché gravement, elle a touché le fond de la détresse humaine. C’es
168
as un ange ni une sainte. Elle a péché gravement,
elle
a touché le fond de la détresse humaine. C’est un vieux pasteur un pe
169
liable création, ce Norenius ! — qui prend soin d’
elle
au temps de son malheur. Puis une grâce vient dans sa vie, et désorma
170
pas un ange, c’est entendu, mais ne dites pas qu’
il
n’est qu’une bête. À la fois ange et bête, voilà sa vérité totale, c’
171
st Andersen, en plus grave. À chacun sa réalité :
elle
dépend du regard qu’on porte sur le monde. Le regard « objectif » de
172
listes appauvrit tout, faute de vouloir imaginer.
Ils
croient voir l’existence réelle alors qu’ils décrivent simplement l’i
173
ner. Ils croient voir l’existence réelle alors qu’
ils
décrivent simplement l’impuissance de leur propre cœur. Le regard « r
174
folies, l’originalité bouleversante des êtres, qu’
il
s’agisse d’un grand évêque ou de cette fille de ferme « au mince visa
175
lui qui sait voir, parce que, mieux que d’autres,
il
sait aimer. Et sur ce monde tel qu’il est, sur ces vies douloureuses,
176
e d’autres, il sait aimer. Et sur ce monde tel qu’
il
est, sur ces vies douloureuses, banales ou touchantes, mal engagées o
177
le d’une miséricorde lumineuse, dont on dirait qu’
elle
est le vrai sujet de ce grand livre. Le silence à peu près général de
178
sa foi. Mais de cette force et de cette grandeur
il
est permis de rechercher les témoignages dans l’ordre de la civilisat
179
s témoignages dans l’ordre de la civilisation, et
il
est légitime d’en restaurer la mémoire, pourvu que l’on n’y cherche p
180
tes à se glorifier d’un passé bien passé, et dont
il
resterait à prouver qu’on est digne. Le meilleur moyen d’éviter ce da
181
nd appelait l’histoire du sentiment religieux, et
il
nous sera permis de souhaiter que cette lacune suscite un Bremond pro
182
scrupules historiques de Viénot. La réserve dont
il
fait preuve dans tous ses jugements, l’atténuation volontaire des con
183
ts, l’atténuation volontaire des condamnations qu’
il
ne peut s’empêcher de porter parfois, tout cet effort d’impartialité
184
os volume. Mais aussi, la substance historique qu’
il
nous offre est de celles qui n’ont pas besoin de condiments pour prod
185
s, non seulement à cause des plongées directes qu’
elle
permet d’opérer dans la vie publique et privée du xviie siècle, mais
186
oment, le lecteur se voit incité à imaginer ce qu’
il
fut advenu de la France si l’édit avait été observé, s’il n’avait pas
187
dvenu de la France si l’édit avait été observé, s’
il
n’avait pas été révoqué, si Sully avait été écouté, si les jésuites n
188
écouté, si les jésuites n’étaient pas revenus, s’
ils
n’avaient pas armé, après quinze autres meurtriers, un Ravaillac… Le
189
vaillac… Le bel irénisme de Viénot, la réserve qu’
il
observe avec constance dans son récit ne peuvent en somme que donner
190
conseillers étrangers des rois et du haut clergé.
Il
semble bien que la pensée dominante, dans toute cette guerre faite à
191
araît plus que comme un épisode, le plus marquant
il
est vrai, de toute l’évolution politique de la royauté absolue vers «
192
e la royauté absolue vers « l’État totalitaire ».
Il
faut ici risquer un mot sans doute anachronique, mais que tout le liv
193
ine : la religion leur est simple prétexte ; mais
il
s’agit d’établir à tout prix un cadre national centralisé, géométriqu
194
sé par la violence. Pour soutenir un tel dessein,
il
s’agit d’établir un droit nouveau qui ne soit plus fondé que sur la s
195
anticipée du droit « nazi » : Si le roi, disait-
il
, ne voulait point qu’on portât des glands à son collet, il n’en faudr
196
ulait point qu’on portât des glands à son collet,
il
n’en faudrait point porter, parce que ce n’est point tant la chose dé
197
iénot cite, à ce propos, un texte assez frappant.
Il
s’agit de la requête adressée au roi par des protestants auxquels on
198
nature comme vous, mieux que vous d’affection, s’
il
est vrai que l’humanité est la propre affection des François… Bon Die
199
recours à un droit universellement humain, n’est-
il
pas significatif de la nature du danger qu’on courait ? La conclusion
200
nocturne et secret d’une de ses coreligionnaires,
il
conclut par ces mots : Nous sommes chassés de la ville et jetés comm
201
rs et si profondément semblables nous permettra-t-
il
aujourd’hui de préciser la direction et la nature de ce courant. L’Es
202
n et la nature de ce courant. L’Esprit souffle où
il
veut. Les prévisions des historiens de la pensée ne semblent pas pese
203
velle constellation monte au zénith de notre âge.
Il
s’agit maintenant d’interpréter son signe. ⁂ Crainte et Tremblement,
204
te, semblable au prince Hamlet — autre Danois ! —
il
tombera, certain d’avoir accompli sa mission. Dans Crainte et Tremble
205
t, Kierkegaard se débat encore avec lui-même. A-t-
il
la foi ? Qu’est-ce que la foi ? Hegel, dont la philosophie obsède à c
206
l esquive la question, la supprime implicitement.
Il
réduit tout au général. Mais la Bible, que nous dit-elle ? Elle ne fa
207
duit tout au général. Mais la Bible, que nous dit-
elle
? Elle ne fait pas une théorie, elle répond par l’exemple d’Abraham.
208
ut au général. Mais la Bible, que nous dit-elle ?
Elle
ne fait pas une théorie, elle répond par l’exemple d’Abraham. Et c’es
209
que nous dit-elle ? Elle ne fait pas une théorie,
elle
répond par l’exemple d’Abraham. Et c’est à la méditation de cet exemp
210
rde. Dieu lui a donné un fils, à l’âge de 70 ans.
Il
n’a pas ri — comme Sarah, sa femme — de ce miracle. Et maintenant Die
211
r Isaac en sacrifice ! Abraham ne se révolte pas.
Il
croit en Dieu, non point en sa raison humaine. Il selle son âne et s’
212
Il croit en Dieu, non point en sa raison humaine.
Il
selle son âne et s’en va vers les monts de Morija, pour sacrifier son
213
monts de Morija, pour sacrifier son fils unique.
Il
le fait « en vertu de l’absurde », c’est-à-dire en vertu de la foi, c
214
contre toute morale et toute règle « générale ».
Il
va commettre un meurtre, et c’est parce qu’il l’accepte qu’on l’appel
215
». Il va commettre un meurtre, et c’est parce qu’
il
l’accepte qu’on l’appellera le père des croyants ? L’individu serait-
216
ppellera le père des croyants ? L’individu serait-
il
au-dessus du général ? Serait-il affranchi de l’éthique ? Mais alors,
217
’individu serait-il au-dessus du général ? Serait-
il
affranchi de l’éthique ? Mais alors, comment donc comprendrait-il son
218
t par les biais les plus différents et vingt fois
il
échoue devant ce paradoxe monstrueux. Il n’y a donc personne de la t
219
gt fois il échoue devant ce paradoxe monstrueux.
Il
n’y a donc personne de la taille d’Abraham, personne qui puisse le co
220
urs ont coutume de l’offrir en exemple. Car enfin
il
n’a pas tué : Dieu l’arrête au dernier moment et lui montre un bélier
221
am fit le chemin lentement, au pas de son âne, qu’
il
eut trois jours de voyage et qu’il lui fallut un peu de temps pour fe
222
de son âne, qu’il eut trois jours de voyage et qu’
il
lui fallut un peu de temps pour fendre le bois, lier Isaac et aiguise
223
a signification démesurée et impensable, c’est qu’
il
reçut Isaac en récompense d’un acte « fou » et revint avec lui dans l
224
nt sérieusement la question : en quoi ma foi doit-
elle
transformer ma vie ? Or, toute l’insistance du grand théologien se po
225
l’homme chrétien reste un homme comme les autres.
Il
n’a pas à devenir, dès ici-bas, un être un peu divin, un peu divinisé
226
e « spiritualisation » tout illusoire ou évasive.
Elle
consiste d’abord en ce que le chrétien se reconnaît de plus en plus p
227
et agréable » à Dieu. Point n’est nécessaire qu’
il
vous pousse des ailes ni que vous soyez transformés en quelque essenc
228
ation. Mais en quoi le chrétien se distinguera-t-
il
donc de l’incroyant ? En rien d’autre qu’en ceci : qu’il est appelé à
229
de l’incroyant ? En rien d’autre qu’en ceci : qu’
il
est appelé à rendre témoignage « d’une part contre la forme du siècle
230
t ; de l’autre, pour la forme du monde à venir ».
Il
reste dans le monde et soumis à ses lois, sachant pourtant qu’il n’ap
231
e monde et soumis à ses lois, sachant pourtant qu’
il
n’appartient plus à sa forme, mais à sa transformation. Et voici que
232
a transformation promise de ce monde. Apparemment
il
ne diffère des autres en rien. Mais il est orienté autrement — conver
233
pparemment il ne diffère des autres en rien. Mais
il
est orienté autrement — converti. Il vit dans les mêmes servitudes, m
234
n rien. Mais il est orienté autrement — converti.
Il
vit dans les mêmes servitudes, mais il s’attend à Dieu, non à lui-mêm
235
converti. Il vit dans les mêmes servitudes, mais
il
s’attend à Dieu, non à lui-même ni au monde. Ainsi, chez Barth et Kie
236
même façon de considérer l’homme à la fois tel qu’
il
est devant Dieu, hic et nunc, et tel qu’il est revendiqué par Dieu à
237
tel qu’il est devant Dieu, hic et nunc, et tel qu’
il
est revendiqué par Dieu à la limite de ses possibilités, là où paraît
238
la vision de Dostoïevski ? Ses héros ne viennent-
ils
pas à nous comme de grands questionneurs, comme des êtres orientés ve
239
orientés vers autre chose qu’eux-mêmes ? « Quand
ils
posent des questions, c’est qu’eux-mêmes sont mis en question. Quand
240
s, c’est qu’eux-mêmes sont mis en question. Quand
ils
cherchent, c’est qu’eux-mêmes sont cherchés et trouvés ». Ainsi parle
241
stion : qu’est-ce qu’un homme ? Et cette réponse,
il
nous l’a donnée en nous découvrant que l’homme n’est lui-même qu’une
242
nte le problème de leur existence, ce problème qu’
ils
ne peuvent résoudre jusqu’à ce que, dans leur maladie justement, perc
243
adie justement, percevant leur question dernière,
ils
découvrent leur véritable guérison. Ces phrases résument fort bien l
244
à propos d’une de mes récentes chroniques, ce qu’
il
fallait entendre par le protestantisme de Dostoïevski. Je ne saurais
245
vouldras » des Renaissants. Les protestants sont-
ils
trop maigres ou trop gras ? Grave question pour ceux qui jugent des v
246
it-on de Calvin dans notre grand public, sinon qu’
il
avait les joues creuses, une barbiche pointue et un profil coupant ?
247
exposition Calvin à la Bibliothèque nationale, si
elle
a permis à beaucoup de réviser quelque peu leurs notions sur l’import
248
te renaissance à la belle floraison néo-thomiste.
Il
n’est pas inutile de marquer les raisons qui, du point de vue protest
249
nsée fait loi, une fois sanctionnée par l’Église.
Ils
sont avant tout des témoins. On ne saurait trop insister sur cette di
250
au-delà de ces formules et dans l’orientation où
elles
nous placent, remonter à cette origine permanente de l’Église qu’est
251
l’Esprit, reste la norme de toute théologie, fût-
elle
la plus orthodoxe. Barth, on le sait, ne se lasse pas de comparer le
252
sur le ciel noir désigne le Sauveur en croix : «
Il
faut qu’il croisse et que je diminue. » C’est donc sous l’angle de le
253
l noir désigne le Sauveur en croix : « Il faut qu’
il
croisse et que je diminue. » C’est donc sous l’angle de leur vocation
254
vocation particulière, et sous cet angle seul, qu’
il
nous devient loisible de parler de ces hommes sans tomber dans l’extr
255
. Le grand mérite de cette introduction, c’est qu’
elle
nous ouvre, en une quinzaine de pages, les principales perspectives d
256
ncipales perspectives de « l’univers » calvinien.
Il
faut bien avouer que les commentateurs nous avaient donné jusqu’ici u
257
ure de passion contenue et de raison déchaînée »,
il
sera pour beaucoup l’occasion d’une véritable découverte de Calvin. I
258
l’occasion d’une véritable découverte de Calvin.
Il
nous donne un puissant raccourci de toute la polémique de la Réforme
259
ndalisent à grand bruit, « non tant pour haine qu’
ils
portent aux scandales que pour nuire à l’Évangile et le diffamer comm
260
batailler continuellement sous la croix, tant qu’
elle
aura à cheminer en ce monde. Voici enfin les « libertins », ceux que
261
bouillonnant ont passé dans l’attaque de Calvin :
il
a su prendre à l’adversaire ses meilleures armes. Au sujet de ce styl
262
ant toujours avec les plus divers interlocuteurs,
il
ne se range jamais, comme un littérateur de second ordre, aux lois d’
263
ordre, aux lois d’une esthétique préconçue, mais
il
adopte toujours la forme de discours la plus propre, sinon à charmer
264
des plus puissantes personnalités qui fut jamais,
il
se recrée toujours lui-même. Soumission du langage à l’objet spiritu
265
du xviie et la dissolution voluptueuse du xixe .
Il
m’apparaît que le style d’un Calvin peut nous être un puissant robora
266
e par trop « irresponsable ». Peut-être nous faut-
il
revenir vers les chefs pour apprendre à nouveau ce que parler veut di
267
ilà la seule révolution qui compte pour l’esprit.
Elle
doit commander toutes les autres. 12. Trois traités de Jean Calvin
268
it occidental n’a jamais eu d’unité harmonieuse :
il
est toujours tension entre deux pôles, qui d’ailleurs se déplacent sa
269
foi est acte humain d’obéissance en même temps qu’
elle
est don de Dieu ; elle s’oppose donc à toute mystique qui ne serait q
270
béissance en même temps qu’elle est don de Dieu ;
elle
s’oppose donc à toute mystique qui ne serait qu’une fuite hors du mon
271
e saurait être pour la foi. La mystique, nous dit-
il
, en effet, c’est « la recherche des moyens par lesquels l’âme arrive
272
porelles ». C’est aussi ce que dit l’Évangile, où
il
n’est pas question de mysticisme. Ceci marqué, qui est plus qu’une ré
273
icisme. Ceci marqué, qui est plus qu’une réserve,
il
convient de remercier M. Chuzeville de nous avoir ouvert par son anth
274
figurer dans un choix de « mystiques », alors qu’
il
est le premier défenseur de l’expérience. Mais la beauté des textes c
275
paraissent surtout intéressants dans la mesure où
ils
annoncent le lyrisme et la philosophie d’une des plus hautes périodes
276
mantisme allemand, encore si mal connu chez nous.
Il
est grand temps que nous rendions hommage à ce ver sacrum de l’esprit
277
s hommage à ce ver sacrum de l’esprit germanique.
Il
est grand temps que nous relevions ces titres de noblesse spirituelle
278
ceux du protestantisme français. Maurras, lorsqu’
il
voulut s’en prendre aux réformés, ne trouva rien de mieux que d’écrir
279
ions, l’esprit et l’idéologie de cette « tribu ».
Il
semble que l’auteur du Problème du Bien 13 se soit fait un glorieux d
280
plus vilipendées par ce furieux censeur païen. Qu’
il
suffise de rappeler que le nom de Wilfred Monod évoque immédiatement,
281
deux grands mouvements de pensée et d’action dont
il
fut l’un des principaux initiateurs : le christianisme social, et l’u
282
e. À ces deux causes illustrées par notre auteur,
il
faut en ajouter une troisième, qui les commande directement : celle d
283
rnisme protestant aura livré sur son époque. Mais
il
marque en même temps son dépassement. Ces 3000 pages contiennent la s
284
enseur et le ministère du pasteur. Par ailleurs,
il
ne s’adresse pas aux spécialistes, ni à l’Église, comme ce serait le
285
que pas la Beauté, la Joie, l’Amour, la Sainteté.
Il
se brise contre le problème du Bien. D’autre part, l’orthodoxie chrét
286
éral ». (Calvin disait : « libertin spirituel ».)
Il
s’agit de confondre les philosophes incroyants au moyen de leurs prop
287
intrusions de philosophies passagères quelles qu’
elles
soient. Pour Barth, c’est Dieu qui met l’homme en question. M. Monod
288
r. Cette convergence paradoxale et imprévue n’est-
elle
pas comme un signe, une promesse émouvante de l’unité future des chré
289
e expérience diffère de tout processus psychique,
il
précise : l’expérience religieuse ne devient proprement chrétienne qu
290
se ne devient proprement chrétienne qu’en tant qu’
elle
reconnaît que son objet, c’est Dieu le Père, révélé par le Fils, et n
291
u dogme. En effet, Dieu n’est pas dans la Nature,
il
n’en est ni le maître ni l’auteur : voilà la thèse capitale du livre.
292
. Monod le problème central de ce livre. Faudra-t-
il
donc revenir à Marcion, hérétique condamné par toute la tradition chr
293
e et pour vaincre ? M. Monod le pense. Jésus, dit-
il
, « n’est pas venu nous enseigner que l’univers a un créateur. Il a, a
294
venu nous enseigner que l’univers a un créateur.
Il
a, au contraire, déboulonné l’idole effroyable du Tout-Puissant ; il
295
déboulonné l’idole effroyable du Tout-Puissant ;
il
a enseigné que le vrai Dieu s’incarnait dans un crucifié vaincu ». Pa
296
ois pas d’inconvénient à priori, mais à coup sûr,
il
s’agit là de littérature, bien que l’auteur s’en défende dans sa préf
297
tal de cette vision totalitaire du réel, c’est qu’
elle
replace l’homme dans la perspective cosmique dont un maigre intellect
298
ne reconnaissons pas forcément les nôtres — et s’
il
ne tenait, par ailleurs, à l’étayer par une philosophie qui ne saurai
299
Emmanuel ! » qui signifie : Dieu avec nous ! Est-
il
vraiment indispensable, est-il même permis au chrétien, de fonder cet
300
eu avec nous ! Est-il vraiment indispensable, est-
il
même permis au chrétien, de fonder cette Révélation sur le système d’
301
1937)q r Que sait-on de Luther en France ? Qu’
il
rompu l’unité de l’Église. Mais dans quelles circonstances ? Poussé p
302
iations du genre « moine qui voulait se marier »,
il
serait sage de parcourir au moins les œuvres capitales du grand réfor
303
ns les œuvres capitales du grand réformateur. Or,
il
se trouve, et c’est presque incroyable, que, depuis quatre siècles qu
304
presque incroyable, que, depuis quatre siècles qu’
elles
ont été écrites, on n’en a pas traduit une seule en France ! Quelques
305
t accessible d’une œuvre dont on sait pourtant qu’
elle
a changé plus qu’aucune autre les destinées de l’Occident. (Je ne fai
306
est appelée à rendre des services inappréciables.
Elle
nous place au cœur même du grand débat occidental, celui de la pensée
307
e la pensée « pure » et de la pensée « engagée ».
Elle
met entre nos mains la pièce capitale du procès : l’acte d’accusation
308
« désintéressé » que croyait pouvoir être Érasme.
Elle
nous permet de connaître l’une des origines historiques de cette oppo
309
refuse d’endosser les conséquences de sa vérité :
il
souhaite même qu’il n’y en ait pas. Et tous les prudents d’applaudir,
310
s conséquences de sa vérité : il souhaite même qu’
il
n’y en ait pas. Et tous les prudents d’applaudir, non sans apparences
311
servie… L’intervention de Luther en personne va-t-
elle
changer une fois de plus la face des choses ? À tout le moins doit-el
312
de plus la face des choses ? À tout le moins doit-
elle
passionner le débat, et le faire puissamment rebondir. Car personne n
313
de l’homme entre les mains de Dieu. À cet égard,
il
n’est nullement exagéré de voir dans le Traité du serf arbitre une so
314
r ne nie pas du tout la réalité de notre volonté.
Il
nie seulement que cette volonté puisse s’appliquer librement aux chos
315
uer librement aux choses qui concernent le salut.
Elle
fait partie de notre nature, et comme telle, ne désire vraiment que l
316
être écarté comme relevant de la seule théologie.
Il
est au cœur de la pensée humaine. Tout homme qui veut penser son exis
317
du Retour éternel de toutes choses. Pour Luther,
elle
est au contraire la Providence, la personne même de Dieu, éternelleme
318
de Dieu, éternellement active, et qui nous aime.
Il
faut choisir. Mais le choix est-il libre ? On retombe au débat de Lut
319
qui nous aime. Il faut choisir. Mais le choix est-
il
libre ? On retombe au débat de Luther et d’Érasme. Le trop prudent hu
320
Luther et d’Érasme. Le trop prudent humaniste eût-
il
saisi dans son sérieux dernier la réalité d’un dilemme qui sacrifie l
321
elles littéraires, Paris, 19 juin 1937, p. 5. r.
Il
s’agit d’une recension de Traité du aerf arbitre de Martin Luther, tr
322
t tout court. Dans la littérature du xxe siècle,
il
n’y a plus de grands mythes, il y a des analyses. On part de « faits
323
angement dépourvu de ce pouvoir « fabulateur » qu’
il
était censé détenir. (Déjà M. Weidlé, dans ses Abeilles d’Aristée, co
324
d’une action. La méthode consistant trop souvent,
il
faut le dire, à tenir pour vrai ce que l’on juge le plus bas. Ainsi l
325
ut se ramènerait à la physiologie, ou à l’argent.
Il
ne fallait pas moins que le génie plein de malices d’une Lagerlöf pou
326
s Löwensköld, et porte sur lui de grandes ombres.
Il
y puise sa vie secrète, il en reçoit des dimensions nouvelles : mystè
327
lui de grandes ombres. Il y puise sa vie secrète,
il
en reçoit des dimensions nouvelles : mystère, fatalité, présence d’un
328
fs » est ici d’une fort malicieuse lucidité. Mais
elle
s’opère par le seul jeu des faits, jamais en marge de l’action, sous
329
rame de l’absolu chrétien qui détruit tout dès qu’
il
agit sans charité (thème fréquent dans la littérature nordique). C’es
330
le fiancée, Charlotte Löwensköld. En la quittant,
il
lui a crié qu’il n’épouserait qu’une femme que Dieu lui aurait désign
331
otte Löwensköld. En la quittant, il lui a crié qu’
il
n’épouserait qu’une femme que Dieu lui aurait désignée. La première q
332
emme que Dieu lui aurait désignée. La première qu’
il
croisera en allant au village, si elle n’est pas mariée, deviendra sa
333
première qu’il croisera en allant au village, si
elle
n’est pas mariée, deviendra sa compagne. Il sort. Il s’en faut de peu
334
si elle n’est pas mariée, deviendra sa compagne.
Il
sort. Il s’en faut de peu qu’il ne rencontre dès les premiers pas une
335
n’est pas mariée, deviendra sa compagne. Il sort.
Il
s’en faut de peu qu’il ne rencontre dès les premiers pas une vieille
336
ndra sa compagne. Il sort. Il s’en faut de peu qu’
il
ne rencontre dès les premiers pas une vieille mendiante sourde. Une v
337
fille des environs, mais cela ne compte pas, car
il
est entendu que la femme désignée par Dieu doit venir à sa rencontre.
338
Dieu doit venir à sa rencontre. Un peu plus loin,
il
entend chanter : c’est la fille de l’aubergiste, qui a fort mauvaise
339
’aubergiste, qui a fort mauvaise réputation. Mais
elle
ne s’engage pas sur la route, elle s’arrête dans un pré voisin. Karl-
340
putation. Mais elle ne s’engage pas sur la route,
elle
s’arrête dans un pré voisin. Karl-Artur doute, tremble, et marche tou
341
te fois-ci, la plus pauvre orpheline du village ;
elle
est défigurée par une énorme tache de vin. Faudra-t-il accepter ce ma
342
t défigurée par une énorme tache de vin. Faudra-t-
il
accepter ce martyre ? Déjà, le jeune homme s’y résigne… À quelques pa
343
e jeune homme s’y résigne… À quelques pas de lui,
elle
tourne à droite. Il poursuit son chemin dans une exaltation croissant
344
gne… À quelques pas de lui, elle tourne à droite.
Il
poursuit son chemin dans une exaltation croissante, priant et reprena
345
ienne, dans son costume de marchande ambulante. «
Elle
brillait comme une rose sauvage. » Il s’arrête. « Tu me regardes comm
346
ulante. « Elle brillait comme une rose sauvage. »
Il
s’arrête. « Tu me regardes comme si j’étais une bête curieuse, dit-el
347
regardes comme si j’étais une bête curieuse, dit-
elle
. On croirait que tu as rencontré un ours ! » C’est Anna Svärd, la fem
348
’est Anna Svärd, la femme que Dieu lui envoie, qu’
il
épousera envers et contre tous. Elle ne sait ni lire ni écrire. On pe
349
lui envoie, qu’il épousera envers et contre tous.
Elle
ne sait ni lire ni écrire. On peut surprendre, dans cette scène étonn
350
rituelle extrême. La phrase de Karl-Artur lâchée,
il
suffit de la prendre au mot : elle commande tout naturellement une su
351
rl-Artur lâchée, il suffit de la prendre au mot :
elle
commande tout naturellement une suite d’incidents pittoresques ou dra
352
émotion. Mais pour qu’une telle phrase soit dite,
il
faut des âmes fortement tendues. Et pour que cette même phrase soit a
353
ratique par le héros, sans nulle invraisemblance,
il
faut que ce héros soit un croyant d’une certaine trempe. Derrière Kar
354
de la foi dans la réalité totale d’un peuple, qu’
elle
trouble, assemble, juge et sauve. ⁂ Rien de plus passionnant, pour qu
355
s et coutumes, que les romans mettront en œuvre :
il
n’y manque rien que le rythme, c’est-à-dire la part libre du génie, d
356
arme, d’ailleurs, suffirait bien à nous retenir :
ils
nous permettent de mesurer d’un seul coup d’œil l’apport proprement a
357
du mot, de l’auteur du triptyque des Löwensköld.
Il
faut avouer que le milieu où Selma Lagerlöf a grandi paraît favoriser
358
te d’Amiel, a déjà derrière lui une œuvre solide.
Il
est l’un des principaux collaborateurs de la revue Esprit , écrit da
359
ues des articles qui ne sont jamais indifférents.
Il
a tenu, dans notre journal, la rubrique de la vie protestante. Ayant
360
fait de solides études à Vienne et en Allemagne,
il
a enseigné dans une ville universitaire où il rédigea, en 1936, ce J
361
ne, il a enseigné dans une ville universitaire où
il
rédigea, en 1936, ce Journal d’Allemagne , qui, paru au printemps de
362
t mieux que beaucoup de Français notre province :
il
a séjourné de longs mois en Vendée et dans le Midi. Son Journal d’un
363
uriosité, et aussi de la discrétion avec laquelle
il
s’efforce de dégager l’âme secrète de nos campagnes. Denis de Rougemo
364
pagnes. Denis de Rougemont n’aime pas les villes,
il
n’a pas besoin pour écrire de ces conversations, de ces échanges qui
365
et leur tiennent souvent lieu de vie intérieure.
Il
me reçoit dans la maison de M. Charles Du Bos, à La Celle-Saint-Cloud
366
mple, sans austérité, tout de suite familière, où
il
passe l’hiver avec sa femme et Colinet, son petit garçon. Denis de Ro
367
tit garçon. Denis de Rougemont est grand, souple,
il
a la réserve affable des Suisses, et ce sourire des lèvres qui semble
368
s lèvres qui semble excuser le sérieux du regard.
Il
rit malicieusement quand je lui parle du petit scandale que risque de
369
ue de provoquer son dernier livre : n’y affirme-t-
il
pas, avec preuves à l’appui, que Tristan et Iseut, les amants légenda
370
le fait d’aimer. Jamais Tristan ne dit à Iseut qu’
il
l’aime, il se borne à répéter : « Amor par force me demeisne ». C’est
371
imer. Jamais Tristan ne dit à Iseut qu’il l’aime,
il
se borne à répéter : « Amor par force me demeisne ». C’est la passion
372
ns la mort, et inspirera tout le romantisme. Mais
elle
inspire d’abord la littérature courtoise… Littérature dont le succès
373
érature dont le succès rapide s’explique mal, car
elle
implique une subtilité, des raffinements, une absence de sensualité q
374
rétienne du mariage. L’amour courtois est chaste,
il
accorde à la femme une prééminence dont l’Église a bien senti le dang
375
ence dont l’Église a bien senti le danger, puisqu’
elle
a développé le culte de Notre-Dame pour répondre au culte de la « Dam
376
s, exclut toute idée de progéniture, de famille ;
il
va contre les appétits de l’homme et les directives de l’Église. Comm
377
’homme et les directives de l’Église. Comment a-t-
il
pu, en moins de vingt ans, dominer ainsi toute la littérature ? Beauc
378
ut des millions de partisans. Venue de Macédoine,
elle
gagna la France par le Piémont. Les cathares rejettent le dogme de l’
379
erprétation purement spiritualiste des évangiles.
Ils
font du Saint-Esprit la Mère de Dieu, le principe féminin de l’amour.
380
rassant le catharisme, le néophyte s’engageait, s’
il
était marié, à s’abstenir de tout contact avec sa femme. Les cathares
381
tte hérésie avec d’autant plus d’enthousiasme qu’
ils
étaient souvent jaloux de l’autorité temporelle exercée par le clergé
382
e. Mais comment cette interprétation du mythe a-t-
elle
pu échapper jusqu’ici aux spécialistes du Moyen Âge ? Denis de Rougem
383
ui leur cache parfois le sens profond des textes…
Ils
répugnent à l’emploi des méthodes freudiennes. Or j’ai été frappé par
384
r définition, reste extérieure au mariage, puisqu’
elle
a besoin d’obstacles, et ne résiste pas à la facilité, à l’habitude.
385
n nouvelle ? Pour moi, répond Denis de Rougemont,
il
ne peut y avoir qu’une solution : le mariage chrétien, mais présenté
386
à-dire qu’au lieu d’en faire un acte raisonnable,
il
faut le montrer tel qu’il est en réalité : l’aventure la plus diffici
387
re un acte raisonnable, il faut le montrer tel qu’
il
est en réalité : l’aventure la plus difficile. Si vous ne fondez pas
388
idélité doit être observée en vertu de l’absurde.
Elle
est aussi absurde que la passion, mais s’en distingue par un refus co
389
r ses rêves, par une constante prise sur le réel.
Elle
reste une folie, mais la plus sobre et la plus quotidienne. Votre réh
390
ite bien certains efforts et certains sacrifices,
il
me semble. Ne devez-vous pas publier un roman, dont le titre, La Foll
391
une vie extraordinaire. D’abord soldat valeureux,
il
fut ensuite, pendant dix-sept ans, juge et conseiller à Sachseln, où
392
t dix-sept ans, juge et conseiller à Sachseln, où
il
eut dix enfants. Puis il se retira dans un ermitage, où pendant vingt
393
onseiller à Sachseln, où il eut dix enfants. Puis
il
se retira dans un ermitage, où pendant vingt ans il se mortifia, jeûn
394
se retira dans un ermitage, où pendant vingt ans
il
se mortifia, jeûnant complètement. Mais, apprenant que la guerre civi
395
t. Mais, apprenant que la guerre civile menaçait,
il
quitta sa grotte, et rétablit la paix par le covenant de 1481. Puis i
396
et rétablit la paix par le covenant de 1481. Puis
il
se retourna dans son ermitage et y mourut. C’est un beau sujet. N’est
397
aura trente mètres de large, et trois étages, qu’
il
faut ne jamais laisser vides. J’écris des phrases très courtes, un pe
398
t de quitter Denis de Rougemont, je lui demande s’
il
n’attend pas avec une certaine curiosité les réactions que vont susci
399
ertaines de ses théories un peu révolutionnaires.
Il
sourit avant de répondre, puis son visage devient plus grave : Je n’a
400
hommes et de femmes qui se trouvaient mal mariés.
Ils
me disent que mon livre les aide à comprendre la cause de leur désarr
401
s aide à comprendre la cause de leur désarroi, qu’
ils
savent mieux maintenant comment ils pourraient se rapprocher. Si j’ai
402
désarroi, qu’ils savent mieux maintenant comment
ils
pourraient se rapprocher. Si j’aide des êtres troublés à vivre à deux
403
ntitulée L’Amour et l’Occident et dans laquelle
il
démontrait que l’idée de passion amoureuse trouvait ses origines dans
404
e cathare. Pour les disciples d’Emmanuel Mounier,
il
est surtout le philosophe de Politique de la personne . Pour quelque
405
Politique de la personne . Pour quelques autres,
il
est l’écrivain qui a le mieux analysé la résistible ascension d’Adolf
406
des deux mondes notamment). Pour les mélomanes,
il
est le poète de Nicolas de Flue , dont Honegger tira un oratorio. Po
407
dont Honegger tira un oratorio. Pour tous enfin,
il
est, depuis la semaine dernière, le lauréat du Grand Prix littéraire
408
’expression française… Je déteste cette formule !
Elle
me fait penser à une sorte d’animal, qui penserait dans un idiome biz
409
bizarre et incompréhensible, et choisirait, quand
il
ouvre la bouche, de s’exprimer en français plutôt qu’en miaulant ou e
410
e suis un écrivain français, un point c’est tout.
Il
est l’auteur d’un certain nombre d’ouvrages qui, tenant à la fois du
411
auteur difficile à cataloguer. Mais pourquoi faut-
il
cataloguer, définir à tout prix ? C’est une idée un peu scolaire. Com
412
’Ordre nouveau et Esprit. C’est à cette époque qu’
il
élabore une doctrine humaniste… Humaniste ? Je n’aime guère ce terme.
413
distingue l’homme et le relie à la communauté où
il
l’exerce. C’est d’ailleurs dans cette notion de l’homme que je place
414
ant de l’extérieur. Dieu est en l’homme. En 1935,
il
est nommé lecteur à l’Université de Francfort et séjournera un an en
415
ellectuel en chômage , quand je rencontrai Abetz.
Il
m’offrit de passer un an en Allemagne en me disant : « Vous qui pense
416
sse, Denis de Rougemont est envoyé en Amérique où
il
passera six ans, écrira La Part du diable et se liera avec plusieur
417
part, le fédéralisme de l’autre. Je vous arrête :
il
n’y a pas, il n’y a jamais eu chez moi (contrairement à Saint-John Pe
418
alisme de l’autre. Je vous arrête : il n’y a pas,
il
n’y a jamais eu chez moi (contrairement à Saint-John Perse ou Georges
419
equel Rougemont s’engagea en parallèle, mais dont
il
ne fut « que » le président du comité exécutif, de 1951 à 1966.
420
ier les prophètes de la décadence européenne : et
ils
sont tous, ou presque tous, Européens. Loin de s’émerveiller du fait
421
ue le génie européen rayonne sur le monde entier,
ils
préfèrent nous parler de notre éclipse. Au lendemain de la Première G
422
savons maintenant que nous sommes mortelles. Et
il
ajoutait : Elam, Ninive, Babylone étaient de beaux noms vagues, et
423
de Ménandre ne sont plus du tout inconcevables :
elles
sont dans les journaux. L’écho de cette page fut immense et je sais
424
ir, va donc probablement périr. Pour émouvante qu’
elle
soit, elle exprime, à mon sens, l’une des erreurs les plus célèbres d
425
probablement périr. Pour émouvante qu’elle soit,
elle
exprime, à mon sens, l’une des erreurs les plus célèbres de l’époque.
426
expliquer son succès ? Observons tout d’abord qu’
elle
résume et condense une assez longue tradition de pessimisme européen.
427
llantes créations de la main de l’homme ? Où sont-
ils
, ces remparts de Ninive, ces murs de Babylone, ces palais de Persépol
428
un individu dans la marche de l’histoire » et qu’
il
obéit donc, comme tout individu, à une loi de croissance, d’épanouiss
429
ivilisations, on en venait à penser que chacune d’
elles
devait fatalement décliner et mourir après une période d’apogée — la
430
ux débuts du xxe siècle, Spengler va plus loin ;
il
est convaincu que toute culture est un organisme et correspond morpho
431
rphologiquement à un individu, animal ou végétal.
Il
en résulte inexorablement que toute culture est mortelle, et l’on rej
432
moins de peine à nous convaincre que, d’une part,
ils
rejoignent, par leurs conclusions, notre angoisse quant à l’état prés
433
tre ses conquêtes coloniales et ses protectorats.
Elle
ne voit pas encore, mais elle pressent déjà la perte de sa longue roy
434
t ses protectorats. Elle ne voit pas encore, mais
elle
pressent déjà la perte de sa longue royauté mondiale. Déjà le communi
435
sociales et morales que matérielles… Que faudrait-
il
de plus, pour qu’on ait le droit de parler d’une éclipse ou d’une mor
436
ge eut une civilisation sans hégémonie. Secundo,
il
n’est pas du tout certain que les précédents historiques soient appli
437
la partie occidentale de l’Empire. L’exemple est-
il
valable pour l’Europe ? La civilisation européenne est-elle une civil
438
le pour l’Europe ? La civilisation européenne est-
elle
une civilisation comme les autres ? Son destin peut-il être prédit pa
439
e civilisation comme les autres ? Son destin peut-
il
être prédit par extrapolation des exemples antiques ? Il se pourrait,
440
prédit par extrapolation des exemples antiques ?
Il
se pourrait, bien au contraire, que notre culture présente des caract
441
leurs souvent contradictoires ou incompatibles qu’
elle
en a héritées, la civilisation européenne s’est trouvée fondée sur un
442
e sur une culture de dialogue et de contestation.
Elle
n’a jamais pu, et surtout, elle n’a jamais voulu, se laisser ordonner
443
de contestation. Elle n’a jamais pu, et surtout,
elle
n’a jamais voulu, se laisser ordonner à une seule doctrine qui eût ré
444
l’a décrite Novalis : nous savons aujourd’hui qu’
il
n’en fut rien, et que les conflits qui déchirèrent le Moyen Âge ne fu
445
s avaient cru cela d’elles-mêmes, avant la nôtre.
Elles
se trompaient, mais cette erreur ne saurait plus être commise, à prés
446
e Grand et les empereurs chinois s’imaginèrent qu’
ils
dominaient le monde entier ; c’était moins orgueilleux que naïf, car
447
utres, monolithiques et homogènes. Voilà pourquoi
elle
s’est trouvé la seule qui fût assez complexe et multiforme pour pouvo
448
nts techniques que de livres et de missionnaires.
Elle
s’est laïcisée, ou sécularisée, et détachée du christianisme qui cont
449
la condition de son « succès » le plus visible —
elle
s’est rendue plus transportable, plus acceptable et imitable qu’aucun
450
plus acceptable et imitable qu’aucune autre. Mais
il
faut voir enfin que cette civilisation n’a pu devenir universelle qu’
451
omme ».) Pour les Grecs et les Chinois également,
il
existait deux espèces différentes de bipèdes verticaux ; les Grecs ou
452
conception chrétienne exprimée par saint Paul («
Il
n’y a plus ni Juifs ni Grecs, ni esclaves ni hommes libres, ni hommes
453
cette conception devait seule permettre à ceux qu’
elle
formerait intimement de considérer tous les hommes comme dignes et ca
454
sa transmission aux âges futurs, en même temps qu’
elle
redécouvrait et faisait revivre des cultures disparues ou en voie d’e
455
de Ménandre ne sont plus du tout inconcevables :
elles
sont dans les journaux ». Depuis lors, on a retrouvé — et même joué —
456
ier, enregistrées sur bandes et sur microsillons,
elles
sont en mesure de résister au temps beaucoup mieux que les fresques d
457
romaine, dont l’essentiel vit dans la nôtre, sont-
elles
vraiment mortes ? Leurs conquêtes ont été préservées par le musée et
458
r être diffusées de nos jours sur toute la terre.
Il
s’en faut de beaucoup que leurs rivales asiatiques, qu’on dit plus ra
459
tout à fait, Valéry ne pourrait pas le dire, car
il
n’en saurait rien. » Et il propose de corriger comme suit le passage
460
rrait pas le dire, car il n’en saurait rien. » Et
il
propose de corriger comme suit le passage que j’ai cité : « Nous autr
461
d’Espagnols s’emparant de l’empire des Aztèques.
Il
s’agissait dans tous ces cas de civilisations locales, entourées de «
462
es candidats à la relève étaient nombreux. En est-
il
un seul aujourd’hui qui réclame l’oblitération ou simplement la repri
463
nces de succès ? Les États-Unis ? dira-t-on. Mais
ils
sont nés de la substance même de l’Europe, et je les vois s’européani
464
me et le décor urbain. L’URSS ? Mais qu’apporte-t-
elle
de nouveau ? Est-elle une autre civilisation ? Lénine disait de sa Ré
465
L’URSS ? Mais qu’apporte-t-elle de nouveau ? Est-
elle
une autre civilisation ? Lénine disait de sa Révolution : « C’est le
466
péen. Quant à l’électricité, dont parlait Lénine,
elle
symbolise l’industrialisation. En électrifiant le pays, le communisme
467
sme a renouvelé l’entreprise de Pierre le Grand :
il
a pour la seconde fois européanisé la Russie. Et c’est l’URSS à son t
468
de Troie occidental : la technique, et tout ce qu’
elle
entraîne dans les mœurs et les modes de penser d’une nation. Le fameu
469
e une nouvelle fois pour le Vieux Continent, dont
il
ne croit pas le destin achevé, en publiant chez Albin Michel une Let
470
che et tout ce qui divise les États de l’Europe ;
il
fixe également un programme pour les vingt ans à venir et nous met en
471
en 1936 et Mounier s’était montré un précurseur.
Il
m’avait demandé une étude sur l’opposition qui paraissait éclatante e
472
Daniel-Rops, que j’ouvris avec un peu d’anxiété.
Il
me disait : « Voudriez-vous me rendre un grand service ? Accepteriez-
473
hoses de l’amour. Quand les gens me rencontraient
ils
me disaient : « C’est vous l’auteur de L’Amour et l’Occident ? Je c
474
confidences et je me suis aperçu que généralement
ils
étaient près de divorcer avant de m’avoir lu puis qu’ils avaient déci
475
ient près de divorcer avant de m’avoir lu puis qu’
ils
avaient décidé de ne pas divorcer, de s’en tenir à la dernière partie
476
es suivant un peu plus longtemps, je m’aperçus qu’
ils
finissaient quand même par divorcer, c’est-à-dire que l’action de mon
477
pensez-vous aujourd’hui ? Je continue à penser qu’
il
faudrait élever les gens dans une méfiance profonde de ce que représe
478
rvenu à ce point qu’il y a deux morales, l’une qu’
il
faut enseigner aux enfants, par tous les moyens possibles et qui mène
479
rifices. Tout artiste sait parfaitement que quand
il
commence une œuvre, que ce soit un tableau, une sculpture ou un livre
480
La passion, je ne l’exclus pas, mais je pense qu’
elle
doit être réservée à de très rares personnes qui seront probablement
481
à la frontière politique sa ligne de douaniers et
il
en a résulté que dans la région que j’habite, qui est prétendument zo
482
gloire. La gloire n’est pas donnée par la foule,
elle
n’est pas donnée par le succès. C’est un sentiment d’épanouissement s
483
Si un homme pouvait penser complètement la mort,
il
mourrait à cet instant-là. La mort c’est par essence l’inconcevable,
484
stituer pour essayer de découvrir sa vocation. Si
elle
découvre sa vocation, si elle la réalise plus ou moins bien, elle peu
485
rir sa vocation. Si elle découvre sa vocation, si
elle
la réalise plus ou moins bien, elle peut dire qu’elle a réussi sa vie
486
vocation, si elle la réalise plus ou moins bien,
elle
peut dire qu’elle a réussi sa vie et après cela on ne peut rien lui d
487
la réalise plus ou moins bien, elle peut dire qu’
elle
a réussi sa vie et après cela on ne peut rien lui demander de plus. E
488
Dieu comme quelque chose dont chacun sait de quoi
il
s’agit, mais que j’insiste pour indiquer que nous nous trouvons devan
489
avec la plus grande précision dans le détail, car
il
n’y a là que la précision qui est intéressante ; en évitant tout ce q
490
finalement, c’est à ceci : Dieu, c’est le sens. S’
il
n’y a pas de Dieu, il n’y a pas de sens. Certains savants aujourd’hui
491
ci : Dieu, c’est le sens. S’il n’y a pas de Dieu,
il
n’y a pas de sens. Certains savants aujourd’hui disent qu’ils ne tien
492
s de sens. Certains savants aujourd’hui disent qu’
ils
ne tiennent pas du tout à ce que le monde ait un sens, à ce que notre
493
it un sens, à ce que l’humanité ait un sens, puis
ils
finissent par vous faire un petit couplet de morale scientifique. On
494
Qu’est-ce que cela veut dire pour vous, la vie, s’
il
n’y a aucun sens à rien ? Pourquoi ne me comporterais-je pas comme le
495
Nietzsche ? Au nom de quoi venez-vous me dire qu’
il
faut être socialiste ou qu’il faut être de gauche ? Nous entrons dans
496
nez-vous me dire qu’il faut être socialiste ou qu’
il
faut être de gauche ? Nous entrons dans l’arbitraire total. Si, au co
497
Dieu n’est pas une cause au début de tout mais qu’
il
est une cause finale de l’humanité, qu’il appelle le développement de
498
mais qu’il est une cause finale de l’humanité, qu’
il
appelle le développement de l’homme. D’autre part, je crois qu’il y a
499
aison un peu élémentaire, mais qui dit bien ce qu’
elle
veut dire : comment une cellule de notre corps pourrait croire à l’ex
500
corps pourrait croire à l’existence de ce corps ?
Elle
n’a aucun moyen d’en prendre connaissance. Elle peut savoir à peu prè
501
? Elle n’a aucun moyen d’en prendre connaissance.
Elle
peut savoir à peu près qu’elle fait partie d’un organe, mais elle ne
502
ndre connaissance. Elle peut savoir à peu près qu’
elle
fait partie d’un organe, mais elle ne peut pas savoir que cet organe
503
à peu près qu’elle fait partie d’un organe, mais
elle
ne peut pas savoir que cet organe fait partie d’un corps. Elle peut d
504
pas savoir que cet organe fait partie d’un corps.
Elle
peut donc parfaitement nier l’existence du corps. ab. Rougemont De
505
Rougemont s’est fait l’apôtre de cette croisade ;
il
n’est donc pas étonnant qu’on en réentende l’écho dans sa conversatio
506
ivra le cheminement des esprits. Robert Schuman
Il
nous faut faire l’Europe afin de rester nous-mêmes, disons pour aller
507
deux cas, l’expérience séculaire ou millénaire qu’
ils
prétendaient inaugurer n’a duré que dix à douze ans. Or il se trouve
508
daient inaugurer n’a duré que dix à douze ans. Or
il
se trouve que la formule fédéraliste, seule pratiquement possible pou
509
nte mais en fait toujours plus illusoire, sauf qu’
elle
bloque tout. Cet obstacle politique, en retour, est fomenté par la cu
510
que leur nation est immortelle, ce qui suggère qu’
elle
aurait existé de toute éternité ; alors qu’en vérité, pour la plupart
511
rançais existe réellement depuis Philippe le Bel,
il
est absolument certain que l’Italie comme État n’a que cent-dix ans,
512
s cru ! Or tout est faux dans cet enseignement.
Il
n’y a pas de cultures nationales La culture européenne n’est pas l
513
a somme de vingt-cinq cultures nationales, puisqu’
elle
existait bien avant la formation, récente nous venons de le voir, de
514
un seul des grands professeurs n’était français :
ils
étaient napolitain comme Thomas d’Aquin, pisan comme Bonaventure, all
515
temps, ceux qui parlaient même langue ? Oui, mais
il
n’était pas question de les enfermer pour autant dans les frontières
516
t dans les frontières d’un même État. D’ailleurs,
il
n’est pas vrai que nos États-nations modernes correspondent à l’aire
517
et le Val d’Aoste au nom de l’unité linguistique,
elle
devrait s’amputer, pour le même motif, de près de la moitié de ses te
518
ritoires actuels. Prenez la langue allemande : si
elle
devait coïncider avec un État-nation, il faudrait annexer à la Républ
519
e : si elle devait coïncider avec un État-nation,
il
faudrait annexer à la République fédérale outre l’Allemagne de l’Est,
520
vescovo, obispo, bispe, biskop, bishop, bischof…
Il
en va de même des termes militaires comme « canon », et de tous les t
521
tre l’Espagne et les Allemagnes au-delà du Rhin ;
elle
a été mise en forme par la Révolution française, et elle a triomphé d
522
été mise en forme par la Révolution française, et
elle
a triomphé dans l’enseignement de la géographie au xixe , là encore c
523
tissée de contradictions dans sa genèse même, qu’
elle
s’est formée à partir d’influences indo-européennes, gréco-latines, c
524
es, arabes et slaves, souvent incompatibles entre
elles
— de là le caractère essentiellement contestataire de son génie — mai
525
l’unité de notre culture commune. Mais qu’en est-
il
de nos diversités tant vantées, et à juste titre ? Est-il vrai, comme
526
s diversités tant vantées, et à juste titre ? Est-
il
vrai, comme le disent trop souvent d’éloquents ministres à Bruxelles
527
res de nos États n’ont jamais été « naturelles ».
Elles
sont accidentelles et arbitraires comme les conflits armés dont elles
528
lles et arbitraires comme les conflits armés dont
elles
figurent sur nos atlas les cicatrices. Elles sont encore, disait un h
529
dont elles figurent sur nos atlas les cicatrices.
Elles
sont encore, disait un historien français, le résultat des « viols ré
530
n, ne protège contre rien, n’arrête rien de ce qu’
il
faudrait arrêter — tempêtes, épidémies, pollution de l’air et de l’ea
531
de l’air et de l’eau — mais gêne les échanges qu’
il
faudrait promouvoir et vexe tout le monde ; beau symbole de la souver
532
mondiales où l’Europe a failli périr, mais encore
ils
faussaient notre vision de l’histoire et le sens même de la vie de l’
533
lent davantage et s’entendront mieux entre eux qu’
ils
ne s’entendent avec les fanatiques de leur propre nation ; que les hi
534
Europe est d’autant plus riche et plus intense qu’
elle
est moins centralisée et que ses foyers sont plus nombreux. Au Moyen
535
mobilisant à Paris tous les esprits distingués qu’
il
n’a pas bannis. Le grand secret de la vitalité inégalée de notre cult
536
la vitalité inégalée de notre culture européenne,
il
est dans cette interaction perpétuelle des grands courants continenta