1 1933, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Parole de Dieu et parole humaine, par Karl Barth (30 décembre 1933)
1 cessité, annoncer aux hommes une vérité qui n’est pas justiciable de leurs mesures puisqu’elle est le jugement de tous nos
2 a Bible, m’ont fait l’effet — ne me le font-elles pas encore ? — d’être Charybde et Scylla. Si c’est cela l’origine et le b
3 s ne se comprennent eux-mêmes… Si nous ne prenons pas les hommes au sérieux quand la détresse de leur existence les a condu
4 uits à nous, je le répète, si nous ne les prenons pas davantage au sérieux qu’ils ne le font eux-mêmes, comment aurions-nou
5 ces timorés dont j’ai parlé. » Ce ton ne pouvait pas tromper. Il y avait là un homme, une puissance. Le défi de Marx et de
6 x, de sa « problématique » particulière. Il n’est pas facile de résumer sans la trahir une pensée à ce point hostile à tout
7 rience religieuse, problème de Dieu. Il n’en faut pas plus pour que se lèvent de toutes parts de troublants paradoxes. La B
8 parle-t-elle de religion ? Ne nous montre-t-elle pas plutôt, avec une insistance significative, que les hommes religieux,
9 l’expérience. Elle est charge et mission, et non pas but et accomplissement et donc, en tant que réalité psychologique, el
10 ine consciente d’elle-même. » Les prophètes n’ont pas de biographie : « L’homme biblique se lève et tombe avec sa mission »
11 s quatre mots, mais en les répétant, nous n’avons pas dit la parole de Dieu, dans laquelle cette idée devient une réalité,
12 ccator non capax verbi Dei, l’homme pécheur n’est pas « capable » de la Parole de Dieu. Ainsi Barth rejoint Calvin, Luther,
13 nous avons à peu près oublié : que l’homme n’est pas capable par lui-même de faire le bien, que la foi seule lui donne la
14 i donne la promesse du salut, que cette foi n’est pas le couronnement de sa « vie religieuse », mais le don gratuit que Die
15 homme qui n’a plus d’autre attente. Qu’on n’aille pas croire cependant que le barthisme est un « retour » à quelque orthodo
16 ieur, le gage de la résurrection. (La grâce n’est pas accordée aux « justes », mais bien aux condamnés à mort.) L’homme rel
17 te mort, se refuse aussi à la vie. Il meurt de ne pas mourir, selon la parole profondément « dialectique » de Thérèse d’Avi
18 Une prise au sérieux du fait de Dieu. Dieu n’est pas un problème, n’est pas l’objet de nos recherches, mais le Sujet de to
19 u fait de Dieu. Dieu n’est pas un problème, n’est pas l’objet de nos recherches, mais le Sujet de toute existence et de tou
20 ui désigne le Christ en croix. La théologie n’est pas la parole. Elle ne peut que l’indiquer au-delà d’elle-même. Nous n’av
21 ucteurs ont fort bien rendue, et la tâche n’était pas facile) ; de son réalisme agressif, de cette obstination à rechercher
22 personne n’a osé faire taire. Son manifeste n’est pas seulement un témoignage courageux et authentiquement chrétien : il es
2 1934, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). D’un humour romand (24 février 1934)
23 personnes de sens. Mais après tout, ne serait-il pas étrange d’apporter des preuves sérieuses de la fantaisie de ce peuple
24 que. Persistons en dépit du bon sens. Pourquoi ne pas glisser, entre l’auteur d’Adolphe et celui des Discours religieux, pa
25 qu’il les faire rire tous les deux ? Je ne songe pas tant aux traditionnelles farces de père de famille en liberté dont il
26 vingt-deux langues ». La satire de Toepffer n’est pas méchante, elle n’est pas même « spirituelle » ; c’est plutôt, dans l’
27 satire de Toepffer n’est pas méchante, elle n’est pas même « spirituelle » ; c’est plutôt, dans l’espièglerie la plus folle
28 Toepffer s’attendrit sur ses bonhommes, n’est-ce pas une manière de dégonfler les sentencieux ? Une impeccable dignité bou
29 , quelques petits livres à tirage limité. N’allez pas croire qu’il s’agisse d’auteurs comiques : il s’agit d’abord de poète
30 ce pure et des gants beurre-frais. Ils ne tardent pas à rencontrer une jeune femme qui leur fait perdre toute mesure. Le mo
31 ns tout ce qui sourd de cette Weltschmerz qui n’a pas de nom dans notre langue, et c’est pourquoi sans doute elle ne s’y ma
32 mps de la guerre de Sécession, mais il n’en parla pas  »), et servi par un garçon triste qui perd le vol-au-vent, inexplicab
33 rd le vol-au-vent, inexplicablement. Tâchez de ne pas rire ; si vous réussissez, soyez tranquilles : vous ne pleurerez pas
34 réussissez, soyez tranquilles : vous ne pleurerez pas non plus aux chapitres suivants. L’humour de Pierre Girard est bien p
35 t, j’ose à peine dire par l’état civil. « Je n’ai pas de passeport ; je n’en ai jamais eu ; s’il doit être que j’en doive u
3 1934, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). L’Humanité de Jésus d’après Calvin, par Max Dominicé (24 mars 1934)
36 commentaire de la pensée du réformateur. N’allons pas commenter à notre tour cette glose. Ce qu’il y a d’ailleurs de plus s
37 gaard ou de Karl Barth, M. Dominicé, qui n’ignore pas ces influences, s’est limité dans son étude au calvinisme le plus str
38 ais exclusive de toute dogmatique. « La foi n’est pas une adhésion intellectuelle à des doctrines, mais la communion avec l
39 u seul caractère de Jésus. Mais alors, n’était-ce pas un abus de langage que de prétendre voir une personne morale dont on
40 storiens négateurs du surnaturel, M. Dominicé n’a pas de peine à montrer qu’il devenait « foncièrement irréel et sans intér
41 nt : un renversement du problème. Calvin ne fonde pas notre vie religieuse sur notre amour pour Jésus-Christ — amour dont i
42 urs fois : « Heureux celui qui ne s’en scandalise pas . » ⁂ Retrouver cette réalité, c’était du même coup pour notre auteur,
43 mes principes exégétiques. Certes, l’auteur n’est pas de ceux qui conçoivent le commentaire comme une effervescence lyrique
44 prête peu. Mais on regrette parfois qu’il suive à pas si prudents son modèle, et que l’admiration que lui inspire Calvin s’
45 st vrai que ce livre est une thèse. Mais il n’est pas moins vrai que Calvin sut parler un langage d’une verdeur assez peu s
46 rdeur assez peu sorbonnique. Max Dominicé ne sera pas le dernier à souhaiter avec nous que le retour des doctrines du xvie
4 1934, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Quelques œuvres et une biographie de Kierkegaard (26 mai 1934)
47 soins les plus diligents. Que d’impairs n’a-t-on pas commis à l’endroit de ce revenant du xixe siècle, depuis quelques an
48 ainement protesté contre une erreur qui ne relève pas de l’interprétation partisane, mais d’un simple défaut d’information,
49 certes, et d’une trempe exceptionnelle ; mais non pas un inquiet au sens moderne, et le contraire d’un esthète. Comme Nietz
50 e d’un esthète. Comme Nietzsche, avec lequel il a pas mal de traits communs, Kierkegaard nous laisse un ouvrage d’autocriti
51 -on devenir chrétien ? » Car, enfin, l’on ne naît pas chrétien. Des quelques œuvres traduites jusqu’ici, un peu au hasard,
52 , considéré comme une maladie universelle ne doit pas nous tromper sur le dessein du livre. Nul romantisme dans cette analy
53 ’Évangile qui sauve. ⁂ La lecture du Traité n’est pas des plus aisées. Les termes hégéliens qui abondent dans les premiers
54 pour les subtilités du « Séducteur », et qui n’a pas la tête philosophique. Cette monographie est à la fois la plus object
55 osé judicieux, parfois même bonhomique : ce n’est pas le moindre piquant du livre. Fallait-il souhaiter à Kierkegaard une i
56 e introduction plus systématique ? Je ne le pense pas . Kierkegaard est un événement. Voici un homme qui vient nous dire, en
57 ique, ressuscité par l’angoisse moderne. Koch n’a pas simplifié ce qui n’est pas simple chez Kierkegaard. Mais il a su le d
58 isse moderne. Koch n’a pas simplifié ce qui n’est pas simple chez Kierkegaard. Mais il a su le décrire clairement et fidèle
5 1934, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Le mouvement des groupes — Kagawa (4 août 1934)
59 uvement et cherche à décrire son esprit. Ce n’est pas le meilleur livre qu’on ait écrit sur les Groupes. Mais enfin, c’est
60 totalement, personnellement, activement. N’allons pas croire qu’il s’agisse là d’une nouvelle forme de pragmatisme américai
61 ’est réelle que là où elle se réalise ne signifie pas qu’il faille agir à tout prix. L’activiste moderne n’est souvent qu’u
62 Le « partage » préconisé par Buchman ne ressemble pas à ces tentatives de violation de domicile moral. Pour entrer en conta
63 uchmann, — il refuserait cette expression — n’ont pas constitué d’organisation. Ils n’ont pas de registre des membres, ils
64 n — n’ont pas constitué d’organisation. Ils n’ont pas de registre des membres, ils ne nomment pas de comités, ils ne publie
65 n’ont pas de registre des membres, ils ne nomment pas de comités, ils ne publient pas de revues, ils ne sont pas une secte
66 s, ils ne nomment pas de comités, ils ne publient pas de revues, ils ne sont pas une secte ni une nouvelle Église. Ils trav
67 mités, ils ne publient pas de revues, ils ne sont pas une secte ni une nouvelle Église. Ils travaillent par petites équipes
68 tion par les œuvres. Karl Barth et ses amis n’ont pas manqué de critiquer vivement certaines des suppositions théologiques
69 s qu’implique l’attitude de Buchman. Car ce n’est pas assez que de se refuser à parler de théologie sous prétexte que c’est
70 ions être le prochain. Et quand ce livre n’aurait pas d’autre valeur, il a celle-là, qui compte, de nous montrer comment le
71 la mesure de la grandeur, dans sa vision, n’était pas exclusivement dans la réalité qu’un homme incarne. Qui le connaît en
72 sociale et religieuse dont l’Occident ne connaît pas d’exemple. Un récit autobiographique et romancé de sa jeunesse a paru
73 fonce dans les slums de Kobé, décide qu’il n’aura pas d’habitation plus vaste que celle du plus pauvre habitant du quartier
74 ste. « Les ouvriers sont des êtres humains et non pas des articles dont on trafique suivant une échelle de salaires basés s
75 les magasins de tabac, les journaux, ne sont-ils pas autant de symptômes d’aliénation mentale ? La société de nos jours ma
76 ieu seul peut la guérir. » Les marxistes n’aiment pas ce radicalisme, qui n’est pas conforme à leur doctrine. Ils l’attaque
77 marxistes n’aiment pas ce radicalisme, qui n’est pas conforme à leur doctrine. Ils l’attaquent violemment : « Enterrez-le 
6 1934, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Au sujet d’un roman : Sara Alelia (3 novembre 1934)
78 us, car vous êtes Français. Eh bien, Balzac n’est pas tout le roman. Il n’est même pas tout le roman français. Balzac, c’es
79 en, Balzac n’est pas tout le roman. Il n’est même pas tout le roman français. Balzac, c’est le roman social. Balzac — et St
80 ption. Il me reste à vous démontrer, ce qui n’est pas trop difficile, que Dostoïevski et Tolstoï sont plus protestants qu’o
81 ! — Lawrence, parfaitement. Voyez-vous, je ne dis pas qu’ils furent tous des chrétiens. Plusieurs ont même écrit des romans
82 maginez la proportion si l’édit de Nantes n’avait pas été révoqué ! — Je vous accorde volontiers ce quart. Quel avantage y
83 uel avantage y voyez-vous pour votre foi ? — Oh ! Pas le moindre ! Je constate un fait. Mais laissons là le paradoxe. Vous
84 tis » est bien le mot ! C’est-à-dire qu’ils n’ont pas de foi, et qu’est-ce qu’un protestant sans foi ? Dans toutes leurs œu
85 tout le monde « se conduit bien » ? Il n’y aurait pas de roman. Une histoire dont le personnage principal est « la main du
86 ristianisme se passe dans cette vie ou bien n’est pas le christianisme. Et l’on serait en droit de prétendre qu’un roman pe
87 les marques du surnaturel. La grâce n’intervient pas ailleurs que dans l’« abîme ». On la pressent d’abord dans l’œuvre d’
88 s d’une longue lumière boréale. Cette femme n’est pas un ange ni une sainte. Elle a péché gravement, elle a touché le fond
89 istes expliquent sans le légitimer. L’homme n’est pas un ange, c’est entendu, mais ne dites pas qu’il n’est qu’une bête. À
90 e n’est pas un ange, c’est entendu, mais ne dites pas qu’il n’est qu’une bête. À la fois ange et bête, voilà sa vérité tota
7 1934, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Une histoire de la Réforme en France (15 décembre 1934)
91 la grandeur d’une Église et sa force ne résident pas dans son histoire, mais dans sa vérité, c’est-à-dire dans l’objet de
92 restaurer la mémoire, pourvu que l’on n’y cherche pas de vains prétextes à se glorifier d’un passé bien passé, et dont il r
93 storique qu’il nous offre est de celles qui n’ont pas besoin de condiments pour produire leur brûlante saveur. Rien de plus
94 France si l’édit avait été observé, s’il n’avait pas été révoqué, si Sully avait été écouté, si les jésuites n’étaient pas
95 Sully avait été écouté, si les jésuites n’étaient pas revenus, s’ils n’avaient pas armé, après quinze autres meurtriers, un
96 s jésuites n’étaient pas revenus, s’ils n’avaient pas armé, après quinze autres meurtriers, un Ravaillac… Le bel irénisme d
97 ue romaine. La persécution des protestants ne fut pas l’œuvre du parti catholique français, mais bien des conseillers étran
98 tre la « révocation » et les mesures de « mise au pas  » prises par Hitler me paraît riche d’enseignements très actuels. Che
99 tuels. Chez Louis XIV comme chez Hitler, ce n’est pas un souci d’unité religieuse qui domine : la religion leur est simple
100 r une protestation dont les termes n’ont, hélas ! pas vieilli. Viénot cite, à ce propos, un texte assez frappant. Il s’agit
101 cours à un droit universellement humain, n’est-il pas significatif de la nature du danger qu’on courait ? La conclusion de
102 le ?) Mais Casaubon, bien moins vindicatif, n’est pas moins grand lorsque, après avoir décrit l’enterrement nocturne et sec
103 ure plus édifié encore que révolté. Mais ce n’est pas peu dire. 10. Histoire de la Réforme française, tome II : De l’édi
8 1935, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Kierkegaard, Dostoïevski, Barth (23 février 1935)
104 révisions des historiens de la pensée ne semblent pas peser bien lourd sur ses décisions souveraines. Comment expliquer, pa
105 vie ? Mais le plus curieux de l’affaire, n’est-ce pas que Kierkegaard nous soit présenté aujourd’hui par des philosophes la
106 e, c’est celle de la foi, dans l’absolu. Ce n’est pas encore la question que Kierkegaard adressera plus tard à la chrétient
107 . Mais la Bible, que nous dit-elle ? Elle ne fait pas une théorie, elle répond par l’exemple d’Abraham. Et c’est à la médit
108 eu lui a donné un fils, à l’âge de 70 ans. Il n’a pas ri — comme Sarah, sa femme — de ce miracle. Et maintenant Dieu lui co
109 offrir Isaac en sacrifice ! Abraham ne se révolte pas . Il croit en Dieu, non point en sa raison humaine. Il selle son âne e
110 coutume de l’offrir en exemple. Car enfin il n’a pas tué : Dieu l’arrête au dernier moment et lui montre un bélier prêt po
111 on oublie qu’Abraham fit le chemin lentement, au pas de son âne, qu’il eut trois jours de voyage et qu’il lui fallut un pe
112 chrétien reste un homme comme les autres. Il n’a pas à devenir, dès ici-bas, un être un peu divin, un peu divinisé, échapp
113 lois de ce monde perdu. Sa sanctification ne doit pas le conduire à je ne sais quelle « spiritualisation » tout illusoire o
114 e radieuse et esthétique. La vie chrétienne n’est pas une construction qui s’élève au-dessus du reste de la vie. C’est tout
115 vision de Dostoïevski ? Ses héros ne viennent-ils pas à nous comme de grands questionneurs, comme des êtres orientés vers a
9 1935, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Trois traités de Jean Calvin (20 juillet 1935)
116 barbiche pointue et un profil coupant ? N’est-ce pas assez pour juger son système ? Ne sait-on pas que les gros hommes son
117 -ce pas assez pour juger son système ? Ne sait-on pas que les gros hommes sont toujours les plus populaires ? Comment se di
118 sance à la belle floraison néo-thomiste. Il n’est pas inutile de marquer les raisons qui, du point de vue protestant, rende
119 ble. Les grands théologiens de la Réforme ne sont pas à nos yeux des chefs d’école ; ni des docteurs dont la pensée fait lo
120 Qu’est-ce qu’un témoin ? C’est un homme qui n’est pas l’inventeur de son message, mais qui renvoie sans trêve au-delà de lu
121 ge et nous sauve. Faire retour à Calvin, ce n’est pas faire retour à certaines formules dogmatiques ; mais c’est, au-delà d
122 la plus orthodoxe. Barth, on le sait, ne se lasse pas de comparer le rôle de ces témoins théologiques au Jean-Baptiste de l
123 in homme, Calvin écrivain, nous ne nous priverons pas de l’estimer à nos mesures humaines et littéraires ; mais ce qui impo
124 e. Mais les pires adversaires de l’Église ne sont pas toujours au-dehors. Voici ceux qui préfèrent la paix selon le monde à
125 armes. Au sujet de ce style, dont l’exemple n’est pas l’un des plus négligeables que comportent les Trois traités, M. Schmi
126 re siècle : une fermeté délibérée qui ne s’arrête pas complaisamment à des trouvailles, une sobriété vigoureuse dans l’expo
127 veau ce que parler veut dire. Ensuite, n’oublions pas que la plupart des écrits français de Calvin — c’est le cas de ces Tr
10 1935, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Les mystiques allemands du xiiie au xixe siècle, par Jean Chuzeville (2 novembre 1935)
128 ». C’est aussi ce que dit l’Évangile, où il n’est pas question de mysticisme. Ceci marqué, qui est plus qu’une réserve, il
11 1936, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Le Problème du bien (12 septembre 1936)
129 théodicée et journal d’un pasteur ». Nous n’avons pas affaire ici à une construction doctrinale. L’auteur prend soin de nou
130 eprises : L’intérêt du présent ouvrage ne réside pas seulement dans le récit d’une exploration hasardée en des régions peu
131 istère du pasteur. Par ailleurs, il ne s’adresse pas aux spécialistes, ni à l’Église, comme ce serait le devoir d’un trait
132 s, les athées, les désespérés (termes qui ne sont pas synonymes) et je leur propose de méditer le problème du Bien. Si des
133 , en effet, dit M. Monod, « l’athéisme n’explique pas la Beauté, la Joie, l’Amour, la Sainteté. Il se brise contre le probl
134 tte convergence paradoxale et imprévue n’est-elle pas comme un signe, une promesse émouvante de l’unité future des chrétien
135 ce Dieu omnipotent du dogme. En effet, Dieu n’est pas dans la Nature, il n’en est ni le maître ni l’auteur : voilà la thèse
136 incre ? M. Monod le pense. Jésus, dit-il, « n’est pas venu nous enseigner que l’univers a un créateur. Il a, au contraire,
137 un matériel métaphorique inépuisable. Je n’y vois pas d’inconvénient à priori, mais à coup sûr, il s’agit là de littérature
138 nt M. Monod, que ces ébauches suggestives ne vont pas sans quelque débauche intellectuelle. Et je redoute que certains fidè
139 de ses propres luttes — où nous ne reconnaissons pas forcément les nôtres — et s’il ne tenait, par ailleurs, à l’étayer pa
12 1937, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Luther contre Érasme (19 juin 1937)
140 raisons ? Et pour quelles fins ? Si l’on ne veut pas s’en tenir à des appréciations du genre « moine qui voulait se marier
141 uatre siècles qu’elles ont été écrites, on n’en a pas traduit une seule en France ! Quelques pages choisies, en appendice à
142 de sa vérité : il souhaite même qu’il n’y en ait pas . Et tous les prudents d’applaudir, non sans apparences de raison : on
143 alut par ses propres efforts de volonté, ce n’est pas ici le lieu de l’examiner. Notons seulement, pour écarter le pire mal
144 our écarter le pire malentendu, que Luther ne nie pas du tout la réalité de notre volonté. Il nie seulement que cette volon
145 ne désire vraiment que le péché. La liberté n’est pas dans l’homme, mais dans l’acte par lequel Dieu le choisit, substituan
13 1937, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Selma Lagerlöf, conteur de légende (3 juillet 1937)
146 on essaie d’en tirer de la vie. Mais ne serait-ce pas que l’on ne sait plus créer de la vie ? On s’efforce de la décrire, o
147 « vertus » sont de ces illusions qui ne résistent pas à l’analyse, et qu’un auteur sincère se doit de démasquer. Tout se ra
148 it à la physiologie, ou à l’argent. Il ne fallait pas moins que le génie plein de malices d’une Lagerlöf pour renverser d’u
149 où les religions obscures dominent ceux qui n’ont pas la foi. Seule une prière désespérée, de pur amour, rompt le charme fo
150 u’il croisera en allant au village, si elle n’est pas mariée, deviendra sa compagne. Il sort. Il s’en faut de peu qu’il ne
151 n faut de peu qu’il ne rencontre dès les premiers pas une vieille mendiante sourde. Une voiture le dépasse, conduite par un
152 che jeune fille des environs, mais cela ne compte pas , car il est entendu que la femme désignée par Dieu doit venir à sa re
153 a fort mauvaise réputation. Mais elle ne s’engage pas sur la route, elle s’arrête dans un pré voisin. Karl-Artur doute, tre
154 re ? Déjà, le jeune homme s’y résigne… À quelques pas de lui, elle tourne à droite. Il poursuit son chemin dans une exaltat
155 sques ou dramatiques, à quoi l’auteur ne se prive pas d’ajouter quelques traces d’humour, comme pour purifier l’émotion. Ma
156 respire largement, tout vit et se transforme, non pas seulement selon les lois des passions, des cœurs et des corps, mais a
157 t le « métier » de l’écrivain : cette façon de ne pas insister, de laisser le lecteur seul avec l’émotion, cette malice cor
158 ixe siècle) et voyez si leur décadence ne suffit pas à expliquer la crise actuelle du genre dans notre société. 15. L’A
14 1939, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Non, Tristan et Iseut ne s’aiment pas, nous dit Denis de Rougemont (12 février 1939)
159 Non, Tristan et Iseut ne s’aiment pas , nous dit Denis de Rougemont (12 février 1939)u v Avec l’audace so
160 crète de nos campagnes. Denis de Rougemont n’aime pas les villes, il n’a pas besoin pour écrire de ces conversations, de ce
161 Denis de Rougemont n’aime pas les villes, il n’a pas besoin pour écrire de ces conversations, de ces échanges qui stimulen
162 de provoquer son dernier livre : n’y affirme-t-il pas , avec preuves à l’appui, que Tristan et Iseut, les amants légendaires
163 gendaires, les héros de la passion, ne s’aimaient pas  ? Quand j’ai commencé à écrire mon livre, je voulais simplement étudi
164 ouvoir la résoudre. Pour moi, l’explication n’est pas douteuse. L’amour courtois est directement issu du catharisme. Vous s
165 , puisqu’elle a besoin d’obstacles, et ne résiste pas à la facilité, à l’habitude. Exclue de la vie conjugale, la passion s
166 : l’aventure la plus difficile. Si vous ne fondez pas le mariage sur une décision réfléchie, sur quoi le fondez-vous ? Sur
167 certains sacrifices, il me semble. Ne devez-vous pas publier un roman, dont le titre, La Folle Vertu, illustre bien votre
168 que L’Amour et l’Occident . Mais je ne le ferai pas paraître tout de suite. J’ai aussi terminé deux livres d’essais : Do
169 mitage et y mourut. C’est un beau sujet. N’est-ce pas  ? Ce drame, avec musique d’Honegger, sera représenté dans un théâtre
170 Denis de Rougemont, je lui demande s’il n’attend pas avec une certaine curiosité les réactions que vont susciter certaines
171 puis son visage devient plus grave : Je n’attache pas une grande importance aux querelles que pourraient me chercher les sa
172 rit chrétien, la véritable intelligence, n’est-ce pas de voir les limites d’où l’on ne peut s’échapper ? u. Rougemont De
173 , « [Entretien] Non, Tristan et Iseut ne s’aiment pas  », Les Nouvelles littéraires, Paris, 12 février 1939, p. 3. v. Inter
15 1963, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Mais qui est donc Denis de Rougemont (7 novembre 1963)
174 t tout le monde parle et que peu de gens ont lue. Pas plus savant qu’un autre mais beaucoup plus prudent, j’ai demandé à De
175 tesquieu, Pascal étaient des essayistes. Ce n’est pas que je veuille me comparer à eux, mais la forme est la même : un méla
176 itaire sous le prétexte qu’un officier neutre n’a pas le droit d’outrager un chef d’État étranger ! De Suisse, Denis de Rou
177 fédéralisme de l’autre. Je vous arrête : il n’y a pas , il n’y a jamais eu chez moi (contrairement à Saint-John Perse ou Geo
16 1970, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Les prophètes de la décadence (24 septembre 1970)
178 e… qui sait si un voyageur comme moi ne s’assiéra pas un jour sur de muettes ruines, et ne pleurera pas solitaire sur la ce
179 pas un jour sur de muettes ruines, et ne pleurera pas solitaire sur la cendre des peuples et la mémoire de leur grandeur ?
180 êtes coloniales et ses protectorats. Elle ne voit pas encore, mais elle pressent déjà la perte de sa longue royauté mondial
181 e historique. Primo, l’hégémonie politique n’est pas toujours et nécessairement liée à la vitalité d’une civilisation. L’u
182 e civilisation sans hégémonie. Secundo, il n’est pas du tout certain que les précédents historiques soient applicables dan
183 s conflits qui déchirèrent le Moyen Âge ne furent pas moins violents que ceux que nous vivons. L’unité de notre culture et
184 ares, c’est-à-dire tous les autres, qui n’étaient pas vraiment et complètement humains. Ces très hautes civilisations devai
185 et les fondements de tout progrès social ; et non pas le système des castes, ni le mandarinat, ni le Bushido. On peut le re
186 sations mouraient tout à fait, Valéry ne pourrait pas le dire, car il n’en saurait rien. » Et il propose de corriger comme
187 emps de l’humanité. Troisième raison : On ne voit pas de candidats sérieux à la relève d’une civilisation devenue mondiale.
188 xisme plus l’électricité. » Or, le marxisme n’est pas un apport soviétique, ce n’est pas Popov qui l’a inventé, mais bien u
189 marxisme n’est pas un apport soviétique, ce n’est pas Popov qui l’a inventé, mais bien un Juif allemand, dont le père était
190 le fois pour le Vieux Continent, dont il ne croit pas le destin achevé, en publiant chez Albin Michel une Lettre ouverte a
17 1970, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Denis de Rougemont : l’amour et l’Europe en expert (24 décembre 1970)
191 ayant lu mon article me demanda si je ne voulais pas faire pour lui un petit livre en deux volets opposant le mythe de Tri
192 ier 1938. Le mois de février arriva et je n’avais pas écrit une ligne. Je reçus une lettre recommandée de Daniel-Rops, que
193 nt de m’avoir lu puis qu’ils avaient décidé de ne pas divorcer, de s’en tenir à la dernière partie de mon livre. Mais voilà
194 es divorces de quelques années, ce qui provoquait pas mal de souffrances, mais peut-être aussi des prises de conscience for
195 ais, surtout dans L’Amour et l’Occident , et non pas contre le mythe. Cela n’aurait pas de sens de dire que l’on est contr
196 ident , et non pas contre le mythe. Cela n’aurait pas de sens de dire que l’on est contre la passion qui est l’une des chos
197 i je fais un plaidoyer pour la fidélité, ce n’est pas au nom d’une morale puritaine, comme certains l’ont cru, mais au nom
198 belle. Et la passion ? La passion, je ne l’exclus pas , mais je pense qu’elle doit être réservée à de très rares personnes q
199 Cette situation particulièrement scandaleuse n’a pas peu fait pour me convaincre qu’on n’arrivera vraiment à faire l’Europ
200 une notion secrète de la gloire. La gloire n’est pas donnée par la foule, elle n’est pas donnée par le succès. C’est un se
201 gloire n’est pas donnée par la foule, elle n’est pas donnée par le succès. C’est un sentiment d’épanouissement suprême, un
202 si vous voulez. Je pense que l’immortalité n’est pas quelque chose qui commence quand on est mort, ni que l’âme sort par l
203 l’âme sort par la bouche et va voleter on ne sait pas très bien où. Je me dis que l’éternité, l’immortalité, c’est quelque
204 mets, ces guillemets voulant dire que je ne donne pas Dieu comme quelque chose dont chacun sait de quoi il s’agit, mais que
205 ma difficulté de croire, mon impossibilité de ne pas croire. Tout cela avec la plus grande précision dans le détail, car i
206 aux gens que pour moi croire en Dieu est bien, ne pas y croire est mal, et vice versa. Pour être complètement sincère, j’ép
207 ent sincère, j’éprouve autant de difficultés à ne pas croire en Dieu qu’à y croire, et ce n’est pas peu dire. Cela veut peu
208 ne pas croire en Dieu qu’à y croire, et ce n’est pas peu dire. Cela veut peut-être dire que le problème est mal posé dans
209 t, c’est à ceci : Dieu, c’est le sens. S’il n’y a pas de Dieu, il n’y a pas de sens. Certains savants aujourd’hui disent qu
210 , c’est le sens. S’il n’y a pas de Dieu, il n’y a pas de sens. Certains savants aujourd’hui disent qu’ils ne tiennent pas d
211 ins savants aujourd’hui disent qu’ils ne tiennent pas du tout à ce que le monde ait un sens, à ce que notre vie ait un sens
212 ucun sens à rien ? Pourquoi ne me comporterais-je pas comme le surhomme de Nietzsche ? Au nom de quoi venez-vous me dire qu
213 un avant. Si vous voulez, je pense que Dieu n’est pas une cause au début de tout mais qu’il est une cause finale de l’human
214 u’elle fait partie d’un organe, mais elle ne peut pas savoir que cet organe fait partie d’un corps. Elle peut donc parfaite
215 Lettre ouverte aux Européens , nous ne trouvons pas seulement confirmation de l’idéal de toute sa vie ; les hommes qui de
216 t fait l’apôtre de cette croisade ; il n’est donc pas étonnant qu’on en réentende l’écho dans sa conversation avec Pierre L
18 1972, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). De l’unité de culture à l’union politique (17-23 avril 1972)
217 , chacune trop petite pour se défendre seule, n’a pas la moindre chance de résister d’une part à la colonisation idéologiqu
218 ant qu’État et en moyenne, nos nations n’ont même pas cent ans d’âge. Seules la France, l’Angleterre et l’Espagne comptent
219 r tout est faux dans cet enseignement. Il n’y a pas de cultures nationales La culture européenne n’est pas la somme de
220 ultures nationales La culture européenne n’est pas la somme de vingt-cinq cultures nationales, puisqu’elle existait bien
221 e me le faisait observer un jour Étienne Gilson — pas un seul des grands professeurs n’était français : ils étaient napolit
222 qui parlaient même langue ? Oui, mais il n’était pas question de les enfermer pour autant dans les frontières d’un même Ét
223 s frontières d’un même État. D’ailleurs, il n’est pas vrai que nos États-nations modernes correspondent à l’aire de diffusi
224 ondition qu’un esprit fort (ou un naïf) ne vienne pas remarquer que l’on trouve à l’est de cette chaîne les mêmes Catalans
225 ique ou politique, ont été paneuropéennes, et non pas nationales. Les grands courants européens, les grandes écoles d’art e
226 nformistes de leur propre nation, etc. Ce ne sont pas nos appartenances nationales qui nous diversifient vraiment, mais les
227 ant à Paris tous les esprits distingués qu’il n’a pas bannis. Le grand secret de la vitalité inégalée de notre culture euro