1 1933, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Parole de Dieu et parole humaine, par Karl Barth (30 décembre 1933)
1 ire nécessité, annoncer aux hommes une vérité qui n’ est pas justiciable de leurs mesures puisqu’elle est le jugement de to
2 andeurs, la vie et la Bible, m’ont fait l’effet — ne me le font-elles pas encore ? — d’être Charybde et Scylla. Si c’est c
3 er ? » Tourmenté par cette question à laquelle il ne peut ni ne veut se soustraire, Karl Barth se met à relire l’Épître au
4 menté par cette question à laquelle il ne peut ni ne veut se soustraire, Karl Barth se met à relire l’Épître aux Romains,
5 i est vrai que de ce qui rassure, une réponse qui ne veut s’adresser qu’à ces « questions dernières » de notre vie, celle
6 ent de nous que nous les comprenions mieux qu’ils ne se comprennent eux-mêmes… Si nous ne prenons pas les hommes au sérieu
7 mieux qu’ils ne se comprennent eux-mêmes… Si nous ne prenons pas les hommes au sérieux quand la détresse de leur existence
8 ence les a conduits à nous, je le répète, si nous ne les prenons pas davantage au sérieux qu’ils ne le font eux-mêmes, com
9 us ne les prenons pas davantage au sérieux qu’ils ne le font eux-mêmes, comment aurions-nous le droit de nous étonner que,
10 disposés et ces timorés dont j’ai parlé. » Ce ton ne pouvait pas tromper. Il y avait là un homme, une puissance. Le défi d
11 nitiaux, de sa « problématique » particulière. Il n’ est pas facile de résumer sans la trahir une pensée à ce point hostile
12 iété, expérience religieuse, problème de Dieu. Il n’ en faut pas plus pour que se lèvent de toutes parts de troublants para
13 radoxes. La Bible nous parle-t-elle de religion ? Ne nous montre-t-elle pas plutôt, avec une insistance significative, que
14 s édifiantes ? « Dans l’expérience biblique, rien n’ est moins important que le mode de l’expérience. Elle est charge et mi
15 , à peine consciente d’elle-même. » Les prophètes n’ ont pas de biographie : « L’homme biblique se lève et tombe avec sa mi
16 e. De celui qui vient à nous, mais auquel l’homme ne peut aller. Du totaliter aliter. Si donc la tâche du théologien est d
17 parler de Dieu, il s’avère qu’en tant qu’homme il ne le peut : « Car parler de Dieu voudrait dire, pour toute conscience s
18 péter ces quatre mots, mais en les répétant, nous n’ avons pas dit la parole de Dieu, dans laquelle cette idée devient une
19 omo peccator non capax verbi Dei, l’homme pécheur n’ est pas « capable » de la Parole de Dieu. Ainsi Barth rejoint Calvin,
20 ce que nous avons à peu près oublié : que l’homme n’ est pas capable par lui-même de faire le bien, que la foi seule lui do
21 ule lui donne la promesse du salut, que cette foi n’ est pas le couronnement de sa « vie religieuse », mais le don gratuit
22 ais le don gratuit que Dieu fait à tout homme qui n’ a plus d’autre attente. Qu’on n’aille pas croire cependant que le bart
23 à tout homme qui n’a plus d’autre attente. Qu’on n’ aille pas croire cependant que le barthisme est un « retour » à quelqu
24 ’extérieur, le gage de la résurrection. (La grâce n’ est pas accordée aux « justes », mais bien aux condamnés à mort.) L’ho
25 cette mort, se refuse aussi à la vie. Il meurt de ne pas mourir, selon la parole profondément « dialectique » de Thérèse d
26 hien ? Une prise au sérieux du fait de Dieu. Dieu n’ est pas un problème, n’est pas l’objet de nos recherches, mais le Suje
27 ieux du fait de Dieu. Dieu n’est pas un problème, n’ est pas l’objet de nos recherches, mais le Sujet de toute existence et
28 s les non que nous pouvons dire au monde. L’homme ne reçoit son existence véritable que dans la parole que Dieu lui adress
29 orme qui désigne le Christ en croix. La théologie n’ est pas la parole. Elle ne peut que l’indiquer au-delà d’elle-même. No
30 en croix. La théologie n’est pas la parole. Elle ne peut que l’indiquer au-delà d’elle-même. Nous n’avons rien dit des qu
31 ne peut que l’indiquer au-delà d’elle-même. Nous n’ avons rien dit des qualités humaines de ce livre, de son éloquence mar
32 les traducteurs ont fort bien rendue, et la tâche n’ était pas facile) ; de son réalisme agressif, de cette obstination à r
33 n état de crise toutes nos sécurités morales. (Ce n’ est qu’à certains degrés de tension que la réalité de nos réalités quo
34 s humaines, et qui interroge virilement. Personne n’ est plus loin de « l’inquiétude » ou de l’emballement. Barth est l’un
35 dans une protestation retentissante, que personne n’ a osé faire taire. Son manifeste n’est pas seulement un témoignage cou
36 , que personne n’a osé faire taire. Son manifeste n’ est pas seulement un témoignage courageux et authentiquement chrétien 
2 1934, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). D’un humour romand (24 février 1934)
37 l sérieux ? Je crains que mes raisons d’en douter n’ ébranlent guère la solide réputation de gravité qu’on lui a faite, et
38 l’estime des personnes de sens. Mais après tout, ne serait-il pas étrange d’apporter des preuves sérieuses de la fantaisi
39 phique. Persistons en dépit du bon sens. Pourquoi ne pas glisser, entre l’auteur d’Adolphe et celui des Discours religieux
40 t espérer qu’il les faire rire tous les deux ? Je ne songe pas tant aux traditionnelles farces de père de famille en liber
41 ri en vingt-deux langues ». La satire de Toepffer n’ est pas méchante, elle n’est pas même « spirituelle » ; c’est plutôt,
42 ». La satire de Toepffer n’est pas méchante, elle n’ est pas même « spirituelle » ; c’est plutôt, dans l’espièglerie la plu
43 itoyé. Si Toepffer s’attendrit sur ses bonhommes, n’ est-ce pas une manière de dégonfler les sentencieux ? Une impeccable d
44 s sentencieux ? Une impeccable dignité bourgeoise ne cesse d’inspirer les attitudes de ses héros, en dépit des carambolage
45 ci ou là, quelques petits livres à tirage limité. N’ allez pas croire qu’il s’agisse d’auteurs comiques : il s’agit d’abord
46 ne conscience pure et des gants beurre-frais. Ils ne tardent pas à rencontrer une jeune femme qui leur fait perdre toute m
47 i ont l’air d’avoir compris de quoi il s’agit. Il n’ y a plus qu’à perpétrer une horrible inconvenance, un de ces scandales
48 , dans tout ce qui sourd de cette Weltschmerz qui n’ a pas de nom dans notre langue, et c’est pourquoi sans doute elle ne s
49 s notre langue, et c’est pourquoi sans doute elle ne s’y manifeste que par ces « ratés » émouvants, dont nous rions faute
50 tous les camps de la guerre de Sécession, mais il n’ en parla pas »), et servi par un garçon triste qui perd le vol-au-vent
51 perd le vol-au-vent, inexplicablement. Tâchez de ne pas rire ; si vous réussissez, soyez tranquilles : vous ne pleurerez
52 re ; si vous réussissez, soyez tranquilles : vous ne pleurerez pas non plus aux chapitres suivants. L’humour de Pierre Gir
53 omand que la pompeuse drôlerie de Cingria, lequel n’ est Suisse que par accident, j’ose à peine dire par l’état civil. « Je
54 cident, j’ose à peine dire par l’état civil. « Je n’ ai pas de passeport ; je n’en ai jamais eu ; s’il doit être que j’en d
55 par l’état civil. « Je n’ai pas de passeport ; je n’ en ai jamais eu ; s’il doit être que j’en doive un avoir un, je veux q
56 it être que j’en doive un avoir un, je veux qu’il ne soit de ceux que j’aie fabriqués moi-même. » Ainsi s’exprime Bruno Po
3 1934, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). L’Humanité de Jésus d’après Calvin, par Max Dominicé (24 mars 1934)
57 n simple commentaire de la pensée du réformateur. N’ allons pas commenter à notre tour cette glose. Ce qu’il y a d’ailleurs
58 de Kierkegaard ou de Karl Barth, M. Dominicé, qui n’ ignore pas ces influences, s’est limité dans son étude au calvinisme l
59 ale, mais exclusive de toute dogmatique. « La foi n’ est pas une adhésion intellectuelle à des doctrines, mais la communion
60 ’attacher au seul caractère de Jésus. Mais alors, n’ était-ce pas un abus de langage que de prétendre voir une personne mor
61 récusait par avance les actes caractéristiques ? N’ était-ce point là selon le mot de Théodore Flournoy, tenter de « faire
62 s historiens négateurs du surnaturel, M. Dominicé n’ a pas de peine à montrer qu’il devenait « foncièrement irréel et sans
63 ? Non point : un renversement du problème. Calvin ne fonde pas notre vie religieuse sur notre amour pour Jésus-Christ — am
64 ngile répète plusieurs fois : « Heureux celui qui ne s’en scandalise pas. » ⁂ Retrouver cette réalité, c’était du même cou
65 que moderne, qui se pose en juge du texte, Calvin n’ admet et ne pratique qu’une « exégèse d’obéissance » — il se laisse ju
66 , qui se pose en juge du texte, Calvin n’admet et ne pratique qu’une « exégèse d’obéissance » — il se laisse juger par le
67 béissance » — il se laisse juger par le texte. On ne saurait imaginer rien de plus opposé au trop fameux « libre examen »
68 des mêmes principes exégétiques. Certes, l’auteur n’ est pas de ceux qui conçoivent le commentaire comme une effervescence
69 . Il est vrai que ce livre est une thèse. Mais il n’ est pas moins vrai que Calvin sut parler un langage d’une verdeur asse
70 d’une verdeur assez peu sorbonnique. Max Dominicé ne sera pas le dernier à souhaiter avec nous que le retour des doctrines
4 1934, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Quelques œuvres et une biographie de Kierkegaard (26 mai 1934)
71 ce et ses soins les plus diligents. Que d’impairs n’ a-t-on pas commis à l’endroit de ce revenant du xixe siècle, depuis q
72 l eût certainement protesté contre une erreur qui ne relève pas de l’interprétation partisane, mais d’un simple défaut d’i
73 ent peut-on devenir chrétien ? » Car, enfin, l’on ne naît pas chrétien. Des quelques œuvres traduites jusqu’ici, un peu au
74 ésespoir, considéré comme une maladie universelle ne doit pas nous tromper sur le dessein du livre. Nul romantisme dans ce
75 par l’Évangile qui sauve. ⁂ La lecture du Traité n’ est pas des plus aisées. Les termes hégéliens qui abondent dans les pr
76 alisme brutal du sujet. Que le lecteur, pourtant, ne se laisse point arrêter par des définitions dont la substance, tôt ap
77 l’invective prophétique : Plains-toi, l’Éternel ne craint rien, il peut bien se défendre ; mais comment le pourrait-il q
78 ndre ; mais comment le pourrait-il quand personne n’ ose se plaindre comme il sied à un homme ? Parle, élève la voix, parle
79 iter In vino veritas 5. Non point que cet ouvrage ne mérite d’être lu par tous les amateurs de grand lyrisme intellectuel
80 qu’il était possible par le traducteur). Mais il ne s’agit là que du premier volet d’un triptyque dont il nous faut atten
81 de la littérature kierkegaardienne en France. On ne saurait trop insister sur l’utilité de ce livre. Il rendra vaines, dé
82 ance pour les subtilités du « Séducteur », et qui n’ a pas la tête philosophique. Cette monographie est à la fois la plus o
83 l’exposé judicieux, parfois même bonhomique : ce n’ est pas le moindre piquant du livre. Fallait-il souhaiter à Kierkegaar
84 erkegaard une introduction plus systématique ? Je ne le pense pas. Kierkegaard est un événement. Voici un homme qui vient
85 t encore tout remué. On le croira sans peine : il n’ a pas l’air d’avoir pu inventer ce qu’il raconte. Cela donne envie d’a
86 Cela donne envie d’aller voir. Or, je tiens qu’il n’ y a rien de plus urgent pour nous que d’aller voir ce qui se passe dan
87 phétique, ressuscité par l’angoisse moderne. Koch n’ a pas simplifié ce qui n’est pas simple chez Kierkegaard. Mais il a su
88 l’angoisse moderne. Koch n’a pas simplifié ce qui n’ est pas simple chez Kierkegaard. Mais il a su le décrire clairement et
5 1934, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Le mouvement des groupes — Kagawa (4 août 1934)
89 e vedette de music-hall dont la présence discrète n’ étonna personne. De quoi s’agissait-il ? Ni de théologie, ni de problè
90 du Mouvement et cherche à décrire son esprit. Ce n’ est pas le meilleur livre qu’on ait écrit sur les Groupes. Mais enfin,
91 iellement personnaliste. La rénovation de l’homme ne se fera jamais par le moyen de mouvements de masse, ni par des organi
92 tage » (sharing) des grâces reçues, il sait qu’on ne peut être chrétien que totalement, personnellement, activement. N’all
93 tien que totalement, personnellement, activement. N’ allons pas croire qu’il s’agisse là d’une nouvelle forme de pragmatism
94 e forme de pragmatisme américain. Dire que la foi n’ est réelle que là où elle se réalise ne signifie pas qu’il faille agir
95 que la foi n’est réelle que là où elle se réalise ne signifie pas qu’il faille agir à tout prix. L’activiste moderne n’est
96 u’il faille agir à tout prix. L’activiste moderne n’ est souvent qu’un agité. Le philanthrope et le puritain rigide ne sont
97 u’un agité. Le philanthrope et le puritain rigide ne sont souvent que des acteurs. Seule la foi peut nous rendre actifs lo
98 rencontrent. Le « partage » préconisé par Buchman ne ressemble pas à ces tentatives de violation de domicile moral. Pour e
99 moral. Pour entrer en contact avec les hommes, il n’ y a qu’un moyen : c’est de leur ouvrir sa maison. D’où les confessions
100 r réel d’exhibitionnisme, les membres des Groupes ne sauraient le nier. Mais qu’il y ait là aussi le moyen de faire tomber
101 s de Buchmann, — il refuserait cette expression — n’ ont pas constitué d’organisation. Ils n’ont pas de registre des membre
102 ression — n’ont pas constitué d’organisation. Ils n’ ont pas de registre des membres, ils ne nomment pas de comités, ils ne
103 ation. Ils n’ont pas de registre des membres, ils ne nomment pas de comités, ils ne publient pas de revues, ils ne sont pa
104 e des membres, ils ne nomment pas de comités, ils ne publient pas de revues, ils ne sont pas une secte ni une nouvelle Égl
105 as de comités, ils ne publient pas de revues, ils ne sont pas une secte ni une nouvelle Église. Ils travaillent par petite
106 tification par les œuvres. Karl Barth et ses amis n’ ont pas manqué de critiquer vivement certaines des suppositions théolo
107 ogiques qu’implique l’attitude de Buchman. Car ce n’ est pas assez que de se refuser à parler de théologie sous prétexte qu
108 ous puissions être le prochain. Et quand ce livre n’ aurait pas d’autre valeur, il a celle-là, qui compte, de nous montrer
109 and, si la mesure de la grandeur, dans sa vision, n’ était pas exclusivement dans la réalité qu’un homme incarne. Qui le co
110 e puissance sociale et religieuse dont l’Occident ne connaît pas d’exemple. Un récit autobiographique et romancé de sa jeu
111 é, s’enfonce dans les slums de Kobé, décide qu’il n’ aura pas d’habitation plus vaste que celle du plus pauvre habitant du
112 es cabarets, les magasins de tabac, les journaux, ne sont-ils pas autant de symptômes d’aliénation mentale ? La société de
113 faute, Dieu seul peut la guérir. » Les marxistes n’ aiment pas ce radicalisme, qui n’est pas conforme à leur doctrine. Ils
114  » Les marxistes n’aiment pas ce radicalisme, qui n’ est pas conforme à leur doctrine. Ils l’attaquent violemment : « Enter
6 1934, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Au sujet d’un roman : Sara Alelia (3 novembre 1934)
115 tes-vous, car vous êtes Français. Eh bien, Balzac n’ est pas tout le roman. Il n’est même pas tout le roman français. Balza
116 çais. Eh bien, Balzac n’est pas tout le roman. Il n’ est même pas tout le roman français. Balzac, c’est le roman social. Ba
117 e exception. Il me reste à vous démontrer, ce qui n’ est pas trop difficile, que Dostoïevski et Tolstoï sont plus protestan
118 ostoïevski et Tolstoï sont plus protestants qu’on ne croit. Le reste est évident. — Quel reste ? — Les Anglais, les Allema
119 ssant par Constant. Quand on parle du roman, vous ne voyez que Balzac et Zola. Je vois aussi le pasteur Sterne, le Goethe
120 y êtes ! — Lawrence, parfaitement. Voyez-vous, je ne dis pas qu’ils furent tous des chrétiens. Plusieurs ont même écrit de
121 sement antichrétiens — des romans justement comme ne peuvent en écrire que des protestants, malgré eux. Quand je dis roman
122 s dans les vies les plus dépourvues d’apparences. N’ est-ce point-là l’image habituelle que l’on se fait de nos climats ? E
123 protestants, c’est-à-dire dix fois plus que vous n’ en attendiez, puisqu’il n’y a qu’un million de réformés en France. Ima
124 dix fois plus que vous n’en attendiez, puisqu’il n’ y a qu’un million de réformés en France. Imaginez la proportion si l’é
125 rance. Imaginez la proportion si l’édit de Nantes n’ avait pas été révoqué ! — Je vous accorde volontiers ce quart. Quel av
126 state un fait. Mais laissons là le paradoxe. Vous n’ ignorez pas plus que moi que la plupart des romanciers dont j’allais v
127 des romanciers dont j’allais vous citer les noms n’ ont guère de protestant que l’origine, et quelques tics de psychologue
128 « sortis » est bien le mot ! C’est-à-dire qu’ils n’ ont pas de foi, et qu’est-ce qu’un protestant sans foi ? Dans toutes l
129 un roman véritablement chrétien. La Porte étroite ne décrit guère qu’une aberration janséniste. Et je ne retrouve le calvi
130 décrit guère qu’une aberration janséniste. Et je ne retrouve le calvinisme véritable que dans l’Adam et Ève de Ramuz, mai
131 iquette aussi compromettante ? À parler franc, je ne connais qu’un seul roman moderne authentiquement « réformé ». Un gran
132 istoire où tout le monde « se conduit bien » ? Il n’ y aurait pas de roman. Une histoire dont le personnage principal est «
133 le christianisme se passe dans cette vie ou bien n’ est pas le christianisme. Et l’on serait en droit de prétendre qu’un r
134 même d’y voir les marques du surnaturel. La grâce n’ intervient pas ailleurs que dans l’« abîme ». On la pressent d’abord d
135 s sont. Ainsi ce livre est consolant, parce qu’il ne cache rien ; parce qu’il vient nous prendre où nous sommes. C’est le
136 baignés d’une longue lumière boréale. Cette femme n’ est pas un ange ni une sainte. Elle a péché gravement, elle a touché l
137 ntraire de la poésie, et qu’être réaliste c’était ne rien voir d’autre que le sexe et l’argent dans l’existence humaine. C
138 idéalistes expliquent sans le légitimer. L’homme n’ est pas un ange, c’est entendu, mais ne dites pas qu’il n’est qu’une b
139 r. L’homme n’est pas un ange, c’est entendu, mais ne dites pas qu’il n’est qu’une bête. À la fois ange et bête, voilà sa v
140 s un ange, c’est entendu, mais ne dites pas qu’il n’ est qu’une bête. À la fois ange et bête, voilà sa vérité totale, c’est
7 1934, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Une histoire de la Réforme en France (15 décembre 1934)
141 j Certes, la grandeur d’une Église et sa force ne résident pas dans son histoire, mais dans sa vérité, c’est-à-dire dan
142 gitime d’en restaurer la mémoire, pourvu que l’on n’ y cherche pas de vains prétextes à se glorifier d’un passé bien passé,
143 tre10 témoigne de la volonté qu’avait l’auteur de ne décrire que les effets sociaux, politiques et culturels de la Réforme
144 r que cette lacune suscite un Bremond protestant, ne fût-ce que pour corriger les souriantes injustices du catholique à l’
145 rtiale, si spectaculaire, pourrait-on dire, qu’on ne voit guère en quoi son Histoire se distingue de celle qu’eût pu écrir
146 en général, plutôt que de la foi. Ceci dit, l’on ne saurait assez louer la science et les scrupules historiques de Viénot
147 l’atténuation volontaire des condamnations qu’il ne peut s’empêcher de porter parfois, tout cet effort d’impartialité sys
148 marque des historiens du xixe siècle finissant, n’ enlève rien à l’intérêt puissant de ce gros volume. Mais aussi, la sub
149 nce historique qu’il nous offre est de celles qui n’ ont pas besoin de condiments pour produire leur brûlante saveur. Rien
150 nu de la France si l’édit avait été observé, s’il n’ avait pas été révoqué, si Sully avait été écouté, si les jésuites n’ét
151 voqué, si Sully avait été écouté, si les jésuites n’ étaient pas revenus, s’ils n’avaient pas armé, après quinze autres meu
152 uté, si les jésuites n’étaient pas revenus, s’ils n’ avaient pas armé, après quinze autres meurtriers, un Ravaillac… Le bel
153 serve qu’il observe avec constance dans son récit ne peuvent en somme que donner plus de vigueur au langage des faits, cit
154 politique romaine. La persécution des protestants ne fut pas l’œuvre du parti catholique français, mais bien des conseille
155 Église légale et particulièrement fidèle au roi, ne pouvait nuire au prestige et à l’ordre de l’État. D’autre part, tout
156 de l’édit de Nantes. Mais alors cette révocation n’ apparaît plus que comme un épisode, le plus marquant il est vrai, de t
157 rès actuels. Chez Louis XIV comme chez Hitler, ce n’ est pas un souci d’unité religieuse qui domine : la religion leur est
158 dessein, il s’agit d’établir un droit nouveau qui ne soit plus fondé que sur la seule volonté du dictateur. Déjà ce mot de
159 icipée du droit « nazi » : Si le roi, disait-il, ne voulait point qu’on portât des glands à son collet, il n’en faudrait
160 it point qu’on portât des glands à son collet, il n’ en faudrait point porter, parce que ce n’est point tant la chose défen
161 llet, il n’en faudrait point porter, parce que ce n’ est point tant la chose défendue que la défense qui fait le crime. En
162 tentions toutes nouvelles, les réformés de France ne cessèrent, dès le début, de dresser une protestation dont les termes
163 ébut, de dresser une protestation dont les termes n’ ont, hélas ! pas vieilli. Viénot cite, à ce propos, un texte assez fra
164 aires) : Ceux que vous déterrez, dit la requête, ne sont point étrangers. Ce sont François, vrais François de nature comm
165  ! Ce recours à un droit universellement humain, n’ est-il pas significatif de la nature du danger qu’on courait ? La conc
166 contentent leur rage ? Certes, ni l’un ni l’autre n’ empêchera qu’en ces mêmes os, en cette même chair, nous ne voyions not
167 era qu’en ces mêmes os, en cette même chair, nous ne voyions notre Rédempteur qui approche, et qui rendra, selon sa justic
168 e siècle ?) Mais Casaubon, bien moins vindicatif, n’ est pas moins grand lorsque, après avoir décrit l’enterrement nocturne
169 e lecture plus édifié encore que révolté. Mais ce n’ est pas peu dire. 10. Histoire de la Réforme française, tome II : D
8 1935, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Kierkegaard, Dostoïevski, Barth (23 février 1935)
170 veut. Les prévisions des historiens de la pensée ne semblent pas peser bien lourd sur ses décisions souveraines. Comment
171 és de la vie ? Mais le plus curieux de l’affaire, n’ est-ce pas que Kierkegaard nous soit présenté aujourd’hui par des phil
172 e œuvre, c’est celle de la foi, dans l’absolu. Ce n’ est pas encore la question que Kierkegaard adressera plus tard à la ch
173 général. Mais la Bible, que nous dit-elle ? Elle ne fait pas une théorie, elle répond par l’exemple d’Abraham. Et c’est à
174 . Dieu lui a donné un fils, à l’âge de 70 ans. Il n’ a pas ri — comme Sarah, sa femme — de ce miracle. Et maintenant Dieu l
175 ui commande d’offrir Isaac en sacrifice ! Abraham ne se révolte pas. Il croit en Dieu, non point en sa raison humaine. Il
176 fois il échoue devant ce paradoxe monstrueux. Il n’ y a donc personne de la taille d’Abraham, personne qui puisse le compr
177 ont coutume de l’offrir en exemple. Car enfin il n’ a pas tué : Dieu l’arrête au dernier moment et lui montre un bélier pr
178 Dieu qui a donné Isaac pour la seconde fois ; on ne voit, dans toute l’histoire, qu’une épreuve. Une épreuve : c’est beau
179 ou » et revint avec lui dans la vie comme si rien ne s’était passé. Voilà le paradoxe des paradoxes : vivre comme tout le
180 dialectique « abyssale » de cette œuvre. Personne n’ a fait plus que Jean Wahl pour faire connaître à l’élite française la
181 omme chrétien reste un homme comme les autres. Il n’ a pas à devenir, dès ici-bas, un être un peu divin, un peu divinisé, é
182 ère aux lois de ce monde perdu. Sa sanctification ne doit pas le conduire à je ne sais quelle « spiritualisation » tout il
183 u. Sa sanctification ne doit pas le conduire à je ne sais quelle « spiritualisation » tout illusoire ou évasive. Elle cons
184 « en sacrifice saint et agréable » à Dieu. Point n’ est nécessaire qu’il vous pousse des ailes ni que vous soyez transform
185 essence radieuse et esthétique. La vie chrétienne n’ est pas une construction qui s’élève au-dessus du reste de la vie. C’e
186 onde et soumis à ses lois, sachant pourtant qu’il n’ appartient plus à sa forme, mais à sa transformation. Et voici que nou
187 ransformation promise de ce monde. Apparemment il ne diffère des autres en rien. Mais il est orienté autrement — converti.
188 e l’homme sans cesse mis en question par l’Autre, n’ est-ce point encore la vision de Dostoïevski ? Ses héros ne viennent-i
189 point encore la vision de Dostoïevski ? Ses héros ne viennent-ils pas à nous comme de grands questionneurs, comme des être
190 il nous l’a donnée en nous découvrant que l’homme n’ est lui-même qu’une seule et grande question, la question de l’origine
191 le problème de leur existence, ce problème qu’ils ne peuvent résoudre jusqu’à ce que, dans leur maladie justement, perceva
192 entendre par le protestantisme de Dostoïevski. Je ne saurais mieux répondre qu’en renvoyant au livre de M. Thurneysen. La
9 1935, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Trois traités de Jean Calvin (20 juillet 1935)
193 tants ! Or, cette espèce est plus nombreuse qu’on ne pense. Que sait-on de Calvin dans notre grand public, sinon qu’il ava
194 uses, une barbiche pointue et un profil coupant ? N’ est-ce pas assez pour juger son système ? Ne sait-on pas que les gros
195 ant ? N’est-ce pas assez pour juger son système ? Ne sait-on pas que les gros hommes sont toujours les plus populaires ? C
196 a complexion de l’auteur de l’Institution. Ce qui ne fait guère honneur à notre liberté d’esprit. Mais je m’en voudrais de
197 renaissance à la belle floraison néo-thomiste. Il n’ est pas inutile de marquer les raisons qui, du point de vue protestant
198 irrecevable. Les grands théologiens de la Réforme ne sont pas à nos yeux des chefs d’école ; ni des docteurs dont la pensé
199 par l’Église. Ils sont avant tout des témoins. On ne saurait trop insister sur cette distinction fondamentale pour toute l
200 rmée. Qu’est-ce qu’un témoin ? C’est un homme qui n’ est pas l’inventeur de son message, mais qui renvoie sans trêve au-del
201 le juge et nous sauve. Faire retour à Calvin, ce n’ est pas faire retour à certaines formules dogmatiques ; mais c’est, au
202 e, fût-elle la plus orthodoxe. Barth, on le sait, ne se lasse pas de comparer le rôle de ces témoins théologiques au Jean-
203 extravagance. Calvin homme, Calvin écrivain, nous ne nous priverons pas de l’estimer à nos mesures humaines et littéraires
204 ’est le Traité des scandales. Ce troisième traité n’ avait jamais été réimprimé depuis sa parution en 1550. « Originale mix
205 ommes ou de leur outrecuidance débordée ? Calvin n’ est guère partisan, on le voit, de ce fameux libre examen dont on pers
206 xplicable. Mais les pires adversaires de l’Église ne sont pas toujours au-dehors. Voici ceux qui préfèrent la paix selon l
207 eures armes. Au sujet de ce style, dont l’exemple n’ est pas l’un des plus négligeables que comportent les Trois traités, M
208 dans son essence, le génie littéraire de Calvin, ne doit jamais omettre que celui-ci se considérait comme ministre du Ver
209 toujours avec les plus divers interlocuteurs, il ne se range jamais, comme un littérateur de second ordre, aux lois d’une
210 défaut à notre siècle : une fermeté délibérée qui ne s’arrête pas complaisamment à des trouvailles, une sobriété vigoureus
211 ent de la responsabilité de ses paroles. Or, rien ne confère au langage une aussi poignante vertu que cette conscience d’u
212 endre à nouveau ce que parler veut dire. Ensuite, n’ oublions pas que la plupart des écrits français de Calvin — c’est le c
10 1935, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Les mystiques allemands du xiiie au xixe siècle, par Jean Chuzeville (2 novembre 1935)
213 ville (2 novembre 1935)m n L’esprit occidental n’ a jamais eu d’unité harmonieuse : il est toujours tension entre deux p
214 de Dieu ; elle s’oppose donc à toute mystique qui ne serait qu’une fuite hors du monde, comme à toute action en révolte co
215 contribue à renforcer un préjugé dont le bénéfice ne saurait être pour la foi. La mystique, nous dit-il, en effet, c’est «
216 elles ». C’est aussi ce que dit l’Évangile, où il n’ est pas question de mysticisme. Ceci marqué, qui est plus qu’une réser
217 rééditer des calomnies usées sur un Luther qu’on n’ a jamais lu ; l’introduction de cette anthologie contient, à cet égard
11 1936, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Le Problème du bien (12 septembre 1936)
218 rras, lorsqu’il voulut s’en prendre aux réformés, ne trouva rien de mieux que d’écrire un pamphlet contre la race des Mono
219 un examen critique dont le cadre de ma chronique ne saurait supporter même l’esquisse. Mais le sous-titre de cette œuvre
220 ssai de théodicée et journal d’un pasteur ». Nous n’ avons pas affaire ici à une construction doctrinale. L’auteur prend so
221 maintes reprises : L’intérêt du présent ouvrage ne réside pas seulement dans le récit d’une exploration hasardée en des
222 eur et le ministère du pasteur. Par ailleurs, il ne s’adresse pas aux spécialistes, ni à l’Église, comme ce serait le dev
223 ncrédules, les athées, les désespérés (termes qui ne sont pas synonymes) et je leur propose de méditer le problème du Bien
224 D’une part, en effet, dit M. Monod, « l’athéisme n’ explique pas la Beauté, la Joie, l’Amour, la Sainteté. Il se brise con
225 nt souvent des conclusions théologiques que Barth ne saurait renier. Cette convergence paradoxale et imprévue n’est-elle p
226 renier. Cette convergence paradoxale et imprévue n’ est-elle pas comme un signe, une promesse émouvante de l’unité future
227 s psychique, il précise : l’expérience religieuse ne devient proprement chrétienne qu’en tant qu’elle reconnaît que son ob
228 t non ce Dieu omnipotent du dogme. En effet, Dieu n’ est pas dans la Nature, il n’en est ni le maître ni l’auteur : voilà l
229 ogme. En effet, Dieu n’est pas dans la Nature, il n’ en est ni le maître ni l’auteur : voilà la thèse capitale du livre. Ce
230 our vaincre ? M. Monod le pense. Jésus, dit-il, «  n’ est pas venu nous enseigner que l’univers a un créateur. Il a, au cont
231 é vaincu ». Par une espèce de paradoxe — personne n’ a chéri davantage le paradoxe depuis Kierkegaard — M. Monod déduit de
232 firmation du dogme trinitaire : Dieu est un X qui ne se révèle à l’homme comme le Père que par son incarnation dans le Fil
233 rnissent un matériel métaphorique inépuisable. Je n’ y vois pas d’inconvénient à priori, mais à coup sûr, il s’agit là de l
234 , où je crains bien que la jeunesse d’aujourd’hui ne voie plus qu’une fièvre morbide. Mais la forme excessivement libre de
235 le sérieux proprement théologique du raisonnement ne soit parfois diminué par certains calembours trop plaisants. Je dirai
236 pastichant M. Monod, que ces ébauches suggestives ne vont pas sans quelque débauche intellectuelle. Et je redoute que cert
237 ntellectuelle. Et je redoute que certains fidèles ne soient gênés, comme je le suis, par l’affirmation répétée que l’auteu
238 érer qu’on l’admettrait plus aisément si l’auteur ne cherchait à l’imposer par le spectacle de ses propres luttes — où nou
239 par le spectacle de ses propres luttes — où nous ne reconnaissons pas forcément les nôtres — et s’il ne tenait, par aille
240 reconnaissons pas forcément les nôtres — et s’il ne tenait, par ailleurs, à l’étayer par une philosophie qui ne saurait p
241 par ailleurs, à l’étayer par une philosophie qui ne saurait plus être la nôtre : j’entends le criticisme à peine critiqué
242 d’un autre Emmanuel — Kant en l’espèce ? M. Monod ne saurait m’en vouloir de lui retourner une boutade qui porte évidemmen
12 1937, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Luther contre Érasme (19 juin 1937)
243 quelles raisons ? Et pour quelles fins ? Si l’on ne veut pas s’en tenir à des appréciations du genre « moine qui voulait
244 epuis quatre siècles qu’elles ont été écrites, on n’ en a pas traduit une seule en France ! Quelques pages choisies, en app
245 qu’aucune autre les destinées de l’Occident. (Je ne fais là, bien entendu, qu’une constatation historique.) Remercions do
246 éforme luthérienne, le Traité du serf arbitre 14. Ne fût-ce que sur le plan de la culture générale, une telle publication
247 onséquences de sa vérité : il souhaite même qu’il n’ y en ait pas. Et tous les prudents d’applaudir, non sans apparences de
248 u nom de la vérité ! On s’en est plus servi qu’on ne l’a servie… L’intervention de Luther en personne va-t-elle changer un
249 t, et le faire puissamment rebondir. Car personne n’ a mieux incarné la volonté de pensée militante que ce petit moine qui,
250 ué par le style, par le ton de l’ouvrage. Mais on ne saurait réduire le Traité du serf arbitre à la querelle avec Érasme,
251 l’homme entre les mains de Dieu. À cet égard, il n’ est nullement exagéré de voir dans le Traité du serf arbitre une sorte
252 r le salut par ses propres efforts de volonté, ce n’ est pas ici le lieu de l’examiner. Notons seulement, pour écarter le p
253 ment, pour écarter le pire malentendu, que Luther ne nie pas du tout la réalité de notre volonté. Il nie seulement que cet
254 Elle fait partie de notre nature, et comme telle, ne désire vraiment que le péché. La liberté n’est pas dans l’homme, mais
255 elle, ne désire vraiment que le péché. La liberté n’ est pas dans l’homme, mais dans l’acte par lequel Dieu le choisit, sub
256 ut autre ordre. Fatalité et liberté : le problème ne peut être écarté comme relevant de la seule théologie. Il est au cœur
13 1937, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Selma Lagerlöf, conteur de légende (3 juillet 1937)
257 out court. Dans la littérature du xxe siècle, il n’ y a plus de grands mythes, il y a des analyses. On part de « faits d’o
258 ation » et l’on essaie d’en tirer de la vie. Mais ne serait-ce pas que l’on ne sait plus créer de la vie ? On s’efforce de
259 n tirer de la vie. Mais ne serait-ce pas que l’on ne sait plus créer de la vie ? On s’efforce de la décrire, ou pis encore
260 ate le « crépuscule des mondes imaginaires ».) On n’ aime plus inventer, mais on veut découvrir, à la manière de l’homme de
261 quis que les « vertus » sont de ces illusions qui ne résistent pas à l’analyse, et qu’un auteur sincère se doit de démasqu
262 se ramènerait à la physiologie, ou à l’argent. Il ne fallait pas moins que le génie plein de malices d’une Lagerlöf pour r
263 talité, présence d’une tradition. À vrai dire, on ne croit guère à ce pouvoir mortel d’un anneau dérobé dans une tombe (L’
264 esure où les religions obscures dominent ceux qui n’ ont pas la foi. Seule une prière désespérée, de pur amour, rompt le ch
265 e Löwensköld. En la quittant, il lui a crié qu’il n’ épouserait qu’une femme que Dieu lui aurait désignée. La première qu’i
266 ière qu’il croisera en allant au village, si elle n’ est pas mariée, deviendra sa compagne. Il sort. Il s’en faut de peu qu
267 a sa compagne. Il sort. Il s’en faut de peu qu’il ne rencontre dès les premiers pas une vieille mendiante sourde. Une voit
268 par une riche jeune fille des environs, mais cela ne compte pas, car il est entendu que la femme désignée par Dieu doit ve
269 rgiste, qui a fort mauvaise réputation. Mais elle ne s’engage pas sur la route, elle s’arrête dans un pré voisin. Karl-Art
270 nvoie, qu’il épousera envers et contre tous. Elle ne sait ni lire ni écrire. On peut surprendre, dans cette scène étonnant
271 e l’art de Selma Lagerlöf. L’invention romanesque n’ est ici que la « mise en pratique » d’une attitude spirituelle extrême
272 ents pittoresques ou dramatiques, à quoi l’auteur ne se prive pas d’ajouter quelques traces d’humour, comme pour purifier
273 tout le « métier » de l’écrivain : cette façon de ne pas insister, de laisser le lecteur seul avec l’émotion, cette malice
274 t coutumes, que les romans mettront en œuvre : il n’ y manque rien que le rythme, c’est-à-dire la part libre du génie, de l
275 époque (xixe siècle) et voyez si leur décadence ne suffit pas à expliquer la crise actuelle du genre dans notre société.
14 1939, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Non, Tristan et Iseut ne s’aiment pas, nous dit Denis de Rougemont (12 février 1939)
276 Non, Tristan et Iseut ne s’aiment pas, nous dit Denis de Rougemont (12 février 1939)u v Ave
277 it , écrit dans plusieurs revues des articles qui ne sont jamais indifférents. Il a tenu, dans notre journal, la rubrique
278 ’âme secrète de nos campagnes. Denis de Rougemont n’ aime pas les villes, il n’a pas besoin pour écrire de ces conversation
279 nes. Denis de Rougemont n’aime pas les villes, il n’ a pas besoin pour écrire de ces conversations, de ces échanges qui sti
280 ndale que risque de provoquer son dernier livre : n’ y affirme-t-il pas, avec preuves à l’appui, que Tristan et Iseut, les
281 les amants légendaires, les héros de la passion, ne s’aimaient pas ? Quand j’ai commencé à écrire mon livre, je voulais s
282 ent indifférents pendant leur première rencontre, ne s’aiment qu’après avoir bu le philtre, ne peuvent plus se supporter a
283 contre, ne s’aiment qu’après avoir bu le philtre, ne peuvent plus se supporter au bout de trois ans de vie commune dans la
284 t épousé Iseut aux blanches mains, l’autre Iseut, ne reconnaissent plus leur amour qu’à l’heure où la mort le défigure déj
285 pressenties au siècle dernier, mais dont personne n’ a osé proposer une explication. J’ai beaucoup réfléchi avant d’arriver
286 eut aiment, c’est le fait d’aimer. Jamais Tristan ne dit à Iseut qu’il l’aime, il se borne à répéter : « Amor par force me
287 me demeisne ». C’est la passion-catastrophe, qui ne peut se résoudre que dans la mort, et inspirera tout le romantisme. M
288 e la « Dame » des troubadours. Cet amour courtois ne fleurit que parmi les obstacles, exclut toute idée de progéniture, de
289 sans pouvoir la résoudre. Pour moi, l’explication n’ est pas douteuse. L’amour courtois est directement issu du catharisme.
290 riginale. D’ailleurs, on sait que les troubadours n’ allaient que chez les seigneurs cathares, fort nombreux, et qui adopta
291 et essentiel de toute la littérature occidentale, n’ a surgi dans la littérature orientale que tout dernièrement, à la suit
292 et Iseut et chez les lyriques courtois, goût qui n’ est autre que l’instinct de la mort tel que Freud l’a analysé. À une é
293 au mariage, puisqu’elle a besoin d’obstacles, et ne résiste pas à la facilité, à l’habitude. Exclue de la vie conjugale,
294 et les jeunes filles se refusent à l’hypocrisie, ne consentent plus à refouler leurs instincts naturels. En outre, les di
295 ouvelle ? Pour moi, répond Denis de Rougemont, il ne peut y avoir qu’une solution : le mariage chrétien, mais présenté d’u
296 n réalité : l’aventure la plus difficile. Si vous ne fondez pas le mariage sur une décision réfléchie, sur quoi le fondez-
297 ins efforts et certains sacrifices, il me semble. Ne devez-vous pas publier un roman, dont le titre, La Folle Vertu, illus
298 n même temps que L’Amour et l’Occident . Mais je ne le ferai pas paraître tout de suite. J’ai aussi terminé deux livres d
299 ns son ermitage et y mourut. C’est un beau sujet. N’ est-ce pas ? Ce drame, avec musique d’Honegger, sera représenté dans u
300 ente mètres de large, et trois étages, qu’il faut ne jamais laisser vides. J’écris des phrases très courtes, un peu comme
301 e quitter Denis de Rougemont, je lui demande s’il n’ attend pas avec une certaine curiosité les réactions que vont susciter
302 répondre, puis son visage devient plus grave : Je n’ attache pas une grande importance aux querelles que pourraient me cher
303 table esprit chrétien, la véritable intelligence, n’ est-ce pas de voir les limites d’où l’on ne peut s’échapper ? u. Ro
304 gence, n’est-ce pas de voir les limites d’où l’on ne peut s’échapper ? u. Rougemont Denis de, « [Entretien] Non, Trista
305 ont Denis de, « [Entretien] Non, Tristan et Iseut ne s’aiment pas », Les Nouvelles littéraires, Paris, 12 février 1939, p.
15 1963, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Mais qui est donc Denis de Rougemont (7 novembre 1963)
306 journal, de l’essai, de la polémique et du récit, ne correspondent à aucun genre littéraire précis et rendent leur auteur
307 s. Montesquieu, Pascal étaient des essayistes. Ce n’ est pas que je veuille me comparer à eux, mais la forme est la même :
308 il élabore une doctrine humaniste… Humaniste ? Je n’ aime guère ce terme. On a tendance à opposer humanisme et christianism
309 nier et Gabriel Marcel. Pour moi, la « personne » n’ est ni un individu refermé sur lui-même ni la minuscule partie d’une m
310 militaire sous le prétexte qu’un officier neutre n’ a pas le droit d’outrager un chef d’État étranger ! De Suisse, Denis d
311 t, le fédéralisme de l’autre. Je vous arrête : il n’ y a pas, il n’y a jamais eu chez moi (contrairement à Saint-John Perse
312 sme de l’autre. Je vous arrête : il n’y a pas, il n’ y a jamais eu chez moi (contrairement à Saint-John Perse ou Georges Sé
313 ion dans l’Europe fédérée que je préconise et qui n’ est que la transposition à une échelle géante de la Confédération helv
314 échelle géante de la Confédération helvétique. Je ne souhaite en effet ni une agglomération d’États soumis à un pouvoir un
315 el Rougemont s’engagea en parallèle, mais dont il ne fut « que » le président du comité exécutif, de 1951 à 1966.
16 1970, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Les prophètes de la décadence (24 septembre 1970)
316 z aa Le xxe siècle a vu la civilisation — qui ne saurait être que la nôtre, quand on en parle au singulier — étendre à
317 es de Baudelaire rejoindre les œuvres de Ménandre ne sont plus du tout inconcevables : elles sont dans les journaux. L’éc
318 qui furent le théâtre de tant de splendeur, et je n’ ai vu qu’abandon et que solitude… Qui sait si sur les rivages de la Se
319 u du Zuydersee… qui sait si un voyageur comme moi ne s’assiéra pas un jour sur de muettes ruines, et ne pleurera pas solit
320 e s’assiéra pas un jour sur de muettes ruines, et ne pleurera pas solitaire sur la cendre des peuples et la mémoire de leu
321 part, les plus grands esprits du siècle précédent n’ ont cessé d’annoncer les catastrophes qui ont fondu de nos jours sur l
322 es conquêtes coloniales et ses protectorats. Elle ne voit pas encore, mais elle pressent déjà la perte de sa longue royaut
323 rudence historique. Primo, l’hégémonie politique n’ est pas toujours et nécessairement liée à la vitalité d’une civilisati
324 eut une civilisation sans hégémonie. Secundo, il n’ est pas du tout certain que les précédents historiques soient applicab
325 une culture de dialogue et de contestation. Elle n’ a jamais pu, et surtout, elle n’a jamais voulu, se laisser ordonner à
326 ontestation. Elle n’a jamais pu, et surtout, elle n’ a jamais voulu, se laisser ordonner à une seule doctrine qui eût régi
327 a décrite Novalis : nous savons aujourd’hui qu’il n’ en fut rien, et que les conflits qui déchirèrent le Moyen Âge ne furen
328 et que les conflits qui déchirèrent le Moyen Âge ne furent pas moins violents que ceux que nous vivons. L’unité de notre
329 ure et de la civilisation créée par cette culture n’ a jamais été autre chose qu’une unité paradoxale consistant dans la se
330 la nôtre. Elles se trompaient, mais cette erreur ne saurait plus être commise, à présent que la terre entière est exploré
331 ropéens du xxe siècle, nous savons bien que nous ne dominons plus politiquement, mais nous savons aussi que toutes les vi
332 ce mouvement d’imitation s’opère à sens unique et n’ est plus réversible. Mais comment expliquer ce phénomène sans précéden
333 e. Mais il faut voir enfin que cette civilisation n’ a pu devenir universelle qu’en vertu de quelque chose de très fondamen
334 nation, sa couleur ou sa race. L’Égypte ancienne ne croyait rien de tel. Le mot homme y était synonyme d’habitant de la v
335 t les barbares, c’est-à-dire tous les autres, qui n’ étaient pas vraiment et complètement humains. Ces très hautes civilisa
336 nception chrétienne exprimée par saint Paul (« Il n’ y a plus ni Juifs ni Grecs, ni esclaves ni hommes libres, ni hommes ni
337 es de Baudelaire rejoindre les œuvres de Ménandre ne sont plus du tout inconcevables : elles sont dans les journaux ». Dep
338 i les civilisations mouraient tout à fait, Valéry ne pourrait pas le dire, car il n’en saurait rien. » Et il propose de co
339 ut à fait, Valéry ne pourrait pas le dire, car il n’ en saurait rien. » Et il propose de corriger comme suit le passage que
340 ions, nous avons depuis peu la certitude que nous ne mourrons jamais entièrement et que nos cendres sont fécondes. Le temp
341 et du temps de l’humanité. Troisième raison : On ne voit pas de candidats sérieux à la relève d’une civilisation devenue
342 fleuri une civilisation déterminée. Et les autres n’ en savaient rien. Mais ce fut plus souvent l’agression d’une civilisat
343 ser par la culture plus profondément que l’Europe ne s’américanise par le costume et le décor urbain. L’URSS ? Mais qu’app
344 le marxisme plus l’électricité. » Or, le marxisme n’ est pas un apport soviétique, ce n’est pas Popov qui l’a inventé, mais
345 r, le marxisme n’est pas un apport soviétique, ce n’ est pas Popov qui l’a inventé, mais bien un Juif allemand, dont le pèr
346 niverselle et les nationalismes qui en vivent. On ne saurait imaginer complexe de forces spirituelles, morales et matériel
347 ne nation. Le fameux « bon en avant » de la Chine n’ a guère été qu’un bond vers l’industrie et vers le socialisme, inventé
348 bservons simplement que son émancipation actuelle ne consiste nullement dans l’avènement d’une civilisation originale, ou
349 ne nouvelle fois pour le Vieux Continent, dont il ne croit pas le destin achevé, en publiant chez Albin Michel une Lettre
17 1970, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Denis de Rougemont : l’amour et l’Europe en expert (24 décembre 1970)
350 ence que j’étais un littéraire. À cette époque je n’ écrivais que des poèmes, persuadé que toute autre forme de littérature
351 ait pour moi le poste idéal car le gardien de but n’ intervient qu’aux moments de crises, au sommet de l’effort. Plus tard,
352 chez Plon, ayant lu mon article me demanda si je ne voulais pas faire pour lui un petit livre en deux volets opposant le
353 en février 1938. Le mois de février arriva et je n’ avais pas écrit une ligne. Je reçus une lettre recommandée de Daniel-R
354 avant de m’avoir lu puis qu’ils avaient décidé de ne pas divorcer, de s’en tenir à la dernière partie de mon livre. Mais v
355 é un long chapitre sur le divorce. Depuis lors je n’ ai cas cessé de récrire ce livre. Mon deuxième livre sur ce thème, Co
356 l’amour, donne à la passion plus de droits que je ne lui en laissais dans mon premier livre. Que pensez-vous aujourd’hui ?
357 et l’Occident , et non pas contre le mythe. Cela n’ aurait pas de sens de dire que l’on est contre la passion qui est l’un
358 ble. Si je fais un plaidoyer pour la fidélité, ce n’ est pas au nom d’une morale puritaine, comme certains l’ont cru, mais
359 Tout homme est amené à être créateur d’une œuvre, ne fût-ce que de soi-même et surtout de son couple. Je pense que c’est l
360 vre la plus belle. Et la passion ? La passion, je ne l’exclus pas, mais je pense qu’elle doit être réservée à de très rare
361 ers. Cette situation particulièrement scandaleuse n’ a pas peu fait pour me convaincre qu’on n’arrivera vraiment à faire l’
362 daleuse n’a pas peu fait pour me convaincre qu’on n’ arrivera vraiment à faire l’Europe que sur la base des régions, région
363 dans le fond de soi-même comme l’achèvement. Cela n’ a rien à voir avec la publicité. Ça peut être secret. Je crois beauco
364 coup à une notion secrète de la gloire. La gloire n’ est pas donnée par la foule, elle n’est pas donnée par le succès. C’es
365 re. La gloire n’est pas donnée par la foule, elle n’ est pas donnée par le succès. C’est un sentiment d’épanouissement supr
366 ble, donc c’est par essence quelque chose dont on ne peut rien dire. J’ai des idées folles, comme beaucoup d’hommes, sur l
367 logie, si vous voulez. Je pense que l’immortalité n’ est pas quelque chose qui commence quand on est mort, ni que l’âme sor
368 ni que l’âme sort par la bouche et va voleter on ne sait pas très bien où. Je me dis que l’éternité, l’immortalité, c’est
369 eut dire qu’elle a réussi sa vie et après cela on ne peut rien lui demander de plus. Et Dieu ? Je publierai peut-être un l
370 re guillemets, ces guillemets voulant dire que je ne donne pas Dieu comme quelque chose dont chacun sait de quoi il s’agit
371 ce, ma difficulté de croire, mon impossibilité de ne pas croire. Tout cela avec la plus grande précision dans le détail, c
372 c la plus grande précision dans le détail, car il n’ y a là que la précision qui est intéressante ; en évitant tout ce qui
373 re aux gens que pour moi croire en Dieu est bien, ne pas y croire est mal, et vice versa. Pour être complètement sincère,
374 tement sincère, j’éprouve autant de difficultés à ne pas croire en Dieu qu’à y croire, et ce n’est pas peu dire. Cela veut
375 ltés à ne pas croire en Dieu qu’à y croire, et ce n’ est pas peu dire. Cela veut peut-être dire que le problème est mal pos
376 alement, c’est à ceci : Dieu, c’est le sens. S’il n’ y a pas de Dieu, il n’y a pas de sens. Certains savants aujourd’hui di
377 : Dieu, c’est le sens. S’il n’y a pas de Dieu, il n’ y a pas de sens. Certains savants aujourd’hui disent qu’ils ne tiennen
378 sens. Certains savants aujourd’hui disent qu’ils ne tiennent pas du tout à ce que le monde ait un sens, à ce que notre vi
379 est-ce que cela veut dire pour vous, la vie, s’il n’ y a aucun sens à rien ? Pourquoi ne me comporterais-je pas comme le su
380 , la vie, s’il n’y a aucun sens à rien ? Pourquoi ne me comporterais-je pas comme le surhomme de Nietzsche ? Au nom de quo
381 ère à un avant. Si vous voulez, je pense que Dieu n’ est pas une cause au début de tout mais qu’il est une cause finale de
382 pourrait croire à l’existence de ce corps ? Elle n’ a aucun moyen d’en prendre connaissance. Elle peut savoir à peu près q
383 u près qu’elle fait partie d’un organe, mais elle ne peut pas savoir que cet organe fait partie d’un corps. Elle peut donc
384 lbin Michel, Lettre ouverte aux Européens , nous ne trouvons pas seulement confirmation de l’idéal de toute sa vie ; les
385 gemont s’est fait l’apôtre de cette croisade ; il n’ est donc pas étonnant qu’on en réentende l’écho dans sa conversation a
18 1972, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). De l’unité de culture à l’union politique (17-23 avril 1972)
386 e (17-23 avril 1972)af ag L’unité de l’Europe ne se fera ni uniquement ni principalement par des institutions européen
387 ions, chacune trop petite pour se défendre seule, n’ a pas la moindre chance de résister d’une part à la colonisation idéol
388 utumes sociales par les Américains. Mais l’Europe ne pourra jamais se faire que selon la formule fédéraliste, respectueuse
389 laire ou millénaire qu’ils prétendaient inaugurer n’ a duré que dix à douze ans. Or il se trouve que la formule fédéraliste
390 upart, en tant qu’État et en moyenne, nos nations n’ ont même pas cent ans d’âge. Seules la France, l’Angleterre et l’Espag
391 il est absolument certain que l’Italie comme État n’ a que cent-dix ans, l’Allemagne cent ans, la Norvège soixante-six, la
392 ru ! Or tout est faux dans cet enseignement. Il n’ y a pas de cultures nationales La culture européenne n’est pas la s
393 s de cultures nationales La culture européenne n’ est pas la somme de vingt-cinq cultures nationales, puisqu’elle exista
394 cité universitaire. Mais à l’Université même, on ne parlait qu’en latin. C’est ainsi qu’à la Sorbonne, vers 1270 — comme
395 ienne Gilson — pas un seul des grands professeurs n’ était français : ils étaient napolitain comme Thomas d’Aquin, pisan co
396 ps, ceux qui parlaient même langue ? Oui, mais il n’ était pas question de les enfermer pour autant dans les frontières d’u
397 ans les frontières d’un même État. D’ailleurs, il n’ est pas vrai que nos États-nations modernes correspondent à l’aire de
398 si bien que les Chinois de provinces différentes ne peuvent communiquer entre eux qu’au moyen d’idéogrammes dessinés dans
399 é culturelle de l’Europe est un fait que personne ne conteste. Enfin, il y a l’affaire des frontières naturelles, chères à
400 clair, à condition qu’un esprit fort (ou un naïf) ne vienne pas remarquer que l’on trouve à l’est de cette chaîne les même
401 iles à vérifier. Non, les frontières de nos États n’ ont jamais été « naturelles ». Elles sont accidentelles et arbitraires
402 tour de Genève, en traversant cette frontière qui ne rime à rien, ne sert à rien, ne protège contre rien, n’arrête rien de
403 en traversant cette frontière qui ne rime à rien, ne sert à rien, ne protège contre rien, n’arrête rien de ce qu’il faudra
404 tte frontière qui ne rime à rien, ne sert à rien, ne protège contre rien, n’arrête rien de ce qu’il faudrait arrêter — tem
405 e à rien, ne sert à rien, ne protège contre rien, n’ arrête rien de ce qu’il faudrait arrêter — tempêtes, épidémies, pollut
406 u symbole de la souveraineté stato-nationale, qui ne peut plus avoir d’effets que négatifs ! En nous présentant l’Europe c
407 davantage et s’entendront mieux entre eux qu’ils ne s’entendent avec les fanatiques de leur propre nation ; que les hippi
408 ippies d’un pays s’accorderont mieux avec ceux de n’ importe où qu’avec les conformistes de leur propre nation, etc. Ce ne
409 c les conformistes de leur propre nation, etc. Ce ne sont pas nos appartenances nationales qui nous diversifient vraiment,
410 de vie. Supprimez les frontières nationales, vous n’ appauvrirez en rien l’Europe. 2° La création culturelle en Europe est
411 ilisant à Paris tous les esprits distingués qu’il n’ a pas bannis. Le grand secret de la vitalité inégalée de notre culture
412 entre l’unité et la diversité, l’échelon national ne joue aucun rôle, est simplement omis, inexistant. Si maintenant je tr