1 1931, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Les Éléments de la grandeur humaine, par Rudolf Kassner (octobre 1931)
1 Les Éléments de la grandeur humaine, par Rudolf Kassner (octobre 1931)a Si l’exist
2 la grandeur humaine, par Rudolf Kassner (octobre 1931 )a Si l’existence — le degré d’être — se mesure au pouvoir d’incarn
3 sner (octobre 1931)a Si l’existence — le degré d’ être — se mesure au pouvoir d’incarner sa vérité, le mal du siècle c’e
4 xistence — le degré d’être — se mesure au pouvoir d’ incarner sa vérité, le mal du siècle c’est l’impuissance. La proie de
5 é, le mal du siècle c’est l’impuissance. La proie de désirs divergents qui prennent rarement assez de violence pour nous d
6 de désirs divergents qui prennent rarement assez de violence pour nous déchirer jusqu’au salut, et dont la composante rée
7 t dont la composante réelle tend vers zéro, c’est d’ une philosophie de l’existence personnelle qu’avant tout nous avons be
8 te réelle tend vers zéro, c’est d’une philosophie de l’existence personnelle qu’avant tout nous avons besoin. Kierkegaard
9 mi les forces spirituelles qui orientent l’Europe d’ aujourd’hui. La France ne l’ignorera plus longtemps. Quant à l’Allemag
10 elle s’est depuis plusieurs années déjà pénétrée de cette philosophie, ainsi qu’en témoigne l’accueil fait à la pensée d’
11 , ainsi qu’en témoigne l’accueil fait à la pensée d’ un Karl Barth, génial disciple du Danois, et dont il est grand temps q
12 us traduise quelques essais théologiques. L’œuvre de Rudolf Kassner, de moindre envergure — à cause de sa rareté et de son
13 s essais théologiques. L’œuvre de Rudolf Kassner, de moindre envergure — à cause de sa rareté et de son aristocratisme ess
14 r, de moindre envergure — à cause de sa rareté et de son aristocratisme essentiel — mais non de moindre profondeur, manife
15 eté et de son aristocratisme essentiel — mais non de moindre profondeur, manifeste elle aussi l’emprise de l’« Existenzphi
16 oindre profondeur, manifeste elle aussi l’emprise de l’« Existenzphilosophie » et son extrême conséquence. Dans la mesure
17 Dans la mesure même où Kassner se montre disciple de Kierkegaard, sa pensée paraît réfractaire à toute description, car el
18 définis que par leurs rapports mutuels et tirent de cette interdépendance leur valeur originale. Kassner reprend un des t
19 ssentiels du préromantisme allemand, l’opposition de l’antique et du moderne, non du point de vue littéraire comme on le f
20 tales (problème que notre xviie siècle se devait de ne pas poser). L’homme antique peut atteindre la grandeur parce qu’il
21 s la démesure, et lorsqu’il « veut prendre mesure de lui-même, il se sent aussitôt incomplet et coupable. Il est donc poss
22 sitôt incomplet et coupable. Il est donc possible de dire que le péché est la mesure du démesuré, et que pour le chrétien
23 du démesuré, et que pour le chrétien il n’est pas d’ autre grandeur ». Ainsi le chrétien existe en tant que le péché crée u
24 omme sans mesure naturelle : s’il ne retrouve pas de loi interne et de tension par le péché, il n’est plus qu’un être sans
25 aturelle : s’il ne retrouve pas de loi interne et de tension par le péché, il n’est plus qu’un être sans destinée, un « in
26 st crevassée et divisée. Son œuvre souvent pleine de charme mais sans forme et sans but, peut bien nous stimuler, mais ne
27 on vient de l’intérieur. Il ne peut jamais sortir de son moi sans trahison et chaque manifestation de son essence intime r
28 de son moi sans trahison et chaque manifestation de son essence intime ressemble par quelque côté à un outrage, voire à u
29 ne impudeur. » À l’opposition du Beau objectif et de l’Intéressant sentimental qui pour Schiller et surtout pour Schlegel
30 hiller et surtout pour Schlegel symbolisait celle de l’antique et du moderne, Kassner répondrait aujourd’hui par l’opposit
31 , Kassner répondrait aujourd’hui par l’opposition de la grandeur mesurée et de l’indiscrétion journalistique. La férocité
32 rd’hui par l’opposition de la grandeur mesurée et de l’indiscrétion journalistique. La férocité réfléchie qui préside à so
33 . La férocité réfléchie qui préside à son analyse de l’indiscret nous vaut une description inégalable du mal du siècle. Ic
34 -il reconnaître à ce seul philosophe le privilège d’ avoir parlé sans complicité de ce qui nous détruit : Rudolf Kassner do
35 osophe le privilège d’avoir parlé sans complicité de ce qui nous détruit : Rudolf Kassner donne la sensation à peu près un
36 donne la sensation à peu près unique en ce temps d’ une pensée autoritaire. Entendons que pour lui, penser n’est pas se dé
37 plus s’ingénier sur des idées et des combinaisons d’ idées mais créer de tout son être spirituel des faits nouveaux et vrai
38 des idées et des combinaisons d’idées mais créer de tout son être spirituel des faits nouveaux et vrais, dans un certain
39 vrais, dans un certain style. Car il n’est point de vérité sans forme. Quelques pages étranges et puissantes sur les chim
40 ues pages étranges et puissantes sur les chimères de Notre-Dame illustrent ce réalisme de la forme, hors de quoi il n’est
41 les chimères de Notre-Dame illustrent ce réalisme de la forme, hors de quoi il n’est qu’indiscrétion, et qui livre la clef
42 oi il n’est qu’indiscrétion, et qui livre la clef de la pensée de Kassner, comme aussi de son apparente obscurité1. Il fau
43 u’indiscrétion, et qui livre la clef de la pensée de Kassner, comme aussi de son apparente obscurité1. Il faut savoir être
44 ivre la clef de la pensée de Kassner, comme aussi de son apparente obscurité1. Il faut savoir être secret pour penser avec
45 ut savoir taire ce qui permettrait aux indiscrets de comprendre intellectuellement sans « réaliser ». Il faut que les pens
46 Une pensée neuve ne saurait être comprise à moins d’ être recréée dans sa forme — ce dont certaine clarté dispense le lecte
47 aussi que l’indiscret est celui qui se préoccupe de défendre plutôt que d’illustrer. Ainsi selon Kierkegaard, le premier
48 est celui qui se préoccupe de défendre plutôt que d’ illustrer. Ainsi selon Kierkegaard, le premier homme qui s’avisa de dé
49 i selon Kierkegaard, le premier homme qui s’avisa de défendre la religion mériterait-il d’être appelé Judas numéro deux. C
50 qui s’avisa de défendre la religion mériterait-il d’ être appelé Judas numéro deux. Car il ne s’agit pas de professer une c
51 religion mériterait-il d’être appelé Judas numéro deux . Car il ne s’agit pas de professer une chose mais d’être la chose. Le
52 re appelé Judas numéro deux. Car il ne s’agit pas de professer une chose mais d’être la chose. Le rare, c’est que chez Kas
53 Car il ne s’agit pas de professer une chose mais d’ être la chose. Le rare, c’est que chez Kassner comme chez Kierkegaard,
54 omme chez Kierkegaard, cette présence s’accommode d’ une ironie qui chez d’autres serait plutôt le fait du détachement. Une
55 s, qui les fouille et les purifie, une ironie née de la rigueur et non du scepticisme2. Le dialogue de Laurence Sterne et
56 de la rigueur et non du scepticisme2. Le dialogue de Laurence Sterne et du recteur Krooks sur Judas et la Parole est à cet
57 eur Krooks sur Judas et la Parole est à cet égard d’ une saveur particulièrement riche et complexe. (« … les bavards ne tir
58 riche et complexe. (« … les bavards ne tirent pas d’ eux-mêmes toutes les paroles qu’ils profèrent ; ils les reçoivent des
59 les reçoivent des prophètes ; s’il n’y avait pas de prophètes, les bavards seraient peut-être des créatures très silencie
60 filantes. ») Mais plus encore que leur conception de l’« existence » et que leur ironie, ce qui rapproche Kassner et son m
61 tragique du péché. Le Lépreux, journal apocryphe de l’empereur Alexandre Ier de Russie, n’est qu’une suite de méditations
62 ereur Alexandre Ier de Russie, n’est qu’une suite de méditations sur le thème du tout-ou-rien moral qui caractérise Kierke
63 ui caractérise Kierkegaard. L’on y trouvera moins de paradoxe et plus de délectation peut-être, une acuité lente de la réf
64 egaard. L’on y trouvera moins de paradoxe et plus de délectation peut-être, une acuité lente de la réflexion, un alliage p
65 t plus de délectation peut-être, une acuité lente de la réflexion, un alliage précieux de hauteur, de rigueur et de pitié
66 acuité lente de la réflexion, un alliage précieux de hauteur, de rigueur et de pitié humaine, une retenue presque solennel
67 de la réflexion, un alliage précieux de hauteur, de rigueur et de pitié humaine, une retenue presque solennelle mais qui
68 on, un alliage précieux de hauteur, de rigueur et de pitié humaine, une retenue presque solennelle mais qui sans cesse frô
69 en sournoise malice. On ne peut dire précisément de Kassner qu’il réfute ses adversaires — Freud en particulier, dans Chr
70 t et l’âme du monde — mais bien plutôt qu’à force d’ approfondir leur domaine propre, il les mine et les ruine intérieureme
71 le est la forme des dialogues où culmine son art. De ces dialogues, où chaque interlocuteur, tour à tour, atteint à l’expr
72 à tour, atteint à l’expression la plus virulente de sa vérité — si bien que la conclusion ne peut être qu’implicite et fo
73 conclusion ne peut être qu’implicite et fonction d’ une hiérarchie de valeurs, non de la seule exactitude des pensées —, n
74 ut être qu’implicite et fonction d’une hiérarchie de valeurs, non de la seule exactitude des pensées —, nous connaissons l
75 cite et fonction d’une hiérarchie de valeurs, non de la seule exactitude des pensées —, nous connaissons le modèle immorte
76 —, nous connaissons le modèle immortel, le Livre de Job. Il serait curieux d’en suivre la filiation, jusqu’au Soulier de
77 dèle immortel, le Livre de Job. Il serait curieux d’ en suivre la filiation, jusqu’au Soulier de Satin de Claudel : ce sera
78 urieux d’en suivre la filiation, jusqu’au Soulier de Satin de Claudel : ce serait une sorte de généalogie du réalisme poét
79 en suivre la filiation, jusqu’au Soulier de Satin de Claudel : ce serait une sorte de généalogie du réalisme poétique. 1
80 Soulier de Satin de Claudel : ce serait une sorte de généalogie du réalisme poétique. 1. Obscurité : Kassner ne pose pas
81 t une sorte de généalogie du réalisme poétique. 1. Obscurité : Kassner ne pose pas les problèmes dans nos catégories psy
82 envahit la critique sous l’influence du journal. 2. Ici encore, on ne peut opposer ce concept d’ironie qu’à celui que for
83 al. 2. Ici encore, on ne peut opposer ce concept d’ ironie qu’à celui que formulèrent les romantiques allemands. Rien de c
84 i que formulèrent les romantiques allemands. Rien de commun avec un Renan, un France. a. Rougemont Denis de, « [Compte r
85 un avec un Renan, un France. a. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Rudolf Kassner, Les Éléments de la grandeur humaine
86 de, « [Compte rendu] Rudolf Kassner, Les Éléments de la grandeur humaine  », La Nouvelle Revue française, Paris, octobre 1
87 e  », La Nouvelle Revue française, Paris, octobre 1931, p. 640‑643.
88 elle Revue française, Paris, octobre 1931, p. 640‑ 643.
2 1931, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Sarah, par Jean Cassou (novembre 1931)
89 Sarah, par Jean Cassou (novembre 1931 )b Quelque chose d’espagnol dans la démarche ; un tour qui ferait p
90 par Jean Cassou (novembre 1931)b Quelque chose d’ espagnol dans la démarche ; un tour qui ferait penser aux conteurs de
91 démarche ; un tour qui ferait penser aux conteurs de la fin du xviiie  ; des sujets dans le goût allemand, tels sont les é
92 éments qui composent non sans paradoxe ce recueil de « motifs » romantiques et de frissons anarchiques. Le thème commun, c
93 paradoxe ce recueil de « motifs » romantiques et de frissons anarchiques. Le thème commun, c’est sans doute l’atrocité de
94 ues. Le thème commun, c’est sans doute l’atrocité de la « vie normale », ou si l’on préfère, l’amertume du cœur humain déc
95 agine et dont il meurt. Car la vie est une espèce de marâtre et n’a que faire de nos tendresses. Les sujets de Jean Cassou
96 la vie est une espèce de marâtre et n’a que faire de nos tendresses. Les sujets de Jean Cassou sont très particuliers — ju
97 re et n’a que faire de nos tendresses. Les sujets de Jean Cassou sont très particuliers — jusqu’à l’arbitraire parfois —,
98 rte, comme à nous, c’est précisément le sentiment d’ absurdité qui se dégage de pareils faits lorsque l’esprit s’y attache
99 récisément le sentiment d’absurdité qui se dégage de pareils faits lorsque l’esprit s’y attache et que l’amour ou la pitié
100 le « bonheur » consiste à ne pas se rendre compte de ce qu’ils vivent. Dans quelques-uns des plus significatifs de ces réc
101 vivent. Dans quelques-uns des plus significatifs de ces récits (Dieu et le sommeil, Les Fins dernières) l’on assiste à un
102 ns dernières) l’on assiste à un réveil, explosion de révolte ou de joie, tellement incompatible avec les « conditions » de
103 l’on assiste à un réveil, explosion de révolte ou de joie, tellement incompatible avec les « conditions » de la vie que mo
104 e, tellement incompatible avec les « conditions » de la vie que mort s’en suit. Sarah est donc un recueil de contes roman
105 ie que mort s’en suit. Sarah est donc un recueil de contes romantiques, cas tout à fait rare dans la littérature français
106 e française, et qui comporte en soi quelque chose de déconcertant. Il semble bien que Jean Cassou trouve ici sa forme la p
107 . Son espagnolisme et son germanisme révèlent ici d’ heureuses complicités sentimentales. Ce qui gêne pourtant, en plusieur
108 droits, c’est un certain tour désinvolte, le coup de pouce voltairien, l’élégance trop rapide. Il n’est pas bon qu’un cont
109 onie vis-à-vis de ses personnages ; car il risque de les priver par là de cette autorité mystique, absolue et naïve où gît
110 personnages ; car il risque de les priver par là de cette autorité mystique, absolue et naïve où gît leur profonde raison
111 que, absolue et naïve où gît leur profonde raison d’ être. C’est pourquoi les meilleurs contes du volume sont ceux dont la
112 arah, Monsieur Hoog, qui atteignent à une qualité d’ émotion vraiment pure et insistante. Mais le mérite original et import
113 insistante. Mais le mérite original et important d’ un tel livre me paraît résider avant tout dans l’ordre des faits qu’il
114 urs de ces brèves imaginations, avec une bonhomie d’ autant plus touchante qu’elle figure, je pense, pour l’auteur, une sor
115 u’elle figure, je pense, pour l’auteur, une sorte de consolation un peu forcée que le cœur s’accorde en dépit de tout, tan
116 s que le monde lui propose. b. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Jean Cassou, Sarah  », La Nouvelle Revue française,
117  », La Nouvelle Revue française, Paris, novembre 1931, p. 804-805.
3 1932, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Les Signes parmi nous, par C. F. Ramuz (janvier 1932)
118 Les Signes parmi nous, par C. F. Ramuz (janvier 1932)c Il est remarquable que ceux dont la fonct
119 Les Signes parmi nous, par C. F. Ramuz (janvier 1932 )c Il est remarquable que ceux dont la fonction serait d’exprimer n
120 est remarquable que ceux dont la fonction serait d’ exprimer notre civilisation, en un temps où elle se trouve brutalement
121 uestion, posent eux-mêmes si peu de questions, ou de si minimes. Je lis un article récent de Ramuz (sur le Travail), qui d
122 tions, ou de si minimes. Je lis un article récent de Ramuz (sur le Travail), qui débute ainsi « Pourquoi est-ce qu’on trav
123 ristianisme, qui se trouve être le dilemme urgent de l’heure. Et je m’inquiète ; non pas de ces questions ni de la prise d
124 mme urgent de l’heure. Et je m’inquiète ; non pas de ces questions ni de la prise de parti (antimarxiste) qu’elles détermi
125 e. Et je m’inquiète ; non pas de ces questions ni de la prise de parti (antimarxiste) qu’elles déterminent chez Ramuz, mai
126 nquiète ; non pas de ces questions ni de la prise de parti (antimarxiste) qu’elles déterminent chez Ramuz, mais bien au co
127 me semble entendre pour la première fois la voix d’ un de nos aînés, interrogeant notre destin, lui poser en face des ques
128 emble entendre pour la première fois la voix d’un de nos aînés, interrogeant notre destin, lui poser en face des questions
129 ant notre destin, lui poser en face des questions d’ une accablante simplicité. Me tromperais-je ? Ai-je mal su lire tant d
130 ais sur le monde actuel et futur ? Est-ce le fait d’ une disposition trop romantique que d’avoir cru distinguer dans ces œu
131 -ce le fait d’une disposition trop romantique que d’ avoir cru distinguer dans ces œuvres je ne sais quelle complaisance qu
132 e sais quelle complaisance qui les faisait éviter d’ instinct tout point de vue pratiquement bouleversant ? D’autre part, n
133 uleversant ? D’autre part, n’est-ce point le fait d’ un certain manque de tact intellectuel que de poser des questions si r
134 part, n’est-ce point le fait d’un certain manque de tact intellectuel que de poser des questions si rudimentaires, si peu
135 fait d’un certain manque de tact intellectuel que de poser des questions si rudimentaires, si peu élaborées, des questions
136 mporte qui pourrait poser et qui ne peuvent tirer de nous rien d’exquis ni d’original, mais au contraire nous plongent dan
137 urrait poser et qui ne peuvent tirer de nous rien d’ exquis ni d’original, mais au contraire nous plongent dans l’humiliati
138 et qui ne peuvent tirer de nous rien d’exquis ni d’ original, mais au contraire nous plongent dans l’humiliation, dans l’e
139 cesse s’efforcer, ne connaissant que peu de repos de son adolescence à sa mort. »3 Je cherche : je ne trouve aucun écriva
140 t que peu de repos de son adolescence à sa mort. » 3 Je cherche : je ne trouve aucun écrivain plus naturellement libéré d
141 e trouve aucun écrivain plus naturellement libéré de l’idéologie bourgeoise, que Ramuz. Sa conception tragique du sort de
142 geoise, que Ramuz. Sa conception tragique du sort de l’homme suffirait à l’attester. Mais plus sûrement encore son accepta
143 ais plus sûrement encore son acceptation profonde d’ aujourd’hui. Aujourd’hui, c’est le titre du journal grâce auquel chaqu
144 reprend le dialogue avec son public et l’époque, de ce ton viril et simple qui est à lui, nullement irrité (comme un Bloy
145 jacobin (comme les marxistes), ni victime ni juge d’ une bourgeoisie à laquelle il échappe entièrement et de toute façon, n
146 bourgeoisie à laquelle il échappe entièrement et de toute façon, n’étant pas même révolutionnaire, parce que trop radical
147 s l’élémentaire ; élaborant son œuvre à un niveau d’ où bourgeoisie et révolution apparaissent comme des localisations de s
148 t révolution apparaissent comme des localisations de surfaces et temporaires. (Les animaux et les arbres ne sont pas révol
149 nnaires.) Et ce n’est pas qu’il ait jamais craint de tirer sur ces racines, fortement : mais il a vu qu’elles tenaient bon
150 vu qu’elles tenaient bon, qu’elles tenaient trop de terre embrassée et par elle tout un pays et son peuple ; car « c’est
151 t un pays et son peuple ; car « c’est ici le pays de la solidité, parce que c’est le pays des ressemblances. Regarde, tout
152 y tient ensemble fortement, comme dans le tableau d’ un grand peintre ». Ah ! la grandeur de ce peuple ramuzien, qui se meu
153 le tableau d’un grand peintre ». Ah ! la grandeur de ce peuple ramuzien, qui se meut dans je ne sais quelle lourdeur « ori
154 a, non sans comique, loué « cet artiste raffiné » d’ avoir su « se ravaler au niveau des simples. » Non, Ramuz ne descend p
155 de plus bas, des origines, des éléments créateurs de sa race. Il a cette même lenteur imposée par la nature, ce même besoi
156 ême lenteur imposée par la nature, ce même besoin de précision utile. Ce n’est pas un art d’après le peuple4, mais on dira
157 art d’après le peuple4, mais on dirait presque : d’ avant. Il n’est pas jusqu’à son Antiquité qui ne coïncide avec celle d
158 son Antiquité qui ne coïncide avec celle du pays de Vaud : non pas la grecque, qui est scolaire — pour eux — mais la bibl
159 ivent sur le papier ou dans la terre. Un tel sens de la communauté put induire certains à parler de l’unanimisme de Ramuz.
160 ns de la communauté put induire certains à parler de l’unanimisme de Ramuz. Mais comment Ramuz croirait-il à l’être collec
161 uté put induire certains à parler de l’unanimisme de Ramuz. Mais comment Ramuz croirait-il à l’être collectif, être sans r
162 cérébral. « Je ne distingue l’être qu’aux racines de l’élémentaire », écrivait-il dans ses Six Cahiers. Parlons plutôt de
163 racines de l’élémentaire », écrivait-il dans ses Six Cahiers. Parlons plutôt de son « communisme », nullement collectivist
164 écrivait-il dans ses Six Cahiers. Parlons plutôt de son « communisme », nullement collectiviste d’ailleurs, mais originel
165 joie, ce point commun, « ce point qui est au-delà de la vie ». Le communisme qui règne au jugement dernier et qui régnait
166 rd rajeuni, ces gestes rudimentaires, cette odeur de bois fraîchement coupé que dégagent certaines œuvres récentes des écr
167 dégagent certaines œuvres récentes des écrivains de l’URSS, je ne les retrouve que chez Ramuz. Mais purifiés de toute bru
168 je ne les retrouve que chez Ramuz. Mais purifiés de toute brutalité, de ces traits forcenés, de ces ricanements d’intelle
169 que chez Ramuz. Mais purifiés de toute brutalité, de ces traits forcenés, de ces ricanements d’intellectuels mal guéris. C
170 ifiés de toute brutalité, de ces traits forcenés, de ces ricanements d’intellectuels mal guéris. Certes Ramuz attend beauc
171 alité, de ces traits forcenés, de ces ricanements d’ intellectuels mal guéris. Certes Ramuz attend beaucoup du peuple russe
172 is. Certes Ramuz attend beaucoup du peuple russe, de « cette immense et secrète réserve d’innocence » d’où peut-être un jo
173 uple russe, de « cette immense et secrète réserve d’ innocence » d’où peut-être un jour sortira le peuple-poète, « le peupl
174 « cette immense et secrète réserve d’innocence » d’ où peut-être un jour sortira le peuple-poète, « le peuple tous en un »
175 ple tous en un ». Mais son œuvre est bien au-delà de l’ère machiniste que traverse l’URSS, au-delà de l’insolence et de la
176 de l’ère machiniste que traverse l’URSS, au-delà de l’insolence et de la révolte ; et ce trait profond de son art m’en co
177 te que traverse l’URSS, au-delà de l’insolence et de la révolte ; et ce trait profond de son art m’en convainc : le sens d
178 ’insolence et de la révolte ; et ce trait profond de son art m’en convainc : le sens de la vénération, qui est aussi celui
179 trait profond de son art m’en convainc : le sens de la vénération, qui est aussi celui de la lenteur des choses. Cet art,
180 c : le sens de la vénération, qui est aussi celui de la lenteur des choses. Cet art, le sujet des Signes parmi nous, par s
181 même, le met en valeur mieux que tout autre récit de Ramuz. Voici Caille, le colporteur biblique, qui s’avance dès le mati
182 pays, et offre à tous la Parole, « ayant l’aspect d’ une brochure à couverture bleue », où les événements actuels — cela se
183 où les événements actuels — cela se passe un jour d’ été de 1918 — sont expliqués à la lumière des Écritures. La Fin des Te
184 événements actuels — cela se passe un jour d’été de 1918 — sont expliqués à la lumière des Écritures. La Fin des Temps es
185 énements actuels — cela se passe un jour d’été de 1918 — sont expliqués à la lumière des Écritures. La Fin des Temps est pro
186 la journée, et l’angoisse autour de lui grandit. De partout l’orage s’amasse. Vers le soir, il éclate tragiquement. Est-c
187 éclate tragiquement. Est-ce la fin ? Grande heure de terreur et de prière. Puis, « la page du ciel a été tournée », ils se
188 ement. Est-ce la fin ? Grande heure de terreur et de prière. Puis, « la page du ciel a été tournée », ils se relèvent : « 
189 Le monde renaît dans une soirée pure et le baiser d’ un couple heureux. Rarement la forme authentique de Ramuz atteignit un
190 ’un couple heureux. Rarement la forme authentique de Ramuz atteignit une autorité comparable à celle qui éclate dans cet o
191 end les choses à l’état naissant, rugueux, décapé de toute rhétorique5 et de toute explication intellectuelle, atteignant
192 naissant, rugueux, décapé de toute rhétorique5 et de toute explication intellectuelle, atteignant par la une unité de styl
193 ation intellectuelle, atteignant par la une unité de style tellement têtue qu’elle évoque peu à peu on ne sait quelle puis
194 resque, ni dans l’ingéniosité, ni dans l’harmonie de sons, mais bien dans la pesée. Tous les procédés ramuziens, juxtaposi
195 terférences du récit, surimpressions, changements de temps au cours d’une phrase, sont ici largement mis en œuvre mais tou
196 it, surimpressions, changements de temps au cours d’ une phrase, sont ici largement mis en œuvre mais toujours avec une pro
197 our Ramuz ce qu’elle fut pour d’autres : un moyen de créer du mystère en brouillant les plans ; mais un moyen de rendre pl
198 u mystère en brouillant les plans ; mais un moyen de rendre plus totale la vision. Tout, par ailleurs, indique chez Ramuz
199 Tout, par ailleurs, indique chez Ramuz la volonté de ne pas faire prendre une chose pour une autre, ni certain aspect usue
200 une chose pour une autre, ni certain aspect usuel de la chose pour toute la chose. C’est pourquoi il s’attarde à décrire l
201 C’est pourquoi il s’attarde à décrire le concret d’ une façon concrète : ainsi, le maniement d’un outil. D’où le reproche
202 oncret d’une façon concrète : ainsi, le maniement d’ un outil. D’où le reproche de puérilité que lui adressent ceux qui, pa
203 façon concrète : ainsi, le maniement d’un outil. D’ où le reproche de puérilité que lui adressent ceux qui, par exemple, n
204 ainsi, le maniement d’un outil. D’où le reproche de puérilité que lui adressent ceux qui, par exemple, n’hésitent pas à p
205 rêté à l’insolite du style chez Ramuz. Ce qu’il a d’ insolite, ce n’est pas tant sa forme que les vertus qu’elle suppose :
206 lle suppose : la sobriété, la solidité, le manque d’ ironie, la bonhomie sérieuse, l’absence de toute complaisance à soi. C
207 manque d’ironie, la bonhomie sérieuse, l’absence de toute complaisance à soi. Certes, j’en vois les défauts, le poncif ;
208 és. Mais l’important, je pense, c’est qu’une page de Ramuz — même pas très réussie, et il y en a qui ont un air raté, un a
209 et il y en a qui ont un air raté, un air pastiche de Ramuz —, c’est qu’une seule page de ce livre lue avec cette lenteur q
210 air pastiche de Ramuz —, c’est qu’une seule page de ce livre lue avec cette lenteur qu’elle impose, nous replace dans la
211 ire maintenant l’actualité tout à fait singulière d’ un tel livre. Il y a des sujets éternels, ou mieux, perpétuels — sujet
212 es sujets éternels, ou mieux, perpétuels — sujets d’ étonnement perpétuel — et la Fin du Monde est l’un d’eux. Un vrai myth
213 tonnement perpétuel — et la Fin du Monde est l’un d’ eux. Un vrai mythe, c’est-à-dire un événement perpétuellement possible
214 arquent » dans l’Histoire sont celles où la forme d’ un mythe affleure, s’incarne et devient visible. Ce sont les périodes
215 ’incarne et devient visible. Ce sont les périodes de crise. Or toute crise est un jugement6, — un « arrêt dans une forme »
216 êt absolu, suprême : le Jugement dernier. Le sens de l’actuelle crise apparaît ainsi manifeste : un jugement sur tous les
217 Ramuz les pose, et que précisément c’est l’esprit de ces Signes. Aussi serait-il bien insuffisant de dire d’une telle œuvr
218 t de ces Signes. Aussi serait-il bien insuffisant de dire d’une telle œuvre, datée de 1919 et reparue en un temps de crise
219 Signes. Aussi serait-il bien insuffisant de dire d’ une telle œuvre, datée de 1919 et reparue en un temps de crise, qu’ell
220 bien insuffisant de dire d’une telle œuvre, datée de 1919 et reparue en un temps de crise, qu’elle en revêt une actualité
221 n insuffisant de dire d’une telle œuvre, datée de 1919 et reparue en un temps de crise, qu’elle en revêt une actualité accid
222 telle œuvre, datée de 1919 et reparue en un temps de crise, qu’elle en revêt une actualité accidentelle : c’est en quelque
223 une actualité7 et une réalité véritables du fait de la crise. Mais cet affleurement mystérieux de la forme mythique, le p
224 ait de la crise. Mais cet affleurement mystérieux de la forme mythique, le poète en tout temps a le pouvoir de le susciter
225 rme mythique, le poète en tout temps a le pouvoir de le susciter dans son œuvre, comme le mystique dans sa prière. Et c’es
226 s sa vision, cet homme sera toujours en puissance d’ aujourd’hui, enraciné profondément dans une permanente actualité. 3.
227 iné profondément dans une permanente actualité. 3. « Travail », dans Aujourd’hui, 29 octobre 1931. 4. Le populisme est
228 te actualité. 3. « Travail », dans Aujourd’hui, 29 octobre 1931. 4. Le populisme est d’après le peuple. Cette terne vis
229 é. 3. « Travail », dans Aujourd’hui, 29 octobre 1931. 4. Le populisme est d’après le peuple. Cette terne vision des choses
230 « Travail », dans Aujourd’hui, 29 octobre 1931. 4. Le populisme est d’après le peuple. Cette terne vision des choses en
231 e vision des choses en apprend plus sur le compte de la bourgeoisie que sur le peuple qu’elle prétend « observer ». 5. De
232 que sur le peuple qu’elle prétend « observer ». 5. De tout bel canto, peut-on dire. C’est le ton de la musique de Stravi
233 e sur le peuple qu’elle prétend « observer ». 5. De tout bel canto, peut-on dire. C’est le ton de la musique de Stravinsk
234 5. De tout bel canto, peut-on dire. C’est le ton de la musique de Stravinsky, du Sacre et des Noces. Le ton de la créatio
235 l canto, peut-on dire. C’est le ton de la musique de Stravinsky, du Sacre et des Noces. Le ton de la création du monde. 6
236 ique de Stravinsky, du Sacre et des Noces. Le ton de la création du monde. 6. S’il est vrai, comme l’a montré M. Spaïer,
237 re et des Noces. Le ton de la création du monde. 6. S’il est vrai, comme l’a montré M. Spaïer, que toute pensée est judic
238 r, que toute pensée est judicatoire, le fait même de penser devient fauteur de crise. Informer le réel, c’est en quelque s
239 dicatoire, le fait même de penser devient fauteur de crise. Informer le réel, c’est en quelque sorte le mettre en état de
240 le réel, c’est en quelque sorte le mettre en état de crise ; et il n’y a de réalité que par et dans la crise… 7. On pourr
241 ue sorte le mettre en état de crise ; et il n’y a de réalité que par et dans la crise… 7. On pourrait soutenir que l’époq
242 et il n’y a de réalité que par et dans la crise… 7. On pourrait soutenir que l’époque 1900-1910 fut « inactuelle » pour l
243 s la crise… 7. On pourrait soutenir que l’époque 1900-1910 fut « inactuelle » pour la grande masse de ceux qui la vécurent. c.
244 1900-1910 fut « inactuelle » pour la grande masse de ceux qui la vécurent. c. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] C. F.
245 sse de ceux qui la vécurent. c. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] C. F. Ramuz, Les Signes parmi nous  », La Nouvelle
246 curent. c. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] C. F. Ramuz, Les Signes parmi nous  », La Nouvelle Revue française, Pari
247 s  », La Nouvelle Revue française, Paris, janvier 1932, p. 144-149.
4 1932, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Le silence de Goethe (mars 1932)
248 Le silence de Goethe (mars 1932)d « L’homme, dit Goethe, ne reconnaît et n’appré
249 Le silence de Goethe (mars 1932 )d « L’homme, dit Goethe, ne reconnaît et n’apprécie que ce qu’il e
250 t et n’apprécie que ce qu’il est lui-même en état de faire. » Telle est la cause du malentendu que soulèvera toujours à no
251 ntendu que soulèvera toujours à nouveau l’exemple de cette vie. Ceux qui traitent Goethe de bourgeois ne prouvent rien de
252 l’exemple de cette vie. Ceux qui traitent Goethe de bourgeois ne prouvent rien de plus que leur propre rationalisme, sans
253 a domination des mystères. Ainsi se réclament-ils de Rimbaud. Peut-être la confrontation du Sage et du Fou — d’un fou qui
254 d. Peut-être la confrontation du Sage et du Fou — d’ un fou qui reste notre intime tentation — permettra-t-elle, par la viv
255 e tait. Goethe, initié dans sa jeunesse, commence d’ écrire vers ce temps, mais, la fièvre tombée, poursuivra durant toute
256 ant toute sa vie une « activité littéraire ». Ces deux expériences seraient antithétiques si elles étaient superposables, ce
257 ient superposables, ce qui n’est pas même le cas. De ce point de vue littéraire, la confrontation serait absurde, j’en con
258 état d’esprit qui voudrait que l’on considère ces deux hommes avant tout comme des écrivains ? C’est par la chose écrite, pa
259 imbaud ne fut jamais un écrivain, ni ne se soucia de l’être. Et Goethe ne fut qu’entre autres choses un écrivain, et se so
260 qu’entre autres choses un écrivain, et se soucia de l’être dans la mesure seulement où il portait en tous les domaines de
261 sure seulement où il portait en tous les domaines de son activité une application volontaire et soutenue. Ce n’est donc pa
262 t soutenue. Ce n’est donc pas l’aspect littéraire de leur expérience qui doit conditionner notre vision. Non point qu’il s
263 u’il soit un seul instant négligeable, s’agissant de deux êtres que l’on connaît par leurs écrits d’abord. Mais, pour en t
264 l soit un seul instant négligeable, s’agissant de deux êtres que l’on connaît par leurs écrits d’abord. Mais, pour en tenir
265 d. Mais, pour en tenir un juste compte, il s’agit de le subordonner au problème personnel de ces vies, à leur équation d’e
266 il s’agit de le subordonner au problème personnel de ces vies, à leur équation d’existence, pourrait-on dire. Or c’est, ch
267 u problème personnel de ces vies, à leur équation d’ existence, pourrait-on dire. Or c’est, chez l’un comme chez l’autre, u
268 l’un comme chez l’autre, une révolution profonde de l’esprit dont procèdent à la fois le refus de la magie et le goût pas
269 nde de l’esprit dont procèdent à la fois le refus de la magie et le goût passionné de l’effort immédiat. Qu’un fait de cet
270 la fois le refus de la magie et le goût passionné de l’effort immédiat. Qu’un fait de cet ordre puisse être tenu pour cruc
271 e goût passionné de l’effort immédiat. Qu’un fait de cet ordre puisse être tenu pour crucial, je veux croire qu’on ne le c
272 e qu’on voudrait dire maintenant, ce qui ne cesse de provoquer dans notre esprit l’étonnement du premier regard, c’est la
273 étonnement du premier regard, c’est la similitude de forme, c’est-dire la similitude essentielle, hors du temps, qui paraî
274 e essentielle, hors du temps, qui paraît dans ces deux expériences, à mesure qu’on les abstrait de toute la littérature dont
275 ces deux expériences, à mesure qu’on les abstrait de toute la littérature dont elles enveloppèrent leurs manifestations, —
276 anifestations, — à quoi l’on ne s’est point privé d’ ajouter quelques tomes depuis. Il convient de marquer toutefois qu’une
277 rivé d’ajouter quelques tomes depuis. Il convient de marquer toutefois qu’une pareille assimilation eût exaspéré Goethe au
278 une analogie universelle des réactions profondes de l’âme devant son destin m’autorise à cette confrontation et me persua
279 n m’autorise à cette confrontation et me persuade de son intérêt humain. Et si tout cela reste absurde aux yeux de ceux po
280 m’en étonnerai point. Il s’agit simplement, ici, de rendre plus concrète, grâce au recoupement de deux vies qui l’ont réa
281 ci, de rendre plus concrète, grâce au recoupement de deux vies qui l’ont réalisée selon des voies totalement divergentes,
282 de rendre plus concrète, grâce au recoupement de deux vies qui l’ont réalisée selon des voies totalement divergentes, une a
283 rdan, l’on en trouve dans toutes ses œuvres assez de signes irrévocables pour n’avoir plus besoin de solliciter les biogra
284 z de signes irrévocables pour n’avoir plus besoin de solliciter les biographes. On a souvent rappelé l’amitié du jeune bou
285 On a souvent rappelé l’amitié du jeune bourgeois de Francfort et de la sage et très fervente Mlle de Klettenberg. Mais bi
286 ppelé l’amitié du jeune bourgeois de Francfort et de la sage et très fervente Mlle de Klettenberg. Mais bien plus que dans
287 une spiritualité facilement épurée, le mysticisme de celui qui, tout enfant, édifiait un autel à la Nature, trouvait son a
288 ose-croix, et qui le porta même à quelques essais d’ alchimie. Coquetteries, a-t-on dit, — mais il n’est point de sentiment
289 . Coquetteries, a-t-on dit, — mais il n’est point de sentiments intermédiaires qui ne conduisent réellement vers une pléni
290 nt vers une plénitude, pour un esprit comme celui de Goethe. « On a peur que son feu ne le consume », écrit un de ses amis
291 « On a peur que son feu ne le consume », écrit un de ses amis, vers ce temps. « Goethe vit sur un perpétuel pied de guerre
292 vers ce temps. « Goethe vit sur un perpétuel pied de guerre et de révolte psychique ». Et lui-même gémit, avec une sombre
293 . « Goethe vit sur un perpétuel pied de guerre et de révolte psychique ». Et lui-même gémit, avec une sombre joie : « Sort
294 oie : « Sort misérable, qui ne me permet rien que d’ extrême ». Jacob Boehme, Paracelse, Swedenborg, lectures de son adoles
295  ». Jacob Boehme, Paracelse, Swedenborg, lectures de son adolescence, figurent bel et bien dans son évolution une de ces c
296 ence, figurent bel et bien dans son évolution une de ces crises où l’être spirituel découvre sa forme véritable. Et si, co
297 malement se traduire que par une qualité nouvelle de silence. Encore faut-il que le destin favorise concrètement cette ass
298 » l’a-t-il provoquée chez Goethe ? Il est un fait de sa jeunesse dont on ne saurait exagérer l’importance à la fois histor
299 historique et symbolique : les premiers contacts de Goethe avec le mysticisme précédèrent de très peu une grave maladie,
300 contacts de Goethe avec le mysticisme précédèrent de très peu une grave maladie, dont il ne fut sauvé que par l’interventi
301 adie, dont il ne fut sauvé que par l’intervention d’ un médecin « alchimiste ». Retenons ceci : au seuil de l’initiation, c
302 médecin « alchimiste ». Retenons ceci : au seuil de l’initiation, chez Goethe, il n’y a pas une révolte, il y a un péril
303 puissamment dans son âme » qu’il appelle les arts d’ une magie maîtrisée, c’est-à-dire incarnée. La question se pose pour l
304 d, en termes matériels, urgents et contraignants. De là le sérieux avec lequel il accepte les conditions de l’initiation :
305 le sérieux avec lequel il accepte les conditions de l’initiation : et d’abord la plus difficile, le silence. Ainsi, les p
306 es premières séductions du dépaysement spirituel, de la connaissance ésotérique dans ce qu’elle peut avoir de purement « é
307 onnaissance ésotérique dans ce qu’elle peut avoir de purement « étrange » ont à peine enfiévré le jeune Goethe, que déjà l
308 a faiblesse du corps le ramène à l’aspect concret de notre condition. Et c’est seulement en passant par une application ma
309 qui figure en raccourci tout le drame dialectique de sa vie. Mais cette maladie, et la convalescence, ont éveillé dans son
310 les premières tentations créatrices. À l’origine de son œuvre, voici donc le fait de la magie domptée ; conçue sous de te
311 ces. À l’origine de son œuvre, voici donc le fait de la magie domptée ; conçue sous de tels auspices, c’est tout naturelle
312 ci donc le fait de la magie domptée ; conçue sous de tels auspices, c’est tout naturellement que la littérature prendra pl
313 ittérature prendra plus tard chez Goethe l’allure d’ une discipline de l’âme. Un exercice, une activité organique à objecti
314 a plus tard chez Goethe l’allure d’une discipline de l’âme. Un exercice, une activité organique à objectifs limités et con
315 Un instrument et un style. Dès ce moment le choix de Goethe a trouvé sa forme. Il lui faudra maintenant le renouveler perp
316 ment fécond. Car un tel silence n’est pas absence de mots. C’est encore chez Goethe une activité réelle, et même à double
317 de plus agissant, dans une œuvre marquée du signe de la maturité, que cette présence rayonnante dont on devine chaque phra
318 is rien ne la trahirait mieux que la retenue même de l’expression. C’est pourquoi je l’éprouve plus vivement dans certains
319 t dans certains passages des Affinités électives, d’ une apparente platitude, mais translucide, que dans le Conte du Serpen
320 s seule à le sauvegarder. Il y faudra le dressage de la souffrance. L’excès verbal de Werther couvre d’abord la voix intér
321 udra le dressage de la souffrance. L’excès verbal de Werther couvre d’abord la voix intérieure, la renie même bruyamment.
322 ieure, la renie même bruyamment. C’est là le fait d’ une âme qui se refuse encore à la souffrance et la crie sur la place.
323 a souffrance et la crie sur la place. Un peu plus de souffrance, plus intimement ancrée, et voici l’autre danger : la déle
324 e, l’obscurité glaciale des Mystères. Un peu plus d’ humilité, c’est-à-dire le réel désir d’être « utile », et c’est le jus
325 n peu plus d’humilité, c’est-à-dire le réel désir d’ être « utile », et c’est le juste point : les Affinités. D’ailleurs, l
326 int : les Affinités. D’ailleurs, l’alternance des trois états, visible tout au long de l’œuvre, prouve que la question se pos
327 ’alternance des trois états, visible tout au long de l’œuvre, prouve que la question se pose sans cesse à nouveau et que s
328 revient, l’agonie se poursuit. Seulement l’effort d’ équilibre crée des énergies nouvelles. Le silence mûrit à la faveur du
329 insi que la magie reniée extérieurement au profit d’ une expression « utile », renaît comme libérée intérieurement au « jou
330 âme parvient à cette « connaissance », à cet acte de fécondation spirituelle par où l’homme pénètre dans la réalité mystiq
331 peut se produire que dans le plus profond silence de l’esprit, dans la région où seul accède celui qui sait préserver sa p
332 ent pur, mais aussi l’être sombre dans le mystère de la fureur ». Cette complexe dialectique de la magie, Goethe lui-même
333 ystère de la fureur ». Cette complexe dialectique de la magie, Goethe lui-même l’a stylisée en symboles concrets dans le F
334 concrets dans le Faust, œuvre longue comme sa vie de créateur exactement, et à tel point autobiographique qu’il put songer
335 iographique qu’il put songer à incorporer le plan de certains actes à Vérité et Poésie. Le drame s’ouvre sur un réveil : l
336 cice sans frein des arts occultes laisse l’esprit de Faust béant sur le vide : « Moi qui me suis cru plus grand que le Ché
337 le Chérubin… qui pensais en créant pouvoir jouir de la vie des dieux et m’y égaler… combien je dois expier tout cela ! »
338 is expier tout cela ! » Faust se reprend au seuil de la mort. Mais la vie ne lui sera plus qu’un profond renoncement ; mêm
339 ur Faust serait réel : la possession bienheureuse de l’instant. Et lorsque, épuisé mais pacifié, il va quitter son corps a
340 va quitter son corps aveugle pour d’autres formes d’ existence que la Nature se voit pour ainsi dire contrainte d’assigner
341 que la Nature se voit pour ainsi dire contrainte d’ assigner à l’homme actif 8, l’on découvre que c’est la magie encore qu
342 ainsi dire contrainte d’assigner à l’homme actif 8, l’on découvre que c’est la magie encore qui n’a cessé de l’entraver :
343 découvre que c’est la magie encore qui n’a cessé de l’entraver : Könnt ich Magie von meinem Pfad entfernen Die Zaüberspr
344 ein Mensch zu sein.9 C’est tout le drame secret de l’œuvre qui s’avoue dans ce cri : chaque fois que Goethe invoque la c
345 haque fois que Goethe invoque la catégorie sacrée de l’humain, comprenons qu’il y va de tout. Mais les anges enfin élèvent
346 tégorie sacrée de l’humain, comprenons qu’il y va de tout. Mais les anges enfin élèvent Faust au-dessus de cette agonie sy
347 out. Mais les anges enfin élèvent Faust au-dessus de cette agonie symbolique de toute son existence, et c’est leur chœur q
348 lèvent Faust au-dessus de cette agonie symbolique de toute son existence, et c’est leur chœur qui chante une dernière fois
349 ière fois la loi, au moment où il reçoit la grâce de lui échapper : « Wer immer strebend sich bemüht, — Den können wir erl
350 que Faust enfin rejoint dans la pleine possession de ses forces et l’assurance du regard. L’âme, purifiée de sa « vieille
351 forces et l’assurance du regard. L’âme, purifiée de sa « vieille dépouille » par l’effort aveuglant de la vie, pénètre da
352 e sa « vieille dépouille » par l’effort aveuglant de la vie, pénètre dans le Nouveau Jour et contemple l’Indescriptible. S
353 contemple l’Indescriptible. Si Faust est le drame d’ une formidable patience sans cesse remise en question, la Saison en en
354 mise en question, la Saison en enfer est le drame d’ une pureté avide, et son destin se joue d’un coup. La grandeur de Goet
355 e drame d’une pureté avide, et son destin se joue d’ un coup. La grandeur de Goethe est d’avoir su vieillir, celle de Rimba
356 ide, et son destin se joue d’un coup. La grandeur de Goethe est d’avoir su vieillir, celle de Rimbaud de s’y être refusé.
357 stin se joue d’un coup. La grandeur de Goethe est d’ avoir su vieillir, celle de Rimbaud de s’y être refusé. Transportez la
358 grandeur de Goethe est d’avoir su vieillir, celle de Rimbaud de s’y être refusé. Transportez la dialectique faustienne dan
359 Goethe est d’avoir su vieillir, celle de Rimbaud de s’y être refusé. Transportez la dialectique faustienne dans la vie d’
360 Transportez la dialectique faustienne dans la vie d’ un être jeune et libre encore de toute contrainte sociale, culturelle,
361 ienne dans la vie d’un être jeune et libre encore de toute contrainte sociale, culturelle, voire physiologique ; le dessin
362 onnée initiale est bien la même : c’est l’attrait d’ une vision qui transcende la vie médiocre. Rimbaud s’y lance avec l’em
363 ie médiocre. Rimbaud s’y lance avec l’emportement d’ une révolte qui traduit d’abord un excès féroce de vitalité plutôt qu’
364 d’une révolte qui traduit d’abord un excès féroce de vitalité plutôt qu’une souffrance matérielle, — et va d’un mouvement
365 lité plutôt qu’une souffrance matérielle, — et va d’ un mouvement rigoureusement logique jusqu’au système de sa folie. Mais
366 mouvement rigoureusement logique jusqu’au système de sa folie. Mais l’irruption de cette « magie » est si violente qu’elle
367 ue jusqu’au système de sa folie. Mais l’irruption de cette « magie » est si violente qu’elle a certainement angoissé l’enf
368 devins un opéra fabuleux. » Il a brûlé les étapes de l’initiation. Mais on ne déchaîne pas de telles puissances impunément
369 s étapes de l’initiation. Mais on ne déchaîne pas de telles puissances impunément. « Ma santé fut menacée. La terreur vena
370  Moi ! moi qui me suis dit mage ou ange, dispensé de toute morale, je suis rendu au sol, avec un devoir à chercher et la r
371 réalité rugueuse à étreindre. » C’est le cri même de Faust. « Il faut être absolument moderne. » Travailler. Se donner à l
372 t, à cette heure « au moins très sévère ». Gagner 40  000 francs. Mourir obsédé par ce travail. Ainsi cette vie est bien d’
373 à cette heure « au moins très sévère ». Gagner 40  000 francs. Mourir obsédé par ce travail. Ainsi cette vie est bien d’un s
374 r obsédé par ce travail. Ainsi cette vie est bien d’ un seul tenant ; une seule et unique expérience la remplit : l’envahis
375 et unique expérience la remplit : l’envahissement de la magie aboutissant au renoncement et à l’action. Le second Rimbaud
376 he-le et jette-le loin de toi ». Mais Rimbaud est d’ une autre trempe : il a déjà prouvé en écrivant les Illuminations qu’i
377 renoncement. Nous aurions combiné tout cela avec de la littérature. Car il n’est pas donné à beaucoup d’hommes de devenir
378 la littérature. Car il n’est pas donné à beaucoup d’ hommes de devenir un mythe à force de pureté dans la réalisation de le
379 ature. Car il n’est pas donné à beaucoup d’hommes de devenir un mythe à force de pureté dans la réalisation de leur destin
380 ir un mythe à force de pureté dans la réalisation de leur destin. Rimbaud est notre mythe occidental : mythe faustien. Il
381 nt comme Goethe les conditions réelles et données de son effort particulier. Ce renoncement à un Orient de mythe, c’est ce
382 on effort particulier. Ce renoncement à un Orient de mythe, c’est cela même qui constitue l’Occident spirituel. C’est le r
383 ui constitue l’Occident spirituel. C’est le refus de la magie qui fonde notre éthique, et ce dilemme est peut-être le plus
384 ’esprit occidental, dès qu’il atteint les régions de haute tension où la seule « orientation » qu’il adopte suffit à déter
385 tion » qu’il adopte suffit à déterminer une suite d’ actes. Dilemme, en son fond, religieux. C’est une forme dialectique, «
386 gieux. C’est une forme dialectique, « agonique », de la vie de l’âme, une forme cruciale, c’est-à-dire une de ces contradi
387 st une forme dialectique, « agonique », de la vie de l’âme, une forme cruciale, c’est-à-dire une de ces contradictions ess
388 ie de l’âme, une forme cruciale, c’est-à-dire une de ces contradictions essentielles, en signe de croix, qui sont la marqu
389 elles, en signe de croix, qui sont la marque même de la réalité dans une conscience occidentale. Supprimez l’un des termes
390 e mythe dialectique soit profondément constitutif de notre être, l’extension et la diversité de ses aspects le prouvent. C
391 itutif de notre être, l’extension et la diversité de ses aspects le prouvent. C’est l’opposition du savoir et du pouvoir,
392 vent. C’est l’opposition du savoir et du pouvoir, de la connaissance et de la souffrance, de la spéculation et de l’existe
393 on du savoir et du pouvoir, de la connaissance et de la souffrance, de la spéculation et de l’existence, de l’au-delà myst
394 pouvoir, de la connaissance et de la souffrance, de la spéculation et de l’existence, de l’au-delà mystique et de l’imméd
395 issance et de la souffrance, de la spéculation et de l’existence, de l’au-delà mystique et de l’immédiat éthique. Et quels
396 souffrance, de la spéculation et de l’existence, de l’au-delà mystique et de l’immédiat éthique. Et quels sont les plus g
397 ation et de l’existence, de l’au-delà mystique et de l’immédiat éthique. Et quels sont les plus grands Occidentaux ? Ceux
398 ise instinctive qui ressemble à la chute soudaine de l’ivresse devant le mortel danger qui se lève à un pas. Tous deux réa
399 evant le mortel danger qui se lève à un pas. Tous deux réalisent le renoncement, le deuxième temps de cette dialectique, dan
400 deux réalisent le renoncement, le deuxième temps de cette dialectique, dans un mouvement que sa violence rend unique : c’
401 olence rend unique : c’est qu’ils reviennent tous deux de loin, d’un long abandon à l’erreur. Goethe n’a pas connu de tels d
402 e rend unique : c’est qu’ils reviennent tous deux de loin, d’un long abandon à l’erreur. Goethe n’a pas connu de tels déch
403 ique : c’est qu’ils reviennent tous deux de loin, d’ un long abandon à l’erreur. Goethe n’a pas connu de tels déchirements.
404 ’un long abandon à l’erreur. Goethe n’a pas connu de tels déchirements. Et c’est lui qui méritera la phrase de la Saison :
405 déchirements. Et c’est lui qui méritera la phrase de la Saison : « Pas de partis de salut violents. » Dès les premiers ins
406 t lui qui méritera la phrase de la Saison : « Pas de partis de salut violents. » Dès les premiers instants de son accessio
407 méritera la phrase de la Saison : « Pas de partis de salut violents. » Dès les premiers instants de son accession au monde
408 is de salut violents. » Dès les premiers instants de son accession au monde spirituel, il s’est mis en état de défense et
409 ccession au monde spirituel, il s’est mis en état de défense et de lenteur. Il avance ainsi pas à pas, l’âme tendue dans u
410 nde spirituel, il s’est mis en état de défense et de lenteur. Il avance ainsi pas à pas, l’âme tendue dans une puissante c
411 tendue dans une puissante circonspection, pendant soixante ans, sans jamais s’abandonner aux bienheureuses violences de l’orage,
412 s jamais s’abandonner aux bienheureuses violences de l’orage, au repos de la démesure. On rit de ses allures compassées, d
413 aux bienheureuses violences de l’orage, au repos de la démesure. On rit de ses allures compassées, des solennelles banali
414 ences de l’orage, au repos de la démesure. On rit de ses allures compassées, des solennelles banalités dont il gratifie le
415 oir dans ces façons que la distraction souveraine d’ une âme tout occupée à dompter ses dieux. Une haute menace, invisible
416 e à tout autre, l’accompagne sans trêve, et c’est d’ elle qu’il tire ses forces, toujours renouvelées. Mais il y faut une p
417 ment soutenue qu’elle informe peu à peu une sorte d’ instinct, libérant l’attention consciente. C’est ainsi que le voyant a
418 mystiques du Second Faust peut aussi faire figure de sage officiel parmi les philistins. Le somnambule est désormais proté
419 Le somnambule est désormais protégé par une cotte d’ invisible silence. Vous pouvez lui parler sans le troubler : les mots
420 du ministre renouvelle le vieux mythe germanique de la « Tarnkappe », du manteau qui rend invisible. ⁂ Cette similitude d
421 du manteau qui rend invisible. ⁂ Cette similitude de forme dans le cours de la magie chez Goethe et chez Rimbaud, et d’aut
422 isible. ⁂ Cette similitude de forme dans le cours de la magie chez Goethe et chez Rimbaud, et d’autre part le contraste ab
423 ons littéraires. « Bon esprit, prends garde ! Pas de partis de salut violents. Exerce-toi ». Objurgation que l’on croirait
424 aires. « Bon esprit, prends garde ! Pas de partis de salut violents. Exerce-toi ». Objurgation que l’on croirait tirée de
425 Exerce-toi ». Objurgation que l’on croirait tirée de quelque journal intime du Goethe des années ascétiques, à Weimar avan
426 es, à Weimar avant l’Italie. Et le passage fameux de la Saison : « moi qui me suis dit mage ou ange… » rappelle étrangemen
427 me suis cru plus grand que le Chérubin. » « Point de cantiques : tenir le pas gagné… la réalité rugueuse à étreindre ». Ce
428 eindre ». Certes, les sentences du vieil Olympien de la légende ont peu de consonance avec un tel pathétique, mais quel éc
429 n’eût-il pas éveillé dans l’âme du jeune ministre de 32 ans, adonné vers ce temps au plus dur effort d’organisation de son
430 ût-il pas éveillé dans l’âme du jeune ministre de 32 ans, adonné vers ce temps au plus dur effort d’organisation de son si
431 e 32 ans, adonné vers ce temps au plus dur effort d’ organisation de son silence intérieur. Période de repliement et de ref
432 é vers ce temps au plus dur effort d’organisation de son silence intérieur. Période de repliement et de refus, si douloure
433 d’organisation de son silence intérieur. Période de repliement et de refus, si douloureuse que le signe en devient visibl
434 e son silence intérieur. Période de repliement et de refus, si douloureuse que le signe en devient visible sur ses traits.
435 evient visible sur ses traits. Je ne me lasse pas de méditer ce visage dont Klauer modela l’effigie passionnément triste e
436 he aux lèvres serrées, l’inférieure creusée comme d’ un sanglot retenu, et relâchée aux commissures, — tristesse et volupté
437 ommissures, — tristesse et volupté. Mais le front d’ une plénitude royale s’avance fortement contre la lumière, et les yeux
438 les yeux, entre cette bouche et ce front, disent d’ un sobre et méditant regard le mot suprême de la Saison, ce cri sourd
439 sent d’un sobre et méditant regard le mot suprême de la Saison, ce cri sourd du plus lucide héroïsme : « Et allons ! » Goe
440 . Il y a dans tout désespoir à la fois l’angoisse de la catastrophe et la secrète, l’inavouable joie de la libération. Imp
441 e la catastrophe et la secrète, l’inavouable joie de la libération. Impossible d’isoler ces deux composantes dans l’aventu
442 e, l’inavouable joie de la libération. Impossible d’ isoler ces deux composantes dans l’aventure rimbaldienne. Mais chez Go
443 le joie de la libération. Impossible d’isoler ces deux composantes dans l’aventure rimbaldienne. Mais chez Goethe, c’est la
444 emps qui les dénoncera. Et cette fameuse sérénité de sa vieillesse, ce n’est rien d’autre, peut-être, que le triomphe de l
445 fameuse sérénité de sa vieillesse, ce n’est rien d’ autre, peut-être, que le triomphe de l’élément libérateur du désespoir
446 ce n’est rien d’autre, peut-être, que le triomphe de l’élément libérateur du désespoir. La longue peine de celui « qui tou
447 ’élément libérateur du désespoir. La longue peine de celui « qui toujours s’est efforcé » a purifié le corps, et l’âme est
448 le corps, et l’âme est prête à recevoir « l’amour d’ en haut ». Car telle est le yoga occidental, dont le Second Faust rest
449 alors qu’elle propose à Goethe, comme un exercice de choix, l’écriture, — cela n’a rien que de logique, et résulte de la d
450 xercice de choix, l’écriture, — cela n’a rien que de logique, et résulte de la définition même d’un tel yoga. Tout savoir
451 iture, — cela n’a rien que de logique, et résulte de la définition même d’un tel yoga. Tout savoir doit être confirmé par
452 que de logique, et résulte de la définition même d’ un tel yoga. Tout savoir doit être confirmé par un faire, qui le tait
453 qui le tait et l’exprime à la fois. Le « faire » de Rimbaud ne peut être la littérature, puisque écrire signifie pour lui
454 peut considérer sans paradoxe que la littérature de Goethe est un des moyens de silence dont il dispose. Ni plus ni moins
455 xe que la littérature de Goethe est un des moyens de silence dont il dispose. Ni plus ni moins que l’étude des sciences na
456 ins que l’étude des sciences naturelles, la régie d’ un théâtre ou l’administration du Grand-Duché. « J’ai toujours considé
457 boliques, et, au fond, il m’est assez indifférent d’ avoir fait des pots ou des assiettes »10. Si tout de même il a peiné s
458 différent d’avoir fait des pots ou des assiettes » 10. Si tout de même il a peiné sur la composition d’Iphigénie ou des Ball
459 10. Si tout de même il a peiné sur la composition d’ Iphigénie ou des Ballades, c’est que l’art est pour lui la tentation l
460 que l’art est pour lui la tentation la plus aiguë de jouer avec les mystères, et par là même l’occasion de réaliser sans c
461 ouer avec les mystères, et par là même l’occasion de réaliser sans cesse à nouveau l’exigence dernière de la magie : son r
462 réaliser sans cesse à nouveau l’exigence dernière de la magie : son reniement au profit de l’action. Insistons sur ce term
463 ce dernière de la magie : son reniement au profit de l’action. Insistons sur ce terme de profit, qu’on ne saurait ici taxe
464 ent au profit de l’action. Insistons sur ce terme de profit, qu’on ne saurait ici taxer de vulgarité, puisqu’il concerne l
465 ur ce terme de profit, qu’on ne saurait ici taxer de vulgarité, puisqu’il concerne les fins les plus hautes de l’existence
466 rité, puisqu’il concerne les fins les plus hautes de l’existence terrestre. « Un fait de notre vie ne vaut pas en tant qu’
467 s plus hautes de l’existence terrestre. « Un fait de notre vie ne vaut pas en tant qu’il est vrai, mais en tant qu’il sign
468 t pourquoi l’on fait bien, dans la vie ordinaire, de garder ces choses-là pour soi et de n’en découvrir que juste ce qu’il
469 ie ordinaire, de garder ces choses-là pour soi et de n’en découvrir que juste ce qu’il faut pour qu’elles puissent être de
470 e juste ce qu’il faut pour qu’elles puissent être de quelque avantage aux autres11… L’homme n’est pas né pour résoudre le
471 1… L’homme n’est pas né pour résoudre le problème de l’univers, mais bien pour rechercher où tend ce problème, et ensuite
472 oblème, et ensuite se maintenir entre les limites de l’intelligible »12. L’on découvre ici la source de l’étrange refus de
473 se maintenir entre les limites de l’intelligible » 12. L’on découvre ici la source de l’étrange refus de Goethe, dès qu’il s
474 e l’intelligible »12. L’on découvre ici la source de l’étrange refus de Goethe, dès qu’il s’agit de faire état des causes
475 2. L’on découvre ici la source de l’étrange refus de Goethe, dès qu’il s’agit de faire état des causes premières, des fins
476 ce de l’étrange refus de Goethe, dès qu’il s’agit de faire état des causes premières, des fins dernières, en tant que tell
477 remières, des fins dernières, en tant que telles. De là ce rationalisme agressif qu’il oppose aux dévots : « S’occuper d’i
478 me agressif qu’il oppose aux dévots : « S’occuper d’ idées relatives à l’immortalité, poursuivit Goethe, cela convient aux
479 e. Mais un homme supérieur, qui a déjà conscience d’ être quelque chose ici-bas, et qui par conséquent doit tous les jours
480 gir, laisse en paix le monde futur et se contente d’ être actif et utile en celui-ci »13. À quoi nous saurons opposer cette
481 et se contente d’être actif et utile en celui-ci » 13. À quoi nous saurons opposer cette confession mémorable : « Nous ne de
482 r tout ce que nous ferons, comme la douce lumière d’ un soleil caché14. » Écrire, tout en se taisant. Et ceux-là seuls ente
483 confession éruptive : les Illuminations naissent d’ une telle rupture. Elles sont le champ même15 où Rimbaud se livre à l’
484 elle il se rabat sur le travail « à mains », rage de revanche, par son excès même est encore une évasion hors du réel. En
485 nce et leur faiblesse précipitent vers des portes de sortie souvent illusoires, vers un « au-delà » des conditions de vivr
486 nt illusoires, vers un « au-delà » des conditions de vivre. Mais notre époque voudra-t-elle encore de ces évasions ? Elle
487 de vivre. Mais notre époque voudra-t-elle encore de ces évasions ? Elle les reproche au christianisme, avec moins de rais
488  ? Elle les reproche au christianisme, avec moins de raison d’ailleurs (puisque le christianisme affirme que l’éternité es
489 anisme). Plus goethéenne aussi. Mais gardons-nous de tirer de ceci je ne sais quel critère de « jugement » qui permettrait
490 Plus goethéenne aussi. Mais gardons-nous de tirer de ceci je ne sais quel critère de « jugement » qui permettrait de place
491 ons-nous de tirer de ceci je ne sais quel critère de « jugement » qui permettrait de placer Goethe au-dessus de Rimbaud. C
492 sais quel critère de « jugement » qui permettrait de placer Goethe au-dessus de Rimbaud. C’est la pureté démesurée de Rimb
493 ment » qui permettrait de placer Goethe au-dessus de Rimbaud. C’est la pureté démesurée de Rimbaud qui nous juge, et la gr
494 e au-dessus de Rimbaud. C’est la pureté démesurée de Rimbaud qui nous juge, et la grandeur humaine de Goethe. Et qui voudr
495 de Rimbaud qui nous juge, et la grandeur humaine de Goethe. Et qui voudrait les opposer ? Que signifierait un choix dont
496 Certes, il est d’autres recours, d’autres points de vision qu’humains. La révélation chrétienne déborde notre condition,
497 en bonne dialectique autoriserait à des jugements de valeurs humaines. Mais il faudrait mettre en balance une longue fidél
498 choix, jusque dans nos admirations, nous pressent d’ affecter toute chose, même spirituelle, d’une sorte de coefficient d’u
499 ressent d’affecter toute chose, même spirituelle, d’ une sorte de coefficient d’utilité. En ce jour de février 1932, dans c
500 fecter toute chose, même spirituelle, d’une sorte de coefficient d’utilité. En ce jour de février 1932, dans ce Francfort
501 ose, même spirituelle, d’une sorte de coefficient d’ utilité. En ce jour de février 1932, dans ce Francfort en proie au Car
502 d’une sorte de coefficient d’utilité. En ce jour de février 1932, dans ce Francfort en proie au Carnaval et à l’angoisse,
503 e de coefficient d’utilité. En ce jour de février 1932, dans ce Francfort en proie au Carnaval et à l’angoisse, ce n’est pas
504 , peut-être, pour cette bourgeoisie dont je viens d’ admirer les trésors patinés dans la haute demeure familiale des Goethe
505 e des Goethe. Aujourd’hui… Un immense glissement de la réalité hors des cadres d’une logique statique et cartésienne nous
506 immense glissement de la réalité hors des cadres d’ une logique statique et cartésienne nous porte en des régions nouvelle
507 t cartésienne nous porte en des régions nouvelles de l’esprit où l’action redevient notre seul critère de cohérence. C’est
508 l’esprit où l’action redevient notre seul critère de cohérence. C’est dire que nous demandons aux œuvres que nous aimons d
509 ire que nous demandons aux œuvres que nous aimons de témoigner d’une certaine force de révolte. Notre premier mouvement no
510 demandons aux œuvres que nous aimons de témoigner d’ une certaine force de révolte. Notre premier mouvement nous porterait
511 que nous aimons de témoigner d’une certaine force de révolte. Notre premier mouvement nous porterait vers Rimbaud, nous dé
512 ment nous porterait vers Rimbaud, nous détournant de Goethe. Mais prenons garde de tomber dans un conformisme à rebours, v
513 ud, nous détournant de Goethe. Mais prenons garde de tomber dans un conformisme à rebours, victimes de valeurs sentimental
514 de tomber dans un conformisme à rebours, victimes de valeurs sentimentales héritées des temps révolus, prenons garde de no
515 entales héritées des temps révolus, prenons garde de nous laisser convaincre par les seuls éclats d’un fanatisme à vrai di
516 e de nous laisser convaincre par les seuls éclats d’ un fanatisme à vrai dire splendide. (Qui me guérira de la honte de n’ê
517 fanatisme à vrai dire splendide. (Qui me guérira de la honte de n’être pas Rimbaud ?) Plus que jamais, il faudrait s’appl
518 vrai dire splendide. (Qui me guérira de la honte de n’être pas Rimbaud ?) Plus que jamais, il faudrait s’appliquer à dist
519 à distinguer dans ce vertige la réelle puissance d’ une voix volontairement assourdie. Le silence de Goethe n’est pas moin
520 e d’une voix volontairement assourdie. Le silence de Goethe n’est pas moins dangereux, pour qui sait l’entendre, que l’imp
521 reux, pour qui sait l’entendre, que l’imprécation de Rimbaud : et tous deux nous contraignent aux tâches immédiates, c’est
522 ’entendre, que l’imprécation de Rimbaud : et tous deux nous contraignent aux tâches immédiates, c’est-à-dire : à l’actualisa
523 ches immédiates, c’est-à-dire : à l’actualisation de notre réalité. « Il faut être absolument moderne ». 8. Conversatio
524 e réalité. « Il faut être absolument moderne ». 8. Conversations avec Eckermann, 4 février 1829. 9. Si je pouvais éc
525 nt moderne ». 8. Conversations avec Eckermann, 4 février 1829. 9. Si je pouvais écarter la magie de mon chemin Oubl
526  ». 8. Conversations avec Eckermann, 4 février 1829. 9. Si je pouvais écarter la magie de mon chemin Oublier tout à fai
527 . Conversations avec Eckermann, 4 février 1829. 9. Si je pouvais écarter la magie de mon chemin Oublier tout à fait le
528 évrier 1829. 9. Si je pouvais écarter la magie de mon chemin Oublier tout à fait les formules d’enchaînement Si j’étais
529 ie de mon chemin Oublier tout à fait les formules d’ enchaînement Si j’étais devant toi, ô nature un homme solitaire, Sans
530 solitaire, Sans doute vaudrait-il alors la peine d’ être un homme. 10. Conversations avec Eckermann, 2 mai 1824. 11.
531 te vaudrait-il alors la peine d’être un homme. 10. Conversations avec Eckermann, 2 mai 1824. 11. Ibid., 30 mars 1831.
532 e un homme. 10. Conversations avec Eckermann, 2 mai 1824. 11. Ibid., 30 mars 1831. 12. Ibid., 15 octobre 1825. 1
533 omme. 10. Conversations avec Eckermann, 2 mai 1824. 11. Ibid., 30 mars 1831. 12. Ibid., 15 octobre 1825. 13. Ibid.,
534 10. Conversations avec Eckermann, 2 mai 1824. 11. Ibid., 30 mars 1831. 12. Ibid., 15 octobre 1825. 13. Ibid., 15 f
535 rsations avec Eckermann, 2 mai 1824. 11. Ibid., 30 mars 1831. 12. Ibid., 15 octobre 1825. 13. Ibid., 15 février 1824
536 avec Eckermann, 2 mai 1824. 11. Ibid., 30 mars 1831. 12. Ibid., 15 octobre 1825. 13. Ibid., 15 février 1824. 14. Ibi
537 ckermann, 2 mai 1824. 11. Ibid., 30 mars 1831. 12. Ibid., 15 octobre 1825. 13. Ibid., 15 février 1824. 14. Ibid., 1
538 mai 1824. 11. Ibid., 30 mars 1831. 12. Ibid., 15 octobre 1825. 13. Ibid., 15 février 1824. 14. Ibid., 15 octobre 1
539 11. Ibid., 30 mars 1831. 12. Ibid., 15 octobre 1825. 13. Ibid., 15 février 1824. 14. Ibid., 15 octobre 1825. 15. Et n
540 id., 30 mars 1831. 12. Ibid., 15 octobre 1825. 13. Ibid., 15 février 1824. 14. Ibid., 15 octobre 1825. 15. Et non pl
541 1831. 12. Ibid., 15 octobre 1825. 13. Ibid., 15 février 1824. 14. Ibid., 15 octobre 1825. 15. Et non plus symboliq
542 Ibid., 15 octobre 1825. 13. Ibid., 15 février 1824. 14. Ibid., 15 octobre 1825. 15. Et non plus symbolique. d. Rouge
543 , 15 octobre 1825. 13. Ibid., 15 février 1824. 14. Ibid., 15 octobre 1825. 15. Et non plus symbolique. d. Rougemont
544 1825. 13. Ibid., 15 février 1824. 14. Ibid., 15 octobre 1825. 15. Et non plus symbolique. d. Rougemont Denis de, «
545 Ibid., 15 février 1824. 14. Ibid., 15 octobre 1825. 15. Et non plus symbolique. d. Rougemont Denis de, « Le silence de
546 , 15 février 1824. 14. Ibid., 15 octobre 1825. 15. Et non plus symbolique. d. Rougemont Denis de, « Le silence de Goet
547 15. Et non plus symbolique. d. Rougemont Denis de , « Le silence de Goethe », La Nouvelle Revue française, Paris, mars 1
548 symbolique. d. Rougemont Denis de, « Le silence de Goethe », La Nouvelle Revue française, Paris, mars 1932, p. 480-494.
549 oethe », La Nouvelle Revue française, Paris, mars 1932, p. 480-494.
5 1932, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Querelles de famille, par Georges Duhamel (mai 1932)
550 Querelles de famille, par Georges Duhamel (mai 1932)e L’ambiguïté, c’est du par
551 Querelles de famille, par Georges Duhamel (mai 1932 )e L’ambiguïté, c’est du paradoxe détendu ; ou si l’on veut, c’est
552 veut, c’est une contradiction intérieure dont les deux termes, faute d’être assumés sur le plan commun de la conscience où i
553 tradiction intérieure dont les deux termes, faute d’ être assumés sur le plan commun de la conscience où ils s’exalteraient
554 x termes, faute d’être assumés sur le plan commun de la conscience où ils s’exalteraient en s’opposant franchement, tirent
555 ne grande confusion. En ce sens, le dernier livre de M. Duhamel, consacré à la critique des aspects orduriers et bassement
556 que des aspects orduriers et bassement mécaniques de la vie moderne, illustre avec un talent qu’il n’est plus temps de dis
557 e, illustre avec un talent qu’il n’est plus temps de discuter, une position morale exemplairement ambiguë. Rien de plus lé
558 ement ambiguë. Rien de plus légitime que le désir d’ être entendu du grand public, et c’est pourquoi l’on ne voudrait pas r
559 rquoi l’on ne voudrait pas reprocher à M. Duhamel d’ avoir adopté pour cette fois un style conventionnel, ou plus exactemen
560 onnel, ou plus exactement une certaine rhétorique de l’indignation dont les figures servent en France indifféremment à des
561 insuffisance quand c’est un virtuose qui se mêle d’ en jouer. Mais sans doute le but serait-il atteint si M. Duhamel, visi
562 ne gêne grandissante que l’on poursuit la lecture de ces pages où maints paragraphes apportent entre deux tours repris des
563 e ces pages où maints paragraphes apportent entre deux tours repris des meilleurs auteurs, une de ces approximations vulgair
564 ntre deux tours repris des meilleurs auteurs, une de ces approximations vulgaires qui « rendraient » mieux sous la rubriqu
565 ui « rendraient » mieux sous la rubrique Mon film 16. En d’autres passages, d’une expression plus serrée, M. Duhamel cherch
566 us la rubrique Mon film 16. En d’autres passages, d’ une expression plus serrée, M. Duhamel cherche ce qu’on appelait jadis
567 uhamel cherche ce qu’on appelait jadis le morceau de bravoure, la page sur « les bruits de mon village » qui servira de mo
568 le morceau de bravoure, la page sur « les bruits de mon village » qui servira de modèle aux écoliers futurs. Mais lorsqu’
569 age sur « les bruits de mon village » qui servira de modèle aux écoliers futurs. Mais lorsqu’il stigmatise les méfaits des
570 x Princes des Prêtres) sont dépourvues du minimum de cynisme et de fantaisie qui enflammerait notre indignation. C’est que
571 Prêtres) sont dépourvues du minimum de cynisme et de fantaisie qui enflammerait notre indignation. C’est que l’expression
572 ndignation. C’est que l’expression traditionnelle de la mauvaise humeur gauloise, héritage d’un classicisme nettement pess
573 ionnelle de la mauvaise humeur gauloise, héritage d’ un classicisme nettement pessimiste, s’accorde mal avec l’impénitente
574 foi dans le genre humain que M. Duhamel ne cesse d’ entretenir17. Ce malaise dans l’expression traduit d’ailleurs une équi
575 sur le thème général du livre. Il est inquiétant de voir un esprit de cette qualité, et qui certes veut être honnête, se
576 ral du livre. Il est inquiétant de voir un esprit de cette qualité, et qui certes veut être honnête, se complaire expressé
577 e complaire expressément dans une hargne tempérée de badinage. C’est à la fois trop et trop peu. Car, ou bien M. Duhamel c
578 mécaniques, ce qui revient à faire le vain procès de la bêtise humaine. Ou bien sa réaction de dégoût est véritablement pr
579 procès de la bêtise humaine. Ou bien sa réaction de dégoût est véritablement profonde, mais alors elle implique la condam
580 rofonde, mais alors elle implique la condamnation d’ une conception du monde à la fois libérale et inconsciemment matériali
581 quoi récriminer sur quelques aspects superficiels d’ une civilisation dont on refuserait de dénoncer les principes ou plutô
582 uperficiels d’une civilisation dont on refuserait de dénoncer les principes ou plutôt la carence de principes directeurs d
583 it de dénoncer les principes ou plutôt la carence de principes directeurs dignes de ce nom ? Serait-ce que la mauvaise hum
584 plutôt la carence de principes directeurs dignes de ce nom ? Serait-ce que la mauvaise humeur du bourgeois dérangé agissa
585 on conformisme foncier ? Faut-il y voir une sorte de sublimation à rebours du sens de la révolte ? On serait en droit d’ex
586 y voir une sorte de sublimation à rebours du sens de la révolte ? On serait en droit d’exiger d’un critique de son temps q
587 ebours du sens de la révolte ? On serait en droit d’ exiger d’un critique de son temps qu’il déclare ce qu’il attend de l’h
588 sens de la révolte ? On serait en droit d’exiger d’ un critique de son temps qu’il déclare ce qu’il attend de l’homme. Apr
589 volte ? On serait en droit d’exiger d’un critique de son temps qu’il déclare ce qu’il attend de l’homme. Après quoi seulem
590 itique de son temps qu’il déclare ce qu’il attend de l’homme. Après quoi seulement l’on distinguerait l’ordre de grandeur
591 . Après quoi seulement l’on distinguerait l’ordre de grandeur du grief qu’il fait à ce temps. C’est ce qu’en vain l’on che
592 e qu’en vain l’on cherche au cours de cette suite de messages adressés aux Princes des Prêtres, à MM. les Députés, au chef
593 el n’ait joint à son recueil une épître au préfet de Police sur les Embarras de Paris. Sujet de pastiche facile : décrire
594 l une épître au préfet de Police sur les Embarras de Paris. Sujet de pastiche facile : décrire l’état d’esprit du Français
595 préfet de Police sur les Embarras de Paris. Sujet de pastiche facile : décrire l’état d’esprit du Français moyen qui brand
596 nçais moyen qui brandit son parapluie sous le nez de l’agent, invective les automobilistes, déclame au beau milieu de la c
597 circulation, « mais traverse dans les clous ». 16. « La ménagère aux mains cuites qui raccommode ses chaussures, le casq
598 s, le casque aux cheveux, tête farcie, oui farcie de musique, de musique, de musique, de cette abrutissante musique, parfo
599 aux cheveux, tête farcie, oui farcie de musique, de musique, de musique, de cette abrutissante musique, parfois coupée, D
600 , tête farcie, oui farcie de musique, de musique, de musique, de cette abrutissante musique, parfois coupée, Dieu merci, d
601 e, oui farcie de musique, de musique, de musique, de cette abrutissante musique, parfois coupée, Dieu merci, d’un monologu
602 abrutissante musique, parfois coupée, Dieu merci, d’ un monologue financier ou de hoquets publicitaires. “De la musique ava
603 s coupée, Dieu merci, d’un monologue financier ou de hoquets publicitaires. “De la musique avant toute chose…” Oh ! vous n
604 monologue financier ou de hoquets publicitaires. “ De la musique avant toute chose…” Oh ! vous ne diriez plus cela, Verlain
605 Oh ! vous ne diriez plus cela, Verlaine ! » (page 16 ). 17. « Si je cherche querelle au monde, c’est que, jusqu’à nouvel o
606 ous ne diriez plus cela, Verlaine ! » (page 16). 17. « Si je cherche querelle au monde, c’est que, jusqu’à nouvel ordre, j
607 reil optimisme — sinon sur la crainte instinctive de choquer un public, qui ne supporte que la mesure, par l’affirmation d
608 qui ne supporte que la mesure, par l’affirmation de prévisions horribles, et cependant conformes à la nature des choses.
609 rmes à la nature des choses. e. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Georges Duhamel, Querelles de famille  », La Nouvel
610 s de, « [Compte rendu] Georges Duhamel, Querelles de famille  », La Nouvelle Revue française, Paris, mai 1932, p. 913-915.
611 mille  », La Nouvelle Revue française, Paris, mai 1932, p. 913-915.
6 1932, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Ce chien, ton serviteur, par Rudyard Kipling (juillet 1932)
612 hien, ton serviteur, par Rudyard Kipling (juillet 1932 )f Traduit du chien par Kipling, et adapté, voire recréé par Jacque
613 lite et touchante, ni petit nègre, ni bêtifiante, d’ une grande force d’expression concrète. Le petit chien Botte raconte s
614 ni petit nègre, ni bêtifiante, d’une grande force d’ expression concrète. Le petit chien Botte raconte ses journées, « des
615  ». Dès la seconde page, c’est à pousser des cris de joie. Les enfants comprendront-ils ? Dans la mesure seulement où le p
616 endront-ils ? Dans la mesure seulement où le plan de dépoétisation de leur monde confié aux manuels primaires, rate. Lire
617 s la mesure seulement où le plan de dépoétisation de leur monde confié aux manuels primaires, rate. Lire à petites doses.
618 l’état sauvage — la vraie. f. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Rudyard Kipling, Ce chien, ton serviteur  », La Nou
619 r  », La Nouvelle Revue française, Paris, juillet 1932, p. 149.
7 1932, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Éloge de l’imprudence, par Marcel Jouhandeau (septembre 1932)
620 Éloge de l’imprudence, par Marcel Jouhandeau (septembre 1932)g Si dans tous
621 de l’imprudence, par Marcel Jouhandeau (septembre 1932 )g Si dans tous les écrits de notre temps il est question de bien,
622 deau (septembre 1932)g Si dans tous les écrits de notre temps il est question de bien, de mal, de vice et de vertu, de
623 ns tous les écrits de notre temps il est question de bien, de mal, de vice et de vertu, de péché même, parfois, quels sont
624 es écrits de notre temps il est question de bien, de mal, de vice et de vertu, de péché même, parfois, quels sont les écri
625 s de notre temps il est question de bien, de mal, de vice et de vertu, de péché même, parfois, quels sont les écrivains ca
626 temps il est question de bien, de mal, de vice et de vertu, de péché même, parfois, quels sont les écrivains capables de d
627 st question de bien, de mal, de vice et de vertu, de péché même, parfois, quels sont les écrivains capables de déclarer le
628 même, parfois, quels sont les écrivains capables de déclarer leurs références, leurs poids et leurs mesures, enfin leur c
629 les limites du petit livre si justement paradoxal de Jouhandeau, — de cette espèce de « dialectique » formelle du bien et
630 tit livre si justement paradoxal de Jouhandeau, —  de cette espèce de « dialectique » formelle du bien et du mal qu’il publ
631 tement paradoxal de Jouhandeau, — de cette espèce de « dialectique » formelle du bien et du mal qu’il publie en marge de s
632 ce Dieu terrible. Et sa vertu est choix. L’absolu d’ un Nietzsche, c’est le Grand Midi ; et sa vertu : dépassement. Jouhand
633 marches extrêmes du bien et du mal où l’apologie de l’un équivaut presque à celle de l’autre. C’est là qu’éclate la viole
634 al où l’apologie de l’un équivaut presque à celle de l’autre. C’est là qu’éclate la violence des contraires. Pour tous ceu
635 e des contraires. Pour tous ceux qui ont l’audace de se maintenir dans une telle dialectique, il n’existe pas un choix pré
636 ix qui s’imposent avec une violence égale à celle de la tentation — c’est la même violence — dans chaque situation existen
637 situation existentielle. En sorte qu’il n’est pas de préférence définitive, c’est-à-dire facile, accordée au Bien par exem
638 au Bien par exemple, mais que dans chaque instant de l’existence le mal et le bien conservent toutes leurs chances d’être
639 le mal et le bien conservent toutes leurs chances d’ être préférés, et toutes leurs tentations. En sorte que l’apologie de
640 toutes leurs tentations. En sorte que l’apologie de l’un évoque la grandeur de l’autre, et peut-être le secret désir de l
641 n sorte que l’apologie de l’un évoque la grandeur de l’autre, et peut-être le secret désir de l’éveiller à la conscience.
642 grandeur de l’autre, et peut-être le secret désir de l’éveiller à la conscience. Le but de ce débat, celui de Kierkegaard,
643 ecret désir de l’éveiller à la conscience. Le but de ce débat, celui de Kierkegaard, celui de Nietzsche, celui présentemen
644 eiller à la conscience. Le but de ce débat, celui de Kierkegaard, celui de Nietzsche, celui présentement de Jouhandeau, c’
645 . Le but de ce débat, celui de Kierkegaard, celui de Nietzsche, celui présentement de Jouhandeau, c’est de transcender la
646 erkegaard, celui de Nietzsche, celui présentement de Jouhandeau, c’est de transcender la morale et ses canons donnés d’ava
647 ietzsche, celui présentement de Jouhandeau, c’est de transcender la morale et ses canons donnés d’avance. L’audace du « ch
648 est de transcender la morale et ses canons donnés d’ avance. L’audace du « choix » ou du « dépassement », cette vertu qui «
649 e avec une âme joyeuse. » Voilà bien le leitmotiv de l’œuvre entière de Jouhandeau. Et soudain il nous apparaît que cette
650 use. » Voilà bien le leitmotiv de l’œuvre entière de Jouhandeau. Et soudain il nous apparaît que cette œuvre est une illus
651 e cette œuvre est une illustration, non dépourvue de complaisance, du « pecca fortiter » de Luther. Pour qui n’aurait pas
652 dépourvue de complaisance, du « pecca fortiter » de Luther. Pour qui n’aurait pas lu d’autres ouvrages de Jouhandeau, les
653 uther. Pour qui n’aurait pas lu d’autres ouvrages de Jouhandeau, les aphorismes qui composent l’Éloge de l’imprudence para
654 Jouhandeau, les aphorismes qui composent l’Éloge de l’imprudence paraîtront plus abstraits qu’ils ne le méritent. C’est q
655 e le méritent. C’est qu’ils supposent l’existence d’ un bien et d’un mal concrets dont les Binche ou M. Godeau ou plus réce
656 . C’est qu’ils supposent l’existence d’un bien et d’ un mal concrets dont les Binche ou M. Godeau ou plus récemment les hér
657 s Binche ou M. Godeau ou plus récemment les héros de l’Amateur d’imprudence incarnèrent ailleurs toutes les complexités. I
658 . Godeau ou plus récemment les héros de l’Amateur d’ imprudence incarnèrent ailleurs toutes les complexités. Il s’agit, on
659 ’Église. Mais l’émouvante et ironique dialectique de Jouhandeau est-elle très catholique, ou même très chrétienne ? La dia
660 ne postule que bien et mal appartiennent au règne de la loi (de la morale). Et c’est la foi qui en libère, non pas cette «
661 que bien et mal appartiennent au règne de la loi ( de la morale). Et c’est la foi qui en libère, non pas cette « générosité
662 gories du bien et du mal : le péché. Le contraire d’ un péché, c’est-à-dire ce qui le supprime, ce n’est pas une vertu, mai
663 ertu, mais le pardon. La vertu comme le vice naît de la loi et s’y réfère. Mais le péché naît où meurt la foi, et meurt là
664 , Jouhandeau oppose le mal ; à celui-ci le Bien ; d’ où naissent le désir et la nécessité du Mal absolu ; sur quoi il reste
665 absolu ; sur quoi il reste béant. Mais la réalité de la foi est inverse. Elle fait voir le mal comme donnée immédiate ; pu
666 le débat se ramène sur cette page, à une question de vocabulaire. Une simple question de vocabulaire comme on dit, — lorsq
667 une question de vocabulaire. Une simple question de vocabulaire comme on dit, — lorsqu’on se soucie peu de savoir ce qu’o
668 peu de savoir ce qu’on dit. g. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Marcel Jouhandeau, Éloge de l’imprudence  », La Nou
669 nis de, « [Compte rendu] Marcel Jouhandeau, Éloge de l’imprudence  », La Nouvelle Revue française, Paris, septembre 1932,
670  », La Nouvelle Revue française, Paris, septembre 1932, p. 442-444.
8 1932, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Alexandre, par Klaus Mann (septembre 1932)
671 Alexandre, par Klaus Mann (septembre 1932 )h Ce n’est pas pour l’amour du laurier, mais pour l’amour de son a
672 st pas pour l’amour du laurier, mais pour l’amour de son ami Clitus, poète abstrait à la mode de 1920, qu’Alexandre a conq
673 amour de son ami Clitus, poète abstrait à la mode de 1920, qu’Alexandre a conquis le monde. Le défaut de ce point de vue,
674 ur de son ami Clitus, poète abstrait à la mode de 1920, qu’Alexandre a conquis le monde. Le défaut de ce point de vue, c’est
675 1920, qu’Alexandre a conquis le monde. Le défaut de ce point de vue, c’est qu’il n’étonnera personne, alors qu’Alexandre
676 e histoire avec beaucoup de grâces et des pointes d’ ironie anachroniques. Cela frise Salammbô plus que Laforgue d’ailleurs
677 rs, avec, en plus, du sentimentalisme. La préface de Cocteau joue sur les thèmes, inépuisables, du profil de plâtre, des b
678 teau joue sur les thèmes, inépuisables, du profil de plâtre, des boules de neige et du « dialecte du cœur ». h. Rougemo
679 es, inépuisables, du profil de plâtre, des boules de neige et du « dialecte du cœur ». h. Rougemont Denis de, « [Compte
680 et du « dialecte du cœur ». h. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Klaus Mann, Alexandre  », La Nouvelle Revue françai
681  », La Nouvelle Revue française, Paris, septembre 1932, p. 477.
9 1932, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Cahier de revendications [Présentation] (décembre 1932)
682 Cahier de revendications [Présentation] (décembre 1932)i Est-il possible de
683 Cahier de revendications [Présentation] (décembre 1932 )i Est-il possible de définir une cause commune de la jeunesse fran
684 Présentation] (décembre 1932)i Est-il possible de définir une cause commune de la jeunesse française, une communauté d’
685 i Est-il possible de définir une cause commune de la jeunesse française, une communauté d’attitude essentielle ? Il sem
686 commune de la jeunesse française, une communauté d’ attitude essentielle ? Il semble que la solidarité du péril crée en no
687 que n’ont su faire ni maîtres ni doctrines, unité de refus devant la consternante misère d’une époque où tout ce qu’un hom
688 nes, unité de refus devant la consternante misère d’ une époque où tout ce qu’un homme peut aimer et vouloir se trouve coup
689 qu’un homme peut aimer et vouloir se trouve coupé de son origine vivante, flétri, dénaturé, inverti, saboté. Des groupes t
690 prit, Plans, Réaction, par leur volonté proclamée de rupture, et plus encore par leurs revendications constructives, révèl
691 t-être, dans leur diversité, les premières lignes de force d’une nouvelle révolution française. Leur anticapitalisme n’est
692 ans leur diversité, les premières lignes de force d’ une nouvelle révolution française. Leur anticapitalisme n’est pas celu
693 n française. Leur anticapitalisme n’est pas celui de la Troisième Internationale. Toutefois, la doctrine marxiste, en deho
694 dehors de laquelle il s’est constitué, forme l’un de ses points de repère principaux. Il se peut qu’il y trouve quelques a
695 elle il s’est constitué, forme l’un de ses points de repère principaux. Il se peut qu’il y trouve quelques appuis occasion
696 trouve quelques appuis occasionnels ; et certains de leurs objectifs respectifs sont communs… Déjà s’affirme dans l’attitu
697 tifs sont communs… Déjà s’affirme dans l’attitude de tous ces groupes un véritable acte de présence à la misère du siècle,
698 l’attitude de tous ces groupes un véritable acte de présence à la misère du siècle, assez nouveau parmi les intellectuels
699 larations que l’on va lire. i. Rougemont Denis de , « Cahier de revendications », La Nouvelle Revue française, Paris, dé
700 l’on va lire. i. Rougemont Denis de, « Cahier de revendications », La Nouvelle Revue française, Paris, décembre 1932,
701 s », La Nouvelle Revue française, Paris, décembre 1932, p. 801.
10 1932, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). À prendre ou à tuer (décembre 1932)
702 À prendre ou à tuer (décembre 1932 )j Nous avons choisi de vivre — telle est notre révolution — dans u
703 e ou à tuer (décembre 1932)j Nous avons choisi de vivre — telle est notre révolution — dans un monde qui nous préparait
704 e les « risques-vie », livrée aux basses rigueurs d’ un cadre policier. Que vivre soit un choix, une partialité violente, v
705 dans toute l’urgence du terme : actuelle. Il y va de la qualité même de notre vie ; de notre choix. Il y va de cette quali
706 e du terme : actuelle. Il y va de la qualité même de notre vie ; de notre choix. Il y va de cette qualité même d’impossibl
707 tuelle. Il y va de la qualité même de notre vie ; de notre choix. Il y va de cette qualité même d’impossible qui seule ren
708 alité même de notre vie ; de notre choix. Il y va de cette qualité même d’impossible qui seule rend la vie possible, c’est
709 e ; de notre choix. Il y va de cette qualité même d’ impossible qui seule rend la vie possible, c’est-à-dire grande. Devant
710 e grande. Devant les solutions qu’on nous propose d’ urgence, il est clair que toute impartialité serait hypocrisie, refus.
711 ypocrisie, refus. Qu’on trouve donc ici une prise de parti.   Nous sommes une génération comblée. Comblée de chances de gr
712 ti.   Nous sommes une génération comblée. Comblée de chances de grandeur, et comblée de risques mortels. Pour la jeunesse
713 sommes une génération comblée. Comblée de chances de grandeur, et comblée de risques mortels. Pour la jeunesse de 1932, le
714 mblée. Comblée de chances de grandeur, et comblée de risques mortels. Pour la jeunesse de 1932, le conflit de vivre, le pa
715 , et comblée de risques mortels. Pour la jeunesse de 1932, le conflit de vivre, le paradoxe fondamental de toute « existen
716 t comblée de risques mortels. Pour la jeunesse de 1932, le conflit de vivre, le paradoxe fondamental de toute « existence » s
717 ues mortels. Pour la jeunesse de 1932, le conflit de vivre, le paradoxe fondamental de toute « existence » se concrétise d
718 932, le conflit de vivre, le paradoxe fondamental de toute « existence » se concrétise dans une « nécessité » révolutionna
719 dont l’ampleur est sans précédent. Ce n’est plus de conflits d’idées qu’il s’agit, ni même de conflits d’intérêts. Mais p
720 eur est sans précédent. Ce n’est plus de conflits d’ idées qu’il s’agit, ni même de conflits d’intérêts. Mais pour nous, en
721 st plus de conflits d’idées qu’il s’agit, ni même de conflits d’intérêts. Mais pour nous, entrés dans la vie sous le coup
722 onflits d’idées qu’il s’agit, ni même de conflits d’ intérêts. Mais pour nous, entrés dans la vie sous le coup d’une menace
723 . Mais pour nous, entrés dans la vie sous le coup d’ une menace de faillite planétaire, il ne peut s’agir de rien d’autre q
724 ous, entrés dans la vie sous le coup d’une menace de faillite planétaire, il ne peut s’agir de rien d’autre que de ceci :
725 menace de faillite planétaire, il ne peut s’agir de rien d’autre que de ceci : s’entendre sur le meilleur ou sur le seul
726 de faillite planétaire, il ne peut s’agir de rien d’ autre que de ceci : s’entendre sur le meilleur ou sur le seul moyen d’
727 planétaire, il ne peut s’agir de rien d’autre que de ceci : s’entendre sur le meilleur ou sur le seul moyen d’en réchapper
728 : s’entendre sur le meilleur ou sur le seul moyen d’ en réchapper, — l’imposer. Ce n’est plus pour quelque « idéal » que no
729 es hommes vivent et demeurent des hommes. Il y a deux camps : ceux qui veulent en sortir, — et ceux qui voudraient bien con
730 durer, puisque ça dure depuis si longtemps. Masse de sourds, de muets et d’aveugles, mais pas si sourds qu’ils ne s’irrite
731 que ça dure depuis si longtemps. Masse de sourds, de muets et d’aveugles, mais pas si sourds qu’ils ne s’irritent de nos c
732 depuis si longtemps. Masse de sourds, de muets et d’ aveugles, mais pas si sourds qu’ils ne s’irritent de nos cris. Il est
733 aveugles, mais pas si sourds qu’ils ne s’irritent de nos cris. Il est vrai que certains, au lendemain de la guerre, ont tr
734 nos cris. Il est vrai que certains, au lendemain de la guerre, ont trop souvent crié au loup, par goût des atmosphères tr
735 ues. Littérature et mauvais caractère. Il y avait de quoi vous fâcher, braves gens, vous n’aviez après tout rien de mieux
736 fâcher, braves gens, vous n’aviez après tout rien de mieux à faire. Et vous pensiez que la révolution, c’était une bande d
737 vous pensiez que la révolution, c’était une bande de méchants garçons. Puis vous avez pensé que c’étaient des gens dangere
738 vos maîtres. Bientôt vous chercherez des équipes de sauvetage.   Ici paraît le communisme, comme une constatation de la f
739 Ici paraît le communisme, comme une constatation de la faillite, une liquidation à un taux sous-humain. Voici le Plan, pr
740 cette « raison » déjà qui se trouvait à l’origine de tout le mal ?   Telles sont les composantes de notre situation. Nous
741 ne de tout le mal ?   Telles sont les composantes de notre situation. Nous sommes là : n’y pouvant plus tenir longtemps ;
742 ouvant plus tenir longtemps ; ne pouvant accepter de nous battre pour un « ordre » et des « idéaux » criminels. Il y a la
743 est plus un état d’esprit, ni un refus des tâches d’ homme. Henri Lefebvre l’a montré, je n’ajouterai rien à sa déclaration
744 sens le plus banal du terme, et aussi à son sens de « misère qui appelle ». Nous ne sommes pas des « bourgeois-dégoûtés »
745 on lui offre, il faudrait qu’elle le paie du prix de l’âme même. On nous donne à choisir entre un régime bourgeois odieux,
746 espérance, une utopie, qu’il nous est impossible d’ accepter avec le « bon cœur » que préconise Philippe Lamour, parce que
747 s qu’une réalisation épurée, tyrannique et privée de toute résistance interne, de cela justement que dans le désordre régn
748 tyrannique et privée de toute résistance interne, de cela justement que dans le désordre régnant, nous détestons de toute
749 ment que dans le désordre régnant, nous détestons de toute la force de notre âme : la primauté du matériel. Comment penser
750 ésordre régnant, nous détestons de toute la force de notre âme : la primauté du matériel. Comment penser — si « penser » e
751 l. Comment penser — si « penser » est inséparable d’ une action — entre une bourgeoisie déchue et un marxisme faux ? Il res
752 y a rien pour nous. Nous nous plaçons à l’origine de quelque chose d’autre, dont la réalité échappe encore à ceux qui réci
753 s. Nous nous plaçons à l’origine de quelque chose d’ autre, dont la réalité échappe encore à ceux qui récitent Marx : une «
754 témoignages qu’on a pu lire plus haut définissent deux positions révolutionnaires malaisément comparables : l’une matérialis
755 iste, l’autre personnaliste ; la première en voie de réalisation en URSS, la seconde encore mal dégagée de sa période de g
756 éalisation en URSS, la seconde encore mal dégagée de sa période de gestation doctrinale. Tout le monde sait ce que signifi
757 URSS, la seconde encore mal dégagée de sa période de gestation doctrinale. Tout le monde sait ce que signifie politiquemen
758 à la lutte des classes, ce pragmatisme, cet acte de foi optimiste dans le cours « dialectique » de l’Histoire, qui caract
759 te de foi optimiste dans le cours « dialectique » de l’Histoire, qui caractérisent la position marxiste. Par contre, les b
760 es bases doctrinales exposées ici par des membres d’ Esprit, de Combat, de L’Ordre nouveau ou de Réaction, pour n’être pas
761 octrinales exposées ici par des membres d’Esprit, de Combat, de L’Ordre nouveau ou de Réaction, pour n’être pas entièremen
762 exposées ici par des membres d’Esprit, de Combat, de L’Ordre nouveau ou de Réaction, pour n’être pas entièrement originale
763 embres d’Esprit, de Combat, de L’Ordre nouveau ou de Réaction, pour n’être pas entièrement originales18, ne peuvent manque
764 pas entièrement originales18, ne peuvent manquer de déconcerter tous ceux qui n’imaginent de choix possible qu’entre un c
765 manquer de déconcerter tous ceux qui n’imaginent de choix possible qu’entre un capitalisme plus ou moins fascistisé, et l
766 isé). Les marxistes détiennent l’avantage certain de tabler sur une « utopie » partiellement traduite en faits. C’est même
767 traduite en faits. C’est même, à voir les choses de près, leur unique argument contre les révolutionnaires non marxistes.
768 les voir déjà préparer en sous-main des terrains d’ entente avec l’URSS. Nous ne pensons pas que la guerre soit, comme l’é
769 e en vain quelle idéologie les empêcherait encore de répondre aux invites de ces parents naguère inavouables, mais qui sou
770 ie les empêcherait encore de répondre aux invites de ces parents naguère inavouables, mais qui soudain font mine de « réus
771 s naguère inavouables, mais qui soudain font mine de « réussir ». N’est-ce donc plus, comme le marque Th. Maulnier, qu’un
772 plus, comme le marque Th. Maulnier, qu’un conflit d’ intérêts ? Et d’intérêts qui ne sont pas les nôtres, qui ne sont pas l
773 arque Th. Maulnier, qu’un conflit d’intérêts ? Et d’ intérêts qui ne sont pas les nôtres, qui ne sont pas les intérêts réel
774 as les nôtres, qui ne sont pas les intérêts réels d’ un être aux prises avec la condition humaine ? Ni pour le mensonge d’h
775 s avec la condition humaine ? Ni pour le mensonge d’ hier, ni pour celui de demain nous ne verserons notre sang. Il y a une
776 maine ? Ni pour le mensonge d’hier, ni pour celui de demain nous ne verserons notre sang. Il y a une vérité qui domine et
777 plement. Les uns croient, avec Marx, à la réalité d’ une dialectique ternaire ; ils placent leur espoir dans l’avènement de
778 rnaire ; ils placent leur espoir dans l’avènement de synthèses successives, acheminant l’espèce vers un équilibre final, m
779 ique du conflit nécessaire et vital. Il n’y a pas de troisième terme, — ou c’est la mort19. Mais la coefficience de deux t
780 terme, — ou c’est la mort19. Mais la coefficience de deux termes vrais, et assumés comme tels, c’est la personne. L’opposi
781 me, — ou c’est la mort19. Mais la coefficience de deux termes vrais, et assumés comme tels, c’est la personne. L’opposition
782 sumés comme tels, c’est la personne. L’opposition de Proudhon et de Marx, sur le terrain économique, traduit exactement l’
783 s, c’est la personne. L’opposition de Proudhon et de Marx, sur le terrain économique, traduit exactement l’opposition de K
784 rrain économique, traduit exactement l’opposition de Kierkegaard et de Hegel dans le domaine religieux. Elle traduira dema
785 traduit exactement l’opposition de Kierkegaard et de Hegel dans le domaine religieux. Elle traduira demain l’opposition de
786 s patries personnalistes. Mais où sont les motifs de notre choix ? J’en indiquerai trois. 1° — La seule révolution qui nou
787 sont les motifs de notre choix ? J’en indiquerai trois . 1° — La seule révolution qui nous importe concerne l’homme, exprime
788 es motifs de notre choix ? J’en indiquerai trois.  — La seule révolution qui nous importe concerne l’homme, exprime ses
789 ntaires : elle n’est qu’une projection du conflit de la personne. Les marxistes nous accusent de mêler des notions « moral
790 nflit de la personne. Les marxistes nous accusent de mêler des notions « morales » — ainsi désignent-ils la notion de pers
791 tions « morales » — ainsi désignent-ils la notion de personne ! — aux forces politiques et historiques qui selon eux déter
792 ntièrement le devenir révolutionnaire. Mais c’est de la mythomanie ; les « Forces économiques », dont ils parlent avec tre
793 ec tremblement, n’existent pas. Elles font partie de ces créations pseudo-mystiques qui pullulent dans un monde athée. Que
794 utionnaire, et que nier cette valeur « décisive » de la personne, c’est désarmer la révolution. Mais il y a plus. Si la pe
795 i la personne est véritablement l’élément décisif de la réalité humaine, toute révolution est vaine qui se fonde sur des f
796 lle se fera contre ces faits. Elle sera « acte ». 2e — Le matérialisme décrit un monde tel qu’on ne voit pas où l’acte peu
797 se agir sur les faits autrement que par une suite de coups de force, d’actes créateurs, — révolutionnant le déterminisme r
798 ur les faits autrement que par une suite de coups de force, d’actes créateurs, — révolutionnant le déterminisme rigoureux
799 ts autrement que par une suite de coups de force, d’ actes créateurs, — révolutionnant le déterminisme rigoureux de la mati
800 teurs, — révolutionnant le déterminisme rigoureux de la matière abandonnée à elle-même ? La dialectique historique à trois
801 ndonnée à elle-même ? La dialectique historique à trois temps est une arbitraire projection dans les choses d’un mécanisme de
802 mps est une arbitraire projection dans les choses d’ un mécanisme de « l’intelligence-outil ». Théorie dont le fatalisme in
803 itraire projection dans les choses d’un mécanisme de « l’intelligence-outil ». Théorie dont le fatalisme interne reparaît
804 révolutionnaire20. Le matérialisme, c’est l’opium de la révolution. 3e — La conception personnaliste est seule capable d’é
805 Le matérialisme, c’est l’opium de la révolution. 3e — La conception personnaliste est seule capable d’édifier un monde cu
806 e — La conception personnaliste est seule capable d’ édifier un monde culturel, économique et social qu’anime un risque per
807 ticle21 où s’exprimaient des vues parfois proches de celles d’Esprit ou de Combat, il réduit l’aventure humaine à un dérou
808 s’exprimaient des vues parfois proches de celles d’ Esprit ou de Combat, il réduit l’aventure humaine à un déroulement ind
809 nt des vues parfois proches de celles d’Esprit ou de Combat, il réduit l’aventure humaine à un déroulement indéfini de cha
810 duit l’aventure humaine à un déroulement indéfini de changements, justiciables tout au plus de la statistique. ⁂ Mais les
811 ndéfini de changements, justiciables tout au plus de la statistique. ⁂ Mais les marxistes répugnent à nous suivre sur ce t
812 ction ? Est-ce un opportunisme purement tactique, d’ allure électorale ? « Toutes les tentatives qui ne se fondent pas sur
813 s sur la classe révolutionnaire ne comportent pas de points d’application », écrit Nizan. Voilà bien la suprême « évasion 
814 lasse révolutionnaire ne comportent pas de points d’ application », écrit Nizan. Voilà bien la suprême « évasion » de nos i
815 », écrit Nizan. Voilà bien la suprême « évasion » de nos intellectuels, même marxistes. Abdication de la pensée entre les
816 de nos intellectuels, même marxistes. Abdication de la pensée entre les mains du prolétaire qui, justement, avait besoin
817 mains du prolétaire qui, justement, avait besoin d’ être conduit par la pensée de quelques-uns22. Proposition antirévoluti
818 tement, avait besoin d’être conduit par la pensée de quelques-uns22. Proposition antirévolutionnaire, il faut le dire, et
819 lame implicitement, Lénine réussit une révolution d’ intellectuels dans un pays qui compte à cette époque moins de 3 millio
820 uels dans un pays qui compte à cette époque moins de 3 millions d’ouvriers sur une population de 160 millions, et où la bo
821 s dans un pays qui compte à cette époque moins de 3 millions d’ouvriers sur une population de 160 millions, et où la bour
822 dans un pays qui compte à cette époque moins de 3 millions d’ouvriers sur une population de 160 millions, et où la bourgeoisie e
823 ays qui compte à cette époque moins de 3 millions d’ ouvriers sur une population de 160 millions, et où la bourgeoisie exis
824 moins de 3 millions d’ouvriers sur une population de 160 millions, et où la bourgeoisie existe à peine en tant que classe,
825 ns de 3 millions d’ouvriers sur une population de 160 millions, et où la bourgeoisie existe à peine en tant que classe, d’a
826 e 3 millions d’ouvriers sur une population de 160 millions , et où la bourgeoisie existe à peine en tant que classe, d’ailleurs b
827 en tant que classe, d’ailleurs brimée. En février 1917, les bolchévistes sont 200. En octobre, ils s’emparent du pouvoir sur
828 rs brimée. En février 1917, les bolchévistes sont 200. En octobre, ils s’emparent du pouvoir sur toutes les Russies. En 1932
829 s’emparent du pouvoir sur toutes les Russies. En 1932 le parti compte deux millions de membres sévèrement contrôlés. « Mais
830 r sur toutes les Russies. En 1932 le parti compte deux millions de membres sévèrement contrôlés. « Mais, nous dit-on, les co
831 toutes les Russies. En 1932 le parti compte deux millions de membres sévèrement contrôlés. « Mais, nous dit-on, les constructio
832 es Russies. En 1932 le parti compte deux millions de membres sévèrement contrôlés. « Mais, nous dit-on, les constructions
833 contrôlés. « Mais, nous dit-on, les constructions d’ un Lénine n’étaient pas songes, elles s’appuyaient sur le mouvement de
834 t pas songes, elles s’appuyaient sur le mouvement de l’histoire ». Nous avons affaire ici à un véritable mysticisme de la
835 Nous avons affaire ici à un véritable mysticisme de la réussite, à un fatalisme, à un pragmatisme historique dont le fond
836 rique dont le fondement matérialiste n’exige rien de moins qu’un acte de foi. Un tel mysticisme a-t-il en France la moindr
837 ent matérialiste n’exige rien de moins qu’un acte de foi. Un tel mysticisme a-t-il en France la moindre chance de succès ?
838 tel mysticisme a-t-il en France la moindre chance de succès ? Où est sa tradition vivante en ce pays ? La violence des com
839 ns la ligne des forces révolutionnaires profondes de la France. Cette révolte de la personne, c’est la révolte jacobine, c
840 utionnaires profondes de la France. Cette révolte de la personne, c’est la révolte jacobine, c’est la révolte de 89, dans
841 onne, c’est la révolte jacobine, c’est la révolte de 89, dans ce qu’elle garde de valable et de dynamique ; c’est dès à pr
842 e, c’est la révolte jacobine, c’est la révolte de 89, dans ce qu’elle garde de valable et de dynamique ; c’est dès à présen
843 ne, c’est la révolte de 89, dans ce qu’elle garde de valable et de dynamique ; c’est dès à présent le ressort de la nouvel
844 évolte de 89, dans ce qu’elle garde de valable et de dynamique ; c’est dès à présent le ressort de la nouvelle Révolution
845 et de dynamique ; c’est dès à présent le ressort de la nouvelle Révolution française. La volonté, la possibilité de ruptu
846 Révolution française. La volonté, la possibilité de rupture, affirmée par les politiciens marxistes, mais niée en sous-ma
847 es, mais niée en sous-main par leur doctrine, est de leur part une duperie manifeste. Je les entends menacer le bourgeois 
848 vois pas plus forts. Je vois bien l’accumulation de leurs griefs, — dont beaucoup sont les nôtres, mais nous en avons dav
849 oient ainsi triompher à la fois des bourgeois, et de la vérité humaine de nos doctrines antibourgeoises. Mais ils ne donne
850 à la fois des bourgeois, et de la vérité humaine de nos doctrines antibourgeoises. Mais ils ne donnent pas de pain. Ceux
851 octrines antibourgeoises. Mais ils ne donnent pas de pain. Ceux qui ne promettent que du pain, finalement n’en donnent jam
852 olitiques (nationalisme, SDN, etc.), condamnation de l’individu, de la « pensée » bourgeoise (la pensée sans douleur !), d
853 onalisme, SDN, etc.), condamnation de l’individu, de la « pensée » bourgeoise (la pensée sans douleur !), des méthodes pol
854 abli. Mais nous allons plus loin dans la critique de ce désordre : jusqu’à ce point où le marxisme, révélant sa vraie natu
855 sa vraie nature, apparaît comme un cas privilégié de la folie capitaliste-matérialiste. Non, ce n’est pas une classe que n
856 ot, le « salut » n’est pas à débattre sur le plan de l’humanité, mais entre l’homme, entre tel homme et la Réalité qui seu
857 ielles permettent à ce suprême et quotidien débat d’ avoir un sens, un point d’application : la personne. Tel est en derniè
858 rême et quotidien débat d’avoir un sens, un point d’ application : la personne. Tel est en dernière analyse, le fondement,
859 el est en dernière analyse, le fondement, l’enjeu de la révolution nouvelle. Ici, je ne dirai plus nous, mais je. À la que
860 sérieux vos idées, y croyez-vous ? », les hommes de ce temps n’aiment pas répondre, car c’est une question personnelle. U
861 cherche. Ce qu’il faut pour légitimer un système d’ idées en elles-mêmes justes et opportunes (comme celles, je le crois,
862 justes et opportunes (comme celles, je le crois, de L’Ordre nouveau, de Combat ou d’Esprit) c’est une violence spirituell
863 s (comme celles, je le crois, de L’Ordre nouveau, de Combat ou d’Esprit) c’est une violence spirituelle qui existe déjà au
864 es, je le crois, de L’Ordre nouveau, de Combat ou d’ Esprit) c’est une violence spirituelle qui existe déjà au-delà des bou
865 seule chose que les hommes éprouvent dans le fond de leur être. Il faut derrière ces idées une masse volontaire, une pesan
866 dées une masse volontaire, une pesante contrainte de foi, une pureté terrible et humble. Loin de moi la pensée que par des
867 sée que par des arguments nous pourrons triompher d’ autre chose que d’arguments. À l’effort admirable du peuple russe retr
868 guments nous pourrons triompher d’autre chose que d’ arguments. À l’effort admirable du peuple russe retrouvant la grandeur
869 tique « Tu te trompes » ? Les hommes n’entendront de nous que notre volonté de sacrifice, de pauvreté. C’est dangereux, c’
870 Les hommes n’entendront de nous que notre volonté de sacrifice, de pauvreté. C’est dangereux, c’est grave de penser juste.
871 ntendront de nous que notre volonté de sacrifice, de pauvreté. C’est dangereux, c’est grave de penser juste. La vérité ne
872 rifice, de pauvreté. C’est dangereux, c’est grave de penser juste. La vérité ne peut exister parmi nous que sous la forme
873 rité ne peut exister parmi nous que sous la forme d’ une accusation personnelle. Il faut savoir entendre ce mutisme formida
874 peut en donner jusqu’au bout le courage. Je parle de la foi chrétienne où je veux être, de ce suprême « choix » qui ne vie
875 e. Je parle de la foi chrétienne où je veux être, de ce suprême « choix » qui ne vient pas de moi, mais qui soudain me cho
876 mais qui soudain me choisit, me saisit. Je parle de cette seule chose au monde qui n’ait pas besoin d’arguments pour juge
877 e cette seule chose au monde qui n’ait pas besoin d’ arguments pour juger les idoles du monde ; de cette seule chose pour l
878 soin d’arguments pour juger les idoles du monde ; de cette seule chose pour laquelle j’accepte de me faire tuer, parce que
879 de ; de cette seule chose pour laquelle j’accepte de me faire tuer, parce que ce ne serait pas crever bassement dans la ha
880 p éclatant. Je n’ai pas à sauver quoi que ce soit de la terre, mais seulement à recevoir le pardon. Or il n’est de pardon
881 mais seulement à recevoir le pardon. Or il n’est de pardon que pour celui qui agit. On me dira sans doute que je me perds
882  ! Déjà les hommes le pressentent : il n’y a rien d’ autre à attendre que cette force surhumaine d’entrer dans l’Ordre de l
883 ien d’autre à attendre que cette force surhumaine d’ entrer dans l’Ordre de la Pauvreté, qui vaincra toutes les révolutions
884 que cette force surhumaine d’entrer dans l’Ordre de la Pauvreté, qui vaincra toutes les révolutions — après les avoir fai
885 outes les révolutions — après les avoir faites. 18. En Allemagne, un groupe en croissance rapide, le Gegner, s’efforce de
886 groupe en croissance rapide, le Gegner, s’efforce de créer une unité révolutionnaire au-dessus des partis existants. En An
887 , en Hollande, en Irlande et dans les pays latins de l’Amérique, cette « troisième force », anticapitaliste et non marxist
888 ticapitaliste et non marxiste surgit, s’affirme. 19. Toute solution systématique du vrai conflit nécessité-liberté dans la
889 e existe en sol et dans sa durée propre, comme un 3e terme, en réalité, supprime l’un des deux premiers termes. Ainsi des
890 comme un 3e terme, en réalité, supprime l’un des deux premiers termes. Ainsi des conflits individu-société, petite patrie-n
891 atrie-nation culturelle, initiative privée-plan. 20. La seule révolution qu’elle légitimerait, en bonne logique, serait un
892 tre la construction entreprise par le capitalisme d’ État soviétique, contre la mystique productiviste déjà « niée » par la
893 « niée » par la crise américaine en particulier. 21. du Criterion. 22. Exemple frappant de l’Allemagne : voici un pays en
894 se américaine en particulier. 21. du Criterion. 22. Exemple frappant de l’Allemagne : voici un pays enfin qui réunit tout
895 iculier. 21. du Criterion. 22. Exemple frappant de l’Allemagne : voici un pays enfin qui réunit toutes les conditions th
896 n éclate. Il ne se passe rien. Parce qu’on manque de chefs. Parce qu’il n’y a plus de « personnes ». 23. Le succès du com
897 rce qu’on manque de chefs. Parce qu’il n’y a plus de « personnes ». 23. Le succès du communisme serait-il « de nous rendr
898 chefs. Parce qu’il n’y a plus de « personnes ». 23. Le succès du communisme serait-il « de nous rendre la vie de caserne
899 onnes ». 23. Le succès du communisme serait-il «  de nous rendre la vie de caserne acceptable » ? (Roland de Pury, dans H
900 s du communisme serait-il « de nous rendre la vie de caserne acceptable » ? (Roland de Pury, dans Hic et Nunc , Paris, n°
901  ? (Roland de Pury, dans Hic et Nunc , Paris, n°  1 ). j. Rougemont Denis de, « À prendre ou à tuer », La Nouvelle Revue
902 Hic et Nunc , Paris, n° 1). j. Rougemont Denis de , « À prendre ou à tuer », La Nouvelle Revue française, Paris, décembr
903 r », La Nouvelle Revue française, Paris, décembre 1932, p. 838-845.
11 1933, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Pétrarque, par Charles-Albert Cingria (avril 1933)
904 Pétrarque, par Charles-Albert Cingria (avril 1933 )k « Les modernes qui écrivent des livres sur Pétrarque voudraient
905 tent on ne sait quelle sauce. Je ne veux pas être de ceux-ci ». Charles-Albert Cingria est donc de ceux dont l’érudition,
906 tre de ceux-ci ». Charles-Albert Cingria est donc de ceux dont l’érudition, quitte à passer pour macaronique — comme elles
907 se veut constamment significative. La publication de cet étonnant petit livre sur Pétrarque, venant après celle d’une Civi
908 ant petit livre sur Pétrarque, venant après celle d’ une Civilisation de Saint-Gall non moins remarquable, le met aux antip
909 Pétrarque, venant après celle d’une Civilisation de Saint-Gall non moins remarquable, le met aux antipodes de ces histori
910 -Gall non moins remarquable, le met aux antipodes de ces historiens contemporains dont le succès consiste, lorsqu’ils cite
911 ntéressant dans la mesure même où il est dépourvu de pittoresque, c’est-à-dire, dans ce cas, de traits humains révélateurs
912 pourvu de pittoresque, c’est-à-dire, dans ce cas, de traits humains révélateurs, ce qui est tout de même aller un peu loin
913 loin, puisque ainsi l’on supprime la notion même d’ intéressant. Donc Cingria défend une thèse : « Je m’appliquerai à désa
914 core à une école provençale qui est, à l’origine, de propulsion musicale, donc romane-syrienne puisque le plain-chant est
915 t est roman-syrien — et le poète fabriqué à coups de platras à la manière antique ». Vous avez le ton. Ajoutez-y le plus e
916 z le ton. Ajoutez-y le plus excitant foisonnement de citations — poètes, chroniqueurs, musicographes, Notker, Dante, Nietz
917 ons et plaisanteries jamais dépourvues d’ailleurs d’ une certaine onction épiscopale, d’une certaine politesse pompeuse qui
918 ues d’ailleurs d’une certaine onction épiscopale, d’ une certaine politesse pompeuse qui est la forme particulière de son i
919 politesse pompeuse qui est la forme particulière de son ironie24 et vous aurez ce petit volume de deux-cents pages qui, d
920 ère de son ironie24 et vous aurez ce petit volume de deux-cents pages qui, délayé en six-cents, se verrait décerner le tit
921 délayé en six-cents, se verrait décerner le titre de « monument critique ». Tel qu’il est, un petit chef-d’œuvre d’humanis
922 critique ». Tel qu’il est, un petit chef-d’œuvre d’ humanisme poétique. Car l’« érudition » de Cingria reste si constammen
923 d’œuvre d’humanisme poétique. Car l’« érudition » de Cingria reste si constamment précise et malicieuse qu’elle atteint à
924 icieuse qu’elle atteint à coup sûr le particulier de tout ce qu’elle aborde au cours de ses démonstrations : c’est dire qu
925 ns : c’est dire qu’elle se meut en pleine poésie. D’ où sa valeur « actuelle » et multiple, ses incidences fréquentes dans
926 idences fréquentes dans les problèmes du temps et de tous les temps : la musique occidentale, les méfaits de Cicéron, le c
927 s les temps : la musique occidentale, les méfaits de Cicéron, le commerce des vins dans la vallée du Rhône, la marche en m
928 le nationalisme artificiel mais régnant qui fait de la chose publique la chose désavantageuse 25, quelques pages brillant
929 fait de la chose publique la chose désavantageuse 25, quelques pages brillantes et fortes qui rejoignent curieusement les d
930 fortes qui rejoignent curieusement les doctrines de L’Ordre nouveau). Un style doucement retors, dont les moindres anicro
931 la sans effort, manifestant plutôt cette vivacité d’ invention dont « l’écriture moderne » reste tristement dépourvue malgr
932 » reste tristement dépourvue malgré ses velléités de fantaisie assez relâchée. En quelques touches un peu bourrues, un peu
933 cieuses, il jette l’esprit du lecteur dans le vif d’ un sujet, et loin d’exploiter l’avantage de cette surprise, place auss
934 esprit du lecteur dans le vif d’un sujet, et loin d’ exploiter l’avantage de cette surprise, place aussitôt une citation, o
935 le vif d’un sujet, et loin d’exploiter l’avantage de cette surprise, place aussitôt une citation, oublie d’avoir raison, e
936 tte surprise, place aussitôt une citation, oublie d’ avoir raison, et nous laisse admirer cette prose de la Renaissance où
937 ’avoir raison, et nous laisse admirer cette prose de la Renaissance où palpite, sous une sérénité qui est plutôt de l’enth
938 ance où palpite, sous une sérénité qui est plutôt de l’enthousiasme dominé, l’opulente diversité du monde. La qualité des
939 qualité des traductions du latin, du bas latin et de l’italien dont ce livre est abondamment orné permettra de goûter dans
940 lien dont ce livre est abondamment orné permettra de goûter dans le détail ce que l’on vient de louer dans l’ensemble. C’e
941 C’est la même précision savoureuse dans le rendu de l’esprit d’un texte, mais cela toujours grâce à des inventions poétiq
942 me précision savoureuse dans le rendu de l’esprit d’ un texte, mais cela toujours grâce à des inventions poétiques jouant s
943 a de plus significatif dans un écrit « signé ». 24. Et qui d’ailleurs n’exclut pas de petites férocités soudaines, raffin
944 t « signé ». 24. Et qui d’ailleurs n’exclut pas de petites férocités soudaines, raffinées, ni le bavardage, ni une espèc
945 daines, raffinées, ni le bavardage, ni une espèce d’ indignation morale aux sursauts fréquents. 25. « Mais cela (les patri
946 èce d’indignation morale aux sursauts fréquents. 25. « Mais cela (les patriotismes de l’Europe diverse et une) était homog
947 uts fréquents. 25. « Mais cela (les patriotismes de l’Europe diverse et une) était homogène et souple, vivant, sans faux
948 t souple, vivant, sans faux arrêt, sans cet arrêt d’ illusoire devenu réel que font les actuels nationalismes, ayant pour e
949 ieu d’être avantageuse, la chose publique empêche de communiquer, empêche de vivre, empêche de respirer, et qu’alors, reni
950 la chose publique empêche de communiquer, empêche de vivre, empêche de respirer, et qu’alors, reniant sa fin, elle ne sert
951 empêche de communiquer, empêche de vivre, empêche de respirer, et qu’alors, reniant sa fin, elle ne sert plus que d’alimen
952 t qu’alors, reniant sa fin, elle ne sert plus que d’ aliment à un dogmatisme populaire farouche, et se définit comme désava
953 init comme désavantageuse ». k. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Charles-Albert Cingria, Pétrarque  », La Nouvelle R
954 que  », La Nouvelle Revue française, Paris, avril 1933, p. 676-678.
12 1933, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Une main, par C. F. Ramuz (juin 1933)
955 Une main, par C. F. Ramuz (juin 1933)l Qu’on ait pris Ramuz pour un « régionaliste 
956 Une main, par C. F. Ramuz (juin 1933 )l Qu’on ait pris Ramuz pour un « régionaliste », c’est une de ces
957 it pris Ramuz pour un « régionaliste », c’est une de ces méprises qui peuvent servir à déterminer le niveau d’une certaine
958 éprises qui peuvent servir à déterminer le niveau d’ une certaine presse. Si l’on ne voit dans l’auteur d’Adam et Ève qu’un
959 ne certaine presse. Si l’on ne voit dans l’auteur d’ Adam et Ève qu’une sorte de folkloriste, il faudra considérer l’auteur
960 ne voit dans l’auteur d’Adam et Ève qu’une sorte de folkloriste, il faudra considérer l’auteur de Phèdre comme un archéol
961 rte de folkloriste, il faudra considérer l’auteur de Phèdre comme un archéologue, auteur de drames historiques. Que cherch
962 r l’auteur de Phèdre comme un archéologue, auteur de drames historiques. Que cherche Ramuz ? Une connaissance du particuli
963 onnaissance du particulier qui introduise à celle de l’élémentaire ; qui soit donc le contraire de la recherche du pittore
964 lle de l’élémentaire ; qui soit donc le contraire de la recherche du pittoresque. Aucune de ses œuvres mieux qu’Une Main n
965 contraire de la recherche du pittoresque. Aucune de ses œuvres mieux qu’Une Main n’en convaincra. On y sent, plus directe
966 , plus directe qu’ailleurs, sa pensée ; on y voit de tout près, dans l’intimité d’une chambre, comment sa pensée marche, i
967 pensée ; on y voit de tout près, dans l’intimité d’ une chambre, comment sa pensée marche, insiste, souffre. Et cela ne se
968 souffre. Et cela ne se passe plus dans le canton de Vaud, mais dans le domaine propre de Ramuz qui est l’élémentaire. Jam
969 ns le canton de Vaud, mais dans le domaine propre de Ramuz qui est l’élémentaire. Jamais il ne fut mieux lui-même. Il y fa
970 eux lui-même. Il y fallait un cas très simple, un de ces cas où le mot « concret » devient presque synonyme de matériel. U
971 as où le mot « concret » devient presque synonyme de matériel. Un bras cassé (le gauche) ; l’humiliation de la chute, l’an
972 tériel. Un bras cassé (le gauche) ; l’humiliation de la chute, l’angoisse d’être diminué, les difficultés qu’on découvre,
973 e gauche) ; l’humiliation de la chute, l’angoisse d’ être diminué, les difficultés qu’on découvre, déconcertantes ; puis l’
974 ’esprit qui se met à douter, parce qu’il n’a plus d’ application, l’esprit qui prend peur. La guérison naîtra d’une résista
975 tion, l’esprit qui prend peur. La guérison naîtra d’ une résistance retrouvée26. Et Ramuz, apaisé, regarde tomber la neige 
976 les choses ont de nouveau leur sens. Ramuz parle de lui, c’est la première fois. Et c’est à peine de lui. Dix petites pag
977 c’est la première fois. Et c’est à peine de lui. Dix petites pages émouvantes, d’une confidence encore contrainte : « Ah !
978 est à peine de lui. Dix petites pages émouvantes, d’ une confidence encore contrainte : « Ah ! comme je suis mal fait pour
979 suis mal fait pour ma part, si j’ose ainsi parler de moi, mais je ne parle pas de moi, ou je ne parle pas que de moi, parc
980 i j’ose ainsi parler de moi, mais je ne parle pas de moi, ou je ne parle pas que de moi, parce que nous sommes tous mal fa
981 is je ne parle pas de moi, ou je ne parle pas que de moi, parce que nous sommes tous mal faits. » On n’attendait pas de Ra
982 nous sommes tous mal faits. » On n’attendait pas de Ramuz un examen de conscience. S’il s’interroge, dans Une Main, c’est
983 al faits. » On n’attendait pas de Ramuz un examen de conscience. S’il s’interroge, dans Une Main, c’est plutôt un examen d
984 ’interroge, dans Une Main, c’est plutôt un examen de son corps. Examen forcé d’ailleurs, interrogation accidentelle. Par l
985 ation accidentelle. Par le choix même du prétexte de cet écrit, il nous donne ce genre de pensées pour ce qu’elles ont tou
986 du prétexte de cet écrit, il nous donne ce genre de pensées pour ce qu’elles ont toujours été à ses yeux : le fait d’un d
987 ce qu’elles ont toujours été à ses yeux : le fait d’ un défaut de présence au monde, d’une impuissance à saisir les choses.
988 ont toujours été à ses yeux : le fait d’un défaut de présence au monde, d’une impuissance à saisir les choses. Là réside l
989 yeux : le fait d’un défaut de présence au monde, d’ une impuissance à saisir les choses. Là réside la cause de la peur, qu
990 puissance à saisir les choses. Là réside la cause de la peur, qu’il avoue, et qui n’est sans doute que la méditation d’un
991 avoue, et qui n’est sans doute que la méditation d’ un esprit dépourvu de prises sensibles. C’est un état d’âme qui caract
992 sans doute que la méditation d’un esprit dépourvu de prises sensibles. C’est un état d’âme qui caractérise assez bien le m
993 s présents à eux-mêmes, hommes sans pesée, hommes de peu de poids, facilement entraînés. Une Main nous donne ainsi l’anal
994 Une Main nous donne ainsi l’analyse élémentaire d’ un des phénomènes les plus importants d’aujourd’hui : la démoralisatio
995 émentaire d’un des phénomènes les plus importants d’ aujourd’hui : la démoralisation. Démoraliser un homme, c’est le priver
996 ralisation. Démoraliser un homme, c’est le priver de son pouvoir créateur. C’est le priver de sa main, — ou asservir cette
997 e priver de son pouvoir créateur. C’est le priver de sa main, — ou asservir cette main. Est-ce que ma main n’a pas sa voca
998 ain n’a pas sa vocation ? Est-ce qu’elle n’a rien de mieux à faire que de se lever avec cent-mille autres, de faire le poi
999 on ? Est-ce qu’elle n’a rien de mieux à faire que de se lever avec cent-mille autres, de faire le poing avec cent-mille au
1000 x à faire que de se lever avec cent-mille autres, de faire le poing avec cent-mille autres ? Cent-mille mains saluent le t
1001 ps est peut-être venu de penser avec ses mains. 26. « J’aime que les choses vous résistent et vous contredisent, comme pa
1002 comme par exemple une maison trop grande, un feu de bois vert qu’on s’ingénie à allumer dans une cheminée qui tire mal. J
1003 s que je suis à la mienne. » l. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] C. F. Ramuz, Une main  », La Nouvelle Revue françai
1004 enne. » l. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] C. F. Ramuz, Une main  », La Nouvelle Revue française, Paris, juin 1933,
1005 main  », La Nouvelle Revue française, Paris, juin 1933, p. 1001-1002.
13 1933, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Saint-Évremond ou L’humaniste impur, par Albert-Marie Schmidt (octobre 1933)
1006 umaniste impur, par Albert-Marie Schmidt (octobre 1933 )m Il est plaisant de voir un jeune auteur obtenir de nos jours un
1007 -Marie Schmidt (octobre 1933)m Il est plaisant de voir un jeune auteur obtenir de nos jours un effet de surprise par l’
1008 Il est plaisant de voir un jeune auteur obtenir de nos jours un effet de surprise par l’emploi d’un style poli, nombreux
1009 oir un jeune auteur obtenir de nos jours un effet de surprise par l’emploi d’un style poli, nombreux, toujours plein d’onc
1010 ir de nos jours un effet de surprise par l’emploi d’ un style poli, nombreux, toujours plein d’onction, parfois même de pom
1011 ’emploi d’un style poli, nombreux, toujours plein d’ onction, parfois même de pompe. Tel est le premier succès de cet ouvra
1012 nombreux, toujours plein d’onction, parfois même de pompe. Tel est le premier succès de cet ouvrage. Il en révèle peut-êt
1013 parfois même de pompe. Tel est le premier succès de cet ouvrage. Il en révèle peut-être aussi certain défaut : Albert-Mar
1014 u’il le maintienne arbitrairement dans les cadres d’ une dogmatique morale : c’est plutôt qu’il suit Saint-Évremond de trop
1015 e morale : c’est plutôt qu’il suit Saint-Évremond de trop près dans les méandres de son éthique. Certes, il en fait valoir
1016 uit Saint-Évremond de trop près dans les méandres de son éthique. Certes, il en fait valoir ainsi toutes les nuances, avec
1017 ière, qu’il ne le garde point sans cesse à portée d’ un coup de patte qu’il s’abandonne lui-même à sa fantaisie, la plus jo
1018 l ne le garde point sans cesse à portée d’un coup de patte qu’il s’abandonne lui-même à sa fantaisie, la plus joyeusement
1019 ce Saint-Évremond, théoricien spirituel et serein de la sagesse du grand siècle, sous le coup de la question capitale qu’o
1020 erein de la sagesse du grand siècle, sous le coup de la question capitale qu’on voudrait poser sous cette forme : la vérit
1021 bien que Saint-Évremond ait jusqu’au bout refusé de choisir. Il croit pouvoir entretenir avec Dieu des rapports de polite
1022 l croit pouvoir entretenir avec Dieu des rapports de politesse. Cela pourrait bien être la formule du désordre intérieur m
1023 m. Rien ne le dissimule mieux que le demi-sourire d’ une raison éclairée et mondaine. La nouveauté de l’essai d’Albert-Mar
1024 d’une raison éclairée et mondaine. La nouveauté de l’essai d’Albert-Marie Schmidt est d’avoir su déceler la corruption s
1025 on éclairée et mondaine. La nouveauté de l’essai d’ Albert-Marie Schmidt est d’avoir su déceler la corruption secrète de c
1026 a nouveauté de l’essai d’Albert-Marie Schmidt est d’ avoir su déceler la corruption secrète de cet art trop parfait, « qui
1027 midt est d’avoir su déceler la corruption secrète de cet art trop parfait, « qui supprime les plus angoissants problèmes,
1028 blèmes, à force de les éclaircir », et l’impureté d’ un humanisme que l’on croyait tempéré et limpide, mais que l’on voit «
1029 échauffer, se brouiller » aux premières instances d’ un choix radical et véritablement ordonnateur. Le chapitre le plus rem
1030 ment ordonnateur. Le chapitre le plus remarquable de cette brève et dense biographie intellectuelle, le plus juste aussi p
1031 C’est comme la genèse individuelle et religieuse de ce fait trop actuel, qu’Albert-Marie Schmidt nous restitue au cours d
1032 Marie Schmidt nous restitue au cours de son essai de critique exemplaire. m. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Alber
1033 sai de critique exemplaire. m. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Albert-Marie Schmidt, Saint-Évremond ou L’humaniste
1034 r  », La Nouvelle Revue française, Paris, octobre 1933, p. 621-622.
14 1933, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Le Deuxième Jour de la Création, par Ilya Ehrenbourg (décembre 1933)
1035 Le Deuxième Jour de la Création, par Ilya Ehrenbourg (décembre 1933)n Ce titre curieus
1036 our de la Création, par Ilya Ehrenbourg (décembre 1933 )n Ce titre curieusement biblique désigne le plan quinquennal. Voic
1037 gne le plan quinquennal. Voici donc le roman type de l’Édification socialiste. Bourré de petits faits vrais dont l’intenti
1038 le roman type de l’Édification socialiste. Bourré de petits faits vrais dont l’intention morale est évidente, il est doubl
1039 doublement édifiant. Ceux qui ont aimé le Chemin de la Vie retrouveront ici l’atmosphère salubre, la naïveté puissante de
1040 nt ici l’atmosphère salubre, la naïveté puissante de ce film, et le même parti pris de bonne humeur héroïque. Tout ce qu’i
1041 ïveté puissante de ce film, et le même parti pris de bonne humeur héroïque. Tout ce qu’il faut pour entraîner l’adolescenc
1042 ce qu’il faut pour entraîner l’adolescence avide de servir une grande cause et de se sacrifier pour le bonheur collectif.
1043 l’adolescence avide de servir une grande cause et de se sacrifier pour le bonheur collectif. Chanson de Roland, fair-play,
1044 e se sacrifier pour le bonheur collectif. Chanson de Roland, fair-play, Baden-Powell, religion du travail. On a l’air d’ir
1045 ay, Baden-Powell, religion du travail. On a l’air d’ ironiser, mais lisez donc : vous serez pris, vous donnerez tort au tra
1046 re aux anarchistes, koulaks, admirateurs attardés de Dostoïevski, petites « personnalités », rouspéteurs et autres surréal
1047 », rouspéteurs et autres surréalistes, empêcheurs de danser en rond. Voici l’histoire en bref, — non pas l’intrigue ! tout
1048 tout cela est propre. Le jeune Kolka, prolétaire de bonne souche, part pour la Construction où il ne tarde pas à se disti
1049 ne tarde pas à se distinguer par diverses actions d’ éclat. Il devient brigadier de choc. Grave et rieur, chaste, ignorant,
1050 ar diverses actions d’éclat. Il devient brigadier de choc. Grave et rieur, chaste, ignorant, avide de « culture ». Volodia
1051 de choc. Grave et rieur, chaste, ignorant, avide de « culture ». Volodia, lui, est fils de bourgeois : taré donc, intelle
1052 ant, avide de « culture ». Volodia, lui, est fils de bourgeois : taré donc, intellectuel, ratiocineur, il n’arrive pas, ma
1053 loyaux efforts, à se passionner pour le problème de la fonte, qui est le problème dominant dans cette région de la Sibéri
1054 e, qui est le problème dominant dans cette région de la Sibérie. Entre eux, une jeune et touchante Irina, qui choisira bie
1055 ’est pas né quand il aurait fallu ». L’Histoire a de ces exigences. On conseille à Volodia de se brûler la cervelle. Il se
1056 stoire a de ces exigences. On conseille à Volodia de se brûler la cervelle. Il se pend. Ce résumé fait le plus grand tort
1057 sont rien sans la mystique. La force et le charme de ce roman sont ceux mêmes d’une jeunesse fruste, innocente jusque dans
1058 La force et le charme de ce roman sont ceux mêmes d’ une jeunesse fruste, innocente jusque dans ses cruautés ; tout jugemen
1059 ’auteur. Ehrenbourg a utilisé pêle-mêle une masse de documents qui parlent d’eux-mêmes. Ils parlent peut-être plus qu’ils
1060 lisé pêle-mêle une masse de documents qui parlent d’ eux-mêmes. Ils parlent peut-être plus qu’ils ne devraient. Ils nous mo
1061 conformiste. Le puritanisme des komsomols a ceci de spécifiquement ennuyeux qu’il ne crée pas en eux le moindre refouleme
1062 foulement. Ce qui suppose une remarquable absence d’ imagination. Le prochain plan y pourvoira peut-être. Tout cela est en
1063 ci un fait plus inquiétant : ce livre montre, par vingt exemples irréfutables, que la classe joue chez les jeunes russes exac
1064 ue la race chez les hitlériens. Il n’y a pas plus de conversion possible au prolétariat qu’au germanisme. Voilà de quoi re
1065 n possible au prolétariat qu’au germanisme. Voilà de quoi refroidir les sympathies trop spontanées. Il faudra, je crois, p
1066 dra, je crois, passer outre. Dans ce déchaînement d’ orgueil humain, de scientisme primaire, dans cette frénésie de bonne h
1067 ser outre. Dans ce déchaînement d’orgueil humain, de scientisme primaire, dans cette frénésie de bonne humeur, il y a une
1068 main, de scientisme primaire, dans cette frénésie de bonne humeur, il y a une question. Non pas un doute, mais quelque cho
1069 is quelque chose qui veut une réponse, et qui est d’ autant plus tragique qu’ils ne savent plus le formuler. À nous de les
1070 ragique qu’ils ne savent plus le formuler. À nous de les y aider ; et de comprendre que seule cette question-là rétablit l
1071 vent plus le formuler. À nous de les y aider ; et de comprendre que seule cette question-là rétablit la communion humaine.
1072 ablit la communion humaine. n. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Ilya Ehrenbourg, Le Deuxième Jour de la Création  »
1073  [Compte rendu] Ilya Ehrenbourg, Le Deuxième Jour de la Création  », La Nouvelle Revue française, Paris, décembre 1933, p.
1074  », La Nouvelle Revue française, Paris, décembre 1933, p. 927-929.
15 1934, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Taille de l’homme, par C. F. Ramuz (avril 1934)
1075 Taille de l’homme, par C. F. Ramuz (avril 1934)o Après Une Main, confession
1076 Taille de l’homme, par C. F. Ramuz (avril 1934)o Après Une Main, confession réticente, d’une
1077 Taille de l’homme, par C. F. Ramuz (avril 1934 )o Après Une Main, confession réticente, d’une discrétion presque f
1078 l 1934)o Après Une Main, confession réticente, d’ une discrétion presque farouche, et dans la même lignée que Le Grand P
1079 s la même lignée que Le Grand Printemps et Raison d’ Être, voici encore un essai de Ramuz, mais de tous le moins ramuzien :
1080 Printemps et Raison d’Être, voici encore un essai de Ramuz, mais de tous le moins ramuzien : il s’agit cette fois d’idées,
1081 ison d’Être, voici encore un essai de Ramuz, mais de tous le moins ramuzien : il s’agit cette fois d’idées, et même d’idée
1082 de tous le moins ramuzien : il s’agit cette fois d’ idées, et même d’idées générales, ce qui est assez paradoxal dans une
1083 ramuzien : il s’agit cette fois d’idées, et même d’ idées générales, ce qui est assez paradoxal dans une telle œuvre. Le s
1084 st assez paradoxal dans une telle œuvre. Le sujet de Taille de l’Homme, c’est en effet l’opposition cosmique du monde marx
1085 aradoxal dans une telle œuvre. Le sujet de Taille de l’Homme, c’est en effet l’opposition cosmique du monde marxiste et du
1086 proches que d’autres ont déjà formulés, avec plus de mordant et plus de précision, et qui d’ailleurs n’ébranleront pas, da
1087 s ont déjà formulés, avec plus de mordant et plus de précision, et qui d’ailleurs n’ébranleront pas, dans leur foi, les ma
1088 ’aboutissement du marxisme : l’isolement cosmique de l’homme. Quoi qu’il dise, d’ailleurs, il dit plus que ses arguments.
1089 arxisme, il n’en resterait pas moins, par le fait de son être même, une protestation contre le matérialisme dialectique. Q
1090 dialectique. Quand on possède, comme lui, le sens de la solitude et le sens de la communauté — indissolubles —, on est une
1091 ède, comme lui, le sens de la solitude et le sens de la communauté — indissolubles —, on est une objection vivante à tout
1092 la vie des choses et des êtres, on n’a pas besoin d’ arguments pour faire sentir l’absurdité des « lois » qui, pour certain
1093 Ramuz est présent à ce monde, — eux, ils essaient de le recomposer au sein de leur absence insurmontable. Ramuz, mieux que
1094 ntable. Ramuz, mieux que personne, peut se passer d’ avoir raison, puisqu’il a pour lui la Nature27. C’est quand il parle d
1095 u’il a pour lui la Nature27. C’est quand il parle d’ elle qu’il est grand, qu’il donne et manifeste sa mesure, qu’il appara
1096 nt qualifié. La mode est au marxisme et au mépris de la Nature ? Mode bourgeoise, tyrannie décadente, tout occupée à calcu
1097 a justification. À ceux qui croient aux fatalités de l’Histoire, il faut dire simplement qu’elles sont vraies pour eux-mêm
1098 lles sont vraies pour eux-mêmes et pour tous ceux de leur espèce. On ne calcule pas avec la vie, mais avec des quantités m
1099 is avec des quantités mortes. Ceux qui se vantent d’ être calculables ont très probablement raison : c’est une constatation
1100 très probablement raison : c’est une constatation de décès spirituel, à peine anticipée peut-être. Mais ils se trompent to
1101 s spiritualistes bourgeois savaient la détester. ( Dix ans de discussions, chez les philosophes de Moscou, ont abouti, en 19
1102 ualistes bourgeois savaient la détester. (Dix ans de discussions, chez les philosophes de Moscou, ont abouti, en 1932, à d
1103 er. (Dix ans de discussions, chez les philosophes de Moscou, ont abouti, en 1932, à des définitions tellement abstruses de
1104 s, chez les philosophes de Moscou, ont abouti, en 1932, à des définitions tellement abstruses de cette fameuse « matière » su
1105 i, en 1932, à des définitions tellement abstruses de cette fameuse « matière » sur laquelle tout se fonde, que Staline s’e
1106 e, que Staline s’est vu contraint, pour en finir, de fixer la saine doctrine par un ukase condamnant à la fois les mécanis
1107 t les dialecticiens. On parle encore du « diamat » 29, mais ce n’est plus qu’un conformisme d’État. C’est, à peu près, l’uka
1108  diamat »29, mais ce n’est plus qu’un conformisme d’ État. C’est, à peu près, l’ukase en moins, ce qui s’est passé chez les
1109 s choses. Aussi bien n’éprouve-t-il pas le besoin de s’affirmer matérialiste. La position de Ramuz paraît assez voisine de
1110 le besoin de s’affirmer matérialiste. La position de Ramuz paraît assez voisine de celle de Berdiaev. Tous deux considèren
1111 aliste. La position de Ramuz paraît assez voisine de celle de Berdiaev. Tous deux considèrent le marxisme comme l’aboutiss
1112 a position de Ramuz paraît assez voisine de celle de Berdiaev. Tous deux considèrent le marxisme comme l’aboutissement log
1113 z paraît assez voisine de celle de Berdiaev. Tous deux considèrent le marxisme comme l’aboutissement logique de l’esprit bou
1114 idèrent le marxisme comme l’aboutissement logique de l’esprit bourgeois-capitaliste. Tous deux savent qu’il faut être pour
1115 t logique de l’esprit bourgeois-capitaliste. Tous deux savent qu’il faut être pour Dieu ou contre Dieu. La bourgeoisie a cho
1116 ment athée sans le savoir. Le marxisme est l’aveu de son choix. Mais Berdiaev parle en chrétien, et Ramuz ne veut encore p
1117 mais l’a-t-il fait ? Il veut un monde à la taille de l’homme. Il sait aussi que la mesure de cette taille est dans une foi
1118 la taille de l’homme. Il sait aussi que la mesure de cette taille est dans une foi, dans « quelque chose qui dépasse l’hom
1119 ses limites, ici et maintenant ? C’est là le sens de l’Incarnation, en même temps que de la véritable transcendance. C’est
1120 st là le sens de l’Incarnation, en même temps que de la véritable transcendance. C’est là le point de la rupture avec tout
1121 de la véritable transcendance. C’est là le point de la rupture avec tout humanisme imaginable (l’homme sauvé par son prog
1122 sme imaginable (l’homme sauvé par son progrès). 27. Pas la Nature de Rousseau, – la Nature des choses. 28. Certains écri
1123 homme sauvé par son progrès). 27. Pas la Nature de Rousseau, – la Nature des choses. 28. Certains écrivains marxistes f
1124 s la Nature de Rousseau, – la Nature des choses. 28. Certains écrivains marxistes français protestent avec la dernière éne
1125 tent avec la dernière énergie quand on les traite de matérialistes. Je crains que ce soit, chez la plupart d’entre eux, un
1126 ce soit, chez la plupart d’entre eux, un réflexe de bourgeois plutôt que d’homme. « Précédence, et non pas primauté du ma
1127 t d’entre eux, un réflexe de bourgeois plutôt que d’ homme. « Précédence, et non pas primauté du matériel ! », disait l’un
1128 et non pas primauté du matériel ! », disait l’un d’ eux. Qu’est-ce que le matériel peut bien précéder ? D’où nous viendrai
1129 x. Qu’est-ce que le matériel peut bien précéder ? D’ où nous viendrait alors ce « matériel » ? 29. Abréviation usuelle en
1130 er ? D’où nous viendrait alors ce « matériel » ? 29. Abréviation usuelle en URSS pour « matérialisme dialectique ». o. R
1131  matérialisme dialectique ». o. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] C. F. Ramuz, Taille de l’homme  », La Nouvelle Revu
1132 ique ». o. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] C. F. Ramuz, Taille de l’homme  », La Nouvelle Revue française, Paris, a
1133 nt Denis de, « [Compte rendu] C. F. Ramuz, Taille de l’homme  », La Nouvelle Revue française, Paris, avril 1934, p. 709-71
1134 mme  », La Nouvelle Revue française, Paris, avril 1934, p. 709-711.
16 1934, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Le Procès, par Franz Kafka (mai 1934)
1135 Le Procès, par Franz Kafka (mai 1934 )p Je ne sais pas si le Procès est le chef-d’œuvre de Kafka, mais i
1136 Je ne sais pas si le Procès est le chef-d’œuvre de Kafka, mais il est difficile d’imaginer un livre plus profond. On a m
1137 t le chef-d’œuvre de Kafka, mais il est difficile d’ imaginer un livre plus profond. On a même l’impression en le lisant, d
1138 lus profond. On a même l’impression en le lisant, de lire pour la première fois un livre absolument profond. Non qu’il pré
1139 hommes pour étouffer le scandale. Josef K… fondé de pouvoir dans une banque, se voit arrêté un beau matin par deux inspec
1140 dans une banque, se voit arrêté un beau matin par deux inspecteurs. Ces messieurs lui apprennent qu’il est inculpé, mais ils
1141 rennent qu’il est inculpé, mais ils ne savent pas de quoi et n’ont pas qualité pour le savoir. Puis, on le rend à la liber
1142 minaires, des démarches que tente l’accusé auprès d’ une justice insaisissable, infiniment pédante, corrompue et capricieus
1143 ent qui est tout le drame du Procès. Constatation de la réalité telle qu’elle est, et en même temps, au moment où la révol
1144 emps, au moment où la révolte point, constatation de la vanité absolue de toute appréciation, de toute prise de parti, — d
1145 révolte point, constatation de la vanité absolue de toute appréciation, de toute prise de parti, — de tout acte. C’est ce
1146 ation de la vanité absolue de toute appréciation, de toute prise de parti, — de tout acte. C’est ce qu’on pourrait appeler
1147 ité absolue de toute appréciation, de toute prise de parti, — de tout acte. C’est ce qu’on pourrait appeler la vision méta
1148 de toute appréciation, de toute prise de parti, —  de tout acte. C’est ce qu’on pourrait appeler la vision métaphysique. To
1149 pur hasard si la théologie chrétienne rend compte de presque toutes les situations de ce livre ? Cette Loi qui nous condam
1150 enne rend compte de presque toutes les situations de ce livre ? Cette Loi qui nous condamne quoi que nous fassions, ce Jug
1151 vocats qui parlent comme des prêtres, et qui sont de mèche avec la justice, ces prévenus en liberté, cette complicité géné
1152 ité générale, tout cela, ce n’est pas la « misère de l’homme sans Dieu », mais la misère de l’homme livré à un Dieu qu’il
1153 a « misère de l’homme sans Dieu », mais la misère de l’homme livré à un Dieu qu’il ne connaît pas, parce qu’il ne connaît
1154 st la seule possibilité qui soit donnée à l’homme de marcher, d’échapper à l’« arrêt » ; mais c’est aussi par cette foi, e
1155 possibilité qui soit donnée à l’homme de marcher, d’ échapper à l’« arrêt » ; mais c’est aussi par cette foi, et parce qu’e
1156 aussi par cette foi, et parce qu’elle nous permet de faire un pas et « d’en sortir » que nous connaissons notre état, que
1157 et parce qu’elle nous permet de faire un pas et «  d’ en sortir » que nous connaissons notre état, que nous mesurons le réel
1158 que nous pouvons l’avouer. p. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Franz Kafka, Le Procès  », La Nouvelle Revue frança
1159 rocès  », La Nouvelle Revue française, Paris, mai 1934, p. 868-869.
17 1935, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Ni gauche ni droite (août 1935)
1160 Ni gauche ni droite (août 1935 )q Kellermann à Valmy entraîne ses troupes au cri de « Vive la Nati
1161 Kellermann à Valmy entraîne ses troupes au cri de « Vive la Nation ! » nation et peuple se confondaient alors dans la m
1162 et peuple se confondaient alors dans la mystique de la révolution. Aujourd’hui l’on se voit sommé de choisir entre un fro
1163 de la révolution. Aujourd’hui l’on se voit sommé de choisir entre un front qui se dit « national » et un front qui se dit
1164 ques détachées du réel ? Je vois à gauche la peur de Chiappe, et à droite, la peur de la gauche. Je vois à droite une tent
1165 à gauche la peur de Chiappe, et à droite, la peur de la gauche. Je vois à droite une tentation fasciste, trop faible encor
1166 assez forte déjà pour que la masse accepte l’idée d’ une dictature… « antifasciste ». Tout cela se joue sur des mots, et ce
1167 mots ne traduisent que des religions vagues, nées de la peur, et comme telles meurtrières. Les faits, ce sont M. de Wendel
1168 eur devine quelques intérêts convergents, du côté d’ Hitler par exemple. Staline veut une armée française puissante, il app
1169 une armée française puissante, il approuve la loi de deux ans. « Staline a raison », affirme l’affiche communiste ; mais a
1170 armée française puissante, il approuve la loi de deux ans. « Staline a raison », affirme l’affiche communiste ; mais alors
1171 re ! Flatus vocis ! Il n’y a qu’une seule manière de tirer à la mitrailleuse et de se faire casser la figure. On peut regr
1172 u’une seule manière de tirer à la mitrailleuse et de se faire casser la figure. On peut regretter que le Congrès pour la d
1173 it rien tenté pour débrouiller un peu le complexe de mots adultérés qui encombre la vie politique et qui empêche, à gauche
1174 olitique et qui empêche, à gauche comme à droite, de nommer les vrais adversaires. (Je ne vois que Chamson qui ait dénoncé
1175 e semble qu’on a fait tout autre chose, au Palais de la Mutualité. Il me semble qu’on s’est entendu pour « cultiver » des
1176  : c’était jusqu’à présent le fait des ligues que de proclamer la liberté en préparant la dictature. Jamais on n’a plus ma
1177 e. Jamais on n’a plus mal menti, jamais avec plus d’ enthousiasme. Ni la gauche ni la droite ne pourront aboutir à une doct
1178 doctrine constructive tant qu’elles s’efforceront de dénaturer les grands mots d’ordre populaires, au nom de mystiques san
1179 . Trop simple, sans doute ? q. Rougemont Denis de , « Ni gauche ni droite », La Nouvelle Revue française, Paris, août 19
1180 roite », La Nouvelle Revue française, Paris, août 1935, p. 305-306.
18 1935, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Paracelse, par Frédéric Gundolf (septembre 1935)
1181 Paracelse, par Frédéric Gundolf (septembre 1935 )r Paracelse ne fut pas un mage, ou plutôt si l’on veut qu’il l’ait
1182 il ne fut pas un magicien. Il erra toute sa vie, d’ auberges en universités, suivi d’une troupe de disciples turbulents, à
1183 ra toute sa vie, d’auberges en universités, suivi d’ une troupe de disciples turbulents, à la recherche de secrets qu’il vo
1184 ie, d’auberges en universités, suivi d’une troupe de disciples turbulents, à la recherche de secrets qu’il voulait rendre
1185 ne troupe de disciples turbulents, à la recherche de secrets qu’il voulait rendre manifestes à tous, et qu’il exprimait, c
1186 lemand populaire et grossier30. Il faut se méfier de la gloire qu’on lui a faite. On nous rapporte par exemple que « déjà
1187 mourir, il s’adressa au diable qui lui conseilla de se faire enterrer pour une année, coupé en petits morceaux, dans du c
1188 année, coupé en petits morceaux, dans du crottin de cheval, et de faire subir à son corps toute la gamme des combinaisons
1189 en petits morceaux, dans du crottin de cheval, et de faire subir à son corps toute la gamme des combinaisons alchimiques a
1190 imiques afin de ressusciter ensuite sous la forme d’ un beau jeune homme. Il se fit tailler en morceaux et enterrer par son
1191 viteur. Mais celui-ci, impatient, ouvrit la tombe deux jours trop tôt. Paracelse y gisait, métamorphosé en bel adolescent, l
1192 âne seul n’avait pas tout à fait repoussé. Un peu d’ air pénétra dans le cerveau et Paracelse dut mourir avant d’avoir ress
1193 tra dans le cerveau et Paracelse dut mourir avant d’ avoir ressuscité ». Rajeunir son corps et son âme par l’ordure, c’est
1194 son âme par l’ordure, c’est un des thèmes favoris de notre temps. Mais combien, parmi nous, se sont fait déterrer deux jou
1195 . Mais combien, parmi nous, se sont fait déterrer deux jours trop tôt ! L’auteur de l’anecdote était bon prophète, mais il n
1196 sont fait déterrer deux jours trop tôt ! L’auteur de l’anecdote était bon prophète, mais il n’a rien compris à Paracelse.
1197 pas rationaliste, comme le veut le langage confus de ceux qui se croient cartésiens. Aussi a-t-on souvent tendance à le re
1198 ues, où cependant il n’a que faire, avec son goût de l’expérience et de l’application concrète. Mais justement cette fring
1199 l n’a que faire, avec son goût de l’expérience et de l’application concrète. Mais justement cette fringale d’expérience qu
1200 plication concrète. Mais justement cette fringale d’ expérience qu’il promena par toute l’Europe, et peut-être même chez le
1201 ouvait y suffire. Ce grand esprit qui savait voir de grandioses correspondances dans le détail bizarre de notre microcosme
1202 grandioses correspondances dans le détail bizarre de notre microcosme, manquait de la seule chose dont nous soyons abondam
1203 s le détail bizarre de notre microcosme, manquait de la seule chose dont nous soyons abondamment fournis : d’un attirail d
1204 eule chose dont nous soyons abondamment fournis : d’ un attirail de concepts à tout faire31. Il faut voir comme il se débat
1205 t nous soyons abondamment fournis : d’un attirail de concepts à tout faire31. Il faut voir comme il se débat avec son lati
1206 31. Il faut voir comme il se débat avec son latin de cuisine, son grec allégorique et son allemand mal accordé pour fabriq
1207 ur ne saurait satisfaire les esprits plus curieux de preuves que de faits. J’en viens au petit livre de Gundolf. C’est l’œ
1208 atisfaire les esprits plus curieux de preuves que de faits. J’en viens au petit livre de Gundolf. C’est l’œuvre synthétiqu
1209 e preuves que de faits. J’en viens au petit livre de Gundolf. C’est l’œuvre synthétique d’un philosophe des formes culture
1210 petit livre de Gundolf. C’est l’œuvre synthétique d’ un philosophe des formes culturelles, plutôt que d’un historien de la
1211 ’un philosophe des formes culturelles, plutôt que d’ un historien de la science. Les historiens font la grimace, mais les l
1212 des formes culturelles, plutôt que d’un historien de la science. Les historiens font la grimace, mais les lettrés et les m
1213 font la grimace, mais les lettrés et les médecins de la jeune école seront comblés. Gundolf décrit l’œuvre de Paracelse co
1214 eune école seront comblés. Gundolf décrit l’œuvre de Paracelse comme un drame de l’expression, une tragédie de la terminol
1215 undolf décrit l’œuvre de Paracelse comme un drame de l’expression, une tragédie de la terminologie, une « lutte accablante
1216 else comme un drame de l’expression, une tragédie de la terminologie, une « lutte accablante pour l’expression des choses
1217 on des choses jamais dites ». Paracelse a vu plus de choses qu’il ne pouvait en exprimer. Son destin fut l’inverse du nôtr
1218 pleine scolastique (au sens vulgaire). Ce défaut de mots propres aurait dû le contraindre à l’invention de métaphores. Ma
1219 ts propres aurait dû le contraindre à l’invention de métaphores. Mais Paracelse justement se méfie de ce mode — de cette m
1220 de métaphores. Mais Paracelse justement se méfie de ce mode — de cette mode — d’expression, qui lui paraît peu scientifiq
1221 s. Mais Paracelse justement se méfie de ce mode — de cette mode — d’expression, qui lui paraît peu scientifique. Il s’en t
1222 e justement se méfie de ce mode — de cette mode — d’ expression, qui lui paraît peu scientifique. Il s’en tire au moyen d’a
1223 ui paraît peu scientifique. Il s’en tire au moyen d’ allégories, et transforme sa maladresse en instrument de découvertes.
1224 gories, et transforme sa maladresse en instrument de découvertes. Alors que notre étiologie se borne la plupart du temps à
1225 acelse ne veut nommer les maladies que par le nom de leur remède. « Il ne faut pas dire que tel état est colérique, tel au
1226 connaître et guérir une maladie, il ne suffit pas de voir l’homme seul ; il faut considérer sa relation avec le monde, don
1227 embre, un reflet. So oben wie unten. L’astrologie de Paracelse n’est pas une superstition de devin, c’est une science de l
1228 strologie de Paracelse n’est pas une superstition de devin, c’est une science de la guérison fondée sur le principe hippoc
1229 pas une superstition de devin, c’est une science de la guérison fondée sur le principe hippocratique des similia similibu
1230 ilia similibus, principe qu’on retrouve à la base de l’homéopathie moderne, du traitement par la vaccination, et même de l
1231 oderne, du traitement par la vaccination, et même de la psychanalyse. Paracelse s’était formé de l’homme une conception sp
1232 même de la psychanalyse. Paracelse s’était formé de l’homme une conception spirituelle et organique (théologique-astrolog
1233 ins galénistes qui voyaient l’homme sous l’aspect d’ un concept. Il se fût opposé aussi aux médecins de la Renaissance, à L
1234 d’un concept. Il se fût opposé aussi aux médecins de la Renaissance, à Léonard, à Cardan, à Vésale, aux techniciens de la
1235 e, à Léonard, à Cardan, à Vésale, aux techniciens de la dissection dont descend toute la science du xixe , et qui nous ont
1236 onduits à considérer notre corps comme une espèce de moteur démontable. Ainsi le grand docteur « macrocosmique », en appli
1237 ur les générations futures « l’horizon primordial de la médecine », comme l’écrit le Dr Allendy dans l’Essai sur la guéris
1238 ns l’Essai sur la guérison, ouvrage tout imprégné de l’esprit vitaliste de Paracelse, brève synthèse des idées les plus ne
1239 ison, ouvrage tout imprégné de l’esprit vitaliste de Paracelse, brève synthèse des idées les plus neuves, qui sont aussi l
1240 ont aussi les plus antiques, sur la nature unique de la maladie, ouvrage dont on peut dire qu’il marque une date dans l’hi
1241 n peut dire qu’il marque une date dans l’histoire de la connaissance du monde par le corps, ou si l’on veut, du corps par
1242 auquel nous assistons est un des signes marquants de ce temps-ci. Le symbole d’une révolution astronomique de la culture o
1243 n des signes marquants de ce temps-ci. Le symbole d’ une révolution astronomique de la culture occidentale. Peut-être avons
1244 emps-ci. Le symbole d’une révolution astronomique de la culture occidentale. Peut-être avons-nous passé l’âge de l’inhumai
1245 ure occidentale. Peut-être avons-nous passé l’âge de l’inhumaine, de la blasphématoire mécanisation de la vie. Peut-être a
1246 Peut-être avons-nous passé l’âge de l’inhumaine, de la blasphématoire mécanisation de la vie. Peut-être avons-nous passé
1247 de l’inhumaine, de la blasphématoire mécanisation de la vie. Peut-être avons-nous passé l’âge des rationalismes trop court
1248 s-nous passé l’âge des rationalismes trop courts, de la mythologie féroce des ismes, de Marx et des capitalistes, des ador
1249 s trop courts, de la mythologie féroce des ismes, de Marx et des capitalistes, des adorateurs de la mort, triomphe des chi
1250 smes, de Marx et des capitalistes, des adorateurs de la mort, triomphe des chiffres et des laboratoires. Peut-être allons-
1251 ulement cruelle et folle, l’époque qui nous offre de si grandes chances. Et c’est une ère favorable qui s’ouvre, celle où
1252 a mesure dans l’univers qu’il a cru concevoir ! 30. « La monumentale grossièreté luthérienne », dit Gundolf. 31. Gundolf
1253 umentale grossièreté luthérienne », dit Gundolf. 31. Gundolf écrit : « Il ne s’intéressait pas seulement aux différents mi
1254 s sur les ouvriers, observa la démarche, le genre de vie et l’aspect des mineurs et conçut ainsi, le premier, l’importance
1255 mineurs et conçut ainsi, le premier, l’importance de l’hygiène professionnelle ». Voilà qui l’honore en tant qu’homme. Mai
1256 nommât l’activité qu’il découvrait. Qui ne sait, de nos jours, parler d’« hygiène professionnelle » ? 32. Euphémisme rés
1257 ’il découvrait. Qui ne sait, de nos jours, parler d’ « hygiène professionnelle » ? 32. Euphémisme résumant des chapitres e
1258 os jours, parler d’« hygiène professionnelle » ? 32. Euphémisme résumant des chapitres entiers d’effroyables et puériles i
1259  ? 32. Euphémisme résumant des chapitres entiers d’ effroyables et puériles injures. « Votre Esculape, votre Avicenne et v
1260 cribouillards (Scribenten) je les dissoudrai dans de l’Alkali !… » Il propose dans le même passage de les brûler au four,
1261 de l’Alkali !… » Il propose dans le même passage de les brûler au four, de les baptiser d’ordures, eux et leur parenté, d
1262 opose dans le même passage de les brûler au four, de les baptiser d’ordures, eux et leur parenté, de les jeter dans le lac
1263 me passage de les brûler au four, de les baptiser d’ ordures, eux et leur parenté, de les jeter dans le lac de Schwyz, etc.
1264 , de les baptiser d’ordures, eux et leur parenté, de les jeter dans le lac de Schwyz, etc., « et ce sera pour la vertu, qu
1265 es, eux et leur parenté, de les jeter dans le lac de Schwyz, etc., « et ce sera pour la vertu, quarte colonne de la médeci
1266 etc., « et ce sera pour la vertu, quarte colonne de la médecine, un grand spectacle ! » (Liber Paragranum). r. Rougemon
1267 acle ! » (Liber Paragranum). r. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Frédéric Gundolf, Paracelse  », La Nouvelle Revue f
1268  », La Nouvelle Revue française, Paris, septembre 1935, p. 445-448.
19 1935, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Recherches philosophiques (septembre 1935)
1269 Recherches philosophiques (septembre 1935 ) s Ce recueil annuel n’a jamais mieux mérité son titre. Je veux di
1270 mieux mérité son titre. Je veux dire que la part de la dialectique professionnelle, professorale, la tractation correcte
1271 ctation correcte et à mon sens parfaitement vaine de problèmes qui n’empêchent personne de dormir, diminue nettement dans
1272 ement vaine de problèmes qui n’empêchent personne de dormir, diminue nettement dans ce tome IV au profit de la recherche v
1273 ersonne de dormir, diminue nettement dans ce tome IV au profit de la recherche véritable, des imprudences passionnées, des
1274 rmir, diminue nettement dans ce tome IV au profit de la recherche véritable, des imprudences passionnées, des « essais » o
1275 saurait assez louer les directeurs des Recherches d’ avoir pris au sérieux le risque philosophique. Et je ne pense pas trah
1276 leur tendance en insistant ici exclusivement sur trois des écrits les moins « orthodoxes » qu’ils ont accueillis cette année
1277 qu’ils ont accueillis cette année. La belle étude de Karl Löwith sur Hegel, Marx et Kierkegaard fournit à l’orientation ac
1278 à l’orientation actuelle des Recherches une sorte de justification historique de grande envergure. Löwith voit en Hegel l’
1279 Recherches une sorte de justification historique de grande envergure. Löwith voit en Hegel l’achèvement de la philosophie
1280 ande envergure. Löwith voit en Hegel l’achèvement de la philosophie classique, aux deux sens du mot achèvement. À partir d
1281 gel l’achèvement de la philosophie classique, aux deux sens du mot achèvement. À partir de Hegel, dit-il, le philosophe n’au
1282 artir de Hegel, dit-il, le philosophe n’aura plus d’ autre possibilité que celle de « réaliser » la philosophie. Réaliser,
1283 losophe n’aura plus d’autre possibilité que celle de « réaliser » la philosophie. Réaliser, c’est s’engager dans l’aventur
1284 euse. Au grand Hegel qui philosophe « au dimanche de la vie » au-dessus du « banc de sable de cette vie temporelle », Löwi
1285 phe « au dimanche de la vie » au-dessus du « banc de sable de cette vie temporelle », Löwith oppose Marx et Kierkegaard qu
1286 dimanche de la vie » au-dessus du « banc de sable de cette vie temporelle », Löwith oppose Marx et Kierkegaard qui pensent
1287 la banalité soucieuse, extérieure et intérieure, de l’homme ». Et je ne dis pas que le parallèle Marx-Kierkegaard n’ait e
1288 r à l’excès Kierkegaard, et à forcer l’opposition de Marx à la doctrine hégélienne de la médiation. Mais ce qui me paraît
1289 cer l’opposition de Marx à la doctrine hégélienne de la médiation. Mais ce qui me paraît important, c’est que Löwith dégag
1290 nflit qui domine le monde présent. L’effondrement de l’idéalisme hégélien sous la pression des réalités humaines élémentai
1291 personnalistes. Désormais, la philosophie cessera d’ être une simple description : elle va devenir action transformatrice,
1292 e doctrine, ou pour mieux dire, la seule attitude de pensée qui tienne compte de cette crise essentielle révélée par l’éch
1293 re, la seule attitude de pensée qui tienne compte de cette crise essentielle révélée par l’échec des synthèses hégéliennes
1294 chec des synthèses hégéliennes comme constitutive de l’humain, certains pensent que c’est aujourd’hui l’attitude personnal
1295 s pages qu’Alexandre Marc consacre à la situation de la personne dans le temps paraîtront par endroits un peu sommaires, m
1296 endroits un peu sommaires, mais ce défaut procède de la vigueur joyeuse dont l’auteur fait preuve dans l’attaque d’un prob
1297 joyeuse dont l’auteur fait preuve dans l’attaque d’ un problème entre tous urgent. Il se pourrait d’ailleurs que l’apparen
1298 s thèses personnalistes soit le fait, provisoire, de toute philosophie naissante qui prétend restituer aux mots leur pouvo
1299 tiquement bouleversant. À cet égard, on fera bien de lire l’essai de René Daumal sur les Limites du langage philosophique.
1300 ersant. À cet égard, on fera bien de lire l’essai de René Daumal sur les Limites du langage philosophique. C’est une reche
1301 philosophique. C’est une recherche des conditions d’ activité de l’imagerie philosophique, conduite avec un bon sens socrat
1302 ue. C’est une recherche des conditions d’activité de l’imagerie philosophique, conduite avec un bon sens socratique, un se
1303 e avec un bon sens socratique, un sens du concret de l’esprit qui enchante en moi le disciple de Kierkegaard. Il apparaît
1304 ncret de l’esprit qui enchante en moi le disciple de Kierkegaard. Il apparaît de plus en plus nettement que les prolégomèn
1305 toute action réelle résident dans la restauration d’ un langage efficace. C’est dire l’intérêt, au sens fort, de l’apport d
1306 age efficace. C’est dire l’intérêt, au sens fort, de l’apport des poètes à la philosophie et à l’éthique. Les études de E.
1307 oètes à la philosophie et à l’éthique. Les études de E. Weil sur l’histoire, de M. Souriau sur la mystique de la joie, les
1308 l’éthique. Les études de E. Weil sur l’histoire, de M. Souriau sur la mystique de la joie, les esquisses phénoménologique
1309 eil sur l’histoire, de M. Souriau sur la mystique de la joie, les esquisses phénoménologiques du Dr Minkowski, les approxi
1310 ations un peu hésitantes — est-ce un reproche ? —  de G. Marcel sur l’acte et la personne, mériteraient beaucoup plus qu’un
1311 simple mention. J’aurais aimé analyser aussi les trois pages où Jean Wahl résume tout le vertige ontologique, et l’article d
1312 résume tout le vertige ontologique, et l’article de G. Stern sur l’a posteriori, bien caractéristique d’un certain renouv
1313 G. Stern sur l’a posteriori, bien caractéristique d’ un certain renouveau du réalisme. Je me bornerai à signaler pour finir
1314 ai à signaler pour finir les pages très curieuses de P. Klossowski sur Sade, où il est démontré par des voies imprévues, c
1315 ntré par des voies imprévues, comment la négation de Dieu entraîne la négation du prochain, dans un esprit voué à la plus
1316 la plus torturante logique. s. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Recherches philosophiques  », La Nouvelle Revue fra
1317  », La Nouvelle Revue française, Paris, septembre 1935, p. 460-462.
20 1935, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Lawrence et Brett par Dorothy Brett ; Matinées mexicaines suivi de Pansies (poèmes), par D. H. Lawrence (octobre 1935)
1318 ett par Dorothy Brett ; Matinées mexicaines suivi de Pansies (poèmes), par D. H. Lawrence (octobre 1935)t Les souvenirs
1319 atinées mexicaines suivi de Pansies (poèmes), par D. H. Lawrence (octobre 1935)t Les souvenirs de Mabel Dodge sur Lawre
1320 de Pansies (poèmes), par D. H. Lawrence (octobre 1935 )t Les souvenirs de Mabel Dodge sur Lawrence à Taos sont irritants
1321 r D. H. Lawrence (octobre 1935)t Les souvenirs de Mabel Dodge sur Lawrence à Taos sont irritants à cause de cette Améri
1322 r discret, sensible, qui convient à la confession d’ un sentiment ni partagé ni rebuté, et résigné dès le début à cet état.
1323 état. Le plaisir le plus vif que réserve ce genre d’ écrit, c’est de nous laisser lire dans le jeu d’un être humain : rien
1324 r le plus vif que réserve ce genre d’écrit, c’est de nous laisser lire dans le jeu d’un être humain : rien ne flatte mieux
1325 e d’écrit, c’est de nous laisser lire dans le jeu d’ un être humain : rien ne flatte mieux notre désir d’ubiquité. À cet ég
1326 un être humain : rien ne flatte mieux notre désir d’ ubiquité. À cet égard, le livre de Dorothy Brett est beaucoup plus sat
1327 eux notre désir d’ubiquité. À cet égard, le livre de Dorothy Brett est beaucoup plus satisfaisant que les diatribes intére
1328 p plus satisfaisant que les diatribes intéressées de Mabel Dodge. Il parvient à ne rien cacher tout en restant d’une exact
1329 dge. Il parvient à ne rien cacher tout en restant d’ une exacte pudeur. Mais enfin, c’est tout de même pour Lawrence qu’on
1330 Pour quel Lawrence ? Je me demande si le souvenir de son œuvre est pour beaucoup dans l’intérêt que je prends aux chroniqu
1331 ’intérêt que je prends aux chroniques minutieuses de sa vie33. A-t-on remarqué l’extrême rareté des documents accessibles
1332 e rareté des documents accessibles sur la manière de vivre de nos contemporains ? Nous avons des reportages et des biograp
1333 des documents accessibles sur la manière de vivre de nos contemporains ? Nous avons des reportages et des biographies, c’e
1334 ies, c’est-à-dire des moyennes et des exceptions, de la statistique et du pittoresque. Mais où trouver la description des
1335 ption des journées, des occupations, des manières de réagir d’un homme réel aux prises avec son métier, ses voisins, sa fe
1336 journées, des occupations, des manières de réagir d’ un homme réel aux prises avec son métier, ses voisins, sa femme, son a
1337 , ses voisins, sa femme, son argent ou son manque d’ argent ; avec des ustensiles, une scie, un cheval ; avec les sentiment
1338 nts et des petites chances ? — Voici alors, entre cent autres, cette description d’une journée de Lawrence dans son ranch me
1339 Voici alors, entre cent autres, cette description d’ une journée de Lawrence dans son ranch mexicain (c’est à Lawrence que
1340 ntre cent autres, cette description d’une journée de Lawrence dans son ranch mexicain (c’est à Lawrence que Brett dit « vo
1341 Brett dit « vous » tout le long du livre) : Jour de lessive ; à nouveau Frieda barbote avec plaisir dans ses baquets que
1342 dans ses baquets que vous emplissez sans relâche de l’eau du puits. J’apporte, moi aussi, quelques seaux. Puis vous parte
1343 e il lui avait déclaré que vous aviez l’intention de « détruire » Mabel, ce qui bouleverse Tony et vous bouleverse au-delà
1344 ce qui bouleverse Tony et vous bouleverse au-delà de toute expression. Vous êtes très peiné, et je dis, moi, qu’on ne devr
1345 né, et je dis, moi, qu’on ne devrait pas raconter de pareilles histoires à Tony. Vous répondez avec force et chaleur : « O
1346 le déjeuner vous vous mettez à frotter le parquet de la cuisine à genoux ; à l’aide d’une petite brosse à mains, vous frot
1347 tter le parquet de la cuisine à genoux ; à l’aide d’ une petite brosse à mains, vous frottez les vieilles planches pourries
1348 es vieilles planches pourries. C’est cette vision de vous ainsi qui m’a fait peindre ces planchers, des années plus tard,
1349 main et vous lavez des choses toute la journée. À cinq heures nous allons chercher les chevaux qui se cachent tout au bout d
1350 les chevaux qui se cachent tout au bout du champ de pommes de terre, là-bas près de la barrière sud. Finalement, nous les
1351 que jamais. Puis Poppy se cabre au-dessus du dos de Bessie et nous la perdons presque. Enfin nos montures sont sellées et
1352 wrence, leur humeur rageuse, faut-il dire, coupée d’ accès de malice saugrenue. Les Pansies confirment d’ailleurs ce que no
1353 leur humeur rageuse, faut-il dire, coupée d’accès de malice saugrenue. Les Pansies confirment d’ailleurs ce que nous disen
1354 d’ailleurs ce que nous disent Brett et les autres de cet état d’irritation perpétuelle où vivait Lawrence : « Je suis épui
1355 e que nous disent Brett et les autres de cet état d’ irritation perpétuelle où vivait Lawrence : « Je suis épuisé — Par l’e
1356 ez pas votre confiance — Pour me charger du poids de votre vie, de vos affaires ; — Ne me fourrez pas dans vos soucis. » L
1357 onfiance — Pour me charger du poids de votre vie, de vos affaires ; — Ne me fourrez pas dans vos soucis. » La mauvaise hum
1358 sans doute la caractéristique générale des hommes d’ aujourd’hui : c’est qu’ils croient au bonheur et à l’argent, les deux
1359 ’est qu’ils croient au bonheur et à l’argent, les deux choses les plus irritantes du monde. (Un sous-produit et un moyen pri
1360 ni à l’autre. Sa susceptibilité vient sans doute de son infériorité physique. Mais non moins de son obstination absurde e
1361 doute de son infériorité physique. Mais non moins de son obstination absurde et touchante à vouloir « les gens » plus viva
1362 alité. » L’homme moderne, dit Keyserling, n’a pas de prochains ; il n’a que des voisins inévitables. Voilà Lawrence, l’hom
1363 évangélique, c’est justement celui qui « exige » de l’aide et auquel on vient en aide. Autrement, il serait deux fois ins
1364 et auquel on vient en aide. Autrement, il serait deux fois insupportable : comme voisin toujours insuffisant, et comme repr
1365 veut pas entendre. Pauvre Lawrence à la recherche de sa communauté solaire !34 C’est son meilleur prétexte à fuir les homm
1366 les bêtes, les choses. Envers elles, il est plein d’ une espèce de charité patiente et ingénieuse. D’où son amour des trava
1367 s choses. Envers elles, il est plein d’une espèce de charité patiente et ingénieuse. D’où son amour des travaux manuels. C
1368 n d’une espèce de charité patiente et ingénieuse. D’ où son amour des travaux manuels. Comme tout cela est rafraîchissant,
1369 et pur. Notez aussi cette petite phrase du récit de Brett : « Puis vous partez écrire dans les bois. » On allait oublier
1370 ssé à un pin, avec sa chemise bleue, ses culottes de velours blanc, et son grand chapeau de paille pointu, en train d’écri
1371 s culottes de velours blanc, et son grand chapeau de paille pointu, en train d’écrire sur ses genoux. (Pendant que les aut
1372 ment animées par « les battements du cœur sauvage de l’Espace », il s’amuse, il s’effraie de ses personnages, il les hait
1373 r sauvage de l’Espace », il s’amuse, il s’effraie de ses personnages, il les hait furieusement, il les approche avec méfia
1374 rieusement, il les approche avec méfiance et tout d’ un coup les pousse par-derrière, et rit. C’est un long enfant maigre a
1375 t qui s’est mis une barbe rousse pour avoir l’air d’ un faune. 33. Même question pour les Conversations avec Eckermann, p
1376 s une barbe rousse pour avoir l’air d’un faune. 33. Même question pour les Conversations avec Eckermann, pour le Journal
1377 les Conversations avec Eckermann, pour le Journal de Byron, etc. 34. Je n’arrive pas à prendre au sérieux en soi la relig
1378 s avec Eckermann, pour le Journal de Byron, etc. 34. Je n’arrive pas à prendre au sérieux en soi la religion solaire que p
1379 ligion solaire que prêche Lawrence. C’est un rêve de compensation. C’est l’expression de son impuissance à résoudre ce que
1380 C’est un rêve de compensation. C’est l’expression de son impuissance à résoudre ce que j’appellerais le « problème des gen
1381 et beaucoup plus encombrant… t. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Dorothy Brett, Lawrence et Brett ; D. H. Lawrence,
1382 [Compte rendu] Dorothy Brett, Lawrence et Brett ; D. H. Lawrence, Matinées mexicaines suivi de Pansies  », La Nouvelle Rev
1383 Brett ; D. H. Lawrence, Matinées mexicaines suivi de Pansies  », La Nouvelle Revue française, Paris, octobre 1935, p. 596-
1384 s  », La Nouvelle Revue française, Paris, octobre 1935, p. 596-599.
21 1935, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Les Mystiques allemands du xiiie au xixe siècle, par Jean Chuzeville (octobre 1935)
1385 ie au xixe siècle, par Jean Chuzeville (octobre 1935 )u C’est une entreprise incertaine que celle d’offrir à la curiosit
1386 35)u C’est une entreprise incertaine que celle d’ offrir à la curiosité moderne les témoignages écrits de la mystique mé
1387 rir à la curiosité moderne les témoignages écrits de la mystique médiévale ou renaissante. Notre optique actuelle doit fat
1388 otre scepticisme religieux. Une telle disposition d’ esprit nous incite à séparer ce qui était lié chez les mystiques : la
1389 r ce qui était lié chez les mystiques : la vision de foi et les symboles concrets qui essaient de l’envelopper pour la tra
1390 sion de foi et les symboles concrets qui essaient de l’envelopper pour la transmettre. Nous estimons alors les mystiques s
1391 rement l’intellection du contenu, et encore moins de sa vérité. Il y a donc de l’équivoque dans notre admiration (ou notre
1392 ontenu, et encore moins de sa vérité. Il y a donc de l’équivoque dans notre admiration (ou notre déception) devant les tém
1393 t les témoignages qu’on nous propose. Un peu plus d’ exigence philosophique conduirait certainement la plupart d’entre nous
1394 prétendu traduire, ce qui reviendrait à les taxer de mythomanie. La ferveur littéraire indiscrète, qui fera sans doute le
1395 téraire indiscrète, qui fera sans doute le succès de ce volume, vaut-elle mieux que l’étroitesse positiviste, qui réduira
1396 cela au jeu des complexes freudiens ? Tout dépend de ce que l’on attend de l’homme et de son esprit : la puissance de trom
1397 xes freudiens ? Tout dépend de ce que l’on attend de l’homme et de son esprit : la puissance de tromper (art inclus) pour
1398 ? Tout dépend de ce que l’on attend de l’homme et de son esprit : la puissance de tromper (art inclus) pour jouir, ou la p
1399 attend de l’homme et de son esprit : la puissance de tromper (art inclus) pour jouir, ou la puissance de fixer le vrai par
1400 tromper (art inclus) pour jouir, ou la puissance de fixer le vrai par convention ou décret scientifique, pour agir. (Il y
1401 agir. (Il y a d’autres exigences possibles : ces deux -là dominent notre siècle.) Du point de vue strictement théologique, q
1402 cisif en ces matières, l’alternative que je viens d’ indiquer ne se pose plus. Car la foi n’est pas davantage une évasion h
1403 ge une évasion hors de ce monde qu’une limitation de l’homme au temporel. La foi réelle, c’est la puissance active de l’Ét
1404 emporel. La foi réelle, c’est la puissance active de l’Éternel dans ce temps. Cette définition condamne tout mysticisme qu
1405 er en Dieu, son principe ». La question est alors de savoir s’il existe une mystique vraiment chrétienne, une mystique qui
1406 ne soit pas cette « transgression » et cet oubli de nos limites, contre lesquels s’élèvent sans cesse les Prophètes et le
1407 e les pages les plus « belles » — du point de vue de l’art — de cette anthologie, sont souvent les plus hérétiques, celles
1408 les plus « belles » — du point de vue de l’art — de cette anthologie, sont souvent les plus hérétiques, celles aussi où l
1409 es aussi où l’hybris spirituelle se pare le mieux d’ humilité dévote. Ceci marqué, qui est plus qu’une réserve, il convient
1410 marqué, qui est plus qu’une réserve, il convient de remercier M. Chuzeville de nous avoir ouvert par son anthologie tout
1411 e réserve, il convient de remercier M. Chuzeville de nous avoir ouvert par son anthologie tout un monde spirituel et poéti
1412 hologie tout un monde spirituel et poétique plein de dangereuses merveilles. Le choix des textes me paraît des plus heureu
1413 valis et Ruysbroeck mis à part ; et beaucoup sont de grands poètes, des philosophes terriblement concrets : Maître Eckhart
1414 ostique. Pour Paracelse, on s’étonnera sans doute de le voir figurer dans un choix de « mystiques », alors qu’il est le pr
1415 nnera sans doute de le voir figurer dans un choix de « mystiques », alors qu’il est le premier défenseur de l’expériencev.
1416 mystiques », alors qu’il est le premier défenseur de l’expériencev. Mais la beauté des textes cités fait pardonner bien vo
1417 cités fait pardonner bien volontiers cette erreur de classification35. Par exemple, je m’explique mal l’omission de Hamann
1418 tion35. Par exemple, je m’explique mal l’omission de Hamann qui eût avantageusement remplacé la visionnaire Catherine Emme
1419 merich, et qui mérite au moins autant que Novalis de figurer parmi les grands mystiques modernes. Mais sans doute M. Chuze
1420 . Ce préjugé consiste à rendre Luther responsable d’ une scission dans la culture et la spiritualité allemandes, scission a
1421 té allemandes, scission aboutissant par une série d’ actions et de réactions dialectiques « au romantisme, au révolutionnar
1422 , scission aboutissant par une série d’actions et de réactions dialectiques « au romantisme, au révolutionnarisme et à l’a
1423 obsède décidément nos universitaires. Elle relève d’ un nationalisme de manuels, pour ne pas dire, avec E. R. Curtius, d’un
1424 nos universitaires. Elle relève d’un nationalisme de manuels, pour ne pas dire, avec E. R. Curtius, d’une « propagande de
1425 de manuels, pour ne pas dire, avec E. R. Curtius, d’ une « propagande de guerre » qu’on aimait à croire périmée. M. Chuzevi
1426 pas dire, avec E. R. Curtius, d’une « propagande de guerre » qu’on aimait à croire périmée. M. Chuzeville a eu le tort de
1427 mait à croire périmée. M. Chuzeville a eu le tort de vouloir y réduire l’évolution du mysticisme allemand, qui justement l
1428 formel. Car si l’on voit à la rigueur le passage de la dialectique de Boehme à la philosophie de Fichte et de Hegel, d’où
1429 on voit à la rigueur le passage de la dialectique de Boehme à la philosophie de Fichte et de Hegel, d’où sont effectivemen
1430 sage de la dialectique de Boehme à la philosophie de Fichte et de Hegel, d’où sont effectivement sortis un certain nationa
1431 alectique de Boehme à la philosophie de Fichte et de Hegel, d’où sont effectivement sortis un certain nationalisme et la d
1432 de Boehme à la philosophie de Fichte et de Hegel, d’ où sont effectivement sortis un certain nationalisme et la doctrine du
1433 du jeune Marx, on ne voit pas du tout le passage de Luther à Boehme, ce défenseur du libre arbitre persécuté par les past
1434 é s’il développait certaines indications fécondes de sa préface et nous donnait une bonne étude sur le lyrisme romantique
1435 sans équivoque la confrontation des mystiques et de la mentalité moderne. 35. Ce que je pardonne moins à M. Chuzeville,
1436 ation des mystiques et de la mentalité moderne. 35. Ce que je pardonne moins à M. Chuzeville, c’est d’écrire que Paracels
1437 . Ce que je pardonne moins à M. Chuzeville, c’est d’ écrire que Paracelse « était de nature comédienne, et savait à l’occas
1438 Chuzeville, c’est d’écrire que Paracelse « était de nature comédienne, et savait à l’occasion dissimuler, comme l’indique
1439 ccasion dissimuler, comme l’indique le choix même d’ un pseudonyme. L’alchimiste médecin Paracelse, en réalité, se nommait
1440 Or Paracelse n’est pas un pseudonyme, mais un des trois prénoms du médecin, qui se nommait, « en réalité », Théophraste Parac
1441 aste de Hohenheim, ce dont il n’eut jamais l’idée de se cacher. – L’érudition considérable de M. Chuzeville me paraît parf
1442 s l’idée de se cacher. – L’érudition considérable de M. Chuzeville me paraît parfois hasardeuse. Les travaux de Jean Baruz
1443 zeville me paraît parfois hasardeuse. Les travaux de Jean Baruzi lui sont inconnus ; de même que les études de A. Koyré su
1444 Baruzi lui sont inconnus ; de même que les études de A. Koyré sur Franck et Weigel. Quant à Luther, il le juge d’après un
1445 sumé, confectionné par Gonzague Truc, du pamphlet de Maritain, lequel s’appuie sur le P. Denifle… Que de garanties accumul
1446 Maritain, lequel s’appuie sur le P. Denifle… Que de garanties accumulées ! u. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Jean
1447 ue de garanties accumulées ! u. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Jean Chuzeville, Les Mystiques allemands du XIIIe a
1448 e  », La Nouvelle Revue française, Paris, octobre 1935, p. 599-601. v. Voir la note de Rougemont sur le Paracelse de Frédéri
1449 sur le Paracelse de Frédéric Gundolf, dans la NRF de septembre 1935.
1450 lse de Frédéric Gundolf, dans la NRF de septembre 1935.
22 1935, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). « Le plus beau pays du monde » (octobre 1935)
1451 « Le plus beau pays du monde » (octobre 1935 )w Toujours ces mots. Quand je dis qu’ils ont perdu leur sens, il f
1452 ur sens, il faut ajouter aussitôt qu’on a le tort de leur en accorder bien davantage qu’ils n’en gardent et que ceux qui l
1453 çoivent. Pour vous le prouver, voici une anecdote d’ Angleterre : elle doit donc être vraie. Une petite fille aux cheveux c
1454 carotte, nommée Alice, écrit ceci dans son devoir d’ anglais : « L’Angleterre est le plus beau pays du monde. » Un inspecte
1455 ait par là. Il lit le devoir. Tonnerre et foudres de ce pacifiste, qui n’hésite pas à dénoncer « l’impérialisme démodé » d
1456 n’hésite pas à dénoncer « l’impérialisme démodé » de l’instituteur d’Alice, tenu pour responsable du cliché. On blâme cet
1457 noncer « l’impérialisme démodé » de l’instituteur d’ Alice, tenu pour responsable du cliché. On blâme cet instituteur. Qui
1458 ste allemand qui la raconte, et qui ne manque pas de féliciter la Chambre des communes. (Gazette de Francfort, du 31 juill
1459 as de féliciter la Chambre des communes. (Gazette de Francfort, du 31 juillet). On dirait une « histoire idiote ». Tout y
1460 a Chambre des communes. (Gazette de Francfort, du 31 juillet). On dirait une « histoire idiote ». Tout y est faux. C’est i
1461 point cela ressemble à la plupart des entretiens d’ aujourd’hui sur la politique, à l’article du Temps, à un cerveau d’hom
1462 la politique, à l’article du Temps, à un cerveau d’ homme de gauche ou d’homme de droite. D’abord « impérialisme » : c’est
1463 tique, à l’article du Temps, à un cerveau d’homme de gauche ou d’homme de droite. D’abord « impérialisme » : c’est sans nu
1464 ticle du Temps, à un cerveau d’homme de gauche ou d’ homme de droite. D’abord « impérialisme » : c’est sans nul doute « nat
1465 Temps, à un cerveau d’homme de gauche ou d’homme de droite. D’abord « impérialisme » : c’est sans nul doute « nationalism
1466 r (à moins qu’il n’ait une conception conquérante de la beauté ?). « Démodé » : on se demande dans quel pays. « Pacifiste 
1467 é, un fait sentimental et tellurique, un ensemble de goûts et d’habitudes qui ne comporte ni orgueil ni modestie, ni aucun
1468 entimental et tellurique, un ensemble de goûts et d’ habitudes qui ne comporte ni orgueil ni modestie, ni aucune espèce de
1469 comporte ni orgueil ni modestie, ni aucune espèce de valeurs morales, de même que la digestion, si vous voulez. L’idée mêm
1470 ême que la digestion, si vous voulez. L’idée même de s’en vanter indique un trouble. — Enfin, voilà les hitlériens qui tro
1471 beau pays du monde ? Cela du moins ne manque pas de logique, malgré la première apparence. L’erreur courante, qui est cel
1472 nte, qui est celle du libéral rationaliste, c’est de croire que la proposition « l’Angleterre est le plus beau pays du mon
1473 ens rationnel ; que c’est un jugement qui conclut d’ une comparaison. Mais en réalité, lorsque la petite Alice écrit que l’
1474 tit à cette conclusion : il y a dans ce pays plus de beauté que dans tel et tel autre. C’est tout au contraire exprimer un
1475 tout au contraire exprimer un refus pur et simple de comparer. C’est affirmer une préférence inconditionnelle. C’est recon
1476 le. C’est reconnaître et accepter le fait concret d’ un attachement qui ne comporte pas de choix délibéré. Par malheur, l’e
1477 fait concret d’un attachement qui ne comporte pas de choix délibéré. Par malheur, l’enseignement s’empare du fait patrioti
1478 nseignement s’empare du fait patriotique et tente de le rationaliser : il en fait un objet de discours. Par là même il le
1479 et tente de le rationaliser : il en fait un objet de discours. Par là même il le rend absurde. Il le « mystifie ». Qui dit
1480 ppose comparaison, et rien n’est plus absurde que de comparer un pays à un autre, un amour à un autre, car où est l’étalon
1481 èle idéal ? Le malfaisant nationalisme n’est rien d’ autre qu’une rationalisation mensongère du sentiment patriotique. C’es
1482 ntiment patriotique. C’est l’intervention abusive de la raison comparative dans le domaine de l’incomparable. Si l’on tien
1483 abusive de la raison comparative dans le domaine de l’incomparable. Si l’on tient compte du fait patriotique naturel, la
1484 monde ». C’est la formule fédéraliste. — Inutile d’ ajouter que le salut temporel de l’Europe dépend de sa faculté d’opére
1485 aliste. — Inutile d’ajouter que le salut temporel de l’Europe dépend de sa faculté d’opérer de telles distinctions. w.
1486 ’ajouter que le salut temporel de l’Europe dépend de sa faculté d’opérer de telles distinctions. w. Rougemont Denis de,
1487 e salut temporel de l’Europe dépend de sa faculté d’ opérer de telles distinctions. w. Rougemont Denis de, « “Le plus be
1488 emporel de l’Europe dépend de sa faculté d’opérer de telles distinctions. w. Rougemont Denis de, « “Le plus beau pays d
1489 rer de telles distinctions. w. Rougemont Denis de , « “Le plus beau pays du monde” », La Nouvelle Revue française, Paris
1490 e” », La Nouvelle Revue française, Paris, octobre 1935, p. 633-634.
23 1936, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Sur l’esprit incarné (février 1936)
1491 Sur l’esprit incarné (février 1936 )x M. Julien Benda écrit dans le numéro de janvier de la NRF la phr
1492 er 1936)x M. Julien Benda écrit dans le numéro de janvier de la NRF la phrase suivante : « La religion de l’esprit inca
1493 M. Julien Benda écrit dans le numéro de janvier de la NRF la phrase suivante : « La religion de l’esprit incarné est cel
1494 vier de la NRF la phrase suivante : « La religion de l’esprit incarné est celle qui honore l’esprit en tant qu’il veut por
1495 re l’esprit en tant qu’il veut porter l’empreinte de certains intérêts terrestres, et le méprise en tant qu’il cherche à s
1496 t le méprise en tant qu’il cherche à s’affranchir de ce genre de pression pour s’exercer en toute liberté. » Il écrit un p
1497 en tant qu’il cherche à s’affranchir de ce genre de pression pour s’exercer en toute liberté. » Il écrit un peu plus loin
1498 iques ou simplement logiques ». S’il m’est permis de faire ici un peu de théologie et un peu de logique, je demanderai à M
1499 et un peu de logique, je demanderai à M. Benda :  si les « docteurs » nationalistes qu’il attaque ont jamais prétendu q
1500 étendu que leur politique fût une « incarnation » de l’esprit ; 2° au cas où ils l’auraient fait, ce que j’ignore car je l
1501 r politique fût une « incarnation » de l’esprit ;  au cas où ils l’auraient fait, ce que j’ignore car je les pratique pe
1502 j’ignore car je les pratique peu : s’il y a lieu de reprendre à son compte cette erreur de vocabulaire, ou en langage thé
1503 l y a lieu de reprendre à son compte cette erreur de vocabulaire, ou en langage théologique, ce blasphème ; 3° si l’incarn
1504 ulaire, ou en langage théologique, ce blasphème ;  si l’incarnation de l’Esprit, c’est-à-dire Jésus-Christ, fils de Dieu
1505 e théologique, ce blasphème ; 3° si l’incarnation de l’Esprit, c’est-à-dire Jésus-Christ, fils de Dieu, a jamais « porté l
1506 tion de l’Esprit, c’est-à-dire Jésus-Christ, fils de Dieu, a jamais « porté l’empreinte de certains intérêts terrestres »,
1507 hrist, fils de Dieu, a jamais « porté l’empreinte de certains intérêts terrestres », et conséquemment, si l’on a le droit
1508 errestres », et conséquemment, si l’on a le droit d’ opposer esprit pur à esprit incarné dans des termes tels qu’esprit inc
1509 s termes tels qu’esprit incarné devienne synonyme de trahison intéressée ; 4° si M. Benda conçoit que l’opposition esprit
1510 ncarné devienne synonyme de trahison intéressée ;  si M. Benda conçoit que l’opposition esprit pur contre esprit asservi
1511 évoque précisément pour un chrétien l’opposition de Pilate et des docteurs nationalistes juifs qui criaient avec la popul
1512 le Christ, contre l’esprit incarné en Personne ;  si le clerc qui s’en lave les mains ne risque pas de faire le jeu des
1513 si le clerc qui s’en lave les mains ne risque pas de faire le jeu des clercs qui crient avec les loups, et de trahir de la
1514 e le jeu des clercs qui crient avec les loups, et de trahir de la sorte doublement, étant admis toutefois que la mission d
1515 es clercs qui crient avec les loups, et de trahir de la sorte doublement, étant admis toutefois que la mission de l’esprit
1516 doublement, étant admis toutefois que la mission de l’esprit est d’entrer dans le monde, non point pour s’y soumettre, ma
1517 nt admis toutefois que la mission de l’esprit est d’ entrer dans le monde, non point pour s’y soumettre, mais pour le trans
1518 Évangile et la théologie résument par le seul mot de Rédemption, et que certains antichrétiens, plus pénétrés de christian
1519 ion, et que certains antichrétiens, plus pénétrés de christianisme qu’ils ne le croient, préfèrent appeler révolution. Ces
1520 les. Et je ne vois pas comment il serait possible d’ y échapper. Depuis huit ans que sa Trahison des Clercs est apparue, M.
1521 s comment il serait possible d’y échapper. Depuis huit ans que sa Trahison des Clercs est apparue, M. Benda s’y applique pou
1522 usement suivi sur ce point par ses contradicteurs de droite. Mais alors son dernier article est trop clair. Il n’y manque
1523 res : ut evacuata sit crux. x. Rougemont Denis de , « Sur l’esprit incarné », La Nouvelle Revue française, Paris, févrie
1524 né », La Nouvelle Revue française, Paris, février 1936, p. 304-305.
24 1936, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Dictature de la liberté, par Robert Aron (mars 1936)
1525 Dictature de la liberté, par Robert Aron (mars 1936)y « J’aime les titres mysté
1526 Dictature de la liberté, par Robert Aron (mars 1936 )y « J’aime les titres mystérieux ou pétard », disait Baudelaire. C
1527 mystérieux ou pétard », disait Baudelaire. Celui d’ Aron unit ces deux vertus, par une sorte d’ellipse tout à fait révélat
1528 étard », disait Baudelaire. Celui d’Aron unit ces deux vertus, par une sorte d’ellipse tout à fait révélatrice du mouvement
1529 Celui d’Aron unit ces deux vertus, par une sorte d’ ellipse tout à fait révélatrice du mouvement de sa pensée, et à certai
1530 te d’ellipse tout à fait révélatrice du mouvement de sa pensée, et à certains égards, du contenu de la doctrine qu’il défe
1531 nt de sa pensée, et à certains égards, du contenu de la doctrine qu’il défend. Dictature et liberté, le monde moderne se d
1532 le monde moderne se débat tragiquement entre ces deux nécessités dont la première exprime notre condition matérielle, et la
1533 le la supprime pratiquement, elle perd tout point d’ appui, son élan meurt en anarchie. La solution de ce conflit est évide
1534 d’appui, son élan meurt en anarchie. La solution de ce conflit est évidente, c’est peut-être pourquoi bien peu l’ont vue
1535 la dictature36 seule y parvient — mais au profit de la liberté, et à seule fin de la laisser s’épanouir. Il faut soumettr
1536 nt — mais au profit de la liberté, et à seule fin de la laisser s’épanouir. Il faut soumettre la dictature à la liberté, i
1537 aut une dictature pour la liberté — une dictature de la liberté. Ce serait le plus beau « titre » du siècle. Ceci admis, e
1538 « pratiques » ; celles qui passionnent les hommes d’ action et qu’ils estiment purement techniques parce qu’ils en ignorent
1539 omie et les rapports sociaux selon les nécessités de l’heure, à leurs yeux « matérielles d’abord ». Cette vue des plus cou
1540 ès le début à une volonté perspicace et fanatique de libération, ne tardent pas à se retourner contre les hommes, et à bri
1541 personne. Si la personne n’est pas déjà au début d’ un calcul pratique, on ne la retrouvera jamais au terme ; et la rigueu
1542 les sont les bases — algébrisées — des recherches de L’Ordre nouveau. Robert Aron les a décrites avec une sobre et nerveus
1543 qui tranche sur le verbiage technico-humanitaire de tous nos fabricants de « plans d’urgence ». Précision qui d’ailleurs
1544 biage technico-humanitaire de tous nos fabricants de « plans d’urgence ». Précision qui d’ailleurs n’exclut pas une éloque
1545 ico-humanitaire de tous nos fabricants de « plans d’ urgence ». Précision qui d’ailleurs n’exclut pas une éloquence qu’on d
1546 rabattre au concret. On peut reprocher à l’auteur d’ avoir passé trop rapidement sur certaines questions dernières (le sens
1547 ur certaines questions dernières (le sens dernier de la liberté humaine, par exemple). Mais si l’on considère l’ampleur du
1548 ple). Mais si l’on considère l’ampleur du dessein de L’Ordre nouveau, et la difficulté de le résumer à l’usage d’un public
1549 r du dessein de L’Ordre nouveau, et la difficulté de le résumer à l’usage d’un public qu’il faut sans cesse prévenir contr
1550 nouveau, et la difficulté de le résumer à l’usage d’ un public qu’il faut sans cesse prévenir contre les pires malentendus,
1551 r contre les pires malentendus, l’on jugera mieux de la qualité de tension et de décision spirituelle que supposait un tel
1552 ires malentendus, l’on jugera mieux de la qualité de tension et de décision spirituelle que supposait un tel ouvrage. M. T
1553 us, l’on jugera mieux de la qualité de tension et de décision spirituelle que supposait un tel ouvrage. M. Thibaudet récla
1554 se défend qu’en attaquant. Sachons gré à ce livre de poser enfin les questions que la France se doit de résoudre pour l’Eu
1555 e poser enfin les questions que la France se doit de résoudre pour l’Europe, et de les poser sous la forme concrète d’une
1556 e la France se doit de résoudre pour l’Europe, et de les poser sous la forme concrète d’une série de tensions qu’il s’agit
1557 l’Europe, et de les poser sous la forme concrète d’ une série de tensions qu’il s’agit d’orienter et de rendre fécondes :
1558 t de les poser sous la forme concrète d’une série de tensions qu’il s’agit d’orienter et de rendre fécondes : solutions né
1559 rme concrète d’une série de tensions qu’il s’agit d’ orienter et de rendre fécondes : solutions nécessaires et solutions d’
1560 ’une série de tensions qu’il s’agit d’orienter et de rendre fécondes : solutions nécessaires et solutions d’urgence ; cout
1561 dre fécondes : solutions nécessaires et solutions d’ urgence ; coutume et loi abstraite ; création et automatisme ; libéral
1562 tes les autres, est en train de devenir une sorte de pont aux ânes de nos philosophies politiques (Berdiaev, Maritain, Dan
1563 st en train de devenir une sorte de pont aux ânes de nos philosophies politiques (Berdiaev, Maritain, Dandieu, Mounier, pr
1564 es (Berdiaev, Maritain, Dandieu, Mounier, préface de Malraux à son dernier ouvrage, etc.) J’ai quelques raisons de m’en ré
1565 son dernier ouvrage, etc.) J’ai quelques raisons de m’en réjouir. L’Ordre nouveau en a tiré, le premier, des conclusions
1566 le domaine du travail. Et sa première expérience de service civil, organisée l’été dernier, a fait voir que les ouvriers
1567 riers savent apprécier les conséquences concrètes d’ une distinction que bien des clercs estimaient « trop philosophique ».
1568 n des clercs estimaient « trop philosophique ». 36. Entendue au sens large de discipline rigoureuse des activités automat
1569 rop philosophique ». 36. Entendue au sens large de discipline rigoureuse des activités automatiques, ou « indifférenciée
1570 renciées », et non pas au sens purement politique de tyrannie exercée par un seul homme dans tous les domaines. 37. Parti
1571 xercée par un seul homme dans tous les domaines. 37. Particulièrement efficace dans la polémique : voir les pages du derni
1572 qui ne sait pas où aller ». y. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Robert Aron, Dictature de la liberté  », La Nouvell
1573 Denis de, « [Compte rendu] Robert Aron, Dictature de la liberté  », La Nouvelle Revue française, Paris, mars 1936, p. 435-
1574 erté  », La Nouvelle Revue française, Paris, mars 1936, p. 435-437.
25 1936, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Kierkegaard en France (juin 1936)
1575 Kierkegaard en France (juin 1936 )z L’introduction de Kierkegaard en France a les mêmes dates que la
1576 rkegaard en France (juin 1936)z L’introduction de Kierkegaard en France a les mêmes dates que la crise : 1930-1935. Il
1577 egaard en France a les mêmes dates que la crise : 1930-1935. Il a fallu bien près d’un siècle, il a fallu surtout le double truche
1578 es que la crise : 1930-1935. Il a fallu bien près d’ un siècle, il a fallu surtout le double truchement de Heidegger et de
1579 n siècle, il a fallu surtout le double truchement de Heidegger et de Karl Barth pour imposer à l’attention de quelques-uns
1580 allu surtout le double truchement de Heidegger et de Karl Barth pour imposer à l’attention de quelques-uns l’œuvre d’un éc
1581 egger et de Karl Barth pour imposer à l’attention de quelques-uns l’œuvre d’un écrivain dont, cependant, la puissance de c
1582 our imposer à l’attention de quelques-uns l’œuvre d’ un écrivain dont, cependant, la puissance de choc et d’interrogation n
1583 œuvre d’un écrivain dont, cependant, la puissance de choc et d’interrogation ne saurait être comparée qu’à celle de Pascal
1584 écrivain dont, cependant, la puissance de choc et d’ interrogation ne saurait être comparée qu’à celle de Pascal, de Dostoï
1585 interrogation ne saurait être comparée qu’à celle de Pascal, de Dostoïevski et de Nietzsche. Aujourd’hui Kierkegaard est c
1586 on ne saurait être comparée qu’à celle de Pascal, de Dostoïevski et de Nietzsche. Aujourd’hui Kierkegaard est cité par tou
1587 comparée qu’à celle de Pascal, de Dostoïevski et de Nietzsche. Aujourd’hui Kierkegaard est cité par tout le monde. On m’a
1588 ’il a même un public passionné. Mais si l’on juge de la façon dont il est lu par la façon dont il est trop souvent cité, l
1589 é, l’on pensera qu’il eût mieux valu montrer plus de prudence à le répandre. Et pourtant il fallait qu’il fût traduit : c’
1590 it qu’il fût traduit : c’était une des nécessités de notre état spirituel. Seulement, il eût fallu le traduire autrement,
1591 ierkegaard donne l’exemple unique, je crois bien, d’ un auteur qui attache autant d’importance à l’opportunité spirituelle
1592 ue, je crois bien, d’un auteur qui attache autant d’ importance à l’opportunité spirituelle de ses œuvres qu’à leur contenu
1593 e autant d’importance à l’opportunité spirituelle de ses œuvres qu’à leur contenu intrinsèque. Personne peut-être n’a si j
1594 Personne peut-être n’a si jalousement pris souci de dire au bon moment ses vérités inactuelles. De là le rythme singulier
1595 ci de dire au bon moment ses vérités inactuelles. De là le rythme singulier de sa production ; de là ses nombreux masques
1596 es vérités inactuelles. De là le rythme singulier de sa production ; de là ses nombreux masques et pseudonymes, de là auss
1597 les. De là le rythme singulier de sa production ; de là ses nombreux masques et pseudonymes, de là aussi l’impétuosité san
1598 tion ; de là ses nombreux masques et pseudonymes, de là aussi l’impétuosité sans scrupules de ses dernières « attaques con
1599 donymes, de là aussi l’impétuosité sans scrupules de ses dernières « attaques contre la chrétienté établie ». Toute une ca
1600 ontre la chrétienté établie ». Toute une carrière de poète et de philosophe « à orientation religieuse » avait en effet pr
1601 étienté établie ». Toute une carrière de poète et de philosophe « à orientation religieuse » avait en effet préparé le cli
1602 ait en effet préparé le climat et la juste portée de ces attaques, avec une patience ironique, mais aussi dans la crainte
1603 que, mais aussi dans la crainte et le tremblement d’ une foi sans cesse combattue, d’une vraie foi. Publier maintenant, au
1604 et le tremblement d’une foi sans cesse combattue, d’ une vraie foi. Publier maintenant, au hasard, des fragments de cette œ
1605 foi. Publier maintenant, au hasard, des fragments de cette œuvre entièrement commandée par son terme, tout en taisant ou n
1606 er l’œuvre, et ces fragments qu’on nous en donne, de toute espèce de sens réel, — par quoi j’entends d’orientation intime,
1607 es fragments qu’on nous en donne, de toute espèce de sens réel, — par quoi j’entends d’orientation intime, de fidélité ess
1608 e toute espèce de sens réel, — par quoi j’entends d’ orientation intime, de fidélité essentielle, en un mot, de finalité. D
1609 réel, — par quoi j’entends d’orientation intime, de fidélité essentielle, en un mot, de finalité. D’où résultent nécessai
1610 ation intime, de fidélité essentielle, en un mot, de finalité. D’où résultent nécessairement un certain nombre de malenten
1611 de fidélité essentielle, en un mot, de finalité. D’ où résultent nécessairement un certain nombre de malentendus. 1. Parce
1612 . D’où résultent nécessairement un certain nombre de malentendus. 1. Parce qu’on a publié d’abord le Journal du séducteur,
1613 nécessairement un certain nombre de malentendus. 1. Parce qu’on a publié d’abord le Journal du séducteur, fragment d’un g
1614 publié d’abord le Journal du séducteur, fragment d’ un gros ouvrage intitulé De deux choses l’une, puis In vino veritas, f
1615 du séducteur, fragment d’un gros ouvrage intitulé De deux choses l’une, puis In vino veritas, fragment des Stades sur le c
1616 séducteur, fragment d’un gros ouvrage intitulé De deux choses l’une, puis In vino veritas, fragment des Stades sur le chemin
1617 n vino veritas, fragment des Stades sur le chemin de la vie, et cela, sans déclarer avec toute l’instance que requérait un
1618 e ces fragments n’étaient que les premiers termes d’ une dialectique au cours de laquelle ils devaient être radicalement ni
1619 mal prévenu, à tenir Kierkegaard pour une espèce d’ esthète du paradoxe moral, pour un immoraliste avant la lettre nietzsc
1620 . Admettons que la suite ait fait voir l’énormité de cette erreur. Je crains bien que ce n’ait été qu’au profit d’une erre
1621 eur. Je crains bien que ce n’ait été qu’au profit d’ une erreur plus subtile. 2. Parce qu’on a traduit la Maladie à la mort
1622 n’ait été qu’au profit d’une erreur plus subtile. 2. Parce qu’on a traduit la Maladie à la mort sous le titre de Traité du
1623 u’on a traduit la Maladie à la mort sous le titre de Traité du désespoir, Kierkegaard a passé bientôt pour le coryphée du
1624 rer, avec une effrayante lucidité, l’universalité de cet état, c’est aussi que pour lui, le désespoir est le péché, la seu
1625 peut nous guérir. Quant à ceux qui le qualifient de « métaphysicien du néant », ils oublient de dire que le néant, dont i
1626 fient de « métaphysicien du néant », ils oublient de dire que le néant, dont ils lui prêtent ainsi le goût, est justement
1627 dénonce au cœur des systèmes qu’ils lui opposent. 3. Parce que Kierkegaard s’est déchaîné contre les églises établies, les
1628 déchaîné contre les églises établies, les évêques de la cour, et la religion bourgeoise qui veut prendre le christianisme
1629 ianisme « à bon marché » ; parce qu’il en appelle d’ un christianisme théorique à un christianisme existentiel — ce qui est
1630 anisme existentiel — ce qui est le mouvement même de la Réforme — on a voulu le présenter comme une espèce de nihiliste an
1631 éforme — on a voulu le présenter comme une espèce de nihiliste antichrétien. Parce qu’en présence de l’écœurante facilité
1632 rante facilité avec laquelle tant de phraseurs ou de braves gens se réclament de la foi chrétienne — « chose inquiète, inq
1633 tant de phraseurs ou de braves gens se réclament de la foi chrétienne — « chose inquiète, inquiétante », disait Luther —
1634 question tragique et réelle du doute inséparable de la foi ; parce que, « comme un oiseau s’envole anxieux aux approches
1635 « comme un oiseau s’envole anxieux aux approches de l’orage, ainsi, flairant le danger », il a dit : Je n’ai pas la foi,
1636 jamais pu croire. Et pourtant, la définition même de la foi dans l’Évangile n’est-elle pas justement ce cri : « Je crois,
1637 t ce cri : « Je crois, Seigneur, viens au secours de mon incrédulité ». L’on eût évité ce grabuge en traduisant dès le déb
1638 son message décisif. Bien entendu, le « succès » de prestige eût été beaucoup plus restreint. Les raisons qui poussèrent
1639 t trompeurs lui apparaîtraient encore plus fortes de nos jours. Il se peut qu’il se fût réjoui de la maldonne. Que voulait
1640 rtes de nos jours. Il se peut qu’il se fût réjoui de la maldonne. Que voulait donc Kierkegaard ? Peut-être, à la limite, l
1641 , à la limite, le martyre — la preuve irréfutable de sa foi. (Encore qu’il s’en défende avec vigueur mais son action même
1642 r mais son action même témoigne contre l’humilité de son retrait.) La question qui se posait dès lors était celle-ci : « C
1643 lus grande mollesse spirituelle » l’amère passion de faire mourir un témoin de la vérité ? Si tu veux ce résultat… apprend
1644 uelle » l’amère passion de faire mourir un témoin de la vérité ? Si tu veux ce résultat… apprends d’abord à bien connaître
1645 elle voudrait réellement si elle pouvait disposer d’ elle-même. Ainsi bien informé, fais-toi alors le porte-parole des idée
1646 passions qui sont dans l’air, avec l’enthousiasme d’ une éloquence chaude et entraînante. Pour cela, il te faut de la force
1647 ence chaude et entraînante. Pour cela, il te faut de la force et du talent. Qu’arrive-t-il ? Tout simplement ceci : l’époq
1648 e-t-il ? Tout simplement ceci : l’époque s’engoue de tes discours et tu deviens son favori. Tu es alors au début de ton su
1649 rs et tu deviens son favori. Tu es alors au début de ton supplice. Il s’agit maintenant de changer de direction ; tu reste
1650 rs au début de ton supplice. Il s’agit maintenant de changer de direction ; tu restes animé de la même décision, mais tu t
1651 de ton supplice. Il s’agit maintenant de changer de direction ; tu restes animé de la même décision, mais tu te rends aus
1652 ntenant de changer de direction ; tu restes animé de la même décision, mais tu te rends aussi rebutant que tu as été attir
1653 des années qui préparèrent sa mort, il « changea de direction » et révéla le sens dernier de toute son œuvre. Il est just
1654  changea de direction » et révéla le sens dernier de toute son œuvre. Il est juste que ce destin se répète aujourd’hui par
1655 sespoir un « succès » dont il est peut-être temps de tirer certaines conclusions propres à « repousser l’admiration ». Rie
1656 rdien que la manière dont M. Tisseau a publié ces quatre petits volumes de « discours édifiants » et d’essais religieux : La P
1657 ont M. Tisseau a publié ces quatre petits volumes de « discours édifiants » et d’essais religieux : La Pureté du cœur, Le
1658 uatre petits volumes de « discours édifiants » et d’ essais religieux : La Pureté du cœur, Le Droit de mourir pour la vérit
1659 d’essais religieux : La Pureté du cœur, Le Droit de mourir pour la vérité, Pour un examen de conscience, Le Souverain sac
1660 Le Droit de mourir pour la vérité, Pour un examen de conscience, Le Souverain sacrificateur. On les trouvera « chez le tra
1661 etite ferme, tout au fond du bocage vendéen, pays de secrets obstinés, de voies retorses. Si ces ouvrages font néanmoins q
1662 fond du bocage vendéen, pays de secrets obstinés, de voies retorses. Si ces ouvrages font néanmoins quelque chemin, ce ne
1663 bisme qui naît autour de leur auteur. ⁂ Le centre de Kierkegaard est dans cette phrase : « La subjectivité est la vérité. 
1664 t l’anarchie, etc. La subjectivité, c’est le fait de devenir le sujet de la vérité, et non pas seulement son admirateur en
1665 a subjectivité, c’est le fait de devenir le sujet de la vérité, et non pas seulement son admirateur enthousiaste. On dirai
1666 mirateur enthousiaste. On dirait, dans le langage d’ aujourd’hui : c’est le fait de réaliser la vérité que l’on connaît ; o
1667 it, dans le langage d’aujourd’hui : c’est le fait de réaliser la vérité que l’on connaît ; ou encore, de la prendre au sér
1668 réaliser la vérité que l’on connaît ; ou encore, de la prendre au sérieux et de la vouloir uniquement. Mais on ne peut vo
1669 connaît ; ou encore, de la prendre au sérieux et de la vouloir uniquement. Mais on ne peut vouloir d’une manière totale e
1670 de la vouloir uniquement. Mais on ne peut vouloir d’ une manière totale et unique que ce qui est vrai. Car tout ce qui n’es
1671 volonté qu’on met à le réaliser. Tel est le sujet de la Pureté du cœur. La plupart des écrits proprement religieux de Kier
1672 cœur. La plupart des écrits proprement religieux de Kierkegaard développent ce thème et l’illustrent de la façon la plus
1673 Kierkegaard développent ce thème et l’illustrent de la façon la plus familière et directe, tandis que ses écrits littérai
1674 ophiques ont pour dessein, plus ou moins déguisé, de pousser à l’absurde les attitudes de vie ou de pensée qui ne se fonde
1675 ins déguisé, de pousser à l’absurde les attitudes de vie ou de pensée qui ne se fondent pas dans cette vision centrale et
1676 é, de pousser à l’absurde les attitudes de vie ou de pensée qui ne se fondent pas dans cette vision centrale et unitive. I
1677 vision centrale et unitive. Il me semble que les neuf discours traduits par M. Paul Tisseau en reviennent tous à la même qu
1678 même question, qui est celle du sérieux dernier, de la prise au sérieux de la vérité. Du point de vue du sérieux humain,
1679 celle du sérieux dernier, de la prise au sérieux de la vérité. Du point de vue du sérieux humain, l’éternité doit apparaî
1680 main, l’éternité doit apparaître comme une espèce d’ ironie cruelle ; mais du point de vue de l’éternité, le sérieux humain
1681 ne espèce d’ironie cruelle ; mais du point de vue de l’éternité, le sérieux humain apparaît affecté d’un humour désespéré.
1682 de l’éternité, le sérieux humain apparaît affecté d’ un humour désespéré. La dialectique de Kierkegaard consiste alors à dé
1683 aît affecté d’un humour désespéré. La dialectique de Kierkegaard consiste alors à déconsidérer le sérieux et le pathétique
1684 nie tant qu’elle n’est pas actualisée dans l’acte de foi. Il n’y eut jamais de sérieux absolu39 que dans la vie et dans la
1685 actualisée dans l’acte de foi. Il n’y eut jamais de sérieux absolu39 que dans la vie et dans la mort du Christ, homme et
1686 mme et Dieu, car lui seul eut vraiment « le droit de mourir pour la vérité », étant lui-même la vérité. C’est pourquoi l’a
1687 , étant lui-même la vérité. C’est pourquoi l’acte de foi, qui saisit dans ce temps l’éternel paradoxe de la vie et de la m
1688 foi, qui saisit dans ce temps l’éternel paradoxe de la vie et de la mort du Christ, jette sur tous nos sérieux, poses et
1689 sit dans ce temps l’éternel paradoxe de la vie et de la mort du Christ, jette sur tous nos sérieux, poses et amusettes, un
1690 ettes, une ironie, ou ce qui est pire, un soupçon d’ insondable ironie. Un soupçon : car peut-être, l’acte de foi n’existe
1691 ndable ironie. Un soupçon : car peut-être, l’acte de foi n’existe pas ? Peut-être n’est-ce qu’une figure de rhétorique pie
1692 i n’existe pas ? Peut-être n’est-ce qu’une figure de rhétorique pieuse, une illusion, un mythe, ou encore un saut dans le
1693 dans le vide ? Et alors il n’y aurait nulle part de vrai sérieux ? Peut-être aussi cet acte existe-t-il, peut-être que l’
1694 et acte existe-t-il, peut-être que l’illic et tuc de cette Mort et de cette Résurrection peut devenir quelque part, dans u
1695 il, peut-être que l’illic et tuc de cette Mort et de cette Résurrection peut devenir quelque part, dans une vie, le hic et
1696 evenir quelque part, dans une vie, le hic et nunc de la foi ? Mais alors il n’y a pas de vrai sérieux dans ma vie, tant qu
1697 e hic et nunc de la foi ? Mais alors il n’y a pas de vrai sérieux dans ma vie, tant qu’il n’y a pas eu cet acte de foi, ce
1698 eux dans ma vie, tant qu’il n’y a pas eu cet acte de foi, ce renversement du désespoir qui s’ignore en certitude combattan
1699 certitude combattante — et combattue. Le sérieux de l’ironie, l’ironie du sérieux, voilà les pôles d’une dialectique dont
1700 de l’ironie, l’ironie du sérieux, voilà les pôles d’ une dialectique dont le plus étrange, sans doute, est qu’elle embrasse
1701 asse avec une familiarité poignante les problèmes de la vie banale. Il y a dans ce passage perpétuel de l’abstrait au conc
1702 e la vie banale. Il y a dans ce passage perpétuel de l’abstrait au concret, ou plutôt dans cette mêlée shakespearienne de
1703 ncret, ou plutôt dans cette mêlée shakespearienne de logique impitoyable et de bon sens populaire, d’anecdotes, de boutade
1704 e mêlée shakespearienne de logique impitoyable et de bon sens populaire, d’anecdotes, de boutades et d’échappées romantiqu
1705 de logique impitoyable et de bon sens populaire, d’ anecdotes, de boutades et d’échappées romantiques (sur le silence de l
1706 mpitoyable et de bon sens populaire, d’anecdotes, de boutades et d’échappées romantiques (sur le silence de la femme, par
1707 e bon sens populaire, d’anecdotes, de boutades et d’ échappées romantiques (sur le silence de la femme, par exemple, à la f
1708 utades et d’échappées romantiques (sur le silence de la femme, par exemple, à la fin du Miroir de la Parole) une appréhens
1709 ence de la femme, par exemple, à la fin du Miroir de la Parole) une appréhension si totale du réel que notre langue, je le
1710 le lecteur des meilleures traductions françaises de Kierkegaard.   P.-S. Cette chronique était déjà imprimée, quand j’ai
1711 , quand j’ai lu dans les Cahiers du Sud une étude de Benjamin Fondane qui s’en prend avec énergie aux interprétations de K
1712 e qui s’en prend avec énergie aux interprétations de Kierkegaard proposées en France par Jean Wahl, par Mme R. Bespaloff,
1713 éreuse pour la vérité que ne serait l’affectation d’ impartialité ; et je suis loin de trouver vaine la question que pose F
1714 ivent Kierkegaard du regard — mais où en sont-ils de leur propre démarche ? » Oui, cette question est gênante et sérieuse,
1715 Plusieurs des Discours religieux ayant pour objet de « préparer à la Communion », je ne vois pour ma part qu’un seul moyen
1716 union », je ne vois pour ma part qu’un seul moyen de s’engager de toute sa personne à la suite de Kierkegaard… Tout le res
1717 e vois pour ma part qu’un seul moyen de s’engager de toute sa personne à la suite de Kierkegaard… Tout le reste est littér
1718 Mais peut-on publier autre chose que ce reste ? 38. Le droit de mourir pour la vérité, p. 57. Ou encore : « La supériori
1719 ublier autre chose que ce reste ? 38. Le droit de mourir pour la vérité, p. 57. Ou encore : « La supériorité véritable
1720 ériorité véritable produit elle-même la provision de force qui cause sa perte. » Ibid., p. 53. 39. Dans sa belle préface
1721 ion de force qui cause sa perte. » Ibid., p. 53. 39. Dans sa belle préface au Concept d’Angoisse (trad. Tisseau, chez Alca
1722 id., p. 53. 39. Dans sa belle préface au Concept d’ Angoisse (trad. Tisseau, chez Alcan) Jean Wahl écrit de même : « Remar
1723 e la personne, tout le reste peut devenir l’objet de notre jeu. » p. 26. z. Rougemont Denis de, « Kierkegaard en France 
1724 objet de notre jeu. » p. 26. z. Rougemont Denis de , « Kierkegaard en France », La Nouvelle Revue française, Paris, juin
1725 rance », La Nouvelle Revue française, Paris, juin 1936, p. 971-976.
26 1936, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). L’Art poétique ou Qu’il faut penser avec les mains (décembre 1936)
1726 que ou Qu’il faut penser avec les mains (décembre 1936 )aa De l’Art poétique de Claudel, qui domine de son poids les écrit
1727 l faut penser avec les mains (décembre 1936)aa De l’Art poétique de Claudel, qui domine de son poids les écritures du s
1728 les mains (décembre 1936)aa De l’Art poétique de Claudel, qui domine de son poids les écritures du siècle, je retiendr
1729 36)aa De l’Art poétique de Claudel, qui domine de son poids les écritures du siècle, je retiendrai d’abord deux mots :
1730 ds les écritures du siècle, je retiendrai d’abord deux mots : « poétique » dans le titre ; et « connaissance », qui s’inscri
1731 à chaque page. La rumeur quotidienne tend à faire de « poète » une circonstance atténuante, au bénéfice du maladroit, s’il
1732 droit, s’il est aimable. Ou bien c’est l’ornement de nos loisirs. Mais Claudel dit : l’art poétique est art de faire. Un g
1733 oisirs. Mais Claudel dit : l’art poétique est art de faire. Un gémissement célèbre, chez les clercs, déplore l’antipathie
1734 e, chez les clercs, déplore l’antipathie tragique de la connaissance et de la Vie. Ceci tuerait cela. Et de cette dialecti
1735 plore l’antipathie tragique de la connaissance et de la Vie. Ceci tuerait cela. Et de cette dialectique, on a tiré quelque
1736 connaissance et de la Vie. Ceci tuerait cela. Et de cette dialectique, on a tiré quelques rayons d’in-octavos. Mais Claud
1737 t de cette dialectique, on a tiré quelques rayons d’ in-octavos. Mais Claudel : « Vivre, c’est connaître », « Se connaître,
1738 vec soi »… Il ne s’agit évidemment, ici et là, ni de la même poésie ni de la même connaissance. Claudel choisit, contre le
1739 it évidemment, ici et là, ni de la même poésie ni de la même connaissance. Claudel choisit, contre le sens banal, le sens
1740 quent les étymologies. C’est-à-dire qu’il choisit de choisir, car l’étymologie est trop loin d’être une science pour que l
1741 hoisit de choisir, car l’étymologie est trop loin d’ être une science pour que l’adoption même d’une « origine » soit autre
1742 loin d’être une science pour que l’adoption même d’ une « origine » soit autre chose qu’un choix délibéré, quand ce n’est
1743 as un profond calembour. « Il est permis à chacun de se servir de tel son qu’il lui plaît pour exprimer ses idées, pourvu
1744 calembour. « Il est permis à chacun de se servir de tel son qu’il lui plaît pour exprimer ses idées, pourvu qu’il en aver
1745 idées, pourvu qu’il en avertisse. » Cette phrase de la Logique de Port-Royal, dont Claudel, s’il est réaliste, doit récus
1746 qu’il en avertisse. » Cette phrase de la Logique de Port-Royal, dont Claudel, s’il est réaliste, doit récuser la principa
1747 anmoins servir à préciser ce qui oppose la langue d’ un poète aux divers jargons de son temps : c’est que l’une est une lan
1748 ui oppose la langue d’un poète aux divers jargons de son temps : c’est que l’une est une langue « avertie », posant un per
1749 tissement, tandis que les autres ont plutôt l’air de résulter d’une série d’oublis d’avertir, d’une série de contravention
1750 andis que les autres ont plutôt l’air de résulter d’ une série d’oublis d’avertir, d’une série de contraventions dans l’imp
1751 s autres ont plutôt l’air de résulter d’une série d’ oublis d’avertir, d’une série de contraventions dans l’impunité généra
1752 ont plutôt l’air de résulter d’une série d’oublis d’ avertir, d’une série de contraventions dans l’impunité générale. Claud
1753 l’air de résulter d’une série d’oublis d’avertir, d’ une série de contraventions dans l’impunité générale. Claudel montre p
1754 ulter d’une série d’oublis d’avertir, d’une série de contraventions dans l’impunité générale. Claudel montre partout son p
1755 e. Claudel montre partout son parti pris, qui est de s’en tenir aux origines, et à cette origine, entre plusieurs probable
1756 , la plus proche de la chose et du geste. Poésie, de poiein, ce sera : faire. Connaître, de cognoscere, sera : co-naître.
1757 e. Poésie, de poiein, ce sera : faire. Connaître, de cognoscere, sera : co-naître. Il faut savoir ce que parler veut dire.
1758 -naître. Il faut savoir ce que parler veut dire. ( D’ où l’on vient, où l’on va : tel est le sens.) Car le langage, parmi d’
1759 le langage, parmi d’autres fonctions, a celle-là de permettre à nos pensées de circuler. Claudel se donne un règlement, e
1760 fonctions, a celle-là de permettre à nos pensées de circuler. Claudel se donne un règlement, et il observe les signaux. L
1761 us qu’à se laisser pousser dans le sens incertain de la masse. Or ce sens, tellement incertain qu’il en devient presque in
1762 te affaire, celui qui sait où il va risque encore d’ augmenter l’embarras, et de se faire copieusement houspiller. Et pourt
1763 où il va risque encore d’augmenter l’embarras, et de se faire copieusement houspiller. Et pourtant, c’est lui seul qui dét
1764 ’aille aussi s’embouteiller41. Ou encore essayons de la traduire. Les modes, l’usage, l’usure des mots aggravés par la pr
1765 i à vrai dire, et dans le fait, ruinent les bases de la communauté. On convient de s’entendre sur des malentendus42. À ce
1766 , ruinent les bases de la communauté. On convient de s’entendre sur des malentendus42. À ce prix, l’on nourrit une paix sa
1767 racines. (Alors que toute communauté réelle naît d’ une entente passionnée sur le sens de certains maîtres-mots : esprit,
1768 réelle naît d’une entente passionnée sur le sens de certains maîtres-mots : esprit, nation, révolution, salut…) Et, comme
1769 es et abstraites qu’on le peut. Opération inverse de celle du poète : on s’arrête à l’acception neutre, la moins active, l
1770 ntre la pensée et la main. Cependant que l’effort d’ un Claudel, restituant à chaque mot son sens le plus poignant, par là
1771 ble au très grand nombre. Rendre au mot sa valeur d’ appel, appeler sans cesse à grands cris l’univers (cette « version à l
1772 sion à l’unité »), la plénitude, le rassemblement de tous les êtres, le branle-bas de toute la création vers son achèvemen
1773 le rassemblement de tous les êtres, le branle-bas de toute la création vers son achèvement intelligible, c’est là vraiment
1774 là vraiment « poétiser », collaborer à l’ouvrage de Dieu, et recréer la catholicité. Mais c’est aussi, dans le monde d’au
1775 r la catholicité. Mais c’est aussi, dans le monde d’ aujourd’hui, se condamner à n’être pas compris. Paradoxe d’un génie ca
1776 ’hui, se condamner à n’être pas compris. Paradoxe d’ un génie catholique, isolé de la foule des hommes, par ce qui manifest
1777 as compris. Paradoxe d’un génie catholique, isolé de la foule des hommes, par ce qui manifeste, justement, sa volonté de c
1778 mmes, par ce qui manifeste, justement, sa volonté de catholicité ! ⁂ Non qu’il soit « méconnu », bien sûr. Mais parmi tant
1779 qu’il soit « méconnu », bien sûr. Mais parmi tant d’ admirateurs, combien co-naissent à la raison de ses beautés, énoncée d
1780 nt d’admirateurs, combien co-naissent à la raison de ses beautés, énoncée dans l’Art poétique ? De cet ouvrage très sévère
1781 son de ses beautés, énoncée dans l’Art poétique ? De cet ouvrage très sévère, et sublime en tant de passages, combien acce
1782 nquisition ? Qu’on ne dise pas que la philosophie d’ un grand poète importe moins que son humanité, que son lyrisme, ou que
1783 anité, que son lyrisme, ou que ce je ne sais quoi de bouleversant, obscurément, qui saisit l’auditeur le plus profane de T
1784 bscurément, qui saisit l’auditeur le plus profane de Tête d’Or ou de l’Annonce. Ce serait aggraver d’une sottise cette Sép
1785 nt, qui saisit l’auditeur le plus profane de Tête d’ Or ou de l’Annonce. Ce serait aggraver d’une sottise cette Séparation,
1786 saisit l’auditeur le plus profane de Tête d’Or ou de l’Annonce. Ce serait aggraver d’une sottise cette Séparation, notre p
1787 de Tête d’Or ou de l’Annonce. Ce serait aggraver d’ une sottise cette Séparation, notre péché, contre laquelle toute l’œuv
1788 ation, notre péché, contre laquelle toute l’œuvre de Claudel se soulève à l’appel de la Joie. Le monde qu’interprète l’Art
1789 lle toute l’œuvre de Claudel se soulève à l’appel de la Joie. Le monde qu’interprète l’Art poétique ne connaît pas Descart
1790 connaît pas Descartes le diviseur, ne connaît pas de localisation du spirituel, ne connaît pas de lois mais seulement des
1791 pas de localisation du spirituel, ne connaît pas de lois mais seulement des formes. C’est un monde en recréation perpétue
1792 plément ou efférence, sa part dans la composition de l’image, le mot qui profère son sens. » C’est un univers du discours,
1793 puisqu’il ne tire ses règles et sa nécessité que de la fin totale qu’il glorifie. Ce n’est pas notre monde tel qu’il est,
1794 Promesse et remis en marche vers elle, — le monde de la poésie. Diviser, séparer, isoler, faire scission, ce n’est pas seu
1795 s n’a fait que constater les effets antipoétiques d’ un relâchement originel. Rompre le lien de l’homme avec son origine, c
1796 étiques d’un relâchement originel. Rompre le lien de l’homme avec son origine, c’est rompre aussi sa communion avec la fin
1797 t-à-dire qu’il s’isole et s’abstrait du mouvement de la Création. « Et c’est pourquoi une fin lui fut en effet donnée » —
1798 i est sa mort. Mais l’œuvre du poète, la vocation de l’homme, la charité cosmique du chrétien (identiquement), c’est alors
1799 cosmique du chrétien (identiquement), c’est alors d’ embrasser d’un seul geste, de réunir, de relancer vers sa vraie fin to
1800 chrétien (identiquement), c’est alors d’embrasser d’ un seul geste, de réunir, de relancer vers sa vraie fin tout ce qu’une
1801 uement), c’est alors d’embrasser d’un seul geste, de réunir, de relancer vers sa vraie fin tout ce qu’une durée mauvaise a
1802 est alors d’embrasser d’un seul geste, de réunir, de relancer vers sa vraie fin tout ce qu’une durée mauvaise a disjoint e
1803 ise a disjoint et altéré. « Car l’attente ardente de la création attend la révélation des enfants de Dieu, parce que ce n’
1804 e de la création attend la révélation des enfants de Dieu, parce que ce n’est pas de son propre gré qu’elle a été assujett
1805 ation des enfants de Dieu, parce que ce n’est pas de son propre gré qu’elle a été assujettie à vanité » (Rom. 8, 19-20). N
1806 pre gré qu’elle a été assujettie à vanité » (Rom. 8, 19-20). Ne fût-ce que par son style, et l’intention, partout, qu’il m
1807 gré qu’elle a été assujettie à vanité » (Rom. 8, 19-20 ). Ne fût-ce que par son style, et l’intention, partout, qu’il manifes
1808 d à la proposition universelle. Qu’on parle alors de procédé, si l’on y tient, mais il faut en comprendre l’office. Traite
1809 s plus exsangues, c’est rénover l’action cosmique de la parole. Comment cela ? « Le mot appelle, provoque en nous l’état d
1810 cela ? « Le mot appelle, provoque en nous l’état de co-naissance qui répond à la présence sensible des choses mêmes. » Le
1811  » Le nom, qui désigne la chose, appelle un geste de l’homme pour cette chose. Le verbe, désignant ce geste, appelle une p
1812 désignant ce geste, appelle une phrase, un rythme d’ actes concertés. Ainsi l’homme se trouve mis « en communication avec l
1813 a traduction, dans l’univers matériel, du sanglot de l’origine ». En même temps que la chose qui le provoque, le verbe exp
1814 i le provoque, le verbe exprime ainsi la vocation de l’homme qui le profère. « L’acte par lequel l’homme atteste la perman
1815 es dont la réunion donne à chaque chose son droit de devenir présente à l’esprit, par lequel il la conçoit dans son cœur,
1816 le la parole. » Nous voici donc « chargés du rôle d’ origine ». L’homme est « le sceau de l’authenticité ». Il est, par son
1817 argés du rôle d’origine ». L’homme est « le sceau de l’authenticité ». Il est, par son action recréatrice, une étymologie
1818 ar son action recréatrice, une étymologie vivante de tout ce qui est. Et maintenant, pour se connaître, il lui suffit d’ag
1819 . Et maintenant, pour se connaître, il lui suffit d’ agir sa vocation. Dans l’acte conscient de la fin qui l’englobe, il n’
1820 suffit d’agir sa vocation. Dans l’acte conscient de la fin qui l’englobe, il n’y a plus de distinction du matériel et du
1821 conscient de la fin qui l’englobe, il n’y a plus de distinction du matériel et du spirituel. L’homme « se connaît donc à
1822 omme « se connaît donc à son pas et à l’extension de ses mains, à la facilité plus ou moindre grande qu’il éprouve à se se
1823 lui est comme « un document où il suit les œuvres de l’esprit qui le remue ». Penser dans le train de la création, reforme
1824 de l’esprit qui le remue ». Penser dans le train de la création, reformer sans cesse toutes les formes selon l’intention
1825 oprement penser avec les mains. ⁂ Au sixième jour de sa Semaine, Du Bartas parlant de ses mains les appelle, assez curieus
1826 Au sixième jour de sa Semaine, Du Bartas parlant de ses mains les appelle, assez curieusement, d’abord : « Singes de l’Ét
1827 s appelle, assez curieusement, d’abord : « Singes de l’Éternel » et aussitôt… « Ministres de l’esprit ». Ô singerie génial
1828 « Singes de l’Éternel » et aussitôt… « Ministres de l’esprit ». Ô singerie géniale et ministère manifeste ! Art poétique,
1829 éniale et ministère manifeste ! Art poétique, art de refaire le monde — tel que Dieu l’a connu de toute éternité ! 40. E
1830 art de refaire le monde — tel que Dieu l’a connu de toute éternité ! 40. En effet, la citation du Cratyle qu’il donne d
1831 de — tel que Dieu l’a connu de toute éternité ! 40. En effet, la citation du Cratyle qu’il donne dans l’Art poétique (p. 
1832 t poétique (p. 172) dit exactement le contraire. 41. On pourrait en tirer d’autres suites : faut-il attendre que les flics
1833 ps nous débrouiller et nous entendre librement ? 42. Tout le monde parle d’esprit sans nulle définition, sans déclarer ce
1834 ous entendre librement ? 42. Tout le monde parle d’ esprit sans nulle définition, sans déclarer ce que le mot sous-entend,
1835 ait le plus souvent absurdement contradictoire. 43. Connaître commande naître ; comprendre : entraîner avec soi ; assiste
1836  : « Tel est le mystère qu’il s’agit présentement de reporter sur le papier de l’encre la plus noire. » Au lieu de : Réflé
1837 ’il s’agit présentement de reporter sur le papier de l’encre la plus noire. » Au lieu de : Réfléchissons, analysons : « Ru
1838 urs une chose-image, au lieu d’une formule faite, d’ un terme abstrait. C’est le style du livre de Job. aa. Rougemont De
1839 ite, d’un terme abstrait. C’est le style du livre de Job. aa. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] L’Art poétique ou Qu
1840 le style du livre de Job. aa. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] L’Art poétique ou Qu’il faut penser avec les mains 
1841 s », La Nouvelle Revue française, Paris, décembre 1936, p. 992-997.
27 1937, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Une idée de Law (janvier 1937)
1842 Une idée de Law (janvier 1937)ab C’est dans les Œuvres de Law qu’on trouve cet
1843 Une idée de Law (janvier 1937 )ab C’est dans les Œuvres de Law qu’on trouve cette remarque hardie
1844 de Law (janvier 1937)ab C’est dans les Œuvres de Law qu’on trouve cette remarque hardie : La victoire appartient toujo
1845 écu. On entretient en France une armée qui coûte 100 millions par an ; c’est 2 milliards pour vingt ans. Nous n’avons pas
1846 . On entretient en France une armée qui coûte 100 millions par an ; c’est 2 milliards pour vingt ans. Nous n’avons pas plus de c
1847 e une armée qui coûte 100 millions par an ; c’est 2 milliards pour vingt ans. Nous n’avons pas plus de cinq ans de guerre
1848 une armée qui coûte 100 millions par an ; c’est 2 milliards pour vingt ans. Nous n’avons pas plus de cinq ans de guerre chaque vi
1849 oûte 100 millions par an ; c’est 2 milliards pour vingt ans. Nous n’avons pas plus de cinq ans de guerre chaque vingt ans, et
1850 2 milliards pour vingt ans. Nous n’avons pas plus de cinq ans de guerre chaque vingt ans, et cette guerre, en outre, nous
1851 illiards pour vingt ans. Nous n’avons pas plus de cinq ans de guerre chaque vingt ans, et cette guerre, en outre, nous met e
1852 pour vingt ans. Nous n’avons pas plus de cinq ans de guerre chaque vingt ans, et cette guerre, en outre, nous met en arriè
1853 ous n’avons pas plus de cinq ans de guerre chaque vingt ans, et cette guerre, en outre, nous met en arrière de 1 milliard au
1854 et cette guerre, en outre, nous met en arrière de 1 milliard au moins. Voilà donc 3 milliards qu’il nous en coûte pour gu
1855 cette guerre, en outre, nous met en arrière de 1 milliard au moins. Voilà donc 3 milliards qu’il nous en coûte pour guerroyer c
1856 met en arrière de 1 milliard au moins. Voilà donc 3 milliards qu’il nous en coûte pour guerroyer cinq ans. Quel en est le
1857 t en arrière de 1 milliard au moins. Voilà donc 3 milliards qu’il nous en coûte pour guerroyer cinq ans. Quel en est le résultat 
1858 nc 3 milliards qu’il nous en coûte pour guerroyer cinq ans. Quel en est le résultat ? car le succès définitif est incertain.
1859 incertain. Avec bien du bonheur, on peut espérer de détruire 150 000 ennemis par le feu, le fer, l’eau, la faim, les fati
1860 Avec bien du bonheur, on peut espérer de détruire 150  000 ennemis par le feu, le fer, l’eau, la faim, les fatigues, les mal
1861 bien du bonheur, on peut espérer de détruire 150  000 ennemis par le feu, le fer, l’eau, la faim, les fatigues, les maladie
1862 adies. Ainsi, la destruction directe ou indirecte d’ un soldat allemand nous coûte 20 000 livres, sans compter la perte sur
1863 ecte ou indirecte d’un soldat allemand nous coûte 20  000 livres, sans compter la perte sur notre population, qui n’est rép
1864 e ou indirecte d’un soldat allemand nous coûte 20  000 livres, sans compter la perte sur notre population, qui n’est réparée
1865 notre population, qui n’est réparée qu’au bout de vingt-cinq ans. Au lieu de cet attirail dispendieux, incommode et dangereux, d’u
1866 cet attirail dispendieux, incommode et dangereux, d’ une armée permanente, ne vaudrait-il pas mieux en épargner les frais e
1867 n s’en présenterait. Un Anglais estimait un homme 480 livres sterling. C’est la plus forte évaluation, et ils ne sont pas t
1868 actuel, on perd celui qu’on avait, sans profiter de celui qu’on a détruit si dispendieusement. Compatriote de Law, M. Ric
1869 qu’on a détruit si dispendieusement. Compatriote de Law, M. Rickett songeait sans doute à une opération fort analogue lor
1870 ute à une opération fort analogue lorsqu’il tenta d’ acheter le sol que le Duce se préparait à conquérir : c’était là propr
1871 e du capitaliste, qui eût été la plus belle farce de l’Histoire, a soulevé d’universelles protestations. L’échec de Law et
1872 été la plus belle farce de l’Histoire, a soulevé d’ universelles protestations. L’échec de Law et l’échec de Rickett ne co
1873 , a soulevé d’universelles protestations. L’échec de Law et l’échec de Rickett ne comportent pas de morale : je veux le cr
1874 erselles protestations. L’échec de Law et l’échec de Rickett ne comportent pas de morale : je veux le croire pour la moral
1875 ec de Law et l’échec de Rickett ne comportent pas de morale : je veux le croire pour la morale. Mais ils permettent d’entr
1876 eux le croire pour la morale. Mais ils permettent d’ entrevoir l’une des raisons de notre anarchie économique. Le capitalis
1877 Mais ils permettent d’entrevoir l’une des raisons de notre anarchie économique. Le capitalisme ne serait peut-être pas un
1878 rises n’étaient constamment traversées par celles d’ une passion contraire, qui est l’honneur. Car il est clair que l’honne
1879 n’est qu’une caricature — retient les gouvernants de suivre jusqu’au bout, et sans scrupules, la logique du capitalisme. O
1880 , la logique du capitalisme. Or, ce système étant de ceux qui ne se peuvent soutenir que si rien d’arbitraire ou d’humain
1881 nt de ceux qui ne se peuvent soutenir que si rien d’ arbitraire ou d’humain ne vient déranger les calculs, l’on voit qu’en
1882 e se peuvent soutenir que si rien d’arbitraire ou d’ humain ne vient déranger les calculs, l’on voit qu’en vérité, ce qui n
1883 qui nous ruine, c’est bien l’honneur — le budget de l’honneur — et non pas je ne sais quels scandales… ab. Rougemont D
1884 e ne sais quels scandales… ab. Rougemont Denis de , « Une idée de Law », La Nouvelle Revue française, Paris, janvier 193
1885 scandales… ab. Rougemont Denis de, « Une idée de Law », La Nouvelle Revue française, Paris, janvier 1937, p. 149-150.
1886 aw », La Nouvelle Revue française, Paris, janvier 1937, p. 149-150.
28 1937, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). De la propriété capitaliste à la propriété humaine et Manifeste au service du personnalisme, par Emmanuel Mounier (février 1937)
1887 De la propriété capitaliste à la propriété humaine et Manifeste au servi
1888 e du personnalisme, par Emmanuel Mounier (février 1937 )ac Des quatre essais publiés jusqu’ici par Mounier, ce traité de l
1889 sme, par Emmanuel Mounier (février 1937)ac Des quatre essais publiés jusqu’ici par Mounier, ce traité de la propriété est s
1890 e essais publiés jusqu’ici par Mounier, ce traité de la propriété est sans doute le mieux venu, le plus précis et situé. O
1891 situé. On aimera la mobilité, le glissement varié de ce style, l’agilité précise de ses coupes, qualités nées, comme par d
1892 e glissement varié de ce style, l’agilité précise de ses coupes, qualités nées, comme par décantation, des défauts mêmes q
1893 êmes qu’on a pu reprocher aux précédents ouvrages de l’auteur. Mais c’est la méthode qui doit retenir ici : il s’agissait
1894 qui doit retenir ici : il s’agissait pour Mounier de fonder la théorie personnaliste de l’avoir sur les doctrines catholiq
1895 t pour Mounier de fonder la théorie personnaliste de l’avoir sur les doctrines catholiques les plus solides à cet égard, c
1896 catholiques les plus solides à cet égard, celles de Thomas d’Aquin et de Cajetan. On ne nous propose pas un « retour » de
1897 solides à cet égard, celles de Thomas d’Aquin et de Cajetan. On ne nous propose pas un « retour » de plus à quelque médié
1898 se pas un « retour » de plus à quelque médiévisme d’ utopie, mais au contraire on actualise, et enfin l’on prend au sérieux
1899 bilées, et que la grande majorité des catholiques d’ aujourd’hui ignore avec persévérance. À vrai dire, nul mieux que l’Aqu
1900 quinate ne pouvait servir et autoriser le dessein de Mounier : défendre la propriété contre les mauvaises raisons des capi
1901 ons des capitalistes, ou comme il dit : « libérer de la dialectique des propriétaires les valeurs de propriété personnelle
1902 r de la dialectique des propriétaires les valeurs de propriété personnelle ». La plupart des distinctions que formule la S
1903 nécessaire personnel, entre autres — apparaissent d’ une utilité et d’une efficacité éclatantes dans l’embrouillamini polit
1904 nel, entre autres — apparaissent d’une utilité et d’ une efficacité éclatantes dans l’embrouillamini politico-sentimental o
1905 timents secrétés par le capitalisme. Mounier part d’ une phénoménologie de la possession — presque trop brillante par endro
1906 le capitalisme. Mounier part d’une phénoménologie de la possession — presque trop brillante par endroits —, s’engage dans
1907 mistes, et rejoint avec un naturel qui est succès de ce livre, les positions constructives d’Esprit, et même de L’Ordre no
1908 t succès de ce livre, les positions constructives d’ Esprit, et même de L’Ordre nouveau (lequel était parti bien plutôt de
1909 re, les positions constructives d’Esprit, et même de L’Ordre nouveau (lequel était parti bien plutôt de Proudhon)44. En br
1910 e L’Ordre nouveau (lequel était parti bien plutôt de Proudhon)44. En bref, le sens du livre est celui-ci : il s’agit de pa
1911 uveau (lequel était parti bien plutôt de Proudhon) 44. En bref, le sens du livre est celui-ci : il s’agit de passer d’un mod
1912 n bref, le sens du livre est celui-ci : il s’agit de passer d’un mode de propriété abstrait et anonyme à un mode personnel
1913 sens du livre est celui-ci : il s’agit de passer d’ un mode de propriété abstrait et anonyme à un mode personnel et respon
1914 ivre est celui-ci : il s’agit de passer d’un mode de propriété abstrait et anonyme à un mode personnel et responsable, ou
1915 me à un mode personnel et responsable, ou encore, d’ un mode matérialiste et tyrannique à un mode spirituel, donc humain. J
1916 ode spirituel, donc humain. Je sais gré à Mounier d’ avoir, chemin faisant, démontré que la propriété n’est pas un instinct
1917 n instinct permanent, mais au contraire un besoin de l’esprit — le nécessaire vital une fois assuré. Ce qui suffit à renve
1918 que redoutent les bourgeois, qui n’est pas celui de Staline… Mais si vigoureuse que soit cette analyse — et si utile sa l
1919 revêt sa signification totale que dans l’ensemble de la construction personnaliste. Le récent Manifeste de Mounier permett
1920 a construction personnaliste. Le récent Manifeste de Mounier permettra de prendre une mesure rapide des progrès — et aussi
1921 naliste. Le récent Manifeste de Mounier permettra de prendre une mesure rapide des progrès — et aussi des lacunes provisoi
1922 es progrès — et aussi des lacunes provisoires45 — de ce mouvement. Le lecteur qui se souvient encore du Cahier de revendic
1923 ment. Le lecteur qui se souvient encore du Cahier de revendications, publié ici même en 1932, ne manquera pas de faire des
1924 e du Cahier de revendications, publié ici même en 1932, ne manquera pas de faire des rapprochements fort instructifs. Ce term
1925 cations, publié ici même en 1932, ne manquera pas de faire des rapprochements fort instructifs. Ce terme de personne, que
1926 ire des rapprochements fort instructifs. Ce terme de personne, que nous jetions alors dans le débat politique et culturel,
1927 les réalistes, le voilà repris et galvaudé depuis deux ans par toutes les ligues et partis, de La Rocque à Vaillant-Couturie
1928 adjectif pléonastique : « personne humaine ».) En 1932, les marxistes prononçaient ici même — contre les « petits personnalis
1929 les « petits personnalistes » — que les problèmes de l’homme, et de l’esprit, ne se poseraient plus durant le prochain dem
1930 rsonnalistes » — que les problèmes de l’homme, et de l’esprit, ne se poseraient plus durant le prochain demi-siècle. Parle
1931 aient plus durant le prochain demi-siècle. Parler de la primauté du spirituel et de l’humain, c’était fasciste ! Mais voic
1932 emi-siècle. Parler de la primauté du spirituel et de l’humain, c’était fasciste ! Mais voici que quatre ans plus tard, le
1933 et de l’humain, c’était fasciste ! Mais voici que quatre ans plus tard, le porte-parole officiel du parti communiste français
1934 iel du parti communiste français publie une sorte de discours-programme intitulé Au service de l’Esprit 46. Et l’on y lit
1935 e sorte de discours-programme intitulé Au service de l’Esprit 46. Et l’on y lit que les fascistes sont les pires adversair
1936 iscours-programme intitulé Au service de l’Esprit 46. Et l’on y lit que les fascistes sont les pires adversaires « de la pe
1937 it que les fascistes sont les pires adversaires «  de la personne humaine, cette grande force spirituelle ». Et aussi « qu’
1938 ande force spirituelle ». Et aussi « qu’au-dessus de tout, les communistes placent l’homme ». Et enfin que « c’est à l’Esp
1939 t confiance pour l’aider à résoudre les problèmes de la paix, de la liberté et du pain des hommes »ad. À vrai dire, nous n
1940 pour l’aider à résoudre les problèmes de la paix, de la liberté et du pain des hommes »ad. À vrai dire, nous n’espérions p
1941 , nous n’espérions pas un triomphe si rapide — ni de cette qualité… À nous maintenant de rendre aux mots leur sens. Il n’y
1942 i rapide — ni de cette qualité… À nous maintenant de rendre aux mots leur sens. Il n’y a que cela de sérieux dans la polit
1943 t de rendre aux mots leur sens. Il n’y a que cela de sérieux dans la politique moderne. Et le Manifeste de Mounier peut y
1944 érieux dans la politique moderne. Et le Manifeste de Mounier peut y contribuer largement. Faut-il dire que tout usager de
1945 ontribuer largement. Faut-il dire que tout usager de la culture, si apolitique qu’il se veuille, se trouve intéressé dans
1946 ntéressé dans un pareil débat ? Cela va de soi. 44. Je pense que Mounier ne se dissimule pas le caractère « théorique » d
1947 peut donner l’aumône au nécessiteux avec l’argent d’ un autre, s’il ne peut le faire du sien ». (Car cet argent de l’autre
1948 s’il ne peut le faire du sien ». (Car cet argent de l’autre devient dans ce cas bien commun.) Mais je ne sache pas qu’on
1949 e sache pas qu’on ait jamais songé à des théories de ce genre pour excuser la sécularisation des biens conventuels — biens
1950 ens dans lesquels Labriola pouvait voir l’origine de l’accumulation capitaliste. (Centres de commerce des couvents anglais
1951 l’origine de l’accumulation capitaliste. (Centres de commerce des couvents anglais.) — Pendant que j’y suis, une autre rem
1952 emarque : Mounier exagère l’importance économique de l’usure, suivant l’erreur fréquente des écrivains catholiques. Marx a
1953 secondaire, et très peu décisif, du capitalisme. 45. Le Précis publié par L’Ordre nouveau dans son numéro d’octobre 1936 e
1954 Précis publié par L’Ordre nouveau dans son numéro d’ octobre 1936 en comble d’ailleurs quelques-unes. 46. Par Paul Vaillan
1955 lié par L’Ordre nouveau dans son numéro d’octobre 1936 en comble d’ailleurs quelques-unes. 46. Par Paul Vaillant-Couturier,
1956 octobre 1936 en comble d’ailleurs quelques-unes. 46. Par Paul Vaillant-Couturier, Paris, Éditions ESI, octobre 1936. ac.
1957 Vaillant-Couturier, Paris, Éditions ESI, octobre 1936. ac. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Emmanuel Mounier, De la pr
1958 Éditions ESI, octobre 1936. ac. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Emmanuel Mounier, De la propriété capitaliste à la
1959 mont Denis de, « [Compte rendu] Emmanuel Mounier, De la propriété capitaliste à la propriété humaine et Manifeste au servi
1960 e  », La Nouvelle Revue française, Paris, février 1937, p. 294-296. ad. Ce texte de Paul Vaillant-Couturier est plus ampleme
1961 e, Paris, février 1937, p. 294-296. ad. Ce texte de Paul Vaillant-Couturier est plus amplement commenté par Rougemont dan
1962 s amplement commenté par Rougemont dans le numéro d’ Esprit de février 1937 : « Paul Vaillant-Couturier : Au service de l’E
1963 nt commenté par Rougemont dans le numéro d’Esprit de février 1937 : « Paul Vaillant-Couturier : Au service de l’Esprit  ».
1964 par Rougemont dans le numéro d’Esprit de février 1937  : « Paul Vaillant-Couturier : Au service de l’Esprit  ».
1965 ier 1937 : « Paul Vaillant-Couturier : Au service de l’Esprit  ».
29 1937, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). N’habitez pas les villes (Extrait d’un Journal) (juillet 1937)
1966 N’habitez pas les villes (Extrait d’ un Journal) (juillet 1937)ae Je revois, je revis si bien la travers
1967 ez pas les villes (Extrait d’un Journal) (juillet 1937 )ae Je revois, je revis si bien la traversée, cette étrange coupure
1968 dans cette île à la saison où il convient plutôt de la quitter quand on le peut. Si par cette aube de novembre, sur les g
1969 de la quitter quand on le peut. Si par cette aube de novembre, sur les grands quais de ce port atlantique, j’en étais à co
1970 par cette aube de novembre, sur les grands quais de ce port atlantique, j’en étais à considérer d’un œil brûlé par l’inso
1971 is de ce port atlantique, j’en étais à considérer d’ un œil brûlé par l’insomnie les flots de l’océan maussade et les pauvr
1972 onsidérer d’un œil brûlé par l’insomnie les flots de l’océan maussade et les pauvres rivages du détroit, c’est fort appare
1973 troit, c’est fort apparemment que je n’avais rien de mieux à faire. J’étais chômeur depuis trois mois. On m’offrait un abr
1974 ais rien de mieux à faire. J’étais chômeur depuis trois mois. On m’offrait un abri quelque part, une maison vide pendant l’hi
1975 rt, une maison vide pendant l’hiver, une occasion de solitude désirée en secret dès longtemps. Je voudrais bien n’avoir pa
1976 pas l’air trop romantique : mes dernières années de Paris m’avaient appris que cette ville, au moins pour la jeunesse san
1977 ’autres disent : allons-nous-en, et restent faute d’ imagination. Et pourtant il suffit de bien peu pour partir : la France
1978 estent faute d’imagination. Et pourtant il suffit de bien peu pour partir : la France a des milliers de maisons vides. Dit
1979 suffit de bien peu pour partir : la France a des milliers de maisons vides. Dites autour de vous que vous en cherchez une, et v
1980 e bien peu pour partir : la France a des milliers de maisons vides. Dites autour de vous que vous en cherchez une, et vous
1981 stion judicieuse que j’ai voulu répondre.   Début de novembre Je commencerai par l’inventaire de mon domaine. Je ne suis p
1982 Début de novembre Je commencerai par l’inventaire de mon domaine. Je ne suis pas propriétaire, c’est entendu. Je ne possèd
1983 ntendu. Je ne possède légalement que des valises, de quoi me vêtir, et quelques livres. Mais aussi, je ne puis vivre nulle
1984 e sais mettre en œuvre à ma façon, et peu capable de comprendre que l’on veuille « avoir » autrement. Posséder, ce n’est p
1985 s avoir. Ce n’est pas même avoir l’usage éventuel de quelque chose. Mais c’est user en fait de cette chose-là. C’est donc
1986 ventuel de quelque chose. Mais c’est user en fait de cette chose-là. C’est donc un acte et pas du tout un droit. Et ce n’e
1987 fin qui leur est étrangère, et qui me commandera de les quitter le jour qu’ils y mettront obstacle. (Pour les bourgeois,
1988 y mettront obstacle. (Pour les bourgeois, l’idée de propriété est liée à l’idée d’héritage. Par quelle folie pensent-ils
1989 bourgeois, l’idée de propriété est liée à l’idée d’ héritage. Par quelle folie pensent-ils pouvoir « hériter » des biens d
1990 e folie pensent-ils pouvoir « hériter » des biens de leurs pères ? Il faut tout ignorer de la vraie possession ! Une chose
1991 » des biens de leurs pères ? Il faut tout ignorer de la vraie possession ! Une chose n’est mienne que pour un temps, et si
1992 e, elle me devient impropre. Je n’hérite pas même de moi ! Ou alors, l’héritage est cela dont on ne peut pas se délivrer à
1993 est incommode ou impropre, et dont il faut tâcher de se délivrer coûte que coûte.) Mon domaine, c’est ce que j’ai sous la
1994 e je me suis fabriquée : j’ai trouvé dans le chai deux tréteaux et deux planches bien rabotées ; j’ai dressé cela devant la
1995 iquée : j’ai trouvé dans le chai deux tréteaux et deux planches bien rabotées ; j’ai dressé cela devant la fenêtre ouverte s
1996 du jardin. Quand je lève le nez, je vois la cour de terre battue à l’ombre de ses deux tilleuls, la margelle du puits à g
1997 je vois la cour de terre battue à l’ombre de ses deux tilleuls, la margelle du puits à gauche, où repose une vieille chatte
1998 ose une vieille chatte, le chai à droite. Au-delà de la cour, les planches incultes du potager, de chaque côté d’une allée
1999 elà de la cour, les planches incultes du potager, de chaque côté d’une allée bordée de rosiers. L’allée aboutit à une port
2000 les planches incultes du potager, de chaque côté d’ une allée bordée de rosiers. L’allée aboutit à une porte de bois à deu
2001 tes du potager, de chaque côté d’une allée bordée de rosiers. L’allée aboutit à une porte de bois à deux battants, à demi
2002 ée bordée de rosiers. L’allée aboutit à une porte de bois à deux battants, à demi cachée par des lauriers épais. De hauts
2003 de rosiers. L’allée aboutit à une porte de bois à deux battants, à demi cachée par des lauriers épais. De hauts murs blancs
2004 x battants, à demi cachée par des lauriers épais. De hauts murs blancs enclosent de tous côtés ce jardin de curé, qui a ju
2005 es lauriers épais. De hauts murs blancs enclosent de tous côtés ce jardin de curé, qui a juste la largeur de la maison. On
2006 uts murs blancs enclosent de tous côtés ce jardin de curé, qui a juste la largeur de la maison. On ne voit rien que le cie
2007 s côtés ce jardin de curé, qui a juste la largeur de la maison. On ne voit rien que le ciel au-delà, un ciel lavé, tissé d
2008 oit rien que le ciel au-delà, un ciel lavé, tissé d’ oiseaux, et parfois traversé par un nuage rapide. La maison compte deu
2009 is traversé par un nuage rapide. La maison compte deux chambres au rez-de-chaussée, séparées de la cuisine par un couloir da
2010 compte deux chambres au rez-de-chaussée, séparées de la cuisine par un couloir dallé. À l’étage, où l’on parvient par un p
2011 parvient par un petit escalier qui prend au fond de la cuisine, deux autres chambres assez vastes et presque vides, auxqu
2012 n petit escalier qui prend au fond de la cuisine, deux autres chambres assez vastes et presque vides, auxquelles le toit ser
2013 vastes et presque vides, auxquelles le toit sert de plafond. Très peu de meubles, comme j’aime. Des murs blanchis ou tein
2014 ubles, comme j’aime. Des murs blanchis ou teintés de bleu clair, des planchers rudes. Décor candide et gai, oui vraiment p
2015 rte un peu trop basse, règne une pénétrante odeur de laurier.   10 novembre Ce journal n’aura rien d’intime. J’ai à gagner
2016 p basse, règne une pénétrante odeur de laurier.   10 novembre Ce journal n’aura rien d’intime. J’ai à gagner ma vie, non p
2017 de laurier.   10 novembre Ce journal n’aura rien d’ intime. J’ai à gagner ma vie, non pas à la regarder. Toutefois, noter
2018 e paraîtront frappants ici ou là, c’est une sorte de contrôle amusant et utile — pour plus tard — et c’est une bonne disci
2019 — pour plus tard — et c’est une bonne discipline de l’esprit que la description objective. Me voici pris dans une expérie
2020 jective. Me voici pris dans une expérience forcée de vie pauvre, libre et solitaire — trois grands mots ! et pourtant c’es
2021 rience forcée de vie pauvre, libre et solitaire — trois grands mots ! et pourtant c’est bien cela — tout au bout d’un pays dé
2022 nt c’est bien cela — tout au bout d’un pays dénué de ressources, pratiquement analogue, j’imagine, à un poste colonial aux
2023 aux limites du désert. Curiosité, comme au début d’ un film. La situation est d’ailleurs excellente pour l’instant. Il nou
2024 s excellente pour l’instant. Il nous reste encore de quoi vivre pendant six semaines environ, si du moins nos calculs sont
2025 stant. Il nous reste encore de quoi vivre pendant six semaines environ, si du moins nos calculs sont justes : 900 francs, u
2026 es environ, si du moins nos calculs sont justes : 900 francs, un bon toit, et le temps de voir venir.   Du 10 au 17 novembr
2027 ont justes : 900 francs, un bon toit, et le temps de voir venir.   Du 10 au 17 novembre Pour parer au plus pressé, écrit e
2028 ncs, un bon toit, et le temps de voir venir.   Du 10 au 17 novembre Pour parer au plus pressé, écrit et envoyé six article
2029 n bon toit, et le temps de voir venir.   Du 10 au 17 novembre Pour parer au plus pressé, écrit et envoyé six articles à de
2030 vembre Pour parer au plus pressé, écrit et envoyé six articles à des revues, hebdomadaires et journaux. Grande facilité de
2031 evues, hebdomadaires et journaux. Grande facilité de travail dans le silence à peu près absolu. Mais aussi j’ai l’impressi
2032 u près absolu. Mais aussi j’ai l’impression nette d’ utiliser la fin de l’élan intellectuel qui me soutenait à Paris. Ces d
2033 s aussi j’ai l’impression nette d’utiliser la fin de l’élan intellectuel qui me soutenait à Paris. Ces deux derniers jours
2034 l’élan intellectuel qui me soutenait à Paris. Ces deux derniers jours déjà, j’arrivais mal à prendre au sérieux l’actualité
2035 , j’arrivais mal à prendre au sérieux l’actualité de ce que j’écrivais. Il faut avouer qu’il s’agissait, dans ces articles
2036 faut avouer qu’il s’agissait, dans ces articles, de ce que les gens croient être actuel, ou sont censés croire actuel, da
2037 d’hui c’est le jour du repos. J’ai trouvé au fond d’ une armoire, derrière une pile d’assiettes, deux volumes sur l’histoir
2038 i trouvé au fond d’une armoire, derrière une pile d’ assiettes, deux volumes sur l’histoire de l’île, ses coutumes, et son
2039 ond d’une armoire, derrière une pile d’assiettes, deux volumes sur l’histoire de l’île, ses coutumes, et son dialecte. L’un
2040 une pile d’assiettes, deux volumes sur l’histoire de l’île, ses coutumes, et son dialecte. L’un est l’œuvre d’un archivist
2041 , ses coutumes, et son dialecte. L’un est l’œuvre d’ un archiviste du continent. Il affecte une douce ironie sorbonnarde po
2042 exagéré et embelli tout cela… La science réclame de petits faits vrais. Elle tend aussi, il faut l’avouer, à ne tenir pou
2043 nir pour vrai que ce qui est petit. Laissons donc de côté ce petit travail qui a dû valoir les palmes à son auteur. Le sec
2044 es à son auteur. Le second bouquin, c’est l’œuvre d’ un vieux médecin tout plein de verve et de gaillarde érudition, comme
2045 quin, c’est l’œuvre d’un vieux médecin tout plein de verve et de gaillarde érudition, comme il s’en trouve un peu partout
2046 l’œuvre d’un vieux médecin tout plein de verve et de gaillarde érudition, comme il s’en trouve un peu partout pour sauver
2047 en trouve un peu partout pour sauver « l’esprit » d’ un pays. J’ai passé tout l’après-midi dessus. — Cela commence par une
2048 emières galères romaines jusqu’au bateau à vapeur de Sadi Carnot — monument au point où il toucha terre — en passant par l
2049 ars norvégiens, les flottes anglaises des guerres de religion et les expéditions de saumoniers. Une période héroïque sous
2050 laises des guerres de religion et les expéditions de saumoniers. Une période héroïque sous Richelieu. Depuis lors, semble-
2051 pour la plupart jacobins. Plusieurs des discours de leurs chefs ont été consignés par miracle : ils ne le cèdent en rien
2052 miracle : ils ne le cèdent en rien pour l’ampleur de leurs vues sur le monde, à l’éloquence des conventionnels… On trouve
2053 , rédigées dans un patois un peu trop exemplaire. D’ intéressantes précisions budgétaires sur les institutions de bienfaisa
2054 antes précisions budgétaires sur les institutions de bienfaisance fondées par le docteur lui-même ou tout au moins à son i
2055 sera des plus utiles, une minutieuse description de la faune et de la flore de l’île, du régime des marées, des courants
2056 utiles, une minutieuse description de la faune et de la flore de l’île, du régime des marées, des courants et des vents. M
2057 minutieuse description de la faune et de la flore de l’île, du régime des marées, des courants et des vents. Merveilleux l
2058 re, un vieux docteur au fichu caractère a composé de sa longue expérience, de ses rancunes, de son amour caché, et de sa s
2059 ichu caractère a composé de sa longue expérience, de ses rancunes, de son amour caché, et de sa science hétéroclite de pra
2060 composé de sa longue expérience, de ses rancunes, de son amour caché, et de sa science hétéroclite de praticien et de coll
2061 périence, de ses rancunes, de son amour caché, et de sa science hétéroclite de praticien et de collectionneur. L’esprit fo
2062 de son amour caché, et de sa science hétéroclite de praticien et de collectionneur. L’esprit fort et l’esprit de clocher
2063 ché, et de sa science hétéroclite de praticien et de collectionneur. L’esprit fort et l’esprit de clocher se font une guer
2064 n et de collectionneur. L’esprit fort et l’esprit de clocher se font une guerre acharnée dans ces pages et ils l’emportent
2065 emportent tour à tour, jusqu’à la synthèse finale d’ une envolée tout à la fois patriotique, républicaine, et tolérante. La
2066 nte. La droite, la gauche, et une certaine espèce d’ intelligence, ou d’ironie… Pour de tels hommes, certes il n’est pas de
2067 gauche, et une certaine espèce d’intelligence, ou d’ ironie… Pour de tels hommes, certes il n’est pas deux France ! Ou plut
2068 certaine espèce d’intelligence, ou d’ironie… Pour de tels hommes, certes il n’est pas deux France ! Ou plutôt elles se mêl
2069 ’ironie… Pour de tels hommes, certes il n’est pas deux France ! Ou plutôt elles se mêlent dans un combat indivisible et néce
2070 dans un combat indivisible et nécessaire au cœur de chacun d’eux. Voilà l’espèce d’hommes français que je voudrais croire
2071 ombat indivisible et nécessaire au cœur de chacun d’ eux. Voilà l’espèce d’hommes français que je voudrais croire la plus a
2072 écessaire au cœur de chacun d’eux. Voilà l’espèce d’ hommes français que je voudrais croire la plus authentique.   19 novem
2073 ais que je voudrais croire la plus authentique.   19 novembre Premiers contacts avec les gens. — Le village se termine au
2074 e petite rue toute blanche qui contourne la panse de l’église et aboutit à la place principale. Au milieu de cette place,
2075 milieu de cette place, qui est un vaste rectangle de terre jaune, les habitants plantèrent à la Révolution un arbre de la
2076 les habitants plantèrent à la Révolution un arbre de la Liberté. Cet orme est devenu gigantesque, majestueux, exemplaire d
2077 ulence, frisé comme une perruque du grand siècle. De trois côtés de la place généralement vide, les maisons s’alignent en
2078 nce, frisé comme une perruque du grand siècle. De trois côtés de la place généralement vide, les maisons s’alignent en ordre
2079 omme une perruque du grand siècle. De trois côtés de la place généralement vide, les maisons s’alignent en ordre modeste,
2080 couleur des volets s’harmonise avec chaque façade d’ une manière subtile et précise qui en dit long sur l’âme de ce peuple
2081 ière subtile et précise qui en dit long sur l’âme de ce peuple discret. C’est l’impression que je veux retenir pour le mom
2082 du chou-fleur, des enveloppes jaunes, du peloton de ficelle et du kilo de riz. Mes vêtements, citadins mais râpés, ne la
2083 veloppes jaunes, du peloton de ficelle et du kilo de riz. Mes vêtements, citadins mais râpés, ne la renseignent pas claire
2084 , ne la renseignent pas clairement. Et que penser d’ un « Parisien » qui manifeste l’intention de rester ici tout l’hiver ?
2085 enser d’un « Parisien » qui manifeste l’intention de rester ici tout l’hiver ? C’est plutôt en été qu’on vient chez nous,
2086 ances ! J’ai du travail à faire chez moi, des tas de choses à écrire… Elle n’ose pas m’en demander davantage. Et moi, je r
2087 davantage. Et moi, je recule devant l’entreprise de lui expliquer la nature de mon travail. « Écrire », qu’est-ce que cel
2088 le devant l’entreprise de lui expliquer la nature de mon travail. « Écrire », qu’est-ce que cela signifie ? Écrire pour le
2089 u’on voudrait. En hiver elle fait peu de réserves de produits alimentaires, les habitants n’achetant guère autre chose que
2090 s, les habitants n’achetant guère autre chose que de la mercerie, des lainages et des épices. Alors il faut aller de l’aut
2091 , des lainages et des épices. Alors il faut aller de l’autre côté de la place, chez Mélie. Ce n’est pas simple d’éviter d’
2092 t des épices. Alors il faut aller de l’autre côté de la place, chez Mélie. Ce n’est pas simple d’éviter d’être vu par l’un
2093 côté de la place, chez Mélie. Ce n’est pas simple d’ éviter d’être vu par l’une, entrant chez l’autre. Mais c’est prudent,
2094 a place, chez Mélie. Ce n’est pas simple d’éviter d’ être vu par l’une, entrant chez l’autre. Mais c’est prudent, on me l’a
2095 elles les augmenteront bien plutôt pour le punir d’ avoir été en face. Sans compter qu’on n’aime pas être accueilli par la
2096 e pas être accueilli par la réprobation sournoise d’ une épicière.   20 novembre Le bureau de poste. Trois mètres sur trois
2097 li par la réprobation sournoise d’une épicière.   20 novembre Le bureau de poste. Trois mètres sur trois, et une grille ép
2098 sournoise d’une épicière.   20 novembre Le bureau de poste. Trois mètres sur trois, et une grille épaisse au milieu. Derri
2099 d’une épicière.   20 novembre Le bureau de poste. Trois mètres sur trois, et une grille épaisse au milieu. Derrière la grille
2100 20 novembre Le bureau de poste. Trois mètres sur trois , et une grille épaisse au milieu. Derrière la grille, le long visage
2101 sse au milieu. Derrière la grille, le long visage de Pédenaud. J’ai l’impression que je lui gâte la vie. Trois fois la sem
2102 denaud. J’ai l’impression que je lui gâte la vie. Trois fois la semaine au moins, il me voit venir avec une grande enveloppe
2103 ’est tapé à la machine. — Est-ce qu’il n’y a rien d’ écrit à la main ? Si, il y a des corrections écrites à la main. » Péde
2104 nième fois son tarif, fait son calcul sur un bout de papier, et conclut que j’ai à payer 72 francs pour un envoi, ce jour-
2105 ur un bout de papier, et conclut que j’ai à payer 72 francs pour un envoi, ce jour-là, d’une centaine de feuilles. Il en p
2106 j’ai à payer 72 francs pour un envoi, ce jour-là, d’ une centaine de feuilles. Il en paraît lui-même consterné. J’affirme a
2107 payer 72 francs pour un envoi, ce jour-là, d’une centaine de feuilles. Il en paraît lui-même consterné. J’affirme avec vivacité
2108 francs pour un envoi, ce jour-là, d’une centaine de feuilles. Il en paraît lui-même consterné. J’affirme avec vivacité qu
2109 Il faut tout recommencer. Finalement l’on décide d’ envoyer le manuscrit comme échantillon sans valeur. Port : quatre fran
2110 e manuscrit comme échantillon sans valeur. Port : quatre francs soixante-quinze. Dans l’après-midi, tandis que j’écris à ma ta
2111 mme échantillon sans valeur. Port : quatre francs soixante-quinze . Dans l’après-midi, tandis que j’écris à ma table, j’entends grincer
2112 ntends grincer la porte du jardin. C’est la femme de Pédenaud qui brandit un papier. J’accours : elle me tend une formule
2113 t un papier. J’accours : elle me tend une formule de télégramme, mais ce n’est pas un télégramme, c’est une notification o
2114 un télégramme, c’est une notification officielle d’ avoir à verser sans délai la somme de francs 67,25, restant due sur l’
2115 n officielle d’avoir à verser sans délai la somme de francs 67,25, restant due sur l’envoi de ce matin. En effet, Pédenaud
2116 le d’avoir à verser sans délai la somme de francs 67,25, restant due sur l’envoi de ce matin. En effet, Pédenaud qui a voulu e
2117 la somme de francs 67,25, restant due sur l’envoi de ce matin. En effet, Pédenaud qui a voulu en avoir le cœur net, a pris
2118 ue je m’exécute, sinon c’est lui qui sera forcé «  d’ y aller de sa poche ». Me voilà courant à l’autobus pour arrêter le co
2119 écute, sinon c’est lui qui sera forcé « d’y aller de sa poche ». Me voilà courant à l’autobus pour arrêter le courrier. L’
2120 stal, discuter passionnément, trouver une formule d’ apaisement qui ménage toutes les susceptibilités, et finalement ne rie
2121 peu, pour me faire pardonner. Pédenaud est mutilé de guerre. Il boite. On lui a donné cette recette auxiliaire à titre de
2122 te auxiliaire à titre de dédommagement. Salaire : 280 francs par mois « en comptant tout ». Sa femme fait des lessives. En
2123 ommerce lui rapporte, « ça dépend des années ».   1er décembre Dépenses du premier mois dans l’île : ménage, manger et boi
2124 remier mois dans l’île : ménage, manger et boire, 480 francs ; (en général tout est plus cher qu’à Paris). Recettes : 80 fr
2125 énéral tout est plus cher qu’à Paris). Recettes : 80 francs pour quelques notes publiées dans une revue. Reste : environ 2
2126 es notes publiées dans une revue. Reste : environ 200 francs. Le sentiment de dépendre entièrement de bonnes ou de mauvaise
2127 e revue. Reste : environ 200 francs. Le sentiment de dépendre entièrement de bonnes ou de mauvaises volontés lointaines, e
2128 200 francs. Le sentiment de dépendre entièrement de bonnes ou de mauvaises volontés lointaines, et du hasard, éveille par
2129 Le sentiment de dépendre entièrement de bonnes ou de mauvaises volontés lointaines, et du hasard, éveille par résonnance u
2130 et du hasard, éveille par résonnance un sentiment de liberté, de gratuité aventureuse. Mon sort ne dépend plus de ce que j
2131 , éveille par résonnance un sentiment de liberté, de gratuité aventureuse. Mon sort ne dépend plus de ce que je puis faire
2132 de gratuité aventureuse. Mon sort ne dépend plus de ce que je puis faire ou imaginer : libération. Il faut qu’il arrive q
2133 chose. Et s’il n’arrive rien ? « On ne meurt pas de faim dans nos pays », dit-on, et je crois bien que je l’ai dit quelqu
2134 ans précédent, et des raisons toutes personnelles de ne pas appeler au secours. Pourtant je suis bien tranquille, je ne l’
2135 si absolument. C’est peut-être à cause du bonheur de notre vie. Trouver son rythme naturel, et les moyens de s’y réduire,
2136 re vie. Trouver son rythme naturel, et les moyens de s’y réduire, voilà le but de toute morale car le « bien penser » en d
2137 turel, et les moyens de s’y réduire, voilà le but de toute morale car le « bien penser » en dépend.   2 décembre Question
2138 toute morale car le « bien penser » en dépend.   2 décembre Questions. — Est-ce donc si « naturel » de vivre sur une îl
2139 décembre Questions. — Est-ce donc si « naturel » de vivre sur une île ? Est-ce que l’insularité (géographique et morale)
2140 ité (géographique et morale) n’est pas une espèce de vice ? Est-ce que ce n’est pas la racine de tout l’idéalisme dont les
2141 spèce de vice ? Est-ce que ce n’est pas la racine de tout l’idéalisme dont les modernes doivent se guérir, s’ils veulent e
2142 tuels » ? Est-ce que ce n’est pas aussi la racine de cet esprit d’abstraction égoïste dont nous souffrons tous ? Pourquoi
2143 ce que ce n’est pas aussi la racine de cet esprit d’ abstraction égoïste dont nous souffrons tous ? Pourquoi les hommes viv
2144 promenade et que nous mesurons toute l’étroitesse de notre domaine, la mer partout à dix minutes et ces marécages hostiles
2145 e l’étroitesse de notre domaine, la mer partout à dix minutes et ces marécages hostiles, nous souffrons de ne pouvoir prolo
2146 minutes et ces marécages hostiles, nous souffrons de ne pouvoir prolonger en pensée notre marche jusqu’au pays voisin. Cet
2147 i fait qu’il désire sans cesse se risquer au-delà de ce qu’il peut, et franchir au moins en pensée les bornes de ses posse
2148 l peut, et franchir au moins en pensée les bornes de ses possessions pour aller se mêler aux « autres », à l’étranger… Tou
2149 re, je ne parviens pas à partager avec les hommes de ce village ce qui est essentiel et solide dans ma vie. Le simple fait
2150 gêne constamment sensible. Et je n’ai nulle envie d’ en prendre mon parti. Dans ce qu’ils ont pu entrevoir de mon activité,
2151 rendre mon parti. Dans ce qu’ils ont pu entrevoir de mon activité, une seule chose les a frappés : ma machine à écrire. La
2152 enaud, qui est une vieille amie des propriétaires de notre maison, est venue plusieurs fois nous voir. Hier, elle m’a dema
2153 s voir. Hier, elle m’a demandé avec toutes sortes de précautions oratoires embrouillées si son fils pourrait venir aussi v
2154 dre et l’admirer. Ils ont ainsi sur moi une sorte de supériorité concrète dont je ne souffre pas dans ma vanité, c’est ent
2155 a vanité, c’est entendu, mais bien dans mon désir de sympathie humaine, d’échange direct sur pied d’égalité. Le père Renau
2156 u, mais bien dans mon désir de sympathie humaine, d’ échange direct sur pied d’égalité. Le père Renaud est un ancien marin,
2157 r de sympathie humaine, d’échange direct sur pied d’ égalité. Le père Renaud est un ancien marin, barbu, jovial, déjà touch
2158 acontés. (« Quand nous étions devant Tamatave, en 1886.  ») Il s’occupe maintenant à fabriquer un filet de quatre-vingts mètre
2159 6. ») Il s’occupe maintenant à fabriquer un filet de quatre-vingts mètres, bel ouvrage dont le détail m’intéresse. Le fils
2160 ») Il s’occupe maintenant à fabriquer un filet de quatre-vingts mètres, bel ouvrage dont le détail m’intéresse. Le fils compose des c
2161 ose des cartes postales illustrées avec des bouts de timbres-poste découpés. Je m’attarde à causer dans leur cuisine, qui
2162 plaisant que cet intérieur. Des chaises au siège de bois poli, une lourde table au centre, une autre plus petite vers la
2163 sur laquelle travaille le père Renaud. Le sol est de terre battue recouverte d’une fine couche de sable. Sur les murs blan
2164 ère Renaud. Le sol est de terre battue recouverte d’ une fine couche de sable. Sur les murs blanchis, quelques petites grav
2165 est de terre battue recouverte d’une fine couche de sable. Sur les murs blanchis, quelques petites gravures anciennes, en
2166 s, quelques petites gravures anciennes, encadrées de noir, et joliment disposées, une photo de bateau, et un vieil arbre g
2167 cadrées de noir, et joliment disposées, une photo de bateau, et un vieil arbre généalogique aux couleurs pâlies. Cet ordre
2168 tte propreté rigoureuse qui règnent ici avec tant d’ aisance, ai-je le droit de les considérer comme les symboles visibles
2169 i règnent ici avec tant d’aisance, ai-je le droit de les considérer comme les symboles visibles de l’univers intérieur de
2170 oit de les considérer comme les symboles visibles de l’univers intérieur de ces gens ?   5 décembre Ils me parlent de ce q
2171 omme les symboles visibles de l’univers intérieur de ces gens ?   5 décembre Ils me parlent de ce qui les intéresse, et je
2172 s visibles de l’univers intérieur de ces gens ?   5 décembre Ils me parlent de ce qui les intéresse, et je m’y intéresse
2173 térieur de ces gens ?   5 décembre Ils me parlent de ce qui les intéresse, et je m’y intéresse avec eux. Mais je ne puis o
2174 Mais je ne puis ou ne sais pas encore leur parler de ce qui moi, m’intéresse : je sens trop bien qu’ils n’en sont pas curi
2175 : je sens trop bien qu’ils n’en sont pas curieux. De quoi donc me parlent-ils ? Du temps, et j’aime cela comme tout le mon
2176  ? Du temps, et j’aime cela comme tout le monde ; de leur travail aux champs ou à la côte, et je les écoute avec toute l’a
2177 la côte, et je les écoute avec toute l’attention d’ un apprenti ; de leurs souvenirs, parfois touchants, parfois comiques,
2178 les écoute avec toute l’attention d’un apprenti ; de leurs souvenirs, parfois touchants, parfois comiques, toujours révéla
2179 , parfois comiques, toujours révélateurs pour moi d’ un monde non pas absolument nouveau, mais nouvellement intéressant. Et
2180 t. Et quand nous sommes en confiance, si j’essaie d’ amener l’entretien sur leurs lectures, les journaux qu’ils achètent, l
2181 nt sans intérêt. Je ne sens pas qu’ils se méfient de moi. Simplement, ils n’ont jamais formé de phrases, dans leur tête, à
2182 éfient de moi. Simplement, ils n’ont jamais formé de phrases, dans leur tête, à propos de ces choses-là. Non seulement je
2183 à. Non seulement je ne sens pas qu’ils se méfient de moi en tant qu’intellectuel ou « spécialiste », mais encore je devine
2184 viens de nommer. Ils ne se doutent pas que c’est de cela précisément qu’un écrivain peut faire sa « spécialité ». Et rien
2185 ialité ». Et rien ne les étonnerait davantage que d’ apprendre un beau jour que je m’intéresse à leurs « idées », à leur si
2186 lèmes, — et que j’en fais parfois la matière même de mon travail. J’ai quelque peine à exprimer ceci, — qui n’est précisém
2187 mer ceci, — qui n’est précisément qu’un sentiment de gêne en moi. Sentiment qu’il y a là quelque absurdité, et si énorme q
2188 ne pense à la dire… Peut-être, dans un siècle ou deux , se demandera-t-on comment nous avons pu rester si parfaitement aveug
2189 Ou bien est-ce ma gêne qui est absurde ? Essayer de confronter la culture et la réalité, c’est peut-être prouver qu’on ig
2190 uver qu’on ignore l’une et l’autre ? Ou témoigner d’ une naïveté impardonnable ? — Pourtant, je ne suis pas prêt à me donne
2191 er tort, c’est-à-dire à donner raison au bon sens de l’époque présente. Il a trop souvent fait ses preuves.   15 décembre
2192 e présente. Il a trop souvent fait ses preuves.   15 décembre Déjeuné, après le culte, chez M. Palut. Il n’est pas pasteur
2193 titre, mais seulement « évangéliste » au service d’ une œuvre missionnaire. Les évangélistes étant moins bien payés que le
2194 s bien payés que les pasteurs, dont le traitement de base est de 10 000 francs, Mme Palut est obligée de faire, quand cela
2195 que les pasteurs, dont le traitement de base est de 10 000 francs, Mme Palut est obligée de faire, quand cela se trouve,
2196 e les pasteurs, dont le traitement de base est de 10  000 francs, Mme Palut est obligée de faire, quand cela se trouve, des
2197 es pasteurs, dont le traitement de base est de 10  000 francs, Mme Palut est obligée de faire, quand cela se trouve, des rem
2198 base est de 10 000 francs, Mme Palut est obligée de faire, quand cela se trouve, des remplacements d’institutrices. Ils o
2199 de faire, quand cela se trouve, des remplacements d’ institutrices. Ils ont déjà deux garçons, et ils ont trouvé le moyen d
2200 , des remplacements d’institutrices. Ils ont déjà deux garçons, et ils ont trouvé le moyen de recueillir encore une vieille
2201 ont déjà deux garçons, et ils ont trouvé le moyen de recueillir encore une vieille Bretonne sans ressources, qui aide un p
2202 s, qui aide un peu à la cuisine et casse beaucoup d’ assiettes. Dans cette île, qui fut presque entièrement protestante au
2203 vie siècle, M. Palut n’a plus aujourd’hui qu’une centaine de paroissiens disséminés. Il en vient une dizaine au culte. Les autr
2204 le, M. Palut n’a plus aujourd’hui qu’une centaine de paroissiens disséminés. Il en vient une dizaine au culte. Les autres
2205 ntaine de paroissiens disséminés. Il en vient une dizaine au culte. Les autres habitent trop loin, ou sont indifférents. Il me
2206 Il me raconte les efforts qu’il a faits, pendant six ans, pour entrer en contact avec la population. Conférences, visites,
2207 c la population. Conférences, visites, colportage de bibles de porte en porte. On ne peut pas dire que tout ce travail épu
2208 ation. Conférences, visites, colportage de bibles de porte en porte. On ne peut pas dire que tout ce travail épuisant dans
2209 testants qui sont souvent l’élément le plus actif de la population s’expatrient volontiers, ou vont habiter les villes.) E
2210 r les villes.) En été, la petite ville se remplit de baigneurs et l’auditoire du temple est décuplé : cela suffit pour qu’
2211 a suffit pour qu’on maintienne le poste… J’essaie de me représenter l’existence quotidienne de cet homme aux prises avec l
2212 ’essaie de me représenter l’existence quotidienne de cet homme aux prises avec la solitude la plus désespérante, celle que
2213 ue lui crée l’indifférence tranquille et obstinée de ceux auprès desquels il devrait exercer sa mission. Ils ne veulent pa
2214 ne veulent pas même l’écouter, et toute sa raison d’ être est cependant de leur parler. Il n’a rien d’autre à faire, et il
2215 ’écouter, et toute sa raison d’être est cependant de leur parler. Il n’a rien d’autre à faire, et il ne peut pas le faire.
2216 d’être est cependant de leur parler. Il n’a rien d’ autre à faire, et il ne peut pas le faire. Et de plus, il est seul à c
2217 son existence sans amertume. Il ne se plaint que de son isolement intellectuel. Il trouve normal de vivre une vie humaine
2218 e de son isolement intellectuel. Il trouve normal de vivre une vie humainement absurde. Non qu’il n’en distingue pas l’abs
2219 ais simplement il sait pourquoi il la subit. Fils d’ un petit hôtelier breton d’origine catholique, il s’est converti à l’â
2220 quoi il la subit. Fils d’un petit hôtelier breton d’ origine catholique, il s’est converti à l’âge de vingt ans et depuis l
2221 n d’origine catholique, il s’est converti à l’âge de vingt ans et depuis lors il n’a jamais songé qu’il pût faire autre ch
2222 ’origine catholique, il s’est converti à l’âge de vingt ans et depuis lors il n’a jamais songé qu’il pût faire autre chose qu
2223 te qu’il n’y ait « à vues humaines » aucun espoir de se faire entendre, si le seul espoir vrai réside dans la foi, qui ord
2224 seul espoir vrai réside dans la foi, qui ordonne de parler quand même ?   Janvier (à T…) Ce séjour, par ailleurs plein d’
2225  ?   Janvier (à T…) Ce séjour, par ailleurs plein d’ agrément, ne m’a permis de faire jusqu’ici qu’une seule expérience pré
2226 our, par ailleurs plein d’agrément, ne m’a permis de faire jusqu’ici qu’une seule expérience précise et utile : celle du l
2227 ou ne pouvais plus, « perdre » une soirée, depuis six mois que je n’ai plus de travail fixe. Quand je m’arrêtais d’écrire,
2228 re » une soirée, depuis six mois que je n’ai plus de travail fixe. Quand je m’arrêtais d’écrire, par fatigue, je ne me sen
2229 je n’ai plus de travail fixe. Quand je m’arrêtais d’ écrire, par fatigue, je ne me sentais pas la bonne conscience de l’emp
2230 fatigue, je ne me sentais pas la bonne conscience de l’employé qui a fait sa journée et qui pense maintenant à autre chose
2231 et qui pense maintenant à autre chose. Une sorte d’ impatience me tarabustait encore, me ramenait sans cesse aux mêmes pré
2232 cette vacance où les idées et sentiments changent de climat. Le loisir n’est pas simplement la cessation du travail pour u
2233 r — et c’est cela qui le différencie profondément d’ un chômeur industriel, par exemple — mais il ne connaît plus de vrais
2234 industriel, par exemple — mais il ne connaît plus de vrais loisirs.   23 janvier (écrit sur la dune) Il ne faut pas se met
2235 ple — mais il ne connaît plus de vrais loisirs.   23 janvier (écrit sur la dune) Il ne faut pas se mettre en colère au moi
2236 dune) Il ne faut pas se mettre en colère au mois de janvier. C’est une saison abstraite, on n’atteint presque rien. Le so
2237 agrandit les regards sans nourrir la vision. Pas de mouches dans la lumière au ras des landes. Lucidité stérile du bel hi
2238 craindre qu’elle ne m’attaque par désir famélique de créer du nouveau. Car c’est une consolation aussi que d’avoir à faire
2239 r du nouveau. Car c’est une consolation aussi que d’ avoir à faire face à quelque catastrophe intime. Certains jours on don
2240 jours on donnerait beaucoup pour une bonne raison de désespérer, pour une bonne et impérieuse raison d’abandonner cette pa
2241 e désespérer, pour une bonne et impérieuse raison d’ abandonner cette partie mal engagée, ma vie, et de se retrouver neuf,
2242 d’abandonner cette partie mal engagée, ma vie, et de se retrouver neuf, enfantin, ou tout simplement jeune devant un prése
2243 te partie mal engagée, ma vie, et de se retrouver neuf , enfantin, ou tout simplement jeune devant un présent ouvert de tous
2244 ou tout simplement jeune devant un présent ouvert de tous côtés… Une seule vertu peut alors nous sauver de cette tentation
2245 ous côtés… Une seule vertu peut alors nous sauver de cette tentation du désespoir, et c’est l’humilité. Si je ne suis pas
2246 Ainsi je me renouvelle lentement. C’est un moyen de sortir de l’impasse : non pas en changeant ses données, mais soi-même
2247 me renouvelle lentement. C’est un moyen de sortir de l’impasse : non pas en changeant ses données, mais soi-même.   28 fév
2248 on pas en changeant ses données, mais soi-même.   28 février Gens. Il est très impressionnant de se demander en face de c
2249 e.   28 février Gens. Il est très impressionnant de se demander en face de ces hommes, à quelques mètres d’eux, quand ils
2250 demander en face de ces hommes, à quelques mètres d’ eux, quand ils travaillent sur leur parcelle, ce que signifient les mé
2251 méthodes productivistes et la démesure collective d’ un plan quinquennal. Le silence de la lande et des marais, la rumeur d
2252 sure collective d’un plan quinquennal. Le silence de la lande et des marais, la rumeur de la côte, les petits chocs irrégu
2253 . Le silence de la lande et des marais, la rumeur de la côte, les petits chocs irréguliers des pioches et des bouelles, to
2254 rs des pioches et des bouelles, tout ce qu’il y a de paisible, de grand, de mesquin, de millénaire dans cette faible activ
2255 s et des bouelles, tout ce qu’il y a de paisible, de grand, de mesquin, de millénaire dans cette faible activité humaine a
2256 ouelles, tout ce qu’il y a de paisible, de grand, de mesquin, de millénaire dans cette faible activité humaine au ras du s
2257 t ce qu’il y a de paisible, de grand, de mesquin, de millénaire dans cette faible activité humaine au ras du sol, sous ce
2258 vérité » brutaliser et bouleverser à grand fracas de moteurs et de règlements de fer les rythmes de cette île et de ces vi
2259 liser et bouleverser à grand fracas de moteurs et de règlements de fer les rythmes de cette île et de ces vies ?   3 avril
2260 verser à grand fracas de moteurs et de règlements de fer les rythmes de cette île et de ces vies ?   3 avril La solitude e
2261 as de moteurs et de règlements de fer les rythmes de cette île et de ces vies ?   3 avril La solitude est une jeunesse. El
2262 de règlements de fer les rythmes de cette île et de ces vies ?   3 avril La solitude est une jeunesse. Elle nous apprend
2263 e fer les rythmes de cette île et de ces vies ?   3 avril La solitude est une jeunesse. Elle nous apprend cette chose nou
2264 nts, chose nouvelle au goût du souvenir, que trop de téléphones à la ville, d’heures de bureau, d’impitoyables rendez-vous
2265 t du souvenir, que trop de téléphones à la ville, d’ heures de bureau, d’impitoyables rendez-vous, d’indifférence avaient r
2266 enir, que trop de téléphones à la ville, d’heures de bureau, d’impitoyables rendez-vous, d’indifférence avaient repoussée
2267 rop de téléphones à la ville, d’heures de bureau, d’ impitoyables rendez-vous, d’indifférence avaient repoussée dans nos lo
2268 , d’heures de bureau, d’impitoyables rendez-vous, d’ indifférence avaient repoussée dans nos lombes ; cette chose toujours
2269 chose toujours neuve et nouvelle qu’est l’attente d’ on ne sait quoi. Condition véritable de l’homme : il est celui qui agi
2270 l’attente d’on ne sait quoi. Condition véritable de l’homme : il est celui qui agit dans l’attente. Il attend des révélat
2271  ? Si je gratte pendant des heures ce coin réduit de terre caillouteuse, c’est pour un printemps qui viendra. C’est pour g
2272 e l’avenir — et l’imagine nécessairement sur fond de mort. (La jeunesse qui est l’âge de l’attente la plus ardente de la v
2273 ment sur fond de mort. (La jeunesse qui est l’âge de l’attente la plus ardente de la vie est aussi l’âge le plus familier
2274 unesse qui est l’âge de l’attente la plus ardente de la vie est aussi l’âge le plus familier avec la mort.) Ainsi nos gest
2275 nt inacceptable, qui ne s’ouvre pas sur l’attente d’ une révélation à venir, et d’une « consolation » finale. (Consolation
2276 re pas sur l’attente d’une révélation à venir, et d’ une « consolation » finale. (Consolation signifiant selon l’étymologie
2277 onances en un accord qui comble toute attente.)   7 avril Recette pour vivre de peu. La première condition c’est de gagn
2278 ble toute attente.)   7 avril Recette pour vivre de peu. La première condition c’est de gagner peu. (J’ai écrit cela, je
2279 te pour vivre de peu. La première condition c’est de gagner peu. (J’ai écrit cela, je me le rappelle, peu de temps après n
2280 ppelle, peu de temps après notre arrivée, au haut d’ une page que je retrouve dans une pile de notes. La page est restée bl
2281 au haut d’une page que je retrouve dans une pile de notes. La page est restée blanche. Et toute réflexion faite, c’est bi
2282 xion faite, c’est bien ainsi, et très complet.)   10 avril Je n’ai pas encore parlé de la poule, la triste et digne poule
2283 rès complet.)   10 avril Je n’ai pas encore parlé de la poule, la triste et digne poule noire qui habite seule au bout du
2284 là qu’hier, elle a pondu. Et ce matin de nouveau. De très gros œufs, me semble-t-il. (Où va se loger la vanité !)   14 avr
2285 s, me semble-t-il. (Où va se loger la vanité !)   14 avril La culture et les gens. Souvent, quand je me tire du livre que
2286 nd je me tire du livre que j’écris — sur la crise de la cultureaf — pour causer avec la laitière ou la factrice, ou le pos
2287 assez normal : il y a l’obstacle du vocabulaire, d’ une certaine technique des idées, etc., mais encore ils ne comprendrai
2288 etc., mais encore ils ne comprendraient pas même de quoi il s’agit quand je parle d’eux précisément, et des problèmes qui
2289 draient pas même de quoi il s’agit quand je parle d’ eux précisément, et des problèmes qui intéressent leur existence. J’au
2290 liquer chaque terme. Ils n’y reconnaîtraient rien de ce qui les « soucie », amuse, occupe, ou intéresse. Vraiment non, ce
2291 ent non, ce chapitre sur « l’origine rationaliste de la scission entre la culture et le peuple », cela ne peut accrocher à
2292 arbe et sa casquette, et qui continue à me parler de la pêche, de son filet qui a été emporté hier, etc. Quel sens concret
2293 squette, et qui continue à me parler de la pêche, de son filet qui a été emporté hier, etc. Quel sens concret cela peut-il
2294 é hier, etc. Quel sens concret cela peut-il avoir de parler de la « scission » entre cet homme et la culture ? N’y a-t-il
2295 c. Quel sens concret cela peut-il avoir de parler de la « scission » entre cet homme et la culture ? N’y a-t-il pas là deu
2296 entre cet homme et la culture ? N’y a-t-il pas là deux mondes qui n’ont jamais eu de contact, ni jamais de commune mesure ?
2297 N’y a-t-il pas là deux mondes qui n’ont jamais eu de contact, ni jamais de commune mesure ? Je reviens à mes pages, bien d
2298 mondes qui n’ont jamais eu de contact, ni jamais de commune mesure ? Je reviens à mes pages, bien décidé à les refaire de
2299 Je reviens à mes pages, bien décidé à les refaire de fond en comble, à simplifier, à concrétiser, à essayer de les rendre
2300 en comble, à simplifier, à concrétiser, à essayer de les rendre telles qu’elles puissent, je ne dis pas être comprises, ma
2301 Eh bien, voilà le résultat : après une demi-heure de relecture attentive, j’ai rajouté quelques virgules, précisé quelques
2302 gules, précisé quelques termes trop vagues, barré cinq lignes et mis une note au bas de la page. Il me semble vraiment que c
2303 concret. Je me dis que cette impression et celle de tout à l’heure s’excluent en fait. Mais je n’arrive plus du tout à re
2304 je n’arrive plus du tout à retrouver ce sentiment d’ absurdité que provoquait en moi, précisément, la présence physique d’u
2305 voquait en moi, précisément, la présence physique d’ un homme, confrontée avec les idées que j’avais en tête. Il y a probab
2306 rdité que j’éprouvais, mais aussi l’impossibilité de la sentir avec quelque vivacité, sauf par éclairs, dans la rue, par e
2307 retrouver le souvenir autrement que par un effort de réflexion qui me laisse assez froid. La culture m’a repris. Je suis d
2308 la thèse que je défends est vraie !… Il y aurait de quoi s’arrêter de penser, si l’on pouvait. Le principe de toute cultu
2309 éfends est vraie !… Il y aurait de quoi s’arrêter de penser, si l’on pouvait. Le principe de toute culture véritable n’est
2310 s’arrêter de penser, si l’on pouvait. Le principe de toute culture véritable n’est-il pas cette commune mesure, sinon de r
2311 éritable n’est-il pas cette commune mesure, sinon de raisons formulables, du moins… d’angoisse, ou de vision finale, qu’il
2312 e mesure, sinon de raisons formulables, du moins… d’ angoisse, ou de vision finale, qu’il s’agit de maintenir par un consta
2313 de raisons formulables, du moins… d’angoisse, ou de vision finale, qu’il s’agit de maintenir par un constant effort entre
2314 ns… d’angoisse, ou de vision finale, qu’il s’agit de maintenir par un constant effort entre nos belles séries de pensées e
2315 ir par un constant effort entre nos belles séries de pensées et la diversité désordonnée des êtres et des choses, où nous
2316 rité, que si je me sens et me connais participant de ce monde « mal compassé ».   16 avril La poule noire couve depuis hie
2317 nnais participant de ce monde « mal compassé ».   16 avril La poule noire couve depuis hier ses treize œufs. J’ai semé des
2318 .   16 avril La poule noire couve depuis hier ses treize œufs. J’ai semé des salades, planté des choux, enfoncé une à une des
2319 , planté des choux, enfoncé une à une des graines de haricots dans un sillon tiré à la ficelle. Plaisir d’avoir les doigts
2320 aricots dans un sillon tiré à la ficelle. Plaisir d’ avoir les doigts et les ongles terreux ; toujours ce goût d’enfance… J
2321 s doigts et les ongles terreux ; toujours ce goût d’ enfance… Je ne me sens plus « éloigné de Paris », mais au centre de mo
2322 s ce goût d’enfance… Je ne me sens plus « éloigné de Paris », mais au centre de mon domaine ; et c’est Paris qui est loin
2323 me sens plus « éloigné de Paris », mais au centre de mon domaine ; et c’est Paris qui est loin maintenant, peu vraisemblab
2324 qui baigne le jardin fleuri, éclate sur la façade de la maison, plus claire que le ciel vide, et illumine la goutte rose d
2325 aire que le ciel vide, et illumine la goutte rose d’ une fourmi ailée qui danse au-dessus de mon verre de vin blanc.   Mai
2326 outte rose d’une fourmi ailée qui danse au-dessus de mon verre de vin blanc.   Mai La mer est d’un vert bleu crayeux, très
2327 une fourmi ailée qui danse au-dessus de mon verre de vin blanc.   Mai La mer est d’un vert bleu crayeux, très froide encor
2328 essus de mon verre de vin blanc.   Mai La mer est d’ un vert bleu crayeux, très froide encore. On ne peut guère que se trem
2329 ges blancs au-dessus des lagunes. Une odeur forte de varech séché vient des champs et des vignes sablonneuses.   21 mai Pe
2330 hé vient des champs et des vignes sablonneuses.   21 mai Pendant les jours de grande marée, entre deux flux, d’immenses pl
2331 s vignes sablonneuses.   21 mai Pendant les jours de grande marée, entre deux flux, d’immenses plateaux rocheux, pourpres,
2332   21 mai Pendant les jours de grande marée, entre deux flux, d’immenses plateaux rocheux, pourpres, jaunes et noirs se révèl
2333 ndant les jours de grande marée, entre deux flux, d’ immenses plateaux rocheux, pourpres, jaunes et noirs se révèlent au-de
2334 ux, pourpres, jaunes et noirs se révèlent au-delà de la plage, nouveau pays tout grouillant de merveilles, d’eaux ruissela
2335 au-delà de la plage, nouveau pays tout grouillant de merveilles, d’eaux ruisselantes et de vies monstrueuses, soudain port
2336 lage, nouveau pays tout grouillant de merveilles, d’ eaux ruisselantes et de vies monstrueuses, soudain porté à la lumière
2337 grouillant de merveilles, d’eaux ruisselantes et de vies monstrueuses, soudain porté à la lumière de midi. Armés de treil
2338 ueuses, soudain porté à la lumière de midi. Armés de treilles à long manche, les jambes nues, nous courons sur les roches
2339 ambes nues, nous courons sur les roches tapissées d’ algues sombres dont le crépitement sous nos pas fait fuir et choir de
2340 nt le crépitement sous nos pas fait fuir et choir de tous côtés de petits crabes. Des ruisseaux, des rivières impétueuses
2341 ent sous nos pas fait fuir et choir de tous côtés de petits crabes. Des ruisseaux, des rivières impétueuses parcourent ce
2342 dans l’eau jusqu’aux genoux, les jambes caressées de courants froids, de courants tièdes, de poissons, de crabiots et de l
2343 genoux, les jambes caressées de courants froids, de courants tièdes, de poissons, de crabiots et de laines. À quelques mè
2344 caressées de courants froids, de courants tièdes, de poissons, de crabiots et de laines. À quelques mètres de la mer qui a
2345 courants froids, de courants tièdes, de poissons, de crabiots et de laines. À quelques mètres de la mer qui affleure le tr
2346 , de courants tièdes, de poissons, de crabiots et de laines. À quelques mètres de la mer qui affleure le tranchant du plat
2347 sons, de crabiots et de laines. À quelques mètres de la mer qui affleure le tranchant du plateau, la rivière s’élargit en
2348 cler sous les bords, dans le sable et les paquets d’ algues, avec le cercle rigide du filet, puis retirer vivement la treil
2349 ent la treille et l’égoutter. On ramène un paquet de varech, un ou deux crabes tout terreux, et parfois en se penchant sur
2350 l’égoutter. On ramène un paquet de varech, un ou deux crabes tout terreux, et parfois en se penchant sur la treille, on voi
2351 ois en se penchant sur la treille, on voit bondir d’ un bord à l’autre quelque chose de transparent, ou de rosé, ou de verd
2352 on voit bondir d’un bord à l’autre quelque chose de transparent, ou de rosé, ou de verdâtre, qu’il faut attraper comme un
2353 n bord à l’autre quelque chose de transparent, ou de rosé, ou de verdâtre, qu’il faut attraper comme une mouche et qui vou
2354 utre quelque chose de transparent, ou de rosé, ou de verdâtre, qu’il faut attraper comme une mouche et qui vous saute enco
2355 saute encore dans la main et vous gratte la paume de ses antennes, de ses écailles et de ses pattes. On fourre cela dans l
2356 la main et vous gratte la paume de ses antennes, de ses écailles et de ses pattes. On fourre cela dans le sachet que l’on
2357 atte la paume de ses antennes, de ses écailles et de ses pattes. On fourre cela dans le sachet que l’on porte attaché à la
2358 ’on porte attaché à la ceinture et qui se remplit de tressaillements. Nous ne gardons que les plus belles crevettes, gross
2359 es plus belles crevettes, grosses comme le doigt, d’ un rose sombre, aux longues antennes grenat. — On cuit les crevettes t
2360 les crevettes toutes vivantes, en les jetant dans de l’eau qui bout. Après des soubresauts terribles — une ou deux sautent
2361 ui bout. Après des soubresauts terribles — une ou deux sautent hors de la casserole —, elles se recroquevillent, rougissent,
2362 t, mais qu’est-ce que cela veut dire ? Je parlais de « l’attente ardente » des créatures, songeant au passage où l’Apôtre
2363 passage où l’Apôtre nous fait entendre ce soupir de toute la Création vers la révélation des « enfants de lumière », et l
2364 oute la Création vers la révélation des « enfants de lumière », et la restauration de l’ordre originel. Et voilà pratiquem
2365 on des « enfants de lumière », et la restauration de l’ordre originel. Et voilà pratiquement la réponse de l’homme : pilla
2366 ’ordre originel. Et voilà pratiquement la réponse de l’homme : pillage, ruses, destruction, dévoration, le tout accompagné
2367 uses, destruction, dévoration, le tout accompagné de sentiments « humains », admiration, répulsion, pitié, etc. En somme,
2368 cela me fend le cœur ! » Voilà la dernière trace de la conscience cosmique en nous, de la conscience de notre royauté néc
2369 dernière trace de la conscience cosmique en nous, de la conscience de notre royauté nécessaire et réparatrice. Il est prob
2370 la conscience cosmique en nous, de la conscience de notre royauté nécessaire et réparatrice. Il est probable que le tigre
2371 de déchiqueter une jeune gazelle ne fait pas tant d’ histoires, ne fait pas de sentiment. Et pourtant, ma sensiblerie n’est
2372 gazelle ne fait pas tant d’histoires, ne fait pas de sentiment. Et pourtant, ma sensiblerie n’est hypocrite que parce qu’e
2373 insuffisante. Elle est plus juste, et plus digne de l’homme que ces vertus de carnassiers que nous partageons, d’ailleurs
2374 us juste, et plus digne de l’homme que ces vertus de carnassiers que nous partageons, d’ailleurs maladroitement, avec le t
2375 ans l’homme une vocation surnaturelle, la mission de restaurer l’harmonie primitive, que mon scrupule se justifie : il app
2376 er écho, le dernier reproche, la dernière plainte de la justice cosmique blessée. Comme une prière muette en moi, toute ma
2377 muette en moi, toute machinale et tout obscure.   24 mai On dirait que l’homme n’est pas fait pour durer : la vie étale no
2378 et ce qui meurt qui nous émeut. Cette nuit, avant d’ aller me coucher, j’ai été voir au poulailler. (Nous attendions depuis
2379 i été voir au poulailler. (Nous attendions depuis deux jours l’éclosion des œufs.) Il me semble qu’il se passe des choses au
2380 r une bougie, je réveille ma femme. Nous essayons de soulever par les ailes la poule qui fait un caquet déchirant : elle s
2381 elle serre entre ses pattes un œuf à demi ouvert d’ où sort un long cou maigre, tout humide. Un poulet gris, déjà séché, p
2382 es, œufs, poulets, en quelques mouvements, ramène deux œufs sous son aile, fait sortir une coque vide, et reprend, l’œil fix
2383 de, et reprend, l’œil fixe, son travail invisible de mère. C’est beau. C’est fascinant. C’est grave et mystérieux, pacifia
2384 e et mystérieux, pacifiant comme la démonstration d’ une absolue sagesse à l’œuvre dans cette vie. Il y a sur toute la terr
2385 l’œuvre dans cette vie. Il y a sur toute la terre de ces moments de pureté. Il faut penser à eux quand on juge « le monde 
2386 tte vie. Il y a sur toute la terre de ces moments de pureté. Il faut penser à eux quand on juge « le monde »… Nous mangeon
2387 n’ont que quelques feuilles. Mais avec le produit de nos pêches, les bons de pain, le reste du tonneau de vin blanc, nous
2388 les. Mais avec le produit de nos pêches, les bons de pain, le reste du tonneau de vin blanc, nous pourrions subsister sans
2389 nos pêches, les bons de pain, le reste du tonneau de vin blanc, nous pourrions subsister sans argent pendant quelques sema
2390 ant quelques semaines encore. Il me reste environ 300 francs. Mais de nouveau plus rien à espérer avant longtemps en fait d
2391 uveau plus rien à espérer avant longtemps en fait de « rentrées ».   14 juin Hier soir, j’avais fait une dernière revue de
2392 spérer avant longtemps en fait de « rentrées ».   14 juin Hier soir, j’avais fait une dernière revue de nos possibilités d
2393 4 juin Hier soir, j’avais fait une dernière revue de nos possibilités de subsister pendant les semaines qui viennent. Arti
2394 avais fait une dernière revue de nos possibilités de subsister pendant les semaines qui viennent. Articles, zéro. Traducti
2395 e non payante. Autres ressources : néant. Reste : 90 francs. Ce matin, nous avons décidé de réagir. Quand une auto risque
2396 t. Reste : 90 francs. Ce matin, nous avons décidé de réagir. Quand une auto risque de rater le tournant emportée par la fo
2397 ous avons décidé de réagir. Quand une auto risque de rater le tournant emportée par la force centrifuge, il ne faut pas fr
2398 a factrice. Une grosse enveloppe cachetée, venant de l’étranger. En-tête d’une fondation littéraire. Il faut d’abord signe
2399 enveloppe cachetée, venant de l’étranger. En-tête d’ une fondation littéraire. Il faut d’abord signer, c’est recommandé. En
2400 ut juste le nom. Que je n’aurais jamais eu l’idée de solliciter. Et qui m’est octroyé pour un petit livre paru sans bruit
2401 é pour un petit livre paru sans bruit il y a plus de dix-huit mois. Les hommes sont bons, du moins certains d’entre eux. S
2402 our un petit livre paru sans bruit il y a plus de dix-huit mois. Les hommes sont bons, du moins certains d’entre eux. Sur le mom
2403 te. Ensuite j’ai calculé que cela nous permettait de passer l’été ici sans inquiétude. Ou encore, de le passer ailleurs, s
2404 t de passer l’été ici sans inquiétude. Ou encore, de le passer ailleurs, sans ennui. Cela probablement parce que j’étais à
2405 n’écrivais plus à personne. Je crois à la valeur d’ appel de l’absence, ou plutôt du retrait. (Il ne faut pas que ce soit
2406 ais plus à personne. Je crois à la valeur d’appel de l’absence, ou plutôt du retrait. (Il ne faut pas que ce soit une fein
2407 véritable non-espoir). Équivalent, pour la façon de traiter la vie, de la médecine des homéopathes.   16 juin La banque d
2408 ir). Équivalent, pour la façon de traiter la vie, de la médecine des homéopathes.   16 juin La banque d’A. n’est ouverte q
2409 traiter la vie, de la médecine des homéopathes.   16 juin La banque d’A. n’est ouverte qu’un jour par semaine. Ce n’est qu
2410 la médecine des homéopathes.   16 juin La banque d’ A. n’est ouverte qu’un jour par semaine. Ce n’est qu’aujourd’hui que j
2411 passe sa portette et vient me prier à voix basse d’ aller attendre dans la pièce voisine. J’attends je ne sais combien de
2412 ns la pièce voisine. J’attends je ne sais combien de temps, je n’ai pas de montre, mais c’est très long. Aucun bruit de vo
2413 ’attends je ne sais combien de temps, je n’ai pas de montre, mais c’est très long. Aucun bruit de voix dans la salle de la
2414 pas de montre, mais c’est très long. Aucun bruit de voix dans la salle de la caisse. Le client est-il sorti ? Quel peut ê
2415 ’est très long. Aucun bruit de voix dans la salle de la caisse. Le client est-il sorti ? Quel peut être le motif de cette
2416 Le client est-il sorti ? Quel peut être le motif de cette audience privée ? Enfin j’entends qu’on sort, et le gérant vien
2417 . Notre affaire réglée, il croit devoir s’excuser de m’avoir fait passer à côté tout à l’heure. « Vous savez, c’est la cou
2418 s la salle quand ils payent ou quand ils touchent de l’argent ! C’est qu’ils sont très spéciaux les gens d’ici ! Moi je n’
2419 ochaine sur le continent) ils n’auraient pas idée de ça, au contraire, ils sont tout fiers de venir à la banque. Ici, on a
2420 pas idée de ça, au contraire, ils sont tout fiers de venir à la banque. Ici, on a dû faire cette salle d’attente… » Autant
2421 venir à la banque. Ici, on a dû faire cette salle d’ attente… » Autant que j’en puis juger d’après les propos du gérant, ce
2422 tout légitime, qu’on sache combien ils ont « mis de côté », qui peut expliquer le comportement des gens d’ici. Il faut ad
2423 te tout à fait particulière s’attache au commerce de l’argent.   20 juin Les gens. Je feuillette ce journal : voici des s
2424 particulière s’attache au commerce de l’argent.   20 juin Les gens. Je feuillette ce journal : voici des semaines qu’il n
2425 plus guère à leurs affaires. J’ai pris mon parti de cet équilibre indifférent et cordial qui a fini par s’établir entre n
2426 s’établir entre nous : et il ne reste que l’ennui de nos conversations toujours pareilles. Grande différence entre eux et
2427 r milieu, comme les animaux. Ils ne se posent pas de questions gênantes. Or, c’est mon métier d’en poser… Il vaut mieux pa
2428 t pas de questions gênantes. Or, c’est mon métier d’ en poser… Il vaut mieux partir quand on en est là. Quand on en est à n
2429 a situation n’est plus humaine, elle ne pose plus de questions utiles.   2 juillet La sécheresse a été la plus forte : mal
2430 humaine, elle ne pose plus de questions utiles.   2 juillet La sécheresse a été la plus forte : malgré nos arrosages, les
2431 s n’avons plus la même patience, depuis qu’il y a de l’argent dans un tiroir. Cela signifie que j’ai cessé d’être chômeur.
2432 gent dans un tiroir. Cela signifie que j’ai cessé d’ être chômeur. Le départ est fixé au 10. Il va falloir vendre la poule
2433 j’ai cessé d’être chômeur. Le départ est fixé au 10. Il va falloir vendre la poule noire et les poulets encore trop jeunes
2434 ulets encore trop jeunes pour être mangés. Régler vingt petites choses de cette espèce. Petites choses pour la première fois
2435 nes pour être mangés. Régler vingt petites choses de cette espèce. Petites choses pour la première fois mesquines…   10 ju
2436 Petites choses pour la première fois mesquines…   10 juillet Tout est bouclé, ficelé, cloué. Il me reste à peu près deux h
2437 est bouclé, ficelé, cloué. Il me reste à peu près deux heures, avant le départ, pour faire un peu de sentiment sur l’île, et
2438 faire un peu de sentiment sur l’île, et le bilan de l’année écoulée. Bilan. S’installer dans la pauvreté comme dans un c
2439 S’installer dans la pauvreté comme dans un champ d’ activité nouveau, avec l’ardeur et les curiosités naïves du débutant,
2440 s naïves du débutant, cela suppose beaucoup moins de courage que bien des jeunes bourgeois ne l’imaginent : ceux qui voudr
2441 le saut. Peut-être leur suffirait-il, pour oser, d’ une vision précise de cet état qu’ils rêvent et craignent. J’ai pensé
2442 eur suffirait-il, pour oser, d’une vision précise de cet état qu’ils rêvent et craignent. J’ai pensé plus d’une fois qu’il
2443 état qu’ils rêvent et craignent. J’ai pensé plus d’ une fois qu’il pourrait être utile de décrire ma petite expérience d’i
2444 i pensé plus d’une fois qu’il pourrait être utile de décrire ma petite expérience d’intellectuel en chômage ; qu’il pourra
2445 urrait être utile de décrire ma petite expérience d’ intellectuel en chômage ; qu’il pourrait être utile de montrer qu’on p
2446 tellectuel en chômage ; qu’il pourrait être utile de montrer qu’on peut sortir des villes où se font les « carrières » san
2447 s villes où se font les « carrières » sans sortir de la vie véritable ; et qu’on peut vivre de très peu sans cesser de viv
2448 sortir de la vie véritable ; et qu’on peut vivre de très peu sans cesser de vivre son plein. Voici un an bientôt que j’ai
2449 ble ; et qu’on peut vivre de très peu sans cesser de vivre son plein. Voici un an bientôt que j’ai quitté Paris. Voici un
2450 nt triste. Je suis devenu tout doucement amoureux de ma vie, et je crois bien que c’est un penchant qu’elle agrée. Non poi
2451 u’elle agrée. Non point qu’elle me paye en retour de surprises multipliées : peu d’aventures dans l’existence d’un homme q
2452 me paye en retour de surprises multipliées : peu d’ aventures dans l’existence d’un homme qui cherche à se posséder plutôt
2453 es multipliées : peu d’aventures dans l’existence d’ un homme qui cherche à se posséder plutôt qu’à se fuir dans les hasard
2454 fuir dans les hasards. C’est sans doute un effet de la trentaine qui approche : je n’espère plus, comme à vingt ans, renc
2455 rentaine qui approche : je n’espère plus, comme à vingt ans, rencontrer le « réel » ou la « vraie vie » dans je ne sais quell
2456 lle embuscade du destin, comme qui dirait au coin d’ un bois. Je crois que le réel est à portée de la main, et n’est que là
2457 coin d’un bois. Je crois que le réel est à portée de la main, et n’est que là. Alors il s’agit seulement d’assurer la pris
2458 main, et n’est que là. Alors il s’agit seulement d’ assurer la prise de cette main. C’est l’affaire d’une patience, ou d’u
2459 là. Alors il s’agit seulement d’assurer la prise de cette main. C’est l’affaire d’une patience, ou d’une impatience domin
2460 d’assurer la prise de cette main. C’est l’affaire d’ une patience, ou d’une impatience dominée, — et sans doute qu’une cert
2461 de cette main. C’est l’affaire d’une patience, ou d’ une impatience dominée, — et sans doute qu’une certaine pauvreté pouva
2462 eule m’y forcer utilement. ae. Rougemont Denis de , « N’habitez pas les villes (Extrait d’un journal) », La Nouvelle Rev
2463 ont Denis de, « N’habitez pas les villes (Extrait d’ un journal) », La Nouvelle Revue française, Paris, juillet 1937, p. 63
2464 l) », La Nouvelle Revue française, Paris, juillet 1937, p. 63-87. af. Il s’agit de Penser avec les mains .
2465 se, Paris, juillet 1937, p. 63-87. af. Il s’agit de Penser avec les mains .
30 1937, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Gösta Berling, par Selma Lagerlöf (novembre 1937)
2466 Gösta Berling, par Selma Lagerlöf (novembre 1937 )ag Le monde entier connaît la geste de cette communauté de sans-fo
2467 embre 1937)ag Le monde entier connaît la geste de cette communauté de sans-foyers, d’âmes sauvages et musiciennes, les
2468 monde entier connaît la geste de cette communauté de sans-foyers, d’âmes sauvages et musiciennes, les douze « Cavaliers »
2469 naît la geste de cette communauté de sans-foyers, d’ âmes sauvages et musiciennes, les douze « Cavaliers » d’Ekeby, qui rég
2470 sans-foyers, d’âmes sauvages et musiciennes, les douze « Cavaliers » d’Ekeby, qui régnèrent d’un Noël à l’autre sur la provi
2471 sauvages et musiciennes, les douze « Cavaliers » d’ Ekeby, qui régnèrent d’un Noël à l’autre sur la province du Warmland,
2472 s, les douze « Cavaliers » d’Ekeby, qui régnèrent d’ un Noël à l’autre sur la province du Warmland, s’étant juré de ne rien
2473 l’autre sur la province du Warmland, s’étant juré de ne rien accomplir d’utile ni de raisonnable. Voici l’histoire, tradui
2474 ce du Warmland, s’étant juré de ne rien accomplir d’ utile ni de raisonnable. Voici l’histoire, traduite tout entière pour
2475 and, s’étant juré de ne rien accomplir d’utile ni de raisonnable. Voici l’histoire, traduite tout entière pour la première
2476 gnifiques, tout cela digne du chef-d’œuvre épique de la littérature moderne. Kipling mort, il ne reste que Selma Lagerlöf
2477 et gracieuses, réalistes et romanesques, pleines de malices et de profondes audaces. Des histoires que l’on croit intégra
2478 , réalistes et romanesques, pleines de malices et de profondes audaces. Des histoires que l’on croit intégralement parce q
2479 romanciers, terrorisés par une sadique « défense d’ inventer », s’épuisent à rechercher le vraisemblable, en même temps qu
2480 er différente. Elle n’aime que celui qui se moque d’ elle et qui n’en fait qu’à ses façons. Elle aime les grands rhétoricie
2481 u’à ses façons. Elle aime les grands rhétoriciens de l’imagination fabulatrice. Elle se précipite avec fougue dans leurs p
2482 votre joie ou à vos larmes. Il y a quelque chose de « glorieux » — au sens baroque, impertinent et emphatique du mot — da
2483 atique du mot — dans la virtuosité et les malices de ce génie de la fable nordique. Lagerlöf ou la gloire de conter ! Jusq
2484 t — dans la virtuosité et les malices de ce génie de la fable nordique. Lagerlöf ou la gloire de conter ! Jusqu’au moment
2485 génie de la fable nordique. Lagerlöf ou la gloire de conter ! Jusqu’au moment où l’imagination, ranimant les grands rythme
2486 humain, nous jette dans le grand jeu du péché et de la grâce, et se confond avec la Charité. Imaginer, à ce degré, c’est
2487 onde. C’est le placer sous la lumière fantastique de la Promesse, au point où tout se renverse, où le ciel s’ouvre sur le
2488 démon découvre que son œuvre a libéré les hommes de leur bonheur, et la vie de l’obsession de vivre. Cette année folle, i
2489 re a libéré les hommes de leur bonheur, et la vie de l’obsession de vivre. Cette année folle, inaugurée par un traité avec
2490 hommes de leur bonheur, et la vie de l’obsession de vivre. Cette année folle, inaugurée par un traité avec le diable, vie
2491 traité avec le diable, vient mourir dans la nuit de Noël au rythme familier des marteaux de la forge rebâtie. Les Cavalie
2492 s la nuit de Noël au rythme familier des marteaux de la forge rebâtie. Les Cavaliers, « appelés à faire vivre la joie dans
2493 ont appris à leur façon « les riches alternances de la vie ». Mais c’est aussi au peuple entier qu’ils ont appris sa gloi
2494 égende, malgré toutes ses romances et ses idylles d’ une pureté dramatique. Les forges, les charrois de minerai, le trafic
2495 d’une pureté dramatique. Les forges, les charrois de minerai, le trafic des chalands, l’économie agraire, tout cela ne jou
2496 éalité sociale plus toutes les autres. Et l’amour d’ une femme pour son peuple, au lieu de ces vantardises en service comma
2497 e, au lieu de ces vantardises en service commandé d’ oudarnikis plus ou moins décorés. Selma Lagerlöf est la seule femme de
2498 moins décorés. Selma Lagerlöf est la seule femme de la littérature européenne dont le génie ait eu la force de recréer un
2499 térature européenne dont le génie ait eu la force de recréer un pays tout entier, avec ses classes et ses institutions, se
2500 ut penser que l’inscription qu’on lit au Pavillon de la Suède éclaire à sa façon les arrière-plans de ce miracle : « Il y
2501 de la Suède éclaire à sa façon les arrière-plans de ce miracle : « Il y a mille ans que le peuple suédois est son propre
2502 façon les arrière-plans de ce miracle : « Il y a mille ans que le peuple suédois est son propre maître. Tous les Suédois, ho
2503 emmes, jouissent des mêmes droits politiques. » 47. On n’en connaissait jusqu’ici qu’une adaptation abrégée, selon la cou
2504 ques nécessités du commerce le plus mal compris. 48. Descriptions, rétrospections, coups de théâtre, contrastes, exagérati
2505 compris. 48. Descriptions, rétrospections, coups de théâtre, contrastes, exagérations soutenues, coïncidences, catastroph
2506 ces, catastrophes naturelles, et tous les emplois de la fable suédoise : trolls, sorcières, belles jeunes filles courtisée
2507 s, vieux pasteurs ivrognes ou avares, demoiselles de compagnie sentimentales, maîtres de forges vendus au diable, etc. ag
2508 , demoiselles de compagnie sentimentales, maîtres de forges vendus au diable, etc. ag. Rougemont Denis de, « [Compte ren
2509 rges vendus au diable, etc. ag. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Selma Lagerlöf, Gösta Berling  », La Nouvelle Revue
2510  », La Nouvelle Revue française, Paris, novembre 1937, p. 857-859.
31 1937, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Au dossier d’une vieille querelle (novembre 1937)
2511 Au dossier d’ une vieille querelle (novembre 1937)ah Un clerc écrivait récemment
2512 Au dossier d’une vieille querelle (novembre 1937 )ah Un clerc écrivait récemment qu’il faut se garder d’engager la r
2513 Un clerc écrivait récemment qu’il faut se garder d’ engager la raison dans une aventure — la vie — « où elle ne peut qu’êt
2514 . D’autres clercs, conséquents, ne manqueront pas d’ en conclure qu’ils n’ont pas à se mêler aux luttes sociales et politiq
2515 arrive parfois aux plus prudents, ils feront bien de s’y comporter selon les usages du forum, et de crier avec les loups.
2516 en de s’y comporter selon les usages du forum, et de crier avec les loups. « Préservant » ainsi la raison, autant que leur
2517 tant que leur sécurité. On trouve dans la Logique de Port-Royal, un dilemme assez comparable, « par lequel un ancien Philo
2518 uvait qu’on ne se devait point mêler des affaires de la République. Si on y agit bien — disait-il — on offensera les dieux
2519 lemme — ou sophisme — « qu’il n’est point fâcheux d’ offenser les hommes, quand on ne le peut éviter qu’en offensant Dieu »
2520 au sujet du second : « qu’il n’est pas avantageux de contenter les hommes en offensant Dieu ». J’en conclus qu’il est bon
2521 s en offensant Dieu ». J’en conclus qu’il est bon d’ engager la raison dans la vie : non point pour qu’elle y reçoive des o
2522 s outrages, mais pour qu’elle-même en fasse subir de salutaires à une vie qui en a grand besoin. Que cela n’aille pas sans
2523 as sans risques, c’est l’évidence. Mais il s’agit de savoir ce que l’on révère, de la vérité ou de la sécurité. Ce serait
2524 nce. Mais il s’agit de savoir ce que l’on révère, de la vérité ou de la sécurité. Ce serait une raison bien débile, qui n’
2525 git de savoir ce que l’on révère, de la vérité ou de la sécurité. Ce serait une raison bien débile, qui n’oserait s’exerce
2526 onnel, on court le risque le plus onéreux : celui de laisser perdre le peu qui fut gagné par d’autres, et dont on vit. a
2527 d’autres, et dont on vit. ah. Rougemont Denis de , « Au dossier d’une vieille querelle », La Nouvelle Revue française,
2528 t on vit. ah. Rougemont Denis de, « Au dossier d’ une vieille querelle », La Nouvelle Revue française, Paris, novembre 1
2529 e », La Nouvelle Revue française, Paris, novembre 1937, p. 873-874.
32 1938, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Le Monastère noir, par Aladár Kuncz (janvier 1938)
2530 Le Monastère noir, par Aladár Kuncz (janvier 1938 )ai Professeur, écrivain, traducteur d’ouvrages français, ami de la
2531 nvier 1938)ai Professeur, écrivain, traducteur d’ ouvrages français, ami de la France, séjournant en France, Aladár Kunc
2532 ur, écrivain, traducteur d’ouvrages français, ami de la France, séjournant en France, Aladár Kuncz, sujet hongrois, se voi
2533 is, se voit arrêté à Paris dès les premiers jours de la guerre. On l’envoie dans un camp à Perpignan. De là au « monastère
2534 la guerre. On l’envoie dans un camp à Perpignan. De là au « monastère noir », la forteresse de Noirmoutier, puis à l’île
2535 ignan. De là au « monastère noir », la forteresse de Noirmoutier, puis à l’île d’Yeu. Il ne sera libéré qu’après cinq ans
2536 r, puis à l’île d’Yeu. Il ne sera libéré qu’après cinq ans de captivité, durant lesquels il subira les manifestations, inépu
2537 l’île d’Yeu. Il ne sera libéré qu’après cinq ans de captivité, durant lesquels il subira les manifestations, inépuisables
2538 squels il subira les manifestations, inépuisables d’ imprévu, du patriotisme de l’arrière. Et voici le journal de cet intel
2539 estations, inépuisables d’imprévu, du patriotisme de l’arrière. Et voici le journal de cet intellectuel jeté dans un cul d
2540 du patriotisme de l’arrière. Et voici le journal de cet intellectuel jeté dans un cul de bassefosse par le jeu de l’état
2541 i le journal de cet intellectuel jeté dans un cul de bassefosse par le jeu de l’état civil. Qu’il ne s’y mêle aucune trace
2542 lectuel jeté dans un cul de bassefosse par le jeu de l’état civil. Qu’il ne s’y mêle aucune trace de hargne, c’est un mira
2543 u de l’état civil. Qu’il ne s’y mêle aucune trace de hargne, c’est un miracle qui défie l’époque. M. de Lacretelle, dans s
2544 préface, déclare fort justement qu’il s’acquitte d’ une dette en présentant cette œuvre au public français. Vous en ferez
2545 rez quelque chose contre la guerre, ne fût-ce que de la connaître mieux. Peut-être même prendrez-vous conscience d’une men
2546 re mieux. Peut-être même prendrez-vous conscience d’ une menace plus générale encore, qui concerne chacun de nous, et dont
2547 menace plus générale encore, qui concerne chacun de nous, et dont l’internement de guerre n’est qu’une conséquence entre
2548 ui concerne chacun de nous, et dont l’internement de guerre n’est qu’une conséquence entre mille, d’une virulence particul
2549 ernement de guerre n’est qu’une conséquence entre mille , d’une virulence particulière, mais au moins déclarée. Je veux parler
2550 t de guerre n’est qu’une conséquence entre mille, d’ une virulence particulière, mais au moins déclarée. Je veux parler du
2551 , mais au moins déclarée. Je veux parler du mythe de l’arrestation, de la psychose créée dans le monde actuel par ce phéno
2552 clarée. Je veux parler du mythe de l’arrestation, de la psychose créée dans le monde actuel par ce phénomène multiforme, i
2553 u’un innocent, ou qui se croit tel, se voie privé de sa liberté pour des « raisons » collectives et obscures. Il me paraît
2554 ollectives et obscures. Il me paraît que le livre de Kuncz tire son tragique le plus secret du fait qu’il symbolise, illus
2555 du prisonnier proprement dit, mais, peu ou prou, de chaque individu soumis aux lois d’une collectivité délirante. Sur la
2556 , peu ou prou, de chaque individu soumis aux lois d’ une collectivité délirante. Sur la foi d’affiches officielles prometta
2557 aux lois d’une collectivité délirante. Sur la foi d’ affiches officielles promettant aux internés une libération rapide, Ku
2558 des personnages haut placés pour leur faire part de son état : mais les lettres n’arrivent jamais, ou demeurent sans répo
2559 aquets vidés. Le régime disciplinaire est aggravé de temps à autre, on ne sait pourquoi, « par représailles ». Puis c’est
2560 présailles ». Puis c’est le départ brusqué « pour X … ». Ni raisons ni points de repère : c’est la guerre. C’est un mot sa
2561 départ brusqué « pour X… ». Ni raisons ni points de repère : c’est la guerre. C’est un mot sacré. C’est quelque chose qui
2562 l puisqu’on en souffre, mais dont on ne sait rien de précis, ni l’enjeu ni les causes véritables. Il ne reste que l’obscur
2563 « se fait toute seule », que rien ne dépend plus de personnes responsables, mais que tout le monde se trouve secrètement
2564 té universelle. Comment ne point songer au Procès de Kafka, la plus géniale description du mythe de l’arrestationaj. On se
2565 ès de Kafka, la plus géniale description du mythe de l’arrestationaj. On se rappelle que c’était l’histoire d’un homme qui
2566 estationaj. On se rappelle que c’était l’histoire d’ un homme qui se voit inculpé, par une justice inaccessible, d’une faut
2567 ui se voit inculpé, par une justice inaccessible, d’ une faute indéterminée. Il faut sans doute attribuer au Procès une sig
2568 possible. Il y a aussi dans ce livre une parabole de l’homme traqué par les tyrannies anonymes qui se multiplient dans not
2569 u. C’est le cauchemar du xxe siècle. Le triomphe de l’État sur l’homme. D’ailleurs on peut aussi ne rien voir de tout cel
2570 ur l’homme. D’ailleurs on peut aussi ne rien voir de tout cela dans le livre de Kuncz : il nous apporte un document bien a
2571 eut aussi ne rien voir de tout cela dans le livre de Kuncz : il nous apporte un document bien assez émouvant comme tel. Et
2572 moderne ne se connaît jamais mieux qu’à la faveur de circonstances brutales, qui le rabattent à l’élémentaire. 49. Polic
2573 ces brutales, qui le rabattent à l’élémentaire. 49. Police d’État, polices privées, douaniers, passeports, justice imprév
2574 s, qui le rabattent à l’élémentaire. 49. Police d’ État, polices privées, douaniers, passeports, justice imprévisible, ba
2575 uration au sein des partis, arrestations en masse de suspects, procès de tendance faits à ceux mêmes qui se taisent, etc.,
2576 partis, arrestations en masse de suspects, procès de tendance faits à ceux mêmes qui se taisent, etc., etc. ai. Rougemon
2577 qui se taisent, etc., etc. ai. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Aladár Kuncz, Le Monastère noir  », La Nouvelle Rev
2578 r  », La Nouvelle Revue française, Paris, janvier 1938, p. 145-146. aj. Rougemont en a rendu compte dans le numéro de mai 19
2579 . aj. Rougemont en a rendu compte dans le numéro de mai 1934 de la NRF : «  Le Procès, par Franz Kafka, traduit par A. Vi
2580 Rougemont en a rendu compte dans le numéro de mai 1934 de la NRF : «  Le Procès, par Franz Kafka, traduit par A. Vialatte (G
2581 mont en a rendu compte dans le numéro de mai 1934 de la NRF : «  Le Procès, par Franz Kafka, traduit par A. Vialatte (Gall
33 1938, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Victoire à Waterloo, par Robert Aron (février 1938)
2582 Victoire à Waterloo, par Robert Aron (février 1938 )ak « Soudain joyeux il dit : Grouchy ! — C’était Grouchy. » Et Wat
2583 embre l’abdication. Il y a sans doute une théorie de l’Histoire à l’origine de cet ouvrage d’une passionnante ambiguïté, e
2584 sans doute une théorie de l’Histoire à l’origine de cet ouvrage d’une passionnante ambiguïté, et qui se donne l’air d’une
2585 théorie de l’Histoire à l’origine de cet ouvrage d’ une passionnante ambiguïté, et qui se donne l’air d’une « fantaisie ».
2586 une passionnante ambiguïté, et qui se donne l’air d’ une « fantaisie ». Prenons ce mot au sens allemand : une « imagination
2587 allemand : une « imagination » profonde du destin de Napoléon, voilà ce que nous propose Robert Aron50. Il a pensé qu’il v
2588 obert Aron50. Il a pensé qu’il valait mieux tirer de faits fictifs des conséquences vraies, que de tirer comme M. Madelin
2589 rer de faits fictifs des conséquences vraies, que de tirer comme M. Madelin des conséquences fausses de faits « prouvés ».
2590 e tirer comme M. Madelin des conséquences fausses de faits « prouvés ». La thèse peut se discuter. L’illustration m’en par
2591 la bataille, Napoléon a découvert la vie concrète d’ un pays et des êtres dont c’est la patrie. Il a conçu les premiers dou
2592 conçu les premiers doutes humains sur la réalité de son empire, sur son pouvoir abstrait et sa démesure géométrique. Et r
2593 Et revenant à ses origines, au moment où le sort de la bataille vacille, il a retrouvé soudain le cri de la Révolution :
2594 la bataille vacille, il a retrouvé soudain le cri de la Révolution : Vive la Nation ! Or ce cri qui lui donne la victoire
2595 voir, préfiguration des fascismes. (Lui aussi fut trois fois plébiscité !) Devant les Chambres, il s’écriera : « Prenez consc
2596 iera : « Prenez conscience, Messieurs, que depuis vingt années nous vivons et nous gouvernons en pleine idéologie. Nous avons
2597 ait un empire géant pour n’avoir pas été capables de fédérer nos communes. » Voilà l’épigraphe de l’ouvrage, qui par aille
2598 bles de fédérer nos communes. » Voilà l’épigraphe de l’ouvrage, qui par ailleurs compose bien d’autres thèmes : celui des
2599 pose bien d’autres thèmes : celui des îles, celui de la patrie perdue que Bonaparte cherche à se recréer, celui du schizop
2600 du schizophrène qui « perd le sentiment », celui d’ une société qu’il faut bâtir « à hauteur d’homme » et non pas à hauteu
2601 celui d’une société qu’il faut bâtir « à hauteur d’ homme » et non pas à hauteur d’idéologies. Peut-être ai-je trop insist
2602 bâtir « à hauteur d’homme » et non pas à hauteur d’ idéologies. Peut-être ai-je trop insisté sur l’actualité politique de
2603 être ai-je trop insisté sur l’actualité politique de cette méditation personnaliste. Car après tout, c’est une histoire, u
2604 tout, c’est une histoire, un des meilleurs romans de l’année, et qui se fait lire avec le plus constant plaisir, d’autant
2605 r, d’autant que l’on pouvait redouter l’agacement de la facilité, le même que donne la lecture de romans d’anticipation. I
2606 ment de la facilité, le même que donne la lecture de romans d’anticipation. Il y a bien plus que de l’ingéniosité dans ce
2607 facilité, le même que donne la lecture de romans d’ anticipation. Il y a bien plus que de l’ingéniosité dans ce livre : un
2608 re de romans d’anticipation. Il y a bien plus que de l’ingéniosité dans ce livre : un sens de l’homme et des limites de sa
2609 plus que de l’ingéniosité dans ce livre : un sens de l’homme et des limites de sa grandeur, un sens de l’humour du destin,
2610 dans ce livre : un sens de l’homme et des limites de sa grandeur, un sens de l’humour du destin, une vraie poésie de l’His
2611 de l’homme et des limites de sa grandeur, un sens de l’humour du destin, une vraie poésie de l’Histoire, libératrice et ex
2612 , un sens de l’humour du destin, une vraie poésie de l’Histoire, libératrice et excitante pour l’esprit. À peine l’a-t-on
2613 our leur arracher des aveux à l’appui de la thèse d’ Aron. 50. Jean-Paul rapporte un rêve où il disait à Napoléon : « Je
2614 rracher des aveux à l’appui de la thèse d’Aron. 50. Jean-Paul rapporte un rêve où il disait à Napoléon : « Je ne suis jam
2615 jamais plus intelligent qu’au lit, quand je rêve de vous, car alors je dois vous créer moi-même vous et vos idées. » ak.
2616 i-même vous et vos idées. » ak. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Robert Aron, Victoire à Waterloo  », La Nouvelle Re
2617 o  », La Nouvelle Revue française, Paris, février 1938, p. 313-314.
34 1938, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Une révolution refoulée (juillet 1938)
2618 Une révolution refoulée (juillet 1938 )al Est-il possible d’indiquer une raison simple de l’échec du Fron
2619 tion refoulée (juillet 1938)al Est-il possible d’ indiquer une raison simple de l’échec du Front populaire ? La psychana
2620 l Est-il possible d’indiquer une raison simple de l’échec du Front populaire ? La psychanalyse nous propose un type d’e
2621 populaire ? La psychanalyse nous propose un type d’ explication qui me paraît bien tentant : c’est le mécanisme du « refou
2622 n tentant : c’est le mécanisme du « refoulement » d’ où procèdent les « actes manqués ». S’il y a eu « expérience Blum », e
2623 », elle a consisté à empêcher la révolution. Juin 1936 était un espoir que les accords Matignon trompèrent. C’est tout ce qu
2624 retiendra. Ce fait initial a déterminé la courbe de l’expérience : il s’agissait d’affirmer une mystique, mais de ne fair
2625 terminé la courbe de l’expérience : il s’agissait d’ affirmer une mystique, mais de ne faire que les réformes qu’imposait l
2626 nce : il s’agissait d’affirmer une mystique, mais de ne faire que les réformes qu’imposait la pression des « masses ». Dan
2627 légués. Chacun sent très bien que l’autre triche. D’ où cet affaiblissement du sens civique tellement frappant dans la Fran
2628 ormes obtenues apparaissent comme les résultantes de deux lâchetés, non de deux volontés. Or, quand le sens civique fléchi
2629 es obtenues apparaissent comme les résultantes de deux lâchetés, non de deux volontés. Or, quand le sens civique fléchit, c’
2630 ssent comme les résultantes de deux lâchetés, non de deux volontés. Or, quand le sens civique fléchit, c’est-à-dire quand
2631 nt comme les résultantes de deux lâchetés, non de deux volontés. Or, quand le sens civique fléchit, c’est-à-dire quand chacu
2632 t ne sait faire, seule une révolution est capable de faire aboutir des réformes. Mais personne ne la prépare. M. Staline a
2633 anglante, donc destinée à se figer dans le rictus d’ une dictature. Tout le monde le sent, tout le monde le craint — et le
2634 tes. Sous prétexte de lui résister, les voilà qui d’ elles-mêmes se mettent en rang, lèvent le poing, acclament des caporau
2635 enne. On a refoulé dès sa naissance la révolution de 36. D’où le « complexe » qui s’est noué. Complexe fasciste, avoué sou
2636 e. On a refoulé dès sa naissance la révolution de 36. D’où le « complexe » qui s’est noué. Complexe fasciste, avoué sous le
2637 n a refoulé dès sa naissance la révolution de 36. D’ où le « complexe » qui s’est noué. Complexe fasciste, avoué sous le no
2638 s’est noué. Complexe fasciste, avoué sous le nom d’ antifascisme, c’est normal. On n’arrête pas une révolution lorsqu’elle
2639 ins, quelques crises gouvernementales, la livre à 600, le chômage ; — et le premier dictateur venu tirera les conclusions lo
2640 le. Je préfère opposer un pessimisme actif à tant d’ espérances bernées. al. Rougemont Denis de, « Une révolution refoul
2641 tant d’espérances bernées. al. Rougemont Denis de , « Une révolution refoulée », La Nouvelle Revue française, Paris, jui
2642 ée », La Nouvelle Revue française, Paris, juillet 1938, p. 158-159.
35 1938, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Alice au pays des merveilles, par Lewis Carroll (août 1938)
2643 e au pays des merveilles, par Lewis Carroll (août 1938 )am Si l’on songe que le conte est par essence un récit cocasse et
2644 e libérateur, on conçoit que les meilleurs sujets de contes sont les plus abstraitement logiques. La logique enfantine est
2645 bien plus proche du raisonnement mathématique que de la raison avertie, donc impure. Elle opère en toute liberté sur un no
2646 le opère en toute liberté sur un nombre restreint de données qu’elle considère dans l’absolu, et elle en tire des déductio
2647 redire l’expérience vécue et les règles sociales. D’ où le cocasse et le sentiment de libération. En outre, quoi de plus im
2648 règles sociales. D’où le cocasse et le sentiment de libération. En outre, quoi de plus important pour un enfant que la co
2649 « plus petit que » —, qui est aussi le fondement de toute mathématique. Ces remarques peuvent nous orienter vers une comp
2650 ienter vers une compréhension nouvelle des contes de Lewis Carroll — qui était un mathématicien —, et d’Alice en particuli
2651 Lewis Carroll — qui était un mathématicien —, et d’ Alice en particulier. On dit à l’enfant : mange ta soupe et tu deviend
2652 se ? Et l’imagination peut aisément accélérer ces deux effets. Qu’en résultera-t-il ? Le rêve logique qu’est le conte de Car
2653 résultera-t-il ? Le rêve logique qu’est le conte de Carroll nous apparaît alors comme une série de variations sur le thèm
2654 te de Carroll nous apparaît alors comme une série de variations sur le thème de la relativité dans l’espace et le temps. T
2655 alors comme une série de variations sur le thème de la relativité dans l’espace et le temps. Tantôt géante et tantôt nain
2656 t vexatoires quand elle est plus petite. Dans les deux cas, elles lui deviennent problématiques. D’où les discussions qu’ell
2657 es deux cas, elles lui deviennent problématiques. D’ où les discussions qu’elle engage avec les animaux parlants, créatures
2658 ridicule, tantôt tyrannique à l’excès. Ce Lièvre de Mars, ce Loir et ce Chapelier fou, on croirait une préfiguration des
2659 fou, on croirait une préfiguration des logiciens de l’école de Vienne. Et la discussion sur le temps, au cours du « Thé l
2660 oirait une préfiguration des logiciens de l’école de Vienne. Et la discussion sur le temps, au cours du « Thé loufoque » o
2661 , au cours du « Thé loufoque » où il est toujours cinq heures, annonce une psychologie post-einsteinienne, et fait songer au
2662 post-einsteinienne, et fait songer au Temps vécu de Minkowski. « Cette façon d’ergoter qu’ils ont tous ! », gémit Alice,
2663 songer au Temps vécu de Minkowski. « Cette façon d’ ergoter qu’ils ont tous ! », gémit Alice, constamment réfutée par un f
2664 la plupart des discussions pèchent par l’absence d’ un élément de commune mesure : d’où l’impression d’entrave, de cauchem
2665 es discussions pèchent par l’absence d’un élément de commune mesure : d’où l’impression d’entrave, de cauchemar. Impossibl
2666 nt par l’absence d’un élément de commune mesure : d’ où l’impression d’entrave, de cauchemar. Impossible de savoir qui a ga
2667 ’un élément de commune mesure : d’où l’impression d’ entrave, de cauchemar. Impossible de savoir qui a gagné, quand une des
2668 de commune mesure : d’où l’impression d’entrave, de cauchemar. Impossible de savoir qui a gagné, quand une des règles pri
2669 l’impression d’entrave, de cauchemar. Impossible de savoir qui a gagné, quand une des règles principales du jeu est omise
2670 du jeu est omise ou inobservée. (Ainsi la partie de croquet, la discussion avec le bourreau qui refuse de décapiter un ch
2671 roquet, la discussion avec le bourreau qui refuse de décapiter un chat dont la tête seule est visible, etc.). Et pourtant,
2672 ule est visible, etc.). Et pourtant, ce n’est que d’ un jeu qu’il s’agit. Alice en garde la conscience secrète — comme dans
2673 e, autre problème fondamental pour un enfant. Les deux hypothèses rendent compte de la plupart des « gags » dont se compose
2674 our un enfant. Les deux hypothèses rendent compte de la plupart des « gags » dont se compose le récit. Et parfois les pièg
2675 cela est assez bien symbolisé par la déclaration de la Tortue à Tête de Veau, qui croit que les quatre opérations arithmé
2676 symbolisé par la déclaration de la Tortue à Tête de Veau, qui croit que les quatre opérations arithmétiques sont l’Ambiti
2677 on de la Tortue à Tête de Veau, qui croit que les quatre opérations arithmétiques sont l’Ambition, la Distraction, la Laidific
2678 et la Dérision. Mais ici se poserait le problème de la version française du conte ; celle de René Bour me paraît scrupule
2679 problème de la version française du conte ; celle de René Bour me paraît scrupuleuse, encore que déparée ici ou là par des
2680 r des préciosités indéfendables. Les dessins sont d’ une meilleure plume. am. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Lewis
2681 ont d’une meilleure plume. am. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Lewis Carroll, Alice au pays des merveilles  », La
2682 lles  », La Nouvelle Revue française, Paris, août 1938, p. 328-329.
36 1938, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Page d’histoire (novembre 1938)
2683 Page d’ histoire (novembre 1938)an D’un manuel futur : Leçon sur la crise d
2684 Page d’histoire (novembre 1938 )an D’un manuel futur : Leçon sur la crise des minorités en 1938. 1
2685 Page d’histoire (novembre 1938)an D’ un manuel futur : Leçon sur la crise des minorités en 1938. 1. Caracté
2686 anuel futur : Leçon sur la crise des minorités en 1938. 1. Caractérisez l’état politique de l’Europe en 1938. — Les démocrati
2687 futur : Leçon sur la crise des minorités en 1938. 1. Caractérisez l’état politique de l’Europe en 1938. — Les démocraties
2688 norités en 1938. 1. Caractérisez l’état politique de l’Europe en 1938. — Les démocraties de l’Ouest avaient fondé leur pai
2689 . 1. Caractérisez l’état politique de l’Europe en 1938. — Les démocraties de l’Ouest avaient fondé leur paix sur deux princip
2690 politique de l’Europe en 1938. — Les démocraties de l’Ouest avaient fondé leur paix sur deux principes : droit des peuple
2691 émocraties de l’Ouest avaient fondé leur paix sur deux principes : droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, arbitrage inter
2692 sur deux principes : droit des peuples à disposer d’ eux-mêmes, arbitrage international. Au nom du premier principe fut cré
2693 des démocraties (centralisation rigide, confusion de l’État et de la Nation) s’opposait dans le fait à toute application h
2694 es (centralisation rigide, confusion de l’État et de la Nation) s’opposait dans le fait à toute application honnête des de
2695 sait dans le fait à toute application honnête des deux principes. D’une part la SDN ne fut pas une fédération, aucun des Éta
2696 n des États constituants n’ayant renoncé à aucune de ses prérogatives au bénéfice de la Société ; d’autre part l’État tchè
2697 renoncé à aucune de ses prérogatives au bénéfice de la Société ; d’autre part l’État tchèque opprima ses propres minorité
2698 un régime centraliste inspiré du modèle français. 2. Sur quoi se basaient les revendications hitlériennes ? — Les dictateu
2699 que nous venons de définir. Ils eurent l’habileté de baser leurs revendications, à la fois sur l’un des principes que les
2700 ne exigea l’autonomie des Sudètes au nom du droit de libre disposition des peuples, puis leur annexion au nom de « l’unité
2701 is leur annexion au nom de « l’unité nationale ». 3. Quelle fut la réponse des démocraties ? — Il était fatal, dans ces co
2702 llemandes. Et c’est pourquoi, lorsqu’en septembre 1938, l’Allemagne appuya sa revendication de menaces militaires, les démocr
2703 ptembre 1938, l’Allemagne appuya sa revendication de menaces militaires, les démocraties cédèrent (entrevue de Berchtesgad
2704 es militaires, les démocraties cédèrent (entrevue de Berchtesgaden). 4. Pourquoi le conflit s’aggrava-t-il subitement ? — 
2705 démocraties cédèrent (entrevue de Berchtesgaden). 4. Pourquoi le conflit s’aggrava-t-il subitement ? — Le litige était rég
2706 ige était réglé en principe. Mais alors (entrevue de Godesberg), Hitler démasqua l’aspect original (et non plus jacobin) d
2707 démasqua l’aspect original (et non plus jacobin) de la dictature totalitaire : l’impérialisme religieux, ou sacral. Il ex
2708  : l’impérialisme religieux, ou sacral. Il exigea d’ entrer en armes et sur le champ dans les territoires sudètes. Une cess
2709 t le sacrifice sanglant (ou son symbole), le viol de la victime, la « libération » violente de la proie désirée (guerre li
2710 le viol de la victime, la « libération » violente de la proie désirée (guerre limitée). 5. Quelle fut la réaction de l’Eur
2711  » violente de la proie désirée (guerre limitée). 5. Quelle fut la réaction de l’Europe ? — L’opinion démocratique apparut
2712 sirée (guerre limitée). 5. Quelle fut la réaction de l’Europe ? — L’opinion démocratique apparut désorientée par cette exi
2713 lle ». Les uns remarquaient qu’il n’y avait guère de différence entre Berchtesgaden et Godesberg. Les autres pensaient que
2714 et Godesberg. Les autres pensaient que l’exigence d’ entrer en armes était une « querelle d’Allemands », une rodomontade gr
2715 l’exigence d’entrer en armes était une « querelle d’ Allemands », une rodomontade gratuite, puisqu’en principe tout était r
2716 t dire qu’il y avait là un fait nouveau, le signe d’ une volonté d’hégémonie. C’était traduire en termes classiques la réal
2717 avait là un fait nouveau, le signe d’une volonté d’ hégémonie. C’était traduire en termes classiques la réalité pressentie
2718 aduire en termes classiques la réalité pressentie de la nouvelle religion totalitaire. D’ailleurs, les réactions des masse
2719 l’une des tendances fondamentales et instinctives de l’Occident : la résistance à toute hégémonie, au nom d’un idéal laten
2720 tance à toute hégémonie, au nom d’un idéal latent de fédération des peuples sur pied d’égalité. Une vague de fond s’éleva
2721 n idéal latent de fédération des peuples sur pied d’ égalité. Une vague de fond s’éleva contre la prétention allemande, que
2722 ération des peuples sur pied d’égalité. Une vague de fond s’éleva contre la prétention allemande, que l’on sentait, obscur
2723 t, obscurément, ruineuse pour l’avenir confédéral de l’Europe. Hitler comprit que son heure n’était pas encore venue. Il s
2724 ure n’était pas encore venue. Il se vit contraint d’ accepter la réunion à Munich d’une « Diète » de gouvernements égaux, q
2725 l se vit contraint d’accepter la réunion à Munich d’ une « Diète » de gouvernements égaux, qui régla le problème à l’avanta
2726 nt d’accepter la réunion à Munich d’une « Diète » de gouvernements égaux, qui régla le problème à l’avantage matériel de l
2727 gaux, qui régla le problème à l’avantage matériel de l’Allemagne, mais sur une base d’arbitrage international préfigurant
2728 antage matériel de l’Allemagne, mais sur une base d’ arbitrage international préfigurant ainsi un statut fédéral exclusif d
2729 onal préfigurant ainsi un statut fédéral exclusif de toute hégémonie. 6. À qui profitèrent les accords de Munich ? — Cette
2730 si un statut fédéral exclusif de toute hégémonie. 6. À qui profitèrent les accords de Munich ? — Cette victoire symbolique
2731 toute hégémonie. 6. À qui profitèrent les accords de Munich ? — Cette victoire symbolique du principe fédératif ne fut pas
2732 luttes intestines sans grandeur, les démocraties de l’Ouest ne surent tirer d’un événement aussi considérable que des con
2733 ndeur, les démocraties de l’Ouest ne surent tirer d’ un événement aussi considérable que des conclusions chagrines, au term
2734 sidérable que des conclusions chagrines, au terme de calculs qu’on appelait alors « réalistes », et qui se bornaient à fai
2735 bies. Le bénéfice moral, incalculable, fut perdu. 7. Conclusion. — La voie était dès lors ouverte aux ambitions totalitair
2736 ait jusqu’alors la force et l’équilibre dynamique de l’Occident : l’utopie agissante d’une fédération des égaux, dont la s
2737 ibre dynamique de l’Occident : l’utopie agissante d’ une fédération des égaux, dont la seule Suisse figurait le microcosme.
2738 s ultérieurs (colonisation intra-européenne, état de guerre non déclarée), pour surprenants et monstrueux qu’ils soient ap
2739 ication la moins douteuse. an. Rougemont Denis de , « Page d’histoire », La Nouvelle Revue française, Paris, novembre 19
2740 moins douteuse. an. Rougemont Denis de, « Page d’ histoire », La Nouvelle Revue française, Paris, novembre 1938, p. 866-
2741 e », La Nouvelle Revue française, Paris, novembre 1938, p. 866-867.
37 1939, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Propos sur la religion, par Alain (avril 1939)
2742 Propos sur la religion, par Alain (avril 1939 )ao Ces « propos » s’égrènent de 1908 à 1935, mais la position de l
2743 Alain (avril 1939)ao Ces « propos » s’égrènent de 1908 à 1935, mais la position de l’auteur n’a pas varié durant ce tem
2744 in (avril 1939)ao Ces « propos » s’égrènent de 1908 à 1935, mais la position de l’auteur n’a pas varié durant ce temps. E
2745 il 1939)ao Ces « propos » s’égrènent de 1908 à 1935, mais la position de l’auteur n’a pas varié durant ce temps. Elle se r
2746 pos » s’égrènent de 1908 à 1935, mais la position de l’auteur n’a pas varié durant ce temps. Elle se ramène, me semble-t-i
2747 moyenne du catholicisme français. Il s’agit moins de la dénigrer que de la « réaliser » en la débarrassant de ses « croyan
2748 isme français. Il s’agit moins de la dénigrer que de la « réaliser » en la débarrassant de ses « croyances fantastiques »
2749 énigrer que de la « réaliser » en la débarrassant de ses « croyances fantastiques » et de sa « méthode arriérée », qui est
2750 débarrassant de ses « croyances fantastiques » et de sa « méthode arriérée », qui est celle de l’autorité (p. 72). La « vr
2751 es » et de sa « méthode arriérée », qui est celle de l’autorité (p. 72). La « vraie foi », vous la trouverez donc aujourd’
2752 e déclaration ouvre et ferme le recueil (p. 23 et 286 ). Elle le situe dans les cadres de la République radicale. Ainsi le c
2753 eil (p. 23 et 286). Elle le situe dans les cadres de la République radicale. Ainsi le catholicisme, interprété par Alain,
2754 ain, serait une sagesse éternelle qu’il s’agirait de remettre à jour, c’est-à-dire de laïciser. Point d’anticléricalisme,
2755 qu’il s’agirait de remettre à jour, c’est-à-dire de laïciser. Point d’anticléricalisme, car « devant le regard positif, t
2756 remettre à jour, c’est-à-dire de laïciser. Point d’ anticléricalisme, car « devant le regard positif, toute religion finit
2757 on finit par être vraie », et même « l’obligation de croire ne digère pas beaucoup du devoir de penser » (commencez par cr
2758 gation de croire ne digère pas beaucoup du devoir de penser » (commencez par croire, vous finirez par penser)… Comme toute
2759 nser)… Comme toute sagesse qui se respecte, celle d’ Alain ne peut pas tenir compte des données concrètes du christianisme 
2760 s du christianisme : le péché, le salut, le drame de la révolte et de l’amour. Mais elle spécule volontiers sur les avanta
2761 e : le péché, le salut, le drame de la révolte et de l’amour. Mais elle spécule volontiers sur les avantages et inconvénie
2762 les avantages et inconvénients des « preuves » ou de l’absence de preuves en matière de « croyance », débat dont je ne tro
2763 et inconvénients des « preuves » ou de l’absence de preuves en matière de « croyance », débat dont je ne trouve pas trace
2764 iles, s’il est vrai qu’il encombre une bonne part de la théologie, surtout catholique. Tout cela, je le crains, relève d’u
2765 rtout catholique. Tout cela, je le crains, relève d’ un malentendu, courant sur le sens du mot « foi ». Je voudrais au moin
2766 l n’est nullement une erreur morale, mais un état de révolte active de la créature (même lorsqu’il se déguise en bonne vol
2767 une erreur morale, mais un état de révolte active de la créature (même lorsqu’il se déguise en bonne volonté souriante). L
2768 es choses espérées ». Ce qu’un esprit comme celui d’ Alain retient du catholicisme, c’est donc exactement ce que Kierkegaar
2769 que ce soit négligeable.) Pour situer la sagesse d’ Alain, qu’on songe à la folie d’un Kierkegaard. Alors éclate le confli
2770 situer la sagesse d’Alain, qu’on songe à la folie d’ un Kierkegaard. Alors éclate le conflit véritable entre l’humanisme et
2771 ce que le sage jugera toujours « hors de propos » d’ envisager. Le sérieux même du christianisme.51 Alain dit quelque part
2772 e.51 Alain dit quelque part n’avoir jamais connu de « vrai croyant » qui ne vive « selon la peur ». Serait-ce qu’il n’a j
2773 non des chrétiens vivant selon la foi et capables de lui faire pressentir que ses observations toujours ingénieuses, souve
2774 iques du catholicisme français, en tant que, vidé de la foi, il demeure une « religion » ? Qu’il poursuive donc son enquêt
2775 léon, qui faisait les demandes et les réponses. 51. On me dira que mon point de vue est partiel, dogmatique, confessionne
2776 uger. La critique moderne l’oublie un peu, animée d’ une méfiance étrange pour celui qui déclare ses valeurs, — en dehors d
2777 la politique, bien entendu. ao. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Alain, Propos sur la religion  », La Nouvelle Revue
2778 ion  », La Nouvelle Revue française, Paris, avril 1939, p. 704-705.
38 1939, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Don Juan (juillet 1939)
2779 Don Juan (juillet 1939 )ap Lorsqu’il paraît brillant d’or et de soie, dressé sur ses ergot
2780 uan (juillet 1939)ap Lorsqu’il paraît brillant d’ or et de soie, dressé sur ses ergots de grand ténor, l’on est tenté de
2781 llet 1939)ap Lorsqu’il paraît brillant d’or et de soie, dressé sur ses ergots de grand ténor, l’on est tenté de ne voir
2782 t brillant d’or et de soie, dressé sur ses ergots de grand ténor, l’on est tenté de ne voir en lui que le feu naturel du d
2783 ssé sur ses ergots de grand ténor, l’on est tenté de ne voir en lui que le feu naturel du désir, — une espèce d’animalité
2784 en lui que le feu naturel du désir, — une espèce d’ animalité véhémente, et comme innocente… Mais jamais la Nature n’a rie
2785 innocente… Mais jamais la Nature n’a rien produit de pareil. Vous sentez bien qu’il y a du démoniaque dans son cas, une so
2786 n qu’il y a du démoniaque dans son cas, une sorte de polémique anxieuse, de méchanceté et de défi : la main tendue au Comm
2787 ue dans son cas, une sorte de polémique anxieuse, de méchanceté et de défi : la main tendue au Commandeur, dans le dernier
2788 une sorte de polémique anxieuse, de méchanceté et de défi : la main tendue au Commandeur, dans le dernier acte de Mozart.
2789 a main tendue au Commandeur, dans le dernier acte de Mozart. Non, ce n’est pas l’animal, mais l’homme ; et non d’avant, ma
2790 Non, ce n’est pas l’animal, mais l’homme ; et non d’ avant, mais d’après la morale. Point de Don Juan ni chez les « bons sa
2791 e ; et non d’avant, mais d’après la morale. Point de Don Juan ni chez les « bons sauvages » ni chez les « primitifs » qu’o
2792 us décrit. Don Juan suppose une société encombrée de règles précises dont elle rêve moins de se délivrer que d’abuser. Dan
2793 encombrée de règles précises dont elle rêve moins de se délivrer que d’abuser. Dans le vertige de l’anarchie où il se plaî
2794 précises dont elle rêve moins de se délivrer que d’ abuser. Dans le vertige de l’anarchie où il se plaît, ce grand seigneu
2795 oins de se délivrer que d’abuser. Dans le vertige de l’anarchie où il se plaît, ce grand seigneur n’oublie jamais son rang
2796 re. Voyez comme il se sert des femmes : incapable de les posséder, il les viole d’abord moralement pour s’imposer à l’anim
2797 par le bon et le juste — contre eux. Si les lois de la morale n’existaient pas, il les inventerait pour les violer. Et c’
2798 la qui nous fait pressentir la nature spirituelle de son secret, si bien masqué par le prétexte de l’instinct. Aux sommets
2799 lle de son secret, si bien masqué par le prétexte de l’instinct. Aux sommets de l’esprit révolté, on verra Nietzsche, cent
2800 masqué par le prétexte de l’instinct. Aux sommets de l’esprit révolté, on verra Nietzsche, cent ans plus tard, renouveler
2801 sommets de l’esprit révolté, on verra Nietzsche, cent ans plus tard, renouveler ce défi mortel. Mais quoi ? Faut-il aller s
2802 aller si haut ? La recherche « toute naturelle » de l’intensité du désir ne peut-elle expliquer à elle seule cette incons
2803 onstance forcenée ? Alors Don Juan serait l’homme de la première rencontre, de la plus excitante victoire ? « La nouveauté
2804 Don Juan serait l’homme de la première rencontre, de la plus excitante victoire ? « La nouveauté est le tyran de notre âme
2805 excitante victoire ? « La nouveauté est le tyran de notre âme », écrit le vieux Casanova. Mais déjà ce n’est plus l’homme
2806 insi. La volupté du vrai sensuel commence au-delà de ces moments que Don Juan fuit à peine atteints. Faudra-t-il se résoud
2807 soudre à soumettre le cas aux docteurs indiscrets de l’école viennoise ? Le beau sujet ! Ils ne l’ont pas manqué. Pour eux
2808 qué. Pour eux aussi, Don Juan serait le contraire de ce que l’on croit, il souffrirait d’une anxiété secrète déjà voisine
2809 le contraire de ce que l’on croit, il souffrirait d’ une anxiété secrète déjà voisine de l’impuissance. Et il est vrai que
2810 il souffrirait d’une anxiété secrète déjà voisine de l’impuissance. Et il est vrai que celui qui cède à cet attrait superf
2811 ur presque tous les hommes, n’évoque pas une idée de santé. Mais dans cette furie insolente, dans cette jactance batailleu
2812 spirituels ? Don Juan serait par exemple le type de l’homme qui n’atteint pas au plan de la personne, où pourrait se mani
2813 mple le type de l’homme qui n’atteint pas au plan de la personne, où pourrait se manifester ce qu’il y a d’unique dans un
2814 personne, où pourrait se manifester ce qu’il y a d’ unique dans un être. Pourquoi ne peut-il désirer que la nouveauté dans
2815 eut-être aussi qu’il n’est pas ? Celui qui a, vit de sa possession et ne l’abandonne pas pour l’incertain, — entendez : s’
2816 on Juan cherchant partout son idéal, son « type » de beauté féminine (souvenir inconscient de la mère) — trop vite séduit
2817 « type » de beauté féminine (souvenir inconscient de la mère) — trop vite séduit par la plus fugitive ressemblance, toujou
2818 angoissé et cruel… S’il le trouvait, ce « type » de femme rêvé ! J’imagine cette métamorphose. On le voit interrompre sa
2819 On le voit interrompre sa course, changer soudain de contenance, baisser la tête, s’assombrir, comme saisi d’une timidité,
2820 enance, baisser la tête, s’assombrir, comme saisi d’ une timidité, et fasciné pour la première fois par la révélation d’amo
2821 t fasciné pour la première fois par la révélation d’ amour, se muer en l’image de Tristan. Mais il ne trouvera pas. Il est
2822 ois par la révélation d’amour, se muer en l’image de Tristan. Mais il ne trouvera pas. Il est Don Juan parce qu’on sait qu
2823 sance à se fixer, soit impuissance à se déprendre d’ une image à lui-même secrète. Et de là vient sa puissance apparente, s
2824 à se déprendre d’une image à lui-même secrète. Et de là vient sa puissance apparente, sa furia, son rythme dionysiaque. ⁂
2825 nysiaque. ⁂ Or si le don juanisme est une passion de l’esprit et non pas comme nous aimions le croire, une exultation de l
2826 pas comme nous aimions le croire, une exultation de l’instinct, tout porte à supposer que cette passion n’est pas toujour
2827 rtain équilibre social que les mœurs ont pour but de maintenir, cet équilibre étant d’ailleurs bon ou mauvais.) C’est que
2828 nt d’ailleurs bon ou mauvais.) C’est que le désir de nouveauté et de changement perpétuel, dès que l’esprit insatiable l’e
2829 n ou mauvais.) C’est que le désir de nouveauté et de changement perpétuel, dès que l’esprit insatiable l’excite, devient u
2830 isent, sans que l’ordre des choses ait à souffrir d’ une dépense improductive. Certes Don Juan est un tricheur, et même il
2831 s Don Juan est un tricheur, et même il ne vit que de cela. (La banque de pharaon était la source unique des revenus de Cas
2832 icheur, et même il ne vit que de cela. (La banque de pharaon était la source unique des revenus de Casanova : symbole dont
2833 que de pharaon était la source unique des revenus de Casanova : symbole dont il nous donne maintes fois la clé.) Mais une
2834 e est moins dangereuse que les faiblesses subites d’ un honnête homme. On est en garde, et l’on connaît le système, entière
2835 Imaginons un don juanisme plus secret, une table de pharaon où l’on mette sur les cartes des « valeurs » invisibles au li
2836 d’espèces sonnantes. Alors « la tricherie » cesse d’ être une habileté vulgaire et profitable. Elle peut devenir l’acte hér
2837 et profitable. Elle peut devenir l’acte héroïque d’ une loyauté sans scrupules, toutefois ressentie comme un crime, du fai
2838 comme un crime, du fait qu’elle institue un ordre neuf par le décret de sa rigueur. ⁂ Nietzsche s’est dressé face au siècle.
2839 fait qu’elle institue un ordre neuf par le décret de sa rigueur. ⁂ Nietzsche s’est dressé face au siècle. Et l’adversaire
2840 t l’adversaire qu’il s’est choisi, c’est l’esprit de lourdeur, notre poids naturel, notre faculté naturelle de retombement
2841 eur, notre poids naturel, notre faculté naturelle de retombement dans la coutume. L’immoraliste est comme le moraliste un
2842 raliste est comme le moraliste un ennemi vigilant de l’instinct : car s’il le glorifie c’est par esprit de polémique, c’es
2843 ’instinct : car s’il le glorifie c’est par esprit de polémique, c’est qu’il veut forcer la nature autrement qu’on ne l’a f
2844 erminé par le bon et le juste — contre eux. Il va de défi en défi, excité puis exaspéré par le silence ou les lâchetés de
2845 cité puis exaspéré par le silence ou les lâchetés de l’adversaire. Les idées se retournent au caprice de l’esprit : il n’y
2846 l’adversaire. Les idées se retournent au caprice de l’esprit : il n’y a plus de vérité qui tienne. Les hommes se rendent
2847 retournent au caprice de l’esprit : il n’y a plus de vérité qui tienne. Les hommes se rendent ou tombent dans le doute à l
2848 ou tombent dans le doute à la première séduction d’ une hypothèse scientifique. Il n’y a plus de foi qui affirme et qui ma
2849 ction d’une hypothèse scientifique. Il n’y a plus de foi qui affirme et qui maintienne en vertu de l’absurde. Ah ! comme o
2850 nne en vertu de l’absurde. Ah ! comme on se lasse de gagner à tout coup, pour peu qu’on ait l’envie de nier des règles que
2851 de gagner à tout coup, pour peu qu’on ait l’envie de nier des règles que personne n’ose plus dire inviolables ! Qui donc s
2852 est, dans la vie du Don Juan des vérités, l’heure de l’invitation au Commandeur. Or Dieu se tait. Il ne relève pas le défi
2853 des hauteurs. Une aube vient. C’est encore l’aube de la terre. Personne n’a parlé. Dieu est mort ! De chaque idée, de chaq
2854 de la terre. Personne n’a parlé. Dieu est mort ! De chaque idée, de chaque croyance, de chaque valeur, Nietzsche a voulu
2855 rsonne n’a parlé. Dieu est mort ! De chaque idée, de chaque croyance, de chaque valeur, Nietzsche a voulu violer le secret
2856 eu est mort ! De chaque idée, de chaque croyance, de chaque valeur, Nietzsche a voulu violer le secret ; et leur défaite r
2857 Il faut rejeter avec dégoût ce que l’on désirait de toute sa fougue ; et se rire des suiveurs, des successeurs, de ces di
2858 ougue ; et se rire des suiveurs, des successeurs, de ces disciples enhardis par le triomphe ardent d’un autre, et qui déjà
2859 de ces disciples enhardis par le triomphe ardent d’ un autre, et qui déjà croient pouvoir abuser de ses victimes. Mille et
2860 nt d’un autre, et qui déjà croient pouvoir abuser de ses victimes. Mille et trois vérités se sont rendues, et pas une seul
2861 qui déjà croient pouvoir abuser de ses victimes. Mille et trois vérités se sont rendues, et pas une seule n’a su le retenir.
2862 croient pouvoir abuser de ses victimes. Mille et trois vérités se sont rendues, et pas une seule n’a su le retenir. Qu’impor
2863 joie du viol intellectuel. Comme Don Juan l’image de la Mère, Nietzsche poursuit l’image obscure, et à lui-même infiniment
2864 ’image obscure, et à lui-même infiniment secrète, d’ une Vérité qui ne se rendrait point, mais qui le posséderait à tout ja
2865 ais qui le posséderait à tout jamais, digne enfin de sa vraie passion ! Il traque sans relâche tout ce qui bouge, tout ce
2866 ouge, tout ce qui s’arrête, tout ce qui fait mine de résister. Voluptés brèves — le temps d’un aphorisme — fulgurations to
2867 fait mine de résister. Voluptés brèves — le temps d’ un aphorisme — fulgurations toujours décevantes : ce n’est pas elle qu
2868 e n’est pas elle qu’il vient de posséder… Ô haine de leurs vérités faibles ! La Vérité est morte ! Revivra-t-elle ? Car s
2869 si ce Dieu est mort à tout jamais, il n’y a plus d’ amour possible. Il faut inventer un amour qui permette au moins de haï
2870 . Il faut inventer un amour qui permette au moins de haïr tout ce qui passe, tout ce qui cède, toute l’impudeur et la lour
2871 ’impudeur et la lourdeur du monde. C’est au point de fureur dionysiaque où la joie de détruire devient douleur, et dans l’
2872 . C’est au point de fureur dionysiaque où la joie de détruire devient douleur, et dans l’angoisse d’une puissance anéantie
2873 e de détruire devient douleur, et dans l’angoisse d’ une puissance anéantie par son succès, que Nietzsche a rencontré souda
2874 fascinante idée du Retour éternel. Devant le roc de Sils-Maria on le voit interrompre sa course, changer de contenance, e
2875 s-Maria on le voit interrompre sa course, changer de contenance, et pour la première fois baisser la tête et adorer. Tout
2876 ternellement ! Ainsi Nietzsche devient le Tristan d’ un Destin qu’il ne peut posséder que par l’amour éternellement lointai
2877 uan ne gagnait qu’en trichant, et s’il n’y a plus de règles, on ne peut plus tricher). Voici peut-être la clé du mystère :
2878 s notre grâce. Mais Nietzsche et Don Juan doutent de leur grâce. Les voici donc contraints de gagner dans le temps de leur
2879 doutent de leur grâce. Les voici donc contraints de gagner dans le temps de leur vie — d’où la tricherie ; ou bien encore
2880 Les voici donc contraints de gagner dans le temps de leur vie — d’où la tricherie ; ou bien encore, de nier la fin des tem
2881 contraints de gagner dans le temps de leur vie — d’ où la tricherie ; ou bien encore, de nier la fin des temps, le règleme
2882 de leur vie — d’où la tricherie ; ou bien encore, de nier la fin des temps, le règlement final, le Jugement dernier — d’où
2883 temps, le règlement final, le Jugement dernier — d’ où l’idée du Retour éternel. ⁂ Comme je parlais de ces choses à une am
2884 d’où l’idée du Retour éternel. ⁂ Comme je parlais de ces choses à une amie : « J’ai connu, me dit-elle, un homme marié ave
2885 t en me quittant : “Je vous ajoute à ma liste des mille e tre”. » C’étaient les femmes qu’il n’avait pas eues, par fidélité à
2886 est la tricherie ? Dans ce défi installée au cœur de la règle ? ap. Rougemont Denis de, « Don Juan », La Nouvelle Revue
2887 llée au cœur de la règle ? ap. Rougemont Denis de , « Don Juan », La Nouvelle Revue française, Paris, juillet 1939, p. 6
2888 an », La Nouvelle Revue française, Paris, juillet 1939, p. 62-68.
39 1939, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). La Poésie scientifique en France au xvie siècle, par Albert-Marie Schmidt (septembre 1939)
2889 xvie siècle, par Albert-Marie Schmidt (septembre 1939 )aq Ronsard évoquant les démons, Maurice Scève spéculant sur l’Adam
2890 x que nous ramène du fond du xvie siècle le coup de filet très savamment prémédité de M. Albert-Marie Schmidt. Tous ces p
2891 siècle le coup de filet très savamment prémédité de M. Albert-Marie Schmidt. Tous ces poètes ont l’air plus authentiques
2892 ître. Ils n’ont pas été restaurés par les auteurs de manuels, ni patinés par nos lectures. Les voici avec toutes leurs bar
2893 es, incongrus et antédiluviens, marée grouillante d’ une Renaissance pré-baroque. C’était le temps où la magie et la raison
2894 pédant délire, la première nourrissant la seconde de tentations fécondes ou grotesques. Qui sait où cela nous eut menés ?
2895 sques. Qui sait où cela nous eut menés ? Le livre de Schmidt inventorie, avec une sorte d’ardente lucidité, les richesses
2896  ? Le livre de Schmidt inventorie, avec une sorte d’ ardente lucidité, les richesses dont l’ère classique a voulu faire le
2897 e. Ce n’est pas rien ! Cela donne à Phèdre un air de luxe fou : pour fondre ce bijou de platine d’une suprême élégance, la
2898 Phèdre un air de luxe fou : pour fondre ce bijou de platine d’une suprême élégance, la plus discrète, il a fallu brûler l
2899 air de luxe fou : pour fondre ce bijou de platine d’ une suprême élégance, la plus discrète, il a fallu brûler le mobilier,
2900 ète, il a fallu brûler le mobilier, les souvenirs de famille datant du Moyen Âge, un tas d’objets inutiles et bizarres, ch
2901 souvenirs de famille datant du Moyen Âge, un tas d’ objets inutiles et bizarres, chargés de significations magiques. Ensui
2902 ge, un tas d’objets inutiles et bizarres, chargés de significations magiques. Ensuite, au xviiie , il n’est resté que la n
2903 evenue lésinerie. Comment louer assez les mérites de l’auteur, sa patiente intrépidité, la « volubilité infinie » de l’esp
2904 a patiente intrépidité, la « volubilité infinie » de l’esprit que suppose son entreprise ? Car l’étude des poètes hermétiq
2905 l’étude des poètes hermétiques exige une faculté d’ interprétation recréatrice bien différente des qualités requises du pu
2906 et des rapports du monde à l’homme, qu’il s’agit de concevoir à nouveau, si l’on veut entrer dans ces rythmes, goûter ce
2907 e, et dégager le pittoresque enfoui sous des amas d’ abstruse érudition. Il fallait être Schmidt pour découvrir dans ce gre
2908 llait être Schmidt pour découvrir dans ce grenier de notre poésie tant de possibles, tant d’intentions52, tant de correspo
2909 e grenier de notre poésie tant de possibles, tant d’ intentions52, tant de correspondances théologiques, et finalement pour
2910 me semble d’ailleurs que ce travail apporte plus d’ incitations aux créateurs qu’il ne comble les amateurs de beaux poèmes
2911 ations aux créateurs qu’il ne comble les amateurs de beaux poèmes oubliés. Toutes ces tentatives constituent, pour reprend
2912 nstituent, pour reprendre une heureuse expression de l’auteur, autant « d’appels plastiques à l’avenir ». Un écrivain cont
2913 dre une heureuse expression de l’auteur, autant «  d’ appels plastiques à l’avenir ». Un écrivain contemporain, conscient de
2914 à l’avenir ». Un écrivain contemporain, conscient de l’impasse où l’a conduit l’idéal d’une poésie pure, pourrait trouver
2915 in, conscient de l’impasse où l’a conduit l’idéal d’ une poésie pure, pourrait trouver dans les thèmes et les formes qui fo
2916 s très fécondes. Encore y faudrait-il une passion de culture que les facilités de l’après-guerre ont passablement déprimée
2917 drait-il une passion de culture que les facilités de l’après-guerre ont passablement déprimée. On imagine un Valéry repren
2918 rimée. On imagine un Valéry reprenant tel dessein de Scève : décrire la naissance des figures puis des solides géométrique
2919 nel. Mais qui oserait encore envisager l’ambition d’ un Guillaume du Bartas, d’un Peletier, d’un La Boderie et de tant d’au
2920 re envisager l’ambition d’un Guillaume du Bartas, d’ un Peletier, d’un La Boderie et de tant d’autres, cet inventaire de la
2921 ambition d’un Guillaume du Bartas, d’un Peletier, d’ un La Boderie et de tant d’autres, cet inventaire de la Création embra
2922 aume du Bartas, d’un Peletier, d’un La Boderie et de tant d’autres, cet inventaire de la Création embrassant tous les arts
2923 un La Boderie et de tant d’autres, cet inventaire de la Création embrassant tous les arts et les métiers humains, de la ma
2924 embrassant tous les arts et les métiers humains, de la magie cérémonielle à l’anatomie, de la géographie à l’acuponcture,
2925 s humains, de la magie cérémonielle à l’anatomie, de la géographie à l’acuponcture, de la musique à la théologie, à l’agri
2926 e à l’anatomie, de la géographie à l’acuponcture, de la musique à la théologie, à l’agriculture, à l’obstétrique, à la vén
2927 stronomie. Schmidt nous aide à concevoir l’espèce de fureur titanique qui animait ces Renaissants, leur volonté de « singe
2928 tanique qui animait ces Renaissants, leur volonté de « singer Dieu », de recenser les objets et les formes, les rythmes et
2929 ces Renaissants, leur volonté de « singer Dieu », de recenser les objets et les formes, les rythmes et les lois cosmiques,
2930 afin de les parfaire par le Verbe et, finalement, de s’en rendre maîtres. Tous sont soutenus par une double croyance dans
2931 ir magique du langage, et dans la liberté infinie de l’homme, capable de refaire avec ses mains le Paradis perdu et les « 
2932 e, et dans la liberté infinie de l’homme, capable de refaire avec ses mains le Paradis perdu et les « gestes de Dieu ». Le
2933 e avec ses mains le Paradis perdu et les « gestes de Dieu ». Le poète a reçu la vocation de restituer le cosmos à l’état a
2934 s « gestes de Dieu ». Le poète a reçu la vocation de restituer le cosmos à l’état adamique, d’effacer les traces du péché,
2935 ocation de restituer le cosmos à l’état adamique, d’ effacer les traces du péché, de retrouver les noms réels et les « sign
2936 à l’état adamique, d’effacer les traces du péché, de retrouver les noms réels et les « signatures » primitives dans le jeu
2937 les romantiques allemands, à partir de Hamann et de Herder. La création entière, disait Hamann, est « un discours adressé
2938 voix dans chaque dialecte ». Nous l’avons perçue de nos jours, dans le dialecte d’un Claudel, parfois même dans celui de
2939 ous l’avons perçue de nos jours, dans le dialecte d’ un Claudel, parfois même dans celui de tel surréaliste. Mais notre mon
2940 le dialecte d’un Claudel, parfois même dans celui de tel surréaliste. Mais notre monde est-il encore formulable en noms et
2941 N’a-t-elle pas dissocié Nombre et Verbe au point de rendre puérile à nos yeux l’ambition d’un lyrisme cosmique ? 52. Un
2942 au point de rendre puérile à nos yeux l’ambition d’ un lyrisme cosmique ? 52. Un exemple au hasard. Ce vers de Baïf : « 
2943 e à nos yeux l’ambition d’un lyrisme cosmique ? 52. Un exemple au hasard. Ce vers de Baïf : « L’huître dans son écaille e
2944 me cosmique ? 52. Un exemple au hasard. Ce vers de Baïf : « L’huître dans son écaille essaie sa puissance » amène Schmid
2945 ellos, M. Laumonier, et les philosophes mystiques de la Renaissance qui « considéraient l’huître comme un condensateur du
2946 du fluide vital circulant par l’univers ». Voilà de la belle érudition qui signifie. C’est une manière de poésie que bien
2947 a belle érudition qui signifie. C’est une manière de poésie que bien peu savent allier à tant de science. aq. Rougemont
2948 t allier à tant de science. aq. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Albert-Marie Schmidt, La Poésie scientifique en Fra
2949  », La Nouvelle Revue française, Paris, septembre 1939, p. 486-488.
40 1940, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Au sujet du Journal d’André Gide (janvier 1940)
2950 Au sujet du Journal d’ André Gide (janvier 1940)ar Il ne serait guère honnête, et moins en
2951 Au sujet du Journal d’André Gide (janvier 1940 )ar Il ne serait guère honnête, et moins encore adroit, de ne point
2952 ne serait guère honnête, et moins encore adroit, de ne point avouer l’incertitude où pareil livre entraîne le jugement. G
2953 al ; mais le malaise du critique commence au-delà de ce premier piège évité. Il naît de la difficulté à découvrir l’intime
2954 mmence au-delà de ce premier piège évité. Il naît de la difficulté à découvrir l’intime hiérarchie qui trahirait la vraie
2955 it la vraie personne dans ce complexe individuel. D’ autant plus que certains détails, certaines allusions, et beaucoup de
2956 bit ou qu’il entretient. (Jusqu’à masquer parfois de vraies fenêtres par excessive défiance d’une symétrie où l’on serait
2957 parfois de vraies fenêtres par excessive défiance d’ une symétrie où l’on serait tenté de s’arrêter…) Faute d’un « jugement
2958 sive défiance d’une symétrie où l’on serait tenté de s’arrêter…) Faute d’un « jugement » que ces treize cents pages s’appl
2959 ymétrie où l’on serait tenté de s’arrêter…) Faute d’ un « jugement » que ces treize cents pages s’appliquent à dénoncer d’a
2960 té de s’arrêter…) Faute d’un « jugement » que ces treize cents pages s’appliquent à dénoncer d’avance, réduisons-nous à des no
2961 ’arrêter…) Faute d’un « jugement » que ces treize cents pages s’appliquent à dénoncer d’avance, réduisons-nous à des notes de
2962 ue ces treize cents pages s’appliquent à dénoncer d’ avance, réduisons-nous à des notes de lecture, à quelques réactions im
2963 t à dénoncer d’avance, réduisons-nous à des notes de lecture, à quelques réactions impressionnistes. ⁂ Ce qui séduit, ce q
2964 tôt c’est la complexité secrètement significative de l’ensemble. Pour qualifier cette harmonie involontaire, je ne puis év
2965 ie involontaire, je ne puis évoquer que l’exemple de Goethe, dont ce n’est pas telle œuvre ou telle action que j’aime, mai
2966 ’espace et le temps, voilà qui donnerait une idée de l’espèce d’intérêt que l’on prend à lire le Journal d’André Gide. Il
2967 e temps, voilà qui donnerait une idée de l’espèce d’ intérêt que l’on prend à lire le Journal d’André Gide. Il est probable
2968 espèce d’intérêt que l’on prend à lire le Journal d’ André Gide. Il est probable que, du seul point de vue de l’art, cet in
2969 é Gide. Il est probable que, du seul point de vue de l’art, cet intérêt demeure impur : l’indiscrétion moderne va chercher
2970 rne va chercher derrière les formes et au-dessous d’ elles, dans le tout venant de confidences fragmentaires, une vérité qu
2971 formes et au-dessous d’elles, dans le tout venant de confidences fragmentaires, une vérité que les œuvres concertées avoua
2972 e conçois, comme œuvre d’art, que limité au récit d’ une crise, et soumis par lui-même à une sorte d’unité qui fait nécessa
2973 t d’une crise, et soumis par lui-même à une sorte d’ unité qui fait nécessairement défaut à la chronique intermittente d’un
2974 écessairement défaut à la chronique intermittente d’ une existence. Malgré les pages plus élaborées que Gide a groupées ça
2975 che turque, etc.), malgré la perfection constante de l’écriture, et toutes ces aquarelles et ces tableaux de genre où s’am
2976 criture, et toutes ces aquarelles et ces tableaux de genre où s’amuse et s’attarde la maîtrise, on peut prévoir que la val
2977 ttarde la maîtrise, on peut prévoir que la valeur d’ un tel ouvrage restera d’ordre essentiellement biographique. Mais ici
2978 ut prévoir que la valeur d’un tel ouvrage restera d’ ordre essentiellement biographique. Mais ici se pose le problème de la
2979 lement biographique. Mais ici se pose le problème de la vérité du portrait, Gide note lui-même dès 1924 : « Si plus tard o
2980 de la vérité du portrait, Gide note lui-même dès 1924  : « Si plus tard on publie mon journal, je crains qu’il ne donne de m
2981 d on publie mon journal, je crains qu’il ne donne de moi une idée assez fausse. Je ne l’ai point tenu durant les longues p
2982 Je ne l’ai point tenu durant les longues périodes d’ équilibre, de santé, de bonheur ; mais bien durant ces périodes de dép
2983 int tenu durant les longues périodes d’équilibre, de santé, de bonheur ; mais bien durant ces périodes de dépression où j’
2984 urant les longues périodes d’équilibre, de santé, de bonheur ; mais bien durant ces périodes de dépression où j’avais beso
2985 santé, de bonheur ; mais bien durant ces périodes de dépression où j’avais besoin de lui pour me ressaisir, et où je me mo
2986 rant ces périodes de dépression où j’avais besoin de lui pour me ressaisir, et où je me montre dolent, geignant, pitoyable
2987 qu’il y pourvoit lui-même. Et cependant, « donner de soi une idée fausse », c’est bien ce que devait éviter Gide, plus jal
2988 rmes ? Mais ce serait un mauvais calcul. Aux yeux d’ un lecteur prévenu, tant de naturel pourrait encore passer pour une po
2989 rreur du malentendu l’entraîne à livrer au public treize cents pages d’explications qui menacent d’aggraver l’équivoque. Mais
2990 u malentendu l’entraîne à livrer au public treize cents pages d’explications qui menacent d’aggraver l’équivoque. Mais alors
2991 l’entraîne à livrer au public treize cents pages d’ explications qui menacent d’aggraver l’équivoque. Mais alors cela devi
2992 ic treize cents pages d’explications qui menacent d’ aggraver l’équivoque. Mais alors cela devient exemplaire. L’effort gid
2993 ’est plus seulement émouvant : il revêt la valeur d’ une expérience cruciale sur les limites de la sincérité en général, et
2994 valeur d’une expérience cruciale sur les limites de la sincérité en général, et du journal intime en particulier. La pass
2995 , et du journal intime en particulier. La passion d’ être complètement vrai finit par altérer le naturel ; mais par son exc
2996 e, elle nous rend attentifs aux défauts réguliers de tout autoportrait. C’est nous donner le moyen d’y porter nos retouche
2997 de tout autoportrait. C’est nous donner le moyen d’ y porter nos retouches. ⁂ Parfois, le secret d’une vie s’épuise dans l
2998 en d’y porter nos retouches. ⁂ Parfois, le secret d’ une vie s’épuise dans l’œuvre ; il ne reste pour le journal que les pl
2999 journal sont simplement des manières différentes de poursuivre une même confidence. On ne sait plus si le journal est en
3000 uvre, ou si l’œuvre n’est qu’un moment privilégié de ce journal. Alors le vrai portrait de l’auteur n’est plus dans l’œuvr
3001 privilégié de ce journal. Alors le vrai portrait de l’auteur n’est plus dans l’œuvre ni dans le journal, mais dans leur m
3002 ne grave lacune mutile l’image qu’il nous y livre de lui-même53 —, il se peut qu’elles soient dites dans Les Cahiers d’And
3003 il se peut qu’elles soient dites dans Les Cahiers d’ André Walter, et surtout dans La Porte étroite, ce roman janséniste et
3004 oman janséniste et « cathare »… ⁂ D’autres causes d’ erreur interviennent, faussant les proportions de l’autoportrait, si l
3005 d’erreur interviennent, faussant les proportions de l’autoportrait, si l’on se borne au seul journal. « Les choses les pl
3006 tant ses journées, comment ne serait-on pas tenté de dire surtout ce qui a frappé, ce qui est bizarre, ce qui fait excepti
3007 stement. Et comment ne céderait-on pas à l’invite d’ une formule, d’une épigramme sur tel ami dont il semble inutile de rép
3008 ment ne céderait-on pas à l’invite d’une formule, d’ une épigramme sur tel ami dont il semble inutile de répéter chaque foi
3009 ’une épigramme sur tel ami dont il semble inutile de répéter chaque fois qu’on l’aime ? Ainsi l’on se peint plus « rosse »
3010 e ne suis qu’un petit garçon qui s’amuse — doublé d’ un pasteur protestant qui l’ennuie. » Type de boutade dont certains, c
3011 ublé d’un pasteur protestant qui l’ennuie. » Type de boutade dont certains, contre lui, ne se priveront pas d’abuser. Voic
3012 de dont certains, contre lui, ne se priveront pas d’ abuser. Voici qui va fort loin dans la critique du genre : « Je ne pen
3013  Je ne pense pas qu’il y ait grand profit à tirer de ces examens de conscience où l’on parvient toujours à découvrir de me
3014 s qu’il y ait grand profit à tirer de ces examens de conscience où l’on parvient toujours à découvrir de mesquins ressorts
3015 conscience où l’on parvient toujours à découvrir de mesquins ressorts à n’importe quel comportement. On les inventerait m
3016 nt. On les inventerait même, pour la satisfaction de se paraître à soi-même plus perspicace, et l’on a grande tendance, pa
3017 ur de se surfaire, tout ce qui peut entrer en jeu de bonté naturelle ou de sociabilité, disons mieux : d’amabilité ; ou mi
3018 t ce qui peut entrer en jeu de bonté naturelle ou de sociabilité, disons mieux : d’amabilité ; ou mieux encore : du désir
3019 bonté naturelle ou de sociabilité, disons mieux : d’ amabilité ; ou mieux encore : du désir de paraître aimable. Mais à tro
3020 mieux : d’amabilité ; ou mieux encore : du désir de paraître aimable. Mais à trop se regarder, on ne vit plus. Le regard,
3021 cédé à la tentation qu’il décrit ? Cercle vicieux de la sincérité. Ou bien l’on est banal pour rétablir les quotidiennes p
3022 erait une discipline plus grande encore que celle de l’œuvre : il faudrait s’imposer un rythme égal et sans lacunes, une r
3023 des petits faits, situant exactement l’apparition de telle pensée ou de tel acte exceptionnel… ⁂ Les journaux d’écrivains
3024 ituant exactement l’apparition de telle pensée ou de tel acte exceptionnel… ⁂ Les journaux d’écrivains sont vrais, mais d’
3025 ensée ou de tel acte exceptionnel… ⁂ Les journaux d’ écrivains sont vrais, mais d’une vérité indirecte, et parfois même nég
3026 nnel… ⁂ Les journaux d’écrivains sont vrais, mais d’ une vérité indirecte, et parfois même négative. C’est moins la vie véc
3027 moins la vie vécue qui s’y traduit, que le désir de compenser ou de parfaire ce qui n’a pas été vécu, ou mal vécu. (« J’a
3028 cue qui s’y traduit, que le désir de compenser ou de parfaire ce qui n’a pas été vécu, ou mal vécu. (« J’avais besoin de l
3029 n’a pas été vécu, ou mal vécu. (« J’avais besoin de lui pour me ressaisir ».) La vie réelle n’y figure souvent qu’à la ma
3030 dans les rêves. Compensations, ratures, reprises d’ actes manqués… Il s’agirait de savoir si la vraie vie est dans ce qu’o
3031 , ratures, reprises d’actes manqués… Il s’agirait de savoir si la vraie vie est dans ce qu’on fait, ou dans ce qu’on pense
3032 ie est dans ce qu’on fait, ou dans ce qu’on pense de ses actions. (Voir là-dessus la note dramatique datée du 5 janvier 19
3033 ions. (Voir là-dessus la note dramatique datée du 5 janvier 1902.) ⁂ Mais voici qu’à mon tour je succombe au désir de mar
3034 r là-dessus la note dramatique datée du 5 janvier 1902. ) ⁂ Mais voici qu’à mon tour je succombe au désir de marquer les seule
3035 ) ⁂ Mais voici qu’à mon tour je succombe au désir de marquer les seules différences, oubliant ce qui va de soi : l’autopor
3036 ences, oubliant ce qui va de soi : l’autoportrait de Gide est aussi ressemblant. On l’y retrouve aussi au naturel, avec to
3037 rable modestie et ses malices, son sens rythmique de la langue toujours si fermement articulée (habitude des lectures à ha
3038 (habitude des lectures à haute voix), ses sautes d’ humeur, et ce besoin de donner raison à l’adversaire…54 On l’y retrouv
3039 à haute voix), ses sautes d’humeur, et ce besoin de donner raison à l’adversaire…54 On l’y retrouve naturaliste à la mani
3040 in, et cela me paraît nouveau, constamment occupé de problèmes religieux. Mais d’une manière qu’il importerait de spécifie
3041 , constamment occupé de problèmes religieux. Mais d’ une manière qu’il importerait de spécifier. ⁂ A-t-on remarqué jusqu’à
3042 s religieux. Mais d’une manière qu’il importerait de spécifier. ⁂ A-t-on remarqué jusqu’à quel point l’« antichristianisme
3043 marqué jusqu’à quel point l’« antichristianisme » de Gide est chrétien dans ses déterminations ? Je crois qu’on s’est trop
3044 milieu où la religion paraissait se réduire à ces deux éléments que Calvin considère comme hérétiques : libre examen et mora
3045 isme. Du libre examen, Gide conserve son exigence de vérité et de véracité « advienne que pourra ». Du moralisme, il a gar
3046 e examen, Gide conserve son exigence de vérité et de véracité « advienne que pourra ». Du moralisme, il a gardé sans doute
3047 on conformistes. Mais toute morale a bientôt fait de se muer à son tour en dogme, et la morale protestante succombe à ce d
3048 ce danger plus qu’aucune autre dans les périodes de dépression théologique. D’où le ressentiment qu’à son égard conçoiven
3049 utre dans les périodes de dépression théologique. D’ où le ressentiment qu’à son égard conçoivent beaucoup de « protestants
3050 ’à son égard conçoivent beaucoup de « protestants de naissance » détachés de la vie de leur église, et subissant seulement
3051 beaucoup de « protestants de naissance » détachés de la vie de leur église, et subissant seulement la coutume d’un milieu.
3052 e « protestants de naissance » détachés de la vie de leur église, et subissant seulement la coutume d’un milieu. Tout à fa
3053 de leur église, et subissant seulement la coutume d’ un milieu. Tout à fait justifiée en soi, cette réaction gauchit parfoi
3054 cette réaction gauchit parfois certains jugements de Gide sur la Réforme. (Il la confond souvent, me semble-t-il, avec l’i
3055 , me semble-t-il, avec l’image courante et fausse d’ un Calvin inhumain, presque manichéen.) L’évangélisme, hérité malgré t
3056 que manichéen.) L’évangélisme, hérité malgré tout de cette première éducation chrétienne, l’a mis en garde contre certaine
3057 les plus fréquentes, du christianisme : le mépris de la nature, et d’autre part, le recours à l’orthodoxie comme à une ass
3058 t-Esprit autant que sur le doute. (Il cite ce mot d’ un catholique à un pasteur : « Vous, vous croyez, mais nous savons ! »
3059 us savons ! ») Ceci explique que le souci central de Gide ait été de débarrasser son christianisme de toutes les adjonctio
3060 eci explique que le souci central de Gide ait été de débarrasser son christianisme de toutes les adjonctions « humaines —
3061 de Gide ait été de débarrasser son christianisme de toutes les adjonctions « humaines — trop humaines » du moralisme néo-
3062 moralisme néo-protestant et du dogmatisme romain. D’ où son horreur congénitale des tours de passe-passe religieux. En somm
3063 me romain. D’où son horreur congénitale des tours de passe-passe religieux. En somme, tout son effort consiste à se délivr
3064 En somme, tout son effort consiste à se délivrer de cela même que certains chrétiens désireraient lui « révéler ». Le pro
3065 rétiens désireraient lui « révéler ». Le problème de la conversion devient pour lui le problème négatif du refus de la fau
3066 ion devient pour lui le problème négatif du refus de la fausse conversion, ou de la conversion trop « facile ». « Je ne su
3067 lème négatif du refus de la fausse conversion, ou de la conversion trop « facile ». « Je ne suis ni protestant ni catholiq
3068 e l’ai souvent dit à Claudel : Ce qui me retient [ d’ entrer dans l’église], ce n’est pas la libre pensée, c’est l’Évangile.
3069 st l’Évangile. » Mais n’y a-t-il pas, à l’origine de ce refus de toute église (tant reformée que catholique), un attacheme
3070 e. » Mais n’y a-t-il pas, à l’origine de ce refus de toute église (tant reformée que catholique), un attachement à sa véri
3071 , ou même rationaliste ? Certes, je m’en voudrais de critiquer une exigence d’honnêteté qui rappelle si fort Kierkegaard.
3072 ertes, je m’en voudrais de critiquer une exigence d’ honnêteté qui rappelle si fort Kierkegaard. Gide répugne à paraître pl
3073 ffirmer plus qu’il ne croit. Il se décrit « forcé de s’asseoir au culte de famille. Sa gêne. L’horreur du geste qui puisse
3074 croit. Il se décrit « forcé de s’asseoir au culte de famille. Sa gêne. L’horreur du geste qui puisse dépasser son sentimen
3075 : je ne suis pas chrétien. Mais c’était par désir de sauver une conception pure de la foi, dont il ne s’estimait pas digne
3076 s c’était par désir de sauver une conception pure de la foi, dont il ne s’estimait pas digne, et qu’il confessait par là m
3077 ement, s’éprouve complexe et réticente. Et l’acte de foi consistera toujours à passer outre au doute naturel, à confesser
3078 ment pourrait se poser en termes nets le problème de l’église visible, de l’obéissance à une orthodoxie qui ne prétende pa
3079 r en termes nets le problème de l’église visible, de l’obéissance à une orthodoxie qui ne prétende pas s’emparer de l’Évan
3080 ce à une orthodoxie qui ne prétende pas s’emparer de l’Évangile, mais au contraire s’y ordonner. « Orthodoxie protestante
3081 n’ont pour moi aucun sens. Je ne reconnais point d’ autorité, et si j’en reconnaissais une, ce serait celle de l’Église »
3082 té, et si j’en reconnaissais une, ce serait celle de l’Église » (donc de Rome). Allons donc ! Pour un protestant, ce dilem
3083 naissais une, ce serait celle de l’Église » (donc de Rome). Allons donc ! Pour un protestant, ce dilemme est aussi choquan
3084 ains protestants. Tout ce que je me sens le droit de dire ici, c’est que la Réforme a rejeté les prétentions du pape de Ro
3085 t que la Réforme a rejeté les prétentions du pape de Rome non par dégoût de l’autorité en soi, mais au contraire par grand
3086 té les prétentions du pape de Rome non par dégoût de l’autorité en soi, mais au contraire par grande fidélité à l’autorité
3087 ais au contraire par grande fidélité à l’autorité de l’Évangile, fondement unique et suffisant de la seule orthodoxie libé
3088 rité de l’Évangile, fondement unique et suffisant de la seule orthodoxie libératrice. ⁂ Si, malgré son génie du scrupule,
3089 ie du scrupule, Gide s’expose parfois au reproche de prendre position non sans légèreté sur des problèmes infiniment compl
3090 qu’on le peut expliquer par une certaine défiance d’ artiste à l’égard des « idées » en soi, et de l’information méthodique
3091 ance d’artiste à l’égard des « idées » en soi, et de l’information méthodique. C’est par là que je sens le mieux la distan
3092 ar là que je sens le mieux la distance qui sépare de la sienne ma génération littéraire. Notre culture est beaucoup plus p
3093 s davantage qu’ils ne servent nos goûts naturels, d’ où le danger de didactisme que nous courons tous plus ou moins. À cet
3094 ils ne servent nos goûts naturels, d’où le danger de didactisme que nous courons tous plus ou moins. À cet égard, il m’app
3095 ou moins. À cet égard, il m’apparaît que la leçon de Gide, pour ceux de mon âge, est moins urgente dans l’ordre de l’éthiq
3096 rd, il m’apparaît que la leçon de Gide, pour ceux de mon âge, est moins urgente dans l’ordre de l’éthique, que dans celui
3097 r ceux de mon âge, est moins urgente dans l’ordre de l’éthique, que dans celui de l’esthétique. C’est le maître-artisan de
3098 urgente dans l’ordre de l’éthique, que dans celui de l’esthétique. C’est le maître-artisan de la langue, plus que l’immora
3099 ns celui de l’esthétique. C’est le maître-artisan de la langue, plus que l’immoraliste, qui nous importe, et qui nous inté
3100 gueilleuses, « André Gide à n’en plus finir » ! 53. Cf. p. 1331, note du 26 janvier 1930. 54. Besoin si contagieux, lors
3101 à n’en plus finir » ! 53. Cf. p. 1331, note du 26 janvier 1930. 54. Besoin si contagieux, lorsqu’on parle avec lui, ou
3102 s finir » ! 53. Cf. p. 1331, note du 26 janvier 1930. 54. Besoin si contagieux, lorsqu’on parle avec lui, ou qu’on écrit à
3103  » ! 53. Cf. p. 1331, note du 26 janvier 1930. 54. Besoin si contagieux, lorsqu’on parle avec lui, ou qu’on écrit à son
3104 pas exactement les siennes… ar. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Au sujet du Journal d’André Gide », La Nouvelle Rev
3105 nt Denis de, « [Compte rendu] Au sujet du Journal d’ André Gide », La Nouvelle Revue française, Paris, janvier 1940, p. 24-
3106 de », La Nouvelle Revue française, Paris, janvier 1940, p. 24-32.
41 1940, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Hommage à C. F. Ramuz (mai 1940)
3107 Hommage à C. F. Ramuz (mai 1940)as Le plus intéressant dans un recueil de mélan
3108 Hommage à C. F. Ramuz (mai 1940 )as Le plus intéressant dans un recueil de mélanges ou d’hommages,
3109 ai 1940)as Le plus intéressant dans un recueil de mélanges ou d’hommages, c’est en général le sommaire : cette fois enc
3110 e plus intéressant dans un recueil de mélanges ou d’ hommages, c’est en général le sommaire : cette fois encore. Voici le n
3111 s (à peu près le groupe des Cahiers vaudois), les deux Cingria, le peintre Auberjonois, Ansermet, Stravinsky. Claudel y touc
3112 berjonois, Ansermet, Stravinsky. Claudel y touche de près. Cocteau y a des souvenirs, Maritain des amitiés. Pour la fête,
3113 iés. Pour la fête, on a invité quelques étrangers de marque : Thomas Mann, Zweig, Valéry. Et les quatre langues suisses —
3114 rs de marque : Thomas Mann, Zweig, Valéry. Et les quatre langues suisses — n’oubliez pas le ladin des Grisons — viennent dire
3115 iennent dire au dessert leur couplet. Ce complexe de mystique paysanne, de goût de « l’authentique », de musique russe, d’
3116 t leur couplet. Ce complexe de mystique paysanne, de goût de « l’authentique », de musique russe, d’avant-garde ascétique,
3117 ouplet. Ce complexe de mystique paysanne, de goût de « l’authentique », de musique russe, d’avant-garde ascétique, d’humou
3118 mystique paysanne, de goût de « l’authentique », de musique russe, d’avant-garde ascétique, d’humour vaudois et de cosmop
3119 , de goût de « l’authentique », de musique russe, d’ avant-garde ascétique, d’humour vaudois et de cosmopolitisme non pas à
3120 que », de musique russe, d’avant-garde ascétique, d’ humour vaudois et de cosmopolitisme non pas à la manière de Genève mai
3121 sse, d’avant-garde ascétique, d’humour vaudois et de cosmopolitisme non pas à la manière de Genève mais à celle des trouba
3122 ue ces créations spontanées, comme accidentelles, de centres européens dans un canton : Zurich au xviiie siècle, Coppet,
3123 e siècle, Coppet, Bâle au temps de Burckhardt et de Nietzsche… Mais le centre vaudois s’est distingué par sa méfiance à l
3124 iversel par les racines. C’est, comme ils disent, de la vraie « culture ». Il faut mettre hors de pair, dans ce recueil, l
3125 , dans ce recueil, le Petit Ramusianum harmonique de Ch.-A. Cingria et Stravinsky : l’humour de l’authentique, si caractér
3126 onique de Ch.-A. Cingria et Stravinsky : l’humour de l’authentique, si caractéristique du cercle ramuzien, s’y traduit en
3127 ons acidulés et en mélodies savamment bêtifiantes de compliment d’anniversaire. Quant au « message » du poète, il s’exprim
3128 t en mélodies savamment bêtifiantes de compliment d’ anniversaire. Quant au « message » du poète, il s’exprime surtout dans
3129 u « message » du poète, il s’exprime surtout dans deux portraits photographiques de Germaine Martin et de H. L. Mermod. Ce v
3130 prime surtout dans deux portraits photographiques de Germaine Martin et de H. L. Mermod. Ce visage puissamment travaillé e
3131 x portraits photographiques de Germaine Martin et de H. L. Mermod. Ce visage puissamment travaillé et simplifié, cet œil h
3132 , cet œil halluciné par le réel, c’est tout l’art de Ramuz exposé. Ici, tout le mystère se mue en forme et en physionomie
3133 t en physionomie lisible. Enfin, l’on est au-delà de la psychologie. « N’allez pas chercher derrière la forme, disait Goet
3134 elle-même enseignement. » as. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Hommage à C. F. Ramuz  », La Nouvelle Revue françai
3135 . Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Hommage à C. F. Ramuz  », La Nouvelle Revue française, Paris, mai 1940, p. 697-698
3136 Ramuz  », La Nouvelle Revue française, Paris, mai 1940, p. 697-698.
42 1951, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Un complot de protestants (novembre 1951)
3137 Un complot de protestants (novembre 1951)at Tout compte fait, nous nous connaiss
3138 Un complot de protestants (novembre 1951 )at Tout compte fait, nous nous connaissions peu, ce jour de juin 3
3139 compte fait, nous nous connaissions peu, ce jour de juin 39 où dans le hall de la rue Sébastien-Bottin, j’étais en train
3140 fait, nous nous connaissions peu, ce jour de juin 39 où dans le hall de la rue Sébastien-Bottin, j’étais en train de télép
3141 naissions peu, ce jour de juin 39 où dans le hall de la rue Sébastien-Bottin, j’étais en train de téléphoner quand je le v
3142 vois descendre l’escalier. Je parle en le suivant d’ un œil. Il s’arrête, il paraît attendre. Je pose le récepteur et nous
3143 que je l’ignore, devant quitter demain la maison de Charles Du Bos qui rentre d’Amérique, et je viens d’apprendre au télé
3144 ter demain la maison de Charles Du Bos qui rentre d’ Amérique, et je viens d’apprendre au téléphone que « cela ne va plus »
3145 Charles Du Bos qui rentre d’Amérique, et je viens d’ apprendre au téléphone que « cela ne va plus » pour un appartement pro
3146 vant : « Eh bien ! si c’est ainsi, allons le voir de ce pas, voulez-vous ? » Alors, seulement, je comprends qu’il avait di
3147 t moi. Le studio est vaste et plaisant, agrémenté d’ un escalier conduisant à une large galerie. Par une porte capitonnée q
3148 n robe de chambre grise, le corps un peu tassé et de large carrure, sa belle tête de moine tibétain barrée d’un sourire mi
3149 s un peu tassé et de large carrure, sa belle tête de moine tibétain barrée d’un sourire mince et pourtant amical. Il fait
3150 e carrure, sa belle tête de moine tibétain barrée d’ un sourire mince et pourtant amical. Il fait très chaud. De ses poches
3151 ire mince et pourtant amical. Il fait très chaud. De ses poches, il tire deux bouteilles de bière et nous les offre. Au mi
3152 mical. Il fait très chaud. De ses poches, il tire deux bouteilles de bière et nous les offre. Au milieu du studio pend un tr
3153 rès chaud. De ses poches, il tire deux bouteilles de bière et nous les offre. Au milieu du studio pend un trapèze. Gide s’
3154 eu du studio pend un trapèze. Gide s’y appuie des deux mains, se balance en regardant nos valises. « Tout cela s’est arrangé
3155 ire ?… » avec un sourire inquisiteur. Je me garde de répondre. Finalement, Gide en riant : « On va dire que c’est un compl
3156 Gide en riant : « On va dire que c’est un complot de protestants ! » Le mot ne manque pas de pertinence. Tous les matins,
3157 n complot de protestants ! » Le mot ne manque pas de pertinence. Tous les matins, vers onze heures, il viendra entrouvrir
3158 e manque pas de pertinence. Tous les matins, vers onze heures, il viendra entrouvrir la porte capitonnée, en s’annonçant par
3159 par un profond « Allô ! Allô ! » et me demandera de passer chez lui pour quelques instants. Et, chaque fois, il orientera
3160 é. Saint Paul reste sa bête noire. Et l’idée même d’ orthodoxie. Il nie vivement que le terme d’orthodoxie protestante puis
3161 e même d’orthodoxie. Il nie vivement que le terme d’ orthodoxie protestante puisse avoir un sens. Le protestant, pour lui,
3162 -je, vous vous en tenez au protestantisme libéral de la fin du xixe siècle ? » — « Oui, c’est assez cela, la position du
3163 y, que j’aimais bien. » Vite lassé par les débats d’ idées, il semble répugner à toute pensée qui par le style d’abord ne l
3164 l’ait séduit. Il me parle souvent des Variations de Bossuet, avec une vive admiration, mais se refuse à Kierkegaard, qu’i
3165 anchement ses limites, et les moyens particuliers de sa recherche. Sur un seul de ces entretiens, j’ai pris des notes. C’e
3166 moyens particuliers de sa recherche. Sur un seul de ces entretiens, j’ai pris des notes. C’est celui du 20 juin. J’avais
3167 s entretiens, j’ai pris des notes. C’est celui du 20 juin. J’avais eu l’impression ce jour-là que Gide passait la prudence
3168 ise, qu’il y trouve une explication des « erreurs de sa vie de jeune homme ». En phrases lentes et difficultueuses, coupée
3169 y trouve une explication des « erreurs de sa vie de jeune homme ». En phrases lentes et difficultueuses, coupées de silen
3170  ». En phrases lentes et difficultueuses, coupées de silences et de reniflements, il se met à parler sur « le drame de sa
3171 lentes et difficultueuses, coupées de silences et de reniflements, il se met à parler sur « le drame de sa vie ». Jeune ho
3172 e reniflements, il se met à parler sur « le drame de sa vie ». Jeune homme épris et puritain, il a voulu disjoindre l’amou
3173 ir. Il croyait que « l’amour hétérosexuel » était d’ autant plus pur que rien de charnel ne s’y mêlait. « C’est ainsi que j
3174 r hétérosexuel » était d’autant plus pur que rien de charnel ne s’y mêlait. « C’est ainsi que je me suis complètement blou
3175 frappé chez bien des femmes, c’est leur manière «  de s’offusquer du désir de l’homme ». Plusieurs, mariées, lui ont confié
3176 mes, c’est leur manière « de s’offusquer du désir de l’homme ». Plusieurs, mariées, lui ont confié « qu’elles tenaient la
3177 ées, lui ont confié « qu’elles tenaient la libido de leur mari pour quelque chose de morbide. “Cela recommence tout le tem
3178 enaient la libido de leur mari pour quelque chose de morbide. “Cela recommence tout le temps !” disaient-elles ». Il hoche
3179 uve cela très curieux, n’est-ce pas ? — un éclair de malice au coin de l’œil. Puis il a quelques phrases obscures, apparem
3180 . « Je vous parle très sincèrement, je vous parle de choses qui ont joué un rôle très grave dans ma vie. » (Frappé par le
3181 rôle très grave dans ma vie. » (Frappé par le ton de confession, par le ton « c’était mal » de ses propos.) Et, subitement
3182 le ton de confession, par le ton « c’était mal » de ses propos.) Et, subitement, après un silence : « C’est ainsi que j’a
3183 ainsi que j’ai commis, à cette époque — je parle de mon premier séjour en Afrique, — une terrible erreur d’aiguillage ! »
3184 premier séjour en Afrique, — une terrible erreur d’ aiguillage ! » Puis il tousse, se plaint de fumer trop, et de n’arrive
3185 erreur d’aiguillage ! » Puis il tousse, se plaint de fumer trop, et de n’arriver point à se contraindre. Les jours suivant
3186 e ! » Puis il tousse, se plaint de fumer trop, et de n’arriver point à se contraindre. Les jours suivants, il me donne à l
3187 ts, il me donne à lire, par paquets, les épreuves de son Journal en cours d’impression, et sur lequel je vais écrire un ar
3188 par paquets, les épreuves de son Journal en cours d’ impression, et sur lequel je vais écrire un article pour la NRF. Il in
3189 és. On les lira plus tard. Il les a recopiés dans deux cahiers gris d’écolier. Un soir, il vient m’avertir qu’il compte s’ab
3190 us tard. Il les a recopiés dans deux cahiers gris d’ écolier. Un soir, il vient m’avertir qu’il compte s’absenter pour huit
3191 , il vient m’avertir qu’il compte s’absenter pour huit jours. Mais son studio me restera ouvert ; que j’y vienne prendre tou
3192 sûr. Des housses couvrent les meubles, une sorte de vieux drap son grand bureau. Sur l’étoffe, bien en évidence, un fort
3193 r l’étoffe, bien en évidence, un fort cahier gris d’ écolier. J’ai lu les premières lignes, pour vérifier, et j’ai vite ref
3194 udeur, ou répugnance à donner dans le piège ? Les deux sans doute. Combien de fois l’ai-je revu après la guerre ? Souvent, e
3195 nner dans le piège ? Les deux sans doute. Combien de fois l’ai-je revu après la guerre ? Souvent, en somme, et dans les li
3196 à Neuchâtel, à Berne. Mais je n’ai plus souvenir d’ aucune conversation qui mérite d’être rapportée, j’entends : qui modif
3197 ai plus souvenir d’aucune conversation qui mérite d’ être rapportée, j’entends : qui modifie le moins du monde l’image que
3198 odifie le moins du monde l’image que l’on connaît de lui. Nous parlions style, tournures de phrases, Littré. Et quelquefoi
3199 on connaît de lui. Nous parlions style, tournures de phrases, Littré. Et quelquefois, littérature. (Mais il s’en détachait
3200 e les ouvrages qu’il se sentait le plus incapable d’ écrire : ceux d’un Marcel Aymé, d’un Simenon.) À Berne, pendant un déj
3201 u’il se sentait le plus incapable d’écrire : ceux d’ un Marcel Aymé, d’un Simenon.) À Berne, pendant un déjeuner, il s’enqu
3202 plus incapable d’écrire : ceux d’un Marcel Aymé, d’ un Simenon.) À Berne, pendant un déjeuner, il s’enquit avec insistance
3203 pendant un déjeuner, il s’enquit avec insistance de mon opinion sur Strindberg, et je lui fis une réponse assez vague, m’
3204 i fis une réponse assez vague, m’étonnant surtout de la question. Huit jours plus tard, il recevait le prix Nobel. Chez Ri
3205 e assez vague, m’étonnant surtout de la question. Huit jours plus tard, il recevait le prix Nobel. Chez Richard Heyd, un soi
3206 l, l’on jouait au « cadavre exquis ». (L’un écrit trois questions, l’autre en même temps trois réponses, puis on lit à haute
3207 L’un écrit trois questions, l’autre en même temps trois réponses, puis on lit à haute voix les papiers. Jeu de télépathie, pl
3208 ponses, puis on lit à haute voix les papiers. Jeu de télépathie, plutôt que de hasard.) J’avais écrit, dernière question :
3209 e voix les papiers. Jeu de télépathie, plutôt que de hasard.) J’avais écrit, dernière question : « Qu’est-ce que le style 
3210 et proposa des bouts-rimés. Il y excellait. ⁂ Peu d’ hommes m’ont donné l’impression que le problème religieux existait dan
3211 is il restait, pour lui, problème. Gide avait peu d’ instinct religieux, et moins encore de goût pour la métaphysique. Il p
3212 e avait peu d’instinct religieux, et moins encore de goût pour la métaphysique. Il préférait ce qu’il jugeait important à
3213 tant à ce que d’autres jugent profond. Son défaut de sens poétique me paraît presque inégalé depuis Montaigne. (Je ne nie
3214 itude envers le christianisme et son mystère. Peu d’ instinct religieux chez cet homme, alors que le christianisme, l’Églis
3215 Église et l’Évangile, furent ses constants sujets d’ irritation, de nostalgie ou de perplexité ? Le paradoxe n’est qu’appar
3216 angile, furent ses constants sujets d’irritation, de nostalgie ou de perplexité ? Le paradoxe n’est qu’apparent. Qu’on n’o
3217 es constants sujets d’irritation, de nostalgie ou de perplexité ? Le paradoxe n’est qu’apparent. Qu’on n’oublie pas sa for
3218 ses lectures prolongées et sans cesse renouvelées de l’Écriture ; son amour pour le style biblique ; la confusion courante
3219 s bourgeois entre tabous sexuels et spiritualité, d’ où sa polémique inlassable contre l’orthodoxie telle qu’il l’imaginait
3220 dans laquelle il voyait (par erreur) la sanction d’ une certaine éthique ; la conversion de quelques-uns de ses amis ; enf
3221 a sanction d’une certaine éthique ; la conversion de quelques-uns de ses amis ; enfin la piété de sa femme. Ces données bi
3222 certaine éthique ; la conversion de quelques-uns de ses amis ; enfin la piété de sa femme. Ces données biographiques ne f
3223 sion de quelques-uns de ses amis ; enfin la piété de sa femme. Ces données biographiques ne font point une nature. Elles e
3224 insistance du problème aux stades les plus variés de l’évolution de Gide. Ce qui l’a vraiment torturé, c’est l’éthique, n
3225 roblème aux stades les plus variés de l’évolution de Gide. Ce qui l’a vraiment torturé, c’est l’éthique, non le religieux
3226 ale ? Je pense plutôt que la morale était le lieu de son vrai drame, et qu’il ne pouvait approcher la religion que dans ce
3227 éfinir un saint qui ne croit pas ? Un saint privé de foi autant que de religion, ni chrétien ni hindou, sans mystique, ni
3228 i ne croit pas ? Un saint privé de foi autant que de religion, ni chrétien ni hindou, sans mystique, ni mystère ? Ne serai
3229 partis pris éthiques ? Ce débat nous éloignerait de la réalité de Gide. Une intense affectivité le liait, le reliait, au
3230 thiques ? Ce débat nous éloignerait de la réalité de Gide. Une intense affectivité le liait, le reliait, au monde du chris
3231 s dimensions profondes. J’ai dit qu’il se méfiait d’ une certaine « profondeur » qui mesure parfois la distance entre l’éth
3232 u’il tenait pour la vérité. Il lui arrivait ainsi de s’arrêter à la logique exotérique d’un texte, disons à son seul sens
3233 rivait ainsi de s’arrêter à la logique exotérique d’ un texte, disons à son seul sens éthique. Penchant bien protestant, ou
3234 e. Penchant bien protestant, ou simplement rançon d’ une sobriété stricte. Ses connaissances bibliques me stupéfiaient. L’u
3235 écusé, Gide objectait, déduisait, s’émouvait… Peu d’ écrivains, même chrétiens, nous ont montré pareil amour pour l’Évangil
3236 ile, et cela jusque dans les années où il doutait de l’existence de Dieu. Mais il croyait à l’homme individuel, et cette c
3237 sque dans les années où il doutait de l’existence de Dieu. Mais il croyait à l’homme individuel, et cette croyance est née
3238 t à l’homme individuel, et cette croyance est née de la synthèse du christianisme. Elle n’existe pas hors de lui, et n’est
3239 . Savons-nous encore mesurer le sens et la portée de cette banalité, en vérité bizarre et unique dans l’Histoire, une civi
3240 e et unique dans l’Histoire, une civilisation sur vingt et une connues l’ayant rendue possible et acceptable. « Hérétique ent
3241 rétique entre les hérétiques », toujours soucieux de différer mais de légitimer sa différence, on ne pouvait être plus occ
3242 hérétiques », toujours soucieux de différer mais de légitimer sa différence, on ne pouvait être plus occidental. On ne po
3243 traditionnelles, au sens du mythe, des astres et de l’ordre cosmique, ou bien encore au sens de lois fatales et collectiv
3244 es et de l’ordre cosmique, ou bien encore au sens de lois fatales et collectives interprétées par un Parti. C’est pourquoi
3245 pose au monde christianisé, et à lui seul, libéré de l’empire des mythes, n’a cessé d’occuper sa pensée. Et j’ignore si c’
3246 ui seul, libéré de l’empire des mythes, n’a cessé d’ occuper sa pensée. Et j’ignore si c’est mal ou bien : je constate simp
3247 iens pas la foi pour une vertu plus que l’absence de foi pour une preuve de courage. Des vertus et des vices, dans un mili
3248 e vertu plus que l’absence de foi pour une preuve de courage. Des vertus et des vices, dans un milieu donné, tout le monde
3249 ans un milieu donné, tout le monde reste en droit de juger au nom des normes établies. Mais la foi, le salut personnel n’o
3250 nt rien à voir avec la bienséance, et ne sont pas de l’ordre des mérites. Et c’est pourquoi il est écrit : « Ne jugez pas 
3251 réprouve, ces discussions sur la croyance ou non d’ un homme connu, multipliées et prolongées après sa mort, dans notre si
3252 u’on croie cela, laissant aux incroyants le droit de mieux savoir. Et qu’est-ce que cela peut bien nous faire ? Sinon nous
3253 que cela peut bien nous faire ? Sinon nous servir d’ argument et nous rassurer curieusement dans notre foi ou dans notre in
3254 ’est justement le totalitarisme, qui est l’esprit de parti logiquement développé. Et d’abord dans la religion. Le vrai cro
3255 nd l’État contre l’homme invoquera les Nécessités de l’Histoire ? Il n’est pas de vraie foi sans vrai doute, plus qu’il n’
3256 quera les Nécessités de l’Histoire ? Il n’est pas de vraie foi sans vrai doute, plus qu’il n’est de lumière sans ombre. Et
3257 as de vraie foi sans vrai doute, plus qu’il n’est de lumière sans ombre. Et je n’entends pas dire que Gide fut un croyant,
3258 ste un douteur exemplaire. at. Rougemont Denis de , « Un complot de protestants », La Nouvelle Revue française, Paris, n
3259 emplaire. at. Rougemont Denis de, « Un complot de protestants », La Nouvelle Revue française, Paris, novembre 1951, p. 
3260 s », La Nouvelle Revue française, Paris, novembre 1951, p. 281-288.
43 1957, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). La découverte du temps ou l’aventure occidentale (mars 1957)
3261 couverte du temps ou l’aventure occidentale (mars 1957 )au Pourquoi l’Europe a-t-elle créé les sciences physiques, conçu
3262 é mieux peut-être, mais pas cela. Est-il possible d’ attribuer aux « inventions » les plus typiques de l’Occident (le conce
3263 d’attribuer aux « inventions » les plus typiques de l’Occident (le concept de personne humaine et le développement de la
3264 ons » les plus typiques de l’Occident (le concept de personne humaine et le développement de la technique, par exemple) un
3265 e concept de personne humaine et le développement de la technique, par exemple) une origine ou une visée communes, révélan
3266 igine ou une visée communes, révélant un principe de cohérence parmi tant de contradictions ? L’unité de l’Europe n’est pa
3267 cohérence parmi tant de contradictions ? L’unité de l’Europe n’est pas définissable par un contour géographique, moins en
3268 graphique, moins encore par un consensus délibéré de tous ses peuples, ou par quelque essence éternelle, comme on l’a cru
3269 u par quelque essence éternelle, comme on l’a cru de l’unité de nos nations à partir du xixe siècle. L’Europe est une lon
3270 ue essence éternelle, comme on l’a cru de l’unité de nos nations à partir du xixe siècle. L’Europe est une longue aventur
3271 le. L’Europe est une longue aventure, et l’esprit d’ aventure y paraît plus sensible que l’objet de la quête n’est claireme
3272 rit d’aventure y paraît plus sensible que l’objet de la quête n’est clairement connaissable. Pourtant, certaines options f
3273 ptions fondamentales ont pu conditionner l’allure de l’odyssée. Ôtez le dogme de l’Incarnation, formulé au concile de Nicé
3274 conditionner l’allure de l’odyssée. Ôtez le dogme de l’Incarnation, formulé au concile de Nicée, et vous ôtez la condition
3275 tez le dogme de l’Incarnation, formulé au concile de Nicée, et vous ôtez la condition des sciences physiques et naturelles
3276 t naturelles, qui est la reconnaissance du corps, de la matière, et de la forme du monde en tant que réalités. (L’Orient l
3277 est la reconnaissance du corps, de la matière, et de la forme du monde en tant que réalités. (L’Orient les tient pour illu
3278 (L’Orient les tient pour illusoires.) Ôtez l’idée de la personne, déduite des grandes définitions trinitaires et christolo
3279 avez quelque chose comme l’Inde et non l’Europe. De cette recherche d’un principe de cohérence révélé par la nature même
3280 comme l’Inde et non l’Europe. De cette recherche d’ un principe de cohérence révélé par la nature même des péripéties de l
3281 t non l’Europe. De cette recherche d’un principe de cohérence révélé par la nature même des péripéties de l’Aventure, je
3282 ohérence révélé par la nature même des péripéties de l’Aventure, je détache ici le moment de l’exploration du temps, mère
3283 éripéties de l’Aventure, je détache ici le moment de l’exploration du temps, mère de l’Histoire. 1. L’Occident découvre
3284 de l’exploration du temps, mère de l’Histoire. 1. L’Occident découvre le Temps De la Genèse mosaïque jusqu’aux début
3285 l’Histoire. 1. L’Occident découvre le Temps De la Genèse mosaïque jusqu’aux débuts du siècle dernier, les Occidentau
3286 cidentaux n’ont presque pas varié quant à la date de naissance de l’humanité. Un professeur de Cambridge, au xviiie siècl
3287 nt presque pas varié quant à la date de naissance de l’humanité. Un professeur de Cambridge, au xviiie siècle, crut pouvo
3288 la date de naissance de l’humanité. Un professeur de Cambridge, au xviiie siècle, crut pouvoir la préciser : l’homme avai
3289 t pouvoir la préciser : l’homme avait été créé en 4004 avant J.-C., le 23 octobre, à 9 heures du matin. Les professeurs d’Ox
3290 voir la préciser : l’homme avait été créé en 4004 avant J.-C. , le 23 octobre, à 9 heures du matin. Les professeurs d’Oxford tenaien
3291  : l’homme avait été créé en 4004 avant J.-C., le 23 octobre, à 9 heures du matin. Les professeurs d’Oxford tenaient pour
3292 it été créé en 4004 avant J.-C., le 23 octobre, à 9 heures du matin. Les professeurs d’Oxford tenaient pour le 23 mars, m
3293 23 octobre, à 9 heures du matin. Les professeurs d’ Oxford tenaient pour le 23 mars, même heure et même année. Buffon écri
3294 matin. Les professeurs d’Oxford tenaient pour le 23 mars, même heure et même année. Buffon écrit un peu plus tard : « Dep
3295 t un peu plus tard : « Depuis la fin des ouvrages de Dieu, c’est-à-dire depuis la création de l’homme, il ne s’est écoulé
3296 ouvrages de Dieu, c’est-à-dire depuis la création de l’homme, il ne s’est écoulé que six ou huit-mille ans. » Cuvier parta
3297 is la création de l’homme, il ne s’est écoulé que six ou huit-mille ans. » Cuvier partage ces vues, que Schelling suit enco
3298 xixe siècle, et que les catéchismes ne cesseront d’ enseigner à des générations dont notre enfance a connu les derniers re
3299 connu les derniers représentants. Cependant, vers 1950, nul ne peut plus douter que l’homme existe depuis environ cent-mille
3300  c’est au moins six-cent-mille qu’il conviendrait d’ admettre. Centupler brusquement l’âge de l’humanité peut paraître une
3301 viendrait d’admettre. Centupler brusquement l’âge de l’humanité peut paraître une révolution considérable. Mais ce n’est g
3302 sidérable. Mais ce n’est guère qu’un détail dénué d’ intérêt pour peu que l’on considère les dimensions du temps décrites p
3303 s du temps décrites par les anciennes cosmologies de l’Orient. Pour l’Inde, l’unité de temps — le Kalpa ou Jour de Brahma
3304 nes cosmologies de l’Orient. Pour l’Inde, l’unité de temps — le Kalpa ou Jour de Brahma — est de quatre-milliards-trois-ce
3305 Pour l’Inde, l’unité de temps — le Kalpa ou Jour de Brahma — est de quatre-milliards-trois-cent-vingt-millions d’années s
3306 unité de temps — le Kalpa ou Jour de Brahma — est de quatre-milliards-trois-cent-vingt-millions d’années solaires. Or la v
3307 est de quatre-milliards-trois-cent-vingt-millions d’ années solaires. Or la vie d’un Brahma est de cent et huit « années »,
3308 -cent-vingt-millions d’années solaires. Or la vie d’ un Brahma est de cent et huit « années », dont chaque jour et chaque n
3309 ions d’années solaires. Or la vie d’un Brahma est de cent et huit « années », dont chaque jour et chaque nuit représentent
3310 s d’années solaires. Or la vie d’un Brahma est de cent et huit « années », dont chaque jour et chaque nuit représentent un K
3311 es solaires. Or la vie d’un Brahma est de cent et huit « années », dont chaque jour et chaque nuit représentent un Kalpa. Ap
3312 un Kalpa. Après deux-cent-quarante-neuf-milliards d’ années, le Brahma meurt, l’univers retourne au grand Chaos pour une du
3313 autre Brahma inaugure une ère nouvelle, et ainsi de suite à l’infini. Quant au temps de notre humanité : chaque Jour de B
3314 i. Quant au temps de notre humanité : chaque Jour de Brahma se divise en mille éons de quatre-millions-trois-cent-vingt-mi
3315 tre humanité : chaque Jour de Brahma se divise en mille éons de quatre-millions-trois-cent-vingt-mille ans chacun, et chaque
3316 é : chaque Jour de Brahma se divise en mille éons de quatre-millions-trois-cent-vingt-mille ans chacun, et chaque éon se s
3317 t-mille ans chacun, et chaque éon se subdivise en quatre âges de durées décroissantes. Nous vivons aujourd’hui dans le sixième
3318 chacun, et chaque éon se subdivise en quatre âges de durées décroissantes. Nous vivons aujourd’hui dans le sixième milléna
3319 ous vivons aujourd’hui dans le sixième millénaire d’ un quatrième âge, ou Kaliyuga, lequel a commencé à minuit précise, le
3320 Kaliyuga, lequel a commencé à minuit précise, le 18 février 3102 avant J.-C., et doit se terminer dans 426 941 ans par la
3321 lequel a commencé à minuit précise, le 18 février 3102 avant J.-C., et doit se terminer dans 426 941 ans par la destruction
3322 l a commencé à minuit précise, le 18 février 3102 avant J.-C. , et doit se terminer dans 426 941 ans par la destruction du monde et
3323 évrier 3102 avant J.-C., et doit se terminer dans 426  941 ans par la destruction du monde et sa reconstruction, qui sera l’
3324 er 3102 avant J.-C., et doit se terminer dans 426  941 ans par la destruction du monde et sa reconstruction, qui sera l’œuvr
3325 n du monde et sa reconstruction, qui sera l’œuvre de Kalki, dernier avatar de Vishnu. En regard des ordres de grandeur, si
3326 uction, qui sera l’œuvre de Kalki, dernier avatar de Vishnu. En regard des ordres de grandeur, si prodigieusement différen
3327 i, dernier avatar de Vishnu. En regard des ordres de grandeur, si prodigieusement différents, attribués par les grandes re
3328 t différents, attribués par les grandes religions de l’Orient et de l’Occident au temps cosmique comme au temps des humain
3329 ttribués par les grandes religions de l’Orient et de l’Occident au temps cosmique comme au temps des humains, plaçons main
3330 ains, plaçons maintenant ce double fait : le sens de l’Histoire est caractéristique de l’Occident, et il y tourne même à l
3331 fait : le sens de l’Histoire est caractéristique de l’Occident, et il y tourne même à l’obsession si l’on en juge par not
3332 oute réflexion sur l’Aventure occidentale se doit d’ affronter ce contraste et d’essayer de l’interpréter. Et, en particuli
3333 e occidentale se doit d’affronter ce contraste et d’ essayer de l’interpréter. Et, en particulier, toute théorie de l’Histo
3334 ale se doit d’affronter ce contraste et d’essayer de l’interpréter. Et, en particulier, toute théorie de l’Histoire qui né
3335 l’interpréter. Et, en particulier, toute théorie de l’Histoire qui négligerait d’en rendre compte ou s’en révélerait inca
3336 lier, toute théorie de l’Histoire qui négligerait d’ en rendre compte ou s’en révélerait incapable apparaîtrait inadéquate
3337 son sujet. On verra mieux pourquoi, par la suite de ce chapitre. 2. Co-naissance de l’Histoire et de la Personne Un
3338 a mieux pourquoi, par la suite de ce chapitre. 2. Co-naissance de l’Histoire et de la Personne Un fait quelconque n’
3339 ce chapitre. 2. Co-naissance de l’Histoire et de la Personne Un fait quelconque n’est historique au sens exact qu’e
3340 , autrement il est vu comme une répétition, grain de poussière isolé d’un univers absurde relevant de la pure statistique,
3341 vu comme une répétition, grain de poussière isolé d’ un univers absurde relevant de la pure statistique, ou cellule transit
3342 de poussière isolé d’un univers absurde relevant de la pure statistique, ou cellule transitoire d’un corps magique sans f
3343 nt de la pure statistique, ou cellule transitoire d’ un corps magique sans fin. Combien d’individus sont-ils donc nés et mo
3344 transitoire d’un corps magique sans fin. Combien d’ individus sont-ils donc nés et morts depuis qu’il y a des hommes sur c
3345 ial pouvait nous dire demain que la réponse est «  de l’ordre de trois-cents-milliards », nous en serions moins étourdis qu
3346 nous dire demain que la réponse est « de l’ordre de trois-cents-milliards », nous en serions moins étourdis que gênés. Ma
3347 », nous en serions moins étourdis que gênés. Mais d’ où viendrait notre malaise ? Comment ne pas voir qu’il serait intimeme
3348 ement lié, chez ceux qui l’éprouveraient, au sens de la personne ? Presque toutes les cultures et civilisations que nous a
3349 et civilisations que nous avons exhumées du passé de la Terre ou qui survivent dans notre siècle ont enseigné des théories
3350 . Ses prophètes ont cru que Iahvé intervenait par de libres actions dans l’existence terrestre du peuple élu : dès lors, c
3351 ès lors, celle-ci ne dépendait plus des astres ni d’ un cours calculable des temps, mais d’une intention personnelle, inscr
3352 s astres ni d’un cours calculable des temps, mais d’ une intention personnelle, inscrutable et pourtant manifestée par une
3353 inscrutable et pourtant manifestée par une suite d’ événements révélateurs. L’incarnation du Christ vint accomplir cette v
3354 st vint accomplir cette vocation unique du peuple d’ Israël. Et, certes, l’Évangile ignore absolument toute espèce de doctr
3355 certes, l’Évangile ignore absolument toute espèce de doctrine de l’Histoire : il annonce la Résurrection, qui est victoire
3356 angile ignore absolument toute espèce de doctrine de l’Histoire : il annonce la Résurrection, qui est victoire sur le temp
3357 e évangélique ont découvert le temps irréversible de l’Histoire, et qu’ils ont osé l’accepter. La prédication paulinienne,
3358 n insistance extraordinaire sur l’unicité absolue de l’Incarnation salvatrice, et cet « une fois pour toutes » qui sert de
3359 vatrice, et cet « une fois pour toutes » qui sert de leitmotiv à l’Épître « aux Hébreux » précisément, voilà qui brise la
3360 Prophètes s’ouvre alors le temps du salut : temps de l’attente active, de l’espérance patiente et de la foi dans un retour
3361 rs le temps du salut : temps de l’attente active, de l’espérance patiente et de la foi dans un retour unique du Christ glo
3362 s de l’attente active, de l’espérance patiente et de la foi dans un retour unique du Christ glorieux. Et, dans ce temps no
3363 rist glorieux. Et, dans ce temps nouveau, le rôle de chaque personne devient unique et décisif, comme l’était sous l’Ancie
3364 ’était sous l’Ancienne Alliance le rôle collectif d’ Israël. Le dialogue de Personne à personne entre Dieu qui appelle et l
3365 Alliance le rôle collectif d’Israël. Le dialogue de Personne à personne entre Dieu qui appelle et l’âme qui répond libère
3366 qui répond libère celle-ci des décrets uniformes de la morale et de la tradition sacrée, comme aussi des caprices du hasa
3367 re celle-ci des décrets uniformes de la morale et de la tradition sacrée, comme aussi des caprices du hasard insensé, comm
3368 aussi des caprices du hasard insensé, comme enfin de la roue du karma et du vertige de la métempsycose, qui réduisaient to
3369 sé, comme enfin de la roue du karma et du vertige de la métempsycose, qui réduisaient toute vie dans le temps et la chair
3370 ns le temps et la chair à l’insignifiance anonyme d’ un passage éphémère dans l’Illusion. Ainsi l’Histoire, conscience nouv
3371 conscience nouvelle du temps des hommes, est née de la même rupture des grands rythmes cosmiques et des fatalités astrolo
3372 hmes cosmiques et des fatalités astrologiques, et de la même victoire sur les étoiles et sur la mort, qui libère et suscit
3373 onne. Ce n’est pas un hasard si le premier auteur d’ une philosophie de l’Histoire — la Civitas Dei — fut aussi le premier
3374 un hasard si le premier auteur d’une philosophie de l’Histoire — la Civitas Dei — fut aussi le premier auteur d’une biogr
3375 re — la Civitas Dei — fut aussi le premier auteur d’ une biographie de sa personne : les Confessions. 3. Du Mythe à l’Hi
3376 ei — fut aussi le premier auteur d’une biographie de sa personne : les Confessions. 3. Du Mythe à l’Histoire Mais il
3377 e biographie de sa personne : les Confessions. 3. Du Mythe à l’Histoire Mais il reste à mieux voir comment l’homme,
3378 par la foi, trouve alors le courage exceptionnel d’ accepter le temps et l’Histoire. Si toutes les religions traditionnell
3379 les ont développé des mythes du temps cyclique et de l’éternel retour, c’est parce que l’homme a peur du temps. Voilà le f
3380 la mort comme à la perte des paradis — Eden, âge d’ or, enfance — vécus ou imaginaires. Et il est lié à la menace toujours
3381 t arbitraires, des désastres privés et publics et de leur injustice d’autant plus scandaleuse qu’elle apparaît « sans préc
3382 désastres privés et publics et de leur injustice d’ autant plus scandaleuse qu’elle apparaît « sans précédent », vraiment
3383 ns précédent », vraiment nouvelle, et donc dénuée de sens. Contre le malheur et son absurdité, l’homme n’a d’autre recours
3384 . Contre le malheur et son absurdité, l’homme n’a d’ autre recours que d’attribuer un sens à ce qu’il subit sans l’avoir « 
3385 et son absurdité, l’homme n’a d’autre recours que d’ attribuer un sens à ce qu’il subit sans l’avoir « mérité ». Au scandal
3386 ’avoir « mérité ». Au scandale des souffrances et de la mort, il ne répondra point par une révolte vaine, pure démence à s
3387 nt par une révolte vaine, pure démence à ses yeux de Grec ou d’Oriental, mais par le rêve immense des religions, transform
3388 révolte vaine, pure démence à ses yeux de Grec ou d’ Oriental, mais par le rêve immense des religions, transformant le réel
3389 ligions, transformant le réel insensé en un poème de morts et de résurrections dominées par des rythmes et par des archéty
3390 nsformant le réel insensé en un poème de morts et de résurrections dominées par des rythmes et par des archétypes qui s’ac
3391 hmes et par des archétypes qui s’accordent à ceux de l’âme. Ainsi le rêve universel du temps cyclique et du retour sans fi
3392 universel du temps cyclique et du retour sans fin de toutes les situations dévalorise le temps vécu de la souffrance. Ce n
3393 de toutes les situations dévalorise le temps vécu de la souffrance. Ce n’est plus la souffrance qui est vaine, dès lors qu
3394 ême qui perd sa réalité, puisqu’il n’apporte plus d’ absolue nouveauté, ni par conséquent de scandale. (L’homme d’aujourd’h
3395 porte plus d’absolue nouveauté, ni par conséquent de scandale. (L’homme d’aujourd’hui, qui croit qu’il ne croit plus à rie
3396 ouveauté, ni par conséquent de scandale. (L’homme d’ aujourd’hui, qui croit qu’il ne croit plus à rien, mime encore ce mouv
3397 il ne croit plus à rien, mime encore ce mouvement de la sagesse mythique, quand il dit pour se rassurer que « l’histoire s
3398 n dans ce monde des religions antiques du message de l’Incarnation figure donc le Scandale absolu, la nouveauté totale, pr
3399 par lui ; « une fois pour toutes » — voici ruiné d’ un coup tout l’édifice mythique des protections de l’âme contre le tem
3400 d’un coup tout l’édifice mythique des protections de l’âme contre le temps de l’Histoire. Il s’agit d’un vrai fait, non pl
3401 mythique des protections de l’âme contre le temps de l’Histoire. Il s’agit d’un vrai fait, non plus d’un avatar ni de l’ép
3402 de l’âme contre le temps de l’Histoire. Il s’agit d’ un vrai fait, non plus d’un avatar ni de l’épiphanie d’un archétype. C
3403 de l’Histoire. Il s’agit d’un vrai fait, non plus d’ un avatar ni de l’épiphanie d’un archétype. Cette rupture du Cercle co
3404 Il s’agit d’un vrai fait, non plus d’un avatar ni de l’épiphanie d’un archétype. Cette rupture du Cercle cosmique livre l’
3405 vrai fait, non plus d’un avatar ni de l’épiphanie d’ un archétype. Cette rupture du Cercle cosmique livre l’homme à l’impré
3406 l’homme à l’imprévisible, c’est-à-dire à la grâce de Dieu, mais aussi à la liberté ; il devient responsable de son temps s
3407 mais aussi à la liberté ; il devient responsable de son temps sur la Terre. Ce serait intolérable si la Révélation n’app
3408 s la certitude que le temps a été vaincu au matin de Pâques, que l’homme ne lui appartient que par la chair (étant au mond
3409 . Seule donc la négation réalisée du temps permet d’ assumer le temps dans sa réalité. Sans la Résurrection, l’homme n’aura
3410 s la Résurrection, l’homme n’aurait pas la preuve d’ une existence qui échappe au temps et à la mort. « Si le Christ n’est
3411 le vieil homme ». Son mouvement naturel sera donc de chercher et d’inventer contre le temps d’autres défenses. Il essaiera
3412 ». Son mouvement naturel sera donc de chercher et d’ inventer contre le temps d’autres défenses. Il essaiera d’abord de myt
3413 e le temps d’autres défenses. Il essaiera d’abord de mythifier le Christ en niant sa parfaite humanité : c’est l’intention
3414 e, la théorie des cycles et des rythmes cosmiques de l’Histoire sera reprise — contre l’esprit des Pères — par les plus gr
3415 onception linéaire du temps et du progrès continu de l’Histoire n’est guère soutenue que par un Joachim de Flore, dont les
3416 ourd’hui encore dans les masses paysannes, l’idée d’ une évolution imprévisible et progressive est généralement éliminée pa
3417 nes ressenti comme semblable à celui des saisons, de la végétation ou des étoiles. Et peut-être faut-il rattacher à cette
3418 en Âge, loin de représenter je ne sais quel « âge d’ or du christianisme » — comme on l’a ressassé depuis les romantiques —
3419 bien plutôt dans son ensemble une longue réaction de défense contre le ferment de révolution introduit dans le monde par l
3420 une longue réaction de défense contre le ferment de révolution introduit dans le monde par l’Évangile. (J’ai dit plus hau
3421 aut que le Moyen Âge fut la période « orientale » de l’Europe.) Touchée en premier lieu par le message chrétien, l’humanit
3422 n, l’humanité occidentale a dû trouver les moyens de l’accepter progressivement et d’y adapter ses conceptions. Pour les p
3423 ouver les moyens de l’accepter progressivement et d’ y adapter ses conceptions. Pour les premiers chrétiens, ce qui rend su
3424 remiers chrétiens, ce qui rend supportable l’idée d’ un temps vidé de rythmes et de mythes, c’est la croyance à la Fin immi
3425 s, ce qui rend supportable l’idée d’un temps vidé de rythmes et de mythes, c’est la croyance à la Fin imminente : encore «
3426 supportable l’idée d’un temps vidé de rythmes et de mythes, c’est la croyance à la Fin imminente : encore « un peu de tem
3427 e convertissent. Il va falloir trouver les moyens de penser cette durée non prévue, désormais indéniable. Saint Augustin r
3428 en un dualisme à peine voilé : il y a l’Histoire de Dieu et celle des hommes, et si la première intervient dans la second
3429 des actes libres, elle n’y détermine pas une loi d’ évolution. Le Moyen Âge ira beaucoup plus loin, non pas dans le sens d
3430 i des normes. C’est une vision réduite et limitée de l’Histoire qui lui permet de rendre un rythme à sa durée. L’apparitio
3431 n réduite et limitée de l’Histoire qui lui permet de rendre un rythme à sa durée. L’apparition du Christ ne marque plus po
3432 ne marque plus pour lui le commencement du temps de la Fin, mais le « milieu des temps », symbole archétypique. Les temps
3433 archétypique. Les temps sont rétrécis à quelques millénaires dont la chronologie restera symbolique jusqu’aux abords de la Renaiss
3434 a chronologie restera symbolique jusqu’aux abords de la Renaissance. Et dès lors elle ira se précisant, mais dans le même
3435 se précisant, mais dans le même cadre indiscuté ( d’ où les excès qu’on signalait plus haut). Elle ne sera vraiment bouleve
3436 pliquait qu’aux cycles du cosmos : les événements de l’Histoire s’y trouvent tellement noyés que personne n’a le souci de
3437 rouvent tellement noyés que personne n’a le souci de les dater. C’est un mouvement exactement contraire qui s’est produit
3438 produit dans l’Occident moderne, où, à l’inverse de ce qui s’était passé durant l’intermède médiéval, l’état civil des ho
3439 ivil des hommes et des actions humaines n’a cessé de se préciser, tandis que la Fin et le Commencement des temps ne cessai
3440 la Fin et le Commencement des temps ne cessaient de s’éloigner dans le vague de l’infini. Or le Credo prend soin de préci
3441 es temps ne cessaient de s’éloigner dans le vague de l’infini. Or le Credo prend soin de préciser la date de la Passion un
3442 dans le vague de l’infini. Or le Credo prend soin de préciser la date de la Passion unique : « sous Ponce Pilate », mais i
3443 nfini. Or le Credo prend soin de préciser la date de la Passion unique : « sous Ponce Pilate », mais il se tait sur celle
3444 e jour ni l’heure ». Et c’est pourquoi le progrès de la vision historique, loin de séculariser le christianisme, comme bea
3445 pas moins que l’extension soudaine des dimensions de l’Histoire, telle qu’elle vient de se produire au xxe siècle, provoq
3446 duire au xxe siècle, provoque une crise profonde de la relation intime et proprement congénitale entre l’Histoire et la p
3447 la personne humaine. Ceci pose un problème encore neuf . 4. Être ou non dans l’Histoire Tout d’un coup (dans l’espace d
3448 ne humaine. Ceci pose un problème encore neuf. 4. Être ou non dans l’Histoire Tout d’un coup (dans l’espace d’une qu
3449 e neuf. 4. Être ou non dans l’Histoire Tout d’ un coup (dans l’espace d’une quarantaine d’années) il se révèle que no
3450 dans l’Histoire Tout d’un coup (dans l’espace d’ une quarantaine d’années) il se révèle que notre humanité n’a pas derr
3451 Tout d’un coup (dans l’espace d’une quarantaine d’ années) il se révèle que notre humanité n’a pas derrière elle six-mill
3452 six-cent-mille. Et que la Terre, avec ses quelque trois ou quatre milliards d’années, aurait déjà vécu presque un « jour de B
3453 mille. Et que la Terre, avec ses quelque trois ou quatre milliards d’années, aurait déjà vécu presque un « jour de Brahma » da
3454 Et que la Terre, avec ses quelque trois ou quatre milliards d’années, aurait déjà vécu presque un « jour de Brahma » dans le cosm
3455 Terre, avec ses quelque trois ou quatre milliards d’ années, aurait déjà vécu presque un « jour de Brahma » dans le cosmos
3456 ards d’années, aurait déjà vécu presque un « jour de Brahma » dans le cosmos actuel. Je dis « cosmos actuel », car de nomb
3457 s le cosmos actuel. Je dis « cosmos actuel », car de nombreux savants nous parlent déjà d’un mouvement de diastole et de s
3458 tuel », car de nombreux savants nous parlent déjà d’ un mouvement de diastole et de systole de l’Univers, qui se répéterait
3459 nombreux savants nous parlent déjà d’un mouvement de diastole et de systole de l’Univers, qui se répéterait à l’infini : n
3460 s nous parlent déjà d’un mouvement de diastole et de systole de l’Univers, qui se répéterait à l’infini : nous serions dan
3461 ent déjà d’un mouvement de diastole et de systole de l’Univers, qui se répéterait à l’infini : nous serions dans une phase
3462 péterait à l’infini : nous serions dans une phase d’ expansion. La cosmologie des hindous paraît alors moins éloignée de la
3463 osmologie des hindous paraît alors moins éloignée de la vérité que celle du Moyen Âge « chrétien ». Il en résulte une suit
3464 u Moyen Âge « chrétien ». Il en résulte une suite de conséquences qui jouent en fait — mais je ne pense pas en droit — con
3465 ne pense pas en droit — contre l’idée occidentale de l’homme. L’importance apparente des collectivités, des civilisations,
3466 t et s’annule. La même raison veut que les « lois de l’Histoire », nécessairement déduites d’ensembles étendus, négligent
3467 s « lois de l’Histoire », nécessairement déduites d’ ensembles étendus, négligent l’action de la personne et nous inclinent
3468 déduites d’ensembles étendus, négligent l’action de la personne et nous inclinent à douter de sa réalité. Le « réel histo
3469 ’action de la personne et nous inclinent à douter de sa réalité. Le « réel historique », ainsi configuré, devient aussi di
3470 torique », ainsi configuré, devient aussi distant de l’homme concret que Brahma d’un paria sans voie. Et l’Histoire, dans
3471 vient aussi distant de l’homme concret que Brahma d’ un paria sans voie. Et l’Histoire, dans l’esprit de nos contemporains,
3472 ’un paria sans voie. Et l’Histoire, dans l’esprit de nos contemporains, prend la place de la Providence, bien qu’elle n’en
3473 ans l’esprit de nos contemporains, prend la place de la Providence, bien qu’elle n’en revête ni la justice ni la bonté. Bo
3474 ni la justice ni la bonté. Bossuet, dans l’Abrégé de l’Histoire de France, nous parle déjà d’une Histoire « maîtresse de l
3475 ni la bonté. Bossuet, dans l’Abrégé de l’Histoire de France, nous parle déjà d’une Histoire « maîtresse de la vie humaine
3476 l’Abrégé de l’Histoire de France, nous parle déjà d’ une Histoire « maîtresse de la vie humaine et de la politique ». Il s’
3477 rance, nous parle déjà d’une Histoire « maîtresse de la vie humaine et de la politique ». Il s’agit de préparer le Dauphin
3478 à d’une Histoire « maîtresse de la vie humaine et de la politique ». Il s’agit de préparer le Dauphin, son élève, à sa fut
3479 de la vie humaine et de la politique ». Il s’agit de préparer le Dauphin, son élève, à sa future tâche de roi. Cette Histo
3480 préparer le Dauphin, son élève, à sa future tâche de roi. Cette Histoire pourvoyeuse d’exemples et de leçons n’a d’autre a
3481 a future tâche de roi. Cette Histoire pourvoyeuse d’ exemples et de leçons n’a d’autre autorité que celle d’un précepteur.
3482 de roi. Cette Histoire pourvoyeuse d’exemples et de leçons n’a d’autre autorité que celle d’un précepteur. Ses « lois » n
3483 Histoire pourvoyeuse d’exemples et de leçons n’a d’ autre autorité que celle d’un précepteur. Ses « lois » ne sont encore
3484 mples et de leçons n’a d’autre autorité que celle d’ un précepteur. Ses « lois » ne sont encore que celles de la morale, et
3485 récepteur. Ses « lois » ne sont encore que celles de la morale, et sa réalité celle d’un discours. Mais l’Histoire aujourd
3486 core que celles de la morale, et sa réalité celle d’ un discours. Mais l’Histoire aujourd’hui n’est plus un conte, elle se
3487 n’est plus un conte, elle se distingue absolument de son récit. Elle ne concerne plus le passé, ni ses « leçons », qu’on p
3488 nous, qui ne faisons que l’habiter pour un atome de temps insignifiant. Elle est devenue le cours de la réalité, où ce qu
3489 de temps insignifiant. Elle est devenue le cours de la réalité, où ce qu’il y a de plus réel, c’est le cours même. Et com
3490 Et comme ce mouvement pur « doit » être dépourvu d’ origine et de but connaissable, on ne peut savoir son sens, mais seule
3491 mouvement pur « doit » être dépourvu d’origine et de but connaissable, on ne peut savoir son sens, mais seulement l’épouse
3492 ’en s’y abandonnant. Ce qui se place dans le sens de l’Histoire en reçoit l’attribut d’exister. Ce qui résiste au sens est
3493 e dans le sens de l’Histoire en reçoit l’attribut d’ exister. Ce qui résiste au sens est « mystification » aux yeux des thé
3494 En présence d’une doctrine politique ou sociale, de l’action d’un pays ou de l’option d’un homme, il n’est donc plus ques
3495 d’une doctrine politique ou sociale, de l’action d’ un pays ou de l’option d’un homme, il n’est donc plus question de dema
3496 ne politique ou sociale, de l’action d’un pays ou de l’option d’un homme, il n’est donc plus question de demander si c’est
3497 ou sociale, de l’action d’un pays ou de l’option d’ un homme, il n’est donc plus question de demander si c’est « vrai ». C
3498 l’option d’un homme, il n’est donc plus question de demander si c’est « vrai ». C’est « dans le sens de l’Histoire », ou
3499 demander si c’est « vrai ». C’est « dans le sens de l’Histoire », ou ce n’est rien qui vaille… Suis-je dans l’Histoire ?
3500 dans l’Histoire ? ainsi conjugue une bonne partie de l’intelligentsia occidentale du xxe siècle. Comme il est clair qu’on
3501 rédigée par les historiens, on voit qu’il s’agit d’ autre chose : non de mémoire mais d’attitude actuelle, et non d’une di
3502 toriens, on voit qu’il s’agit d’autre chose : non de mémoire mais d’attitude actuelle, et non d’une discipline de l’intell
3503 qu’il s’agit d’autre chose : non de mémoire mais d’ attitude actuelle, et non d’une discipline de l’intellect mais bien d’
3504 : non de mémoire mais d’attitude actuelle, et non d’ une discipline de l’intellect mais bien d’une conception de l’Existenc
3505 mais d’attitude actuelle, et non d’une discipline de l’intellect mais bien d’une conception de l’Existence. Cette Histoire
3506 et non d’une discipline de l’intellect mais bien d’ une conception de l’Existence. Cette Histoire absolutisée, qui n’est p
3507 cipline de l’intellect mais bien d’une conception de l’Existence. Cette Histoire absolutisée, qui n’est plus connaissance
3508 lui-même ? N’est-elle pas simplement une manière de le penser qui le ferme à toute transcendance, et qui du même coup nou
3509 t entier soit uniquement du monde : elle le coupe de l’esprit. Ce faisant, elle nie la personne, car la personne se fonde
3510 e du même mouvement désespéré toute justification de l’action personnelle. Rien d’étonnant si l’homme, dès qu’il croit cet
3511 toute justification de l’action personnelle. Rien d’ étonnant si l’homme, dès qu’il croit cette Histoire, se découvre impui
3512 tures totalitaires fondent leur pouvoir. Le droit d’ opposition se justifiait, en effet, par la seule conviction que la voc
3513 en effet, par la seule conviction que la vocation d’ un homme peut être plus vraie que la règle — d’où les martyrs des prem
3514 on d’un homme peut être plus vraie que la règle — d’ où les martyrs des premiers temps du christianisme. Si, au contraire,
3515 ice politique du César détient seule le vrai sens de nos vies. Nul scrupule de conscience ou sursaut de belle âme ne saura
3516 ient seule le vrai sens de nos vies. Nul scrupule de conscience ou sursaut de belle âme ne saurait écarter cette conséquen
3517 e nos vies. Nul scrupule de conscience ou sursaut de belle âme ne saurait écarter cette conséquence, sans doute pénible, m
3518 conséquence, sans doute pénible, mais normale. 5. Le refus moderne du temps Cette description rapide d’une attitude
3519 efus moderne du temps Cette description rapide d’ une attitude nouvelle et d’un état de conscience profondément typique
3520 tte description rapide d’une attitude nouvelle et d’ un état de conscience profondément typique de l’Occident au xxe siècl
3521 ption rapide d’une attitude nouvelle et d’un état de conscience profondément typique de l’Occident au xxe siècle me sembl
3522 e et d’un état de conscience profondément typique de l’Occident au xxe siècle me semble incontestable en tant que diagnos
3523 iagnostic. Mais comment la situer dans l’ensemble de l’Aventure occidentale ? Est-elle le signe annonciateur d’une fin lug
3524 ture occidentale ? Est-elle le signe annonciateur d’ une fin lugubre, ou seulement d’une crise de croissance ? On a vu que
3525 igne annonciateur d’une fin lugubre, ou seulement d’ une crise de croissance ? On a vu que la croyance à l’Histoire absolue
3526 ateur d’une fin lugubre, ou seulement d’une crise de croissance ? On a vu que la croyance à l’Histoire absolue, ce produit
3527 que la croyance à l’Histoire absolue, ce produit de remplacement de la Providence, a pour effet normal d’éliminer la croy
3528 à l’Histoire absolue, ce produit de remplacement de la Providence, a pour effet normal d’éliminer la croyance à l’action
3529 emplacement de la Providence, a pour effet normal d’ éliminer la croyance à l’action personnelle. La personne est agent de
3530 nce à l’action personnelle. La personne est agent de liberté. Cette Histoire nous conduit au fatalisme. Comment l’Histoire
3531 la personne ont-elles pu devenir exclusives l’une de l’autre, alors qu’elles sont nées en même temps d’un même acte libéra
3532 e l’autre, alors qu’elles sont nées en même temps d’ un même acte libérateur ? Mais, d’abord, est-il sûr que la croyance mo
3533 soit le développement normal et la suite obligée de l’attitude chrétienne devant le temps ? Notre époque aurait-elle simp
3534 toutes les précédentes ? Oui, s’il s’agit du goût de connaître le passé, plus répandu que jamais dans le grand public : To
3535 best-seller, les revues et la presse nous parlent de Sumer, du paléolithique, des Mayas ou du vase de Vix, les mémoires fo
3536 de Sumer, du paléolithique, des Mayas ou du vase de Vix, les mémoires font fureur, les biographies s’arrachent, et beauco
3537 ans un livre. Mais la réponse est non s’il s’agit de cette Histoire dans le « sens » de laquelle on nous dit qu’il faut « 
3538 on s’il s’agit de cette Histoire dans le « sens » de laquelle on nous dit qu’il faut « être » de toute nécessité, sous pei
3539 ens » de laquelle on nous dit qu’il faut « être » de toute nécessité, sous peine de n’être pas. Celle-ci marque un recul d
3540 un recul devant le risque du temps. La conscience de l’Histoire est née de l’acceptation d’un temps radicalement imprévisi
3541 que du temps. La conscience de l’Histoire est née de l’acceptation d’un temps radicalement imprévisible. Et sa fin seule é
3542 conscience de l’Histoire est née de l’acceptation d’ un temps radicalement imprévisible. Et sa fin seule était certaine et
3543 r une nette limitation des dimensions du passé et de l’avenir : cette espèce de congélation du temps a pour effet d’élimin
3544 dimensions du passé et de l’avenir : cette espèce de congélation du temps a pour effet d’éliminer le devenir. Mais la Rena
3545 cette espèce de congélation du temps a pour effet d’ éliminer le devenir. Mais la Renaissance et les siècles suivants décou
3546 ue au xxe siècle ils se dilatent soudain au-delà de tout ce que notre esprit peut se figurer, l’idée d’évolution balaie n
3547 tout ce que notre esprit peut se figurer, l’idée d’ évolution balaie nos repères et nous emporte sans espoir à l’aventure.
3548 risque béant, soudain total, l’homme qui n’a pas de foi cède au vertige. Sa dernière résistance à l’angoisse du temps se
3549 se manifeste alors par la manière dont il décide d’ identifier au devenir l’être et la vérité elle-même. Solution masochis
3550 défi trop lourd. Dans un cosmos qui se calcule en centaines de millions d’années-lumière, dans cette durée qui va vers l’infini,
3551 lourd. Dans un cosmos qui se calcule en centaines de millions d’années-lumière, dans cette durée qui va vers l’infini, et
3552 rd. Dans un cosmos qui se calcule en centaines de millions d’années-lumière, dans cette durée qui va vers l’infini, et dans une
3553 un cosmos qui se calcule en centaines de millions d’ années-lumière, dans cette durée qui va vers l’infini, et dans une soc
3554 technique, les « lois économiques », la puissance de l’État, les mouvements de masse, etc., échappent à ses prises et l’en
3555 omiques », la puissance de l’État, les mouvements de masse, etc., échappent à ses prises et l’enserrent — « il ne se retro
3556 et démissionne. Que l’Histoire décide à ma place, de toute façon je n’y puis rien. Que le dictateur ou le Parti décrètent
3557 e le dictateur ou le Parti décrètent le vrai sens de ma vie, de toute façon je ne pourrais plus le distinguer. Je ne suis
3558 eur ou le Parti décrètent le vrai sens de ma vie, de toute façon je ne pourrais plus le distinguer. Je ne suis plus respon
3559 ponsable, mais c’est l’Évolution, et je n’ai plus d’ autre choix que de m’en dire l’agent. Cet abandon de l’être entier à l
3560 st l’Évolution, et je n’ai plus d’autre choix que de m’en dire l’agent. Cet abandon de l’être entier à la Maya, sans plus
3561 autre choix que de m’en dire l’agent. Cet abandon de l’être entier à la Maya, sans plus rêver la délivrance du nirvana, ce
3562 et enlisement dans la forme du monde, sans espoir de salut individuel58 — je pressens qu’ils trahissent un dépit amoureux
3563 au moins autant qu’un fléchissement réel du sens de la personne et de la liberté. Ce n’est pas qu’on n’aime plus être soi
3564 u’un fléchissement réel du sens de la personne et de la liberté. Ce n’est pas qu’on n’aime plus être soi librement, ni vra
3565 nt qu’ils sont les instruments du sens inévitable de l’Histoire, légitimant la mort de millions de koulaks qui vivaient pa
3566 sens inévitable de l’Histoire, légitimant la mort de millions de koulaks qui vivaient par hasard en travers. Mais les « lo
3567 s inévitable de l’Histoire, légitimant la mort de millions de koulaks qui vivaient par hasard en travers. Mais les « lois » révé
3568 ble de l’Histoire, légitimant la mort de millions de koulaks qui vivaient par hasard en travers. Mais les « lois » révélée
3569  » révélées par Karl Marx n’ont jamais prévu rien de tel ; elles permettent simplement au Dictateur d’accréditer son utopi
3570 de tel ; elles permettent simplement au Dictateur d’ accréditer son utopie. Si le sang de ses propres martyrs fut la semenc
3571 au Dictateur d’accréditer son utopie. Si le sang de ses propres martyrs fut la semence de l’Église, c’est le sang des « p
3572 Si le sang de ses propres martyrs fut la semence de l’Église, c’est le sang des « païens », le sang des autres, qui cimen
3573 ïens », le sang des autres, qui cimente l’édifice de l’Usine soviétique et donne la preuve démente de la réalité des utopi
3574 de l’Usine soviétique et donne la preuve démente de la réalité des utopies au nom desquelles on l’a versé. Mais d’où vien
3575 des utopies au nom desquelles on l’a versé. Mais d’ où vient cette fureur d’anticiper l’avenir jusqu’à l’hypothéquer sur d
3576 uelles on l’a versé. Mais d’où vient cette fureur d’ anticiper l’avenir jusqu’à l’hypothéquer sur des millions de crimes ?
3577 ’anticiper l’avenir jusqu’à l’hypothéquer sur des millions de crimes ? Elle vient de notre angoisse devant le temps. Anticiper l
3578 r l’avenir jusqu’à l’hypothéquer sur des millions de crimes ? Elle vient de notre angoisse devant le temps. Anticiper l’av
3579 devant le temps. Anticiper l’avenir, c’est tenter de se convaincre que le temps ne va pas apporter la négation de ce que j
3580 incre que le temps ne va pas apporter la négation de ce que je suis, de ce que j’attends, de mes croyances ou de mon incro
3581 ne va pas apporter la négation de ce que je suis, de ce que j’attends, de mes croyances ou de mon incroyance, ou même de c
3582 négation de ce que je suis, de ce que j’attends, de mes croyances ou de mon incroyance, ou même de ces raisons de désespé
3583 je suis, de ce que j’attends, de mes croyances ou de mon incroyance, ou même de ces raisons de désespérer auxquelles je ti
3584 s, de mes croyances ou de mon incroyance, ou même de ces raisons de désespérer auxquelles je tiens contre le monde et cont
3585 nces ou de mon incroyance, ou même de ces raisons de désespérer auxquelles je tiens contre le monde et contre Dieu — la né
3586 iens contre le monde et contre Dieu — la négation de moi-même et du sens de ma vie. Anticiper l’avenir, c’est le dernier r
3587 contre Dieu — la négation de moi-même et du sens de ma vie. Anticiper l’avenir, c’est le dernier refus de l’aventure du t
3588 a vie. Anticiper l’avenir, c’est le dernier refus de l’aventure du temps — la fuite dans l’utopie. Utopies pessimistes, da
3589 confondent pas seulement dans leur vision précise d’ un avenir donné pour fatal, mais dans une seule et même démission de l
3590 pour fatal, mais dans une seule et même démission de la personne, qui désespère de ses pouvoirs d’innovation et de toute e
3591 e et même démission de la personne, qui désespère de ses pouvoirs d’innovation et de toute espèce de recours au transcenda
3592 ion de la personne, qui désespère de ses pouvoirs d’ innovation et de toute espèce de recours au transcendant libérateur. E
3593 ne, qui désespère de ses pouvoirs d’innovation et de toute espèce de recours au transcendant libérateur. Engendrer l’utopi
3594 e de ses pouvoirs d’innovation et de toute espèce de recours au transcendant libérateur. Engendrer l’utopie est un mouveme
3595 t libérateur. Engendrer l’utopie est un mouvement de l’âme, sans doute inséparable de l’historicité initiée par le christi
3596 est un mouvement de l’âme, sans doute inséparable de l’historicité initiée par le christianisme : il suffit que la foi fai
3597 pie est recul devant le temps ouvert, elle refuse d’ affronter cette situation béante qui fut celle des premiers chrétiens,
3598 taire — et c’est pourquoi l’Orient ne produit pas d’ utopies. Concevoir une utopie et agir d’après elle, massacrer pour hât
3599 est projeter notre angoisse en avant, pour tenter d’ asservir l’imprévu. Bien souvent la recherche historique projette nos
3600  » ont rarement justifié d’autres délits que ceux de la routine. L’Histoire-devenir, qui est une conjuration du temps, exi
3601 rêtres emplumés du grand dieu Huitzilopochtli. 6. Dilemme La crise de notre sens du temps pose un dilemme. L’Occiden
3602 d dieu Huitzilopochtli. 6. Dilemme La crise de notre sens du temps pose un dilemme. L’Occident, succombant au Deveni
3603 combant au Devenir déifié, va-t-il se mettre hors d’ état de faire l’Histoire ? Ou, surmontant le vertige cosmique et tempo
3604 au Devenir déifié, va-t-il se mettre hors d’état de faire l’Histoire ? Ou, surmontant le vertige cosmique et temporel où
3605 ais à la tentation que j’ai décrite si j’essayais d’ anticiper sur nos lendemains, et ceux-ci ne seront point marqués par n
3606 nos choix fondamentaux. Car la question n’est pas de savoir « ce qui arrivera », mais de savoir dès maintenant ce que nous
3607 ion n’est pas de savoir « ce qui arrivera », mais de savoir dès maintenant ce que nous sommes disposés à laisser arriver o
3608 rriver ou à faire arriver ; la question n’est pas de supputer le sens probable d’un devenir fatal, pour nous « ajuster » à
3609 a question n’est pas de supputer le sens probable d’ un devenir fatal, pour nous « ajuster » à ses « lois », mais au contra
3610 ous « ajuster » à ses « lois », mais au contraire d’ affronter le temps au nom d’un sens qui ne peut s’originer qu’en la pe
3611 er qu’en la personne. Bref, la question n’est pas de deviner l’Histoire, mais de la faire. Seules nos options présentes pr
3612 la question n’est pas de deviner l’Histoire, mais de la faire. Seules nos options présentes préparent un sens, ménagent d’
3613 nos options présentes préparent un sens, ménagent d’ avance une signification aux surprises du temps qui vient à nous. Et c
3614 s. Et ces options n’agiront point par la violence de prises de position calculées dans l’abstrait59, mais par cette sorte
3615 options n’agiront point par la violence de prises de position calculées dans l’abstrait59, mais par cette sorte de fascina
3616 calculées dans l’abstrait59, mais par cette sorte de fascination qu’exerce sur l’avenir encore intact, foisonnant d’imprév
3617 qu’exerce sur l’avenir encore intact, foisonnant d’ imprévus réalisables, l’attente réalisante d’une ferme vocation. 55
3618 nant d’imprévus réalisables, l’attente réalisante d’ une ferme vocation. 55. La première société d’histoire connue en Or
3619 es, l’attente réalisante d’une ferme vocation. 55. La première société d’histoire connue en Orient fut fondée au xixe s
3620 d’une ferme vocation. 55. La première société d’ histoire connue en Orient fut fondée au xixe siècle par un Anglais, s
3621 une science historique s’est constituée en Inde. 56. Religio, de religare, lier ensemble. 57. La nouveauté — le fait san
3622 storique s’est constituée en Inde. 56. Religio, de religare, lier ensemble. 57. La nouveauté — le fait sans précédent a
3623 Inde. 56. Religio, de religare, lier ensemble. 57. La nouveauté — le fait sans précédent archétypique — est la terreur d
3624 fait sans précédent archétypique — est la terreur de tous les « Moyen Âge ». Quand elle survient, quand on se voit contrai
3625 . Quand elle survient, quand on se voit contraint d’ innover pour sauver sa peau ou pour vaincre, on s’empresse d’en appele
3626 our sauver sa peau ou pour vaincre, on s’empresse d’ en appeler à la coutume, et l’on prétend « renouveler la tradition ».
3627 l suffit qu’une charte, une coutume, un usage ait vingt-cinq ou trente ans, au Moyen Âge, pour qu’on l’invoque sous le nom de « tr
3628 e charte, une coutume, un usage ait vingt-cinq ou trente ans, au Moyen Âge, pour qu’on l’invoque sous le nom de « tradition ».
3629 s, au Moyen Âge, pour qu’on l’invoque sous le nom de « tradition ». 58. Il faut alors, de toute nécessité, que le succès
3630 ur qu’on l’invoque sous le nom de « tradition ». 58. Il faut alors, de toute nécessité, que le succès temporel prenne la p
3631 sous le nom de « tradition ». 58. Il faut alors, de toute nécessité, que le succès temporel prenne la place du salut et q
3632 d’ailleurs ; mais le premier sent la tricherie. 59. Lits de Procuste des utopies toujours trop pauvres, ou de ces plans q
3633 rs ; mais le premier sent la tricherie. 59. Lits de Procuste des utopies toujours trop pauvres, ou de ces plans qui prévo
3634 de Procuste des utopies toujours trop pauvres, ou de ces plans qui prévoient tout sauf l’essentiel humain, parce qu’on les
3635 es directives, mais comme des cadres rassurants ; d’ autant plus rassurants qu’ils sont rigides, mais de là vient préciséme
3636 ’autant plus rassurants qu’ils sont rigides, mais de là vient précisément leur malfaisance. au. Rougemont Denis de, « La
3637 écisément leur malfaisance. au. Rougemont Denis de , « La découverte du temps ou l’aventure occidentale », La Nouvelle Re
3638 ntale », La Nouvelle Revue française, Paris, mars 1957, p. 400-415.
44 1961, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). La personne, l’ange et l’absolu, ou le dialogue Occident-Orient (avril 1961)
3639 t l’absolu, ou le dialogue Occident-Orient (avril 1961 )av Un dialogue mal engagé L’Occident découvre le zen au momen
3640 en se vident au Japon. (Mais il y a beaucoup plus de chrétiens japonais que de sectateurs du Dr Suzuki en Amérique.) L’Occ
3641 is il y a beaucoup plus de chrétiens japonais que de sectateurs du Dr Suzuki en Amérique.) L’Occident découvre la sagesse
3642 peu christianisées qu’en donnent les successeurs de Râmakrishna ; mais déjà l’intelligentsia de l’Inde se préoccupe des p
3643 seurs de Râmakrishna ; mais déjà l’intelligentsia de l’Inde se préoccupe des problèmes qui lui sont imposés par la techniq
3644 occidentales, et cherche à les résoudre à l’aide d’ un socialisme qui ne doit rien à Shankara. L’Occident découvre Zoroast
3645 fis, mais l’Iran et l’Arabie sont en pleine crise d’ adaptation à l’habitus capitaliste. L’Occident découvre et publie le H
3646 x parlementaires, et l’exploitation par elle-même de ses ressources matérielles. Ce que nous découvrons avec passion dans
3647 n. Ils adoptent nos formes sociales, nos procédés de gouvernement et nos techniques, mais non pas les tensions spirituelle
3648 moteur secret. Ce qui était pour nous résultantes d’ innombrables poussées et résistances, malaisément équilibrées mais len
3649 evenir immédiat, mais peut orienter la conscience de quelques-uns de ceux qui la feront demain. L’essentiel du dialogue né
3650 mais peut orienter la conscience de quelques-uns de ceux qui la feront demain. L’essentiel du dialogue nécessaire et déso
3651 eur centrale pour l’Occident, il doit en résulter d’ infinies conséquences dans tous les domaines du réel, du spirituel au
3652 s’affirme d’une part et quel est le moi qu’on nie de l’autre ? Est-ce bien le même ? La Personne Le christianisme a
3653 n formant, dès les premiers conciles, ses modèles de pensée en tension : Incarnation, personnes divines à la fois distinct
3654 ersonnes divines à la fois distinctes et reliées. D’ où la définition de la personne humaine ou du vrai moi, reprise et pré
3655 la fois distinctes et reliées. D’où la définition de la personne humaine ou du vrai moi, reprise et précisée par toutes le
3656 eprise et précisée par toutes les grandes époques de la théologie et de la philosophie, et toujours opposée à l’homme natu
3657 par toutes les grandes époques de la théologie et de la philosophie, et toujours opposée à l’homme naturel, animal plus ou
3658 al plus ou moins raisonnable et simple exemplaire de l’espèce. Pour saint Paul, le vrai moi est l’homme nouveau, « appelé 
3659 t « cachée avec le Christ en Dieu ». (Colossiens, 3, 3.) Dès les Pères grecs et le latin Boèce, à travers Jean Scot Érigèn
3660  cachée avec le Christ en Dieu ». (Colossiens, 3, 3. ) Dès les Pères grecs et le latin Boèce, à travers Jean Scot Érigène,
3661 on peut suivre l’évolution du concept et du terme de personne, forgé par la doctrine trinitaire ; il s’appliquera de mieux
3662 orgé par la doctrine trinitaire ; il s’appliquera de mieux en mieux à l’homme nouveau, à l’ens sibi suscité par l’esprit d
3663 rtes, le vrai moi c’est « l’âme », mais il s’agit d’ une âme tout intellectuelle, dont « la nature n’est que de penser » et
3664 e tout intellectuelle, dont « la nature n’est que de penser » et qui reste entièrement distincte du corps. Avec Kant, le v
3665 al, s’oppose au moi phénoménal, et reprend le nom de personne. Chez Renouvier, la personne apparaît comme « fonction à plu
3666 « fonction à plusieurs variables », par là douée d’ une liberté que n’aura jamais l’individu, simple objet du déterminisme
3667 du déterminisme universel. Et quant à la science d’ aujourd’hui, dont on a pu penser « qu’elle n’aborde le moi que pour le
3668 dité, l’équilibre endocrinien), et nous le montre d’ autant plus distinct, dans sa fonction centrale, totalisante, dans son
3669 fonction centrale, totalisante, dans son pouvoir d’ intégration de l’être. Loin de dissocier le moi, les recherches psycho
3670 rale, totalisante, dans son pouvoir d’intégration de l’être. Loin de dissocier le moi, les recherches psychologiques du xx
3671 gent de toutes parts, et retrouvent par le détour de leurs descriptions « objectives » l’opposition paulinienne des « deux
3672 ons « objectives » l’opposition paulinienne des «  deux hommes en moi » : le naturel tyrannisant (et tyrannisé par la Loi) et
3673 vrai que le langage courant confond sans l’ombre d’ un scrupule la personne et tout ce qu’elle n’est pas — l’individu, la
3674 l’élémentaire et souvent si trompeuse conscience de soi — reste que la croyance au moi distinct et le recours à la « vale
3675 moi distinct et le recours à la « valeur absolue de la personne » sont à peu près universels en Occident. Comme l’atteste
3676 ttestent tant de notions considérées comme allant de soi — et tant de réalités « bien vues » à l’Ouest, mais que l’Est se
3677 « bien vues » à l’Ouest, mais que l’Est se devait d’ ignorer, voire de condamner, telles que l’originalité, les droits de l
3678 ’Ouest, mais que l’Est se devait d’ignorer, voire de condamner, telles que l’originalité, les droits de l’homme, le record
3679 mnation par nos critiques du style impersonnel ou de la banalité, la dénonciation de l’on par nos philosophes, et les diat
3680 le impersonnel ou de la banalité, la dénonciation de l’on par nos philosophes, et les diatribes marxistes contre l’aliénat
3681 aliénation. Et comme l’atteste enfin notre notion de l’amour, — à quoi j’entends venir plus loin. L’ange Quelle est
3682 nir plus loin. L’ange Quelle est cette part de la personne dès maintenant libérée du monde, où elle vit encore en ex
3683 rtant l’image céleste », « glorifiée », « revêtue de lumière », d’incorruptibilité et d’immortalité ; dès maintenant donc
3684 céleste », « glorifiée », « revêtue de lumière », d’ incorruptibilité et d’immortalité ; dès maintenant donc « ressuscitée
3685  », « revêtue de lumière », d’incorruptibilité et d’ immortalité ; dès maintenant donc « ressuscitée avec le Christ », bien
3686 chée avec le Christ en Dieu » jusqu’à l’avènement de l’Amour ? C’est l’Ange, répond l’Iran des spirituels, l’Iran du mazdé
3687 che de l’Inde mais enté sur le tronc abrahamique, d’ où sont issus les juifs, les chrétiens, et l’islam. Que serait l’Ange
3688 on du moi individuel ou collectif. Pour les sages de l’Iran, il est ce moi. Barakat, juif passé à l’islam, écrit en 1165 :
3689 t ce moi. Barakat, juif passé à l’islam, écrit en 1165  : « … pour chaque âme individuelle, ou peut-être pour plusieurs ayant
3690 finité, il y a un être spirituel qui tout au long de leur existence assume envers cette âme ou ce groupe d’âmes une sollic
3691 ur existence assume envers cette âme ou ce groupe d’ âmes une sollicitude et tendresse spéciales ; c’est lui qui les initie
3692 us du simple messager transmettant les ordres, ni de l’idée courante de l’Ange gardien », mais de ceci : « que la Forme so
3693 er transmettant les ordres, ni de l’idée courante de l’Ange gardien », mais de ceci : « que la Forme sous laquelle chacun
3694 , ni de l’idée courante de l’Ange gardien », mais de ceci : « que la Forme sous laquelle chacun des spirituels connaît Die
3695 dmirables commentaires qu’Henry Corbin nous donne de la mystique soufi, « la totalité de notre être, ce n’est pas seulemen
3696 in nous donne de la mystique soufi, « la totalité de notre être, ce n’est pas seulement cette partie que nous appelons pré
3697 n”, ce que le vieil Iran désignait comme Fravarti 62.  » L’Ange des soufis n’évoque pas seulement cette part initiante de l’
3698 oufis n’évoque pas seulement cette part initiante de l’être renouvelé qui demeure cachée en Dieu selon le christianisme, m
3699 e en Dieu selon le christianisme, mais encore, et d’ une manière plus précise dans l’homologie, ces entités célestes, fémin
3700 ces entités célestes, féminines, que la religion de Zarathoustra nommait les Fravartis, « celles qui ont choisi » (c’est-
3701 s, « celles qui ont choisi » (c’est-à-dire choisi de combattre pour venir en aide à Ohrmazd) et qui sont à la fois les arc
3702 e ou morale, chaque être complet ou chaque groupe d’ êtres appartenant au monde de Lumière a sa Fravarti » — Ohrmazd, le Di
3703 let ou chaque groupe d’êtres appartenant au monde de Lumière a sa Fravarti » — Ohrmazd, le Dieu lumineux a lui-même la sie
3704 s. L’événement majeur, la scène capitale du drame de la personne ainsi constituée se produit à l’aube de la troisième nuit
3705 la personne ainsi constituée se produit à l’aube de la troisième nuit qui suit la mort terrestre : c’est la rencontre de
3706 t qui suit la mort terrestre : c’est la rencontre de l’âme avec son moi céleste à l’entrée du pont Chinvat. Dans un paysag
3707 à l’entrée du pont Chinvat. Dans un paysage nimbé de la Lumière-de-Gloire restituant toutes choses et tous les êtres dans
3708 es dans leur pureté paradisiaque, « dans un décor de montagnes flamboyant aux aurores, d’eaux célestes où croissent les pl
3709 ans un décor de montagnes flamboyant aux aurores, d’ eaux célestes où croissent les plantes d’immortalité », au centre du m
3710 aurores, d’eaux célestes où croissent les plantes d’ immortalité », au centre du monde spirituel (qui est le monde réel des
3711 vant l’âme sa Dâenâ, son moi céleste, jeune femme d’ une beauté resplendissante et qui lui dit : — Je suis toi-même ! Mais
3712 sie diffèrent bien plus entre eux que les peuples de l’Europe, mais s’il est une croyance qu’ils ont tous en commun c’est
3713 nous semble à première vue impliquer comme allant de soi la croyance en un moi reconnaissable au travers de ses vies succe
3714 distincte, voilà précisément ce que les doctrines de l’Inde, ou nées en Inde comme le bouddhisme, dénoncent depuis des mil
3715 en Inde comme le bouddhisme, dénoncent depuis des millénaires comme l’illusion fondamentale. Il y aurait donc malentendu fondamenta
3716 ue des autres ? En fait, on ne voit pas les Sages de l’Asie dénoncer sans relâche, comme on pourrait s’y attendre, les cro
3717 n pourrait s’y attendre, les croyances populaires de leurs contrées ; c’est bien plutôt à notre idée de la personne qu’ils
3718 e leurs contrées ; c’est bien plutôt à notre idée de la personne qu’ils opposent leur idée du non-moi. Le vrai malentendu
3719 nsitoire et « aveugle », enveloppe obscurcissante d’ une âme divine. Ainsi parlent tous les upanishads, et les premiers écr
3720 sme : il faut éteindre le désir individuel, cause de l’erreur, des souffrances et de la mort, dissiper cet écran de matièr
3721 individuel, cause de l’erreur, des souffrances et de la mort, dissiper cet écran de matière entre l’âme et la Réalité. On
3722 des souffrances et de la mort, dissiper cet écran de matière entre l’âme et la Réalité. On peut penser qu’il s’agit bien i
3723 la Réalité. On peut penser qu’il s’agit bien ici de la même « mort au monde et à soi-même » que le Christ exige de ses di
3724 mort au monde et à soi-même » que le Christ exige de ses disciples, et qui est la condition de leur accession à leur vrai
3725 t exige de ses disciples, et qui est la condition de leur accession à leur vrai moi spirituel, celui qui doit ressusciter
3726 lieu que l’âme chrétienne doit le transfigurer, —  d’ où la « résurrection de la chair ». Il en va de même pour le bouddhism
3727 ne doit le transfigurer, — d’où la « résurrection de la chair ». Il en va de même pour le bouddhisme originel. Qu’est-ce q
3728 . Qu’est-ce que l’homme ? Un ensemble transitoire d’ agrégats matériels et de formations mentales en proie au désir égoïste
3729 ? Un ensemble transitoire d’agrégats matériels et de formations mentales en proie au désir égoïste, qui naît de l’ignoranc
3730 ions mentales en proie au désir égoïste, qui naît de l’ignorance et qui entraîne fatalement les attachements à l’illusoire
3731 raîne fatalement les attachements à l’illusoire ; d’ où l’action, le devenir, la mort, et la roue des retours sans fin. « I
3732 loppés par l’ignorance, et que le désir conduit à de criminelles renaissances.65 » Le but est donc « de nous apprendre le
3733 e criminelles renaissances.65 » Le but est donc «  de nous apprendre le moyen de ne pas renaître », nous dit une moderne in
3734 65 » Le but est donc « de nous apprendre le moyen de ne pas renaître », nous dit une moderne interprète du bouddhisme tibé
3735 t, un interprète du zen fait écho : « La négation de l’Atman énoncée par les premiers bouddhistes porte sur l’Atman de l’e
3736 ée par les premiers bouddhistes porte sur l’Atman de l’ego relatif, non sur l’Atman de l’ego absolu, l’ego d’après l’expér
3737 rte sur l’Atman de l’ego relatif, non sur l’Atman de l’ego absolu, l’ego d’après l’expérience illuminante.67 » Ou dans le
3738 uffrantes Toutes les choses sont sans moi.68) Si D. T. Suzuki peut écrire après cela : « On le voit, l’expérience personn
3739 e voit, l’expérience personnelle est le fondement de la philosophie bouddhiste », comprenons qu’il s’agit pour lui d’une e
3740 ie bouddhiste », comprenons qu’il s’agit pour lui d’ une expérience rigoureusement spirituelle. En somme, l’adversaire prin
3741 n’est pas encore la personne, mais l’obstination de l’ego qui veut durer au-delà de la mort sans rien comprendre aux cond
3742 ais l’obstination de l’ego qui veut durer au-delà de la mort sans rien comprendre aux conditions de cette survie, sans pur
3743 là de la mort sans rien comprendre aux conditions de cette survie, sans purifier d’avance le jiva — sans s’ordonner d’avan
3744 dre aux conditions de cette survie, sans purifier d’ avance le jiva — sans s’ordonner d’avance, dirions-nous, aux exigences
3745 sans purifier d’avance le jiva — sans s’ordonner d’ avance, dirions-nous, aux exigences du vrai moi, qui est notre réponda
3746 n des buts majeurs des méthodes spirituelles soit de l’empêcher de renaître69 ! Mais vient le second stade, où les spirit
3747 eurs des méthodes spirituelles soit de l’empêcher de renaître69 ! Mais vient le second stade, où les spirituels s’opposen
3748 uels s’opposent même à l’ego absolu, à la réalité de l’âme distincte. Le soi de chacun se confond avec le Soi de l’Immensi
3749 o absolu, à la réalité de l’âme distincte. Le soi de chacun se confond avec le Soi de l’Immensité, ou du Brahma. Qu’est-ce
3750 istincte. Le soi de chacun se confond avec le Soi de l’Immensité, ou du Brahma. Qu’est-ce que l’âme ? Une monade, disent l
3751 ’est Brahma ou ce n’est rien. Et tu n’es rien. Et de leur côté les bouddhistes (mais le tao chinois et le shinto nippon di
3752  : « Nagasena, existe-t-il un être qui transmigre de ce corps dans un autre ? — Non, il n’y en a point. — S’il n’y a pas d
3753 utre ? — Non, il n’y en a point. — S’il n’y a pas de transmigration, peut-il y avoir une réincarnation ? — Oui, c’est poss
3754 être pur. — Ô Nagasena, dis-moi s’il existe rien de semblable à l’âme ? — Il n’y a rien de semblable à l’âme.70 » Un text
3755 xiste rien de semblable à l’âme ? — Il n’y a rien de semblable à l’âme.70 » Un texte zen chinois surenchérit : « Y a-t-il
3756 ire du samadhi : c’est un éveil instantané. Éveil de quoi ? De la vision-en-soi, du Cela qui n’est pas personnel et se jou
3757 adhi : c’est un éveil instantané. Éveil de quoi ? De la vision-en-soi, du Cela qui n’est pas personnel et se joue à traver
3758 oyance en la transmigration… Mais voici le moment d’ ajuster la vision. Tout l’Orient exagère ses formules. Il dit cent-mil
3759 té pour dire longévité. Notre hygiène, augmentant de cinquante ans la durée moyenne de la vie, serait alors une « recette
3760 pour dire longévité. Notre hygiène, augmentant de cinquante ans la durée moyenne de la vie, serait alors une « recette d’immortal
3761 ène, augmentant de cinquante ans la durée moyenne de la vie, serait alors une « recette d’immortalité ». Et même la seule
3762 rée moyenne de la vie, serait alors une « recette d’ immortalité ». Et même la seule qui ait réussi. Apprenons donc à lire
3763 euse signifie l’absolue négation du moi », ajoute trois pages plus loin « Nous devenons vraies personnes dans la mesure où no
3764 éliminer le questionneur, non sa question. Et les trois autres distinctions s’expliquent de la même manière. » Puis il ajoute
3765 on. Et les trois autres distinctions s’expliquent de la même manière. » Puis il ajoute : « Si le disciple est exceptionnel
3766 ndateur du zen) l’a déclaré, zen ne se soucie pas de disserter sur des notions abstruses telles que Dieu, la Vérité ; ce q
3767 la Vérité ; ce que zen demande au disciple, c’est de voir sa propre Physionomie. » Or comme le disait le sixième Patriarch
3768 nomie. » Or comme le disait le sixième Patriarche de la secte (638-713) : « Ne pense pas au bien ni au mal, mais regarde c
3769 omme le disait le sixième Patriarche de la secte ( 638-713 ) : « Ne pense pas au bien ni au mal, mais regarde ce qu’est, au momen
3770 ionomie originelle, celle que tu avais avant même d’ être né.72 » Par où nous rejoignons un certain christianisme — à parti
3771 us rejoignons un certain christianisme — à partir d’ un certain bouddhisme — et certainement le mazdéisme et les soufis : i
3772 rtainement le mazdéisme et les soufis : il s’agit d’ une seule quête de l’esprit, dont le Graal, ou l’Ange, est : toi-même.
3773 éisme et les soufis : il s’agit d’une seule quête de l’esprit, dont le Graal, ou l’Ange, est : toi-même. ⁂ Les différences
3774 tons préciser leur nature, c’est dans les notions de l’amour traduisant ces trois conceptions, que nous avons les plus gra
3775 c’est dans les notions de l’amour traduisant ces trois conceptions, que nous avons les plus grandes chances de les trouver.
3776 ceptions, que nous avons les plus grandes chances de les trouver. Dans ce domaine, toute différence reconnue peut être vér
3777 romet au dialogue des spirituels un élargissement de la conscience que chacun prendra de son bien. Tandis qu’au plan de l’
3778 élargissement de la conscience que chacun prendra de son bien. Tandis qu’au plan de l’anthropologie plus ou moins « scient
3779 que chacun prendra de son bien. Tandis qu’au plan de l’anthropologie plus ou moins « scientifique » de ce siècle, il sembl
3780 de l’anthropologie plus ou moins « scientifique » de ce siècle, il semblerait que les négations du moi selon les écoles or
3781 orientales correspondent simplement aux névroses de la psychanalyse freudienne : elles seraient autant de « rationalisati
3782 a psychanalyse freudienne : elles seraient autant de « rationalisations » des attitudes « dysfonctionnelles » qui menacent
3783 ental sourit et nous laisse « nos » problèmes. Trois écoles de l’amour Si l’amour est le premier moteur non seulement d
3784 et nous laisse « nos » problèmes. Trois écoles de l’amour Si l’amour est le premier moteur non seulement de l’homme
3785 Si l’amour est le premier moteur non seulement de l’homme mais du monde, c’est son action qui configure l’idée du moi q
3786 te idée du moi révèle l’amour, comme la structure de l’atome traduit certaines propriétés de l’énergie. « C’est l’amour do
3787 structure de l’atome traduit certaines propriétés de l’énergie. « C’est l’amour dominant qui fait l’homme… L’homme est abs
3788 ’homme est absolument tel qu’est l’amour dominant de sa vie : selon (cet amour) se fait son ciel, s’il est bon, ou son enf
3789 it Swedenborg dans La Nouvelle Jérusalem. Et dans De Coelo, il ajoute : « Le corps de chaque esprit et de chaque ange est
3790 rusalem. Et dans De Coelo, il ajoute : « Le corps de chaque esprit et de chaque ange est la forme de son amour.73 » Les tr
3791 Coelo, il ajoute : « Le corps de chaque esprit et de chaque ange est la forme de son amour.73 » Les trois notions de l’hom
3792 s de chaque esprit et de chaque ange est la forme de son amour.73 » Les trois notions de l’homme que l’on vient d’évoquer
3793 de chaque ange est la forme de son amour.73 » Les trois notions de l’homme que l’on vient d’évoquer nous apparaissent alors c
3794 est la forme de son amour.73 » Les trois notions de l’homme que l’on vient d’évoquer nous apparaissent alors comme autant
3795 .73 » Les trois notions de l’homme que l’on vient d’ évoquer nous apparaissent alors comme autant de modèles d’une énergéti
3796 nt d’évoquer nous apparaissent alors comme autant de modèles d’une énergétique de l’amour, ou comme autant d’effets de son
3797 r nous apparaissent alors comme autant de modèles d’ une énergétique de l’amour, ou comme autant d’effets de son action con
3798 t alors comme autant de modèles d’une énergétique de l’amour, ou comme autant d’effets de son action configurante et compo
3799 les d’une énergétique de l’amour, ou comme autant d’ effets de son action configurante et composante. Et nous les voyons di
3800 énergétique de l’amour, ou comme autant d’effets de son action configurante et composante. Et nous les voyons différer d’
3801 urante et composante. Et nous les voyons différer d’ une manière subtile mais précise par la forme des rapports qu’elles im
3802 âme et l’ange, l’ego et le Soi. Observons que les trois partent d’une dualité sans laquelle ni l’homme ni l’amour ne seraient
3803 l’ego et le Soi. Observons que les trois partent d’ une dualité sans laquelle ni l’homme ni l’amour ne seraient même conce
3804 nommé manichéen, opposant le Bien et le Mal comme deux principes préexistants ; ni tout à fait des « deux hommes en moi » do
3805 eux principes préexistants ; ni tout à fait des «  deux hommes en moi » dont la lutte fait gémir saint Paul ; mais, préalable
3806 s, préalablement à tout jugement moral, il s’agit de la reconnaissance d’une bipolarité, d’une tension permanente entre l’
3807 ut jugement moral, il s’agit de la reconnaissance d’ une bipolarité, d’une tension permanente entre l’individu et le « vrai
3808 il s’agit de la reconnaissance d’une bipolarité, d’ une tension permanente entre l’individu et le « vrai moi ». (L’individ
3809 eut devenir un monstre.) Pour aimer, il faut être deux , dit la sagesse des nations. Et cela vaut d’abord pour l’amour de soi
3810 se des nations. Et cela vaut d’abord pour l’amour de soi-même, sans lequel point d’amour du prochain. Tous les moralistes
3811 abord pour l’amour de soi-même, sans lequel point d’ amour du prochain. Tous les moralistes du monde s’accordent avec les s
3812 ordent avec les spirituels dans leur condamnation de l’égoïsme, qui est l’impérialisme de l’ego naturel et sa fermeture au
3813 condamnation de l’égoïsme, qui est l’impérialisme de l’ego naturel et sa fermeture autarcique. Mais les motifs de cette co
3814 turel et sa fermeture autarcique. Mais les motifs de cette condamnation ne sont pas les mêmes : les moralistes jugent au n
3815 L’école chrétienne Dans une vue chrétienne de l’homme, l’amour de soi est le rapport positif entre l’individu et le
3816 ne Dans une vue chrétienne de l’homme, l’amour de soi est le rapport positif entre l’individu et le vrai moi. Le second
3817 nt un moi duel, au sein duquel l’amour s’instaure d’ une manière telle que s’aimer et aimer le prochain soit un même acte :
3818 e comme n’aurait pas son plein sens. Dans l’amour de soi-même, l’homme naturel s’ouvre à l’action du vrai moi spirituel et
3819 lui. C’est le vrai moi qui aime, qui est l’agent de l’amour. Ce vrai moi seul peut aimer le prochain, parce que seul il d
3820 imer, c’est soutenir, deviner, porter le meilleur de ce qu’on aime », disait Alain. Or le meilleur de l’autre — comme de s
3821 de ce qu’on aime », disait Alain. Or le meilleur de l’autre — comme de soi — est sa vocation singulière. Aimer le prochai
3822 , disait Alain. Or le meilleur de l’autre — comme de soi — est sa vocation singulière. Aimer le prochain dans sa personne,
3823 e, intégrant l’animique au spirituel, va toujours de personne à personne. Mais alors, d’où vient la personne ? Quel que so
3824 , va toujours de personne à personne. Mais alors, d’ où vient la personne ? Quel que soit le nom que lui ont donné les troi
3825 onne ? Quel que soit le nom que lui ont donné les trois religions abrahamiques, le vrai moi est toujours suscité par l’Amour
3826 dans l’homme la personne. Si la plus haute valeur de l’Occident chrétien n’est pas la connaissance détachée mais le sacrif
3827 et si le sacrifice diffère du suicide — la nature de l’amour véritable l’explique seule. « Personne n’a un plus grand amou
3828 que seule. « Personne n’a un plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’il aime. » Se sacrifier pour l’autre aimé,
3829 par l’esprit. C’est rejoindre la forme immortelle de son être au travers d’une « mort à soi-même » transfigurante. Ce modè
3830 oindre la forme immortelle de son être au travers d’ une « mort à soi-même » transfigurante. Ce modèle de l’amour et du vra
3831 une « mort à soi-même » transfigurante. Ce modèle de l’amour et du vrai moi instaure le normal, le sublime, et la probléma
3832 staure le normal, le sublime, et la problématique de l’Occident chrétien. Il conditionne aussi les déviations de l’amour e
3833 ent chrétien. Il conditionne aussi les déviations de l’amour et les formes particulières que prennent en Occident certaine
3834 iées à tel point qu’il devient parfois impossible d’ en reconnaître ailleurs les homologues. En voici deux exemples extrême
3835 ’en reconnaître ailleurs les homologues. En voici deux exemples extrêmes. Le masochisme religieux, ou haine de soi. Dans so
3836 ples extrêmes. Le masochisme religieux, ou haine de soi. Dans son langage dramatique, saint Paul parle parfois de la hain
3837 son langage dramatique, saint Paul parle parfois de la haine de soi-même, formule reprise au pied de la lettre par tous l
3838 dramatique, saint Paul parle parfois de la haine de soi-même, formule reprise au pied de la lettre par tous les spirituel
3839 de la haine de soi-même, formule reprise au pied de la lettre par tous les spirituels de tendance ascétique, avec une com
3840 rise au pied de la lettre par tous les spirituels de tendance ascétique, avec une complaisance croissante. Je sais bien qu
3841 roissante. Je sais bien que la haine est l’envers de l’amour, mais comment l’amour fasciné par le désir de ce qu’il aime p
3842 ’amour, mais comment l’amour fasciné par le désir de ce qu’il aime peut-il haïr vraiment ce qu’il lui sacrifie ? Le masoch
3843 i sacrifie ? Le masochisme n’est-il pas le moment de retombement de l’âme frustrée, quand l’esprit qui l’appelait cesse de
3844 masochisme n’est-il pas le moment de retombement de l’âme frustrée, quand l’esprit qui l’appelait cesse de la diriger dan
3845 âme frustrée, quand l’esprit qui l’appelait cesse de la diriger dans son élan vers le vrai moi ? Elle voulait l’ange. Il l
3846  ? Elle voulait l’ange. Il lui reste la nostalgie d’ une fuite hors du moi naturel. Désormais le vieil homme est jugé : n’a
3847 u l’entraîner avec elle vers son bien et l’animer de son amour, l’âme l’accuse de volonté mauvaise. Mais elle sait bien qu
3848 son bien et l’animer de son amour, l’âme l’accuse de volonté mauvaise. Mais elle sait bien qu’ils ont partie liée, et qu’e
3849 lle mourra si elle le tue. Elle se contente alors de le maudire, de le traiter en « corps de mort », et leurs relations s’
3850 lle le tue. Elle se contente alors de le maudire, de le traiter en « corps de mort », et leurs relations s’empoisonnent. L
3851 nte alors de le maudire, de le traiter en « corps de mort », et leurs relations s’empoisonnent. La plupart des névroses di
3852 l’âme oppose au corps, vu comme signe et symbole de la « prison » du moi. Et c’est que l’âme avait rêvé d’une métamorphos
3853 « prison » du moi. Et c’est que l’âme avait rêvé d’ une métamorphose angélique, quand l’esprit lui demandait seulement d’o
3854 angélique, quand l’esprit lui demandait seulement d’ ordonner tout le moi terrestre et temporel à la vocation de l’amour. M
3855 r tout le moi terrestre et temporel à la vocation de l’amour. Mais celui qui se hait de cette manière ne peut pas aimer le
3856 à la vocation de l’amour. Mais celui qui se hait de cette manière ne peut pas aimer le prochain : il ne peut voir en lui
3857 corps lui paraît désirable, il sera parfois tenté d’ attribuer ce mouvement, né de l’instinct, à la révélation d’un amour a
3858 l sera parfois tenté d’attribuer ce mouvement, né de l’instinct, à la révélation d’un amour angélique. La passion romantiq
3859 r ce mouvement, né de l’instinct, à la révélation d’ un amour angélique. La passion romantique trouve ici sa genèse. Exalté
3860 trouve ici sa genèse. Exaltée jusqu’à la mystique de l’ascèse autopunitive, elle finit par confondre avec les exigences de
3861 tive, elle finit par confondre avec les exigences de la mort au faux-moi, l’instinct de mort… Contre cet ascétisme non-tra
3862 les exigences de la mort au faux-moi, l’instinct de mort… Contre cet ascétisme non-transfigurant, Nietzsche n’écrit pas s
3863 ui se hait lui-même, car nous serons les victimes de sa colère et de sa vengeance. Ayons donc soin de l’induire à l’amour
3864 ême, car nous serons les victimes de sa colère et de sa vengeance. Ayons donc soin de l’induire à l’amour de lui-même.74 »
3865 de sa colère et de sa vengeance. Ayons donc soin de l’induire à l’amour de lui-même.74 » L’érotisme sensuel est l’autre
3866 vengeance. Ayons donc soin de l’induire à l’amour de lui-même.74 » L’érotisme sensuel est l’autre extrême où se porte l’â
3867 procède du vrai moi et se dirige vers le vrai moi de l’autre. Mais il peut arriver qu’il s’arrête en chemin, que son élan
3868 élan vers la personne singulière retombe au plan de l’individuel, du générique. Capté par l’instinct qu’il excite au-delà
3869 de anesthésie, l’âme retombe alors dans les liens de l’instinct, qui est la puissance impersonnelle par excellence, et s’é
3870 nce, et s’épuise à s’en libérer par le changement de l’excitation, par le défi perpétuel aux attachements. C’est la libert
3871 e revendiquée par Don Juan contre les conventions de la morale commune — qu’il est déjà trop « spirituel » pour respecter
3872 mais aussi contre le respect du mystère exigeant de l’Autre qu’il n’est pas assez « spirituel » pour aimer. (Mais s’il l’
3873 ait assez, il retrouverait aussi la justification de certaines conventions, protégeant chez la brute et l’innocent les pre
3874 chez la brute et l’innocent les premières chances de l’esprit, — ou mettant à l’abri des atteintes de l’esprit l’indispens
3875 de l’esprit, — ou mettant à l’abri des atteintes de l’esprit l’indispensable tissu conjonctif de toutes les sociétés qui
3876 ntes de l’esprit l’indispensable tissu conjonctif de toutes les sociétés qui ne sont pas un ordre.) L’école iranienne
3877 ordre.) L’école iranienne Il n’existe plus de communauté humaine, d’unité de civilisation qui s’inspire du mazdéism
3878 nienne Il n’existe plus de communauté humaine, d’ unité de civilisation qui s’inspire du mazdéisme de Zarathoustra ; et
3879 Il n’existe plus de communauté humaine, d’unité de civilisation qui s’inspire du mazdéisme de Zarathoustra ; et nulle ne
3880 ’unité de civilisation qui s’inspire du mazdéisme de Zarathoustra ; et nulle ne s’inspira jamais de la mystique des soufis
3881 me de Zarathoustra ; et nulle ne s’inspira jamais de la mystique des soufis, et pour cause. Si je les fais intervenir ici,
3882 use. Si je les fais intervenir ici, c’est à titre d’ évocation d’une dimension virtuelle, intemporelle, et donc permanente
3883 es fais intervenir ici, c’est à titre d’évocation d’ une dimension virtuelle, intemporelle, et donc permanente de l’esprit 
3884 nsion virtuelle, intemporelle, et donc permanente de l’esprit : le mazdéisme et les soufis ont proposé des notions de l’ho
3885 e mazdéisme et les soufis ont proposé des notions de l’homme et de l’amour homologues aux notions chrétiennes, mais comme
3886 les soufis ont proposé des notions de l’homme et de l’amour homologues aux notions chrétiennes, mais comme transposées te
3887 chrétiennes, mais comme transposées terme à terme d’ un degré vers le « ciel » des archétypes : ainsi la dualité ego-vrai m
3888 s : ainsi la dualité ego-vrai moi y devient celle de l’âme et de son ange. Pour situer dans son vrai climat spirituel le p
3889 dualité ego-vrai moi y devient celle de l’âme et de son ange. Pour situer dans son vrai climat spirituel le personnalisme
3890 vrai climat spirituel le personnalisme essentiel de ces doctrines, citons ce verset du Coran (24-41) qui pose comme une c
3891 tiel de ces doctrines, citons ce verset du Coran ( 24-41 ) qui pose comme une clef musicale : « Chaque être connaît le mode de
3892 une clef musicale : « Chaque être connaît le mode de prière et de glorification qui lui est propre. » Toute personne s’ori
3893 cale : « Chaque être connaît le mode de prière et de glorification qui lui est propre. » Toute personne s’origine en Dieu,
3894 Dieu, qui l’a créée afin d’être connu par elle et de « devenir en elle l’objet de sa propre connaissance.75 » C’est donc e
3895 re connu par elle et de « devenir en elle l’objet de sa propre connaissance.75 » C’est donc en Dieu que tout amour peut re
3896 Dieu que tout amour peut reconnaître la personne de l’autre et l’aimer « comme soi-même », — comme étant née du même amou
3897 au regard de chaque amant… car il est impossible d’ aimer un être sans se représenter en lui la divinité. Un être n’aime e
3898 i la divinité. Un être n’aime en réalité personne d’ autre que son créateur.76 » Ibn Arabi distingue trois amours : l’amour
3899 d’autre que son créateur.76 » Ibn Arabi distingue trois amours : l’amour divin du Créateur pour sa créature, et d’elle pour L
3900  : l’amour divin du Créateur pour sa créature, et d’ elle pour Lui ; l’amour spirituel « dont le siège est en la créature t
3901 t le siège est en la créature toujours à la quête de l’être dont elle découvre en elle l’Image, ou dont elle se découvre c
3902 in l’amour naturel, qui recherche la satisfaction de ses désirs sans souci de l’agrément de l’Aimé. « Et telle est hélas !
3903 echerche la satisfaction de ses désirs sans souci de l’agrément de l’Aimé. « Et telle est hélas ! dit Ibn Arabi, la manièr
3904 tisfaction de ses désirs sans souci de l’agrément de l’Aimé. « Et telle est hélas ! dit Ibn Arabi, la manière dont la plup
3905 it Ibn Arabi, la manière dont la plupart des gens d’ aujourd’hui comprennent l’amour.77 » Comment réconcilier l’amour natur
3906 que cette capacité révèle chez eux l’unification de leur double nature (le dénouement de la « conscience malheureuse » en
3907 ’unification de leur double nature (le dénouement de la « conscience malheureuse » en proie aux déchirements). » Telle est
3908 est donc la personne unifiée et tel est son amour de soi-même. Quant à l’amour-passion (ici, non romantique !) il se situe
3909 n romantique !) il se situe au point où le regard de l’âme reconnaît soudain dans l’Aimé cette Forme sensible du divin, ce
3910 e que l’âme peut aimer dans toutes les dimensions de l’amour unifié. L’Aimé n’est plus alors un simple objet — comme il es
3911 à faire exister dans l’être aimé, par l’efficace de son amour préfigurant. C’est précisément là que s’origine la plus hau
3912 écisément là que s’origine la plus haute fonction de l’amour humain, celle-là même qui assure la coalescence de ce que l’o
3913 r humain, celle-là même qui assure la coalescence de ce que l’on a désigné historiquement comme amour courtois et amour my
3914 r mystique. Car l’amour tend à la transfiguration de la figure aimée terrestre, en l’adossant à une lumière qui en fasse é
3915 s les virtualités surhumaines, jusqu’à l’investir de la fonction théophanique de l’Ange (ainsi en a-t-il été des Figures f
3916 s, jusqu’à l’investir de la fonction théophanique de l’Ange (ainsi en a-t-il été des Figures féminines célébrées par les F
3917 té des Figures féminines célébrées par les Fedeli d’ amore, compagnons de Dante ; ainsi en a-t-il été de celle qui apparut
3918 ines célébrées par les Fedeli d’amore, compagnons de Dante ; ainsi en a-t-il été de celle qui apparut à Ibn Arabi, à la Me
3919 ’amore, compagnons de Dante ; ainsi en a-t-il été de celle qui apparut à Ibn Arabi, à la Mekke, comme figure de la Sophia
3920 qui apparut à Ibn Arabi, à la Mekke, comme figure de la Sophia divine). L’analyse d’Ibn Arabi ne cesse de gagner en profon
3921 kke, comme figure de la Sophia divine). L’analyse d’ Ibn Arabi ne cesse de gagner en profondeur : que l’amant tende à conte
3922 la Sophia divine). L’analyse d’Ibn Arabi ne cesse de gagner en profondeur : que l’amant tende à contempler l’être aimé, à
3923 nt dans l’Aimé.78 On reconnaît ici les « notes » de l’amour du prochain selon Kierkegaard79, mais aussi selon Swedenborg 
3924 t-à-dire que chacun est le prochain en proportion de ce qu’il a quelque chose du Seigneur en lui ; or, comme nul ne reçoit
3925 hose du Seigneur en lui ; or, comme nul ne reçoit de la même manière le bien qui procède du Seigneur, il s’ensuit que l’un
3926 gneur, il s’ensuit que l’un n’est pas le prochain de la même manière que l’autre… ; il n’y a jamais chez deux personnes un
3927 même manière que l’autre… ; il n’y a jamais chez deux personnes un bien absolument identique… C’est l’amour qui fait le pro
3928 chain, et chacun est le prochain selon la qualité de son amour.80 En dépit de tout ce qui distingue la transparence (parf
3929 ngue la transparence (parfois trompeuse) du latin de l’ingénieur-philosophe Swedenborg et la poésie dense de l’Arabe, l’ho
3930 ngénieur-philosophe Swedenborg et la poésie dense de l’Arabe, l’homologie des énoncés est indéniable. Si le symbolisme con
3931 n, reste exactement comparable, comme le sont les trois formes de l’amour que manifeste cette structure. Mais « l’Imagination
3932 tement comparable, comme le sont les trois formes de l’amour que manifeste cette structure. Mais « l’Imagination créatrice
3933 combien plus vivement l’unité première et finale de tout amour ! Peut-être aussi nous fera-t-elle entrevoir comment le my
3934 aussi nous fera-t-elle entrevoir comment le mythe de Tristan — en dépit du pseudo-bouddhisme tardivement emprunté par Wagn
3935 ysticisme soufi et même la « rencontre aurorale » de l’âme et de sa Dâenâ au pont Chinvat ? Et n’est-ce pas pour avoir dés
3936 ufi et même la « rencontre aurorale » de l’âme et de sa Dâenâ au pont Chinvat ? Et n’est-ce pas pour avoir désiré l’amour
3937 invat ? Et n’est-ce pas pour avoir désiré l’amour de l’Ange que les amants de la forêt du Morois en viennent à découvrir q
3938 our avoir désiré l’amour de l’Ange que les amants de la forêt du Morois en viennent à découvrir que c’est leur passion mêm
3939 vie », mais pour l’autre ? S’il est une « erreur de Tristan », motivant le malheur essentiel de sa passion, ce serait alo
3940 rreur de Tristan », motivant le malheur essentiel de sa passion, ce serait alors dans le mode de la transposition du « cie
3941 ntiel de sa passion, ce serait alors dans le mode de la transposition du « ciel » en Terre, et de l’Ange en la femme, que
3942 mode de la transposition du « ciel » en Terre, et de l’Ange en la femme, que l’on pourrait en pressentir l’ultime secret.
3943 s. Du même coup se trouvent évacués les problèmes de l’amour de soi-même et de l’amour de Dieu et du prochain : faute de p
3944 coup se trouvent évacués les problèmes de l’amour de soi-même et de l’amour de Dieu et du prochain : faute de protagoniste
3945 t évacués les problèmes de l’amour de soi-même et de l’amour de Dieu et du prochain : faute de protagonistes bien réels, c
3946 es problèmes de l’amour de soi-même et de l’amour de Dieu et du prochain : faute de protagonistes bien réels, ces problème
3947 e l’attrait des sexes agissant fatalement sur des milliards d’agrégats éphémères, combinés et défaits selon le cours des astres e
3948 t des sexes agissant fatalement sur des milliards d’ agrégats éphémères, combinés et défaits selon le cours des astres et l
3949 a morale sociale condamne radicalement l’adultère de la femme mariée ; mais ce n’est pas au nom de l’amour, on le pense bi
3950 e et du bouddhisme. S’il est vrai que « la notion de Moi n’a d’accès que dans la pensée des sots », comme le dit un texte
3951 ddhisme. S’il est vrai que « la notion de Moi n’a d’ accès que dans la pensée des sots », comme le dit un texte tibétain, l
3952 sots », comme le dit un texte tibétain, la notion de Toi ne vaut pas mieux. « La morale bouddhique, qui est une sorte d’hy
3953 mieux. « La morale bouddhique, qui est une sorte d’ hygiène spirituelle, tend à détruire, en nous, les causes de souffranc
3954 spirituelle, tend à détruire, en nous, les causes de souffrance pour autrui.83 » « On ne peut comprendre la nature de l’ul
3955 our autrui.83 » « On ne peut comprendre la nature de l’ultime réalité qu’après avoir détruit tout attachement inné ou acqu
3956 semblables…84 » Et le Bouddha lui-même : « Qui a cent sortes d’amours a cent sortes de douleurs ; qui a un amour a une doul
3957 84 » Et le Bouddha lui-même : « Qui a cent sortes d’ amours a cent sortes de douleurs ; qui a un amour a une douleur ; qui
3958 Bouddha lui-même : « Qui a cent sortes d’amours a cent sortes de douleurs ; qui a un amour a une douleur ; qui n’a pas d’amo
3959 même : « Qui a cent sortes d’amours a cent sortes de douleurs ; qui a un amour a une douleur ; qui n’a pas d’amour n’a pas
3960 eurs ; qui a un amour a une douleur ; qui n’a pas d’ amour n’a pas de douleur. » Si l’on s’en tient aux textes, la cause es
3961 amour a une douleur ; qui n’a pas d’amour n’a pas de douleur. » Si l’on s’en tient aux textes, la cause est entendue : l’A
3962 sique ne connaît pas l’amour, — j’entends l’amour de Dieu, de soi et du prochain, l’amour-passion, et même l’amour matrimo
3963 connaît pas l’amour, — j’entends l’amour de Dieu, de soi et du prochain, l’amour-passion, et même l’amour matrimonial. Mai
3964 x textes. On ajoutera peut-être qu’on ne voit pas de raisons pour que l’Orient réel soit plus conforme aux sermons du Boud
3965 aura tort. Car les grandes doctrines religieuses de l’Asie n’ont jamais été révolutionnaires. Elles n’ont jamais prétendu
3966 ents, par le régime des castes et la condamnation de toute curiosité du monde) ; d’autre part, en tant que doctrines, elle
3967 trines, elles proposent aux spirituels les moyens de s’en évader en dérangeant le moins de choses possible. Les religions
3968 les moyens de s’en évader en dérangeant le moins de choses possible. Les religions abrahamiques, au contraire, monothéist
3969 es à le transformer en vérité85. Elles provoquent d’ innombrables réactions. Il est par suite inévitable que l’existence ré
3970 as, jusqu’à nos jours, en Asie. Prenons l’exemple de l’érotisme. Le shivaïsme explique le cosmos tout entier en termes de
3971 termes de sexualité : il pose le désir à la base de tout. Nous ne désirons des choses que dans la mesure où elles nous pr
3972 curent une jouissance. La divinité n’est un objet d’ amour que parce qu’elle représente une volupté sans mélange… Le désir
3973 me n’existe que parce qu’il voit en elle la forme de son plaisir, la source de sa jouissance. Dans la joie de la possessio
3974 l voit en elle la forme de son plaisir, la source de sa jouissance. Dans la joie de la possession, la souffrance du désir
3975 plaisir, la source de sa jouissance. Dans la joie de la possession, la souffrance du désir est pour un instant apaisée… et
3976 ité. C’est cet amour qui est l’amour pur, l’amour de l’amour même, l’amour de l’Être-de-volupté transcendant.86 Kâma, le
3977 est l’amour pur, l’amour de l’amour même, l’amour de l’Être-de-volupté transcendant.86 Kâma, le dieu du plaisir érotique,
3978 ncore : « Celui qui cherche l’amour dans l’espoir d’ une jouissance est la victime du désir. Le sage accepte les plaisirs s
3979 expérience du divin, comparons-les aux diatribes d’ un saint Paul annonçant la « colère de Dieu, révélée du Ciel » contre
3980 x diatribes d’un saint Paul annonçant la « colère de Dieu, révélée du Ciel » contre les « impudiques » et les « infâmes »,
3981 e sont livrés à l’impureté, selon les convoitises de leur cœur ». Comparons le Shiva Purana, le Kamasutra, le Mahabharata,
3982 é et catégorie spirituelle. Dans les littératures de l’Asie, on trouvera peu d’exemples convaincants — pour ma part, je n’
3983 Dans les littératures de l’Asie, on trouvera peu d’ exemples convaincants — pour ma part, je n’en connais point — de ce qu
3984 vaincants — pour ma part, je n’en connais point — de ce que nous baptisons amour-passion, et l’on sait à quel point cette
3985 ur-passion, et l’on sait à quel point cette forme de l’amour est liée à ses expressions. La passion et l’amour mystique, l
3986 ntaux, posés à tous par les rigueurs mal tolérées de dogmes et de doctrines impératives, cependant que les voies de sagess
3987 à tous par les rigueurs mal tolérées de dogmes et de doctrines impératives, cependant que les voies de sagesse asiatiques
3988 de doctrines impératives, cependant que les voies de sagesse asiatiques sont seulement proposées, — à quelques-uns. Les re
3989 ulement proposées, — à quelques-uns. Les recettes de plaisir, ou d’immortalité par la rétention du semen, sont liées en As
3990 es, — à quelques-uns. Les recettes de plaisir, ou d’ immortalité par la rétention du semen, sont liées en Asie à la piété,
3991 Asie à la piété, tandis que nos coutumes viennent d’ un vieux fond païen et que notre hygiène moderne se veut « scientifiqu
3992 fique ». À cause de la nature du christianisme et de la nature de l’hindouisme ou du bouddhisme, la vie réelle de l’Occide
3993 use de la nature du christianisme et de la nature de l’hindouisme ou du bouddhisme, la vie réelle de l’Occident est en con
3994 e de l’hindouisme ou du bouddhisme, la vie réelle de l’Occident est en conflit avec la foi, tandis que la vie réelle de l’
3995 en conflit avec la foi, tandis que la vie réelle de l’Asie est en symbiose avec ses religions. Et si la symétrie de ces f
3996 en symbiose avec ses religions. Et si la symétrie de ces formules inquiète, revenons au quotidien banal, pris sur le vif :
3997 ment, cela me donnait l’invraisemblable privilège de comprendre les choses de l’amour.89 » Ceci encore, le cliché Orient-
3998 nvraisemblable privilège de comprendre les choses de l’amour.89 » Ceci encore, le cliché Orient-Occident = non-moi-person
3999 e moins cours en Orient que dans certains milieux d’ Europe et d’Amérique sérieusement éperdus de sagesse asiatique, me par
4000 s en Orient que dans certains milieux d’Europe et d’ Amérique sérieusement éperdus de sagesse asiatique, me paraît appeler
4001 lieux d’Europe et d’Amérique sérieusement éperdus de sagesse asiatique, me paraît appeler deux remarques, à vrai dire d’in
4002 t éperdus de sagesse asiatique, me paraît appeler deux remarques, à vrai dire d’inégale importance, et qu’on voudrait déconc
4003 ue, me paraît appeler deux remarques, à vrai dire d’ inégale importance, et qu’on voudrait déconcertantes. 1. Précaution de
4004 ale importance, et qu’on voudrait déconcertantes. 1. Précaution de méthode dialectique. — Au défi de dogmes sublimes et qu
4005 , et qu’on voudrait déconcertantes. 1. Précaution de méthode dialectique. — Au défi de dogmes sublimes et qui prétendent t
4006 . 1. Précaution de méthode dialectique. — Au défi de dogmes sublimes et qui prétendent transfigurer la vie concrète, l’Occ
4007 ses résistances naturelles, et qui font l’intérêt de sa vie amoureuse. Mais l’Orient se contente de proposer des voies aux
4008 êt de sa vie amoureuse. Mais l’Orient se contente de proposer des voies aux Renonçants (ou sannyasins) qui ont épuisé la c
4009 s) qui ont épuisé la coupe, ou la dédaignent. Pas de drame, encore moins de tragique, et surtout pas de tout ou rien, mais
4010 upe, ou la dédaignent. Pas de drame, encore moins de tragique, et surtout pas de tout ou rien, mais d’innombrables variété
4011 e drame, encore moins de tragique, et surtout pas de tout ou rien, mais d’innombrables variétés dans l’approche de l’ultim
4012 de tragique, et surtout pas de tout ou rien, mais d’ innombrables variétés dans l’approche de l’ultime réalité. Où nous ver
4013 ien, mais d’innombrables variétés dans l’approche de l’ultime réalité. Où nous verrions contradiction, antinomie, ils ne m
4014 nces ne s’opposent pas. S’il arrive que certaines de leurs croyances semblent bien se confondre avec les nôtres (semblent
4015 (semblent bien affirmer, par exemple, la réalité de la personne ou du prochain) on n’en saurait déduire qu’elles excluent
4016 aire, ou que l’on s’était mépris sur le vrai sens de leurs affirmations répétées du contraire (comme la non-existence du m
4017 la non-existence du moi). Illustrons cela. L’idée de vocation personnelle accomplie aux dépens de l’individu est loin d’êt
4018 nelle accomplie aux dépens de l’individu est loin d’ être absente de la Bhagavad-Gita : Sois détaché et accomplis l’action
4019 aux dépens de l’individu est loin d’être absente de la Bhagavad-Gita : Sois détaché et accomplis l’action qui est ton de
4020 ans attachement, l’homme obtient le but suprême. ( III , 19) Notre propre devoir, si humble qu’il soit, vaut mieux que le dev
4021 ttachement, l’homme obtient le but suprême. (III, 19 ) Notre propre devoir, si humble qu’il soit, vaut mieux que le devoir
4022 t, vaut mieux que le devoir parfaitement accompli d’ un autre. Le dharma d’un autre est plein de dangers. (III, 35) Et dan
4023 evoir parfaitement accompli d’un autre. Le dharma d’ un autre est plein de dangers. (III, 35) Et dans les upanishads : La
4024 compli d’un autre. Le dharma d’un autre est plein de dangers. (III, 35) Et dans les upanishads : La vie n’a servi de rien
4025 utre. Le dharma d’un autre est plein de dangers. ( III , 35) Et dans les upanishads : La vie n’a servi de rien à celui qui q
4026 Le dharma d’un autre est plein de dangers. (III, 35 ) Et dans les upanishads : La vie n’a servi de rien à celui qui quitt
4027 I, 35) Et dans les upanishads : La vie n’a servi de rien à celui qui quitte ce monde sans avoir réalisé son propre monde
4028 on non accomplie. (Brihad-âranyaka Up.) La notion de l’amour du prochain, et l’injonction évangélique d’aimer aussi son en
4029 l’amour du prochain, et l’injonction évangélique d’ aimer aussi son ennemi ne sont pas absentes du bouddhisme car l’ennemi
4030 enseigna le zen à toutes les Amériques dégoûtées de l’Occident, et de plus en plus à l’Europe, va jusqu’à dire que la mét
4031 ouddhiste « consiste à transformer Éros en Agapè » 90. Je répète que tout cela n’est pas contradictoire, dans une philosophi
4032 philosophie sans dogmatique. Nous parlerons alors d’ inconséquence logique ? Mais notre science n’a-t-elle pas inventé plus
4033 cés spirituels correspondant à différents niveaux d’ évolution, à différents degrés d’éveil de la conscience… 2. Mise en qu
4034 fférents niveaux d’évolution, à différents degrés d’ éveil de la conscience… 2. Mise en question par l’expérience vécue. — 
4035 niveaux d’évolution, à différents degrés d’éveil de la conscience… 2. Mise en question par l’expérience vécue. — Dans le
4036 on, à différents degrés d’éveil de la conscience… 2. Mise en question par l’expérience vécue. — Dans le roman de Raja Rao
4037 question par l’expérience vécue. — Dans le roman de Raja Rao qu’on vient de citer, cette sentence d’un upanishad reparaît
4038 de Raja Rao qu’on vient de citer, cette sentence d’ un upanishad reparaît à plusieurs reprises : En vérité, à quoi se rapp
4039 reprises : En vérité, à quoi se rapporte l’amour d’ un mari pour sa femme ? Non point à la femme, mais en vérité au Soi qu
4040 lle phrase, j’éprouve d’abord ceci : le sentiment d’ une immédiate et vive reconnaissance. Car toute vérité sur l’amour est
4041 atement reconnue par celui qui s’est mis en quête d’ un savoir de l’amour qu’il vit. N’importe qui m’avertira que le Soi de
4042 nnue par celui qui s’est mis en quête d’un savoir de l’amour qu’il vit. N’importe qui m’avertira que le Soi de l’Inde n’es
4043 ur qu’il vit. N’importe qui m’avertira que le Soi de l’Inde n’est pas le vrai Dieu des chrétiens, qui est personnel. On co
4044 artir de là que nos questions deviennent capables de réponses. Sur cette phrase des upanishads, sur le dialogue qui peut s
4045 ds, sur le dialogue qui peut s’instituer à partir d’ expériences re-connues, on pourrait écrire tout un livre. (Mais si c’é
4046 nnu tout d’abord en soi-même — le vrai moi, sujet de l’amour, et l’aider à prendre conscience de ce qu’il est ou peut deve
4047 sujet de l’amour, et l’aider à prendre conscience de ce qu’il est ou peut devenir. N’est-ce pas l’aider à réfléchir la lum
4048 enir. N’est-ce pas l’aider à réfléchir la lumière de l’amour créateur ? Non, ce serait là trop dire, et pas assez. Aimer,
4049 pas assez. Aimer, c’est aider l’autre à se situer de telle manière que la lumière se voie en lui, mais qu’en même temps le
4050 se voie en lui, mais qu’en même temps le vrai moi de l’amant s’y découvre, autrement éclairé, et par là subtilement changé
4051 -ce le Nom qu’on lui donne qui diffère, — ou quoi d’ autre ? Le point du dialogue est ici. Un point seulement, sans étendue
4052 re : l’Occidental ou l’Oriental. Tous les risques d’ erreur sont de notre côté, nous les payons par les névroses ou l’abêti
4053 tal ou l’Oriental. Tous les risques d’erreur sont de notre côté, nous les payons par les névroses ou l’abêtissement spirit
4054 out ce qui existe ; (à tel point que le seul fait d’ exister devient pour eux l’équivalent de notre péché originel). Ils en
4055 seul fait d’exister devient pour eux l’équivalent de notre péché originel). Ils en ont fait autant pour les névroses qui s
4056 tout entier semble résulter — selon leurs sages — d’ une gigantesque schizophrénie du Soi. (Mais il sera finalement résorbé
4057 Tout est le contraire du drame. Tous les risques d’ erreur sont liés à notre amour ; et plus l’amour est passionné, exigea
4058 royons aimer en elle, est-ce elle-même ou l’image de notre ange ? Ce que nous avons cru voir en elle, et que nous déifions
4059 alystes nous l’ont dit : l’erreur sur la personne de l’être aimé est la source des pires conflits, une violence faite à l’
4060 ce des pires conflits, une violence faite à l’âme de l’autre, à son corps ou à son esprit — ou encore à son moi total non
4061 ivra dans le cours des siècles, sans surprises et mille fois réincarné — la vue juste imagine — au sens fort — la personne. I
4062 imer mieux, c’est apprendre à discerner la raison d’ être — donc d’être unique — de l’autre aimé, comme de soi-même. Ce cor
4063 est apprendre à discerner la raison d’être — donc d’ être unique — de l’autre aimé, comme de soi-même. Ce corps visible que
4064 discerner la raison d’être — donc d’être unique — de l’autre aimé, comme de soi-même. Ce corps visible que vient animer un
4065 tre — donc d’être unique — de l’autre aimé, comme de soi-même. Ce corps visible que vient animer un mouvement singulier et
4066 vient animer un mouvement singulier et fascinant de l’être… « Aimer ce que jamais on ne verra deux fois ! » — Aimer, c’es
4067 nant de l’être… « Aimer ce que jamais on ne verra deux fois ! » — Aimer, c’est vouloir l’immortel, non l’éphémère, lequel n’
4068 on « Dieu » dans ses créatures, puisqu’il est dit de Lui qu’il est amour. — Mais Dieu pour nous est une Personne, et nous
4069 nt voudrait exténuer, « émacier le réel tangible » 93, pour rejoindre l’Un primordial. Quand ses dieux mêmes auront fait leu
4070 nd saint Paul, « Dieu sera tout en tous ». Depuis six millénaires, les sages de l’Asie n’ont pas varié dans leur croyance à
4071 aint Paul, « Dieu sera tout en tous ». Depuis six millénaires , les sages de l’Asie n’ont pas varié dans leur croyance à la dualité
4072 tout en tous ». Depuis six millénaires, les sages de l’Asie n’ont pas varié dans leur croyance à la dualité de l’Un et du
4073 e n’ont pas varié dans leur croyance à la dualité de l’Un et du Multiple, dualité finalement illusoire puisqu’un jour — do
4074 une trace, comme n’ayant pas eu lieu. Le triomphe de ces spirituels et de leur eschatologie se confondra ce jour-là avec l
4075 ant pas eu lieu. Le triomphe de ces spirituels et de leur eschatologie se confondra ce jour-là avec l’aboutissement d’un p
4076 ogie se confondra ce jour-là avec l’aboutissement d’ un processus entièrement matériel calculé par la science occidentale :
4077 es plans poétique et religieux du Second principe de la thermodynamique. L’autre moitié de l’humanité croit dur comme fer
4078 nd principe de la thermodynamique. L’autre moitié de l’humanité croit dur comme fer à la réalité tangible, insuffisante, p
4079 e fer à la réalité tangible, insuffisante, pleine de mystères, des apparences actuelles, qu’elle s’évertue en conséquence
4080 la vie et contre l’entropie94. Elle ne sait plus d’ où lui vient cette passion qui a produit la technique et les sciences,
4081 homme et une extraordinaire avidité. Le sens réel de l’aventure échappe à la majorité de ceux qu’elle entraîne. Et il est
4082 Le sens réel de l’aventure échappe à la majorité de ceux qu’elle entraîne. Et il est vrai qu’on ne saurait guère le conce
4083 ’on ne saurait guère le concevoir sans une vision de sa fin anticipée. La petite phrase de saint Paul au début de notre èr
4084 une vision de sa fin anticipée. La petite phrase de saint Paul au début de notre ère, « Dieu tout en tous », d’un seul tr
4085 nticipée. La petite phrase de saint Paul au début de notre ère, « Dieu tout en tous », d’un seul trait fulgurant décrit ce
4086 aul au début de notre ère, « Dieu tout en tous », d’ un seul trait fulgurant décrit cette fin. Dès lors, au duel de l’Un et
4087 ait fulgurant décrit cette fin. Dès lors, au duel de l’Un et du Multiple est substitué le drame de l’Un et des Uniques : —
4088 uel de l’Un et du Multiple est substitué le drame de l’Un et des Uniques : — à l’anéantissement final dans l’unisson, l’ha
4089 l’anéantissement final dans l’unisson, l’harmonie d’ un chœur infini ; — à la régressive extinction des différences éphémèr
4090 — à l’individuel aboli par une longue aspiration de l’Atman, le personnel éternisé par l’effort vivifiant de l’Imaginatio
4091 man, le personnel éternisé par l’effort vivifiant de l’Imagination. Ce sont là deux doctrines, deux vues des spirituels. Q
4092 r l’effort vivifiant de l’Imagination. Ce sont là deux doctrines, deux vues des spirituels. Quelle est la vraie ? Si les sag
4093 iant de l’Imagination. Ce sont là deux doctrines, deux vues des spirituels. Quelle est la vraie ? Si les sages de l’Orient o
4094 es spirituels. Quelle est la vraie ? Si les sages de l’Orient ont raison, personne ne pourra le vérifier à la consommation
4095 sommeil sans rêves — leur idée du bonheur — entre deux Créations totalement insensées. Si les saints de l’Occident ont raiso
4096 eux Créations totalement insensées. Si les saints de l’Occident ont raison, ils seront seuls à être là pour le savoir. La
4097 e sera celle que nous choisirons, en vérité vécue de conscience et d’action. Les résultats actuels et historiques sont amb
4098 nous choisirons, en vérité vécue de conscience et d’ action. Les résultats actuels et historiques sont ambigus à l’infini,
4099 l’ignorance malheureuse des origines et des fins de ce qu’ils croient, bien qu’ils en vivent plus ou moins bien, et même
4100 ’Orient est resté jusqu’ici, et que ces doctrines d’ extinction n’ont pas tué l’illusion du moi ; au contraire, ce moi sans
4101 de faire valoir ses revendications, par plusieurs centaines de millions de bouches à nourrir, et demain de cerveaux à diriger. No
4102 aloir ses revendications, par plusieurs centaines de millions de bouches à nourrir, et demain de cerveaux à diriger. Nous
4103 ir ses revendications, par plusieurs centaines de millions de bouches à nourrir, et demain de cerveaux à diriger. Nous pressento
4104 vendications, par plusieurs centaines de millions de bouches à nourrir, et demain de cerveaux à diriger. Nous pressentons
4105 aines de millions de bouches à nourrir, et demain de cerveaux à diriger. Nous pressentons dans la terreur et l’espérance c
4106 t peut devenir : soit s’engloutir dans l’Illusion de la matière (et l’Orient aurait eu raison), soit accomplir sa vocation
4107 iffrer l’Être dans le singulier et les structures de l’énergie universelle. Car c’est au secret des personnes que nous ten
4108 ar c’est au secret des personnes que nous tentons d’ écouter la Personne, mais c’est dans la matière que nous cherchons le
4109 « un ardent désir, attend la révélation des fils de Dieu ». (Romains 8). Et saint Justin, l’œcuménique du iie siècle, os
4110 attend la révélation des fils de Dieu ». (Romains 8 ). Et saint Justin, l’œcuménique du iie siècle, ose parler d’un salut
4111 t Justin, l’œcuménique du iie siècle, ose parler d’ un salut de la Matière. À force de l’étreindre de ses mains, de la mes
4112 ’œcuménique du iie siècle, ose parler d’un salut de la Matière. À force de l’étreindre de ses mains, de la mesurer par la
4113 d’un salut de la Matière. À force de l’étreindre de ses mains, de la mesurer par la vue, de la dissoudre et de la recompo
4114 la Matière. À force de l’étreindre de ses mains, de la mesurer par la vue, de la dissoudre et de la recomposer, de l’épie
4115 étreindre de ses mains, de la mesurer par la vue, de la dissoudre et de la recomposer, de l’épier dans sa vie secrète, com
4116 ins, de la mesurer par la vue, de la dissoudre et de la recomposer, de l’épier dans sa vie secrète, comme l’alchimiste, ce
4117 par la vue, de la dissoudre et de la recomposer, de l’épier dans sa vie secrète, comme l’alchimiste, cette matière du cos
4118 alchimiste, cette matière du cosmos en expansion, de l’atome élusif, des corps vivants, l’homme d’Occident ne cherche pas
4119 on, de l’atome élusif, des corps vivants, l’homme d’ Occident ne cherche pas seulement à dévoiler ses lois secrètes, mais à
4120 est dans l’individuel, et l’Être dans les raisons d’ être des uniques. Or ce choix est celui de l’amour, de la connaissance
4121 raisons d’être des uniques. Or ce choix est celui de l’amour, de la connaissance par l’amour, car tout ce qui existe est u
4122 re des uniques. Or ce choix est celui de l’amour, de la connaissance par l’amour, car tout ce qui existe est unique, à voi
4123 ’amour, car tout ce qui existe est unique, à voir de près, comme voit l’amour. 60. Cf. Charles Baudoin, Découverte de l
4124 st unique, à voir de près, comme voit l’amour. 60. Cf. Charles Baudoin, Découverte de la Personne, 1940, p. 22. Cet ouvr
4125 t l’amour. 60. Cf. Charles Baudoin, Découverte de la Personne, 1940, p. 22. Cet ouvrage est le meilleur exposé du perso
4126 . Cf. Charles Baudoin, Découverte de la Personne, 1940, p. 22. Cet ouvrage est le meilleur exposé du personnalisme moderne, p
4127 sme moderne, par un psychanalyste assez proche de C. G. Jung. Mais si Ch. Baudoin me paraît un peu trop pessimiste, de son
4128 si Ch. Baudoin me paraît un peu trop pessimiste, de son propre point de vue, D. T. Suzuki passe la mesure dans l’autre se
4129 peu trop pessimiste, de son propre point de vue, D. T. Suzuki passe la mesure dans l’autre sens lorsqu’il écrit avec une
4130 comme entité et le renforce, loin de l’éliminer. 61. Henry Corbin, L’Imagination créatrice dans le soufisme d’Ibn Arabi, 1
4131 Corbin, L’Imagination créatrice dans le soufisme d’ Ibn Arabi, 1958, p. 28 et 50. 62. Ibid., p. 131. 63. Henry Corbin,
4132 agination créatrice dans le soufisme d’Ibn Arabi, 1958, p. 28 et 50. 62. Ibid., p. 131. 63. Henry Corbin, Terre céleste et
4133 rice dans le soufisme d’Ibn Arabi, 1958, p. 28 et 50. 62. Ibid., p. 131. 63. Henry Corbin, Terre céleste et corps de rés
4134 dans le soufisme d’Ibn Arabi, 1958, p. 28 et 50. 62. Ibid., p. 131. 63. Henry Corbin, Terre céleste et corps de résurrec
4135 n Arabi, 1958, p. 28 et 50. 62. Ibid., p. 131. 63. Henry Corbin, Terre céleste et corps de résurrection, 1960, p. 31. 6
4136 p. 131. 63. Henry Corbin, Terre céleste et corps de résurrection, 1960, p. 31. 64. Sur les solutions proposées à ce prob
4137 y Corbin, Terre céleste et corps de résurrection, 1960, p. 31. 64. Sur les solutions proposées à ce problème par l’Inde, le
4138 e céleste et corps de résurrection, 1960, p. 31. 64. Sur les solutions proposées à ce problème par l’Inde, le taoïsme, et
4139 exandra David-Neel, Immortalité et Réincarnation, 1961. 65. Parole attribuée au Bouddha, dans la tradition des Théravadins (
4140 David-Neel, Immortalité et Réincarnation, 1961. 65. Parole attribuée au Bouddha, dans la tradition des Théravadins (hynay
4141 ans la tradition des Théravadins (hynayânistes). 66. Cf. Alexandra David-Neel, Le Bouddhisme du Bouddha, 1960, p. 51-59.
4142 . Alexandra David-Neel, Le Bouddhisme du Bouddha, 1960, p. 51-59. 67. D. T. Suzuki, Mysticism Christian and Buddhist, 1956,
4143 -Neel, Le Bouddhisme du Bouddha, 1960, p. 51-59. 67. D. T. Suzuki, Mysticism Christian and Buddhist, 1956, p. 47. 68. L
4144 , Le Bouddhisme du Bouddha, 1960, p. 51-59. 67. D. T. Suzuki, Mysticism Christian and Buddhist, 1956, p. 47. 68. Le Dh
4145 D. T. Suzuki, Mysticism Christian and Buddhist, 1956, p. 47. 68. Le Dhamma pada, trad. angl. Radakrishnan. 69. Alexandr
4146 , Mysticism Christian and Buddhist, 1956, p. 47. 68. Le Dhamma pada, trad. angl. Radakrishnan. 69. Alexandra David-Neel
4147 68. Le Dhamma pada, trad. angl. Radakrishnan. 69. Alexandra David-Neel donne une Parabole tibétaine de la « personne »
4148 Alexandra David-Neel donne une Parabole tibétaine de la « personne » dans l’op. cit. « Une “personne” ressemble à une asse
4149 Une “personne” ressemble à une assemblée composée d’ une quantité de membres. La discussion ne cesse jamais. Parfois, un de
4150 ressemble à une assemblée composée d’une quantité de membres. La discussion ne cesse jamais. Parfois, un de ses membres se
4151 mbres. La discussion ne cesse jamais. Parfois, un de ses membres se lève, prononce un discours, préconise une action ; ses
4152 qu’il a proposé. D’autres fois, plusieurs membres de l’assemblée se lèvent ensemble, proposent des choses différentes et c
4153 emble, proposent des choses différentes et chacun d’ eux appuie ses propositions sur des raisons particulières. On en vient
4154 collègues. Il advient aussi que certains membres de l’assemblée la quittent d’eux-mêmes ; d’autres sont graduellement pou
4155 i que certains membres de l’assemblée la quittent d’ eux-mêmes ; d’autres sont graduellement poussés au-dehors et d’autres,
4156 ssés au-dehors et d’autres, encore, sont expulsés de force par leurs collègues. Pendant ce temps, de nouveaux venus s’intr
4157 s de force par leurs collègues. Pendant ce temps, de nouveaux venus s’introduisent dans l’assemblée, soit en s’y glissant
4158 s portes. On remarque encore que certains membres de l’assemblée dépérissent lentement ; leur voix devient faible, on fini
4159 finissent par s’instituer dictateurs. Les membres de cette assemblée, ce sont les éléments physiques et mentaux qui consti
4160 nos idées, nos croyances, nos désirs, etc. Chacun de ceux-ci se trouve être, de par les causes qui l’ont engendré, le desc
4161 s qui l’ont engendré, le descendant et l’héritier de multiples lignes de causes, de multiples séries de phénomènes remonta
4162 , le descendant et l’héritier de multiples lignes de causes, de multiples séries de phénomènes remontant loin dans le pass
4163 dant et l’héritier de multiples lignes de causes, de multiples séries de phénomènes remontant loin dans le passé et dont l
4164 e multiples lignes de causes, de multiples séries de phénomènes remontant loin dans le passé et dont les traces se perdent
4165 t dont les traces se perdent dans les profondeurs de l’éternité. » Nous connaissons assez bien cela en Occident. Bismarck
4166 n Occident. Bismarck écrit : « Faust se plaignait d’ avoir deux âmes en lui. J’ai en moi une foule d’âmes turbulentes. Et t
4167 nt. Bismarck écrit : « Faust se plaignait d’avoir deux âmes en lui. J’ai en moi une foule d’âmes turbulentes. Et tout se pas
4168 t d’avoir deux âmes en lui. J’ai en moi une foule d’ âmes turbulentes. Et tout se passe comme dans une république. » À rega
4169 est forme dominante et gouvernante. Si on tentait de l’observer à l’aide d’un microscope, l’éléphant lui aussi ne serait p
4170 gouvernante. Si on tentait de l’observer à l’aide d’ un microscope, l’éléphant lui aussi ne serait plus qu’une vaste illusi
4171 lui aussi ne serait plus qu’une vaste illusion. 70. Les Questions de Milinda (Milindahunha), ier siècle A.D. Milinda est
4172 plus qu’une vaste illusion. 70. Les Questions de Milinda (Milindahunha), ier siècle A.D. Milinda est le roi indo-grec
4173 roi indo-grec Ménandre, qui vivait au iie siècle avant J.-C. Nagasena, un patriarche bouddhiste. 71. Kitaro Nishida, Die intellig
4174 avant J.-C. Nagasena, un patriarche bouddhiste. 71. Kitaro Nishida, Die intelligible Welt, p. 116 et 119. 72. Alexandra
4175 Kitaro Nishida, Die intelligible Welt, p. 116 et 119. 72. Alexandra David-Neel, op. cit., p. 304-305. 73. Ces deux phrase
4176 o Nishida, Die intelligible Welt, p. 116 et 119. 72. Alexandra David-Neel, op. cit., p. 304-305. 73. Ces deux phrases son
4177 72. Alexandra David-Neel, op. cit., p. 304-305. 73. Ces deux phrases sont à rapprocher de cette vue d’un soufi : « Le par
4178 xandra David-Neel, op. cit., p. 304-305. 73. Ces deux phrases sont à rapprocher de cette vue d’un soufi : « Le paradis du g
4179  304-305. 73. Ces deux phrases sont à rapprocher de cette vue d’un soufi : « Le paradis du gnostique fidèle, c’est son co
4180 . Ces deux phrases sont à rapprocher de cette vue d’ un soufi : « Le paradis du gnostique fidèle, c’est son corps même, et
4181 nostique fidèle, c’est son corps même, et l’enfer de l’homme sans foi ni connaissance c’est également son corps même. » (C
4182 . » (Cit. par H. Corbin, Terre céleste, p. 161.) 74. Aurore, 517. 75. Henry Corbin, L’Imagination créatrice dans le souf
4183 H. Corbin, Terre céleste, p. 161.) 74. Aurore, 517. 75. Henry Corbin, L’Imagination créatrice dans le soufisme d’Ibn Ara
4184 rbin, Terre céleste, p. 161.) 74. Aurore, 517. 75. Henry Corbin, L’Imagination créatrice dans le soufisme d’Ibn Arabi, p
4185 Corbin, L’Imagination créatrice dans le soufisme d’ Ibn Arabi, p. 88. 76. Ibn Arabi, in Henry Corbin, op. cit., p. 111.
4186 n créatrice dans le soufisme d’Ibn Arabi, p. 88. 76. Ibn Arabi, in Henry Corbin, op. cit., p. 111. 77. Ibid., p. 113. 7
4187 6. Ibn Arabi, in Henry Corbin, op. cit., p. 111. 77. Ibid., p. 113. 78. Ibid., p. 117. 79. Cf. supra. 80. Emmanuel Sw
4188 y Corbin, op. cit., p. 111. 77. Ibid., p. 113. 78. Ibid., p. 117. 79. Cf. supra. 80. Emmanuel Swedenborg, La Nouvelle
4189 . 111. 77. Ibid., p. 113. 78. Ibid., p. 117. 79. Cf. supra. 80. Emmanuel Swedenborg, La Nouvelle Jérusalem et sa doct
4190 d., p. 113. 78. Ibid., p. 117. 79. Cf. supra. 80. Emmanuel Swedenborg, La Nouvelle Jérusalem et sa doctrine céleste, §
4191 , La Nouvelle Jérusalem et sa doctrine céleste, § 86 à 89. 81. C’est à peu près ce que Freud nomme « narcissisme », et qu
4192 Nouvelle Jérusalem et sa doctrine céleste, § 86 à 89. 81. C’est à peu près ce que Freud nomme « narcissisme », et qui n’es
4193 lle Jérusalem et sa doctrine céleste, § 86 à 89. 81. C’est à peu près ce que Freud nomme « narcissisme », et qui n’est tel
4194 qu’aux yeux de celui qui nie l’âme ; mais alors, d’ où viendrait cet amour, à qui irait-il ? La passion de Tristan est la
4195 viendrait cet amour, à qui irait-il ? La passion de Tristan est la preuve de l’âme, s’il en fut jamais. 82. Katha upanis
4196 ui irait-il ? La passion de Tristan est la preuve de l’âme, s’il en fut jamais. 82. Katha upanishad. 83. Alexandra David
4197 stan est la preuve de l’âme, s’il en fut jamais. 82. Katha upanishad. 83. Alexandra David-Neel, Le Bouddhisme du Bouddha,
4198 l’âme, s’il en fut jamais. 82. Katha upanishad. 83. Alexandra David-Neel, Le Bouddhisme du Bouddha, p. 45. 84. Chang Ch
4199 dra David-Neel, Le Bouddhisme du Bouddha, p. 45. 84. Chang Chen-Chi, The Practice of zen. 85. Tout cela vaut pour l’isla
4200 . 45. 84. Chang Chen-Chi, The Practice of zen. 85. Tout cela vaut pour l’islam, bien entendu, au moins autant que pour l
4201 t la vraie religion.” (La vraie ! Aux autres, pas de bonjour.) » 86. Lingopasanârahasya. 87. Alain Daniélou, Le Polythé
4202 ion.” (La vraie ! Aux autres, pas de bonjour.) » 86. Lingopasanârahasya. 87. Alain Daniélou, Le Polythéisme hindou, p. 4
4203 es, pas de bonjour.) » 86. Lingopasanârahasya. 87. Alain Daniélou, Le Polythéisme hindou, p. 474. 88. Gopala-uttara-ta
4204 . Alain Daniélou, Le Polythéisme hindou, p. 474. 88. Gopala-uttara-tapîni upanishad. 89. Raja Rao, Le Serpent et la Cord
4205 u, p. 474. 88. Gopala-uttara-tapîni upanishad. 89. Raja Rao, Le Serpent et la Corde, 1959, p. 28. Je ne saurais trop inc
4206 upanishad. 89. Raja Rao, Le Serpent et la Corde, 1959, p. 28. Je ne saurais trop inciter mes lecteurs à lire ce beau roman a
4207 rien dans la littérature qui confronte avec plus de tendresse et de rigueur l’Est et l’Ouest. Lire aussi, mais c’est beau
4208 ttérature qui confronte avec plus de tendresse et de rigueur l’Est et l’Ouest. Lire aussi, mais c’est beaucoup moins tendr
4209 aussi, mais c’est beaucoup moins tendre pour les deux , c’est même féroce, le chef-d’œuvre d’Henri Michaux, Un Barbare en As
4210 pour les deux, c’est même féroce, le chef-d’œuvre d’ Henri Michaux, Un Barbare en Asie. Lire enfin de Rudolf Kassner, Le Li
4211 e d’Henri Michaux, Un Barbare en Asie. Lire enfin de Rudolf Kassner, Le Livre de ma Vie. Puis aller en Inde et sentir l’in
4212 e en Asie. Lire enfin de Rudolf Kassner, Le Livre de ma Vie. Puis aller en Inde et sentir l’innombrable, le « corps magiqu
4213 e et sentir l’innombrable, le « corps magique ». 90. D. T. Suzuki, Mysticism : Christian and Buddhist, p. 73. Je crains q
4214 sentir l’innombrable, le « corps magique ». 90. D. T. Suzuki, Mysticism : Christian and Buddhist, p. 73. Je crains que l
4215 uteur ne vienne ici à la rencontre des catégories de L’Amour et l’Occident un peu plus qu’il ne serait souhaitable, de s
4216 ccident un peu plus qu’il ne serait souhaitable, de son propre point de vue. 91. On pourra retrouver ce passage dans la
4217 serait souhaitable, de son propre point de vue. 91. On pourra retrouver ce passage dans la Brihadaranyaka upanishad, au c
4218 use Maitreyi, qui l’interroge sur l’immortalité. 92. Phrases empruntées comme plusieurs autres ici au roman de Raja Rao, L
4219 es empruntées comme plusieurs autres ici au roman de Raja Rao, Le Serpent et la Corde. 93. Pierre Teilhard de Chardin, La
4220 ci au roman de Raja Rao, Le Serpent et la Corde. 93. Pierre Teilhard de Chardin, La Route de l’Ouest (inédit). 94. Il ser
4221 Corde. 93. Pierre Teilhard de Chardin, La Route de l’Ouest (inédit). 94. Il serait peut-être fécond d’interpréter le pr
4222 ilhard de Chardin, La Route de l’Ouest (inédit). 94. Il serait peut-être fécond d’interpréter le principe de Carnot-Clausi
4223 l’Ouest (inédit). 94. Il serait peut-être fécond d’ interpréter le principe de Carnot-Clausius (accroissement général de l
4224 serait peut-être fécond d’interpréter le principe de Carnot-Clausius (accroissement général de l’entropie, mort lumineuse)
4225 rincipe de Carnot-Clausius (accroissement général de l’entropie, mort lumineuse) en termes de métaphysique orientale, et l
4226 termes de métaphysique orientale, et le principe d’ exclusion de Pauli (individuation des électrons, conditionnant la « vi
4227 étaphysique orientale, et le principe d’exclusion de Pauli (individuation des électrons, conditionnant la « vie ») en term
4228 co y aura sans doute pensé. av. Rougemont Denis de , « La personne, l’ange et l’absolu, ou le dialogue Occident-Orient »,
4229 ient », La Nouvelle Revue française, Paris, avril 1961, p. 586-617.