1 1931, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Les Éléments de la grandeur humaine, par Rudolf Kassner (octobre 1931)
1 Les Éléments de la grandeur humaine, par Rudolf Kassner (octobre 1931)a Si l’exist
2 sner (octobre 1931)a Si l’existence — le degré d’ être — se mesure au pouvoir d’incarner sa vérité, le mal du siècle c’e
3 xistence — le degré d’être — se mesure au pouvoir d’ incarner sa vérité, le mal du siècle c’est l’impuissance. La proie de
4 é, le mal du siècle c’est l’impuissance. La proie de désirs divergents qui prennent rarement assez de violence pour nous d
5 de désirs divergents qui prennent rarement assez de violence pour nous déchirer jusqu’au salut, et dont la composante rée
6 t dont la composante réelle tend vers zéro, c’est d’ une philosophie de l’existence personnelle qu’avant tout nous avons be
7 te réelle tend vers zéro, c’est d’une philosophie de l’existence personnelle qu’avant tout nous avons besoin. Kierkegaard
8 ion parmi les forces spirituelles qui orientent l’ Europe d’aujourd’hui. La France ne l’ignorera plus longtemps. Quant à l’Alle
9 mi les forces spirituelles qui orientent l’Europe d’ aujourd’hui. La France ne l’ignorera plus longtemps. Quant à l’Allemag
10 elle s’est depuis plusieurs années déjà pénétrée de cette philosophie, ainsi qu’en témoigne l’accueil fait à la pensée d’
11 , ainsi qu’en témoigne l’accueil fait à la pensée d’ un Karl Barth, génial disciple du Danois, et dont il est grand temps q
12 us traduise quelques essais théologiques. L’œuvre de Rudolf Kassner, de moindre envergure — à cause de sa rareté et de son
13 s essais théologiques. L’œuvre de Rudolf Kassner, de moindre envergure — à cause de sa rareté et de son aristocratisme ess
14 r, de moindre envergure — à cause de sa rareté et de son aristocratisme essentiel — mais non de moindre profondeur, manife
15 eté et de son aristocratisme essentiel — mais non de moindre profondeur, manifeste elle aussi l’emprise de l’« Existenzphi
16 oindre profondeur, manifeste elle aussi l’emprise de l’« Existenzphilosophie » et son extrême conséquence. Dans la mesure
17 Dans la mesure même où Kassner se montre disciple de Kierkegaard, sa pensée paraît réfractaire à toute description, car el
18 définis que par leurs rapports mutuels et tirent de cette interdépendance leur valeur originale. Kassner reprend un des t
19 ssentiels du préromantisme allemand, l’opposition de l’antique et du moderne, non du point de vue littéraire comme on le f
20 tales (problème que notre xviie siècle se devait de ne pas poser). L’homme antique peut atteindre la grandeur parce qu’il
21 s la démesure, et lorsqu’il « veut prendre mesure de lui-même, il se sent aussitôt incomplet et coupable. Il est donc poss
22 sitôt incomplet et coupable. Il est donc possible de dire que le péché est la mesure du démesuré, et que pour le chrétien
23 du démesuré, et que pour le chrétien il n’est pas d’ autre grandeur ». Ainsi le chrétien existe en tant que le péché crée u
24 omme sans mesure naturelle : s’il ne retrouve pas de loi interne et de tension par le péché, il n’est plus qu’un être sans
25 aturelle : s’il ne retrouve pas de loi interne et de tension par le péché, il n’est plus qu’un être sans destinée, un « in
26 st crevassée et divisée. Son œuvre souvent pleine de charme mais sans forme et sans but, peut bien nous stimuler, mais ne
27 on vient de l’intérieur. Il ne peut jamais sortir de son moi sans trahison et chaque manifestation de son essence intime r
28 de son moi sans trahison et chaque manifestation de son essence intime ressemble par quelque côté à un outrage, voire à u
29 ne impudeur. » À l’opposition du Beau objectif et de l’Intéressant sentimental qui pour Schiller et surtout pour Schlegel
30 hiller et surtout pour Schlegel symbolisait celle de l’antique et du moderne, Kassner répondrait aujourd’hui par l’opposit
31 , Kassner répondrait aujourd’hui par l’opposition de la grandeur mesurée et de l’indiscrétion journalistique. La férocité
32 rd’hui par l’opposition de la grandeur mesurée et de l’indiscrétion journalistique. La férocité réfléchie qui préside à so
33 . La férocité réfléchie qui préside à son analyse de l’indiscret nous vaut une description inégalable du mal du siècle. Ic
34 -il reconnaître à ce seul philosophe le privilège d’ avoir parlé sans complicité de ce qui nous détruit : Rudolf Kassner do
35 osophe le privilège d’avoir parlé sans complicité de ce qui nous détruit : Rudolf Kassner donne la sensation à peu près un
36 donne la sensation à peu près unique en ce temps d’ une pensée autoritaire. Entendons que pour lui, penser n’est pas se dé
37 plus s’ingénier sur des idées et des combinaisons d’ idées mais créer de tout son être spirituel des faits nouveaux et vrai
38 des idées et des combinaisons d’idées mais créer de tout son être spirituel des faits nouveaux et vrais, dans un certain
39 vrais, dans un certain style. Car il n’est point de vérité sans forme. Quelques pages étranges et puissantes sur les chim
40 ues pages étranges et puissantes sur les chimères de Notre-Dame illustrent ce réalisme de la forme, hors de quoi il n’est
41 les chimères de Notre-Dame illustrent ce réalisme de la forme, hors de quoi il n’est qu’indiscrétion, et qui livre la clef
42 oi il n’est qu’indiscrétion, et qui livre la clef de la pensée de Kassner, comme aussi de son apparente obscurité1. Il fau
43 u’indiscrétion, et qui livre la clef de la pensée de Kassner, comme aussi de son apparente obscurité1. Il faut savoir être
44 ivre la clef de la pensée de Kassner, comme aussi de son apparente obscurité1. Il faut savoir être secret pour penser avec
45 ut savoir taire ce qui permettrait aux indiscrets de comprendre intellectuellement sans « réaliser ». Il faut que les pens
46 Une pensée neuve ne saurait être comprise à moins d’ être recréée dans sa forme — ce dont certaine clarté dispense le lecte
47 aussi que l’indiscret est celui qui se préoccupe de défendre plutôt que d’illustrer. Ainsi selon Kierkegaard, le premier
48 est celui qui se préoccupe de défendre plutôt que d’ illustrer. Ainsi selon Kierkegaard, le premier homme qui s’avisa de dé
49 i selon Kierkegaard, le premier homme qui s’avisa de défendre la religion mériterait-il d’être appelé Judas numéro deux. C
50 qui s’avisa de défendre la religion mériterait-il d’ être appelé Judas numéro deux. Car il ne s’agit pas de professer une c
51 re appelé Judas numéro deux. Car il ne s’agit pas de professer une chose mais d’être la chose. Le rare, c’est que chez Kas
52 Car il ne s’agit pas de professer une chose mais d’ être la chose. Le rare, c’est que chez Kassner comme chez Kierkegaard,
53 omme chez Kierkegaard, cette présence s’accommode d’ une ironie qui chez d’autres serait plutôt le fait du détachement. Une
54 s, qui les fouille et les purifie, une ironie née de la rigueur et non du scepticisme2. Le dialogue de Laurence Sterne et
55 de la rigueur et non du scepticisme2. Le dialogue de Laurence Sterne et du recteur Krooks sur Judas et la Parole est à cet
56 eur Krooks sur Judas et la Parole est à cet égard d’ une saveur particulièrement riche et complexe. (« … les bavards ne tir
57 riche et complexe. (« … les bavards ne tirent pas d’ eux-mêmes toutes les paroles qu’ils profèrent ; ils les reçoivent des
58 les reçoivent des prophètes ; s’il n’y avait pas de prophètes, les bavards seraient peut-être des créatures très silencie
59 filantes. ») Mais plus encore que leur conception de l’« existence » et que leur ironie, ce qui rapproche Kassner et son m
60 tragique du péché. Le Lépreux, journal apocryphe de l’empereur Alexandre Ier de Russie, n’est qu’une suite de méditations
61 ereur Alexandre Ier de Russie, n’est qu’une suite de méditations sur le thème du tout-ou-rien moral qui caractérise Kierke
62 ui caractérise Kierkegaard. L’on y trouvera moins de paradoxe et plus de délectation peut-être, une acuité lente de la réf
63 egaard. L’on y trouvera moins de paradoxe et plus de délectation peut-être, une acuité lente de la réflexion, un alliage p
64 t plus de délectation peut-être, une acuité lente de la réflexion, un alliage précieux de hauteur, de rigueur et de pitié
65 acuité lente de la réflexion, un alliage précieux de hauteur, de rigueur et de pitié humaine, une retenue presque solennel
66 de la réflexion, un alliage précieux de hauteur, de rigueur et de pitié humaine, une retenue presque solennelle mais qui
67 on, un alliage précieux de hauteur, de rigueur et de pitié humaine, une retenue presque solennelle mais qui sans cesse frô
68 en sournoise malice. On ne peut dire précisément de Kassner qu’il réfute ses adversaires — Freud en particulier, dans Chr
69 t et l’âme du monde — mais bien plutôt qu’à force d’ approfondir leur domaine propre, il les mine et les ruine intérieureme
70 le est la forme des dialogues où culmine son art. De ces dialogues, où chaque interlocuteur, tour à tour, atteint à l’expr
71 à tour, atteint à l’expression la plus virulente de sa vérité — si bien que la conclusion ne peut être qu’implicite et fo
72 conclusion ne peut être qu’implicite et fonction d’ une hiérarchie de valeurs, non de la seule exactitude des pensées —, n
73 ut être qu’implicite et fonction d’une hiérarchie de valeurs, non de la seule exactitude des pensées —, nous connaissons l
74 cite et fonction d’une hiérarchie de valeurs, non de la seule exactitude des pensées —, nous connaissons le modèle immorte
75 —, nous connaissons le modèle immortel, le Livre de Job. Il serait curieux d’en suivre la filiation, jusqu’au Soulier de
76 dèle immortel, le Livre de Job. Il serait curieux d’ en suivre la filiation, jusqu’au Soulier de Satin de Claudel : ce sera
77 urieux d’en suivre la filiation, jusqu’au Soulier de Satin de Claudel : ce serait une sorte de généalogie du réalisme poét
78 en suivre la filiation, jusqu’au Soulier de Satin de Claudel : ce serait une sorte de généalogie du réalisme poétique. 1
79 Soulier de Satin de Claudel : ce serait une sorte de généalogie du réalisme poétique. 1. Obscurité : Kassner ne pose pas
80 al. 2. Ici encore, on ne peut opposer ce concept d’ ironie qu’à celui que formulèrent les romantiques allemands. Rien de c
81 i que formulèrent les romantiques allemands. Rien de commun avec un Renan, un France. a. Rougemont Denis de, « [Compte r
82 un avec un Renan, un France. a. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Rudolf Kassner, Les Éléments de la grandeur humaine
83 de, « [Compte rendu] Rudolf Kassner, Les Éléments de la grandeur humaine  », La Nouvelle Revue française, Paris, octobre 1
2 1931, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Sarah, par Jean Cassou (novembre 1931)
84 par Jean Cassou (novembre 1931)b Quelque chose d’ espagnol dans la démarche ; un tour qui ferait penser aux conteurs de
85 démarche ; un tour qui ferait penser aux conteurs de la fin du xviiie  ; des sujets dans le goût allemand, tels sont les é
86 éments qui composent non sans paradoxe ce recueil de « motifs » romantiques et de frissons anarchiques. Le thème commun, c
87 paradoxe ce recueil de « motifs » romantiques et de frissons anarchiques. Le thème commun, c’est sans doute l’atrocité de
88 ues. Le thème commun, c’est sans doute l’atrocité de la « vie normale », ou si l’on préfère, l’amertume du cœur humain déc
89 agine et dont il meurt. Car la vie est une espèce de marâtre et n’a que faire de nos tendresses. Les sujets de Jean Cassou
90 la vie est une espèce de marâtre et n’a que faire de nos tendresses. Les sujets de Jean Cassou sont très particuliers — ju
91 re et n’a que faire de nos tendresses. Les sujets de Jean Cassou sont très particuliers — jusqu’à l’arbitraire parfois —,
92 rte, comme à nous, c’est précisément le sentiment d’ absurdité qui se dégage de pareils faits lorsque l’esprit s’y attache
93 récisément le sentiment d’absurdité qui se dégage de pareils faits lorsque l’esprit s’y attache et que l’amour ou la pitié
94 le « bonheur » consiste à ne pas se rendre compte de ce qu’ils vivent. Dans quelques-uns des plus significatifs de ces réc
95 vivent. Dans quelques-uns des plus significatifs de ces récits (Dieu et le sommeil, Les Fins dernières) l’on assiste à un
96 ns dernières) l’on assiste à un réveil, explosion de révolte ou de joie, tellement incompatible avec les « conditions » de
97 l’on assiste à un réveil, explosion de révolte ou de joie, tellement incompatible avec les « conditions » de la vie que mo
98 e, tellement incompatible avec les « conditions » de la vie que mort s’en suit. Sarah est donc un recueil de contes roman
99 ie que mort s’en suit. Sarah est donc un recueil de contes romantiques, cas tout à fait rare dans la littérature français
100 e française, et qui comporte en soi quelque chose de déconcertant. Il semble bien que Jean Cassou trouve ici sa forme la p
101 . Son espagnolisme et son germanisme révèlent ici d’ heureuses complicités sentimentales. Ce qui gêne pourtant, en plusieur
102 droits, c’est un certain tour désinvolte, le coup de pouce voltairien, l’élégance trop rapide. Il n’est pas bon qu’un cont
103 onie vis-à-vis de ses personnages ; car il risque de les priver par là de cette autorité mystique, absolue et naïve où gît
104 personnages ; car il risque de les priver par là de cette autorité mystique, absolue et naïve où gît leur profonde raison
105 que, absolue et naïve où gît leur profonde raison d’ être. C’est pourquoi les meilleurs contes du volume sont ceux dont la
106 arah, Monsieur Hoog, qui atteignent à une qualité d’ émotion vraiment pure et insistante. Mais le mérite original et import
107 insistante. Mais le mérite original et important d’ un tel livre me paraît résider avant tout dans l’ordre des faits qu’il
108 urs de ces brèves imaginations, avec une bonhomie d’ autant plus touchante qu’elle figure, je pense, pour l’auteur, une sor
109 u’elle figure, je pense, pour l’auteur, une sorte de consolation un peu forcée que le cœur s’accorde en dépit de tout, tan
110 s que le monde lui propose. b. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Jean Cassou, Sarah  », La Nouvelle Revue française,
3 1932, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Les Signes parmi nous, par C. F. Ramuz (janvier 1932)
111 est remarquable que ceux dont la fonction serait d’ exprimer notre civilisation, en un temps où elle se trouve brutalement
112 uestion, posent eux-mêmes si peu de questions, ou de si minimes. Je lis un article récent de Ramuz (sur le Travail), qui d
113 tions, ou de si minimes. Je lis un article récent de Ramuz (sur le Travail), qui débute ainsi « Pourquoi est-ce qu’on trav
114 ristianisme, qui se trouve être le dilemme urgent de l’heure. Et je m’inquiète ; non pas de ces questions ni de la prise d
115 mme urgent de l’heure. Et je m’inquiète ; non pas de ces questions ni de la prise de parti (antimarxiste) qu’elles détermi
116 e. Et je m’inquiète ; non pas de ces questions ni de la prise de parti (antimarxiste) qu’elles déterminent chez Ramuz, mai
117 nquiète ; non pas de ces questions ni de la prise de parti (antimarxiste) qu’elles déterminent chez Ramuz, mais bien au co
118 me semble entendre pour la première fois la voix d’ un de nos aînés, interrogeant notre destin, lui poser en face des ques
119 emble entendre pour la première fois la voix d’un de nos aînés, interrogeant notre destin, lui poser en face des questions
120 ant notre destin, lui poser en face des questions d’ une accablante simplicité. Me tromperais-je ? Ai-je mal su lire tant d
121 ais sur le monde actuel et futur ? Est-ce le fait d’ une disposition trop romantique que d’avoir cru distinguer dans ces œu
122 -ce le fait d’une disposition trop romantique que d’ avoir cru distinguer dans ces œuvres je ne sais quelle complaisance qu
123 e sais quelle complaisance qui les faisait éviter d’ instinct tout point de vue pratiquement bouleversant ? D’autre part, n
124 uleversant ? D’autre part, n’est-ce point le fait d’ un certain manque de tact intellectuel que de poser des questions si r
125 part, n’est-ce point le fait d’un certain manque de tact intellectuel que de poser des questions si rudimentaires, si peu
126 fait d’un certain manque de tact intellectuel que de poser des questions si rudimentaires, si peu élaborées, des questions
127 mporte qui pourrait poser et qui ne peuvent tirer de nous rien d’exquis ni d’original, mais au contraire nous plongent dan
128 urrait poser et qui ne peuvent tirer de nous rien d’ exquis ni d’original, mais au contraire nous plongent dans l’humiliati
129 et qui ne peuvent tirer de nous rien d’exquis ni d’ original, mais au contraire nous plongent dans l’humiliation, dans l’e
130 cesse s’efforcer, ne connaissant que peu de repos de son adolescence à sa mort. »3 Je cherche : je ne trouve aucun écriva
131 e trouve aucun écrivain plus naturellement libéré de l’idéologie bourgeoise, que Ramuz. Sa conception tragique du sort de
132 geoise, que Ramuz. Sa conception tragique du sort de l’homme suffirait à l’attester. Mais plus sûrement encore son accepta
133 ais plus sûrement encore son acceptation profonde d’ aujourd’hui. Aujourd’hui, c’est le titre du journal grâce auquel chaqu
134 reprend le dialogue avec son public et l’époque, de ce ton viril et simple qui est à lui, nullement irrité (comme un Bloy
135 jacobin (comme les marxistes), ni victime ni juge d’ une bourgeoisie à laquelle il échappe entièrement et de toute façon, n
136 bourgeoisie à laquelle il échappe entièrement et de toute façon, n’étant pas même révolutionnaire, parce que trop radical
137 s l’élémentaire ; élaborant son œuvre à un niveau d’ où bourgeoisie et révolution apparaissent comme des localisations de s
138 t révolution apparaissent comme des localisations de surfaces et temporaires. (Les animaux et les arbres ne sont pas révol
139 nnaires.) Et ce n’est pas qu’il ait jamais craint de tirer sur ces racines, fortement : mais il a vu qu’elles tenaient bon
140 vu qu’elles tenaient bon, qu’elles tenaient trop de terre embrassée et par elle tout un pays et son peuple ; car « c’est
141 t un pays et son peuple ; car « c’est ici le pays de la solidité, parce que c’est le pays des ressemblances. Regarde, tout
142 y tient ensemble fortement, comme dans le tableau d’ un grand peintre ». Ah ! la grandeur de ce peuple ramuzien, qui se meu
143 le tableau d’un grand peintre ». Ah ! la grandeur de ce peuple ramuzien, qui se meut dans je ne sais quelle lourdeur « ori
144 a, non sans comique, loué « cet artiste raffiné » d’ avoir su « se ravaler au niveau des simples. » Non, Ramuz ne descend p
145 de plus bas, des origines, des éléments créateurs de sa race. Il a cette même lenteur imposée par la nature, ce même besoi
146 ême lenteur imposée par la nature, ce même besoin de précision utile. Ce n’est pas un art d’après le peuple4, mais on dira
147 art d’après le peuple4, mais on dirait presque : d’ avant. Il n’est pas jusqu’à son Antiquité qui ne coïncide avec celle d
148 son Antiquité qui ne coïncide avec celle du pays de Vaud : non pas la grecque, qui est scolaire — pour eux — mais la bibl
149 ivent sur le papier ou dans la terre. Un tel sens de la communauté put induire certains à parler de l’unanimisme de Ramuz.
150 ns de la communauté put induire certains à parler de l’unanimisme de Ramuz. Mais comment Ramuz croirait-il à l’être collec
151 uté put induire certains à parler de l’unanimisme de Ramuz. Mais comment Ramuz croirait-il à l’être collectif, être sans r
152 cérébral. « Je ne distingue l’être qu’aux racines de l’élémentaire », écrivait-il dans ses Six Cahiers. Parlons plutôt de
153 écrivait-il dans ses Six Cahiers. Parlons plutôt de son « communisme », nullement collectiviste d’ailleurs, mais originel
154 joie, ce point commun, « ce point qui est au-delà de la vie ». Le communisme qui règne au jugement dernier et qui régnait
155 rd rajeuni, ces gestes rudimentaires, cette odeur de bois fraîchement coupé que dégagent certaines œuvres récentes des écr
156 dégagent certaines œuvres récentes des écrivains de l’URSS, je ne les retrouve que chez Ramuz. Mais purifiés de toute bru
157 je ne les retrouve que chez Ramuz. Mais purifiés de toute brutalité, de ces traits forcenés, de ces ricanements d’intelle
158 que chez Ramuz. Mais purifiés de toute brutalité, de ces traits forcenés, de ces ricanements d’intellectuels mal guéris. C
159 ifiés de toute brutalité, de ces traits forcenés, de ces ricanements d’intellectuels mal guéris. Certes Ramuz attend beauc
160 alité, de ces traits forcenés, de ces ricanements d’ intellectuels mal guéris. Certes Ramuz attend beaucoup du peuple russe
161 is. Certes Ramuz attend beaucoup du peuple russe, de « cette immense et secrète réserve d’innocence » d’où peut-être un jo
162 uple russe, de « cette immense et secrète réserve d’ innocence » d’où peut-être un jour sortira le peuple-poète, « le peupl
163 « cette immense et secrète réserve d’innocence » d’ où peut-être un jour sortira le peuple-poète, « le peuple tous en un »
164 ple tous en un ». Mais son œuvre est bien au-delà de l’ère machiniste que traverse l’URSS, au-delà de l’insolence et de la
165 de l’ère machiniste que traverse l’URSS, au-delà de l’insolence et de la révolte ; et ce trait profond de son art m’en co
166 te que traverse l’URSS, au-delà de l’insolence et de la révolte ; et ce trait profond de son art m’en convainc : le sens d
167 ’insolence et de la révolte ; et ce trait profond de son art m’en convainc : le sens de la vénération, qui est aussi celui
168 trait profond de son art m’en convainc : le sens de la vénération, qui est aussi celui de la lenteur des choses. Cet art,
169 c : le sens de la vénération, qui est aussi celui de la lenteur des choses. Cet art, le sujet des Signes parmi nous, par s
170 même, le met en valeur mieux que tout autre récit de Ramuz. Voici Caille, le colporteur biblique, qui s’avance dès le mati
171 pays, et offre à tous la Parole, « ayant l’aspect d’ une brochure à couverture bleue », où les événements actuels — cela se
172 où les événements actuels — cela se passe un jour d’ été de 1918 — sont expliqués à la lumière des Écritures. La Fin des Te
173 événements actuels — cela se passe un jour d’été de 1918 — sont expliqués à la lumière des Écritures. La Fin des Temps es
174 la journée, et l’angoisse autour de lui grandit. De partout l’orage s’amasse. Vers le soir, il éclate tragiquement. Est-c
175 éclate tragiquement. Est-ce la fin ? Grande heure de terreur et de prière. Puis, « la page du ciel a été tournée », ils se
176 ement. Est-ce la fin ? Grande heure de terreur et de prière. Puis, « la page du ciel a été tournée », ils se relèvent : « 
177 Le monde renaît dans une soirée pure et le baiser d’ un couple heureux. Rarement la forme authentique de Ramuz atteignit un
178 ’un couple heureux. Rarement la forme authentique de Ramuz atteignit une autorité comparable à celle qui éclate dans cet o
179 end les choses à l’état naissant, rugueux, décapé de toute rhétorique5 et de toute explication intellectuelle, atteignant
180 naissant, rugueux, décapé de toute rhétorique5 et de toute explication intellectuelle, atteignant par la une unité de styl
181 ation intellectuelle, atteignant par la une unité de style tellement têtue qu’elle évoque peu à peu on ne sait quelle puis
182 resque, ni dans l’ingéniosité, ni dans l’harmonie de sons, mais bien dans la pesée. Tous les procédés ramuziens, juxtaposi
183 terférences du récit, surimpressions, changements de temps au cours d’une phrase, sont ici largement mis en œuvre mais tou
184 it, surimpressions, changements de temps au cours d’ une phrase, sont ici largement mis en œuvre mais toujours avec une pro
185 our Ramuz ce qu’elle fut pour d’autres : un moyen de créer du mystère en brouillant les plans ; mais un moyen de rendre pl
186 u mystère en brouillant les plans ; mais un moyen de rendre plus totale la vision. Tout, par ailleurs, indique chez Ramuz
187 Tout, par ailleurs, indique chez Ramuz la volonté de ne pas faire prendre une chose pour une autre, ni certain aspect usue
188 une chose pour une autre, ni certain aspect usuel de la chose pour toute la chose. C’est pourquoi il s’attarde à décrire l
189 C’est pourquoi il s’attarde à décrire le concret d’ une façon concrète : ainsi, le maniement d’un outil. D’où le reproche
190 oncret d’une façon concrète : ainsi, le maniement d’ un outil. D’où le reproche de puérilité que lui adressent ceux qui, pa
191 façon concrète : ainsi, le maniement d’un outil. D’ où le reproche de puérilité que lui adressent ceux qui, par exemple, n
192 ainsi, le maniement d’un outil. D’où le reproche de puérilité que lui adressent ceux qui, par exemple, n’hésitent pas à p
193 rêté à l’insolite du style chez Ramuz. Ce qu’il a d’ insolite, ce n’est pas tant sa forme que les vertus qu’elle suppose :
194 lle suppose : la sobriété, la solidité, le manque d’ ironie, la bonhomie sérieuse, l’absence de toute complaisance à soi. C
195 manque d’ironie, la bonhomie sérieuse, l’absence de toute complaisance à soi. Certes, j’en vois les défauts, le poncif ;
196 és. Mais l’important, je pense, c’est qu’une page de Ramuz — même pas très réussie, et il y en a qui ont un air raté, un a
197 et il y en a qui ont un air raté, un air pastiche de Ramuz —, c’est qu’une seule page de ce livre lue avec cette lenteur q
198 air pastiche de Ramuz —, c’est qu’une seule page de ce livre lue avec cette lenteur qu’elle impose, nous replace dans la
199 ire maintenant l’actualité tout à fait singulière d’ un tel livre. Il y a des sujets éternels, ou mieux, perpétuels — sujet
200 es sujets éternels, ou mieux, perpétuels — sujets d’ étonnement perpétuel — et la Fin du Monde est l’un d’eux. Un vrai myth
201 tonnement perpétuel — et la Fin du Monde est l’un d’ eux. Un vrai mythe, c’est-à-dire un événement perpétuellement possible
202 arquent » dans l’Histoire sont celles où la forme d’ un mythe affleure, s’incarne et devient visible. Ce sont les périodes
203 ’incarne et devient visible. Ce sont les périodes de crise. Or toute crise est un jugement6, — un « arrêt dans une forme »
204 êt absolu, suprême : le Jugement dernier. Le sens de l’actuelle crise apparaît ainsi manifeste : un jugement sur tous les
205 Ramuz les pose, et que précisément c’est l’esprit de ces Signes. Aussi serait-il bien insuffisant de dire d’une telle œuvr
206 t de ces Signes. Aussi serait-il bien insuffisant de dire d’une telle œuvre, datée de 1919 et reparue en un temps de crise
207 Signes. Aussi serait-il bien insuffisant de dire d’ une telle œuvre, datée de 1919 et reparue en un temps de crise, qu’ell
208 bien insuffisant de dire d’une telle œuvre, datée de 1919 et reparue en un temps de crise, qu’elle en revêt une actualité
209 telle œuvre, datée de 1919 et reparue en un temps de crise, qu’elle en revêt une actualité accidentelle : c’est en quelque
210 une actualité7 et une réalité véritables du fait de la crise. Mais cet affleurement mystérieux de la forme mythique, le p
211 ait de la crise. Mais cet affleurement mystérieux de la forme mythique, le poète en tout temps a le pouvoir de le susciter
212 rme mythique, le poète en tout temps a le pouvoir de le susciter dans son œuvre, comme le mystique dans sa prière. Et c’es
213 s sa vision, cet homme sera toujours en puissance d’ aujourd’hui, enraciné profondément dans une permanente actualité. 3.
214 e vision des choses en apprend plus sur le compte de la bourgeoisie que sur le peuple qu’elle prétend « observer ». 5. De
215 e sur le peuple qu’elle prétend « observer ». 5. De tout bel canto, peut-on dire. C’est le ton de la musique de Stravinsk
216 5. De tout bel canto, peut-on dire. C’est le ton de la musique de Stravinsky, du Sacre et des Noces. Le ton de la créatio
217 l canto, peut-on dire. C’est le ton de la musique de Stravinsky, du Sacre et des Noces. Le ton de la création du monde. 6
218 ique de Stravinsky, du Sacre et des Noces. Le ton de la création du monde. 6. S’il est vrai, comme l’a montré M. Spaïer,
219 r, que toute pensée est judicatoire, le fait même de penser devient fauteur de crise. Informer le réel, c’est en quelque s
220 dicatoire, le fait même de penser devient fauteur de crise. Informer le réel, c’est en quelque sorte le mettre en état de
221 le réel, c’est en quelque sorte le mettre en état de crise ; et il n’y a de réalité que par et dans la crise… 7. On pourr
222 ue sorte le mettre en état de crise ; et il n’y a de réalité que par et dans la crise… 7. On pourrait soutenir que l’époq
223 1900-1910 fut « inactuelle » pour la grande masse de ceux qui la vécurent. c. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] C. F.
224 sse de ceux qui la vécurent. c. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] C. F. Ramuz, Les Signes parmi nous  », La Nouvelle
4 1932, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Le silence de Goethe (mars 1932)
225 Le silence de Goethe (mars 1932)d « L’homme, dit Goethe, ne reconnaît et n’appré
226 t et n’apprécie que ce qu’il est lui-même en état de faire. » Telle est la cause du malentendu que soulèvera toujours à no
227 ntendu que soulèvera toujours à nouveau l’exemple de cette vie. Ceux qui traitent Goethe de bourgeois ne prouvent rien de
228 l’exemple de cette vie. Ceux qui traitent Goethe de bourgeois ne prouvent rien de plus que leur propre rationalisme, sans
229 a domination des mystères. Ainsi se réclament-ils de Rimbaud. Peut-être la confrontation du Sage et du Fou — d’un fou qui
230 d. Peut-être la confrontation du Sage et du Fou — d’ un fou qui reste notre intime tentation — permettra-t-elle, par la viv
231 e tait. Goethe, initié dans sa jeunesse, commence d’ écrire vers ce temps, mais, la fièvre tombée, poursuivra durant toute
232 ient superposables, ce qui n’est pas même le cas. De ce point de vue littéraire, la confrontation serait absurde, j’en con
233 imbaud ne fut jamais un écrivain, ni ne se soucia de l’être. Et Goethe ne fut qu’entre autres choses un écrivain, et se so
234 qu’entre autres choses un écrivain, et se soucia de l’être dans la mesure seulement où il portait en tous les domaines de
235 sure seulement où il portait en tous les domaines de son activité une application volontaire et soutenue. Ce n’est donc pa
236 t soutenue. Ce n’est donc pas l’aspect littéraire de leur expérience qui doit conditionner notre vision. Non point qu’il s
237 u’il soit un seul instant négligeable, s’agissant de deux êtres que l’on connaît par leurs écrits d’abord. Mais, pour en t
238 d. Mais, pour en tenir un juste compte, il s’agit de le subordonner au problème personnel de ces vies, à leur équation d’e
239 il s’agit de le subordonner au problème personnel de ces vies, à leur équation d’existence, pourrait-on dire. Or c’est, ch
240 u problème personnel de ces vies, à leur équation d’ existence, pourrait-on dire. Or c’est, chez l’un comme chez l’autre, u
241 l’un comme chez l’autre, une révolution profonde de l’esprit dont procèdent à la fois le refus de la magie et le goût pas
242 nde de l’esprit dont procèdent à la fois le refus de la magie et le goût passionné de l’effort immédiat. Qu’un fait de cet
243 la fois le refus de la magie et le goût passionné de l’effort immédiat. Qu’un fait de cet ordre puisse être tenu pour cruc
244 e goût passionné de l’effort immédiat. Qu’un fait de cet ordre puisse être tenu pour crucial, je veux croire qu’on ne le c
245 e qu’on voudrait dire maintenant, ce qui ne cesse de provoquer dans notre esprit l’étonnement du premier regard, c’est la
246 étonnement du premier regard, c’est la similitude de forme, c’est-dire la similitude essentielle, hors du temps, qui paraî
247 ces deux expériences, à mesure qu’on les abstrait de toute la littérature dont elles enveloppèrent leurs manifestations, —
248 anifestations, — à quoi l’on ne s’est point privé d’ ajouter quelques tomes depuis. Il convient de marquer toutefois qu’une
249 rivé d’ajouter quelques tomes depuis. Il convient de marquer toutefois qu’une pareille assimilation eût exaspéré Goethe au
250 une analogie universelle des réactions profondes de l’âme devant son destin m’autorise à cette confrontation et me persua
251 n m’autorise à cette confrontation et me persuade de son intérêt humain. Et si tout cela reste absurde aux yeux de ceux po
252 m’en étonnerai point. Il s’agit simplement, ici, de rendre plus concrète, grâce au recoupement de deux vies qui l’ont réa
253 ci, de rendre plus concrète, grâce au recoupement de deux vies qui l’ont réalisée selon des voies totalement divergentes,
254 rdan, l’on en trouve dans toutes ses œuvres assez de signes irrévocables pour n’avoir plus besoin de solliciter les biogra
255 z de signes irrévocables pour n’avoir plus besoin de solliciter les biographes. On a souvent rappelé l’amitié du jeune bou
256 On a souvent rappelé l’amitié du jeune bourgeois de Francfort et de la sage et très fervente Mlle de Klettenberg. Mais bi
257 ppelé l’amitié du jeune bourgeois de Francfort et de la sage et très fervente Mlle de Klettenberg. Mais bien plus que dans
258 une spiritualité facilement épurée, le mysticisme de celui qui, tout enfant, édifiait un autel à la Nature, trouvait son a
259 ose-croix, et qui le porta même à quelques essais d’ alchimie. Coquetteries, a-t-on dit, — mais il n’est point de sentiment
260 . Coquetteries, a-t-on dit, — mais il n’est point de sentiments intermédiaires qui ne conduisent réellement vers une pléni
261 nt vers une plénitude, pour un esprit comme celui de Goethe. « On a peur que son feu ne le consume », écrit un de ses amis
262 « On a peur que son feu ne le consume », écrit un de ses amis, vers ce temps. « Goethe vit sur un perpétuel pied de guerre
263 vers ce temps. « Goethe vit sur un perpétuel pied de guerre et de révolte psychique ». Et lui-même gémit, avec une sombre
264 . « Goethe vit sur un perpétuel pied de guerre et de révolte psychique ». Et lui-même gémit, avec une sombre joie : « Sort
265 oie : « Sort misérable, qui ne me permet rien que d’ extrême ». Jacob Boehme, Paracelse, Swedenborg, lectures de son adoles
266  ». Jacob Boehme, Paracelse, Swedenborg, lectures de son adolescence, figurent bel et bien dans son évolution une de ces c
267 ence, figurent bel et bien dans son évolution une de ces crises où l’être spirituel découvre sa forme véritable. Et si, co
268 malement se traduire que par une qualité nouvelle de silence. Encore faut-il que le destin favorise concrètement cette ass
269 » l’a-t-il provoquée chez Goethe ? Il est un fait de sa jeunesse dont on ne saurait exagérer l’importance à la fois histor
270 historique et symbolique : les premiers contacts de Goethe avec le mysticisme précédèrent de très peu une grave maladie,
271 contacts de Goethe avec le mysticisme précédèrent de très peu une grave maladie, dont il ne fut sauvé que par l’interventi
272 adie, dont il ne fut sauvé que par l’intervention d’ un médecin « alchimiste ». Retenons ceci : au seuil de l’initiation, c
273 médecin « alchimiste ». Retenons ceci : au seuil de l’initiation, chez Goethe, il n’y a pas une révolte, il y a un péril
274 puissamment dans son âme » qu’il appelle les arts d’ une magie maîtrisée, c’est-à-dire incarnée. La question se pose pour l
275 d, en termes matériels, urgents et contraignants. De là le sérieux avec lequel il accepte les conditions de l’initiation :
276 le sérieux avec lequel il accepte les conditions de l’initiation : et d’abord la plus difficile, le silence. Ainsi, les p
277 es premières séductions du dépaysement spirituel, de la connaissance ésotérique dans ce qu’elle peut avoir de purement « é
278 onnaissance ésotérique dans ce qu’elle peut avoir de purement « étrange » ont à peine enfiévré le jeune Goethe, que déjà l
279 a faiblesse du corps le ramène à l’aspect concret de notre condition. Et c’est seulement en passant par une application ma
280 qui figure en raccourci tout le drame dialectique de sa vie. Mais cette maladie, et la convalescence, ont éveillé dans son
281 les premières tentations créatrices. À l’origine de son œuvre, voici donc le fait de la magie domptée ; conçue sous de te
282 ces. À l’origine de son œuvre, voici donc le fait de la magie domptée ; conçue sous de tels auspices, c’est tout naturelle
283 ci donc le fait de la magie domptée ; conçue sous de tels auspices, c’est tout naturellement que la littérature prendra pl
284 ittérature prendra plus tard chez Goethe l’allure d’ une discipline de l’âme. Un exercice, une activité organique à objecti
285 a plus tard chez Goethe l’allure d’une discipline de l’âme. Un exercice, une activité organique à objectifs limités et con
286 Un instrument et un style. Dès ce moment le choix de Goethe a trouvé sa forme. Il lui faudra maintenant le renouveler perp
287 ment fécond. Car un tel silence n’est pas absence de mots. C’est encore chez Goethe une activité réelle, et même à double
288 de plus agissant, dans une œuvre marquée du signe de la maturité, que cette présence rayonnante dont on devine chaque phra
289 is rien ne la trahirait mieux que la retenue même de l’expression. C’est pourquoi je l’éprouve plus vivement dans certains
290 t dans certains passages des Affinités électives, d’ une apparente platitude, mais translucide, que dans le Conte du Serpen
291 s seule à le sauvegarder. Il y faudra le dressage de la souffrance. L’excès verbal de Werther couvre d’abord la voix intér
292 udra le dressage de la souffrance. L’excès verbal de Werther couvre d’abord la voix intérieure, la renie même bruyamment.
293 ieure, la renie même bruyamment. C’est là le fait d’ une âme qui se refuse encore à la souffrance et la crie sur la place.
294 a souffrance et la crie sur la place. Un peu plus de souffrance, plus intimement ancrée, et voici l’autre danger : la déle
295 e, l’obscurité glaciale des Mystères. Un peu plus d’ humilité, c’est-à-dire le réel désir d’être « utile », et c’est le jus
296 n peu plus d’humilité, c’est-à-dire le réel désir d’ être « utile », et c’est le juste point : les Affinités. D’ailleurs, l
297 ’alternance des trois états, visible tout au long de l’œuvre, prouve que la question se pose sans cesse à nouveau et que s
298 revient, l’agonie se poursuit. Seulement l’effort d’ équilibre crée des énergies nouvelles. Le silence mûrit à la faveur du
299 insi que la magie reniée extérieurement au profit d’ une expression « utile », renaît comme libérée intérieurement au « jou
300 âme parvient à cette « connaissance », à cet acte de fécondation spirituelle par où l’homme pénètre dans la réalité mystiq
301 peut se produire que dans le plus profond silence de l’esprit, dans la région où seul accède celui qui sait préserver sa p
302 ent pur, mais aussi l’être sombre dans le mystère de la fureur ». Cette complexe dialectique de la magie, Goethe lui-même
303 ystère de la fureur ». Cette complexe dialectique de la magie, Goethe lui-même l’a stylisée en symboles concrets dans le F
304 concrets dans le Faust, œuvre longue comme sa vie de créateur exactement, et à tel point autobiographique qu’il put songer
305 iographique qu’il put songer à incorporer le plan de certains actes à Vérité et Poésie. Le drame s’ouvre sur un réveil : l
306 cice sans frein des arts occultes laisse l’esprit de Faust béant sur le vide : « Moi qui me suis cru plus grand que le Ché
307 le Chérubin… qui pensais en créant pouvoir jouir de la vie des dieux et m’y égaler… combien je dois expier tout cela ! »
308 is expier tout cela ! » Faust se reprend au seuil de la mort. Mais la vie ne lui sera plus qu’un profond renoncement ; mêm
309 ur Faust serait réel : la possession bienheureuse de l’instant. Et lorsque, épuisé mais pacifié, il va quitter son corps a
310 va quitter son corps aveugle pour d’autres formes d’ existence que la Nature se voit pour ainsi dire contrainte d’assigner
311 que la Nature se voit pour ainsi dire contrainte d’ assigner à l’homme actif 8, l’on découvre que c’est la magie encore qu
312 découvre que c’est la magie encore qui n’a cessé de l’entraver : Könnt ich Magie von meinem Pfad entfernen Die Zaüberspr
313 ein Mensch zu sein.9 C’est tout le drame secret de l’œuvre qui s’avoue dans ce cri : chaque fois que Goethe invoque la c
314 haque fois que Goethe invoque la catégorie sacrée de l’humain, comprenons qu’il y va de tout. Mais les anges enfin élèvent
315 tégorie sacrée de l’humain, comprenons qu’il y va de tout. Mais les anges enfin élèvent Faust au-dessus de cette agonie sy
316 out. Mais les anges enfin élèvent Faust au-dessus de cette agonie symbolique de toute son existence, et c’est leur chœur q
317 lèvent Faust au-dessus de cette agonie symbolique de toute son existence, et c’est leur chœur qui chante une dernière fois
318 ière fois la loi, au moment où il reçoit la grâce de lui échapper : « Wer immer strebend sich bemüht, — Den können wir erl
319 que Faust enfin rejoint dans la pleine possession de ses forces et l’assurance du regard. L’âme, purifiée de sa « vieille
320 forces et l’assurance du regard. L’âme, purifiée de sa « vieille dépouille » par l’effort aveuglant de la vie, pénètre da
321 e sa « vieille dépouille » par l’effort aveuglant de la vie, pénètre dans le Nouveau Jour et contemple l’Indescriptible. S
322 contemple l’Indescriptible. Si Faust est le drame d’ une formidable patience sans cesse remise en question, la Saison en en
323 mise en question, la Saison en enfer est le drame d’ une pureté avide, et son destin se joue d’un coup. La grandeur de Goet
324 e drame d’une pureté avide, et son destin se joue d’ un coup. La grandeur de Goethe est d’avoir su vieillir, celle de Rimba
325 ide, et son destin se joue d’un coup. La grandeur de Goethe est d’avoir su vieillir, celle de Rimbaud de s’y être refusé.
326 stin se joue d’un coup. La grandeur de Goethe est d’ avoir su vieillir, celle de Rimbaud de s’y être refusé. Transportez la
327 grandeur de Goethe est d’avoir su vieillir, celle de Rimbaud de s’y être refusé. Transportez la dialectique faustienne dan
328 Goethe est d’avoir su vieillir, celle de Rimbaud de s’y être refusé. Transportez la dialectique faustienne dans la vie d’
329 Transportez la dialectique faustienne dans la vie d’ un être jeune et libre encore de toute contrainte sociale, culturelle,
330 ienne dans la vie d’un être jeune et libre encore de toute contrainte sociale, culturelle, voire physiologique ; le dessin
331 onnée initiale est bien la même : c’est l’attrait d’ une vision qui transcende la vie médiocre. Rimbaud s’y lance avec l’em
332 ie médiocre. Rimbaud s’y lance avec l’emportement d’ une révolte qui traduit d’abord un excès féroce de vitalité plutôt qu’
333 d’une révolte qui traduit d’abord un excès féroce de vitalité plutôt qu’une souffrance matérielle, — et va d’un mouvement
334 lité plutôt qu’une souffrance matérielle, — et va d’ un mouvement rigoureusement logique jusqu’au système de sa folie. Mais
335 mouvement rigoureusement logique jusqu’au système de sa folie. Mais l’irruption de cette « magie » est si violente qu’elle
336 ue jusqu’au système de sa folie. Mais l’irruption de cette « magie » est si violente qu’elle a certainement angoissé l’enf
337 devins un opéra fabuleux. » Il a brûlé les étapes de l’initiation. Mais on ne déchaîne pas de telles puissances impunément
338 s étapes de l’initiation. Mais on ne déchaîne pas de telles puissances impunément. « Ma santé fut menacée. La terreur vena
339  Moi ! moi qui me suis dit mage ou ange, dispensé de toute morale, je suis rendu au sol, avec un devoir à chercher et la r
340 réalité rugueuse à étreindre. » C’est le cri même de Faust. « Il faut être absolument moderne. » Travailler. Se donner à l
341 r obsédé par ce travail. Ainsi cette vie est bien d’ un seul tenant ; une seule et unique expérience la remplit : l’envahis
342 et unique expérience la remplit : l’envahissement de la magie aboutissant au renoncement et à l’action. Le second Rimbaud
343 he-le et jette-le loin de toi ». Mais Rimbaud est d’ une autre trempe : il a déjà prouvé en écrivant les Illuminations qu’i
344 renoncement. Nous aurions combiné tout cela avec de la littérature. Car il n’est pas donné à beaucoup d’hommes de devenir
345 la littérature. Car il n’est pas donné à beaucoup d’ hommes de devenir un mythe à force de pureté dans la réalisation de le
346 ature. Car il n’est pas donné à beaucoup d’hommes de devenir un mythe à force de pureté dans la réalisation de leur destin
347 ir un mythe à force de pureté dans la réalisation de leur destin. Rimbaud est notre mythe occidental : mythe faustien. Il
348 nt comme Goethe les conditions réelles et données de son effort particulier. Ce renoncement à un Orient de mythe, c’est ce
349 on effort particulier. Ce renoncement à un Orient de mythe, c’est cela même qui constitue l’Occident spirituel. C’est le r
350 ui constitue l’Occident spirituel. C’est le refus de la magie qui fonde notre éthique, et ce dilemme est peut-être le plus
351 ’esprit occidental, dès qu’il atteint les régions de haute tension où la seule « orientation » qu’il adopte suffit à déter
352 tion » qu’il adopte suffit à déterminer une suite d’ actes. Dilemme, en son fond, religieux. C’est une forme dialectique, «
353 gieux. C’est une forme dialectique, « agonique », de la vie de l’âme, une forme cruciale, c’est-à-dire une de ces contradi
354 st une forme dialectique, « agonique », de la vie de l’âme, une forme cruciale, c’est-à-dire une de ces contradictions ess
355 ie de l’âme, une forme cruciale, c’est-à-dire une de ces contradictions essentielles, en signe de croix, qui sont la marqu
356 elles, en signe de croix, qui sont la marque même de la réalité dans une conscience occidentale. Supprimez l’un des termes
357 e mythe dialectique soit profondément constitutif de notre être, l’extension et la diversité de ses aspects le prouvent. C
358 itutif de notre être, l’extension et la diversité de ses aspects le prouvent. C’est l’opposition du savoir et du pouvoir,
359 vent. C’est l’opposition du savoir et du pouvoir, de la connaissance et de la souffrance, de la spéculation et de l’existe
360 on du savoir et du pouvoir, de la connaissance et de la souffrance, de la spéculation et de l’existence, de l’au-delà myst
361 pouvoir, de la connaissance et de la souffrance, de la spéculation et de l’existence, de l’au-delà mystique et de l’imméd
362 issance et de la souffrance, de la spéculation et de l’existence, de l’au-delà mystique et de l’immédiat éthique. Et quels
363 souffrance, de la spéculation et de l’existence, de l’au-delà mystique et de l’immédiat éthique. Et quels sont les plus g
364 ation et de l’existence, de l’au-delà mystique et de l’immédiat éthique. Et quels sont les plus grands Occidentaux ? Ceux
365 ise instinctive qui ressemble à la chute soudaine de l’ivresse devant le mortel danger qui se lève à un pas. Tous deux réa
366 deux réalisent le renoncement, le deuxième temps de cette dialectique, dans un mouvement que sa violence rend unique : c’
367 e rend unique : c’est qu’ils reviennent tous deux de loin, d’un long abandon à l’erreur. Goethe n’a pas connu de tels déch
368 ique : c’est qu’ils reviennent tous deux de loin, d’ un long abandon à l’erreur. Goethe n’a pas connu de tels déchirements.
369 ’un long abandon à l’erreur. Goethe n’a pas connu de tels déchirements. Et c’est lui qui méritera la phrase de la Saison :
370 déchirements. Et c’est lui qui méritera la phrase de la Saison : « Pas de partis de salut violents. » Dès les premiers ins
371 t lui qui méritera la phrase de la Saison : « Pas de partis de salut violents. » Dès les premiers instants de son accessio
372 méritera la phrase de la Saison : « Pas de partis de salut violents. » Dès les premiers instants de son accession au monde
373 is de salut violents. » Dès les premiers instants de son accession au monde spirituel, il s’est mis en état de défense et
374 ccession au monde spirituel, il s’est mis en état de défense et de lenteur. Il avance ainsi pas à pas, l’âme tendue dans u
375 nde spirituel, il s’est mis en état de défense et de lenteur. Il avance ainsi pas à pas, l’âme tendue dans une puissante c
376 s jamais s’abandonner aux bienheureuses violences de l’orage, au repos de la démesure. On rit de ses allures compassées, d
377 aux bienheureuses violences de l’orage, au repos de la démesure. On rit de ses allures compassées, des solennelles banali
378 ences de l’orage, au repos de la démesure. On rit de ses allures compassées, des solennelles banalités dont il gratifie le
379 oir dans ces façons que la distraction souveraine d’ une âme tout occupée à dompter ses dieux. Une haute menace, invisible
380 e à tout autre, l’accompagne sans trêve, et c’est d’ elle qu’il tire ses forces, toujours renouvelées. Mais il y faut une p
381 ment soutenue qu’elle informe peu à peu une sorte d’ instinct, libérant l’attention consciente. C’est ainsi que le voyant a
382 mystiques du Second Faust peut aussi faire figure de sage officiel parmi les philistins. Le somnambule est désormais proté
383 Le somnambule est désormais protégé par une cotte d’ invisible silence. Vous pouvez lui parler sans le troubler : les mots
384 du ministre renouvelle le vieux mythe germanique de la « Tarnkappe », du manteau qui rend invisible. ⁂ Cette similitude d
385 du manteau qui rend invisible. ⁂ Cette similitude de forme dans le cours de la magie chez Goethe et chez Rimbaud, et d’aut
386 isible. ⁂ Cette similitude de forme dans le cours de la magie chez Goethe et chez Rimbaud, et d’autre part le contraste ab
387 ons littéraires. « Bon esprit, prends garde ! Pas de partis de salut violents. Exerce-toi ». Objurgation que l’on croirait
388 aires. « Bon esprit, prends garde ! Pas de partis de salut violents. Exerce-toi ». Objurgation que l’on croirait tirée de
389 Exerce-toi ». Objurgation que l’on croirait tirée de quelque journal intime du Goethe des années ascétiques, à Weimar avan
390 es, à Weimar avant l’Italie. Et le passage fameux de la Saison : « moi qui me suis dit mage ou ange… » rappelle étrangemen
391 me suis cru plus grand que le Chérubin. » « Point de cantiques : tenir le pas gagné… la réalité rugueuse à étreindre ». Ce
392 eindre ». Certes, les sentences du vieil Olympien de la légende ont peu de consonance avec un tel pathétique, mais quel éc
393 n’eût-il pas éveillé dans l’âme du jeune ministre de 32 ans, adonné vers ce temps au plus dur effort d’organisation de son
394 e 32 ans, adonné vers ce temps au plus dur effort d’ organisation de son silence intérieur. Période de repliement et de ref
395 é vers ce temps au plus dur effort d’organisation de son silence intérieur. Période de repliement et de refus, si douloure
396 d’organisation de son silence intérieur. Période de repliement et de refus, si douloureuse que le signe en devient visibl
397 e son silence intérieur. Période de repliement et de refus, si douloureuse que le signe en devient visible sur ses traits.
398 evient visible sur ses traits. Je ne me lasse pas de méditer ce visage dont Klauer modela l’effigie passionnément triste e
399 he aux lèvres serrées, l’inférieure creusée comme d’ un sanglot retenu, et relâchée aux commissures, — tristesse et volupté
400 ommissures, — tristesse et volupté. Mais le front d’ une plénitude royale s’avance fortement contre la lumière, et les yeux
401 les yeux, entre cette bouche et ce front, disent d’ un sobre et méditant regard le mot suprême de la Saison, ce cri sourd
402 sent d’un sobre et méditant regard le mot suprême de la Saison, ce cri sourd du plus lucide héroïsme : « Et allons ! » Goe
403 . Il y a dans tout désespoir à la fois l’angoisse de la catastrophe et la secrète, l’inavouable joie de la libération. Imp
404 e la catastrophe et la secrète, l’inavouable joie de la libération. Impossible d’isoler ces deux composantes dans l’aventu
405 e, l’inavouable joie de la libération. Impossible d’ isoler ces deux composantes dans l’aventure rimbaldienne. Mais chez Go
406 emps qui les dénoncera. Et cette fameuse sérénité de sa vieillesse, ce n’est rien d’autre, peut-être, que le triomphe de l
407 fameuse sérénité de sa vieillesse, ce n’est rien d’ autre, peut-être, que le triomphe de l’élément libérateur du désespoir
408 ce n’est rien d’autre, peut-être, que le triomphe de l’élément libérateur du désespoir. La longue peine de celui « qui tou
409 ’élément libérateur du désespoir. La longue peine de celui « qui toujours s’est efforcé » a purifié le corps, et l’âme est
410 le corps, et l’âme est prête à recevoir « l’amour d’ en haut ». Car telle est le yoga occidental, dont le Second Faust rest
411 alors qu’elle propose à Goethe, comme un exercice de choix, l’écriture, — cela n’a rien que de logique, et résulte de la d
412 xercice de choix, l’écriture, — cela n’a rien que de logique, et résulte de la définition même d’un tel yoga. Tout savoir
413 iture, — cela n’a rien que de logique, et résulte de la définition même d’un tel yoga. Tout savoir doit être confirmé par
414 que de logique, et résulte de la définition même d’ un tel yoga. Tout savoir doit être confirmé par un faire, qui le tait
415 qui le tait et l’exprime à la fois. Le « faire » de Rimbaud ne peut être la littérature, puisque écrire signifie pour lui
416 peut considérer sans paradoxe que la littérature de Goethe est un des moyens de silence dont il dispose. Ni plus ni moins
417 xe que la littérature de Goethe est un des moyens de silence dont il dispose. Ni plus ni moins que l’étude des sciences na
418 ins que l’étude des sciences naturelles, la régie d’ un théâtre ou l’administration du Grand-Duché. « J’ai toujours considé
419 boliques, et, au fond, il m’est assez indifférent d’ avoir fait des pots ou des assiettes »10. Si tout de même il a peiné s
420 10. Si tout de même il a peiné sur la composition d’ Iphigénie ou des Ballades, c’est que l’art est pour lui la tentation l
421 que l’art est pour lui la tentation la plus aiguë de jouer avec les mystères, et par là même l’occasion de réaliser sans c
422 ouer avec les mystères, et par là même l’occasion de réaliser sans cesse à nouveau l’exigence dernière de la magie : son r
423 réaliser sans cesse à nouveau l’exigence dernière de la magie : son reniement au profit de l’action. Insistons sur ce term
424 ce dernière de la magie : son reniement au profit de l’action. Insistons sur ce terme de profit, qu’on ne saurait ici taxe
425 ent au profit de l’action. Insistons sur ce terme de profit, qu’on ne saurait ici taxer de vulgarité, puisqu’il concerne l
426 ur ce terme de profit, qu’on ne saurait ici taxer de vulgarité, puisqu’il concerne les fins les plus hautes de l’existence
427 rité, puisqu’il concerne les fins les plus hautes de l’existence terrestre. « Un fait de notre vie ne vaut pas en tant qu’
428 s plus hautes de l’existence terrestre. « Un fait de notre vie ne vaut pas en tant qu’il est vrai, mais en tant qu’il sign
429 t pourquoi l’on fait bien, dans la vie ordinaire, de garder ces choses-là pour soi et de n’en découvrir que juste ce qu’il
430 ie ordinaire, de garder ces choses-là pour soi et de n’en découvrir que juste ce qu’il faut pour qu’elles puissent être de
431 e juste ce qu’il faut pour qu’elles puissent être de quelque avantage aux autres11… L’homme n’est pas né pour résoudre le
432 1… L’homme n’est pas né pour résoudre le problème de l’univers, mais bien pour rechercher où tend ce problème, et ensuite
433 oblème, et ensuite se maintenir entre les limites de l’intelligible »12. L’on découvre ici la source de l’étrange refus de
434 e l’intelligible »12. L’on découvre ici la source de l’étrange refus de Goethe, dès qu’il s’agit de faire état des causes
435 2. L’on découvre ici la source de l’étrange refus de Goethe, dès qu’il s’agit de faire état des causes premières, des fins
436 ce de l’étrange refus de Goethe, dès qu’il s’agit de faire état des causes premières, des fins dernières, en tant que tell
437 remières, des fins dernières, en tant que telles. De là ce rationalisme agressif qu’il oppose aux dévots : « S’occuper d’i
438 me agressif qu’il oppose aux dévots : « S’occuper d’ idées relatives à l’immortalité, poursuivit Goethe, cela convient aux
439 e. Mais un homme supérieur, qui a déjà conscience d’ être quelque chose ici-bas, et qui par conséquent doit tous les jours
440 gir, laisse en paix le monde futur et se contente d’ être actif et utile en celui-ci »13. À quoi nous saurons opposer cette
441 r tout ce que nous ferons, comme la douce lumière d’ un soleil caché14. » Écrire, tout en se taisant. Et ceux-là seuls ente
442 confession éruptive : les Illuminations naissent d’ une telle rupture. Elles sont le champ même15 où Rimbaud se livre à l’
443 elle il se rabat sur le travail « à mains », rage de revanche, par son excès même est encore une évasion hors du réel. En
444 nce et leur faiblesse précipitent vers des portes de sortie souvent illusoires, vers un « au-delà » des conditions de vivr
445 nt illusoires, vers un « au-delà » des conditions de vivre. Mais notre époque voudra-t-elle encore de ces évasions ? Elle
446 de vivre. Mais notre époque voudra-t-elle encore de ces évasions ? Elle les reproche au christianisme, avec moins de rais
447  ? Elle les reproche au christianisme, avec moins de raison d’ailleurs (puisque le christianisme affirme que l’éternité es
448 anisme). Plus goethéenne aussi. Mais gardons-nous de tirer de ceci je ne sais quel critère de « jugement » qui permettrait
449 Plus goethéenne aussi. Mais gardons-nous de tirer de ceci je ne sais quel critère de « jugement » qui permettrait de place
450 ons-nous de tirer de ceci je ne sais quel critère de « jugement » qui permettrait de placer Goethe au-dessus de Rimbaud. C
451 sais quel critère de « jugement » qui permettrait de placer Goethe au-dessus de Rimbaud. C’est la pureté démesurée de Rimb
452 ment » qui permettrait de placer Goethe au-dessus de Rimbaud. C’est la pureté démesurée de Rimbaud qui nous juge, et la gr
453 e au-dessus de Rimbaud. C’est la pureté démesurée de Rimbaud qui nous juge, et la grandeur humaine de Goethe. Et qui voudr
454 de Rimbaud qui nous juge, et la grandeur humaine de Goethe. Et qui voudrait les opposer ? Que signifierait un choix dont
455 Certes, il est d’autres recours, d’autres points de vision qu’humains. La révélation chrétienne déborde notre condition,
456 en bonne dialectique autoriserait à des jugements de valeurs humaines. Mais il faudrait mettre en balance une longue fidél
457 choix, jusque dans nos admirations, nous pressent d’ affecter toute chose, même spirituelle, d’une sorte de coefficient d’u
458 ressent d’affecter toute chose, même spirituelle, d’ une sorte de coefficient d’utilité. En ce jour de février 1932, dans c
459 fecter toute chose, même spirituelle, d’une sorte de coefficient d’utilité. En ce jour de février 1932, dans ce Francfort
460 ose, même spirituelle, d’une sorte de coefficient d’ utilité. En ce jour de février 1932, dans ce Francfort en proie au Car
461 d’une sorte de coefficient d’utilité. En ce jour de février 1932, dans ce Francfort en proie au Carnaval et à l’angoisse,
462 , peut-être, pour cette bourgeoisie dont je viens d’ admirer les trésors patinés dans la haute demeure familiale des Goethe
463 e des Goethe. Aujourd’hui… Un immense glissement de la réalité hors des cadres d’une logique statique et cartésienne nous
464 immense glissement de la réalité hors des cadres d’ une logique statique et cartésienne nous porte en des régions nouvelle
465 t cartésienne nous porte en des régions nouvelles de l’esprit où l’action redevient notre seul critère de cohérence. C’est
466 l’esprit où l’action redevient notre seul critère de cohérence. C’est dire que nous demandons aux œuvres que nous aimons d
467 ire que nous demandons aux œuvres que nous aimons de témoigner d’une certaine force de révolte. Notre premier mouvement no
468 demandons aux œuvres que nous aimons de témoigner d’ une certaine force de révolte. Notre premier mouvement nous porterait
469 que nous aimons de témoigner d’une certaine force de révolte. Notre premier mouvement nous porterait vers Rimbaud, nous dé
470 ment nous porterait vers Rimbaud, nous détournant de Goethe. Mais prenons garde de tomber dans un conformisme à rebours, v
471 ud, nous détournant de Goethe. Mais prenons garde de tomber dans un conformisme à rebours, victimes de valeurs sentimental
472 de tomber dans un conformisme à rebours, victimes de valeurs sentimentales héritées des temps révolus, prenons garde de no
473 entales héritées des temps révolus, prenons garde de nous laisser convaincre par les seuls éclats d’un fanatisme à vrai di
474 e de nous laisser convaincre par les seuls éclats d’ un fanatisme à vrai dire splendide. (Qui me guérira de la honte de n’ê
475 fanatisme à vrai dire splendide. (Qui me guérira de la honte de n’être pas Rimbaud ?) Plus que jamais, il faudrait s’appl
476 vrai dire splendide. (Qui me guérira de la honte de n’être pas Rimbaud ?) Plus que jamais, il faudrait s’appliquer à dist
477 à distinguer dans ce vertige la réelle puissance d’ une voix volontairement assourdie. Le silence de Goethe n’est pas moin
478 e d’une voix volontairement assourdie. Le silence de Goethe n’est pas moins dangereux, pour qui sait l’entendre, que l’imp
479 reux, pour qui sait l’entendre, que l’imprécation de Rimbaud : et tous deux nous contraignent aux tâches immédiates, c’est
480 ches immédiates, c’est-à-dire : à l’actualisation de notre réalité. « Il faut être absolument moderne ». 8. Conversatio
481 évrier 1829. 9. Si je pouvais écarter la magie de mon chemin Oublier tout à fait les formules d’enchaînement Si j’étais
482 ie de mon chemin Oublier tout à fait les formules d’ enchaînement Si j’étais devant toi, ô nature un homme solitaire, Sans
483 solitaire, Sans doute vaudrait-il alors la peine d’ être un homme. 10. Conversations avec Eckermann, 2 mai 1824. 11.
484 15. Et non plus symbolique. d. Rougemont Denis de , « Le silence de Goethe », La Nouvelle Revue française, Paris, mars 1
485 symbolique. d. Rougemont Denis de, « Le silence de Goethe », La Nouvelle Revue française, Paris, mars 1932, p. 480-494.
5 1932, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Querelles de famille, par Georges Duhamel (mai 1932)
486 Querelles de famille, par Georges Duhamel (mai 1932)e L’ambiguïté, c’est du par
487 tradiction intérieure dont les deux termes, faute d’ être assumés sur le plan commun de la conscience où ils s’exalteraient
488 x termes, faute d’être assumés sur le plan commun de la conscience où ils s’exalteraient en s’opposant franchement, tirent
489 ne grande confusion. En ce sens, le dernier livre de M. Duhamel, consacré à la critique des aspects orduriers et bassement
490 que des aspects orduriers et bassement mécaniques de la vie moderne, illustre avec un talent qu’il n’est plus temps de dis
491 e, illustre avec un talent qu’il n’est plus temps de discuter, une position morale exemplairement ambiguë. Rien de plus lé
492 ement ambiguë. Rien de plus légitime que le désir d’ être entendu du grand public, et c’est pourquoi l’on ne voudrait pas r
493 rquoi l’on ne voudrait pas reprocher à M. Duhamel d’ avoir adopté pour cette fois un style conventionnel, ou plus exactemen
494 onnel, ou plus exactement une certaine rhétorique de l’indignation dont les figures servent en France indifféremment à des
495 insuffisance quand c’est un virtuose qui se mêle d’ en jouer. Mais sans doute le but serait-il atteint si M. Duhamel, visi
496 ne gêne grandissante que l’on poursuit la lecture de ces pages où maints paragraphes apportent entre deux tours repris des
497 ntre deux tours repris des meilleurs auteurs, une de ces approximations vulgaires qui « rendraient » mieux sous la rubriqu
498 us la rubrique Mon film 16. En d’autres passages, d’ une expression plus serrée, M. Duhamel cherche ce qu’on appelait jadis
499 uhamel cherche ce qu’on appelait jadis le morceau de bravoure, la page sur « les bruits de mon village » qui servira de mo
500 le morceau de bravoure, la page sur « les bruits de mon village » qui servira de modèle aux écoliers futurs. Mais lorsqu’
501 age sur « les bruits de mon village » qui servira de modèle aux écoliers futurs. Mais lorsqu’il stigmatise les méfaits des
502 x Princes des Prêtres) sont dépourvues du minimum de cynisme et de fantaisie qui enflammerait notre indignation. C’est que
503 Prêtres) sont dépourvues du minimum de cynisme et de fantaisie qui enflammerait notre indignation. C’est que l’expression
504 ndignation. C’est que l’expression traditionnelle de la mauvaise humeur gauloise, héritage d’un classicisme nettement pess
505 ionnelle de la mauvaise humeur gauloise, héritage d’ un classicisme nettement pessimiste, s’accorde mal avec l’impénitente
506 foi dans le genre humain que M. Duhamel ne cesse d’ entretenir17. Ce malaise dans l’expression traduit d’ailleurs une équi
507 sur le thème général du livre. Il est inquiétant de voir un esprit de cette qualité, et qui certes veut être honnête, se
508 ral du livre. Il est inquiétant de voir un esprit de cette qualité, et qui certes veut être honnête, se complaire expressé
509 e complaire expressément dans une hargne tempérée de badinage. C’est à la fois trop et trop peu. Car, ou bien M. Duhamel c
510 mécaniques, ce qui revient à faire le vain procès de la bêtise humaine. Ou bien sa réaction de dégoût est véritablement pr
511 procès de la bêtise humaine. Ou bien sa réaction de dégoût est véritablement profonde, mais alors elle implique la condam
512 rofonde, mais alors elle implique la condamnation d’ une conception du monde à la fois libérale et inconsciemment matériali
513 quoi récriminer sur quelques aspects superficiels d’ une civilisation dont on refuserait de dénoncer les principes ou plutô
514 uperficiels d’une civilisation dont on refuserait de dénoncer les principes ou plutôt la carence de principes directeurs d
515 it de dénoncer les principes ou plutôt la carence de principes directeurs dignes de ce nom ? Serait-ce que la mauvaise hum
516 plutôt la carence de principes directeurs dignes de ce nom ? Serait-ce que la mauvaise humeur du bourgeois dérangé agissa
517 on conformisme foncier ? Faut-il y voir une sorte de sublimation à rebours du sens de la révolte ? On serait en droit d’ex
518 y voir une sorte de sublimation à rebours du sens de la révolte ? On serait en droit d’exiger d’un critique de son temps q
519 ebours du sens de la révolte ? On serait en droit d’ exiger d’un critique de son temps qu’il déclare ce qu’il attend de l’h
520 sens de la révolte ? On serait en droit d’exiger d’ un critique de son temps qu’il déclare ce qu’il attend de l’homme. Apr
521 volte ? On serait en droit d’exiger d’un critique de son temps qu’il déclare ce qu’il attend de l’homme. Après quoi seulem
522 itique de son temps qu’il déclare ce qu’il attend de l’homme. Après quoi seulement l’on distinguerait l’ordre de grandeur
523 . Après quoi seulement l’on distinguerait l’ordre de grandeur du grief qu’il fait à ce temps. C’est ce qu’en vain l’on che
524 e qu’en vain l’on cherche au cours de cette suite de messages adressés aux Princes des Prêtres, à MM. les Députés, au chef
525 el n’ait joint à son recueil une épître au préfet de Police sur les Embarras de Paris. Sujet de pastiche facile : décrire
526 l une épître au préfet de Police sur les Embarras de Paris. Sujet de pastiche facile : décrire l’état d’esprit du Français
527 préfet de Police sur les Embarras de Paris. Sujet de pastiche facile : décrire l’état d’esprit du Français moyen qui brand
528 nçais moyen qui brandit son parapluie sous le nez de l’agent, invective les automobilistes, déclame au beau milieu de la c
529 s, le casque aux cheveux, tête farcie, oui farcie de musique, de musique, de musique, de cette abrutissante musique, parfo
530 aux cheveux, tête farcie, oui farcie de musique, de musique, de musique, de cette abrutissante musique, parfois coupée, D
531 , tête farcie, oui farcie de musique, de musique, de musique, de cette abrutissante musique, parfois coupée, Dieu merci, d
532 e, oui farcie de musique, de musique, de musique, de cette abrutissante musique, parfois coupée, Dieu merci, d’un monologu
533 abrutissante musique, parfois coupée, Dieu merci, d’ un monologue financier ou de hoquets publicitaires. “De la musique ava
534 s coupée, Dieu merci, d’un monologue financier ou de hoquets publicitaires. “De la musique avant toute chose…” Oh ! vous n
535 monologue financier ou de hoquets publicitaires. “ De la musique avant toute chose…” Oh ! vous ne diriez plus cela, Verlain
536 reil optimisme — sinon sur la crainte instinctive de choquer un public, qui ne supporte que la mesure, par l’affirmation d
537 qui ne supporte que la mesure, par l’affirmation de prévisions horribles, et cependant conformes à la nature des choses.
538 rmes à la nature des choses. e. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Georges Duhamel, Querelles de famille  », La Nouvel
539 s de, « [Compte rendu] Georges Duhamel, Querelles de famille  », La Nouvelle Revue française, Paris, mai 1932, p. 913-915.
6 1932, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Ce chien, ton serviteur, par Rudyard Kipling (juillet 1932)
540 lite et touchante, ni petit nègre, ni bêtifiante, d’ une grande force d’expression concrète. Le petit chien Botte raconte s
541 ni petit nègre, ni bêtifiante, d’une grande force d’ expression concrète. Le petit chien Botte raconte ses journées, « des
542  ». Dès la seconde page, c’est à pousser des cris de joie. Les enfants comprendront-ils ? Dans la mesure seulement où le p
543 endront-ils ? Dans la mesure seulement où le plan de dépoétisation de leur monde confié aux manuels primaires, rate. Lire
544 s la mesure seulement où le plan de dépoétisation de leur monde confié aux manuels primaires, rate. Lire à petites doses.
545 l’état sauvage — la vraie. f. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Rudyard Kipling, Ce chien, ton serviteur  », La Nou
7 1932, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Éloge de l’imprudence, par Marcel Jouhandeau (septembre 1932)
546 Éloge de l’imprudence, par Marcel Jouhandeau (septembre 1932)g Si dans tous
547 deau (septembre 1932)g Si dans tous les écrits de notre temps il est question de bien, de mal, de vice et de vertu, de
548 ns tous les écrits de notre temps il est question de bien, de mal, de vice et de vertu, de péché même, parfois, quels sont
549 es écrits de notre temps il est question de bien, de mal, de vice et de vertu, de péché même, parfois, quels sont les écri
550 s de notre temps il est question de bien, de mal, de vice et de vertu, de péché même, parfois, quels sont les écrivains ca
551 temps il est question de bien, de mal, de vice et de vertu, de péché même, parfois, quels sont les écrivains capables de d
552 st question de bien, de mal, de vice et de vertu, de péché même, parfois, quels sont les écrivains capables de déclarer le
553 même, parfois, quels sont les écrivains capables de déclarer leurs références, leurs poids et leurs mesures, enfin leur c
554 les limites du petit livre si justement paradoxal de Jouhandeau, — de cette espèce de « dialectique » formelle du bien et
555 tit livre si justement paradoxal de Jouhandeau, —  de cette espèce de « dialectique » formelle du bien et du mal qu’il publ
556 tement paradoxal de Jouhandeau, — de cette espèce de « dialectique » formelle du bien et du mal qu’il publie en marge de s
557 ce Dieu terrible. Et sa vertu est choix. L’absolu d’ un Nietzsche, c’est le Grand Midi ; et sa vertu : dépassement. Jouhand
558 marches extrêmes du bien et du mal où l’apologie de l’un équivaut presque à celle de l’autre. C’est là qu’éclate la viole
559 al où l’apologie de l’un équivaut presque à celle de l’autre. C’est là qu’éclate la violence des contraires. Pour tous ceu
560 e des contraires. Pour tous ceux qui ont l’audace de se maintenir dans une telle dialectique, il n’existe pas un choix pré
561 ix qui s’imposent avec une violence égale à celle de la tentation — c’est la même violence — dans chaque situation existen
562 situation existentielle. En sorte qu’il n’est pas de préférence définitive, c’est-à-dire facile, accordée au Bien par exem
563 au Bien par exemple, mais que dans chaque instant de l’existence le mal et le bien conservent toutes leurs chances d’être
564 le mal et le bien conservent toutes leurs chances d’ être préférés, et toutes leurs tentations. En sorte que l’apologie de
565 toutes leurs tentations. En sorte que l’apologie de l’un évoque la grandeur de l’autre, et peut-être le secret désir de l
566 n sorte que l’apologie de l’un évoque la grandeur de l’autre, et peut-être le secret désir de l’éveiller à la conscience.
567 grandeur de l’autre, et peut-être le secret désir de l’éveiller à la conscience. Le but de ce débat, celui de Kierkegaard,
568 ecret désir de l’éveiller à la conscience. Le but de ce débat, celui de Kierkegaard, celui de Nietzsche, celui présentemen
569 eiller à la conscience. Le but de ce débat, celui de Kierkegaard, celui de Nietzsche, celui présentement de Jouhandeau, c’
570 . Le but de ce débat, celui de Kierkegaard, celui de Nietzsche, celui présentement de Jouhandeau, c’est de transcender la
571 erkegaard, celui de Nietzsche, celui présentement de Jouhandeau, c’est de transcender la morale et ses canons donnés d’ava
572 ietzsche, celui présentement de Jouhandeau, c’est de transcender la morale et ses canons donnés d’avance. L’audace du « ch
573 est de transcender la morale et ses canons donnés d’ avance. L’audace du « choix » ou du « dépassement », cette vertu qui «
574 e avec une âme joyeuse. » Voilà bien le leitmotiv de l’œuvre entière de Jouhandeau. Et soudain il nous apparaît que cette
575 use. » Voilà bien le leitmotiv de l’œuvre entière de Jouhandeau. Et soudain il nous apparaît que cette œuvre est une illus
576 e cette œuvre est une illustration, non dépourvue de complaisance, du « pecca fortiter » de Luther. Pour qui n’aurait pas
577 dépourvue de complaisance, du « pecca fortiter » de Luther. Pour qui n’aurait pas lu d’autres ouvrages de Jouhandeau, les
578 uther. Pour qui n’aurait pas lu d’autres ouvrages de Jouhandeau, les aphorismes qui composent l’Éloge de l’imprudence para
579 Jouhandeau, les aphorismes qui composent l’Éloge de l’imprudence paraîtront plus abstraits qu’ils ne le méritent. C’est q
580 e le méritent. C’est qu’ils supposent l’existence d’ un bien et d’un mal concrets dont les Binche ou M. Godeau ou plus réce
581 . C’est qu’ils supposent l’existence d’un bien et d’ un mal concrets dont les Binche ou M. Godeau ou plus récemment les hér
582 s Binche ou M. Godeau ou plus récemment les héros de l’Amateur d’imprudence incarnèrent ailleurs toutes les complexités. I
583 . Godeau ou plus récemment les héros de l’Amateur d’ imprudence incarnèrent ailleurs toutes les complexités. Il s’agit, on
584 ’Église. Mais l’émouvante et ironique dialectique de Jouhandeau est-elle très catholique, ou même très chrétienne ? La dia
585 ne postule que bien et mal appartiennent au règne de la loi (de la morale). Et c’est la foi qui en libère, non pas cette «
586 que bien et mal appartiennent au règne de la loi ( de la morale). Et c’est la foi qui en libère, non pas cette « générosité
587 gories du bien et du mal : le péché. Le contraire d’ un péché, c’est-à-dire ce qui le supprime, ce n’est pas une vertu, mai
588 ertu, mais le pardon. La vertu comme le vice naît de la loi et s’y réfère. Mais le péché naît où meurt la foi, et meurt là
589 , Jouhandeau oppose le mal ; à celui-ci le Bien ; d’ où naissent le désir et la nécessité du Mal absolu ; sur quoi il reste
590 absolu ; sur quoi il reste béant. Mais la réalité de la foi est inverse. Elle fait voir le mal comme donnée immédiate ; pu
591 le débat se ramène sur cette page, à une question de vocabulaire. Une simple question de vocabulaire comme on dit, — lorsq
592 une question de vocabulaire. Une simple question de vocabulaire comme on dit, — lorsqu’on se soucie peu de savoir ce qu’o
593 peu de savoir ce qu’on dit. g. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Marcel Jouhandeau, Éloge de l’imprudence  », La Nou
594 nis de, « [Compte rendu] Marcel Jouhandeau, Éloge de l’imprudence  », La Nouvelle Revue française, Paris, septembre 1932,
8 1932, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Alexandre, par Klaus Mann (septembre 1932)
595 st pas pour l’amour du laurier, mais pour l’amour de son ami Clitus, poète abstrait à la mode de 1920, qu’Alexandre a conq
596 amour de son ami Clitus, poète abstrait à la mode de 1920, qu’Alexandre a conquis le monde. Le défaut de ce point de vue,
597 1920, qu’Alexandre a conquis le monde. Le défaut de ce point de vue, c’est qu’il n’étonnera personne, alors qu’Alexandre
598 e histoire avec beaucoup de grâces et des pointes d’ ironie anachroniques. Cela frise Salammbô plus que Laforgue d’ailleurs
599 rs, avec, en plus, du sentimentalisme. La préface de Cocteau joue sur les thèmes, inépuisables, du profil de plâtre, des b
600 teau joue sur les thèmes, inépuisables, du profil de plâtre, des boules de neige et du « dialecte du cœur ». h. Rougemo
601 es, inépuisables, du profil de plâtre, des boules de neige et du « dialecte du cœur ». h. Rougemont Denis de, « [Compte
602 et du « dialecte du cœur ». h. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Klaus Mann, Alexandre  », La Nouvelle Revue françai
9 1932, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Cahier de revendications [Présentation] (décembre 1932)
603 Cahier de revendications [Présentation] (décembre 1932)i Est-il possible de
604 Présentation] (décembre 1932)i Est-il possible de définir une cause commune de la jeunesse française, une communauté d’
605 i Est-il possible de définir une cause commune de la jeunesse française, une communauté d’attitude essentielle ? Il sem
606 commune de la jeunesse française, une communauté d’ attitude essentielle ? Il semble que la solidarité du péril crée en no
607 que n’ont su faire ni maîtres ni doctrines, unité de refus devant la consternante misère d’une époque où tout ce qu’un hom
608 nes, unité de refus devant la consternante misère d’ une époque où tout ce qu’un homme peut aimer et vouloir se trouve coup
609 qu’un homme peut aimer et vouloir se trouve coupé de son origine vivante, flétri, dénaturé, inverti, saboté. Des groupes t
610 prit, Plans, Réaction, par leur volonté proclamée de rupture, et plus encore par leurs revendications constructives, révèl
611 t-être, dans leur diversité, les premières lignes de force d’une nouvelle révolution française. Leur anticapitalisme n’est
612 ans leur diversité, les premières lignes de force d’ une nouvelle révolution française. Leur anticapitalisme n’est pas celu
613 n française. Leur anticapitalisme n’est pas celui de la Troisième Internationale. Toutefois, la doctrine marxiste, en deho
614 dehors de laquelle il s’est constitué, forme l’un de ses points de repère principaux. Il se peut qu’il y trouve quelques a
615 elle il s’est constitué, forme l’un de ses points de repère principaux. Il se peut qu’il y trouve quelques appuis occasion
616 trouve quelques appuis occasionnels ; et certains de leurs objectifs respectifs sont communs… Déjà s’affirme dans l’attitu
617 tifs sont communs… Déjà s’affirme dans l’attitude de tous ces groupes un véritable acte de présence à la misère du siècle,
618 l’attitude de tous ces groupes un véritable acte de présence à la misère du siècle, assez nouveau parmi les intellectuels
619 larations que l’on va lire. i. Rougemont Denis de , « Cahier de revendications », La Nouvelle Revue française, Paris, dé
620 l’on va lire. i. Rougemont Denis de, « Cahier de revendications », La Nouvelle Revue française, Paris, décembre 1932,
10 1932, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). À prendre ou à tuer (décembre 1932)
621 e ou à tuer (décembre 1932)j Nous avons choisi de vivre — telle est notre révolution — dans un monde qui nous préparait
622 e les « risques-vie », livrée aux basses rigueurs d’ un cadre policier. Que vivre soit un choix, une partialité violente, v
623 dans toute l’urgence du terme : actuelle. Il y va de la qualité même de notre vie ; de notre choix. Il y va de cette quali
624 e du terme : actuelle. Il y va de la qualité même de notre vie ; de notre choix. Il y va de cette qualité même d’impossibl
625 tuelle. Il y va de la qualité même de notre vie ; de notre choix. Il y va de cette qualité même d’impossible qui seule ren
626 alité même de notre vie ; de notre choix. Il y va de cette qualité même d’impossible qui seule rend la vie possible, c’est
627 e ; de notre choix. Il y va de cette qualité même d’ impossible qui seule rend la vie possible, c’est-à-dire grande. Devant
628 e grande. Devant les solutions qu’on nous propose d’ urgence, il est clair que toute impartialité serait hypocrisie, refus.
629 ypocrisie, refus. Qu’on trouve donc ici une prise de parti.   Nous sommes une génération comblée. Comblée de chances de gr
630 ti.   Nous sommes une génération comblée. Comblée de chances de grandeur, et comblée de risques mortels. Pour la jeunesse
631 sommes une génération comblée. Comblée de chances de grandeur, et comblée de risques mortels. Pour la jeunesse de 1932, le
632 mblée. Comblée de chances de grandeur, et comblée de risques mortels. Pour la jeunesse de 1932, le conflit de vivre, le pa
633 , et comblée de risques mortels. Pour la jeunesse de 1932, le conflit de vivre, le paradoxe fondamental de toute « existen
634 ues mortels. Pour la jeunesse de 1932, le conflit de vivre, le paradoxe fondamental de toute « existence » se concrétise d
635 932, le conflit de vivre, le paradoxe fondamental de toute « existence » se concrétise dans une « nécessité » révolutionna
636 dont l’ampleur est sans précédent. Ce n’est plus de conflits d’idées qu’il s’agit, ni même de conflits d’intérêts. Mais p
637 eur est sans précédent. Ce n’est plus de conflits d’ idées qu’il s’agit, ni même de conflits d’intérêts. Mais pour nous, en
638 st plus de conflits d’idées qu’il s’agit, ni même de conflits d’intérêts. Mais pour nous, entrés dans la vie sous le coup
639 onflits d’idées qu’il s’agit, ni même de conflits d’ intérêts. Mais pour nous, entrés dans la vie sous le coup d’une menace
640 . Mais pour nous, entrés dans la vie sous le coup d’ une menace de faillite planétaire, il ne peut s’agir de rien d’autre q
641 ous, entrés dans la vie sous le coup d’une menace de faillite planétaire, il ne peut s’agir de rien d’autre que de ceci :
642 menace de faillite planétaire, il ne peut s’agir de rien d’autre que de ceci : s’entendre sur le meilleur ou sur le seul
643 de faillite planétaire, il ne peut s’agir de rien d’ autre que de ceci : s’entendre sur le meilleur ou sur le seul moyen d’
644 planétaire, il ne peut s’agir de rien d’autre que de ceci : s’entendre sur le meilleur ou sur le seul moyen d’en réchapper
645 : s’entendre sur le meilleur ou sur le seul moyen d’ en réchapper, — l’imposer. Ce n’est plus pour quelque « idéal » que no
646 durer, puisque ça dure depuis si longtemps. Masse de sourds, de muets et d’aveugles, mais pas si sourds qu’ils ne s’irrite
647 que ça dure depuis si longtemps. Masse de sourds, de muets et d’aveugles, mais pas si sourds qu’ils ne s’irritent de nos c
648 depuis si longtemps. Masse de sourds, de muets et d’ aveugles, mais pas si sourds qu’ils ne s’irritent de nos cris. Il est
649 aveugles, mais pas si sourds qu’ils ne s’irritent de nos cris. Il est vrai que certains, au lendemain de la guerre, ont tr
650 nos cris. Il est vrai que certains, au lendemain de la guerre, ont trop souvent crié au loup, par goût des atmosphères tr
651 ues. Littérature et mauvais caractère. Il y avait de quoi vous fâcher, braves gens, vous n’aviez après tout rien de mieux
652 fâcher, braves gens, vous n’aviez après tout rien de mieux à faire. Et vous pensiez que la révolution, c’était une bande d
653 vous pensiez que la révolution, c’était une bande de méchants garçons. Puis vous avez pensé que c’étaient des gens dangere
654 vos maîtres. Bientôt vous chercherez des équipes de sauvetage.   Ici paraît le communisme, comme une constatation de la f
655 Ici paraît le communisme, comme une constatation de la faillite, une liquidation à un taux sous-humain. Voici le Plan, pr
656 cette « raison » déjà qui se trouvait à l’origine de tout le mal ?   Telles sont les composantes de notre situation. Nous
657 ne de tout le mal ?   Telles sont les composantes de notre situation. Nous sommes là : n’y pouvant plus tenir longtemps ;
658 ouvant plus tenir longtemps ; ne pouvant accepter de nous battre pour un « ordre » et des « idéaux » criminels. Il y a la
659 est plus un état d’esprit, ni un refus des tâches d’ homme. Henri Lefebvre l’a montré, je n’ajouterai rien à sa déclaration
660 sens le plus banal du terme, et aussi à son sens de « misère qui appelle ». Nous ne sommes pas des « bourgeois-dégoûtés »
661 on lui offre, il faudrait qu’elle le paie du prix de l’âme même. On nous donne à choisir entre un régime bourgeois odieux,
662 espérance, une utopie, qu’il nous est impossible d’ accepter avec le « bon cœur » que préconise Philippe Lamour, parce que
663 s qu’une réalisation épurée, tyrannique et privée de toute résistance interne, de cela justement que dans le désordre régn
664 tyrannique et privée de toute résistance interne, de cela justement que dans le désordre régnant, nous détestons de toute
665 ment que dans le désordre régnant, nous détestons de toute la force de notre âme : la primauté du matériel. Comment penser
666 ésordre régnant, nous détestons de toute la force de notre âme : la primauté du matériel. Comment penser — si « penser » e
667 l. Comment penser — si « penser » est inséparable d’ une action — entre une bourgeoisie déchue et un marxisme faux ? Il res
668 y a rien pour nous. Nous nous plaçons à l’origine de quelque chose d’autre, dont la réalité échappe encore à ceux qui réci
669 s. Nous nous plaçons à l’origine de quelque chose d’ autre, dont la réalité échappe encore à ceux qui récitent Marx : une «
670 iste, l’autre personnaliste ; la première en voie de réalisation en URSS, la seconde encore mal dégagée de sa période de g
671 éalisation en URSS, la seconde encore mal dégagée de sa période de gestation doctrinale. Tout le monde sait ce que signifi
672 URSS, la seconde encore mal dégagée de sa période de gestation doctrinale. Tout le monde sait ce que signifie politiquemen
673 à la lutte des classes, ce pragmatisme, cet acte de foi optimiste dans le cours « dialectique » de l’Histoire, qui caract
674 te de foi optimiste dans le cours « dialectique » de l’Histoire, qui caractérisent la position marxiste. Par contre, les b
675 es bases doctrinales exposées ici par des membres d’ Esprit, de Combat, de L’Ordre nouveau ou de Réaction, pour n’être pas
676 octrinales exposées ici par des membres d’Esprit, de Combat, de L’Ordre nouveau ou de Réaction, pour n’être pas entièremen
677 exposées ici par des membres d’Esprit, de Combat, de L’Ordre nouveau ou de Réaction, pour n’être pas entièrement originale
678 embres d’Esprit, de Combat, de L’Ordre nouveau ou de Réaction, pour n’être pas entièrement originales18, ne peuvent manque
679 pas entièrement originales18, ne peuvent manquer de déconcerter tous ceux qui n’imaginent de choix possible qu’entre un c
680 manquer de déconcerter tous ceux qui n’imaginent de choix possible qu’entre un capitalisme plus ou moins fascistisé, et l
681 isé). Les marxistes détiennent l’avantage certain de tabler sur une « utopie » partiellement traduite en faits. C’est même
682 traduite en faits. C’est même, à voir les choses de près, leur unique argument contre les révolutionnaires non marxistes.
683 les voir déjà préparer en sous-main des terrains d’ entente avec l’URSS. Nous ne pensons pas que la guerre soit, comme l’é
684 e en vain quelle idéologie les empêcherait encore de répondre aux invites de ces parents naguère inavouables, mais qui sou
685 ie les empêcherait encore de répondre aux invites de ces parents naguère inavouables, mais qui soudain font mine de « réus
686 s naguère inavouables, mais qui soudain font mine de « réussir ». N’est-ce donc plus, comme le marque Th. Maulnier, qu’un
687 plus, comme le marque Th. Maulnier, qu’un conflit d’ intérêts ? Et d’intérêts qui ne sont pas les nôtres, qui ne sont pas l
688 arque Th. Maulnier, qu’un conflit d’intérêts ? Et d’ intérêts qui ne sont pas les nôtres, qui ne sont pas les intérêts réel
689 as les nôtres, qui ne sont pas les intérêts réels d’ un être aux prises avec la condition humaine ? Ni pour le mensonge d’h
690 s avec la condition humaine ? Ni pour le mensonge d’ hier, ni pour celui de demain nous ne verserons notre sang. Il y a une
691 maine ? Ni pour le mensonge d’hier, ni pour celui de demain nous ne verserons notre sang. Il y a une vérité qui domine et
692 plement. Les uns croient, avec Marx, à la réalité d’ une dialectique ternaire ; ils placent leur espoir dans l’avènement de
693 rnaire ; ils placent leur espoir dans l’avènement de synthèses successives, acheminant l’espèce vers un équilibre final, m
694 ique du conflit nécessaire et vital. Il n’y a pas de troisième terme, — ou c’est la mort19. Mais la coefficience de deux t
695 terme, — ou c’est la mort19. Mais la coefficience de deux termes vrais, et assumés comme tels, c’est la personne. L’opposi
696 sumés comme tels, c’est la personne. L’opposition de Proudhon et de Marx, sur le terrain économique, traduit exactement l’
697 s, c’est la personne. L’opposition de Proudhon et de Marx, sur le terrain économique, traduit exactement l’opposition de K
698 rrain économique, traduit exactement l’opposition de Kierkegaard et de Hegel dans le domaine religieux. Elle traduira dema
699 traduit exactement l’opposition de Kierkegaard et de Hegel dans le domaine religieux. Elle traduira demain l’opposition de
700 s patries personnalistes. Mais où sont les motifs de notre choix ? J’en indiquerai trois. 1° — La seule révolution qui nou
701 ntaires : elle n’est qu’une projection du conflit de la personne. Les marxistes nous accusent de mêler des notions « moral
702 nflit de la personne. Les marxistes nous accusent de mêler des notions « morales » — ainsi désignent-ils la notion de pers
703 tions « morales » — ainsi désignent-ils la notion de personne ! — aux forces politiques et historiques qui selon eux déter
704 ntièrement le devenir révolutionnaire. Mais c’est de la mythomanie ; les « Forces économiques », dont ils parlent avec tre
705 ec tremblement, n’existent pas. Elles font partie de ces créations pseudo-mystiques qui pullulent dans un monde athée. Que
706 utionnaire, et que nier cette valeur « décisive » de la personne, c’est désarmer la révolution. Mais il y a plus. Si la pe
707 i la personne est véritablement l’élément décisif de la réalité humaine, toute révolution est vaine qui se fonde sur des f
708 se agir sur les faits autrement que par une suite de coups de force, d’actes créateurs, — révolutionnant le déterminisme r
709 ur les faits autrement que par une suite de coups de force, d’actes créateurs, — révolutionnant le déterminisme rigoureux
710 ts autrement que par une suite de coups de force, d’ actes créateurs, — révolutionnant le déterminisme rigoureux de la mati
711 teurs, — révolutionnant le déterminisme rigoureux de la matière abandonnée à elle-même ? La dialectique historique à trois
712 mps est une arbitraire projection dans les choses d’ un mécanisme de « l’intelligence-outil ». Théorie dont le fatalisme in
713 itraire projection dans les choses d’un mécanisme de « l’intelligence-outil ». Théorie dont le fatalisme interne reparaît
714 révolutionnaire20. Le matérialisme, c’est l’opium de la révolution. 3e — La conception personnaliste est seule capable d’é
715 e — La conception personnaliste est seule capable d’ édifier un monde culturel, économique et social qu’anime un risque per
716 ticle21 où s’exprimaient des vues parfois proches de celles d’Esprit ou de Combat, il réduit l’aventure humaine à un dérou
717 s’exprimaient des vues parfois proches de celles d’ Esprit ou de Combat, il réduit l’aventure humaine à un déroulement ind
718 nt des vues parfois proches de celles d’Esprit ou de Combat, il réduit l’aventure humaine à un déroulement indéfini de cha
719 duit l’aventure humaine à un déroulement indéfini de changements, justiciables tout au plus de la statistique. ⁂ Mais les
720 ndéfini de changements, justiciables tout au plus de la statistique. ⁂ Mais les marxistes répugnent à nous suivre sur ce t
721 ction ? Est-ce un opportunisme purement tactique, d’ allure électorale ? « Toutes les tentatives qui ne se fondent pas sur
722 s sur la classe révolutionnaire ne comportent pas de points d’application », écrit Nizan. Voilà bien la suprême « évasion 
723 lasse révolutionnaire ne comportent pas de points d’ application », écrit Nizan. Voilà bien la suprême « évasion » de nos i
724 », écrit Nizan. Voilà bien la suprême « évasion » de nos intellectuels, même marxistes. Abdication de la pensée entre les
725 de nos intellectuels, même marxistes. Abdication de la pensée entre les mains du prolétaire qui, justement, avait besoin
726 mains du prolétaire qui, justement, avait besoin d’ être conduit par la pensée de quelques-uns22. Proposition antirévoluti
727 tement, avait besoin d’être conduit par la pensée de quelques-uns22. Proposition antirévolutionnaire, il faut le dire, et
728 lame implicitement, Lénine réussit une révolution d’ intellectuels dans un pays qui compte à cette époque moins de 3 millio
729 uels dans un pays qui compte à cette époque moins de 3 millions d’ouvriers sur une population de 160 millions, et où la bo
730 ays qui compte à cette époque moins de 3 millions d’ ouvriers sur une population de 160 millions, et où la bourgeoisie exis
731 moins de 3 millions d’ouvriers sur une population de 160 millions, et où la bourgeoisie existe à peine en tant que classe,
732 es Russies. En 1932 le parti compte deux millions de membres sévèrement contrôlés. « Mais, nous dit-on, les constructions
733 contrôlés. « Mais, nous dit-on, les constructions d’ un Lénine n’étaient pas songes, elles s’appuyaient sur le mouvement de
734 t pas songes, elles s’appuyaient sur le mouvement de l’histoire ». Nous avons affaire ici à un véritable mysticisme de la
735 Nous avons affaire ici à un véritable mysticisme de la réussite, à un fatalisme, à un pragmatisme historique dont le fond
736 rique dont le fondement matérialiste n’exige rien de moins qu’un acte de foi. Un tel mysticisme a-t-il en France la moindr
737 ent matérialiste n’exige rien de moins qu’un acte de foi. Un tel mysticisme a-t-il en France la moindre chance de succès ?
738 tel mysticisme a-t-il en France la moindre chance de succès ? Où est sa tradition vivante en ce pays ? La violence des com
739 ns la ligne des forces révolutionnaires profondes de la France. Cette révolte de la personne, c’est la révolte jacobine, c
740 utionnaires profondes de la France. Cette révolte de la personne, c’est la révolte jacobine, c’est la révolte de 89, dans
741 onne, c’est la révolte jacobine, c’est la révolte de 89, dans ce qu’elle garde de valable et de dynamique ; c’est dès à pr
742 ne, c’est la révolte de 89, dans ce qu’elle garde de valable et de dynamique ; c’est dès à présent le ressort de la nouvel
743 évolte de 89, dans ce qu’elle garde de valable et de dynamique ; c’est dès à présent le ressort de la nouvelle Révolution
744 et de dynamique ; c’est dès à présent le ressort de la nouvelle Révolution française. La volonté, la possibilité de ruptu
745 Révolution française. La volonté, la possibilité de rupture, affirmée par les politiciens marxistes, mais niée en sous-ma
746 es, mais niée en sous-main par leur doctrine, est de leur part une duperie manifeste. Je les entends menacer le bourgeois 
747 vois pas plus forts. Je vois bien l’accumulation de leurs griefs, — dont beaucoup sont les nôtres, mais nous en avons dav
748 oient ainsi triompher à la fois des bourgeois, et de la vérité humaine de nos doctrines antibourgeoises. Mais ils ne donne
749 à la fois des bourgeois, et de la vérité humaine de nos doctrines antibourgeoises. Mais ils ne donnent pas de pain. Ceux
750 octrines antibourgeoises. Mais ils ne donnent pas de pain. Ceux qui ne promettent que du pain, finalement n’en donnent jam
751 olitiques (nationalisme, SDN, etc.), condamnation de l’individu, de la « pensée » bourgeoise (la pensée sans douleur !), d
752 onalisme, SDN, etc.), condamnation de l’individu, de la « pensée » bourgeoise (la pensée sans douleur !), des méthodes pol
753 abli. Mais nous allons plus loin dans la critique de ce désordre : jusqu’à ce point où le marxisme, révélant sa vraie natu
754 sa vraie nature, apparaît comme un cas privilégié de la folie capitaliste-matérialiste. Non, ce n’est pas une classe que n
755 ot, le « salut » n’est pas à débattre sur le plan de l’humanité, mais entre l’homme, entre tel homme et la Réalité qui seu
756 ielles permettent à ce suprême et quotidien débat d’ avoir un sens, un point d’application : la personne. Tel est en derniè
757 rême et quotidien débat d’avoir un sens, un point d’ application : la personne. Tel est en dernière analyse, le fondement,
758 el est en dernière analyse, le fondement, l’enjeu de la révolution nouvelle. Ici, je ne dirai plus nous, mais je. À la que
759 sérieux vos idées, y croyez-vous ? », les hommes de ce temps n’aiment pas répondre, car c’est une question personnelle. U
760 cherche. Ce qu’il faut pour légitimer un système d’ idées en elles-mêmes justes et opportunes (comme celles, je le crois,
761 justes et opportunes (comme celles, je le crois, de L’Ordre nouveau, de Combat ou d’Esprit) c’est une violence spirituell
762 s (comme celles, je le crois, de L’Ordre nouveau, de Combat ou d’Esprit) c’est une violence spirituelle qui existe déjà au
763 es, je le crois, de L’Ordre nouveau, de Combat ou d’ Esprit) c’est une violence spirituelle qui existe déjà au-delà des bou
764 seule chose que les hommes éprouvent dans le fond de leur être. Il faut derrière ces idées une masse volontaire, une pesan
765 dées une masse volontaire, une pesante contrainte de foi, une pureté terrible et humble. Loin de moi la pensée que par des
766 sée que par des arguments nous pourrons triompher d’ autre chose que d’arguments. À l’effort admirable du peuple russe retr
767 guments nous pourrons triompher d’autre chose que d’ arguments. À l’effort admirable du peuple russe retrouvant la grandeur
768 tique « Tu te trompes » ? Les hommes n’entendront de nous que notre volonté de sacrifice, de pauvreté. C’est dangereux, c’
769 Les hommes n’entendront de nous que notre volonté de sacrifice, de pauvreté. C’est dangereux, c’est grave de penser juste.
770 ntendront de nous que notre volonté de sacrifice, de pauvreté. C’est dangereux, c’est grave de penser juste. La vérité ne
771 rifice, de pauvreté. C’est dangereux, c’est grave de penser juste. La vérité ne peut exister parmi nous que sous la forme
772 rité ne peut exister parmi nous que sous la forme d’ une accusation personnelle. Il faut savoir entendre ce mutisme formida
773 peut en donner jusqu’au bout le courage. Je parle de la foi chrétienne où je veux être, de ce suprême « choix » qui ne vie
774 e. Je parle de la foi chrétienne où je veux être, de ce suprême « choix » qui ne vient pas de moi, mais qui soudain me cho
775 mais qui soudain me choisit, me saisit. Je parle de cette seule chose au monde qui n’ait pas besoin d’arguments pour juge
776 e cette seule chose au monde qui n’ait pas besoin d’ arguments pour juger les idoles du monde ; de cette seule chose pour l
777 soin d’arguments pour juger les idoles du monde ; de cette seule chose pour laquelle j’accepte de me faire tuer, parce que
778 de ; de cette seule chose pour laquelle j’accepte de me faire tuer, parce que ce ne serait pas crever bassement dans la ha
779 p éclatant. Je n’ai pas à sauver quoi que ce soit de la terre, mais seulement à recevoir le pardon. Or il n’est de pardon
780 mais seulement à recevoir le pardon. Or il n’est de pardon que pour celui qui agit. On me dira sans doute que je me perds
781  ! Déjà les hommes le pressentent : il n’y a rien d’ autre à attendre que cette force surhumaine d’entrer dans l’Ordre de l
782 ien d’autre à attendre que cette force surhumaine d’ entrer dans l’Ordre de la Pauvreté, qui vaincra toutes les révolutions
783 que cette force surhumaine d’entrer dans l’Ordre de la Pauvreté, qui vaincra toutes les révolutions — après les avoir fai
784 groupe en croissance rapide, le Gegner, s’efforce de créer une unité révolutionnaire au-dessus des partis existants. En An
785 , en Hollande, en Irlande et dans les pays latins de l’Amérique, cette « troisième force », anticapitaliste et non marxist
786 tre la construction entreprise par le capitalisme d’ État soviétique, contre la mystique productiviste déjà « niée » par la
787 iculier. 21. du Criterion. 22. Exemple frappant de l’Allemagne : voici un pays enfin qui réunit toutes les conditions th
788 n éclate. Il ne se passe rien. Parce qu’on manque de chefs. Parce qu’il n’y a plus de « personnes ». 23. Le succès du com
789 rce qu’on manque de chefs. Parce qu’il n’y a plus de « personnes ». 23. Le succès du communisme serait-il « de nous rendr
790 onnes ». 23. Le succès du communisme serait-il «  de nous rendre la vie de caserne acceptable » ? (Roland de Pury, dans H
791 s du communisme serait-il « de nous rendre la vie de caserne acceptable » ? (Roland de Pury, dans Hic et Nunc , Paris, n°
792 Hic et Nunc , Paris, n° 1). j. Rougemont Denis de , « À prendre ou à tuer », La Nouvelle Revue française, Paris, décembr
11 1933, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Pétrarque, par Charles-Albert Cingria (avril 1933)
793 tent on ne sait quelle sauce. Je ne veux pas être de ceux-ci ». Charles-Albert Cingria est donc de ceux dont l’érudition,
794 tre de ceux-ci ». Charles-Albert Cingria est donc de ceux dont l’érudition, quitte à passer pour macaronique — comme elles
795 se veut constamment significative. La publication de cet étonnant petit livre sur Pétrarque, venant après celle d’une Civi
796 ant petit livre sur Pétrarque, venant après celle d’ une Civilisation de Saint-Gall non moins remarquable, le met aux antip
797 Pétrarque, venant après celle d’une Civilisation de Saint-Gall non moins remarquable, le met aux antipodes de ces histori
798 -Gall non moins remarquable, le met aux antipodes de ces historiens contemporains dont le succès consiste, lorsqu’ils cite
799 ntéressant dans la mesure même où il est dépourvu de pittoresque, c’est-à-dire, dans ce cas, de traits humains révélateurs
800 pourvu de pittoresque, c’est-à-dire, dans ce cas, de traits humains révélateurs, ce qui est tout de même aller un peu loin
801 loin, puisque ainsi l’on supprime la notion même d’ intéressant. Donc Cingria défend une thèse : « Je m’appliquerai à désa
802 core à une école provençale qui est, à l’origine, de propulsion musicale, donc romane-syrienne puisque le plain-chant est
803 t est roman-syrien — et le poète fabriqué à coups de platras à la manière antique ». Vous avez le ton. Ajoutez-y le plus e
804 z le ton. Ajoutez-y le plus excitant foisonnement de citations — poètes, chroniqueurs, musicographes, Notker, Dante, Nietz
805 ons et plaisanteries jamais dépourvues d’ailleurs d’ une certaine onction épiscopale, d’une certaine politesse pompeuse qui
806 ues d’ailleurs d’une certaine onction épiscopale, d’ une certaine politesse pompeuse qui est la forme particulière de son i
807 politesse pompeuse qui est la forme particulière de son ironie24 et vous aurez ce petit volume de deux-cents pages qui, d
808 ère de son ironie24 et vous aurez ce petit volume de deux-cents pages qui, délayé en six-cents, se verrait décerner le tit
809 délayé en six-cents, se verrait décerner le titre de « monument critique ». Tel qu’il est, un petit chef-d’œuvre d’humanis
810 critique ». Tel qu’il est, un petit chef-d’œuvre d’ humanisme poétique. Car l’« érudition » de Cingria reste si constammen
811 d’œuvre d’humanisme poétique. Car l’« érudition » de Cingria reste si constamment précise et malicieuse qu’elle atteint à
812 icieuse qu’elle atteint à coup sûr le particulier de tout ce qu’elle aborde au cours de ses démonstrations : c’est dire qu
813 ns : c’est dire qu’elle se meut en pleine poésie. D’ où sa valeur « actuelle » et multiple, ses incidences fréquentes dans
814 idences fréquentes dans les problèmes du temps et de tous les temps : la musique occidentale, les méfaits de Cicéron, le c
815 s les temps : la musique occidentale, les méfaits de Cicéron, le commerce des vins dans la vallée du Rhône, la marche en m
816 le nationalisme artificiel mais régnant qui fait de la chose publique la chose désavantageuse 25, quelques pages brillant
817 fortes qui rejoignent curieusement les doctrines de L’Ordre nouveau). Un style doucement retors, dont les moindres anicro
818 la sans effort, manifestant plutôt cette vivacité d’ invention dont « l’écriture moderne » reste tristement dépourvue malgr
819 » reste tristement dépourvue malgré ses velléités de fantaisie assez relâchée. En quelques touches un peu bourrues, un peu
820 cieuses, il jette l’esprit du lecteur dans le vif d’ un sujet, et loin d’exploiter l’avantage de cette surprise, place auss
821 esprit du lecteur dans le vif d’un sujet, et loin d’ exploiter l’avantage de cette surprise, place aussitôt une citation, o
822 le vif d’un sujet, et loin d’exploiter l’avantage de cette surprise, place aussitôt une citation, oublie d’avoir raison, e
823 tte surprise, place aussitôt une citation, oublie d’ avoir raison, et nous laisse admirer cette prose de la Renaissance où
824 ’avoir raison, et nous laisse admirer cette prose de la Renaissance où palpite, sous une sérénité qui est plutôt de l’enth
825 ance où palpite, sous une sérénité qui est plutôt de l’enthousiasme dominé, l’opulente diversité du monde. La qualité des
826 qualité des traductions du latin, du bas latin et de l’italien dont ce livre est abondamment orné permettra de goûter dans
827 lien dont ce livre est abondamment orné permettra de goûter dans le détail ce que l’on vient de louer dans l’ensemble. C’e
828 C’est la même précision savoureuse dans le rendu de l’esprit d’un texte, mais cela toujours grâce à des inventions poétiq
829 me précision savoureuse dans le rendu de l’esprit d’ un texte, mais cela toujours grâce à des inventions poétiques jouant s
830 t « signé ». 24. Et qui d’ailleurs n’exclut pas de petites férocités soudaines, raffinées, ni le bavardage, ni une espèc
831 daines, raffinées, ni le bavardage, ni une espèce d’ indignation morale aux sursauts fréquents. 25. « Mais cela (les patri
832 uts fréquents. 25. « Mais cela (les patriotismes de l’Europe diverse et une) était homogène et souple, vivant, sans faux
833 réquents. 25. « Mais cela (les patriotismes de l’ Europe diverse et une) était homogène et souple, vivant, sans faux arrêt, sa
834 t souple, vivant, sans faux arrêt, sans cet arrêt d’ illusoire devenu réel que font les actuels nationalismes, ayant pour e
835 ieu d’être avantageuse, la chose publique empêche de communiquer, empêche de vivre, empêche de respirer, et qu’alors, reni
836 la chose publique empêche de communiquer, empêche de vivre, empêche de respirer, et qu’alors, reniant sa fin, elle ne sert
837 empêche de communiquer, empêche de vivre, empêche de respirer, et qu’alors, reniant sa fin, elle ne sert plus que d’alimen
838 t qu’alors, reniant sa fin, elle ne sert plus que d’ aliment à un dogmatisme populaire farouche, et se définit comme désava
839 init comme désavantageuse ». k. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Charles-Albert Cingria, Pétrarque  », La Nouvelle R
12 1933, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Une main, par C. F. Ramuz (juin 1933)
840 it pris Ramuz pour un « régionaliste », c’est une de ces méprises qui peuvent servir à déterminer le niveau d’une certaine
841 éprises qui peuvent servir à déterminer le niveau d’ une certaine presse. Si l’on ne voit dans l’auteur d’Adam et Ève qu’un
842 ne certaine presse. Si l’on ne voit dans l’auteur d’ Adam et Ève qu’une sorte de folkloriste, il faudra considérer l’auteur
843 ne voit dans l’auteur d’Adam et Ève qu’une sorte de folkloriste, il faudra considérer l’auteur de Phèdre comme un archéol
844 rte de folkloriste, il faudra considérer l’auteur de Phèdre comme un archéologue, auteur de drames historiques. Que cherch
845 r l’auteur de Phèdre comme un archéologue, auteur de drames historiques. Que cherche Ramuz ? Une connaissance du particuli
846 onnaissance du particulier qui introduise à celle de l’élémentaire ; qui soit donc le contraire de la recherche du pittore
847 lle de l’élémentaire ; qui soit donc le contraire de la recherche du pittoresque. Aucune de ses œuvres mieux qu’Une Main n
848 contraire de la recherche du pittoresque. Aucune de ses œuvres mieux qu’Une Main n’en convaincra. On y sent, plus directe
849 , plus directe qu’ailleurs, sa pensée ; on y voit de tout près, dans l’intimité d’une chambre, comment sa pensée marche, i
850 pensée ; on y voit de tout près, dans l’intimité d’ une chambre, comment sa pensée marche, insiste, souffre. Et cela ne se
851 souffre. Et cela ne se passe plus dans le canton de Vaud, mais dans le domaine propre de Ramuz qui est l’élémentaire. Jam
852 ns le canton de Vaud, mais dans le domaine propre de Ramuz qui est l’élémentaire. Jamais il ne fut mieux lui-même. Il y fa
853 eux lui-même. Il y fallait un cas très simple, un de ces cas où le mot « concret » devient presque synonyme de matériel. U
854 as où le mot « concret » devient presque synonyme de matériel. Un bras cassé (le gauche) ; l’humiliation de la chute, l’an
855 tériel. Un bras cassé (le gauche) ; l’humiliation de la chute, l’angoisse d’être diminué, les difficultés qu’on découvre,
856 e gauche) ; l’humiliation de la chute, l’angoisse d’ être diminué, les difficultés qu’on découvre, déconcertantes ; puis l’
857 ’esprit qui se met à douter, parce qu’il n’a plus d’ application, l’esprit qui prend peur. La guérison naîtra d’une résista
858 tion, l’esprit qui prend peur. La guérison naîtra d’ une résistance retrouvée26. Et Ramuz, apaisé, regarde tomber la neige 
859 les choses ont de nouveau leur sens. Ramuz parle de lui, c’est la première fois. Et c’est à peine de lui. Dix petites pag
860 est à peine de lui. Dix petites pages émouvantes, d’ une confidence encore contrainte : « Ah ! comme je suis mal fait pour
861 suis mal fait pour ma part, si j’ose ainsi parler de moi, mais je ne parle pas de moi, ou je ne parle pas que de moi, parc
862 i j’ose ainsi parler de moi, mais je ne parle pas de moi, ou je ne parle pas que de moi, parce que nous sommes tous mal fa
863 is je ne parle pas de moi, ou je ne parle pas que de moi, parce que nous sommes tous mal faits. » On n’attendait pas de Ra
864 nous sommes tous mal faits. » On n’attendait pas de Ramuz un examen de conscience. S’il s’interroge, dans Une Main, c’est
865 al faits. » On n’attendait pas de Ramuz un examen de conscience. S’il s’interroge, dans Une Main, c’est plutôt un examen d
866 ’interroge, dans Une Main, c’est plutôt un examen de son corps. Examen forcé d’ailleurs, interrogation accidentelle. Par l
867 ation accidentelle. Par le choix même du prétexte de cet écrit, il nous donne ce genre de pensées pour ce qu’elles ont tou
868 du prétexte de cet écrit, il nous donne ce genre de pensées pour ce qu’elles ont toujours été à ses yeux : le fait d’un d
869 ce qu’elles ont toujours été à ses yeux : le fait d’ un défaut de présence au monde, d’une impuissance à saisir les choses.
870 ont toujours été à ses yeux : le fait d’un défaut de présence au monde, d’une impuissance à saisir les choses. Là réside l
871 yeux : le fait d’un défaut de présence au monde, d’ une impuissance à saisir les choses. Là réside la cause de la peur, qu
872 puissance à saisir les choses. Là réside la cause de la peur, qu’il avoue, et qui n’est sans doute que la méditation d’un
873 avoue, et qui n’est sans doute que la méditation d’ un esprit dépourvu de prises sensibles. C’est un état d’âme qui caract
874 sans doute que la méditation d’un esprit dépourvu de prises sensibles. C’est un état d’âme qui caractérise assez bien le m
875 s présents à eux-mêmes, hommes sans pesée, hommes de peu de poids, facilement entraînés. Une Main nous donne ainsi l’anal
876 Une Main nous donne ainsi l’analyse élémentaire d’ un des phénomènes les plus importants d’aujourd’hui : la démoralisatio
877 émentaire d’un des phénomènes les plus importants d’ aujourd’hui : la démoralisation. Démoraliser un homme, c’est le priver
878 ralisation. Démoraliser un homme, c’est le priver de son pouvoir créateur. C’est le priver de sa main, — ou asservir cette
879 e priver de son pouvoir créateur. C’est le priver de sa main, — ou asservir cette main. Est-ce que ma main n’a pas sa voca
880 ain n’a pas sa vocation ? Est-ce qu’elle n’a rien de mieux à faire que de se lever avec cent-mille autres, de faire le poi
881 on ? Est-ce qu’elle n’a rien de mieux à faire que de se lever avec cent-mille autres, de faire le poing avec cent-mille au
882 x à faire que de se lever avec cent-mille autres, de faire le poing avec cent-mille autres ? Cent-mille mains saluent le t
883 comme par exemple une maison trop grande, un feu de bois vert qu’on s’ingénie à allumer dans une cheminée qui tire mal. J
884 s que je suis à la mienne. » l. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] C. F. Ramuz, Une main  », La Nouvelle Revue françai
13 1933, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Saint-Évremond ou L’humaniste impur, par Albert-Marie Schmidt (octobre 1933)
885 -Marie Schmidt (octobre 1933)m Il est plaisant de voir un jeune auteur obtenir de nos jours un effet de surprise par l’
886 Il est plaisant de voir un jeune auteur obtenir de nos jours un effet de surprise par l’emploi d’un style poli, nombreux
887 oir un jeune auteur obtenir de nos jours un effet de surprise par l’emploi d’un style poli, nombreux, toujours plein d’onc
888 ir de nos jours un effet de surprise par l’emploi d’ un style poli, nombreux, toujours plein d’onction, parfois même de pom
889 ’emploi d’un style poli, nombreux, toujours plein d’ onction, parfois même de pompe. Tel est le premier succès de cet ouvra
890 nombreux, toujours plein d’onction, parfois même de pompe. Tel est le premier succès de cet ouvrage. Il en révèle peut-êt
891 parfois même de pompe. Tel est le premier succès de cet ouvrage. Il en révèle peut-être aussi certain défaut : Albert-Mar
892 u’il le maintienne arbitrairement dans les cadres d’ une dogmatique morale : c’est plutôt qu’il suit Saint-Évremond de trop
893 e morale : c’est plutôt qu’il suit Saint-Évremond de trop près dans les méandres de son éthique. Certes, il en fait valoir
894 uit Saint-Évremond de trop près dans les méandres de son éthique. Certes, il en fait valoir ainsi toutes les nuances, avec
895 ière, qu’il ne le garde point sans cesse à portée d’ un coup de patte qu’il s’abandonne lui-même à sa fantaisie, la plus jo
896 l ne le garde point sans cesse à portée d’un coup de patte qu’il s’abandonne lui-même à sa fantaisie, la plus joyeusement
897 ce Saint-Évremond, théoricien spirituel et serein de la sagesse du grand siècle, sous le coup de la question capitale qu’o
898 erein de la sagesse du grand siècle, sous le coup de la question capitale qu’on voudrait poser sous cette forme : la vérit
899 bien que Saint-Évremond ait jusqu’au bout refusé de choisir. Il croit pouvoir entretenir avec Dieu des rapports de polite
900 l croit pouvoir entretenir avec Dieu des rapports de politesse. Cela pourrait bien être la formule du désordre intérieur m
901 m. Rien ne le dissimule mieux que le demi-sourire d’ une raison éclairée et mondaine. La nouveauté de l’essai d’Albert-Mar
902 d’une raison éclairée et mondaine. La nouveauté de l’essai d’Albert-Marie Schmidt est d’avoir su déceler la corruption s
903 on éclairée et mondaine. La nouveauté de l’essai d’ Albert-Marie Schmidt est d’avoir su déceler la corruption secrète de c
904 a nouveauté de l’essai d’Albert-Marie Schmidt est d’ avoir su déceler la corruption secrète de cet art trop parfait, « qui
905 midt est d’avoir su déceler la corruption secrète de cet art trop parfait, « qui supprime les plus angoissants problèmes,
906 blèmes, à force de les éclaircir », et l’impureté d’ un humanisme que l’on croyait tempéré et limpide, mais que l’on voit «
907 échauffer, se brouiller » aux premières instances d’ un choix radical et véritablement ordonnateur. Le chapitre le plus rem
908 ment ordonnateur. Le chapitre le plus remarquable de cette brève et dense biographie intellectuelle, le plus juste aussi p
909 C’est comme la genèse individuelle et religieuse de ce fait trop actuel, qu’Albert-Marie Schmidt nous restitue au cours d
910 Marie Schmidt nous restitue au cours de son essai de critique exemplaire. m. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Alber
911 sai de critique exemplaire. m. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Albert-Marie Schmidt, Saint-Évremond ou L’humaniste
14 1933, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Le Deuxième Jour de la Création, par Ilya Ehrenbourg (décembre 1933)
912 Le Deuxième Jour de la Création, par Ilya Ehrenbourg (décembre 1933)n Ce titre curieus
913 gne le plan quinquennal. Voici donc le roman type de l’Édification socialiste. Bourré de petits faits vrais dont l’intenti
914 le roman type de l’Édification socialiste. Bourré de petits faits vrais dont l’intention morale est évidente, il est doubl
915 doublement édifiant. Ceux qui ont aimé le Chemin de la Vie retrouveront ici l’atmosphère salubre, la naïveté puissante de
916 nt ici l’atmosphère salubre, la naïveté puissante de ce film, et le même parti pris de bonne humeur héroïque. Tout ce qu’i
917 ïveté puissante de ce film, et le même parti pris de bonne humeur héroïque. Tout ce qu’il faut pour entraîner l’adolescenc
918 ce qu’il faut pour entraîner l’adolescence avide de servir une grande cause et de se sacrifier pour le bonheur collectif.
919 l’adolescence avide de servir une grande cause et de se sacrifier pour le bonheur collectif. Chanson de Roland, fair-play,
920 e se sacrifier pour le bonheur collectif. Chanson de Roland, fair-play, Baden-Powell, religion du travail. On a l’air d’ir
921 ay, Baden-Powell, religion du travail. On a l’air d’ ironiser, mais lisez donc : vous serez pris, vous donnerez tort au tra
922 re aux anarchistes, koulaks, admirateurs attardés de Dostoïevski, petites « personnalités », rouspéteurs et autres surréal
923 », rouspéteurs et autres surréalistes, empêcheurs de danser en rond. Voici l’histoire en bref, — non pas l’intrigue ! tout
924 tout cela est propre. Le jeune Kolka, prolétaire de bonne souche, part pour la Construction où il ne tarde pas à se disti
925 ne tarde pas à se distinguer par diverses actions d’ éclat. Il devient brigadier de choc. Grave et rieur, chaste, ignorant,
926 ar diverses actions d’éclat. Il devient brigadier de choc. Grave et rieur, chaste, ignorant, avide de « culture ». Volodia
927 de choc. Grave et rieur, chaste, ignorant, avide de « culture ». Volodia, lui, est fils de bourgeois : taré donc, intelle
928 ant, avide de « culture ». Volodia, lui, est fils de bourgeois : taré donc, intellectuel, ratiocineur, il n’arrive pas, ma
929 loyaux efforts, à se passionner pour le problème de la fonte, qui est le problème dominant dans cette région de la Sibéri
930 e, qui est le problème dominant dans cette région de la Sibérie. Entre eux, une jeune et touchante Irina, qui choisira bie
931 ’est pas né quand il aurait fallu ». L’Histoire a de ces exigences. On conseille à Volodia de se brûler la cervelle. Il se
932 stoire a de ces exigences. On conseille à Volodia de se brûler la cervelle. Il se pend. Ce résumé fait le plus grand tort
933 sont rien sans la mystique. La force et le charme de ce roman sont ceux mêmes d’une jeunesse fruste, innocente jusque dans
934 La force et le charme de ce roman sont ceux mêmes d’ une jeunesse fruste, innocente jusque dans ses cruautés ; tout jugemen
935 ’auteur. Ehrenbourg a utilisé pêle-mêle une masse de documents qui parlent d’eux-mêmes. Ils parlent peut-être plus qu’ils
936 lisé pêle-mêle une masse de documents qui parlent d’ eux-mêmes. Ils parlent peut-être plus qu’ils ne devraient. Ils nous mo
937 conformiste. Le puritanisme des komsomols a ceci de spécifiquement ennuyeux qu’il ne crée pas en eux le moindre refouleme
938 foulement. Ce qui suppose une remarquable absence d’ imagination. Le prochain plan y pourvoira peut-être. Tout cela est en
939 ue la race chez les hitlériens. Il n’y a pas plus de conversion possible au prolétariat qu’au germanisme. Voilà de quoi re
940 n possible au prolétariat qu’au germanisme. Voilà de quoi refroidir les sympathies trop spontanées. Il faudra, je crois, p
941 dra, je crois, passer outre. Dans ce déchaînement d’ orgueil humain, de scientisme primaire, dans cette frénésie de bonne h
942 ser outre. Dans ce déchaînement d’orgueil humain, de scientisme primaire, dans cette frénésie de bonne humeur, il y a une
943 main, de scientisme primaire, dans cette frénésie de bonne humeur, il y a une question. Non pas un doute, mais quelque cho
944 is quelque chose qui veut une réponse, et qui est d’ autant plus tragique qu’ils ne savent plus le formuler. À nous de les
945 ragique qu’ils ne savent plus le formuler. À nous de les y aider ; et de comprendre que seule cette question-là rétablit l
946 vent plus le formuler. À nous de les y aider ; et de comprendre que seule cette question-là rétablit la communion humaine.
947 ablit la communion humaine. n. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Ilya Ehrenbourg, Le Deuxième Jour de la Création  »
948  [Compte rendu] Ilya Ehrenbourg, Le Deuxième Jour de la Création  », La Nouvelle Revue française, Paris, décembre 1933, p.
15 1934, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Taille de l’homme, par C. F. Ramuz (avril 1934)
949 Taille de l’homme, par C. F. Ramuz (avril 1934)o Après Une Main, confession
950 l 1934)o Après Une Main, confession réticente, d’ une discrétion presque farouche, et dans la même lignée que Le Grand P
951 s la même lignée que Le Grand Printemps et Raison d’ Être, voici encore un essai de Ramuz, mais de tous le moins ramuzien :
952 Printemps et Raison d’Être, voici encore un essai de Ramuz, mais de tous le moins ramuzien : il s’agit cette fois d’idées,
953 ison d’Être, voici encore un essai de Ramuz, mais de tous le moins ramuzien : il s’agit cette fois d’idées, et même d’idée
954 de tous le moins ramuzien : il s’agit cette fois d’ idées, et même d’idées générales, ce qui est assez paradoxal dans une
955 ramuzien : il s’agit cette fois d’idées, et même d’ idées générales, ce qui est assez paradoxal dans une telle œuvre. Le s
956 st assez paradoxal dans une telle œuvre. Le sujet de Taille de l’Homme, c’est en effet l’opposition cosmique du monde marx
957 aradoxal dans une telle œuvre. Le sujet de Taille de l’Homme, c’est en effet l’opposition cosmique du monde marxiste et du
958 proches que d’autres ont déjà formulés, avec plus de mordant et plus de précision, et qui d’ailleurs n’ébranleront pas, da
959 s ont déjà formulés, avec plus de mordant et plus de précision, et qui d’ailleurs n’ébranleront pas, dans leur foi, les ma
960 ’aboutissement du marxisme : l’isolement cosmique de l’homme. Quoi qu’il dise, d’ailleurs, il dit plus que ses arguments.
961 arxisme, il n’en resterait pas moins, par le fait de son être même, une protestation contre le matérialisme dialectique. Q
962 dialectique. Quand on possède, comme lui, le sens de la solitude et le sens de la communauté — indissolubles —, on est une
963 ède, comme lui, le sens de la solitude et le sens de la communauté — indissolubles —, on est une objection vivante à tout
964 la vie des choses et des êtres, on n’a pas besoin d’ arguments pour faire sentir l’absurdité des « lois » qui, pour certain
965 Ramuz est présent à ce monde, — eux, ils essaient de le recomposer au sein de leur absence insurmontable. Ramuz, mieux que
966 ntable. Ramuz, mieux que personne, peut se passer d’ avoir raison, puisqu’il a pour lui la Nature27. C’est quand il parle d
967 u’il a pour lui la Nature27. C’est quand il parle d’ elle qu’il est grand, qu’il donne et manifeste sa mesure, qu’il appara
968 nt qualifié. La mode est au marxisme et au mépris de la Nature ? Mode bourgeoise, tyrannie décadente, tout occupée à calcu
969 a justification. À ceux qui croient aux fatalités de l’Histoire, il faut dire simplement qu’elles sont vraies pour eux-mêm
970 lles sont vraies pour eux-mêmes et pour tous ceux de leur espèce. On ne calcule pas avec la vie, mais avec des quantités m
971 is avec des quantités mortes. Ceux qui se vantent d’ être calculables ont très probablement raison : c’est une constatation
972 très probablement raison : c’est une constatation de décès spirituel, à peine anticipée peut-être. Mais ils se trompent to
973 ualistes bourgeois savaient la détester. (Dix ans de discussions, chez les philosophes de Moscou, ont abouti, en 1932, à d
974 er. (Dix ans de discussions, chez les philosophes de Moscou, ont abouti, en 1932, à des définitions tellement abstruses de
975 i, en 1932, à des définitions tellement abstruses de cette fameuse « matière » sur laquelle tout se fonde, que Staline s’e
976 e, que Staline s’est vu contraint, pour en finir, de fixer la saine doctrine par un ukase condamnant à la fois les mécanis
977  diamat »29, mais ce n’est plus qu’un conformisme d’ État. C’est, à peu près, l’ukase en moins, ce qui s’est passé chez les
978 s choses. Aussi bien n’éprouve-t-il pas le besoin de s’affirmer matérialiste. La position de Ramuz paraît assez voisine de
979 le besoin de s’affirmer matérialiste. La position de Ramuz paraît assez voisine de celle de Berdiaev. Tous deux considèren
980 aliste. La position de Ramuz paraît assez voisine de celle de Berdiaev. Tous deux considèrent le marxisme comme l’aboutiss
981 a position de Ramuz paraît assez voisine de celle de Berdiaev. Tous deux considèrent le marxisme comme l’aboutissement log
982 idèrent le marxisme comme l’aboutissement logique de l’esprit bourgeois-capitaliste. Tous deux savent qu’il faut être pour
983 ment athée sans le savoir. Le marxisme est l’aveu de son choix. Mais Berdiaev parle en chrétien, et Ramuz ne veut encore p
984 mais l’a-t-il fait ? Il veut un monde à la taille de l’homme. Il sait aussi que la mesure de cette taille est dans une foi
985 la taille de l’homme. Il sait aussi que la mesure de cette taille est dans une foi, dans « quelque chose qui dépasse l’hom
986 ses limites, ici et maintenant ? C’est là le sens de l’Incarnation, en même temps que de la véritable transcendance. C’est
987 st là le sens de l’Incarnation, en même temps que de la véritable transcendance. C’est là le point de la rupture avec tout
988 de la véritable transcendance. C’est là le point de la rupture avec tout humanisme imaginable (l’homme sauvé par son prog
989 homme sauvé par son progrès). 27. Pas la Nature de Rousseau, – la Nature des choses. 28. Certains écrivains marxistes f
990 tent avec la dernière énergie quand on les traite de matérialistes. Je crains que ce soit, chez la plupart d’entre eux, un
991 ce soit, chez la plupart d’entre eux, un réflexe de bourgeois plutôt que d’homme. « Précédence, et non pas primauté du ma
992 t d’entre eux, un réflexe de bourgeois plutôt que d’ homme. « Précédence, et non pas primauté du matériel ! », disait l’un
993 et non pas primauté du matériel ! », disait l’un d’ eux. Qu’est-ce que le matériel peut bien précéder ? D’où nous viendrai
994 x. Qu’est-ce que le matériel peut bien précéder ? D’ où nous viendrait alors ce « matériel » ? 29. Abréviation usuelle en
995  matérialisme dialectique ». o. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] C. F. Ramuz, Taille de l’homme  », La Nouvelle Revu
996 nt Denis de, « [Compte rendu] C. F. Ramuz, Taille de l’homme  », La Nouvelle Revue française, Paris, avril 1934, p. 709-71
16 1934, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Le Procès, par Franz Kafka (mai 1934)
997 Je ne sais pas si le Procès est le chef-d’œuvre de Kafka, mais il est difficile d’imaginer un livre plus profond. On a m
998 t le chef-d’œuvre de Kafka, mais il est difficile d’ imaginer un livre plus profond. On a même l’impression en le lisant, d
999 lus profond. On a même l’impression en le lisant, de lire pour la première fois un livre absolument profond. Non qu’il pré
1000 hommes pour étouffer le scandale. Josef K… fondé de pouvoir dans une banque, se voit arrêté un beau matin par deux inspec
1001 rennent qu’il est inculpé, mais ils ne savent pas de quoi et n’ont pas qualité pour le savoir. Puis, on le rend à la liber
1002 minaires, des démarches que tente l’accusé auprès d’ une justice insaisissable, infiniment pédante, corrompue et capricieus
1003 ent qui est tout le drame du Procès. Constatation de la réalité telle qu’elle est, et en même temps, au moment où la révol
1004 emps, au moment où la révolte point, constatation de la vanité absolue de toute appréciation, de toute prise de parti, — d
1005 révolte point, constatation de la vanité absolue de toute appréciation, de toute prise de parti, — de tout acte. C’est ce
1006 ation de la vanité absolue de toute appréciation, de toute prise de parti, — de tout acte. C’est ce qu’on pourrait appeler
1007 ité absolue de toute appréciation, de toute prise de parti, — de tout acte. C’est ce qu’on pourrait appeler la vision méta
1008 de toute appréciation, de toute prise de parti, —  de tout acte. C’est ce qu’on pourrait appeler la vision métaphysique. To
1009 pur hasard si la théologie chrétienne rend compte de presque toutes les situations de ce livre ? Cette Loi qui nous condam
1010 enne rend compte de presque toutes les situations de ce livre ? Cette Loi qui nous condamne quoi que nous fassions, ce Jug
1011 vocats qui parlent comme des prêtres, et qui sont de mèche avec la justice, ces prévenus en liberté, cette complicité géné
1012 ité générale, tout cela, ce n’est pas la « misère de l’homme sans Dieu », mais la misère de l’homme livré à un Dieu qu’il
1013 a « misère de l’homme sans Dieu », mais la misère de l’homme livré à un Dieu qu’il ne connaît pas, parce qu’il ne connaît
1014 st la seule possibilité qui soit donnée à l’homme de marcher, d’échapper à l’« arrêt » ; mais c’est aussi par cette foi, e
1015 possibilité qui soit donnée à l’homme de marcher, d’ échapper à l’« arrêt » ; mais c’est aussi par cette foi, et parce qu’e
1016 aussi par cette foi, et parce qu’elle nous permet de faire un pas et « d’en sortir » que nous connaissons notre état, que
1017 et parce qu’elle nous permet de faire un pas et «  d’ en sortir » que nous connaissons notre état, que nous mesurons le réel
1018 que nous pouvons l’avouer. p. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Franz Kafka, Le Procès  », La Nouvelle Revue frança
17 1935, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Ni gauche ni droite (août 1935)
1019 Kellermann à Valmy entraîne ses troupes au cri de « Vive la Nation ! » nation et peuple se confondaient alors dans la m
1020 et peuple se confondaient alors dans la mystique de la révolution. Aujourd’hui l’on se voit sommé de choisir entre un fro
1021 de la révolution. Aujourd’hui l’on se voit sommé de choisir entre un front qui se dit « national » et un front qui se dit
1022 ques détachées du réel ? Je vois à gauche la peur de Chiappe, et à droite, la peur de la gauche. Je vois à droite une tent
1023 à gauche la peur de Chiappe, et à droite, la peur de la gauche. Je vois à droite une tentation fasciste, trop faible encor
1024 assez forte déjà pour que la masse accepte l’idée d’ une dictature… « antifasciste ». Tout cela se joue sur des mots, et ce
1025 mots ne traduisent que des religions vagues, nées de la peur, et comme telles meurtrières. Les faits, ce sont M. de Wendel
1026 eur devine quelques intérêts convergents, du côté d’ Hitler par exemple. Staline veut une armée française puissante, il app
1027 une armée française puissante, il approuve la loi de deux ans. « Staline a raison », affirme l’affiche communiste ; mais a
1028 re ! Flatus vocis ! Il n’y a qu’une seule manière de tirer à la mitrailleuse et de se faire casser la figure. On peut regr
1029 u’une seule manière de tirer à la mitrailleuse et de se faire casser la figure. On peut regretter que le Congrès pour la d
1030 it rien tenté pour débrouiller un peu le complexe de mots adultérés qui encombre la vie politique et qui empêche, à gauche
1031 olitique et qui empêche, à gauche comme à droite, de nommer les vrais adversaires. (Je ne vois que Chamson qui ait dénoncé
1032 e semble qu’on a fait tout autre chose, au Palais de la Mutualité. Il me semble qu’on s’est entendu pour « cultiver » des
1033  : c’était jusqu’à présent le fait des ligues que de proclamer la liberté en préparant la dictature. Jamais on n’a plus ma
1034 e. Jamais on n’a plus mal menti, jamais avec plus d’ enthousiasme. Ni la gauche ni la droite ne pourront aboutir à une doct
1035 doctrine constructive tant qu’elles s’efforceront de dénaturer les grands mots d’ordre populaires, au nom de mystiques san
1036 . Trop simple, sans doute ? q. Rougemont Denis de , « Ni gauche ni droite », La Nouvelle Revue française, Paris, août 19
18 1935, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Paracelse, par Frédéric Gundolf (septembre 1935)
1037 il ne fut pas un magicien. Il erra toute sa vie, d’ auberges en universités, suivi d’une troupe de disciples turbulents, à
1038 ra toute sa vie, d’auberges en universités, suivi d’ une troupe de disciples turbulents, à la recherche de secrets qu’il vo
1039 ie, d’auberges en universités, suivi d’une troupe de disciples turbulents, à la recherche de secrets qu’il voulait rendre
1040 ne troupe de disciples turbulents, à la recherche de secrets qu’il voulait rendre manifestes à tous, et qu’il exprimait, c
1041 lemand populaire et grossier30. Il faut se méfier de la gloire qu’on lui a faite. On nous rapporte par exemple que « déjà
1042 mourir, il s’adressa au diable qui lui conseilla de se faire enterrer pour une année, coupé en petits morceaux, dans du c
1043 année, coupé en petits morceaux, dans du crottin de cheval, et de faire subir à son corps toute la gamme des combinaisons
1044 en petits morceaux, dans du crottin de cheval, et de faire subir à son corps toute la gamme des combinaisons alchimiques a
1045 imiques afin de ressusciter ensuite sous la forme d’ un beau jeune homme. Il se fit tailler en morceaux et enterrer par son
1046 âne seul n’avait pas tout à fait repoussé. Un peu d’ air pénétra dans le cerveau et Paracelse dut mourir avant d’avoir ress
1047 tra dans le cerveau et Paracelse dut mourir avant d’ avoir ressuscité ». Rajeunir son corps et son âme par l’ordure, c’est
1048 son âme par l’ordure, c’est un des thèmes favoris de notre temps. Mais combien, parmi nous, se sont fait déterrer deux jou
1049 sont fait déterrer deux jours trop tôt ! L’auteur de l’anecdote était bon prophète, mais il n’a rien compris à Paracelse.
1050 pas rationaliste, comme le veut le langage confus de ceux qui se croient cartésiens. Aussi a-t-on souvent tendance à le re
1051 ues, où cependant il n’a que faire, avec son goût de l’expérience et de l’application concrète. Mais justement cette fring
1052 l n’a que faire, avec son goût de l’expérience et de l’application concrète. Mais justement cette fringale d’expérience qu
1053 plication concrète. Mais justement cette fringale d’ expérience qu’il promena par toute l’Europe, et peut-être même chez le
1054 e fringale d’expérience qu’il promena par toute l’ Europe , et peut-être même chez les Turcs, le rendit attentif à tant de phéno
1055 ouvait y suffire. Ce grand esprit qui savait voir de grandioses correspondances dans le détail bizarre de notre microcosme
1056 grandioses correspondances dans le détail bizarre de notre microcosme, manquait de la seule chose dont nous soyons abondam
1057 s le détail bizarre de notre microcosme, manquait de la seule chose dont nous soyons abondamment fournis : d’un attirail d
1058 eule chose dont nous soyons abondamment fournis : d’ un attirail de concepts à tout faire31. Il faut voir comme il se débat
1059 t nous soyons abondamment fournis : d’un attirail de concepts à tout faire31. Il faut voir comme il se débat avec son lati
1060 31. Il faut voir comme il se débat avec son latin de cuisine, son grec allégorique et son allemand mal accordé pour fabriq
1061 ur ne saurait satisfaire les esprits plus curieux de preuves que de faits. J’en viens au petit livre de Gundolf. C’est l’œ
1062 atisfaire les esprits plus curieux de preuves que de faits. J’en viens au petit livre de Gundolf. C’est l’œuvre synthétiqu
1063 e preuves que de faits. J’en viens au petit livre de Gundolf. C’est l’œuvre synthétique d’un philosophe des formes culture
1064 petit livre de Gundolf. C’est l’œuvre synthétique d’ un philosophe des formes culturelles, plutôt que d’un historien de la
1065 ’un philosophe des formes culturelles, plutôt que d’ un historien de la science. Les historiens font la grimace, mais les l
1066 des formes culturelles, plutôt que d’un historien de la science. Les historiens font la grimace, mais les lettrés et les m
1067 font la grimace, mais les lettrés et les médecins de la jeune école seront comblés. Gundolf décrit l’œuvre de Paracelse co
1068 eune école seront comblés. Gundolf décrit l’œuvre de Paracelse comme un drame de l’expression, une tragédie de la terminol
1069 undolf décrit l’œuvre de Paracelse comme un drame de l’expression, une tragédie de la terminologie, une « lutte accablante
1070 else comme un drame de l’expression, une tragédie de la terminologie, une « lutte accablante pour l’expression des choses
1071 on des choses jamais dites ». Paracelse a vu plus de choses qu’il ne pouvait en exprimer. Son destin fut l’inverse du nôtr
1072 pleine scolastique (au sens vulgaire). Ce défaut de mots propres aurait dû le contraindre à l’invention de métaphores. Ma
1073 ts propres aurait dû le contraindre à l’invention de métaphores. Mais Paracelse justement se méfie de ce mode — de cette m
1074 de métaphores. Mais Paracelse justement se méfie de ce mode — de cette mode — d’expression, qui lui paraît peu scientifiq
1075 s. Mais Paracelse justement se méfie de ce mode — de cette mode — d’expression, qui lui paraît peu scientifique. Il s’en t
1076 e justement se méfie de ce mode — de cette mode — d’ expression, qui lui paraît peu scientifique. Il s’en tire au moyen d’a
1077 ui paraît peu scientifique. Il s’en tire au moyen d’ allégories, et transforme sa maladresse en instrument de découvertes.
1078 gories, et transforme sa maladresse en instrument de découvertes. Alors que notre étiologie se borne la plupart du temps à
1079 acelse ne veut nommer les maladies que par le nom de leur remède. « Il ne faut pas dire que tel état est colérique, tel au
1080 connaître et guérir une maladie, il ne suffit pas de voir l’homme seul ; il faut considérer sa relation avec le monde, don
1081 embre, un reflet. So oben wie unten. L’astrologie de Paracelse n’est pas une superstition de devin, c’est une science de l
1082 strologie de Paracelse n’est pas une superstition de devin, c’est une science de la guérison fondée sur le principe hippoc
1083 pas une superstition de devin, c’est une science de la guérison fondée sur le principe hippocratique des similia similibu
1084 ilia similibus, principe qu’on retrouve à la base de l’homéopathie moderne, du traitement par la vaccination, et même de l
1085 oderne, du traitement par la vaccination, et même de la psychanalyse. Paracelse s’était formé de l’homme une conception sp
1086 même de la psychanalyse. Paracelse s’était formé de l’homme une conception spirituelle et organique (théologique-astrolog
1087 ins galénistes qui voyaient l’homme sous l’aspect d’ un concept. Il se fût opposé aussi aux médecins de la Renaissance, à L
1088 d’un concept. Il se fût opposé aussi aux médecins de la Renaissance, à Léonard, à Cardan, à Vésale, aux techniciens de la
1089 e, à Léonard, à Cardan, à Vésale, aux techniciens de la dissection dont descend toute la science du xixe , et qui nous ont
1090 onduits à considérer notre corps comme une espèce de moteur démontable. Ainsi le grand docteur « macrocosmique », en appli
1091 ur les générations futures « l’horizon primordial de la médecine », comme l’écrit le Dr Allendy dans l’Essai sur la guéris
1092 ns l’Essai sur la guérison, ouvrage tout imprégné de l’esprit vitaliste de Paracelse, brève synthèse des idées les plus ne
1093 ison, ouvrage tout imprégné de l’esprit vitaliste de Paracelse, brève synthèse des idées les plus neuves, qui sont aussi l
1094 ont aussi les plus antiques, sur la nature unique de la maladie, ouvrage dont on peut dire qu’il marque une date dans l’hi
1095 n peut dire qu’il marque une date dans l’histoire de la connaissance du monde par le corps, ou si l’on veut, du corps par
1096 auquel nous assistons est un des signes marquants de ce temps-ci. Le symbole d’une révolution astronomique de la culture o
1097 n des signes marquants de ce temps-ci. Le symbole d’ une révolution astronomique de la culture occidentale. Peut-être avons
1098 emps-ci. Le symbole d’une révolution astronomique de la culture occidentale. Peut-être avons-nous passé l’âge de l’inhumai
1099 ure occidentale. Peut-être avons-nous passé l’âge de l’inhumaine, de la blasphématoire mécanisation de la vie. Peut-être a
1100 Peut-être avons-nous passé l’âge de l’inhumaine, de la blasphématoire mécanisation de la vie. Peut-être avons-nous passé
1101 de l’inhumaine, de la blasphématoire mécanisation de la vie. Peut-être avons-nous passé l’âge des rationalismes trop court
1102 s-nous passé l’âge des rationalismes trop courts, de la mythologie féroce des ismes, de Marx et des capitalistes, des ador
1103 s trop courts, de la mythologie féroce des ismes, de Marx et des capitalistes, des adorateurs de la mort, triomphe des chi
1104 smes, de Marx et des capitalistes, des adorateurs de la mort, triomphe des chiffres et des laboratoires. Peut-être allons-
1105 ulement cruelle et folle, l’époque qui nous offre de si grandes chances. Et c’est une ère favorable qui s’ouvre, celle où
1106 s sur les ouvriers, observa la démarche, le genre de vie et l’aspect des mineurs et conçut ainsi, le premier, l’importance
1107 mineurs et conçut ainsi, le premier, l’importance de l’hygiène professionnelle ». Voilà qui l’honore en tant qu’homme. Mai
1108 nommât l’activité qu’il découvrait. Qui ne sait, de nos jours, parler d’« hygiène professionnelle » ? 32. Euphémisme rés
1109 ’il découvrait. Qui ne sait, de nos jours, parler d’ « hygiène professionnelle » ? 32. Euphémisme résumant des chapitres e
1110  ? 32. Euphémisme résumant des chapitres entiers d’ effroyables et puériles injures. « Votre Esculape, votre Avicenne et v
1111 cribouillards (Scribenten) je les dissoudrai dans de l’Alkali !… » Il propose dans le même passage de les brûler au four,
1112 de l’Alkali !… » Il propose dans le même passage de les brûler au four, de les baptiser d’ordures, eux et leur parenté, d
1113 opose dans le même passage de les brûler au four, de les baptiser d’ordures, eux et leur parenté, de les jeter dans le lac
1114 me passage de les brûler au four, de les baptiser d’ ordures, eux et leur parenté, de les jeter dans le lac de Schwyz, etc.
1115 , de les baptiser d’ordures, eux et leur parenté, de les jeter dans le lac de Schwyz, etc., « et ce sera pour la vertu, qu
1116 es, eux et leur parenté, de les jeter dans le lac de Schwyz, etc., « et ce sera pour la vertu, quarte colonne de la médeci
1117 etc., « et ce sera pour la vertu, quarte colonne de la médecine, un grand spectacle ! » (Liber Paragranum). r. Rougemon
1118 acle ! » (Liber Paragranum). r. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Frédéric Gundolf, Paracelse  », La Nouvelle Revue f
19 1935, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Recherches philosophiques (septembre 1935)
1119 mieux mérité son titre. Je veux dire que la part de la dialectique professionnelle, professorale, la tractation correcte
1120 ctation correcte et à mon sens parfaitement vaine de problèmes qui n’empêchent personne de dormir, diminue nettement dans
1121 ement vaine de problèmes qui n’empêchent personne de dormir, diminue nettement dans ce tome IV au profit de la recherche v
1122 rmir, diminue nettement dans ce tome IV au profit de la recherche véritable, des imprudences passionnées, des « essais » o
1123 saurait assez louer les directeurs des Recherches d’ avoir pris au sérieux le risque philosophique. Et je ne pense pas trah
1124 qu’ils ont accueillis cette année. La belle étude de Karl Löwith sur Hegel, Marx et Kierkegaard fournit à l’orientation ac
1125 à l’orientation actuelle des Recherches une sorte de justification historique de grande envergure. Löwith voit en Hegel l’
1126 Recherches une sorte de justification historique de grande envergure. Löwith voit en Hegel l’achèvement de la philosophie
1127 ande envergure. Löwith voit en Hegel l’achèvement de la philosophie classique, aux deux sens du mot achèvement. À partir d
1128 artir de Hegel, dit-il, le philosophe n’aura plus d’ autre possibilité que celle de « réaliser » la philosophie. Réaliser,
1129 losophe n’aura plus d’autre possibilité que celle de « réaliser » la philosophie. Réaliser, c’est s’engager dans l’aventur
1130 euse. Au grand Hegel qui philosophe « au dimanche de la vie » au-dessus du « banc de sable de cette vie temporelle », Löwi
1131 phe « au dimanche de la vie » au-dessus du « banc de sable de cette vie temporelle », Löwith oppose Marx et Kierkegaard qu
1132 dimanche de la vie » au-dessus du « banc de sable de cette vie temporelle », Löwith oppose Marx et Kierkegaard qui pensent
1133 la banalité soucieuse, extérieure et intérieure, de l’homme ». Et je ne dis pas que le parallèle Marx-Kierkegaard n’ait e
1134 r à l’excès Kierkegaard, et à forcer l’opposition de Marx à la doctrine hégélienne de la médiation. Mais ce qui me paraît
1135 cer l’opposition de Marx à la doctrine hégélienne de la médiation. Mais ce qui me paraît important, c’est que Löwith dégag
1136 nflit qui domine le monde présent. L’effondrement de l’idéalisme hégélien sous la pression des réalités humaines élémentai
1137 personnalistes. Désormais, la philosophie cessera d’ être une simple description : elle va devenir action transformatrice,
1138 e doctrine, ou pour mieux dire, la seule attitude de pensée qui tienne compte de cette crise essentielle révélée par l’éch
1139 re, la seule attitude de pensée qui tienne compte de cette crise essentielle révélée par l’échec des synthèses hégéliennes
1140 chec des synthèses hégéliennes comme constitutive de l’humain, certains pensent que c’est aujourd’hui l’attitude personnal
1141 s pages qu’Alexandre Marc consacre à la situation de la personne dans le temps paraîtront par endroits un peu sommaires, m
1142 endroits un peu sommaires, mais ce défaut procède de la vigueur joyeuse dont l’auteur fait preuve dans l’attaque d’un prob
1143 joyeuse dont l’auteur fait preuve dans l’attaque d’ un problème entre tous urgent. Il se pourrait d’ailleurs que l’apparen
1144 s thèses personnalistes soit le fait, provisoire, de toute philosophie naissante qui prétend restituer aux mots leur pouvo
1145 tiquement bouleversant. À cet égard, on fera bien de lire l’essai de René Daumal sur les Limites du langage philosophique.
1146 ersant. À cet égard, on fera bien de lire l’essai de René Daumal sur les Limites du langage philosophique. C’est une reche
1147 philosophique. C’est une recherche des conditions d’ activité de l’imagerie philosophique, conduite avec un bon sens socrat
1148 ue. C’est une recherche des conditions d’activité de l’imagerie philosophique, conduite avec un bon sens socratique, un se
1149 e avec un bon sens socratique, un sens du concret de l’esprit qui enchante en moi le disciple de Kierkegaard. Il apparaît
1150 ncret de l’esprit qui enchante en moi le disciple de Kierkegaard. Il apparaît de plus en plus nettement que les prolégomèn
1151 toute action réelle résident dans la restauration d’ un langage efficace. C’est dire l’intérêt, au sens fort, de l’apport d
1152 age efficace. C’est dire l’intérêt, au sens fort, de l’apport des poètes à la philosophie et à l’éthique. Les études de E.
1153 oètes à la philosophie et à l’éthique. Les études de E. Weil sur l’histoire, de M. Souriau sur la mystique de la joie, les
1154 l’éthique. Les études de E. Weil sur l’histoire, de M. Souriau sur la mystique de la joie, les esquisses phénoménologique
1155 eil sur l’histoire, de M. Souriau sur la mystique de la joie, les esquisses phénoménologiques du Dr Minkowski, les approxi
1156 ations un peu hésitantes — est-ce un reproche ? —  de G. Marcel sur l’acte et la personne, mériteraient beaucoup plus qu’un
1157 résume tout le vertige ontologique, et l’article de G. Stern sur l’a posteriori, bien caractéristique d’un certain renouv
1158 G. Stern sur l’a posteriori, bien caractéristique d’ un certain renouveau du réalisme. Je me bornerai à signaler pour finir
1159 ai à signaler pour finir les pages très curieuses de P. Klossowski sur Sade, où il est démontré par des voies imprévues, c
1160 ntré par des voies imprévues, comment la négation de Dieu entraîne la négation du prochain, dans un esprit voué à la plus
1161 la plus torturante logique. s. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Recherches philosophiques  », La Nouvelle Revue fra
20 1935, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Lawrence et Brett par Dorothy Brett ; Matinées mexicaines suivi de Pansies (poèmes), par D. H. Lawrence (octobre 1935)
1162 ett par Dorothy Brett ; Matinées mexicaines suivi de Pansies (poèmes), par D. H. Lawrence (octobre 1935)t Les souvenirs
1163 r D. H. Lawrence (octobre 1935)t Les souvenirs de Mabel Dodge sur Lawrence à Taos sont irritants à cause de cette Améri
1164 r discret, sensible, qui convient à la confession d’ un sentiment ni partagé ni rebuté, et résigné dès le début à cet état.
1165 état. Le plaisir le plus vif que réserve ce genre d’ écrit, c’est de nous laisser lire dans le jeu d’un être humain : rien
1166 r le plus vif que réserve ce genre d’écrit, c’est de nous laisser lire dans le jeu d’un être humain : rien ne flatte mieux
1167 e d’écrit, c’est de nous laisser lire dans le jeu d’ un être humain : rien ne flatte mieux notre désir d’ubiquité. À cet ég
1168 un être humain : rien ne flatte mieux notre désir d’ ubiquité. À cet égard, le livre de Dorothy Brett est beaucoup plus sat
1169 eux notre désir d’ubiquité. À cet égard, le livre de Dorothy Brett est beaucoup plus satisfaisant que les diatribes intére
1170 p plus satisfaisant que les diatribes intéressées de Mabel Dodge. Il parvient à ne rien cacher tout en restant d’une exact
1171 dge. Il parvient à ne rien cacher tout en restant d’ une exacte pudeur. Mais enfin, c’est tout de même pour Lawrence qu’on
1172 Pour quel Lawrence ? Je me demande si le souvenir de son œuvre est pour beaucoup dans l’intérêt que je prends aux chroniqu
1173 ’intérêt que je prends aux chroniques minutieuses de sa vie33. A-t-on remarqué l’extrême rareté des documents accessibles
1174 e rareté des documents accessibles sur la manière de vivre de nos contemporains ? Nous avons des reportages et des biograp
1175 des documents accessibles sur la manière de vivre de nos contemporains ? Nous avons des reportages et des biographies, c’e
1176 ies, c’est-à-dire des moyennes et des exceptions, de la statistique et du pittoresque. Mais où trouver la description des
1177 ption des journées, des occupations, des manières de réagir d’un homme réel aux prises avec son métier, ses voisins, sa fe
1178 journées, des occupations, des manières de réagir d’ un homme réel aux prises avec son métier, ses voisins, sa femme, son a
1179 , ses voisins, sa femme, son argent ou son manque d’ argent ; avec des ustensiles, une scie, un cheval ; avec les sentiment
1180 Voici alors, entre cent autres, cette description d’ une journée de Lawrence dans son ranch mexicain (c’est à Lawrence que
1181 ntre cent autres, cette description d’une journée de Lawrence dans son ranch mexicain (c’est à Lawrence que Brett dit « vo
1182 Brett dit « vous » tout le long du livre) : Jour de lessive ; à nouveau Frieda barbote avec plaisir dans ses baquets que
1183 dans ses baquets que vous emplissez sans relâche de l’eau du puits. J’apporte, moi aussi, quelques seaux. Puis vous parte
1184 e il lui avait déclaré que vous aviez l’intention de « détruire » Mabel, ce qui bouleverse Tony et vous bouleverse au-delà
1185 ce qui bouleverse Tony et vous bouleverse au-delà de toute expression. Vous êtes très peiné, et je dis, moi, qu’on ne devr
1186 né, et je dis, moi, qu’on ne devrait pas raconter de pareilles histoires à Tony. Vous répondez avec force et chaleur : « O
1187 le déjeuner vous vous mettez à frotter le parquet de la cuisine à genoux ; à l’aide d’une petite brosse à mains, vous frot
1188 tter le parquet de la cuisine à genoux ; à l’aide d’ une petite brosse à mains, vous frottez les vieilles planches pourries
1189 es vieilles planches pourries. C’est cette vision de vous ainsi qui m’a fait peindre ces planchers, des années plus tard,
1190 les chevaux qui se cachent tout au bout du champ de pommes de terre, là-bas près de la barrière sud. Finalement, nous les
1191 que jamais. Puis Poppy se cabre au-dessus du dos de Bessie et nous la perdons presque. Enfin nos montures sont sellées et
1192 wrence, leur humeur rageuse, faut-il dire, coupée d’ accès de malice saugrenue. Les Pansies confirment d’ailleurs ce que no
1193 leur humeur rageuse, faut-il dire, coupée d’accès de malice saugrenue. Les Pansies confirment d’ailleurs ce que nous disen
1194 d’ailleurs ce que nous disent Brett et les autres de cet état d’irritation perpétuelle où vivait Lawrence : « Je suis épui
1195 e que nous disent Brett et les autres de cet état d’ irritation perpétuelle où vivait Lawrence : « Je suis épuisé — Par l’e
1196 ez pas votre confiance — Pour me charger du poids de votre vie, de vos affaires ; — Ne me fourrez pas dans vos soucis. » L
1197 onfiance — Pour me charger du poids de votre vie, de vos affaires ; — Ne me fourrez pas dans vos soucis. » La mauvaise hum
1198 sans doute la caractéristique générale des hommes d’ aujourd’hui : c’est qu’ils croient au bonheur et à l’argent, les deux
1199 ni à l’autre. Sa susceptibilité vient sans doute de son infériorité physique. Mais non moins de son obstination absurde e
1200 doute de son infériorité physique. Mais non moins de son obstination absurde et touchante à vouloir « les gens » plus viva
1201 alité. » L’homme moderne, dit Keyserling, n’a pas de prochains ; il n’a que des voisins inévitables. Voilà Lawrence, l’hom
1202 évangélique, c’est justement celui qui « exige » de l’aide et auquel on vient en aide. Autrement, il serait deux fois ins
1203 veut pas entendre. Pauvre Lawrence à la recherche de sa communauté solaire !34 C’est son meilleur prétexte à fuir les homm
1204 les bêtes, les choses. Envers elles, il est plein d’ une espèce de charité patiente et ingénieuse. D’où son amour des trava
1205 s choses. Envers elles, il est plein d’une espèce de charité patiente et ingénieuse. D’où son amour des travaux manuels. C
1206 n d’une espèce de charité patiente et ingénieuse. D’ où son amour des travaux manuels. Comme tout cela est rafraîchissant,
1207 et pur. Notez aussi cette petite phrase du récit de Brett : « Puis vous partez écrire dans les bois. » On allait oublier
1208 ssé à un pin, avec sa chemise bleue, ses culottes de velours blanc, et son grand chapeau de paille pointu, en train d’écri
1209 s culottes de velours blanc, et son grand chapeau de paille pointu, en train d’écrire sur ses genoux. (Pendant que les aut
1210 ment animées par « les battements du cœur sauvage de l’Espace », il s’amuse, il s’effraie de ses personnages, il les hait
1211 r sauvage de l’Espace », il s’amuse, il s’effraie de ses personnages, il les hait furieusement, il les approche avec méfia
1212 rieusement, il les approche avec méfiance et tout d’ un coup les pousse par-derrière, et rit. C’est un long enfant maigre a
1213 t qui s’est mis une barbe rousse pour avoir l’air d’ un faune. 33. Même question pour les Conversations avec Eckermann, p
1214 les Conversations avec Eckermann, pour le Journal de Byron, etc. 34. Je n’arrive pas à prendre au sérieux en soi la relig
1215 ligion solaire que prêche Lawrence. C’est un rêve de compensation. C’est l’expression de son impuissance à résoudre ce que
1216 C’est un rêve de compensation. C’est l’expression de son impuissance à résoudre ce que j’appellerais le « problème des gen
1217 et beaucoup plus encombrant… t. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Dorothy Brett, Lawrence et Brett ; D. H. Lawrence,
1218 Brett ; D. H. Lawrence, Matinées mexicaines suivi de Pansies  », La Nouvelle Revue française, Paris, octobre 1935, p. 596-
21 1935, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Les Mystiques allemands du xiiie au xixe siècle, par Jean Chuzeville (octobre 1935)
1219 35)u C’est une entreprise incertaine que celle d’ offrir à la curiosité moderne les témoignages écrits de la mystique mé
1220 rir à la curiosité moderne les témoignages écrits de la mystique médiévale ou renaissante. Notre optique actuelle doit fat
1221 otre scepticisme religieux. Une telle disposition d’ esprit nous incite à séparer ce qui était lié chez les mystiques : la
1222 r ce qui était lié chez les mystiques : la vision de foi et les symboles concrets qui essaient de l’envelopper pour la tra
1223 sion de foi et les symboles concrets qui essaient de l’envelopper pour la transmettre. Nous estimons alors les mystiques s
1224 rement l’intellection du contenu, et encore moins de sa vérité. Il y a donc de l’équivoque dans notre admiration (ou notre
1225 ontenu, et encore moins de sa vérité. Il y a donc de l’équivoque dans notre admiration (ou notre déception) devant les tém
1226 t les témoignages qu’on nous propose. Un peu plus d’ exigence philosophique conduirait certainement la plupart d’entre nous
1227 prétendu traduire, ce qui reviendrait à les taxer de mythomanie. La ferveur littéraire indiscrète, qui fera sans doute le
1228 téraire indiscrète, qui fera sans doute le succès de ce volume, vaut-elle mieux que l’étroitesse positiviste, qui réduira
1229 cela au jeu des complexes freudiens ? Tout dépend de ce que l’on attend de l’homme et de son esprit : la puissance de trom
1230 xes freudiens ? Tout dépend de ce que l’on attend de l’homme et de son esprit : la puissance de tromper (art inclus) pour
1231 ? Tout dépend de ce que l’on attend de l’homme et de son esprit : la puissance de tromper (art inclus) pour jouir, ou la p
1232 attend de l’homme et de son esprit : la puissance de tromper (art inclus) pour jouir, ou la puissance de fixer le vrai par
1233 tromper (art inclus) pour jouir, ou la puissance de fixer le vrai par convention ou décret scientifique, pour agir. (Il y
1234 cisif en ces matières, l’alternative que je viens d’ indiquer ne se pose plus. Car la foi n’est pas davantage une évasion h
1235 ge une évasion hors de ce monde qu’une limitation de l’homme au temporel. La foi réelle, c’est la puissance active de l’Ét
1236 emporel. La foi réelle, c’est la puissance active de l’Éternel dans ce temps. Cette définition condamne tout mysticisme qu
1237 er en Dieu, son principe ». La question est alors de savoir s’il existe une mystique vraiment chrétienne, une mystique qui
1238 ne soit pas cette « transgression » et cet oubli de nos limites, contre lesquels s’élèvent sans cesse les Prophètes et le
1239 e les pages les plus « belles » — du point de vue de l’art — de cette anthologie, sont souvent les plus hérétiques, celles
1240 les plus « belles » — du point de vue de l’art — de cette anthologie, sont souvent les plus hérétiques, celles aussi où l
1241 es aussi où l’hybris spirituelle se pare le mieux d’ humilité dévote. Ceci marqué, qui est plus qu’une réserve, il convient
1242 marqué, qui est plus qu’une réserve, il convient de remercier M. Chuzeville de nous avoir ouvert par son anthologie tout
1243 e réserve, il convient de remercier M. Chuzeville de nous avoir ouvert par son anthologie tout un monde spirituel et poéti
1244 hologie tout un monde spirituel et poétique plein de dangereuses merveilles. Le choix des textes me paraît des plus heureu
1245 valis et Ruysbroeck mis à part ; et beaucoup sont de grands poètes, des philosophes terriblement concrets : Maître Eckhart
1246 ostique. Pour Paracelse, on s’étonnera sans doute de le voir figurer dans un choix de « mystiques », alors qu’il est le pr
1247 nnera sans doute de le voir figurer dans un choix de « mystiques », alors qu’il est le premier défenseur de l’expériencev.
1248 mystiques », alors qu’il est le premier défenseur de l’expériencev. Mais la beauté des textes cités fait pardonner bien vo
1249 cités fait pardonner bien volontiers cette erreur de classification35. Par exemple, je m’explique mal l’omission de Hamann
1250 tion35. Par exemple, je m’explique mal l’omission de Hamann qui eût avantageusement remplacé la visionnaire Catherine Emme
1251 merich, et qui mérite au moins autant que Novalis de figurer parmi les grands mystiques modernes. Mais sans doute M. Chuze
1252 . Ce préjugé consiste à rendre Luther responsable d’ une scission dans la culture et la spiritualité allemandes, scission a
1253 té allemandes, scission aboutissant par une série d’ actions et de réactions dialectiques « au romantisme, au révolutionnar
1254 , scission aboutissant par une série d’actions et de réactions dialectiques « au romantisme, au révolutionnarisme et à l’a
1255 obsède décidément nos universitaires. Elle relève d’ un nationalisme de manuels, pour ne pas dire, avec E. R. Curtius, d’un
1256 nos universitaires. Elle relève d’un nationalisme de manuels, pour ne pas dire, avec E. R. Curtius, d’une « propagande de
1257 de manuels, pour ne pas dire, avec E. R. Curtius, d’ une « propagande de guerre » qu’on aimait à croire périmée. M. Chuzevi
1258 pas dire, avec E. R. Curtius, d’une « propagande de guerre » qu’on aimait à croire périmée. M. Chuzeville a eu le tort de
1259 mait à croire périmée. M. Chuzeville a eu le tort de vouloir y réduire l’évolution du mysticisme allemand, qui justement l
1260 formel. Car si l’on voit à la rigueur le passage de la dialectique de Boehme à la philosophie de Fichte et de Hegel, d’où
1261 on voit à la rigueur le passage de la dialectique de Boehme à la philosophie de Fichte et de Hegel, d’où sont effectivemen
1262 sage de la dialectique de Boehme à la philosophie de Fichte et de Hegel, d’où sont effectivement sortis un certain nationa
1263 alectique de Boehme à la philosophie de Fichte et de Hegel, d’où sont effectivement sortis un certain nationalisme et la d
1264 de Boehme à la philosophie de Fichte et de Hegel, d’ où sont effectivement sortis un certain nationalisme et la doctrine du
1265 du jeune Marx, on ne voit pas du tout le passage de Luther à Boehme, ce défenseur du libre arbitre persécuté par les past
1266 é s’il développait certaines indications fécondes de sa préface et nous donnait une bonne étude sur le lyrisme romantique
1267 sans équivoque la confrontation des mystiques et de la mentalité moderne. 35. Ce que je pardonne moins à M. Chuzeville,
1268 . Ce que je pardonne moins à M. Chuzeville, c’est d’ écrire que Paracelse « était de nature comédienne, et savait à l’occas
1269 Chuzeville, c’est d’écrire que Paracelse « était de nature comédienne, et savait à l’occasion dissimuler, comme l’indique
1270 ccasion dissimuler, comme l’indique le choix même d’ un pseudonyme. L’alchimiste médecin Paracelse, en réalité, se nommait
1271 aste de Hohenheim, ce dont il n’eut jamais l’idée de se cacher. – L’érudition considérable de M. Chuzeville me paraît parf
1272 s l’idée de se cacher. – L’érudition considérable de M. Chuzeville me paraît parfois hasardeuse. Les travaux de Jean Baruz
1273 zeville me paraît parfois hasardeuse. Les travaux de Jean Baruzi lui sont inconnus ; de même que les études de A. Koyré su
1274 Baruzi lui sont inconnus ; de même que les études de A. Koyré sur Franck et Weigel. Quant à Luther, il le juge d’après un
1275 sumé, confectionné par Gonzague Truc, du pamphlet de Maritain, lequel s’appuie sur le P. Denifle… Que de garanties accumul
1276 Maritain, lequel s’appuie sur le P. Denifle… Que de garanties accumulées ! u. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Jean
1277 ue de garanties accumulées ! u. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Jean Chuzeville, Les Mystiques allemands du XIIIe a
1278 sur le Paracelse de Frédéric Gundolf, dans la NRF de septembre 1935.
22 1935, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). « Le plus beau pays du monde » (octobre 1935)
1279 ur sens, il faut ajouter aussitôt qu’on a le tort de leur en accorder bien davantage qu’ils n’en gardent et que ceux qui l
1280 çoivent. Pour vous le prouver, voici une anecdote d’ Angleterre : elle doit donc être vraie. Une petite fille aux cheveux c
1281 carotte, nommée Alice, écrit ceci dans son devoir d’ anglais : « L’Angleterre est le plus beau pays du monde. » Un inspecte
1282 ait par là. Il lit le devoir. Tonnerre et foudres de ce pacifiste, qui n’hésite pas à dénoncer « l’impérialisme démodé » d
1283 n’hésite pas à dénoncer « l’impérialisme démodé » de l’instituteur d’Alice, tenu pour responsable du cliché. On blâme cet
1284 noncer « l’impérialisme démodé » de l’instituteur d’ Alice, tenu pour responsable du cliché. On blâme cet instituteur. Qui
1285 ste allemand qui la raconte, et qui ne manque pas de féliciter la Chambre des communes. (Gazette de Francfort, du 31 juill
1286 as de féliciter la Chambre des communes. (Gazette de Francfort, du 31 juillet). On dirait une « histoire idiote ». Tout y
1287 point cela ressemble à la plupart des entretiens d’ aujourd’hui sur la politique, à l’article du Temps, à un cerveau d’hom
1288 la politique, à l’article du Temps, à un cerveau d’ homme de gauche ou d’homme de droite. D’abord « impérialisme » : c’est
1289 tique, à l’article du Temps, à un cerveau d’homme de gauche ou d’homme de droite. D’abord « impérialisme » : c’est sans nu
1290 ticle du Temps, à un cerveau d’homme de gauche ou d’ homme de droite. D’abord « impérialisme » : c’est sans nul doute « nat
1291 Temps, à un cerveau d’homme de gauche ou d’homme de droite. D’abord « impérialisme » : c’est sans nul doute « nationalism
1292 r (à moins qu’il n’ait une conception conquérante de la beauté ?). « Démodé » : on se demande dans quel pays. « Pacifiste 
1293 é, un fait sentimental et tellurique, un ensemble de goûts et d’habitudes qui ne comporte ni orgueil ni modestie, ni aucun
1294 entimental et tellurique, un ensemble de goûts et d’ habitudes qui ne comporte ni orgueil ni modestie, ni aucune espèce de
1295 comporte ni orgueil ni modestie, ni aucune espèce de valeurs morales, de même que la digestion, si vous voulez. L’idée mêm
1296 ême que la digestion, si vous voulez. L’idée même de s’en vanter indique un trouble. — Enfin, voilà les hitlériens qui tro
1297 beau pays du monde ? Cela du moins ne manque pas de logique, malgré la première apparence. L’erreur courante, qui est cel
1298 nte, qui est celle du libéral rationaliste, c’est de croire que la proposition « l’Angleterre est le plus beau pays du mon
1299 ens rationnel ; que c’est un jugement qui conclut d’ une comparaison. Mais en réalité, lorsque la petite Alice écrit que l’
1300 tit à cette conclusion : il y a dans ce pays plus de beauté que dans tel et tel autre. C’est tout au contraire exprimer un
1301 tout au contraire exprimer un refus pur et simple de comparer. C’est affirmer une préférence inconditionnelle. C’est recon
1302 le. C’est reconnaître et accepter le fait concret d’ un attachement qui ne comporte pas de choix délibéré. Par malheur, l’e
1303 fait concret d’un attachement qui ne comporte pas de choix délibéré. Par malheur, l’enseignement s’empare du fait patrioti
1304 nseignement s’empare du fait patriotique et tente de le rationaliser : il en fait un objet de discours. Par là même il le
1305 et tente de le rationaliser : il en fait un objet de discours. Par là même il le rend absurde. Il le « mystifie ». Qui dit
1306 ppose comparaison, et rien n’est plus absurde que de comparer un pays à un autre, un amour à un autre, car où est l’étalon
1307 èle idéal ? Le malfaisant nationalisme n’est rien d’ autre qu’une rationalisation mensongère du sentiment patriotique. C’es
1308 ntiment patriotique. C’est l’intervention abusive de la raison comparative dans le domaine de l’incomparable. Si l’on tien
1309 abusive de la raison comparative dans le domaine de l’incomparable. Si l’on tient compte du fait patriotique naturel, la
1310 monde ». C’est la formule fédéraliste. — Inutile d’ ajouter que le salut temporel de l’Europe dépend de sa faculté d’opére
1311 aliste. — Inutile d’ajouter que le salut temporel de l’Europe dépend de sa faculté d’opérer de telles distinctions. w.
1312 e. — Inutile d’ajouter que le salut temporel de l’ Europe dépend de sa faculté d’opérer de telles distinctions. w. Rougemont
1313 ’ajouter que le salut temporel de l’Europe dépend de sa faculté d’opérer de telles distinctions. w. Rougemont Denis de,
1314 e salut temporel de l’Europe dépend de sa faculté d’ opérer de telles distinctions. w. Rougemont Denis de, « “Le plus be
1315 emporel de l’Europe dépend de sa faculté d’opérer de telles distinctions. w. Rougemont Denis de, « “Le plus beau pays d
1316 rer de telles distinctions. w. Rougemont Denis de , « “Le plus beau pays du monde” », La Nouvelle Revue française, Paris
23 1936, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Sur l’esprit incarné (février 1936)
1317 er 1936)x M. Julien Benda écrit dans le numéro de janvier de la NRF la phrase suivante : « La religion de l’esprit inca
1318 M. Julien Benda écrit dans le numéro de janvier de la NRF la phrase suivante : « La religion de l’esprit incarné est cel
1319 vier de la NRF la phrase suivante : « La religion de l’esprit incarné est celle qui honore l’esprit en tant qu’il veut por
1320 re l’esprit en tant qu’il veut porter l’empreinte de certains intérêts terrestres, et le méprise en tant qu’il cherche à s
1321 t le méprise en tant qu’il cherche à s’affranchir de ce genre de pression pour s’exercer en toute liberté. » Il écrit un p
1322 en tant qu’il cherche à s’affranchir de ce genre de pression pour s’exercer en toute liberté. » Il écrit un peu plus loin
1323 iques ou simplement logiques ». S’il m’est permis de faire ici un peu de théologie et un peu de logique, je demanderai à M
1324 étendu que leur politique fût une « incarnation » de l’esprit ; 2° au cas où ils l’auraient fait, ce que j’ignore car je l
1325 j’ignore car je les pratique peu : s’il y a lieu de reprendre à son compte cette erreur de vocabulaire, ou en langage thé
1326 l y a lieu de reprendre à son compte cette erreur de vocabulaire, ou en langage théologique, ce blasphème ; 3° si l’incarn
1327 e théologique, ce blasphème ; 3° si l’incarnation de l’Esprit, c’est-à-dire Jésus-Christ, fils de Dieu, a jamais « porté l
1328 tion de l’Esprit, c’est-à-dire Jésus-Christ, fils de Dieu, a jamais « porté l’empreinte de certains intérêts terrestres »,
1329 hrist, fils de Dieu, a jamais « porté l’empreinte de certains intérêts terrestres », et conséquemment, si l’on a le droit
1330 errestres », et conséquemment, si l’on a le droit d’ opposer esprit pur à esprit incarné dans des termes tels qu’esprit inc
1331 s termes tels qu’esprit incarné devienne synonyme de trahison intéressée ; 4° si M. Benda conçoit que l’opposition esprit
1332 évoque précisément pour un chrétien l’opposition de Pilate et des docteurs nationalistes juifs qui criaient avec la popul
1333 si le clerc qui s’en lave les mains ne risque pas de faire le jeu des clercs qui crient avec les loups, et de trahir de la
1334 e le jeu des clercs qui crient avec les loups, et de trahir de la sorte doublement, étant admis toutefois que la mission d
1335 es clercs qui crient avec les loups, et de trahir de la sorte doublement, étant admis toutefois que la mission de l’esprit
1336 doublement, étant admis toutefois que la mission de l’esprit est d’entrer dans le monde, non point pour s’y soumettre, ma
1337 nt admis toutefois que la mission de l’esprit est d’ entrer dans le monde, non point pour s’y soumettre, mais pour le trans
1338 Évangile et la théologie résument par le seul mot de Rédemption, et que certains antichrétiens, plus pénétrés de christian
1339 ion, et que certains antichrétiens, plus pénétrés de christianisme qu’ils ne le croient, préfèrent appeler révolution. Ces
1340 les. Et je ne vois pas comment il serait possible d’ y échapper. Depuis huit ans que sa Trahison des Clercs est apparue, M.
1341 usement suivi sur ce point par ses contradicteurs de droite. Mais alors son dernier article est trop clair. Il n’y manque
1342 res : ut evacuata sit crux. x. Rougemont Denis de , « Sur l’esprit incarné », La Nouvelle Revue française, Paris, févrie
24 1936, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Dictature de la liberté, par Robert Aron (mars 1936)
1343 Dictature de la liberté, par Robert Aron (mars 1936)y « J’aime les titres mysté
1344 mystérieux ou pétard », disait Baudelaire. Celui d’ Aron unit ces deux vertus, par une sorte d’ellipse tout à fait révélat
1345 Celui d’Aron unit ces deux vertus, par une sorte d’ ellipse tout à fait révélatrice du mouvement de sa pensée, et à certai
1346 te d’ellipse tout à fait révélatrice du mouvement de sa pensée, et à certains égards, du contenu de la doctrine qu’il défe
1347 nt de sa pensée, et à certains égards, du contenu de la doctrine qu’il défend. Dictature et liberté, le monde moderne se d
1348 le la supprime pratiquement, elle perd tout point d’ appui, son élan meurt en anarchie. La solution de ce conflit est évide
1349 d’appui, son élan meurt en anarchie. La solution de ce conflit est évidente, c’est peut-être pourquoi bien peu l’ont vue
1350 la dictature36 seule y parvient — mais au profit de la liberté, et à seule fin de la laisser s’épanouir. Il faut soumettr
1351 nt — mais au profit de la liberté, et à seule fin de la laisser s’épanouir. Il faut soumettre la dictature à la liberté, i
1352 aut une dictature pour la liberté — une dictature de la liberté. Ce serait le plus beau « titre » du siècle. Ceci admis, e
1353 « pratiques » ; celles qui passionnent les hommes d’ action et qu’ils estiment purement techniques parce qu’ils en ignorent
1354 omie et les rapports sociaux selon les nécessités de l’heure, à leurs yeux « matérielles d’abord ». Cette vue des plus cou
1355 ès le début à une volonté perspicace et fanatique de libération, ne tardent pas à se retourner contre les hommes, et à bri
1356 personne. Si la personne n’est pas déjà au début d’ un calcul pratique, on ne la retrouvera jamais au terme ; et la rigueu
1357 les sont les bases — algébrisées — des recherches de L’Ordre nouveau. Robert Aron les a décrites avec une sobre et nerveus
1358 qui tranche sur le verbiage technico-humanitaire de tous nos fabricants de « plans d’urgence ». Précision qui d’ailleurs
1359 biage technico-humanitaire de tous nos fabricants de « plans d’urgence ». Précision qui d’ailleurs n’exclut pas une éloque
1360 ico-humanitaire de tous nos fabricants de « plans d’ urgence ». Précision qui d’ailleurs n’exclut pas une éloquence qu’on d
1361 rabattre au concret. On peut reprocher à l’auteur d’ avoir passé trop rapidement sur certaines questions dernières (le sens
1362 ur certaines questions dernières (le sens dernier de la liberté humaine, par exemple). Mais si l’on considère l’ampleur du
1363 ple). Mais si l’on considère l’ampleur du dessein de L’Ordre nouveau, et la difficulté de le résumer à l’usage d’un public
1364 r du dessein de L’Ordre nouveau, et la difficulté de le résumer à l’usage d’un public qu’il faut sans cesse prévenir contr
1365 nouveau, et la difficulté de le résumer à l’usage d’ un public qu’il faut sans cesse prévenir contre les pires malentendus,
1366 r contre les pires malentendus, l’on jugera mieux de la qualité de tension et de décision spirituelle que supposait un tel
1367 ires malentendus, l’on jugera mieux de la qualité de tension et de décision spirituelle que supposait un tel ouvrage. M. T
1368 us, l’on jugera mieux de la qualité de tension et de décision spirituelle que supposait un tel ouvrage. M. Thibaudet récla
1369 se défend qu’en attaquant. Sachons gré à ce livre de poser enfin les questions que la France se doit de résoudre pour l’Eu
1370 e poser enfin les questions que la France se doit de résoudre pour l’Europe, et de les poser sous la forme concrète d’une
1371 uestions que la France se doit de résoudre pour l’ Europe , et de les poser sous la forme concrète d’une série de tensions qu’il
1372 e la France se doit de résoudre pour l’Europe, et de les poser sous la forme concrète d’une série de tensions qu’il s’agit
1373 l’Europe, et de les poser sous la forme concrète d’ une série de tensions qu’il s’agit d’orienter et de rendre fécondes :
1374 t de les poser sous la forme concrète d’une série de tensions qu’il s’agit d’orienter et de rendre fécondes : solutions né
1375 rme concrète d’une série de tensions qu’il s’agit d’ orienter et de rendre fécondes : solutions nécessaires et solutions d’
1376 ’une série de tensions qu’il s’agit d’orienter et de rendre fécondes : solutions nécessaires et solutions d’urgence ; cout
1377 dre fécondes : solutions nécessaires et solutions d’ urgence ; coutume et loi abstraite ; création et automatisme ; libéral
1378 tes les autres, est en train de devenir une sorte de pont aux ânes de nos philosophies politiques (Berdiaev, Maritain, Dan
1379 st en train de devenir une sorte de pont aux ânes de nos philosophies politiques (Berdiaev, Maritain, Dandieu, Mounier, pr
1380 es (Berdiaev, Maritain, Dandieu, Mounier, préface de Malraux à son dernier ouvrage, etc.) J’ai quelques raisons de m’en ré
1381 son dernier ouvrage, etc.) J’ai quelques raisons de m’en réjouir. L’Ordre nouveau en a tiré, le premier, des conclusions
1382 le domaine du travail. Et sa première expérience de service civil, organisée l’été dernier, a fait voir que les ouvriers
1383 riers savent apprécier les conséquences concrètes d’ une distinction que bien des clercs estimaient « trop philosophique ».
1384 rop philosophique ». 36. Entendue au sens large de discipline rigoureuse des activités automatiques, ou « indifférenciée
1385 renciées », et non pas au sens purement politique de tyrannie exercée par un seul homme dans tous les domaines. 37. Parti
1386 qui ne sait pas où aller ». y. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Robert Aron, Dictature de la liberté  », La Nouvell
1387 Denis de, « [Compte rendu] Robert Aron, Dictature de la liberté  », La Nouvelle Revue française, Paris, mars 1936, p. 435-
25 1936, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Kierkegaard en France (juin 1936)
1388 rkegaard en France (juin 1936)z L’introduction de Kierkegaard en France a les mêmes dates que la crise : 1930-1935. Il
1389 es que la crise : 1930-1935. Il a fallu bien près d’ un siècle, il a fallu surtout le double truchement de Heidegger et de
1390 n siècle, il a fallu surtout le double truchement de Heidegger et de Karl Barth pour imposer à l’attention de quelques-uns
1391 allu surtout le double truchement de Heidegger et de Karl Barth pour imposer à l’attention de quelques-uns l’œuvre d’un éc
1392 egger et de Karl Barth pour imposer à l’attention de quelques-uns l’œuvre d’un écrivain dont, cependant, la puissance de c
1393 our imposer à l’attention de quelques-uns l’œuvre d’ un écrivain dont, cependant, la puissance de choc et d’interrogation n
1394 œuvre d’un écrivain dont, cependant, la puissance de choc et d’interrogation ne saurait être comparée qu’à celle de Pascal
1395 écrivain dont, cependant, la puissance de choc et d’ interrogation ne saurait être comparée qu’à celle de Pascal, de Dostoï
1396 interrogation ne saurait être comparée qu’à celle de Pascal, de Dostoïevski et de Nietzsche. Aujourd’hui Kierkegaard est c
1397 on ne saurait être comparée qu’à celle de Pascal, de Dostoïevski et de Nietzsche. Aujourd’hui Kierkegaard est cité par tou
1398 comparée qu’à celle de Pascal, de Dostoïevski et de Nietzsche. Aujourd’hui Kierkegaard est cité par tout le monde. On m’a
1399 ’il a même un public passionné. Mais si l’on juge de la façon dont il est lu par la façon dont il est trop souvent cité, l
1400 é, l’on pensera qu’il eût mieux valu montrer plus de prudence à le répandre. Et pourtant il fallait qu’il fût traduit : c’
1401 it qu’il fût traduit : c’était une des nécessités de notre état spirituel. Seulement, il eût fallu le traduire autrement,
1402 ierkegaard donne l’exemple unique, je crois bien, d’ un auteur qui attache autant d’importance à l’opportunité spirituelle
1403 ue, je crois bien, d’un auteur qui attache autant d’ importance à l’opportunité spirituelle de ses œuvres qu’à leur contenu
1404 e autant d’importance à l’opportunité spirituelle de ses œuvres qu’à leur contenu intrinsèque. Personne peut-être n’a si j
1405 Personne peut-être n’a si jalousement pris souci de dire au bon moment ses vérités inactuelles. De là le rythme singulier
1406 ci de dire au bon moment ses vérités inactuelles. De là le rythme singulier de sa production ; de là ses nombreux masques
1407 es vérités inactuelles. De là le rythme singulier de sa production ; de là ses nombreux masques et pseudonymes, de là auss
1408 les. De là le rythme singulier de sa production ; de là ses nombreux masques et pseudonymes, de là aussi l’impétuosité san
1409 tion ; de là ses nombreux masques et pseudonymes, de là aussi l’impétuosité sans scrupules de ses dernières « attaques con
1410 donymes, de là aussi l’impétuosité sans scrupules de ses dernières « attaques contre la chrétienté établie ». Toute une ca
1411 ontre la chrétienté établie ». Toute une carrière de poète et de philosophe « à orientation religieuse » avait en effet pr
1412 étienté établie ». Toute une carrière de poète et de philosophe « à orientation religieuse » avait en effet préparé le cli
1413 ait en effet préparé le climat et la juste portée de ces attaques, avec une patience ironique, mais aussi dans la crainte
1414 que, mais aussi dans la crainte et le tremblement d’ une foi sans cesse combattue, d’une vraie foi. Publier maintenant, au
1415 et le tremblement d’une foi sans cesse combattue, d’ une vraie foi. Publier maintenant, au hasard, des fragments de cette œ
1416 foi. Publier maintenant, au hasard, des fragments de cette œuvre entièrement commandée par son terme, tout en taisant ou n
1417 er l’œuvre, et ces fragments qu’on nous en donne, de toute espèce de sens réel, — par quoi j’entends d’orientation intime,
1418 es fragments qu’on nous en donne, de toute espèce de sens réel, — par quoi j’entends d’orientation intime, de fidélité ess
1419 e toute espèce de sens réel, — par quoi j’entends d’ orientation intime, de fidélité essentielle, en un mot, de finalité. D
1420 réel, — par quoi j’entends d’orientation intime, de fidélité essentielle, en un mot, de finalité. D’où résultent nécessai
1421 ation intime, de fidélité essentielle, en un mot, de finalité. D’où résultent nécessairement un certain nombre de malenten
1422 de fidélité essentielle, en un mot, de finalité. D’ où résultent nécessairement un certain nombre de malentendus. 1. Parce
1423 . D’où résultent nécessairement un certain nombre de malentendus. 1. Parce qu’on a publié d’abord le Journal du séducteur,
1424 publié d’abord le Journal du séducteur, fragment d’ un gros ouvrage intitulé De deux choses l’une, puis In vino veritas, f
1425 du séducteur, fragment d’un gros ouvrage intitulé De deux choses l’une, puis In vino veritas, fragment des Stades sur le c
1426 n vino veritas, fragment des Stades sur le chemin de la vie, et cela, sans déclarer avec toute l’instance que requérait un
1427 e ces fragments n’étaient que les premiers termes d’ une dialectique au cours de laquelle ils devaient être radicalement ni
1428 mal prévenu, à tenir Kierkegaard pour une espèce d’ esthète du paradoxe moral, pour un immoraliste avant la lettre nietzsc
1429 . Admettons que la suite ait fait voir l’énormité de cette erreur. Je crains bien que ce n’ait été qu’au profit d’une erre
1430 eur. Je crains bien que ce n’ait été qu’au profit d’ une erreur plus subtile. 2. Parce qu’on a traduit la Maladie à la mort
1431 u’on a traduit la Maladie à la mort sous le titre de Traité du désespoir, Kierkegaard a passé bientôt pour le coryphée du
1432 rer, avec une effrayante lucidité, l’universalité de cet état, c’est aussi que pour lui, le désespoir est le péché, la seu
1433 peut nous guérir. Quant à ceux qui le qualifient de « métaphysicien du néant », ils oublient de dire que le néant, dont i
1434 fient de « métaphysicien du néant », ils oublient de dire que le néant, dont ils lui prêtent ainsi le goût, est justement
1435 déchaîné contre les églises établies, les évêques de la cour, et la religion bourgeoise qui veut prendre le christianisme
1436 ianisme « à bon marché » ; parce qu’il en appelle d’ un christianisme théorique à un christianisme existentiel — ce qui est
1437 anisme existentiel — ce qui est le mouvement même de la Réforme — on a voulu le présenter comme une espèce de nihiliste an
1438 éforme — on a voulu le présenter comme une espèce de nihiliste antichrétien. Parce qu’en présence de l’écœurante facilité
1439 rante facilité avec laquelle tant de phraseurs ou de braves gens se réclament de la foi chrétienne — « chose inquiète, inq
1440 tant de phraseurs ou de braves gens se réclament de la foi chrétienne — « chose inquiète, inquiétante », disait Luther —
1441 question tragique et réelle du doute inséparable de la foi ; parce que, « comme un oiseau s’envole anxieux aux approches
1442 « comme un oiseau s’envole anxieux aux approches de l’orage, ainsi, flairant le danger », il a dit : Je n’ai pas la foi,
1443 jamais pu croire. Et pourtant, la définition même de la foi dans l’Évangile n’est-elle pas justement ce cri : « Je crois,
1444 t ce cri : « Je crois, Seigneur, viens au secours de mon incrédulité ». L’on eût évité ce grabuge en traduisant dès le déb
1445 son message décisif. Bien entendu, le « succès » de prestige eût été beaucoup plus restreint. Les raisons qui poussèrent
1446 t trompeurs lui apparaîtraient encore plus fortes de nos jours. Il se peut qu’il se fût réjoui de la maldonne. Que voulait
1447 rtes de nos jours. Il se peut qu’il se fût réjoui de la maldonne. Que voulait donc Kierkegaard ? Peut-être, à la limite, l
1448 , à la limite, le martyre — la preuve irréfutable de sa foi. (Encore qu’il s’en défende avec vigueur mais son action même
1449 r mais son action même témoigne contre l’humilité de son retrait.) La question qui se posait dès lors était celle-ci : « C
1450 lus grande mollesse spirituelle » l’amère passion de faire mourir un témoin de la vérité ? Si tu veux ce résultat… apprend
1451 uelle » l’amère passion de faire mourir un témoin de la vérité ? Si tu veux ce résultat… apprends d’abord à bien connaître
1452 elle voudrait réellement si elle pouvait disposer d’ elle-même. Ainsi bien informé, fais-toi alors le porte-parole des idée
1453 passions qui sont dans l’air, avec l’enthousiasme d’ une éloquence chaude et entraînante. Pour cela, il te faut de la force
1454 ence chaude et entraînante. Pour cela, il te faut de la force et du talent. Qu’arrive-t-il ? Tout simplement ceci : l’époq
1455 e-t-il ? Tout simplement ceci : l’époque s’engoue de tes discours et tu deviens son favori. Tu es alors au début de ton su
1456 rs et tu deviens son favori. Tu es alors au début de ton supplice. Il s’agit maintenant de changer de direction ; tu reste
1457 rs au début de ton supplice. Il s’agit maintenant de changer de direction ; tu restes animé de la même décision, mais tu t
1458 de ton supplice. Il s’agit maintenant de changer de direction ; tu restes animé de la même décision, mais tu te rends aus
1459 ntenant de changer de direction ; tu restes animé de la même décision, mais tu te rends aussi rebutant que tu as été attir
1460 des années qui préparèrent sa mort, il « changea de direction » et révéla le sens dernier de toute son œuvre. Il est just
1461  changea de direction » et révéla le sens dernier de toute son œuvre. Il est juste que ce destin se répète aujourd’hui par
1462 sespoir un « succès » dont il est peut-être temps de tirer certaines conclusions propres à « repousser l’admiration ». Rie
1463 ont M. Tisseau a publié ces quatre petits volumes de « discours édifiants » et d’essais religieux : La Pureté du cœur, Le
1464 uatre petits volumes de « discours édifiants » et d’ essais religieux : La Pureté du cœur, Le Droit de mourir pour la vérit
1465 d’essais religieux : La Pureté du cœur, Le Droit de mourir pour la vérité, Pour un examen de conscience, Le Souverain sac
1466 Le Droit de mourir pour la vérité, Pour un examen de conscience, Le Souverain sacrificateur. On les trouvera « chez le tra
1467 etite ferme, tout au fond du bocage vendéen, pays de secrets obstinés, de voies retorses. Si ces ouvrages font néanmoins q
1468 fond du bocage vendéen, pays de secrets obstinés, de voies retorses. Si ces ouvrages font néanmoins quelque chemin, ce ne
1469 bisme qui naît autour de leur auteur. ⁂ Le centre de Kierkegaard est dans cette phrase : « La subjectivité est la vérité. 
1470 t l’anarchie, etc. La subjectivité, c’est le fait de devenir le sujet de la vérité, et non pas seulement son admirateur en
1471 a subjectivité, c’est le fait de devenir le sujet de la vérité, et non pas seulement son admirateur enthousiaste. On dirai
1472 mirateur enthousiaste. On dirait, dans le langage d’ aujourd’hui : c’est le fait de réaliser la vérité que l’on connaît ; o
1473 it, dans le langage d’aujourd’hui : c’est le fait de réaliser la vérité que l’on connaît ; ou encore, de la prendre au sér
1474 réaliser la vérité que l’on connaît ; ou encore, de la prendre au sérieux et de la vouloir uniquement. Mais on ne peut vo
1475 connaît ; ou encore, de la prendre au sérieux et de la vouloir uniquement. Mais on ne peut vouloir d’une manière totale e
1476 de la vouloir uniquement. Mais on ne peut vouloir d’ une manière totale et unique que ce qui est vrai. Car tout ce qui n’es
1477 volonté qu’on met à le réaliser. Tel est le sujet de la Pureté du cœur. La plupart des écrits proprement religieux de Kier
1478 cœur. La plupart des écrits proprement religieux de Kierkegaard développent ce thème et l’illustrent de la façon la plus
1479 Kierkegaard développent ce thème et l’illustrent de la façon la plus familière et directe, tandis que ses écrits littérai
1480 ophiques ont pour dessein, plus ou moins déguisé, de pousser à l’absurde les attitudes de vie ou de pensée qui ne se fonde
1481 ins déguisé, de pousser à l’absurde les attitudes de vie ou de pensée qui ne se fondent pas dans cette vision centrale et
1482 é, de pousser à l’absurde les attitudes de vie ou de pensée qui ne se fondent pas dans cette vision centrale et unitive. I
1483 même question, qui est celle du sérieux dernier, de la prise au sérieux de la vérité. Du point de vue du sérieux humain,
1484 celle du sérieux dernier, de la prise au sérieux de la vérité. Du point de vue du sérieux humain, l’éternité doit apparaî
1485 main, l’éternité doit apparaître comme une espèce d’ ironie cruelle ; mais du point de vue de l’éternité, le sérieux humain
1486 ne espèce d’ironie cruelle ; mais du point de vue de l’éternité, le sérieux humain apparaît affecté d’un humour désespéré.
1487 de l’éternité, le sérieux humain apparaît affecté d’ un humour désespéré. La dialectique de Kierkegaard consiste alors à dé
1488 aît affecté d’un humour désespéré. La dialectique de Kierkegaard consiste alors à déconsidérer le sérieux et le pathétique
1489 nie tant qu’elle n’est pas actualisée dans l’acte de foi. Il n’y eut jamais de sérieux absolu39 que dans la vie et dans la
1490 actualisée dans l’acte de foi. Il n’y eut jamais de sérieux absolu39 que dans la vie et dans la mort du Christ, homme et
1491 mme et Dieu, car lui seul eut vraiment « le droit de mourir pour la vérité », étant lui-même la vérité. C’est pourquoi l’a
1492 , étant lui-même la vérité. C’est pourquoi l’acte de foi, qui saisit dans ce temps l’éternel paradoxe de la vie et de la m
1493 foi, qui saisit dans ce temps l’éternel paradoxe de la vie et de la mort du Christ, jette sur tous nos sérieux, poses et
1494 sit dans ce temps l’éternel paradoxe de la vie et de la mort du Christ, jette sur tous nos sérieux, poses et amusettes, un
1495 ettes, une ironie, ou ce qui est pire, un soupçon d’ insondable ironie. Un soupçon : car peut-être, l’acte de foi n’existe
1496 ndable ironie. Un soupçon : car peut-être, l’acte de foi n’existe pas ? Peut-être n’est-ce qu’une figure de rhétorique pie
1497 i n’existe pas ? Peut-être n’est-ce qu’une figure de rhétorique pieuse, une illusion, un mythe, ou encore un saut dans le
1498 dans le vide ? Et alors il n’y aurait nulle part de vrai sérieux ? Peut-être aussi cet acte existe-t-il, peut-être que l’
1499 et acte existe-t-il, peut-être que l’illic et tuc de cette Mort et de cette Résurrection peut devenir quelque part, dans u
1500 il, peut-être que l’illic et tuc de cette Mort et de cette Résurrection peut devenir quelque part, dans une vie, le hic et
1501 evenir quelque part, dans une vie, le hic et nunc de la foi ? Mais alors il n’y a pas de vrai sérieux dans ma vie, tant qu
1502 e hic et nunc de la foi ? Mais alors il n’y a pas de vrai sérieux dans ma vie, tant qu’il n’y a pas eu cet acte de foi, ce
1503 eux dans ma vie, tant qu’il n’y a pas eu cet acte de foi, ce renversement du désespoir qui s’ignore en certitude combattan
1504 certitude combattante — et combattue. Le sérieux de l’ironie, l’ironie du sérieux, voilà les pôles d’une dialectique dont
1505 de l’ironie, l’ironie du sérieux, voilà les pôles d’ une dialectique dont le plus étrange, sans doute, est qu’elle embrasse
1506 asse avec une familiarité poignante les problèmes de la vie banale. Il y a dans ce passage perpétuel de l’abstrait au conc
1507 e la vie banale. Il y a dans ce passage perpétuel de l’abstrait au concret, ou plutôt dans cette mêlée shakespearienne de
1508 ncret, ou plutôt dans cette mêlée shakespearienne de logique impitoyable et de bon sens populaire, d’anecdotes, de boutade
1509 e mêlée shakespearienne de logique impitoyable et de bon sens populaire, d’anecdotes, de boutades et d’échappées romantiqu
1510 de logique impitoyable et de bon sens populaire, d’ anecdotes, de boutades et d’échappées romantiques (sur le silence de l
1511 mpitoyable et de bon sens populaire, d’anecdotes, de boutades et d’échappées romantiques (sur le silence de la femme, par
1512 e bon sens populaire, d’anecdotes, de boutades et d’ échappées romantiques (sur le silence de la femme, par exemple, à la f
1513 utades et d’échappées romantiques (sur le silence de la femme, par exemple, à la fin du Miroir de la Parole) une appréhens
1514 ence de la femme, par exemple, à la fin du Miroir de la Parole) une appréhension si totale du réel que notre langue, je le
1515 le lecteur des meilleures traductions françaises de Kierkegaard.   P.-S. Cette chronique était déjà imprimée, quand j’ai
1516 , quand j’ai lu dans les Cahiers du Sud une étude de Benjamin Fondane qui s’en prend avec énergie aux interprétations de K
1517 e qui s’en prend avec énergie aux interprétations de Kierkegaard proposées en France par Jean Wahl, par Mme R. Bespaloff,
1518 éreuse pour la vérité que ne serait l’affectation d’ impartialité ; et je suis loin de trouver vaine la question que pose F
1519 ivent Kierkegaard du regard — mais où en sont-ils de leur propre démarche ? » Oui, cette question est gênante et sérieuse,
1520 Plusieurs des Discours religieux ayant pour objet de « préparer à la Communion », je ne vois pour ma part qu’un seul moyen
1521 union », je ne vois pour ma part qu’un seul moyen de s’engager de toute sa personne à la suite de Kierkegaard… Tout le res
1522 e vois pour ma part qu’un seul moyen de s’engager de toute sa personne à la suite de Kierkegaard… Tout le reste est littér
1523 ublier autre chose que ce reste ? 38. Le droit de mourir pour la vérité, p. 57. Ou encore : « La supériorité véritable
1524 ériorité véritable produit elle-même la provision de force qui cause sa perte. » Ibid., p. 53. 39. Dans sa belle préface
1525 id., p. 53. 39. Dans sa belle préface au Concept d’ Angoisse (trad. Tisseau, chez Alcan) Jean Wahl écrit de même : « Remar
1526 e la personne, tout le reste peut devenir l’objet de notre jeu. » p. 26. z. Rougemont Denis de, « Kierkegaard en France 
1527 objet de notre jeu. » p. 26. z. Rougemont Denis de , « Kierkegaard en France », La Nouvelle Revue française, Paris, juin
26 1936, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). L’Art poétique ou Qu’il faut penser avec les mains (décembre 1936)
1528 l faut penser avec les mains (décembre 1936)aa De l’Art poétique de Claudel, qui domine de son poids les écritures du s
1529 les mains (décembre 1936)aa De l’Art poétique de Claudel, qui domine de son poids les écritures du siècle, je retiendr
1530 36)aa De l’Art poétique de Claudel, qui domine de son poids les écritures du siècle, je retiendrai d’abord deux mots :
1531 à chaque page. La rumeur quotidienne tend à faire de « poète » une circonstance atténuante, au bénéfice du maladroit, s’il
1532 droit, s’il est aimable. Ou bien c’est l’ornement de nos loisirs. Mais Claudel dit : l’art poétique est art de faire. Un g
1533 oisirs. Mais Claudel dit : l’art poétique est art de faire. Un gémissement célèbre, chez les clercs, déplore l’antipathie
1534 e, chez les clercs, déplore l’antipathie tragique de la connaissance et de la Vie. Ceci tuerait cela. Et de cette dialecti
1535 plore l’antipathie tragique de la connaissance et de la Vie. Ceci tuerait cela. Et de cette dialectique, on a tiré quelque
1536 connaissance et de la Vie. Ceci tuerait cela. Et de cette dialectique, on a tiré quelques rayons d’in-octavos. Mais Claud
1537 t de cette dialectique, on a tiré quelques rayons d’ in-octavos. Mais Claudel : « Vivre, c’est connaître », « Se connaître,
1538 vec soi »… Il ne s’agit évidemment, ici et là, ni de la même poésie ni de la même connaissance. Claudel choisit, contre le
1539 it évidemment, ici et là, ni de la même poésie ni de la même connaissance. Claudel choisit, contre le sens banal, le sens
1540 quent les étymologies. C’est-à-dire qu’il choisit de choisir, car l’étymologie est trop loin d’être une science pour que l
1541 hoisit de choisir, car l’étymologie est trop loin d’ être une science pour que l’adoption même d’une « origine » soit autre
1542 loin d’être une science pour que l’adoption même d’ une « origine » soit autre chose qu’un choix délibéré, quand ce n’est
1543 as un profond calembour. « Il est permis à chacun de se servir de tel son qu’il lui plaît pour exprimer ses idées, pourvu
1544 calembour. « Il est permis à chacun de se servir de tel son qu’il lui plaît pour exprimer ses idées, pourvu qu’il en aver
1545 idées, pourvu qu’il en avertisse. » Cette phrase de la Logique de Port-Royal, dont Claudel, s’il est réaliste, doit récus
1546 qu’il en avertisse. » Cette phrase de la Logique de Port-Royal, dont Claudel, s’il est réaliste, doit récuser la principa
1547 anmoins servir à préciser ce qui oppose la langue d’ un poète aux divers jargons de son temps : c’est que l’une est une lan
1548 ui oppose la langue d’un poète aux divers jargons de son temps : c’est que l’une est une langue « avertie », posant un per
1549 tissement, tandis que les autres ont plutôt l’air de résulter d’une série d’oublis d’avertir, d’une série de contravention
1550 andis que les autres ont plutôt l’air de résulter d’ une série d’oublis d’avertir, d’une série de contraventions dans l’imp
1551 s autres ont plutôt l’air de résulter d’une série d’ oublis d’avertir, d’une série de contraventions dans l’impunité généra
1552 ont plutôt l’air de résulter d’une série d’oublis d’ avertir, d’une série de contraventions dans l’impunité générale. Claud
1553 l’air de résulter d’une série d’oublis d’avertir, d’ une série de contraventions dans l’impunité générale. Claudel montre p
1554 ulter d’une série d’oublis d’avertir, d’une série de contraventions dans l’impunité générale. Claudel montre partout son p
1555 e. Claudel montre partout son parti pris, qui est de s’en tenir aux origines, et à cette origine, entre plusieurs probable
1556 , la plus proche de la chose et du geste. Poésie, de poiein, ce sera : faire. Connaître, de cognoscere, sera : co-naître.
1557 e. Poésie, de poiein, ce sera : faire. Connaître, de cognoscere, sera : co-naître. Il faut savoir ce que parler veut dire.
1558 -naître. Il faut savoir ce que parler veut dire. ( D’ où l’on vient, où l’on va : tel est le sens.) Car le langage, parmi d’
1559 le langage, parmi d’autres fonctions, a celle-là de permettre à nos pensées de circuler. Claudel se donne un règlement, e
1560 fonctions, a celle-là de permettre à nos pensées de circuler. Claudel se donne un règlement, et il observe les signaux. L
1561 us qu’à se laisser pousser dans le sens incertain de la masse. Or ce sens, tellement incertain qu’il en devient presque in
1562 te affaire, celui qui sait où il va risque encore d’ augmenter l’embarras, et de se faire copieusement houspiller. Et pourt
1563 où il va risque encore d’augmenter l’embarras, et de se faire copieusement houspiller. Et pourtant, c’est lui seul qui dét
1564 ’aille aussi s’embouteiller41. Ou encore essayons de la traduire. Les modes, l’usage, l’usure des mots aggravés par la pr
1565 i à vrai dire, et dans le fait, ruinent les bases de la communauté. On convient de s’entendre sur des malentendus42. À ce
1566 , ruinent les bases de la communauté. On convient de s’entendre sur des malentendus42. À ce prix, l’on nourrit une paix sa
1567 racines. (Alors que toute communauté réelle naît d’ une entente passionnée sur le sens de certains maîtres-mots : esprit,
1568 réelle naît d’une entente passionnée sur le sens de certains maîtres-mots : esprit, nation, révolution, salut…) Et, comme
1569 es et abstraites qu’on le peut. Opération inverse de celle du poète : on s’arrête à l’acception neutre, la moins active, l
1570 ntre la pensée et la main. Cependant que l’effort d’ un Claudel, restituant à chaque mot son sens le plus poignant, par là
1571 ble au très grand nombre. Rendre au mot sa valeur d’ appel, appeler sans cesse à grands cris l’univers (cette « version à l
1572 sion à l’unité »), la plénitude, le rassemblement de tous les êtres, le branle-bas de toute la création vers son achèvemen
1573 le rassemblement de tous les êtres, le branle-bas de toute la création vers son achèvement intelligible, c’est là vraiment
1574 là vraiment « poétiser », collaborer à l’ouvrage de Dieu, et recréer la catholicité. Mais c’est aussi, dans le monde d’au
1575 r la catholicité. Mais c’est aussi, dans le monde d’ aujourd’hui, se condamner à n’être pas compris. Paradoxe d’un génie ca
1576 ’hui, se condamner à n’être pas compris. Paradoxe d’ un génie catholique, isolé de la foule des hommes, par ce qui manifest
1577 as compris. Paradoxe d’un génie catholique, isolé de la foule des hommes, par ce qui manifeste, justement, sa volonté de c
1578 mmes, par ce qui manifeste, justement, sa volonté de catholicité ! ⁂ Non qu’il soit « méconnu », bien sûr. Mais parmi tant
1579 qu’il soit « méconnu », bien sûr. Mais parmi tant d’ admirateurs, combien co-naissent à la raison de ses beautés, énoncée d
1580 nt d’admirateurs, combien co-naissent à la raison de ses beautés, énoncée dans l’Art poétique ? De cet ouvrage très sévère
1581 son de ses beautés, énoncée dans l’Art poétique ? De cet ouvrage très sévère, et sublime en tant de passages, combien acce
1582 nquisition ? Qu’on ne dise pas que la philosophie d’ un grand poète importe moins que son humanité, que son lyrisme, ou que
1583 anité, que son lyrisme, ou que ce je ne sais quoi de bouleversant, obscurément, qui saisit l’auditeur le plus profane de T
1584 bscurément, qui saisit l’auditeur le plus profane de Tête d’Or ou de l’Annonce. Ce serait aggraver d’une sottise cette Sép
1585 nt, qui saisit l’auditeur le plus profane de Tête d’ Or ou de l’Annonce. Ce serait aggraver d’une sottise cette Séparation,
1586 saisit l’auditeur le plus profane de Tête d’Or ou de l’Annonce. Ce serait aggraver d’une sottise cette Séparation, notre p
1587 de Tête d’Or ou de l’Annonce. Ce serait aggraver d’ une sottise cette Séparation, notre péché, contre laquelle toute l’œuv
1588 ation, notre péché, contre laquelle toute l’œuvre de Claudel se soulève à l’appel de la Joie. Le monde qu’interprète l’Art
1589 lle toute l’œuvre de Claudel se soulève à l’appel de la Joie. Le monde qu’interprète l’Art poétique ne connaît pas Descart
1590 connaît pas Descartes le diviseur, ne connaît pas de localisation du spirituel, ne connaît pas de lois mais seulement des
1591 pas de localisation du spirituel, ne connaît pas de lois mais seulement des formes. C’est un monde en recréation perpétue
1592 plément ou efférence, sa part dans la composition de l’image, le mot qui profère son sens. » C’est un univers du discours,
1593 puisqu’il ne tire ses règles et sa nécessité que de la fin totale qu’il glorifie. Ce n’est pas notre monde tel qu’il est,
1594 Promesse et remis en marche vers elle, — le monde de la poésie. Diviser, séparer, isoler, faire scission, ce n’est pas seu
1595 s n’a fait que constater les effets antipoétiques d’ un relâchement originel. Rompre le lien de l’homme avec son origine, c
1596 étiques d’un relâchement originel. Rompre le lien de l’homme avec son origine, c’est rompre aussi sa communion avec la fin
1597 t-à-dire qu’il s’isole et s’abstrait du mouvement de la Création. « Et c’est pourquoi une fin lui fut en effet donnée » —
1598 i est sa mort. Mais l’œuvre du poète, la vocation de l’homme, la charité cosmique du chrétien (identiquement), c’est alors
1599 cosmique du chrétien (identiquement), c’est alors d’ embrasser d’un seul geste, de réunir, de relancer vers sa vraie fin to
1600 chrétien (identiquement), c’est alors d’embrasser d’ un seul geste, de réunir, de relancer vers sa vraie fin tout ce qu’une
1601 uement), c’est alors d’embrasser d’un seul geste, de réunir, de relancer vers sa vraie fin tout ce qu’une durée mauvaise a
1602 est alors d’embrasser d’un seul geste, de réunir, de relancer vers sa vraie fin tout ce qu’une durée mauvaise a disjoint e
1603 ise a disjoint et altéré. « Car l’attente ardente de la création attend la révélation des enfants de Dieu, parce que ce n’
1604 e de la création attend la révélation des enfants de Dieu, parce que ce n’est pas de son propre gré qu’elle a été assujett
1605 ation des enfants de Dieu, parce que ce n’est pas de son propre gré qu’elle a été assujettie à vanité » (Rom. 8, 19-20). N
1606 d à la proposition universelle. Qu’on parle alors de procédé, si l’on y tient, mais il faut en comprendre l’office. Traite
1607 s plus exsangues, c’est rénover l’action cosmique de la parole. Comment cela ? « Le mot appelle, provoque en nous l’état d
1608 cela ? « Le mot appelle, provoque en nous l’état de co-naissance qui répond à la présence sensible des choses mêmes. » Le
1609  » Le nom, qui désigne la chose, appelle un geste de l’homme pour cette chose. Le verbe, désignant ce geste, appelle une p
1610 désignant ce geste, appelle une phrase, un rythme d’ actes concertés. Ainsi l’homme se trouve mis « en communication avec l
1611 a traduction, dans l’univers matériel, du sanglot de l’origine ». En même temps que la chose qui le provoque, le verbe exp
1612 i le provoque, le verbe exprime ainsi la vocation de l’homme qui le profère. « L’acte par lequel l’homme atteste la perman
1613 es dont la réunion donne à chaque chose son droit de devenir présente à l’esprit, par lequel il la conçoit dans son cœur,
1614 le la parole. » Nous voici donc « chargés du rôle d’ origine ». L’homme est « le sceau de l’authenticité ». Il est, par son
1615 argés du rôle d’origine ». L’homme est « le sceau de l’authenticité ». Il est, par son action recréatrice, une étymologie
1616 ar son action recréatrice, une étymologie vivante de tout ce qui est. Et maintenant, pour se connaître, il lui suffit d’ag
1617 . Et maintenant, pour se connaître, il lui suffit d’ agir sa vocation. Dans l’acte conscient de la fin qui l’englobe, il n’
1618 suffit d’agir sa vocation. Dans l’acte conscient de la fin qui l’englobe, il n’y a plus de distinction du matériel et du
1619 conscient de la fin qui l’englobe, il n’y a plus de distinction du matériel et du spirituel. L’homme « se connaît donc à
1620 omme « se connaît donc à son pas et à l’extension de ses mains, à la facilité plus ou moindre grande qu’il éprouve à se se
1621 lui est comme « un document où il suit les œuvres de l’esprit qui le remue ». Penser dans le train de la création, reforme
1622 de l’esprit qui le remue ». Penser dans le train de la création, reformer sans cesse toutes les formes selon l’intention
1623 oprement penser avec les mains. ⁂ Au sixième jour de sa Semaine, Du Bartas parlant de ses mains les appelle, assez curieus
1624 Au sixième jour de sa Semaine, Du Bartas parlant de ses mains les appelle, assez curieusement, d’abord : « Singes de l’Ét
1625 s appelle, assez curieusement, d’abord : « Singes de l’Éternel » et aussitôt… « Ministres de l’esprit ». Ô singerie génial
1626 « Singes de l’Éternel » et aussitôt… « Ministres de l’esprit ». Ô singerie géniale et ministère manifeste ! Art poétique,
1627 éniale et ministère manifeste ! Art poétique, art de refaire le monde — tel que Dieu l’a connu de toute éternité ! 40. E
1628 art de refaire le monde — tel que Dieu l’a connu de toute éternité ! 40. En effet, la citation du Cratyle qu’il donne d
1629 ous entendre librement ? 42. Tout le monde parle d’ esprit sans nulle définition, sans déclarer ce que le mot sous-entend,
1630  : « Tel est le mystère qu’il s’agit présentement de reporter sur le papier de l’encre la plus noire. » Au lieu de : Réflé
1631 ’il s’agit présentement de reporter sur le papier de l’encre la plus noire. » Au lieu de : Réfléchissons, analysons : « Ru
1632 urs une chose-image, au lieu d’une formule faite, d’ un terme abstrait. C’est le style du livre de Job. aa. Rougemont De
1633 ite, d’un terme abstrait. C’est le style du livre de Job. aa. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] L’Art poétique ou Qu
1634 le style du livre de Job. aa. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] L’Art poétique ou Qu’il faut penser avec les mains 
27 1937, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Une idée de Law (janvier 1937)
1635 Une idée de Law (janvier 1937)ab C’est dans les Œuvres de Law qu’on trouve cet
1636 de Law (janvier 1937)ab C’est dans les Œuvres de Law qu’on trouve cette remarque hardie : La victoire appartient toujo
1637 2 milliards pour vingt ans. Nous n’avons pas plus de cinq ans de guerre chaque vingt ans, et cette guerre, en outre, nous
1638 pour vingt ans. Nous n’avons pas plus de cinq ans de guerre chaque vingt ans, et cette guerre, en outre, nous met en arriè
1639 incertain. Avec bien du bonheur, on peut espérer de détruire 150 000 ennemis par le feu, le fer, l’eau, la faim, les fati
1640 adies. Ainsi, la destruction directe ou indirecte d’ un soldat allemand nous coûte 20 000 livres, sans compter la perte sur
1641 cet attirail dispendieux, incommode et dangereux, d’ une armée permanente, ne vaudrait-il pas mieux en épargner les frais e
1642 actuel, on perd celui qu’on avait, sans profiter de celui qu’on a détruit si dispendieusement. Compatriote de Law, M. Ric
1643 qu’on a détruit si dispendieusement. Compatriote de Law, M. Rickett songeait sans doute à une opération fort analogue lor
1644 ute à une opération fort analogue lorsqu’il tenta d’ acheter le sol que le Duce se préparait à conquérir : c’était là propr
1645 e du capitaliste, qui eût été la plus belle farce de l’Histoire, a soulevé d’universelles protestations. L’échec de Law et
1646 été la plus belle farce de l’Histoire, a soulevé d’ universelles protestations. L’échec de Law et l’échec de Rickett ne co
1647 , a soulevé d’universelles protestations. L’échec de Law et l’échec de Rickett ne comportent pas de morale : je veux le cr
1648 erselles protestations. L’échec de Law et l’échec de Rickett ne comportent pas de morale : je veux le croire pour la moral
1649 ec de Law et l’échec de Rickett ne comportent pas de morale : je veux le croire pour la morale. Mais ils permettent d’entr
1650 eux le croire pour la morale. Mais ils permettent d’ entrevoir l’une des raisons de notre anarchie économique. Le capitalis
1651 Mais ils permettent d’entrevoir l’une des raisons de notre anarchie économique. Le capitalisme ne serait peut-être pas un
1652 rises n’étaient constamment traversées par celles d’ une passion contraire, qui est l’honneur. Car il est clair que l’honne
1653 n’est qu’une caricature — retient les gouvernants de suivre jusqu’au bout, et sans scrupules, la logique du capitalisme. O
1654 , la logique du capitalisme. Or, ce système étant de ceux qui ne se peuvent soutenir que si rien d’arbitraire ou d’humain
1655 nt de ceux qui ne se peuvent soutenir que si rien d’ arbitraire ou d’humain ne vient déranger les calculs, l’on voit qu’en
1656 e se peuvent soutenir que si rien d’arbitraire ou d’ humain ne vient déranger les calculs, l’on voit qu’en vérité, ce qui n
1657 qui nous ruine, c’est bien l’honneur — le budget de l’honneur — et non pas je ne sais quels scandales… ab. Rougemont D
1658 e ne sais quels scandales… ab. Rougemont Denis de , « Une idée de Law », La Nouvelle Revue française, Paris, janvier 193
1659 scandales… ab. Rougemont Denis de, « Une idée de Law », La Nouvelle Revue française, Paris, janvier 1937, p. 149-150.
28 1937, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). De la propriété capitaliste à la propriété humaine et Manifeste au service du personnalisme, par Emmanuel Mounier (février 1937)
1660 De la propriété capitaliste à la propriété humaine et Manifeste au servi
1661 e essais publiés jusqu’ici par Mounier, ce traité de la propriété est sans doute le mieux venu, le plus précis et situé. O
1662 situé. On aimera la mobilité, le glissement varié de ce style, l’agilité précise de ses coupes, qualités nées, comme par d
1663 e glissement varié de ce style, l’agilité précise de ses coupes, qualités nées, comme par décantation, des défauts mêmes q
1664 êmes qu’on a pu reprocher aux précédents ouvrages de l’auteur. Mais c’est la méthode qui doit retenir ici : il s’agissait
1665 qui doit retenir ici : il s’agissait pour Mounier de fonder la théorie personnaliste de l’avoir sur les doctrines catholiq
1666 t pour Mounier de fonder la théorie personnaliste de l’avoir sur les doctrines catholiques les plus solides à cet égard, c
1667 catholiques les plus solides à cet égard, celles de Thomas d’Aquin et de Cajetan. On ne nous propose pas un « retour » de
1668 solides à cet égard, celles de Thomas d’Aquin et de Cajetan. On ne nous propose pas un « retour » de plus à quelque médié
1669 se pas un « retour » de plus à quelque médiévisme d’ utopie, mais au contraire on actualise, et enfin l’on prend au sérieux
1670 bilées, et que la grande majorité des catholiques d’ aujourd’hui ignore avec persévérance. À vrai dire, nul mieux que l’Aqu
1671 quinate ne pouvait servir et autoriser le dessein de Mounier : défendre la propriété contre les mauvaises raisons des capi
1672 ons des capitalistes, ou comme il dit : « libérer de la dialectique des propriétaires les valeurs de propriété personnelle
1673 r de la dialectique des propriétaires les valeurs de propriété personnelle ». La plupart des distinctions que formule la S
1674 nécessaire personnel, entre autres — apparaissent d’ une utilité et d’une efficacité éclatantes dans l’embrouillamini polit
1675 nel, entre autres — apparaissent d’une utilité et d’ une efficacité éclatantes dans l’embrouillamini politico-sentimental o
1676 timents secrétés par le capitalisme. Mounier part d’ une phénoménologie de la possession — presque trop brillante par endro
1677 le capitalisme. Mounier part d’une phénoménologie de la possession — presque trop brillante par endroits —, s’engage dans
1678 mistes, et rejoint avec un naturel qui est succès de ce livre, les positions constructives d’Esprit, et même de L’Ordre no
1679 t succès de ce livre, les positions constructives d’ Esprit, et même de L’Ordre nouveau (lequel était parti bien plutôt de
1680 re, les positions constructives d’Esprit, et même de L’Ordre nouveau (lequel était parti bien plutôt de Proudhon)44. En br
1681 e L’Ordre nouveau (lequel était parti bien plutôt de Proudhon)44. En bref, le sens du livre est celui-ci : il s’agit de pa
1682 n bref, le sens du livre est celui-ci : il s’agit de passer d’un mode de propriété abstrait et anonyme à un mode personnel
1683 sens du livre est celui-ci : il s’agit de passer d’ un mode de propriété abstrait et anonyme à un mode personnel et respon
1684 ivre est celui-ci : il s’agit de passer d’un mode de propriété abstrait et anonyme à un mode personnel et responsable, ou
1685 me à un mode personnel et responsable, ou encore, d’ un mode matérialiste et tyrannique à un mode spirituel, donc humain. J
1686 ode spirituel, donc humain. Je sais gré à Mounier d’ avoir, chemin faisant, démontré que la propriété n’est pas un instinct
1687 n instinct permanent, mais au contraire un besoin de l’esprit — le nécessaire vital une fois assuré. Ce qui suffit à renve
1688 que redoutent les bourgeois, qui n’est pas celui de Staline… Mais si vigoureuse que soit cette analyse — et si utile sa l
1689 revêt sa signification totale que dans l’ensemble de la construction personnaliste. Le récent Manifeste de Mounier permett
1690 a construction personnaliste. Le récent Manifeste de Mounier permettra de prendre une mesure rapide des progrès — et aussi
1691 naliste. Le récent Manifeste de Mounier permettra de prendre une mesure rapide des progrès — et aussi des lacunes provisoi
1692 es progrès — et aussi des lacunes provisoires45 — de ce mouvement. Le lecteur qui se souvient encore du Cahier de revendic
1693 ment. Le lecteur qui se souvient encore du Cahier de revendications, publié ici même en 1932, ne manquera pas de faire des
1694 cations, publié ici même en 1932, ne manquera pas de faire des rapprochements fort instructifs. Ce terme de personne, que
1695 ire des rapprochements fort instructifs. Ce terme de personne, que nous jetions alors dans le débat politique et culturel,
1696 les « petits personnalistes » — que les problèmes de l’homme, et de l’esprit, ne se poseraient plus durant le prochain dem
1697 rsonnalistes » — que les problèmes de l’homme, et de l’esprit, ne se poseraient plus durant le prochain demi-siècle. Parle
1698 aient plus durant le prochain demi-siècle. Parler de la primauté du spirituel et de l’humain, c’était fasciste ! Mais voic
1699 emi-siècle. Parler de la primauté du spirituel et de l’humain, c’était fasciste ! Mais voici que quatre ans plus tard, le
1700 iel du parti communiste français publie une sorte de discours-programme intitulé Au service de l’Esprit 46. Et l’on y lit
1701 e sorte de discours-programme intitulé Au service de l’Esprit 46. Et l’on y lit que les fascistes sont les pires adversair
1702 it que les fascistes sont les pires adversaires «  de la personne humaine, cette grande force spirituelle ». Et aussi « qu’
1703 ande force spirituelle ». Et aussi « qu’au-dessus de tout, les communistes placent l’homme ». Et enfin que « c’est à l’Esp
1704 t confiance pour l’aider à résoudre les problèmes de la paix, de la liberté et du pain des hommes »ad. À vrai dire, nous n
1705 pour l’aider à résoudre les problèmes de la paix, de la liberté et du pain des hommes »ad. À vrai dire, nous n’espérions p
1706 , nous n’espérions pas un triomphe si rapide — ni de cette qualité… À nous maintenant de rendre aux mots leur sens. Il n’y
1707 i rapide — ni de cette qualité… À nous maintenant de rendre aux mots leur sens. Il n’y a que cela de sérieux dans la polit
1708 t de rendre aux mots leur sens. Il n’y a que cela de sérieux dans la politique moderne. Et le Manifeste de Mounier peut y
1709 érieux dans la politique moderne. Et le Manifeste de Mounier peut y contribuer largement. Faut-il dire que tout usager de
1710 ontribuer largement. Faut-il dire que tout usager de la culture, si apolitique qu’il se veuille, se trouve intéressé dans
1711 peut donner l’aumône au nécessiteux avec l’argent d’ un autre, s’il ne peut le faire du sien ». (Car cet argent de l’autre
1712 s’il ne peut le faire du sien ». (Car cet argent de l’autre devient dans ce cas bien commun.) Mais je ne sache pas qu’on
1713 e sache pas qu’on ait jamais songé à des théories de ce genre pour excuser la sécularisation des biens conventuels — biens
1714 ens dans lesquels Labriola pouvait voir l’origine de l’accumulation capitaliste. (Centres de commerce des couvents anglais
1715 l’origine de l’accumulation capitaliste. (Centres de commerce des couvents anglais.) — Pendant que j’y suis, une autre rem
1716 emarque : Mounier exagère l’importance économique de l’usure, suivant l’erreur fréquente des écrivains catholiques. Marx a
1717 Précis publié par L’Ordre nouveau dans son numéro d’ octobre 1936 en comble d’ailleurs quelques-unes. 46. Par Paul Vaillan
1718 Éditions ESI, octobre 1936. ac. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Emmanuel Mounier, De la propriété capitaliste à la
1719 mont Denis de, « [Compte rendu] Emmanuel Mounier, De la propriété capitaliste à la propriété humaine et Manifeste au servi
1720 e, Paris, février 1937, p. 294-296. ad. Ce texte de Paul Vaillant-Couturier est plus amplement commenté par Rougemont dan
1721 s amplement commenté par Rougemont dans le numéro d’ Esprit de février 1937 : « Paul Vaillant-Couturier : Au service de l’E
1722 nt commenté par Rougemont dans le numéro d’Esprit de février 1937 : « Paul Vaillant-Couturier : Au service de l’Esprit  ».
1723 ier 1937 : « Paul Vaillant-Couturier : Au service de l’Esprit  ».
29 1937, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). N’habitez pas les villes (Extrait d’un Journal) (juillet 1937)
1724 N’habitez pas les villes (Extrait d’ un Journal) (juillet 1937)ae Je revois, je revis si bien la travers
1725 dans cette île à la saison où il convient plutôt de la quitter quand on le peut. Si par cette aube de novembre, sur les g
1726 de la quitter quand on le peut. Si par cette aube de novembre, sur les grands quais de ce port atlantique, j’en étais à co
1727 par cette aube de novembre, sur les grands quais de ce port atlantique, j’en étais à considérer d’un œil brûlé par l’inso
1728 is de ce port atlantique, j’en étais à considérer d’ un œil brûlé par l’insomnie les flots de l’océan maussade et les pauvr
1729 onsidérer d’un œil brûlé par l’insomnie les flots de l’océan maussade et les pauvres rivages du détroit, c’est fort appare
1730 troit, c’est fort apparemment que je n’avais rien de mieux à faire. J’étais chômeur depuis trois mois. On m’offrait un abr
1731 rt, une maison vide pendant l’hiver, une occasion de solitude désirée en secret dès longtemps. Je voudrais bien n’avoir pa
1732 pas l’air trop romantique : mes dernières années de Paris m’avaient appris que cette ville, au moins pour la jeunesse san
1733 ’autres disent : allons-nous-en, et restent faute d’ imagination. Et pourtant il suffit de bien peu pour partir : la France
1734 estent faute d’imagination. Et pourtant il suffit de bien peu pour partir : la France a des milliers de maisons vides. Dit
1735 e bien peu pour partir : la France a des milliers de maisons vides. Dites autour de vous que vous en cherchez une, et vous
1736 stion judicieuse que j’ai voulu répondre.   Début de novembre Je commencerai par l’inventaire de mon domaine. Je ne suis p
1737 Début de novembre Je commencerai par l’inventaire de mon domaine. Je ne suis pas propriétaire, c’est entendu. Je ne possèd
1738 ntendu. Je ne possède légalement que des valises, de quoi me vêtir, et quelques livres. Mais aussi, je ne puis vivre nulle
1739 e sais mettre en œuvre à ma façon, et peu capable de comprendre que l’on veuille « avoir » autrement. Posséder, ce n’est p
1740 s avoir. Ce n’est pas même avoir l’usage éventuel de quelque chose. Mais c’est user en fait de cette chose-là. C’est donc
1741 ventuel de quelque chose. Mais c’est user en fait de cette chose-là. C’est donc un acte et pas du tout un droit. Et ce n’e
1742 fin qui leur est étrangère, et qui me commandera de les quitter le jour qu’ils y mettront obstacle. (Pour les bourgeois,
1743 y mettront obstacle. (Pour les bourgeois, l’idée de propriété est liée à l’idée d’héritage. Par quelle folie pensent-ils
1744 bourgeois, l’idée de propriété est liée à l’idée d’ héritage. Par quelle folie pensent-ils pouvoir « hériter » des biens d
1745 e folie pensent-ils pouvoir « hériter » des biens de leurs pères ? Il faut tout ignorer de la vraie possession ! Une chose
1746 » des biens de leurs pères ? Il faut tout ignorer de la vraie possession ! Une chose n’est mienne que pour un temps, et si
1747 e, elle me devient impropre. Je n’hérite pas même de moi ! Ou alors, l’héritage est cela dont on ne peut pas se délivrer à
1748 est incommode ou impropre, et dont il faut tâcher de se délivrer coûte que coûte.) Mon domaine, c’est ce que j’ai sous la
1749 du jardin. Quand je lève le nez, je vois la cour de terre battue à l’ombre de ses deux tilleuls, la margelle du puits à g
1750 ose une vieille chatte, le chai à droite. Au-delà de la cour, les planches incultes du potager, de chaque côté d’une allée
1751 elà de la cour, les planches incultes du potager, de chaque côté d’une allée bordée de rosiers. L’allée aboutit à une port
1752 les planches incultes du potager, de chaque côté d’ une allée bordée de rosiers. L’allée aboutit à une porte de bois à deu
1753 tes du potager, de chaque côté d’une allée bordée de rosiers. L’allée aboutit à une porte de bois à deux battants, à demi
1754 ée bordée de rosiers. L’allée aboutit à une porte de bois à deux battants, à demi cachée par des lauriers épais. De hauts
1755 x battants, à demi cachée par des lauriers épais. De hauts murs blancs enclosent de tous côtés ce jardin de curé, qui a ju
1756 es lauriers épais. De hauts murs blancs enclosent de tous côtés ce jardin de curé, qui a juste la largeur de la maison. On
1757 uts murs blancs enclosent de tous côtés ce jardin de curé, qui a juste la largeur de la maison. On ne voit rien que le cie
1758 s côtés ce jardin de curé, qui a juste la largeur de la maison. On ne voit rien que le ciel au-delà, un ciel lavé, tissé d
1759 oit rien que le ciel au-delà, un ciel lavé, tissé d’ oiseaux, et parfois traversé par un nuage rapide. La maison compte deu
1760 compte deux chambres au rez-de-chaussée, séparées de la cuisine par un couloir dallé. À l’étage, où l’on parvient par un p
1761 parvient par un petit escalier qui prend au fond de la cuisine, deux autres chambres assez vastes et presque vides, auxqu
1762 vastes et presque vides, auxquelles le toit sert de plafond. Très peu de meubles, comme j’aime. Des murs blanchis ou tein
1763 ubles, comme j’aime. Des murs blanchis ou teintés de bleu clair, des planchers rudes. Décor candide et gai, oui vraiment p
1764 rte un peu trop basse, règne une pénétrante odeur de laurier.   10 novembre Ce journal n’aura rien d’intime. J’ai à gagner
1765 de laurier.   10 novembre Ce journal n’aura rien d’ intime. J’ai à gagner ma vie, non pas à la regarder. Toutefois, noter
1766 e paraîtront frappants ici ou là, c’est une sorte de contrôle amusant et utile — pour plus tard — et c’est une bonne disci
1767 — pour plus tard — et c’est une bonne discipline de l’esprit que la description objective. Me voici pris dans une expérie
1768 jective. Me voici pris dans une expérience forcée de vie pauvre, libre et solitaire — trois grands mots ! et pourtant c’es
1769 nt c’est bien cela — tout au bout d’un pays dénué de ressources, pratiquement analogue, j’imagine, à un poste colonial aux
1770 aux limites du désert. Curiosité, comme au début d’ un film. La situation est d’ailleurs excellente pour l’instant. Il nou
1771 s excellente pour l’instant. Il nous reste encore de quoi vivre pendant six semaines environ, si du moins nos calculs sont
1772 ont justes : 900 francs, un bon toit, et le temps de voir venir.   Du 10 au 17 novembre Pour parer au plus pressé, écrit e
1773 evues, hebdomadaires et journaux. Grande facilité de travail dans le silence à peu près absolu. Mais aussi j’ai l’impressi
1774 u près absolu. Mais aussi j’ai l’impression nette d’ utiliser la fin de l’élan intellectuel qui me soutenait à Paris. Ces d
1775 s aussi j’ai l’impression nette d’utiliser la fin de l’élan intellectuel qui me soutenait à Paris. Ces deux derniers jours
1776 , j’arrivais mal à prendre au sérieux l’actualité de ce que j’écrivais. Il faut avouer qu’il s’agissait, dans ces articles
1777 faut avouer qu’il s’agissait, dans ces articles, de ce que les gens croient être actuel, ou sont censés croire actuel, da
1778 d’hui c’est le jour du repos. J’ai trouvé au fond d’ une armoire, derrière une pile d’assiettes, deux volumes sur l’histoir
1779 i trouvé au fond d’une armoire, derrière une pile d’ assiettes, deux volumes sur l’histoire de l’île, ses coutumes, et son
1780 une pile d’assiettes, deux volumes sur l’histoire de l’île, ses coutumes, et son dialecte. L’un est l’œuvre d’un archivist
1781 , ses coutumes, et son dialecte. L’un est l’œuvre d’ un archiviste du continent. Il affecte une douce ironie sorbonnarde po
1782 exagéré et embelli tout cela… La science réclame de petits faits vrais. Elle tend aussi, il faut l’avouer, à ne tenir pou
1783 nir pour vrai que ce qui est petit. Laissons donc de côté ce petit travail qui a dû valoir les palmes à son auteur. Le sec
1784 es à son auteur. Le second bouquin, c’est l’œuvre d’ un vieux médecin tout plein de verve et de gaillarde érudition, comme
1785 quin, c’est l’œuvre d’un vieux médecin tout plein de verve et de gaillarde érudition, comme il s’en trouve un peu partout
1786 l’œuvre d’un vieux médecin tout plein de verve et de gaillarde érudition, comme il s’en trouve un peu partout pour sauver
1787 en trouve un peu partout pour sauver « l’esprit » d’ un pays. J’ai passé tout l’après-midi dessus. — Cela commence par une
1788 emières galères romaines jusqu’au bateau à vapeur de Sadi Carnot — monument au point où il toucha terre — en passant par l
1789 ars norvégiens, les flottes anglaises des guerres de religion et les expéditions de saumoniers. Une période héroïque sous
1790 laises des guerres de religion et les expéditions de saumoniers. Une période héroïque sous Richelieu. Depuis lors, semble-
1791 pour la plupart jacobins. Plusieurs des discours de leurs chefs ont été consignés par miracle : ils ne le cèdent en rien
1792 miracle : ils ne le cèdent en rien pour l’ampleur de leurs vues sur le monde, à l’éloquence des conventionnels… On trouve
1793 , rédigées dans un patois un peu trop exemplaire. D’ intéressantes précisions budgétaires sur les institutions de bienfaisa
1794 antes précisions budgétaires sur les institutions de bienfaisance fondées par le docteur lui-même ou tout au moins à son i
1795 sera des plus utiles, une minutieuse description de la faune et de la flore de l’île, du régime des marées, des courants
1796 utiles, une minutieuse description de la faune et de la flore de l’île, du régime des marées, des courants et des vents. M
1797 minutieuse description de la faune et de la flore de l’île, du régime des marées, des courants et des vents. Merveilleux l
1798 re, un vieux docteur au fichu caractère a composé de sa longue expérience, de ses rancunes, de son amour caché, et de sa s
1799 ichu caractère a composé de sa longue expérience, de ses rancunes, de son amour caché, et de sa science hétéroclite de pra
1800 composé de sa longue expérience, de ses rancunes, de son amour caché, et de sa science hétéroclite de praticien et de coll
1801 périence, de ses rancunes, de son amour caché, et de sa science hétéroclite de praticien et de collectionneur. L’esprit fo
1802 de son amour caché, et de sa science hétéroclite de praticien et de collectionneur. L’esprit fort et l’esprit de clocher
1803 ché, et de sa science hétéroclite de praticien et de collectionneur. L’esprit fort et l’esprit de clocher se font une guer
1804 n et de collectionneur. L’esprit fort et l’esprit de clocher se font une guerre acharnée dans ces pages et ils l’emportent
1805 emportent tour à tour, jusqu’à la synthèse finale d’ une envolée tout à la fois patriotique, républicaine, et tolérante. La
1806 nte. La droite, la gauche, et une certaine espèce d’ intelligence, ou d’ironie… Pour de tels hommes, certes il n’est pas de
1807 gauche, et une certaine espèce d’intelligence, ou d’ ironie… Pour de tels hommes, certes il n’est pas deux France ! Ou plut
1808 certaine espèce d’intelligence, ou d’ironie… Pour de tels hommes, certes il n’est pas deux France ! Ou plutôt elles se mêl
1809 dans un combat indivisible et nécessaire au cœur de chacun d’eux. Voilà l’espèce d’hommes français que je voudrais croire
1810 ombat indivisible et nécessaire au cœur de chacun d’ eux. Voilà l’espèce d’hommes français que je voudrais croire la plus a
1811 écessaire au cœur de chacun d’eux. Voilà l’espèce d’ hommes français que je voudrais croire la plus authentique.   19 novem
1812 e petite rue toute blanche qui contourne la panse de l’église et aboutit à la place principale. Au milieu de cette place,
1813 milieu de cette place, qui est un vaste rectangle de terre jaune, les habitants plantèrent à la Révolution un arbre de la
1814 les habitants plantèrent à la Révolution un arbre de la Liberté. Cet orme est devenu gigantesque, majestueux, exemplaire d
1815 ulence, frisé comme une perruque du grand siècle. De trois côtés de la place généralement vide, les maisons s’alignent en
1816 omme une perruque du grand siècle. De trois côtés de la place généralement vide, les maisons s’alignent en ordre modeste,
1817 couleur des volets s’harmonise avec chaque façade d’ une manière subtile et précise qui en dit long sur l’âme de ce peuple
1818 ière subtile et précise qui en dit long sur l’âme de ce peuple discret. C’est l’impression que je veux retenir pour le mom
1819 du chou-fleur, des enveloppes jaunes, du peloton de ficelle et du kilo de riz. Mes vêtements, citadins mais râpés, ne la
1820 veloppes jaunes, du peloton de ficelle et du kilo de riz. Mes vêtements, citadins mais râpés, ne la renseignent pas claire
1821 , ne la renseignent pas clairement. Et que penser d’ un « Parisien » qui manifeste l’intention de rester ici tout l’hiver ?
1822 enser d’un « Parisien » qui manifeste l’intention de rester ici tout l’hiver ? C’est plutôt en été qu’on vient chez nous,
1823 ances ! J’ai du travail à faire chez moi, des tas de choses à écrire… Elle n’ose pas m’en demander davantage. Et moi, je r
1824 davantage. Et moi, je recule devant l’entreprise de lui expliquer la nature de mon travail. « Écrire », qu’est-ce que cel
1825 le devant l’entreprise de lui expliquer la nature de mon travail. « Écrire », qu’est-ce que cela signifie ? Écrire pour le
1826 u’on voudrait. En hiver elle fait peu de réserves de produits alimentaires, les habitants n’achetant guère autre chose que
1827 s, les habitants n’achetant guère autre chose que de la mercerie, des lainages et des épices. Alors il faut aller de l’aut
1828 , des lainages et des épices. Alors il faut aller de l’autre côté de la place, chez Mélie. Ce n’est pas simple d’éviter d’
1829 t des épices. Alors il faut aller de l’autre côté de la place, chez Mélie. Ce n’est pas simple d’éviter d’être vu par l’un
1830 côté de la place, chez Mélie. Ce n’est pas simple d’ éviter d’être vu par l’une, entrant chez l’autre. Mais c’est prudent,
1831 a place, chez Mélie. Ce n’est pas simple d’éviter d’ être vu par l’une, entrant chez l’autre. Mais c’est prudent, on me l’a
1832 elles les augmenteront bien plutôt pour le punir d’ avoir été en face. Sans compter qu’on n’aime pas être accueilli par la
1833 e pas être accueilli par la réprobation sournoise d’ une épicière.   20 novembre Le bureau de poste. Trois mètres sur trois
1834 sournoise d’une épicière.   20 novembre Le bureau de poste. Trois mètres sur trois, et une grille épaisse au milieu. Derri
1835 sse au milieu. Derrière la grille, le long visage de Pédenaud. J’ai l’impression que je lui gâte la vie. Trois fois la sem
1836 ’est tapé à la machine. — Est-ce qu’il n’y a rien d’ écrit à la main ? Si, il y a des corrections écrites à la main. » Péde
1837 nième fois son tarif, fait son calcul sur un bout de papier, et conclut que j’ai à payer 72 francs pour un envoi, ce jour-
1838 j’ai à payer 72 francs pour un envoi, ce jour-là, d’ une centaine de feuilles. Il en paraît lui-même consterné. J’affirme a
1839 francs pour un envoi, ce jour-là, d’une centaine de feuilles. Il en paraît lui-même consterné. J’affirme avec vivacité qu
1840 Il faut tout recommencer. Finalement l’on décide d’ envoyer le manuscrit comme échantillon sans valeur. Port : quatre fran
1841 ntends grincer la porte du jardin. C’est la femme de Pédenaud qui brandit un papier. J’accours : elle me tend une formule
1842 t un papier. J’accours : elle me tend une formule de télégramme, mais ce n’est pas un télégramme, c’est une notification o
1843 un télégramme, c’est une notification officielle d’ avoir à verser sans délai la somme de francs 67,25, restant due sur l’
1844 n officielle d’avoir à verser sans délai la somme de francs 67,25, restant due sur l’envoi de ce matin. En effet, Pédenaud
1845 la somme de francs 67,25, restant due sur l’envoi de ce matin. En effet, Pédenaud qui a voulu en avoir le cœur net, a pris
1846 ue je m’exécute, sinon c’est lui qui sera forcé «  d’ y aller de sa poche ». Me voilà courant à l’autobus pour arrêter le co
1847 écute, sinon c’est lui qui sera forcé « d’y aller de sa poche ». Me voilà courant à l’autobus pour arrêter le courrier. L’
1848 stal, discuter passionnément, trouver une formule d’ apaisement qui ménage toutes les susceptibilités, et finalement ne rie
1849 peu, pour me faire pardonner. Pédenaud est mutilé de guerre. Il boite. On lui a donné cette recette auxiliaire à titre de
1850 e revue. Reste : environ 200 francs. Le sentiment de dépendre entièrement de bonnes ou de mauvaises volontés lointaines, e
1851 200 francs. Le sentiment de dépendre entièrement de bonnes ou de mauvaises volontés lointaines, et du hasard, éveille par
1852 Le sentiment de dépendre entièrement de bonnes ou de mauvaises volontés lointaines, et du hasard, éveille par résonnance u
1853 et du hasard, éveille par résonnance un sentiment de liberté, de gratuité aventureuse. Mon sort ne dépend plus de ce que j
1854 , éveille par résonnance un sentiment de liberté, de gratuité aventureuse. Mon sort ne dépend plus de ce que je puis faire
1855 de gratuité aventureuse. Mon sort ne dépend plus de ce que je puis faire ou imaginer : libération. Il faut qu’il arrive q
1856 chose. Et s’il n’arrive rien ? « On ne meurt pas de faim dans nos pays », dit-on, et je crois bien que je l’ai dit quelqu
1857 ans précédent, et des raisons toutes personnelles de ne pas appeler au secours. Pourtant je suis bien tranquille, je ne l’
1858 si absolument. C’est peut-être à cause du bonheur de notre vie. Trouver son rythme naturel, et les moyens de s’y réduire,
1859 re vie. Trouver son rythme naturel, et les moyens de s’y réduire, voilà le but de toute morale car le « bien penser » en d
1860 turel, et les moyens de s’y réduire, voilà le but de toute morale car le « bien penser » en dépend.   2 décembre Question
1861 décembre Questions. — Est-ce donc si « naturel » de vivre sur une île ? Est-ce que l’insularité (géographique et morale)
1862 ité (géographique et morale) n’est pas une espèce de vice ? Est-ce que ce n’est pas la racine de tout l’idéalisme dont les
1863 spèce de vice ? Est-ce que ce n’est pas la racine de tout l’idéalisme dont les modernes doivent se guérir, s’ils veulent e
1864 tuels » ? Est-ce que ce n’est pas aussi la racine de cet esprit d’abstraction égoïste dont nous souffrons tous ? Pourquoi
1865 ce que ce n’est pas aussi la racine de cet esprit d’ abstraction égoïste dont nous souffrons tous ? Pourquoi les hommes viv
1866 promenade et que nous mesurons toute l’étroitesse de notre domaine, la mer partout à dix minutes et ces marécages hostiles
1867 minutes et ces marécages hostiles, nous souffrons de ne pouvoir prolonger en pensée notre marche jusqu’au pays voisin. Cet
1868 i fait qu’il désire sans cesse se risquer au-delà de ce qu’il peut, et franchir au moins en pensée les bornes de ses posse
1869 l peut, et franchir au moins en pensée les bornes de ses possessions pour aller se mêler aux « autres », à l’étranger… Tou
1870 re, je ne parviens pas à partager avec les hommes de ce village ce qui est essentiel et solide dans ma vie. Le simple fait
1871 gêne constamment sensible. Et je n’ai nulle envie d’ en prendre mon parti. Dans ce qu’ils ont pu entrevoir de mon activité,
1872 rendre mon parti. Dans ce qu’ils ont pu entrevoir de mon activité, une seule chose les a frappés : ma machine à écrire. La
1873 enaud, qui est une vieille amie des propriétaires de notre maison, est venue plusieurs fois nous voir. Hier, elle m’a dema
1874 s voir. Hier, elle m’a demandé avec toutes sortes de précautions oratoires embrouillées si son fils pourrait venir aussi v
1875 dre et l’admirer. Ils ont ainsi sur moi une sorte de supériorité concrète dont je ne souffre pas dans ma vanité, c’est ent
1876 a vanité, c’est entendu, mais bien dans mon désir de sympathie humaine, d’échange direct sur pied d’égalité. Le père Renau
1877 u, mais bien dans mon désir de sympathie humaine, d’ échange direct sur pied d’égalité. Le père Renaud est un ancien marin,
1878 r de sympathie humaine, d’échange direct sur pied d’ égalité. Le père Renaud est un ancien marin, barbu, jovial, déjà touch
1879 6. ») Il s’occupe maintenant à fabriquer un filet de quatre-vingts mètres, bel ouvrage dont le détail m’intéresse. Le fils
1880 ose des cartes postales illustrées avec des bouts de timbres-poste découpés. Je m’attarde à causer dans leur cuisine, qui
1881 plaisant que cet intérieur. Des chaises au siège de bois poli, une lourde table au centre, une autre plus petite vers la
1882 sur laquelle travaille le père Renaud. Le sol est de terre battue recouverte d’une fine couche de sable. Sur les murs blan
1883 ère Renaud. Le sol est de terre battue recouverte d’ une fine couche de sable. Sur les murs blanchis, quelques petites grav
1884 est de terre battue recouverte d’une fine couche de sable. Sur les murs blanchis, quelques petites gravures anciennes, en
1885 s, quelques petites gravures anciennes, encadrées de noir, et joliment disposées, une photo de bateau, et un vieil arbre g
1886 cadrées de noir, et joliment disposées, une photo de bateau, et un vieil arbre généalogique aux couleurs pâlies. Cet ordre
1887 tte propreté rigoureuse qui règnent ici avec tant d’ aisance, ai-je le droit de les considérer comme les symboles visibles
1888 i règnent ici avec tant d’aisance, ai-je le droit de les considérer comme les symboles visibles de l’univers intérieur de
1889 oit de les considérer comme les symboles visibles de l’univers intérieur de ces gens ?   5 décembre Ils me parlent de ce q
1890 omme les symboles visibles de l’univers intérieur de ces gens ?   5 décembre Ils me parlent de ce qui les intéresse, et je
1891 térieur de ces gens ?   5 décembre Ils me parlent de ce qui les intéresse, et je m’y intéresse avec eux. Mais je ne puis o
1892 Mais je ne puis ou ne sais pas encore leur parler de ce qui moi, m’intéresse : je sens trop bien qu’ils n’en sont pas curi
1893 : je sens trop bien qu’ils n’en sont pas curieux. De quoi donc me parlent-ils ? Du temps, et j’aime cela comme tout le mon
1894  ? Du temps, et j’aime cela comme tout le monde ; de leur travail aux champs ou à la côte, et je les écoute avec toute l’a
1895 la côte, et je les écoute avec toute l’attention d’ un apprenti ; de leurs souvenirs, parfois touchants, parfois comiques,
1896 les écoute avec toute l’attention d’un apprenti ; de leurs souvenirs, parfois touchants, parfois comiques, toujours révéla
1897 , parfois comiques, toujours révélateurs pour moi d’ un monde non pas absolument nouveau, mais nouvellement intéressant. Et
1898 t. Et quand nous sommes en confiance, si j’essaie d’ amener l’entretien sur leurs lectures, les journaux qu’ils achètent, l
1899 nt sans intérêt. Je ne sens pas qu’ils se méfient de moi. Simplement, ils n’ont jamais formé de phrases, dans leur tête, à
1900 éfient de moi. Simplement, ils n’ont jamais formé de phrases, dans leur tête, à propos de ces choses-là. Non seulement je
1901 à. Non seulement je ne sens pas qu’ils se méfient de moi en tant qu’intellectuel ou « spécialiste », mais encore je devine
1902 viens de nommer. Ils ne se doutent pas que c’est de cela précisément qu’un écrivain peut faire sa « spécialité ». Et rien
1903 ialité ». Et rien ne les étonnerait davantage que d’ apprendre un beau jour que je m’intéresse à leurs « idées », à leur si
1904 lèmes, — et que j’en fais parfois la matière même de mon travail. J’ai quelque peine à exprimer ceci, — qui n’est précisém
1905 mer ceci, — qui n’est précisément qu’un sentiment de gêne en moi. Sentiment qu’il y a là quelque absurdité, et si énorme q
1906 Ou bien est-ce ma gêne qui est absurde ? Essayer de confronter la culture et la réalité, c’est peut-être prouver qu’on ig
1907 uver qu’on ignore l’une et l’autre ? Ou témoigner d’ une naïveté impardonnable ? — Pourtant, je ne suis pas prêt à me donne
1908 er tort, c’est-à-dire à donner raison au bon sens de l’époque présente. Il a trop souvent fait ses preuves.   15 décembre
1909 titre, mais seulement « évangéliste » au service d’ une œuvre missionnaire. Les évangélistes étant moins bien payés que le
1910 s bien payés que les pasteurs, dont le traitement de base est de 10 000 francs, Mme Palut est obligée de faire, quand cela
1911 que les pasteurs, dont le traitement de base est de 10 000 francs, Mme Palut est obligée de faire, quand cela se trouve,
1912 base est de 10 000 francs, Mme Palut est obligée de faire, quand cela se trouve, des remplacements d’institutrices. Ils o
1913 de faire, quand cela se trouve, des remplacements d’ institutrices. Ils ont déjà deux garçons, et ils ont trouvé le moyen d
1914 ont déjà deux garçons, et ils ont trouvé le moyen de recueillir encore une vieille Bretonne sans ressources, qui aide un p
1915 s, qui aide un peu à la cuisine et casse beaucoup d’ assiettes. Dans cette île, qui fut presque entièrement protestante au
1916 le, M. Palut n’a plus aujourd’hui qu’une centaine de paroissiens disséminés. Il en vient une dizaine au culte. Les autres
1917 c la population. Conférences, visites, colportage de bibles de porte en porte. On ne peut pas dire que tout ce travail épu
1918 ation. Conférences, visites, colportage de bibles de porte en porte. On ne peut pas dire que tout ce travail épuisant dans
1919 testants qui sont souvent l’élément le plus actif de la population s’expatrient volontiers, ou vont habiter les villes.) E
1920 r les villes.) En été, la petite ville se remplit de baigneurs et l’auditoire du temple est décuplé : cela suffit pour qu’
1921 a suffit pour qu’on maintienne le poste… J’essaie de me représenter l’existence quotidienne de cet homme aux prises avec l
1922 ’essaie de me représenter l’existence quotidienne de cet homme aux prises avec la solitude la plus désespérante, celle que
1923 ue lui crée l’indifférence tranquille et obstinée de ceux auprès desquels il devrait exercer sa mission. Ils ne veulent pa
1924 ne veulent pas même l’écouter, et toute sa raison d’ être est cependant de leur parler. Il n’a rien d’autre à faire, et il
1925 ’écouter, et toute sa raison d’être est cependant de leur parler. Il n’a rien d’autre à faire, et il ne peut pas le faire.
1926 d’être est cependant de leur parler. Il n’a rien d’ autre à faire, et il ne peut pas le faire. Et de plus, il est seul à c
1927 son existence sans amertume. Il ne se plaint que de son isolement intellectuel. Il trouve normal de vivre une vie humaine
1928 e de son isolement intellectuel. Il trouve normal de vivre une vie humainement absurde. Non qu’il n’en distingue pas l’abs
1929 ais simplement il sait pourquoi il la subit. Fils d’ un petit hôtelier breton d’origine catholique, il s’est converti à l’â
1930 quoi il la subit. Fils d’un petit hôtelier breton d’ origine catholique, il s’est converti à l’âge de vingt ans et depuis l
1931 n d’origine catholique, il s’est converti à l’âge de vingt ans et depuis lors il n’a jamais songé qu’il pût faire autre ch
1932 te qu’il n’y ait « à vues humaines » aucun espoir de se faire entendre, si le seul espoir vrai réside dans la foi, qui ord
1933 seul espoir vrai réside dans la foi, qui ordonne de parler quand même ?   Janvier (à T…) Ce séjour, par ailleurs plein d’
1934  ?   Janvier (à T…) Ce séjour, par ailleurs plein d’ agrément, ne m’a permis de faire jusqu’ici qu’une seule expérience pré
1935 our, par ailleurs plein d’agrément, ne m’a permis de faire jusqu’ici qu’une seule expérience précise et utile : celle du l
1936 re » une soirée, depuis six mois que je n’ai plus de travail fixe. Quand je m’arrêtais d’écrire, par fatigue, je ne me sen
1937 je n’ai plus de travail fixe. Quand je m’arrêtais d’ écrire, par fatigue, je ne me sentais pas la bonne conscience de l’emp
1938 fatigue, je ne me sentais pas la bonne conscience de l’employé qui a fait sa journée et qui pense maintenant à autre chose
1939 et qui pense maintenant à autre chose. Une sorte d’ impatience me tarabustait encore, me ramenait sans cesse aux mêmes pré
1940 cette vacance où les idées et sentiments changent de climat. Le loisir n’est pas simplement la cessation du travail pour u
1941 r — et c’est cela qui le différencie profondément d’ un chômeur industriel, par exemple — mais il ne connaît plus de vrais
1942 industriel, par exemple — mais il ne connaît plus de vrais loisirs.   23 janvier (écrit sur la dune) Il ne faut pas se met
1943 dune) Il ne faut pas se mettre en colère au mois de janvier. C’est une saison abstraite, on n’atteint presque rien. Le so
1944 agrandit les regards sans nourrir la vision. Pas de mouches dans la lumière au ras des landes. Lucidité stérile du bel hi
1945 craindre qu’elle ne m’attaque par désir famélique de créer du nouveau. Car c’est une consolation aussi que d’avoir à faire
1946 r du nouveau. Car c’est une consolation aussi que d’ avoir à faire face à quelque catastrophe intime. Certains jours on don
1947 jours on donnerait beaucoup pour une bonne raison de désespérer, pour une bonne et impérieuse raison d’abandonner cette pa
1948 e désespérer, pour une bonne et impérieuse raison d’ abandonner cette partie mal engagée, ma vie, et de se retrouver neuf,
1949 d’abandonner cette partie mal engagée, ma vie, et de se retrouver neuf, enfantin, ou tout simplement jeune devant un prése
1950 ou tout simplement jeune devant un présent ouvert de tous côtés… Une seule vertu peut alors nous sauver de cette tentation
1951 ous côtés… Une seule vertu peut alors nous sauver de cette tentation du désespoir, et c’est l’humilité. Si je ne suis pas
1952 Ainsi je me renouvelle lentement. C’est un moyen de sortir de l’impasse : non pas en changeant ses données, mais soi-même
1953 me renouvelle lentement. C’est un moyen de sortir de l’impasse : non pas en changeant ses données, mais soi-même.   28 fév
1954 e.   28 février Gens. Il est très impressionnant de se demander en face de ces hommes, à quelques mètres d’eux, quand ils
1955 demander en face de ces hommes, à quelques mètres d’ eux, quand ils travaillent sur leur parcelle, ce que signifient les mé
1956 méthodes productivistes et la démesure collective d’ un plan quinquennal. Le silence de la lande et des marais, la rumeur d
1957 sure collective d’un plan quinquennal. Le silence de la lande et des marais, la rumeur de la côte, les petits chocs irrégu
1958 . Le silence de la lande et des marais, la rumeur de la côte, les petits chocs irréguliers des pioches et des bouelles, to
1959 rs des pioches et des bouelles, tout ce qu’il y a de paisible, de grand, de mesquin, de millénaire dans cette faible activ
1960 s et des bouelles, tout ce qu’il y a de paisible, de grand, de mesquin, de millénaire dans cette faible activité humaine a
1961 ouelles, tout ce qu’il y a de paisible, de grand, de mesquin, de millénaire dans cette faible activité humaine au ras du s
1962 t ce qu’il y a de paisible, de grand, de mesquin, de millénaire dans cette faible activité humaine au ras du sol, sous ce
1963 vérité » brutaliser et bouleverser à grand fracas de moteurs et de règlements de fer les rythmes de cette île et de ces vi
1964 liser et bouleverser à grand fracas de moteurs et de règlements de fer les rythmes de cette île et de ces vies ?   3 avril
1965 verser à grand fracas de moteurs et de règlements de fer les rythmes de cette île et de ces vies ?   3 avril La solitude e
1966 as de moteurs et de règlements de fer les rythmes de cette île et de ces vies ?   3 avril La solitude est une jeunesse. El
1967 de règlements de fer les rythmes de cette île et de ces vies ?   3 avril La solitude est une jeunesse. Elle nous apprend
1968 nts, chose nouvelle au goût du souvenir, que trop de téléphones à la ville, d’heures de bureau, d’impitoyables rendez-vous
1969 t du souvenir, que trop de téléphones à la ville, d’ heures de bureau, d’impitoyables rendez-vous, d’indifférence avaient r
1970 enir, que trop de téléphones à la ville, d’heures de bureau, d’impitoyables rendez-vous, d’indifférence avaient repoussée
1971 rop de téléphones à la ville, d’heures de bureau, d’ impitoyables rendez-vous, d’indifférence avaient repoussée dans nos lo
1972 , d’heures de bureau, d’impitoyables rendez-vous, d’ indifférence avaient repoussée dans nos lombes ; cette chose toujours
1973 chose toujours neuve et nouvelle qu’est l’attente d’ on ne sait quoi. Condition véritable de l’homme : il est celui qui agi
1974 l’attente d’on ne sait quoi. Condition véritable de l’homme : il est celui qui agit dans l’attente. Il attend des révélat
1975  ? Si je gratte pendant des heures ce coin réduit de terre caillouteuse, c’est pour un printemps qui viendra. C’est pour g
1976 e l’avenir — et l’imagine nécessairement sur fond de mort. (La jeunesse qui est l’âge de l’attente la plus ardente de la v
1977 ment sur fond de mort. (La jeunesse qui est l’âge de l’attente la plus ardente de la vie est aussi l’âge le plus familier
1978 unesse qui est l’âge de l’attente la plus ardente de la vie est aussi l’âge le plus familier avec la mort.) Ainsi nos gest
1979 nt inacceptable, qui ne s’ouvre pas sur l’attente d’ une révélation à venir, et d’une « consolation » finale. (Consolation
1980 re pas sur l’attente d’une révélation à venir, et d’ une « consolation » finale. (Consolation signifiant selon l’étymologie
1981 ble toute attente.)   7 avril Recette pour vivre de peu. La première condition c’est de gagner peu. (J’ai écrit cela, je
1982 te pour vivre de peu. La première condition c’est de gagner peu. (J’ai écrit cela, je me le rappelle, peu de temps après n
1983 ppelle, peu de temps après notre arrivée, au haut d’ une page que je retrouve dans une pile de notes. La page est restée bl
1984 au haut d’une page que je retrouve dans une pile de notes. La page est restée blanche. Et toute réflexion faite, c’est bi
1985 rès complet.)   10 avril Je n’ai pas encore parlé de la poule, la triste et digne poule noire qui habite seule au bout du
1986 là qu’hier, elle a pondu. Et ce matin de nouveau. De très gros œufs, me semble-t-il. (Où va se loger la vanité !)   14 avr
1987 nd je me tire du livre que j’écris — sur la crise de la cultureaf — pour causer avec la laitière ou la factrice, ou le pos
1988 assez normal : il y a l’obstacle du vocabulaire, d’ une certaine technique des idées, etc., mais encore ils ne comprendrai
1989 etc., mais encore ils ne comprendraient pas même de quoi il s’agit quand je parle d’eux précisément, et des problèmes qui
1990 draient pas même de quoi il s’agit quand je parle d’ eux précisément, et des problèmes qui intéressent leur existence. J’au
1991 liquer chaque terme. Ils n’y reconnaîtraient rien de ce qui les « soucie », amuse, occupe, ou intéresse. Vraiment non, ce
1992 ent non, ce chapitre sur « l’origine rationaliste de la scission entre la culture et le peuple », cela ne peut accrocher à
1993 arbe et sa casquette, et qui continue à me parler de la pêche, de son filet qui a été emporté hier, etc. Quel sens concret
1994 squette, et qui continue à me parler de la pêche, de son filet qui a été emporté hier, etc. Quel sens concret cela peut-il
1995 é hier, etc. Quel sens concret cela peut-il avoir de parler de la « scission » entre cet homme et la culture ? N’y a-t-il
1996 c. Quel sens concret cela peut-il avoir de parler de la « scission » entre cet homme et la culture ? N’y a-t-il pas là deu
1997 N’y a-t-il pas là deux mondes qui n’ont jamais eu de contact, ni jamais de commune mesure ? Je reviens à mes pages, bien d
1998 mondes qui n’ont jamais eu de contact, ni jamais de commune mesure ? Je reviens à mes pages, bien décidé à les refaire de
1999 Je reviens à mes pages, bien décidé à les refaire de fond en comble, à simplifier, à concrétiser, à essayer de les rendre
2000 en comble, à simplifier, à concrétiser, à essayer de les rendre telles qu’elles puissent, je ne dis pas être comprises, ma
2001 Eh bien, voilà le résultat : après une demi-heure de relecture attentive, j’ai rajouté quelques virgules, précisé quelques
2002 concret. Je me dis que cette impression et celle de tout à l’heure s’excluent en fait. Mais je n’arrive plus du tout à re
2003 je n’arrive plus du tout à retrouver ce sentiment d’ absurdité que provoquait en moi, précisément, la présence physique d’u
2004 voquait en moi, précisément, la présence physique d’ un homme, confrontée avec les idées que j’avais en tête. Il y a probab
2005 rdité que j’éprouvais, mais aussi l’impossibilité de la sentir avec quelque vivacité, sauf par éclairs, dans la rue, par e
2006 retrouver le souvenir autrement que par un effort de réflexion qui me laisse assez froid. La culture m’a repris. Je suis d
2007 la thèse que je défends est vraie !… Il y aurait de quoi s’arrêter de penser, si l’on pouvait. Le principe de toute cultu
2008 éfends est vraie !… Il y aurait de quoi s’arrêter de penser, si l’on pouvait. Le principe de toute culture véritable n’est
2009 s’arrêter de penser, si l’on pouvait. Le principe de toute culture véritable n’est-il pas cette commune mesure, sinon de r
2010 éritable n’est-il pas cette commune mesure, sinon de raisons formulables, du moins… d’angoisse, ou de vision finale, qu’il
2011 e mesure, sinon de raisons formulables, du moins… d’ angoisse, ou de vision finale, qu’il s’agit de maintenir par un consta
2012 de raisons formulables, du moins… d’angoisse, ou de vision finale, qu’il s’agit de maintenir par un constant effort entre
2013 ns… d’angoisse, ou de vision finale, qu’il s’agit de maintenir par un constant effort entre nos belles séries de pensées e
2014 ir par un constant effort entre nos belles séries de pensées et la diversité désordonnée des êtres et des choses, où nous
2015 rité, que si je me sens et me connais participant de ce monde « mal compassé ».   16 avril La poule noire couve depuis hie
2016 , planté des choux, enfoncé une à une des graines de haricots dans un sillon tiré à la ficelle. Plaisir d’avoir les doigts
2017 aricots dans un sillon tiré à la ficelle. Plaisir d’ avoir les doigts et les ongles terreux ; toujours ce goût d’enfance… J
2018 s doigts et les ongles terreux ; toujours ce goût d’ enfance… Je ne me sens plus « éloigné de Paris », mais au centre de mo
2019 s ce goût d’enfance… Je ne me sens plus « éloigné de Paris », mais au centre de mon domaine ; et c’est Paris qui est loin
2020 me sens plus « éloigné de Paris », mais au centre de mon domaine ; et c’est Paris qui est loin maintenant, peu vraisemblab
2021 qui baigne le jardin fleuri, éclate sur la façade de la maison, plus claire que le ciel vide, et illumine la goutte rose d
2022 aire que le ciel vide, et illumine la goutte rose d’ une fourmi ailée qui danse au-dessus de mon verre de vin blanc.   Mai
2023 outte rose d’une fourmi ailée qui danse au-dessus de mon verre de vin blanc.   Mai La mer est d’un vert bleu crayeux, très
2024 une fourmi ailée qui danse au-dessus de mon verre de vin blanc.   Mai La mer est d’un vert bleu crayeux, très froide encor
2025 essus de mon verre de vin blanc.   Mai La mer est d’ un vert bleu crayeux, très froide encore. On ne peut guère que se trem
2026 ges blancs au-dessus des lagunes. Une odeur forte de varech séché vient des champs et des vignes sablonneuses.   21 mai Pe
2027 s vignes sablonneuses.   21 mai Pendant les jours de grande marée, entre deux flux, d’immenses plateaux rocheux, pourpres,
2028 ndant les jours de grande marée, entre deux flux, d’ immenses plateaux rocheux, pourpres, jaunes et noirs se révèlent au-de
2029 ux, pourpres, jaunes et noirs se révèlent au-delà de la plage, nouveau pays tout grouillant de merveilles, d’eaux ruissela
2030 au-delà de la plage, nouveau pays tout grouillant de merveilles, d’eaux ruisselantes et de vies monstrueuses, soudain port
2031 lage, nouveau pays tout grouillant de merveilles, d’ eaux ruisselantes et de vies monstrueuses, soudain porté à la lumière
2032 grouillant de merveilles, d’eaux ruisselantes et de vies monstrueuses, soudain porté à la lumière de midi. Armés de treil
2033 ueuses, soudain porté à la lumière de midi. Armés de treilles à long manche, les jambes nues, nous courons sur les roches
2034 ambes nues, nous courons sur les roches tapissées d’ algues sombres dont le crépitement sous nos pas fait fuir et choir de
2035 nt le crépitement sous nos pas fait fuir et choir de tous côtés de petits crabes. Des ruisseaux, des rivières impétueuses
2036 ent sous nos pas fait fuir et choir de tous côtés de petits crabes. Des ruisseaux, des rivières impétueuses parcourent ce
2037 dans l’eau jusqu’aux genoux, les jambes caressées de courants froids, de courants tièdes, de poissons, de crabiots et de l
2038 genoux, les jambes caressées de courants froids, de courants tièdes, de poissons, de crabiots et de laines. À quelques mè
2039 caressées de courants froids, de courants tièdes, de poissons, de crabiots et de laines. À quelques mètres de la mer qui a
2040 courants froids, de courants tièdes, de poissons, de crabiots et de laines. À quelques mètres de la mer qui affleure le tr
2041 , de courants tièdes, de poissons, de crabiots et de laines. À quelques mètres de la mer qui affleure le tranchant du plat
2042 sons, de crabiots et de laines. À quelques mètres de la mer qui affleure le tranchant du plateau, la rivière s’élargit en
2043 cler sous les bords, dans le sable et les paquets d’ algues, avec le cercle rigide du filet, puis retirer vivement la treil
2044 ent la treille et l’égoutter. On ramène un paquet de varech, un ou deux crabes tout terreux, et parfois en se penchant sur
2045 ois en se penchant sur la treille, on voit bondir d’ un bord à l’autre quelque chose de transparent, ou de rosé, ou de verd
2046 on voit bondir d’un bord à l’autre quelque chose de transparent, ou de rosé, ou de verdâtre, qu’il faut attraper comme un
2047 n bord à l’autre quelque chose de transparent, ou de rosé, ou de verdâtre, qu’il faut attraper comme une mouche et qui vou
2048 utre quelque chose de transparent, ou de rosé, ou de verdâtre, qu’il faut attraper comme une mouche et qui vous saute enco
2049 saute encore dans la main et vous gratte la paume de ses antennes, de ses écailles et de ses pattes. On fourre cela dans l
2050 la main et vous gratte la paume de ses antennes, de ses écailles et de ses pattes. On fourre cela dans le sachet que l’on
2051 atte la paume de ses antennes, de ses écailles et de ses pattes. On fourre cela dans le sachet que l’on porte attaché à la
2052 ’on porte attaché à la ceinture et qui se remplit de tressaillements. Nous ne gardons que les plus belles crevettes, gross
2053 es plus belles crevettes, grosses comme le doigt, d’ un rose sombre, aux longues antennes grenat. — On cuit les crevettes t
2054 les crevettes toutes vivantes, en les jetant dans de l’eau qui bout. Après des soubresauts terribles — une ou deux sautent
2055 t, mais qu’est-ce que cela veut dire ? Je parlais de « l’attente ardente » des créatures, songeant au passage où l’Apôtre
2056 passage où l’Apôtre nous fait entendre ce soupir de toute la Création vers la révélation des « enfants de lumière », et l
2057 oute la Création vers la révélation des « enfants de lumière », et la restauration de l’ordre originel. Et voilà pratiquem
2058 on des « enfants de lumière », et la restauration de l’ordre originel. Et voilà pratiquement la réponse de l’homme : pilla
2059 ’ordre originel. Et voilà pratiquement la réponse de l’homme : pillage, ruses, destruction, dévoration, le tout accompagné
2060 uses, destruction, dévoration, le tout accompagné de sentiments « humains », admiration, répulsion, pitié, etc. En somme,
2061 cela me fend le cœur ! » Voilà la dernière trace de la conscience cosmique en nous, de la conscience de notre royauté néc
2062 dernière trace de la conscience cosmique en nous, de la conscience de notre royauté nécessaire et réparatrice. Il est prob
2063 la conscience cosmique en nous, de la conscience de notre royauté nécessaire et réparatrice. Il est probable que le tigre
2064 de déchiqueter une jeune gazelle ne fait pas tant d’ histoires, ne fait pas de sentiment. Et pourtant, ma sensiblerie n’est
2065 gazelle ne fait pas tant d’histoires, ne fait pas de sentiment. Et pourtant, ma sensiblerie n’est hypocrite que parce qu’e
2066 insuffisante. Elle est plus juste, et plus digne de l’homme que ces vertus de carnassiers que nous partageons, d’ailleurs
2067 us juste, et plus digne de l’homme que ces vertus de carnassiers que nous partageons, d’ailleurs maladroitement, avec le t
2068 ans l’homme une vocation surnaturelle, la mission de restaurer l’harmonie primitive, que mon scrupule se justifie : il app
2069 er écho, le dernier reproche, la dernière plainte de la justice cosmique blessée. Comme une prière muette en moi, toute ma
2070 et ce qui meurt qui nous émeut. Cette nuit, avant d’ aller me coucher, j’ai été voir au poulailler. (Nous attendions depuis
2071 r une bougie, je réveille ma femme. Nous essayons de soulever par les ailes la poule qui fait un caquet déchirant : elle s
2072 elle serre entre ses pattes un œuf à demi ouvert d’ où sort un long cou maigre, tout humide. Un poulet gris, déjà séché, p
2073 de, et reprend, l’œil fixe, son travail invisible de mère. C’est beau. C’est fascinant. C’est grave et mystérieux, pacifia
2074 e et mystérieux, pacifiant comme la démonstration d’ une absolue sagesse à l’œuvre dans cette vie. Il y a sur toute la terr
2075 l’œuvre dans cette vie. Il y a sur toute la terre de ces moments de pureté. Il faut penser à eux quand on juge « le monde 
2076 tte vie. Il y a sur toute la terre de ces moments de pureté. Il faut penser à eux quand on juge « le monde »… Nous mangeon
2077 n’ont que quelques feuilles. Mais avec le produit de nos pêches, les bons de pain, le reste du tonneau de vin blanc, nous
2078 les. Mais avec le produit de nos pêches, les bons de pain, le reste du tonneau de vin blanc, nous pourrions subsister sans
2079 nos pêches, les bons de pain, le reste du tonneau de vin blanc, nous pourrions subsister sans argent pendant quelques sema
2080 uveau plus rien à espérer avant longtemps en fait de « rentrées ».   14 juin Hier soir, j’avais fait une dernière revue de
2081 4 juin Hier soir, j’avais fait une dernière revue de nos possibilités de subsister pendant les semaines qui viennent. Arti
2082 avais fait une dernière revue de nos possibilités de subsister pendant les semaines qui viennent. Articles, zéro. Traducti
2083 t. Reste : 90 francs. Ce matin, nous avons décidé de réagir. Quand une auto risque de rater le tournant emportée par la fo
2084 ous avons décidé de réagir. Quand une auto risque de rater le tournant emportée par la force centrifuge, il ne faut pas fr
2085 a factrice. Une grosse enveloppe cachetée, venant de l’étranger. En-tête d’une fondation littéraire. Il faut d’abord signe
2086 enveloppe cachetée, venant de l’étranger. En-tête d’ une fondation littéraire. Il faut d’abord signer, c’est recommandé. En
2087 ut juste le nom. Que je n’aurais jamais eu l’idée de solliciter. Et qui m’est octroyé pour un petit livre paru sans bruit
2088 é pour un petit livre paru sans bruit il y a plus de dix-huit mois. Les hommes sont bons, du moins certains d’entre eux. S
2089 te. Ensuite j’ai calculé que cela nous permettait de passer l’été ici sans inquiétude. Ou encore, de le passer ailleurs, s
2090 t de passer l’été ici sans inquiétude. Ou encore, de le passer ailleurs, sans ennui. Cela probablement parce que j’étais à
2091 n’écrivais plus à personne. Je crois à la valeur d’ appel de l’absence, ou plutôt du retrait. (Il ne faut pas que ce soit
2092 ais plus à personne. Je crois à la valeur d’appel de l’absence, ou plutôt du retrait. (Il ne faut pas que ce soit une fein
2093 véritable non-espoir). Équivalent, pour la façon de traiter la vie, de la médecine des homéopathes.   16 juin La banque d
2094 ir). Équivalent, pour la façon de traiter la vie, de la médecine des homéopathes.   16 juin La banque d’A. n’est ouverte q
2095 la médecine des homéopathes.   16 juin La banque d’ A. n’est ouverte qu’un jour par semaine. Ce n’est qu’aujourd’hui que j
2096 passe sa portette et vient me prier à voix basse d’ aller attendre dans la pièce voisine. J’attends je ne sais combien de
2097 ns la pièce voisine. J’attends je ne sais combien de temps, je n’ai pas de montre, mais c’est très long. Aucun bruit de vo
2098 ’attends je ne sais combien de temps, je n’ai pas de montre, mais c’est très long. Aucun bruit de voix dans la salle de la
2099 pas de montre, mais c’est très long. Aucun bruit de voix dans la salle de la caisse. Le client est-il sorti ? Quel peut ê
2100 ’est très long. Aucun bruit de voix dans la salle de la caisse. Le client est-il sorti ? Quel peut être le motif de cette
2101 Le client est-il sorti ? Quel peut être le motif de cette audience privée ? Enfin j’entends qu’on sort, et le gérant vien
2102 . Notre affaire réglée, il croit devoir s’excuser de m’avoir fait passer à côté tout à l’heure. « Vous savez, c’est la cou
2103 s la salle quand ils payent ou quand ils touchent de l’argent ! C’est qu’ils sont très spéciaux les gens d’ici ! Moi je n’
2104 ochaine sur le continent) ils n’auraient pas idée de ça, au contraire, ils sont tout fiers de venir à la banque. Ici, on a
2105 pas idée de ça, au contraire, ils sont tout fiers de venir à la banque. Ici, on a dû faire cette salle d’attente… » Autant
2106 venir à la banque. Ici, on a dû faire cette salle d’ attente… » Autant que j’en puis juger d’après les propos du gérant, ce
2107 tout légitime, qu’on sache combien ils ont « mis de côté », qui peut expliquer le comportement des gens d’ici. Il faut ad
2108 te tout à fait particulière s’attache au commerce de l’argent.   20 juin Les gens. Je feuillette ce journal : voici des s
2109 plus guère à leurs affaires. J’ai pris mon parti de cet équilibre indifférent et cordial qui a fini par s’établir entre n
2110 s’établir entre nous : et il ne reste que l’ennui de nos conversations toujours pareilles. Grande différence entre eux et
2111 r milieu, comme les animaux. Ils ne se posent pas de questions gênantes. Or, c’est mon métier d’en poser… Il vaut mieux pa
2112 t pas de questions gênantes. Or, c’est mon métier d’ en poser… Il vaut mieux partir quand on en est là. Quand on en est à n
2113 a situation n’est plus humaine, elle ne pose plus de questions utiles.   2 juillet La sécheresse a été la plus forte : mal
2114 s n’avons plus la même patience, depuis qu’il y a de l’argent dans un tiroir. Cela signifie que j’ai cessé d’être chômeur.
2115 gent dans un tiroir. Cela signifie que j’ai cessé d’ être chômeur. Le départ est fixé au 10. Il va falloir vendre la poule
2116 nes pour être mangés. Régler vingt petites choses de cette espèce. Petites choses pour la première fois mesquines…   10 ju
2117 faire un peu de sentiment sur l’île, et le bilan de l’année écoulée. Bilan. S’installer dans la pauvreté comme dans un c
2118 S’installer dans la pauvreté comme dans un champ d’ activité nouveau, avec l’ardeur et les curiosités naïves du débutant,
2119 s naïves du débutant, cela suppose beaucoup moins de courage que bien des jeunes bourgeois ne l’imaginent : ceux qui voudr
2120 le saut. Peut-être leur suffirait-il, pour oser, d’ une vision précise de cet état qu’ils rêvent et craignent. J’ai pensé
2121 eur suffirait-il, pour oser, d’une vision précise de cet état qu’ils rêvent et craignent. J’ai pensé plus d’une fois qu’il
2122 état qu’ils rêvent et craignent. J’ai pensé plus d’ une fois qu’il pourrait être utile de décrire ma petite expérience d’i
2123 i pensé plus d’une fois qu’il pourrait être utile de décrire ma petite expérience d’intellectuel en chômage ; qu’il pourra
2124 urrait être utile de décrire ma petite expérience d’ intellectuel en chômage ; qu’il pourrait être utile de montrer qu’on p
2125 tellectuel en chômage ; qu’il pourrait être utile de montrer qu’on peut sortir des villes où se font les « carrières » san
2126 s villes où se font les « carrières » sans sortir de la vie véritable ; et qu’on peut vivre de très peu sans cesser de viv
2127 sortir de la vie véritable ; et qu’on peut vivre de très peu sans cesser de vivre son plein. Voici un an bientôt que j’ai
2128 ble ; et qu’on peut vivre de très peu sans cesser de vivre son plein. Voici un an bientôt que j’ai quitté Paris. Voici un
2129 nt triste. Je suis devenu tout doucement amoureux de ma vie, et je crois bien que c’est un penchant qu’elle agrée. Non poi
2130 u’elle agrée. Non point qu’elle me paye en retour de surprises multipliées : peu d’aventures dans l’existence d’un homme q
2131 me paye en retour de surprises multipliées : peu d’ aventures dans l’existence d’un homme qui cherche à se posséder plutôt
2132 es multipliées : peu d’aventures dans l’existence d’ un homme qui cherche à se posséder plutôt qu’à se fuir dans les hasard
2133 fuir dans les hasards. C’est sans doute un effet de la trentaine qui approche : je n’espère plus, comme à vingt ans, renc
2134 lle embuscade du destin, comme qui dirait au coin d’ un bois. Je crois que le réel est à portée de la main, et n’est que là
2135 coin d’un bois. Je crois que le réel est à portée de la main, et n’est que là. Alors il s’agit seulement d’assurer la pris
2136 main, et n’est que là. Alors il s’agit seulement d’ assurer la prise de cette main. C’est l’affaire d’une patience, ou d’u
2137 là. Alors il s’agit seulement d’assurer la prise de cette main. C’est l’affaire d’une patience, ou d’une impatience domin
2138 d’assurer la prise de cette main. C’est l’affaire d’ une patience, ou d’une impatience dominée, — et sans doute qu’une cert
2139 de cette main. C’est l’affaire d’une patience, ou d’ une impatience dominée, — et sans doute qu’une certaine pauvreté pouva
2140 eule m’y forcer utilement. ae. Rougemont Denis de , « N’habitez pas les villes (Extrait d’un journal) », La Nouvelle Rev
2141 ont Denis de, « N’habitez pas les villes (Extrait d’ un journal) », La Nouvelle Revue française, Paris, juillet 1937, p. 63
2142 se, Paris, juillet 1937, p. 63-87. af. Il s’agit de Penser avec les mains .
30 1937, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Gösta Berling, par Selma Lagerlöf (novembre 1937)
2143 embre 1937)ag Le monde entier connaît la geste de cette communauté de sans-foyers, d’âmes sauvages et musiciennes, les
2144 monde entier connaît la geste de cette communauté de sans-foyers, d’âmes sauvages et musiciennes, les douze « Cavaliers »
2145 naît la geste de cette communauté de sans-foyers, d’ âmes sauvages et musiciennes, les douze « Cavaliers » d’Ekeby, qui rég
2146 sauvages et musiciennes, les douze « Cavaliers » d’ Ekeby, qui régnèrent d’un Noël à l’autre sur la province du Warmland,
2147 s, les douze « Cavaliers » d’Ekeby, qui régnèrent d’ un Noël à l’autre sur la province du Warmland, s’étant juré de ne rien
2148 l’autre sur la province du Warmland, s’étant juré de ne rien accomplir d’utile ni de raisonnable. Voici l’histoire, tradui
2149 ce du Warmland, s’étant juré de ne rien accomplir d’ utile ni de raisonnable. Voici l’histoire, traduite tout entière pour
2150 and, s’étant juré de ne rien accomplir d’utile ni de raisonnable. Voici l’histoire, traduite tout entière pour la première
2151 gnifiques, tout cela digne du chef-d’œuvre épique de la littérature moderne. Kipling mort, il ne reste que Selma Lagerlöf
2152 et gracieuses, réalistes et romanesques, pleines de malices et de profondes audaces. Des histoires que l’on croit intégra
2153 , réalistes et romanesques, pleines de malices et de profondes audaces. Des histoires que l’on croit intégralement parce q
2154 romanciers, terrorisés par une sadique « défense d’ inventer », s’épuisent à rechercher le vraisemblable, en même temps qu
2155 er différente. Elle n’aime que celui qui se moque d’ elle et qui n’en fait qu’à ses façons. Elle aime les grands rhétoricie
2156 u’à ses façons. Elle aime les grands rhétoriciens de l’imagination fabulatrice. Elle se précipite avec fougue dans leurs p
2157 votre joie ou à vos larmes. Il y a quelque chose de « glorieux » — au sens baroque, impertinent et emphatique du mot — da
2158 atique du mot — dans la virtuosité et les malices de ce génie de la fable nordique. Lagerlöf ou la gloire de conter ! Jusq
2159 t — dans la virtuosité et les malices de ce génie de la fable nordique. Lagerlöf ou la gloire de conter ! Jusqu’au moment
2160 génie de la fable nordique. Lagerlöf ou la gloire de conter ! Jusqu’au moment où l’imagination, ranimant les grands rythme
2161 humain, nous jette dans le grand jeu du péché et de la grâce, et se confond avec la Charité. Imaginer, à ce degré, c’est
2162 onde. C’est le placer sous la lumière fantastique de la Promesse, au point où tout se renverse, où le ciel s’ouvre sur le
2163 démon découvre que son œuvre a libéré les hommes de leur bonheur, et la vie de l’obsession de vivre. Cette année folle, i
2164 re a libéré les hommes de leur bonheur, et la vie de l’obsession de vivre. Cette année folle, inaugurée par un traité avec
2165 hommes de leur bonheur, et la vie de l’obsession de vivre. Cette année folle, inaugurée par un traité avec le diable, vie
2166 traité avec le diable, vient mourir dans la nuit de Noël au rythme familier des marteaux de la forge rebâtie. Les Cavalie
2167 s la nuit de Noël au rythme familier des marteaux de la forge rebâtie. Les Cavaliers, « appelés à faire vivre la joie dans
2168 ont appris à leur façon « les riches alternances de la vie ». Mais c’est aussi au peuple entier qu’ils ont appris sa gloi
2169 égende, malgré toutes ses romances et ses idylles d’ une pureté dramatique. Les forges, les charrois de minerai, le trafic
2170 d’une pureté dramatique. Les forges, les charrois de minerai, le trafic des chalands, l’économie agraire, tout cela ne jou
2171 éalité sociale plus toutes les autres. Et l’amour d’ une femme pour son peuple, au lieu de ces vantardises en service comma
2172 e, au lieu de ces vantardises en service commandé d’ oudarnikis plus ou moins décorés. Selma Lagerlöf est la seule femme de
2173 moins décorés. Selma Lagerlöf est la seule femme de la littérature européenne dont le génie ait eu la force de recréer un
2174 lma Lagerlöf est la seule femme de la littérature européenne dont le génie ait eu la force de recréer un pays tout entier, avec se
2175 térature européenne dont le génie ait eu la force de recréer un pays tout entier, avec ses classes et ses institutions, se
2176 ut penser que l’inscription qu’on lit au Pavillon de la Suède éclaire à sa façon les arrière-plans de ce miracle : « Il y
2177 de la Suède éclaire à sa façon les arrière-plans de ce miracle : « Il y a mille ans que le peuple suédois est son propre
2178 compris. 48. Descriptions, rétrospections, coups de théâtre, contrastes, exagérations soutenues, coïncidences, catastroph
2179 ces, catastrophes naturelles, et tous les emplois de la fable suédoise : trolls, sorcières, belles jeunes filles courtisée
2180 s, vieux pasteurs ivrognes ou avares, demoiselles de compagnie sentimentales, maîtres de forges vendus au diable, etc. ag
2181 , demoiselles de compagnie sentimentales, maîtres de forges vendus au diable, etc. ag. Rougemont Denis de, « [Compte ren
2182 rges vendus au diable, etc. ag. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Selma Lagerlöf, Gösta Berling  », La Nouvelle Revue
31 1937, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Au dossier d’une vieille querelle (novembre 1937)
2183 Au dossier d’ une vieille querelle (novembre 1937)ah Un clerc écrivait récemment
2184 Un clerc écrivait récemment qu’il faut se garder d’ engager la raison dans une aventure — la vie — « où elle ne peut qu’êt
2185 . D’autres clercs, conséquents, ne manqueront pas d’ en conclure qu’ils n’ont pas à se mêler aux luttes sociales et politiq
2186 arrive parfois aux plus prudents, ils feront bien de s’y comporter selon les usages du forum, et de crier avec les loups.
2187 en de s’y comporter selon les usages du forum, et de crier avec les loups. « Préservant » ainsi la raison, autant que leur
2188 tant que leur sécurité. On trouve dans la Logique de Port-Royal, un dilemme assez comparable, « par lequel un ancien Philo
2189 uvait qu’on ne se devait point mêler des affaires de la République. Si on y agit bien — disait-il — on offensera les dieux
2190 lemme — ou sophisme — « qu’il n’est point fâcheux d’ offenser les hommes, quand on ne le peut éviter qu’en offensant Dieu »
2191 au sujet du second : « qu’il n’est pas avantageux de contenter les hommes en offensant Dieu ». J’en conclus qu’il est bon
2192 s en offensant Dieu ». J’en conclus qu’il est bon d’ engager la raison dans la vie : non point pour qu’elle y reçoive des o
2193 s outrages, mais pour qu’elle-même en fasse subir de salutaires à une vie qui en a grand besoin. Que cela n’aille pas sans
2194 as sans risques, c’est l’évidence. Mais il s’agit de savoir ce que l’on révère, de la vérité ou de la sécurité. Ce serait
2195 nce. Mais il s’agit de savoir ce que l’on révère, de la vérité ou de la sécurité. Ce serait une raison bien débile, qui n’
2196 git de savoir ce que l’on révère, de la vérité ou de la sécurité. Ce serait une raison bien débile, qui n’oserait s’exerce
2197 onnel, on court le risque le plus onéreux : celui de laisser perdre le peu qui fut gagné par d’autres, et dont on vit. a
2198 d’autres, et dont on vit. ah. Rougemont Denis de , « Au dossier d’une vieille querelle », La Nouvelle Revue française,
2199 t on vit. ah. Rougemont Denis de, « Au dossier d’ une vieille querelle », La Nouvelle Revue française, Paris, novembre 1
32 1938, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Le Monastère noir, par Aladár Kuncz (janvier 1938)
2200 nvier 1938)ai Professeur, écrivain, traducteur d’ ouvrages français, ami de la France, séjournant en France, Aladár Kunc
2201 ur, écrivain, traducteur d’ouvrages français, ami de la France, séjournant en France, Aladár Kuncz, sujet hongrois, se voi
2202 is, se voit arrêté à Paris dès les premiers jours de la guerre. On l’envoie dans un camp à Perpignan. De là au « monastère
2203 la guerre. On l’envoie dans un camp à Perpignan. De là au « monastère noir », la forteresse de Noirmoutier, puis à l’île
2204 ignan. De là au « monastère noir », la forteresse de Noirmoutier, puis à l’île d’Yeu. Il ne sera libéré qu’après cinq ans
2205 l’île d’Yeu. Il ne sera libéré qu’après cinq ans de captivité, durant lesquels il subira les manifestations, inépuisables
2206 squels il subira les manifestations, inépuisables d’ imprévu, du patriotisme de l’arrière. Et voici le journal de cet intel
2207 estations, inépuisables d’imprévu, du patriotisme de l’arrière. Et voici le journal de cet intellectuel jeté dans un cul d
2208 du patriotisme de l’arrière. Et voici le journal de cet intellectuel jeté dans un cul de bassefosse par le jeu de l’état
2209 i le journal de cet intellectuel jeté dans un cul de bassefosse par le jeu de l’état civil. Qu’il ne s’y mêle aucune trace
2210 lectuel jeté dans un cul de bassefosse par le jeu de l’état civil. Qu’il ne s’y mêle aucune trace de hargne, c’est un mira
2211 u de l’état civil. Qu’il ne s’y mêle aucune trace de hargne, c’est un miracle qui défie l’époque. M. de Lacretelle, dans s
2212 préface, déclare fort justement qu’il s’acquitte d’ une dette en présentant cette œuvre au public français. Vous en ferez
2213 rez quelque chose contre la guerre, ne fût-ce que de la connaître mieux. Peut-être même prendrez-vous conscience d’une men
2214 re mieux. Peut-être même prendrez-vous conscience d’ une menace plus générale encore, qui concerne chacun de nous, et dont
2215 menace plus générale encore, qui concerne chacun de nous, et dont l’internement de guerre n’est qu’une conséquence entre
2216 ui concerne chacun de nous, et dont l’internement de guerre n’est qu’une conséquence entre mille, d’une virulence particul
2217 t de guerre n’est qu’une conséquence entre mille, d’ une virulence particulière, mais au moins déclarée. Je veux parler du
2218 , mais au moins déclarée. Je veux parler du mythe de l’arrestation, de la psychose créée dans le monde actuel par ce phéno
2219 clarée. Je veux parler du mythe de l’arrestation, de la psychose créée dans le monde actuel par ce phénomène multiforme, i
2220 u’un innocent, ou qui se croit tel, se voie privé de sa liberté pour des « raisons » collectives et obscures. Il me paraît
2221 ollectives et obscures. Il me paraît que le livre de Kuncz tire son tragique le plus secret du fait qu’il symbolise, illus
2222 du prisonnier proprement dit, mais, peu ou prou, de chaque individu soumis aux lois d’une collectivité délirante. Sur la
2223 , peu ou prou, de chaque individu soumis aux lois d’ une collectivité délirante. Sur la foi d’affiches officielles prometta
2224 aux lois d’une collectivité délirante. Sur la foi d’ affiches officielles promettant aux internés une libération rapide, Ku
2225 des personnages haut placés pour leur faire part de son état : mais les lettres n’arrivent jamais, ou demeurent sans répo
2226 aquets vidés. Le régime disciplinaire est aggravé de temps à autre, on ne sait pourquoi, « par représailles ». Puis c’est
2227 départ brusqué « pour X… ». Ni raisons ni points de repère : c’est la guerre. C’est un mot sacré. C’est quelque chose qui
2228 l puisqu’on en souffre, mais dont on ne sait rien de précis, ni l’enjeu ni les causes véritables. Il ne reste que l’obscur
2229 « se fait toute seule », que rien ne dépend plus de personnes responsables, mais que tout le monde se trouve secrètement
2230 té universelle. Comment ne point songer au Procès de Kafka, la plus géniale description du mythe de l’arrestationaj. On se
2231 ès de Kafka, la plus géniale description du mythe de l’arrestationaj. On se rappelle que c’était l’histoire d’un homme qui
2232 estationaj. On se rappelle que c’était l’histoire d’ un homme qui se voit inculpé, par une justice inaccessible, d’une faut
2233 ui se voit inculpé, par une justice inaccessible, d’ une faute indéterminée. Il faut sans doute attribuer au Procès une sig
2234 possible. Il y a aussi dans ce livre une parabole de l’homme traqué par les tyrannies anonymes qui se multiplient dans not
2235 u. C’est le cauchemar du xxe siècle. Le triomphe de l’État sur l’homme. D’ailleurs on peut aussi ne rien voir de tout cel
2236 ur l’homme. D’ailleurs on peut aussi ne rien voir de tout cela dans le livre de Kuncz : il nous apporte un document bien a
2237 eut aussi ne rien voir de tout cela dans le livre de Kuncz : il nous apporte un document bien assez émouvant comme tel. Et
2238 moderne ne se connaît jamais mieux qu’à la faveur de circonstances brutales, qui le rabattent à l’élémentaire. 49. Polic
2239 s, qui le rabattent à l’élémentaire. 49. Police d’ État, polices privées, douaniers, passeports, justice imprévisible, ba
2240 uration au sein des partis, arrestations en masse de suspects, procès de tendance faits à ceux mêmes qui se taisent, etc.,
2241 partis, arrestations en masse de suspects, procès de tendance faits à ceux mêmes qui se taisent, etc., etc. ai. Rougemon
2242 qui se taisent, etc., etc. ai. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Aladár Kuncz, Le Monastère noir  », La Nouvelle Rev
2243 . aj. Rougemont en a rendu compte dans le numéro de mai 1934 de la NRF : «  Le Procès, par Franz Kafka, traduit par A. Vi
2244 mont en a rendu compte dans le numéro de mai 1934 de la NRF : «  Le Procès, par Franz Kafka, traduit par A. Vialatte (Gall
33 1938, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Victoire à Waterloo, par Robert Aron (février 1938)
2245 embre l’abdication. Il y a sans doute une théorie de l’Histoire à l’origine de cet ouvrage d’une passionnante ambiguïté, e
2246 sans doute une théorie de l’Histoire à l’origine de cet ouvrage d’une passionnante ambiguïté, et qui se donne l’air d’une
2247 théorie de l’Histoire à l’origine de cet ouvrage d’ une passionnante ambiguïté, et qui se donne l’air d’une « fantaisie ».
2248 une passionnante ambiguïté, et qui se donne l’air d’ une « fantaisie ». Prenons ce mot au sens allemand : une « imagination
2249 allemand : une « imagination » profonde du destin de Napoléon, voilà ce que nous propose Robert Aron50. Il a pensé qu’il v
2250 obert Aron50. Il a pensé qu’il valait mieux tirer de faits fictifs des conséquences vraies, que de tirer comme M. Madelin
2251 rer de faits fictifs des conséquences vraies, que de tirer comme M. Madelin des conséquences fausses de faits « prouvés ».
2252 e tirer comme M. Madelin des conséquences fausses de faits « prouvés ». La thèse peut se discuter. L’illustration m’en par
2253 la bataille, Napoléon a découvert la vie concrète d’ un pays et des êtres dont c’est la patrie. Il a conçu les premiers dou
2254 conçu les premiers doutes humains sur la réalité de son empire, sur son pouvoir abstrait et sa démesure géométrique. Et r
2255 Et revenant à ses origines, au moment où le sort de la bataille vacille, il a retrouvé soudain le cri de la Révolution :
2256 la bataille vacille, il a retrouvé soudain le cri de la Révolution : Vive la Nation ! Or ce cri qui lui donne la victoire
2257 ait un empire géant pour n’avoir pas été capables de fédérer nos communes. » Voilà l’épigraphe de l’ouvrage, qui par aille
2258 bles de fédérer nos communes. » Voilà l’épigraphe de l’ouvrage, qui par ailleurs compose bien d’autres thèmes : celui des
2259 pose bien d’autres thèmes : celui des îles, celui de la patrie perdue que Bonaparte cherche à se recréer, celui du schizop
2260 du schizophrène qui « perd le sentiment », celui d’ une société qu’il faut bâtir « à hauteur d’homme » et non pas à hauteu
2261 celui d’une société qu’il faut bâtir « à hauteur d’ homme » et non pas à hauteur d’idéologies. Peut-être ai-je trop insist
2262 bâtir « à hauteur d’homme » et non pas à hauteur d’ idéologies. Peut-être ai-je trop insisté sur l’actualité politique de
2263 être ai-je trop insisté sur l’actualité politique de cette méditation personnaliste. Car après tout, c’est une histoire, u
2264 tout, c’est une histoire, un des meilleurs romans de l’année, et qui se fait lire avec le plus constant plaisir, d’autant
2265 r, d’autant que l’on pouvait redouter l’agacement de la facilité, le même que donne la lecture de romans d’anticipation. I
2266 ment de la facilité, le même que donne la lecture de romans d’anticipation. Il y a bien plus que de l’ingéniosité dans ce
2267 facilité, le même que donne la lecture de romans d’ anticipation. Il y a bien plus que de l’ingéniosité dans ce livre : un
2268 re de romans d’anticipation. Il y a bien plus que de l’ingéniosité dans ce livre : un sens de l’homme et des limites de sa
2269 plus que de l’ingéniosité dans ce livre : un sens de l’homme et des limites de sa grandeur, un sens de l’humour du destin,
2270 dans ce livre : un sens de l’homme et des limites de sa grandeur, un sens de l’humour du destin, une vraie poésie de l’His
2271 de l’homme et des limites de sa grandeur, un sens de l’humour du destin, une vraie poésie de l’Histoire, libératrice et ex
2272 , un sens de l’humour du destin, une vraie poésie de l’Histoire, libératrice et excitante pour l’esprit. À peine l’a-t-on
2273 our leur arracher des aveux à l’appui de la thèse d’ Aron. 50. Jean-Paul rapporte un rêve où il disait à Napoléon : « Je
2274 jamais plus intelligent qu’au lit, quand je rêve de vous, car alors je dois vous créer moi-même vous et vos idées. » ak.
2275 i-même vous et vos idées. » ak. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Robert Aron, Victoire à Waterloo  », La Nouvelle Re
34 1938, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Une révolution refoulée (juillet 1938)
2276 tion refoulée (juillet 1938)al Est-il possible d’ indiquer une raison simple de l’échec du Front populaire ? La psychana
2277 l Est-il possible d’indiquer une raison simple de l’échec du Front populaire ? La psychanalyse nous propose un type d’e
2278 populaire ? La psychanalyse nous propose un type d’ explication qui me paraît bien tentant : c’est le mécanisme du « refou
2279 n tentant : c’est le mécanisme du « refoulement » d’ où procèdent les « actes manqués ». S’il y a eu « expérience Blum », e
2280 retiendra. Ce fait initial a déterminé la courbe de l’expérience : il s’agissait d’affirmer une mystique, mais de ne fair
2281 terminé la courbe de l’expérience : il s’agissait d’ affirmer une mystique, mais de ne faire que les réformes qu’imposait l
2282 nce : il s’agissait d’affirmer une mystique, mais de ne faire que les réformes qu’imposait la pression des « masses ». Dan
2283 légués. Chacun sent très bien que l’autre triche. D’ où cet affaiblissement du sens civique tellement frappant dans la Fran
2284 ormes obtenues apparaissent comme les résultantes de deux lâchetés, non de deux volontés. Or, quand le sens civique fléchi
2285 ssent comme les résultantes de deux lâchetés, non de deux volontés. Or, quand le sens civique fléchit, c’est-à-dire quand
2286 t ne sait faire, seule une révolution est capable de faire aboutir des réformes. Mais personne ne la prépare. M. Staline a
2287 anglante, donc destinée à se figer dans le rictus d’ une dictature. Tout le monde le sent, tout le monde le craint — et le
2288 tes. Sous prétexte de lui résister, les voilà qui d’ elles-mêmes se mettent en rang, lèvent le poing, acclament des caporau
2289 enne. On a refoulé dès sa naissance la révolution de 36. D’où le « complexe » qui s’est noué. Complexe fasciste, avoué sou
2290 n a refoulé dès sa naissance la révolution de 36. D’ où le « complexe » qui s’est noué. Complexe fasciste, avoué sous le no
2291 s’est noué. Complexe fasciste, avoué sous le nom d’ antifascisme, c’est normal. On n’arrête pas une révolution lorsqu’elle
2292 le. Je préfère opposer un pessimisme actif à tant d’ espérances bernées. al. Rougemont Denis de, « Une révolution refoul
2293 tant d’espérances bernées. al. Rougemont Denis de , « Une révolution refoulée », La Nouvelle Revue française, Paris, jui
35 1938, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Alice au pays des merveilles, par Lewis Carroll (août 1938)
2294 e libérateur, on conçoit que les meilleurs sujets de contes sont les plus abstraitement logiques. La logique enfantine est
2295 bien plus proche du raisonnement mathématique que de la raison avertie, donc impure. Elle opère en toute liberté sur un no
2296 le opère en toute liberté sur un nombre restreint de données qu’elle considère dans l’absolu, et elle en tire des déductio
2297 redire l’expérience vécue et les règles sociales. D’ où le cocasse et le sentiment de libération. En outre, quoi de plus im
2298 règles sociales. D’où le cocasse et le sentiment de libération. En outre, quoi de plus important pour un enfant que la co
2299 « plus petit que » —, qui est aussi le fondement de toute mathématique. Ces remarques peuvent nous orienter vers une comp
2300 ienter vers une compréhension nouvelle des contes de Lewis Carroll — qui était un mathématicien —, et d’Alice en particuli
2301 Lewis Carroll — qui était un mathématicien —, et d’ Alice en particulier. On dit à l’enfant : mange ta soupe et tu deviend
2302 résultera-t-il ? Le rêve logique qu’est le conte de Carroll nous apparaît alors comme une série de variations sur le thèm
2303 te de Carroll nous apparaît alors comme une série de variations sur le thème de la relativité dans l’espace et le temps. T
2304 alors comme une série de variations sur le thème de la relativité dans l’espace et le temps. Tantôt géante et tantôt nain
2305 es deux cas, elles lui deviennent problématiques. D’ où les discussions qu’elle engage avec les animaux parlants, créatures
2306 ridicule, tantôt tyrannique à l’excès. Ce Lièvre de Mars, ce Loir et ce Chapelier fou, on croirait une préfiguration des
2307 fou, on croirait une préfiguration des logiciens de l’école de Vienne. Et la discussion sur le temps, au cours du « Thé l
2308 oirait une préfiguration des logiciens de l’école de Vienne. Et la discussion sur le temps, au cours du « Thé loufoque » o
2309 post-einsteinienne, et fait songer au Temps vécu de Minkowski. « Cette façon d’ergoter qu’ils ont tous ! », gémit Alice,
2310 songer au Temps vécu de Minkowski. « Cette façon d’ ergoter qu’ils ont tous ! », gémit Alice, constamment réfutée par un f
2311 la plupart des discussions pèchent par l’absence d’ un élément de commune mesure : d’où l’impression d’entrave, de cauchem
2312 es discussions pèchent par l’absence d’un élément de commune mesure : d’où l’impression d’entrave, de cauchemar. Impossibl
2313 nt par l’absence d’un élément de commune mesure : d’ où l’impression d’entrave, de cauchemar. Impossible de savoir qui a ga
2314 ’un élément de commune mesure : d’où l’impression d’ entrave, de cauchemar. Impossible de savoir qui a gagné, quand une des
2315 de commune mesure : d’où l’impression d’entrave, de cauchemar. Impossible de savoir qui a gagné, quand une des règles pri
2316 l’impression d’entrave, de cauchemar. Impossible de savoir qui a gagné, quand une des règles principales du jeu est omise
2317 du jeu est omise ou inobservée. (Ainsi la partie de croquet, la discussion avec le bourreau qui refuse de décapiter un ch
2318 roquet, la discussion avec le bourreau qui refuse de décapiter un chat dont la tête seule est visible, etc.). Et pourtant,
2319 ule est visible, etc.). Et pourtant, ce n’est que d’ un jeu qu’il s’agit. Alice en garde la conscience secrète — comme dans
2320 our un enfant. Les deux hypothèses rendent compte de la plupart des « gags » dont se compose le récit. Et parfois les pièg
2321 cela est assez bien symbolisé par la déclaration de la Tortue à Tête de Veau, qui croit que les quatre opérations arithmé
2322 symbolisé par la déclaration de la Tortue à Tête de Veau, qui croit que les quatre opérations arithmétiques sont l’Ambiti
2323 et la Dérision. Mais ici se poserait le problème de la version française du conte ; celle de René Bour me paraît scrupule
2324 problème de la version française du conte ; celle de René Bour me paraît scrupuleuse, encore que déparée ici ou là par des
2325 r des préciosités indéfendables. Les dessins sont d’ une meilleure plume. am. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Lewis
2326 ont d’une meilleure plume. am. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Lewis Carroll, Alice au pays des merveilles  », La
36 1938, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Page d’histoire (novembre 1938)
2327 Page d’ histoire (novembre 1938)an D’un manuel futur : Leçon sur la crise d
2328 Page d’histoire (novembre 1938)an D’ un manuel futur : Leçon sur la crise des minorités en 1938. 1. Caracté
2329 norités en 1938. 1. Caractérisez l’état politique de l’Europe en 1938. — Les démocraties de l’Ouest avaient fondé leur pai
2330 és en 1938. 1. Caractérisez l’état politique de l’ Europe en 1938. — Les démocraties de l’Ouest avaient fondé leur paix sur deu
2331 politique de l’Europe en 1938. — Les démocraties de l’Ouest avaient fondé leur paix sur deux principes : droit des peuple
2332 sur deux principes : droit des peuples à disposer d’ eux-mêmes, arbitrage international. Au nom du premier principe fut cré
2333 des démocraties (centralisation rigide, confusion de l’État et de la Nation) s’opposait dans le fait à toute application h
2334 es (centralisation rigide, confusion de l’État et de la Nation) s’opposait dans le fait à toute application honnête des de
2335 n des États constituants n’ayant renoncé à aucune de ses prérogatives au bénéfice de la Société ; d’autre part l’État tchè
2336 renoncé à aucune de ses prérogatives au bénéfice de la Société ; d’autre part l’État tchèque opprima ses propres minorité
2337 cations hitlériennes ? — Les dictateurs du Centre européen furent les premiers à s’apercevoir du paradoxe politique que nous ven
2338 que nous venons de définir. Ils eurent l’habileté de baser leurs revendications, à la fois sur l’un des principes que les
2339 ne exigea l’autonomie des Sudètes au nom du droit de libre disposition des peuples, puis leur annexion au nom de « l’unité
2340 ptembre 1938, l’Allemagne appuya sa revendication de menaces militaires, les démocraties cédèrent (entrevue de Berchtesgad
2341 es militaires, les démocraties cédèrent (entrevue de Berchtesgaden). 4. Pourquoi le conflit s’aggrava-t-il subitement ? — 
2342 ige était réglé en principe. Mais alors (entrevue de Godesberg), Hitler démasqua l’aspect original (et non plus jacobin) d
2343 démasqua l’aspect original (et non plus jacobin) de la dictature totalitaire : l’impérialisme religieux, ou sacral. Il ex
2344  : l’impérialisme religieux, ou sacral. Il exigea d’ entrer en armes et sur le champ dans les territoires sudètes. Une cess
2345 t le sacrifice sanglant (ou son symbole), le viol de la victime, la « libération » violente de la proie désirée (guerre li
2346 le viol de la victime, la « libération » violente de la proie désirée (guerre limitée). 5. Quelle fut la réaction de l’Eur
2347 sirée (guerre limitée). 5. Quelle fut la réaction de l’Europe ? — L’opinion démocratique apparut désorientée par cette exi
2348 (guerre limitée). 5. Quelle fut la réaction de l’ Europe  ? — L’opinion démocratique apparut désorientée par cette exigence pur
2349 lle ». Les uns remarquaient qu’il n’y avait guère de différence entre Berchtesgaden et Godesberg. Les autres pensaient que
2350 et Godesberg. Les autres pensaient que l’exigence d’ entrer en armes était une « querelle d’Allemands », une rodomontade gr
2351 l’exigence d’entrer en armes était une « querelle d’ Allemands », une rodomontade gratuite, puisqu’en principe tout était r
2352 t dire qu’il y avait là un fait nouveau, le signe d’ une volonté d’hégémonie. C’était traduire en termes classiques la réal
2353 avait là un fait nouveau, le signe d’une volonté d’ hégémonie. C’était traduire en termes classiques la réalité pressentie
2354 aduire en termes classiques la réalité pressentie de la nouvelle religion totalitaire. D’ailleurs, les réactions des masse
2355 l’une des tendances fondamentales et instinctives de l’Occident : la résistance à toute hégémonie, au nom d’un idéal laten
2356 tance à toute hégémonie, au nom d’un idéal latent de fédération des peuples sur pied d’égalité. Une vague de fond s’éleva
2357 n idéal latent de fédération des peuples sur pied d’ égalité. Une vague de fond s’éleva contre la prétention allemande, que
2358 ération des peuples sur pied d’égalité. Une vague de fond s’éleva contre la prétention allemande, que l’on sentait, obscur
2359 t, obscurément, ruineuse pour l’avenir confédéral de l’Europe. Hitler comprit que son heure n’était pas encore venue. Il s
2360 scurément, ruineuse pour l’avenir confédéral de l’ Europe . Hitler comprit que son heure n’était pas encore venue. Il se vit con
2361 ure n’était pas encore venue. Il se vit contraint d’ accepter la réunion à Munich d’une « Diète » de gouvernements égaux, q
2362 l se vit contraint d’accepter la réunion à Munich d’ une « Diète » de gouvernements égaux, qui régla le problème à l’avanta
2363 nt d’accepter la réunion à Munich d’une « Diète » de gouvernements égaux, qui régla le problème à l’avantage matériel de l
2364 gaux, qui régla le problème à l’avantage matériel de l’Allemagne, mais sur une base d’arbitrage international préfigurant
2365 antage matériel de l’Allemagne, mais sur une base d’ arbitrage international préfigurant ainsi un statut fédéral exclusif d
2366 onal préfigurant ainsi un statut fédéral exclusif de toute hégémonie. 6. À qui profitèrent les accords de Munich ? — Cette
2367 toute hégémonie. 6. À qui profitèrent les accords de Munich ? — Cette victoire symbolique du principe fédératif ne fut pas
2368 luttes intestines sans grandeur, les démocraties de l’Ouest ne surent tirer d’un événement aussi considérable que des con
2369 ndeur, les démocraties de l’Ouest ne surent tirer d’ un événement aussi considérable que des conclusions chagrines, au term
2370 sidérable que des conclusions chagrines, au terme de calculs qu’on appelait alors « réalistes », et qui se bornaient à fai
2371 ait jusqu’alors la force et l’équilibre dynamique de l’Occident : l’utopie agissante d’une fédération des égaux, dont la s
2372 ibre dynamique de l’Occident : l’utopie agissante d’ une fédération des égaux, dont la seule Suisse figurait le microcosme.
2373 s ultérieurs (colonisation intra-européenne, état de guerre non déclarée), pour surprenants et monstrueux qu’ils soient ap
2374 ication la moins douteuse. an. Rougemont Denis de , « Page d’histoire », La Nouvelle Revue française, Paris, novembre 19
2375 moins douteuse. an. Rougemont Denis de, « Page d’ histoire », La Nouvelle Revue française, Paris, novembre 1938, p. 866-
37 1939, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Propos sur la religion, par Alain (avril 1939)
2376 Alain (avril 1939)ao Ces « propos » s’égrènent de 1908 à 1935, mais la position de l’auteur n’a pas varié durant ce tem
2377 pos » s’égrènent de 1908 à 1935, mais la position de l’auteur n’a pas varié durant ce temps. Elle se ramène, me semble-t-i
2378 moyenne du catholicisme français. Il s’agit moins de la dénigrer que de la « réaliser » en la débarrassant de ses « croyan
2379 isme français. Il s’agit moins de la dénigrer que de la « réaliser » en la débarrassant de ses « croyances fantastiques »
2380 énigrer que de la « réaliser » en la débarrassant de ses « croyances fantastiques » et de sa « méthode arriérée », qui est
2381 débarrassant de ses « croyances fantastiques » et de sa « méthode arriérée », qui est celle de l’autorité (p. 72). La « vr
2382 es » et de sa « méthode arriérée », qui est celle de l’autorité (p. 72). La « vraie foi », vous la trouverez donc aujourd’
2383 eil (p. 23 et 286). Elle le situe dans les cadres de la République radicale. Ainsi le catholicisme, interprété par Alain,
2384 ain, serait une sagesse éternelle qu’il s’agirait de remettre à jour, c’est-à-dire de laïciser. Point d’anticléricalisme,
2385 qu’il s’agirait de remettre à jour, c’est-à-dire de laïciser. Point d’anticléricalisme, car « devant le regard positif, t
2386 remettre à jour, c’est-à-dire de laïciser. Point d’ anticléricalisme, car « devant le regard positif, toute religion finit
2387 on finit par être vraie », et même « l’obligation de croire ne digère pas beaucoup du devoir de penser » (commencez par cr
2388 gation de croire ne digère pas beaucoup du devoir de penser » (commencez par croire, vous finirez par penser)… Comme toute
2389 nser)… Comme toute sagesse qui se respecte, celle d’ Alain ne peut pas tenir compte des données concrètes du christianisme 
2390 s du christianisme : le péché, le salut, le drame de la révolte et de l’amour. Mais elle spécule volontiers sur les avanta
2391 e : le péché, le salut, le drame de la révolte et de l’amour. Mais elle spécule volontiers sur les avantages et inconvénie
2392 les avantages et inconvénients des « preuves » ou de l’absence de preuves en matière de « croyance », débat dont je ne tro
2393 et inconvénients des « preuves » ou de l’absence de preuves en matière de « croyance », débat dont je ne trouve pas trace
2394 iles, s’il est vrai qu’il encombre une bonne part de la théologie, surtout catholique. Tout cela, je le crains, relève d’u
2395 rtout catholique. Tout cela, je le crains, relève d’ un malentendu, courant sur le sens du mot « foi ». Je voudrais au moin
2396 l n’est nullement une erreur morale, mais un état de révolte active de la créature (même lorsqu’il se déguise en bonne vol
2397 une erreur morale, mais un état de révolte active de la créature (même lorsqu’il se déguise en bonne volonté souriante). L
2398 es choses espérées ». Ce qu’un esprit comme celui d’ Alain retient du catholicisme, c’est donc exactement ce que Kierkegaar
2399 que ce soit négligeable.) Pour situer la sagesse d’ Alain, qu’on songe à la folie d’un Kierkegaard. Alors éclate le confli
2400 situer la sagesse d’Alain, qu’on songe à la folie d’ un Kierkegaard. Alors éclate le conflit véritable entre l’humanisme et
2401 ce que le sage jugera toujours « hors de propos » d’ envisager. Le sérieux même du christianisme.51 Alain dit quelque part
2402 e.51 Alain dit quelque part n’avoir jamais connu de « vrai croyant » qui ne vive « selon la peur ». Serait-ce qu’il n’a j
2403 non des chrétiens vivant selon la foi et capables de lui faire pressentir que ses observations toujours ingénieuses, souve
2404 iques du catholicisme français, en tant que, vidé de la foi, il demeure une « religion » ? Qu’il poursuive donc son enquêt
2405 uger. La critique moderne l’oublie un peu, animée d’ une méfiance étrange pour celui qui déclare ses valeurs, — en dehors d
2406 la politique, bien entendu. ao. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Alain, Propos sur la religion  », La Nouvelle Revue
38 1939, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Don Juan (juillet 1939)
2407 uan (juillet 1939)ap Lorsqu’il paraît brillant d’ or et de soie, dressé sur ses ergots de grand ténor, l’on est tenté de
2408 llet 1939)ap Lorsqu’il paraît brillant d’or et de soie, dressé sur ses ergots de grand ténor, l’on est tenté de ne voir
2409 t brillant d’or et de soie, dressé sur ses ergots de grand ténor, l’on est tenté de ne voir en lui que le feu naturel du d
2410 ssé sur ses ergots de grand ténor, l’on est tenté de ne voir en lui que le feu naturel du désir, — une espèce d’animalité
2411 en lui que le feu naturel du désir, — une espèce d’ animalité véhémente, et comme innocente… Mais jamais la Nature n’a rie
2412 innocente… Mais jamais la Nature n’a rien produit de pareil. Vous sentez bien qu’il y a du démoniaque dans son cas, une so
2413 n qu’il y a du démoniaque dans son cas, une sorte de polémique anxieuse, de méchanceté et de défi : la main tendue au Comm
2414 ue dans son cas, une sorte de polémique anxieuse, de méchanceté et de défi : la main tendue au Commandeur, dans le dernier
2415 une sorte de polémique anxieuse, de méchanceté et de défi : la main tendue au Commandeur, dans le dernier acte de Mozart.
2416 a main tendue au Commandeur, dans le dernier acte de Mozart. Non, ce n’est pas l’animal, mais l’homme ; et non d’avant, ma
2417 Non, ce n’est pas l’animal, mais l’homme ; et non d’ avant, mais d’après la morale. Point de Don Juan ni chez les « bons sa
2418 e ; et non d’avant, mais d’après la morale. Point de Don Juan ni chez les « bons sauvages » ni chez les « primitifs » qu’o
2419 us décrit. Don Juan suppose une société encombrée de règles précises dont elle rêve moins de se délivrer que d’abuser. Dan
2420 encombrée de règles précises dont elle rêve moins de se délivrer que d’abuser. Dans le vertige de l’anarchie où il se plaî
2421 précises dont elle rêve moins de se délivrer que d’ abuser. Dans le vertige de l’anarchie où il se plaît, ce grand seigneu
2422 oins de se délivrer que d’abuser. Dans le vertige de l’anarchie où il se plaît, ce grand seigneur n’oublie jamais son rang
2423 re. Voyez comme il se sert des femmes : incapable de les posséder, il les viole d’abord moralement pour s’imposer à l’anim
2424 par le bon et le juste — contre eux. Si les lois de la morale n’existaient pas, il les inventerait pour les violer. Et c’
2425 la qui nous fait pressentir la nature spirituelle de son secret, si bien masqué par le prétexte de l’instinct. Aux sommets
2426 lle de son secret, si bien masqué par le prétexte de l’instinct. Aux sommets de l’esprit révolté, on verra Nietzsche, cent
2427 masqué par le prétexte de l’instinct. Aux sommets de l’esprit révolté, on verra Nietzsche, cent ans plus tard, renouveler
2428 aller si haut ? La recherche « toute naturelle » de l’intensité du désir ne peut-elle expliquer à elle seule cette incons
2429 onstance forcenée ? Alors Don Juan serait l’homme de la première rencontre, de la plus excitante victoire ? « La nouveauté
2430 Don Juan serait l’homme de la première rencontre, de la plus excitante victoire ? « La nouveauté est le tyran de notre âme
2431 excitante victoire ? « La nouveauté est le tyran de notre âme », écrit le vieux Casanova. Mais déjà ce n’est plus l’homme
2432 insi. La volupté du vrai sensuel commence au-delà de ces moments que Don Juan fuit à peine atteints. Faudra-t-il se résoud
2433 soudre à soumettre le cas aux docteurs indiscrets de l’école viennoise ? Le beau sujet ! Ils ne l’ont pas manqué. Pour eux
2434 qué. Pour eux aussi, Don Juan serait le contraire de ce que l’on croit, il souffrirait d’une anxiété secrète déjà voisine
2435 le contraire de ce que l’on croit, il souffrirait d’ une anxiété secrète déjà voisine de l’impuissance. Et il est vrai que
2436 il souffrirait d’une anxiété secrète déjà voisine de l’impuissance. Et il est vrai que celui qui cède à cet attrait superf
2437 ur presque tous les hommes, n’évoque pas une idée de santé. Mais dans cette furie insolente, dans cette jactance batailleu
2438 spirituels ? Don Juan serait par exemple le type de l’homme qui n’atteint pas au plan de la personne, où pourrait se mani
2439 mple le type de l’homme qui n’atteint pas au plan de la personne, où pourrait se manifester ce qu’il y a d’unique dans un
2440 personne, où pourrait se manifester ce qu’il y a d’ unique dans un être. Pourquoi ne peut-il désirer que la nouveauté dans
2441 eut-être aussi qu’il n’est pas ? Celui qui a, vit de sa possession et ne l’abandonne pas pour l’incertain, — entendez : s’
2442 on Juan cherchant partout son idéal, son « type » de beauté féminine (souvenir inconscient de la mère) — trop vite séduit
2443 « type » de beauté féminine (souvenir inconscient de la mère) — trop vite séduit par la plus fugitive ressemblance, toujou
2444 angoissé et cruel… S’il le trouvait, ce « type » de femme rêvé ! J’imagine cette métamorphose. On le voit interrompre sa
2445 On le voit interrompre sa course, changer soudain de contenance, baisser la tête, s’assombrir, comme saisi d’une timidité,
2446 enance, baisser la tête, s’assombrir, comme saisi d’ une timidité, et fasciné pour la première fois par la révélation d’amo
2447 t fasciné pour la première fois par la révélation d’ amour, se muer en l’image de Tristan. Mais il ne trouvera pas. Il est
2448 ois par la révélation d’amour, se muer en l’image de Tristan. Mais il ne trouvera pas. Il est Don Juan parce qu’on sait qu
2449 sance à se fixer, soit impuissance à se déprendre d’ une image à lui-même secrète. Et de là vient sa puissance apparente, s
2450 à se déprendre d’une image à lui-même secrète. Et de là vient sa puissance apparente, sa furia, son rythme dionysiaque. ⁂
2451 nysiaque. ⁂ Or si le don juanisme est une passion de l’esprit et non pas comme nous aimions le croire, une exultation de l
2452 pas comme nous aimions le croire, une exultation de l’instinct, tout porte à supposer que cette passion n’est pas toujour
2453 rtain équilibre social que les mœurs ont pour but de maintenir, cet équilibre étant d’ailleurs bon ou mauvais.) C’est que
2454 nt d’ailleurs bon ou mauvais.) C’est que le désir de nouveauté et de changement perpétuel, dès que l’esprit insatiable l’e
2455 n ou mauvais.) C’est que le désir de nouveauté et de changement perpétuel, dès que l’esprit insatiable l’excite, devient u
2456 isent, sans que l’ordre des choses ait à souffrir d’ une dépense improductive. Certes Don Juan est un tricheur, et même il
2457 s Don Juan est un tricheur, et même il ne vit que de cela. (La banque de pharaon était la source unique des revenus de Cas
2458 icheur, et même il ne vit que de cela. (La banque de pharaon était la source unique des revenus de Casanova : symbole dont
2459 que de pharaon était la source unique des revenus de Casanova : symbole dont il nous donne maintes fois la clé.) Mais une
2460 e est moins dangereuse que les faiblesses subites d’ un honnête homme. On est en garde, et l’on connaît le système, entière
2461 Imaginons un don juanisme plus secret, une table de pharaon où l’on mette sur les cartes des « valeurs » invisibles au li
2462 d’espèces sonnantes. Alors « la tricherie » cesse d’ être une habileté vulgaire et profitable. Elle peut devenir l’acte hér
2463 et profitable. Elle peut devenir l’acte héroïque d’ une loyauté sans scrupules, toutefois ressentie comme un crime, du fai
2464 fait qu’elle institue un ordre neuf par le décret de sa rigueur. ⁂ Nietzsche s’est dressé face au siècle. Et l’adversaire
2465 t l’adversaire qu’il s’est choisi, c’est l’esprit de lourdeur, notre poids naturel, notre faculté naturelle de retombement
2466 eur, notre poids naturel, notre faculté naturelle de retombement dans la coutume. L’immoraliste est comme le moraliste un
2467 raliste est comme le moraliste un ennemi vigilant de l’instinct : car s’il le glorifie c’est par esprit de polémique, c’es
2468 ’instinct : car s’il le glorifie c’est par esprit de polémique, c’est qu’il veut forcer la nature autrement qu’on ne l’a f
2469 erminé par le bon et le juste — contre eux. Il va de défi en défi, excité puis exaspéré par le silence ou les lâchetés de
2470 cité puis exaspéré par le silence ou les lâchetés de l’adversaire. Les idées se retournent au caprice de l’esprit : il n’y
2471 l’adversaire. Les idées se retournent au caprice de l’esprit : il n’y a plus de vérité qui tienne. Les hommes se rendent
2472 retournent au caprice de l’esprit : il n’y a plus de vérité qui tienne. Les hommes se rendent ou tombent dans le doute à l
2473 ou tombent dans le doute à la première séduction d’ une hypothèse scientifique. Il n’y a plus de foi qui affirme et qui ma
2474 ction d’une hypothèse scientifique. Il n’y a plus de foi qui affirme et qui maintienne en vertu de l’absurde. Ah ! comme o
2475 nne en vertu de l’absurde. Ah ! comme on se lasse de gagner à tout coup, pour peu qu’on ait l’envie de nier des règles que
2476 de gagner à tout coup, pour peu qu’on ait l’envie de nier des règles que personne n’ose plus dire inviolables ! Qui donc s
2477 est, dans la vie du Don Juan des vérités, l’heure de l’invitation au Commandeur. Or Dieu se tait. Il ne relève pas le défi
2478 des hauteurs. Une aube vient. C’est encore l’aube de la terre. Personne n’a parlé. Dieu est mort ! De chaque idée, de chaq
2479 de la terre. Personne n’a parlé. Dieu est mort ! De chaque idée, de chaque croyance, de chaque valeur, Nietzsche a voulu
2480 rsonne n’a parlé. Dieu est mort ! De chaque idée, de chaque croyance, de chaque valeur, Nietzsche a voulu violer le secret
2481 eu est mort ! De chaque idée, de chaque croyance, de chaque valeur, Nietzsche a voulu violer le secret ; et leur défaite r
2482 Il faut rejeter avec dégoût ce que l’on désirait de toute sa fougue ; et se rire des suiveurs, des successeurs, de ces di
2483 ougue ; et se rire des suiveurs, des successeurs, de ces disciples enhardis par le triomphe ardent d’un autre, et qui déjà
2484 de ces disciples enhardis par le triomphe ardent d’ un autre, et qui déjà croient pouvoir abuser de ses victimes. Mille et
2485 nt d’un autre, et qui déjà croient pouvoir abuser de ses victimes. Mille et trois vérités se sont rendues, et pas une seul
2486 joie du viol intellectuel. Comme Don Juan l’image de la Mère, Nietzsche poursuit l’image obscure, et à lui-même infiniment
2487 ’image obscure, et à lui-même infiniment secrète, d’ une Vérité qui ne se rendrait point, mais qui le posséderait à tout ja
2488 ais qui le posséderait à tout jamais, digne enfin de sa vraie passion ! Il traque sans relâche tout ce qui bouge, tout ce
2489 ouge, tout ce qui s’arrête, tout ce qui fait mine de résister. Voluptés brèves — le temps d’un aphorisme — fulgurations to
2490 fait mine de résister. Voluptés brèves — le temps d’ un aphorisme — fulgurations toujours décevantes : ce n’est pas elle qu
2491 e n’est pas elle qu’il vient de posséder… Ô haine de leurs vérités faibles ! La Vérité est morte ! Revivra-t-elle ? Car s
2492 si ce Dieu est mort à tout jamais, il n’y a plus d’ amour possible. Il faut inventer un amour qui permette au moins de haï
2493 . Il faut inventer un amour qui permette au moins de haïr tout ce qui passe, tout ce qui cède, toute l’impudeur et la lour
2494 ’impudeur et la lourdeur du monde. C’est au point de fureur dionysiaque où la joie de détruire devient douleur, et dans l’
2495 . C’est au point de fureur dionysiaque où la joie de détruire devient douleur, et dans l’angoisse d’une puissance anéantie
2496 e de détruire devient douleur, et dans l’angoisse d’ une puissance anéantie par son succès, que Nietzsche a rencontré souda
2497 fascinante idée du Retour éternel. Devant le roc de Sils-Maria on le voit interrompre sa course, changer de contenance, e
2498 s-Maria on le voit interrompre sa course, changer de contenance, et pour la première fois baisser la tête et adorer. Tout
2499 ternellement ! Ainsi Nietzsche devient le Tristan d’ un Destin qu’il ne peut posséder que par l’amour éternellement lointai
2500 uan ne gagnait qu’en trichant, et s’il n’y a plus de règles, on ne peut plus tricher). Voici peut-être la clé du mystère :
2501 s notre grâce. Mais Nietzsche et Don Juan doutent de leur grâce. Les voici donc contraints de gagner dans le temps de leur
2502 doutent de leur grâce. Les voici donc contraints de gagner dans le temps de leur vie — d’où la tricherie ; ou bien encore
2503 Les voici donc contraints de gagner dans le temps de leur vie — d’où la tricherie ; ou bien encore, de nier la fin des tem
2504 contraints de gagner dans le temps de leur vie — d’ où la tricherie ; ou bien encore, de nier la fin des temps, le règleme
2505 de leur vie — d’où la tricherie ; ou bien encore, de nier la fin des temps, le règlement final, le Jugement dernier — d’où
2506 temps, le règlement final, le Jugement dernier — d’ où l’idée du Retour éternel. ⁂ Comme je parlais de ces choses à une am
2507 d’où l’idée du Retour éternel. ⁂ Comme je parlais de ces choses à une amie : « J’ai connu, me dit-elle, un homme marié ave
2508 est la tricherie ? Dans ce défi installée au cœur de la règle ? ap. Rougemont Denis de, « Don Juan », La Nouvelle Revue
2509 llée au cœur de la règle ? ap. Rougemont Denis de , « Don Juan », La Nouvelle Revue française, Paris, juillet 1939, p. 6
39 1939, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). La Poésie scientifique en France au xvie siècle, par Albert-Marie Schmidt (septembre 1939)
2510 x que nous ramène du fond du xvie siècle le coup de filet très savamment prémédité de M. Albert-Marie Schmidt. Tous ces p
2511 siècle le coup de filet très savamment prémédité de M. Albert-Marie Schmidt. Tous ces poètes ont l’air plus authentiques
2512 ître. Ils n’ont pas été restaurés par les auteurs de manuels, ni patinés par nos lectures. Les voici avec toutes leurs bar
2513 es, incongrus et antédiluviens, marée grouillante d’ une Renaissance pré-baroque. C’était le temps où la magie et la raison
2514 pédant délire, la première nourrissant la seconde de tentations fécondes ou grotesques. Qui sait où cela nous eut menés ?
2515 sques. Qui sait où cela nous eut menés ? Le livre de Schmidt inventorie, avec une sorte d’ardente lucidité, les richesses
2516  ? Le livre de Schmidt inventorie, avec une sorte d’ ardente lucidité, les richesses dont l’ère classique a voulu faire le
2517 e. Ce n’est pas rien ! Cela donne à Phèdre un air de luxe fou : pour fondre ce bijou de platine d’une suprême élégance, la
2518 Phèdre un air de luxe fou : pour fondre ce bijou de platine d’une suprême élégance, la plus discrète, il a fallu brûler l
2519 air de luxe fou : pour fondre ce bijou de platine d’ une suprême élégance, la plus discrète, il a fallu brûler le mobilier,
2520 ète, il a fallu brûler le mobilier, les souvenirs de famille datant du Moyen Âge, un tas d’objets inutiles et bizarres, ch
2521 souvenirs de famille datant du Moyen Âge, un tas d’ objets inutiles et bizarres, chargés de significations magiques. Ensui
2522 ge, un tas d’objets inutiles et bizarres, chargés de significations magiques. Ensuite, au xviiie , il n’est resté que la n
2523 evenue lésinerie. Comment louer assez les mérites de l’auteur, sa patiente intrépidité, la « volubilité infinie » de l’esp
2524 a patiente intrépidité, la « volubilité infinie » de l’esprit que suppose son entreprise ? Car l’étude des poètes hermétiq
2525 l’étude des poètes hermétiques exige une faculté d’ interprétation recréatrice bien différente des qualités requises du pu
2526 et des rapports du monde à l’homme, qu’il s’agit de concevoir à nouveau, si l’on veut entrer dans ces rythmes, goûter ce
2527 e, et dégager le pittoresque enfoui sous des amas d’ abstruse érudition. Il fallait être Schmidt pour découvrir dans ce gre
2528 llait être Schmidt pour découvrir dans ce grenier de notre poésie tant de possibles, tant d’intentions52, tant de correspo
2529 e grenier de notre poésie tant de possibles, tant d’ intentions52, tant de correspondances théologiques, et finalement pour
2530 me semble d’ailleurs que ce travail apporte plus d’ incitations aux créateurs qu’il ne comble les amateurs de beaux poèmes
2531 ations aux créateurs qu’il ne comble les amateurs de beaux poèmes oubliés. Toutes ces tentatives constituent, pour reprend
2532 nstituent, pour reprendre une heureuse expression de l’auteur, autant « d’appels plastiques à l’avenir ». Un écrivain cont
2533 dre une heureuse expression de l’auteur, autant «  d’ appels plastiques à l’avenir ». Un écrivain contemporain, conscient de
2534 à l’avenir ». Un écrivain contemporain, conscient de l’impasse où l’a conduit l’idéal d’une poésie pure, pourrait trouver
2535 in, conscient de l’impasse où l’a conduit l’idéal d’ une poésie pure, pourrait trouver dans les thèmes et les formes qui fo
2536 s très fécondes. Encore y faudrait-il une passion de culture que les facilités de l’après-guerre ont passablement déprimée
2537 drait-il une passion de culture que les facilités de l’après-guerre ont passablement déprimée. On imagine un Valéry repren
2538 rimée. On imagine un Valéry reprenant tel dessein de Scève : décrire la naissance des figures puis des solides géométrique
2539 nel. Mais qui oserait encore envisager l’ambition d’ un Guillaume du Bartas, d’un Peletier, d’un La Boderie et de tant d’au
2540 re envisager l’ambition d’un Guillaume du Bartas, d’ un Peletier, d’un La Boderie et de tant d’autres, cet inventaire de la
2541 ambition d’un Guillaume du Bartas, d’un Peletier, d’ un La Boderie et de tant d’autres, cet inventaire de la Création embra
2542 aume du Bartas, d’un Peletier, d’un La Boderie et de tant d’autres, cet inventaire de la Création embrassant tous les arts
2543 un La Boderie et de tant d’autres, cet inventaire de la Création embrassant tous les arts et les métiers humains, de la ma
2544 embrassant tous les arts et les métiers humains, de la magie cérémonielle à l’anatomie, de la géographie à l’acuponcture,
2545 s humains, de la magie cérémonielle à l’anatomie, de la géographie à l’acuponcture, de la musique à la théologie, à l’agri
2546 e à l’anatomie, de la géographie à l’acuponcture, de la musique à la théologie, à l’agriculture, à l’obstétrique, à la vén
2547 stronomie. Schmidt nous aide à concevoir l’espèce de fureur titanique qui animait ces Renaissants, leur volonté de « singe
2548 tanique qui animait ces Renaissants, leur volonté de « singer Dieu », de recenser les objets et les formes, les rythmes et
2549 ces Renaissants, leur volonté de « singer Dieu », de recenser les objets et les formes, les rythmes et les lois cosmiques,
2550 afin de les parfaire par le Verbe et, finalement, de s’en rendre maîtres. Tous sont soutenus par une double croyance dans
2551 ir magique du langage, et dans la liberté infinie de l’homme, capable de refaire avec ses mains le Paradis perdu et les « 
2552 e, et dans la liberté infinie de l’homme, capable de refaire avec ses mains le Paradis perdu et les « gestes de Dieu ». Le
2553 e avec ses mains le Paradis perdu et les « gestes de Dieu ». Le poète a reçu la vocation de restituer le cosmos à l’état a
2554 s « gestes de Dieu ». Le poète a reçu la vocation de restituer le cosmos à l’état adamique, d’effacer les traces du péché,
2555 ocation de restituer le cosmos à l’état adamique, d’ effacer les traces du péché, de retrouver les noms réels et les « sign
2556 à l’état adamique, d’effacer les traces du péché, de retrouver les noms réels et les « signatures » primitives dans le jeu
2557 les romantiques allemands, à partir de Hamann et de Herder. La création entière, disait Hamann, est « un discours adressé
2558 voix dans chaque dialecte ». Nous l’avons perçue de nos jours, dans le dialecte d’un Claudel, parfois même dans celui de
2559 ous l’avons perçue de nos jours, dans le dialecte d’ un Claudel, parfois même dans celui de tel surréaliste. Mais notre mon
2560 le dialecte d’un Claudel, parfois même dans celui de tel surréaliste. Mais notre monde est-il encore formulable en noms et
2561 N’a-t-elle pas dissocié Nombre et Verbe au point de rendre puérile à nos yeux l’ambition d’un lyrisme cosmique ? 52. Un
2562 au point de rendre puérile à nos yeux l’ambition d’ un lyrisme cosmique ? 52. Un exemple au hasard. Ce vers de Baïf : « 
2563 me cosmique ? 52. Un exemple au hasard. Ce vers de Baïf : « L’huître dans son écaille essaie sa puissance » amène Schmid
2564 ellos, M. Laumonier, et les philosophes mystiques de la Renaissance qui « considéraient l’huître comme un condensateur du
2565 du fluide vital circulant par l’univers ». Voilà de la belle érudition qui signifie. C’est une manière de poésie que bien
2566 a belle érudition qui signifie. C’est une manière de poésie que bien peu savent allier à tant de science. aq. Rougemont
2567 t allier à tant de science. aq. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Albert-Marie Schmidt, La Poésie scientifique en Fra
40 1940, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Au sujet du Journal d’André Gide (janvier 1940)
2568 Au sujet du Journal d’ André Gide (janvier 1940)ar Il ne serait guère honnête, et moins en
2569 ne serait guère honnête, et moins encore adroit, de ne point avouer l’incertitude où pareil livre entraîne le jugement. G
2570 al ; mais le malaise du critique commence au-delà de ce premier piège évité. Il naît de la difficulté à découvrir l’intime
2571 mmence au-delà de ce premier piège évité. Il naît de la difficulté à découvrir l’intime hiérarchie qui trahirait la vraie
2572 it la vraie personne dans ce complexe individuel. D’ autant plus que certains détails, certaines allusions, et beaucoup de
2573 bit ou qu’il entretient. (Jusqu’à masquer parfois de vraies fenêtres par excessive défiance d’une symétrie où l’on serait
2574 parfois de vraies fenêtres par excessive défiance d’ une symétrie où l’on serait tenté de s’arrêter…) Faute d’un « jugement
2575 sive défiance d’une symétrie où l’on serait tenté de s’arrêter…) Faute d’un « jugement » que ces treize cents pages s’appl
2576 ymétrie où l’on serait tenté de s’arrêter…) Faute d’ un « jugement » que ces treize cents pages s’appliquent à dénoncer d’a
2577 ue ces treize cents pages s’appliquent à dénoncer d’ avance, réduisons-nous à des notes de lecture, à quelques réactions im
2578 t à dénoncer d’avance, réduisons-nous à des notes de lecture, à quelques réactions impressionnistes. ⁂ Ce qui séduit, ce q
2579 tôt c’est la complexité secrètement significative de l’ensemble. Pour qualifier cette harmonie involontaire, je ne puis év
2580 ie involontaire, je ne puis évoquer que l’exemple de Goethe, dont ce n’est pas telle œuvre ou telle action que j’aime, mai
2581 ’espace et le temps, voilà qui donnerait une idée de l’espèce d’intérêt que l’on prend à lire le Journal d’André Gide. Il
2582 e temps, voilà qui donnerait une idée de l’espèce d’ intérêt que l’on prend à lire le Journal d’André Gide. Il est probable
2583 espèce d’intérêt que l’on prend à lire le Journal d’ André Gide. Il est probable que, du seul point de vue de l’art, cet in
2584 é Gide. Il est probable que, du seul point de vue de l’art, cet intérêt demeure impur : l’indiscrétion moderne va chercher
2585 rne va chercher derrière les formes et au-dessous d’ elles, dans le tout venant de confidences fragmentaires, une vérité qu
2586 formes et au-dessous d’elles, dans le tout venant de confidences fragmentaires, une vérité que les œuvres concertées avoua
2587 e conçois, comme œuvre d’art, que limité au récit d’ une crise, et soumis par lui-même à une sorte d’unité qui fait nécessa
2588 t d’une crise, et soumis par lui-même à une sorte d’ unité qui fait nécessairement défaut à la chronique intermittente d’un
2589 écessairement défaut à la chronique intermittente d’ une existence. Malgré les pages plus élaborées que Gide a groupées ça
2590 che turque, etc.), malgré la perfection constante de l’écriture, et toutes ces aquarelles et ces tableaux de genre où s’am
2591 criture, et toutes ces aquarelles et ces tableaux de genre où s’amuse et s’attarde la maîtrise, on peut prévoir que la val
2592 ttarde la maîtrise, on peut prévoir que la valeur d’ un tel ouvrage restera d’ordre essentiellement biographique. Mais ici
2593 ut prévoir que la valeur d’un tel ouvrage restera d’ ordre essentiellement biographique. Mais ici se pose le problème de la
2594 lement biographique. Mais ici se pose le problème de la vérité du portrait, Gide note lui-même dès 1924 : « Si plus tard o
2595 d on publie mon journal, je crains qu’il ne donne de moi une idée assez fausse. Je ne l’ai point tenu durant les longues p
2596 Je ne l’ai point tenu durant les longues périodes d’ équilibre, de santé, de bonheur ; mais bien durant ces périodes de dép
2597 int tenu durant les longues périodes d’équilibre, de santé, de bonheur ; mais bien durant ces périodes de dépression où j’
2598 urant les longues périodes d’équilibre, de santé, de bonheur ; mais bien durant ces périodes de dépression où j’avais beso
2599 santé, de bonheur ; mais bien durant ces périodes de dépression où j’avais besoin de lui pour me ressaisir, et où je me mo
2600 rant ces périodes de dépression où j’avais besoin de lui pour me ressaisir, et où je me montre dolent, geignant, pitoyable
2601 qu’il y pourvoit lui-même. Et cependant, « donner de soi une idée fausse », c’est bien ce que devait éviter Gide, plus jal
2602 rmes ? Mais ce serait un mauvais calcul. Aux yeux d’ un lecteur prévenu, tant de naturel pourrait encore passer pour une po
2603 l’entraîne à livrer au public treize cents pages d’ explications qui menacent d’aggraver l’équivoque. Mais alors cela devi
2604 ic treize cents pages d’explications qui menacent d’ aggraver l’équivoque. Mais alors cela devient exemplaire. L’effort gid
2605 ’est plus seulement émouvant : il revêt la valeur d’ une expérience cruciale sur les limites de la sincérité en général, et
2606 valeur d’une expérience cruciale sur les limites de la sincérité en général, et du journal intime en particulier. La pass
2607 , et du journal intime en particulier. La passion d’ être complètement vrai finit par altérer le naturel ; mais par son exc
2608 e, elle nous rend attentifs aux défauts réguliers de tout autoportrait. C’est nous donner le moyen d’y porter nos retouche
2609 de tout autoportrait. C’est nous donner le moyen d’ y porter nos retouches. ⁂ Parfois, le secret d’une vie s’épuise dans l
2610 en d’y porter nos retouches. ⁂ Parfois, le secret d’ une vie s’épuise dans l’œuvre ; il ne reste pour le journal que les pl
2611 journal sont simplement des manières différentes de poursuivre une même confidence. On ne sait plus si le journal est en
2612 uvre, ou si l’œuvre n’est qu’un moment privilégié de ce journal. Alors le vrai portrait de l’auteur n’est plus dans l’œuvr
2613 privilégié de ce journal. Alors le vrai portrait de l’auteur n’est plus dans l’œuvre ni dans le journal, mais dans leur m
2614 ne grave lacune mutile l’image qu’il nous y livre de lui-même53 —, il se peut qu’elles soient dites dans Les Cahiers d’And
2615 il se peut qu’elles soient dites dans Les Cahiers d’ André Walter, et surtout dans La Porte étroite, ce roman janséniste et
2616 oman janséniste et « cathare »… ⁂ D’autres causes d’ erreur interviennent, faussant les proportions de l’autoportrait, si l
2617 d’erreur interviennent, faussant les proportions de l’autoportrait, si l’on se borne au seul journal. « Les choses les pl
2618 tant ses journées, comment ne serait-on pas tenté de dire surtout ce qui a frappé, ce qui est bizarre, ce qui fait excepti
2619 stement. Et comment ne céderait-on pas à l’invite d’ une formule, d’une épigramme sur tel ami dont il semble inutile de rép
2620 ment ne céderait-on pas à l’invite d’une formule, d’ une épigramme sur tel ami dont il semble inutile de répéter chaque foi
2621 ’une épigramme sur tel ami dont il semble inutile de répéter chaque fois qu’on l’aime ? Ainsi l’on se peint plus « rosse »
2622 e ne suis qu’un petit garçon qui s’amuse — doublé d’ un pasteur protestant qui l’ennuie. » Type de boutade dont certains, c
2623 ublé d’un pasteur protestant qui l’ennuie. » Type de boutade dont certains, contre lui, ne se priveront pas d’abuser. Voic
2624 de dont certains, contre lui, ne se priveront pas d’ abuser. Voici qui va fort loin dans la critique du genre : « Je ne pen
2625  Je ne pense pas qu’il y ait grand profit à tirer de ces examens de conscience où l’on parvient toujours à découvrir de me
2626 s qu’il y ait grand profit à tirer de ces examens de conscience où l’on parvient toujours à découvrir de mesquins ressorts
2627 conscience où l’on parvient toujours à découvrir de mesquins ressorts à n’importe quel comportement. On les inventerait m
2628 nt. On les inventerait même, pour la satisfaction de se paraître à soi-même plus perspicace, et l’on a grande tendance, pa
2629 ur de se surfaire, tout ce qui peut entrer en jeu de bonté naturelle ou de sociabilité, disons mieux : d’amabilité ; ou mi
2630 t ce qui peut entrer en jeu de bonté naturelle ou de sociabilité, disons mieux : d’amabilité ; ou mieux encore : du désir
2631 bonté naturelle ou de sociabilité, disons mieux : d’ amabilité ; ou mieux encore : du désir de paraître aimable. Mais à tro
2632 mieux : d’amabilité ; ou mieux encore : du désir de paraître aimable. Mais à trop se regarder, on ne vit plus. Le regard,
2633 cédé à la tentation qu’il décrit ? Cercle vicieux de la sincérité. Ou bien l’on est banal pour rétablir les quotidiennes p
2634 erait une discipline plus grande encore que celle de l’œuvre : il faudrait s’imposer un rythme égal et sans lacunes, une r
2635 des petits faits, situant exactement l’apparition de telle pensée ou de tel acte exceptionnel… ⁂ Les journaux d’écrivains
2636 ituant exactement l’apparition de telle pensée ou de tel acte exceptionnel… ⁂ Les journaux d’écrivains sont vrais, mais d’
2637 ensée ou de tel acte exceptionnel… ⁂ Les journaux d’ écrivains sont vrais, mais d’une vérité indirecte, et parfois même nég
2638 nnel… ⁂ Les journaux d’écrivains sont vrais, mais d’ une vérité indirecte, et parfois même négative. C’est moins la vie véc
2639 moins la vie vécue qui s’y traduit, que le désir de compenser ou de parfaire ce qui n’a pas été vécu, ou mal vécu. (« J’a
2640 cue qui s’y traduit, que le désir de compenser ou de parfaire ce qui n’a pas été vécu, ou mal vécu. (« J’avais besoin de l
2641 n’a pas été vécu, ou mal vécu. (« J’avais besoin de lui pour me ressaisir ».) La vie réelle n’y figure souvent qu’à la ma
2642 dans les rêves. Compensations, ratures, reprises d’ actes manqués… Il s’agirait de savoir si la vraie vie est dans ce qu’o
2643 , ratures, reprises d’actes manqués… Il s’agirait de savoir si la vraie vie est dans ce qu’on fait, ou dans ce qu’on pense
2644 ie est dans ce qu’on fait, ou dans ce qu’on pense de ses actions. (Voir là-dessus la note dramatique datée du 5 janvier 19
2645 ) ⁂ Mais voici qu’à mon tour je succombe au désir de marquer les seules différences, oubliant ce qui va de soi : l’autopor
2646 ences, oubliant ce qui va de soi : l’autoportrait de Gide est aussi ressemblant. On l’y retrouve aussi au naturel, avec to
2647 rable modestie et ses malices, son sens rythmique de la langue toujours si fermement articulée (habitude des lectures à ha
2648 (habitude des lectures à haute voix), ses sautes d’ humeur, et ce besoin de donner raison à l’adversaire…54 On l’y retrouv
2649 à haute voix), ses sautes d’humeur, et ce besoin de donner raison à l’adversaire…54 On l’y retrouve naturaliste à la mani
2650 in, et cela me paraît nouveau, constamment occupé de problèmes religieux. Mais d’une manière qu’il importerait de spécifie
2651 , constamment occupé de problèmes religieux. Mais d’ une manière qu’il importerait de spécifier. ⁂ A-t-on remarqué jusqu’à
2652 s religieux. Mais d’une manière qu’il importerait de spécifier. ⁂ A-t-on remarqué jusqu’à quel point l’« antichristianisme
2653 marqué jusqu’à quel point l’« antichristianisme » de Gide est chrétien dans ses déterminations ? Je crois qu’on s’est trop
2654 isme. Du libre examen, Gide conserve son exigence de vérité et de véracité « advienne que pourra ». Du moralisme, il a gar
2655 e examen, Gide conserve son exigence de vérité et de véracité « advienne que pourra ». Du moralisme, il a gardé sans doute
2656 on conformistes. Mais toute morale a bientôt fait de se muer à son tour en dogme, et la morale protestante succombe à ce d
2657 ce danger plus qu’aucune autre dans les périodes de dépression théologique. D’où le ressentiment qu’à son égard conçoiven
2658 utre dans les périodes de dépression théologique. D’ où le ressentiment qu’à son égard conçoivent beaucoup de « protestants
2659 ’à son égard conçoivent beaucoup de « protestants de naissance » détachés de la vie de leur église, et subissant seulement
2660 beaucoup de « protestants de naissance » détachés de la vie de leur église, et subissant seulement la coutume d’un milieu.
2661 e « protestants de naissance » détachés de la vie de leur église, et subissant seulement la coutume d’un milieu. Tout à fa
2662 de leur église, et subissant seulement la coutume d’ un milieu. Tout à fait justifiée en soi, cette réaction gauchit parfoi
2663 cette réaction gauchit parfois certains jugements de Gide sur la Réforme. (Il la confond souvent, me semble-t-il, avec l’i
2664 , me semble-t-il, avec l’image courante et fausse d’ un Calvin inhumain, presque manichéen.) L’évangélisme, hérité malgré t
2665 que manichéen.) L’évangélisme, hérité malgré tout de cette première éducation chrétienne, l’a mis en garde contre certaine
2666 les plus fréquentes, du christianisme : le mépris de la nature, et d’autre part, le recours à l’orthodoxie comme à une ass
2667 t-Esprit autant que sur le doute. (Il cite ce mot d’ un catholique à un pasteur : « Vous, vous croyez, mais nous savons ! »
2668 us savons ! ») Ceci explique que le souci central de Gide ait été de débarrasser son christianisme de toutes les adjonctio
2669 eci explique que le souci central de Gide ait été de débarrasser son christianisme de toutes les adjonctions « humaines —
2670 de Gide ait été de débarrasser son christianisme de toutes les adjonctions « humaines — trop humaines » du moralisme néo-
2671 moralisme néo-protestant et du dogmatisme romain. D’ où son horreur congénitale des tours de passe-passe religieux. En somm
2672 me romain. D’où son horreur congénitale des tours de passe-passe religieux. En somme, tout son effort consiste à se délivr
2673 En somme, tout son effort consiste à se délivrer de cela même que certains chrétiens désireraient lui « révéler ». Le pro
2674 rétiens désireraient lui « révéler ». Le problème de la conversion devient pour lui le problème négatif du refus de la fau
2675 ion devient pour lui le problème négatif du refus de la fausse conversion, ou de la conversion trop « facile ». « Je ne su
2676 lème négatif du refus de la fausse conversion, ou de la conversion trop « facile ». « Je ne suis ni protestant ni catholiq
2677 e l’ai souvent dit à Claudel : Ce qui me retient [ d’ entrer dans l’église], ce n’est pas la libre pensée, c’est l’Évangile.
2678 st l’Évangile. » Mais n’y a-t-il pas, à l’origine de ce refus de toute église (tant reformée que catholique), un attacheme
2679 e. » Mais n’y a-t-il pas, à l’origine de ce refus de toute église (tant reformée que catholique), un attachement à sa véri
2680 , ou même rationaliste ? Certes, je m’en voudrais de critiquer une exigence d’honnêteté qui rappelle si fort Kierkegaard.
2681 ertes, je m’en voudrais de critiquer une exigence d’ honnêteté qui rappelle si fort Kierkegaard. Gide répugne à paraître pl
2682 ffirmer plus qu’il ne croit. Il se décrit « forcé de s’asseoir au culte de famille. Sa gêne. L’horreur du geste qui puisse
2683 croit. Il se décrit « forcé de s’asseoir au culte de famille. Sa gêne. L’horreur du geste qui puisse dépasser son sentimen
2684 : je ne suis pas chrétien. Mais c’était par désir de sauver une conception pure de la foi, dont il ne s’estimait pas digne
2685 s c’était par désir de sauver une conception pure de la foi, dont il ne s’estimait pas digne, et qu’il confessait par là m
2686 ement, s’éprouve complexe et réticente. Et l’acte de foi consistera toujours à passer outre au doute naturel, à confesser
2687 ment pourrait se poser en termes nets le problème de l’église visible, de l’obéissance à une orthodoxie qui ne prétende pa
2688 r en termes nets le problème de l’église visible, de l’obéissance à une orthodoxie qui ne prétende pas s’emparer de l’Évan
2689 ce à une orthodoxie qui ne prétende pas s’emparer de l’Évangile, mais au contraire s’y ordonner. « Orthodoxie protestante
2690 n’ont pour moi aucun sens. Je ne reconnais point d’ autorité, et si j’en reconnaissais une, ce serait celle de l’Église »
2691 té, et si j’en reconnaissais une, ce serait celle de l’Église » (donc de Rome). Allons donc ! Pour un protestant, ce dilem
2692 naissais une, ce serait celle de l’Église » (donc de Rome). Allons donc ! Pour un protestant, ce dilemme est aussi choquan
2693 ains protestants. Tout ce que je me sens le droit de dire ici, c’est que la Réforme a rejeté les prétentions du pape de Ro
2694 t que la Réforme a rejeté les prétentions du pape de Rome non par dégoût de l’autorité en soi, mais au contraire par grand
2695 té les prétentions du pape de Rome non par dégoût de l’autorité en soi, mais au contraire par grande fidélité à l’autorité
2696 ais au contraire par grande fidélité à l’autorité de l’Évangile, fondement unique et suffisant de la seule orthodoxie libé
2697 rité de l’Évangile, fondement unique et suffisant de la seule orthodoxie libératrice. ⁂ Si, malgré son génie du scrupule,
2698 ie du scrupule, Gide s’expose parfois au reproche de prendre position non sans légèreté sur des problèmes infiniment compl
2699 qu’on le peut expliquer par une certaine défiance d’ artiste à l’égard des « idées » en soi, et de l’information méthodique
2700 ance d’artiste à l’égard des « idées » en soi, et de l’information méthodique. C’est par là que je sens le mieux la distan
2701 ar là que je sens le mieux la distance qui sépare de la sienne ma génération littéraire. Notre culture est beaucoup plus p
2702 s davantage qu’ils ne servent nos goûts naturels, d’ où le danger de didactisme que nous courons tous plus ou moins. À cet
2703 ils ne servent nos goûts naturels, d’où le danger de didactisme que nous courons tous plus ou moins. À cet égard, il m’app
2704 ou moins. À cet égard, il m’apparaît que la leçon de Gide, pour ceux de mon âge, est moins urgente dans l’ordre de l’éthiq
2705 rd, il m’apparaît que la leçon de Gide, pour ceux de mon âge, est moins urgente dans l’ordre de l’éthique, que dans celui
2706 r ceux de mon âge, est moins urgente dans l’ordre de l’éthique, que dans celui de l’esthétique. C’est le maître-artisan de
2707 urgente dans l’ordre de l’éthique, que dans celui de l’esthétique. C’est le maître-artisan de la langue, plus que l’immora
2708 ns celui de l’esthétique. C’est le maître-artisan de la langue, plus que l’immoraliste, qui nous importe, et qui nous inté
2709 pas exactement les siennes… ar. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Au sujet du Journal d’André Gide », La Nouvelle Rev
2710 nt Denis de, « [Compte rendu] Au sujet du Journal d’ André Gide », La Nouvelle Revue française, Paris, janvier 1940, p. 24-
41 1940, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Hommage à C. F. Ramuz (mai 1940)
2711 ai 1940)as Le plus intéressant dans un recueil de mélanges ou d’hommages, c’est en général le sommaire : cette fois enc
2712 e plus intéressant dans un recueil de mélanges ou d’ hommages, c’est en général le sommaire : cette fois encore. Voici le n
2713 berjonois, Ansermet, Stravinsky. Claudel y touche de près. Cocteau y a des souvenirs, Maritain des amitiés. Pour la fête,
2714 iés. Pour la fête, on a invité quelques étrangers de marque : Thomas Mann, Zweig, Valéry. Et les quatre langues suisses —
2715 iennent dire au dessert leur couplet. Ce complexe de mystique paysanne, de goût de « l’authentique », de musique russe, d’
2716 t leur couplet. Ce complexe de mystique paysanne, de goût de « l’authentique », de musique russe, d’avant-garde ascétique,
2717 ouplet. Ce complexe de mystique paysanne, de goût de « l’authentique », de musique russe, d’avant-garde ascétique, d’humou
2718 mystique paysanne, de goût de « l’authentique », de musique russe, d’avant-garde ascétique, d’humour vaudois et de cosmop
2719 , de goût de « l’authentique », de musique russe, d’ avant-garde ascétique, d’humour vaudois et de cosmopolitisme non pas à
2720 que », de musique russe, d’avant-garde ascétique, d’ humour vaudois et de cosmopolitisme non pas à la manière de Genève mai
2721 sse, d’avant-garde ascétique, d’humour vaudois et de cosmopolitisme non pas à la manière de Genève mais à celle des trouba
2722 ue ces créations spontanées, comme accidentelles, de centres européens dans un canton : Zurich au xviiie siècle, Coppet,
2723 tions spontanées, comme accidentelles, de centres européens dans un canton : Zurich au xviiie siècle, Coppet, Bâle au temps de B
2724 e siècle, Coppet, Bâle au temps de Burckhardt et de Nietzsche… Mais le centre vaudois s’est distingué par sa méfiance à l
2725 iversel par les racines. C’est, comme ils disent, de la vraie « culture ». Il faut mettre hors de pair, dans ce recueil, l
2726 , dans ce recueil, le Petit Ramusianum harmonique de Ch.-A. Cingria et Stravinsky : l’humour de l’authentique, si caractér
2727 onique de Ch.-A. Cingria et Stravinsky : l’humour de l’authentique, si caractéristique du cercle ramuzien, s’y traduit en
2728 ons acidulés et en mélodies savamment bêtifiantes de compliment d’anniversaire. Quant au « message » du poète, il s’exprim
2729 t en mélodies savamment bêtifiantes de compliment d’ anniversaire. Quant au « message » du poète, il s’exprime surtout dans
2730 prime surtout dans deux portraits photographiques de Germaine Martin et de H. L. Mermod. Ce visage puissamment travaillé e
2731 x portraits photographiques de Germaine Martin et de H. L. Mermod. Ce visage puissamment travaillé et simplifié, cet œil h
2732 , cet œil halluciné par le réel, c’est tout l’art de Ramuz exposé. Ici, tout le mystère se mue en forme et en physionomie
2733 t en physionomie lisible. Enfin, l’on est au-delà de la psychologie. « N’allez pas chercher derrière la forme, disait Goet
2734 elle-même enseignement. » as. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Hommage à C. F. Ramuz  », La Nouvelle Revue françai
42 1951, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Un complot de protestants (novembre 1951)
2735 Un complot de protestants (novembre 1951)at Tout compte fait, nous nous connaiss
2736 compte fait, nous nous connaissions peu, ce jour de juin 39 où dans le hall de la rue Sébastien-Bottin, j’étais en train
2737 naissions peu, ce jour de juin 39 où dans le hall de la rue Sébastien-Bottin, j’étais en train de téléphoner quand je le v
2738 vois descendre l’escalier. Je parle en le suivant d’ un œil. Il s’arrête, il paraît attendre. Je pose le récepteur et nous
2739 que je l’ignore, devant quitter demain la maison de Charles Du Bos qui rentre d’Amérique, et je viens d’apprendre au télé
2740 ter demain la maison de Charles Du Bos qui rentre d’ Amérique, et je viens d’apprendre au téléphone que « cela ne va plus »
2741 Charles Du Bos qui rentre d’Amérique, et je viens d’ apprendre au téléphone que « cela ne va plus » pour un appartement pro
2742 vant : « Eh bien ! si c’est ainsi, allons le voir de ce pas, voulez-vous ? » Alors, seulement, je comprends qu’il avait di
2743 t moi. Le studio est vaste et plaisant, agrémenté d’ un escalier conduisant à une large galerie. Par une porte capitonnée q
2744 n robe de chambre grise, le corps un peu tassé et de large carrure, sa belle tête de moine tibétain barrée d’un sourire mi
2745 s un peu tassé et de large carrure, sa belle tête de moine tibétain barrée d’un sourire mince et pourtant amical. Il fait
2746 e carrure, sa belle tête de moine tibétain barrée d’ un sourire mince et pourtant amical. Il fait très chaud. De ses poches
2747 ire mince et pourtant amical. Il fait très chaud. De ses poches, il tire deux bouteilles de bière et nous les offre. Au mi
2748 rès chaud. De ses poches, il tire deux bouteilles de bière et nous les offre. Au milieu du studio pend un trapèze. Gide s’
2749 ire ?… » avec un sourire inquisiteur. Je me garde de répondre. Finalement, Gide en riant : « On va dire que c’est un compl
2750 Gide en riant : « On va dire que c’est un complot de protestants ! » Le mot ne manque pas de pertinence. Tous les matins,
2751 n complot de protestants ! » Le mot ne manque pas de pertinence. Tous les matins, vers onze heures, il viendra entrouvrir
2752 par un profond « Allô ! Allô ! » et me demandera de passer chez lui pour quelques instants. Et, chaque fois, il orientera
2753 é. Saint Paul reste sa bête noire. Et l’idée même d’ orthodoxie. Il nie vivement que le terme d’orthodoxie protestante puis
2754 e même d’orthodoxie. Il nie vivement que le terme d’ orthodoxie protestante puisse avoir un sens. Le protestant, pour lui,
2755 -je, vous vous en tenez au protestantisme libéral de la fin du xixe siècle ? » — « Oui, c’est assez cela, la position du
2756 y, que j’aimais bien. » Vite lassé par les débats d’ idées, il semble répugner à toute pensée qui par le style d’abord ne l
2757 l’ait séduit. Il me parle souvent des Variations de Bossuet, avec une vive admiration, mais se refuse à Kierkegaard, qu’i
2758 anchement ses limites, et les moyens particuliers de sa recherche. Sur un seul de ces entretiens, j’ai pris des notes. C’e
2759 moyens particuliers de sa recherche. Sur un seul de ces entretiens, j’ai pris des notes. C’est celui du 20 juin. J’avais
2760 ise, qu’il y trouve une explication des « erreurs de sa vie de jeune homme ». En phrases lentes et difficultueuses, coupée
2761 y trouve une explication des « erreurs de sa vie de jeune homme ». En phrases lentes et difficultueuses, coupées de silen
2762  ». En phrases lentes et difficultueuses, coupées de silences et de reniflements, il se met à parler sur « le drame de sa
2763 lentes et difficultueuses, coupées de silences et de reniflements, il se met à parler sur « le drame de sa vie ». Jeune ho
2764 e reniflements, il se met à parler sur « le drame de sa vie ». Jeune homme épris et puritain, il a voulu disjoindre l’amou
2765 ir. Il croyait que « l’amour hétérosexuel » était d’ autant plus pur que rien de charnel ne s’y mêlait. « C’est ainsi que j
2766 r hétérosexuel » était d’autant plus pur que rien de charnel ne s’y mêlait. « C’est ainsi que je me suis complètement blou
2767 frappé chez bien des femmes, c’est leur manière «  de s’offusquer du désir de l’homme ». Plusieurs, mariées, lui ont confié
2768 mes, c’est leur manière « de s’offusquer du désir de l’homme ». Plusieurs, mariées, lui ont confié « qu’elles tenaient la
2769 ées, lui ont confié « qu’elles tenaient la libido de leur mari pour quelque chose de morbide. “Cela recommence tout le tem
2770 enaient la libido de leur mari pour quelque chose de morbide. “Cela recommence tout le temps !” disaient-elles ». Il hoche
2771 uve cela très curieux, n’est-ce pas ? — un éclair de malice au coin de l’œil. Puis il a quelques phrases obscures, apparem
2772 . « Je vous parle très sincèrement, je vous parle de choses qui ont joué un rôle très grave dans ma vie. » (Frappé par le
2773 rôle très grave dans ma vie. » (Frappé par le ton de confession, par le ton « c’était mal » de ses propos.) Et, subitement
2774 le ton de confession, par le ton « c’était mal » de ses propos.) Et, subitement, après un silence : « C’est ainsi que j’a
2775 ainsi que j’ai commis, à cette époque — je parle de mon premier séjour en Afrique, — une terrible erreur d’aiguillage ! »
2776 premier séjour en Afrique, — une terrible erreur d’ aiguillage ! » Puis il tousse, se plaint de fumer trop, et de n’arrive
2777 erreur d’aiguillage ! » Puis il tousse, se plaint de fumer trop, et de n’arriver point à se contraindre. Les jours suivant
2778 e ! » Puis il tousse, se plaint de fumer trop, et de n’arriver point à se contraindre. Les jours suivants, il me donne à l
2779 ts, il me donne à lire, par paquets, les épreuves de son Journal en cours d’impression, et sur lequel je vais écrire un ar
2780 par paquets, les épreuves de son Journal en cours d’ impression, et sur lequel je vais écrire un article pour la NRF. Il in
2781 us tard. Il les a recopiés dans deux cahiers gris d’ écolier. Un soir, il vient m’avertir qu’il compte s’absenter pour huit
2782 sûr. Des housses couvrent les meubles, une sorte de vieux drap son grand bureau. Sur l’étoffe, bien en évidence, un fort
2783 r l’étoffe, bien en évidence, un fort cahier gris d’ écolier. J’ai lu les premières lignes, pour vérifier, et j’ai vite ref
2784 nner dans le piège ? Les deux sans doute. Combien de fois l’ai-je revu après la guerre ? Souvent, en somme, et dans les li
2785 à Neuchâtel, à Berne. Mais je n’ai plus souvenir d’ aucune conversation qui mérite d’être rapportée, j’entends : qui modif
2786 ai plus souvenir d’aucune conversation qui mérite d’ être rapportée, j’entends : qui modifie le moins du monde l’image que
2787 odifie le moins du monde l’image que l’on connaît de lui. Nous parlions style, tournures de phrases, Littré. Et quelquefoi
2788 on connaît de lui. Nous parlions style, tournures de phrases, Littré. Et quelquefois, littérature. (Mais il s’en détachait
2789 e les ouvrages qu’il se sentait le plus incapable d’ écrire : ceux d’un Marcel Aymé, d’un Simenon.) À Berne, pendant un déj
2790 u’il se sentait le plus incapable d’écrire : ceux d’ un Marcel Aymé, d’un Simenon.) À Berne, pendant un déjeuner, il s’enqu
2791 plus incapable d’écrire : ceux d’un Marcel Aymé, d’ un Simenon.) À Berne, pendant un déjeuner, il s’enquit avec insistance
2792 pendant un déjeuner, il s’enquit avec insistance de mon opinion sur Strindberg, et je lui fis une réponse assez vague, m’
2793 i fis une réponse assez vague, m’étonnant surtout de la question. Huit jours plus tard, il recevait le prix Nobel. Chez Ri
2794 ponses, puis on lit à haute voix les papiers. Jeu de télépathie, plutôt que de hasard.) J’avais écrit, dernière question :
2795 e voix les papiers. Jeu de télépathie, plutôt que de hasard.) J’avais écrit, dernière question : « Qu’est-ce que le style 
2796 et proposa des bouts-rimés. Il y excellait. ⁂ Peu d’ hommes m’ont donné l’impression que le problème religieux existait dan
2797 is il restait, pour lui, problème. Gide avait peu d’ instinct religieux, et moins encore de goût pour la métaphysique. Il p
2798 e avait peu d’instinct religieux, et moins encore de goût pour la métaphysique. Il préférait ce qu’il jugeait important à
2799 tant à ce que d’autres jugent profond. Son défaut de sens poétique me paraît presque inégalé depuis Montaigne. (Je ne nie
2800 itude envers le christianisme et son mystère. Peu d’ instinct religieux chez cet homme, alors que le christianisme, l’Églis
2801 Église et l’Évangile, furent ses constants sujets d’ irritation, de nostalgie ou de perplexité ? Le paradoxe n’est qu’appar
2802 angile, furent ses constants sujets d’irritation, de nostalgie ou de perplexité ? Le paradoxe n’est qu’apparent. Qu’on n’o
2803 es constants sujets d’irritation, de nostalgie ou de perplexité ? Le paradoxe n’est qu’apparent. Qu’on n’oublie pas sa for
2804 ses lectures prolongées et sans cesse renouvelées de l’Écriture ; son amour pour le style biblique ; la confusion courante
2805 s bourgeois entre tabous sexuels et spiritualité, d’ où sa polémique inlassable contre l’orthodoxie telle qu’il l’imaginait
2806 dans laquelle il voyait (par erreur) la sanction d’ une certaine éthique ; la conversion de quelques-uns de ses amis ; enf
2807 a sanction d’une certaine éthique ; la conversion de quelques-uns de ses amis ; enfin la piété de sa femme. Ces données bi
2808 certaine éthique ; la conversion de quelques-uns de ses amis ; enfin la piété de sa femme. Ces données biographiques ne f
2809 sion de quelques-uns de ses amis ; enfin la piété de sa femme. Ces données biographiques ne font point une nature. Elles e
2810 insistance du problème aux stades les plus variés de l’évolution de Gide. Ce qui l’a vraiment torturé, c’est l’éthique, n
2811 roblème aux stades les plus variés de l’évolution de Gide. Ce qui l’a vraiment torturé, c’est l’éthique, non le religieux
2812 ale ? Je pense plutôt que la morale était le lieu de son vrai drame, et qu’il ne pouvait approcher la religion que dans ce
2813 éfinir un saint qui ne croit pas ? Un saint privé de foi autant que de religion, ni chrétien ni hindou, sans mystique, ni
2814 i ne croit pas ? Un saint privé de foi autant que de religion, ni chrétien ni hindou, sans mystique, ni mystère ? Ne serai
2815 partis pris éthiques ? Ce débat nous éloignerait de la réalité de Gide. Une intense affectivité le liait, le reliait, au
2816 thiques ? Ce débat nous éloignerait de la réalité de Gide. Une intense affectivité le liait, le reliait, au monde du chris
2817 s dimensions profondes. J’ai dit qu’il se méfiait d’ une certaine « profondeur » qui mesure parfois la distance entre l’éth
2818 u’il tenait pour la vérité. Il lui arrivait ainsi de s’arrêter à la logique exotérique d’un texte, disons à son seul sens
2819 rivait ainsi de s’arrêter à la logique exotérique d’ un texte, disons à son seul sens éthique. Penchant bien protestant, ou
2820 e. Penchant bien protestant, ou simplement rançon d’ une sobriété stricte. Ses connaissances bibliques me stupéfiaient. L’u
2821 écusé, Gide objectait, déduisait, s’émouvait… Peu d’ écrivains, même chrétiens, nous ont montré pareil amour pour l’Évangil
2822 ile, et cela jusque dans les années où il doutait de l’existence de Dieu. Mais il croyait à l’homme individuel, et cette c
2823 sque dans les années où il doutait de l’existence de Dieu. Mais il croyait à l’homme individuel, et cette croyance est née
2824 t à l’homme individuel, et cette croyance est née de la synthèse du christianisme. Elle n’existe pas hors de lui, et n’est
2825 . Savons-nous encore mesurer le sens et la portée de cette banalité, en vérité bizarre et unique dans l’Histoire, une civi
2826 rétique entre les hérétiques », toujours soucieux de différer mais de légitimer sa différence, on ne pouvait être plus occ
2827 hérétiques », toujours soucieux de différer mais de légitimer sa différence, on ne pouvait être plus occidental. On ne po
2828 traditionnelles, au sens du mythe, des astres et de l’ordre cosmique, ou bien encore au sens de lois fatales et collectiv
2829 es et de l’ordre cosmique, ou bien encore au sens de lois fatales et collectives interprétées par un Parti. C’est pourquoi
2830 pose au monde christianisé, et à lui seul, libéré de l’empire des mythes, n’a cessé d’occuper sa pensée. Et j’ignore si c’
2831 ui seul, libéré de l’empire des mythes, n’a cessé d’ occuper sa pensée. Et j’ignore si c’est mal ou bien : je constate simp
2832 iens pas la foi pour une vertu plus que l’absence de foi pour une preuve de courage. Des vertus et des vices, dans un mili
2833 e vertu plus que l’absence de foi pour une preuve de courage. Des vertus et des vices, dans un milieu donné, tout le monde
2834 ans un milieu donné, tout le monde reste en droit de juger au nom des normes établies. Mais la foi, le salut personnel n’o
2835 nt rien à voir avec la bienséance, et ne sont pas de l’ordre des mérites. Et c’est pourquoi il est écrit : « Ne jugez pas 
2836 réprouve, ces discussions sur la croyance ou non d’ un homme connu, multipliées et prolongées après sa mort, dans notre si
2837 u’on croie cela, laissant aux incroyants le droit de mieux savoir. Et qu’est-ce que cela peut bien nous faire ? Sinon nous
2838 que cela peut bien nous faire ? Sinon nous servir d’ argument et nous rassurer curieusement dans notre foi ou dans notre in
2839 ’est justement le totalitarisme, qui est l’esprit de parti logiquement développé. Et d’abord dans la religion. Le vrai cro
2840 nd l’État contre l’homme invoquera les Nécessités de l’Histoire ? Il n’est pas de vraie foi sans vrai doute, plus qu’il n’
2841 quera les Nécessités de l’Histoire ? Il n’est pas de vraie foi sans vrai doute, plus qu’il n’est de lumière sans ombre. Et
2842 as de vraie foi sans vrai doute, plus qu’il n’est de lumière sans ombre. Et je n’entends pas dire que Gide fut un croyant,
2843 ste un douteur exemplaire. at. Rougemont Denis de , « Un complot de protestants », La Nouvelle Revue française, Paris, n
2844 emplaire. at. Rougemont Denis de, « Un complot de protestants », La Nouvelle Revue française, Paris, novembre 1951, p. 
43 1957, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). La découverte du temps ou l’aventure occidentale (mars 1957)
2845 venture occidentale (mars 1957)au Pourquoi l’ Europe a-t-elle créé les sciences physiques, conçu l’Histoire et découvert l
2846 é mieux peut-être, mais pas cela. Est-il possible d’ attribuer aux « inventions » les plus typiques de l’Occident (le conce
2847 d’attribuer aux « inventions » les plus typiques de l’Occident (le concept de personne humaine et le développement de la
2848 ons » les plus typiques de l’Occident (le concept de personne humaine et le développement de la technique, par exemple) un
2849 e concept de personne humaine et le développement de la technique, par exemple) une origine ou une visée communes, révélan
2850 igine ou une visée communes, révélant un principe de cohérence parmi tant de contradictions ? L’unité de l’Europe n’est pa
2851 cohérence parmi tant de contradictions ? L’unité de l’Europe n’est pas définissable par un contour géographique, moins en
2852 rence parmi tant de contradictions ? L’unité de l’ Europe n’est pas définissable par un contour géographique, moins encore par
2853 graphique, moins encore par un consensus délibéré de tous ses peuples, ou par quelque essence éternelle, comme on l’a cru
2854 u par quelque essence éternelle, comme on l’a cru de l’unité de nos nations à partir du xixe siècle. L’Europe est une lon
2855 ue essence éternelle, comme on l’a cru de l’unité de nos nations à partir du xixe siècle. L’Europe est une longue aventur
2856 ’unité de nos nations à partir du xixe siècle. L’ Europe est une longue aventure, et l’esprit d’aventure y paraît plus sensibl
2857 le. L’Europe est une longue aventure, et l’esprit d’ aventure y paraît plus sensible que l’objet de la quête n’est claireme
2858 rit d’aventure y paraît plus sensible que l’objet de la quête n’est clairement connaissable. Pourtant, certaines options f
2859 ptions fondamentales ont pu conditionner l’allure de l’odyssée. Ôtez le dogme de l’Incarnation, formulé au concile de Nicé
2860 conditionner l’allure de l’odyssée. Ôtez le dogme de l’Incarnation, formulé au concile de Nicée, et vous ôtez la condition
2861 tez le dogme de l’Incarnation, formulé au concile de Nicée, et vous ôtez la condition des sciences physiques et naturelles
2862 t naturelles, qui est la reconnaissance du corps, de la matière, et de la forme du monde en tant que réalités. (L’Orient l
2863 est la reconnaissance du corps, de la matière, et de la forme du monde en tant que réalités. (L’Orient les tient pour illu
2864 (L’Orient les tient pour illusoires.) Ôtez l’idée de la personne, déduite des grandes définitions trinitaires et christolo
2865 es, vous avez quelque chose comme l’Inde et non l’ Europe . De cette recherche d’un principe de cohérence révélé par la nature
2866 avez quelque chose comme l’Inde et non l’Europe. De cette recherche d’un principe de cohérence révélé par la nature même
2867 comme l’Inde et non l’Europe. De cette recherche d’ un principe de cohérence révélé par la nature même des péripéties de l
2868 t non l’Europe. De cette recherche d’un principe de cohérence révélé par la nature même des péripéties de l’Aventure, je
2869 ohérence révélé par la nature même des péripéties de l’Aventure, je détache ici le moment de l’exploration du temps, mère
2870 éripéties de l’Aventure, je détache ici le moment de l’exploration du temps, mère de l’Histoire. 1. L’Occident découvre
2871 l’Histoire. 1. L’Occident découvre le Temps De la Genèse mosaïque jusqu’aux débuts du siècle dernier, les Occidentau
2872 cidentaux n’ont presque pas varié quant à la date de naissance de l’humanité. Un professeur de Cambridge, au xviiie siècl
2873 nt presque pas varié quant à la date de naissance de l’humanité. Un professeur de Cambridge, au xviiie siècle, crut pouvo
2874 la date de naissance de l’humanité. Un professeur de Cambridge, au xviiie siècle, crut pouvoir la préciser : l’homme avai
2875 23 octobre, à 9 heures du matin. Les professeurs d’ Oxford tenaient pour le 23 mars, même heure et même année. Buffon écri
2876 t un peu plus tard : « Depuis la fin des ouvrages de Dieu, c’est-à-dire depuis la création de l’homme, il ne s’est écoulé
2877 ouvrages de Dieu, c’est-à-dire depuis la création de l’homme, il ne s’est écoulé que six ou huit-mille ans. » Cuvier parta
2878 xixe siècle, et que les catéchismes ne cesseront d’ enseigner à des générations dont notre enfance a connu les derniers re
2879  c’est au moins six-cent-mille qu’il conviendrait d’ admettre. Centupler brusquement l’âge de l’humanité peut paraître une
2880 viendrait d’admettre. Centupler brusquement l’âge de l’humanité peut paraître une révolution considérable. Mais ce n’est g
2881 sidérable. Mais ce n’est guère qu’un détail dénué d’ intérêt pour peu que l’on considère les dimensions du temps décrites p
2882 s du temps décrites par les anciennes cosmologies de l’Orient. Pour l’Inde, l’unité de temps — le Kalpa ou Jour de Brahma
2883 nes cosmologies de l’Orient. Pour l’Inde, l’unité de temps — le Kalpa ou Jour de Brahma — est de quatre-milliards-trois-ce
2884 Pour l’Inde, l’unité de temps — le Kalpa ou Jour de Brahma — est de quatre-milliards-trois-cent-vingt-millions d’années s
2885 unité de temps — le Kalpa ou Jour de Brahma — est de quatre-milliards-trois-cent-vingt-millions d’années solaires. Or la v
2886 est de quatre-milliards-trois-cent-vingt-millions d’ années solaires. Or la vie d’un Brahma est de cent et huit « années »,
2887 -cent-vingt-millions d’années solaires. Or la vie d’ un Brahma est de cent et huit « années », dont chaque jour et chaque n
2888 ions d’années solaires. Or la vie d’un Brahma est de cent et huit « années », dont chaque jour et chaque nuit représentent
2889 un Kalpa. Après deux-cent-quarante-neuf-milliards d’ années, le Brahma meurt, l’univers retourne au grand Chaos pour une du
2890 autre Brahma inaugure une ère nouvelle, et ainsi de suite à l’infini. Quant au temps de notre humanité : chaque Jour de B
2891 i. Quant au temps de notre humanité : chaque Jour de Brahma se divise en mille éons de quatre-millions-trois-cent-vingt-mi
2892 é : chaque Jour de Brahma se divise en mille éons de quatre-millions-trois-cent-vingt-mille ans chacun, et chaque éon se s
2893 chacun, et chaque éon se subdivise en quatre âges de durées décroissantes. Nous vivons aujourd’hui dans le sixième milléna
2894 ous vivons aujourd’hui dans le sixième millénaire d’ un quatrième âge, ou Kaliyuga, lequel a commencé à minuit précise, le
2895 n du monde et sa reconstruction, qui sera l’œuvre de Kalki, dernier avatar de Vishnu. En regard des ordres de grandeur, si
2896 uction, qui sera l’œuvre de Kalki, dernier avatar de Vishnu. En regard des ordres de grandeur, si prodigieusement différen
2897 i, dernier avatar de Vishnu. En regard des ordres de grandeur, si prodigieusement différents, attribués par les grandes re
2898 t différents, attribués par les grandes religions de l’Orient et de l’Occident au temps cosmique comme au temps des humain
2899 ttribués par les grandes religions de l’Orient et de l’Occident au temps cosmique comme au temps des humains, plaçons main
2900 ains, plaçons maintenant ce double fait : le sens de l’Histoire est caractéristique de l’Occident, et il y tourne même à l
2901 fait : le sens de l’Histoire est caractéristique de l’Occident, et il y tourne même à l’obsession si l’on en juge par not
2902 oute réflexion sur l’Aventure occidentale se doit d’ affronter ce contraste et d’essayer de l’interpréter. Et, en particuli
2903 e occidentale se doit d’affronter ce contraste et d’ essayer de l’interpréter. Et, en particulier, toute théorie de l’Histo
2904 ale se doit d’affronter ce contraste et d’essayer de l’interpréter. Et, en particulier, toute théorie de l’Histoire qui né
2905 l’interpréter. Et, en particulier, toute théorie de l’Histoire qui négligerait d’en rendre compte ou s’en révélerait inca
2906 lier, toute théorie de l’Histoire qui négligerait d’ en rendre compte ou s’en révélerait incapable apparaîtrait inadéquate
2907 son sujet. On verra mieux pourquoi, par la suite de ce chapitre. 2. Co-naissance de l’Histoire et de la Personne Un
2908 ce chapitre. 2. Co-naissance de l’Histoire et de la Personne Un fait quelconque n’est historique au sens exact qu’e
2909 , autrement il est vu comme une répétition, grain de poussière isolé d’un univers absurde relevant de la pure statistique,
2910 vu comme une répétition, grain de poussière isolé d’ un univers absurde relevant de la pure statistique, ou cellule transit
2911 de poussière isolé d’un univers absurde relevant de la pure statistique, ou cellule transitoire d’un corps magique sans f
2912 nt de la pure statistique, ou cellule transitoire d’ un corps magique sans fin. Combien d’individus sont-ils donc nés et mo
2913 transitoire d’un corps magique sans fin. Combien d’ individus sont-ils donc nés et morts depuis qu’il y a des hommes sur c
2914 ial pouvait nous dire demain que la réponse est «  de l’ordre de trois-cents-milliards », nous en serions moins étourdis qu
2915 nous dire demain que la réponse est « de l’ordre de trois-cents-milliards », nous en serions moins étourdis que gênés. Ma
2916 », nous en serions moins étourdis que gênés. Mais d’ où viendrait notre malaise ? Comment ne pas voir qu’il serait intimeme
2917 ement lié, chez ceux qui l’éprouveraient, au sens de la personne ? Presque toutes les cultures et civilisations que nous a
2918 et civilisations que nous avons exhumées du passé de la Terre ou qui survivent dans notre siècle ont enseigné des théories
2919 . Ses prophètes ont cru que Iahvé intervenait par de libres actions dans l’existence terrestre du peuple élu : dès lors, c
2920 ès lors, celle-ci ne dépendait plus des astres ni d’ un cours calculable des temps, mais d’une intention personnelle, inscr
2921 s astres ni d’un cours calculable des temps, mais d’ une intention personnelle, inscrutable et pourtant manifestée par une
2922 inscrutable et pourtant manifestée par une suite d’ événements révélateurs. L’incarnation du Christ vint accomplir cette v
2923 st vint accomplir cette vocation unique du peuple d’ Israël. Et, certes, l’Évangile ignore absolument toute espèce de doctr
2924 certes, l’Évangile ignore absolument toute espèce de doctrine de l’Histoire : il annonce la Résurrection, qui est victoire
2925 angile ignore absolument toute espèce de doctrine de l’Histoire : il annonce la Résurrection, qui est victoire sur le temp
2926 e évangélique ont découvert le temps irréversible de l’Histoire, et qu’ils ont osé l’accepter. La prédication paulinienne,
2927 n insistance extraordinaire sur l’unicité absolue de l’Incarnation salvatrice, et cet « une fois pour toutes » qui sert de
2928 vatrice, et cet « une fois pour toutes » qui sert de leitmotiv à l’Épître « aux Hébreux » précisément, voilà qui brise la
2929 Prophètes s’ouvre alors le temps du salut : temps de l’attente active, de l’espérance patiente et de la foi dans un retour
2930 rs le temps du salut : temps de l’attente active, de l’espérance patiente et de la foi dans un retour unique du Christ glo
2931 s de l’attente active, de l’espérance patiente et de la foi dans un retour unique du Christ glorieux. Et, dans ce temps no
2932 rist glorieux. Et, dans ce temps nouveau, le rôle de chaque personne devient unique et décisif, comme l’était sous l’Ancie
2933 ’était sous l’Ancienne Alliance le rôle collectif d’ Israël. Le dialogue de Personne à personne entre Dieu qui appelle et l
2934 Alliance le rôle collectif d’Israël. Le dialogue de Personne à personne entre Dieu qui appelle et l’âme qui répond libère
2935 qui répond libère celle-ci des décrets uniformes de la morale et de la tradition sacrée, comme aussi des caprices du hasa
2936 re celle-ci des décrets uniformes de la morale et de la tradition sacrée, comme aussi des caprices du hasard insensé, comm
2937 aussi des caprices du hasard insensé, comme enfin de la roue du karma et du vertige de la métempsycose, qui réduisaient to
2938 sé, comme enfin de la roue du karma et du vertige de la métempsycose, qui réduisaient toute vie dans le temps et la chair
2939 ns le temps et la chair à l’insignifiance anonyme d’ un passage éphémère dans l’Illusion. Ainsi l’Histoire, conscience nouv
2940 conscience nouvelle du temps des hommes, est née de la même rupture des grands rythmes cosmiques et des fatalités astrolo
2941 hmes cosmiques et des fatalités astrologiques, et de la même victoire sur les étoiles et sur la mort, qui libère et suscit
2942 onne. Ce n’est pas un hasard si le premier auteur d’ une philosophie de l’Histoire — la Civitas Dei — fut aussi le premier
2943 un hasard si le premier auteur d’une philosophie de l’Histoire — la Civitas Dei — fut aussi le premier auteur d’une biogr
2944 re — la Civitas Dei — fut aussi le premier auteur d’ une biographie de sa personne : les Confessions. 3. Du Mythe à l’Hi
2945 ei — fut aussi le premier auteur d’une biographie de sa personne : les Confessions. 3. Du Mythe à l’Histoire Mais il
2946 par la foi, trouve alors le courage exceptionnel d’ accepter le temps et l’Histoire. Si toutes les religions traditionnell
2947 les ont développé des mythes du temps cyclique et de l’éternel retour, c’est parce que l’homme a peur du temps. Voilà le f
2948 la mort comme à la perte des paradis — Eden, âge d’ or, enfance — vécus ou imaginaires. Et il est lié à la menace toujours
2949 t arbitraires, des désastres privés et publics et de leur injustice d’autant plus scandaleuse qu’elle apparaît « sans préc
2950 désastres privés et publics et de leur injustice d’ autant plus scandaleuse qu’elle apparaît « sans précédent », vraiment
2951 ns précédent », vraiment nouvelle, et donc dénuée de sens. Contre le malheur et son absurdité, l’homme n’a d’autre recours
2952 . Contre le malheur et son absurdité, l’homme n’a d’ autre recours que d’attribuer un sens à ce qu’il subit sans l’avoir « 
2953 et son absurdité, l’homme n’a d’autre recours que d’ attribuer un sens à ce qu’il subit sans l’avoir « mérité ». Au scandal
2954 ’avoir « mérité ». Au scandale des souffrances et de la mort, il ne répondra point par une révolte vaine, pure démence à s
2955 nt par une révolte vaine, pure démence à ses yeux de Grec ou d’Oriental, mais par le rêve immense des religions, transform
2956 révolte vaine, pure démence à ses yeux de Grec ou d’ Oriental, mais par le rêve immense des religions, transformant le réel
2957 ligions, transformant le réel insensé en un poème de morts et de résurrections dominées par des rythmes et par des archéty
2958 nsformant le réel insensé en un poème de morts et de résurrections dominées par des rythmes et par des archétypes qui s’ac
2959 hmes et par des archétypes qui s’accordent à ceux de l’âme. Ainsi le rêve universel du temps cyclique et du retour sans fi
2960 universel du temps cyclique et du retour sans fin de toutes les situations dévalorise le temps vécu de la souffrance. Ce n
2961 de toutes les situations dévalorise le temps vécu de la souffrance. Ce n’est plus la souffrance qui est vaine, dès lors qu
2962 ême qui perd sa réalité, puisqu’il n’apporte plus d’ absolue nouveauté, ni par conséquent de scandale. (L’homme d’aujourd’h
2963 porte plus d’absolue nouveauté, ni par conséquent de scandale. (L’homme d’aujourd’hui, qui croit qu’il ne croit plus à rie
2964 ouveauté, ni par conséquent de scandale. (L’homme d’ aujourd’hui, qui croit qu’il ne croit plus à rien, mime encore ce mouv
2965 il ne croit plus à rien, mime encore ce mouvement de la sagesse mythique, quand il dit pour se rassurer que « l’histoire s
2966 n dans ce monde des religions antiques du message de l’Incarnation figure donc le Scandale absolu, la nouveauté totale, pr
2967 par lui ; « une fois pour toutes » — voici ruiné d’ un coup tout l’édifice mythique des protections de l’âme contre le tem
2968 d’un coup tout l’édifice mythique des protections de l’âme contre le temps de l’Histoire. Il s’agit d’un vrai fait, non pl
2969 mythique des protections de l’âme contre le temps de l’Histoire. Il s’agit d’un vrai fait, non plus d’un avatar ni de l’ép
2970 de l’âme contre le temps de l’Histoire. Il s’agit d’ un vrai fait, non plus d’un avatar ni de l’épiphanie d’un archétype. C
2971 de l’Histoire. Il s’agit d’un vrai fait, non plus d’ un avatar ni de l’épiphanie d’un archétype. Cette rupture du Cercle co
2972 Il s’agit d’un vrai fait, non plus d’un avatar ni de l’épiphanie d’un archétype. Cette rupture du Cercle cosmique livre l’
2973 vrai fait, non plus d’un avatar ni de l’épiphanie d’ un archétype. Cette rupture du Cercle cosmique livre l’homme à l’impré
2974 l’homme à l’imprévisible, c’est-à-dire à la grâce de Dieu, mais aussi à la liberté ; il devient responsable de son temps s
2975 mais aussi à la liberté ; il devient responsable de son temps sur la Terre. Ce serait intolérable si la Révélation n’app
2976 s la certitude que le temps a été vaincu au matin de Pâques, que l’homme ne lui appartient que par la chair (étant au mond
2977 . Seule donc la négation réalisée du temps permet d’ assumer le temps dans sa réalité. Sans la Résurrection, l’homme n’aura
2978 s la Résurrection, l’homme n’aurait pas la preuve d’ une existence qui échappe au temps et à la mort. « Si le Christ n’est
2979 le vieil homme ». Son mouvement naturel sera donc de chercher et d’inventer contre le temps d’autres défenses. Il essaiera
2980 ». Son mouvement naturel sera donc de chercher et d’ inventer contre le temps d’autres défenses. Il essaiera d’abord de myt
2981 e le temps d’autres défenses. Il essaiera d’abord de mythifier le Christ en niant sa parfaite humanité : c’est l’intention
2982 e, la théorie des cycles et des rythmes cosmiques de l’Histoire sera reprise — contre l’esprit des Pères — par les plus gr
2983 onception linéaire du temps et du progrès continu de l’Histoire n’est guère soutenue que par un Joachim de Flore, dont les
2984 ourd’hui encore dans les masses paysannes, l’idée d’ une évolution imprévisible et progressive est généralement éliminée pa
2985 nes ressenti comme semblable à celui des saisons, de la végétation ou des étoiles. Et peut-être faut-il rattacher à cette
2986 en Âge, loin de représenter je ne sais quel « âge d’ or du christianisme » — comme on l’a ressassé depuis les romantiques —
2987 bien plutôt dans son ensemble une longue réaction de défense contre le ferment de révolution introduit dans le monde par l
2988 une longue réaction de défense contre le ferment de révolution introduit dans le monde par l’Évangile. (J’ai dit plus hau
2989 aut que le Moyen Âge fut la période « orientale » de l’Europe.) Touchée en premier lieu par le message chrétien, l’humanit
2990 ue le Moyen Âge fut la période « orientale » de l’ Europe .) Touchée en premier lieu par le message chrétien, l’humanité occiden
2991 n, l’humanité occidentale a dû trouver les moyens de l’accepter progressivement et d’y adapter ses conceptions. Pour les p
2992 ouver les moyens de l’accepter progressivement et d’ y adapter ses conceptions. Pour les premiers chrétiens, ce qui rend su
2993 remiers chrétiens, ce qui rend supportable l’idée d’ un temps vidé de rythmes et de mythes, c’est la croyance à la Fin immi
2994 s, ce qui rend supportable l’idée d’un temps vidé de rythmes et de mythes, c’est la croyance à la Fin imminente : encore «
2995 supportable l’idée d’un temps vidé de rythmes et de mythes, c’est la croyance à la Fin imminente : encore « un peu de tem
2996 e convertissent. Il va falloir trouver les moyens de penser cette durée non prévue, désormais indéniable. Saint Augustin r
2997 en un dualisme à peine voilé : il y a l’Histoire de Dieu et celle des hommes, et si la première intervient dans la second
2998 des actes libres, elle n’y détermine pas une loi d’ évolution. Le Moyen Âge ira beaucoup plus loin, non pas dans le sens d
2999 i des normes. C’est une vision réduite et limitée de l’Histoire qui lui permet de rendre un rythme à sa durée. L’apparitio
3000 n réduite et limitée de l’Histoire qui lui permet de rendre un rythme à sa durée. L’apparition du Christ ne marque plus po
3001 ne marque plus pour lui le commencement du temps de la Fin, mais le « milieu des temps », symbole archétypique. Les temps
3002 a chronologie restera symbolique jusqu’aux abords de la Renaissance. Et dès lors elle ira se précisant, mais dans le même
3003 se précisant, mais dans le même cadre indiscuté ( d’ où les excès qu’on signalait plus haut). Elle ne sera vraiment bouleve
3004 pliquait qu’aux cycles du cosmos : les événements de l’Histoire s’y trouvent tellement noyés que personne n’a le souci de
3005 rouvent tellement noyés que personne n’a le souci de les dater. C’est un mouvement exactement contraire qui s’est produit
3006 produit dans l’Occident moderne, où, à l’inverse de ce qui s’était passé durant l’intermède médiéval, l’état civil des ho
3007 ivil des hommes et des actions humaines n’a cessé de se préciser, tandis que la Fin et le Commencement des temps ne cessai
3008 la Fin et le Commencement des temps ne cessaient de s’éloigner dans le vague de l’infini. Or le Credo prend soin de préci
3009 es temps ne cessaient de s’éloigner dans le vague de l’infini. Or le Credo prend soin de préciser la date de la Passion un
3010 dans le vague de l’infini. Or le Credo prend soin de préciser la date de la Passion unique : « sous Ponce Pilate », mais i
3011 nfini. Or le Credo prend soin de préciser la date de la Passion unique : « sous Ponce Pilate », mais il se tait sur celle
3012 e jour ni l’heure ». Et c’est pourquoi le progrès de la vision historique, loin de séculariser le christianisme, comme bea
3013 pas moins que l’extension soudaine des dimensions de l’Histoire, telle qu’elle vient de se produire au xxe siècle, provoq
3014 duire au xxe siècle, provoque une crise profonde de la relation intime et proprement congénitale entre l’Histoire et la p
3015 e neuf. 4. Être ou non dans l’Histoire Tout d’ un coup (dans l’espace d’une quarantaine d’années) il se révèle que no
3016 dans l’Histoire Tout d’un coup (dans l’espace d’ une quarantaine d’années) il se révèle que notre humanité n’a pas derr
3017 Tout d’un coup (dans l’espace d’une quarantaine d’ années) il se révèle que notre humanité n’a pas derrière elle six-mill
3018 Terre, avec ses quelque trois ou quatre milliards d’ années, aurait déjà vécu presque un « jour de Brahma » dans le cosmos
3019 ards d’années, aurait déjà vécu presque un « jour de Brahma » dans le cosmos actuel. Je dis « cosmos actuel », car de nomb
3020 s le cosmos actuel. Je dis « cosmos actuel », car de nombreux savants nous parlent déjà d’un mouvement de diastole et de s
3021 tuel », car de nombreux savants nous parlent déjà d’ un mouvement de diastole et de systole de l’Univers, qui se répéterait
3022 nombreux savants nous parlent déjà d’un mouvement de diastole et de systole de l’Univers, qui se répéterait à l’infini : n
3023 s nous parlent déjà d’un mouvement de diastole et de systole de l’Univers, qui se répéterait à l’infini : nous serions dan
3024 ent déjà d’un mouvement de diastole et de systole de l’Univers, qui se répéterait à l’infini : nous serions dans une phase
3025 péterait à l’infini : nous serions dans une phase d’ expansion. La cosmologie des hindous paraît alors moins éloignée de la
3026 osmologie des hindous paraît alors moins éloignée de la vérité que celle du Moyen Âge « chrétien ». Il en résulte une suit
3027 u Moyen Âge « chrétien ». Il en résulte une suite de conséquences qui jouent en fait — mais je ne pense pas en droit — con
3028 ne pense pas en droit — contre l’idée occidentale de l’homme. L’importance apparente des collectivités, des civilisations,
3029 t et s’annule. La même raison veut que les « lois de l’Histoire », nécessairement déduites d’ensembles étendus, négligent
3030 s « lois de l’Histoire », nécessairement déduites d’ ensembles étendus, négligent l’action de la personne et nous inclinent
3031 déduites d’ensembles étendus, négligent l’action de la personne et nous inclinent à douter de sa réalité. Le « réel histo
3032 ’action de la personne et nous inclinent à douter de sa réalité. Le « réel historique », ainsi configuré, devient aussi di
3033 torique », ainsi configuré, devient aussi distant de l’homme concret que Brahma d’un paria sans voie. Et l’Histoire, dans
3034 vient aussi distant de l’homme concret que Brahma d’ un paria sans voie. Et l’Histoire, dans l’esprit de nos contemporains,
3035 ’un paria sans voie. Et l’Histoire, dans l’esprit de nos contemporains, prend la place de la Providence, bien qu’elle n’en
3036 ans l’esprit de nos contemporains, prend la place de la Providence, bien qu’elle n’en revête ni la justice ni la bonté. Bo
3037 ni la justice ni la bonté. Bossuet, dans l’Abrégé de l’Histoire de France, nous parle déjà d’une Histoire « maîtresse de l
3038 ni la bonté. Bossuet, dans l’Abrégé de l’Histoire de France, nous parle déjà d’une Histoire « maîtresse de la vie humaine
3039 l’Abrégé de l’Histoire de France, nous parle déjà d’ une Histoire « maîtresse de la vie humaine et de la politique ». Il s’
3040 rance, nous parle déjà d’une Histoire « maîtresse de la vie humaine et de la politique ». Il s’agit de préparer le Dauphin
3041 à d’une Histoire « maîtresse de la vie humaine et de la politique ». Il s’agit de préparer le Dauphin, son élève, à sa fut
3042 de la vie humaine et de la politique ». Il s’agit de préparer le Dauphin, son élève, à sa future tâche de roi. Cette Histo
3043 préparer le Dauphin, son élève, à sa future tâche de roi. Cette Histoire pourvoyeuse d’exemples et de leçons n’a d’autre a
3044 a future tâche de roi. Cette Histoire pourvoyeuse d’ exemples et de leçons n’a d’autre autorité que celle d’un précepteur.
3045 de roi. Cette Histoire pourvoyeuse d’exemples et de leçons n’a d’autre autorité que celle d’un précepteur. Ses « lois » n
3046 Histoire pourvoyeuse d’exemples et de leçons n’a d’ autre autorité que celle d’un précepteur. Ses « lois » ne sont encore
3047 mples et de leçons n’a d’autre autorité que celle d’ un précepteur. Ses « lois » ne sont encore que celles de la morale, et
3048 récepteur. Ses « lois » ne sont encore que celles de la morale, et sa réalité celle d’un discours. Mais l’Histoire aujourd
3049 core que celles de la morale, et sa réalité celle d’ un discours. Mais l’Histoire aujourd’hui n’est plus un conte, elle se
3050 n’est plus un conte, elle se distingue absolument de son récit. Elle ne concerne plus le passé, ni ses « leçons », qu’on p
3051 nous, qui ne faisons que l’habiter pour un atome de temps insignifiant. Elle est devenue le cours de la réalité, où ce qu
3052 de temps insignifiant. Elle est devenue le cours de la réalité, où ce qu’il y a de plus réel, c’est le cours même. Et com
3053 Et comme ce mouvement pur « doit » être dépourvu d’ origine et de but connaissable, on ne peut savoir son sens, mais seule
3054 mouvement pur « doit » être dépourvu d’origine et de but connaissable, on ne peut savoir son sens, mais seulement l’épouse
3055 ’en s’y abandonnant. Ce qui se place dans le sens de l’Histoire en reçoit l’attribut d’exister. Ce qui résiste au sens est
3056 e dans le sens de l’Histoire en reçoit l’attribut d’ exister. Ce qui résiste au sens est « mystification » aux yeux des thé
3057 En présence d’une doctrine politique ou sociale, de l’action d’un pays ou de l’option d’un homme, il n’est donc plus ques
3058 d’une doctrine politique ou sociale, de l’action d’ un pays ou de l’option d’un homme, il n’est donc plus question de dema
3059 ne politique ou sociale, de l’action d’un pays ou de l’option d’un homme, il n’est donc plus question de demander si c’est
3060 ou sociale, de l’action d’un pays ou de l’option d’ un homme, il n’est donc plus question de demander si c’est « vrai ». C
3061 l’option d’un homme, il n’est donc plus question de demander si c’est « vrai ». C’est « dans le sens de l’Histoire », ou
3062 demander si c’est « vrai ». C’est « dans le sens de l’Histoire », ou ce n’est rien qui vaille… Suis-je dans l’Histoire ?
3063 dans l’Histoire ? ainsi conjugue une bonne partie de l’intelligentsia occidentale du xxe siècle. Comme il est clair qu’on
3064 rédigée par les historiens, on voit qu’il s’agit d’ autre chose : non de mémoire mais d’attitude actuelle, et non d’une di
3065 toriens, on voit qu’il s’agit d’autre chose : non de mémoire mais d’attitude actuelle, et non d’une discipline de l’intell
3066 qu’il s’agit d’autre chose : non de mémoire mais d’ attitude actuelle, et non d’une discipline de l’intellect mais bien d’
3067 : non de mémoire mais d’attitude actuelle, et non d’ une discipline de l’intellect mais bien d’une conception de l’Existenc
3068 mais d’attitude actuelle, et non d’une discipline de l’intellect mais bien d’une conception de l’Existence. Cette Histoire
3069 et non d’une discipline de l’intellect mais bien d’ une conception de l’Existence. Cette Histoire absolutisée, qui n’est p
3070 cipline de l’intellect mais bien d’une conception de l’Existence. Cette Histoire absolutisée, qui n’est plus connaissance
3071 lui-même ? N’est-elle pas simplement une manière de le penser qui le ferme à toute transcendance, et qui du même coup nou
3072 t entier soit uniquement du monde : elle le coupe de l’esprit. Ce faisant, elle nie la personne, car la personne se fonde
3073 e du même mouvement désespéré toute justification de l’action personnelle. Rien d’étonnant si l’homme, dès qu’il croit cet
3074 toute justification de l’action personnelle. Rien d’ étonnant si l’homme, dès qu’il croit cette Histoire, se découvre impui
3075 tures totalitaires fondent leur pouvoir. Le droit d’ opposition se justifiait, en effet, par la seule conviction que la voc
3076 en effet, par la seule conviction que la vocation d’ un homme peut être plus vraie que la règle — d’où les martyrs des prem
3077 on d’un homme peut être plus vraie que la règle — d’ où les martyrs des premiers temps du christianisme. Si, au contraire,
3078 ice politique du César détient seule le vrai sens de nos vies. Nul scrupule de conscience ou sursaut de belle âme ne saura
3079 ient seule le vrai sens de nos vies. Nul scrupule de conscience ou sursaut de belle âme ne saurait écarter cette conséquen
3080 e nos vies. Nul scrupule de conscience ou sursaut de belle âme ne saurait écarter cette conséquence, sans doute pénible, m
3081 efus moderne du temps Cette description rapide d’ une attitude nouvelle et d’un état de conscience profondément typique
3082 tte description rapide d’une attitude nouvelle et d’ un état de conscience profondément typique de l’Occident au xxe siècl
3083 ption rapide d’une attitude nouvelle et d’un état de conscience profondément typique de l’Occident au xxe siècle me sembl
3084 e et d’un état de conscience profondément typique de l’Occident au xxe siècle me semble incontestable en tant que diagnos
3085 iagnostic. Mais comment la situer dans l’ensemble de l’Aventure occidentale ? Est-elle le signe annonciateur d’une fin lug
3086 ture occidentale ? Est-elle le signe annonciateur d’ une fin lugubre, ou seulement d’une crise de croissance ? On a vu que
3087 igne annonciateur d’une fin lugubre, ou seulement d’ une crise de croissance ? On a vu que la croyance à l’Histoire absolue
3088 ateur d’une fin lugubre, ou seulement d’une crise de croissance ? On a vu que la croyance à l’Histoire absolue, ce produit
3089 que la croyance à l’Histoire absolue, ce produit de remplacement de la Providence, a pour effet normal d’éliminer la croy
3090 à l’Histoire absolue, ce produit de remplacement de la Providence, a pour effet normal d’éliminer la croyance à l’action
3091 emplacement de la Providence, a pour effet normal d’ éliminer la croyance à l’action personnelle. La personne est agent de
3092 nce à l’action personnelle. La personne est agent de liberté. Cette Histoire nous conduit au fatalisme. Comment l’Histoire
3093 la personne ont-elles pu devenir exclusives l’une de l’autre, alors qu’elles sont nées en même temps d’un même acte libéra
3094 e l’autre, alors qu’elles sont nées en même temps d’ un même acte libérateur ? Mais, d’abord, est-il sûr que la croyance mo
3095 soit le développement normal et la suite obligée de l’attitude chrétienne devant le temps ? Notre époque aurait-elle simp
3096 toutes les précédentes ? Oui, s’il s’agit du goût de connaître le passé, plus répandu que jamais dans le grand public : To
3097 best-seller, les revues et la presse nous parlent de Sumer, du paléolithique, des Mayas ou du vase de Vix, les mémoires fo
3098 de Sumer, du paléolithique, des Mayas ou du vase de Vix, les mémoires font fureur, les biographies s’arrachent, et beauco
3099 ans un livre. Mais la réponse est non s’il s’agit de cette Histoire dans le « sens » de laquelle on nous dit qu’il faut « 
3100 on s’il s’agit de cette Histoire dans le « sens » de laquelle on nous dit qu’il faut « être » de toute nécessité, sous pei
3101 ens » de laquelle on nous dit qu’il faut « être » de toute nécessité, sous peine de n’être pas. Celle-ci marque un recul d
3102 un recul devant le risque du temps. La conscience de l’Histoire est née de l’acceptation d’un temps radicalement imprévisi
3103 que du temps. La conscience de l’Histoire est née de l’acceptation d’un temps radicalement imprévisible. Et sa fin seule é
3104 conscience de l’Histoire est née de l’acceptation d’ un temps radicalement imprévisible. Et sa fin seule était certaine et
3105 r une nette limitation des dimensions du passé et de l’avenir : cette espèce de congélation du temps a pour effet d’élimin
3106 dimensions du passé et de l’avenir : cette espèce de congélation du temps a pour effet d’éliminer le devenir. Mais la Rena
3107 cette espèce de congélation du temps a pour effet d’ éliminer le devenir. Mais la Renaissance et les siècles suivants décou
3108 ue au xxe siècle ils se dilatent soudain au-delà de tout ce que notre esprit peut se figurer, l’idée d’évolution balaie n
3109 tout ce que notre esprit peut se figurer, l’idée d’ évolution balaie nos repères et nous emporte sans espoir à l’aventure.
3110 risque béant, soudain total, l’homme qui n’a pas de foi cède au vertige. Sa dernière résistance à l’angoisse du temps se
3111 se manifeste alors par la manière dont il décide d’ identifier au devenir l’être et la vérité elle-même. Solution masochis
3112 lourd. Dans un cosmos qui se calcule en centaines de millions d’années-lumière, dans cette durée qui va vers l’infini, et
3113 un cosmos qui se calcule en centaines de millions d’ années-lumière, dans cette durée qui va vers l’infini, et dans une soc
3114 technique, les « lois économiques », la puissance de l’État, les mouvements de masse, etc., échappent à ses prises et l’en
3115 omiques », la puissance de l’État, les mouvements de masse, etc., échappent à ses prises et l’enserrent — « il ne se retro
3116 et démissionne. Que l’Histoire décide à ma place, de toute façon je n’y puis rien. Que le dictateur ou le Parti décrètent
3117 e le dictateur ou le Parti décrètent le vrai sens de ma vie, de toute façon je ne pourrais plus le distinguer. Je ne suis
3118 eur ou le Parti décrètent le vrai sens de ma vie, de toute façon je ne pourrais plus le distinguer. Je ne suis plus respon
3119 ponsable, mais c’est l’Évolution, et je n’ai plus d’ autre choix que de m’en dire l’agent. Cet abandon de l’être entier à l
3120 st l’Évolution, et je n’ai plus d’autre choix que de m’en dire l’agent. Cet abandon de l’être entier à la Maya, sans plus
3121 autre choix que de m’en dire l’agent. Cet abandon de l’être entier à la Maya, sans plus rêver la délivrance du nirvana, ce
3122 et enlisement dans la forme du monde, sans espoir de salut individuel58 — je pressens qu’ils trahissent un dépit amoureux
3123 au moins autant qu’un fléchissement réel du sens de la personne et de la liberté. Ce n’est pas qu’on n’aime plus être soi
3124 u’un fléchissement réel du sens de la personne et de la liberté. Ce n’est pas qu’on n’aime plus être soi librement, ni vra
3125 nt qu’ils sont les instruments du sens inévitable de l’Histoire, légitimant la mort de millions de koulaks qui vivaient pa
3126 sens inévitable de l’Histoire, légitimant la mort de millions de koulaks qui vivaient par hasard en travers. Mais les « lo
3127 ble de l’Histoire, légitimant la mort de millions de koulaks qui vivaient par hasard en travers. Mais les « lois » révélée
3128  » révélées par Karl Marx n’ont jamais prévu rien de tel ; elles permettent simplement au Dictateur d’accréditer son utopi
3129 de tel ; elles permettent simplement au Dictateur d’ accréditer son utopie. Si le sang de ses propres martyrs fut la semenc
3130 au Dictateur d’accréditer son utopie. Si le sang de ses propres martyrs fut la semence de l’Église, c’est le sang des « p
3131 Si le sang de ses propres martyrs fut la semence de l’Église, c’est le sang des « païens », le sang des autres, qui cimen
3132 ïens », le sang des autres, qui cimente l’édifice de l’Usine soviétique et donne la preuve démente de la réalité des utopi
3133 de l’Usine soviétique et donne la preuve démente de la réalité des utopies au nom desquelles on l’a versé. Mais d’où vien
3134 des utopies au nom desquelles on l’a versé. Mais d’ où vient cette fureur d’anticiper l’avenir jusqu’à l’hypothéquer sur d
3135 uelles on l’a versé. Mais d’où vient cette fureur d’ anticiper l’avenir jusqu’à l’hypothéquer sur des millions de crimes ?
3136 r l’avenir jusqu’à l’hypothéquer sur des millions de crimes ? Elle vient de notre angoisse devant le temps. Anticiper l’av
3137 devant le temps. Anticiper l’avenir, c’est tenter de se convaincre que le temps ne va pas apporter la négation de ce que j
3138 incre que le temps ne va pas apporter la négation de ce que je suis, de ce que j’attends, de mes croyances ou de mon incro
3139 ne va pas apporter la négation de ce que je suis, de ce que j’attends, de mes croyances ou de mon incroyance, ou même de c
3140 négation de ce que je suis, de ce que j’attends, de mes croyances ou de mon incroyance, ou même de ces raisons de désespé
3141 je suis, de ce que j’attends, de mes croyances ou de mon incroyance, ou même de ces raisons de désespérer auxquelles je ti
3142 s, de mes croyances ou de mon incroyance, ou même de ces raisons de désespérer auxquelles je tiens contre le monde et cont
3143 nces ou de mon incroyance, ou même de ces raisons de désespérer auxquelles je tiens contre le monde et contre Dieu — la né
3144 iens contre le monde et contre Dieu — la négation de moi-même et du sens de ma vie. Anticiper l’avenir, c’est le dernier r
3145 contre Dieu — la négation de moi-même et du sens de ma vie. Anticiper l’avenir, c’est le dernier refus de l’aventure du t
3146 a vie. Anticiper l’avenir, c’est le dernier refus de l’aventure du temps — la fuite dans l’utopie. Utopies pessimistes, da
3147 confondent pas seulement dans leur vision précise d’ un avenir donné pour fatal, mais dans une seule et même démission de l
3148 pour fatal, mais dans une seule et même démission de la personne, qui désespère de ses pouvoirs d’innovation et de toute e
3149 e et même démission de la personne, qui désespère de ses pouvoirs d’innovation et de toute espèce de recours au transcenda
3150 ion de la personne, qui désespère de ses pouvoirs d’ innovation et de toute espèce de recours au transcendant libérateur. E
3151 ne, qui désespère de ses pouvoirs d’innovation et de toute espèce de recours au transcendant libérateur. Engendrer l’utopi
3152 e de ses pouvoirs d’innovation et de toute espèce de recours au transcendant libérateur. Engendrer l’utopie est un mouveme
3153 t libérateur. Engendrer l’utopie est un mouvement de l’âme, sans doute inséparable de l’historicité initiée par le christi
3154 est un mouvement de l’âme, sans doute inséparable de l’historicité initiée par le christianisme : il suffit que la foi fai
3155 pie est recul devant le temps ouvert, elle refuse d’ affronter cette situation béante qui fut celle des premiers chrétiens,
3156 taire — et c’est pourquoi l’Orient ne produit pas d’ utopies. Concevoir une utopie et agir d’après elle, massacrer pour hât
3157 est projeter notre angoisse en avant, pour tenter d’ asservir l’imprévu. Bien souvent la recherche historique projette nos
3158  » ont rarement justifié d’autres délits que ceux de la routine. L’Histoire-devenir, qui est une conjuration du temps, exi
3159 d dieu Huitzilopochtli. 6. Dilemme La crise de notre sens du temps pose un dilemme. L’Occident, succombant au Deveni
3160 combant au Devenir déifié, va-t-il se mettre hors d’ état de faire l’Histoire ? Ou, surmontant le vertige cosmique et tempo
3161 au Devenir déifié, va-t-il se mettre hors d’état de faire l’Histoire ? Ou, surmontant le vertige cosmique et temporel où
3162 ais à la tentation que j’ai décrite si j’essayais d’ anticiper sur nos lendemains, et ceux-ci ne seront point marqués par n
3163 nos choix fondamentaux. Car la question n’est pas de savoir « ce qui arrivera », mais de savoir dès maintenant ce que nous
3164 ion n’est pas de savoir « ce qui arrivera », mais de savoir dès maintenant ce que nous sommes disposés à laisser arriver o
3165 rriver ou à faire arriver ; la question n’est pas de supputer le sens probable d’un devenir fatal, pour nous « ajuster » à
3166 a question n’est pas de supputer le sens probable d’ un devenir fatal, pour nous « ajuster » à ses « lois », mais au contra
3167 ous « ajuster » à ses « lois », mais au contraire d’ affronter le temps au nom d’un sens qui ne peut s’originer qu’en la pe
3168 er qu’en la personne. Bref, la question n’est pas de deviner l’Histoire, mais de la faire. Seules nos options présentes pr
3169 la question n’est pas de deviner l’Histoire, mais de la faire. Seules nos options présentes préparent un sens, ménagent d’
3170 nos options présentes préparent un sens, ménagent d’ avance une signification aux surprises du temps qui vient à nous. Et c
3171 s. Et ces options n’agiront point par la violence de prises de position calculées dans l’abstrait59, mais par cette sorte
3172 options n’agiront point par la violence de prises de position calculées dans l’abstrait59, mais par cette sorte de fascina
3173 calculées dans l’abstrait59, mais par cette sorte de fascination qu’exerce sur l’avenir encore intact, foisonnant d’imprév
3174 qu’exerce sur l’avenir encore intact, foisonnant d’ imprévus réalisables, l’attente réalisante d’une ferme vocation. 55
3175 nant d’imprévus réalisables, l’attente réalisante d’ une ferme vocation. 55. La première société d’histoire connue en Or
3176 d’une ferme vocation. 55. La première société d’ histoire connue en Orient fut fondée au xixe siècle par un Anglais, s
3177 storique s’est constituée en Inde. 56. Religio, de religare, lier ensemble. 57. La nouveauté — le fait sans précédent a
3178 fait sans précédent archétypique — est la terreur de tous les « Moyen Âge ». Quand elle survient, quand on se voit contrai
3179 . Quand elle survient, quand on se voit contraint d’ innover pour sauver sa peau ou pour vaincre, on s’empresse d’en appele
3180 our sauver sa peau ou pour vaincre, on s’empresse d’ en appeler à la coutume, et l’on prétend « renouveler la tradition ».
3181 s, au Moyen Âge, pour qu’on l’invoque sous le nom de « tradition ». 58. Il faut alors, de toute nécessité, que le succès
3182 sous le nom de « tradition ». 58. Il faut alors, de toute nécessité, que le succès temporel prenne la place du salut et q
3183 rs ; mais le premier sent la tricherie. 59. Lits de Procuste des utopies toujours trop pauvres, ou de ces plans qui prévo
3184 de Procuste des utopies toujours trop pauvres, ou de ces plans qui prévoient tout sauf l’essentiel humain, parce qu’on les
3185 es directives, mais comme des cadres rassurants ; d’ autant plus rassurants qu’ils sont rigides, mais de là vient préciséme
3186 ’autant plus rassurants qu’ils sont rigides, mais de là vient précisément leur malfaisance. au. Rougemont Denis de, « La
3187 écisément leur malfaisance. au. Rougemont Denis de , « La découverte du temps ou l’aventure occidentale », La Nouvelle Re
44 1961, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). La personne, l’ange et l’absolu, ou le dialogue Occident-Orient (avril 1961)
3188 en se vident au Japon. (Mais il y a beaucoup plus de chrétiens japonais que de sectateurs du Dr Suzuki en Amérique.) L’Occ
3189 is il y a beaucoup plus de chrétiens japonais que de sectateurs du Dr Suzuki en Amérique.) L’Occident découvre la sagesse
3190 peu christianisées qu’en donnent les successeurs de Râmakrishna ; mais déjà l’intelligentsia de l’Inde se préoccupe des p
3191 seurs de Râmakrishna ; mais déjà l’intelligentsia de l’Inde se préoccupe des problèmes qui lui sont imposés par la techniq
3192 occidentales, et cherche à les résoudre à l’aide d’ un socialisme qui ne doit rien à Shankara. L’Occident découvre Zoroast
3193 fis, mais l’Iran et l’Arabie sont en pleine crise d’ adaptation à l’habitus capitaliste. L’Occident découvre et publie le H
3194 x parlementaires, et l’exploitation par elle-même de ses ressources matérielles. Ce que nous découvrons avec passion dans
3195 n. Ils adoptent nos formes sociales, nos procédés de gouvernement et nos techniques, mais non pas les tensions spirituelle
3196 moteur secret. Ce qui était pour nous résultantes d’ innombrables poussées et résistances, malaisément équilibrées mais len
3197 evenir immédiat, mais peut orienter la conscience de quelques-uns de ceux qui la feront demain. L’essentiel du dialogue né
3198 mais peut orienter la conscience de quelques-uns de ceux qui la feront demain. L’essentiel du dialogue nécessaire et déso
3199 eur centrale pour l’Occident, il doit en résulter d’ infinies conséquences dans tous les domaines du réel, du spirituel au
3200 s’affirme d’une part et quel est le moi qu’on nie de l’autre ? Est-ce bien le même ? La Personne Le christianisme a
3201 n formant, dès les premiers conciles, ses modèles de pensée en tension : Incarnation, personnes divines à la fois distinct
3202 ersonnes divines à la fois distinctes et reliées. D’ où la définition de la personne humaine ou du vrai moi, reprise et pré
3203 la fois distinctes et reliées. D’où la définition de la personne humaine ou du vrai moi, reprise et précisée par toutes le
3204 eprise et précisée par toutes les grandes époques de la théologie et de la philosophie, et toujours opposée à l’homme natu
3205 par toutes les grandes époques de la théologie et de la philosophie, et toujours opposée à l’homme naturel, animal plus ou
3206 al plus ou moins raisonnable et simple exemplaire de l’espèce. Pour saint Paul, le vrai moi est l’homme nouveau, « appelé 
3207 on peut suivre l’évolution du concept et du terme de personne, forgé par la doctrine trinitaire ; il s’appliquera de mieux
3208 orgé par la doctrine trinitaire ; il s’appliquera de mieux en mieux à l’homme nouveau, à l’ens sibi suscité par l’esprit d
3209 rtes, le vrai moi c’est « l’âme », mais il s’agit d’ une âme tout intellectuelle, dont « la nature n’est que de penser » et
3210 e tout intellectuelle, dont « la nature n’est que de penser » et qui reste entièrement distincte du corps. Avec Kant, le v
3211 al, s’oppose au moi phénoménal, et reprend le nom de personne. Chez Renouvier, la personne apparaît comme « fonction à plu
3212 « fonction à plusieurs variables », par là douée d’ une liberté que n’aura jamais l’individu, simple objet du déterminisme
3213 du déterminisme universel. Et quant à la science d’ aujourd’hui, dont on a pu penser « qu’elle n’aborde le moi que pour le
3214 dité, l’équilibre endocrinien), et nous le montre d’ autant plus distinct, dans sa fonction centrale, totalisante, dans son
3215 fonction centrale, totalisante, dans son pouvoir d’ intégration de l’être. Loin de dissocier le moi, les recherches psycho
3216 rale, totalisante, dans son pouvoir d’intégration de l’être. Loin de dissocier le moi, les recherches psychologiques du xx
3217 gent de toutes parts, et retrouvent par le détour de leurs descriptions « objectives » l’opposition paulinienne des « deux
3218 vrai que le langage courant confond sans l’ombre d’ un scrupule la personne et tout ce qu’elle n’est pas — l’individu, la
3219 l’élémentaire et souvent si trompeuse conscience de soi — reste que la croyance au moi distinct et le recours à la « vale
3220 moi distinct et le recours à la « valeur absolue de la personne » sont à peu près universels en Occident. Comme l’atteste
3221 ttestent tant de notions considérées comme allant de soi — et tant de réalités « bien vues » à l’Ouest, mais que l’Est se
3222 « bien vues » à l’Ouest, mais que l’Est se devait d’ ignorer, voire de condamner, telles que l’originalité, les droits de l
3223 ’Ouest, mais que l’Est se devait d’ignorer, voire de condamner, telles que l’originalité, les droits de l’homme, le record
3224 mnation par nos critiques du style impersonnel ou de la banalité, la dénonciation de l’on par nos philosophes, et les diat
3225 le impersonnel ou de la banalité, la dénonciation de l’on par nos philosophes, et les diatribes marxistes contre l’aliénat
3226 aliénation. Et comme l’atteste enfin notre notion de l’amour, — à quoi j’entends venir plus loin. L’ange Quelle est
3227 nir plus loin. L’ange Quelle est cette part de la personne dès maintenant libérée du monde, où elle vit encore en ex
3228 rtant l’image céleste », « glorifiée », « revêtue de lumière », d’incorruptibilité et d’immortalité ; dès maintenant donc
3229 céleste », « glorifiée », « revêtue de lumière », d’ incorruptibilité et d’immortalité ; dès maintenant donc « ressuscitée
3230  », « revêtue de lumière », d’incorruptibilité et d’ immortalité ; dès maintenant donc « ressuscitée avec le Christ », bien
3231 chée avec le Christ en Dieu » jusqu’à l’avènement de l’Amour ? C’est l’Ange, répond l’Iran des spirituels, l’Iran du mazdé
3232 che de l’Inde mais enté sur le tronc abrahamique, d’ où sont issus les juifs, les chrétiens, et l’islam. Que serait l’Ange
3233 on du moi individuel ou collectif. Pour les sages de l’Iran, il est ce moi. Barakat, juif passé à l’islam, écrit en 1165 :
3234 finité, il y a un être spirituel qui tout au long de leur existence assume envers cette âme ou ce groupe d’âmes une sollic
3235 ur existence assume envers cette âme ou ce groupe d’ âmes une sollicitude et tendresse spéciales ; c’est lui qui les initie
3236 us du simple messager transmettant les ordres, ni de l’idée courante de l’Ange gardien », mais de ceci : « que la Forme so
3237 er transmettant les ordres, ni de l’idée courante de l’Ange gardien », mais de ceci : « que la Forme sous laquelle chacun
3238 , ni de l’idée courante de l’Ange gardien », mais de ceci : « que la Forme sous laquelle chacun des spirituels connaît Die
3239 dmirables commentaires qu’Henry Corbin nous donne de la mystique soufi, « la totalité de notre être, ce n’est pas seulemen
3240 in nous donne de la mystique soufi, « la totalité de notre être, ce n’est pas seulement cette partie que nous appelons pré
3241 oufis n’évoque pas seulement cette part initiante de l’être renouvelé qui demeure cachée en Dieu selon le christianisme, m
3242 e en Dieu selon le christianisme, mais encore, et d’ une manière plus précise dans l’homologie, ces entités célestes, fémin
3243 ces entités célestes, féminines, que la religion de Zarathoustra nommait les Fravartis, « celles qui ont choisi » (c’est-
3244 s, « celles qui ont choisi » (c’est-à-dire choisi de combattre pour venir en aide à Ohrmazd) et qui sont à la fois les arc
3245 e ou morale, chaque être complet ou chaque groupe d’ êtres appartenant au monde de Lumière a sa Fravarti » — Ohrmazd, le Di
3246 let ou chaque groupe d’êtres appartenant au monde de Lumière a sa Fravarti » — Ohrmazd, le Dieu lumineux a lui-même la sie
3247 s. L’événement majeur, la scène capitale du drame de la personne ainsi constituée se produit à l’aube de la troisième nuit
3248 la personne ainsi constituée se produit à l’aube de la troisième nuit qui suit la mort terrestre : c’est la rencontre de
3249 t qui suit la mort terrestre : c’est la rencontre de l’âme avec son moi céleste à l’entrée du pont Chinvat. Dans un paysag
3250 à l’entrée du pont Chinvat. Dans un paysage nimbé de la Lumière-de-Gloire restituant toutes choses et tous les êtres dans
3251 es dans leur pureté paradisiaque, « dans un décor de montagnes flamboyant aux aurores, d’eaux célestes où croissent les pl
3252 ans un décor de montagnes flamboyant aux aurores, d’ eaux célestes où croissent les plantes d’immortalité », au centre du m
3253 aurores, d’eaux célestes où croissent les plantes d’ immortalité », au centre du monde spirituel (qui est le monde réel des
3254 vant l’âme sa Dâenâ, son moi céleste, jeune femme d’ une beauté resplendissante et qui lui dit : — Je suis toi-même ! Mais
3255 négation du moi Les peuples des régions que l’ Europe nomme Asie diffèrent bien plus entre eux que les peuples de l’Europe,
3256 sie diffèrent bien plus entre eux que les peuples de l’Europe, mais s’il est une croyance qu’ils ont tous en commun c’est
3257 iffèrent bien plus entre eux que les peuples de l’ Europe , mais s’il est une croyance qu’ils ont tous en commun c’est la croyan
3258 nous semble à première vue impliquer comme allant de soi la croyance en un moi reconnaissable au travers de ses vies succe
3259 distincte, voilà précisément ce que les doctrines de l’Inde, ou nées en Inde comme le bouddhisme, dénoncent depuis des mil
3260 ue des autres ? En fait, on ne voit pas les Sages de l’Asie dénoncer sans relâche, comme on pourrait s’y attendre, les cro
3261 n pourrait s’y attendre, les croyances populaires de leurs contrées ; c’est bien plutôt à notre idée de la personne qu’ils
3262 e leurs contrées ; c’est bien plutôt à notre idée de la personne qu’ils opposent leur idée du non-moi. Le vrai malentendu
3263 nsitoire et « aveugle », enveloppe obscurcissante d’ une âme divine. Ainsi parlent tous les upanishads, et les premiers écr
3264 sme : il faut éteindre le désir individuel, cause de l’erreur, des souffrances et de la mort, dissiper cet écran de matièr
3265 individuel, cause de l’erreur, des souffrances et de la mort, dissiper cet écran de matière entre l’âme et la Réalité. On
3266 des souffrances et de la mort, dissiper cet écran de matière entre l’âme et la Réalité. On peut penser qu’il s’agit bien i
3267 la Réalité. On peut penser qu’il s’agit bien ici de la même « mort au monde et à soi-même » que le Christ exige de ses di
3268 mort au monde et à soi-même » que le Christ exige de ses disciples, et qui est la condition de leur accession à leur vrai
3269 t exige de ses disciples, et qui est la condition de leur accession à leur vrai moi spirituel, celui qui doit ressusciter
3270 lieu que l’âme chrétienne doit le transfigurer, —  d’ où la « résurrection de la chair ». Il en va de même pour le bouddhism
3271 ne doit le transfigurer, — d’où la « résurrection de la chair ». Il en va de même pour le bouddhisme originel. Qu’est-ce q
3272 . Qu’est-ce que l’homme ? Un ensemble transitoire d’ agrégats matériels et de formations mentales en proie au désir égoïste
3273 ? Un ensemble transitoire d’agrégats matériels et de formations mentales en proie au désir égoïste, qui naît de l’ignoranc
3274 ions mentales en proie au désir égoïste, qui naît de l’ignorance et qui entraîne fatalement les attachements à l’illusoire
3275 raîne fatalement les attachements à l’illusoire ; d’ où l’action, le devenir, la mort, et la roue des retours sans fin. « I
3276 loppés par l’ignorance, et que le désir conduit à de criminelles renaissances.65 » Le but est donc « de nous apprendre le
3277 e criminelles renaissances.65 » Le but est donc «  de nous apprendre le moyen de ne pas renaître », nous dit une moderne in
3278 65 » Le but est donc « de nous apprendre le moyen de ne pas renaître », nous dit une moderne interprète du bouddhisme tibé
3279 t, un interprète du zen fait écho : « La négation de l’Atman énoncée par les premiers bouddhistes porte sur l’Atman de l’e
3280 ée par les premiers bouddhistes porte sur l’Atman de l’ego relatif, non sur l’Atman de l’ego absolu, l’ego d’après l’expér
3281 rte sur l’Atman de l’ego relatif, non sur l’Atman de l’ego absolu, l’ego d’après l’expérience illuminante.67 » Ou dans le
3282 e voit, l’expérience personnelle est le fondement de la philosophie bouddhiste », comprenons qu’il s’agit pour lui d’une e
3283 ie bouddhiste », comprenons qu’il s’agit pour lui d’ une expérience rigoureusement spirituelle. En somme, l’adversaire prin
3284 n’est pas encore la personne, mais l’obstination de l’ego qui veut durer au-delà de la mort sans rien comprendre aux cond
3285 ais l’obstination de l’ego qui veut durer au-delà de la mort sans rien comprendre aux conditions de cette survie, sans pur
3286 là de la mort sans rien comprendre aux conditions de cette survie, sans purifier d’avance le jiva — sans s’ordonner d’avan
3287 dre aux conditions de cette survie, sans purifier d’ avance le jiva — sans s’ordonner d’avance, dirions-nous, aux exigences
3288 sans purifier d’avance le jiva — sans s’ordonner d’ avance, dirions-nous, aux exigences du vrai moi, qui est notre réponda
3289 n des buts majeurs des méthodes spirituelles soit de l’empêcher de renaître69 ! Mais vient le second stade, où les spirit
3290 eurs des méthodes spirituelles soit de l’empêcher de renaître69 ! Mais vient le second stade, où les spirituels s’opposen
3291 uels s’opposent même à l’ego absolu, à la réalité de l’âme distincte. Le soi de chacun se confond avec le Soi de l’Immensi
3292 o absolu, à la réalité de l’âme distincte. Le soi de chacun se confond avec le Soi de l’Immensité, ou du Brahma. Qu’est-ce
3293 istincte. Le soi de chacun se confond avec le Soi de l’Immensité, ou du Brahma. Qu’est-ce que l’âme ? Une monade, disent l
3294 ’est Brahma ou ce n’est rien. Et tu n’es rien. Et de leur côté les bouddhistes (mais le tao chinois et le shinto nippon di
3295  : « Nagasena, existe-t-il un être qui transmigre de ce corps dans un autre ? — Non, il n’y en a point. — S’il n’y a pas d
3296 utre ? — Non, il n’y en a point. — S’il n’y a pas de transmigration, peut-il y avoir une réincarnation ? — Oui, c’est poss
3297 être pur. — Ô Nagasena, dis-moi s’il existe rien de semblable à l’âme ? — Il n’y a rien de semblable à l’âme.70 » Un text
3298 xiste rien de semblable à l’âme ? — Il n’y a rien de semblable à l’âme.70 » Un texte zen chinois surenchérit : « Y a-t-il
3299 ire du samadhi : c’est un éveil instantané. Éveil de quoi ? De la vision-en-soi, du Cela qui n’est pas personnel et se jou
3300 adhi : c’est un éveil instantané. Éveil de quoi ? De la vision-en-soi, du Cela qui n’est pas personnel et se joue à traver
3301 oyance en la transmigration… Mais voici le moment d’ ajuster la vision. Tout l’Orient exagère ses formules. Il dit cent-mil
3302 té pour dire longévité. Notre hygiène, augmentant de cinquante ans la durée moyenne de la vie, serait alors une « recette
3303 ène, augmentant de cinquante ans la durée moyenne de la vie, serait alors une « recette d’immortalité ». Et même la seule
3304 rée moyenne de la vie, serait alors une « recette d’ immortalité ». Et même la seule qui ait réussi. Apprenons donc à lire
3305 on. Et les trois autres distinctions s’expliquent de la même manière. » Puis il ajoute : « Si le disciple est exceptionnel
3306 ndateur du zen) l’a déclaré, zen ne se soucie pas de disserter sur des notions abstruses telles que Dieu, la Vérité ; ce q
3307 la Vérité ; ce que zen demande au disciple, c’est de voir sa propre Physionomie. » Or comme le disait le sixième Patriarch
3308 nomie. » Or comme le disait le sixième Patriarche de la secte (638-713) : « Ne pense pas au bien ni au mal, mais regarde c
3309 ionomie originelle, celle que tu avais avant même d’ être né.72 » Par où nous rejoignons un certain christianisme — à parti
3310 us rejoignons un certain christianisme — à partir d’ un certain bouddhisme — et certainement le mazdéisme et les soufis : i
3311 rtainement le mazdéisme et les soufis : il s’agit d’ une seule quête de l’esprit, dont le Graal, ou l’Ange, est : toi-même.
3312 éisme et les soufis : il s’agit d’une seule quête de l’esprit, dont le Graal, ou l’Ange, est : toi-même. ⁂ Les différences
3313 tons préciser leur nature, c’est dans les notions de l’amour traduisant ces trois conceptions, que nous avons les plus gra
3314 ceptions, que nous avons les plus grandes chances de les trouver. Dans ce domaine, toute différence reconnue peut être vér
3315 romet au dialogue des spirituels un élargissement de la conscience que chacun prendra de son bien. Tandis qu’au plan de l’
3316 élargissement de la conscience que chacun prendra de son bien. Tandis qu’au plan de l’anthropologie plus ou moins « scient
3317 que chacun prendra de son bien. Tandis qu’au plan de l’anthropologie plus ou moins « scientifique » de ce siècle, il sembl
3318 de l’anthropologie plus ou moins « scientifique » de ce siècle, il semblerait que les négations du moi selon les écoles or
3319 orientales correspondent simplement aux névroses de la psychanalyse freudienne : elles seraient autant de « rationalisati
3320 a psychanalyse freudienne : elles seraient autant de « rationalisations » des attitudes « dysfonctionnelles » qui menacent
3321 et nous laisse « nos » problèmes. Trois écoles de l’amour Si l’amour est le premier moteur non seulement de l’homme
3322 Si l’amour est le premier moteur non seulement de l’homme mais du monde, c’est son action qui configure l’idée du moi q
3323 te idée du moi révèle l’amour, comme la structure de l’atome traduit certaines propriétés de l’énergie. « C’est l’amour do
3324 structure de l’atome traduit certaines propriétés de l’énergie. « C’est l’amour dominant qui fait l’homme… L’homme est abs
3325 ’homme est absolument tel qu’est l’amour dominant de sa vie : selon (cet amour) se fait son ciel, s’il est bon, ou son enf
3326 it Swedenborg dans La Nouvelle Jérusalem. Et dans De Coelo, il ajoute : « Le corps de chaque esprit et de chaque ange est
3327 rusalem. Et dans De Coelo, il ajoute : « Le corps de chaque esprit et de chaque ange est la forme de son amour.73 » Les tr
3328 Coelo, il ajoute : « Le corps de chaque esprit et de chaque ange est la forme de son amour.73 » Les trois notions de l’hom
3329 s de chaque esprit et de chaque ange est la forme de son amour.73 » Les trois notions de l’homme que l’on vient d’évoquer
3330 est la forme de son amour.73 » Les trois notions de l’homme que l’on vient d’évoquer nous apparaissent alors comme autant
3331 .73 » Les trois notions de l’homme que l’on vient d’ évoquer nous apparaissent alors comme autant de modèles d’une énergéti
3332 nt d’évoquer nous apparaissent alors comme autant de modèles d’une énergétique de l’amour, ou comme autant d’effets de son
3333 r nous apparaissent alors comme autant de modèles d’ une énergétique de l’amour, ou comme autant d’effets de son action con
3334 t alors comme autant de modèles d’une énergétique de l’amour, ou comme autant d’effets de son action configurante et compo
3335 les d’une énergétique de l’amour, ou comme autant d’ effets de son action configurante et composante. Et nous les voyons di
3336 énergétique de l’amour, ou comme autant d’effets de son action configurante et composante. Et nous les voyons différer d’
3337 urante et composante. Et nous les voyons différer d’ une manière subtile mais précise par la forme des rapports qu’elles im
3338 l’ego et le Soi. Observons que les trois partent d’ une dualité sans laquelle ni l’homme ni l’amour ne seraient même conce
3339 s, préalablement à tout jugement moral, il s’agit de la reconnaissance d’une bipolarité, d’une tension permanente entre l’
3340 ut jugement moral, il s’agit de la reconnaissance d’ une bipolarité, d’une tension permanente entre l’individu et le « vrai
3341 il s’agit de la reconnaissance d’une bipolarité, d’ une tension permanente entre l’individu et le « vrai moi ». (L’individ
3342 se des nations. Et cela vaut d’abord pour l’amour de soi-même, sans lequel point d’amour du prochain. Tous les moralistes
3343 abord pour l’amour de soi-même, sans lequel point d’ amour du prochain. Tous les moralistes du monde s’accordent avec les s
3344 ordent avec les spirituels dans leur condamnation de l’égoïsme, qui est l’impérialisme de l’ego naturel et sa fermeture au
3345 condamnation de l’égoïsme, qui est l’impérialisme de l’ego naturel et sa fermeture autarcique. Mais les motifs de cette co
3346 turel et sa fermeture autarcique. Mais les motifs de cette condamnation ne sont pas les mêmes : les moralistes jugent au n
3347 L’école chrétienne Dans une vue chrétienne de l’homme, l’amour de soi est le rapport positif entre l’individu et le
3348 ne Dans une vue chrétienne de l’homme, l’amour de soi est le rapport positif entre l’individu et le vrai moi. Le second
3349 nt un moi duel, au sein duquel l’amour s’instaure d’ une manière telle que s’aimer et aimer le prochain soit un même acte :
3350 e comme n’aurait pas son plein sens. Dans l’amour de soi-même, l’homme naturel s’ouvre à l’action du vrai moi spirituel et
3351 lui. C’est le vrai moi qui aime, qui est l’agent de l’amour. Ce vrai moi seul peut aimer le prochain, parce que seul il d
3352 imer, c’est soutenir, deviner, porter le meilleur de ce qu’on aime », disait Alain. Or le meilleur de l’autre — comme de s
3353 de ce qu’on aime », disait Alain. Or le meilleur de l’autre — comme de soi — est sa vocation singulière. Aimer le prochai
3354 , disait Alain. Or le meilleur de l’autre — comme de soi — est sa vocation singulière. Aimer le prochain dans sa personne,
3355 e, intégrant l’animique au spirituel, va toujours de personne à personne. Mais alors, d’où vient la personne ? Quel que so
3356 , va toujours de personne à personne. Mais alors, d’ où vient la personne ? Quel que soit le nom que lui ont donné les troi
3357 dans l’homme la personne. Si la plus haute valeur de l’Occident chrétien n’est pas la connaissance détachée mais le sacrif
3358 et si le sacrifice diffère du suicide — la nature de l’amour véritable l’explique seule. « Personne n’a un plus grand amou
3359 que seule. « Personne n’a un plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’il aime. » Se sacrifier pour l’autre aimé,
3360 par l’esprit. C’est rejoindre la forme immortelle de son être au travers d’une « mort à soi-même » transfigurante. Ce modè
3361 oindre la forme immortelle de son être au travers d’ une « mort à soi-même » transfigurante. Ce modèle de l’amour et du vra
3362 une « mort à soi-même » transfigurante. Ce modèle de l’amour et du vrai moi instaure le normal, le sublime, et la probléma
3363 staure le normal, le sublime, et la problématique de l’Occident chrétien. Il conditionne aussi les déviations de l’amour e
3364 ent chrétien. Il conditionne aussi les déviations de l’amour et les formes particulières que prennent en Occident certaine
3365 iées à tel point qu’il devient parfois impossible d’ en reconnaître ailleurs les homologues. En voici deux exemples extrême
3366 ples extrêmes. Le masochisme religieux, ou haine de soi. Dans son langage dramatique, saint Paul parle parfois de la hain
3367 son langage dramatique, saint Paul parle parfois de la haine de soi-même, formule reprise au pied de la lettre par tous l
3368 dramatique, saint Paul parle parfois de la haine de soi-même, formule reprise au pied de la lettre par tous les spirituel
3369 de la haine de soi-même, formule reprise au pied de la lettre par tous les spirituels de tendance ascétique, avec une com
3370 rise au pied de la lettre par tous les spirituels de tendance ascétique, avec une complaisance croissante. Je sais bien qu
3371 roissante. Je sais bien que la haine est l’envers de l’amour, mais comment l’amour fasciné par le désir de ce qu’il aime p
3372 ’amour, mais comment l’amour fasciné par le désir de ce qu’il aime peut-il haïr vraiment ce qu’il lui sacrifie ? Le masoch
3373 i sacrifie ? Le masochisme n’est-il pas le moment de retombement de l’âme frustrée, quand l’esprit qui l’appelait cesse de
3374 masochisme n’est-il pas le moment de retombement de l’âme frustrée, quand l’esprit qui l’appelait cesse de la diriger dan
3375 âme frustrée, quand l’esprit qui l’appelait cesse de la diriger dans son élan vers le vrai moi ? Elle voulait l’ange. Il l
3376  ? Elle voulait l’ange. Il lui reste la nostalgie d’ une fuite hors du moi naturel. Désormais le vieil homme est jugé : n’a
3377 u l’entraîner avec elle vers son bien et l’animer de son amour, l’âme l’accuse de volonté mauvaise. Mais elle sait bien qu
3378 son bien et l’animer de son amour, l’âme l’accuse de volonté mauvaise. Mais elle sait bien qu’ils ont partie liée, et qu’e
3379 lle mourra si elle le tue. Elle se contente alors de le maudire, de le traiter en « corps de mort », et leurs relations s’
3380 lle le tue. Elle se contente alors de le maudire, de le traiter en « corps de mort », et leurs relations s’empoisonnent. L
3381 nte alors de le maudire, de le traiter en « corps de mort », et leurs relations s’empoisonnent. La plupart des névroses di
3382 l’âme oppose au corps, vu comme signe et symbole de la « prison » du moi. Et c’est que l’âme avait rêvé d’une métamorphos
3383 « prison » du moi. Et c’est que l’âme avait rêvé d’ une métamorphose angélique, quand l’esprit lui demandait seulement d’o
3384 angélique, quand l’esprit lui demandait seulement d’ ordonner tout le moi terrestre et temporel à la vocation de l’amour. M
3385 r tout le moi terrestre et temporel à la vocation de l’amour. Mais celui qui se hait de cette manière ne peut pas aimer le
3386 à la vocation de l’amour. Mais celui qui se hait de cette manière ne peut pas aimer le prochain : il ne peut voir en lui
3387 corps lui paraît désirable, il sera parfois tenté d’ attribuer ce mouvement, né de l’instinct, à la révélation d’un amour a
3388 l sera parfois tenté d’attribuer ce mouvement, né de l’instinct, à la révélation d’un amour angélique. La passion romantiq
3389 r ce mouvement, né de l’instinct, à la révélation d’ un amour angélique. La passion romantique trouve ici sa genèse. Exalté
3390 trouve ici sa genèse. Exaltée jusqu’à la mystique de l’ascèse autopunitive, elle finit par confondre avec les exigences de
3391 tive, elle finit par confondre avec les exigences de la mort au faux-moi, l’instinct de mort… Contre cet ascétisme non-tra
3392 les exigences de la mort au faux-moi, l’instinct de mort… Contre cet ascétisme non-transfigurant, Nietzsche n’écrit pas s
3393 ui se hait lui-même, car nous serons les victimes de sa colère et de sa vengeance. Ayons donc soin de l’induire à l’amour
3394 ême, car nous serons les victimes de sa colère et de sa vengeance. Ayons donc soin de l’induire à l’amour de lui-même.74 »
3395 de sa colère et de sa vengeance. Ayons donc soin de l’induire à l’amour de lui-même.74 » L’érotisme sensuel est l’autre
3396 vengeance. Ayons donc soin de l’induire à l’amour de lui-même.74 » L’érotisme sensuel est l’autre extrême où se porte l’â
3397 procède du vrai moi et se dirige vers le vrai moi de l’autre. Mais il peut arriver qu’il s’arrête en chemin, que son élan
3398 élan vers la personne singulière retombe au plan de l’individuel, du générique. Capté par l’instinct qu’il excite au-delà
3399 de anesthésie, l’âme retombe alors dans les liens de l’instinct, qui est la puissance impersonnelle par excellence, et s’é
3400 nce, et s’épuise à s’en libérer par le changement de l’excitation, par le défi perpétuel aux attachements. C’est la libert
3401 e revendiquée par Don Juan contre les conventions de la morale commune — qu’il est déjà trop « spirituel » pour respecter
3402 mais aussi contre le respect du mystère exigeant de l’Autre qu’il n’est pas assez « spirituel » pour aimer. (Mais s’il l’
3403 ait assez, il retrouverait aussi la justification de certaines conventions, protégeant chez la brute et l’innocent les pre
3404 chez la brute et l’innocent les premières chances de l’esprit, — ou mettant à l’abri des atteintes de l’esprit l’indispens
3405 de l’esprit, — ou mettant à l’abri des atteintes de l’esprit l’indispensable tissu conjonctif de toutes les sociétés qui
3406 ntes de l’esprit l’indispensable tissu conjonctif de toutes les sociétés qui ne sont pas un ordre.) L’école iranienne
3407 ordre.) L’école iranienne Il n’existe plus de communauté humaine, d’unité de civilisation qui s’inspire du mazdéism
3408 nienne Il n’existe plus de communauté humaine, d’ unité de civilisation qui s’inspire du mazdéisme de Zarathoustra ; et
3409 Il n’existe plus de communauté humaine, d’unité de civilisation qui s’inspire du mazdéisme de Zarathoustra ; et nulle ne
3410 ’unité de civilisation qui s’inspire du mazdéisme de Zarathoustra ; et nulle ne s’inspira jamais de la mystique des soufis
3411 me de Zarathoustra ; et nulle ne s’inspira jamais de la mystique des soufis, et pour cause. Si je les fais intervenir ici,
3412 use. Si je les fais intervenir ici, c’est à titre d’ évocation d’une dimension virtuelle, intemporelle, et donc permanente
3413 es fais intervenir ici, c’est à titre d’évocation d’ une dimension virtuelle, intemporelle, et donc permanente de l’esprit 
3414 nsion virtuelle, intemporelle, et donc permanente de l’esprit : le mazdéisme et les soufis ont proposé des notions de l’ho
3415 e mazdéisme et les soufis ont proposé des notions de l’homme et de l’amour homologues aux notions chrétiennes, mais comme
3416 les soufis ont proposé des notions de l’homme et de l’amour homologues aux notions chrétiennes, mais comme transposées te
3417 chrétiennes, mais comme transposées terme à terme d’ un degré vers le « ciel » des archétypes : ainsi la dualité ego-vrai m
3418 s : ainsi la dualité ego-vrai moi y devient celle de l’âme et de son ange. Pour situer dans son vrai climat spirituel le p
3419 dualité ego-vrai moi y devient celle de l’âme et de son ange. Pour situer dans son vrai climat spirituel le personnalisme
3420 vrai climat spirituel le personnalisme essentiel de ces doctrines, citons ce verset du Coran (24-41) qui pose comme une c
3421 une clef musicale : « Chaque être connaît le mode de prière et de glorification qui lui est propre. » Toute personne s’ori
3422 cale : « Chaque être connaît le mode de prière et de glorification qui lui est propre. » Toute personne s’origine en Dieu,
3423 Dieu, qui l’a créée afin d’être connu par elle et de « devenir en elle l’objet de sa propre connaissance.75 » C’est donc e
3424 re connu par elle et de « devenir en elle l’objet de sa propre connaissance.75 » C’est donc en Dieu que tout amour peut re
3425 Dieu que tout amour peut reconnaître la personne de l’autre et l’aimer « comme soi-même », — comme étant née du même amou
3426 au regard de chaque amant… car il est impossible d’ aimer un être sans se représenter en lui la divinité. Un être n’aime e
3427 i la divinité. Un être n’aime en réalité personne d’ autre que son créateur.76 » Ibn Arabi distingue trois amours : l’amour
3428  : l’amour divin du Créateur pour sa créature, et d’ elle pour Lui ; l’amour spirituel « dont le siège est en la créature t
3429 t le siège est en la créature toujours à la quête de l’être dont elle découvre en elle l’Image, ou dont elle se découvre c
3430 in l’amour naturel, qui recherche la satisfaction de ses désirs sans souci de l’agrément de l’Aimé. « Et telle est hélas !
3431 echerche la satisfaction de ses désirs sans souci de l’agrément de l’Aimé. « Et telle est hélas ! dit Ibn Arabi, la manièr
3432 tisfaction de ses désirs sans souci de l’agrément de l’Aimé. « Et telle est hélas ! dit Ibn Arabi, la manière dont la plup
3433 it Ibn Arabi, la manière dont la plupart des gens d’ aujourd’hui comprennent l’amour.77 » Comment réconcilier l’amour natur
3434 que cette capacité révèle chez eux l’unification de leur double nature (le dénouement de la « conscience malheureuse » en
3435 ’unification de leur double nature (le dénouement de la « conscience malheureuse » en proie aux déchirements). » Telle est
3436 est donc la personne unifiée et tel est son amour de soi-même. Quant à l’amour-passion (ici, non romantique !) il se situe
3437 n romantique !) il se situe au point où le regard de l’âme reconnaît soudain dans l’Aimé cette Forme sensible du divin, ce
3438 e que l’âme peut aimer dans toutes les dimensions de l’amour unifié. L’Aimé n’est plus alors un simple objet — comme il es
3439 à faire exister dans l’être aimé, par l’efficace de son amour préfigurant. C’est précisément là que s’origine la plus hau
3440 écisément là que s’origine la plus haute fonction de l’amour humain, celle-là même qui assure la coalescence de ce que l’o
3441 r humain, celle-là même qui assure la coalescence de ce que l’on a désigné historiquement comme amour courtois et amour my
3442 r mystique. Car l’amour tend à la transfiguration de la figure aimée terrestre, en l’adossant à une lumière qui en fasse é
3443 s les virtualités surhumaines, jusqu’à l’investir de la fonction théophanique de l’Ange (ainsi en a-t-il été des Figures f
3444 s, jusqu’à l’investir de la fonction théophanique de l’Ange (ainsi en a-t-il été des Figures féminines célébrées par les F
3445 té des Figures féminines célébrées par les Fedeli d’ amore, compagnons de Dante ; ainsi en a-t-il été de celle qui apparut
3446 ines célébrées par les Fedeli d’amore, compagnons de Dante ; ainsi en a-t-il été de celle qui apparut à Ibn Arabi, à la Me
3447 ’amore, compagnons de Dante ; ainsi en a-t-il été de celle qui apparut à Ibn Arabi, à la Mekke, comme figure de la Sophia
3448 qui apparut à Ibn Arabi, à la Mekke, comme figure de la Sophia divine). L’analyse d’Ibn Arabi ne cesse de gagner en profon
3449 kke, comme figure de la Sophia divine). L’analyse d’ Ibn Arabi ne cesse de gagner en profondeur : que l’amant tende à conte
3450 la Sophia divine). L’analyse d’Ibn Arabi ne cesse de gagner en profondeur : que l’amant tende à contempler l’être aimé, à
3451 nt dans l’Aimé.78 On reconnaît ici les « notes » de l’amour du prochain selon Kierkegaard79, mais aussi selon Swedenborg 
3452 t-à-dire que chacun est le prochain en proportion de ce qu’il a quelque chose du Seigneur en lui ; or, comme nul ne reçoit
3453 hose du Seigneur en lui ; or, comme nul ne reçoit de la même manière le bien qui procède du Seigneur, il s’ensuit que l’un
3454 gneur, il s’ensuit que l’un n’est pas le prochain de la même manière que l’autre… ; il n’y a jamais chez deux personnes un
3455 chain, et chacun est le prochain selon la qualité de son amour.80 En dépit de tout ce qui distingue la transparence (parf
3456 ngue la transparence (parfois trompeuse) du latin de l’ingénieur-philosophe Swedenborg et la poésie dense de l’Arabe, l’ho
3457 ngénieur-philosophe Swedenborg et la poésie dense de l’Arabe, l’homologie des énoncés est indéniable. Si le symbolisme con
3458 tement comparable, comme le sont les trois formes de l’amour que manifeste cette structure. Mais « l’Imagination créatrice
3459 combien plus vivement l’unité première et finale de tout amour ! Peut-être aussi nous fera-t-elle entrevoir comment le my
3460 aussi nous fera-t-elle entrevoir comment le mythe de Tristan — en dépit du pseudo-bouddhisme tardivement emprunté par Wagn
3461 ysticisme soufi et même la « rencontre aurorale » de l’âme et de sa Dâenâ au pont Chinvat ? Et n’est-ce pas pour avoir dés
3462 ufi et même la « rencontre aurorale » de l’âme et de sa Dâenâ au pont Chinvat ? Et n’est-ce pas pour avoir désiré l’amour
3463 invat ? Et n’est-ce pas pour avoir désiré l’amour de l’Ange que les amants de la forêt du Morois en viennent à découvrir q
3464 our avoir désiré l’amour de l’Ange que les amants de la forêt du Morois en viennent à découvrir que c’est leur passion mêm
3465 vie », mais pour l’autre ? S’il est une « erreur de Tristan », motivant le malheur essentiel de sa passion, ce serait alo
3466 rreur de Tristan », motivant le malheur essentiel de sa passion, ce serait alors dans le mode de la transposition du « cie
3467 ntiel de sa passion, ce serait alors dans le mode de la transposition du « ciel » en Terre, et de l’Ange en la femme, que
3468 mode de la transposition du « ciel » en Terre, et de l’Ange en la femme, que l’on pourrait en pressentir l’ultime secret.
3469 s. Du même coup se trouvent évacués les problèmes de l’amour de soi-même et de l’amour de Dieu et du prochain : faute de p
3470 coup se trouvent évacués les problèmes de l’amour de soi-même et de l’amour de Dieu et du prochain : faute de protagoniste
3471 t évacués les problèmes de l’amour de soi-même et de l’amour de Dieu et du prochain : faute de protagonistes bien réels, c
3472 es problèmes de l’amour de soi-même et de l’amour de Dieu et du prochain : faute de protagonistes bien réels, ces problème
3473 t des sexes agissant fatalement sur des milliards d’ agrégats éphémères, combinés et défaits selon le cours des astres et l
3474 a morale sociale condamne radicalement l’adultère de la femme mariée ; mais ce n’est pas au nom de l’amour, on le pense bi
3475 e et du bouddhisme. S’il est vrai que « la notion de Moi n’a d’accès que dans la pensée des sots », comme le dit un texte
3476 ddhisme. S’il est vrai que « la notion de Moi n’a d’ accès que dans la pensée des sots », comme le dit un texte tibétain, l
3477 sots », comme le dit un texte tibétain, la notion de Toi ne vaut pas mieux. « La morale bouddhique, qui est une sorte d’hy
3478 mieux. « La morale bouddhique, qui est une sorte d’ hygiène spirituelle, tend à détruire, en nous, les causes de souffranc
3479 spirituelle, tend à détruire, en nous, les causes de souffrance pour autrui.83 » « On ne peut comprendre la nature de l’ul
3480 our autrui.83 » « On ne peut comprendre la nature de l’ultime réalité qu’après avoir détruit tout attachement inné ou acqu
3481 84 » Et le Bouddha lui-même : « Qui a cent sortes d’ amours a cent sortes de douleurs ; qui a un amour a une douleur ; qui
3482 même : « Qui a cent sortes d’amours a cent sortes de douleurs ; qui a un amour a une douleur ; qui n’a pas d’amour n’a pas
3483 eurs ; qui a un amour a une douleur ; qui n’a pas d’ amour n’a pas de douleur. » Si l’on s’en tient aux textes, la cause es
3484 amour a une douleur ; qui n’a pas d’amour n’a pas de douleur. » Si l’on s’en tient aux textes, la cause est entendue : l’A
3485 sique ne connaît pas l’amour, — j’entends l’amour de Dieu, de soi et du prochain, l’amour-passion, et même l’amour matrimo
3486 connaît pas l’amour, — j’entends l’amour de Dieu, de soi et du prochain, l’amour-passion, et même l’amour matrimonial. Mai
3487 x textes. On ajoutera peut-être qu’on ne voit pas de raisons pour que l’Orient réel soit plus conforme aux sermons du Boud
3488 l soit plus conforme aux sermons du Bouddha que l’ Europe au Sermon sur la Montagne. On aura tort. Car les grandes doctrines re
3489 aura tort. Car les grandes doctrines religieuses de l’Asie n’ont jamais été révolutionnaires. Elles n’ont jamais prétendu
3490 ents, par le régime des castes et la condamnation de toute curiosité du monde) ; d’autre part, en tant que doctrines, elle
3491 trines, elles proposent aux spirituels les moyens de s’en évader en dérangeant le moins de choses possible. Les religions
3492 les moyens de s’en évader en dérangeant le moins de choses possible. Les religions abrahamiques, au contraire, monothéist
3493 es à le transformer en vérité85. Elles provoquent d’ innombrables réactions. Il est par suite inévitable que l’existence ré
3494 as, jusqu’à nos jours, en Asie. Prenons l’exemple de l’érotisme. Le shivaïsme explique le cosmos tout entier en termes de
3495 termes de sexualité : il pose le désir à la base de tout. Nous ne désirons des choses que dans la mesure où elles nous pr
3496 curent une jouissance. La divinité n’est un objet d’ amour que parce qu’elle représente une volupté sans mélange… Le désir
3497 me n’existe que parce qu’il voit en elle la forme de son plaisir, la source de sa jouissance. Dans la joie de la possessio
3498 l voit en elle la forme de son plaisir, la source de sa jouissance. Dans la joie de la possession, la souffrance du désir
3499 plaisir, la source de sa jouissance. Dans la joie de la possession, la souffrance du désir est pour un instant apaisée… et
3500 ité. C’est cet amour qui est l’amour pur, l’amour de l’amour même, l’amour de l’Être-de-volupté transcendant.86 Kâma, le
3501 est l’amour pur, l’amour de l’amour même, l’amour de l’Être-de-volupté transcendant.86 Kâma, le dieu du plaisir érotique,
3502 ncore : « Celui qui cherche l’amour dans l’espoir d’ une jouissance est la victime du désir. Le sage accepte les plaisirs s
3503 expérience du divin, comparons-les aux diatribes d’ un saint Paul annonçant la « colère de Dieu, révélée du Ciel » contre
3504 x diatribes d’un saint Paul annonçant la « colère de Dieu, révélée du Ciel » contre les « impudiques » et les « infâmes »,
3505 e sont livrés à l’impureté, selon les convoitises de leur cœur ». Comparons le Shiva Purana, le Kamasutra, le Mahabharata,
3506 é et catégorie spirituelle. Dans les littératures de l’Asie, on trouvera peu d’exemples convaincants — pour ma part, je n’
3507 Dans les littératures de l’Asie, on trouvera peu d’ exemples convaincants — pour ma part, je n’en connais point — de ce qu
3508 vaincants — pour ma part, je n’en connais point — de ce que nous baptisons amour-passion, et l’on sait à quel point cette
3509 ur-passion, et l’on sait à quel point cette forme de l’amour est liée à ses expressions. La passion et l’amour mystique, l
3510 ntaux, posés à tous par les rigueurs mal tolérées de dogmes et de doctrines impératives, cependant que les voies de sagess
3511 à tous par les rigueurs mal tolérées de dogmes et de doctrines impératives, cependant que les voies de sagesse asiatiques
3512 de doctrines impératives, cependant que les voies de sagesse asiatiques sont seulement proposées, — à quelques-uns. Les re
3513 ulement proposées, — à quelques-uns. Les recettes de plaisir, ou d’immortalité par la rétention du semen, sont liées en As
3514 es, — à quelques-uns. Les recettes de plaisir, ou d’ immortalité par la rétention du semen, sont liées en Asie à la piété,
3515 Asie à la piété, tandis que nos coutumes viennent d’ un vieux fond païen et que notre hygiène moderne se veut « scientifiqu
3516 fique ». À cause de la nature du christianisme et de la nature de l’hindouisme ou du bouddhisme, la vie réelle de l’Occide
3517 use de la nature du christianisme et de la nature de l’hindouisme ou du bouddhisme, la vie réelle de l’Occident est en con
3518 e de l’hindouisme ou du bouddhisme, la vie réelle de l’Occident est en conflit avec la foi, tandis que la vie réelle de l’
3519 en conflit avec la foi, tandis que la vie réelle de l’Asie est en symbiose avec ses religions. Et si la symétrie de ces f
3520 en symbiose avec ses religions. Et si la symétrie de ces formules inquiète, revenons au quotidien banal, pris sur le vif :
3521 ve être un brahmane orthodoxe : « J’avais vécu en Europe , j’avais épousé une Européenne : apparemment, cela me donnait l’invra
3522 xe : « J’avais vécu en Europe, j’avais épousé une Européenne  : apparemment, cela me donnait l’invraisemblable privilège de compren
3523 ment, cela me donnait l’invraisemblable privilège de comprendre les choses de l’amour.89 » Ceci encore, le cliché Orient-
3524 nvraisemblable privilège de comprendre les choses de l’amour.89 » Ceci encore, le cliché Orient-Occident = non-moi-person
3525 e moins cours en Orient que dans certains milieux d’ Europe et d’Amérique sérieusement éperdus de sagesse asiatique, me par
3526 moins cours en Orient que dans certains milieux d’ Europe et d’Amérique sérieusement éperdus de sagesse asiatique, me paraît ap
3527 s en Orient que dans certains milieux d’Europe et d’ Amérique sérieusement éperdus de sagesse asiatique, me paraît appeler
3528 lieux d’Europe et d’Amérique sérieusement éperdus de sagesse asiatique, me paraît appeler deux remarques, à vrai dire d’in
3529 ue, me paraît appeler deux remarques, à vrai dire d’ inégale importance, et qu’on voudrait déconcertantes. 1. Précaution de
3530 , et qu’on voudrait déconcertantes. 1. Précaution de méthode dialectique. — Au défi de dogmes sublimes et qui prétendent t
3531 . 1. Précaution de méthode dialectique. — Au défi de dogmes sublimes et qui prétendent transfigurer la vie concrète, l’Occ
3532 ses résistances naturelles, et qui font l’intérêt de sa vie amoureuse. Mais l’Orient se contente de proposer des voies aux
3533 êt de sa vie amoureuse. Mais l’Orient se contente de proposer des voies aux Renonçants (ou sannyasins) qui ont épuisé la c
3534 s) qui ont épuisé la coupe, ou la dédaignent. Pas de drame, encore moins de tragique, et surtout pas de tout ou rien, mais
3535 upe, ou la dédaignent. Pas de drame, encore moins de tragique, et surtout pas de tout ou rien, mais d’innombrables variété
3536 e drame, encore moins de tragique, et surtout pas de tout ou rien, mais d’innombrables variétés dans l’approche de l’ultim
3537 de tragique, et surtout pas de tout ou rien, mais d’ innombrables variétés dans l’approche de l’ultime réalité. Où nous ver
3538 ien, mais d’innombrables variétés dans l’approche de l’ultime réalité. Où nous verrions contradiction, antinomie, ils ne m
3539 nces ne s’opposent pas. S’il arrive que certaines de leurs croyances semblent bien se confondre avec les nôtres (semblent
3540 (semblent bien affirmer, par exemple, la réalité de la personne ou du prochain) on n’en saurait déduire qu’elles excluent
3541 aire, ou que l’on s’était mépris sur le vrai sens de leurs affirmations répétées du contraire (comme la non-existence du m
3542 la non-existence du moi). Illustrons cela. L’idée de vocation personnelle accomplie aux dépens de l’individu est loin d’êt
3543 nelle accomplie aux dépens de l’individu est loin d’ être absente de la Bhagavad-Gita : Sois détaché et accomplis l’action
3544 aux dépens de l’individu est loin d’être absente de la Bhagavad-Gita : Sois détaché et accomplis l’action qui est ton de
3545 t, vaut mieux que le devoir parfaitement accompli d’ un autre. Le dharma d’un autre est plein de dangers. (III, 35) Et dan
3546 evoir parfaitement accompli d’un autre. Le dharma d’ un autre est plein de dangers. (III, 35) Et dans les upanishads : La
3547 compli d’un autre. Le dharma d’un autre est plein de dangers. (III, 35) Et dans les upanishads : La vie n’a servi de rien
3548 I, 35) Et dans les upanishads : La vie n’a servi de rien à celui qui quitte ce monde sans avoir réalisé son propre monde
3549 on non accomplie. (Brihad-âranyaka Up.) La notion de l’amour du prochain, et l’injonction évangélique d’aimer aussi son en
3550 l’amour du prochain, et l’injonction évangélique d’ aimer aussi son ennemi ne sont pas absentes du bouddhisme car l’ennemi
3551 enseigna le zen à toutes les Amériques dégoûtées de l’Occident, et de plus en plus à l’Europe, va jusqu’à dire que la mét
3552 s dégoûtées de l’Occident, et de plus en plus à l’ Europe , va jusqu’à dire que la méthode bouddhiste « consiste à transformer É
3553 philosophie sans dogmatique. Nous parlerons alors d’ inconséquence logique ? Mais notre science n’a-t-elle pas inventé plus
3554 cés spirituels correspondant à différents niveaux d’ évolution, à différents degrés d’éveil de la conscience… 2. Mise en qu
3555 fférents niveaux d’évolution, à différents degrés d’ éveil de la conscience… 2. Mise en question par l’expérience vécue. — 
3556 niveaux d’évolution, à différents degrés d’éveil de la conscience… 2. Mise en question par l’expérience vécue. — Dans le
3557 question par l’expérience vécue. — Dans le roman de Raja Rao qu’on vient de citer, cette sentence d’un upanishad reparaît
3558 de Raja Rao qu’on vient de citer, cette sentence d’ un upanishad reparaît à plusieurs reprises : En vérité, à quoi se rapp
3559 reprises : En vérité, à quoi se rapporte l’amour d’ un mari pour sa femme ? Non point à la femme, mais en vérité au Soi qu
3560 lle phrase, j’éprouve d’abord ceci : le sentiment d’ une immédiate et vive reconnaissance. Car toute vérité sur l’amour est
3561 atement reconnue par celui qui s’est mis en quête d’ un savoir de l’amour qu’il vit. N’importe qui m’avertira que le Soi de
3562 nnue par celui qui s’est mis en quête d’un savoir de l’amour qu’il vit. N’importe qui m’avertira que le Soi de l’Inde n’es
3563 ur qu’il vit. N’importe qui m’avertira que le Soi de l’Inde n’est pas le vrai Dieu des chrétiens, qui est personnel. On co
3564 artir de là que nos questions deviennent capables de réponses. Sur cette phrase des upanishads, sur le dialogue qui peut s
3565 ds, sur le dialogue qui peut s’instituer à partir d’ expériences re-connues, on pourrait écrire tout un livre. (Mais si c’é
3566 nnu tout d’abord en soi-même — le vrai moi, sujet de l’amour, et l’aider à prendre conscience de ce qu’il est ou peut deve
3567 sujet de l’amour, et l’aider à prendre conscience de ce qu’il est ou peut devenir. N’est-ce pas l’aider à réfléchir la lum
3568 enir. N’est-ce pas l’aider à réfléchir la lumière de l’amour créateur ? Non, ce serait là trop dire, et pas assez. Aimer,
3569 pas assez. Aimer, c’est aider l’autre à se situer de telle manière que la lumière se voie en lui, mais qu’en même temps le
3570 se voie en lui, mais qu’en même temps le vrai moi de l’amant s’y découvre, autrement éclairé, et par là subtilement changé
3571 -ce le Nom qu’on lui donne qui diffère, — ou quoi d’ autre ? Le point du dialogue est ici. Un point seulement, sans étendue
3572 re : l’Occidental ou l’Oriental. Tous les risques d’ erreur sont de notre côté, nous les payons par les névroses ou l’abêti
3573 tal ou l’Oriental. Tous les risques d’erreur sont de notre côté, nous les payons par les névroses ou l’abêtissement spirit
3574 out ce qui existe ; (à tel point que le seul fait d’ exister devient pour eux l’équivalent de notre péché originel). Ils en
3575 seul fait d’exister devient pour eux l’équivalent de notre péché originel). Ils en ont fait autant pour les névroses qui s
3576 tout entier semble résulter — selon leurs sages — d’ une gigantesque schizophrénie du Soi. (Mais il sera finalement résorbé
3577 Tout est le contraire du drame. Tous les risques d’ erreur sont liés à notre amour ; et plus l’amour est passionné, exigea
3578 royons aimer en elle, est-ce elle-même ou l’image de notre ange ? Ce que nous avons cru voir en elle, et que nous déifions
3579 alystes nous l’ont dit : l’erreur sur la personne de l’être aimé est la source des pires conflits, une violence faite à l’
3580 ce des pires conflits, une violence faite à l’âme de l’autre, à son corps ou à son esprit — ou encore à son moi total non
3581 imer mieux, c’est apprendre à discerner la raison d’ être — donc d’être unique — de l’autre aimé, comme de soi-même. Ce cor
3582 est apprendre à discerner la raison d’être — donc d’ être unique — de l’autre aimé, comme de soi-même. Ce corps visible que
3583 discerner la raison d’être — donc d’être unique — de l’autre aimé, comme de soi-même. Ce corps visible que vient animer un
3584 tre — donc d’être unique — de l’autre aimé, comme de soi-même. Ce corps visible que vient animer un mouvement singulier et
3585 vient animer un mouvement singulier et fascinant de l’être… « Aimer ce que jamais on ne verra deux fois ! » — Aimer, c’es
3586 on « Dieu » dans ses créatures, puisqu’il est dit de Lui qu’il est amour. — Mais Dieu pour nous est une Personne, et nous
3587 tout en tous ». Depuis six millénaires, les sages de l’Asie n’ont pas varié dans leur croyance à la dualité de l’Un et du
3588 e n’ont pas varié dans leur croyance à la dualité de l’Un et du Multiple, dualité finalement illusoire puisqu’un jour — do
3589 une trace, comme n’ayant pas eu lieu. Le triomphe de ces spirituels et de leur eschatologie se confondra ce jour-là avec l
3590 ant pas eu lieu. Le triomphe de ces spirituels et de leur eschatologie se confondra ce jour-là avec l’aboutissement d’un p
3591 ogie se confondra ce jour-là avec l’aboutissement d’ un processus entièrement matériel calculé par la science occidentale :
3592 es plans poétique et religieux du Second principe de la thermodynamique. L’autre moitié de l’humanité croit dur comme fer
3593 nd principe de la thermodynamique. L’autre moitié de l’humanité croit dur comme fer à la réalité tangible, insuffisante, p
3594 e fer à la réalité tangible, insuffisante, pleine de mystères, des apparences actuelles, qu’elle s’évertue en conséquence
3595 la vie et contre l’entropie94. Elle ne sait plus d’ où lui vient cette passion qui a produit la technique et les sciences,
3596 homme et une extraordinaire avidité. Le sens réel de l’aventure échappe à la majorité de ceux qu’elle entraîne. Et il est
3597 Le sens réel de l’aventure échappe à la majorité de ceux qu’elle entraîne. Et il est vrai qu’on ne saurait guère le conce
3598 ’on ne saurait guère le concevoir sans une vision de sa fin anticipée. La petite phrase de saint Paul au début de notre èr
3599 une vision de sa fin anticipée. La petite phrase de saint Paul au début de notre ère, « Dieu tout en tous », d’un seul tr
3600 nticipée. La petite phrase de saint Paul au début de notre ère, « Dieu tout en tous », d’un seul trait fulgurant décrit ce
3601 aul au début de notre ère, « Dieu tout en tous », d’ un seul trait fulgurant décrit cette fin. Dès lors, au duel de l’Un et
3602 ait fulgurant décrit cette fin. Dès lors, au duel de l’Un et du Multiple est substitué le drame de l’Un et des Uniques : —
3603 uel de l’Un et du Multiple est substitué le drame de l’Un et des Uniques : — à l’anéantissement final dans l’unisson, l’ha
3604 l’anéantissement final dans l’unisson, l’harmonie d’ un chœur infini ; — à la régressive extinction des différences éphémèr
3605 — à l’individuel aboli par une longue aspiration de l’Atman, le personnel éternisé par l’effort vivifiant de l’Imaginatio
3606 man, le personnel éternisé par l’effort vivifiant de l’Imagination. Ce sont là deux doctrines, deux vues des spirituels. Q
3607 es spirituels. Quelle est la vraie ? Si les sages de l’Orient ont raison, personne ne pourra le vérifier à la consommation
3608 eux Créations totalement insensées. Si les saints de l’Occident ont raison, ils seront seuls à être là pour le savoir. La
3609 e sera celle que nous choisirons, en vérité vécue de conscience et d’action. Les résultats actuels et historiques sont amb
3610 nous choisirons, en vérité vécue de conscience et d’ action. Les résultats actuels et historiques sont ambigus à l’infini,
3611 l’ignorance malheureuse des origines et des fins de ce qu’ils croient, bien qu’ils en vivent plus ou moins bien, et même
3612 ’Orient est resté jusqu’ici, et que ces doctrines d’ extinction n’ont pas tué l’illusion du moi ; au contraire, ce moi sans
3613 aloir ses revendications, par plusieurs centaines de millions de bouches à nourrir, et demain de cerveaux à diriger. Nous
3614 vendications, par plusieurs centaines de millions de bouches à nourrir, et demain de cerveaux à diriger. Nous pressentons
3615 aines de millions de bouches à nourrir, et demain de cerveaux à diriger. Nous pressentons dans la terreur et l’espérance c
3616 t peut devenir : soit s’engloutir dans l’Illusion de la matière (et l’Orient aurait eu raison), soit accomplir sa vocation
3617 iffrer l’Être dans le singulier et les structures de l’énergie universelle. Car c’est au secret des personnes que nous ten
3618 ar c’est au secret des personnes que nous tentons d’ écouter la Personne, mais c’est dans la matière que nous cherchons le
3619 « un ardent désir, attend la révélation des fils de Dieu ». (Romains 8). Et saint Justin, l’œcuménique du iie siècle, os
3620 t Justin, l’œcuménique du iie siècle, ose parler d’ un salut de la Matière. À force de l’étreindre de ses mains, de la mes
3621 ’œcuménique du iie siècle, ose parler d’un salut de la Matière. À force de l’étreindre de ses mains, de la mesurer par la
3622 d’un salut de la Matière. À force de l’étreindre de ses mains, de la mesurer par la vue, de la dissoudre et de la recompo
3623 la Matière. À force de l’étreindre de ses mains, de la mesurer par la vue, de la dissoudre et de la recomposer, de l’épie
3624 étreindre de ses mains, de la mesurer par la vue, de la dissoudre et de la recomposer, de l’épier dans sa vie secrète, com
3625 ins, de la mesurer par la vue, de la dissoudre et de la recomposer, de l’épier dans sa vie secrète, comme l’alchimiste, ce
3626 par la vue, de la dissoudre et de la recomposer, de l’épier dans sa vie secrète, comme l’alchimiste, cette matière du cos
3627 alchimiste, cette matière du cosmos en expansion, de l’atome élusif, des corps vivants, l’homme d’Occident ne cherche pas
3628 on, de l’atome élusif, des corps vivants, l’homme d’ Occident ne cherche pas seulement à dévoiler ses lois secrètes, mais à
3629 est dans l’individuel, et l’Être dans les raisons d’ être des uniques. Or ce choix est celui de l’amour, de la connaissance
3630 raisons d’être des uniques. Or ce choix est celui de l’amour, de la connaissance par l’amour, car tout ce qui existe est u
3631 re des uniques. Or ce choix est celui de l’amour, de la connaissance par l’amour, car tout ce qui existe est unique, à voi
3632 ’amour, car tout ce qui existe est unique, à voir de près, comme voit l’amour. 60. Cf. Charles Baudoin, Découverte de l
3633 t l’amour. 60. Cf. Charles Baudoin, Découverte de la Personne, 1940, p. 22. Cet ouvrage est le meilleur exposé du perso
3634 si Ch. Baudoin me paraît un peu trop pessimiste, de son propre point de vue, D. T. Suzuki passe la mesure dans l’autre se
3635 Corbin, L’Imagination créatrice dans le soufisme d’ Ibn Arabi, 1958, p. 28 et 50. 62. Ibid., p. 131. 63. Henry Corbin,
3636 p. 131. 63. Henry Corbin, Terre céleste et corps de résurrection, 1960, p. 31. 64. Sur les solutions proposées à ce prob
3637 Alexandra David-Neel donne une Parabole tibétaine de la « personne » dans l’op. cit. « Une “personne” ressemble à une asse
3638 Une “personne” ressemble à une assemblée composée d’ une quantité de membres. La discussion ne cesse jamais. Parfois, un de
3639 ressemble à une assemblée composée d’une quantité de membres. La discussion ne cesse jamais. Parfois, un de ses membres se
3640 mbres. La discussion ne cesse jamais. Parfois, un de ses membres se lève, prononce un discours, préconise une action ; ses
3641 qu’il a proposé. D’autres fois, plusieurs membres de l’assemblée se lèvent ensemble, proposent des choses différentes et c
3642 emble, proposent des choses différentes et chacun d’ eux appuie ses propositions sur des raisons particulières. On en vient
3643 collègues. Il advient aussi que certains membres de l’assemblée la quittent d’eux-mêmes ; d’autres sont graduellement pou
3644 i que certains membres de l’assemblée la quittent d’ eux-mêmes ; d’autres sont graduellement poussés au-dehors et d’autres,
3645 ssés au-dehors et d’autres, encore, sont expulsés de force par leurs collègues. Pendant ce temps, de nouveaux venus s’intr
3646 s de force par leurs collègues. Pendant ce temps, de nouveaux venus s’introduisent dans l’assemblée, soit en s’y glissant
3647 s portes. On remarque encore que certains membres de l’assemblée dépérissent lentement ; leur voix devient faible, on fini
3648 finissent par s’instituer dictateurs. Les membres de cette assemblée, ce sont les éléments physiques et mentaux qui consti
3649 nos idées, nos croyances, nos désirs, etc. Chacun de ceux-ci se trouve être, de par les causes qui l’ont engendré, le desc
3650 s qui l’ont engendré, le descendant et l’héritier de multiples lignes de causes, de multiples séries de phénomènes remonta
3651 , le descendant et l’héritier de multiples lignes de causes, de multiples séries de phénomènes remontant loin dans le pass
3652 dant et l’héritier de multiples lignes de causes, de multiples séries de phénomènes remontant loin dans le passé et dont l
3653 e multiples lignes de causes, de multiples séries de phénomènes remontant loin dans le passé et dont les traces se perdent
3654 t dont les traces se perdent dans les profondeurs de l’éternité. » Nous connaissons assez bien cela en Occident. Bismarck
3655 n Occident. Bismarck écrit : « Faust se plaignait d’ avoir deux âmes en lui. J’ai en moi une foule d’âmes turbulentes. Et t
3656 t d’avoir deux âmes en lui. J’ai en moi une foule d’ âmes turbulentes. Et tout se passe comme dans une république. » À rega
3657 est forme dominante et gouvernante. Si on tentait de l’observer à l’aide d’un microscope, l’éléphant lui aussi ne serait p
3658 gouvernante. Si on tentait de l’observer à l’aide d’ un microscope, l’éléphant lui aussi ne serait plus qu’une vaste illusi
3659 plus qu’une vaste illusion. 70. Les Questions de Milinda (Milindahunha), ier siècle A.D. Milinda est le roi indo-grec
3660  304-305. 73. Ces deux phrases sont à rapprocher de cette vue d’un soufi : « Le paradis du gnostique fidèle, c’est son co
3661 . Ces deux phrases sont à rapprocher de cette vue d’ un soufi : « Le paradis du gnostique fidèle, c’est son corps même, et
3662 nostique fidèle, c’est son corps même, et l’enfer de l’homme sans foi ni connaissance c’est également son corps même. » (C
3663 Corbin, L’Imagination créatrice dans le soufisme d’ Ibn Arabi, p. 88. 76. Ibn Arabi, in Henry Corbin, op. cit., p. 111.
3664 qu’aux yeux de celui qui nie l’âme ; mais alors, d’ où viendrait cet amour, à qui irait-il ? La passion de Tristan est la
3665 viendrait cet amour, à qui irait-il ? La passion de Tristan est la preuve de l’âme, s’il en fut jamais. 82. Katha upanis
3666 ui irait-il ? La passion de Tristan est la preuve de l’âme, s’il en fut jamais. 82. Katha upanishad. 83. Alexandra David
3667 t la vraie religion.” (La vraie ! Aux autres, pas de bonjour.) » 86. Lingopasanârahasya. 87. Alain Daniélou, Le Polythé
3668 rien dans la littérature qui confronte avec plus de tendresse et de rigueur l’Est et l’Ouest. Lire aussi, mais c’est beau
3669 ttérature qui confronte avec plus de tendresse et de rigueur l’Est et l’Ouest. Lire aussi, mais c’est beaucoup moins tendr
3670 pour les deux, c’est même féroce, le chef-d’œuvre d’ Henri Michaux, Un Barbare en Asie. Lire enfin de Rudolf Kassner, Le Li
3671 e d’Henri Michaux, Un Barbare en Asie. Lire enfin de Rudolf Kassner, Le Livre de ma Vie. Puis aller en Inde et sentir l’in
3672 e en Asie. Lire enfin de Rudolf Kassner, Le Livre de ma Vie. Puis aller en Inde et sentir l’innombrable, le « corps magiqu
3673 uteur ne vienne ici à la rencontre des catégories de L’Amour et l’Occident un peu plus qu’il ne serait souhaitable, de s
3674 ccident un peu plus qu’il ne serait souhaitable, de son propre point de vue. 91. On pourra retrouver ce passage dans la
3675 es empruntées comme plusieurs autres ici au roman de Raja Rao, Le Serpent et la Corde. 93. Pierre Teilhard de Chardin, La
3676 Corde. 93. Pierre Teilhard de Chardin, La Route de l’Ouest (inédit). 94. Il serait peut-être fécond d’interpréter le pr
3677 l’Ouest (inédit). 94. Il serait peut-être fécond d’ interpréter le principe de Carnot-Clausius (accroissement général de l
3678 serait peut-être fécond d’interpréter le principe de Carnot-Clausius (accroissement général de l’entropie, mort lumineuse)
3679 rincipe de Carnot-Clausius (accroissement général de l’entropie, mort lumineuse) en termes de métaphysique orientale, et l
3680 termes de métaphysique orientale, et le principe d’ exclusion de Pauli (individuation des électrons, conditionnant la « vi
3681 étaphysique orientale, et le principe d’exclusion de Pauli (individuation des électrons, conditionnant la « vie ») en term
3682 co y aura sans doute pensé. av. Rougemont Denis de , « La personne, l’ange et l’absolu, ou le dialogue Occident-Orient »,