1 1931, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Les Éléments de la grandeur humaine, par Rudolf Kassner (octobre 1931)
1 er (octobre 1931)a Si l’existence — le degré d’ être — se mesure au pouvoir d’incarner sa vérité, le mal du siècle c’est l
2 Et c’est ainsi par une nécessité organique — nous sommes nécessiteux — que son œuvre entre en action parmi les forces spiritue
3 orera plus longtemps. Quant à l’Allemagne, elle s’ est depuis plusieurs années déjà pénétrée de cette philosophie, ainsi qu’
4 Karl Barth, génial disciple du Danois, et dont il est grand temps qu’on nous traduise quelques essais théologiques. L’œuvre
5 ueil, les mots-clés : mesure, forme, grandeur, ne sont guère définis que par leurs rapports mutuels et tirent de cette inter
6 . L’homme chrétien au contraire, l’homme qui doit être surpassé, vit dans la démesure, et lorsqu’il « veut prendre mesure de
7 me, il se sent aussitôt incomplet et coupable. Il est donc possible de dire que le péché est la mesure du démesuré, et que
8 upable. Il est donc possible de dire que le péché est la mesure du démesuré, et que pour le chrétien il n’est pas d’autre g
9 mesure du démesuré, et que pour le chrétien il n’ est pas d’autre grandeur ». Ainsi le chrétien existe en tant que le péché
10 acte par excellence du chrétien, hors duquel il n’ est pour lui ni mesure, ni grandeur, ni forme, mais seulement chimères et
11 s de loi interne et de tension par le péché, il n’ est plus qu’un être sans destinée, un « indiscret ». « Sa substance inter
12 e et de tension par le péché, il n’est plus qu’un être sans destinée, un « indiscret ». « Sa substance interne est crevassée
13 estinée, un « indiscret ». « Sa substance interne est crevassée et divisée. Son œuvre souvent pleine de charme mais sans fo
14 ais ne nous détermine jamais. Cet homme indiscret est distrait, et sa distraction vient de l’intérieur. Il ne peut jamais s
15 rte aucune atteinte à la perspicacité parce qu’il est vraiment souverain. Peut-être faut-il reconnaître à ce seul philosoph
16 sée autoritaire. Entendons que pour lui, penser n’ est pas se débattre dans ses contradictions personnelles, parlementarisme
17 ant que la réalité humaine, non sa pensée privée, est tourmentée.) Penser n’est pas non plus s’ingénier sur des idées et de
18 , non sa pensée privée, est tourmentée.) Penser n’ est pas non plus s’ingénier sur des idées et des combinaisons d’idées mai
19 t des combinaisons d’idées mais créer de tout son être spirituel des faits nouveaux et vrais, dans un certain style. Car il
20 ouveaux et vrais, dans un certain style. Car il n’ est point de vérité sans forme. Quelques pages étranges et puissantes sur
21 strent ce réalisme de la forme, hors de quoi il n’ est qu’indiscrétion, et qui livre la clef de la pensée de Kassner, comme
22 aussi de son apparente obscurité1. Il faut savoir être secret pour penser avec autorité. Il faut savoir taire ce qui permett
23 s « réaliser ». Il faut que les pensées créées ne soient concevables qu’en elles-mêmes et comme à l’état sauvage, non par une
24 t qui les domestique. Une pensée neuve ne saurait être comprise à moins d’être recréée dans sa forme — ce dont certaine clar
25 e pensée neuve ne saurait être comprise à moins d’ être recréée dans sa forme — ce dont certaine clarté dispense le lecteur.
26 e lecteur. On pourrait dire aussi que l’indiscret est celui qui se préoccupe de défendre plutôt que d’illustrer. Ainsi selo
27 i s’avisa de défendre la religion mériterait-il d’ être appelé Judas numéro deux. Car il ne s’agit pas de professer une chose
28 ar il ne s’agit pas de professer une chose mais d’ être la chose. Le rare, c’est que chez Kassner comme chez Kierkegaard, cet
29 ésence s’accommode d’une ironie qui chez d’autres serait plutôt le fait du détachement. Une ironie à l’intérieur des choses, q
30 terne et du recteur Krooks sur Judas et la Parole est à cet égard d’une saveur particulièrement riche et complexe. (« … les
31 es ; s’il n’y avait pas de prophètes, les bavards seraient peut-être des créatures très silencieuses, comme les belettes ou les
32 pocryphe de l’empereur Alexandre Ier de Russie, n’ est qu’une suite de méditations sur le thème du tout-ou-rien moral qui ca
33 les dissout dans une réalité plus absolue. Telle est la forme des dialogues où culmine son art. De ces dialogues, où chaqu
34 de sa vérité — si bien que la conclusion ne peut être qu’implicite et fonction d’une hiérarchie de valeurs, non de la seule
35 nnaissons le modèle immortel, le Livre de Job. Il serait curieux d’en suivre la filiation, jusqu’au Soulier de Satin de Claude
36 iation, jusqu’au Soulier de Satin de Claudel : ce serait une sorte de généalogie du réalisme poétique. 1. Obscurité : Kassne
37 chologiques. Il prend tout par des biais qui nous sont peu familiers. Et puis enfin, voilà une philosophie qui postule la vi
38 t-à-dire l’appréhension poétique du monde. Rien n’ est plus étranger au nominalisme qui envahit la critique sous l’influence
2 1931, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Sarah, par Jean Cassou (novembre 1931)
39 xviiie  ; des sujets dans le goût allemand, tels sont les éléments qui composent non sans paradoxe ce recueil de « motifs »
40 esoin, qu’il imagine et dont il meurt. Car la vie est une espèce de marâtre et n’a que faire de nos tendresses. Les sujets
41 aire de nos tendresses. Les sujets de Jean Cassou sont très particuliers — jusqu’à l’arbitraire parfois —, ce dont on hésite
42 la pitié essaient sur eux leurs forces. Le monde est habité par des êtres dont le « bonheur » consiste à ne pas se rendre
43 sur eux leurs forces. Le monde est habité par des êtres dont le « bonheur » consiste à ne pas se rendre compte de ce qu’ils v
44 conditions » de la vie que mort s’en suit. Sarah est donc un recueil de contes romantiques, cas tout à fait rare dans la l
45 de pouce voltairien, l’élégance trop rapide. Il n’ est pas bon qu’un conteur laisse voir la moindre ironie vis-à-vis de ses
46 e, absolue et naïve où gît leur profonde raison d’ être . C’est pourquoi les meilleurs contes du volume sont ceux dont la lent
47 re. C’est pourquoi les meilleurs contes du volume sont ceux dont la lenteur nous retient. Ainsi Sarah, Monsieur Hoog, qui at
3 1932, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Les Signes parmi nous, par C. F. Ramuz (janvier 1932)
48 parmi nous, par C. F. Ramuz (janvier 1932)c Il est remarquable que ceux dont la fonction serait d’exprimer notre civilis
49 c Il est remarquable que ceux dont la fonction serait d’exprimer notre civilisation, en un temps où elle se trouve brutalem
50 muz (sur le Travail), qui débute ainsi « Pourquoi est -ce qu’on travaille ? parce qu’on y est forcé. Pourquoi y est-on forcé
51 « Pourquoi est-ce qu’on travaille ? parce qu’on y est forcé. Pourquoi y est-on forcé ? » Je vois que cet article en vient à
52 n travaille ? parce qu’on y est forcé. Pourquoi y est -on forcé ? » Je vois que cet article en vient à formuler le dilemme s
53 i l’on veut marxisme-christianisme, qui se trouve être le dilemme urgent de l’heure. Et je m’inquiète ; non pas de ces quest
54 e brillants essais sur le monde actuel et futur ? Est -ce le fait d’une disposition trop romantique que d’avoir cru distingu
55 e vue pratiquement bouleversant ? D’autre part, n’ est -ce point le fait d’un certain manque de tact intellectuel que de pose
56 s vient cependant où la métaphysique se posera ou sera niée en termes concrets, en termes de nourriture par exemple, non plu
57 sa grandeur, c’est-à-dire dans l’élémentaire : un être qui est nu, qui a froid, qui a faim, qui a été jeté au sein d’une nat
58 ur, c’est-à-dire dans l’élémentaire : un être qui est nu, qui a froid, qui a faim, qui a été jeté au sein d’une nature host
59 n être qui est nu, qui a froid, qui a faim, qui a été jeté au sein d’une nature hostile, de sorte qu’il lui faut sans cesse
60 public et l’époque, de ce ton viril et simple qui est à lui, nullement irrité (comme un Bloy), nullement moralisant ou jaco
61 uelle il échappe entièrement et de toute façon, n’ étant pas même révolutionnaire, parce que trop radical, trop enraciné dans
62 ces et temporaires. (Les animaux et les arbres ne sont pas révolutionnaires.) Et ce n’est pas qu’il ait jamais craint de tir
63 les arbres ne sont pas révolutionnaires.) Et ce n’ est pas qu’il ait jamais craint de tirer sur ces racines, fortement : mai
64 a nature, ce même besoin de précision utile. Ce n’ est pas un art d’après le peuple4, mais on dirait presque : d’avant. Il n
65 e peuple4, mais on dirait presque : d’avant. Il n’ est pas jusqu’à son Antiquité qui ne coïncide avec celle du pays de Vaud 
66 c celle du pays de Vaud : non pas la grecque, qui est scolaire — pour eux — mais la biblique, qui est vivante. Ainsi tous p
67 i est scolaire — pour eux — mais la biblique, qui est vivante. Ainsi tous parlent un même langage, qu’ils l’inscrivent sur
68 isme de Ramuz. Mais comment Ramuz croirait-il à l’ être collectif, être sans racines, mythe cérébral. « Je ne distingue l’êtr
69 ais comment Ramuz croirait-il à l’être collectif, être sans racines, mythe cérébral. « Je ne distingue l’être qu’aux racines
70 sans racines, mythe cérébral. « Je ne distingue l’ être qu’aux racines de l’élémentaire », écrivait-il dans ses Six Cahiers.
71 adie. Et la joie, ce point commun, « ce point qui est au-delà de la vie ». Le communisme qui règne au jugement dernier et q
72 ait aux Origines, car la Fin et le Commencement «  sont en ressemblance et voisinage ». Ce regard rajeuni, ces gestes rudimen
73 e-poète, « le peuple tous en un ». Mais son œuvre est bien au-delà de l’ère machiniste que traverse l’URSS, au-delà de l’in
74 art m’en convainc : le sens de la vénération, qui est aussi celui de la lenteur des choses. Cet art, le sujet des Signes pa
75 les événements actuels — cela se passe un jour d’ été de 1918 — sont expliqués à la lumière des Écritures. La Fin des Temps
76 s actuels — cela se passe un jour d’été de 1918 — sont expliqués à la lumière des Écritures. La Fin des Temps est proche, il
77 qués à la lumière des Écritures. La Fin des Temps est proche, il faut en témoigner. À tous il tend la Parole « morte aux pa
78 e s’amasse. Vers le soir, il éclate tragiquement. Est -ce la fin ? Grande heure de terreur et de prière. Puis, « la page du
79 e terreur et de prière. Puis, « la page du ciel a été tournée », ils se relèvent : « Il paraît bien qu’on n’est pas morts !
80 née », ils se relèvent : « Il paraît bien qu’on n’ est pas morts ! » Le monde renaît dans une soirée pure et le baiser d’un
81 andiose monotonie. Art dont la mesure ne doit pas être cherchée dans le pittoresque, ni dans l’ingéniosité, ni dans l’harmon
82 ions, changements de temps au cours d’une phrase, sont ici largement mis en œuvre mais toujours avec une probité singulière.
83 robité singulière. La surimpression par exemple n’ est jamais pour Ramuz ce qu’elle fut pour d’autres : un moyen de créer du
84 on par exemple n’est jamais pour Ramuz ce qu’elle fut pour d’autres : un moyen de créer du mystère en brouillant les plans 
85 érieux une intrigue romanesque à la Bourget. On s’ est trop arrêté à l’insolite du style chez Ramuz. Ce qu’il a d’insolite,
86 du style chez Ramuz. Ce qu’il a d’insolite, ce n’ est pas tant sa forme que les vertus qu’elle suppose : la sobriété, la so
87 ujets d’étonnement perpétuel — et la Fin du Monde est l’un d’eux. Un vrai mythe, c’est-à-dire un événement perpétuellement
88 te. Les périodes qui « marquent » dans l’Histoire sont celles où la forme d’un mythe affleure, s’incarne et devient visible.
89 mythe affleure, s’incarne et devient visible. Ce sont les périodes de crise. Or toute crise est un jugement6, — un « arrêt
90 le. Ce sont les périodes de crise. Or toute crise est un jugement6, — un « arrêt dans une forme ». Cela se voit par l’étymo
91 e précisément c’est l’esprit de ces Signes. Aussi serait -il bien insuffisant de dire d’une telle œuvre, datée de 1919 et repar
92 entelle : c’est en quelque sorte le contraire qui est vrai ; c’est notre temps qui revêt une actualité7 et une réalité véri
93 s mythes et les réalise dans sa vision, cet homme sera toujours en puissance d’aujourd’hui, enraciné profondément dans une p
94 ns Aujourd’hui, 29 octobre 1931. 4. Le populisme est d’après le peuple. Cette terne vision des choses en apprend plus sur
95 s Noces. Le ton de la création du monde. 6. S’il est vrai, comme l’a montré M. Spaïer, que toute pensée est judicatoire, l
96 rai, comme l’a montré M. Spaïer, que toute pensée est judicatoire, le fait même de penser devient fauteur de crise. Informe
97 … 7. On pourrait soutenir que l’époque 1900-1910 fut « inactuelle » pour la grande masse de ceux qui la vécurent. c. Rou
4 1932, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Le silence de Goethe (mars 1932)
98 t Goethe, ne reconnaît et n’apprécie que ce qu’il est lui-même en état de faire. » Telle est la cause du malentendu que sou
99 e ce qu’il est lui-même en état de faire. » Telle est la cause du malentendu que soulèvera toujours à nouveau l’exemple de
100 avent pas voir dans la sagesse faustienne qu’elle est surtout une défense contre le Démon révolté et la Magie latente ; et
101 ient, et la magie chez ceux qui vaticinent, ayant été moins loin que Goethe dans la domination des mystères. Ainsi se récla
102 une « activité littéraire ». Ces deux expériences seraient antithétiques si elles étaient superposables, ce qui n’est pas même l
103 deux expériences seraient antithétiques si elles étaient superposables, ce qui n’est pas même le cas. De ce point de vue litté
104 hétiques si elles étaient superposables, ce qui n’ est pas même le cas. De ce point de vue littéraire, la confrontation sera
105 . De ce point de vue littéraire, la confrontation serait absurde, j’en conviens. Mais notre optique n’est-elle point faussée p
106 rait absurde, j’en conviens. Mais notre optique n’ est -elle point faussée par un état d’esprit qui voudrait que l’on considè
107 nt qu’ils s’opposent le plus. Pourtant Rimbaud ne fut jamais un écrivain, ni ne se soucia de l’être. Et Goethe ne fut qu’en
108 d ne fut jamais un écrivain, ni ne se soucia de l’ être . Et Goethe ne fut qu’entre autres choses un écrivain, et se soucia de
109 écrivain, ni ne se soucia de l’être. Et Goethe ne fut qu’entre autres choses un écrivain, et se soucia de l’être dans la me
110 ntre autres choses un écrivain, et se soucia de l’ être dans la mesure seulement où il portait en tous les domaines de son ac
111 vité une application volontaire et soutenue. Ce n’ est donc pas l’aspect littéraire de leur expérience qui doit conditionner
112 i doit conditionner notre vision. Non point qu’il soit un seul instant négligeable, s’agissant de deux êtres que l’on connaî
113 t un seul instant négligeable, s’agissant de deux êtres que l’on connaît par leurs écrits d’abord. Mais, pour en tenir un jus
114 l’effort immédiat. Qu’un fait de cet ordre puisse être tenu pour crucial, je veux croire qu’on ne le contestera pas. Mais ce
115 oppèrent leurs manifestations, — à quoi l’on ne s’ est point privé d’ajouter quelques tomes depuis. Il convient de marquer t
116 d’alchimie. Coquetteries, a-t-on dit, — mais il n’ est point de sentiments intermédiaires qui ne conduisent réellement vers
117 et bien dans son évolution une de ces crises où l’ être spirituel découvre sa forme véritable. Et si, comme chez Goethe, c’es
118 el « hasard » l’a-t-il provoquée chez Goethe ? Il est un fait de sa jeunesse dont on ne saurait exagérer l’importance à la
119 édèrent de très peu une grave maladie, dont il ne fut sauvé que par l’intervention d’un médecin « alchimiste ». Retenons ce
120 comprendre, éprouver jusqu’à la souffrance — qui est la « substance » — à quel point le renoncement à la magie spéculative
121 uel point le renoncement à la magie spéculative n’ est , en fait, qu’un accomplissement, le plus difficile et le seul humaine
122 le seul humainement fécond. Car un tel silence n’ est pas absence de mots. C’est encore chez Goethe une activité réelle, et
123 peu plus d’humilité, c’est-à-dire le réel désir d’ être « utile », et c’est le juste point : les Affinités. D’ailleurs, l’alt
124 sa passion au sein d’une interminable patience. N’ est -ce point ce tréfonds dont parle Jacob Boehme, et qui « contient l’élé
125 me, et qui « contient l’élément pur, mais aussi l’ être sombre dans le mystère de la fureur ». Cette complexe dialectique de
126 ’esprit de Faust béant sur le vide : « Moi qui me suis cru plus grand que le Chérubin… qui pensais en créant pouvoir jouir d
127 e reprend au seuil de la mort. Mais la vie ne lui sera plus qu’un profond renoncement ; même si la passion l’occupe un temps
128 ar avance désespère du seul succès qui pour Faust serait réel : la possession bienheureuse de l’instant. Et lorsque, épuisé ma
129 veau Jour et contemple l’Indescriptible. Si Faust est le drame d’une formidable patience sans cesse remise en question, la
130 sans cesse remise en question, la Saison en enfer est le drame d’une pureté avide, et son destin se joue d’un coup. La gran
131 n destin se joue d’un coup. La grandeur de Goethe est d’avoir su vieillir, celle de Rimbaud de s’y être refusé. Transportez
132 est d’avoir su vieillir, celle de Rimbaud de s’y être refusé. Transportez la dialectique faustienne dans la vie d’un être j
133 portez la dialectique faustienne dans la vie d’un être jeune et libre encore de toute contrainte sociale, culturelle, voire
134 e se purifiera jusqu’au mythe. La donnée initiale est bien la même : c’est l’attrait d’une vision qui transcende la vie méd
135 de sa folie. Mais l’irruption de cette « magie » est si violente qu’elle a certainement angoissé l’enfant : n’est-ce point
136 ente qu’elle a certainement angoissé l’enfant : n’ est -ce point pour se défendre qu’il parle si fort, qu’il vante ses pouvoi
137 e pas de telles puissances impunément. « Ma santé fut menacée. La terreur venait… J’étais mûr pour le trépas… » Alors paraî
138 ent. « Ma santé fut menacée. La terreur venait… J’ étais mûr pour le trépas… » Alors paraît le doute, entraînant la conscience
139 ence. « Je vois que mes malaises viennent de ne m’ être pas figuré assez tôt que nous sommes à l’Occident. » L’Occident, c’es
140 ennent de ne m’être pas figuré assez tôt que nous sommes à l’Occident. » L’Occident, c’est l’Esprit incarné. L’incarnation ent
141 égoûtant, mais comment échapper ? L’hallucination est tombée, faisant place à une stupeur désolée. « Je ne sais plus parler
142 Je ne sais plus parler. » Le renoncement dès lors est fatal. « Moi ! moi qui me suis dit mage ou ange, dispensé de toute mo
143 enoncement dès lors est fatal. « Moi ! moi qui me suis dit mage ou ange, dispensé de toute morale, je suis rendu au sol, ave
144 is dit mage ou ange, dispensé de toute morale, je suis rendu au sol, avec un devoir à chercher et la réalité rugueuse à étre
145 treindre. » C’est le cri même de Faust. « Il faut être absolument moderne. » Travailler. Se donner à l’instant, à cette heur
146 cs. Mourir obsédé par ce travail. Ainsi cette vie est bien d’un seul tenant ; une seule et unique expérience la remplit : l
147 t au renoncement et à l’action. Le second Rimbaud est vraiment le même que le premier, dans une phase plus « réalisée ». L’
148 dans une phase plus « réalisée ». L’homme moderne est peu fait pour comprendre cela, de même qu’il est peu fait pour la gra
149 est peu fait pour comprendre cela, de même qu’il est peu fait pour la grandeur et la pureté, et pour des paroles comme « S
150 rrache-le et jette-le loin de toi ». Mais Rimbaud est d’une autre trempe : il a déjà prouvé en écrivant les Illuminations q
151 de faux pour en créer un autre. Sa vie en Afrique est un second renoncement. Nous aurions combiné tout cela avec de la litt
152 ombiné tout cela avec de la littérature. Car il n’ est pas donné à beaucoup d’hommes de devenir un mythe à force de pureté d
153 ureté dans la réalisation de leur destin. Rimbaud est notre mythe occidental : mythe faustien. Il a vécu tragiquement la te
154 e la magie qui fonde notre éthique, et ce dilemme est peut-être le plus important qui se pose à l’esprit occidental, dès qu
155 ntradictions essentielles, en signe de croix, qui sont la marque même de la réalité dans une conscience occidentale. Supprim
156 le tragique s’évanouit. Que ce mythe dialectique soit profondément constitutif de notre être, l’extension et la diversité d
157 ialectique soit profondément constitutif de notre être , l’extension et la diversité de ses aspects le prouvent. C’est l’oppo
158 -delà mystique et de l’immédiat éthique. Et quels sont les plus grands Occidentaux ? Ceux qui ont incarné le choix le plus a
159 nstants de son accession au monde spirituel, il s’ est mis en état de défense et de lenteur. Il avance ainsi pas à pas, l’âm
160 sage officiel parmi les philistins. Le somnambule est désormais protégé par une cotte d’invisible silence. Vous pouvez lui
161 Et le passage fameux de la Saison : « moi qui me suis dit mage ou ange… » rappelle étrangement ces vers du Premier Faust qu
162 er Faust que l’on citait plus haut : « Moi qui me suis cru plus grand que le Chérubin. » « Point de cantiques : tenir le pas
163 lus lucide héroïsme : « Et allons ! » Goethe seul est allé jusqu’à la délivrance consciente. Il y a dans tout désespoir à l
164 Et cette fameuse sérénité de sa vieillesse, ce n’ est rien d’autre, peut-être, que le triomphe de l’élément libérateur du d
165 espoir. La longue peine de celui « qui toujours s’ est efforcé » a purifié le corps, et l’âme est prête à recevoir « l’amour
166 ours s’est efforcé » a purifié le corps, et l’âme est prête à recevoir « l’amour d’en haut ». Car telle est le yoga occiden
167 prête à recevoir « l’amour d’en haut ». Car telle est le yoga occidental, dont le Second Faust restera comme le livre sacré
168 a définition même d’un tel yoga. Tout savoir doit être confirmé par un faire, qui le tait et l’exprime à la fois. Le « faire
169 xprime à la fois. Le « faire » de Rimbaud ne peut être la littérature, puisque écrire signifie pour lui révéler, parler, cri
170 idérer sans paradoxe que la littérature de Goethe est un des moyens de silence dont il dispose. Ni plus ni moins que l’étud
171 ion comme purement symboliques, et, au fond, il m’ est assez indifférent d’avoir fait des pots ou des assiettes »10. Si tout
172 tion d’Iphigénie ou des Ballades, c’est que l’art est pour lui la tentation la plus aiguë de jouer avec les mystères, et pa
173 « Un fait de notre vie ne vaut pas en tant qu’il est vrai, mais en tant qu’il signifie quelque chose… Il est bien rare que
174 ai, mais en tant qu’il signifie quelque chose… Il est bien rare que l’on soit apte à s’agréger ce qui est supérieur. C’est
175 signifie quelque chose… Il est bien rare que l’on soit apte à s’agréger ce qui est supérieur. C’est pourquoi l’on fait bien,
176 t bien rare que l’on soit apte à s’agréger ce qui est supérieur. C’est pourquoi l’on fait bien, dans la vie ordinaire, de g
177 ir que juste ce qu’il faut pour qu’elles puissent être de quelque avantage aux autres11… L’homme n’est pas né pour résoudre
178 être de quelque avantage aux autres11… L’homme n’ est pas né pour résoudre le problème de l’univers, mais bien pour recherc
179 Mais un homme supérieur, qui a déjà conscience d’ être quelque chose ici-bas, et qui par conséquent doit tous les jours trav
180 r, laisse en paix le monde futur et se contente d’ être actif et utile en celui-ci »13. À quoi nous saurons opposer cette con
181 oférer les plus hautes maximes qu’autant qu’elles sont utiles pour le bien du monde. Les autres, nous devons les garder pour
182 autres, nous devons les garder pour nous ; elles seront toujours là pour diffuser leur éclat sur tout ce que nous ferons, com
183 Illuminations naissent d’une telle rupture. Elles sont le champ même15 où Rimbaud se livre à l’expérience spirituelle, où il
184 « à mains », rage de revanche, par son excès même est encore une évasion hors du réel. En cela il est romantique, comme tou
185 e est encore une évasion hors du réel. En cela il est romantique, comme tous ceux que leur violence et leur faiblesse préci
186 (puisque le christianisme affirme que l’éternité est dans l’instant : Aeternitas non est tempus sine fine, sed nunc stans)
187 ue l’éternité est dans l’instant : Aeternitas non est tempus sine fine, sed nunc stans). Elle veut cette vie-ci. Et tout le
188 Elle veut cette vie-ci. Et tout le reste, qu’elle soit marxiste ou nietzschéenne, elle l’appelle « l’arrière-monde » et le r
189 ’est-à-dire qu’il n’en a pas le droit. Certes, il est d’autres recours, d’autres points de vision qu’humains. La révélation
190 puis renié avec la même violence, — celle dont il est écrit qu’elle force les portes du Royaume des Cieux. Il reste que les
191 ncfort en proie au Carnaval et à l’angoisse, ce n’ est pas moi qui pose la question : elle m’assiège. Le dernier carnaval, p
192 dire splendide. (Qui me guérira de la honte de n’ être pas Rimbaud ?) Plus que jamais, il faudrait s’appliquer à distinguer
193 volontairement assourdie. Le silence de Goethe n’ est pas moins dangereux, pour qui sait l’entendre, que l’imprécation de R
194 e : à l’actualisation de notre réalité. « Il faut être absolument moderne ». 8. Conversations avec Eckermann, 4 février 1
195 lier tout à fait les formules d’enchaînement Si j’ étais devant toi, ô nature un homme solitaire, Sans doute vaudrait-il alors
196 olitaire, Sans doute vaudrait-il alors la peine d’ être un homme. 10. Conversations avec Eckermann, 2 mai 1824. 11. Ibi
5 1932, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Querelles de famille, par Georges Duhamel (mai 1932)
197 adiction intérieure dont les deux termes, faute d’ être assumés sur le plan commun de la conscience où ils s’exalteraient en
198 e la vie moderne, illustre avec un talent qu’il n’ est plus temps de discuter, une position morale exemplairement ambiguë. R
199 ent ambiguë. Rien de plus légitime que le désir d’ être entendu du grand public, et c’est pourquoi l’on ne voudrait pas repro
200 se qui se mêle d’en jouer. Mais sans doute le but serait -il atteint si M. Duhamel, visiblement gêné, ne coupait lui-même ses e
201 ironiques, destinées peut-être à indiquer qu’il n’ est pas dupe, qu’il n’est pas si furieux que ça, que la littérature enfin
202 eut-être à indiquer qu’il n’est pas dupe, qu’il n’ est pas si furieux que ça, que la littérature enfin garde ses droits. Aus
203 ue la littérature enfin garde ses droits. Aussi n’ est -ce point sans une gêne grandissante que l’on poursuit la lecture de c
204 es exagérations (Message aux Princes des Prêtres) sont dépourvues du minimum de cynisme et de fantaisie qui enflammerait not
205 re et qui porte sur le thème général du livre. Il est inquiétant de voir un esprit de cette qualité, et qui certes veut êtr
206 ir un esprit de cette qualité, et qui certes veut être honnête, se complaire expressément dans une hargne tempérée de badina
207 la bêtise humaine. Ou bien sa réaction de dégoût est véritablement profonde, mais alors elle implique la condamnation d’un
208 arence de principes directeurs dignes de ce nom ? Serait -ce que la mauvaise humeur du bourgeois dérangé agissant comme dérivat
209 sublimation à rebours du sens de la révolte ? On serait en droit d’exiger d’un critique de son temps qu’il déclare ce qu’il a
6 1932, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Ce chien, ton serviteur, par Rudyard Kipling (juillet 1932)
210 t des choses comme des rats qui courent ». — « On est des pauvres tout petits chiens qu’on habite tout par dehors et que pe
211 res, rate. Lire à petites doses. Vers la fin, qui est émouvante, décider que ceux qui n’aimeront pas sont fermés à toute po
212 st émouvante, décider que ceux qui n’aimeront pas sont fermés à toute poésie à l’état sauvage — la vraie. f. Rougemont De
7 1932, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Éloge de l’imprudence, par Marcel Jouhandeau (septembre 1932)
213 32)g Si dans tous les écrits de notre temps il est question de bien, de mal, de vice et de vertu, de péché même, parfois
214 e vice et de vertu, de péché même, parfois, quels sont les écrivains capables de déclarer leurs références, leurs poids et l
215 onne la référence : ce Dieu terrible. Et sa vertu est choix. L’absolu d’un Nietzsche, c’est le Grand Midi ; et sa vertu : d
216 chaque situation existentielle. En sorte qu’il n’ est pas de préférence définitive, c’est-à-dire facile, accordée au Bien p
217 mal et le bien conservent toutes leurs chances d’ être préférés, et toutes leurs tentations. En sorte que l’apologie de l’un
218 deau. Et soudain il nous apparaît que cette œuvre est une illustration, non dépourvue de complaisance, du « pecca fortiter 
219 l’émouvante et ironique dialectique de Jouhandeau est -elle très catholique, ou même très chrétienne ? La dialectique paulin
220 d’un péché, c’est-à-dire ce qui le supprime, ce n’ est pas une vertu, mais le pardon. La vertu comme le vice naît de la loi
221 ur quoi il reste béant. Mais la réalité de la foi est inverse. Elle fait voir le mal comme donnée immédiate ; puis le bien 
222 le bien ; puis le péché et le pardon. Et la grâce est déjà dans l’œil qui sait voir le péché au sein du mal et du bien à la
8 1932, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Alexandre, par Klaus Mann (septembre 1932)
223 exandre, par Klaus Mann (septembre 1932)h Ce n’ est pas pour l’amour du laurier, mais pour l’amour de son ami Clitus, poè
224 est qu’il n’étonnera personne, alors qu’Alexandre est tout de même un phénomène assez bouleversant. Klaus Mann a raconté ce
9 1932, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Cahier de revendications [Présentation] (décembre 1932)
225 revendications [Présentation] (décembre 1932)i Est -il possible de définir une cause commune de la jeunesse française, un
226 elle révolution française. Leur anticapitalisme n’ est pas celui de la Troisième Internationale. Toutefois, la doctrine marx
227 la doctrine marxiste, en dehors de laquelle il s’ est constitué, forme l’un de ses points de repère principaux. Il se peut
228 nnels ; et certains de leurs objectifs respectifs sont communs… Déjà s’affirme dans l’attitude de tous ces groupes un vérita
229 paraître suffisant pour définir un front unique, fût -il provisoire. C’est dans cette vue qu’ont été réunies — rapidement c
230 e, fût-il provisoire. C’est dans cette vue qu’ont été réunies — rapidement car tout nous presse — les déclarations que l’on
10 1932, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). À prendre ou à tuer (décembre 1932)
231 mbre 1932)j Nous avons choisi de vivre — telle est notre révolution — dans un monde qui nous préparait pour autre chose,
232 ux basses rigueurs d’un cadre policier. Que vivre soit un choix, une partialité violente, voilà ce qu’on paraît trop facilem
233 nt les solutions qu’on nous propose d’urgence, il est clair que toute impartialité serait hypocrisie, refus. Qu’on trouve d
234 se d’urgence, il est clair que toute impartialité serait hypocrisie, refus. Qu’on trouve donc ici une prise de parti.   Nous s
235 Qu’on trouve donc ici une prise de parti.   Nous sommes une génération comblée. Comblée de chances de grandeur, et comblée de
236 une « nécessité » révolutionnaire dont l’ampleur est sans précédent. Ce n’est plus de conflits d’idées qu’il s’agit, ni mê
237 tionnaire dont l’ampleur est sans précédent. Ce n’ est plus de conflits d’idées qu’il s’agit, ni même de conflits d’intérêts
238 r le seul moyen d’en réchapper, — l’imposer. Ce n’ est plus pour quelque « idéal » que nous avons à lutter hic et nunc, mais
239 as si sourds qu’ils ne s’irritent de nos cris. Il est vrai que certains, au lendemain de la guerre, ont trop souvent crié a
240 se trouvait à l’origine de tout le mal ?   Telles sont les composantes de notre situation. Nous sommes là : n’y pouvant plus
241 les sont les composantes de notre situation. Nous sommes là : n’y pouvant plus tenir longtemps ; ne pouvant accepter de nous b
242 urquoi la supporterons-nous ? La révolution, ce n’ est plus un état d’esprit, ni un refus des tâches d’homme. Henri Lefebvre
243 ai rien à sa déclaration si simple. La révolution est une nécessité au sens le plus banal du terme, et aussi à son sens de
244 ssi à son sens de « misère qui appelle ». Nous ne sommes pas des « bourgeois-dégoûtés » ou des « prolétaires-avides-des-riches
245 ’autre part une espérance, une utopie, qu’il nous est impossible d’accepter avec le « bon cœur » que préconise Philippe Lam
246 mauté du matériel. Comment penser — si « penser » est inséparable d’une action — entre une bourgeoisie déchue et un marxism
247 Combat, de L’Ordre nouveau ou de Réaction, pour n’ être pas entièrement originales18, ne peuvent manquer de déconcerter tous
248 rien. Et nous ne trahirons pas l’homme tel qu’il est , sous prétexte qu’il faut se hâter, et qu’en Russie c’est en train de
249 s tout sur une révolution vraie. Les catastrophes sont proches. Nous ne sommes plus les seuls à le dire. Beaucoup de capital
250 ion vraie. Les catastrophes sont proches. Nous ne sommes plus les seuls à le dire. Beaucoup de capitalistes l’ont si bien comp
251 te avec l’URSS. Nous ne pensons pas que la guerre soit , comme l’écrit Lefebvre, la seule « chance » des capitalistes. Il en
252 bvre, la seule « chance » des capitalistes. Il en est une moins coûteuse à risquer et qui consisterait à se laisser convain
253 les, mais qui soudain font mine de « réussir ». N’ est -ce donc plus, comme le marque Th. Maulnier, qu’un conflit d’intérêts 
254 , qu’un conflit d’intérêts ? Et d’intérêts qui ne sont pas les nôtres, qui ne sont pas les intérêts réels d’un être aux pris
255 Et d’intérêts qui ne sont pas les nôtres, qui ne sont pas les intérêts réels d’un être aux prises avec la condition humaine
256 s nôtres, qui ne sont pas les intérêts réels d’un être aux prises avec la condition humaine ? Ni pour le mensonge d’hier, ni
257 ectivistes et des patries personnalistes. Mais où sont les motifs de notre choix ? J’en indiquerai trois. 1° — La seule révo
258 ’homme, exprime ses données élémentaires : elle n’ est qu’une projection du conflit de la personne. Les marxistes nous accus
259 ues qui pullulent dans un monde athée. Quelle que soit d’ailleurs la conception historique que l’on ait, il faut pourtant re
260 ait, il faut pourtant reconnaître que la personne est un facteur « décisif », sinon suffisant, du processus révolutionnaire
261 r la révolution. Mais il y a plus. Si la personne est véritablement l’élément décisif de la réalité humaine, toute révoluti
262 t décisif de la réalité humaine, toute révolution est vaine qui se fonde sur des faits mortels pour la personne, même si « 
263 its mortels pour la personne, même si « ces faits sont les faits » comme on voudrait nous le faire croire. Une révolution n’
264 elque chose : elle se fera contre ces faits. Elle sera « acte ». 2e — Le matérialisme décrit un monde tel qu’on ne voit pas
265 le-même ? La dialectique historique à trois temps est une arbitraire projection dans les choses d’un mécanisme de « l’intel
266 te toute efficacité créatrice et par là même doit être dénoncée comme antirévolutionnaire20. Le matérialisme, c’est l’opium
267 e la révolution. 3e — La conception personnaliste est seule capable d’édifier un monde culturel, économique et social qu’an
268  rêveries » l’action. Qu’appellent-ils l’action ? Est -ce un opportunisme purement tactique, d’allure électorale ? « Toutes
269 ains du prolétaire qui, justement, avait besoin d’ être conduit par la pensée de quelques-uns22. Proposition antirévolutionna
270 illeurs brimée. En février 1917, les bolchévistes sont 200. En octobre, ils s’emparent du pouvoir sur toutes les Russies. En
271 ais, nous dit-on, les constructions d’un Lénine n’ étaient pas songes, elles s’appuyaient sur le mouvement de l’histoire ». Nous
272 a-t-il en France la moindre chance de succès ? Où est sa tradition vivante en ce pays ? La violence des communistes françai
273 este le plus souvent verbale, électorale ; elle n’ est pas dans leur doctrine constructive. Elle se fonde sur des apparences
274 mais insuffisamment analysés. Les faits, demain, seront pour nous. L’Ordre nouveau, Combat, Esprit, travaillent dans la ligne
275 xistes, mais niée en sous-main par leur doctrine, est de leur part une duperie manifeste. Je les entends menacer le bourgeo
276 as en quoi la tyrannie du matériel qu’ils prônent est meilleure pour les hommes que le présent désordre. Je ne vois pas qu’
277 n l’accumulation de leurs griefs, — dont beaucoup sont les nôtres, mais nous en avons davantage. Je vois clairement que leur
278 é de la folie capitaliste-matérialiste. Non, ce n’ est pas une classe que nous devons sauver, c’est l’homme menacé dans son
279 e menacé dans son intégrité. Sauver l’homme, ce n’ est pas sauver des consommateurs. Ce n’est pas sauver des entreprises, de
280 omme, ce n’est pas sauver des consommateurs. Ce n’ est pas sauver des entreprises, des nations, les intérêts (?) du monde. S
281 nde » ? Rien. Au sens fort du mot, le « salut » n’ est pas à débattre sur le plan de l’humanité, mais entre l’homme, entre t
282 l homme et la Réalité qui seule peut garantir son être . — Encore faut-il que les conditions matérielles permettent à ce supr
283 n sens, un point d’application : la personne. Tel est en dernière analyse, le fondement, l’enjeu de la révolution nouvelle.
284 s ; une substance, une exigence impossible et qui est la seule chose que les hommes éprouvent dans le fond de leur être. Il
285 ose que les hommes éprouvent dans le fond de leur être . Il faut derrière ces idées une masse volontaire, une pesante contrai
286 courage. Je parle de la foi chrétienne où je veux être , de ce suprême « choix » qui ne vient pas de moi, mais qui soudain me
287 uelle j’accepte de me faire tuer, parce que ce ne serait pas crever bassement dans la haine, mais ce serait un acte enfin dans
288 erait pas crever bassement dans la haine, mais ce serait un acte enfin dans lequel je posséderais toute ma vie, d’un seul coup
289 l coup éclatant. Je n’ai pas à sauver quoi que ce soit de la terre, mais seulement à recevoir le pardon. Or il n’est de pard
290 rre, mais seulement à recevoir le pardon. Or il n’ est de pardon que pour celui qui agit. On me dira sans doute que je me pe
291 évolution qu’elle légitimerait, en bonne logique, serait une révolution contre la construction entreprise par le capitalisme d
292 us de « personnes ». 23. Le succès du communisme serait -il « de nous rendre la vie de caserne acceptable » ? (Roland de Pury,
11 1933, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Pétrarque, par Charles-Albert Cingria (avril 1933)
293 cisme, le pompiérisme, — mais ils savent que cela est antipathique, alors ils émettent on ne sait quelle sauce. Je ne veux
294 émettent on ne sait quelle sauce. Je ne veux pas être de ceux-ci ». Charles-Albert Cingria est donc de ceux dont l’éruditio
295 eux pas être de ceux-ci ». Charles-Albert Cingria est donc de ceux dont l’érudition, quitte à passer pour macaronique — com
296 quitte à passer pour macaronique — comme elles le sont toutes, d’ailleurs, mais ridiculement quand elles ne l’avouent pas —
297 s relativement à celui qui les cite, car alors où serait l’Impartialité ? Ces gens-là voudraient bien nous faire croire qu’un
298 -là voudraient bien nous faire croire qu’un texte est intéressant dans la mesure même où il est dépourvu de pittoresque, c’
299 n texte est intéressant dans la mesure même où il est dépourvu de pittoresque, c’est-à-dire, dans ce cas, de traits humains
300 ans ce cas, de traits humains révélateurs, ce qui est tout de même aller un peu loin, puisque ainsi l’on supprime la notion
301 ique — rattaché encore à une école provençale qui est , à l’origine, de propulsion musicale, donc romane-syrienne puisque le
302 cale, donc romane-syrienne puisque le plain-chant est roman-syrien — et le poète fabriqué à coups de platras à la manière a
303 épiscopale, d’une certaine politesse pompeuse qui est la forme particulière de son ironie24 et vous aurez ce petit volume d
304 rner le titre de « monument critique ». Tel qu’il est , un petit chef-d’œuvre d’humanisme poétique. Car l’« érudition » de C
305 le doucement retors, dont les moindres anicroches sont calculées jusqu’à restituer le naturel — tout cela sans effort, manif
306 la Renaissance où palpite, sous une sérénité qui est plutôt de l’enthousiasme dominé, l’opulente diversité du monde. La qu
307 latin, du bas latin et de l’italien dont ce livre est abondamment orné permettra de goûter dans le détail ce que l’on vient
308 ela (les patriotismes de l’Europe diverse et une) était homogène et souple, vivant, sans faux arrêt, sans cet arrêt d’illusoi
309 uels nationalismes, ayant pour effet qu’au lieu d’ être avantageuse, la chose publique empêche de communiquer, empêche de viv
12 1933, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Une main, par C. F. Ramuz (juin 1933)
310 ier qui introduise à celle de l’élémentaire ; qui soit donc le contraire de la recherche du pittoresque. Aucune de ses œuvre
311 de Vaud, mais dans le domaine propre de Ramuz qui est l’élémentaire. Jamais il ne fut mieux lui-même. Il y fallait un cas t
312 opre de Ramuz qui est l’élémentaire. Jamais il ne fut mieux lui-même. Il y fallait un cas très simple, un de ces cas où le
313 gauche) ; l’humiliation de la chute, l’angoisse d’ être diminué, les difficultés qu’on découvre, déconcertantes ; puis l’espr
314 ne confidence encore contrainte : « Ah ! comme je suis mal fait pour ma part, si j’ose ainsi parler de moi, mais je ne parle
315 oi, ou je ne parle pas que de moi, parce que nous sommes tous mal faits. » On n’attendait pas de Ramuz un examen de conscience
316 ce genre de pensées pour ce qu’elles ont toujours été à ses yeux : le fait d’un défaut de présence au monde, d’une impuissa
317 réside la cause de la peur, qu’il avoue, et qui n’ est sans doute que la méditation d’un esprit dépourvu de prises sensibles
318 ans résistance propre, le monde des hommes qui ne sont plus présents à eux-mêmes, hommes sans pesée, hommes de peu de poids,
319 t le priver de sa main, — ou asservir cette main. Est -ce que ma main n’a pas sa vocation ? Est-ce qu’elle n’a rien de mieux
320 te main. Est-ce que ma main n’a pas sa vocation ? Est -ce qu’elle n’a rien de mieux à faire que de se lever avec cent-mille
321 e mains saluent le tyran, une main crée. Le temps est peut-être venu de penser avec ses mains. 26. « J’aime que les chose
322 une cheminée qui tire mal. J’aime les choses qui sont à leur façon, tandis que je suis à la mienne. » l. Rougemont Denis
323 e les choses qui sont à leur façon, tandis que je suis à la mienne. » l. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] C. F. Ramuz,
13 1933, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Saint-Évremond ou L’humaniste impur, par Albert-Marie Schmidt (octobre 1933)
324 r, par Albert-Marie Schmidt (octobre 1933)m Il est plaisant de voir un jeune auteur obtenir de nos jours un effet de sur
325 jours plein d’onction, parfois même de pompe. Tel est le premier succès de cet ouvrage. Il en révèle peut-être aussi certai
326 s joyeusement érudite que je connaisse. Tel qu’il est , ce petit volume nous offre un jeu serré et subtil, et dont le specta
327 re un jeu serré et subtil, et dont le spectacle n’ est pas vain. M. Schmidt ne s’en laisse point imposer par la « réussite c
328 qu’on voudrait poser sous cette forme : la vérité est -elle en déca ou au-delà du désespoir, dans les mesures humaines ou da
329 ieu des rapports de politesse. Cela pourrait bien être la formule du désordre intérieur maximum. Rien ne le dissimule mieux
330 . La nouveauté de l’essai d’Albert-Marie Schmidt est d’avoir su déceler la corruption secrète de cet art trop parfait, « q
14 1933, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Le Deuxième Jour de la Création, par Ilya Ehrenbourg (décembre 1933)
331 rré de petits faits vrais dont l’intention morale est évidente, il est doublement édifiant. Ceux qui ont aimé le Chemin de
332 ts vrais dont l’intention morale est évidente, il est doublement édifiant. Ceux qui ont aimé le Chemin de la Vie retrouvero
333 il. On a l’air d’ironiser, mais lisez donc : vous serez pris, vous donnerez tort au traître, c’est-à-dire aux anarchistes, ko
334 istoire en bref, — non pas l’intrigue ! tout cela est propre. Le jeune Kolka, prolétaire de bonne souche, part pour la Cons
335 te, ignorant, avide de « culture ». Volodia, lui, est fils de bourgeois : taré donc, intellectuel, ratiocineur, il n’arrive
336 à se passionner pour le problème de la fonte, qui est le problème dominant dans cette région de la Sibérie. Entre eux, une
337 du Kolka dès qu’elle aura compris que l’autre « n’ est pas né quand il aurait fallu ». L’Histoire a de ces exigences. On con
338 Ce résumé fait le plus grand tort à l’ouvrage. Il est cependant exact. Mais les faits, même en Russie, ne sont rien sans la
339 pendant exact. Mais les faits, même en Russie, ne sont rien sans la mystique. La force et le charme de ce roman sont ceux mê
340 ns la mystique. La force et le charme de ce roman sont ceux mêmes d’une jeunesse fruste, innocente jusque dans ses cruautés 
341 nnocente jusque dans ses cruautés ; tout jugement serait ici mesquin, on l’accordera volontiers à l’auteur. Ehrenbourg a utili
342 Le prochain plan y pourvoira peut-être. Tout cela est en pleine métamorphose. Mais voici un fait plus inquiétant : ce livre
343 , mais quelque chose qui veut une réponse, et qui est d’autant plus tragique qu’ils ne savent plus le formuler. À nous de l
15 1934, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Taille de l’homme, par C. F. Ramuz (avril 1934)
344 la même lignée que Le Grand Printemps et Raison d’ Être , voici encore un essai de Ramuz, mais de tous le moins ramuzien : il
345 e fois d’idées, et même d’idées générales, ce qui est assez paradoxal dans une telle œuvre. Le sujet de Taille de l’Homme,
346 , il n’en resterait pas moins, par le fait de son être même, une protestation contre le matérialisme dialectique. Quand on p
347 et le sens de la communauté — indissolubles —, on est une objection vivante à tout individualisme, à tout communisme, à tou
348 sme, à tout communisme, à tout « isme ». Quand on est à ce point possédé par la vie des choses et des êtres, on n’a pas bes
349 t à ce point possédé par la vie des choses et des êtres , on n’a pas besoin d’arguments pour faire sentir l’absurdité des « lo
350 e fait voir tout aussi bien que cet essai : Ramuz est présent à ce monde, — eux, ils essaient de le recomposer au sein de l
351 ui la Nature27. C’est quand il parle d’elle qu’il est grand, qu’il donne et manifeste sa mesure, qu’il apparaît véritableme
352 e, qu’il apparaît véritablement qualifié. La mode est au marxisme et au mépris de la Nature ? Mode bourgeoise, tyrannie déc
353 t occupée à calculer sa propre mort. Mais Ramuz n’ est pas un bourgeois. Il peut attendre : son attente est présence, et por
354 pas un bourgeois. Il peut attendre : son attente est présence, et porte en soi sa justification. À ceux qui croient aux fa
355 s de l’Histoire, il faut dire simplement qu’elles sont vraies pour eux-mêmes et pour tous ceux de leur espèce. On ne calcule
356 avec des quantités mortes. Ceux qui se vantent d’ être calculables ont très probablement raison : c’est une constatation de
357 tière » sur laquelle tout se fonde, que Staline s’ est vu contraint, pour en finir, de fixer la saine doctrine par un ukase
358 ciens. On parle encore du « diamat »29, mais ce n’ est plus qu’un conformisme d’État. C’est, à peu près, l’ukase en moins, c
359 at. C’est, à peu près, l’ukase en moins, ce qui s’ est passé chez les bourgeois, au sujet du mot « esprit ».) Le vrai matéri
360 ourgeois-capitaliste. Tous deux savent qu’il faut être pour Dieu ou contre Dieu. La bourgeoisie a choisi dès longtemps, prat
361 s, pratiquement athée sans le savoir. Le marxisme est l’aveu de son choix. Mais Berdiaev parle en chrétien, et Ramuz ne veu
362 tien, et Ramuz ne veut encore parler qu’en homme. Est -ce possible ? Et peut-il y croire ? Il a bien vu le choix, mais l’a-t
363 omme. Il sait aussi que la mesure de cette taille est dans une foi, dans « quelque chose qui dépasse l’homme et le suppose
364 oi chrétienne dépasse-t-elle vraiment l’homme ? N’ est -elle pas bien plutôt ce qui le juge et en même temps le sauve dans se
365 on les traite de matérialistes. Je crains que ce soit , chez la plupart d’entre eux, un réflexe de bourgeois plutôt que d’ho
366 s primauté du matériel ! », disait l’un d’eux. Qu’ est -ce que le matériel peut bien précéder ? D’où nous viendrait alors ce
16 1934, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Le Procès, par Franz Kafka (mai 1934)
367 Kafka (mai 1934)p Je ne sais pas si le Procès est le chef-d’œuvre de Kafka, mais il est difficile d’imaginer un livre p
368 i le Procès est le chef-d’œuvre de Kafka, mais il est difficile d’imaginer un livre plus profond. On a même l’impression en
369 x inspecteurs. Ces messieurs lui apprennent qu’il est inculpé, mais ils ne savent pas de quoi et n’ont pas qualité pour le
370 . Puis, on le rend à la liberté. Toute l’histoire sera celle, non pas du procès, qui n’a jamais lieu, mais des préliminaires
371 dante, corrompue et capricieuse, dont les bureaux sont installés dans des faubourgs ignobles ou des greniers. Jamais K… ne p
372 ister. C’est ainsi une suspension du jugement qui est tout le drame du Procès. Constatation de la réalité telle qu’elle est
373 Procès. Constatation de la réalité telle qu’elle est , et en même temps, au moment où la révolte point, constatation de la
374 nsistent peut-être à échapper à cette vision, qui est l’angoisse même. Est-ce pur hasard si la théologie chrétienne rend co
375 échapper à cette vision, qui est l’angoisse même. Est -ce pur hasard si la théologie chrétienne rend compte de presque toute
376 ces avocats qui parlent comme des prêtres, et qui sont de mèche avec la justice, ces prévenus en liberté, cette complicité g
377 berté, cette complicité générale, tout cela, ce n’ est pas la « misère de l’homme sans Dieu », mais la misère de l’homme liv
378 nt pour nous le Père ; mais alors, l’acquittement est possible. « Je suis le chemin » — mais alors l’acte aussi est possibl
379 e ; mais alors, l’acquittement est possible. « Je suis le chemin » — mais alors l’acte aussi est possible. Ainsi, la foi au
380 . « Je suis le chemin » — mais alors l’acte aussi est possible. Ainsi, la foi au Christ est la seule possibilité qui soit d
381 ’acte aussi est possible. Ainsi, la foi au Christ est la seule possibilité qui soit donnée à l’homme de marcher, d’échapper
382 si, la foi au Christ est la seule possibilité qui soit donnée à l’homme de marcher, d’échapper à l’« arrêt » ; mais c’est au
17 1935, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Ni gauche ni droite (août 1935)
383 émantique. On me fait observer que l’opposition n’ est pas entre le peuple et la nation — entre les noms — mais entre « nati
384 entre les adjectifs. Je traduis : l’opposition n’ est pas dans les faits, mais dans les mystiques. Que valent ces mystiques
385 peur, et comme telles meurtrières. Les faits, ce sont M. de Wendel derrière la droite, et M. Litvinoff derrière la gauche.
386 . La question se ramène à ceci : si tout le monde était mis d’accord par une agression hitlérienne, irait-on se battre au nom
387 en restant capitaliste.) Défendre la culture, ce serait d’abord rendre aux mots-clés un sens commun. Mais il me semble qu’on
388 , au Palais de la Mutualité. Il me semble qu’on s’ est entendu pour « cultiver » des équivoques verbales assez grossières. L
389 sans puissance contre les menaces réelles, — qui sont la guerre et l’étatisme totalitaire. C’est très simple. Trop simple,
18 1935, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Paracelse, par Frédéric Gundolf (septembre 1935)
390 rédéric Gundolf (septembre 1935)r Paracelse ne fut pas un mage, ou plutôt si l’on veut qu’il l’ait été, au sens où l’on
391 t pas un mage, ou plutôt si l’on veut qu’il l’ait été , au sens où l’on dirait qu’Einstein, interprète du cosmos, est un mag
392 où l’on dirait qu’Einstein, interprète du cosmos, est un mage, il ne fut pas un magicien. Il erra toute sa vie, d’auberges
393 instein, interprète du cosmos, est un mage, il ne fut pas un magicien. Il erra toute sa vie, d’auberges en universités, sui
394 oris de notre temps. Mais combien, parmi nous, se sont fait déterrer deux jours trop tôt ! L’auteur de l’anecdote était bon
395 rrer deux jours trop tôt ! L’auteur de l’anecdote était bon prophète, mais il n’a rien compris à Paracelse. Théophraste Parac
396 Théophraste Paracelse Bombaste de Hohenheim, qui était né en Suisse allemande, n’était pas un énergumène, mais un savant com
397 de Hohenheim, qui était né en Suisse allemande, n’ était pas un énergumène, mais un savant complet comme il faut espérer que n
398 doivent donner le ton à toutes les autres, et qui sont , comme nul ne l’ignore ou ne pourra l’ignorer longtemps, l’astrologie
399 grand souci paraît dans toute son œuvre : il veut être clair, et utile. Clair ne signifie pas rationaliste, comme le veut le
400 microcosme, manquait de la seule chose dont nous soyons abondamment fournis : d’un attirail de concepts à tout faire31. Il fa
401 ais les lettrés et les médecins de la jeune école seront comblés. Gundolf décrit l’œuvre de Paracelse comme un drame de l’expr
402 e choses qu’il ne pouvait en exprimer. Son destin fut l’inverse du nôtre. La technique nous masque le vrai, nous sommes en
403 du nôtre. La technique nous masque le vrai, nous sommes en pleine scolastique (au sens vulgaire). Ce défaut de mots propres a
404 e leur remède. « Il ne faut pas dire que tel état est colérique, tel autre mélancolique, mais que ceci est arsenical, que t
405 colérique, tel autre mélancolique, mais que ceci est arsenical, que telle chose est aluminale, telle autre saturnienne. »
406 que, mais que ceci est arsenical, que telle chose est aluminale, telle autre saturnienne. » Ce langage en effet renvoie à l
407 t considérer sa relation avec le monde, dont il n’ est qu’un membre, un reflet. So oben wie unten. L’astrologie de Paracelse
408 t. So oben wie unten. L’astrologie de Paracelse n’ est pas une superstition de devin, c’est une science de la guérison fondé
409 cination, et même de la psychanalyse. Paracelse s’ était formé de l’homme une conception spirituelle et organique (théologique
410 héologique-astrologique) à laquelle notre science est en train de revenir, après une sombre époque cérébrale et matérialist
411 oyaient l’homme sous l’aspect d’un concept. Il se fût opposé aussi aux médecins de la Renaissance, à Léonard, à Cardan, à V
412 se, brève synthèse des idées les plus neuves, qui sont aussi les plus antiques, sur la nature unique de la maladie, ouvrage
413 monde. « L’homme ne saura jamais assez combien il est anthropomorphe », dit Goethe. Il faudrait dire aussi, à la suite de P
414 e : l’homme ne saura jamais assez à quel point il est « cosmomorphe ». Le retour à Paracelse auquel nous assistons est un d
415 he ». Le retour à Paracelse auquel nous assistons est un des signes marquants de ce temps-ci. Le symbole d’une révolution a
416 ré comme un miroir du ciel entier. Certes, elle n’ est pas seulement cruelle et folle, l’époque qui nous offre de si grandes
417 uvre, celle où l’esprit se remet à chercher ce qu’ est l’homme, et quelle est sa mesure dans l’univers qu’il a cru concevoir
418 se remet à chercher ce qu’est l’homme, et quelle est sa mesure dans l’univers qu’il a cru concevoir ! 30. « La monumenta
419 Mais on se représente aisément l’embarras qui eût été le sien si l’on eût exigé qu’il nommât l’activité qu’il découvrait. Q
420 de les jeter dans le lac de Schwyz, etc., « et ce sera pour la vertu, quarte colonne de la médecine, un grand spectacle ! »
19 1935, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Recherches philosophiques (septembre 1935)
421 ommune des intellectuels révolutionnaires, qu’ils soient humanistes ou chrétiens, marxistes ou personnalistes. Désormais, la p
422 rsonnalistes. Désormais, la philosophie cessera d’ être une simple description : elle va devenir action transformatrice, et p
423 trice. L’esprit pur s’évanouit. L’âge qui s’ouvre sera celui du spirituel décisif. La seule doctrine, ou pour mieux dire, la
424 que l’apparence brutale des thèses personnalistes soit le fait, provisoire, de toute philosophie naissante qui prétend resti
425 Minkowski, les approximations un peu hésitantes — est -ce un reproche ? — de G. Marcel sur l’acte et la personne, mériteraie
426 s très curieuses de P. Klossowski sur Sade, où il est démontré par des voies imprévues, comment la négation de Dieu entraîn
20 1935, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Lawrence et Brett par Dorothy Brett ; Matinées mexicaines suivi de Pansies (poèmes), par D. H. Lawrence (octobre 1935)
427 Les souvenirs de Mabel Dodge sur Lawrence à Taos sont irritants à cause de cette Américaine qu’on y voit trop, et passionna
428 crit, c’est de nous laisser lire dans le jeu d’un être humain : rien ne flatte mieux notre désir d’ubiquité. À cet égard, le
429 ’ubiquité. À cet égard, le livre de Dorothy Brett est beaucoup plus satisfaisant que les diatribes intéressées de Mabel Dod
430 rence ? Je me demande si le souvenir de son œuvre est pour beaucoup dans l’intérêt que je prends aux chroniques minutieuses
431 vous bouleverse au-delà de toute expression. Vous êtes très peiné, et je dis, moi, qu’on ne devrait pas raconter de pareille
432 , nous les pourchassons dans le corral, mais nous sommes plus éreintés que jamais. Puis Poppy se cabre au-dessus du dos de Bes
433 ie et nous la perdons presque. Enfin nos montures sont sellées et nous partons chercher le lait, mais vous êtes blême et fat
434 llées et nous partons chercher le lait, mais vous êtes blême et fatigué. Un trait qui manque par hasard dans cette page, et
435 ’irritation perpétuelle où vivait Lawrence : « Je suis épuisé — Par l’effort que je fais pour aimer les gens — sans y parven
436 fourrez pas dans vos soucis. » La mauvaise humeur est sans doute la caractéristique générale des hommes d’aujourd’hui : c’e
437 els, plus rayonnants, plus « solaires » qu’ils ne sont . En somme, bien qu’il prêche tout le temps, il attend des autres beau
438 temps, il attend des autres beaucoup plus qu’il n’ est disposé à leur donner. « Soyez ! Ah ! Soyez un soleil pour moi — Et n
439 eaucoup plus qu’il n’est disposé à leur donner. «  Soyez  ! Ah ! Soyez un soleil pour moi — Et non une lassante et exigeante pe
440 qu’il n’est disposé à leur donner. « Soyez ! Ah ! Soyez un soleil pour moi — Et non une lassante et exigeante personnalité. »
441 l’aide et auquel on vient en aide. Autrement, il serait deux fois insupportable : comme voisin toujours insuffisant, et comme
442 a nature, les bêtes, les choses. Envers elles, il est plein d’une espèce de charité patiente et ingénieuse. D’où son amour
443 où son amour des travaux manuels. Comme tout cela est rafraîchissant, satisfaisant, fidèle et pur. Notez aussi cette petite
444 dans les bois. » On allait oublier l’écrivain. Il est là, adossé à un pin, avec sa chemise bleue, ses culottes de velours b
445 nt maigre au regard narquois et inquiet, et qui s’ est mis une barbe rousse pour avoir l’air d’un faune. 33. Même question
446 e que j’appellerais le « problème des gens », qui est moins grandiose et beaucoup plus encombrant… t. Rougemont Denis de,
21 1935, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Les Mystiques allemands du xiiie au xixe siècle, par Jean Chuzeville (octobre 1935)
447 uelle doit fatalement les déformer. C’est qu’elle est généralement conditionnée par notre romantisme littéraire en même tem
448 disposition d’esprit nous incite à séparer ce qui était lié chez les mystiques : la vision de foi et les symboles concrets qu
449 le.) Du point de vue strictement théologique, qui est tout de même décisif en ces matières, l’alternative que je viens d’in
450 je viens d’indiquer ne se pose plus. Car la foi n’ est pas davantage une évasion hors de ce monde qu’une limitation de l’hom
451 Cette définition condamne tout mysticisme qui ne serait , comme le veut M. Chuzeville, que la « recherche des moyens par lesqu
452 à s’oublier en Dieu, son principe ». La question est alors de savoir s’il existe une mystique vraiment chrétienne, une mys
453 mystique vraiment chrétienne, une mystique qui ne soit pas cette « transgression » et cet oubli de nos limites, contre lesqu
454 — du point de vue de l’art — de cette anthologie, sont souvent les plus hérétiques, celles aussi où l’hybris spirituelle se
455 pare le mieux d’humilité dévote. Ceci marqué, qui est plus qu’une réserve, il convient de remercier M. Chuzeville de nous a
456 art des mystiques que M. Chuzeville nous présente sont inconnus du public français, Novalis et Ruysbroeck mis à part ; et be
457 s, Novalis et Ruysbroeck mis à part ; et beaucoup sont de grands poètes, des philosophes terriblement concrets : Maître Eckh
458 gurer dans un choix de « mystiques », alors qu’il est le premier défenseur de l’expériencev. Mais la beauté des textes cité
459 stiques modernes. Mais sans doute M. Chuzeville s’ est -il laissé guider dans son choix par un préjugé historique que le « Ma
460 et le marxisme. Voilà pourquoi le peuple allemand est un peuple empoisonné (p. 19). Cette généalogie des monstres germaniqu
461 ehme à la philosophie de Fichte et de Hegel, d’où sont effectivement sortis un certain nationalisme et la doctrine du jeune
462 nt il cite constamment les sermons. M. Chuzeville serait sans doute mieux inspiré s’il développait certaines indications fécon
463 . Il m’a semblé que cette perspective spirituelle était la seule que dégageât sans équivoque la confrontation des mystiques e
464 s à M. Chuzeville, c’est d’écrire que Paracelse «  était de nature comédienne, et savait à l’occasion dissimuler, comme l’indi
465 , se nommait Theophilus Bombast ». Or Paracelse n’ est pas un pseudonyme, mais un des trois prénoms du médecin, qui se nomma
466 arfois hasardeuse. Les travaux de Jean Baruzi lui sont inconnus ; de même que les études de A. Koyré sur Franck et Weigel. Q
22 1935, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). « Le plus beau pays du monde » (octobre 1935)
467 voici une anecdote d’Angleterre : elle doit donc être vraie. Une petite fille aux cheveux carotte, nommée Alice, écrit ceci
468 t ceci dans son devoir d’anglais : « L’Angleterre est le plus beau pays du monde. » Un inspecteur passait par là. Il lit le
469 eil patriotique », où allons-nous ? Quelqu’un qui est bien content, dans cette affaire, c’est le journaliste allemand qui l
470 illet). On dirait une « histoire idiote ». Tout y est faux. C’est incroyable à quel point cela ressemble à la plupart des e
471 qui trouvent très bon qu’on dise que l’Angleterre est le plus beau pays du monde ? Cela du moins ne manque pas de logique,
472 gré la première apparence. L’erreur courante, qui est celle du libéral rationaliste, c’est de croire que la proposition « l
473 c’est de croire que la proposition « l’Angleterre est le plus beau pays du monde » comporte un sens rationnel ; que c’est u
474 é, lorsque la petite Alice écrit que l’Angleterre est le plus beau pays du monde, elle veut dire simplement : j’aime mon pa
475 our exclut toute comparaison. Dire que tel pays «  est le plus beau du monde », ce n’est pas dire qu’après enquête on abouti
476 que tel pays « est le plus beau du monde », ce n’ est pas dire qu’après enquête on aboutit à cette conclusion : il y a dans
477 n ; qui dit raison suppose comparaison, et rien n’ est plus absurde que de comparer un pays à un autre, un amour à un autre,
478 r un pays à un autre, un amour à un autre, car où est l’étalon, où est la mesure commune, et qui connaît le modèle idéal ?
479 tre, un amour à un autre, car où est l’étalon, où est la mesure commune, et qui connaît le modèle idéal ? Le malfaisant nat
480 ît le modèle idéal ? Le malfaisant nationalisme n’ est rien d’autre qu’une rationalisation mensongère du sentiment patriotiq
481 ule formule « internationale » qui reste possible est celle-ci : « Chaque pays est le plus beau du monde ». C’est la formul
482 » qui reste possible est celle-ci : « Chaque pays est le plus beau du monde ». C’est la formule fédéraliste. — Inutile d’aj
23 1936, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Sur l’esprit incarné (février 1936)
483 rase suivante : « La religion de l’esprit incarné est celle qui honore l’esprit en tant qu’il veut porter l’empreinte de ce
484 des théologiques ou simplement logiques ». S’il m’ est permis de faire ici un peu de théologie et un peu de logique, je dema
485 il attaque ont jamais prétendu que leur politique fût une « incarnation » de l’esprit ; 2° au cas où ils l’auraient fait, c
486 c les loups, et de trahir de la sorte doublement, étant admis toutefois que la mission de l’esprit est d’entrer dans le monde
487 étant admis toutefois que la mission de l’esprit est d’entrer dans le monde, non point pour s’y soumettre, mais pour le tr
488 araissent capitales. Et je ne vois pas comment il serait possible d’y échapper. Depuis huit ans que sa Trahison des Clercs est
489 apper. Depuis huit ans que sa Trahison des Clercs est apparue, M. Benda s’y applique pourtant non sans bonheur, curieusemen
490 icteurs de droite. Mais alors son dernier article est trop clair. Il n’y manque plus qu’une épigraphe, qui conviendrait d’a
24 1936, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Dictature de la liberté, par Robert Aron (mars 1936)
491 élan meurt en anarchie. La solution de ce conflit est évidente, c’est peut-être pourquoi bien peu l’ont vue jusqu’à présent
492 ellipse ; l’on dira qu’une liberté organisée n’en est plus une. Expliquons-nous ; il faut organiser le matériel — la dictat
493 pour la liberté — une dictature de la liberté. Ce serait le plus beau « titre » du siècle. Ceci admis, et comment ne point l’a
494 annies actuelles. Considérant le désordre où nous sommes , ils prétendent nous en tirer en parant, comme ils disent, au plus pr
495 diverses dictatures, lesquelles, pour n’avoir pas été soumises dès le début à une volonté perspicace et fanatique de libéra
496 libertés réelles, leur personne. Si la personne n’ est pas déjà au début d’un calcul pratique, on ne la retrouvera jamais au
497 on. Comme le prouve toute l’histoire moderne, qui est celle des révolutions étranglées par l’État et sa police. Telles sont
498 utions étranglées par l’État et sa police. Telles sont les bases — algébrisées — des recherches de L’Ordre nouveau. Robert A
499 sion », à laquelle se ramènent toutes les autres, est en train de devenir une sorte de pont aux ânes de nos philosophies po
500 première expérience de service civil, organisée l’ été dernier, a fait voir que les ouvriers savent apprécier les conséquenc
25 1936, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Kierkegaard en France (juin 1936)
501 a puissance de choc et d’interrogation ne saurait être comparée qu’à celle de Pascal, de Dostoïevski et de Nietzsche. Aujour
502 toïevski et de Nietzsche. Aujourd’hui Kierkegaard est cité par tout le monde. On m’assure qu’il a même un public passionné.
503 passionné. Mais si l’on juge de la façon dont il est lu par la façon dont il est trop souvent cité, l’on pensera qu’il eût
504 e de la façon dont il est lu par la façon dont il est trop souvent cité, l’on pensera qu’il eût mieux valu montrer plus de
505 dence à le répandre. Et pourtant il fallait qu’il fût traduit : c’était une des nécessités de notre état spirituel. Seuleme
506 une opération aussi risquée, que ces fragments n’ étaient que les premiers termes d’une dialectique au cours de laquelle ils de
507 une dialectique au cours de laquelle ils devaient être radicalement niés, on a incité le lecteur, non prévenu ou mal prévenu
508 mité de cette erreur. Je crains bien que ce n’ait été qu’au profit d’une erreur plus subtile. 2. Parce qu’on a traduit la M
509 espoir considéré comme un des beaux-arts. Or s’il est vrai que Kierkegaard s’est occupé à décrire les formes déclarées ou d
510 es beaux-arts. Or s’il est vrai que Kierkegaard s’ est occupé à décrire les formes déclarées ou déguisées que revêt le déses
511 revêt le désespoir fondamental du pécheur ; s’il est vrai qu’il a su montrer, avec une effrayante lucidité, l’universalité
512 cet état, c’est aussi que pour lui, le désespoir est le péché, la seule maladie vraiment mortelle, dont la foi seule, non
513 que le néant, dont ils lui prêtent ainsi le goût, est justement celui que Kierkegaard dénonce au cœur des systèmes qu’ils l
514 s qu’ils lui opposent. 3. Parce que Kierkegaard s’ est déchaîné contre les églises établies, les évêques de la cour, et la r
515 théorique à un christianisme existentiel — ce qui est le mouvement même de la Réforme — on a voulu le présenter comme une e
516 t, la définition même de la foi dans l’Évangile n’ est -elle pas justement ce cri : « Je crois, Seigneur, viens au secours de
517 isif. Bien entendu, le « succès » de prestige eût été beaucoup plus restreint. Les raisons qui poussèrent Kierkegaard à pub
518 ore plus fortes de nos jours. Il se peut qu’il se fût réjoui de la maldonne. Que voulait donc Kierkegaard ? Peut-être, à la
519 son retrait.) La question qui se posait dès lors était celle-ci : « Comment donner à une époque plongée dans la plus grande
520 alors le porte-parole des idées, des passions qui sont dans l’air, avec l’enthousiasme d’une éloquence chaude et entraînante
521 goue de tes discours et tu deviens son favori. Tu es alors au début de ton supplice. Il s’agit maintenant de changer de di
522 cision, mais tu te rends aussi rebutant que tu as été attirant ; alors tu verras tes contemporains se passionner et bientôt
523 sionner et bientôt s’enflammer contre toi.38 Tel fut le sort que choisit Kierkegaard, lorsqu’au cours des années qui prépa
524 et révéla le sens dernier de toute son œuvre. Il est juste que ce destin se répète aujourd’hui parmi nous. Et la publicati
525 teur du Traité du désespoir un « succès » dont il est peut-être temps de tirer certaines conclusions propres à « repousser
526 ions propres à « repousser l’admiration ». Rien n’ est plus conforme au style kierkegaardien que la manière dont M. Tisseau
527 uvrages font néanmoins quelque chemin, ce ne peut être qu’à contre-courant du snobisme qui naît autour de leur auteur. ⁂ Le
528 autour de leur auteur. ⁂ Le centre de Kierkegaard est dans cette phrase : « La subjectivité est la vérité. » La subjectivit
529 kegaard est dans cette phrase : « La subjectivité est la vérité. » La subjectivité, ce n’est pas le subjectivisme, ce n’est
530 bjectivité est la vérité. » La subjectivité, ce n’ est pas le subjectivisme, ce n’est pas le vague, le sentiment incontrôlé,
531 subjectivité, ce n’est pas le subjectivisme, ce n’ est pas le vague, le sentiment incontrôlé, le romantisme et l’anarchie, e
532 vouloir d’une manière totale et unique que ce qui est vrai. Car tout ce qui n’est pas vrai comporte en soi une division et
533 et unique que ce qui est vrai. Car tout ce qui n’ est pas vrai comporte en soi une division et divise la volonté qu’on met
534 et divise la volonté qu’on met à le réaliser. Tel est le sujet de la Pureté du cœur. La plupart des écrits proprement relig
535 isseau en reviennent tous à la même question, qui est celle du sérieux dernier, de la prise au sérieux de la vérité. Du poi
536 issance ; puis à montrer que l’éternelle vérité n’ est encore qu’une grandiose ironie tant qu’elle n’est pas actualisée dans
537 est encore qu’une grandiose ironie tant qu’elle n’ est pas actualisée dans l’acte de foi. Il n’y eut jamais de sérieux absol
538 t vraiment « le droit de mourir pour la vérité », étant lui-même la vérité. C’est pourquoi l’acte de foi, qui saisit dans ce
539 érieux, poses et amusettes, une ironie, ou ce qui est pire, un soupçon d’insondable ironie. Un soupçon : car peut-être, l’a
540 ut-être, l’acte de foi n’existe pas ? Peut-être n’ est -ce qu’une figure de rhétorique pieuse, une illusion, un mythe, ou enc
541 une dialectique dont le plus étrange, sans doute, est qu’elle embrasse avec une familiarité poignante les problèmes de la v
542 rançaises de Kierkegaard.   P.-S. Cette chronique était déjà imprimée, quand j’ai lu dans les Cahiers du Sud une étude de Ben
543 l’accompagne plus onéreuse pour la vérité que ne serait l’affectation d’impartialité ; et je suis loin de trouver vaine la qu
544 ue ne serait l’affectation d’impartialité ; et je suis loin de trouver vaine la question que pose Fondane : « Ils suivent Ki
545 « Ils suivent Kierkegaard du regard — mais où en sont -ils de leur propre démarche ? » Oui, cette question est gênante et sé
546 s de leur propre démarche ? » Oui, cette question est gênante et sérieuse, et c’est pourquoi il fallait la poser. Et c’est
547 personne à la suite de Kierkegaard… Tout le reste est littérature, « littérature kierkegaardienne » évidemment, « admiratio
26 1936, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). L’Art poétique ou Qu’il faut penser avec les mains (décembre 1936)
548 stance atténuante, au bénéfice du maladroit, s’il est aimable. Ou bien c’est l’ornement de nos loisirs. Mais Claudel dit :
549 de nos loisirs. Mais Claudel dit : l’art poétique est art de faire. Un gémissement célèbre, chez les clercs, déplore l’anti
550 à-dire qu’il choisit de choisir, car l’étymologie est trop loin d’être une science pour que l’adoption même d’une « origine
551 isit de choisir, car l’étymologie est trop loin d’ être une science pour que l’adoption même d’une « origine » soit autre cho
552 cience pour que l’adoption même d’une « origine » soit autre chose qu’un choix délibéré, quand ce n’est pas un profond calem
553 soit autre chose qu’un choix délibéré, quand ce n’ est pas un profond calembour. « Il est permis à chacun de se servir de te
554 ré, quand ce n’est pas un profond calembour. « Il est permis à chacun de se servir de tel son qu’il lui plaît pour exprimer
555 e de la Logique de Port-Royal, dont Claudel, s’il est réaliste, doit récuser la principale40, peut néanmoins servir à préci
556 aux divers jargons de son temps : c’est que l’une est une langue « avertie », posant un perpétuel avertissement, tandis que
557 érale. Claudel montre partout son parti pris, qui est de s’en tenir aux origines, et à cette origine, entre plusieurs proba
558 he de la chose et du geste. Poésie, de poiein, ce sera  : faire. Connaître, de cognoscere, sera : co-naître. Il faut savoir c
559 oiein, ce sera : faire. Connaître, de cognoscere, sera  : co-naître. Il faut savoir ce que parler veut dire. (D’où l’on vient
560 ler veut dire. (D’où l’on vient, où l’on va : tel est le sens.) Car le langage, parmi d’autres fonctions, a celle-là de per
561 les signaux. Les autres (voyez leurs journaux) se sont jetés dans un énorme embouteillage, il n’y a plus qu’à se laisser pou
562 , c’est un sur-place exaspérant, tous les moteurs sont débrayés) ce sens partout évanouissant n’en est pas moins le sens « c
563 sont débrayés) ce sens partout évanouissant n’en est pas moins le sens « commun » — voire même, par antiphrase, le sens « 
564 té »), la plénitude, le rassemblement de tous les êtres , le branle-bas de toute la création vers son achèvement intelligible,
565 si, dans le monde d’aujourd’hui, se condamner à n’ être pas compris. Paradoxe d’un génie catholique, isolé de la foule des ho
566 ustement, sa volonté de catholicité ! ⁂ Non qu’il soit « méconnu », bien sûr. Mais parmi tant d’admirateurs, combien co-nais
567 le plus profane de Tête d’Or ou de l’Annonce. Ce serait aggraver d’une sottise cette Séparation, notre péché, contre laquelle
568 n perpétuelle, et tout s’y tient parce que chaque être y agit pour tout ce qu’il n’est pas. « Tout cherche partout sa fin, c
569 parce que chaque être y agit pour tout ce qu’il n’ est pas. « Tout cherche partout sa fin, complément ou efférence, sa part
570 cessité que de la fin totale qu’il glorifie. Ce n’ est pas notre monde tel qu’il est, mais notre monde tel qu’il est sauvé,
571 u’il glorifie. Ce n’est pas notre monde tel qu’il est , mais notre monde tel qu’il est sauvé, relié solidement par la Promes
572 e monde tel qu’il est, mais notre monde tel qu’il est sauvé, relié solidement par la Promesse et remis en marche vers elle,
573 e. Diviser, séparer, isoler, faire scission, ce n’ est pas seulement cartésien ; et Descartes n’a fait que constater les eff
574 t de la Création. « Et c’est pourquoi une fin lui fut en effet donnée » — qui est sa mort. Mais l’œuvre du poète, la vocati
575 pourquoi une fin lui fut en effet donnée » — qui est sa mort. Mais l’œuvre du poète, la vocation de l’homme, la charité co
576 la révélation des enfants de Dieu, parce que ce n’ est pas de son propre gré qu’elle a été assujettie à vanité » (Rom. 8, 19
577 arce que ce n’est pas de son propre gré qu’elle a été assujettie à vanité » (Rom. 8, 19-20). Ne fût-ce que par son style, e
578 e a été assujettie à vanité » (Rom. 8, 19-20). Ne fût -ce que par son style, et l’intention, partout, qu’il manifeste avec p
579 la source continue qu’il contient en lui dans son être  : son geste n’est plus que la traduction, dans l’univers matériel, du
580 qu’il contient en lui dans son être : son geste n’ est plus que la traduction, dans l’univers matériel, du sanglot de l’orig
581 voici donc « chargés du rôle d’origine ». L’homme est « le sceau de l’authenticité ». Il est, par son action recréatrice, u
582 ». L’homme est « le sceau de l’authenticité ». Il est , par son action recréatrice, une étymologie vivante de tout ce qui es
583 ecréatrice, une étymologie vivante de tout ce qui est . Et maintenant, pour se connaître, il lui suffit d’agir sa vocation.
584 uments dont il a la propriété ». Et son corps lui est comme « un document où il suit les œuvres de l’esprit qui le remue ».
585 ! Mais l’usure des mots les édente, notre langage est débrayé. Comment rétablir le contact ? Claudel n’écrira pas : je vais
586 vais vous expliquer cela clairement, mais : « Tel est le mystère qu’il s’agit présentement de reporter sur le papier de l’e
27 1937, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Une idée de Law (janvier 1937)
587 il nous en coûte pour guerroyer cinq ans. Quel en est le résultat ? car le succès définitif est incertain. Avec bien du bon
588 Quel en est le résultat ? car le succès définitif est incertain. Avec bien du bonheur, on peut espérer de détruire 150 000
589 sans compter la perte sur notre population, qui n’ est réparée qu’au bout de vingt-cinq ans. Au lieu de cet attirail dispend
590 erling. C’est la plus forte évaluation, et ils ne sont pas tous aussi chers, comme on sait mais enfin, il y aurait encore mo
591 la guerre. Mais le geste du capitaliste, qui eût été la plus belle farce de l’Histoire, a soulevé d’universelles protestat
592 s de notre anarchie économique. Le capitalisme ne serait peut-être pas un trop mauvais système si ses entreprises n’étaient co
593 pas un trop mauvais système si ses entreprises n’ étaient constamment traversées par celles d’une passion contraire, qui est l’
594 raversées par celles d’une passion contraire, qui est l’honneur. Car il est clair que l’honneur seul — ou du moins ce qu’il
595 ’une passion contraire, qui est l’honneur. Car il est clair que l’honneur seul — ou du moins ce qu’il nous en reste, et ce
596 eul — ou du moins ce qu’il nous en reste, et ce n’ est qu’une caricature — retient les gouvernants de suivre jusqu’au bout,
597 upules, la logique du capitalisme. Or, ce système étant de ceux qui ne se peuvent soutenir que si rien d’arbitraire ou d’huma
28 1937, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). De la propriété capitaliste à la propriété humaine et Manifeste au service du personnalisme, par Emmanuel Mounier (février 1937)
598 jusqu’ici par Mounier, ce traité de la propriété est sans doute le mieux venu, le plus précis et situé. On aimera la mobil
599 ctrines thomistes, et rejoint avec un naturel qui est succès de ce livre, les positions constructives d’Esprit, et même de
600 plutôt de Proudhon)44. En bref, le sens du livre est celui-ci : il s’agit de passer d’un mode de propriété abstrait et ano
601 voir, chemin faisant, démontré que la propriété n’ est pas un instinct permanent, mais au contraire un besoin de l’esprit —
602 unisme — celui que redoutent les bourgeois, qui n’ est pas celui de Staline… Mais si vigoureuse que soit cette analyse — et
603 ’est pas celui de Staline… Mais si vigoureuse que soit cette analyse — et si utile sa lecture pour tous les possédants chrét
604 e de l’Esprit 46. Et l’on y lit que les fascistes sont les pires adversaires « de la personne humaine, cette grande force sp
605 ons catholiques. Ainsi « le riche, dit Bossuet, n’ est toléré dans l’Église que pour servir le pauvre ». Et selon saint Thom
606 commerce des couvents anglais.) — Pendant que j’y suis , une autre remarque : Mounier exagère l’importance économique de l’us
607 ins catholiques. Marx a bien montré que l’usure n’ est qu’un facteur secondaire, et très peu décisif, du capitalisme. 45. L
608 294-296. ad. Ce texte de Paul Vaillant-Couturier est plus amplement commenté par Rougemont dans le numéro d’Esprit de févr
29 1937, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). N’habitez pas les villes (Extrait d’un Journal) (juillet 1937)
609 sur les grands quais de ce port atlantique, j’en étais à considérer d’un œil brûlé par l’insomnie les flots de l’océan mauss
610 paremment que je n’avais rien de mieux à faire. J’ étais chômeur depuis trois mois. On m’offrait un abri quelque part, une mai
611 tte ville, au moins pour la jeunesse sans argent, est la ville des gérants ignobles et des concierges, des lieux-sombres-et
612 ommencerai par l’inventaire de mon domaine. Je ne suis pas propriétaire, c’est entendu. Je ne possède légalement que des val
613 l’on veuille « avoir » autrement. Posséder, ce n’ est pas avoir. Ce n’est pas même avoir l’usage éventuel de quelque chose.
614 r » autrement. Posséder, ce n’est pas avoir. Ce n’ est pas même avoir l’usage éventuel de quelque chose. Mais c’est user en
615 est donc un acte et pas du tout un droit. Et ce n’ est pas une sécurité, ni rien qui dure au-delà du temps qu’on en jouit. C
616 jouit. Cette maisonnette, ce jardin et cette île, seront miens selon la puissance avec laquelle j’en saurai faire usage, pour
617 le j’en saurai faire usage, pour une fin qui leur est étrangère, et qui me commandera de les quitter le jour qu’ils y mettr
618 bstacle. (Pour les bourgeois, l’idée de propriété est liée à l’idée d’héritage. Par quelle folie pensent-ils pouvoir « héri
619 tout ignorer de la vraie possession ! Une chose n’ est mienne que pour un temps, et si je change, elle me devient impropre.
620 e n’hérite pas même de moi ! Ou alors, l’héritage est cela dont on ne peut pas se délivrer à temps, et devrait être défini
621 nt on ne peut pas se délivrer à temps, et devrait être défini franchement comme ce qui est incommode ou impropre, et dont il
622 , et devrait être défini franchement comme ce qui est incommode ou impropre, et dont il faut tâcher de se délivrer coûte qu
623 ai sous la main. Voici d’abord la table que je me suis fabriquée : j’ai trouvé dans le chai deux tréteaux et deux planches b
624 Curiosité, comme au début d’un film. La situation est d’ailleurs excellente pour l’instant. Il nous reste encore de quoi vi
625 ant six semaines environ, si du moins nos calculs sont justes : 900 francs, un bon toit, et le temps de voir venir.   Du 10
626 it, dans ces articles, de ce que les gens croient être actuel, ou sont censés croire actuel, dans la littérature ou les idée
627 icles, de ce que les gens croient être actuel, ou sont censés croire actuel, dans la littérature ou les idées. C’est cela qu
628 ire de l’île, ses coutumes, et son dialecte. L’un est l’œuvre d’un archiviste du continent. Il affecte une douce ironie sor
629 il faut l’avouer, à ne tenir pour vrai que ce qui est petit. Laissons donc de côté ce petit travail qui a dû valoir les pal
630 nce par une chronique historique dont l’essentiel est naturellement l’énumération des débarquements qui ont honoré l’île, d
631 cobins. Plusieurs des discours de leurs chefs ont été consignés par miracle : ils ne le cèdent en rien pour l’ampleur de le
632 t au moins à son instigation. Enfin, et cela nous sera des plus utiles, une minutieuse description de la faune et de la flor
633 ce, ou d’ironie… Pour de tels hommes, certes il n’ est pas deux France ! Ou plutôt elles se mêlent dans un combat indivisibl
634 a place principale. Au milieu de cette place, qui est un vaste rectangle de terre jaune, les habitants plantèrent à la Révo
635 à la Révolution un arbre de la Liberté. Cet orme est devenu gigantesque, majestueux, exemplaire dans sa symétrie architect
636 e. Il domine toutes les maisons et le clocher. Il est seul au-dessus du pays. Je voudrais le dessiner dans le style romanti
637 d on aborde le village où l’on va vivre. Celle-ci est énorme et goutteuse. Elle a des douleurs dans les jambes, et m’en par
638 tion de rester ici tout l’hiver ? C’est plutôt en été qu’on vient chez nous, me fait-elle prudemment observer. — Je le sais
639 xpliquer la nature de mon travail. « Écrire », qu’ est -ce que cela signifie ? Écrire pour les journaux, sans doute, mais il
640 aient en silence, le nez sur leurs sabots, que je sois sorti. La mère Aujard n’a pas toujours ce qu’on voudrait. En hiver el
641 ler de l’autre côté de la place, chez Mélie. Ce n’ est pas simple d’éviter d’être vu par l’une, entrant chez l’autre. Mais c
642 place, chez Mélie. Ce n’est pas simple d’éviter d’ être vu par l’une, entrant chez l’autre. Mais c’est prudent, on me l’a dit
643 es augmenteront bien plutôt pour le punir d’avoir été en face. Sans compter qu’on n’aime pas être accueilli par la réprobat
644 ’avoir été en face. Sans compter qu’on n’aime pas être accueilli par la réprobation sournoise d’une épicière.   20 novembre
645 ec une grande enveloppe contenant un manuscrit. «  Est -ce une lettre ? — Non. Est-ce un imprimé ? — Non. C’est tapé à la mac
646 tenant un manuscrit. « Est-ce une lettre ? — Non. Est -ce un imprimé ? — Non. C’est tapé à la machine. — Est-ce qu’il n’y a
647 ce un imprimé ? — Non. C’est tapé à la machine. —  Est -ce qu’il n’y a rien d’écrit à la main ? Si, il y a des corrections éc
648 elle me tend une formule de télégramme, mais ce n’ est pas un télégramme, c’est une notification officielle d’avoir à verser
649 l faut donc que je m’exécute, sinon c’est lui qui sera forcé « d’y aller de sa poche ». Me voilà courant à l’autobus pour ar
650 e cause un peu, pour me faire pardonner. Pédenaud est mutilé de guerre. Il boite. On lui a donné cette recette auxiliaire à
651 n comptant tout ». Sa femme fait des lessives. En été ils pêchent des palourdes et les vendent aux baigneurs. Bien entendu,
652 e, manger et boire, 480 francs ; (en général tout est plus cher qu’à Paris). Recettes : 80 francs pour quelques notes publi
653 nnelles de ne pas appeler au secours. Pourtant je suis bien tranquille, je ne l’ai même jamais été aussi absolument. C’est p
654 t je suis bien tranquille, je ne l’ai même jamais été aussi absolument. C’est peut-être à cause du bonheur de notre vie. Tr
655 en penser » en dépend.   2 décembre Questions. —  Est -ce donc si « naturel » de vivre sur une île ? Est-ce que l’insularité
656 Est-ce donc si « naturel » de vivre sur une île ? Est -ce que l’insularité (géographique et morale) n’est pas une espèce de
657 st-ce que l’insularité (géographique et morale) n’ est pas une espèce de vice ? Est-ce que ce n’est pas la racine de tout l’
658 aphique et morale) n’est pas une espèce de vice ? Est -ce que ce n’est pas la racine de tout l’idéalisme dont les modernes d
659 e) n’est pas une espèce de vice ? Est-ce que ce n’ est pas la racine de tout l’idéalisme dont les modernes doivent se guérir
660 guérir, s’ils veulent enfin devenir « actuels » ? Est -ce que ce n’est pas aussi la racine de cet esprit d’abstraction égoïs
661 ulent enfin devenir « actuels » ? Est-ce que ce n’ est pas aussi la racine de cet esprit d’abstraction égoïste dont nous sou
662 che jusqu’au pays voisin. Cette liberté insulaire est une liberté négative. Elle nous met à l’abri du monde et nous ramène
663 ène tous physiquement à nos limites. Mais l’homme est ainsi fait qu’il désire sans cesse se risquer au-delà de ce qu’il peu
664 s à partager avec les hommes de ce village ce qui est essentiel et solide dans ma vie. Le simple fait que je ne puis pas le
665 rappés : ma machine à écrire. La mère Renaud, qui est une vieille amie des propriétaires de notre maison, est venue plusieu
666 e vieille amie des propriétaires de notre maison, est venue plusieurs fois nous voir. Hier, elle m’a demandé avec toutes so
667 échange direct sur pied d’égalité. Le père Renaud est un ancien marin, barbu, jovial, déjà touché par le gâtisme, mais agré
668 s souvenirs, trop souvent racontés. (« Quand nous étions devant Tamatave, en 1886. ») Il s’occupe maintenant à fabriquer un fi
669 pés. Je m’attarde à causer dans leur cuisine, qui est leur habitation ordinaire. On ne peut rien désirer de plus plaisant q
670 re, sur laquelle travaille le père Renaud. Le sol est de terre battue recouverte d’une fine couche de sable. Sur les murs b
671 moi, m’intéresse : je sens trop bien qu’ils n’en sont pas curieux. De quoi donc me parlent-ils ? Du temps, et j’aime cela c
672 eau, mais nouvellement intéressant. Et quand nous sommes en confiance, si j’essaie d’amener l’entretien sur leurs lectures, le
673 vail. J’ai quelque peine à exprimer ceci, — qui n’ est précisément qu’un sentiment de gêne en moi. Sentiment qu’il y a là qu
674 vons pu rester si parfaitement aveugles ? Ou bien est -ce ma gêne qui est absurde ? Essayer de confronter la culture et la r
675 arfaitement aveugles ? Ou bien est-ce ma gêne qui est absurde ? Essayer de confronter la culture et la réalité, c’est peut-
676 r d’une naïveté impardonnable ? — Pourtant, je ne suis pas prêt à me donner tort, c’est-à-dire à donner raison au bon sens d
677 mbre Déjeuné, après le culte, chez M. Palut. Il n’ est pas pasteur en titre, mais seulement « évangéliste » au service d’une
678 ervice d’une œuvre missionnaire. Les évangélistes étant moins bien payés que les pasteurs, dont le traitement de base est de
679 ayés que les pasteurs, dont le traitement de base est de 10 000 francs, Mme Palut est obligée de faire, quand cela se trouv
680 raitement de base est de 10 000 francs, Mme Palut est obligée de faire, quand cela se trouve, des remplacements d’institutr
681 t casse beaucoup d’assiettes. Dans cette île, qui fut presque entièrement protestante au xvie siècle, M. Palut n’a plus au
682 zaine au culte. Les autres habitent trop loin, ou sont indifférents. Il me raconte les efforts qu’il a faits, pendant six an
683 dire que tout ce travail épuisant dans l’inertie soit resté absolument vain : il y a eu quelques conversions. Mais c’est to
684 les abandons ou les départs. (Les protestants qui sont souvent l’élément le plus actif de la population s’expatrient volonti
685 rient volontiers, ou vont habiter les villes.) En été , la petite ville se remplit de baigneurs et l’auditoire du temple est
686 se remplit de baigneurs et l’auditoire du temple est décuplé : cela suffit pour qu’on maintienne le poste… J’essaie de me
687 veulent pas même l’écouter, et toute sa raison d’ être est cependant de leur parler. Il n’a rien d’autre à faire, et il ne p
688 ent pas même l’écouter, et toute sa raison d’être est cependant de leur parler. Il n’a rien d’autre à faire, et il ne peut
689 faire, et il ne peut pas le faire. Et de plus, il est seul à croire qu’il doit le faire. Il m’a décrit son existence sans a
690 petit hôtelier breton d’origine catholique, il s’ est converti à l’âge de vingt ans et depuis lors il n’a jamais songé qu’i
691 amenait sans cesse aux mêmes préoccupations. Ce n’ était pas cette vacance où les idées et sentiments changent de climat. Le l
692 ées et sentiments changent de climat. Le loisir n’ est pas simplement la cessation du travail pour un repos nécessaire. Il s
693 par rapport à la sécurité matérielle qu’assurent soit le travail, soit la fortune, soit dans mon cas particulier, l’amitié.
694 sécurité matérielle qu’assurent soit le travail, soit la fortune, soit dans mon cas particulier, l’amitié. Un chômeur intel
695 lle qu’assurent soit le travail, soit la fortune, soit dans mon cas particulier, l’amitié. Un chômeur intellectuel peut enco
696 ation du désespoir, et c’est l’humilité. Si je ne suis pas important, le monde s’agrandit. Je puis encore aimer des paysages
697 grandit. Je puis encore aimer des paysages qui ne sont pas mon état d’âme, mais une parole à déchiffrer. L’humilité m’apport
698 es données, mais soi-même.   28 février Gens. Il est très impressionnant de se demander en face de ces hommes, à quelques
699 cette île et de ces vies ?   3 avril La solitude est une jeunesse. Elle nous apprend cette chose nouvelle que nous savions
700 lle que nous savions déjà, c’est vrai, quand nous étions adolescents, chose nouvelle au goût du souvenir, que trop de téléphon
701 ombes ; cette chose toujours neuve et nouvelle qu’ est l’attente d’on ne sait quoi. Condition véritable de l’homme : il est
702 ne sait quoi. Condition véritable de l’homme : il est celui qui agit dans l’attente. Il attend des révélations. C’est évide
703 tions. C’est évident ! Ses actions les plus pures sont des appels et des incantations : leur sens est toujours au-delà. Elle
704 s sont des appels et des incantations : leur sens est toujours au-delà. Elles ne sont que symboles, invites angoissées ou s
705 ations : leur sens est toujours au-delà. Elles ne sont que symboles, invites angoissées ou séductions tentées dans l’inconnu
706 nécessairement sur fond de mort. (La jeunesse qui est l’âge de l’attente la plus ardente de la vie est aussi l’âge le plus
707 est l’âge de l’attente la plus ardente de la vie est aussi l’âge le plus familier avec la mort.) Ainsi nos gestes se prolo
708 Ainsi nos gestes se prolongent, et leur grandeur est dans l’attente qu’ils trahissent. Si le travail moderne est dégradant
709 ’attente qu’ils trahissent. Si le travail moderne est dégradant, c’est qu’on a limité ses gestes à l’immédiat, et borné son
710 at, et borné son attente au salaire. Or toute vie est absurde et violemment inacceptable, qui ne s’ouvre pas sur l’attente
711 e que je retrouve dans une pile de notes. La page est restée blanche. Et toute réflexion faite, c’est bien ainsi, et très c
712 noire qui habite seule au bout du jardin. Elle y est pourtant depuis notre arrivée, héritée du propriétaire. Nous l’avons
713 ir pendant des mois, la croyant trop vieille pour être mangée, sinon pour faire encore quelques œufs. Elle paraissait inguér
714 ci ne comprendraient rien à ce que je fais, et ce serait assez normal : il y a l’obstacle du vocabulaire, d’une certaine techn
715 peuple », cela ne peut accrocher à rien dans cet être que j’ai devant moi, avec ses rides, sa barbe et sa casquette, et qui
716 tinue à me parler de la pêche, de son filet qui a été emporté hier, etc. Quel sens concret cela peut-il avoir de parler de
717 es rendre telles qu’elles puissent, je ne dis pas être comprises, mais au moins, en pensée, confrontées sans un ridicule ang
718 cule angoissant avec la réalité des choses et des êtres dont elles utilisent le concept… Eh bien, voilà le résultat : après u
719 des affinités ou répulsions que les faits ou les êtres qu’ils sont censés représenter n’ont pas dans la réalité. À la fin on
720 s ou répulsions que les faits ou les êtres qu’ils sont censés représenter n’ont pas dans la réalité. À la fin on obtient l’a
721 me laisse assez froid. La culture m’a repris. Je suis dans le faux et tout y est correct : je dis que la thèse que je défen
722 ulture m’a repris. Je suis dans le faux et tout y est correct : je dis que la thèse que je défends est vraie !… Il y aurait
723 est correct : je dis que la thèse que je défends est vraie !… Il y aurait de quoi s’arrêter de penser, si l’on pouvait. Le
724 pouvait. Le principe de toute culture véritable n’ est -il pas cette commune mesure, sinon de raisons formulables, du moins…
725 séries de pensées et la diversité désordonnée des êtres et des choses, où nous vivons ? « Je pense, donc j’en suis ». Et je n
726 es choses, où nous vivons ? « Je pense, donc j’en suis  ». Et je ne suis guère, si je n’en suis pas. Et je ne pense bien, val
727 s vivons ? « Je pense, donc j’en suis ». Et je ne suis guère, si je n’en suis pas. Et je ne pense bien, valablement, en véri
728 donc j’en suis ». Et je ne suis guère, si je n’en suis pas. Et je ne pense bien, valablement, en vérité, que si je me sens e
729 ais au centre de mon domaine ; et c’est Paris qui est loin maintenant, peu vraisemblable ; et non plus moi. Premières roses
730 au-dessus de mon verre de vin blanc.   Mai La mer est d’un vert bleu crayeux, très froide encore. On ne peut guère que se t
731 et sans révolte. Sensiblerie évidemment, mais qu’ est -ce que cela veut dire ? Je parlais de « l’attente ardente » des créat
732 ce de notre royauté nécessaire et réparatrice. Il est probable que le tigre en train de déchiqueter une jeune gazelle ne fa
733 t pas de sentiment. Et pourtant, ma sensiblerie n’ est hypocrite que parce qu’elle reste pratiquement insuffisante. Elle est
734 rce qu’elle reste pratiquement insuffisante. Elle est plus juste, et plus digne de l’homme que ces vertus de carnassiers qu
735 ’allais conclure : nos rapports avec la nature ne sont guère plus satisfaisants que nos rapports avec les hommes. Mais atten
736 et tout obscure.   24 mai On dirait que l’homme n’ est pas fait pour durer : la vie étale nous ennuie, c’est ce qui naît et
737 émeut. Cette nuit, avant d’aller me coucher, j’ai été voir au poulailler. (Nous attendions depuis deux jours l’éclosion des
738 freiner mais peser à fond sur l’accélérateur. Je suis allé à A. acheter des cigarettes. Et nous allions nous mettre à table
739 r le canard des grandes occasions, quand la chose est arrivée. Apportée par la factrice. Une grosse enveloppe cachetée, ven
740 n’aurais jamais eu l’idée de solliciter. Et qui m’ est octroyé pour un petit livre paru sans bruit il y a plus de dix-huit m
741 ns bruit il y a plus de dix-huit mois. Les hommes sont bons, du moins certains d’entre eux. Sur le moment, ce qui m’a le plu
742 moment, ce qui m’a le plus frappé c’est que je m’ étais fâché hier soir, et que la Providence, évidemment, se payait ma tête.
743 j’ai calculé que cela nous permettait de passer l’ été ici sans inquiétude. Ou encore, de le passer ailleurs, sans ennui. Ce
744 lleurs, sans ennui. Cela probablement parce que j’ étais à bout de ressources, ne bougeais plus ni pied ni patte et n’écrivais
745 nce, ou plutôt du retrait. (Il ne faut pas que ce soit une feinte, bien entendu, cela ferait tout rater ; il faut un véritab
746 ecine des homéopathes.   16 juin La banque d’A. n’ est ouverte qu’un jour par semaine. Ce n’est qu’aujourd’hui que j’ai pu a
747 e d’A. n’est ouverte qu’un jour par semaine. Ce n’ est qu’aujourd’hui que j’ai pu aller y négocier mon chèque. J’arrive deva
748 gocier mon chèque. J’arrive devant la porte où il est écrit : Caisse. Je frappe et entre. Un homme penché vers le guichet p
749 uit de voix dans la salle de la caisse. Le client est -il sorti ? Quel peut être le motif de cette audience privée ? Enfin j
750 de la caisse. Le client est-il sorti ? Quel peut être le motif de cette audience privée ? Enfin j’entends qu’on sort, et le
751 ou quand ils touchent de l’argent ! C’est qu’ils sont très spéciaux les gens d’ici ! Moi je n’y viens qu’une fois par semai
752 ils n’auraient pas idée de ça, au contraire, ils sont tout fiers de venir à la banque. Ici, on a dû faire cette salle d’att
753 ’en puis juger d’après les propos du gérant, ce n’ est pas seulement la crainte, après tout légitime, qu’on sache combien il
754 illette ce journal : voici des semaines qu’il n’y est à peu près plus question des « gens ». En somme, je ne m’intéresse pl
755 reilles. Grande différence entre eux et moi : ils sont adaptés à leur conduite et à leur milieu, comme les animaux. Ils ne s
756 tier d’en poser… Il vaut mieux partir quand on en est là. Quand on en est à ne plus voir le prochain, la situation n’est pl
757 vaut mieux partir quand on en est là. Quand on en est à ne plus voir le prochain, la situation n’est plus humaine, elle ne
758 en est à ne plus voir le prochain, la situation n’ est plus humaine, elle ne pose plus de questions utiles.   2 juillet La s
759 de questions utiles.   2 juillet La sécheresse a été la plus forte : malgré nos arrosages, les salades et les choux sont b
760  : malgré nos arrosages, les salades et les choux sont brûlés, la terre se craquèle, ou devient poussiéreuse. Il n’y a plus
761 nt dans un tiroir. Cela signifie que j’ai cessé d’ être chômeur. Le départ est fixé au 10. Il va falloir vendre la poule noir
762 signifie que j’ai cessé d’être chômeur. Le départ est fixé au 10. Il va falloir vendre la poule noire et les poulets encore
763 oule noire et les poulets encore trop jeunes pour être mangés. Régler vingt petites choses de cette espèce. Petites choses p
764 our la première fois mesquines…   10 juillet Tout est bouclé, ficelé, cloué. Il me reste à peu près deux heures, avant le d
765 ignent. J’ai pensé plus d’une fois qu’il pourrait être utile de décrire ma petite expérience d’intellectuel en chômage ; qu’
766 rience d’intellectuel en chômage ; qu’il pourrait être utile de montrer qu’on peut sortir des villes où se font les « carriè
767 tant de gens invoquent avec un accent triste. Je suis devenu tout doucement amoureux de ma vie, et je crois bien que c’est
768 ui dirait au coin d’un bois. Je crois que le réel est à portée de la main, et n’est que là. Alors il s’agit seulement d’ass
769 e crois que le réel est à portée de la main, et n’ est que là. Alors il s’agit seulement d’assurer la prise de cette main. C
30 1937, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Gösta Berling, par Selma Lagerlöf (novembre 1937)
770 ’un Noël à l’autre sur la province du Warmland, s’ étant juré de ne rien accomplir d’utile ni de raisonnable. Voici l’histoire
771 que l’on croit intégralement parce qu’elles nous sont données pour ce qu’elles sont, des fables. Nos romanciers, terrorisés
772 parce qu’elles nous sont données pour ce qu’elles sont , des fables. Nos romanciers, terrorisés par une sadique « défense d’i
773 Pour faire vrai, ils imitent la vie. Mais la vie est toujours ailleurs, en train de s’inventer différente. Elle n’aime que
774 au moins par chapitre48, et à chaque fois le coup est bon. Vous partez en pleine convention romantique, populaire carte pos
775 des forêts, dans les exploits des Cavaliers. Ce n’ est pas du réalisme socialiste, c’est la réalité sociale plus toutes les
776 ’oudarnikis plus ou moins décorés. Selma Lagerlöf est la seule femme de la littérature européenne dont le génie ait eu la f
777 iracle : « Il y a mille ans que le peuple suédois est son propre maître. Tous les Suédois, hommes et femmes, jouissent des
31 1937, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Au dossier d’une vieille querelle (novembre 1937)
778 dans une aventure — la vie — « où elle ne peut qu’ être outragée » (car la vie est irrationnelle). D’autres clercs, conséquen
779 « où elle ne peut qu’être outragée » (car la vie est irrationnelle). D’autres clercs, conséquents, ne manqueront pas d’en
780 opos du premier dilemme — ou sophisme — « qu’il n’ est point fâcheux d’offenser les hommes, quand on ne le peut éviter qu’en
781 fensant Dieu ». Et au sujet du second : « qu’il n’ est pas avantageux de contenter les hommes en offensant Dieu ». J’en conc
782 es hommes en offensant Dieu ». J’en conclus qu’il est bon d’engager la raison dans la vie : non point pour qu’elle y reçoiv
783 e l’on révère, de la vérité ou de la sécurité. Ce serait une raison bien débile, qui n’oserait s’exercer que sur du rationnel
784 fait. S’il y a quelque part du rationnel (que ce soit dans le monde ou dans l’esprit) c’est que la raison s’est bel et bien
785 le monde ou dans l’esprit) c’est que la raison s’ est bel et bien risquée et se risque encore dans le chaos, et qu’elle a s
786 plus onéreux : celui de laisser perdre le peu qui fut gagné par d’autres, et dont on vit. ah. Rougemont Denis de, « Au d
32 1938, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Le Monastère noir, par Aladár Kuncz (janvier 1938)
787 teresse de Noirmoutier, puis à l’île d’Yeu. Il ne sera libéré qu’après cinq ans de captivité, durant lesquels il subira les
788 Et vous ferez quelque chose contre la guerre, ne fût -ce que de la connaître mieux. Peut-être même prendrez-vous conscience
789 chacun de nous, et dont l’internement de guerre n’ est qu’une conséquence entre mille, d’une virulence particulière, mais au
790 olise, illustre et concrétise une condition qui n’ est pas seulement celle du prisonnier proprement dit, mais, peu ou prou,
791 urent sans réponse. Le courrier qu’on lui adresse est retenu par les intendants, les paquets vidés. Le régime disciplinaire
792 dants, les paquets vidés. Le régime disciplinaire est aggravé de temps à autre, on ne sait pourquoi, « par représailles ».
793 hose qui se passe très loin, partout, et qui doit être réel puisqu’on en souffre, mais dont on ne sait rien de précis, ni l’
794 u Procès une signification théologique. Mais ce n’ est pas la seule possible. Il y a aussi dans ce livre une parabole de l’h
33 1938, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Victoire à Waterloo, par Robert Aron (février 1938)
795 dit : Grouchy ! — C’était Grouchy. » Et Waterloo fut une victoire. Mais Napoléon abdiqua et termina ses jours à Sainte-Hél
796 abdiqua et termina ses jours à Sainte-Hélène. Tel est le sujet. En somme, mettant un signe plus là où l’Histoire met un sig
797 ment que peut provoquer ce livre, dit la préface, est que pour transformer une défaite en victoire et une abdication forcée
798 léon a découvert la vie concrète d’un pays et des êtres dont c’est la patrie. Il a conçu les premiers doutes humains sur la r
799 pouvoir, préfiguration des fascismes. (Lui aussi fut trois fois plébiscité !) Devant les Chambres, il s’écriera : « Prenez
800 Nous avons fait un empire géant pour n’avoir pas été capables de fédérer nos communes. » Voilà l’épigraphe de l’ouvrage, q
801 apporte un rêve où il disait à Napoléon : « Je ne suis jamais plus intelligent qu’au lit, quand je rêve de vous, car alors j
34 1938, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Une révolution refoulée (juillet 1938)
802 Une révolution refoulée (juillet 1938)al Est -il possible d’indiquer une raison simple de l’échec du Front populair
803 le a consisté à empêcher la révolution. Juin 1936 était un espoir que les accords Matignon trompèrent. C’est tout ce que l’Hi
804 il ne peut et ne sait faire, seule une révolution est capable de faire aboutir des réformes. Mais personne ne la prépare. M
805 ’autres vertus. S’il se fait une révolution, elle sera donc improvisée, donc sanglante, donc destinée à se figer dans le ric
806 clament des caporaux. Ainsi l’Autriche fascinée s’ est jetée dans la gueule du dragon, après avoir trompé et désarmé la rési
807 e la révolution de 36. D’où le « complexe » qui s’ est noué. Complexe fasciste, avoué sous le nom d’antifascisme, c’est norm
808 ormal. On n’arrête pas une révolution lorsqu’elle est nécessaire, et c’est le cas. Mais il arrive qu’on la dénature en la r
35 1938, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Alice au pays des merveilles, par Lewis Carroll (août 1938)
809 rroll (août 1938)am Si l’on songe que le conte est par essence un récit cocasse et en quelque manière libérateur, on con
810 ur, on conçoit que les meilleurs sujets de contes sont les plus abstraitement logiques. La logique enfantine est bien plus p
811 plus abstraitement logiques. La logique enfantine est bien plus proche du raisonnement mathématique que de la raison averti
812 — « plus grand que » et « plus petit que » —, qui est aussi le fondement de toute mathématique. Ces remarques peuvent nous
813 ension nouvelle des contes de Lewis Carroll — qui était un mathématicien —, et d’Alice en particulier. On dit à l’enfant : ma
814 effets. Qu’en résultera-t-il ? Le rêve logique qu’ est le conte de Carroll nous apparaît alors comme une série de variations
815 mal », ces règles paraissent absurdes quand Alice est plus grande, et vexatoires quand elle est plus petite. Dans les deux
816 d Alice est plus grande, et vexatoires quand elle est plus petite. Dans les deux cas, elles lui deviennent problématiques.
817 sement acharnées à lui opposer une logique qui, n’ étant plus le fait des grandes personnes — « ce qui va de soi » — apparaît
818 sur le temps, au cours du « Thé loufoque » où il est toujours cinq heures, annonce une psychologie post-einsteinienne, et
819 a gagné, quand une des règles principales du jeu est omise ou inobservée. (Ainsi la partie de croquet, la discussion avec
820 ui refuse de décapiter un chat dont la tête seule est visible, etc.). Et pourtant, ce n’est que d’un jeu qu’il s’agit. Alic
821 tête seule est visible, etc.). Et pourtant, ce n’ est que d’un jeu qu’il s’agit. Alice en garde la conscience secrète — com
822 s ont une double détente par calembour. Tout cela est assez bien symbolisé par la déclaration de la Tortue à Tête de Veau,
823 qui croit que les quatre opérations arithmétiques sont l’Ambition, la Distraction, la Laidification et la Dérision. Mais ici
824 là par des préciosités indéfendables. Les dessins sont d’une meilleure plume. am. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Le
36 1938, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Page d’histoire (novembre 1938)
825 bitrage international. Au nom du premier principe fut créé l’État tchèque, au nom du second, la SDN. Mais le jacobinisme de
826 honnête des deux principes. D’une part la SDN ne fut pas une fédération, aucun des États constituants n’ayant renoncé à au
827 itlériennes ? — Les dictateurs du Centre européen furent les premiers à s’apercevoir du paradoxe politique que nous venons de
828 nexion au nom de « l’unité nationale ». 3. Quelle fut la réponse des démocraties ? — Il était fatal, dans ces conditions, q
829 . 3. Quelle fut la réponse des démocraties ? — Il était fatal, dans ces conditions, que les démocraties se laissassent convai
830 e conflit s’aggrava-t-il subitement ? — Le litige était réglé en principe. Mais alors (entrevue de Godesberg), Hitler démasqu
831 n’eût pas compté à ses yeux. La religion dont il était le fondateur voulait le sacrifice sanglant (ou son symbole), le viol
832 e de la proie désirée (guerre limitée). 5. Quelle fut la réaction de l’Europe ? — L’opinion démocratique apparut désorienté
833 autres pensaient que l’exigence d’entrer en armes était une « querelle d’Allemands », une rodomontade gratuite, puisqu’en pri
834 une rodomontade gratuite, puisqu’en principe tout était résolu. Seul, le Premier ministre anglais sut voir et dire qu’il y av
835 déral de l’Europe. Hitler comprit que son heure n’ était pas encore venue. Il se vit contraint d’accepter la réunion à Munich
836 ette victoire symbolique du principe fédératif ne fut pas exploitée par les nations qui l’avaient remportée comme malgré el
837 érielles subies. Le bénéfice moral, incalculable, fut perdu. 7. Conclusion. — La voie était dès lors ouverte aux ambitions
838 incalculable, fut perdu. 7. Conclusion. — La voie était dès lors ouverte aux ambitions totalitaires, les dictateurs ne trouva
839 déclarée), pour surprenants et monstrueux qu’ils soient apparus en leur temps, trouvent leur explication la moins douteuse.
37 1939, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Propos sur la religion, par Alain (avril 1939)
840 fantastiques » et de sa « méthode arriérée », qui est celle de l’autorité (p. 72). La « vraie foi », vous la trouverez donc
841 ale. Ainsi le catholicisme, interprété par Alain, serait une sagesse éternelle qu’il s’agirait de remettre à jour, c’est-à-dir
842 evant le regard positif, toute religion finit par être vraie », et même « l’obligation de croire ne digère pas beaucoup du d
843 t je ne trouve pas trace dans les évangiles, s’il est vrai qu’il encombre une bonne part de la théologie, surtout catholiqu
844 moins l’indiquer. Un chrétien sait que sa foi n’ est nullement le contraire du doute intellectuel, mais le contraire du pé
845 ntellectuel, mais le contraire du péché, lequel n’ est nullement une erreur morale, mais un état de révolte active de la cré
846 forme et laïcise le contenu. « La vraie religion est le culte des morts », dit-il après Auguste Comte. Je le pense aussi.
847 oyez le racisme.) Mais pour le chrétien, « la foi est la substance des choses espérées ». Ce qu’un esprit comme celui d’Ala
848 exemple, rejette au nom de sa foi : tout ce qui n’ est que sociologie. (Je ne dis pas que ce soit négligeable.) Pour situer
849 e qui n’est que sociologie. (Je ne dis pas que ce soit négligeable.) Pour situer la sagesse d’Alain, qu’on songe à la folie
850 e « vrai croyant » qui ne vive « selon la peur ». Serait -ce qu’il n’a jamais rencontré que des hommes « religieux », non des c
851 s réponses. 51. On me dira que mon point de vue est partiel, dogmatique, confessionnel, etc. Bien sûr. Je le donne pour t
38 1939, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Don Juan (juillet 1939)
852 soie, dressé sur ses ergots de grand ténor, l’on est tenté de ne voir en lui que le feu naturel du désir, — une espèce d’a
853 andeur, dans le dernier acte de Mozart. Non, ce n’ est pas l’animal, mais l’homme ; et non d’avant, mais d’après la morale.
854 s son rang. Son naturel, c’est le mépris ; rien n’ est plus loin de la nature. Voyez comme il se sert des femmes : incapable
855 seule cette inconstance forcenée ? Alors Don Juan serait l’homme de la première rencontre, de la plus excitante victoire ? « L
856 e, de la plus excitante victoire ? « La nouveauté est le tyran de notre âme », écrit le vieux Casanova. Mais déjà ce n’est
857 re âme », écrit le vieux Casanova. Mais déjà ce n’ est plus l’homme du plaisir qui parle ainsi. La volupté du vrai sensuel c
858 Ils ne l’ont pas manqué. Pour eux aussi, Don Juan serait le contraire de ce que l’on croit, il souffrirait d’une anxiété secrè
859 iété secrète déjà voisine de l’impuissance. Et il est vrai que celui qui cède à cet attrait superficiel que presque toutes
860 e plus loin, à des critères spirituels ? Don Juan serait par exemple le type de l’homme qui n’atteint pas au plan de la person
861 rrait se manifester ce qu’il y a d’unique dans un être . Pourquoi ne peut-il désirer que la nouveauté dans la femme ? Et pour
862 on du nouveau, du nouveau à tout prix, quel qu’il soit  ? Celui qui cherche, c’est qu’il n’a pas ; mais peut-être aussi qu’il
863 ’est qu’il n’a pas ; mais peut-être aussi qu’il n’ est pas ? Celui qui a, vit de sa possession et ne l’abandonne pas pour l’
864 ain, — entendez : s’il possède vraiment. Don Juan serait l’homme qui ne peut pas aimer, parce qu’aimer c’est d’abord choisir,
865 ’est d’abord choisir, et pour choisir il faudrait être , et il n’est pas. Mais le contraire n’est pas moins vraisemblable : D
866 hoisir, et pour choisir il faudrait être, et il n’ est pas. Mais le contraire n’est pas moins vraisemblable : Don Juan cherc
867 udrait être, et il n’est pas. Mais le contraire n’ est pas moins vraisemblable : Don Juan cherchant partout son idéal, son «
868 n l’image de Tristan. Mais il ne trouvera pas. Il est Don Juan parce qu’on sait qu’il ne peut trouver, soit impuissance à s
869 Don Juan parce qu’on sait qu’il ne peut trouver, soit impuissance à se fixer, soit impuissance à se déprendre d’une image à
870 ’il ne peut trouver, soit impuissance à se fixer, soit impuissance à se déprendre d’une image à lui-même secrète. Et de là v
871 , son rythme dionysiaque. ⁂ Or si le don juanisme est une passion de l’esprit et non pas comme nous aimions le croire, une
872 stinct, tout porte à supposer que cette passion n’ est pas toujours liée au sexe. Et même il faut se demander si la sensuali
873 aut se demander si la sensualité, précisément, ne serait pas le domaine où Don Juan se révèle le moins dangereux. (Appelons ic
874 es mœurs ont pour but de maintenir, cet équilibre étant d’ailleurs bon ou mauvais.) C’est que le désir de nouveauté et de cha
875 ffrir d’une dépense improductive. Certes Don Juan est un tricheur, et même il ne vit que de cela. (La banque de pharaon éta
876 même il ne vit que de cela. (La banque de pharaon était la source unique des revenus de Casanova : symbole dont il nous donne
877 aintes fois la clé.) Mais une tricherie constante est moins dangereuse que les faiblesses subites d’un honnête homme. On es
878 que les faiblesses subites d’un honnête homme. On est en garde, et l’on connaît le système, entièrement relatif aux règles
879 espèces sonnantes. Alors « la tricherie » cesse d’ être une habileté vulgaire et profitable. Elle peut devenir l’acte héroïqu
880 e neuf par le décret de sa rigueur. ⁂ Nietzsche s’ est dressé face au siècle. Et l’adversaire qu’il s’est choisi, c’est l’es
881 st dressé face au siècle. Et l’adversaire qu’il s’ est choisi, c’est l’esprit de lourdeur, notre poids naturel, notre facult
882 lle de retombement dans la coutume. L’immoraliste est comme le moraliste un ennemi vigilant de l’instinct : car s’il le glo
883 t tuer pour une vertu dont on ne sait plus quelle est la fin ? Et toutes ces vérités qu’ils respectaient, voyez comme elles
884 rendre à Dieu et à son Fils. Déjà « le Dieu moral est réfuté ». Que va dire l’Autre ? C’est, dans la vie du Don Juan des vé
885 core l’aube de la terre. Personne n’a parlé. Dieu est mort ! De chaque idée, de chaque croyance, de chaque valeur, Nietzsch
886 e possession. Pourquoi s’attarderait-il ? Elles n’ étaient excitantes pour l’esprit que par la fausse vertu qu’on leur prêtait.
887 abuser de ses victimes. Mille et trois vérités se sont rendues, et pas une seule n’a su le retenir. Qu’importent les « contr
888 tenir. Qu’importent les « contradictions » ! Ce n’ est pas pour bâtir un système qu’il réfute, dénonce et détruit, c’est pou
889 horisme — fulgurations toujours décevantes : ce n’ est pas elle qu’il vient de posséder… Ô haine de leurs vérités faibles !
890 der… Ô haine de leurs vérités faibles ! La Vérité est morte ! Revivra-t-elle ? Car si ce Dieu est mort à tout jamais, il n
891 rité est morte ! Revivra-t-elle ? Car si ce Dieu est mort à tout jamais, il n’y a plus d’amour possible. Il faut inventer
892 sur le temps… Mais dans le temps, disait-il, Dieu est mort. Si Dieu est mort, c’est donc qu’il a vécu ? Dieu revivra éterne
893 dans le temps, disait-il, Dieu est mort. Si Dieu est mort, c’est donc qu’il a vécu ? Dieu revivra éternellement ! Ainsi Ni
894 amour. S’il gagne, c’est en violant la vérité des êtres . Nietzsche pose des valeurs qui détruisent les règles anciennes, mais
895 pourrons jamais que perdre. Alors : ou bien nous serons condamnés, ou bien nous recevrons notre grâce. Mais Nietzsche et Don
896 nu, me dit-elle, un homme marié avec lequel ayant été coquette en vain, il me dit en me quittant : “Je vous ajoute à ma lis
897 il n’avait pas eues, par fidélité à la sienne. Où est la tricherie ? Dans ce défi installée au cœur de la règle ? ap. Ro
39 1939, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). La Poésie scientifique en France au xvie siècle, par Albert-Marie Schmidt (septembre 1939)
898 ysement blasonnant des Visions hermétiques : tels sont les animaux étranges, bariolés et quasi monstrueux que nous ramène du
899 e ceux que nous pensions connaître. Ils n’ont pas été restaurés par les auteurs de manuels, ni patinés par nos lectures. Le
900 l’ère classique a voulu faire le sacrifice. Ce n’ est pas rien ! Cela donne à Phèdre un air de luxe fou : pour fondre ce bi
901 ignifications magiques. Ensuite, au xviiie , il n’ est resté que la nudité du décor. La discipline est devenue lésinerie. Co
902 n’est resté que la nudité du décor. La discipline est devenue lésinerie. Comment louer assez les mérites de l’auteur, sa pa
903 ui sous des amas d’abstruse érudition. Il fallait être Schmidt pour découvrir dans ce grenier de notre poésie tant de possib
904 erbe et, finalement, de s’en rendre maîtres. Tous sont soutenus par une double croyance dans le pouvoir magique du langage,
905 et de Herder. La création entière, disait Hamann, est « un discours adressé à la créature au moyen de la créature : car un
906 e dans celui de tel surréaliste. Mais notre monde est -il encore formulable en noms et en rythmes ? La science moderne ne te
40 1940, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Au sujet du Journal d’André Gide (janvier 1940)
907 du Journal d’André Gide (janvier 1940)ar Il ne serait guère honnête, et moins encore adroit, de ne point avouer l’incertitu
908 res par excessive défiance d’une symétrie où l’on serait tenté de s’arrêter…) Faute d’un « jugement » que ces treize cents pag
909 qui séduit, ce qui fascine dans ce Journal, ce n’ est rien qui puisse être défini séparément — style, sujets abordés, rythm
910 fascine dans ce Journal, ce n’est rien qui puisse être défini séparément — style, sujets abordés, rythme, idées ou lyrisme —
911 e puis évoquer que l’exemple de Goethe, dont ce n’ est pas telle œuvre ou telle action que j’aime, mais bien le paysage vita
912 que l’on prend à lire le Journal d’André Gide. Il est probable que, du seul point de vue de l’art, cet intérêt demeure impu
913 concertées avouaient peut-être beaucoup mieux. Il est probable aussi que le journal est un genre littéraire inférieur, pour
914 ucoup mieux. Il est probable aussi que le journal est un genre littéraire inférieur, pour cette raison qu’il est toujours t
915 nre littéraire inférieur, pour cette raison qu’il est toujours trop facilement intéressant. Je ne le conçois, comme œuvre d
916 ait éviter Gide, plus jalousement qu’aucun autre. Est -ce vraiment pour le diminuer qu’il anticipe sur ce risque ? Ou pour d
917 l leur rend par avance toutes ses armes ? Mais ce serait un mauvais calcul. Aux yeux d’un lecteur prévenu, tant de naturel pou
918 une pose raffinée. J’imaginerais plutôt que Gide est fasciné par l’obstacle qu’il veut éviter. Son horreur du malentendu l
919 tylisations des morales et jugements tout faits n’ est plus seulement émouvant : il revêt la valeur d’une expérience crucial
920 et du journal intime en particulier. La passion d’ être complètement vrai finit par altérer le naturel ; mais par son excès m
921 , Stendhal). D’autres fois, l’œuvre et le journal sont simplement des manières différentes de poursuivre une même confidence
922 ne même confidence. On ne sait plus si le journal est en marge de l’œuvre, ou si l’œuvre n’est qu’un moment privilégié de c
923 journal est en marge de l’œuvre, ou si l’œuvre n’ est qu’un moment privilégié de ce journal. Alors le vrai portrait de l’au
924 ce journal. Alors le vrai portrait de l’auteur n’ est plus dans l’œuvre ni dans le journal, mais dans leur mutuelle réfract
925 nous y livre de lui-même53 —, il se peut qu’elles soient dites dans Les Cahiers d’André Walter, et surtout dans La Porte étroi
926 journal. « Les choses les plus importantes à dire sont celles que souvent je n’ai pas cru devoir dire — parce qu’elles me pa
927 n se veuille en relatant ses journées, comment ne serait -on pas tenté de dire surtout ce qui a frappé, ce qui est bizarre, ce
928 pas tenté de dire surtout ce qui a frappé, ce qui est bizarre, ce qui fait exception justement. Et comment ne céderait-on p
929 rosse » que nature. Gide lui-même, à ce jeu, ne s’ est pas épargné : « Je ne suis qu’un petit garçon qui s’amuse — doublé d’
930 ui-même, à ce jeu, ne s’est pas épargné : « Je ne suis qu’un petit garçon qui s’amuse — doublé d’un pasteur protestant qui l
931 it ? Cercle vicieux de la sincérité. Ou bien l’on est banal pour rétablir les quotidiennes proportions — ou bien l’on ne co
932 tel acte exceptionnel… ⁂ Les journaux d’écrivains sont vrais, mais d’une vérité indirecte, et parfois même négative. C’est m
933 désir de compenser ou de parfaire ce qui n’a pas été vécu, ou mal vécu. (« J’avais besoin de lui pour me ressaisir ».) La
934 s manqués… Il s’agirait de savoir si la vraie vie est dans ce qu’on fait, ou dans ce qu’on pense de ses actions. (Voir là-d
935 ubliant ce qui va de soi : l’autoportrait de Gide est aussi ressemblant. On l’y retrouve aussi au naturel, avec toutes ses
936 comme Goethe encore se voulait peintre (mais Gide est , je crois, plus doué). On l’y découvre enfin, et cela me paraît nouve
937 usqu’à quel point l’« antichristianisme » de Gide est chrétien dans ses déterminations ? Je crois qu’on s’est trop laissé p
938 rétien dans ses déterminations ? Je crois qu’on s’ est trop laissé prendre à sa perpétuelle polémique contre les convertis-c
939 que pour lui, le problème proprement religieux s’ est posé, et se pose encore, dans des termes qui échappent, presque néces
940 sairement, à la sollicitude des catholiques. Gide fut élevé dans un milieu où la religion paraissait se réduire à ces deux
941 qui inspire et qualifie nos actions quotidiennes, fussent -elles non conformistes. Mais toute morale a bientôt fait de se muer à
942 ») Ceci explique que le souci central de Gide ait été de débarrasser son christianisme de toutes les adjonctions « humaines
943 ion, ou de la conversion trop « facile ». « Je ne suis ni protestant ni catholique, je suis chrétien tout simplement. » Posi
944 e ». « Je ne suis ni protestant ni catholique, je suis chrétien tout simplement. » Position caractéristique du protestantism
945 Ce qui me retient [d’entrer dans l’église], ce n’ est pas la libre pensée, c’est l’Évangile. » Mais n’y a-t-il pas, à l’ori
946 atholique), un attachement à sa vérité propre qui est moins évangélique qu’individualiste, ou même rationaliste ? Certes, j
947 Kierkegaard. Gide répugne à paraître plus qu’il n’ est , à affirmer plus qu’il ne croit. Il se décrit « forcé de s’asseoir au
948 iment… » Kierkegaard, lui aussi, répétait : je ne suis pas chrétien. Mais c’était par désir de sauver une conception pure de
949 oint d’autorité, et si j’en reconnaissais une, ce serait celle de l’Église » (donc de Rome). Allons donc ! Pour un protestant,
950 me). Allons donc ! Pour un protestant, ce dilemme est aussi choquant que le serait pour un Anglais ou un Scandinave le dile
951 protestant, ce dilemme est aussi choquant que le serait pour un Anglais ou un Scandinave le dilemme entre l’anarchie et l’éta
952 me totalitaire. Assimiler l’autorité au romanisme est d’ailleurs une erreur des plus courantes, en France surtout, et même
953 la sienne ma génération littéraire. Notre culture est beaucoup plus philosophique — je simplifie — que littéraire. Non poin
954 araît que la leçon de Gide, pour ceux de mon âge, est moins urgente dans l’ordre de l’éthique, que dans celui de l’esthétiq
955 oint les positions auxquelles on tient, et qui ne sont pas exactement les siennes… ar. Rougemont Denis de, « [Compte rendu
41 1940, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Hommage à C. F. Ramuz (mai 1940)
956 ckhardt et de Nietzsche… Mais le centre vaudois s’ est distingué par sa méfiance à l’égard des « idées ». Son particularisme
957 e en forme et en physionomie lisible. Enfin, l’on est au-delà de la psychologie. « N’allez pas chercher derrière la forme,
958 s chercher derrière la forme, disait Goethe, elle est elle-même enseignement. » as. Rougemont Denis de, « [Compte rendu]
42 1951, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Un complot de protestants (novembre 1951)
959 39 où dans le hall de la rue Sébastien-Bottin, j’ étais en train de téléphoner quand je le vois descendre l’escalier. Je parl
960 ous arrivons chez lui, ma femme et moi. Le studio est vaste et plaisant, agrémenté d’un escalier conduisant à une large gal
961 e balance en regardant nos valises. « Tout cela s’ est arrangé si soudainement, dit-il, c’est inquiétant. Cela me ferait pre
962 ougemont, quand on saura que vous habitez ici, qu’ est -ce qu’on va dire ?… » Et il répète, à travers ses dents serrées : « Q
963 Et il répète, à travers ses dents serrées : « Qu’ est -ce qu’on va dire ?… » avec un sourire inquisiteur. Je me garde de rép
964 a « critique dogmatique » des grandes époques, ne sont plus que mensonges à ses yeux dès que l’on passe à l’ordre spirituel.
965 ation s’engage sur L’Amour et l’Occident , qu’il est en train de lire, et dont il me déclare, à ma profonde surprise, qu’i
966 plaisir. Il croyait que « l’amour hétérosexuel » était d’autant plus pur que rien de charnel ne s’y mêlait. « C’est ainsi qu
967 de charnel ne s’y mêlait. « C’est ainsi que je me suis complètement blousé », répète-t-il en accentuant, circonflexant le de
968  ». Il hoche la tête, trouve cela très curieux, n’ est -ce pas ? — un éclair de malice au coin de l’œil. Puis il a quelques p
969 ir. On se trompe ainsi, et les conséquences. J’ai été assez bête pour croire cela ! Il ne faut jamais croire ce qu’elles no
970 t ce qui concerne intimement sa femme — « le seul être , dit-il, que j’ai vraiment aimé » — tous ces passages ont été coupés.
971 que j’ai vraiment aimé » — tous ces passages ont été coupés. On les lira plus tard. Il les a recopiés dans deux cahiers gr
972 plus souvenir d’aucune conversation qui mérite d’ être rapportée, j’entends : qui modifie le moins du monde l’image que l’on
973 hasard.) J’avais écrit, dernière question : « Qu’ est -ce que le style ? » Catherine, sa fille, lut sa dernière réponse : « 
974 ors que le christianisme, l’Église et l’Évangile, furent ses constants sujets d’irritation, de nostalgie ou de perplexité ? Le
975 on, de nostalgie ou de perplexité ? Le paradoxe n’ est qu’apparent. Qu’on n’oublie pas sa formation chrétienne ; ses lecture
976 igion à la morale ? Je pense plutôt que la morale était le lieu de son vrai drame, et qu’il ne pouvait approcher la religion
977 n credo. J’en donne la preuve : avoir la foi sans être saint lui paraissait la tricherie même, tandis qu’il eût admis la sai
978 hrétien ni hindou, sans mystique, ni mystère ? Ne serait -il pas un homme tout à fait plat, réduit à quelques partis pris éthiq
979 ntre l’éthique et la mystique, mais qui souvent n’ est qu’un concept bâtard, engendré par le romantisme. Gide recherchait pl
980 n élan pour caramboler des symboles, où Valéry se fût poliment récusé, Gide objectait, déduisait, s’émouvait… Peu d’écrivai
981 l croyait à l’homme individuel, et cette croyance est née de la synthèse du christianisme. Elle n’existe pas hors de lui, e
982 hristianisme. Elle n’existe pas hors de lui, et n’ est pas explicable sans lui. (Je ne dis pas qu’elle soit chrétienne pour
983 t pas explicable sans lui. (Je ne dis pas qu’elle soit chrétienne pour autant.) Gide était individualiste. Savons-nous encor
984 is pas qu’elle soit chrétienne pour autant.) Gide était individualiste. Savons-nous encore mesurer le sens et la portée de ce
985 er mais de légitimer sa différence, on ne pouvait être plus occidental. On ne pouvait être moins mystique au sens des religi
986 on ne pouvait être plus occidental. On ne pouvait être moins mystique au sens des religions traditionnelles, au sens du myth
987 onnel n’ont rien à voir avec la bienséance, et ne sont pas de l’ordre des mérites. Et c’est pourquoi il est écrit : « Ne jug
988 pas de l’ordre des mérites. Et c’est pourquoi il est écrit : « Ne jugez pas ! » J’avoue que je comprends mal, ou plutôt qu
989 ongées après sa mort, dans notre siècle. Elles ne sont ni chrétiennes ni simplement honnêtes. « Le Seigneur seul connaît les
990 eul connaît les siens », dit l’Écriture : si l’on est chrétien, qu’on croie cela, laissant aux incroyants le droit de mieux
991 nt aux incroyants le droit de mieux savoir. Et qu’ est -ce que cela peut bien nous faire ? Sinon nous servir d’argument et no
992 n de plus vient renforcer notre parti, et qu’il n’ est pas le premier venu. C’est usurper la place du Juge, ou mêler vanités
993 lque chose, c’est justement le totalitarisme, qui est l’esprit de parti logiquement développé. Et d’abord dans la religion.
994 bord dans la religion. Le vrai croyant demain, ne sera-t -il pas celui qui osera dire : « Je ne crois pas ! » quand l’État cont
995 mme invoquera les Nécessités de l’Histoire ? Il n’ est pas de vraie foi sans vrai doute, plus qu’il n’est de lumière sans om
996 st pas de vraie foi sans vrai doute, plus qu’il n’ est de lumière sans ombre. Et je n’entends pas dire que Gide fut un croya
997 ère sans ombre. Et je n’entends pas dire que Gide fut un croyant, mais il reste un douteur exemplaire. at. Rougemont Den
43 1957, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). La découverte du temps ou l’aventure occidentale (mars 1957)
998 ations ont trouvé mieux peut-être, mais pas cela. Est -il possible d’attribuer aux « inventions » les plus typiques de l’Occ
999 mi tant de contradictions ? L’unité de l’Europe n’ est pas définissable par un contour géographique, moins encore par un con
1000 de nos nations à partir du xixe siècle. L’Europe est une longue aventure, et l’esprit d’aventure y paraît plus sensible qu
1001 y paraît plus sensible que l’objet de la quête n’ est clairement connaissable. Pourtant, certaines options fondamentales on
1002 ndition des sciences physiques et naturelles, qui est la reconnaissance du corps, de la matière, et de la forme du monde en
1003 siècle, crut pouvoir la préciser : l’homme avait été créé en 4004 avant J.-C., le 23 octobre, à 9 heures du matin. Les pro
1004 est-à-dire depuis la création de l’homme, il ne s’ est écoulé que six ou huit-mille ans. » Cuvier partage ces vues, que Sche
1005 t paraître une révolution considérable. Mais ce n’ est guère qu’un détail dénué d’intérêt pour peu que l’on considère les di
1006 , l’unité de temps — le Kalpa ou Jour de Brahma — est de quatre-milliards-trois-cent-vingt-millions d’années solaires. Or l
1007 millions d’années solaires. Or la vie d’un Brahma est de cent et huit « années », dont chaque jour et chaque nuit représent
1008 la destruction du monde et sa reconstruction, qui sera l’œuvre de Kalki, dernier avatar de Vishnu. En regard des ordres de g
1009 maintenant ce double fait : le sens de l’Histoire est caractéristique de l’Occident, et il y tourne même à l’obsession si l
1010 istoire et de la Personne Un fait quelconque n’ est historique au sens exact qu’en vertu de son unicité. S’il pouvait se
1011 unicité que lui confère sa vocation, autrement il est vu comme une répétition, grain de poussière isolé d’un univers absurd
1012 d’un corps magique sans fin. Combien d’individus sont -ils donc nés et morts depuis qu’il y a des hommes sur cette planète ?
1013 he génial pouvait nous dire demain que la réponse est « de l’ordre de trois-cents-milliards », nous en serions moins étourd
1014 « de l’ordre de trois-cents-milliards », nous en serions moins étourdis que gênés. Mais d’où viendrait notre malaise ? Comment
1015 endrait notre malaise ? Comment ne pas voir qu’il serait intimement lié, chez ceux qui l’éprouveraient, au sens de la personne
1016 castes. Tout cela se tient et se relie, tout cela est « religion » au sens premier du terme56 — et ne laisse aucune place à
1017 e de l’Histoire : il annonce la Résurrection, qui est victoire sur le temps comme sur la mort. Mais c’est bien à partir de
1018 haque personne devient unique et décisif, comme l’ était sous l’Ancienne Alliance le rôle collectif d’Israël. Le dialogue de P
1019 istoire, conscience nouvelle du temps des hommes, est née de la même rupture des grands rythmes cosmiques et des fatalités
1020 la mort, qui libère et suscite la personne. Ce n’ est pas un hasard si le premier auteur d’une philosophie de l’Histoire —
1021 ’une philosophie de l’Histoire — la Civitas Dei — fut aussi le premier auteur d’une biographie de sa personne : les Confess
1022 du temps. Voilà le fait fondamental. Car le temps est lié à la mort comme à la perte des paradis — Eden, âge d’or, enfance
1023 , âge d’or, enfance — vécus ou imaginaires. Et il est lié à la menace toujours instante des catastrophes imprévisibles et a
1024 s dévalorise le temps vécu de la souffrance. Ce n’ est plus la souffrance qui est vaine, dès lors qu’elle prend un sens exem
1025 de la souffrance. Ce n’est plus la souffrance qui est vaine, dès lors qu’elle prend un sens exemplaire dans le Mythe, mais
1026 es termes que saint Paul la présente. Que Dieu se soit manifesté comme une Personne ; par un geste sans précédent ; au temps
1027 evient responsable de son temps sur la Terre. Ce serait intolérable si la Révélation n’apportait en même temps la certitude q
1028 portait en même temps la certitude que le temps a été vaincu au matin de Pâques, que l’homme ne lui appartient que par la c
1029 , que l’homme ne lui appartient que par la chair ( étant au monde mais non du monde) et qu’un terme est promis à l’Histoire, e
1030 (étant au monde mais non du monde) et qu’un terme est promis à l’Histoire, encore que nul n’en sache « le jour ni l’heure »
1031 i échappe au temps et à la mort. « Si le Christ n’ est pas ressuscité, votre foi est vaine et vous êtes encore dans vos péch
1032 t. « Si le Christ n’est pas ressuscité, votre foi est vaine et vous êtes encore dans vos péchés. » Mais cette preuve n’est
1033 n’est pas ressuscité, votre foi est vaine et vous êtes encore dans vos péchés. » Mais cette preuve n’est valable que pour la
1034 tes encore dans vos péchés. » Mais cette preuve n’ est valable que pour la foi parfaite, et ce recours au Transcendant, non
1035 on plus au Mythe, contre la dictature du temps, n’ est effectif que pour celui qui croit « que Dieu peut tout à tout instant
1036 ant », ainsi que l’écrit Kierkegaard. Or la foi n’ est jamais parfaite, et dans l’homme converti persiste « le vieil homme »
1037 ersiste « le vieil homme ». Son mouvement naturel sera donc de chercher et d’inventer contre le temps d’autres défenses. Il
1038 des cycles et des rythmes cosmiques de l’Histoire sera reprise — contre l’esprit des Pères — par les plus grands docteurs oc
1039 re du temps et du progrès continu de l’Histoire n’ est guère soutenue que par un Joachim de Flore, dont les écrits sont cond
1040 enue que par un Joachim de Flore, dont les écrits sont condamnés ou falsifiés. Dans la conscience populaire médiévale, comme
1041 ’idée d’une évolution imprévisible et progressive est généralement éliminée par des représentations archétypiques et mythiq
1042 — comme on l’a ressassé depuis les romantiques — fut bien plutôt dans son ensemble une longue réaction de défense contre l
1043 l’Évangile. (J’ai dit plus haut que le Moyen Âge fut la période « orientale » de l’Europe.) Touchée en premier lieu par le
1044 lieu des temps », symbole archétypique. Les temps sont rétrécis à quelques millénaires dont la chronologie restera symboliqu
1045 ’où les excès qu’on signalait plus haut). Elle ne sera vraiment bouleversée qu’à la fin du xixe siècle. Relevons ici que la
1046 er. C’est un mouvement exactement contraire qui s’ est produit dans l’Occident moderne, où, à l’inverse de ce qui s’était pa
1047 s l’Occident moderne, où, à l’inverse de ce qui s’ était passé durant l’intermède médiéval, l’état civil des hommes et des act
1048 humaine. Ceci pose un problème encore neuf. 4. Être ou non dans l’Histoire Tout d’un coup (dans l’espace d’une quarant
1049 de l’Univers, qui se répéterait à l’infini : nous serions dans une phase d’expansion. La cosmologie des hindous paraît alors mo
1050 torité que celle d’un précepteur. Ses « lois » ne sont encore que celles de la morale, et sa réalité celle d’un discours. Ma
1051 elle d’un discours. Mais l’Histoire aujourd’hui n’ est plus un conte, elle se distingue absolument de son récit. Elle ne con
1052 leçons », qu’on pourrait aussi bien ignorer. Elle est tout autre chose : le devenir présent. Elle est plus vraie que nous,
1053 e est tout autre chose : le devenir présent. Elle est plus vraie que nous, qui ne faisons que l’habiter pour un atome de te
1054 habiter pour un atome de temps insignifiant. Elle est devenue le cours de la réalité, où ce qu’il y a de plus réel, c’est l
1055 le cours même. Et comme ce mouvement pur « doit » être dépourvu d’origine et de but connaissable, on ne peut savoir son sens
1056 çoit l’attribut d’exister. Ce qui résiste au sens est « mystification » aux yeux des théoriciens et polémistes, « sabotage 
1057 ’action d’un pays ou de l’option d’un homme, il n’ est donc plus question de demander si c’est « vrai ». C’est « dans le sen
1058  ». C’est « dans le sens de l’Histoire », ou ce n’ est rien qui vaille… Suis-je dans l’Histoire ? Es-tu dans l’Histoire ? So
1059 ens de l’Histoire », ou ce n’est rien qui vaille… Suis -je dans l’Histoire ? Es-tu dans l’Histoire ? Sont-ils dans l’Histoire
1060 n’est rien qui vaille… Suis-je dans l’Histoire ? Es -tu dans l’Histoire ? Sont-ils dans l’Histoire ? ainsi conjugue une bo
1061 Suis-je dans l’Histoire ? Es-tu dans l’Histoire ? Sont -ils dans l’Histoire ? ainsi conjugue une bonne partie de l’intelligen
1062 telligentsia occidentale du xxe siècle. Comme il est clair qu’on ne peut pas « être » dans l’Histoire rédigée par les hist
1063 e siècle. Comme il est clair qu’on ne peut pas «  être  » dans l’Histoire rédigée par les historiens, on voit qu’il s’agit d’
1064 de l’Existence. Cette Histoire absolutisée, qui n’ est plus connaissance des actes du passé, mais flux irrésistible entraîna
1065 eut-on la distinguer encore du temps lui-même ? N’ est -elle pas simplement une manière de le penser qui le ferme à toute tra
1066 t nous interdit tout recours ? « Au monde comme n’ étant pas du monde », disait saint Paul. Mais l’Histoire absolue veut que l
1067 s l’Histoire absolue veut que l’homme tout entier soit uniquement du monde : elle le coupe de l’esprit. Ce faisant, elle nie
1068 couvre impuissant devant elle et en elle : rien n’ est plus répandu que ce sentiment anxieux dans l’intelligentsia comme dan
1069 seule conviction que la vocation d’un homme peut être plus vraie que la règle — d’où les martyrs des premiers temps du chri
1070 ituer dans l’ensemble de l’Aventure occidentale ? Est -elle le signe annonciateur d’une fin lugubre, ou seulement d’une cris
1071 r la croyance à l’action personnelle. La personne est agent de liberté. Cette Histoire nous conduit au fatalisme. Comment l
1072 venir exclusives l’une de l’autre, alors qu’elles sont nées en même temps d’un même acte libérateur ? Mais, d’abord, est-il
1073 temps d’un même acte libérateur ? Mais, d’abord, est -il sûr que la croyance moderne à l’Histoire comme devenir tout-puissa
1074 moderne à l’Histoire comme devenir tout-puissant soit le développement normal et la suite obligée de l’attitude chrétienne
1075 répandu que jamais dans le grand public : Toynbee est best-seller, les revues et la presse nous parlent de Sumer, du paléol
1076 se mettre au passé dans un livre. Mais la réponse est non s’il s’agit de cette Histoire dans le « sens » de laquelle on nou
1077 le « sens » de laquelle on nous dit qu’il faut «  être  » de toute nécessité, sous peine de n’être pas. Celle-ci marque un re
1078 faut « être » de toute nécessité, sous peine de n’ être pas. Celle-ci marque un recul devant le risque du temps. La conscienc
1079 t le risque du temps. La conscience de l’Histoire est née de l’acceptation d’un temps radicalement imprévisible. Et sa fin
1080 temps radicalement imprévisible. Et sa fin seule était certaine et serait bonne. Mais encore fallait-il croire à l’Apocalyps
1081 t imprévisible. Et sa fin seule était certaine et serait bonne. Mais encore fallait-il croire à l’Apocalypse. D’ici là, nul so
1082 manière dont il décide d’identifier au devenir l’ être et la vérité elle-même. Solution masochiste, pour un Occidental. L’in
1083 te façon je ne pourrais plus le distinguer. Je ne suis plus responsable, mais c’est l’Évolution, et je n’ai plus d’autre cho
1084 choix que de m’en dire l’agent. Cet abandon de l’ être entier à la Maya, sans plus rêver la délivrance du nirvana, cet enlis
1085 éel du sens de la personne et de la liberté. Ce n’ est pas qu’on n’aime plus être soi librement, ni vraiment qu’on renie la
1086 et de la liberté. Ce n’est pas qu’on n’aime plus être soi librement, ni vraiment qu’on renie la personne : mais on ne croit
1087 plus croire qu’elle puisse répondre, c’est-à-dire être responsable. Derrière ce masochisme, comme toujours, un sadisme. Dans
1088 l’orgueil fou trouve un alibi. L’Évolution fatale est en réalité celle que l’on voudrait imposer. Les communistes affirment
1089 oudrait imposer. Les communistes affirment qu’ils sont les instruments du sens inévitable de l’Histoire, légitimant la mort
1090 ter son utopie. Si le sang de ses propres martyrs fut la semence de l’Église, c’est le sang des « païens », le sang des aut
1091 temps ne va pas apporter la négation de ce que je suis , de ce que j’attends, de mes croyances ou de mon incroyance, ou même
1092 ir. Utopies optimistes chez les totalitaires : ce sont les mêmes, mais ils s’en félicitent. Et les unes comme les autres, re
1093 rs au transcendant libérateur. Engendrer l’utopie est un mouvement de l’âme, sans doute inséparable de l’historicité initié
1094 le défi du temps paraisse insurmontable. L’utopie est recul devant le temps ouvert, elle refuse d’affronter cette situation
1095 lle refuse d’affronter cette situation béante qui fut celle des premiers chrétiens, mais elle en reste tributaire — et c’es
1096 s que ceux de la routine. L’Histoire-devenir, qui est une conjuration du temps, exige des sacrifices sanglants bien plus ma
1097 ais d’anticiper sur nos lendemains, et ceux-ci ne seront point marqués par nos hypothèses même exactes, mais par nos choix fon
1098 ais par nos choix fondamentaux. Car la question n’ est pas de savoir « ce qui arrivera », mais de savoir dès maintenant ce q
1099 vera », mais de savoir dès maintenant ce que nous sommes disposés à laisser arriver ou à faire arriver ; la question n’est pas
1100 aisser arriver ou à faire arriver ; la question n’ est pas de supputer le sens probable d’un devenir fatal, pour nous « ajus
1101 s’originer qu’en la personne. Bref, la question n’ est pas de deviner l’Histoire, mais de la faire. Seules nos options prése
1102 . La première société d’histoire connue en Orient fut fondée au xixe siècle par un Anglais, sir William Jones : la Société
1103 Jones : la Société asiatique du Bengale. Et ce n’ est guère que depuis la fin du xixe siècle qu’une science historique s’e
1104 a fin du xixe siècle qu’une science historique s’ est constituée en Inde. 56. Religio, de religare, lier ensemble. 57. L
1105 nouveauté — le fait sans précédent archétypique — est la terreur de tous les « Moyen Âge ». Quand elle survient, quand on s
1106 dres rassurants ; d’autant plus rassurants qu’ils sont rigides, mais de là vient précisément leur malfaisance. au. Rougemo
44 1961, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). La personne, l’ange et l’absolu, ou le dialogue Occident-Orient (avril 1961)
1107 tsia de l’Inde se préoccupe des problèmes qui lui sont imposés par la technique et par l’hygiène occidentales, et cherche à
1108 tes des mystiques soufis, mais l’Iran et l’Arabie sont en pleine crise d’adaptation à l’habitus capitaliste. L’Occident déco
1109 découvrons avec passion dans le Tiers Monde, ce n’ est pas ce dont il vivait, c’est ce qui manquait à nos élites, ou qu’elle
1110 re foi. Ce que le tiers-monde nous emprunte, ce n’ est pas notre créativité, mais ses produits. Nous découvrons leurs secret
1111 spirituels en même temps que leur misère, qui en était la rançon. Ils adoptent nos formes sociales, nos procédés de gouverne
1112 es, mais non pas les tensions spirituelles qui en étaient le moteur secret. Ce qui était pour nous résultantes d’innombrables p
1113 rituelles qui en étaient le moteur secret. Ce qui était pour nous résultantes d’innombrables poussées et résistances, malaisé
1114 et désormais inévitable, pour si mal engagé qu’il soit , porte sur l’homme et sa définition. S’il est vrai que l’Orient nie l
1115 il soit, porte sur l’homme et sa définition. S’il est vrai que l’Orient nie le moi, qui est une valeur centrale pour l’Occi
1116 ition. S’il est vrai que l’Orient nie le moi, qui est une valeur centrale pour l’Occident, il doit en résulter d’infinies c
1117 spirituel au politique ; mais dans quelle mesure est -ce vrai ? Quel est le moi qui s’affirme d’une part et quel est le moi
1118 ique ; mais dans quelle mesure est-ce vrai ? Quel est le moi qui s’affirme d’une part et quel est le moi qu’on nie de l’aut
1119 Quel est le moi qui s’affirme d’une part et quel est le moi qu’on nie de l’autre ? Est-ce bien le même ? La Personne
1120 ne part et quel est le moi qu’on nie de l’autre ? Est -ce bien le même ? La Personne Le christianisme a formé l’Occide
1121 mplaire de l’espèce. Pour saint Paul, le vrai moi est l’homme nouveau, « appelé » par un Dieu personnel, donc créé par une
1122 e le « vieil homme », puisque sa vie « nouvelle » est à la fois dans le monde et hors du monde, à la fois manifestée par so
1123 d’une âme tout intellectuelle, dont « la nature n’ est que de penser » et qui reste entièrement distincte du corps. Avec Kan
1124 totalisante, dans son pouvoir d’intégration de l’ être . Loin de dissocier le moi, les recherches psychologiques du xxe sièc
1125 nisé par la Loi) et le spirituel libérateur. S’il est vrai que le langage courant confond sans l’ombre d’un scrupule la per
1126 re d’un scrupule la personne et tout ce qu’elle n’ est pas — l’individu, la persona, la « forte individualité », l’âme sensi
1127 le recours à la « valeur absolue de la personne » sont à peu près universels en Occident. Comme l’attestent tant de notions
1128 t de réalités « bien vues » à l’Ouest, mais que l’ Est se devait d’ignorer, voire de condamner, telles que l’originalité, le
1129 oi j’entends venir plus loin. L’ange Quelle est cette part de la personne dès maintenant libérée du monde, où elle vi
1130 e l’Inde mais enté sur le tronc abrahamique, d’où sont issus les juifs, les chrétiens, et l’islam. Que serait l’Ange pour no
1131 t issus les juifs, les chrétiens, et l’islam. Que serait l’Ange pour nos psychologues ? Une projection du moi individuel ou co
1132 viduel ou collectif. Pour les sages de l’Iran, il est ce moi. Barakat, juif passé à l’islam, écrit en 1165 : « … pour chaqu
1133 lusieurs ayant même nature ou affinité, il y a un être spirituel qui tout au long de leur existence assume envers cette âme
1134 les réconforte, les fait triompher, et c’est cet être qu’ils appelaient Nature parfaite. » C’est le vrai moi, c’est l’Ange.
1135 sous laquelle chacun des spirituels connaît Dieu est aussi la forme sous laquelle Dieu le connaît, parce qu’elle est la fo
1136 orme sous laquelle Dieu le connaît, parce qu’elle est la forme sous laquelle Dieu se révèle à soi-même en lui. C’est la “pa
1137 onne de la mystique soufi, « la totalité de notre être , ce n’est pas seulement cette partie que nous appelons présentement n
1138 mystique soufi, « la totalité de notre être, ce n’ est pas seulement cette partie que nous appelons présentement notre perso
1139 n’évoque pas seulement cette part initiante de l’ être renouvelé qui demeure cachée en Dieu selon le christianisme, mais enc
1140 de combattre pour venir en aide à Ohrmazd) et qui sont à la fois les archétypes célestes des êtres et leurs anges tutélaires
1141 et qui sont à la fois les archétypes célestes des êtres et leurs anges tutélaires. Il y a plus : selon le mazdéisme « chaque
1142 déisme « chaque entité physique ou morale, chaque être complet ou chaque groupe d’êtres appartenant au monde de Lumière a sa
1143 ou morale, chaque être complet ou chaque groupe d’ êtres appartenant au monde de Lumière a sa Fravarti » — Ohrmazd, le Dieu lu
1144 i-même la sienne63. La Terre physique et tous les êtres qui l’habitent apparaissent ainsi comme la contrepartie visible du mo
1145 re-de-Gloire restituant toutes choses et tous les êtres dans leur pureté paradisiaque, « dans un décor de montagnes flamboyan
1146 ’immortalité », au centre du monde spirituel (qui est le monde réel des Archétypes), le pont Chinvat s’élance, reliant un s
1147 ’une beauté resplendissante et qui lui dit : — Je suis toi-même ! Mais si l’homme sur la Terre a maltraité son moi, au lieu
1148 stianisme véritable, ne demande pas d’abord ce qu’ est l’homme, mais qui es-tu ? Toute réalité dernière est personnelle. Le
1149 l’homme, mais qui es-tu ? Toute réalité dernière est personnelle. Le vrai moi est ailleurs, mais son drame ici-bas. L’a
1150 ute réalité dernière est personnelle. Le vrai moi est ailleurs, mais son drame ici-bas. L’absolu, ou la négation du moi
1151 entre eux que les peuples de l’Europe, mais s’il est une croyance qu’ils ont tous en commun c’est la croyance à la métemps
1152 vies successives. Car si le moi n’existe pas, qu’ est -ce qui transmigre64 ? Mais ce moi, cet ego, cette entité distincte, v
1153 osent leur idée du non-moi. Le vrai malentendu se serait -il instauré entre eux et nous ? Entre cela qu’ils pensent que nous cr
1154 me » que le Christ exige de ses disciples, et qui est la condition de leur accession à leur vrai moi spirituel, celui qui d
1155 Il en va de même pour le bouddhisme originel. Qu’ est -ce que l’homme ? Un ensemble transitoire d’agrégats matériels et de f
1156 et la roue des retours sans fin. « Inconnaissable est le commencement des êtres enveloppés par l’ignorance, et que le désir
1157 ans fin. « Inconnaissable est le commencement des êtres enveloppés par l’ignorance, et que le désir conduit à de criminelles
1158 conduit à de criminelles renaissances.65 » Le but est donc « de nous apprendre le moyen de ne pas renaître », nous dit une
1159 a Sabbe dhamma anatta   (Toutes choses composées sont transitoires Toutes choses composées sont souffrantes Toutes les chos
1160 mposées sont transitoires Toutes choses composées sont souffrantes Toutes les choses sont sans moi.68) Si D. T. Suzuki peut
1161 oses composées sont souffrantes Toutes les choses sont sans moi.68) Si D. T. Suzuki peut écrire après cela : « On le voit,
1162 rès cela : « On le voit, l’expérience personnelle est le fondement de la philosophie bouddhiste », comprenons qu’il s’agit
1163 es védantins comme des premiers bouddhistes, ce n’ est pas encore la personne, mais l’obstination de l’ego qui veut durer au
1164 nce, dirions-nous, aux exigences du vrai moi, qui est notre répondant céleste. Et faut-il qu’il existe et qu’il soit fort,
1165 pondant céleste. Et faut-il qu’il existe et qu’il soit fort, ce moi qu’on répute illusoire, pour qu’un des buts majeurs des
1166 qu’un des buts majeurs des méthodes spirituelles soit de l’empêcher de renaître69 ! Mais vient le second stade, où les spi
1167 fond avec le Soi de l’Immensité, ou du Brahma. Qu’ est -ce que l’âme ? Une monade, disent les uns. Un reflet du Brahma, disen
1168 n, répondent les advaïtins : c’est Brahma ou ce n’ est rien. Et tu n’es rien. Et de leur côté les bouddhistes (mais le tao c
1169 dvaïtins : c’est Brahma ou ce n’est rien. Et tu n’ es rien. Et de leur côté les bouddhistes (mais le tao chinois et le shin
1170 s les mêmes phrases) : « Nagasena, existe-t-il un être qui transmigre de ce corps dans un autre ? — Non, il n’y en a point.
1171 ui a péché reprend une individualité, mais non un être pur. — Ô Nagasena, dis-moi s’il existe rien de semblable à l’âme ? —
1172 Les spirituels hindous cherchent le samadhi, qui est l’absorption totale dans l’Absolu du Soi : le grand sommeil, lentemen
1173 fait, signe du Tout, et donc du Vide. Leur satori est le contraire du samadhi : c’est un éveil instantané. Éveil de quoi ?
1174 veil de quoi ? De la vision-en-soi, du Cela qui n’ est pas personnel et se joue à travers notre moi. Ainsi tout l’Orient des
1175 tant de cinquante ans la durée moyenne de la vie, serait alors une « recette d’immortalité ». Et même la seule qui ait réussi.
1176 aisons face à l’Un tout-transcendant.71 » (Ce qui est chrétien.) Le même Chang Chen-Chi qui cite ce koan : Parfois, j’arra
1177 même manière. » Puis il ajoute : « Si le disciple est exceptionnellement doué, le maître ne touche ni à la personne, ni à l
1178 e pense pas au bien ni au mal, mais regarde ce qu’ est , au moment présent, ta physionomie originelle, celle que tu avais ava
1179 nomie originelle, celle que tu avais avant même d’ être né.72 » Par où nous rejoignons un certain christianisme — à partir d’
1180 eule quête de l’esprit, dont le Graal, ou l’Ange, est  : toi-même. ⁂ Les différences ne sont donc pas où l’on croyait, ne so
1181 , ou l’Ange, est : toi-même. ⁂ Les différences ne sont donc pas où l’on croyait, ne sont jamais exactement ce que l’on croya
1182 différences ne sont donc pas où l’on croyait, ne sont jamais exactement ce que l’on croyait. Si nous souhaitons préciser le
1183 . Dans ce domaine, toute différence reconnue peut être vérifiée par l’expérience intime, et promet au dialogue des spirituel
1184 ux névroses de la psychanalyse freudienne : elles seraient autant de « rationalisations » des attitudes « dysfonctionnelles » qu
1185 oblèmes. Trois écoles de l’amour Si l’amour est le premier moteur non seulement de l’homme mais du monde, c’est son a
1186  C’est l’amour dominant qui fait l’homme… L’homme est absolument tel qu’est l’amour dominant de sa vie : selon (cet amour)
1187 t qui fait l’homme… L’homme est absolument tel qu’ est l’amour dominant de sa vie : selon (cet amour) se fait son ciel, s’il
1188 sa vie : selon (cet amour) se fait son ciel, s’il est bon, ou son enfer, s’il est mauvais », dit Swedenborg dans La Nouvell
1189 e fait son ciel, s’il est bon, ou son enfer, s’il est mauvais », dit Swedenborg dans La Nouvelle Jérusalem. Et dans De Coel
1190 e : « Le corps de chaque esprit et de chaque ange est la forme de son amour.73 » Les trois notions de l’homme que l’on vien
1191 ne dualité sans laquelle ni l’homme ni l’amour ne seraient même concevables. Il ne s’agit ici ni du dualisme trop facilement nom
1192 ntre l’individu et le « vrai moi ». (L’individu n’ est pas le mal en soi : il ne devient mauvais que dans la seule mesure où
1193 se refuse à l’amour. Et de même le « vrai moi » n’ est pas le bien en soi, car il peut devenir un monstre.) Pour aimer, il f
1194 il peut devenir un monstre.) Pour aimer, il faut être deux, dit la sagesse des nations. Et cela vaut d’abord pour l’amour d
1195 irituels dans leur condamnation de l’égoïsme, qui est l’impérialisme de l’ego naturel et sa fermeture autarcique. Mais les
1196 arcique. Mais les motifs de cette condamnation ne sont pas les mêmes : les moralistes jugent au nom de la société, les spiri
1197 ans une vue chrétienne de l’homme, l’amour de soi est le rapport positif entre l’individu et le vrai moi. Le second command
1198 ne manière telle que s’aimer et aimer le prochain soit un même acte : sinon le comme n’aurait pas son plein sens. Dans l’amo
1199 orienter par lui. C’est le vrai moi qui aime, qui est l’agent de l’amour. Ce vrai moi seul peut aimer le prochain, parce qu
1200 Alain. Or le meilleur de l’autre — comme de soi — est sa vocation singulière. Aimer le prochain dans sa personne, c’est dis
1201 ne. Mais alors, d’où vient la personne ? Quel que soit le nom que lui ont donné les trois religions abrahamiques, le vrai mo
1202 nné les trois religions abrahamiques, le vrai moi est toujours suscité par l’Amour même : « Dieu nous a aimés le premier. »
1203 er. » Pour le chrétien, c’est parce que Dieu, qui est Amour, est un Dieu personnel, dans sa tri-unité, que l’amour spiritue
1204 le chrétien, c’est parce que Dieu, qui est Amour, est un Dieu personnel, dans sa tri-unité, que l’amour spirituel crée dans
1205 Si la plus haute valeur de l’Occident chrétien n’ est pas la connaissance détachée mais le sacrifice personnel, et si le sa
1206 cation. Ou c’est encore se sacrifier tel que l’on est , à soi-même tel qu’on va le devenir par l’esprit. C’est rejoindre la
1207 sprit. C’est rejoindre la forme immortelle de son être au travers d’une « mort à soi-même » transfigurante. Ce modèle de l’a
1208 omplaisance croissante. Je sais bien que la haine est l’envers de l’amour, mais comment l’amour fasciné par le désir de ce
1209 vraiment ce qu’il lui sacrifie ? Le masochisme n’ est -il pas le moment de retombement de l’âme frustrée, quand l’esprit qui
1210 ite hors du moi naturel. Désormais le vieil homme est jugé : n’ayant pu l’entraîner avec elle vers son bien et l’animer de
1211 n autonomie. Si le corps lui paraît désirable, il sera parfois tenté d’attribuer ce mouvement, né de l’instinct, à la révéla
1212 aut craindre celui qui se hait lui-même, car nous serons les victimes de sa colère et de sa vengeance. Ayons donc soin de l’in
1213 re à l’amour de lui-même.74 » L’érotisme sensuel est l’autre extrême où se porte l’âme irritée mais non pas convertie par
1214 e retombe alors dans les liens de l’instinct, qui est la puissance impersonnelle par excellence, et s’épuise à s’en libérer
1215 ntre les conventions de la morale commune — qu’il est déjà trop « spirituel » pour respecter — mais aussi contre le respect
1216 le respect du mystère exigeant de l’Autre qu’il n’ est pas assez « spirituel » pour aimer. (Mais s’il l’était assez, il retr
1217 pas assez « spirituel » pour aimer. (Mais s’il l’ était assez, il retrouverait aussi la justification de certaines convention
1218 le tissu conjonctif de toutes les sociétés qui ne sont pas un ordre.) L’école iranienne Il n’existe plus de communauté
1219 4-41) qui pose comme une clef musicale : « Chaque être connaît le mode de prière et de glorification qui lui est propre. » T
1220 aît le mode de prière et de glorification qui lui est propre. » Toute personne s’origine en Dieu, qui l’a créée afin d’être
1221 personne s’origine en Dieu, qui l’a créée afin d’ être connu par elle et de « devenir en elle l’objet de sa propre connaissa
1222 de l’autre et l’aimer « comme soi-même », — comme étant née du même amour qui m’a créé. « (Dieu) est celui qui dans chaque êt
1223 me étant née du même amour qui m’a créé. « (Dieu) est celui qui dans chaque être aimé se manifeste au regard de chaque aman
1224 qui m’a créé. « (Dieu) est celui qui dans chaque être aimé se manifeste au regard de chaque amant… car il est impossible d’
1225 mé se manifeste au regard de chaque amant… car il est impossible d’aimer un être sans se représenter en lui la divinité. Un
1226 de chaque amant… car il est impossible d’aimer un être sans se représenter en lui la divinité. Un être n’aime en réalité per
1227 n être sans se représenter en lui la divinité. Un être n’aime en réalité personne d’autre que son créateur.76 » Ibn Arabi di
1228 elle pour Lui ; l’amour spirituel « dont le siège est en la créature toujours à la quête de l’être dont elle découvre en el
1229 siège est en la créature toujours à la quête de l’ être dont elle découvre en elle l’Image, ou dont elle se découvre comme ét
1230 e en elle l’Image, ou dont elle se découvre comme étant l’Image » ; enfin l’amour naturel, qui recherche la satisfaction de s
1231 rs sans souci de l’agrément de l’Aimé. « Et telle est hélas ! dit Ibn Arabi, la manière dont la plupart des gens d’aujourd’
1232 bi observe que les plus parfaits amants mystiques sont ceux qui aiment Dieu simultanément pour lui-même et pour eux-mêmes, p
1233 malheureuse » en proie aux déchirements). » Telle est donc la personne unifiée et tel est son amour de soi-même. Quant à l’
1234 nts). » Telle est donc la personne unifiée et tel est son amour de soi-même. Quant à l’amour-passion (ici, non romantique !
1235 toutes les dimensions de l’amour unifié. L’Aimé n’ est plus alors un simple objet — comme il est pour l’amour naturel, posse
1236 ’Aimé n’est plus alors un simple objet — comme il est pour l’amour naturel, possessif — mais une virtualité divine que l’am
1237 ine l’Image) et qu’il tend à faire exister dans l’ être aimé, par l’efficace de son amour préfigurant. C’est précisément là q
1238 fonction théophanique de l’Ange (ainsi en a-t-il été des Figures féminines célébrées par les Fedeli d’amore, compagnons de
1239 li d’amore, compagnons de Dante ; ainsi en a-t-il été de celle qui apparut à Ibn Arabi, à la Mekke, comme figure de la Soph
1240 en profondeur : que l’amant tende à contempler l’ être aimé, à s’unir en lui, à en perpétuer la présence, son amour tend tou
1241 tend toujours à faire exister quelque chose qui n’ est pas encore existant dans l’Aimé.78 On reconnaît ici les « notes » de
1242 Comme tout bien procède du Seigneur, le Seigneur est , dans le sens suprême et au degré le plus éminent, le Prochain ; c’es
1243 ns relatives au prochain, c’est-à-dire que chacun est le prochain en proportion de ce qu’il a quelque chose du Seigneur en
1244 n qui procède du Seigneur, il s’ensuit que l’un n’ est pas le prochain de la même manière que l’autre… ; il n’y a jamais che
1245 ue… C’est l’amour qui fait le prochain, et chacun est le prochain selon la qualité de son amour.80 En dépit de tout ce qui
1246 poésie dense de l’Arabe, l’homologie des énoncés est indéniable. Si le symbolisme concret des soufis transpose doublement
1247 e prochain, reste exactement comparable, comme le sont les trois formes de l’amour que manifeste cette structure. Mais « l’I
1248 e un amour dédié à sa propre âme81, dont Iseut ne serait que l’image sensible, — et c’est pourquoi j’ai osé dire que Tristan n
1249 que Tristan n’aimait pas Iseut — cette passion n’ est -elle pas mieux vue si l’on évoque les Fravartis du mazdéisme, les fig
1250  » de l’âme et de sa Dâenâ au pont Chinvat ? Et n’ est -ce pas pour avoir désiré l’amour de l’Ange que les amants de la forêt
1251 ce que « leur engagement — comme dira Novalis — n’ était pas pris pour cette vie », mais pour l’autre ? S’il est une « erreur
1252 s pris pour cette vie », mais pour l’autre ? S’il est une « erreur de Tristan », motivant le malheur essentiel de sa passio
1253 , motivant le malheur essentiel de sa passion, ce serait alors dans le mode de la transposition du « ciel » en Terre, et de l’
1254 t transitoire et le Soi tout impersonnel : « Il n’ est qu’un Soi pour tous les êtres.82 » L’individualité qui est là, qui to
1255 impersonnel : « Il n’est qu’un Soi pour tous les êtres .82 » L’individualité qui est là, qui tombe sous le sens, doit être ex
1256 Soi pour tous les êtres.82 » L’individualité qui est là, qui tombe sous le sens, doit être exténuée méthodiquement (non po
1257 idualité qui est là, qui tombe sous le sens, doit être exténuée méthodiquement (non point transfigurée ou glorifiée) pour at
1258 i sans distinction, la Réalité sans visage, qui n’ est ni ceci ni cela, mais qui est l’Immensité, disent les hindous, et qui
1259 sans visage, qui n’est ni ceci ni cela, mais qui est l’Immensité, disent les hindous, et qui est le Vide, disent les boudd
1260 s qui est l’Immensité, disent les hindous, et qui est le Vide, disent les bouddhistes. Du même coup se trouvent évacués les
1261 (Ou tout au moins, pris au sérieux.) L’amour même est évacué. Il n’est plus que l’attrait des sexes agissant fatalement sur
1262 , pris au sérieux.) L’amour même est évacué. Il n’ est plus que l’attrait des sexes agissant fatalement sur des milliards d’
1263 selon le cours des astres et le Karma. Il ne peut être , pour l’esprit, qu’indifférent. (Quoique la morale sociale condamne r
1264 alement l’adultère de la femme mariée ; mais ce n’ est pas au nom de l’amour, on le pense bien.) « Écarte les choses, ô aman
1265 ense bien.) « Écarte les choses, ô amant, ta voie est fuite ! » s’écriait saint Jean de la Croix. Écarte le prochain ! ajou
1266 s spirituels du védantisme et du bouddhisme. S’il est vrai que « la notion de Moi n’a d’accès que dans la pensée des sots »
1267 oi ne vaut pas mieux. « La morale bouddhique, qui est une sorte d’hygiène spirituelle, tend à détruire, en nous, les causes
1268 ouleur. » Si l’on s’en tient aux textes, la cause est entendue : l’Asie métaphysique ne connaît pas l’amour, — j’entends l’
1269 l’amour matrimonial. Mais on me dira que l’Asie n’ est pas toute spirituelle, et que la vie ne s’en tient pas aux textes. On
1270 ’on ne voit pas de raisons pour que l’Orient réel soit plus conforme aux sermons du Bouddha que l’Europe au Sermon sur la Mo
1271 ndes doctrines religieuses de l’Asie n’ont jamais été révolutionnaires. Elles n’ont jamais prétendu transformer l’ensemble
1272 ennent à partie, un à un, tout individu tel qu’il est , décidées à le transformer en vérité85. Elles provoquent d’innombrabl
1273 85. Elles provoquent d’innombrables réactions. Il est par suite inévitable que l’existence réelle, en Occident, ressemble m
1274 Occident, ressemble moins à la doctrine que ce n’ était le cas, jusqu’à nos jours, en Asie. Prenons l’exemple de l’érotisme.
1275 lles nous procurent une jouissance. La divinité n’ est un objet d’amour que parce qu’elle représente une volupté sans mélang
1276 la joie de la possession, la souffrance du désir est pour un instant apaisée… et l’homme perçoit dans le plaisir sa propre
1277 dans le plaisir sa propre nature essentielle, qui est la joie. Toute jouissance, tout plaisir est une expérience du divin…
1278 , qui est la joie. Toute jouissance, tout plaisir est une expérience du divin… Mais l’amour parfait est celui dont l’objet
1279 est une expérience du divin… Mais l’amour parfait est celui dont l’objet n’est pas limité. C’est cet amour qui est l’amour
1280 in… Mais l’amour parfait est celui dont l’objet n’ est pas limité. C’est cet amour qui est l’amour pur, l’amour de l’amour m
1281 ont l’objet n’est pas limité. C’est cet amour qui est l’amour pur, l’amour de l’amour même, l’amour de l’Être-de-volupté tr
1282 anscendant.86 Kâma, le dieu du plaisir érotique, est vénéré par les yogis, « car c’est lui seul, lorsqu’il est satisfait,
1283 ré par les yogis, « car c’est lui seul, lorsqu’il est satisfait, qui peut libérer l’esprit du désir… Ce n’est pas le plaisi
1284 tisfait, qui peut libérer l’esprit du désir… Ce n’ est pas le plaisir mais le désir qui lie l’homme et qui est un obstacle à
1285 s le plaisir mais le désir qui lie l’homme et qui est un obstacle à son progrès spirituel87 ». Et encore : « Celui qui cher
1286 ui cherche l’amour dans l’espoir d’une jouissance est la victime du désir. Le sage accepte les plaisirs sensuels quand ils
1287 and ils viennent, mais avec un cœur détaché. Il n’ est pas victime du désir.88 » Ce « détachement » tout accueillant, cette
1288 s » et les « infâmes », contre tous ceux « qui se sont livrés à l’impureté, selon les convoitises de leur cœur ». Comparons
1289 et l’on sait à quel point cette forme de l’amour est liée à ses expressions. La passion et l’amour mystique, l’érotisme et
1290 mour mystique, l’érotisme et l’amour du prochain, sont des problèmes occidentaux, posés à tous par les rigueurs mal tolérées
1291 es, cependant que les voies de sagesse asiatiques sont seulement proposées, — à quelques-uns. Les recettes de plaisir, ou d’
1292 isir, ou d’immortalité par la rétention du semen, sont liées en Asie à la piété, tandis que nos coutumes viennent d’un vieux
1293 sme ou du bouddhisme, la vie réelle de l’Occident est en conflit avec la foi, tandis que la vie réelle de l’Asie est en sym
1294 t avec la foi, tandis que la vie réelle de l’Asie est en symbiose avec ses religions. Et si la symétrie de ces formules inq
1295 te dans un roman moderne, dont l’auteur se trouve être un brahmane orthodoxe : « J’avais vécu en Europe, j’avais épousé une
1296 e qu’elles excluent leur contraire, ou que l’on s’ était mépris sur le vrai sens de leurs affirmations répétées du contraire (
1297 on personnelle accomplie aux dépens de l’individu est loin d’être absente de la Bhagavad-Gita : Sois détaché et accomplis
1298 lle accomplie aux dépens de l’individu est loin d’ être absente de la Bhagavad-Gita : Sois détaché et accomplis l’action qui
1299 du est loin d’être absente de la Bhagavad-Gita : Sois détaché et accomplis l’action qui est ton devoir, car en accomplissan
1300 ad-Gita : Sois détaché et accomplis l’action qui est ton devoir, car en accomplissant l’action sans attachement, l’homme o
1301 e. (III, 19) Notre propre devoir, si humble qu’il soit , vaut mieux que le devoir parfaitement accompli d’un autre. Le dharma
1302 itement accompli d’un autre. Le dharma d’un autre est plein de dangers. (III, 35) Et dans les upanishads : La vie n’a serv
1303 njonction évangélique d’aimer aussi son ennemi ne sont pas absentes du bouddhisme car l’ennemi et toi-même ne diffèrent que
1304 rmer Éros en Agapè »90. Je répète que tout cela n’ est pas contradictoire, dans une philosophie sans dogmatique. Nous parler
1305 ? Non point à la femme, mais en vérité au Soi qui est en elle.91 En présence d’une telle phrase, j’éprouve d’abord ceci :
1306 vive reconnaissance. Car toute vérité sur l’amour est immédiatement reconnue par celui qui s’est mis en quête d’un savoir d
1307 ’amour est immédiatement reconnue par celui qui s’ est mis en quête d’un savoir de l’amour qu’il vit. N’importe qui m’averti
1308 . N’importe qui m’avertira que le Soi de l’Inde n’ est pas le vrai Dieu des chrétiens, qui est personnel. On connaît les déf
1309 l’Inde n’est pas le vrai Dieu des chrétiens, qui est personnel. On connaît les définitions. Mais je retrouve ici mon expér
1310 rire tout un livre. (Mais si c’était celui que je suis en train d’écrire ? Et qui, précisément, ici, touche à sa fin ?) Je d
1311 mour, et l’aider à prendre conscience de ce qu’il est ou peut devenir. N’est-ce pas l’aider à réfléchir la lumière de l’amo
1312 dre conscience de ce qu’il est ou peut devenir. N’ est -ce pas l’aider à réfléchir la lumière de l’amour créateur ? Non, ce s
1313 éfléchir la lumière de l’amour créateur ? Non, ce serait là trop dire, et pas assez. Aimer, c’est aider l’autre à se situer de
1314 us lui-même qu’avant : amour mutuel. L’expérience est la même, ou du moins je la sens telle. Mais la lumière ? Est-ce le No
1315 , ou du moins je la sens telle. Mais la lumière ? Est -ce le Nom qu’on lui donne qui diffère, — ou quoi d’autre ? Le point d
1316 diffère, — ou quoi d’autre ? Le point du dialogue est ici. Un point seulement, sans étendue, mais selon le regard que nous
1317 cidental ou l’Oriental. Tous les risques d’erreur sont de notre côté, nous les payons par les névroses ou l’abêtissement spi
1318 par les névroses ou l’abêtissement spirituel. Eux sont tellement en garde contre l’illusion, qu’ils l’ont mise en facteur co
1319 d’une gigantesque schizophrénie du Soi. (Mais il sera finalement résorbé, tout s’arrangera.) Ils en ont fait autant pour le
1320 mique, Purusha (dont la contrepartie actualisante est Prakriti) finalement dissociée et fondue dans le Soi : « Tu es Cela »
1321 finalement dissociée et fondue dans le Soi : « Tu es Cela ». Le drame individuel est noyé dans le Tout. Mais le Tout est l
1322 dans le Soi : « Tu es Cela ». Le drame individuel est noyé dans le Tout. Mais le Tout est le contraire du drame. Tous les r
1323 me individuel est noyé dans le Tout. Mais le Tout est le contraire du drame. Tous les risques d’erreur sont liés à notre am
1324 le contraire du drame. Tous les risques d’erreur sont liés à notre amour ; et plus l’amour est passionné, exigeant, singuli
1325 ’erreur sont liés à notre amour ; et plus l’amour est passionné, exigeant, singulier, plus grand le risque. Ce que nous cro
1326 and le risque. Ce que nous croyons aimer en elle, est -ce elle-même ou l’image de notre ange ? Ce que nous avons cru voir en
1327 lle, et que nous déifions peut-être à ses dépens, est -ce notre anima projetée ? Tous les psychanalystes nous l’ont dit : l’
1328 es nous l’ont dit : l’erreur sur la personne de l’ être aimé est la source des pires conflits, une violence faite à l’âme de
1329 ont dit : l’erreur sur la personne de l’être aimé est la source des pires conflits, une violence faite à l’âme de l’autre,
1330 ux « vues justes » comme disait le Bouddha, — qui était l’un des nôtres, un Indien — si tu vois bien ce que tu vois et portes
1331 mmuable seul, toutes ces erreurs que tu craignais sont illusoires. Comme le moi. — La vue juste distingue et juge, mais ne
1332 er mieux, c’est apprendre à discerner la raison d’ être — donc d’être unique — de l’autre aimé, comme de soi-même. Ce corps v
1333 t apprendre à discerner la raison d’être — donc d’ être unique — de l’autre aimé, comme de soi-même. Ce corps visible que vie
1334 t animer un mouvement singulier et fascinant de l’ être … « Aimer ce que jamais on ne verra deux fois ! » — Aimer, c’est voulo
1335 bsorbant. Mais que nous devenions Shiva, la femme est dissoute et le monde avec elle. Car le monde ne doit pas être refusé
1336 e et le monde avec elle. Car le monde ne doit pas être refusé mais dissous.92 — Je veux voir l’autre en sa réalité, qui est
1337 ous.92 — Je veux voir l’autre en sa réalité, qui est unique. J’aime en elle à la fois ce que je vois et ce qui fait que je
1338  : ce vrai moi pressenti par l’amour seul, et qui est elle-même. Tu dis le Soi, ce n’est personne. — Il n’y a personne. Per
1339 r seul, et qui est elle-même. Tu dis le Soi, ce n’ est personne. — Il n’y a personne. Personne ne peut aimer, sauf l’égoïste
1340 er que ton « Dieu » dans ses créatures, puisqu’il est dit de Lui qu’il est amour. — Mais Dieu pour nous est une Personne, e
1341 ans ses créatures, puisqu’il est dit de Lui qu’il est amour. — Mais Dieu pour nous est une Personne, et nous crée comme per
1342 dit de Lui qu’il est amour. — Mais Dieu pour nous est une Personne, et nous crée comme personnes bien distinctes. Tu ne voi
1343 er. — Quand je saurai aimer le Soi en elle, je ne serai plus moi, elle ne sera plus elle, et les dieux mêmes me serviront.
1344 mer le Soi en elle, je ne serai plus moi, elle ne sera plus elle, et les dieux mêmes me serviront. Tout et tous L’Orie
1345 consommation des temps, répond saint Paul, « Dieu sera tout en tous ». Depuis six millénaires, les sages de l’Asie n’ont pas
1346 s savent la date — la vie, le cosmos et les dieux seront résorbés dans l’Un seul, sans laisser aucune trace, comme n’ayant pas
1347 ulé par la science occidentale : mais personne ne sera là pour constater que leurs doctrines sur la Lumière finale et sur le
1348 nes sur la Lumière finale et sur le Vide n’auront été , dans leur ensemble, qu’une immense transposition sur les plans poéti
1349 ppe à la majorité de ceux qu’elle entraîne. Et il est vrai qu’on ne saurait guère le concevoir sans une vision de sa fin an
1350 tte fin. Dès lors, au duel de l’Un et du Multiple est substitué le drame de l’Un et des Uniques : — à l’anéantissement fina
1351 rnisé par l’effort vivifiant de l’Imagination. Ce sont là deux doctrines, deux vues des spirituels. Quelle est la vraie ? Si
1352 deux doctrines, deux vues des spirituels. Quelle est la vraie ? Si les sages de l’Orient ont raison, personne ne pourra le
1353 sées. Si les saints de l’Occident ont raison, ils seront seuls à être là pour le savoir. La doctrine qui peut devenir vraie se
1354 ints de l’Occident ont raison, ils seront seuls à être là pour le savoir. La doctrine qui peut devenir vraie sera celle que
1355 our le savoir. La doctrine qui peut devenir vraie sera celle que nous choisirons, en vérité vécue de conscience et d’action.
1356 et d’action. Les résultats actuels et historiques sont ambigus à l’infini, pour nos mesures. Les peuples sont dans l’ignoran
1357 ambigus à l’infini, pour nos mesures. Les peuples sont dans l’ignorance malheureuse des origines et des fins de ce qu’ils cr
1358 our leurs croyances. Nous voyons ce que l’Orient est resté jusqu’ici, et que ces doctrines d’extinction n’ont pas tué l’il
1359 llusion du moi ; au contraire, ce moi sans valeur est en train de faire valoir ses revendications, par plusieurs centaines
1360 r et l’espérance ce que l’Occident peut devenir : soit s’engloutir dans l’Illusion de la matière (et l’Orient aurait eu rais
1361 ion de la matière (et l’Orient aurait eu raison), soit accomplir sa vocation aventureuse, déchiffrer l’Être dans le singulie
1362 t accomplir sa vocation aventureuse, déchiffrer l’ Être dans le singulier et les structures de l’énergie universelle. Car c’e
1363 , qu’il aille jusqu’au bout ! Pour lui la Réalité est dans l’individuel, et l’Être dans les raisons d’être des uniques. Or
1364 ! Pour lui la Réalité est dans l’individuel, et l’ Être dans les raisons d’être des uniques. Or ce choix est celui de l’amour
1365 t dans l’individuel, et l’Être dans les raisons d’ être des uniques. Or ce choix est celui de l’amour, de la connaissance par
1366 dans les raisons d’être des uniques. Or ce choix est celui de l’amour, de la connaissance par l’amour, car tout ce qui exi
1367 connaissance par l’amour, car tout ce qui existe est unique, à voir de près, comme voit l’amour. 60. Cf. Charles Baudoi
1368 couverte de la Personne, 1940, p. 22. Cet ouvrage est le meilleur exposé du personnalisme moderne, par un psychanalyste ass
1369 d Bouddhist, p. 39.) La psychologie dont il parle est occidentale. Cherchant à guérir les « maladies du moi », elle le conf
1370 ise une action ; ses collègues l’approuvent et il est décidé qu’il sera fait suivant ce qu’il a proposé. D’autres fois, plu
1371 ses collègues l’approuvent et il est décidé qu’il sera fait suivant ce qu’il a proposé. D’autres fois, plusieurs membres de
1372 de l’assemblée la quittent d’eux-mêmes ; d’autres sont graduellement poussés au-dehors et d’autres, encore, sont expulsés de
1373 duellement poussés au-dehors et d’autres, encore, sont expulsés de force par leurs collègues. Pendant ce temps, de nouveaux
1374 e nouveaux venus s’introduisent dans l’assemblée, soit en s’y glissant doucement, soit en enfonçant les portes. On remarque
1375 dans l’assemblée, soit en s’y glissant doucement, soit en enfonçant les portes. On remarque encore que certains membres de l
1376 ar ne plus l’entendre. Au contraire, d’autres qui étaient débiles et timides se fortifient et s’enhardissent, et finissent par
1377 er dictateurs. Les membres de cette assemblée, ce sont les éléments physiques et mentaux qui constituent la “personne” ; ce
1378 ues et mentaux qui constituent la “personne” ; ce sont nos instincts, nos tendances, nos idées, nos croyances, nos désirs, e
1379 ces, nos désirs, etc. Chacun de ceux-ci se trouve être , de par les causes qui l’ont engendré, le descendant et l’héritier de
1380 moi, on le perd assurément et par méthode. Car il est forme dominante et gouvernante. Si on tentait de l’observer à l’aide
1381 à l’aide d’un microscope, l’éléphant lui aussi ne serait plus qu’une vaste illusion. 70. Les Questions de Milinda (Milindah
1382 e Milinda (Milindahunha), ier siècle A.D. Milinda est le roi indo-grec Ménandre, qui vivait au iie siècle avant J.-C. Naga
1383 Neel, op. cit., p. 304-305. 73. Ces deux phrases sont à rapprocher de cette vue d’un soufi : « Le paradis du gnostique fidè
1384 près ce que Freud nomme « narcissisme », et qui n’ est tel qu’aux yeux de celui qui nie l’âme ; mais alors, d’où viendrait c
1385 cet amour, à qui irait-il ? La passion de Tristan est la preuve de l’âme, s’il en fut jamais. 82. Katha upanishad. 83. Al
1386 assion de Tristan est la preuve de l’âme, s’il en fut jamais. 82. Katha upanishad. 83. Alexandra David-Neel, Le Bouddhism
1387 hristianisme et le judaïsme. « Dans l’Arabe, tout est colère », écrit Henri Michaux. « Son bonjour : “Que le salut soit sur
1388 crit Henri Michaux. « Son bonjour : “Que le salut soit sur quiconque suit la vraie religion.” (La vraie ! Aux autres, pas de
1389 confronte avec plus de tendresse et de rigueur l’ Est et l’Ouest. Lire aussi, mais c’est beaucoup moins tendre pour les deu
1390 s de L’Amour et l’Occident un peu plus qu’il ne serait souhaitable, de son propre point de vue. 91. On pourra retrouver ce
1391 de Chardin, La Route de l’Ouest (inédit). 94. Il serait peut-être fécond d’interpréter le principe de Carnot-Clausius (accroi