1
ment insupportable ? Telles étaient les questions
que
se posait, vers la fin de la guerre, dans le presbytère d’un village
2
artes de pain, des menaces de violences sociales.
Que
devenaient, dans tout cela, les belles synthèses de la théologie libé
3
critique. Il résulte de cette étude un gros livre
que
trois éditeurs refusent mais qui paraît finalement en librairie après
4
en librairie après la guerre. Aventure étonnante
que
celle de ce commentaire né de la détresse quotidienne d’un obscur pas
5
se. Une réponse plus soucieuse de ce qui est vrai
que
de ce qui rassure, une réponse qui ne veut s’adresser qu’à ces « ques
6
e qui rassure, une réponse qui ne veut s’adresser
qu’
à ces « questions dernières » de notre vie, celle devant lesquelles no
7
tre inquiétude. « Nos auditeurs attendent de nous
que
nous les comprenions mieux qu’ils ne se comprennent eux-mêmes… Si nou
8
attendent de nous que nous les comprenions mieux
qu’
ils ne se comprennent eux-mêmes… Si nous ne prenons pas les hommes au
9
, si nous ne les prenons pas davantage au sérieux
qu’
ils ne le font eux-mêmes, comment aurions-nous le droit de nous étonne
10
es, comment aurions-nous le droit de nous étonner
que
, pour la plupart, ils prennent peu à peu l’habitude de délaisser l’Ég
11
sité de Bonn, exerce depuis dix ans une influence
qu’
on peut qualifier de révolutionnaire sur la pensée protestante dans le
12
secret de son incomparable virulence ? Les essais
que
viennent de traduire MM. Pierre Maury et A. Lavanchy sous le titre Pa
13
une théologie du correctif. Disons tout de suite
que
les corrections qu’elle apporte constituent une sérieuse attaque cont
14
rrectif. Disons tout de suite que les corrections
qu’
elle apporte constituent une sérieuse attaque contre toute religiosité
15
ut d’abord en une série de points d’interrogation
que
Barth place derrière des mots comme religion, piété, expérience relig
16
le pas plutôt, avec une insistance significative,
que
les hommes religieux, prêtres et pharisiens, ont toujours été les pre
17
e la Bible au contraire, vise le monde religieux,
qu’
il soit placé sous le signe de Baal ou de Yaveh. » La Bible nous parle
18
l’expérience biblique, rien n’est moins important
que
le mode de l’expérience. Elle est charge et mission, et non pas but e
19
treprise. Telle est bien la constatation cruciale
que
Barth, après Kierkegaard, remet au premier plan de la pensée théologi
20
ment paradoxale, assumée dans sa tragique ironie,
que
le théologien doit avoir conscience, s’il veut parler valablement. Ma
21
Dieu, son nom l’indique. De quel Dieu ? De celui
que
la Bible nomme l’Éternel, alors que nous sommes tout entiers temporel
22
e du théologien est de parler de Dieu, il s’avère
qu’
en tant qu’homme il ne le peut : « Car parler de Dieu voudrait dire, p
23
qu’à saint Paul, tous ceux qui ont su et connu ce
que
nous avons à peu près oublié : que l’homme n’est pas capable par lui-
24
su et connu ce que nous avons à peu près oublié :
que
l’homme n’est pas capable par lui-même de faire le bien, que la foi s
25
n’est pas capable par lui-même de faire le bien,
que
la foi seule lui donne la promesse du salut, que cette foi n’est pas
26
que la foi seule lui donne la promesse du salut,
que
cette foi n’est pas le couronnement de sa « vie religieuse », mais le
27
ent de sa « vie religieuse », mais le don gratuit
que
Dieu fait à tout homme qui n’a plus d’autre attente. Qu’on n’aille pa
28
u fait à tout homme qui n’a plus d’autre attente.
Qu’
on n’aille pas croire cependant que le barthisme est un « retour » à q
29
Dieu. À la suite de Kierkegaard il nous fait voir
que
le christianisme, c’est l’immédiat, l’instant éternel de la foi, et n
30
ntre est mortelle à l’homme. Et c’est par là même
qu’
elle lui apporte, de l’extérieur, le gage de la résurrection. (La grâc
31
profondément « dialectique » de Thérèse d’Avila.
Qu’
est-ce donc en définitive que le point de vue barthien ? Une prise au
32
de Thérèse d’Avila. Qu’est-ce donc en définitive
que
le point de vue barthien ? Une prise au sérieux du fait de Dieu. Dieu
33
s et nos antithèses, tous les oui et tous les non
que
nous pouvons dire au monde. L’homme ne reçoit son existence véritable
34
monde. L’homme ne reçoit son existence véritable
que
dans la parole que Dieu lui adresse et qui le meut. On a coutume de n
35
reçoit son existence véritable que dans la parole
que
Dieu lui adresse et qui le meut. On a coutume de nommer la pensée de
36
ersalité du rapport établi entre Dieu et l’homme,
que
l’homme le sache ou non, l’accepte ou non ; et par là même caractère
37
x. La théologie n’est pas la parole. Elle ne peut
que
l’indiquer au-delà d’elle-même. Nous n’avons rien dit des qualités hu
38
umaines de ce livre, de son éloquence martelante (
que
les traducteurs ont fort bien rendue, et la tâche n’était pas facile)
39
nation à rechercher le sens réel des mots d’ordre
que
l’on va répétant, de cette puissance de sérieux, de prise au sérieux
40
e prise au sérieux des situations humaines telles
qu’
elles sont, qui seule permet un humour souvent rude ; de cette puissan
41
de crise toutes nos sécurités morales. (Ce n’est
qu’
à certains degrés de tension que la réalité de nos réalités quotidienn
42
orales. (Ce n’est qu’à certains degrés de tension
que
la réalité de nos réalités quotidiennes peut être démasquée, éprouvée
43
les plus solides de notre temps. C’est pour cela
qu’
il peut poser les questions les plus gênantes qui soient. ⁂ On l’a bie
44
s’est dressé dans une protestation retentissante,
que
personne n’a osé faire taire. Son manifeste n’est pas seulement un té
45
authentiquement chrétien : il est le seul espoir
que
nous puissions garder dans la restauration spirituelle d’une Allemagn
46
)c Le Suisse romand est-il sérieux ? Je crains
que
mes raisons d’en douter n’ébranlent guère la solide réputation de gra
47
n’ébranlent guère la solide réputation de gravité
qu’
on lui a faite, et qui lui vaut l’estime des personnes de sens. Mais a
48
mple, cet excellent Toepffer dont on peut espérer
qu’
il les faire rire tous les deux ? Je ne songe pas tant aux traditionne
49
le cœur des femmes, de Girard, et de Cingria, ce
que
vous aurez la chance d’en trouver, une note ici ou là, quelques petit
50
petits livres à tirage limité. N’allez pas croire
qu’
il s’agisse d’auteurs comiques : il s’agit d’abord de poètes. Je crain
51
Je crains même de leur faire du tort en écrivant
qu’
ils sont drôles. (Des gens viennent vous dire : tenez, voilà qui vous
52
d’avoir compris de quoi il s’agit. Il n’y a plus
qu’
à perpétrer une horrible inconvenance, un de ces scandales héroïques q
53
t c’est pourquoi sans doute elle ne s’y manifeste
que
par ces « ratés » émouvants, dont nous rions faute de réflexe appris.
54
s. L’humour de Pierre Girard est bien plus romand
que
la pompeuse drôlerie de Cingria, lequel n’est Suisse que par accident
55
pompeuse drôlerie de Cingria, lequel n’est Suisse
que
par accident, j’ose à peine dire par l’état civil. « Je n’ai pas de p
56
passeport ; je n’en ai jamais eu ; s’il doit être
que
j’en doive un avoir un, je veux qu’il ne soit de ceux que j’aie fabri
57
’il doit être que j’en doive un avoir un, je veux
qu’
il ne soit de ceux que j’aie fabriqués moi-même. » Ainsi s’exprime Bru
58
doive un avoir un, je veux qu’il ne soit de ceux
que
j’aie fabriqués moi-même. » Ainsi s’exprime Bruno Pomposo, dont Cingr
59
Ramuz pendant la guerre. (C’est par cela surtout
qu’
il est Suisse, au mépris de tous les racismes.) On avait, dans ce grou
60
es mots. Imaginez, dans cette vision du monde, ce
que
donnerait l’usage d’un style savant et poli, coupé de « véhémences no
61
pays de pédagogues. J’ai oublié, exprès, de dire
que
c’est aussi le pays d’origine de Michel Simon et de Grock. C’étaient
62
allons pas commenter à notre tour cette glose. Ce
qu’
il y a d’ailleurs de plus significatif dans le livre, ce sont les moti
63
motifs qui ont poussé M. Dominicé à l’écrire, et
qu’
il expose en une vingtaine de pages précises, mesurées, et convaincant
64
récises, mesurées, et convaincantes. Il me semble
que
cette préface caractérise d’une façon remarquable l’évolution accompl
65
abord chercher à s’approcher de l’homme Jésus tel
que
le décrivent les évangiles. Mais, dit M. Dominicé, deux obstacles trè
66
us. Mais alors, n’était-ce pas un abus de langage
que
de prétendre voir une personne morale dont on récusait par avance les
67
urnaturel, M. Dominicé n’a pas de peine à montrer
qu’
il devenait « foncièrement irréel et sans intérêt ». À mesure qu’elle
68
« foncièrement irréel et sans intérêt ». À mesure
qu’
elle humanisait le Christ sous prétexte de nous rapprocher de lui, l’h
69
difficulté, le jeune théologien interroge Calvin.
Que
trouve-t-il ? Des arguments, une solution ? Non point : un renverseme
70
appants du Calvin commentateur des évangiles, tel
que
nous le restitue M. Dominicé, que cette insistance à mettre en lumièr
71
évangiles, tel que nous le restitue M. Dominicé,
que
cette insistance à mettre en lumière le « scandale de Jésus » à seule
72
nseigner à révérence ». On peut dire dans ce sens
que
l’exégèse de Calvin est toute didactique : elle veut sans cesse trans
73
sans cesse transformer nos questions en questions
que
le texte sacré nous adresse. Tout au contraire du critique moderne, q
74
e en juge du texte, Calvin n’admet et ne pratique
qu’
une « exégèse d’obéissance » — il se laisse juger par le texte. On ne
75
’ailleurs s’y prête peu. Mais on regrette parfois
qu’
il suive à pas si prudents son modèle, et que l’admiration que lui ins
76
fois qu’il suive à pas si prudents son modèle, et
que
l’admiration que lui inspire Calvin s’exprime en termes aussi respect
77
à pas si prudents son modèle, et que l’admiration
que
lui inspire Calvin s’exprime en termes aussi respectueux des objectio
78
respectueux des objections possibles. Il est vrai
que
ce livre est une thèse. Mais il n’est pas moins vrai que Calvin sut p
79
livre est une thèse. Mais il n’est pas moins vrai
que
Calvin sut parler un langage d’une verdeur assez peu sorbonnique. Max
80
nicé ne sera pas le dernier à souhaiter avec nous
que
le retour des doctrines du xvie siècle renouvelle jusque dans le sty
81
on de cet Office et ses soins les plus diligents.
Que
d’impairs n’a-t-on pas commis à l’endroit de ce revenant du xixe siè
82
revenant du xixe siècle, depuis quelques années
qu’
on nous parle de lui dans les revues philosophiques et littéraires ! P
83
plus propre à créer du malentendu. Le titre même,
que
lui a donné le traducteur, prête à certaines confusions : l’œuvre, en
84
e maladie, c’est le péché. L’impitoyable maîtrise
que
Kierkegaard apporte dans l’analyse psychologique du désespoir, consid
85
démons obscurs. Au fond du désespoir, et quelles
que
soient les formes qu’il revête, du spleen banal jusqu’au péché contre
86
nd du désespoir, et quelles que soient les formes
qu’
il revête, du spleen banal jusqu’au péché contre l’esprit, jusqu’au re
87
une révolte de l’homme contre sa condition telle
que
Dieu l’a voulue, une négation du paradoxe de l’Amour. L’universalité
88
singulièrement avec le réalisme brutal du sujet.
Que
le lecteur, pourtant, ne se laisse point arrêter par des définitions
89
conduisent à des impasses tragiques ; mais voici
que
Dieu intervient, avec la réponse terrible faite à Job. Et ce sont alo
90
ques lettres sur la détresse humaine devant Dieu,
que
le héros adresse à « son muet confident », l’auteur. Peut-être avons-
91
, qui, même si elle foudroie, est plus magnifique
que
les commérages et les potins sur la justice de la Providence inventés
92
s eunuques ! Nous voici plus près de Shakespeare
que
du piétisme sentimental et de l’unctio spiritualis des dévots… Mais p
93
Je me borne à citer In vino veritas 5. Non point
que
cet ouvrage ne mérite d’être lu par tous les amateurs de grand lyrism
94
possible par le traducteur). Mais il ne s’agit là
que
du premier volet d’un triptyque dont il nous faut attendre les deux a
95
e. Il rendra vaines, désormais, les introductions
que
les différents traducteurs nous ont prodiguées jusqu’ici avec autant
96
s ont prodiguées jusqu’ici avec autant de science
que
de conscience, mais qui se répétaient fastidieusement. Surtout, il si
97
re de Carl Koch est la démonstration de l’emprise
que
peut exercer Kierkegaard sur un chrétien sincère, peu suspect de comp
98
la fois la plus objective et la plus sympathique
qu’
un « honnête homme » peut espérer. Du mélange d’humour et d’angoisse i
99
n homme qui vient nous dire, en toute simplicité,
qu’
il a vu l’événement, et qu’il en est encore tout remué. On le croira s
100
, en toute simplicité, qu’il a vu l’événement, et
qu’
il en est encore tout remué. On le croira sans peine : il n’a pas l’ai
101
s peine : il n’a pas l’air d’avoir pu inventer ce
qu’
il raconte. Cela donne envie d’aller voir. Or, je tiens qu’il n’y a ri
102
onte. Cela donne envie d’aller voir. Or, je tiens
qu’
il n’y a rien de plus urgent pour nous que d’aller voir ce qui se pass
103
e tiens qu’il n’y a rien de plus urgent pour nous
que
d’aller voir ce qui se passe dans l’œuvre du danois prophétique, ress
104
es intellectuels, mais il y répond de telle sorte
qu’
il abolit rapidement les barrières convenues entre intellectuels, homm
105
sorte. À plus d’une reprise, j’eus l’impression,
qu’
on a rarement de nos jours, d’entendre des gens dire la vérité sur eux
106
t en général de toutes les rencontres prévues. Ce
que
je savais du Mouvement m’avait fait espérer, secrètement, autre chose
107
écrire son esprit. Ce n’est pas le meilleur livre
qu’
on ait écrit sur les Groupes. Mais enfin, c’est le seul qui existe en
108
qu’on passe sur les interprétations personnelles
que
nous en propose l’auteur. (Begbie est un de ces « informateurs » bril
109
le cercle concret de leur vie. La seule question
qu’
il y ait donc lieu de poser est celle-ci : comment atteindre les homme
110
« partage » (sharing) des grâces reçues, il sait
qu’
on ne peut être chrétien que totalement, personnellement, activement.
111
râces reçues, il sait qu’on ne peut être chrétien
que
totalement, personnellement, activement. N’allons pas croire qu’il s’
112
personnellement, activement. N’allons pas croire
qu’
il s’agisse là d’une nouvelle forme de pragmatisme américain. Dire que
113
une nouvelle forme de pragmatisme américain. Dire
que
la foi n’est réelle que là où elle se réalise ne signifie pas qu’il f
114
agmatisme américain. Dire que la foi n’est réelle
que
là où elle se réalise ne signifie pas qu’il faille agir à tout prix.
115
réelle que là où elle se réalise ne signifie pas
qu’
il faille agir à tout prix. L’activiste moderne n’est souvent qu’un ag
116
ir à tout prix. L’activiste moderne n’est souvent
qu’
un agité. Le philanthrope et le puritain rigide ne sont souvent que de
117
hilanthrope et le puritain rigide ne sont souvent
que
des acteurs. Seule la foi peut nous rendre actifs lorsqu’elle nous en
118
ion ? L’erreur des chrétiens, trop souvent, c’est
qu’
ils s’efforcent d’endoctriner ceux qu’ils rencontrent. Le « partage »
119
vent, c’est qu’ils s’efforcent d’endoctriner ceux
qu’
ils rencontrent. Le « partage » préconisé par Buchman ne ressemble pas
120
Pour entrer en contact avec les hommes, il n’y a
qu’
un moyen : c’est de leur ouvrir sa maison. D’où les confessions privée
121
n des traits marquants de l’activité des Groupes.
Qu’
il y ait là un danger réel d’exhibitionnisme, les membres des Groupes
122
es membres des Groupes ne sauraient le nier. Mais
qu’
il y ait là aussi le moyen de faire tomber les barrières morales qui s
123
pelle. Ils partent bien souvent sans autre raison
que
la certitude qui leur vient de pouvoir être utiles à tel endroit où D
124
d’aller. La chronique des rencontres miraculeuses
qu’
ils ont ainsi vécues remplirait des volumes, et nourrit leurs entretie
125
retiens. À lire certains récits du meilleur livre
qu’
on ait fait sur le Mouvement, For Sinners only (Pour les pécheurs seul
126
J. Russell, on découvre des possibilités humaines
que
le conformisme et la psychologie modernes semblaient avoir abolies da
127
ante. Le pittoresque, le pathétique de l’aventure
que
vivent quotidiennement les membres des Groupes pourraient devenir pou
128
vivement certaines des suppositions théologiques
qu’
implique l’attitude de Buchman. Car ce n’est pas assez que de se refus
129
que l’attitude de Buchman. Car ce n’est pas assez
que
de se refuser à parler de théologie sous prétexte que c’est abstrait
130
de se refuser à parler de théologie sous prétexte
que
c’est abstrait : encore faudrait-il se garder de vivre une théologie
131
membres du Mouvement des Groupes peuvent répondre
que
leur œuvre se développe dans une atmosphère de franchise, d’autocriti
132
irituelle qui la préserve de la plupart des excès
qu’
on imagine. Peut-être la plus sûre leçon des Groupes est-elle dans leu
133
ps peuvent devenir des hommes réels. ⁂ Il se peut
que
Kagawa soit l’homme le plus réel d’aujourd’hui. Je dirais qu’il est l
134
oit l’homme le plus réel d’aujourd’hui. Je dirais
qu’
il est le plus grand, si la mesure de la grandeur, dans sa vision, n’é
135
vision, n’était pas exclusivement dans la réalité
qu’
un homme incarne. Qui le connaît en France ? Claudel, quelques revues
136
auvreté, s’enfonce dans les slums de Kobé, décide
qu’
il n’aura pas d’habitation plus vaste que celle du plus pauvre habitan
137
, décide qu’il n’aura pas d’habitation plus vaste
que
celle du plus pauvre habitant du quartier, et non content d’y vivre d
138
rois premiers hôtes sont un galeux, un alcoolique
qu’
il nomme la « statue de cuivre » à cause de son immobilité presque tot
139
la tuberculose et une maladie des yeux, il arrive
qu’
il s’effondre pendant ses discours. Il écrit une Psychologie de la pau
140
si à faire reconnaître légalement le syndicalisme
qu’
il a créé, le voilà qui lance une campagne pour la christianisation du
141
symboles qui appartiennent au génie japonais tel
que
Claudel nous l’a décrit, mais auquel le génie chrétien ajoute une dim
142
Littéraire ? Je détiendrais volontiers celui-ci :
que
le roman est un genre protestant. — Et Balzac ? dites-vous, car vous
143
vous démontrer, ce qui n’est pas trop difficile,
que
Dostoïevski et Tolstoï sont plus protestants qu’on ne croit. Le reste
144
que Dostoïevski et Tolstoï sont plus protestants
qu’
on ne croit. Le reste est évident. — Quel reste ? — Les Anglais, les A
145
Constant. Quand on parle du roman, vous ne voyez
que
Balzac et Zola. Je vois aussi le pasteur Sterne, le Goethe des Affini
146
Lawrence, parfaitement. Voyez-vous, je ne dis pas
qu’
ils furent tous des chrétiens. Plusieurs ont même écrit des romans fur
147
— des romans justement comme ne peuvent en écrire
que
des protestants, malgré eux. Quand je dis romanciers protestants, ent
148
ants, entendez romanciers de climats protestants.
Que
faut-il pour faire un roman ? Des caractères, de la vie intérieure, u
149
’apparences. N’est-ce point-là l’image habituelle
que
l’on se fait de nos climats ? Et voici un dernier argument. Prenez un
150
quart de protestants, c’est-à-dire dix fois plus
que
vous n’en attendiez, puisqu’il n’y a qu’un million de réformés en Fra
151
ois plus que vous n’en attendiez, puisqu’il n’y a
qu’
un million de réformés en France. Imaginez la proportion si l’édit de
152
s là le paradoxe. Vous n’ignorez pas plus que moi
que
la plupart des romanciers dont j’allais vous citer les noms n’ont guè
153
ais vous citer les noms n’ont guère de protestant
que
l’origine, et quelques tics de psychologues. Ils sont, comme l’on dit
154
sme » ; « sortis » est bien le mot ! C’est-à-dire
qu’
ils n’ont pas de foi, et qu’est-ce qu’un protestant sans foi ? Dans to
155
le mot ! C’est-à-dire qu’ils n’ont pas de foi, et
qu’
est-ce qu’un protestant sans foi ? Dans toutes leurs œuvres, vous cher
156
’est-à-dire qu’ils n’ont pas de foi, et qu’est-ce
qu’
un protestant sans foi ? Dans toutes leurs œuvres, vous chercheriez en
157
lement chrétien. La Porte étroite ne décrit guère
qu’
une aberration janséniste. Et je ne retrouve le calvinisme véritable q
158
éniste. Et je ne retrouve le calvinisme véritable
que
dans l’Adam et Ève de Ramuz, mais Ramuz accepterait-il une étiquette
159
si compromettante ? À parler franc, je ne connais
qu’
un seul roman moderne authentiquement « réformé ». Un grand roman, je
160
Dixelius. On vient de le traduire du suédois9. ⁂
Qu’
est-ce qu’un roman chrétien ? Une histoire où tout le monde « se condu
161
On vient de le traduire du suédois9. ⁂ Qu’est-ce
qu’
un roman chrétien ? Une histoire où tout le monde « se conduit bien »
162
ardy, par exemple, se devaient de finir aussi mal
que
possible ? Non, car le christianisme se passe dans cette vie ou bien
163
ristianisme. Et l’on serait en droit de prétendre
qu’
un roman pessimiste à la Thomas Hardy a plus de chances d’être chrétie
164
la Thomas Hardy a plus de chances d’être chrétien
qu’
un quelconque happy end soi-disant édifiant s’il est certain que l’Éva
165
ue happy end soi-disant édifiant s’il est certain
que
l’Évangile et ses promesses de salut sont seuls capables de donner à
166
du surnaturel. La grâce n’intervient pas ailleurs
que
dans l’« abîme ». On la pressent d’abord dans l’œuvre d’art à certain
167
ir jamais complaisant à lui-même, car l’aveu même
qu’
on en fait est la preuve qu’on l’a traversé, et qu’on a saisi l’espéra
168
même, car l’aveu même qu’on en fait est la preuve
qu’
on l’a traversé, et qu’on a saisi l’espérance qui le transcende et qui
169
u’on en fait est la preuve qu’on l’a traversé, et
qu’
on a saisi l’espérance qui le transcende et qui le juge. On a dit de S
170
ranscende et qui le juge. On a dit de Sara Alelia
que
c’est un roman de la grâce : oui, mais c’est aussi, et d’abord, un ro
171
mul peccator et justus. Kierkegaard nous rappelle
que
pour aider les hommes, il faut d’abord les trouver là où ils sont. Ai
172
peut-être, je veux dire moins d’apparent lyrisme
que
chez l’auteur de Gösta Berling ; mais une sobriété qui vous saisit le
173
est un des grands pouvoirs des romanciers du Nord
que
d’introduire la durée d’une vie comme protagoniste du drame.) Des fra
174
éalisme, pessimisme. Je vois bien les malentendus
que
font naître ces expressions dans nos esprits encore marqués de préjug
175
éjugés naturalistes. On a voulu nous faire croire
que
la vie quotidienne était le contraire de la poésie, et qu’être réalis
176
e quotidienne était le contraire de la poésie, et
qu’
être réaliste c’était ne rien voir d’autre que le sexe et l’argent dan
177
et qu’être réaliste c’était ne rien voir d’autre
que
le sexe et l’argent dans l’existence humaine. Cette espèce de natural
178
èce de naturalisme est le fruit d’un ressentiment
que
les excès idéalistes expliquent sans le légitimer. L’homme n’est pas
179
est pas un ange, c’est entendu, mais ne dites pas
qu’
il n’est qu’une bête. À la fois ange et bête, voilà sa vérité totale,
180
nge, c’est entendu, mais ne dites pas qu’il n’est
qu’
une bête. À la fois ange et bête, voilà sa vérité totale, c’est-à-dire
181
rave. À chacun sa réalité : elle dépend du regard
qu’
on porte sur le monde. Le regard « objectif » de nos naturalistes appa
182
es folies, l’originalité bouleversante des êtres,
qu’
il s’agisse d’un grand évêque ou de cette fille de ferme « au mince vi
183
les Écritures ; peut-être aussi des saints, mais
qu’
on ignore et qui s’ignorent. Partout et jusque dans les choses, un mys
184
aux yeux de celui qui sait voir, parce que, mieux
que
d’autres, il sait aimer. Et sur ce monde tel qu’il est, sur ces vies
185
que d’autres, il sait aimer. Et sur ce monde tel
qu’
il est, sur ces vies douloureuses, banales ou touchantes, mal engagées
186
mbole d’une miséricorde lumineuse, dont on dirait
qu’
elle est le vrai sujet de ce grand livre. Le silence à peu près généra
187
il est légitime d’en restaurer la mémoire, pourvu
que
l’on n’y cherche pas de vains prétextes à se glorifier d’un passé bie
188
passé bien passé, et dont il resterait à prouver
qu’
on est digne. Le meilleur moyen d’éviter ce danger serait sans doute d
189
rent, et c’est peut-être le seul reproche sérieux
que
je me sente le droit de formuler devant sa monumentale Histoire de la
190
ale Histoire de la Réforme française. Plus encore
que
le premier tome de cet ouvrage (des origines à l’édit de Nantes), le
191
me qui vient de paraître10 témoigne de la volonté
qu’
avait l’auteur de ne décrire que les effets sociaux, politiques et cul
192
gne de la volonté qu’avait l’auteur de ne décrire
que
les effets sociaux, politiques et culturels de la Réforme, sans les r
193
, John Viénot laisse délibérément de côté tout ce
que
l’abbé Bremond appelait l’histoire du sentiment religieux, et il nous
194
nt religieux, et il nous sera permis de souhaiter
que
cette lacune suscite un Bremond protestant, ne fût-ce que pour corrig
195
e lacune suscite un Bremond protestant, ne fût-ce
que
pour corriger les souriantes injustices du catholique à l’endroit de
196
i impartiale, si spectaculaire, pourrait-on dire,
qu’
on ne voit guère en quoi son Histoire se distingue de celle qu’eût pu
197
guère en quoi son Histoire se distingue de celle
qu’
eût pu écrire un savant laïque épris de tolérance, teinté de renanisme
198
es de la liberté de conscience en général, plutôt
que
de la foi. Ceci dit, l’on ne saurait assez louer la science et les sc
199
ments, l’atténuation volontaire des condamnations
qu’
il ne peut s’empêcher de porter parfois, tout cet effort d’impartialit
200
gros volume. Mais aussi, la substance historique
qu’
il nous offre est de celles qui n’ont pas besoin de condiments pour pr
201
lante saveur. Rien de plus excitant pour l’esprit
que
cette lecture, passionnante non seulement à cause du pittoresque viol
202
aits, non seulement à cause des plongées directes
qu’
elle permet d’opérer dans la vie publique et privée du xviie siècle,
203
t moment, le lecteur se voit incité à imaginer ce
qu’
il fut advenu de la France si l’édit avait été observé, s’il n’avait p
204
Ravaillac… Le bel irénisme de Viénot, la réserve
qu’
il observe avec constance dans son récit ne peuvent en somme que donne
205
avec constance dans son récit ne peuvent en somme
que
donner plus de vigueur au langage des faits, cités ici en très grand
206
et propres à modifier considérablement l’opinion
que
nous pouvions avoir du « grand siècle » tel que nous l’ont décrit les
207
n que nous pouvions avoir du « grand siècle » tel
que
nous l’ont décrit les fervents de Louis XIV et certains défenseurs de
208
Romains. Les catholiques patriotes savaient bien
que
la présence à la cour d’un Sully ou d’un Duplessis-Mornay, représenta
209
re personnelle des réformés. Le « grand dessein »
qu’
avait conçu Béthune pouvait faire de la France la première organisatri
210
nisatrice d’une Europe fédéralisée. Mais le virus
qu’
un Mazarin, un Concini ou un Ubaldini (nonce papal) introduisent en Fr
211
ntes. Mais alors cette révocation n’apparaît plus
que
comme un épisode, le plus marquant il est vrai, de toute l’évolution
212
ici risquer un mot sans doute anachronique, mais
que
tout le livre de Viénot nous autorise à prononcer ; c’est le mot de f
213
oncer ; c’est le mot de fascisme. Le parallélisme
qu’
on peut facilement établir entre la « révocation » et les mesures de «
214
d’établir un droit nouveau qui ne soit plus fondé
que
sur la seule volonté du dictateur. Déjà ce mot de Mazarin paraît donn
215
nazi » : Si le roi, disait-il, ne voulait point
qu’
on portât des glands à son collet, il n’en faudrait point porter, parc
216
, parce que ce n’est point tant la chose défendue
que
la défense qui fait le crime. En face de ces prétentions toutes nouv
217
violer les sépultures des religionnaires) : Ceux
que
vous déterrez, dit la requête, ne sont point étrangers. Ce sont Franç
218
nçois, vrais François de nature comme vous, mieux
que
vous d’affection, s’il est vrai que l’humanité est la propre affectio
219
e vous, mieux que vous d’affection, s’il est vrai
que
l’humanité est la propre affection des François… Bon Dieu ! parmi que
220
nçois… Bon Dieu ! parmi quels tigres vivons-nous…
qu’
une cour de Parlement se licencie ainsi contre le droit naturel, contr
221
n’est-il pas significatif de la nature du danger
qu’
on courait ? La conclusion de cette requête mérite d’ailleurs d’être c
222
sa seule beauté : Lequel nous vaudra donc mieux,
qu’
un loup dévore notre charogne ou que des citoyens en repaissent leurs
223
a donc mieux, qu’un loup dévore notre charogne ou
que
des citoyens en repaissent leurs yeux et contentent leur rage ? Certe
224
eur rage ? Certes, ni l’un ni l’autre n’empêchera
qu’
en ces mêmes os, en cette même chair, nous ne voyions notre Rédempteur
225
l’on ressort de cette lecture plus édifié encore
que
révolté. Mais ce n’est pas peu dire. 10. Histoire de la Réforme fr
226
ble, la position de cette question plutôt gênante
qu’
est son œuvre en plein cœur de nos ratiocinations de clercs retraités
227
? Mais le plus curieux de l’affaire, n’est-ce pas
que
Kierkegaard nous soit présenté aujourd’hui par des philosophes laïque
228
fait revivre notre pensée évangélique ? Et voici
que
cette conjonction du poète philosophe et du théologien projette une v
229
ériode de la pensée kierkegaardienne. La question
que
pose cette œuvre, c’est celle de la foi, dans l’absolu. Ce n’est pas
230
i, dans l’absolu. Ce n’est pas encore la question
que
Kierkegaard adressera plus tard à la chrétienté de son temps : la foi
231
rd à la chrétienté de son temps : la foi étant ce
que
j’ai dit – le paradoxe le plus inouï – avez-vous cette foi, êtes-vous
232
rd se débat encore avec lui-même. A-t-il la foi ?
Qu’
est-ce que la foi ? Hegel, dont la philosophie obsède à ce moment l’es
233
t encore avec lui-même. A-t-il la foi ? Qu’est-ce
que
la foi ? Hegel, dont la philosophie obsède à ce moment l’esprit de Ki
234
tement. Il réduit tout au général. Mais la Bible,
que
nous dit-elle ? Elle ne fait pas une théorie, elle répond par l’exemp
235
’Abraham. Et c’est à la méditation de cet exemple
que
Kierkegaard va consacrer son livre. Abraham, le « père des croyants »
236
mettre un meurtre, et c’est parce qu’il l’accepte
qu’
on l’appellera le père des croyants ? L’individu serait-il au-dessus d
237
seconde fois ; on ne voit, dans toute l’histoire,
qu’
une épreuve. Une épreuve : c’est beaucoup dire, et peu de chose ; et c
238
ose ; et cependant la chose est aussi vite passée
que
dite. On enfourche Pégase, en un clin d’œil on est à Morija, on voit
239
à Morija, on voit aussitôt le bélier ; on oublie
qu’
Abraham fit le chemin lentement, au pas de son âne, qu’il eut trois jo
240
raham fit le chemin lentement, au pas de son âne,
qu’
il eut trois jours de voyage et qu’il lui fallut un peu de temps pour
241
as de son âne, qu’il eut trois jours de voyage et
qu’
il lui fallut un peu de temps pour fendre le bois, lier Isaac et aigui
242
un personnage insignifiant » et le comique c’est
qu’
on persiste à l’offrir en exemple aux chrétiens ! Mais la grandeur d’A
243
, sa signification démesurée et impensable, c’est
qu’
il reçut Isaac en récompense d’un acte « fou » et revint avec lui dans
244
: j’ai cette foi-là ? La réflexion philosophique
que
Kierkegaard enchaîne à l’exemple d’Abraham est admirablement analysée
245
abyssale » de cette œuvre. Personne n’a fait plus
que
Jean Wahl pour faire connaître à l’élite française la pensée de Søren
246
la pensée protestante saura mesurer la valeur. ⁂
Qu’
est-ce que la foi ? demandait Kierkegaard dans Crainte et Tremblement.
247
protestante saura mesurer la valeur. ⁂ Qu’est-ce
que
la foi ? demandait Kierkegaard dans Crainte et Tremblement. Qu’est-ce
248
emandait Kierkegaard dans Crainte et Tremblement.
Qu’
est-ce que la vie chrétienne ? demande Karl Barth dans Culte raisonnab
249
ierkegaard dans Crainte et Tremblement. Qu’est-ce
que
la vie chrétienne ? demande Karl Barth dans Culte raisonnable dont le
250
illusoire ou évasive. Elle consiste d’abord en ce
que
le chrétien se reconnaît de plus en plus pécheur, de plus en plus liv
251
int et agréable » à Dieu. Point n’est nécessaire
qu’
il vous pousse des ailes ni que vous soyez transformés en quelque esse
252
t n’est nécessaire qu’il vous pousse des ailes ni
que
vous soyez transformés en quelque essence radieuse et esthétique. La
253
de la vie. C’est toute profane et banale, la vie
que
chacun doit vivre à sa place, et dans sa situation. Mais en quoi le
254
nguera-t-il donc de l’incroyant ? En rien d’autre
qu’
en ceci : qu’il est appelé à rendre témoignage « d’une part contre la
255
onc de l’incroyant ? En rien d’autre qu’en ceci :
qu’
il est appelé à rendre témoignage « d’une part contre la forme du sièc
256
s le monde et soumis à ses lois, sachant pourtant
qu’
il n’appartient plus à sa forme, mais à sa transformation. Et voici qu
257
us à sa forme, mais à sa transformation. Et voici
que
nous rejoignons l’idée centrale de Crainte et Tremblement. Qu’est-ce,
258
ignons l’idée centrale de Crainte et Tremblement.
Qu’
est-ce, en effet, que le « chevalier de la foi », sinon celui qui vit
259
e de Crainte et Tremblement. Qu’est-ce, en effet,
que
le « chevalier de la foi », sinon celui qui vit pleinement cette vie,
260
La même façon de considérer l’homme à la fois tel
qu’
il est devant Dieu, hic et nunc, et tel qu’il est revendiqué par Dieu
261
is tel qu’il est devant Dieu, hic et nunc, et tel
qu’
il est revendiqué par Dieu à la limite de ses possibilités, là où para
262
s. Car c’est à chaque instant de la vie de la foi
que
se posent les questions dernières. Mais cette vision de l’homme sans
263
nneurs, comme des êtres orientés vers autre chose
qu’
eux-mêmes ? « Quand ils posent des questions, c’est qu’eux-mêmes sont
264
x-mêmes ? « Quand ils posent des questions, c’est
qu’
eux-mêmes sont mis en question. Quand ils cherchent, c’est qu’eux-même
265
sont mis en question. Quand ils cherchent, c’est
qu’
eux-mêmes sont cherchés et trouvés ». Ainsi parle Édouard Thurneysen d
266
ïevski ou les confins de l’homme. Le grand succès
qu’
a remporté ce petit livre en Allemagne mérite d’être confirmé par notr
267
au cœur d’une œuvre entre toutes complexe. C’est
que
, plus nettement encore que Berdiaev dans L’Esprit de Dostoïevski, le
268
toutes complexe. C’est que, plus nettement encore
que
Berdiaev dans L’Esprit de Dostoïevski, le professeur de Bâle a su l’e
269
vée de sens, ou seulement chaotique, morbide. Ce
que
nous avons cherché dans Dostoïevski, c’est la réponse à cette questio
270
Dostoïevski, c’est la réponse à cette question :
qu’
est-ce qu’un homme ? Et cette réponse, il nous l’a donnée en nous déco
271
ki, c’est la réponse à cette question : qu’est-ce
qu’
un homme ? Et cette réponse, il nous l’a donnée en nous découvrant que
272
te réponse, il nous l’a donnée en nous découvrant
que
l’homme n’est lui-même qu’une seule et grande question, la question d
273
née en nous découvrant que l’homme n’est lui-même
qu’
une seule et grande question, la question de l’origine de sa vie, la q
274
béante le problème de leur existence, ce problème
qu’
ils ne peuvent résoudre jusqu’à ce que, dans leur maladie justement, p
275
ce problème qu’ils ne peuvent résoudre jusqu’à ce
que
, dans leur maladie justement, percevant leur question dernière, ils d
276
uérison. Ces phrases résument fort bien la thèse
que
Thurneysen soutient avec une passion convaincante. De divers côtés l’
277
er, à propos d’une de mes récentes chroniques, ce
qu’
il fallait entendre par le protestantisme de Dostoïevski. Je ne saurai
278
isme de Dostoïevski. Je ne saurais mieux répondre
qu’
en renvoyant au livre de M. Thurneysen. La conception « dialectique »
279
mique : la Réforme se voit assimilée au « fays ce
que
vouldras » des Renaissants. Les protestants sont-ils trop maigres ou
280
présentants ! Or, cette espèce est plus nombreuse
qu’
on ne pense. Que sait-on de Calvin dans notre grand public, sinon qu’i
281
, cette espèce est plus nombreuse qu’on ne pense.
Que
sait-on de Calvin dans notre grand public, sinon qu’il avait les joue
282
sait-on de Calvin dans notre grand public, sinon
qu’
il avait les joues creuses, une barbiche pointue et un profil coupant
283
pas assez pour juger son système ? Ne sait-on pas
que
les gros hommes sont toujours les plus populaires ? Comment se dire c
284
ction fondamentale pour toute la pensée réformée.
Qu’
est-ce qu’un témoin ? C’est un homme qui n’est pas l’inventeur de son
285
amentale pour toute la pensée réformée. Qu’est-ce
qu’
un témoin ? C’est un homme qui n’est pas l’inventeur de son message, m
286
, remonter à cette origine permanente de l’Église
qu’
est la révélation évangélique. Le calvinisme ou le luthérisme, ce sont
287
thérisme, ce sont bien moins des normes de pensée
que
des chemins vers l’Évangile. L’Évangile seul, éclairé par l’Esprit, r
288
ciel noir désigne le Sauveur en croix : « Il faut
qu’
il croisse et que je diminue. » C’est donc sous l’angle de leur vocati
289
le Sauveur en croix : « Il faut qu’il croisse et
que
je diminue. » C’est donc sous l’angle de leur vocation particulière,
290
ur vocation particulière, et sous cet angle seul,
qu’
il nous devient loisible de parler de ces hommes sans tomber dans l’ex
291
umaines et littéraires ; mais ce qui importe plus
que
tout, c’est d’indiquer d’abord la « clé » qui donne leur exacte valeu
292
ons sur ce thème. Et cette clé, c’est la vocation
que
Jean Calvin reçut de réformer l’Église. Tout ceci est fort bien expo
293
e Schmidt dans son introduction aux Trois traités
que
l’on vient de rééditer12. Le grand mérite de cette introduction, c’es
294
r12. Le grand mérite de cette introduction, c’est
qu’
elle nous ouvre, en une quinzaine de pages, les principales perspectiv
295
s de « l’univers » calvinien. Il faut bien avouer
que
les commentateurs nous avaient donné jusqu’ici une image assez étriqu
296
scandalisent à grand bruit, « non tant pour haine
qu’
ils portent aux scandales que pour nuire à l’Évangile et le diffamer c
297
non tant pour haine qu’ils portent aux scandales
que
pour nuire à l’Évangile et le diffamer comment que ce soit ». Il y a
298
ue pour nuire à l’Évangile et le diffamer comment
que
ce soit ». Il y a ceux pour lesquels les dogmes sont autant d’occasio
299
sont autant d’occasions de chopper : Quant à ce
que
la Prédestination est comme une mer de scandales, d’où vient cela sin
300
e royaume mondain ». À ceux-là, Calvin rappellera
que
notre condition chrétienne est celle du conflit dialectique : L’Égli
301
de batailler continuellement sous la croix, tant
qu’
elle aura à cheminer en ce monde. Voici enfin les « libertins », ceux
302
en ce monde. Voici enfin les « libertins », ceux
que
nous appelons libéraux qui « gazouillent » à tort et à travers et se
303
e Renaissance. Mais toutes les richesses de style
que
produisit ce siècle bouillonnant ont passé dans l’attaque de Calvin :
304
nt l’exemple n’est pas l’un des plus négligeables
que
comportent les Trois traités, M. Schmidt nous propose quelques défini
305
énie littéraire de Calvin, ne doit jamais omettre
que
celui-ci se considérait comme ministre du Verbe divin. Prêcher l’Évan
306
a dissolution voluptueuse du xixe . Il m’apparaît
que
le style d’un Calvin peut nous être un puissant roboratif. Et ceci po
307
n ne confère au langage une aussi poignante vertu
que
cette conscience d’une mission à remplir et d’un dialogue à soutenir
308
evenir vers les chefs pour apprendre à nouveau ce
que
parler veut dire. Ensuite, n’oublions pas que la plupart des écrits f
309
ce que parler veut dire. Ensuite, n’oublions pas
que
la plupart des écrits français de Calvin — c’est le cas de ces Trois
310
elle s’oppose donc à toute mystique qui ne serait
qu’
une fuite hors du monde, comme à toute action en révolte contre l’ordr
311
mites charnelles et temporelles ». C’est aussi ce
que
dit l’Évangile, où il n’est pas question de mysticisme. Ceci marqué,
312
question de mysticisme. Ceci marqué, qui est plus
qu’
une réserve, il convient de remercier M. Chuzeville de nous avoir ouve
313
ction ferme et coulante. La plupart des mystiques
que
M. Chuzeville nous révèle sont inconnus du public français, Novalis e
314
encore si mal connu chez nous. Il est grand temps
que
nous rendions hommage à ce ver sacrum de l’esprit germanique. Il est
315
sacrum de l’esprit germanique. Il est grand temps
que
nous relevions ces titres de noblesse spirituelle momentanément mépri
316
iers directs. Et cela vaudrait mieux, à coup sûr,
que
de rééditer des calomnies usées sur un Luther qu’on n’a jamais lu ; l
317
que de rééditer des calomnies usées sur un Luther
qu’
on n’a jamais lu ; l’introduction de cette anthologie contient, à cet
318
une œuvre aussi exceptionnelle par ses dimensions
que
par son style. M. Wilfred Monod est actuellement le représentant le p
319
’en prendre aux réformés, ne trouva rien de mieux
que
d’écrire un pamphlet contre la race des Monod, les traditions, l’espr
320
prit et l’idéologie de cette « tribu ». Il semble
que
l’auteur du Problème du Bien 13 se soit fait un glorieux devoir, et p
321
es plus vilipendées par ce furieux censeur païen.
Qu’
il suffise de rappeler que le nom de Wilfred Monod évoque immédiatemen
322
furieux censeur païen. Qu’il suffise de rappeler
que
le nom de Wilfred Monod évoque immédiatement, dans l’esprit de tout p
323
gure sans aucun doute le document le plus complet
que
le modernisme protestant aura livré sur son époque. Mais il marque en
324
s peuvent douter de leur croyance à cause du mal,
que
des incroyants apprennent à douter de leur incroyance, à cause du Bie
325
eux, se brise contre le problème du Mal ». Notons
que
cette position du problème, ce double front contre l’athéisme et cont
326
es par le recours à une piété plus libre. On sait
que
pour l’école de Barth, tout au contraire, le rôle de la théologie ser
327
des intrusions de philosophies passagères quelles
qu’
elles soient. Pour Barth, c’est Dieu qui met l’homme en question. M. M
328
pparaît absolue. Mais l’une des grandes surprises
que
nous réserve le Problème du Bien, c’est qu’au moyen d’une méthode « l
329
rises que nous réserve le Problème du Bien, c’est
qu’
au moyen d’une méthode « libérale » et partant d’un point de vue « lib
330
et partant d’un point de vue « libéral » — encore
que
l’auteur s’en défende, l’adjectif ayant pris peu à peu une significat
331
ication ecclésiastique plus précise et restreinte
que
celle que je lui donne ici — M. Monod rejoint souvent des conclusions
332
clésiastique plus précise et restreinte que celle
que
je lui donne ici — M. Monod rejoint souvent des conclusions théologiq
333
onod rejoint souvent des conclusions théologiques
que
Barth ne saurait renier. Cette convergence paradoxale et imprévue n’e
334
de son expérience intérieure. Après avoir montré
que
cette expérience diffère de tout processus psychique, il précise : l’
335
ience religieuse ne devient proprement chrétienne
qu’
en tant qu’elle reconnaît que son objet, c’est Dieu le Père, révélé pa
336
roprement chrétienne qu’en tant qu’elle reconnaît
que
son objet, c’est Dieu le Père, révélé par le Fils, et non ce Dieu omn
337
i l’auteur : voilà la thèse capitale du livre. Ce
que
nous montre la Nature, c’est bien plutôt l’action d’un « démiurge » s
338
toute la tradition chrétienne pour avoir affirmé
que
le monde est l’œuvre d’un esprit mauvais, d’un démiourgos que le Chri
339
est l’œuvre d’un esprit mauvais, d’un démiourgos
que
le Christ, fils de Dieu, est venu pour combattre et pour vaincre ? M.
340
e. Jésus, dit-il, « n’est pas venu nous enseigner
que
l’univers a un créateur. Il a, au contraire, déboulonné l’idole effro
341
idole effroyable du Tout-Puissant ; il a enseigné
que
le vrai Dieu s’incarnait dans un crucifié vaincu ». Par une espèce de
342
est un X qui ne se révèle à l’homme comme le Père
que
par son incarnation dans le Fils, reconnue grâce au Saint-Esprit. Lai
343
apital de cette vision totalitaire du réel, c’est
qu’
elle replace l’homme dans la perspective cosmique dont un maigre intel
344
l’émouvant souci. À cet égard, on peut bien dire
que
M. Monod revient de loin. Les Soliloques dans la nuit, fragments d’un
345
s bien que la jeunesse d’aujourd’hui ne voie plus
qu’
une fièvre morbide. Mais la forme excessivement libre de cet ouvrage l
346
n souvent, on y apprend beaucoup. On craint aussi
qu’
à la faveur de tant de richesses disparates, le sérieux proprement thé
347
rs trop plaisants. Je dirai, pastichant M. Monod,
que
ces ébauches suggestives ne vont pas sans quelque débauche intellectu
348
ns quelque débauche intellectuelle. Et je redoute
que
certains fidèles ne soient gênés, comme je le suis, par l’affirmation
349
ênés, comme je le suis, par l’affirmation répétée
que
l’auteur « écrit à genoux ». Au sous-titre du Problème du Bien, j’app
350
sa thèse théologique, je me contente de suggérer
qu’
on l’admettrait plus aisément si l’auteur ne cherchait à l’imposer par
351
Luther contre Érasme (19 juin 1937)q r
Que
sait-on de Luther en France ? Qu’il rompu l’unité de l’Église. Mais d
352
uin 1937)q r Que sait-on de Luther en France ?
Qu’
il rompu l’unité de l’Église. Mais dans quelles circonstances ? Poussé
353
r. Or, il se trouve, et c’est presque incroyable,
que
, depuis quatre siècles qu’elles ont été écrites, on n’en a pas tradui
354
st presque incroyable, que, depuis quatre siècles
qu’
elles ont été écrites, on n’en a pas traduit une seule en France ! Que
355
est accessible d’une œuvre dont on sait pourtant
qu’
elle a changé plus qu’aucune autre les destinées de l’Occident. (Je ne
356
œuvre dont on sait pourtant qu’elle a changé plus
qu’
aucune autre les destinées de l’Occident. (Je ne fais là, bien entendu
357
nées de l’Occident. (Je ne fais là, bien entendu,
qu’
une constatation historique.) Remercions donc le courageux éditeur qui
358
hérienne, le Traité du serf arbitre 14. Ne fût-ce
que
sur le plan de la culture générale, une telle publication est appelée
359
le du procès : l’acte d’accusation du clerc actif
qu’
était Luther, contre le clerc « désintéressé » que croyait pouvoir êtr
360
qu’était Luther, contre le clerc « désintéressé »
que
croyait pouvoir être Érasme. Elle nous permet de connaître l’une des
361
r », celui d’Érasme, nous est suffisamment connu.
Qu’
on se reporte en particulier à la brillante biographie de Stefan Zweig
362
oute l’œuvre récente du parfait disciple d’Érasme
que
se trouve être M. Benda. Érasme dit le vrai, puis se lave les mains,
363
les conséquences de sa vérité : il souhaite même
qu’
il n’y en ait pas. Et tous les prudents d’applaudir, non sans apparenc
364
imes au nom de la vérité ! On s’en est plus servi
qu’
on ne l’a servie… L’intervention de Luther en personne va-t-elle chang
365
n’a mieux incarné la volonté de pensée militante
que
ce petit moine qui, à Worms, osa dresser contre l’opportunisme impéri
366
xible, l’urgente exigence de la vérité en action.
Que
trouvera le lecteur profane, et peu au fait de la problématique chrét
367
libre arbitre religieux, c’est-à-dire du pouvoir
qu’
aurait l’homme de gagner le salut par ses propres efforts de volonté,
368
otons seulement, pour écarter le pire malentendu,
que
Luther ne nie pas du tout la réalité de notre volonté. Il nie seuleme
369
out la réalité de notre volonté. Il nie seulement
que
cette volonté puisse s’appliquer librement aux choses qui concernent
370
notre nature, et comme telle, ne désire vraiment
que
le péché. La liberté n’est pas dans l’homme, mais dans l’acte par leq
371
ation simultanée de ses deux termes. Et l’on sait
que
Nietzsche lui-même aboutit à un paradoxe tout semblable à celui de Lu
372
ssaie d’en tirer de la vie. Mais ne serait-ce pas
que
l’on ne sait plus créer de la vie ? On s’efforce de la décrire, ou pi
373
étrangement dépourvu de ce pouvoir « fabulateur »
qu’
il était censé détenir. (Déjà M. Weidlé, dans ses Abeilles d’Aristée,
374
op souvent, il faut le dire, à tenir pour vrai ce
que
l’on juge le plus bas. Ainsi l’on en vient peu à peu, par désir de se
375
désir de se montrer original, à tenir pour acquis
que
les « vertus » sont de ces illusions qui ne résistent pas à l’analyse
376
es illusions qui ne résistent pas à l’analyse, et
qu’
un auteur sincère se doit de démasquer. Tout se ramènerait à la physio
377
ysiologie, ou à l’argent. Il ne fallait pas moins
que
le génie plein de malices d’une Lagerlöf pour renverser d’un coup cet
378
nciers du xxe siècle. Selma Lagerlöf sait encore
que
l’origine de tout l’art du récit, c’est la légende. Une atmosphère d’
379
la légende. Une atmosphère d’enfance retrouvée —
qu’
on lise les souvenirs qui composent Morbacka 16 — voilà le milieu-mère
380
ignes. (Mais, seule, la naïveté moderne se figure
qu’
une légende doit être crue, comme on croit les journaux, par exemple,
381
vrai « miracle », ici, c’est le parti romanesque
que
Selma Lagerlöf a su tirer du mythe. Et c’est aussi la profusion génia
382
crète des héros. L’on prie de croire, d’ailleurs,
que
ces héros sont bien assez complexes pour notre goût moderne ! Et que
383
bien assez complexes pour notre goût moderne ! Et
que
l’« analyse des motifs » est ici d’une fort malicieuse lucidité. Mais
384
aire et de l’imagerie sentimentale et romanesque,
qu’
on croyait épuisées depuis les Victoriens, retrouvent ici leur grâce e
385
une euphorie de l’imagination dont nous pensions
que
le secret s’était perdu avec l’enfance. Comme on sent que l’auteur s’
386
ecret s’était perdu avec l’enfance. Comme on sent
que
l’auteur s’amuse de sa maîtrise : Lagerlöf, ou la gloire de conter !
387
ordique). C’est à l’avant-dernière page seulement
que
le sens profond de l’œuvre entière est formulé : « Celui qui veut êtr
388
les autres ». À ce moment aussi, l’on s’aperçoit
que
la fatalité de la légende a bel et bien dominé tous ces êtres, malgré
389
imerais citer ici une seule de ces « situations »
que
Lagerlöf noue et dénoue dans chaque chapitre avec une prodigalité vra
390
arlotte Löwensköld. En la quittant, il lui a crié
qu’
il n’épouserait qu’une femme que Dieu lui aurait désignée. La première
391
En la quittant, il lui a crié qu’il n’épouserait
qu’
une femme que Dieu lui aurait désignée. La première qu’il croisera en
392
nt, il lui a crié qu’il n’épouserait qu’une femme
que
Dieu lui aurait désignée. La première qu’il croisera en allant au vil
393
e femme que Dieu lui aurait désignée. La première
qu’
il croisera en allant au village, si elle n’est pas mariée, deviendra
394
viendra sa compagne. Il sort. Il s’en faut de peu
qu’
il ne rencontre dès les premiers pas une vieille mendiante sourde. Une
395
rons, mais cela ne compte pas, car il est entendu
que
la femme désignée par Dieu doit venir à sa rencontre. Un peu plus loi
396
j’étais une bête curieuse, dit-elle. On croirait
que
tu as rencontré un ours ! » C’est Anna Svärd, la femme que Dieu lui e
397
rencontré un ours ! » C’est Anna Svärd, la femme
que
Dieu lui envoie, qu’il épousera envers et contre tous. Elle ne sait n
398
» C’est Anna Svärd, la femme que Dieu lui envoie,
qu’
il épousera envers et contre tous. Elle ne sait ni lire ni écrire. On
399
Selma Lagerlöf. L’invention romanesque n’est ici
que
la « mise en pratique » d’une attitude spirituelle extrême. La phrase
400
par le héros, sans nulle invraisemblance, il faut
que
ce héros soit un croyant d’une certaine trempe. Derrière Karl-Artur,
401
e de la poésie ! Et le spectacle le plus émouvant
que
nous donne cette œuvre admirable, c’est celui du travail de la foi da
402
ail de la foi dans la réalité totale d’un peuple,
qu’
elle trouble, assemble, juge et sauve. ⁂ Rien de plus passionnant, pou
403
ssionnant, pour qui vient de lire les Löwensköld,
que
de retrouver dans les souvenirs publiés sous le titre de Morbacka les
404
nts historiques, décors, personnages et coutumes,
que
les romans mettront en œuvre : il n’y manque rien que le rythme, c’es
405
les romans mettront en œuvre : il n’y manque rien
que
le rythme, c’est-à-dire la part libre du génie, de l’imagination fabu
406
génie, de l’imagination fabulatrice. Et c’est là
que
je vois le très grand intérêt de ces souvenirs — dont le charme, d’ai
407
uteur du triptyque des Löwensköld. Il faut avouer
que
le milieu où Selma Lagerlöf a grandi paraît favoriser plus qu’aucun a
408
où Selma Lagerlöf a grandi paraît favoriser plus
qu’
aucun autre le déploiement des pouvoirs de la fable. Ces presbytères c
409
uvoirs de la fable. Ces presbytères campagnards —
que
de pasteurs dans la famille des romanciers du Nord ! — environnés de
410
me. Étranger, M. Denis de Rougemont connaît mieux
que
beaucoup de Français notre province : il a séjourné de longs mois en
411
licieusement quand je lui parle du petit scandale
que
risque de provoquer son dernier livre : n’y affirme-t-il pas, avec pr
412
e : n’y affirme-t-il pas, avec preuves à l’appui,
que
Tristan et Iseut, les amants légendaires, les héros de la passion, ne
413
ents pendant leur première rencontre, ne s’aiment
qu’
après avoir bu le philtre, ne peuvent plus se supporter au bout de tro
414
, l’autre Iseut, ne reconnaissent plus leur amour
qu’
à l’heure où la mort le défigure déjà… tout cela est rempli de bizarre
415
coup réfléchi avant d’arriver à cette conviction,
que
je suis prêt à défendre : ce que Tristan et Iseut aiment, c’est le fa
416
ette conviction, que je suis prêt à défendre : ce
que
Tristan et Iseut aiment, c’est le fait d’aimer. Jamais Tristan ne dit
417
st le fait d’aimer. Jamais Tristan ne dit à Iseut
qu’
il l’aime, il se borne à répéter : « Amor par force me demeisne ». C’e
418
t la passion-catastrophe, qui ne peut se résoudre
que
dans la mort, et inspirera tout le romantisme. Mais elle inspire d’ab
419
» des troubadours. Cet amour courtois ne fleurit
que
parmi les obstacles, exclut toute idée de progéniture, de famille ; i
420
is est directement issu du catharisme. Vous savez
que
l’hérésie cathare, que la croisade contre les albigeois réprima sans
421
du catharisme. Vous savez que l’hérésie cathare,
que
la croisade contre les albigeois réprima sans l’anéantir, eut des mil
422
, chasteté et mépris de la chair, goût de la mort
que
l’on préfère aux biens de ce monde, profusion de symboles… Nous retro
423
boles… Nous retrouvons la religion cathare, telle
que
les procès de l’Inquisition permettent de la connaître, tous les thèm
424
une théorie aussi originale. D’ailleurs, on sait
que
les troubadours n’allaient que chez les seigneurs cathares, fort nomb
425
’ailleurs, on sait que les troubadours n’allaient
que
chez les seigneurs cathares, fort nombreux, et qui adoptaient cette h
426
cette hérésie avec d’autant plus d’enthousiasme
qu’
ils étaient souvent jaloux de l’autorité temporelle exercée par le cle
427
identale, n’a surgi dans la littérature orientale
que
tout dernièrement, à la suite du christianisme. J’avoue que votre dém
428
ernièrement, à la suite du christianisme. J’avoue
que
votre démonstration me paraît convaincante. Mais comment cette interp
429
iennes. Or j’ai été frappé par le goût de la mort
que
l’on retrouve à la fois dans le catharisme, dans Tristan et Iseut et
430
chez les lyriques courtois, goût qui n’est autre
que
l’instinct de la mort tel que Freud l’a analysé. À une époque où le s
431
oût qui n’est autre que l’instinct de la mort tel
que
Freud l’a analysé. À une époque où le statut du mariage se modifie pr
432
t du mariage se modifie profondément, croyez-vous
que
ce fameux triangle, qui suppose en définitive le mariage, puisse enco
433
re ? Denis de Rougemont réfléchit : Non, je crois
que
nous sommes à une époque de transition, que ce mythe risque de dispar
434
crois que nous sommes à une époque de transition,
que
ce mythe risque de disparaître. Mais c’est encore lui qui pèse sur to
435
lui-même. Nous aspirons donc à connaître cet état
que
, comme Tristan et peut-être inconsciemment, nous préférons à l’être a
436
leur apparaît comme la seule évasion. Croyez-vous
que
cela puisse embellir, faciliter la vie commune ? Certes, non. Mais au
437
iquent encore le problème du mariage. Croyez-vous
que
les problèmes de la vie sentimentale et sexuelle puissent trouver une
438
oi, répond Denis de Rougemont, il ne peut y avoir
qu’
une solution : le mariage chrétien, mais présenté d’une manière nouvel
439
ais présenté d’une manière nouvelle. C’est-à-dire
qu’
au lieu d’en faire un acte raisonnable, il faut le montrer tel qu’il e
440
faire un acte raisonnable, il faut le montrer tel
qu’
il est en réalité : l’aventure la plus difficile. Si vous ne fondez pa
441
vée en vertu de l’absurde. Elle est aussi absurde
que
la passion, mais s’en distingue par un refus constant de subir ses rê
442
Mais je l’ai un peu délaissé au profit d’un drame
que
j’écris pour l’Exposition de Zurich. Je veux mettre en scène un héros
443
e mortifia, jeûnant complètement. Mais, apprenant
que
la guerre civile menaçait, il quitta sa grotte, et rétablit la paix p
444
ène aura trente mètres de large, et trois étages,
qu’
il faut ne jamais laisser vides. J’écris des phrases très courtes, un
445
end pas avec une certaine curiosité les réactions
que
vont susciter certaines de ses théories un peu révolutionnaires. Il s
446
n’attache pas une grande importance aux querelles
que
pourraient me chercher les savants. Ce qui me touche, c’est que mon l
447
me chercher les savants. Ce qui me touche, c’est
que
mon livre, paru il y a huit jours, m’a déjà valu de nombreuses lettre
448
emmes qui se trouvaient mal mariés. Ils me disent
que
mon livre les aide à comprendre la cause de leur désarroi, qu’ils sav
449
les aide à comprendre la cause de leur désarroi,
qu’
ils savent mieux maintenant comment ils pourraient se rapprocher. Si j
450
our et l’Occident et dans laquelle il démontrait
que
l’idée de passion amoureuse trouvait ses origines dans la poésie cath
451
on œuvre, cette œuvre dont tout le monde parle et
que
peu de gens ont lue. Pas plus savant qu’un autre mais beaucoup plus p
452
parle et que peu de gens ont lue. Pas plus savant
qu’
un autre mais beaucoup plus prudent, j’ai demandé à Denis de Rougemont
453
ommenter librement et, au besoin, de rectifier ce
que
je me proposais d’écrire sur lui. Voici ce qu’a donné cette entrevue.
454
ce que je me proposais d’écrire sur lui. Voici ce
qu’
a donné cette entrevue. Né en 1906 à Neuchâtel, Denis de Rougemont est
455
ouvre la bouche, de s’exprimer en français plutôt
qu’
en miaulant ou en barrissant. Je suis un écrivain français, un point c
456
l’on veut absolument coller une étiquette, disons
que
je suis un essayiste, espèce d’écrivain de plus en plus répandue de n
457
uieu, Pascal étaient des essayistes. Ce n’est pas
que
je veuille me comparer à eux, mais la forme est la même : un mélange
458
: L’Ordre nouveau et Esprit. C’est à cette époque
qu’
il élabore une doctrine humaniste… Humaniste ? Je n’aime guère ce term
459
ce. C’est d’ailleurs dans cette notion de l’homme
que
je place le point d’insertion de Dieu. Je suis tout à fait opposé aux
460
en Allemagne en me disant : « Vous qui pensez pis
que
pendre de notre régime, allez donc l’observer de plus près. » J’accep
461
ndition, celle d’écrire en rentrant exactement ce
que
je pensais du nazisme. J’en ai effectivement pensé et dit beaucoup de
462
e de Hitler dans Paris. Les Allemands demandèrent
que
je sois puni et j’ai reçu quinze jours de prison militaire sous le pr
463
quinze jours de prison militaire sous le prétexte
qu’
un officier neutre n’a pas le droit d’outrager un chef d’État étranger
464
iera avec plusieurs écrivains français. On décida
que
je serais moins gênant en Amérique qu’en Europe. À New York, je rédig
465
On décida que je serais moins gênant en Amérique
qu’
en Europe. À New York, je rédigeais les émissions en français de « La
466
de même pour chaque nation dans l’Europe fédérée
que
je préconise et qui n’est que la transposition à une échelle géante d
467
ns l’Europe fédérée que je préconise et qui n’est
que
la transposition à une échelle géante de la Confédération helvétique.
468
éens solidaires, ce qui représente presque autant
que
les populations des États-Unis et de l’URSS réunies. Comprenez-moi do
469
e ombre au tableau. Je viens en effet d’apprendre
que
je me suis trouvé opposé à Eugène Ionesco qui est un ami très cher et
470
, en confondant le Centre européen de la culture,
que
Rougemont fonda et dirigea à Genève à partir de 1950, et le Congrès p
471
ont s’engagea en parallèle, mais dont il ne fut «
que
» le président du comité exécutif, de 1951 à 1966.
472
siècle a vu la civilisation — qui ne saurait être
que
la nôtre, quand on en parle au singulier — étendre à toute la terre s
473
ue tous, Européens. Loin de s’émerveiller du fait
que
le génie européen rayonne sur le monde entier, ils préfèrent nous par
474
Nous autres civilisations, nous savons maintenant
que
nous sommes mortelles. Et il ajoutait : Elam, Ninive, Babylone éta
475
mondes avait aussi peu de signification pour nous
que
leur existence même. Mais France, Angleterre, Russie, ce seraient aus
476
aussi est un beau nom. Et nous voyons maintenant
que
l’abîme de l’Histoire est assez grand pour tout le monde. Nous senton
477
est assez grand pour tout le monde. Nous sentons
qu’
une civilisation a la même fragilité qu’une vie. Les circonstances qui
478
s sentons qu’une civilisation a la même fragilité
qu’
une vie. Les circonstances qui enverraient les œuvres de Keats et cell
479
et je sais peu de phrases plus fréquemment citées
que
celle qui annonce en somme que toutes les civilisations étant mortell
480
fréquemment citées que celle qui annonce en somme
que
toutes les civilisations étant mortelles, la nôtre aussi pourrait pér
481
périr, va donc probablement périr. Pour émouvante
qu’
elle soit, elle exprime, à mon sens, l’une des erreurs les plus célèbr
482
ent expliquer son succès ? Observons tout d’abord
qu’
elle résume et condense une assez longue tradition de pessimisme europ
483
ès les mêmes noms pour illustrer le même argument
que
Valéry : Que sont devenues tant de brillantes créations de la main d
484
oms pour illustrer le même argument que Valéry :
Que
sont devenues tant de brillantes créations de la main de l’homme ? Où
485
nt le théâtre de tant de splendeur, et je n’ai vu
qu’
abandon et que solitude… Qui sait si sur les rivages de la Seine, de l
486
de tant de splendeur, et je n’ai vu qu’abandon et
que
solitude… Qui sait si sur les rivages de la Seine, de la Tamise ou du
487
ine d’armées plus tard, Hegel introduisait l’idée
que
chaque peuple est « un individu dans la marche de l’histoire » et qu’
488
t « un individu dans la marche de l’histoire » et
qu’
il obéit donc, comme tout individu, à une loi de croissance, d’épanoui
489
ment et de déclin fatal. Hegel pensait d’ailleurs
que
la civilisation européenne marquait l’aboutissement suprême de l’Hist
490
lectique aux civilisations, on en venait à penser
que
chacune d’elles devait fatalement décliner et mourir après une périod
491
siècle, Spengler va plus loin ; il est convaincu
que
toute culture est un organisme et correspond morphologiquement à un i
492
, animal ou végétal. Il en résulte inexorablement
que
toute culture est mortelle, et l’on rejoint la phrase de Valéry. Enfi
493
on, ont d’autant moins de peine à nous convaincre
que
, d’une part, ils rejoignent, par leurs conclusions, notre angoisse qu
494
nt à l’état présent de l’Europe dans le monde, et
que
, d’autre part, les plus grands esprits du siècle précédent n’ont cess
495
raindre le pire pour notre civilisation. Or voici
que
leurs prédictions semblent confirmées par les faits. Au cours des ann
496
nous nos propres armes, tant sociales et morales
que
matérielles… Que faudrait-il de plus, pour qu’on ait le droit de parl
497
armes, tant sociales et morales que matérielles…
Que
faudrait-il de plus, pour qu’on ait le droit de parler d’une éclipse
498
hégémonie. Secundo, il n’est pas du tout certain
que
les précédents historiques soient applicables dans notre situation, n
499
iques soient applicables dans notre situation, ni
que
la courbe croissance-grandeur-décadence soit la même pour toutes les
500
les antiques ? Il se pourrait, bien au contraire,
que
notre culture présente des caractères nouveaux, qui déterminent un de
501
valeurs souvent contradictoires ou incompatibles
qu’
elle en a héritées, la civilisation européenne s’est trouvée fondée su
502
ode bénie d’unité des esprits et des cœurs, telle
que
l’a décrite Novalis : nous savons aujourd’hui qu’il n’en fut rien, et
503
que l’a décrite Novalis : nous savons aujourd’hui
qu’
il n’en fut rien, et que les conflits qui déchirèrent le Moyen Âge ne
504
: nous savons aujourd’hui qu’il n’en fut rien, et
que
les conflits qui déchirèrent le Moyen Âge ne furent pas moins violent
505
irèrent le Moyen Âge ne furent pas moins violents
que
ceux que nous vivons. L’unité de notre culture et de la civilisation
506
e Moyen Âge ne furent pas moins violents que ceux
que
nous vivons. L’unité de notre culture et de la civilisation créée par
507
réée par cette culture n’a jamais été autre chose
qu’
une unité paradoxale consistant dans la seule volonté commune à tous d
508
te erreur ne saurait plus être commise, à présent
que
la terre entière est explorée dans ses derniers recoins. Alexandre le
509
e le Grand et les empereurs chinois s’imaginèrent
qu’
ils dominaient le monde entier ; c’était moins orgueilleux que naïf, c
510
aient le monde entier ; c’était moins orgueilleux
que
naïf, car chacun ignorait que l’autre existât. L’agence Cook suffirai
511
t moins orgueilleux que naïf, car chacun ignorait
que
l’autre existât. L’agence Cook suffirait aujourd’hui pour les mettre
512
s, les Européens du xxe siècle, nous savons bien
que
nous ne dominons plus politiquement, mais nous savons aussi que toute
513
minons plus politiquement, mais nous savons aussi
que
toutes les villes nouvelles en Asie et en Afrique imitent nos villes
514
e leurs embarras de circulation. Nous savons bien
que
tous les pays neufs imitent nos parlements, partis et syndicats, et m
515
s, et même parfois nos dictatures. Et nous savons
que
ce mouvement d’imitation s’opère à sens unique et n’est plus réversib
516
s précédent dans toute l’Histoire ? Nous avons vu
que
la civilisation européenne, née de la confluence des sources les plus
517
re tous les peuples du monde. Nous avons vu aussi
que
l’Europe envoie dans le monde plus de machines et d’assistants techni
518
monde plus de machines et d’assistants techniques
que
de livres et de missionnaires. Elle s’est laïcisée, ou sécularisée, e
519
e plus transportable, plus acceptable et imitable
qu’
aucune autre. Mais il faut voir enfin que cette civilisation n’a pu de
520
imitable qu’aucune autre. Mais il faut voir enfin
que
cette civilisation n’a pu devenir universelle qu’en vertu de quelque
521
que cette civilisation n’a pu devenir universelle
qu’
en vertu de quelque chose de très fondamental qui l’y prédisposait dès
522
la valeur égale de tout homme devant Dieu, quelle
que
soit sa nation, sa couleur ou sa race. L’Égypte ancienne ne croyait r
523
), cette conception devait seule permettre à ceux
qu’
elle formerait intimement de considérer tous les hommes comme dignes e
524
er pleinement à l’effort civilisateur. Maintenant
que
c’est fait ou en train de se faire, et que voilà franchi le « seuil m
525
tenant que c’est fait ou en train de se faire, et
que
voilà franchi le « seuil mondial », comment imaginer que la civilisat
526
là franchi le « seuil mondial », comment imaginer
que
la civilisation diffusée par l’Europe à tous les peuples puisse s’écl
527
arues ou en voie d’extinction. Valéry nous disait
que
« les circonstances qui enverraient les œuvres de Keats et celles de
528
ont en mesure de résister au temps beaucoup mieux
que
les fresques de Lascaux, les statues grecques et les temples des Phar
529
disparu sans nous laisser d’autre héritage actif
que
celui de leurs œuvres d’art : ainsi celle des Aurignaciens, ou plus p
530
ours sur toute la terre. Il s’en faut de beaucoup
que
leurs rivales asiatiques, qu’on dit plus raffinées, aient connu parei
531
en faut de beaucoup que leurs rivales asiatiques,
qu’
on dit plus raffinées, aient connu pareille fortune. Ce sont les lois
532
our tous les peuples du tiers-monde à peine moins
que
pour ceux de l’OTAN, la dignité de la personne humaine et les fondeme
533
» Et il propose de corriger comme suit le passage
que
j’ai cité : « Nous autres civilisations, nous avons depuis peu la cer
534
civilisations, nous avons depuis peu la certitude
que
nous ne mourrons jamais entièrement et que nos cendres sont fécondes.
535
titude que nous ne mourrons jamais entièrement et
que
nos cendres sont fécondes. Le temps est passé où les civilisations ét
536
cette simple remarque : si tant de civilisations
qu’
on croyait endormies sont tirées de l’oubli au xxe siècle, si tant d’
537
s s’européaniser par la culture plus profondément
que
l’Europe ne s’américanise par le costume et le décor urbain. L’URSS ?
538
par le costume et le décor urbain. L’URSS ? Mais
qu’
apporte-t-elle de nouveau ? Est-elle une autre civilisation ? Lénine d
539
al de Troie occidental : la technique, et tout ce
qu’
elle entraîne dans les mœurs et les modes de penser d’une nation. Le f
540
fameux « bon en avant » de la Chine n’a guère été
qu’
un bond vers l’industrie et vers le socialisme, inventés par l’Europe
541
culture. Quant à l’Afrique, observons simplement
que
son émancipation actuelle ne consiste nullement dans l’avènement d’un
542
. 17 ans, c’est le moment où j’ai pris conscience
que
j’étais un littéraire. À cette époque je n’écrivais que des poèmes, p
543
étais un littéraire. À cette époque je n’écrivais
que
des poèmes, persuadé que toute autre forme de littérature était infér
544
tte époque je n’écrivais que des poèmes, persuadé
que
toute autre forme de littérature était inférieure et méprisable. En m
545
le poste idéal car le gardien de but n’intervient
qu’
aux moments de crises, au sommet de l’effort. Plus tard, j’ai appris q
546
es, au sommet de l’effort. Plus tard, j’ai appris
que
Montherlant et Albert Camus avaient aussi été gardiens de but. Commen
547
ous découvert l’Europe ? C’est entre 17 et 25 ans
que
j’ai découvert un peu l’Europe. Quand j’allais dans le Midi des troub
548
s curieusement chez moi. J’ai fini par comprendre
que
ce sentiment venait de ce que j’avais des ancêtres dans tous ces pays
549
fini par comprendre que ce sentiment venait de ce
que
j’avais des ancêtres dans tous ces pays-là. Si je regarde l’ascendanc
550
e regarde l’ascendance de mon père, je m’aperçois
qu’
à la génération où nous avons 64 ancêtres, la sixième, il y a 28 Suiss
551
é de nombreuses et passionnantes pages à l’amour.
Qu’
est-ce que l’amour pour vous ? L’amour c’est tout. Pour moi c’est plus
552
euses et passionnantes pages à l’amour. Qu’est-ce
que
l’amour pour vous ? L’amour c’est tout. Pour moi c’est plus spécialem
553
t l’Occident . L’amour au sens de l’amour-passion
que
j’ai décrit dans mon livre fut quelque chose de très important dans m
554
. Je reçus une lettre recommandée de Daniel-Rops,
que
j’ouvris avec un peu d’anxiété. Il me disait : « Voudriez-vous me ren
555
de céder le tour de parution de votre manuscrit,
que
j’attends d’un jour à l’autre, car je dois publier le plus tôt possib
556
l’auteur de L’Amour et l’Occident ? Je croyais
que
vous aviez une grande barbe blanche. » C’était la première réaction.
557
e réaction. Voici l’autre réaction : « Savez-vous
que
votre livre a transformé ma vie ! »… Cette idée d’avoir transformé ta
558
avaient fait des confidences et je me suis aperçu
que
généralement ils étaient près de divorcer avant de m’avoir lu puis qu
559
étaient près de divorcer avant de m’avoir lu puis
qu’
ils avaient décidé de ne pas divorcer, de s’en tenir à la dernière par
560
nir à la dernière partie de mon livre. Mais voilà
que
, en les suivant un peu plus longtemps, je m’aperçus qu’ils finissaien
561
n les suivant un peu plus longtemps, je m’aperçus
qu’
ils finissaient quand même par divorcer, c’est-à-dire que l’action de
562
finissaient quand même par divorcer, c’est-à-dire
que
l’action de mon livre était généralement de retarder les divorces de
563
hes de l’amour, donne à la passion plus de droits
que
je ne lui en laissais dans mon premier livre. Que pensez-vous aujourd
564
que je ne lui en laissais dans mon premier livre.
Que
pensez-vous aujourd’hui ? Je continue à penser qu’il faudrait élever
565
ue pensez-vous aujourd’hui ? Je continue à penser
qu’
il faudrait élever les gens dans une méfiance profonde de ce que repré
566
élever les gens dans une méfiance profonde de ce
que
représente la passion. C’est au fond contre la vulgarisation du mythe
567
fond contre la vulgarisation du mythe de Tristan
que
je m’élevais, surtout dans L’Amour et l’Occident , et non pas contre
568
ontre le mythe. Cela n’aurait pas de sens de dire
que
l’on est contre la passion qui est l’une des choses glorieuses qui pe
569
un homme. Aujourd’hui, je suis parvenu à ce point
qu’
il y a deux morales, l’une qu’il faut enseigner aux enfants, par tous
570
parvenu à ce point qu’il y a deux morales, l’une
qu’
il faut enseigner aux enfants, par tous les moyens possibles et qui mè
571
rtains sacrifices. Tout artiste sait parfaitement
que
quand il commence une œuvre, que ce soit un tableau, une sculpture ou
572
ait parfaitement que quand il commence une œuvre,
que
ce soit un tableau, une sculpture ou un livre, cela lui imposera des
573
s joyeusement et consciemment parce que l’on sait
que
c’est la condition de réussite de quelque chose de durable. Si je fai
574
est amené à être créateur d’une œuvre, ne fût-ce
que
de soi-même et surtout de son couple. Je pense que c’est l’œuvre la p
575
ue de soi-même et surtout de son couple. Je pense
que
c’est l’œuvre la plus belle. Et la passion ? La passion, je ne l’excl
576
n ? La passion, je ne l’exclus pas, mais je pense
qu’
elle doit être réservée à de très rares personnes qui seront probablem
577
en fait pour entretenir l’indignation continuelle
que
j’ai contre les frontières. Cette frontière avait été à peu près supp
578
olitique sa ligne de douaniers et il en a résulté
que
dans la région que j’habite, qui est prétendument zone franche, nous
579
e douaniers et il en a résulté que dans la région
que
j’habite, qui est prétendument zone franche, nous sommes entre deux c
580
t scandaleuse n’a pas peu fait pour me convaincre
qu’
on n’arrivera vraiment à faire l’Europe que sur la base des régions, r
581
aincre qu’on n’arrivera vraiment à faire l’Europe
que
sur la base des régions, régions recréées en dépit des frontières, pa
582
à la fin de la IXe Symphonie, c’est quelque chose
que
probablement tout homme a senti dans le fond de soi-même comme l’achè
583
ort, sur la chronologie, si vous voulez. Je pense
que
l’immortalité n’est pas quelque chose qui commence quand on est mort,
584
quelque chose qui commence quand on est mort, ni
que
l’âme sort par la bouche et va voleter on ne sait pas très bien où. J
585
va voleter on ne sait pas très bien où. Je me dis
que
l’éternité, l’immortalité, c’est quelque chose qui englobe le temps,
586
englobe le temps, qui le pénètre complètement et
que
nous y sommes déjà maintenant. Plutôt que de me demander ce que c’est
587
ment et que nous y sommes déjà maintenant. Plutôt
que
de me demander ce que c’est que la mort, je m’interroge sur ce qu’est
588
mes déjà maintenant. Plutôt que de me demander ce
que
c’est que la mort, je m’interroge sur ce qu’est la vie. Là, je peux d
589
aintenant. Plutôt que de me demander ce que c’est
que
la mort, je m’interroge sur ce qu’est la vie. Là, je peux dire quelqu
590
r ce que c’est que la mort, je m’interroge sur ce
qu’
est la vie. Là, je peux dire quelque chose : c’est un certain laps de
591
lle la réalise plus ou moins bien, elle peut dire
qu’
elle a réussi sa vie et après cela on ne peut rien lui demander de plu
592
», entre guillemets, ces guillemets voulant dire
que
je ne donne pas Dieu comme quelque chose dont chacun sait de quoi il
593
ue chose dont chacun sait de quoi il s’agit, mais
que
j’insiste pour indiquer que nous nous trouvons devant un problème. J’
594
quoi il s’agit, mais que j’insiste pour indiquer
que
nous nous trouvons devant un problème. J’ai écrit des centaines de pa
595
J’ai écrit des centaines de pages de notes sur ce
que
ce mot Dieu peut évoquer pour l’esprit d’un homme du xxe siècle, moi
596
grande précision dans le détail, car il n’y a là
que
la précision qui est intéressante ; en évitant tout ce qui peut avoir
597
ce qui peut avoir l’air de faire croire aux gens
que
pour moi croire en Dieu est bien, ne pas y croire est mal, et vice ve
598
uve autant de difficultés à ne pas croire en Dieu
qu’
à y croire, et ce n’est pas peu dire. Cela veut peut-être dire que le
599
t ce n’est pas peu dire. Cela veut peut-être dire
que
le problème est mal posé dans ma tête, ou dans mon existence. À quoi
600
pas de sens. Certains savants aujourd’hui disent
qu’
ils ne tiennent pas du tout à ce que le monde ait un sens, à ce que no
601
rd’hui disent qu’ils ne tiennent pas du tout à ce
que
le monde ait un sens, à ce que notre vie ait un sens, à ce que l’huma
602
t pas du tout à ce que le monde ait un sens, à ce
que
notre vie ait un sens, à ce que l’humanité ait un sens, puis ils fini
603
ait un sens, à ce que notre vie ait un sens, à ce
que
l’humanité ait un sens, puis ils finissent par vous faire un petit co
604
morale scientifique. On pourrait leur demander :
Qu’
est-ce que cela veut dire pour vous, la vie, s’il n’y a aucun sens à r
605
ientifique. On pourrait leur demander : Qu’est-ce
que
cela veut dire pour vous, la vie, s’il n’y a aucun sens à rien ? Pour
606
de Nietzsche ? Au nom de quoi venez-vous me dire
qu’
il faut être socialiste ou qu’il faut être de gauche ? Nous entrons da
607
venez-vous me dire qu’il faut être socialiste ou
qu’
il faut être de gauche ? Nous entrons dans l’arbitraire total. Si, au
608
d’un arrière à un avant. Si vous voulez, je pense
que
Dieu n’est pas une cause au début de tout mais qu’il est une cause fi
609
ue Dieu n’est pas une cause au début de tout mais
qu’
il est une cause finale de l’humanité, qu’il appelle le développement
610
ut mais qu’il est une cause finale de l’humanité,
qu’
il appelle le développement de l’homme. D’autre part, je crois qu’il y
611
développement de l’homme. D’autre part, je crois
qu’
il y a une grande naïveté à discuter sur l’existence ou la non-existen
612
existence ou la non-existence de Dieu étant donné
que
nous savons la place infime que nous tenons dans l’univers. Je fais q
613
Dieu étant donné que nous savons la place infime
que
nous tenons dans l’univers. Je fais quelquefois cette comparaison un
614
paraison un peu élémentaire, mais qui dit bien ce
qu’
elle veut dire : comment une cellule de notre corps pourrait croire à
615
prendre connaissance. Elle peut savoir à peu près
qu’
elle fait partie d’un organe, mais elle ne peut pas savoir que cet org
616
partie d’un organe, mais elle ne peut pas savoir
que
cet organe fait partie d’un corps. Elle peut donc parfaitement nier l
617
re de cette croisade ; il n’est donc pas étonnant
qu’
on en réentende l’écho dans sa conversation avec Pierre Lhoste. » ad.
618
éricains. Mais l’Europe ne pourra jamais se faire
que
selon la formule fédéraliste, respectueuse des diversités de tous ord
619
es deux cas, l’expérience séculaire ou millénaire
qu’
ils prétendaient inaugurer n’a duré que dix à douze ans. Or il se trou
620
millénaire qu’ils prétendaient inaugurer n’a duré
que
dix à douze ans. Or il se trouve que la formule fédéraliste, seule pr
621
rer n’a duré que dix à douze ans. Or il se trouve
que
la formule fédéraliste, seule pratiquement possible pour l’Europe, es
622
conditions de sa vitalité. Mais l’obstacle majeur
que
l’on dresse sans relâche contre toute union fédérale, c’est l’État na
623
sainte mais en fait toujours plus illusoire, sauf
qu’
elle bloque tout. Cet obstacle politique, en retour, est fomenté par l
624
ons élèves et de maîtres eux-mêmes trop crédules,
que
l’État national centralisé et absolument souverain est l’aboutissemen
625
divers pays — contre toute évidence historique —
que
leur nation est immortelle, ce qui suggère qu’elle aurait existé de t
626
— que leur nation est immortelle, ce qui suggère
qu’
elle aurait existé de toute éternité ; alors qu’en vérité, pour la plu
627
ent plusieurs siècles. Même si l’on peut admettre
qu’
un État français existe réellement depuis Philippe le Bel, il est abso
628
depuis Philippe le Bel, il est absolument certain
que
l’Italie comme État n’a que cent-dix ans, l’Allemagne cent ans, la No
629
st absolument certain que l’Italie comme État n’a
que
cent-dix ans, l’Allemagne cent ans, la Norvège soixante-six, la Tchéc
630
vingt-sept, et Malte, dix. L’école nous a raconté
que
chacun de nos États-nations correspond à une langue, à une ethnie, à
631
rsitaire. Mais à l’Université même, on ne parlait
qu’
en latin. C’est ainsi qu’à la Sorbonne, vers 1270 — comme me le faisai
632
sité même, on ne parlait qu’en latin. C’est ainsi
qu’
à la Sorbonne, vers 1270 — comme me le faisait observer un jour Étienn
633
res d’un même État. D’ailleurs, il n’est pas vrai
que
nos États-nations modernes correspondent à l’aire de diffusion d’une
634
pays baltes et de la Volga. On m’objecte souvent
que
nos langues sont trop différentes pour que nous puissions nous entend
635
bourg et Sofia, Varsovie et Madrid. C’est oublier
que
toutes (sauf le basque et le finno-ougrien) sont étroitement apparent
636
nces différentes ne peuvent communiquer entre eux
qu’
au moyen d’idéogrammes dessinés dans la paume de leur main, les Europé
637
mune origine indo-européenne, mais encore tout ce
que
leur histoire y ajouta au cours des âges : notions philosophiques gre
638
loin, l’unité culturelle de l’Europe est un fait
que
personne ne conteste. Enfin, il y a l’affaire des frontières naturell
639
is au service dévot de l’État-nation. C’est ainsi
qu’
on nous a inculqué que le Rhin sépare les peuples de ses rives, mais q
640
l’État-nation. C’est ainsi qu’on nous a inculqué
que
le Rhin sépare les peuples de ses rives, mais que le Rhône les unit,
641
que le Rhin sépare les peuples de ses rives, mais
que
le Rhône les unit, allez savoir pourquoi ! De même, les Pyrénées sépa
642
ne de la France, voilà qui est clair, à condition
qu’
un esprit fort (ou un naïf) ne vienne pas remarquer que l’on trouve à
643
esprit fort (ou un naïf) ne vienne pas remarquer
que
l’on trouve à l’est de cette chaîne les mêmes Catalans sur les deux v
644
à l’ouest. Quant aux Alpes, chacun peut vérifier
qu’
on y parle italien des deux côtés au sud, français des deux côtés à la
645
L’unité et les vraies diversités La vérité
qu’
on nous cachait, c’est que la culture de tous nos peuples est une, quo
646
diversités La vérité qu’on nous cachait, c’est
que
la culture de tous nos peuples est une, quoique tissée de contradicti
647
que tissée de contradictions dans sa genèse même,
qu’
elle s’est formée à partir d’influences indo-européennes, gréco-latine
648
ariables, et qui ont éduqué notre vision du réel,
que
nous le sachions ou non, que nous soyons « cultivés » ou non. Toutes
649
otre vision du réel, que nous le sachions ou non,
que
nous soyons « cultivés » ou non. Toutes les grandes écoles d’art, d’a
650
ée : c’est l’unité de notre culture commune. Mais
qu’
en est-il de nos diversités tant vantées, et à juste titre ? Est-il vr
651
’éloquents ministres à Bruxelles ou à Strasbourg,
que
ces « précieuses diversités » sont celles de nos nations ? Je propose
652
rien, ne protège contre rien, n’arrête rien de ce
qu’
il faudrait arrêter — tempêtes, épidémies, pollution de l’air et de l’
653
ion de l’air et de l’eau — mais gêne les échanges
qu’
il faudrait promouvoir et vexe tout le monde ; beau symbole de la souv
654
stato-nationale, qui ne peut plus avoir d’effets
que
négatifs ! En nous présentant l’Europe comme un puzzle de nations en
655
ssistes et des conservateurs. Or, je mets en fait
que
dans la plupart des cas, les libéraux de pays différents se ressemble
656
emblent davantage et s’entendront mieux entre eux
qu’
ils ne s’entendent avec les fanatiques de leur propre nation ; que les
657
ndent avec les fanatiques de leur propre nation ;
que
les hippies d’un pays s’accorderont mieux avec ceux de n’importe où q
658
ays s’accorderont mieux avec ceux de n’importe où
qu’
avec les conformistes de leur propre nation, etc. Ce ne sont pas nos a
659
en Europe est d’autant plus riche et plus intense
qu’
elle est moins centralisée et que ses foyers sont plus nombreux. Au Mo
660
et plus intense qu’elle est moins centralisée et
que
ses foyers sont plus nombreux. Au Moyen Âge, ces foyers de création s
661
en mobilisant à Paris tous les esprits distingués
qu’
il n’a pas bannis. Le grand secret de la vitalité inégalée de notre cu
662
ale. Voici donc le modèle fédéraliste de l’Europe
que
je préconise : la complexité des régions rendra justice à ses féconde