1 1933, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Parole de Dieu et parole humaine, par Karl Barth (30 décembre 1933)
1 nente et salutaire nécessité, annoncer aux hommes une vérité qui n’est pas justiciable de leurs mesures puisqu’elle est le
2 décontenancée par l’échec de ses idéaux, demande des apaisements ou des directions positives. Faut-il encore ajouter à son
3 l’échec de ses idéaux, demande des apaisements ou des directions positives. Faut-il encore ajouter à son trouble, l’aggrave
4 t, vers la fin de la guerre, dans le presbytère d’ un village de la Suisse allemande, un jeune pasteur, Karl Barth. Autour
5 e presbytère d’un village de la Suisse allemande, un jeune pasteur, Karl Barth. Autour de lui, c’était l’écho des bombarde
6 asteur, Karl Barth. Autour de lui, c’était l’écho des bombardements, les cartes de pain, des menaces de violences sociales.
7 ait l’écho des bombardements, les cartes de pain, des menaces de violences sociales. Que devenaient, dans tout cela, les be
8 es vrais problèmes. « Pasteur, je devais parler à des hommes aux prises avec les contradictions inouïes de la vie, et leur
9 ouï de la Bible, de cette Bible qui se pose comme une nouvelle énigme en face des contradictions de la vie. Souvent ces deu
10 notre esprit critique. Il résulte de cette étude un gros livre que trois éditeurs refusent mais qui paraît finalement en
11 de ce commentaire né de la détresse quotidienne d’ un obscur pasteur de campagne, et dans lequel, soudain, toute l’Allemagn
12 nte de son angoisse intime, mais aussi, et enfin, une réponse. Une réponse plus soucieuse de ce qui est vrai que de ce qui
13 goisse intime, mais aussi, et enfin, une réponse. Une réponse plus soucieuse de ce qui est vrai que de ce qui rassure, une
14 ucieuse de ce qui est vrai que de ce qui rassure, une réponse qui ne veut s’adresser qu’à ces « questions dernières » de no
15 é. » Ce ton ne pouvait pas tromper. Il y avait là un homme, une puissance. Le défi de Marx et de Nietzsche était relevé. L
16 n ne pouvait pas tromper. Il y avait là un homme, une puissance. Le défi de Marx et de Nietzsche était relevé. Le tirage du
17 eur à l’Université de Bonn, exerce depuis dix ans une influence qu’on peut qualifier de révolutionnaire sur la pensée prote
18 itre Parole de Dieu et Parole humaine donneraient une idée sinon de la pensée barthienne dans son plein développement, du m
19 re. Il n’est pas facile de résumer sans la trahir une pensée à ce point hostile à tout système. La théologie de Barth se do
20 ème. La théologie de Barth se donne en effet pour une simple « note marginale » à tous les systèmes existants. Barth lui-mê
21 stèmes existants. Barth lui-même l’a nommée, avec une sobriété peu rassurante, une théologie du correctif. Disons tout de s
22 ême l’a nommée, avec une sobriété peu rassurante, une théologie du correctif. Disons tout de suite que les corrections qu’e
23 e que les corrections qu’elle apporte constituent une sérieuse attaque contre toute religiosité. Elles consistent tout d’ab
24 ute religiosité. Elles consistent tout d’abord en une série de points d’interrogation que Barth place derrière des mots com
25 e points d’interrogation que Barth place derrière des mots comme religion, piété, expérience religieuse, problème de Dieu.
26 religion ? Ne nous montre-t-elle pas plutôt, avec une insistance significative, que les hommes religieux, prêtres et pharis
27 lique, loin de mettre en scène le développement d’ une « tradition » spirituelle, figure la négation absolue de toute histoi
28 bsolue de toute histoire : « Vue d’en haut, c’est une série de libres actions divines : vue d’en bas, une série d’essais sa
29 e série de libres actions divines : vue d’en bas, une série d’essais sans résultats au cours d’une impossible entreprise. »
30 bas, une série d’essais sans résultats au cours d’ une impossible entreprise. » Le christianisme : une impossible entreprise
31 d’une impossible entreprise. » Le christianisme : une impossible entreprise. Telle est bien la constatation cruciale que Ba
32 parole de Dieu, dans laquelle cette idée devient une réalité, une vérité. » À la formule philosophique homo finitus non ca
33 eu, dans laquelle cette idée devient une réalité, une vérité. » À la formule philosophique homo finitus non capax infiniti,
34 n’aille pas croire cependant que le barthisme est un « retour » à quelque orthodoxie, ou par exemple une sorte de pendant
35 n « retour » à quelque orthodoxie, ou par exemple une sorte de pendant protestant au néo-thomisme. Il est avant tout un rap
36 ant protestant au néo-thomisme. Il est avant tout un rappel violent à la nouveauté éternelle de l’Évangile ; une remise en
37 violent à la nouveauté éternelle de l’Évangile ; une remise en question radicale et intime de notre existence devant Dieu.
38 l de la foi, et non l’histoire de l’homme pieux ; un événement et non une croyance, une rencontre personnelle et inconceva
39 l’histoire de l’homme pieux ; un événement et non une croyance, une rencontre personnelle et inconcevable avec le Christ, e
40 l’homme pieux ; un événement et non une croyance, une rencontre personnelle et inconcevable avec le Christ, et non point un
41 elle et inconcevable avec le Christ, et non point une morale prudente, garantie de bonheur terrestre ou céleste. Car cette
42 donc en définitive que le point de vue barthien ? Une prise au sérieux du fait de Dieu. Dieu n’est pas un problème, n’est p
43 prise au sérieux du fait de Dieu. Dieu n’est pas un problème, n’est pas l’objet de nos recherches, mais le Sujet de toute
44 e meut. On a coutume de nommer la pensée de Barth une théologie de la crise, une théologie dialectique. Elle est surtout et
45 mer la pensée de Barth une théologie de la crise, une théologie dialectique. Elle est surtout et avant tout cela une théolo
46 dialectique. Elle est surtout et avant tout cela une théologie de la parole de Dieu. Insuffisance radicale de l’humanisme,
47 essais. Est-ce là de la théologie ? C’est plutôt une réflexion puissante et intrépide sur les possibilités et la valeur de
48 diquer au-delà d’elle-même. Nous n’avons rien dit des qualités humaines de ce livre, de son éloquence martelante (que les t
49 f, de cette obstination à rechercher le sens réel des mots d’ordre que l’on va répétant, de cette puissance de sérieux, de
50 e cette puissance de sérieux, de prise au sérieux des situations humaines telles qu’elles sont, qui seule permet un humour
51 s humaines telles qu’elles sont, qui seule permet un humour souvent rude ; de cette puissance critique enfin, au sens le p
52 ités quotidiennes peut être démasquée, éprouvée.) Une prise ferme sur le concret, mais en même temps un regard qui dépasse
53 ne prise ferme sur le concret, mais en même temps un regard qui dépasse les contingences humaines, et qui interroge virile
54 ’inquiétude » ou de l’emballement. Barth est l’un des hommes les plus solides de notre temps. C’est pour cela qu’il peut po
55 l’a opposé, seul ou à peu près, au puissant parti des Chrétiens allemands, fraction de l’hitlérisme qui prétend faire main
56 aissance germanique. Alors que la grande majorité des chrétiens d’Allemagne, rangée derrière les plus fameux docteurs, appu
57 nne et trahissait sa foi, Barth s’est dressé dans une protestation retentissante, que personne n’a osé faire taire. Son man
58 sé faire taire. Son manifeste n’est pas seulement un témoignage courageux et authentiquement chrétien : il est le seul esp
59 issions garder dans la restauration spirituelle d’ une Allemagne profondément paganisée. Il est aussi la plus éclatante répo
60 adoxe joue à plein — écrivait-on à ce propos dans un récent article1 — la théologie dialectique de Barth à laquelle on rep
61 l’optimisme naturiste, plongeant l’humanité dans un devenir sans issue, aboutit au désespoir. » 1. Albert Béguin, « Kar
2 1934, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). D’un humour romand (24 février 1934)
62 D’ un humour romand (24 février 1934)c Le Suisse romand est-il sérieux ?
63 avité qu’on lui a faite, et qui lui vaut l’estime des personnes de sens. Mais après tout, ne serait-il pas étrange d’apport
64 s après tout, ne serait-il pas étrange d’apporter des preuves sérieuses de la fantaisie de ce peuple ? Rousseau, Madame de
65 ne pas glisser, entre l’auteur d’Adolphe et celui des Discours religieux, par exemple, cet excellent Toepffer dont on peut
66 ces albums illustrés, ancêtres du dessin animé et des Eugène de Cocteau, où nous voyons gesticuler, non sans grandiloquence
67 nous voyons gesticuler, non sans grandiloquence, des savants astronomes, des phrénologues, des herboristes, un lord tout n
68 non sans grandiloquence, des savants astronomes, des phrénologues, des herboristes, un lord tout nu, les enfants terribles
69 quence, des savants astronomes, des phrénologues, des herboristes, un lord tout nu, les enfants terribles de Monsieur Crépi
70 ts astronomes, des phrénologues, des herboristes, un lord tout nu, les enfants terribles de Monsieur Crépin, et la silhoue
71 rsité, bien qu’il lui arrive parfois de pousser «  un immense cri en vingt-deux langues ». La satire de Toepffer n’est pas
72 ; c’est plutôt, dans l’espièglerie la plus folle, un humour apitoyé. Si Toepffer s’attendrit sur ses bonhommes, n’est-ce p
73 pffer s’attendrit sur ses bonhommes, n’est-ce pas une manière de dégonfler les sentencieux ? Une impeccable dignité bourgeo
74 ce pas une manière de dégonfler les sentencieux ? Une impeccable dignité bourgeoise ne cesse d’inspirer les attitudes de se
75 : La Rose de Thuringe et Connaissez mieux le cœur des femmes, de Girard, et de Cingria, ce que vous aurez la chance d’en tr
76 ingria, ce que vous aurez la chance d’en trouver, une note ici ou là, quelques petits livres à tirage limité. N’allez pas c
77 ur faire du tort en écrivant qu’ils sont drôles. ( Des gens viennent vous dire : tenez, voilà qui vous fera rire. En général
78 Pierre Girard, il faut avoir aimé Charlot, celui des Lumières de la Ville et du Cirque. Les héros de Pierre Girard sont de
79 sont de doux ahuris, qui partent dans la vie avec une conscience pure et des gants beurre-frais. Ils ne tardent pas à renco
80 i partent dans la vie avec une conscience pure et des gants beurre-frais. Ils ne tardent pas à rencontrer une jeune femme q
81 nts beurre-frais. Ils ne tardent pas à rencontrer une jeune femme qui leur fait perdre toute mesure. Le monde est plein de
82 s de quoi il s’agit. Il n’y a plus qu’à perpétrer une horrible inconvenance, un de ces scandales héroïques qui vous valent
83 a plus qu’à perpétrer une horrible inconvenance, un de ces scandales héroïques qui vous valent l’amour des femmes et quel
84 e ces scandales héroïques qui vous valent l’amour des femmes et quelque honneur parmi les hommes. Autant de gags chaplinesq
85 nesques, involontaires, touchants, entraînés dans une dérive mélancolique dont la source pourrait bien être chez les conteu
86 de réflexe appris. L’humour du romantique jaillit des échecs du sentiment. Et certes, c’est le sentiment d’abord qui nous r
87 ’écriture, sans égale parmi nous, cette musique d’ un cœur qui s’abandonne, qui s’accepte. C’est cela qui fait la qualité l
88 écession, mais il n’en parla pas »), et servi par un garçon triste qui perd le vol-au-vent, inexplicablement. Tâchez de ne
89 n’en ai jamais eu ; s’il doit être que j’en doive un avoir un, je veux qu’il ne soit de ceux que j’aie fabriqués moi-même.
90 amais eu ; s’il doit être que j’en doive un avoir un , je veux qu’il ne soit de ceux que j’aie fabriqués moi-même. » Ainsi
91 , pétrarquisant, musicien, humain, enfin maître d’ un style incomparable de précision et de verve, Cingria est un phénomène
92 ncomparable de précision et de verve, Cingria est un phénomène dont Claudel, Max Jacob et Ramuz ont su voir et dire l’impo
93 absolument original. Cingria fit partie du groupe des Cahiers vaudois, réuni autour de Ramuz pendant la guerre. (C’est par
94 de tous les racismes.) On avait, dans ce groupe, une espèce de mystique des objets, du détail authentique, de l’aspect bru
95 On avait, dans ce groupe, une espèce de mystique des objets, du détail authentique, de l’aspect brut des choses et des mot
96 s objets, du détail authentique, de l’aspect brut des choses et des mots. Imaginez, dans cette vision du monde, ce que donn
97 étail authentique, de l’aspect brut des choses et des mots. Imaginez, dans cette vision du monde, ce que donnerait l’usage
98 cette vision du monde, ce que donnerait l’usage d’ un style savant et poli, coupé de « véhémences nobles » et de trivialité
99 les » et de trivialités qualifiées, et vous aurez une idée du comique de Cingria. Un humour romand… Trois auteurs seulement
100 es, et vous aurez une idée du comique de Cingria. Un humour romand… Trois auteurs seulement, me dira-t-on ? Trois dimensio
101 ? Trois dimensions plutôt. Cela suffit pour créer un espace, un climat, une invite à naître — une légèreté nouvelle dans l
102 ensions plutôt. Cela suffit pour créer un espace, un climat, une invite à naître — une légèreté nouvelle dans l’atmosphère
103 tôt. Cela suffit pour créer un espace, un climat, une invite à naître — une légèreté nouvelle dans l’atmosphère de ce pays
104 créer un espace, un climat, une invite à naître — une légèreté nouvelle dans l’atmosphère de ce pays de pédagogues. J’ai ou
105 sérieux arguments. c. Rougemont Denis de, « D’ un humour romand », Les Nouvelles littéraires, Paris, 24 février 1934, p
3 1934, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). L’Humanité de Jésus d’après Calvin, par Max Dominicé (24 mars 1934)
106 us donne L’Humanité de Jésus d’après Calvin comme un simple commentaire de la pensée du réformateur. N’allons pas commente
107 poussé M. Dominicé à l’écrire, et qu’il expose en une vingtaine de pages précises, mesurées, et convaincantes. Il me semble
108 tes. Il me semble que cette préface caractérise d’ une façon remarquable l’évolution accomplie par toute une génération de p
109 façon remarquable l’évolution accomplie par toute une génération de protestants, celle qui commence à s’exprimer dans des r
110 protestants, celle qui commence à s’exprimer dans des revues comme Foi et Vie , Le Semeur , Hic et Nunc . Si, par ailleu
111 but de ce siècle accordait à la personne de Jésus une place à juste titre centrale, mais exclusive de toute dogmatique. « L
112 exclusive de toute dogmatique. « La foi n’est pas une adhésion intellectuelle à des doctrines, mais la communion avec le Ch
113 « La foi n’est pas une adhésion intellectuelle à des doctrines, mais la communion avec le Christ vivant », répétaient les
114 ul caractère de Jésus. Mais alors, n’était-ce pas un abus de langage que de prétendre voir une personne morale dont on réc
115 t-ce pas un abus de langage que de prétendre voir une personne morale dont on récusait par avance les actes caractéristique
116 on le mot de Théodore Flournoy, tenter de « faire une guirlande en mettant bout à bout des fleurs des champs et des fleurs
117 r de « faire une guirlande en mettant bout à bout des fleurs des champs et des fleurs de rhétorique ? » Ce Jésus « reconsti
118 e une guirlande en mettant bout à bout des fleurs des champs et des fleurs de rhétorique ? » Ce Jésus « reconstitué » par l
119 e en mettant bout à bout des fleurs des champs et des fleurs de rhétorique ? » Ce Jésus « reconstitué » par les historiens
120 xte de nous rapprocher de lui, l’histoire prêtait une réalité insurmontable aux dix-neuf siècles qui nous séparent de l’Éva
121 rience religieuse, dialogue vivant avec le Christ des évangiles, se réduisait à une contemplation de sa vie. Dans cette dif
122 vant avec le Christ des évangiles, se réduisait à une contemplation de sa vie. Dans cette difficulté, le jeune théologien i
123 ne théologien interroge Calvin. Que trouve-t-il ? Des arguments, une solution ? Non point : un renversement du problème. Ca
124 nterroge Calvin. Que trouve-t-il ? Des arguments, une solution ? Non point : un renversement du problème. Calvin ne fonde p
125 -t-il ? Des arguments, une solution ? Non point : un renversement du problème. Calvin ne fonde pas notre vie religieuse su
126 ies, non point nous qui le rencontrons au terme d’ une pieuse « élévation ». Et c’est le mystère du Dieu-homme (du Christ-Jé
127 mme on retrouve la véritable et profonde acuité d’ une dialectique à résoudre en actes. C’est l’un des traits les plus frapp
128 d’une dialectique à résoudre en actes. C’est l’un des traits les plus frappants du Calvin commentateur des évangiles, tel q
129 traits les plus frappants du Calvin commentateur des évangiles, tel que nous le restitue M. Dominicé, que cette insistance
130 n juge du texte, Calvin n’admet et ne pratique qu’ une « exégèse d’obéissance » — il se laisse juger par le texte. On ne sau
131 me. L’ouvrage de M. Dominicé s’inspire évidemment des mêmes principes exégétiques. Certes, l’auteur n’est pas de ceux qui c
132 t pas de ceux qui conçoivent le commentaire comme une effervescence lyrique autour d’un texte. Son sujet d’ailleurs s’y prê
133 mentaire comme une effervescence lyrique autour d’ un texte. Son sujet d’ailleurs s’y prête peu. Mais on regrette parfois q
134 pire Calvin s’exprime en termes aussi respectueux des objections possibles. Il est vrai que ce livre est une thèse. Mais il
135 bjections possibles. Il est vrai que ce livre est une thèse. Mais il n’est pas moins vrai que Calvin sut parler un langage
136 ais il n’est pas moins vrai que Calvin sut parler un langage d’une verdeur assez peu sorbonnique. Max Dominicé ne sera pas
137 pas moins vrai que Calvin sut parler un langage d’ une verdeur assez peu sorbonnique. Max Dominicé ne sera pas le dernier à
138 as le dernier à souhaiter avec nous que le retour des doctrines du xvie siècle renouvelle jusque dans le style la verve cr
4 1934, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Quelques œuvres et une biographie de Kierkegaard (26 mai 1934)
139 Quelques œuvres et une biographie de Kierkegaard (26 mai 1934)e On rêverait, parfois, d’u
140 kegaard (26 mai 1934)e On rêverait, parfois, d’ un protocole d’introduction des grands génies de l’étranger dans la cult
141 rêverait, parfois, d’un protocole d’introduction des grands génies de l’étranger dans la culture de ce pays. La présentati
142 ger dans la culture de ce pays. La présentation d’ un esprit de l’envergure de Kierkegaard eut légitimé, à elle seule, la c
143 vaille.) Mais il eût certainement protesté contre une erreur qui ne relève pas de l’interprétation partisane, mais d’un sim
144 relève pas de l’interprétation partisane, mais d’ un simple défaut d’information, et qui consiste à faire de lui une espèc
145 aut d’information, et qui consiste à faire de lui une espèce de psychologue nihiliste, un esthète retors et tourmenté, l’an
146 faire de lui une espèce de psychologue nihiliste, un esthète retors et tourmenté, l’ancêtre du gidisme et de l’« inquiétud
147 iétude » littéraire. Kierkegaard, avant tout, est un chrétien ; un chrétien peu rassurant, certes, et d’une trempe excepti
148 raire. Kierkegaard, avant tout, est un chrétien ; un chrétien peu rassurant, certes, et d’une trempe exceptionnelle ; mais
149 hrétien ; un chrétien peu rassurant, certes, et d’ une trempe exceptionnelle ; mais non pas un inquiet au sens moderne, et l
150 es, et d’une trempe exceptionnelle ; mais non pas un inquiet au sens moderne, et le contraire d’un esthète. Comme Nietzsch
151 pas un inquiet au sens moderne, et le contraire d’ un esthète. Comme Nietzsche, avec lequel il a pas mal de traits communs,
152 as mal de traits communs, Kierkegaard nous laisse un ouvrage d’autocritique2 où il dégage le sens général de son œuvre. On
153 e d’introduction : « Je suis et j’ai toujours été un auteur religieux ; toute ma carrière littéraire se rapporte au christ
154 rétien ? » Car, enfin, l’on ne naît pas chrétien. Des quelques œuvres traduites jusqu’ici, un peu au hasard, il faut l’avou
155 hrétien. Des quelques œuvres traduites jusqu’ici, un peu au hasard, il faut l’avouer, le Traité du désespoir 3 est de beau
156 alyse psychologique du désespoir, considéré comme une maladie universelle ne doit pas nous tromper sur le dessein du livre.
157 rit, jusqu’au refus d’être sauvé, il y a toujours une révolte de l’homme contre sa condition telle que Dieu l’a voulue, une
158 me contre sa condition telle que Dieu l’a voulue, une négation du paradoxe de l’Amour. L’universalité du désespoir, qui est
159 ngile qui sauve. ⁂ La lecture du Traité n’est pas des plus aisées. Les termes hégéliens qui abondent dans les premiers chap
160 remiers chapitres donnent à cette partie du livre une apparence abstraite qui contraste singulièrement avec le réalisme bru
161 lecteur, pourtant, ne se laisse point arrêter par des définitions dont la substance, tôt après, se révèle admirablement con
162 t ironique de Kierkegaard a créé dans cette œuvre une abondance d’illustrations inoubliables. Par ailleurs, cette descente
163 roniste et le théologien. Kierkegaard nous montre un homme aux prises avec un problème sentimental douloureux, et qui cher
164 Kierkegaard nous montre un homme aux prises avec un problème sentimental douloureux, et qui cherche à le résoudre, d’abor
165 morale courante. L’un et l’autre le conduisent à des impasses tragiques ; mais voici que Dieu intervient, avec la réponse
166 es les plus éloquentes et les plus irréfutables d’ un penseur qui sut devancer tous les problèmes de notre siècle. Le ton s
167 quand personne n’ose se plaindre comme il sied à un homme ? Parle, élève la voix, parle fort, Dieu peut bien parler plus
168 lui qui dispose du tonnerre. Mais le tonnerre est une réponse, une explication certaine, digne de foi, de première source,
169 se du tonnerre. Mais le tonnerre est une réponse, une explication certaine, digne de foi, de première source, une réponse d
170 ation certaine, digne de foi, de première source, une réponse de Dieu, qui, même si elle foudroie, est plus magnifique que
171 humaine et colportés par de vieilles bavardes et des eunuques ! Nous voici plus près de Shakespeare que du piétisme senti
172 u piétisme sentimental et de l’unctio spiritualis des dévots… Mais plus près de Luther, aussi. Je me borne à citer In vino
173 eur). Mais il ne s’agit là que du premier volet d’ un triptyque dont il nous faut attendre les deux autres parties pour sai
174 la pleine signification. On trouvera, d’ailleurs, une analyse détaillée des Stades sur le chemin de la vie, dont In Vino Ve
175 n. On trouvera, d’ailleurs, une analyse détaillée des Stades sur le chemin de la vie, dont In Vino Veritas constitue l’intr
176 ctive dans laquelle il faut considérer l’ensemble des écrits de Kierkegaard, et qui est celle du Point de vue explicatif. L
177 ion de l’emprise que peut exercer Kierkegaard sur un chrétien sincère, peu suspect de complaisance pour les subtilités du
178 fois la plus objective et la plus sympathique qu’ un « honnête homme » peut espérer. Du mélange d’humour et d’angoisse ins
179 oisse insondable qui nous bouleverse à la lecture des Stades, on trouvera ici l’exposé judicieux, parfois même bonhomique :
180 uant du livre. Fallait-il souhaiter à Kierkegaard une introduction plus systématique ? Je ne le pense pas. Kierkegaard est
181 ystématique ? Je ne le pense pas. Kierkegaard est un événement. Voici un homme qui vient nous dire, en toute simplicité, q
182 le pense pas. Kierkegaard est un événement. Voici un homme qui vient nous dire, en toute simplicité, qu’il a vu l’événemen
183 »). e. Rougemont Denis de, « Quelques œuvres et une biographie de Kierkegaard », Les Nouvelles littéraires, Paris, 26 mai
5 1934, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Le mouvement des groupes — Kagawa (4 août 1934)
184 Le mouvement des groupes — Kagawa (4 août 1934)f Le « Mouvement des Groupes », ou M
185 groupes — Kagawa (4 août 1934)f Le « Mouvement des Groupes », ou Mouvement d’Oxford, est un des faits spirituels qui ser
186 uvement des Groupes », ou Mouvement d’Oxford, est un des faits spirituels qui serviront à fixer la signification de notre
187 ment des Groupes », ou Mouvement d’Oxford, est un des faits spirituels qui serviront à fixer la signification de notre époq
188 aît destiné à répondre d’abord aux préoccupations des intellectuels, mais il y répond de telle sorte qu’il abolit rapidemen
189 urgeois. J’ai assisté cet hiver, à Paris, à l’une des rencontres du Mouvement : il y avait là une vingtaine de personnes, u
190 l’une des rencontres du Mouvement : il y avait là une vingtaine de personnes, un pasteur, une bouchère, un banquier, une da
191 ement : il y avait là une vingtaine de personnes, un pasteur, une bouchère, un banquier, une dactylo, un peintre juif — c’
192 avait là une vingtaine de personnes, un pasteur, une bouchère, un banquier, une dactylo, un peintre juif — c’était dans so
193 vingtaine de personnes, un pasteur, une bouchère, un banquier, une dactylo, un peintre juif — c’était dans son atelier — e
194 personnes, un pasteur, une bouchère, un banquier, une dactylo, un peintre juif — c’était dans son atelier — et une grande v
195 pasteur, une bouchère, un banquier, une dactylo, un peintre juif — c’était dans son atelier — et une grande vedette de mu
196 , un peintre juif — c’était dans son atelier — et une grande vedette de music-hall dont la présence discrète n’étonna perso
197 évangélisation. Il s’agissait de mettre en commun des difficultés intimes, d’entrer dans le concret du christianisme. Une d
198 times, d’entrer dans le concret du christianisme. Une dizaine d’entre nous parlèrent, sans artifices ni gêne, ni excès d’au
199 ifices ni gêne, ni excès d’aucune sorte. À plus d’ une reprise, j’eus l’impression, qu’on a rarement de nos jours, d’entendr
200 ession, qu’on a rarement de nos jours, d’entendre des gens dire la vérité sur eux-mêmes. Je sortis assez déçu, comme on sor
201 fait espérer, secrètement, autre chose, peut-être des confessions sensationnelles. J’avais tort, et l’on s’en convaincra en
202 st le seul qui existe en français, et il contient un certain nombre de faits assez bouleversants pour qu’on passe sur les
203 nnelles que nous en propose l’auteur. (Begbie est un de ces « informateurs » brillants et cordiaux, un peu trop souriants,
204 un de ces « informateurs » brillants et cordiaux, un peu trop souriants, comme on en trouve dans les pays anglo-saxons. On
205 les pays anglo-saxons. On lui doit, entre autres, un ouvrage fameux sur l’Armée du salut.) Le Mouvement des Groupes est né
206 uvrage fameux sur l’Armée du salut.) Le Mouvement des Groupes est né après la guerre, de l’activité purement individuelle d
207 la guerre, de l’activité purement individuelle d’ un jeune pasteur américain, Frank Buchman. On a écrit de lui : « Ce qui
208 amais par le moyen de mouvements de masse, ni par des organisations, ni par des corps constitués mais par des hommes concre
209 ements de masse, ni par des organisations, ni par des corps constitués mais par des hommes concrets, agissant dans le cercl
210 ganisations, ni par des corps constitués mais par des hommes concrets, agissant dans le cercle concret de leur vie. La seul
211 tact d’homme à homme, dans la confession mutuelle des péchés et le « partage » (sharing) des grâces reçues, il sait qu’on n
212 n mutuelle des péchés et le « partage » (sharing) des grâces reçues, il sait qu’on ne peut être chrétien que totalement, pe
213 tivement. N’allons pas croire qu’il s’agisse là d’ une nouvelle forme de pragmatisme américain. Dire que la foi n’est réelle
214 à tout prix. L’activiste moderne n’est souvent qu’ un agité. Le philanthrope et le puritain rigide ne sont souvent que des
215 nthrope et le puritain rigide ne sont souvent que des acteurs. Seule la foi peut nous rendre actifs lorsqu’elle nous engage
216 t nous rendre actifs lorsqu’elle nous engage dans une relation concrète avec le prochain. Mais comment s’engager dans cette
217 comment s’engager dans cette relation ? L’erreur des chrétiens, trop souvent, c’est qu’ils s’efforcent d’endoctriner ceux
218 ur entrer en contact avec les hommes, il n’y a qu’ un moyen : c’est de leur ouvrir sa maison. D’où les confessions privées
219 s confessions privées ou publiques, qui sont l’un des traits marquants de l’activité des Groupes. Qu’il y ait là un danger
220 qui sont l’un des traits marquants de l’activité des Groupes. Qu’il y ait là un danger réel d’exhibitionnisme, les membres
221 rquants de l’activité des Groupes. Qu’il y ait là un danger réel d’exhibitionnisme, les membres des Groupes ne sauraient l
222 là un danger réel d’exhibitionnisme, les membres des Groupes ne sauraient le nier. Mais qu’il y ait là aussi le moyen de f
223 nstitué d’organisation. Ils n’ont pas de registre des membres, ils ne nomment pas de comités, ils ne publient pas de revues
224 s, ils ne publient pas de revues, ils ne sont pas une secte ni une nouvelle Église. Ils travaillent par petites équipes. Il
225 lient pas de revues, ils ne sont pas une secte ni une nouvelle Église. Ils travaillent par petites équipes. Ils voyagent be
226 el endroit où Dieu leur dit d’aller. La chronique des rencontres miraculeuses qu’ils ont ainsi vécues remplirait des volume
227 s miraculeuses qu’ils ont ainsi vécues remplirait des volumes, et nourrit leurs entretiens. À lire certains récits du meill
228 s pécheurs seulement), de J. Russell, on découvre des possibilités humaines que le conformisme et la psychologie modernes s
229 l’aventure que vivent quotidiennement les membres des Groupes pourraient devenir pour eux un danger assez grave. Il y a là
230 s membres des Groupes pourraient devenir pour eux un danger assez grave. Il y a là un risque indéniable : celui de natural
231 devenir pour eux un danger assez grave. Il y a là un risque indéniable : celui de naturaliser la foi, de s’attacher aux ré
232 n’ont pas manqué de critiquer vivement certaines des suppositions théologiques qu’implique l’attitude de Buchman. Car ce n
233 abstrait : encore faudrait-il se garder de vivre une théologie équivoque. À quoi les membres du Mouvement des Groupes peuv
234 ologie équivoque. À quoi les membres du Mouvement des Groupes peuvent répondre que leur œuvre se développe dans une atmosph
235 peuvent répondre que leur œuvre se développe dans une atmosphère de franchise, d’autocritique, de sobriété spirituelle qui
236 excès qu’on imagine. Peut-être la plus sûre leçon des Groupes est-elle dans leur vision concrète de l’homme et de l’action
237 , le seul message utile est celui qui nous révèle une tâche proche, des hommes pour lesquels nous puissions être le prochai
238 utile est celui qui nous révèle une tâche proche, des hommes pour lesquels nous puissions être le prochain. Et quand ce liv
239 er comment les hommes de ce temps peuvent devenir des hommes réels. ⁂ Il se peut que Kagawa soit l’homme le plus réel d’auj
240 ion, n’était pas exclusivement dans la réalité qu’ un homme incarne. Qui le connaît en France ? Claudel, quelques revues pr
241 t tout. Nos grands journaux ignorent quelques-uns des événements décisifs de l’histoire contemporaine. Kagawa est le chef d
242 le plus fécond et le plus populaire de son pays, une puissance sociale et religieuse dont l’Occident ne connaît pas d’exem
243 igieuse dont l’Occident ne connaît pas d’exemple. Un récit autobiographique et romancé de sa jeunesse a paru en français,
244 ujourd’hui, l’un de ses collaborateurs nous donne un portrait plus complet et quelques extraits de ses œuvres8. Fils d’un
245 mplet et quelques extraits de ses œuvres8. Fils d’ un conseiller de l’empereur et d’une danseuse, Kagawa se convertit au ch
246 œuvres8. Fils d’un conseiller de l’empereur et d’ une danseuse, Kagawa se convertit au christianisme pendant ses études et
247 bitant du quartier, et non content d’y vivre dans un dénuement absolu, ouvre sa chambre aux misérables sans-abris. Ses tro
248 érables sans-abris. Ses trois premiers hôtes sont un galeux, un alcoolique qu’il nomme la « statue de cuivre » à cause de
249 s-abris. Ses trois premiers hôtes sont un galeux, un alcoolique qu’il nomme la « statue de cuivre » à cause de son immobil
250 re » à cause de son immobilité presque totale, et un assassin dont les nuits sont hantées par les apparitions de sa victim
251 revient le lendemain. Il prêche dans le quartier des prostituées, souvent lapidé. Épuisé par la tuberculose et une maladie
252 ées, souvent lapidé. Épuisé par la tuberculose et une maladie des yeux, il arrive qu’il s’effondre pendant ses discours. Il
253 lapidé. Épuisé par la tuberculose et une maladie des yeux, il arrive qu’il s’effondre pendant ses discours. Il écrit une P
254 e qu’il s’effondre pendant ses discours. Il écrit une Psychologie de la pauvreté et un roman dont le tirage atteint 250 000
255 cours. Il écrit une Psychologie de la pauvreté et un roman dont le tirage atteint 250 000 exemplaires. Son œuvre s’étend d
256 uit au Japon, augmentant la misère avec le nombre des ouvriers. Kagawa fonde la fédération japonaise du travail et prend la
257 ers et rédige leur manifeste. « Les ouvriers sont des êtres humains et non pas des articles dont on trafique suivant une éc
258 « Les ouvriers sont des êtres humains et non pas des articles dont on trafique suivant une échelle de salaires basés sur l
259 et non pas des articles dont on trafique suivant une échelle de salaires basés sur l’état du marché. » On le met en prison
260 » On le met en prison. Il y écrit en treize jours un roman : L’Archer tirant contre le soleil. Accueilli à sa sortie de pr
261 re le soleil. Accueilli à sa sortie de prison par une foule en fête, il entraîne une centaine d’enfants au bord de la mer p
262 rtie de prison par une foule en fête, il entraîne une centaine d’enfants au bord de la mer pour célébrer la liberté. Sa lig
263 té. Sa ligne de bataille s’étend. Il crée l’Union des paysans. Il évangélise. Il devient le « fou du Christ ». À peine a-t-
264 le syndicalisme qu’il a créé, le voilà qui lance une campagne pour la christianisation du Japon, une autre contre la guerr
265 e une campagne pour la christianisation du Japon, une autre contre la guerre de Chine. « La société contemporaine est une i
266 a guerre de Chine. « La société contemporaine est une invalide, mentalement dégénérée, écrit-il. Les banques, l’armée, les
267 ation mentale ? La société de nos jours manifeste une tendance au crime. Elle est devenue folle par sa faute, Dieu seul peu
268 te de Kobé en 1925. Et quelques années plus tard, une ligue réactionnaire fait poser des affiches où elle reprend des terme
269 ées plus tard, une ligue réactionnaire fait poser des affiches où elle reprend des termes semblables : « Brûlez-le, brûlez
270 tionnaire fait poser des affiches où elle reprend des termes semblables : « Brûlez-le, brûlez Kagawa ! C’est un révolutionn
271 s semblables : « Brûlez-le, brûlez Kagawa ! C’est un révolutionnaire redoutable. » Ainsi criait-on contre les prophètes. K
272 criait-on contre les prophètes. Kagawa est aussi un grand mystique, c’est-à-dire un grand poète. Le livre d’Axling nous d
273 Kagawa est aussi un grand mystique, c’est-à-dire un grand poète. Le livre d’Axling nous donne d’admirables citations de s
274 fait comparer à Gorki, ses poèmes en prose sont d’ un franciscain. Il y a en lui un amour des objets, un sens de la nature,
275 mes en prose sont d’un franciscain. Il y a en lui un amour des objets, un sens de la nature, une compréhension des symbole
276 ose sont d’un franciscain. Il y a en lui un amour des objets, un sens de la nature, une compréhension des symboles qui appa
277 n franciscain. Il y a en lui un amour des objets, un sens de la nature, une compréhension des symboles qui appartiennent a
278 en lui un amour des objets, un sens de la nature, une compréhension des symboles qui appartiennent au génie japonais tel qu
279 s objets, un sens de la nature, une compréhension des symboles qui appartiennent au génie japonais tel que Claudel nous l’a
280 l’a décrit, mais auquel le génie chrétien ajoute une dimension humaine particulièrement émouvante. 7. Vies transformées
281 oncorde). f. Rougemont Denis de, « Le Mouvement des Groupes. — Kagawa », Les Nouvelles littéraires, Paris, 4 août 1934, p
282 ’aube (Éditions « Je sers ») dont Rougemont donne une recension dans Foi et Vie en septembre 1931. Kagawa sera également év
283 . Kagawa sera également évoqué par Rougemont dans un article du Semeur paru en mai 1935.
6 1934, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Au sujet d’un roman : Sara Alelia (3 novembre 1934)
284 Au sujet d’ un roman : Sara Alelia (3 novembre 1934)h i Voulez-vous un paradoxe ?
285 : Sara Alelia (3 novembre 1934)h i Voulez-vous un paradoxe ? Littéraire ? Je détiendrais volontiers celui-ci : que le r
286 étiendrais volontiers celui-ci : que le roman est un genre protestant. — Et Balzac ? dites-vous, car vous êtes Français. E
287 Zola. Je vois aussi le pasteur Sterne, le Goethe des Affinités, Jacobsen, George Eliot et les sœurs Brontë, Dickens, Strin
288 ent. Voyez-vous, je ne dis pas qu’ils furent tous des chrétiens. Plusieurs ont même écrit des romans furieusement antichrét
289 rent tous des chrétiens. Plusieurs ont même écrit des romans furieusement antichrétiens — des romans justement comme ne peu
290 ême écrit des romans furieusement antichrétiens — des romans justement comme ne peuvent en écrire que des protestants, malg
291 s romans justement comme ne peuvent en écrire que des protestants, malgré eux. Quand je dis romanciers protestants, entende
292 rs de climats protestants. Que faut-il pour faire un roman ? Des caractères, de la vie intérieure, une morale qui mette de
293 ts protestants. Que faut-il pour faire un roman ? Des caractères, de la vie intérieure, une morale qui mette des obstacles
294 un roman ? Des caractères, de la vie intérieure, une morale qui mette des obstacles et qui crée des conflits dramatiques d
295 tères, de la vie intérieure, une morale qui mette des obstacles et qui crée des conflits dramatiques dans les vies les plus
296 e, une morale qui mette des obstacles et qui crée des conflits dramatiques dans les vies les plus dépourvues d’apparences.
297 tuelle que l’on se fait de nos climats ? Et voici un dernier argument. Prenez une liste des romanciers français contempora
298 os climats ? Et voici un dernier argument. Prenez une liste des romanciers français contemporains. Vous y trouverez un bon
299  ? Et voici un dernier argument. Prenez une liste des romanciers français contemporains. Vous y trouverez un bon quart de p
300 manciers français contemporains. Vous y trouverez un bon quart de protestants, c’est-à-dire dix fois plus que vous n’en at
301 plus que vous n’en attendiez, puisqu’il n’y a qu’ un million de réformés en France. Imaginez la proportion si l’édit de Na
302 r votre foi ? — Oh ! Pas le moindre ! Je constate un fait. Mais laissons là le paradoxe. Vous n’ignorez pas plus que moi q
303 t-à-dire qu’ils n’ont pas de foi, et qu’est-ce qu’ un protestant sans foi ? Dans toutes leurs œuvres, vous chercheriez en v
304 ans toutes leurs œuvres, vous chercheriez en vain un roman véritablement chrétien. La Porte étroite ne décrit guère qu’une
305 ent chrétien. La Porte étroite ne décrit guère qu’ une aberration janséniste. Et je ne retrouve le calvinisme véritable que
306 l’Adam et Ève de Ramuz, mais Ramuz accepterait-il une étiquette aussi compromettante ? À parler franc, je ne connais qu’un
307 compromettante ? À parler franc, je ne connais qu’ un seul roman moderne authentiquement « réformé ». Un grand roman, je cr
308 n seul roman moderne authentiquement « réformé ». Un grand roman, je crois. C’est Sara Alelia, de Mme Hildur Dixelius. On
309 vient de le traduire du suédois9. ⁂ Qu’est-ce qu’ un roman chrétien ? Une histoire où tout le monde « se conduit bien » ?
310 e du suédois9. ⁂ Qu’est-ce qu’un roman chrétien ? Une histoire où tout le monde « se conduit bien » ? Il n’y aurait pas de
311 « se conduit bien » ? Il n’y aurait pas de roman. Une histoire dont le personnage principal est « la main du Seigneur », ou
312 l’insondable Providence » mise en action au gré d’ un moraliste qui se donne l’air de l’avoir bel et bien sondée ? Ce serai
313 e l’air de l’avoir bel et bien sondée ? Ce serait un conte bleu, ou un volume de la Bibliothèque Rose. Est-ce une histoire
314 bel et bien sondée ? Ce serait un conte bleu, ou un volume de la Bibliothèque Rose. Est-ce une histoire qui finit bien, c
315 leu, ou un volume de la Bibliothèque Rose. Est-ce une histoire qui finit bien, comme le croyaient les écrivains anglais du
316 xixe siècle — en conséquence de quoi les romans des « païens », d’un Thomas Hardy, par exemple, se devaient de finir auss
317 conséquence de quoi les romans des « païens », d’ un Thomas Hardy, par exemple, se devaient de finir aussi mal que possibl
318 tianisme. Et l’on serait en droit de prétendre qu’ un roman pessimiste à la Thomas Hardy a plus de chances d’être chrétien
319 Thomas Hardy a plus de chances d’être chrétien qu’ un quelconque happy end soi-disant édifiant s’il est certain que l’Évang
320 de salut sont seuls capables de donner à l’homme une vision réaliste de son sort terrestre, et le sobre courage d’avouer s
321 tre, et le sobre courage d’avouer sa dégradation. Un vrai roman chrétien est d’abord réaliste. Car il faut bien connaître
322 et qui le juge. On a dit de Sara Alelia que c’est un roman de la grâce : oui, mais c’est aussi, et d’abord, un roman de la
323 de la grâce : oui, mais c’est aussi, et d’abord, un roman de la perdition. J’y vois une suite d’illustrations vivantes du
324 i, et d’abord, un roman de la perdition. J’y vois une suite d’illustrations vivantes du fameux paradoxe luthérien qui est a
325 de Selma Lagerlöf qui revit dans ces peintures d’ une Laponie lointaine et d’une humanité si proche. Moins d’art peut-être,
326 t dans ces peintures d’une Laponie lointaine et d’ une humanité si proche. Moins d’art peut-être, je veux dire moins d’appar
327 lyrisme que chez l’auteur de Gösta Berling ; mais une sobriété qui vous saisit le cœur, à chaque page. Toute une vie de fem
328 été qui vous saisit le cœur, à chaque page. Toute une vie de femme se déroule sur un rythme large à travers un peuple de pe
329 haque page. Toute une vie de femme se déroule sur un rythme large à travers un peuple de personnages vivement contrastés,
330 de femme se déroule sur un rythme large à travers un peuple de personnages vivement contrastés, et des paysages baignés d’
331 un peuple de personnages vivement contrastés, et des paysages baignés d’une longue lumière boréale. Cette femme n’est pas
332 es vivement contrastés, et des paysages baignés d’ une longue lumière boréale. Cette femme n’est pas un ange ni une sainte.
333 une longue lumière boréale. Cette femme n’est pas un ange ni une sainte. Elle a péché gravement, elle a touché le fond de
334 lumière boréale. Cette femme n’est pas un ange ni une sainte. Elle a péché gravement, elle a touché le fond de la détresse
335 le a touché le fond de la détresse humaine. C’est un vieux pasteur un peu ivrogne, un vieil ours intraitable, toujours dre
336 nd de la détresse humaine. C’est un vieux pasteur un peu ivrogne, un vieil ours intraitable, toujours dressé contre les co
337 e humaine. C’est un vieux pasteur un peu ivrogne, un vieil ours intraitable, toujours dressé contre les conventions civili
338 i prend soin d’elle au temps de son malheur. Puis une grâce vient dans sa vie, et désormais l’accompagne en secret tout au
339 ong de cette chronique. On voit naître et grandir un fils, puis les enfants d’une troisième génération. (C’est un des gran
340 is les enfants d’une troisième génération. (C’est un des grands pouvoirs des romanciers du Nord que d’introduire la durée
341 les enfants d’une troisième génération. (C’est un des grands pouvoirs des romanciers du Nord que d’introduire la durée d’un
342 oisième génération. (C’est un des grands pouvoirs des romanciers du Nord que d’introduire la durée d’une vie comme protagon
343 es romanciers du Nord que d’introduire la durée d’ une vie comme protagoniste du drame.) Des fragments du journal de Sara co
344 la durée d’une vie comme protagoniste du drame.) Des fragments du journal de Sara commentent et rythment le déroulement de
345 maine. Cette espèce de naturalisme est le fruit d’ un ressentiment que les excès idéalistes expliquent sans le légitimer. L
346 s expliquent sans le légitimer. L’homme n’est pas un ange, c’est entendu, mais ne dites pas qu’il n’est qu’une bête. À la
347 , c’est entendu, mais ne dites pas qu’il n’est qu’ une bête. À la fois ange et bête, voilà sa vérité totale, c’est-à-dire sa
348 , c’est-à-dire sa poésie. Il y a dans Sara Alelia une poésie par endroits bouleversante, une poésie qui naît des faits, jam
349 ara Alelia une poésie par endroits bouleversante, une poésie qui naît des faits, jamais d’un commentaire de l’auteur. La da
350 e par endroits bouleversante, une poésie qui naît des faits, jamais d’un commentaire de l’auteur. La danse de la petite Eva
351 versante, une poésie qui naît des faits, jamais d’ un commentaire de l’auteur. La danse de la petite Eva Margareta, chaussé
352 Hildur Dixetius a su voir dans la vie quotidienne des drames singuliers, de bizarres et profondes folies, l’originalité bou
353 et profondes folies, l’originalité bouleversante des êtres, qu’il s’agisse d’un grand évêque ou de cette fille de ferme « 
354 inalité bouleversante des êtres, qu’il s’agisse d’ un grand évêque ou de cette fille de ferme « au mince visage de belette 
355 lette » qui enterre son enfant dans la neige avec une sorte d’innocence animale. La superstition rôde dans ces campagnes dé
356 tion rôde dans ces campagnes désertiques ; il y a des fous, des femmes possédées ; des ivrognes qui citent les Écritures ;
357 dans ces campagnes désertiques ; il y a des fous, des femmes possédées ; des ivrognes qui citent les Écritures ; peut-être
358 rtiques ; il y a des fous, des femmes possédées ; des ivrognes qui citent les Écritures ; peut-être aussi des saints, mais
359 rognes qui citent les Écritures ; peut-être aussi des saints, mais qu’on ignore et qui s’ignorent. Partout et jusque dans l
360 ui s’ignorent. Partout et jusque dans les choses, un mystère inquiétant se révèle aux yeux de celui qui sait voir, parce q
361 neige tombe, effaçant toutes traces », symbole d’ une miséricorde lumineuse, dont on dirait qu’elle est le vrai sujet de ce
362 ence à peu près général de la critique à propos d’ une telle œuvre donnerait lieu à des conclusions amères. Amères pour la c
363 tique à propos d’une telle œuvre donnerait lieu à des conclusions amères. Amères pour la critique surtout, je crois. Car Sa
364 rois. Car Sara Alelia trouvera son public ; c’est un livre qui a le temps pour lui. 9. Hildur Dixelius von Aster : Sara
365  : Sara Alelia, traduit du suédois par Anne-Marie des Courtis. (Éditions « Je sers ».) h. Rougemont Denis de, « [Compte r
366 Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Au sujet d’ un roman : Sara Alelia  », Les Nouvelles littéraires, Paris, 3 novembre
367 s littéraires, Paris, 3 novembre 1934, p. 3. i. Une note de lecture plus courte du même roman a également paru dans le Jo
7 1934, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Une histoire de la Réforme en France (15 décembre 1934)
368 Une histoire de la Réforme en France (15 décembre 1934)j Certes, la gr
369 ance (15 décembre 1934)j Certes, la grandeur d’ une Église et sa force ne résident pas dans son histoire, mais dans sa vé
370 y cherche pas de vains prétextes à se glorifier d’ un passé bien passé, et dont il resterait à prouver qu’on est digne. Le
371 danger serait sans doute d’envisager l’histoire d’ une religion dans la perspective de sa théologie ; le rappel constant du
372 Église protestante, à rétablir la valeur relative des faits, valeur de témoignage, sans cesse rapportée à la foi, dont Dieu
373 ot — qui vient de mourir presque en même temps qu’ un autre grand historien protestant, Camille Jullian — avait adopté un p
374 torien protestant, Camille Jullian — avait adopté un parti tout différent, et c’est peut-être le seul reproche sérieux que
375 . Plus encore que le premier tome de cet ouvrage ( des origines à l’édit de Nantes), le second tome qui vient de paraître10
376 sera permis de souhaiter que cette lacune suscite un Bremond protestant, ne fût-ce que pour corriger les souriantes injust
377 réussi le tour de force de parler de la Réforme d’ une manière si objective, si impartiale, si spectaculaire, pourrait-on di
378 n Histoire se distingue de celle qu’eût pu écrire un savant laïque épris de tolérance, teinté de renanisme, et considérant
379 dans tous ses jugements, l’atténuation volontaire des condamnations qu’il ne peut s’empêcher de porter parfois, tout cet ef
380 d’impartialité systématique qui restera la marque des historiens du xixe siècle finissant, n’enlève rien à l’intérêt puiss
381 ante non seulement à cause du pittoresque violent des faits, non seulement à cause des plongées directes qu’elle permet d’o
382 toresque violent des faits, non seulement à cause des plongées directes qu’elle permet d’opérer dans la vie publique et pri
383 avaient pas armé, après quinze autres meurtriers, un Ravaillac… Le bel irénisme de Viénot, la réserve qu’il observe avec c
384 nt en somme que donner plus de vigueur au langage des faits, cités ici en très grand nombre à chaque page. Faits sinon nouv
385 éfenseurs de la politique romaine. La persécution des protestants ne fut pas l’œuvre du parti catholique français, mais bie
386 s l’œuvre du parti catholique français, mais bien des conseillers étrangers des rois et du haut clergé. Il semble bien que
387 que français, mais bien des conseillers étrangers des rois et du haut clergé. Il semble bien que la pensée dominante, dans
388 guerre faite à la foi évangélique, ait été celle des Espagnols et des Romains. Les catholiques patriotes savaient bien que
389 a foi évangélique, ait été celle des Espagnols et des Romains. Les catholiques patriotes savaient bien que la présence à la
390 triotes savaient bien que la présence à la cour d’ un Sully ou d’un Duplessis-Mornay, représentants d’une Église légale et
391 nt bien que la présence à la cour d’un Sully ou d’ un Duplessis-Mornay, représentants d’une Église légale et particulièreme
392 n Sully ou d’un Duplessis-Mornay, représentants d’ une Église légale et particulièrement fidèle au roi, ne pouvait nuire au
393 la politique européenne, fut l’œuvre personnelle des réformés. Le « grand dessein » qu’avait conçu Béthune pouvait faire d
394 it faire de la France la première organisatrice d’ une Europe fédéralisée. Mais le virus qu’un Mazarin, un Concini ou un Uba
395 atrice d’une Europe fédéralisée. Mais le virus qu’ un Mazarin, un Concini ou un Ubaldini (nonce papal) introduisent en Fran
396 Europe fédéralisée. Mais le virus qu’un Mazarin, un Concini ou un Ubaldini (nonce papal) introduisent en France au début
397 lisée. Mais le virus qu’un Mazarin, un Concini ou un Ubaldini (nonce papal) introduisent en France au début du xviie sièc
398 alors cette révocation n’apparaît plus que comme un épisode, le plus marquant il est vrai, de toute l’évolution politique
399 vers « l’État totalitaire ». Il faut ici risquer un mot sans doute anachronique, mais que tout le livre de Viénot nous au
400 s. Chez Louis XIV comme chez Hitler, ce n’est pas un souci d’unité religieuse qui domine : la religion leur est simple pré
401 e prétexte ; mais il s’agit d’établir à tout prix un cadre national centralisé, géométrique, conçu dans l’abstraction et i
402 traction et imposé par la violence. Pour soutenir un tel dessein, il s’agit d’établir un droit nouveau qui ne soit plus fo
403 Pour soutenir un tel dessein, il s’agit d’établir un droit nouveau qui ne soit plus fondé que sur la seule volonté du dict
404 ateur. Déjà ce mot de Mazarin paraît donner comme une formule anticipée du droit « nazi » : Si le roi, disait-il, ne voula
405 le roi, disait-il, ne voulait point qu’on portât des glands à son collet, il n’en faudrait point porter, parce que ce n’es
406 de France ne cessèrent, dès le début, de dresser une protestation dont les termes n’ont, hélas ! pas vieilli. Viénot cite,
407 t, hélas ! pas vieilli. Viénot cite, à ce propos, un texte assez frappant. Il s’agit de la requête adressée au roi par des
408 pant. Il s’agit de la requête adressée au roi par des protestants auxquels on refusait l’usage des cimetières (on allait mê
409 par des protestants auxquels on refusait l’usage des cimetières (on allait même jusqu’à violer les sépultures des religion
410 res (on allait même jusqu’à violer les sépultures des religionnaires) : Ceux que vous déterrez, dit la requête, ne sont po
411 l est vrai que l’humanité est la propre affection des François… Bon Dieu ! parmi quels tigres vivons-nous… qu’une cour de P
412 is… Bon Dieu ! parmi quels tigres vivons-nous… qu’ une cour de Parlement se licencie ainsi contre le droit naturel, contre l
413 aturel, contre l’honnêteté civile ! Ce recours à un droit universellement humain, n’est-il pas significatif de la nature
414 seule beauté : Lequel nous vaudra donc mieux, qu’ un loup dévore notre charogne ou que des citoyens en repaissent leurs ye
415 nc mieux, qu’un loup dévore notre charogne ou que des citoyens en repaissent leurs yeux et contentent leur rage ? Certes, n
416 s avoir décrit l’enterrement nocturne et secret d’ une de ses coreligionnaires, il conclut par ces mots : Nous sommes chass
417 : Nous sommes chassés de la ville et jetés comme des ordures dans un coin. C’est bien d’ailleurs. Notre part est en Dieu.
418 assés de la ville et jetés comme des ordures dans un coin. C’est bien d’ailleurs. Notre part est en Dieu. Nous sommes cito
419 urs. Notre part est en Dieu. Nous sommes citoyens des cieux. Louange à Dieu aux siècles des siècles. Le livre de John Vién
420 es citoyens des cieux. Louange à Dieu aux siècles des siècles. Le livre de John Viénot nous donne toute une anthologie de
421 iècles. Le livre de John Viénot nous donne toute une anthologie de pareils traits. Grâce à quoi l’on ressort de cette lect
422 , Librairie Fischbacher. La même librairie publie une intéressante plaquette de H. Dartigue sur la vie et l’œuvre de J. Vié
423 Viénot. j. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Une histoire de la Réforme en France », Les Nouvelles littéraires, Paris,
8 1935, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Kierkegaard, Dostoïevski, Barth (23 février 1935)
424 rant. L’Esprit souffle où il veut. Les prévisions des historiens de la pensée ne semblent pas peser bien lourd sur ses déci
425 Kierkegaard, surgissant lentement, terriblement, des ombres du Siècle Stupide ? Qui prévoyait, voici dix ans, l’interventi
426 ue Kierkegaard nous soit présenté aujourd’hui par des philosophes laïques tout à fait libérés des disciplines de la foi, au
427 i par des philosophes laïques tout à fait libérés des disciplines de la foi, au moment décisif où, d’autre part, la pensée
428 ion du poète philosophe et du théologien projette une vive lumière sur le secret dernier du message d’un romancier : Dostoï
429 e vive lumière sur le secret dernier du message d’ un romancier : Dostoïevski. Prenons-y garde, une nouvelle constellation
430 ge d’un romancier : Dostoïevski. Prenons-y garde, une nouvelle constellation monte au zénith de notre âge. Il s’agit mainte
431 is la Bible, que nous dit-elle ? Elle ne fait pas une théorie, elle répond par l’exemple d’Abraham. Et c’est à la méditatio
432 egaard va consacrer son livre. Abraham, le « père des croyants », c’est l’homme qui a osé l’absurde. Dieu lui a donné un fi
433 est l’homme qui a osé l’absurde. Dieu lui a donné un fils, à l’âge de 70 ans. Il n’a pas ri — comme Sarah, sa femme — de c
434 rale et toute règle « générale ». Il va commettre un meurtre, et c’est parce qu’il l’accepte qu’on l’appellera le père des
435 t parce qu’il l’accepte qu’on l’appellera le père des croyants ? L’individu serait-il au-dessus du général ? Serait-il affr
436 é : Dieu l’arrête au dernier moment et lui montre un bélier prêt pour le sacrifice… On célèbre la grâce de Dieu qui a don
437 onde fois ; on ne voit, dans toute l’histoire, qu’ une épreuve. Une épreuve : c’est beaucoup dire, et peu de chose ; et cepe
438 n ne voit, dans toute l’histoire, qu’une épreuve. Une épreuve : c’est beaucoup dire, et peu de chose ; et cependant la chos
439 ssi vite passée que dite. On enfourche Pégase, en un clin d’œil on est à Morija, on voit aussitôt le bélier ; on oublie qu
440 le couteau. On oublie cela, on fait d’Abraham «  un personnage insignifiant » et le comique c’est qu’on persiste à l’offr
441 pensable, c’est qu’il reçut Isaac en récompense d’ un acte « fou » et revint avec lui dans la vie comme si rien ne s’était
442 comme si rien ne s’était passé. Voilà le paradoxe des paradoxes : vivre comme tout le monde, mais « en vertu de l’absurde »
443 française la pensée de Søren Kierkegaard : c’est un titre qui compte, et dont la pensée protestante saura mesurer la vale
444 ment avec celui de Kierkegaard. Barth s’adresse à des auditeurs chrétiens, à des hommes qui se posent sérieusement la quest
445 ard. Barth s’adresse à des auditeurs chrétiens, à des hommes qui se posent sérieusement la question : en quoi ma foi doit-e
446 ce du grand théologien se porte dans ce livre sur un seul point : l’homme chrétien reste un homme comme les autres. Il n’a
447 livre sur un seul point : l’homme chrétien reste un homme comme les autres. Il n’a pas à devenir, dès ici-bas, un être un
448 me les autres. Il n’a pas à devenir, dès ici-bas, un être un peu divin, un peu divinisé, échappant en quelque manière aux
449 utres. Il n’a pas à devenir, dès ici-bas, un être un peu divin, un peu divinisé, échappant en quelque manière aux lois de
450 pas à devenir, dès ici-bas, un être un peu divin, un peu divinisé, échappant en quelque manière aux lois de ce monde perdu
451 à Dieu. Point n’est nécessaire qu’il vous pousse des ailes ni que vous soyez transformés en quelque essence radieuse et es
452 dieuse et esthétique. La vie chrétienne n’est pas une construction qui s’élève au-dessus du reste de la vie. C’est toute pr
453 on promise de ce monde. Apparemment il ne diffère des autres en rien. Mais il est orienté autrement — converti. Il vit dans
454 s pas à nous comme de grands questionneurs, comme des êtres orientés vers autre chose qu’eux-mêmes ? « Quand ils posent des
455 très simples, Thurneysen sait atteindre au cœur d’ une œuvre entre toutes complexe. C’est que, plus nettement encore que Ber
456 vski, le professeur de Bâle a su l’envisager dans une perspective chrétienne, hors de laquelle cette œuvre resterait privée
457 c’est la réponse à cette question : qu’est-ce qu’ un homme ? Et cette réponse, il nous l’a donnée en nous découvrant que l
458 en nous découvrant que l’homme n’est lui-même qu’ une seule et grande question, la question de l’origine de sa vie, la ques
459 Dostoïevski apparaissent malades, comme blessés d’ une atteinte profonde, portant comme une plaie béante le problème de leur
460 me blessés d’une atteinte profonde, portant comme une plaie béante le problème de leur existence, ce problème qu’ils ne peu
461 t fort bien la thèse que Thurneysen soutient avec une passion convaincante. De divers côtés l’on m’a demandé de préciser, à
462 rs côtés l’on m’a demandé de préciser, à propos d’ une de mes récentes chroniques, ce qu’il fallait entendre par le protesta
463 plan théologique par Karl Barth, et sur le plan d’ une poésie philosophique par Kierkegaard, c’est la conception même de la
9 1935, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Trois traités de Jean Calvin (20 juillet 1935)
464 Jean Calvin (20 juillet 1935)l On nous montre un Calvin maigre et sec, et l’on conclut incontinent à l’ascétisme purit
465 ncontinent à l’ascétisme puritain. On nous montre un Luther adipeux, et loin de revenir sur le premier jugement, on fait d
466 r sur le premier jugement, on fait de cette image un nouveau cliché polémique : la Réforme se voit assimilée au « fays ce
467 rme se voit assimilée au « fays ce que vouldras » des Renaissants. Les protestants sont-ils trop maigres ou trop gras ? Gra
468 u trop gras ? Grave question pour ceux qui jugent des vérités les plus profondes de la foi selon le poids de leurs représen
469 rand public, sinon qu’il avait les joues creuses, une barbiche pointue et un profil coupant ? N’est-ce pas assez pour juger
470 avait les joues creuses, une barbiche pointue et un profil coupant ? N’est-ce pas assez pour juger son système ? Ne sait-
471 ttéraire du calvinisme, a donné lieu par contre à une véritable débauche de considérations très vaguement physiognomoniques
472 sme laisse espérer, pour les années qui viennent, un essor tout nouveau de la pensée chrétienne. On aurait tort d’assimile
473 théologiens de la Réforme ne sont pas à nos yeux des chefs d’école ; ni des docteurs dont la pensée fait loi, une fois san
474 rme ne sont pas à nos yeux des chefs d’école ; ni des docteurs dont la pensée fait loi, une fois sanctionnée par l’Église.
475 ois sanctionnée par l’Église. Ils sont avant tout des témoins. On ne saurait trop insister sur cette distinction fondamenta
476 ntale pour toute la pensée réformée. Qu’est-ce qu’ un témoin ? C’est un homme qui n’est pas l’inventeur de son message, mai
477 a pensée réformée. Qu’est-ce qu’un témoin ? C’est un homme qui n’est pas l’inventeur de son message, mais qui renvoie sans
478 i renvoie sans trêve au-delà de lui-même, au-delà des formules humaines de ce message, à la réalité qui le juge et nous sau
479 e calvinisme ou le luthérisme, ce sont bien moins des normes de pensée que des chemins vers l’Évangile. L’Évangile seul, éc
480 isme, ce sont bien moins des normes de pensée que des chemins vers l’Évangile. L’Évangile seul, éclairé par l’Esprit, reste
481 cette introduction, c’est qu’elle nous ouvre, en une quinzaine de pages, les principales perspectives de « l’univers » cal
482 ue les commentateurs nous avaient donné jusqu’ici une image assez étriquée de cette Weltanschauung à la fois biblique et cl
483 es de l’humanisme antichrétien et c’est le Traité des scandales. Ce troisième traité n’avait jamais été réimprimé depuis sa
484 n déchaînée », il sera pour beaucoup l’occasion d’ une véritable découverte de Calvin. Il nous donne un puissant raccourci d
485 une véritable découverte de Calvin. Il nous donne un puissant raccourci de toute la polémique de la Réforme contre les lib
486 stes de l’école d’Agrippa, contre les Rabelais et Des Périers qui abandonnent la cause pour un idéal humaniste. Or, tous ce
487 lais et Des Périers qui abandonnent la cause pour un idéal humaniste. Or, tous ceux-là se scandalisent à grand bruit, « no
488 per : Quant à ce que la Prédestination est comme une mer de scandales, d’où vient cela sinon de la folle curiosité des hom
489 ales, d’où vient cela sinon de la folle curiosité des hommes ou de leur outrecuidance débordée ? Calvin n’est guère partis
490 dont on persiste à lui attribuer l’invention, par une erreur assez inexplicable. Mais les pires adversaires de l’Église ne
491 qui abusent du nom de la chrétienté pour nourrir une paix fardée ! Voici ceux qui voudraient confondre la véritable grand
492 onfondre la véritable grandeur de l’Église avec «  une façon de royaume mondain ». À ceux-là, Calvin rappellera que notre co
493  baveries », et ceux « qui se ruent contre Dieu d’ une impétuosité enragée à la façon des frénétiques, et tombent en de gran
494 contre Dieu d’une impétuosité enragée à la façon des frénétiques, et tombent en de grands abîmes ou se rompent le col en s
495 sujet de ce style, dont l’exemple n’est pas l’un des plus négligeables que comportent les Trois traités, M. Schmidt nous p
496 vers interlocuteurs, il ne se range jamais, comme un littérateur de second ordre, aux lois d’une esthétique préconçue, mai
497 comme un littérateur de second ordre, aux lois d’ une esthétique préconçue, mais il adopte toujours la forme de discours la
498 e à l’objet proposé : tout en portant la marque d’ une des plus puissantes personnalités qui fut jamais, il se recrée toujou
499 l’objet proposé : tout en portant la marque d’une des plus puissantes personnalités qui fut jamais, il se recrée toujours l
500 lle serait la formule du classicisme de Calvin. D’ une vivacité presque baroque dans les Scandales, orné et pompeux dans l’É
501 doute, font le plus grand défaut à notre siècle : une fermeté délibérée qui ne s’arrête pas complaisamment à des trouvaille
502 té délibérée qui ne s’arrête pas complaisamment à des trouvailles, une sobriété vigoureuse dans l’exposé des sic et non, en
503 ne s’arrête pas complaisamment à des trouvailles, une sobriété vigoureuse dans l’exposé des sic et non, enfin ce ton nature
504 rouvailles, une sobriété vigoureuse dans l’exposé des sic et non, enfin ce ton naturel de grandeur qui s’accommode des plus
505 enfin ce ton naturel de grandeur qui s’accommode des plus savoureux contrastes, coupant court aux élans de pure rhétorique
506 urt aux élans de pure rhétorique, cet accent dont un romantisme tour à tour alangui ou excité nous a fait perdre le secret
507 oluptueuse du xixe . Il m’apparaît que le style d’ un Calvin peut nous être un puissant roboratif. Et ceci pour deux bonnes
508 ’apparaît que le style d’un Calvin peut nous être un puissant roboratif. Et ceci pour deux bonnes raisons. D’abord Calvin
509 té de ses paroles. Or, rien ne confère au langage une aussi poignante vertu que cette conscience d’une mission à remplir et
510 une aussi poignante vertu que cette conscience d’ une mission à remplir et d’un dialogue à soutenir avec l’époque. Notre cu
511 que cette conscience d’une mission à remplir et d’ un dialogue à soutenir avec l’époque. Notre culture périt d’être par tro
512 ale. Là encore, la leçon de Calvin serait celle d’ un retour aux origines. Voilà la seule révolution qui compte pour l’espr
10 1935, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Les mystiques allemands du xiiie au xixe siècle, par Jean Chuzeville (2 novembre 1935)
513 m. On est tenté de résumer toutes ces tensions en une seule et unique opposition : mysticisme et action créatrice. Cette vu
514 ition : mysticisme et action créatrice. Cette vue des plus courantes omet pourtant le fait chrétien fondamental : la foi. L
515 e s’oppose donc à toute mystique qui ne serait qu’ une fuite hors du monde, comme à toute action en révolte contre l’ordre d
516 r malheur M. Chuzeville, on contribue à renforcer un préjugé dont le bénéfice ne saurait être pour la foi. La mystique, no
517 ique, nous dit-il, en effet, c’est « la recherche des moyens par lesquels l’âme arrive à transgresser ses limites charnelle
518 harnelles et temporelles ». Fort bien, répondrait un marxiste, si le christianisme est cela, nous lui laisserons ses rêver
519 stion de mysticisme. Ceci marqué, qui est plus qu’ une réserve, il convient de remercier M. Chuzeville de nous avoir ouvert
520 ille de nous avoir ouvert par son anthologie tout un monde spirituel et poétique plein de dangers et de merveilles. Le cho
521 tique plein de dangers et de merveilles. Le choix des textes me paraît des plus heureux, la traduction ferme et coulante. L
522 s et de merveilles. Le choix des textes me paraît des plus heureux, la traduction ferme et coulante. La plupart des mystiqu
523 k mis à part ; et beaucoup sont de grands poètes, des philosophes terriblement concrets : Suso, Tauler, Franck et Weigel, e
524 on s’étonnera sans doute de le voir figurer dans un choix de « mystiques », alors qu’il est le premier défenseur de l’exp
525 premier défenseur de l’expérience. Mais la beauté des textes cités fait pardonner bien volontiers cette erreur de classific
526 e où ils annoncent le lyrisme et la philosophie d’ une des plus hautes périodes de l’esprit humain. J’entends le premier rom
527 ils annoncent le lyrisme et la philosophie d’une des plus hautes périodes de l’esprit humain. J’entends le premier romanti
528 cela vaudrait mieux, à coup sûr, que de rééditer des calomnies usées sur un Luther qu’on n’a jamais lu ; l’introduction de
529 coup sûr, que de rééditer des calomnies usées sur un Luther qu’on n’a jamais lu ; l’introduction de cette anthologie conti
530 s littéraires, Paris, 2 novembre 1935, p. 5. n. Une note de lecture sur le même livre a également paru dans la Nouvelle R
11 1936, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Le Problème du bien (12 septembre 1936)
531 oblème du bien (12 septembre 1936)o Couronnant une carrière d’auteur déjà longue — quarante-cinq volumes, sauf erreur —
532 erreur — M. le pasteur Wilfred Monod nous a donné une œuvre aussi exceptionnelle par ses dimensions que par son style. M. W
533 t actuellement le représentant le plus marquant d’ une famille dont les destins se confondirent durant tout le siècle dernie
534 ux réformés, ne trouva rien de mieux que d’écrire un pamphlet contre la race des Monod, les traditions, l’esprit et l’idéo
535 de mieux que d’écrire un pamphlet contre la race des Monod, les traditions, l’esprit et l’idéologie de cette « tribu ». Il
536 que l’auteur du Problème du Bien 13 se soit fait un glorieux devoir, et peut-être un malin plaisir, de soutenir les cause
537 13 se soit fait un glorieux devoir, et peut-être un malin plaisir, de soutenir les causes les plus vilipendées par ce fur
538 mouvements de pensée et d’action dont il fut l’un des principaux initiateurs : le christianisme social, et l’union des égli
539 initiateurs : le christianisme social, et l’union des églises non romaines, grande espérance œcuménique et internationale n
540 troisième, qui les commande directement : celle d’ un certain humanisme chrétien. L’ouvrage littéralement énorme (hors de l
541 rme (hors de la norme) qui vient de paraître sous un titre dont l’apparence paradoxale est typique de l’esprit de M. Monod
542 nnent la somme de la problématique particulière à une école — est-ce trop dire — qui va de Schleiermacher à Harnack, en pas
543 e les récents livres de Bergson viennent apporter un ultime renouveau. À cet égard, le Problème du Bien mériterait un exam
544 veau. À cet égard, le Problème du Bien mériterait un examen critique dont le cadre de ma chronique ne saurait supporter mê
545 rès librement : « essai de théodicée et journal d’ un pasteur ». Nous n’avons pas affaire ici à une construction doctrinale
546 al d’un pasteur ». Nous n’avons pas affaire ici à une construction doctrinale. L’auteur prend soin de nous en avertir à mai
547 t ouvrage ne réside pas seulement dans le récit d’ une exploration hasardée en des régions peu connues, mais aussi dans la c
548 ement dans le récit d’une exploration hasardée en des régions peu connues, mais aussi dans la constante présentation d’un d
549 nues, mais aussi dans la constante présentation d’ un double cheminement : la recherche du penseur et le ministère du paste
550 istes, ni à l’Église, comme ce serait le devoir d’ un traité dogmatique. Je m’adresse aux chrétiens, mais plus encore aux
551 e leur propose de méditer le problème du Bien. Si des croyants peuvent douter de leur croyance à cause du mal, que des incr
552 uvent douter de leur croyance à cause du mal, que des incroyants apprennent à douter de leur incroyance, à cause du Bien.
553 et les théologiens trop rigides par le recours à une piété plus libre. On sait que pour l’école de Barth, tout au contrair
554 , la prédication de l’Église, pour la débarrasser des intrusions de philosophies passagères quelles qu’elles soient. Pour B
555 l’homme en question. M. Monod part au contraire d’ une mise en question de « Dieu » par la conscience morale de l’homme. L’o
556 ’homme. L’opposition apparaît absolue. Mais l’une des grandes surprises que nous réserve le Problème du Bien, c’est qu’au m
557 réserve le Problème du Bien, c’est qu’au moyen d’ une méthode « libérale » et partant d’un point de vue « libéral » — encor
558 ’au moyen d’une méthode « libérale » et partant d’ un point de vue « libéral » — encore que l’auteur s’en défende, l’adject
559 eur s’en défende, l’adjectif ayant pris peu à peu une signification ecclésiastique plus précise et restreinte que celle que
560 e que je lui donne ici — M. Monod rejoint souvent des conclusions théologiques que Barth ne saurait renier. Cette convergen
561 gence paradoxale et imprévue n’est-elle pas comme un signe, une promesse émouvante de l’unité future des chrétiens, par-de
562 doxale et imprévue n’est-elle pas comme un signe, une promesse émouvante de l’unité future des chrétiens, par-delà les fune
563 n signe, une promesse émouvante de l’unité future des chrétiens, par-delà les funestes divisions de l’orthodoxie et du libé
564 us montre la Nature, c’est bien plutôt l’action d’ un « démiurge » sauvage, omnivore, amateur de catastrophes et de crimes.
565 fourmi périssant de mort violente sous le talon d’ un chrétien qui prie en marchant », — voilà qui pose à M. Monod le probl
566 nne pour avoir affirmé que le monde est l’œuvre d’ un esprit mauvais, d’un démiourgos que le Christ, fils de Dieu, est venu
567 é que le monde est l’œuvre d’un esprit mauvais, d’ un démiourgos que le Christ, fils de Dieu, est venu pour combattre et po
568 , « n’est pas venu nous enseigner que l’univers a un créateur. Il a, au contraire, déboulonné l’idole effroyable du Tout-P
569 ; il a enseigné que le vrai Dieu s’incarnait dans un crucifié vaincu ». Par une espèce de paradoxe — personne n’a chéri da
570 i Dieu s’incarnait dans un crucifié vaincu ». Par une espèce de paradoxe — personne n’a chéri davantage le paradoxe depuis
571 M. Monod déduit de cette « hypothèse de travail » une réaffirmation du dogme trinitaire : Dieu est un X qui ne se révèle à
572 une réaffirmation du dogme trinitaire : Dieu est un X qui ne se révèle à l’homme comme le Père que par son incarnation da
573 ces débats. Wilfred Monod nous apparaît ici comme une espèce de père Hugo du modernisme : même invention verbale, même goût
574 du modernisme : même invention verbale, même goût des grandes antithèses, même générosité humanitaire. Et quelle surabondan
575 a TSF, les rayons X, l’automobile et la structure des atomes lui fournissent un matériel métaphorique inépuisable. Je n’y v
576 mobile et la structure des atomes lui fournissent un matériel métaphorique inépuisable. Je n’y vois pas d’inconvénient à p
577 teur s’en défende dans sa préface. Cela nous vaut des pages fort curieuses sur la Nature, des élévations romantiques, telle
578 nous vaut des pages fort curieuses sur la Nature, des élévations romantiques, telle description poignante de réalisme, d’un
579 iques, telle description poignante de réalisme, d’ un ensevelissement dans la fosse commune. Le mérite capital de cette vis
580 replace l’homme dans la perspective cosmique dont un maigre intellectualisme dogmatique nous faisait perdre l’émouvant sou
581 de loin. Les Soliloques dans la nuit, fragments d’ un journal de jeunesse qui remplissent 200 pages du premier tome, témoig
582 mplissent 200 pages du premier tome, témoignent d’ une véritable frénésie de problèmes, d’un état de controverse intérieure
583 moignent d’une véritable frénésie de problèmes, d’ un état de controverse intérieure et abstraite, où je crains bien que la
584 ien que la jeunesse d’aujourd’hui ne voie plus qu’ une fièvre morbide. Mais la forme excessivement libre de cet ouvrage le s
585 sauve de l’ennui inhérent aux gros livres. C’est une somme, ai-je dit, une étrange et vivante compilation de notes, de jou
586 rent aux gros livres. C’est une somme, ai-je dit, une étrange et vivante compilation de notes, de journaux, de lettres, de
587 n, j’apposerais volontiers cet argument : comment un protestant se libère d’un intellectualisme intempérant par la considé
588 cet argument : comment un protestant se libère d’ un intellectualisme intempérant par la considération hardie du cosmos. Q
589 — et s’il ne tenait, par ailleurs, à l’étayer par une philosophie qui ne saurait plus être la nôtre : j’entends le criticis
590 tien, de fonder cette Révélation sur le système d’ un autre Emmanuel — Kant en l’espèce ? M. Monod ne saurait m’en vouloir
591 M. Monod ne saurait m’en vouloir de lui retourner une boutade qui porte évidemment sa marquep. 13. Wilfred Monod, Le Prob
592 roblème du Bien : essai de théodicée et journal d’ un pasteur, 3 volumes, chez Alcan. o. Rougemont Denis de, « [Compte re
593 littéraires, Paris, 12 septembre 1936, p. 5. p. Une critique de l’ouvrage de Wilfred Monod paraît également dans Hic et
12 1937, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Luther contre Érasme (19 juin 1937)
594 r quelles fins ? Si l’on ne veut pas s’en tenir à des appréciations du genre « moine qui voulait se marier », il serait sag
595 s qu’elles ont été écrites, on n’en a pas traduit une seule en France ! Quelques pages choisies, en appendice à une brève b
596 France ! Quelques pages choisies, en appendice à une brève biographie ; une brochure sur la liberté chrétienne : et les tr
597 s choisies, en appendice à une brève biographie ; une brochure sur la liberté chrétienne : et les trop fameux Propos de Tab
598 igieuse : voilà tout ce qui nous est accessible d’ une œuvre dont on sait pourtant qu’elle a changé plus qu’aucune autre les
599 s de l’Occident. (Je ne fais là, bien entendu, qu’ une constatation historique.) Remercions donc le courageux éditeur qui vi
600 Ne fût-ce que sur le plan de la culture générale, une telle publication est appelée à rendre des services inappréciables. E
601 érale, une telle publication est appelée à rendre des services inappréciables. Elle nous place au cœur même du grand débat
602 être Érasme. Elle nous permet de connaître l’une des origines historiques de cette opposition fondamentale, de cette discu
603 rsonne va-t-elle changer une fois de plus la face des choses ? À tout le moins doit-elle passionner le débat, et le faire p
604 nne, dans cet ouvrage, qui est avant tout celui d’ un grand théologien ? Une verdeur de polémique qui peut flatter en nous
605 qui est avant tout celui d’un grand théologien ? Une verdeur de polémique qui peut flatter en nous le goût du pittoresque 
606 pittoresque ; l’élan génial, la violence loyale d’ une certitude pesante, vraiment « grave », d’une dialectique sobre et têt
607 le d’une certitude pesante, vraiment « grave », d’ une dialectique sobre et têtue qui va droit au point décisif, envisage ho
608 conférer à son choix la force et la simplicité d’ une constatation évidente. D’un point de vue purement esthétique, ces qua
609 e et la simplicité d’une constatation évidente. D’ un point de vue purement esthétique, ces qualités sont assez rares, et c
610 z rares, et chez Luther assez flagrantes, pour qu’ un lecteur qui refuse l’essentiel — c’est-à-dire la foi de Luther — soit
611 ition codifiée ; sens de la décision totale entre un oui et un non absolus, et refus de tout moyen terme entre les règnes
612 fiée ; sens de la décision totale entre un oui et un non absolus, et refus de tout moyen terme entre les règnes en guerre
613 nt exagéré de voir dans le Traité du serf arbitre une sorte de résumé — très peu systématique, et c’est heureux — des posit
614 ésumé — très peu systématique, et c’est heureux — des positions maîtresses de la Réforme. Quant à la thèse particulière, qu
615 l’acte par lequel Dieu le choisit, substituant à un destin fatal une vocation d’un tout autre ordre. Fatalité et liberté 
616 el Dieu le choisit, substituant à un destin fatal une vocation d’un tout autre ordre. Fatalité et liberté : le problème ne
617 sit, substituant à un destin fatal une vocation d’ un tout autre ordre. Fatalité et liberté : le problème ne peut être écar
618 es. Et l’on sait que Nietzsche lui-même aboutit à un paradoxe tout semblable à celui de Luther : la liberté est à ses yeux
619 erté est à ses yeux dans la connaissance virile d’ une nécessité immuable, acceptée et aimée comme telle. Mais cette nécessi
620 ût-il saisi dans son sérieux dernier la réalité d’ un dilemme qui sacrifie l’homme à la vérité ? 14. Traduit du latin, au
621 aires, Paris, 19 juin 1937, p. 5. r. Il s’agit d’ une recension de Traité du aerf arbitre de Martin Luther, traduit pour la
13 1937, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Selma Lagerlöf, conteur de légende (3 juillet 1937)
622 e siècle, il n’y a plus de grands mythes, il y a des analyses. On part de « faits d’observation » et l’on essaie d’en tire
623 ses Abeilles d’Aristée, constate le « crépuscule des mondes imaginaires ».) On n’aime plus inventer, mais on veut découvri
624 effort de l’écrivain se porte alors sur l’analyse des motifs secrets d’une action. La méthode consistant trop souvent, il f
625 se porte alors sur l’analyse des motifs secrets d’ une action. La méthode consistant trop souvent, il faut le dire, à tenir
626 illusions qui ne résistent pas à l’analyse, et qu’ un auteur sincère se doit de démasquer. Tout se ramènerait à la physiolo
627 fallait pas moins que le génie plein de malices d’ une Lagerlöf pour renverser d’un coup cette apparente fatalité. Kipling m
628 plein de malices d’une Lagerlöf pour renverser d’ un coup cette apparente fatalité. Kipling meurt, et l’on dit : c’était l
629 conteur. La même année paraît le grand triptyque des Löwensköld 15. Et, grâce à lui, nous pourrons rire de nouveau de cett
630 origine de tout l’art du récit, c’est la légende. Une atmosphère d’enfance retrouvée — qu’on lise les souvenirs qui compose
631 16 — voilà le milieu-mère de l’imagination. C’est une légende, Gösta Berling, qui inaugure l’œuvre entière de l’auteurt. C’
632 qui inaugure l’œuvre entière de l’auteurt. C’est une légende encore qui donne le départ à ce roman des Löwensköld, et port
633 une légende encore qui donne le départ à ce roman des Löwensköld, et porte sur lui de grandes ombres. Il y puise sa vie sec
634 s ombres. Il y puise sa vie secrète, il en reçoit des dimensions nouvelles : mystère, fatalité, présence d’une tradition. À
635 ensions nouvelles : mystère, fatalité, présence d’ une tradition. À vrai dire, on ne croit guère à ce pouvoir mortel d’un an
636 rai dire, on ne croit guère à ce pouvoir mortel d’ un anneau dérobé dans une tombe (L’Anneau des Löwensköld). L’auteur lui-
637 guère à ce pouvoir mortel d’un anneau dérobé dans une tombe (L’Anneau des Löwensköld). L’auteur lui-même sourit entre les l
638 ortel d’un anneau dérobé dans une tombe (L’Anneau des Löwensköld). L’auteur lui-même sourit entre les lignes. (Mais, seule,
639 es. (Mais, seule, la naïveté moderne se figure qu’ une légende doit être crue, comme on croit les journaux, par exemple, et
640 rer du mythe. Et c’est aussi la profusion géniale des inventions concrètes — une à chaque page, au moins — qui peu à peu il
641 i la profusion géniale des inventions concrètes — une à chaque page, au moins — qui peu à peu illustrent la psychologie la
642 u à peu illustrent la psychologie la plus secrète des héros. L’on prie de croire, d’ailleurs, que ces héros sont bien assez
643 exes pour notre goût moderne ! Et que l’« analyse des motifs » est ici d’une fort malicieuse lucidité. Mais elle s’opère pa
644 derne ! Et que l’« analyse des motifs » est ici d’ une fort malicieuse lucidité. Mais elle s’opère par le seul jeu des faits
645 ieuse lucidité. Mais elle s’opère par le seul jeu des faits, jamais en marge de l’action, sous forme de méditation ou d’ana
646 iens, retrouvent ici leur grâce et leur prestige. Une ironie sereine, à peine amère, les décape de toute niaiserie, et déjo
647 erie, et déjoue toutes les conven­tions. Surtout, un rythme merveilleux de souplesse, d’imprévu et d’aisance, entretient t
648 d’aisance, entretient tout au long de la lecture une euphorie de l’imagination dont nous pensions que le secret s’était pe
649 e de conter ! Plusieurs douzaines de personnages, des familles et des isolés, des monstres, des bourgeois, des paysans, une
650 usieurs douzaines de personnages, des familles et des isolés, des monstres, des bourgeois, des paysans, une belle jeune fil
651 aines de personnages, des familles et des isolés, des monstres, des bourgeois, des paysans, une belle jeune fille de la nob
652 nnages, des familles et des isolés, des monstres, des bourgeois, des paysans, une belle jeune fille de la noblesse, une boh
653 illes et des isolés, des monstres, des bourgeois, des paysans, une belle jeune fille de la noblesse, une bohémienne, un jeu
654 isolés, des monstres, des bourgeois, des paysans, une belle jeune fille de la noblesse, une bohémienne, un jeune pasteur fa
655 es paysans, une belle jeune fille de la noblesse, une bohémienne, un jeune pasteur fanatique, une dévote écœurante et perve
656 belle jeune fille de la noblesse, une bohémienne, un jeune pasteur fanatique, une dévote écœurante et perverse, — cela suf
657 esse, une bohémienne, un jeune pasteur fanatique, une dévote écœurante et perverse, — cela suffirait pour animer un roman r
658 œurante et perverse, — cela suffirait pour animer un roman romantique de la grande tradition. Mais tout ce pittoresque hum
659 tradition. Mais tout ce pittoresque humain revêt un drame spirituel, le drame de l’absolu chrétien qui détruit tout dès q
660 œuvre entière est formulé : « Celui qui veut être un disciple du Christ sans avoir l’amour des hommes est condamné à aller
661 eut être un disciple du Christ sans avoir l’amour des hommes est condamné à aller à sa perte et à y conduire les autres ».
662 bscures dominent ceux qui n’ont pas la foi. Seule une prière désespérée, de pur amour, rompt le charme forgé par le péché.
663 ivé de son pouvoir maléfique, répond le symbole d’ un engagement humain librement consenti devant Dieu ; un anneau nuptial
664 ngagement humain librement consenti devant Dieu ; un anneau nuptial retrouvé. Le premier tome — L’Anneau des Löwensköld —
665 neau nuptial retrouvé. Le premier tome — L’Anneau des Löwensköld — contient le récit de la légende. Les deux tomes suivants
666 ts — Charlotte Löwensköld et Anna Svärd — forment un seul roman, aux péripéties magistralement variées et fuguées. À défau
667 t de tout résumé imaginable, j’aimerais citer ici une seule de ces « situations » que Lagerlöf noue et dénoue dans chaque c
668 Lagerlöf noue et dénoue dans chaque chapitre avec une prodigalité vraiment géniale. Le jeune pasteur Karl-Artur Eckenstedt
669 la quittant, il lui a crié qu’il n’épouserait qu’ une femme que Dieu lui aurait désignée. La première qu’il croisera en all
670 ut de peu qu’il ne rencontre dès les premiers pas une vieille mendiante sourde. Une voiture le dépasse, conduite par une ri
671 ès les premiers pas une vieille mendiante sourde. Une voiture le dépasse, conduite par une riche jeune fille des environs,
672 ante sourde. Une voiture le dépasse, conduite par une riche jeune fille des environs, mais cela ne compte pas, car il est e
673 re le dépasse, conduite par une riche jeune fille des environs, mais cela ne compte pas, car il est entendu que la femme dé
674 emme désignée par Dieu doit venir à sa rencontre. Un peu plus loin, il entend chanter : c’est la fille de l’aubergiste, qu
675 ne s’engage pas sur la route, elle s’arrête dans un pré voisin. Karl-Artur doute, tremble, et marche toujours. Voici veni
676 vre orpheline du village ; elle est défigurée par une énorme tache de vin. Faudra-t-il accepter ce martyre ? Déjà, le jeune
677 elle tourne à droite. Il poursuit son chemin dans une exaltation croissante, priant et reprenant courage. Soudain une femme
678 croissante, priant et reprenant courage. Soudain une femme sort du jardin juste en face de lui ; une jeune Dalécarlienne,
679 n une femme sort du jardin juste en face de lui ; une jeune Dalécarlienne, dans son costume de marchande ambulante. « Elle
680 ume de marchande ambulante. « Elle brillait comme une rose sauvage. » Il s’arrête. « Tu me regardes comme si j’étais une bê
681  » Il s’arrête. « Tu me regardes comme si j’étais une bête curieuse, dit-elle. On croirait que tu as rencontré un ours ! »
682 rieuse, dit-elle. On croirait que tu as rencontré un ours ! » C’est Anna Svärd, la femme que Dieu lui envoie, qu’il épouse
683 peut surprendre, dans cette scène étonnante, l’un des secrets de l’art de Selma Lagerlöf. L’invention romanesque n’est ici
684 omanesque n’est ici que la « mise en pratique » d’ une attitude spirituelle extrême. La phrase de Karl-Artur lâchée, il suff
685 prendre au mot : elle commande tout naturellement une suite d’incidents pittoresques ou dramatiques, à quoi l’auteur ne se
686 mour, comme pour purifier l’émotion. Mais pour qu’ une telle phrase soit dite, il faut des âmes fortement tendues. Et pour q
687 Mais pour qu’une telle phrase soit dite, il faut des âmes fortement tendues. Et pour que cette même phrase soit aussitôt m
688 nulle invraisemblance, il faut que ce héros soit un croyant d’une certaine trempe. Derrière Karl-Artur, en effet, il y a
689 semblance, il faut que ce héros soit un croyant d’ une certaine trempe. Derrière Karl-Artur, en effet, il y a la tradition d
690 errière Karl-Artur, en effet, il y a la tradition des puritains, mais aussi tout l’absolutisme religieux du Brand d’Ibsen,
691 e avec humilité. Et cinquante autres personnages, des foules aux foires, la vie commune du bourg et des paroisses. C’est vr
692 des foules aux foires, la vie commune du bourg et des paroisses. C’est vraiment toute l’humanité suscitée et instruite par
693 anité suscitée et instruite par la Réforme, c’est un pays entier sous la lumière de la Parole, qui trouve ici son expressi
694 t se transforme, non pas seulement selon les lois des passions, des cœurs et des corps, mais aussi selon la liberté, souven
695 e, non pas seulement selon les lois des passions, des cœurs et des corps, mais aussi selon la liberté, souvent plus folle e
696 ulement selon les lois des passions, des cœurs et des corps, mais aussi selon la liberté, souvent plus folle encore, des âm
697 ussi selon la liberté, souvent plus folle encore, des âmes. Plénitude de la poésie ! Et le spectacle le plus émouvant que n
698 lui du travail de la foi dans la réalité totale d’ un peuple, qu’elle trouble, assemble, juge et sauve. ⁂ Rien de plus pass
699 jaillissement d’inventions. Morbacka, c’est comme une anthologie de scènes mineures des grands romans de Lagerlöf. On y adm
700 ka, c’est comme une anthologie de scènes mineures des grands romans de Lagerlöf. On y admire, appliquées au réel, toutes le
701 n au double sens du mot, de l’auteur du triptyque des Löwensköld. Il faut avouer que le milieu où Selma Lagerlöf a grandi p
702 raît favoriser plus qu’aucun autre le déploiement des pouvoirs de la fable. Ces presbytères campagnards — que de pasteurs d
703 res campagnards — que de pasteurs dans la famille des romanciers du Nord ! — environnés de paysages de rêve, de superstitio
704 naturel envoûtant, intimement mêlé aux sentiments des personnages. Considérez ces trois facteurs dans le roman de la grande
705 elle du genre dans notre société. 15. L’Anneau des Lowensköld, Charlotte Lowensköld, Anna Svärd, romans traduits du suéd
14 1939, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Non, Tristan et Iseut ne s’aiment pas, nous dit Denis de Rougemont (12 février 1939)
706 t l’Occident , livre qui va, sans doute, susciter des polémiques passionnées. Ce jeune écrivain suisse, qui joint le souci
707 sse, qui joint le souci de l’actualité et le goût des questions sociales à la lucidité sensible d’un compatriote d’Amiel, a
708 t des questions sociales à la lucidité sensible d’ un compatriote d’Amiel, a déjà derrière lui une œuvre solide. Il est l’u
709 ble d’un compatriote d’Amiel, a déjà derrière lui une œuvre solide. Il est l’un des principaux collaborateurs de la revue
710 a déjà derrière lui une œuvre solide. Il est l’un des principaux collaborateurs de la revue Esprit , écrit dans plusieurs
711 de la revue Esprit , écrit dans plusieurs revues des articles qui ne sont jamais indifférents. Il a tenu, dans notre journ
712 udes à Vienne et en Allemagne, il a enseigné dans une ville universitaire où il rédigea, en 1936, ce Journal d’Allemagne ,
713 d’Allemagne , qui, paru au printemps dernier, est un des témoignages les plus valables sur le national-socialisme. Étrange
714 llemagne , qui, paru au printemps dernier, est un des témoignages les plus valables sur le national-socialisme. Étranger, M
715 gs mois en Vendée et dans le Midi. Son Journal d’ un intellectuel en chômage témoigne de la curiosité, et aussi de la dis
716 gemont est grand, souple, il a la réserve affable des Suisses, et ce sourire des lèvres qui semble excuser le sérieux du re
717 l a la réserve affable des Suisses, et ce sourire des lèvres qui semble excuser le sérieux du regard. Il rit malicieusement
718 ècle dernier, mais dont personne n’a osé proposer une explication. J’ai beaucoup réfléchi avant d’arriver à cette convictio
719 e succès rapide s’explique mal, car elle implique une subtilité, des raffinements, une absence de sensualité qui s’opposaie
720 s’explique mal, car elle implique une subtilité, des raffinements, une absence de sensualité qui s’opposaient aux mœurs de
721 ar elle implique une subtilité, des raffinements, une absence de sensualité qui s’opposaient aux mœurs de l’époque. Qui s’o
722 ’amour courtois est chaste, il accorde à la femme une prééminence dont l’Église a bien senti le danger, puisqu’elle a dével
723 Notre-Dame pour répondre au culte de la « Dame » des troubadours. Cet amour courtois ne fleurit que parmi les obstacles, e
724 contre les albigeois réprima sans l’anéantir, eut des millions de partisans. Venue de Macédoine, elle gagna la France par l
725 jettent le dogme de l’incarnation, se fondent sur une interprétation purement spiritualiste des évangiles. Ils font du Sain
726 ent sur une interprétation purement spiritualiste des évangiles. Ils font du Saint-Esprit la Mère de Dieu, le principe fémi
727 ition permettent de la connaître, tous les thèmes des troubadours, développés avec un lyrisme, un vocabulaire qui resteront
728 tous les thèmes des troubadours, développés avec un lyrisme, un vocabulaire qui resteront au cours des siècles ceux des g
729 èmes des troubadours, développés avec un lyrisme, un vocabulaire qui resteront au cours des siècles ceux des grands mystiq
730 un lyrisme, un vocabulaire qui resteront au cours des siècles ceux des grands mystiques. Ainsi tous les troubadours étaient
731 cabulaire qui resteront au cours des siècles ceux des grands mystiques. Ainsi tous les troubadours étaient des cathares ? J
732 nds mystiques. Ainsi tous les troubadours étaient des cathares ? J’en suis persuadé, dit Denis de Rougemont, qui s’anime en
733 , dit Denis de Rougemont, qui s’anime en exposant une théorie aussi originale. D’ailleurs, on sait que les troubadours n’al
734 xercée par le clergé. Donc l’amour-passion serait une hérésie chrétienne ? … Dont nous avons perdu la clef, et qui a pourta
735 ougemont sourit avec malice : Les philologues ont un respect de la lettre qui leur cache parfois le sens profond des texte
736 la lettre qui leur cache parfois le sens profond des textes… Ils répugnent à l’emploi des méthodes freudiennes. Or j’ai ét
737 sens profond des textes… Ils répugnent à l’emploi des méthodes freudiennes. Or j’ai été frappé par le goût de la mort que l
738 ’instinct de la mort tel que Freud l’a analysé. À une époque où le statut du mariage se modifie profondément, croyez-vous q
739 emont réfléchit : Non, je crois que nous sommes à une époque de transition, que ce mythe risque de disparaître. Mais c’est
740 ès simple. Nous souffrons d’avoir été élevés dans une double contradiction. Romans, poèmes, musique, l’art et la littératur
741 la littérature nous représentent la passion comme un paroxysme désirable, comme un état d’exception où l’être se dépasse l
742 nt la passion comme un paroxysme désirable, comme un état d’exception où l’être se dépasse lui-même. Nous aspirons donc à
743 la vie sentimentale et sexuelle puissent trouver une solution nouvelle ? Pour moi, répond Denis de Rougemont, il ne peut y
744 répond Denis de Rougemont, il ne peut y avoir qu’ une solution : le mariage chrétien, mais présenté d’une manière nouvelle.
745 e solution : le mariage chrétien, mais présenté d’ une manière nouvelle. C’est-à-dire qu’au lieu d’en faire un acte raisonna
746 ière nouvelle. C’est-à-dire qu’au lieu d’en faire un acte raisonnable, il faut le montrer tel qu’il est en réalité : l’ave
747 s difficile. Si vous ne fondez pas le mariage sur une décision réfléchie, sur quoi le fondez-vous ? Sur la fidélité, qui me
748 i absurde que la passion, mais s’en distingue par un refus constant de subir ses rêves, par une constante prise sur le rée
749 gue par un refus constant de subir ses rêves, par une constante prise sur le réel. Elle reste une folie, mais la plus sobre
750 , par une constante prise sur le réel. Elle reste une folie, mais la plus sobre et la plus quotidienne. Votre réhabilitatio
751 oivent être sans cesse capables de se renouveler, un ensemble de vertus solides et de qualités agréa­bles assez difficiles
752 très exigeant. Pour moi, le mariage devrait être une institution qui main­tient la passion non par la morale, mais par l’a
753 assion non par la morale, mais par l’amour. C’est un idéal qui mérite bien certains efforts et certains sacrifices, il me
754 crifices, il me semble. Ne devez-vous pas publier un roman, dont le titre, La Folle Vertu, illustre bien votre pensée ? Ou
755 moment, à quoi travaillez-vous ? J’ai en chantier un livre sur La Réforme comme Révolution. Mais je l’ai un peu délaissé a
756 vre sur La Réforme comme Révolution. Mais je l’ai un peu délaissé au profit d’un drame que j’écris pour l’Exposition de Zu
757 olution. Mais je l’ai un peu délaissé au profit d’ un drame que j’écris pour l’Exposition de Zurich. Je veux mettre en scèn
758 r l’Exposition de Zurich. Je veux mettre en scène un héros suisse, le bienheureux Nicolas de Flue, qui eut une vie extraor
759 s suisse, le bienheureux Nicolas de Flue, qui eut une vie extraordinaire. D’abord soldat valeureux, il fut ensuite, pendant
760 ln, où il eut dix enfants. Puis il se retira dans un ermitage, où pendant vingt ans il se mortifia, jeûnant complètement.
761 se retourna dans son ermitage et y mourut. C’est un beau sujet. N’est-ce pas ? Ce drame, avec musique d’Honegger, sera re
762 me, avec musique d’Honegger, sera représenté dans un théâtre en plein air, devant cinq ou six-mille spectateurs. La scène
763 ages, qu’il faut ne jamais laisser vides. J’écris des phrases très courtes, un peu comme des slogans. Le chœur jouera un rô
764 laisser vides. J’écris des phrases très courtes, un peu comme des slogans. Le chœur jouera un rôle important dans l’actio
765 s. J’écris des phrases très courtes, un peu comme des slogans. Le chœur jouera un rôle important dans l’action, comme dans
766 s l’action, comme dans la tragédie grecque. C’est un travail tout nouveau pour moi, et très amusant. Avant de quitter Deni
767 Rougemont, je lui demande s’il n’attend pas avec une certaine curiosité les réactions que vont susciter certaines de ses t
768 tions que vont susciter certaines de ses théories un peu révolutionnaires. Il sourit avant de répondre, puis son visage de
769 son visage devient plus grave : Je n’attache pas une grande importance aux querelles que pourraient me chercher les savant
770 t comment ils pourraient se rapprocher. Si j’aide des êtres troublés à vivre à deux sans trop se blesser, ce sera ma plus b
15 1963, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Mais qui est donc Denis de Rougemont (7 novembre 1963)
771 Pour beaucoup, Denis de Rougemont est l’auteur d’ une thèse retentissante, intitulée L’Amour et l’Occident et dans laquel
772 lf Hitler (dans Journal d’Allemagne et Journal des deux mondes notamment). Pour les mélomanes, il est le poète de Nico
773 le poète de Nicolas de Flue , dont Honegger tira un oratorio. Pour tous enfin, il est, depuis la semaine dernière, le lau
774 le et que peu de gens ont lue. Pas plus savant qu’ un autre mais beaucoup plus prudent, j’ai demandé à Denis de Rougemont d
775 e. Né en 1906 à Neuchâtel, Denis de Rougemont est un écrivain suisse d’expression française… Je déteste cette formule ! El
776 Je déteste cette formule ! Elle me fait penser à une sorte d’animal, qui penserait dans un idiome bizarre et incompréhensi
777 t penser à une sorte d’animal, qui penserait dans un idiome bizarre et incompréhensible, et choisirait, quand il ouvre la
778 s plutôt qu’en miaulant ou en barrissant. Je suis un écrivain français, un point c’est tout. Il est l’auteur d’un certain
779 t ou en barrissant. Je suis un écrivain français, un point c’est tout. Il est l’auteur d’un certain nombre d’ouvrages qui,
780 français, un point c’est tout. Il est l’auteur d’ un certain nombre d’ouvrages qui, tenant à la fois du journal, de l’essa
781 i faut-il cataloguer, définir à tout prix ? C’est une idée un peu scolaire. Comment définirait-on Nietzsche ou Kierkegaard 
782 cataloguer, définir à tout prix ? C’est une idée un peu scolaire. Comment définirait-on Nietzsche ou Kierkegaard ? Si l’o
783 e ou Kierkegaard ? Si l’on veut absolument coller une étiquette, disons que je suis un essayiste, espèce d’écrivain de plus
784 solument coller une étiquette, disons que je suis un essayiste, espèce d’écrivain de plus en plus répandue de nos jours. M
785 épandue de nos jours. Montesquieu, Pascal étaient des essayistes. Ce n’est pas que je veuille me comparer à eux, mais la fo
786 le me comparer à eux, mais la forme est la même : un mélange d’idées pures, de poésie, de descriptions et d’anecdotes. En
787 eau et Esprit. C’est à cette époque qu’il élabore une doctrine humaniste… Humaniste ? Je n’aime guère ce terme. On a tendan
788 e la personne . Politique de la personne était un manifeste qui déclencha une polémique à laquelle prirent part Berdiae
789 de la personne était un manifeste qui déclencha une polémique à laquelle prirent part Berdiaev, Mounier et Gabriel Marcel
790 abriel Marcel. Pour moi, la « personne » n’est ni un individu refermé sur lui-même ni la minuscule partie d’une masse, mai
791 idu refermé sur lui-même ni la minuscule partie d’ une masse, mais un homme ouvert aux idées, à la fois libre et responsable
792 lui-même ni la minuscule partie d’une masse, mais un homme ouvert aux idées, à la fois libre et responsable. Il y a une vo
793 aux idées, à la fois libre et responsable. Il y a une vocation de la personne, vocation qui, à la fois, distingue l’homme e
794 aux doctrines providentialistes qui font de Dieu un Jéhovah jugeant et agissant de l’extérieur. Dieu est en l’homme. En 1
795 lecteur à l’Université de Francfort et séjournera un an en Allemagne hitlérienne. Je me trouvais sans activité à Paris, où
796 ans activité à Paris, où j’écrivais le Journal d’ un intellectuel en chômage , quand je rencontrai Abetz. Il m’offrit de p
797 quand je rencontrai Abetz. Il m’offrit de passer un an en Allemagne en me disant : « Vous qui pensez pis que pendre de no
798 llez donc l’observer de plus près. » J’acceptai à une condition, celle d’écrire en rentrant exactement ce que je pensais du
799 és avec les autorités allemandes, quand j’écrivis un article dans la Gazette de Lausanne sur l’entrée de Hitler dans Paris
800 nze jours de prison militaire sous le prétexte qu’ un officier neutre n’a pas le droit d’outrager un chef d’État étranger !
801 qu’un officier neutre n’a pas le droit d’outrager un chef d’État étranger ! De Suisse, Denis de Rougemont est envoyé en Am
802 t faisaient partie André Breton, Marcel Ozenfant, un fils Pitoëff, le critique d’art Georges Duthuit, l’ethnologue Claude
803 auss. De temps en temps, Julien Green m’apportait des textes. Je fis également la connaissance de Saint-John Perse et du pe
804 n Perse et du peintre Marcel Duchamp, qui réalisa une extraordinaire vitrine surréaliste dans une librairie de la 5e Avenue
805 alisa une extraordinaire vitrine surréaliste dans une librairie de la 5e Avenue pour l’exposition de mon livre : La Part d
806 je préconise et qui n’est que la transposition à une échelle géante de la Confédération helvétique. Je ne souhaite en effe
807 fédération helvétique. Je ne souhaite en effet ni une agglomération d’États soumis à un pouvoir unique et dictatorial ni un
808 te en effet ni une agglomération d’États soumis à un pouvoir unique et dictatorial ni une Europe des États, mais une assoc
809 tats soumis à un pouvoir unique et dictatorial ni une Europe des États, mais une association de républiques autonomes, libr
810 à un pouvoir unique et dictatorial ni une Europe des États, mais une association de républiques autonomes, libres de leur
811 ique et dictatorial ni une Europe des États, mais une association de républiques autonomes, libres de leur gestion intérieu
812 leur gestion intérieure et responsables les unes des autres devant le danger commun. Nous serions ainsi 350 millions d’Eur
813 qui représente presque autant que les populations des États-Unis et de l’URSS réunies. Comprenez-moi donc bien : personnali
814 c bien : personnalisme et fédéralisme, c’est tout un . Enfin, le 28 octobre 1963, Denis de Rougemont a reçu des mains du Pr
815 in, le 28 octobre 1963, Denis de Rougemont a reçu des mains du Prince Rainier le Grand Prix littéraire de Monaco. Selon la
816 sacrée, je suis ravi d’avoir reçu ce prix, malgré une petite ombre au tableau. Je viens en effet d’apprendre que je me suis
817 je me suis trouvé opposé à Eugène Ionesco qui est un ami très cher et un grand écrivain. À ce propos, savez-vous où Ionesc
818 posé à Eugène Ionesco qui est un ami très cher et un grand écrivain. À ce propos, savez-vous où Ionesco a trouvé le sujet
819 jame. y. Le journaliste commet ici manifestement une erreur, en confondant le Centre européen de la culture, que Rougemont
16 1970, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Les prophètes de la décadence (24 septembre 1970)
820 seraient aussi de beaux noms. Lusitania aussi est un beau nom. Et nous voyons maintenant que l’abîme de l’Histoire est ass
821 t assez grand pour tout le monde. Nous sentons qu’ une civilisation a la même fragilité qu’une vie. Les circonstances qui en
822 entons qu’une civilisation a la même fragilité qu’ une vie. Les circonstances qui enverraient les œuvres de Keats et celles
823 nte qu’elle soit, elle exprime, à mon sens, l’une des erreurs les plus célèbres de l’époque. Mais comment expliquer son suc
824 Observons tout d’abord qu’elle résume et condense une assez longue tradition de pessimisme européen. Dès 1971, Volney, médi
825 européen. Dès 1971, Volney, méditant sur la mort des civilisations, citait à peu près les mêmes noms pour illustrer le mêm
826 Seine, de la Tamise ou du Zuydersee… qui sait si un voyageur comme moi ne s’assiéra pas un jour sur de muettes ruines, et
827 ui sait si un voyageur comme moi ne s’assiéra pas un jour sur de muettes ruines, et ne pleurera pas solitaire sur la cendr
828 uines, et ne pleurera pas solitaire sur la cendre des peuples et la mémoire de leur grandeur ? Une trentaine d’armées plus
829 dre des peuples et la mémoire de leur grandeur ? Une trentaine d’armées plus tard, Hegel introduisait l’idée que chaque pe
830 Hegel introduisait l’idée que chaque peuple est «  un individu dans la marche de l’histoire » et qu’il obéit donc, comme to
831 ire » et qu’il obéit donc, comme tout individu, à une loi de croissance, d’épanouissement et de déclin fatal. Hegel pensait
832 ’elles devait fatalement décliner et mourir après une période d’apogée — la nôtre aussi. Aux débuts du xxe siècle, Spengle
833 lus loin ; il est convaincu que toute culture est un organisme et correspond morphologiquement à un individu, animal ou vé
834 st un organisme et correspond morphologiquement à un individu, animal ou végétal. Il en résulte inexorablement que toute c
835 et l’on rejoint la phrase de Valéry. Enfin, dans un effort tout à fait admirable pour embrasser l’ensemble des cultures c
836 t tout à fait admirable pour embrasser l’ensemble des cultures connues, Toynbee croit pouvoir établir empiriquement, par l’
837 ir établir empiriquement, par l’examen comparatif des vingt et une civilisations qui auraient existé jusqu’ici, les lois co
838 piriquement, par l’examen comparatif des vingt et une civilisations qui auraient existé jusqu’ici, les lois complexes, mais
839 névitable. Ces historiens et philosophes, armés d’ une vaste érudition, ont d’autant moins de peine à nous convaincre que, d
840 tions semblent confirmées par les faits. Au cours des années qui suivent la Première Guerre mondiale, les dictatures prévue
841 seulement en Asie et en Afrique, mais aux yeux d’ une partie de sa propre jeunesse, son rôle de porteur du « flambeau de la
842 t-il de plus, pour qu’on ait le droit de parler d’ une éclipse ou d’une mort prévisible de notre civilisation ? Avant de rép
843 r qu’on ait le droit de parler d’une éclipse ou d’ une mort prévisible de notre civilisation ? Avant de répondre, formulons
844 de répondre, formulons deux remarques dictées par une élémentaire prudence historique. Primo, l’hégémonie politique n’est
845 s toujours et nécessairement liée à la vitalité d’ une civilisation. L’une peut exister sans l’autre. L’une peut être perdue
846 ivilisation, tandis que l’Europe du Moyen Âge eut une civilisation sans hégémonie. Secundo, il n’est pas du tout certain q
847 et particulièrement sur l’exemple le mieux connu des Européens, celui de la chute de Rome, qui est censée avoir entraîné l
848 ur l’Europe ? La civilisation européenne est-elle une civilisation comme les autres ? Son destin peut-il être prédit par ex
849 Son destin peut-il être prédit par extrapolation des exemples antiques ? Il se pourrait, bien au contraire, que notre cult
850 it, bien au contraire, que notre culture présente des caractères nouveaux, qui déterminent un destin non comparable, et mêm
851 présente des caractères nouveaux, qui déterminent un destin non comparable, et même tout à fait différent à partir d’un ce
852 parable, et même tout à fait différent à partir d’ un certain moment, d’un certain seuil… Les civilisations antiques de l’É
853 à fait différent à partir d’un certain moment, d’ un certain seuil… Les civilisations antiques de l’Égypte des Pharaons, d
854 ain seuil… Les civilisations antiques de l’Égypte des Pharaons, de Sumer, de l’Inde védantique ou des Mayas, fondaient leur
855 e des Pharaons, de Sumer, de l’Inde védantique ou des Mayas, fondaient leur unité originelle sur un principe formateur uniq
856 ou des Mayas, fondaient leur unité originelle sur un principe formateur unique, le Sacré. Les civilisations totalitaires d
857 ’hui, URSS ou Chine de Mao, tiennent leur unité d’ une doctrine uniforme, imposée à tous par l’État. Comparée à ces deux gro
858 ofane. À cause de ses origines multiples, à cause des valeurs souvent contradictoires ou incompatibles qu’elle en a héritée
859 civilisation européenne s’est trouvée fondée sur une culture de dialogue et de contestation. Elle n’a jamais pu, et surtou
860 out, elle n’a jamais voulu, se laisser ordonner à une seule doctrine qui eût régi à la fois ses instructions, sa religion,
861 e et ses arts. On a beau citer le Moyen Âge comme une période bénie d’unité des esprits et des cœurs, telle que l’a décrite
862 iter le Moyen Âge comme une période bénie d’unité des esprits et des cœurs, telle que l’a décrite Novalis : nous savons auj
863 ge comme une période bénie d’unité des esprits et des cœurs, telle que l’a décrite Novalis : nous savons aujourd’hui qu’il
864 e par cette culture n’a jamais été autre chose qu’ une unité paradoxale consistant dans la seule volonté commune à tous de r
865 la civilisation européenne, née de la confluence des sources les plus diverses, se distinguait par là de toutes les autres
866 itant de la vallée et du delta du Nil, il y avait un mot différent pour désigner les habitants des terres voisines, à mi-c
867 vait un mot différent pour désigner les habitants des terres voisines, à mi-chemin entre l’animal et l’Égyptien. (Dans le m
868 , car vous êtes tous fils de Dieu, vous êtes tous un en Jésus-Christ. »), cette conception devait seule permettre à ceux q
869 sidérer tous les hommes comme dignes et capables, un jour ou l’autre, de participer pleinement à l’effort civilisateur. Ma
870 ême temps qu’elle redécouvrait et faisait revivre des cultures disparues ou en voie d’extinction. Valéry nous disait que « 
871 s de Lascaux, les statues grecques et les temples des Pharaons menacés par les eaux d’un barrage. La mortalité des civilisa
872 t les temples des Pharaons menacés par les eaux d’ un barrage. La mortalité des civilisations nous apparaît donc très varia
873 s menacés par les eaux d’un barrage. La mortalité des civilisations nous apparaît donc très variable. Certes, plusieurs ont
874 tif que celui de leurs œuvres d’art : ainsi celle des Aurignaciens, ou plus près de nous celle des Hittites, plus près enco
875 elle des Aurignaciens, ou plus près de nous celle des Hittites, plus près encore celles des Mayas et des Aztèques. Mais les
876 nous celle des Hittites, plus près encore celles des Mayas et des Aztèques. Mais les civilisations anciennes de l’Égypte e
877 es Hittites, plus près encore celles des Mayas et des Aztèques. Mais les civilisations anciennes de l’Égypte et du Proche-O
878 , d’où dérivent l’Habeas Corpus et la Déclaration des droits de l’homme, qui définissent aujourd’hui, pour tous les peuples
879 ts de tout progrès social ; et non pas le système des castes, ni le mandarinat, ni le Bushido. On peut le regretter, mais o
880 sacrés publiés de nos jours et retrouvent partout des fidèles, c’est par le fait des ethnographes, archéologues et philosop
881 retrouvent partout des fidèles, c’est par le fait des ethnographes, archéologues et philosophes de l’Europe, qui poursuiven
882 On ne voit pas de candidats sérieux à la relève d’ une civilisation devenue mondiale. Nous connaissons les circonstances de
883 e celles qui nous ont précédées : c’était parfois une catastrophe naturelle, comme la dernière période glaciaire ou le dess
884 hara, affectant la région entière où avait fleuri une civilisation déterminée. Et les autres n’en savaient rien. Mais ce fu
885 ient rien. Mais ce fut plus souvent l’agression d’ une civilisation rivale, plus primitive et plus brutale, Doriens détrônan
886 ques centaines d’Espagnols s’emparant de l’empire des Aztèques. Il s’agissait dans tous ces cas de civilisations locales, e
887 candidats à la relève étaient nombreux. En est-il un seul aujourd’hui qui réclame l’oblitération ou simplement la reprise
888 i réclame l’oblitération ou simplement la reprise des charges de notre civilisation, avec quelques chances de succès ? Les
889 SS ? Mais qu’apporte-t-elle de nouveau ? Est-elle une autre civilisation ? Lénine disait de sa Révolution : « C’est le marx
890 e plus l’électricité. » Or, le marxisme n’est pas un apport soviétique, ce n’est pas Popov qui l’a inventé, mais bien un J
891 ue, ce n’est pas Popov qui l’a inventé, mais bien un Juif allemand, dont le père était devenu protestant, et qui rédigeait
892 itish Muséum, pour le Herald Tribune de New York, des articles qui le faisaient vivre et qui forment une partie du Kapital.
893 es articles qui le faisaient vivre et qui forment une partie du Kapital. Le marxisme est né en Europe et de l’Europe, au ca
894 e est né en Europe et de l’Europe, au carrefour d’ un débat séculaire entre la théologie et la philosophie, au moment où se
895 argée d’aider la Chine à liquider la civilisation des mandarins, c’est l’URSS qui a introduit dans l’Empire emmuré ce nouve
896 entraîne dans les mœurs et les modes de penser d’ une nation. Le fameux « bon en avant » de la Chine n’a guère été qu’un bo
897 eux « bon en avant » de la Chine n’a guère été qu’ un bond vers l’industrie et vers le socialisme, inventés par l’Europe et
898 actuelle ne consiste nullement dans l’avènement d’ une civilisation originale, ou de quelque néo-tribalisme, mais au contrai
899 ais au contraire dans l’adoption bien trop rapide des formes de vie politique, sociale et économique, élaborées par l’Europ
900 ssie, laquelle veut rejoindre l’Amérique, qui est une invention de l’Europe… z. Rougemont Denis de, « Les prophètes de
901 , de L’Aventure occidentale de l’homme , plaide une nouvelle fois pour le Vieux Continent, dont il ne croit pas le destin
902 s le destin achevé, en publiant chez Albin Michel une Lettre ouverte aux Européens , qui prendra place dans la collection
903 divise les États de l’Europe ; il fixe également un programme pour les vingt ans à venir et nous met en garde, comme on v
904 prophètes de la décadence avant de nous proposer des candidats à la relève.
17 1970, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Denis de Rougemont : l’amour et l’Europe en expert (24 décembre 1970)
905 éristique de cet endroit où je suis né est d’être un carrefour, une petite principauté placée entre les influences françai
906 et endroit où je suis né est d’être un carrefour, une petite principauté placée entre les influences françaises et allemand
907 est le moment où j’ai pris conscience que j’étais un littéraire. À cette époque je n’écrivais que des poèmes, persuadé que
908 s un littéraire. À cette époque je n’écrivais que des poèmes, persuadé que toute autre forme de littérature était inférieur
909 ope ? C’est entre 17 et 25 ans que j’ai découvert un peu l’Europe. Quand j’allais dans le Midi des troubadours, j’éprouvai
910 vert un peu l’Europe. Quand j’allais dans le Midi des troubadours, j’éprouvais un curieux sentiment de reconnaissance. Quan
911 ’allais dans le Midi des troubadours, j’éprouvais un curieux sentiment de reconnaissance. Quand je lisais les romans breto
912 prendre que ce sentiment venait de ce que j’avais des ancêtres dans tous ces pays-là. Si je regarde l’ascendance de mon pèr
913 ieurs Hollandais. Cela vous donne encore une fois une idée assez exacte des influences qui se sont exercées sur notre petit
914 vous donne encore une fois une idée assez exacte des influences qui se sont exercées sur notre petit coin de Suisse romand
915 J’ai été entraîné à écrire cet ouvrage par toute une suite de circonstances. La plus ancienne était un numéro de la revue
916 ne suite de circonstances. La plus ancienne était un numéro de la revue Esprit consacré à la femme et l’amour aujourd’hu
917 et qui portait comme titre : « La femme est aussi une personne ». Cela se passait en 1936 et Mounier s’était montré un préc
918 Cela se passait en 1936 et Mounier s’était montré un précurseur. Il m’avait demandé une étude sur l’opposition qui paraiss
919 s’était montré un précurseur. Il m’avait demandé une étude sur l’opposition qui paraissait éclatante entre l’amour dans le
920 le me demanda si je ne voulais pas faire pour lui un petit livre en deux volets opposant le mythe de Tristan et l’amour da
921 Le mois de février arriva et je n’avais pas écrit une ligne. Je reçus une lettre recommandée de Daniel-Rops, que j’ouvris a
922 rriva et je n’avais pas écrit une ligne. Je reçus une lettre recommandée de Daniel-Rops, que j’ouvris avec un peu d’anxiété
923 tre recommandée de Daniel-Rops, que j’ouvris avec un peu d’anxiété. Il me disait : « Voudriez-vous me rendre un grand serv
924 anxiété. Il me disait : « Voudriez-vous me rendre un grand service ? Accepteriez-vous de céder le tour de parution de votr
925 r de parution de votre manuscrit, que j’attends d’ un jour à l’autre, car je dois publier le plus tôt possible le manuscrit
926 dois publier le plus tôt possible le manuscrit d’ un essai d’une grande actualité intitulé La France et son armée, et dont
927 er le plus tôt possible le manuscrit d’un essai d’ une grande actualité intitulé La France et son armée, et dont l’auteur es
928 tulé La France et son armée, et dont l’auteur est un jeune lieutenant-colonel qui s’appelle Charles de Gaulle. » Ayant céd
929 mois. Comme je l’ai écrit dans la préface, c’est un livre qui m’a demandé trois mois de travail et toute la vie. J’étais
930 ux yeux de beaucoup de gens dans beaucoup de pays un expert sur les choses de l’amour. Quand les gens me rencontraient ils
931 ’Amour et l’Occident  ? Je croyais que vous aviez une grande barbe blanche. » C’était la première réaction. Voici l’autre r
932 s m’a beaucoup impressionné. J’ai tâché de suivre un peu ce qui se passait dans la vie de ces gens qui m’avaient fait des
933 assait dans la vie de ces gens qui m’avaient fait des confidences et je me suis aperçu que généralement ils étaient près de
934 rtie de mon livre. Mais voilà que, en les suivant un peu plus longtemps, je m’aperçus qu’ils finissaient quand même par di
935 uait pas mal de souffrances, mais peut-être aussi des prises de conscience fort utiles. Mon premier mariage s’est terminé p
936 ort utiles. Mon premier mariage s’est terminé par un divorce après mes années d’Amérique. C’est pourquoi dans la nouvelle
937 nouvelle édition qui a paru en 1954ae j’ai ajouté un long chapitre sur le divorce. Depuis lors je n’ai cas cessé de récrir
938 inue à penser qu’il faudrait élever les gens dans une méfiance profonde de ce que représente la passion. C’est au fond cont
939 dire que l’on est contre la passion qui est l’une des choses glorieuses qui peut arriver à un homme. Aujourd’hui, je suis p
940 st l’une des choses glorieuses qui peut arriver à un homme. Aujourd’hui, je suis parvenu à ce point qu’il y a deux morales
941 plus longtemps possible ; au mariage conçu comme une œuvre d’art qui demande certains sacrifices. Tout artiste sait parfai
942 t artiste sait parfaitement que quand il commence une œuvre, que ce soit un tableau, une sculpture ou un livre, cela lui im
943 ment que quand il commence une œuvre, que ce soit un tableau, une sculpture ou un livre, cela lui imposera des disciplines
944 nd il commence une œuvre, que ce soit un tableau, une sculpture ou un livre, cela lui imposera des disciplines. Ces sacrifi
945 e œuvre, que ce soit un tableau, une sculpture ou un livre, cela lui imposera des disciplines. Ces sacrifices on les fait
946 eau, une sculpture ou un livre, cela lui imposera des disciplines. Ces sacrifices on les fait très joyeusement et consciemm
947 réussite de quelque chose de durable. Si je fais un plaidoyer pour la fidélité, ce n’est pas au nom d’une morale puritain
948 plaidoyer pour la fidélité, ce n’est pas au nom d’ une morale puritaine, comme certains l’ont cru, mais au nom d’une morale
949 uritaine, comme certains l’ont cru, mais au nom d’ une morale d’artiste. Tout homme est amené à être créateur d’une œuvre, n
950 d’artiste. Tout homme est amené à être créateur d’ une œuvre, ne fût-ce que de soi-même et surtout de son couple. Je pense q
951 ment le sel de la terre ou qui seront quelquefois des criminels. Revenons à l’Europe. Vous vivez à Ferney-Voltaire entouré
952 us vivez à Ferney-Voltaire entouré de frontières… Un jour j’ai passé la frontière avec Robert Schuman en voiture et avec l
953 ture et avec le photographe Pedrazini qui faisait un reportage sur Robert Schuman chez moi et au Centre européen de la cul
954 rope !… passez… » Le fait d’être obligé de passer une et souvent plusieurs fois par jour la frontière est bien fait pour en
955 ette frontière avait été à peu près supprimée par des traités qui repoussaient le cordon douanier derrière le Jura et faisa
956 mble du pays de Gex, Savoie et Genève, de nouveau une région naturelle comme la géographie l’avait dessinée. Mais en 1923,
957 hie l’avait dessinée. Mais en 1923, Poincaré, par une espèce de coup d’État, a décidé de porter à la frontière politique sa
958 rrivera vraiment à faire l’Europe que sur la base des régions, régions recréées en dépit des frontières, par-dessus les fro
959 ent après la mort. C’est l’accomplissement. C’est un triomphal accord clamé à la fin de la IXe Symphonie, c’est quelque ch
960 licité. Ça peut être secret. Je crois beaucoup à une notion secrète de la gloire. La gloire n’est pas donnée par la foule,
961 foule, elle n’est pas donnée par le succès. C’est un sentiment d’épanouissement suprême, une floraison dans le ciel accomp
962 cès. C’est un sentiment d’épanouissement suprême, une floraison dans le ciel accompagnée d’une grande euphorie et d’un gran
963 suprême, une floraison dans le ciel accompagnée d’ une grande euphorie et d’un grand bonheur. Et votre définition de la mort
964 ns le ciel accompagnée d’une grande euphorie et d’ un grand bonheur. Et votre définition de la mort ? Si un homme pouvait p
965 rand bonheur. Et votre définition de la mort ? Si un homme pouvait penser complètement la mort, il mourrait à cet instant-
966 nce quelque chose dont on ne peut rien dire. J’ai des idées folles, comme beaucoup d’hommes, sur la mort, sur la chronologi
967 st la vie. Là, je peux dire quelque chose : c’est un certain laps de temps pendant lequel une personne peut se constituer
968 e : c’est un certain laps de temps pendant lequel une personne peut se constituer pour essayer de découvrir sa vocation. Si
969 emander de plus. Et Dieu ? Je publierai peut-être un livre qui aura comme titre « Dieu », entre guillemets, ces guillemets
970 siste pour indiquer que nous nous trouvons devant un problème. J’ai écrit des centaines de pages de notes sur ce que ce mo
971 nous nous trouvons devant un problème. J’ai écrit des centaines de pages de notes sur ce que ce mot Dieu peut évoquer pour
972 r ce que ce mot Dieu peut évoquer pour l’esprit d’ un homme du xxe siècle, moi, par exemple. J’écris généralement quelques
973 ils ne tiennent pas du tout à ce que le monde ait un sens, à ce que notre vie ait un sens, à ce que l’humanité ait un sens
974 que le monde ait un sens, à ce que notre vie ait un sens, à ce que l’humanité ait un sens, puis ils finissent par vous fa
975 ue notre vie ait un sens, à ce que l’humanité ait un sens, puis ils finissent par vous faire un petit couplet de morale sc
976 té ait un sens, puis ils finissent par vous faire un petit couplet de morale scientifique. On pourrait leur demander : Qu’
977 ’entre dans le monde où Dieu existe, alors il y a un sens, il y a quelque chose qui va d’un arrière à un avant. Si vous vo
978 ors il y a un sens, il y a quelque chose qui va d’ un arrière à un avant. Si vous voulez, je pense que Dieu n’est pas une c
979 sens, il y a quelque chose qui va d’un arrière à un avant. Si vous voulez, je pense que Dieu n’est pas une cause au début
980 vant. Si vous voulez, je pense que Dieu n’est pas une cause au début de tout mais qu’il est une cause finale de l’humanité,
981 est pas une cause au début de tout mais qu’il est une cause finale de l’humanité, qu’il appelle le développement de l’homme
982 ment de l’homme. D’autre part, je crois qu’il y a une grande naïveté à discuter sur l’existence ou la non-existence de Dieu
983 l’univers. Je fais quelquefois cette comparaison un peu élémentaire, mais qui dit bien ce qu’elle veut dire : comment une
984 mais qui dit bien ce qu’elle veut dire : comment une cellule de notre corps pourrait croire à l’existence de ce corps ? El
985 Elle peut savoir à peu près qu’elle fait partie d’ un organe, mais elle ne peut pas savoir que cet organe fait partie d’un
986 e ne peut pas savoir que cet organe fait partie d’ un corps. Elle peut donc parfaitement nier l’existence du corps. ab.
987 auront la charge du monde pourront y puiser tout un programme politique inspiré par l’idée d’union fédérale. Denis de Rou
18 1972, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). De l’unité de culture à l’union politique (17-23 avril 1972)
988 pe ne se fera ni uniquement ni principalement par des institutions européennes ; leur création suivra le cheminement des es
989 européennes ; leur création suivra le cheminement des esprits. Robert Schuman Il nous faut faire l’Europe afin de rester
990 , disons pour aller vite : ni moujiks ni yankees. Une Europe divisée en vingt-cinq nations, chacune trop petite pour se déf
991 re que selon la formule fédéraliste, respectueuse des diversités de tous ordres et des autonomies régionales. Une Europe un
992 te, respectueuse des diversités de tous ordres et des autonomies régionales. Une Europe unifiée et uniformisée, deux hommes
993 ités de tous ordres et des autonomies régionales. Une Europe unifiée et uniformisée, deux hommes ont essayé de la faire : N
994 our, est fomenté par la culture. Car ce sont bien des faits de culture : l’école, aux trois degrés, la presse, les livres,
995 aine. L’école, surtout secondaire, apprend depuis un siècle aux jeunes Européens de nos divers pays — contre toute évidenc
996 plusieurs siècles. Même si l’on peut admettre qu’ un État français existe réellement depuis Philippe le Bel, il est absolu
997 onté que chacun de nos États-nations correspond à une langue, à une ethnie, à un ensemble à la fois économique, historique
998 n de nos États-nations correspond à une langue, à une ethnie, à un ensemble à la fois économique, historique et géographiqu
999 -nations correspond à une langue, à une ethnie, à un ensemble à la fois économique, historique et géographique défini par
1000 économique, historique et géographique défini par des frontières naturelles. Et nous l’avons cru ! Or tout est faux dans ce
1001 ion, natio en latin, désignait au Moyen Âge, dans une ville universitaire, les colonies d’étudiants venus d’une même région
1002 e universitaire, les colonies d’étudiants venus d’ une même région d’Europe et parlant entre eux la même langue : nation ang
1003 laise, nation flamande, nation italienne, c’était un peu comme nos maisons nationales dans une cité universitaire. Mais à
1004 c’était un peu comme nos maisons nationales dans une cité universitaire. Mais à l’Université même, on ne parlait qu’en lat
1005 orbonne, vers 1270 — comme me le faisait observer un jour Étienne Gilson — pas un seul des grands professeurs n’était fran
1006 le faisait observer un jour Étienne Gilson — pas un seul des grands professeurs n’était français : ils étaient napolitain
1007 ait observer un jour Étienne Gilson — pas un seul des grands professeurs n’était français : ils étaient napolitain comme Th
1008 , ou anglais comme Roger Bacon. Tout cela formait une grande culture commune, bien antérieure à l’idée même d’État-nation.
1009 de les enfermer pour autant dans les frontières d’ un même État. D’ailleurs, il n’est pas vrai que nos États-nations modern
1010 ns modernes correspondent à l’aire de diffusion d’ une langue. Prenez la France : on parle huit langues à l’intérieur de ses
1011 langue allemande : si elle devait coïncider avec un État-nation, il faudrait annexer à la République fédérale outre l’All
1012 e la Transylvanie, de la Slovénie, de la Pologne, des pays baltes et de la Volga. On m’objecte souvent que nos langues sont
1013 ncore tout ce que leur histoire y ajouta au cours des âges : notions philosophiques grecques, notions juridiques et militai
1014 Âge, du français au xviiie siècle, de l’allemand des philosophes et des savants au xixe , et de l’anglo-américain de nos j
1015 xviiie siècle, de l’allemand des philosophes et des savants au xixe , et de l’anglo-américain de nos jours. Le mot « évêq
1016 bispe, biskop, bishop, bischof… Il en va de même des termes militaires comme « canon », et de tous les termes techniques.
1017 ’Afrique, toutes nos langues se ressemblent comme des sœurs. Vue de loin, l’unité culturelle de l’Europe est un fait que pe
1018 . Vue de loin, l’unité culturelle de l’Europe est un fait que personne ne conteste. Enfin, il y a l’affaire des frontières
1019 que personne ne conteste. Enfin, il y a l’affaire des frontières naturelles, chères à l’école. Cette notion prend son origi
1020 de la France, voilà qui est clair, à condition qu’ un esprit fort (ou un naïf) ne vienne pas remarquer que l’on trouve à l’
1021 qui est clair, à condition qu’un esprit fort (ou un naïf) ne vienne pas remarquer que l’on trouve à l’est de cette chaîne
1022 Alpes, chacun peut vérifier qu’on y parle italien des deux côtés au sud, français des deux côtés à la hauteur des vallées v
1023 n y parle italien des deux côtés au sud, français des deux côtés à la hauteur des vallées vaudoises et du Val d’Aoste, plus
1024 ôtés au sud, français des deux côtés à la hauteur des vallées vaudoises et du Val d’Aoste, plus loin l’allemand, puis le la
1025 is le ladin, puis de nouveau l’allemand, toujours des deux côtés. Et la Suisse est née du Gothard, au cœur des Alpes. L’
1026 x côtés. Et la Suisse est née du Gothard, au cœur des Alpes. L’unité et les vraies diversités La vérité qu’on nous ca
1027 ait, c’est que la culture de tous nos peuples est une , quoique tissée de contradictions dans sa genèse même, qu’elle s’est
1028 s atlas les cicatrices. Elles sont encore, disait un historien français, le résultat des « viols répétés de la géographie
1029 encore, disait un historien français, le résultat des « viols répétés de la géographie par l’histoire », comme je le vois t
1030 que négatifs ! En nous présentant l’Europe comme un puzzle de nations en teintes pâles, et la culture de l’Europe comme u
1031 en teintes pâles, et la culture de l’Europe comme une addition de prétendues « cultures nationales », les manuels de notre
1032 me de la vie de l’esprit. 1° Chacun de nos pays a un nord et un midi : dans chacun vous trouverez des croyants et des incr
1033 e de l’esprit. 1° Chacun de nos pays a un nord et un midi : dans chacun vous trouverez des croyants et des incroyants, des
1034 a un nord et un midi : dans chacun vous trouverez des croyants et des incroyants, des hommes de gauche et des hommes de dro
1035 midi : dans chacun vous trouverez des croyants et des incroyants, des hommes de gauche et des hommes de droite, des romanti
1036 un vous trouverez des croyants et des incroyants, des hommes de gauche et des hommes de droite, des romantiques et des clas
1037 oyants et des incroyants, des hommes de gauche et des hommes de droite, des romantiques et des classiques, des progressiste
1038 ts, des hommes de gauche et des hommes de droite, des romantiques et des classiques, des progressistes et des conservateurs
1039 auche et des hommes de droite, des romantiques et des classiques, des progressistes et des conservateurs. Or, je mets en fa
1040 mes de droite, des romantiques et des classiques, des progressistes et des conservateurs. Or, je mets en fait que dans la p
1041 mantiques et des classiques, des progressistes et des conservateurs. Or, je mets en fait que dans la plupart des cas, les l
1042 atiques de leur propre nation ; que les hippies d’ un pays s’accorderont mieux avec ceux de n’importe où qu’avec les confor
1043 , à la Renaissance les cités du Nord de l’Italie, des Flandres, de la Bourgogne et de la Rhénanie, du Languedoc et de la Ca
1044 ldt, au moment même où Napoléon fait de la France un désert culturel en mobilisant à Paris tous les esprits distingués qu’
1045 péenne, il est dans cette interaction perpétuelle des grands courants continentaux, qui établissent une unité vivante et dy
1046 des grands courants continentaux, qui établissent une unité vivante et dynamique et des foyers locaux de création qui sans
1047 qui établissent une unité vivante et dynamique et des foyers locaux de création qui sans cesse remettent en question et ren
1048 urope de la culture : foyers de création initiant des courants continentaux. cela va donner : Europe politique : régions a
1049 : Europe politique : régions autonomes composant une fédération continentale. Voici donc le modèle fédéraliste de l’Europe
1050 iste de l’Europe que je préconise : la complexité des régions rendra justice à ses fécondes diversités, et l’ampleur de la
1051 ticle paru sous le titre : « L’Europe est d’abord une unité de culture », Intégration : Vierteljahreshefte zur Europaforsch