1
nente et salutaire nécessité, annoncer aux hommes
une
vérité qui n’est pas justiciable de leurs mesures puisqu’elle est le
2
décontenancée par l’échec de ses idéaux, demande
des
apaisements ou des directions positives. Faut-il encore ajouter à son
3
l’échec de ses idéaux, demande des apaisements ou
des
directions positives. Faut-il encore ajouter à son trouble, l’aggrave
4
t, vers la fin de la guerre, dans le presbytère d’
un
village de la Suisse allemande, un jeune pasteur, Karl Barth. Autour
5
e presbytère d’un village de la Suisse allemande,
un
jeune pasteur, Karl Barth. Autour de lui, c’était l’écho des bombarde
6
asteur, Karl Barth. Autour de lui, c’était l’écho
des
bombardements, les cartes de pain, des menaces de violences sociales.
7
ait l’écho des bombardements, les cartes de pain,
des
menaces de violences sociales. Que devenaient, dans tout cela, les be
8
es vrais problèmes. « Pasteur, je devais parler à
des
hommes aux prises avec les contradictions inouïes de la vie, et leur
9
ouï de la Bible, de cette Bible qui se pose comme
une
nouvelle énigme en face des contradictions de la vie. Souvent ces deu
10
notre esprit critique. Il résulte de cette étude
un
gros livre que trois éditeurs refusent mais qui paraît finalement en
11
de ce commentaire né de la détresse quotidienne d’
un
obscur pasteur de campagne, et dans lequel, soudain, toute l’Allemagn
12
nte de son angoisse intime, mais aussi, et enfin,
une
réponse. Une réponse plus soucieuse de ce qui est vrai que de ce qui
13
goisse intime, mais aussi, et enfin, une réponse.
Une
réponse plus soucieuse de ce qui est vrai que de ce qui rassure, une
14
ucieuse de ce qui est vrai que de ce qui rassure,
une
réponse qui ne veut s’adresser qu’à ces « questions dernières » de no
15
é. » Ce ton ne pouvait pas tromper. Il y avait là
un
homme, une puissance. Le défi de Marx et de Nietzsche était relevé. L
16
n ne pouvait pas tromper. Il y avait là un homme,
une
puissance. Le défi de Marx et de Nietzsche était relevé. Le tirage du
17
eur à l’Université de Bonn, exerce depuis dix ans
une
influence qu’on peut qualifier de révolutionnaire sur la pensée prote
18
itre Parole de Dieu et Parole humaine donneraient
une
idée sinon de la pensée barthienne dans son plein développement, du m
19
re. Il n’est pas facile de résumer sans la trahir
une
pensée à ce point hostile à tout système. La théologie de Barth se do
20
ème. La théologie de Barth se donne en effet pour
une
simple « note marginale » à tous les systèmes existants. Barth lui-mê
21
stèmes existants. Barth lui-même l’a nommée, avec
une
sobriété peu rassurante, une théologie du correctif. Disons tout de s
22
ême l’a nommée, avec une sobriété peu rassurante,
une
théologie du correctif. Disons tout de suite que les corrections qu’e
23
e que les corrections qu’elle apporte constituent
une
sérieuse attaque contre toute religiosité. Elles consistent tout d’ab
24
ute religiosité. Elles consistent tout d’abord en
une
série de points d’interrogation que Barth place derrière des mots com
25
e points d’interrogation que Barth place derrière
des
mots comme religion, piété, expérience religieuse, problème de Dieu.
26
religion ? Ne nous montre-t-elle pas plutôt, avec
une
insistance significative, que les hommes religieux, prêtres et pharis
27
lique, loin de mettre en scène le développement d’
une
« tradition » spirituelle, figure la négation absolue de toute histoi
28
bsolue de toute histoire : « Vue d’en haut, c’est
une
série de libres actions divines : vue d’en bas, une série d’essais sa
29
e série de libres actions divines : vue d’en bas,
une
série d’essais sans résultats au cours d’une impossible entreprise. »
30
bas, une série d’essais sans résultats au cours d’
une
impossible entreprise. » Le christianisme : une impossible entreprise
31
d’une impossible entreprise. » Le christianisme :
une
impossible entreprise. Telle est bien la constatation cruciale que Ba
32
parole de Dieu, dans laquelle cette idée devient
une
réalité, une vérité. » À la formule philosophique homo finitus non ca
33
eu, dans laquelle cette idée devient une réalité,
une
vérité. » À la formule philosophique homo finitus non capax infiniti,
34
n’aille pas croire cependant que le barthisme est
un
« retour » à quelque orthodoxie, ou par exemple une sorte de pendant
35
n « retour » à quelque orthodoxie, ou par exemple
une
sorte de pendant protestant au néo-thomisme. Il est avant tout un rap
36
ant protestant au néo-thomisme. Il est avant tout
un
rappel violent à la nouveauté éternelle de l’Évangile ; une remise en
37
violent à la nouveauté éternelle de l’Évangile ;
une
remise en question radicale et intime de notre existence devant Dieu.
38
l de la foi, et non l’histoire de l’homme pieux ;
un
événement et non une croyance, une rencontre personnelle et inconceva
39
l’histoire de l’homme pieux ; un événement et non
une
croyance, une rencontre personnelle et inconcevable avec le Christ, e
40
l’homme pieux ; un événement et non une croyance,
une
rencontre personnelle et inconcevable avec le Christ, et non point un
41
elle et inconcevable avec le Christ, et non point
une
morale prudente, garantie de bonheur terrestre ou céleste. Car cette
42
donc en définitive que le point de vue barthien ?
Une
prise au sérieux du fait de Dieu. Dieu n’est pas un problème, n’est p
43
prise au sérieux du fait de Dieu. Dieu n’est pas
un
problème, n’est pas l’objet de nos recherches, mais le Sujet de toute
44
e meut. On a coutume de nommer la pensée de Barth
une
théologie de la crise, une théologie dialectique. Elle est surtout et
45
mer la pensée de Barth une théologie de la crise,
une
théologie dialectique. Elle est surtout et avant tout cela une théolo
46
dialectique. Elle est surtout et avant tout cela
une
théologie de la parole de Dieu. Insuffisance radicale de l’humanisme,
47
essais. Est-ce là de la théologie ? C’est plutôt
une
réflexion puissante et intrépide sur les possibilités et la valeur de
48
diquer au-delà d’elle-même. Nous n’avons rien dit
des
qualités humaines de ce livre, de son éloquence martelante (que les t
49
f, de cette obstination à rechercher le sens réel
des
mots d’ordre que l’on va répétant, de cette puissance de sérieux, de
50
e cette puissance de sérieux, de prise au sérieux
des
situations humaines telles qu’elles sont, qui seule permet un humour
51
s humaines telles qu’elles sont, qui seule permet
un
humour souvent rude ; de cette puissance critique enfin, au sens le p
52
ités quotidiennes peut être démasquée, éprouvée.)
Une
prise ferme sur le concret, mais en même temps un regard qui dépasse
53
ne prise ferme sur le concret, mais en même temps
un
regard qui dépasse les contingences humaines, et qui interroge virile
54
’inquiétude » ou de l’emballement. Barth est l’un
des
hommes les plus solides de notre temps. C’est pour cela qu’il peut po
55
l’a opposé, seul ou à peu près, au puissant parti
des
Chrétiens allemands, fraction de l’hitlérisme qui prétend faire main
56
aissance germanique. Alors que la grande majorité
des
chrétiens d’Allemagne, rangée derrière les plus fameux docteurs, appu
57
nne et trahissait sa foi, Barth s’est dressé dans
une
protestation retentissante, que personne n’a osé faire taire. Son man
58
sé faire taire. Son manifeste n’est pas seulement
un
témoignage courageux et authentiquement chrétien : il est le seul esp
59
issions garder dans la restauration spirituelle d’
une
Allemagne profondément paganisée. Il est aussi la plus éclatante répo
60
adoxe joue à plein — écrivait-on à ce propos dans
un
récent article1 — la théologie dialectique de Barth à laquelle on rep
61
l’optimisme naturiste, plongeant l’humanité dans
un
devenir sans issue, aboutit au désespoir. » 1. Albert Béguin, « Kar
62
D’
un
humour romand (24 février 1934)c Le Suisse romand est-il sérieux ?
63
avité qu’on lui a faite, et qui lui vaut l’estime
des
personnes de sens. Mais après tout, ne serait-il pas étrange d’apport
64
s après tout, ne serait-il pas étrange d’apporter
des
preuves sérieuses de la fantaisie de ce peuple ? Rousseau, Madame de
65
ne pas glisser, entre l’auteur d’Adolphe et celui
des
Discours religieux, par exemple, cet excellent Toepffer dont on peut
66
ces albums illustrés, ancêtres du dessin animé et
des
Eugène de Cocteau, où nous voyons gesticuler, non sans grandiloquence
67
nous voyons gesticuler, non sans grandiloquence,
des
savants astronomes, des phrénologues, des herboristes, un lord tout n
68
non sans grandiloquence, des savants astronomes,
des
phrénologues, des herboristes, un lord tout nu, les enfants terribles
69
quence, des savants astronomes, des phrénologues,
des
herboristes, un lord tout nu, les enfants terribles de Monsieur Crépi
70
ts astronomes, des phrénologues, des herboristes,
un
lord tout nu, les enfants terribles de Monsieur Crépin, et la silhoue
71
rsité, bien qu’il lui arrive parfois de pousser «
un
immense cri en vingt-deux langues ». La satire de Toepffer n’est pas
72
; c’est plutôt, dans l’espièglerie la plus folle,
un
humour apitoyé. Si Toepffer s’attendrit sur ses bonhommes, n’est-ce p
73
pffer s’attendrit sur ses bonhommes, n’est-ce pas
une
manière de dégonfler les sentencieux ? Une impeccable dignité bourgeo
74
ce pas une manière de dégonfler les sentencieux ?
Une
impeccable dignité bourgeoise ne cesse d’inspirer les attitudes de se
75
: La Rose de Thuringe et Connaissez mieux le cœur
des
femmes, de Girard, et de Cingria, ce que vous aurez la chance d’en tr
76
ingria, ce que vous aurez la chance d’en trouver,
une
note ici ou là, quelques petits livres à tirage limité. N’allez pas c
77
ur faire du tort en écrivant qu’ils sont drôles. (
Des
gens viennent vous dire : tenez, voilà qui vous fera rire. En général
78
Pierre Girard, il faut avoir aimé Charlot, celui
des
Lumières de la Ville et du Cirque. Les héros de Pierre Girard sont de
79
sont de doux ahuris, qui partent dans la vie avec
une
conscience pure et des gants beurre-frais. Ils ne tardent pas à renco
80
i partent dans la vie avec une conscience pure et
des
gants beurre-frais. Ils ne tardent pas à rencontrer une jeune femme q
81
nts beurre-frais. Ils ne tardent pas à rencontrer
une
jeune femme qui leur fait perdre toute mesure. Le monde est plein de
82
s de quoi il s’agit. Il n’y a plus qu’à perpétrer
une
horrible inconvenance, un de ces scandales héroïques qui vous valent
83
a plus qu’à perpétrer une horrible inconvenance,
un
de ces scandales héroïques qui vous valent l’amour des femmes et quel
84
e ces scandales héroïques qui vous valent l’amour
des
femmes et quelque honneur parmi les hommes. Autant de gags chaplinesq
85
nesques, involontaires, touchants, entraînés dans
une
dérive mélancolique dont la source pourrait bien être chez les conteu
86
de réflexe appris. L’humour du romantique jaillit
des
échecs du sentiment. Et certes, c’est le sentiment d’abord qui nous r
87
’écriture, sans égale parmi nous, cette musique d’
un
cœur qui s’abandonne, qui s’accepte. C’est cela qui fait la qualité l
88
écession, mais il n’en parla pas »), et servi par
un
garçon triste qui perd le vol-au-vent, inexplicablement. Tâchez de ne
89
n’en ai jamais eu ; s’il doit être que j’en doive
un
avoir un, je veux qu’il ne soit de ceux que j’aie fabriqués moi-même.
90
amais eu ; s’il doit être que j’en doive un avoir
un
, je veux qu’il ne soit de ceux que j’aie fabriqués moi-même. » Ainsi
91
, pétrarquisant, musicien, humain, enfin maître d’
un
style incomparable de précision et de verve, Cingria est un phénomène
92
ncomparable de précision et de verve, Cingria est
un
phénomène dont Claudel, Max Jacob et Ramuz ont su voir et dire l’impo
93
absolument original. Cingria fit partie du groupe
des
Cahiers vaudois, réuni autour de Ramuz pendant la guerre. (C’est par
94
de tous les racismes.) On avait, dans ce groupe,
une
espèce de mystique des objets, du détail authentique, de l’aspect bru
95
On avait, dans ce groupe, une espèce de mystique
des
objets, du détail authentique, de l’aspect brut des choses et des mot
96
s objets, du détail authentique, de l’aspect brut
des
choses et des mots. Imaginez, dans cette vision du monde, ce que donn
97
étail authentique, de l’aspect brut des choses et
des
mots. Imaginez, dans cette vision du monde, ce que donnerait l’usage
98
cette vision du monde, ce que donnerait l’usage d’
un
style savant et poli, coupé de « véhémences nobles » et de trivialité
99
les » et de trivialités qualifiées, et vous aurez
une
idée du comique de Cingria. Un humour romand… Trois auteurs seulement
100
es, et vous aurez une idée du comique de Cingria.
Un
humour romand… Trois auteurs seulement, me dira-t-on ? Trois dimensio
101
? Trois dimensions plutôt. Cela suffit pour créer
un
espace, un climat, une invite à naître — une légèreté nouvelle dans l
102
ensions plutôt. Cela suffit pour créer un espace,
un
climat, une invite à naître — une légèreté nouvelle dans l’atmosphère
103
tôt. Cela suffit pour créer un espace, un climat,
une
invite à naître — une légèreté nouvelle dans l’atmosphère de ce pays
104
créer un espace, un climat, une invite à naître —
une
légèreté nouvelle dans l’atmosphère de ce pays de pédagogues. J’ai ou
105
sérieux arguments. c. Rougemont Denis de, « D’
un
humour romand », Les Nouvelles littéraires, Paris, 24 février 1934, p
106
us donne L’Humanité de Jésus d’après Calvin comme
un
simple commentaire de la pensée du réformateur. N’allons pas commente
107
poussé M. Dominicé à l’écrire, et qu’il expose en
une
vingtaine de pages précises, mesurées, et convaincantes. Il me semble
108
tes. Il me semble que cette préface caractérise d’
une
façon remarquable l’évolution accomplie par toute une génération de p
109
façon remarquable l’évolution accomplie par toute
une
génération de protestants, celle qui commence à s’exprimer dans des r
110
protestants, celle qui commence à s’exprimer dans
des
revues comme Foi et Vie , Le Semeur , Hic et Nunc . Si, par ailleu
111
but de ce siècle accordait à la personne de Jésus
une
place à juste titre centrale, mais exclusive de toute dogmatique. « L
112
exclusive de toute dogmatique. « La foi n’est pas
une
adhésion intellectuelle à des doctrines, mais la communion avec le Ch
113
« La foi n’est pas une adhésion intellectuelle à
des
doctrines, mais la communion avec le Christ vivant », répétaient les
114
ul caractère de Jésus. Mais alors, n’était-ce pas
un
abus de langage que de prétendre voir une personne morale dont on réc
115
t-ce pas un abus de langage que de prétendre voir
une
personne morale dont on récusait par avance les actes caractéristique
116
on le mot de Théodore Flournoy, tenter de « faire
une
guirlande en mettant bout à bout des fleurs des champs et des fleurs
117
r de « faire une guirlande en mettant bout à bout
des
fleurs des champs et des fleurs de rhétorique ? » Ce Jésus « reconsti
118
e une guirlande en mettant bout à bout des fleurs
des
champs et des fleurs de rhétorique ? » Ce Jésus « reconstitué » par l
119
e en mettant bout à bout des fleurs des champs et
des
fleurs de rhétorique ? » Ce Jésus « reconstitué » par les historiens
120
xte de nous rapprocher de lui, l’histoire prêtait
une
réalité insurmontable aux dix-neuf siècles qui nous séparent de l’Éva
121
rience religieuse, dialogue vivant avec le Christ
des
évangiles, se réduisait à une contemplation de sa vie. Dans cette dif
122
vant avec le Christ des évangiles, se réduisait à
une
contemplation de sa vie. Dans cette difficulté, le jeune théologien i
123
ne théologien interroge Calvin. Que trouve-t-il ?
Des
arguments, une solution ? Non point : un renversement du problème. Ca
124
nterroge Calvin. Que trouve-t-il ? Des arguments,
une
solution ? Non point : un renversement du problème. Calvin ne fonde p
125
-t-il ? Des arguments, une solution ? Non point :
un
renversement du problème. Calvin ne fonde pas notre vie religieuse su
126
ies, non point nous qui le rencontrons au terme d’
une
pieuse « élévation ». Et c’est le mystère du Dieu-homme (du Christ-Jé
127
mme on retrouve la véritable et profonde acuité d’
une
dialectique à résoudre en actes. C’est l’un des traits les plus frapp
128
d’une dialectique à résoudre en actes. C’est l’un
des
traits les plus frappants du Calvin commentateur des évangiles, tel q
129
traits les plus frappants du Calvin commentateur
des
évangiles, tel que nous le restitue M. Dominicé, que cette insistance
130
n juge du texte, Calvin n’admet et ne pratique qu’
une
« exégèse d’obéissance » — il se laisse juger par le texte. On ne sau
131
me. L’ouvrage de M. Dominicé s’inspire évidemment
des
mêmes principes exégétiques. Certes, l’auteur n’est pas de ceux qui c
132
t pas de ceux qui conçoivent le commentaire comme
une
effervescence lyrique autour d’un texte. Son sujet d’ailleurs s’y prê
133
mentaire comme une effervescence lyrique autour d’
un
texte. Son sujet d’ailleurs s’y prête peu. Mais on regrette parfois q
134
pire Calvin s’exprime en termes aussi respectueux
des
objections possibles. Il est vrai que ce livre est une thèse. Mais il
135
bjections possibles. Il est vrai que ce livre est
une
thèse. Mais il n’est pas moins vrai que Calvin sut parler un langage
136
ais il n’est pas moins vrai que Calvin sut parler
un
langage d’une verdeur assez peu sorbonnique. Max Dominicé ne sera pas
137
pas moins vrai que Calvin sut parler un langage d’
une
verdeur assez peu sorbonnique. Max Dominicé ne sera pas le dernier à
138
as le dernier à souhaiter avec nous que le retour
des
doctrines du xvie siècle renouvelle jusque dans le style la verve cr
139
Quelques œuvres et
une
biographie de Kierkegaard (26 mai 1934)e On rêverait, parfois, d’u
140
kegaard (26 mai 1934)e On rêverait, parfois, d’
un
protocole d’introduction des grands génies de l’étranger dans la cult
141
rêverait, parfois, d’un protocole d’introduction
des
grands génies de l’étranger dans la culture de ce pays. La présentati
142
ger dans la culture de ce pays. La présentation d’
un
esprit de l’envergure de Kierkegaard eut légitimé, à elle seule, la c
143
vaille.) Mais il eût certainement protesté contre
une
erreur qui ne relève pas de l’interprétation partisane, mais d’un sim
144
relève pas de l’interprétation partisane, mais d’
un
simple défaut d’information, et qui consiste à faire de lui une espèc
145
aut d’information, et qui consiste à faire de lui
une
espèce de psychologue nihiliste, un esthète retors et tourmenté, l’an
146
faire de lui une espèce de psychologue nihiliste,
un
esthète retors et tourmenté, l’ancêtre du gidisme et de l’« inquiétud
147
iétude » littéraire. Kierkegaard, avant tout, est
un
chrétien ; un chrétien peu rassurant, certes, et d’une trempe excepti
148
raire. Kierkegaard, avant tout, est un chrétien ;
un
chrétien peu rassurant, certes, et d’une trempe exceptionnelle ; mais
149
hrétien ; un chrétien peu rassurant, certes, et d’
une
trempe exceptionnelle ; mais non pas un inquiet au sens moderne, et l
150
es, et d’une trempe exceptionnelle ; mais non pas
un
inquiet au sens moderne, et le contraire d’un esthète. Comme Nietzsch
151
pas un inquiet au sens moderne, et le contraire d’
un
esthète. Comme Nietzsche, avec lequel il a pas mal de traits communs,
152
as mal de traits communs, Kierkegaard nous laisse
un
ouvrage d’autocritique2 où il dégage le sens général de son œuvre. On
153
e d’introduction : « Je suis et j’ai toujours été
un
auteur religieux ; toute ma carrière littéraire se rapporte au christ
154
rétien ? » Car, enfin, l’on ne naît pas chrétien.
Des
quelques œuvres traduites jusqu’ici, un peu au hasard, il faut l’avou
155
hrétien. Des quelques œuvres traduites jusqu’ici,
un
peu au hasard, il faut l’avouer, le Traité du désespoir 3 est de beau
156
alyse psychologique du désespoir, considéré comme
une
maladie universelle ne doit pas nous tromper sur le dessein du livre.
157
rit, jusqu’au refus d’être sauvé, il y a toujours
une
révolte de l’homme contre sa condition telle que Dieu l’a voulue, une
158
me contre sa condition telle que Dieu l’a voulue,
une
négation du paradoxe de l’Amour. L’universalité du désespoir, qui est
159
ngile qui sauve. ⁂ La lecture du Traité n’est pas
des
plus aisées. Les termes hégéliens qui abondent dans les premiers chap
160
remiers chapitres donnent à cette partie du livre
une
apparence abstraite qui contraste singulièrement avec le réalisme bru
161
lecteur, pourtant, ne se laisse point arrêter par
des
définitions dont la substance, tôt après, se révèle admirablement con
162
t ironique de Kierkegaard a créé dans cette œuvre
une
abondance d’illustrations inoubliables. Par ailleurs, cette descente
163
roniste et le théologien. Kierkegaard nous montre
un
homme aux prises avec un problème sentimental douloureux, et qui cher
164
Kierkegaard nous montre un homme aux prises avec
un
problème sentimental douloureux, et qui cherche à le résoudre, d’abor
165
morale courante. L’un et l’autre le conduisent à
des
impasses tragiques ; mais voici que Dieu intervient, avec la réponse
166
es les plus éloquentes et les plus irréfutables d’
un
penseur qui sut devancer tous les problèmes de notre siècle. Le ton s
167
quand personne n’ose se plaindre comme il sied à
un
homme ? Parle, élève la voix, parle fort, Dieu peut bien parler plus
168
lui qui dispose du tonnerre. Mais le tonnerre est
une
réponse, une explication certaine, digne de foi, de première source,
169
se du tonnerre. Mais le tonnerre est une réponse,
une
explication certaine, digne de foi, de première source, une réponse d
170
ation certaine, digne de foi, de première source,
une
réponse de Dieu, qui, même si elle foudroie, est plus magnifique que
171
humaine et colportés par de vieilles bavardes et
des
eunuques ! Nous voici plus près de Shakespeare que du piétisme senti
172
u piétisme sentimental et de l’unctio spiritualis
des
dévots… Mais plus près de Luther, aussi. Je me borne à citer In vino
173
eur). Mais il ne s’agit là que du premier volet d’
un
triptyque dont il nous faut attendre les deux autres parties pour sai
174
la pleine signification. On trouvera, d’ailleurs,
une
analyse détaillée des Stades sur le chemin de la vie, dont In Vino Ve
175
n. On trouvera, d’ailleurs, une analyse détaillée
des
Stades sur le chemin de la vie, dont In Vino Veritas constitue l’intr
176
ctive dans laquelle il faut considérer l’ensemble
des
écrits de Kierkegaard, et qui est celle du Point de vue explicatif. L
177
ion de l’emprise que peut exercer Kierkegaard sur
un
chrétien sincère, peu suspect de complaisance pour les subtilités du
178
fois la plus objective et la plus sympathique qu’
un
« honnête homme » peut espérer. Du mélange d’humour et d’angoisse ins
179
oisse insondable qui nous bouleverse à la lecture
des
Stades, on trouvera ici l’exposé judicieux, parfois même bonhomique :
180
uant du livre. Fallait-il souhaiter à Kierkegaard
une
introduction plus systématique ? Je ne le pense pas. Kierkegaard est
181
ystématique ? Je ne le pense pas. Kierkegaard est
un
événement. Voici un homme qui vient nous dire, en toute simplicité, q
182
le pense pas. Kierkegaard est un événement. Voici
un
homme qui vient nous dire, en toute simplicité, qu’il a vu l’événemen
183
»). e. Rougemont Denis de, « Quelques œuvres et
une
biographie de Kierkegaard », Les Nouvelles littéraires, Paris, 26 mai
184
Le mouvement
des
groupes — Kagawa (4 août 1934)f Le « Mouvement des Groupes », ou M
185
groupes — Kagawa (4 août 1934)f Le « Mouvement
des
Groupes », ou Mouvement d’Oxford, est un des faits spirituels qui ser
186
uvement des Groupes », ou Mouvement d’Oxford, est
un
des faits spirituels qui serviront à fixer la signification de notre
187
ment des Groupes », ou Mouvement d’Oxford, est un
des
faits spirituels qui serviront à fixer la signification de notre époq
188
aît destiné à répondre d’abord aux préoccupations
des
intellectuels, mais il y répond de telle sorte qu’il abolit rapidemen
189
urgeois. J’ai assisté cet hiver, à Paris, à l’une
des
rencontres du Mouvement : il y avait là une vingtaine de personnes, u
190
l’une des rencontres du Mouvement : il y avait là
une
vingtaine de personnes, un pasteur, une bouchère, un banquier, une da
191
ement : il y avait là une vingtaine de personnes,
un
pasteur, une bouchère, un banquier, une dactylo, un peintre juif — c’
192
avait là une vingtaine de personnes, un pasteur,
une
bouchère, un banquier, une dactylo, un peintre juif — c’était dans so
193
vingtaine de personnes, un pasteur, une bouchère,
un
banquier, une dactylo, un peintre juif — c’était dans son atelier — e
194
personnes, un pasteur, une bouchère, un banquier,
une
dactylo, un peintre juif — c’était dans son atelier — et une grande v
195
pasteur, une bouchère, un banquier, une dactylo,
un
peintre juif — c’était dans son atelier — et une grande vedette de mu
196
, un peintre juif — c’était dans son atelier — et
une
grande vedette de music-hall dont la présence discrète n’étonna perso
197
évangélisation. Il s’agissait de mettre en commun
des
difficultés intimes, d’entrer dans le concret du christianisme. Une d
198
times, d’entrer dans le concret du christianisme.
Une
dizaine d’entre nous parlèrent, sans artifices ni gêne, ni excès d’au
199
ifices ni gêne, ni excès d’aucune sorte. À plus d’
une
reprise, j’eus l’impression, qu’on a rarement de nos jours, d’entendr
200
ession, qu’on a rarement de nos jours, d’entendre
des
gens dire la vérité sur eux-mêmes. Je sortis assez déçu, comme on sor
201
fait espérer, secrètement, autre chose, peut-être
des
confessions sensationnelles. J’avais tort, et l’on s’en convaincra en
202
st le seul qui existe en français, et il contient
un
certain nombre de faits assez bouleversants pour qu’on passe sur les
203
nnelles que nous en propose l’auteur. (Begbie est
un
de ces « informateurs » brillants et cordiaux, un peu trop souriants,
204
un de ces « informateurs » brillants et cordiaux,
un
peu trop souriants, comme on en trouve dans les pays anglo-saxons. On
205
les pays anglo-saxons. On lui doit, entre autres,
un
ouvrage fameux sur l’Armée du salut.) Le Mouvement des Groupes est né
206
uvrage fameux sur l’Armée du salut.) Le Mouvement
des
Groupes est né après la guerre, de l’activité purement individuelle d
207
la guerre, de l’activité purement individuelle d’
un
jeune pasteur américain, Frank Buchman. On a écrit de lui : « Ce qui
208
amais par le moyen de mouvements de masse, ni par
des
organisations, ni par des corps constitués mais par des hommes concre
209
ements de masse, ni par des organisations, ni par
des
corps constitués mais par des hommes concrets, agissant dans le cercl
210
ganisations, ni par des corps constitués mais par
des
hommes concrets, agissant dans le cercle concret de leur vie. La seul
211
tact d’homme à homme, dans la confession mutuelle
des
péchés et le « partage » (sharing) des grâces reçues, il sait qu’on n
212
n mutuelle des péchés et le « partage » (sharing)
des
grâces reçues, il sait qu’on ne peut être chrétien que totalement, pe
213
tivement. N’allons pas croire qu’il s’agisse là d’
une
nouvelle forme de pragmatisme américain. Dire que la foi n’est réelle
214
à tout prix. L’activiste moderne n’est souvent qu’
un
agité. Le philanthrope et le puritain rigide ne sont souvent que des
215
nthrope et le puritain rigide ne sont souvent que
des
acteurs. Seule la foi peut nous rendre actifs lorsqu’elle nous engage
216
t nous rendre actifs lorsqu’elle nous engage dans
une
relation concrète avec le prochain. Mais comment s’engager dans cette
217
comment s’engager dans cette relation ? L’erreur
des
chrétiens, trop souvent, c’est qu’ils s’efforcent d’endoctriner ceux
218
ur entrer en contact avec les hommes, il n’y a qu’
un
moyen : c’est de leur ouvrir sa maison. D’où les confessions privées
219
s confessions privées ou publiques, qui sont l’un
des
traits marquants de l’activité des Groupes. Qu’il y ait là un danger
220
qui sont l’un des traits marquants de l’activité
des
Groupes. Qu’il y ait là un danger réel d’exhibitionnisme, les membres
221
rquants de l’activité des Groupes. Qu’il y ait là
un
danger réel d’exhibitionnisme, les membres des Groupes ne sauraient l
222
là un danger réel d’exhibitionnisme, les membres
des
Groupes ne sauraient le nier. Mais qu’il y ait là aussi le moyen de f
223
nstitué d’organisation. Ils n’ont pas de registre
des
membres, ils ne nomment pas de comités, ils ne publient pas de revues
224
s, ils ne publient pas de revues, ils ne sont pas
une
secte ni une nouvelle Église. Ils travaillent par petites équipes. Il
225
lient pas de revues, ils ne sont pas une secte ni
une
nouvelle Église. Ils travaillent par petites équipes. Ils voyagent be
226
el endroit où Dieu leur dit d’aller. La chronique
des
rencontres miraculeuses qu’ils ont ainsi vécues remplirait des volume
227
s miraculeuses qu’ils ont ainsi vécues remplirait
des
volumes, et nourrit leurs entretiens. À lire certains récits du meill
228
s pécheurs seulement), de J. Russell, on découvre
des
possibilités humaines que le conformisme et la psychologie modernes s
229
l’aventure que vivent quotidiennement les membres
des
Groupes pourraient devenir pour eux un danger assez grave. Il y a là
230
s membres des Groupes pourraient devenir pour eux
un
danger assez grave. Il y a là un risque indéniable : celui de natural
231
devenir pour eux un danger assez grave. Il y a là
un
risque indéniable : celui de naturaliser la foi, de s’attacher aux ré
232
n’ont pas manqué de critiquer vivement certaines
des
suppositions théologiques qu’implique l’attitude de Buchman. Car ce n
233
abstrait : encore faudrait-il se garder de vivre
une
théologie équivoque. À quoi les membres du Mouvement des Groupes peuv
234
ologie équivoque. À quoi les membres du Mouvement
des
Groupes peuvent répondre que leur œuvre se développe dans une atmosph
235
peuvent répondre que leur œuvre se développe dans
une
atmosphère de franchise, d’autocritique, de sobriété spirituelle qui
236
excès qu’on imagine. Peut-être la plus sûre leçon
des
Groupes est-elle dans leur vision concrète de l’homme et de l’action
237
, le seul message utile est celui qui nous révèle
une
tâche proche, des hommes pour lesquels nous puissions être le prochai
238
utile est celui qui nous révèle une tâche proche,
des
hommes pour lesquels nous puissions être le prochain. Et quand ce liv
239
er comment les hommes de ce temps peuvent devenir
des
hommes réels. ⁂ Il se peut que Kagawa soit l’homme le plus réel d’auj
240
ion, n’était pas exclusivement dans la réalité qu’
un
homme incarne. Qui le connaît en France ? Claudel, quelques revues pr
241
t tout. Nos grands journaux ignorent quelques-uns
des
événements décisifs de l’histoire contemporaine. Kagawa est le chef d
242
le plus fécond et le plus populaire de son pays,
une
puissance sociale et religieuse dont l’Occident ne connaît pas d’exem
243
igieuse dont l’Occident ne connaît pas d’exemple.
Un
récit autobiographique et romancé de sa jeunesse a paru en français,
244
ujourd’hui, l’un de ses collaborateurs nous donne
un
portrait plus complet et quelques extraits de ses œuvres8. Fils d’un
245
mplet et quelques extraits de ses œuvres8. Fils d’
un
conseiller de l’empereur et d’une danseuse, Kagawa se convertit au ch
246
œuvres8. Fils d’un conseiller de l’empereur et d’
une
danseuse, Kagawa se convertit au christianisme pendant ses études et
247
bitant du quartier, et non content d’y vivre dans
un
dénuement absolu, ouvre sa chambre aux misérables sans-abris. Ses tro
248
érables sans-abris. Ses trois premiers hôtes sont
un
galeux, un alcoolique qu’il nomme la « statue de cuivre » à cause de
249
s-abris. Ses trois premiers hôtes sont un galeux,
un
alcoolique qu’il nomme la « statue de cuivre » à cause de son immobil
250
re » à cause de son immobilité presque totale, et
un
assassin dont les nuits sont hantées par les apparitions de sa victim
251
revient le lendemain. Il prêche dans le quartier
des
prostituées, souvent lapidé. Épuisé par la tuberculose et une maladie
252
ées, souvent lapidé. Épuisé par la tuberculose et
une
maladie des yeux, il arrive qu’il s’effondre pendant ses discours. Il
253
lapidé. Épuisé par la tuberculose et une maladie
des
yeux, il arrive qu’il s’effondre pendant ses discours. Il écrit une P
254
e qu’il s’effondre pendant ses discours. Il écrit
une
Psychologie de la pauvreté et un roman dont le tirage atteint 250 000
255
cours. Il écrit une Psychologie de la pauvreté et
un
roman dont le tirage atteint 250 000 exemplaires. Son œuvre s’étend d
256
uit au Japon, augmentant la misère avec le nombre
des
ouvriers. Kagawa fonde la fédération japonaise du travail et prend la
257
ers et rédige leur manifeste. « Les ouvriers sont
des
êtres humains et non pas des articles dont on trafique suivant une éc
258
« Les ouvriers sont des êtres humains et non pas
des
articles dont on trafique suivant une échelle de salaires basés sur l
259
et non pas des articles dont on trafique suivant
une
échelle de salaires basés sur l’état du marché. » On le met en prison
260
» On le met en prison. Il y écrit en treize jours
un
roman : L’Archer tirant contre le soleil. Accueilli à sa sortie de pr
261
re le soleil. Accueilli à sa sortie de prison par
une
foule en fête, il entraîne une centaine d’enfants au bord de la mer p
262
rtie de prison par une foule en fête, il entraîne
une
centaine d’enfants au bord de la mer pour célébrer la liberté. Sa lig
263
té. Sa ligne de bataille s’étend. Il crée l’Union
des
paysans. Il évangélise. Il devient le « fou du Christ ». À peine a-t-
264
le syndicalisme qu’il a créé, le voilà qui lance
une
campagne pour la christianisation du Japon, une autre contre la guerr
265
e une campagne pour la christianisation du Japon,
une
autre contre la guerre de Chine. « La société contemporaine est une i
266
a guerre de Chine. « La société contemporaine est
une
invalide, mentalement dégénérée, écrit-il. Les banques, l’armée, les
267
ation mentale ? La société de nos jours manifeste
une
tendance au crime. Elle est devenue folle par sa faute, Dieu seul peu
268
te de Kobé en 1925. Et quelques années plus tard,
une
ligue réactionnaire fait poser des affiches où elle reprend des terme
269
ées plus tard, une ligue réactionnaire fait poser
des
affiches où elle reprend des termes semblables : « Brûlez-le, brûlez
270
tionnaire fait poser des affiches où elle reprend
des
termes semblables : « Brûlez-le, brûlez Kagawa ! C’est un révolutionn
271
s semblables : « Brûlez-le, brûlez Kagawa ! C’est
un
révolutionnaire redoutable. » Ainsi criait-on contre les prophètes. K
272
criait-on contre les prophètes. Kagawa est aussi
un
grand mystique, c’est-à-dire un grand poète. Le livre d’Axling nous d
273
Kagawa est aussi un grand mystique, c’est-à-dire
un
grand poète. Le livre d’Axling nous donne d’admirables citations de s
274
fait comparer à Gorki, ses poèmes en prose sont d’
un
franciscain. Il y a en lui un amour des objets, un sens de la nature,
275
mes en prose sont d’un franciscain. Il y a en lui
un
amour des objets, un sens de la nature, une compréhension des symbole
276
ose sont d’un franciscain. Il y a en lui un amour
des
objets, un sens de la nature, une compréhension des symboles qui appa
277
n franciscain. Il y a en lui un amour des objets,
un
sens de la nature, une compréhension des symboles qui appartiennent a
278
en lui un amour des objets, un sens de la nature,
une
compréhension des symboles qui appartiennent au génie japonais tel qu
279
s objets, un sens de la nature, une compréhension
des
symboles qui appartiennent au génie japonais tel que Claudel nous l’a
280
l’a décrit, mais auquel le génie chrétien ajoute
une
dimension humaine particulièrement émouvante. 7. Vies transformées
281
oncorde). f. Rougemont Denis de, « Le Mouvement
des
Groupes. — Kagawa », Les Nouvelles littéraires, Paris, 4 août 1934, p
282
’aube (Éditions « Je sers ») dont Rougemont donne
une
recension dans Foi et Vie en septembre 1931. Kagawa sera également év
283
. Kagawa sera également évoqué par Rougemont dans
un
article du Semeur paru en mai 1935.
284
Au sujet d’
un
roman : Sara Alelia (3 novembre 1934)h i Voulez-vous un paradoxe ?
285
: Sara Alelia (3 novembre 1934)h i Voulez-vous
un
paradoxe ? Littéraire ? Je détiendrais volontiers celui-ci : que le r
286
étiendrais volontiers celui-ci : que le roman est
un
genre protestant. — Et Balzac ? dites-vous, car vous êtes Français. E
287
Zola. Je vois aussi le pasteur Sterne, le Goethe
des
Affinités, Jacobsen, George Eliot et les sœurs Brontë, Dickens, Strin
288
ent. Voyez-vous, je ne dis pas qu’ils furent tous
des
chrétiens. Plusieurs ont même écrit des romans furieusement antichrét
289
rent tous des chrétiens. Plusieurs ont même écrit
des
romans furieusement antichrétiens — des romans justement comme ne peu
290
ême écrit des romans furieusement antichrétiens —
des
romans justement comme ne peuvent en écrire que des protestants, malg
291
s romans justement comme ne peuvent en écrire que
des
protestants, malgré eux. Quand je dis romanciers protestants, entende
292
rs de climats protestants. Que faut-il pour faire
un
roman ? Des caractères, de la vie intérieure, une morale qui mette de
293
ts protestants. Que faut-il pour faire un roman ?
Des
caractères, de la vie intérieure, une morale qui mette des obstacles
294
un roman ? Des caractères, de la vie intérieure,
une
morale qui mette des obstacles et qui crée des conflits dramatiques d
295
tères, de la vie intérieure, une morale qui mette
des
obstacles et qui crée des conflits dramatiques dans les vies les plus
296
e, une morale qui mette des obstacles et qui crée
des
conflits dramatiques dans les vies les plus dépourvues d’apparences.
297
tuelle que l’on se fait de nos climats ? Et voici
un
dernier argument. Prenez une liste des romanciers français contempora
298
os climats ? Et voici un dernier argument. Prenez
une
liste des romanciers français contemporains. Vous y trouverez un bon
299
? Et voici un dernier argument. Prenez une liste
des
romanciers français contemporains. Vous y trouverez un bon quart de p
300
manciers français contemporains. Vous y trouverez
un
bon quart de protestants, c’est-à-dire dix fois plus que vous n’en at
301
plus que vous n’en attendiez, puisqu’il n’y a qu’
un
million de réformés en France. Imaginez la proportion si l’édit de Na
302
r votre foi ? — Oh ! Pas le moindre ! Je constate
un
fait. Mais laissons là le paradoxe. Vous n’ignorez pas plus que moi q
303
t-à-dire qu’ils n’ont pas de foi, et qu’est-ce qu’
un
protestant sans foi ? Dans toutes leurs œuvres, vous chercheriez en v
304
ans toutes leurs œuvres, vous chercheriez en vain
un
roman véritablement chrétien. La Porte étroite ne décrit guère qu’une
305
ent chrétien. La Porte étroite ne décrit guère qu’
une
aberration janséniste. Et je ne retrouve le calvinisme véritable que
306
l’Adam et Ève de Ramuz, mais Ramuz accepterait-il
une
étiquette aussi compromettante ? À parler franc, je ne connais qu’un
307
compromettante ? À parler franc, je ne connais qu’
un
seul roman moderne authentiquement « réformé ». Un grand roman, je cr
308
n seul roman moderne authentiquement « réformé ».
Un
grand roman, je crois. C’est Sara Alelia, de Mme Hildur Dixelius. On
309
vient de le traduire du suédois9. ⁂ Qu’est-ce qu’
un
roman chrétien ? Une histoire où tout le monde « se conduit bien » ?
310
e du suédois9. ⁂ Qu’est-ce qu’un roman chrétien ?
Une
histoire où tout le monde « se conduit bien » ? Il n’y aurait pas de
311
« se conduit bien » ? Il n’y aurait pas de roman.
Une
histoire dont le personnage principal est « la main du Seigneur », ou
312
l’insondable Providence » mise en action au gré d’
un
moraliste qui se donne l’air de l’avoir bel et bien sondée ? Ce serai
313
e l’air de l’avoir bel et bien sondée ? Ce serait
un
conte bleu, ou un volume de la Bibliothèque Rose. Est-ce une histoire
314
bel et bien sondée ? Ce serait un conte bleu, ou
un
volume de la Bibliothèque Rose. Est-ce une histoire qui finit bien, c
315
leu, ou un volume de la Bibliothèque Rose. Est-ce
une
histoire qui finit bien, comme le croyaient les écrivains anglais du
316
xixe siècle — en conséquence de quoi les romans
des
« païens », d’un Thomas Hardy, par exemple, se devaient de finir auss
317
conséquence de quoi les romans des « païens », d’
un
Thomas Hardy, par exemple, se devaient de finir aussi mal que possibl
318
tianisme. Et l’on serait en droit de prétendre qu’
un
roman pessimiste à la Thomas Hardy a plus de chances d’être chrétien
319
Thomas Hardy a plus de chances d’être chrétien qu’
un
quelconque happy end soi-disant édifiant s’il est certain que l’Évang
320
de salut sont seuls capables de donner à l’homme
une
vision réaliste de son sort terrestre, et le sobre courage d’avouer s
321
tre, et le sobre courage d’avouer sa dégradation.
Un
vrai roman chrétien est d’abord réaliste. Car il faut bien connaître
322
et qui le juge. On a dit de Sara Alelia que c’est
un
roman de la grâce : oui, mais c’est aussi, et d’abord, un roman de la
323
de la grâce : oui, mais c’est aussi, et d’abord,
un
roman de la perdition. J’y vois une suite d’illustrations vivantes du
324
i, et d’abord, un roman de la perdition. J’y vois
une
suite d’illustrations vivantes du fameux paradoxe luthérien qui est a
325
de Selma Lagerlöf qui revit dans ces peintures d’
une
Laponie lointaine et d’une humanité si proche. Moins d’art peut-être,
326
t dans ces peintures d’une Laponie lointaine et d’
une
humanité si proche. Moins d’art peut-être, je veux dire moins d’appar
327
lyrisme que chez l’auteur de Gösta Berling ; mais
une
sobriété qui vous saisit le cœur, à chaque page. Toute une vie de fem
328
été qui vous saisit le cœur, à chaque page. Toute
une
vie de femme se déroule sur un rythme large à travers un peuple de pe
329
haque page. Toute une vie de femme se déroule sur
un
rythme large à travers un peuple de personnages vivement contrastés,
330
de femme se déroule sur un rythme large à travers
un
peuple de personnages vivement contrastés, et des paysages baignés d’
331
un peuple de personnages vivement contrastés, et
des
paysages baignés d’une longue lumière boréale. Cette femme n’est pas
332
es vivement contrastés, et des paysages baignés d’
une
longue lumière boréale. Cette femme n’est pas un ange ni une sainte.
333
une longue lumière boréale. Cette femme n’est pas
un
ange ni une sainte. Elle a péché gravement, elle a touché le fond de
334
lumière boréale. Cette femme n’est pas un ange ni
une
sainte. Elle a péché gravement, elle a touché le fond de la détresse
335
le a touché le fond de la détresse humaine. C’est
un
vieux pasteur un peu ivrogne, un vieil ours intraitable, toujours dre
336
nd de la détresse humaine. C’est un vieux pasteur
un
peu ivrogne, un vieil ours intraitable, toujours dressé contre les co
337
e humaine. C’est un vieux pasteur un peu ivrogne,
un
vieil ours intraitable, toujours dressé contre les conventions civili
338
i prend soin d’elle au temps de son malheur. Puis
une
grâce vient dans sa vie, et désormais l’accompagne en secret tout au
339
ong de cette chronique. On voit naître et grandir
un
fils, puis les enfants d’une troisième génération. (C’est un des gran
340
is les enfants d’une troisième génération. (C’est
un
des grands pouvoirs des romanciers du Nord que d’introduire la durée
341
les enfants d’une troisième génération. (C’est un
des
grands pouvoirs des romanciers du Nord que d’introduire la durée d’un
342
oisième génération. (C’est un des grands pouvoirs
des
romanciers du Nord que d’introduire la durée d’une vie comme protagon
343
es romanciers du Nord que d’introduire la durée d’
une
vie comme protagoniste du drame.) Des fragments du journal de Sara co
344
la durée d’une vie comme protagoniste du drame.)
Des
fragments du journal de Sara commentent et rythment le déroulement de
345
maine. Cette espèce de naturalisme est le fruit d’
un
ressentiment que les excès idéalistes expliquent sans le légitimer. L
346
s expliquent sans le légitimer. L’homme n’est pas
un
ange, c’est entendu, mais ne dites pas qu’il n’est qu’une bête. À la
347
, c’est entendu, mais ne dites pas qu’il n’est qu’
une
bête. À la fois ange et bête, voilà sa vérité totale, c’est-à-dire sa
348
, c’est-à-dire sa poésie. Il y a dans Sara Alelia
une
poésie par endroits bouleversante, une poésie qui naît des faits, jam
349
ara Alelia une poésie par endroits bouleversante,
une
poésie qui naît des faits, jamais d’un commentaire de l’auteur. La da
350
e par endroits bouleversante, une poésie qui naît
des
faits, jamais d’un commentaire de l’auteur. La danse de la petite Eva
351
versante, une poésie qui naît des faits, jamais d’
un
commentaire de l’auteur. La danse de la petite Eva Margareta, chaussé
352
Hildur Dixetius a su voir dans la vie quotidienne
des
drames singuliers, de bizarres et profondes folies, l’originalité bou
353
et profondes folies, l’originalité bouleversante
des
êtres, qu’il s’agisse d’un grand évêque ou de cette fille de ferme «
354
inalité bouleversante des êtres, qu’il s’agisse d’
un
grand évêque ou de cette fille de ferme « au mince visage de belette
355
lette » qui enterre son enfant dans la neige avec
une
sorte d’innocence animale. La superstition rôde dans ces campagnes dé
356
tion rôde dans ces campagnes désertiques ; il y a
des
fous, des femmes possédées ; des ivrognes qui citent les Écritures ;
357
dans ces campagnes désertiques ; il y a des fous,
des
femmes possédées ; des ivrognes qui citent les Écritures ; peut-être
358
rtiques ; il y a des fous, des femmes possédées ;
des
ivrognes qui citent les Écritures ; peut-être aussi des saints, mais
359
rognes qui citent les Écritures ; peut-être aussi
des
saints, mais qu’on ignore et qui s’ignorent. Partout et jusque dans l
360
ui s’ignorent. Partout et jusque dans les choses,
un
mystère inquiétant se révèle aux yeux de celui qui sait voir, parce q
361
neige tombe, effaçant toutes traces », symbole d’
une
miséricorde lumineuse, dont on dirait qu’elle est le vrai sujet de ce
362
ence à peu près général de la critique à propos d’
une
telle œuvre donnerait lieu à des conclusions amères. Amères pour la c
363
tique à propos d’une telle œuvre donnerait lieu à
des
conclusions amères. Amères pour la critique surtout, je crois. Car Sa
364
rois. Car Sara Alelia trouvera son public ; c’est
un
livre qui a le temps pour lui. 9. Hildur Dixelius von Aster : Sara
365
: Sara Alelia, traduit du suédois par Anne-Marie
des
Courtis. (Éditions « Je sers ».) h. Rougemont Denis de, « [Compte r
366
Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Au sujet d’
un
roman : Sara Alelia », Les Nouvelles littéraires, Paris, 3 novembre
367
s littéraires, Paris, 3 novembre 1934, p. 3. i.
Une
note de lecture plus courte du même roman a également paru dans le Jo
368
Une
histoire de la Réforme en France (15 décembre 1934)j Certes, la gr
369
ance (15 décembre 1934)j Certes, la grandeur d’
une
Église et sa force ne résident pas dans son histoire, mais dans sa vé
370
y cherche pas de vains prétextes à se glorifier d’
un
passé bien passé, et dont il resterait à prouver qu’on est digne. Le
371
danger serait sans doute d’envisager l’histoire d’
une
religion dans la perspective de sa théologie ; le rappel constant du
372
Église protestante, à rétablir la valeur relative
des
faits, valeur de témoignage, sans cesse rapportée à la foi, dont Dieu
373
ot — qui vient de mourir presque en même temps qu’
un
autre grand historien protestant, Camille Jullian — avait adopté un p
374
torien protestant, Camille Jullian — avait adopté
un
parti tout différent, et c’est peut-être le seul reproche sérieux que
375
. Plus encore que le premier tome de cet ouvrage (
des
origines à l’édit de Nantes), le second tome qui vient de paraître10
376
sera permis de souhaiter que cette lacune suscite
un
Bremond protestant, ne fût-ce que pour corriger les souriantes injust
377
réussi le tour de force de parler de la Réforme d’
une
manière si objective, si impartiale, si spectaculaire, pourrait-on di
378
n Histoire se distingue de celle qu’eût pu écrire
un
savant laïque épris de tolérance, teinté de renanisme, et considérant
379
dans tous ses jugements, l’atténuation volontaire
des
condamnations qu’il ne peut s’empêcher de porter parfois, tout cet ef
380
d’impartialité systématique qui restera la marque
des
historiens du xixe siècle finissant, n’enlève rien à l’intérêt puiss
381
ante non seulement à cause du pittoresque violent
des
faits, non seulement à cause des plongées directes qu’elle permet d’o
382
toresque violent des faits, non seulement à cause
des
plongées directes qu’elle permet d’opérer dans la vie publique et pri
383
avaient pas armé, après quinze autres meurtriers,
un
Ravaillac… Le bel irénisme de Viénot, la réserve qu’il observe avec c
384
nt en somme que donner plus de vigueur au langage
des
faits, cités ici en très grand nombre à chaque page. Faits sinon nouv
385
éfenseurs de la politique romaine. La persécution
des
protestants ne fut pas l’œuvre du parti catholique français, mais bie
386
s l’œuvre du parti catholique français, mais bien
des
conseillers étrangers des rois et du haut clergé. Il semble bien que
387
que français, mais bien des conseillers étrangers
des
rois et du haut clergé. Il semble bien que la pensée dominante, dans
388
guerre faite à la foi évangélique, ait été celle
des
Espagnols et des Romains. Les catholiques patriotes savaient bien que
389
a foi évangélique, ait été celle des Espagnols et
des
Romains. Les catholiques patriotes savaient bien que la présence à la
390
triotes savaient bien que la présence à la cour d’
un
Sully ou d’un Duplessis-Mornay, représentants d’une Église légale et
391
nt bien que la présence à la cour d’un Sully ou d’
un
Duplessis-Mornay, représentants d’une Église légale et particulièreme
392
n Sully ou d’un Duplessis-Mornay, représentants d’
une
Église légale et particulièrement fidèle au roi, ne pouvait nuire au
393
la politique européenne, fut l’œuvre personnelle
des
réformés. Le « grand dessein » qu’avait conçu Béthune pouvait faire d
394
it faire de la France la première organisatrice d’
une
Europe fédéralisée. Mais le virus qu’un Mazarin, un Concini ou un Uba
395
atrice d’une Europe fédéralisée. Mais le virus qu’
un
Mazarin, un Concini ou un Ubaldini (nonce papal) introduisent en Fran
396
Europe fédéralisée. Mais le virus qu’un Mazarin,
un
Concini ou un Ubaldini (nonce papal) introduisent en France au début
397
lisée. Mais le virus qu’un Mazarin, un Concini ou
un
Ubaldini (nonce papal) introduisent en France au début du xviie sièc
398
alors cette révocation n’apparaît plus que comme
un
épisode, le plus marquant il est vrai, de toute l’évolution politique
399
vers « l’État totalitaire ». Il faut ici risquer
un
mot sans doute anachronique, mais que tout le livre de Viénot nous au
400
s. Chez Louis XIV comme chez Hitler, ce n’est pas
un
souci d’unité religieuse qui domine : la religion leur est simple pré
401
e prétexte ; mais il s’agit d’établir à tout prix
un
cadre national centralisé, géométrique, conçu dans l’abstraction et i
402
traction et imposé par la violence. Pour soutenir
un
tel dessein, il s’agit d’établir un droit nouveau qui ne soit plus fo
403
Pour soutenir un tel dessein, il s’agit d’établir
un
droit nouveau qui ne soit plus fondé que sur la seule volonté du dict
404
ateur. Déjà ce mot de Mazarin paraît donner comme
une
formule anticipée du droit « nazi » : Si le roi, disait-il, ne voula
405
le roi, disait-il, ne voulait point qu’on portât
des
glands à son collet, il n’en faudrait point porter, parce que ce n’es
406
de France ne cessèrent, dès le début, de dresser
une
protestation dont les termes n’ont, hélas ! pas vieilli. Viénot cite,
407
t, hélas ! pas vieilli. Viénot cite, à ce propos,
un
texte assez frappant. Il s’agit de la requête adressée au roi par des
408
pant. Il s’agit de la requête adressée au roi par
des
protestants auxquels on refusait l’usage des cimetières (on allait mê
409
par des protestants auxquels on refusait l’usage
des
cimetières (on allait même jusqu’à violer les sépultures des religion
410
res (on allait même jusqu’à violer les sépultures
des
religionnaires) : Ceux que vous déterrez, dit la requête, ne sont po
411
l est vrai que l’humanité est la propre affection
des
François… Bon Dieu ! parmi quels tigres vivons-nous… qu’une cour de P
412
is… Bon Dieu ! parmi quels tigres vivons-nous… qu’
une
cour de Parlement se licencie ainsi contre le droit naturel, contre l
413
aturel, contre l’honnêteté civile ! Ce recours à
un
droit universellement humain, n’est-il pas significatif de la nature
414
seule beauté : Lequel nous vaudra donc mieux, qu’
un
loup dévore notre charogne ou que des citoyens en repaissent leurs ye
415
nc mieux, qu’un loup dévore notre charogne ou que
des
citoyens en repaissent leurs yeux et contentent leur rage ? Certes, n
416
s avoir décrit l’enterrement nocturne et secret d’
une
de ses coreligionnaires, il conclut par ces mots : Nous sommes chass
417
: Nous sommes chassés de la ville et jetés comme
des
ordures dans un coin. C’est bien d’ailleurs. Notre part est en Dieu.
418
assés de la ville et jetés comme des ordures dans
un
coin. C’est bien d’ailleurs. Notre part est en Dieu. Nous sommes cito
419
urs. Notre part est en Dieu. Nous sommes citoyens
des
cieux. Louange à Dieu aux siècles des siècles. Le livre de John Vién
420
es citoyens des cieux. Louange à Dieu aux siècles
des
siècles. Le livre de John Viénot nous donne toute une anthologie de
421
iècles. Le livre de John Viénot nous donne toute
une
anthologie de pareils traits. Grâce à quoi l’on ressort de cette lect
422
, Librairie Fischbacher. La même librairie publie
une
intéressante plaquette de H. Dartigue sur la vie et l’œuvre de J. Vié
423
Viénot. j. Rougemont Denis de, « [Compte rendu]
Une
histoire de la Réforme en France », Les Nouvelles littéraires, Paris,
424
rant. L’Esprit souffle où il veut. Les prévisions
des
historiens de la pensée ne semblent pas peser bien lourd sur ses déci
425
Kierkegaard, surgissant lentement, terriblement,
des
ombres du Siècle Stupide ? Qui prévoyait, voici dix ans, l’interventi
426
ue Kierkegaard nous soit présenté aujourd’hui par
des
philosophes laïques tout à fait libérés des disciplines de la foi, au
427
i par des philosophes laïques tout à fait libérés
des
disciplines de la foi, au moment décisif où, d’autre part, la pensée
428
ion du poète philosophe et du théologien projette
une
vive lumière sur le secret dernier du message d’un romancier : Dostoï
429
e vive lumière sur le secret dernier du message d’
un
romancier : Dostoïevski. Prenons-y garde, une nouvelle constellation
430
ge d’un romancier : Dostoïevski. Prenons-y garde,
une
nouvelle constellation monte au zénith de notre âge. Il s’agit mainte
431
is la Bible, que nous dit-elle ? Elle ne fait pas
une
théorie, elle répond par l’exemple d’Abraham. Et c’est à la méditatio
432
egaard va consacrer son livre. Abraham, le « père
des
croyants », c’est l’homme qui a osé l’absurde. Dieu lui a donné un fi
433
est l’homme qui a osé l’absurde. Dieu lui a donné
un
fils, à l’âge de 70 ans. Il n’a pas ri — comme Sarah, sa femme — de c
434
rale et toute règle « générale ». Il va commettre
un
meurtre, et c’est parce qu’il l’accepte qu’on l’appellera le père des
435
t parce qu’il l’accepte qu’on l’appellera le père
des
croyants ? L’individu serait-il au-dessus du général ? Serait-il affr
436
é : Dieu l’arrête au dernier moment et lui montre
un
bélier prêt pour le sacrifice… On célèbre la grâce de Dieu qui a don
437
onde fois ; on ne voit, dans toute l’histoire, qu’
une
épreuve. Une épreuve : c’est beaucoup dire, et peu de chose ; et cepe
438
n ne voit, dans toute l’histoire, qu’une épreuve.
Une
épreuve : c’est beaucoup dire, et peu de chose ; et cependant la chos
439
ssi vite passée que dite. On enfourche Pégase, en
un
clin d’œil on est à Morija, on voit aussitôt le bélier ; on oublie qu
440
le couteau. On oublie cela, on fait d’Abraham «
un
personnage insignifiant » et le comique c’est qu’on persiste à l’offr
441
pensable, c’est qu’il reçut Isaac en récompense d’
un
acte « fou » et revint avec lui dans la vie comme si rien ne s’était
442
comme si rien ne s’était passé. Voilà le paradoxe
des
paradoxes : vivre comme tout le monde, mais « en vertu de l’absurde »
443
française la pensée de Søren Kierkegaard : c’est
un
titre qui compte, et dont la pensée protestante saura mesurer la vale
444
ment avec celui de Kierkegaard. Barth s’adresse à
des
auditeurs chrétiens, à des hommes qui se posent sérieusement la quest
445
ard. Barth s’adresse à des auditeurs chrétiens, à
des
hommes qui se posent sérieusement la question : en quoi ma foi doit-e
446
ce du grand théologien se porte dans ce livre sur
un
seul point : l’homme chrétien reste un homme comme les autres. Il n’a
447
livre sur un seul point : l’homme chrétien reste
un
homme comme les autres. Il n’a pas à devenir, dès ici-bas, un être un
448
me les autres. Il n’a pas à devenir, dès ici-bas,
un
être un peu divin, un peu divinisé, échappant en quelque manière aux
449
utres. Il n’a pas à devenir, dès ici-bas, un être
un
peu divin, un peu divinisé, échappant en quelque manière aux lois de
450
pas à devenir, dès ici-bas, un être un peu divin,
un
peu divinisé, échappant en quelque manière aux lois de ce monde perdu
451
à Dieu. Point n’est nécessaire qu’il vous pousse
des
ailes ni que vous soyez transformés en quelque essence radieuse et es
452
dieuse et esthétique. La vie chrétienne n’est pas
une
construction qui s’élève au-dessus du reste de la vie. C’est toute pr
453
on promise de ce monde. Apparemment il ne diffère
des
autres en rien. Mais il est orienté autrement — converti. Il vit dans
454
s pas à nous comme de grands questionneurs, comme
des
êtres orientés vers autre chose qu’eux-mêmes ? « Quand ils posent des
455
très simples, Thurneysen sait atteindre au cœur d’
une
œuvre entre toutes complexe. C’est que, plus nettement encore que Ber
456
vski, le professeur de Bâle a su l’envisager dans
une
perspective chrétienne, hors de laquelle cette œuvre resterait privée
457
c’est la réponse à cette question : qu’est-ce qu’
un
homme ? Et cette réponse, il nous l’a donnée en nous découvrant que l
458
en nous découvrant que l’homme n’est lui-même qu’
une
seule et grande question, la question de l’origine de sa vie, la ques
459
Dostoïevski apparaissent malades, comme blessés d’
une
atteinte profonde, portant comme une plaie béante le problème de leur
460
me blessés d’une atteinte profonde, portant comme
une
plaie béante le problème de leur existence, ce problème qu’ils ne peu
461
t fort bien la thèse que Thurneysen soutient avec
une
passion convaincante. De divers côtés l’on m’a demandé de préciser, à
462
rs côtés l’on m’a demandé de préciser, à propos d’
une
de mes récentes chroniques, ce qu’il fallait entendre par le protesta
463
plan théologique par Karl Barth, et sur le plan d’
une
poésie philosophique par Kierkegaard, c’est la conception même de la
464
Jean Calvin (20 juillet 1935)l On nous montre
un
Calvin maigre et sec, et l’on conclut incontinent à l’ascétisme purit
465
ncontinent à l’ascétisme puritain. On nous montre
un
Luther adipeux, et loin de revenir sur le premier jugement, on fait d
466
r sur le premier jugement, on fait de cette image
un
nouveau cliché polémique : la Réforme se voit assimilée au « fays ce
467
rme se voit assimilée au « fays ce que vouldras »
des
Renaissants. Les protestants sont-ils trop maigres ou trop gras ? Gra
468
u trop gras ? Grave question pour ceux qui jugent
des
vérités les plus profondes de la foi selon le poids de leurs représen
469
rand public, sinon qu’il avait les joues creuses,
une
barbiche pointue et un profil coupant ? N’est-ce pas assez pour juger
470
avait les joues creuses, une barbiche pointue et
un
profil coupant ? N’est-ce pas assez pour juger son système ? Ne sait-
471
ttéraire du calvinisme, a donné lieu par contre à
une
véritable débauche de considérations très vaguement physiognomoniques
472
sme laisse espérer, pour les années qui viennent,
un
essor tout nouveau de la pensée chrétienne. On aurait tort d’assimile
473
théologiens de la Réforme ne sont pas à nos yeux
des
chefs d’école ; ni des docteurs dont la pensée fait loi, une fois san
474
rme ne sont pas à nos yeux des chefs d’école ; ni
des
docteurs dont la pensée fait loi, une fois sanctionnée par l’Église.
475
ois sanctionnée par l’Église. Ils sont avant tout
des
témoins. On ne saurait trop insister sur cette distinction fondamenta
476
ntale pour toute la pensée réformée. Qu’est-ce qu’
un
témoin ? C’est un homme qui n’est pas l’inventeur de son message, mai
477
a pensée réformée. Qu’est-ce qu’un témoin ? C’est
un
homme qui n’est pas l’inventeur de son message, mais qui renvoie sans
478
i renvoie sans trêve au-delà de lui-même, au-delà
des
formules humaines de ce message, à la réalité qui le juge et nous sau
479
e calvinisme ou le luthérisme, ce sont bien moins
des
normes de pensée que des chemins vers l’Évangile. L’Évangile seul, éc
480
isme, ce sont bien moins des normes de pensée que
des
chemins vers l’Évangile. L’Évangile seul, éclairé par l’Esprit, reste
481
cette introduction, c’est qu’elle nous ouvre, en
une
quinzaine de pages, les principales perspectives de « l’univers » cal
482
ue les commentateurs nous avaient donné jusqu’ici
une
image assez étriquée de cette Weltanschauung à la fois biblique et cl
483
es de l’humanisme antichrétien et c’est le Traité
des
scandales. Ce troisième traité n’avait jamais été réimprimé depuis sa
484
n déchaînée », il sera pour beaucoup l’occasion d’
une
véritable découverte de Calvin. Il nous donne un puissant raccourci d
485
une véritable découverte de Calvin. Il nous donne
un
puissant raccourci de toute la polémique de la Réforme contre les lib
486
stes de l’école d’Agrippa, contre les Rabelais et
Des
Périers qui abandonnent la cause pour un idéal humaniste. Or, tous ce
487
lais et Des Périers qui abandonnent la cause pour
un
idéal humaniste. Or, tous ceux-là se scandalisent à grand bruit, « no
488
per : Quant à ce que la Prédestination est comme
une
mer de scandales, d’où vient cela sinon de la folle curiosité des hom
489
ales, d’où vient cela sinon de la folle curiosité
des
hommes ou de leur outrecuidance débordée ? Calvin n’est guère partis
490
dont on persiste à lui attribuer l’invention, par
une
erreur assez inexplicable. Mais les pires adversaires de l’Église ne
491
qui abusent du nom de la chrétienté pour nourrir
une
paix fardée ! Voici ceux qui voudraient confondre la véritable grand
492
onfondre la véritable grandeur de l’Église avec «
une
façon de royaume mondain ». À ceux-là, Calvin rappellera que notre co
493
baveries », et ceux « qui se ruent contre Dieu d’
une
impétuosité enragée à la façon des frénétiques, et tombent en de gran
494
contre Dieu d’une impétuosité enragée à la façon
des
frénétiques, et tombent en de grands abîmes ou se rompent le col en s
495
sujet de ce style, dont l’exemple n’est pas l’un
des
plus négligeables que comportent les Trois traités, M. Schmidt nous p
496
vers interlocuteurs, il ne se range jamais, comme
un
littérateur de second ordre, aux lois d’une esthétique préconçue, mai
497
comme un littérateur de second ordre, aux lois d’
une
esthétique préconçue, mais il adopte toujours la forme de discours la
498
e à l’objet proposé : tout en portant la marque d’
une
des plus puissantes personnalités qui fut jamais, il se recrée toujou
499
l’objet proposé : tout en portant la marque d’une
des
plus puissantes personnalités qui fut jamais, il se recrée toujours l
500
lle serait la formule du classicisme de Calvin. D’
une
vivacité presque baroque dans les Scandales, orné et pompeux dans l’É
501
doute, font le plus grand défaut à notre siècle :
une
fermeté délibérée qui ne s’arrête pas complaisamment à des trouvaille
502
té délibérée qui ne s’arrête pas complaisamment à
des
trouvailles, une sobriété vigoureuse dans l’exposé des sic et non, en
503
ne s’arrête pas complaisamment à des trouvailles,
une
sobriété vigoureuse dans l’exposé des sic et non, enfin ce ton nature
504
rouvailles, une sobriété vigoureuse dans l’exposé
des
sic et non, enfin ce ton naturel de grandeur qui s’accommode des plus
505
enfin ce ton naturel de grandeur qui s’accommode
des
plus savoureux contrastes, coupant court aux élans de pure rhétorique
506
urt aux élans de pure rhétorique, cet accent dont
un
romantisme tour à tour alangui ou excité nous a fait perdre le secret
507
oluptueuse du xixe . Il m’apparaît que le style d’
un
Calvin peut nous être un puissant roboratif. Et ceci pour deux bonnes
508
’apparaît que le style d’un Calvin peut nous être
un
puissant roboratif. Et ceci pour deux bonnes raisons. D’abord Calvin
509
té de ses paroles. Or, rien ne confère au langage
une
aussi poignante vertu que cette conscience d’une mission à remplir et
510
une aussi poignante vertu que cette conscience d’
une
mission à remplir et d’un dialogue à soutenir avec l’époque. Notre cu
511
que cette conscience d’une mission à remplir et d’
un
dialogue à soutenir avec l’époque. Notre culture périt d’être par tro
512
ale. Là encore, la leçon de Calvin serait celle d’
un
retour aux origines. Voilà la seule révolution qui compte pour l’espr
513
m. On est tenté de résumer toutes ces tensions en
une
seule et unique opposition : mysticisme et action créatrice. Cette vu
514
ition : mysticisme et action créatrice. Cette vue
des
plus courantes omet pourtant le fait chrétien fondamental : la foi. L
515
e s’oppose donc à toute mystique qui ne serait qu’
une
fuite hors du monde, comme à toute action en révolte contre l’ordre d
516
r malheur M. Chuzeville, on contribue à renforcer
un
préjugé dont le bénéfice ne saurait être pour la foi. La mystique, no
517
ique, nous dit-il, en effet, c’est « la recherche
des
moyens par lesquels l’âme arrive à transgresser ses limites charnelle
518
harnelles et temporelles ». Fort bien, répondrait
un
marxiste, si le christianisme est cela, nous lui laisserons ses rêver
519
stion de mysticisme. Ceci marqué, qui est plus qu’
une
réserve, il convient de remercier M. Chuzeville de nous avoir ouvert
520
ille de nous avoir ouvert par son anthologie tout
un
monde spirituel et poétique plein de dangers et de merveilles. Le cho
521
tique plein de dangers et de merveilles. Le choix
des
textes me paraît des plus heureux, la traduction ferme et coulante. L
522
s et de merveilles. Le choix des textes me paraît
des
plus heureux, la traduction ferme et coulante. La plupart des mystiqu
523
k mis à part ; et beaucoup sont de grands poètes,
des
philosophes terriblement concrets : Suso, Tauler, Franck et Weigel, e
524
on s’étonnera sans doute de le voir figurer dans
un
choix de « mystiques », alors qu’il est le premier défenseur de l’exp
525
premier défenseur de l’expérience. Mais la beauté
des
textes cités fait pardonner bien volontiers cette erreur de classific
526
e où ils annoncent le lyrisme et la philosophie d’
une
des plus hautes périodes de l’esprit humain. J’entends le premier rom
527
ils annoncent le lyrisme et la philosophie d’une
des
plus hautes périodes de l’esprit humain. J’entends le premier romanti
528
cela vaudrait mieux, à coup sûr, que de rééditer
des
calomnies usées sur un Luther qu’on n’a jamais lu ; l’introduction de
529
coup sûr, que de rééditer des calomnies usées sur
un
Luther qu’on n’a jamais lu ; l’introduction de cette anthologie conti
530
s littéraires, Paris, 2 novembre 1935, p. 5. n.
Une
note de lecture sur le même livre a également paru dans la Nouvelle R
531
oblème du bien (12 septembre 1936)o Couronnant
une
carrière d’auteur déjà longue — quarante-cinq volumes, sauf erreur —
532
erreur — M. le pasteur Wilfred Monod nous a donné
une
œuvre aussi exceptionnelle par ses dimensions que par son style. M. W
533
t actuellement le représentant le plus marquant d’
une
famille dont les destins se confondirent durant tout le siècle dernie
534
ux réformés, ne trouva rien de mieux que d’écrire
un
pamphlet contre la race des Monod, les traditions, l’esprit et l’idéo
535
de mieux que d’écrire un pamphlet contre la race
des
Monod, les traditions, l’esprit et l’idéologie de cette « tribu ». Il
536
que l’auteur du Problème du Bien 13 se soit fait
un
glorieux devoir, et peut-être un malin plaisir, de soutenir les cause
537
13 se soit fait un glorieux devoir, et peut-être
un
malin plaisir, de soutenir les causes les plus vilipendées par ce fur
538
mouvements de pensée et d’action dont il fut l’un
des
principaux initiateurs : le christianisme social, et l’union des égli
539
initiateurs : le christianisme social, et l’union
des
églises non romaines, grande espérance œcuménique et internationale n
540
troisième, qui les commande directement : celle d’
un
certain humanisme chrétien. L’ouvrage littéralement énorme (hors de l
541
rme (hors de la norme) qui vient de paraître sous
un
titre dont l’apparence paradoxale est typique de l’esprit de M. Monod
542
nnent la somme de la problématique particulière à
une
école — est-ce trop dire — qui va de Schleiermacher à Harnack, en pas
543
e les récents livres de Bergson viennent apporter
un
ultime renouveau. À cet égard, le Problème du Bien mériterait un exam
544
veau. À cet égard, le Problème du Bien mériterait
un
examen critique dont le cadre de ma chronique ne saurait supporter mê
545
rès librement : « essai de théodicée et journal d’
un
pasteur ». Nous n’avons pas affaire ici à une construction doctrinale
546
al d’un pasteur ». Nous n’avons pas affaire ici à
une
construction doctrinale. L’auteur prend soin de nous en avertir à mai
547
t ouvrage ne réside pas seulement dans le récit d’
une
exploration hasardée en des régions peu connues, mais aussi dans la c
548
ement dans le récit d’une exploration hasardée en
des
régions peu connues, mais aussi dans la constante présentation d’un d
549
nues, mais aussi dans la constante présentation d’
un
double cheminement : la recherche du penseur et le ministère du paste
550
istes, ni à l’Église, comme ce serait le devoir d’
un
traité dogmatique. Je m’adresse aux chrétiens, mais plus encore aux
551
e leur propose de méditer le problème du Bien. Si
des
croyants peuvent douter de leur croyance à cause du mal, que des incr
552
uvent douter de leur croyance à cause du mal, que
des
incroyants apprennent à douter de leur incroyance, à cause du Bien.
553
et les théologiens trop rigides par le recours à
une
piété plus libre. On sait que pour l’école de Barth, tout au contrair
554
, la prédication de l’Église, pour la débarrasser
des
intrusions de philosophies passagères quelles qu’elles soient. Pour B
555
l’homme en question. M. Monod part au contraire d’
une
mise en question de « Dieu » par la conscience morale de l’homme. L’o
556
’homme. L’opposition apparaît absolue. Mais l’une
des
grandes surprises que nous réserve le Problème du Bien, c’est qu’au m
557
réserve le Problème du Bien, c’est qu’au moyen d’
une
méthode « libérale » et partant d’un point de vue « libéral » — encor
558
’au moyen d’une méthode « libérale » et partant d’
un
point de vue « libéral » — encore que l’auteur s’en défende, l’adject
559
eur s’en défende, l’adjectif ayant pris peu à peu
une
signification ecclésiastique plus précise et restreinte que celle que
560
e que je lui donne ici — M. Monod rejoint souvent
des
conclusions théologiques que Barth ne saurait renier. Cette convergen
561
gence paradoxale et imprévue n’est-elle pas comme
un
signe, une promesse émouvante de l’unité future des chrétiens, par-de
562
doxale et imprévue n’est-elle pas comme un signe,
une
promesse émouvante de l’unité future des chrétiens, par-delà les fune
563
n signe, une promesse émouvante de l’unité future
des
chrétiens, par-delà les funestes divisions de l’orthodoxie et du libé
564
us montre la Nature, c’est bien plutôt l’action d’
un
« démiurge » sauvage, omnivore, amateur de catastrophes et de crimes.
565
fourmi périssant de mort violente sous le talon d’
un
chrétien qui prie en marchant », — voilà qui pose à M. Monod le probl
566
nne pour avoir affirmé que le monde est l’œuvre d’
un
esprit mauvais, d’un démiourgos que le Christ, fils de Dieu, est venu
567
é que le monde est l’œuvre d’un esprit mauvais, d’
un
démiourgos que le Christ, fils de Dieu, est venu pour combattre et po
568
, « n’est pas venu nous enseigner que l’univers a
un
créateur. Il a, au contraire, déboulonné l’idole effroyable du Tout-P
569
; il a enseigné que le vrai Dieu s’incarnait dans
un
crucifié vaincu ». Par une espèce de paradoxe — personne n’a chéri da
570
i Dieu s’incarnait dans un crucifié vaincu ». Par
une
espèce de paradoxe — personne n’a chéri davantage le paradoxe depuis
571
M. Monod déduit de cette « hypothèse de travail »
une
réaffirmation du dogme trinitaire : Dieu est un X qui ne se révèle à
572
une réaffirmation du dogme trinitaire : Dieu est
un
X qui ne se révèle à l’homme comme le Père que par son incarnation da
573
ces débats. Wilfred Monod nous apparaît ici comme
une
espèce de père Hugo du modernisme : même invention verbale, même goût
574
du modernisme : même invention verbale, même goût
des
grandes antithèses, même générosité humanitaire. Et quelle surabondan
575
a TSF, les rayons X, l’automobile et la structure
des
atomes lui fournissent un matériel métaphorique inépuisable. Je n’y v
576
mobile et la structure des atomes lui fournissent
un
matériel métaphorique inépuisable. Je n’y vois pas d’inconvénient à p
577
teur s’en défende dans sa préface. Cela nous vaut
des
pages fort curieuses sur la Nature, des élévations romantiques, telle
578
nous vaut des pages fort curieuses sur la Nature,
des
élévations romantiques, telle description poignante de réalisme, d’un
579
iques, telle description poignante de réalisme, d’
un
ensevelissement dans la fosse commune. Le mérite capital de cette vis
580
replace l’homme dans la perspective cosmique dont
un
maigre intellectualisme dogmatique nous faisait perdre l’émouvant sou
581
de loin. Les Soliloques dans la nuit, fragments d’
un
journal de jeunesse qui remplissent 200 pages du premier tome, témoig
582
mplissent 200 pages du premier tome, témoignent d’
une
véritable frénésie de problèmes, d’un état de controverse intérieure
583
moignent d’une véritable frénésie de problèmes, d’
un
état de controverse intérieure et abstraite, où je crains bien que la
584
ien que la jeunesse d’aujourd’hui ne voie plus qu’
une
fièvre morbide. Mais la forme excessivement libre de cet ouvrage le s
585
sauve de l’ennui inhérent aux gros livres. C’est
une
somme, ai-je dit, une étrange et vivante compilation de notes, de jou
586
rent aux gros livres. C’est une somme, ai-je dit,
une
étrange et vivante compilation de notes, de journaux, de lettres, de
587
n, j’apposerais volontiers cet argument : comment
un
protestant se libère d’un intellectualisme intempérant par la considé
588
cet argument : comment un protestant se libère d’
un
intellectualisme intempérant par la considération hardie du cosmos. Q
589
— et s’il ne tenait, par ailleurs, à l’étayer par
une
philosophie qui ne saurait plus être la nôtre : j’entends le criticis
590
tien, de fonder cette Révélation sur le système d’
un
autre Emmanuel — Kant en l’espèce ? M. Monod ne saurait m’en vouloir
591
M. Monod ne saurait m’en vouloir de lui retourner
une
boutade qui porte évidemment sa marquep. 13. Wilfred Monod, Le Prob
592
roblème du Bien : essai de théodicée et journal d’
un
pasteur, 3 volumes, chez Alcan. o. Rougemont Denis de, « [Compte re
593
littéraires, Paris, 12 septembre 1936, p. 5. p.
Une
critique de l’ouvrage de Wilfred Monod paraît également dans Hic et
594
r quelles fins ? Si l’on ne veut pas s’en tenir à
des
appréciations du genre « moine qui voulait se marier », il serait sag
595
s qu’elles ont été écrites, on n’en a pas traduit
une
seule en France ! Quelques pages choisies, en appendice à une brève b
596
France ! Quelques pages choisies, en appendice à
une
brève biographie ; une brochure sur la liberté chrétienne : et les tr
597
s choisies, en appendice à une brève biographie ;
une
brochure sur la liberté chrétienne : et les trop fameux Propos de Tab
598
igieuse : voilà tout ce qui nous est accessible d’
une
œuvre dont on sait pourtant qu’elle a changé plus qu’aucune autre les
599
s de l’Occident. (Je ne fais là, bien entendu, qu’
une
constatation historique.) Remercions donc le courageux éditeur qui vi
600
Ne fût-ce que sur le plan de la culture générale,
une
telle publication est appelée à rendre des services inappréciables. E
601
érale, une telle publication est appelée à rendre
des
services inappréciables. Elle nous place au cœur même du grand débat
602
être Érasme. Elle nous permet de connaître l’une
des
origines historiques de cette opposition fondamentale, de cette discu
603
rsonne va-t-elle changer une fois de plus la face
des
choses ? À tout le moins doit-elle passionner le débat, et le faire p
604
nne, dans cet ouvrage, qui est avant tout celui d’
un
grand théologien ? Une verdeur de polémique qui peut flatter en nous
605
qui est avant tout celui d’un grand théologien ?
Une
verdeur de polémique qui peut flatter en nous le goût du pittoresque
606
pittoresque ; l’élan génial, la violence loyale d’
une
certitude pesante, vraiment « grave », d’une dialectique sobre et têt
607
le d’une certitude pesante, vraiment « grave », d’
une
dialectique sobre et têtue qui va droit au point décisif, envisage ho
608
conférer à son choix la force et la simplicité d’
une
constatation évidente. D’un point de vue purement esthétique, ces qua
609
e et la simplicité d’une constatation évidente. D’
un
point de vue purement esthétique, ces qualités sont assez rares, et c
610
z rares, et chez Luther assez flagrantes, pour qu’
un
lecteur qui refuse l’essentiel — c’est-à-dire la foi de Luther — soit
611
ition codifiée ; sens de la décision totale entre
un
oui et un non absolus, et refus de tout moyen terme entre les règnes
612
fiée ; sens de la décision totale entre un oui et
un
non absolus, et refus de tout moyen terme entre les règnes en guerre
613
nt exagéré de voir dans le Traité du serf arbitre
une
sorte de résumé — très peu systématique, et c’est heureux — des posit
614
ésumé — très peu systématique, et c’est heureux —
des
positions maîtresses de la Réforme. Quant à la thèse particulière, qu
615
l’acte par lequel Dieu le choisit, substituant à
un
destin fatal une vocation d’un tout autre ordre. Fatalité et liberté
616
el Dieu le choisit, substituant à un destin fatal
une
vocation d’un tout autre ordre. Fatalité et liberté : le problème ne
617
sit, substituant à un destin fatal une vocation d’
un
tout autre ordre. Fatalité et liberté : le problème ne peut être écar
618
es. Et l’on sait que Nietzsche lui-même aboutit à
un
paradoxe tout semblable à celui de Luther : la liberté est à ses yeux
619
erté est à ses yeux dans la connaissance virile d’
une
nécessité immuable, acceptée et aimée comme telle. Mais cette nécessi
620
ût-il saisi dans son sérieux dernier la réalité d’
un
dilemme qui sacrifie l’homme à la vérité ? 14. Traduit du latin, au
621
aires, Paris, 19 juin 1937, p. 5. r. Il s’agit d’
une
recension de Traité du aerf arbitre de Martin Luther, traduit pour la
622
e siècle, il n’y a plus de grands mythes, il y a
des
analyses. On part de « faits d’observation » et l’on essaie d’en tire
623
ses Abeilles d’Aristée, constate le « crépuscule
des
mondes imaginaires ».) On n’aime plus inventer, mais on veut découvri
624
effort de l’écrivain se porte alors sur l’analyse
des
motifs secrets d’une action. La méthode consistant trop souvent, il f
625
se porte alors sur l’analyse des motifs secrets d’
une
action. La méthode consistant trop souvent, il faut le dire, à tenir
626
illusions qui ne résistent pas à l’analyse, et qu’
un
auteur sincère se doit de démasquer. Tout se ramènerait à la physiolo
627
fallait pas moins que le génie plein de malices d’
une
Lagerlöf pour renverser d’un coup cette apparente fatalité. Kipling m
628
plein de malices d’une Lagerlöf pour renverser d’
un
coup cette apparente fatalité. Kipling meurt, et l’on dit : c’était l
629
conteur. La même année paraît le grand triptyque
des
Löwensköld 15. Et, grâce à lui, nous pourrons rire de nouveau de cett
630
origine de tout l’art du récit, c’est la légende.
Une
atmosphère d’enfance retrouvée — qu’on lise les souvenirs qui compose
631
16 — voilà le milieu-mère de l’imagination. C’est
une
légende, Gösta Berling, qui inaugure l’œuvre entière de l’auteurt. C’
632
qui inaugure l’œuvre entière de l’auteurt. C’est
une
légende encore qui donne le départ à ce roman des Löwensköld, et port
633
une légende encore qui donne le départ à ce roman
des
Löwensköld, et porte sur lui de grandes ombres. Il y puise sa vie sec
634
s ombres. Il y puise sa vie secrète, il en reçoit
des
dimensions nouvelles : mystère, fatalité, présence d’une tradition. À
635
ensions nouvelles : mystère, fatalité, présence d’
une
tradition. À vrai dire, on ne croit guère à ce pouvoir mortel d’un an
636
rai dire, on ne croit guère à ce pouvoir mortel d’
un
anneau dérobé dans une tombe (L’Anneau des Löwensköld). L’auteur lui-
637
guère à ce pouvoir mortel d’un anneau dérobé dans
une
tombe (L’Anneau des Löwensköld). L’auteur lui-même sourit entre les l
638
ortel d’un anneau dérobé dans une tombe (L’Anneau
des
Löwensköld). L’auteur lui-même sourit entre les lignes. (Mais, seule,
639
es. (Mais, seule, la naïveté moderne se figure qu’
une
légende doit être crue, comme on croit les journaux, par exemple, et
640
rer du mythe. Et c’est aussi la profusion géniale
des
inventions concrètes — une à chaque page, au moins — qui peu à peu il
641
i la profusion géniale des inventions concrètes —
une
à chaque page, au moins — qui peu à peu illustrent la psychologie la
642
u à peu illustrent la psychologie la plus secrète
des
héros. L’on prie de croire, d’ailleurs, que ces héros sont bien assez
643
exes pour notre goût moderne ! Et que l’« analyse
des
motifs » est ici d’une fort malicieuse lucidité. Mais elle s’opère pa
644
derne ! Et que l’« analyse des motifs » est ici d’
une
fort malicieuse lucidité. Mais elle s’opère par le seul jeu des faits
645
ieuse lucidité. Mais elle s’opère par le seul jeu
des
faits, jamais en marge de l’action, sous forme de méditation ou d’ana
646
iens, retrouvent ici leur grâce et leur prestige.
Une
ironie sereine, à peine amère, les décape de toute niaiserie, et déjo
647
erie, et déjoue toutes les conventions. Surtout,
un
rythme merveilleux de souplesse, d’imprévu et d’aisance, entretient t
648
d’aisance, entretient tout au long de la lecture
une
euphorie de l’imagination dont nous pensions que le secret s’était pe
649
e de conter ! Plusieurs douzaines de personnages,
des
familles et des isolés, des monstres, des bourgeois, des paysans, une
650
usieurs douzaines de personnages, des familles et
des
isolés, des monstres, des bourgeois, des paysans, une belle jeune fil
651
aines de personnages, des familles et des isolés,
des
monstres, des bourgeois, des paysans, une belle jeune fille de la nob
652
nnages, des familles et des isolés, des monstres,
des
bourgeois, des paysans, une belle jeune fille de la noblesse, une boh
653
illes et des isolés, des monstres, des bourgeois,
des
paysans, une belle jeune fille de la noblesse, une bohémienne, un jeu
654
isolés, des monstres, des bourgeois, des paysans,
une
belle jeune fille de la noblesse, une bohémienne, un jeune pasteur fa
655
es paysans, une belle jeune fille de la noblesse,
une
bohémienne, un jeune pasteur fanatique, une dévote écœurante et perve
656
belle jeune fille de la noblesse, une bohémienne,
un
jeune pasteur fanatique, une dévote écœurante et perverse, — cela suf
657
esse, une bohémienne, un jeune pasteur fanatique,
une
dévote écœurante et perverse, — cela suffirait pour animer un roman r
658
œurante et perverse, — cela suffirait pour animer
un
roman romantique de la grande tradition. Mais tout ce pittoresque hum
659
tradition. Mais tout ce pittoresque humain revêt
un
drame spirituel, le drame de l’absolu chrétien qui détruit tout dès q
660
œuvre entière est formulé : « Celui qui veut être
un
disciple du Christ sans avoir l’amour des hommes est condamné à aller
661
eut être un disciple du Christ sans avoir l’amour
des
hommes est condamné à aller à sa perte et à y conduire les autres ».
662
bscures dominent ceux qui n’ont pas la foi. Seule
une
prière désespérée, de pur amour, rompt le charme forgé par le péché.
663
ivé de son pouvoir maléfique, répond le symbole d’
un
engagement humain librement consenti devant Dieu ; un anneau nuptial
664
ngagement humain librement consenti devant Dieu ;
un
anneau nuptial retrouvé. Le premier tome — L’Anneau des Löwensköld —
665
neau nuptial retrouvé. Le premier tome — L’Anneau
des
Löwensköld — contient le récit de la légende. Les deux tomes suivants
666
ts — Charlotte Löwensköld et Anna Svärd — forment
un
seul roman, aux péripéties magistralement variées et fuguées. À défau
667
t de tout résumé imaginable, j’aimerais citer ici
une
seule de ces « situations » que Lagerlöf noue et dénoue dans chaque c
668
Lagerlöf noue et dénoue dans chaque chapitre avec
une
prodigalité vraiment géniale. Le jeune pasteur Karl-Artur Eckenstedt
669
la quittant, il lui a crié qu’il n’épouserait qu’
une
femme que Dieu lui aurait désignée. La première qu’il croisera en all
670
ut de peu qu’il ne rencontre dès les premiers pas
une
vieille mendiante sourde. Une voiture le dépasse, conduite par une ri
671
ès les premiers pas une vieille mendiante sourde.
Une
voiture le dépasse, conduite par une riche jeune fille des environs,
672
ante sourde. Une voiture le dépasse, conduite par
une
riche jeune fille des environs, mais cela ne compte pas, car il est e
673
re le dépasse, conduite par une riche jeune fille
des
environs, mais cela ne compte pas, car il est entendu que la femme dé
674
emme désignée par Dieu doit venir à sa rencontre.
Un
peu plus loin, il entend chanter : c’est la fille de l’aubergiste, qu
675
ne s’engage pas sur la route, elle s’arrête dans
un
pré voisin. Karl-Artur doute, tremble, et marche toujours. Voici veni
676
vre orpheline du village ; elle est défigurée par
une
énorme tache de vin. Faudra-t-il accepter ce martyre ? Déjà, le jeune
677
elle tourne à droite. Il poursuit son chemin dans
une
exaltation croissante, priant et reprenant courage. Soudain une femme
678
croissante, priant et reprenant courage. Soudain
une
femme sort du jardin juste en face de lui ; une jeune Dalécarlienne,
679
n une femme sort du jardin juste en face de lui ;
une
jeune Dalécarlienne, dans son costume de marchande ambulante. « Elle
680
ume de marchande ambulante. « Elle brillait comme
une
rose sauvage. » Il s’arrête. « Tu me regardes comme si j’étais une bê
681
» Il s’arrête. « Tu me regardes comme si j’étais
une
bête curieuse, dit-elle. On croirait que tu as rencontré un ours ! »
682
rieuse, dit-elle. On croirait que tu as rencontré
un
ours ! » C’est Anna Svärd, la femme que Dieu lui envoie, qu’il épouse
683
peut surprendre, dans cette scène étonnante, l’un
des
secrets de l’art de Selma Lagerlöf. L’invention romanesque n’est ici
684
omanesque n’est ici que la « mise en pratique » d’
une
attitude spirituelle extrême. La phrase de Karl-Artur lâchée, il suff
685
prendre au mot : elle commande tout naturellement
une
suite d’incidents pittoresques ou dramatiques, à quoi l’auteur ne se
686
mour, comme pour purifier l’émotion. Mais pour qu’
une
telle phrase soit dite, il faut des âmes fortement tendues. Et pour q
687
Mais pour qu’une telle phrase soit dite, il faut
des
âmes fortement tendues. Et pour que cette même phrase soit aussitôt m
688
nulle invraisemblance, il faut que ce héros soit
un
croyant d’une certaine trempe. Derrière Karl-Artur, en effet, il y a
689
semblance, il faut que ce héros soit un croyant d’
une
certaine trempe. Derrière Karl-Artur, en effet, il y a la tradition d
690
errière Karl-Artur, en effet, il y a la tradition
des
puritains, mais aussi tout l’absolutisme religieux du Brand d’Ibsen,
691
e avec humilité. Et cinquante autres personnages,
des
foules aux foires, la vie commune du bourg et des paroisses. C’est vr
692
des foules aux foires, la vie commune du bourg et
des
paroisses. C’est vraiment toute l’humanité suscitée et instruite par
693
anité suscitée et instruite par la Réforme, c’est
un
pays entier sous la lumière de la Parole, qui trouve ici son expressi
694
t se transforme, non pas seulement selon les lois
des
passions, des cœurs et des corps, mais aussi selon la liberté, souven
695
e, non pas seulement selon les lois des passions,
des
cœurs et des corps, mais aussi selon la liberté, souvent plus folle e
696
ulement selon les lois des passions, des cœurs et
des
corps, mais aussi selon la liberté, souvent plus folle encore, des âm
697
ussi selon la liberté, souvent plus folle encore,
des
âmes. Plénitude de la poésie ! Et le spectacle le plus émouvant que n
698
lui du travail de la foi dans la réalité totale d’
un
peuple, qu’elle trouble, assemble, juge et sauve. ⁂ Rien de plus pass
699
jaillissement d’inventions. Morbacka, c’est comme
une
anthologie de scènes mineures des grands romans de Lagerlöf. On y adm
700
ka, c’est comme une anthologie de scènes mineures
des
grands romans de Lagerlöf. On y admire, appliquées au réel, toutes le
701
n au double sens du mot, de l’auteur du triptyque
des
Löwensköld. Il faut avouer que le milieu où Selma Lagerlöf a grandi p
702
raît favoriser plus qu’aucun autre le déploiement
des
pouvoirs de la fable. Ces presbytères campagnards — que de pasteurs d
703
res campagnards — que de pasteurs dans la famille
des
romanciers du Nord ! — environnés de paysages de rêve, de superstitio
704
naturel envoûtant, intimement mêlé aux sentiments
des
personnages. Considérez ces trois facteurs dans le roman de la grande
705
elle du genre dans notre société. 15. L’Anneau
des
Lowensköld, Charlotte Lowensköld, Anna Svärd, romans traduits du suéd
706
t l’Occident , livre qui va, sans doute, susciter
des
polémiques passionnées. Ce jeune écrivain suisse, qui joint le souci
707
sse, qui joint le souci de l’actualité et le goût
des
questions sociales à la lucidité sensible d’un compatriote d’Amiel, a
708
t des questions sociales à la lucidité sensible d’
un
compatriote d’Amiel, a déjà derrière lui une œuvre solide. Il est l’u
709
ble d’un compatriote d’Amiel, a déjà derrière lui
une
œuvre solide. Il est l’un des principaux collaborateurs de la revue
710
a déjà derrière lui une œuvre solide. Il est l’un
des
principaux collaborateurs de la revue Esprit , écrit dans plusieurs
711
de la revue Esprit , écrit dans plusieurs revues
des
articles qui ne sont jamais indifférents. Il a tenu, dans notre journ
712
udes à Vienne et en Allemagne, il a enseigné dans
une
ville universitaire où il rédigea, en 1936, ce Journal d’Allemagne ,
713
d’Allemagne , qui, paru au printemps dernier, est
un
des témoignages les plus valables sur le national-socialisme. Étrange
714
llemagne , qui, paru au printemps dernier, est un
des
témoignages les plus valables sur le national-socialisme. Étranger, M
715
gs mois en Vendée et dans le Midi. Son Journal d’
un
intellectuel en chômage témoigne de la curiosité, et aussi de la dis
716
gemont est grand, souple, il a la réserve affable
des
Suisses, et ce sourire des lèvres qui semble excuser le sérieux du re
717
l a la réserve affable des Suisses, et ce sourire
des
lèvres qui semble excuser le sérieux du regard. Il rit malicieusement
718
ècle dernier, mais dont personne n’a osé proposer
une
explication. J’ai beaucoup réfléchi avant d’arriver à cette convictio
719
e succès rapide s’explique mal, car elle implique
une
subtilité, des raffinements, une absence de sensualité qui s’opposaie
720
s’explique mal, car elle implique une subtilité,
des
raffinements, une absence de sensualité qui s’opposaient aux mœurs de
721
ar elle implique une subtilité, des raffinements,
une
absence de sensualité qui s’opposaient aux mœurs de l’époque. Qui s’o
722
’amour courtois est chaste, il accorde à la femme
une
prééminence dont l’Église a bien senti le danger, puisqu’elle a dével
723
Notre-Dame pour répondre au culte de la « Dame »
des
troubadours. Cet amour courtois ne fleurit que parmi les obstacles, e
724
contre les albigeois réprima sans l’anéantir, eut
des
millions de partisans. Venue de Macédoine, elle gagna la France par l
725
jettent le dogme de l’incarnation, se fondent sur
une
interprétation purement spiritualiste des évangiles. Ils font du Sain
726
ent sur une interprétation purement spiritualiste
des
évangiles. Ils font du Saint-Esprit la Mère de Dieu, le principe fémi
727
ition permettent de la connaître, tous les thèmes
des
troubadours, développés avec un lyrisme, un vocabulaire qui resteront
728
tous les thèmes des troubadours, développés avec
un
lyrisme, un vocabulaire qui resteront au cours des siècles ceux des g
729
èmes des troubadours, développés avec un lyrisme,
un
vocabulaire qui resteront au cours des siècles ceux des grands mystiq
730
un lyrisme, un vocabulaire qui resteront au cours
des
siècles ceux des grands mystiques. Ainsi tous les troubadours étaient
731
cabulaire qui resteront au cours des siècles ceux
des
grands mystiques. Ainsi tous les troubadours étaient des cathares ? J
732
nds mystiques. Ainsi tous les troubadours étaient
des
cathares ? J’en suis persuadé, dit Denis de Rougemont, qui s’anime en
733
, dit Denis de Rougemont, qui s’anime en exposant
une
théorie aussi originale. D’ailleurs, on sait que les troubadours n’al
734
xercée par le clergé. Donc l’amour-passion serait
une
hérésie chrétienne ? … Dont nous avons perdu la clef, et qui a pourta
735
ougemont sourit avec malice : Les philologues ont
un
respect de la lettre qui leur cache parfois le sens profond des texte
736
la lettre qui leur cache parfois le sens profond
des
textes… Ils répugnent à l’emploi des méthodes freudiennes. Or j’ai ét
737
sens profond des textes… Ils répugnent à l’emploi
des
méthodes freudiennes. Or j’ai été frappé par le goût de la mort que l
738
’instinct de la mort tel que Freud l’a analysé. À
une
époque où le statut du mariage se modifie profondément, croyez-vous q
739
emont réfléchit : Non, je crois que nous sommes à
une
époque de transition, que ce mythe risque de disparaître. Mais c’est
740
ès simple. Nous souffrons d’avoir été élevés dans
une
double contradiction. Romans, poèmes, musique, l’art et la littératur
741
la littérature nous représentent la passion comme
un
paroxysme désirable, comme un état d’exception où l’être se dépasse l
742
nt la passion comme un paroxysme désirable, comme
un
état d’exception où l’être se dépasse lui-même. Nous aspirons donc à
743
la vie sentimentale et sexuelle puissent trouver
une
solution nouvelle ? Pour moi, répond Denis de Rougemont, il ne peut y
744
répond Denis de Rougemont, il ne peut y avoir qu’
une
solution : le mariage chrétien, mais présenté d’une manière nouvelle.
745
e solution : le mariage chrétien, mais présenté d’
une
manière nouvelle. C’est-à-dire qu’au lieu d’en faire un acte raisonna
746
ière nouvelle. C’est-à-dire qu’au lieu d’en faire
un
acte raisonnable, il faut le montrer tel qu’il est en réalité : l’ave
747
s difficile. Si vous ne fondez pas le mariage sur
une
décision réfléchie, sur quoi le fondez-vous ? Sur la fidélité, qui me
748
i absurde que la passion, mais s’en distingue par
un
refus constant de subir ses rêves, par une constante prise sur le rée
749
gue par un refus constant de subir ses rêves, par
une
constante prise sur le réel. Elle reste une folie, mais la plus sobre
750
, par une constante prise sur le réel. Elle reste
une
folie, mais la plus sobre et la plus quotidienne. Votre réhabilitatio
751
oivent être sans cesse capables de se renouveler,
un
ensemble de vertus solides et de qualités agréables assez difficiles
752
très exigeant. Pour moi, le mariage devrait être
une
institution qui maintient la passion non par la morale, mais par l’a
753
assion non par la morale, mais par l’amour. C’est
un
idéal qui mérite bien certains efforts et certains sacrifices, il me
754
crifices, il me semble. Ne devez-vous pas publier
un
roman, dont le titre, La Folle Vertu, illustre bien votre pensée ? Ou
755
moment, à quoi travaillez-vous ? J’ai en chantier
un
livre sur La Réforme comme Révolution. Mais je l’ai un peu délaissé a
756
vre sur La Réforme comme Révolution. Mais je l’ai
un
peu délaissé au profit d’un drame que j’écris pour l’Exposition de Zu
757
olution. Mais je l’ai un peu délaissé au profit d’
un
drame que j’écris pour l’Exposition de Zurich. Je veux mettre en scèn
758
r l’Exposition de Zurich. Je veux mettre en scène
un
héros suisse, le bienheureux Nicolas de Flue, qui eut une vie extraor
759
s suisse, le bienheureux Nicolas de Flue, qui eut
une
vie extraordinaire. D’abord soldat valeureux, il fut ensuite, pendant
760
ln, où il eut dix enfants. Puis il se retira dans
un
ermitage, où pendant vingt ans il se mortifia, jeûnant complètement.
761
se retourna dans son ermitage et y mourut. C’est
un
beau sujet. N’est-ce pas ? Ce drame, avec musique d’Honegger, sera re
762
me, avec musique d’Honegger, sera représenté dans
un
théâtre en plein air, devant cinq ou six-mille spectateurs. La scène
763
ages, qu’il faut ne jamais laisser vides. J’écris
des
phrases très courtes, un peu comme des slogans. Le chœur jouera un rô
764
laisser vides. J’écris des phrases très courtes,
un
peu comme des slogans. Le chœur jouera un rôle important dans l’actio
765
s. J’écris des phrases très courtes, un peu comme
des
slogans. Le chœur jouera un rôle important dans l’action, comme dans
766
s l’action, comme dans la tragédie grecque. C’est
un
travail tout nouveau pour moi, et très amusant. Avant de quitter Deni
767
Rougemont, je lui demande s’il n’attend pas avec
une
certaine curiosité les réactions que vont susciter certaines de ses t
768
tions que vont susciter certaines de ses théories
un
peu révolutionnaires. Il sourit avant de répondre, puis son visage de
769
son visage devient plus grave : Je n’attache pas
une
grande importance aux querelles que pourraient me chercher les savant
770
t comment ils pourraient se rapprocher. Si j’aide
des
êtres troublés à vivre à deux sans trop se blesser, ce sera ma plus b
771
Pour beaucoup, Denis de Rougemont est l’auteur d’
une
thèse retentissante, intitulée L’Amour et l’Occident et dans laquel
772
lf Hitler (dans Journal d’Allemagne et Journal
des
deux mondes notamment). Pour les mélomanes, il est le poète de Nico
773
le poète de Nicolas de Flue , dont Honegger tira
un
oratorio. Pour tous enfin, il est, depuis la semaine dernière, le lau
774
le et que peu de gens ont lue. Pas plus savant qu’
un
autre mais beaucoup plus prudent, j’ai demandé à Denis de Rougemont d
775
e. Né en 1906 à Neuchâtel, Denis de Rougemont est
un
écrivain suisse d’expression française… Je déteste cette formule ! El
776
Je déteste cette formule ! Elle me fait penser à
une
sorte d’animal, qui penserait dans un idiome bizarre et incompréhensi
777
t penser à une sorte d’animal, qui penserait dans
un
idiome bizarre et incompréhensible, et choisirait, quand il ouvre la
778
s plutôt qu’en miaulant ou en barrissant. Je suis
un
écrivain français, un point c’est tout. Il est l’auteur d’un certain
779
t ou en barrissant. Je suis un écrivain français,
un
point c’est tout. Il est l’auteur d’un certain nombre d’ouvrages qui,
780
français, un point c’est tout. Il est l’auteur d’
un
certain nombre d’ouvrages qui, tenant à la fois du journal, de l’essa
781
i faut-il cataloguer, définir à tout prix ? C’est
une
idée un peu scolaire. Comment définirait-on Nietzsche ou Kierkegaard
782
cataloguer, définir à tout prix ? C’est une idée
un
peu scolaire. Comment définirait-on Nietzsche ou Kierkegaard ? Si l’o
783
e ou Kierkegaard ? Si l’on veut absolument coller
une
étiquette, disons que je suis un essayiste, espèce d’écrivain de plus
784
solument coller une étiquette, disons que je suis
un
essayiste, espèce d’écrivain de plus en plus répandue de nos jours. M
785
épandue de nos jours. Montesquieu, Pascal étaient
des
essayistes. Ce n’est pas que je veuille me comparer à eux, mais la fo
786
le me comparer à eux, mais la forme est la même :
un
mélange d’idées pures, de poésie, de descriptions et d’anecdotes. En
787
eau et Esprit. C’est à cette époque qu’il élabore
une
doctrine humaniste… Humaniste ? Je n’aime guère ce terme. On a tendan
788
e la personne . Politique de la personne était
un
manifeste qui déclencha une polémique à laquelle prirent part Berdiae
789
de la personne était un manifeste qui déclencha
une
polémique à laquelle prirent part Berdiaev, Mounier et Gabriel Marcel
790
abriel Marcel. Pour moi, la « personne » n’est ni
un
individu refermé sur lui-même ni la minuscule partie d’une masse, mai
791
idu refermé sur lui-même ni la minuscule partie d’
une
masse, mais un homme ouvert aux idées, à la fois libre et responsable
792
lui-même ni la minuscule partie d’une masse, mais
un
homme ouvert aux idées, à la fois libre et responsable. Il y a une vo
793
aux idées, à la fois libre et responsable. Il y a
une
vocation de la personne, vocation qui, à la fois, distingue l’homme e
794
aux doctrines providentialistes qui font de Dieu
un
Jéhovah jugeant et agissant de l’extérieur. Dieu est en l’homme. En 1
795
lecteur à l’Université de Francfort et séjournera
un
an en Allemagne hitlérienne. Je me trouvais sans activité à Paris, où
796
ans activité à Paris, où j’écrivais le Journal d’
un
intellectuel en chômage , quand je rencontrai Abetz. Il m’offrit de p
797
quand je rencontrai Abetz. Il m’offrit de passer
un
an en Allemagne en me disant : « Vous qui pensez pis que pendre de no
798
llez donc l’observer de plus près. » J’acceptai à
une
condition, celle d’écrire en rentrant exactement ce que je pensais du
799
és avec les autorités allemandes, quand j’écrivis
un
article dans la Gazette de Lausanne sur l’entrée de Hitler dans Paris
800
nze jours de prison militaire sous le prétexte qu’
un
officier neutre n’a pas le droit d’outrager un chef d’État étranger !
801
qu’un officier neutre n’a pas le droit d’outrager
un
chef d’État étranger ! De Suisse, Denis de Rougemont est envoyé en Am
802
t faisaient partie André Breton, Marcel Ozenfant,
un
fils Pitoëff, le critique d’art Georges Duthuit, l’ethnologue Claude
803
auss. De temps en temps, Julien Green m’apportait
des
textes. Je fis également la connaissance de Saint-John Perse et du pe
804
n Perse et du peintre Marcel Duchamp, qui réalisa
une
extraordinaire vitrine surréaliste dans une librairie de la 5e Avenue
805
alisa une extraordinaire vitrine surréaliste dans
une
librairie de la 5e Avenue pour l’exposition de mon livre : La Part d
806
je préconise et qui n’est que la transposition à
une
échelle géante de la Confédération helvétique. Je ne souhaite en effe
807
fédération helvétique. Je ne souhaite en effet ni
une
agglomération d’États soumis à un pouvoir unique et dictatorial ni un
808
te en effet ni une agglomération d’États soumis à
un
pouvoir unique et dictatorial ni une Europe des États, mais une assoc
809
tats soumis à un pouvoir unique et dictatorial ni
une
Europe des États, mais une association de républiques autonomes, libr
810
à un pouvoir unique et dictatorial ni une Europe
des
États, mais une association de républiques autonomes, libres de leur
811
ique et dictatorial ni une Europe des États, mais
une
association de républiques autonomes, libres de leur gestion intérieu
812
leur gestion intérieure et responsables les unes
des
autres devant le danger commun. Nous serions ainsi 350 millions d’Eur
813
qui représente presque autant que les populations
des
États-Unis et de l’URSS réunies. Comprenez-moi donc bien : personnali
814
c bien : personnalisme et fédéralisme, c’est tout
un
. Enfin, le 28 octobre 1963, Denis de Rougemont a reçu des mains du Pr
815
in, le 28 octobre 1963, Denis de Rougemont a reçu
des
mains du Prince Rainier le Grand Prix littéraire de Monaco. Selon la
816
sacrée, je suis ravi d’avoir reçu ce prix, malgré
une
petite ombre au tableau. Je viens en effet d’apprendre que je me suis
817
je me suis trouvé opposé à Eugène Ionesco qui est
un
ami très cher et un grand écrivain. À ce propos, savez-vous où Ionesc
818
posé à Eugène Ionesco qui est un ami très cher et
un
grand écrivain. À ce propos, savez-vous où Ionesco a trouvé le sujet
819
jame. y. Le journaliste commet ici manifestement
une
erreur, en confondant le Centre européen de la culture, que Rougemont
820
seraient aussi de beaux noms. Lusitania aussi est
un
beau nom. Et nous voyons maintenant que l’abîme de l’Histoire est ass
821
t assez grand pour tout le monde. Nous sentons qu’
une
civilisation a la même fragilité qu’une vie. Les circonstances qui en
822
entons qu’une civilisation a la même fragilité qu’
une
vie. Les circonstances qui enverraient les œuvres de Keats et celles
823
nte qu’elle soit, elle exprime, à mon sens, l’une
des
erreurs les plus célèbres de l’époque. Mais comment expliquer son suc
824
Observons tout d’abord qu’elle résume et condense
une
assez longue tradition de pessimisme européen. Dès 1971, Volney, médi
825
européen. Dès 1971, Volney, méditant sur la mort
des
civilisations, citait à peu près les mêmes noms pour illustrer le mêm
826
Seine, de la Tamise ou du Zuydersee… qui sait si
un
voyageur comme moi ne s’assiéra pas un jour sur de muettes ruines, et
827
ui sait si un voyageur comme moi ne s’assiéra pas
un
jour sur de muettes ruines, et ne pleurera pas solitaire sur la cendr
828
uines, et ne pleurera pas solitaire sur la cendre
des
peuples et la mémoire de leur grandeur ? Une trentaine d’armées plus
829
dre des peuples et la mémoire de leur grandeur ?
Une
trentaine d’armées plus tard, Hegel introduisait l’idée que chaque pe
830
Hegel introduisait l’idée que chaque peuple est «
un
individu dans la marche de l’histoire » et qu’il obéit donc, comme to
831
ire » et qu’il obéit donc, comme tout individu, à
une
loi de croissance, d’épanouissement et de déclin fatal. Hegel pensait
832
’elles devait fatalement décliner et mourir après
une
période d’apogée — la nôtre aussi. Aux débuts du xxe siècle, Spengle
833
lus loin ; il est convaincu que toute culture est
un
organisme et correspond morphologiquement à un individu, animal ou vé
834
st un organisme et correspond morphologiquement à
un
individu, animal ou végétal. Il en résulte inexorablement que toute c
835
et l’on rejoint la phrase de Valéry. Enfin, dans
un
effort tout à fait admirable pour embrasser l’ensemble des cultures c
836
t tout à fait admirable pour embrasser l’ensemble
des
cultures connues, Toynbee croit pouvoir établir empiriquement, par l’
837
ir établir empiriquement, par l’examen comparatif
des
vingt et une civilisations qui auraient existé jusqu’ici, les lois co
838
piriquement, par l’examen comparatif des vingt et
une
civilisations qui auraient existé jusqu’ici, les lois complexes, mais
839
névitable. Ces historiens et philosophes, armés d’
une
vaste érudition, ont d’autant moins de peine à nous convaincre que, d
840
tions semblent confirmées par les faits. Au cours
des
années qui suivent la Première Guerre mondiale, les dictatures prévue
841
seulement en Asie et en Afrique, mais aux yeux d’
une
partie de sa propre jeunesse, son rôle de porteur du « flambeau de la
842
t-il de plus, pour qu’on ait le droit de parler d’
une
éclipse ou d’une mort prévisible de notre civilisation ? Avant de rép
843
r qu’on ait le droit de parler d’une éclipse ou d’
une
mort prévisible de notre civilisation ? Avant de répondre, formulons
844
de répondre, formulons deux remarques dictées par
une
élémentaire prudence historique. Primo, l’hégémonie politique n’est
845
s toujours et nécessairement liée à la vitalité d’
une
civilisation. L’une peut exister sans l’autre. L’une peut être perdue
846
ivilisation, tandis que l’Europe du Moyen Âge eut
une
civilisation sans hégémonie. Secundo, il n’est pas du tout certain q
847
et particulièrement sur l’exemple le mieux connu
des
Européens, celui de la chute de Rome, qui est censée avoir entraîné l
848
ur l’Europe ? La civilisation européenne est-elle
une
civilisation comme les autres ? Son destin peut-il être prédit par ex
849
Son destin peut-il être prédit par extrapolation
des
exemples antiques ? Il se pourrait, bien au contraire, que notre cult
850
it, bien au contraire, que notre culture présente
des
caractères nouveaux, qui déterminent un destin non comparable, et mêm
851
présente des caractères nouveaux, qui déterminent
un
destin non comparable, et même tout à fait différent à partir d’un ce
852
parable, et même tout à fait différent à partir d’
un
certain moment, d’un certain seuil… Les civilisations antiques de l’É
853
à fait différent à partir d’un certain moment, d’
un
certain seuil… Les civilisations antiques de l’Égypte des Pharaons, d
854
ain seuil… Les civilisations antiques de l’Égypte
des
Pharaons, de Sumer, de l’Inde védantique ou des Mayas, fondaient leur
855
e des Pharaons, de Sumer, de l’Inde védantique ou
des
Mayas, fondaient leur unité originelle sur un principe formateur uniq
856
ou des Mayas, fondaient leur unité originelle sur
un
principe formateur unique, le Sacré. Les civilisations totalitaires d
857
’hui, URSS ou Chine de Mao, tiennent leur unité d’
une
doctrine uniforme, imposée à tous par l’État. Comparée à ces deux gro
858
ofane. À cause de ses origines multiples, à cause
des
valeurs souvent contradictoires ou incompatibles qu’elle en a héritée
859
civilisation européenne s’est trouvée fondée sur
une
culture de dialogue et de contestation. Elle n’a jamais pu, et surtou
860
out, elle n’a jamais voulu, se laisser ordonner à
une
seule doctrine qui eût régi à la fois ses instructions, sa religion,
861
e et ses arts. On a beau citer le Moyen Âge comme
une
période bénie d’unité des esprits et des cœurs, telle que l’a décrite
862
iter le Moyen Âge comme une période bénie d’unité
des
esprits et des cœurs, telle que l’a décrite Novalis : nous savons auj
863
ge comme une période bénie d’unité des esprits et
des
cœurs, telle que l’a décrite Novalis : nous savons aujourd’hui qu’il
864
e par cette culture n’a jamais été autre chose qu’
une
unité paradoxale consistant dans la seule volonté commune à tous de r
865
la civilisation européenne, née de la confluence
des
sources les plus diverses, se distinguait par là de toutes les autres
866
itant de la vallée et du delta du Nil, il y avait
un
mot différent pour désigner les habitants des terres voisines, à mi-c
867
vait un mot différent pour désigner les habitants
des
terres voisines, à mi-chemin entre l’animal et l’Égyptien. (Dans le m
868
, car vous êtes tous fils de Dieu, vous êtes tous
un
en Jésus-Christ. »), cette conception devait seule permettre à ceux q
869
sidérer tous les hommes comme dignes et capables,
un
jour ou l’autre, de participer pleinement à l’effort civilisateur. Ma
870
ême temps qu’elle redécouvrait et faisait revivre
des
cultures disparues ou en voie d’extinction. Valéry nous disait que «
871
s de Lascaux, les statues grecques et les temples
des
Pharaons menacés par les eaux d’un barrage. La mortalité des civilisa
872
t les temples des Pharaons menacés par les eaux d’
un
barrage. La mortalité des civilisations nous apparaît donc très varia
873
s menacés par les eaux d’un barrage. La mortalité
des
civilisations nous apparaît donc très variable. Certes, plusieurs ont
874
tif que celui de leurs œuvres d’art : ainsi celle
des
Aurignaciens, ou plus près de nous celle des Hittites, plus près enco
875
elle des Aurignaciens, ou plus près de nous celle
des
Hittites, plus près encore celles des Mayas et des Aztèques. Mais les
876
nous celle des Hittites, plus près encore celles
des
Mayas et des Aztèques. Mais les civilisations anciennes de l’Égypte e
877
es Hittites, plus près encore celles des Mayas et
des
Aztèques. Mais les civilisations anciennes de l’Égypte et du Proche-O
878
, d’où dérivent l’Habeas Corpus et la Déclaration
des
droits de l’homme, qui définissent aujourd’hui, pour tous les peuples
879
ts de tout progrès social ; et non pas le système
des
castes, ni le mandarinat, ni le Bushido. On peut le regretter, mais o
880
sacrés publiés de nos jours et retrouvent partout
des
fidèles, c’est par le fait des ethnographes, archéologues et philosop
881
retrouvent partout des fidèles, c’est par le fait
des
ethnographes, archéologues et philosophes de l’Europe, qui poursuiven
882
On ne voit pas de candidats sérieux à la relève d’
une
civilisation devenue mondiale. Nous connaissons les circonstances de
883
e celles qui nous ont précédées : c’était parfois
une
catastrophe naturelle, comme la dernière période glaciaire ou le dess
884
hara, affectant la région entière où avait fleuri
une
civilisation déterminée. Et les autres n’en savaient rien. Mais ce fu
885
ient rien. Mais ce fut plus souvent l’agression d’
une
civilisation rivale, plus primitive et plus brutale, Doriens détrônan
886
ques centaines d’Espagnols s’emparant de l’empire
des
Aztèques. Il s’agissait dans tous ces cas de civilisations locales, e
887
candidats à la relève étaient nombreux. En est-il
un
seul aujourd’hui qui réclame l’oblitération ou simplement la reprise
888
i réclame l’oblitération ou simplement la reprise
des
charges de notre civilisation, avec quelques chances de succès ? Les
889
SS ? Mais qu’apporte-t-elle de nouveau ? Est-elle
une
autre civilisation ? Lénine disait de sa Révolution : « C’est le marx
890
e plus l’électricité. » Or, le marxisme n’est pas
un
apport soviétique, ce n’est pas Popov qui l’a inventé, mais bien un J
891
ue, ce n’est pas Popov qui l’a inventé, mais bien
un
Juif allemand, dont le père était devenu protestant, et qui rédigeait
892
itish Muséum, pour le Herald Tribune de New York,
des
articles qui le faisaient vivre et qui forment une partie du Kapital.
893
es articles qui le faisaient vivre et qui forment
une
partie du Kapital. Le marxisme est né en Europe et de l’Europe, au ca
894
e est né en Europe et de l’Europe, au carrefour d’
un
débat séculaire entre la théologie et la philosophie, au moment où se
895
argée d’aider la Chine à liquider la civilisation
des
mandarins, c’est l’URSS qui a introduit dans l’Empire emmuré ce nouve
896
entraîne dans les mœurs et les modes de penser d’
une
nation. Le fameux « bon en avant » de la Chine n’a guère été qu’un bo
897
eux « bon en avant » de la Chine n’a guère été qu’
un
bond vers l’industrie et vers le socialisme, inventés par l’Europe et
898
actuelle ne consiste nullement dans l’avènement d’
une
civilisation originale, ou de quelque néo-tribalisme, mais au contrai
899
ais au contraire dans l’adoption bien trop rapide
des
formes de vie politique, sociale et économique, élaborées par l’Europ
900
ssie, laquelle veut rejoindre l’Amérique, qui est
une
invention de l’Europe… z. Rougemont Denis de, « Les prophètes de
901
, de L’Aventure occidentale de l’homme , plaide
une
nouvelle fois pour le Vieux Continent, dont il ne croit pas le destin
902
s le destin achevé, en publiant chez Albin Michel
une
Lettre ouverte aux Européens , qui prendra place dans la collection
903
divise les États de l’Europe ; il fixe également
un
programme pour les vingt ans à venir et nous met en garde, comme on v
904
prophètes de la décadence avant de nous proposer
des
candidats à la relève.
905
éristique de cet endroit où je suis né est d’être
un
carrefour, une petite principauté placée entre les influences françai
906
et endroit où je suis né est d’être un carrefour,
une
petite principauté placée entre les influences françaises et allemand
907
est le moment où j’ai pris conscience que j’étais
un
littéraire. À cette époque je n’écrivais que des poèmes, persuadé que
908
s un littéraire. À cette époque je n’écrivais que
des
poèmes, persuadé que toute autre forme de littérature était inférieur
909
ope ? C’est entre 17 et 25 ans que j’ai découvert
un
peu l’Europe. Quand j’allais dans le Midi des troubadours, j’éprouvai
910
vert un peu l’Europe. Quand j’allais dans le Midi
des
troubadours, j’éprouvais un curieux sentiment de reconnaissance. Quan
911
’allais dans le Midi des troubadours, j’éprouvais
un
curieux sentiment de reconnaissance. Quand je lisais les romans breto
912
prendre que ce sentiment venait de ce que j’avais
des
ancêtres dans tous ces pays-là. Si je regarde l’ascendance de mon pèr
913
ieurs Hollandais. Cela vous donne encore une fois
une
idée assez exacte des influences qui se sont exercées sur notre petit
914
vous donne encore une fois une idée assez exacte
des
influences qui se sont exercées sur notre petit coin de Suisse romand
915
J’ai été entraîné à écrire cet ouvrage par toute
une
suite de circonstances. La plus ancienne était un numéro de la revue
916
ne suite de circonstances. La plus ancienne était
un
numéro de la revue Esprit consacré à la femme et l’amour aujourd’hu
917
et qui portait comme titre : « La femme est aussi
une
personne ». Cela se passait en 1936 et Mounier s’était montré un préc
918
Cela se passait en 1936 et Mounier s’était montré
un
précurseur. Il m’avait demandé une étude sur l’opposition qui paraiss
919
s’était montré un précurseur. Il m’avait demandé
une
étude sur l’opposition qui paraissait éclatante entre l’amour dans le
920
le me demanda si je ne voulais pas faire pour lui
un
petit livre en deux volets opposant le mythe de Tristan et l’amour da
921
Le mois de février arriva et je n’avais pas écrit
une
ligne. Je reçus une lettre recommandée de Daniel-Rops, que j’ouvris a
922
rriva et je n’avais pas écrit une ligne. Je reçus
une
lettre recommandée de Daniel-Rops, que j’ouvris avec un peu d’anxiété
923
tre recommandée de Daniel-Rops, que j’ouvris avec
un
peu d’anxiété. Il me disait : « Voudriez-vous me rendre un grand serv
924
anxiété. Il me disait : « Voudriez-vous me rendre
un
grand service ? Accepteriez-vous de céder le tour de parution de votr
925
r de parution de votre manuscrit, que j’attends d’
un
jour à l’autre, car je dois publier le plus tôt possible le manuscrit
926
dois publier le plus tôt possible le manuscrit d’
un
essai d’une grande actualité intitulé La France et son armée, et dont
927
er le plus tôt possible le manuscrit d’un essai d’
une
grande actualité intitulé La France et son armée, et dont l’auteur es
928
tulé La France et son armée, et dont l’auteur est
un
jeune lieutenant-colonel qui s’appelle Charles de Gaulle. » Ayant céd
929
mois. Comme je l’ai écrit dans la préface, c’est
un
livre qui m’a demandé trois mois de travail et toute la vie. J’étais
930
ux yeux de beaucoup de gens dans beaucoup de pays
un
expert sur les choses de l’amour. Quand les gens me rencontraient ils
931
’Amour et l’Occident ? Je croyais que vous aviez
une
grande barbe blanche. » C’était la première réaction. Voici l’autre r
932
s m’a beaucoup impressionné. J’ai tâché de suivre
un
peu ce qui se passait dans la vie de ces gens qui m’avaient fait des
933
assait dans la vie de ces gens qui m’avaient fait
des
confidences et je me suis aperçu que généralement ils étaient près de
934
rtie de mon livre. Mais voilà que, en les suivant
un
peu plus longtemps, je m’aperçus qu’ils finissaient quand même par di
935
uait pas mal de souffrances, mais peut-être aussi
des
prises de conscience fort utiles. Mon premier mariage s’est terminé p
936
ort utiles. Mon premier mariage s’est terminé par
un
divorce après mes années d’Amérique. C’est pourquoi dans la nouvelle
937
nouvelle édition qui a paru en 1954ae j’ai ajouté
un
long chapitre sur le divorce. Depuis lors je n’ai cas cessé de récrir
938
inue à penser qu’il faudrait élever les gens dans
une
méfiance profonde de ce que représente la passion. C’est au fond cont
939
dire que l’on est contre la passion qui est l’une
des
choses glorieuses qui peut arriver à un homme. Aujourd’hui, je suis p
940
st l’une des choses glorieuses qui peut arriver à
un
homme. Aujourd’hui, je suis parvenu à ce point qu’il y a deux morales
941
plus longtemps possible ; au mariage conçu comme
une
œuvre d’art qui demande certains sacrifices. Tout artiste sait parfai
942
t artiste sait parfaitement que quand il commence
une
œuvre, que ce soit un tableau, une sculpture ou un livre, cela lui im
943
ment que quand il commence une œuvre, que ce soit
un
tableau, une sculpture ou un livre, cela lui imposera des disciplines
944
nd il commence une œuvre, que ce soit un tableau,
une
sculpture ou un livre, cela lui imposera des disciplines. Ces sacrifi
945
e œuvre, que ce soit un tableau, une sculpture ou
un
livre, cela lui imposera des disciplines. Ces sacrifices on les fait
946
eau, une sculpture ou un livre, cela lui imposera
des
disciplines. Ces sacrifices on les fait très joyeusement et consciemm
947
réussite de quelque chose de durable. Si je fais
un
plaidoyer pour la fidélité, ce n’est pas au nom d’une morale puritain
948
plaidoyer pour la fidélité, ce n’est pas au nom d’
une
morale puritaine, comme certains l’ont cru, mais au nom d’une morale
949
uritaine, comme certains l’ont cru, mais au nom d’
une
morale d’artiste. Tout homme est amené à être créateur d’une œuvre, n
950
d’artiste. Tout homme est amené à être créateur d’
une
œuvre, ne fût-ce que de soi-même et surtout de son couple. Je pense q
951
ment le sel de la terre ou qui seront quelquefois
des
criminels. Revenons à l’Europe. Vous vivez à Ferney-Voltaire entouré
952
us vivez à Ferney-Voltaire entouré de frontières…
Un
jour j’ai passé la frontière avec Robert Schuman en voiture et avec l
953
ture et avec le photographe Pedrazini qui faisait
un
reportage sur Robert Schuman chez moi et au Centre européen de la cul
954
rope !… passez… » Le fait d’être obligé de passer
une
et souvent plusieurs fois par jour la frontière est bien fait pour en
955
ette frontière avait été à peu près supprimée par
des
traités qui repoussaient le cordon douanier derrière le Jura et faisa
956
mble du pays de Gex, Savoie et Genève, de nouveau
une
région naturelle comme la géographie l’avait dessinée. Mais en 1923,
957
hie l’avait dessinée. Mais en 1923, Poincaré, par
une
espèce de coup d’État, a décidé de porter à la frontière politique sa
958
rrivera vraiment à faire l’Europe que sur la base
des
régions, régions recréées en dépit des frontières, par-dessus les fro
959
ent après la mort. C’est l’accomplissement. C’est
un
triomphal accord clamé à la fin de la IXe Symphonie, c’est quelque ch
960
licité. Ça peut être secret. Je crois beaucoup à
une
notion secrète de la gloire. La gloire n’est pas donnée par la foule,
961
foule, elle n’est pas donnée par le succès. C’est
un
sentiment d’épanouissement suprême, une floraison dans le ciel accomp
962
cès. C’est un sentiment d’épanouissement suprême,
une
floraison dans le ciel accompagnée d’une grande euphorie et d’un gran
963
suprême, une floraison dans le ciel accompagnée d’
une
grande euphorie et d’un grand bonheur. Et votre définition de la mort
964
ns le ciel accompagnée d’une grande euphorie et d’
un
grand bonheur. Et votre définition de la mort ? Si un homme pouvait p
965
rand bonheur. Et votre définition de la mort ? Si
un
homme pouvait penser complètement la mort, il mourrait à cet instant-
966
nce quelque chose dont on ne peut rien dire. J’ai
des
idées folles, comme beaucoup d’hommes, sur la mort, sur la chronologi
967
st la vie. Là, je peux dire quelque chose : c’est
un
certain laps de temps pendant lequel une personne peut se constituer
968
e : c’est un certain laps de temps pendant lequel
une
personne peut se constituer pour essayer de découvrir sa vocation. Si
969
emander de plus. Et Dieu ? Je publierai peut-être
un
livre qui aura comme titre « Dieu », entre guillemets, ces guillemets
970
siste pour indiquer que nous nous trouvons devant
un
problème. J’ai écrit des centaines de pages de notes sur ce que ce mo
971
nous nous trouvons devant un problème. J’ai écrit
des
centaines de pages de notes sur ce que ce mot Dieu peut évoquer pour
972
r ce que ce mot Dieu peut évoquer pour l’esprit d’
un
homme du xxe siècle, moi, par exemple. J’écris généralement quelques
973
ils ne tiennent pas du tout à ce que le monde ait
un
sens, à ce que notre vie ait un sens, à ce que l’humanité ait un sens
974
que le monde ait un sens, à ce que notre vie ait
un
sens, à ce que l’humanité ait un sens, puis ils finissent par vous fa
975
ue notre vie ait un sens, à ce que l’humanité ait
un
sens, puis ils finissent par vous faire un petit couplet de morale sc
976
té ait un sens, puis ils finissent par vous faire
un
petit couplet de morale scientifique. On pourrait leur demander : Qu’
977
’entre dans le monde où Dieu existe, alors il y a
un
sens, il y a quelque chose qui va d’un arrière à un avant. Si vous vo
978
ors il y a un sens, il y a quelque chose qui va d’
un
arrière à un avant. Si vous voulez, je pense que Dieu n’est pas une c
979
sens, il y a quelque chose qui va d’un arrière à
un
avant. Si vous voulez, je pense que Dieu n’est pas une cause au début
980
vant. Si vous voulez, je pense que Dieu n’est pas
une
cause au début de tout mais qu’il est une cause finale de l’humanité,
981
est pas une cause au début de tout mais qu’il est
une
cause finale de l’humanité, qu’il appelle le développement de l’homme
982
ment de l’homme. D’autre part, je crois qu’il y a
une
grande naïveté à discuter sur l’existence ou la non-existence de Dieu
983
l’univers. Je fais quelquefois cette comparaison
un
peu élémentaire, mais qui dit bien ce qu’elle veut dire : comment une
984
mais qui dit bien ce qu’elle veut dire : comment
une
cellule de notre corps pourrait croire à l’existence de ce corps ? El
985
Elle peut savoir à peu près qu’elle fait partie d’
un
organe, mais elle ne peut pas savoir que cet organe fait partie d’un
986
e ne peut pas savoir que cet organe fait partie d’
un
corps. Elle peut donc parfaitement nier l’existence du corps. ab.
987
auront la charge du monde pourront y puiser tout
un
programme politique inspiré par l’idée d’union fédérale. Denis de Rou
988
pe ne se fera ni uniquement ni principalement par
des
institutions européennes ; leur création suivra le cheminement des es
989
européennes ; leur création suivra le cheminement
des
esprits. Robert Schuman Il nous faut faire l’Europe afin de rester
990
, disons pour aller vite : ni moujiks ni yankees.
Une
Europe divisée en vingt-cinq nations, chacune trop petite pour se déf
991
re que selon la formule fédéraliste, respectueuse
des
diversités de tous ordres et des autonomies régionales. Une Europe un
992
te, respectueuse des diversités de tous ordres et
des
autonomies régionales. Une Europe unifiée et uniformisée, deux hommes
993
ités de tous ordres et des autonomies régionales.
Une
Europe unifiée et uniformisée, deux hommes ont essayé de la faire : N
994
our, est fomenté par la culture. Car ce sont bien
des
faits de culture : l’école, aux trois degrés, la presse, les livres,
995
aine. L’école, surtout secondaire, apprend depuis
un
siècle aux jeunes Européens de nos divers pays — contre toute évidenc
996
plusieurs siècles. Même si l’on peut admettre qu’
un
État français existe réellement depuis Philippe le Bel, il est absolu
997
onté que chacun de nos États-nations correspond à
une
langue, à une ethnie, à un ensemble à la fois économique, historique
998
n de nos États-nations correspond à une langue, à
une
ethnie, à un ensemble à la fois économique, historique et géographiqu
999
-nations correspond à une langue, à une ethnie, à
un
ensemble à la fois économique, historique et géographique défini par
1000
économique, historique et géographique défini par
des
frontières naturelles. Et nous l’avons cru ! Or tout est faux dans ce
1001
ion, natio en latin, désignait au Moyen Âge, dans
une
ville universitaire, les colonies d’étudiants venus d’une même région
1002
e universitaire, les colonies d’étudiants venus d’
une
même région d’Europe et parlant entre eux la même langue : nation ang
1003
laise, nation flamande, nation italienne, c’était
un
peu comme nos maisons nationales dans une cité universitaire. Mais à
1004
c’était un peu comme nos maisons nationales dans
une
cité universitaire. Mais à l’Université même, on ne parlait qu’en lat
1005
orbonne, vers 1270 — comme me le faisait observer
un
jour Étienne Gilson — pas un seul des grands professeurs n’était fran
1006
le faisait observer un jour Étienne Gilson — pas
un
seul des grands professeurs n’était français : ils étaient napolitain
1007
ait observer un jour Étienne Gilson — pas un seul
des
grands professeurs n’était français : ils étaient napolitain comme Th
1008
, ou anglais comme Roger Bacon. Tout cela formait
une
grande culture commune, bien antérieure à l’idée même d’État-nation.
1009
de les enfermer pour autant dans les frontières d’
un
même État. D’ailleurs, il n’est pas vrai que nos États-nations modern
1010
ns modernes correspondent à l’aire de diffusion d’
une
langue. Prenez la France : on parle huit langues à l’intérieur de ses
1011
langue allemande : si elle devait coïncider avec
un
État-nation, il faudrait annexer à la République fédérale outre l’All
1012
e la Transylvanie, de la Slovénie, de la Pologne,
des
pays baltes et de la Volga. On m’objecte souvent que nos langues sont
1013
ncore tout ce que leur histoire y ajouta au cours
des
âges : notions philosophiques grecques, notions juridiques et militai
1014
Âge, du français au xviiie siècle, de l’allemand
des
philosophes et des savants au xixe , et de l’anglo-américain de nos j
1015
xviiie siècle, de l’allemand des philosophes et
des
savants au xixe , et de l’anglo-américain de nos jours. Le mot « évêq
1016
bispe, biskop, bishop, bischof… Il en va de même
des
termes militaires comme « canon », et de tous les termes techniques.
1017
’Afrique, toutes nos langues se ressemblent comme
des
sœurs. Vue de loin, l’unité culturelle de l’Europe est un fait que pe
1018
. Vue de loin, l’unité culturelle de l’Europe est
un
fait que personne ne conteste. Enfin, il y a l’affaire des frontières
1019
que personne ne conteste. Enfin, il y a l’affaire
des
frontières naturelles, chères à l’école. Cette notion prend son origi
1020
de la France, voilà qui est clair, à condition qu’
un
esprit fort (ou un naïf) ne vienne pas remarquer que l’on trouve à l’
1021
qui est clair, à condition qu’un esprit fort (ou
un
naïf) ne vienne pas remarquer que l’on trouve à l’est de cette chaîne
1022
Alpes, chacun peut vérifier qu’on y parle italien
des
deux côtés au sud, français des deux côtés à la hauteur des vallées v
1023
n y parle italien des deux côtés au sud, français
des
deux côtés à la hauteur des vallées vaudoises et du Val d’Aoste, plus
1024
ôtés au sud, français des deux côtés à la hauteur
des
vallées vaudoises et du Val d’Aoste, plus loin l’allemand, puis le la
1025
is le ladin, puis de nouveau l’allemand, toujours
des
deux côtés. Et la Suisse est née du Gothard, au cœur des Alpes. L’
1026
x côtés. Et la Suisse est née du Gothard, au cœur
des
Alpes. L’unité et les vraies diversités La vérité qu’on nous ca
1027
ait, c’est que la culture de tous nos peuples est
une
, quoique tissée de contradictions dans sa genèse même, qu’elle s’est
1028
s atlas les cicatrices. Elles sont encore, disait
un
historien français, le résultat des « viols répétés de la géographie
1029
encore, disait un historien français, le résultat
des
« viols répétés de la géographie par l’histoire », comme je le vois t
1030
que négatifs ! En nous présentant l’Europe comme
un
puzzle de nations en teintes pâles, et la culture de l’Europe comme u
1031
en teintes pâles, et la culture de l’Europe comme
une
addition de prétendues « cultures nationales », les manuels de notre
1032
me de la vie de l’esprit. 1° Chacun de nos pays a
un
nord et un midi : dans chacun vous trouverez des croyants et des incr
1033
e de l’esprit. 1° Chacun de nos pays a un nord et
un
midi : dans chacun vous trouverez des croyants et des incroyants, des
1034
a un nord et un midi : dans chacun vous trouverez
des
croyants et des incroyants, des hommes de gauche et des hommes de dro
1035
midi : dans chacun vous trouverez des croyants et
des
incroyants, des hommes de gauche et des hommes de droite, des romanti
1036
un vous trouverez des croyants et des incroyants,
des
hommes de gauche et des hommes de droite, des romantiques et des clas
1037
oyants et des incroyants, des hommes de gauche et
des
hommes de droite, des romantiques et des classiques, des progressiste
1038
ts, des hommes de gauche et des hommes de droite,
des
romantiques et des classiques, des progressistes et des conservateurs
1039
auche et des hommes de droite, des romantiques et
des
classiques, des progressistes et des conservateurs. Or, je mets en fa
1040
mes de droite, des romantiques et des classiques,
des
progressistes et des conservateurs. Or, je mets en fait que dans la p
1041
mantiques et des classiques, des progressistes et
des
conservateurs. Or, je mets en fait que dans la plupart des cas, les l
1042
atiques de leur propre nation ; que les hippies d’
un
pays s’accorderont mieux avec ceux de n’importe où qu’avec les confor
1043
, à la Renaissance les cités du Nord de l’Italie,
des
Flandres, de la Bourgogne et de la Rhénanie, du Languedoc et de la Ca
1044
ldt, au moment même où Napoléon fait de la France
un
désert culturel en mobilisant à Paris tous les esprits distingués qu’
1045
péenne, il est dans cette interaction perpétuelle
des
grands courants continentaux, qui établissent une unité vivante et dy
1046
des grands courants continentaux, qui établissent
une
unité vivante et dynamique et des foyers locaux de création qui sans
1047
qui établissent une unité vivante et dynamique et
des
foyers locaux de création qui sans cesse remettent en question et ren
1048
urope de la culture : foyers de création initiant
des
courants continentaux. cela va donner : Europe politique : régions a
1049
: Europe politique : régions autonomes composant
une
fédération continentale. Voici donc le modèle fédéraliste de l’Europe
1050
iste de l’Europe que je préconise : la complexité
des
régions rendra justice à ses fécondes diversités, et l’ampleur de la
1051
ticle paru sous le titre : « L’Europe est d’abord
une
unité de culture », Intégration : Vierteljahreshefte zur Europaforsch