1
Les Éléments
de
la grandeur humaine, par Rudolf Kassner (octobre 1931)a Si l’exist
2
sner (octobre 1931)a Si l’existence — le degré
d’
être — se mesure au pouvoir d’incarner sa vérité, le mal du siècle c’e
3
xistence — le degré d’être — se mesure au pouvoir
d’
incarner sa vérité, le mal du siècle c’est l’impuissance. La proie de
4
é, le mal du siècle c’est l’impuissance. La proie
de
désirs divergents qui prennent rarement assez de violence pour nous d
5
de désirs divergents qui prennent rarement assez
de
violence pour nous déchirer jusqu’au salut, et dont la composante rée
6
t dont la composante réelle tend vers zéro, c’est
d’
une philosophie de l’existence personnelle qu’avant tout nous avons be
7
te réelle tend vers zéro, c’est d’une philosophie
de
l’existence personnelle qu’avant tout nous avons besoin. Kierkegaard
8
ion parmi les forces spirituelles qui orientent l’
Europe
d’aujourd’hui. La France ne l’ignorera plus longtemps. Quant à l’Alle
9
mi les forces spirituelles qui orientent l’Europe
d’
aujourd’hui. La France ne l’ignorera plus longtemps. Quant à l’Allemag
10
elle s’est depuis plusieurs années déjà pénétrée
de
cette philosophie, ainsi qu’en témoigne l’accueil fait à la pensée d’
11
, ainsi qu’en témoigne l’accueil fait à la pensée
d’
un Karl Barth, génial disciple du Danois, et dont il est grand temps q
12
us traduise quelques essais théologiques. L’œuvre
de
Rudolf Kassner, de moindre envergure — à cause de sa rareté et de son
13
s essais théologiques. L’œuvre de Rudolf Kassner,
de
moindre envergure — à cause de sa rareté et de son aristocratisme ess
14
r, de moindre envergure — à cause de sa rareté et
de
son aristocratisme essentiel — mais non de moindre profondeur, manife
15
eté et de son aristocratisme essentiel — mais non
de
moindre profondeur, manifeste elle aussi l’emprise de l’« Existenzphi
16
oindre profondeur, manifeste elle aussi l’emprise
de
l’« Existenzphilosophie » et son extrême conséquence. Dans la mesure
17
Dans la mesure même où Kassner se montre disciple
de
Kierkegaard, sa pensée paraît réfractaire à toute description, car el
18
définis que par leurs rapports mutuels et tirent
de
cette interdépendance leur valeur originale. Kassner reprend un des t
19
ssentiels du préromantisme allemand, l’opposition
de
l’antique et du moderne, non du point de vue littéraire comme on le f
20
tales (problème que notre xviie siècle se devait
de
ne pas poser). L’homme antique peut atteindre la grandeur parce qu’il
21
s la démesure, et lorsqu’il « veut prendre mesure
de
lui-même, il se sent aussitôt incomplet et coupable. Il est donc poss
22
sitôt incomplet et coupable. Il est donc possible
de
dire que le péché est la mesure du démesuré, et que pour le chrétien
23
du démesuré, et que pour le chrétien il n’est pas
d’
autre grandeur ». Ainsi le chrétien existe en tant que le péché crée u
24
omme sans mesure naturelle : s’il ne retrouve pas
de
loi interne et de tension par le péché, il n’est plus qu’un être sans
25
aturelle : s’il ne retrouve pas de loi interne et
de
tension par le péché, il n’est plus qu’un être sans destinée, un « in
26
st crevassée et divisée. Son œuvre souvent pleine
de
charme mais sans forme et sans but, peut bien nous stimuler, mais ne
27
on vient de l’intérieur. Il ne peut jamais sortir
de
son moi sans trahison et chaque manifestation de son essence intime r
28
de son moi sans trahison et chaque manifestation
de
son essence intime ressemble par quelque côté à un outrage, voire à u
29
ne impudeur. » À l’opposition du Beau objectif et
de
l’Intéressant sentimental qui pour Schiller et surtout pour Schlegel
30
hiller et surtout pour Schlegel symbolisait celle
de
l’antique et du moderne, Kassner répondrait aujourd’hui par l’opposit
31
, Kassner répondrait aujourd’hui par l’opposition
de
la grandeur mesurée et de l’indiscrétion journalistique. La férocité
32
rd’hui par l’opposition de la grandeur mesurée et
de
l’indiscrétion journalistique. La férocité réfléchie qui préside à so
33
. La férocité réfléchie qui préside à son analyse
de
l’indiscret nous vaut une description inégalable du mal du siècle. Ic
34
-il reconnaître à ce seul philosophe le privilège
d’
avoir parlé sans complicité de ce qui nous détruit : Rudolf Kassner do
35
osophe le privilège d’avoir parlé sans complicité
de
ce qui nous détruit : Rudolf Kassner donne la sensation à peu près un
36
donne la sensation à peu près unique en ce temps
d’
une pensée autoritaire. Entendons que pour lui, penser n’est pas se dé
37
plus s’ingénier sur des idées et des combinaisons
d’
idées mais créer de tout son être spirituel des faits nouveaux et vrai
38
des idées et des combinaisons d’idées mais créer
de
tout son être spirituel des faits nouveaux et vrais, dans un certain
39
vrais, dans un certain style. Car il n’est point
de
vérité sans forme. Quelques pages étranges et puissantes sur les chim
40
ues pages étranges et puissantes sur les chimères
de
Notre-Dame illustrent ce réalisme de la forme, hors de quoi il n’est
41
les chimères de Notre-Dame illustrent ce réalisme
de
la forme, hors de quoi il n’est qu’indiscrétion, et qui livre la clef
42
oi il n’est qu’indiscrétion, et qui livre la clef
de
la pensée de Kassner, comme aussi de son apparente obscurité1. Il fau
43
u’indiscrétion, et qui livre la clef de la pensée
de
Kassner, comme aussi de son apparente obscurité1. Il faut savoir être
44
ivre la clef de la pensée de Kassner, comme aussi
de
son apparente obscurité1. Il faut savoir être secret pour penser avec
45
ut savoir taire ce qui permettrait aux indiscrets
de
comprendre intellectuellement sans « réaliser ». Il faut que les pens
46
Une pensée neuve ne saurait être comprise à moins
d’
être recréée dans sa forme — ce dont certaine clarté dispense le lecte
47
aussi que l’indiscret est celui qui se préoccupe
de
défendre plutôt que d’illustrer. Ainsi selon Kierkegaard, le premier
48
est celui qui se préoccupe de défendre plutôt que
d’
illustrer. Ainsi selon Kierkegaard, le premier homme qui s’avisa de dé
49
i selon Kierkegaard, le premier homme qui s’avisa
de
défendre la religion mériterait-il d’être appelé Judas numéro deux. C
50
qui s’avisa de défendre la religion mériterait-il
d’
être appelé Judas numéro deux. Car il ne s’agit pas de professer une c
51
re appelé Judas numéro deux. Car il ne s’agit pas
de
professer une chose mais d’être la chose. Le rare, c’est que chez Kas
52
Car il ne s’agit pas de professer une chose mais
d’
être la chose. Le rare, c’est que chez Kassner comme chez Kierkegaard,
53
omme chez Kierkegaard, cette présence s’accommode
d’
une ironie qui chez d’autres serait plutôt le fait du détachement. Une
54
s, qui les fouille et les purifie, une ironie née
de
la rigueur et non du scepticisme2. Le dialogue de Laurence Sterne et
55
de la rigueur et non du scepticisme2. Le dialogue
de
Laurence Sterne et du recteur Krooks sur Judas et la Parole est à cet
56
eur Krooks sur Judas et la Parole est à cet égard
d’
une saveur particulièrement riche et complexe. (« … les bavards ne tir
57
riche et complexe. (« … les bavards ne tirent pas
d’
eux-mêmes toutes les paroles qu’ils profèrent ; ils les reçoivent des
58
les reçoivent des prophètes ; s’il n’y avait pas
de
prophètes, les bavards seraient peut-être des créatures très silencie
59
filantes. ») Mais plus encore que leur conception
de
l’« existence » et que leur ironie, ce qui rapproche Kassner et son m
60
tragique du péché. Le Lépreux, journal apocryphe
de
l’empereur Alexandre Ier de Russie, n’est qu’une suite de méditations
61
ereur Alexandre Ier de Russie, n’est qu’une suite
de
méditations sur le thème du tout-ou-rien moral qui caractérise Kierke
62
ui caractérise Kierkegaard. L’on y trouvera moins
de
paradoxe et plus de délectation peut-être, une acuité lente de la réf
63
egaard. L’on y trouvera moins de paradoxe et plus
de
délectation peut-être, une acuité lente de la réflexion, un alliage p
64
t plus de délectation peut-être, une acuité lente
de
la réflexion, un alliage précieux de hauteur, de rigueur et de pitié
65
acuité lente de la réflexion, un alliage précieux
de
hauteur, de rigueur et de pitié humaine, une retenue presque solennel
66
de la réflexion, un alliage précieux de hauteur,
de
rigueur et de pitié humaine, une retenue presque solennelle mais qui
67
on, un alliage précieux de hauteur, de rigueur et
de
pitié humaine, une retenue presque solennelle mais qui sans cesse frô
68
en sournoise malice. On ne peut dire précisément
de
Kassner qu’il réfute ses adversaires — Freud en particulier, dans Chr
69
t et l’âme du monde — mais bien plutôt qu’à force
d’
approfondir leur domaine propre, il les mine et les ruine intérieureme
70
le est la forme des dialogues où culmine son art.
De
ces dialogues, où chaque interlocuteur, tour à tour, atteint à l’expr
71
à tour, atteint à l’expression la plus virulente
de
sa vérité — si bien que la conclusion ne peut être qu’implicite et fo
72
conclusion ne peut être qu’implicite et fonction
d’
une hiérarchie de valeurs, non de la seule exactitude des pensées —, n
73
ut être qu’implicite et fonction d’une hiérarchie
de
valeurs, non de la seule exactitude des pensées —, nous connaissons l
74
cite et fonction d’une hiérarchie de valeurs, non
de
la seule exactitude des pensées —, nous connaissons le modèle immorte
75
—, nous connaissons le modèle immortel, le Livre
de
Job. Il serait curieux d’en suivre la filiation, jusqu’au Soulier de
76
dèle immortel, le Livre de Job. Il serait curieux
d’
en suivre la filiation, jusqu’au Soulier de Satin de Claudel : ce sera
77
urieux d’en suivre la filiation, jusqu’au Soulier
de
Satin de Claudel : ce serait une sorte de généalogie du réalisme poét
78
en suivre la filiation, jusqu’au Soulier de Satin
de
Claudel : ce serait une sorte de généalogie du réalisme poétique. 1
79
Soulier de Satin de Claudel : ce serait une sorte
de
généalogie du réalisme poétique. 1. Obscurité : Kassner ne pose pas
80
al. 2. Ici encore, on ne peut opposer ce concept
d’
ironie qu’à celui que formulèrent les romantiques allemands. Rien de c
81
i que formulèrent les romantiques allemands. Rien
de
commun avec un Renan, un France. a. Rougemont Denis de, « [Compte r
82
un avec un Renan, un France. a. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Rudolf Kassner, Les Éléments de la grandeur humaine
83
de, « [Compte rendu] Rudolf Kassner, Les Éléments
de
la grandeur humaine », La Nouvelle Revue française, Paris, octobre 1
84
par Jean Cassou (novembre 1931)b Quelque chose
d’
espagnol dans la démarche ; un tour qui ferait penser aux conteurs de
85
démarche ; un tour qui ferait penser aux conteurs
de
la fin du xviiie ; des sujets dans le goût allemand, tels sont les é
86
éments qui composent non sans paradoxe ce recueil
de
« motifs » romantiques et de frissons anarchiques. Le thème commun, c
87
paradoxe ce recueil de « motifs » romantiques et
de
frissons anarchiques. Le thème commun, c’est sans doute l’atrocité de
88
ues. Le thème commun, c’est sans doute l’atrocité
de
la « vie normale », ou si l’on préfère, l’amertume du cœur humain déc
89
agine et dont il meurt. Car la vie est une espèce
de
marâtre et n’a que faire de nos tendresses. Les sujets de Jean Cassou
90
la vie est une espèce de marâtre et n’a que faire
de
nos tendresses. Les sujets de Jean Cassou sont très particuliers — ju
91
re et n’a que faire de nos tendresses. Les sujets
de
Jean Cassou sont très particuliers — jusqu’à l’arbitraire parfois —,
92
rte, comme à nous, c’est précisément le sentiment
d’
absurdité qui se dégage de pareils faits lorsque l’esprit s’y attache
93
récisément le sentiment d’absurdité qui se dégage
de
pareils faits lorsque l’esprit s’y attache et que l’amour ou la pitié
94
le « bonheur » consiste à ne pas se rendre compte
de
ce qu’ils vivent. Dans quelques-uns des plus significatifs de ces réc
95
vivent. Dans quelques-uns des plus significatifs
de
ces récits (Dieu et le sommeil, Les Fins dernières) l’on assiste à un
96
ns dernières) l’on assiste à un réveil, explosion
de
révolte ou de joie, tellement incompatible avec les « conditions » de
97
l’on assiste à un réveil, explosion de révolte ou
de
joie, tellement incompatible avec les « conditions » de la vie que mo
98
e, tellement incompatible avec les « conditions »
de
la vie que mort s’en suit. Sarah est donc un recueil de contes roman
99
ie que mort s’en suit. Sarah est donc un recueil
de
contes romantiques, cas tout à fait rare dans la littérature français
100
e française, et qui comporte en soi quelque chose
de
déconcertant. Il semble bien que Jean Cassou trouve ici sa forme la p
101
. Son espagnolisme et son germanisme révèlent ici
d’
heureuses complicités sentimentales. Ce qui gêne pourtant, en plusieur
102
droits, c’est un certain tour désinvolte, le coup
de
pouce voltairien, l’élégance trop rapide. Il n’est pas bon qu’un cont
103
onie vis-à-vis de ses personnages ; car il risque
de
les priver par là de cette autorité mystique, absolue et naïve où gît
104
personnages ; car il risque de les priver par là
de
cette autorité mystique, absolue et naïve où gît leur profonde raison
105
que, absolue et naïve où gît leur profonde raison
d’
être. C’est pourquoi les meilleurs contes du volume sont ceux dont la
106
arah, Monsieur Hoog, qui atteignent à une qualité
d’
émotion vraiment pure et insistante. Mais le mérite original et import
107
insistante. Mais le mérite original et important
d’
un tel livre me paraît résider avant tout dans l’ordre des faits qu’il
108
urs de ces brèves imaginations, avec une bonhomie
d’
autant plus touchante qu’elle figure, je pense, pour l’auteur, une sor
109
u’elle figure, je pense, pour l’auteur, une sorte
de
consolation un peu forcée que le cœur s’accorde en dépit de tout, tan
110
s que le monde lui propose. b. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Jean Cassou, Sarah », La Nouvelle Revue française,
111
est remarquable que ceux dont la fonction serait
d’
exprimer notre civilisation, en un temps où elle se trouve brutalement
112
uestion, posent eux-mêmes si peu de questions, ou
de
si minimes. Je lis un article récent de Ramuz (sur le Travail), qui d
113
tions, ou de si minimes. Je lis un article récent
de
Ramuz (sur le Travail), qui débute ainsi « Pourquoi est-ce qu’on trav
114
ristianisme, qui se trouve être le dilemme urgent
de
l’heure. Et je m’inquiète ; non pas de ces questions ni de la prise d
115
mme urgent de l’heure. Et je m’inquiète ; non pas
de
ces questions ni de la prise de parti (antimarxiste) qu’elles détermi
116
e. Et je m’inquiète ; non pas de ces questions ni
de
la prise de parti (antimarxiste) qu’elles déterminent chez Ramuz, mai
117
nquiète ; non pas de ces questions ni de la prise
de
parti (antimarxiste) qu’elles déterminent chez Ramuz, mais bien au co
118
me semble entendre pour la première fois la voix
d’
un de nos aînés, interrogeant notre destin, lui poser en face des ques
119
emble entendre pour la première fois la voix d’un
de
nos aînés, interrogeant notre destin, lui poser en face des questions
120
ant notre destin, lui poser en face des questions
d’
une accablante simplicité. Me tromperais-je ? Ai-je mal su lire tant d
121
ais sur le monde actuel et futur ? Est-ce le fait
d’
une disposition trop romantique que d’avoir cru distinguer dans ces œu
122
-ce le fait d’une disposition trop romantique que
d’
avoir cru distinguer dans ces œuvres je ne sais quelle complaisance qu
123
e sais quelle complaisance qui les faisait éviter
d’
instinct tout point de vue pratiquement bouleversant ? D’autre part, n
124
uleversant ? D’autre part, n’est-ce point le fait
d’
un certain manque de tact intellectuel que de poser des questions si r
125
part, n’est-ce point le fait d’un certain manque
de
tact intellectuel que de poser des questions si rudimentaires, si peu
126
fait d’un certain manque de tact intellectuel que
de
poser des questions si rudimentaires, si peu élaborées, des questions
127
mporte qui pourrait poser et qui ne peuvent tirer
de
nous rien d’exquis ni d’original, mais au contraire nous plongent dan
128
urrait poser et qui ne peuvent tirer de nous rien
d’
exquis ni d’original, mais au contraire nous plongent dans l’humiliati
129
et qui ne peuvent tirer de nous rien d’exquis ni
d’
original, mais au contraire nous plongent dans l’humiliation, dans l’e
130
cesse s’efforcer, ne connaissant que peu de repos
de
son adolescence à sa mort. »3 Je cherche : je ne trouve aucun écriva
131
e trouve aucun écrivain plus naturellement libéré
de
l’idéologie bourgeoise, que Ramuz. Sa conception tragique du sort de
132
geoise, que Ramuz. Sa conception tragique du sort
de
l’homme suffirait à l’attester. Mais plus sûrement encore son accepta
133
ais plus sûrement encore son acceptation profonde
d’
aujourd’hui. Aujourd’hui, c’est le titre du journal grâce auquel chaqu
134
reprend le dialogue avec son public et l’époque,
de
ce ton viril et simple qui est à lui, nullement irrité (comme un Bloy
135
jacobin (comme les marxistes), ni victime ni juge
d’
une bourgeoisie à laquelle il échappe entièrement et de toute façon, n
136
bourgeoisie à laquelle il échappe entièrement et
de
toute façon, n’étant pas même révolutionnaire, parce que trop radical
137
s l’élémentaire ; élaborant son œuvre à un niveau
d’
où bourgeoisie et révolution apparaissent comme des localisations de s
138
t révolution apparaissent comme des localisations
de
surfaces et temporaires. (Les animaux et les arbres ne sont pas révol
139
nnaires.) Et ce n’est pas qu’il ait jamais craint
de
tirer sur ces racines, fortement : mais il a vu qu’elles tenaient bon
140
vu qu’elles tenaient bon, qu’elles tenaient trop
de
terre embrassée et par elle tout un pays et son peuple ; car « c’est
141
t un pays et son peuple ; car « c’est ici le pays
de
la solidité, parce que c’est le pays des ressemblances. Regarde, tout
142
y tient ensemble fortement, comme dans le tableau
d’
un grand peintre ». Ah ! la grandeur de ce peuple ramuzien, qui se meu
143
le tableau d’un grand peintre ». Ah ! la grandeur
de
ce peuple ramuzien, qui se meut dans je ne sais quelle lourdeur « ori
144
a, non sans comique, loué « cet artiste raffiné »
d’
avoir su « se ravaler au niveau des simples. » Non, Ramuz ne descend p
145
de plus bas, des origines, des éléments créateurs
de
sa race. Il a cette même lenteur imposée par la nature, ce même besoi
146
ême lenteur imposée par la nature, ce même besoin
de
précision utile. Ce n’est pas un art d’après le peuple4, mais on dira
147
art d’après le peuple4, mais on dirait presque :
d’
avant. Il n’est pas jusqu’à son Antiquité qui ne coïncide avec celle d
148
son Antiquité qui ne coïncide avec celle du pays
de
Vaud : non pas la grecque, qui est scolaire — pour eux — mais la bibl
149
ivent sur le papier ou dans la terre. Un tel sens
de
la communauté put induire certains à parler de l’unanimisme de Ramuz.
150
ns de la communauté put induire certains à parler
de
l’unanimisme de Ramuz. Mais comment Ramuz croirait-il à l’être collec
151
uté put induire certains à parler de l’unanimisme
de
Ramuz. Mais comment Ramuz croirait-il à l’être collectif, être sans r
152
cérébral. « Je ne distingue l’être qu’aux racines
de
l’élémentaire », écrivait-il dans ses Six Cahiers. Parlons plutôt de
153
écrivait-il dans ses Six Cahiers. Parlons plutôt
de
son « communisme », nullement collectiviste d’ailleurs, mais originel
154
joie, ce point commun, « ce point qui est au-delà
de
la vie ». Le communisme qui règne au jugement dernier et qui régnait
155
rd rajeuni, ces gestes rudimentaires, cette odeur
de
bois fraîchement coupé que dégagent certaines œuvres récentes des écr
156
dégagent certaines œuvres récentes des écrivains
de
l’URSS, je ne les retrouve que chez Ramuz. Mais purifiés de toute bru
157
je ne les retrouve que chez Ramuz. Mais purifiés
de
toute brutalité, de ces traits forcenés, de ces ricanements d’intelle
158
que chez Ramuz. Mais purifiés de toute brutalité,
de
ces traits forcenés, de ces ricanements d’intellectuels mal guéris. C
159
ifiés de toute brutalité, de ces traits forcenés,
de
ces ricanements d’intellectuels mal guéris. Certes Ramuz attend beauc
160
alité, de ces traits forcenés, de ces ricanements
d’
intellectuels mal guéris. Certes Ramuz attend beaucoup du peuple russe
161
is. Certes Ramuz attend beaucoup du peuple russe,
de
« cette immense et secrète réserve d’innocence » d’où peut-être un jo
162
uple russe, de « cette immense et secrète réserve
d’
innocence » d’où peut-être un jour sortira le peuple-poète, « le peupl
163
« cette immense et secrète réserve d’innocence »
d’
où peut-être un jour sortira le peuple-poète, « le peuple tous en un »
164
ple tous en un ». Mais son œuvre est bien au-delà
de
l’ère machiniste que traverse l’URSS, au-delà de l’insolence et de la
165
de l’ère machiniste que traverse l’URSS, au-delà
de
l’insolence et de la révolte ; et ce trait profond de son art m’en co
166
te que traverse l’URSS, au-delà de l’insolence et
de
la révolte ; et ce trait profond de son art m’en convainc : le sens d
167
’insolence et de la révolte ; et ce trait profond
de
son art m’en convainc : le sens de la vénération, qui est aussi celui
168
trait profond de son art m’en convainc : le sens
de
la vénération, qui est aussi celui de la lenteur des choses. Cet art,
169
c : le sens de la vénération, qui est aussi celui
de
la lenteur des choses. Cet art, le sujet des Signes parmi nous, par s
170
même, le met en valeur mieux que tout autre récit
de
Ramuz. Voici Caille, le colporteur biblique, qui s’avance dès le mati
171
pays, et offre à tous la Parole, « ayant l’aspect
d’
une brochure à couverture bleue », où les événements actuels — cela se
172
où les événements actuels — cela se passe un jour
d’
été de 1918 — sont expliqués à la lumière des Écritures. La Fin des Te
173
événements actuels — cela se passe un jour d’été
de
1918 — sont expliqués à la lumière des Écritures. La Fin des Temps es
174
la journée, et l’angoisse autour de lui grandit.
De
partout l’orage s’amasse. Vers le soir, il éclate tragiquement. Est-c
175
éclate tragiquement. Est-ce la fin ? Grande heure
de
terreur et de prière. Puis, « la page du ciel a été tournée », ils se
176
ement. Est-ce la fin ? Grande heure de terreur et
de
prière. Puis, « la page du ciel a été tournée », ils se relèvent : «
177
Le monde renaît dans une soirée pure et le baiser
d’
un couple heureux. Rarement la forme authentique de Ramuz atteignit un
178
’un couple heureux. Rarement la forme authentique
de
Ramuz atteignit une autorité comparable à celle qui éclate dans cet o
179
end les choses à l’état naissant, rugueux, décapé
de
toute rhétorique5 et de toute explication intellectuelle, atteignant
180
naissant, rugueux, décapé de toute rhétorique5 et
de
toute explication intellectuelle, atteignant par la une unité de styl
181
ation intellectuelle, atteignant par la une unité
de
style tellement têtue qu’elle évoque peu à peu on ne sait quelle puis
182
resque, ni dans l’ingéniosité, ni dans l’harmonie
de
sons, mais bien dans la pesée. Tous les procédés ramuziens, juxtaposi
183
terférences du récit, surimpressions, changements
de
temps au cours d’une phrase, sont ici largement mis en œuvre mais tou
184
it, surimpressions, changements de temps au cours
d’
une phrase, sont ici largement mis en œuvre mais toujours avec une pro
185
our Ramuz ce qu’elle fut pour d’autres : un moyen
de
créer du mystère en brouillant les plans ; mais un moyen de rendre pl
186
u mystère en brouillant les plans ; mais un moyen
de
rendre plus totale la vision. Tout, par ailleurs, indique chez Ramuz
187
Tout, par ailleurs, indique chez Ramuz la volonté
de
ne pas faire prendre une chose pour une autre, ni certain aspect usue
188
une chose pour une autre, ni certain aspect usuel
de
la chose pour toute la chose. C’est pourquoi il s’attarde à décrire l
189
C’est pourquoi il s’attarde à décrire le concret
d’
une façon concrète : ainsi, le maniement d’un outil. D’où le reproche
190
oncret d’une façon concrète : ainsi, le maniement
d’
un outil. D’où le reproche de puérilité que lui adressent ceux qui, pa
191
façon concrète : ainsi, le maniement d’un outil.
D’
où le reproche de puérilité que lui adressent ceux qui, par exemple, n
192
ainsi, le maniement d’un outil. D’où le reproche
de
puérilité que lui adressent ceux qui, par exemple, n’hésitent pas à p
193
rêté à l’insolite du style chez Ramuz. Ce qu’il a
d’
insolite, ce n’est pas tant sa forme que les vertus qu’elle suppose :
194
lle suppose : la sobriété, la solidité, le manque
d’
ironie, la bonhomie sérieuse, l’absence de toute complaisance à soi. C
195
manque d’ironie, la bonhomie sérieuse, l’absence
de
toute complaisance à soi. Certes, j’en vois les défauts, le poncif ;
196
és. Mais l’important, je pense, c’est qu’une page
de
Ramuz — même pas très réussie, et il y en a qui ont un air raté, un a
197
et il y en a qui ont un air raté, un air pastiche
de
Ramuz —, c’est qu’une seule page de ce livre lue avec cette lenteur q
198
air pastiche de Ramuz —, c’est qu’une seule page
de
ce livre lue avec cette lenteur qu’elle impose, nous replace dans la
199
ire maintenant l’actualité tout à fait singulière
d’
un tel livre. Il y a des sujets éternels, ou mieux, perpétuels — sujet
200
es sujets éternels, ou mieux, perpétuels — sujets
d’
étonnement perpétuel — et la Fin du Monde est l’un d’eux. Un vrai myth
201
tonnement perpétuel — et la Fin du Monde est l’un
d’
eux. Un vrai mythe, c’est-à-dire un événement perpétuellement possible
202
arquent » dans l’Histoire sont celles où la forme
d’
un mythe affleure, s’incarne et devient visible. Ce sont les périodes
203
’incarne et devient visible. Ce sont les périodes
de
crise. Or toute crise est un jugement6, — un « arrêt dans une forme »
204
êt absolu, suprême : le Jugement dernier. Le sens
de
l’actuelle crise apparaît ainsi manifeste : un jugement sur tous les
205
Ramuz les pose, et que précisément c’est l’esprit
de
ces Signes. Aussi serait-il bien insuffisant de dire d’une telle œuvr
206
t de ces Signes. Aussi serait-il bien insuffisant
de
dire d’une telle œuvre, datée de 1919 et reparue en un temps de crise
207
Signes. Aussi serait-il bien insuffisant de dire
d’
une telle œuvre, datée de 1919 et reparue en un temps de crise, qu’ell
208
bien insuffisant de dire d’une telle œuvre, datée
de
1919 et reparue en un temps de crise, qu’elle en revêt une actualité
209
telle œuvre, datée de 1919 et reparue en un temps
de
crise, qu’elle en revêt une actualité accidentelle : c’est en quelque
210
une actualité7 et une réalité véritables du fait
de
la crise. Mais cet affleurement mystérieux de la forme mythique, le p
211
ait de la crise. Mais cet affleurement mystérieux
de
la forme mythique, le poète en tout temps a le pouvoir de le susciter
212
rme mythique, le poète en tout temps a le pouvoir
de
le susciter dans son œuvre, comme le mystique dans sa prière. Et c’es
213
s sa vision, cet homme sera toujours en puissance
d’
aujourd’hui, enraciné profondément dans une permanente actualité. 3.
214
e vision des choses en apprend plus sur le compte
de
la bourgeoisie que sur le peuple qu’elle prétend « observer ». 5. De
215
e sur le peuple qu’elle prétend « observer ». 5.
De
tout bel canto, peut-on dire. C’est le ton de la musique de Stravinsk
216
5. De tout bel canto, peut-on dire. C’est le ton
de
la musique de Stravinsky, du Sacre et des Noces. Le ton de la créatio
217
l canto, peut-on dire. C’est le ton de la musique
de
Stravinsky, du Sacre et des Noces. Le ton de la création du monde. 6
218
ique de Stravinsky, du Sacre et des Noces. Le ton
de
la création du monde. 6. S’il est vrai, comme l’a montré M. Spaïer,
219
r, que toute pensée est judicatoire, le fait même
de
penser devient fauteur de crise. Informer le réel, c’est en quelque s
220
dicatoire, le fait même de penser devient fauteur
de
crise. Informer le réel, c’est en quelque sorte le mettre en état de
221
le réel, c’est en quelque sorte le mettre en état
de
crise ; et il n’y a de réalité que par et dans la crise… 7. On pourr
222
ue sorte le mettre en état de crise ; et il n’y a
de
réalité que par et dans la crise… 7. On pourrait soutenir que l’époq
223
1900-1910 fut « inactuelle » pour la grande masse
de
ceux qui la vécurent. c. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] C. F.
224
sse de ceux qui la vécurent. c. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] C. F. Ramuz, Les Signes parmi nous », La Nouvelle
225
Le silence
de
Goethe (mars 1932)d « L’homme, dit Goethe, ne reconnaît et n’appré
226
t et n’apprécie que ce qu’il est lui-même en état
de
faire. » Telle est la cause du malentendu que soulèvera toujours à no
227
ntendu que soulèvera toujours à nouveau l’exemple
de
cette vie. Ceux qui traitent Goethe de bourgeois ne prouvent rien de
228
l’exemple de cette vie. Ceux qui traitent Goethe
de
bourgeois ne prouvent rien de plus que leur propre rationalisme, sans
229
a domination des mystères. Ainsi se réclament-ils
de
Rimbaud. Peut-être la confrontation du Sage et du Fou — d’un fou qui
230
d. Peut-être la confrontation du Sage et du Fou —
d’
un fou qui reste notre intime tentation — permettra-t-elle, par la viv
231
e tait. Goethe, initié dans sa jeunesse, commence
d’
écrire vers ce temps, mais, la fièvre tombée, poursuivra durant toute
232
ient superposables, ce qui n’est pas même le cas.
De
ce point de vue littéraire, la confrontation serait absurde, j’en con
233
imbaud ne fut jamais un écrivain, ni ne se soucia
de
l’être. Et Goethe ne fut qu’entre autres choses un écrivain, et se so
234
qu’entre autres choses un écrivain, et se soucia
de
l’être dans la mesure seulement où il portait en tous les domaines de
235
sure seulement où il portait en tous les domaines
de
son activité une application volontaire et soutenue. Ce n’est donc pa
236
t soutenue. Ce n’est donc pas l’aspect littéraire
de
leur expérience qui doit conditionner notre vision. Non point qu’il s
237
u’il soit un seul instant négligeable, s’agissant
de
deux êtres que l’on connaît par leurs écrits d’abord. Mais, pour en t
238
d. Mais, pour en tenir un juste compte, il s’agit
de
le subordonner au problème personnel de ces vies, à leur équation d’e
239
il s’agit de le subordonner au problème personnel
de
ces vies, à leur équation d’existence, pourrait-on dire. Or c’est, ch
240
u problème personnel de ces vies, à leur équation
d’
existence, pourrait-on dire. Or c’est, chez l’un comme chez l’autre, u
241
l’un comme chez l’autre, une révolution profonde
de
l’esprit dont procèdent à la fois le refus de la magie et le goût pas
242
nde de l’esprit dont procèdent à la fois le refus
de
la magie et le goût passionné de l’effort immédiat. Qu’un fait de cet
243
la fois le refus de la magie et le goût passionné
de
l’effort immédiat. Qu’un fait de cet ordre puisse être tenu pour cruc
244
e goût passionné de l’effort immédiat. Qu’un fait
de
cet ordre puisse être tenu pour crucial, je veux croire qu’on ne le c
245
e qu’on voudrait dire maintenant, ce qui ne cesse
de
provoquer dans notre esprit l’étonnement du premier regard, c’est la
246
étonnement du premier regard, c’est la similitude
de
forme, c’est-dire la similitude essentielle, hors du temps, qui paraî
247
ces deux expériences, à mesure qu’on les abstrait
de
toute la littérature dont elles enveloppèrent leurs manifestations, —
248
anifestations, — à quoi l’on ne s’est point privé
d’
ajouter quelques tomes depuis. Il convient de marquer toutefois qu’une
249
rivé d’ajouter quelques tomes depuis. Il convient
de
marquer toutefois qu’une pareille assimilation eût exaspéré Goethe au
250
une analogie universelle des réactions profondes
de
l’âme devant son destin m’autorise à cette confrontation et me persua
251
n m’autorise à cette confrontation et me persuade
de
son intérêt humain. Et si tout cela reste absurde aux yeux de ceux po
252
m’en étonnerai point. Il s’agit simplement, ici,
de
rendre plus concrète, grâce au recoupement de deux vies qui l’ont réa
253
ci, de rendre plus concrète, grâce au recoupement
de
deux vies qui l’ont réalisée selon des voies totalement divergentes,
254
rdan, l’on en trouve dans toutes ses œuvres assez
de
signes irrévocables pour n’avoir plus besoin de solliciter les biogra
255
z de signes irrévocables pour n’avoir plus besoin
de
solliciter les biographes. On a souvent rappelé l’amitié du jeune bou
256
On a souvent rappelé l’amitié du jeune bourgeois
de
Francfort et de la sage et très fervente Mlle de Klettenberg. Mais bi
257
ppelé l’amitié du jeune bourgeois de Francfort et
de
la sage et très fervente Mlle de Klettenberg. Mais bien plus que dans
258
une spiritualité facilement épurée, le mysticisme
de
celui qui, tout enfant, édifiait un autel à la Nature, trouvait son a
259
ose-croix, et qui le porta même à quelques essais
d’
alchimie. Coquetteries, a-t-on dit, — mais il n’est point de sentiment
260
. Coquetteries, a-t-on dit, — mais il n’est point
de
sentiments intermédiaires qui ne conduisent réellement vers une pléni
261
nt vers une plénitude, pour un esprit comme celui
de
Goethe. « On a peur que son feu ne le consume », écrit un de ses amis
262
« On a peur que son feu ne le consume », écrit un
de
ses amis, vers ce temps. « Goethe vit sur un perpétuel pied de guerre
263
vers ce temps. « Goethe vit sur un perpétuel pied
de
guerre et de révolte psychique ». Et lui-même gémit, avec une sombre
264
. « Goethe vit sur un perpétuel pied de guerre et
de
révolte psychique ». Et lui-même gémit, avec une sombre joie : « Sort
265
oie : « Sort misérable, qui ne me permet rien que
d’
extrême ». Jacob Boehme, Paracelse, Swedenborg, lectures de son adoles
266
». Jacob Boehme, Paracelse, Swedenborg, lectures
de
son adolescence, figurent bel et bien dans son évolution une de ces c
267
ence, figurent bel et bien dans son évolution une
de
ces crises où l’être spirituel découvre sa forme véritable. Et si, co
268
malement se traduire que par une qualité nouvelle
de
silence. Encore faut-il que le destin favorise concrètement cette ass
269
» l’a-t-il provoquée chez Goethe ? Il est un fait
de
sa jeunesse dont on ne saurait exagérer l’importance à la fois histor
270
historique et symbolique : les premiers contacts
de
Goethe avec le mysticisme précédèrent de très peu une grave maladie,
271
contacts de Goethe avec le mysticisme précédèrent
de
très peu une grave maladie, dont il ne fut sauvé que par l’interventi
272
adie, dont il ne fut sauvé que par l’intervention
d’
un médecin « alchimiste ». Retenons ceci : au seuil de l’initiation, c
273
médecin « alchimiste ». Retenons ceci : au seuil
de
l’initiation, chez Goethe, il n’y a pas une révolte, il y a un péril
274
puissamment dans son âme » qu’il appelle les arts
d’
une magie maîtrisée, c’est-à-dire incarnée. La question se pose pour l
275
d, en termes matériels, urgents et contraignants.
De
là le sérieux avec lequel il accepte les conditions de l’initiation :
276
le sérieux avec lequel il accepte les conditions
de
l’initiation : et d’abord la plus difficile, le silence. Ainsi, les p
277
es premières séductions du dépaysement spirituel,
de
la connaissance ésotérique dans ce qu’elle peut avoir de purement « é
278
onnaissance ésotérique dans ce qu’elle peut avoir
de
purement « étrange » ont à peine enfiévré le jeune Goethe, que déjà l
279
a faiblesse du corps le ramène à l’aspect concret
de
notre condition. Et c’est seulement en passant par une application ma
280
qui figure en raccourci tout le drame dialectique
de
sa vie. Mais cette maladie, et la convalescence, ont éveillé dans son
281
les premières tentations créatrices. À l’origine
de
son œuvre, voici donc le fait de la magie domptée ; conçue sous de te
282
ces. À l’origine de son œuvre, voici donc le fait
de
la magie domptée ; conçue sous de tels auspices, c’est tout naturelle
283
ci donc le fait de la magie domptée ; conçue sous
de
tels auspices, c’est tout naturellement que la littérature prendra pl
284
ittérature prendra plus tard chez Goethe l’allure
d’
une discipline de l’âme. Un exercice, une activité organique à objecti
285
a plus tard chez Goethe l’allure d’une discipline
de
l’âme. Un exercice, une activité organique à objectifs limités et con
286
Un instrument et un style. Dès ce moment le choix
de
Goethe a trouvé sa forme. Il lui faudra maintenant le renouveler perp
287
ment fécond. Car un tel silence n’est pas absence
de
mots. C’est encore chez Goethe une activité réelle, et même à double
288
de plus agissant, dans une œuvre marquée du signe
de
la maturité, que cette présence rayonnante dont on devine chaque phra
289
is rien ne la trahirait mieux que la retenue même
de
l’expression. C’est pourquoi je l’éprouve plus vivement dans certains
290
t dans certains passages des Affinités électives,
d’
une apparente platitude, mais translucide, que dans le Conte du Serpen
291
s seule à le sauvegarder. Il y faudra le dressage
de
la souffrance. L’excès verbal de Werther couvre d’abord la voix intér
292
udra le dressage de la souffrance. L’excès verbal
de
Werther couvre d’abord la voix intérieure, la renie même bruyamment.
293
ieure, la renie même bruyamment. C’est là le fait
d’
une âme qui se refuse encore à la souffrance et la crie sur la place.
294
a souffrance et la crie sur la place. Un peu plus
de
souffrance, plus intimement ancrée, et voici l’autre danger : la déle
295
e, l’obscurité glaciale des Mystères. Un peu plus
d’
humilité, c’est-à-dire le réel désir d’être « utile », et c’est le jus
296
n peu plus d’humilité, c’est-à-dire le réel désir
d’
être « utile », et c’est le juste point : les Affinités. D’ailleurs, l
297
’alternance des trois états, visible tout au long
de
l’œuvre, prouve que la question se pose sans cesse à nouveau et que s
298
revient, l’agonie se poursuit. Seulement l’effort
d’
équilibre crée des énergies nouvelles. Le silence mûrit à la faveur du
299
insi que la magie reniée extérieurement au profit
d’
une expression « utile », renaît comme libérée intérieurement au « jou
300
âme parvient à cette « connaissance », à cet acte
de
fécondation spirituelle par où l’homme pénètre dans la réalité mystiq
301
peut se produire que dans le plus profond silence
de
l’esprit, dans la région où seul accède celui qui sait préserver sa p
302
ent pur, mais aussi l’être sombre dans le mystère
de
la fureur ». Cette complexe dialectique de la magie, Goethe lui-même
303
ystère de la fureur ». Cette complexe dialectique
de
la magie, Goethe lui-même l’a stylisée en symboles concrets dans le F
304
concrets dans le Faust, œuvre longue comme sa vie
de
créateur exactement, et à tel point autobiographique qu’il put songer
305
iographique qu’il put songer à incorporer le plan
de
certains actes à Vérité et Poésie. Le drame s’ouvre sur un réveil : l
306
cice sans frein des arts occultes laisse l’esprit
de
Faust béant sur le vide : « Moi qui me suis cru plus grand que le Ché
307
le Chérubin… qui pensais en créant pouvoir jouir
de
la vie des dieux et m’y égaler… combien je dois expier tout cela ! »
308
is expier tout cela ! » Faust se reprend au seuil
de
la mort. Mais la vie ne lui sera plus qu’un profond renoncement ; mêm
309
ur Faust serait réel : la possession bienheureuse
de
l’instant. Et lorsque, épuisé mais pacifié, il va quitter son corps a
310
va quitter son corps aveugle pour d’autres formes
d’
existence que la Nature se voit pour ainsi dire contrainte d’assigner
311
que la Nature se voit pour ainsi dire contrainte
d’
assigner à l’homme actif 8, l’on découvre que c’est la magie encore qu
312
découvre que c’est la magie encore qui n’a cessé
de
l’entraver : Könnt ich Magie von meinem Pfad entfernen Die Zaüberspr
313
ein Mensch zu sein.9 C’est tout le drame secret
de
l’œuvre qui s’avoue dans ce cri : chaque fois que Goethe invoque la c
314
haque fois que Goethe invoque la catégorie sacrée
de
l’humain, comprenons qu’il y va de tout. Mais les anges enfin élèvent
315
tégorie sacrée de l’humain, comprenons qu’il y va
de
tout. Mais les anges enfin élèvent Faust au-dessus de cette agonie sy
316
out. Mais les anges enfin élèvent Faust au-dessus
de
cette agonie symbolique de toute son existence, et c’est leur chœur q
317
lèvent Faust au-dessus de cette agonie symbolique
de
toute son existence, et c’est leur chœur qui chante une dernière fois
318
ière fois la loi, au moment où il reçoit la grâce
de
lui échapper : « Wer immer strebend sich bemüht, — Den können wir erl
319
que Faust enfin rejoint dans la pleine possession
de
ses forces et l’assurance du regard. L’âme, purifiée de sa « vieille
320
forces et l’assurance du regard. L’âme, purifiée
de
sa « vieille dépouille » par l’effort aveuglant de la vie, pénètre da
321
e sa « vieille dépouille » par l’effort aveuglant
de
la vie, pénètre dans le Nouveau Jour et contemple l’Indescriptible. S
322
contemple l’Indescriptible. Si Faust est le drame
d’
une formidable patience sans cesse remise en question, la Saison en en
323
mise en question, la Saison en enfer est le drame
d’
une pureté avide, et son destin se joue d’un coup. La grandeur de Goet
324
e drame d’une pureté avide, et son destin se joue
d’
un coup. La grandeur de Goethe est d’avoir su vieillir, celle de Rimba
325
ide, et son destin se joue d’un coup. La grandeur
de
Goethe est d’avoir su vieillir, celle de Rimbaud de s’y être refusé.
326
stin se joue d’un coup. La grandeur de Goethe est
d’
avoir su vieillir, celle de Rimbaud de s’y être refusé. Transportez la
327
grandeur de Goethe est d’avoir su vieillir, celle
de
Rimbaud de s’y être refusé. Transportez la dialectique faustienne dan
328
Goethe est d’avoir su vieillir, celle de Rimbaud
de
s’y être refusé. Transportez la dialectique faustienne dans la vie d’
329
Transportez la dialectique faustienne dans la vie
d’
un être jeune et libre encore de toute contrainte sociale, culturelle,
330
ienne dans la vie d’un être jeune et libre encore
de
toute contrainte sociale, culturelle, voire physiologique ; le dessin
331
onnée initiale est bien la même : c’est l’attrait
d’
une vision qui transcende la vie médiocre. Rimbaud s’y lance avec l’em
332
ie médiocre. Rimbaud s’y lance avec l’emportement
d’
une révolte qui traduit d’abord un excès féroce de vitalité plutôt qu’
333
d’une révolte qui traduit d’abord un excès féroce
de
vitalité plutôt qu’une souffrance matérielle, — et va d’un mouvement
334
lité plutôt qu’une souffrance matérielle, — et va
d’
un mouvement rigoureusement logique jusqu’au système de sa folie. Mais
335
mouvement rigoureusement logique jusqu’au système
de
sa folie. Mais l’irruption de cette « magie » est si violente qu’elle
336
ue jusqu’au système de sa folie. Mais l’irruption
de
cette « magie » est si violente qu’elle a certainement angoissé l’enf
337
devins un opéra fabuleux. » Il a brûlé les étapes
de
l’initiation. Mais on ne déchaîne pas de telles puissances impunément
338
s étapes de l’initiation. Mais on ne déchaîne pas
de
telles puissances impunément. « Ma santé fut menacée. La terreur vena
339
Moi ! moi qui me suis dit mage ou ange, dispensé
de
toute morale, je suis rendu au sol, avec un devoir à chercher et la r
340
réalité rugueuse à étreindre. » C’est le cri même
de
Faust. « Il faut être absolument moderne. » Travailler. Se donner à l
341
r obsédé par ce travail. Ainsi cette vie est bien
d’
un seul tenant ; une seule et unique expérience la remplit : l’envahis
342
et unique expérience la remplit : l’envahissement
de
la magie aboutissant au renoncement et à l’action. Le second Rimbaud
343
he-le et jette-le loin de toi ». Mais Rimbaud est
d’
une autre trempe : il a déjà prouvé en écrivant les Illuminations qu’i
344
renoncement. Nous aurions combiné tout cela avec
de
la littérature. Car il n’est pas donné à beaucoup d’hommes de devenir
345
la littérature. Car il n’est pas donné à beaucoup
d’
hommes de devenir un mythe à force de pureté dans la réalisation de le
346
ature. Car il n’est pas donné à beaucoup d’hommes
de
devenir un mythe à force de pureté dans la réalisation de leur destin
347
ir un mythe à force de pureté dans la réalisation
de
leur destin. Rimbaud est notre mythe occidental : mythe faustien. Il
348
nt comme Goethe les conditions réelles et données
de
son effort particulier. Ce renoncement à un Orient de mythe, c’est ce
349
on effort particulier. Ce renoncement à un Orient
de
mythe, c’est cela même qui constitue l’Occident spirituel. C’est le r
350
ui constitue l’Occident spirituel. C’est le refus
de
la magie qui fonde notre éthique, et ce dilemme est peut-être le plus
351
’esprit occidental, dès qu’il atteint les régions
de
haute tension où la seule « orientation » qu’il adopte suffit à déter
352
tion » qu’il adopte suffit à déterminer une suite
d’
actes. Dilemme, en son fond, religieux. C’est une forme dialectique, «
353
gieux. C’est une forme dialectique, « agonique »,
de
la vie de l’âme, une forme cruciale, c’est-à-dire une de ces contradi
354
st une forme dialectique, « agonique », de la vie
de
l’âme, une forme cruciale, c’est-à-dire une de ces contradictions ess
355
ie de l’âme, une forme cruciale, c’est-à-dire une
de
ces contradictions essentielles, en signe de croix, qui sont la marqu
356
elles, en signe de croix, qui sont la marque même
de
la réalité dans une conscience occidentale. Supprimez l’un des termes
357
e mythe dialectique soit profondément constitutif
de
notre être, l’extension et la diversité de ses aspects le prouvent. C
358
itutif de notre être, l’extension et la diversité
de
ses aspects le prouvent. C’est l’opposition du savoir et du pouvoir,
359
vent. C’est l’opposition du savoir et du pouvoir,
de
la connaissance et de la souffrance, de la spéculation et de l’existe
360
on du savoir et du pouvoir, de la connaissance et
de
la souffrance, de la spéculation et de l’existence, de l’au-delà myst
361
pouvoir, de la connaissance et de la souffrance,
de
la spéculation et de l’existence, de l’au-delà mystique et de l’imméd
362
issance et de la souffrance, de la spéculation et
de
l’existence, de l’au-delà mystique et de l’immédiat éthique. Et quels
363
souffrance, de la spéculation et de l’existence,
de
l’au-delà mystique et de l’immédiat éthique. Et quels sont les plus g
364
ation et de l’existence, de l’au-delà mystique et
de
l’immédiat éthique. Et quels sont les plus grands Occidentaux ? Ceux
365
ise instinctive qui ressemble à la chute soudaine
de
l’ivresse devant le mortel danger qui se lève à un pas. Tous deux réa
366
deux réalisent le renoncement, le deuxième temps
de
cette dialectique, dans un mouvement que sa violence rend unique : c’
367
e rend unique : c’est qu’ils reviennent tous deux
de
loin, d’un long abandon à l’erreur. Goethe n’a pas connu de tels déch
368
ique : c’est qu’ils reviennent tous deux de loin,
d’
un long abandon à l’erreur. Goethe n’a pas connu de tels déchirements.
369
’un long abandon à l’erreur. Goethe n’a pas connu
de
tels déchirements. Et c’est lui qui méritera la phrase de la Saison :
370
déchirements. Et c’est lui qui méritera la phrase
de
la Saison : « Pas de partis de salut violents. » Dès les premiers ins
371
t lui qui méritera la phrase de la Saison : « Pas
de
partis de salut violents. » Dès les premiers instants de son accessio
372
méritera la phrase de la Saison : « Pas de partis
de
salut violents. » Dès les premiers instants de son accession au monde
373
is de salut violents. » Dès les premiers instants
de
son accession au monde spirituel, il s’est mis en état de défense et
374
ccession au monde spirituel, il s’est mis en état
de
défense et de lenteur. Il avance ainsi pas à pas, l’âme tendue dans u
375
nde spirituel, il s’est mis en état de défense et
de
lenteur. Il avance ainsi pas à pas, l’âme tendue dans une puissante c
376
s jamais s’abandonner aux bienheureuses violences
de
l’orage, au repos de la démesure. On rit de ses allures compassées, d
377
aux bienheureuses violences de l’orage, au repos
de
la démesure. On rit de ses allures compassées, des solennelles banali
378
ences de l’orage, au repos de la démesure. On rit
de
ses allures compassées, des solennelles banalités dont il gratifie le
379
oir dans ces façons que la distraction souveraine
d’
une âme tout occupée à dompter ses dieux. Une haute menace, invisible
380
e à tout autre, l’accompagne sans trêve, et c’est
d’
elle qu’il tire ses forces, toujours renouvelées. Mais il y faut une p
381
ment soutenue qu’elle informe peu à peu une sorte
d’
instinct, libérant l’attention consciente. C’est ainsi que le voyant a
382
mystiques du Second Faust peut aussi faire figure
de
sage officiel parmi les philistins. Le somnambule est désormais proté
383
Le somnambule est désormais protégé par une cotte
d’
invisible silence. Vous pouvez lui parler sans le troubler : les mots
384
du ministre renouvelle le vieux mythe germanique
de
la « Tarnkappe », du manteau qui rend invisible. ⁂ Cette similitude d
385
du manteau qui rend invisible. ⁂ Cette similitude
de
forme dans le cours de la magie chez Goethe et chez Rimbaud, et d’aut
386
isible. ⁂ Cette similitude de forme dans le cours
de
la magie chez Goethe et chez Rimbaud, et d’autre part le contraste ab
387
ons littéraires. « Bon esprit, prends garde ! Pas
de
partis de salut violents. Exerce-toi ». Objurgation que l’on croirait
388
aires. « Bon esprit, prends garde ! Pas de partis
de
salut violents. Exerce-toi ». Objurgation que l’on croirait tirée de
389
Exerce-toi ». Objurgation que l’on croirait tirée
de
quelque journal intime du Goethe des années ascétiques, à Weimar avan
390
es, à Weimar avant l’Italie. Et le passage fameux
de
la Saison : « moi qui me suis dit mage ou ange… » rappelle étrangemen
391
me suis cru plus grand que le Chérubin. » « Point
de
cantiques : tenir le pas gagné… la réalité rugueuse à étreindre ». Ce
392
eindre ». Certes, les sentences du vieil Olympien
de
la légende ont peu de consonance avec un tel pathétique, mais quel éc
393
n’eût-il pas éveillé dans l’âme du jeune ministre
de
32 ans, adonné vers ce temps au plus dur effort d’organisation de son
394
e 32 ans, adonné vers ce temps au plus dur effort
d’
organisation de son silence intérieur. Période de repliement et de ref
395
é vers ce temps au plus dur effort d’organisation
de
son silence intérieur. Période de repliement et de refus, si douloure
396
d’organisation de son silence intérieur. Période
de
repliement et de refus, si douloureuse que le signe en devient visibl
397
e son silence intérieur. Période de repliement et
de
refus, si douloureuse que le signe en devient visible sur ses traits.
398
evient visible sur ses traits. Je ne me lasse pas
de
méditer ce visage dont Klauer modela l’effigie passionnément triste e
399
he aux lèvres serrées, l’inférieure creusée comme
d’
un sanglot retenu, et relâchée aux commissures, — tristesse et volupté
400
ommissures, — tristesse et volupté. Mais le front
d’
une plénitude royale s’avance fortement contre la lumière, et les yeux
401
les yeux, entre cette bouche et ce front, disent
d’
un sobre et méditant regard le mot suprême de la Saison, ce cri sourd
402
sent d’un sobre et méditant regard le mot suprême
de
la Saison, ce cri sourd du plus lucide héroïsme : « Et allons ! » Goe
403
. Il y a dans tout désespoir à la fois l’angoisse
de
la catastrophe et la secrète, l’inavouable joie de la libération. Imp
404
e la catastrophe et la secrète, l’inavouable joie
de
la libération. Impossible d’isoler ces deux composantes dans l’aventu
405
e, l’inavouable joie de la libération. Impossible
d’
isoler ces deux composantes dans l’aventure rimbaldienne. Mais chez Go
406
emps qui les dénoncera. Et cette fameuse sérénité
de
sa vieillesse, ce n’est rien d’autre, peut-être, que le triomphe de l
407
fameuse sérénité de sa vieillesse, ce n’est rien
d’
autre, peut-être, que le triomphe de l’élément libérateur du désespoir
408
ce n’est rien d’autre, peut-être, que le triomphe
de
l’élément libérateur du désespoir. La longue peine de celui « qui tou
409
’élément libérateur du désespoir. La longue peine
de
celui « qui toujours s’est efforcé » a purifié le corps, et l’âme est
410
le corps, et l’âme est prête à recevoir « l’amour
d’
en haut ». Car telle est le yoga occidental, dont le Second Faust rest
411
alors qu’elle propose à Goethe, comme un exercice
de
choix, l’écriture, — cela n’a rien que de logique, et résulte de la d
412
xercice de choix, l’écriture, — cela n’a rien que
de
logique, et résulte de la définition même d’un tel yoga. Tout savoir
413
iture, — cela n’a rien que de logique, et résulte
de
la définition même d’un tel yoga. Tout savoir doit être confirmé par
414
que de logique, et résulte de la définition même
d’
un tel yoga. Tout savoir doit être confirmé par un faire, qui le tait
415
qui le tait et l’exprime à la fois. Le « faire »
de
Rimbaud ne peut être la littérature, puisque écrire signifie pour lui
416
peut considérer sans paradoxe que la littérature
de
Goethe est un des moyens de silence dont il dispose. Ni plus ni moins
417
xe que la littérature de Goethe est un des moyens
de
silence dont il dispose. Ni plus ni moins que l’étude des sciences na
418
ins que l’étude des sciences naturelles, la régie
d’
un théâtre ou l’administration du Grand-Duché. « J’ai toujours considé
419
boliques, et, au fond, il m’est assez indifférent
d’
avoir fait des pots ou des assiettes »10. Si tout de même il a peiné s
420
10. Si tout de même il a peiné sur la composition
d’
Iphigénie ou des Ballades, c’est que l’art est pour lui la tentation l
421
que l’art est pour lui la tentation la plus aiguë
de
jouer avec les mystères, et par là même l’occasion de réaliser sans c
422
ouer avec les mystères, et par là même l’occasion
de
réaliser sans cesse à nouveau l’exigence dernière de la magie : son r
423
réaliser sans cesse à nouveau l’exigence dernière
de
la magie : son reniement au profit de l’action. Insistons sur ce term
424
ce dernière de la magie : son reniement au profit
de
l’action. Insistons sur ce terme de profit, qu’on ne saurait ici taxe
425
ent au profit de l’action. Insistons sur ce terme
de
profit, qu’on ne saurait ici taxer de vulgarité, puisqu’il concerne l
426
ur ce terme de profit, qu’on ne saurait ici taxer
de
vulgarité, puisqu’il concerne les fins les plus hautes de l’existence
427
rité, puisqu’il concerne les fins les plus hautes
de
l’existence terrestre. « Un fait de notre vie ne vaut pas en tant qu’
428
s plus hautes de l’existence terrestre. « Un fait
de
notre vie ne vaut pas en tant qu’il est vrai, mais en tant qu’il sign
429
t pourquoi l’on fait bien, dans la vie ordinaire,
de
garder ces choses-là pour soi et de n’en découvrir que juste ce qu’il
430
ie ordinaire, de garder ces choses-là pour soi et
de
n’en découvrir que juste ce qu’il faut pour qu’elles puissent être de
431
e juste ce qu’il faut pour qu’elles puissent être
de
quelque avantage aux autres11… L’homme n’est pas né pour résoudre le
432
1… L’homme n’est pas né pour résoudre le problème
de
l’univers, mais bien pour rechercher où tend ce problème, et ensuite
433
oblème, et ensuite se maintenir entre les limites
de
l’intelligible »12. L’on découvre ici la source de l’étrange refus de
434
e l’intelligible »12. L’on découvre ici la source
de
l’étrange refus de Goethe, dès qu’il s’agit de faire état des causes
435
2. L’on découvre ici la source de l’étrange refus
de
Goethe, dès qu’il s’agit de faire état des causes premières, des fins
436
ce de l’étrange refus de Goethe, dès qu’il s’agit
de
faire état des causes premières, des fins dernières, en tant que tell
437
remières, des fins dernières, en tant que telles.
De
là ce rationalisme agressif qu’il oppose aux dévots : « S’occuper d’i
438
me agressif qu’il oppose aux dévots : « S’occuper
d’
idées relatives à l’immortalité, poursuivit Goethe, cela convient aux
439
e. Mais un homme supérieur, qui a déjà conscience
d’
être quelque chose ici-bas, et qui par conséquent doit tous les jours
440
gir, laisse en paix le monde futur et se contente
d’
être actif et utile en celui-ci »13. À quoi nous saurons opposer cette
441
r tout ce que nous ferons, comme la douce lumière
d’
un soleil caché14. » Écrire, tout en se taisant. Et ceux-là seuls ente
442
confession éruptive : les Illuminations naissent
d’
une telle rupture. Elles sont le champ même15 où Rimbaud se livre à l’
443
elle il se rabat sur le travail « à mains », rage
de
revanche, par son excès même est encore une évasion hors du réel. En
444
nce et leur faiblesse précipitent vers des portes
de
sortie souvent illusoires, vers un « au-delà » des conditions de vivr
445
nt illusoires, vers un « au-delà » des conditions
de
vivre. Mais notre époque voudra-t-elle encore de ces évasions ? Elle
446
de vivre. Mais notre époque voudra-t-elle encore
de
ces évasions ? Elle les reproche au christianisme, avec moins de rais
447
? Elle les reproche au christianisme, avec moins
de
raison d’ailleurs (puisque le christianisme affirme que l’éternité es
448
anisme). Plus goethéenne aussi. Mais gardons-nous
de
tirer de ceci je ne sais quel critère de « jugement » qui permettrait
449
Plus goethéenne aussi. Mais gardons-nous de tirer
de
ceci je ne sais quel critère de « jugement » qui permettrait de place
450
ons-nous de tirer de ceci je ne sais quel critère
de
« jugement » qui permettrait de placer Goethe au-dessus de Rimbaud. C
451
sais quel critère de « jugement » qui permettrait
de
placer Goethe au-dessus de Rimbaud. C’est la pureté démesurée de Rimb
452
ment » qui permettrait de placer Goethe au-dessus
de
Rimbaud. C’est la pureté démesurée de Rimbaud qui nous juge, et la gr
453
e au-dessus de Rimbaud. C’est la pureté démesurée
de
Rimbaud qui nous juge, et la grandeur humaine de Goethe. Et qui voudr
454
de Rimbaud qui nous juge, et la grandeur humaine
de
Goethe. Et qui voudrait les opposer ? Que signifierait un choix dont
455
Certes, il est d’autres recours, d’autres points
de
vision qu’humains. La révélation chrétienne déborde notre condition,
456
en bonne dialectique autoriserait à des jugements
de
valeurs humaines. Mais il faudrait mettre en balance une longue fidél
457
choix, jusque dans nos admirations, nous pressent
d’
affecter toute chose, même spirituelle, d’une sorte de coefficient d’u
458
ressent d’affecter toute chose, même spirituelle,
d’
une sorte de coefficient d’utilité. En ce jour de février 1932, dans c
459
fecter toute chose, même spirituelle, d’une sorte
de
coefficient d’utilité. En ce jour de février 1932, dans ce Francfort
460
ose, même spirituelle, d’une sorte de coefficient
d’
utilité. En ce jour de février 1932, dans ce Francfort en proie au Car
461
d’une sorte de coefficient d’utilité. En ce jour
de
février 1932, dans ce Francfort en proie au Carnaval et à l’angoisse,
462
, peut-être, pour cette bourgeoisie dont je viens
d’
admirer les trésors patinés dans la haute demeure familiale des Goethe
463
e des Goethe. Aujourd’hui… Un immense glissement
de
la réalité hors des cadres d’une logique statique et cartésienne nous
464
immense glissement de la réalité hors des cadres
d’
une logique statique et cartésienne nous porte en des régions nouvelle
465
t cartésienne nous porte en des régions nouvelles
de
l’esprit où l’action redevient notre seul critère de cohérence. C’est
466
l’esprit où l’action redevient notre seul critère
de
cohérence. C’est dire que nous demandons aux œuvres que nous aimons d
467
ire que nous demandons aux œuvres que nous aimons
de
témoigner d’une certaine force de révolte. Notre premier mouvement no
468
demandons aux œuvres que nous aimons de témoigner
d’
une certaine force de révolte. Notre premier mouvement nous porterait
469
que nous aimons de témoigner d’une certaine force
de
révolte. Notre premier mouvement nous porterait vers Rimbaud, nous dé
470
ment nous porterait vers Rimbaud, nous détournant
de
Goethe. Mais prenons garde de tomber dans un conformisme à rebours, v
471
ud, nous détournant de Goethe. Mais prenons garde
de
tomber dans un conformisme à rebours, victimes de valeurs sentimental
472
de tomber dans un conformisme à rebours, victimes
de
valeurs sentimentales héritées des temps révolus, prenons garde de no
473
entales héritées des temps révolus, prenons garde
de
nous laisser convaincre par les seuls éclats d’un fanatisme à vrai di
474
e de nous laisser convaincre par les seuls éclats
d’
un fanatisme à vrai dire splendide. (Qui me guérira de la honte de n’ê
475
fanatisme à vrai dire splendide. (Qui me guérira
de
la honte de n’être pas Rimbaud ?) Plus que jamais, il faudrait s’appl
476
vrai dire splendide. (Qui me guérira de la honte
de
n’être pas Rimbaud ?) Plus que jamais, il faudrait s’appliquer à dist
477
à distinguer dans ce vertige la réelle puissance
d’
une voix volontairement assourdie. Le silence de Goethe n’est pas moin
478
e d’une voix volontairement assourdie. Le silence
de
Goethe n’est pas moins dangereux, pour qui sait l’entendre, que l’imp
479
reux, pour qui sait l’entendre, que l’imprécation
de
Rimbaud : et tous deux nous contraignent aux tâches immédiates, c’est
480
ches immédiates, c’est-à-dire : à l’actualisation
de
notre réalité. « Il faut être absolument moderne ». 8. Conversatio
481
évrier 1829. 9. Si je pouvais écarter la magie
de
mon chemin Oublier tout à fait les formules d’enchaînement Si j’étais
482
ie de mon chemin Oublier tout à fait les formules
d’
enchaînement Si j’étais devant toi, ô nature un homme solitaire, Sans
483
solitaire, Sans doute vaudrait-il alors la peine
d’
être un homme. 10. Conversations avec Eckermann, 2 mai 1824. 11.
484
15. Et non plus symbolique. d. Rougemont Denis
de
, « Le silence de Goethe », La Nouvelle Revue française, Paris, mars 1
485
symbolique. d. Rougemont Denis de, « Le silence
de
Goethe », La Nouvelle Revue française, Paris, mars 1932, p. 480-494.
486
Querelles
de
famille, par Georges Duhamel (mai 1932)e L’ambiguïté, c’est du par
487
tradiction intérieure dont les deux termes, faute
d’
être assumés sur le plan commun de la conscience où ils s’exalteraient
488
x termes, faute d’être assumés sur le plan commun
de
la conscience où ils s’exalteraient en s’opposant franchement, tirent
489
ne grande confusion. En ce sens, le dernier livre
de
M. Duhamel, consacré à la critique des aspects orduriers et bassement
490
que des aspects orduriers et bassement mécaniques
de
la vie moderne, illustre avec un talent qu’il n’est plus temps de dis
491
e, illustre avec un talent qu’il n’est plus temps
de
discuter, une position morale exemplairement ambiguë. Rien de plus lé
492
ement ambiguë. Rien de plus légitime que le désir
d’
être entendu du grand public, et c’est pourquoi l’on ne voudrait pas r
493
rquoi l’on ne voudrait pas reprocher à M. Duhamel
d’
avoir adopté pour cette fois un style conventionnel, ou plus exactemen
494
onnel, ou plus exactement une certaine rhétorique
de
l’indignation dont les figures servent en France indifféremment à des
495
insuffisance quand c’est un virtuose qui se mêle
d’
en jouer. Mais sans doute le but serait-il atteint si M. Duhamel, visi
496
ne gêne grandissante que l’on poursuit la lecture
de
ces pages où maints paragraphes apportent entre deux tours repris des
497
ntre deux tours repris des meilleurs auteurs, une
de
ces approximations vulgaires qui « rendraient » mieux sous la rubriqu
498
us la rubrique Mon film 16. En d’autres passages,
d’
une expression plus serrée, M. Duhamel cherche ce qu’on appelait jadis
499
uhamel cherche ce qu’on appelait jadis le morceau
de
bravoure, la page sur « les bruits de mon village » qui servira de mo
500
le morceau de bravoure, la page sur « les bruits
de
mon village » qui servira de modèle aux écoliers futurs. Mais lorsqu’
501
age sur « les bruits de mon village » qui servira
de
modèle aux écoliers futurs. Mais lorsqu’il stigmatise les méfaits des
502
x Princes des Prêtres) sont dépourvues du minimum
de
cynisme et de fantaisie qui enflammerait notre indignation. C’est que
503
Prêtres) sont dépourvues du minimum de cynisme et
de
fantaisie qui enflammerait notre indignation. C’est que l’expression
504
ndignation. C’est que l’expression traditionnelle
de
la mauvaise humeur gauloise, héritage d’un classicisme nettement pess
505
ionnelle de la mauvaise humeur gauloise, héritage
d’
un classicisme nettement pessimiste, s’accorde mal avec l’impénitente
506
foi dans le genre humain que M. Duhamel ne cesse
d’
entretenir17. Ce malaise dans l’expression traduit d’ailleurs une équi
507
sur le thème général du livre. Il est inquiétant
de
voir un esprit de cette qualité, et qui certes veut être honnête, se
508
ral du livre. Il est inquiétant de voir un esprit
de
cette qualité, et qui certes veut être honnête, se complaire expressé
509
e complaire expressément dans une hargne tempérée
de
badinage. C’est à la fois trop et trop peu. Car, ou bien M. Duhamel c
510
mécaniques, ce qui revient à faire le vain procès
de
la bêtise humaine. Ou bien sa réaction de dégoût est véritablement pr
511
procès de la bêtise humaine. Ou bien sa réaction
de
dégoût est véritablement profonde, mais alors elle implique la condam
512
rofonde, mais alors elle implique la condamnation
d’
une conception du monde à la fois libérale et inconsciemment matériali
513
quoi récriminer sur quelques aspects superficiels
d’
une civilisation dont on refuserait de dénoncer les principes ou plutô
514
uperficiels d’une civilisation dont on refuserait
de
dénoncer les principes ou plutôt la carence de principes directeurs d
515
it de dénoncer les principes ou plutôt la carence
de
principes directeurs dignes de ce nom ? Serait-ce que la mauvaise hum
516
plutôt la carence de principes directeurs dignes
de
ce nom ? Serait-ce que la mauvaise humeur du bourgeois dérangé agissa
517
on conformisme foncier ? Faut-il y voir une sorte
de
sublimation à rebours du sens de la révolte ? On serait en droit d’ex
518
y voir une sorte de sublimation à rebours du sens
de
la révolte ? On serait en droit d’exiger d’un critique de son temps q
519
ebours du sens de la révolte ? On serait en droit
d’
exiger d’un critique de son temps qu’il déclare ce qu’il attend de l’h
520
sens de la révolte ? On serait en droit d’exiger
d’
un critique de son temps qu’il déclare ce qu’il attend de l’homme. Apr
521
volte ? On serait en droit d’exiger d’un critique
de
son temps qu’il déclare ce qu’il attend de l’homme. Après quoi seulem
522
itique de son temps qu’il déclare ce qu’il attend
de
l’homme. Après quoi seulement l’on distinguerait l’ordre de grandeur
523
. Après quoi seulement l’on distinguerait l’ordre
de
grandeur du grief qu’il fait à ce temps. C’est ce qu’en vain l’on che
524
e qu’en vain l’on cherche au cours de cette suite
de
messages adressés aux Princes des Prêtres, à MM. les Députés, au chef
525
el n’ait joint à son recueil une épître au préfet
de
Police sur les Embarras de Paris. Sujet de pastiche facile : décrire
526
l une épître au préfet de Police sur les Embarras
de
Paris. Sujet de pastiche facile : décrire l’état d’esprit du Français
527
préfet de Police sur les Embarras de Paris. Sujet
de
pastiche facile : décrire l’état d’esprit du Français moyen qui brand
528
nçais moyen qui brandit son parapluie sous le nez
de
l’agent, invective les automobilistes, déclame au beau milieu de la c
529
s, le casque aux cheveux, tête farcie, oui farcie
de
musique, de musique, de musique, de cette abrutissante musique, parfo
530
aux cheveux, tête farcie, oui farcie de musique,
de
musique, de musique, de cette abrutissante musique, parfois coupée, D
531
, tête farcie, oui farcie de musique, de musique,
de
musique, de cette abrutissante musique, parfois coupée, Dieu merci, d
532
e, oui farcie de musique, de musique, de musique,
de
cette abrutissante musique, parfois coupée, Dieu merci, d’un monologu
533
abrutissante musique, parfois coupée, Dieu merci,
d’
un monologue financier ou de hoquets publicitaires. “De la musique ava
534
s coupée, Dieu merci, d’un monologue financier ou
de
hoquets publicitaires. “De la musique avant toute chose…” Oh ! vous n
535
monologue financier ou de hoquets publicitaires. “
De
la musique avant toute chose…” Oh ! vous ne diriez plus cela, Verlain
536
reil optimisme — sinon sur la crainte instinctive
de
choquer un public, qui ne supporte que la mesure, par l’affirmation d
537
qui ne supporte que la mesure, par l’affirmation
de
prévisions horribles, et cependant conformes à la nature des choses.
538
rmes à la nature des choses. e. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Georges Duhamel, Querelles de famille », La Nouvel
539
s de, « [Compte rendu] Georges Duhamel, Querelles
de
famille », La Nouvelle Revue française, Paris, mai 1932, p. 913-915.
540
lite et touchante, ni petit nègre, ni bêtifiante,
d’
une grande force d’expression concrète. Le petit chien Botte raconte s
541
ni petit nègre, ni bêtifiante, d’une grande force
d’
expression concrète. Le petit chien Botte raconte ses journées, « des
542
». Dès la seconde page, c’est à pousser des cris
de
joie. Les enfants comprendront-ils ? Dans la mesure seulement où le p
543
endront-ils ? Dans la mesure seulement où le plan
de
dépoétisation de leur monde confié aux manuels primaires, rate. Lire
544
s la mesure seulement où le plan de dépoétisation
de
leur monde confié aux manuels primaires, rate. Lire à petites doses.
545
l’état sauvage — la vraie. f. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Rudyard Kipling, Ce chien, ton serviteur », La Nou
546
Éloge
de
l’imprudence, par Marcel Jouhandeau (septembre 1932)g Si dans tous
547
deau (septembre 1932)g Si dans tous les écrits
de
notre temps il est question de bien, de mal, de vice et de vertu, de
548
ns tous les écrits de notre temps il est question
de
bien, de mal, de vice et de vertu, de péché même, parfois, quels sont
549
es écrits de notre temps il est question de bien,
de
mal, de vice et de vertu, de péché même, parfois, quels sont les écri
550
s de notre temps il est question de bien, de mal,
de
vice et de vertu, de péché même, parfois, quels sont les écrivains ca
551
temps il est question de bien, de mal, de vice et
de
vertu, de péché même, parfois, quels sont les écrivains capables de d
552
st question de bien, de mal, de vice et de vertu,
de
péché même, parfois, quels sont les écrivains capables de déclarer le
553
même, parfois, quels sont les écrivains capables
de
déclarer leurs références, leurs poids et leurs mesures, enfin leur c
554
les limites du petit livre si justement paradoxal
de
Jouhandeau, — de cette espèce de « dialectique » formelle du bien et
555
tit livre si justement paradoxal de Jouhandeau, —
de
cette espèce de « dialectique » formelle du bien et du mal qu’il publ
556
tement paradoxal de Jouhandeau, — de cette espèce
de
« dialectique » formelle du bien et du mal qu’il publie en marge de s
557
ce Dieu terrible. Et sa vertu est choix. L’absolu
d’
un Nietzsche, c’est le Grand Midi ; et sa vertu : dépassement. Jouhand
558
marches extrêmes du bien et du mal où l’apologie
de
l’un équivaut presque à celle de l’autre. C’est là qu’éclate la viole
559
al où l’apologie de l’un équivaut presque à celle
de
l’autre. C’est là qu’éclate la violence des contraires. Pour tous ceu
560
e des contraires. Pour tous ceux qui ont l’audace
de
se maintenir dans une telle dialectique, il n’existe pas un choix pré
561
ix qui s’imposent avec une violence égale à celle
de
la tentation — c’est la même violence — dans chaque situation existen
562
situation existentielle. En sorte qu’il n’est pas
de
préférence définitive, c’est-à-dire facile, accordée au Bien par exem
563
au Bien par exemple, mais que dans chaque instant
de
l’existence le mal et le bien conservent toutes leurs chances d’être
564
le mal et le bien conservent toutes leurs chances
d’
être préférés, et toutes leurs tentations. En sorte que l’apologie de
565
toutes leurs tentations. En sorte que l’apologie
de
l’un évoque la grandeur de l’autre, et peut-être le secret désir de l
566
n sorte que l’apologie de l’un évoque la grandeur
de
l’autre, et peut-être le secret désir de l’éveiller à la conscience.
567
grandeur de l’autre, et peut-être le secret désir
de
l’éveiller à la conscience. Le but de ce débat, celui de Kierkegaard,
568
ecret désir de l’éveiller à la conscience. Le but
de
ce débat, celui de Kierkegaard, celui de Nietzsche, celui présentemen
569
eiller à la conscience. Le but de ce débat, celui
de
Kierkegaard, celui de Nietzsche, celui présentement de Jouhandeau, c’
570
. Le but de ce débat, celui de Kierkegaard, celui
de
Nietzsche, celui présentement de Jouhandeau, c’est de transcender la
571
erkegaard, celui de Nietzsche, celui présentement
de
Jouhandeau, c’est de transcender la morale et ses canons donnés d’ava
572
ietzsche, celui présentement de Jouhandeau, c’est
de
transcender la morale et ses canons donnés d’avance. L’audace du « ch
573
est de transcender la morale et ses canons donnés
d’
avance. L’audace du « choix » ou du « dépassement », cette vertu qui «
574
e avec une âme joyeuse. » Voilà bien le leitmotiv
de
l’œuvre entière de Jouhandeau. Et soudain il nous apparaît que cette
575
use. » Voilà bien le leitmotiv de l’œuvre entière
de
Jouhandeau. Et soudain il nous apparaît que cette œuvre est une illus
576
e cette œuvre est une illustration, non dépourvue
de
complaisance, du « pecca fortiter » de Luther. Pour qui n’aurait pas
577
dépourvue de complaisance, du « pecca fortiter »
de
Luther. Pour qui n’aurait pas lu d’autres ouvrages de Jouhandeau, les
578
uther. Pour qui n’aurait pas lu d’autres ouvrages
de
Jouhandeau, les aphorismes qui composent l’Éloge de l’imprudence para
579
Jouhandeau, les aphorismes qui composent l’Éloge
de
l’imprudence paraîtront plus abstraits qu’ils ne le méritent. C’est q
580
e le méritent. C’est qu’ils supposent l’existence
d’
un bien et d’un mal concrets dont les Binche ou M. Godeau ou plus réce
581
. C’est qu’ils supposent l’existence d’un bien et
d’
un mal concrets dont les Binche ou M. Godeau ou plus récemment les hér
582
s Binche ou M. Godeau ou plus récemment les héros
de
l’Amateur d’imprudence incarnèrent ailleurs toutes les complexités. I
583
. Godeau ou plus récemment les héros de l’Amateur
d’
imprudence incarnèrent ailleurs toutes les complexités. Il s’agit, on
584
’Église. Mais l’émouvante et ironique dialectique
de
Jouhandeau est-elle très catholique, ou même très chrétienne ? La dia
585
ne postule que bien et mal appartiennent au règne
de
la loi (de la morale). Et c’est la foi qui en libère, non pas cette «
586
que bien et mal appartiennent au règne de la loi (
de
la morale). Et c’est la foi qui en libère, non pas cette « générosité
587
gories du bien et du mal : le péché. Le contraire
d’
un péché, c’est-à-dire ce qui le supprime, ce n’est pas une vertu, mai
588
ertu, mais le pardon. La vertu comme le vice naît
de
la loi et s’y réfère. Mais le péché naît où meurt la foi, et meurt là
589
, Jouhandeau oppose le mal ; à celui-ci le Bien ;
d’
où naissent le désir et la nécessité du Mal absolu ; sur quoi il reste
590
absolu ; sur quoi il reste béant. Mais la réalité
de
la foi est inverse. Elle fait voir le mal comme donnée immédiate ; pu
591
le débat se ramène sur cette page, à une question
de
vocabulaire. Une simple question de vocabulaire comme on dit, — lorsq
592
une question de vocabulaire. Une simple question
de
vocabulaire comme on dit, — lorsqu’on se soucie peu de savoir ce qu’o
593
peu de savoir ce qu’on dit. g. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Marcel Jouhandeau, Éloge de l’imprudence », La Nou
594
nis de, « [Compte rendu] Marcel Jouhandeau, Éloge
de
l’imprudence », La Nouvelle Revue française, Paris, septembre 1932,
595
st pas pour l’amour du laurier, mais pour l’amour
de
son ami Clitus, poète abstrait à la mode de 1920, qu’Alexandre a conq
596
amour de son ami Clitus, poète abstrait à la mode
de
1920, qu’Alexandre a conquis le monde. Le défaut de ce point de vue,
597
1920, qu’Alexandre a conquis le monde. Le défaut
de
ce point de vue, c’est qu’il n’étonnera personne, alors qu’Alexandre
598
e histoire avec beaucoup de grâces et des pointes
d’
ironie anachroniques. Cela frise Salammbô plus que Laforgue d’ailleurs
599
rs, avec, en plus, du sentimentalisme. La préface
de
Cocteau joue sur les thèmes, inépuisables, du profil de plâtre, des b
600
teau joue sur les thèmes, inépuisables, du profil
de
plâtre, des boules de neige et du « dialecte du cœur ». h. Rougemo
601
es, inépuisables, du profil de plâtre, des boules
de
neige et du « dialecte du cœur ». h. Rougemont Denis de, « [Compte
602
et du « dialecte du cœur ». h. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Klaus Mann, Alexandre », La Nouvelle Revue françai
603
Cahier
de
revendications [Présentation] (décembre 1932)i Est-il possible de
604
Présentation] (décembre 1932)i Est-il possible
de
définir une cause commune de la jeunesse française, une communauté d’
605
i Est-il possible de définir une cause commune
de
la jeunesse française, une communauté d’attitude essentielle ? Il sem
606
commune de la jeunesse française, une communauté
d’
attitude essentielle ? Il semble que la solidarité du péril crée en no
607
que n’ont su faire ni maîtres ni doctrines, unité
de
refus devant la consternante misère d’une époque où tout ce qu’un hom
608
nes, unité de refus devant la consternante misère
d’
une époque où tout ce qu’un homme peut aimer et vouloir se trouve coup
609
qu’un homme peut aimer et vouloir se trouve coupé
de
son origine vivante, flétri, dénaturé, inverti, saboté. Des groupes t
610
prit, Plans, Réaction, par leur volonté proclamée
de
rupture, et plus encore par leurs revendications constructives, révèl
611
t-être, dans leur diversité, les premières lignes
de
force d’une nouvelle révolution française. Leur anticapitalisme n’est
612
ans leur diversité, les premières lignes de force
d’
une nouvelle révolution française. Leur anticapitalisme n’est pas celu
613
n française. Leur anticapitalisme n’est pas celui
de
la Troisième Internationale. Toutefois, la doctrine marxiste, en deho
614
dehors de laquelle il s’est constitué, forme l’un
de
ses points de repère principaux. Il se peut qu’il y trouve quelques a
615
elle il s’est constitué, forme l’un de ses points
de
repère principaux. Il se peut qu’il y trouve quelques appuis occasion
616
trouve quelques appuis occasionnels ; et certains
de
leurs objectifs respectifs sont communs… Déjà s’affirme dans l’attitu
617
tifs sont communs… Déjà s’affirme dans l’attitude
de
tous ces groupes un véritable acte de présence à la misère du siècle,
618
l’attitude de tous ces groupes un véritable acte
de
présence à la misère du siècle, assez nouveau parmi les intellectuels
619
larations que l’on va lire. i. Rougemont Denis
de
, « Cahier de revendications », La Nouvelle Revue française, Paris, dé
620
l’on va lire. i. Rougemont Denis de, « Cahier
de
revendications », La Nouvelle Revue française, Paris, décembre 1932,
621
e ou à tuer (décembre 1932)j Nous avons choisi
de
vivre — telle est notre révolution — dans un monde qui nous préparait
622
e les « risques-vie », livrée aux basses rigueurs
d’
un cadre policier. Que vivre soit un choix, une partialité violente, v
623
dans toute l’urgence du terme : actuelle. Il y va
de
la qualité même de notre vie ; de notre choix. Il y va de cette quali
624
e du terme : actuelle. Il y va de la qualité même
de
notre vie ; de notre choix. Il y va de cette qualité même d’impossibl
625
tuelle. Il y va de la qualité même de notre vie ;
de
notre choix. Il y va de cette qualité même d’impossible qui seule ren
626
alité même de notre vie ; de notre choix. Il y va
de
cette qualité même d’impossible qui seule rend la vie possible, c’est
627
e ; de notre choix. Il y va de cette qualité même
d’
impossible qui seule rend la vie possible, c’est-à-dire grande. Devant
628
e grande. Devant les solutions qu’on nous propose
d’
urgence, il est clair que toute impartialité serait hypocrisie, refus.
629
ypocrisie, refus. Qu’on trouve donc ici une prise
de
parti. Nous sommes une génération comblée. Comblée de chances de gr
630
ti. Nous sommes une génération comblée. Comblée
de
chances de grandeur, et comblée de risques mortels. Pour la jeunesse
631
sommes une génération comblée. Comblée de chances
de
grandeur, et comblée de risques mortels. Pour la jeunesse de 1932, le
632
mblée. Comblée de chances de grandeur, et comblée
de
risques mortels. Pour la jeunesse de 1932, le conflit de vivre, le pa
633
, et comblée de risques mortels. Pour la jeunesse
de
1932, le conflit de vivre, le paradoxe fondamental de toute « existen
634
ues mortels. Pour la jeunesse de 1932, le conflit
de
vivre, le paradoxe fondamental de toute « existence » se concrétise d
635
932, le conflit de vivre, le paradoxe fondamental
de
toute « existence » se concrétise dans une « nécessité » révolutionna
636
dont l’ampleur est sans précédent. Ce n’est plus
de
conflits d’idées qu’il s’agit, ni même de conflits d’intérêts. Mais p
637
eur est sans précédent. Ce n’est plus de conflits
d’
idées qu’il s’agit, ni même de conflits d’intérêts. Mais pour nous, en
638
st plus de conflits d’idées qu’il s’agit, ni même
de
conflits d’intérêts. Mais pour nous, entrés dans la vie sous le coup
639
onflits d’idées qu’il s’agit, ni même de conflits
d’
intérêts. Mais pour nous, entrés dans la vie sous le coup d’une menace
640
. Mais pour nous, entrés dans la vie sous le coup
d’
une menace de faillite planétaire, il ne peut s’agir de rien d’autre q
641
ous, entrés dans la vie sous le coup d’une menace
de
faillite planétaire, il ne peut s’agir de rien d’autre que de ceci :
642
menace de faillite planétaire, il ne peut s’agir
de
rien d’autre que de ceci : s’entendre sur le meilleur ou sur le seul
643
de faillite planétaire, il ne peut s’agir de rien
d’
autre que de ceci : s’entendre sur le meilleur ou sur le seul moyen d’
644
planétaire, il ne peut s’agir de rien d’autre que
de
ceci : s’entendre sur le meilleur ou sur le seul moyen d’en réchapper
645
: s’entendre sur le meilleur ou sur le seul moyen
d’
en réchapper, — l’imposer. Ce n’est plus pour quelque « idéal » que no
646
durer, puisque ça dure depuis si longtemps. Masse
de
sourds, de muets et d’aveugles, mais pas si sourds qu’ils ne s’irrite
647
que ça dure depuis si longtemps. Masse de sourds,
de
muets et d’aveugles, mais pas si sourds qu’ils ne s’irritent de nos c
648
depuis si longtemps. Masse de sourds, de muets et
d’
aveugles, mais pas si sourds qu’ils ne s’irritent de nos cris. Il est
649
aveugles, mais pas si sourds qu’ils ne s’irritent
de
nos cris. Il est vrai que certains, au lendemain de la guerre, ont tr
650
nos cris. Il est vrai que certains, au lendemain
de
la guerre, ont trop souvent crié au loup, par goût des atmosphères tr
651
ues. Littérature et mauvais caractère. Il y avait
de
quoi vous fâcher, braves gens, vous n’aviez après tout rien de mieux
652
fâcher, braves gens, vous n’aviez après tout rien
de
mieux à faire. Et vous pensiez que la révolution, c’était une bande d
653
vous pensiez que la révolution, c’était une bande
de
méchants garçons. Puis vous avez pensé que c’étaient des gens dangere
654
vos maîtres. Bientôt vous chercherez des équipes
de
sauvetage. Ici paraît le communisme, comme une constatation de la f
655
Ici paraît le communisme, comme une constatation
de
la faillite, une liquidation à un taux sous-humain. Voici le Plan, pr
656
cette « raison » déjà qui se trouvait à l’origine
de
tout le mal ? Telles sont les composantes de notre situation. Nous
657
ne de tout le mal ? Telles sont les composantes
de
notre situation. Nous sommes là : n’y pouvant plus tenir longtemps ;
658
ouvant plus tenir longtemps ; ne pouvant accepter
de
nous battre pour un « ordre » et des « idéaux » criminels. Il y a la
659
est plus un état d’esprit, ni un refus des tâches
d’
homme. Henri Lefebvre l’a montré, je n’ajouterai rien à sa déclaration
660
sens le plus banal du terme, et aussi à son sens
de
« misère qui appelle ». Nous ne sommes pas des « bourgeois-dégoûtés »
661
on lui offre, il faudrait qu’elle le paie du prix
de
l’âme même. On nous donne à choisir entre un régime bourgeois odieux,
662
espérance, une utopie, qu’il nous est impossible
d’
accepter avec le « bon cœur » que préconise Philippe Lamour, parce que
663
s qu’une réalisation épurée, tyrannique et privée
de
toute résistance interne, de cela justement que dans le désordre régn
664
tyrannique et privée de toute résistance interne,
de
cela justement que dans le désordre régnant, nous détestons de toute
665
ment que dans le désordre régnant, nous détestons
de
toute la force de notre âme : la primauté du matériel. Comment penser
666
ésordre régnant, nous détestons de toute la force
de
notre âme : la primauté du matériel. Comment penser — si « penser » e
667
l. Comment penser — si « penser » est inséparable
d’
une action — entre une bourgeoisie déchue et un marxisme faux ? Il res
668
y a rien pour nous. Nous nous plaçons à l’origine
de
quelque chose d’autre, dont la réalité échappe encore à ceux qui réci
669
s. Nous nous plaçons à l’origine de quelque chose
d’
autre, dont la réalité échappe encore à ceux qui récitent Marx : une «
670
iste, l’autre personnaliste ; la première en voie
de
réalisation en URSS, la seconde encore mal dégagée de sa période de g
671
éalisation en URSS, la seconde encore mal dégagée
de
sa période de gestation doctrinale. Tout le monde sait ce que signifi
672
URSS, la seconde encore mal dégagée de sa période
de
gestation doctrinale. Tout le monde sait ce que signifie politiquemen
673
à la lutte des classes, ce pragmatisme, cet acte
de
foi optimiste dans le cours « dialectique » de l’Histoire, qui caract
674
te de foi optimiste dans le cours « dialectique »
de
l’Histoire, qui caractérisent la position marxiste. Par contre, les b
675
es bases doctrinales exposées ici par des membres
d’
Esprit, de Combat, de L’Ordre nouveau ou de Réaction, pour n’être pas
676
octrinales exposées ici par des membres d’Esprit,
de
Combat, de L’Ordre nouveau ou de Réaction, pour n’être pas entièremen
677
exposées ici par des membres d’Esprit, de Combat,
de
L’Ordre nouveau ou de Réaction, pour n’être pas entièrement originale
678
embres d’Esprit, de Combat, de L’Ordre nouveau ou
de
Réaction, pour n’être pas entièrement originales18, ne peuvent manque
679
pas entièrement originales18, ne peuvent manquer
de
déconcerter tous ceux qui n’imaginent de choix possible qu’entre un c
680
manquer de déconcerter tous ceux qui n’imaginent
de
choix possible qu’entre un capitalisme plus ou moins fascistisé, et l
681
isé). Les marxistes détiennent l’avantage certain
de
tabler sur une « utopie » partiellement traduite en faits. C’est même
682
traduite en faits. C’est même, à voir les choses
de
près, leur unique argument contre les révolutionnaires non marxistes.
683
les voir déjà préparer en sous-main des terrains
d’
entente avec l’URSS. Nous ne pensons pas que la guerre soit, comme l’é
684
e en vain quelle idéologie les empêcherait encore
de
répondre aux invites de ces parents naguère inavouables, mais qui sou
685
ie les empêcherait encore de répondre aux invites
de
ces parents naguère inavouables, mais qui soudain font mine de « réus
686
s naguère inavouables, mais qui soudain font mine
de
« réussir ». N’est-ce donc plus, comme le marque Th. Maulnier, qu’un
687
plus, comme le marque Th. Maulnier, qu’un conflit
d’
intérêts ? Et d’intérêts qui ne sont pas les nôtres, qui ne sont pas l
688
arque Th. Maulnier, qu’un conflit d’intérêts ? Et
d’
intérêts qui ne sont pas les nôtres, qui ne sont pas les intérêts réel
689
as les nôtres, qui ne sont pas les intérêts réels
d’
un être aux prises avec la condition humaine ? Ni pour le mensonge d’h
690
s avec la condition humaine ? Ni pour le mensonge
d’
hier, ni pour celui de demain nous ne verserons notre sang. Il y a une
691
maine ? Ni pour le mensonge d’hier, ni pour celui
de
demain nous ne verserons notre sang. Il y a une vérité qui domine et
692
plement. Les uns croient, avec Marx, à la réalité
d’
une dialectique ternaire ; ils placent leur espoir dans l’avènement de
693
rnaire ; ils placent leur espoir dans l’avènement
de
synthèses successives, acheminant l’espèce vers un équilibre final, m
694
ique du conflit nécessaire et vital. Il n’y a pas
de
troisième terme, — ou c’est la mort19. Mais la coefficience de deux t
695
terme, — ou c’est la mort19. Mais la coefficience
de
deux termes vrais, et assumés comme tels, c’est la personne. L’opposi
696
sumés comme tels, c’est la personne. L’opposition
de
Proudhon et de Marx, sur le terrain économique, traduit exactement l’
697
s, c’est la personne. L’opposition de Proudhon et
de
Marx, sur le terrain économique, traduit exactement l’opposition de K
698
rrain économique, traduit exactement l’opposition
de
Kierkegaard et de Hegel dans le domaine religieux. Elle traduira dema
699
traduit exactement l’opposition de Kierkegaard et
de
Hegel dans le domaine religieux. Elle traduira demain l’opposition de
700
s patries personnalistes. Mais où sont les motifs
de
notre choix ? J’en indiquerai trois. 1° — La seule révolution qui nou
701
ntaires : elle n’est qu’une projection du conflit
de
la personne. Les marxistes nous accusent de mêler des notions « moral
702
nflit de la personne. Les marxistes nous accusent
de
mêler des notions « morales » — ainsi désignent-ils la notion de pers
703
tions « morales » — ainsi désignent-ils la notion
de
personne ! — aux forces politiques et historiques qui selon eux déter
704
ntièrement le devenir révolutionnaire. Mais c’est
de
la mythomanie ; les « Forces économiques », dont ils parlent avec tre
705
ec tremblement, n’existent pas. Elles font partie
de
ces créations pseudo-mystiques qui pullulent dans un monde athée. Que
706
utionnaire, et que nier cette valeur « décisive »
de
la personne, c’est désarmer la révolution. Mais il y a plus. Si la pe
707
i la personne est véritablement l’élément décisif
de
la réalité humaine, toute révolution est vaine qui se fonde sur des f
708
se agir sur les faits autrement que par une suite
de
coups de force, d’actes créateurs, — révolutionnant le déterminisme r
709
ur les faits autrement que par une suite de coups
de
force, d’actes créateurs, — révolutionnant le déterminisme rigoureux
710
ts autrement que par une suite de coups de force,
d’
actes créateurs, — révolutionnant le déterminisme rigoureux de la mati
711
teurs, — révolutionnant le déterminisme rigoureux
de
la matière abandonnée à elle-même ? La dialectique historique à trois
712
mps est une arbitraire projection dans les choses
d’
un mécanisme de « l’intelligence-outil ». Théorie dont le fatalisme in
713
itraire projection dans les choses d’un mécanisme
de
« l’intelligence-outil ». Théorie dont le fatalisme interne reparaît
714
révolutionnaire20. Le matérialisme, c’est l’opium
de
la révolution. 3e — La conception personnaliste est seule capable d’é
715
e — La conception personnaliste est seule capable
d’
édifier un monde culturel, économique et social qu’anime un risque per
716
ticle21 où s’exprimaient des vues parfois proches
de
celles d’Esprit ou de Combat, il réduit l’aventure humaine à un dérou
717
s’exprimaient des vues parfois proches de celles
d’
Esprit ou de Combat, il réduit l’aventure humaine à un déroulement ind
718
nt des vues parfois proches de celles d’Esprit ou
de
Combat, il réduit l’aventure humaine à un déroulement indéfini de cha
719
duit l’aventure humaine à un déroulement indéfini
de
changements, justiciables tout au plus de la statistique. ⁂ Mais les
720
ndéfini de changements, justiciables tout au plus
de
la statistique. ⁂ Mais les marxistes répugnent à nous suivre sur ce t
721
ction ? Est-ce un opportunisme purement tactique,
d’
allure électorale ? « Toutes les tentatives qui ne se fondent pas sur
722
s sur la classe révolutionnaire ne comportent pas
de
points d’application », écrit Nizan. Voilà bien la suprême « évasion
723
lasse révolutionnaire ne comportent pas de points
d’
application », écrit Nizan. Voilà bien la suprême « évasion » de nos i
724
», écrit Nizan. Voilà bien la suprême « évasion »
de
nos intellectuels, même marxistes. Abdication de la pensée entre les
725
de nos intellectuels, même marxistes. Abdication
de
la pensée entre les mains du prolétaire qui, justement, avait besoin
726
mains du prolétaire qui, justement, avait besoin
d’
être conduit par la pensée de quelques-uns22. Proposition antirévoluti
727
tement, avait besoin d’être conduit par la pensée
de
quelques-uns22. Proposition antirévolutionnaire, il faut le dire, et
728
lame implicitement, Lénine réussit une révolution
d’
intellectuels dans un pays qui compte à cette époque moins de 3 millio
729
uels dans un pays qui compte à cette époque moins
de
3 millions d’ouvriers sur une population de 160 millions, et où la bo
730
ays qui compte à cette époque moins de 3 millions
d’
ouvriers sur une population de 160 millions, et où la bourgeoisie exis
731
moins de 3 millions d’ouvriers sur une population
de
160 millions, et où la bourgeoisie existe à peine en tant que classe,
732
es Russies. En 1932 le parti compte deux millions
de
membres sévèrement contrôlés. « Mais, nous dit-on, les constructions
733
contrôlés. « Mais, nous dit-on, les constructions
d’
un Lénine n’étaient pas songes, elles s’appuyaient sur le mouvement de
734
t pas songes, elles s’appuyaient sur le mouvement
de
l’histoire ». Nous avons affaire ici à un véritable mysticisme de la
735
Nous avons affaire ici à un véritable mysticisme
de
la réussite, à un fatalisme, à un pragmatisme historique dont le fond
736
rique dont le fondement matérialiste n’exige rien
de
moins qu’un acte de foi. Un tel mysticisme a-t-il en France la moindr
737
ent matérialiste n’exige rien de moins qu’un acte
de
foi. Un tel mysticisme a-t-il en France la moindre chance de succès ?
738
tel mysticisme a-t-il en France la moindre chance
de
succès ? Où est sa tradition vivante en ce pays ? La violence des com
739
ns la ligne des forces révolutionnaires profondes
de
la France. Cette révolte de la personne, c’est la révolte jacobine, c
740
utionnaires profondes de la France. Cette révolte
de
la personne, c’est la révolte jacobine, c’est la révolte de 89, dans
741
onne, c’est la révolte jacobine, c’est la révolte
de
89, dans ce qu’elle garde de valable et de dynamique ; c’est dès à pr
742
ne, c’est la révolte de 89, dans ce qu’elle garde
de
valable et de dynamique ; c’est dès à présent le ressort de la nouvel
743
évolte de 89, dans ce qu’elle garde de valable et
de
dynamique ; c’est dès à présent le ressort de la nouvelle Révolution
744
et de dynamique ; c’est dès à présent le ressort
de
la nouvelle Révolution française. La volonté, la possibilité de ruptu
745
Révolution française. La volonté, la possibilité
de
rupture, affirmée par les politiciens marxistes, mais niée en sous-ma
746
es, mais niée en sous-main par leur doctrine, est
de
leur part une duperie manifeste. Je les entends menacer le bourgeois
747
vois pas plus forts. Je vois bien l’accumulation
de
leurs griefs, — dont beaucoup sont les nôtres, mais nous en avons dav
748
oient ainsi triompher à la fois des bourgeois, et
de
la vérité humaine de nos doctrines antibourgeoises. Mais ils ne donne
749
à la fois des bourgeois, et de la vérité humaine
de
nos doctrines antibourgeoises. Mais ils ne donnent pas de pain. Ceux
750
octrines antibourgeoises. Mais ils ne donnent pas
de
pain. Ceux qui ne promettent que du pain, finalement n’en donnent jam
751
olitiques (nationalisme, SDN, etc.), condamnation
de
l’individu, de la « pensée » bourgeoise (la pensée sans douleur !), d
752
onalisme, SDN, etc.), condamnation de l’individu,
de
la « pensée » bourgeoise (la pensée sans douleur !), des méthodes pol
753
abli. Mais nous allons plus loin dans la critique
de
ce désordre : jusqu’à ce point où le marxisme, révélant sa vraie natu
754
sa vraie nature, apparaît comme un cas privilégié
de
la folie capitaliste-matérialiste. Non, ce n’est pas une classe que n
755
ot, le « salut » n’est pas à débattre sur le plan
de
l’humanité, mais entre l’homme, entre tel homme et la Réalité qui seu
756
ielles permettent à ce suprême et quotidien débat
d’
avoir un sens, un point d’application : la personne. Tel est en derniè
757
rême et quotidien débat d’avoir un sens, un point
d’
application : la personne. Tel est en dernière analyse, le fondement,
758
el est en dernière analyse, le fondement, l’enjeu
de
la révolution nouvelle. Ici, je ne dirai plus nous, mais je. À la que
759
sérieux vos idées, y croyez-vous ? », les hommes
de
ce temps n’aiment pas répondre, car c’est une question personnelle. U
760
cherche. Ce qu’il faut pour légitimer un système
d’
idées en elles-mêmes justes et opportunes (comme celles, je le crois,
761
justes et opportunes (comme celles, je le crois,
de
L’Ordre nouveau, de Combat ou d’Esprit) c’est une violence spirituell
762
s (comme celles, je le crois, de L’Ordre nouveau,
de
Combat ou d’Esprit) c’est une violence spirituelle qui existe déjà au
763
es, je le crois, de L’Ordre nouveau, de Combat ou
d’
Esprit) c’est une violence spirituelle qui existe déjà au-delà des bou
764
seule chose que les hommes éprouvent dans le fond
de
leur être. Il faut derrière ces idées une masse volontaire, une pesan
765
dées une masse volontaire, une pesante contrainte
de
foi, une pureté terrible et humble. Loin de moi la pensée que par des
766
sée que par des arguments nous pourrons triompher
d’
autre chose que d’arguments. À l’effort admirable du peuple russe retr
767
guments nous pourrons triompher d’autre chose que
d’
arguments. À l’effort admirable du peuple russe retrouvant la grandeur
768
tique « Tu te trompes » ? Les hommes n’entendront
de
nous que notre volonté de sacrifice, de pauvreté. C’est dangereux, c’
769
Les hommes n’entendront de nous que notre volonté
de
sacrifice, de pauvreté. C’est dangereux, c’est grave de penser juste.
770
ntendront de nous que notre volonté de sacrifice,
de
pauvreté. C’est dangereux, c’est grave de penser juste. La vérité ne
771
rifice, de pauvreté. C’est dangereux, c’est grave
de
penser juste. La vérité ne peut exister parmi nous que sous la forme
772
rité ne peut exister parmi nous que sous la forme
d’
une accusation personnelle. Il faut savoir entendre ce mutisme formida
773
peut en donner jusqu’au bout le courage. Je parle
de
la foi chrétienne où je veux être, de ce suprême « choix » qui ne vie
774
e. Je parle de la foi chrétienne où je veux être,
de
ce suprême « choix » qui ne vient pas de moi, mais qui soudain me cho
775
mais qui soudain me choisit, me saisit. Je parle
de
cette seule chose au monde qui n’ait pas besoin d’arguments pour juge
776
e cette seule chose au monde qui n’ait pas besoin
d’
arguments pour juger les idoles du monde ; de cette seule chose pour l
777
soin d’arguments pour juger les idoles du monde ;
de
cette seule chose pour laquelle j’accepte de me faire tuer, parce que
778
de ; de cette seule chose pour laquelle j’accepte
de
me faire tuer, parce que ce ne serait pas crever bassement dans la ha
779
p éclatant. Je n’ai pas à sauver quoi que ce soit
de
la terre, mais seulement à recevoir le pardon. Or il n’est de pardon
780
mais seulement à recevoir le pardon. Or il n’est
de
pardon que pour celui qui agit. On me dira sans doute que je me perds
781
! Déjà les hommes le pressentent : il n’y a rien
d’
autre à attendre que cette force surhumaine d’entrer dans l’Ordre de l
782
ien d’autre à attendre que cette force surhumaine
d’
entrer dans l’Ordre de la Pauvreté, qui vaincra toutes les révolutions
783
que cette force surhumaine d’entrer dans l’Ordre
de
la Pauvreté, qui vaincra toutes les révolutions — après les avoir fai
784
groupe en croissance rapide, le Gegner, s’efforce
de
créer une unité révolutionnaire au-dessus des partis existants. En An
785
, en Hollande, en Irlande et dans les pays latins
de
l’Amérique, cette « troisième force », anticapitaliste et non marxist
786
tre la construction entreprise par le capitalisme
d’
État soviétique, contre la mystique productiviste déjà « niée » par la
787
iculier. 21. du Criterion. 22. Exemple frappant
de
l’Allemagne : voici un pays enfin qui réunit toutes les conditions th
788
n éclate. Il ne se passe rien. Parce qu’on manque
de
chefs. Parce qu’il n’y a plus de « personnes ». 23. Le succès du com
789
rce qu’on manque de chefs. Parce qu’il n’y a plus
de
« personnes ». 23. Le succès du communisme serait-il « de nous rendr
790
onnes ». 23. Le succès du communisme serait-il «
de
nous rendre la vie de caserne acceptable » ? (Roland de Pury, dans H
791
s du communisme serait-il « de nous rendre la vie
de
caserne acceptable » ? (Roland de Pury, dans Hic et Nunc , Paris, n°
792
Hic et Nunc , Paris, n° 1). j. Rougemont Denis
de
, « À prendre ou à tuer », La Nouvelle Revue française, Paris, décembr
793
tent on ne sait quelle sauce. Je ne veux pas être
de
ceux-ci ». Charles-Albert Cingria est donc de ceux dont l’érudition,
794
tre de ceux-ci ». Charles-Albert Cingria est donc
de
ceux dont l’érudition, quitte à passer pour macaronique — comme elles
795
se veut constamment significative. La publication
de
cet étonnant petit livre sur Pétrarque, venant après celle d’une Civi
796
ant petit livre sur Pétrarque, venant après celle
d’
une Civilisation de Saint-Gall non moins remarquable, le met aux antip
797
Pétrarque, venant après celle d’une Civilisation
de
Saint-Gall non moins remarquable, le met aux antipodes de ces histori
798
-Gall non moins remarquable, le met aux antipodes
de
ces historiens contemporains dont le succès consiste, lorsqu’ils cite
799
ntéressant dans la mesure même où il est dépourvu
de
pittoresque, c’est-à-dire, dans ce cas, de traits humains révélateurs
800
pourvu de pittoresque, c’est-à-dire, dans ce cas,
de
traits humains révélateurs, ce qui est tout de même aller un peu loin
801
loin, puisque ainsi l’on supprime la notion même
d’
intéressant. Donc Cingria défend une thèse : « Je m’appliquerai à désa
802
core à une école provençale qui est, à l’origine,
de
propulsion musicale, donc romane-syrienne puisque le plain-chant est
803
t est roman-syrien — et le poète fabriqué à coups
de
platras à la manière antique ». Vous avez le ton. Ajoutez-y le plus e
804
z le ton. Ajoutez-y le plus excitant foisonnement
de
citations — poètes, chroniqueurs, musicographes, Notker, Dante, Nietz
805
ons et plaisanteries jamais dépourvues d’ailleurs
d’
une certaine onction épiscopale, d’une certaine politesse pompeuse qui
806
ues d’ailleurs d’une certaine onction épiscopale,
d’
une certaine politesse pompeuse qui est la forme particulière de son i
807
politesse pompeuse qui est la forme particulière
de
son ironie24 et vous aurez ce petit volume de deux-cents pages qui, d
808
ère de son ironie24 et vous aurez ce petit volume
de
deux-cents pages qui, délayé en six-cents, se verrait décerner le tit
809
délayé en six-cents, se verrait décerner le titre
de
« monument critique ». Tel qu’il est, un petit chef-d’œuvre d’humanis
810
critique ». Tel qu’il est, un petit chef-d’œuvre
d’
humanisme poétique. Car l’« érudition » de Cingria reste si constammen
811
d’œuvre d’humanisme poétique. Car l’« érudition »
de
Cingria reste si constamment précise et malicieuse qu’elle atteint à
812
icieuse qu’elle atteint à coup sûr le particulier
de
tout ce qu’elle aborde au cours de ses démonstrations : c’est dire qu
813
ns : c’est dire qu’elle se meut en pleine poésie.
D’
où sa valeur « actuelle » et multiple, ses incidences fréquentes dans
814
idences fréquentes dans les problèmes du temps et
de
tous les temps : la musique occidentale, les méfaits de Cicéron, le c
815
s les temps : la musique occidentale, les méfaits
de
Cicéron, le commerce des vins dans la vallée du Rhône, la marche en m
816
le nationalisme artificiel mais régnant qui fait
de
la chose publique la chose désavantageuse 25, quelques pages brillant
817
fortes qui rejoignent curieusement les doctrines
de
L’Ordre nouveau). Un style doucement retors, dont les moindres anicro
818
la sans effort, manifestant plutôt cette vivacité
d’
invention dont « l’écriture moderne » reste tristement dépourvue malgr
819
» reste tristement dépourvue malgré ses velléités
de
fantaisie assez relâchée. En quelques touches un peu bourrues, un peu
820
cieuses, il jette l’esprit du lecteur dans le vif
d’
un sujet, et loin d’exploiter l’avantage de cette surprise, place auss
821
esprit du lecteur dans le vif d’un sujet, et loin
d’
exploiter l’avantage de cette surprise, place aussitôt une citation, o
822
le vif d’un sujet, et loin d’exploiter l’avantage
de
cette surprise, place aussitôt une citation, oublie d’avoir raison, e
823
tte surprise, place aussitôt une citation, oublie
d’
avoir raison, et nous laisse admirer cette prose de la Renaissance où
824
’avoir raison, et nous laisse admirer cette prose
de
la Renaissance où palpite, sous une sérénité qui est plutôt de l’enth
825
ance où palpite, sous une sérénité qui est plutôt
de
l’enthousiasme dominé, l’opulente diversité du monde. La qualité des
826
qualité des traductions du latin, du bas latin et
de
l’italien dont ce livre est abondamment orné permettra de goûter dans
827
lien dont ce livre est abondamment orné permettra
de
goûter dans le détail ce que l’on vient de louer dans l’ensemble. C’e
828
C’est la même précision savoureuse dans le rendu
de
l’esprit d’un texte, mais cela toujours grâce à des inventions poétiq
829
me précision savoureuse dans le rendu de l’esprit
d’
un texte, mais cela toujours grâce à des inventions poétiques jouant s
830
t « signé ». 24. Et qui d’ailleurs n’exclut pas
de
petites férocités soudaines, raffinées, ni le bavardage, ni une espèc
831
daines, raffinées, ni le bavardage, ni une espèce
d’
indignation morale aux sursauts fréquents. 25. « Mais cela (les patri
832
uts fréquents. 25. « Mais cela (les patriotismes
de
l’Europe diverse et une) était homogène et souple, vivant, sans faux
833
réquents. 25. « Mais cela (les patriotismes de l’
Europe
diverse et une) était homogène et souple, vivant, sans faux arrêt, sa
834
t souple, vivant, sans faux arrêt, sans cet arrêt
d’
illusoire devenu réel que font les actuels nationalismes, ayant pour e
835
ieu d’être avantageuse, la chose publique empêche
de
communiquer, empêche de vivre, empêche de respirer, et qu’alors, reni
836
la chose publique empêche de communiquer, empêche
de
vivre, empêche de respirer, et qu’alors, reniant sa fin, elle ne sert
837
empêche de communiquer, empêche de vivre, empêche
de
respirer, et qu’alors, reniant sa fin, elle ne sert plus que d’alimen
838
t qu’alors, reniant sa fin, elle ne sert plus que
d’
aliment à un dogmatisme populaire farouche, et se définit comme désava
839
init comme désavantageuse ». k. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Charles-Albert Cingria, Pétrarque », La Nouvelle R
840
it pris Ramuz pour un « régionaliste », c’est une
de
ces méprises qui peuvent servir à déterminer le niveau d’une certaine
841
éprises qui peuvent servir à déterminer le niveau
d’
une certaine presse. Si l’on ne voit dans l’auteur d’Adam et Ève qu’un
842
ne certaine presse. Si l’on ne voit dans l’auteur
d’
Adam et Ève qu’une sorte de folkloriste, il faudra considérer l’auteur
843
ne voit dans l’auteur d’Adam et Ève qu’une sorte
de
folkloriste, il faudra considérer l’auteur de Phèdre comme un archéol
844
rte de folkloriste, il faudra considérer l’auteur
de
Phèdre comme un archéologue, auteur de drames historiques. Que cherch
845
r l’auteur de Phèdre comme un archéologue, auteur
de
drames historiques. Que cherche Ramuz ? Une connaissance du particuli
846
onnaissance du particulier qui introduise à celle
de
l’élémentaire ; qui soit donc le contraire de la recherche du pittore
847
lle de l’élémentaire ; qui soit donc le contraire
de
la recherche du pittoresque. Aucune de ses œuvres mieux qu’Une Main n
848
contraire de la recherche du pittoresque. Aucune
de
ses œuvres mieux qu’Une Main n’en convaincra. On y sent, plus directe
849
, plus directe qu’ailleurs, sa pensée ; on y voit
de
tout près, dans l’intimité d’une chambre, comment sa pensée marche, i
850
pensée ; on y voit de tout près, dans l’intimité
d’
une chambre, comment sa pensée marche, insiste, souffre. Et cela ne se
851
souffre. Et cela ne se passe plus dans le canton
de
Vaud, mais dans le domaine propre de Ramuz qui est l’élémentaire. Jam
852
ns le canton de Vaud, mais dans le domaine propre
de
Ramuz qui est l’élémentaire. Jamais il ne fut mieux lui-même. Il y fa
853
eux lui-même. Il y fallait un cas très simple, un
de
ces cas où le mot « concret » devient presque synonyme de matériel. U
854
as où le mot « concret » devient presque synonyme
de
matériel. Un bras cassé (le gauche) ; l’humiliation de la chute, l’an
855
tériel. Un bras cassé (le gauche) ; l’humiliation
de
la chute, l’angoisse d’être diminué, les difficultés qu’on découvre,
856
e gauche) ; l’humiliation de la chute, l’angoisse
d’
être diminué, les difficultés qu’on découvre, déconcertantes ; puis l’
857
’esprit qui se met à douter, parce qu’il n’a plus
d’
application, l’esprit qui prend peur. La guérison naîtra d’une résista
858
tion, l’esprit qui prend peur. La guérison naîtra
d’
une résistance retrouvée26. Et Ramuz, apaisé, regarde tomber la neige
859
les choses ont de nouveau leur sens. Ramuz parle
de
lui, c’est la première fois. Et c’est à peine de lui. Dix petites pag
860
est à peine de lui. Dix petites pages émouvantes,
d’
une confidence encore contrainte : « Ah ! comme je suis mal fait pour
861
suis mal fait pour ma part, si j’ose ainsi parler
de
moi, mais je ne parle pas de moi, ou je ne parle pas que de moi, parc
862
i j’ose ainsi parler de moi, mais je ne parle pas
de
moi, ou je ne parle pas que de moi, parce que nous sommes tous mal fa
863
is je ne parle pas de moi, ou je ne parle pas que
de
moi, parce que nous sommes tous mal faits. » On n’attendait pas de Ra
864
nous sommes tous mal faits. » On n’attendait pas
de
Ramuz un examen de conscience. S’il s’interroge, dans Une Main, c’est
865
al faits. » On n’attendait pas de Ramuz un examen
de
conscience. S’il s’interroge, dans Une Main, c’est plutôt un examen d
866
’interroge, dans Une Main, c’est plutôt un examen
de
son corps. Examen forcé d’ailleurs, interrogation accidentelle. Par l
867
ation accidentelle. Par le choix même du prétexte
de
cet écrit, il nous donne ce genre de pensées pour ce qu’elles ont tou
868
du prétexte de cet écrit, il nous donne ce genre
de
pensées pour ce qu’elles ont toujours été à ses yeux : le fait d’un d
869
ce qu’elles ont toujours été à ses yeux : le fait
d’
un défaut de présence au monde, d’une impuissance à saisir les choses.
870
ont toujours été à ses yeux : le fait d’un défaut
de
présence au monde, d’une impuissance à saisir les choses. Là réside l
871
yeux : le fait d’un défaut de présence au monde,
d’
une impuissance à saisir les choses. Là réside la cause de la peur, qu
872
puissance à saisir les choses. Là réside la cause
de
la peur, qu’il avoue, et qui n’est sans doute que la méditation d’un
873
avoue, et qui n’est sans doute que la méditation
d’
un esprit dépourvu de prises sensibles. C’est un état d’âme qui caract
874
sans doute que la méditation d’un esprit dépourvu
de
prises sensibles. C’est un état d’âme qui caractérise assez bien le m
875
s présents à eux-mêmes, hommes sans pesée, hommes
de
peu de poids, facilement entraînés. Une Main nous donne ainsi l’anal
876
Une Main nous donne ainsi l’analyse élémentaire
d’
un des phénomènes les plus importants d’aujourd’hui : la démoralisatio
877
émentaire d’un des phénomènes les plus importants
d’
aujourd’hui : la démoralisation. Démoraliser un homme, c’est le priver
878
ralisation. Démoraliser un homme, c’est le priver
de
son pouvoir créateur. C’est le priver de sa main, — ou asservir cette
879
e priver de son pouvoir créateur. C’est le priver
de
sa main, — ou asservir cette main. Est-ce que ma main n’a pas sa voca
880
ain n’a pas sa vocation ? Est-ce qu’elle n’a rien
de
mieux à faire que de se lever avec cent-mille autres, de faire le poi
881
on ? Est-ce qu’elle n’a rien de mieux à faire que
de
se lever avec cent-mille autres, de faire le poing avec cent-mille au
882
x à faire que de se lever avec cent-mille autres,
de
faire le poing avec cent-mille autres ? Cent-mille mains saluent le t
883
comme par exemple une maison trop grande, un feu
de
bois vert qu’on s’ingénie à allumer dans une cheminée qui tire mal. J
884
s que je suis à la mienne. » l. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] C. F. Ramuz, Une main », La Nouvelle Revue françai
885
-Marie Schmidt (octobre 1933)m Il est plaisant
de
voir un jeune auteur obtenir de nos jours un effet de surprise par l’
886
Il est plaisant de voir un jeune auteur obtenir
de
nos jours un effet de surprise par l’emploi d’un style poli, nombreux
887
oir un jeune auteur obtenir de nos jours un effet
de
surprise par l’emploi d’un style poli, nombreux, toujours plein d’onc
888
ir de nos jours un effet de surprise par l’emploi
d’
un style poli, nombreux, toujours plein d’onction, parfois même de pom
889
’emploi d’un style poli, nombreux, toujours plein
d’
onction, parfois même de pompe. Tel est le premier succès de cet ouvra
890
nombreux, toujours plein d’onction, parfois même
de
pompe. Tel est le premier succès de cet ouvrage. Il en révèle peut-êt
891
parfois même de pompe. Tel est le premier succès
de
cet ouvrage. Il en révèle peut-être aussi certain défaut : Albert-Mar
892
u’il le maintienne arbitrairement dans les cadres
d’
une dogmatique morale : c’est plutôt qu’il suit Saint-Évremond de trop
893
e morale : c’est plutôt qu’il suit Saint-Évremond
de
trop près dans les méandres de son éthique. Certes, il en fait valoir
894
uit Saint-Évremond de trop près dans les méandres
de
son éthique. Certes, il en fait valoir ainsi toutes les nuances, avec
895
ière, qu’il ne le garde point sans cesse à portée
d’
un coup de patte qu’il s’abandonne lui-même à sa fantaisie, la plus jo
896
l ne le garde point sans cesse à portée d’un coup
de
patte qu’il s’abandonne lui-même à sa fantaisie, la plus joyeusement
897
ce Saint-Évremond, théoricien spirituel et serein
de
la sagesse du grand siècle, sous le coup de la question capitale qu’o
898
erein de la sagesse du grand siècle, sous le coup
de
la question capitale qu’on voudrait poser sous cette forme : la vérit
899
bien que Saint-Évremond ait jusqu’au bout refusé
de
choisir. Il croit pouvoir entretenir avec Dieu des rapports de polite
900
l croit pouvoir entretenir avec Dieu des rapports
de
politesse. Cela pourrait bien être la formule du désordre intérieur m
901
m. Rien ne le dissimule mieux que le demi-sourire
d’
une raison éclairée et mondaine. La nouveauté de l’essai d’Albert-Mar
902
d’une raison éclairée et mondaine. La nouveauté
de
l’essai d’Albert-Marie Schmidt est d’avoir su déceler la corruption s
903
on éclairée et mondaine. La nouveauté de l’essai
d’
Albert-Marie Schmidt est d’avoir su déceler la corruption secrète de c
904
a nouveauté de l’essai d’Albert-Marie Schmidt est
d’
avoir su déceler la corruption secrète de cet art trop parfait, « qui
905
midt est d’avoir su déceler la corruption secrète
de
cet art trop parfait, « qui supprime les plus angoissants problèmes,
906
blèmes, à force de les éclaircir », et l’impureté
d’
un humanisme que l’on croyait tempéré et limpide, mais que l’on voit «
907
échauffer, se brouiller » aux premières instances
d’
un choix radical et véritablement ordonnateur. Le chapitre le plus rem
908
ment ordonnateur. Le chapitre le plus remarquable
de
cette brève et dense biographie intellectuelle, le plus juste aussi p
909
C’est comme la genèse individuelle et religieuse
de
ce fait trop actuel, qu’Albert-Marie Schmidt nous restitue au cours d
910
Marie Schmidt nous restitue au cours de son essai
de
critique exemplaire. m. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Alber
911
sai de critique exemplaire. m. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Albert-Marie Schmidt, Saint-Évremond ou L’humaniste
912
Le Deuxième Jour
de
la Création, par Ilya Ehrenbourg (décembre 1933)n Ce titre curieus
913
gne le plan quinquennal. Voici donc le roman type
de
l’Édification socialiste. Bourré de petits faits vrais dont l’intenti
914
le roman type de l’Édification socialiste. Bourré
de
petits faits vrais dont l’intention morale est évidente, il est doubl
915
doublement édifiant. Ceux qui ont aimé le Chemin
de
la Vie retrouveront ici l’atmosphère salubre, la naïveté puissante de
916
nt ici l’atmosphère salubre, la naïveté puissante
de
ce film, et le même parti pris de bonne humeur héroïque. Tout ce qu’i
917
ïveté puissante de ce film, et le même parti pris
de
bonne humeur héroïque. Tout ce qu’il faut pour entraîner l’adolescenc
918
ce qu’il faut pour entraîner l’adolescence avide
de
servir une grande cause et de se sacrifier pour le bonheur collectif.
919
l’adolescence avide de servir une grande cause et
de
se sacrifier pour le bonheur collectif. Chanson de Roland, fair-play,
920
e se sacrifier pour le bonheur collectif. Chanson
de
Roland, fair-play, Baden-Powell, religion du travail. On a l’air d’ir
921
ay, Baden-Powell, religion du travail. On a l’air
d’
ironiser, mais lisez donc : vous serez pris, vous donnerez tort au tra
922
re aux anarchistes, koulaks, admirateurs attardés
de
Dostoïevski, petites « personnalités », rouspéteurs et autres surréal
923
», rouspéteurs et autres surréalistes, empêcheurs
de
danser en rond. Voici l’histoire en bref, — non pas l’intrigue ! tout
924
tout cela est propre. Le jeune Kolka, prolétaire
de
bonne souche, part pour la Construction où il ne tarde pas à se disti
925
ne tarde pas à se distinguer par diverses actions
d’
éclat. Il devient brigadier de choc. Grave et rieur, chaste, ignorant,
926
ar diverses actions d’éclat. Il devient brigadier
de
choc. Grave et rieur, chaste, ignorant, avide de « culture ». Volodia
927
de choc. Grave et rieur, chaste, ignorant, avide
de
« culture ». Volodia, lui, est fils de bourgeois : taré donc, intelle
928
ant, avide de « culture ». Volodia, lui, est fils
de
bourgeois : taré donc, intellectuel, ratiocineur, il n’arrive pas, ma
929
loyaux efforts, à se passionner pour le problème
de
la fonte, qui est le problème dominant dans cette région de la Sibéri
930
e, qui est le problème dominant dans cette région
de
la Sibérie. Entre eux, une jeune et touchante Irina, qui choisira bie
931
’est pas né quand il aurait fallu ». L’Histoire a
de
ces exigences. On conseille à Volodia de se brûler la cervelle. Il se
932
stoire a de ces exigences. On conseille à Volodia
de
se brûler la cervelle. Il se pend. Ce résumé fait le plus grand tort
933
sont rien sans la mystique. La force et le charme
de
ce roman sont ceux mêmes d’une jeunesse fruste, innocente jusque dans
934
La force et le charme de ce roman sont ceux mêmes
d’
une jeunesse fruste, innocente jusque dans ses cruautés ; tout jugemen
935
’auteur. Ehrenbourg a utilisé pêle-mêle une masse
de
documents qui parlent d’eux-mêmes. Ils parlent peut-être plus qu’ils
936
lisé pêle-mêle une masse de documents qui parlent
d’
eux-mêmes. Ils parlent peut-être plus qu’ils ne devraient. Ils nous mo
937
conformiste. Le puritanisme des komsomols a ceci
de
spécifiquement ennuyeux qu’il ne crée pas en eux le moindre refouleme
938
foulement. Ce qui suppose une remarquable absence
d’
imagination. Le prochain plan y pourvoira peut-être. Tout cela est en
939
ue la race chez les hitlériens. Il n’y a pas plus
de
conversion possible au prolétariat qu’au germanisme. Voilà de quoi re
940
n possible au prolétariat qu’au germanisme. Voilà
de
quoi refroidir les sympathies trop spontanées. Il faudra, je crois, p
941
dra, je crois, passer outre. Dans ce déchaînement
d’
orgueil humain, de scientisme primaire, dans cette frénésie de bonne h
942
ser outre. Dans ce déchaînement d’orgueil humain,
de
scientisme primaire, dans cette frénésie de bonne humeur, il y a une
943
main, de scientisme primaire, dans cette frénésie
de
bonne humeur, il y a une question. Non pas un doute, mais quelque cho
944
is quelque chose qui veut une réponse, et qui est
d’
autant plus tragique qu’ils ne savent plus le formuler. À nous de les
945
ragique qu’ils ne savent plus le formuler. À nous
de
les y aider ; et de comprendre que seule cette question-là rétablit l
946
vent plus le formuler. À nous de les y aider ; et
de
comprendre que seule cette question-là rétablit la communion humaine.
947
ablit la communion humaine. n. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Ilya Ehrenbourg, Le Deuxième Jour de la Création »
948
[Compte rendu] Ilya Ehrenbourg, Le Deuxième Jour
de
la Création », La Nouvelle Revue française, Paris, décembre 1933, p.
949
Taille
de
l’homme, par C. F. Ramuz (avril 1934)o Après Une Main, confession
950
l 1934)o Après Une Main, confession réticente,
d’
une discrétion presque farouche, et dans la même lignée que Le Grand P
951
s la même lignée que Le Grand Printemps et Raison
d’
Être, voici encore un essai de Ramuz, mais de tous le moins ramuzien :
952
Printemps et Raison d’Être, voici encore un essai
de
Ramuz, mais de tous le moins ramuzien : il s’agit cette fois d’idées,
953
ison d’Être, voici encore un essai de Ramuz, mais
de
tous le moins ramuzien : il s’agit cette fois d’idées, et même d’idée
954
de tous le moins ramuzien : il s’agit cette fois
d’
idées, et même d’idées générales, ce qui est assez paradoxal dans une
955
ramuzien : il s’agit cette fois d’idées, et même
d’
idées générales, ce qui est assez paradoxal dans une telle œuvre. Le s
956
st assez paradoxal dans une telle œuvre. Le sujet
de
Taille de l’Homme, c’est en effet l’opposition cosmique du monde marx
957
aradoxal dans une telle œuvre. Le sujet de Taille
de
l’Homme, c’est en effet l’opposition cosmique du monde marxiste et du
958
proches que d’autres ont déjà formulés, avec plus
de
mordant et plus de précision, et qui d’ailleurs n’ébranleront pas, da
959
s ont déjà formulés, avec plus de mordant et plus
de
précision, et qui d’ailleurs n’ébranleront pas, dans leur foi, les ma
960
’aboutissement du marxisme : l’isolement cosmique
de
l’homme. Quoi qu’il dise, d’ailleurs, il dit plus que ses arguments.
961
arxisme, il n’en resterait pas moins, par le fait
de
son être même, une protestation contre le matérialisme dialectique. Q
962
dialectique. Quand on possède, comme lui, le sens
de
la solitude et le sens de la communauté — indissolubles —, on est une
963
ède, comme lui, le sens de la solitude et le sens
de
la communauté — indissolubles —, on est une objection vivante à tout
964
la vie des choses et des êtres, on n’a pas besoin
d’
arguments pour faire sentir l’absurdité des « lois » qui, pour certain
965
Ramuz est présent à ce monde, — eux, ils essaient
de
le recomposer au sein de leur absence insurmontable. Ramuz, mieux que
966
ntable. Ramuz, mieux que personne, peut se passer
d’
avoir raison, puisqu’il a pour lui la Nature27. C’est quand il parle d
967
u’il a pour lui la Nature27. C’est quand il parle
d’
elle qu’il est grand, qu’il donne et manifeste sa mesure, qu’il appara
968
nt qualifié. La mode est au marxisme et au mépris
de
la Nature ? Mode bourgeoise, tyrannie décadente, tout occupée à calcu
969
a justification. À ceux qui croient aux fatalités
de
l’Histoire, il faut dire simplement qu’elles sont vraies pour eux-mêm
970
lles sont vraies pour eux-mêmes et pour tous ceux
de
leur espèce. On ne calcule pas avec la vie, mais avec des quantités m
971
is avec des quantités mortes. Ceux qui se vantent
d’
être calculables ont très probablement raison : c’est une constatation
972
très probablement raison : c’est une constatation
de
décès spirituel, à peine anticipée peut-être. Mais ils se trompent to
973
ualistes bourgeois savaient la détester. (Dix ans
de
discussions, chez les philosophes de Moscou, ont abouti, en 1932, à d
974
er. (Dix ans de discussions, chez les philosophes
de
Moscou, ont abouti, en 1932, à des définitions tellement abstruses de
975
i, en 1932, à des définitions tellement abstruses
de
cette fameuse « matière » sur laquelle tout se fonde, que Staline s’e
976
e, que Staline s’est vu contraint, pour en finir,
de
fixer la saine doctrine par un ukase condamnant à la fois les mécanis
977
diamat »29, mais ce n’est plus qu’un conformisme
d’
État. C’est, à peu près, l’ukase en moins, ce qui s’est passé chez les
978
s choses. Aussi bien n’éprouve-t-il pas le besoin
de
s’affirmer matérialiste. La position de Ramuz paraît assez voisine de
979
le besoin de s’affirmer matérialiste. La position
de
Ramuz paraît assez voisine de celle de Berdiaev. Tous deux considèren
980
aliste. La position de Ramuz paraît assez voisine
de
celle de Berdiaev. Tous deux considèrent le marxisme comme l’aboutiss
981
a position de Ramuz paraît assez voisine de celle
de
Berdiaev. Tous deux considèrent le marxisme comme l’aboutissement log
982
idèrent le marxisme comme l’aboutissement logique
de
l’esprit bourgeois-capitaliste. Tous deux savent qu’il faut être pour
983
ment athée sans le savoir. Le marxisme est l’aveu
de
son choix. Mais Berdiaev parle en chrétien, et Ramuz ne veut encore p
984
mais l’a-t-il fait ? Il veut un monde à la taille
de
l’homme. Il sait aussi que la mesure de cette taille est dans une foi
985
la taille de l’homme. Il sait aussi que la mesure
de
cette taille est dans une foi, dans « quelque chose qui dépasse l’hom
986
ses limites, ici et maintenant ? C’est là le sens
de
l’Incarnation, en même temps que de la véritable transcendance. C’est
987
st là le sens de l’Incarnation, en même temps que
de
la véritable transcendance. C’est là le point de la rupture avec tout
988
de la véritable transcendance. C’est là le point
de
la rupture avec tout humanisme imaginable (l’homme sauvé par son prog
989
homme sauvé par son progrès). 27. Pas la Nature
de
Rousseau, – la Nature des choses. 28. Certains écrivains marxistes f
990
tent avec la dernière énergie quand on les traite
de
matérialistes. Je crains que ce soit, chez la plupart d’entre eux, un
991
ce soit, chez la plupart d’entre eux, un réflexe
de
bourgeois plutôt que d’homme. « Précédence, et non pas primauté du ma
992
t d’entre eux, un réflexe de bourgeois plutôt que
d’
homme. « Précédence, et non pas primauté du matériel ! », disait l’un
993
et non pas primauté du matériel ! », disait l’un
d’
eux. Qu’est-ce que le matériel peut bien précéder ? D’où nous viendrai
994
x. Qu’est-ce que le matériel peut bien précéder ?
D’
où nous viendrait alors ce « matériel » ? 29. Abréviation usuelle en
995
matérialisme dialectique ». o. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] C. F. Ramuz, Taille de l’homme », La Nouvelle Revu
996
nt Denis de, « [Compte rendu] C. F. Ramuz, Taille
de
l’homme », La Nouvelle Revue française, Paris, avril 1934, p. 709-71
997
Je ne sais pas si le Procès est le chef-d’œuvre
de
Kafka, mais il est difficile d’imaginer un livre plus profond. On a m
998
t le chef-d’œuvre de Kafka, mais il est difficile
d’
imaginer un livre plus profond. On a même l’impression en le lisant, d
999
lus profond. On a même l’impression en le lisant,
de
lire pour la première fois un livre absolument profond. Non qu’il pré
1000
hommes pour étouffer le scandale. Josef K… fondé
de
pouvoir dans une banque, se voit arrêté un beau matin par deux inspec
1001
rennent qu’il est inculpé, mais ils ne savent pas
de
quoi et n’ont pas qualité pour le savoir. Puis, on le rend à la liber
1002
minaires, des démarches que tente l’accusé auprès
d’
une justice insaisissable, infiniment pédante, corrompue et capricieus
1003
ent qui est tout le drame du Procès. Constatation
de
la réalité telle qu’elle est, et en même temps, au moment où la révol
1004
emps, au moment où la révolte point, constatation
de
la vanité absolue de toute appréciation, de toute prise de parti, — d
1005
révolte point, constatation de la vanité absolue
de
toute appréciation, de toute prise de parti, — de tout acte. C’est ce
1006
ation de la vanité absolue de toute appréciation,
de
toute prise de parti, — de tout acte. C’est ce qu’on pourrait appeler
1007
ité absolue de toute appréciation, de toute prise
de
parti, — de tout acte. C’est ce qu’on pourrait appeler la vision méta
1008
de toute appréciation, de toute prise de parti, —
de
tout acte. C’est ce qu’on pourrait appeler la vision métaphysique. To
1009
pur hasard si la théologie chrétienne rend compte
de
presque toutes les situations de ce livre ? Cette Loi qui nous condam
1010
enne rend compte de presque toutes les situations
de
ce livre ? Cette Loi qui nous condamne quoi que nous fassions, ce Jug
1011
vocats qui parlent comme des prêtres, et qui sont
de
mèche avec la justice, ces prévenus en liberté, cette complicité géné
1012
ité générale, tout cela, ce n’est pas la « misère
de
l’homme sans Dieu », mais la misère de l’homme livré à un Dieu qu’il
1013
a « misère de l’homme sans Dieu », mais la misère
de
l’homme livré à un Dieu qu’il ne connaît pas, parce qu’il ne connaît
1014
st la seule possibilité qui soit donnée à l’homme
de
marcher, d’échapper à l’« arrêt » ; mais c’est aussi par cette foi, e
1015
possibilité qui soit donnée à l’homme de marcher,
d’
échapper à l’« arrêt » ; mais c’est aussi par cette foi, et parce qu’e
1016
aussi par cette foi, et parce qu’elle nous permet
de
faire un pas et « d’en sortir » que nous connaissons notre état, que
1017
et parce qu’elle nous permet de faire un pas et «
d’
en sortir » que nous connaissons notre état, que nous mesurons le réel
1018
que nous pouvons l’avouer. p. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Franz Kafka, Le Procès », La Nouvelle Revue frança
1019
Kellermann à Valmy entraîne ses troupes au cri
de
« Vive la Nation ! » nation et peuple se confondaient alors dans la m
1020
et peuple se confondaient alors dans la mystique
de
la révolution. Aujourd’hui l’on se voit sommé de choisir entre un fro
1021
de la révolution. Aujourd’hui l’on se voit sommé
de
choisir entre un front qui se dit « national » et un front qui se dit
1022
ques détachées du réel ? Je vois à gauche la peur
de
Chiappe, et à droite, la peur de la gauche. Je vois à droite une tent
1023
à gauche la peur de Chiappe, et à droite, la peur
de
la gauche. Je vois à droite une tentation fasciste, trop faible encor
1024
assez forte déjà pour que la masse accepte l’idée
d’
une dictature… « antifasciste ». Tout cela se joue sur des mots, et ce
1025
mots ne traduisent que des religions vagues, nées
de
la peur, et comme telles meurtrières. Les faits, ce sont M. de Wendel
1026
eur devine quelques intérêts convergents, du côté
d’
Hitler par exemple. Staline veut une armée française puissante, il app
1027
une armée française puissante, il approuve la loi
de
deux ans. « Staline a raison », affirme l’affiche communiste ; mais a
1028
re ! Flatus vocis ! Il n’y a qu’une seule manière
de
tirer à la mitrailleuse et de se faire casser la figure. On peut regr
1029
u’une seule manière de tirer à la mitrailleuse et
de
se faire casser la figure. On peut regretter que le Congrès pour la d
1030
it rien tenté pour débrouiller un peu le complexe
de
mots adultérés qui encombre la vie politique et qui empêche, à gauche
1031
olitique et qui empêche, à gauche comme à droite,
de
nommer les vrais adversaires. (Je ne vois que Chamson qui ait dénoncé
1032
e semble qu’on a fait tout autre chose, au Palais
de
la Mutualité. Il me semble qu’on s’est entendu pour « cultiver » des
1033
: c’était jusqu’à présent le fait des ligues que
de
proclamer la liberté en préparant la dictature. Jamais on n’a plus ma
1034
e. Jamais on n’a plus mal menti, jamais avec plus
d’
enthousiasme. Ni la gauche ni la droite ne pourront aboutir à une doct
1035
doctrine constructive tant qu’elles s’efforceront
de
dénaturer les grands mots d’ordre populaires, au nom de mystiques san
1036
. Trop simple, sans doute ? q. Rougemont Denis
de
, « Ni gauche ni droite », La Nouvelle Revue française, Paris, août 19
1037
il ne fut pas un magicien. Il erra toute sa vie,
d’
auberges en universités, suivi d’une troupe de disciples turbulents, à
1038
ra toute sa vie, d’auberges en universités, suivi
d’
une troupe de disciples turbulents, à la recherche de secrets qu’il vo
1039
ie, d’auberges en universités, suivi d’une troupe
de
disciples turbulents, à la recherche de secrets qu’il voulait rendre
1040
ne troupe de disciples turbulents, à la recherche
de
secrets qu’il voulait rendre manifestes à tous, et qu’il exprimait, c
1041
lemand populaire et grossier30. Il faut se méfier
de
la gloire qu’on lui a faite. On nous rapporte par exemple que « déjà
1042
mourir, il s’adressa au diable qui lui conseilla
de
se faire enterrer pour une année, coupé en petits morceaux, dans du c
1043
année, coupé en petits morceaux, dans du crottin
de
cheval, et de faire subir à son corps toute la gamme des combinaisons
1044
en petits morceaux, dans du crottin de cheval, et
de
faire subir à son corps toute la gamme des combinaisons alchimiques a
1045
imiques afin de ressusciter ensuite sous la forme
d’
un beau jeune homme. Il se fit tailler en morceaux et enterrer par son
1046
âne seul n’avait pas tout à fait repoussé. Un peu
d’
air pénétra dans le cerveau et Paracelse dut mourir avant d’avoir ress
1047
tra dans le cerveau et Paracelse dut mourir avant
d’
avoir ressuscité ». Rajeunir son corps et son âme par l’ordure, c’est
1048
son âme par l’ordure, c’est un des thèmes favoris
de
notre temps. Mais combien, parmi nous, se sont fait déterrer deux jou
1049
sont fait déterrer deux jours trop tôt ! L’auteur
de
l’anecdote était bon prophète, mais il n’a rien compris à Paracelse.
1050
pas rationaliste, comme le veut le langage confus
de
ceux qui se croient cartésiens. Aussi a-t-on souvent tendance à le re
1051
ues, où cependant il n’a que faire, avec son goût
de
l’expérience et de l’application concrète. Mais justement cette fring
1052
l n’a que faire, avec son goût de l’expérience et
de
l’application concrète. Mais justement cette fringale d’expérience qu
1053
plication concrète. Mais justement cette fringale
d’
expérience qu’il promena par toute l’Europe, et peut-être même chez le
1054
e fringale d’expérience qu’il promena par toute l’
Europe
, et peut-être même chez les Turcs, le rendit attentif à tant de phéno
1055
ouvait y suffire. Ce grand esprit qui savait voir
de
grandioses correspondances dans le détail bizarre de notre microcosme
1056
grandioses correspondances dans le détail bizarre
de
notre microcosme, manquait de la seule chose dont nous soyons abondam
1057
s le détail bizarre de notre microcosme, manquait
de
la seule chose dont nous soyons abondamment fournis : d’un attirail d
1058
eule chose dont nous soyons abondamment fournis :
d’
un attirail de concepts à tout faire31. Il faut voir comme il se débat
1059
t nous soyons abondamment fournis : d’un attirail
de
concepts à tout faire31. Il faut voir comme il se débat avec son lati
1060
31. Il faut voir comme il se débat avec son latin
de
cuisine, son grec allégorique et son allemand mal accordé pour fabriq
1061
ur ne saurait satisfaire les esprits plus curieux
de
preuves que de faits. J’en viens au petit livre de Gundolf. C’est l’œ
1062
atisfaire les esprits plus curieux de preuves que
de
faits. J’en viens au petit livre de Gundolf. C’est l’œuvre synthétiqu
1063
e preuves que de faits. J’en viens au petit livre
de
Gundolf. C’est l’œuvre synthétique d’un philosophe des formes culture
1064
petit livre de Gundolf. C’est l’œuvre synthétique
d’
un philosophe des formes culturelles, plutôt que d’un historien de la
1065
’un philosophe des formes culturelles, plutôt que
d’
un historien de la science. Les historiens font la grimace, mais les l
1066
des formes culturelles, plutôt que d’un historien
de
la science. Les historiens font la grimace, mais les lettrés et les m
1067
font la grimace, mais les lettrés et les médecins
de
la jeune école seront comblés. Gundolf décrit l’œuvre de Paracelse co
1068
eune école seront comblés. Gundolf décrit l’œuvre
de
Paracelse comme un drame de l’expression, une tragédie de la terminol
1069
undolf décrit l’œuvre de Paracelse comme un drame
de
l’expression, une tragédie de la terminologie, une « lutte accablante
1070
else comme un drame de l’expression, une tragédie
de
la terminologie, une « lutte accablante pour l’expression des choses
1071
on des choses jamais dites ». Paracelse a vu plus
de
choses qu’il ne pouvait en exprimer. Son destin fut l’inverse du nôtr
1072
pleine scolastique (au sens vulgaire). Ce défaut
de
mots propres aurait dû le contraindre à l’invention de métaphores. Ma
1073
ts propres aurait dû le contraindre à l’invention
de
métaphores. Mais Paracelse justement se méfie de ce mode — de cette m
1074
de métaphores. Mais Paracelse justement se méfie
de
ce mode — de cette mode — d’expression, qui lui paraît peu scientifiq
1075
s. Mais Paracelse justement se méfie de ce mode —
de
cette mode — d’expression, qui lui paraît peu scientifique. Il s’en t
1076
e justement se méfie de ce mode — de cette mode —
d’
expression, qui lui paraît peu scientifique. Il s’en tire au moyen d’a
1077
ui paraît peu scientifique. Il s’en tire au moyen
d’
allégories, et transforme sa maladresse en instrument de découvertes.
1078
gories, et transforme sa maladresse en instrument
de
découvertes. Alors que notre étiologie se borne la plupart du temps à
1079
acelse ne veut nommer les maladies que par le nom
de
leur remède. « Il ne faut pas dire que tel état est colérique, tel au
1080
connaître et guérir une maladie, il ne suffit pas
de
voir l’homme seul ; il faut considérer sa relation avec le monde, don
1081
embre, un reflet. So oben wie unten. L’astrologie
de
Paracelse n’est pas une superstition de devin, c’est une science de l
1082
strologie de Paracelse n’est pas une superstition
de
devin, c’est une science de la guérison fondée sur le principe hippoc
1083
pas une superstition de devin, c’est une science
de
la guérison fondée sur le principe hippocratique des similia similibu
1084
ilia similibus, principe qu’on retrouve à la base
de
l’homéopathie moderne, du traitement par la vaccination, et même de l
1085
oderne, du traitement par la vaccination, et même
de
la psychanalyse. Paracelse s’était formé de l’homme une conception sp
1086
même de la psychanalyse. Paracelse s’était formé
de
l’homme une conception spirituelle et organique (théologique-astrolog
1087
ins galénistes qui voyaient l’homme sous l’aspect
d’
un concept. Il se fût opposé aussi aux médecins de la Renaissance, à L
1088
d’un concept. Il se fût opposé aussi aux médecins
de
la Renaissance, à Léonard, à Cardan, à Vésale, aux techniciens de la
1089
e, à Léonard, à Cardan, à Vésale, aux techniciens
de
la dissection dont descend toute la science du xixe , et qui nous ont
1090
onduits à considérer notre corps comme une espèce
de
moteur démontable. Ainsi le grand docteur « macrocosmique », en appli
1091
ur les générations futures « l’horizon primordial
de
la médecine », comme l’écrit le Dr Allendy dans l’Essai sur la guéris
1092
ns l’Essai sur la guérison, ouvrage tout imprégné
de
l’esprit vitaliste de Paracelse, brève synthèse des idées les plus ne
1093
ison, ouvrage tout imprégné de l’esprit vitaliste
de
Paracelse, brève synthèse des idées les plus neuves, qui sont aussi l
1094
ont aussi les plus antiques, sur la nature unique
de
la maladie, ouvrage dont on peut dire qu’il marque une date dans l’hi
1095
n peut dire qu’il marque une date dans l’histoire
de
la connaissance du monde par le corps, ou si l’on veut, du corps par
1096
auquel nous assistons est un des signes marquants
de
ce temps-ci. Le symbole d’une révolution astronomique de la culture o
1097
n des signes marquants de ce temps-ci. Le symbole
d’
une révolution astronomique de la culture occidentale. Peut-être avons
1098
emps-ci. Le symbole d’une révolution astronomique
de
la culture occidentale. Peut-être avons-nous passé l’âge de l’inhumai
1099
ure occidentale. Peut-être avons-nous passé l’âge
de
l’inhumaine, de la blasphématoire mécanisation de la vie. Peut-être a
1100
Peut-être avons-nous passé l’âge de l’inhumaine,
de
la blasphématoire mécanisation de la vie. Peut-être avons-nous passé
1101
de l’inhumaine, de la blasphématoire mécanisation
de
la vie. Peut-être avons-nous passé l’âge des rationalismes trop court
1102
s-nous passé l’âge des rationalismes trop courts,
de
la mythologie féroce des ismes, de Marx et des capitalistes, des ador
1103
s trop courts, de la mythologie féroce des ismes,
de
Marx et des capitalistes, des adorateurs de la mort, triomphe des chi
1104
smes, de Marx et des capitalistes, des adorateurs
de
la mort, triomphe des chiffres et des laboratoires. Peut-être allons-
1105
ulement cruelle et folle, l’époque qui nous offre
de
si grandes chances. Et c’est une ère favorable qui s’ouvre, celle où
1106
s sur les ouvriers, observa la démarche, le genre
de
vie et l’aspect des mineurs et conçut ainsi, le premier, l’importance
1107
mineurs et conçut ainsi, le premier, l’importance
de
l’hygiène professionnelle ». Voilà qui l’honore en tant qu’homme. Mai
1108
nommât l’activité qu’il découvrait. Qui ne sait,
de
nos jours, parler d’« hygiène professionnelle » ? 32. Euphémisme rés
1109
’il découvrait. Qui ne sait, de nos jours, parler
d’
« hygiène professionnelle » ? 32. Euphémisme résumant des chapitres e
1110
? 32. Euphémisme résumant des chapitres entiers
d’
effroyables et puériles injures. « Votre Esculape, votre Avicenne et v
1111
cribouillards (Scribenten) je les dissoudrai dans
de
l’Alkali !… » Il propose dans le même passage de les brûler au four,
1112
de l’Alkali !… » Il propose dans le même passage
de
les brûler au four, de les baptiser d’ordures, eux et leur parenté, d
1113
opose dans le même passage de les brûler au four,
de
les baptiser d’ordures, eux et leur parenté, de les jeter dans le lac
1114
me passage de les brûler au four, de les baptiser
d’
ordures, eux et leur parenté, de les jeter dans le lac de Schwyz, etc.
1115
, de les baptiser d’ordures, eux et leur parenté,
de
les jeter dans le lac de Schwyz, etc., « et ce sera pour la vertu, qu
1116
es, eux et leur parenté, de les jeter dans le lac
de
Schwyz, etc., « et ce sera pour la vertu, quarte colonne de la médeci
1117
etc., « et ce sera pour la vertu, quarte colonne
de
la médecine, un grand spectacle ! » (Liber Paragranum). r. Rougemon
1118
acle ! » (Liber Paragranum). r. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Frédéric Gundolf, Paracelse », La Nouvelle Revue f
1119
mieux mérité son titre. Je veux dire que la part
de
la dialectique professionnelle, professorale, la tractation correcte
1120
ctation correcte et à mon sens parfaitement vaine
de
problèmes qui n’empêchent personne de dormir, diminue nettement dans
1121
ement vaine de problèmes qui n’empêchent personne
de
dormir, diminue nettement dans ce tome IV au profit de la recherche v
1122
rmir, diminue nettement dans ce tome IV au profit
de
la recherche véritable, des imprudences passionnées, des « essais » o
1123
saurait assez louer les directeurs des Recherches
d’
avoir pris au sérieux le risque philosophique. Et je ne pense pas trah
1124
qu’ils ont accueillis cette année. La belle étude
de
Karl Löwith sur Hegel, Marx et Kierkegaard fournit à l’orientation ac
1125
à l’orientation actuelle des Recherches une sorte
de
justification historique de grande envergure. Löwith voit en Hegel l’
1126
Recherches une sorte de justification historique
de
grande envergure. Löwith voit en Hegel l’achèvement de la philosophie
1127
ande envergure. Löwith voit en Hegel l’achèvement
de
la philosophie classique, aux deux sens du mot achèvement. À partir d
1128
artir de Hegel, dit-il, le philosophe n’aura plus
d’
autre possibilité que celle de « réaliser » la philosophie. Réaliser,
1129
losophe n’aura plus d’autre possibilité que celle
de
« réaliser » la philosophie. Réaliser, c’est s’engager dans l’aventur
1130
euse. Au grand Hegel qui philosophe « au dimanche
de
la vie » au-dessus du « banc de sable de cette vie temporelle », Löwi
1131
phe « au dimanche de la vie » au-dessus du « banc
de
sable de cette vie temporelle », Löwith oppose Marx et Kierkegaard qu
1132
dimanche de la vie » au-dessus du « banc de sable
de
cette vie temporelle », Löwith oppose Marx et Kierkegaard qui pensent
1133
la banalité soucieuse, extérieure et intérieure,
de
l’homme ». Et je ne dis pas que le parallèle Marx-Kierkegaard n’ait e
1134
r à l’excès Kierkegaard, et à forcer l’opposition
de
Marx à la doctrine hégélienne de la médiation. Mais ce qui me paraît
1135
cer l’opposition de Marx à la doctrine hégélienne
de
la médiation. Mais ce qui me paraît important, c’est que Löwith dégag
1136
nflit qui domine le monde présent. L’effondrement
de
l’idéalisme hégélien sous la pression des réalités humaines élémentai
1137
personnalistes. Désormais, la philosophie cessera
d’
être une simple description : elle va devenir action transformatrice,
1138
e doctrine, ou pour mieux dire, la seule attitude
de
pensée qui tienne compte de cette crise essentielle révélée par l’éch
1139
re, la seule attitude de pensée qui tienne compte
de
cette crise essentielle révélée par l’échec des synthèses hégéliennes
1140
chec des synthèses hégéliennes comme constitutive
de
l’humain, certains pensent que c’est aujourd’hui l’attitude personnal
1141
s pages qu’Alexandre Marc consacre à la situation
de
la personne dans le temps paraîtront par endroits un peu sommaires, m
1142
endroits un peu sommaires, mais ce défaut procède
de
la vigueur joyeuse dont l’auteur fait preuve dans l’attaque d’un prob
1143
joyeuse dont l’auteur fait preuve dans l’attaque
d’
un problème entre tous urgent. Il se pourrait d’ailleurs que l’apparen
1144
s thèses personnalistes soit le fait, provisoire,
de
toute philosophie naissante qui prétend restituer aux mots leur pouvo
1145
tiquement bouleversant. À cet égard, on fera bien
de
lire l’essai de René Daumal sur les Limites du langage philosophique.
1146
ersant. À cet égard, on fera bien de lire l’essai
de
René Daumal sur les Limites du langage philosophique. C’est une reche
1147
philosophique. C’est une recherche des conditions
d’
activité de l’imagerie philosophique, conduite avec un bon sens socrat
1148
ue. C’est une recherche des conditions d’activité
de
l’imagerie philosophique, conduite avec un bon sens socratique, un se
1149
e avec un bon sens socratique, un sens du concret
de
l’esprit qui enchante en moi le disciple de Kierkegaard. Il apparaît
1150
ncret de l’esprit qui enchante en moi le disciple
de
Kierkegaard. Il apparaît de plus en plus nettement que les prolégomèn
1151
toute action réelle résident dans la restauration
d’
un langage efficace. C’est dire l’intérêt, au sens fort, de l’apport d
1152
age efficace. C’est dire l’intérêt, au sens fort,
de
l’apport des poètes à la philosophie et à l’éthique. Les études de E.
1153
oètes à la philosophie et à l’éthique. Les études
de
E. Weil sur l’histoire, de M. Souriau sur la mystique de la joie, les
1154
l’éthique. Les études de E. Weil sur l’histoire,
de
M. Souriau sur la mystique de la joie, les esquisses phénoménologique
1155
eil sur l’histoire, de M. Souriau sur la mystique
de
la joie, les esquisses phénoménologiques du Dr Minkowski, les approxi
1156
ations un peu hésitantes — est-ce un reproche ? —
de
G. Marcel sur l’acte et la personne, mériteraient beaucoup plus qu’un
1157
résume tout le vertige ontologique, et l’article
de
G. Stern sur l’a posteriori, bien caractéristique d’un certain renouv
1158
G. Stern sur l’a posteriori, bien caractéristique
d’
un certain renouveau du réalisme. Je me bornerai à signaler pour finir
1159
ai à signaler pour finir les pages très curieuses
de
P. Klossowski sur Sade, où il est démontré par des voies imprévues, c
1160
ntré par des voies imprévues, comment la négation
de
Dieu entraîne la négation du prochain, dans un esprit voué à la plus
1161
la plus torturante logique. s. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Recherches philosophiques », La Nouvelle Revue fra
1162
ett par Dorothy Brett ; Matinées mexicaines suivi
de
Pansies (poèmes), par D. H. Lawrence (octobre 1935)t Les souvenirs
1163
r D. H. Lawrence (octobre 1935)t Les souvenirs
de
Mabel Dodge sur Lawrence à Taos sont irritants à cause de cette Améri
1164
r discret, sensible, qui convient à la confession
d’
un sentiment ni partagé ni rebuté, et résigné dès le début à cet état.
1165
état. Le plaisir le plus vif que réserve ce genre
d’
écrit, c’est de nous laisser lire dans le jeu d’un être humain : rien
1166
r le plus vif que réserve ce genre d’écrit, c’est
de
nous laisser lire dans le jeu d’un être humain : rien ne flatte mieux
1167
e d’écrit, c’est de nous laisser lire dans le jeu
d’
un être humain : rien ne flatte mieux notre désir d’ubiquité. À cet ég
1168
un être humain : rien ne flatte mieux notre désir
d’
ubiquité. À cet égard, le livre de Dorothy Brett est beaucoup plus sat
1169
eux notre désir d’ubiquité. À cet égard, le livre
de
Dorothy Brett est beaucoup plus satisfaisant que les diatribes intére
1170
p plus satisfaisant que les diatribes intéressées
de
Mabel Dodge. Il parvient à ne rien cacher tout en restant d’une exact
1171
dge. Il parvient à ne rien cacher tout en restant
d’
une exacte pudeur. Mais enfin, c’est tout de même pour Lawrence qu’on
1172
Pour quel Lawrence ? Je me demande si le souvenir
de
son œuvre est pour beaucoup dans l’intérêt que je prends aux chroniqu
1173
’intérêt que je prends aux chroniques minutieuses
de
sa vie33. A-t-on remarqué l’extrême rareté des documents accessibles
1174
e rareté des documents accessibles sur la manière
de
vivre de nos contemporains ? Nous avons des reportages et des biograp
1175
des documents accessibles sur la manière de vivre
de
nos contemporains ? Nous avons des reportages et des biographies, c’e
1176
ies, c’est-à-dire des moyennes et des exceptions,
de
la statistique et du pittoresque. Mais où trouver la description des
1177
ption des journées, des occupations, des manières
de
réagir d’un homme réel aux prises avec son métier, ses voisins, sa fe
1178
journées, des occupations, des manières de réagir
d’
un homme réel aux prises avec son métier, ses voisins, sa femme, son a
1179
, ses voisins, sa femme, son argent ou son manque
d’
argent ; avec des ustensiles, une scie, un cheval ; avec les sentiment
1180
Voici alors, entre cent autres, cette description
d’
une journée de Lawrence dans son ranch mexicain (c’est à Lawrence que
1181
ntre cent autres, cette description d’une journée
de
Lawrence dans son ranch mexicain (c’est à Lawrence que Brett dit « vo
1182
Brett dit « vous » tout le long du livre) : Jour
de
lessive ; à nouveau Frieda barbote avec plaisir dans ses baquets que
1183
dans ses baquets que vous emplissez sans relâche
de
l’eau du puits. J’apporte, moi aussi, quelques seaux. Puis vous parte
1184
e il lui avait déclaré que vous aviez l’intention
de
« détruire » Mabel, ce qui bouleverse Tony et vous bouleverse au-delà
1185
ce qui bouleverse Tony et vous bouleverse au-delà
de
toute expression. Vous êtes très peiné, et je dis, moi, qu’on ne devr
1186
né, et je dis, moi, qu’on ne devrait pas raconter
de
pareilles histoires à Tony. Vous répondez avec force et chaleur : « O
1187
le déjeuner vous vous mettez à frotter le parquet
de
la cuisine à genoux ; à l’aide d’une petite brosse à mains, vous frot
1188
tter le parquet de la cuisine à genoux ; à l’aide
d’
une petite brosse à mains, vous frottez les vieilles planches pourries
1189
es vieilles planches pourries. C’est cette vision
de
vous ainsi qui m’a fait peindre ces planchers, des années plus tard,
1190
les chevaux qui se cachent tout au bout du champ
de
pommes de terre, là-bas près de la barrière sud. Finalement, nous les
1191
que jamais. Puis Poppy se cabre au-dessus du dos
de
Bessie et nous la perdons presque. Enfin nos montures sont sellées et
1192
wrence, leur humeur rageuse, faut-il dire, coupée
d’
accès de malice saugrenue. Les Pansies confirment d’ailleurs ce que no
1193
leur humeur rageuse, faut-il dire, coupée d’accès
de
malice saugrenue. Les Pansies confirment d’ailleurs ce que nous disen
1194
d’ailleurs ce que nous disent Brett et les autres
de
cet état d’irritation perpétuelle où vivait Lawrence : « Je suis épui
1195
e que nous disent Brett et les autres de cet état
d’
irritation perpétuelle où vivait Lawrence : « Je suis épuisé — Par l’e
1196
ez pas votre confiance — Pour me charger du poids
de
votre vie, de vos affaires ; — Ne me fourrez pas dans vos soucis. » L
1197
onfiance — Pour me charger du poids de votre vie,
de
vos affaires ; — Ne me fourrez pas dans vos soucis. » La mauvaise hum
1198
sans doute la caractéristique générale des hommes
d’
aujourd’hui : c’est qu’ils croient au bonheur et à l’argent, les deux
1199
ni à l’autre. Sa susceptibilité vient sans doute
de
son infériorité physique. Mais non moins de son obstination absurde e
1200
doute de son infériorité physique. Mais non moins
de
son obstination absurde et touchante à vouloir « les gens » plus viva
1201
alité. » L’homme moderne, dit Keyserling, n’a pas
de
prochains ; il n’a que des voisins inévitables. Voilà Lawrence, l’hom
1202
évangélique, c’est justement celui qui « exige »
de
l’aide et auquel on vient en aide. Autrement, il serait deux fois ins
1203
veut pas entendre. Pauvre Lawrence à la recherche
de
sa communauté solaire !34 C’est son meilleur prétexte à fuir les homm
1204
les bêtes, les choses. Envers elles, il est plein
d’
une espèce de charité patiente et ingénieuse. D’où son amour des trava
1205
s choses. Envers elles, il est plein d’une espèce
de
charité patiente et ingénieuse. D’où son amour des travaux manuels. C
1206
n d’une espèce de charité patiente et ingénieuse.
D’
où son amour des travaux manuels. Comme tout cela est rafraîchissant,
1207
et pur. Notez aussi cette petite phrase du récit
de
Brett : « Puis vous partez écrire dans les bois. » On allait oublier
1208
ssé à un pin, avec sa chemise bleue, ses culottes
de
velours blanc, et son grand chapeau de paille pointu, en train d’écri
1209
s culottes de velours blanc, et son grand chapeau
de
paille pointu, en train d’écrire sur ses genoux. (Pendant que les aut
1210
ment animées par « les battements du cœur sauvage
de
l’Espace », il s’amuse, il s’effraie de ses personnages, il les hait
1211
r sauvage de l’Espace », il s’amuse, il s’effraie
de
ses personnages, il les hait furieusement, il les approche avec méfia
1212
rieusement, il les approche avec méfiance et tout
d’
un coup les pousse par-derrière, et rit. C’est un long enfant maigre a
1213
t qui s’est mis une barbe rousse pour avoir l’air
d’
un faune. 33. Même question pour les Conversations avec Eckermann, p
1214
les Conversations avec Eckermann, pour le Journal
de
Byron, etc. 34. Je n’arrive pas à prendre au sérieux en soi la relig
1215
ligion solaire que prêche Lawrence. C’est un rêve
de
compensation. C’est l’expression de son impuissance à résoudre ce que
1216
C’est un rêve de compensation. C’est l’expression
de
son impuissance à résoudre ce que j’appellerais le « problème des gen
1217
et beaucoup plus encombrant… t. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Dorothy Brett, Lawrence et Brett ; D. H. Lawrence,
1218
Brett ; D. H. Lawrence, Matinées mexicaines suivi
de
Pansies », La Nouvelle Revue française, Paris, octobre 1935, p. 596-
1219
35)u C’est une entreprise incertaine que celle
d’
offrir à la curiosité moderne les témoignages écrits de la mystique mé
1220
rir à la curiosité moderne les témoignages écrits
de
la mystique médiévale ou renaissante. Notre optique actuelle doit fat
1221
otre scepticisme religieux. Une telle disposition
d’
esprit nous incite à séparer ce qui était lié chez les mystiques : la
1222
r ce qui était lié chez les mystiques : la vision
de
foi et les symboles concrets qui essaient de l’envelopper pour la tra
1223
sion de foi et les symboles concrets qui essaient
de
l’envelopper pour la transmettre. Nous estimons alors les mystiques s
1224
rement l’intellection du contenu, et encore moins
de
sa vérité. Il y a donc de l’équivoque dans notre admiration (ou notre
1225
ontenu, et encore moins de sa vérité. Il y a donc
de
l’équivoque dans notre admiration (ou notre déception) devant les tém
1226
t les témoignages qu’on nous propose. Un peu plus
d’
exigence philosophique conduirait certainement la plupart d’entre nous
1227
prétendu traduire, ce qui reviendrait à les taxer
de
mythomanie. La ferveur littéraire indiscrète, qui fera sans doute le
1228
téraire indiscrète, qui fera sans doute le succès
de
ce volume, vaut-elle mieux que l’étroitesse positiviste, qui réduira
1229
cela au jeu des complexes freudiens ? Tout dépend
de
ce que l’on attend de l’homme et de son esprit : la puissance de trom
1230
xes freudiens ? Tout dépend de ce que l’on attend
de
l’homme et de son esprit : la puissance de tromper (art inclus) pour
1231
? Tout dépend de ce que l’on attend de l’homme et
de
son esprit : la puissance de tromper (art inclus) pour jouir, ou la p
1232
attend de l’homme et de son esprit : la puissance
de
tromper (art inclus) pour jouir, ou la puissance de fixer le vrai par
1233
tromper (art inclus) pour jouir, ou la puissance
de
fixer le vrai par convention ou décret scientifique, pour agir. (Il y
1234
cisif en ces matières, l’alternative que je viens
d’
indiquer ne se pose plus. Car la foi n’est pas davantage une évasion h
1235
ge une évasion hors de ce monde qu’une limitation
de
l’homme au temporel. La foi réelle, c’est la puissance active de l’Ét
1236
emporel. La foi réelle, c’est la puissance active
de
l’Éternel dans ce temps. Cette définition condamne tout mysticisme qu
1237
er en Dieu, son principe ». La question est alors
de
savoir s’il existe une mystique vraiment chrétienne, une mystique qui
1238
ne soit pas cette « transgression » et cet oubli
de
nos limites, contre lesquels s’élèvent sans cesse les Prophètes et le
1239
e les pages les plus « belles » — du point de vue
de
l’art — de cette anthologie, sont souvent les plus hérétiques, celles
1240
les plus « belles » — du point de vue de l’art —
de
cette anthologie, sont souvent les plus hérétiques, celles aussi où l
1241
es aussi où l’hybris spirituelle se pare le mieux
d’
humilité dévote. Ceci marqué, qui est plus qu’une réserve, il convient
1242
marqué, qui est plus qu’une réserve, il convient
de
remercier M. Chuzeville de nous avoir ouvert par son anthologie tout
1243
e réserve, il convient de remercier M. Chuzeville
de
nous avoir ouvert par son anthologie tout un monde spirituel et poéti
1244
hologie tout un monde spirituel et poétique plein
de
dangereuses merveilles. Le choix des textes me paraît des plus heureu
1245
valis et Ruysbroeck mis à part ; et beaucoup sont
de
grands poètes, des philosophes terriblement concrets : Maître Eckhart
1246
ostique. Pour Paracelse, on s’étonnera sans doute
de
le voir figurer dans un choix de « mystiques », alors qu’il est le pr
1247
nnera sans doute de le voir figurer dans un choix
de
« mystiques », alors qu’il est le premier défenseur de l’expériencev.
1248
mystiques », alors qu’il est le premier défenseur
de
l’expériencev. Mais la beauté des textes cités fait pardonner bien vo
1249
cités fait pardonner bien volontiers cette erreur
de
classification35. Par exemple, je m’explique mal l’omission de Hamann
1250
tion35. Par exemple, je m’explique mal l’omission
de
Hamann qui eût avantageusement remplacé la visionnaire Catherine Emme
1251
merich, et qui mérite au moins autant que Novalis
de
figurer parmi les grands mystiques modernes. Mais sans doute M. Chuze
1252
. Ce préjugé consiste à rendre Luther responsable
d’
une scission dans la culture et la spiritualité allemandes, scission a
1253
té allemandes, scission aboutissant par une série
d’
actions et de réactions dialectiques « au romantisme, au révolutionnar
1254
, scission aboutissant par une série d’actions et
de
réactions dialectiques « au romantisme, au révolutionnarisme et à l’a
1255
obsède décidément nos universitaires. Elle relève
d’
un nationalisme de manuels, pour ne pas dire, avec E. R. Curtius, d’un
1256
nos universitaires. Elle relève d’un nationalisme
de
manuels, pour ne pas dire, avec E. R. Curtius, d’une « propagande de
1257
de manuels, pour ne pas dire, avec E. R. Curtius,
d’
une « propagande de guerre » qu’on aimait à croire périmée. M. Chuzevi
1258
pas dire, avec E. R. Curtius, d’une « propagande
de
guerre » qu’on aimait à croire périmée. M. Chuzeville a eu le tort de
1259
mait à croire périmée. M. Chuzeville a eu le tort
de
vouloir y réduire l’évolution du mysticisme allemand, qui justement l
1260
formel. Car si l’on voit à la rigueur le passage
de
la dialectique de Boehme à la philosophie de Fichte et de Hegel, d’où
1261
on voit à la rigueur le passage de la dialectique
de
Boehme à la philosophie de Fichte et de Hegel, d’où sont effectivemen
1262
sage de la dialectique de Boehme à la philosophie
de
Fichte et de Hegel, d’où sont effectivement sortis un certain nationa
1263
alectique de Boehme à la philosophie de Fichte et
de
Hegel, d’où sont effectivement sortis un certain nationalisme et la d
1264
de Boehme à la philosophie de Fichte et de Hegel,
d’
où sont effectivement sortis un certain nationalisme et la doctrine du
1265
du jeune Marx, on ne voit pas du tout le passage
de
Luther à Boehme, ce défenseur du libre arbitre persécuté par les past
1266
é s’il développait certaines indications fécondes
de
sa préface et nous donnait une bonne étude sur le lyrisme romantique
1267
sans équivoque la confrontation des mystiques et
de
la mentalité moderne. 35. Ce que je pardonne moins à M. Chuzeville,
1268
. Ce que je pardonne moins à M. Chuzeville, c’est
d’
écrire que Paracelse « était de nature comédienne, et savait à l’occas
1269
Chuzeville, c’est d’écrire que Paracelse « était
de
nature comédienne, et savait à l’occasion dissimuler, comme l’indique
1270
ccasion dissimuler, comme l’indique le choix même
d’
un pseudonyme. L’alchimiste médecin Paracelse, en réalité, se nommait
1271
aste de Hohenheim, ce dont il n’eut jamais l’idée
de
se cacher. – L’érudition considérable de M. Chuzeville me paraît parf
1272
s l’idée de se cacher. – L’érudition considérable
de
M. Chuzeville me paraît parfois hasardeuse. Les travaux de Jean Baruz
1273
zeville me paraît parfois hasardeuse. Les travaux
de
Jean Baruzi lui sont inconnus ; de même que les études de A. Koyré su
1274
Baruzi lui sont inconnus ; de même que les études
de
A. Koyré sur Franck et Weigel. Quant à Luther, il le juge d’après un
1275
sumé, confectionné par Gonzague Truc, du pamphlet
de
Maritain, lequel s’appuie sur le P. Denifle… Que de garanties accumul
1276
Maritain, lequel s’appuie sur le P. Denifle… Que
de
garanties accumulées ! u. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Jean
1277
ue de garanties accumulées ! u. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Jean Chuzeville, Les Mystiques allemands du XIIIe a
1278
sur le Paracelse de Frédéric Gundolf, dans la NRF
de
septembre 1935.
1279
ur sens, il faut ajouter aussitôt qu’on a le tort
de
leur en accorder bien davantage qu’ils n’en gardent et que ceux qui l
1280
çoivent. Pour vous le prouver, voici une anecdote
d’
Angleterre : elle doit donc être vraie. Une petite fille aux cheveux c
1281
carotte, nommée Alice, écrit ceci dans son devoir
d’
anglais : « L’Angleterre est le plus beau pays du monde. » Un inspecte
1282
ait par là. Il lit le devoir. Tonnerre et foudres
de
ce pacifiste, qui n’hésite pas à dénoncer « l’impérialisme démodé » d
1283
n’hésite pas à dénoncer « l’impérialisme démodé »
de
l’instituteur d’Alice, tenu pour responsable du cliché. On blâme cet
1284
noncer « l’impérialisme démodé » de l’instituteur
d’
Alice, tenu pour responsable du cliché. On blâme cet instituteur. Qui
1285
ste allemand qui la raconte, et qui ne manque pas
de
féliciter la Chambre des communes. (Gazette de Francfort, du 31 juill
1286
as de féliciter la Chambre des communes. (Gazette
de
Francfort, du 31 juillet). On dirait une « histoire idiote ». Tout y
1287
point cela ressemble à la plupart des entretiens
d’
aujourd’hui sur la politique, à l’article du Temps, à un cerveau d’hom
1288
la politique, à l’article du Temps, à un cerveau
d’
homme de gauche ou d’homme de droite. D’abord « impérialisme » : c’est
1289
tique, à l’article du Temps, à un cerveau d’homme
de
gauche ou d’homme de droite. D’abord « impérialisme » : c’est sans nu
1290
ticle du Temps, à un cerveau d’homme de gauche ou
d’
homme de droite. D’abord « impérialisme » : c’est sans nul doute « nat
1291
Temps, à un cerveau d’homme de gauche ou d’homme
de
droite. D’abord « impérialisme » : c’est sans nul doute « nationalism
1292
r (à moins qu’il n’ait une conception conquérante
de
la beauté ?). « Démodé » : on se demande dans quel pays. « Pacifiste
1293
é, un fait sentimental et tellurique, un ensemble
de
goûts et d’habitudes qui ne comporte ni orgueil ni modestie, ni aucun
1294
entimental et tellurique, un ensemble de goûts et
d’
habitudes qui ne comporte ni orgueil ni modestie, ni aucune espèce de
1295
comporte ni orgueil ni modestie, ni aucune espèce
de
valeurs morales, de même que la digestion, si vous voulez. L’idée mêm
1296
ême que la digestion, si vous voulez. L’idée même
de
s’en vanter indique un trouble. — Enfin, voilà les hitlériens qui tro
1297
beau pays du monde ? Cela du moins ne manque pas
de
logique, malgré la première apparence. L’erreur courante, qui est cel
1298
nte, qui est celle du libéral rationaliste, c’est
de
croire que la proposition « l’Angleterre est le plus beau pays du mon
1299
ens rationnel ; que c’est un jugement qui conclut
d’
une comparaison. Mais en réalité, lorsque la petite Alice écrit que l’
1300
tit à cette conclusion : il y a dans ce pays plus
de
beauté que dans tel et tel autre. C’est tout au contraire exprimer un
1301
tout au contraire exprimer un refus pur et simple
de
comparer. C’est affirmer une préférence inconditionnelle. C’est recon
1302
le. C’est reconnaître et accepter le fait concret
d’
un attachement qui ne comporte pas de choix délibéré. Par malheur, l’e
1303
fait concret d’un attachement qui ne comporte pas
de
choix délibéré. Par malheur, l’enseignement s’empare du fait patrioti
1304
nseignement s’empare du fait patriotique et tente
de
le rationaliser : il en fait un objet de discours. Par là même il le
1305
et tente de le rationaliser : il en fait un objet
de
discours. Par là même il le rend absurde. Il le « mystifie ». Qui dit
1306
ppose comparaison, et rien n’est plus absurde que
de
comparer un pays à un autre, un amour à un autre, car où est l’étalon
1307
èle idéal ? Le malfaisant nationalisme n’est rien
d’
autre qu’une rationalisation mensongère du sentiment patriotique. C’es
1308
ntiment patriotique. C’est l’intervention abusive
de
la raison comparative dans le domaine de l’incomparable. Si l’on tien
1309
abusive de la raison comparative dans le domaine
de
l’incomparable. Si l’on tient compte du fait patriotique naturel, la
1310
monde ». C’est la formule fédéraliste. — Inutile
d’
ajouter que le salut temporel de l’Europe dépend de sa faculté d’opére
1311
aliste. — Inutile d’ajouter que le salut temporel
de
l’Europe dépend de sa faculté d’opérer de telles distinctions. w.
1312
e. — Inutile d’ajouter que le salut temporel de l’
Europe
dépend de sa faculté d’opérer de telles distinctions. w. Rougemont
1313
’ajouter que le salut temporel de l’Europe dépend
de
sa faculté d’opérer de telles distinctions. w. Rougemont Denis de,
1314
e salut temporel de l’Europe dépend de sa faculté
d’
opérer de telles distinctions. w. Rougemont Denis de, « “Le plus be
1315
emporel de l’Europe dépend de sa faculté d’opérer
de
telles distinctions. w. Rougemont Denis de, « “Le plus beau pays d
1316
rer de telles distinctions. w. Rougemont Denis
de
, « “Le plus beau pays du monde” », La Nouvelle Revue française, Paris
1317
er 1936)x M. Julien Benda écrit dans le numéro
de
janvier de la NRF la phrase suivante : « La religion de l’esprit inca
1318
M. Julien Benda écrit dans le numéro de janvier
de
la NRF la phrase suivante : « La religion de l’esprit incarné est cel
1319
vier de la NRF la phrase suivante : « La religion
de
l’esprit incarné est celle qui honore l’esprit en tant qu’il veut por
1320
re l’esprit en tant qu’il veut porter l’empreinte
de
certains intérêts terrestres, et le méprise en tant qu’il cherche à s
1321
t le méprise en tant qu’il cherche à s’affranchir
de
ce genre de pression pour s’exercer en toute liberté. » Il écrit un p
1322
en tant qu’il cherche à s’affranchir de ce genre
de
pression pour s’exercer en toute liberté. » Il écrit un peu plus loin
1323
iques ou simplement logiques ». S’il m’est permis
de
faire ici un peu de théologie et un peu de logique, je demanderai à M
1324
étendu que leur politique fût une « incarnation »
de
l’esprit ; 2° au cas où ils l’auraient fait, ce que j’ignore car je l
1325
j’ignore car je les pratique peu : s’il y a lieu
de
reprendre à son compte cette erreur de vocabulaire, ou en langage thé
1326
l y a lieu de reprendre à son compte cette erreur
de
vocabulaire, ou en langage théologique, ce blasphème ; 3° si l’incarn
1327
e théologique, ce blasphème ; 3° si l’incarnation
de
l’Esprit, c’est-à-dire Jésus-Christ, fils de Dieu, a jamais « porté l
1328
tion de l’Esprit, c’est-à-dire Jésus-Christ, fils
de
Dieu, a jamais « porté l’empreinte de certains intérêts terrestres »,
1329
hrist, fils de Dieu, a jamais « porté l’empreinte
de
certains intérêts terrestres », et conséquemment, si l’on a le droit
1330
errestres », et conséquemment, si l’on a le droit
d’
opposer esprit pur à esprit incarné dans des termes tels qu’esprit inc
1331
s termes tels qu’esprit incarné devienne synonyme
de
trahison intéressée ; 4° si M. Benda conçoit que l’opposition esprit
1332
évoque précisément pour un chrétien l’opposition
de
Pilate et des docteurs nationalistes juifs qui criaient avec la popul
1333
si le clerc qui s’en lave les mains ne risque pas
de
faire le jeu des clercs qui crient avec les loups, et de trahir de la
1334
e le jeu des clercs qui crient avec les loups, et
de
trahir de la sorte doublement, étant admis toutefois que la mission d
1335
es clercs qui crient avec les loups, et de trahir
de
la sorte doublement, étant admis toutefois que la mission de l’esprit
1336
doublement, étant admis toutefois que la mission
de
l’esprit est d’entrer dans le monde, non point pour s’y soumettre, ma
1337
nt admis toutefois que la mission de l’esprit est
d’
entrer dans le monde, non point pour s’y soumettre, mais pour le trans
1338
Évangile et la théologie résument par le seul mot
de
Rédemption, et que certains antichrétiens, plus pénétrés de christian
1339
ion, et que certains antichrétiens, plus pénétrés
de
christianisme qu’ils ne le croient, préfèrent appeler révolution. Ces
1340
les. Et je ne vois pas comment il serait possible
d’
y échapper. Depuis huit ans que sa Trahison des Clercs est apparue, M.
1341
usement suivi sur ce point par ses contradicteurs
de
droite. Mais alors son dernier article est trop clair. Il n’y manque
1342
res : ut evacuata sit crux. x. Rougemont Denis
de
, « Sur l’esprit incarné », La Nouvelle Revue française, Paris, févrie
1343
Dictature
de
la liberté, par Robert Aron (mars 1936)y « J’aime les titres mysté
1344
mystérieux ou pétard », disait Baudelaire. Celui
d’
Aron unit ces deux vertus, par une sorte d’ellipse tout à fait révélat
1345
Celui d’Aron unit ces deux vertus, par une sorte
d’
ellipse tout à fait révélatrice du mouvement de sa pensée, et à certai
1346
te d’ellipse tout à fait révélatrice du mouvement
de
sa pensée, et à certains égards, du contenu de la doctrine qu’il défe
1347
nt de sa pensée, et à certains égards, du contenu
de
la doctrine qu’il défend. Dictature et liberté, le monde moderne se d
1348
le la supprime pratiquement, elle perd tout point
d’
appui, son élan meurt en anarchie. La solution de ce conflit est évide
1349
d’appui, son élan meurt en anarchie. La solution
de
ce conflit est évidente, c’est peut-être pourquoi bien peu l’ont vue
1350
la dictature36 seule y parvient — mais au profit
de
la liberté, et à seule fin de la laisser s’épanouir. Il faut soumettr
1351
nt — mais au profit de la liberté, et à seule fin
de
la laisser s’épanouir. Il faut soumettre la dictature à la liberté, i
1352
aut une dictature pour la liberté — une dictature
de
la liberté. Ce serait le plus beau « titre » du siècle. Ceci admis, e
1353
« pratiques » ; celles qui passionnent les hommes
d’
action et qu’ils estiment purement techniques parce qu’ils en ignorent
1354
omie et les rapports sociaux selon les nécessités
de
l’heure, à leurs yeux « matérielles d’abord ». Cette vue des plus cou
1355
ès le début à une volonté perspicace et fanatique
de
libération, ne tardent pas à se retourner contre les hommes, et à bri
1356
personne. Si la personne n’est pas déjà au début
d’
un calcul pratique, on ne la retrouvera jamais au terme ; et la rigueu
1357
les sont les bases — algébrisées — des recherches
de
L’Ordre nouveau. Robert Aron les a décrites avec une sobre et nerveus
1358
qui tranche sur le verbiage technico-humanitaire
de
tous nos fabricants de « plans d’urgence ». Précision qui d’ailleurs
1359
biage technico-humanitaire de tous nos fabricants
de
« plans d’urgence ». Précision qui d’ailleurs n’exclut pas une éloque
1360
ico-humanitaire de tous nos fabricants de « plans
d’
urgence ». Précision qui d’ailleurs n’exclut pas une éloquence qu’on d
1361
rabattre au concret. On peut reprocher à l’auteur
d’
avoir passé trop rapidement sur certaines questions dernières (le sens
1362
ur certaines questions dernières (le sens dernier
de
la liberté humaine, par exemple). Mais si l’on considère l’ampleur du
1363
ple). Mais si l’on considère l’ampleur du dessein
de
L’Ordre nouveau, et la difficulté de le résumer à l’usage d’un public
1364
r du dessein de L’Ordre nouveau, et la difficulté
de
le résumer à l’usage d’un public qu’il faut sans cesse prévenir contr
1365
nouveau, et la difficulté de le résumer à l’usage
d’
un public qu’il faut sans cesse prévenir contre les pires malentendus,
1366
r contre les pires malentendus, l’on jugera mieux
de
la qualité de tension et de décision spirituelle que supposait un tel
1367
ires malentendus, l’on jugera mieux de la qualité
de
tension et de décision spirituelle que supposait un tel ouvrage. M. T
1368
us, l’on jugera mieux de la qualité de tension et
de
décision spirituelle que supposait un tel ouvrage. M. Thibaudet récla
1369
se défend qu’en attaquant. Sachons gré à ce livre
de
poser enfin les questions que la France se doit de résoudre pour l’Eu
1370
e poser enfin les questions que la France se doit
de
résoudre pour l’Europe, et de les poser sous la forme concrète d’une
1371
uestions que la France se doit de résoudre pour l’
Europe
, et de les poser sous la forme concrète d’une série de tensions qu’il
1372
e la France se doit de résoudre pour l’Europe, et
de
les poser sous la forme concrète d’une série de tensions qu’il s’agit
1373
l’Europe, et de les poser sous la forme concrète
d’
une série de tensions qu’il s’agit d’orienter et de rendre fécondes :
1374
t de les poser sous la forme concrète d’une série
de
tensions qu’il s’agit d’orienter et de rendre fécondes : solutions né
1375
rme concrète d’une série de tensions qu’il s’agit
d’
orienter et de rendre fécondes : solutions nécessaires et solutions d’
1376
’une série de tensions qu’il s’agit d’orienter et
de
rendre fécondes : solutions nécessaires et solutions d’urgence ; cout
1377
dre fécondes : solutions nécessaires et solutions
d’
urgence ; coutume et loi abstraite ; création et automatisme ; libéral
1378
tes les autres, est en train de devenir une sorte
de
pont aux ânes de nos philosophies politiques (Berdiaev, Maritain, Dan
1379
st en train de devenir une sorte de pont aux ânes
de
nos philosophies politiques (Berdiaev, Maritain, Dandieu, Mounier, pr
1380
es (Berdiaev, Maritain, Dandieu, Mounier, préface
de
Malraux à son dernier ouvrage, etc.) J’ai quelques raisons de m’en ré
1381
son dernier ouvrage, etc.) J’ai quelques raisons
de
m’en réjouir. L’Ordre nouveau en a tiré, le premier, des conclusions
1382
le domaine du travail. Et sa première expérience
de
service civil, organisée l’été dernier, a fait voir que les ouvriers
1383
riers savent apprécier les conséquences concrètes
d’
une distinction que bien des clercs estimaient « trop philosophique ».
1384
rop philosophique ». 36. Entendue au sens large
de
discipline rigoureuse des activités automatiques, ou « indifférenciée
1385
renciées », et non pas au sens purement politique
de
tyrannie exercée par un seul homme dans tous les domaines. 37. Parti
1386
qui ne sait pas où aller ». y. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Robert Aron, Dictature de la liberté », La Nouvell
1387
Denis de, « [Compte rendu] Robert Aron, Dictature
de
la liberté », La Nouvelle Revue française, Paris, mars 1936, p. 435-
1388
rkegaard en France (juin 1936)z L’introduction
de
Kierkegaard en France a les mêmes dates que la crise : 1930-1935. Il
1389
es que la crise : 1930-1935. Il a fallu bien près
d’
un siècle, il a fallu surtout le double truchement de Heidegger et de
1390
n siècle, il a fallu surtout le double truchement
de
Heidegger et de Karl Barth pour imposer à l’attention de quelques-uns
1391
allu surtout le double truchement de Heidegger et
de
Karl Barth pour imposer à l’attention de quelques-uns l’œuvre d’un éc
1392
egger et de Karl Barth pour imposer à l’attention
de
quelques-uns l’œuvre d’un écrivain dont, cependant, la puissance de c
1393
our imposer à l’attention de quelques-uns l’œuvre
d’
un écrivain dont, cependant, la puissance de choc et d’interrogation n
1394
œuvre d’un écrivain dont, cependant, la puissance
de
choc et d’interrogation ne saurait être comparée qu’à celle de Pascal
1395
écrivain dont, cependant, la puissance de choc et
d’
interrogation ne saurait être comparée qu’à celle de Pascal, de Dostoï
1396
interrogation ne saurait être comparée qu’à celle
de
Pascal, de Dostoïevski et de Nietzsche. Aujourd’hui Kierkegaard est c
1397
on ne saurait être comparée qu’à celle de Pascal,
de
Dostoïevski et de Nietzsche. Aujourd’hui Kierkegaard est cité par tou
1398
comparée qu’à celle de Pascal, de Dostoïevski et
de
Nietzsche. Aujourd’hui Kierkegaard est cité par tout le monde. On m’a
1399
’il a même un public passionné. Mais si l’on juge
de
la façon dont il est lu par la façon dont il est trop souvent cité, l
1400
é, l’on pensera qu’il eût mieux valu montrer plus
de
prudence à le répandre. Et pourtant il fallait qu’il fût traduit : c’
1401
it qu’il fût traduit : c’était une des nécessités
de
notre état spirituel. Seulement, il eût fallu le traduire autrement,
1402
ierkegaard donne l’exemple unique, je crois bien,
d’
un auteur qui attache autant d’importance à l’opportunité spirituelle
1403
ue, je crois bien, d’un auteur qui attache autant
d’
importance à l’opportunité spirituelle de ses œuvres qu’à leur contenu
1404
e autant d’importance à l’opportunité spirituelle
de
ses œuvres qu’à leur contenu intrinsèque. Personne peut-être n’a si j
1405
Personne peut-être n’a si jalousement pris souci
de
dire au bon moment ses vérités inactuelles. De là le rythme singulier
1406
ci de dire au bon moment ses vérités inactuelles.
De
là le rythme singulier de sa production ; de là ses nombreux masques
1407
es vérités inactuelles. De là le rythme singulier
de
sa production ; de là ses nombreux masques et pseudonymes, de là auss
1408
les. De là le rythme singulier de sa production ;
de
là ses nombreux masques et pseudonymes, de là aussi l’impétuosité san
1409
tion ; de là ses nombreux masques et pseudonymes,
de
là aussi l’impétuosité sans scrupules de ses dernières « attaques con
1410
donymes, de là aussi l’impétuosité sans scrupules
de
ses dernières « attaques contre la chrétienté établie ». Toute une ca
1411
ontre la chrétienté établie ». Toute une carrière
de
poète et de philosophe « à orientation religieuse » avait en effet pr
1412
étienté établie ». Toute une carrière de poète et
de
philosophe « à orientation religieuse » avait en effet préparé le cli
1413
ait en effet préparé le climat et la juste portée
de
ces attaques, avec une patience ironique, mais aussi dans la crainte
1414
que, mais aussi dans la crainte et le tremblement
d’
une foi sans cesse combattue, d’une vraie foi. Publier maintenant, au
1415
et le tremblement d’une foi sans cesse combattue,
d’
une vraie foi. Publier maintenant, au hasard, des fragments de cette œ
1416
foi. Publier maintenant, au hasard, des fragments
de
cette œuvre entièrement commandée par son terme, tout en taisant ou n
1417
er l’œuvre, et ces fragments qu’on nous en donne,
de
toute espèce de sens réel, — par quoi j’entends d’orientation intime,
1418
es fragments qu’on nous en donne, de toute espèce
de
sens réel, — par quoi j’entends d’orientation intime, de fidélité ess
1419
e toute espèce de sens réel, — par quoi j’entends
d’
orientation intime, de fidélité essentielle, en un mot, de finalité. D
1420
réel, — par quoi j’entends d’orientation intime,
de
fidélité essentielle, en un mot, de finalité. D’où résultent nécessai
1421
ation intime, de fidélité essentielle, en un mot,
de
finalité. D’où résultent nécessairement un certain nombre de malenten
1422
de fidélité essentielle, en un mot, de finalité.
D’
où résultent nécessairement un certain nombre de malentendus. 1. Parce
1423
. D’où résultent nécessairement un certain nombre
de
malentendus. 1. Parce qu’on a publié d’abord le Journal du séducteur,
1424
publié d’abord le Journal du séducteur, fragment
d’
un gros ouvrage intitulé De deux choses l’une, puis In vino veritas, f
1425
du séducteur, fragment d’un gros ouvrage intitulé
De
deux choses l’une, puis In vino veritas, fragment des Stades sur le c
1426
n vino veritas, fragment des Stades sur le chemin
de
la vie, et cela, sans déclarer avec toute l’instance que requérait un
1427
e ces fragments n’étaient que les premiers termes
d’
une dialectique au cours de laquelle ils devaient être radicalement ni
1428
mal prévenu, à tenir Kierkegaard pour une espèce
d’
esthète du paradoxe moral, pour un immoraliste avant la lettre nietzsc
1429
. Admettons que la suite ait fait voir l’énormité
de
cette erreur. Je crains bien que ce n’ait été qu’au profit d’une erre
1430
eur. Je crains bien que ce n’ait été qu’au profit
d’
une erreur plus subtile. 2. Parce qu’on a traduit la Maladie à la mort
1431
u’on a traduit la Maladie à la mort sous le titre
de
Traité du désespoir, Kierkegaard a passé bientôt pour le coryphée du
1432
rer, avec une effrayante lucidité, l’universalité
de
cet état, c’est aussi que pour lui, le désespoir est le péché, la seu
1433
peut nous guérir. Quant à ceux qui le qualifient
de
« métaphysicien du néant », ils oublient de dire que le néant, dont i
1434
fient de « métaphysicien du néant », ils oublient
de
dire que le néant, dont ils lui prêtent ainsi le goût, est justement
1435
déchaîné contre les églises établies, les évêques
de
la cour, et la religion bourgeoise qui veut prendre le christianisme
1436
ianisme « à bon marché » ; parce qu’il en appelle
d’
un christianisme théorique à un christianisme existentiel — ce qui est
1437
anisme existentiel — ce qui est le mouvement même
de
la Réforme — on a voulu le présenter comme une espèce de nihiliste an
1438
éforme — on a voulu le présenter comme une espèce
de
nihiliste antichrétien. Parce qu’en présence de l’écœurante facilité
1439
rante facilité avec laquelle tant de phraseurs ou
de
braves gens se réclament de la foi chrétienne — « chose inquiète, inq
1440
tant de phraseurs ou de braves gens se réclament
de
la foi chrétienne — « chose inquiète, inquiétante », disait Luther —
1441
question tragique et réelle du doute inséparable
de
la foi ; parce que, « comme un oiseau s’envole anxieux aux approches
1442
« comme un oiseau s’envole anxieux aux approches
de
l’orage, ainsi, flairant le danger », il a dit : Je n’ai pas la foi,
1443
jamais pu croire. Et pourtant, la définition même
de
la foi dans l’Évangile n’est-elle pas justement ce cri : « Je crois,
1444
t ce cri : « Je crois, Seigneur, viens au secours
de
mon incrédulité ». L’on eût évité ce grabuge en traduisant dès le déb
1445
son message décisif. Bien entendu, le « succès »
de
prestige eût été beaucoup plus restreint. Les raisons qui poussèrent
1446
t trompeurs lui apparaîtraient encore plus fortes
de
nos jours. Il se peut qu’il se fût réjoui de la maldonne. Que voulait
1447
rtes de nos jours. Il se peut qu’il se fût réjoui
de
la maldonne. Que voulait donc Kierkegaard ? Peut-être, à la limite, l
1448
, à la limite, le martyre — la preuve irréfutable
de
sa foi. (Encore qu’il s’en défende avec vigueur mais son action même
1449
r mais son action même témoigne contre l’humilité
de
son retrait.) La question qui se posait dès lors était celle-ci : « C
1450
lus grande mollesse spirituelle » l’amère passion
de
faire mourir un témoin de la vérité ? Si tu veux ce résultat… apprend
1451
uelle » l’amère passion de faire mourir un témoin
de
la vérité ? Si tu veux ce résultat… apprends d’abord à bien connaître
1452
elle voudrait réellement si elle pouvait disposer
d’
elle-même. Ainsi bien informé, fais-toi alors le porte-parole des idée
1453
passions qui sont dans l’air, avec l’enthousiasme
d’
une éloquence chaude et entraînante. Pour cela, il te faut de la force
1454
ence chaude et entraînante. Pour cela, il te faut
de
la force et du talent. Qu’arrive-t-il ? Tout simplement ceci : l’époq
1455
e-t-il ? Tout simplement ceci : l’époque s’engoue
de
tes discours et tu deviens son favori. Tu es alors au début de ton su
1456
rs et tu deviens son favori. Tu es alors au début
de
ton supplice. Il s’agit maintenant de changer de direction ; tu reste
1457
rs au début de ton supplice. Il s’agit maintenant
de
changer de direction ; tu restes animé de la même décision, mais tu t
1458
de ton supplice. Il s’agit maintenant de changer
de
direction ; tu restes animé de la même décision, mais tu te rends aus
1459
ntenant de changer de direction ; tu restes animé
de
la même décision, mais tu te rends aussi rebutant que tu as été attir
1460
des années qui préparèrent sa mort, il « changea
de
direction » et révéla le sens dernier de toute son œuvre. Il est just
1461
changea de direction » et révéla le sens dernier
de
toute son œuvre. Il est juste que ce destin se répète aujourd’hui par
1462
sespoir un « succès » dont il est peut-être temps
de
tirer certaines conclusions propres à « repousser l’admiration ». Rie
1463
ont M. Tisseau a publié ces quatre petits volumes
de
« discours édifiants » et d’essais religieux : La Pureté du cœur, Le
1464
uatre petits volumes de « discours édifiants » et
d’
essais religieux : La Pureté du cœur, Le Droit de mourir pour la vérit
1465
d’essais religieux : La Pureté du cœur, Le Droit
de
mourir pour la vérité, Pour un examen de conscience, Le Souverain sac
1466
Le Droit de mourir pour la vérité, Pour un examen
de
conscience, Le Souverain sacrificateur. On les trouvera « chez le tra
1467
etite ferme, tout au fond du bocage vendéen, pays
de
secrets obstinés, de voies retorses. Si ces ouvrages font néanmoins q
1468
fond du bocage vendéen, pays de secrets obstinés,
de
voies retorses. Si ces ouvrages font néanmoins quelque chemin, ce ne
1469
bisme qui naît autour de leur auteur. ⁂ Le centre
de
Kierkegaard est dans cette phrase : « La subjectivité est la vérité.
1470
t l’anarchie, etc. La subjectivité, c’est le fait
de
devenir le sujet de la vérité, et non pas seulement son admirateur en
1471
a subjectivité, c’est le fait de devenir le sujet
de
la vérité, et non pas seulement son admirateur enthousiaste. On dirai
1472
mirateur enthousiaste. On dirait, dans le langage
d’
aujourd’hui : c’est le fait de réaliser la vérité que l’on connaît ; o
1473
it, dans le langage d’aujourd’hui : c’est le fait
de
réaliser la vérité que l’on connaît ; ou encore, de la prendre au sér
1474
réaliser la vérité que l’on connaît ; ou encore,
de
la prendre au sérieux et de la vouloir uniquement. Mais on ne peut vo
1475
connaît ; ou encore, de la prendre au sérieux et
de
la vouloir uniquement. Mais on ne peut vouloir d’une manière totale e
1476
de la vouloir uniquement. Mais on ne peut vouloir
d’
une manière totale et unique que ce qui est vrai. Car tout ce qui n’es
1477
volonté qu’on met à le réaliser. Tel est le sujet
de
la Pureté du cœur. La plupart des écrits proprement religieux de Kier
1478
cœur. La plupart des écrits proprement religieux
de
Kierkegaard développent ce thème et l’illustrent de la façon la plus
1479
Kierkegaard développent ce thème et l’illustrent
de
la façon la plus familière et directe, tandis que ses écrits littérai
1480
ophiques ont pour dessein, plus ou moins déguisé,
de
pousser à l’absurde les attitudes de vie ou de pensée qui ne se fonde
1481
ins déguisé, de pousser à l’absurde les attitudes
de
vie ou de pensée qui ne se fondent pas dans cette vision centrale et
1482
é, de pousser à l’absurde les attitudes de vie ou
de
pensée qui ne se fondent pas dans cette vision centrale et unitive. I
1483
même question, qui est celle du sérieux dernier,
de
la prise au sérieux de la vérité. Du point de vue du sérieux humain,
1484
celle du sérieux dernier, de la prise au sérieux
de
la vérité. Du point de vue du sérieux humain, l’éternité doit apparaî
1485
main, l’éternité doit apparaître comme une espèce
d’
ironie cruelle ; mais du point de vue de l’éternité, le sérieux humain
1486
ne espèce d’ironie cruelle ; mais du point de vue
de
l’éternité, le sérieux humain apparaît affecté d’un humour désespéré.
1487
de l’éternité, le sérieux humain apparaît affecté
d’
un humour désespéré. La dialectique de Kierkegaard consiste alors à dé
1488
aît affecté d’un humour désespéré. La dialectique
de
Kierkegaard consiste alors à déconsidérer le sérieux et le pathétique
1489
nie tant qu’elle n’est pas actualisée dans l’acte
de
foi. Il n’y eut jamais de sérieux absolu39 que dans la vie et dans la
1490
actualisée dans l’acte de foi. Il n’y eut jamais
de
sérieux absolu39 que dans la vie et dans la mort du Christ, homme et
1491
mme et Dieu, car lui seul eut vraiment « le droit
de
mourir pour la vérité », étant lui-même la vérité. C’est pourquoi l’a
1492
, étant lui-même la vérité. C’est pourquoi l’acte
de
foi, qui saisit dans ce temps l’éternel paradoxe de la vie et de la m
1493
foi, qui saisit dans ce temps l’éternel paradoxe
de
la vie et de la mort du Christ, jette sur tous nos sérieux, poses et
1494
sit dans ce temps l’éternel paradoxe de la vie et
de
la mort du Christ, jette sur tous nos sérieux, poses et amusettes, un
1495
ettes, une ironie, ou ce qui est pire, un soupçon
d’
insondable ironie. Un soupçon : car peut-être, l’acte de foi n’existe
1496
ndable ironie. Un soupçon : car peut-être, l’acte
de
foi n’existe pas ? Peut-être n’est-ce qu’une figure de rhétorique pie
1497
i n’existe pas ? Peut-être n’est-ce qu’une figure
de
rhétorique pieuse, une illusion, un mythe, ou encore un saut dans le
1498
dans le vide ? Et alors il n’y aurait nulle part
de
vrai sérieux ? Peut-être aussi cet acte existe-t-il, peut-être que l’
1499
et acte existe-t-il, peut-être que l’illic et tuc
de
cette Mort et de cette Résurrection peut devenir quelque part, dans u
1500
il, peut-être que l’illic et tuc de cette Mort et
de
cette Résurrection peut devenir quelque part, dans une vie, le hic et
1501
evenir quelque part, dans une vie, le hic et nunc
de
la foi ? Mais alors il n’y a pas de vrai sérieux dans ma vie, tant qu
1502
e hic et nunc de la foi ? Mais alors il n’y a pas
de
vrai sérieux dans ma vie, tant qu’il n’y a pas eu cet acte de foi, ce
1503
eux dans ma vie, tant qu’il n’y a pas eu cet acte
de
foi, ce renversement du désespoir qui s’ignore en certitude combattan
1504
certitude combattante — et combattue. Le sérieux
de
l’ironie, l’ironie du sérieux, voilà les pôles d’une dialectique dont
1505
de l’ironie, l’ironie du sérieux, voilà les pôles
d’
une dialectique dont le plus étrange, sans doute, est qu’elle embrasse
1506
asse avec une familiarité poignante les problèmes
de
la vie banale. Il y a dans ce passage perpétuel de l’abstrait au conc
1507
e la vie banale. Il y a dans ce passage perpétuel
de
l’abstrait au concret, ou plutôt dans cette mêlée shakespearienne de
1508
ncret, ou plutôt dans cette mêlée shakespearienne
de
logique impitoyable et de bon sens populaire, d’anecdotes, de boutade
1509
e mêlée shakespearienne de logique impitoyable et
de
bon sens populaire, d’anecdotes, de boutades et d’échappées romantiqu
1510
de logique impitoyable et de bon sens populaire,
d’
anecdotes, de boutades et d’échappées romantiques (sur le silence de l
1511
mpitoyable et de bon sens populaire, d’anecdotes,
de
boutades et d’échappées romantiques (sur le silence de la femme, par
1512
e bon sens populaire, d’anecdotes, de boutades et
d’
échappées romantiques (sur le silence de la femme, par exemple, à la f
1513
utades et d’échappées romantiques (sur le silence
de
la femme, par exemple, à la fin du Miroir de la Parole) une appréhens
1514
ence de la femme, par exemple, à la fin du Miroir
de
la Parole) une appréhension si totale du réel que notre langue, je le
1515
le lecteur des meilleures traductions françaises
de
Kierkegaard. P.-S. Cette chronique était déjà imprimée, quand j’ai
1516
, quand j’ai lu dans les Cahiers du Sud une étude
de
Benjamin Fondane qui s’en prend avec énergie aux interprétations de K
1517
e qui s’en prend avec énergie aux interprétations
de
Kierkegaard proposées en France par Jean Wahl, par Mme R. Bespaloff,
1518
éreuse pour la vérité que ne serait l’affectation
d’
impartialité ; et je suis loin de trouver vaine la question que pose F
1519
ivent Kierkegaard du regard — mais où en sont-ils
de
leur propre démarche ? » Oui, cette question est gênante et sérieuse,
1520
Plusieurs des Discours religieux ayant pour objet
de
« préparer à la Communion », je ne vois pour ma part qu’un seul moyen
1521
union », je ne vois pour ma part qu’un seul moyen
de
s’engager de toute sa personne à la suite de Kierkegaard… Tout le res
1522
e vois pour ma part qu’un seul moyen de s’engager
de
toute sa personne à la suite de Kierkegaard… Tout le reste est littér
1523
ublier autre chose que ce reste ? 38. Le droit
de
mourir pour la vérité, p. 57. Ou encore : « La supériorité véritable
1524
ériorité véritable produit elle-même la provision
de
force qui cause sa perte. » Ibid., p. 53. 39. Dans sa belle préface
1525
id., p. 53. 39. Dans sa belle préface au Concept
d’
Angoisse (trad. Tisseau, chez Alcan) Jean Wahl écrit de même : « Remar
1526
e la personne, tout le reste peut devenir l’objet
de
notre jeu. » p. 26. z. Rougemont Denis de, « Kierkegaard en France
1527
objet de notre jeu. » p. 26. z. Rougemont Denis
de
, « Kierkegaard en France », La Nouvelle Revue française, Paris, juin
1528
l faut penser avec les mains (décembre 1936)aa
De
l’Art poétique de Claudel, qui domine de son poids les écritures du s
1529
les mains (décembre 1936)aa De l’Art poétique
de
Claudel, qui domine de son poids les écritures du siècle, je retiendr
1530
36)aa De l’Art poétique de Claudel, qui domine
de
son poids les écritures du siècle, je retiendrai d’abord deux mots :
1531
à chaque page. La rumeur quotidienne tend à faire
de
« poète » une circonstance atténuante, au bénéfice du maladroit, s’il
1532
droit, s’il est aimable. Ou bien c’est l’ornement
de
nos loisirs. Mais Claudel dit : l’art poétique est art de faire. Un g
1533
oisirs. Mais Claudel dit : l’art poétique est art
de
faire. Un gémissement célèbre, chez les clercs, déplore l’antipathie
1534
e, chez les clercs, déplore l’antipathie tragique
de
la connaissance et de la Vie. Ceci tuerait cela. Et de cette dialecti
1535
plore l’antipathie tragique de la connaissance et
de
la Vie. Ceci tuerait cela. Et de cette dialectique, on a tiré quelque
1536
connaissance et de la Vie. Ceci tuerait cela. Et
de
cette dialectique, on a tiré quelques rayons d’in-octavos. Mais Claud
1537
t de cette dialectique, on a tiré quelques rayons
d’
in-octavos. Mais Claudel : « Vivre, c’est connaître », « Se connaître,
1538
vec soi »… Il ne s’agit évidemment, ici et là, ni
de
la même poésie ni de la même connaissance. Claudel choisit, contre le
1539
it évidemment, ici et là, ni de la même poésie ni
de
la même connaissance. Claudel choisit, contre le sens banal, le sens
1540
quent les étymologies. C’est-à-dire qu’il choisit
de
choisir, car l’étymologie est trop loin d’être une science pour que l
1541
hoisit de choisir, car l’étymologie est trop loin
d’
être une science pour que l’adoption même d’une « origine » soit autre
1542
loin d’être une science pour que l’adoption même
d’
une « origine » soit autre chose qu’un choix délibéré, quand ce n’est
1543
as un profond calembour. « Il est permis à chacun
de
se servir de tel son qu’il lui plaît pour exprimer ses idées, pourvu
1544
calembour. « Il est permis à chacun de se servir
de
tel son qu’il lui plaît pour exprimer ses idées, pourvu qu’il en aver
1545
idées, pourvu qu’il en avertisse. » Cette phrase
de
la Logique de Port-Royal, dont Claudel, s’il est réaliste, doit récus
1546
qu’il en avertisse. » Cette phrase de la Logique
de
Port-Royal, dont Claudel, s’il est réaliste, doit récuser la principa
1547
anmoins servir à préciser ce qui oppose la langue
d’
un poète aux divers jargons de son temps : c’est que l’une est une lan
1548
ui oppose la langue d’un poète aux divers jargons
de
son temps : c’est que l’une est une langue « avertie », posant un per
1549
tissement, tandis que les autres ont plutôt l’air
de
résulter d’une série d’oublis d’avertir, d’une série de contravention
1550
andis que les autres ont plutôt l’air de résulter
d’
une série d’oublis d’avertir, d’une série de contraventions dans l’imp
1551
s autres ont plutôt l’air de résulter d’une série
d’
oublis d’avertir, d’une série de contraventions dans l’impunité généra
1552
ont plutôt l’air de résulter d’une série d’oublis
d’
avertir, d’une série de contraventions dans l’impunité générale. Claud
1553
l’air de résulter d’une série d’oublis d’avertir,
d’
une série de contraventions dans l’impunité générale. Claudel montre p
1554
ulter d’une série d’oublis d’avertir, d’une série
de
contraventions dans l’impunité générale. Claudel montre partout son p
1555
e. Claudel montre partout son parti pris, qui est
de
s’en tenir aux origines, et à cette origine, entre plusieurs probable
1556
, la plus proche de la chose et du geste. Poésie,
de
poiein, ce sera : faire. Connaître, de cognoscere, sera : co-naître.
1557
e. Poésie, de poiein, ce sera : faire. Connaître,
de
cognoscere, sera : co-naître. Il faut savoir ce que parler veut dire.
1558
-naître. Il faut savoir ce que parler veut dire. (
D’
où l’on vient, où l’on va : tel est le sens.) Car le langage, parmi d’
1559
le langage, parmi d’autres fonctions, a celle-là
de
permettre à nos pensées de circuler. Claudel se donne un règlement, e
1560
fonctions, a celle-là de permettre à nos pensées
de
circuler. Claudel se donne un règlement, et il observe les signaux. L
1561
us qu’à se laisser pousser dans le sens incertain
de
la masse. Or ce sens, tellement incertain qu’il en devient presque in
1562
te affaire, celui qui sait où il va risque encore
d’
augmenter l’embarras, et de se faire copieusement houspiller. Et pourt
1563
où il va risque encore d’augmenter l’embarras, et
de
se faire copieusement houspiller. Et pourtant, c’est lui seul qui dét
1564
’aille aussi s’embouteiller41. Ou encore essayons
de
la traduire. Les modes, l’usage, l’usure des mots aggravés par la pr
1565
i à vrai dire, et dans le fait, ruinent les bases
de
la communauté. On convient de s’entendre sur des malentendus42. À ce
1566
, ruinent les bases de la communauté. On convient
de
s’entendre sur des malentendus42. À ce prix, l’on nourrit une paix sa
1567
racines. (Alors que toute communauté réelle naît
d’
une entente passionnée sur le sens de certains maîtres-mots : esprit,
1568
réelle naît d’une entente passionnée sur le sens
de
certains maîtres-mots : esprit, nation, révolution, salut…) Et, comme
1569
es et abstraites qu’on le peut. Opération inverse
de
celle du poète : on s’arrête à l’acception neutre, la moins active, l
1570
ntre la pensée et la main. Cependant que l’effort
d’
un Claudel, restituant à chaque mot son sens le plus poignant, par là
1571
ble au très grand nombre. Rendre au mot sa valeur
d’
appel, appeler sans cesse à grands cris l’univers (cette « version à l
1572
sion à l’unité »), la plénitude, le rassemblement
de
tous les êtres, le branle-bas de toute la création vers son achèvemen
1573
le rassemblement de tous les êtres, le branle-bas
de
toute la création vers son achèvement intelligible, c’est là vraiment
1574
là vraiment « poétiser », collaborer à l’ouvrage
de
Dieu, et recréer la catholicité. Mais c’est aussi, dans le monde d’au
1575
r la catholicité. Mais c’est aussi, dans le monde
d’
aujourd’hui, se condamner à n’être pas compris. Paradoxe d’un génie ca
1576
’hui, se condamner à n’être pas compris. Paradoxe
d’
un génie catholique, isolé de la foule des hommes, par ce qui manifest
1577
as compris. Paradoxe d’un génie catholique, isolé
de
la foule des hommes, par ce qui manifeste, justement, sa volonté de c
1578
mmes, par ce qui manifeste, justement, sa volonté
de
catholicité ! ⁂ Non qu’il soit « méconnu », bien sûr. Mais parmi tant
1579
qu’il soit « méconnu », bien sûr. Mais parmi tant
d’
admirateurs, combien co-naissent à la raison de ses beautés, énoncée d
1580
nt d’admirateurs, combien co-naissent à la raison
de
ses beautés, énoncée dans l’Art poétique ? De cet ouvrage très sévère
1581
son de ses beautés, énoncée dans l’Art poétique ?
De
cet ouvrage très sévère, et sublime en tant de passages, combien acce
1582
nquisition ? Qu’on ne dise pas que la philosophie
d’
un grand poète importe moins que son humanité, que son lyrisme, ou que
1583
anité, que son lyrisme, ou que ce je ne sais quoi
de
bouleversant, obscurément, qui saisit l’auditeur le plus profane de T
1584
bscurément, qui saisit l’auditeur le plus profane
de
Tête d’Or ou de l’Annonce. Ce serait aggraver d’une sottise cette Sép
1585
nt, qui saisit l’auditeur le plus profane de Tête
d’
Or ou de l’Annonce. Ce serait aggraver d’une sottise cette Séparation,
1586
saisit l’auditeur le plus profane de Tête d’Or ou
de
l’Annonce. Ce serait aggraver d’une sottise cette Séparation, notre p
1587
de Tête d’Or ou de l’Annonce. Ce serait aggraver
d’
une sottise cette Séparation, notre péché, contre laquelle toute l’œuv
1588
ation, notre péché, contre laquelle toute l’œuvre
de
Claudel se soulève à l’appel de la Joie. Le monde qu’interprète l’Art
1589
lle toute l’œuvre de Claudel se soulève à l’appel
de
la Joie. Le monde qu’interprète l’Art poétique ne connaît pas Descart
1590
connaît pas Descartes le diviseur, ne connaît pas
de
localisation du spirituel, ne connaît pas de lois mais seulement des
1591
pas de localisation du spirituel, ne connaît pas
de
lois mais seulement des formes. C’est un monde en recréation perpétue
1592
plément ou efférence, sa part dans la composition
de
l’image, le mot qui profère son sens. » C’est un univers du discours,
1593
puisqu’il ne tire ses règles et sa nécessité que
de
la fin totale qu’il glorifie. Ce n’est pas notre monde tel qu’il est,
1594
Promesse et remis en marche vers elle, — le monde
de
la poésie. Diviser, séparer, isoler, faire scission, ce n’est pas seu
1595
s n’a fait que constater les effets antipoétiques
d’
un relâchement originel. Rompre le lien de l’homme avec son origine, c
1596
étiques d’un relâchement originel. Rompre le lien
de
l’homme avec son origine, c’est rompre aussi sa communion avec la fin
1597
t-à-dire qu’il s’isole et s’abstrait du mouvement
de
la Création. « Et c’est pourquoi une fin lui fut en effet donnée » —
1598
i est sa mort. Mais l’œuvre du poète, la vocation
de
l’homme, la charité cosmique du chrétien (identiquement), c’est alors
1599
cosmique du chrétien (identiquement), c’est alors
d’
embrasser d’un seul geste, de réunir, de relancer vers sa vraie fin to
1600
chrétien (identiquement), c’est alors d’embrasser
d’
un seul geste, de réunir, de relancer vers sa vraie fin tout ce qu’une
1601
uement), c’est alors d’embrasser d’un seul geste,
de
réunir, de relancer vers sa vraie fin tout ce qu’une durée mauvaise a
1602
est alors d’embrasser d’un seul geste, de réunir,
de
relancer vers sa vraie fin tout ce qu’une durée mauvaise a disjoint e
1603
ise a disjoint et altéré. « Car l’attente ardente
de
la création attend la révélation des enfants de Dieu, parce que ce n’
1604
e de la création attend la révélation des enfants
de
Dieu, parce que ce n’est pas de son propre gré qu’elle a été assujett
1605
ation des enfants de Dieu, parce que ce n’est pas
de
son propre gré qu’elle a été assujettie à vanité » (Rom. 8, 19-20). N
1606
d à la proposition universelle. Qu’on parle alors
de
procédé, si l’on y tient, mais il faut en comprendre l’office. Traite
1607
s plus exsangues, c’est rénover l’action cosmique
de
la parole. Comment cela ? « Le mot appelle, provoque en nous l’état d
1608
cela ? « Le mot appelle, provoque en nous l’état
de
co-naissance qui répond à la présence sensible des choses mêmes. » Le
1609
» Le nom, qui désigne la chose, appelle un geste
de
l’homme pour cette chose. Le verbe, désignant ce geste, appelle une p
1610
désignant ce geste, appelle une phrase, un rythme
d’
actes concertés. Ainsi l’homme se trouve mis « en communication avec l
1611
a traduction, dans l’univers matériel, du sanglot
de
l’origine ». En même temps que la chose qui le provoque, le verbe exp
1612
i le provoque, le verbe exprime ainsi la vocation
de
l’homme qui le profère. « L’acte par lequel l’homme atteste la perman
1613
es dont la réunion donne à chaque chose son droit
de
devenir présente à l’esprit, par lequel il la conçoit dans son cœur,
1614
le la parole. » Nous voici donc « chargés du rôle
d’
origine ». L’homme est « le sceau de l’authenticité ». Il est, par son
1615
argés du rôle d’origine ». L’homme est « le sceau
de
l’authenticité ». Il est, par son action recréatrice, une étymologie
1616
ar son action recréatrice, une étymologie vivante
de
tout ce qui est. Et maintenant, pour se connaître, il lui suffit d’ag
1617
. Et maintenant, pour se connaître, il lui suffit
d’
agir sa vocation. Dans l’acte conscient de la fin qui l’englobe, il n’
1618
suffit d’agir sa vocation. Dans l’acte conscient
de
la fin qui l’englobe, il n’y a plus de distinction du matériel et du
1619
conscient de la fin qui l’englobe, il n’y a plus
de
distinction du matériel et du spirituel. L’homme « se connaît donc à
1620
omme « se connaît donc à son pas et à l’extension
de
ses mains, à la facilité plus ou moindre grande qu’il éprouve à se se
1621
lui est comme « un document où il suit les œuvres
de
l’esprit qui le remue ». Penser dans le train de la création, reforme
1622
de l’esprit qui le remue ». Penser dans le train
de
la création, reformer sans cesse toutes les formes selon l’intention
1623
oprement penser avec les mains. ⁂ Au sixième jour
de
sa Semaine, Du Bartas parlant de ses mains les appelle, assez curieus
1624
Au sixième jour de sa Semaine, Du Bartas parlant
de
ses mains les appelle, assez curieusement, d’abord : « Singes de l’Ét
1625
s appelle, assez curieusement, d’abord : « Singes
de
l’Éternel » et aussitôt… « Ministres de l’esprit ». Ô singerie génial
1626
« Singes de l’Éternel » et aussitôt… « Ministres
de
l’esprit ». Ô singerie géniale et ministère manifeste ! Art poétique,
1627
éniale et ministère manifeste ! Art poétique, art
de
refaire le monde — tel que Dieu l’a connu de toute éternité ! 40. E
1628
art de refaire le monde — tel que Dieu l’a connu
de
toute éternité ! 40. En effet, la citation du Cratyle qu’il donne d
1629
ous entendre librement ? 42. Tout le monde parle
d’
esprit sans nulle définition, sans déclarer ce que le mot sous-entend,
1630
: « Tel est le mystère qu’il s’agit présentement
de
reporter sur le papier de l’encre la plus noire. » Au lieu de : Réflé
1631
’il s’agit présentement de reporter sur le papier
de
l’encre la plus noire. » Au lieu de : Réfléchissons, analysons : « Ru
1632
urs une chose-image, au lieu d’une formule faite,
d’
un terme abstrait. C’est le style du livre de Job. aa. Rougemont De
1633
ite, d’un terme abstrait. C’est le style du livre
de
Job. aa. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] L’Art poétique ou Qu
1634
le style du livre de Job. aa. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] L’Art poétique ou Qu’il faut penser avec les mains
1635
Une idée
de
Law (janvier 1937)ab C’est dans les Œuvres de Law qu’on trouve cet
1636
de Law (janvier 1937)ab C’est dans les Œuvres
de
Law qu’on trouve cette remarque hardie : La victoire appartient toujo
1637
2 milliards pour vingt ans. Nous n’avons pas plus
de
cinq ans de guerre chaque vingt ans, et cette guerre, en outre, nous
1638
pour vingt ans. Nous n’avons pas plus de cinq ans
de
guerre chaque vingt ans, et cette guerre, en outre, nous met en arriè
1639
incertain. Avec bien du bonheur, on peut espérer
de
détruire 150 000 ennemis par le feu, le fer, l’eau, la faim, les fati
1640
adies. Ainsi, la destruction directe ou indirecte
d’
un soldat allemand nous coûte 20 000 livres, sans compter la perte sur
1641
cet attirail dispendieux, incommode et dangereux,
d’
une armée permanente, ne vaudrait-il pas mieux en épargner les frais e
1642
actuel, on perd celui qu’on avait, sans profiter
de
celui qu’on a détruit si dispendieusement. Compatriote de Law, M. Ric
1643
qu’on a détruit si dispendieusement. Compatriote
de
Law, M. Rickett songeait sans doute à une opération fort analogue lor
1644
ute à une opération fort analogue lorsqu’il tenta
d’
acheter le sol que le Duce se préparait à conquérir : c’était là propr
1645
e du capitaliste, qui eût été la plus belle farce
de
l’Histoire, a soulevé d’universelles protestations. L’échec de Law et
1646
été la plus belle farce de l’Histoire, a soulevé
d’
universelles protestations. L’échec de Law et l’échec de Rickett ne co
1647
, a soulevé d’universelles protestations. L’échec
de
Law et l’échec de Rickett ne comportent pas de morale : je veux le cr
1648
erselles protestations. L’échec de Law et l’échec
de
Rickett ne comportent pas de morale : je veux le croire pour la moral
1649
ec de Law et l’échec de Rickett ne comportent pas
de
morale : je veux le croire pour la morale. Mais ils permettent d’entr
1650
eux le croire pour la morale. Mais ils permettent
d’
entrevoir l’une des raisons de notre anarchie économique. Le capitalis
1651
Mais ils permettent d’entrevoir l’une des raisons
de
notre anarchie économique. Le capitalisme ne serait peut-être pas un
1652
rises n’étaient constamment traversées par celles
d’
une passion contraire, qui est l’honneur. Car il est clair que l’honne
1653
n’est qu’une caricature — retient les gouvernants
de
suivre jusqu’au bout, et sans scrupules, la logique du capitalisme. O
1654
, la logique du capitalisme. Or, ce système étant
de
ceux qui ne se peuvent soutenir que si rien d’arbitraire ou d’humain
1655
nt de ceux qui ne se peuvent soutenir que si rien
d’
arbitraire ou d’humain ne vient déranger les calculs, l’on voit qu’en
1656
e se peuvent soutenir que si rien d’arbitraire ou
d’
humain ne vient déranger les calculs, l’on voit qu’en vérité, ce qui n
1657
qui nous ruine, c’est bien l’honneur — le budget
de
l’honneur — et non pas je ne sais quels scandales… ab. Rougemont D
1658
e ne sais quels scandales… ab. Rougemont Denis
de
, « Une idée de Law », La Nouvelle Revue française, Paris, janvier 193
1659
scandales… ab. Rougemont Denis de, « Une idée
de
Law », La Nouvelle Revue française, Paris, janvier 1937, p. 149-150.
1660
De
la propriété capitaliste à la propriété humaine et Manifeste au servi
1661
e essais publiés jusqu’ici par Mounier, ce traité
de
la propriété est sans doute le mieux venu, le plus précis et situé. O
1662
situé. On aimera la mobilité, le glissement varié
de
ce style, l’agilité précise de ses coupes, qualités nées, comme par d
1663
e glissement varié de ce style, l’agilité précise
de
ses coupes, qualités nées, comme par décantation, des défauts mêmes q
1664
êmes qu’on a pu reprocher aux précédents ouvrages
de
l’auteur. Mais c’est la méthode qui doit retenir ici : il s’agissait
1665
qui doit retenir ici : il s’agissait pour Mounier
de
fonder la théorie personnaliste de l’avoir sur les doctrines catholiq
1666
t pour Mounier de fonder la théorie personnaliste
de
l’avoir sur les doctrines catholiques les plus solides à cet égard, c
1667
catholiques les plus solides à cet égard, celles
de
Thomas d’Aquin et de Cajetan. On ne nous propose pas un « retour » de
1668
solides à cet égard, celles de Thomas d’Aquin et
de
Cajetan. On ne nous propose pas un « retour » de plus à quelque médié
1669
se pas un « retour » de plus à quelque médiévisme
d’
utopie, mais au contraire on actualise, et enfin l’on prend au sérieux
1670
bilées, et que la grande majorité des catholiques
d’
aujourd’hui ignore avec persévérance. À vrai dire, nul mieux que l’Aqu
1671
quinate ne pouvait servir et autoriser le dessein
de
Mounier : défendre la propriété contre les mauvaises raisons des capi
1672
ons des capitalistes, ou comme il dit : « libérer
de
la dialectique des propriétaires les valeurs de propriété personnelle
1673
r de la dialectique des propriétaires les valeurs
de
propriété personnelle ». La plupart des distinctions que formule la S
1674
nécessaire personnel, entre autres — apparaissent
d’
une utilité et d’une efficacité éclatantes dans l’embrouillamini polit
1675
nel, entre autres — apparaissent d’une utilité et
d’
une efficacité éclatantes dans l’embrouillamini politico-sentimental o
1676
timents secrétés par le capitalisme. Mounier part
d’
une phénoménologie de la possession — presque trop brillante par endro
1677
le capitalisme. Mounier part d’une phénoménologie
de
la possession — presque trop brillante par endroits —, s’engage dans
1678
mistes, et rejoint avec un naturel qui est succès
de
ce livre, les positions constructives d’Esprit, et même de L’Ordre no
1679
t succès de ce livre, les positions constructives
d’
Esprit, et même de L’Ordre nouveau (lequel était parti bien plutôt de
1680
re, les positions constructives d’Esprit, et même
de
L’Ordre nouveau (lequel était parti bien plutôt de Proudhon)44. En br
1681
e L’Ordre nouveau (lequel était parti bien plutôt
de
Proudhon)44. En bref, le sens du livre est celui-ci : il s’agit de pa
1682
n bref, le sens du livre est celui-ci : il s’agit
de
passer d’un mode de propriété abstrait et anonyme à un mode personnel
1683
sens du livre est celui-ci : il s’agit de passer
d’
un mode de propriété abstrait et anonyme à un mode personnel et respon
1684
ivre est celui-ci : il s’agit de passer d’un mode
de
propriété abstrait et anonyme à un mode personnel et responsable, ou
1685
me à un mode personnel et responsable, ou encore,
d’
un mode matérialiste et tyrannique à un mode spirituel, donc humain. J
1686
ode spirituel, donc humain. Je sais gré à Mounier
d’
avoir, chemin faisant, démontré que la propriété n’est pas un instinct
1687
n instinct permanent, mais au contraire un besoin
de
l’esprit — le nécessaire vital une fois assuré. Ce qui suffit à renve
1688
que redoutent les bourgeois, qui n’est pas celui
de
Staline… Mais si vigoureuse que soit cette analyse — et si utile sa l
1689
revêt sa signification totale que dans l’ensemble
de
la construction personnaliste. Le récent Manifeste de Mounier permett
1690
a construction personnaliste. Le récent Manifeste
de
Mounier permettra de prendre une mesure rapide des progrès — et aussi
1691
naliste. Le récent Manifeste de Mounier permettra
de
prendre une mesure rapide des progrès — et aussi des lacunes provisoi
1692
es progrès — et aussi des lacunes provisoires45 —
de
ce mouvement. Le lecteur qui se souvient encore du Cahier de revendic
1693
ment. Le lecteur qui se souvient encore du Cahier
de
revendications, publié ici même en 1932, ne manquera pas de faire des
1694
cations, publié ici même en 1932, ne manquera pas
de
faire des rapprochements fort instructifs. Ce terme de personne, que
1695
ire des rapprochements fort instructifs. Ce terme
de
personne, que nous jetions alors dans le débat politique et culturel,
1696
les « petits personnalistes » — que les problèmes
de
l’homme, et de l’esprit, ne se poseraient plus durant le prochain dem
1697
rsonnalistes » — que les problèmes de l’homme, et
de
l’esprit, ne se poseraient plus durant le prochain demi-siècle. Parle
1698
aient plus durant le prochain demi-siècle. Parler
de
la primauté du spirituel et de l’humain, c’était fasciste ! Mais voic
1699
emi-siècle. Parler de la primauté du spirituel et
de
l’humain, c’était fasciste ! Mais voici que quatre ans plus tard, le
1700
iel du parti communiste français publie une sorte
de
discours-programme intitulé Au service de l’Esprit 46. Et l’on y lit
1701
e sorte de discours-programme intitulé Au service
de
l’Esprit 46. Et l’on y lit que les fascistes sont les pires adversair
1702
it que les fascistes sont les pires adversaires «
de
la personne humaine, cette grande force spirituelle ». Et aussi « qu’
1703
ande force spirituelle ». Et aussi « qu’au-dessus
de
tout, les communistes placent l’homme ». Et enfin que « c’est à l’Esp
1704
t confiance pour l’aider à résoudre les problèmes
de
la paix, de la liberté et du pain des hommes »ad. À vrai dire, nous n
1705
pour l’aider à résoudre les problèmes de la paix,
de
la liberté et du pain des hommes »ad. À vrai dire, nous n’espérions p
1706
, nous n’espérions pas un triomphe si rapide — ni
de
cette qualité… À nous maintenant de rendre aux mots leur sens. Il n’y
1707
i rapide — ni de cette qualité… À nous maintenant
de
rendre aux mots leur sens. Il n’y a que cela de sérieux dans la polit
1708
t de rendre aux mots leur sens. Il n’y a que cela
de
sérieux dans la politique moderne. Et le Manifeste de Mounier peut y
1709
érieux dans la politique moderne. Et le Manifeste
de
Mounier peut y contribuer largement. Faut-il dire que tout usager de
1710
ontribuer largement. Faut-il dire que tout usager
de
la culture, si apolitique qu’il se veuille, se trouve intéressé dans
1711
peut donner l’aumône au nécessiteux avec l’argent
d’
un autre, s’il ne peut le faire du sien ». (Car cet argent de l’autre
1712
s’il ne peut le faire du sien ». (Car cet argent
de
l’autre devient dans ce cas bien commun.) Mais je ne sache pas qu’on
1713
e sache pas qu’on ait jamais songé à des théories
de
ce genre pour excuser la sécularisation des biens conventuels — biens
1714
ens dans lesquels Labriola pouvait voir l’origine
de
l’accumulation capitaliste. (Centres de commerce des couvents anglais
1715
l’origine de l’accumulation capitaliste. (Centres
de
commerce des couvents anglais.) — Pendant que j’y suis, une autre rem
1716
emarque : Mounier exagère l’importance économique
de
l’usure, suivant l’erreur fréquente des écrivains catholiques. Marx a
1717
Précis publié par L’Ordre nouveau dans son numéro
d’
octobre 1936 en comble d’ailleurs quelques-unes. 46. Par Paul Vaillan
1718
Éditions ESI, octobre 1936. ac. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Emmanuel Mounier, De la propriété capitaliste à la
1719
mont Denis de, « [Compte rendu] Emmanuel Mounier,
De
la propriété capitaliste à la propriété humaine et Manifeste au servi
1720
e, Paris, février 1937, p. 294-296. ad. Ce texte
de
Paul Vaillant-Couturier est plus amplement commenté par Rougemont dan
1721
s amplement commenté par Rougemont dans le numéro
d’
Esprit de février 1937 : « Paul Vaillant-Couturier : Au service de l’E
1722
nt commenté par Rougemont dans le numéro d’Esprit
de
février 1937 : « Paul Vaillant-Couturier : Au service de l’Esprit ».
1723
ier 1937 : « Paul Vaillant-Couturier : Au service
de
l’Esprit ».
1724
N’habitez pas les villes (Extrait
d’
un Journal) (juillet 1937)ae Je revois, je revis si bien la travers
1725
dans cette île à la saison où il convient plutôt
de
la quitter quand on le peut. Si par cette aube de novembre, sur les g
1726
de la quitter quand on le peut. Si par cette aube
de
novembre, sur les grands quais de ce port atlantique, j’en étais à co
1727
par cette aube de novembre, sur les grands quais
de
ce port atlantique, j’en étais à considérer d’un œil brûlé par l’inso
1728
is de ce port atlantique, j’en étais à considérer
d’
un œil brûlé par l’insomnie les flots de l’océan maussade et les pauvr
1729
onsidérer d’un œil brûlé par l’insomnie les flots
de
l’océan maussade et les pauvres rivages du détroit, c’est fort appare
1730
troit, c’est fort apparemment que je n’avais rien
de
mieux à faire. J’étais chômeur depuis trois mois. On m’offrait un abr
1731
rt, une maison vide pendant l’hiver, une occasion
de
solitude désirée en secret dès longtemps. Je voudrais bien n’avoir pa
1732
pas l’air trop romantique : mes dernières années
de
Paris m’avaient appris que cette ville, au moins pour la jeunesse san
1733
’autres disent : allons-nous-en, et restent faute
d’
imagination. Et pourtant il suffit de bien peu pour partir : la France
1734
estent faute d’imagination. Et pourtant il suffit
de
bien peu pour partir : la France a des milliers de maisons vides. Dit
1735
e bien peu pour partir : la France a des milliers
de
maisons vides. Dites autour de vous que vous en cherchez une, et vous
1736
stion judicieuse que j’ai voulu répondre. Début
de
novembre Je commencerai par l’inventaire de mon domaine. Je ne suis p
1737
Début de novembre Je commencerai par l’inventaire
de
mon domaine. Je ne suis pas propriétaire, c’est entendu. Je ne possèd
1738
ntendu. Je ne possède légalement que des valises,
de
quoi me vêtir, et quelques livres. Mais aussi, je ne puis vivre nulle
1739
e sais mettre en œuvre à ma façon, et peu capable
de
comprendre que l’on veuille « avoir » autrement. Posséder, ce n’est p
1740
s avoir. Ce n’est pas même avoir l’usage éventuel
de
quelque chose. Mais c’est user en fait de cette chose-là. C’est donc
1741
ventuel de quelque chose. Mais c’est user en fait
de
cette chose-là. C’est donc un acte et pas du tout un droit. Et ce n’e
1742
fin qui leur est étrangère, et qui me commandera
de
les quitter le jour qu’ils y mettront obstacle. (Pour les bourgeois,
1743
y mettront obstacle. (Pour les bourgeois, l’idée
de
propriété est liée à l’idée d’héritage. Par quelle folie pensent-ils
1744
bourgeois, l’idée de propriété est liée à l’idée
d’
héritage. Par quelle folie pensent-ils pouvoir « hériter » des biens d
1745
e folie pensent-ils pouvoir « hériter » des biens
de
leurs pères ? Il faut tout ignorer de la vraie possession ! Une chose
1746
» des biens de leurs pères ? Il faut tout ignorer
de
la vraie possession ! Une chose n’est mienne que pour un temps, et si
1747
e, elle me devient impropre. Je n’hérite pas même
de
moi ! Ou alors, l’héritage est cela dont on ne peut pas se délivrer à
1748
est incommode ou impropre, et dont il faut tâcher
de
se délivrer coûte que coûte.) Mon domaine, c’est ce que j’ai sous la
1749
du jardin. Quand je lève le nez, je vois la cour
de
terre battue à l’ombre de ses deux tilleuls, la margelle du puits à g
1750
ose une vieille chatte, le chai à droite. Au-delà
de
la cour, les planches incultes du potager, de chaque côté d’une allée
1751
elà de la cour, les planches incultes du potager,
de
chaque côté d’une allée bordée de rosiers. L’allée aboutit à une port
1752
les planches incultes du potager, de chaque côté
d’
une allée bordée de rosiers. L’allée aboutit à une porte de bois à deu
1753
tes du potager, de chaque côté d’une allée bordée
de
rosiers. L’allée aboutit à une porte de bois à deux battants, à demi
1754
ée bordée de rosiers. L’allée aboutit à une porte
de
bois à deux battants, à demi cachée par des lauriers épais. De hauts
1755
x battants, à demi cachée par des lauriers épais.
De
hauts murs blancs enclosent de tous côtés ce jardin de curé, qui a ju
1756
es lauriers épais. De hauts murs blancs enclosent
de
tous côtés ce jardin de curé, qui a juste la largeur de la maison. On
1757
uts murs blancs enclosent de tous côtés ce jardin
de
curé, qui a juste la largeur de la maison. On ne voit rien que le cie
1758
s côtés ce jardin de curé, qui a juste la largeur
de
la maison. On ne voit rien que le ciel au-delà, un ciel lavé, tissé d
1759
oit rien que le ciel au-delà, un ciel lavé, tissé
d’
oiseaux, et parfois traversé par un nuage rapide. La maison compte deu
1760
compte deux chambres au rez-de-chaussée, séparées
de
la cuisine par un couloir dallé. À l’étage, où l’on parvient par un p
1761
parvient par un petit escalier qui prend au fond
de
la cuisine, deux autres chambres assez vastes et presque vides, auxqu
1762
vastes et presque vides, auxquelles le toit sert
de
plafond. Très peu de meubles, comme j’aime. Des murs blanchis ou tein
1763
ubles, comme j’aime. Des murs blanchis ou teintés
de
bleu clair, des planchers rudes. Décor candide et gai, oui vraiment p
1764
rte un peu trop basse, règne une pénétrante odeur
de
laurier. 10 novembre Ce journal n’aura rien d’intime. J’ai à gagner
1765
de laurier. 10 novembre Ce journal n’aura rien
d’
intime. J’ai à gagner ma vie, non pas à la regarder. Toutefois, noter
1766
e paraîtront frappants ici ou là, c’est une sorte
de
contrôle amusant et utile — pour plus tard — et c’est une bonne disci
1767
— pour plus tard — et c’est une bonne discipline
de
l’esprit que la description objective. Me voici pris dans une expérie
1768
jective. Me voici pris dans une expérience forcée
de
vie pauvre, libre et solitaire — trois grands mots ! et pourtant c’es
1769
nt c’est bien cela — tout au bout d’un pays dénué
de
ressources, pratiquement analogue, j’imagine, à un poste colonial aux
1770
aux limites du désert. Curiosité, comme au début
d’
un film. La situation est d’ailleurs excellente pour l’instant. Il nou
1771
s excellente pour l’instant. Il nous reste encore
de
quoi vivre pendant six semaines environ, si du moins nos calculs sont
1772
ont justes : 900 francs, un bon toit, et le temps
de
voir venir. Du 10 au 17 novembre Pour parer au plus pressé, écrit e
1773
evues, hebdomadaires et journaux. Grande facilité
de
travail dans le silence à peu près absolu. Mais aussi j’ai l’impressi
1774
u près absolu. Mais aussi j’ai l’impression nette
d’
utiliser la fin de l’élan intellectuel qui me soutenait à Paris. Ces d
1775
s aussi j’ai l’impression nette d’utiliser la fin
de
l’élan intellectuel qui me soutenait à Paris. Ces deux derniers jours
1776
, j’arrivais mal à prendre au sérieux l’actualité
de
ce que j’écrivais. Il faut avouer qu’il s’agissait, dans ces articles
1777
faut avouer qu’il s’agissait, dans ces articles,
de
ce que les gens croient être actuel, ou sont censés croire actuel, da
1778
d’hui c’est le jour du repos. J’ai trouvé au fond
d’
une armoire, derrière une pile d’assiettes, deux volumes sur l’histoir
1779
i trouvé au fond d’une armoire, derrière une pile
d’
assiettes, deux volumes sur l’histoire de l’île, ses coutumes, et son
1780
une pile d’assiettes, deux volumes sur l’histoire
de
l’île, ses coutumes, et son dialecte. L’un est l’œuvre d’un archivist
1781
, ses coutumes, et son dialecte. L’un est l’œuvre
d’
un archiviste du continent. Il affecte une douce ironie sorbonnarde po
1782
exagéré et embelli tout cela… La science réclame
de
petits faits vrais. Elle tend aussi, il faut l’avouer, à ne tenir pou
1783
nir pour vrai que ce qui est petit. Laissons donc
de
côté ce petit travail qui a dû valoir les palmes à son auteur. Le sec
1784
es à son auteur. Le second bouquin, c’est l’œuvre
d’
un vieux médecin tout plein de verve et de gaillarde érudition, comme
1785
quin, c’est l’œuvre d’un vieux médecin tout plein
de
verve et de gaillarde érudition, comme il s’en trouve un peu partout
1786
l’œuvre d’un vieux médecin tout plein de verve et
de
gaillarde érudition, comme il s’en trouve un peu partout pour sauver
1787
en trouve un peu partout pour sauver « l’esprit »
d’
un pays. J’ai passé tout l’après-midi dessus. — Cela commence par une
1788
emières galères romaines jusqu’au bateau à vapeur
de
Sadi Carnot — monument au point où il toucha terre — en passant par l
1789
ars norvégiens, les flottes anglaises des guerres
de
religion et les expéditions de saumoniers. Une période héroïque sous
1790
laises des guerres de religion et les expéditions
de
saumoniers. Une période héroïque sous Richelieu. Depuis lors, semble-
1791
pour la plupart jacobins. Plusieurs des discours
de
leurs chefs ont été consignés par miracle : ils ne le cèdent en rien
1792
miracle : ils ne le cèdent en rien pour l’ampleur
de
leurs vues sur le monde, à l’éloquence des conventionnels… On trouve
1793
, rédigées dans un patois un peu trop exemplaire.
D’
intéressantes précisions budgétaires sur les institutions de bienfaisa
1794
antes précisions budgétaires sur les institutions
de
bienfaisance fondées par le docteur lui-même ou tout au moins à son i
1795
sera des plus utiles, une minutieuse description
de
la faune et de la flore de l’île, du régime des marées, des courants
1796
utiles, une minutieuse description de la faune et
de
la flore de l’île, du régime des marées, des courants et des vents. M
1797
minutieuse description de la faune et de la flore
de
l’île, du régime des marées, des courants et des vents. Merveilleux l
1798
re, un vieux docteur au fichu caractère a composé
de
sa longue expérience, de ses rancunes, de son amour caché, et de sa s
1799
ichu caractère a composé de sa longue expérience,
de
ses rancunes, de son amour caché, et de sa science hétéroclite de pra
1800
composé de sa longue expérience, de ses rancunes,
de
son amour caché, et de sa science hétéroclite de praticien et de coll
1801
périence, de ses rancunes, de son amour caché, et
de
sa science hétéroclite de praticien et de collectionneur. L’esprit fo
1802
de son amour caché, et de sa science hétéroclite
de
praticien et de collectionneur. L’esprit fort et l’esprit de clocher
1803
ché, et de sa science hétéroclite de praticien et
de
collectionneur. L’esprit fort et l’esprit de clocher se font une guer
1804
n et de collectionneur. L’esprit fort et l’esprit
de
clocher se font une guerre acharnée dans ces pages et ils l’emportent
1805
emportent tour à tour, jusqu’à la synthèse finale
d’
une envolée tout à la fois patriotique, républicaine, et tolérante. La
1806
nte. La droite, la gauche, et une certaine espèce
d’
intelligence, ou d’ironie… Pour de tels hommes, certes il n’est pas de
1807
gauche, et une certaine espèce d’intelligence, ou
d’
ironie… Pour de tels hommes, certes il n’est pas deux France ! Ou plut
1808
certaine espèce d’intelligence, ou d’ironie… Pour
de
tels hommes, certes il n’est pas deux France ! Ou plutôt elles se mêl
1809
dans un combat indivisible et nécessaire au cœur
de
chacun d’eux. Voilà l’espèce d’hommes français que je voudrais croire
1810
ombat indivisible et nécessaire au cœur de chacun
d’
eux. Voilà l’espèce d’hommes français que je voudrais croire la plus a
1811
écessaire au cœur de chacun d’eux. Voilà l’espèce
d’
hommes français que je voudrais croire la plus authentique. 19 novem
1812
e petite rue toute blanche qui contourne la panse
de
l’église et aboutit à la place principale. Au milieu de cette place,
1813
milieu de cette place, qui est un vaste rectangle
de
terre jaune, les habitants plantèrent à la Révolution un arbre de la
1814
les habitants plantèrent à la Révolution un arbre
de
la Liberté. Cet orme est devenu gigantesque, majestueux, exemplaire d
1815
ulence, frisé comme une perruque du grand siècle.
De
trois côtés de la place généralement vide, les maisons s’alignent en
1816
omme une perruque du grand siècle. De trois côtés
de
la place généralement vide, les maisons s’alignent en ordre modeste,
1817
couleur des volets s’harmonise avec chaque façade
d’
une manière subtile et précise qui en dit long sur l’âme de ce peuple
1818
ière subtile et précise qui en dit long sur l’âme
de
ce peuple discret. C’est l’impression que je veux retenir pour le mom
1819
du chou-fleur, des enveloppes jaunes, du peloton
de
ficelle et du kilo de riz. Mes vêtements, citadins mais râpés, ne la
1820
veloppes jaunes, du peloton de ficelle et du kilo
de
riz. Mes vêtements, citadins mais râpés, ne la renseignent pas claire
1821
, ne la renseignent pas clairement. Et que penser
d’
un « Parisien » qui manifeste l’intention de rester ici tout l’hiver ?
1822
enser d’un « Parisien » qui manifeste l’intention
de
rester ici tout l’hiver ? C’est plutôt en été qu’on vient chez nous,
1823
ances ! J’ai du travail à faire chez moi, des tas
de
choses à écrire… Elle n’ose pas m’en demander davantage. Et moi, je r
1824
davantage. Et moi, je recule devant l’entreprise
de
lui expliquer la nature de mon travail. « Écrire », qu’est-ce que cel
1825
le devant l’entreprise de lui expliquer la nature
de
mon travail. « Écrire », qu’est-ce que cela signifie ? Écrire pour le
1826
u’on voudrait. En hiver elle fait peu de réserves
de
produits alimentaires, les habitants n’achetant guère autre chose que
1827
s, les habitants n’achetant guère autre chose que
de
la mercerie, des lainages et des épices. Alors il faut aller de l’aut
1828
, des lainages et des épices. Alors il faut aller
de
l’autre côté de la place, chez Mélie. Ce n’est pas simple d’éviter d’
1829
t des épices. Alors il faut aller de l’autre côté
de
la place, chez Mélie. Ce n’est pas simple d’éviter d’être vu par l’un
1830
côté de la place, chez Mélie. Ce n’est pas simple
d’
éviter d’être vu par l’une, entrant chez l’autre. Mais c’est prudent,
1831
a place, chez Mélie. Ce n’est pas simple d’éviter
d’
être vu par l’une, entrant chez l’autre. Mais c’est prudent, on me l’a
1832
elles les augmenteront bien plutôt pour le punir
d’
avoir été en face. Sans compter qu’on n’aime pas être accueilli par la
1833
e pas être accueilli par la réprobation sournoise
d’
une épicière. 20 novembre Le bureau de poste. Trois mètres sur trois
1834
sournoise d’une épicière. 20 novembre Le bureau
de
poste. Trois mètres sur trois, et une grille épaisse au milieu. Derri
1835
sse au milieu. Derrière la grille, le long visage
de
Pédenaud. J’ai l’impression que je lui gâte la vie. Trois fois la sem
1836
’est tapé à la machine. — Est-ce qu’il n’y a rien
d’
écrit à la main ? Si, il y a des corrections écrites à la main. » Péde
1837
nième fois son tarif, fait son calcul sur un bout
de
papier, et conclut que j’ai à payer 72 francs pour un envoi, ce jour-
1838
j’ai à payer 72 francs pour un envoi, ce jour-là,
d’
une centaine de feuilles. Il en paraît lui-même consterné. J’affirme a
1839
francs pour un envoi, ce jour-là, d’une centaine
de
feuilles. Il en paraît lui-même consterné. J’affirme avec vivacité qu
1840
Il faut tout recommencer. Finalement l’on décide
d’
envoyer le manuscrit comme échantillon sans valeur. Port : quatre fran
1841
ntends grincer la porte du jardin. C’est la femme
de
Pédenaud qui brandit un papier. J’accours : elle me tend une formule
1842
t un papier. J’accours : elle me tend une formule
de
télégramme, mais ce n’est pas un télégramme, c’est une notification o
1843
un télégramme, c’est une notification officielle
d’
avoir à verser sans délai la somme de francs 67,25, restant due sur l’
1844
n officielle d’avoir à verser sans délai la somme
de
francs 67,25, restant due sur l’envoi de ce matin. En effet, Pédenaud
1845
la somme de francs 67,25, restant due sur l’envoi
de
ce matin. En effet, Pédenaud qui a voulu en avoir le cœur net, a pris
1846
ue je m’exécute, sinon c’est lui qui sera forcé «
d’
y aller de sa poche ». Me voilà courant à l’autobus pour arrêter le co
1847
écute, sinon c’est lui qui sera forcé « d’y aller
de
sa poche ». Me voilà courant à l’autobus pour arrêter le courrier. L’
1848
stal, discuter passionnément, trouver une formule
d’
apaisement qui ménage toutes les susceptibilités, et finalement ne rie
1849
peu, pour me faire pardonner. Pédenaud est mutilé
de
guerre. Il boite. On lui a donné cette recette auxiliaire à titre de
1850
e revue. Reste : environ 200 francs. Le sentiment
de
dépendre entièrement de bonnes ou de mauvaises volontés lointaines, e
1851
200 francs. Le sentiment de dépendre entièrement
de
bonnes ou de mauvaises volontés lointaines, et du hasard, éveille par
1852
Le sentiment de dépendre entièrement de bonnes ou
de
mauvaises volontés lointaines, et du hasard, éveille par résonnance u
1853
et du hasard, éveille par résonnance un sentiment
de
liberté, de gratuité aventureuse. Mon sort ne dépend plus de ce que j
1854
, éveille par résonnance un sentiment de liberté,
de
gratuité aventureuse. Mon sort ne dépend plus de ce que je puis faire
1855
de gratuité aventureuse. Mon sort ne dépend plus
de
ce que je puis faire ou imaginer : libération. Il faut qu’il arrive q
1856
chose. Et s’il n’arrive rien ? « On ne meurt pas
de
faim dans nos pays », dit-on, et je crois bien que je l’ai dit quelqu
1857
ans précédent, et des raisons toutes personnelles
de
ne pas appeler au secours. Pourtant je suis bien tranquille, je ne l’
1858
si absolument. C’est peut-être à cause du bonheur
de
notre vie. Trouver son rythme naturel, et les moyens de s’y réduire,
1859
re vie. Trouver son rythme naturel, et les moyens
de
s’y réduire, voilà le but de toute morale car le « bien penser » en d
1860
turel, et les moyens de s’y réduire, voilà le but
de
toute morale car le « bien penser » en dépend. 2 décembre Question
1861
décembre Questions. — Est-ce donc si « naturel »
de
vivre sur une île ? Est-ce que l’insularité (géographique et morale)
1862
ité (géographique et morale) n’est pas une espèce
de
vice ? Est-ce que ce n’est pas la racine de tout l’idéalisme dont les
1863
spèce de vice ? Est-ce que ce n’est pas la racine
de
tout l’idéalisme dont les modernes doivent se guérir, s’ils veulent e
1864
tuels » ? Est-ce que ce n’est pas aussi la racine
de
cet esprit d’abstraction égoïste dont nous souffrons tous ? Pourquoi
1865
ce que ce n’est pas aussi la racine de cet esprit
d’
abstraction égoïste dont nous souffrons tous ? Pourquoi les hommes viv
1866
promenade et que nous mesurons toute l’étroitesse
de
notre domaine, la mer partout à dix minutes et ces marécages hostiles
1867
minutes et ces marécages hostiles, nous souffrons
de
ne pouvoir prolonger en pensée notre marche jusqu’au pays voisin. Cet
1868
i fait qu’il désire sans cesse se risquer au-delà
de
ce qu’il peut, et franchir au moins en pensée les bornes de ses posse
1869
l peut, et franchir au moins en pensée les bornes
de
ses possessions pour aller se mêler aux « autres », à l’étranger… Tou
1870
re, je ne parviens pas à partager avec les hommes
de
ce village ce qui est essentiel et solide dans ma vie. Le simple fait
1871
gêne constamment sensible. Et je n’ai nulle envie
d’
en prendre mon parti. Dans ce qu’ils ont pu entrevoir de mon activité,
1872
rendre mon parti. Dans ce qu’ils ont pu entrevoir
de
mon activité, une seule chose les a frappés : ma machine à écrire. La
1873
enaud, qui est une vieille amie des propriétaires
de
notre maison, est venue plusieurs fois nous voir. Hier, elle m’a dema
1874
s voir. Hier, elle m’a demandé avec toutes sortes
de
précautions oratoires embrouillées si son fils pourrait venir aussi v
1875
dre et l’admirer. Ils ont ainsi sur moi une sorte
de
supériorité concrète dont je ne souffre pas dans ma vanité, c’est ent
1876
a vanité, c’est entendu, mais bien dans mon désir
de
sympathie humaine, d’échange direct sur pied d’égalité. Le père Renau
1877
u, mais bien dans mon désir de sympathie humaine,
d’
échange direct sur pied d’égalité. Le père Renaud est un ancien marin,
1878
r de sympathie humaine, d’échange direct sur pied
d’
égalité. Le père Renaud est un ancien marin, barbu, jovial, déjà touch
1879
6. ») Il s’occupe maintenant à fabriquer un filet
de
quatre-vingts mètres, bel ouvrage dont le détail m’intéresse. Le fils
1880
ose des cartes postales illustrées avec des bouts
de
timbres-poste découpés. Je m’attarde à causer dans leur cuisine, qui
1881
plaisant que cet intérieur. Des chaises au siège
de
bois poli, une lourde table au centre, une autre plus petite vers la
1882
sur laquelle travaille le père Renaud. Le sol est
de
terre battue recouverte d’une fine couche de sable. Sur les murs blan
1883
ère Renaud. Le sol est de terre battue recouverte
d’
une fine couche de sable. Sur les murs blanchis, quelques petites grav
1884
est de terre battue recouverte d’une fine couche
de
sable. Sur les murs blanchis, quelques petites gravures anciennes, en
1885
s, quelques petites gravures anciennes, encadrées
de
noir, et joliment disposées, une photo de bateau, et un vieil arbre g
1886
cadrées de noir, et joliment disposées, une photo
de
bateau, et un vieil arbre généalogique aux couleurs pâlies. Cet ordre
1887
tte propreté rigoureuse qui règnent ici avec tant
d’
aisance, ai-je le droit de les considérer comme les symboles visibles
1888
i règnent ici avec tant d’aisance, ai-je le droit
de
les considérer comme les symboles visibles de l’univers intérieur de
1889
oit de les considérer comme les symboles visibles
de
l’univers intérieur de ces gens ? 5 décembre Ils me parlent de ce q
1890
omme les symboles visibles de l’univers intérieur
de
ces gens ? 5 décembre Ils me parlent de ce qui les intéresse, et je
1891
térieur de ces gens ? 5 décembre Ils me parlent
de
ce qui les intéresse, et je m’y intéresse avec eux. Mais je ne puis o
1892
Mais je ne puis ou ne sais pas encore leur parler
de
ce qui moi, m’intéresse : je sens trop bien qu’ils n’en sont pas curi
1893
: je sens trop bien qu’ils n’en sont pas curieux.
De
quoi donc me parlent-ils ? Du temps, et j’aime cela comme tout le mon
1894
? Du temps, et j’aime cela comme tout le monde ;
de
leur travail aux champs ou à la côte, et je les écoute avec toute l’a
1895
la côte, et je les écoute avec toute l’attention
d’
un apprenti ; de leurs souvenirs, parfois touchants, parfois comiques,
1896
les écoute avec toute l’attention d’un apprenti ;
de
leurs souvenirs, parfois touchants, parfois comiques, toujours révéla
1897
, parfois comiques, toujours révélateurs pour moi
d’
un monde non pas absolument nouveau, mais nouvellement intéressant. Et
1898
t. Et quand nous sommes en confiance, si j’essaie
d’
amener l’entretien sur leurs lectures, les journaux qu’ils achètent, l
1899
nt sans intérêt. Je ne sens pas qu’ils se méfient
de
moi. Simplement, ils n’ont jamais formé de phrases, dans leur tête, à
1900
éfient de moi. Simplement, ils n’ont jamais formé
de
phrases, dans leur tête, à propos de ces choses-là. Non seulement je
1901
à. Non seulement je ne sens pas qu’ils se méfient
de
moi en tant qu’intellectuel ou « spécialiste », mais encore je devine
1902
viens de nommer. Ils ne se doutent pas que c’est
de
cela précisément qu’un écrivain peut faire sa « spécialité ». Et rien
1903
ialité ». Et rien ne les étonnerait davantage que
d’
apprendre un beau jour que je m’intéresse à leurs « idées », à leur si
1904
lèmes, — et que j’en fais parfois la matière même
de
mon travail. J’ai quelque peine à exprimer ceci, — qui n’est précisém
1905
mer ceci, — qui n’est précisément qu’un sentiment
de
gêne en moi. Sentiment qu’il y a là quelque absurdité, et si énorme q
1906
Ou bien est-ce ma gêne qui est absurde ? Essayer
de
confronter la culture et la réalité, c’est peut-être prouver qu’on ig
1907
uver qu’on ignore l’une et l’autre ? Ou témoigner
d’
une naïveté impardonnable ? — Pourtant, je ne suis pas prêt à me donne
1908
er tort, c’est-à-dire à donner raison au bon sens
de
l’époque présente. Il a trop souvent fait ses preuves. 15 décembre
1909
titre, mais seulement « évangéliste » au service
d’
une œuvre missionnaire. Les évangélistes étant moins bien payés que le
1910
s bien payés que les pasteurs, dont le traitement
de
base est de 10 000 francs, Mme Palut est obligée de faire, quand cela
1911
que les pasteurs, dont le traitement de base est
de
10 000 francs, Mme Palut est obligée de faire, quand cela se trouve,
1912
base est de 10 000 francs, Mme Palut est obligée
de
faire, quand cela se trouve, des remplacements d’institutrices. Ils o
1913
de faire, quand cela se trouve, des remplacements
d’
institutrices. Ils ont déjà deux garçons, et ils ont trouvé le moyen d
1914
ont déjà deux garçons, et ils ont trouvé le moyen
de
recueillir encore une vieille Bretonne sans ressources, qui aide un p
1915
s, qui aide un peu à la cuisine et casse beaucoup
d’
assiettes. Dans cette île, qui fut presque entièrement protestante au
1916
le, M. Palut n’a plus aujourd’hui qu’une centaine
de
paroissiens disséminés. Il en vient une dizaine au culte. Les autres
1917
c la population. Conférences, visites, colportage
de
bibles de porte en porte. On ne peut pas dire que tout ce travail épu
1918
ation. Conférences, visites, colportage de bibles
de
porte en porte. On ne peut pas dire que tout ce travail épuisant dans
1919
testants qui sont souvent l’élément le plus actif
de
la population s’expatrient volontiers, ou vont habiter les villes.) E
1920
r les villes.) En été, la petite ville se remplit
de
baigneurs et l’auditoire du temple est décuplé : cela suffit pour qu’
1921
a suffit pour qu’on maintienne le poste… J’essaie
de
me représenter l’existence quotidienne de cet homme aux prises avec l
1922
’essaie de me représenter l’existence quotidienne
de
cet homme aux prises avec la solitude la plus désespérante, celle que
1923
ue lui crée l’indifférence tranquille et obstinée
de
ceux auprès desquels il devrait exercer sa mission. Ils ne veulent pa
1924
ne veulent pas même l’écouter, et toute sa raison
d’
être est cependant de leur parler. Il n’a rien d’autre à faire, et il
1925
’écouter, et toute sa raison d’être est cependant
de
leur parler. Il n’a rien d’autre à faire, et il ne peut pas le faire.
1926
d’être est cependant de leur parler. Il n’a rien
d’
autre à faire, et il ne peut pas le faire. Et de plus, il est seul à c
1927
son existence sans amertume. Il ne se plaint que
de
son isolement intellectuel. Il trouve normal de vivre une vie humaine
1928
e de son isolement intellectuel. Il trouve normal
de
vivre une vie humainement absurde. Non qu’il n’en distingue pas l’abs
1929
ais simplement il sait pourquoi il la subit. Fils
d’
un petit hôtelier breton d’origine catholique, il s’est converti à l’â
1930
quoi il la subit. Fils d’un petit hôtelier breton
d’
origine catholique, il s’est converti à l’âge de vingt ans et depuis l
1931
n d’origine catholique, il s’est converti à l’âge
de
vingt ans et depuis lors il n’a jamais songé qu’il pût faire autre ch
1932
te qu’il n’y ait « à vues humaines » aucun espoir
de
se faire entendre, si le seul espoir vrai réside dans la foi, qui ord
1933
seul espoir vrai réside dans la foi, qui ordonne
de
parler quand même ? Janvier (à T…) Ce séjour, par ailleurs plein d’
1934
? Janvier (à T…) Ce séjour, par ailleurs plein
d’
agrément, ne m’a permis de faire jusqu’ici qu’une seule expérience pré
1935
our, par ailleurs plein d’agrément, ne m’a permis
de
faire jusqu’ici qu’une seule expérience précise et utile : celle du l
1936
re » une soirée, depuis six mois que je n’ai plus
de
travail fixe. Quand je m’arrêtais d’écrire, par fatigue, je ne me sen
1937
je n’ai plus de travail fixe. Quand je m’arrêtais
d’
écrire, par fatigue, je ne me sentais pas la bonne conscience de l’emp
1938
fatigue, je ne me sentais pas la bonne conscience
de
l’employé qui a fait sa journée et qui pense maintenant à autre chose
1939
et qui pense maintenant à autre chose. Une sorte
d’
impatience me tarabustait encore, me ramenait sans cesse aux mêmes pré
1940
cette vacance où les idées et sentiments changent
de
climat. Le loisir n’est pas simplement la cessation du travail pour u
1941
r — et c’est cela qui le différencie profondément
d’
un chômeur industriel, par exemple — mais il ne connaît plus de vrais
1942
industriel, par exemple — mais il ne connaît plus
de
vrais loisirs. 23 janvier (écrit sur la dune) Il ne faut pas se met
1943
dune) Il ne faut pas se mettre en colère au mois
de
janvier. C’est une saison abstraite, on n’atteint presque rien. Le so
1944
agrandit les regards sans nourrir la vision. Pas
de
mouches dans la lumière au ras des landes. Lucidité stérile du bel hi
1945
craindre qu’elle ne m’attaque par désir famélique
de
créer du nouveau. Car c’est une consolation aussi que d’avoir à faire
1946
r du nouveau. Car c’est une consolation aussi que
d’
avoir à faire face à quelque catastrophe intime. Certains jours on don
1947
jours on donnerait beaucoup pour une bonne raison
de
désespérer, pour une bonne et impérieuse raison d’abandonner cette pa
1948
e désespérer, pour une bonne et impérieuse raison
d’
abandonner cette partie mal engagée, ma vie, et de se retrouver neuf,
1949
d’abandonner cette partie mal engagée, ma vie, et
de
se retrouver neuf, enfantin, ou tout simplement jeune devant un prése
1950
ou tout simplement jeune devant un présent ouvert
de
tous côtés… Une seule vertu peut alors nous sauver de cette tentation
1951
ous côtés… Une seule vertu peut alors nous sauver
de
cette tentation du désespoir, et c’est l’humilité. Si je ne suis pas
1952
Ainsi je me renouvelle lentement. C’est un moyen
de
sortir de l’impasse : non pas en changeant ses données, mais soi-même
1953
me renouvelle lentement. C’est un moyen de sortir
de
l’impasse : non pas en changeant ses données, mais soi-même. 28 fév
1954
e. 28 février Gens. Il est très impressionnant
de
se demander en face de ces hommes, à quelques mètres d’eux, quand ils
1955
demander en face de ces hommes, à quelques mètres
d’
eux, quand ils travaillent sur leur parcelle, ce que signifient les mé
1956
méthodes productivistes et la démesure collective
d’
un plan quinquennal. Le silence de la lande et des marais, la rumeur d
1957
sure collective d’un plan quinquennal. Le silence
de
la lande et des marais, la rumeur de la côte, les petits chocs irrégu
1958
. Le silence de la lande et des marais, la rumeur
de
la côte, les petits chocs irréguliers des pioches et des bouelles, to
1959
rs des pioches et des bouelles, tout ce qu’il y a
de
paisible, de grand, de mesquin, de millénaire dans cette faible activ
1960
s et des bouelles, tout ce qu’il y a de paisible,
de
grand, de mesquin, de millénaire dans cette faible activité humaine a
1961
ouelles, tout ce qu’il y a de paisible, de grand,
de
mesquin, de millénaire dans cette faible activité humaine au ras du s
1962
t ce qu’il y a de paisible, de grand, de mesquin,
de
millénaire dans cette faible activité humaine au ras du sol, sous ce
1963
vérité » brutaliser et bouleverser à grand fracas
de
moteurs et de règlements de fer les rythmes de cette île et de ces vi
1964
liser et bouleverser à grand fracas de moteurs et
de
règlements de fer les rythmes de cette île et de ces vies ? 3 avril
1965
verser à grand fracas de moteurs et de règlements
de
fer les rythmes de cette île et de ces vies ? 3 avril La solitude e
1966
as de moteurs et de règlements de fer les rythmes
de
cette île et de ces vies ? 3 avril La solitude est une jeunesse. El
1967
de règlements de fer les rythmes de cette île et
de
ces vies ? 3 avril La solitude est une jeunesse. Elle nous apprend
1968
nts, chose nouvelle au goût du souvenir, que trop
de
téléphones à la ville, d’heures de bureau, d’impitoyables rendez-vous
1969
t du souvenir, que trop de téléphones à la ville,
d’
heures de bureau, d’impitoyables rendez-vous, d’indifférence avaient r
1970
enir, que trop de téléphones à la ville, d’heures
de
bureau, d’impitoyables rendez-vous, d’indifférence avaient repoussée
1971
rop de téléphones à la ville, d’heures de bureau,
d’
impitoyables rendez-vous, d’indifférence avaient repoussée dans nos lo
1972
, d’heures de bureau, d’impitoyables rendez-vous,
d’
indifférence avaient repoussée dans nos lombes ; cette chose toujours
1973
chose toujours neuve et nouvelle qu’est l’attente
d’
on ne sait quoi. Condition véritable de l’homme : il est celui qui agi
1974
l’attente d’on ne sait quoi. Condition véritable
de
l’homme : il est celui qui agit dans l’attente. Il attend des révélat
1975
? Si je gratte pendant des heures ce coin réduit
de
terre caillouteuse, c’est pour un printemps qui viendra. C’est pour g
1976
e l’avenir — et l’imagine nécessairement sur fond
de
mort. (La jeunesse qui est l’âge de l’attente la plus ardente de la v
1977
ment sur fond de mort. (La jeunesse qui est l’âge
de
l’attente la plus ardente de la vie est aussi l’âge le plus familier
1978
unesse qui est l’âge de l’attente la plus ardente
de
la vie est aussi l’âge le plus familier avec la mort.) Ainsi nos gest
1979
nt inacceptable, qui ne s’ouvre pas sur l’attente
d’
une révélation à venir, et d’une « consolation » finale. (Consolation
1980
re pas sur l’attente d’une révélation à venir, et
d’
une « consolation » finale. (Consolation signifiant selon l’étymologie
1981
ble toute attente.) 7 avril Recette pour vivre
de
peu. La première condition c’est de gagner peu. (J’ai écrit cela, je
1982
te pour vivre de peu. La première condition c’est
de
gagner peu. (J’ai écrit cela, je me le rappelle, peu de temps après n
1983
ppelle, peu de temps après notre arrivée, au haut
d’
une page que je retrouve dans une pile de notes. La page est restée bl
1984
au haut d’une page que je retrouve dans une pile
de
notes. La page est restée blanche. Et toute réflexion faite, c’est bi
1985
rès complet.) 10 avril Je n’ai pas encore parlé
de
la poule, la triste et digne poule noire qui habite seule au bout du
1986
là qu’hier, elle a pondu. Et ce matin de nouveau.
De
très gros œufs, me semble-t-il. (Où va se loger la vanité !) 14 avr
1987
nd je me tire du livre que j’écris — sur la crise
de
la cultureaf — pour causer avec la laitière ou la factrice, ou le pos
1988
assez normal : il y a l’obstacle du vocabulaire,
d’
une certaine technique des idées, etc., mais encore ils ne comprendrai
1989
etc., mais encore ils ne comprendraient pas même
de
quoi il s’agit quand je parle d’eux précisément, et des problèmes qui
1990
draient pas même de quoi il s’agit quand je parle
d’
eux précisément, et des problèmes qui intéressent leur existence. J’au
1991
liquer chaque terme. Ils n’y reconnaîtraient rien
de
ce qui les « soucie », amuse, occupe, ou intéresse. Vraiment non, ce
1992
ent non, ce chapitre sur « l’origine rationaliste
de
la scission entre la culture et le peuple », cela ne peut accrocher à
1993
arbe et sa casquette, et qui continue à me parler
de
la pêche, de son filet qui a été emporté hier, etc. Quel sens concret
1994
squette, et qui continue à me parler de la pêche,
de
son filet qui a été emporté hier, etc. Quel sens concret cela peut-il
1995
é hier, etc. Quel sens concret cela peut-il avoir
de
parler de la « scission » entre cet homme et la culture ? N’y a-t-il
1996
c. Quel sens concret cela peut-il avoir de parler
de
la « scission » entre cet homme et la culture ? N’y a-t-il pas là deu
1997
N’y a-t-il pas là deux mondes qui n’ont jamais eu
de
contact, ni jamais de commune mesure ? Je reviens à mes pages, bien d
1998
mondes qui n’ont jamais eu de contact, ni jamais
de
commune mesure ? Je reviens à mes pages, bien décidé à les refaire de
1999
Je reviens à mes pages, bien décidé à les refaire
de
fond en comble, à simplifier, à concrétiser, à essayer de les rendre
2000
en comble, à simplifier, à concrétiser, à essayer
de
les rendre telles qu’elles puissent, je ne dis pas être comprises, ma
2001
Eh bien, voilà le résultat : après une demi-heure
de
relecture attentive, j’ai rajouté quelques virgules, précisé quelques
2002
concret. Je me dis que cette impression et celle
de
tout à l’heure s’excluent en fait. Mais je n’arrive plus du tout à re
2003
je n’arrive plus du tout à retrouver ce sentiment
d’
absurdité que provoquait en moi, précisément, la présence physique d’u
2004
voquait en moi, précisément, la présence physique
d’
un homme, confrontée avec les idées que j’avais en tête. Il y a probab
2005
rdité que j’éprouvais, mais aussi l’impossibilité
de
la sentir avec quelque vivacité, sauf par éclairs, dans la rue, par e
2006
retrouver le souvenir autrement que par un effort
de
réflexion qui me laisse assez froid. La culture m’a repris. Je suis d
2007
la thèse que je défends est vraie !… Il y aurait
de
quoi s’arrêter de penser, si l’on pouvait. Le principe de toute cultu
2008
éfends est vraie !… Il y aurait de quoi s’arrêter
de
penser, si l’on pouvait. Le principe de toute culture véritable n’est
2009
s’arrêter de penser, si l’on pouvait. Le principe
de
toute culture véritable n’est-il pas cette commune mesure, sinon de r
2010
éritable n’est-il pas cette commune mesure, sinon
de
raisons formulables, du moins… d’angoisse, ou de vision finale, qu’il
2011
e mesure, sinon de raisons formulables, du moins…
d’
angoisse, ou de vision finale, qu’il s’agit de maintenir par un consta
2012
de raisons formulables, du moins… d’angoisse, ou
de
vision finale, qu’il s’agit de maintenir par un constant effort entre
2013
ns… d’angoisse, ou de vision finale, qu’il s’agit
de
maintenir par un constant effort entre nos belles séries de pensées e
2014
ir par un constant effort entre nos belles séries
de
pensées et la diversité désordonnée des êtres et des choses, où nous
2015
rité, que si je me sens et me connais participant
de
ce monde « mal compassé ». 16 avril La poule noire couve depuis hie
2016
, planté des choux, enfoncé une à une des graines
de
haricots dans un sillon tiré à la ficelle. Plaisir d’avoir les doigts
2017
aricots dans un sillon tiré à la ficelle. Plaisir
d’
avoir les doigts et les ongles terreux ; toujours ce goût d’enfance… J
2018
s doigts et les ongles terreux ; toujours ce goût
d’
enfance… Je ne me sens plus « éloigné de Paris », mais au centre de mo
2019
s ce goût d’enfance… Je ne me sens plus « éloigné
de
Paris », mais au centre de mon domaine ; et c’est Paris qui est loin
2020
me sens plus « éloigné de Paris », mais au centre
de
mon domaine ; et c’est Paris qui est loin maintenant, peu vraisemblab
2021
qui baigne le jardin fleuri, éclate sur la façade
de
la maison, plus claire que le ciel vide, et illumine la goutte rose d
2022
aire que le ciel vide, et illumine la goutte rose
d’
une fourmi ailée qui danse au-dessus de mon verre de vin blanc. Mai
2023
outte rose d’une fourmi ailée qui danse au-dessus
de
mon verre de vin blanc. Mai La mer est d’un vert bleu crayeux, très
2024
une fourmi ailée qui danse au-dessus de mon verre
de
vin blanc. Mai La mer est d’un vert bleu crayeux, très froide encor
2025
essus de mon verre de vin blanc. Mai La mer est
d’
un vert bleu crayeux, très froide encore. On ne peut guère que se trem
2026
ges blancs au-dessus des lagunes. Une odeur forte
de
varech séché vient des champs et des vignes sablonneuses. 21 mai Pe
2027
s vignes sablonneuses. 21 mai Pendant les jours
de
grande marée, entre deux flux, d’immenses plateaux rocheux, pourpres,
2028
ndant les jours de grande marée, entre deux flux,
d’
immenses plateaux rocheux, pourpres, jaunes et noirs se révèlent au-de
2029
ux, pourpres, jaunes et noirs se révèlent au-delà
de
la plage, nouveau pays tout grouillant de merveilles, d’eaux ruissela
2030
au-delà de la plage, nouveau pays tout grouillant
de
merveilles, d’eaux ruisselantes et de vies monstrueuses, soudain port
2031
lage, nouveau pays tout grouillant de merveilles,
d’
eaux ruisselantes et de vies monstrueuses, soudain porté à la lumière
2032
grouillant de merveilles, d’eaux ruisselantes et
de
vies monstrueuses, soudain porté à la lumière de midi. Armés de treil
2033
ueuses, soudain porté à la lumière de midi. Armés
de
treilles à long manche, les jambes nues, nous courons sur les roches
2034
ambes nues, nous courons sur les roches tapissées
d’
algues sombres dont le crépitement sous nos pas fait fuir et choir de
2035
nt le crépitement sous nos pas fait fuir et choir
de
tous côtés de petits crabes. Des ruisseaux, des rivières impétueuses
2036
ent sous nos pas fait fuir et choir de tous côtés
de
petits crabes. Des ruisseaux, des rivières impétueuses parcourent ce
2037
dans l’eau jusqu’aux genoux, les jambes caressées
de
courants froids, de courants tièdes, de poissons, de crabiots et de l
2038
genoux, les jambes caressées de courants froids,
de
courants tièdes, de poissons, de crabiots et de laines. À quelques mè
2039
caressées de courants froids, de courants tièdes,
de
poissons, de crabiots et de laines. À quelques mètres de la mer qui a
2040
courants froids, de courants tièdes, de poissons,
de
crabiots et de laines. À quelques mètres de la mer qui affleure le tr
2041
, de courants tièdes, de poissons, de crabiots et
de
laines. À quelques mètres de la mer qui affleure le tranchant du plat
2042
sons, de crabiots et de laines. À quelques mètres
de
la mer qui affleure le tranchant du plateau, la rivière s’élargit en
2043
cler sous les bords, dans le sable et les paquets
d’
algues, avec le cercle rigide du filet, puis retirer vivement la treil
2044
ent la treille et l’égoutter. On ramène un paquet
de
varech, un ou deux crabes tout terreux, et parfois en se penchant sur
2045
ois en se penchant sur la treille, on voit bondir
d’
un bord à l’autre quelque chose de transparent, ou de rosé, ou de verd
2046
on voit bondir d’un bord à l’autre quelque chose
de
transparent, ou de rosé, ou de verdâtre, qu’il faut attraper comme un
2047
n bord à l’autre quelque chose de transparent, ou
de
rosé, ou de verdâtre, qu’il faut attraper comme une mouche et qui vou
2048
utre quelque chose de transparent, ou de rosé, ou
de
verdâtre, qu’il faut attraper comme une mouche et qui vous saute enco
2049
saute encore dans la main et vous gratte la paume
de
ses antennes, de ses écailles et de ses pattes. On fourre cela dans l
2050
la main et vous gratte la paume de ses antennes,
de
ses écailles et de ses pattes. On fourre cela dans le sachet que l’on
2051
atte la paume de ses antennes, de ses écailles et
de
ses pattes. On fourre cela dans le sachet que l’on porte attaché à la
2052
’on porte attaché à la ceinture et qui se remplit
de
tressaillements. Nous ne gardons que les plus belles crevettes, gross
2053
es plus belles crevettes, grosses comme le doigt,
d’
un rose sombre, aux longues antennes grenat. — On cuit les crevettes t
2054
les crevettes toutes vivantes, en les jetant dans
de
l’eau qui bout. Après des soubresauts terribles — une ou deux sautent
2055
t, mais qu’est-ce que cela veut dire ? Je parlais
de
« l’attente ardente » des créatures, songeant au passage où l’Apôtre
2056
passage où l’Apôtre nous fait entendre ce soupir
de
toute la Création vers la révélation des « enfants de lumière », et l
2057
oute la Création vers la révélation des « enfants
de
lumière », et la restauration de l’ordre originel. Et voilà pratiquem
2058
on des « enfants de lumière », et la restauration
de
l’ordre originel. Et voilà pratiquement la réponse de l’homme : pilla
2059
’ordre originel. Et voilà pratiquement la réponse
de
l’homme : pillage, ruses, destruction, dévoration, le tout accompagné
2060
uses, destruction, dévoration, le tout accompagné
de
sentiments « humains », admiration, répulsion, pitié, etc. En somme,
2061
cela me fend le cœur ! » Voilà la dernière trace
de
la conscience cosmique en nous, de la conscience de notre royauté néc
2062
dernière trace de la conscience cosmique en nous,
de
la conscience de notre royauté nécessaire et réparatrice. Il est prob
2063
la conscience cosmique en nous, de la conscience
de
notre royauté nécessaire et réparatrice. Il est probable que le tigre
2064
de déchiqueter une jeune gazelle ne fait pas tant
d’
histoires, ne fait pas de sentiment. Et pourtant, ma sensiblerie n’est
2065
gazelle ne fait pas tant d’histoires, ne fait pas
de
sentiment. Et pourtant, ma sensiblerie n’est hypocrite que parce qu’e
2066
insuffisante. Elle est plus juste, et plus digne
de
l’homme que ces vertus de carnassiers que nous partageons, d’ailleurs
2067
us juste, et plus digne de l’homme que ces vertus
de
carnassiers que nous partageons, d’ailleurs maladroitement, avec le t
2068
ans l’homme une vocation surnaturelle, la mission
de
restaurer l’harmonie primitive, que mon scrupule se justifie : il app
2069
er écho, le dernier reproche, la dernière plainte
de
la justice cosmique blessée. Comme une prière muette en moi, toute ma
2070
et ce qui meurt qui nous émeut. Cette nuit, avant
d’
aller me coucher, j’ai été voir au poulailler. (Nous attendions depuis
2071
r une bougie, je réveille ma femme. Nous essayons
de
soulever par les ailes la poule qui fait un caquet déchirant : elle s
2072
elle serre entre ses pattes un œuf à demi ouvert
d’
où sort un long cou maigre, tout humide. Un poulet gris, déjà séché, p
2073
de, et reprend, l’œil fixe, son travail invisible
de
mère. C’est beau. C’est fascinant. C’est grave et mystérieux, pacifia
2074
e et mystérieux, pacifiant comme la démonstration
d’
une absolue sagesse à l’œuvre dans cette vie. Il y a sur toute la terr
2075
l’œuvre dans cette vie. Il y a sur toute la terre
de
ces moments de pureté. Il faut penser à eux quand on juge « le monde
2076
tte vie. Il y a sur toute la terre de ces moments
de
pureté. Il faut penser à eux quand on juge « le monde »… Nous mangeon
2077
n’ont que quelques feuilles. Mais avec le produit
de
nos pêches, les bons de pain, le reste du tonneau de vin blanc, nous
2078
les. Mais avec le produit de nos pêches, les bons
de
pain, le reste du tonneau de vin blanc, nous pourrions subsister sans
2079
nos pêches, les bons de pain, le reste du tonneau
de
vin blanc, nous pourrions subsister sans argent pendant quelques sema
2080
uveau plus rien à espérer avant longtemps en fait
de
« rentrées ». 14 juin Hier soir, j’avais fait une dernière revue de
2081
4 juin Hier soir, j’avais fait une dernière revue
de
nos possibilités de subsister pendant les semaines qui viennent. Arti
2082
avais fait une dernière revue de nos possibilités
de
subsister pendant les semaines qui viennent. Articles, zéro. Traducti
2083
t. Reste : 90 francs. Ce matin, nous avons décidé
de
réagir. Quand une auto risque de rater le tournant emportée par la fo
2084
ous avons décidé de réagir. Quand une auto risque
de
rater le tournant emportée par la force centrifuge, il ne faut pas fr
2085
a factrice. Une grosse enveloppe cachetée, venant
de
l’étranger. En-tête d’une fondation littéraire. Il faut d’abord signe
2086
enveloppe cachetée, venant de l’étranger. En-tête
d’
une fondation littéraire. Il faut d’abord signer, c’est recommandé. En
2087
ut juste le nom. Que je n’aurais jamais eu l’idée
de
solliciter. Et qui m’est octroyé pour un petit livre paru sans bruit
2088
é pour un petit livre paru sans bruit il y a plus
de
dix-huit mois. Les hommes sont bons, du moins certains d’entre eux. S
2089
te. Ensuite j’ai calculé que cela nous permettait
de
passer l’été ici sans inquiétude. Ou encore, de le passer ailleurs, s
2090
t de passer l’été ici sans inquiétude. Ou encore,
de
le passer ailleurs, sans ennui. Cela probablement parce que j’étais à
2091
n’écrivais plus à personne. Je crois à la valeur
d’
appel de l’absence, ou plutôt du retrait. (Il ne faut pas que ce soit
2092
ais plus à personne. Je crois à la valeur d’appel
de
l’absence, ou plutôt du retrait. (Il ne faut pas que ce soit une fein
2093
véritable non-espoir). Équivalent, pour la façon
de
traiter la vie, de la médecine des homéopathes. 16 juin La banque d
2094
ir). Équivalent, pour la façon de traiter la vie,
de
la médecine des homéopathes. 16 juin La banque d’A. n’est ouverte q
2095
la médecine des homéopathes. 16 juin La banque
d’
A. n’est ouverte qu’un jour par semaine. Ce n’est qu’aujourd’hui que j
2096
passe sa portette et vient me prier à voix basse
d’
aller attendre dans la pièce voisine. J’attends je ne sais combien de
2097
ns la pièce voisine. J’attends je ne sais combien
de
temps, je n’ai pas de montre, mais c’est très long. Aucun bruit de vo
2098
’attends je ne sais combien de temps, je n’ai pas
de
montre, mais c’est très long. Aucun bruit de voix dans la salle de la
2099
pas de montre, mais c’est très long. Aucun bruit
de
voix dans la salle de la caisse. Le client est-il sorti ? Quel peut ê
2100
’est très long. Aucun bruit de voix dans la salle
de
la caisse. Le client est-il sorti ? Quel peut être le motif de cette
2101
Le client est-il sorti ? Quel peut être le motif
de
cette audience privée ? Enfin j’entends qu’on sort, et le gérant vien
2102
. Notre affaire réglée, il croit devoir s’excuser
de
m’avoir fait passer à côté tout à l’heure. « Vous savez, c’est la cou
2103
s la salle quand ils payent ou quand ils touchent
de
l’argent ! C’est qu’ils sont très spéciaux les gens d’ici ! Moi je n’
2104
ochaine sur le continent) ils n’auraient pas idée
de
ça, au contraire, ils sont tout fiers de venir à la banque. Ici, on a
2105
pas idée de ça, au contraire, ils sont tout fiers
de
venir à la banque. Ici, on a dû faire cette salle d’attente… » Autant
2106
venir à la banque. Ici, on a dû faire cette salle
d’
attente… » Autant que j’en puis juger d’après les propos du gérant, ce
2107
tout légitime, qu’on sache combien ils ont « mis
de
côté », qui peut expliquer le comportement des gens d’ici. Il faut ad
2108
te tout à fait particulière s’attache au commerce
de
l’argent. 20 juin Les gens. Je feuillette ce journal : voici des s
2109
plus guère à leurs affaires. J’ai pris mon parti
de
cet équilibre indifférent et cordial qui a fini par s’établir entre n
2110
s’établir entre nous : et il ne reste que l’ennui
de
nos conversations toujours pareilles. Grande différence entre eux et
2111
r milieu, comme les animaux. Ils ne se posent pas
de
questions gênantes. Or, c’est mon métier d’en poser… Il vaut mieux pa
2112
t pas de questions gênantes. Or, c’est mon métier
d’
en poser… Il vaut mieux partir quand on en est là. Quand on en est à n
2113
a situation n’est plus humaine, elle ne pose plus
de
questions utiles. 2 juillet La sécheresse a été la plus forte : mal
2114
s n’avons plus la même patience, depuis qu’il y a
de
l’argent dans un tiroir. Cela signifie que j’ai cessé d’être chômeur.
2115
gent dans un tiroir. Cela signifie que j’ai cessé
d’
être chômeur. Le départ est fixé au 10. Il va falloir vendre la poule
2116
nes pour être mangés. Régler vingt petites choses
de
cette espèce. Petites choses pour la première fois mesquines… 10 ju
2117
faire un peu de sentiment sur l’île, et le bilan
de
l’année écoulée. Bilan. S’installer dans la pauvreté comme dans un c
2118
S’installer dans la pauvreté comme dans un champ
d’
activité nouveau, avec l’ardeur et les curiosités naïves du débutant,
2119
s naïves du débutant, cela suppose beaucoup moins
de
courage que bien des jeunes bourgeois ne l’imaginent : ceux qui voudr
2120
le saut. Peut-être leur suffirait-il, pour oser,
d’
une vision précise de cet état qu’ils rêvent et craignent. J’ai pensé
2121
eur suffirait-il, pour oser, d’une vision précise
de
cet état qu’ils rêvent et craignent. J’ai pensé plus d’une fois qu’il
2122
état qu’ils rêvent et craignent. J’ai pensé plus
d’
une fois qu’il pourrait être utile de décrire ma petite expérience d’i
2123
i pensé plus d’une fois qu’il pourrait être utile
de
décrire ma petite expérience d’intellectuel en chômage ; qu’il pourra
2124
urrait être utile de décrire ma petite expérience
d’
intellectuel en chômage ; qu’il pourrait être utile de montrer qu’on p
2125
tellectuel en chômage ; qu’il pourrait être utile
de
montrer qu’on peut sortir des villes où se font les « carrières » san
2126
s villes où se font les « carrières » sans sortir
de
la vie véritable ; et qu’on peut vivre de très peu sans cesser de viv
2127
sortir de la vie véritable ; et qu’on peut vivre
de
très peu sans cesser de vivre son plein. Voici un an bientôt que j’ai
2128
ble ; et qu’on peut vivre de très peu sans cesser
de
vivre son plein. Voici un an bientôt que j’ai quitté Paris. Voici un
2129
nt triste. Je suis devenu tout doucement amoureux
de
ma vie, et je crois bien que c’est un penchant qu’elle agrée. Non poi
2130
u’elle agrée. Non point qu’elle me paye en retour
de
surprises multipliées : peu d’aventures dans l’existence d’un homme q
2131
me paye en retour de surprises multipliées : peu
d’
aventures dans l’existence d’un homme qui cherche à se posséder plutôt
2132
es multipliées : peu d’aventures dans l’existence
d’
un homme qui cherche à se posséder plutôt qu’à se fuir dans les hasard
2133
fuir dans les hasards. C’est sans doute un effet
de
la trentaine qui approche : je n’espère plus, comme à vingt ans, renc
2134
lle embuscade du destin, comme qui dirait au coin
d’
un bois. Je crois que le réel est à portée de la main, et n’est que là
2135
coin d’un bois. Je crois que le réel est à portée
de
la main, et n’est que là. Alors il s’agit seulement d’assurer la pris
2136
main, et n’est que là. Alors il s’agit seulement
d’
assurer la prise de cette main. C’est l’affaire d’une patience, ou d’u
2137
là. Alors il s’agit seulement d’assurer la prise
de
cette main. C’est l’affaire d’une patience, ou d’une impatience domin
2138
d’assurer la prise de cette main. C’est l’affaire
d’
une patience, ou d’une impatience dominée, — et sans doute qu’une cert
2139
de cette main. C’est l’affaire d’une patience, ou
d’
une impatience dominée, — et sans doute qu’une certaine pauvreté pouva
2140
eule m’y forcer utilement. ae. Rougemont Denis
de
, « N’habitez pas les villes (Extrait d’un journal) », La Nouvelle Rev
2141
ont Denis de, « N’habitez pas les villes (Extrait
d’
un journal) », La Nouvelle Revue française, Paris, juillet 1937, p. 63
2142
se, Paris, juillet 1937, p. 63-87. af. Il s’agit
de
Penser avec les mains .
2143
embre 1937)ag Le monde entier connaît la geste
de
cette communauté de sans-foyers, d’âmes sauvages et musiciennes, les
2144
monde entier connaît la geste de cette communauté
de
sans-foyers, d’âmes sauvages et musiciennes, les douze « Cavaliers »
2145
naît la geste de cette communauté de sans-foyers,
d’
âmes sauvages et musiciennes, les douze « Cavaliers » d’Ekeby, qui rég
2146
sauvages et musiciennes, les douze « Cavaliers »
d’
Ekeby, qui régnèrent d’un Noël à l’autre sur la province du Warmland,
2147
s, les douze « Cavaliers » d’Ekeby, qui régnèrent
d’
un Noël à l’autre sur la province du Warmland, s’étant juré de ne rien
2148
l’autre sur la province du Warmland, s’étant juré
de
ne rien accomplir d’utile ni de raisonnable. Voici l’histoire, tradui
2149
ce du Warmland, s’étant juré de ne rien accomplir
d’
utile ni de raisonnable. Voici l’histoire, traduite tout entière pour
2150
and, s’étant juré de ne rien accomplir d’utile ni
de
raisonnable. Voici l’histoire, traduite tout entière pour la première
2151
gnifiques, tout cela digne du chef-d’œuvre épique
de
la littérature moderne. Kipling mort, il ne reste que Selma Lagerlöf
2152
et gracieuses, réalistes et romanesques, pleines
de
malices et de profondes audaces. Des histoires que l’on croit intégra
2153
, réalistes et romanesques, pleines de malices et
de
profondes audaces. Des histoires que l’on croit intégralement parce q
2154
romanciers, terrorisés par une sadique « défense
d’
inventer », s’épuisent à rechercher le vraisemblable, en même temps qu
2155
er différente. Elle n’aime que celui qui se moque
d’
elle et qui n’en fait qu’à ses façons. Elle aime les grands rhétoricie
2156
u’à ses façons. Elle aime les grands rhétoriciens
de
l’imagination fabulatrice. Elle se précipite avec fougue dans leurs p
2157
votre joie ou à vos larmes. Il y a quelque chose
de
« glorieux » — au sens baroque, impertinent et emphatique du mot — da
2158
atique du mot — dans la virtuosité et les malices
de
ce génie de la fable nordique. Lagerlöf ou la gloire de conter ! Jusq
2159
t — dans la virtuosité et les malices de ce génie
de
la fable nordique. Lagerlöf ou la gloire de conter ! Jusqu’au moment
2160
génie de la fable nordique. Lagerlöf ou la gloire
de
conter ! Jusqu’au moment où l’imagination, ranimant les grands rythme
2161
humain, nous jette dans le grand jeu du péché et
de
la grâce, et se confond avec la Charité. Imaginer, à ce degré, c’est
2162
onde. C’est le placer sous la lumière fantastique
de
la Promesse, au point où tout se renverse, où le ciel s’ouvre sur le
2163
démon découvre que son œuvre a libéré les hommes
de
leur bonheur, et la vie de l’obsession de vivre. Cette année folle, i
2164
re a libéré les hommes de leur bonheur, et la vie
de
l’obsession de vivre. Cette année folle, inaugurée par un traité avec
2165
hommes de leur bonheur, et la vie de l’obsession
de
vivre. Cette année folle, inaugurée par un traité avec le diable, vie
2166
traité avec le diable, vient mourir dans la nuit
de
Noël au rythme familier des marteaux de la forge rebâtie. Les Cavalie
2167
s la nuit de Noël au rythme familier des marteaux
de
la forge rebâtie. Les Cavaliers, « appelés à faire vivre la joie dans
2168
ont appris à leur façon « les riches alternances
de
la vie ». Mais c’est aussi au peuple entier qu’ils ont appris sa gloi
2169
égende, malgré toutes ses romances et ses idylles
d’
une pureté dramatique. Les forges, les charrois de minerai, le trafic
2170
d’une pureté dramatique. Les forges, les charrois
de
minerai, le trafic des chalands, l’économie agraire, tout cela ne jou
2171
éalité sociale plus toutes les autres. Et l’amour
d’
une femme pour son peuple, au lieu de ces vantardises en service comma
2172
e, au lieu de ces vantardises en service commandé
d’
oudarnikis plus ou moins décorés. Selma Lagerlöf est la seule femme de
2173
moins décorés. Selma Lagerlöf est la seule femme
de
la littérature européenne dont le génie ait eu la force de recréer un
2174
lma Lagerlöf est la seule femme de la littérature
européenne
dont le génie ait eu la force de recréer un pays tout entier, avec se
2175
térature européenne dont le génie ait eu la force
de
recréer un pays tout entier, avec ses classes et ses institutions, se
2176
ut penser que l’inscription qu’on lit au Pavillon
de
la Suède éclaire à sa façon les arrière-plans de ce miracle : « Il y
2177
de la Suède éclaire à sa façon les arrière-plans
de
ce miracle : « Il y a mille ans que le peuple suédois est son propre
2178
compris. 48. Descriptions, rétrospections, coups
de
théâtre, contrastes, exagérations soutenues, coïncidences, catastroph
2179
ces, catastrophes naturelles, et tous les emplois
de
la fable suédoise : trolls, sorcières, belles jeunes filles courtisée
2180
s, vieux pasteurs ivrognes ou avares, demoiselles
de
compagnie sentimentales, maîtres de forges vendus au diable, etc. ag
2181
, demoiselles de compagnie sentimentales, maîtres
de
forges vendus au diable, etc. ag. Rougemont Denis de, « [Compte ren
2182
rges vendus au diable, etc. ag. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Selma Lagerlöf, Gösta Berling », La Nouvelle Revue
2183
Au dossier
d’
une vieille querelle (novembre 1937)ah Un clerc écrivait récemment
2184
Un clerc écrivait récemment qu’il faut se garder
d’
engager la raison dans une aventure — la vie — « où elle ne peut qu’êt
2185
. D’autres clercs, conséquents, ne manqueront pas
d’
en conclure qu’ils n’ont pas à se mêler aux luttes sociales et politiq
2186
arrive parfois aux plus prudents, ils feront bien
de
s’y comporter selon les usages du forum, et de crier avec les loups.
2187
en de s’y comporter selon les usages du forum, et
de
crier avec les loups. « Préservant » ainsi la raison, autant que leur
2188
tant que leur sécurité. On trouve dans la Logique
de
Port-Royal, un dilemme assez comparable, « par lequel un ancien Philo
2189
uvait qu’on ne se devait point mêler des affaires
de
la République. Si on y agit bien — disait-il — on offensera les dieux
2190
lemme — ou sophisme — « qu’il n’est point fâcheux
d’
offenser les hommes, quand on ne le peut éviter qu’en offensant Dieu »
2191
au sujet du second : « qu’il n’est pas avantageux
de
contenter les hommes en offensant Dieu ». J’en conclus qu’il est bon
2192
s en offensant Dieu ». J’en conclus qu’il est bon
d’
engager la raison dans la vie : non point pour qu’elle y reçoive des o
2193
s outrages, mais pour qu’elle-même en fasse subir
de
salutaires à une vie qui en a grand besoin. Que cela n’aille pas sans
2194
as sans risques, c’est l’évidence. Mais il s’agit
de
savoir ce que l’on révère, de la vérité ou de la sécurité. Ce serait
2195
nce. Mais il s’agit de savoir ce que l’on révère,
de
la vérité ou de la sécurité. Ce serait une raison bien débile, qui n’
2196
git de savoir ce que l’on révère, de la vérité ou
de
la sécurité. Ce serait une raison bien débile, qui n’oserait s’exerce
2197
onnel, on court le risque le plus onéreux : celui
de
laisser perdre le peu qui fut gagné par d’autres, et dont on vit. a
2198
d’autres, et dont on vit. ah. Rougemont Denis
de
, « Au dossier d’une vieille querelle », La Nouvelle Revue française,
2199
t on vit. ah. Rougemont Denis de, « Au dossier
d’
une vieille querelle », La Nouvelle Revue française, Paris, novembre 1
2200
nvier 1938)ai Professeur, écrivain, traducteur
d’
ouvrages français, ami de la France, séjournant en France, Aladár Kunc
2201
ur, écrivain, traducteur d’ouvrages français, ami
de
la France, séjournant en France, Aladár Kuncz, sujet hongrois, se voi
2202
is, se voit arrêté à Paris dès les premiers jours
de
la guerre. On l’envoie dans un camp à Perpignan. De là au « monastère
2203
la guerre. On l’envoie dans un camp à Perpignan.
De
là au « monastère noir », la forteresse de Noirmoutier, puis à l’île
2204
ignan. De là au « monastère noir », la forteresse
de
Noirmoutier, puis à l’île d’Yeu. Il ne sera libéré qu’après cinq ans
2205
l’île d’Yeu. Il ne sera libéré qu’après cinq ans
de
captivité, durant lesquels il subira les manifestations, inépuisables
2206
squels il subira les manifestations, inépuisables
d’
imprévu, du patriotisme de l’arrière. Et voici le journal de cet intel
2207
estations, inépuisables d’imprévu, du patriotisme
de
l’arrière. Et voici le journal de cet intellectuel jeté dans un cul d
2208
du patriotisme de l’arrière. Et voici le journal
de
cet intellectuel jeté dans un cul de bassefosse par le jeu de l’état
2209
i le journal de cet intellectuel jeté dans un cul
de
bassefosse par le jeu de l’état civil. Qu’il ne s’y mêle aucune trace
2210
lectuel jeté dans un cul de bassefosse par le jeu
de
l’état civil. Qu’il ne s’y mêle aucune trace de hargne, c’est un mira
2211
u de l’état civil. Qu’il ne s’y mêle aucune trace
de
hargne, c’est un miracle qui défie l’époque. M. de Lacretelle, dans s
2212
préface, déclare fort justement qu’il s’acquitte
d’
une dette en présentant cette œuvre au public français. Vous en ferez
2213
rez quelque chose contre la guerre, ne fût-ce que
de
la connaître mieux. Peut-être même prendrez-vous conscience d’une men
2214
re mieux. Peut-être même prendrez-vous conscience
d’
une menace plus générale encore, qui concerne chacun de nous, et dont
2215
menace plus générale encore, qui concerne chacun
de
nous, et dont l’internement de guerre n’est qu’une conséquence entre
2216
ui concerne chacun de nous, et dont l’internement
de
guerre n’est qu’une conséquence entre mille, d’une virulence particul
2217
t de guerre n’est qu’une conséquence entre mille,
d’
une virulence particulière, mais au moins déclarée. Je veux parler du
2218
, mais au moins déclarée. Je veux parler du mythe
de
l’arrestation, de la psychose créée dans le monde actuel par ce phéno
2219
clarée. Je veux parler du mythe de l’arrestation,
de
la psychose créée dans le monde actuel par ce phénomène multiforme, i
2220
u’un innocent, ou qui se croit tel, se voie privé
de
sa liberté pour des « raisons » collectives et obscures. Il me paraît
2221
ollectives et obscures. Il me paraît que le livre
de
Kuncz tire son tragique le plus secret du fait qu’il symbolise, illus
2222
du prisonnier proprement dit, mais, peu ou prou,
de
chaque individu soumis aux lois d’une collectivité délirante. Sur la
2223
, peu ou prou, de chaque individu soumis aux lois
d’
une collectivité délirante. Sur la foi d’affiches officielles prometta
2224
aux lois d’une collectivité délirante. Sur la foi
d’
affiches officielles promettant aux internés une libération rapide, Ku
2225
des personnages haut placés pour leur faire part
de
son état : mais les lettres n’arrivent jamais, ou demeurent sans répo
2226
aquets vidés. Le régime disciplinaire est aggravé
de
temps à autre, on ne sait pourquoi, « par représailles ». Puis c’est
2227
départ brusqué « pour X… ». Ni raisons ni points
de
repère : c’est la guerre. C’est un mot sacré. C’est quelque chose qui
2228
l puisqu’on en souffre, mais dont on ne sait rien
de
précis, ni l’enjeu ni les causes véritables. Il ne reste que l’obscur
2229
« se fait toute seule », que rien ne dépend plus
de
personnes responsables, mais que tout le monde se trouve secrètement
2230
té universelle. Comment ne point songer au Procès
de
Kafka, la plus géniale description du mythe de l’arrestationaj. On se
2231
ès de Kafka, la plus géniale description du mythe
de
l’arrestationaj. On se rappelle que c’était l’histoire d’un homme qui
2232
estationaj. On se rappelle que c’était l’histoire
d’
un homme qui se voit inculpé, par une justice inaccessible, d’une faut
2233
ui se voit inculpé, par une justice inaccessible,
d’
une faute indéterminée. Il faut sans doute attribuer au Procès une sig
2234
possible. Il y a aussi dans ce livre une parabole
de
l’homme traqué par les tyrannies anonymes qui se multiplient dans not
2235
u. C’est le cauchemar du xxe siècle. Le triomphe
de
l’État sur l’homme. D’ailleurs on peut aussi ne rien voir de tout cel
2236
ur l’homme. D’ailleurs on peut aussi ne rien voir
de
tout cela dans le livre de Kuncz : il nous apporte un document bien a
2237
eut aussi ne rien voir de tout cela dans le livre
de
Kuncz : il nous apporte un document bien assez émouvant comme tel. Et
2238
moderne ne se connaît jamais mieux qu’à la faveur
de
circonstances brutales, qui le rabattent à l’élémentaire. 49. Polic
2239
s, qui le rabattent à l’élémentaire. 49. Police
d’
État, polices privées, douaniers, passeports, justice imprévisible, ba
2240
uration au sein des partis, arrestations en masse
de
suspects, procès de tendance faits à ceux mêmes qui se taisent, etc.,
2241
partis, arrestations en masse de suspects, procès
de
tendance faits à ceux mêmes qui se taisent, etc., etc. ai. Rougemon
2242
qui se taisent, etc., etc. ai. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Aladár Kuncz, Le Monastère noir », La Nouvelle Rev
2243
. aj. Rougemont en a rendu compte dans le numéro
de
mai 1934 de la NRF : « Le Procès, par Franz Kafka, traduit par A. Vi
2244
mont en a rendu compte dans le numéro de mai 1934
de
la NRF : « Le Procès, par Franz Kafka, traduit par A. Vialatte (Gall
2245
embre l’abdication. Il y a sans doute une théorie
de
l’Histoire à l’origine de cet ouvrage d’une passionnante ambiguïté, e
2246
sans doute une théorie de l’Histoire à l’origine
de
cet ouvrage d’une passionnante ambiguïté, et qui se donne l’air d’une
2247
théorie de l’Histoire à l’origine de cet ouvrage
d’
une passionnante ambiguïté, et qui se donne l’air d’une « fantaisie ».
2248
une passionnante ambiguïté, et qui se donne l’air
d’
une « fantaisie ». Prenons ce mot au sens allemand : une « imagination
2249
allemand : une « imagination » profonde du destin
de
Napoléon, voilà ce que nous propose Robert Aron50. Il a pensé qu’il v
2250
obert Aron50. Il a pensé qu’il valait mieux tirer
de
faits fictifs des conséquences vraies, que de tirer comme M. Madelin
2251
rer de faits fictifs des conséquences vraies, que
de
tirer comme M. Madelin des conséquences fausses de faits « prouvés ».
2252
e tirer comme M. Madelin des conséquences fausses
de
faits « prouvés ». La thèse peut se discuter. L’illustration m’en par
2253
la bataille, Napoléon a découvert la vie concrète
d’
un pays et des êtres dont c’est la patrie. Il a conçu les premiers dou
2254
conçu les premiers doutes humains sur la réalité
de
son empire, sur son pouvoir abstrait et sa démesure géométrique. Et r
2255
Et revenant à ses origines, au moment où le sort
de
la bataille vacille, il a retrouvé soudain le cri de la Révolution :
2256
la bataille vacille, il a retrouvé soudain le cri
de
la Révolution : Vive la Nation ! Or ce cri qui lui donne la victoire
2257
ait un empire géant pour n’avoir pas été capables
de
fédérer nos communes. » Voilà l’épigraphe de l’ouvrage, qui par aille
2258
bles de fédérer nos communes. » Voilà l’épigraphe
de
l’ouvrage, qui par ailleurs compose bien d’autres thèmes : celui des
2259
pose bien d’autres thèmes : celui des îles, celui
de
la patrie perdue que Bonaparte cherche à se recréer, celui du schizop
2260
du schizophrène qui « perd le sentiment », celui
d’
une société qu’il faut bâtir « à hauteur d’homme » et non pas à hauteu
2261
celui d’une société qu’il faut bâtir « à hauteur
d’
homme » et non pas à hauteur d’idéologies. Peut-être ai-je trop insist
2262
bâtir « à hauteur d’homme » et non pas à hauteur
d’
idéologies. Peut-être ai-je trop insisté sur l’actualité politique de
2263
être ai-je trop insisté sur l’actualité politique
de
cette méditation personnaliste. Car après tout, c’est une histoire, u
2264
tout, c’est une histoire, un des meilleurs romans
de
l’année, et qui se fait lire avec le plus constant plaisir, d’autant
2265
r, d’autant que l’on pouvait redouter l’agacement
de
la facilité, le même que donne la lecture de romans d’anticipation. I
2266
ment de la facilité, le même que donne la lecture
de
romans d’anticipation. Il y a bien plus que de l’ingéniosité dans ce
2267
facilité, le même que donne la lecture de romans
d’
anticipation. Il y a bien plus que de l’ingéniosité dans ce livre : un
2268
re de romans d’anticipation. Il y a bien plus que
de
l’ingéniosité dans ce livre : un sens de l’homme et des limites de sa
2269
plus que de l’ingéniosité dans ce livre : un sens
de
l’homme et des limites de sa grandeur, un sens de l’humour du destin,
2270
dans ce livre : un sens de l’homme et des limites
de
sa grandeur, un sens de l’humour du destin, une vraie poésie de l’His
2271
de l’homme et des limites de sa grandeur, un sens
de
l’humour du destin, une vraie poésie de l’Histoire, libératrice et ex
2272
, un sens de l’humour du destin, une vraie poésie
de
l’Histoire, libératrice et excitante pour l’esprit. À peine l’a-t-on
2273
our leur arracher des aveux à l’appui de la thèse
d’
Aron. 50. Jean-Paul rapporte un rêve où il disait à Napoléon : « Je
2274
jamais plus intelligent qu’au lit, quand je rêve
de
vous, car alors je dois vous créer moi-même vous et vos idées. » ak.
2275
i-même vous et vos idées. » ak. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Robert Aron, Victoire à Waterloo », La Nouvelle Re
2276
tion refoulée (juillet 1938)al Est-il possible
d’
indiquer une raison simple de l’échec du Front populaire ? La psychana
2277
l Est-il possible d’indiquer une raison simple
de
l’échec du Front populaire ? La psychanalyse nous propose un type d’e
2278
populaire ? La psychanalyse nous propose un type
d’
explication qui me paraît bien tentant : c’est le mécanisme du « refou
2279
n tentant : c’est le mécanisme du « refoulement »
d’
où procèdent les « actes manqués ». S’il y a eu « expérience Blum », e
2280
retiendra. Ce fait initial a déterminé la courbe
de
l’expérience : il s’agissait d’affirmer une mystique, mais de ne fair
2281
terminé la courbe de l’expérience : il s’agissait
d’
affirmer une mystique, mais de ne faire que les réformes qu’imposait l
2282
nce : il s’agissait d’affirmer une mystique, mais
de
ne faire que les réformes qu’imposait la pression des « masses ». Dan
2283
légués. Chacun sent très bien que l’autre triche.
D’
où cet affaiblissement du sens civique tellement frappant dans la Fran
2284
ormes obtenues apparaissent comme les résultantes
de
deux lâchetés, non de deux volontés. Or, quand le sens civique fléchi
2285
ssent comme les résultantes de deux lâchetés, non
de
deux volontés. Or, quand le sens civique fléchit, c’est-à-dire quand
2286
t ne sait faire, seule une révolution est capable
de
faire aboutir des réformes. Mais personne ne la prépare. M. Staline a
2287
anglante, donc destinée à se figer dans le rictus
d’
une dictature. Tout le monde le sent, tout le monde le craint — et le
2288
tes. Sous prétexte de lui résister, les voilà qui
d’
elles-mêmes se mettent en rang, lèvent le poing, acclament des caporau
2289
enne. On a refoulé dès sa naissance la révolution
de
36. D’où le « complexe » qui s’est noué. Complexe fasciste, avoué sou
2290
n a refoulé dès sa naissance la révolution de 36.
D’
où le « complexe » qui s’est noué. Complexe fasciste, avoué sous le no
2291
s’est noué. Complexe fasciste, avoué sous le nom
d’
antifascisme, c’est normal. On n’arrête pas une révolution lorsqu’elle
2292
le. Je préfère opposer un pessimisme actif à tant
d’
espérances bernées. al. Rougemont Denis de, « Une révolution refoul
2293
tant d’espérances bernées. al. Rougemont Denis
de
, « Une révolution refoulée », La Nouvelle Revue française, Paris, jui
2294
e libérateur, on conçoit que les meilleurs sujets
de
contes sont les plus abstraitement logiques. La logique enfantine est
2295
bien plus proche du raisonnement mathématique que
de
la raison avertie, donc impure. Elle opère en toute liberté sur un no
2296
le opère en toute liberté sur un nombre restreint
de
données qu’elle considère dans l’absolu, et elle en tire des déductio
2297
redire l’expérience vécue et les règles sociales.
D’
où le cocasse et le sentiment de libération. En outre, quoi de plus im
2298
règles sociales. D’où le cocasse et le sentiment
de
libération. En outre, quoi de plus important pour un enfant que la co
2299
« plus petit que » —, qui est aussi le fondement
de
toute mathématique. Ces remarques peuvent nous orienter vers une comp
2300
ienter vers une compréhension nouvelle des contes
de
Lewis Carroll — qui était un mathématicien —, et d’Alice en particuli
2301
Lewis Carroll — qui était un mathématicien —, et
d’
Alice en particulier. On dit à l’enfant : mange ta soupe et tu deviend
2302
résultera-t-il ? Le rêve logique qu’est le conte
de
Carroll nous apparaît alors comme une série de variations sur le thèm
2303
te de Carroll nous apparaît alors comme une série
de
variations sur le thème de la relativité dans l’espace et le temps. T
2304
alors comme une série de variations sur le thème
de
la relativité dans l’espace et le temps. Tantôt géante et tantôt nain
2305
es deux cas, elles lui deviennent problématiques.
D’
où les discussions qu’elle engage avec les animaux parlants, créatures
2306
ridicule, tantôt tyrannique à l’excès. Ce Lièvre
de
Mars, ce Loir et ce Chapelier fou, on croirait une préfiguration des
2307
fou, on croirait une préfiguration des logiciens
de
l’école de Vienne. Et la discussion sur le temps, au cours du « Thé l
2308
oirait une préfiguration des logiciens de l’école
de
Vienne. Et la discussion sur le temps, au cours du « Thé loufoque » o
2309
post-einsteinienne, et fait songer au Temps vécu
de
Minkowski. « Cette façon d’ergoter qu’ils ont tous ! », gémit Alice,
2310
songer au Temps vécu de Minkowski. « Cette façon
d’
ergoter qu’ils ont tous ! », gémit Alice, constamment réfutée par un f
2311
la plupart des discussions pèchent par l’absence
d’
un élément de commune mesure : d’où l’impression d’entrave, de cauchem
2312
es discussions pèchent par l’absence d’un élément
de
commune mesure : d’où l’impression d’entrave, de cauchemar. Impossibl
2313
nt par l’absence d’un élément de commune mesure :
d’
où l’impression d’entrave, de cauchemar. Impossible de savoir qui a ga
2314
’un élément de commune mesure : d’où l’impression
d’
entrave, de cauchemar. Impossible de savoir qui a gagné, quand une des
2315
de commune mesure : d’où l’impression d’entrave,
de
cauchemar. Impossible de savoir qui a gagné, quand une des règles pri
2316
l’impression d’entrave, de cauchemar. Impossible
de
savoir qui a gagné, quand une des règles principales du jeu est omise
2317
du jeu est omise ou inobservée. (Ainsi la partie
de
croquet, la discussion avec le bourreau qui refuse de décapiter un ch
2318
roquet, la discussion avec le bourreau qui refuse
de
décapiter un chat dont la tête seule est visible, etc.). Et pourtant,
2319
ule est visible, etc.). Et pourtant, ce n’est que
d’
un jeu qu’il s’agit. Alice en garde la conscience secrète — comme dans
2320
our un enfant. Les deux hypothèses rendent compte
de
la plupart des « gags » dont se compose le récit. Et parfois les pièg
2321
cela est assez bien symbolisé par la déclaration
de
la Tortue à Tête de Veau, qui croit que les quatre opérations arithmé
2322
symbolisé par la déclaration de la Tortue à Tête
de
Veau, qui croit que les quatre opérations arithmétiques sont l’Ambiti
2323
et la Dérision. Mais ici se poserait le problème
de
la version française du conte ; celle de René Bour me paraît scrupule
2324
problème de la version française du conte ; celle
de
René Bour me paraît scrupuleuse, encore que déparée ici ou là par des
2325
r des préciosités indéfendables. Les dessins sont
d’
une meilleure plume. am. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Lewis
2326
ont d’une meilleure plume. am. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Lewis Carroll, Alice au pays des merveilles », La
2327
Page
d’
histoire (novembre 1938)an D’un manuel futur : Leçon sur la crise d
2328
Page d’histoire (novembre 1938)an
D’
un manuel futur : Leçon sur la crise des minorités en 1938. 1. Caracté
2329
norités en 1938. 1. Caractérisez l’état politique
de
l’Europe en 1938. — Les démocraties de l’Ouest avaient fondé leur pai
2330
és en 1938. 1. Caractérisez l’état politique de l’
Europe
en 1938. — Les démocraties de l’Ouest avaient fondé leur paix sur deu
2331
politique de l’Europe en 1938. — Les démocraties
de
l’Ouest avaient fondé leur paix sur deux principes : droit des peuple
2332
sur deux principes : droit des peuples à disposer
d’
eux-mêmes, arbitrage international. Au nom du premier principe fut cré
2333
des démocraties (centralisation rigide, confusion
de
l’État et de la Nation) s’opposait dans le fait à toute application h
2334
es (centralisation rigide, confusion de l’État et
de
la Nation) s’opposait dans le fait à toute application honnête des de
2335
n des États constituants n’ayant renoncé à aucune
de
ses prérogatives au bénéfice de la Société ; d’autre part l’État tchè
2336
renoncé à aucune de ses prérogatives au bénéfice
de
la Société ; d’autre part l’État tchèque opprima ses propres minorité
2337
cations hitlériennes ? — Les dictateurs du Centre
européen
furent les premiers à s’apercevoir du paradoxe politique que nous ven
2338
que nous venons de définir. Ils eurent l’habileté
de
baser leurs revendications, à la fois sur l’un des principes que les
2339
ne exigea l’autonomie des Sudètes au nom du droit
de
libre disposition des peuples, puis leur annexion au nom de « l’unité
2340
ptembre 1938, l’Allemagne appuya sa revendication
de
menaces militaires, les démocraties cédèrent (entrevue de Berchtesgad
2341
es militaires, les démocraties cédèrent (entrevue
de
Berchtesgaden). 4. Pourquoi le conflit s’aggrava-t-il subitement ? —
2342
ige était réglé en principe. Mais alors (entrevue
de
Godesberg), Hitler démasqua l’aspect original (et non plus jacobin) d
2343
démasqua l’aspect original (et non plus jacobin)
de
la dictature totalitaire : l’impérialisme religieux, ou sacral. Il ex
2344
: l’impérialisme religieux, ou sacral. Il exigea
d’
entrer en armes et sur le champ dans les territoires sudètes. Une cess
2345
t le sacrifice sanglant (ou son symbole), le viol
de
la victime, la « libération » violente de la proie désirée (guerre li
2346
le viol de la victime, la « libération » violente
de
la proie désirée (guerre limitée). 5. Quelle fut la réaction de l’Eur
2347
sirée (guerre limitée). 5. Quelle fut la réaction
de
l’Europe ? — L’opinion démocratique apparut désorientée par cette exi
2348
(guerre limitée). 5. Quelle fut la réaction de l’
Europe
? — L’opinion démocratique apparut désorientée par cette exigence pur
2349
lle ». Les uns remarquaient qu’il n’y avait guère
de
différence entre Berchtesgaden et Godesberg. Les autres pensaient que
2350
et Godesberg. Les autres pensaient que l’exigence
d’
entrer en armes était une « querelle d’Allemands », une rodomontade gr
2351
l’exigence d’entrer en armes était une « querelle
d’
Allemands », une rodomontade gratuite, puisqu’en principe tout était r
2352
t dire qu’il y avait là un fait nouveau, le signe
d’
une volonté d’hégémonie. C’était traduire en termes classiques la réal
2353
avait là un fait nouveau, le signe d’une volonté
d’
hégémonie. C’était traduire en termes classiques la réalité pressentie
2354
aduire en termes classiques la réalité pressentie
de
la nouvelle religion totalitaire. D’ailleurs, les réactions des masse
2355
l’une des tendances fondamentales et instinctives
de
l’Occident : la résistance à toute hégémonie, au nom d’un idéal laten
2356
tance à toute hégémonie, au nom d’un idéal latent
de
fédération des peuples sur pied d’égalité. Une vague de fond s’éleva
2357
n idéal latent de fédération des peuples sur pied
d’
égalité. Une vague de fond s’éleva contre la prétention allemande, que
2358
ération des peuples sur pied d’égalité. Une vague
de
fond s’éleva contre la prétention allemande, que l’on sentait, obscur
2359
t, obscurément, ruineuse pour l’avenir confédéral
de
l’Europe. Hitler comprit que son heure n’était pas encore venue. Il s
2360
scurément, ruineuse pour l’avenir confédéral de l’
Europe
. Hitler comprit que son heure n’était pas encore venue. Il se vit con
2361
ure n’était pas encore venue. Il se vit contraint
d’
accepter la réunion à Munich d’une « Diète » de gouvernements égaux, q
2362
l se vit contraint d’accepter la réunion à Munich
d’
une « Diète » de gouvernements égaux, qui régla le problème à l’avanta
2363
nt d’accepter la réunion à Munich d’une « Diète »
de
gouvernements égaux, qui régla le problème à l’avantage matériel de l
2364
gaux, qui régla le problème à l’avantage matériel
de
l’Allemagne, mais sur une base d’arbitrage international préfigurant
2365
antage matériel de l’Allemagne, mais sur une base
d’
arbitrage international préfigurant ainsi un statut fédéral exclusif d
2366
onal préfigurant ainsi un statut fédéral exclusif
de
toute hégémonie. 6. À qui profitèrent les accords de Munich ? — Cette
2367
toute hégémonie. 6. À qui profitèrent les accords
de
Munich ? — Cette victoire symbolique du principe fédératif ne fut pas
2368
luttes intestines sans grandeur, les démocraties
de
l’Ouest ne surent tirer d’un événement aussi considérable que des con
2369
ndeur, les démocraties de l’Ouest ne surent tirer
d’
un événement aussi considérable que des conclusions chagrines, au term
2370
sidérable que des conclusions chagrines, au terme
de
calculs qu’on appelait alors « réalistes », et qui se bornaient à fai
2371
ait jusqu’alors la force et l’équilibre dynamique
de
l’Occident : l’utopie agissante d’une fédération des égaux, dont la s
2372
ibre dynamique de l’Occident : l’utopie agissante
d’
une fédération des égaux, dont la seule Suisse figurait le microcosme.
2373
s ultérieurs (colonisation intra-européenne, état
de
guerre non déclarée), pour surprenants et monstrueux qu’ils soient ap
2374
ication la moins douteuse. an. Rougemont Denis
de
, « Page d’histoire », La Nouvelle Revue française, Paris, novembre 19
2375
moins douteuse. an. Rougemont Denis de, « Page
d’
histoire », La Nouvelle Revue française, Paris, novembre 1938, p. 866-
2376
Alain (avril 1939)ao Ces « propos » s’égrènent
de
1908 à 1935, mais la position de l’auteur n’a pas varié durant ce tem
2377
pos » s’égrènent de 1908 à 1935, mais la position
de
l’auteur n’a pas varié durant ce temps. Elle se ramène, me semble-t-i
2378
moyenne du catholicisme français. Il s’agit moins
de
la dénigrer que de la « réaliser » en la débarrassant de ses « croyan
2379
isme français. Il s’agit moins de la dénigrer que
de
la « réaliser » en la débarrassant de ses « croyances fantastiques »
2380
énigrer que de la « réaliser » en la débarrassant
de
ses « croyances fantastiques » et de sa « méthode arriérée », qui est
2381
débarrassant de ses « croyances fantastiques » et
de
sa « méthode arriérée », qui est celle de l’autorité (p. 72). La « vr
2382
es » et de sa « méthode arriérée », qui est celle
de
l’autorité (p. 72). La « vraie foi », vous la trouverez donc aujourd’
2383
eil (p. 23 et 286). Elle le situe dans les cadres
de
la République radicale. Ainsi le catholicisme, interprété par Alain,
2384
ain, serait une sagesse éternelle qu’il s’agirait
de
remettre à jour, c’est-à-dire de laïciser. Point d’anticléricalisme,
2385
qu’il s’agirait de remettre à jour, c’est-à-dire
de
laïciser. Point d’anticléricalisme, car « devant le regard positif, t
2386
remettre à jour, c’est-à-dire de laïciser. Point
d’
anticléricalisme, car « devant le regard positif, toute religion finit
2387
on finit par être vraie », et même « l’obligation
de
croire ne digère pas beaucoup du devoir de penser » (commencez par cr
2388
gation de croire ne digère pas beaucoup du devoir
de
penser » (commencez par croire, vous finirez par penser)… Comme toute
2389
nser)… Comme toute sagesse qui se respecte, celle
d’
Alain ne peut pas tenir compte des données concrètes du christianisme
2390
s du christianisme : le péché, le salut, le drame
de
la révolte et de l’amour. Mais elle spécule volontiers sur les avanta
2391
e : le péché, le salut, le drame de la révolte et
de
l’amour. Mais elle spécule volontiers sur les avantages et inconvénie
2392
les avantages et inconvénients des « preuves » ou
de
l’absence de preuves en matière de « croyance », débat dont je ne tro
2393
et inconvénients des « preuves » ou de l’absence
de
preuves en matière de « croyance », débat dont je ne trouve pas trace
2394
iles, s’il est vrai qu’il encombre une bonne part
de
la théologie, surtout catholique. Tout cela, je le crains, relève d’u
2395
rtout catholique. Tout cela, je le crains, relève
d’
un malentendu, courant sur le sens du mot « foi ». Je voudrais au moin
2396
l n’est nullement une erreur morale, mais un état
de
révolte active de la créature (même lorsqu’il se déguise en bonne vol
2397
une erreur morale, mais un état de révolte active
de
la créature (même lorsqu’il se déguise en bonne volonté souriante). L
2398
es choses espérées ». Ce qu’un esprit comme celui
d’
Alain retient du catholicisme, c’est donc exactement ce que Kierkegaar
2399
que ce soit négligeable.) Pour situer la sagesse
d’
Alain, qu’on songe à la folie d’un Kierkegaard. Alors éclate le confli
2400
situer la sagesse d’Alain, qu’on songe à la folie
d’
un Kierkegaard. Alors éclate le conflit véritable entre l’humanisme et
2401
ce que le sage jugera toujours « hors de propos »
d’
envisager. Le sérieux même du christianisme.51 Alain dit quelque part
2402
e.51 Alain dit quelque part n’avoir jamais connu
de
« vrai croyant » qui ne vive « selon la peur ». Serait-ce qu’il n’a j
2403
non des chrétiens vivant selon la foi et capables
de
lui faire pressentir que ses observations toujours ingénieuses, souve
2404
iques du catholicisme français, en tant que, vidé
de
la foi, il demeure une « religion » ? Qu’il poursuive donc son enquêt
2405
uger. La critique moderne l’oublie un peu, animée
d’
une méfiance étrange pour celui qui déclare ses valeurs, — en dehors d
2406
la politique, bien entendu. ao. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Alain, Propos sur la religion », La Nouvelle Revue
2407
uan (juillet 1939)ap Lorsqu’il paraît brillant
d’
or et de soie, dressé sur ses ergots de grand ténor, l’on est tenté de
2408
llet 1939)ap Lorsqu’il paraît brillant d’or et
de
soie, dressé sur ses ergots de grand ténor, l’on est tenté de ne voir
2409
t brillant d’or et de soie, dressé sur ses ergots
de
grand ténor, l’on est tenté de ne voir en lui que le feu naturel du d
2410
ssé sur ses ergots de grand ténor, l’on est tenté
de
ne voir en lui que le feu naturel du désir, — une espèce d’animalité
2411
en lui que le feu naturel du désir, — une espèce
d’
animalité véhémente, et comme innocente… Mais jamais la Nature n’a rie
2412
innocente… Mais jamais la Nature n’a rien produit
de
pareil. Vous sentez bien qu’il y a du démoniaque dans son cas, une so
2413
n qu’il y a du démoniaque dans son cas, une sorte
de
polémique anxieuse, de méchanceté et de défi : la main tendue au Comm
2414
ue dans son cas, une sorte de polémique anxieuse,
de
méchanceté et de défi : la main tendue au Commandeur, dans le dernier
2415
une sorte de polémique anxieuse, de méchanceté et
de
défi : la main tendue au Commandeur, dans le dernier acte de Mozart.
2416
a main tendue au Commandeur, dans le dernier acte
de
Mozart. Non, ce n’est pas l’animal, mais l’homme ; et non d’avant, ma
2417
Non, ce n’est pas l’animal, mais l’homme ; et non
d’
avant, mais d’après la morale. Point de Don Juan ni chez les « bons sa
2418
e ; et non d’avant, mais d’après la morale. Point
de
Don Juan ni chez les « bons sauvages » ni chez les « primitifs » qu’o
2419
us décrit. Don Juan suppose une société encombrée
de
règles précises dont elle rêve moins de se délivrer que d’abuser. Dan
2420
encombrée de règles précises dont elle rêve moins
de
se délivrer que d’abuser. Dans le vertige de l’anarchie où il se plaî
2421
précises dont elle rêve moins de se délivrer que
d’
abuser. Dans le vertige de l’anarchie où il se plaît, ce grand seigneu
2422
oins de se délivrer que d’abuser. Dans le vertige
de
l’anarchie où il se plaît, ce grand seigneur n’oublie jamais son rang
2423
re. Voyez comme il se sert des femmes : incapable
de
les posséder, il les viole d’abord moralement pour s’imposer à l’anim
2424
par le bon et le juste — contre eux. Si les lois
de
la morale n’existaient pas, il les inventerait pour les violer. Et c’
2425
la qui nous fait pressentir la nature spirituelle
de
son secret, si bien masqué par le prétexte de l’instinct. Aux sommets
2426
lle de son secret, si bien masqué par le prétexte
de
l’instinct. Aux sommets de l’esprit révolté, on verra Nietzsche, cent
2427
masqué par le prétexte de l’instinct. Aux sommets
de
l’esprit révolté, on verra Nietzsche, cent ans plus tard, renouveler
2428
aller si haut ? La recherche « toute naturelle »
de
l’intensité du désir ne peut-elle expliquer à elle seule cette incons
2429
onstance forcenée ? Alors Don Juan serait l’homme
de
la première rencontre, de la plus excitante victoire ? « La nouveauté
2430
Don Juan serait l’homme de la première rencontre,
de
la plus excitante victoire ? « La nouveauté est le tyran de notre âme
2431
excitante victoire ? « La nouveauté est le tyran
de
notre âme », écrit le vieux Casanova. Mais déjà ce n’est plus l’homme
2432
insi. La volupté du vrai sensuel commence au-delà
de
ces moments que Don Juan fuit à peine atteints. Faudra-t-il se résoud
2433
soudre à soumettre le cas aux docteurs indiscrets
de
l’école viennoise ? Le beau sujet ! Ils ne l’ont pas manqué. Pour eux
2434
qué. Pour eux aussi, Don Juan serait le contraire
de
ce que l’on croit, il souffrirait d’une anxiété secrète déjà voisine
2435
le contraire de ce que l’on croit, il souffrirait
d’
une anxiété secrète déjà voisine de l’impuissance. Et il est vrai que
2436
il souffrirait d’une anxiété secrète déjà voisine
de
l’impuissance. Et il est vrai que celui qui cède à cet attrait superf
2437
ur presque tous les hommes, n’évoque pas une idée
de
santé. Mais dans cette furie insolente, dans cette jactance batailleu
2438
spirituels ? Don Juan serait par exemple le type
de
l’homme qui n’atteint pas au plan de la personne, où pourrait se mani
2439
mple le type de l’homme qui n’atteint pas au plan
de
la personne, où pourrait se manifester ce qu’il y a d’unique dans un
2440
personne, où pourrait se manifester ce qu’il y a
d’
unique dans un être. Pourquoi ne peut-il désirer que la nouveauté dans
2441
eut-être aussi qu’il n’est pas ? Celui qui a, vit
de
sa possession et ne l’abandonne pas pour l’incertain, — entendez : s’
2442
on Juan cherchant partout son idéal, son « type »
de
beauté féminine (souvenir inconscient de la mère) — trop vite séduit
2443
« type » de beauté féminine (souvenir inconscient
de
la mère) — trop vite séduit par la plus fugitive ressemblance, toujou
2444
angoissé et cruel… S’il le trouvait, ce « type »
de
femme rêvé ! J’imagine cette métamorphose. On le voit interrompre sa
2445
On le voit interrompre sa course, changer soudain
de
contenance, baisser la tête, s’assombrir, comme saisi d’une timidité,
2446
enance, baisser la tête, s’assombrir, comme saisi
d’
une timidité, et fasciné pour la première fois par la révélation d’amo
2447
t fasciné pour la première fois par la révélation
d’
amour, se muer en l’image de Tristan. Mais il ne trouvera pas. Il est
2448
ois par la révélation d’amour, se muer en l’image
de
Tristan. Mais il ne trouvera pas. Il est Don Juan parce qu’on sait qu
2449
sance à se fixer, soit impuissance à se déprendre
d’
une image à lui-même secrète. Et de là vient sa puissance apparente, s
2450
à se déprendre d’une image à lui-même secrète. Et
de
là vient sa puissance apparente, sa furia, son rythme dionysiaque. ⁂
2451
nysiaque. ⁂ Or si le don juanisme est une passion
de
l’esprit et non pas comme nous aimions le croire, une exultation de l
2452
pas comme nous aimions le croire, une exultation
de
l’instinct, tout porte à supposer que cette passion n’est pas toujour
2453
rtain équilibre social que les mœurs ont pour but
de
maintenir, cet équilibre étant d’ailleurs bon ou mauvais.) C’est que
2454
nt d’ailleurs bon ou mauvais.) C’est que le désir
de
nouveauté et de changement perpétuel, dès que l’esprit insatiable l’e
2455
n ou mauvais.) C’est que le désir de nouveauté et
de
changement perpétuel, dès que l’esprit insatiable l’excite, devient u
2456
isent, sans que l’ordre des choses ait à souffrir
d’
une dépense improductive. Certes Don Juan est un tricheur, et même il
2457
s Don Juan est un tricheur, et même il ne vit que
de
cela. (La banque de pharaon était la source unique des revenus de Cas
2458
icheur, et même il ne vit que de cela. (La banque
de
pharaon était la source unique des revenus de Casanova : symbole dont
2459
que de pharaon était la source unique des revenus
de
Casanova : symbole dont il nous donne maintes fois la clé.) Mais une
2460
e est moins dangereuse que les faiblesses subites
d’
un honnête homme. On est en garde, et l’on connaît le système, entière
2461
Imaginons un don juanisme plus secret, une table
de
pharaon où l’on mette sur les cartes des « valeurs » invisibles au li
2462
d’espèces sonnantes. Alors « la tricherie » cesse
d’
être une habileté vulgaire et profitable. Elle peut devenir l’acte hér
2463
et profitable. Elle peut devenir l’acte héroïque
d’
une loyauté sans scrupules, toutefois ressentie comme un crime, du fai
2464
fait qu’elle institue un ordre neuf par le décret
de
sa rigueur. ⁂ Nietzsche s’est dressé face au siècle. Et l’adversaire
2465
t l’adversaire qu’il s’est choisi, c’est l’esprit
de
lourdeur, notre poids naturel, notre faculté naturelle de retombement
2466
eur, notre poids naturel, notre faculté naturelle
de
retombement dans la coutume. L’immoraliste est comme le moraliste un
2467
raliste est comme le moraliste un ennemi vigilant
de
l’instinct : car s’il le glorifie c’est par esprit de polémique, c’es
2468
’instinct : car s’il le glorifie c’est par esprit
de
polémique, c’est qu’il veut forcer la nature autrement qu’on ne l’a f
2469
erminé par le bon et le juste — contre eux. Il va
de
défi en défi, excité puis exaspéré par le silence ou les lâchetés de
2470
cité puis exaspéré par le silence ou les lâchetés
de
l’adversaire. Les idées se retournent au caprice de l’esprit : il n’y
2471
l’adversaire. Les idées se retournent au caprice
de
l’esprit : il n’y a plus de vérité qui tienne. Les hommes se rendent
2472
retournent au caprice de l’esprit : il n’y a plus
de
vérité qui tienne. Les hommes se rendent ou tombent dans le doute à l
2473
ou tombent dans le doute à la première séduction
d’
une hypothèse scientifique. Il n’y a plus de foi qui affirme et qui ma
2474
ction d’une hypothèse scientifique. Il n’y a plus
de
foi qui affirme et qui maintienne en vertu de l’absurde. Ah ! comme o
2475
nne en vertu de l’absurde. Ah ! comme on se lasse
de
gagner à tout coup, pour peu qu’on ait l’envie de nier des règles que
2476
de gagner à tout coup, pour peu qu’on ait l’envie
de
nier des règles que personne n’ose plus dire inviolables ! Qui donc s
2477
est, dans la vie du Don Juan des vérités, l’heure
de
l’invitation au Commandeur. Or Dieu se tait. Il ne relève pas le défi
2478
des hauteurs. Une aube vient. C’est encore l’aube
de
la terre. Personne n’a parlé. Dieu est mort ! De chaque idée, de chaq
2479
de la terre. Personne n’a parlé. Dieu est mort !
De
chaque idée, de chaque croyance, de chaque valeur, Nietzsche a voulu
2480
rsonne n’a parlé. Dieu est mort ! De chaque idée,
de
chaque croyance, de chaque valeur, Nietzsche a voulu violer le secret
2481
eu est mort ! De chaque idée, de chaque croyance,
de
chaque valeur, Nietzsche a voulu violer le secret ; et leur défaite r
2482
Il faut rejeter avec dégoût ce que l’on désirait
de
toute sa fougue ; et se rire des suiveurs, des successeurs, de ces di
2483
ougue ; et se rire des suiveurs, des successeurs,
de
ces disciples enhardis par le triomphe ardent d’un autre, et qui déjà
2484
de ces disciples enhardis par le triomphe ardent
d’
un autre, et qui déjà croient pouvoir abuser de ses victimes. Mille et
2485
nt d’un autre, et qui déjà croient pouvoir abuser
de
ses victimes. Mille et trois vérités se sont rendues, et pas une seul
2486
joie du viol intellectuel. Comme Don Juan l’image
de
la Mère, Nietzsche poursuit l’image obscure, et à lui-même infiniment
2487
’image obscure, et à lui-même infiniment secrète,
d’
une Vérité qui ne se rendrait point, mais qui le posséderait à tout ja
2488
ais qui le posséderait à tout jamais, digne enfin
de
sa vraie passion ! Il traque sans relâche tout ce qui bouge, tout ce
2489
ouge, tout ce qui s’arrête, tout ce qui fait mine
de
résister. Voluptés brèves — le temps d’un aphorisme — fulgurations to
2490
fait mine de résister. Voluptés brèves — le temps
d’
un aphorisme — fulgurations toujours décevantes : ce n’est pas elle qu
2491
e n’est pas elle qu’il vient de posséder… Ô haine
de
leurs vérités faibles ! La Vérité est morte ! Revivra-t-elle ? Car s
2492
si ce Dieu est mort à tout jamais, il n’y a plus
d’
amour possible. Il faut inventer un amour qui permette au moins de haï
2493
. Il faut inventer un amour qui permette au moins
de
haïr tout ce qui passe, tout ce qui cède, toute l’impudeur et la lour
2494
’impudeur et la lourdeur du monde. C’est au point
de
fureur dionysiaque où la joie de détruire devient douleur, et dans l’
2495
. C’est au point de fureur dionysiaque où la joie
de
détruire devient douleur, et dans l’angoisse d’une puissance anéantie
2496
e de détruire devient douleur, et dans l’angoisse
d’
une puissance anéantie par son succès, que Nietzsche a rencontré souda
2497
fascinante idée du Retour éternel. Devant le roc
de
Sils-Maria on le voit interrompre sa course, changer de contenance, e
2498
s-Maria on le voit interrompre sa course, changer
de
contenance, et pour la première fois baisser la tête et adorer. Tout
2499
ternellement ! Ainsi Nietzsche devient le Tristan
d’
un Destin qu’il ne peut posséder que par l’amour éternellement lointai
2500
uan ne gagnait qu’en trichant, et s’il n’y a plus
de
règles, on ne peut plus tricher). Voici peut-être la clé du mystère :
2501
s notre grâce. Mais Nietzsche et Don Juan doutent
de
leur grâce. Les voici donc contraints de gagner dans le temps de leur
2502
doutent de leur grâce. Les voici donc contraints
de
gagner dans le temps de leur vie — d’où la tricherie ; ou bien encore
2503
Les voici donc contraints de gagner dans le temps
de
leur vie — d’où la tricherie ; ou bien encore, de nier la fin des tem
2504
contraints de gagner dans le temps de leur vie —
d’
où la tricherie ; ou bien encore, de nier la fin des temps, le règleme
2505
de leur vie — d’où la tricherie ; ou bien encore,
de
nier la fin des temps, le règlement final, le Jugement dernier — d’où
2506
temps, le règlement final, le Jugement dernier —
d’
où l’idée du Retour éternel. ⁂ Comme je parlais de ces choses à une am
2507
d’où l’idée du Retour éternel. ⁂ Comme je parlais
de
ces choses à une amie : « J’ai connu, me dit-elle, un homme marié ave
2508
est la tricherie ? Dans ce défi installée au cœur
de
la règle ? ap. Rougemont Denis de, « Don Juan », La Nouvelle Revue
2509
llée au cœur de la règle ? ap. Rougemont Denis
de
, « Don Juan », La Nouvelle Revue française, Paris, juillet 1939, p. 6
2510
x que nous ramène du fond du xvie siècle le coup
de
filet très savamment prémédité de M. Albert-Marie Schmidt. Tous ces p
2511
siècle le coup de filet très savamment prémédité
de
M. Albert-Marie Schmidt. Tous ces poètes ont l’air plus authentiques
2512
ître. Ils n’ont pas été restaurés par les auteurs
de
manuels, ni patinés par nos lectures. Les voici avec toutes leurs bar
2513
es, incongrus et antédiluviens, marée grouillante
d’
une Renaissance pré-baroque. C’était le temps où la magie et la raison
2514
pédant délire, la première nourrissant la seconde
de
tentations fécondes ou grotesques. Qui sait où cela nous eut menés ?
2515
sques. Qui sait où cela nous eut menés ? Le livre
de
Schmidt inventorie, avec une sorte d’ardente lucidité, les richesses
2516
? Le livre de Schmidt inventorie, avec une sorte
d’
ardente lucidité, les richesses dont l’ère classique a voulu faire le
2517
e. Ce n’est pas rien ! Cela donne à Phèdre un air
de
luxe fou : pour fondre ce bijou de platine d’une suprême élégance, la
2518
Phèdre un air de luxe fou : pour fondre ce bijou
de
platine d’une suprême élégance, la plus discrète, il a fallu brûler l
2519
air de luxe fou : pour fondre ce bijou de platine
d’
une suprême élégance, la plus discrète, il a fallu brûler le mobilier,
2520
ète, il a fallu brûler le mobilier, les souvenirs
de
famille datant du Moyen Âge, un tas d’objets inutiles et bizarres, ch
2521
souvenirs de famille datant du Moyen Âge, un tas
d’
objets inutiles et bizarres, chargés de significations magiques. Ensui
2522
ge, un tas d’objets inutiles et bizarres, chargés
de
significations magiques. Ensuite, au xviiie , il n’est resté que la n
2523
evenue lésinerie. Comment louer assez les mérites
de
l’auteur, sa patiente intrépidité, la « volubilité infinie » de l’esp
2524
a patiente intrépidité, la « volubilité infinie »
de
l’esprit que suppose son entreprise ? Car l’étude des poètes hermétiq
2525
l’étude des poètes hermétiques exige une faculté
d’
interprétation recréatrice bien différente des qualités requises du pu
2526
et des rapports du monde à l’homme, qu’il s’agit
de
concevoir à nouveau, si l’on veut entrer dans ces rythmes, goûter ce
2527
e, et dégager le pittoresque enfoui sous des amas
d’
abstruse érudition. Il fallait être Schmidt pour découvrir dans ce gre
2528
llait être Schmidt pour découvrir dans ce grenier
de
notre poésie tant de possibles, tant d’intentions52, tant de correspo
2529
e grenier de notre poésie tant de possibles, tant
d’
intentions52, tant de correspondances théologiques, et finalement pour
2530
me semble d’ailleurs que ce travail apporte plus
d’
incitations aux créateurs qu’il ne comble les amateurs de beaux poèmes
2531
ations aux créateurs qu’il ne comble les amateurs
de
beaux poèmes oubliés. Toutes ces tentatives constituent, pour reprend
2532
nstituent, pour reprendre une heureuse expression
de
l’auteur, autant « d’appels plastiques à l’avenir ». Un écrivain cont
2533
dre une heureuse expression de l’auteur, autant «
d’
appels plastiques à l’avenir ». Un écrivain contemporain, conscient de
2534
à l’avenir ». Un écrivain contemporain, conscient
de
l’impasse où l’a conduit l’idéal d’une poésie pure, pourrait trouver
2535
in, conscient de l’impasse où l’a conduit l’idéal
d’
une poésie pure, pourrait trouver dans les thèmes et les formes qui fo
2536
s très fécondes. Encore y faudrait-il une passion
de
culture que les facilités de l’après-guerre ont passablement déprimée
2537
drait-il une passion de culture que les facilités
de
l’après-guerre ont passablement déprimée. On imagine un Valéry repren
2538
rimée. On imagine un Valéry reprenant tel dessein
de
Scève : décrire la naissance des figures puis des solides géométrique
2539
nel. Mais qui oserait encore envisager l’ambition
d’
un Guillaume du Bartas, d’un Peletier, d’un La Boderie et de tant d’au
2540
re envisager l’ambition d’un Guillaume du Bartas,
d’
un Peletier, d’un La Boderie et de tant d’autres, cet inventaire de la
2541
ambition d’un Guillaume du Bartas, d’un Peletier,
d’
un La Boderie et de tant d’autres, cet inventaire de la Création embra
2542
aume du Bartas, d’un Peletier, d’un La Boderie et
de
tant d’autres, cet inventaire de la Création embrassant tous les arts
2543
un La Boderie et de tant d’autres, cet inventaire
de
la Création embrassant tous les arts et les métiers humains, de la ma
2544
embrassant tous les arts et les métiers humains,
de
la magie cérémonielle à l’anatomie, de la géographie à l’acuponcture,
2545
s humains, de la magie cérémonielle à l’anatomie,
de
la géographie à l’acuponcture, de la musique à la théologie, à l’agri
2546
e à l’anatomie, de la géographie à l’acuponcture,
de
la musique à la théologie, à l’agriculture, à l’obstétrique, à la vén
2547
stronomie. Schmidt nous aide à concevoir l’espèce
de
fureur titanique qui animait ces Renaissants, leur volonté de « singe
2548
tanique qui animait ces Renaissants, leur volonté
de
« singer Dieu », de recenser les objets et les formes, les rythmes et
2549
ces Renaissants, leur volonté de « singer Dieu »,
de
recenser les objets et les formes, les rythmes et les lois cosmiques,
2550
afin de les parfaire par le Verbe et, finalement,
de
s’en rendre maîtres. Tous sont soutenus par une double croyance dans
2551
ir magique du langage, et dans la liberté infinie
de
l’homme, capable de refaire avec ses mains le Paradis perdu et les «
2552
e, et dans la liberté infinie de l’homme, capable
de
refaire avec ses mains le Paradis perdu et les « gestes de Dieu ». Le
2553
e avec ses mains le Paradis perdu et les « gestes
de
Dieu ». Le poète a reçu la vocation de restituer le cosmos à l’état a
2554
s « gestes de Dieu ». Le poète a reçu la vocation
de
restituer le cosmos à l’état adamique, d’effacer les traces du péché,
2555
ocation de restituer le cosmos à l’état adamique,
d’
effacer les traces du péché, de retrouver les noms réels et les « sign
2556
à l’état adamique, d’effacer les traces du péché,
de
retrouver les noms réels et les « signatures » primitives dans le jeu
2557
les romantiques allemands, à partir de Hamann et
de
Herder. La création entière, disait Hamann, est « un discours adressé
2558
voix dans chaque dialecte ». Nous l’avons perçue
de
nos jours, dans le dialecte d’un Claudel, parfois même dans celui de
2559
ous l’avons perçue de nos jours, dans le dialecte
d’
un Claudel, parfois même dans celui de tel surréaliste. Mais notre mon
2560
le dialecte d’un Claudel, parfois même dans celui
de
tel surréaliste. Mais notre monde est-il encore formulable en noms et
2561
N’a-t-elle pas dissocié Nombre et Verbe au point
de
rendre puérile à nos yeux l’ambition d’un lyrisme cosmique ? 52. Un
2562
au point de rendre puérile à nos yeux l’ambition
d’
un lyrisme cosmique ? 52. Un exemple au hasard. Ce vers de Baïf : «
2563
me cosmique ? 52. Un exemple au hasard. Ce vers
de
Baïf : « L’huître dans son écaille essaie sa puissance » amène Schmid
2564
ellos, M. Laumonier, et les philosophes mystiques
de
la Renaissance qui « considéraient l’huître comme un condensateur du
2565
du fluide vital circulant par l’univers ». Voilà
de
la belle érudition qui signifie. C’est une manière de poésie que bien
2566
a belle érudition qui signifie. C’est une manière
de
poésie que bien peu savent allier à tant de science. aq. Rougemont
2567
t allier à tant de science. aq. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Albert-Marie Schmidt, La Poésie scientifique en Fra
2568
Au sujet du Journal
d’
André Gide (janvier 1940)ar Il ne serait guère honnête, et moins en
2569
ne serait guère honnête, et moins encore adroit,
de
ne point avouer l’incertitude où pareil livre entraîne le jugement. G
2570
al ; mais le malaise du critique commence au-delà
de
ce premier piège évité. Il naît de la difficulté à découvrir l’intime
2571
mmence au-delà de ce premier piège évité. Il naît
de
la difficulté à découvrir l’intime hiérarchie qui trahirait la vraie
2572
it la vraie personne dans ce complexe individuel.
D’
autant plus que certains détails, certaines allusions, et beaucoup de
2573
bit ou qu’il entretient. (Jusqu’à masquer parfois
de
vraies fenêtres par excessive défiance d’une symétrie où l’on serait
2574
parfois de vraies fenêtres par excessive défiance
d’
une symétrie où l’on serait tenté de s’arrêter…) Faute d’un « jugement
2575
sive défiance d’une symétrie où l’on serait tenté
de
s’arrêter…) Faute d’un « jugement » que ces treize cents pages s’appl
2576
ymétrie où l’on serait tenté de s’arrêter…) Faute
d’
un « jugement » que ces treize cents pages s’appliquent à dénoncer d’a
2577
ue ces treize cents pages s’appliquent à dénoncer
d’
avance, réduisons-nous à des notes de lecture, à quelques réactions im
2578
t à dénoncer d’avance, réduisons-nous à des notes
de
lecture, à quelques réactions impressionnistes. ⁂ Ce qui séduit, ce q
2579
tôt c’est la complexité secrètement significative
de
l’ensemble. Pour qualifier cette harmonie involontaire, je ne puis év
2580
ie involontaire, je ne puis évoquer que l’exemple
de
Goethe, dont ce n’est pas telle œuvre ou telle action que j’aime, mai
2581
’espace et le temps, voilà qui donnerait une idée
de
l’espèce d’intérêt que l’on prend à lire le Journal d’André Gide. Il
2582
e temps, voilà qui donnerait une idée de l’espèce
d’
intérêt que l’on prend à lire le Journal d’André Gide. Il est probable
2583
espèce d’intérêt que l’on prend à lire le Journal
d’
André Gide. Il est probable que, du seul point de vue de l’art, cet in
2584
é Gide. Il est probable que, du seul point de vue
de
l’art, cet intérêt demeure impur : l’indiscrétion moderne va chercher
2585
rne va chercher derrière les formes et au-dessous
d’
elles, dans le tout venant de confidences fragmentaires, une vérité qu
2586
formes et au-dessous d’elles, dans le tout venant
de
confidences fragmentaires, une vérité que les œuvres concertées avoua
2587
e conçois, comme œuvre d’art, que limité au récit
d’
une crise, et soumis par lui-même à une sorte d’unité qui fait nécessa
2588
t d’une crise, et soumis par lui-même à une sorte
d’
unité qui fait nécessairement défaut à la chronique intermittente d’un
2589
écessairement défaut à la chronique intermittente
d’
une existence. Malgré les pages plus élaborées que Gide a groupées ça
2590
che turque, etc.), malgré la perfection constante
de
l’écriture, et toutes ces aquarelles et ces tableaux de genre où s’am
2591
criture, et toutes ces aquarelles et ces tableaux
de
genre où s’amuse et s’attarde la maîtrise, on peut prévoir que la val
2592
ttarde la maîtrise, on peut prévoir que la valeur
d’
un tel ouvrage restera d’ordre essentiellement biographique. Mais ici
2593
ut prévoir que la valeur d’un tel ouvrage restera
d’
ordre essentiellement biographique. Mais ici se pose le problème de la
2594
lement biographique. Mais ici se pose le problème
de
la vérité du portrait, Gide note lui-même dès 1924 : « Si plus tard o
2595
d on publie mon journal, je crains qu’il ne donne
de
moi une idée assez fausse. Je ne l’ai point tenu durant les longues p
2596
Je ne l’ai point tenu durant les longues périodes
d’
équilibre, de santé, de bonheur ; mais bien durant ces périodes de dép
2597
int tenu durant les longues périodes d’équilibre,
de
santé, de bonheur ; mais bien durant ces périodes de dépression où j’
2598
urant les longues périodes d’équilibre, de santé,
de
bonheur ; mais bien durant ces périodes de dépression où j’avais beso
2599
santé, de bonheur ; mais bien durant ces périodes
de
dépression où j’avais besoin de lui pour me ressaisir, et où je me mo
2600
rant ces périodes de dépression où j’avais besoin
de
lui pour me ressaisir, et où je me montre dolent, geignant, pitoyable
2601
qu’il y pourvoit lui-même. Et cependant, « donner
de
soi une idée fausse », c’est bien ce que devait éviter Gide, plus jal
2602
rmes ? Mais ce serait un mauvais calcul. Aux yeux
d’
un lecteur prévenu, tant de naturel pourrait encore passer pour une po
2603
l’entraîne à livrer au public treize cents pages
d’
explications qui menacent d’aggraver l’équivoque. Mais alors cela devi
2604
ic treize cents pages d’explications qui menacent
d’
aggraver l’équivoque. Mais alors cela devient exemplaire. L’effort gid
2605
’est plus seulement émouvant : il revêt la valeur
d’
une expérience cruciale sur les limites de la sincérité en général, et
2606
valeur d’une expérience cruciale sur les limites
de
la sincérité en général, et du journal intime en particulier. La pass
2607
, et du journal intime en particulier. La passion
d’
être complètement vrai finit par altérer le naturel ; mais par son exc
2608
e, elle nous rend attentifs aux défauts réguliers
de
tout autoportrait. C’est nous donner le moyen d’y porter nos retouche
2609
de tout autoportrait. C’est nous donner le moyen
d’
y porter nos retouches. ⁂ Parfois, le secret d’une vie s’épuise dans l
2610
en d’y porter nos retouches. ⁂ Parfois, le secret
d’
une vie s’épuise dans l’œuvre ; il ne reste pour le journal que les pl
2611
journal sont simplement des manières différentes
de
poursuivre une même confidence. On ne sait plus si le journal est en
2612
uvre, ou si l’œuvre n’est qu’un moment privilégié
de
ce journal. Alors le vrai portrait de l’auteur n’est plus dans l’œuvr
2613
privilégié de ce journal. Alors le vrai portrait
de
l’auteur n’est plus dans l’œuvre ni dans le journal, mais dans leur m
2614
ne grave lacune mutile l’image qu’il nous y livre
de
lui-même53 —, il se peut qu’elles soient dites dans Les Cahiers d’And
2615
il se peut qu’elles soient dites dans Les Cahiers
d’
André Walter, et surtout dans La Porte étroite, ce roman janséniste et
2616
oman janséniste et « cathare »… ⁂ D’autres causes
d’
erreur interviennent, faussant les proportions de l’autoportrait, si l
2617
d’erreur interviennent, faussant les proportions
de
l’autoportrait, si l’on se borne au seul journal. « Les choses les pl
2618
tant ses journées, comment ne serait-on pas tenté
de
dire surtout ce qui a frappé, ce qui est bizarre, ce qui fait excepti
2619
stement. Et comment ne céderait-on pas à l’invite
d’
une formule, d’une épigramme sur tel ami dont il semble inutile de rép
2620
ment ne céderait-on pas à l’invite d’une formule,
d’
une épigramme sur tel ami dont il semble inutile de répéter chaque foi
2621
’une épigramme sur tel ami dont il semble inutile
de
répéter chaque fois qu’on l’aime ? Ainsi l’on se peint plus « rosse »
2622
e ne suis qu’un petit garçon qui s’amuse — doublé
d’
un pasteur protestant qui l’ennuie. » Type de boutade dont certains, c
2623
ublé d’un pasteur protestant qui l’ennuie. » Type
de
boutade dont certains, contre lui, ne se priveront pas d’abuser. Voic
2624
de dont certains, contre lui, ne se priveront pas
d’
abuser. Voici qui va fort loin dans la critique du genre : « Je ne pen
2625
Je ne pense pas qu’il y ait grand profit à tirer
de
ces examens de conscience où l’on parvient toujours à découvrir de me
2626
s qu’il y ait grand profit à tirer de ces examens
de
conscience où l’on parvient toujours à découvrir de mesquins ressorts
2627
conscience où l’on parvient toujours à découvrir
de
mesquins ressorts à n’importe quel comportement. On les inventerait m
2628
nt. On les inventerait même, pour la satisfaction
de
se paraître à soi-même plus perspicace, et l’on a grande tendance, pa
2629
ur de se surfaire, tout ce qui peut entrer en jeu
de
bonté naturelle ou de sociabilité, disons mieux : d’amabilité ; ou mi
2630
t ce qui peut entrer en jeu de bonté naturelle ou
de
sociabilité, disons mieux : d’amabilité ; ou mieux encore : du désir
2631
bonté naturelle ou de sociabilité, disons mieux :
d’
amabilité ; ou mieux encore : du désir de paraître aimable. Mais à tro
2632
mieux : d’amabilité ; ou mieux encore : du désir
de
paraître aimable. Mais à trop se regarder, on ne vit plus. Le regard,
2633
cédé à la tentation qu’il décrit ? Cercle vicieux
de
la sincérité. Ou bien l’on est banal pour rétablir les quotidiennes p
2634
erait une discipline plus grande encore que celle
de
l’œuvre : il faudrait s’imposer un rythme égal et sans lacunes, une r
2635
des petits faits, situant exactement l’apparition
de
telle pensée ou de tel acte exceptionnel… ⁂ Les journaux d’écrivains
2636
ituant exactement l’apparition de telle pensée ou
de
tel acte exceptionnel… ⁂ Les journaux d’écrivains sont vrais, mais d’
2637
ensée ou de tel acte exceptionnel… ⁂ Les journaux
d’
écrivains sont vrais, mais d’une vérité indirecte, et parfois même nég
2638
nnel… ⁂ Les journaux d’écrivains sont vrais, mais
d’
une vérité indirecte, et parfois même négative. C’est moins la vie véc
2639
moins la vie vécue qui s’y traduit, que le désir
de
compenser ou de parfaire ce qui n’a pas été vécu, ou mal vécu. (« J’a
2640
cue qui s’y traduit, que le désir de compenser ou
de
parfaire ce qui n’a pas été vécu, ou mal vécu. (« J’avais besoin de l
2641
n’a pas été vécu, ou mal vécu. (« J’avais besoin
de
lui pour me ressaisir ».) La vie réelle n’y figure souvent qu’à la ma
2642
dans les rêves. Compensations, ratures, reprises
d’
actes manqués… Il s’agirait de savoir si la vraie vie est dans ce qu’o
2643
, ratures, reprises d’actes manqués… Il s’agirait
de
savoir si la vraie vie est dans ce qu’on fait, ou dans ce qu’on pense
2644
ie est dans ce qu’on fait, ou dans ce qu’on pense
de
ses actions. (Voir là-dessus la note dramatique datée du 5 janvier 19
2645
) ⁂ Mais voici qu’à mon tour je succombe au désir
de
marquer les seules différences, oubliant ce qui va de soi : l’autopor
2646
ences, oubliant ce qui va de soi : l’autoportrait
de
Gide est aussi ressemblant. On l’y retrouve aussi au naturel, avec to
2647
rable modestie et ses malices, son sens rythmique
de
la langue toujours si fermement articulée (habitude des lectures à ha
2648
(habitude des lectures à haute voix), ses sautes
d’
humeur, et ce besoin de donner raison à l’adversaire…54 On l’y retrouv
2649
à haute voix), ses sautes d’humeur, et ce besoin
de
donner raison à l’adversaire…54 On l’y retrouve naturaliste à la mani
2650
in, et cela me paraît nouveau, constamment occupé
de
problèmes religieux. Mais d’une manière qu’il importerait de spécifie
2651
, constamment occupé de problèmes religieux. Mais
d’
une manière qu’il importerait de spécifier. ⁂ A-t-on remarqué jusqu’à
2652
s religieux. Mais d’une manière qu’il importerait
de
spécifier. ⁂ A-t-on remarqué jusqu’à quel point l’« antichristianisme
2653
marqué jusqu’à quel point l’« antichristianisme »
de
Gide est chrétien dans ses déterminations ? Je crois qu’on s’est trop
2654
isme. Du libre examen, Gide conserve son exigence
de
vérité et de véracité « advienne que pourra ». Du moralisme, il a gar
2655
e examen, Gide conserve son exigence de vérité et
de
véracité « advienne que pourra ». Du moralisme, il a gardé sans doute
2656
on conformistes. Mais toute morale a bientôt fait
de
se muer à son tour en dogme, et la morale protestante succombe à ce d
2657
ce danger plus qu’aucune autre dans les périodes
de
dépression théologique. D’où le ressentiment qu’à son égard conçoiven
2658
utre dans les périodes de dépression théologique.
D’
où le ressentiment qu’à son égard conçoivent beaucoup de « protestants
2659
’à son égard conçoivent beaucoup de « protestants
de
naissance » détachés de la vie de leur église, et subissant seulement
2660
beaucoup de « protestants de naissance » détachés
de
la vie de leur église, et subissant seulement la coutume d’un milieu.
2661
e « protestants de naissance » détachés de la vie
de
leur église, et subissant seulement la coutume d’un milieu. Tout à fa
2662
de leur église, et subissant seulement la coutume
d’
un milieu. Tout à fait justifiée en soi, cette réaction gauchit parfoi
2663
cette réaction gauchit parfois certains jugements
de
Gide sur la Réforme. (Il la confond souvent, me semble-t-il, avec l’i
2664
, me semble-t-il, avec l’image courante et fausse
d’
un Calvin inhumain, presque manichéen.) L’évangélisme, hérité malgré t
2665
que manichéen.) L’évangélisme, hérité malgré tout
de
cette première éducation chrétienne, l’a mis en garde contre certaine
2666
les plus fréquentes, du christianisme : le mépris
de
la nature, et d’autre part, le recours à l’orthodoxie comme à une ass
2667
t-Esprit autant que sur le doute. (Il cite ce mot
d’
un catholique à un pasteur : « Vous, vous croyez, mais nous savons ! »
2668
us savons ! ») Ceci explique que le souci central
de
Gide ait été de débarrasser son christianisme de toutes les adjonctio
2669
eci explique que le souci central de Gide ait été
de
débarrasser son christianisme de toutes les adjonctions « humaines —
2670
de Gide ait été de débarrasser son christianisme
de
toutes les adjonctions « humaines — trop humaines » du moralisme néo-
2671
moralisme néo-protestant et du dogmatisme romain.
D’
où son horreur congénitale des tours de passe-passe religieux. En somm
2672
me romain. D’où son horreur congénitale des tours
de
passe-passe religieux. En somme, tout son effort consiste à se délivr
2673
En somme, tout son effort consiste à se délivrer
de
cela même que certains chrétiens désireraient lui « révéler ». Le pro
2674
rétiens désireraient lui « révéler ». Le problème
de
la conversion devient pour lui le problème négatif du refus de la fau
2675
ion devient pour lui le problème négatif du refus
de
la fausse conversion, ou de la conversion trop « facile ». « Je ne su
2676
lème négatif du refus de la fausse conversion, ou
de
la conversion trop « facile ». « Je ne suis ni protestant ni catholiq
2677
e l’ai souvent dit à Claudel : Ce qui me retient [
d’
entrer dans l’église], ce n’est pas la libre pensée, c’est l’Évangile.
2678
st l’Évangile. » Mais n’y a-t-il pas, à l’origine
de
ce refus de toute église (tant reformée que catholique), un attacheme
2679
e. » Mais n’y a-t-il pas, à l’origine de ce refus
de
toute église (tant reformée que catholique), un attachement à sa véri
2680
, ou même rationaliste ? Certes, je m’en voudrais
de
critiquer une exigence d’honnêteté qui rappelle si fort Kierkegaard.
2681
ertes, je m’en voudrais de critiquer une exigence
d’
honnêteté qui rappelle si fort Kierkegaard. Gide répugne à paraître pl
2682
ffirmer plus qu’il ne croit. Il se décrit « forcé
de
s’asseoir au culte de famille. Sa gêne. L’horreur du geste qui puisse
2683
croit. Il se décrit « forcé de s’asseoir au culte
de
famille. Sa gêne. L’horreur du geste qui puisse dépasser son sentimen
2684
: je ne suis pas chrétien. Mais c’était par désir
de
sauver une conception pure de la foi, dont il ne s’estimait pas digne
2685
s c’était par désir de sauver une conception pure
de
la foi, dont il ne s’estimait pas digne, et qu’il confessait par là m
2686
ement, s’éprouve complexe et réticente. Et l’acte
de
foi consistera toujours à passer outre au doute naturel, à confesser
2687
ment pourrait se poser en termes nets le problème
de
l’église visible, de l’obéissance à une orthodoxie qui ne prétende pa
2688
r en termes nets le problème de l’église visible,
de
l’obéissance à une orthodoxie qui ne prétende pas s’emparer de l’Évan
2689
ce à une orthodoxie qui ne prétende pas s’emparer
de
l’Évangile, mais au contraire s’y ordonner. « Orthodoxie protestante
2690
n’ont pour moi aucun sens. Je ne reconnais point
d’
autorité, et si j’en reconnaissais une, ce serait celle de l’Église »
2691
té, et si j’en reconnaissais une, ce serait celle
de
l’Église » (donc de Rome). Allons donc ! Pour un protestant, ce dilem
2692
naissais une, ce serait celle de l’Église » (donc
de
Rome). Allons donc ! Pour un protestant, ce dilemme est aussi choquan
2693
ains protestants. Tout ce que je me sens le droit
de
dire ici, c’est que la Réforme a rejeté les prétentions du pape de Ro
2694
t que la Réforme a rejeté les prétentions du pape
de
Rome non par dégoût de l’autorité en soi, mais au contraire par grand
2695
té les prétentions du pape de Rome non par dégoût
de
l’autorité en soi, mais au contraire par grande fidélité à l’autorité
2696
ais au contraire par grande fidélité à l’autorité
de
l’Évangile, fondement unique et suffisant de la seule orthodoxie libé
2697
rité de l’Évangile, fondement unique et suffisant
de
la seule orthodoxie libératrice. ⁂ Si, malgré son génie du scrupule,
2698
ie du scrupule, Gide s’expose parfois au reproche
de
prendre position non sans légèreté sur des problèmes infiniment compl
2699
qu’on le peut expliquer par une certaine défiance
d’
artiste à l’égard des « idées » en soi, et de l’information méthodique
2700
ance d’artiste à l’égard des « idées » en soi, et
de
l’information méthodique. C’est par là que je sens le mieux la distan
2701
ar là que je sens le mieux la distance qui sépare
de
la sienne ma génération littéraire. Notre culture est beaucoup plus p
2702
s davantage qu’ils ne servent nos goûts naturels,
d’
où le danger de didactisme que nous courons tous plus ou moins. À cet
2703
ils ne servent nos goûts naturels, d’où le danger
de
didactisme que nous courons tous plus ou moins. À cet égard, il m’app
2704
ou moins. À cet égard, il m’apparaît que la leçon
de
Gide, pour ceux de mon âge, est moins urgente dans l’ordre de l’éthiq
2705
rd, il m’apparaît que la leçon de Gide, pour ceux
de
mon âge, est moins urgente dans l’ordre de l’éthique, que dans celui
2706
r ceux de mon âge, est moins urgente dans l’ordre
de
l’éthique, que dans celui de l’esthétique. C’est le maître-artisan de
2707
urgente dans l’ordre de l’éthique, que dans celui
de
l’esthétique. C’est le maître-artisan de la langue, plus que l’immora
2708
ns celui de l’esthétique. C’est le maître-artisan
de
la langue, plus que l’immoraliste, qui nous importe, et qui nous inté
2709
pas exactement les siennes… ar. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Au sujet du Journal d’André Gide », La Nouvelle Rev
2710
nt Denis de, « [Compte rendu] Au sujet du Journal
d’
André Gide », La Nouvelle Revue française, Paris, janvier 1940, p. 24-
2711
ai 1940)as Le plus intéressant dans un recueil
de
mélanges ou d’hommages, c’est en général le sommaire : cette fois enc
2712
e plus intéressant dans un recueil de mélanges ou
d’
hommages, c’est en général le sommaire : cette fois encore. Voici le n
2713
berjonois, Ansermet, Stravinsky. Claudel y touche
de
près. Cocteau y a des souvenirs, Maritain des amitiés. Pour la fête,
2714
iés. Pour la fête, on a invité quelques étrangers
de
marque : Thomas Mann, Zweig, Valéry. Et les quatre langues suisses —
2715
iennent dire au dessert leur couplet. Ce complexe
de
mystique paysanne, de goût de « l’authentique », de musique russe, d’
2716
t leur couplet. Ce complexe de mystique paysanne,
de
goût de « l’authentique », de musique russe, d’avant-garde ascétique,
2717
ouplet. Ce complexe de mystique paysanne, de goût
de
« l’authentique », de musique russe, d’avant-garde ascétique, d’humou
2718
mystique paysanne, de goût de « l’authentique »,
de
musique russe, d’avant-garde ascétique, d’humour vaudois et de cosmop
2719
, de goût de « l’authentique », de musique russe,
d’
avant-garde ascétique, d’humour vaudois et de cosmopolitisme non pas à
2720
que », de musique russe, d’avant-garde ascétique,
d’
humour vaudois et de cosmopolitisme non pas à la manière de Genève mai
2721
sse, d’avant-garde ascétique, d’humour vaudois et
de
cosmopolitisme non pas à la manière de Genève mais à celle des trouba
2722
ue ces créations spontanées, comme accidentelles,
de
centres européens dans un canton : Zurich au xviiie siècle, Coppet,
2723
tions spontanées, comme accidentelles, de centres
européens
dans un canton : Zurich au xviiie siècle, Coppet, Bâle au temps de B
2724
e siècle, Coppet, Bâle au temps de Burckhardt et
de
Nietzsche… Mais le centre vaudois s’est distingué par sa méfiance à l
2725
iversel par les racines. C’est, comme ils disent,
de
la vraie « culture ». Il faut mettre hors de pair, dans ce recueil, l
2726
, dans ce recueil, le Petit Ramusianum harmonique
de
Ch.-A. Cingria et Stravinsky : l’humour de l’authentique, si caractér
2727
onique de Ch.-A. Cingria et Stravinsky : l’humour
de
l’authentique, si caractéristique du cercle ramuzien, s’y traduit en
2728
ons acidulés et en mélodies savamment bêtifiantes
de
compliment d’anniversaire. Quant au « message » du poète, il s’exprim
2729
t en mélodies savamment bêtifiantes de compliment
d’
anniversaire. Quant au « message » du poète, il s’exprime surtout dans
2730
prime surtout dans deux portraits photographiques
de
Germaine Martin et de H. L. Mermod. Ce visage puissamment travaillé e
2731
x portraits photographiques de Germaine Martin et
de
H. L. Mermod. Ce visage puissamment travaillé et simplifié, cet œil h
2732
, cet œil halluciné par le réel, c’est tout l’art
de
Ramuz exposé. Ici, tout le mystère se mue en forme et en physionomie
2733
t en physionomie lisible. Enfin, l’on est au-delà
de
la psychologie. « N’allez pas chercher derrière la forme, disait Goet
2734
elle-même enseignement. » as. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Hommage à C. F. Ramuz », La Nouvelle Revue françai
2735
Un complot
de
protestants (novembre 1951)at Tout compte fait, nous nous connaiss
2736
compte fait, nous nous connaissions peu, ce jour
de
juin 39 où dans le hall de la rue Sébastien-Bottin, j’étais en train
2737
naissions peu, ce jour de juin 39 où dans le hall
de
la rue Sébastien-Bottin, j’étais en train de téléphoner quand je le v
2738
vois descendre l’escalier. Je parle en le suivant
d’
un œil. Il s’arrête, il paraît attendre. Je pose le récepteur et nous
2739
que je l’ignore, devant quitter demain la maison
de
Charles Du Bos qui rentre d’Amérique, et je viens d’apprendre au télé
2740
ter demain la maison de Charles Du Bos qui rentre
d’
Amérique, et je viens d’apprendre au téléphone que « cela ne va plus »
2741
Charles Du Bos qui rentre d’Amérique, et je viens
d’
apprendre au téléphone que « cela ne va plus » pour un appartement pro
2742
vant : « Eh bien ! si c’est ainsi, allons le voir
de
ce pas, voulez-vous ? » Alors, seulement, je comprends qu’il avait di
2743
t moi. Le studio est vaste et plaisant, agrémenté
d’
un escalier conduisant à une large galerie. Par une porte capitonnée q
2744
n robe de chambre grise, le corps un peu tassé et
de
large carrure, sa belle tête de moine tibétain barrée d’un sourire mi
2745
s un peu tassé et de large carrure, sa belle tête
de
moine tibétain barrée d’un sourire mince et pourtant amical. Il fait
2746
e carrure, sa belle tête de moine tibétain barrée
d’
un sourire mince et pourtant amical. Il fait très chaud. De ses poches
2747
ire mince et pourtant amical. Il fait très chaud.
De
ses poches, il tire deux bouteilles de bière et nous les offre. Au mi
2748
rès chaud. De ses poches, il tire deux bouteilles
de
bière et nous les offre. Au milieu du studio pend un trapèze. Gide s’
2749
ire ?… » avec un sourire inquisiteur. Je me garde
de
répondre. Finalement, Gide en riant : « On va dire que c’est un compl
2750
Gide en riant : « On va dire que c’est un complot
de
protestants ! » Le mot ne manque pas de pertinence. Tous les matins,
2751
n complot de protestants ! » Le mot ne manque pas
de
pertinence. Tous les matins, vers onze heures, il viendra entrouvrir
2752
par un profond « Allô ! Allô ! » et me demandera
de
passer chez lui pour quelques instants. Et, chaque fois, il orientera
2753
é. Saint Paul reste sa bête noire. Et l’idée même
d’
orthodoxie. Il nie vivement que le terme d’orthodoxie protestante puis
2754
e même d’orthodoxie. Il nie vivement que le terme
d’
orthodoxie protestante puisse avoir un sens. Le protestant, pour lui,
2755
-je, vous vous en tenez au protestantisme libéral
de
la fin du xixe siècle ? » — « Oui, c’est assez cela, la position du
2756
y, que j’aimais bien. » Vite lassé par les débats
d’
idées, il semble répugner à toute pensée qui par le style d’abord ne l
2757
l’ait séduit. Il me parle souvent des Variations
de
Bossuet, avec une vive admiration, mais se refuse à Kierkegaard, qu’i
2758
anchement ses limites, et les moyens particuliers
de
sa recherche. Sur un seul de ces entretiens, j’ai pris des notes. C’e
2759
moyens particuliers de sa recherche. Sur un seul
de
ces entretiens, j’ai pris des notes. C’est celui du 20 juin. J’avais
2760
ise, qu’il y trouve une explication des « erreurs
de
sa vie de jeune homme ». En phrases lentes et difficultueuses, coupée
2761
y trouve une explication des « erreurs de sa vie
de
jeune homme ». En phrases lentes et difficultueuses, coupées de silen
2762
». En phrases lentes et difficultueuses, coupées
de
silences et de reniflements, il se met à parler sur « le drame de sa
2763
lentes et difficultueuses, coupées de silences et
de
reniflements, il se met à parler sur « le drame de sa vie ». Jeune ho
2764
e reniflements, il se met à parler sur « le drame
de
sa vie ». Jeune homme épris et puritain, il a voulu disjoindre l’amou
2765
ir. Il croyait que « l’amour hétérosexuel » était
d’
autant plus pur que rien de charnel ne s’y mêlait. « C’est ainsi que j
2766
r hétérosexuel » était d’autant plus pur que rien
de
charnel ne s’y mêlait. « C’est ainsi que je me suis complètement blou
2767
frappé chez bien des femmes, c’est leur manière «
de
s’offusquer du désir de l’homme ». Plusieurs, mariées, lui ont confié
2768
mes, c’est leur manière « de s’offusquer du désir
de
l’homme ». Plusieurs, mariées, lui ont confié « qu’elles tenaient la
2769
ées, lui ont confié « qu’elles tenaient la libido
de
leur mari pour quelque chose de morbide. “Cela recommence tout le tem
2770
enaient la libido de leur mari pour quelque chose
de
morbide. “Cela recommence tout le temps !” disaient-elles ». Il hoche
2771
uve cela très curieux, n’est-ce pas ? — un éclair
de
malice au coin de l’œil. Puis il a quelques phrases obscures, apparem
2772
. « Je vous parle très sincèrement, je vous parle
de
choses qui ont joué un rôle très grave dans ma vie. » (Frappé par le
2773
rôle très grave dans ma vie. » (Frappé par le ton
de
confession, par le ton « c’était mal » de ses propos.) Et, subitement
2774
le ton de confession, par le ton « c’était mal »
de
ses propos.) Et, subitement, après un silence : « C’est ainsi que j’a
2775
ainsi que j’ai commis, à cette époque — je parle
de
mon premier séjour en Afrique, — une terrible erreur d’aiguillage ! »
2776
premier séjour en Afrique, — une terrible erreur
d’
aiguillage ! » Puis il tousse, se plaint de fumer trop, et de n’arrive
2777
erreur d’aiguillage ! » Puis il tousse, se plaint
de
fumer trop, et de n’arriver point à se contraindre. Les jours suivant
2778
e ! » Puis il tousse, se plaint de fumer trop, et
de
n’arriver point à se contraindre. Les jours suivants, il me donne à l
2779
ts, il me donne à lire, par paquets, les épreuves
de
son Journal en cours d’impression, et sur lequel je vais écrire un ar
2780
par paquets, les épreuves de son Journal en cours
d’
impression, et sur lequel je vais écrire un article pour la NRF. Il in
2781
us tard. Il les a recopiés dans deux cahiers gris
d’
écolier. Un soir, il vient m’avertir qu’il compte s’absenter pour huit
2782
sûr. Des housses couvrent les meubles, une sorte
de
vieux drap son grand bureau. Sur l’étoffe, bien en évidence, un fort
2783
r l’étoffe, bien en évidence, un fort cahier gris
d’
écolier. J’ai lu les premières lignes, pour vérifier, et j’ai vite ref
2784
nner dans le piège ? Les deux sans doute. Combien
de
fois l’ai-je revu après la guerre ? Souvent, en somme, et dans les li
2785
à Neuchâtel, à Berne. Mais je n’ai plus souvenir
d’
aucune conversation qui mérite d’être rapportée, j’entends : qui modif
2786
ai plus souvenir d’aucune conversation qui mérite
d’
être rapportée, j’entends : qui modifie le moins du monde l’image que
2787
odifie le moins du monde l’image que l’on connaît
de
lui. Nous parlions style, tournures de phrases, Littré. Et quelquefoi
2788
on connaît de lui. Nous parlions style, tournures
de
phrases, Littré. Et quelquefois, littérature. (Mais il s’en détachait
2789
e les ouvrages qu’il se sentait le plus incapable
d’
écrire : ceux d’un Marcel Aymé, d’un Simenon.) À Berne, pendant un déj
2790
u’il se sentait le plus incapable d’écrire : ceux
d’
un Marcel Aymé, d’un Simenon.) À Berne, pendant un déjeuner, il s’enqu
2791
plus incapable d’écrire : ceux d’un Marcel Aymé,
d’
un Simenon.) À Berne, pendant un déjeuner, il s’enquit avec insistance
2792
pendant un déjeuner, il s’enquit avec insistance
de
mon opinion sur Strindberg, et je lui fis une réponse assez vague, m’
2793
i fis une réponse assez vague, m’étonnant surtout
de
la question. Huit jours plus tard, il recevait le prix Nobel. Chez Ri
2794
ponses, puis on lit à haute voix les papiers. Jeu
de
télépathie, plutôt que de hasard.) J’avais écrit, dernière question :
2795
e voix les papiers. Jeu de télépathie, plutôt que
de
hasard.) J’avais écrit, dernière question : « Qu’est-ce que le style
2796
et proposa des bouts-rimés. Il y excellait. ⁂ Peu
d’
hommes m’ont donné l’impression que le problème religieux existait dan
2797
is il restait, pour lui, problème. Gide avait peu
d’
instinct religieux, et moins encore de goût pour la métaphysique. Il p
2798
e avait peu d’instinct religieux, et moins encore
de
goût pour la métaphysique. Il préférait ce qu’il jugeait important à
2799
tant à ce que d’autres jugent profond. Son défaut
de
sens poétique me paraît presque inégalé depuis Montaigne. (Je ne nie
2800
itude envers le christianisme et son mystère. Peu
d’
instinct religieux chez cet homme, alors que le christianisme, l’Églis
2801
Église et l’Évangile, furent ses constants sujets
d’
irritation, de nostalgie ou de perplexité ? Le paradoxe n’est qu’appar
2802
angile, furent ses constants sujets d’irritation,
de
nostalgie ou de perplexité ? Le paradoxe n’est qu’apparent. Qu’on n’o
2803
es constants sujets d’irritation, de nostalgie ou
de
perplexité ? Le paradoxe n’est qu’apparent. Qu’on n’oublie pas sa for
2804
ses lectures prolongées et sans cesse renouvelées
de
l’Écriture ; son amour pour le style biblique ; la confusion courante
2805
s bourgeois entre tabous sexuels et spiritualité,
d’
où sa polémique inlassable contre l’orthodoxie telle qu’il l’imaginait
2806
dans laquelle il voyait (par erreur) la sanction
d’
une certaine éthique ; la conversion de quelques-uns de ses amis ; enf
2807
a sanction d’une certaine éthique ; la conversion
de
quelques-uns de ses amis ; enfin la piété de sa femme. Ces données bi
2808
certaine éthique ; la conversion de quelques-uns
de
ses amis ; enfin la piété de sa femme. Ces données biographiques ne f
2809
sion de quelques-uns de ses amis ; enfin la piété
de
sa femme. Ces données biographiques ne font point une nature. Elles e
2810
insistance du problème aux stades les plus variés
de
l’évolution de Gide. Ce qui l’a vraiment torturé, c’est l’éthique, n
2811
roblème aux stades les plus variés de l’évolution
de
Gide. Ce qui l’a vraiment torturé, c’est l’éthique, non le religieux
2812
ale ? Je pense plutôt que la morale était le lieu
de
son vrai drame, et qu’il ne pouvait approcher la religion que dans ce
2813
éfinir un saint qui ne croit pas ? Un saint privé
de
foi autant que de religion, ni chrétien ni hindou, sans mystique, ni
2814
i ne croit pas ? Un saint privé de foi autant que
de
religion, ni chrétien ni hindou, sans mystique, ni mystère ? Ne serai
2815
partis pris éthiques ? Ce débat nous éloignerait
de
la réalité de Gide. Une intense affectivité le liait, le reliait, au
2816
thiques ? Ce débat nous éloignerait de la réalité
de
Gide. Une intense affectivité le liait, le reliait, au monde du chris
2817
s dimensions profondes. J’ai dit qu’il se méfiait
d’
une certaine « profondeur » qui mesure parfois la distance entre l’éth
2818
u’il tenait pour la vérité. Il lui arrivait ainsi
de
s’arrêter à la logique exotérique d’un texte, disons à son seul sens
2819
rivait ainsi de s’arrêter à la logique exotérique
d’
un texte, disons à son seul sens éthique. Penchant bien protestant, ou
2820
e. Penchant bien protestant, ou simplement rançon
d’
une sobriété stricte. Ses connaissances bibliques me stupéfiaient. L’u
2821
écusé, Gide objectait, déduisait, s’émouvait… Peu
d’
écrivains, même chrétiens, nous ont montré pareil amour pour l’Évangil
2822
ile, et cela jusque dans les années où il doutait
de
l’existence de Dieu. Mais il croyait à l’homme individuel, et cette c
2823
sque dans les années où il doutait de l’existence
de
Dieu. Mais il croyait à l’homme individuel, et cette croyance est née
2824
t à l’homme individuel, et cette croyance est née
de
la synthèse du christianisme. Elle n’existe pas hors de lui, et n’est
2825
. Savons-nous encore mesurer le sens et la portée
de
cette banalité, en vérité bizarre et unique dans l’Histoire, une civi
2826
rétique entre les hérétiques », toujours soucieux
de
différer mais de légitimer sa différence, on ne pouvait être plus occ
2827
hérétiques », toujours soucieux de différer mais
de
légitimer sa différence, on ne pouvait être plus occidental. On ne po
2828
traditionnelles, au sens du mythe, des astres et
de
l’ordre cosmique, ou bien encore au sens de lois fatales et collectiv
2829
es et de l’ordre cosmique, ou bien encore au sens
de
lois fatales et collectives interprétées par un Parti. C’est pourquoi
2830
pose au monde christianisé, et à lui seul, libéré
de
l’empire des mythes, n’a cessé d’occuper sa pensée. Et j’ignore si c’
2831
ui seul, libéré de l’empire des mythes, n’a cessé
d’
occuper sa pensée. Et j’ignore si c’est mal ou bien : je constate simp
2832
iens pas la foi pour une vertu plus que l’absence
de
foi pour une preuve de courage. Des vertus et des vices, dans un mili
2833
e vertu plus que l’absence de foi pour une preuve
de
courage. Des vertus et des vices, dans un milieu donné, tout le monde
2834
ans un milieu donné, tout le monde reste en droit
de
juger au nom des normes établies. Mais la foi, le salut personnel n’o
2835
nt rien à voir avec la bienséance, et ne sont pas
de
l’ordre des mérites. Et c’est pourquoi il est écrit : « Ne jugez pas
2836
réprouve, ces discussions sur la croyance ou non
d’
un homme connu, multipliées et prolongées après sa mort, dans notre si
2837
u’on croie cela, laissant aux incroyants le droit
de
mieux savoir. Et qu’est-ce que cela peut bien nous faire ? Sinon nous
2838
que cela peut bien nous faire ? Sinon nous servir
d’
argument et nous rassurer curieusement dans notre foi ou dans notre in
2839
’est justement le totalitarisme, qui est l’esprit
de
parti logiquement développé. Et d’abord dans la religion. Le vrai cro
2840
nd l’État contre l’homme invoquera les Nécessités
de
l’Histoire ? Il n’est pas de vraie foi sans vrai doute, plus qu’il n’
2841
quera les Nécessités de l’Histoire ? Il n’est pas
de
vraie foi sans vrai doute, plus qu’il n’est de lumière sans ombre. Et
2842
as de vraie foi sans vrai doute, plus qu’il n’est
de
lumière sans ombre. Et je n’entends pas dire que Gide fut un croyant,
2843
ste un douteur exemplaire. at. Rougemont Denis
de
, « Un complot de protestants », La Nouvelle Revue française, Paris, n
2844
emplaire. at. Rougemont Denis de, « Un complot
de
protestants », La Nouvelle Revue française, Paris, novembre 1951, p.
2845
venture occidentale (mars 1957)au Pourquoi l’
Europe
a-t-elle créé les sciences physiques, conçu l’Histoire et découvert l
2846
é mieux peut-être, mais pas cela. Est-il possible
d’
attribuer aux « inventions » les plus typiques de l’Occident (le conce
2847
d’attribuer aux « inventions » les plus typiques
de
l’Occident (le concept de personne humaine et le développement de la
2848
ons » les plus typiques de l’Occident (le concept
de
personne humaine et le développement de la technique, par exemple) un
2849
e concept de personne humaine et le développement
de
la technique, par exemple) une origine ou une visée communes, révélan
2850
igine ou une visée communes, révélant un principe
de
cohérence parmi tant de contradictions ? L’unité de l’Europe n’est pa
2851
cohérence parmi tant de contradictions ? L’unité
de
l’Europe n’est pas définissable par un contour géographique, moins en
2852
rence parmi tant de contradictions ? L’unité de l’
Europe
n’est pas définissable par un contour géographique, moins encore par
2853
graphique, moins encore par un consensus délibéré
de
tous ses peuples, ou par quelque essence éternelle, comme on l’a cru
2854
u par quelque essence éternelle, comme on l’a cru
de
l’unité de nos nations à partir du xixe siècle. L’Europe est une lon
2855
ue essence éternelle, comme on l’a cru de l’unité
de
nos nations à partir du xixe siècle. L’Europe est une longue aventur
2856
’unité de nos nations à partir du xixe siècle. L’
Europe
est une longue aventure, et l’esprit d’aventure y paraît plus sensibl
2857
le. L’Europe est une longue aventure, et l’esprit
d’
aventure y paraît plus sensible que l’objet de la quête n’est claireme
2858
rit d’aventure y paraît plus sensible que l’objet
de
la quête n’est clairement connaissable. Pourtant, certaines options f
2859
ptions fondamentales ont pu conditionner l’allure
de
l’odyssée. Ôtez le dogme de l’Incarnation, formulé au concile de Nicé
2860
conditionner l’allure de l’odyssée. Ôtez le dogme
de
l’Incarnation, formulé au concile de Nicée, et vous ôtez la condition
2861
tez le dogme de l’Incarnation, formulé au concile
de
Nicée, et vous ôtez la condition des sciences physiques et naturelles
2862
t naturelles, qui est la reconnaissance du corps,
de
la matière, et de la forme du monde en tant que réalités. (L’Orient l
2863
est la reconnaissance du corps, de la matière, et
de
la forme du monde en tant que réalités. (L’Orient les tient pour illu
2864
(L’Orient les tient pour illusoires.) Ôtez l’idée
de
la personne, déduite des grandes définitions trinitaires et christolo
2865
es, vous avez quelque chose comme l’Inde et non l’
Europe
. De cette recherche d’un principe de cohérence révélé par la nature
2866
avez quelque chose comme l’Inde et non l’Europe.
De
cette recherche d’un principe de cohérence révélé par la nature même
2867
comme l’Inde et non l’Europe. De cette recherche
d’
un principe de cohérence révélé par la nature même des péripéties de l
2868
t non l’Europe. De cette recherche d’un principe
de
cohérence révélé par la nature même des péripéties de l’Aventure, je
2869
ohérence révélé par la nature même des péripéties
de
l’Aventure, je détache ici le moment de l’exploration du temps, mère
2870
éripéties de l’Aventure, je détache ici le moment
de
l’exploration du temps, mère de l’Histoire. 1. L’Occident découvre
2871
l’Histoire. 1. L’Occident découvre le Temps
De
la Genèse mosaïque jusqu’aux débuts du siècle dernier, les Occidentau
2872
cidentaux n’ont presque pas varié quant à la date
de
naissance de l’humanité. Un professeur de Cambridge, au xviiie siècl
2873
nt presque pas varié quant à la date de naissance
de
l’humanité. Un professeur de Cambridge, au xviiie siècle, crut pouvo
2874
la date de naissance de l’humanité. Un professeur
de
Cambridge, au xviiie siècle, crut pouvoir la préciser : l’homme avai
2875
23 octobre, à 9 heures du matin. Les professeurs
d’
Oxford tenaient pour le 23 mars, même heure et même année. Buffon écri
2876
t un peu plus tard : « Depuis la fin des ouvrages
de
Dieu, c’est-à-dire depuis la création de l’homme, il ne s’est écoulé
2877
ouvrages de Dieu, c’est-à-dire depuis la création
de
l’homme, il ne s’est écoulé que six ou huit-mille ans. » Cuvier parta
2878
xixe siècle, et que les catéchismes ne cesseront
d’
enseigner à des générations dont notre enfance a connu les derniers re
2879
c’est au moins six-cent-mille qu’il conviendrait
d’
admettre. Centupler brusquement l’âge de l’humanité peut paraître une
2880
viendrait d’admettre. Centupler brusquement l’âge
de
l’humanité peut paraître une révolution considérable. Mais ce n’est g
2881
sidérable. Mais ce n’est guère qu’un détail dénué
d’
intérêt pour peu que l’on considère les dimensions du temps décrites p
2882
s du temps décrites par les anciennes cosmologies
de
l’Orient. Pour l’Inde, l’unité de temps — le Kalpa ou Jour de Brahma
2883
nes cosmologies de l’Orient. Pour l’Inde, l’unité
de
temps — le Kalpa ou Jour de Brahma — est de quatre-milliards-trois-ce
2884
Pour l’Inde, l’unité de temps — le Kalpa ou Jour
de
Brahma — est de quatre-milliards-trois-cent-vingt-millions d’années s
2885
unité de temps — le Kalpa ou Jour de Brahma — est
de
quatre-milliards-trois-cent-vingt-millions d’années solaires. Or la v
2886
est de quatre-milliards-trois-cent-vingt-millions
d’
années solaires. Or la vie d’un Brahma est de cent et huit « années »,
2887
-cent-vingt-millions d’années solaires. Or la vie
d’
un Brahma est de cent et huit « années », dont chaque jour et chaque n
2888
ions d’années solaires. Or la vie d’un Brahma est
de
cent et huit « années », dont chaque jour et chaque nuit représentent
2889
un Kalpa. Après deux-cent-quarante-neuf-milliards
d’
années, le Brahma meurt, l’univers retourne au grand Chaos pour une du
2890
autre Brahma inaugure une ère nouvelle, et ainsi
de
suite à l’infini. Quant au temps de notre humanité : chaque Jour de B
2891
i. Quant au temps de notre humanité : chaque Jour
de
Brahma se divise en mille éons de quatre-millions-trois-cent-vingt-mi
2892
é : chaque Jour de Brahma se divise en mille éons
de
quatre-millions-trois-cent-vingt-mille ans chacun, et chaque éon se s
2893
chacun, et chaque éon se subdivise en quatre âges
de
durées décroissantes. Nous vivons aujourd’hui dans le sixième milléna
2894
ous vivons aujourd’hui dans le sixième millénaire
d’
un quatrième âge, ou Kaliyuga, lequel a commencé à minuit précise, le
2895
n du monde et sa reconstruction, qui sera l’œuvre
de
Kalki, dernier avatar de Vishnu. En regard des ordres de grandeur, si
2896
uction, qui sera l’œuvre de Kalki, dernier avatar
de
Vishnu. En regard des ordres de grandeur, si prodigieusement différen
2897
i, dernier avatar de Vishnu. En regard des ordres
de
grandeur, si prodigieusement différents, attribués par les grandes re
2898
t différents, attribués par les grandes religions
de
l’Orient et de l’Occident au temps cosmique comme au temps des humain
2899
ttribués par les grandes religions de l’Orient et
de
l’Occident au temps cosmique comme au temps des humains, plaçons main
2900
ains, plaçons maintenant ce double fait : le sens
de
l’Histoire est caractéristique de l’Occident, et il y tourne même à l
2901
fait : le sens de l’Histoire est caractéristique
de
l’Occident, et il y tourne même à l’obsession si l’on en juge par not
2902
oute réflexion sur l’Aventure occidentale se doit
d’
affronter ce contraste et d’essayer de l’interpréter. Et, en particuli
2903
e occidentale se doit d’affronter ce contraste et
d’
essayer de l’interpréter. Et, en particulier, toute théorie de l’Histo
2904
ale se doit d’affronter ce contraste et d’essayer
de
l’interpréter. Et, en particulier, toute théorie de l’Histoire qui né
2905
l’interpréter. Et, en particulier, toute théorie
de
l’Histoire qui négligerait d’en rendre compte ou s’en révélerait inca
2906
lier, toute théorie de l’Histoire qui négligerait
d’
en rendre compte ou s’en révélerait incapable apparaîtrait inadéquate
2907
son sujet. On verra mieux pourquoi, par la suite
de
ce chapitre. 2. Co-naissance de l’Histoire et de la Personne Un
2908
ce chapitre. 2. Co-naissance de l’Histoire et
de
la Personne Un fait quelconque n’est historique au sens exact qu’e
2909
, autrement il est vu comme une répétition, grain
de
poussière isolé d’un univers absurde relevant de la pure statistique,
2910
vu comme une répétition, grain de poussière isolé
d’
un univers absurde relevant de la pure statistique, ou cellule transit
2911
de poussière isolé d’un univers absurde relevant
de
la pure statistique, ou cellule transitoire d’un corps magique sans f
2912
nt de la pure statistique, ou cellule transitoire
d’
un corps magique sans fin. Combien d’individus sont-ils donc nés et mo
2913
transitoire d’un corps magique sans fin. Combien
d’
individus sont-ils donc nés et morts depuis qu’il y a des hommes sur c
2914
ial pouvait nous dire demain que la réponse est «
de
l’ordre de trois-cents-milliards », nous en serions moins étourdis qu
2915
nous dire demain que la réponse est « de l’ordre
de
trois-cents-milliards », nous en serions moins étourdis que gênés. Ma
2916
», nous en serions moins étourdis que gênés. Mais
d’
où viendrait notre malaise ? Comment ne pas voir qu’il serait intimeme
2917
ement lié, chez ceux qui l’éprouveraient, au sens
de
la personne ? Presque toutes les cultures et civilisations que nous a
2918
et civilisations que nous avons exhumées du passé
de
la Terre ou qui survivent dans notre siècle ont enseigné des théories
2919
. Ses prophètes ont cru que Iahvé intervenait par
de
libres actions dans l’existence terrestre du peuple élu : dès lors, c
2920
ès lors, celle-ci ne dépendait plus des astres ni
d’
un cours calculable des temps, mais d’une intention personnelle, inscr
2921
s astres ni d’un cours calculable des temps, mais
d’
une intention personnelle, inscrutable et pourtant manifestée par une
2922
inscrutable et pourtant manifestée par une suite
d’
événements révélateurs. L’incarnation du Christ vint accomplir cette v
2923
st vint accomplir cette vocation unique du peuple
d’
Israël. Et, certes, l’Évangile ignore absolument toute espèce de doctr
2924
certes, l’Évangile ignore absolument toute espèce
de
doctrine de l’Histoire : il annonce la Résurrection, qui est victoire
2925
angile ignore absolument toute espèce de doctrine
de
l’Histoire : il annonce la Résurrection, qui est victoire sur le temp
2926
e évangélique ont découvert le temps irréversible
de
l’Histoire, et qu’ils ont osé l’accepter. La prédication paulinienne,
2927
n insistance extraordinaire sur l’unicité absolue
de
l’Incarnation salvatrice, et cet « une fois pour toutes » qui sert de
2928
vatrice, et cet « une fois pour toutes » qui sert
de
leitmotiv à l’Épître « aux Hébreux » précisément, voilà qui brise la
2929
Prophètes s’ouvre alors le temps du salut : temps
de
l’attente active, de l’espérance patiente et de la foi dans un retour
2930
rs le temps du salut : temps de l’attente active,
de
l’espérance patiente et de la foi dans un retour unique du Christ glo
2931
s de l’attente active, de l’espérance patiente et
de
la foi dans un retour unique du Christ glorieux. Et, dans ce temps no
2932
rist glorieux. Et, dans ce temps nouveau, le rôle
de
chaque personne devient unique et décisif, comme l’était sous l’Ancie
2933
’était sous l’Ancienne Alliance le rôle collectif
d’
Israël. Le dialogue de Personne à personne entre Dieu qui appelle et l
2934
Alliance le rôle collectif d’Israël. Le dialogue
de
Personne à personne entre Dieu qui appelle et l’âme qui répond libère
2935
qui répond libère celle-ci des décrets uniformes
de
la morale et de la tradition sacrée, comme aussi des caprices du hasa
2936
re celle-ci des décrets uniformes de la morale et
de
la tradition sacrée, comme aussi des caprices du hasard insensé, comm
2937
aussi des caprices du hasard insensé, comme enfin
de
la roue du karma et du vertige de la métempsycose, qui réduisaient to
2938
sé, comme enfin de la roue du karma et du vertige
de
la métempsycose, qui réduisaient toute vie dans le temps et la chair
2939
ns le temps et la chair à l’insignifiance anonyme
d’
un passage éphémère dans l’Illusion. Ainsi l’Histoire, conscience nouv
2940
conscience nouvelle du temps des hommes, est née
de
la même rupture des grands rythmes cosmiques et des fatalités astrolo
2941
hmes cosmiques et des fatalités astrologiques, et
de
la même victoire sur les étoiles et sur la mort, qui libère et suscit
2942
onne. Ce n’est pas un hasard si le premier auteur
d’
une philosophie de l’Histoire — la Civitas Dei — fut aussi le premier
2943
un hasard si le premier auteur d’une philosophie
de
l’Histoire — la Civitas Dei — fut aussi le premier auteur d’une biogr
2944
re — la Civitas Dei — fut aussi le premier auteur
d’
une biographie de sa personne : les Confessions. 3. Du Mythe à l’Hi
2945
ei — fut aussi le premier auteur d’une biographie
de
sa personne : les Confessions. 3. Du Mythe à l’Histoire Mais il
2946
par la foi, trouve alors le courage exceptionnel
d’
accepter le temps et l’Histoire. Si toutes les religions traditionnell
2947
les ont développé des mythes du temps cyclique et
de
l’éternel retour, c’est parce que l’homme a peur du temps. Voilà le f
2948
la mort comme à la perte des paradis — Eden, âge
d’
or, enfance — vécus ou imaginaires. Et il est lié à la menace toujours
2949
t arbitraires, des désastres privés et publics et
de
leur injustice d’autant plus scandaleuse qu’elle apparaît « sans préc
2950
désastres privés et publics et de leur injustice
d’
autant plus scandaleuse qu’elle apparaît « sans précédent », vraiment
2951
ns précédent », vraiment nouvelle, et donc dénuée
de
sens. Contre le malheur et son absurdité, l’homme n’a d’autre recours
2952
. Contre le malheur et son absurdité, l’homme n’a
d’
autre recours que d’attribuer un sens à ce qu’il subit sans l’avoir «
2953
et son absurdité, l’homme n’a d’autre recours que
d’
attribuer un sens à ce qu’il subit sans l’avoir « mérité ». Au scandal
2954
’avoir « mérité ». Au scandale des souffrances et
de
la mort, il ne répondra point par une révolte vaine, pure démence à s
2955
nt par une révolte vaine, pure démence à ses yeux
de
Grec ou d’Oriental, mais par le rêve immense des religions, transform
2956
révolte vaine, pure démence à ses yeux de Grec ou
d’
Oriental, mais par le rêve immense des religions, transformant le réel
2957
ligions, transformant le réel insensé en un poème
de
morts et de résurrections dominées par des rythmes et par des archéty
2958
nsformant le réel insensé en un poème de morts et
de
résurrections dominées par des rythmes et par des archétypes qui s’ac
2959
hmes et par des archétypes qui s’accordent à ceux
de
l’âme. Ainsi le rêve universel du temps cyclique et du retour sans fi
2960
universel du temps cyclique et du retour sans fin
de
toutes les situations dévalorise le temps vécu de la souffrance. Ce n
2961
de toutes les situations dévalorise le temps vécu
de
la souffrance. Ce n’est plus la souffrance qui est vaine, dès lors qu
2962
ême qui perd sa réalité, puisqu’il n’apporte plus
d’
absolue nouveauté, ni par conséquent de scandale. (L’homme d’aujourd’h
2963
porte plus d’absolue nouveauté, ni par conséquent
de
scandale. (L’homme d’aujourd’hui, qui croit qu’il ne croit plus à rie
2964
ouveauté, ni par conséquent de scandale. (L’homme
d’
aujourd’hui, qui croit qu’il ne croit plus à rien, mime encore ce mouv
2965
il ne croit plus à rien, mime encore ce mouvement
de
la sagesse mythique, quand il dit pour se rassurer que « l’histoire s
2966
n dans ce monde des religions antiques du message
de
l’Incarnation figure donc le Scandale absolu, la nouveauté totale, pr
2967
par lui ; « une fois pour toutes » — voici ruiné
d’
un coup tout l’édifice mythique des protections de l’âme contre le tem
2968
d’un coup tout l’édifice mythique des protections
de
l’âme contre le temps de l’Histoire. Il s’agit d’un vrai fait, non pl
2969
mythique des protections de l’âme contre le temps
de
l’Histoire. Il s’agit d’un vrai fait, non plus d’un avatar ni de l’ép
2970
de l’âme contre le temps de l’Histoire. Il s’agit
d’
un vrai fait, non plus d’un avatar ni de l’épiphanie d’un archétype. C
2971
de l’Histoire. Il s’agit d’un vrai fait, non plus
d’
un avatar ni de l’épiphanie d’un archétype. Cette rupture du Cercle co
2972
Il s’agit d’un vrai fait, non plus d’un avatar ni
de
l’épiphanie d’un archétype. Cette rupture du Cercle cosmique livre l’
2973
vrai fait, non plus d’un avatar ni de l’épiphanie
d’
un archétype. Cette rupture du Cercle cosmique livre l’homme à l’impré
2974
l’homme à l’imprévisible, c’est-à-dire à la grâce
de
Dieu, mais aussi à la liberté ; il devient responsable de son temps s
2975
mais aussi à la liberté ; il devient responsable
de
son temps sur la Terre. Ce serait intolérable si la Révélation n’app
2976
s la certitude que le temps a été vaincu au matin
de
Pâques, que l’homme ne lui appartient que par la chair (étant au mond
2977
. Seule donc la négation réalisée du temps permet
d’
assumer le temps dans sa réalité. Sans la Résurrection, l’homme n’aura
2978
s la Résurrection, l’homme n’aurait pas la preuve
d’
une existence qui échappe au temps et à la mort. « Si le Christ n’est
2979
le vieil homme ». Son mouvement naturel sera donc
de
chercher et d’inventer contre le temps d’autres défenses. Il essaiera
2980
». Son mouvement naturel sera donc de chercher et
d’
inventer contre le temps d’autres défenses. Il essaiera d’abord de myt
2981
e le temps d’autres défenses. Il essaiera d’abord
de
mythifier le Christ en niant sa parfaite humanité : c’est l’intention
2982
e, la théorie des cycles et des rythmes cosmiques
de
l’Histoire sera reprise — contre l’esprit des Pères — par les plus gr
2983
onception linéaire du temps et du progrès continu
de
l’Histoire n’est guère soutenue que par un Joachim de Flore, dont les
2984
ourd’hui encore dans les masses paysannes, l’idée
d’
une évolution imprévisible et progressive est généralement éliminée pa
2985
nes ressenti comme semblable à celui des saisons,
de
la végétation ou des étoiles. Et peut-être faut-il rattacher à cette
2986
en Âge, loin de représenter je ne sais quel « âge
d’
or du christianisme » — comme on l’a ressassé depuis les romantiques —
2987
bien plutôt dans son ensemble une longue réaction
de
défense contre le ferment de révolution introduit dans le monde par l
2988
une longue réaction de défense contre le ferment
de
révolution introduit dans le monde par l’Évangile. (J’ai dit plus hau
2989
aut que le Moyen Âge fut la période « orientale »
de
l’Europe.) Touchée en premier lieu par le message chrétien, l’humanit
2990
ue le Moyen Âge fut la période « orientale » de l’
Europe
.) Touchée en premier lieu par le message chrétien, l’humanité occiden
2991
n, l’humanité occidentale a dû trouver les moyens
de
l’accepter progressivement et d’y adapter ses conceptions. Pour les p
2992
ouver les moyens de l’accepter progressivement et
d’
y adapter ses conceptions. Pour les premiers chrétiens, ce qui rend su
2993
remiers chrétiens, ce qui rend supportable l’idée
d’
un temps vidé de rythmes et de mythes, c’est la croyance à la Fin immi
2994
s, ce qui rend supportable l’idée d’un temps vidé
de
rythmes et de mythes, c’est la croyance à la Fin imminente : encore «
2995
supportable l’idée d’un temps vidé de rythmes et
de
mythes, c’est la croyance à la Fin imminente : encore « un peu de tem
2996
e convertissent. Il va falloir trouver les moyens
de
penser cette durée non prévue, désormais indéniable. Saint Augustin r
2997
en un dualisme à peine voilé : il y a l’Histoire
de
Dieu et celle des hommes, et si la première intervient dans la second
2998
des actes libres, elle n’y détermine pas une loi
d’
évolution. Le Moyen Âge ira beaucoup plus loin, non pas dans le sens d
2999
i des normes. C’est une vision réduite et limitée
de
l’Histoire qui lui permet de rendre un rythme à sa durée. L’apparitio
3000
n réduite et limitée de l’Histoire qui lui permet
de
rendre un rythme à sa durée. L’apparition du Christ ne marque plus po
3001
ne marque plus pour lui le commencement du temps
de
la Fin, mais le « milieu des temps », symbole archétypique. Les temps
3002
a chronologie restera symbolique jusqu’aux abords
de
la Renaissance. Et dès lors elle ira se précisant, mais dans le même
3003
se précisant, mais dans le même cadre indiscuté (
d’
où les excès qu’on signalait plus haut). Elle ne sera vraiment bouleve
3004
pliquait qu’aux cycles du cosmos : les événements
de
l’Histoire s’y trouvent tellement noyés que personne n’a le souci de
3005
rouvent tellement noyés que personne n’a le souci
de
les dater. C’est un mouvement exactement contraire qui s’est produit
3006
produit dans l’Occident moderne, où, à l’inverse
de
ce qui s’était passé durant l’intermède médiéval, l’état civil des ho
3007
ivil des hommes et des actions humaines n’a cessé
de
se préciser, tandis que la Fin et le Commencement des temps ne cessai
3008
la Fin et le Commencement des temps ne cessaient
de
s’éloigner dans le vague de l’infini. Or le Credo prend soin de préci
3009
es temps ne cessaient de s’éloigner dans le vague
de
l’infini. Or le Credo prend soin de préciser la date de la Passion un
3010
dans le vague de l’infini. Or le Credo prend soin
de
préciser la date de la Passion unique : « sous Ponce Pilate », mais i
3011
nfini. Or le Credo prend soin de préciser la date
de
la Passion unique : « sous Ponce Pilate », mais il se tait sur celle
3012
e jour ni l’heure ». Et c’est pourquoi le progrès
de
la vision historique, loin de séculariser le christianisme, comme bea
3013
pas moins que l’extension soudaine des dimensions
de
l’Histoire, telle qu’elle vient de se produire au xxe siècle, provoq
3014
duire au xxe siècle, provoque une crise profonde
de
la relation intime et proprement congénitale entre l’Histoire et la p
3015
e neuf. 4. Être ou non dans l’Histoire Tout
d’
un coup (dans l’espace d’une quarantaine d’années) il se révèle que no
3016
dans l’Histoire Tout d’un coup (dans l’espace
d’
une quarantaine d’années) il se révèle que notre humanité n’a pas derr
3017
Tout d’un coup (dans l’espace d’une quarantaine
d’
années) il se révèle que notre humanité n’a pas derrière elle six-mill
3018
Terre, avec ses quelque trois ou quatre milliards
d’
années, aurait déjà vécu presque un « jour de Brahma » dans le cosmos
3019
ards d’années, aurait déjà vécu presque un « jour
de
Brahma » dans le cosmos actuel. Je dis « cosmos actuel », car de nomb
3020
s le cosmos actuel. Je dis « cosmos actuel », car
de
nombreux savants nous parlent déjà d’un mouvement de diastole et de s
3021
tuel », car de nombreux savants nous parlent déjà
d’
un mouvement de diastole et de systole de l’Univers, qui se répéterait
3022
nombreux savants nous parlent déjà d’un mouvement
de
diastole et de systole de l’Univers, qui se répéterait à l’infini : n
3023
s nous parlent déjà d’un mouvement de diastole et
de
systole de l’Univers, qui se répéterait à l’infini : nous serions dan
3024
ent déjà d’un mouvement de diastole et de systole
de
l’Univers, qui se répéterait à l’infini : nous serions dans une phase
3025
péterait à l’infini : nous serions dans une phase
d’
expansion. La cosmologie des hindous paraît alors moins éloignée de la
3026
osmologie des hindous paraît alors moins éloignée
de
la vérité que celle du Moyen Âge « chrétien ». Il en résulte une suit
3027
u Moyen Âge « chrétien ». Il en résulte une suite
de
conséquences qui jouent en fait — mais je ne pense pas en droit — con
3028
ne pense pas en droit — contre l’idée occidentale
de
l’homme. L’importance apparente des collectivités, des civilisations,
3029
t et s’annule. La même raison veut que les « lois
de
l’Histoire », nécessairement déduites d’ensembles étendus, négligent
3030
s « lois de l’Histoire », nécessairement déduites
d’
ensembles étendus, négligent l’action de la personne et nous inclinent
3031
déduites d’ensembles étendus, négligent l’action
de
la personne et nous inclinent à douter de sa réalité. Le « réel histo
3032
’action de la personne et nous inclinent à douter
de
sa réalité. Le « réel historique », ainsi configuré, devient aussi di
3033
torique », ainsi configuré, devient aussi distant
de
l’homme concret que Brahma d’un paria sans voie. Et l’Histoire, dans
3034
vient aussi distant de l’homme concret que Brahma
d’
un paria sans voie. Et l’Histoire, dans l’esprit de nos contemporains,
3035
’un paria sans voie. Et l’Histoire, dans l’esprit
de
nos contemporains, prend la place de la Providence, bien qu’elle n’en
3036
ans l’esprit de nos contemporains, prend la place
de
la Providence, bien qu’elle n’en revête ni la justice ni la bonté. Bo
3037
ni la justice ni la bonté. Bossuet, dans l’Abrégé
de
l’Histoire de France, nous parle déjà d’une Histoire « maîtresse de l
3038
ni la bonté. Bossuet, dans l’Abrégé de l’Histoire
de
France, nous parle déjà d’une Histoire « maîtresse de la vie humaine
3039
l’Abrégé de l’Histoire de France, nous parle déjà
d’
une Histoire « maîtresse de la vie humaine et de la politique ». Il s’
3040
rance, nous parle déjà d’une Histoire « maîtresse
de
la vie humaine et de la politique ». Il s’agit de préparer le Dauphin
3041
à d’une Histoire « maîtresse de la vie humaine et
de
la politique ». Il s’agit de préparer le Dauphin, son élève, à sa fut
3042
de la vie humaine et de la politique ». Il s’agit
de
préparer le Dauphin, son élève, à sa future tâche de roi. Cette Histo
3043
préparer le Dauphin, son élève, à sa future tâche
de
roi. Cette Histoire pourvoyeuse d’exemples et de leçons n’a d’autre a
3044
a future tâche de roi. Cette Histoire pourvoyeuse
d’
exemples et de leçons n’a d’autre autorité que celle d’un précepteur.
3045
de roi. Cette Histoire pourvoyeuse d’exemples et
de
leçons n’a d’autre autorité que celle d’un précepteur. Ses « lois » n
3046
Histoire pourvoyeuse d’exemples et de leçons n’a
d’
autre autorité que celle d’un précepteur. Ses « lois » ne sont encore
3047
mples et de leçons n’a d’autre autorité que celle
d’
un précepteur. Ses « lois » ne sont encore que celles de la morale, et
3048
récepteur. Ses « lois » ne sont encore que celles
de
la morale, et sa réalité celle d’un discours. Mais l’Histoire aujourd
3049
core que celles de la morale, et sa réalité celle
d’
un discours. Mais l’Histoire aujourd’hui n’est plus un conte, elle se
3050
n’est plus un conte, elle se distingue absolument
de
son récit. Elle ne concerne plus le passé, ni ses « leçons », qu’on p
3051
nous, qui ne faisons que l’habiter pour un atome
de
temps insignifiant. Elle est devenue le cours de la réalité, où ce qu
3052
de temps insignifiant. Elle est devenue le cours
de
la réalité, où ce qu’il y a de plus réel, c’est le cours même. Et com
3053
Et comme ce mouvement pur « doit » être dépourvu
d’
origine et de but connaissable, on ne peut savoir son sens, mais seule
3054
mouvement pur « doit » être dépourvu d’origine et
de
but connaissable, on ne peut savoir son sens, mais seulement l’épouse
3055
’en s’y abandonnant. Ce qui se place dans le sens
de
l’Histoire en reçoit l’attribut d’exister. Ce qui résiste au sens est
3056
e dans le sens de l’Histoire en reçoit l’attribut
d’
exister. Ce qui résiste au sens est « mystification » aux yeux des thé
3057
En présence d’une doctrine politique ou sociale,
de
l’action d’un pays ou de l’option d’un homme, il n’est donc plus ques
3058
d’une doctrine politique ou sociale, de l’action
d’
un pays ou de l’option d’un homme, il n’est donc plus question de dema
3059
ne politique ou sociale, de l’action d’un pays ou
de
l’option d’un homme, il n’est donc plus question de demander si c’est
3060
ou sociale, de l’action d’un pays ou de l’option
d’
un homme, il n’est donc plus question de demander si c’est « vrai ». C
3061
l’option d’un homme, il n’est donc plus question
de
demander si c’est « vrai ». C’est « dans le sens de l’Histoire », ou
3062
demander si c’est « vrai ». C’est « dans le sens
de
l’Histoire », ou ce n’est rien qui vaille… Suis-je dans l’Histoire ?
3063
dans l’Histoire ? ainsi conjugue une bonne partie
de
l’intelligentsia occidentale du xxe siècle. Comme il est clair qu’on
3064
rédigée par les historiens, on voit qu’il s’agit
d’
autre chose : non de mémoire mais d’attitude actuelle, et non d’une di
3065
toriens, on voit qu’il s’agit d’autre chose : non
de
mémoire mais d’attitude actuelle, et non d’une discipline de l’intell
3066
qu’il s’agit d’autre chose : non de mémoire mais
d’
attitude actuelle, et non d’une discipline de l’intellect mais bien d’
3067
: non de mémoire mais d’attitude actuelle, et non
d’
une discipline de l’intellect mais bien d’une conception de l’Existenc
3068
mais d’attitude actuelle, et non d’une discipline
de
l’intellect mais bien d’une conception de l’Existence. Cette Histoire
3069
et non d’une discipline de l’intellect mais bien
d’
une conception de l’Existence. Cette Histoire absolutisée, qui n’est p
3070
cipline de l’intellect mais bien d’une conception
de
l’Existence. Cette Histoire absolutisée, qui n’est plus connaissance
3071
lui-même ? N’est-elle pas simplement une manière
de
le penser qui le ferme à toute transcendance, et qui du même coup nou
3072
t entier soit uniquement du monde : elle le coupe
de
l’esprit. Ce faisant, elle nie la personne, car la personne se fonde
3073
e du même mouvement désespéré toute justification
de
l’action personnelle. Rien d’étonnant si l’homme, dès qu’il croit cet
3074
toute justification de l’action personnelle. Rien
d’
étonnant si l’homme, dès qu’il croit cette Histoire, se découvre impui
3075
tures totalitaires fondent leur pouvoir. Le droit
d’
opposition se justifiait, en effet, par la seule conviction que la voc
3076
en effet, par la seule conviction que la vocation
d’
un homme peut être plus vraie que la règle — d’où les martyrs des prem
3077
on d’un homme peut être plus vraie que la règle —
d’
où les martyrs des premiers temps du christianisme. Si, au contraire,
3078
ice politique du César détient seule le vrai sens
de
nos vies. Nul scrupule de conscience ou sursaut de belle âme ne saura
3079
ient seule le vrai sens de nos vies. Nul scrupule
de
conscience ou sursaut de belle âme ne saurait écarter cette conséquen
3080
e nos vies. Nul scrupule de conscience ou sursaut
de
belle âme ne saurait écarter cette conséquence, sans doute pénible, m
3081
efus moderne du temps Cette description rapide
d’
une attitude nouvelle et d’un état de conscience profondément typique
3082
tte description rapide d’une attitude nouvelle et
d’
un état de conscience profondément typique de l’Occident au xxe siècl
3083
ption rapide d’une attitude nouvelle et d’un état
de
conscience profondément typique de l’Occident au xxe siècle me sembl
3084
e et d’un état de conscience profondément typique
de
l’Occident au xxe siècle me semble incontestable en tant que diagnos
3085
iagnostic. Mais comment la situer dans l’ensemble
de
l’Aventure occidentale ? Est-elle le signe annonciateur d’une fin lug
3086
ture occidentale ? Est-elle le signe annonciateur
d’
une fin lugubre, ou seulement d’une crise de croissance ? On a vu que
3087
igne annonciateur d’une fin lugubre, ou seulement
d’
une crise de croissance ? On a vu que la croyance à l’Histoire absolue
3088
ateur d’une fin lugubre, ou seulement d’une crise
de
croissance ? On a vu que la croyance à l’Histoire absolue, ce produit
3089
que la croyance à l’Histoire absolue, ce produit
de
remplacement de la Providence, a pour effet normal d’éliminer la croy
3090
à l’Histoire absolue, ce produit de remplacement
de
la Providence, a pour effet normal d’éliminer la croyance à l’action
3091
emplacement de la Providence, a pour effet normal
d’
éliminer la croyance à l’action personnelle. La personne est agent de
3092
nce à l’action personnelle. La personne est agent
de
liberté. Cette Histoire nous conduit au fatalisme. Comment l’Histoire
3093
la personne ont-elles pu devenir exclusives l’une
de
l’autre, alors qu’elles sont nées en même temps d’un même acte libéra
3094
e l’autre, alors qu’elles sont nées en même temps
d’
un même acte libérateur ? Mais, d’abord, est-il sûr que la croyance mo
3095
soit le développement normal et la suite obligée
de
l’attitude chrétienne devant le temps ? Notre époque aurait-elle simp
3096
toutes les précédentes ? Oui, s’il s’agit du goût
de
connaître le passé, plus répandu que jamais dans le grand public : To
3097
best-seller, les revues et la presse nous parlent
de
Sumer, du paléolithique, des Mayas ou du vase de Vix, les mémoires fo
3098
de Sumer, du paléolithique, des Mayas ou du vase
de
Vix, les mémoires font fureur, les biographies s’arrachent, et beauco
3099
ans un livre. Mais la réponse est non s’il s’agit
de
cette Histoire dans le « sens » de laquelle on nous dit qu’il faut «
3100
on s’il s’agit de cette Histoire dans le « sens »
de
laquelle on nous dit qu’il faut « être » de toute nécessité, sous pei
3101
ens » de laquelle on nous dit qu’il faut « être »
de
toute nécessité, sous peine de n’être pas. Celle-ci marque un recul d
3102
un recul devant le risque du temps. La conscience
de
l’Histoire est née de l’acceptation d’un temps radicalement imprévisi
3103
que du temps. La conscience de l’Histoire est née
de
l’acceptation d’un temps radicalement imprévisible. Et sa fin seule é
3104
conscience de l’Histoire est née de l’acceptation
d’
un temps radicalement imprévisible. Et sa fin seule était certaine et
3105
r une nette limitation des dimensions du passé et
de
l’avenir : cette espèce de congélation du temps a pour effet d’élimin
3106
dimensions du passé et de l’avenir : cette espèce
de
congélation du temps a pour effet d’éliminer le devenir. Mais la Rena
3107
cette espèce de congélation du temps a pour effet
d’
éliminer le devenir. Mais la Renaissance et les siècles suivants décou
3108
ue au xxe siècle ils se dilatent soudain au-delà
de
tout ce que notre esprit peut se figurer, l’idée d’évolution balaie n
3109
tout ce que notre esprit peut se figurer, l’idée
d’
évolution balaie nos repères et nous emporte sans espoir à l’aventure.
3110
risque béant, soudain total, l’homme qui n’a pas
de
foi cède au vertige. Sa dernière résistance à l’angoisse du temps se
3111
se manifeste alors par la manière dont il décide
d’
identifier au devenir l’être et la vérité elle-même. Solution masochis
3112
lourd. Dans un cosmos qui se calcule en centaines
de
millions d’années-lumière, dans cette durée qui va vers l’infini, et
3113
un cosmos qui se calcule en centaines de millions
d’
années-lumière, dans cette durée qui va vers l’infini, et dans une soc
3114
technique, les « lois économiques », la puissance
de
l’État, les mouvements de masse, etc., échappent à ses prises et l’en
3115
omiques », la puissance de l’État, les mouvements
de
masse, etc., échappent à ses prises et l’enserrent — « il ne se retro
3116
et démissionne. Que l’Histoire décide à ma place,
de
toute façon je n’y puis rien. Que le dictateur ou le Parti décrètent
3117
e le dictateur ou le Parti décrètent le vrai sens
de
ma vie, de toute façon je ne pourrais plus le distinguer. Je ne suis
3118
eur ou le Parti décrètent le vrai sens de ma vie,
de
toute façon je ne pourrais plus le distinguer. Je ne suis plus respon
3119
ponsable, mais c’est l’Évolution, et je n’ai plus
d’
autre choix que de m’en dire l’agent. Cet abandon de l’être entier à l
3120
st l’Évolution, et je n’ai plus d’autre choix que
de
m’en dire l’agent. Cet abandon de l’être entier à la Maya, sans plus
3121
autre choix que de m’en dire l’agent. Cet abandon
de
l’être entier à la Maya, sans plus rêver la délivrance du nirvana, ce
3122
et enlisement dans la forme du monde, sans espoir
de
salut individuel58 — je pressens qu’ils trahissent un dépit amoureux
3123
au moins autant qu’un fléchissement réel du sens
de
la personne et de la liberté. Ce n’est pas qu’on n’aime plus être soi
3124
u’un fléchissement réel du sens de la personne et
de
la liberté. Ce n’est pas qu’on n’aime plus être soi librement, ni vra
3125
nt qu’ils sont les instruments du sens inévitable
de
l’Histoire, légitimant la mort de millions de koulaks qui vivaient pa
3126
sens inévitable de l’Histoire, légitimant la mort
de
millions de koulaks qui vivaient par hasard en travers. Mais les « lo
3127
ble de l’Histoire, légitimant la mort de millions
de
koulaks qui vivaient par hasard en travers. Mais les « lois » révélée
3128
» révélées par Karl Marx n’ont jamais prévu rien
de
tel ; elles permettent simplement au Dictateur d’accréditer son utopi
3129
de tel ; elles permettent simplement au Dictateur
d’
accréditer son utopie. Si le sang de ses propres martyrs fut la semenc
3130
au Dictateur d’accréditer son utopie. Si le sang
de
ses propres martyrs fut la semence de l’Église, c’est le sang des « p
3131
Si le sang de ses propres martyrs fut la semence
de
l’Église, c’est le sang des « païens », le sang des autres, qui cimen
3132
ïens », le sang des autres, qui cimente l’édifice
de
l’Usine soviétique et donne la preuve démente de la réalité des utopi
3133
de l’Usine soviétique et donne la preuve démente
de
la réalité des utopies au nom desquelles on l’a versé. Mais d’où vien
3134
des utopies au nom desquelles on l’a versé. Mais
d’
où vient cette fureur d’anticiper l’avenir jusqu’à l’hypothéquer sur d
3135
uelles on l’a versé. Mais d’où vient cette fureur
d’
anticiper l’avenir jusqu’à l’hypothéquer sur des millions de crimes ?
3136
r l’avenir jusqu’à l’hypothéquer sur des millions
de
crimes ? Elle vient de notre angoisse devant le temps. Anticiper l’av
3137
devant le temps. Anticiper l’avenir, c’est tenter
de
se convaincre que le temps ne va pas apporter la négation de ce que j
3138
incre que le temps ne va pas apporter la négation
de
ce que je suis, de ce que j’attends, de mes croyances ou de mon incro
3139
ne va pas apporter la négation de ce que je suis,
de
ce que j’attends, de mes croyances ou de mon incroyance, ou même de c
3140
négation de ce que je suis, de ce que j’attends,
de
mes croyances ou de mon incroyance, ou même de ces raisons de désespé
3141
je suis, de ce que j’attends, de mes croyances ou
de
mon incroyance, ou même de ces raisons de désespérer auxquelles je ti
3142
s, de mes croyances ou de mon incroyance, ou même
de
ces raisons de désespérer auxquelles je tiens contre le monde et cont
3143
nces ou de mon incroyance, ou même de ces raisons
de
désespérer auxquelles je tiens contre le monde et contre Dieu — la né
3144
iens contre le monde et contre Dieu — la négation
de
moi-même et du sens de ma vie. Anticiper l’avenir, c’est le dernier r
3145
contre Dieu — la négation de moi-même et du sens
de
ma vie. Anticiper l’avenir, c’est le dernier refus de l’aventure du t
3146
a vie. Anticiper l’avenir, c’est le dernier refus
de
l’aventure du temps — la fuite dans l’utopie. Utopies pessimistes, da
3147
confondent pas seulement dans leur vision précise
d’
un avenir donné pour fatal, mais dans une seule et même démission de l
3148
pour fatal, mais dans une seule et même démission
de
la personne, qui désespère de ses pouvoirs d’innovation et de toute e
3149
e et même démission de la personne, qui désespère
de
ses pouvoirs d’innovation et de toute espèce de recours au transcenda
3150
ion de la personne, qui désespère de ses pouvoirs
d’
innovation et de toute espèce de recours au transcendant libérateur. E
3151
ne, qui désespère de ses pouvoirs d’innovation et
de
toute espèce de recours au transcendant libérateur. Engendrer l’utopi
3152
e de ses pouvoirs d’innovation et de toute espèce
de
recours au transcendant libérateur. Engendrer l’utopie est un mouveme
3153
t libérateur. Engendrer l’utopie est un mouvement
de
l’âme, sans doute inséparable de l’historicité initiée par le christi
3154
est un mouvement de l’âme, sans doute inséparable
de
l’historicité initiée par le christianisme : il suffit que la foi fai
3155
pie est recul devant le temps ouvert, elle refuse
d’
affronter cette situation béante qui fut celle des premiers chrétiens,
3156
taire — et c’est pourquoi l’Orient ne produit pas
d’
utopies. Concevoir une utopie et agir d’après elle, massacrer pour hât
3157
est projeter notre angoisse en avant, pour tenter
d’
asservir l’imprévu. Bien souvent la recherche historique projette nos
3158
» ont rarement justifié d’autres délits que ceux
de
la routine. L’Histoire-devenir, qui est une conjuration du temps, exi
3159
d dieu Huitzilopochtli. 6. Dilemme La crise
de
notre sens du temps pose un dilemme. L’Occident, succombant au Deveni
3160
combant au Devenir déifié, va-t-il se mettre hors
d’
état de faire l’Histoire ? Ou, surmontant le vertige cosmique et tempo
3161
au Devenir déifié, va-t-il se mettre hors d’état
de
faire l’Histoire ? Ou, surmontant le vertige cosmique et temporel où
3162
ais à la tentation que j’ai décrite si j’essayais
d’
anticiper sur nos lendemains, et ceux-ci ne seront point marqués par n
3163
nos choix fondamentaux. Car la question n’est pas
de
savoir « ce qui arrivera », mais de savoir dès maintenant ce que nous
3164
ion n’est pas de savoir « ce qui arrivera », mais
de
savoir dès maintenant ce que nous sommes disposés à laisser arriver o
3165
rriver ou à faire arriver ; la question n’est pas
de
supputer le sens probable d’un devenir fatal, pour nous « ajuster » à
3166
a question n’est pas de supputer le sens probable
d’
un devenir fatal, pour nous « ajuster » à ses « lois », mais au contra
3167
ous « ajuster » à ses « lois », mais au contraire
d’
affronter le temps au nom d’un sens qui ne peut s’originer qu’en la pe
3168
er qu’en la personne. Bref, la question n’est pas
de
deviner l’Histoire, mais de la faire. Seules nos options présentes pr
3169
la question n’est pas de deviner l’Histoire, mais
de
la faire. Seules nos options présentes préparent un sens, ménagent d’
3170
nos options présentes préparent un sens, ménagent
d’
avance une signification aux surprises du temps qui vient à nous. Et c
3171
s. Et ces options n’agiront point par la violence
de
prises de position calculées dans l’abstrait59, mais par cette sorte
3172
options n’agiront point par la violence de prises
de
position calculées dans l’abstrait59, mais par cette sorte de fascina
3173
calculées dans l’abstrait59, mais par cette sorte
de
fascination qu’exerce sur l’avenir encore intact, foisonnant d’imprév
3174
qu’exerce sur l’avenir encore intact, foisonnant
d’
imprévus réalisables, l’attente réalisante d’une ferme vocation. 55
3175
nant d’imprévus réalisables, l’attente réalisante
d’
une ferme vocation. 55. La première société d’histoire connue en Or
3176
d’une ferme vocation. 55. La première société
d’
histoire connue en Orient fut fondée au xixe siècle par un Anglais, s
3177
storique s’est constituée en Inde. 56. Religio,
de
religare, lier ensemble. 57. La nouveauté — le fait sans précédent a
3178
fait sans précédent archétypique — est la terreur
de
tous les « Moyen Âge ». Quand elle survient, quand on se voit contrai
3179
. Quand elle survient, quand on se voit contraint
d’
innover pour sauver sa peau ou pour vaincre, on s’empresse d’en appele
3180
our sauver sa peau ou pour vaincre, on s’empresse
d’
en appeler à la coutume, et l’on prétend « renouveler la tradition ».
3181
s, au Moyen Âge, pour qu’on l’invoque sous le nom
de
« tradition ». 58. Il faut alors, de toute nécessité, que le succès
3182
sous le nom de « tradition ». 58. Il faut alors,
de
toute nécessité, que le succès temporel prenne la place du salut et q
3183
rs ; mais le premier sent la tricherie. 59. Lits
de
Procuste des utopies toujours trop pauvres, ou de ces plans qui prévo
3184
de Procuste des utopies toujours trop pauvres, ou
de
ces plans qui prévoient tout sauf l’essentiel humain, parce qu’on les
3185
es directives, mais comme des cadres rassurants ;
d’
autant plus rassurants qu’ils sont rigides, mais de là vient préciséme
3186
’autant plus rassurants qu’ils sont rigides, mais
de
là vient précisément leur malfaisance. au. Rougemont Denis de, « La
3187
écisément leur malfaisance. au. Rougemont Denis
de
, « La découverte du temps ou l’aventure occidentale », La Nouvelle Re
3188
en se vident au Japon. (Mais il y a beaucoup plus
de
chrétiens japonais que de sectateurs du Dr Suzuki en Amérique.) L’Occ
3189
is il y a beaucoup plus de chrétiens japonais que
de
sectateurs du Dr Suzuki en Amérique.) L’Occident découvre la sagesse
3190
peu christianisées qu’en donnent les successeurs
de
Râmakrishna ; mais déjà l’intelligentsia de l’Inde se préoccupe des p
3191
seurs de Râmakrishna ; mais déjà l’intelligentsia
de
l’Inde se préoccupe des problèmes qui lui sont imposés par la techniq
3192
occidentales, et cherche à les résoudre à l’aide
d’
un socialisme qui ne doit rien à Shankara. L’Occident découvre Zoroast
3193
fis, mais l’Iran et l’Arabie sont en pleine crise
d’
adaptation à l’habitus capitaliste. L’Occident découvre et publie le H
3194
x parlementaires, et l’exploitation par elle-même
de
ses ressources matérielles. Ce que nous découvrons avec passion dans
3195
n. Ils adoptent nos formes sociales, nos procédés
de
gouvernement et nos techniques, mais non pas les tensions spirituelle
3196
moteur secret. Ce qui était pour nous résultantes
d’
innombrables poussées et résistances, malaisément équilibrées mais len
3197
evenir immédiat, mais peut orienter la conscience
de
quelques-uns de ceux qui la feront demain. L’essentiel du dialogue né
3198
mais peut orienter la conscience de quelques-uns
de
ceux qui la feront demain. L’essentiel du dialogue nécessaire et déso
3199
eur centrale pour l’Occident, il doit en résulter
d’
infinies conséquences dans tous les domaines du réel, du spirituel au
3200
s’affirme d’une part et quel est le moi qu’on nie
de
l’autre ? Est-ce bien le même ? La Personne Le christianisme a
3201
n formant, dès les premiers conciles, ses modèles
de
pensée en tension : Incarnation, personnes divines à la fois distinct
3202
ersonnes divines à la fois distinctes et reliées.
D’
où la définition de la personne humaine ou du vrai moi, reprise et pré
3203
la fois distinctes et reliées. D’où la définition
de
la personne humaine ou du vrai moi, reprise et précisée par toutes le
3204
eprise et précisée par toutes les grandes époques
de
la théologie et de la philosophie, et toujours opposée à l’homme natu
3205
par toutes les grandes époques de la théologie et
de
la philosophie, et toujours opposée à l’homme naturel, animal plus ou
3206
al plus ou moins raisonnable et simple exemplaire
de
l’espèce. Pour saint Paul, le vrai moi est l’homme nouveau, « appelé
3207
on peut suivre l’évolution du concept et du terme
de
personne, forgé par la doctrine trinitaire ; il s’appliquera de mieux
3208
orgé par la doctrine trinitaire ; il s’appliquera
de
mieux en mieux à l’homme nouveau, à l’ens sibi suscité par l’esprit d
3209
rtes, le vrai moi c’est « l’âme », mais il s’agit
d’
une âme tout intellectuelle, dont « la nature n’est que de penser » et
3210
e tout intellectuelle, dont « la nature n’est que
de
penser » et qui reste entièrement distincte du corps. Avec Kant, le v
3211
al, s’oppose au moi phénoménal, et reprend le nom
de
personne. Chez Renouvier, la personne apparaît comme « fonction à plu
3212
« fonction à plusieurs variables », par là douée
d’
une liberté que n’aura jamais l’individu, simple objet du déterminisme
3213
du déterminisme universel. Et quant à la science
d’
aujourd’hui, dont on a pu penser « qu’elle n’aborde le moi que pour le
3214
dité, l’équilibre endocrinien), et nous le montre
d’
autant plus distinct, dans sa fonction centrale, totalisante, dans son
3215
fonction centrale, totalisante, dans son pouvoir
d’
intégration de l’être. Loin de dissocier le moi, les recherches psycho
3216
rale, totalisante, dans son pouvoir d’intégration
de
l’être. Loin de dissocier le moi, les recherches psychologiques du xx
3217
gent de toutes parts, et retrouvent par le détour
de
leurs descriptions « objectives » l’opposition paulinienne des « deux
3218
vrai que le langage courant confond sans l’ombre
d’
un scrupule la personne et tout ce qu’elle n’est pas — l’individu, la
3219
l’élémentaire et souvent si trompeuse conscience
de
soi — reste que la croyance au moi distinct et le recours à la « vale
3220
moi distinct et le recours à la « valeur absolue
de
la personne » sont à peu près universels en Occident. Comme l’atteste
3221
ttestent tant de notions considérées comme allant
de
soi — et tant de réalités « bien vues » à l’Ouest, mais que l’Est se
3222
« bien vues » à l’Ouest, mais que l’Est se devait
d’
ignorer, voire de condamner, telles que l’originalité, les droits de l
3223
’Ouest, mais que l’Est se devait d’ignorer, voire
de
condamner, telles que l’originalité, les droits de l’homme, le record
3224
mnation par nos critiques du style impersonnel ou
de
la banalité, la dénonciation de l’on par nos philosophes, et les diat
3225
le impersonnel ou de la banalité, la dénonciation
de
l’on par nos philosophes, et les diatribes marxistes contre l’aliénat
3226
aliénation. Et comme l’atteste enfin notre notion
de
l’amour, — à quoi j’entends venir plus loin. L’ange Quelle est
3227
nir plus loin. L’ange Quelle est cette part
de
la personne dès maintenant libérée du monde, où elle vit encore en ex
3228
rtant l’image céleste », « glorifiée », « revêtue
de
lumière », d’incorruptibilité et d’immortalité ; dès maintenant donc
3229
céleste », « glorifiée », « revêtue de lumière »,
d’
incorruptibilité et d’immortalité ; dès maintenant donc « ressuscitée
3230
», « revêtue de lumière », d’incorruptibilité et
d’
immortalité ; dès maintenant donc « ressuscitée avec le Christ », bien
3231
chée avec le Christ en Dieu » jusqu’à l’avènement
de
l’Amour ? C’est l’Ange, répond l’Iran des spirituels, l’Iran du mazdé
3232
che de l’Inde mais enté sur le tronc abrahamique,
d’
où sont issus les juifs, les chrétiens, et l’islam. Que serait l’Ange
3233
on du moi individuel ou collectif. Pour les sages
de
l’Iran, il est ce moi. Barakat, juif passé à l’islam, écrit en 1165 :
3234
finité, il y a un être spirituel qui tout au long
de
leur existence assume envers cette âme ou ce groupe d’âmes une sollic
3235
ur existence assume envers cette âme ou ce groupe
d’
âmes une sollicitude et tendresse spéciales ; c’est lui qui les initie
3236
us du simple messager transmettant les ordres, ni
de
l’idée courante de l’Ange gardien », mais de ceci : « que la Forme so
3237
er transmettant les ordres, ni de l’idée courante
de
l’Ange gardien », mais de ceci : « que la Forme sous laquelle chacun
3238
, ni de l’idée courante de l’Ange gardien », mais
de
ceci : « que la Forme sous laquelle chacun des spirituels connaît Die
3239
dmirables commentaires qu’Henry Corbin nous donne
de
la mystique soufi, « la totalité de notre être, ce n’est pas seulemen
3240
in nous donne de la mystique soufi, « la totalité
de
notre être, ce n’est pas seulement cette partie que nous appelons pré
3241
oufis n’évoque pas seulement cette part initiante
de
l’être renouvelé qui demeure cachée en Dieu selon le christianisme, m
3242
e en Dieu selon le christianisme, mais encore, et
d’
une manière plus précise dans l’homologie, ces entités célestes, fémin
3243
ces entités célestes, féminines, que la religion
de
Zarathoustra nommait les Fravartis, « celles qui ont choisi » (c’est-
3244
s, « celles qui ont choisi » (c’est-à-dire choisi
de
combattre pour venir en aide à Ohrmazd) et qui sont à la fois les arc
3245
e ou morale, chaque être complet ou chaque groupe
d’
êtres appartenant au monde de Lumière a sa Fravarti » — Ohrmazd, le Di
3246
let ou chaque groupe d’êtres appartenant au monde
de
Lumière a sa Fravarti » — Ohrmazd, le Dieu lumineux a lui-même la sie
3247
s. L’événement majeur, la scène capitale du drame
de
la personne ainsi constituée se produit à l’aube de la troisième nuit
3248
la personne ainsi constituée se produit à l’aube
de
la troisième nuit qui suit la mort terrestre : c’est la rencontre de
3249
t qui suit la mort terrestre : c’est la rencontre
de
l’âme avec son moi céleste à l’entrée du pont Chinvat. Dans un paysag
3250
à l’entrée du pont Chinvat. Dans un paysage nimbé
de
la Lumière-de-Gloire restituant toutes choses et tous les êtres dans
3251
es dans leur pureté paradisiaque, « dans un décor
de
montagnes flamboyant aux aurores, d’eaux célestes où croissent les pl
3252
ans un décor de montagnes flamboyant aux aurores,
d’
eaux célestes où croissent les plantes d’immortalité », au centre du m
3253
aurores, d’eaux célestes où croissent les plantes
d’
immortalité », au centre du monde spirituel (qui est le monde réel des
3254
vant l’âme sa Dâenâ, son moi céleste, jeune femme
d’
une beauté resplendissante et qui lui dit : — Je suis toi-même ! Mais
3255
négation du moi Les peuples des régions que l’
Europe
nomme Asie diffèrent bien plus entre eux que les peuples de l’Europe,
3256
sie diffèrent bien plus entre eux que les peuples
de
l’Europe, mais s’il est une croyance qu’ils ont tous en commun c’est
3257
iffèrent bien plus entre eux que les peuples de l’
Europe
, mais s’il est une croyance qu’ils ont tous en commun c’est la croyan
3258
nous semble à première vue impliquer comme allant
de
soi la croyance en un moi reconnaissable au travers de ses vies succe
3259
distincte, voilà précisément ce que les doctrines
de
l’Inde, ou nées en Inde comme le bouddhisme, dénoncent depuis des mil
3260
ue des autres ? En fait, on ne voit pas les Sages
de
l’Asie dénoncer sans relâche, comme on pourrait s’y attendre, les cro
3261
n pourrait s’y attendre, les croyances populaires
de
leurs contrées ; c’est bien plutôt à notre idée de la personne qu’ils
3262
e leurs contrées ; c’est bien plutôt à notre idée
de
la personne qu’ils opposent leur idée du non-moi. Le vrai malentendu
3263
nsitoire et « aveugle », enveloppe obscurcissante
d’
une âme divine. Ainsi parlent tous les upanishads, et les premiers écr
3264
sme : il faut éteindre le désir individuel, cause
de
l’erreur, des souffrances et de la mort, dissiper cet écran de matièr
3265
individuel, cause de l’erreur, des souffrances et
de
la mort, dissiper cet écran de matière entre l’âme et la Réalité. On
3266
des souffrances et de la mort, dissiper cet écran
de
matière entre l’âme et la Réalité. On peut penser qu’il s’agit bien i
3267
la Réalité. On peut penser qu’il s’agit bien ici
de
la même « mort au monde et à soi-même » que le Christ exige de ses di
3268
mort au monde et à soi-même » que le Christ exige
de
ses disciples, et qui est la condition de leur accession à leur vrai
3269
t exige de ses disciples, et qui est la condition
de
leur accession à leur vrai moi spirituel, celui qui doit ressusciter
3270
lieu que l’âme chrétienne doit le transfigurer, —
d’
où la « résurrection de la chair ». Il en va de même pour le bouddhism
3271
ne doit le transfigurer, — d’où la « résurrection
de
la chair ». Il en va de même pour le bouddhisme originel. Qu’est-ce q
3272
. Qu’est-ce que l’homme ? Un ensemble transitoire
d’
agrégats matériels et de formations mentales en proie au désir égoïste
3273
? Un ensemble transitoire d’agrégats matériels et
de
formations mentales en proie au désir égoïste, qui naît de l’ignoranc
3274
ions mentales en proie au désir égoïste, qui naît
de
l’ignorance et qui entraîne fatalement les attachements à l’illusoire
3275
raîne fatalement les attachements à l’illusoire ;
d’
où l’action, le devenir, la mort, et la roue des retours sans fin. « I
3276
loppés par l’ignorance, et que le désir conduit à
de
criminelles renaissances.65 » Le but est donc « de nous apprendre le
3277
e criminelles renaissances.65 » Le but est donc «
de
nous apprendre le moyen de ne pas renaître », nous dit une moderne in
3278
65 » Le but est donc « de nous apprendre le moyen
de
ne pas renaître », nous dit une moderne interprète du bouddhisme tibé
3279
t, un interprète du zen fait écho : « La négation
de
l’Atman énoncée par les premiers bouddhistes porte sur l’Atman de l’e
3280
ée par les premiers bouddhistes porte sur l’Atman
de
l’ego relatif, non sur l’Atman de l’ego absolu, l’ego d’après l’expér
3281
rte sur l’Atman de l’ego relatif, non sur l’Atman
de
l’ego absolu, l’ego d’après l’expérience illuminante.67 » Ou dans le
3282
e voit, l’expérience personnelle est le fondement
de
la philosophie bouddhiste », comprenons qu’il s’agit pour lui d’une e
3283
ie bouddhiste », comprenons qu’il s’agit pour lui
d’
une expérience rigoureusement spirituelle. En somme, l’adversaire prin
3284
n’est pas encore la personne, mais l’obstination
de
l’ego qui veut durer au-delà de la mort sans rien comprendre aux cond
3285
ais l’obstination de l’ego qui veut durer au-delà
de
la mort sans rien comprendre aux conditions de cette survie, sans pur
3286
là de la mort sans rien comprendre aux conditions
de
cette survie, sans purifier d’avance le jiva — sans s’ordonner d’avan
3287
dre aux conditions de cette survie, sans purifier
d’
avance le jiva — sans s’ordonner d’avance, dirions-nous, aux exigences
3288
sans purifier d’avance le jiva — sans s’ordonner
d’
avance, dirions-nous, aux exigences du vrai moi, qui est notre réponda
3289
n des buts majeurs des méthodes spirituelles soit
de
l’empêcher de renaître69 ! Mais vient le second stade, où les spirit
3290
eurs des méthodes spirituelles soit de l’empêcher
de
renaître69 ! Mais vient le second stade, où les spirituels s’opposen
3291
uels s’opposent même à l’ego absolu, à la réalité
de
l’âme distincte. Le soi de chacun se confond avec le Soi de l’Immensi
3292
o absolu, à la réalité de l’âme distincte. Le soi
de
chacun se confond avec le Soi de l’Immensité, ou du Brahma. Qu’est-ce
3293
istincte. Le soi de chacun se confond avec le Soi
de
l’Immensité, ou du Brahma. Qu’est-ce que l’âme ? Une monade, disent l
3294
’est Brahma ou ce n’est rien. Et tu n’es rien. Et
de
leur côté les bouddhistes (mais le tao chinois et le shinto nippon di
3295
: « Nagasena, existe-t-il un être qui transmigre
de
ce corps dans un autre ? — Non, il n’y en a point. — S’il n’y a pas d
3296
utre ? — Non, il n’y en a point. — S’il n’y a pas
de
transmigration, peut-il y avoir une réincarnation ? — Oui, c’est poss
3297
être pur. — Ô Nagasena, dis-moi s’il existe rien
de
semblable à l’âme ? — Il n’y a rien de semblable à l’âme.70 » Un text
3298
xiste rien de semblable à l’âme ? — Il n’y a rien
de
semblable à l’âme.70 » Un texte zen chinois surenchérit : « Y a-t-il
3299
ire du samadhi : c’est un éveil instantané. Éveil
de
quoi ? De la vision-en-soi, du Cela qui n’est pas personnel et se jou
3300
adhi : c’est un éveil instantané. Éveil de quoi ?
De
la vision-en-soi, du Cela qui n’est pas personnel et se joue à traver
3301
oyance en la transmigration… Mais voici le moment
d’
ajuster la vision. Tout l’Orient exagère ses formules. Il dit cent-mil
3302
té pour dire longévité. Notre hygiène, augmentant
de
cinquante ans la durée moyenne de la vie, serait alors une « recette
3303
ène, augmentant de cinquante ans la durée moyenne
de
la vie, serait alors une « recette d’immortalité ». Et même la seule
3304
rée moyenne de la vie, serait alors une « recette
d’
immortalité ». Et même la seule qui ait réussi. Apprenons donc à lire
3305
on. Et les trois autres distinctions s’expliquent
de
la même manière. » Puis il ajoute : « Si le disciple est exceptionnel
3306
ndateur du zen) l’a déclaré, zen ne se soucie pas
de
disserter sur des notions abstruses telles que Dieu, la Vérité ; ce q
3307
la Vérité ; ce que zen demande au disciple, c’est
de
voir sa propre Physionomie. » Or comme le disait le sixième Patriarch
3308
nomie. » Or comme le disait le sixième Patriarche
de
la secte (638-713) : « Ne pense pas au bien ni au mal, mais regarde c
3309
ionomie originelle, celle que tu avais avant même
d’
être né.72 » Par où nous rejoignons un certain christianisme — à parti
3310
us rejoignons un certain christianisme — à partir
d’
un certain bouddhisme — et certainement le mazdéisme et les soufis : i
3311
rtainement le mazdéisme et les soufis : il s’agit
d’
une seule quête de l’esprit, dont le Graal, ou l’Ange, est : toi-même.
3312
éisme et les soufis : il s’agit d’une seule quête
de
l’esprit, dont le Graal, ou l’Ange, est : toi-même. ⁂ Les différences
3313
tons préciser leur nature, c’est dans les notions
de
l’amour traduisant ces trois conceptions, que nous avons les plus gra
3314
ceptions, que nous avons les plus grandes chances
de
les trouver. Dans ce domaine, toute différence reconnue peut être vér
3315
romet au dialogue des spirituels un élargissement
de
la conscience que chacun prendra de son bien. Tandis qu’au plan de l’
3316
élargissement de la conscience que chacun prendra
de
son bien. Tandis qu’au plan de l’anthropologie plus ou moins « scient
3317
que chacun prendra de son bien. Tandis qu’au plan
de
l’anthropologie plus ou moins « scientifique » de ce siècle, il sembl
3318
de l’anthropologie plus ou moins « scientifique »
de
ce siècle, il semblerait que les négations du moi selon les écoles or
3319
orientales correspondent simplement aux névroses
de
la psychanalyse freudienne : elles seraient autant de « rationalisati
3320
a psychanalyse freudienne : elles seraient autant
de
« rationalisations » des attitudes « dysfonctionnelles » qui menacent
3321
et nous laisse « nos » problèmes. Trois écoles
de
l’amour Si l’amour est le premier moteur non seulement de l’homme
3322
Si l’amour est le premier moteur non seulement
de
l’homme mais du monde, c’est son action qui configure l’idée du moi q
3323
te idée du moi révèle l’amour, comme la structure
de
l’atome traduit certaines propriétés de l’énergie. « C’est l’amour do
3324
structure de l’atome traduit certaines propriétés
de
l’énergie. « C’est l’amour dominant qui fait l’homme… L’homme est abs
3325
’homme est absolument tel qu’est l’amour dominant
de
sa vie : selon (cet amour) se fait son ciel, s’il est bon, ou son enf
3326
it Swedenborg dans La Nouvelle Jérusalem. Et dans
De
Coelo, il ajoute : « Le corps de chaque esprit et de chaque ange est
3327
rusalem. Et dans De Coelo, il ajoute : « Le corps
de
chaque esprit et de chaque ange est la forme de son amour.73 » Les tr
3328
Coelo, il ajoute : « Le corps de chaque esprit et
de
chaque ange est la forme de son amour.73 » Les trois notions de l’hom
3329
s de chaque esprit et de chaque ange est la forme
de
son amour.73 » Les trois notions de l’homme que l’on vient d’évoquer
3330
est la forme de son amour.73 » Les trois notions
de
l’homme que l’on vient d’évoquer nous apparaissent alors comme autant
3331
.73 » Les trois notions de l’homme que l’on vient
d’
évoquer nous apparaissent alors comme autant de modèles d’une énergéti
3332
nt d’évoquer nous apparaissent alors comme autant
de
modèles d’une énergétique de l’amour, ou comme autant d’effets de son
3333
r nous apparaissent alors comme autant de modèles
d’
une énergétique de l’amour, ou comme autant d’effets de son action con
3334
t alors comme autant de modèles d’une énergétique
de
l’amour, ou comme autant d’effets de son action configurante et compo
3335
les d’une énergétique de l’amour, ou comme autant
d’
effets de son action configurante et composante. Et nous les voyons di
3336
énergétique de l’amour, ou comme autant d’effets
de
son action configurante et composante. Et nous les voyons différer d’
3337
urante et composante. Et nous les voyons différer
d’
une manière subtile mais précise par la forme des rapports qu’elles im
3338
l’ego et le Soi. Observons que les trois partent
d’
une dualité sans laquelle ni l’homme ni l’amour ne seraient même conce
3339
s, préalablement à tout jugement moral, il s’agit
de
la reconnaissance d’une bipolarité, d’une tension permanente entre l’
3340
ut jugement moral, il s’agit de la reconnaissance
d’
une bipolarité, d’une tension permanente entre l’individu et le « vrai
3341
il s’agit de la reconnaissance d’une bipolarité,
d’
une tension permanente entre l’individu et le « vrai moi ». (L’individ
3342
se des nations. Et cela vaut d’abord pour l’amour
de
soi-même, sans lequel point d’amour du prochain. Tous les moralistes
3343
abord pour l’amour de soi-même, sans lequel point
d’
amour du prochain. Tous les moralistes du monde s’accordent avec les s
3344
ordent avec les spirituels dans leur condamnation
de
l’égoïsme, qui est l’impérialisme de l’ego naturel et sa fermeture au
3345
condamnation de l’égoïsme, qui est l’impérialisme
de
l’ego naturel et sa fermeture autarcique. Mais les motifs de cette co
3346
turel et sa fermeture autarcique. Mais les motifs
de
cette condamnation ne sont pas les mêmes : les moralistes jugent au n
3347
L’école chrétienne Dans une vue chrétienne
de
l’homme, l’amour de soi est le rapport positif entre l’individu et le
3348
ne Dans une vue chrétienne de l’homme, l’amour
de
soi est le rapport positif entre l’individu et le vrai moi. Le second
3349
nt un moi duel, au sein duquel l’amour s’instaure
d’
une manière telle que s’aimer et aimer le prochain soit un même acte :
3350
e comme n’aurait pas son plein sens. Dans l’amour
de
soi-même, l’homme naturel s’ouvre à l’action du vrai moi spirituel et
3351
lui. C’est le vrai moi qui aime, qui est l’agent
de
l’amour. Ce vrai moi seul peut aimer le prochain, parce que seul il d
3352
imer, c’est soutenir, deviner, porter le meilleur
de
ce qu’on aime », disait Alain. Or le meilleur de l’autre — comme de s
3353
de ce qu’on aime », disait Alain. Or le meilleur
de
l’autre — comme de soi — est sa vocation singulière. Aimer le prochai
3354
, disait Alain. Or le meilleur de l’autre — comme
de
soi — est sa vocation singulière. Aimer le prochain dans sa personne,
3355
e, intégrant l’animique au spirituel, va toujours
de
personne à personne. Mais alors, d’où vient la personne ? Quel que so
3356
, va toujours de personne à personne. Mais alors,
d’
où vient la personne ? Quel que soit le nom que lui ont donné les troi
3357
dans l’homme la personne. Si la plus haute valeur
de
l’Occident chrétien n’est pas la connaissance détachée mais le sacrif
3358
et si le sacrifice diffère du suicide — la nature
de
l’amour véritable l’explique seule. « Personne n’a un plus grand amou
3359
que seule. « Personne n’a un plus grand amour que
de
donner sa vie pour ceux qu’il aime. » Se sacrifier pour l’autre aimé,
3360
par l’esprit. C’est rejoindre la forme immortelle
de
son être au travers d’une « mort à soi-même » transfigurante. Ce modè
3361
oindre la forme immortelle de son être au travers
d’
une « mort à soi-même » transfigurante. Ce modèle de l’amour et du vra
3362
une « mort à soi-même » transfigurante. Ce modèle
de
l’amour et du vrai moi instaure le normal, le sublime, et la probléma
3363
staure le normal, le sublime, et la problématique
de
l’Occident chrétien. Il conditionne aussi les déviations de l’amour e
3364
ent chrétien. Il conditionne aussi les déviations
de
l’amour et les formes particulières que prennent en Occident certaine
3365
iées à tel point qu’il devient parfois impossible
d’
en reconnaître ailleurs les homologues. En voici deux exemples extrême
3366
ples extrêmes. Le masochisme religieux, ou haine
de
soi. Dans son langage dramatique, saint Paul parle parfois de la hain
3367
son langage dramatique, saint Paul parle parfois
de
la haine de soi-même, formule reprise au pied de la lettre par tous l
3368
dramatique, saint Paul parle parfois de la haine
de
soi-même, formule reprise au pied de la lettre par tous les spirituel
3369
de la haine de soi-même, formule reprise au pied
de
la lettre par tous les spirituels de tendance ascétique, avec une com
3370
rise au pied de la lettre par tous les spirituels
de
tendance ascétique, avec une complaisance croissante. Je sais bien qu
3371
roissante. Je sais bien que la haine est l’envers
de
l’amour, mais comment l’amour fasciné par le désir de ce qu’il aime p
3372
’amour, mais comment l’amour fasciné par le désir
de
ce qu’il aime peut-il haïr vraiment ce qu’il lui sacrifie ? Le masoch
3373
i sacrifie ? Le masochisme n’est-il pas le moment
de
retombement de l’âme frustrée, quand l’esprit qui l’appelait cesse de
3374
masochisme n’est-il pas le moment de retombement
de
l’âme frustrée, quand l’esprit qui l’appelait cesse de la diriger dan
3375
âme frustrée, quand l’esprit qui l’appelait cesse
de
la diriger dans son élan vers le vrai moi ? Elle voulait l’ange. Il l
3376
? Elle voulait l’ange. Il lui reste la nostalgie
d’
une fuite hors du moi naturel. Désormais le vieil homme est jugé : n’a
3377
u l’entraîner avec elle vers son bien et l’animer
de
son amour, l’âme l’accuse de volonté mauvaise. Mais elle sait bien qu
3378
son bien et l’animer de son amour, l’âme l’accuse
de
volonté mauvaise. Mais elle sait bien qu’ils ont partie liée, et qu’e
3379
lle mourra si elle le tue. Elle se contente alors
de
le maudire, de le traiter en « corps de mort », et leurs relations s’
3380
lle le tue. Elle se contente alors de le maudire,
de
le traiter en « corps de mort », et leurs relations s’empoisonnent. L
3381
nte alors de le maudire, de le traiter en « corps
de
mort », et leurs relations s’empoisonnent. La plupart des névroses di
3382
l’âme oppose au corps, vu comme signe et symbole
de
la « prison » du moi. Et c’est que l’âme avait rêvé d’une métamorphos
3383
« prison » du moi. Et c’est que l’âme avait rêvé
d’
une métamorphose angélique, quand l’esprit lui demandait seulement d’o
3384
angélique, quand l’esprit lui demandait seulement
d’
ordonner tout le moi terrestre et temporel à la vocation de l’amour. M
3385
r tout le moi terrestre et temporel à la vocation
de
l’amour. Mais celui qui se hait de cette manière ne peut pas aimer le
3386
à la vocation de l’amour. Mais celui qui se hait
de
cette manière ne peut pas aimer le prochain : il ne peut voir en lui
3387
corps lui paraît désirable, il sera parfois tenté
d’
attribuer ce mouvement, né de l’instinct, à la révélation d’un amour a
3388
l sera parfois tenté d’attribuer ce mouvement, né
de
l’instinct, à la révélation d’un amour angélique. La passion romantiq
3389
r ce mouvement, né de l’instinct, à la révélation
d’
un amour angélique. La passion romantique trouve ici sa genèse. Exalté
3390
trouve ici sa genèse. Exaltée jusqu’à la mystique
de
l’ascèse autopunitive, elle finit par confondre avec les exigences de
3391
tive, elle finit par confondre avec les exigences
de
la mort au faux-moi, l’instinct de mort… Contre cet ascétisme non-tra
3392
les exigences de la mort au faux-moi, l’instinct
de
mort… Contre cet ascétisme non-transfigurant, Nietzsche n’écrit pas s
3393
ui se hait lui-même, car nous serons les victimes
de
sa colère et de sa vengeance. Ayons donc soin de l’induire à l’amour
3394
ême, car nous serons les victimes de sa colère et
de
sa vengeance. Ayons donc soin de l’induire à l’amour de lui-même.74 »
3395
de sa colère et de sa vengeance. Ayons donc soin
de
l’induire à l’amour de lui-même.74 » L’érotisme sensuel est l’autre
3396
vengeance. Ayons donc soin de l’induire à l’amour
de
lui-même.74 » L’érotisme sensuel est l’autre extrême où se porte l’â
3397
procède du vrai moi et se dirige vers le vrai moi
de
l’autre. Mais il peut arriver qu’il s’arrête en chemin, que son élan
3398
élan vers la personne singulière retombe au plan
de
l’individuel, du générique. Capté par l’instinct qu’il excite au-delà
3399
de anesthésie, l’âme retombe alors dans les liens
de
l’instinct, qui est la puissance impersonnelle par excellence, et s’é
3400
nce, et s’épuise à s’en libérer par le changement
de
l’excitation, par le défi perpétuel aux attachements. C’est la libert
3401
e revendiquée par Don Juan contre les conventions
de
la morale commune — qu’il est déjà trop « spirituel » pour respecter
3402
mais aussi contre le respect du mystère exigeant
de
l’Autre qu’il n’est pas assez « spirituel » pour aimer. (Mais s’il l’
3403
ait assez, il retrouverait aussi la justification
de
certaines conventions, protégeant chez la brute et l’innocent les pre
3404
chez la brute et l’innocent les premières chances
de
l’esprit, — ou mettant à l’abri des atteintes de l’esprit l’indispens
3405
de l’esprit, — ou mettant à l’abri des atteintes
de
l’esprit l’indispensable tissu conjonctif de toutes les sociétés qui
3406
ntes de l’esprit l’indispensable tissu conjonctif
de
toutes les sociétés qui ne sont pas un ordre.) L’école iranienne
3407
ordre.) L’école iranienne Il n’existe plus
de
communauté humaine, d’unité de civilisation qui s’inspire du mazdéism
3408
nienne Il n’existe plus de communauté humaine,
d’
unité de civilisation qui s’inspire du mazdéisme de Zarathoustra ; et
3409
Il n’existe plus de communauté humaine, d’unité
de
civilisation qui s’inspire du mazdéisme de Zarathoustra ; et nulle ne
3410
’unité de civilisation qui s’inspire du mazdéisme
de
Zarathoustra ; et nulle ne s’inspira jamais de la mystique des soufis
3411
me de Zarathoustra ; et nulle ne s’inspira jamais
de
la mystique des soufis, et pour cause. Si je les fais intervenir ici,
3412
use. Si je les fais intervenir ici, c’est à titre
d’
évocation d’une dimension virtuelle, intemporelle, et donc permanente
3413
es fais intervenir ici, c’est à titre d’évocation
d’
une dimension virtuelle, intemporelle, et donc permanente de l’esprit
3414
nsion virtuelle, intemporelle, et donc permanente
de
l’esprit : le mazdéisme et les soufis ont proposé des notions de l’ho
3415
e mazdéisme et les soufis ont proposé des notions
de
l’homme et de l’amour homologues aux notions chrétiennes, mais comme
3416
les soufis ont proposé des notions de l’homme et
de
l’amour homologues aux notions chrétiennes, mais comme transposées te
3417
chrétiennes, mais comme transposées terme à terme
d’
un degré vers le « ciel » des archétypes : ainsi la dualité ego-vrai m
3418
s : ainsi la dualité ego-vrai moi y devient celle
de
l’âme et de son ange. Pour situer dans son vrai climat spirituel le p
3419
dualité ego-vrai moi y devient celle de l’âme et
de
son ange. Pour situer dans son vrai climat spirituel le personnalisme
3420
vrai climat spirituel le personnalisme essentiel
de
ces doctrines, citons ce verset du Coran (24-41) qui pose comme une c
3421
une clef musicale : « Chaque être connaît le mode
de
prière et de glorification qui lui est propre. » Toute personne s’ori
3422
cale : « Chaque être connaît le mode de prière et
de
glorification qui lui est propre. » Toute personne s’origine en Dieu,
3423
Dieu, qui l’a créée afin d’être connu par elle et
de
« devenir en elle l’objet de sa propre connaissance.75 » C’est donc e
3424
re connu par elle et de « devenir en elle l’objet
de
sa propre connaissance.75 » C’est donc en Dieu que tout amour peut re
3425
Dieu que tout amour peut reconnaître la personne
de
l’autre et l’aimer « comme soi-même », — comme étant née du même amou
3426
au regard de chaque amant… car il est impossible
d’
aimer un être sans se représenter en lui la divinité. Un être n’aime e
3427
i la divinité. Un être n’aime en réalité personne
d’
autre que son créateur.76 » Ibn Arabi distingue trois amours : l’amour
3428
: l’amour divin du Créateur pour sa créature, et
d’
elle pour Lui ; l’amour spirituel « dont le siège est en la créature t
3429
t le siège est en la créature toujours à la quête
de
l’être dont elle découvre en elle l’Image, ou dont elle se découvre c
3430
in l’amour naturel, qui recherche la satisfaction
de
ses désirs sans souci de l’agrément de l’Aimé. « Et telle est hélas !
3431
echerche la satisfaction de ses désirs sans souci
de
l’agrément de l’Aimé. « Et telle est hélas ! dit Ibn Arabi, la manièr
3432
tisfaction de ses désirs sans souci de l’agrément
de
l’Aimé. « Et telle est hélas ! dit Ibn Arabi, la manière dont la plup
3433
it Ibn Arabi, la manière dont la plupart des gens
d’
aujourd’hui comprennent l’amour.77 » Comment réconcilier l’amour natur
3434
que cette capacité révèle chez eux l’unification
de
leur double nature (le dénouement de la « conscience malheureuse » en
3435
’unification de leur double nature (le dénouement
de
la « conscience malheureuse » en proie aux déchirements). » Telle est
3436
est donc la personne unifiée et tel est son amour
de
soi-même. Quant à l’amour-passion (ici, non romantique !) il se situe
3437
n romantique !) il se situe au point où le regard
de
l’âme reconnaît soudain dans l’Aimé cette Forme sensible du divin, ce
3438
e que l’âme peut aimer dans toutes les dimensions
de
l’amour unifié. L’Aimé n’est plus alors un simple objet — comme il es
3439
à faire exister dans l’être aimé, par l’efficace
de
son amour préfigurant. C’est précisément là que s’origine la plus hau
3440
écisément là que s’origine la plus haute fonction
de
l’amour humain, celle-là même qui assure la coalescence de ce que l’o
3441
r humain, celle-là même qui assure la coalescence
de
ce que l’on a désigné historiquement comme amour courtois et amour my
3442
r mystique. Car l’amour tend à la transfiguration
de
la figure aimée terrestre, en l’adossant à une lumière qui en fasse é
3443
s les virtualités surhumaines, jusqu’à l’investir
de
la fonction théophanique de l’Ange (ainsi en a-t-il été des Figures f
3444
s, jusqu’à l’investir de la fonction théophanique
de
l’Ange (ainsi en a-t-il été des Figures féminines célébrées par les F
3445
té des Figures féminines célébrées par les Fedeli
d’
amore, compagnons de Dante ; ainsi en a-t-il été de celle qui apparut
3446
ines célébrées par les Fedeli d’amore, compagnons
de
Dante ; ainsi en a-t-il été de celle qui apparut à Ibn Arabi, à la Me
3447
’amore, compagnons de Dante ; ainsi en a-t-il été
de
celle qui apparut à Ibn Arabi, à la Mekke, comme figure de la Sophia
3448
qui apparut à Ibn Arabi, à la Mekke, comme figure
de
la Sophia divine). L’analyse d’Ibn Arabi ne cesse de gagner en profon
3449
kke, comme figure de la Sophia divine). L’analyse
d’
Ibn Arabi ne cesse de gagner en profondeur : que l’amant tende à conte
3450
la Sophia divine). L’analyse d’Ibn Arabi ne cesse
de
gagner en profondeur : que l’amant tende à contempler l’être aimé, à
3451
nt dans l’Aimé.78 On reconnaît ici les « notes »
de
l’amour du prochain selon Kierkegaard79, mais aussi selon Swedenborg
3452
t-à-dire que chacun est le prochain en proportion
de
ce qu’il a quelque chose du Seigneur en lui ; or, comme nul ne reçoit
3453
hose du Seigneur en lui ; or, comme nul ne reçoit
de
la même manière le bien qui procède du Seigneur, il s’ensuit que l’un
3454
gneur, il s’ensuit que l’un n’est pas le prochain
de
la même manière que l’autre… ; il n’y a jamais chez deux personnes un
3455
chain, et chacun est le prochain selon la qualité
de
son amour.80 En dépit de tout ce qui distingue la transparence (parf
3456
ngue la transparence (parfois trompeuse) du latin
de
l’ingénieur-philosophe Swedenborg et la poésie dense de l’Arabe, l’ho
3457
ngénieur-philosophe Swedenborg et la poésie dense
de
l’Arabe, l’homologie des énoncés est indéniable. Si le symbolisme con
3458
tement comparable, comme le sont les trois formes
de
l’amour que manifeste cette structure. Mais « l’Imagination créatrice
3459
combien plus vivement l’unité première et finale
de
tout amour ! Peut-être aussi nous fera-t-elle entrevoir comment le my
3460
aussi nous fera-t-elle entrevoir comment le mythe
de
Tristan — en dépit du pseudo-bouddhisme tardivement emprunté par Wagn
3461
ysticisme soufi et même la « rencontre aurorale »
de
l’âme et de sa Dâenâ au pont Chinvat ? Et n’est-ce pas pour avoir dés
3462
ufi et même la « rencontre aurorale » de l’âme et
de
sa Dâenâ au pont Chinvat ? Et n’est-ce pas pour avoir désiré l’amour
3463
invat ? Et n’est-ce pas pour avoir désiré l’amour
de
l’Ange que les amants de la forêt du Morois en viennent à découvrir q
3464
our avoir désiré l’amour de l’Ange que les amants
de
la forêt du Morois en viennent à découvrir que c’est leur passion mêm
3465
vie », mais pour l’autre ? S’il est une « erreur
de
Tristan », motivant le malheur essentiel de sa passion, ce serait alo
3466
rreur de Tristan », motivant le malheur essentiel
de
sa passion, ce serait alors dans le mode de la transposition du « cie
3467
ntiel de sa passion, ce serait alors dans le mode
de
la transposition du « ciel » en Terre, et de l’Ange en la femme, que
3468
mode de la transposition du « ciel » en Terre, et
de
l’Ange en la femme, que l’on pourrait en pressentir l’ultime secret.
3469
s. Du même coup se trouvent évacués les problèmes
de
l’amour de soi-même et de l’amour de Dieu et du prochain : faute de p
3470
coup se trouvent évacués les problèmes de l’amour
de
soi-même et de l’amour de Dieu et du prochain : faute de protagoniste
3471
t évacués les problèmes de l’amour de soi-même et
de
l’amour de Dieu et du prochain : faute de protagonistes bien réels, c
3472
es problèmes de l’amour de soi-même et de l’amour
de
Dieu et du prochain : faute de protagonistes bien réels, ces problème
3473
t des sexes agissant fatalement sur des milliards
d’
agrégats éphémères, combinés et défaits selon le cours des astres et l
3474
a morale sociale condamne radicalement l’adultère
de
la femme mariée ; mais ce n’est pas au nom de l’amour, on le pense bi
3475
e et du bouddhisme. S’il est vrai que « la notion
de
Moi n’a d’accès que dans la pensée des sots », comme le dit un texte
3476
ddhisme. S’il est vrai que « la notion de Moi n’a
d’
accès que dans la pensée des sots », comme le dit un texte tibétain, l
3477
sots », comme le dit un texte tibétain, la notion
de
Toi ne vaut pas mieux. « La morale bouddhique, qui est une sorte d’hy
3478
mieux. « La morale bouddhique, qui est une sorte
d’
hygiène spirituelle, tend à détruire, en nous, les causes de souffranc
3479
spirituelle, tend à détruire, en nous, les causes
de
souffrance pour autrui.83 » « On ne peut comprendre la nature de l’ul
3480
our autrui.83 » « On ne peut comprendre la nature
de
l’ultime réalité qu’après avoir détruit tout attachement inné ou acqu
3481
84 » Et le Bouddha lui-même : « Qui a cent sortes
d’
amours a cent sortes de douleurs ; qui a un amour a une douleur ; qui
3482
même : « Qui a cent sortes d’amours a cent sortes
de
douleurs ; qui a un amour a une douleur ; qui n’a pas d’amour n’a pas
3483
eurs ; qui a un amour a une douleur ; qui n’a pas
d’
amour n’a pas de douleur. » Si l’on s’en tient aux textes, la cause es
3484
amour a une douleur ; qui n’a pas d’amour n’a pas
de
douleur. » Si l’on s’en tient aux textes, la cause est entendue : l’A
3485
sique ne connaît pas l’amour, — j’entends l’amour
de
Dieu, de soi et du prochain, l’amour-passion, et même l’amour matrimo
3486
connaît pas l’amour, — j’entends l’amour de Dieu,
de
soi et du prochain, l’amour-passion, et même l’amour matrimonial. Mai
3487
x textes. On ajoutera peut-être qu’on ne voit pas
de
raisons pour que l’Orient réel soit plus conforme aux sermons du Boud
3488
l soit plus conforme aux sermons du Bouddha que l’
Europe
au Sermon sur la Montagne. On aura tort. Car les grandes doctrines re
3489
aura tort. Car les grandes doctrines religieuses
de
l’Asie n’ont jamais été révolutionnaires. Elles n’ont jamais prétendu
3490
ents, par le régime des castes et la condamnation
de
toute curiosité du monde) ; d’autre part, en tant que doctrines, elle
3491
trines, elles proposent aux spirituels les moyens
de
s’en évader en dérangeant le moins de choses possible. Les religions
3492
les moyens de s’en évader en dérangeant le moins
de
choses possible. Les religions abrahamiques, au contraire, monothéist
3493
es à le transformer en vérité85. Elles provoquent
d’
innombrables réactions. Il est par suite inévitable que l’existence ré
3494
as, jusqu’à nos jours, en Asie. Prenons l’exemple
de
l’érotisme. Le shivaïsme explique le cosmos tout entier en termes de
3495
termes de sexualité : il pose le désir à la base
de
tout. Nous ne désirons des choses que dans la mesure où elles nous pr
3496
curent une jouissance. La divinité n’est un objet
d’
amour que parce qu’elle représente une volupté sans mélange… Le désir
3497
me n’existe que parce qu’il voit en elle la forme
de
son plaisir, la source de sa jouissance. Dans la joie de la possessio
3498
l voit en elle la forme de son plaisir, la source
de
sa jouissance. Dans la joie de la possession, la souffrance du désir
3499
plaisir, la source de sa jouissance. Dans la joie
de
la possession, la souffrance du désir est pour un instant apaisée… et
3500
ité. C’est cet amour qui est l’amour pur, l’amour
de
l’amour même, l’amour de l’Être-de-volupté transcendant.86 Kâma, le
3501
est l’amour pur, l’amour de l’amour même, l’amour
de
l’Être-de-volupté transcendant.86 Kâma, le dieu du plaisir érotique,
3502
ncore : « Celui qui cherche l’amour dans l’espoir
d’
une jouissance est la victime du désir. Le sage accepte les plaisirs s
3503
expérience du divin, comparons-les aux diatribes
d’
un saint Paul annonçant la « colère de Dieu, révélée du Ciel » contre
3504
x diatribes d’un saint Paul annonçant la « colère
de
Dieu, révélée du Ciel » contre les « impudiques » et les « infâmes »,
3505
e sont livrés à l’impureté, selon les convoitises
de
leur cœur ». Comparons le Shiva Purana, le Kamasutra, le Mahabharata,
3506
é et catégorie spirituelle. Dans les littératures
de
l’Asie, on trouvera peu d’exemples convaincants — pour ma part, je n’
3507
Dans les littératures de l’Asie, on trouvera peu
d’
exemples convaincants — pour ma part, je n’en connais point — de ce qu
3508
vaincants — pour ma part, je n’en connais point —
de
ce que nous baptisons amour-passion, et l’on sait à quel point cette
3509
ur-passion, et l’on sait à quel point cette forme
de
l’amour est liée à ses expressions. La passion et l’amour mystique, l
3510
ntaux, posés à tous par les rigueurs mal tolérées
de
dogmes et de doctrines impératives, cependant que les voies de sagess
3511
à tous par les rigueurs mal tolérées de dogmes et
de
doctrines impératives, cependant que les voies de sagesse asiatiques
3512
de doctrines impératives, cependant que les voies
de
sagesse asiatiques sont seulement proposées, — à quelques-uns. Les re
3513
ulement proposées, — à quelques-uns. Les recettes
de
plaisir, ou d’immortalité par la rétention du semen, sont liées en As
3514
es, — à quelques-uns. Les recettes de plaisir, ou
d’
immortalité par la rétention du semen, sont liées en Asie à la piété,
3515
Asie à la piété, tandis que nos coutumes viennent
d’
un vieux fond païen et que notre hygiène moderne se veut « scientifiqu
3516
fique ». À cause de la nature du christianisme et
de
la nature de l’hindouisme ou du bouddhisme, la vie réelle de l’Occide
3517
use de la nature du christianisme et de la nature
de
l’hindouisme ou du bouddhisme, la vie réelle de l’Occident est en con
3518
e de l’hindouisme ou du bouddhisme, la vie réelle
de
l’Occident est en conflit avec la foi, tandis que la vie réelle de l’
3519
en conflit avec la foi, tandis que la vie réelle
de
l’Asie est en symbiose avec ses religions. Et si la symétrie de ces f
3520
en symbiose avec ses religions. Et si la symétrie
de
ces formules inquiète, revenons au quotidien banal, pris sur le vif :
3521
ve être un brahmane orthodoxe : « J’avais vécu en
Europe
, j’avais épousé une Européenne : apparemment, cela me donnait l’invra
3522
xe : « J’avais vécu en Europe, j’avais épousé une
Européenne
: apparemment, cela me donnait l’invraisemblable privilège de compren
3523
ment, cela me donnait l’invraisemblable privilège
de
comprendre les choses de l’amour.89 » Ceci encore, le cliché Orient-
3524
nvraisemblable privilège de comprendre les choses
de
l’amour.89 » Ceci encore, le cliché Orient-Occident = non-moi-person
3525
e moins cours en Orient que dans certains milieux
d’
Europe et d’Amérique sérieusement éperdus de sagesse asiatique, me par
3526
moins cours en Orient que dans certains milieux d’
Europe
et d’Amérique sérieusement éperdus de sagesse asiatique, me paraît ap
3527
s en Orient que dans certains milieux d’Europe et
d’
Amérique sérieusement éperdus de sagesse asiatique, me paraît appeler
3528
lieux d’Europe et d’Amérique sérieusement éperdus
de
sagesse asiatique, me paraît appeler deux remarques, à vrai dire d’in
3529
ue, me paraît appeler deux remarques, à vrai dire
d’
inégale importance, et qu’on voudrait déconcertantes. 1. Précaution de
3530
, et qu’on voudrait déconcertantes. 1. Précaution
de
méthode dialectique. — Au défi de dogmes sublimes et qui prétendent t
3531
. 1. Précaution de méthode dialectique. — Au défi
de
dogmes sublimes et qui prétendent transfigurer la vie concrète, l’Occ
3532
ses résistances naturelles, et qui font l’intérêt
de
sa vie amoureuse. Mais l’Orient se contente de proposer des voies aux
3533
êt de sa vie amoureuse. Mais l’Orient se contente
de
proposer des voies aux Renonçants (ou sannyasins) qui ont épuisé la c
3534
s) qui ont épuisé la coupe, ou la dédaignent. Pas
de
drame, encore moins de tragique, et surtout pas de tout ou rien, mais
3535
upe, ou la dédaignent. Pas de drame, encore moins
de
tragique, et surtout pas de tout ou rien, mais d’innombrables variété
3536
e drame, encore moins de tragique, et surtout pas
de
tout ou rien, mais d’innombrables variétés dans l’approche de l’ultim
3537
de tragique, et surtout pas de tout ou rien, mais
d’
innombrables variétés dans l’approche de l’ultime réalité. Où nous ver
3538
ien, mais d’innombrables variétés dans l’approche
de
l’ultime réalité. Où nous verrions contradiction, antinomie, ils ne m
3539
nces ne s’opposent pas. S’il arrive que certaines
de
leurs croyances semblent bien se confondre avec les nôtres (semblent
3540
(semblent bien affirmer, par exemple, la réalité
de
la personne ou du prochain) on n’en saurait déduire qu’elles excluent
3541
aire, ou que l’on s’était mépris sur le vrai sens
de
leurs affirmations répétées du contraire (comme la non-existence du m
3542
la non-existence du moi). Illustrons cela. L’idée
de
vocation personnelle accomplie aux dépens de l’individu est loin d’êt
3543
nelle accomplie aux dépens de l’individu est loin
d’
être absente de la Bhagavad-Gita : Sois détaché et accomplis l’action
3544
aux dépens de l’individu est loin d’être absente
de
la Bhagavad-Gita : Sois détaché et accomplis l’action qui est ton de
3545
t, vaut mieux que le devoir parfaitement accompli
d’
un autre. Le dharma d’un autre est plein de dangers. (III, 35) Et dan
3546
evoir parfaitement accompli d’un autre. Le dharma
d’
un autre est plein de dangers. (III, 35) Et dans les upanishads : La
3547
compli d’un autre. Le dharma d’un autre est plein
de
dangers. (III, 35) Et dans les upanishads : La vie n’a servi de rien
3548
I, 35) Et dans les upanishads : La vie n’a servi
de
rien à celui qui quitte ce monde sans avoir réalisé son propre monde
3549
on non accomplie. (Brihad-âranyaka Up.) La notion
de
l’amour du prochain, et l’injonction évangélique d’aimer aussi son en
3550
l’amour du prochain, et l’injonction évangélique
d’
aimer aussi son ennemi ne sont pas absentes du bouddhisme car l’ennemi
3551
enseigna le zen à toutes les Amériques dégoûtées
de
l’Occident, et de plus en plus à l’Europe, va jusqu’à dire que la mét
3552
s dégoûtées de l’Occident, et de plus en plus à l’
Europe
, va jusqu’à dire que la méthode bouddhiste « consiste à transformer É
3553
philosophie sans dogmatique. Nous parlerons alors
d’
inconséquence logique ? Mais notre science n’a-t-elle pas inventé plus
3554
cés spirituels correspondant à différents niveaux
d’
évolution, à différents degrés d’éveil de la conscience… 2. Mise en qu
3555
fférents niveaux d’évolution, à différents degrés
d’
éveil de la conscience… 2. Mise en question par l’expérience vécue. —
3556
niveaux d’évolution, à différents degrés d’éveil
de
la conscience… 2. Mise en question par l’expérience vécue. — Dans le
3557
question par l’expérience vécue. — Dans le roman
de
Raja Rao qu’on vient de citer, cette sentence d’un upanishad reparaît
3558
de Raja Rao qu’on vient de citer, cette sentence
d’
un upanishad reparaît à plusieurs reprises : En vérité, à quoi se rapp
3559
reprises : En vérité, à quoi se rapporte l’amour
d’
un mari pour sa femme ? Non point à la femme, mais en vérité au Soi qu
3560
lle phrase, j’éprouve d’abord ceci : le sentiment
d’
une immédiate et vive reconnaissance. Car toute vérité sur l’amour est
3561
atement reconnue par celui qui s’est mis en quête
d’
un savoir de l’amour qu’il vit. N’importe qui m’avertira que le Soi de
3562
nnue par celui qui s’est mis en quête d’un savoir
de
l’amour qu’il vit. N’importe qui m’avertira que le Soi de l’Inde n’es
3563
ur qu’il vit. N’importe qui m’avertira que le Soi
de
l’Inde n’est pas le vrai Dieu des chrétiens, qui est personnel. On co
3564
artir de là que nos questions deviennent capables
de
réponses. Sur cette phrase des upanishads, sur le dialogue qui peut s
3565
ds, sur le dialogue qui peut s’instituer à partir
d’
expériences re-connues, on pourrait écrire tout un livre. (Mais si c’é
3566
nnu tout d’abord en soi-même — le vrai moi, sujet
de
l’amour, et l’aider à prendre conscience de ce qu’il est ou peut deve
3567
sujet de l’amour, et l’aider à prendre conscience
de
ce qu’il est ou peut devenir. N’est-ce pas l’aider à réfléchir la lum
3568
enir. N’est-ce pas l’aider à réfléchir la lumière
de
l’amour créateur ? Non, ce serait là trop dire, et pas assez. Aimer,
3569
pas assez. Aimer, c’est aider l’autre à se situer
de
telle manière que la lumière se voie en lui, mais qu’en même temps le
3570
se voie en lui, mais qu’en même temps le vrai moi
de
l’amant s’y découvre, autrement éclairé, et par là subtilement changé
3571
-ce le Nom qu’on lui donne qui diffère, — ou quoi
d’
autre ? Le point du dialogue est ici. Un point seulement, sans étendue
3572
re : l’Occidental ou l’Oriental. Tous les risques
d’
erreur sont de notre côté, nous les payons par les névroses ou l’abêti
3573
tal ou l’Oriental. Tous les risques d’erreur sont
de
notre côté, nous les payons par les névroses ou l’abêtissement spirit
3574
out ce qui existe ; (à tel point que le seul fait
d’
exister devient pour eux l’équivalent de notre péché originel). Ils en
3575
seul fait d’exister devient pour eux l’équivalent
de
notre péché originel). Ils en ont fait autant pour les névroses qui s
3576
tout entier semble résulter — selon leurs sages —
d’
une gigantesque schizophrénie du Soi. (Mais il sera finalement résorbé
3577
Tout est le contraire du drame. Tous les risques
d’
erreur sont liés à notre amour ; et plus l’amour est passionné, exigea
3578
royons aimer en elle, est-ce elle-même ou l’image
de
notre ange ? Ce que nous avons cru voir en elle, et que nous déifions
3579
alystes nous l’ont dit : l’erreur sur la personne
de
l’être aimé est la source des pires conflits, une violence faite à l’
3580
ce des pires conflits, une violence faite à l’âme
de
l’autre, à son corps ou à son esprit — ou encore à son moi total non
3581
imer mieux, c’est apprendre à discerner la raison
d’
être — donc d’être unique — de l’autre aimé, comme de soi-même. Ce cor
3582
est apprendre à discerner la raison d’être — donc
d’
être unique — de l’autre aimé, comme de soi-même. Ce corps visible que
3583
discerner la raison d’être — donc d’être unique —
de
l’autre aimé, comme de soi-même. Ce corps visible que vient animer un
3584
tre — donc d’être unique — de l’autre aimé, comme
de
soi-même. Ce corps visible que vient animer un mouvement singulier et
3585
vient animer un mouvement singulier et fascinant
de
l’être… « Aimer ce que jamais on ne verra deux fois ! » — Aimer, c’es
3586
on « Dieu » dans ses créatures, puisqu’il est dit
de
Lui qu’il est amour. — Mais Dieu pour nous est une Personne, et nous
3587
tout en tous ». Depuis six millénaires, les sages
de
l’Asie n’ont pas varié dans leur croyance à la dualité de l’Un et du
3588
e n’ont pas varié dans leur croyance à la dualité
de
l’Un et du Multiple, dualité finalement illusoire puisqu’un jour — do
3589
une trace, comme n’ayant pas eu lieu. Le triomphe
de
ces spirituels et de leur eschatologie se confondra ce jour-là avec l
3590
ant pas eu lieu. Le triomphe de ces spirituels et
de
leur eschatologie se confondra ce jour-là avec l’aboutissement d’un p
3591
ogie se confondra ce jour-là avec l’aboutissement
d’
un processus entièrement matériel calculé par la science occidentale :
3592
es plans poétique et religieux du Second principe
de
la thermodynamique. L’autre moitié de l’humanité croit dur comme fer
3593
nd principe de la thermodynamique. L’autre moitié
de
l’humanité croit dur comme fer à la réalité tangible, insuffisante, p
3594
e fer à la réalité tangible, insuffisante, pleine
de
mystères, des apparences actuelles, qu’elle s’évertue en conséquence
3595
la vie et contre l’entropie94. Elle ne sait plus
d’
où lui vient cette passion qui a produit la technique et les sciences,
3596
homme et une extraordinaire avidité. Le sens réel
de
l’aventure échappe à la majorité de ceux qu’elle entraîne. Et il est
3597
Le sens réel de l’aventure échappe à la majorité
de
ceux qu’elle entraîne. Et il est vrai qu’on ne saurait guère le conce
3598
’on ne saurait guère le concevoir sans une vision
de
sa fin anticipée. La petite phrase de saint Paul au début de notre èr
3599
une vision de sa fin anticipée. La petite phrase
de
saint Paul au début de notre ère, « Dieu tout en tous », d’un seul tr
3600
nticipée. La petite phrase de saint Paul au début
de
notre ère, « Dieu tout en tous », d’un seul trait fulgurant décrit ce
3601
aul au début de notre ère, « Dieu tout en tous »,
d’
un seul trait fulgurant décrit cette fin. Dès lors, au duel de l’Un et
3602
ait fulgurant décrit cette fin. Dès lors, au duel
de
l’Un et du Multiple est substitué le drame de l’Un et des Uniques : —
3603
uel de l’Un et du Multiple est substitué le drame
de
l’Un et des Uniques : — à l’anéantissement final dans l’unisson, l’ha
3604
l’anéantissement final dans l’unisson, l’harmonie
d’
un chœur infini ; — à la régressive extinction des différences éphémèr
3605
— à l’individuel aboli par une longue aspiration
de
l’Atman, le personnel éternisé par l’effort vivifiant de l’Imaginatio
3606
man, le personnel éternisé par l’effort vivifiant
de
l’Imagination. Ce sont là deux doctrines, deux vues des spirituels. Q
3607
es spirituels. Quelle est la vraie ? Si les sages
de
l’Orient ont raison, personne ne pourra le vérifier à la consommation
3608
eux Créations totalement insensées. Si les saints
de
l’Occident ont raison, ils seront seuls à être là pour le savoir. La
3609
e sera celle que nous choisirons, en vérité vécue
de
conscience et d’action. Les résultats actuels et historiques sont amb
3610
nous choisirons, en vérité vécue de conscience et
d’
action. Les résultats actuels et historiques sont ambigus à l’infini,
3611
l’ignorance malheureuse des origines et des fins
de
ce qu’ils croient, bien qu’ils en vivent plus ou moins bien, et même
3612
’Orient est resté jusqu’ici, et que ces doctrines
d’
extinction n’ont pas tué l’illusion du moi ; au contraire, ce moi sans
3613
aloir ses revendications, par plusieurs centaines
de
millions de bouches à nourrir, et demain de cerveaux à diriger. Nous
3614
vendications, par plusieurs centaines de millions
de
bouches à nourrir, et demain de cerveaux à diriger. Nous pressentons
3615
aines de millions de bouches à nourrir, et demain
de
cerveaux à diriger. Nous pressentons dans la terreur et l’espérance c
3616
t peut devenir : soit s’engloutir dans l’Illusion
de
la matière (et l’Orient aurait eu raison), soit accomplir sa vocation
3617
iffrer l’Être dans le singulier et les structures
de
l’énergie universelle. Car c’est au secret des personnes que nous ten
3618
ar c’est au secret des personnes que nous tentons
d’
écouter la Personne, mais c’est dans la matière que nous cherchons le
3619
« un ardent désir, attend la révélation des fils
de
Dieu ». (Romains 8). Et saint Justin, l’œcuménique du iie siècle, os
3620
t Justin, l’œcuménique du iie siècle, ose parler
d’
un salut de la Matière. À force de l’étreindre de ses mains, de la mes
3621
’œcuménique du iie siècle, ose parler d’un salut
de
la Matière. À force de l’étreindre de ses mains, de la mesurer par la
3622
d’un salut de la Matière. À force de l’étreindre
de
ses mains, de la mesurer par la vue, de la dissoudre et de la recompo
3623
la Matière. À force de l’étreindre de ses mains,
de
la mesurer par la vue, de la dissoudre et de la recomposer, de l’épie
3624
étreindre de ses mains, de la mesurer par la vue,
de
la dissoudre et de la recomposer, de l’épier dans sa vie secrète, com
3625
ins, de la mesurer par la vue, de la dissoudre et
de
la recomposer, de l’épier dans sa vie secrète, comme l’alchimiste, ce
3626
par la vue, de la dissoudre et de la recomposer,
de
l’épier dans sa vie secrète, comme l’alchimiste, cette matière du cos
3627
alchimiste, cette matière du cosmos en expansion,
de
l’atome élusif, des corps vivants, l’homme d’Occident ne cherche pas
3628
on, de l’atome élusif, des corps vivants, l’homme
d’
Occident ne cherche pas seulement à dévoiler ses lois secrètes, mais à
3629
est dans l’individuel, et l’Être dans les raisons
d’
être des uniques. Or ce choix est celui de l’amour, de la connaissance
3630
raisons d’être des uniques. Or ce choix est celui
de
l’amour, de la connaissance par l’amour, car tout ce qui existe est u
3631
re des uniques. Or ce choix est celui de l’amour,
de
la connaissance par l’amour, car tout ce qui existe est unique, à voi
3632
’amour, car tout ce qui existe est unique, à voir
de
près, comme voit l’amour. 60. Cf. Charles Baudoin, Découverte de l
3633
t l’amour. 60. Cf. Charles Baudoin, Découverte
de
la Personne, 1940, p. 22. Cet ouvrage est le meilleur exposé du perso
3634
si Ch. Baudoin me paraît un peu trop pessimiste,
de
son propre point de vue, D. T. Suzuki passe la mesure dans l’autre se
3635
Corbin, L’Imagination créatrice dans le soufisme
d’
Ibn Arabi, 1958, p. 28 et 50. 62. Ibid., p. 131. 63. Henry Corbin,
3636
p. 131. 63. Henry Corbin, Terre céleste et corps
de
résurrection, 1960, p. 31. 64. Sur les solutions proposées à ce prob
3637
Alexandra David-Neel donne une Parabole tibétaine
de
la « personne » dans l’op. cit. « Une “personne” ressemble à une asse
3638
Une “personne” ressemble à une assemblée composée
d’
une quantité de membres. La discussion ne cesse jamais. Parfois, un de
3639
ressemble à une assemblée composée d’une quantité
de
membres. La discussion ne cesse jamais. Parfois, un de ses membres se
3640
mbres. La discussion ne cesse jamais. Parfois, un
de
ses membres se lève, prononce un discours, préconise une action ; ses
3641
qu’il a proposé. D’autres fois, plusieurs membres
de
l’assemblée se lèvent ensemble, proposent des choses différentes et c
3642
emble, proposent des choses différentes et chacun
d’
eux appuie ses propositions sur des raisons particulières. On en vient
3643
collègues. Il advient aussi que certains membres
de
l’assemblée la quittent d’eux-mêmes ; d’autres sont graduellement pou
3644
i que certains membres de l’assemblée la quittent
d’
eux-mêmes ; d’autres sont graduellement poussés au-dehors et d’autres,
3645
ssés au-dehors et d’autres, encore, sont expulsés
de
force par leurs collègues. Pendant ce temps, de nouveaux venus s’intr
3646
s de force par leurs collègues. Pendant ce temps,
de
nouveaux venus s’introduisent dans l’assemblée, soit en s’y glissant
3647
s portes. On remarque encore que certains membres
de
l’assemblée dépérissent lentement ; leur voix devient faible, on fini
3648
finissent par s’instituer dictateurs. Les membres
de
cette assemblée, ce sont les éléments physiques et mentaux qui consti
3649
nos idées, nos croyances, nos désirs, etc. Chacun
de
ceux-ci se trouve être, de par les causes qui l’ont engendré, le desc
3650
s qui l’ont engendré, le descendant et l’héritier
de
multiples lignes de causes, de multiples séries de phénomènes remonta
3651
, le descendant et l’héritier de multiples lignes
de
causes, de multiples séries de phénomènes remontant loin dans le pass
3652
dant et l’héritier de multiples lignes de causes,
de
multiples séries de phénomènes remontant loin dans le passé et dont l
3653
e multiples lignes de causes, de multiples séries
de
phénomènes remontant loin dans le passé et dont les traces se perdent
3654
t dont les traces se perdent dans les profondeurs
de
l’éternité. » Nous connaissons assez bien cela en Occident. Bismarck
3655
n Occident. Bismarck écrit : « Faust se plaignait
d’
avoir deux âmes en lui. J’ai en moi une foule d’âmes turbulentes. Et t
3656
t d’avoir deux âmes en lui. J’ai en moi une foule
d’
âmes turbulentes. Et tout se passe comme dans une république. » À rega
3657
est forme dominante et gouvernante. Si on tentait
de
l’observer à l’aide d’un microscope, l’éléphant lui aussi ne serait p
3658
gouvernante. Si on tentait de l’observer à l’aide
d’
un microscope, l’éléphant lui aussi ne serait plus qu’une vaste illusi
3659
plus qu’une vaste illusion. 70. Les Questions
de
Milinda (Milindahunha), ier siècle A.D. Milinda est le roi indo-grec
3660
304-305. 73. Ces deux phrases sont à rapprocher
de
cette vue d’un soufi : « Le paradis du gnostique fidèle, c’est son co
3661
. Ces deux phrases sont à rapprocher de cette vue
d’
un soufi : « Le paradis du gnostique fidèle, c’est son corps même, et
3662
nostique fidèle, c’est son corps même, et l’enfer
de
l’homme sans foi ni connaissance c’est également son corps même. » (C
3663
Corbin, L’Imagination créatrice dans le soufisme
d’
Ibn Arabi, p. 88. 76. Ibn Arabi, in Henry Corbin, op. cit., p. 111.
3664
qu’aux yeux de celui qui nie l’âme ; mais alors,
d’
où viendrait cet amour, à qui irait-il ? La passion de Tristan est la
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viendrait cet amour, à qui irait-il ? La passion
de
Tristan est la preuve de l’âme, s’il en fut jamais. 82. Katha upanis
3666
ui irait-il ? La passion de Tristan est la preuve
de
l’âme, s’il en fut jamais. 82. Katha upanishad. 83. Alexandra David
3667
t la vraie religion.” (La vraie ! Aux autres, pas
de
bonjour.) » 86. Lingopasanârahasya. 87. Alain Daniélou, Le Polythé
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rien dans la littérature qui confronte avec plus
de
tendresse et de rigueur l’Est et l’Ouest. Lire aussi, mais c’est beau
3669
ttérature qui confronte avec plus de tendresse et
de
rigueur l’Est et l’Ouest. Lire aussi, mais c’est beaucoup moins tendr
3670
pour les deux, c’est même féroce, le chef-d’œuvre
d’
Henri Michaux, Un Barbare en Asie. Lire enfin de Rudolf Kassner, Le Li
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e d’Henri Michaux, Un Barbare en Asie. Lire enfin
de
Rudolf Kassner, Le Livre de ma Vie. Puis aller en Inde et sentir l’in
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e en Asie. Lire enfin de Rudolf Kassner, Le Livre
de
ma Vie. Puis aller en Inde et sentir l’innombrable, le « corps magiqu
3673
uteur ne vienne ici à la rencontre des catégories
de
L’Amour et l’Occident un peu plus qu’il ne serait souhaitable, de s
3674
ccident un peu plus qu’il ne serait souhaitable,
de
son propre point de vue. 91. On pourra retrouver ce passage dans la
3675
es empruntées comme plusieurs autres ici au roman
de
Raja Rao, Le Serpent et la Corde. 93. Pierre Teilhard de Chardin, La
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Corde. 93. Pierre Teilhard de Chardin, La Route
de
l’Ouest (inédit). 94. Il serait peut-être fécond d’interpréter le pr
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l’Ouest (inédit). 94. Il serait peut-être fécond
d’
interpréter le principe de Carnot-Clausius (accroissement général de l
3678
serait peut-être fécond d’interpréter le principe
de
Carnot-Clausius (accroissement général de l’entropie, mort lumineuse)
3679
rincipe de Carnot-Clausius (accroissement général
de
l’entropie, mort lumineuse) en termes de métaphysique orientale, et l
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termes de métaphysique orientale, et le principe
d’
exclusion de Pauli (individuation des électrons, conditionnant la « vi
3681
étaphysique orientale, et le principe d’exclusion
de
Pauli (individuation des électrons, conditionnant la « vie ») en term
3682
co y aura sans doute pensé. av. Rougemont Denis
de
, « La personne, l’ange et l’absolu, ou le dialogue Occident-Orient »,