1 1931, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Les Éléments de la grandeur humaine, par Rudolf Kassner (octobre 1931)
1 Existenzphilosophie » et son extrême conséquence. Dans la mesure même où Kassner se montre disciple de Kierkegaard, sa pensé
2 rets plutôt que sur des formules explicites. Même dans son essai le plus discursif, relativement, celui qui donne son titre
3 au contraire, l’homme qui doit être surpassé, vit dans la démesure, et lorsqu’il « veut prendre mesure de lui-même, il se se
4 endons que pour lui, penser n’est pas se débattre dans ses contradictions personnelles, parlementarisme intérieur qui nous m
5 t son être spirituel des faits nouveaux et vrais, dans un certain style. Car il n’est point de vérité sans forme. Quelques p
6 e ne saurait être comprise à moins d’être recréée dans sa forme — ce dont certaine clarté dispense le lecteur. On pourrait d
7 il réfute ses adversaires — Freud en particulier, dans Christ et l’âme du monde — mais bien plutôt qu’à force d’approfondir
8 les ruine intérieurement ; ou encore les dissout dans une réalité plus absolue. Telle est la forme des dialogues où culmine
9 1. Obscurité : Kassner ne pose pas les problèmes dans nos catégories psychologiques. Il prend tout par des biais qui nous s
2 1931, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Sarah, par Jean Cassou (novembre 1931)
10 ssou (novembre 1931)b Quelque chose d’espagnol dans la démarche ; un tour qui ferait penser aux conteurs de la fin du xvi
11 er aux conteurs de la fin du xviiie  ; des sujets dans le goût allemand, tels sont les éléments qui composent non sans parad
12 cœur humain découvrant son impuissance à susciter dans le monde l’amour dont il aurait besoin, qu’il imagine et dont il meur
13 te à ne pas se rendre compte de ce qu’ils vivent. Dans quelques-uns des plus significatifs de ces récits (Dieu et le sommeil
14 cueil de contes romantiques, cas tout à fait rare dans la littérature française, et qui comporte en soi quelque chose de déc
15 rtant d’un tel livre me paraît résider avant tout dans l’ordre des faits qu’il met en jeu, dans la problématique qu’il parvi
16 ant tout dans l’ordre des faits qu’il met en jeu, dans la problématique qu’il parvient à susciter au cours de ces brèves ima
3 1932, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Les Signes parmi nous, par C. F. Ramuz (janvier 1932)
17 sition trop romantique que d’avoir cru distinguer dans ces œuvres je ne sais quelle complaisance qui les faisait éviter d’in
18 is ni d’original, mais au contraire nous plongent dans l’humiliation, dans l’effroi ou dans la violence ? Le temps vient cep
19 is au contraire nous plongent dans l’humiliation, dans l’effroi ou dans la violence ? Le temps vient cependant où la métaphy
20 ous plongent dans l’humiliation, dans l’effroi ou dans la violence ? Le temps vient cependant où la métaphysique se posera o
21 e le grand, c’est-à-dire on voit paraître l’homme dans sa grandeur, c’est-à-dire dans l’élémentaire : un être qui est nu, qu
22 t paraître l’homme dans sa grandeur, c’est-à-dire dans l’élémentaire : un être qui est nu, qui a froid, qui a faim, qui a ét
23 utionnaire, parce que trop radical, trop enraciné dans l’élémentaire ; élaborant son œuvre à un niveau d’où bourgeoisie et r
24 . Regarde, tout y tient ensemble fortement, comme dans le tableau d’un grand peintre ». Ah ! la grandeur de ce peuple ramuzi
25  ! la grandeur de ce peuple ramuzien, qui se meut dans je ne sais quelle lourdeur « originale » et unanime, en communion ave
26 ême langage, qu’ils l’inscrivent sur le papier ou dans la terre. Un tel sens de la communauté put induire certains à parler
27 re qu’aux racines de l’élémentaire », écrivait-il dans ses Six Cahiers. Parlons plutôt de son « communisme », nullement coll
28 volte, la guerre et la mortalité. Caille s’avance dans la journée, et l’angoisse autour de lui grandit. De partout l’orage s
29 ît bien qu’on n’est pas morts ! » Le monde renaît dans une soirée pure et le baiser d’un couple heureux. Rarement la forme a
30 eignit une autorité comparable à celle qui éclate dans cet ouvrage entièrement créé, entièrement « autorisé ». Art, on le sa
31 peu à peu on ne sait quelle puissance naturelle, dans sa fascinante et grandiose monotonie. Art dont la mesure ne doit pas
32 nie. Art dont la mesure ne doit pas être cherchée dans le pittoresque, ni dans l’ingéniosité, ni dans l’harmonie de sons, ma
33 ne doit pas être cherchée dans le pittoresque, ni dans l’ingéniosité, ni dans l’harmonie de sons, mais bien dans la pesée. T
34 ée dans le pittoresque, ni dans l’ingéniosité, ni dans l’harmonie de sons, mais bien dans la pesée. Tous les procédés ramuzi
35 ngéniosité, ni dans l’harmonie de sons, mais bien dans la pesée. Tous les procédés ramuziens, juxtapositions brutales, inter
36 e avec cette lenteur qu’elle impose, nous replace dans la vision grande et efficace des choses les plus simples. Mais il fau
37 orme ; l’actualise — la fait acte — en l’arrêtant dans cette forme et lui donnant une date. Les périodes qui « marquent » da
38 i donnant une date. Les périodes qui « marquent » dans l’Histoire sont celles où la forme d’un mythe affleure, s’incarne et
39 se. Or toute crise est un jugement6, — un « arrêt dans une forme ». Cela se voit par l’étymologie. Aussi, par le passage à l
40 réussite couvrait. Où va notre or, en réalité ? ( Dans quelle direction principale.) Où tend notre action centuplée par les
41 es grossières. Peut-être voit-on mieux maintenant dans quel esprit Ramuz les pose, et que précisément c’est l’esprit de ces
42 e poète en tout temps a le pouvoir de le susciter dans son œuvre, comme le mystique dans sa prière. Et c’est pourquoi le poè
43 de le susciter dans son œuvre, comme le mystique dans sa prière. Et c’est pourquoi le poète, Ramuz, l’homme qui vit concrèt
44 vit concrètement les grands mythes et les réalise dans sa vision, cet homme sera toujours en puissance d’aujourd’hui, enraci
45 en puissance d’aujourd’hui, enraciné profondément dans une permanente actualité. 3. « Travail », dans Aujourd’hui, 29 octo
46 dans une permanente actualité. 3. « Travail », dans Aujourd’hui, 29 octobre 1931. 4. Le populisme est d’après le peuple.
47 état de crise ; et il n’y a de réalité que par et dans la crise… 7. On pourrait soutenir que l’époque 1900-1910 fut « inact
4 1932, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Le silence de Goethe (mars 1932)
48 sans tension ni grandeur : ils ne savent pas voir dans la sagesse faustienne qu’elle est surtout une défense contre le Démon
49 x qui vaticinent, ayant été moins loin que Goethe dans la domination des mystères. Ainsi se réclament-ils de Rimbaud. Peut-ê
50 is renonce à la magie, et se tait. Goethe, initié dans sa jeunesse, commence d’écrire vers ce temps, mais, la fièvre tombée,
51 autres choses un écrivain, et se soucia de l’être dans la mesure seulement où il portait en tous les domaines de son activit
52 ait dire maintenant, ce qui ne cesse de provoquer dans notre esprit l’étonnement du premier regard, c’est la similitude de f
53 similitude essentielle, hors du temps, qui paraît dans ces deux expériences, à mesure qu’on les abstrait de toute la littéra
54 ré Goethe autant que Rimbaud, mais, croyons-nous, dans leur habitus individuel bien plus que dans leur commune grandeur. Seu
55 -nous, dans leur habitus individuel bien plus que dans leur commune grandeur. Seule la croyance en une analogie universelle
56 ux pour qui seule compte certaine « originalité » dans l’ordre — au mieux — esthétique, je ne m’en étonnerai point. Il s’agi
57 rètes » comme parle Jérôme Cardan, l’on en trouve dans toutes ses œuvres assez de signes irrévocables pour n’avoir plus beso
58 fervente Mlle de Klettenberg. Mais bien plus que dans une spiritualité facilement épurée, le mysticisme de celui qui, tout
59 ifiait un autel à la Nature, trouvait son aliment dans une méditation, renouvelée des rose-croix, et qui le porta même à que
60 lectures de son adolescence, figurent bel et bien dans son évolution une de ces crises où l’être spirituel découvre sa forme
61 ments inquiétants qui gouvernent trop puissamment dans son âme » qu’il appelle les arts d’une magie maîtrisée, c’est-à-dire
62 aysement spirituel, de la connaissance ésotérique dans ce qu’elle peut avoir de purement « étrange » ont à peine enfiévré le
63 que spéculation extra-terrestre, peut s’intégrer dans l’équilibre humain. Incident décisif qui figure en raccourci tout le
64 s cette maladie, et la convalescence, ont éveillé dans son esprit les premières tentations créatrices. À l’origine de son œu
65 ême à double effet. Qu’y a-t-il de plus agissant, dans une œuvre marquée du signe de la maturité, que cette présence rayonna
66 ession. C’est pourquoi je l’éprouve plus vivement dans certains passages des Affinités électives, d’une apparente platitude,
67 d’une apparente platitude, mais translucide, que dans le Conte du Serpent Vert, trop visiblement ésotérique. Équilibre si p
68 elles. Le silence mûrit à la faveur du secret, et dans la profondeur, des conceptions s’opèrent. C’est ainsi que la magie re
69 de fécondation spirituelle par où l’homme pénètre dans la réalité mystique. Et cet acte ne peut se produire que dans le plus
70 ité mystique. Et cet acte ne peut se produire que dans le plus profond silence de l’esprit, dans la région où seul accède ce
71 ire que dans le plus profond silence de l’esprit, dans la région où seul accède celui qui sait préserver sa passion au sein
72  contient l’élément pur, mais aussi l’être sombre dans le mystère de la fureur ». Cette complexe dialectique de la magie, Go
73 Goethe lui-même l’a stylisée en symboles concrets dans le Faust, œuvre longue comme sa vie de créateur exactement, et à tel
74 C’est tout le drame secret de l’œuvre qui s’avoue dans ce cri : chaque fois que Goethe invoque la catégorie sacrée de l’huma
75  ». Les grandes entités symboliques l’accueillent dans leur harmonie : c’est la « grande Magie » que Faust enfin rejoint dan
76 c’est la « grande Magie » que Faust enfin rejoint dans la pleine possession de ses forces et l’assurance du regard. L’âme, p
77 uille » par l’effort aveuglant de la vie, pénètre dans le Nouveau Jour et contemple l’Indescriptible. Si Faust est le drame
78 tre refusé. Transportez la dialectique faustienne dans la vie d’un être jeune et libre encore de toute contrainte sociale, c
79 cond Rimbaud est vraiment le même que le premier, dans une phase plus « réalisée ». L’homme moderne est peu fait pour compre
80 our des paroles comme « Si ton œil te fait tomber dans le péché, arrache-le et jette-le loin de toi ». Mais Rimbaud est d’un
81 up d’hommes de devenir un mythe à force de pureté dans la réalisation de leur destin. Rimbaud est notre mythe occidental : m
82 e de croix, qui sont la marque même de la réalité dans une conscience occidentale. Supprimez l’un des termes, et la vie se d
83 s audacieux. Pascal choisit une fois pour toutes, dans une crise lucide, au sein d’un vertige total. Rimbaud choisit dans un
84 cide, au sein d’un vertige total. Rimbaud choisit dans une crise instinctive qui ressemble à la chute soudaine de l’ivresse
85 oncement, le deuxième temps de cette dialectique, dans un mouvement que sa violence rend unique : c’est qu’ils reviennent to
86 lenteur. Il avance ainsi pas à pas, l’âme tendue dans une puissante circonspection, pendant soixante ans, sans jamais s’aba
87 il gratifie le pauvre Eckermann. Je ne puis voir dans ces façons que la distraction souveraine d’une âme tout occupée à dom
88 u qui rend invisible. ⁂ Cette similitude de forme dans le cours de la magie chez Goethe et chez Rimbaud, et d’autre part le
89 le contraste absolu des rythmes, vont se traduire dans la similitude des conclusions éthiques et dans la divergence des réal
90 re dans la similitude des conclusions éthiques et dans la divergence des réalisations littéraires. « Bon esprit, prends gard
91 l pathétique, mais quel écho n’eût-il pas éveillé dans l’âme du jeune ministre de 32 ans, adonné vers ce temps au plus dur e
92 est allé jusqu’à la délivrance consciente. Il y a dans tout désespoir à la fois l’angoisse de la catastrophe et la secrète,
93 ération. Impossible d’isoler ces deux composantes dans l’aventure rimbaldienne. Mais chez Goethe, c’est la longueur du temps
94 qui est supérieur. C’est pourquoi l’on fait bien, dans la vie ordinaire, de garder ces choses-là pour soi et de n’en découvr
95 isque le christianisme affirme que l’éternité est dans l’instant : Aeternitas non est tempus sine fine, sed nunc stans). Ell
96 ps nous pressent de toutes parts au choix, jusque dans nos admirations, nous pressent d’affecter toute chose, même spirituel
97 oefficient d’utilité. En ce jour de février 1932, dans ce Francfort en proie au Carnaval et à l’angoisse, ce n’est pas moi q
98 oisie dont je viens d’admirer les trésors patinés dans la haute demeure familiale des Goethe. Aujourd’hui… Un immense gliss
99 étournant de Goethe. Mais prenons garde de tomber dans un conformisme à rebours, victimes de valeurs sentimentales héritées
100 que jamais, il faudrait s’appliquer à distinguer dans ce vertige la réelle puissance d’une voix volontairement assourdie. L
5 1932, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Querelles de famille, par Georges Duhamel (mai 1932)
101 pessimiste, s’accorde mal avec l’impénitente foi dans le genre humain que M. Duhamel ne cesse d’entretenir17. Ce malaise da
102 ue M. Duhamel ne cesse d’entretenir17. Ce malaise dans l’expression traduit d’ailleurs une équivoque foncière et qui porte s
103 rtes veut être honnête, se complaire expressément dans une hargne tempérée de badinage. C’est à la fois trop et trop peu. Ca
104 bertaires, enraye la circulation, « mais traverse dans les clous ». 16. « La ménagère aux mains cuites qui raccommode ses
6 1932, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Ce chien, ton serviteur, par Rudyard Kipling (juillet 1932)
105 ling, et adapté, voire recréé par Jacques Valette dans une langue insolite et touchante, ni petit nègre, ni bêtifiante, d’un
106 des cris de joie. Les enfants comprendront-ils ? Dans la mesure seulement où le plan de dépoétisation de leur monde confié
7 1932, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Éloge de l’imprudence, par Marcel Jouhandeau (septembre 1932)
107 ce, par Marcel Jouhandeau (septembre 1932)g Si dans tous les écrits de notre temps il est question de bien, de mal, de vi
108 rtu : dépassement. Jouhandeau à son tour se place dans ces marches extrêmes du bien et du mal où l’apologie de l’un équivaut
109 . Pour tous ceux qui ont l’audace de se maintenir dans une telle dialectique, il n’existe pas un choix préalable à la tentat
110 celle de la tentation — c’est la même violence — dans chaque situation existentielle. En sorte qu’il n’est pas de préférenc
111 re facile, accordée au Bien par exemple, mais que dans chaque instant de l’existence le mal et le bien conservent toutes leu
112 u’une intensité ou une pureté toujours plus folle dans le bien comme dans le mal. « Je mettrais volontiers dans le même sac
113 une pureté toujours plus folle dans le bien comme dans le mal. « Je mettrais volontiers dans le même sac honnêtes et malhonn
114 bien comme dans le mal. « Je mettrais volontiers dans le même sac honnêtes et malhonnêtes gens, mais non pas le généreux av
115 puis le péché et le pardon. Et la grâce est déjà dans l’œil qui sait voir le péché au sein du mal et du bien à la fois. « M
8 1932, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Cahier de revendications [Présentation] (décembre 1932)
116 revendications constructives, révèlent peut-être, dans leur diversité, les premières lignes de force d’une nouvelle révoluti
117 objectifs respectifs sont communs… Déjà s’affirme dans l’attitude de tous ces groupes un véritable acte de présence à la mis
118 définir un front unique, fût-il provisoire. C’est dans cette vue qu’ont été réunies — rapidement car tout nous presse — les
9 1932, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). À prendre ou à tuer (décembre 1932)
119 ns choisi de vivre — telle est notre révolution — dans un monde qui nous préparait pour autre chose, dans une société organi
120 ans un monde qui nous préparait pour autre chose, dans une société organisée (et mal) contre les « risques-vie », livrée aux
121 us voulons rendre inconfortable, inadmissible, et dans toute l’urgence du terme : actuelle. Il y va de la qualité même de no
122 fondamental de toute « existence » se concrétise dans une « nécessité » révolutionnaire dont l’ampleur est sans précédent.
123 me de conflits d’intérêts. Mais pour nous, entrés dans la vie sous le coup d’une menace de faillite planétaire, il ne peut s
124 oudraient bien continuer, ayant certains intérêts dans l’affaire. Entre eux, la masse des braves gens persuadés qu’après tou
125 et avides. Et maintenant, c’est vous qui glissez dans l’angoisse. Vous et vos maîtres. Bientôt vous chercherez des équipes
126 e toute résistance interne, de cela justement que dans le désordre régnant, nous détestons de toute la force de notre âme :
127 lasses, ce pragmatisme, cet acte de foi optimiste dans le cours « dialectique » de l’Histoire, qui caractérisent la position
128 ne dialectique ternaire ; ils placent leur espoir dans l’avènement de synthèses successives, acheminant l’espèce vers un équ
129 xactement l’opposition de Kierkegaard et de Hegel dans le domaine religieux. Elle traduira demain l’opposition des nations c
130 e de ces créations pseudo-mystiques qui pullulent dans un monde athée. Quelle que soit d’ailleurs la conception historique q
131 t nous le faire croire. Une révolution n’agit pas dans le vide, mais contre quelque chose : elle se fera contre ces faits. E
132 rique à trois temps est une arbitraire projection dans les choses d’un mécanisme de « l’intelligence-outil ». Théorie dont l
133 rie dont le fatalisme interne reparaît sans cesse dans les propos des marxistes les plus émancipés, les moins « mécanistes »
134 tels. Et comme le marquait récemment T. S. Eliot, dans un article21 où s’exprimaient des vues parfois proches de celles d’Es
135 nt, Lénine réussit une révolution d’intellectuels dans un pays qui compte à cette époque moins de 3 millions d’ouvriers sur
136 plus souvent verbale, électorale ; elle n’est pas dans leur doctrine constructive. Elle se fonde sur des apparences, voire s
137 ous. L’Ordre nouveau, Combat, Esprit, travaillent dans la ligne des forces révolutionnaires profondes de la France. Cette ré
138 ’est la révolte jacobine, c’est la révolte de 89, dans ce qu’elle garde de valable et de dynamique ; c’est dès à présent le
139 nt le désordre établi. Mais nous allons plus loin dans la critique de ce désordre : jusqu’à ce point où le marxisme, révélan
140 asse que nous devons sauver, c’est l’homme menacé dans son intégrité. Sauver l’homme, ce n’est pas sauver des consommateurs.
141 t qui est la seule chose que les hommes éprouvent dans le fond de leur être. Il faut derrière ces idées une masse volontaire
142 tuer, parce que ce ne serait pas crever bassement dans la haine, mais ce serait un acte enfin dans lequel je posséderais tou
143 ement dans la haine, mais ce serait un acte enfin dans lequel je posséderais toute ma vie, d’un seul coup éclatant. Je n’ai
144 i qui agit. On me dira sans doute que je me perds dans ma mystique ? Allez, vous ne vous retrouvez que trop bien dans les vô
145 que ? Allez, vous ne vous retrouvez que trop bien dans les vôtres ! Déjà les hommes le pressentent : il n’y a rien d’autre à
146 re à attendre que cette force surhumaine d’entrer dans l’Ordre de la Pauvreté, qui vaincra toutes les révolutions — après le
147 Présence), en Espagne, en Hollande, en Irlande et dans les pays latins de l’Amérique, cette « troisième force », anticapital
148 on systématique du vrai conflit nécessité-liberté dans la mesure où elle existe en sol et dans sa durée propre, comme un 3e
149 é-liberté dans la mesure où elle existe en sol et dans sa durée propre, comme un 3e terme, en réalité, supprime l’un des deu
150 la vie de caserne acceptable » ? (Roland de Pury, dans Hic et Nunc , Paris, n° 1). j. Rougemont Denis de, « À prendre ou
10 1933, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Pétrarque, par Charles-Albert Cingria (avril 1933)
151 r en même temps le restaurateur du cicéronianisme dans tout ce que l’officialité moderne en représente — l’éloquence, l’érud
152 ien nous faire croire qu’un texte est intéressant dans la mesure même où il est dépourvu de pittoresque, c’est-à-dire, dans
153 où il est dépourvu de pittoresque, c’est-à-dire, dans ce cas, de traits humains révélateurs, ce qui est tout de même aller
154 actuelle » et multiple, ses incidences fréquentes dans les problèmes du temps et de tous les temps : la musique occidentale,
155 ale, les méfaits de Cicéron, le commerce des vins dans la vallée du Rhône, la marche en montagne, le romantisme, le national
156 , un peu précieuses, il jette l’esprit du lecteur dans le vif d’un sujet, et loin d’exploiter l’avantage de cette surprise,
157 ce livre est abondamment orné permettra de goûter dans le détail ce que l’on vient de louer dans l’ensemble. C’est la même p
158 goûter dans le détail ce que l’on vient de louer dans l’ensemble. C’est la même précision savoureuse dans le rendu de l’esp
159 ns l’ensemble. C’est la même précision savoureuse dans le rendu de l’esprit d’un texte, mais cela toujours grâce à des inven
160 ’est-à-dire sur ce qu’il y a de plus significatif dans un écrit « signé ». 24. Et qui d’ailleurs n’exclut pas de petites f
11 1933, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Une main, par C. F. Ramuz (juin 1933)
161 le niveau d’une certaine presse. Si l’on ne voit dans l’auteur d’Adam et Ève qu’une sorte de folkloriste, il faudra considé
162 qu’ailleurs, sa pensée ; on y voit de tout près, dans l’intimité d’une chambre, comment sa pensée marche, insiste, souffre.
163 arche, insiste, souffre. Et cela ne se passe plus dans le canton de Vaud, mais dans le domaine propre de Ramuz qui est l’élé
164 ela ne se passe plus dans le canton de Vaud, mais dans le domaine propre de Ramuz qui est l’élémentaire. Jamais il ne fut mi
165 Ramuz un examen de conscience. S’il s’interroge, dans Une Main, c’est plutôt un examen de son corps. Examen forcé d’ailleur
166 de, un feu de bois vert qu’on s’ingénie à allumer dans une cheminée qui tire mal. J’aime les choses qui sont à leur façon, t
12 1933, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Saint-Évremond ou L’humaniste impur, par Albert-Marie Schmidt (octobre 1933)
167 jet. Non point qu’il le maintienne arbitrairement dans les cadres d’une dogmatique morale : c’est plutôt qu’il suit Saint-Év
168 est plutôt qu’il suit Saint-Évremond de trop près dans les méandres de son éthique. Certes, il en fait valoir ainsi toutes l
169 vérité est-elle en déca ou au-delà du désespoir, dans les mesures humaines ou dans la folie divine ? Il semble bien que Sai
170 u-delà du désespoir, dans les mesures humaines ou dans la folie divine ? Il semble bien que Saint-Évremond ait jusqu’au bout
13 1933, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Le Deuxième Jour de la Création, par Ilya Ehrenbourg (décembre 1933)
171 roblème de la fonte, qui est le problème dominant dans cette région de la Sibérie. Entre eux, une jeune et touchante Irina,
172 eux mêmes d’une jeunesse fruste, innocente jusque dans ses cruautés ; tout jugement serait ici mesquin, on l’accordera volon
173 op spontanées. Il faudra, je crois, passer outre. Dans ce déchaînement d’orgueil humain, de scientisme primaire, dans cette
174 înement d’orgueil humain, de scientisme primaire, dans cette frénésie de bonne humeur, il y a une question. Non pas un doute
14 1934, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Taille de l’homme, par C. F. Ramuz (avril 1934)
175 réticente, d’une discrétion presque farouche, et dans la même lignée que Le Grand Printemps et Raison d’Être, voici encore
176 ême d’idées générales, ce qui est assez paradoxal dans une telle œuvre. Le sujet de Taille de l’Homme, c’est en effet l’oppo
177 e précision, et qui d’ailleurs n’ébranleront pas, dans leur foi, les marxistes. Mais ce qu’il décrit avec une véritable puis
178 . Il sait aussi que la mesure de cette taille est dans une foi, dans « quelque chose qui dépasse l’homme et le suppose en mê
179 i que la mesure de cette taille est dans une foi, dans « quelque chose qui dépasse l’homme et le suppose en même temps », éc
180 ique. Le « dépassement » peut aussi bien se faire dans l’immanence. La foi chrétienne dépasse-t-elle vraiment l’homme ? N’es
181 n plutôt ce qui le juge et en même temps le sauve dans ses limites, ici et maintenant ? C’est là le sens de l’Incarnation, e
15 1934, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Le Procès, par Franz Kafka (mai 1934)
182 de percer les apparences du monde pour s’enfoncer dans un ésotérisme, au contraire : il se borne à décrire ces apparences av
183 r étouffer le scandale. Josef K… fondé de pouvoir dans une banque, se voit arrêté un beau matin par deux inspecteurs. Ces me
184 e et capricieuse, dont les bureaux sont installés dans des faubourgs ignobles ou des greniers. Jamais K… ne parvient à l’ins
185 a pu y parvenir. À la fin du cauchemar, on le tue dans des conditions trop déprimantes pour qu’il puisse songer même à résis
16 1935, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Ni gauche ni droite (août 1935)
186 Nation ! » nation et peuple se confondaient alors dans la mystique de la révolution. Aujourd’hui l’on se voit sommé de chois
187 es adjectifs. Je traduis : l’opposition n’est pas dans les faits, mais dans les mystiques. Que valent ces mystiques détachée
188 uis : l’opposition n’est pas dans les faits, mais dans les mystiques. Que valent ces mystiques détachées du réel ? Je vois à
17 1935, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Paracelse, par Frédéric Gundolf (septembre 1935)
189 ifestes à tous, et qu’il exprimait, comme Luther, dans un allemand populaire et grossier30. Il faut se méfier de la gloire q
190 nterrer pour une année, coupé en petits morceaux, dans du crottin de cheval, et de faire subir à son corps toute la gamme de
191 it pas tout à fait repoussé. Un peu d’air pénétra dans le cerveau et Paracelse dut mourir avant d’avoir ressuscité ». Rajeun
192 astrologie et la théologie. Un grand souci paraît dans toute son œuvre : il veut être clair, et utile. Clair ne signifie pas
193 rit qui savait voir de grandioses correspondances dans le détail bizarre de notre microcosme, manquait de la seule chose don
194 ial de la médecine », comme l’écrit le Dr Allendy dans l’Essai sur la guérison, ouvrage tout imprégné de l’esprit vitaliste
195 , ouvrage dont on peut dire qu’il marque une date dans l’histoire de la connaissance du monde par le corps, ou si l’on veut,
196 ercher ce qu’est l’homme, et quelle est sa mesure dans l’univers qu’il a cru concevoir ! 30. « La monumentale grossièreté
197 vos scribouillards (Scribenten) je les dissoudrai dans de l’Alkali !… » Il propose dans le même passage de les brûler au fou
198 e les dissoudrai dans de l’Alkali !… » Il propose dans le même passage de les brûler au four, de les baptiser d’ordures, eux
199 iser d’ordures, eux et leur parenté, de les jeter dans le lac de Schwyz, etc., « et ce sera pour la vertu, quarte colonne de
18 1935, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Recherches philosophiques (septembre 1935)
200 n’empêchent personne de dormir, diminue nettement dans ce tome IV au profit de la recherche véritable, des imprudences passi
201 liser » la philosophie. Réaliser, c’est s’engager dans l’aventure politique ou religieuse. Au grand Hegel qui philosophe « a
202 andre Marc consacre à la situation de la personne dans le temps paraîtront par endroits un peu sommaires, mais ce défaut pro
203 e de la vigueur joyeuse dont l’auteur fait preuve dans l’attaque d’un problème entre tous urgent. Il se pourrait d’ailleurs
204 e les prolégomènes à toute action réelle résident dans la restauration d’un langage efficace. C’est dire l’intérêt, au sens
205 égation de Dieu entraîne la négation du prochain, dans un esprit voué à la plus torturante logique. s. Rougemont Denis de
19 1935, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Lawrence et Brett par Dorothy Brett ; Matinées mexicaines suivi de Pansies (poèmes), par D. H. Lawrence (octobre 1935)
206 erve ce genre d’écrit, c’est de nous laisser lire dans le jeu d’un être humain : rien ne flatte mieux notre désir d’ubiquité
207 nde si le souvenir de son œuvre est pour beaucoup dans l’intérêt que je prends aux chroniques minutieuses de sa vie33. A-t-o
208 tres, cette description d’une journée de Lawrence dans son ranch mexicain (c’est à Lawrence que Brett dit « vous » tout le l
209 e lessive ; à nouveau Frieda barbote avec plaisir dans ses baquets que vous emplissez sans relâche de l’eau du puits. J’appo
210 oi aussi, quelques seaux. Puis vous partez écrire dans les bois, et moi taper à la machine. À déjeuner, vous me dites que Cl
211 a barrière sud. Finalement, nous les pourchassons dans le corral, mais nous sommes plus éreintés que jamais. Puis Poppy se c
212 blême et fatigué. Un trait qui manque par hasard dans cette page, et qu’on retrouve dans toutes les autres, c’est la mauvai
213 que par hasard dans cette page, et qu’on retrouve dans toutes les autres, c’est la mauvaise humeur des Lawrence, leur humeur
214 votre vie, de vos affaires ; — Ne me fourrez pas dans vos soucis. » La mauvaise humeur est sans doute la caractéristique gé
215 ase du récit de Brett : « Puis vous partez écrire dans les bois. » On allait oublier l’écrivain. Il est là, adossé à un pin,
216 genoux. (Pendant que les autres font une carrière dans le « monde des lettres » et se composent un prestige !) Il invente se
20 1935, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Les Mystiques allemands du xiiie au xixe siècle, par Jean Chuzeville (octobre 1935)
217 re moins de sa vérité. Il y a donc de l’équivoque dans notre admiration (ou notre déception) devant les témoignages qu’on no
218 oi réelle, c’est la puissance active de l’Éternel dans ce temps. Cette définition condamne tout mysticisme qui ne serait, co
219 else, on s’étonnera sans doute de le voir figurer dans un choix de « mystiques », alors qu’il est le premier défenseur de l’
220 s sans doute M. Chuzeville s’est-il laissé guider dans son choix par un préjugé historique que le « Mage du Nord » eût trop
221 nsiste à rendre Luther responsable d’une scission dans la culture et la spiritualité allemandes, scission aboutissant par un
222 e Rougemont sur le Paracelse de Frédéric Gundolf, dans la NRF de septembre 1935.
21 1935, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). « Le plus beau pays du monde » (octobre 1935)
223 lle aux cheveux carotte, nommée Alice, écrit ceci dans son devoir d’anglais : « L’Angleterre est le plus beau pays du monde.
224 où allons-nous ? Quelqu’un qui est bien content, dans cette affaire, c’est le journaliste allemand qui la raconte, et qui n
225 rante de la beauté ?). « Démodé » : on se demande dans quel pays. « Pacifiste » ? Aujourd’hui, il n’y a plus que les pacifis
226 ystique, un idéal abstrait, un orgueil. Il existe dans la mesure où on l’exalte. Le patriotisme, c’est le contraire : il exi
227 e. Le patriotisme, c’est le contraire : il existe dans la seule mesure où il va de soi ; il faut qu’il reste un lien obscur,
228 ès enquête on aboutit à cette conclusion : il y a dans ce pays plus de beauté que dans tel et tel autre. C’est tout au contr
229 nclusion : il y a dans ce pays plus de beauté que dans tel et tel autre. C’est tout au contraire exprimer un refus pur et si
230 t l’intervention abusive de la raison comparative dans le domaine de l’incomparable. Si l’on tient compte du fait patriotiqu
22 1936, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Sur l’esprit incarné (février 1936)
231 incarné (février 1936)x M. Julien Benda écrit dans le numéro de janvier de la NRF la phrase suivante : « La religion de
232 a le droit d’opposer esprit pur à esprit incarné dans des termes tels qu’esprit incarné devienne synonyme de trahison intér
233 toutefois que la mission de l’esprit est d’entrer dans le monde, non point pour s’y soumettre, mais pour le transformer en v
23 1936, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Dictature de la liberté, par Robert Aron (mars 1936)
234 en a tiré, le premier, des conclusions pratiques dans le domaine du travail. Et sa première expérience de service civil, or
235 t politique de tyrannie exercée par un seul homme dans tous les domaines. 37. Particulièrement efficace dans la polémique :
236 tous les domaines. 37. Particulièrement efficace dans la polémique : voir les pages du dernier chapitre sur le colonel de l
24 1936, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Kierkegaard en France (juin 1936)
237 attaques, avec une patience ironique, mais aussi dans la crainte et le tremblement d’une foi sans cesse combattue, d’une vr
238 croire. Et pourtant, la définition même de la foi dans l’Évangile n’est-elle pas justement ce cri : « Je crois, Seigneur, vi
239 celle-ci : « Comment donner à une époque plongée dans la plus grande mollesse spirituelle » l’amère passion de faire mourir
240 le porte-parole des idées, des passions qui sont dans l’air, avec l’enthousiasme d’une éloquence chaude et entraînante. Pou
241 vera « chez le traducteur, à Bazoges-en-Pareds », dans une petite ferme, tout au fond du bocage vendéen, pays de secrets obs
242 ur de leur auteur. ⁂ Le centre de Kierkegaard est dans cette phrase : « La subjectivité est la vérité. » La subjectivité, ce
243 seulement son admirateur enthousiaste. On dirait, dans le langage d’aujourd’hui : c’est le fait de réaliser la vérité que l’
244 titudes de vie ou de pensée qui ne se fondent pas dans cette vision centrale et unitive. Il me semble que les neuf discours
245 randiose ironie tant qu’elle n’est pas actualisée dans l’acte de foi. Il n’y eut jamais de sérieux absolu39 que dans la vie
246 de foi. Il n’y eut jamais de sérieux absolu39 que dans la vie et dans la mort du Christ, homme et Dieu, car lui seul eut vra
247 eut jamais de sérieux absolu39 que dans la vie et dans la mort du Christ, homme et Dieu, car lui seul eut vraiment « le droi
248 vérité. C’est pourquoi l’acte de foi, qui saisit dans ce temps l’éternel paradoxe de la vie et de la mort du Christ, jette
249 pieuse, une illusion, un mythe, ou encore un saut dans le vide ? Et alors il n’y aurait nulle part de vrai sérieux ? Peut-êt
250 de cette Résurrection peut devenir quelque part, dans une vie, le hic et nunc de la foi ? Mais alors il n’y a pas de vrai s
251 la foi ? Mais alors il n’y a pas de vrai sérieux dans ma vie, tant qu’il n’y a pas eu cet acte de foi, ce renversement du d
252 poignante les problèmes de la vie banale. Il y a dans ce passage perpétuel de l’abstrait au concret, ou plutôt dans cette m
253 age perpétuel de l’abstrait au concret, ou plutôt dans cette mêlée shakespearienne de logique impitoyable et de bon sens pop
254 ette chronique était déjà imprimée, quand j’ai lu dans les Cahiers du Sud une étude de Benjamin Fondane qui s’en prend avec
255 de force qui cause sa perte. » Ibid., p. 53. 39. Dans sa belle préface au Concept d’Angoisse (trad. Tisseau, chez Alcan) Je
25 1936, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). L’Art poétique ou Qu’il faut penser avec les mains (décembre 1936)
256 e, je retiendrai d’abord deux mots : « poétique » dans le titre ; et « connaissance », qui s’inscrit à chaque page. La rumeu
257 d’oublis d’avertir, d’une série de contraventions dans l’impunité générale. Claudel montre partout son parti pris, qui est d
258 . Les autres (voyez leurs journaux) se sont jetés dans un énorme embouteillage, il n’y a plus qu’à se laisser pousser dans l
259 outeillage, il n’y a plus qu’à se laisser pousser dans le sens incertain de la masse. Or ce sens, tellement incertain qu’il
260 voire même, par antiphrase, le sens « courant ». Dans cette affaire, celui qui sait où il va risque encore d’augmenter l’em
261 r communes des significations qui à vrai dire, et dans le fait, ruinent les bases de la communauté. On convient de s’entendr
262 l’effet contraire : son succès même va s’inscrire dans une œuvre incommunicable au très grand nombre. Rendre au mot sa valeu
263 ieu, et recréer la catholicité. Mais c’est aussi, dans le monde d’aujourd’hui, se condamner à n’être pas compris. Paradoxe d
264 n co-naissent à la raison de ses beautés, énoncée dans l’Art poétique ? De cet ouvrage très sévère, et sublime en tant de pa
265 partout sa fin, complément ou efférence, sa part dans la composition de l’image, le mot qui profère son sens. » C’est un un
266 vec la fin universelle. Alors l’homme se complaît dans une fin qu’il fait sienne, c’est-à-dire qu’il s’isole et s’abstrait d
267 ion avec la source continue qu’il contient en lui dans son être : son geste n’est plus que la traduction, dans l’univers mat
268 on être : son geste n’est plus que la traduction, dans l’univers matériel, du sanglot de l’origine ». En même temps que la c
269 nir présente à l’esprit, par lequel il la conçoit dans son cœur, et répète l’ordre qui l’a créée, s’appelle la parole. » Nou
270 r se connaître, il lui suffit d’agir sa vocation. Dans l’acte conscient de la fin qui l’englobe, il n’y a plus de distinctio
271 uit les œuvres de l’esprit qui le remue ». Penser dans le train de la création, reformer sans cesse toutes les formes selon
272 40. En effet, la citation du Cratyle qu’il donne dans l’Art poétique (p. 172) dit exactement le contraire. 41. On pourrait
26 1937, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Une idée de Law (janvier 1937)
273 Une idée de Law (janvier 1937)ab C’est dans les Œuvres de Law qu’on trouve cette remarque hardie : La victoire ap
274 argent, on aurait un homme nouveau, au lieu que, dans le système actuel, on perd celui qu’on avait, sans profiter de celui
27 1937, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). De la propriété capitaliste à la propriété humaine et Manifeste au service du personnalisme, par Emmanuel Mounier (février 1937)
275 sent d’une utilité et d’une efficacité éclatantes dans l’embrouillamini politico-sentimental où nous ont plongés les doctrin
276 — presque trop brillante par endroits —, s’engage dans un exposé synthétique des doctrines thomistes, et rejoint avec un nat
277 tiens — elle ne revêt sa signification totale que dans l’ensemble de la construction personnaliste. Le récent Manifeste de M
278 ifs. Ce terme de personne, que nous jetions alors dans le débat politique et culturel, et qu’on nous reprochait non sans aig
279 aux mots leur sens. Il n’y a que cela de sérieux dans la politique moderne. Et le Manifeste de Mounier peut y contribuer la
280 apolitique qu’il se veuille, se trouve intéressé dans un pareil débat ? Cela va de soi. 44. Je pense que Mounier ne se di
281 ques. Ainsi « le riche, dit Bossuet, n’est toléré dans l’Église que pour servir le pauvre ». Et selon saint Thomas, « n’impo
282 ire du sien ». (Car cet argent de l’autre devient dans ce cas bien commun.) Mais je ne sache pas qu’on ait jamais songé à de
283 r la sécularisation des biens conventuels — biens dans lesquels Labriola pouvait voir l’origine de l’accumulation capitalist
284 alisme. 45. Le Précis publié par L’Ordre nouveau dans son numéro d’octobre 1936 en comble d’ailleurs quelques-unes. 46. Pa
285 uturier est plus amplement commenté par Rougemont dans le numéro d’Esprit de février 1937 : « Paul Vaillant-Couturier : Au s
28 1937, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). N’habitez pas les villes (Extrait d’un Journal) (juillet 1937)
286 traversée, cette étrange coupure qu’elle a faite dans ma vie, entre les derniers jours passés à Paris non sans fièvre, et c
287 Paris non sans fièvre, et cette arrivée au soleil dans une liberté naïve et nue, pauvre et joyeuse. Mais je vois bien qu’il
288 ien qu’il me faut expliquer pourquoi nous venions dans cette île à la saison où il convient plutôt de la quitter quand on le
289 d la table que je me suis fabriquée : j’ai trouvé dans le chai deux tréteaux et deux planches bien rabotées ; j’ai dressé ce
290 ndide et gai, oui vraiment plus gai qu’ascétique. Dans le chai, à la porte un peu trop basse, règne une pénétrante odeur de
291 sprit que la description objective. Me voici pris dans une expérience forcée de vie pauvre, libre et solitaire — trois grand
292 omadaires et journaux. Grande facilité de travail dans le silence à peu près absolu. Mais aussi j’ai l’impression nette d’ut
293 que j’écrivais. Il faut avouer qu’il s’agissait, dans ces articles, de ce que les gens croient être actuel, ou sont censés
294 roient être actuel, ou sont censés croire actuel, dans la littérature ou les idées. C’est cela qui paie, et qui m’ennuie. Ap
295 rde pour les petits événements qui se déroulèrent dans ce coin du pays, et surtout pour les légendes, locales, qui ont forte
296 l’éloquence des conventionnels… On trouve encore dans ce livre des anecdotes paysannes assez libres, rédigées dans un patoi
297 re des anecdotes paysannes assez libres, rédigées dans un patois un peu trop exemplaire. D’intéressantes précisions budgétai
298 ui rassemblerait tous les ouvrages analogues que, dans chaque sous-préfecture, un vieux docteur au fichu caractère a composé
299 t l’esprit de clocher se font une guerre acharnée dans ces pages et ils l’emportent tour à tour, jusqu’à la synthèse finale
300 n’est pas deux France ! Ou plutôt elles se mêlent dans un combat indivisible et nécessaire au cœur de chacun d’eux. Voilà l’
301 me est devenu gigantesque, majestueux, exemplaire dans sa symétrie architecturale. Il domine toutes les maisons et le cloche
302 t seul au-dessus du pays. Je voudrais le dessiner dans le style romantique, avec tous ses détails et toute son opulence, fri
303 e-ci est énorme et goutteuse. Elle a des douleurs dans les jambes, et m’en parle d’abord, pour me mettre en confiance. Je se
304 ans valeur. Port : quatre francs soixante-quinze. Dans l’après-midi, tandis que j’écris à ma table, j’entends grincer la por
305 nnées ».   1er décembre Dépenses du premier mois dans l’île : ménage, manger et boire, 480 francs ; (en général tout est pl
306 Recettes : 80 francs pour quelques notes publiées dans une revue. Reste : environ 200 francs. Le sentiment de dépendre entiè
307 Et s’il n’arrive rien ? « On ne meurt pas de faim dans nos pays », dit-on, et je crois bien que je l’ai dit quelquefois. Mai
308 mmes de ce village ce qui est essentiel et solide dans ma vie. Le simple fait que je ne puis pas les persuader que je travai
309 e. Et je n’ai nulle envie d’en prendre mon parti. Dans ce qu’ils ont pu entrevoir de mon activité, une seule chose les a fra
310 te de supériorité concrète dont je ne souffre pas dans ma vanité, c’est entendu, mais bien dans mon désir de sympathie humai
311 ffre pas dans ma vanité, c’est entendu, mais bien dans mon désir de sympathie humaine, d’échange direct sur pied d’égalité.
312 ent si je puis dire. Cela met un peu de fantaisie dans ses souvenirs, trop souvent racontés. (« Quand nous étions devant Tam
313 de timbres-poste découpés. Je m’attarde à causer dans leur cuisine, qui est leur habitation ordinaire. On ne peut rien dési
314 i. Simplement, ils n’ont jamais formé de phrases, dans leur tête, à propos de ces choses-là. Non seulement je ne sens pas qu
315 norme que personne ne pense à la dire… Peut-être, dans un siècle ou deux, se demandera-t-on comment nous avons pu rester si
316 n peu à la cuisine et casse beaucoup d’assiettes. Dans cette île, qui fut presque entièrement protestante au xvie siècle, M
317 On ne peut pas dire que tout ce travail épuisant dans l’inertie soit resté absolument vain : il y a eu quelques conversions
318 se faire entendre, si le seul espoir vrai réside dans la foi, qui ordonne de parler quand même ?   Janvier (à T…) Ce séjour
319 u’assurent soit le travail, soit la fortune, soit dans mon cas particulier, l’amitié. Un chômeur intellectuel peut encore tr
320 es regards sans nourrir la vision. Pas de mouches dans la lumière au ras des landes. Lucidité stérile du bel hiver ! La colè
321 de paisible, de grand, de mesquin, de millénaire dans cette faible activité humaine au ras du sol, sous ce grand soleil… Au
322 les rendez-vous, d’indifférence avaient repoussée dans nos lombes ; cette chose toujours neuve et nouvelle qu’est l’attente
323 tion véritable de l’homme : il est celui qui agit dans l’attente. Il attend des révélations. C’est évident ! Ses actions les
324 ymboles, invites angoissées ou séductions tentées dans l’inconnu. Autrement, comment supporter leur petitesse ? Si je gratte
325 si nos gestes se prolongent, et leur grandeur est dans l’attente qu’ils trahissent. Si le travail moderne est dégradant, c’e
326 notre arrivée, au haut d’une page que je retrouve dans une pile de notes. La page est restée blanche. Et toute réflexion fai
327 tre cet homme à qui je parle, et le mot « homme » dans ce que j’écris ? Non seulement ceux d’ici ne comprendraient rien à ce
328 ure et le peuple », cela ne peut accrocher à rien dans cet être que j’ai devant moi, avec ses rides, sa barbe et sa casquett
329 en tête. Il y a probablement une fatalité interne dans notre culture : elle s’enchante, se critique, se légitime elle-même.
330 es êtres qu’ils sont censés représenter n’ont pas dans la réalité. À la fin on obtient l’absurdité que j’éprouvais, mais aus
331 a sentir avec quelque vivacité, sauf par éclairs, dans la rue, par exemple. Déjà je ne puis en retrouver le souvenir autreme
332 aisse assez froid. La culture m’a repris. Je suis dans le faux et tout y est correct : je dis que la thèse que je défends es
333 choux, enfoncé une à une des graines de haricots dans un sillon tiré à la ficelle. Plaisir d’avoir les doigts et les ongles
334 eunons sous les tilleuls. Il y a un grand bonheur dans la lumière qui baigne le jardin fleuri, éclate sur la façade de la ma
335 ourent ce territoire compliqué. Nous les suivons, dans l’eau jusqu’aux genoux, les jambes caressées de courants froids, de c
336 du bassin, et fouiller et racler sous les bords, dans le sable et les paquets d’algues, avec le cercle rigide du filet, pui
337 ttraper comme une mouche et qui vous saute encore dans la main et vous gratte la paume de ses antennes, de ses écailles et d
338 de ses écailles et de ses pattes. On fourre cela dans le sachet que l’on porte attaché à la ceinture et qui se remplit de t
339 cuit les crevettes toutes vivantes, en les jetant dans de l’eau qui bout. Après des soubresauts terribles — une ou deux saut
340 hommes. Mais attention. C’est uniquement s’il y a dans l’homme une vocation surnaturelle, la mission de restaurer l’harmonie
341 la démonstration d’une absolue sagesse à l’œuvre dans cette vie. Il y a sur toute la terre de ces moments de pureté. Il fau
342 e et vient me prier à voix basse d’aller attendre dans la pièce voisine. J’attends je ne sais combien de temps, je n’ai pas
343 montre, mais c’est très long. Aucun bruit de voix dans la salle de la caisse. Le client est-il sorti ? Quel peut être le mot
344 i ils n’aiment pas qu’il y ait d’autres personnes dans la salle quand ils payent ou quand ils touchent de l’argent ! C’est q
345 us la même patience, depuis qu’il y a de l’argent dans un tiroir. Cela signifie que j’ai cessé d’être chômeur. Le départ est
346 le bilan de l’année écoulée. Bilan. S’installer dans la pauvreté comme dans un champ d’activité nouveau, avec l’ardeur et
347 oulée. Bilan. S’installer dans la pauvreté comme dans un champ d’activité nouveau, avec l’ardeur et les curiosités naïves d
348 retour de surprises multipliées : peu d’aventures dans l’existence d’un homme qui cherche à se posséder plutôt qu’à se fuir
349 mme qui cherche à se posséder plutôt qu’à se fuir dans les hasards. C’est sans doute un effet de la trentaine qui approche :
350 t ans, rencontrer le « réel » ou la « vraie vie » dans je ne sais quelle embuscade du destin, comme qui dirait au coin d’un
29 1937, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Gösta Berling, par Selma Lagerlöf (novembre 1937)
351 nation fabulatrice. Elle se précipite avec fougue dans leurs pièges les plus évidents. Elle adore se laisser attraper dans l
352 les plus évidents. Elle adore se laisser attraper dans les figures qu’une Lagerlöf s’amuse à rajeunir tour à tour : une au m
353 sens baroque, impertinent et emphatique du mot — dans la virtuosité et les malices de ce génie de la fable nordique. Lagerl
354 vices des entraves du respect humain, nous jette dans le grand jeu du péché et de la grâce, et se confond avec la Charité.
355 ugurée par un traité avec le diable, vient mourir dans la nuit de Noël au rythme familier des marteaux de la forge rebâtie.
356 e. Les Cavaliers, « appelés à faire vivre la joie dans le pays du fer, à l’époque du fer » nous ont appris à leur façon « le
357 que la nature, les ours et les trolls des forêts, dans les exploits des Cavaliers. Ce n’est pas du réalisme socialiste, c’es
30 1937, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Au dossier d’une vieille querelle (novembre 1937)
358 écemment qu’il faut se garder d’engager la raison dans une aventure — la vie — « où elle ne peut qu’être outragée » (car la
359 si la raison, autant que leur sécurité. On trouve dans la Logique de Port-Royal, un dilemme assez comparable, « par lequel u
360 ». J’en conclus qu’il est bon d’engager la raison dans la vie : non point pour qu’elle y reçoive des outrages, mais pour qu’
361 . S’il y a quelque part du rationnel (que ce soit dans le monde ou dans l’esprit) c’est que la raison s’est bel et bien risq
362 e part du rationnel (que ce soit dans le monde ou dans l’esprit) c’est que la raison s’est bel et bien risquée et se risque
363 son s’est bel et bien risquée et se risque encore dans le chaos, et qu’elle a su y prévaloir sur quelques points. On ne voit
31 1938, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Le Monastère noir, par Aladár Kuncz (janvier 1938)
364 dès les premiers jours de la guerre. On l’envoie dans un camp à Perpignan. De là au « monastère noir », la forteresse de No
365 ère. Et voici le journal de cet intellectuel jeté dans un cul de bassefosse par le jeu de l’état civil. Qu’il ne s’y mêle au
366 un miracle qui défie l’époque. M. de Lacretelle, dans sa préface, déclare fort justement qu’il s’acquitte d’une dette en pr
367 r du mythe de l’arrestation, de la psychose créée dans le monde actuel par ce phénomène multiforme, insaisissable et saisiss
368 que tout le monde se trouve secrètement impliqué dans une atroce et lente fatalité universelle. Comment ne point songer au
369 Mais ce n’est pas la seule possible. Il y a aussi dans ce livre une parabole de l’homme traqué par les tyrannies anonymes qu
370 qué par les tyrannies anonymes qui se multiplient dans notre siècle49, et tendent à faire du moindre d’entre nous un prévenu
371 ’ailleurs on peut aussi ne rien voir de tout cela dans le livre de Kuncz : il nous apporte un document bien assez émouvant c
372 938, p. 145-146. aj. Rougemont en a rendu compte dans le numéro de mai 1934 de la NRF : «  Le Procès, par Franz Kafka, trad
32 1938, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Victoire à Waterloo, par Robert Aron (février 1938)
373 changer et si peu imaginer. Il faut vraiment que dans l’histoire des hommes les faits interviennent moins qu’on ne croit co
374 ticipation. Il y a bien plus que de l’ingéniosité dans ce livre : un sens de l’homme et des limites de sa grandeur, un sens
33 1938, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Une révolution refoulée (juillet 1938)
375 réformes qu’imposait la pression des « masses ». Dans une telle situation historique, les réformes vont toujours à l’encont
376 ffaiblissement du sens civique tellement frappant dans la France actuelle. (Au moins dans celle qui se manifeste.) Et les ré
377 ement frappant dans la France actuelle. (Au moins dans celle qui se manifeste.) Et les réformes obtenues apparaissent comme
378 rovisée, donc sanglante, donc destinée à se figer dans le rictus d’une dictature. Tout le monde le sent, tout le monde le cr
379 s caporaux. Ainsi l’Autriche fascinée s’est jetée dans la gueule du dragon, après avoir trompé et désarmé la résistance prol
34 1938, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Alice au pays des merveilles, par Lewis Carroll (août 1938)
380 un nombre restreint de données qu’elle considère dans l’absolu, et elle en tire des déductions exactes, qui se trouvent par
381 série de variations sur le thème de la relativité dans l’espace et le temps. Tantôt géante et tantôt naine, Alice expériment
382 grande, et vexatoires quand elle est plus petite. Dans les deux cas, elles lui deviennent problématiques. D’où les discussio
383 git. Alice en garde la conscience secrète — comme dans le rêve — et peut s’en libérer dès que l’absurdité devient intolérabl
35 1938, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Page d’histoire (novembre 1938)
384 , confusion de l’État et de la Nation) s’opposait dans le fait à toute application honnête des deux principes. D’une part la
385 ut la réponse des démocraties ? — Il était fatal, dans ces conditions, que les démocraties se laissassent convaincre par le
386 cral. Il exigea d’entrer en armes et sur le champ dans les territoires sudètes. Une cession purement diplomatique n’eût pas
387 ont la seule Suisse figurait le microcosme. C’est dans cette perspective historique que les événements ultérieurs (colonisat
36 1939, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Propos sur la religion, par Alain (avril 1939)
388 et ferme le recueil (p. 23 et 286). Elle le situe dans les cadres de la République radicale. Ainsi le catholicisme, interpré
389 e « croyance », débat dont je ne trouve pas trace dans les évangiles, s’il est vrai qu’il encombre une bonne part de la théo
37 1939, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Don Juan (juillet 1939)
390 pareil. Vous sentez bien qu’il y a du démoniaque dans son cas, une sorte de polémique anxieuse, de méchanceté et de défi :
391 anceté et de défi : la main tendue au Commandeur, dans le dernier acte de Mozart. Non, ce n’est pas l’animal, mais l’homme ;
392 dont elle rêve moins de se délivrer que d’abuser. Dans le vertige de l’anarchie où il se plaît, ce grand seigneur n’oublie j
393 les hommes, n’évoque pas une idée de santé. Mais dans cette furie insolente, dans cette jactance batailleuse et joyeuse, co
394 e idée de santé. Mais dans cette furie insolente, dans cette jactance batailleuse et joyeuse, comment ne voir que faiblesse
395 , où pourrait se manifester ce qu’il y a d’unique dans un être. Pourquoi ne peut-il désirer que la nouveauté dans la femme ?
396 tre. Pourquoi ne peut-il désirer que la nouveauté dans la femme ? Et pourquoi désire-t-on du nouveau, du nouveau à tout prix
397 s naturel, notre faculté naturelle de retombement dans la coutume. L’immoraliste est comme le moraliste un ennemi vigilant d
398 rité qui tienne. Les hommes se rendent ou tombent dans le doute à la première séduction d’une hypothèse scientifique. Il n’y
399 moral est réfuté ». Que va dire l’Autre ? C’est, dans la vie du Don Juan des vérités, l’heure de l’invitation au Commandeur
400 tait. Il ne relève pas le défi. Nietzsche attend dans la nuit désertique des hauteurs. Une aube vient. C’est encore l’aube
401 siaque où la joie de détruire devient douleur, et dans l’angoisse d’une puissance anéantie par son succès, que Nietzsche a r
402 temps ; et non pas la victoire sur le temps… Mais dans le temps, disait-il, Dieu est mort. Si Dieu est mort, c’est donc qu’i
403 ciennes, mais qui ne valent que par ces règles et dans la mesure où l’on sent qu’elles les violent. Pour peu qu’il les impos
404 e leur grâce. Les voici donc contraints de gagner dans le temps de leur vie — d’où la tricherie ; ou bien encore, de nier la
405 , par fidélité à la sienne. Où est la tricherie ? Dans ce défi installée au cœur de la règle ? ap. Rougemont Denis de, « 
38 1939, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). La Poésie scientifique en France au xvie siècle, par Albert-Marie Schmidt (septembre 1939)
406 où la magie et la raison illuminée collaboraient dans un pédant délire, la première nourrissant la seconde de tentations fé
407 ’agit de concevoir à nouveau, si l’on veut entrer dans ces rythmes, goûter ce vocabulaire, et dégager le pittoresque enfoui
408 érudition. Il fallait être Schmidt pour découvrir dans ce grenier de notre poésie tant de possibles, tant d’intentions52, ta
409 nduit l’idéal d’une poésie pure, pourrait trouver dans les thèmes et les formes qui foisonnèrent au xvie siècle des incitat
410 îtres. Tous sont soutenus par une double croyance dans le pouvoir magique du langage, et dans la liberté infinie de l’homme,
411 e croyance dans le pouvoir magique du langage, et dans la liberté infinie de l’homme, capable de refaire avec ses mains le P
412 r les noms réels et les « signatures » primitives dans le jeu des symboles et des correspondances. C’est l’ambition que refo
413 squ’aux confins du monde, et l’on perçoit sa voix dans chaque dialecte ». Nous l’avons perçue de nos jours, dans le dialecte
414 que dialecte ». Nous l’avons perçue de nos jours, dans le dialecte d’un Claudel, parfois même dans celui de tel surréaliste.
415 ours, dans le dialecte d’un Claudel, parfois même dans celui de tel surréaliste. Mais notre monde est-il encore formulable e
416 n exemple au hasard. Ce vers de Baïf : « L’huître dans son écaille essaie sa puissance » amène Schmidt à citer Marsile Ficin
39 1940, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Au sujet du Journal d’André Gide (janvier 1940)
417 ord, quant à soi ? On renonce aisément à le fixer dans l’une ou l’autre des figures qu’il nous révèle au cours de ce Journal
418 intime hiérarchie qui trahirait la vraie personne dans ce complexe individuel. D’autant plus que certains détails, certaines
419 impressionnistes. ⁂ Ce qui séduit, ce qui fascine dans ce Journal, ce n’est rien qui puisse être défini séparément — style,
420 friches et ses habitations. Le phénomène-Goethe, dans l’espace et le temps, voilà qui donnerait une idée de l’espèce d’inté
421 ercher derrière les formes et au-dessous d’elles, dans le tout venant de confidences fragmentaires, une vérité que les œuvre
422 etouches. ⁂ Parfois, le secret d’une vie s’épuise dans l’œuvre ; il ne reste pour le journal que les plus sèches notations (
423 al. Alors le vrai portrait de l’auteur n’est plus dans l’œuvre ni dans le journal, mais dans leur mutuelle réfraction. Et pa
424 i portrait de l’auteur n’est plus dans l’œuvre ni dans le journal, mais dans leur mutuelle réfraction. Et par exemple, les c
425 n’est plus dans l’œuvre ni dans le journal, mais dans leur mutuelle réfraction. Et par exemple, les choses tues dans ce rec
426 uelle réfraction. Et par exemple, les choses tues dans ce recueil — Gide a marqué qu’une grave lacune mutile l’image qu’il n
427 de lui-même53 —, il se peut qu’elles soient dites dans Les Cahiers d’André Walter, et surtout dans La Porte étroite, ce roma
428 dites dans Les Cahiers d’André Walter, et surtout dans La Porte étroite, ce roman janséniste et « cathare »… ⁂ D’autres caus
429 se priveront pas d’abuser. Voici qui va fort loin dans la critique du genre : « Je ne pense pas qu’il y ait grand profit à t
430 y figure souvent qu’à la manière dont elle figure dans les rêves. Compensations, ratures, reprises d’actes manqués… Il s’agi
431 nqués… Il s’agirait de savoir si la vraie vie est dans ce qu’on fait, ou dans ce qu’on pense de ses actions. (Voir là-dessus
432 savoir si la vraie vie est dans ce qu’on fait, ou dans ce qu’on pense de ses actions. (Voir là-dessus la note dramatique dat
433 oint l’« antichristianisme » de Gide est chrétien dans ses déterminations ? Je crois qu’on s’est trop laissé prendre à sa pe
434 oprement religieux s’est posé, et se pose encore, dans des termes qui échappent, presque nécessairement, à la sollicitude de
435 à la sollicitude des catholiques. Gide fut élevé dans un milieu où la religion paraissait se réduire à ces deux éléments qu
436 estante succombe à ce danger plus qu’aucune autre dans les périodes de dépression théologique. D’où le ressentiment qu’à son
437 uvent dit à Claudel : Ce qui me retient [d’entrer dans l’église], ce n’est pas la libre pensée, c’est l’Évangile. » Mais n’y
438 pu les choisir, et encore moins les circonscrire dans un domaine privilégié. Ils nous contraignent parfois davantage qu’ils
439 de Gide, pour ceux de mon âge, est moins urgente dans l’ordre de l’éthique, que dans celui de l’esthétique. C’est le maître
440 est moins urgente dans l’ordre de l’éthique, que dans celui de l’esthétique. C’est le maître-artisan de la langue, plus que
441 z gidienne encore. Elle n’exclut aucun revirement dans les générations qui nous suivront : je prévois le jour où nos cadets
40 1940, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Hommage à C. F. Ramuz (mai 1940)
442 à C. F. Ramuz (mai 1940)as Le plus intéressant dans un recueil de mélanges ou d’hommages, c’est en général le sommaire :
443 tanées, comme accidentelles, de centres européens dans un canton : Zurich au xviiie siècle, Coppet, Bâle au temps de Burckh
444 a vraie « culture ». Il faut mettre hors de pair, dans ce recueil, le Petit Ramusianum harmonique de Ch.-A. Cingria et Strav
445 ant au « message » du poète, il s’exprime surtout dans deux portraits photographiques de Germaine Martin et de H. L. Mermod.
41 1951, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Un complot de protestants (novembre 1951)
446 nous nous connaissions peu, ce jour de juin 39 où dans le hall de la rue Sébastien-Bottin, j’étais en train de téléphoner qu
447 . Les autos passent tout près. Je l’entends dire, dans le bruit : « Où habitez-vous maintenant ? » Je crie que je l’ignore,
448 mpression ce jour-là que Gide passait la prudence dans l’aveu, qu’il me disait ce qu’il ne pouvait dire, et n’a peut-être ja
449 s parle de choses qui ont joué un rôle très grave dans ma vie. » (Frappé par le ton de confession, par le ton « c’était mal 
450 coupés. On les lira plus tard. Il les a recopiés dans deux cahiers gris d’écolier. Un soir, il vient m’avertir qu’il compte
451 rmé la couverture. Pudeur, ou répugnance à donner dans le piège ? Les deux sans doute. Combien de fois l’ai-je revu après la
452 i-je revu après la guerre ? Souvent, en somme, et dans les lieux les plus divers, « Au Vaneau », près de Lausanne, à Neuchât
453 nalité du Bipède. » (C’est ainsi qu’on l’appelait dans ce groupe.) Gide s’éclaircit la voix pour observer que le jeu devenai
454 é l’impression que le problème religieux existait dans leur vie en tant que problème permanent. Écarté, refoulé chez les uns
455 le contre l’orthodoxie telle qu’il l’imaginait et dans laquelle il voyait (par erreur) la sanction d’une certaine éthique ;
456 me, et qu’il ne pouvait approcher la religion que dans ce drame. Ainsi, devenir ou redevenir chrétien, ne pouvait signifier
457 ntré pareil amour pour l’Évangile, et cela jusque dans les années où il doutait de l’existence de Dieu. Mais il croyait à l’
458 ée de cette banalité, en vérité bizarre et unique dans l’Histoire, une civilisation sur vingt et une connues l’ayant rendue
459 r une preuve de courage. Des vertus et des vices, dans un milieu donné, tout le monde reste en droit de juger au nom des nor
460 e connu, multipliées et prolongées après sa mort, dans notre siècle. Elles ne sont ni chrétiennes ni simplement honnêtes. « 
461 s servir d’argument et nous rassurer curieusement dans notre foi ou dans notre incroyance, — parce qu’un de plus vient renfo
462 t et nous rassurer curieusement dans notre foi ou dans notre incroyance, — parce qu’un de plus vient renforcer notre parti,
463 esprit de parti logiquement développé. Et d’abord dans la religion. Le vrai croyant demain, ne sera-t-il pas celui qui osera
42 1957, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). La découverte du temps ou l’aventure occidentale (mars 1957)
464 de durées décroissantes. Nous vivons aujourd’hui dans le sixième millénaire d’un quatrième âge, ou Kaliyuga, lequel a comme
465 18 février 3102 avant J.-C., et doit se terminer dans 426 941 ans par la destruction du monde et sa reconstruction, qui ser
466 ns exhumées du passé de la Terre ou qui survivent dans notre siècle ont enseigné des théories du temps, et presque toutes dé
467 personne. Seule la religion juive fait exception dans le monde antique. Ses prophètes ont cru que Iahvé intervenait par de
468 t cru que Iahvé intervenait par de libres actions dans l’existence terrestre du peuple élu : dès lors, celle-ci ne dépendait
469 e unanime aux retours éternels du temps cyclique. Dans le prolongement du temps dramatique des Prophètes s’ouvre alors le te
470 ente active, de l’espérance patiente et de la foi dans un retour unique du Christ glorieux. Et, dans ce temps nouveau, le rô
471 foi dans un retour unique du Christ glorieux. Et, dans ce temps nouveau, le rôle de chaque personne devient unique et décisi
472 ige de la métempsycose, qui réduisaient toute vie dans le temps et la chair à l’insignifiance anonyme d’un passage éphémère
473 r à l’insignifiance anonyme d’un passage éphémère dans l’Illusion. Ainsi l’Histoire, conscience nouvelle du temps des hommes
474 vaine, dès lors qu’elle prend un sens exemplaire dans le Mythe, mais c’est le temps lui-même qui perd sa réalité, puisqu’il
475 change, plus c’est la même chose. ») L’irruption dans ce monde des religions antiques du message de l’Incarnation figure do
476 auté totale, proprement impensable. Et c’est bien dans ces termes que saint Paul la présente. Que Dieu se soit manifesté com
477 ation réalisée du temps permet d’assumer le temps dans sa réalité. Sans la Résurrection, l’homme n’aurait pas la preuve d’un
478 ssuscité, votre foi est vaine et vous êtes encore dans vos péchés. » Mais cette preuve n’est valable que pour la foi parfait
479 Kierkegaard. Or la foi n’est jamais parfaite, et dans l’homme converti persiste « le vieil homme ». Son mouvement naturel s
480 ore, dont les écrits sont condamnés ou falsifiés. Dans la conscience populaire médiévale, comme aujourd’hui encore dans les
481 nce populaire médiévale, comme aujourd’hui encore dans les masses paysannes, l’idée d’une évolution imprévisible et progress
482 ttestent l’historicité57. Tout ceci nous confirme dans la vue que le Moyen Âge, loin de représenter je ne sais quel « âge d’
483 ressassé depuis les romantiques — fut bien plutôt dans son ensemble une longue réaction de défense contre le ferment de révo
484 défense contre le ferment de révolution introduit dans le monde par l’Évangile. (J’ai dit plus haut que le Moyen Âge fut la
485 et celle des hommes, et si la première intervient dans la seconde par des actes libres, elle n’y détermine pas une loi d’évo
486 ion. Le Moyen Âge ira beaucoup plus loin, non pas dans le sens du risque, mais dans celui des normes. C’est une vision rédui
487 p plus loin, non pas dans le sens du risque, mais dans celui des normes. C’est une vision réduite et limitée de l’Histoire q
488 aissance. Et dès lors elle ira se précisant, mais dans le même cadre indiscuté (d’où les excès qu’on signalait plus haut). E
489 mouvement exactement contraire qui s’est produit dans l’Occident moderne, où, à l’inverse de ce qui s’était passé durant l’
490 Commencement des temps ne cessaient de s’éloigner dans le vague de l’infini. Or le Credo prend soin de préciser la date de l
491 i pose un problème encore neuf. 4. Être ou non dans l’Histoire Tout d’un coup (dans l’espace d’une quarantaine d’année
492 4. Être ou non dans l’Histoire Tout d’un coup ( dans l’espace d’une quarantaine d’années) il se révèle que notre humanité
493 s, aurait déjà vécu presque un « jour de Brahma » dans le cosmos actuel. Je dis « cosmos actuel », car de nombreux savants n
494 vers, qui se répéterait à l’infini : nous serions dans une phase d’expansion. La cosmologie des hindous paraît alors moins é
495 t que Brahma d’un paria sans voie. Et l’Histoire, dans l’esprit de nos contemporains, prend la place de la Providence, bien
496 e n’en revête ni la justice ni la bonté. Bossuet, dans l’Abrégé de l’Histoire de France, nous parle déjà d’une Histoire « ma
497 le penser qu’en s’y abandonnant. Ce qui se place dans le sens de l’Histoire en reçoit l’attribut d’exister. Ce qui résiste
498 s question de demander si c’est « vrai ». C’est «  dans le sens de l’Histoire », ou ce n’est rien qui vaille… Suis-je dans l’
499 ’Histoire », ou ce n’est rien qui vaille… Suis-je dans l’Histoire ? Es-tu dans l’Histoire ? Sont-ils dans l’Histoire ? ainsi
500 rien qui vaille… Suis-je dans l’Histoire ? Es-tu dans l’Histoire ? Sont-ils dans l’Histoire ? ainsi conjugue une bonne part
501 ans l’Histoire ? Es-tu dans l’Histoire ? Sont-ils dans l’Histoire ? ainsi conjugue une bonne partie de l’intelligentsia occi
502 le. Comme il est clair qu’on ne peut pas « être » dans l’Histoire rédigée par les historiens, on voit qu’il s’agit d’autre c
503 t, elle nie la personne, car la personne se fonde dans ce qui juge le temps, le détruit et le renouvelle. Et, si l’on rêve u
504 rien n’est plus répandu que ce sentiment anxieux dans l’intelligentsia comme dans les masses modernes, et c’est sur lui que
505 ce sentiment anxieux dans l’intelligentsia comme dans les masses modernes, et c’est sur lui que les dictatures totalitaires
506 le en tant que diagnostic. Mais comment la situer dans l’ensemble de l’Aventure occidentale ? Est-elle le signe annonciateur
507 ût de connaître le passé, plus répandu que jamais dans le grand public : Toynbee est best-seller, les revues et la presse no
508 ndent pas la cinquantaine pour se mettre au passé dans un livre. Mais la réponse est non s’il s’agit de cette Histoire dans
509 la réponse est non s’il s’agit de cette Histoire dans le « sens » de laquelle on nous dit qu’il faut « être » de toute néce
510 suivants découvrent l’infini et le réintroduisent dans l’imagination et la spéculation, puis dans le calcul mathématique. On
511 uisent dans l’imagination et la spéculation, puis dans le calcul mathématique. On ne peut plus limiter l’espace ni le temps,
512 Occidental. L’individu trouve le défi trop lourd. Dans un cosmos qui se calcule en centaines de millions d’années-lumière, d
513 alcule en centaines de millions d’années-lumière, dans cette durée qui va vers l’infini, et dans une société où la technique
514 umière, dans cette durée qui va vers l’infini, et dans une société où la technique, les « lois économiques », la puissance d
515 us rêver la délivrance du nirvana, cet enlisement dans la forme du monde, sans espoir de salut individuel58 — je pressens qu
516 rrière ce masochisme, comme toujours, un sadisme. Dans cette abjecte humiliation du moi, l’orgueil fou trouve un alibi. L’Év
517 e dernier refus de l’aventure du temps — la fuite dans l’utopie. Utopies pessimistes, dans les démocraties : Orwell prévoit
518 ps — la fuite dans l’utopie. Utopies pessimistes, dans les démocraties : Orwell prévoit l’instauration prochaine du contrôle
519 outées ou voulues, ne se confondent pas seulement dans leur vision précise d’un avenir donné pour fatal, mais dans une seule
520 vision précise d’un avenir donné pour fatal, mais dans une seule et même démission de la personne, qui désespère de ses pouv
521 t par la violence de prises de position calculées dans l’abstrait59, mais par cette sorte de fascination qu’exerce sur l’ave
43 1961, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). La personne, l’ange et l’absolu, ou le dialogue Occident-Orient (avril 1961)
522 magie, le jazz, que l’Afrique noire se précipite dans le nationalisme, les jeux parlementaires, et l’exploitation par elle-
523 matérielles. Ce que nous découvrons avec passion dans le Tiers Monde, ce n’est pas ce dont il vivait, c’est ce qui manquait
524 nos élites, ou qu’elles ne savaient plus trouver dans notre foi. Ce que le tiers-monde nous emprunte, ce n’est pas notre cr
525 t pour eux bouleversements soudains. Que peuvent, dans une telle situation, intellectuels et spirituels ? Presque rien, sino
526 ire l’essentiel, qui n’agira guère sur l’histoire dans son devenir immédiat, mais peut orienter la conscience de quelques-un
527 dent, il doit en résulter d’infinies conséquences dans tous les domaines du réel, du spirituel au politique ; mais dans quel
528 omaines du réel, du spirituel au politique ; mais dans quelle mesure est-ce vrai ? Quel est le moi qui s’affirme d’une part
529 omme », puisque sa vie « nouvelle » est à la fois dans le monde et hors du monde, à la fois manifestée par son amour (Agapè)
530 cot Érigène, jusqu’à Richard de Saint-Victor puis dans le thomisme, on peut suivre l’évolution du concept et du terme de per
531 ’homme nouveau, à l’ens sibi suscité par l’esprit dans l’individu naturel. Pour Descartes, le vrai moi c’est « l’âme », mais
532 inien), et nous le montre d’autant plus distinct, dans sa fonction centrale, totalisante, dans son pouvoir d’intégration de
533 distinct, dans sa fonction centrale, totalisante, dans son pouvoir d’intégration de l’être. Loin de dissocier le moi, les re
534 nisme, mais encore, et d’une manière plus précise dans l’homologie, ces entités célestes, féminines, que la religion de Zara
535 avec son moi céleste à l’entrée du pont Chinvat. Dans un paysage nimbé de la Lumière-de-Gloire restituant toutes choses et
536 Gloire restituant toutes choses et tous les êtres dans leur pureté paradisiaque, « dans un décor de montagnes flamboyant aux
537 t tous les êtres dans leur pureté paradisiaque, «  dans un décor de montagnes flamboyant aux aurores, d’eaux célestes où croi
538 u, l’ego d’après l’expérience illuminante.67 » Ou dans le sanscrit du Bouddha : Sabbe sankhara anicca Sabbe sankhara dukkh
539 a, existe-t-il un être qui transmigre de ce corps dans un autre ? — Non, il n’y en a point. — S’il n’y a pas de transmigrati
540 cherchent le samadhi, qui est l’absorption totale dans l’Absolu du Soi : le grand sommeil, lentement atteint, et qu’on peut
541 me la seule qui ait réussi. Apprenons donc à lire dans leur optique. Le même Kitaro Nishida qui écrit ceci : « La valeur rel
542 pages plus loin « Nous devenons vraies personnes dans la mesure où nous faisons face à l’Un tout-transcendant.71 » (Ce qui
543 t. Si nous souhaitons préciser leur nature, c’est dans les notions de l’amour traduisant ces trois conceptions, que nous avo
544 us avons les plus grandes chances de les trouver. Dans ce domaine, toute différence reconnue peut être vérifiée par l’expéri
545 ou son enfer, s’il est mauvais », dit Swedenborg dans La Nouvelle Jérusalem. Et dans De Coelo, il ajoute : « Le corps de ch
546  », dit Swedenborg dans La Nouvelle Jérusalem. Et dans De Coelo, il ajoute : « Le corps de chaque esprit et de chaque ange e
547 est pas le mal en soi : il ne devient mauvais que dans la seule mesure où il se referme sur soi, c’est-à-dire se refuse à l’
548 ralistes du monde s’accordent avec les spirituels dans leur condamnation de l’égoïsme, qui est l’impérialisme de l’ego natur
549 ons ici que les seconds. L’école chrétienne Dans une vue chrétienne de l’homme, l’amour de soi est le rapport positif
550 cte : sinon le comme n’aurait pas son plein sens. Dans l’amour de soi-même, l’homme naturel s’ouvre à l’action du vrai moi s
551 i — est sa vocation singulière. Aimer le prochain dans sa personne, c’est discerner sa singularité, sa vocation, même virtue
552 e, la soutenir et l’aider à naître. Ainsi l’amour dans sa réalité totale, intégrant l’animique au spirituel, va toujours de
553 e que Dieu, qui est Amour, est un Dieu personnel, dans sa tri-unité, que l’amour spirituel crée dans l’homme la personne. Si
554 el, dans sa tri-unité, que l’amour spirituel crée dans l’homme la personne. Si la plus haute valeur de l’Occident chrétien n
555 rêmes. Le masochisme religieux, ou haine de soi. Dans son langage dramatique, saint Paul parle parfois de la haine de soi-m
556 quand l’esprit qui l’appelait cesse de la diriger dans son élan vers le vrai moi ? Elle voulait l’ange. Il lui reste la nost
557 des névroses dites « sexuelles » ont leur genèse dans cette discorde permanente, dans ce refus que l’âme oppose au corps, v
558 » ont leur genèse dans cette discorde permanente, dans ce refus que l’âme oppose au corps, vu comme signe et symbole de la «
559  » et une âme qui se veut ange —, non le vrai moi dans son autonomie. Si le corps lui paraît désirable, il sera parfois tent
560 exigences naturelles, il ira fatalement s’épuiser dans l’illusoire multiplicité des « aventures sans lendemain ». Limitant s
561 possession rapide anesthésie, l’âme retombe alors dans les liens de l’instinct, qui est la puissance impersonnelle par excel
562 evient celle de l’âme et de son ange. Pour situer dans son vrai climat spirituel le personnalisme essentiel de ces doctrines
563 u même amour qui m’a créé. « (Dieu) est celui qui dans chaque être aimé se manifeste au regard de chaque amant… car il est i
564 au point où le regard de l’âme reconnaît soudain dans l’Aimé cette Forme sensible du divin, cette théophanie que l’âme peut
565 e du divin, cette théophanie que l’âme peut aimer dans toutes les dimensions de l’amour unifié. L’Aimé n’est plus alors un s
566 il devine l’Image) et qu’il tend à faire exister dans l’être aimé, par l’efficace de son amour préfigurant. C’est préciséme
567 ister quelque chose qui n’est pas encore existant dans l’Aimé.78 On reconnaît ici les « notes » de l’amour du prochain selo
568 e tout bien procède du Seigneur, le Seigneur est, dans le sens suprême et au degré le plus éminent, le Prochain ; c’est donc
569 is transpose doublement tous les termes à la fois dans le surnaturel (ou monde céleste) et dans le sensible terrestre, la st
570 la fois dans le surnaturel (ou monde céleste) et dans le sensible terrestre, la structure des relations entre Dieu, le vrai
571 . La passion du héros, que l’on peut interpréter ( dans la légende primitive et l’opéra) comme un amour dédié à sa propre âme
572 du mazdéisme, les figures angéliques du vrai moi dans le mysticisme soufi et même la « rencontre aurorale » de l’âme et de
573 malheur essentiel de sa passion, ce serait alors dans le mode de la transposition du « ciel » en Terre, et de l’Ange en la
574 l est vrai que « la notion de Moi n’a d’accès que dans la pensée des sots », comme le dit un texte tibétain, la notion de To
575 la base de tout. Nous ne désirons des choses que dans la mesure où elles nous procurent une jouissance. La divinité n’est u
576 forme de son plaisir, la source de sa jouissance. Dans la joie de la possession, la souffrance du désir est pour un instant
577 r est pour un instant apaisée… et l’homme perçoit dans le plaisir sa propre nature essentielle, qui est la joie. Toute jouis
578 tuel87 ». Et encore : « Celui qui cherche l’amour dans l’espoir d’une jouissance est la victime du désir. Le sage accepte le
579 l’a posée comme réalité et catégorie spirituelle. Dans les littératures de l’Asie, on trouvera peu d’exemples convaincants —
580 à l’appui de mes dires, cette notation plaisante dans un roman moderne, dont l’auteur se trouve être un brahmane orthodoxe 
581 rsonne, qui a peut-être moins cours en Orient que dans certains milieux d’Europe et d’Amérique sérieusement éperdus de sages
582 pas de tout ou rien, mais d’innombrables variétés dans l’approche de l’ultime réalité. Où nous verrions contradiction, antin
583 ma d’un autre est plein de dangers. (III, 35) Et dans les upanishads : La vie n’a servi de rien à celui qui quitte ce monde
584 Je répète que tout cela n’est pas contradictoire, dans une philosophie sans dogmatique. Nous parlerons alors d’inconséquence
585 ce… 2. Mise en question par l’expérience vécue. —  Dans le roman de Raja Rao qu’on vient de citer, cette sentence d’un upanis
586 in ?) Je disais que l’amour vrai, c’est discerner dans l’autre — pour l’avoir reconnu tout d’abord en soi-même — le vrai moi
587 e l’illusion, qu’ils l’ont mise en facteur commun dans tout ce qui existe ; (à tel point que le seul fait d’exister devient
588 nt fait autant pour les personnes, potentialisées dans une seule Personne-cosmique, Purusha (dont la contrepartie actualisan
589 ante est Prakriti) finalement dissociée et fondue dans le Soi : « Tu es Cela ». Le drame individuel est noyé dans le Tout. M
590 oi : « Tu es Cela ». Le drame individuel est noyé dans le Tout. Mais le Tout est le contraire du drame. Tous les risques d’e
591 encore à son moi total non reconnu, non respecté dans son autonomie. Ici, le brahmane intervient : — Si tu cherches le Soi
592 tingue et juge, mais ne peut pas nier le trouble. Dans ce moi peu ou point différencié que la vie nous offre, avec son progr
593 n que notre individu naturel, et qui lui survivra dans le cours des siècles, sans surprises et mille fois réincarné — la vue
594 u sais bien que tu ne dois aimer que ton « Dieu » dans ses créatures, puisqu’il est dit de Lui qu’il est amour. — Mais Dieu
595 millénaires, les sages de l’Asie n’ont pas varié dans leur croyance à la dualité de l’Un et du Multiple, dualité finalement
596 — la vie, le cosmos et les dieux seront résorbés dans l’Un seul, sans laisser aucune trace, comme n’ayant pas eu lieu. Le t
597 ur la Lumière finale et sur le Vide n’auront été, dans leur ensemble, qu’une immense transposition sur les plans poétique et
598 l’Un et des Uniques : — à l’anéantissement final dans l’unisson, l’harmonie d’un chœur infini ; — à la régressive extinctio
599 nsommation des temps, pas même le Soi qui dormira dans un sommeil sans rêves — leur idée du bonheur — entre deux Créations t
600 us à l’infini, pour nos mesures. Les peuples sont dans l’ignorance malheureuse des origines et des fins de ce qu’ils croient
601 et demain de cerveaux à diriger. Nous pressentons dans la terreur et l’espérance ce que l’Occident peut devenir : soit s’eng
602 ce que l’Occident peut devenir : soit s’engloutir dans l’Illusion de la matière (et l’Orient aurait eu raison), soit accompl
603 omplir sa vocation aventureuse, déchiffrer l’Être dans le singulier et les structures de l’énergie universelle. Car c’est au
604 ue nous tentons d’écouter la Personne, mais c’est dans la matière que nous cherchons le Soi. La création tout entière, « sou
605 , de la dissoudre et de la recomposer, de l’épier dans sa vie secrète, comme l’alchimiste, cette matière du cosmos en expans
606 ’il aille jusqu’au bout ! Pour lui la Réalité est dans l’individuel, et l’Être dans les raisons d’être des uniques. Or ce ch
607 r lui la Réalité est dans l’individuel, et l’Être dans les raisons d’être des uniques. Or ce choix est celui de l’amour, de
608 propre point de vue, D. T. Suzuki passe la mesure dans l’autre sens lorsqu’il écrit avec une évidente satisfaction : « La ps
609 miner. 61. Henry Corbin, L’Imagination créatrice dans le soufisme d’Ibn Arabi, 1958, p. 28 et 50. 62. Ibid., p. 131. 63.
610 arnation, 1961. 65. Parole attribuée au Bouddha, dans la tradition des Théravadins (hynayânistes). 66. Cf. Alexandra David
611 l donne une Parabole tibétaine de la « personne » dans l’op. cit. « Une “personne” ressemble à une assemblée composée d’une
612 endant ce temps, de nouveaux venus s’introduisent dans l’assemblée, soit en s’y glissant doucement, soit en enfonçant les po
613 de multiples séries de phénomènes remontant loin dans le passé et dont les traces se perdent dans les profondeurs de l’éter
614 loin dans le passé et dont les traces se perdent dans les profondeurs de l’éternité. » Nous connaissons assez bien cela en
615 foule d’âmes turbulentes. Et tout se passe comme dans une république. » À regarder ainsi le moi, on le perd assurément et p
616 , 517. 75. Henry Corbin, L’Imagination créatrice dans le soufisme d’Ibn Arabi, p. 88. 76. Ibn Arabi, in Henry Corbin, op. 
617 utant que pour le christianisme et le judaïsme. «  Dans l’Arabe, tout est colère », écrit Henri Michaux. « Son bonjour : “Que
618 l’euphorie spirituelle qui baigne l’œuvre, situe dans la réalité ce que je n’entends ici que formuler. Je ne connais rien d
619 je n’entends ici que formuler. Je ne connais rien dans la littérature qui confronte avec plus de tendresse et de rigueur l’E
620 point de vue. 91. On pourra retrouver ce passage dans la Brihadaranyaka upanishad, au cours des dialogues entre l’illustre