1
er (octobre 1931)a Si l’existence — le degré d’
être
— se mesure au pouvoir d’incarner sa vérité, le mal du siècle c’est l
2
Et c’est ainsi par une nécessité organique — nous
sommes
nécessiteux — que son œuvre entre en action parmi les forces spiritue
3
orera plus longtemps. Quant à l’Allemagne, elle s’
est
depuis plusieurs années déjà pénétrée de cette philosophie, ainsi qu’
4
Karl Barth, génial disciple du Danois, et dont il
est
grand temps qu’on nous traduise quelques essais théologiques. L’œuvre
5
ueil, les mots-clés : mesure, forme, grandeur, ne
sont
guère définis que par leurs rapports mutuels et tirent de cette inter
6
. L’homme chrétien au contraire, l’homme qui doit
être
surpassé, vit dans la démesure, et lorsqu’il « veut prendre mesure de
7
me, il se sent aussitôt incomplet et coupable. Il
est
donc possible de dire que le péché est la mesure du démesuré, et que
8
upable. Il est donc possible de dire que le péché
est
la mesure du démesuré, et que pour le chrétien il n’est pas d’autre g
9
mesure du démesuré, et que pour le chrétien il n’
est
pas d’autre grandeur ». Ainsi le chrétien existe en tant que le péché
10
acte par excellence du chrétien, hors duquel il n’
est
pour lui ni mesure, ni grandeur, ni forme, mais seulement chimères et
11
s de loi interne et de tension par le péché, il n’
est
plus qu’un être sans destinée, un « indiscret ». « Sa substance inter
12
e et de tension par le péché, il n’est plus qu’un
être
sans destinée, un « indiscret ». « Sa substance interne est crevassée
13
estinée, un « indiscret ». « Sa substance interne
est
crevassée et divisée. Son œuvre souvent pleine de charme mais sans fo
14
ais ne nous détermine jamais. Cet homme indiscret
est
distrait, et sa distraction vient de l’intérieur. Il ne peut jamais s
15
rte aucune atteinte à la perspicacité parce qu’il
est
vraiment souverain. Peut-être faut-il reconnaître à ce seul philosoph
16
sée autoritaire. Entendons que pour lui, penser n’
est
pas se débattre dans ses contradictions personnelles, parlementarisme
17
ant que la réalité humaine, non sa pensée privée,
est
tourmentée.) Penser n’est pas non plus s’ingénier sur des idées et de
18
, non sa pensée privée, est tourmentée.) Penser n’
est
pas non plus s’ingénier sur des idées et des combinaisons d’idées mai
19
t des combinaisons d’idées mais créer de tout son
être
spirituel des faits nouveaux et vrais, dans un certain style. Car il
20
ouveaux et vrais, dans un certain style. Car il n’
est
point de vérité sans forme. Quelques pages étranges et puissantes sur
21
strent ce réalisme de la forme, hors de quoi il n’
est
qu’indiscrétion, et qui livre la clef de la pensée de Kassner, comme
22
aussi de son apparente obscurité1. Il faut savoir
être
secret pour penser avec autorité. Il faut savoir taire ce qui permett
23
s « réaliser ». Il faut que les pensées créées ne
soient
concevables qu’en elles-mêmes et comme à l’état sauvage, non par une
24
t qui les domestique. Une pensée neuve ne saurait
être
comprise à moins d’être recréée dans sa forme — ce dont certaine clar
25
e pensée neuve ne saurait être comprise à moins d’
être
recréée dans sa forme — ce dont certaine clarté dispense le lecteur.
26
e lecteur. On pourrait dire aussi que l’indiscret
est
celui qui se préoccupe de défendre plutôt que d’illustrer. Ainsi selo
27
i s’avisa de défendre la religion mériterait-il d’
être
appelé Judas numéro deux. Car il ne s’agit pas de professer une chose
28
ar il ne s’agit pas de professer une chose mais d’
être
la chose. Le rare, c’est que chez Kassner comme chez Kierkegaard, cet
29
ésence s’accommode d’une ironie qui chez d’autres
serait
plutôt le fait du détachement. Une ironie à l’intérieur des choses, q
30
terne et du recteur Krooks sur Judas et la Parole
est
à cet égard d’une saveur particulièrement riche et complexe. (« … les
31
es ; s’il n’y avait pas de prophètes, les bavards
seraient
peut-être des créatures très silencieuses, comme les belettes ou les
32
pocryphe de l’empereur Alexandre Ier de Russie, n’
est
qu’une suite de méditations sur le thème du tout-ou-rien moral qui ca
33
les dissout dans une réalité plus absolue. Telle
est
la forme des dialogues où culmine son art. De ces dialogues, où chaqu
34
de sa vérité — si bien que la conclusion ne peut
être
qu’implicite et fonction d’une hiérarchie de valeurs, non de la seule
35
nnaissons le modèle immortel, le Livre de Job. Il
serait
curieux d’en suivre la filiation, jusqu’au Soulier de Satin de Claude
36
iation, jusqu’au Soulier de Satin de Claudel : ce
serait
une sorte de généalogie du réalisme poétique. 1. Obscurité : Kassne
37
chologiques. Il prend tout par des biais qui nous
sont
peu familiers. Et puis enfin, voilà une philosophie qui postule la vi
38
t-à-dire l’appréhension poétique du monde. Rien n’
est
plus étranger au nominalisme qui envahit la critique sous l’influence
39
xviiie ; des sujets dans le goût allemand, tels
sont
les éléments qui composent non sans paradoxe ce recueil de « motifs »
40
esoin, qu’il imagine et dont il meurt. Car la vie
est
une espèce de marâtre et n’a que faire de nos tendresses. Les sujets
41
aire de nos tendresses. Les sujets de Jean Cassou
sont
très particuliers — jusqu’à l’arbitraire parfois —, ce dont on hésite
42
la pitié essaient sur eux leurs forces. Le monde
est
habité par des êtres dont le « bonheur » consiste à ne pas se rendre
43
sur eux leurs forces. Le monde est habité par des
êtres
dont le « bonheur » consiste à ne pas se rendre compte de ce qu’ils v
44
conditions » de la vie que mort s’en suit. Sarah
est
donc un recueil de contes romantiques, cas tout à fait rare dans la l
45
de pouce voltairien, l’élégance trop rapide. Il n’
est
pas bon qu’un conteur laisse voir la moindre ironie vis-à-vis de ses
46
e, absolue et naïve où gît leur profonde raison d’
être
. C’est pourquoi les meilleurs contes du volume sont ceux dont la lent
47
re. C’est pourquoi les meilleurs contes du volume
sont
ceux dont la lenteur nous retient. Ainsi Sarah, Monsieur Hoog, qui at
48
parmi nous, par C. F. Ramuz (janvier 1932)c Il
est
remarquable que ceux dont la fonction serait d’exprimer notre civilis
49
c Il est remarquable que ceux dont la fonction
serait
d’exprimer notre civilisation, en un temps où elle se trouve brutalem
50
muz (sur le Travail), qui débute ainsi « Pourquoi
est
-ce qu’on travaille ? parce qu’on y est forcé. Pourquoi y est-on forcé
51
« Pourquoi est-ce qu’on travaille ? parce qu’on y
est
forcé. Pourquoi y est-on forcé ? » Je vois que cet article en vient à
52
n travaille ? parce qu’on y est forcé. Pourquoi y
est
-on forcé ? » Je vois que cet article en vient à formuler le dilemme s
53
i l’on veut marxisme-christianisme, qui se trouve
être
le dilemme urgent de l’heure. Et je m’inquiète ; non pas de ces quest
54
e brillants essais sur le monde actuel et futur ?
Est
-ce le fait d’une disposition trop romantique que d’avoir cru distingu
55
e vue pratiquement bouleversant ? D’autre part, n’
est
-ce point le fait d’un certain manque de tact intellectuel que de pose
56
s vient cependant où la métaphysique se posera ou
sera
niée en termes concrets, en termes de nourriture par exemple, non plu
57
sa grandeur, c’est-à-dire dans l’élémentaire : un
être
qui est nu, qui a froid, qui a faim, qui a été jeté au sein d’une nat
58
ur, c’est-à-dire dans l’élémentaire : un être qui
est
nu, qui a froid, qui a faim, qui a été jeté au sein d’une nature host
59
n être qui est nu, qui a froid, qui a faim, qui a
été
jeté au sein d’une nature hostile, de sorte qu’il lui faut sans cesse
60
public et l’époque, de ce ton viril et simple qui
est
à lui, nullement irrité (comme un Bloy), nullement moralisant ou jaco
61
uelle il échappe entièrement et de toute façon, n’
étant
pas même révolutionnaire, parce que trop radical, trop enraciné dans
62
ces et temporaires. (Les animaux et les arbres ne
sont
pas révolutionnaires.) Et ce n’est pas qu’il ait jamais craint de tir
63
les arbres ne sont pas révolutionnaires.) Et ce n’
est
pas qu’il ait jamais craint de tirer sur ces racines, fortement : mai
64
a nature, ce même besoin de précision utile. Ce n’
est
pas un art d’après le peuple4, mais on dirait presque : d’avant. Il n
65
e peuple4, mais on dirait presque : d’avant. Il n’
est
pas jusqu’à son Antiquité qui ne coïncide avec celle du pays de Vaud
66
c celle du pays de Vaud : non pas la grecque, qui
est
scolaire — pour eux — mais la biblique, qui est vivante. Ainsi tous p
67
i est scolaire — pour eux — mais la biblique, qui
est
vivante. Ainsi tous parlent un même langage, qu’ils l’inscrivent sur
68
isme de Ramuz. Mais comment Ramuz croirait-il à l’
être
collectif, être sans racines, mythe cérébral. « Je ne distingue l’êtr
69
ais comment Ramuz croirait-il à l’être collectif,
être
sans racines, mythe cérébral. « Je ne distingue l’être qu’aux racines
70
sans racines, mythe cérébral. « Je ne distingue l’
être
qu’aux racines de l’élémentaire », écrivait-il dans ses Six Cahiers.
71
adie. Et la joie, ce point commun, « ce point qui
est
au-delà de la vie ». Le communisme qui règne au jugement dernier et q
72
ait aux Origines, car la Fin et le Commencement «
sont
en ressemblance et voisinage ». Ce regard rajeuni, ces gestes rudimen
73
e-poète, « le peuple tous en un ». Mais son œuvre
est
bien au-delà de l’ère machiniste que traverse l’URSS, au-delà de l’in
74
art m’en convainc : le sens de la vénération, qui
est
aussi celui de la lenteur des choses. Cet art, le sujet des Signes pa
75
les événements actuels — cela se passe un jour d’
été
de 1918 — sont expliqués à la lumière des Écritures. La Fin des Temps
76
s actuels — cela se passe un jour d’été de 1918 —
sont
expliqués à la lumière des Écritures. La Fin des Temps est proche, il
77
qués à la lumière des Écritures. La Fin des Temps
est
proche, il faut en témoigner. À tous il tend la Parole « morte aux pa
78
e s’amasse. Vers le soir, il éclate tragiquement.
Est
-ce la fin ? Grande heure de terreur et de prière. Puis, « la page du
79
e terreur et de prière. Puis, « la page du ciel a
été
tournée », ils se relèvent : « Il paraît bien qu’on n’est pas morts !
80
née », ils se relèvent : « Il paraît bien qu’on n’
est
pas morts ! » Le monde renaît dans une soirée pure et le baiser d’un
81
andiose monotonie. Art dont la mesure ne doit pas
être
cherchée dans le pittoresque, ni dans l’ingéniosité, ni dans l’harmon
82
ions, changements de temps au cours d’une phrase,
sont
ici largement mis en œuvre mais toujours avec une probité singulière.
83
robité singulière. La surimpression par exemple n’
est
jamais pour Ramuz ce qu’elle fut pour d’autres : un moyen de créer du
84
on par exemple n’est jamais pour Ramuz ce qu’elle
fut
pour d’autres : un moyen de créer du mystère en brouillant les plans
85
érieux une intrigue romanesque à la Bourget. On s’
est
trop arrêté à l’insolite du style chez Ramuz. Ce qu’il a d’insolite,
86
du style chez Ramuz. Ce qu’il a d’insolite, ce n’
est
pas tant sa forme que les vertus qu’elle suppose : la sobriété, la so
87
ujets d’étonnement perpétuel — et la Fin du Monde
est
l’un d’eux. Un vrai mythe, c’est-à-dire un événement perpétuellement
88
te. Les périodes qui « marquent » dans l’Histoire
sont
celles où la forme d’un mythe affleure, s’incarne et devient visible.
89
mythe affleure, s’incarne et devient visible. Ce
sont
les périodes de crise. Or toute crise est un jugement6, — un « arrêt
90
le. Ce sont les périodes de crise. Or toute crise
est
un jugement6, — un « arrêt dans une forme ». Cela se voit par l’étymo
91
e précisément c’est l’esprit de ces Signes. Aussi
serait
-il bien insuffisant de dire d’une telle œuvre, datée de 1919 et repar
92
entelle : c’est en quelque sorte le contraire qui
est
vrai ; c’est notre temps qui revêt une actualité7 et une réalité véri
93
s mythes et les réalise dans sa vision, cet homme
sera
toujours en puissance d’aujourd’hui, enraciné profondément dans une p
94
ns Aujourd’hui, 29 octobre 1931. 4. Le populisme
est
d’après le peuple. Cette terne vision des choses en apprend plus sur
95
s Noces. Le ton de la création du monde. 6. S’il
est
vrai, comme l’a montré M. Spaïer, que toute pensée est judicatoire, l
96
rai, comme l’a montré M. Spaïer, que toute pensée
est
judicatoire, le fait même de penser devient fauteur de crise. Informe
97
… 7. On pourrait soutenir que l’époque 1900-1910
fut
« inactuelle » pour la grande masse de ceux qui la vécurent. c. Rou
98
t Goethe, ne reconnaît et n’apprécie que ce qu’il
est
lui-même en état de faire. » Telle est la cause du malentendu que sou
99
e ce qu’il est lui-même en état de faire. » Telle
est
la cause du malentendu que soulèvera toujours à nouveau l’exemple de
100
avent pas voir dans la sagesse faustienne qu’elle
est
surtout une défense contre le Démon révolté et la Magie latente ; et
101
ient, et la magie chez ceux qui vaticinent, ayant
été
moins loin que Goethe dans la domination des mystères. Ainsi se récla
102
une « activité littéraire ». Ces deux expériences
seraient
antithétiques si elles étaient superposables, ce qui n’est pas même l
103
deux expériences seraient antithétiques si elles
étaient
superposables, ce qui n’est pas même le cas. De ce point de vue litté
104
hétiques si elles étaient superposables, ce qui n’
est
pas même le cas. De ce point de vue littéraire, la confrontation sera
105
. De ce point de vue littéraire, la confrontation
serait
absurde, j’en conviens. Mais notre optique n’est-elle point faussée p
106
rait absurde, j’en conviens. Mais notre optique n’
est
-elle point faussée par un état d’esprit qui voudrait que l’on considè
107
nt qu’ils s’opposent le plus. Pourtant Rimbaud ne
fut
jamais un écrivain, ni ne se soucia de l’être. Et Goethe ne fut qu’en
108
d ne fut jamais un écrivain, ni ne se soucia de l’
être
. Et Goethe ne fut qu’entre autres choses un écrivain, et se soucia de
109
écrivain, ni ne se soucia de l’être. Et Goethe ne
fut
qu’entre autres choses un écrivain, et se soucia de l’être dans la me
110
ntre autres choses un écrivain, et se soucia de l’
être
dans la mesure seulement où il portait en tous les domaines de son ac
111
vité une application volontaire et soutenue. Ce n’
est
donc pas l’aspect littéraire de leur expérience qui doit conditionner
112
i doit conditionner notre vision. Non point qu’il
soit
un seul instant négligeable, s’agissant de deux êtres que l’on connaî
113
t un seul instant négligeable, s’agissant de deux
êtres
que l’on connaît par leurs écrits d’abord. Mais, pour en tenir un jus
114
l’effort immédiat. Qu’un fait de cet ordre puisse
être
tenu pour crucial, je veux croire qu’on ne le contestera pas. Mais ce
115
oppèrent leurs manifestations, — à quoi l’on ne s’
est
point privé d’ajouter quelques tomes depuis. Il convient de marquer t
116
d’alchimie. Coquetteries, a-t-on dit, — mais il n’
est
point de sentiments intermédiaires qui ne conduisent réellement vers
117
et bien dans son évolution une de ces crises où l’
être
spirituel découvre sa forme véritable. Et si, comme chez Goethe, c’es
118
el « hasard » l’a-t-il provoquée chez Goethe ? Il
est
un fait de sa jeunesse dont on ne saurait exagérer l’importance à la
119
édèrent de très peu une grave maladie, dont il ne
fut
sauvé que par l’intervention d’un médecin « alchimiste ». Retenons ce
120
comprendre, éprouver jusqu’à la souffrance — qui
est
la « substance » — à quel point le renoncement à la magie spéculative
121
uel point le renoncement à la magie spéculative n’
est
, en fait, qu’un accomplissement, le plus difficile et le seul humaine
122
le seul humainement fécond. Car un tel silence n’
est
pas absence de mots. C’est encore chez Goethe une activité réelle, et
123
peu plus d’humilité, c’est-à-dire le réel désir d’
être
« utile », et c’est le juste point : les Affinités. D’ailleurs, l’alt
124
sa passion au sein d’une interminable patience. N’
est
-ce point ce tréfonds dont parle Jacob Boehme, et qui « contient l’élé
125
me, et qui « contient l’élément pur, mais aussi l’
être
sombre dans le mystère de la fureur ». Cette complexe dialectique de
126
’esprit de Faust béant sur le vide : « Moi qui me
suis
cru plus grand que le Chérubin… qui pensais en créant pouvoir jouir d
127
e reprend au seuil de la mort. Mais la vie ne lui
sera
plus qu’un profond renoncement ; même si la passion l’occupe un temps
128
ar avance désespère du seul succès qui pour Faust
serait
réel : la possession bienheureuse de l’instant. Et lorsque, épuisé ma
129
veau Jour et contemple l’Indescriptible. Si Faust
est
le drame d’une formidable patience sans cesse remise en question, la
130
sans cesse remise en question, la Saison en enfer
est
le drame d’une pureté avide, et son destin se joue d’un coup. La gran
131
n destin se joue d’un coup. La grandeur de Goethe
est
d’avoir su vieillir, celle de Rimbaud de s’y être refusé. Transportez
132
est d’avoir su vieillir, celle de Rimbaud de s’y
être
refusé. Transportez la dialectique faustienne dans la vie d’un être j
133
portez la dialectique faustienne dans la vie d’un
être
jeune et libre encore de toute contrainte sociale, culturelle, voire
134
e se purifiera jusqu’au mythe. La donnée initiale
est
bien la même : c’est l’attrait d’une vision qui transcende la vie méd
135
de sa folie. Mais l’irruption de cette « magie »
est
si violente qu’elle a certainement angoissé l’enfant : n’est-ce point
136
ente qu’elle a certainement angoissé l’enfant : n’
est
-ce point pour se défendre qu’il parle si fort, qu’il vante ses pouvoi
137
e pas de telles puissances impunément. « Ma santé
fut
menacée. La terreur venait… J’étais mûr pour le trépas… » Alors paraî
138
ent. « Ma santé fut menacée. La terreur venait… J’
étais
mûr pour le trépas… » Alors paraît le doute, entraînant la conscience
139
ence. « Je vois que mes malaises viennent de ne m’
être
pas figuré assez tôt que nous sommes à l’Occident. » L’Occident, c’es
140
ennent de ne m’être pas figuré assez tôt que nous
sommes
à l’Occident. » L’Occident, c’est l’Esprit incarné. L’incarnation ent
141
égoûtant, mais comment échapper ? L’hallucination
est
tombée, faisant place à une stupeur désolée. « Je ne sais plus parler
142
Je ne sais plus parler. » Le renoncement dès lors
est
fatal. « Moi ! moi qui me suis dit mage ou ange, dispensé de toute mo
143
enoncement dès lors est fatal. « Moi ! moi qui me
suis
dit mage ou ange, dispensé de toute morale, je suis rendu au sol, ave
144
is dit mage ou ange, dispensé de toute morale, je
suis
rendu au sol, avec un devoir à chercher et la réalité rugueuse à étre
145
treindre. » C’est le cri même de Faust. « Il faut
être
absolument moderne. » Travailler. Se donner à l’instant, à cette heur
146
cs. Mourir obsédé par ce travail. Ainsi cette vie
est
bien d’un seul tenant ; une seule et unique expérience la remplit : l
147
t au renoncement et à l’action. Le second Rimbaud
est
vraiment le même que le premier, dans une phase plus « réalisée ». L’
148
dans une phase plus « réalisée ». L’homme moderne
est
peu fait pour comprendre cela, de même qu’il est peu fait pour la gra
149
est peu fait pour comprendre cela, de même qu’il
est
peu fait pour la grandeur et la pureté, et pour des paroles comme « S
150
rrache-le et jette-le loin de toi ». Mais Rimbaud
est
d’une autre trempe : il a déjà prouvé en écrivant les Illuminations q
151
de faux pour en créer un autre. Sa vie en Afrique
est
un second renoncement. Nous aurions combiné tout cela avec de la litt
152
ombiné tout cela avec de la littérature. Car il n’
est
pas donné à beaucoup d’hommes de devenir un mythe à force de pureté d
153
ureté dans la réalisation de leur destin. Rimbaud
est
notre mythe occidental : mythe faustien. Il a vécu tragiquement la te
154
e la magie qui fonde notre éthique, et ce dilemme
est
peut-être le plus important qui se pose à l’esprit occidental, dès qu
155
ntradictions essentielles, en signe de croix, qui
sont
la marque même de la réalité dans une conscience occidentale. Supprim
156
le tragique s’évanouit. Que ce mythe dialectique
soit
profondément constitutif de notre être, l’extension et la diversité d
157
ialectique soit profondément constitutif de notre
être
, l’extension et la diversité de ses aspects le prouvent. C’est l’oppo
158
-delà mystique et de l’immédiat éthique. Et quels
sont
les plus grands Occidentaux ? Ceux qui ont incarné le choix le plus a
159
nstants de son accession au monde spirituel, il s’
est
mis en état de défense et de lenteur. Il avance ainsi pas à pas, l’âm
160
sage officiel parmi les philistins. Le somnambule
est
désormais protégé par une cotte d’invisible silence. Vous pouvez lui
161
Et le passage fameux de la Saison : « moi qui me
suis
dit mage ou ange… » rappelle étrangement ces vers du Premier Faust qu
162
er Faust que l’on citait plus haut : « Moi qui me
suis
cru plus grand que le Chérubin. » « Point de cantiques : tenir le pas
163
lus lucide héroïsme : « Et allons ! » Goethe seul
est
allé jusqu’à la délivrance consciente. Il y a dans tout désespoir à l
164
Et cette fameuse sérénité de sa vieillesse, ce n’
est
rien d’autre, peut-être, que le triomphe de l’élément libérateur du d
165
espoir. La longue peine de celui « qui toujours s’
est
efforcé » a purifié le corps, et l’âme est prête à recevoir « l’amour
166
ours s’est efforcé » a purifié le corps, et l’âme
est
prête à recevoir « l’amour d’en haut ». Car telle est le yoga occiden
167
prête à recevoir « l’amour d’en haut ». Car telle
est
le yoga occidental, dont le Second Faust restera comme le livre sacré
168
a définition même d’un tel yoga. Tout savoir doit
être
confirmé par un faire, qui le tait et l’exprime à la fois. Le « faire
169
xprime à la fois. Le « faire » de Rimbaud ne peut
être
la littérature, puisque écrire signifie pour lui révéler, parler, cri
170
idérer sans paradoxe que la littérature de Goethe
est
un des moyens de silence dont il dispose. Ni plus ni moins que l’étud
171
ion comme purement symboliques, et, au fond, il m’
est
assez indifférent d’avoir fait des pots ou des assiettes »10. Si tout
172
tion d’Iphigénie ou des Ballades, c’est que l’art
est
pour lui la tentation la plus aiguë de jouer avec les mystères, et pa
173
« Un fait de notre vie ne vaut pas en tant qu’il
est
vrai, mais en tant qu’il signifie quelque chose… Il est bien rare que
174
ai, mais en tant qu’il signifie quelque chose… Il
est
bien rare que l’on soit apte à s’agréger ce qui est supérieur. C’est
175
signifie quelque chose… Il est bien rare que l’on
soit
apte à s’agréger ce qui est supérieur. C’est pourquoi l’on fait bien,
176
t bien rare que l’on soit apte à s’agréger ce qui
est
supérieur. C’est pourquoi l’on fait bien, dans la vie ordinaire, de g
177
ir que juste ce qu’il faut pour qu’elles puissent
être
de quelque avantage aux autres11… L’homme n’est pas né pour résoudre
178
être de quelque avantage aux autres11… L’homme n’
est
pas né pour résoudre le problème de l’univers, mais bien pour recherc
179
Mais un homme supérieur, qui a déjà conscience d’
être
quelque chose ici-bas, et qui par conséquent doit tous les jours trav
180
r, laisse en paix le monde futur et se contente d’
être
actif et utile en celui-ci »13. À quoi nous saurons opposer cette con
181
oférer les plus hautes maximes qu’autant qu’elles
sont
utiles pour le bien du monde. Les autres, nous devons les garder pour
182
autres, nous devons les garder pour nous ; elles
seront
toujours là pour diffuser leur éclat sur tout ce que nous ferons, com
183
Illuminations naissent d’une telle rupture. Elles
sont
le champ même15 où Rimbaud se livre à l’expérience spirituelle, où il
184
« à mains », rage de revanche, par son excès même
est
encore une évasion hors du réel. En cela il est romantique, comme tou
185
e est encore une évasion hors du réel. En cela il
est
romantique, comme tous ceux que leur violence et leur faiblesse préci
186
(puisque le christianisme affirme que l’éternité
est
dans l’instant : Aeternitas non est tempus sine fine, sed nunc stans)
187
ue l’éternité est dans l’instant : Aeternitas non
est
tempus sine fine, sed nunc stans). Elle veut cette vie-ci. Et tout le
188
Elle veut cette vie-ci. Et tout le reste, qu’elle
soit
marxiste ou nietzschéenne, elle l’appelle « l’arrière-monde » et le r
189
’est-à-dire qu’il n’en a pas le droit. Certes, il
est
d’autres recours, d’autres points de vision qu’humains. La révélation
190
puis renié avec la même violence, — celle dont il
est
écrit qu’elle force les portes du Royaume des Cieux. Il reste que les
191
ncfort en proie au Carnaval et à l’angoisse, ce n’
est
pas moi qui pose la question : elle m’assiège. Le dernier carnaval, p
192
dire splendide. (Qui me guérira de la honte de n’
être
pas Rimbaud ?) Plus que jamais, il faudrait s’appliquer à distinguer
193
volontairement assourdie. Le silence de Goethe n’
est
pas moins dangereux, pour qui sait l’entendre, que l’imprécation de R
194
e : à l’actualisation de notre réalité. « Il faut
être
absolument moderne ». 8. Conversations avec Eckermann, 4 février 1
195
lier tout à fait les formules d’enchaînement Si j’
étais
devant toi, ô nature un homme solitaire, Sans doute vaudrait-il alors
196
olitaire, Sans doute vaudrait-il alors la peine d’
être
un homme. 10. Conversations avec Eckermann, 2 mai 1824. 11. Ibi
197
adiction intérieure dont les deux termes, faute d’
être
assumés sur le plan commun de la conscience où ils s’exalteraient en
198
e la vie moderne, illustre avec un talent qu’il n’
est
plus temps de discuter, une position morale exemplairement ambiguë. R
199
ent ambiguë. Rien de plus légitime que le désir d’
être
entendu du grand public, et c’est pourquoi l’on ne voudrait pas repro
200
se qui se mêle d’en jouer. Mais sans doute le but
serait
-il atteint si M. Duhamel, visiblement gêné, ne coupait lui-même ses e
201
ironiques, destinées peut-être à indiquer qu’il n’
est
pas dupe, qu’il n’est pas si furieux que ça, que la littérature enfin
202
eut-être à indiquer qu’il n’est pas dupe, qu’il n’
est
pas si furieux que ça, que la littérature enfin garde ses droits. Aus
203
ue la littérature enfin garde ses droits. Aussi n’
est
-ce point sans une gêne grandissante que l’on poursuit la lecture de c
204
es exagérations (Message aux Princes des Prêtres)
sont
dépourvues du minimum de cynisme et de fantaisie qui enflammerait not
205
re et qui porte sur le thème général du livre. Il
est
inquiétant de voir un esprit de cette qualité, et qui certes veut êtr
206
ir un esprit de cette qualité, et qui certes veut
être
honnête, se complaire expressément dans une hargne tempérée de badina
207
la bêtise humaine. Ou bien sa réaction de dégoût
est
véritablement profonde, mais alors elle implique la condamnation d’un
208
arence de principes directeurs dignes de ce nom ?
Serait
-ce que la mauvaise humeur du bourgeois dérangé agissant comme dérivat
209
sublimation à rebours du sens de la révolte ? On
serait
en droit d’exiger d’un critique de son temps qu’il déclare ce qu’il a
210
t des choses comme des rats qui courent ». — « On
est
des pauvres tout petits chiens qu’on habite tout par dehors et que pe
211
res, rate. Lire à petites doses. Vers la fin, qui
est
émouvante, décider que ceux qui n’aimeront pas sont fermés à toute po
212
st émouvante, décider que ceux qui n’aimeront pas
sont
fermés à toute poésie à l’état sauvage — la vraie. f. Rougemont De
213
32)g Si dans tous les écrits de notre temps il
est
question de bien, de mal, de vice et de vertu, de péché même, parfois
214
e vice et de vertu, de péché même, parfois, quels
sont
les écrivains capables de déclarer leurs références, leurs poids et l
215
onne la référence : ce Dieu terrible. Et sa vertu
est
choix. L’absolu d’un Nietzsche, c’est le Grand Midi ; et sa vertu : d
216
chaque situation existentielle. En sorte qu’il n’
est
pas de préférence définitive, c’est-à-dire facile, accordée au Bien p
217
mal et le bien conservent toutes leurs chances d’
être
préférés, et toutes leurs tentations. En sorte que l’apologie de l’un
218
deau. Et soudain il nous apparaît que cette œuvre
est
une illustration, non dépourvue de complaisance, du « pecca fortiter
219
l’émouvante et ironique dialectique de Jouhandeau
est
-elle très catholique, ou même très chrétienne ? La dialectique paulin
220
d’un péché, c’est-à-dire ce qui le supprime, ce n’
est
pas une vertu, mais le pardon. La vertu comme le vice naît de la loi
221
ur quoi il reste béant. Mais la réalité de la foi
est
inverse. Elle fait voir le mal comme donnée immédiate ; puis le bien
222
le bien ; puis le péché et le pardon. Et la grâce
est
déjà dans l’œil qui sait voir le péché au sein du mal et du bien à la
223
exandre, par Klaus Mann (septembre 1932)h Ce n’
est
pas pour l’amour du laurier, mais pour l’amour de son ami Clitus, poè
224
est qu’il n’étonnera personne, alors qu’Alexandre
est
tout de même un phénomène assez bouleversant. Klaus Mann a raconté ce
225
revendications [Présentation] (décembre 1932)i
Est
-il possible de définir une cause commune de la jeunesse française, un
226
elle révolution française. Leur anticapitalisme n’
est
pas celui de la Troisième Internationale. Toutefois, la doctrine marx
227
la doctrine marxiste, en dehors de laquelle il s’
est
constitué, forme l’un de ses points de repère principaux. Il se peut
228
nnels ; et certains de leurs objectifs respectifs
sont
communs… Déjà s’affirme dans l’attitude de tous ces groupes un vérita
229
paraître suffisant pour définir un front unique,
fût
-il provisoire. C’est dans cette vue qu’ont été réunies — rapidement c
230
e, fût-il provisoire. C’est dans cette vue qu’ont
été
réunies — rapidement car tout nous presse — les déclarations que l’on
231
mbre 1932)j Nous avons choisi de vivre — telle
est
notre révolution — dans un monde qui nous préparait pour autre chose,
232
ux basses rigueurs d’un cadre policier. Que vivre
soit
un choix, une partialité violente, voilà ce qu’on paraît trop facilem
233
nt les solutions qu’on nous propose d’urgence, il
est
clair que toute impartialité serait hypocrisie, refus. Qu’on trouve d
234
se d’urgence, il est clair que toute impartialité
serait
hypocrisie, refus. Qu’on trouve donc ici une prise de parti. Nous s
235
Qu’on trouve donc ici une prise de parti. Nous
sommes
une génération comblée. Comblée de chances de grandeur, et comblée de
236
une « nécessité » révolutionnaire dont l’ampleur
est
sans précédent. Ce n’est plus de conflits d’idées qu’il s’agit, ni mê
237
tionnaire dont l’ampleur est sans précédent. Ce n’
est
plus de conflits d’idées qu’il s’agit, ni même de conflits d’intérêts
238
r le seul moyen d’en réchapper, — l’imposer. Ce n’
est
plus pour quelque « idéal » que nous avons à lutter hic et nunc, mais
239
as si sourds qu’ils ne s’irritent de nos cris. Il
est
vrai que certains, au lendemain de la guerre, ont trop souvent crié a
240
se trouvait à l’origine de tout le mal ? Telles
sont
les composantes de notre situation. Nous sommes là : n’y pouvant plus
241
les sont les composantes de notre situation. Nous
sommes
là : n’y pouvant plus tenir longtemps ; ne pouvant accepter de nous b
242
urquoi la supporterons-nous ? La révolution, ce n’
est
plus un état d’esprit, ni un refus des tâches d’homme. Henri Lefebvre
243
ai rien à sa déclaration si simple. La révolution
est
une nécessité au sens le plus banal du terme, et aussi à son sens de
244
ssi à son sens de « misère qui appelle ». Nous ne
sommes
pas des « bourgeois-dégoûtés » ou des « prolétaires-avides-des-riches
245
’autre part une espérance, une utopie, qu’il nous
est
impossible d’accepter avec le « bon cœur » que préconise Philippe Lam
246
mauté du matériel. Comment penser — si « penser »
est
inséparable d’une action — entre une bourgeoisie déchue et un marxism
247
Combat, de L’Ordre nouveau ou de Réaction, pour n’
être
pas entièrement originales18, ne peuvent manquer de déconcerter tous
248
rien. Et nous ne trahirons pas l’homme tel qu’il
est
, sous prétexte qu’il faut se hâter, et qu’en Russie c’est en train de
249
s tout sur une révolution vraie. Les catastrophes
sont
proches. Nous ne sommes plus les seuls à le dire. Beaucoup de capital
250
ion vraie. Les catastrophes sont proches. Nous ne
sommes
plus les seuls à le dire. Beaucoup de capitalistes l’ont si bien comp
251
te avec l’URSS. Nous ne pensons pas que la guerre
soit
, comme l’écrit Lefebvre, la seule « chance » des capitalistes. Il en
252
bvre, la seule « chance » des capitalistes. Il en
est
une moins coûteuse à risquer et qui consisterait à se laisser convain
253
les, mais qui soudain font mine de « réussir ». N’
est
-ce donc plus, comme le marque Th. Maulnier, qu’un conflit d’intérêts
254
, qu’un conflit d’intérêts ? Et d’intérêts qui ne
sont
pas les nôtres, qui ne sont pas les intérêts réels d’un être aux pris
255
Et d’intérêts qui ne sont pas les nôtres, qui ne
sont
pas les intérêts réels d’un être aux prises avec la condition humaine
256
s nôtres, qui ne sont pas les intérêts réels d’un
être
aux prises avec la condition humaine ? Ni pour le mensonge d’hier, ni
257
ectivistes et des patries personnalistes. Mais où
sont
les motifs de notre choix ? J’en indiquerai trois. 1° — La seule révo
258
’homme, exprime ses données élémentaires : elle n’
est
qu’une projection du conflit de la personne. Les marxistes nous accus
259
ues qui pullulent dans un monde athée. Quelle que
soit
d’ailleurs la conception historique que l’on ait, il faut pourtant re
260
ait, il faut pourtant reconnaître que la personne
est
un facteur « décisif », sinon suffisant, du processus révolutionnaire
261
r la révolution. Mais il y a plus. Si la personne
est
véritablement l’élément décisif de la réalité humaine, toute révoluti
262
t décisif de la réalité humaine, toute révolution
est
vaine qui se fonde sur des faits mortels pour la personne, même si «
263
its mortels pour la personne, même si « ces faits
sont
les faits » comme on voudrait nous le faire croire. Une révolution n’
264
elque chose : elle se fera contre ces faits. Elle
sera
« acte ». 2e — Le matérialisme décrit un monde tel qu’on ne voit pas
265
le-même ? La dialectique historique à trois temps
est
une arbitraire projection dans les choses d’un mécanisme de « l’intel
266
te toute efficacité créatrice et par là même doit
être
dénoncée comme antirévolutionnaire20. Le matérialisme, c’est l’opium
267
e la révolution. 3e — La conception personnaliste
est
seule capable d’édifier un monde culturel, économique et social qu’an
268
rêveries » l’action. Qu’appellent-ils l’action ?
Est
-ce un opportunisme purement tactique, d’allure électorale ? « Toutes
269
ains du prolétaire qui, justement, avait besoin d’
être
conduit par la pensée de quelques-uns22. Proposition antirévolutionna
270
illeurs brimée. En février 1917, les bolchévistes
sont
200. En octobre, ils s’emparent du pouvoir sur toutes les Russies. En
271
ais, nous dit-on, les constructions d’un Lénine n’
étaient
pas songes, elles s’appuyaient sur le mouvement de l’histoire ». Nous
272
a-t-il en France la moindre chance de succès ? Où
est
sa tradition vivante en ce pays ? La violence des communistes françai
273
este le plus souvent verbale, électorale ; elle n’
est
pas dans leur doctrine constructive. Elle se fonde sur des apparences
274
mais insuffisamment analysés. Les faits, demain,
seront
pour nous. L’Ordre nouveau, Combat, Esprit, travaillent dans la ligne
275
xistes, mais niée en sous-main par leur doctrine,
est
de leur part une duperie manifeste. Je les entends menacer le bourgeo
276
as en quoi la tyrannie du matériel qu’ils prônent
est
meilleure pour les hommes que le présent désordre. Je ne vois pas qu’
277
n l’accumulation de leurs griefs, — dont beaucoup
sont
les nôtres, mais nous en avons davantage. Je vois clairement que leur
278
é de la folie capitaliste-matérialiste. Non, ce n’
est
pas une classe que nous devons sauver, c’est l’homme menacé dans son
279
e menacé dans son intégrité. Sauver l’homme, ce n’
est
pas sauver des consommateurs. Ce n’est pas sauver des entreprises, de
280
omme, ce n’est pas sauver des consommateurs. Ce n’
est
pas sauver des entreprises, des nations, les intérêts (?) du monde. S
281
nde » ? Rien. Au sens fort du mot, le « salut » n’
est
pas à débattre sur le plan de l’humanité, mais entre l’homme, entre t
282
l homme et la Réalité qui seule peut garantir son
être
. — Encore faut-il que les conditions matérielles permettent à ce supr
283
n sens, un point d’application : la personne. Tel
est
en dernière analyse, le fondement, l’enjeu de la révolution nouvelle.
284
s ; une substance, une exigence impossible et qui
est
la seule chose que les hommes éprouvent dans le fond de leur être. Il
285
ose que les hommes éprouvent dans le fond de leur
être
. Il faut derrière ces idées une masse volontaire, une pesante contrai
286
courage. Je parle de la foi chrétienne où je veux
être
, de ce suprême « choix » qui ne vient pas de moi, mais qui soudain me
287
uelle j’accepte de me faire tuer, parce que ce ne
serait
pas crever bassement dans la haine, mais ce serait un acte enfin dans
288
erait pas crever bassement dans la haine, mais ce
serait
un acte enfin dans lequel je posséderais toute ma vie, d’un seul coup
289
l coup éclatant. Je n’ai pas à sauver quoi que ce
soit
de la terre, mais seulement à recevoir le pardon. Or il n’est de pard
290
rre, mais seulement à recevoir le pardon. Or il n’
est
de pardon que pour celui qui agit. On me dira sans doute que je me pe
291
évolution qu’elle légitimerait, en bonne logique,
serait
une révolution contre la construction entreprise par le capitalisme d
292
us de « personnes ». 23. Le succès du communisme
serait
-il « de nous rendre la vie de caserne acceptable » ? (Roland de Pury,
293
cisme, le pompiérisme, — mais ils savent que cela
est
antipathique, alors ils émettent on ne sait quelle sauce. Je ne veux
294
émettent on ne sait quelle sauce. Je ne veux pas
être
de ceux-ci ». Charles-Albert Cingria est donc de ceux dont l’éruditio
295
eux pas être de ceux-ci ». Charles-Albert Cingria
est
donc de ceux dont l’érudition, quitte à passer pour macaronique — com
296
quitte à passer pour macaronique — comme elles le
sont
toutes, d’ailleurs, mais ridiculement quand elles ne l’avouent pas —
297
s relativement à celui qui les cite, car alors où
serait
l’Impartialité ? Ces gens-là voudraient bien nous faire croire qu’un
298
-là voudraient bien nous faire croire qu’un texte
est
intéressant dans la mesure même où il est dépourvu de pittoresque, c’
299
n texte est intéressant dans la mesure même où il
est
dépourvu de pittoresque, c’est-à-dire, dans ce cas, de traits humains
300
ans ce cas, de traits humains révélateurs, ce qui
est
tout de même aller un peu loin, puisque ainsi l’on supprime la notion
301
ique — rattaché encore à une école provençale qui
est
, à l’origine, de propulsion musicale, donc romane-syrienne puisque le
302
cale, donc romane-syrienne puisque le plain-chant
est
roman-syrien — et le poète fabriqué à coups de platras à la manière a
303
épiscopale, d’une certaine politesse pompeuse qui
est
la forme particulière de son ironie24 et vous aurez ce petit volume d
304
rner le titre de « monument critique ». Tel qu’il
est
, un petit chef-d’œuvre d’humanisme poétique. Car l’« érudition » de C
305
le doucement retors, dont les moindres anicroches
sont
calculées jusqu’à restituer le naturel — tout cela sans effort, manif
306
la Renaissance où palpite, sous une sérénité qui
est
plutôt de l’enthousiasme dominé, l’opulente diversité du monde. La qu
307
latin, du bas latin et de l’italien dont ce livre
est
abondamment orné permettra de goûter dans le détail ce que l’on vient
308
ela (les patriotismes de l’Europe diverse et une)
était
homogène et souple, vivant, sans faux arrêt, sans cet arrêt d’illusoi
309
uels nationalismes, ayant pour effet qu’au lieu d’
être
avantageuse, la chose publique empêche de communiquer, empêche de viv
310
ier qui introduise à celle de l’élémentaire ; qui
soit
donc le contraire de la recherche du pittoresque. Aucune de ses œuvre
311
de Vaud, mais dans le domaine propre de Ramuz qui
est
l’élémentaire. Jamais il ne fut mieux lui-même. Il y fallait un cas t
312
opre de Ramuz qui est l’élémentaire. Jamais il ne
fut
mieux lui-même. Il y fallait un cas très simple, un de ces cas où le
313
gauche) ; l’humiliation de la chute, l’angoisse d’
être
diminué, les difficultés qu’on découvre, déconcertantes ; puis l’espr
314
ne confidence encore contrainte : « Ah ! comme je
suis
mal fait pour ma part, si j’ose ainsi parler de moi, mais je ne parle
315
oi, ou je ne parle pas que de moi, parce que nous
sommes
tous mal faits. » On n’attendait pas de Ramuz un examen de conscience
316
ce genre de pensées pour ce qu’elles ont toujours
été
à ses yeux : le fait d’un défaut de présence au monde, d’une impuissa
317
réside la cause de la peur, qu’il avoue, et qui n’
est
sans doute que la méditation d’un esprit dépourvu de prises sensibles
318
ans résistance propre, le monde des hommes qui ne
sont
plus présents à eux-mêmes, hommes sans pesée, hommes de peu de poids,
319
t le priver de sa main, — ou asservir cette main.
Est
-ce que ma main n’a pas sa vocation ? Est-ce qu’elle n’a rien de mieux
320
te main. Est-ce que ma main n’a pas sa vocation ?
Est
-ce qu’elle n’a rien de mieux à faire que de se lever avec cent-mille
321
e mains saluent le tyran, une main crée. Le temps
est
peut-être venu de penser avec ses mains. 26. « J’aime que les chose
322
une cheminée qui tire mal. J’aime les choses qui
sont
à leur façon, tandis que je suis à la mienne. » l. Rougemont Denis
323
e les choses qui sont à leur façon, tandis que je
suis
à la mienne. » l. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] C. F. Ramuz,
324
r, par Albert-Marie Schmidt (octobre 1933)m Il
est
plaisant de voir un jeune auteur obtenir de nos jours un effet de sur
325
jours plein d’onction, parfois même de pompe. Tel
est
le premier succès de cet ouvrage. Il en révèle peut-être aussi certai
326
s joyeusement érudite que je connaisse. Tel qu’il
est
, ce petit volume nous offre un jeu serré et subtil, et dont le specta
327
re un jeu serré et subtil, et dont le spectacle n’
est
pas vain. M. Schmidt ne s’en laisse point imposer par la « réussite c
328
qu’on voudrait poser sous cette forme : la vérité
est
-elle en déca ou au-delà du désespoir, dans les mesures humaines ou da
329
ieu des rapports de politesse. Cela pourrait bien
être
la formule du désordre intérieur maximum. Rien ne le dissimule mieux
330
. La nouveauté de l’essai d’Albert-Marie Schmidt
est
d’avoir su déceler la corruption secrète de cet art trop parfait, « q
331
rré de petits faits vrais dont l’intention morale
est
évidente, il est doublement édifiant. Ceux qui ont aimé le Chemin de
332
ts vrais dont l’intention morale est évidente, il
est
doublement édifiant. Ceux qui ont aimé le Chemin de la Vie retrouvero
333
il. On a l’air d’ironiser, mais lisez donc : vous
serez
pris, vous donnerez tort au traître, c’est-à-dire aux anarchistes, ko
334
istoire en bref, — non pas l’intrigue ! tout cela
est
propre. Le jeune Kolka, prolétaire de bonne souche, part pour la Cons
335
te, ignorant, avide de « culture ». Volodia, lui,
est
fils de bourgeois : taré donc, intellectuel, ratiocineur, il n’arrive
336
à se passionner pour le problème de la fonte, qui
est
le problème dominant dans cette région de la Sibérie. Entre eux, une
337
du Kolka dès qu’elle aura compris que l’autre « n’
est
pas né quand il aurait fallu ». L’Histoire a de ces exigences. On con
338
Ce résumé fait le plus grand tort à l’ouvrage. Il
est
cependant exact. Mais les faits, même en Russie, ne sont rien sans la
339
pendant exact. Mais les faits, même en Russie, ne
sont
rien sans la mystique. La force et le charme de ce roman sont ceux mê
340
ns la mystique. La force et le charme de ce roman
sont
ceux mêmes d’une jeunesse fruste, innocente jusque dans ses cruautés
341
nnocente jusque dans ses cruautés ; tout jugement
serait
ici mesquin, on l’accordera volontiers à l’auteur. Ehrenbourg a utili
342
Le prochain plan y pourvoira peut-être. Tout cela
est
en pleine métamorphose. Mais voici un fait plus inquiétant : ce livre
343
, mais quelque chose qui veut une réponse, et qui
est
d’autant plus tragique qu’ils ne savent plus le formuler. À nous de l
344
la même lignée que Le Grand Printemps et Raison d’
Être
, voici encore un essai de Ramuz, mais de tous le moins ramuzien : il
345
e fois d’idées, et même d’idées générales, ce qui
est
assez paradoxal dans une telle œuvre. Le sujet de Taille de l’Homme,
346
, il n’en resterait pas moins, par le fait de son
être
même, une protestation contre le matérialisme dialectique. Quand on p
347
et le sens de la communauté — indissolubles —, on
est
une objection vivante à tout individualisme, à tout communisme, à tou
348
sme, à tout communisme, à tout « isme ». Quand on
est
à ce point possédé par la vie des choses et des êtres, on n’a pas bes
349
t à ce point possédé par la vie des choses et des
êtres
, on n’a pas besoin d’arguments pour faire sentir l’absurdité des « lo
350
e fait voir tout aussi bien que cet essai : Ramuz
est
présent à ce monde, — eux, ils essaient de le recomposer au sein de l
351
ui la Nature27. C’est quand il parle d’elle qu’il
est
grand, qu’il donne et manifeste sa mesure, qu’il apparaît véritableme
352
e, qu’il apparaît véritablement qualifié. La mode
est
au marxisme et au mépris de la Nature ? Mode bourgeoise, tyrannie déc
353
t occupée à calculer sa propre mort. Mais Ramuz n’
est
pas un bourgeois. Il peut attendre : son attente est présence, et por
354
pas un bourgeois. Il peut attendre : son attente
est
présence, et porte en soi sa justification. À ceux qui croient aux fa
355
s de l’Histoire, il faut dire simplement qu’elles
sont
vraies pour eux-mêmes et pour tous ceux de leur espèce. On ne calcule
356
avec des quantités mortes. Ceux qui se vantent d’
être
calculables ont très probablement raison : c’est une constatation de
357
tière » sur laquelle tout se fonde, que Staline s’
est
vu contraint, pour en finir, de fixer la saine doctrine par un ukase
358
ciens. On parle encore du « diamat »29, mais ce n’
est
plus qu’un conformisme d’État. C’est, à peu près, l’ukase en moins, c
359
at. C’est, à peu près, l’ukase en moins, ce qui s’
est
passé chez les bourgeois, au sujet du mot « esprit ».) Le vrai matéri
360
ourgeois-capitaliste. Tous deux savent qu’il faut
être
pour Dieu ou contre Dieu. La bourgeoisie a choisi dès longtemps, prat
361
s, pratiquement athée sans le savoir. Le marxisme
est
l’aveu de son choix. Mais Berdiaev parle en chrétien, et Ramuz ne veu
362
tien, et Ramuz ne veut encore parler qu’en homme.
Est
-ce possible ? Et peut-il y croire ? Il a bien vu le choix, mais l’a-t
363
omme. Il sait aussi que la mesure de cette taille
est
dans une foi, dans « quelque chose qui dépasse l’homme et le suppose
364
oi chrétienne dépasse-t-elle vraiment l’homme ? N’
est
-elle pas bien plutôt ce qui le juge et en même temps le sauve dans se
365
on les traite de matérialistes. Je crains que ce
soit
, chez la plupart d’entre eux, un réflexe de bourgeois plutôt que d’ho
366
s primauté du matériel ! », disait l’un d’eux. Qu’
est
-ce que le matériel peut bien précéder ? D’où nous viendrait alors ce
367
Kafka (mai 1934)p Je ne sais pas si le Procès
est
le chef-d’œuvre de Kafka, mais il est difficile d’imaginer un livre p
368
i le Procès est le chef-d’œuvre de Kafka, mais il
est
difficile d’imaginer un livre plus profond. On a même l’impression en
369
x inspecteurs. Ces messieurs lui apprennent qu’il
est
inculpé, mais ils ne savent pas de quoi et n’ont pas qualité pour le
370
. Puis, on le rend à la liberté. Toute l’histoire
sera
celle, non pas du procès, qui n’a jamais lieu, mais des préliminaires
371
dante, corrompue et capricieuse, dont les bureaux
sont
installés dans des faubourgs ignobles ou des greniers. Jamais K… ne p
372
ister. C’est ainsi une suspension du jugement qui
est
tout le drame du Procès. Constatation de la réalité telle qu’elle est
373
Procès. Constatation de la réalité telle qu’elle
est
, et en même temps, au moment où la révolte point, constatation de la
374
nsistent peut-être à échapper à cette vision, qui
est
l’angoisse même. Est-ce pur hasard si la théologie chrétienne rend co
375
échapper à cette vision, qui est l’angoisse même.
Est
-ce pur hasard si la théologie chrétienne rend compte de presque toute
376
ces avocats qui parlent comme des prêtres, et qui
sont
de mèche avec la justice, ces prévenus en liberté, cette complicité g
377
berté, cette complicité générale, tout cela, ce n’
est
pas la « misère de l’homme sans Dieu », mais la misère de l’homme liv
378
nt pour nous le Père ; mais alors, l’acquittement
est
possible. « Je suis le chemin » — mais alors l’acte aussi est possibl
379
e ; mais alors, l’acquittement est possible. « Je
suis
le chemin » — mais alors l’acte aussi est possible. Ainsi, la foi au
380
. « Je suis le chemin » — mais alors l’acte aussi
est
possible. Ainsi, la foi au Christ est la seule possibilité qui soit d
381
’acte aussi est possible. Ainsi, la foi au Christ
est
la seule possibilité qui soit donnée à l’homme de marcher, d’échapper
382
si, la foi au Christ est la seule possibilité qui
soit
donnée à l’homme de marcher, d’échapper à l’« arrêt » ; mais c’est au
383
émantique. On me fait observer que l’opposition n’
est
pas entre le peuple et la nation — entre les noms — mais entre « nati
384
entre les adjectifs. Je traduis : l’opposition n’
est
pas dans les faits, mais dans les mystiques. Que valent ces mystiques
385
peur, et comme telles meurtrières. Les faits, ce
sont
M. de Wendel derrière la droite, et M. Litvinoff derrière la gauche.
386
. La question se ramène à ceci : si tout le monde
était
mis d’accord par une agression hitlérienne, irait-on se battre au nom
387
en restant capitaliste.) Défendre la culture, ce
serait
d’abord rendre aux mots-clés un sens commun. Mais il me semble qu’on
388
, au Palais de la Mutualité. Il me semble qu’on s’
est
entendu pour « cultiver » des équivoques verbales assez grossières. L
389
sans puissance contre les menaces réelles, — qui
sont
la guerre et l’étatisme totalitaire. C’est très simple. Trop simple,
390
rédéric Gundolf (septembre 1935)r Paracelse ne
fut
pas un mage, ou plutôt si l’on veut qu’il l’ait été, au sens où l’on
391
t pas un mage, ou plutôt si l’on veut qu’il l’ait
été
, au sens où l’on dirait qu’Einstein, interprète du cosmos, est un mag
392
où l’on dirait qu’Einstein, interprète du cosmos,
est
un mage, il ne fut pas un magicien. Il erra toute sa vie, d’auberges
393
instein, interprète du cosmos, est un mage, il ne
fut
pas un magicien. Il erra toute sa vie, d’auberges en universités, sui
394
oris de notre temps. Mais combien, parmi nous, se
sont
fait déterrer deux jours trop tôt ! L’auteur de l’anecdote était bon
395
rrer deux jours trop tôt ! L’auteur de l’anecdote
était
bon prophète, mais il n’a rien compris à Paracelse. Théophraste Parac
396
Théophraste Paracelse Bombaste de Hohenheim, qui
était
né en Suisse allemande, n’était pas un énergumène, mais un savant com
397
de Hohenheim, qui était né en Suisse allemande, n’
était
pas un énergumène, mais un savant complet comme il faut espérer que n
398
doivent donner le ton à toutes les autres, et qui
sont
, comme nul ne l’ignore ou ne pourra l’ignorer longtemps, l’astrologie
399
grand souci paraît dans toute son œuvre : il veut
être
clair, et utile. Clair ne signifie pas rationaliste, comme le veut le
400
microcosme, manquait de la seule chose dont nous
soyons
abondamment fournis : d’un attirail de concepts à tout faire31. Il fa
401
ais les lettrés et les médecins de la jeune école
seront
comblés. Gundolf décrit l’œuvre de Paracelse comme un drame de l’expr
402
e choses qu’il ne pouvait en exprimer. Son destin
fut
l’inverse du nôtre. La technique nous masque le vrai, nous sommes en
403
du nôtre. La technique nous masque le vrai, nous
sommes
en pleine scolastique (au sens vulgaire). Ce défaut de mots propres a
404
e leur remède. « Il ne faut pas dire que tel état
est
colérique, tel autre mélancolique, mais que ceci est arsenical, que t
405
colérique, tel autre mélancolique, mais que ceci
est
arsenical, que telle chose est aluminale, telle autre saturnienne. »
406
que, mais que ceci est arsenical, que telle chose
est
aluminale, telle autre saturnienne. » Ce langage en effet renvoie à l
407
t considérer sa relation avec le monde, dont il n’
est
qu’un membre, un reflet. So oben wie unten. L’astrologie de Paracelse
408
t. So oben wie unten. L’astrologie de Paracelse n’
est
pas une superstition de devin, c’est une science de la guérison fondé
409
cination, et même de la psychanalyse. Paracelse s’
était
formé de l’homme une conception spirituelle et organique (théologique
410
héologique-astrologique) à laquelle notre science
est
en train de revenir, après une sombre époque cérébrale et matérialist
411
oyaient l’homme sous l’aspect d’un concept. Il se
fût
opposé aussi aux médecins de la Renaissance, à Léonard, à Cardan, à V
412
se, brève synthèse des idées les plus neuves, qui
sont
aussi les plus antiques, sur la nature unique de la maladie, ouvrage
413
monde. « L’homme ne saura jamais assez combien il
est
anthropomorphe », dit Goethe. Il faudrait dire aussi, à la suite de P
414
e : l’homme ne saura jamais assez à quel point il
est
« cosmomorphe ». Le retour à Paracelse auquel nous assistons est un d
415
he ». Le retour à Paracelse auquel nous assistons
est
un des signes marquants de ce temps-ci. Le symbole d’une révolution a
416
ré comme un miroir du ciel entier. Certes, elle n’
est
pas seulement cruelle et folle, l’époque qui nous offre de si grandes
417
uvre, celle où l’esprit se remet à chercher ce qu’
est
l’homme, et quelle est sa mesure dans l’univers qu’il a cru concevoir
418
se remet à chercher ce qu’est l’homme, et quelle
est
sa mesure dans l’univers qu’il a cru concevoir ! 30. « La monumenta
419
Mais on se représente aisément l’embarras qui eût
été
le sien si l’on eût exigé qu’il nommât l’activité qu’il découvrait. Q
420
de les jeter dans le lac de Schwyz, etc., « et ce
sera
pour la vertu, quarte colonne de la médecine, un grand spectacle ! »
421
ommune des intellectuels révolutionnaires, qu’ils
soient
humanistes ou chrétiens, marxistes ou personnalistes. Désormais, la p
422
rsonnalistes. Désormais, la philosophie cessera d’
être
une simple description : elle va devenir action transformatrice, et p
423
trice. L’esprit pur s’évanouit. L’âge qui s’ouvre
sera
celui du spirituel décisif. La seule doctrine, ou pour mieux dire, la
424
que l’apparence brutale des thèses personnalistes
soit
le fait, provisoire, de toute philosophie naissante qui prétend resti
425
Minkowski, les approximations un peu hésitantes —
est
-ce un reproche ? — de G. Marcel sur l’acte et la personne, mériteraie
426
s très curieuses de P. Klossowski sur Sade, où il
est
démontré par des voies imprévues, comment la négation de Dieu entraîn
427
Les souvenirs de Mabel Dodge sur Lawrence à Taos
sont
irritants à cause de cette Américaine qu’on y voit trop, et passionna
428
crit, c’est de nous laisser lire dans le jeu d’un
être
humain : rien ne flatte mieux notre désir d’ubiquité. À cet égard, le
429
’ubiquité. À cet égard, le livre de Dorothy Brett
est
beaucoup plus satisfaisant que les diatribes intéressées de Mabel Dod
430
rence ? Je me demande si le souvenir de son œuvre
est
pour beaucoup dans l’intérêt que je prends aux chroniques minutieuses
431
vous bouleverse au-delà de toute expression. Vous
êtes
très peiné, et je dis, moi, qu’on ne devrait pas raconter de pareille
432
, nous les pourchassons dans le corral, mais nous
sommes
plus éreintés que jamais. Puis Poppy se cabre au-dessus du dos de Bes
433
ie et nous la perdons presque. Enfin nos montures
sont
sellées et nous partons chercher le lait, mais vous êtes blême et fat
434
llées et nous partons chercher le lait, mais vous
êtes
blême et fatigué. Un trait qui manque par hasard dans cette page, et
435
’irritation perpétuelle où vivait Lawrence : « Je
suis
épuisé — Par l’effort que je fais pour aimer les gens — sans y parven
436
fourrez pas dans vos soucis. » La mauvaise humeur
est
sans doute la caractéristique générale des hommes d’aujourd’hui : c’e
437
els, plus rayonnants, plus « solaires » qu’ils ne
sont
. En somme, bien qu’il prêche tout le temps, il attend des autres beau
438
temps, il attend des autres beaucoup plus qu’il n’
est
disposé à leur donner. « Soyez ! Ah ! Soyez un soleil pour moi — Et n
439
eaucoup plus qu’il n’est disposé à leur donner. «
Soyez
! Ah ! Soyez un soleil pour moi — Et non une lassante et exigeante pe
440
qu’il n’est disposé à leur donner. « Soyez ! Ah !
Soyez
un soleil pour moi — Et non une lassante et exigeante personnalité. »
441
l’aide et auquel on vient en aide. Autrement, il
serait
deux fois insupportable : comme voisin toujours insuffisant, et comme
442
a nature, les bêtes, les choses. Envers elles, il
est
plein d’une espèce de charité patiente et ingénieuse. D’où son amour
443
où son amour des travaux manuels. Comme tout cela
est
rafraîchissant, satisfaisant, fidèle et pur. Notez aussi cette petite
444
dans les bois. » On allait oublier l’écrivain. Il
est
là, adossé à un pin, avec sa chemise bleue, ses culottes de velours b
445
nt maigre au regard narquois et inquiet, et qui s’
est
mis une barbe rousse pour avoir l’air d’un faune. 33. Même question
446
e que j’appellerais le « problème des gens », qui
est
moins grandiose et beaucoup plus encombrant… t. Rougemont Denis de,
447
uelle doit fatalement les déformer. C’est qu’elle
est
généralement conditionnée par notre romantisme littéraire en même tem
448
disposition d’esprit nous incite à séparer ce qui
était
lié chez les mystiques : la vision de foi et les symboles concrets qu
449
le.) Du point de vue strictement théologique, qui
est
tout de même décisif en ces matières, l’alternative que je viens d’in
450
je viens d’indiquer ne se pose plus. Car la foi n’
est
pas davantage une évasion hors de ce monde qu’une limitation de l’hom
451
Cette définition condamne tout mysticisme qui ne
serait
, comme le veut M. Chuzeville, que la « recherche des moyens par lesqu
452
à s’oublier en Dieu, son principe ». La question
est
alors de savoir s’il existe une mystique vraiment chrétienne, une mys
453
mystique vraiment chrétienne, une mystique qui ne
soit
pas cette « transgression » et cet oubli de nos limites, contre lesqu
454
— du point de vue de l’art — de cette anthologie,
sont
souvent les plus hérétiques, celles aussi où l’hybris spirituelle se
455
pare le mieux d’humilité dévote. Ceci marqué, qui
est
plus qu’une réserve, il convient de remercier M. Chuzeville de nous a
456
art des mystiques que M. Chuzeville nous présente
sont
inconnus du public français, Novalis et Ruysbroeck mis à part ; et be
457
s, Novalis et Ruysbroeck mis à part ; et beaucoup
sont
de grands poètes, des philosophes terriblement concrets : Maître Eckh
458
gurer dans un choix de « mystiques », alors qu’il
est
le premier défenseur de l’expériencev. Mais la beauté des textes cité
459
stiques modernes. Mais sans doute M. Chuzeville s’
est
-il laissé guider dans son choix par un préjugé historique que le « Ma
460
et le marxisme. Voilà pourquoi le peuple allemand
est
un peuple empoisonné (p. 19). Cette généalogie des monstres germaniqu
461
ehme à la philosophie de Fichte et de Hegel, d’où
sont
effectivement sortis un certain nationalisme et la doctrine du jeune
462
nt il cite constamment les sermons. M. Chuzeville
serait
sans doute mieux inspiré s’il développait certaines indications fécon
463
. Il m’a semblé que cette perspective spirituelle
était
la seule que dégageât sans équivoque la confrontation des mystiques e
464
s à M. Chuzeville, c’est d’écrire que Paracelse «
était
de nature comédienne, et savait à l’occasion dissimuler, comme l’indi
465
, se nommait Theophilus Bombast ». Or Paracelse n’
est
pas un pseudonyme, mais un des trois prénoms du médecin, qui se nomma
466
arfois hasardeuse. Les travaux de Jean Baruzi lui
sont
inconnus ; de même que les études de A. Koyré sur Franck et Weigel. Q
467
voici une anecdote d’Angleterre : elle doit donc
être
vraie. Une petite fille aux cheveux carotte, nommée Alice, écrit ceci
468
t ceci dans son devoir d’anglais : « L’Angleterre
est
le plus beau pays du monde. » Un inspecteur passait par là. Il lit le
469
eil patriotique », où allons-nous ? Quelqu’un qui
est
bien content, dans cette affaire, c’est le journaliste allemand qui l
470
illet). On dirait une « histoire idiote ». Tout y
est
faux. C’est incroyable à quel point cela ressemble à la plupart des e
471
qui trouvent très bon qu’on dise que l’Angleterre
est
le plus beau pays du monde ? Cela du moins ne manque pas de logique,
472
gré la première apparence. L’erreur courante, qui
est
celle du libéral rationaliste, c’est de croire que la proposition « l
473
c’est de croire que la proposition « l’Angleterre
est
le plus beau pays du monde » comporte un sens rationnel ; que c’est u
474
é, lorsque la petite Alice écrit que l’Angleterre
est
le plus beau pays du monde, elle veut dire simplement : j’aime mon pa
475
our exclut toute comparaison. Dire que tel pays «
est
le plus beau du monde », ce n’est pas dire qu’après enquête on abouti
476
que tel pays « est le plus beau du monde », ce n’
est
pas dire qu’après enquête on aboutit à cette conclusion : il y a dans
477
n ; qui dit raison suppose comparaison, et rien n’
est
plus absurde que de comparer un pays à un autre, un amour à un autre,
478
r un pays à un autre, un amour à un autre, car où
est
l’étalon, où est la mesure commune, et qui connaît le modèle idéal ?
479
tre, un amour à un autre, car où est l’étalon, où
est
la mesure commune, et qui connaît le modèle idéal ? Le malfaisant nat
480
ît le modèle idéal ? Le malfaisant nationalisme n’
est
rien d’autre qu’une rationalisation mensongère du sentiment patriotiq
481
ule formule « internationale » qui reste possible
est
celle-ci : « Chaque pays est le plus beau du monde ». C’est la formul
482
» qui reste possible est celle-ci : « Chaque pays
est
le plus beau du monde ». C’est la formule fédéraliste. — Inutile d’aj
483
rase suivante : « La religion de l’esprit incarné
est
celle qui honore l’esprit en tant qu’il veut porter l’empreinte de ce
484
des théologiques ou simplement logiques ». S’il m’
est
permis de faire ici un peu de théologie et un peu de logique, je dema
485
il attaque ont jamais prétendu que leur politique
fût
une « incarnation » de l’esprit ; 2° au cas où ils l’auraient fait, c
486
c les loups, et de trahir de la sorte doublement,
étant
admis toutefois que la mission de l’esprit est d’entrer dans le monde
487
étant admis toutefois que la mission de l’esprit
est
d’entrer dans le monde, non point pour s’y soumettre, mais pour le tr
488
araissent capitales. Et je ne vois pas comment il
serait
possible d’y échapper. Depuis huit ans que sa Trahison des Clercs est
489
apper. Depuis huit ans que sa Trahison des Clercs
est
apparue, M. Benda s’y applique pourtant non sans bonheur, curieusemen
490
icteurs de droite. Mais alors son dernier article
est
trop clair. Il n’y manque plus qu’une épigraphe, qui conviendrait d’a
491
élan meurt en anarchie. La solution de ce conflit
est
évidente, c’est peut-être pourquoi bien peu l’ont vue jusqu’à présent
492
ellipse ; l’on dira qu’une liberté organisée n’en
est
plus une. Expliquons-nous ; il faut organiser le matériel — la dictat
493
pour la liberté — une dictature de la liberté. Ce
serait
le plus beau « titre » du siècle. Ceci admis, et comment ne point l’a
494
annies actuelles. Considérant le désordre où nous
sommes
, ils prétendent nous en tirer en parant, comme ils disent, au plus pr
495
diverses dictatures, lesquelles, pour n’avoir pas
été
soumises dès le début à une volonté perspicace et fanatique de libéra
496
libertés réelles, leur personne. Si la personne n’
est
pas déjà au début d’un calcul pratique, on ne la retrouvera jamais au
497
on. Comme le prouve toute l’histoire moderne, qui
est
celle des révolutions étranglées par l’État et sa police. Telles sont
498
utions étranglées par l’État et sa police. Telles
sont
les bases — algébrisées — des recherches de L’Ordre nouveau. Robert A
499
sion », à laquelle se ramènent toutes les autres,
est
en train de devenir une sorte de pont aux ânes de nos philosophies po
500
première expérience de service civil, organisée l’
été
dernier, a fait voir que les ouvriers savent apprécier les conséquenc
501
a puissance de choc et d’interrogation ne saurait
être
comparée qu’à celle de Pascal, de Dostoïevski et de Nietzsche. Aujour
502
toïevski et de Nietzsche. Aujourd’hui Kierkegaard
est
cité par tout le monde. On m’assure qu’il a même un public passionné.
503
passionné. Mais si l’on juge de la façon dont il
est
lu par la façon dont il est trop souvent cité, l’on pensera qu’il eût
504
e de la façon dont il est lu par la façon dont il
est
trop souvent cité, l’on pensera qu’il eût mieux valu montrer plus de
505
dence à le répandre. Et pourtant il fallait qu’il
fût
traduit : c’était une des nécessités de notre état spirituel. Seuleme
506
une opération aussi risquée, que ces fragments n’
étaient
que les premiers termes d’une dialectique au cours de laquelle ils de
507
une dialectique au cours de laquelle ils devaient
être
radicalement niés, on a incité le lecteur, non prévenu ou mal prévenu
508
mité de cette erreur. Je crains bien que ce n’ait
été
qu’au profit d’une erreur plus subtile. 2. Parce qu’on a traduit la M
509
espoir considéré comme un des beaux-arts. Or s’il
est
vrai que Kierkegaard s’est occupé à décrire les formes déclarées ou d
510
es beaux-arts. Or s’il est vrai que Kierkegaard s’
est
occupé à décrire les formes déclarées ou déguisées que revêt le déses
511
revêt le désespoir fondamental du pécheur ; s’il
est
vrai qu’il a su montrer, avec une effrayante lucidité, l’universalité
512
cet état, c’est aussi que pour lui, le désespoir
est
le péché, la seule maladie vraiment mortelle, dont la foi seule, non
513
que le néant, dont ils lui prêtent ainsi le goût,
est
justement celui que Kierkegaard dénonce au cœur des systèmes qu’ils l
514
s qu’ils lui opposent. 3. Parce que Kierkegaard s’
est
déchaîné contre les églises établies, les évêques de la cour, et la r
515
théorique à un christianisme existentiel — ce qui
est
le mouvement même de la Réforme — on a voulu le présenter comme une e
516
t, la définition même de la foi dans l’Évangile n’
est
-elle pas justement ce cri : « Je crois, Seigneur, viens au secours de
517
isif. Bien entendu, le « succès » de prestige eût
été
beaucoup plus restreint. Les raisons qui poussèrent Kierkegaard à pub
518
ore plus fortes de nos jours. Il se peut qu’il se
fût
réjoui de la maldonne. Que voulait donc Kierkegaard ? Peut-être, à la
519
son retrait.) La question qui se posait dès lors
était
celle-ci : « Comment donner à une époque plongée dans la plus grande
520
alors le porte-parole des idées, des passions qui
sont
dans l’air, avec l’enthousiasme d’une éloquence chaude et entraînante
521
goue de tes discours et tu deviens son favori. Tu
es
alors au début de ton supplice. Il s’agit maintenant de changer de di
522
cision, mais tu te rends aussi rebutant que tu as
été
attirant ; alors tu verras tes contemporains se passionner et bientôt
523
sionner et bientôt s’enflammer contre toi.38 Tel
fut
le sort que choisit Kierkegaard, lorsqu’au cours des années qui prépa
524
et révéla le sens dernier de toute son œuvre. Il
est
juste que ce destin se répète aujourd’hui parmi nous. Et la publicati
525
teur du Traité du désespoir un « succès » dont il
est
peut-être temps de tirer certaines conclusions propres à « repousser
526
ions propres à « repousser l’admiration ». Rien n’
est
plus conforme au style kierkegaardien que la manière dont M. Tisseau
527
uvrages font néanmoins quelque chemin, ce ne peut
être
qu’à contre-courant du snobisme qui naît autour de leur auteur. ⁂ Le
528
autour de leur auteur. ⁂ Le centre de Kierkegaard
est
dans cette phrase : « La subjectivité est la vérité. » La subjectivit
529
kegaard est dans cette phrase : « La subjectivité
est
la vérité. » La subjectivité, ce n’est pas le subjectivisme, ce n’est
530
bjectivité est la vérité. » La subjectivité, ce n’
est
pas le subjectivisme, ce n’est pas le vague, le sentiment incontrôlé,
531
subjectivité, ce n’est pas le subjectivisme, ce n’
est
pas le vague, le sentiment incontrôlé, le romantisme et l’anarchie, e
532
vouloir d’une manière totale et unique que ce qui
est
vrai. Car tout ce qui n’est pas vrai comporte en soi une division et
533
et unique que ce qui est vrai. Car tout ce qui n’
est
pas vrai comporte en soi une division et divise la volonté qu’on met
534
et divise la volonté qu’on met à le réaliser. Tel
est
le sujet de la Pureté du cœur. La plupart des écrits proprement relig
535
isseau en reviennent tous à la même question, qui
est
celle du sérieux dernier, de la prise au sérieux de la vérité. Du poi
536
issance ; puis à montrer que l’éternelle vérité n’
est
encore qu’une grandiose ironie tant qu’elle n’est pas actualisée dans
537
est encore qu’une grandiose ironie tant qu’elle n’
est
pas actualisée dans l’acte de foi. Il n’y eut jamais de sérieux absol
538
t vraiment « le droit de mourir pour la vérité »,
étant
lui-même la vérité. C’est pourquoi l’acte de foi, qui saisit dans ce
539
érieux, poses et amusettes, une ironie, ou ce qui
est
pire, un soupçon d’insondable ironie. Un soupçon : car peut-être, l’a
540
ut-être, l’acte de foi n’existe pas ? Peut-être n’
est
-ce qu’une figure de rhétorique pieuse, une illusion, un mythe, ou enc
541
une dialectique dont le plus étrange, sans doute,
est
qu’elle embrasse avec une familiarité poignante les problèmes de la v
542
rançaises de Kierkegaard. P.-S. Cette chronique
était
déjà imprimée, quand j’ai lu dans les Cahiers du Sud une étude de Ben
543
l’accompagne plus onéreuse pour la vérité que ne
serait
l’affectation d’impartialité ; et je suis loin de trouver vaine la qu
544
ue ne serait l’affectation d’impartialité ; et je
suis
loin de trouver vaine la question que pose Fondane : « Ils suivent Ki
545
« Ils suivent Kierkegaard du regard — mais où en
sont
-ils de leur propre démarche ? » Oui, cette question est gênante et sé
546
s de leur propre démarche ? » Oui, cette question
est
gênante et sérieuse, et c’est pourquoi il fallait la poser. Et c’est
547
personne à la suite de Kierkegaard… Tout le reste
est
littérature, « littérature kierkegaardienne » évidemment, « admiratio
548
stance atténuante, au bénéfice du maladroit, s’il
est
aimable. Ou bien c’est l’ornement de nos loisirs. Mais Claudel dit :
549
de nos loisirs. Mais Claudel dit : l’art poétique
est
art de faire. Un gémissement célèbre, chez les clercs, déplore l’anti
550
à-dire qu’il choisit de choisir, car l’étymologie
est
trop loin d’être une science pour que l’adoption même d’une « origine
551
isit de choisir, car l’étymologie est trop loin d’
être
une science pour que l’adoption même d’une « origine » soit autre cho
552
cience pour que l’adoption même d’une « origine »
soit
autre chose qu’un choix délibéré, quand ce n’est pas un profond calem
553
soit autre chose qu’un choix délibéré, quand ce n’
est
pas un profond calembour. « Il est permis à chacun de se servir de te
554
ré, quand ce n’est pas un profond calembour. « Il
est
permis à chacun de se servir de tel son qu’il lui plaît pour exprimer
555
e de la Logique de Port-Royal, dont Claudel, s’il
est
réaliste, doit récuser la principale40, peut néanmoins servir à préci
556
aux divers jargons de son temps : c’est que l’une
est
une langue « avertie », posant un perpétuel avertissement, tandis que
557
érale. Claudel montre partout son parti pris, qui
est
de s’en tenir aux origines, et à cette origine, entre plusieurs proba
558
he de la chose et du geste. Poésie, de poiein, ce
sera
: faire. Connaître, de cognoscere, sera : co-naître. Il faut savoir c
559
oiein, ce sera : faire. Connaître, de cognoscere,
sera
: co-naître. Il faut savoir ce que parler veut dire. (D’où l’on vient
560
ler veut dire. (D’où l’on vient, où l’on va : tel
est
le sens.) Car le langage, parmi d’autres fonctions, a celle-là de per
561
les signaux. Les autres (voyez leurs journaux) se
sont
jetés dans un énorme embouteillage, il n’y a plus qu’à se laisser pou
562
, c’est un sur-place exaspérant, tous les moteurs
sont
débrayés) ce sens partout évanouissant n’en est pas moins le sens « c
563
sont débrayés) ce sens partout évanouissant n’en
est
pas moins le sens « commun » — voire même, par antiphrase, le sens «
564
té »), la plénitude, le rassemblement de tous les
êtres
, le branle-bas de toute la création vers son achèvement intelligible,
565
si, dans le monde d’aujourd’hui, se condamner à n’
être
pas compris. Paradoxe d’un génie catholique, isolé de la foule des ho
566
ustement, sa volonté de catholicité ! ⁂ Non qu’il
soit
« méconnu », bien sûr. Mais parmi tant d’admirateurs, combien co-nais
567
le plus profane de Tête d’Or ou de l’Annonce. Ce
serait
aggraver d’une sottise cette Séparation, notre péché, contre laquelle
568
n perpétuelle, et tout s’y tient parce que chaque
être
y agit pour tout ce qu’il n’est pas. « Tout cherche partout sa fin, c
569
parce que chaque être y agit pour tout ce qu’il n’
est
pas. « Tout cherche partout sa fin, complément ou efférence, sa part
570
cessité que de la fin totale qu’il glorifie. Ce n’
est
pas notre monde tel qu’il est, mais notre monde tel qu’il est sauvé,
571
u’il glorifie. Ce n’est pas notre monde tel qu’il
est
, mais notre monde tel qu’il est sauvé, relié solidement par la Promes
572
e monde tel qu’il est, mais notre monde tel qu’il
est
sauvé, relié solidement par la Promesse et remis en marche vers elle,
573
e. Diviser, séparer, isoler, faire scission, ce n’
est
pas seulement cartésien ; et Descartes n’a fait que constater les eff
574
t de la Création. « Et c’est pourquoi une fin lui
fut
en effet donnée » — qui est sa mort. Mais l’œuvre du poète, la vocati
575
pourquoi une fin lui fut en effet donnée » — qui
est
sa mort. Mais l’œuvre du poète, la vocation de l’homme, la charité co
576
la révélation des enfants de Dieu, parce que ce n’
est
pas de son propre gré qu’elle a été assujettie à vanité » (Rom. 8, 19
577
arce que ce n’est pas de son propre gré qu’elle a
été
assujettie à vanité » (Rom. 8, 19-20). Ne fût-ce que par son style, e
578
e a été assujettie à vanité » (Rom. 8, 19-20). Ne
fût
-ce que par son style, et l’intention, partout, qu’il manifeste avec p
579
la source continue qu’il contient en lui dans son
être
: son geste n’est plus que la traduction, dans l’univers matériel, du
580
qu’il contient en lui dans son être : son geste n’
est
plus que la traduction, dans l’univers matériel, du sanglot de l’orig
581
voici donc « chargés du rôle d’origine ». L’homme
est
« le sceau de l’authenticité ». Il est, par son action recréatrice, u
582
». L’homme est « le sceau de l’authenticité ». Il
est
, par son action recréatrice, une étymologie vivante de tout ce qui es
583
ecréatrice, une étymologie vivante de tout ce qui
est
. Et maintenant, pour se connaître, il lui suffit d’agir sa vocation.
584
uments dont il a la propriété ». Et son corps lui
est
comme « un document où il suit les œuvres de l’esprit qui le remue ».
585
! Mais l’usure des mots les édente, notre langage
est
débrayé. Comment rétablir le contact ? Claudel n’écrira pas : je vais
586
vais vous expliquer cela clairement, mais : « Tel
est
le mystère qu’il s’agit présentement de reporter sur le papier de l’e
587
il nous en coûte pour guerroyer cinq ans. Quel en
est
le résultat ? car le succès définitif est incertain. Avec bien du bon
588
Quel en est le résultat ? car le succès définitif
est
incertain. Avec bien du bonheur, on peut espérer de détruire 150 000
589
sans compter la perte sur notre population, qui n’
est
réparée qu’au bout de vingt-cinq ans. Au lieu de cet attirail dispend
590
erling. C’est la plus forte évaluation, et ils ne
sont
pas tous aussi chers, comme on sait mais enfin, il y aurait encore mo
591
la guerre. Mais le geste du capitaliste, qui eût
été
la plus belle farce de l’Histoire, a soulevé d’universelles protestat
592
s de notre anarchie économique. Le capitalisme ne
serait
peut-être pas un trop mauvais système si ses entreprises n’étaient co
593
pas un trop mauvais système si ses entreprises n’
étaient
constamment traversées par celles d’une passion contraire, qui est l’
594
raversées par celles d’une passion contraire, qui
est
l’honneur. Car il est clair que l’honneur seul — ou du moins ce qu’il
595
’une passion contraire, qui est l’honneur. Car il
est
clair que l’honneur seul — ou du moins ce qu’il nous en reste, et ce
596
eul — ou du moins ce qu’il nous en reste, et ce n’
est
qu’une caricature — retient les gouvernants de suivre jusqu’au bout,
597
upules, la logique du capitalisme. Or, ce système
étant
de ceux qui ne se peuvent soutenir que si rien d’arbitraire ou d’huma
598
jusqu’ici par Mounier, ce traité de la propriété
est
sans doute le mieux venu, le plus précis et situé. On aimera la mobil
599
ctrines thomistes, et rejoint avec un naturel qui
est
succès de ce livre, les positions constructives d’Esprit, et même de
600
plutôt de Proudhon)44. En bref, le sens du livre
est
celui-ci : il s’agit de passer d’un mode de propriété abstrait et ano
601
voir, chemin faisant, démontré que la propriété n’
est
pas un instinct permanent, mais au contraire un besoin de l’esprit —
602
unisme — celui que redoutent les bourgeois, qui n’
est
pas celui de Staline… Mais si vigoureuse que soit cette analyse — et
603
’est pas celui de Staline… Mais si vigoureuse que
soit
cette analyse — et si utile sa lecture pour tous les possédants chrét
604
e de l’Esprit 46. Et l’on y lit que les fascistes
sont
les pires adversaires « de la personne humaine, cette grande force sp
605
ons catholiques. Ainsi « le riche, dit Bossuet, n’
est
toléré dans l’Église que pour servir le pauvre ». Et selon saint Thom
606
commerce des couvents anglais.) — Pendant que j’y
suis
, une autre remarque : Mounier exagère l’importance économique de l’us
607
ins catholiques. Marx a bien montré que l’usure n’
est
qu’un facteur secondaire, et très peu décisif, du capitalisme. 45. L
608
294-296. ad. Ce texte de Paul Vaillant-Couturier
est
plus amplement commenté par Rougemont dans le numéro d’Esprit de févr
609
sur les grands quais de ce port atlantique, j’en
étais
à considérer d’un œil brûlé par l’insomnie les flots de l’océan mauss
610
paremment que je n’avais rien de mieux à faire. J’
étais
chômeur depuis trois mois. On m’offrait un abri quelque part, une mai
611
tte ville, au moins pour la jeunesse sans argent,
est
la ville des gérants ignobles et des concierges, des lieux-sombres-et
612
ommencerai par l’inventaire de mon domaine. Je ne
suis
pas propriétaire, c’est entendu. Je ne possède légalement que des val
613
l’on veuille « avoir » autrement. Posséder, ce n’
est
pas avoir. Ce n’est pas même avoir l’usage éventuel de quelque chose.
614
r » autrement. Posséder, ce n’est pas avoir. Ce n’
est
pas même avoir l’usage éventuel de quelque chose. Mais c’est user en
615
est donc un acte et pas du tout un droit. Et ce n’
est
pas une sécurité, ni rien qui dure au-delà du temps qu’on en jouit. C
616
jouit. Cette maisonnette, ce jardin et cette île,
seront
miens selon la puissance avec laquelle j’en saurai faire usage, pour
617
le j’en saurai faire usage, pour une fin qui leur
est
étrangère, et qui me commandera de les quitter le jour qu’ils y mettr
618
bstacle. (Pour les bourgeois, l’idée de propriété
est
liée à l’idée d’héritage. Par quelle folie pensent-ils pouvoir « héri
619
tout ignorer de la vraie possession ! Une chose n’
est
mienne que pour un temps, et si je change, elle me devient impropre.
620
e n’hérite pas même de moi ! Ou alors, l’héritage
est
cela dont on ne peut pas se délivrer à temps, et devrait être défini
621
nt on ne peut pas se délivrer à temps, et devrait
être
défini franchement comme ce qui est incommode ou impropre, et dont il
622
, et devrait être défini franchement comme ce qui
est
incommode ou impropre, et dont il faut tâcher de se délivrer coûte qu
623
ai sous la main. Voici d’abord la table que je me
suis
fabriquée : j’ai trouvé dans le chai deux tréteaux et deux planches b
624
Curiosité, comme au début d’un film. La situation
est
d’ailleurs excellente pour l’instant. Il nous reste encore de quoi vi
625
ant six semaines environ, si du moins nos calculs
sont
justes : 900 francs, un bon toit, et le temps de voir venir. Du 10
626
it, dans ces articles, de ce que les gens croient
être
actuel, ou sont censés croire actuel, dans la littérature ou les idée
627
icles, de ce que les gens croient être actuel, ou
sont
censés croire actuel, dans la littérature ou les idées. C’est cela qu
628
ire de l’île, ses coutumes, et son dialecte. L’un
est
l’œuvre d’un archiviste du continent. Il affecte une douce ironie sor
629
il faut l’avouer, à ne tenir pour vrai que ce qui
est
petit. Laissons donc de côté ce petit travail qui a dû valoir les pal
630
nce par une chronique historique dont l’essentiel
est
naturellement l’énumération des débarquements qui ont honoré l’île, d
631
cobins. Plusieurs des discours de leurs chefs ont
été
consignés par miracle : ils ne le cèdent en rien pour l’ampleur de le
632
t au moins à son instigation. Enfin, et cela nous
sera
des plus utiles, une minutieuse description de la faune et de la flor
633
ce, ou d’ironie… Pour de tels hommes, certes il n’
est
pas deux France ! Ou plutôt elles se mêlent dans un combat indivisibl
634
a place principale. Au milieu de cette place, qui
est
un vaste rectangle de terre jaune, les habitants plantèrent à la Révo
635
à la Révolution un arbre de la Liberté. Cet orme
est
devenu gigantesque, majestueux, exemplaire dans sa symétrie architect
636
e. Il domine toutes les maisons et le clocher. Il
est
seul au-dessus du pays. Je voudrais le dessiner dans le style romanti
637
d on aborde le village où l’on va vivre. Celle-ci
est
énorme et goutteuse. Elle a des douleurs dans les jambes, et m’en par
638
tion de rester ici tout l’hiver ? C’est plutôt en
été
qu’on vient chez nous, me fait-elle prudemment observer. — Je le sais
639
xpliquer la nature de mon travail. « Écrire », qu’
est
-ce que cela signifie ? Écrire pour les journaux, sans doute, mais il
640
aient en silence, le nez sur leurs sabots, que je
sois
sorti. La mère Aujard n’a pas toujours ce qu’on voudrait. En hiver el
641
ler de l’autre côté de la place, chez Mélie. Ce n’
est
pas simple d’éviter d’être vu par l’une, entrant chez l’autre. Mais c
642
place, chez Mélie. Ce n’est pas simple d’éviter d’
être
vu par l’une, entrant chez l’autre. Mais c’est prudent, on me l’a dit
643
es augmenteront bien plutôt pour le punir d’avoir
été
en face. Sans compter qu’on n’aime pas être accueilli par la réprobat
644
’avoir été en face. Sans compter qu’on n’aime pas
être
accueilli par la réprobation sournoise d’une épicière. 20 novembre
645
ec une grande enveloppe contenant un manuscrit. «
Est
-ce une lettre ? — Non. Est-ce un imprimé ? — Non. C’est tapé à la mac
646
tenant un manuscrit. « Est-ce une lettre ? — Non.
Est
-ce un imprimé ? — Non. C’est tapé à la machine. — Est-ce qu’il n’y a
647
ce un imprimé ? — Non. C’est tapé à la machine. —
Est
-ce qu’il n’y a rien d’écrit à la main ? Si, il y a des corrections éc
648
elle me tend une formule de télégramme, mais ce n’
est
pas un télégramme, c’est une notification officielle d’avoir à verser
649
l faut donc que je m’exécute, sinon c’est lui qui
sera
forcé « d’y aller de sa poche ». Me voilà courant à l’autobus pour ar
650
e cause un peu, pour me faire pardonner. Pédenaud
est
mutilé de guerre. Il boite. On lui a donné cette recette auxiliaire à
651
n comptant tout ». Sa femme fait des lessives. En
été
ils pêchent des palourdes et les vendent aux baigneurs. Bien entendu,
652
e, manger et boire, 480 francs ; (en général tout
est
plus cher qu’à Paris). Recettes : 80 francs pour quelques notes publi
653
nnelles de ne pas appeler au secours. Pourtant je
suis
bien tranquille, je ne l’ai même jamais été aussi absolument. C’est p
654
t je suis bien tranquille, je ne l’ai même jamais
été
aussi absolument. C’est peut-être à cause du bonheur de notre vie. Tr
655
en penser » en dépend. 2 décembre Questions. —
Est
-ce donc si « naturel » de vivre sur une île ? Est-ce que l’insularité
656
Est-ce donc si « naturel » de vivre sur une île ?
Est
-ce que l’insularité (géographique et morale) n’est pas une espèce de
657
st-ce que l’insularité (géographique et morale) n’
est
pas une espèce de vice ? Est-ce que ce n’est pas la racine de tout l’
658
aphique et morale) n’est pas une espèce de vice ?
Est
-ce que ce n’est pas la racine de tout l’idéalisme dont les modernes d
659
e) n’est pas une espèce de vice ? Est-ce que ce n’
est
pas la racine de tout l’idéalisme dont les modernes doivent se guérir
660
guérir, s’ils veulent enfin devenir « actuels » ?
Est
-ce que ce n’est pas aussi la racine de cet esprit d’abstraction égoïs
661
ulent enfin devenir « actuels » ? Est-ce que ce n’
est
pas aussi la racine de cet esprit d’abstraction égoïste dont nous sou
662
che jusqu’au pays voisin. Cette liberté insulaire
est
une liberté négative. Elle nous met à l’abri du monde et nous ramène
663
ène tous physiquement à nos limites. Mais l’homme
est
ainsi fait qu’il désire sans cesse se risquer au-delà de ce qu’il peu
664
s à partager avec les hommes de ce village ce qui
est
essentiel et solide dans ma vie. Le simple fait que je ne puis pas le
665
rappés : ma machine à écrire. La mère Renaud, qui
est
une vieille amie des propriétaires de notre maison, est venue plusieu
666
e vieille amie des propriétaires de notre maison,
est
venue plusieurs fois nous voir. Hier, elle m’a demandé avec toutes so
667
échange direct sur pied d’égalité. Le père Renaud
est
un ancien marin, barbu, jovial, déjà touché par le gâtisme, mais agré
668
s souvenirs, trop souvent racontés. (« Quand nous
étions
devant Tamatave, en 1886. ») Il s’occupe maintenant à fabriquer un fi
669
pés. Je m’attarde à causer dans leur cuisine, qui
est
leur habitation ordinaire. On ne peut rien désirer de plus plaisant q
670
re, sur laquelle travaille le père Renaud. Le sol
est
de terre battue recouverte d’une fine couche de sable. Sur les murs b
671
moi, m’intéresse : je sens trop bien qu’ils n’en
sont
pas curieux. De quoi donc me parlent-ils ? Du temps, et j’aime cela c
672
eau, mais nouvellement intéressant. Et quand nous
sommes
en confiance, si j’essaie d’amener l’entretien sur leurs lectures, le
673
vail. J’ai quelque peine à exprimer ceci, — qui n’
est
précisément qu’un sentiment de gêne en moi. Sentiment qu’il y a là qu
674
vons pu rester si parfaitement aveugles ? Ou bien
est
-ce ma gêne qui est absurde ? Essayer de confronter la culture et la r
675
arfaitement aveugles ? Ou bien est-ce ma gêne qui
est
absurde ? Essayer de confronter la culture et la réalité, c’est peut-
676
r d’une naïveté impardonnable ? — Pourtant, je ne
suis
pas prêt à me donner tort, c’est-à-dire à donner raison au bon sens d
677
mbre Déjeuné, après le culte, chez M. Palut. Il n’
est
pas pasteur en titre, mais seulement « évangéliste » au service d’une
678
ervice d’une œuvre missionnaire. Les évangélistes
étant
moins bien payés que les pasteurs, dont le traitement de base est de
679
ayés que les pasteurs, dont le traitement de base
est
de 10 000 francs, Mme Palut est obligée de faire, quand cela se trouv
680
raitement de base est de 10 000 francs, Mme Palut
est
obligée de faire, quand cela se trouve, des remplacements d’institutr
681
t casse beaucoup d’assiettes. Dans cette île, qui
fut
presque entièrement protestante au xvie siècle, M. Palut n’a plus au
682
zaine au culte. Les autres habitent trop loin, ou
sont
indifférents. Il me raconte les efforts qu’il a faits, pendant six an
683
dire que tout ce travail épuisant dans l’inertie
soit
resté absolument vain : il y a eu quelques conversions. Mais c’est to
684
les abandons ou les départs. (Les protestants qui
sont
souvent l’élément le plus actif de la population s’expatrient volonti
685
rient volontiers, ou vont habiter les villes.) En
été
, la petite ville se remplit de baigneurs et l’auditoire du temple est
686
se remplit de baigneurs et l’auditoire du temple
est
décuplé : cela suffit pour qu’on maintienne le poste… J’essaie de me
687
veulent pas même l’écouter, et toute sa raison d’
être
est cependant de leur parler. Il n’a rien d’autre à faire, et il ne p
688
ent pas même l’écouter, et toute sa raison d’être
est
cependant de leur parler. Il n’a rien d’autre à faire, et il ne peut
689
faire, et il ne peut pas le faire. Et de plus, il
est
seul à croire qu’il doit le faire. Il m’a décrit son existence sans a
690
petit hôtelier breton d’origine catholique, il s’
est
converti à l’âge de vingt ans et depuis lors il n’a jamais songé qu’i
691
amenait sans cesse aux mêmes préoccupations. Ce n’
était
pas cette vacance où les idées et sentiments changent de climat. Le l
692
ées et sentiments changent de climat. Le loisir n’
est
pas simplement la cessation du travail pour un repos nécessaire. Il s
693
par rapport à la sécurité matérielle qu’assurent
soit
le travail, soit la fortune, soit dans mon cas particulier, l’amitié.
694
sécurité matérielle qu’assurent soit le travail,
soit
la fortune, soit dans mon cas particulier, l’amitié. Un chômeur intel
695
lle qu’assurent soit le travail, soit la fortune,
soit
dans mon cas particulier, l’amitié. Un chômeur intellectuel peut enco
696
ation du désespoir, et c’est l’humilité. Si je ne
suis
pas important, le monde s’agrandit. Je puis encore aimer des paysages
697
grandit. Je puis encore aimer des paysages qui ne
sont
pas mon état d’âme, mais une parole à déchiffrer. L’humilité m’apport
698
es données, mais soi-même. 28 février Gens. Il
est
très impressionnant de se demander en face de ces hommes, à quelques
699
cette île et de ces vies ? 3 avril La solitude
est
une jeunesse. Elle nous apprend cette chose nouvelle que nous savions
700
lle que nous savions déjà, c’est vrai, quand nous
étions
adolescents, chose nouvelle au goût du souvenir, que trop de téléphon
701
ombes ; cette chose toujours neuve et nouvelle qu’
est
l’attente d’on ne sait quoi. Condition véritable de l’homme : il est
702
ne sait quoi. Condition véritable de l’homme : il
est
celui qui agit dans l’attente. Il attend des révélations. C’est évide
703
tions. C’est évident ! Ses actions les plus pures
sont
des appels et des incantations : leur sens est toujours au-delà. Elle
704
s sont des appels et des incantations : leur sens
est
toujours au-delà. Elles ne sont que symboles, invites angoissées ou s
705
ations : leur sens est toujours au-delà. Elles ne
sont
que symboles, invites angoissées ou séductions tentées dans l’inconnu
706
nécessairement sur fond de mort. (La jeunesse qui
est
l’âge de l’attente la plus ardente de la vie est aussi l’âge le plus
707
est l’âge de l’attente la plus ardente de la vie
est
aussi l’âge le plus familier avec la mort.) Ainsi nos gestes se prolo
708
Ainsi nos gestes se prolongent, et leur grandeur
est
dans l’attente qu’ils trahissent. Si le travail moderne est dégradant
709
’attente qu’ils trahissent. Si le travail moderne
est
dégradant, c’est qu’on a limité ses gestes à l’immédiat, et borné son
710
at, et borné son attente au salaire. Or toute vie
est
absurde et violemment inacceptable, qui ne s’ouvre pas sur l’attente
711
e que je retrouve dans une pile de notes. La page
est
restée blanche. Et toute réflexion faite, c’est bien ainsi, et très c
712
noire qui habite seule au bout du jardin. Elle y
est
pourtant depuis notre arrivée, héritée du propriétaire. Nous l’avons
713
ir pendant des mois, la croyant trop vieille pour
être
mangée, sinon pour faire encore quelques œufs. Elle paraissait inguér
714
ci ne comprendraient rien à ce que je fais, et ce
serait
assez normal : il y a l’obstacle du vocabulaire, d’une certaine techn
715
peuple », cela ne peut accrocher à rien dans cet
être
que j’ai devant moi, avec ses rides, sa barbe et sa casquette, et qui
716
tinue à me parler de la pêche, de son filet qui a
été
emporté hier, etc. Quel sens concret cela peut-il avoir de parler de
717
es rendre telles qu’elles puissent, je ne dis pas
être
comprises, mais au moins, en pensée, confrontées sans un ridicule ang
718
cule angoissant avec la réalité des choses et des
êtres
dont elles utilisent le concept… Eh bien, voilà le résultat : après u
719
des affinités ou répulsions que les faits ou les
êtres
qu’ils sont censés représenter n’ont pas dans la réalité. À la fin on
720
s ou répulsions que les faits ou les êtres qu’ils
sont
censés représenter n’ont pas dans la réalité. À la fin on obtient l’a
721
me laisse assez froid. La culture m’a repris. Je
suis
dans le faux et tout y est correct : je dis que la thèse que je défen
722
ulture m’a repris. Je suis dans le faux et tout y
est
correct : je dis que la thèse que je défends est vraie !… Il y aurait
723
est correct : je dis que la thèse que je défends
est
vraie !… Il y aurait de quoi s’arrêter de penser, si l’on pouvait. Le
724
pouvait. Le principe de toute culture véritable n’
est
-il pas cette commune mesure, sinon de raisons formulables, du moins…
725
séries de pensées et la diversité désordonnée des
êtres
et des choses, où nous vivons ? « Je pense, donc j’en suis ». Et je n
726
es choses, où nous vivons ? « Je pense, donc j’en
suis
». Et je ne suis guère, si je n’en suis pas. Et je ne pense bien, val
727
s vivons ? « Je pense, donc j’en suis ». Et je ne
suis
guère, si je n’en suis pas. Et je ne pense bien, valablement, en véri
728
donc j’en suis ». Et je ne suis guère, si je n’en
suis
pas. Et je ne pense bien, valablement, en vérité, que si je me sens e
729
ais au centre de mon domaine ; et c’est Paris qui
est
loin maintenant, peu vraisemblable ; et non plus moi. Premières roses
730
au-dessus de mon verre de vin blanc. Mai La mer
est
d’un vert bleu crayeux, très froide encore. On ne peut guère que se t
731
et sans révolte. Sensiblerie évidemment, mais qu’
est
-ce que cela veut dire ? Je parlais de « l’attente ardente » des créat
732
ce de notre royauté nécessaire et réparatrice. Il
est
probable que le tigre en train de déchiqueter une jeune gazelle ne fa
733
t pas de sentiment. Et pourtant, ma sensiblerie n’
est
hypocrite que parce qu’elle reste pratiquement insuffisante. Elle est
734
rce qu’elle reste pratiquement insuffisante. Elle
est
plus juste, et plus digne de l’homme que ces vertus de carnassiers qu
735
’allais conclure : nos rapports avec la nature ne
sont
guère plus satisfaisants que nos rapports avec les hommes. Mais atten
736
et tout obscure. 24 mai On dirait que l’homme n’
est
pas fait pour durer : la vie étale nous ennuie, c’est ce qui naît et
737
émeut. Cette nuit, avant d’aller me coucher, j’ai
été
voir au poulailler. (Nous attendions depuis deux jours l’éclosion des
738
freiner mais peser à fond sur l’accélérateur. Je
suis
allé à A. acheter des cigarettes. Et nous allions nous mettre à table
739
r le canard des grandes occasions, quand la chose
est
arrivée. Apportée par la factrice. Une grosse enveloppe cachetée, ven
740
n’aurais jamais eu l’idée de solliciter. Et qui m’
est
octroyé pour un petit livre paru sans bruit il y a plus de dix-huit m
741
ns bruit il y a plus de dix-huit mois. Les hommes
sont
bons, du moins certains d’entre eux. Sur le moment, ce qui m’a le plu
742
moment, ce qui m’a le plus frappé c’est que je m’
étais
fâché hier soir, et que la Providence, évidemment, se payait ma tête.
743
j’ai calculé que cela nous permettait de passer l’
été
ici sans inquiétude. Ou encore, de le passer ailleurs, sans ennui. Ce
744
lleurs, sans ennui. Cela probablement parce que j’
étais
à bout de ressources, ne bougeais plus ni pied ni patte et n’écrivais
745
nce, ou plutôt du retrait. (Il ne faut pas que ce
soit
une feinte, bien entendu, cela ferait tout rater ; il faut un véritab
746
ecine des homéopathes. 16 juin La banque d’A. n’
est
ouverte qu’un jour par semaine. Ce n’est qu’aujourd’hui que j’ai pu a
747
e d’A. n’est ouverte qu’un jour par semaine. Ce n’
est
qu’aujourd’hui que j’ai pu aller y négocier mon chèque. J’arrive deva
748
gocier mon chèque. J’arrive devant la porte où il
est
écrit : Caisse. Je frappe et entre. Un homme penché vers le guichet p
749
uit de voix dans la salle de la caisse. Le client
est
-il sorti ? Quel peut être le motif de cette audience privée ? Enfin j
750
de la caisse. Le client est-il sorti ? Quel peut
être
le motif de cette audience privée ? Enfin j’entends qu’on sort, et le
751
ou quand ils touchent de l’argent ! C’est qu’ils
sont
très spéciaux les gens d’ici ! Moi je n’y viens qu’une fois par semai
752
ils n’auraient pas idée de ça, au contraire, ils
sont
tout fiers de venir à la banque. Ici, on a dû faire cette salle d’att
753
’en puis juger d’après les propos du gérant, ce n’
est
pas seulement la crainte, après tout légitime, qu’on sache combien il
754
illette ce journal : voici des semaines qu’il n’y
est
à peu près plus question des « gens ». En somme, je ne m’intéresse pl
755
reilles. Grande différence entre eux et moi : ils
sont
adaptés à leur conduite et à leur milieu, comme les animaux. Ils ne s
756
tier d’en poser… Il vaut mieux partir quand on en
est
là. Quand on en est à ne plus voir le prochain, la situation n’est pl
757
vaut mieux partir quand on en est là. Quand on en
est
à ne plus voir le prochain, la situation n’est plus humaine, elle ne
758
en est à ne plus voir le prochain, la situation n’
est
plus humaine, elle ne pose plus de questions utiles. 2 juillet La s
759
de questions utiles. 2 juillet La sécheresse a
été
la plus forte : malgré nos arrosages, les salades et les choux sont b
760
: malgré nos arrosages, les salades et les choux
sont
brûlés, la terre se craquèle, ou devient poussiéreuse. Il n’y a plus
761
nt dans un tiroir. Cela signifie que j’ai cessé d’
être
chômeur. Le départ est fixé au 10. Il va falloir vendre la poule noir
762
signifie que j’ai cessé d’être chômeur. Le départ
est
fixé au 10. Il va falloir vendre la poule noire et les poulets encore
763
oule noire et les poulets encore trop jeunes pour
être
mangés. Régler vingt petites choses de cette espèce. Petites choses p
764
our la première fois mesquines… 10 juillet Tout
est
bouclé, ficelé, cloué. Il me reste à peu près deux heures, avant le d
765
ignent. J’ai pensé plus d’une fois qu’il pourrait
être
utile de décrire ma petite expérience d’intellectuel en chômage ; qu’
766
rience d’intellectuel en chômage ; qu’il pourrait
être
utile de montrer qu’on peut sortir des villes où se font les « carriè
767
tant de gens invoquent avec un accent triste. Je
suis
devenu tout doucement amoureux de ma vie, et je crois bien que c’est
768
ui dirait au coin d’un bois. Je crois que le réel
est
à portée de la main, et n’est que là. Alors il s’agit seulement d’ass
769
e crois que le réel est à portée de la main, et n’
est
que là. Alors il s’agit seulement d’assurer la prise de cette main. C
770
’un Noël à l’autre sur la province du Warmland, s’
étant
juré de ne rien accomplir d’utile ni de raisonnable. Voici l’histoire
771
que l’on croit intégralement parce qu’elles nous
sont
données pour ce qu’elles sont, des fables. Nos romanciers, terrorisés
772
parce qu’elles nous sont données pour ce qu’elles
sont
, des fables. Nos romanciers, terrorisés par une sadique « défense d’i
773
Pour faire vrai, ils imitent la vie. Mais la vie
est
toujours ailleurs, en train de s’inventer différente. Elle n’aime que
774
au moins par chapitre48, et à chaque fois le coup
est
bon. Vous partez en pleine convention romantique, populaire carte pos
775
des forêts, dans les exploits des Cavaliers. Ce n’
est
pas du réalisme socialiste, c’est la réalité sociale plus toutes les
776
’oudarnikis plus ou moins décorés. Selma Lagerlöf
est
la seule femme de la littérature européenne dont le génie ait eu la f
777
iracle : « Il y a mille ans que le peuple suédois
est
son propre maître. Tous les Suédois, hommes et femmes, jouissent des
778
dans une aventure — la vie — « où elle ne peut qu’
être
outragée » (car la vie est irrationnelle). D’autres clercs, conséquen
779
« où elle ne peut qu’être outragée » (car la vie
est
irrationnelle). D’autres clercs, conséquents, ne manqueront pas d’en
780
opos du premier dilemme — ou sophisme — « qu’il n’
est
point fâcheux d’offenser les hommes, quand on ne le peut éviter qu’en
781
fensant Dieu ». Et au sujet du second : « qu’il n’
est
pas avantageux de contenter les hommes en offensant Dieu ». J’en conc
782
es hommes en offensant Dieu ». J’en conclus qu’il
est
bon d’engager la raison dans la vie : non point pour qu’elle y reçoiv
783
e l’on révère, de la vérité ou de la sécurité. Ce
serait
une raison bien débile, qui n’oserait s’exercer que sur du rationnel
784
fait. S’il y a quelque part du rationnel (que ce
soit
dans le monde ou dans l’esprit) c’est que la raison s’est bel et bien
785
le monde ou dans l’esprit) c’est que la raison s’
est
bel et bien risquée et se risque encore dans le chaos, et qu’elle a s
786
plus onéreux : celui de laisser perdre le peu qui
fut
gagné par d’autres, et dont on vit. ah. Rougemont Denis de, « Au d
787
teresse de Noirmoutier, puis à l’île d’Yeu. Il ne
sera
libéré qu’après cinq ans de captivité, durant lesquels il subira les
788
Et vous ferez quelque chose contre la guerre, ne
fût
-ce que de la connaître mieux. Peut-être même prendrez-vous conscience
789
chacun de nous, et dont l’internement de guerre n’
est
qu’une conséquence entre mille, d’une virulence particulière, mais au
790
olise, illustre et concrétise une condition qui n’
est
pas seulement celle du prisonnier proprement dit, mais, peu ou prou,
791
urent sans réponse. Le courrier qu’on lui adresse
est
retenu par les intendants, les paquets vidés. Le régime disciplinaire
792
dants, les paquets vidés. Le régime disciplinaire
est
aggravé de temps à autre, on ne sait pourquoi, « par représailles ».
793
hose qui se passe très loin, partout, et qui doit
être
réel puisqu’on en souffre, mais dont on ne sait rien de précis, ni l’
794
u Procès une signification théologique. Mais ce n’
est
pas la seule possible. Il y a aussi dans ce livre une parabole de l’h
795
dit : Grouchy ! — C’était Grouchy. » Et Waterloo
fut
une victoire. Mais Napoléon abdiqua et termina ses jours à Sainte-Hél
796
abdiqua et termina ses jours à Sainte-Hélène. Tel
est
le sujet. En somme, mettant un signe plus là où l’Histoire met un sig
797
ment que peut provoquer ce livre, dit la préface,
est
que pour transformer une défaite en victoire et une abdication forcée
798
léon a découvert la vie concrète d’un pays et des
êtres
dont c’est la patrie. Il a conçu les premiers doutes humains sur la r
799
pouvoir, préfiguration des fascismes. (Lui aussi
fut
trois fois plébiscité !) Devant les Chambres, il s’écriera : « Prenez
800
Nous avons fait un empire géant pour n’avoir pas
été
capables de fédérer nos communes. » Voilà l’épigraphe de l’ouvrage, q
801
apporte un rêve où il disait à Napoléon : « Je ne
suis
jamais plus intelligent qu’au lit, quand je rêve de vous, car alors j
802
Une révolution refoulée (juillet 1938)al
Est
-il possible d’indiquer une raison simple de l’échec du Front populair
803
le a consisté à empêcher la révolution. Juin 1936
était
un espoir que les accords Matignon trompèrent. C’est tout ce que l’Hi
804
il ne peut et ne sait faire, seule une révolution
est
capable de faire aboutir des réformes. Mais personne ne la prépare. M
805
’autres vertus. S’il se fait une révolution, elle
sera
donc improvisée, donc sanglante, donc destinée à se figer dans le ric
806
clament des caporaux. Ainsi l’Autriche fascinée s’
est
jetée dans la gueule du dragon, après avoir trompé et désarmé la rési
807
e la révolution de 36. D’où le « complexe » qui s’
est
noué. Complexe fasciste, avoué sous le nom d’antifascisme, c’est norm
808
ormal. On n’arrête pas une révolution lorsqu’elle
est
nécessaire, et c’est le cas. Mais il arrive qu’on la dénature en la r
809
rroll (août 1938)am Si l’on songe que le conte
est
par essence un récit cocasse et en quelque manière libérateur, on con
810
ur, on conçoit que les meilleurs sujets de contes
sont
les plus abstraitement logiques. La logique enfantine est bien plus p
811
plus abstraitement logiques. La logique enfantine
est
bien plus proche du raisonnement mathématique que de la raison averti
812
— « plus grand que » et « plus petit que » —, qui
est
aussi le fondement de toute mathématique. Ces remarques peuvent nous
813
ension nouvelle des contes de Lewis Carroll — qui
était
un mathématicien —, et d’Alice en particulier. On dit à l’enfant : ma
814
effets. Qu’en résultera-t-il ? Le rêve logique qu’
est
le conte de Carroll nous apparaît alors comme une série de variations
815
mal », ces règles paraissent absurdes quand Alice
est
plus grande, et vexatoires quand elle est plus petite. Dans les deux
816
d Alice est plus grande, et vexatoires quand elle
est
plus petite. Dans les deux cas, elles lui deviennent problématiques.
817
sement acharnées à lui opposer une logique qui, n’
étant
plus le fait des grandes personnes — « ce qui va de soi » — apparaît
818
sur le temps, au cours du « Thé loufoque » où il
est
toujours cinq heures, annonce une psychologie post-einsteinienne, et
819
a gagné, quand une des règles principales du jeu
est
omise ou inobservée. (Ainsi la partie de croquet, la discussion avec
820
ui refuse de décapiter un chat dont la tête seule
est
visible, etc.). Et pourtant, ce n’est que d’un jeu qu’il s’agit. Alic
821
tête seule est visible, etc.). Et pourtant, ce n’
est
que d’un jeu qu’il s’agit. Alice en garde la conscience secrète — com
822
s ont une double détente par calembour. Tout cela
est
assez bien symbolisé par la déclaration de la Tortue à Tête de Veau,
823
qui croit que les quatre opérations arithmétiques
sont
l’Ambition, la Distraction, la Laidification et la Dérision. Mais ici
824
là par des préciosités indéfendables. Les dessins
sont
d’une meilleure plume. am. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Le
825
bitrage international. Au nom du premier principe
fut
créé l’État tchèque, au nom du second, la SDN. Mais le jacobinisme de
826
honnête des deux principes. D’une part la SDN ne
fut
pas une fédération, aucun des États constituants n’ayant renoncé à au
827
itlériennes ? — Les dictateurs du Centre européen
furent
les premiers à s’apercevoir du paradoxe politique que nous venons de
828
nexion au nom de « l’unité nationale ». 3. Quelle
fut
la réponse des démocraties ? — Il était fatal, dans ces conditions, q
829
. 3. Quelle fut la réponse des démocraties ? — Il
était
fatal, dans ces conditions, que les démocraties se laissassent convai
830
e conflit s’aggrava-t-il subitement ? — Le litige
était
réglé en principe. Mais alors (entrevue de Godesberg), Hitler démasqu
831
n’eût pas compté à ses yeux. La religion dont il
était
le fondateur voulait le sacrifice sanglant (ou son symbole), le viol
832
e de la proie désirée (guerre limitée). 5. Quelle
fut
la réaction de l’Europe ? — L’opinion démocratique apparut désorienté
833
autres pensaient que l’exigence d’entrer en armes
était
une « querelle d’Allemands », une rodomontade gratuite, puisqu’en pri
834
une rodomontade gratuite, puisqu’en principe tout
était
résolu. Seul, le Premier ministre anglais sut voir et dire qu’il y av
835
déral de l’Europe. Hitler comprit que son heure n’
était
pas encore venue. Il se vit contraint d’accepter la réunion à Munich
836
ette victoire symbolique du principe fédératif ne
fut
pas exploitée par les nations qui l’avaient remportée comme malgré el
837
érielles subies. Le bénéfice moral, incalculable,
fut
perdu. 7. Conclusion. — La voie était dès lors ouverte aux ambitions
838
incalculable, fut perdu. 7. Conclusion. — La voie
était
dès lors ouverte aux ambitions totalitaires, les dictateurs ne trouva
839
déclarée), pour surprenants et monstrueux qu’ils
soient
apparus en leur temps, trouvent leur explication la moins douteuse.
840
fantastiques » et de sa « méthode arriérée », qui
est
celle de l’autorité (p. 72). La « vraie foi », vous la trouverez donc
841
ale. Ainsi le catholicisme, interprété par Alain,
serait
une sagesse éternelle qu’il s’agirait de remettre à jour, c’est-à-dir
842
evant le regard positif, toute religion finit par
être
vraie », et même « l’obligation de croire ne digère pas beaucoup du d
843
t je ne trouve pas trace dans les évangiles, s’il
est
vrai qu’il encombre une bonne part de la théologie, surtout catholiqu
844
moins l’indiquer. Un chrétien sait que sa foi n’
est
nullement le contraire du doute intellectuel, mais le contraire du pé
845
ntellectuel, mais le contraire du péché, lequel n’
est
nullement une erreur morale, mais un état de révolte active de la cré
846
forme et laïcise le contenu. « La vraie religion
est
le culte des morts », dit-il après Auguste Comte. Je le pense aussi.
847
oyez le racisme.) Mais pour le chrétien, « la foi
est
la substance des choses espérées ». Ce qu’un esprit comme celui d’Ala
848
exemple, rejette au nom de sa foi : tout ce qui n’
est
que sociologie. (Je ne dis pas que ce soit négligeable.) Pour situer
849
e qui n’est que sociologie. (Je ne dis pas que ce
soit
négligeable.) Pour situer la sagesse d’Alain, qu’on songe à la folie
850
e « vrai croyant » qui ne vive « selon la peur ».
Serait
-ce qu’il n’a jamais rencontré que des hommes « religieux », non des c
851
s réponses. 51. On me dira que mon point de vue
est
partiel, dogmatique, confessionnel, etc. Bien sûr. Je le donne pour t
852
soie, dressé sur ses ergots de grand ténor, l’on
est
tenté de ne voir en lui que le feu naturel du désir, — une espèce d’a
853
andeur, dans le dernier acte de Mozart. Non, ce n’
est
pas l’animal, mais l’homme ; et non d’avant, mais d’après la morale.
854
s son rang. Son naturel, c’est le mépris ; rien n’
est
plus loin de la nature. Voyez comme il se sert des femmes : incapable
855
seule cette inconstance forcenée ? Alors Don Juan
serait
l’homme de la première rencontre, de la plus excitante victoire ? « L
856
e, de la plus excitante victoire ? « La nouveauté
est
le tyran de notre âme », écrit le vieux Casanova. Mais déjà ce n’est
857
re âme », écrit le vieux Casanova. Mais déjà ce n’
est
plus l’homme du plaisir qui parle ainsi. La volupté du vrai sensuel c
858
Ils ne l’ont pas manqué. Pour eux aussi, Don Juan
serait
le contraire de ce que l’on croit, il souffrirait d’une anxiété secrè
859
iété secrète déjà voisine de l’impuissance. Et il
est
vrai que celui qui cède à cet attrait superficiel que presque toutes
860
e plus loin, à des critères spirituels ? Don Juan
serait
par exemple le type de l’homme qui n’atteint pas au plan de la person
861
rrait se manifester ce qu’il y a d’unique dans un
être
. Pourquoi ne peut-il désirer que la nouveauté dans la femme ? Et pour
862
on du nouveau, du nouveau à tout prix, quel qu’il
soit
? Celui qui cherche, c’est qu’il n’a pas ; mais peut-être aussi qu’il
863
’est qu’il n’a pas ; mais peut-être aussi qu’il n’
est
pas ? Celui qui a, vit de sa possession et ne l’abandonne pas pour l’
864
ain, — entendez : s’il possède vraiment. Don Juan
serait
l’homme qui ne peut pas aimer, parce qu’aimer c’est d’abord choisir,
865
’est d’abord choisir, et pour choisir il faudrait
être
, et il n’est pas. Mais le contraire n’est pas moins vraisemblable : D
866
hoisir, et pour choisir il faudrait être, et il n’
est
pas. Mais le contraire n’est pas moins vraisemblable : Don Juan cherc
867
udrait être, et il n’est pas. Mais le contraire n’
est
pas moins vraisemblable : Don Juan cherchant partout son idéal, son «
868
n l’image de Tristan. Mais il ne trouvera pas. Il
est
Don Juan parce qu’on sait qu’il ne peut trouver, soit impuissance à s
869
Don Juan parce qu’on sait qu’il ne peut trouver,
soit
impuissance à se fixer, soit impuissance à se déprendre d’une image à
870
’il ne peut trouver, soit impuissance à se fixer,
soit
impuissance à se déprendre d’une image à lui-même secrète. Et de là v
871
, son rythme dionysiaque. ⁂ Or si le don juanisme
est
une passion de l’esprit et non pas comme nous aimions le croire, une
872
stinct, tout porte à supposer que cette passion n’
est
pas toujours liée au sexe. Et même il faut se demander si la sensuali
873
aut se demander si la sensualité, précisément, ne
serait
pas le domaine où Don Juan se révèle le moins dangereux. (Appelons ic
874
es mœurs ont pour but de maintenir, cet équilibre
étant
d’ailleurs bon ou mauvais.) C’est que le désir de nouveauté et de cha
875
ffrir d’une dépense improductive. Certes Don Juan
est
un tricheur, et même il ne vit que de cela. (La banque de pharaon éta
876
même il ne vit que de cela. (La banque de pharaon
était
la source unique des revenus de Casanova : symbole dont il nous donne
877
aintes fois la clé.) Mais une tricherie constante
est
moins dangereuse que les faiblesses subites d’un honnête homme. On es
878
que les faiblesses subites d’un honnête homme. On
est
en garde, et l’on connaît le système, entièrement relatif aux règles
879
espèces sonnantes. Alors « la tricherie » cesse d’
être
une habileté vulgaire et profitable. Elle peut devenir l’acte héroïqu
880
e neuf par le décret de sa rigueur. ⁂ Nietzsche s’
est
dressé face au siècle. Et l’adversaire qu’il s’est choisi, c’est l’es
881
st dressé face au siècle. Et l’adversaire qu’il s’
est
choisi, c’est l’esprit de lourdeur, notre poids naturel, notre facult
882
lle de retombement dans la coutume. L’immoraliste
est
comme le moraliste un ennemi vigilant de l’instinct : car s’il le glo
883
t tuer pour une vertu dont on ne sait plus quelle
est
la fin ? Et toutes ces vérités qu’ils respectaient, voyez comme elles
884
rendre à Dieu et à son Fils. Déjà « le Dieu moral
est
réfuté ». Que va dire l’Autre ? C’est, dans la vie du Don Juan des vé
885
core l’aube de la terre. Personne n’a parlé. Dieu
est
mort ! De chaque idée, de chaque croyance, de chaque valeur, Nietzsch
886
e possession. Pourquoi s’attarderait-il ? Elles n’
étaient
excitantes pour l’esprit que par la fausse vertu qu’on leur prêtait.
887
abuser de ses victimes. Mille et trois vérités se
sont
rendues, et pas une seule n’a su le retenir. Qu’importent les « contr
888
tenir. Qu’importent les « contradictions » ! Ce n’
est
pas pour bâtir un système qu’il réfute, dénonce et détruit, c’est pou
889
horisme — fulgurations toujours décevantes : ce n’
est
pas elle qu’il vient de posséder… Ô haine de leurs vérités faibles !
890
der… Ô haine de leurs vérités faibles ! La Vérité
est
morte ! Revivra-t-elle ? Car si ce Dieu est mort à tout jamais, il n
891
rité est morte ! Revivra-t-elle ? Car si ce Dieu
est
mort à tout jamais, il n’y a plus d’amour possible. Il faut inventer
892
sur le temps… Mais dans le temps, disait-il, Dieu
est
mort. Si Dieu est mort, c’est donc qu’il a vécu ? Dieu revivra éterne
893
dans le temps, disait-il, Dieu est mort. Si Dieu
est
mort, c’est donc qu’il a vécu ? Dieu revivra éternellement ! Ainsi Ni
894
amour. S’il gagne, c’est en violant la vérité des
êtres
. Nietzsche pose des valeurs qui détruisent les règles anciennes, mais
895
pourrons jamais que perdre. Alors : ou bien nous
serons
condamnés, ou bien nous recevrons notre grâce. Mais Nietzsche et Don
896
nu, me dit-elle, un homme marié avec lequel ayant
été
coquette en vain, il me dit en me quittant : “Je vous ajoute à ma lis
897
il n’avait pas eues, par fidélité à la sienne. Où
est
la tricherie ? Dans ce défi installée au cœur de la règle ? ap. Ro
898
ysement blasonnant des Visions hermétiques : tels
sont
les animaux étranges, bariolés et quasi monstrueux que nous ramène du
899
e ceux que nous pensions connaître. Ils n’ont pas
été
restaurés par les auteurs de manuels, ni patinés par nos lectures. Le
900
l’ère classique a voulu faire le sacrifice. Ce n’
est
pas rien ! Cela donne à Phèdre un air de luxe fou : pour fondre ce bi
901
ignifications magiques. Ensuite, au xviiie , il n’
est
resté que la nudité du décor. La discipline est devenue lésinerie. Co
902
n’est resté que la nudité du décor. La discipline
est
devenue lésinerie. Comment louer assez les mérites de l’auteur, sa pa
903
ui sous des amas d’abstruse érudition. Il fallait
être
Schmidt pour découvrir dans ce grenier de notre poésie tant de possib
904
erbe et, finalement, de s’en rendre maîtres. Tous
sont
soutenus par une double croyance dans le pouvoir magique du langage,
905
et de Herder. La création entière, disait Hamann,
est
« un discours adressé à la créature au moyen de la créature : car un
906
e dans celui de tel surréaliste. Mais notre monde
est
-il encore formulable en noms et en rythmes ? La science moderne ne te
907
du Journal d’André Gide (janvier 1940)ar Il ne
serait
guère honnête, et moins encore adroit, de ne point avouer l’incertitu
908
res par excessive défiance d’une symétrie où l’on
serait
tenté de s’arrêter…) Faute d’un « jugement » que ces treize cents pag
909
qui séduit, ce qui fascine dans ce Journal, ce n’
est
rien qui puisse être défini séparément — style, sujets abordés, rythm
910
fascine dans ce Journal, ce n’est rien qui puisse
être
défini séparément — style, sujets abordés, rythme, idées ou lyrisme —
911
e puis évoquer que l’exemple de Goethe, dont ce n’
est
pas telle œuvre ou telle action que j’aime, mais bien le paysage vita
912
que l’on prend à lire le Journal d’André Gide. Il
est
probable que, du seul point de vue de l’art, cet intérêt demeure impu
913
concertées avouaient peut-être beaucoup mieux. Il
est
probable aussi que le journal est un genre littéraire inférieur, pour
914
ucoup mieux. Il est probable aussi que le journal
est
un genre littéraire inférieur, pour cette raison qu’il est toujours t
915
nre littéraire inférieur, pour cette raison qu’il
est
toujours trop facilement intéressant. Je ne le conçois, comme œuvre d
916
ait éviter Gide, plus jalousement qu’aucun autre.
Est
-ce vraiment pour le diminuer qu’il anticipe sur ce risque ? Ou pour d
917
l leur rend par avance toutes ses armes ? Mais ce
serait
un mauvais calcul. Aux yeux d’un lecteur prévenu, tant de naturel pou
918
une pose raffinée. J’imaginerais plutôt que Gide
est
fasciné par l’obstacle qu’il veut éviter. Son horreur du malentendu l
919
tylisations des morales et jugements tout faits n’
est
plus seulement émouvant : il revêt la valeur d’une expérience crucial
920
et du journal intime en particulier. La passion d’
être
complètement vrai finit par altérer le naturel ; mais par son excès m
921
, Stendhal). D’autres fois, l’œuvre et le journal
sont
simplement des manières différentes de poursuivre une même confidence
922
ne même confidence. On ne sait plus si le journal
est
en marge de l’œuvre, ou si l’œuvre n’est qu’un moment privilégié de c
923
journal est en marge de l’œuvre, ou si l’œuvre n’
est
qu’un moment privilégié de ce journal. Alors le vrai portrait de l’au
924
ce journal. Alors le vrai portrait de l’auteur n’
est
plus dans l’œuvre ni dans le journal, mais dans leur mutuelle réfract
925
nous y livre de lui-même53 —, il se peut qu’elles
soient
dites dans Les Cahiers d’André Walter, et surtout dans La Porte étroi
926
journal. « Les choses les plus importantes à dire
sont
celles que souvent je n’ai pas cru devoir dire — parce qu’elles me pa
927
n se veuille en relatant ses journées, comment ne
serait
-on pas tenté de dire surtout ce qui a frappé, ce qui est bizarre, ce
928
pas tenté de dire surtout ce qui a frappé, ce qui
est
bizarre, ce qui fait exception justement. Et comment ne céderait-on p
929
rosse » que nature. Gide lui-même, à ce jeu, ne s’
est
pas épargné : « Je ne suis qu’un petit garçon qui s’amuse — doublé d’
930
ui-même, à ce jeu, ne s’est pas épargné : « Je ne
suis
qu’un petit garçon qui s’amuse — doublé d’un pasteur protestant qui l
931
it ? Cercle vicieux de la sincérité. Ou bien l’on
est
banal pour rétablir les quotidiennes proportions — ou bien l’on ne co
932
tel acte exceptionnel… ⁂ Les journaux d’écrivains
sont
vrais, mais d’une vérité indirecte, et parfois même négative. C’est m
933
désir de compenser ou de parfaire ce qui n’a pas
été
vécu, ou mal vécu. (« J’avais besoin de lui pour me ressaisir ».) La
934
s manqués… Il s’agirait de savoir si la vraie vie
est
dans ce qu’on fait, ou dans ce qu’on pense de ses actions. (Voir là-d
935
ubliant ce qui va de soi : l’autoportrait de Gide
est
aussi ressemblant. On l’y retrouve aussi au naturel, avec toutes ses
936
comme Goethe encore se voulait peintre (mais Gide
est
, je crois, plus doué). On l’y découvre enfin, et cela me paraît nouve
937
usqu’à quel point l’« antichristianisme » de Gide
est
chrétien dans ses déterminations ? Je crois qu’on s’est trop laissé p
938
rétien dans ses déterminations ? Je crois qu’on s’
est
trop laissé prendre à sa perpétuelle polémique contre les convertis-c
939
que pour lui, le problème proprement religieux s’
est
posé, et se pose encore, dans des termes qui échappent, presque néces
940
sairement, à la sollicitude des catholiques. Gide
fut
élevé dans un milieu où la religion paraissait se réduire à ces deux
941
qui inspire et qualifie nos actions quotidiennes,
fussent
-elles non conformistes. Mais toute morale a bientôt fait de se muer à
942
») Ceci explique que le souci central de Gide ait
été
de débarrasser son christianisme de toutes les adjonctions « humaines
943
ion, ou de la conversion trop « facile ». « Je ne
suis
ni protestant ni catholique, je suis chrétien tout simplement. » Posi
944
e ». « Je ne suis ni protestant ni catholique, je
suis
chrétien tout simplement. » Position caractéristique du protestantism
945
Ce qui me retient [d’entrer dans l’église], ce n’
est
pas la libre pensée, c’est l’Évangile. » Mais n’y a-t-il pas, à l’ori
946
atholique), un attachement à sa vérité propre qui
est
moins évangélique qu’individualiste, ou même rationaliste ? Certes, j
947
Kierkegaard. Gide répugne à paraître plus qu’il n’
est
, à affirmer plus qu’il ne croit. Il se décrit « forcé de s’asseoir au
948
iment… » Kierkegaard, lui aussi, répétait : je ne
suis
pas chrétien. Mais c’était par désir de sauver une conception pure de
949
oint d’autorité, et si j’en reconnaissais une, ce
serait
celle de l’Église » (donc de Rome). Allons donc ! Pour un protestant,
950
me). Allons donc ! Pour un protestant, ce dilemme
est
aussi choquant que le serait pour un Anglais ou un Scandinave le dile
951
protestant, ce dilemme est aussi choquant que le
serait
pour un Anglais ou un Scandinave le dilemme entre l’anarchie et l’éta
952
me totalitaire. Assimiler l’autorité au romanisme
est
d’ailleurs une erreur des plus courantes, en France surtout, et même
953
la sienne ma génération littéraire. Notre culture
est
beaucoup plus philosophique — je simplifie — que littéraire. Non poin
954
araît que la leçon de Gide, pour ceux de mon âge,
est
moins urgente dans l’ordre de l’éthique, que dans celui de l’esthétiq
955
oint les positions auxquelles on tient, et qui ne
sont
pas exactement les siennes… ar. Rougemont Denis de, « [Compte rendu
956
ckhardt et de Nietzsche… Mais le centre vaudois s’
est
distingué par sa méfiance à l’égard des « idées ». Son particularisme
957
e en forme et en physionomie lisible. Enfin, l’on
est
au-delà de la psychologie. « N’allez pas chercher derrière la forme,
958
s chercher derrière la forme, disait Goethe, elle
est
elle-même enseignement. » as. Rougemont Denis de, « [Compte rendu]
959
39 où dans le hall de la rue Sébastien-Bottin, j’
étais
en train de téléphoner quand je le vois descendre l’escalier. Je parl
960
ous arrivons chez lui, ma femme et moi. Le studio
est
vaste et plaisant, agrémenté d’un escalier conduisant à une large gal
961
e balance en regardant nos valises. « Tout cela s’
est
arrangé si soudainement, dit-il, c’est inquiétant. Cela me ferait pre
962
ougemont, quand on saura que vous habitez ici, qu’
est
-ce qu’on va dire ?… » Et il répète, à travers ses dents serrées : « Q
963
Et il répète, à travers ses dents serrées : « Qu’
est
-ce qu’on va dire ?… » avec un sourire inquisiteur. Je me garde de rép
964
a « critique dogmatique » des grandes époques, ne
sont
plus que mensonges à ses yeux dès que l’on passe à l’ordre spirituel.
965
ation s’engage sur L’Amour et l’Occident , qu’il
est
en train de lire, et dont il me déclare, à ma profonde surprise, qu’i
966
plaisir. Il croyait que « l’amour hétérosexuel »
était
d’autant plus pur que rien de charnel ne s’y mêlait. « C’est ainsi qu
967
de charnel ne s’y mêlait. « C’est ainsi que je me
suis
complètement blousé », répète-t-il en accentuant, circonflexant le de
968
». Il hoche la tête, trouve cela très curieux, n’
est
-ce pas ? — un éclair de malice au coin de l’œil. Puis il a quelques p
969
ir. On se trompe ainsi, et les conséquences. J’ai
été
assez bête pour croire cela ! Il ne faut jamais croire ce qu’elles no
970
t ce qui concerne intimement sa femme — « le seul
être
, dit-il, que j’ai vraiment aimé » — tous ces passages ont été coupés.
971
que j’ai vraiment aimé » — tous ces passages ont
été
coupés. On les lira plus tard. Il les a recopiés dans deux cahiers gr
972
plus souvenir d’aucune conversation qui mérite d’
être
rapportée, j’entends : qui modifie le moins du monde l’image que l’on
973
hasard.) J’avais écrit, dernière question : « Qu’
est
-ce que le style ? » Catherine, sa fille, lut sa dernière réponse : «
974
ors que le christianisme, l’Église et l’Évangile,
furent
ses constants sujets d’irritation, de nostalgie ou de perplexité ? Le
975
on, de nostalgie ou de perplexité ? Le paradoxe n’
est
qu’apparent. Qu’on n’oublie pas sa formation chrétienne ; ses lecture
976
igion à la morale ? Je pense plutôt que la morale
était
le lieu de son vrai drame, et qu’il ne pouvait approcher la religion
977
n credo. J’en donne la preuve : avoir la foi sans
être
saint lui paraissait la tricherie même, tandis qu’il eût admis la sai
978
hrétien ni hindou, sans mystique, ni mystère ? Ne
serait
-il pas un homme tout à fait plat, réduit à quelques partis pris éthiq
979
ntre l’éthique et la mystique, mais qui souvent n’
est
qu’un concept bâtard, engendré par le romantisme. Gide recherchait pl
980
n élan pour caramboler des symboles, où Valéry se
fût
poliment récusé, Gide objectait, déduisait, s’émouvait… Peu d’écrivai
981
l croyait à l’homme individuel, et cette croyance
est
née de la synthèse du christianisme. Elle n’existe pas hors de lui, e
982
hristianisme. Elle n’existe pas hors de lui, et n’
est
pas explicable sans lui. (Je ne dis pas qu’elle soit chrétienne pour
983
t pas explicable sans lui. (Je ne dis pas qu’elle
soit
chrétienne pour autant.) Gide était individualiste. Savons-nous encor
984
is pas qu’elle soit chrétienne pour autant.) Gide
était
individualiste. Savons-nous encore mesurer le sens et la portée de ce
985
er mais de légitimer sa différence, on ne pouvait
être
plus occidental. On ne pouvait être moins mystique au sens des religi
986
on ne pouvait être plus occidental. On ne pouvait
être
moins mystique au sens des religions traditionnelles, au sens du myth
987
onnel n’ont rien à voir avec la bienséance, et ne
sont
pas de l’ordre des mérites. Et c’est pourquoi il est écrit : « Ne jug
988
pas de l’ordre des mérites. Et c’est pourquoi il
est
écrit : « Ne jugez pas ! » J’avoue que je comprends mal, ou plutôt qu
989
ongées après sa mort, dans notre siècle. Elles ne
sont
ni chrétiennes ni simplement honnêtes. « Le Seigneur seul connaît les
990
eul connaît les siens », dit l’Écriture : si l’on
est
chrétien, qu’on croie cela, laissant aux incroyants le droit de mieux
991
nt aux incroyants le droit de mieux savoir. Et qu’
est
-ce que cela peut bien nous faire ? Sinon nous servir d’argument et no
992
n de plus vient renforcer notre parti, et qu’il n’
est
pas le premier venu. C’est usurper la place du Juge, ou mêler vanités
993
lque chose, c’est justement le totalitarisme, qui
est
l’esprit de parti logiquement développé. Et d’abord dans la religion.
994
bord dans la religion. Le vrai croyant demain, ne
sera-t
-il pas celui qui osera dire : « Je ne crois pas ! » quand l’État cont
995
mme invoquera les Nécessités de l’Histoire ? Il n’
est
pas de vraie foi sans vrai doute, plus qu’il n’est de lumière sans om
996
st pas de vraie foi sans vrai doute, plus qu’il n’
est
de lumière sans ombre. Et je n’entends pas dire que Gide fut un croya
997
ère sans ombre. Et je n’entends pas dire que Gide
fut
un croyant, mais il reste un douteur exemplaire. at. Rougemont Den
998
ations ont trouvé mieux peut-être, mais pas cela.
Est
-il possible d’attribuer aux « inventions » les plus typiques de l’Occ
999
mi tant de contradictions ? L’unité de l’Europe n’
est
pas définissable par un contour géographique, moins encore par un con
1000
de nos nations à partir du xixe siècle. L’Europe
est
une longue aventure, et l’esprit d’aventure y paraît plus sensible qu
1001
y paraît plus sensible que l’objet de la quête n’
est
clairement connaissable. Pourtant, certaines options fondamentales on
1002
ndition des sciences physiques et naturelles, qui
est
la reconnaissance du corps, de la matière, et de la forme du monde en
1003
siècle, crut pouvoir la préciser : l’homme avait
été
créé en 4004 avant J.-C., le 23 octobre, à 9 heures du matin. Les pro
1004
est-à-dire depuis la création de l’homme, il ne s’
est
écoulé que six ou huit-mille ans. » Cuvier partage ces vues, que Sche
1005
t paraître une révolution considérable. Mais ce n’
est
guère qu’un détail dénué d’intérêt pour peu que l’on considère les di
1006
, l’unité de temps — le Kalpa ou Jour de Brahma —
est
de quatre-milliards-trois-cent-vingt-millions d’années solaires. Or l
1007
millions d’années solaires. Or la vie d’un Brahma
est
de cent et huit « années », dont chaque jour et chaque nuit représent
1008
la destruction du monde et sa reconstruction, qui
sera
l’œuvre de Kalki, dernier avatar de Vishnu. En regard des ordres de g
1009
maintenant ce double fait : le sens de l’Histoire
est
caractéristique de l’Occident, et il y tourne même à l’obsession si l
1010
istoire et de la Personne Un fait quelconque n’
est
historique au sens exact qu’en vertu de son unicité. S’il pouvait se
1011
unicité que lui confère sa vocation, autrement il
est
vu comme une répétition, grain de poussière isolé d’un univers absurd
1012
d’un corps magique sans fin. Combien d’individus
sont
-ils donc nés et morts depuis qu’il y a des hommes sur cette planète ?
1013
he génial pouvait nous dire demain que la réponse
est
« de l’ordre de trois-cents-milliards », nous en serions moins étourd
1014
« de l’ordre de trois-cents-milliards », nous en
serions
moins étourdis que gênés. Mais d’où viendrait notre malaise ? Comment
1015
endrait notre malaise ? Comment ne pas voir qu’il
serait
intimement lié, chez ceux qui l’éprouveraient, au sens de la personne
1016
castes. Tout cela se tient et se relie, tout cela
est
« religion » au sens premier du terme56 — et ne laisse aucune place à
1017
e de l’Histoire : il annonce la Résurrection, qui
est
victoire sur le temps comme sur la mort. Mais c’est bien à partir de
1018
haque personne devient unique et décisif, comme l’
était
sous l’Ancienne Alliance le rôle collectif d’Israël. Le dialogue de P
1019
istoire, conscience nouvelle du temps des hommes,
est
née de la même rupture des grands rythmes cosmiques et des fatalités
1020
la mort, qui libère et suscite la personne. Ce n’
est
pas un hasard si le premier auteur d’une philosophie de l’Histoire —
1021
’une philosophie de l’Histoire — la Civitas Dei —
fut
aussi le premier auteur d’une biographie de sa personne : les Confess
1022
du temps. Voilà le fait fondamental. Car le temps
est
lié à la mort comme à la perte des paradis — Eden, âge d’or, enfance
1023
, âge d’or, enfance — vécus ou imaginaires. Et il
est
lié à la menace toujours instante des catastrophes imprévisibles et a
1024
s dévalorise le temps vécu de la souffrance. Ce n’
est
plus la souffrance qui est vaine, dès lors qu’elle prend un sens exem
1025
de la souffrance. Ce n’est plus la souffrance qui
est
vaine, dès lors qu’elle prend un sens exemplaire dans le Mythe, mais
1026
es termes que saint Paul la présente. Que Dieu se
soit
manifesté comme une Personne ; par un geste sans précédent ; au temps
1027
evient responsable de son temps sur la Terre. Ce
serait
intolérable si la Révélation n’apportait en même temps la certitude q
1028
portait en même temps la certitude que le temps a
été
vaincu au matin de Pâques, que l’homme ne lui appartient que par la c
1029
, que l’homme ne lui appartient que par la chair (
étant
au monde mais non du monde) et qu’un terme est promis à l’Histoire, e
1030
(étant au monde mais non du monde) et qu’un terme
est
promis à l’Histoire, encore que nul n’en sache « le jour ni l’heure »
1031
i échappe au temps et à la mort. « Si le Christ n’
est
pas ressuscité, votre foi est vaine et vous êtes encore dans vos péch
1032
t. « Si le Christ n’est pas ressuscité, votre foi
est
vaine et vous êtes encore dans vos péchés. » Mais cette preuve n’est
1033
n’est pas ressuscité, votre foi est vaine et vous
êtes
encore dans vos péchés. » Mais cette preuve n’est valable que pour la
1034
tes encore dans vos péchés. » Mais cette preuve n’
est
valable que pour la foi parfaite, et ce recours au Transcendant, non
1035
on plus au Mythe, contre la dictature du temps, n’
est
effectif que pour celui qui croit « que Dieu peut tout à tout instant
1036
ant », ainsi que l’écrit Kierkegaard. Or la foi n’
est
jamais parfaite, et dans l’homme converti persiste « le vieil homme »
1037
ersiste « le vieil homme ». Son mouvement naturel
sera
donc de chercher et d’inventer contre le temps d’autres défenses. Il
1038
des cycles et des rythmes cosmiques de l’Histoire
sera
reprise — contre l’esprit des Pères — par les plus grands docteurs oc
1039
re du temps et du progrès continu de l’Histoire n’
est
guère soutenue que par un Joachim de Flore, dont les écrits sont cond
1040
enue que par un Joachim de Flore, dont les écrits
sont
condamnés ou falsifiés. Dans la conscience populaire médiévale, comme
1041
’idée d’une évolution imprévisible et progressive
est
généralement éliminée par des représentations archétypiques et mythiq
1042
— comme on l’a ressassé depuis les romantiques —
fut
bien plutôt dans son ensemble une longue réaction de défense contre l
1043
l’Évangile. (J’ai dit plus haut que le Moyen Âge
fut
la période « orientale » de l’Europe.) Touchée en premier lieu par le
1044
lieu des temps », symbole archétypique. Les temps
sont
rétrécis à quelques millénaires dont la chronologie restera symboliqu
1045
’où les excès qu’on signalait plus haut). Elle ne
sera
vraiment bouleversée qu’à la fin du xixe siècle. Relevons ici que la
1046
er. C’est un mouvement exactement contraire qui s’
est
produit dans l’Occident moderne, où, à l’inverse de ce qui s’était pa
1047
s l’Occident moderne, où, à l’inverse de ce qui s’
était
passé durant l’intermède médiéval, l’état civil des hommes et des act
1048
humaine. Ceci pose un problème encore neuf. 4.
Être
ou non dans l’Histoire Tout d’un coup (dans l’espace d’une quarant
1049
de l’Univers, qui se répéterait à l’infini : nous
serions
dans une phase d’expansion. La cosmologie des hindous paraît alors mo
1050
torité que celle d’un précepteur. Ses « lois » ne
sont
encore que celles de la morale, et sa réalité celle d’un discours. Ma
1051
elle d’un discours. Mais l’Histoire aujourd’hui n’
est
plus un conte, elle se distingue absolument de son récit. Elle ne con
1052
leçons », qu’on pourrait aussi bien ignorer. Elle
est
tout autre chose : le devenir présent. Elle est plus vraie que nous,
1053
e est tout autre chose : le devenir présent. Elle
est
plus vraie que nous, qui ne faisons que l’habiter pour un atome de te
1054
habiter pour un atome de temps insignifiant. Elle
est
devenue le cours de la réalité, où ce qu’il y a de plus réel, c’est l
1055
le cours même. Et comme ce mouvement pur « doit »
être
dépourvu d’origine et de but connaissable, on ne peut savoir son sens
1056
çoit l’attribut d’exister. Ce qui résiste au sens
est
« mystification » aux yeux des théoriciens et polémistes, « sabotage
1057
’action d’un pays ou de l’option d’un homme, il n’
est
donc plus question de demander si c’est « vrai ». C’est « dans le sen
1058
». C’est « dans le sens de l’Histoire », ou ce n’
est
rien qui vaille… Suis-je dans l’Histoire ? Es-tu dans l’Histoire ? So
1059
ens de l’Histoire », ou ce n’est rien qui vaille…
Suis
-je dans l’Histoire ? Es-tu dans l’Histoire ? Sont-ils dans l’Histoire
1060
n’est rien qui vaille… Suis-je dans l’Histoire ?
Es
-tu dans l’Histoire ? Sont-ils dans l’Histoire ? ainsi conjugue une bo
1061
Suis-je dans l’Histoire ? Es-tu dans l’Histoire ?
Sont
-ils dans l’Histoire ? ainsi conjugue une bonne partie de l’intelligen
1062
telligentsia occidentale du xxe siècle. Comme il
est
clair qu’on ne peut pas « être » dans l’Histoire rédigée par les hist
1063
e siècle. Comme il est clair qu’on ne peut pas «
être
» dans l’Histoire rédigée par les historiens, on voit qu’il s’agit d’
1064
de l’Existence. Cette Histoire absolutisée, qui n’
est
plus connaissance des actes du passé, mais flux irrésistible entraîna
1065
eut-on la distinguer encore du temps lui-même ? N’
est
-elle pas simplement une manière de le penser qui le ferme à toute tra
1066
t nous interdit tout recours ? « Au monde comme n’
étant
pas du monde », disait saint Paul. Mais l’Histoire absolue veut que l
1067
s l’Histoire absolue veut que l’homme tout entier
soit
uniquement du monde : elle le coupe de l’esprit. Ce faisant, elle nie
1068
couvre impuissant devant elle et en elle : rien n’
est
plus répandu que ce sentiment anxieux dans l’intelligentsia comme dan
1069
seule conviction que la vocation d’un homme peut
être
plus vraie que la règle — d’où les martyrs des premiers temps du chri
1070
ituer dans l’ensemble de l’Aventure occidentale ?
Est
-elle le signe annonciateur d’une fin lugubre, ou seulement d’une cris
1071
r la croyance à l’action personnelle. La personne
est
agent de liberté. Cette Histoire nous conduit au fatalisme. Comment l
1072
venir exclusives l’une de l’autre, alors qu’elles
sont
nées en même temps d’un même acte libérateur ? Mais, d’abord, est-il
1073
temps d’un même acte libérateur ? Mais, d’abord,
est
-il sûr que la croyance moderne à l’Histoire comme devenir tout-puissa
1074
moderne à l’Histoire comme devenir tout-puissant
soit
le développement normal et la suite obligée de l’attitude chrétienne
1075
répandu que jamais dans le grand public : Toynbee
est
best-seller, les revues et la presse nous parlent de Sumer, du paléol
1076
se mettre au passé dans un livre. Mais la réponse
est
non s’il s’agit de cette Histoire dans le « sens » de laquelle on nou
1077
le « sens » de laquelle on nous dit qu’il faut «
être
» de toute nécessité, sous peine de n’être pas. Celle-ci marque un re
1078
faut « être » de toute nécessité, sous peine de n’
être
pas. Celle-ci marque un recul devant le risque du temps. La conscienc
1079
t le risque du temps. La conscience de l’Histoire
est
née de l’acceptation d’un temps radicalement imprévisible. Et sa fin
1080
temps radicalement imprévisible. Et sa fin seule
était
certaine et serait bonne. Mais encore fallait-il croire à l’Apocalyps
1081
t imprévisible. Et sa fin seule était certaine et
serait
bonne. Mais encore fallait-il croire à l’Apocalypse. D’ici là, nul so
1082
manière dont il décide d’identifier au devenir l’
être
et la vérité elle-même. Solution masochiste, pour un Occidental. L’in
1083
te façon je ne pourrais plus le distinguer. Je ne
suis
plus responsable, mais c’est l’Évolution, et je n’ai plus d’autre cho
1084
choix que de m’en dire l’agent. Cet abandon de l’
être
entier à la Maya, sans plus rêver la délivrance du nirvana, cet enlis
1085
éel du sens de la personne et de la liberté. Ce n’
est
pas qu’on n’aime plus être soi librement, ni vraiment qu’on renie la
1086
et de la liberté. Ce n’est pas qu’on n’aime plus
être
soi librement, ni vraiment qu’on renie la personne : mais on ne croit
1087
plus croire qu’elle puisse répondre, c’est-à-dire
être
responsable. Derrière ce masochisme, comme toujours, un sadisme. Dans
1088
l’orgueil fou trouve un alibi. L’Évolution fatale
est
en réalité celle que l’on voudrait imposer. Les communistes affirment
1089
oudrait imposer. Les communistes affirment qu’ils
sont
les instruments du sens inévitable de l’Histoire, légitimant la mort
1090
ter son utopie. Si le sang de ses propres martyrs
fut
la semence de l’Église, c’est le sang des « païens », le sang des aut
1091
temps ne va pas apporter la négation de ce que je
suis
, de ce que j’attends, de mes croyances ou de mon incroyance, ou même
1092
ir. Utopies optimistes chez les totalitaires : ce
sont
les mêmes, mais ils s’en félicitent. Et les unes comme les autres, re
1093
rs au transcendant libérateur. Engendrer l’utopie
est
un mouvement de l’âme, sans doute inséparable de l’historicité initié
1094
le défi du temps paraisse insurmontable. L’utopie
est
recul devant le temps ouvert, elle refuse d’affronter cette situation
1095
lle refuse d’affronter cette situation béante qui
fut
celle des premiers chrétiens, mais elle en reste tributaire — et c’es
1096
s que ceux de la routine. L’Histoire-devenir, qui
est
une conjuration du temps, exige des sacrifices sanglants bien plus ma
1097
ais d’anticiper sur nos lendemains, et ceux-ci ne
seront
point marqués par nos hypothèses même exactes, mais par nos choix fon
1098
ais par nos choix fondamentaux. Car la question n’
est
pas de savoir « ce qui arrivera », mais de savoir dès maintenant ce q
1099
vera », mais de savoir dès maintenant ce que nous
sommes
disposés à laisser arriver ou à faire arriver ; la question n’est pas
1100
aisser arriver ou à faire arriver ; la question n’
est
pas de supputer le sens probable d’un devenir fatal, pour nous « ajus
1101
s’originer qu’en la personne. Bref, la question n’
est
pas de deviner l’Histoire, mais de la faire. Seules nos options prése
1102
. La première société d’histoire connue en Orient
fut
fondée au xixe siècle par un Anglais, sir William Jones : la Société
1103
Jones : la Société asiatique du Bengale. Et ce n’
est
guère que depuis la fin du xixe siècle qu’une science historique s’e
1104
a fin du xixe siècle qu’une science historique s’
est
constituée en Inde. 56. Religio, de religare, lier ensemble. 57. L
1105
nouveauté — le fait sans précédent archétypique —
est
la terreur de tous les « Moyen Âge ». Quand elle survient, quand on s
1106
dres rassurants ; d’autant plus rassurants qu’ils
sont
rigides, mais de là vient précisément leur malfaisance. au. Rougemo
1107
tsia de l’Inde se préoccupe des problèmes qui lui
sont
imposés par la technique et par l’hygiène occidentales, et cherche à
1108
tes des mystiques soufis, mais l’Iran et l’Arabie
sont
en pleine crise d’adaptation à l’habitus capitaliste. L’Occident déco
1109
découvrons avec passion dans le Tiers Monde, ce n’
est
pas ce dont il vivait, c’est ce qui manquait à nos élites, ou qu’elle
1110
re foi. Ce que le tiers-monde nous emprunte, ce n’
est
pas notre créativité, mais ses produits. Nous découvrons leurs secret
1111
spirituels en même temps que leur misère, qui en
était
la rançon. Ils adoptent nos formes sociales, nos procédés de gouverne
1112
es, mais non pas les tensions spirituelles qui en
étaient
le moteur secret. Ce qui était pour nous résultantes d’innombrables p
1113
rituelles qui en étaient le moteur secret. Ce qui
était
pour nous résultantes d’innombrables poussées et résistances, malaisé
1114
et désormais inévitable, pour si mal engagé qu’il
soit
, porte sur l’homme et sa définition. S’il est vrai que l’Orient nie l
1115
il soit, porte sur l’homme et sa définition. S’il
est
vrai que l’Orient nie le moi, qui est une valeur centrale pour l’Occi
1116
ition. S’il est vrai que l’Orient nie le moi, qui
est
une valeur centrale pour l’Occident, il doit en résulter d’infinies c
1117
spirituel au politique ; mais dans quelle mesure
est
-ce vrai ? Quel est le moi qui s’affirme d’une part et quel est le moi
1118
ique ; mais dans quelle mesure est-ce vrai ? Quel
est
le moi qui s’affirme d’une part et quel est le moi qu’on nie de l’aut
1119
Quel est le moi qui s’affirme d’une part et quel
est
le moi qu’on nie de l’autre ? Est-ce bien le même ? La Personne
1120
ne part et quel est le moi qu’on nie de l’autre ?
Est
-ce bien le même ? La Personne Le christianisme a formé l’Occide
1121
mplaire de l’espèce. Pour saint Paul, le vrai moi
est
l’homme nouveau, « appelé » par un Dieu personnel, donc créé par une
1122
e le « vieil homme », puisque sa vie « nouvelle »
est
à la fois dans le monde et hors du monde, à la fois manifestée par so
1123
d’une âme tout intellectuelle, dont « la nature n’
est
que de penser » et qui reste entièrement distincte du corps. Avec Kan
1124
totalisante, dans son pouvoir d’intégration de l’
être
. Loin de dissocier le moi, les recherches psychologiques du xxe sièc
1125
nisé par la Loi) et le spirituel libérateur. S’il
est
vrai que le langage courant confond sans l’ombre d’un scrupule la per
1126
re d’un scrupule la personne et tout ce qu’elle n’
est
pas — l’individu, la persona, la « forte individualité », l’âme sensi
1127
le recours à la « valeur absolue de la personne »
sont
à peu près universels en Occident. Comme l’attestent tant de notions
1128
t de réalités « bien vues » à l’Ouest, mais que l’
Est
se devait d’ignorer, voire de condamner, telles que l’originalité, le
1129
oi j’entends venir plus loin. L’ange Quelle
est
cette part de la personne dès maintenant libérée du monde, où elle vi
1130
e l’Inde mais enté sur le tronc abrahamique, d’où
sont
issus les juifs, les chrétiens, et l’islam. Que serait l’Ange pour no
1131
t issus les juifs, les chrétiens, et l’islam. Que
serait
l’Ange pour nos psychologues ? Une projection du moi individuel ou co
1132
viduel ou collectif. Pour les sages de l’Iran, il
est
ce moi. Barakat, juif passé à l’islam, écrit en 1165 : « … pour chaqu
1133
lusieurs ayant même nature ou affinité, il y a un
être
spirituel qui tout au long de leur existence assume envers cette âme
1134
les réconforte, les fait triompher, et c’est cet
être
qu’ils appelaient Nature parfaite. » C’est le vrai moi, c’est l’Ange.
1135
sous laquelle chacun des spirituels connaît Dieu
est
aussi la forme sous laquelle Dieu le connaît, parce qu’elle est la fo
1136
orme sous laquelle Dieu le connaît, parce qu’elle
est
la forme sous laquelle Dieu se révèle à soi-même en lui. C’est la “pa
1137
onne de la mystique soufi, « la totalité de notre
être
, ce n’est pas seulement cette partie que nous appelons présentement n
1138
mystique soufi, « la totalité de notre être, ce n’
est
pas seulement cette partie que nous appelons présentement notre perso
1139
n’évoque pas seulement cette part initiante de l’
être
renouvelé qui demeure cachée en Dieu selon le christianisme, mais enc
1140
de combattre pour venir en aide à Ohrmazd) et qui
sont
à la fois les archétypes célestes des êtres et leurs anges tutélaires
1141
et qui sont à la fois les archétypes célestes des
êtres
et leurs anges tutélaires. Il y a plus : selon le mazdéisme « chaque
1142
déisme « chaque entité physique ou morale, chaque
être
complet ou chaque groupe d’êtres appartenant au monde de Lumière a sa
1143
ou morale, chaque être complet ou chaque groupe d’
êtres
appartenant au monde de Lumière a sa Fravarti » — Ohrmazd, le Dieu lu
1144
i-même la sienne63. La Terre physique et tous les
êtres
qui l’habitent apparaissent ainsi comme la contrepartie visible du mo
1145
re-de-Gloire restituant toutes choses et tous les
êtres
dans leur pureté paradisiaque, « dans un décor de montagnes flamboyan
1146
’immortalité », au centre du monde spirituel (qui
est
le monde réel des Archétypes), le pont Chinvat s’élance, reliant un s
1147
’une beauté resplendissante et qui lui dit : — Je
suis
toi-même ! Mais si l’homme sur la Terre a maltraité son moi, au lieu
1148
stianisme véritable, ne demande pas d’abord ce qu’
est
l’homme, mais qui es-tu ? Toute réalité dernière est personnelle. Le
1149
l’homme, mais qui es-tu ? Toute réalité dernière
est
personnelle. Le vrai moi est ailleurs, mais son drame ici-bas. L’a
1150
ute réalité dernière est personnelle. Le vrai moi
est
ailleurs, mais son drame ici-bas. L’absolu, ou la négation du moi
1151
entre eux que les peuples de l’Europe, mais s’il
est
une croyance qu’ils ont tous en commun c’est la croyance à la métemps
1152
vies successives. Car si le moi n’existe pas, qu’
est
-ce qui transmigre64 ? Mais ce moi, cet ego, cette entité distincte, v
1153
osent leur idée du non-moi. Le vrai malentendu se
serait
-il instauré entre eux et nous ? Entre cela qu’ils pensent que nous cr
1154
me » que le Christ exige de ses disciples, et qui
est
la condition de leur accession à leur vrai moi spirituel, celui qui d
1155
Il en va de même pour le bouddhisme originel. Qu’
est
-ce que l’homme ? Un ensemble transitoire d’agrégats matériels et de f
1156
et la roue des retours sans fin. « Inconnaissable
est
le commencement des êtres enveloppés par l’ignorance, et que le désir
1157
ans fin. « Inconnaissable est le commencement des
êtres
enveloppés par l’ignorance, et que le désir conduit à de criminelles
1158
conduit à de criminelles renaissances.65 » Le but
est
donc « de nous apprendre le moyen de ne pas renaître », nous dit une
1159
a Sabbe dhamma anatta (Toutes choses composées
sont
transitoires Toutes choses composées sont souffrantes Toutes les chos
1160
mposées sont transitoires Toutes choses composées
sont
souffrantes Toutes les choses sont sans moi.68) Si D. T. Suzuki peut
1161
oses composées sont souffrantes Toutes les choses
sont
sans moi.68) Si D. T. Suzuki peut écrire après cela : « On le voit,
1162
rès cela : « On le voit, l’expérience personnelle
est
le fondement de la philosophie bouddhiste », comprenons qu’il s’agit
1163
es védantins comme des premiers bouddhistes, ce n’
est
pas encore la personne, mais l’obstination de l’ego qui veut durer au
1164
nce, dirions-nous, aux exigences du vrai moi, qui
est
notre répondant céleste. Et faut-il qu’il existe et qu’il soit fort,
1165
pondant céleste. Et faut-il qu’il existe et qu’il
soit
fort, ce moi qu’on répute illusoire, pour qu’un des buts majeurs des
1166
qu’un des buts majeurs des méthodes spirituelles
soit
de l’empêcher de renaître69 ! Mais vient le second stade, où les spi
1167
fond avec le Soi de l’Immensité, ou du Brahma. Qu’
est
-ce que l’âme ? Une monade, disent les uns. Un reflet du Brahma, disen
1168
n, répondent les advaïtins : c’est Brahma ou ce n’
est
rien. Et tu n’es rien. Et de leur côté les bouddhistes (mais le tao c
1169
dvaïtins : c’est Brahma ou ce n’est rien. Et tu n’
es
rien. Et de leur côté les bouddhistes (mais le tao chinois et le shin
1170
s les mêmes phrases) : « Nagasena, existe-t-il un
être
qui transmigre de ce corps dans un autre ? — Non, il n’y en a point.
1171
ui a péché reprend une individualité, mais non un
être
pur. — Ô Nagasena, dis-moi s’il existe rien de semblable à l’âme ? —
1172
Les spirituels hindous cherchent le samadhi, qui
est
l’absorption totale dans l’Absolu du Soi : le grand sommeil, lentemen
1173
fait, signe du Tout, et donc du Vide. Leur satori
est
le contraire du samadhi : c’est un éveil instantané. Éveil de quoi ?
1174
veil de quoi ? De la vision-en-soi, du Cela qui n’
est
pas personnel et se joue à travers notre moi. Ainsi tout l’Orient des
1175
tant de cinquante ans la durée moyenne de la vie,
serait
alors une « recette d’immortalité ». Et même la seule qui ait réussi.
1176
aisons face à l’Un tout-transcendant.71 » (Ce qui
est
chrétien.) Le même Chang Chen-Chi qui cite ce koan : Parfois, j’arra
1177
même manière. » Puis il ajoute : « Si le disciple
est
exceptionnellement doué, le maître ne touche ni à la personne, ni à l
1178
e pense pas au bien ni au mal, mais regarde ce qu’
est
, au moment présent, ta physionomie originelle, celle que tu avais ava
1179
nomie originelle, celle que tu avais avant même d’
être
né.72 » Par où nous rejoignons un certain christianisme — à partir d’
1180
eule quête de l’esprit, dont le Graal, ou l’Ange,
est
: toi-même. ⁂ Les différences ne sont donc pas où l’on croyait, ne so
1181
, ou l’Ange, est : toi-même. ⁂ Les différences ne
sont
donc pas où l’on croyait, ne sont jamais exactement ce que l’on croya
1182
différences ne sont donc pas où l’on croyait, ne
sont
jamais exactement ce que l’on croyait. Si nous souhaitons préciser le
1183
. Dans ce domaine, toute différence reconnue peut
être
vérifiée par l’expérience intime, et promet au dialogue des spirituel
1184
ux névroses de la psychanalyse freudienne : elles
seraient
autant de « rationalisations » des attitudes « dysfonctionnelles » qu
1185
oblèmes. Trois écoles de l’amour Si l’amour
est
le premier moteur non seulement de l’homme mais du monde, c’est son a
1186
C’est l’amour dominant qui fait l’homme… L’homme
est
absolument tel qu’est l’amour dominant de sa vie : selon (cet amour)
1187
t qui fait l’homme… L’homme est absolument tel qu’
est
l’amour dominant de sa vie : selon (cet amour) se fait son ciel, s’il
1188
sa vie : selon (cet amour) se fait son ciel, s’il
est
bon, ou son enfer, s’il est mauvais », dit Swedenborg dans La Nouvell
1189
e fait son ciel, s’il est bon, ou son enfer, s’il
est
mauvais », dit Swedenborg dans La Nouvelle Jérusalem. Et dans De Coel
1190
e : « Le corps de chaque esprit et de chaque ange
est
la forme de son amour.73 » Les trois notions de l’homme que l’on vien
1191
ne dualité sans laquelle ni l’homme ni l’amour ne
seraient
même concevables. Il ne s’agit ici ni du dualisme trop facilement nom
1192
ntre l’individu et le « vrai moi ». (L’individu n’
est
pas le mal en soi : il ne devient mauvais que dans la seule mesure où
1193
se refuse à l’amour. Et de même le « vrai moi » n’
est
pas le bien en soi, car il peut devenir un monstre.) Pour aimer, il f
1194
il peut devenir un monstre.) Pour aimer, il faut
être
deux, dit la sagesse des nations. Et cela vaut d’abord pour l’amour d
1195
irituels dans leur condamnation de l’égoïsme, qui
est
l’impérialisme de l’ego naturel et sa fermeture autarcique. Mais les
1196
arcique. Mais les motifs de cette condamnation ne
sont
pas les mêmes : les moralistes jugent au nom de la société, les spiri
1197
ans une vue chrétienne de l’homme, l’amour de soi
est
le rapport positif entre l’individu et le vrai moi. Le second command
1198
ne manière telle que s’aimer et aimer le prochain
soit
un même acte : sinon le comme n’aurait pas son plein sens. Dans l’amo
1199
orienter par lui. C’est le vrai moi qui aime, qui
est
l’agent de l’amour. Ce vrai moi seul peut aimer le prochain, parce qu
1200
Alain. Or le meilleur de l’autre — comme de soi —
est
sa vocation singulière. Aimer le prochain dans sa personne, c’est dis
1201
ne. Mais alors, d’où vient la personne ? Quel que
soit
le nom que lui ont donné les trois religions abrahamiques, le vrai mo
1202
nné les trois religions abrahamiques, le vrai moi
est
toujours suscité par l’Amour même : « Dieu nous a aimés le premier. »
1203
er. » Pour le chrétien, c’est parce que Dieu, qui
est
Amour, est un Dieu personnel, dans sa tri-unité, que l’amour spiritue
1204
le chrétien, c’est parce que Dieu, qui est Amour,
est
un Dieu personnel, dans sa tri-unité, que l’amour spirituel crée dans
1205
Si la plus haute valeur de l’Occident chrétien n’
est
pas la connaissance détachée mais le sacrifice personnel, et si le sa
1206
cation. Ou c’est encore se sacrifier tel que l’on
est
, à soi-même tel qu’on va le devenir par l’esprit. C’est rejoindre la
1207
sprit. C’est rejoindre la forme immortelle de son
être
au travers d’une « mort à soi-même » transfigurante. Ce modèle de l’a
1208
omplaisance croissante. Je sais bien que la haine
est
l’envers de l’amour, mais comment l’amour fasciné par le désir de ce
1209
vraiment ce qu’il lui sacrifie ? Le masochisme n’
est
-il pas le moment de retombement de l’âme frustrée, quand l’esprit qui
1210
ite hors du moi naturel. Désormais le vieil homme
est
jugé : n’ayant pu l’entraîner avec elle vers son bien et l’animer de
1211
n autonomie. Si le corps lui paraît désirable, il
sera
parfois tenté d’attribuer ce mouvement, né de l’instinct, à la révéla
1212
aut craindre celui qui se hait lui-même, car nous
serons
les victimes de sa colère et de sa vengeance. Ayons donc soin de l’in
1213
re à l’amour de lui-même.74 » L’érotisme sensuel
est
l’autre extrême où se porte l’âme irritée mais non pas convertie par
1214
e retombe alors dans les liens de l’instinct, qui
est
la puissance impersonnelle par excellence, et s’épuise à s’en libérer
1215
ntre les conventions de la morale commune — qu’il
est
déjà trop « spirituel » pour respecter — mais aussi contre le respect
1216
le respect du mystère exigeant de l’Autre qu’il n’
est
pas assez « spirituel » pour aimer. (Mais s’il l’était assez, il retr
1217
pas assez « spirituel » pour aimer. (Mais s’il l’
était
assez, il retrouverait aussi la justification de certaines convention
1218
le tissu conjonctif de toutes les sociétés qui ne
sont
pas un ordre.) L’école iranienne Il n’existe plus de communauté
1219
4-41) qui pose comme une clef musicale : « Chaque
être
connaît le mode de prière et de glorification qui lui est propre. » T
1220
aît le mode de prière et de glorification qui lui
est
propre. » Toute personne s’origine en Dieu, qui l’a créée afin d’être
1221
personne s’origine en Dieu, qui l’a créée afin d’
être
connu par elle et de « devenir en elle l’objet de sa propre connaissa
1222
de l’autre et l’aimer « comme soi-même », — comme
étant
née du même amour qui m’a créé. « (Dieu) est celui qui dans chaque êt
1223
me étant née du même amour qui m’a créé. « (Dieu)
est
celui qui dans chaque être aimé se manifeste au regard de chaque aman
1224
qui m’a créé. « (Dieu) est celui qui dans chaque
être
aimé se manifeste au regard de chaque amant… car il est impossible d’
1225
mé se manifeste au regard de chaque amant… car il
est
impossible d’aimer un être sans se représenter en lui la divinité. Un
1226
de chaque amant… car il est impossible d’aimer un
être
sans se représenter en lui la divinité. Un être n’aime en réalité per
1227
n être sans se représenter en lui la divinité. Un
être
n’aime en réalité personne d’autre que son créateur.76 » Ibn Arabi di
1228
elle pour Lui ; l’amour spirituel « dont le siège
est
en la créature toujours à la quête de l’être dont elle découvre en el
1229
siège est en la créature toujours à la quête de l’
être
dont elle découvre en elle l’Image, ou dont elle se découvre comme ét
1230
e en elle l’Image, ou dont elle se découvre comme
étant
l’Image » ; enfin l’amour naturel, qui recherche la satisfaction de s
1231
rs sans souci de l’agrément de l’Aimé. « Et telle
est
hélas ! dit Ibn Arabi, la manière dont la plupart des gens d’aujourd’
1232
bi observe que les plus parfaits amants mystiques
sont
ceux qui aiment Dieu simultanément pour lui-même et pour eux-mêmes, p
1233
malheureuse » en proie aux déchirements). » Telle
est
donc la personne unifiée et tel est son amour de soi-même. Quant à l’
1234
nts). » Telle est donc la personne unifiée et tel
est
son amour de soi-même. Quant à l’amour-passion (ici, non romantique !
1235
toutes les dimensions de l’amour unifié. L’Aimé n’
est
plus alors un simple objet — comme il est pour l’amour naturel, posse
1236
’Aimé n’est plus alors un simple objet — comme il
est
pour l’amour naturel, possessif — mais une virtualité divine que l’am
1237
ine l’Image) et qu’il tend à faire exister dans l’
être
aimé, par l’efficace de son amour préfigurant. C’est précisément là q
1238
fonction théophanique de l’Ange (ainsi en a-t-il
été
des Figures féminines célébrées par les Fedeli d’amore, compagnons de
1239
li d’amore, compagnons de Dante ; ainsi en a-t-il
été
de celle qui apparut à Ibn Arabi, à la Mekke, comme figure de la Soph
1240
en profondeur : que l’amant tende à contempler l’
être
aimé, à s’unir en lui, à en perpétuer la présence, son amour tend tou
1241
tend toujours à faire exister quelque chose qui n’
est
pas encore existant dans l’Aimé.78 On reconnaît ici les « notes » de
1242
Comme tout bien procède du Seigneur, le Seigneur
est
, dans le sens suprême et au degré le plus éminent, le Prochain ; c’es
1243
ns relatives au prochain, c’est-à-dire que chacun
est
le prochain en proportion de ce qu’il a quelque chose du Seigneur en
1244
n qui procède du Seigneur, il s’ensuit que l’un n’
est
pas le prochain de la même manière que l’autre… ; il n’y a jamais che
1245
ue… C’est l’amour qui fait le prochain, et chacun
est
le prochain selon la qualité de son amour.80 En dépit de tout ce qui
1246
poésie dense de l’Arabe, l’homologie des énoncés
est
indéniable. Si le symbolisme concret des soufis transpose doublement
1247
e prochain, reste exactement comparable, comme le
sont
les trois formes de l’amour que manifeste cette structure. Mais « l’I
1248
e un amour dédié à sa propre âme81, dont Iseut ne
serait
que l’image sensible, — et c’est pourquoi j’ai osé dire que Tristan n
1249
que Tristan n’aimait pas Iseut — cette passion n’
est
-elle pas mieux vue si l’on évoque les Fravartis du mazdéisme, les fig
1250
» de l’âme et de sa Dâenâ au pont Chinvat ? Et n’
est
-ce pas pour avoir désiré l’amour de l’Ange que les amants de la forêt
1251
ce que « leur engagement — comme dira Novalis — n’
était
pas pris pour cette vie », mais pour l’autre ? S’il est une « erreur
1252
s pris pour cette vie », mais pour l’autre ? S’il
est
une « erreur de Tristan », motivant le malheur essentiel de sa passio
1253
, motivant le malheur essentiel de sa passion, ce
serait
alors dans le mode de la transposition du « ciel » en Terre, et de l’
1254
t transitoire et le Soi tout impersonnel : « Il n’
est
qu’un Soi pour tous les êtres.82 » L’individualité qui est là, qui to
1255
impersonnel : « Il n’est qu’un Soi pour tous les
êtres
.82 » L’individualité qui est là, qui tombe sous le sens, doit être ex
1256
Soi pour tous les êtres.82 » L’individualité qui
est
là, qui tombe sous le sens, doit être exténuée méthodiquement (non po
1257
idualité qui est là, qui tombe sous le sens, doit
être
exténuée méthodiquement (non point transfigurée ou glorifiée) pour at
1258
i sans distinction, la Réalité sans visage, qui n’
est
ni ceci ni cela, mais qui est l’Immensité, disent les hindous, et qui
1259
sans visage, qui n’est ni ceci ni cela, mais qui
est
l’Immensité, disent les hindous, et qui est le Vide, disent les boudd
1260
s qui est l’Immensité, disent les hindous, et qui
est
le Vide, disent les bouddhistes. Du même coup se trouvent évacués les
1261
(Ou tout au moins, pris au sérieux.) L’amour même
est
évacué. Il n’est plus que l’attrait des sexes agissant fatalement sur
1262
, pris au sérieux.) L’amour même est évacué. Il n’
est
plus que l’attrait des sexes agissant fatalement sur des milliards d’
1263
selon le cours des astres et le Karma. Il ne peut
être
, pour l’esprit, qu’indifférent. (Quoique la morale sociale condamne r
1264
alement l’adultère de la femme mariée ; mais ce n’
est
pas au nom de l’amour, on le pense bien.) « Écarte les choses, ô aman
1265
ense bien.) « Écarte les choses, ô amant, ta voie
est
fuite ! » s’écriait saint Jean de la Croix. Écarte le prochain ! ajou
1266
s spirituels du védantisme et du bouddhisme. S’il
est
vrai que « la notion de Moi n’a d’accès que dans la pensée des sots »
1267
oi ne vaut pas mieux. « La morale bouddhique, qui
est
une sorte d’hygiène spirituelle, tend à détruire, en nous, les causes
1268
ouleur. » Si l’on s’en tient aux textes, la cause
est
entendue : l’Asie métaphysique ne connaît pas l’amour, — j’entends l’
1269
l’amour matrimonial. Mais on me dira que l’Asie n’
est
pas toute spirituelle, et que la vie ne s’en tient pas aux textes. On
1270
’on ne voit pas de raisons pour que l’Orient réel
soit
plus conforme aux sermons du Bouddha que l’Europe au Sermon sur la Mo
1271
ndes doctrines religieuses de l’Asie n’ont jamais
été
révolutionnaires. Elles n’ont jamais prétendu transformer l’ensemble
1272
ennent à partie, un à un, tout individu tel qu’il
est
, décidées à le transformer en vérité85. Elles provoquent d’innombrabl
1273
85. Elles provoquent d’innombrables réactions. Il
est
par suite inévitable que l’existence réelle, en Occident, ressemble m
1274
Occident, ressemble moins à la doctrine que ce n’
était
le cas, jusqu’à nos jours, en Asie. Prenons l’exemple de l’érotisme.
1275
lles nous procurent une jouissance. La divinité n’
est
un objet d’amour que parce qu’elle représente une volupté sans mélang
1276
la joie de la possession, la souffrance du désir
est
pour un instant apaisée… et l’homme perçoit dans le plaisir sa propre
1277
dans le plaisir sa propre nature essentielle, qui
est
la joie. Toute jouissance, tout plaisir est une expérience du divin…
1278
, qui est la joie. Toute jouissance, tout plaisir
est
une expérience du divin… Mais l’amour parfait est celui dont l’objet
1279
est une expérience du divin… Mais l’amour parfait
est
celui dont l’objet n’est pas limité. C’est cet amour qui est l’amour
1280
in… Mais l’amour parfait est celui dont l’objet n’
est
pas limité. C’est cet amour qui est l’amour pur, l’amour de l’amour m
1281
ont l’objet n’est pas limité. C’est cet amour qui
est
l’amour pur, l’amour de l’amour même, l’amour de l’Être-de-volupté tr
1282
anscendant.86 Kâma, le dieu du plaisir érotique,
est
vénéré par les yogis, « car c’est lui seul, lorsqu’il est satisfait,
1283
ré par les yogis, « car c’est lui seul, lorsqu’il
est
satisfait, qui peut libérer l’esprit du désir… Ce n’est pas le plaisi
1284
tisfait, qui peut libérer l’esprit du désir… Ce n’
est
pas le plaisir mais le désir qui lie l’homme et qui est un obstacle à
1285
s le plaisir mais le désir qui lie l’homme et qui
est
un obstacle à son progrès spirituel87 ». Et encore : « Celui qui cher
1286
ui cherche l’amour dans l’espoir d’une jouissance
est
la victime du désir. Le sage accepte les plaisirs sensuels quand ils
1287
and ils viennent, mais avec un cœur détaché. Il n’
est
pas victime du désir.88 » Ce « détachement » tout accueillant, cette
1288
s » et les « infâmes », contre tous ceux « qui se
sont
livrés à l’impureté, selon les convoitises de leur cœur ». Comparons
1289
et l’on sait à quel point cette forme de l’amour
est
liée à ses expressions. La passion et l’amour mystique, l’érotisme et
1290
mour mystique, l’érotisme et l’amour du prochain,
sont
des problèmes occidentaux, posés à tous par les rigueurs mal tolérées
1291
es, cependant que les voies de sagesse asiatiques
sont
seulement proposées, — à quelques-uns. Les recettes de plaisir, ou d’
1292
isir, ou d’immortalité par la rétention du semen,
sont
liées en Asie à la piété, tandis que nos coutumes viennent d’un vieux
1293
sme ou du bouddhisme, la vie réelle de l’Occident
est
en conflit avec la foi, tandis que la vie réelle de l’Asie est en sym
1294
t avec la foi, tandis que la vie réelle de l’Asie
est
en symbiose avec ses religions. Et si la symétrie de ces formules inq
1295
te dans un roman moderne, dont l’auteur se trouve
être
un brahmane orthodoxe : « J’avais vécu en Europe, j’avais épousé une
1296
e qu’elles excluent leur contraire, ou que l’on s’
était
mépris sur le vrai sens de leurs affirmations répétées du contraire (
1297
on personnelle accomplie aux dépens de l’individu
est
loin d’être absente de la Bhagavad-Gita : Sois détaché et accomplis
1298
lle accomplie aux dépens de l’individu est loin d’
être
absente de la Bhagavad-Gita : Sois détaché et accomplis l’action qui
1299
du est loin d’être absente de la Bhagavad-Gita :
Sois
détaché et accomplis l’action qui est ton devoir, car en accomplissan
1300
ad-Gita : Sois détaché et accomplis l’action qui
est
ton devoir, car en accomplissant l’action sans attachement, l’homme o
1301
e. (III, 19) Notre propre devoir, si humble qu’il
soit
, vaut mieux que le devoir parfaitement accompli d’un autre. Le dharma
1302
itement accompli d’un autre. Le dharma d’un autre
est
plein de dangers. (III, 35) Et dans les upanishads : La vie n’a serv
1303
njonction évangélique d’aimer aussi son ennemi ne
sont
pas absentes du bouddhisme car l’ennemi et toi-même ne diffèrent que
1304
rmer Éros en Agapè »90. Je répète que tout cela n’
est
pas contradictoire, dans une philosophie sans dogmatique. Nous parler
1305
? Non point à la femme, mais en vérité au Soi qui
est
en elle.91 En présence d’une telle phrase, j’éprouve d’abord ceci :
1306
vive reconnaissance. Car toute vérité sur l’amour
est
immédiatement reconnue par celui qui s’est mis en quête d’un savoir d
1307
’amour est immédiatement reconnue par celui qui s’
est
mis en quête d’un savoir de l’amour qu’il vit. N’importe qui m’averti
1308
. N’importe qui m’avertira que le Soi de l’Inde n’
est
pas le vrai Dieu des chrétiens, qui est personnel. On connaît les déf
1309
l’Inde n’est pas le vrai Dieu des chrétiens, qui
est
personnel. On connaît les définitions. Mais je retrouve ici mon expér
1310
rire tout un livre. (Mais si c’était celui que je
suis
en train d’écrire ? Et qui, précisément, ici, touche à sa fin ?) Je d
1311
mour, et l’aider à prendre conscience de ce qu’il
est
ou peut devenir. N’est-ce pas l’aider à réfléchir la lumière de l’amo
1312
dre conscience de ce qu’il est ou peut devenir. N’
est
-ce pas l’aider à réfléchir la lumière de l’amour créateur ? Non, ce s
1313
éfléchir la lumière de l’amour créateur ? Non, ce
serait
là trop dire, et pas assez. Aimer, c’est aider l’autre à se situer de
1314
us lui-même qu’avant : amour mutuel. L’expérience
est
la même, ou du moins je la sens telle. Mais la lumière ? Est-ce le No
1315
, ou du moins je la sens telle. Mais la lumière ?
Est
-ce le Nom qu’on lui donne qui diffère, — ou quoi d’autre ? Le point d
1316
diffère, — ou quoi d’autre ? Le point du dialogue
est
ici. Un point seulement, sans étendue, mais selon le regard que nous
1317
cidental ou l’Oriental. Tous les risques d’erreur
sont
de notre côté, nous les payons par les névroses ou l’abêtissement spi
1318
par les névroses ou l’abêtissement spirituel. Eux
sont
tellement en garde contre l’illusion, qu’ils l’ont mise en facteur co
1319
d’une gigantesque schizophrénie du Soi. (Mais il
sera
finalement résorbé, tout s’arrangera.) Ils en ont fait autant pour le
1320
mique, Purusha (dont la contrepartie actualisante
est
Prakriti) finalement dissociée et fondue dans le Soi : « Tu es Cela »
1321
finalement dissociée et fondue dans le Soi : « Tu
es
Cela ». Le drame individuel est noyé dans le Tout. Mais le Tout est l
1322
dans le Soi : « Tu es Cela ». Le drame individuel
est
noyé dans le Tout. Mais le Tout est le contraire du drame. Tous les r
1323
me individuel est noyé dans le Tout. Mais le Tout
est
le contraire du drame. Tous les risques d’erreur sont liés à notre am
1324
le contraire du drame. Tous les risques d’erreur
sont
liés à notre amour ; et plus l’amour est passionné, exigeant, singuli
1325
’erreur sont liés à notre amour ; et plus l’amour
est
passionné, exigeant, singulier, plus grand le risque. Ce que nous cro
1326
and le risque. Ce que nous croyons aimer en elle,
est
-ce elle-même ou l’image de notre ange ? Ce que nous avons cru voir en
1327
lle, et que nous déifions peut-être à ses dépens,
est
-ce notre anima projetée ? Tous les psychanalystes nous l’ont dit : l’
1328
es nous l’ont dit : l’erreur sur la personne de l’
être
aimé est la source des pires conflits, une violence faite à l’âme de
1329
ont dit : l’erreur sur la personne de l’être aimé
est
la source des pires conflits, une violence faite à l’âme de l’autre,
1330
ux « vues justes » comme disait le Bouddha, — qui
était
l’un des nôtres, un Indien — si tu vois bien ce que tu vois et portes
1331
mmuable seul, toutes ces erreurs que tu craignais
sont
illusoires. Comme le moi. — La vue juste distingue et juge, mais ne
1332
er mieux, c’est apprendre à discerner la raison d’
être
— donc d’être unique — de l’autre aimé, comme de soi-même. Ce corps v
1333
t apprendre à discerner la raison d’être — donc d’
être
unique — de l’autre aimé, comme de soi-même. Ce corps visible que vie
1334
t animer un mouvement singulier et fascinant de l’
être
… « Aimer ce que jamais on ne verra deux fois ! » — Aimer, c’est voulo
1335
bsorbant. Mais que nous devenions Shiva, la femme
est
dissoute et le monde avec elle. Car le monde ne doit pas être refusé
1336
e et le monde avec elle. Car le monde ne doit pas
être
refusé mais dissous.92 — Je veux voir l’autre en sa réalité, qui est
1337
ous.92 — Je veux voir l’autre en sa réalité, qui
est
unique. J’aime en elle à la fois ce que je vois et ce qui fait que je
1338
: ce vrai moi pressenti par l’amour seul, et qui
est
elle-même. Tu dis le Soi, ce n’est personne. — Il n’y a personne. Per
1339
r seul, et qui est elle-même. Tu dis le Soi, ce n’
est
personne. — Il n’y a personne. Personne ne peut aimer, sauf l’égoïste
1340
er que ton « Dieu » dans ses créatures, puisqu’il
est
dit de Lui qu’il est amour. — Mais Dieu pour nous est une Personne, e
1341
ans ses créatures, puisqu’il est dit de Lui qu’il
est
amour. — Mais Dieu pour nous est une Personne, et nous crée comme per
1342
dit de Lui qu’il est amour. — Mais Dieu pour nous
est
une Personne, et nous crée comme personnes bien distinctes. Tu ne voi
1343
er. — Quand je saurai aimer le Soi en elle, je ne
serai
plus moi, elle ne sera plus elle, et les dieux mêmes me serviront.
1344
mer le Soi en elle, je ne serai plus moi, elle ne
sera
plus elle, et les dieux mêmes me serviront. Tout et tous L’Orie
1345
consommation des temps, répond saint Paul, « Dieu
sera
tout en tous ». Depuis six millénaires, les sages de l’Asie n’ont pas
1346
s savent la date — la vie, le cosmos et les dieux
seront
résorbés dans l’Un seul, sans laisser aucune trace, comme n’ayant pas
1347
ulé par la science occidentale : mais personne ne
sera
là pour constater que leurs doctrines sur la Lumière finale et sur le
1348
nes sur la Lumière finale et sur le Vide n’auront
été
, dans leur ensemble, qu’une immense transposition sur les plans poéti
1349
ppe à la majorité de ceux qu’elle entraîne. Et il
est
vrai qu’on ne saurait guère le concevoir sans une vision de sa fin an
1350
tte fin. Dès lors, au duel de l’Un et du Multiple
est
substitué le drame de l’Un et des Uniques : — à l’anéantissement fina
1351
rnisé par l’effort vivifiant de l’Imagination. Ce
sont
là deux doctrines, deux vues des spirituels. Quelle est la vraie ? Si
1352
deux doctrines, deux vues des spirituels. Quelle
est
la vraie ? Si les sages de l’Orient ont raison, personne ne pourra le
1353
sées. Si les saints de l’Occident ont raison, ils
seront
seuls à être là pour le savoir. La doctrine qui peut devenir vraie se
1354
ints de l’Occident ont raison, ils seront seuls à
être
là pour le savoir. La doctrine qui peut devenir vraie sera celle que
1355
our le savoir. La doctrine qui peut devenir vraie
sera
celle que nous choisirons, en vérité vécue de conscience et d’action.
1356
et d’action. Les résultats actuels et historiques
sont
ambigus à l’infini, pour nos mesures. Les peuples sont dans l’ignoran
1357
ambigus à l’infini, pour nos mesures. Les peuples
sont
dans l’ignorance malheureuse des origines et des fins de ce qu’ils cr
1358
our leurs croyances. Nous voyons ce que l’Orient
est
resté jusqu’ici, et que ces doctrines d’extinction n’ont pas tué l’il
1359
llusion du moi ; au contraire, ce moi sans valeur
est
en train de faire valoir ses revendications, par plusieurs centaines
1360
r et l’espérance ce que l’Occident peut devenir :
soit
s’engloutir dans l’Illusion de la matière (et l’Orient aurait eu rais
1361
ion de la matière (et l’Orient aurait eu raison),
soit
accomplir sa vocation aventureuse, déchiffrer l’Être dans le singulie
1362
t accomplir sa vocation aventureuse, déchiffrer l’
Être
dans le singulier et les structures de l’énergie universelle. Car c’e
1363
, qu’il aille jusqu’au bout ! Pour lui la Réalité
est
dans l’individuel, et l’Être dans les raisons d’être des uniques. Or
1364
! Pour lui la Réalité est dans l’individuel, et l’
Être
dans les raisons d’être des uniques. Or ce choix est celui de l’amour
1365
t dans l’individuel, et l’Être dans les raisons d’
être
des uniques. Or ce choix est celui de l’amour, de la connaissance par
1366
dans les raisons d’être des uniques. Or ce choix
est
celui de l’amour, de la connaissance par l’amour, car tout ce qui exi
1367
connaissance par l’amour, car tout ce qui existe
est
unique, à voir de près, comme voit l’amour. 60. Cf. Charles Baudoi
1368
couverte de la Personne, 1940, p. 22. Cet ouvrage
est
le meilleur exposé du personnalisme moderne, par un psychanalyste ass
1369
d Bouddhist, p. 39.) La psychologie dont il parle
est
occidentale. Cherchant à guérir les « maladies du moi », elle le conf
1370
ise une action ; ses collègues l’approuvent et il
est
décidé qu’il sera fait suivant ce qu’il a proposé. D’autres fois, plu
1371
ses collègues l’approuvent et il est décidé qu’il
sera
fait suivant ce qu’il a proposé. D’autres fois, plusieurs membres de
1372
de l’assemblée la quittent d’eux-mêmes ; d’autres
sont
graduellement poussés au-dehors et d’autres, encore, sont expulsés de
1373
duellement poussés au-dehors et d’autres, encore,
sont
expulsés de force par leurs collègues. Pendant ce temps, de nouveaux
1374
e nouveaux venus s’introduisent dans l’assemblée,
soit
en s’y glissant doucement, soit en enfonçant les portes. On remarque
1375
dans l’assemblée, soit en s’y glissant doucement,
soit
en enfonçant les portes. On remarque encore que certains membres de l
1376
ar ne plus l’entendre. Au contraire, d’autres qui
étaient
débiles et timides se fortifient et s’enhardissent, et finissent par
1377
er dictateurs. Les membres de cette assemblée, ce
sont
les éléments physiques et mentaux qui constituent la “personne” ; ce
1378
ues et mentaux qui constituent la “personne” ; ce
sont
nos instincts, nos tendances, nos idées, nos croyances, nos désirs, e
1379
ces, nos désirs, etc. Chacun de ceux-ci se trouve
être
, de par les causes qui l’ont engendré, le descendant et l’héritier de
1380
moi, on le perd assurément et par méthode. Car il
est
forme dominante et gouvernante. Si on tentait de l’observer à l’aide
1381
à l’aide d’un microscope, l’éléphant lui aussi ne
serait
plus qu’une vaste illusion. 70. Les Questions de Milinda (Milindah
1382
e Milinda (Milindahunha), ier siècle A.D. Milinda
est
le roi indo-grec Ménandre, qui vivait au iie siècle avant J.-C. Naga
1383
Neel, op. cit., p. 304-305. 73. Ces deux phrases
sont
à rapprocher de cette vue d’un soufi : « Le paradis du gnostique fidè
1384
près ce que Freud nomme « narcissisme », et qui n’
est
tel qu’aux yeux de celui qui nie l’âme ; mais alors, d’où viendrait c
1385
cet amour, à qui irait-il ? La passion de Tristan
est
la preuve de l’âme, s’il en fut jamais. 82. Katha upanishad. 83. Al
1386
assion de Tristan est la preuve de l’âme, s’il en
fut
jamais. 82. Katha upanishad. 83. Alexandra David-Neel, Le Bouddhism
1387
hristianisme et le judaïsme. « Dans l’Arabe, tout
est
colère », écrit Henri Michaux. « Son bonjour : “Que le salut soit sur
1388
crit Henri Michaux. « Son bonjour : “Que le salut
soit
sur quiconque suit la vraie religion.” (La vraie ! Aux autres, pas de
1389
confronte avec plus de tendresse et de rigueur l’
Est
et l’Ouest. Lire aussi, mais c’est beaucoup moins tendre pour les deu
1390
s de L’Amour et l’Occident un peu plus qu’il ne
serait
souhaitable, de son propre point de vue. 91. On pourra retrouver ce
1391
de Chardin, La Route de l’Ouest (inédit). 94. Il
serait
peut-être fécond d’interpréter le principe de Carnot-Clausius (accroi