1
humaine, par Karl Barth (30 décembre 1933)a b
La
théologie chrétienne a-t-elle pour tâche de rendre acceptable le mess
2
rétienne a-t-elle pour tâche de rendre acceptable
le
message de l’Évangile, d’en atténuer le scandale, d’intégrer largemen
3
lle pour tâche de rendre acceptable le message de
l’
Évangile, d’en atténuer le scandale, d’intégrer largement les découver
4
cceptable le message de l’Évangile, d’en atténuer
le
scandale, d’intégrer largement les découvertes de l’esprit humain, qu
5
, d’en atténuer le scandale, d’intégrer largement
les
découvertes de l’esprit humain, quitte à laisser tomber certains dogm
6
scandale, d’intégrer largement les découvertes de
l’
esprit humain, quitte à laisser tomber certains dogmes décidément inco
7
s ? Ou bien doit-elle, tout au contraire, assumer
le
scandale, montrer sa permanente et salutaire nécessité, annoncer aux
8
pas justiciable de leurs mesures puisqu’elle est
le
jugement de tous nos jugements et la « crise » de tous nos problèmes
9
squ’elle est le jugement de tous nos jugements et
la
« crise » de tous nos problèmes ? Mais si l’on opte pour le scandale
10
s et la « crise » de tous nos problèmes ? Mais si
l’
on opte pour le scandale et non pour les adaptations, qui voudra recev
11
» de tous nos problèmes ? Mais si l’on opte pour
le
scandale et non pour les adaptations, qui voudra recevoir ce message
12
? Mais si l’on opte pour le scandale et non pour
les
adaptations, qui voudra recevoir ce message ? « L’âme moderne » décon
13
s adaptations, qui voudra recevoir ce message ? «
L’
âme moderne » décontenancée par l’échec de ses idéaux, demande des apa
14
ce message ? « L’âme moderne » décontenancée par
l’
échec de ses idéaux, demande des apaisements ou des directions positiv
15
positives. Faut-il encore ajouter à son trouble,
l’
aggraver, le rendre littéralement insupportable ? Telles étaient les q
16
Faut-il encore ajouter à son trouble, l’aggraver,
le
rendre littéralement insupportable ? Telles étaient les questions que
17
ndre littéralement insupportable ? Telles étaient
les
questions que se posait, vers la fin de la guerre, dans le presbytère
18
Telles étaient les questions que se posait, vers
la
fin de la guerre, dans le presbytère d’un village de la Suisse allema
19
aient les questions que se posait, vers la fin de
la
guerre, dans le presbytère d’un village de la Suisse allemande, un je
20
ons que se posait, vers la fin de la guerre, dans
le
presbytère d’un village de la Suisse allemande, un jeune pasteur, Kar
21
de la guerre, dans le presbytère d’un village de
la
Suisse allemande, un jeune pasteur, Karl Barth. Autour de lui, c’étai
22
jeune pasteur, Karl Barth. Autour de lui, c’était
l’
écho des bombardements, les cartes de pain, des menaces de violences s
23
Autour de lui, c’était l’écho des bombardements,
les
cartes de pain, des menaces de violences sociales. Que devenaient, da
24
olences sociales. Que devenaient, dans tout cela,
les
belles synthèses de la théologie libérale ? L’arrière-plan de bourgeo
25
venaient, dans tout cela, les belles synthèses de
la
théologie libérale ? L’arrière-plan de bourgeoisie et d’optimisme cul
26
, les belles synthèses de la théologie libérale ?
L’
arrière-plan de bourgeoisie et d’optimisme culturel sur lequel, trop s
27
r lequel, trop souvent, elles s’étaient appuyées,
la
guerre et la révolution le bouleversaient brutalement, mettant à nu l
28
p souvent, elles s’étaient appuyées, la guerre et
la
révolution le bouleversaient brutalement, mettant à nu les vraies rai
29
es s’étaient appuyées, la guerre et la révolution
le
bouleversaient brutalement, mettant à nu les vraies raisons, les vrai
30
ution le bouleversaient brutalement, mettant à nu
les
vraies raisons, les vrais problèmes. « Pasteur, je devais parler à de
31
ent brutalement, mettant à nu les vraies raisons,
les
vrais problèmes. « Pasteur, je devais parler à des hommes aux prises
32
ur, je devais parler à des hommes aux prises avec
les
contradictions inouïes de la vie, et leur parler du message non moins
33
mes aux prises avec les contradictions inouïes de
la
vie, et leur parler du message non moins inouï de la Bible, de cette
34
vie, et leur parler du message non moins inouï de
la
Bible, de cette Bible qui se pose comme une nouvelle énigme en face d
35
une nouvelle énigme en face des contradictions de
la
vie. Souvent ces deux grandeurs, la vie et la Bible, m’ont fait l’eff
36
radictions de la vie. Souvent ces deux grandeurs,
la
vie et la Bible, m’ont fait l’effet — ne me le font-elles pas encore
37
de la vie. Souvent ces deux grandeurs, la vie et
la
Bible, m’ont fait l’effet — ne me le font-elles pas encore ? — d’être
38
es deux grandeurs, la vie et la Bible, m’ont fait
l’
effet — ne me le font-elles pas encore ? — d’être Charybde et Scylla.
39
s, la vie et la Bible, m’ont fait l’effet — ne me
le
font-elles pas encore ? — d’être Charybde et Scylla. Si c’est cela l’
40
core ? — d’être Charybde et Scylla. Si c’est cela
l’
origine et le but de la prédication chrétienne, me disais-je, qui donc
41
re Charybde et Scylla. Si c’est cela l’origine et
le
but de la prédication chrétienne, me disais-je, qui donc doit, qui do
42
e et Scylla. Si c’est cela l’origine et le but de
la
prédication chrétienne, me disais-je, qui donc doit, qui donc peut êt
43
ne veut se soustraire, Karl Barth se met à relire
l’
Épître aux Romains, la plus inquiétante sans doute, pour notre esprit
44
Karl Barth se met à relire l’Épître aux Romains,
la
plus inquiétante sans doute, pour notre esprit critique. Il résulte d
45
ent mais qui paraît finalement en librairie après
la
guerre. Aventure étonnante que celle de ce commentaire né de la détre
46
nture étonnante que celle de ce commentaire né de
la
détresse quotidienne d’un obscur pasteur de campagne, et dans lequel,
47
steur de campagne, et dans lequel, soudain, toute
l’
Allemagne intellectuelle découvre l’expression poignante de son angois
48
oudain, toute l’Allemagne intellectuelle découvre
l’
expression poignante de son angoisse intime, mais aussi, et enfin, une
49
lles nous fuyons toujours — et c’est là justement
le
principe de notre inquiétude. « Nos auditeurs attendent de nous que n
50
étude. « Nos auditeurs attendent de nous que nous
les
comprenions mieux qu’ils ne se comprennent eux-mêmes… Si nous ne pren
51
se comprennent eux-mêmes… Si nous ne prenons pas
les
hommes au sérieux quand la détresse de leur existence les a conduits
52
i nous ne prenons pas les hommes au sérieux quand
la
détresse de leur existence les a conduits à nous, je le répète, si no
53
es au sérieux quand la détresse de leur existence
les
a conduits à nous, je le répète, si nous ne les prenons pas davantage
54
resse de leur existence les a conduits à nous, je
le
répète, si nous ne les prenons pas davantage au sérieux qu’ils ne le
55
e les a conduits à nous, je le répète, si nous ne
les
prenons pas davantage au sérieux qu’ils ne le font eux-mêmes, comment
56
ne les prenons pas davantage au sérieux qu’ils ne
le
font eux-mêmes, comment aurions-nous le droit de nous étonner que, po
57
qu’ils ne le font eux-mêmes, comment aurions-nous
le
droit de nous étonner que, pour la plupart, ils prennent peu à peu l’
58
nner que, pour la plupart, ils prennent peu à peu
l’
habitude de délaisser l’Église et de nous abandonner, seuls avec ces b
59
t, ils prennent peu à peu l’habitude de délaisser
l’
Église et de nous abandonner, seuls avec ces bien-disposés et ces timo
60
s tromper. Il y avait là un homme, une puissance.
Le
défi de Marx et de Nietzsche était relevé. Le tirage du Römerbrief al
61
ce. Le défi de Marx et de Nietzsche était relevé.
Le
tirage du Römerbrief alla au vingtième mille. Barth, nommé professeur
62
lla au vingtième mille. Barth, nommé professeur à
l’
Université de Bonn, exerce depuis dix ans une influence qu’on peut qua
63
uence qu’on peut qualifier de révolutionnaire sur
la
pensée protestante dans le monde entier. Quel est donc le contenu de
64
de révolutionnaire sur la pensée protestante dans
le
monde entier. Quel est donc le contenu de cette œuvre, où est le secr
65
e protestante dans le monde entier. Quel est donc
le
contenu de cette œuvre, où est le secret de son incomparable virulenc
66
. Quel est donc le contenu de cette œuvre, où est
le
secret de son incomparable virulence ? Les essais que viennent de tra
67
où est le secret de son incomparable virulence ?
Les
essais que viennent de traduire MM. Pierre Maury et A. Lavanchy sous
68
de traduire MM. Pierre Maury et A. Lavanchy sous
le
titre Parole de Dieu et Parole humaine donneraient une idée sinon de
69
u et Parole humaine donneraient une idée sinon de
la
pensée barthienne dans son plein développement, du moins de ses thème
70
particulière. Il n’est pas facile de résumer sans
la
trahir une pensée à ce point hostile à tout système. La théologie de
71
hir une pensée à ce point hostile à tout système.
La
théologie de Barth se donne en effet pour une simple « note marginale
72
n effet pour une simple « note marginale » à tous
les
systèmes existants. Barth lui-même l’a nommée, avec une sobriété peu
73
e » à tous les systèmes existants. Barth lui-même
l’
a nommée, avec une sobriété peu rassurante, une théologie du correctif
74
théologie du correctif. Disons tout de suite que
les
corrections qu’elle apporte constituent une sérieuse attaque contre t
75
e lèvent de toutes parts de troublants paradoxes.
La
Bible nous parle-t-elle de religion ? Ne nous montre-t-elle pas plutô
76
as plutôt, avec une insistance significative, que
les
hommes religieux, prêtres et pharisiens, ont toujours été les premier
77
premiers à refuser, sous de très pieux prétextes,
les
ordres de la Parole de Dieu ? « Alors que toujours, et aujourd’hui en
78
user, sous de très pieux prétextes, les ordres de
la
Parole de Dieu ? « Alors que toujours, et aujourd’hui encore, la polé
79
eu ? « Alors que toujours, et aujourd’hui encore,
la
polémique de la “religion” est dirigée contre le monde qui vit sans D
80
toujours, et aujourd’hui encore, la polémique de
la
“religion” est dirigée contre le monde qui vit sans Dieu, la polémiqu
81
la polémique de la “religion” est dirigée contre
le
monde qui vit sans Dieu, la polémique de la Bible au contraire, vise
82
n” est dirigée contre le monde qui vit sans Dieu,
la
polémique de la Bible au contraire, vise le monde religieux, qu’il so
83
ontre le monde qui vit sans Dieu, la polémique de
la
Bible au contraire, vise le monde religieux, qu’il soit placé sous le
84
Dieu, la polémique de la Bible au contraire, vise
le
monde religieux, qu’il soit placé sous le signe de Baal ou de Yaveh.
85
e, vise le monde religieux, qu’il soit placé sous
le
signe de Baal ou de Yaveh. » La Bible nous parle-t-elle de ces « expé
86
l soit placé sous le signe de Baal ou de Yaveh. »
La
Bible nous parle-t-elle de ces « expériences religieuses » sur lesque
87
de ces « expériences religieuses » sur lesquelles
les
modernes exercent leurs psychologies et leurs ratiocinations plus ou
88
ins sceptiques, plus ou moins édifiantes ? « Dans
l’
expérience biblique, rien n’est moins important que le mode de l’expér
89
périence biblique, rien n’est moins important que
le
mode de l’expérience. Elle est charge et mission, et non pas but et a
90
blique, rien n’est moins important que le mode de
l’
expérience. Elle est charge et mission, et non pas but et accomplissem
91
st élémentaire, à peine consciente d’elle-même. »
Les
prophètes n’ont pas de biographie : « L’homme biblique se lève et tom
92
même. » Les prophètes n’ont pas de biographie : «
L’
homme biblique se lève et tombe avec sa mission ». Il y a plus. L’hist
93
se lève et tombe avec sa mission ». Il y a plus.
L’
histoire biblique, loin de mettre en scène le développement d’une « tr
94
lus. L’histoire biblique, loin de mettre en scène
le
développement d’une « tradition » spirituelle, figure la négation abs
95
loppement d’une « tradition » spirituelle, figure
la
négation absolue de toute histoire : « Vue d’en haut, c’est une série
96
résultats au cours d’une impossible entreprise. »
Le
christianisme : une impossible entreprise. Telle est bien la constata
97
nisme : une impossible entreprise. Telle est bien
la
constatation cruciale que Barth, après Kierkegaard, remet au premier
98
arth, après Kierkegaard, remet au premier plan de
la
pensée théologique. C’est de cette situation profondément paradoxale,
99
paradoxale, assumée dans sa tragique ironie, que
le
théologien doit avoir conscience, s’il veut parler valablement. Mais
100
Mais de quoi va-t-il encore pouvoir parler ? Ici
le
paradoxe devient plus aigu. Le théologien doit parler de Dieu, son no
101
uvoir parler ? Ici le paradoxe devient plus aigu.
Le
théologien doit parler de Dieu, son nom l’indique. De quel Dieu ? De
102
aigu. Le théologien doit parler de Dieu, son nom
l’
indique. De quel Dieu ? De celui que la Bible nomme l’Éternel, alors q
103
u, son nom l’indique. De quel Dieu ? De celui que
la
Bible nomme l’Éternel, alors que nous sommes tout entiers temporels.
104
dique. De quel Dieu ? De celui que la Bible nomme
l’
Éternel, alors que nous sommes tout entiers temporels. De celui qui tr
105
rels. De celui qui transcende toutes nos idées de
la
transcendance. De celui qui vient à nous, mais auquel l’homme ne peut
106
scendance. De celui qui vient à nous, mais auquel
l’
homme ne peut aller. Du totaliter aliter. Si donc la tâche du théologi
107
homme ne peut aller. Du totaliter aliter. Si donc
la
tâche du théologien est de parler de Dieu, il s’avère qu’en tant qu’h
108
ler de Dieu, il s’avère qu’en tant qu’homme il ne
le
peut : « Car parler de Dieu voudrait dire, pour toute conscience séri
109
t dire, pour toute conscience sérieuse… parler de
la
Parole de Dieu, la parole où dieu devient homme. Nous pouvons répéter
110
conscience sérieuse… parler de la Parole de Dieu,
la
parole où dieu devient homme. Nous pouvons répéter ces quatre mots, m
111
me. Nous pouvons répéter ces quatre mots, mais en
les
répétant, nous n’avons pas dit la parole de Dieu, dans laquelle cette
112
mots, mais en les répétant, nous n’avons pas dit
la
parole de Dieu, dans laquelle cette idée devient une réalité, une vér
113
e cette idée devient une réalité, une vérité. » À
la
formule philosophique homo finitus non capax infiniti, Barth répond p
114
homo finitus non capax infiniti, Barth répond par
la
formule chrétienne homo peccator non capax verbi Dei, l’homme pécheur
115
ule chrétienne homo peccator non capax verbi Dei,
l’
homme pécheur n’est pas « capable » de la Parole de Dieu. Ainsi Barth
116
rbi Dei, l’homme pécheur n’est pas « capable » de
la
Parole de Dieu. Ainsi Barth rejoint Calvin, Luther, et au-delà, jusqu
117
t connu ce que nous avons à peu près oublié : que
l’
homme n’est pas capable par lui-même de faire le bien, que la foi seul
118
e l’homme n’est pas capable par lui-même de faire
le
bien, que la foi seule lui donne la promesse du salut, que cette foi
119
st pas capable par lui-même de faire le bien, que
la
foi seule lui donne la promesse du salut, que cette foi n’est pas le
120
même de faire le bien, que la foi seule lui donne
la
promesse du salut, que cette foi n’est pas le couronnement de sa « vi
121
nne la promesse du salut, que cette foi n’est pas
le
couronnement de sa « vie religieuse », mais le don gratuit que Dieu f
122
as le couronnement de sa « vie religieuse », mais
le
don gratuit que Dieu fait à tout homme qui n’a plus d’autre attente.
123
e attente. Qu’on n’aille pas croire cependant que
le
barthisme est un « retour » à quelque orthodoxie, ou par exemple une
124
o-thomisme. Il est avant tout un rappel violent à
la
nouveauté éternelle de l’Évangile ; une remise en question radicale e
125
out un rappel violent à la nouveauté éternelle de
l’
Évangile ; une remise en question radicale et intime de notre existenc
126
. À la suite de Kierkegaard il nous fait voir que
le
christianisme, c’est l’immédiat, l’instant éternel de la foi, et non
127
ard il nous fait voir que le christianisme, c’est
l’
immédiat, l’instant éternel de la foi, et non l’histoire de l’homme pi
128
fait voir que le christianisme, c’est l’immédiat,
l’
instant éternel de la foi, et non l’histoire de l’homme pieux ; un évé
129
stianisme, c’est l’immédiat, l’instant éternel de
la
foi, et non l’histoire de l’homme pieux ; un événement et non une cro
130
t l’immédiat, l’instant éternel de la foi, et non
l’
histoire de l’homme pieux ; un événement et non une croyance, une renc
131
l’instant éternel de la foi, et non l’histoire de
l’
homme pieux ; un événement et non une croyance, une rencontre personne
132
e, une rencontre personnelle et inconcevable avec
le
Christ, et non point une morale prudente, garantie de bonheur terrest
133
re ou céleste. Car cette rencontre est mortelle à
l’
homme. Et c’est par là même qu’elle lui apporte, de l’extérieur, le ga
134
mme. Et c’est par là même qu’elle lui apporte, de
l’
extérieur, le gage de la résurrection. (La grâce n’est pas accordée au
135
par là même qu’elle lui apporte, de l’extérieur,
le
gage de la résurrection. (La grâce n’est pas accordée aux « justes »,
136
e qu’elle lui apporte, de l’extérieur, le gage de
la
résurrection. (La grâce n’est pas accordée aux « justes », mais bien
137
rte, de l’extérieur, le gage de la résurrection. (
La
grâce n’est pas accordée aux « justes », mais bien aux condamnés à mo
138
aux « justes », mais bien aux condamnés à mort.)
L’
homme religieux qui se refuse à cette mort, se refuse aussi à la vie.
139
eux qui se refuse à cette mort, se refuse aussi à
la
vie. Il meurt de ne pas mourir, selon la parole profondément « dialec
140
aussi à la vie. Il meurt de ne pas mourir, selon
la
parole profondément « dialectique » de Thérèse d’Avila. Qu’est-ce don
141
Thérèse d’Avila. Qu’est-ce donc en définitive que
le
point de vue barthien ? Une prise au sérieux du fait de Dieu. Dieu n’
142
it de Dieu. Dieu n’est pas un problème, n’est pas
l’
objet de nos recherches, mais le Sujet de toute existence et de toute
143
oblème, n’est pas l’objet de nos recherches, mais
le
Sujet de toute existence et de toute recherche. Il est la présupposit
144
de toute existence et de toute recherche. Il est
la
présupposition de toute vie, la synthèse qui précède éternellement no
145
recherche. Il est la présupposition de toute vie,
la
synthèse qui précède éternellement nos thèses et nos antithèses, tous
146
éternellement nos thèses et nos antithèses, tous
les
oui et tous les non que nous pouvons dire au monde. L’homme ne reçoit
147
os thèses et nos antithèses, tous les oui et tous
les
non que nous pouvons dire au monde. L’homme ne reçoit son existence v
148
i et tous les non que nous pouvons dire au monde.
L’
homme ne reçoit son existence véritable que dans la parole que Dieu lu
149
’homme ne reçoit son existence véritable que dans
la
parole que Dieu lui adresse et qui le meut. On a coutume de nommer la
150
le que dans la parole que Dieu lui adresse et qui
le
meut. On a coutume de nommer la pensée de Barth une théologie de la c
151
ui adresse et qui le meut. On a coutume de nommer
la
pensée de Barth une théologie de la crise, une théologie dialectique.
152
ume de nommer la pensée de Barth une théologie de
la
crise, une théologie dialectique. Elle est surtout et avant tout cela
153
e est surtout et avant tout cela une théologie de
la
parole de Dieu. Insuffisance radicale de l’humanisme, du piétisme, du
154
ie de la parole de Dieu. Insuffisance radicale de
l’
humanisme, du piétisme, du moralisme, du spiritualisme, de l’historici
155
, du piétisme, du moralisme, du spiritualisme, de
l’
historicisme, de tout ce qui est œuvre de l’homme, pour atteindre l’œu
156
e, de l’historicisme, de tout ce qui est œuvre de
l’
homme, pour atteindre l’œuvre du Dieu « tout autre ». Distinction radi
157
tout ce qui est œuvre de l’homme, pour atteindre
l’
œuvre du Dieu « tout autre ». Distinction radicale entre toutes les pa
158
« tout autre ». Distinction radicale entre toutes
les
paroles humaines sur Dieu, et la Parole qui vient de Dieu à l’homme.
159
le entre toutes les paroles humaines sur Dieu, et
la
Parole qui vient de Dieu à l’homme. Universalité du rapport établi en
160
maines sur Dieu, et la Parole qui vient de Dieu à
l’
homme. Universalité du rapport établi entre Dieu et l’homme, que l’hom
161
mme. Universalité du rapport établi entre Dieu et
l’
homme, que l’homme le sache ou non, l’accepte ou non ; et par là même
162
lité du rapport établi entre Dieu et l’homme, que
l’
homme le sache ou non, l’accepte ou non ; et par là même caractère ess
163
rapport établi entre Dieu et l’homme, que l’homme
le
sache ou non, l’accepte ou non ; et par là même caractère essentielle
164
tre Dieu et l’homme, que l’homme le sache ou non,
l’
accepte ou non ; et par là même caractère essentiellement profane de l
165
par là même caractère essentiellement profane de
la
vérité biblique — tels sont les thèmes autour desquels s’organisent c
166
llement profane de la vérité biblique — tels sont
les
thèmes autour desquels s’organisent ces essais. Est-ce là de la théol
167
ur desquels s’organisent ces essais. Est-ce là de
la
théologie ? C’est plutôt une réflexion puissante et intrépide sur les
168
t plutôt une réflexion puissante et intrépide sur
les
possibilités et la valeur de l’activité théologique. Barth compare à
169
on puissante et intrépide sur les possibilités et
la
valeur de l’activité théologique. Barth compare à plusieurs reprises
170
et intrépide sur les possibilités et la valeur de
l’
activité théologique. Barth compare à plusieurs reprises la théologie
171
é théologique. Barth compare à plusieurs reprises
la
théologie à cette étrange main de Jean Baptiste dans la Crucifixion d
172
ologie à cette étrange main de Jean Baptiste dans
la
Crucifixion de Grünewald, cette main énorme qui désigne le Christ en
173
ixion de Grünewald, cette main énorme qui désigne
le
Christ en croix. La théologie n’est pas la parole. Elle ne peut que l
174
cette main énorme qui désigne le Christ en croix.
La
théologie n’est pas la parole. Elle ne peut que l’indiquer au-delà d’
175
ésigne le Christ en croix. La théologie n’est pas
la
parole. Elle ne peut que l’indiquer au-delà d’elle-même. Nous n’avons
176
a théologie n’est pas la parole. Elle ne peut que
l’
indiquer au-delà d’elle-même. Nous n’avons rien dit des qualités humai
177
nes de ce livre, de son éloquence martelante (que
les
traducteurs ont fort bien rendue, et la tâche n’était pas facile) ; d
178
nte (que les traducteurs ont fort bien rendue, et
la
tâche n’était pas facile) ; de son réalisme agressif, de cette obstin
179
lisme agressif, de cette obstination à rechercher
le
sens réel des mots d’ordre que l’on va répétant, de cette puissance d
180
on à rechercher le sens réel des mots d’ordre que
l’
on va répétant, de cette puissance de sérieux, de prise au sérieux des
181
rude ; de cette puissance critique enfin, au sens
le
plus créateur du terme, et qui met en état de crise toutes nos sécuri
182
es. (Ce n’est qu’à certains degrés de tension que
la
réalité de nos réalités quotidiennes peut être démasquée, éprouvée.)
183
ut être démasquée, éprouvée.) Une prise ferme sur
le
concret, mais en même temps un regard qui dépasse les contingences hu
184
concret, mais en même temps un regard qui dépasse
les
contingences humaines, et qui interroge virilement. Personne n’est pl
185
terroge virilement. Personne n’est plus loin de «
l’
inquiétude » ou de l’emballement. Barth est l’un des hommes les plus s
186
ersonne n’est plus loin de « l’inquiétude » ou de
l’
emballement. Barth est l’un des hommes les plus solides de notre temps
187
» ou de l’emballement. Barth est l’un des hommes
les
plus solides de notre temps. C’est pour cela qu’il peut poser les que
188
de notre temps. C’est pour cela qu’il peut poser
les
questions les plus gênantes qui soient. ⁂ On l’a bien vu récemment, l
189
s. C’est pour cela qu’il peut poser les questions
les
plus gênantes qui soient. ⁂ On l’a bien vu récemment, lors du conflit
190
les questions les plus gênantes qui soient. ⁂ On
l’
a bien vu récemment, lors du conflit dramatique qui l’a opposé, seul o
191
bien vu récemment, lors du conflit dramatique qui
l’
a opposé, seul ou à peu près, au puissant parti des Chrétiens allemand
192
issant parti des Chrétiens allemands, fraction de
l’
hitlérisme qui prétend faire main basse sur les églises et utiliser la
193
de l’hitlérisme qui prétend faire main basse sur
les
églises et utiliser la religion aux fins de la renaissance germanique
194
tend faire main basse sur les églises et utiliser
la
religion aux fins de la renaissance germanique. Alors que la grande m
195
r les églises et utiliser la religion aux fins de
la
renaissance germanique. Alors que la grande majorité des chrétiens d’
196
aux fins de la renaissance germanique. Alors que
la
grande majorité des chrétiens d’Allemagne, rangée derrière les plus f
197
jorité des chrétiens d’Allemagne, rangée derrière
les
plus fameux docteurs, appuyée par Hitler lui-même et par toute l’opin
198
octeurs, appuyée par Hitler lui-même et par toute
l’
opinion publique, votait la clause aryenne et trahissait sa foi, Barth
199
lui-même et par toute l’opinion publique, votait
la
clause aryenne et trahissait sa foi, Barth s’est dressé dans une prot
200
ge courageux et authentiquement chrétien : il est
le
seul espoir que nous puissions garder dans la restauration spirituell
201
est le seul espoir que nous puissions garder dans
la
restauration spirituelle d’une Allemagne profondément paganisée. Il e
202
ne Allemagne profondément paganisée. Il est aussi
la
plus éclatante réponse à tous ceux qui accusaient la pensée barthienn
203
plus éclatante réponse à tous ceux qui accusaient
la
pensée barthienne d’être purement négative et désespérée. « Ici le pa
204
nne d’être purement négative et désespérée. « Ici
le
paradoxe joue à plein — écrivait-on à ce propos dans un récent articl
205
écrivait-on à ce propos dans un récent article1 —
la
théologie dialectique de Barth à laquelle on reproche (comme à ceux d
206
celui qui vient au Christ, peut seule répondre à
l’
angoisse humaine, tandis que l’optimisme naturiste, plongeant l’humani
207
t seule répondre à l’angoisse humaine, tandis que
l’
optimisme naturiste, plongeant l’humanité dans un devenir sans issue,
208
aine, tandis que l’optimisme naturiste, plongeant
l’
humanité dans un devenir sans issue, aboutit au désespoir. » 1. Albe
209
désespoir. » 1. Albert Béguin, « Karl Barth et
la
situation de l’Église allemande », Revue d’Allemagne du 15 septembre
210
1. Albert Béguin, « Karl Barth et la situation de
l’
Église allemande », Revue d’Allemagne du 15 septembre 1933. a. Rouge
211
Karl Barth, Parole de Dieu et parole humaine »,
Les
Nouvelles littéraires, Paris, 30 décembre 1933, p. 4. b. Traduit de
212
es, Paris, 30 décembre 1933, p. 4. b. Traduit de
l’
allemand par Pierre Maury et Alexandre Lavanchy (Éditions “Je sers”) »
213
ury et Alexandre Lavanchy (Éditions “Je sers”) »,
Les
Nouvelles littéraires, Paris, n° 585, 30 décembre 1933, p. 4.
214
D’un humour romand (24 février 1934)c
Le
Suisse romand est-il sérieux ? Je crains que mes raisons d’en douter
215
ins que mes raisons d’en douter n’ébranlent guère
la
solide réputation de gravité qu’on lui a faite, et qui lui vaut l’est
216
ion de gravité qu’on lui a faite, et qui lui vaut
l’
estime des personnes de sens. Mais après tout, ne serait-il pas étrang
217
l pas étrange d’apporter des preuves sérieuses de
la
fantaisie de ce peuple ? Rousseau, Madame de Staël, Constant, Vinet…
218
dépit du bon sens. Pourquoi ne pas glisser, entre
l’
auteur d’Adolphe et celui des Discours religieux, par exemple, cet exc
219
cet excellent Toepffer dont on peut espérer qu’il
les
faire rire tous les deux ? Je ne songe pas tant aux traditionnelles f
220
er dont on peut espérer qu’il les faire rire tous
les
deux ? Je ne songe pas tant aux traditionnelles farces de père de fam
221
s phrénologues, des herboristes, un lord tout nu,
les
enfants terribles de Monsieur Crépin, et la silhouette élégante du Dr
222
nu, les enfants terribles de Monsieur Crépin, et
la
silhouette élégante du Dr Festus, toujours si digne dans l’adversité,
223
tte élégante du Dr Festus, toujours si digne dans
l’
adversité, bien qu’il lui arrive parfois de pousser « un immense cri e
224
pousser « un immense cri en vingt-deux langues ».
La
satire de Toepffer n’est pas méchante, elle n’est pas même « spiritue
225
est pas même « spirituelle » ; c’est plutôt, dans
l’
espièglerie la plus folle, un humour apitoyé. Si Toepffer s’attendrit
226
spirituelle » ; c’est plutôt, dans l’espièglerie
la
plus folle, un humour apitoyé. Si Toepffer s’attendrit sur ses bonhom
227
bonhommes, n’est-ce pas une manière de dégonfler
les
sentencieux ? Une impeccable dignité bourgeoise ne cesse d’inspirer l
228
impeccable dignité bourgeoise ne cesse d’inspirer
les
attitudes de ses héros, en dépit des carambolages du sort. Il y a don
229
sur Édouard Rod, qui entrerait difficilement dans
le
cadre de cette étude. Le mince filet d’humour suisse romand rentre so
230
erait difficilement dans le cadre de cette étude.
Le
mince filet d’humour suisse romand rentre sous terre, pour éviter Ami
231
s terre, pour éviter Amiel. Faut-il désespérer de
le
revoir jamais ? Mais non, il faut lire d’abord Pierre Girard et Charl
232
d’abord Pierre Girard et Charles-Albert Cingria :
La
Rose de Thuringe et Connaissez mieux le cœur des femmes, de Girard, e
233
Cingria : La Rose de Thuringe et Connaissez mieux
le
cœur des femmes, de Girard, et de Cingria, ce que vous aurez la chanc
234
mmes, de Girard, et de Cingria, ce que vous aurez
la
chance d’en trouver, une note ici ou là, quelques petits livres à tir
235
. En général on est plutôt déçu.) Pour comprendre
l’
humour de Pierre Girard, il faut avoir aimé Charlot, celui des Lumière
236
il faut avoir aimé Charlot, celui des Lumières de
la
Ville et du Cirque. Les héros de Pierre Girard sont de doux ahuris, q
237
lot, celui des Lumières de la Ville et du Cirque.
Les
héros de Pierre Girard sont de doux ahuris, qui partent dans la vie a
238
erre Girard sont de doux ahuris, qui partent dans
la
vie avec une conscience pure et des gants beurre-frais. Ils ne tarden
239
ne jeune femme qui leur fait perdre toute mesure.
Le
monde est plein de malins, de gens qui ont l’air d’avoir compris de q
240
ce, un de ces scandales héroïques qui vous valent
l’
amour des femmes et quelque honneur parmi les hommes. Autant de gags c
241
alent l’amour des femmes et quelque honneur parmi
les
hommes. Autant de gags chaplinesques, involontaires, touchants, entra
242
ants, entraînés dans une dérive mélancolique dont
la
source pourrait bien être chez les conteurs romantiques allemands, au
243
lancolique dont la source pourrait bien être chez
les
conteurs romantiques allemands, aussi peut-être dans la musique de Sc
244
teurs romantiques allemands, aussi peut-être dans
la
musique de Schubert, dans tout ce qui sourd de cette Weltschmerz qui
245
ouvants, dont nous rions faute de réflexe appris.
L’
humour du romantique jaillit des échecs du sentiment. Et certes, c’est
246
jaillit des échecs du sentiment. Et certes, c’est
le
sentiment d’abord qui nous retient chez Pierre Girard, cette merveill
247
ierre Girard, cette merveilleuse ingénuité devant
le
printemps et les femmes, cette aisance de l’écriture, sans égale parm
248
tte merveilleuse ingénuité devant le printemps et
les
femmes, cette aisance de l’écriture, sans égale parmi nous, cette mus
249
vant le printemps et les femmes, cette aisance de
l’
écriture, sans égale parmi nous, cette musique d’un cœur qui s’abandon
250
i s’abandonne, qui s’accepte. C’est cela qui fait
la
qualité lyrique de l’humour de Pierre Girard. Lisez, ou relisez, dans
251
ccepte. C’est cela qui fait la qualité lyrique de
l’
humour de Pierre Girard. Lisez, ou relisez, dans la Rose de Thuringe,
252
’humour de Pierre Girard. Lisez, ou relisez, dans
la
Rose de Thuringe, le récit du mariage de Virginie présidé par son onc
253
ard. Lisez, ou relisez, dans la Rose de Thuringe,
le
récit du mariage de Virginie présidé par son oncle âgé de 102 ans («
254
son oncle âgé de 102 ans (« Il avait arpenté tous
les
camps de la guerre de Sécession, mais il n’en parla pas »), et servi
255
de 102 ans (« Il avait arpenté tous les camps de
la
guerre de Sécession, mais il n’en parla pas »), et servi par un garço
256
la pas »), et servi par un garçon triste qui perd
le
vol-au-vent, inexplicablement. Tâchez de ne pas rire ; si vous réussi
257
ne pleurerez pas non plus aux chapitres suivants.
L’
humour de Pierre Girard est bien plus romand que la pompeuse drôlerie
258
’humour de Pierre Girard est bien plus romand que
la
pompeuse drôlerie de Cingria, lequel n’est Suisse que par accident, j
259
t Suisse que par accident, j’ose à peine dire par
l’
état civil. « Je n’ai pas de passeport ; je n’en ai jamais eu ; s’il d
260
prime Bruno Pomposo, dont Cingria, naguère, donna
les
Autobiographies désordonnées. Pomposo, certes ! baroque, poli jusqu’à
261
rdonnées. Pomposo, certes ! baroque, poli jusqu’à
l’
impertinence, jusqu’à la férocité, savant, aimable, macaronique, pétra
262
s ! baroque, poli jusqu’à l’impertinence, jusqu’à
la
férocité, savant, aimable, macaronique, pétrarquisant, musicien, huma
263
t Claudel, Max Jacob et Ramuz ont su voir et dire
l’
importance, et dont je me contenterai de signaler ici l’humour absolum
264
rtance, et dont je me contenterai de signaler ici
l’
humour absolument original. Cingria fit partie du groupe des Cahiers v
265
es Cahiers vaudois, réuni autour de Ramuz pendant
la
guerre. (C’est par cela surtout qu’il est Suisse, au mépris de tous l
266
cela surtout qu’il est Suisse, au mépris de tous
les
racismes.) On avait, dans ce groupe, une espèce de mystique des objet
267
de mystique des objets, du détail authentique, de
l’
aspect brut des choses et des mots. Imaginez, dans cette vision du mon
268
nez, dans cette vision du monde, ce que donnerait
l’
usage d’un style savant et poli, coupé de « véhémences nobles » et de
269
une invite à naître — une légèreté nouvelle dans
l’
atmosphère de ce pays de pédagogues. J’ai oublié, exprès, de dire que
270
ues. J’ai oublié, exprès, de dire que c’est aussi
le
pays d’origine de Michel Simon et de Grock. C’étaient là de trop séri
271
c. Rougemont Denis de, « D’un humour romand »,
Les
Nouvelles littéraires, Paris, 24 février 1934, p. 4.
272
L’
Humanité de Jésus d’après Calvin, par Max Dominicé (24 mars 1934)d
273
icé (24 mars 1934)d M. Max Dominicé nous donne
L’
Humanité de Jésus d’après Calvin comme un simple commentaire de la pen
274
sus d’après Calvin comme un simple commentaire de
la
pensée du réformateur. N’allons pas commenter à notre tour cette glos
275
Ce qu’il y a d’ailleurs de plus significatif dans
le
livre, ce sont les motifs qui ont poussé M. Dominicé à l’écrire, et q
276
leurs de plus significatif dans le livre, ce sont
les
motifs qui ont poussé M. Dominicé à l’écrire, et qu’il expose en une
277
, ce sont les motifs qui ont poussé M. Dominicé à
l’
écrire, et qu’il expose en une vingtaine de pages précises, mesurées,
278
cette préface caractérise d’une façon remarquable
l’
évolution accomplie par toute une génération de protestants, celle qui
279
à s’exprimer dans des revues comme Foi et Vie ,
Le
Semeur , Hic et Nunc . Si, par ailleurs, ces jeunes théologiens et e
280
, ces jeunes théologiens et essayistes reprennent
le
vocabulaire et certains tours de la pensée de Kierkegaard ou de Karl
281
es reprennent le vocabulaire et certains tours de
la
pensée de Kierkegaard ou de Karl Barth, M. Dominicé, qui n’ignore pas
282
uences, s’est limité dans son étude au calvinisme
le
plus strict. Par là même, il se rend plus directement accessible au l
283
cessible au lecteur français. Essayons de marquer
les
étapes de sa recherche. ⁂ Le protestantisme du début de ce siècle acc
284
Essayons de marquer les étapes de sa recherche. ⁂
Le
protestantisme du début de ce siècle accordait à la personne de Jésus
285
protestantisme du début de ce siècle accordait à
la
personne de Jésus une place à juste titre centrale, mais exclusive de
286
e centrale, mais exclusive de toute dogmatique. «
La
foi n’est pas une adhésion intellectuelle à des doctrines, mais la co
287
une adhésion intellectuelle à des doctrines, mais
la
communion avec le Christ vivant », répétaient les théologiens libérau
288
lectuelle à des doctrines, mais la communion avec
le
Christ vivant », répétaient les théologiens libéraux. La question éta
289
la communion avec le Christ vivant », répétaient
les
théologiens libéraux. La question était ainsi nettement posée : pour
290
st vivant », répétaient les théologiens libéraux.
La
question était ainsi nettement posée : pour devenir chrétien, il fall
291
chrétien, il fallait « rencontrer personnellement
le
Christ ». Mais comment cette rencontre pouvait-elle avoir lieu ? Deux
292
le avoir lieu ? Deux voies s’offraient : celle de
l’
histoire et celle de l’expérience religieuse. Prendre la voie de l’his
293
ies s’offraient : celle de l’histoire et celle de
l’
expérience religieuse. Prendre la voie de l’histoire, c’était d’abord
294
oire et celle de l’expérience religieuse. Prendre
la
voie de l’histoire, c’était d’abord chercher à s’approcher de l’homme
295
le de l’expérience religieuse. Prendre la voie de
l’
histoire, c’était d’abord chercher à s’approcher de l’homme Jésus tel
296
stoire, c’était d’abord chercher à s’approcher de
l’
homme Jésus tel que le décrivent les évangiles. Mais, dit M. Dominicé,
297
d chercher à s’approcher de l’homme Jésus tel que
le
décrivent les évangiles. Mais, dit M. Dominicé, deux obstacles très g
298
s’approcher de l’homme Jésus tel que le décrivent
les
évangiles. Mais, dit M. Dominicé, deux obstacles très graves se dress
299
ves se dressaient aussitôt. Le premier, c’étaient
les
miracles. Aussi bien, se méfiait-on de plus en plus de ces miracles,
300
r une personne morale dont on récusait par avance
les
actes caractéristiques ? N’était-ce point là selon le mot de Théodore
301
ctes caractéristiques ? N’était-ce point là selon
le
mot de Théodore Flournoy, tenter de « faire une guirlande en mettant
302
rs de rhétorique ? » Ce Jésus « reconstitué » par
les
historiens négateurs du surnaturel, M. Dominicé n’a pas de peine à mo
303
el et sans intérêt ». À mesure qu’elle humanisait
le
Christ sous prétexte de nous rapprocher de lui, l’histoire prêtait un
304
e Christ sous prétexte de nous rapprocher de lui,
l’
histoire prêtait une réalité insurmontable aux dix-neuf siècles qui no
305
ontable aux dix-neuf siècles qui nous séparent de
l’
Évangile. Du même coup, l’expérience religieuse, dialogue vivant avec
306
es qui nous séparent de l’Évangile. Du même coup,
l’
expérience religieuse, dialogue vivant avec le Christ des évangiles, s
307
up, l’expérience religieuse, dialogue vivant avec
le
Christ des évangiles, se réduisait à une contemplation de sa vie. Dan
308
e contemplation de sa vie. Dans cette difficulté,
le
jeune théologien interroge Calvin. Que trouve-t-il ? Des arguments, u
309
us sait tout incapables par nous-mêmes — mais sur
l’
amour de Dieu pour nous. C’est Dieu qui vient à nous, impies, non poin
310
Dieu qui vient à nous, impies, non point nous qui
le
rencontrons au terme d’une pieuse « élévation ». Et c’est le mystère
311
ons au terme d’une pieuse « élévation ». Et c’est
le
mystère du Dieu-homme (du Christ-Jésus) hors duquel toute communion e
312
quel toute communion est impossible. Mystère dont
l’
Évangile répète plusieurs fois : « Heureux celui qui ne s’en scandalis
313
per aux faux problèmes du modernisme et revenir à
l’
orthodoxie réformée. Non point comme on revient aux solutions toutes f
314
olutions toutes faites : plutôt comme on retrouve
la
véritable et profonde acuité d’une dialectique à résoudre en actes. C
315
ctique à résoudre en actes. C’est l’un des traits
les
plus frappants du Calvin commentateur des évangiles, tel que nous le
316
u Calvin commentateur des évangiles, tel que nous
le
restitue M. Dominicé, que cette insistance à mettre en lumière le « s
317
ominicé, que cette insistance à mettre en lumière
le
« scandale de Jésus » à seule fin de nous « enseigner à révérence ».
318
gner à révérence ». On peut dire dans ce sens que
l’
exégèse de Calvin est toute didactique : elle veut sans cesse transfor
319
cesse transformer nos questions en questions que
le
texte sacré nous adresse. Tout au contraire du critique moderne, qui
320
« exégèse d’obéissance » — il se laisse juger par
le
texte. On ne saurait imaginer rien de plus opposé au trop fameux « li
321
plus opposé au trop fameux « libre examen » dont
les
rationalistes ont voulu faire l’apanage du protestantisme. L’ouvrage
322
e examen » dont les rationalistes ont voulu faire
l’
apanage du protestantisme. L’ouvrage de M. Dominicé s’inspire évidemme
323
stes ont voulu faire l’apanage du protestantisme.
L’
ouvrage de M. Dominicé s’inspire évidemment des mêmes principes exégét
324
idemment des mêmes principes exégétiques. Certes,
l’
auteur n’est pas de ceux qui conçoivent le commentaire comme une effer
325
Certes, l’auteur n’est pas de ceux qui conçoivent
le
commentaire comme une effervescence lyrique autour d’un texte. Son su
326
qu’il suive à pas si prudents son modèle, et que
l’
admiration que lui inspire Calvin s’exprime en termes aussi respectueu
327
ne sera pas le dernier à souhaiter avec nous que
le
retour des doctrines du xvie siècle renouvelle jusque dans le style
328
doctrines du xvie siècle renouvelle jusque dans
le
style la verve créatrice de la Réforme. d. Rougemont Denis de, « [
329
s du xvie siècle renouvelle jusque dans le style
la
verve créatrice de la Réforme. d. Rougemont Denis de, « [Compte re
330
uvelle jusque dans le style la verve créatrice de
la
Réforme. d. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Max Dominicé, L’H
331
ougemont Denis de, « [Compte rendu] Max Dominicé,
L’
Humanité de Jésus d’après Calvin », Les Nouvelles littéraires, Paris,
332
Dominicé, L’Humanité de Jésus d’après Calvin »,
Les
Nouvelles littéraires, Paris, 24 mars 1934, p. 4.
333
’un protocole d’introduction des grands génies de
l’
étranger dans la culture de ce pays. La présentation d’un esprit de l’
334
introduction des grands génies de l’étranger dans
la
culture de ce pays. La présentation d’un esprit de l’envergure de Kie
335
génies de l’étranger dans la culture de ce pays.
La
présentation d’un esprit de l’envergure de Kierkegaard eut légitimé,
336
ulture de ce pays. La présentation d’un esprit de
l’
envergure de Kierkegaard eut légitimé, à elle seule, la création de ce
337
ergure de Kierkegaard eut légitimé, à elle seule,
la
création de cet Office et ses soins les plus diligents. Que d’impairs
338
lle seule, la création de cet Office et ses soins
les
plus diligents. Que d’impairs n’a-t-on pas commis à l’endroit de ce r
339
puis quelques années qu’on nous parle de lui dans
les
revues philosophiques et littéraires ! Probablement, il s’en fût amus
340
ement, il s’en fût amusé : tout ce qui touchait à
l’
opinion publique était pour lui bien proche de la mystification. Il eu
341
l’opinion publique était pour lui bien proche de
la
mystification. Il eut peut-être ri de se voir présenté tantôt comme a
342
tre du « fascisme français » ! (au camarade Nizan
l’
honneur de la trouvaille.) Mais il eût certainement protesté contre un
343
isme français » ! (au camarade Nizan l’honneur de
la
trouvaille.) Mais il eût certainement protesté contre une erreur qui
344
t protesté contre une erreur qui ne relève pas de
l’
interprétation partisane, mais d’un simple défaut d’information, et qu
345
ologue nihiliste, un esthète retors et tourmenté,
l’
ancêtre du gidisme et de l’« inquiétude » littéraire. Kierkegaard, ava
346
e retors et tourmenté, l’ancêtre du gidisme et de
l’
« inquiétude » littéraire. Kierkegaard, avant tout, est un chrétien ;
347
lle ; mais non pas un inquiet au sens moderne, et
le
contraire d’un esthète. Comme Nietzsche, avec lequel il a pas mal de
348
us laisse un ouvrage d’autocritique2 où il dégage
le
sens général de son œuvre. On peut y lire ceci, en matière d’introduc
349
comment peut-on devenir chrétien ? » Car, enfin,
l’
on ne naît pas chrétien. Des quelques œuvres traduites jusqu’ici, un p
350
es traduites jusqu’ici, un peu au hasard, il faut
l’
avouer, le Traité du désespoir 3 est de beaucoup la plus centrale, la
351
es jusqu’ici, un peu au hasard, il faut l’avouer,
le
Traité du désespoir 3 est de beaucoup la plus centrale, la plus révél
352
’avouer, le Traité du désespoir 3 est de beaucoup
la
plus centrale, la plus révélatrice, mais aussi la plus propre à créer
353
du désespoir 3 est de beaucoup la plus centrale,
la
plus révélatrice, mais aussi la plus propre à créer du malentendu. Le
354
la plus centrale, la plus révélatrice, mais aussi
la
plus propre à créer du malentendu. Le titre même, que lui a donné le
355
mais aussi la plus propre à créer du malentendu.
Le
titre même, que lui a donné le traducteur, prête à certaines confusio
356
éer du malentendu. Le titre même, que lui a donné
le
traducteur, prête à certaines confusions : l’œuvre, en danois, s’appe
357
nné le traducteur, prête à certaines confusions :
l’
œuvre, en danois, s’appelle La Maladie mortelle, et cette maladie, c’e
358
taines confusions : l’œuvre, en danois, s’appelle
La
Maladie mortelle, et cette maladie, c’est le péché. L’impitoyable maî
359
elle La Maladie mortelle, et cette maladie, c’est
le
péché. L’impitoyable maîtrise que Kierkegaard apporte dans l’analyse
360
ladie mortelle, et cette maladie, c’est le péché.
L’
impitoyable maîtrise que Kierkegaard apporte dans l’analyse psychologi
361
impitoyable maîtrise que Kierkegaard apporte dans
l’
analyse psychologique du désespoir, considéré comme une maladie univer
362
maladie universelle ne doit pas nous tromper sur
le
dessein du livre. Nul romantisme dans cette analyse, aucune exaltatio
363
curs. Au fond du désespoir, et quelles que soient
les
formes qu’il revête, du spleen banal jusqu’au péché contre l’esprit,
364
’il revête, du spleen banal jusqu’au péché contre
l’
esprit, jusqu’au refus d’être sauvé, il y a toujours une révolte de l’
365
efus d’être sauvé, il y a toujours une révolte de
l’
homme contre sa condition telle que Dieu l’a voulue, une négation du p
366
lte de l’homme contre sa condition telle que Dieu
l’
a voulue, une négation du paradoxe de l’Amour. L’universalité du déses
367
que Dieu l’a voulue, une négation du paradoxe de
l’
Amour. L’universalité du désespoir, qui est la thèse maîtresse de cett
368
l’a voulue, une négation du paradoxe de l’Amour.
L’
universalité du désespoir, qui est la thèse maîtresse de cette œuvre,
369
de l’Amour. L’universalité du désespoir, qui est
la
thèse maîtresse de cette œuvre, conduirait l’homme au nihilisme absol
370
est la thèse maîtresse de cette œuvre, conduirait
l’
homme au nihilisme absolu : mais ce péril est tout imaginaire. Car seu
371
lu : mais ce péril est tout imaginaire. Car seule
la
connaissance du salut promis par le Christ peut nous amener à l’aveu
372
re. Car seule la connaissance du salut promis par
le
Christ peut nous amener à l’aveu de la réalité de notre condition. Ai
373
du salut promis par le Christ peut nous amener à
l’
aveu de la réalité de notre condition. Ainsi, le chrétien, seul, conna
374
promis par le Christ peut nous amener à l’aveu de
la
réalité de notre condition. Ainsi, le chrétien, seul, connaît toute l
375
à l’aveu de la réalité de notre condition. Ainsi,
le
chrétien, seul, connaît toute la misère de l’homme : elle lui est rév
376
ondition. Ainsi, le chrétien, seul, connaît toute
la
misère de l’homme : elle lui est révélée par l’Évangile qui sauve. ⁂
377
si, le chrétien, seul, connaît toute la misère de
l’
homme : elle lui est révélée par l’Évangile qui sauve. ⁂ La lecture du
378
e la misère de l’homme : elle lui est révélée par
l’
Évangile qui sauve. ⁂ La lecture du Traité n’est pas des plus aisées.
379
elle lui est révélée par l’Évangile qui sauve. ⁂
La
lecture du Traité n’est pas des plus aisées. Les termes hégéliens qui
380
⁂ La lecture du Traité n’est pas des plus aisées.
Les
termes hégéliens qui abondent dans les premiers chapitres donnent à c
381
rence abstraite qui contraste singulièrement avec
le
réalisme brutal du sujet. Que le lecteur, pourtant, ne se laisse poin
382
gulièrement avec le réalisme brutal du sujet. Que
le
lecteur, pourtant, ne se laisse point arrêter par des définitions don
383
se laisse point arrêter par des définitions dont
la
substance, tôt après, se révèle admirablement concrète. Le génie fami
384
nce, tôt après, se révèle admirablement concrète.
Le
génie familier et ironique de Kierkegaard a créé dans cette œuvre une
385
fers de notre âme fait songer à Dostoïevski. Dans
La
Répétition 4, on trouvera confondus le poète, le philosophe, l’ironis
386
vski. Dans La Répétition 4, on trouvera confondus
le
poète, le philosophe, l’ironiste et le théologien. Kierkegaard nous m
387
La Répétition 4, on trouvera confondus le poète,
le
philosophe, l’ironiste et le théologien. Kierkegaard nous montre un h
388
4, on trouvera confondus le poète, le philosophe,
l’
ironiste et le théologien. Kierkegaard nous montre un homme aux prises
389
confondus le poète, le philosophe, l’ironiste et
le
théologien. Kierkegaard nous montre un homme aux prises avec un probl
390
problème sentimental douloureux, et qui cherche à
le
résoudre, d’abord par le plaisir, dans ses formes supérieures, puis p
391
oureux, et qui cherche à le résoudre, d’abord par
le
plaisir, dans ses formes supérieures, puis par la sagesse morale cour
392
le plaisir, dans ses formes supérieures, puis par
la
sagesse morale courante. L’un et l’autre le conduisent à des impasses
393
s par la sagesse morale courante. L’un et l’autre
le
conduisent à des impasses tragiques ; mais voici que Dieu intervient,
394
tragiques ; mais voici que Dieu intervient, avec
la
réponse terrible faite à Job. Et ce sont alors d’étranges et magnifiq
395
sont alors d’étranges et magnifiques lettres sur
la
détresse humaine devant Dieu, que le héros adresse à « son muet confi
396
lettres sur la détresse humaine devant Dieu, que
le
héros adresse à « son muet confident », l’auteur. Peut-être avons-nou
397
u, que le héros adresse à « son muet confident »,
l’
auteur. Peut-être avons-nous ici les pages les plus éloquentes et les
398
t confident », l’auteur. Peut-être avons-nous ici
les
pages les plus éloquentes et les plus irréfutables d’un penseur qui s
399
t », l’auteur. Peut-être avons-nous ici les pages
les
plus éloquentes et les plus irréfutables d’un penseur qui sut devance
400
e avons-nous ici les pages les plus éloquentes et
les
plus irréfutables d’un penseur qui sut devancer tous les problèmes de
401
s irréfutables d’un penseur qui sut devancer tous
les
problèmes de notre siècle. Le ton s’y élève à la hauteur de l’invecti
402
sut devancer tous les problèmes de notre siècle.
Le
ton s’y élève à la hauteur de l’invective prophétique : Plains-toi,
403
les problèmes de notre siècle. Le ton s’y élève à
la
hauteur de l’invective prophétique : Plains-toi, l’Éternel ne craint
404
de notre siècle. Le ton s’y élève à la hauteur de
l’
invective prophétique : Plains-toi, l’Éternel ne craint rien, il peut
405
hauteur de l’invective prophétique : Plains-toi,
l’
Éternel ne craint rien, il peut bien se défendre ; mais comment le pou
406
int rien, il peut bien se défendre ; mais comment
le
pourrait-il quand personne n’ose se plaindre comme il sied à un homme
407
plaindre comme il sied à un homme ? Parle, élève
la
voix, parle fort, Dieu peut bien parler plus fort, lui qui dispose du
408
rler plus fort, lui qui dispose du tonnerre. Mais
le
tonnerre est une réponse, une explication certaine, digne de foi, de
409
i, même si elle foudroie, est plus magnifique que
les
commérages et les potins sur la justice de la Providence inventés par
410
udroie, est plus magnifique que les commérages et
les
potins sur la justice de la Providence inventés par la sagesse humain
411
s magnifique que les commérages et les potins sur
la
justice de la Providence inventés par la sagesse humaine et colportés
412
ue les commérages et les potins sur la justice de
la
Providence inventés par la sagesse humaine et colportés par de vieill
413
tins sur la justice de la Providence inventés par
la
sagesse humaine et colportés par de vieilles bavardes et des eunuques
414
de Shakespeare que du piétisme sentimental et de
l’
unctio spiritualis des dévots… Mais plus près de Luther, aussi. Je me
415
oint que cet ouvrage ne mérite d’être lu par tous
les
amateurs de grand lyrisme intellectuel (le style admirable de ces pag
416
tous les amateurs de grand lyrisme intellectuel (
le
style admirable de ces pages a été rendu aussi bien qu’il était possi
417
s a été rendu aussi bien qu’il était possible par
le
traducteur). Mais il ne s’agit là que du premier volet d’un triptyque
418
r volet d’un triptyque dont il nous faut attendre
les
deux autres parties pour saisir la pleine signification. On trouvera,
419
faut attendre les deux autres parties pour saisir
la
pleine signification. On trouvera, d’ailleurs, une analyse détaillée
420
d’ailleurs, une analyse détaillée des Stades sur
le
chemin de la vie, dont In Vino Veritas constitue l’introduction, dans
421
une analyse détaillée des Stades sur le chemin de
la
vie, dont In Vino Veritas constitue l’introduction, dans l’étude biog
422
chemin de la vie, dont In Vino Veritas constitue
l’
introduction, dans l’étude biographique et critique de Carl Koch6, qui
423
nt In Vino Veritas constitue l’introduction, dans
l’
étude biographique et critique de Carl Koch6, qui vient combler la plu
424
ique et critique de Carl Koch6, qui vient combler
la
plus grave lacune de la littérature kierkegaardienne en France. On ne
425
Koch6, qui vient combler la plus grave lacune de
la
littérature kierkegaardienne en France. On ne saurait trop insister s
426
dienne en France. On ne saurait trop insister sur
l’
utilité de ce livre. Il rendra vaines, désormais, les introductions qu
427
utilité de ce livre. Il rendra vaines, désormais,
les
introductions que les différents traducteurs nous ont prodiguées jusq
428
l rendra vaines, désormais, les introductions que
les
différents traducteurs nous ont prodiguées jusqu’ici avec autant de s
429
ieusement. Surtout, il situera, définitivement je
l’
espère, la perspective dans laquelle il faut considérer l’ensemble des
430
Surtout, il situera, définitivement je l’espère,
la
perspective dans laquelle il faut considérer l’ensemble des écrits de
431
, la perspective dans laquelle il faut considérer
l’
ensemble des écrits de Kierkegaard, et qui est celle du Point de vue e
432
ard, et qui est celle du Point de vue explicatif.
Le
livre de Carl Koch est la démonstration de l’emprise que peut exercer
433
oint de vue explicatif. Le livre de Carl Koch est
la
démonstration de l’emprise que peut exercer Kierkegaard sur un chréti
434
if. Le livre de Carl Koch est la démonstration de
l’
emprise que peut exercer Kierkegaard sur un chrétien sincère, peu susp
435
hrétien sincère, peu suspect de complaisance pour
les
subtilités du « Séducteur », et qui n’a pas la tête philosophique. Ce
436
r les subtilités du « Séducteur », et qui n’a pas
la
tête philosophique. Cette monographie est à la fois la plus objective
437
te philosophique. Cette monographie est à la fois
la
plus objective et la plus sympathique qu’un « honnête homme » peut es
438
te monographie est à la fois la plus objective et
la
plus sympathique qu’un « honnête homme » peut espérer. Du mélange d’h
439
ur et d’angoisse insondable qui nous bouleverse à
la
lecture des Stades, on trouvera ici l’exposé judicieux, parfois même
440
uleverse à la lecture des Stades, on trouvera ici
l’
exposé judicieux, parfois même bonhomique : ce n’est pas le moindre pi
441
judicieux, parfois même bonhomique : ce n’est pas
le
moindre piquant du livre. Fallait-il souhaiter à Kierkegaard une intr
442
egaard une introduction plus systématique ? Je ne
le
pense pas. Kierkegaard est un événement. Voici un homme qui vient nou
443
vient nous dire, en toute simplicité, qu’il a vu
l’
événement, et qu’il en est encore tout remué. On le croira sans peine
444
’événement, et qu’il en est encore tout remué. On
le
croira sans peine : il n’a pas l’air d’avoir pu inventer ce qu’il rac
445
t pour nous que d’aller voir ce qui se passe dans
l’
œuvre du danois prophétique, ressuscité par l’angoisse moderne. Koch n
446
ans l’œuvre du danois prophétique, ressuscité par
l’
angoisse moderne. Koch n’a pas simplifié ce qui n’est pas simple chez
447
i n’est pas simple chez Kierkegaard. Mais il a su
le
décrire clairement et fidèlement, sans pédantisme et sans littérature
448
Trad. J. Gateau et K. Ferlov. Gallimard, collec.
Les
Essais. 4. Trad. P.-H. Tisseau (Alcan). 5. Trad. A. Babelon et C. L
449
Trad. A. Babelon et C. Lund (Éditions Cavalier).
Le
même ouvrage vient de paraître chez Alcan, traduit par P.-H. Tisseau,
450
P.-H. Tisseau, sous ce titre d’ailleurs inexact :
Le
Banquet. 6. Søren Kierkegaard, traduit du danois par A. Nicolet et
451
elques œuvres et une biographie de Kierkegaard »,
Les
Nouvelles littéraires, Paris, 26 mai 1934, p. 3.
452
Le
mouvement des groupes — Kagawa (4 août 1934)f Le « Mouvement des G
453
mouvement des groupes — Kagawa (4 août 1934)f
Le
« Mouvement des Groupes », ou Mouvement d’Oxford, est un des faits sp
454
est un des faits spirituels qui serviront à fixer
la
signification de notre époque. Son influence, limitée d’abord aux pay
455
is en Allemagne, en Suisse, à Paris même. Né dans
les
universités, il paraît destiné à répondre d’abord aux préoccupations
456
l y répond de telle sorte qu’il abolit rapidement
les
barrières convenues entre intellectuels, hommes d’affaires, prolétair
457
telier — et une grande vedette de music-hall dont
la
présence discrète n’étonna personne. De quoi s’agissait-il ? Ni de th
458
en commun des difficultés intimes, d’entrer dans
le
concret du christianisme. Une dizaine d’entre nous parlèrent, sans ar
459
excès d’aucune sorte. À plus d’une reprise, j’eus
l’
impression, qu’on a rarement de nos jours, d’entendre des gens dire la
460
a rarement de nos jours, d’entendre des gens dire
la
vérité sur eux-mêmes. Je sortis assez déçu, comme on sort en général
461
is assez déçu, comme on sort en général de toutes
les
rencontres prévues. Ce que je savais du Mouvement m’avait fait espére
462
des confessions sensationnelles. J’avais tort, et
l’
on s’en convaincra en lisant le petit livre d’Harold Begbie, Vies tran
463
. J’avais tort, et l’on s’en convaincra en lisant
le
petit livre d’Harold Begbie, Vies transformées 7, qui raconte les ori
464
d’Harold Begbie, Vies transformées 7, qui raconte
les
origines du Mouvement et cherche à décrire son esprit. Ce n’est pas l
465
ent et cherche à décrire son esprit. Ce n’est pas
le
meilleur livre qu’on ait écrit sur les Groupes. Mais enfin, c’est le
466
e n’est pas le meilleur livre qu’on ait écrit sur
les
Groupes. Mais enfin, c’est le seul qui existe en français, et il cont
467
u’on ait écrit sur les Groupes. Mais enfin, c’est
le
seul qui existe en français, et il contient un certain nombre de fait
468
de faits assez bouleversants pour qu’on passe sur
les
interprétations personnelles que nous en propose l’auteur. (Begbie es
469
interprétations personnelles que nous en propose
l’
auteur. (Begbie est un de ces « informateurs » brillants et cordiaux,
470
x, un peu trop souriants, comme on en trouve dans
les
pays anglo-saxons. On lui doit, entre autres, un ouvrage fameux sur l
471
On lui doit, entre autres, un ouvrage fameux sur
l’
Armée du salut.) Le Mouvement des Groupes est né après la guerre, de l
472
autres, un ouvrage fameux sur l’Armée du salut.)
Le
Mouvement des Groupes est né après la guerre, de l’activité purement
473
du salut.) Le Mouvement des Groupes est né après
la
guerre, de l’activité purement individuelle d’un jeune pasteur améric
474
Mouvement des Groupes est né après la guerre, de
l’
activité purement individuelle d’un jeune pasteur américain, Frank Buc
475
proprement géniale à penser abstraitement. » Dès
le
début sa pensée directrice est essentiellement personnaliste. La réno
476
sée directrice est essentiellement personnaliste.
La
rénovation de l’homme ne se fera jamais par le moyen de mouvements de
477
t essentiellement personnaliste. La rénovation de
l’
homme ne se fera jamais par le moyen de mouvements de masse, ni par de
478
e. La rénovation de l’homme ne se fera jamais par
le
moyen de mouvements de masse, ni par des organisations, ni par des co
479
itués mais par des hommes concrets, agissant dans
le
cercle concret de leur vie. La seule question qu’il y ait donc lieu d
480
ets, agissant dans le cercle concret de leur vie.
La
seule question qu’il y ait donc lieu de poser est celle-ci : comment
481
nc lieu de poser est celle-ci : comment atteindre
les
hommes dans le concret de leur existence ? Buchman constate la failli
482
est celle-ci : comment atteindre les hommes dans
le
concret de leur existence ? Buchman constate la faillite lamentable d
483
s le concret de leur existence ? Buchman constate
la
faillite lamentable de l’évangélisation standardisée à l’américaine,
484
ence ? Buchman constate la faillite lamentable de
l’
évangélisation standardisée à l’américaine, et de toutes les « méthode
485
ite lamentable de l’évangélisation standardisée à
l’
américaine, et de toutes les « méthodes morales », puritaines. Volonta
486
isation standardisée à l’américaine, et de toutes
les
« méthodes morales », puritaines. Volontaristes, pragmatistes, optimi
487
matistes, optimistes, scientifiques, etc. Il voit
la
réalité fondamentale du christianisme primitif dans le contact d’homm
488
alité fondamentale du christianisme primitif dans
le
contact d’homme à homme, dans la confession mutuelle des péchés et le
489
me primitif dans le contact d’homme à homme, dans
la
confession mutuelle des péchés et le « partage » (sharing) des grâces
490
homme, dans la confession mutuelle des péchés et
le
« partage » (sharing) des grâces reçues, il sait qu’on ne peut être c
491
nouvelle forme de pragmatisme américain. Dire que
la
foi n’est réelle que là où elle se réalise ne signifie pas qu’il fail
492
se ne signifie pas qu’il faille agir à tout prix.
L’
activiste moderne n’est souvent qu’un agité. Le philanthrope et le pur
493
x. L’activiste moderne n’est souvent qu’un agité.
Le
philanthrope et le puritain rigide ne sont souvent que des acteurs. S
494
rne n’est souvent qu’un agité. Le philanthrope et
le
puritain rigide ne sont souvent que des acteurs. Seule la foi peut no
495
ain rigide ne sont souvent que des acteurs. Seule
la
foi peut nous rendre actifs lorsqu’elle nous engage dans une relation
496
’elle nous engage dans une relation concrète avec
le
prochain. Mais comment s’engager dans cette relation ? L’erreur des c
497
ain. Mais comment s’engager dans cette relation ?
L’
erreur des chrétiens, trop souvent, c’est qu’ils s’efforcent d’endoctr
498
’efforcent d’endoctriner ceux qu’ils rencontrent.
Le
« partage » préconisé par Buchman ne ressemble pas à ces tentatives d
499
on de domicile moral. Pour entrer en contact avec
les
hommes, il n’y a qu’un moyen : c’est de leur ouvrir sa maison. D’où l
500
u’un moyen : c’est de leur ouvrir sa maison. D’où
les
confessions privées ou publiques, qui sont l’un des traits marquants
501
publiques, qui sont l’un des traits marquants de
l’
activité des Groupes. Qu’il y ait là un danger réel d’exhibitionnisme,
502
Qu’il y ait là un danger réel d’exhibitionnisme,
les
membres des Groupes ne sauraient le nier. Mais qu’il y ait là aussi l
503
bitionnisme, les membres des Groupes ne sauraient
le
nier. Mais qu’il y ait là aussi le moyen de faire tomber les barrière
504
s ne sauraient le nier. Mais qu’il y ait là aussi
le
moyen de faire tomber les barrières morales qui séparent nos contempo
505
ais qu’il y ait là aussi le moyen de faire tomber
les
barrières morales qui séparent nos contemporains, l’on s’en persuader
506
barrières morales qui séparent nos contemporains,
l’
on s’en persuadera facilement en lisant les récits de Begbie. Les disc
507
orains, l’on s’en persuadera facilement en lisant
les
récits de Begbie. Les disciples de Buchmann, — il refuserait cette ex
508
uadera facilement en lisant les récits de Begbie.
Les
disciples de Buchmann, — il refuserait cette expression — n’ont pas c
509
petites équipes. Ils voyagent beaucoup et vont où
l’
Esprit les appelle. Ils partent bien souvent sans autre raison que la
510
quipes. Ils voyagent beaucoup et vont où l’Esprit
les
appelle. Ils partent bien souvent sans autre raison que la certitude
511
e. Ils partent bien souvent sans autre raison que
la
certitude qui leur vient de pouvoir être utiles à tel endroit où Dieu
512
re utiles à tel endroit où Dieu leur dit d’aller.
La
chronique des rencontres miraculeuses qu’ils ont ainsi vécues remplir
513
tains récits du meilleur livre qu’on ait fait sur
le
Mouvement, For Sinners only (Pour les pécheurs seulement), de J. Russ
514
ait fait sur le Mouvement, For Sinners only (Pour
les
pécheurs seulement), de J. Russell, on découvre des possibilités huma
515
ussell, on découvre des possibilités humaines que
le
conformisme et la psychologie modernes semblaient avoir abolies dans
516
e des possibilités humaines que le conformisme et
la
psychologie modernes semblaient avoir abolies dans le monde. C’est l’
517
sychologie modernes semblaient avoir abolies dans
le
monde. C’est l’irruption de Dostoïevski dans la bourgeoisie bien-pens
518
nes semblaient avoir abolies dans le monde. C’est
l’
irruption de Dostoïevski dans la bourgeoisie bien-pensante. Le pittore
519
s le monde. C’est l’irruption de Dostoïevski dans
la
bourgeoisie bien-pensante. Le pittoresque, le pathétique de l’aventur
520
de Dostoïevski dans la bourgeoisie bien-pensante.
Le
pittoresque, le pathétique de l’aventure que vivent quotidiennement l
521
ans la bourgeoisie bien-pensante. Le pittoresque,
le
pathétique de l’aventure que vivent quotidiennement les membres des G
522
e bien-pensante. Le pittoresque, le pathétique de
l’
aventure que vivent quotidiennement les membres des Groupes pourraient
523
thétique de l’aventure que vivent quotidiennement
les
membres des Groupes pourraient devenir pour eux un danger assez grave
524
a là un risque indéniable : celui de naturaliser
la
foi, de s’attacher aux résultats visibles et frappants, de retomber a
525
ats visibles et frappants, de retomber ainsi dans
la
vieille croyance à la sanctification par les œuvres. Karl Barth et se
526
nts, de retomber ainsi dans la vieille croyance à
la
sanctification par les œuvres. Karl Barth et ses amis n’ont pas manqu
527
dans la vieille croyance à la sanctification par
les
œuvres. Karl Barth et ses amis n’ont pas manqué de critiquer vivement
528
rtaines des suppositions théologiques qu’implique
l’
attitude de Buchman. Car ce n’est pas assez que de se refuser à parler
529
e garder de vivre une théologie équivoque. À quoi
les
membres du Mouvement des Groupes peuvent répondre que leur œuvre se d
530
hise, d’autocritique, de sobriété spirituelle qui
la
préserve de la plupart des excès qu’on imagine. Peut-être la plus sûr
531
de la plupart des excès qu’on imagine. Peut-être
la
plus sûre leçon des Groupes est-elle dans leur vision concrète de l’h
532
des Groupes est-elle dans leur vision concrète de
l’
homme et de l’action de Dieu sur l’homme. Dans l’incroyable verbalisme
533
t-elle dans leur vision concrète de l’homme et de
l’
action de Dieu sur l’homme. Dans l’incroyable verbalisme de notre temp
534
on concrète de l’homme et de l’action de Dieu sur
l’
homme. Dans l’incroyable verbalisme de notre temps, dans cet embouteil
535
l’homme et de l’action de Dieu sur l’homme. Dans
l’
incroyable verbalisme de notre temps, dans cet embouteillage de doctri
536
e doctrines et de programmes où nous sommes pris,
le
seul message utile est celui qui nous révèle une tâche proche, des ho
537
che, des hommes pour lesquels nous puissions être
le
prochain. Et quand ce livre n’aurait pas d’autre valeur, il a celle-l
538
l a celle-là, qui compte, de nous montrer comment
les
hommes de ce temps peuvent devenir des hommes réels. ⁂ Il se peut que
539
ir des hommes réels. ⁂ Il se peut que Kagawa soit
l’
homme le plus réel d’aujourd’hui. Je dirais qu’il est le plus grand, s
540
ommes réels. ⁂ Il se peut que Kagawa soit l’homme
le
plus réel d’aujourd’hui. Je dirais qu’il est le plus grand, si la mes
541
e le plus réel d’aujourd’hui. Je dirais qu’il est
le
plus grand, si la mesure de la grandeur, dans sa vision, n’était pas
542
ujourd’hui. Je dirais qu’il est le plus grand, si
la
mesure de la grandeur, dans sa vision, n’était pas exclusivement dans
543
e dirais qu’il est le plus grand, si la mesure de
la
grandeur, dans sa vision, n’était pas exclusivement dans la réalité q
544
r, dans sa vision, n’était pas exclusivement dans
la
réalité qu’un homme incarne. Qui le connaît en France ? Claudel, quel
545
sivement dans la réalité qu’un homme incarne. Qui
le
connaît en France ? Claudel, quelques revues protestantes en ont parl
546
ignorent quelques-uns des événements décisifs de
l’
histoire contemporaine. Kagawa est le chef du Jeune Japon, l’écrivain
547
décisifs de l’histoire contemporaine. Kagawa est
le
chef du Jeune Japon, l’écrivain le plus fécond et le plus populaire d
548
contemporaine. Kagawa est le chef du Jeune Japon,
l’
écrivain le plus fécond et le plus populaire de son pays, une puissanc
549
ne. Kagawa est le chef du Jeune Japon, l’écrivain
le
plus fécond et le plus populaire de son pays, une puissance sociale e
550
chef du Jeune Japon, l’écrivain le plus fécond et
le
plus populaire de son pays, une puissance sociale et religieuse dont
551
on pays, une puissance sociale et religieuse dont
l’
Occident ne connaît pas d’exemple. Un récit autobiographique et romanc
552
extraits de ses œuvres8. Fils d’un conseiller de
l’
empereur et d’une danseuse, Kagawa se convertit au christianisme penda
553
s et déclare renoncer à toute fortune. Sa famille
le
destitue de ses privilèges aristocratiques. Il embrasse la pauvreté,
554
ue de ses privilèges aristocratiques. Il embrasse
la
pauvreté, s’enfonce dans les slums de Kobé, décide qu’il n’aura pas d
555
ratiques. Il embrasse la pauvreté, s’enfonce dans
les
slums de Kobé, décide qu’il n’aura pas d’habitation plus vaste que ce
556
s hôtes sont un galeux, un alcoolique qu’il nomme
la
« statue de cuivre » à cause de son immobilité presque totale, et un
557
on immobilité presque totale, et un assassin dont
les
nuits sont hantées par les apparitions de sa victime. Ils dorment côt
558
e, et un assassin dont les nuits sont hantées par
les
apparitions de sa victime. Ils dorment côte à côte. D’autres viennent
559
côte à côte. D’autres viennent : il faut écarter
les
parois de la pièce pour permettre à chacun de se coucher. Kagawa les
560
D’autres viennent : il faut écarter les parois de
la
pièce pour permettre à chacun de se coucher. Kagawa les nourrit de so
561
èce pour permettre à chacun de se coucher. Kagawa
les
nourrit de son travail. Parfois, ils se révoltent contre sa bonté sou
562
selle, lui tirent dessus. Il s’échappe et revient
le
lendemain. Il prêche dans le quartier des prostituées, souvent lapidé
563
s’échappe et revient le lendemain. Il prêche dans
le
quartier des prostituées, souvent lapidé. Épuisé par la tuberculose e
564
rtier des prostituées, souvent lapidé. Épuisé par
la
tuberculose et une maladie des yeux, il arrive qu’il s’effondre penda
565
pendant ses discours. Il écrit une Psychologie de
la
pauvreté et un roman dont le tirage atteint 250 000 exemplaires. Son
566
t une Psychologie de la pauvreté et un roman dont
le
tirage atteint 250 000 exemplaires. Son œuvre s’étend dans les slums.
567
teint 250 000 exemplaires. Son œuvre s’étend dans
les
slums. Mais à ce moment le machinisme s’introduit au Japon, augmentan
568
on œuvre s’étend dans les slums. Mais à ce moment
le
machinisme s’introduit au Japon, augmentant la misère avec le nombre
569
nt le machinisme s’introduit au Japon, augmentant
la
misère avec le nombre des ouvriers. Kagawa fonde la fédération japona
570
e s’introduit au Japon, augmentant la misère avec
le
nombre des ouvriers. Kagawa fonde la fédération japonaise du travail
571
misère avec le nombre des ouvriers. Kagawa fonde
la
fédération japonaise du travail et prend la tête du mouvement ouvrier
572
fonde la fédération japonaise du travail et prend
la
tête du mouvement ouvrier. Il conduit une première grève de 30 000 do
573
ève de 30 000 dockers et rédige leur manifeste. «
Les
ouvriers sont des êtres humains et non pas des articles dont on trafi
574
rafique suivant une échelle de salaires basés sur
l’
état du marché. » On le met en prison. Il y écrit en treize jours un r
575
elle de salaires basés sur l’état du marché. » On
le
met en prison. Il y écrit en treize jours un roman : L’Archer tirant
576
en prison. Il y écrit en treize jours un roman :
L’
Archer tirant contre le soleil. Accueilli à sa sortie de prison par un
577
en treize jours un roman : L’Archer tirant contre
le
soleil. Accueilli à sa sortie de prison par une foule en fête, il ent
578
te, il entraîne une centaine d’enfants au bord de
la
mer pour célébrer la liberté. Sa ligne de bataille s’étend. Il crée l
579
entaine d’enfants au bord de la mer pour célébrer
la
liberté. Sa ligne de bataille s’étend. Il crée l’Union des paysans. I
580
la liberté. Sa ligne de bataille s’étend. Il crée
l’
Union des paysans. Il évangélise. Il devient le « fou du Christ ». À p
581
ée l’Union des paysans. Il évangélise. Il devient
le
« fou du Christ ». À peine a-t-il réussi à faire reconnaître légaleme
582
eine a-t-il réussi à faire reconnaître légalement
le
syndicalisme qu’il a créé, le voilà qui lance une campagne pour la ch
583
onnaître légalement le syndicalisme qu’il a créé,
le
voilà qui lance une campagne pour la christianisation du Japon, une a
584
u’il a créé, le voilà qui lance une campagne pour
la
christianisation du Japon, une autre contre la guerre de Chine. « La
585
ur la christianisation du Japon, une autre contre
la
guerre de Chine. « La société contemporaine est une invalide, mentale
586
du Japon, une autre contre la guerre de Chine. «
La
société contemporaine est une invalide, mentalement dégénérée, écrit-
587
st une invalide, mentalement dégénérée, écrit-il.
Les
banques, l’armée, les maisons de prostitution, les cabarets, les maga
588
de, mentalement dégénérée, écrit-il. Les banques,
l’
armée, les maisons de prostitution, les cabarets, les magasins de taba
589
lement dégénérée, écrit-il. Les banques, l’armée,
les
maisons de prostitution, les cabarets, les magasins de tabac, les jou
590
es banques, l’armée, les maisons de prostitution,
les
cabarets, les magasins de tabac, les journaux, ne sont-ils pas autant
591
armée, les maisons de prostitution, les cabarets,
les
magasins de tabac, les journaux, ne sont-ils pas autant de symptômes
592
rostitution, les cabarets, les magasins de tabac,
les
journaux, ne sont-ils pas autant de symptômes d’aliénation mentale ?
593
ls pas autant de symptômes d’aliénation mentale ?
La
société de nos jours manifeste une tendance au crime. Elle est devenu
594
le est devenue folle par sa faute, Dieu seul peut
la
guérir. » Les marxistes n’aiment pas ce radicalisme, qui n’est pas co
595
e folle par sa faute, Dieu seul peut la guérir. »
Les
marxistes n’aiment pas ce radicalisme, qui n’est pas conforme à leur
596
isme, qui n’est pas conforme à leur doctrine. Ils
l’
attaquent violemment : « Enterrez-le ! Enterrez Kagawa ! », proclame l
597
doctrine. Ils l’attaquent violemment : « Enterrez-
le
! Enterrez Kagawa ! », proclame le parti communiste de Kobé en 1925.
598
t : « Enterrez-le ! Enterrez Kagawa ! », proclame
le
parti communiste de Kobé en 1925. Et quelques années plus tard, une l
599
où elle reprend des termes semblables : « Brûlez-
le
, brûlez Kagawa ! C’est un révolutionnaire redoutable. » Ainsi criait-
600
olutionnaire redoutable. » Ainsi criait-on contre
les
prophètes. Kagawa est aussi un grand mystique, c’est-à-dire un grand
601
i un grand mystique, c’est-à-dire un grand poète.
Le
livre d’Axling nous donne d’admirables citations de ses Méditations.
602
nne d’admirables citations de ses Méditations. Si
les
romans de Kagawa l’ont fait comparer à Gorki, ses poèmes en prose son
603
tions de ses Méditations. Si les romans de Kagawa
l’
ont fait comparer à Gorki, ses poèmes en prose sont d’un franciscain.
604
in. Il y a en lui un amour des objets, un sens de
la
nature, une compréhension des symboles qui appartiennent au génie jap
605
artiennent au génie japonais tel que Claudel nous
l’
a décrit, mais auquel le génie chrétien ajoute une dimension humaine p
606
nais tel que Claudel nous l’a décrit, mais auquel
le
génie chrétien ajoute une dimension humaine particulièrement émouvant
607
. Vies transformées, par Harold Begbie, trad. de
l’
anglais par D. Junod (La Concorde). 8. Kagawa, par William AxIing, t
608
r Harold Begbie, trad. de l’anglais par D. Junod (
La
Concorde). 8. Kagawa, par William AxIing, trad. de l’anglais par H.
609
corde). 8. Kagawa, par William AxIing, trad. de
l’
anglais par H. Ecuyer (La Concorde). f. Rougemont Denis de, « Le Mou
610
William AxIing, trad. de l’anglais par H. Ecuyer (
La
Concorde). f. Rougemont Denis de, « Le Mouvement des Groupes. — Kag
611
Ecuyer (La Concorde). f. Rougemont Denis de, «
Le
Mouvement des Groupes. — Kagawa », Les Nouvelles littéraires, Paris,
612
Denis de, « Le Mouvement des Groupes. — Kagawa »,
Les
Nouvelles littéraires, Paris, 4 août 1934, p. 3. g. Comme l’indique
613
littéraires, Paris, 4 août 1934, p. 3. g. Comme
l’
indique la note, il s’agit d’Avant l’aube (Éditions « Je sers ») dont
614
es, Paris, 4 août 1934, p. 3. g. Comme l’indique
la
note, il s’agit d’Avant l’aube (Éditions « Je sers ») dont Rougemont
615
3. g. Comme l’indique la note, il s’agit d’Avant
l’
aube (Éditions « Je sers ») dont Rougemont donne une recension dans Fo
616
éraire ? Je détiendrais volontiers celui-ci : que
le
roman est un genre protestant. — Et Balzac ? dites-vous, car vous ête
617
ous êtes Français. Eh bien, Balzac n’est pas tout
le
roman. Il n’est même pas tout le roman français. Balzac, c’est le rom
618
c n’est pas tout le roman. Il n’est même pas tout
le
roman français. Balzac, c’est le roman social. Balzac — et Stendhal,
619
st même pas tout le roman français. Balzac, c’est
le
roman social. Balzac — et Stendhal, bien sûr — ce sera l’honorable, l
620
social. Balzac — et Stendhal, bien sûr — ce sera
l’
honorable, la géniale exception. Il me reste à vous démontrer, ce qui
621
ac — et Stendhal, bien sûr — ce sera l’honorable,
la
géniale exception. Il me reste à vous démontrer, ce qui n’est pas tro
622
et Tolstoï sont plus protestants qu’on ne croit.
Le
reste est évident. — Quel reste ? — Les Anglais, les Allemands, les S
623
ne croit. Le reste est évident. — Quel reste ? —
Les
Anglais, les Allemands, les Scandinaves, et le roman d’analyse frança
624
reste est évident. — Quel reste ? — Les Anglais,
les
Allemands, les Scandinaves, et le roman d’analyse français, de Rousse
625
ent. — Quel reste ? — Les Anglais, les Allemands,
les
Scandinaves, et le roman d’analyse français, de Rousseau jusqu’à Gide
626
— Les Anglais, les Allemands, les Scandinaves, et
le
roman d’analyse français, de Rousseau jusqu’à Gide, en passant par Co
627
, vous ne voyez que Balzac et Zola. Je vois aussi
le
pasteur Sterne, le Goethe des Affinités, Jacobsen, George Eliot et le
628
Balzac et Zola. Je vois aussi le pasteur Sterne,
le
Goethe des Affinités, Jacobsen, George Eliot et les sœurs Brontë, Dic
629
e Goethe des Affinités, Jacobsen, George Eliot et
les
sœurs Brontë, Dickens, Strindberg, Hamsun et Lagerlöf, Henry James, G
630
faut-il pour faire un roman ? Des caractères, de
la
vie intérieure, une morale qui mette des obstacles et qui crée des co
631
stacles et qui crée des conflits dramatiques dans
les
vies les plus dépourvues d’apparences. N’est-ce point-là l’image habi
632
t qui crée des conflits dramatiques dans les vies
les
plus dépourvues d’apparences. N’est-ce point-là l’image habituelle qu
633
s plus dépourvues d’apparences. N’est-ce point-là
l’
image habituelle que l’on se fait de nos climats ? Et voici un dernier
634
arences. N’est-ce point-là l’image habituelle que
l’
on se fait de nos climats ? Et voici un dernier argument. Prenez une l
635
y a qu’un million de réformés en France. Imaginez
la
proportion si l’édit de Nantes n’avait pas été révoqué ! — Je vous ac
636
de réformés en France. Imaginez la proportion si
l’
édit de Nantes n’avait pas été révoqué ! — Je vous accorde volontiers
637
avantage y voyez-vous pour votre foi ? — Oh ! Pas
le
moindre ! Je constate un fait. Mais laissons là le paradoxe. Vous n’i
638
e moindre ! Je constate un fait. Mais laissons là
le
paradoxe. Vous n’ignorez pas plus que moi que la plupart des romancie
639
a plupart des romanciers dont j’allais vous citer
les
noms n’ont guère de protestant que l’origine, et quelques tics de psy
640
vous citer les noms n’ont guère de protestant que
l’
origine, et quelques tics de psychologues. Ils sont, comme l’on dit «
641
et quelques tics de psychologues. Ils sont, comme
l’
on dit « sortis du protestantisme » ; « sortis » est bien le mot ! C’e
642
sortis du protestantisme » ; « sortis » est bien
le
mot ! C’est-à-dire qu’ils n’ont pas de foi, et qu’est-ce qu’un protes
643
rcheriez en vain un roman véritablement chrétien.
La
Porte étroite ne décrit guère qu’une aberration janséniste. Et je ne
644
e qu’une aberration janséniste. Et je ne retrouve
le
calvinisme véritable que dans l’Adam et Ève de Ramuz, mais Ramuz acce
645
t je ne retrouve le calvinisme véritable que dans
l’
Adam et Ève de Ramuz, mais Ramuz accepterait-il une étiquette aussi co
646
Sara Alelia, de Mme Hildur Dixelius. On vient de
le
traduire du suédois9. ⁂ Qu’est-ce qu’un roman chrétien ? Une histoire
647
» ? Il n’y aurait pas de roman. Une histoire dont
le
personnage principal est « la main du Seigneur », ou encore « l’inson
648
. Une histoire dont le personnage principal est «
la
main du Seigneur », ou encore « l’insondable Providence » mise en act
649
rincipal est « la main du Seigneur », ou encore «
l’
insondable Providence » mise en action au gré d’un moraliste qui se do
650
mise en action au gré d’un moraliste qui se donne
l’
air de l’avoir bel et bien sondée ? Ce serait un conte bleu, ou un vol
651
ction au gré d’un moraliste qui se donne l’air de
l’
avoir bel et bien sondée ? Ce serait un conte bleu, ou un volume de la
652
sondée ? Ce serait un conte bleu, ou un volume de
la
Bibliothèque Rose. Est-ce une histoire qui finit bien, comme le croya
653
e Rose. Est-ce une histoire qui finit bien, comme
le
croyaient les écrivains anglais du xixe siècle — en conséquence de q
654
e une histoire qui finit bien, comme le croyaient
les
écrivains anglais du xixe siècle — en conséquence de quoi les romans
655
anglais du xixe siècle — en conséquence de quoi
les
romans des « païens », d’un Thomas Hardy, par exemple, se devaient de
656
vaient de finir aussi mal que possible ? Non, car
le
christianisme se passe dans cette vie ou bien n’est pas le christiani
657
ianisme se passe dans cette vie ou bien n’est pas
le
christianisme. Et l’on serait en droit de prétendre qu’un roman pessi
658
cette vie ou bien n’est pas le christianisme. Et
l’
on serait en droit de prétendre qu’un roman pessimiste à la Thomas Har
659
it en droit de prétendre qu’un roman pessimiste à
la
Thomas Hardy a plus de chances d’être chrétien qu’un quelconque happy
660
appy end soi-disant édifiant s’il est certain que
l’
Évangile et ses promesses de salut sont seuls capables de donner à l’h
661
romesses de salut sont seuls capables de donner à
l’
homme une vision réaliste de son sort terrestre, et le sobre courage d
662
mme une vision réaliste de son sort terrestre, et
le
sobre courage d’avouer sa dégradation. Un vrai roman chrétien est d’a
663
est d’abord réaliste. Car il faut bien connaître
la
nature et ses abîmes, si l’on veut être à même d’y voir les marques d
664
l faut bien connaître la nature et ses abîmes, si
l’
on veut être à même d’y voir les marques du surnaturel. La grâce n’int
665
et ses abîmes, si l’on veut être à même d’y voir
les
marques du surnaturel. La grâce n’intervient pas ailleurs que dans l’
666
t être à même d’y voir les marques du surnaturel.
La
grâce n’intervient pas ailleurs que dans l’« abîme ». On la pressent
667
urel. La grâce n’intervient pas ailleurs que dans
l’
« abîme ». On la pressent d’abord dans l’œuvre d’art à certaine qualit
668
’intervient pas ailleurs que dans l’« abîme ». On
la
pressent d’abord dans l’œuvre d’art à certaine qualité du pessimisme
669
que dans l’« abîme ». On la pressent d’abord dans
l’
œuvre d’art à certaine qualité du pessimisme qui s’en dégage : pessimi
670
e et désespoir jamais complaisant à lui-même, car
l’
aveu même qu’on en fait est la preuve qu’on l’a traversé, et qu’on a s
671
ant à lui-même, car l’aveu même qu’on en fait est
la
preuve qu’on l’a traversé, et qu’on a saisi l’espérance qui le transc
672
car l’aveu même qu’on en fait est la preuve qu’on
l’
a traversé, et qu’on a saisi l’espérance qui le transcende et qui le j
673
st la preuve qu’on l’a traversé, et qu’on a saisi
l’
espérance qui le transcende et qui le juge. On a dit de Sara Alelia qu
674
on l’a traversé, et qu’on a saisi l’espérance qui
le
transcende et qui le juge. On a dit de Sara Alelia que c’est un roman
675
u’on a saisi l’espérance qui le transcende et qui
le
juge. On a dit de Sara Alelia que c’est un roman de la grâce : oui, m
676
ge. On a dit de Sara Alelia que c’est un roman de
la
grâce : oui, mais c’est aussi, et d’abord, un roman de la perdition.
677
: oui, mais c’est aussi, et d’abord, un roman de
la
perdition. J’y vois une suite d’illustrations vivantes du fameux para
678
du fameux paradoxe luthérien qui est au centre de
la
Réforme : simul peccator et justus. Kierkegaard nous rappelle que pou
679
justus. Kierkegaard nous rappelle que pour aider
les
hommes, il faut d’abord les trouver là où ils sont. Ainsi ce livre es
680
ppelle que pour aider les hommes, il faut d’abord
les
trouver là où ils sont. Ainsi ce livre est consolant, parce qu’il ne
681
ce qu’il vient nous prendre où nous sommes. C’est
le
charme profond de Selma Lagerlöf qui revit dans ces peintures d’une L
682
e, je veux dire moins d’apparent lyrisme que chez
l’
auteur de Gösta Berling ; mais une sobriété qui vous saisit le cœur, à
683
Gösta Berling ; mais une sobriété qui vous saisit
le
cœur, à chaque page. Toute une vie de femme se déroule sur un rythme
684
une sainte. Elle a péché gravement, elle a touché
le
fond de la détresse humaine. C’est un vieux pasteur un peu ivrogne, u
685
Elle a péché gravement, elle a touché le fond de
la
détresse humaine. C’est un vieux pasteur un peu ivrogne, un vieil our
686
un vieil ours intraitable, toujours dressé contre
les
conventions civilisées — inoubliable création, ce Norenius ! — qui pr
687
r. Puis une grâce vient dans sa vie, et désormais
l’
accompagne en secret tout au long de cette chronique. On voit naître e
688
hronique. On voit naître et grandir un fils, puis
les
enfants d’une troisième génération. (C’est un des grands pouvoirs des
689
pouvoirs des romanciers du Nord que d’introduire
la
durée d’une vie comme protagoniste du drame.) Des fragments du journa
690
agments du journal de Sara commentent et rythment
le
déroulement de cette légende de la vie quotidienne. Vie quotidienne,
691
nt et rythment le déroulement de cette légende de
la
vie quotidienne. Vie quotidienne, réalisme, pessimisme. Je vois bien
692
e quotidienne, réalisme, pessimisme. Je vois bien
les
malentendus que font naître ces expressions dans nos esprits encore m
693
és naturalistes. On a voulu nous faire croire que
la
vie quotidienne était le contraire de la poésie, et qu’être réaliste
694
lu nous faire croire que la vie quotidienne était
le
contraire de la poésie, et qu’être réaliste c’était ne rien voir d’au
695
oire que la vie quotidienne était le contraire de
la
poésie, et qu’être réaliste c’était ne rien voir d’autre que le sexe
696
qu’être réaliste c’était ne rien voir d’autre que
le
sexe et l’argent dans l’existence humaine. Cette espèce de naturalism
697
liste c’était ne rien voir d’autre que le sexe et
l’
argent dans l’existence humaine. Cette espèce de naturalisme est le fr
698
ne rien voir d’autre que le sexe et l’argent dans
l’
existence humaine. Cette espèce de naturalisme est le fruit d’un resse
699
xistence humaine. Cette espèce de naturalisme est
le
fruit d’un ressentiment que les excès idéalistes expliquent sans le l
700
de naturalisme est le fruit d’un ressentiment que
les
excès idéalistes expliquent sans le légitimer. L’homme n’est pas un a
701
entiment que les excès idéalistes expliquent sans
le
légitimer. L’homme n’est pas un ange, c’est entendu, mais ne dites pa
702
es excès idéalistes expliquent sans le légitimer.
L’
homme n’est pas un ange, c’est entendu, mais ne dites pas qu’il n’est
703
ie qui naît des faits, jamais d’un commentaire de
l’
auteur. La danse de la petite Eva Margareta, chaussée de galoches trop
704
t des faits, jamais d’un commentaire de l’auteur.
La
danse de la petite Eva Margareta, chaussée de galoches trop grandes,
705
jamais d’un commentaire de l’auteur. La danse de
la
petite Eva Margareta, chaussée de galoches trop grandes, dans le taud
706
argareta, chaussée de galoches trop grandes, dans
le
taudis où son vieux père se saoule et sacre, dix autres scènes enfant
707
a réalité : elle dépend du regard qu’on porte sur
le
monde. Le regard « objectif » de nos naturalistes appauvrit tout, fau
708
: elle dépend du regard qu’on porte sur le monde.
Le
regard « objectif » de nos naturalistes appauvrit tout, faute de voul
709
tout, faute de vouloir imaginer. Ils croient voir
l’
existence réelle alors qu’ils décrivent simplement l’impuissance de le
710
xistence réelle alors qu’ils décrivent simplement
l’
impuissance de leur propre cœur. Le regard « réaliste » de Hildur Dixe
711
ent simplement l’impuissance de leur propre cœur.
Le
regard « réaliste » de Hildur Dixetius a su voir dans la vie quotidie
712
rd « réaliste » de Hildur Dixetius a su voir dans
la
vie quotidienne des drames singuliers, de bizarres et profondes folie
713
ames singuliers, de bizarres et profondes folies,
l’
originalité bouleversante des êtres, qu’il s’agisse d’un grand évêque
714
e visage de belette » qui enterre son enfant dans
la
neige avec une sorte d’innocence animale. La superstition rôde dans c
715
dans la neige avec une sorte d’innocence animale.
La
superstition rôde dans ces campagnes désertiques ; il y a des fous, d
716
s, des femmes possédées ; des ivrognes qui citent
les
Écritures ; peut-être aussi des saints, mais qu’on ignore et qui s’ig
717
ignore et qui s’ignorent. Partout et jusque dans
les
choses, un mystère inquiétant se révèle aux yeux de celui qui sait vo
718
menacées, harmonieuses ou durement rabrouées par
le
sort, « la neige tombe, effaçant toutes traces », symbole d’une misér
719
harmonieuses ou durement rabrouées par le sort, «
la
neige tombe, effaçant toutes traces », symbole d’une miséricorde lumi
720
miséricorde lumineuse, dont on dirait qu’elle est
le
vrai sujet de ce grand livre. Le silence à peu près général de la cri
721
rait qu’elle est le vrai sujet de ce grand livre.
Le
silence à peu près général de la critique à propos d’une telle œuvre
722
ce grand livre. Le silence à peu près général de
la
critique à propos d’une telle œuvre donnerait lieu à des conclusions
723
nerait lieu à des conclusions amères. Amères pour
la
critique surtout, je crois. Car Sara Alelia trouvera son public ; c’e
724
Alelia trouvera son public ; c’est un livre qui a
le
temps pour lui. 9. Hildur Dixelius von Aster : Sara Alelia, traduit
725
mpte rendu] Au sujet d’un roman : Sara Alelia »,
Les
Nouvelles littéraires, Paris, 3 novembre 1934, p. 3. i. Une note de
726
e plus courte du même roman a également paru dans
le
Journal de Genève du 25 mai 1934.
727
Une histoire de
la
Réforme en France (15 décembre 1934)j Certes, la grandeur d’une Ég
728
Réforme en France (15 décembre 1934)j Certes,
la
grandeur d’une Église et sa force ne résident pas dans son histoire,
729
histoire, mais dans sa vérité, c’est-à-dire dans
l’
objet de sa foi. Mais de cette force et de cette grandeur il est permi
730
et de cette grandeur il est permis de rechercher
les
témoignages dans l’ordre de la civilisation, et il est légitime d’en
731
il est permis de rechercher les témoignages dans
l’
ordre de la civilisation, et il est légitime d’en restaurer la mémoire
732
mis de rechercher les témoignages dans l’ordre de
la
civilisation, et il est légitime d’en restaurer la mémoire, pourvu qu
733
a civilisation, et il est légitime d’en restaurer
la
mémoire, pourvu que l’on n’y cherche pas de vains prétextes à se glor
734
st légitime d’en restaurer la mémoire, pourvu que
l’
on n’y cherche pas de vains prétextes à se glorifier d’un passé bien p
735
, et dont il resterait à prouver qu’on est digne.
Le
meilleur moyen d’éviter ce danger serait sans doute d’envisager l’his
736
d’éviter ce danger serait sans doute d’envisager
l’
histoire d’une religion dans la perspective de sa théologie ; le rappe
737
doute d’envisager l’histoire d’une religion dans
la
perspective de sa théologie ; le rappel constant du dogme suffirait,
738
ne religion dans la perspective de sa théologie ;
le
rappel constant du dogme suffirait, dans le cas de l’Église protestan
739
gie ; le rappel constant du dogme suffirait, dans
le
cas de l’Église protestante, à rétablir la valeur relative des faits,
740
appel constant du dogme suffirait, dans le cas de
l’
Église protestante, à rétablir la valeur relative des faits, valeur de
741
, dans le cas de l’Église protestante, à rétablir
la
valeur relative des faits, valeur de témoignage, sans cesse rapportée
742
its, valeur de témoignage, sans cesse rapportée à
la
foi, dont Dieu seul juge. John Viénot — qui vient de mourir presque e
743
dopté un parti tout différent, et c’est peut-être
le
seul reproche sérieux que je me sente le droit de formuler devant sa
744
eut-être le seul reproche sérieux que je me sente
le
droit de formuler devant sa monumentale Histoire de la Réforme frança
745
oit de formuler devant sa monumentale Histoire de
la
Réforme française. Plus encore que le premier tome de cet ouvrage (de
746
ue le premier tome de cet ouvrage (des origines à
l’
édit de Nantes), le second tome qui vient de paraître10 témoigne de la
747
e second tome qui vient de paraître10 témoigne de
la
volonté qu’avait l’auteur de ne décrire que les effets sociaux, polit
748
ent de paraître10 témoigne de la volonté qu’avait
l’
auteur de ne décrire que les effets sociaux, politiques et culturels d
749
de la volonté qu’avait l’auteur de ne décrire que
les
effets sociaux, politiques et culturels de la Réforme, sans les rappo
750
ue les effets sociaux, politiques et culturels de
la
Réforme, sans les rapporter à l’évolution parallèle du dogme dans l’É
751
iaux, politiques et culturels de la Réforme, sans
les
rapporter à l’évolution parallèle du dogme dans l’Église. De même, Jo
752
et culturels de la Réforme, sans les rapporter à
l’
évolution parallèle du dogme dans l’Église. De même, John Viénot laiss
753
s rapporter à l’évolution parallèle du dogme dans
l’
Église. De même, John Viénot laisse délibérément de côté tout ce que l
754
hn Viénot laisse délibérément de côté tout ce que
l’
abbé Bremond appelait l’histoire du sentiment religieux, et il nous se
755
ément de côté tout ce que l’abbé Bremond appelait
l’
histoire du sentiment religieux, et il nous sera permis de souhaiter q
756
n Bremond protestant, ne fût-ce que pour corriger
les
souriantes injustices du catholique à l’endroit de Calvin. John Viéno
757
not, pasteur et professeur de théologie, a réussi
le
tour de force de parler de la Réforme d’une manière si objective, si
758
théologie, a réussi le tour de force de parler de
la
Réforme d’une manière si objective, si impartiale, si spectaculaire,
759
de tolérance, teinté de renanisme, et considérant
les
conquêtes de la Réforme comme autant de conquêtes de la liberté de co
760
nté de renanisme, et considérant les conquêtes de
la
Réforme comme autant de conquêtes de la liberté de conscience en géné
761
quêtes de la Réforme comme autant de conquêtes de
la
liberté de conscience en général, plutôt que de la foi. Ceci dit, l’o
762
a liberté de conscience en général, plutôt que de
la
foi. Ceci dit, l’on ne saurait assez louer la science et les scrupule
763
ience en général, plutôt que de la foi. Ceci dit,
l’
on ne saurait assez louer la science et les scrupules historiques de V
764
de la foi. Ceci dit, l’on ne saurait assez louer
la
science et les scrupules historiques de Viénot. La réserve dont il fa
765
ci dit, l’on ne saurait assez louer la science et
les
scrupules historiques de Viénot. La réserve dont il fait preuve dans
766
a science et les scrupules historiques de Viénot.
La
réserve dont il fait preuve dans tous ses jugements, l’atténuation vo
767
erve dont il fait preuve dans tous ses jugements,
l’
atténuation volontaire des condamnations qu’il ne peut s’empêcher de p
768
et effort d’impartialité systématique qui restera
la
marque des historiens du xixe siècle finissant, n’enlève rien à l’in
769
oriens du xixe siècle finissant, n’enlève rien à
l’
intérêt puissant de ce gros volume. Mais aussi, la substance historiqu
770
l’intérêt puissant de ce gros volume. Mais aussi,
la
substance historique qu’il nous offre est de celles qui n’ont pas bes
771
leur brûlante saveur. Rien de plus excitant pour
l’
esprit que cette lecture, passionnante non seulement à cause du pittor
772
es plongées directes qu’elle permet d’opérer dans
la
vie publique et privée du xviie siècle, mais encore parce que, à tou
773
ie siècle, mais encore parce que, à tout moment,
le
lecteur se voit incité à imaginer ce qu’il fut advenu de la France si
774
se voit incité à imaginer ce qu’il fut advenu de
la
France si l’édit avait été observé, s’il n’avait pas été révoqué, si
775
té à imaginer ce qu’il fut advenu de la France si
l’
édit avait été observé, s’il n’avait pas été révoqué, si Sully avait é
776
it pas été révoqué, si Sully avait été écouté, si
les
jésuites n’étaient pas revenus, s’ils n’avaient pas armé, après quinz
777
mé, après quinze autres meurtriers, un Ravaillac…
Le
bel irénisme de Viénot, la réserve qu’il observe avec constance dans
778
rtriers, un Ravaillac… Le bel irénisme de Viénot,
la
réserve qu’il observe avec constance dans son récit ne peuvent en som
779
ière fois, et propres à modifier considérablement
l’
opinion que nous pouvions avoir du « grand siècle » tel que nous l’ont
780
s pouvions avoir du « grand siècle » tel que nous
l’
ont décrit les fervents de Louis XIV et certains défenseurs de la poli
781
oir du « grand siècle » tel que nous l’ont décrit
les
fervents de Louis XIV et certains défenseurs de la politique romaine.
782
s fervents de Louis XIV et certains défenseurs de
la
politique romaine. La persécution des protestants ne fut pas l’œuvre
783
V et certains défenseurs de la politique romaine.
La
persécution des protestants ne fut pas l’œuvre du parti catholique fr
784
omaine. La persécution des protestants ne fut pas
l’
œuvre du parti catholique français, mais bien des conseillers étranger
785
rs des rois et du haut clergé. Il semble bien que
la
pensée dominante, dans toute cette guerre faite à la foi évangélique,
786
pensée dominante, dans toute cette guerre faite à
la
foi évangélique, ait été celle des Espagnols et des Romains. Les cath
787
ique, ait été celle des Espagnols et des Romains.
Les
catholiques patriotes savaient bien que la présence à la cour d’un Su
788
ains. Les catholiques patriotes savaient bien que
la
présence à la cour d’un Sully ou d’un Duplessis-Mornay, représentants
789
oliques patriotes savaient bien que la présence à
la
cour d’un Sully ou d’un Duplessis-Mornay, représentants d’une Église
790
fidèle au roi, ne pouvait nuire au prestige et à
l’
ordre de l’État. D’autre part, tout ce qui fut entrepris de bon, sous
791
roi, ne pouvait nuire au prestige et à l’ordre de
l’
État. D’autre part, tout ce qui fut entrepris de bon, sous Henri IV, d
792
ce qui fut entrepris de bon, sous Henri IV, dans
le
domaine de la politique européenne, fut l’œuvre personnelle des réfor
793
trepris de bon, sous Henri IV, dans le domaine de
la
politique européenne, fut l’œuvre personnelle des réformés. Le « gran
794
, dans le domaine de la politique européenne, fut
l’
œuvre personnelle des réformés. Le « grand dessein » qu’avait conçu Bé
795
européenne, fut l’œuvre personnelle des réformés.
Le
« grand dessein » qu’avait conçu Béthune pouvait faire de la France l
796
dessein » qu’avait conçu Béthune pouvait faire de
la
France la première organisatrice d’une Europe fédéralisée. Mais le vi
797
ière organisatrice d’une Europe fédéralisée. Mais
le
virus qu’un Mazarin, un Concini ou un Ubaldini (nonce papal) introdui
798
uisent en France au début du xviie siècle, c’est
le
virus de l’étatisme totalitaire, c’est l’idée fort peu française de l
799
ance au début du xviie siècle, c’est le virus de
l’
étatisme totalitaire, c’est l’idée fort peu française de l’unité à tou
800
, c’est le virus de l’étatisme totalitaire, c’est
l’
idée fort peu française de l’unité à tout prix et dans tous les ordres
801
e totalitaire, c’est l’idée fort peu française de
l’
unité à tout prix et dans tous les ordres, au mépris de toutes les div
802
peu française de l’unité à tout prix et dans tous
les
ordres, au mépris de toutes les diversités organiques et fécondes. C’
803
prix et dans tous les ordres, au mépris de toutes
les
diversités organiques et fécondes. C’est cette idéologie importée qui
804
idéologie importée qui influence de plus en plus
la
cour, et qui finit par triompher lors de la révocation de l’édit de N
805
plus la cour, et qui finit par triompher lors de
la
révocation de l’édit de Nantes. Mais alors cette révocation n’apparaî
806
qui finit par triompher lors de la révocation de
l’
édit de Nantes. Mais alors cette révocation n’apparaît plus que comme
807
révocation n’apparaît plus que comme un épisode,
le
plus marquant il est vrai, de toute l’évolution politique de la royau
808
n épisode, le plus marquant il est vrai, de toute
l’
évolution politique de la royauté absolue vers « l’État totalitaire ».
809
nt il est vrai, de toute l’évolution politique de
la
royauté absolue vers « l’État totalitaire ». Il faut ici risquer un m
810
’évolution politique de la royauté absolue vers «
l’
État totalitaire ». Il faut ici risquer un mot sans doute anachronique
811
uer un mot sans doute anachronique, mais que tout
le
livre de Viénot nous autorise à prononcer ; c’est le mot de fascisme.
812
livre de Viénot nous autorise à prononcer ; c’est
le
mot de fascisme. Le parallélisme qu’on peut facilement établir entre
813
autorise à prononcer ; c’est le mot de fascisme.
Le
parallélisme qu’on peut facilement établir entre la « révocation » et
814
parallélisme qu’on peut facilement établir entre
la
« révocation » et les mesures de « mise au pas » prises par Hitler me
815
eut facilement établir entre la « révocation » et
les
mesures de « mise au pas » prises par Hitler me paraît riche d’enseig
816
’est pas un souci d’unité religieuse qui domine :
la
religion leur est simple prétexte ; mais il s’agit d’établir à tout p
817
adre national centralisé, géométrique, conçu dans
l’
abstraction et imposé par la violence. Pour soutenir un tel dessein, i
818
ométrique, conçu dans l’abstraction et imposé par
la
violence. Pour soutenir un tel dessein, il s’agit d’établir un droit
819
r un droit nouveau qui ne soit plus fondé que sur
la
seule volonté du dictateur. Déjà ce mot de Mazarin paraît donner comm
820
mme une formule anticipée du droit « nazi » : Si
le
roi, disait-il, ne voulait point qu’on portât des glands à son collet
821
drait point porter, parce que ce n’est point tant
la
chose défendue que la défense qui fait le crime. En face de ces prét
822
rce que ce n’est point tant la chose défendue que
la
défense qui fait le crime. En face de ces prétentions toutes nouvell
823
nt tant la chose défendue que la défense qui fait
le
crime. En face de ces prétentions toutes nouvelles, les réformés de
824
me. En face de ces prétentions toutes nouvelles,
les
réformés de France ne cessèrent, dès le début, de dresser une protest
825
uvelles, les réformés de France ne cessèrent, dès
le
début, de dresser une protestation dont les termes n’ont, hélas ! pas
826
t, dès le début, de dresser une protestation dont
les
termes n’ont, hélas ! pas vieilli. Viénot cite, à ce propos, un texte
827
ce propos, un texte assez frappant. Il s’agit de
la
requête adressée au roi par des protestants auxquels on refusait l’us
828
e au roi par des protestants auxquels on refusait
l’
usage des cimetières (on allait même jusqu’à violer les sépultures des
829
age des cimetières (on allait même jusqu’à violer
les
sépultures des religionnaires) : Ceux que vous déterrez, dit la requ
830
es religionnaires) : Ceux que vous déterrez, dit
la
requête, ne sont point étrangers. Ce sont François, vrais François de
831
us, mieux que vous d’affection, s’il est vrai que
l’
humanité est la propre affection des François… Bon Dieu ! parmi quels
832
ous d’affection, s’il est vrai que l’humanité est
la
propre affection des François… Bon Dieu ! parmi quels tigres vivons-n
833
qu’une cour de Parlement se licencie ainsi contre
le
droit naturel, contre l’honnêteté civile ! Ce recours à un droit uni
834
se licencie ainsi contre le droit naturel, contre
l’
honnêteté civile ! Ce recours à un droit universellement humain, n’es
835
versellement humain, n’est-il pas significatif de
la
nature du danger qu’on courait ? La conclusion de cette requête mérit
836
gnificatif de la nature du danger qu’on courait ?
La
conclusion de cette requête mérite d’ailleurs d’être citée aussi, pou
837
n’est pas moins grand lorsque, après avoir décrit
l’
enterrement nocturne et secret d’une de ses coreligionnaires, il concl
838
il conclut par ces mots : Nous sommes chassés de
la
ville et jetés comme des ordures dans un coin. C’est bien d’ailleurs.
839
s cieux. Louange à Dieu aux siècles des siècles.
Le
livre de John Viénot nous donne toute une anthologie de pareils trait
840
te une anthologie de pareils traits. Grâce à quoi
l’
on ressort de cette lecture plus édifié encore que révolté. Mais ce n’
841
é. Mais ce n’est pas peu dire. 10. Histoire de
la
Réforme française, tome II : De l’édit de Nantes à sa révocation, Lib
842
. Histoire de la Réforme française, tome II : De
l’
édit de Nantes à sa révocation, Librairie Fischbacher. La même librair
843
de Nantes à sa révocation, Librairie Fischbacher.
La
même librairie publie une intéressante plaquette de H. Dartigue sur l
844
lie une intéressante plaquette de H. Dartigue sur
la
vie et l’œuvre de J. Viénot. j. Rougemont Denis de, « [Compte rendu
845
téressante plaquette de H. Dartigue sur la vie et
l’
œuvre de J. Viénot. j. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Une hist
846
gemont Denis de, « [Compte rendu] Une histoire de
la
Réforme en France », Les Nouvelles littéraires, Paris, 15 décembre 19
847
te rendu] Une histoire de la Réforme en France »,
Les
Nouvelles littéraires, Paris, 15 décembre 1934, p. 5.
848
iennent du Nord11. Un même courant spirituel nous
les
apporte au temps marqué. Peut-être, l’examen de ces « témoins » à la
849
tuel nous les apporte au temps marqué. Peut-être,
l’
examen de ces « témoins » à la fois si divers et si profondément sembl
850
ables nous permettra-t-il aujourd’hui de préciser
la
direction et la nature de ce courant. L’Esprit souffle où il veut. Le
851
ttra-t-il aujourd’hui de préciser la direction et
la
nature de ce courant. L’Esprit souffle où il veut. Les prévisions des
852
préciser la direction et la nature de ce courant.
L’
Esprit souffle où il veut. Les prévisions des historiens de la pensée
853
ature de ce courant. L’Esprit souffle où il veut.
Les
prévisions des historiens de la pensée ne semblent pas peser bien lou
854
ffle où il veut. Les prévisions des historiens de
la
pensée ne semblent pas peser bien lourd sur ses décisions souveraines
855
ions souveraines. Comment expliquer, par exemple,
la
soudaine passion qui porte tant de bons esprits, chez nous, vers la p
856
n qui porte tant de bons esprits, chez nous, vers
la
pensée de Kierkegaard, surgissant lentement, terriblement, des ombres
857
du Siècle Stupide ? Qui prévoyait, voici dix ans,
l’
intervention de ce génie considérable, la position de cette question p
858
dix ans, l’intervention de ce génie considérable,
la
position de cette question plutôt gênante qu’est son œuvre en plein c
859
cœur de nos ratiocinations de clercs retraités de
la
vie ? Mais le plus curieux de l’affaire, n’est-ce pas que Kierkegaard
860
tiocinations de clercs retraités de la vie ? Mais
le
plus curieux de l’affaire, n’est-ce pas que Kierkegaard nous soit pré
861
rcs retraités de la vie ? Mais le plus curieux de
l’
affaire, n’est-ce pas que Kierkegaard nous soit présenté aujourd’hui p
862
es laïques tout à fait libérés des disciplines de
la
foi, au moment décisif où, d’autre part, la pensée de son grand disci
863
es de la foi, au moment décisif où, d’autre part,
la
pensée de son grand disciple et continuateur, Karl Barth, pénètre et
864
he et du théologien projette une vive lumière sur
le
secret dernier du message d’un romancier : Dostoïevski. Prenons-y gar
865
rainte et Tremblement, qui vient de paraître dans
la
belle collection philosophique de MM. Lavelle et Le Senne, appartient
866
belle collection philosophique de MM. Lavelle et
Le
Senne, appartient à la première période de la pensée kierkegaardienne
867
et Le Senne, appartient à la première période de
la
pensée kierkegaardienne. La question que pose cette œuvre, c’est cell
868
a première période de la pensée kierkegaardienne.
La
question que pose cette œuvre, c’est celle de la foi, dans l’absolu.
869
La question que pose cette œuvre, c’est celle de
la
foi, dans l’absolu. Ce n’est pas encore la question que Kierkegaard a
870
que pose cette œuvre, c’est celle de la foi, dans
l’
absolu. Ce n’est pas encore la question que Kierkegaard adressera plus
871
lle de la foi, dans l’absolu. Ce n’est pas encore
la
question que Kierkegaard adressera plus tard à la chrétienté de son t
872
la question que Kierkegaard adressera plus tard à
la
chrétienté de son temps : la foi étant ce que j’ai dit – le paradoxe
873
dressera plus tard à la chrétienté de son temps :
la
foi étant ce que j’ai dit – le paradoxe le plus inouï – avez-vous cet
874
nté de son temps : la foi étant ce que j’ai dit –
le
paradoxe le plus inouï – avez-vous cette foi, êtes-vous vraiment chré
875
emps : la foi étant ce que j’ai dit – le paradoxe
le
plus inouï – avez-vous cette foi, êtes-vous vraiment chrétiens ? Serv
876
u ? Question terriblement gênante, insupportable.
La
vocation singulière de cet homme s’épuisera dans le seul acte de l’im
877
vocation singulière de cet homme s’épuisera dans
le
seul acte de l’imposer. Après cet acte, semblable au prince Hamlet —
878
ière de cet homme s’épuisera dans le seul acte de
l’
imposer. Après cet acte, semblable au prince Hamlet — autre Danois ! —
879
Kierkegaard se débat encore avec lui-même. A-t-il
la
foi ? Qu’est-ce que la foi ? Hegel, dont la philosophie obsède à ce m
880
core avec lui-même. A-t-il la foi ? Qu’est-ce que
la
foi ? Hegel, dont la philosophie obsède à ce moment l’esprit de Kierk
881
-t-il la foi ? Qu’est-ce que la foi ? Hegel, dont
la
philosophie obsède à ce moment l’esprit de Kierkegaard, Hegel esquive
882
i ? Hegel, dont la philosophie obsède à ce moment
l’
esprit de Kierkegaard, Hegel esquive la question, la supprime implicit
883
ce moment l’esprit de Kierkegaard, Hegel esquive
la
question, la supprime implicitement. Il réduit tout au général. Mais
884
esprit de Kierkegaard, Hegel esquive la question,
la
supprime implicitement. Il réduit tout au général. Mais la Bible, que
885
me implicitement. Il réduit tout au général. Mais
la
Bible, que nous dit-elle ? Elle ne fait pas une théorie, elle répond
886
e ? Elle ne fait pas une théorie, elle répond par
l’
exemple d’Abraham. Et c’est à la méditation de cet exemple que Kierkeg
887
, elle répond par l’exemple d’Abraham. Et c’est à
la
méditation de cet exemple que Kierkegaard va consacrer son livre. Abr
888
que Kierkegaard va consacrer son livre. Abraham,
le
« père des croyants », c’est l’homme qui a osé l’absurde. Dieu lui a
889
n livre. Abraham, le « père des croyants », c’est
l’
homme qui a osé l’absurde. Dieu lui a donné un fils, à l’âge de 70 ans
890
le « père des croyants », c’est l’homme qui a osé
l’
absurde. Dieu lui a donné un fils, à l’âge de 70 ans. Il n’a pas ri —
891
qui a osé l’absurde. Dieu lui a donné un fils, à
l’
âge de 70 ans. Il n’a pas ri — comme Sarah, sa femme — de ce miracle.
892
raison humaine. Il selle son âne et s’en va vers
les
monts de Morija, pour sacrifier son fils unique. Il le fait « en vert
893
nts de Morija, pour sacrifier son fils unique. Il
le
fait « en vertu de l’absurde », c’est-à-dire en vertu de la foi, cont
894
crifier son fils unique. Il le fait « en vertu de
l’
absurde », c’est-à-dire en vertu de la foi, contre toute morale et tou
895
en vertu de l’absurde », c’est-à-dire en vertu de
la
foi, contre toute morale et toute règle « générale ». Il va commettre
896
Il va commettre un meurtre, et c’est parce qu’il
l’
accepte qu’on l’appellera le père des croyants ? L’individu serait-il
897
un meurtre, et c’est parce qu’il l’accepte qu’on
l’
appellera le père des croyants ? L’individu serait-il au-dessus du gén
898
et c’est parce qu’il l’accepte qu’on l’appellera
le
père des croyants ? L’individu serait-il au-dessus du général ? Serai
899
’accepte qu’on l’appellera le père des croyants ?
L’
individu serait-il au-dessus du général ? Serait-il affranchi de l’éth
900
-il au-dessus du général ? Serait-il affranchi de
l’
éthique ? Mais alors, comment donc comprendrait-il son acte ? Vingt fo
901
son acte ? Vingt fois, Kierkegaard y revient par
les
biais les plus différents et vingt fois il échoue devant ce paradoxe
902
? Vingt fois, Kierkegaard y revient par les biais
les
plus différents et vingt fois il échoue devant ce paradoxe monstrueux
903
e paradoxe monstrueux. Il n’y a donc personne de
la
taille d’Abraham, personne qui puisse le comprendre ? Si, pourtant.
904
sonne de la taille d’Abraham, personne qui puisse
le
comprendre ? Si, pourtant. Les pasteurs ont coutume de l’offrir en e
905
ersonne qui puisse le comprendre ? Si, pourtant.
Les
pasteurs ont coutume de l’offrir en exemple. Car enfin il n’a pas tué
906
ndre ? Si, pourtant. Les pasteurs ont coutume de
l’
offrir en exemple. Car enfin il n’a pas tué : Dieu l’arrête au dernier
907
ffrir en exemple. Car enfin il n’a pas tué : Dieu
l’
arrête au dernier moment et lui montre un bélier prêt pour le sacrific
908
dernier moment et lui montre un bélier prêt pour
le
sacrifice… On célèbre la grâce de Dieu qui a donné Isaac pour la sec
909
tre un bélier prêt pour le sacrifice… On célèbre
la
grâce de Dieu qui a donné Isaac pour la seconde fois ; on ne voit, da
910
aac pour la seconde fois ; on ne voit, dans toute
l’
histoire, qu’une épreuve. Une épreuve : c’est beaucoup dire, et peu de
911
est beaucoup dire, et peu de chose ; et cependant
la
chose est aussi vite passée que dite. On enfourche Pégase, en un clin
912
n un clin d’œil on est à Morija, on voit aussitôt
le
bélier ; on oublie qu’Abraham fit le chemin lentement, au pas de son
913
oit aussitôt le bélier ; on oublie qu’Abraham fit
le
chemin lentement, au pas de son âne, qu’il eut trois jours de voyage
914
e et qu’il lui fallut un peu de temps pour fendre
le
bois, lier Isaac et aiguiser le couteau. On oublie cela, on fait d’A
915
temps pour fendre le bois, lier Isaac et aiguiser
le
couteau. On oublie cela, on fait d’Abraham « un personnage insignifi
916
fait d’Abraham « un personnage insignifiant » et
le
comique c’est qu’on persiste à l’offrir en exemple aux chrétiens ! Ma
917
signifiant » et le comique c’est qu’on persiste à
l’
offrir en exemple aux chrétiens ! Mais la grandeur d’Abraham, sa signi
918
rsiste à l’offrir en exemple aux chrétiens ! Mais
la
grandeur d’Abraham, sa signification démesurée et impensable, c’est q
919
ompense d’un acte « fou » et revint avec lui dans
la
vie comme si rien ne s’était passé. Voilà le paradoxe des paradoxes :
920
dans la vie comme si rien ne s’était passé. Voilà
le
paradoxe des paradoxes : vivre comme tout le monde, mais « en vertu d
921
s : vivre comme tout le monde, mais « en vertu de
l’
absurde ». C’est là le sort du « chevalier de la foi », le sort du chr
922
e monde, mais « en vertu de l’absurde ». C’est là
le
sort du « chevalier de la foi », le sort du chrétien véritable. Mais
923
e l’absurde ». C’est là le sort du « chevalier de
la
foi », le sort du chrétien véritable. Mais qui peut dire : j’ai cette
924
e ». C’est là le sort du « chevalier de la foi »,
le
sort du chrétien véritable. Mais qui peut dire : j’ai cette foi-là ?
925
ritable. Mais qui peut dire : j’ai cette foi-là ?
La
réflexion philosophique que Kierkegaard enchaîne à l’exemple d’Abraha
926
éflexion philosophique que Kierkegaard enchaîne à
l’
exemple d’Abraham est admirablement analysée dans l’introduction de Je
927
exemple d’Abraham est admirablement analysée dans
l’
introduction de Jean Wahl qui réussit ce tour de force d’exposer clair
928
ussit ce tour de force d’exposer clairement, sans
la
trahir, la dialectique « abyssale » de cette œuvre. Personne n’a fait
929
ur de force d’exposer clairement, sans la trahir,
la
dialectique « abyssale » de cette œuvre. Personne n’a fait plus que J
930
’a fait plus que Jean Wahl pour faire connaître à
l’
élite française la pensée de Søren Kierkegaard : c’est un titre qui co
931
ean Wahl pour faire connaître à l’élite française
la
pensée de Søren Kierkegaard : c’est un titre qui compte, et dont la p
932
Kierkegaard : c’est un titre qui compte, et dont
la
pensée protestante saura mesurer la valeur. ⁂ Qu’est-ce que la foi ?
933
mpte, et dont la pensée protestante saura mesurer
la
valeur. ⁂ Qu’est-ce que la foi ? demandait Kierkegaard dans Crainte e
934
testante saura mesurer la valeur. ⁂ Qu’est-ce que
la
foi ? demandait Kierkegaard dans Crainte et Tremblement. Qu’est-ce qu
935
egaard dans Crainte et Tremblement. Qu’est-ce que
la
vie chrétienne ? demande Karl Barth dans Culte raisonnable dont le ti
936
? demande Karl Barth dans Culte raisonnable dont
le
titre contraste singulièrement avec celui de Kierkegaard. Barth s’adr
937
hrétiens, à des hommes qui se posent sérieusement
la
question : en quoi ma foi doit-elle transformer ma vie ? Or, toute l’
938
i ma foi doit-elle transformer ma vie ? Or, toute
l’
insistance du grand théologien se porte dans ce livre sur un seul poin
939
logien se porte dans ce livre sur un seul point :
l’
homme chrétien reste un homme comme les autres. Il n’a pas à devenir,
940
eul point : l’homme chrétien reste un homme comme
les
autres. Il n’a pas à devenir, dès ici-bas, un être un peu divin, un p
941
de ce monde perdu. Sa sanctification ne doit pas
le
conduire à je ne sais quelle « spiritualisation » tout illusoire ou é
942
soire ou évasive. Elle consiste d’abord en ce que
le
chrétien se reconnaît de plus en plus pécheur, de plus en plus livré
943
de plus en plus pécheur, de plus en plus livré à
la
seule grâce divine. La vie chrétienne, c’est simplement la vie humain
944
r, de plus en plus livré à la seule grâce divine.
La
vie chrétienne, c’est simplement la vie humaine éclairée par la foi d
945
grâce divine. La vie chrétienne, c’est simplement
la
vie humaine éclairée par la foi dans sa réalité, puis offerte telle q
946
nne, c’est simplement la vie humaine éclairée par
la
foi dans sa réalité, puis offerte telle quelle « en sacrifice saint e
947
formés en quelque essence radieuse et esthétique.
La
vie chrétienne n’est pas une construction qui s’élève au-dessus du re
948
ne construction qui s’élève au-dessus du reste de
la
vie. C’est toute profane et banale, la vie que chacun doit vivre à sa
949
u reste de la vie. C’est toute profane et banale,
la
vie que chacun doit vivre à sa place, et dans sa situation. Mais en
950
e à sa place, et dans sa situation. Mais en quoi
le
chrétien se distinguera-t-il donc de l’incroyant ? En rien d’autre qu
951
s en quoi le chrétien se distinguera-t-il donc de
l’
incroyant ? En rien d’autre qu’en ceci : qu’il est appelé à rendre tém
952
st appelé à rendre témoignage « d’une part contre
la
forme du siècle présent ; de l’autre, pour la forme du monde à venir
953
tre la forme du siècle présent ; de l’autre, pour
la
forme du monde à venir ». Il reste dans le monde et soumis à ses lois
954
, pour la forme du monde à venir ». Il reste dans
le
monde et soumis à ses lois, sachant pourtant qu’il n’appartient plus
955
à sa transformation. Et voici que nous rejoignons
l’
idée centrale de Crainte et Tremblement. Qu’est-ce, en effet, que le «
956
Crainte et Tremblement. Qu’est-ce, en effet, que
le
« chevalier de la foi », sinon celui qui vit pleinement cette vie, to
957
ement. Qu’est-ce, en effet, que le « chevalier de
la
foi », sinon celui qui vit pleinement cette vie, toutefois « en vertu
958
vit pleinement cette vie, toutefois « en vertu de
l’
absurde », c’est-à-dire en vertu de la transformation promise de ce mo
959
en vertu de l’absurde », c’est-à-dire en vertu de
la
transformation promise de ce monde. Apparemment il ne diffère des aut
960
il est orienté autrement — converti. Il vit dans
les
mêmes servitudes, mais il s’attend à Dieu, non à lui-même ni au monde
961
. Ainsi, chez Barth et Kierkegaard, nous trouvons
le
même réalisme fondé dans le même paradoxe. La même façon de considére
962
egaard, nous trouvons le même réalisme fondé dans
le
même paradoxe. La même façon de considérer l’homme à la fois tel qu’i
963
ons le même réalisme fondé dans le même paradoxe.
La
même façon de considérer l’homme à la fois tel qu’il est devant Dieu,
964
ans le même paradoxe. La même façon de considérer
l’
homme à la fois tel qu’il est devant Dieu, hic et nunc, et tel qu’il e
965
c et nunc, et tel qu’il est revendiqué par Dieu à
la
limite de ses possibilités, là où paraît la grâce, in extremis. Car c
966
ieu à la limite de ses possibilités, là où paraît
la
grâce, in extremis. Car c’est à chaque instant de la vie de la foi qu
967
grâce, in extremis. Car c’est à chaque instant de
la
vie de la foi que se posent les questions dernières. Mais cette visi
968
extremis. Car c’est à chaque instant de la vie de
la
foi que se posent les questions dernières. Mais cette vision de l’ho
969
chaque instant de la vie de la foi que se posent
les
questions dernières. Mais cette vision de l’homme sans cesse mis en
970
nt les questions dernières. Mais cette vision de
l’
homme sans cesse mis en question par l’Autre, n’est-ce point encore la
971
is en question par l’Autre, n’est-ce point encore
la
vision de Dostoïevski ? Ses héros ne viennent-ils pas à nous comme de
972
urneysen dans son essai intitulé : Dostoïevski ou
les
confins de l’homme. Le grand succès qu’a remporté ce petit livre en A
973
on essai intitulé : Dostoïevski ou les confins de
l’
homme. Le grand succès qu’a remporté ce petit livre en Allemagne mérit
974
intitulé : Dostoïevski ou les confins de l’homme.
Le
grand succès qu’a remporté ce petit livre en Allemagne mérite d’être
975
’est que, plus nettement encore que Berdiaev dans
L’
Esprit de Dostoïevski, le professeur de Bâle a su l’envisager dans une
976
encore que Berdiaev dans L’Esprit de Dostoïevski,
le
professeur de Bâle a su l’envisager dans une perspective chrétienne,
977
Esprit de Dostoïevski, le professeur de Bâle a su
l’
envisager dans une perspective chrétienne, hors de laquelle cette œuvr
978
Ce que nous avons cherché dans Dostoïevski, c’est
la
réponse à cette question : qu’est-ce qu’un homme ? Et cette réponse,
979
qu’est-ce qu’un homme ? Et cette réponse, il nous
l’
a donnée en nous découvrant que l’homme n’est lui-même qu’une seule et
980
éponse, il nous l’a donnée en nous découvrant que
l’
homme n’est lui-même qu’une seule et grande question, la question de l
981
e n’est lui-même qu’une seule et grande question,
la
question de l’origine de sa vie, la question de Dieu. Tous les héros
982
e qu’une seule et grande question, la question de
l’
origine de sa vie, la question de Dieu. Tous les héros de Dostoïevski
983
nde question, la question de l’origine de sa vie,
la
question de Dieu. Tous les héros de Dostoïevski apparaissent malades,
984
de l’origine de sa vie, la question de Dieu. Tous
les
héros de Dostoïevski apparaissent malades, comme blessés d’une attein
985
atteinte profonde, portant comme une plaie béante
le
problème de leur existence, ce problème qu’ils ne peuvent résoudre ju
986
ritable guérison. Ces phrases résument fort bien
la
thèse que Thurneysen soutient avec une passion convaincante. De diver
987
nt avec une passion convaincante. De divers côtés
l’
on m’a demandé de préciser, à propos d’une de mes récentes chroniques,
988
écentes chroniques, ce qu’il fallait entendre par
le
protestantisme de Dostoïevski. Je ne saurais mieux répondre qu’en ren
989
pondre qu’en renvoyant au livre de M. Thurneysen.
La
conception « dialectique » de l’homme illustrée par les personnages d
990
e M. Thurneysen. La conception « dialectique » de
l’
homme illustrée par les personnages de Dostoïevski, commentée sur le p
991
nception « dialectique » de l’homme illustrée par
les
personnages de Dostoïevski, commentée sur le plan théologique par Kar
992
d’une poésie philosophique par Kierkegaard, c’est
la
conception même de la vie du chrétien selon Calvin, c’est surtout le
993
ique par Kierkegaard, c’est la conception même de
la
vie du chrétien selon Calvin, c’est surtout le simul peccator et just
994
de la vie du chrétien selon Calvin, c’est surtout
le
simul peccator et justus qui fonda la Réforme luthérienne. 11. Cra
995
est surtout le simul peccator et justus qui fonda
la
Réforme luthérienne. 11. Crainte et Tremblement, par Kierkegaard,
996
danois par P.-H. Tisseau (Éditions Montaigne). –
Le
Culte raisonnable, par Karl Barth, traduit par P. Maury (Éditions « J
997
P. Maury (Éditions « Je sers »). – Dostoïevski ou
les
confins de l’homme, par Édouard Thurneysen, traduit par P. Maury (Édi
998
ons « Je sers »). – Dostoïevski ou les confins de
l’
homme, par Édouard Thurneysen, traduit par P. Maury (Éditions « Je ser
999
[Compte rendu] Kierkegaard, Dostoïevski, Barth »,
Les
Nouvelles littéraires, Paris, 23 février 1935, p. 5.
1000
5)l On nous montre un Calvin maigre et sec, et
l’
on conclut incontinent à l’ascétisme puritain. On nous montre un Luthe
1001
lvin maigre et sec, et l’on conclut incontinent à
l’
ascétisme puritain. On nous montre un Luther adipeux, et loin de reven
1002
fait de cette image un nouveau cliché polémique :
la
Réforme se voit assimilée au « fays ce que vouldras » des Renaissants
1003
ilée au « fays ce que vouldras » des Renaissants.
Les
protestants sont-ils trop maigres ou trop gras ? Grave question pour
1004
? Grave question pour ceux qui jugent des vérités
les
plus profondes de la foi selon le poids de leurs représentants ! Or,
1005
ceux qui jugent des vérités les plus profondes de
la
foi selon le poids de leurs représentants ! Or, cette espèce est plus
1006
nt des vérités les plus profondes de la foi selon
le
poids de leurs représentants ! Or, cette espèce est plus nombreuse qu
1007
Calvin dans notre grand public, sinon qu’il avait
les
joues creuses, une barbiche pointue et un profil coupant ? N’est-ce p
1008
assez pour juger son système ? Ne sait-on pas que
les
gros hommes sont toujours les plus populaires ? Comment se dire calvi
1009
Ne sait-on pas que les gros hommes sont toujours
les
plus populaires ? Comment se dire calviniste ? L’exposition Calvin à
1010
es plus populaires ? Comment se dire calviniste ?
L’
exposition Calvin à la Bibliothèque nationale, si elle a permis à beau
1011
omment se dire calviniste ? L’exposition Calvin à
la
Bibliothèque nationale, si elle a permis à beaucoup de réviser quelqu
1012
beaucoup de réviser quelque peu leurs notions sur
l’
importance intellectuelle et littéraire du calvinisme, a donné lieu pa
1013
nsidérations très vaguement physiognomoniques sur
le
teint et la complexion de l’auteur de l’Institution. Ce qui ne fait g
1014
très vaguement physiognomoniques sur le teint et
la
complexion de l’auteur de l’Institution. Ce qui ne fait guère honneur
1015
hysiognomoniques sur le teint et la complexion de
l’
auteur de l’Institution. Ce qui ne fait guère honneur à notre liberté
1016
ques sur le teint et la complexion de l’auteur de
l’
Institution. Ce qui ne fait guère honneur à notre liberté d’esprit. Ma
1017
berté d’esprit. Mais je m’en voudrais de déplorer
la
décadence culturelle qui marque la plupart des écrits de ce temps, au
1018
ne renaissance du calvinisme laisse espérer, pour
les
années qui viennent, un essor tout nouveau de la pensée chrétienne. O
1019
les années qui viennent, un essor tout nouveau de
la
pensée chrétienne. On aurait tort d’assimiler cette renaissance à la
1020
e. On aurait tort d’assimiler cette renaissance à
la
belle floraison néo-thomiste. Il n’est pas inutile de marquer les rai
1021
son néo-thomiste. Il n’est pas inutile de marquer
les
raisons qui, du point de vue protestant, rendent ce parallèle irrecev
1022
vue protestant, rendent ce parallèle irrecevable.
Les
grands théologiens de la Réforme ne sont pas à nos yeux des chefs d’é
1023
parallèle irrecevable. Les grands théologiens de
la
Réforme ne sont pas à nos yeux des chefs d’école ; ni des docteurs do
1024
nos yeux des chefs d’école ; ni des docteurs dont
la
pensée fait loi, une fois sanctionnée par l’Église. Ils sont avant to
1025
dont la pensée fait loi, une fois sanctionnée par
l’
Église. Ils sont avant tout des témoins. On ne saurait trop insister s
1026
ter sur cette distinction fondamentale pour toute
la
pensée réformée. Qu’est-ce qu’un témoin ? C’est un homme qui n’est pa
1027
st-ce qu’un témoin ? C’est un homme qui n’est pas
l’
inventeur de son message, mais qui renvoie sans trêve au-delà de lui-m
1028
e, au-delà des formules humaines de ce message, à
la
réalité qui le juge et nous sauve. Faire retour à Calvin, ce n’est pa
1029
formules humaines de ce message, à la réalité qui
le
juge et nous sauve. Faire retour à Calvin, ce n’est pas faire retour
1030
ues ; mais c’est, au-delà de ces formules et dans
l’
orientation où elles nous placent, remonter à cette origine permanente
1031
s placent, remonter à cette origine permanente de
l’
Église qu’est la révélation évangélique. Le calvinisme ou le luthérism
1032
ter à cette origine permanente de l’Église qu’est
la
révélation évangélique. Le calvinisme ou le luthérisme, ce sont bien
1033
nte de l’Église qu’est la révélation évangélique.
Le
calvinisme ou le luthérisme, ce sont bien moins des normes de pensée
1034
u’est la révélation évangélique. Le calvinisme ou
le
luthérisme, ce sont bien moins des normes de pensée que des chemins v
1035
n moins des normes de pensée que des chemins vers
l’
Évangile. L’Évangile seul, éclairé par l’Esprit, reste la norme de tou
1036
normes de pensée que des chemins vers l’Évangile.
L’
Évangile seul, éclairé par l’Esprit, reste la norme de toute théologie
1037
ins vers l’Évangile. L’Évangile seul, éclairé par
l’
Esprit, reste la norme de toute théologie, fût-elle la plus orthodoxe.
1038
ile. L’Évangile seul, éclairé par l’Esprit, reste
la
norme de toute théologie, fût-elle la plus orthodoxe. Barth, on le sa
1039
prit, reste la norme de toute théologie, fût-elle
la
plus orthodoxe. Barth, on le sait, ne se lasse pas de comparer le rôl
1040
théologie, fût-elle la plus orthodoxe. Barth, on
le
sait, ne se lasse pas de comparer le rôle de ces témoins théologiques
1041
e. Barth, on le sait, ne se lasse pas de comparer
le
rôle de ces témoins théologiques au Jean-Baptiste de la Crucifixion d
1042
ean-Baptiste de la Crucifixion de Grünewald, dont
la
main prodigieuse se détachant sur le ciel noir désigne le Sauveur en
1043
newald, dont la main prodigieuse se détachant sur
le
ciel noir désigne le Sauveur en croix : « Il faut qu’il croisse et qu
1044
prodigieuse se détachant sur le ciel noir désigne
le
Sauveur en croix : « Il faut qu’il croisse et que je diminue. » C’est
1045
u’il croisse et que je diminue. » C’est donc sous
l’
angle de leur vocation particulière, et sous cet angle seul, qu’il nou
1046
loisible de parler de ces hommes sans tomber dans
l’
extravagance. Calvin homme, Calvin écrivain, nous ne nous priverons pa
1047
e, Calvin écrivain, nous ne nous priverons pas de
l’
estimer à nos mesures humaines et littéraires ; mais ce qui importe pl
1048
i importe plus que tout, c’est d’indiquer d’abord
la
« clé » qui donne leur exacte valeur à nos variations sur ce thème. E
1049
nos variations sur ce thème. Et cette clé, c’est
la
vocation que Jean Calvin reçut de réformer l’Église. Tout ceci est f
1050
est la vocation que Jean Calvin reçut de réformer
l’
Église. Tout ceci est fort bien exposé par M. Albert-Marie Schmidt da
1051
hmidt dans son introduction aux Trois traités que
l’
on vient de rééditer12. Le grand mérite de cette introduction, c’est q
1052
n aux Trois traités que l’on vient de rééditer12.
Le
grand mérite de cette introduction, c’est qu’elle nous ouvre, en une
1053
st qu’elle nous ouvre, en une quinzaine de pages,
les
principales perspectives de « l’univers » calvinien. Il faut bien avo
1054
zaine de pages, les principales perspectives de «
l’
univers » calvinien. Il faut bien avouer que les commentateurs nous av
1055
« l’univers » calvinien. Il faut bien avouer que
les
commentateurs nous avaient donné jusqu’ici une image assez étriquée d
1056
schauung à la fois biblique et classique, au sens
le
plus vigoureux de ce terme. En la replaçant dans l’atmosphère violent
1057
ssique, au sens le plus vigoureux de ce terme. En
la
replaçant dans l’atmosphère violente et trouble de la Renaissance, M.
1058
plus vigoureux de ce terme. En la replaçant dans
l’
atmosphère violente et trouble de la Renaissance, M. Schmidt va lui re
1059
eplaçant dans l’atmosphère violente et trouble de
la
Renaissance, M. Schmidt va lui restituer ses trois dimensions primord
1060
Nous voyons alors Calvin faire face d’une part à
l’
Église de Rome et c’est l’Épître à Sadolet ; d’autre part, aux premièr
1061
faire face d’une part à l’Église de Rome et c’est
l’
Épître à Sadolet ; d’autre part, aux premières déviations de la doctri
1062
dolet ; d’autre part, aux premières déviations de
la
doctrine sacramentaire à l’intérieur de la Réforme et c’est le Traité
1063
ons de la doctrine sacramentaire à l’intérieur de
la
Réforme et c’est le Traité de la cène ; enfin, aux diverses mystiques
1064
acramentaire à l’intérieur de la Réforme et c’est
le
Traité de la cène ; enfin, aux diverses mystiques de l’humanisme anti
1065
à l’intérieur de la Réforme et c’est le Traité de
la
cène ; enfin, aux diverses mystiques de l’humanisme antichrétien et c
1066
ité de la cène ; enfin, aux diverses mystiques de
l’
humanisme antichrétien et c’est le Traité des scandales. Ce troisième
1067
es mystiques de l’humanisme antichrétien et c’est
le
Traité des scandales. Ce troisième traité n’avait jamais été réimprim
1068
e et de raison déchaînée », il sera pour beaucoup
l’
occasion d’une véritable découverte de Calvin. Il nous donne un puissa
1069
vin. Il nous donne un puissant raccourci de toute
la
polémique de la Réforme contre les libertins et les anabaptistes, con
1070
ne un puissant raccourci de toute la polémique de
la
Réforme contre les libertins et les anabaptistes, contre les occultis
1071
courci de toute la polémique de la Réforme contre
les
libertins et les anabaptistes, contre les occultistes de l’école d’Ag
1072
a polémique de la Réforme contre les libertins et
les
anabaptistes, contre les occultistes de l’école d’Agrippa, contre les
1073
contre les libertins et les anabaptistes, contre
les
occultistes de l’école d’Agrippa, contre les Rabelais et Des Périers
1074
ns et les anabaptistes, contre les occultistes de
l’
école d’Agrippa, contre les Rabelais et Des Périers qui abandonnent la
1075
ntre les occultistes de l’école d’Agrippa, contre
les
Rabelais et Des Périers qui abandonnent la cause pour un idéal humani
1076
ontre les Rabelais et Des Périers qui abandonnent
la
cause pour un idéal humaniste. Or, tous ceux-là se scandalisent à gra
1077
ine qu’ils portent aux scandales que pour nuire à
l’
Évangile et le diffamer comment que ce soit ». Il y a ceux pour lesque
1078
tent aux scandales que pour nuire à l’Évangile et
le
diffamer comment que ce soit ». Il y a ceux pour lesquels les dogmes
1079
comment que ce soit ». Il y a ceux pour lesquels
les
dogmes sont autant d’occasions de chopper : Quant à ce que la Prédes
1080
t autant d’occasions de chopper : Quant à ce que
la
Prédestination est comme une mer de scandales, d’où vient cela sinon
1081
me une mer de scandales, d’où vient cela sinon de
la
folle curiosité des hommes ou de leur outrecuidance débordée ? Calvi
1082
dance débordée ? Calvin n’est guère partisan, on
le
voit, de ce fameux libre examen dont on persiste à lui attribuer l’in
1083
eux libre examen dont on persiste à lui attribuer
l’
invention, par une erreur assez inexplicable. Mais les pires adversair
1084
nvention, par une erreur assez inexplicable. Mais
les
pires adversaires de l’Église ne sont pas toujours au-dehors. Voici c
1085
assez inexplicable. Mais les pires adversaires de
l’
Église ne sont pas toujours au-dehors. Voici ceux qui préfèrent la pai
1086
pas toujours au-dehors. Voici ceux qui préfèrent
la
paix selon le monde à la vérité combattante : Je m’adresse à ceux qu
1087
au-dehors. Voici ceux qui préfèrent la paix selon
le
monde à la vérité combattante : Je m’adresse à ceux qui abusent du n
1088
Voici ceux qui préfèrent la paix selon le monde à
la
vérité combattante : Je m’adresse à ceux qui abusent du nom de la ch
1089
ante : Je m’adresse à ceux qui abusent du nom de
la
chrétienté pour nourrir une paix fardée ! Voici ceux qui voudraient
1090
aix fardée ! Voici ceux qui voudraient confondre
la
véritable grandeur de l’Église avec « une façon de royaume mondain ».
1091
qui voudraient confondre la véritable grandeur de
l’
Église avec « une façon de royaume mondain ». À ceux-là, Calvin rappel
1092
on chrétienne est celle du conflit dialectique :
L’
Église est ordonnée à cette condition de batailler continuellement sou
1093
cette condition de batailler continuellement sous
la
croix, tant qu’elle aura à cheminer en ce monde. Voici enfin les « l
1094
qu’elle aura à cheminer en ce monde. Voici enfin
les
« libertins », ceux que nous appelons libéraux qui « gazouillent » à
1095
se ruent contre Dieu d’une impétuosité enragée à
la
façon des frénétiques, et tombent en de grands abîmes ou se rompent l
1096
ues, et tombent en de grands abîmes ou se rompent
le
col en s’aheurtant ». Cet étonnant traité, tour à tour éloquent à l’a
1097
nt ». Cet étonnant traité, tour à tour éloquent à
l’
antique ou rabelaisien dans la satire, pourrait en somme s’intituler :
1098
r à tour éloquent à l’antique ou rabelaisien dans
la
satire, pourrait en somme s’intituler : Réforme contre Renaissance. M
1099
tituler : Réforme contre Renaissance. Mais toutes
les
richesses de style que produisit ce siècle bouillonnant ont passé dan
1100
e produisit ce siècle bouillonnant ont passé dans
l’
attaque de Calvin : il a su prendre à l’adversaire ses meilleures arme
1101
assé dans l’attaque de Calvin : il a su prendre à
l’
adversaire ses meilleures armes. Au sujet de ce style, dont l’exemple
1102
ses meilleures armes. Au sujet de ce style, dont
l’
exemple n’est pas l’un des plus négligeables que comportent les Trois
1103
est pas l’un des plus négligeables que comportent
les
Trois traités, M. Schmidt nous propose quelques définitions fort bien
1104
venues : Qui veut comprendre, dans son essence,
le
génie littéraire de Calvin, ne doit jamais omettre que celui-ci se co
1105
onsidérait comme ministre du Verbe divin. Prêcher
l’
Évangile, c’est à son sens engager le dialogue avec toutes les catégor
1106
vin. Prêcher l’Évangile, c’est à son sens engager
le
dialogue avec toutes les catégories d’hommes, avec toutes les espèces
1107
c’est à son sens engager le dialogue avec toutes
les
catégories d’hommes, avec toutes les espèces de créatures. Dialoguant
1108
avec toutes les catégories d’hommes, avec toutes
les
espèces de créatures. Dialoguant toujours avec les plus divers interl
1109
es espèces de créatures. Dialoguant toujours avec
les
plus divers interlocuteurs, il ne se range jamais, comme un littérate
1110
une esthétique préconçue, mais il adopte toujours
la
forme de discours la plus propre, sinon à charmer du moins à toucher
1111
çue, mais il adopte toujours la forme de discours
la
plus propre, sinon à charmer du moins à toucher son antagoniste ; l’a
1112
on à charmer du moins à toucher son antagoniste ;
l’
art de Calvin est fait de soumission absolue à l’objet proposé : tout
1113
l’art de Calvin est fait de soumission absolue à
l’
objet proposé : tout en portant la marque d’une des plus puissantes pe
1114
ssion absolue à l’objet proposé : tout en portant
la
marque d’une des plus puissantes personnalités qui fut jamais, il se
1115
ecrée toujours lui-même. Soumission du langage à
l’
objet spirituellement dominé : telle serait la formule du classicisme
1116
e à l’objet spirituellement dominé : telle serait
la
formule du classicisme de Calvin. D’une vivacité presque baroque dans
1117
me de Calvin. D’une vivacité presque baroque dans
les
Scandales, orné et pompeux dans l’Épître, sobre et grave dans le Trai
1118
baroque dans les Scandales, orné et pompeux dans
l’
Épître, sobre et grave dans le Traité de la Cène, ce style garde parto
1119
rné et pompeux dans l’Épître, sobre et grave dans
le
Traité de la Cène, ce style garde partout les vertus qui, sans doute,
1120
x dans l’Épître, sobre et grave dans le Traité de
la
Cène, ce style garde partout les vertus qui, sans doute, font le plus
1121
dans le Traité de la Cène, ce style garde partout
les
vertus qui, sans doute, font le plus grand défaut à notre siècle : un
1122
le garde partout les vertus qui, sans doute, font
le
plus grand défaut à notre siècle : une fermeté délibérée qui ne s’arr
1123
t à des trouvailles, une sobriété vigoureuse dans
l’
exposé des sic et non, enfin ce ton naturel de grandeur qui s’accommod
1124
tour à tour alangui ou excité nous a fait perdre
le
secret. Notre langage moderne relève à peine de deux maladies graves
1125
moderne relève à peine de deux maladies graves :
la
contention abstraite du xviie et la dissolution voluptueuse du xixe
1126
ies graves : la contention abstraite du xviie et
la
dissolution voluptueuse du xixe . Il m’apparaît que le style d’un Cal
1127
ssolution voluptueuse du xixe . Il m’apparaît que
le
style d’un Calvin peut nous être un puissant roboratif. Et ceci pour
1128
fondateur d’Église ; donc doublement conscient de
la
responsabilité de ses paroles. Or, rien ne confère au langage une aus
1129
ission à remplir et d’un dialogue à soutenir avec
l’
époque. Notre culture périt d’être par trop « irresponsable ». Peut-êt
1130
esponsable ». Peut-être nous faut-il revenir vers
les
chefs pour apprendre à nouveau ce que parler veut dire. Ensuite, n’ou
1131
la plupart des écrits français de Calvin — c’est
le
cas de ces Trois traités — furent traduits par lui-même du latin. D’o
1132
tés — furent traduits par lui-même du latin. D’où
la
jeunesse de cette langue et sa sobriété monumentale. Là encore, la le
1133
tte langue et sa sobriété monumentale. Là encore,
la
leçon de Calvin serait celle d’un retour aux origines. Voilà la seule
1134
lvin serait celle d’un retour aux origines. Voilà
la
seule révolution qui compte pour l’esprit. Elle doit commander toutes
1135
igines. Voilà la seule révolution qui compte pour
l’
esprit. Elle doit commander toutes les autres. 12. Trois traités de
1136
compte pour l’esprit. Elle doit commander toutes
les
autres. 12. Trois traités de Jean Calvin. Préface de Jacques Panni
1137
« [Compte rendu] Trois traités de Jean Calvin »,
Les
Nouvelles littéraires, Paris, 20 juillet 1935, p. 5.
1138
Les
mystiques allemands du xiiie au xixe siècle, par Jean Chuzeville (2
1139
ècle, par Jean Chuzeville (2 novembre 1935)m n
L’
esprit occidental n’a jamais eu d’unité harmonieuse : il est toujours
1140
trice. Cette vue des plus courantes omet pourtant
le
fait chrétien fondamental : la foi. La foi est acte humain d’obéissan
1141
ntes omet pourtant le fait chrétien fondamental :
la
foi. La foi est acte humain d’obéissance en même temps qu’elle est do
1142
t pourtant le fait chrétien fondamental : la foi.
La
foi est acte humain d’obéissance en même temps qu’elle est don de Die
1143
du monde, comme à toute action en révolte contre
l’
ordre de la Parole. En confondant la foi et la mystique, comme le fait
1144
comme à toute action en révolte contre l’ordre de
la
Parole. En confondant la foi et la mystique, comme le fait par malheu
1145
évolte contre l’ordre de la Parole. En confondant
la
foi et la mystique, comme le fait par malheur M. Chuzeville, on contr
1146
tre l’ordre de la Parole. En confondant la foi et
la
mystique, comme le fait par malheur M. Chuzeville, on contribue à ren
1147
arole. En confondant la foi et la mystique, comme
le
fait par malheur M. Chuzeville, on contribue à renforcer un préjugé d
1148
zeville, on contribue à renforcer un préjugé dont
le
bénéfice ne saurait être pour la foi. La mystique, nous dit-il, en ef
1149
un préjugé dont le bénéfice ne saurait être pour
la
foi. La mystique, nous dit-il, en effet, c’est « la recherche des moy
1150
ugé dont le bénéfice ne saurait être pour la foi.
La
mystique, nous dit-il, en effet, c’est « la recherche des moyens par
1151
foi. La mystique, nous dit-il, en effet, c’est «
la
recherche des moyens par lesquels l’âme arrive à transgresser ses lim
1152
fet, c’est « la recherche des moyens par lesquels
l’
âme arrive à transgresser ses limites charnelles et temporelles ». For
1153
porelles ». Fort bien, répondrait un marxiste, si
le
christianisme est cela, nous lui laisserons ses rêveries et nous nous
1154
aisserons ses rêveries et nous nous chargerons de
l’
homme « dans ses limites charnelles et temporelles ». C’est aussi ce q
1155
arnelles et temporelles ». C’est aussi ce que dit
l’
Évangile, où il n’est pas question de mysticisme. Ceci marqué, qui est
1156
el et poétique plein de dangers et de merveilles.
Le
choix des textes me paraît des plus heureux, la traduction ferme et c
1157
. Le choix des textes me paraît des plus heureux,
la
traduction ferme et coulante. La plupart des mystiques que M. Chuzevi
1158
Suso, Tauler, Franck et Weigel, et surtout Boehme
le
gnostique. Pour Paracelse, on s’étonnera sans doute de le voir figure
1159
ique. Pour Paracelse, on s’étonnera sans doute de
le
voir figurer dans un choix de « mystiques », alors qu’il est le premi
1160
tiques », alors qu’il est le premier défenseur de
l’
expérience. Mais la beauté des textes cités fait pardonner bien volont
1161
il est le premier défenseur de l’expérience. Mais
la
beauté des textes cités fait pardonner bien volontiers cette erreur d
1162
ntiers cette erreur de classification. En vérité,
les
mystiques allemands nous apparaissent surtout intéressants dans la me
1163
mands nous apparaissent surtout intéressants dans
la
mesure où ils annoncent le lyrisme et la philosophie d’une des plus h
1164
tout intéressants dans la mesure où ils annoncent
le
lyrisme et la philosophie d’une des plus hautes périodes de l’esprit
1165
nts dans la mesure où ils annoncent le lyrisme et
la
philosophie d’une des plus hautes périodes de l’esprit humain. J’ente
1166
la philosophie d’une des plus hautes périodes de
l’
esprit humain. J’entends le premier romantisme allemand, encore si mal
1167
emps que nous rendions hommage à ce ver sacrum de
l’
esprit germanique. Il est grand temps que nous relevions ces titres de
1168
lomnies usées sur un Luther qu’on n’a jamais lu ;
l’
introduction de cette anthologie contient, à cet égard, de navrantes d
1169
emont Denis de, « [Compte rendu] Jean Chuzeville,
Les
Mystiques allemands du XIIIe au XIXe siècle », Les Nouvelles littéra
1170
s Mystiques allemands du XIIIe au XIXe siècle »,
Les
Nouvelles littéraires, Paris, 2 novembre 1935, p. 5. n. Une note de
1171
novembre 1935, p. 5. n. Une note de lecture sur
le
même livre a également paru dans la Nouvelle Revue française d’octobr
1172
e lecture sur le même livre a également paru dans
la
Nouvelle Revue française d’octobre 1935.
1173
Le
Problème du bien (12 septembre 1936)o Couronnant une carrière d’au
1174
longue — quarante-cinq volumes, sauf erreur — M.
le
pasteur Wilfred Monod nous a donné une œuvre aussi exceptionnelle par
1175
par son style. M. Wilfred Monod est actuellement
le
représentant le plus marquant d’une famille dont les destins se confo
1176
M. Wilfred Monod est actuellement le représentant
le
plus marquant d’une famille dont les destins se confondirent durant t
1177
représentant le plus marquant d’une famille dont
les
destins se confondirent durant tout le siècle dernier avec ceux du pr
1178
ille dont les destins se confondirent durant tout
le
siècle dernier avec ceux du protestantisme français. Maurras, lorsqu’
1179
uva rien de mieux que d’écrire un pamphlet contre
la
race des Monod, les traditions, l’esprit et l’idéologie de cette « tr
1180
ue d’écrire un pamphlet contre la race des Monod,
les
traditions, l’esprit et l’idéologie de cette « tribu ». Il semble que
1181
amphlet contre la race des Monod, les traditions,
l’
esprit et l’idéologie de cette « tribu ». Il semble que l’auteur du Pr
1182
re la race des Monod, les traditions, l’esprit et
l’
idéologie de cette « tribu ». Il semble que l’auteur du Problème du Bi
1183
et l’idéologie de cette « tribu ». Il semble que
l’
auteur du Problème du Bien 13 se soit fait un glorieux devoir, et peut
1184
evoir, et peut-être un malin plaisir, de soutenir
les
causes les plus vilipendées par ce furieux censeur païen. Qu’il suffi
1185
eut-être un malin plaisir, de soutenir les causes
les
plus vilipendées par ce furieux censeur païen. Qu’il suffise de rappe
1186
ieux censeur païen. Qu’il suffise de rappeler que
le
nom de Wilfred Monod évoque immédiatement, dans l’esprit de tout prot
1187
e nom de Wilfred Monod évoque immédiatement, dans
l’
esprit de tout protestant, deux grands mouvements de pensée et d’actio
1188
ion dont il fut l’un des principaux initiateurs :
le
christianisme social, et l’union des églises non romaines, grande esp
1189
ncipaux initiateurs : le christianisme social, et
l’
union des églises non romaines, grande espérance œcuménique et interna
1190
e espérance œcuménique et internationale née dans
le
« désarroi » de l’après-guerre, et qui trouva lors du fameux congrès
1191
que et internationale née dans le « désarroi » de
l’
après-guerre, et qui trouva lors du fameux congrès de Stockholm sa pre
1192
tre auteur, il faut en ajouter une troisième, qui
les
commande directement : celle d’un certain humanisme chrétien. L’ouvra
1193
ectement : celle d’un certain humanisme chrétien.
L’
ouvrage littéralement énorme (hors de la norme) qui vient de paraître
1194
chrétien. L’ouvrage littéralement énorme (hors de
la
norme) qui vient de paraître sous un titre dont l’apparence paradoxal
1195
a norme) qui vient de paraître sous un titre dont
l’
apparence paradoxale est typique de l’esprit de M. Monod, figure sans
1196
titre dont l’apparence paradoxale est typique de
l’
esprit de M. Monod, figure sans aucun doute le document le plus comple
1197
de l’esprit de M. Monod, figure sans aucun doute
le
document le plus complet que le modernisme protestant aura livré sur
1198
de M. Monod, figure sans aucun doute le document
le
plus complet que le modernisme protestant aura livré sur son époque.
1199
sans aucun doute le document le plus complet que
le
modernisme protestant aura livré sur son époque. Mais il marque en mê
1200
temps son dépassement. Ces 3000 pages contiennent
la
somme de la problématique particulière à une école — est-ce trop dire
1201
passement. Ces 3000 pages contiennent la somme de
la
problématique particulière à une école — est-ce trop dire — qui va de
1202
ecrétan, Frommel et même Renouvier, et à laquelle
les
récents livres de Bergson viennent apporter un ultime renouveau. À ce
1203
ennent apporter un ultime renouveau. À cet égard,
le
Problème du Bien mériterait un examen critique dont le cadre de ma ch
1204
oblème du Bien mériterait un examen critique dont
le
cadre de ma chronique ne saurait supporter même l’esquisse. Mais le s
1205
e cadre de ma chronique ne saurait supporter même
l’
esquisse. Mais le sous-titre de cette œuvre nous engage à l’aborder tr
1206
onique ne saurait supporter même l’esquisse. Mais
le
sous-titre de cette œuvre nous engage à l’aborder très librement : «
1207
. Mais le sous-titre de cette œuvre nous engage à
l’
aborder très librement : « essai de théodicée et journal d’un pasteur
1208
ns pas affaire ici à une construction doctrinale.
L’
auteur prend soin de nous en avertir à maintes reprises : L’intérêt d
1209
end soin de nous en avertir à maintes reprises :
L’
intérêt du présent ouvrage ne réside pas seulement dans le récit d’une
1210
t du présent ouvrage ne réside pas seulement dans
le
récit d’une exploration hasardée en des régions peu connues, mais aus
1211
ardée en des régions peu connues, mais aussi dans
la
constante présentation d’un double cheminement : la recherche du pens
1212
constante présentation d’un double cheminement :
la
recherche du penseur et le ministère du pasteur. Par ailleurs, il ne
1213
n double cheminement : la recherche du penseur et
le
ministère du pasteur. Par ailleurs, il ne s’adresse pas aux spéciali
1214
leurs, il ne s’adresse pas aux spécialistes, ni à
l’
Église, comme ce serait le devoir d’un traité dogmatique. Je m’adress
1215
aux spécialistes, ni à l’Église, comme ce serait
le
devoir d’un traité dogmatique. Je m’adresse aux chrétiens, mais plus
1216
plus encore aux autres. Mon cœur est tourné vers
les
agnostiques, les sceptiques, les incrédules, les athées, les désespér
1217
autres. Mon cœur est tourné vers les agnostiques,
les
sceptiques, les incrédules, les athées, les désespérés (termes qui ne
1218
est tourné vers les agnostiques, les sceptiques,
les
incrédules, les athées, les désespérés (termes qui ne sont pas synony
1219
les agnostiques, les sceptiques, les incrédules,
les
athées, les désespérés (termes qui ne sont pas synonymes) et je leur
1220
ques, les sceptiques, les incrédules, les athées,
les
désespérés (termes qui ne sont pas synonymes) et je leur propose de m
1221
sont pas synonymes) et je leur propose de méditer
le
problème du Bien. Si des croyants peuvent douter de leur croyance à c
1222
e du Bien. D’une part, en effet, dit M. Monod, «
l’
athéisme n’explique pas la Beauté, la Joie, l’Amour, la Sainteté. Il s
1223
effet, dit M. Monod, « l’athéisme n’explique pas
la
Beauté, la Joie, l’Amour, la Sainteté. Il se brise contre le problème
1224
M. Monod, « l’athéisme n’explique pas la Beauté,
la
Joie, l’Amour, la Sainteté. Il se brise contre le problème du Bien. D
1225
, « l’athéisme n’explique pas la Beauté, la Joie,
l’
Amour, la Sainteté. Il se brise contre le problème du Bien. D’autre pa
1226
éisme n’explique pas la Beauté, la Joie, l’Amour,
la
Sainteté. Il se brise contre le problème du Bien. D’autre part, l’ort
1227
la Joie, l’Amour, la Sainteté. Il se brise contre
le
problème du Bien. D’autre part, l’orthodoxie chrétienne, avec son Die
1228
e brise contre le problème du Bien. D’autre part,
l’
orthodoxie chrétienne, avec son Dieu créateur omnipotent, omniprésent,
1229
nt, omniprésent, mais silencieux, se brise contre
le
problème du Mal ». Notons que cette position du problème, ce double f
1230
ette position du problème, ce double front contre
l’
athéisme et contre le dogmatisme, définit d’emblée la situation typiqu
1231
lème, ce double front contre l’athéisme et contre
le
dogmatisme, définit d’emblée la situation typique du penseur « libéra
1232
théisme et contre le dogmatisme, définit d’emblée
la
situation typique du penseur « libéral ». (Calvin disait : « libertin
1233
: « libertin spirituel ».) Il s’agit de confondre
les
philosophes incroyants au moyen de leurs propres arguments, et les th
1234
ncroyants au moyen de leurs propres arguments, et
les
théologiens trop rigides par le recours à une piété plus libre. On sa
1235
es arguments, et les théologiens trop rigides par
le
recours à une piété plus libre. On sait que pour l’école de Barth, to
1236
recours à une piété plus libre. On sait que pour
l’
école de Barth, tout au contraire, le rôle de la théologie sera pureme
1237
ait que pour l’école de Barth, tout au contraire,
le
rôle de la théologie sera purement et simplement de critiquer, au sei
1238
r l’école de Barth, tout au contraire, le rôle de
la
théologie sera purement et simplement de critiquer, au sein de l’Égli
1239
a purement et simplement de critiquer, au sein de
l’
Église, la prédication de l’Église, pour la débarrasser des intrusions
1240
et simplement de critiquer, au sein de l’Église,
la
prédication de l’Église, pour la débarrasser des intrusions de philos
1241
critiquer, au sein de l’Église, la prédication de
l’
Église, pour la débarrasser des intrusions de philosophies passagères
1242
ein de l’Église, la prédication de l’Église, pour
la
débarrasser des intrusions de philosophies passagères quelles qu’elle
1243
s qu’elles soient. Pour Barth, c’est Dieu qui met
l’
homme en question. M. Monod part au contraire d’une mise en question d
1244
contraire d’une mise en question de « Dieu » par
la
conscience morale de l’homme. L’opposition apparaît absolue. Mais l’u
1245
question de « Dieu » par la conscience morale de
l’
homme. L’opposition apparaît absolue. Mais l’une des grandes surprises
1246
de « Dieu » par la conscience morale de l’homme.
L’
opposition apparaît absolue. Mais l’une des grandes surprises que nous
1247
Mais l’une des grandes surprises que nous réserve
le
Problème du Bien, c’est qu’au moyen d’une méthode « libérale » et par
1248
artant d’un point de vue « libéral » — encore que
l’
auteur s’en défende, l’adjectif ayant pris peu à peu une signification
1249
e « libéral » — encore que l’auteur s’en défende,
l’
adjectif ayant pris peu à peu une signification ecclésiastique plus pr
1250
lle pas comme un signe, une promesse émouvante de
l’
unité future des chrétiens, par-delà les funestes divisions de l’ortho
1251
ouvante de l’unité future des chrétiens, par-delà
les
funestes divisions de l’orthodoxie et du libéralisme ? Mais revenons
1252
des chrétiens, par-delà les funestes divisions de
l’
orthodoxie et du libéralisme ? Mais revenons à la situation de départ
1253
l’orthodoxie et du libéralisme ? Mais revenons à
la
situation de départ de notre auteur. Contre l’un et l’autre adversair
1254
notre auteur. Contre l’un et l’autre adversaire —
l’
athée et l’orthodoxe desséché — M. Monod recourt au fait de son expéri
1255
r. Contre l’un et l’autre adversaire — l’athée et
l’
orthodoxe desséché — M. Monod recourt au fait de son expérience intéri
1256
diffère de tout processus psychique, il précise :
l’
expérience religieuse ne devient proprement chrétienne qu’en tant qu’e
1257
aît que son objet, c’est Dieu le Père, révélé par
le
Fils, et non ce Dieu omnipotent du dogme. En effet, Dieu n’est pas da
1258
mnipotent du dogme. En effet, Dieu n’est pas dans
la
Nature, il n’en est ni le maître ni l’auteur : voilà la thèse capital
1259
et, Dieu n’est pas dans la Nature, il n’en est ni
le
maître ni l’auteur : voilà la thèse capitale du livre. Ce que nous mo
1260
t pas dans la Nature, il n’en est ni le maître ni
l’
auteur : voilà la thèse capitale du livre. Ce que nous montre la Natur
1261
ure, il n’en est ni le maître ni l’auteur : voilà
la
thèse capitale du livre. Ce que nous montre la Nature, c’est bien plu
1262
là la thèse capitale du livre. Ce que nous montre
la
Nature, c’est bien plutôt l’action d’un « démiurge » sauvage, omnivor
1263
. Ce que nous montre la Nature, c’est bien plutôt
l’
action d’un « démiurge » sauvage, omnivore, amateur de catastrophes et
1264
, omnivore, amateur de catastrophes et de crimes.
Les
animaux se mangent entre eux, les hommes périssent par accident, la t
1265
s et de crimes. Les animaux se mangent entre eux,
les
hommes périssent par accident, la terre tremble : est-ce là l’œuvre d
1266
ent entre eux, les hommes périssent par accident,
la
terre tremble : est-ce là l’œuvre du Dieu d’amour dont parle l’Évangi
1267
issent par accident, la terre tremble : est-ce là
l’
œuvre du Dieu d’amour dont parle l’Évangile ? « La fourmi périssant de
1268
le : est-ce là l’œuvre du Dieu d’amour dont parle
l’
Évangile ? « La fourmi périssant de mort violente sous le talon d’un c
1269
l’œuvre du Dieu d’amour dont parle l’Évangile ? «
La
fourmi périssant de mort violente sous le talon d’un chrétien qui pri
1270
ile ? « La fourmi périssant de mort violente sous
le
talon d’un chrétien qui prie en marchant », — voilà qui pose à M. Mon
1271
i prie en marchant », — voilà qui pose à M. Monod
le
problème central de ce livre. Faudra-t-il donc revenir à Marcion, hér
1272
c revenir à Marcion, hérétique condamné par toute
la
tradition chrétienne pour avoir affirmé que le monde est l’œuvre d’un
1273
te la tradition chrétienne pour avoir affirmé que
le
monde est l’œuvre d’un esprit mauvais, d’un démiourgos que le Christ,
1274
on chrétienne pour avoir affirmé que le monde est
l’
œuvre d’un esprit mauvais, d’un démiourgos que le Christ, fils de Dieu
1275
l’œuvre d’un esprit mauvais, d’un démiourgos que
le
Christ, fils de Dieu, est venu pour combattre et pour vaincre ? M. Mo
1276
st venu pour combattre et pour vaincre ? M. Monod
le
pense. Jésus, dit-il, « n’est pas venu nous enseigner que l’univers a
1277
ésus, dit-il, « n’est pas venu nous enseigner que
l’
univers a un créateur. Il a, au contraire, déboulonné l’idole effroyab
1278
ers a un créateur. Il a, au contraire, déboulonné
l’
idole effroyable du Tout-Puissant ; il a enseigné que le vrai Dieu s’i
1279
e effroyable du Tout-Puissant ; il a enseigné que
le
vrai Dieu s’incarnait dans un crucifié vaincu ». Par une espèce de pa
1280
espèce de paradoxe — personne n’a chéri davantage
le
paradoxe depuis Kierkegaard — M. Monod déduit de cette « hypothèse de
1281
gme trinitaire : Dieu est un X qui ne se révèle à
l’
homme comme le Père que par son incarnation dans le Fils, reconnue grâ
1282
: Dieu est un X qui ne se révèle à l’homme comme
le
Père que par son incarnation dans le Fils, reconnue grâce au Saint-Es
1283
’homme comme le Père que par son incarnation dans
le
Fils, reconnue grâce au Saint-Esprit. Laissons l’aspect théologique d
1284
le Fils, reconnue grâce au Saint-Esprit. Laissons
l’
aspect théologique de cet ouvrage : son style de pensée, sa démarche i
1285
e insolite et dramatique ont bien de quoi retenir
le
lecteur même incroyant ou ignorant de ces débats. Wilfred Monod nous
1286
té humanitaire. Et quelle surabondance d’images !
La
TSF, les rayons X, l’automobile et la structure des atomes lui fourni
1287
itaire. Et quelle surabondance d’images ! La TSF,
les
rayons X, l’automobile et la structure des atomes lui fournissent un
1288
lle surabondance d’images ! La TSF, les rayons X,
l’
automobile et la structure des atomes lui fournissent un matériel méta
1289
d’images ! La TSF, les rayons X, l’automobile et
la
structure des atomes lui fournissent un matériel métaphorique inépuis
1290
à coup sûr, il s’agit là de littérature, bien que
l’
auteur s’en défende dans sa préface. Cela nous vaut des pages fort cur
1291
face. Cela nous vaut des pages fort curieuses sur
la
Nature, des élévations romantiques, telle description poignante de ré
1292
poignante de réalisme, d’un ensevelissement dans
la
fosse commune. Le mérite capital de cette vision totalitaire du réel,
1293
isme, d’un ensevelissement dans la fosse commune.
Le
mérite capital de cette vision totalitaire du réel, c’est qu’elle rep
1294
vision totalitaire du réel, c’est qu’elle replace
l’
homme dans la perspective cosmique dont un maigre intellectualisme dog
1295
taire du réel, c’est qu’elle replace l’homme dans
la
perspective cosmique dont un maigre intellectualisme dogmatique nous
1296
e intellectualisme dogmatique nous faisait perdre
l’
émouvant souci. À cet égard, on peut bien dire que M. Monod revient de
1297
, on peut bien dire que M. Monod revient de loin.
Les
Soliloques dans la nuit, fragments d’un journal de jeunesse qui rempl
1298
que M. Monod revient de loin. Les Soliloques dans
la
nuit, fragments d’un journal de jeunesse qui remplissent 200 pages du
1299
se intérieure et abstraite, où je crains bien que
la
jeunesse d’aujourd’hui ne voie plus qu’une fièvre morbide. Mais la fo
1300
ourd’hui ne voie plus qu’une fièvre morbide. Mais
la
forme excessivement libre de cet ouvrage le sauve de l’ennui inhérent
1301
Mais la forme excessivement libre de cet ouvrage
le
sauve de l’ennui inhérent aux gros livres. C’est une somme, ai-je dit
1302
me excessivement libre de cet ouvrage le sauve de
l’
ennui inhérent aux gros livres. C’est une somme, ai-je dit, une étrang
1303
vent, on y apprend beaucoup. On craint aussi qu’à
la
faveur de tant de richesses disparates, le sérieux proprement théolog
1304
i qu’à la faveur de tant de richesses disparates,
le
sérieux proprement théologique du raisonnement ne soit parfois diminu
1305
te que certains fidèles ne soient gênés, comme je
le
suis, par l’affirmation répétée que l’auteur « écrit à genoux ». Au s
1306
ns fidèles ne soient gênés, comme je le suis, par
l’
affirmation répétée que l’auteur « écrit à genoux ». Au sous-titre du
1307
, comme je le suis, par l’affirmation répétée que
l’
auteur « écrit à genoux ». Au sous-titre du Problème du Bien, j’appose
1308
t se libère d’un intellectualisme intempérant par
la
considération hardie du cosmos. Quant à sa thèse théologique, je me c
1309
èse théologique, je me contente de suggérer qu’on
l’
admettrait plus aisément si l’auteur ne cherchait à l’imposer par le s
1310
e de suggérer qu’on l’admettrait plus aisément si
l’
auteur ne cherchait à l’imposer par le spectacle de ses propres luttes
1311
mettrait plus aisément si l’auteur ne cherchait à
l’
imposer par le spectacle de ses propres luttes — où nous ne reconnaiss
1312
aisément si l’auteur ne cherchait à l’imposer par
le
spectacle de ses propres luttes — où nous ne reconnaissons pas forcém
1313
t les nôtres — et s’il ne tenait, par ailleurs, à
l’
étayer par une philosophie qui ne saurait plus être la nôtre : j’enten
1314
ayer par une philosophie qui ne saurait plus être
la
nôtre : j’entends le criticisme à peine critiqué. Le contenu de la Ré
1315
hie qui ne saurait plus être la nôtre : j’entends
le
criticisme à peine critiqué. Le contenu de la Révélation, malgré tout
1316
nôtre : j’entends le criticisme à peine critiqué.
Le
contenu de la Révélation, malgré toutes les philosophies, doit rester
1317
nds le criticisme à peine critiqué. Le contenu de
la
Révélation, malgré toutes les philosophies, doit rester pour tous les
1318
tiqué. Le contenu de la Révélation, malgré toutes
les
philosophies, doit rester pour tous les croyants : « Emmanuel ! » qui
1319
ré toutes les philosophies, doit rester pour tous
les
croyants : « Emmanuel ! » qui signifie : Dieu avec nous ! Est-il vrai
1320
ermis au chrétien, de fonder cette Révélation sur
le
système d’un autre Emmanuel — Kant en l’espèce ? M. Monod ne saurait
1321
tion sur le système d’un autre Emmanuel — Kant en
l’
espèce ? M. Monod ne saurait m’en vouloir de lui retourner une boutade
1322
porte évidemment sa marquep. 13. Wilfred Monod,
Le
Problème du Bien : essai de théodicée et journal d’un pasteur, 3 volu
1323
ugemont Denis de, « [Compte rendu] Wilfred Monod,
Le
Problème du bien », Les Nouvelles littéraires, Paris, 12 septembre 1
1324
pte rendu] Wilfred Monod, Le Problème du bien »,
Les
Nouvelles littéraires, Paris, 12 septembre 1936, p. 5. p. Une critiq
1325
ris, 12 septembre 1936, p. 5. p. Une critique de
l’
ouvrage de Wilfred Monod paraît également dans Hic et Nunc de mai 19
1326
ît également dans Hic et Nunc de mai 1935, sous
le
titre : « Soirée chez Nicodème ».
1327
Que sait-on de Luther en France ? Qu’il rompu
l’
unité de l’Église. Mais dans quelles circonstances ? Poussé par quelle
1328
t-on de Luther en France ? Qu’il rompu l’unité de
l’
Église. Mais dans quelles circonstances ? Poussé par quelles raisons ?
1329
é par quelles raisons ? Et pour quelles fins ? Si
l’
on ne veut pas s’en tenir à des appréciations du genre « moine qui vou
1330
se marier », il serait sage de parcourir au moins
les
œuvres capitales du grand réformateur. Or, il se trouve, et c’est pre
1331
pendice à une brève biographie ; une brochure sur
la
liberté chrétienne : et les trop fameux Propos de Table, absolument i
1332
hie ; une brochure sur la liberté chrétienne : et
les
trop fameux Propos de Table, absolument insignifiants quant à la doct
1333
Propos de Table, absolument insignifiants quant à
la
doctrine religieuse : voilà tout ce qui nous est accessible d’une œuv
1334
it pourtant qu’elle a changé plus qu’aucune autre
les
destinées de l’Occident. (Je ne fais là, bien entendu, qu’une constat
1335
le a changé plus qu’aucune autre les destinées de
l’
Occident. (Je ne fais là, bien entendu, qu’une constatation historique
1336
qu’une constatation historique.) Remercions donc
le
courageux éditeur qui vient d’entreprendre la réparation de cette inc
1337
onc le courageux éditeur qui vient d’entreprendre
la
réparation de cette inconcevable lacune, en publiant l’ouvrage centra
1338
aration de cette inconcevable lacune, en publiant
l’
ouvrage central de la réforme luthérienne, le Traité du serf arbitre 1
1339
ncevable lacune, en publiant l’ouvrage central de
la
réforme luthérienne, le Traité du serf arbitre 14. Ne fût-ce que sur
1340
iant l’ouvrage central de la réforme luthérienne,
le
Traité du serf arbitre 14. Ne fût-ce que sur le plan de la culture gé
1341
du serf arbitre 14. Ne fût-ce que sur le plan de
la
culture générale, une telle publication est appelée à rendre des serv
1342
au cœur même du grand débat occidental, celui de
la
pensée « pure » et de la pensée « engagée ». Elle met entre nos mains
1343
bat occidental, celui de la pensée « pure » et de
la
pensée « engagée ». Elle met entre nos mains la pièce capitale du pro
1344
e la pensée « engagée ». Elle met entre nos mains
la
pièce capitale du procès : l’acte d’accusation du clerc actif qu’étai
1345
met entre nos mains la pièce capitale du procès :
l’
acte d’accusation du clerc actif qu’était Luther, contre le clerc « dé
1346
accusation du clerc actif qu’était Luther, contre
le
clerc « désintéressé » que croyait pouvoir être Érasme. Elle nous per
1347
de cette grande tension spirituelle dans laquelle
l’
Europe a puisé son dynamisme créateur : l’opposition du témoin respons
1348
aquelle l’Europe a puisé son dynamisme créateur :
l’
opposition du témoin responsable et du spectateur détaché. Le point de
1349
n du témoin responsable et du spectateur détaché.
Le
point de vue du « clerc pur », celui d’Érasme, nous est suffisamment
1350
isamment connu. Qu’on se reporte en particulier à
la
brillante biographie de Stefan Zweig, et j’ajouterais : à toute l’œuv
1351
raphie de Stefan Zweig, et j’ajouterais : à toute
l’
œuvre récente du parfait disciple d’Érasme que se trouve être M. Benda
1352
d’Érasme que se trouve être M. Benda. Érasme dit
le
vrai, puis se lave les mains, et refuse d’endosser les conséquences d
1353
e être M. Benda. Érasme dit le vrai, puis se lave
les
mains, et refuse d’endosser les conséquences de sa vérité : il souhai
1354
rai, puis se lave les mains, et refuse d’endosser
les
conséquences de sa vérité : il souhaite même qu’il n’y en ait pas. Et
1355
: il souhaite même qu’il n’y en ait pas. Et tous
les
prudents d’applaudir, non sans apparences de raison : on a commis tan
1356
de raison : on a commis tant de crimes au nom de
la
vérité ! On s’en est plus servi qu’on ne l’a servie… L’intervention d
1357
om de la vérité ! On s’en est plus servi qu’on ne
l’
a servie… L’intervention de Luther en personne va-t-elle changer une f
1358
ité ! On s’en est plus servi qu’on ne l’a servie…
L’
intervention de Luther en personne va-t-elle changer une fois de plus
1359
er en personne va-t-elle changer une fois de plus
la
face des choses ? À tout le moins doit-elle passionner le débat, et l
1360
nger une fois de plus la face des choses ? À tout
le
moins doit-elle passionner le débat, et le faire puissamment rebondir
1361
des choses ? À tout le moins doit-elle passionner
le
débat, et le faire puissamment rebondir. Car personne n’a mieux incar
1362
À tout le moins doit-elle passionner le débat, et
le
faire puissamment rebondir. Car personne n’a mieux incarné la volonté
1363
ssamment rebondir. Car personne n’a mieux incarné
la
volonté de pensée militante que ce petit moine qui, à Worms, osa dres
1364
e ce petit moine qui, à Worms, osa dresser contre
l’
opportunisme impérial et sacerdotal l’inflexible, l’urgente exigence d
1365
sser contre l’opportunisme impérial et sacerdotal
l’
inflexible, l’urgente exigence de la vérité en action. Que trouvera le
1366
opportunisme impérial et sacerdotal l’inflexible,
l’
urgente exigence de la vérité en action. Que trouvera le lecteur profa
1367
et sacerdotal l’inflexible, l’urgente exigence de
la
vérité en action. Que trouvera le lecteur profane, et peu au fait de
1368
nte exigence de la vérité en action. Que trouvera
le
lecteur profane, et peu au fait de la problématique chrétienne, dans
1369
ue trouvera le lecteur profane, et peu au fait de
la
problématique chrétienne, dans cet ouvrage, qui est avant tout celui
1370
Une verdeur de polémique qui peut flatter en nous
le
goût du pittoresque ; l’élan génial, la violence loyale d’une certitu
1371
qui peut flatter en nous le goût du pittoresque ;
l’
élan génial, la violence loyale d’une certitude pesante, vraiment « gr
1372
r en nous le goût du pittoresque ; l’élan génial,
la
violence loyale d’une certitude pesante, vraiment « grave », d’une di
1373
i va droit au point décisif, envisage honnêtement
les
objections, donne à la thèse adverse toutes ses chances, non sans iro
1374
sif, envisage honnêtement les objections, donne à
la
thèse adverse toutes ses chances, non sans ironie toutefois, et sait
1375
nie toutefois, et sait enfin conférer à son choix
la
force et la simplicité d’une constatation évidente. D’un point de vue
1376
s, et sait enfin conférer à son choix la force et
la
simplicité d’une constatation évidente. D’un point de vue purement es
1377
r assez flagrantes, pour qu’un lecteur qui refuse
l’
essentiel — c’est-à-dire la foi de Luther — soit tout de même attiré e
1378
’un lecteur qui refuse l’essentiel — c’est-à-dire
la
foi de Luther — soit tout de même attiré et subjugué par le style, pa
1379
Luther — soit tout de même attiré et subjugué par
le
style, par le ton de l’ouvrage. Mais on ne saurait réduire le Traité
1380
tout de même attiré et subjugué par le style, par
le
ton de l’ouvrage. Mais on ne saurait réduire le Traité du serf arbitr
1381
me attiré et subjugué par le style, par le ton de
l’
ouvrage. Mais on ne saurait réduire le Traité du serf arbitre à la que
1382
r le ton de l’ouvrage. Mais on ne saurait réduire
le
Traité du serf arbitre à la querelle avec Érasme, qui lui servit de p
1383
on ne saurait réduire le Traité du serf arbitre à
la
querelle avec Érasme, qui lui servit de prétexte et d’aiguillon, et q
1384
tour à tour ironique ou émouvant. En fait, toutes
les
affirmations fondamentales de la Réforme sont ici reposées par Luther
1385
En fait, toutes les affirmations fondamentales de
la
Réforme sont ici reposées par Luther : justification par la foi, qui
1386
sont ici reposées par Luther : justification par
la
foi, qui est don gratuit et œuvre de Dieu seul en nous ; opposition d
1387
uit et œuvre de Dieu seul en nous ; opposition de
la
justice donnée par Dieu à la justice acquise par nos mérites ; opposi
1388
nous ; opposition de la justice donnée par Dieu à
la
justice acquise par nos mérites ; opposition de la Parole vivante à l
1389
a justice acquise par nos mérites ; opposition de
la
Parole vivante à la tradition codifiée ; sens de la décision totale e
1390
r nos mérites ; opposition de la Parole vivante à
la
tradition codifiée ; sens de la décision totale entre un oui et un no
1391
Parole vivante à la tradition codifiée ; sens de
la
décision totale entre un oui et un non absolus, et refus de tout moye
1392
n non absolus, et refus de tout moyen terme entre
les
règnes en guerre ouverte du Dieu de la foi et du Prince de ce monde ;
1393
rme entre les règnes en guerre ouverte du Dieu de
la
foi et du Prince de ce monde ; nécessité du témoignage, et du témoign
1394
, et du témoignage fidèle, certifié au-dedans par
l’
Esprit saint, et par l’Écriture au-dehors, et constituant la véritable
1395
le, certifié au-dedans par l’Esprit saint, et par
l’
Écriture au-dehors, et constituant la véritable action de l’homme entr
1396
aint, et par l’Écriture au-dehors, et constituant
la
véritable action de l’homme entre les mains de Dieu. À cet égard, il
1397
au-dehors, et constituant la véritable action de
l’
homme entre les mains de Dieu. À cet égard, il n’est nullement exagéré
1398
constituant la véritable action de l’homme entre
les
mains de Dieu. À cet égard, il n’est nullement exagéré de voir dans l
1399
et égard, il n’est nullement exagéré de voir dans
le
Traité du serf arbitre une sorte de résumé — très peu systématique, e
1400
e, et c’est heureux — des positions maîtresses de
la
Réforme. Quant à la thèse particulière, qui est la négation du libre
1401
— des positions maîtresses de la Réforme. Quant à
la
thèse particulière, qui est la négation du libre arbitre religieux, c
1402
a Réforme. Quant à la thèse particulière, qui est
la
négation du libre arbitre religieux, c’est-à-dire du pouvoir qu’aurai
1403
itre religieux, c’est-à-dire du pouvoir qu’aurait
l’
homme de gagner le salut par ses propres efforts de volonté, ce n’est
1404
est-à-dire du pouvoir qu’aurait l’homme de gagner
le
salut par ses propres efforts de volonté, ce n’est pas ici le lieu de
1405
ses propres efforts de volonté, ce n’est pas ici
le
lieu de l’examiner. Notons seulement, pour écarter le pire malentendu
1406
s efforts de volonté, ce n’est pas ici le lieu de
l’
examiner. Notons seulement, pour écarter le pire malentendu, que Luthe
1407
ieu de l’examiner. Notons seulement, pour écarter
le
pire malentendu, que Luther ne nie pas du tout la réalité de notre vo
1408
le pire malentendu, que Luther ne nie pas du tout
la
réalité de notre volonté. Il nie seulement que cette volonté puisse s
1409
e s’appliquer librement aux choses qui concernent
le
salut. Elle fait partie de notre nature, et comme telle, ne désire vr
1410
re nature, et comme telle, ne désire vraiment que
le
péché. La liberté n’est pas dans l’homme, mais dans l’acte par lequel
1411
et comme telle, ne désire vraiment que le péché.
La
liberté n’est pas dans l’homme, mais dans l’acte par lequel Dieu le c
1412
vraiment que le péché. La liberté n’est pas dans
l’
homme, mais dans l’acte par lequel Dieu le choisit, substituant à un d
1413
ché. La liberté n’est pas dans l’homme, mais dans
l’
acte par lequel Dieu le choisit, substituant à un destin fatal une voc
1414
as dans l’homme, mais dans l’acte par lequel Dieu
le
choisit, substituant à un destin fatal une vocation d’un tout autre o
1415
tion d’un tout autre ordre. Fatalité et liberté :
le
problème ne peut être écarté comme relevant de la seule théologie. Il
1416
le problème ne peut être écarté comme relevant de
la
seule théologie. Il est au cœur de la pensée humaine. Tout homme qui
1417
relevant de la seule théologie. Il est au cœur de
la
pensée humaine. Tout homme qui veut penser son existence en termes ra
1418
sérieux, se voit acculé à ce dilemme, ou plutôt à
l’
acceptation simultanée de ses deux termes. Et l’on sait que Nietzsche
1419
à l’acceptation simultanée de ses deux termes. Et
l’
on sait que Nietzsche lui-même aboutit à un paradoxe tout semblable à
1420
à un paradoxe tout semblable à celui de Luther :
la
liberté est à ses yeux dans la connaissance virile d’une nécessité im
1421
celui de Luther : la liberté est à ses yeux dans
la
connaissance virile d’une nécessité immuable, acceptée et aimée comme
1422
le. Mais cette nécessité s’appelle pour Nietzsche
le
fatum, la fatalité sans visage du Retour éternel de toutes choses. Po
1423
ette nécessité s’appelle pour Nietzsche le fatum,
la
fatalité sans visage du Retour éternel de toutes choses. Pour Luther,
1424
toutes choses. Pour Luther, elle est au contraire
la
Providence, la personne même de Dieu, éternellement active, et qui no
1425
Pour Luther, elle est au contraire la Providence,
la
personne même de Dieu, éternellement active, et qui nous aime. Il fau
1426
t active, et qui nous aime. Il faut choisir. Mais
le
choix est-il libre ? On retombe au débat de Luther et d’Érasme. Le tr
1427
ibre ? On retombe au débat de Luther et d’Érasme.
Le
trop prudent humaniste eût-il saisi dans son sérieux dernier la réali
1428
t humaniste eût-il saisi dans son sérieux dernier
la
réalité d’un dilemme qui sacrifie l’homme à la vérité ? 14. Traduit
1429
ieux dernier la réalité d’un dilemme qui sacrifie
l’
homme à la vérité ? 14. Traduit du latin, aux Éditions « Je sers ».
1430
er la réalité d’un dilemme qui sacrifie l’homme à
la
vérité ? 14. Traduit du latin, aux Éditions « Je sers ». Préface de
1431
du latin, aux Éditions « Je sers ». Préface de M.
le
professeur A. Jundi. q. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Luther
1432
enis de, « [Compte rendu] Luther contre Érasme »,
Les
Nouvelles littéraires, Paris, 19 juin 1937, p. 5. r. Il s’agit d’une
1433
Lagerlöf, conteur de légende (3 juillet 1937)s
L’
art de conter pour le plaisir se perd. Et peut-être, avec lui, l’art t
1434
légende (3 juillet 1937)s L’art de conter pour
le
plaisir se perd. Et peut-être, avec lui, l’art tout court. Dans la li
1435
pour le plaisir se perd. Et peut-être, avec lui,
l’
art tout court. Dans la littérature du xxe siècle, il n’y a plus de g
1436
d. Et peut-être, avec lui, l’art tout court. Dans
la
littérature du xxe siècle, il n’y a plus de grands mythes, il y a de
1437
s analyses. On part de « faits d’observation » et
l’
on essaie d’en tirer de la vie. Mais ne serait-ce pas que l’on ne sait
1438
aits d’observation » et l’on essaie d’en tirer de
la
vie. Mais ne serait-ce pas que l’on ne sait plus créer de la vie ? On
1439
e d’en tirer de la vie. Mais ne serait-ce pas que
l’
on ne sait plus créer de la vie ? On s’efforce de la décrire, ou pis e
1440
s ne serait-ce pas que l’on ne sait plus créer de
la
vie ? On s’efforce de la décrire, ou pis encore, de l’expliquer… Le r
1441
on ne sait plus créer de la vie ? On s’efforce de
la
décrire, ou pis encore, de l’expliquer… Le romancier moderne apparaît
1442
e ? On s’efforce de la décrire, ou pis encore, de
l’
expliquer… Le romancier moderne apparaît étrangement dépourvu de ce po
1443
rce de la décrire, ou pis encore, de l’expliquer…
Le
romancier moderne apparaît étrangement dépourvu de ce pouvoir « fabul
1444
M. Weidlé, dans ses Abeilles d’Aristée, constate
le
« crépuscule des mondes imaginaires ».) On n’aime plus inventer, mais
1445
inventer, mais on veut découvrir, à la manière de
l’
homme de science. Et tout l’effort de l’écrivain se porte alors sur l’
1446
vrir, à la manière de l’homme de science. Et tout
l’
effort de l’écrivain se porte alors sur l’analyse des motifs secrets d
1447
anière de l’homme de science. Et tout l’effort de
l’
écrivain se porte alors sur l’analyse des motifs secrets d’une action.
1448
Et tout l’effort de l’écrivain se porte alors sur
l’
analyse des motifs secrets d’une action. La méthode consistant trop so
1449
rs sur l’analyse des motifs secrets d’une action.
La
méthode consistant trop souvent, il faut le dire, à tenir pour vrai c
1450
tion. La méthode consistant trop souvent, il faut
le
dire, à tenir pour vrai ce que l’on juge le plus bas. Ainsi l’on en v
1451
ouvent, il faut le dire, à tenir pour vrai ce que
l’
on juge le plus bas. Ainsi l’on en vient peu à peu, par désir de se mo
1452
faut le dire, à tenir pour vrai ce que l’on juge
le
plus bas. Ainsi l’on en vient peu à peu, par désir de se montrer orig
1453
nir pour vrai ce que l’on juge le plus bas. Ainsi
l’
on en vient peu à peu, par désir de se montrer original, à tenir pour
1454
r de se montrer original, à tenir pour acquis que
les
« vertus » sont de ces illusions qui ne résistent pas à l’analyse, et
1455
us » sont de ces illusions qui ne résistent pas à
l’
analyse, et qu’un auteur sincère se doit de démasquer. Tout se ramèner
1456
incère se doit de démasquer. Tout se ramènerait à
la
physiologie, ou à l’argent. Il ne fallait pas moins que le génie plei
1457
asquer. Tout se ramènerait à la physiologie, ou à
l’
argent. Il ne fallait pas moins que le génie plein de malices d’une La
1458
logie, ou à l’argent. Il ne fallait pas moins que
le
génie plein de malices d’une Lagerlöf pour renverser d’un coup cette
1459
coup cette apparente fatalité. Kipling meurt, et
l’
on dit : c’était le dernier conteur. La même année paraît le grand tri
1460
meurt, et l’on dit : c’était le dernier conteur.
La
même année paraît le grand triptyque des Löwensköld 15. Et, grâce à l
1461
c’était le dernier conteur. La même année paraît
le
grand triptyque des Löwensköld 15. Et, grâce à lui, nous pourrons rir
1462
eau de cette « défense d’inventer » qui terrorise
les
romanciers du xxe siècle. Selma Lagerlöf sait encore que l’origine d
1463
rs du xxe siècle. Selma Lagerlöf sait encore que
l’
origine de tout l’art du récit, c’est la légende. Une atmosphère d’enf
1464
Selma Lagerlöf sait encore que l’origine de tout
l’
art du récit, c’est la légende. Une atmosphère d’enfance retrouvée — q
1465
ncore que l’origine de tout l’art du récit, c’est
la
légende. Une atmosphère d’enfance retrouvée — qu’on lise les souvenir
1466
. Une atmosphère d’enfance retrouvée — qu’on lise
les
souvenirs qui composent Morbacka 16 — voilà le milieu-mère de l’imagi
1467
e les souvenirs qui composent Morbacka 16 — voilà
le
milieu-mère de l’imagination. C’est une légende, Gösta Berling, qui i
1468
i composent Morbacka 16 — voilà le milieu-mère de
l’
imagination. C’est une légende, Gösta Berling, qui inaugure l’œuvre en
1469
n. C’est une légende, Gösta Berling, qui inaugure
l’
œuvre entière de l’auteurt. C’est une légende encore qui donne le dépa
1470
e, Gösta Berling, qui inaugure l’œuvre entière de
l’
auteurt. C’est une légende encore qui donne le départ à ce roman des L
1471
de l’auteurt. C’est une légende encore qui donne
le
départ à ce roman des Löwensköld, et porte sur lui de grandes ombres.
1472
pouvoir mortel d’un anneau dérobé dans une tombe (
L’
Anneau des Löwensköld). L’auteur lui-même sourit entre les lignes. (Ma
1473
dérobé dans une tombe (L’Anneau des Löwensköld).
L’
auteur lui-même sourit entre les lignes. (Mais, seule, la naïveté mode
1474
u des Löwensköld). L’auteur lui-même sourit entre
les
lignes. (Mais, seule, la naïveté moderne se figure qu’une légende doi
1475
r lui-même sourit entre les lignes. (Mais, seule,
la
naïveté moderne se figure qu’une légende doit être crue, comme on cro
1476
ure qu’une légende doit être crue, comme on croit
les
journaux, par exemple, et s’en indigne, et refuse de marcher !) Le vr
1477
exemple, et s’en indigne, et refuse de marcher !)
Le
vrai « miracle », ici, c’est le parti romanesque que Selma Lagerlöf a
1478
use de marcher !) Le vrai « miracle », ici, c’est
le
parti romanesque que Selma Lagerlöf a su tirer du mythe. Et c’est aus
1479
elma Lagerlöf a su tirer du mythe. Et c’est aussi
la
profusion géniale des inventions concrètes — une à chaque page, au mo
1480
chaque page, au moins — qui peu à peu illustrent
la
psychologie la plus secrète des héros. L’on prie de croire, d’ailleur
1481
u moins — qui peu à peu illustrent la psychologie
la
plus secrète des héros. L’on prie de croire, d’ailleurs, que ces héro
1482
ustrent la psychologie la plus secrète des héros.
L’
on prie de croire, d’ailleurs, que ces héros sont bien assez complexes
1483
assez complexes pour notre goût moderne ! Et que
l’
« analyse des motifs » est ici d’une fort malicieuse lucidité. Mais el
1484
e fort malicieuse lucidité. Mais elle s’opère par
le
seul jeu des faits, jamais en marge de l’action, sous forme de médita
1485
ère par le seul jeu des faits, jamais en marge de
l’
action, sous forme de méditation ou d’analyse. Toutes les ressources d
1486
on, sous forme de méditation ou d’analyse. Toutes
les
ressources du conte populaire et de l’imagerie sentimentale et romane
1487
e. Toutes les ressources du conte populaire et de
l’
imagerie sentimentale et romanesque, qu’on croyait épuisées depuis les
1488
tale et romanesque, qu’on croyait épuisées depuis
les
Victoriens, retrouvent ici leur grâce et leur prestige. Une ironie se
1489
leur prestige. Une ironie sereine, à peine amère,
les
décape de toute niaiserie, et déjoue toutes les conventions. Surtout
1490
, les décape de toute niaiserie, et déjoue toutes
les
conventions. Surtout, un rythme merveilleux de souplesse, d’imprévu
1491
’imprévu et d’aisance, entretient tout au long de
la
lecture une euphorie de l’imagination dont nous pensions que le secre
1492
etient tout au long de la lecture une euphorie de
l’
imagination dont nous pensions que le secret s’était perdu avec l’enfa
1493
euphorie de l’imagination dont nous pensions que
le
secret s’était perdu avec l’enfance. Comme on sent que l’auteur s’amu
1494
nt nous pensions que le secret s’était perdu avec
l’
enfance. Comme on sent que l’auteur s’amuse de sa maîtrise : Lagerlöf,
1495
t s’était perdu avec l’enfance. Comme on sent que
l’
auteur s’amuse de sa maîtrise : Lagerlöf, ou la gloire de conter ! Plu
1496
ue l’auteur s’amuse de sa maîtrise : Lagerlöf, ou
la
gloire de conter ! Plusieurs douzaines de personnages, des familles e
1497
bourgeois, des paysans, une belle jeune fille de
la
noblesse, une bohémienne, un jeune pasteur fanatique, une dévote écœu
1498
cela suffirait pour animer un roman romantique de
la
grande tradition. Mais tout ce pittoresque humain revêt un drame spir
1499
t ce pittoresque humain revêt un drame spirituel,
le
drame de l’absolu chrétien qui détruit tout dès qu’il agit sans chari
1500
sque humain revêt un drame spirituel, le drame de
l’
absolu chrétien qui détruit tout dès qu’il agit sans charité (thème fr
1501
dès qu’il agit sans charité (thème fréquent dans
la
littérature nordique). C’est à l’avant-dernière page seulement que le
1502
e fréquent dans la littérature nordique). C’est à
l’
avant-dernière page seulement que le sens profond de l’œuvre entière e
1503
que). C’est à l’avant-dernière page seulement que
le
sens profond de l’œuvre entière est formulé : « Celui qui veut être u
1504
nt-dernière page seulement que le sens profond de
l’
œuvre entière est formulé : « Celui qui veut être un disciple du Chris
1505
ui qui veut être un disciple du Christ sans avoir
l’
amour des hommes est condamné à aller à sa perte et à y conduire les a
1506
s est condamné à aller à sa perte et à y conduire
les
autres ». À ce moment aussi, l’on s’aperçoit que la fatalité de la lé
1507
et à y conduire les autres ». À ce moment aussi,
l’
on s’aperçoit que la fatalité de la légende a bel et bien dominé tous
1508
autres ». À ce moment aussi, l’on s’aperçoit que
la
fatalité de la légende a bel et bien dominé tous ces êtres, malgré le
1509
moment aussi, l’on s’aperçoit que la fatalité de
la
légende a bel et bien dominé tous ces êtres, malgré leur scepticisme
1510
, malgré leur scepticisme ou leurs bravades, dans
la
mesure où les religions obscures dominent ceux qui n’ont pas la foi.
1511
scepticisme ou leurs bravades, dans la mesure où
les
religions obscures dominent ceux qui n’ont pas la foi. Seule une priè
1512
es religions obscures dominent ceux qui n’ont pas
la
foi. Seule une prière désespérée, de pur amour, rompt le charme forgé
1513
Seule une prière désespérée, de pur amour, rompt
le
charme forgé par le péché. Au symbole de l’anneau volé, maintenant pr
1514
sespérée, de pur amour, rompt le charme forgé par
le
péché. Au symbole de l’anneau volé, maintenant privé de son pouvoir m
1515
rompt le charme forgé par le péché. Au symbole de
l’
anneau volé, maintenant privé de son pouvoir maléfique, répond le symb
1516
maintenant privé de son pouvoir maléfique, répond
le
symbole d’un engagement humain librement consenti devant Dieu ; un an
1517
u ; un anneau nuptial retrouvé. Le premier tome —
L’
Anneau des Löwensköld — contient le récit de la légende. Les deux tome
1518
premier tome — L’Anneau des Löwensköld — contient
le
récit de la légende. Les deux tomes suivants — Charlotte Löwensköld e
1519
— L’Anneau des Löwensköld — contient le récit de
la
légende. Les deux tomes suivants — Charlotte Löwensköld et Anna Svärd
1520
des Löwensköld — contient le récit de la légende.
Les
deux tomes suivants — Charlotte Löwensköld et Anna Svärd — forment un
1521
e chapitre avec une prodigalité vraiment géniale.
Le
jeune pasteur Karl-Artur Eckenstedt vient de se brouiller avec sa bel
1522
r avec sa belle fiancée, Charlotte Löwensköld. En
la
quittant, il lui a crié qu’il n’épouserait qu’une femme que Dieu lui
1523
ers pas une vieille mendiante sourde. Une voiture
le
dépasse, conduite par une riche jeune fille des environs, mais cela n
1524
, mais cela ne compte pas, car il est entendu que
la
femme désignée par Dieu doit venir à sa rencontre. Un peu plus loin,
1525
ntre. Un peu plus loin, il entend chanter : c’est
la
fille de l’aubergiste, qui a fort mauvaise réputation. Mais elle ne s
1526
plus loin, il entend chanter : c’est la fille de
l’
aubergiste, qui a fort mauvaise réputation. Mais elle ne s’engage pas
1527
auvaise réputation. Mais elle ne s’engage pas sur
la
route, elle s’arrête dans un pré voisin. Karl-Artur doute, tremble, e
1528
jours. Voici venir, à sa rencontre cette fois-ci,
la
plus pauvre orpheline du village ; elle est défigurée par une énorme
1529
e de vin. Faudra-t-il accepter ce martyre ? Déjà,
le
jeune homme s’y résigne… À quelques pas de lui, elle tourne à droite.
1530
que tu as rencontré un ours ! » C’est Anna Svärd,
la
femme que Dieu lui envoie, qu’il épousera envers et contre tous. Elle
1531
, dans cette scène étonnante, l’un des secrets de
l’
art de Selma Lagerlöf. L’invention romanesque n’est ici que la « mise
1532
nte, l’un des secrets de l’art de Selma Lagerlöf.
L’
invention romanesque n’est ici que la « mise en pratique » d’une attit
1533
ma Lagerlöf. L’invention romanesque n’est ici que
la
« mise en pratique » d’une attitude spirituelle extrême. La phrase de
1534
en pratique » d’une attitude spirituelle extrême.
La
phrase de Karl-Artur lâchée, il suffit de la prendre au mot : elle co
1535
ême. La phrase de Karl-Artur lâchée, il suffit de
la
prendre au mot : elle commande tout naturellement une suite d’inciden
1536
e d’incidents pittoresques ou dramatiques, à quoi
l’
auteur ne se prive pas d’ajouter quelques traces d’humour, comme pour
1537
ter quelques traces d’humour, comme pour purifier
l’
émotion. Mais pour qu’une telle phrase soit dite, il faut des âmes for
1538
te même phrase soit aussitôt mise en pratique par
le
héros, sans nulle invraisemblance, il faut que ce héros soit un croya
1539
ine trempe. Derrière Karl-Artur, en effet, il y a
la
tradition des puritains, mais aussi tout l’absolutisme religieux du B
1540
l y a la tradition des puritains, mais aussi tout
l’
absolutisme religieux du Brand d’Ibsen, de Kierkegaard, de Luther. Et
1541
iété sobre et son bon sens impérieux, voici Théa,
la
sectaire doucereuse, et Anna Svärd, « distinguée entre toutes » par l
1542
e, et Anna Svärd, « distinguée entre toutes » par
le
miracle, et qui l’accepte avec humilité. Et cinquante autres personna
1543
distinguée entre toutes » par le miracle, et qui
l’
accepte avec humilité. Et cinquante autres personnages, des foules aux
1544
quante autres personnages, des foules aux foires,
la
vie commune du bourg et des paroisses. C’est vraiment toute l’humanit
1545
e du bourg et des paroisses. C’est vraiment toute
l’
humanité suscitée et instruite par la Réforme, c’est un pays entier so
1546
aiment toute l’humanité suscitée et instruite par
la
Réforme, c’est un pays entier sous la lumière de la Parole, qui trouv
1547
struite par la Réforme, c’est un pays entier sous
la
lumière de la Parole, qui trouve ici son expression. Tout respire lar
1548
Réforme, c’est un pays entier sous la lumière de
la
Parole, qui trouve ici son expression. Tout respire largement, tout v
1549
out vit et se transforme, non pas seulement selon
les
lois des passions, des cœurs et des corps, mais aussi selon la libert
1550
assions, des cœurs et des corps, mais aussi selon
la
liberté, souvent plus folle encore, des âmes. Plénitude de la poésie
1551
souvent plus folle encore, des âmes. Plénitude de
la
poésie ! Et le spectacle le plus émouvant que nous donne cette œuvre
1552
lle encore, des âmes. Plénitude de la poésie ! Et
le
spectacle le plus émouvant que nous donne cette œuvre admirable, c’es
1553
es âmes. Plénitude de la poésie ! Et le spectacle
le
plus émouvant que nous donne cette œuvre admirable, c’est celui du tr
1554
cette œuvre admirable, c’est celui du travail de
la
foi dans la réalité totale d’un peuple, qu’elle trouble, assemble, ju
1555
admirable, c’est celui du travail de la foi dans
la
réalité totale d’un peuple, qu’elle trouble, assemble, juge et sauve.
1556
Rien de plus passionnant, pour qui vient de lire
les
Löwensköld, que de retrouver dans les souvenirs publiés sous le titre
1557
ent de lire les Löwensköld, que de retrouver dans
les
souvenirs publiés sous le titre de Morbacka les origines biographique
1558
que de retrouver dans les souvenirs publiés sous
le
titre de Morbacka les origines biographiques, les sources vives de ce
1559
s les souvenirs publiés sous le titre de Morbacka
les
origines biographiques, les sources vives de ce jaillissement d’inven
1560
le titre de Morbacka les origines biographiques,
les
sources vives de ce jaillissement d’inventions. Morbacka, c’est comme
1561
Lagerlöf. On y admire, appliquées au réel, toutes
les
vertus subtiles, tout le « métier » de l’écrivain : cette façon de ne
1562
liquées au réel, toutes les vertus subtiles, tout
le
« métier » de l’écrivain : cette façon de ne pas insister, de laisser
1563
toutes les vertus subtiles, tout le « métier » de
l’
écrivain : cette façon de ne pas insister, de laisser le lecteur seul
1564
vain : cette façon de ne pas insister, de laisser
le
lecteur seul avec l’émotion, cette malice cordiale, cette variété et,
1565
ne pas insister, de laisser le lecteur seul avec
l’
émotion, cette malice cordiale, cette variété et, à la fois, cette éco
1566
retrouve aussi, décrits l’un après l’autre, tous
les
éléments historiques, décors, personnages et coutumes, que les romans
1567
historiques, décors, personnages et coutumes, que
les
romans mettront en œuvre : il n’y manque rien que le rythme, c’est-à-
1568
romans mettront en œuvre : il n’y manque rien que
le
rythme, c’est-à-dire la part libre du génie, de l’imagination fabulat
1569
: il n’y manque rien que le rythme, c’est-à-dire
la
part libre du génie, de l’imagination fabulatrice. Et c’est là que je
1570
e rythme, c’est-à-dire la part libre du génie, de
l’
imagination fabulatrice. Et c’est là que je vois le très grand intérêt
1571
’imagination fabulatrice. Et c’est là que je vois
le
très grand intérêt de ces souvenirs — dont le charme, d’ailleurs, suf
1572
ois le très grand intérêt de ces souvenirs — dont
le
charme, d’ailleurs, suffirait bien à nous retenir : ils nous permette
1573
s nous permettent de mesurer d’un seul coup d’œil
l’
apport proprement artistique, la création, le don au double sens du mo
1574
n seul coup d’œil l’apport proprement artistique,
la
création, le don au double sens du mot, de l’auteur du triptyque des
1575
’œil l’apport proprement artistique, la création,
le
don au double sens du mot, de l’auteur du triptyque des Löwensköld. I
1576
ue, la création, le don au double sens du mot, de
l’
auteur du triptyque des Löwensköld. Il faut avouer que le milieu où Se
1577
r du triptyque des Löwensköld. Il faut avouer que
le
milieu où Selma Lagerlöf a grandi paraît favoriser plus qu’aucun autr
1578
löf a grandi paraît favoriser plus qu’aucun autre
le
déploiement des pouvoirs de la fable. Ces presbytères campagnards — q
1579
lus qu’aucun autre le déploiement des pouvoirs de
la
fable. Ces presbytères campagnards — que de pasteurs dans la famille
1580
es presbytères campagnards — que de pasteurs dans
la
famille des romanciers du Nord ! — environnés de paysages de rêve, de
1581
ques, tout cela semble disposé pour que se nouent
les
drames complexes dont s’est nourri depuis cent ans le grand roman occ
1582
rames complexes dont s’est nourri depuis cent ans
le
grand roman occidental : vies intérieures profondes, structure social
1583
s personnages. Considérez ces trois facteurs dans
le
roman de la grande époque (xixe siècle) et voyez si leur décadence n
1584
s. Considérez ces trois facteurs dans le roman de
la
grande époque (xixe siècle) et voyez si leur décadence ne suffit pas
1585
voyez si leur décadence ne suffit pas à expliquer
la
crise actuelle du genre dans notre société. 15. L’Anneau des Lowen
1586
rise actuelle du genre dans notre société. 15.
L’
Anneau des Lowensköld, Charlotte Lowensköld, Anna Svärd, romans tradui
1587
mpte rendu] Selma Lagerlöf, conteur de légende »,
Les
Nouvelles littéraires, Paris, 3 juillet 1937, p. 8. t. Rougemont en
1588
aris, 3 juillet 1937, p. 8. t. Rougemont en fait
la
recension dans la NRF de novembre 1937.
1589
37, p. 8. t. Rougemont en fait la recension dans
la
NRF de novembre 1937.
1590
t Denis de Rougemont (12 février 1939)u v Avec
l’
audace souriante de ces guides helvétiques qui mènent au bord du préci
1591
uides helvétiques qui mènent au bord du précipice
le
touriste stupéfait par le paysage et par le danger, M. Denis de Rouge
1592
nt au bord du précipice le touriste stupéfait par
le
paysage et par le danger, M. Denis de Rougemont vient de publier L’A
1593
ipice le touriste stupéfait par le paysage et par
le
danger, M. Denis de Rougemont vient de publier L’Amour et l’Occident
1594
e danger, M. Denis de Rougemont vient de publier
L’
Amour et l’Occident , livre qui va, sans doute, susciter des polémique
1595
. Denis de Rougemont vient de publier L’Amour et
l’
Occident , livre qui va, sans doute, susciter des polémiques passionné
1596
passionnées. Ce jeune écrivain suisse, qui joint
le
souci de l’actualité et le goût des questions sociales à la lucidité
1597
. Ce jeune écrivain suisse, qui joint le souci de
l’
actualité et le goût des questions sociales à la lucidité sensible d’u
1598
vain suisse, qui joint le souci de l’actualité et
le
goût des questions sociales à la lucidité sensible d’un compatriote d
1599
e l’actualité et le goût des questions sociales à
la
lucidité sensible d’un compatriote d’Amiel, a déjà derrière lui une œ
1600
ide. Il est l’un des principaux collaborateurs de
la
revue Esprit , écrit dans plusieurs revues des articles qui ne sont
1601
mais indifférents. Il a tenu, dans notre journal,
la
rubrique de la vie protestante. Ayant fait de solides études à Vienne
1602
ts. Il a tenu, dans notre journal, la rubrique de
la
vie protestante. Ayant fait de solides études à Vienne et en Allemagn
1603
paru au printemps dernier, est un des témoignages
les
plus valables sur le national-socialisme. Étranger, M. Denis de Rouge
1604
ier, est un des témoignages les plus valables sur
le
national-socialisme. Étranger, M. Denis de Rougemont connaît mieux qu
1605
e : il a séjourné de longs mois en Vendée et dans
le
Midi. Son Journal d’un intellectuel en chômage témoigne de la curio
1606
Journal d’un intellectuel en chômage témoigne de
la
curiosité, et aussi de la discrétion avec laquelle il s’efforce de dé
1607
en chômage témoigne de la curiosité, et aussi de
la
discrétion avec laquelle il s’efforce de dégager l’âme secrète de nos
1608
discrétion avec laquelle il s’efforce de dégager
l’
âme secrète de nos campagnes. Denis de Rougemont n’aime pas les villes
1609
e de nos campagnes. Denis de Rougemont n’aime pas
les
villes, il n’a pas besoin pour écrire de ces conversations, de ces éc
1610
souvent lieu de vie intérieure. Il me reçoit dans
la
maison de M. Charles Du Bos, à La Celle-Saint-Cloud, maison simple, s
1611
me reçoit dans la maison de M. Charles Du Bos, à
La
Celle-Saint-Cloud, maison simple, sans austérité, tout de suite famil
1612
s austérité, tout de suite familière, où il passe
l’
hiver avec sa femme et Colinet, son petit garçon. Denis de Rougemont e
1613
arçon. Denis de Rougemont est grand, souple, il a
la
réserve affable des Suisses, et ce sourire des lèvres qui semble excu
1614
sses, et ce sourire des lèvres qui semble excuser
le
sérieux du regard. Il rit malicieusement quand je lui parle du petit
1615
nier livre : n’y affirme-t-il pas, avec preuves à
l’
appui, que Tristan et Iseut, les amants légendaires, les héros de la p
1616
as, avec preuves à l’appui, que Tristan et Iseut,
les
amants légendaires, les héros de la passion, ne s’aimaient pas ? Quan
1617
ui, que Tristan et Iseut, les amants légendaires,
les
héros de la passion, ne s’aimaient pas ? Quand j’ai commencé à écrire
1618
an et Iseut, les amants légendaires, les héros de
la
passion, ne s’aimaient pas ? Quand j’ai commencé à écrire mon livre,
1619
e voulais simplement étudier ce mythe et analyser
la
crise du mariage à notre époque. Mais plus je relisais les différente
1620
du mariage à notre époque. Mais plus je relisais
les
différentes versions du roman, plus je me sentais gêné, mal à l’aise.
1621
première rencontre, ne s’aiment qu’après avoir bu
le
philtre, ne peuvent plus se supporter au bout de trois ans de vie com
1622
upporter au bout de trois ans de vie commune dans
la
forêt et qui, Tristan ayant épousé Iseut aux blanches mains, l’autre
1623
utre Iseut, ne reconnaissent plus leur amour qu’à
l’
heure où la mort le défigure déjà… tout cela est rempli de bizarreries
1624
ne reconnaissent plus leur amour qu’à l’heure où
la
mort le défigure déjà… tout cela est rempli de bizarreries, de contra
1625
nnaissent plus leur amour qu’à l’heure où la mort
le
défigure déjà… tout cela est rempli de bizarreries, de contradictions
1626
défendre : ce que Tristan et Iseut aiment, c’est
le
fait d’aimer. Jamais Tristan ne dit à Iseut qu’il l’aime, il se borne
1627
fait d’aimer. Jamais Tristan ne dit à Iseut qu’il
l’
aime, il se borne à répéter : « Amor par force me demeisne ». C’est la
1628
à répéter : « Amor par force me demeisne ». C’est
la
passion-catastrophe, qui ne peut se résoudre que dans la mort, et ins
1629
ion-catastrophe, qui ne peut se résoudre que dans
la
mort, et inspirera tout le romantisme. Mais elle inspire d’abord la l
1630
t se résoudre que dans la mort, et inspirera tout
le
romantisme. Mais elle inspire d’abord la littérature courtoise… Litté
1631
era tout le romantisme. Mais elle inspire d’abord
la
littérature courtoise… Littérature dont le succès rapide s’explique m
1632
’abord la littérature courtoise… Littérature dont
le
succès rapide s’explique mal, car elle implique une subtilité, des ra
1633
sence de sensualité qui s’opposaient aux mœurs de
l’
époque. Qui s’opposait surtout, complète Denis de Rougemont, à la conc
1634
’opposait surtout, complète Denis de Rougemont, à
la
conception chrétienne du mariage. L’amour courtois est chaste, il acc
1635
Rougemont, à la conception chrétienne du mariage.
L’
amour courtois est chaste, il accorde à la femme une prééminence dont
1636
ariage. L’amour courtois est chaste, il accorde à
la
femme une prééminence dont l’Église a bien senti le danger, puisqu’el
1637
haste, il accorde à la femme une prééminence dont
l’
Église a bien senti le danger, puisqu’elle a développé le culte de Not
1638
femme une prééminence dont l’Église a bien senti
le
danger, puisqu’elle a développé le culte de Notre-Dame pour répondre
1639
e a bien senti le danger, puisqu’elle a développé
le
culte de Notre-Dame pour répondre au culte de la « Dame » des troubad
1640
le culte de Notre-Dame pour répondre au culte de
la
« Dame » des troubadours. Cet amour courtois ne fleurit que parmi les
1641
ubadours. Cet amour courtois ne fleurit que parmi
les
obstacles, exclut toute idée de progéniture, de famille ; il va contr
1642
te idée de progéniture, de famille ; il va contre
les
appétits de l’homme et les directives de l’Église. Comment a-t-il pu,
1643
niture, de famille ; il va contre les appétits de
l’
homme et les directives de l’Église. Comment a-t-il pu, en moins de vi
1644
famille ; il va contre les appétits de l’homme et
les
directives de l’Église. Comment a-t-il pu, en moins de vingt ans, dom
1645
ntre les appétits de l’homme et les directives de
l’
Église. Comment a-t-il pu, en moins de vingt ans, dominer ainsi toute
1646
il pu, en moins de vingt ans, dominer ainsi toute
la
littérature ? Beaucoup d’historiens, d’érudits, se sont posé la quest
1647
d’érudits, se sont posé la question sans pouvoir
la
résoudre. Pour moi, l’explication n’est pas douteuse. L’amour courtoi
1648
é la question sans pouvoir la résoudre. Pour moi,
l’
explication n’est pas douteuse. L’amour courtois est directement issu
1649
udre. Pour moi, l’explication n’est pas douteuse.
L’
amour courtois est directement issu du catharisme. Vous savez que l’hé
1650
st directement issu du catharisme. Vous savez que
l’
hérésie cathare, que la croisade contre les albigeois réprima sans l’a
1651
catharisme. Vous savez que l’hérésie cathare, que
la
croisade contre les albigeois réprima sans l’anéantir, eut des millio
1652
vez que l’hérésie cathare, que la croisade contre
les
albigeois réprima sans l’anéantir, eut des millions de partisans. Ven
1653
que la croisade contre les albigeois réprima sans
l’
anéantir, eut des millions de partisans. Venue de Macédoine, elle gagn
1654
ions de partisans. Venue de Macédoine, elle gagna
la
France par le Piémont. Les cathares rejettent le dogme de l’incarnati
1655
ans. Venue de Macédoine, elle gagna la France par
le
Piémont. Les cathares rejettent le dogme de l’incarnation, se fondent
1656
e Macédoine, elle gagna la France par le Piémont.
Les
cathares rejettent le dogme de l’incarnation, se fondent sur une inte
1657
la France par le Piémont. Les cathares rejettent
le
dogme de l’incarnation, se fondent sur une interprétation purement sp
1658
ar le Piémont. Les cathares rejettent le dogme de
l’
incarnation, se fondent sur une interprétation purement spiritualiste
1659
ngiles. Ils font du Saint-Esprit la Mère de Dieu,
le
principe féminin de l’amour. En embrassant le catharisme, le néophyte
1660
nt-Esprit la Mère de Dieu, le principe féminin de
l’
amour. En embrassant le catharisme, le néophyte s’engageait, s’il étai
1661
eu, le principe féminin de l’amour. En embrassant
le
catharisme, le néophyte s’engageait, s’il était marié, à s’abstenir d
1662
féminin de l’amour. En embrassant le catharisme,
le
néophyte s’engageait, s’il était marié, à s’abstenir de tout contact
1663
arié, à s’abstenir de tout contact avec sa femme.
Les
cathares admettaient le suicide. Glorification de l’esprit d’amour, c
1664
t contact avec sa femme. Les cathares admettaient
le
suicide. Glorification de l’esprit d’amour, chasteté et mépris de la
1665
cathares admettaient le suicide. Glorification de
l’
esprit d’amour, chasteté et mépris de la chair, goût de la mort que l’
1666
cation de l’esprit d’amour, chasteté et mépris de
la
chair, goût de la mort que l’on préfère aux biens de ce monde, profus
1667
d’amour, chasteté et mépris de la chair, goût de
la
mort que l’on préfère aux biens de ce monde, profusion de symboles… N
1668
asteté et mépris de la chair, goût de la mort que
l’
on préfère aux biens de ce monde, profusion de symboles… Nous retrouvo
1669
ce monde, profusion de symboles… Nous retrouvons
la
religion cathare, telle que les procès de l’Inquisition permettent de
1670
s… Nous retrouvons la religion cathare, telle que
les
procès de l’Inquisition permettent de la connaître, tous les thèmes d
1671
vons la religion cathare, telle que les procès de
l’
Inquisition permettent de la connaître, tous les thèmes des troubadour
1672
lle que les procès de l’Inquisition permettent de
la
connaître, tous les thèmes des troubadours, développés avec un lyrism
1673
de l’Inquisition permettent de la connaître, tous
les
thèmes des troubadours, développés avec un lyrisme, un vocabulaire qu
1674
des siècles ceux des grands mystiques. Ainsi tous
les
troubadours étaient des cathares ? J’en suis persuadé, dit Denis de R
1675
théorie aussi originale. D’ailleurs, on sait que
les
troubadours n’allaient que chez les seigneurs cathares, fort nombreux
1676
, on sait que les troubadours n’allaient que chez
les
seigneurs cathares, fort nombreux, et qui adoptaient cette hérésie a
1677
s d’enthousiasme qu’ils étaient souvent jaloux de
l’
autorité temporelle exercée par le clergé. Donc l’amour-passion serait
1678
uvent jaloux de l’autorité temporelle exercée par
le
clergé. Donc l’amour-passion serait une hérésie chrétienne ? … Dont n
1679
l’autorité temporelle exercée par le clergé. Donc
l’
amour-passion serait une hérésie chrétienne ? … Dont nous avons perdu
1680
une hérésie chrétienne ? … Dont nous avons perdu
la
clef, et qui a pourtant inspiré toute notre littérature, reprend Deni
1681
te notre littérature, reprend Denis de Rougemont.
Le
mythe de Tristan et Iseut, qui pose pour la première fois ce fameux t
1682
ui pose pour la première fois ce fameux triangle,
le
mari, la femme et l’amant, qui est le sujet essentiel de toute la lit
1683
our la première fois ce fameux triangle, le mari,
la
femme et l’amant, qui est le sujet essentiel de toute la littérature
1684
ère fois ce fameux triangle, le mari, la femme et
l’
amant, qui est le sujet essentiel de toute la littérature occidentale,
1685
x triangle, le mari, la femme et l’amant, qui est
le
sujet essentiel de toute la littérature occidentale, n’a surgi dans l
1686
e et l’amant, qui est le sujet essentiel de toute
la
littérature occidentale, n’a surgi dans la littérature orientale que
1687
toute la littérature occidentale, n’a surgi dans
la
littérature orientale que tout dernièrement, à la suite du christiani
1688
la littérature orientale que tout dernièrement, à
la
suite du christianisme. J’avoue que votre démonstration me paraît con
1689
yen Âge ? Denis de Rougemont sourit avec malice :
Les
philologues ont un respect de la lettre qui leur cache parfois le sen
1690
t avec malice : Les philologues ont un respect de
la
lettre qui leur cache parfois le sens profond des textes… Ils répugne
1691
nt un respect de la lettre qui leur cache parfois
le
sens profond des textes… Ils répugnent à l’emploi des méthodes freudi
1692
rfois le sens profond des textes… Ils répugnent à
l’
emploi des méthodes freudiennes. Or j’ai été frappé par le goût de la
1693
des méthodes freudiennes. Or j’ai été frappé par
le
goût de la mort que l’on retrouve à la fois dans le catharisme, dans
1694
es freudiennes. Or j’ai été frappé par le goût de
la
mort que l’on retrouve à la fois dans le catharisme, dans Tristan et
1695
es. Or j’ai été frappé par le goût de la mort que
l’
on retrouve à la fois dans le catharisme, dans Tristan et Iseut et che
1696
goût de la mort que l’on retrouve à la fois dans
le
catharisme, dans Tristan et Iseut et chez les lyriques courtois, goût
1697
dans le catharisme, dans Tristan et Iseut et chez
les
lyriques courtois, goût qui n’est autre que l’instinct de la mort tel
1698
z les lyriques courtois, goût qui n’est autre que
l’
instinct de la mort tel que Freud l’a analysé. À une époque où le stat
1699
courtois, goût qui n’est autre que l’instinct de
la
mort tel que Freud l’a analysé. À une époque où le statut du mariage
1700
est autre que l’instinct de la mort tel que Freud
l’
a analysé. À une époque où le statut du mariage se modifie profondémen
1701
a mort tel que Freud l’a analysé. À une époque où
le
statut du mariage se modifie profondément, croyez-vous que ce fameux
1702
que ce fameux triangle, qui suppose en définitive
le
mariage, puisse encore inspirer la littérature ? Denis de Rougemont r
1703
en définitive le mariage, puisse encore inspirer
la
littérature ? Denis de Rougemont réfléchit : Non, je crois que nous s
1704
araître. Mais c’est encore lui qui pèse sur toute
la
crise du mariage. Comment cela ? C’est très simple. Nous souffrons d’
1705
ne double contradiction. Romans, poèmes, musique,
l’
art et la littérature nous représentent la passion comme un paroxysme
1706
contradiction. Romans, poèmes, musique, l’art et
la
littérature nous représentent la passion comme un paroxysme désirable
1707
usique, l’art et la littérature nous représentent
la
passion comme un paroxysme désirable, comme un état d’exception où l’
1708
paroxysme désirable, comme un état d’exception où
l’
être se dépasse lui-même. Nous aspirons donc à connaître cet état que,
1709
tan et peut-être inconsciemment, nous préférons à
l’
être aimé. D’autre part, on nous montre le mariage comme le fondement
1710
érons à l’être aimé. D’autre part, on nous montre
le
mariage comme le fondement essentiel de notre société. Mais la passio
1711
mé. D’autre part, on nous montre le mariage comme
le
fondement essentiel de notre société. Mais la passion, par définition
1712
mme le fondement essentiel de notre société. Mais
la
passion, par définition, reste extérieure au mariage, puisqu’elle a b
1713
qu’elle a besoin d’obstacles, et ne résiste pas à
la
facilité, à l’habitude. Exclue de la vie conjugale, la passion se réf
1714
n d’obstacles, et ne résiste pas à la facilité, à
l’
habitude. Exclue de la vie conjugale, la passion se réfugie dans l’adu
1715
ésiste pas à la facilité, à l’habitude. Exclue de
la
vie conjugale, la passion se réfugie dans l’adultère. Maris et femmes
1716
cilité, à l’habitude. Exclue de la vie conjugale,
la
passion se réfugie dans l’adultère. Maris et femmes, chacun de leur c
1717
e de la vie conjugale, la passion se réfugie dans
l’
adultère. Maris et femmes, chacun de leur côté, rêvent de l’aventure q
1718
. Maris et femmes, chacun de leur côté, rêvent de
l’
aventure qui leur apparaît comme la seule évasion. Croyez-vous que cel
1719
ôté, rêvent de l’aventure qui leur apparaît comme
la
seule évasion. Croyez-vous que cela puisse embellir, faciliter la vie
1720
. Croyez-vous que cela puisse embellir, faciliter
la
vie commune ? Certes, non. Mais aujourd’hui, les jeunes gens et les j
1721
r la vie commune ? Certes, non. Mais aujourd’hui,
les
jeunes gens et les jeunes filles se refusent à l’hypocrisie, ne conse
1722
Certes, non. Mais aujourd’hui, les jeunes gens et
les
jeunes filles se refusent à l’hypocrisie, ne consentent plus à refoul
1723
es jeunes gens et les jeunes filles se refusent à
l’
hypocrisie, ne consentent plus à refouler leurs instincts naturels. En
1724
us à refouler leurs instincts naturels. En outre,
les
difficultés matérielles compliquent encore le problème du mariage. Cr
1725
e, les difficultés matérielles compliquent encore
le
problème du mariage. Croyez-vous que les problèmes de la vie sentimen
1726
nt encore le problème du mariage. Croyez-vous que
les
problèmes de la vie sentimentale et sexuelle puissent trouver une sol
1727
lème du mariage. Croyez-vous que les problèmes de
la
vie sentimentale et sexuelle puissent trouver une solution nouvelle ?
1728
e Rougemont, il ne peut y avoir qu’une solution :
le
mariage chrétien, mais présenté d’une manière nouvelle. C’est-à-dire
1729
u’au lieu d’en faire un acte raisonnable, il faut
le
montrer tel qu’il est en réalité : l’aventure la plus difficile. Si v
1730
le, il faut le montrer tel qu’il est en réalité :
l’
aventure la plus difficile. Si vous ne fondez pas le mariage sur une d
1731
le montrer tel qu’il est en réalité : l’aventure
la
plus difficile. Si vous ne fondez pas le mariage sur une décision réf
1732
aventure la plus difficile. Si vous ne fondez pas
le
mariage sur une décision réfléchie, sur quoi le fondez-vous ? Sur la
1733
s le mariage sur une décision réfléchie, sur quoi
le
fondez-vous ? Sur la fidélité, qui me paraît en même temps le véritab
1734
décision réfléchie, sur quoi le fondez-vous ? Sur
la
fidélité, qui me paraît en même temps le véritable fondement de la pe
1735
us ? Sur la fidélité, qui me paraît en même temps
le
véritable fondement de la personnalité. Mais pour moi cette fidélité
1736
me paraît en même temps le véritable fondement de
la
personnalité. Mais pour moi cette fidélité doit être observée en vert
1737
moi cette fidélité doit être observée en vertu de
l’
absurde. Elle est aussi absurde que la passion, mais s’en distingue pa
1738
en vertu de l’absurde. Elle est aussi absurde que
la
passion, mais s’en distingue par un refus constant de subir ses rêves
1739
t de subir ses rêves, par une constante prise sur
le
réel. Elle reste une folie, mais la plus sobre et la plus quotidienne
1740
nte prise sur le réel. Elle reste une folie, mais
la
plus sobre et la plus quotidienne. Votre réhabilitation de la fidélit
1741
réel. Elle reste une folie, mais la plus sobre et
la
plus quotidienne. Votre réhabilitation de la fidélité, si conforme à
1742
e et la plus quotidienne. Votre réhabilitation de
la
fidélité, si conforme à la conception chrétienne du mariage, suppose
1743
otre réhabilitation de la fidélité, si conforme à
la
conception chrétienne du mariage, suppose chez les femmes, qui doive
1744
a conception chrétienne du mariage, suppose chez
les
femmes, qui doivent être sans cesse capables de se renouveler, un ens
1745
lités agréables assez difficiles à concilier. Je
le
sais, je suis très exigeant. Pour moi, le mariage devrait être une in
1746
ier. Je le sais, je suis très exigeant. Pour moi,
le
mariage devrait être une institution qui maintient la passion non pa
1747
riage devrait être une institution qui maintient
la
passion non par la morale, mais par l’amour. C’est un idéal qui mérit
1748
une institution qui maintient la passion non par
la
morale, mais par l’amour. C’est un idéal qui mérite bien certains eff
1749
maintient la passion non par la morale, mais par
l’
amour. C’est un idéal qui mérite bien certains efforts et certains sac
1750
semble. Ne devez-vous pas publier un roman, dont
le
titre, La Folle Vertu, illustre bien votre pensée ? Oui, je l’ai écri
1751
e devez-vous pas publier un roman, dont le titre,
La
Folle Vertu, illustre bien votre pensée ? Oui, je l’ai écrit presque
1752
Folle Vertu, illustre bien votre pensée ? Oui, je
l’
ai écrit presque en même temps que L’Amour et l’Occident . Mais je ne
1753
e ? Oui, je l’ai écrit presque en même temps que
L’
Amour et l’Occident . Mais je ne le ferai pas paraître tout de suite.
1754
l’ai écrit presque en même temps que L’Amour et
l’
Occident . Mais je ne le ferai pas paraître tout de suite. J’ai aussi
1755
ême temps que L’Amour et l’Occident . Mais je ne
le
ferai pas paraître tout de suite. J’ai aussi terminé deux livres d’es
1756
é deux livres d’essais : Doctrine fabuleuse et
Les
Personnages du dram e. Et en ce moment, à quoi travaillez-vous ? J’a
1757
i travaillez-vous ? J’ai en chantier un livre sur
La
Réforme comme Révolution. Mais je l’ai un peu délaissé au profit d’un
1758
un livre sur La Réforme comme Révolution. Mais je
l’
ai un peu délaissé au profit d’un drame que j’écris pour l’Exposition
1759
eu délaissé au profit d’un drame que j’écris pour
l’
Exposition de Zurich. Je veux mettre en scène un héros suisse, le bien
1760
Zurich. Je veux mettre en scène un héros suisse,
le
bienheureux Nicolas de Flue, qui eut une vie extraordinaire. D’abord
1761
rtifia, jeûnant complètement. Mais, apprenant que
la
guerre civile menaçait, il quitta sa grotte, et rétablit la paix par
1762
civile menaçait, il quitta sa grotte, et rétablit
la
paix par le covenant de 1481. Puis il se retourna dans son ermitage e
1763
ait, il quitta sa grotte, et rétablit la paix par
le
covenant de 1481. Puis il se retourna dans son ermitage et y mourut.
1764
plein air, devant cinq ou six-mille spectateurs.
La
scène aura trente mètres de large, et trois étages, qu’il faut ne jam
1765
s phrases très courtes, un peu comme des slogans.
Le
chœur jouera un rôle important dans l’action, comme dans la tragédie
1766
s slogans. Le chœur jouera un rôle important dans
l’
action, comme dans la tragédie grecque. C’est un travail tout nouveau
1767
ouera un rôle important dans l’action, comme dans
la
tragédie grecque. C’est un travail tout nouveau pour moi, et très amu
1768
nde s’il n’attend pas avec une certaine curiosité
les
réactions que vont susciter certaines de ses théories un peu révoluti
1769
portance aux querelles que pourraient me chercher
les
savants. Ce qui me touche, c’est que mon livre, paru il y a huit jour
1770
rouvaient mal mariés. Ils me disent que mon livre
les
aide à comprendre la cause de leur désarroi, qu’ils savent mieux main
1771
Ils me disent que mon livre les aide à comprendre
la
cause de leur désarroi, qu’ils savent mieux maintenant comment ils po
1772
rop se blesser, ce sera ma plus belle récompense.
Le
véritable esprit chrétien, la véritable intelligence, n’est-ce pas de
1773
s belle récompense. Le véritable esprit chrétien,
la
véritable intelligence, n’est-ce pas de voir les limites d’où l’on ne
1774
, la véritable intelligence, n’est-ce pas de voir
les
limites d’où l’on ne peut s’échapper ? u. Rougemont Denis de, « [E
1775
telligence, n’est-ce pas de voir les limites d’où
l’
on ne peut s’échapper ? u. Rougemont Denis de, « [Entretien] Non, T
1776
tretien] Non, Tristan et Iseut ne s’aiment pas »,
Les
Nouvelles littéraires, Paris, 12 février 1939, p. 3. v. Interview pa
1777
1963)w x Pour beaucoup, Denis de Rougemont est
l’
auteur d’une thèse retentissante, intitulée L’Amour et l’Occident et
1778
st l’auteur d’une thèse retentissante, intitulée
L’
Amour et l’Occident et dans laquelle il démontrait que l’idée de pass
1779
d’une thèse retentissante, intitulée L’Amour et
l’
Occident et dans laquelle il démontrait que l’idée de passion amoureu
1780
et l’Occident et dans laquelle il démontrait que
l’
idée de passion amoureuse trouvait ses origines dans la poésie cathare
1781
e de passion amoureuse trouvait ses origines dans
la
poésie cathare. Pour les disciples d’Emmanuel Mounier, il est surtout
1782
rouvait ses origines dans la poésie cathare. Pour
les
disciples d’Emmanuel Mounier, il est surtout le philosophe de Politi
1783
les disciples d’Emmanuel Mounier, il est surtout
le
philosophe de Politique de la personne . Pour quelques autres, il es
1784
er, il est surtout le philosophe de Politique de
la
personne . Pour quelques autres, il est l’écrivain qui a le mieux ana
1785
que de la personne . Pour quelques autres, il est
l’
écrivain qui a le mieux analysé la résistible ascension d’Adolf Hitler
1786
e . Pour quelques autres, il est l’écrivain qui a
le
mieux analysé la résistible ascension d’Adolf Hitler (dans Journal d
1787
autres, il est l’écrivain qui a le mieux analysé
la
résistible ascension d’Adolf Hitler (dans Journal d’Allemagne et J
1788
ne et Journal des deux mondes notamment). Pour
les
mélomanes, il est le poète de Nicolas de Flue , dont Honegger tira u
1789
ux mondes notamment). Pour les mélomanes, il est
le
poète de Nicolas de Flue , dont Honegger tira un oratorio. Pour tous
1790
tira un oratorio. Pour tous enfin, il est, depuis
la
semaine dernière, le lauréat du Grand Prix littéraire de Monaco. Mais
1791
r tous enfin, il est, depuis la semaine dernière,
le
lauréat du Grand Prix littéraire de Monaco. Mais qui est en réalité D
1792
ugemont ? On a dit beaucoup de bêtises — lui-même
le
déclare — sur l’homme et sur son œuvre, cette œuvre dont tout le mond
1793
t beaucoup de bêtises — lui-même le déclare — sur
l’
homme et sur son œuvre, cette œuvre dont tout le monde parle et que pe
1794
t incompréhensible, et choisirait, quand il ouvre
la
bouche, de s’exprimer en français plutôt qu’en miaulant ou en barriss
1795
un écrivain français, un point c’est tout. Il est
l’
auteur d’un certain nombre d’ouvrages qui, tenant à la fois du journal
1796
e d’ouvrages qui, tenant à la fois du journal, de
l’
essai, de la polémique et du récit, ne correspondent à aucun genre lit
1797
qui, tenant à la fois du journal, de l’essai, de
la
polémique et du récit, ne correspondent à aucun genre littéraire préc
1798
mment définirait-on Nietzsche ou Kierkegaard ? Si
l’
on veut absolument coller une étiquette, disons que je suis un essayis
1799
n’est pas que je veuille me comparer à eux, mais
la
forme est la même : un mélange d’idées pures, de poésie, de descripti
1800
e je veuille me comparer à eux, mais la forme est
la
même : un mélange d’idées pures, de poésie, de descriptions et d’anec
1801
gemont participe, aux côtés d’Emmanuel Mounier, à
la
fondation de deux revues personnalistes : L’Ordre nouveau et Esprit.
1802
u christianisme. Au mot « humaniste », je préfère
le
mot « moraliste ». … illustrée par son livre : Politique de la perso
1803
iste ». … illustrée par son livre : Politique de
la
personne . Politique de la personne était un manifeste qui déclenc
1804
ivre : Politique de la personne . Politique de
la
personne était un manifeste qui déclencha une polémique à laquelle p
1805
rt Berdiaev, Mounier et Gabriel Marcel. Pour moi,
la
« personne » n’est ni un individu refermé sur lui-même ni la minuscul
1806
ne » n’est ni un individu refermé sur lui-même ni
la
minuscule partie d’une masse, mais un homme ouvert aux idées, à la fo
1807
fois libre et responsable. Il y a une vocation de
la
personne, vocation qui, à la fois, distingue l’homme et le relie à la
1808
e la personne, vocation qui, à la fois, distingue
l’
homme et le relie à la communauté où il l’exerce. C’est d’ailleurs dan
1809
ne, vocation qui, à la fois, distingue l’homme et
le
relie à la communauté où il l’exerce. C’est d’ailleurs dans cette not
1810
n qui, à la fois, distingue l’homme et le relie à
la
communauté où il l’exerce. C’est d’ailleurs dans cette notion de l’ho
1811
stingue l’homme et le relie à la communauté où il
l’
exerce. C’est d’ailleurs dans cette notion de l’homme que je place le
1812
l l’exerce. C’est d’ailleurs dans cette notion de
l’
homme que je place le point d’insertion de Dieu. Je suis tout à fait o
1813
illeurs dans cette notion de l’homme que je place
le
point d’insertion de Dieu. Je suis tout à fait opposé aux doctrines p
1814
ui font de Dieu un Jéhovah jugeant et agissant de
l’
extérieur. Dieu est en l’homme. En 1935, il est nommé lecteur à l’Univ
1815
h jugeant et agissant de l’extérieur. Dieu est en
l’
homme. En 1935, il est nommé lecteur à l’Université de Francfort et sé
1816
u est en l’homme. En 1935, il est nommé lecteur à
l’
Université de Francfort et séjournera un an en Allemagne hitlérienne.
1817
me trouvais sans activité à Paris, où j’écrivais
le
Journal d’un intellectuel en chômage , quand je rencontrai Abetz. Il
1818
pensez pis que pendre de notre régime, allez donc
l’
observer de plus près. » J’acceptai à une condition, celle d’écrire en
1819
u en 1938. J’eus d’ailleurs d’autres démêlés avec
les
autorités allemandes, quand j’écrivis un article dans la Gazette de L
1820
rités allemandes, quand j’écrivis un article dans
la
Gazette de Lausanne sur l’entrée de Hitler dans Paris. Les Allemands
1821
crivis un article dans la Gazette de Lausanne sur
l’
entrée de Hitler dans Paris. Les Allemands demandèrent que je sois pun
1822
te de Lausanne sur l’entrée de Hitler dans Paris.
Les
Allemands demandèrent que je sois puni et j’ai reçu quinze jours de p
1823
t j’ai reçu quinze jours de prison militaire sous
le
prétexte qu’un officier neutre n’a pas le droit d’outrager un chef d’
1824
re sous le prétexte qu’un officier neutre n’a pas
le
droit d’outrager un chef d’État étranger ! De Suisse, Denis de Rougem
1825
envoyé en Amérique où il passera six ans, écrira
La
Part du diable et se liera avec plusieurs écrivains français. On déc
1826
n Amérique qu’en Europe. À New York, je rédigeais
les
émissions en français de « La Voix de l’Amérique ». J’avais plusieurs
1827
York, je rédigeais les émissions en français de «
La
Voix de l’Amérique ». J’avais plusieurs équipes de speakers, dont fai
1828
digeais les émissions en français de « La Voix de
l’
Amérique ». J’avais plusieurs équipes de speakers, dont faisaient part
1829
e André Breton, Marcel Ozenfant, un fils Pitoëff,
le
critique d’art Georges Duthuit, l’ethnologue Claude Lévi-Strauss. De
1830
fils Pitoëff, le critique d’art Georges Duthuit,
l’
ethnologue Claude Lévi-Strauss. De temps en temps, Julien Green m’appo
1831
en Green m’apportait des textes. Je fis également
la
connaissance de Saint-John Perse et du peintre Marcel Duchamp, qui ré
1832
dinaire vitrine surréaliste dans une librairie de
la
5e Avenue pour l’exposition de mon livre : La Part du diable . Rentr
1833
rréaliste dans une librairie de la 5e Avenue pour
l’
exposition de mon livre : La Part du diable . Rentré en Europe en 194
1834
de la 5e Avenue pour l’exposition de mon livre :
La
Part du diable . Rentré en Europe en 1946, Denis de Rougemont s’engag
1835
e en 1946, Denis de Rougemont s’engage alors dans
l’
action politique en militant pour la cause du fédéralisme européen. Fo
1836
ge alors dans l’action politique en militant pour
la
cause du fédéralisme européen. Fondateur et président du Congrès euro
1837
. Fondateur et président du Congrès européen pour
la
liberté de la culturey, son activité se situera désormais sur deux pl
1838
président du Congrès européen pour la liberté de
la
culturey, son activité se situera désormais sur deux plans : l’écriva
1839
on activité se situera désormais sur deux plans :
l’
écrivain d’une part, le fédéralisme de l’autre. Je vous arrête : il n’
1840
désormais sur deux plans : l’écrivain d’une part,
le
fédéralisme de l’autre. Je vous arrête : il n’y a pas, il n’y a jamai
1841
naturellement et sans rupture de ma définition de
la
« personne » à la théorie fédéraliste. L’homme, vous ai-je dit, doit
1842
ans rupture de ma définition de la « personne » à
la
théorie fédéraliste. L’homme, vous ai-je dit, doit être à la fois lib
1843
tion de la « personne » à la théorie fédéraliste.
L’
homme, vous ai-je dit, doit être à la fois libre et responsable ; de m
1844
et responsable ; de même pour chaque nation dans
l’
Europe fédérée que je préconise et qui n’est que la transposition à un
1845
’Europe fédérée que je préconise et qui n’est que
la
transposition à une échelle géante de la Confédération helvétique. Je
1846
’est que la transposition à une échelle géante de
la
Confédération helvétique. Je ne souhaite en effet ni une agglomératio
1847
libres de leur gestion intérieure et responsables
les
unes des autres devant le danger commun. Nous serions ainsi 350 milli
1848
rieure et responsables les unes des autres devant
le
danger commun. Nous serions ainsi 350 millions d’Européens solidaires
1849
solidaires, ce qui représente presque autant que
les
populations des États-Unis et de l’URSS réunies. Comprenez-moi donc b
1850
e autant que les populations des États-Unis et de
l’
URSS réunies. Comprenez-moi donc bien : personnalisme et fédéralisme,
1851
rsonnalisme et fédéralisme, c’est tout un. Enfin,
le
28 octobre 1963, Denis de Rougemont a reçu des mains du Prince Rainie
1852
Rainier le Grand Prix littéraire de Monaco. Selon
la
formule consacrée, je suis ravi d’avoir reçu ce prix, malgré une peti
1853
vain. À ce propos, savez-vous où Ionesco a trouvé
le
sujet de son Rhinocéros ? Dans mon Journal d’Allemagne , c’est lui-m
1854
mon Journal d’Allemagne , c’est lui-même qui me
l’
a dit. w. Rougemont Denis de, « [Entretien] Mais qui est donc Denis
1855
retien] Mais qui est donc Denis de Rougemont ? »,
Les
Nouvelles littéraires, Paris, 7 novembre 1963, p. 3. x. Interview pa
1856
e 1963, p. 3. x. Interview par Pierre Ajame. y.
Le
journaliste commet ici manifestement une erreur, en confondant le Cen
1857
ommet ici manifestement une erreur, en confondant
le
Centre européen de la culture, que Rougemont fonda et dirigea à Genèv
1858
nt fonda et dirigea à Genève à partir de 1950, et
le
Congrès pour la liberté de la culture, dans lequel Rougemont s’engage
1859
gea à Genève à partir de 1950, et le Congrès pour
la
liberté de la culture, dans lequel Rougemont s’engagea en parallèle,
1860
partir de 1950, et le Congrès pour la liberté de
la
culture, dans lequel Rougemont s’engagea en parallèle, mais dont il n
1861
engagea en parallèle, mais dont il ne fut « que »
le
président du comité exécutif, de 1951 à 1966.
1862
Les
prophètes de la décadence (24 septembre 1970)z aa Le xxe siècle a
1863
Les prophètes de
la
décadence (24 septembre 1970)z aa Le xxe siècle a vu la civilisat
1864
phètes de la décadence (24 septembre 1970)z aa
Le
xxe siècle a vu la civilisation — qui ne saurait être que la nôtre,
1865
ce (24 septembre 1970)z aa Le xxe siècle a vu
la
civilisation — qui ne saurait être que la nôtre, quand on en parle au
1866
le a vu la civilisation — qui ne saurait être que
la
nôtre, quand on en parle au singulier — étendre à toute la terre ses
1867
quand on en parle au singulier — étendre à toute
la
terre ses bienfaits, ses méfaits, ses produits, rarement ses valeurs,
1868
, et toujours ses vulgarités. Mais en même temps,
le
xxe siècle a vu se multiplier les prophètes de la décadence européen
1869
en même temps, le xxe siècle a vu se multiplier
les
prophètes de la décadence européenne : et ils sont tous, ou presque t
1870
e xxe siècle a vu se multiplier les prophètes de
la
décadence européenne : et ils sont tous, ou presque tous, Européens.
1871
ous, Européens. Loin de s’émerveiller du fait que
le
génie européen rayonne sur le monde entier, ils préfèrent nous parler
1872
veiller du fait que le génie européen rayonne sur
le
monde entier, ils préfèrent nous parler de notre éclipse. Au lendemai
1873
ain de la Première Guerre mondiale déclenchée par
l’
Europe, en 1919, Paul Valéry écrivait cette phrase célèbre : Nous au
1874
Ninive, Babylone étaient de beaux noms vagues, et
la
ruine totale de ces mondes avait aussi peu de signification pour nous
1875
si est un beau nom. Et nous voyons maintenant que
l’
abîme de l’Histoire est assez grand pour tout le monde. Nous sentons q
1876
eau nom. Et nous voyons maintenant que l’abîme de
l’
Histoire est assez grand pour tout le monde. Nous sentons qu’une civil
1877
e l’abîme de l’Histoire est assez grand pour tout
le
monde. Nous sentons qu’une civilisation a la même fragilité qu’une vi
1878
tout le monde. Nous sentons qu’une civilisation a
la
même fragilité qu’une vie. Les circonstances qui enverraient les œuvr
1879
’une civilisation a la même fragilité qu’une vie.
Les
circonstances qui enverraient les œuvres de Keats et celles de Baudel
1880
ité qu’une vie. Les circonstances qui enverraient
les
œuvres de Keats et celles de Baudelaire rejoindre les œuvres de Ménan
1881
œuvres de Keats et celles de Baudelaire rejoindre
les
œuvres de Ménandre ne sont plus du tout inconcevables : elles sont da
1882
sont plus du tout inconcevables : elles sont dans
les
journaux. L’écho de cette page fut immense et je sais peu de phrases
1883
ut inconcevables : elles sont dans les journaux.
L’
écho de cette page fut immense et je sais peu de phrases plus fréquemm
1884
citées que celle qui annonce en somme que toutes
les
civilisations étant mortelles, la nôtre aussi pourrait périr, va donc
1885
mme que toutes les civilisations étant mortelles,
la
nôtre aussi pourrait périr, va donc probablement périr. Pour émouvant
1886
soit, elle exprime, à mon sens, l’une des erreurs
les
plus célèbres de l’époque. Mais comment expliquer son succès ? Observ
1887
mon sens, l’une des erreurs les plus célèbres de
l’
époque. Mais comment expliquer son succès ? Observons tout d’abord qu’
1888
ssimisme européen. Dès 1971, Volney, méditant sur
la
mort des civilisations, citait à peu près les mêmes noms pour illustr
1889
sur la mort des civilisations, citait à peu près
les
mêmes noms pour illustrer le même argument que Valéry : Que sont dev
1890
, citait à peu près les mêmes noms pour illustrer
le
même argument que Valéry : Que sont devenues tant de brillantes créa
1891
Que sont devenues tant de brillantes créations de
la
main de l’homme ? Où sont-ils, ces remparts de Ninive, ces murs de Ba
1892
venues tant de brillantes créations de la main de
l’
homme ? Où sont-ils, ces remparts de Ninive, ces murs de Babylone, ces
1893
e, ces palais de Persépolis ?… Hélas, j’ai visité
les
lieux qui furent le théâtre de tant de splendeur, et je n’ai vu qu’ab
1894
épolis ?… Hélas, j’ai visité les lieux qui furent
le
théâtre de tant de splendeur, et je n’ai vu qu’abandon et que solitud
1895
ai vu qu’abandon et que solitude… Qui sait si sur
les
rivages de la Seine, de la Tamise ou du Zuydersee… qui sait si un voy
1896
n et que solitude… Qui sait si sur les rivages de
la
Seine, de la Tamise ou du Zuydersee… qui sait si un voyageur comme mo
1897
tude… Qui sait si sur les rivages de la Seine, de
la
Tamise ou du Zuydersee… qui sait si un voyageur comme moi ne s’assiér
1898
muettes ruines, et ne pleurera pas solitaire sur
la
cendre des peuples et la mémoire de leur grandeur ? Une trentaine d’
1899
eurera pas solitaire sur la cendre des peuples et
la
mémoire de leur grandeur ? Une trentaine d’armées plus tard, Hegel i
1900
trentaine d’armées plus tard, Hegel introduisait
l’
idée que chaque peuple est « un individu dans la marche de l’histoire
1901
t l’idée que chaque peuple est « un individu dans
la
marche de l’histoire » et qu’il obéit donc, comme tout individu, à un
1902
chaque peuple est « un individu dans la marche de
l’
histoire » et qu’il obéit donc, comme tout individu, à une loi de croi
1903
et de déclin fatal. Hegel pensait d’ailleurs que
la
civilisation européenne marquait l’aboutissement suprême de l’Histoir
1904
’ailleurs que la civilisation européenne marquait
l’
aboutissement suprême de l’Histoire. Mais si l’on appliquait sa dialec
1905
on européenne marquait l’aboutissement suprême de
l’
Histoire. Mais si l’on appliquait sa dialectique aux civilisations, on
1906
it l’aboutissement suprême de l’Histoire. Mais si
l’
on appliquait sa dialectique aux civilisations, on en venait à penser
1907
t décliner et mourir après une période d’apogée —
la
nôtre aussi. Aux débuts du xxe siècle, Spengler va plus loin ; il es
1908
inexorablement que toute culture est mortelle, et
l’
on rejoint la phrase de Valéry. Enfin, dans un effort tout à fait admi
1909
t que toute culture est mortelle, et l’on rejoint
la
phrase de Valéry. Enfin, dans un effort tout à fait admirable pour em
1910
ns un effort tout à fait admirable pour embrasser
l’
ensemble des cultures connues, Toynbee croit pouvoir établir empirique
1911
Toynbee croit pouvoir établir empiriquement, par
l’
examen comparatif des vingt et une civilisations qui auraient existé j
1912
une civilisations qui auraient existé jusqu’ici,
les
lois complexes, mais constantes, de leur genèse, de leur croissance e
1913
nt, par leurs conclusions, notre angoisse quant à
l’
état présent de l’Europe dans le monde, et que, d’autre part, les plus
1914
lusions, notre angoisse quant à l’état présent de
l’
Europe dans le monde, et que, d’autre part, les plus grands esprits du
1915
angoisse quant à l’état présent de l’Europe dans
le
monde, et que, d’autre part, les plus grands esprits du siècle précéd
1916
de l’Europe dans le monde, et que, d’autre part,
les
plus grands esprits du siècle précédent n’ont cessé d’annoncer les ca
1917
sprits du siècle précédent n’ont cessé d’annoncer
les
catastrophes qui ont fondu de nos jours sur l’Europe : de Kierkegaard
1918
r les catastrophes qui ont fondu de nos jours sur
l’
Europe : de Kierkegaard à Nietzsche et à Dostoïevski, de Tocqueville à
1919
à Georges Sorel, tous ont décrit depuis cent ans
les
motifs de craindre le pire pour notre civilisation. Or voici que leur
1920
ont décrit depuis cent ans les motifs de craindre
le
pire pour notre civilisation. Or voici que leurs prédictions semblent
1921
ici que leurs prédictions semblent confirmées par
les
faits. Au cours des années qui suivent la Première Guerre mondiale, l
1922
s années qui suivent la Première Guerre mondiale,
les
dictatures prévues par Burckhardt et Sorel s’instaurent en Russie, en
1923
quie, en Italie et en Allemagne, puis en Espagne.
Les
nationalismes et les racismes, dénoncés d’avance par Nietzsche, proli
1924
Allemagne, puis en Espagne. Les nationalismes et
les
racismes, dénoncés d’avance par Nietzsche, prolifèrent sur les ruines
1925
dénoncés d’avance par Nietzsche, prolifèrent sur
les
ruines de l’Empire austro-hongrois. Et bientôt cette Europe occupée à
1926
ance par Nietzsche, prolifèrent sur les ruines de
l’
Empire austro-hongrois. Et bientôt cette Europe occupée à se déchirer
1927
Elle ne voit pas encore, mais elle pressent déjà
la
perte de sa longue royauté mondiale. Déjà le communisme lui dispute,
1928
déjà la perte de sa longue royauté mondiale. Déjà
le
communisme lui dispute, non seulement en Asie et en Afrique, mais aux
1929
re jeunesse, son rôle de porteur du « flambeau de
la
civilisation ». La Seconde Guerre mondiale, née de cette crise intern
1930
le de porteur du « flambeau de la civilisation ».
La
Seconde Guerre mondiale, née de cette crise interne, va précipiter l’
1931
ndiale, née de cette crise interne, va précipiter
l’
écroulement de l’hégémonie politique de l’Europe, et même le rendre, à
1932
tte crise interne, va précipiter l’écroulement de
l’
hégémonie politique de l’Europe, et même le rendre, à vues humaines, d
1933
cipiter l’écroulement de l’hégémonie politique de
l’
Europe, et même le rendre, à vues humaines, définitif. Au surplus, les
1934
ent de l’hégémonie politique de l’Europe, et même
le
rendre, à vues humaines, définitif. Au surplus, les nouveaux empires
1935
e rendre, à vues humaines, définitif. Au surplus,
les
nouveaux empires et les peuples émancipés proclament déjà leur volont
1936
s, définitif. Au surplus, les nouveaux empires et
les
peuples émancipés proclament déjà leur volonté de retourner contre no
1937
érielles… Que faudrait-il de plus, pour qu’on ait
le
droit de parler d’une éclipse ou d’une mort prévisible de notre civil
1938
par une élémentaire prudence historique. Primo,
l’
hégémonie politique n’est pas toujours et nécessairement liée à la vit
1939
tique n’est pas toujours et nécessairement liée à
la
vitalité d’une civilisation. L’une peut exister sans l’autre. L’une p
1940
autre soit ruinée du même coup. Tchingis-Khan eut
l’
hégémonie sans la civilisation, tandis que l’Europe du Moyen Âge eut u
1941
du même coup. Tchingis-Khan eut l’hégémonie sans
la
civilisation, tandis que l’Europe du Moyen Âge eut une civilisation s
1942
eut l’hégémonie sans la civilisation, tandis que
l’
Europe du Moyen Âge eut une civilisation sans hégémonie. Secundo, il
1943
monie. Secundo, il n’est pas du tout certain que
les
précédents historiques soient applicables dans notre situation, ni qu
1944
s soient applicables dans notre situation, ni que
la
courbe croissance-grandeur-décadence soit la même pour toutes les cul
1945
que la courbe croissance-grandeur-décadence soit
la
même pour toutes les cultures dans tous les temps. Les prophètes de l
1946
sance-grandeur-décadence soit la même pour toutes
les
cultures dans tous les temps. Les prophètes de la décadence de l’Occi
1947
e soit la même pour toutes les cultures dans tous
les
temps. Les prophètes de la décadence de l’Occident, Spengler, Valéry
1948
ême pour toutes les cultures dans tous les temps.
Les
prophètes de la décadence de l’Occident, Spengler, Valéry et Toynbee,
1949
es cultures dans tous les temps. Les prophètes de
la
décadence de l’Occident, Spengler, Valéry et Toynbee, se fondaient su
1950
tous les temps. Les prophètes de la décadence de
l’
Occident, Spengler, Valéry et Toynbee, se fondaient sur le précédent d
1951
nt, Spengler, Valéry et Toynbee, se fondaient sur
le
précédent de civilisations antiques aujourd’hui « disparues », et par
1952
ujourd’hui « disparues », et particulièrement sur
l’
exemple le mieux connu des Européens, celui de la chute de Rome, qui e
1953
« disparues », et particulièrement sur l’exemple
le
mieux connu des Européens, celui de la chute de Rome, qui est censée
1954
l’exemple le mieux connu des Européens, celui de
la
chute de Rome, qui est censée avoir entraîné la disparition de la civ
1955
e la chute de Rome, qui est censée avoir entraîné
la
disparition de la civilisation gréco-romaine dans la partie occidenta
1956
, qui est censée avoir entraîné la disparition de
la
civilisation gréco-romaine dans la partie occidentale de l’Empire. L’
1957
disparition de la civilisation gréco-romaine dans
la
partie occidentale de l’Empire. L’exemple est-il valable pour l’Europ
1958
ation gréco-romaine dans la partie occidentale de
l’
Empire. L’exemple est-il valable pour l’Europe ? La civilisation europ
1959
o-romaine dans la partie occidentale de l’Empire.
L’
exemple est-il valable pour l’Europe ? La civilisation européenne est-
1960
entale de l’Empire. L’exemple est-il valable pour
l’
Europe ? La civilisation européenne est-elle une civilisation comme le
1961
’Empire. L’exemple est-il valable pour l’Europe ?
La
civilisation européenne est-elle une civilisation comme les autres ?
1962
sation européenne est-elle une civilisation comme
les
autres ? Son destin peut-il être prédit par extrapolation des exemple
1963
à partir d’un certain moment, d’un certain seuil…
Les
civilisations antiques de l’Égypte des Pharaons, de Sumer, de l’Inde
1964
d’un certain seuil… Les civilisations antiques de
l’
Égypte des Pharaons, de Sumer, de l’Inde védantique ou des Mayas, fond
1965
s antiques de l’Égypte des Pharaons, de Sumer, de
l’
Inde védantique ou des Mayas, fondaient leur unité originelle sur un p
1966
nité originelle sur un principe formateur unique,
le
Sacré. Les civilisations totalitaires d’aujourd’hui, URSS ou Chine de
1967
nelle sur un principe formateur unique, le Sacré.
Les
civilisations totalitaires d’aujourd’hui, URSS ou Chine de Mao, tienn
1968
unité d’une doctrine uniforme, imposée à tous par
l’
État. Comparée à ces deux groupes de cultures homogènes, uniformes et
1969
upes de cultures homogènes, uniformes et sacrées,
la
culture de l’Europe nous apparaît immédiatement comme à la fois plura
1970
es homogènes, uniformes et sacrées, la culture de
l’
Europe nous apparaît immédiatement comme à la fois pluraliste et profa
1971
dictoires ou incompatibles qu’elle en a héritées,
la
civilisation européenne s’est trouvée fondée sur une culture de dialo
1972
morale, son économie et ses arts. On a beau citer
le
Moyen Âge comme une période bénie d’unité des esprits et des cœurs, t
1973
bénie d’unité des esprits et des cœurs, telle que
l’
a décrite Novalis : nous savons aujourd’hui qu’il n’en fut rien, et qu
1974
us savons aujourd’hui qu’il n’en fut rien, et que
les
conflits qui déchirèrent le Moyen Âge ne furent pas moins violents qu
1975
’en fut rien, et que les conflits qui déchirèrent
le
Moyen Âge ne furent pas moins violents que ceux que nous vivons. L’un
1976
rent pas moins violents que ceux que nous vivons.
L’
unité de notre culture et de la civilisation créée par cette culture n
1977
x que nous vivons. L’unité de notre culture et de
la
civilisation créée par cette culture n’a jamais été autre chose qu’un
1978
tre chose qu’une unité paradoxale consistant dans
la
seule volonté commune à tous de refuser l’uniformité. Où sont les c
1979
t dans la seule volonté commune à tous de refuser
l’
uniformité. Où sont les candidats à la relève ? Aux prophètes de
1980
commune à tous de refuser l’uniformité. Où sont
les
candidats à la relève ? Aux prophètes de la décadence européenne,
1981
e refuser l’uniformité. Où sont les candidats à
la
relève ? Aux prophètes de la décadence européenne, j’opposerai tro
1982
t les candidats à la relève ? Aux prophètes de
la
décadence européenne, j’opposerai trois raisons majeures d’espérer, c
1983
sons majeures d’espérer, c’est-à-dire d’agir pour
l’
Europe. Première raison : La civilisation européenne est la seule qui
1984
st-à-dire d’agir pour l’Europe. Première raison :
La
civilisation européenne est la seule qui soit effectivement devenue u
1985
Première raison : La civilisation européenne est
la
seule qui soit effectivement devenue universelle. Bien d’autres avai
1986
en d’autres avaient cru cela d’elles-mêmes, avant
la
nôtre. Elles se trompaient, mais cette erreur ne saurait plus être co
1987
rreur ne saurait plus être commise, à présent que
la
terre entière est explorée dans ses derniers recoins. Alexandre le Gr
1988
dans ses derniers recoins. Alexandre le Grand et
les
empereurs chinois s’imaginèrent qu’ils dominaient le monde entier ; c
1989
empereurs chinois s’imaginèrent qu’ils dominaient
le
monde entier ; c’était moins orgueilleux que naïf, car chacun ignorai
1990
ue naïf, car chacun ignorait que l’autre existât.
L’
agence Cook suffirait aujourd’hui pour les mettre à l’abri de ce genre
1991
existât. L’agence Cook suffirait aujourd’hui pour
les
mettre à l’abri de ce genre d’illusion. Nous, les Européens du xxe s
1992
ence Cook suffirait aujourd’hui pour les mettre à
l’
abri de ce genre d’illusion. Nous, les Européens du xxe siècle, nous
1993
les mettre à l’abri de ce genre d’illusion. Nous,
les
Européens du xxe siècle, nous savons bien que nous ne dominons plus
1994
politiquement, mais nous savons aussi que toutes
les
villes nouvelles en Asie et en Afrique imitent nos villes modernes, l
1995
mbarras de circulation. Nous savons bien que tous
les
pays neufs imitent nos parlements, partis et syndicats, et même parfo
1996
expliquer ce phénomène sans précédent dans toute
l’
Histoire ? Nous avons vu que la civilisation européenne, née de la con
1997
écédent dans toute l’Histoire ? Nous avons vu que
la
civilisation européenne, née de la confluence des sources les plus di
1998
s avons vu que la civilisation européenne, née de
la
confluence des sources les plus diverses, se distinguait par là de to
1999
tion européenne, née de la confluence des sources
les
plus diverses, se distinguait par là de toutes les autres, monolithiq
2000
es plus diverses, se distinguait par là de toutes
les
autres, monolithiques et homogènes. Voilà pourquoi elle s’est trouvé
2001
es et homogènes. Voilà pourquoi elle s’est trouvé
la
seule qui fût assez complexe et multiforme pour pouvoir, sinon satisf
2002
pouvoir, sinon satisfaire, du moins séduire tous
les
peuples du monde. Nous avons vu aussi que l’Europe envoie dans le mon
2003
ous les peuples du monde. Nous avons vu aussi que
l’
Europe envoie dans le monde plus de machines et d’assistants technique
2004
nde. Nous avons vu aussi que l’Europe envoie dans
le
monde plus de machines et d’assistants techniques que de livres et de
2005
christianisme qui contribua de tant de manières à
la
former. Par là même — et c’est bien son drame, en même temps que la c
2006
même — et c’est bien son drame, en même temps que
la
condition de son « succès » le plus visible — elle s’est rendue plus
2007
en même temps que la condition de son « succès »
le
plus visible — elle s’est rendue plus transportable, plus acceptable
2008
en vertu de quelque chose de très fondamental qui
l’
y prédisposait dès l’origine : j’entends la croyance chrétienne en la
2009
hose de très fondamental qui l’y prédisposait dès
l’
origine : j’entends la croyance chrétienne en la valeur égale de tout
2010
al qui l’y prédisposait dès l’origine : j’entends
la
croyance chrétienne en la valeur égale de tout homme devant Dieu, que
2011
s l’origine : j’entends la croyance chrétienne en
la
valeur égale de tout homme devant Dieu, quelle que soit sa nation, sa
2012
quelle que soit sa nation, sa couleur ou sa race.
L’
Égypte ancienne ne croyait rien de tel. Le mot homme y était synonyme
2013
a race. L’Égypte ancienne ne croyait rien de tel.
Le
mot homme y était synonyme d’habitant de la vallée et du delta du Nil
2014
tel. Le mot homme y était synonyme d’habitant de
la
vallée et du delta du Nil, il y avait un mot différent pour désigner
2015
du Nil, il y avait un mot différent pour désigner
les
habitants des terres voisines, à mi-chemin entre l’animal et l’Égypti
2016
habitants des terres voisines, à mi-chemin entre
l’
animal et l’Égyptien. (Dans le même style, Bismarck définit le Bavaroi
2017
es terres voisines, à mi-chemin entre l’animal et
l’
Égyptien. (Dans le même style, Bismarck définit le Bavarois comme « ce
2018
, à mi-chemin entre l’animal et l’Égyptien. (Dans
le
même style, Bismarck définit le Bavarois comme « cet être intermédiai
2019
l’Égyptien. (Dans le même style, Bismarck définit
le
Bavarois comme « cet être intermédiaire entre l’Autrichien et l’homme
2020
le Bavarois comme « cet être intermédiaire entre
l’
Autrichien et l’homme ».) Pour les Grecs et les Chinois également, il
2021
me « cet être intermédiaire entre l’Autrichien et
l’
homme ».) Pour les Grecs et les Chinois également, il existait deux es
2022
ermédiaire entre l’Autrichien et l’homme ».) Pour
les
Grecs et les Chinois également, il existait deux espèces différentes
2023
tre l’Autrichien et l’homme ».) Pour les Grecs et
les
Chinois également, il existait deux espèces différentes de bipèdes ve
2024
t deux espèces différentes de bipèdes verticaux ;
les
Grecs ou les Chinois, d’une part, et les barbares, c’est-à-dire tous
2025
s différentes de bipèdes verticaux ; les Grecs ou
les
Chinois, d’une part, et les barbares, c’est-à-dire tous les autres, q
2026
ticaux ; les Grecs ou les Chinois, d’une part, et
les
barbares, c’est-à-dire tous les autres, qui n’étaient pas vraiment et
2027
s, d’une part, et les barbares, c’est-à-dire tous
les
autres, qui n’étaient pas vraiment et complètement humains. Ces très
2028
cessairement demeurer régionales et décliner dans
les
limites de leur empire. En revanche, la conception chrétienne exprimé
2029
ner dans les limites de leur empire. En revanche,
la
conception chrétienne exprimée par saint Paul (« Il n’y a plus ni Jui
2030
x qu’elle formerait intimement de considérer tous
les
hommes comme dignes et capables, un jour ou l’autre, de participer pl
2031
s, un jour ou l’autre, de participer pleinement à
l’
effort civilisateur. Maintenant que c’est fait ou en train de se faire
2032
ait ou en train de se faire, et que voilà franchi
le
« seuil mondial », comment imaginer que la civilisation diffusée par
2033
ranchi le « seuil mondial », comment imaginer que
la
civilisation diffusée par l’Europe à tous les peuples puisse s’éclips
2034
comment imaginer que la civilisation diffusée par
l’
Europe à tous les peuples puisse s’éclipser ou disparaître, sans entra
2035
que la civilisation diffusée par l’Europe à tous
les
peuples puisse s’éclipser ou disparaître, sans entraîner le genre hum
2036
puisse s’éclipser ou disparaître, sans entraîner
le
genre humain dans son désastre ? Deuxième raison : La civilisation eu
2037
enre humain dans son désastre ? Deuxième raison :
La
civilisation européenne a créé les conditions techniques de sa conser
2038
uxième raison : La civilisation européenne a créé
les
conditions techniques de sa conservation et de sa transmission aux âg
2039
ou en voie d’extinction. Valéry nous disait que «
les
circonstances qui enverraient les œuvres de Keats et celles de Baudel
2040
us disait que « les circonstances qui enverraient
les
œuvres de Keats et celles de Baudelaire rejoindre les œuvres de Ménan
2041
œuvres de Keats et celles de Baudelaire rejoindre
les
œuvres de Ménandre ne sont plus du tout inconcevables : elles sont da
2042
sont plus du tout inconcevables : elles sont dans
les
journaux ». Depuis lors, on a retrouvé — et même joué — plusieurs com
2043
ire, et de Paul Valéry lui-même, reproduites dans
le
monde entier, enregistrées sur bandes et sur microsillons, elles sont
2044
en mesure de résister au temps beaucoup mieux que
les
fresques de Lascaux, les statues grecques et les temples des Pharaons
2045
temps beaucoup mieux que les fresques de Lascaux,
les
statues grecques et les temples des Pharaons menacés par les eaux d’u
2046
les fresques de Lascaux, les statues grecques et
les
temples des Pharaons menacés par les eaux d’un barrage. La mortalité
2047
grecques et les temples des Pharaons menacés par
les
eaux d’un barrage. La mortalité des civilisations nous apparaît donc
2048
s des Pharaons menacés par les eaux d’un barrage.
La
mortalité des civilisations nous apparaît donc très variable. Certes,
2049
rès encore celles des Mayas et des Aztèques. Mais
les
civilisations anciennes de l’Égypte et du Proche-Orient, prolongées p
2050
des Aztèques. Mais les civilisations anciennes de
l’
Égypte et du Proche-Orient, prolongées par la grecque et la romaine, d
2051
s de l’Égypte et du Proche-Orient, prolongées par
la
grecque et la romaine, dont l’essentiel vit dans la nôtre, sont-elles
2052
et du Proche-Orient, prolongées par la grecque et
la
romaine, dont l’essentiel vit dans la nôtre, sont-elles vraiment mort
2053
nt, prolongées par la grecque et la romaine, dont
l’
essentiel vit dans la nôtre, sont-elles vraiment mortes ? Leurs conquê
2054
grecque et la romaine, dont l’essentiel vit dans
la
nôtre, sont-elles vraiment mortes ? Leurs conquêtes ont été préservée
2055
t mortes ? Leurs conquêtes ont été préservées par
le
musée et le laboratoire européens, pour être diffusées de nos jours s
2056
eurs conquêtes ont été préservées par le musée et
le
laboratoire européens, pour être diffusées de nos jours sur toute la
2057
péens, pour être diffusées de nos jours sur toute
la
terre. Il s’en faut de beaucoup que leurs rivales asiatiques, qu’on d
2058
raffinées, aient connu pareille fortune. Ce sont
les
lois de Minos, de Dracon et de Solon, venues de la Crète et de l’Égyp
2059
s lois de Minos, de Dracon et de Solon, venues de
la
Crète et de l’Égypte ancienne par la Grèce, ce sont le Décalogue et l
2060
, de Dracon et de Solon, venues de la Crète et de
l’
Égypte ancienne par la Grèce, ce sont le Décalogue et les Béatitudes,
2061
n, venues de la Crète et de l’Égypte ancienne par
la
Grèce, ce sont le Décalogue et les Béatitudes, c’est enfin le code de
2062
ète et de l’Égypte ancienne par la Grèce, ce sont
le
Décalogue et les Béatitudes, c’est enfin le code de Justinien, d’où d
2063
te ancienne par la Grèce, ce sont le Décalogue et
les
Béatitudes, c’est enfin le code de Justinien, d’où dérivent l’Habeas
2064
sont le Décalogue et les Béatitudes, c’est enfin
le
code de Justinien, d’où dérivent l’Habeas Corpus et la Déclaration de
2065
, c’est enfin le code de Justinien, d’où dérivent
l’
Habeas Corpus et la Déclaration des droits de l’homme, qui définissent
2066
de de Justinien, d’où dérivent l’Habeas Corpus et
la
Déclaration des droits de l’homme, qui définissent aujourd’hui, pour
2067
e l’homme, qui définissent aujourd’hui, pour tous
les
peuples du tiers-monde à peine moins que pour ceux de l’OTAN, la dign
2068
les du tiers-monde à peine moins que pour ceux de
l’
OTAN, la dignité de la personne humaine et les fondements de tout prog
2069
iers-monde à peine moins que pour ceux de l’OTAN,
la
dignité de la personne humaine et les fondements de tout progrès soci
2070
eine moins que pour ceux de l’OTAN, la dignité de
la
personne humaine et les fondements de tout progrès social ; et non pa
2071
x de l’OTAN, la dignité de la personne humaine et
les
fondements de tout progrès social ; et non pas le système des castes,
2072
es fondements de tout progrès social ; et non pas
le
système des castes, ni le mandarinat, ni le Bushido. On peut le regre
2073
rès social ; et non pas le système des castes, ni
le
mandarinat, ni le Bushido. On peut le regretter, mais on doit le cons
2074
n pas le système des castes, ni le mandarinat, ni
le
Bushido. On peut le regretter, mais on doit le constater. Roger Caill
2075
castes, ni le mandarinat, ni le Bushido. On peut
le
regretter, mais on doit le constater. Roger Caillois a écrit non sans
2076
ni le Bushido. On peut le regretter, mais on doit
le
constater. Roger Caillois a écrit non sans drôlerie à propos de la fa
2077
er Caillois a écrit non sans drôlerie à propos de
la
fameuse phrase de Valéry : « Si les civilisations mouraient tout à fa
2078
ie à propos de la fameuse phrase de Valéry : « Si
les
civilisations mouraient tout à fait, Valéry ne pourrait pas le dire,
2079
ons mouraient tout à fait, Valéry ne pourrait pas
le
dire, car il n’en saurait rien. » Et il propose de corriger comme sui
2080
rait rien. » Et il propose de corriger comme suit
le
passage que j’ai cité : « Nous autres civilisations, nous avons depui
2081
Nous autres civilisations, nous avons depuis peu
la
certitude que nous ne mourrons jamais entièrement et que nos cendres
2082
ais entièrement et que nos cendres sont fécondes.
Le
temps est passé où les civilisations étaient mortelles. » J’ajouterai
2083
nos cendres sont fécondes. Le temps est passé où
les
civilisations étaient mortelles. » J’ajouterai cette simple remarque
2084
ilisations qu’on croyait endormies sont tirées de
l’
oubli au xxe siècle, si tant d’écoles antiques de sagesse et de mysti
2085
ours et retrouvent partout des fidèles, c’est par
le
fait des ethnographes, archéologues et philosophes de l’Europe, qui p
2086
des ethnographes, archéologues et philosophes de
l’
Europe, qui poursuivent l’inventaire mondial initié à la Renaissance p
2087
ogues et philosophes de l’Europe, qui poursuivent
l’
inventaire mondial initié à la Renaissance par nos découvreurs de l’es
2088
pe, qui poursuivent l’inventaire mondial initié à
la
Renaissance par nos découvreurs de l’espace et du temps de l’humanité
2089
al initié à la Renaissance par nos découvreurs de
l’
espace et du temps de l’humanité. Troisième raison : On ne voit pas de
2090
ce par nos découvreurs de l’espace et du temps de
l’
humanité. Troisième raison : On ne voit pas de candidats sérieux à la
2091
me raison : On ne voit pas de candidats sérieux à
la
relève d’une civilisation devenue mondiale. Nous connaissons les circ
2092
e civilisation devenue mondiale. Nous connaissons
les
circonstances de la chute de celles qui nous ont précédées : c’était
2093
e mondiale. Nous connaissons les circonstances de
la
chute de celles qui nous ont précédées : c’était parfois une catastro
2094
naturelle, comme la dernière période glaciaire ou
le
dessèchement du Sahara, affectant la région entière où avait fleuri u
2095
glaciaire ou le dessèchement du Sahara, affectant
la
région entière où avait fleuri une civilisation déterminée. Et les au
2096
e où avait fleuri une civilisation déterminée. Et
les
autres n’en savaient rien. Mais ce fut plus souvent l’agression d’une
2097
tres n’en savaient rien. Mais ce fut plus souvent
l’
agression d’une civilisation rivale, plus primitive et plus brutale, D
2098
plus primitive et plus brutale, Doriens détrônant
la
Crète, Germains investissant la Gaule et l’Ibérie romaines, ou les qu
2099
Doriens détrônant la Crète, Germains investissant
la
Gaule et l’Ibérie romaines, ou les quelques centaines d’Espagnols s’e
2100
ônant la Crète, Germains investissant la Gaule et
l’
Ibérie romaines, ou les quelques centaines d’Espagnols s’emparant de l
2101
ns investissant la Gaule et l’Ibérie romaines, ou
les
quelques centaines d’Espagnols s’emparant de l’empire des Aztèques. I
2102
les quelques centaines d’Espagnols s’emparant de
l’
empire des Aztèques. Il s’agissait dans tous ces cas de civilisations
2103
ns locales, entourées de « barbares » mal connus.
Les
candidats à la relève étaient nombreux. En est-il un seul aujourd’hui
2104
urées de « barbares » mal connus. Les candidats à
la
relève étaient nombreux. En est-il un seul aujourd’hui qui réclame l’
2105
mbreux. En est-il un seul aujourd’hui qui réclame
l’
oblitération ou simplement la reprise des charges de notre civilisatio
2106
ourd’hui qui réclame l’oblitération ou simplement
la
reprise des charges de notre civilisation, avec quelques chances de s
2107
e civilisation, avec quelques chances de succès ?
Les
États-Unis ? dira-t-on. Mais ils sont nés de la substance même de l’E
2108
Les États-Unis ? dira-t-on. Mais ils sont nés de
la
substance même de l’Europe, et je les vois s’européaniser par la cult
2109
a-t-on. Mais ils sont nés de la substance même de
l’
Europe, et je les vois s’européaniser par la culture plus profondément
2110
sont nés de la substance même de l’Europe, et je
les
vois s’européaniser par la culture plus profondément que l’Europe ne
2111
me de l’Europe, et je les vois s’européaniser par
la
culture plus profondément que l’Europe ne s’américanise par le costum
2112
européaniser par la culture plus profondément que
l’
Europe ne s’américanise par le costume et le décor urbain. L’URSS ? Ma
2113
us profondément que l’Europe ne s’américanise par
le
costume et le décor urbain. L’URSS ? Mais qu’apporte-t-elle de nouvea
2114
t que l’Europe ne s’américanise par le costume et
le
décor urbain. L’URSS ? Mais qu’apporte-t-elle de nouveau ? Est-elle u
2115
s’américanise par le costume et le décor urbain.
L’
URSS ? Mais qu’apporte-t-elle de nouveau ? Est-elle une autre civilisa
2116
sation ? Lénine disait de sa Révolution : « C’est
le
marxisme plus l’électricité. » Or, le marxisme n’est pas un apport so
2117
isait de sa Révolution : « C’est le marxisme plus
l’
électricité. » Or, le marxisme n’est pas un apport soviétique, ce n’es
2118
n : « C’est le marxisme plus l’électricité. » Or,
le
marxisme n’est pas un apport soviétique, ce n’est pas Popov qui l’a i
2119
pas un apport soviétique, ce n’est pas Popov qui
l’
a inventé, mais bien un Juif allemand, dont le père était devenu prote
2120
qui l’a inventé, mais bien un Juif allemand, dont
le
père était devenu protestant, et qui rédigeait au British Muséum, pou
2121
testant, et qui rédigeait au British Muséum, pour
le
Herald Tribune de New York, des articles qui le faisaient vivre et qu
2122
r le Herald Tribune de New York, des articles qui
le
faisaient vivre et qui forment une partie du Kapital. Le marxisme est
2123
aient vivre et qui forment une partie du Kapital.
Le
marxisme est né en Europe et de l’Europe, au carrefour d’un débat séc
2124
ie du Kapital. Le marxisme est né en Europe et de
l’
Europe, au carrefour d’un débat séculaire entre la théologie et la phi
2125
l’Europe, au carrefour d’un débat séculaire entre
la
théologie et la philosophie, au moment où se constituaient la sociolo
2126
refour d’un débat séculaire entre la théologie et
la
philosophie, au moment où se constituaient la sociologie et la techni
2127
et la philosophie, au moment où se constituaient
la
sociologie et la technique, l’industrie, la grande presse, l’école ob
2128
e, au moment où se constituaient la sociologie et
la
technique, l’industrie, la grande presse, l’école obligatoire, la con
2129
ù se constituaient la sociologie et la technique,
l’
industrie, la grande presse, l’école obligatoire, la conscription univ
2130
aient la sociologie et la technique, l’industrie,
la
grande presse, l’école obligatoire, la conscription universelle et le
2131
e et la technique, l’industrie, la grande presse,
l’
école obligatoire, la conscription universelle et les nationalismes qu
2132
industrie, la grande presse, l’école obligatoire,
la
conscription universelle et les nationalismes qui en vivent. On ne sa
2133
école obligatoire, la conscription universelle et
les
nationalismes qui en vivent. On ne saurait imaginer complexe de force
2134
matérielles plus spécifiquement européen. Quant à
l’
électricité, dont parlait Lénine, elle symbolise l’industrialisation.
2135
’électricité, dont parlait Lénine, elle symbolise
l’
industrialisation. En électrifiant le pays, le communisme a renouvelé
2136
le symbolise l’industrialisation. En électrifiant
le
pays, le communisme a renouvelé l’entreprise de Pierre le Grand : il
2137
ise l’industrialisation. En électrifiant le pays,
le
communisme a renouvelé l’entreprise de Pierre le Grand : il a pour la
2138
n électrifiant le pays, le communisme a renouvelé
l’
entreprise de Pierre le Grand : il a pour la seconde fois européanisé
2139
le Grand : il a pour la seconde fois européanisé
la
Russie. Et c’est l’URSS à son tour qui s’est chargée d’aider la Chine
2140
r la seconde fois européanisé la Russie. Et c’est
l’
URSS à son tour qui s’est chargée d’aider la Chine à liquider la civil
2141
c’est l’URSS à son tour qui s’est chargée d’aider
la
Chine à liquider la civilisation des mandarins, c’est l’URSS qui a in
2142
our qui s’est chargée d’aider la Chine à liquider
la
civilisation des mandarins, c’est l’URSS qui a introduit dans l’Empir
2143
e à liquider la civilisation des mandarins, c’est
l’
URSS qui a introduit dans l’Empire emmuré ce nouveau cheval de Troie o
2144
des mandarins, c’est l’URSS qui a introduit dans
l’
Empire emmuré ce nouveau cheval de Troie occidental : la technique, et
2145
re emmuré ce nouveau cheval de Troie occidental :
la
technique, et tout ce qu’elle entraîne dans les mœurs et les modes de
2146
: la technique, et tout ce qu’elle entraîne dans
les
mœurs et les modes de penser d’une nation. Le fameux « bon en avant »
2147
ue, et tout ce qu’elle entraîne dans les mœurs et
les
modes de penser d’une nation. Le fameux « bon en avant » de la Chine
2148
ns les mœurs et les modes de penser d’une nation.
Le
fameux « bon en avant » de la Chine n’a guère été qu’un bond vers l’i
2149
enser d’une nation. Le fameux « bon en avant » de
la
Chine n’a guère été qu’un bond vers l’industrie et vers le socialisme
2150
avant » de la Chine n’a guère été qu’un bond vers
l’
industrie et vers le socialisme, inventés par l’Europe et parties inté
2151
n’a guère été qu’un bond vers l’industrie et vers
le
socialisme, inventés par l’Europe et parties intégrantes de sa cultur
2152
s l’industrie et vers le socialisme, inventés par
l’
Europe et parties intégrantes de sa culture. Quant à l’Afrique, observ
2153
ope et parties intégrantes de sa culture. Quant à
l’
Afrique, observons simplement que son émancipation actuelle ne consist
2154
émancipation actuelle ne consiste nullement dans
l’
avènement d’une civilisation originale, ou de quelque néo-tribalisme,
2155
de quelque néo-tribalisme, mais au contraire dans
l’
adoption bien trop rapide des formes de vie politique, sociale et écon
2156
e politique, sociale et économique, élaborées par
l’
Europe moderne. Résumons cela : je vois l’Asie du Sud, sous-développée
2157
ées par l’Europe moderne. Résumons cela : je vois
l’
Asie du Sud, sous-développée, courir après l’exemple de la Chine, qui
2158
vois l’Asie du Sud, sous-développée, courir après
l’
exemple de la Chine, qui essaie d’imiter la Russie, laquelle veut rejo
2159
u Sud, sous-développée, courir après l’exemple de
la
Chine, qui essaie d’imiter la Russie, laquelle veut rejoindre l’Améri
2160
après l’exemple de la Chine, qui essaie d’imiter
la
Russie, laquelle veut rejoindre l’Amérique, qui est une invention de
2161
ssaie d’imiter la Russie, laquelle veut rejoindre
l’
Amérique, qui est une invention de l’Europe… z. Rougemont Denis de
2162
ut rejoindre l’Amérique, qui est une invention de
l’
Europe… z. Rougemont Denis de, « Les prophètes de la décadence »,
2163
vention de l’Europe… z. Rougemont Denis de, «
Les
prophètes de la décadence », Les Nouvelles littéraires, Paris, 24 sep
2164
pe… z. Rougemont Denis de, « Les prophètes de
la
décadence », Les Nouvelles littéraires, Paris, 24 septembre 1970, p.
2165
mont Denis de, « Les prophètes de la décadence »,
Les
Nouvelles littéraires, Paris, 24 septembre 1970, p. 3. aa. Le texte
2166
littéraires, Paris, 24 septembre 1970, p. 3. aa.
Le
texte est précédé du chapeau suivant : « On sait quel Européen convai
2167
éen convaincu et militant est Denis de Rougemont.
L’
auteur de L’Amour et l’Occident , Penser avec les mains , de L’Aven
2168
et militant est Denis de Rougemont. L’auteur de
L’
Amour et l’Occident , Penser avec les mains , de L’Aventure occident
2169
t est Denis de Rougemont. L’auteur de L’Amour et
l’
Occident , Penser avec les mains , de L’Aventure occidentale de l’ho
2170
mour et l’Occident , Penser avec les mains , de
L’
Aventure occidentale de l’homme , plaide une nouvelle fois pour le Vie
2171
er avec les mains , de L’Aventure occidentale de
l’
homme , plaide une nouvelle fois pour le Vieux Continent, dont il ne c
2172
entale de l’homme , plaide une nouvelle fois pour
le
Vieux Continent, dont il ne croit pas le destin achevé, en publiant c
2173
ois pour le Vieux Continent, dont il ne croit pas
le
destin achevé, en publiant chez Albin Michel une Lettre ouverte aux
2174
re ouverte aux Européens , qui prendra place dans
la
collection dirigée par Jean-Pierre Dorlan. Dans cette Lettre , Denis
2175
ontre tout ce qui rapproche et tout ce qui divise
les
États de l’Europe ; il fixe également un programme pour les vingt ans
2176
de l’Europe ; il fixe également un programme pour
les
vingt ans à venir et nous met en garde, comme on va le voir, contre l
2177
ngt ans à venir et nous met en garde, comme on va
le
voir, contre les prophètes de la décadence avant de nous proposer des
2178
et nous met en garde, comme on va le voir, contre
les
prophètes de la décadence avant de nous proposer des candidats à la r
2179
rde, comme on va le voir, contre les prophètes de
la
décadence avant de nous proposer des candidats à la relève.
2180
décadence avant de nous proposer des candidats à
la
relève.
2181
Denis de Rougemont :
l’
amour et l’Europe en expert (24 décembre 1970)ab ac Denis de Rougem
2182
Denis de Rougemont : l’amour et
l’
Europe en expert (24 décembre 1970)ab ac Denis de Rougemont, les de
2183
rt (24 décembre 1970)ab ac Denis de Rougemont,
les
deux grands thèmes de votre vie ont été l’Amour et l’Europe. Quel éta
2184
mont, les deux grands thèmes de votre vie ont été
l’
Amour et l’Europe. Quel était le Denis de Rougemont de ses 17 ans ? Si
2185
eux grands thèmes de votre vie ont été l’Amour et
l’
Europe. Quel était le Denis de Rougemont de ses 17 ans ? Si vous me di
2186
votre vie ont été l’Amour et l’Europe. Quel était
le
Denis de Rougemont de ses 17 ans ? Si vous me disiez 17 ans et demi,
2187
Si vous me disiez 17 ans et demi, je vous dirai :
l’
âge de mon premier article. J’étais au gymnase de ma ville natale, Neu
2188
J’étais au gymnase de ma ville natale, Neuchâtel.
Le
trait caractéristique de cet endroit où je suis né est d’être un carr
2189
un carrefour, une petite principauté placée entre
les
influences françaises et allemandes, ce qui est très suisse, par défi
2190
ui est très suisse, par définition. 17 ans, c’est
le
moment où j’ai pris conscience que j’étais un littéraire. À cette épo
2191
ootball. J’étais gardien de but. C’était pour moi
le
poste idéal car le gardien de but n’intervient qu’aux moments de cris
2192
rdien de but. C’était pour moi le poste idéal car
le
gardien de but n’intervient qu’aux moments de crises, au sommet de l’
2193
intervient qu’aux moments de crises, au sommet de
l’
effort. Plus tard, j’ai appris que Montherlant et Albert Camus avaient
2194
été gardiens de but. Comment avez-vous découvert
l’
Europe ? C’est entre 17 et 25 ans que j’ai découvert un peu l’Europe.
2195
’est entre 17 et 25 ans que j’ai découvert un peu
l’
Europe. Quand j’allais dans le Midi des troubadours, j’éprouvais un cu
2196
ai découvert un peu l’Europe. Quand j’allais dans
le
Midi des troubadours, j’éprouvais un curieux sentiment de reconnaissa
2197
ieux sentiment de reconnaissance. Quand je lisais
les
romans bretons je me sentais curieusement chez moi. J’ai fini par com
2198
des ancêtres dans tous ces pays-là. Si je regarde
l’
ascendance de mon père, je m’aperçois qu’à la génération où nous avons
2199
arde l’ascendance de mon père, je m’aperçois qu’à
la
génération où nous avons 64 ancêtres, la sixième, il y a 28 Suisses n
2200
z consacré de nombreuses et passionnantes pages à
l’
amour. Qu’est-ce que l’amour pour vous ? L’amour c’est tout. Pour moi
2201
s et passionnantes pages à l’amour. Qu’est-ce que
l’
amour pour vous ? L’amour c’est tout. Pour moi c’est plus spécialement
2202
ages à l’amour. Qu’est-ce que l’amour pour vous ?
L’
amour c’est tout. Pour moi c’est plus spécialement mon livre L’Amour
2203
tout. Pour moi c’est plus spécialement mon livre
L’
Amour et l’Occident . L’amour au sens de l’amour-passion que j’ai décr
2204
moi c’est plus spécialement mon livre L’Amour et
l’
Occident . L’amour au sens de l’amour-passion que j’ai décrit dans mon
2205
s spécialement mon livre L’Amour et l’Occident .
L’
amour au sens de l’amour-passion que j’ai décrit dans mon livre fut qu
2206
livre L’Amour et l’Occident . L’amour au sens de
l’
amour-passion que j’ai décrit dans mon livre fut quelque chose de très
2207
fut quelque chose de très important dans ma vie.
L’
opposition entre l’amour-passion et le mariage est au fond le sujet mê
2208
de très important dans ma vie. L’opposition entre
l’
amour-passion et le mariage est au fond le sujet même de ce livre. J’a
2209
ans ma vie. L’opposition entre l’amour-passion et
le
mariage est au fond le sujet même de ce livre. J’ai été entraîné à éc
2210
n entre l’amour-passion et le mariage est au fond
le
sujet même de ce livre. J’ai été entraîné à écrire cet ouvrage par to
2211
cet ouvrage par toute une suite de circonstances.
La
plus ancienne était un numéro de la revue Esprit consacré à la femm
2212
irconstances. La plus ancienne était un numéro de
la
revue Esprit consacré à la femme et l’amour aujourd’hui, et qui por
2213
e était un numéro de la revue Esprit consacré à
la
femme et l’amour aujourd’hui, et qui portait comme titre : « La femme
2214
uméro de la revue Esprit consacré à la femme et
l’
amour aujourd’hui, et qui portait comme titre : « La femme est aussi u
2215
amour aujourd’hui, et qui portait comme titre : «
La
femme est aussi une personne ». Cela se passait en 1936 et Mounier s’
2216
é un précurseur. Il m’avait demandé une étude sur
l’
opposition qui paraissait éclatante entre l’amour dans le mythe de Tri
2217
e sur l’opposition qui paraissait éclatante entre
l’
amour dans le mythe de Tristan et l’amour dans le mariagead. Daniel-Ro
2218
ition qui paraissait éclatante entre l’amour dans
le
mythe de Tristan et l’amour dans le mariagead. Daniel-Rops, qui dirig
2219
latante entre l’amour dans le mythe de Tristan et
l’
amour dans le mariagead. Daniel-Rops, qui dirigeait la collection Prés
2220
l’amour dans le mythe de Tristan et l’amour dans
le
mariagead. Daniel-Rops, qui dirigeait la collection Présence, chez Pl
2221
our dans le mariagead. Daniel-Rops, qui dirigeait
la
collection Présence, chez Plon, ayant lu mon article me demanda si je
2222
e pour lui un petit livre en deux volets opposant
le
mythe de Tristan et l’amour dans le mariage. Et nous avons pris date.
2223
re en deux volets opposant le mythe de Tristan et
l’
amour dans le mariage. Et nous avons pris date. Je devais lui donner m
2224
lets opposant le mythe de Tristan et l’amour dans
le
mariage. Et nous avons pris date. Je devais lui donner mon livre en f
2225
. Je devais lui donner mon livre en février 1938.
Le
mois de février arriva et je n’avais pas écrit une ligne. Je reçus un
2226
ndre un grand service ? Accepteriez-vous de céder
le
tour de parution de votre manuscrit, que j’attends d’un jour à l’autr
2227
’attends d’un jour à l’autre, car je dois publier
le
plus tôt possible le manuscrit d’un essai d’une grande actualité inti
2228
l’autre, car je dois publier le plus tôt possible
le
manuscrit d’un essai d’une grande actualité intitulé La France et son
2229
uscrit d’un essai d’une grande actualité intitulé
La
France et son armée, et dont l’auteur est un jeune lieutenant-colonel
2230
ctualité intitulé La France et son armée, et dont
l’
auteur est un jeune lieutenant-colonel qui s’appelle Charles de Gaulle
2231
s mis instantanément à mon livre, et j’ai terminé
les
450 pages en trois mois. Comme je l’ai écrit dans la préface, c’est u
2232
’ai terminé les 450 pages en trois mois. Comme je
l’
ai écrit dans la préface, c’est un livre qui m’a demandé trois mois de
2233
450 pages en trois mois. Comme je l’ai écrit dans
la
préface, c’est un livre qui m’a demandé trois mois de travail et tout
2234
re qui m’a demandé trois mois de travail et toute
la
vie. J’étais devenu, hélas ! aux yeux de beaucoup de gens dans beauco
2235
ucoup de gens dans beaucoup de pays un expert sur
les
choses de l’amour. Quand les gens me rencontraient ils me disaient :
2236
dans beaucoup de pays un expert sur les choses de
l’
amour. Quand les gens me rencontraient ils me disaient : « C’est vous
2237
e pays un expert sur les choses de l’amour. Quand
les
gens me rencontraient ils me disaient : « C’est vous l’auteur de L’A
2238
s me rencontraient ils me disaient : « C’est vous
l’
auteur de L’Amour et l’Occident ? Je croyais que vous aviez une gran
2239
aient ils me disaient : « C’est vous l’auteur de
L’
Amour et l’Occident ? Je croyais que vous aviez une grande barbe blan
2240
e disaient : « C’est vous l’auteur de L’Amour et
l’
Occident ? Je croyais que vous aviez une grande barbe blanche. » C’ét
2241
’ai tâché de suivre un peu ce qui se passait dans
la
vie de ces gens qui m’avaient fait des confidences et je me suis aper
2242
dernière partie de mon livre. Mais voilà que, en
les
suivant un peu plus longtemps, je m’aperçus qu’ils finissaient quand
2243
ssaient quand même par divorcer, c’est-à-dire que
l’
action de mon livre était généralement de retarder les divorces de que
2244
ction de mon livre était généralement de retarder
les
divorces de quelques années, ce qui provoquait pas mal de souffrances
2245
après mes années d’Amérique. C’est pourquoi dans
la
nouvelle édition qui a paru en 1954ae j’ai ajouté un long chapitre su
2246
a paru en 1954ae j’ai ajouté un long chapitre sur
le
divorce. Depuis lors je n’ai cas cessé de récrire ce livre. Mon deuxi
2247
e toi-même , qui est édité en livre de poche sous
le
titre Les Mythes de l’amour, donne à la passion plus de droits que je
2248
e , qui est édité en livre de poche sous le titre
Les
Mythes de l’amour, donne à la passion plus de droits que je ne lui en
2249
ité en livre de poche sous le titre Les Mythes de
l’
amour, donne à la passion plus de droits que je ne lui en laissais dan
2250
oche sous le titre Les Mythes de l’amour, donne à
la
passion plus de droits que je ne lui en laissais dans mon premier liv
2251
’hui ? Je continue à penser qu’il faudrait élever
les
gens dans une méfiance profonde de ce que représente la passion. C’es
2252
s dans une méfiance profonde de ce que représente
la
passion. C’est au fond contre la vulgarisation du mythe de Tristan qu
2253
e que représente la passion. C’est au fond contre
la
vulgarisation du mythe de Tristan que je m’élevais, surtout dans L’A
2254
mythe de Tristan que je m’élevais, surtout dans
L’
Amour et l’Occident , et non pas contre le mythe. Cela n’aurait pas de
2255
ristan que je m’élevais, surtout dans L’Amour et
l’
Occident , et non pas contre le mythe. Cela n’aurait pas de sens de di
2256
t dans L’Amour et l’Occident , et non pas contre
le
mythe. Cela n’aurait pas de sens de dire que l’on est contre la passi
2257
e le mythe. Cela n’aurait pas de sens de dire que
l’
on est contre la passion qui est l’une des choses glorieuses qui peut
2258
n’aurait pas de sens de dire que l’on est contre
la
passion qui est l’une des choses glorieuses qui peut arriver à un hom
2259
l’une qu’il faut enseigner aux enfants, par tous
les
moyens possibles et qui mène au mariage solide, fait pour durer sinon
2260
ne au mariage solide, fait pour durer sinon toute
la
vie, du moins le plus longtemps possible ; au mariage conçu comme une
2261
ide, fait pour durer sinon toute la vie, du moins
le
plus longtemps possible ; au mariage conçu comme une œuvre d’art qui
2262
a lui imposera des disciplines. Ces sacrifices on
les
fait très joyeusement et consciemment parce que l’on sait que c’est l
2263
s fait très joyeusement et consciemment parce que
l’
on sait que c’est la condition de réussite de quelque chose de durable
2264
ent et consciemment parce que l’on sait que c’est
la
condition de réussite de quelque chose de durable. Si je fais un plai
2265
ue chose de durable. Si je fais un plaidoyer pour
la
fidélité, ce n’est pas au nom d’une morale puritaine, comme certains
2266
pas au nom d’une morale puritaine, comme certains
l’
ont cru, mais au nom d’une morale d’artiste. Tout homme est amené à êt
2267
même et surtout de son couple. Je pense que c’est
l’
œuvre la plus belle. Et la passion ? La passion, je ne l’exclus pas, m
2268
surtout de son couple. Je pense que c’est l’œuvre
la
plus belle. Et la passion ? La passion, je ne l’exclus pas, mais je p
2269
ple. Je pense que c’est l’œuvre la plus belle. Et
la
passion ? La passion, je ne l’exclus pas, mais je pense qu’elle doit
2270
que c’est l’œuvre la plus belle. Et la passion ?
La
passion, je ne l’exclus pas, mais je pense qu’elle doit être réservée
2271
la plus belle. Et la passion ? La passion, je ne
l’
exclus pas, mais je pense qu’elle doit être réservée à de très rares p
2272
à de très rares personnes qui seront probablement
le
sel de la terre ou qui seront quelquefois des criminels. Revenons à l
2273
rares personnes qui seront probablement le sel de
la
terre ou qui seront quelquefois des criminels. Revenons à l’Europe. V
2274
qui seront quelquefois des criminels. Revenons à
l’
Europe. Vous vivez à Ferney-Voltaire entouré de frontières… Un jour j’
2275
oltaire entouré de frontières… Un jour j’ai passé
la
frontière avec Robert Schuman en voiture et avec le photographe Pedra
2276
frontière avec Robert Schuman en voiture et avec
le
photographe Pedrazini qui faisait un reportage sur Robert Schuman che
2277
Centre européen de la culture à Genève. Arrivé à
la
frontière, le douanier a eu ce mot admirable : « Ah ! ça, c’est l’Eur
2278
en de la culture à Genève. Arrivé à la frontière,
le
douanier a eu ce mot admirable : « Ah ! ça, c’est l’Europe !… passez…
2279
douanier a eu ce mot admirable : « Ah ! ça, c’est
l’
Europe !… passez… » Le fait d’être obligé de passer une et souvent plu
2280
dmirable : « Ah ! ça, c’est l’Europe !… passez… »
Le
fait d’être obligé de passer une et souvent plusieurs fois par jour l
2281
de passer une et souvent plusieurs fois par jour
la
frontière est bien fait pour entretenir l’indignation continuelle que
2282
r jour la frontière est bien fait pour entretenir
l’
indignation continuelle que j’ai contre les frontières. Cette frontièr
2283
retenir l’indignation continuelle que j’ai contre
les
frontières. Cette frontière avait été à peu près supprimée par des tr
2284
u près supprimée par des traités qui repoussaient
le
cordon douanier derrière le Jura et faisaient de l’ensemble du pays d
2285
ités qui repoussaient le cordon douanier derrière
le
Jura et faisaient de l’ensemble du pays de Gex, Savoie et Genève, de
2286
cordon douanier derrière le Jura et faisaient de
l’
ensemble du pays de Gex, Savoie et Genève, de nouveau une région natur
2287
et Genève, de nouveau une région naturelle comme
la
géographie l’avait dessinée. Mais en 1923, Poincaré, par une espèce d
2288
nouveau une région naturelle comme la géographie
l’
avait dessinée. Mais en 1923, Poincaré, par une espèce de coup d’État,
2289
r une espèce de coup d’État, a décidé de porter à
la
frontière politique sa ligne de douaniers et il en a résulté que dans
2290
sa ligne de douaniers et il en a résulté que dans
la
région que j’habite, qui est prétendument zone franche, nous sommes e
2291
r me convaincre qu’on n’arrivera vraiment à faire
l’
Europe que sur la base des régions, régions recréées en dépit des fron
2292
u’on n’arrivera vraiment à faire l’Europe que sur
la
base des régions, régions recréées en dépit des frontières, par-dessu
2293
ions recréées en dépit des frontières, par-dessus
les
frontières, à travers les frontières. Mon slogan est celui-ci : « Les
2294
frontières, par-dessus les frontières, à travers
les
frontières. Mon slogan est celui-ci : « Les frontières sont faites po
2295
avers les frontières. Mon slogan est celui-ci : «
Les
frontières sont faites pour être transformées en écumoires. » Denis d
2296
enis de Rougemont, quelle est votre définition de
la
gloire ? C’est le salut. C’est ce qui vient après la mort. C’est l’ac
2297
quelle est votre définition de la gloire ? C’est
le
salut. C’est ce qui vient après la mort. C’est l’accomplissement. C’e
2298
gloire ? C’est le salut. C’est ce qui vient après
la
mort. C’est l’accomplissement. C’est un triomphal accord clamé à la f
2299
le salut. C’est ce qui vient après la mort. C’est
l’
accomplissement. C’est un triomphal accord clamé à la fin de la IXe Sy
2300
ccomplissement. C’est un triomphal accord clamé à
la
fin de la IXe Symphonie, c’est quelque chose que probablement tout ho
2301
ment. C’est un triomphal accord clamé à la fin de
la
IXe Symphonie, c’est quelque chose que probablement tout homme a sent
2302
ue chose que probablement tout homme a senti dans
le
fond de soi-même comme l’achèvement. Cela n’a rien à voir avec la pub
2303
tout homme a senti dans le fond de soi-même comme
l’
achèvement. Cela n’a rien à voir avec la publicité. Ça peut être secre
2304
ême comme l’achèvement. Cela n’a rien à voir avec
la
publicité. Ça peut être secret. Je crois beaucoup à une notion secrè
2305
ecret. Je crois beaucoup à une notion secrète de
la
gloire. La gloire n’est pas donnée par la foule, elle n’est pas donné
2306
crois beaucoup à une notion secrète de la gloire.
La
gloire n’est pas donnée par la foule, elle n’est pas donnée par le su
2307
rète de la gloire. La gloire n’est pas donnée par
la
foule, elle n’est pas donnée par le succès. C’est un sentiment d’épan
2308
as donnée par la foule, elle n’est pas donnée par
le
succès. C’est un sentiment d’épanouissement suprême, une floraison da
2309
ment d’épanouissement suprême, une floraison dans
le
ciel accompagnée d’une grande euphorie et d’un grand bonheur. Et votr
2310
rie et d’un grand bonheur. Et votre définition de
la
mort ? Si un homme pouvait penser complètement la mort, il mourrait à
2311
la mort ? Si un homme pouvait penser complètement
la
mort, il mourrait à cet instant-là. La mort c’est par essence l’incon
2312
mplètement la mort, il mourrait à cet instant-là.
La
mort c’est par essence l’inconcevable, donc c’est par essence quelque
2313
rrait à cet instant-là. La mort c’est par essence
l’
inconcevable, donc c’est par essence quelque chose dont on ne peut rie
2314
ai des idées folles, comme beaucoup d’hommes, sur
la
mort, sur la chronologie, si vous voulez. Je pense que l’immortalité
2315
folles, comme beaucoup d’hommes, sur la mort, sur
la
chronologie, si vous voulez. Je pense que l’immortalité n’est pas que
2316
sur la chronologie, si vous voulez. Je pense que
l’
immortalité n’est pas quelque chose qui commence quand on est mort, ni
2317
lque chose qui commence quand on est mort, ni que
l’
âme sort par la bouche et va voleter on ne sait pas très bien où. Je m
2318
commence quand on est mort, ni que l’âme sort par
la
bouche et va voleter on ne sait pas très bien où. Je me dis que l’éte
2319
oleter on ne sait pas très bien où. Je me dis que
l’
éternité, l’immortalité, c’est quelque chose qui englobe le temps, qui
2320
sait pas très bien où. Je me dis que l’éternité,
l’
immortalité, c’est quelque chose qui englobe le temps, qui le pénètre
2321
é, l’immortalité, c’est quelque chose qui englobe
le
temps, qui le pénètre complètement et que nous y sommes déjà maintena
2322
té, c’est quelque chose qui englobe le temps, qui
le
pénètre complètement et que nous y sommes déjà maintenant. Plutôt que
2323
enant. Plutôt que de me demander ce que c’est que
la
mort, je m’interroge sur ce qu’est la vie. Là, je peux dire quelque c
2324
e c’est que la mort, je m’interroge sur ce qu’est
la
vie. Là, je peux dire quelque chose : c’est un certain laps de temps
2325
a vocation. Si elle découvre sa vocation, si elle
la
réalise plus ou moins bien, elle peut dire qu’elle a réussi sa vie et
2326
de notes sur ce que ce mot Dieu peut évoquer pour
l’
esprit d’un homme du xxe siècle, moi, par exemple. J’écris généraleme
2327
on impossibilité de ne pas croire. Tout cela avec
la
plus grande précision dans le détail, car il n’y a là que la précisio
2328
ire. Tout cela avec la plus grande précision dans
le
détail, car il n’y a là que la précision qui est intéressante ; en év
2329
nde précision dans le détail, car il n’y a là que
la
précision qui est intéressante ; en évitant tout ce qui peut avoir l’
2330
n’est pas peu dire. Cela veut peut-être dire que
le
problème est mal posé dans ma tête, ou dans mon existence. À quoi j’e
2331
s toujours finalement, c’est à ceci : Dieu, c’est
le
sens. S’il n’y a pas de Dieu, il n’y a pas de sens. Certains savants
2332
ui disent qu’ils ne tiennent pas du tout à ce que
le
monde ait un sens, à ce que notre vie ait un sens, à ce que l’humanit
2333
un sens, à ce que notre vie ait un sens, à ce que
l’
humanité ait un sens, puis ils finissent par vous faire un petit coupl
2334
emander : Qu’est-ce que cela veut dire pour vous,
la
vie, s’il n’y a aucun sens à rien ? Pourquoi ne me comporterais-je pa
2335
à rien ? Pourquoi ne me comporterais-je pas comme
le
surhomme de Nietzsche ? Au nom de quoi venez-vous me dire qu’il faut
2336
ou qu’il faut être de gauche ? Nous entrons dans
l’
arbitraire total. Si, au contraire, j’entre dans le monde où Dieu exis
2337
’arbitraire total. Si, au contraire, j’entre dans
le
monde où Dieu existe, alors il y a un sens, il y a quelque chose qui
2338
début de tout mais qu’il est une cause finale de
l’
humanité, qu’il appelle le développement de l’homme. D’autre part, je
2339
est une cause finale de l’humanité, qu’il appelle
le
développement de l’homme. D’autre part, je crois qu’il y a une grande
2340
de l’humanité, qu’il appelle le développement de
l’
homme. D’autre part, je crois qu’il y a une grande naïveté à discuter
2341
crois qu’il y a une grande naïveté à discuter sur
l’
existence ou la non-existence de Dieu étant donné que nous savons la p
2342
une grande naïveté à discuter sur l’existence ou
la
non-existence de Dieu étant donné que nous savons la place infime que
2343
non-existence de Dieu étant donné que nous savons
la
place infime que nous tenons dans l’univers. Je fais quelquefois cett
2344
nous savons la place infime que nous tenons dans
l’
univers. Je fais quelquefois cette comparaison un peu élémentaire, mai
2345
ment une cellule de notre corps pourrait croire à
l’
existence de ce corps ? Elle n’a aucun moyen d’en prendre connaissance
2346
rtie d’un corps. Elle peut donc parfaitement nier
l’
existence du corps. ab. Rougemont Denis de, « [Entretien] L’amour e
2347
u corps. ab. Rougemont Denis de, « [Entretien]
L’
amour et l’Europe en expert », Les Nouvelles littéraires, Paris, 24 dé
2348
ab. Rougemont Denis de, « [Entretien] L’amour et
l’
Europe en expert », Les Nouvelles littéraires, Paris, 24 décembre 1970
2349
e, « [Entretien] L’amour et l’Europe en expert »,
Les
Nouvelles littéraires, Paris, 24 décembre 1970, p. 1 et 10. ac. Prop
2350
, nous ne trouvons pas seulement confirmation de
l’
idéal de toute sa vie ; les hommes qui demain auront la charge du mond
2351
ulement confirmation de l’idéal de toute sa vie ;
les
hommes qui demain auront la charge du monde pourront y puiser tout un
2352
al de toute sa vie ; les hommes qui demain auront
la
charge du monde pourront y puiser tout un programme politique inspiré
2353
y puiser tout un programme politique inspiré par
l’
idée d’union fédérale. Denis de Rougemont s’est fait l’apôtre de cette
2354
e d’union fédérale. Denis de Rougemont s’est fait
l’
apôtre de cette croisade ; il n’est donc pas étonnant qu’on en réenten
2355
e ; il n’est donc pas étonnant qu’on en réentende
l’
écho dans sa conversation avec Pierre Lhoste. » ad. Le texte auquel R
2356
o dans sa conversation avec Pierre Lhoste. » ad.
Le
texte auquel Rougemont fait référence, intitulé « La passion contre l
2357
texte auquel Rougemont fait référence, intitulé «
La
passion contre le mariage », est paru en septembre 1938, et non en 19
2358
mont fait référence, intitulé « La passion contre
le
mariage », est paru en septembre 1938, et non en 1936. ae. La deuxiè
2359
1938, et non en 1936. ae. La deuxième édition de
L’
Amour et l’Occident date en fait de 1956.
2360
n en 1936. ae. La deuxième édition de L’Amour et
l’
Occident date en fait de 1956.
2361
De
l’
unité de culture à l’union politique (17-23 avril 1972)af ag L’uni
2362
De l’unité de culture à
l’
union politique (17-23 avril 1972)af ag L’unité de l’Europe ne se
2363
e à l’union politique (17-23 avril 1972)af ag
L’
unité de l’Europe ne se fera ni uniquement ni principalement par des i
2364
politique (17-23 avril 1972)af ag L’unité de
l’
Europe ne se fera ni uniquement ni principalement par des institutions
2365
s institutions européennes ; leur création suivra
le
cheminement des esprits. Robert Schuman Il nous faut faire l’Europe
2366
des esprits. Robert Schuman Il nous faut faire
l’
Europe afin de rester nous-mêmes, disons pour aller vite : ni moujiks
2367
acune trop petite pour se défendre seule, n’a pas
la
moindre chance de résister d’une part à la colonisation idéologique e
2368
’a pas la moindre chance de résister d’une part à
la
colonisation idéologique et militaire par les Russes — je songe aux p
2369
rt à la colonisation idéologique et militaire par
les
Russes — je songe aux pays de l’Est européen — d’autre part à la colo
2370
t militaire par les Russes — je songe aux pays de
l’
Est européen — d’autre part à la colonisation de notre économie et de
2371
songe aux pays de l’Est européen — d’autre part à
la
colonisation de notre économie et de nos coutumes sociales par les Am
2372
de notre économie et de nos coutumes sociales par
les
Américains. Mais l’Europe ne pourra jamais se faire que selon la form
2373
de nos coutumes sociales par les Américains. Mais
l’
Europe ne pourra jamais se faire que selon la formule fédéraliste, res
2374
Mais l’Europe ne pourra jamais se faire que selon
la
formule fédéraliste, respectueuse des diversités de tous ordres et de
2375
unifiée et uniformisée, deux hommes ont essayé de
la
faire : Napoléon et Hitler. Dans les deux cas, l’expérience séculaire
2376
ont essayé de la faire : Napoléon et Hitler. Dans
les
deux cas, l’expérience séculaire ou millénaire qu’ils prétendaient in
2377
la faire : Napoléon et Hitler. Dans les deux cas,
l’
expérience séculaire ou millénaire qu’ils prétendaient inaugurer n’a d
2378
n’a duré que dix à douze ans. Or il se trouve que
la
formule fédéraliste, seule pratiquement possible pour l’Europe, est e
2379
ule fédéraliste, seule pratiquement possible pour
l’
Europe, est en même temps la seule qui corresponde aux réalités de la
2380
quement possible pour l’Europe, est en même temps
la
seule qui corresponde aux réalités de la culture européenne, aux cond
2381
me temps la seule qui corresponde aux réalités de
la
culture européenne, aux conditions de sa vitalité. Mais l’obstacle ma
2382
e européenne, aux conditions de sa vitalité. Mais
l’
obstacle majeur que l’on dresse sans relâche contre toute union fédéra
2383
itions de sa vitalité. Mais l’obstacle majeur que
l’
on dresse sans relâche contre toute union fédérale, c’est l’État natio
2384
e sans relâche contre toute union fédérale, c’est
l’
État national de type xixe siècle, jacobin et napoléonien, copié par
2385
et napoléonien, copié par plus de cent pays dans
le
monde entier, l’État-nation à souveraineté théoriquement illimitée, s
2386
copié par plus de cent pays dans le monde entier,
l’
État-nation à souveraineté théoriquement illimitée, sacro-sainte mais
2387
et obstacle politique, en retour, est fomenté par
la
culture. Car ce sont bien des faits de culture : l’école, aux trois d
2388
culture. Car ce sont bien des faits de culture :
l’
école, aux trois degrés, la presse, les livres, qui nous font croire,
2389
des faits de culture : l’école, aux trois degrés,
la
presse, les livres, qui nous font croire, depuis plusieurs génération
2390
e culture : l’école, aux trois degrés, la presse,
les
livres, qui nous font croire, depuis plusieurs générations de bons él
2391
élèves et de maîtres eux-mêmes trop crédules, que
l’
État national centralisé et absolument souverain est l’aboutissement n
2392
t national centralisé et absolument souverain est
l’
aboutissement nécessaire, inévitable et naturel de toute l’évolution h
2393
sement nécessaire, inévitable et naturel de toute
l’
évolution humaine. L’école, surtout secondaire, apprend depuis un sièc
2394
évitable et naturel de toute l’évolution humaine.
L’
école, surtout secondaire, apprend depuis un siècle aux jeunes Europée
2395
nos nations n’ont même pas cent ans d’âge. Seules
la
France, l’Angleterre et l’Espagne comptent plusieurs siècles. Même si
2396
n’ont même pas cent ans d’âge. Seules la France,
l’
Angleterre et l’Espagne comptent plusieurs siècles. Même si l’on peut
2397
cent ans d’âge. Seules la France, l’Angleterre et
l’
Espagne comptent plusieurs siècles. Même si l’on peut admettre qu’un É
2398
et l’Espagne comptent plusieurs siècles. Même si
l’
on peut admettre qu’un État français existe réellement depuis Philippe
2399
is Philippe le Bel, il est absolument certain que
l’
Italie comme État n’a que cent-dix ans, l’Allemagne cent ans, la Norvè
2400
ain que l’Italie comme État n’a que cent-dix ans,
l’
Allemagne cent ans, la Norvège soixante-six, la Tchécoslovaquie, la Yo
2401
État n’a que cent-dix ans, l’Allemagne cent ans,
la
Norvège soixante-six, la Tchécoslovaquie, la Yougoslavie, la Hongrie,
2402
s, l’Allemagne cent ans, la Norvège soixante-six,
la
Tchécoslovaquie, la Yougoslavie, la Hongrie, la Pologne cinquante-tro
2403
ans, la Norvège soixante-six, la Tchécoslovaquie,
la
Yougoslavie, la Hongrie, la Pologne cinquante-trois, la jeune Islande
2404
soixante-six, la Tchécoslovaquie, la Yougoslavie,
la
Hongrie, la Pologne cinquante-trois, la jeune Islande vingt-sept, et
2405
, la Tchécoslovaquie, la Yougoslavie, la Hongrie,
la
Pologne cinquante-trois, la jeune Islande vingt-sept, et Malte, dix.
2406
goslavie, la Hongrie, la Pologne cinquante-trois,
la
jeune Islande vingt-sept, et Malte, dix. L’école nous a raconté que c
2407
rois, la jeune Islande vingt-sept, et Malte, dix.
L’
école nous a raconté que chacun de nos États-nations correspond à une
2408
que défini par des frontières naturelles. Et nous
l’
avons cru ! Or tout est faux dans cet enseignement. Il n’y a pas de
2409
gnement. Il n’y a pas de cultures nationales
La
culture européenne n’est pas la somme de vingt-cinq cultures national
2410
res nationales La culture européenne n’est pas
la
somme de vingt-cinq cultures nationales, puisqu’elle existait bien av
2411
tures nationales, puisqu’elle existait bien avant
la
formation, récente nous venons de le voir, de nos États-nations. Le m
2412
t bien avant la formation, récente nous venons de
le
voir, de nos États-nations. Le mot nation, natio en latin, désignait
2413
nte nous venons de le voir, de nos États-nations.
Le
mot nation, natio en latin, désignait au Moyen Âge, dans une ville un
2414
gnait au Moyen Âge, dans une ville universitaire,
les
colonies d’étudiants venus d’une même région d’Europe et parlant entr
2415
s d’une même région d’Europe et parlant entre eux
la
même langue : nation anglaise, nation flamande, nation italienne, c’é
2416
ns nationales dans une cité universitaire. Mais à
l’
Université même, on ne parlait qu’en latin. C’est ainsi qu’à la Sorbon
2417
même, on ne parlait qu’en latin. C’est ainsi qu’à
la
Sorbonne, vers 1270 — comme me le faisait observer un jour Étienne Gi
2418
’est ainsi qu’à la Sorbonne, vers 1270 — comme me
le
faisait observer un jour Étienne Gilson — pas un seul des grands prof
2419
ait une grande culture commune, bien antérieure à
l’
idée même d’État-nation. Mais dira-t-on, le mot « nation » désignait,
2420
eure à l’idée même d’État-nation. Mais dira-t-on,
le
mot « nation » désignait, dès ce temps, ceux qui parlaient même langu
2421
ême langue ? Oui, mais il n’était pas question de
les
enfermer pour autant dans les frontières d’un même État. D’ailleurs,
2422
ait pas question de les enfermer pour autant dans
les
frontières d’un même État. D’ailleurs, il n’est pas vrai que nos État
2423
ai que nos États-nations modernes correspondent à
l’
aire de diffusion d’une langue. Prenez la France : on parle huit langu
2424
ondent à l’aire de diffusion d’une langue. Prenez
la
France : on parle huit langues à l’intérieur de ses frontières actuel
2425
actuelles ; breton et flamand au nord, allemand à
l’
est, basque, occitan, catalan et italien au sud, et naturellement le f
2426
itan, catalan et italien au sud, et naturellement
le
français, imposé comme seule langue officielle dès 1539 par l’édit de
2427
imposé comme seule langue officielle dès 1539 par
l’
édit de Villers-Cotterêts. Si la France entendait revendiquer la Wallo
2428
elle dès 1539 par l’édit de Villers-Cotterêts. Si
la
France entendait revendiquer la Wallonie, la Suisse romande et le Val
2429
ers-Cotterêts. Si la France entendait revendiquer
la
Wallonie, la Suisse romande et le Val d’Aoste au nom de l’unité lingu
2430
. Si la France entendait revendiquer la Wallonie,
la
Suisse romande et le Val d’Aoste au nom de l’unité linguistique, elle
2431
ait revendiquer la Wallonie, la Suisse romande et
le
Val d’Aoste au nom de l’unité linguistique, elle devrait s’amputer, p
2432
ie, la Suisse romande et le Val d’Aoste au nom de
l’
unité linguistique, elle devrait s’amputer, pour le même motif, de prè
2433
’unité linguistique, elle devrait s’amputer, pour
le
même motif, de près de la moitié de ses territoires actuels. Prenez l
2434
devrait s’amputer, pour le même motif, de près de
la
moitié de ses territoires actuels. Prenez la langue allemande : si el
2435
s de la moitié de ses territoires actuels. Prenez
la
langue allemande : si elle devait coïncider avec un État-nation, il f
2436
ncider avec un État-nation, il faudrait annexer à
la
République fédérale outre l’Allemagne de l’Est, la Suisse alémanique,
2437
l faudrait annexer à la République fédérale outre
l’
Allemagne de l’Est, la Suisse alémanique, les Sudètes, les minorités g
2438
a République fédérale outre l’Allemagne de l’Est,
la
Suisse alémanique, les Sudètes, les minorités germanophones de la Bel
2439
outre l’Allemagne de l’Est, la Suisse alémanique,
les
Sudètes, les minorités germanophones de la Belgique, de l’Alsace, de
2440
agne de l’Est, la Suisse alémanique, les Sudètes,
les
minorités germanophones de la Belgique, de l’Alsace, de la Transylvan
2441
ique, les Sudètes, les minorités germanophones de
la
Belgique, de l’Alsace, de la Transylvanie, de la Slovénie, de la Polo
2442
s, les minorités germanophones de la Belgique, de
l’
Alsace, de la Transylvanie, de la Slovénie, de la Pologne, des pays ba
2443
tés germanophones de la Belgique, de l’Alsace, de
la
Transylvanie, de la Slovénie, de la Pologne, des pays baltes et de la
2444
la Belgique, de l’Alsace, de la Transylvanie, de
la
Slovénie, de la Pologne, des pays baltes et de la Volga. On m’objecte
2445
l’Alsace, de la Transylvanie, de la Slovénie, de
la
Pologne, des pays baltes et de la Volga. On m’objecte souvent que nos
2446
la Slovénie, de la Pologne, des pays baltes et de
la
Volga. On m’objecte souvent que nos langues sont trop différentes pou
2447
arsovie et Madrid. C’est oublier que toutes (sauf
le
basque et le finno-ougrien) sont étroitement apparentées. Alors qu’en
2448
drid. C’est oublier que toutes (sauf le basque et
le
finno-ougrien) sont étroitement apparentées. Alors qu’en Chine on par
2449
on parle quatorze langues radicalement étrangères
les
unes aux autres, si bien que les Chinois de provinces différentes ne
2450
ement étrangères les unes aux autres, si bien que
les
Chinois de provinces différentes ne peuvent communiquer entre eux qu’
2451
entre eux qu’au moyen d’idéogrammes dessinés dans
la
paume de leur main, les Européens retrouvent sans peine dans leurs la
2452
’idéogrammes dessinés dans la paume de leur main,
les
Européens retrouvent sans peine dans leurs langues non seulement les
2453
uvent sans peine dans leurs langues non seulement
les
formes et les mots dérivés de leur commune origine indo-européenne, m
2454
ne dans leurs langues non seulement les formes et
les
mots dérivés de leur commune origine indo-européenne, mais encore tou
2455
ires romaines, notions théologiques diffusées par
l’
Église du Moyen Âge, notions scientifiques et techniques aujourd’hui,
2456
niques aujourd’hui, à quoi viennent se superposer
les
influences dominantes de l’italien à la fin du Moyen Âge, du français
2457
ennent se superposer les influences dominantes de
l’
italien à la fin du Moyen Âge, du français au xviiie siècle, de l’all
2458
perposer les influences dominantes de l’italien à
la
fin du Moyen Âge, du français au xviiie siècle, de l’allemand des ph
2459
n du Moyen Âge, du français au xviiie siècle, de
l’
allemand des philosophes et des savants au xixe , et de l’anglo-améric
2460
nd des philosophes et des savants au xixe , et de
l’
anglo-américain de nos jours. Le mot « évêque », par exemple, véhiculé
2461
s au xixe , et de l’anglo-américain de nos jours.
Le
mot « évêque », par exemple, véhiculé par l’usage ecclésiastique, se
2462
urs. Le mot « évêque », par exemple, véhiculé par
l’
usage ecclésiastique, se retrouve aisément dans toutes nos langues : é
2463
des termes militaires comme « canon », et de tous
les
termes techniques. Vues de loin, de l’Asie ou de l’Afrique, toutes no
2464
t de tous les termes techniques. Vues de loin, de
l’
Asie ou de l’Afrique, toutes nos langues se ressemblent comme des sœur
2465
termes techniques. Vues de loin, de l’Asie ou de
l’
Afrique, toutes nos langues se ressemblent comme des sœurs. Vue de loi
2466
gues se ressemblent comme des sœurs. Vue de loin,
l’
unité culturelle de l’Europe est un fait que personne ne conteste. Enf
2467
mme des sœurs. Vue de loin, l’unité culturelle de
l’
Europe est un fait que personne ne conteste. Enfin, il y a l’affaire d
2468
t un fait que personne ne conteste. Enfin, il y a
l’
affaire des frontières naturelles, chères à l’école. Cette notion pren
2469
y a l’affaire des frontières naturelles, chères à
l’
école. Cette notion prend son origine sous Louis XIV, dans les guerres
2470
tte notion prend son origine sous Louis XIV, dans
les
guerres contre l’Espagne et les Allemagnes au-delà du Rhin ; elle a é
2471
n origine sous Louis XIV, dans les guerres contre
l’
Espagne et les Allemagnes au-delà du Rhin ; elle a été mise en forme p
2472
s Louis XIV, dans les guerres contre l’Espagne et
les
Allemagnes au-delà du Rhin ; elle a été mise en forme par la Révoluti
2473
es au-delà du Rhin ; elle a été mise en forme par
la
Révolution française, et elle a triomphé dans l’enseignement de la gé
2474
la Révolution française, et elle a triomphé dans
l’
enseignement de la géographie au xixe , là encore contre toute évidenc
2475
nçaise, et elle a triomphé dans l’enseignement de
la
géographie au xixe , là encore contre toute évidence, mais au service
2476
e contre toute évidence, mais au service dévot de
l’
État-nation. C’est ainsi qu’on nous a inculqué que le Rhin sépare les
2477
tat-nation. C’est ainsi qu’on nous a inculqué que
le
Rhin sépare les peuples de ses rives, mais que le Rhône les unit, all
2478
st ainsi qu’on nous a inculqué que le Rhin sépare
les
peuples de ses rives, mais que le Rhône les unit, allez savoir pourqu
2479
le Rhin sépare les peuples de ses rives, mais que
le
Rhône les unit, allez savoir pourquoi ! De même, les Pyrénées séparen
2480
épare les peuples de ses rives, mais que le Rhône
les
unit, allez savoir pourquoi ! De même, les Pyrénées séparent l’Espagn
2481
Rhône les unit, allez savoir pourquoi ! De même,
les
Pyrénées séparent l’Espagne de la France, voilà qui est clair, à cond
2482
savoir pourquoi ! De même, les Pyrénées séparent
l’
Espagne de la France, voilà qui est clair, à condition qu’un esprit fo
2483
rit fort (ou un naïf) ne vienne pas remarquer que
l’
on trouve à l’est de cette chaîne les mêmes Catalans sur les deux vers
2484
n naïf) ne vienne pas remarquer que l’on trouve à
l’
est de cette chaîne les mêmes Catalans sur les deux versants, et les m
2485
remarquer que l’on trouve à l’est de cette chaîne
les
mêmes Catalans sur les deux versants, et les mêmes Basques à l’ouest.
2486
ve à l’est de cette chaîne les mêmes Catalans sur
les
deux versants, et les mêmes Basques à l’ouest. Quant aux Alpes, chacu
2487
aîne les mêmes Catalans sur les deux versants, et
les
mêmes Basques à l’ouest. Quant aux Alpes, chacun peut vérifier qu’on
2488
ans sur les deux versants, et les mêmes Basques à
l’
ouest. Quant aux Alpes, chacun peut vérifier qu’on y parle italien des
2489
des deux côtés au sud, français des deux côtés à
la
hauteur des vallées vaudoises et du Val d’Aoste, plus loin l’allemand
2490
es vallées vaudoises et du Val d’Aoste, plus loin
l’
allemand, puis le ladin, puis de nouveau l’allemand, toujours des deux
2491
ses et du Val d’Aoste, plus loin l’allemand, puis
le
ladin, puis de nouveau l’allemand, toujours des deux côtés. Et la Sui
2492
s loin l’allemand, puis le ladin, puis de nouveau
l’
allemand, toujours des deux côtés. Et la Suisse est née du Gothard, au
2493
e nouveau l’allemand, toujours des deux côtés. Et
la
Suisse est née du Gothard, au cœur des Alpes. L’unité et les vraie
2494
Suisse est née du Gothard, au cœur des Alpes.
L’
unité et les vraies diversités La vérité qu’on nous cachait, c’est
2495
née du Gothard, au cœur des Alpes. L’unité et
les
vraies diversités La vérité qu’on nous cachait, c’est que la cultu
2496
des Alpes. L’unité et les vraies diversités
La
vérité qu’on nous cachait, c’est que la culture de tous nos peuples e
2497
rsités La vérité qu’on nous cachait, c’est que
la
culture de tous nos peuples est une, quoique tissée de contradictions
2498
slaves, souvent incompatibles entre elles — de là
le
caractère essentiellement contestataire de son génie — mais qui nous
2499
et qui ont éduqué notre vision du réel, que nous
le
sachions ou non, que nous soyons « cultivés » ou non. Toutes les gran
2500
non, que nous soyons « cultivés » ou non. Toutes
les
grandes écoles d’art, d’architecture, de musique, de philosophie, de
2501
e, ont été paneuropéennes, et non pas nationales.
Les
grands courants européens, les grandes écoles d’art et de pensée : c’
2502
on pas nationales. Les grands courants européens,
les
grandes écoles d’art et de pensée : c’est l’unité de notre culture co
2503
ns, les grandes écoles d’art et de pensée : c’est
l’
unité de notre culture commune. Mais qu’en est-il de nos diversités ta
2504
nt vantées, et à juste titre ? Est-il vrai, comme
le
disent trop souvent d’éloquents ministres à Bruxelles ou à Strasbourg
2505
dessus deux observations faciles à vérifier. Non,
les
frontières de nos États n’ont jamais été « naturelles ». Elles sont a
2506
». Elles sont accidentelles et arbitraires comme
les
conflits armés dont elles figurent sur nos atlas les cicatrices. Elle
2507
conflits armés dont elles figurent sur nos atlas
les
cicatrices. Elles sont encore, disait un historien français, le résul
2508
Elles sont encore, disait un historien français,
le
résultat des « viols répétés de la géographie par l’histoire », comme
2509
rien français, le résultat des « viols répétés de
la
géographie par l’histoire », comme je le vois tous les jours autour d
2510
résultat des « viols répétés de la géographie par
l’
histoire », comme je le vois tous les jours autour de Genève, en trave
2511
pétés de la géographie par l’histoire », comme je
le
vois tous les jours autour de Genève, en traversant cette frontière q
2512
éographie par l’histoire », comme je le vois tous
les
jours autour de Genève, en traversant cette frontière qui ne rime à r
2513
drait arrêter — tempêtes, épidémies, pollution de
l’
air et de l’eau — mais gêne les échanges qu’il faudrait promouvoir et
2514
r — tempêtes, épidémies, pollution de l’air et de
l’
eau — mais gêne les échanges qu’il faudrait promouvoir et vexe tout le
2515
émies, pollution de l’air et de l’eau — mais gêne
les
échanges qu’il faudrait promouvoir et vexe tout le monde ; beau symbo
2516
romouvoir et vexe tout le monde ; beau symbole de
la
souveraineté stato-nationale, qui ne peut plus avoir d’effets que nég
2517
avoir d’effets que négatifs ! En nous présentant
l’
Europe comme un puzzle de nations en teintes pâles, et la culture de l
2518
e comme un puzzle de nations en teintes pâles, et
la
culture de l’Europe comme une addition de prétendues « cultures natio
2519
zle de nations en teintes pâles, et la culture de
l’
Europe comme une addition de prétendues « cultures nationales », les m
2520
e addition de prétendues « cultures nationales »,
les
manuels de notre enfance non seulement se trouvaient justifier les pi
2521
tre enfance non seulement se trouvaient justifier
les
pires chauvinismes, fauteurs de deux guerres mondiales où l’Europe a
2522
auvinismes, fauteurs de deux guerres mondiales où
l’
Europe a failli périr, mais encore ils faussaient notre vision de l’hi
2523
périr, mais encore ils faussaient notre vision de
l’
histoire et le sens même de la vie de l’esprit. 1° Chacun de nos pays
2524
core ils faussaient notre vision de l’histoire et
le
sens même de la vie de l’esprit. 1° Chacun de nos pays a un nord et u
2525
ent notre vision de l’histoire et le sens même de
la
vie de l’esprit. 1° Chacun de nos pays a un nord et un midi : dans ch
2526
vision de l’histoire et le sens même de la vie de
l’
esprit. 1° Chacun de nos pays a un nord et un midi : dans chacun vous
2527
Or, je mets en fait que dans la plupart des cas,
les
libéraux de pays différents se ressemblent davantage et s’entendront
2528
ndront mieux entre eux qu’ils ne s’entendent avec
les
fanatiques de leur propre nation ; que les hippies d’un pays s’accord
2529
t avec les fanatiques de leur propre nation ; que
les
hippies d’un pays s’accorderont mieux avec ceux de n’importe où qu’av
2530
corderont mieux avec ceux de n’importe où qu’avec
les
conformistes de leur propre nation, etc. Ce ne sont pas nos appartena
2531
s nationales qui nous diversifient vraiment, mais
les
écoles de pensée, les styles de vie. Supprimez les frontières nationa
2532
diversifient vraiment, mais les écoles de pensée,
les
styles de vie. Supprimez les frontières nationales, vous n’appauvrire
2533
es écoles de pensée, les styles de vie. Supprimez
les
frontières nationales, vous n’appauvrirez en rien l’Europe. 2° La cré
2534
frontières nationales, vous n’appauvrirez en rien
l’
Europe. 2° La création culturelle en Europe est d’autant plus riche et
2535
tionales, vous n’appauvrirez en rien l’Europe. 2°
La
création culturelle en Europe est d’autant plus riche et plus intense
2536
mbreux. Au Moyen Âge, ces foyers de création sont
les
universités, à la Renaissance les cités du Nord de l’Italie, des Flan
2537
e, ces foyers de création sont les universités, à
la
Renaissance les cités du Nord de l’Italie, des Flandres, de la Bourgo
2538
e création sont les universités, à la Renaissance
les
cités du Nord de l’Italie, des Flandres, de la Bourgogne et de la Rhé
2539
e les cités du Nord de l’Italie, des Flandres, de
la
Bourgogne et de la Rhénanie, du Languedoc et de la Castille. On sait
2540
de l’Italie, des Flandres, de la Bourgogne et de
la
Rhénanie, du Languedoc et de la Castille. On sait le rôle merveilleus
2541
a Bourgogne et de la Rhénanie, du Languedoc et de
la
Castille. On sait le rôle merveilleusement fécondant de petites ville
2542
Rhénanie, du Languedoc et de la Castille. On sait
le
rôle merveilleusement fécondant de petites villes comme Tubingue, Ién
2543
illes comme Tubingue, Iéna, Weimar ou Dresde dans
les
Allemagnes romantiques, celles de Hegel ou de Schelling, de Hölderlin
2544
u de Humboldt, au moment même où Napoléon fait de
la
France un désert culturel en mobilisant à Paris tous les esprits dist
2545
nce un désert culturel en mobilisant à Paris tous
les
esprits distingués qu’il n’a pas bannis. Le grand secret de la vitali
2546
tous les esprits distingués qu’il n’a pas bannis.
Le
grand secret de la vitalité inégalée de notre culture européenne, il
2547
stingués qu’il n’a pas bannis. Le grand secret de
la
vitalité inégalée de notre culture européenne, il est dans cette inte
2548
sans cesse remettent en question et renouvellent
les
données communes. Or dans ce jeu entre les grands courants et les foy
2549
ellent les données communes. Or dans ce jeu entre
les
grands courants et les foyers locaux, entre l’unité et la diversité,
2550
unes. Or dans ce jeu entre les grands courants et
les
foyers locaux, entre l’unité et la diversité, l’échelon national ne j
2551
e les grands courants et les foyers locaux, entre
l’
unité et la diversité, l’échelon national ne joue aucun rôle, est simp
2552
s courants et les foyers locaux, entre l’unité et
la
diversité, l’échelon national ne joue aucun rôle, est simplement omis
2553
les foyers locaux, entre l’unité et la diversité,
l’
échelon national ne joue aucun rôle, est simplement omis, inexistant.
2554
se en termes politiques mon équation : Europe de
la
culture : foyers de création initiant des courants continentaux. cela
2555
composant une fédération continentale. Voici donc
le
modèle fédéraliste de l’Europe que je préconise : la complexité des r
2556
continentale. Voici donc le modèle fédéraliste de
l’
Europe que je préconise : la complexité des régions rendra justice à s
2557
modèle fédéraliste de l’Europe que je préconise :
la
complexité des régions rendra justice à ses fécondes diversités, et l
2558
ions rendra justice à ses fécondes diversités, et
l’
ampleur de la fédération exprimera l’unité millénaire de sa culture.
2559
ustice à ses fécondes diversités, et l’ampleur de
la
fédération exprimera l’unité millénaire de sa culture. af. Rougem
2560
versités, et l’ampleur de la fédération exprimera
l’
unité millénaire de sa culture. af. Rougemont Denis de, « De l’uni
2561
e de sa culture. af. Rougemont Denis de, « De
l’
unité de culture à l’union politique », Les Nouvelles littéraires, Par
2562
f. Rougemont Denis de, « De l’unité de culture à
l’
union politique », Les Nouvelles littéraires, Paris, 17 avril 1972–23
2563
e, « De l’unité de culture à l’union politique »,
Les
Nouvelles littéraires, Paris, 17 avril 1972–23 avril 1971, p. 13-14.
2564
72–23 avril 1971, p. 13-14. ag. Version revue de
l’
article paru sous le titre : « L’Europe est d’abord une unité de cultu
2565
13-14. ag. Version revue de l’article paru sous
le
titre : « L’Europe est d’abord une unité de culture », Intégration :
2566
Version revue de l’article paru sous le titre : «
L’
Europe est d’abord une unité de culture », Intégration : Vierteljahres