1
er (octobre 1931)a Si l’existence — le degré d’
être
— se mesure au pouvoir d’incarner sa vérité, le mal du siècle c’est l
2
Et c’est ainsi par une nécessité organique — nous
sommes
nécessiteux — que son œuvre entre en action parmi les forces spiritue
3
orera plus longtemps. Quant à l’Allemagne, elle s’
est
depuis plusieurs années déjà pénétrée de cette philosophie, ainsi qu’
4
Karl Barth, génial disciple du Danois, et dont il
est
grand temps qu’on nous traduise quelques essais théologiques. L’œuvre
5
ueil, les mots-clés : mesure, forme, grandeur, ne
sont
guère définis que par leurs rapports mutuels et tirent de cette inter
6
. L’homme chrétien au contraire, l’homme qui doit
être
surpassé, vit dans la démesure, et lorsqu’il « veut prendre mesure de
7
me, il se sent aussitôt incomplet et coupable. Il
est
donc possible de dire que le péché est la mesure du démesuré, et que
8
upable. Il est donc possible de dire que le péché
est
la mesure du démesuré, et que pour le chrétien il n’est pas d’autre g
9
mesure du démesuré, et que pour le chrétien il n’
est
pas d’autre grandeur ». Ainsi le chrétien existe en tant que le péché
10
acte par excellence du chrétien, hors duquel il n’
est
pour lui ni mesure, ni grandeur, ni forme, mais seulement chimères et
11
s de loi interne et de tension par le péché, il n’
est
plus qu’un être sans destinée, un « indiscret ». « Sa substance inter
12
e et de tension par le péché, il n’est plus qu’un
être
sans destinée, un « indiscret ». « Sa substance interne est crevassée
13
estinée, un « indiscret ». « Sa substance interne
est
crevassée et divisée. Son œuvre souvent pleine de charme mais sans fo
14
ais ne nous détermine jamais. Cet homme indiscret
est
distrait, et sa distraction vient de l’intérieur. Il ne peut jamais s
15
rte aucune atteinte à la perspicacité parce qu’il
est
vraiment souverain. Peut-être faut-il reconnaître à ce seul philosoph
16
sée autoritaire. Entendons que pour lui, penser n’
est
pas se débattre dans ses contradictions personnelles, parlementarisme
17
ant que la réalité humaine, non sa pensée privée,
est
tourmentée.) Penser n’est pas non plus s’ingénier sur des idées et de
18
, non sa pensée privée, est tourmentée.) Penser n’
est
pas non plus s’ingénier sur des idées et des combinaisons d’idées mai
19
t des combinaisons d’idées mais créer de tout son
être
spirituel des faits nouveaux et vrais, dans un certain style. Car il
20
ouveaux et vrais, dans un certain style. Car il n’
est
point de vérité sans forme. Quelques pages étranges et puissantes sur
21
strent ce réalisme de la forme, hors de quoi il n’
est
qu’indiscrétion, et qui livre la clef de la pensée de Kassner, comme
22
aussi de son apparente obscurité1. Il faut savoir
être
secret pour penser avec autorité. Il faut savoir taire ce qui permett
23
s « réaliser ». Il faut que les pensées créées ne
soient
concevables qu’en elles-mêmes et comme à l’état sauvage, non par une
24
t qui les domestique. Une pensée neuve ne saurait
être
comprise à moins d’être recréée dans sa forme — ce dont certaine clar
25
e pensée neuve ne saurait être comprise à moins d’
être
recréée dans sa forme — ce dont certaine clarté dispense le lecteur.
26
e lecteur. On pourrait dire aussi que l’indiscret
est
celui qui se préoccupe de défendre plutôt que d’illustrer. Ainsi selo
27
i s’avisa de défendre la religion mériterait-il d’
être
appelé Judas numéro deux. Car il ne s’agit pas de professer une chose
28
ar il ne s’agit pas de professer une chose mais d’
être
la chose. Le rare, c’est que chez Kassner comme chez Kierkegaard, cet
29
ésence s’accommode d’une ironie qui chez d’autres
serait
plutôt le fait du détachement. Une ironie à l’intérieur des choses, q
30
terne et du recteur Krooks sur Judas et la Parole
est
à cet égard d’une saveur particulièrement riche et complexe. (« … les
31
es ; s’il n’y avait pas de prophètes, les bavards
seraient
peut-être des créatures très silencieuses, comme les belettes ou les
32
pocryphe de l’empereur Alexandre Ier de Russie, n’
est
qu’une suite de méditations sur le thème du tout-ou-rien moral qui ca
33
les dissout dans une réalité plus absolue. Telle
est
la forme des dialogues où culmine son art. De ces dialogues, où chaqu
34
de sa vérité — si bien que la conclusion ne peut
être
qu’implicite et fonction d’une hiérarchie de valeurs, non de la seule
35
nnaissons le modèle immortel, le Livre de Job. Il
serait
curieux d’en suivre la filiation, jusqu’au Soulier de Satin de Claude
36
iation, jusqu’au Soulier de Satin de Claudel : ce
serait
une sorte de généalogie du réalisme poétique. 1. Obscurité : Kassne
37
chologiques. Il prend tout par des biais qui nous
sont
peu familiers. Et puis enfin, voilà une philosophie qui postule la vi
38
t-à-dire l’appréhension poétique du monde. Rien n’
est
plus étranger au nominalisme qui envahit la critique sous l’influence
39
xviiie ; des sujets dans le goût allemand, tels
sont
les éléments qui composent non sans paradoxe ce recueil de « motifs »
40
esoin, qu’il imagine et dont il meurt. Car la vie
est
une espèce de marâtre et n’a que faire de nos tendresses. Les sujets
41
aire de nos tendresses. Les sujets de Jean Cassou
sont
très particuliers — jusqu’à l’arbitraire parfois —, ce dont on hésite
42
la pitié essaient sur eux leurs forces. Le monde
est
habité par des êtres dont le « bonheur » consiste à ne pas se rendre
43
sur eux leurs forces. Le monde est habité par des
êtres
dont le « bonheur » consiste à ne pas se rendre compte de ce qu’ils v
44
conditions » de la vie que mort s’en suit. Sarah
est
donc un recueil de contes romantiques, cas tout à fait rare dans la l
45
de pouce voltairien, l’élégance trop rapide. Il n’
est
pas bon qu’un conteur laisse voir la moindre ironie vis-à-vis de ses
46
e, absolue et naïve où gît leur profonde raison d’
être
. C’est pourquoi les meilleurs contes du volume sont ceux dont la lent
47
re. C’est pourquoi les meilleurs contes du volume
sont
ceux dont la lenteur nous retient. Ainsi Sarah, Monsieur Hoog, qui at
48
parmi nous, par C. F. Ramuz (janvier 1932)c Il
est
remarquable que ceux dont la fonction serait d’exprimer notre civilis
49
c Il est remarquable que ceux dont la fonction
serait
d’exprimer notre civilisation, en un temps où elle se trouve brutalem
50
muz (sur le Travail), qui débute ainsi « Pourquoi
est
-ce qu’on travaille ? parce qu’on y est forcé. Pourquoi y est-on forcé
51
« Pourquoi est-ce qu’on travaille ? parce qu’on y
est
forcé. Pourquoi y est-on forcé ? » Je vois que cet article en vient à
52
n travaille ? parce qu’on y est forcé. Pourquoi y
est
-on forcé ? » Je vois que cet article en vient à formuler le dilemme s
53
i l’on veut marxisme-christianisme, qui se trouve
être
le dilemme urgent de l’heure. Et je m’inquiète ; non pas de ces quest
54
e brillants essais sur le monde actuel et futur ?
Est
-ce le fait d’une disposition trop romantique que d’avoir cru distingu
55
e vue pratiquement bouleversant ? D’autre part, n’
est
-ce point le fait d’un certain manque de tact intellectuel que de pose
56
s vient cependant où la métaphysique se posera ou
sera
niée en termes concrets, en termes de nourriture par exemple, non plu
57
sa grandeur, c’est-à-dire dans l’élémentaire : un
être
qui est nu, qui a froid, qui a faim, qui a été jeté au sein d’une nat
58
ur, c’est-à-dire dans l’élémentaire : un être qui
est
nu, qui a froid, qui a faim, qui a été jeté au sein d’une nature host
59
n être qui est nu, qui a froid, qui a faim, qui a
été
jeté au sein d’une nature hostile, de sorte qu’il lui faut sans cesse
60
nd le dialogue avec son public et l’époque, de ce
ton
viril et simple qui est à lui, nullement irrité (comme un Bloy), null
61
public et l’époque, de ce ton viril et simple qui
est
à lui, nullement irrité (comme un Bloy), nullement moralisant ou jaco
62
uelle il échappe entièrement et de toute façon, n’
étant
pas même révolutionnaire, parce que trop radical, trop enraciné dans
63
ces et temporaires. (Les animaux et les arbres ne
sont
pas révolutionnaires.) Et ce n’est pas qu’il ait jamais craint de tir
64
les arbres ne sont pas révolutionnaires.) Et ce n’
est
pas qu’il ait jamais craint de tirer sur ces racines, fortement : mai
65
a nature, ce même besoin de précision utile. Ce n’
est
pas un art d’après le peuple4, mais on dirait presque : d’avant. Il n
66
e peuple4, mais on dirait presque : d’avant. Il n’
est
pas jusqu’à son Antiquité qui ne coïncide avec celle du pays de Vaud
67
c celle du pays de Vaud : non pas la grecque, qui
est
scolaire — pour eux — mais la biblique, qui est vivante. Ainsi tous p
68
i est scolaire — pour eux — mais la biblique, qui
est
vivante. Ainsi tous parlent un même langage, qu’ils l’inscrivent sur
69
isme de Ramuz. Mais comment Ramuz croirait-il à l’
être
collectif, être sans racines, mythe cérébral. « Je ne distingue l’êtr
70
ais comment Ramuz croirait-il à l’être collectif,
être
sans racines, mythe cérébral. « Je ne distingue l’être qu’aux racines
71
sans racines, mythe cérébral. « Je ne distingue l’
être
qu’aux racines de l’élémentaire », écrivait-il dans ses Six Cahiers.
72
adie. Et la joie, ce point commun, « ce point qui
est
au-delà de la vie ». Le communisme qui règne au jugement dernier et q
73
ait aux Origines, car la Fin et le Commencement «
sont
en ressemblance et voisinage ». Ce regard rajeuni, ces gestes rudimen
74
e-poète, « le peuple tous en un ». Mais son œuvre
est
bien au-delà de l’ère machiniste que traverse l’URSS, au-delà de l’in
75
art m’en convainc : le sens de la vénération, qui
est
aussi celui de la lenteur des choses. Cet art, le sujet des Signes pa
76
les événements actuels — cela se passe un jour d’
été
de 1918 — sont expliqués à la lumière des Écritures. La Fin des Temps
77
s actuels — cela se passe un jour d’été de 1918 —
sont
expliqués à la lumière des Écritures. La Fin des Temps est proche, il
78
qués à la lumière des Écritures. La Fin des Temps
est
proche, il faut en témoigner. À tous il tend la Parole « morte aux pa
79
e s’amasse. Vers le soir, il éclate tragiquement.
Est
-ce la fin ? Grande heure de terreur et de prière. Puis, « la page du
80
e terreur et de prière. Puis, « la page du ciel a
été
tournée », ils se relèvent : « Il paraît bien qu’on n’est pas morts !
81
née », ils se relèvent : « Il paraît bien qu’on n’
est
pas morts ! » Le monde renaît dans une soirée pure et le baiser d’un
82
andiose monotonie. Art dont la mesure ne doit pas
être
cherchée dans le pittoresque, ni dans l’ingéniosité, ni dans l’harmon
83
ions, changements de temps au cours d’une phrase,
sont
ici largement mis en œuvre mais toujours avec une probité singulière.
84
robité singulière. La surimpression par exemple n’
est
jamais pour Ramuz ce qu’elle fut pour d’autres : un moyen de créer du
85
on par exemple n’est jamais pour Ramuz ce qu’elle
fut
pour d’autres : un moyen de créer du mystère en brouillant les plans
86
érieux une intrigue romanesque à la Bourget. On s’
est
trop arrêté à l’insolite du style chez Ramuz. Ce qu’il a d’insolite,
87
du style chez Ramuz. Ce qu’il a d’insolite, ce n’
est
pas tant sa forme que les vertus qu’elle suppose : la sobriété, la so
88
ujets d’étonnement perpétuel — et la Fin du Monde
est
l’un d’eux. Un vrai mythe, c’est-à-dire un événement perpétuellement
89
te. Les périodes qui « marquent » dans l’Histoire
sont
celles où la forme d’un mythe affleure, s’incarne et devient visible.
90
mythe affleure, s’incarne et devient visible. Ce
sont
les périodes de crise. Or toute crise est un jugement6, — un « arrêt
91
le. Ce sont les périodes de crise. Or toute crise
est
un jugement6, — un « arrêt dans une forme ». Cela se voit par l’étymo
92
e précisément c’est l’esprit de ces Signes. Aussi
serait
-il bien insuffisant de dire d’une telle œuvre, datée de 1919 et repar
93
entelle : c’est en quelque sorte le contraire qui
est
vrai ; c’est notre temps qui revêt une actualité7 et une réalité véri
94
s mythes et les réalise dans sa vision, cet homme
sera
toujours en puissance d’aujourd’hui, enraciné profondément dans une p
95
ns Aujourd’hui, 29 octobre 1931. 4. Le populisme
est
d’après le peuple. Cette terne vision des choses en apprend plus sur
96
». 5. De tout bel canto, peut-on dire. C’est le
ton
de la musique de Stravinsky, du Sacre et des Noces. Le ton de la créa
97
musique de Stravinsky, du Sacre et des Noces. Le
ton
de la création du monde. 6. S’il est vrai, comme l’a montré M. Spaïe
98
s Noces. Le ton de la création du monde. 6. S’il
est
vrai, comme l’a montré M. Spaïer, que toute pensée est judicatoire, l
99
rai, comme l’a montré M. Spaïer, que toute pensée
est
judicatoire, le fait même de penser devient fauteur de crise. Informe
100
… 7. On pourrait soutenir que l’époque 1900-1910
fut
« inactuelle » pour la grande masse de ceux qui la vécurent. c. Rou
101
t Goethe, ne reconnaît et n’apprécie que ce qu’il
est
lui-même en état de faire. » Telle est la cause du malentendu que sou
102
e ce qu’il est lui-même en état de faire. » Telle
est
la cause du malentendu que soulèvera toujours à nouveau l’exemple de
103
avent pas voir dans la sagesse faustienne qu’elle
est
surtout une défense contre le Démon révolté et la Magie latente ; et
104
ient, et la magie chez ceux qui vaticinent, ayant
été
moins loin que Goethe dans la domination des mystères. Ainsi se récla
105
une « activité littéraire ». Ces deux expériences
seraient
antithétiques si elles étaient superposables, ce qui n’est pas même l
106
deux expériences seraient antithétiques si elles
étaient
superposables, ce qui n’est pas même le cas. De ce point de vue litté
107
hétiques si elles étaient superposables, ce qui n’
est
pas même le cas. De ce point de vue littéraire, la confrontation sera
108
. De ce point de vue littéraire, la confrontation
serait
absurde, j’en conviens. Mais notre optique n’est-elle point faussée p
109
rait absurde, j’en conviens. Mais notre optique n’
est
-elle point faussée par un état d’esprit qui voudrait que l’on considè
110
nt qu’ils s’opposent le plus. Pourtant Rimbaud ne
fut
jamais un écrivain, ni ne se soucia de l’être. Et Goethe ne fut qu’en
111
d ne fut jamais un écrivain, ni ne se soucia de l’
être
. Et Goethe ne fut qu’entre autres choses un écrivain, et se soucia de
112
écrivain, ni ne se soucia de l’être. Et Goethe ne
fut
qu’entre autres choses un écrivain, et se soucia de l’être dans la me
113
ntre autres choses un écrivain, et se soucia de l’
être
dans la mesure seulement où il portait en tous les domaines de son ac
114
vité une application volontaire et soutenue. Ce n’
est
donc pas l’aspect littéraire de leur expérience qui doit conditionner
115
i doit conditionner notre vision. Non point qu’il
soit
un seul instant négligeable, s’agissant de deux êtres que l’on connaî
116
t un seul instant négligeable, s’agissant de deux
êtres
que l’on connaît par leurs écrits d’abord. Mais, pour en tenir un jus
117
l’effort immédiat. Qu’un fait de cet ordre puisse
être
tenu pour crucial, je veux croire qu’on ne le contestera pas. Mais ce
118
oppèrent leurs manifestations, — à quoi l’on ne s’
est
point privé d’ajouter quelques tomes depuis. Il convient de marquer t
119
d’alchimie. Coquetteries, a-t-on dit, — mais il n’
est
point de sentiments intermédiaires qui ne conduisent réellement vers
120
et bien dans son évolution une de ces crises où l’
être
spirituel découvre sa forme véritable. Et si, comme chez Goethe, c’es
121
el « hasard » l’a-t-il provoquée chez Goethe ? Il
est
un fait de sa jeunesse dont on ne saurait exagérer l’importance à la
122
édèrent de très peu une grave maladie, dont il ne
fut
sauvé que par l’intervention d’un médecin « alchimiste ». Retenons ce
123
comprendre, éprouver jusqu’à la souffrance — qui
est
la « substance » — à quel point le renoncement à la magie spéculative
124
uel point le renoncement à la magie spéculative n’
est
, en fait, qu’un accomplissement, le plus difficile et le seul humaine
125
le seul humainement fécond. Car un tel silence n’
est
pas absence de mots. C’est encore chez Goethe une activité réelle, et
126
peu plus d’humilité, c’est-à-dire le réel désir d’
être
« utile », et c’est le juste point : les Affinités. D’ailleurs, l’alt
127
sa passion au sein d’une interminable patience. N’
est
-ce point ce tréfonds dont parle Jacob Boehme, et qui « contient l’élé
128
me, et qui « contient l’élément pur, mais aussi l’
être
sombre dans le mystère de la fureur ». Cette complexe dialectique de
129
’esprit de Faust béant sur le vide : « Moi qui me
suis
cru plus grand que le Chérubin… qui pensais en créant pouvoir jouir d
130
e reprend au seuil de la mort. Mais la vie ne lui
sera
plus qu’un profond renoncement ; même si la passion l’occupe un temps
131
ar avance désespère du seul succès qui pour Faust
serait
réel : la possession bienheureuse de l’instant. Et lorsque, épuisé ma
132
veau Jour et contemple l’Indescriptible. Si Faust
est
le drame d’une formidable patience sans cesse remise en question, la
133
sans cesse remise en question, la Saison en enfer
est
le drame d’une pureté avide, et son destin se joue d’un coup. La gran
134
n destin se joue d’un coup. La grandeur de Goethe
est
d’avoir su vieillir, celle de Rimbaud de s’y être refusé. Transportez
135
est d’avoir su vieillir, celle de Rimbaud de s’y
être
refusé. Transportez la dialectique faustienne dans la vie d’un être j
136
portez la dialectique faustienne dans la vie d’un
être
jeune et libre encore de toute contrainte sociale, culturelle, voire
137
e se purifiera jusqu’au mythe. La donnée initiale
est
bien la même : c’est l’attrait d’une vision qui transcende la vie méd
138
de sa folie. Mais l’irruption de cette « magie »
est
si violente qu’elle a certainement angoissé l’enfant : n’est-ce point
139
ente qu’elle a certainement angoissé l’enfant : n’
est
-ce point pour se défendre qu’il parle si fort, qu’il vante ses pouvoi
140
e pas de telles puissances impunément. « Ma santé
fut
menacée. La terreur venait… J’étais mûr pour le trépas… » Alors paraî
141
ent. « Ma santé fut menacée. La terreur venait… J’
étais
mûr pour le trépas… » Alors paraît le doute, entraînant la conscience
142
ence. « Je vois que mes malaises viennent de ne m’
être
pas figuré assez tôt que nous sommes à l’Occident. » L’Occident, c’es
143
ennent de ne m’être pas figuré assez tôt que nous
sommes
à l’Occident. » L’Occident, c’est l’Esprit incarné. L’incarnation ent
144
égoûtant, mais comment échapper ? L’hallucination
est
tombée, faisant place à une stupeur désolée. « Je ne sais plus parler
145
Je ne sais plus parler. » Le renoncement dès lors
est
fatal. « Moi ! moi qui me suis dit mage ou ange, dispensé de toute mo
146
enoncement dès lors est fatal. « Moi ! moi qui me
suis
dit mage ou ange, dispensé de toute morale, je suis rendu au sol, ave
147
is dit mage ou ange, dispensé de toute morale, je
suis
rendu au sol, avec un devoir à chercher et la réalité rugueuse à étre
148
treindre. » C’est le cri même de Faust. « Il faut
être
absolument moderne. » Travailler. Se donner à l’instant, à cette heur
149
cs. Mourir obsédé par ce travail. Ainsi cette vie
est
bien d’un seul tenant ; une seule et unique expérience la remplit : l
150
t au renoncement et à l’action. Le second Rimbaud
est
vraiment le même que le premier, dans une phase plus « réalisée ». L’
151
dans une phase plus « réalisée ». L’homme moderne
est
peu fait pour comprendre cela, de même qu’il est peu fait pour la gra
152
est peu fait pour comprendre cela, de même qu’il
est
peu fait pour la grandeur et la pureté, et pour des paroles comme « S
153
deur et la pureté, et pour des paroles comme « Si
ton
œil te fait tomber dans le péché, arrache-le et jette-le loin de toi
154
la pureté, et pour des paroles comme « Si ton œil
te
fait tomber dans le péché, arrache-le et jette-le loin de toi ». Mais
155
ber dans le péché, arrache-le et jette-le loin de
toi
». Mais Rimbaud est d’une autre trempe : il a déjà prouvé en écrivant
156
rrache-le et jette-le loin de toi ». Mais Rimbaud
est
d’une autre trempe : il a déjà prouvé en écrivant les Illuminations q
157
de faux pour en créer un autre. Sa vie en Afrique
est
un second renoncement. Nous aurions combiné tout cela avec de la litt
158
ombiné tout cela avec de la littérature. Car il n’
est
pas donné à beaucoup d’hommes de devenir un mythe à force de pureté d
159
ureté dans la réalisation de leur destin. Rimbaud
est
notre mythe occidental : mythe faustien. Il a vécu tragiquement la te
160
e la magie qui fonde notre éthique, et ce dilemme
est
peut-être le plus important qui se pose à l’esprit occidental, dès qu
161
ntradictions essentielles, en signe de croix, qui
sont
la marque même de la réalité dans une conscience occidentale. Supprim
162
le tragique s’évanouit. Que ce mythe dialectique
soit
profondément constitutif de notre être, l’extension et la diversité d
163
ialectique soit profondément constitutif de notre
être
, l’extension et la diversité de ses aspects le prouvent. C’est l’oppo
164
-delà mystique et de l’immédiat éthique. Et quels
sont
les plus grands Occidentaux ? Ceux qui ont incarné le choix le plus a
165
nstants de son accession au monde spirituel, il s’
est
mis en état de défense et de lenteur. Il avance ainsi pas à pas, l’âm
166
sage officiel parmi les philistins. Le somnambule
est
désormais protégé par une cotte d’invisible silence. Vous pouvez lui
167
s garde ! Pas de partis de salut violents. Exerce-
toi
». Objurgation que l’on croirait tirée de quelque journal intime du G
168
Et le passage fameux de la Saison : « moi qui me
suis
dit mage ou ange… » rappelle étrangement ces vers du Premier Faust qu
169
er Faust que l’on citait plus haut : « Moi qui me
suis
cru plus grand que le Chérubin. » « Point de cantiques : tenir le pas
170
lus lucide héroïsme : « Et allons ! » Goethe seul
est
allé jusqu’à la délivrance consciente. Il y a dans tout désespoir à l
171
Et cette fameuse sérénité de sa vieillesse, ce n’
est
rien d’autre, peut-être, que le triomphe de l’élément libérateur du d
172
espoir. La longue peine de celui « qui toujours s’
est
efforcé » a purifié le corps, et l’âme est prête à recevoir « l’amour
173
ours s’est efforcé » a purifié le corps, et l’âme
est
prête à recevoir « l’amour d’en haut ». Car telle est le yoga occiden
174
prête à recevoir « l’amour d’en haut ». Car telle
est
le yoga occidental, dont le Second Faust restera comme le livre sacré
175
a définition même d’un tel yoga. Tout savoir doit
être
confirmé par un faire, qui le tait et l’exprime à la fois. Le « faire
176
xprime à la fois. Le « faire » de Rimbaud ne peut
être
la littérature, puisque écrire signifie pour lui révéler, parler, cri
177
idérer sans paradoxe que la littérature de Goethe
est
un des moyens de silence dont il dispose. Ni plus ni moins que l’étud
178
ion comme purement symboliques, et, au fond, il m’
est
assez indifférent d’avoir fait des pots ou des assiettes »10. Si tout
179
tion d’Iphigénie ou des Ballades, c’est que l’art
est
pour lui la tentation la plus aiguë de jouer avec les mystères, et pa
180
« Un fait de notre vie ne vaut pas en tant qu’il
est
vrai, mais en tant qu’il signifie quelque chose… Il est bien rare que
181
ai, mais en tant qu’il signifie quelque chose… Il
est
bien rare que l’on soit apte à s’agréger ce qui est supérieur. C’est
182
signifie quelque chose… Il est bien rare que l’on
soit
apte à s’agréger ce qui est supérieur. C’est pourquoi l’on fait bien,
183
t bien rare que l’on soit apte à s’agréger ce qui
est
supérieur. C’est pourquoi l’on fait bien, dans la vie ordinaire, de g
184
ir que juste ce qu’il faut pour qu’elles puissent
être
de quelque avantage aux autres11… L’homme n’est pas né pour résoudre
185
être de quelque avantage aux autres11… L’homme n’
est
pas né pour résoudre le problème de l’univers, mais bien pour recherc
186
Mais un homme supérieur, qui a déjà conscience d’
être
quelque chose ici-bas, et qui par conséquent doit tous les jours trav
187
r, laisse en paix le monde futur et se contente d’
être
actif et utile en celui-ci »13. À quoi nous saurons opposer cette con
188
oférer les plus hautes maximes qu’autant qu’elles
sont
utiles pour le bien du monde. Les autres, nous devons les garder pour
189
autres, nous devons les garder pour nous ; elles
seront
toujours là pour diffuser leur éclat sur tout ce que nous ferons, com
190
Illuminations naissent d’une telle rupture. Elles
sont
le champ même15 où Rimbaud se livre à l’expérience spirituelle, où il
191
« à mains », rage de revanche, par son excès même
est
encore une évasion hors du réel. En cela il est romantique, comme tou
192
e est encore une évasion hors du réel. En cela il
est
romantique, comme tous ceux que leur violence et leur faiblesse préci
193
(puisque le christianisme affirme que l’éternité
est
dans l’instant : Aeternitas non est tempus sine fine, sed nunc stans)
194
ue l’éternité est dans l’instant : Aeternitas non
est
tempus sine fine, sed nunc stans). Elle veut cette vie-ci. Et tout le
195
Elle veut cette vie-ci. Et tout le reste, qu’elle
soit
marxiste ou nietzschéenne, elle l’appelle « l’arrière-monde » et le r
196
’est-à-dire qu’il n’en a pas le droit. Certes, il
est
d’autres recours, d’autres points de vision qu’humains. La révélation
197
puis renié avec la même violence, — celle dont il
est
écrit qu’elle force les portes du Royaume des Cieux. Il reste que les
198
ncfort en proie au Carnaval et à l’angoisse, ce n’
est
pas moi qui pose la question : elle m’assiège. Le dernier carnaval, p
199
dire splendide. (Qui me guérira de la honte de n’
être
pas Rimbaud ?) Plus que jamais, il faudrait s’appliquer à distinguer
200
volontairement assourdie. Le silence de Goethe n’
est
pas moins dangereux, pour qui sait l’entendre, que l’imprécation de R
201
e : à l’actualisation de notre réalité. « Il faut
être
absolument moderne ». 8. Conversations avec Eckermann, 4 février 1
202
lier tout à fait les formules d’enchaînement Si j’
étais
devant toi, ô nature un homme solitaire, Sans doute vaudrait-il alors
203
ait les formules d’enchaînement Si j’étais devant
toi
, ô nature un homme solitaire, Sans doute vaudrait-il alors la peine d
204
olitaire, Sans doute vaudrait-il alors la peine d’
être
un homme. 10. Conversations avec Eckermann, 2 mai 1824. 11. Ibi
205
adiction intérieure dont les deux termes, faute d’
être
assumés sur le plan commun de la conscience où ils s’exalteraient en
206
e la vie moderne, illustre avec un talent qu’il n’
est
plus temps de discuter, une position morale exemplairement ambiguë. R
207
ent ambiguë. Rien de plus légitime que le désir d’
être
entendu du grand public, et c’est pourquoi l’on ne voudrait pas repro
208
se qui se mêle d’en jouer. Mais sans doute le but
serait
-il atteint si M. Duhamel, visiblement gêné, ne coupait lui-même ses e
209
ironiques, destinées peut-être à indiquer qu’il n’
est
pas dupe, qu’il n’est pas si furieux que ça, que la littérature enfin
210
eut-être à indiquer qu’il n’est pas dupe, qu’il n’
est
pas si furieux que ça, que la littérature enfin garde ses droits. Aus
211
ue la littérature enfin garde ses droits. Aussi n’
est
-ce point sans une gêne grandissante que l’on poursuit la lecture de c
212
es exagérations (Message aux Princes des Prêtres)
sont
dépourvues du minimum de cynisme et de fantaisie qui enflammerait not
213
re et qui porte sur le thème général du livre. Il
est
inquiétant de voir un esprit de cette qualité, et qui certes veut êtr
214
ir un esprit de cette qualité, et qui certes veut
être
honnête, se complaire expressément dans une hargne tempérée de badina
215
la bêtise humaine. Ou bien sa réaction de dégoût
est
véritablement profonde, mais alors elle implique la condamnation d’un
216
arence de principes directeurs dignes de ce nom ?
Serait
-ce que la mauvaise humeur du bourgeois dérangé agissant comme dérivat
217
sublimation à rebours du sens de la révolte ? On
serait
en droit d’exiger d’un critique de son temps qu’il déclare ce qu’il a
218
Ce chien,
ton
serviteur, par Rudyard Kipling (juillet 1932)f Traduit du chien pa
219
t des choses comme des rats qui courent ». — « On
est
des pauvres tout petits chiens qu’on habite tout par dehors et que pe
220
res, rate. Lire à petites doses. Vers la fin, qui
est
émouvante, décider que ceux qui n’aimeront pas sont fermés à toute po
221
st émouvante, décider que ceux qui n’aimeront pas
sont
fermés à toute poésie à l’état sauvage — la vraie. f. Rougemont De
222
s de, « [Compte rendu] Rudyard Kipling, Ce chien,
ton
serviteur », La Nouvelle Revue française, Paris, juillet 1932, p. 14
223
32)g Si dans tous les écrits de notre temps il
est
question de bien, de mal, de vice et de vertu, de péché même, parfois
224
e vice et de vertu, de péché même, parfois, quels
sont
les écrivains capables de déclarer leurs références, leurs poids et l
225
onne la référence : ce Dieu terrible. Et sa vertu
est
choix. L’absolu d’un Nietzsche, c’est le Grand Midi ; et sa vertu : d
226
chaque situation existentielle. En sorte qu’il n’
est
pas de préférence définitive, c’est-à-dire facile, accordée au Bien p
227
mal et le bien conservent toutes leurs chances d’
être
préférés, et toutes leurs tentations. En sorte que l’apologie de l’un
228
deau. Et soudain il nous apparaît que cette œuvre
est
une illustration, non dépourvue de complaisance, du « pecca fortiter
229
l’émouvante et ironique dialectique de Jouhandeau
est
-elle très catholique, ou même très chrétienne ? La dialectique paulin
230
d’un péché, c’est-à-dire ce qui le supprime, ce n’
est
pas une vertu, mais le pardon. La vertu comme le vice naît de la loi
231
ur quoi il reste béant. Mais la réalité de la foi
est
inverse. Elle fait voir le mal comme donnée immédiate ; puis le bien
232
le bien ; puis le péché et le pardon. Et la grâce
est
déjà dans l’œil qui sait voir le péché au sein du mal et du bien à la
233
exandre, par Klaus Mann (septembre 1932)h Ce n’
est
pas pour l’amour du laurier, mais pour l’amour de son ami Clitus, poè
234
est qu’il n’étonnera personne, alors qu’Alexandre
est
tout de même un phénomène assez bouleversant. Klaus Mann a raconté ce
235
revendications [Présentation] (décembre 1932)i
Est
-il possible de définir une cause commune de la jeunesse française, un
236
elle révolution française. Leur anticapitalisme n’
est
pas celui de la Troisième Internationale. Toutefois, la doctrine marx
237
la doctrine marxiste, en dehors de laquelle il s’
est
constitué, forme l’un de ses points de repère principaux. Il se peut
238
nnels ; et certains de leurs objectifs respectifs
sont
communs… Déjà s’affirme dans l’attitude de tous ces groupes un vérita
239
paraître suffisant pour définir un front unique,
fût
-il provisoire. C’est dans cette vue qu’ont été réunies — rapidement c
240
e, fût-il provisoire. C’est dans cette vue qu’ont
été
réunies — rapidement car tout nous presse — les déclarations que l’on
241
mbre 1932)j Nous avons choisi de vivre — telle
est
notre révolution — dans un monde qui nous préparait pour autre chose,
242
ux basses rigueurs d’un cadre policier. Que vivre
soit
un choix, une partialité violente, voilà ce qu’on paraît trop facilem
243
nt les solutions qu’on nous propose d’urgence, il
est
clair que toute impartialité serait hypocrisie, refus. Qu’on trouve d
244
se d’urgence, il est clair que toute impartialité
serait
hypocrisie, refus. Qu’on trouve donc ici une prise de parti. Nous s
245
Qu’on trouve donc ici une prise de parti. Nous
sommes
une génération comblée. Comblée de chances de grandeur, et comblée de
246
une « nécessité » révolutionnaire dont l’ampleur
est
sans précédent. Ce n’est plus de conflits d’idées qu’il s’agit, ni mê
247
tionnaire dont l’ampleur est sans précédent. Ce n’
est
plus de conflits d’idées qu’il s’agit, ni même de conflits d’intérêts
248
r le seul moyen d’en réchapper, — l’imposer. Ce n’
est
plus pour quelque « idéal » que nous avons à lutter hic et nunc, mais
249
as si sourds qu’ils ne s’irritent de nos cris. Il
est
vrai que certains, au lendemain de la guerre, ont trop souvent crié a
250
se trouvait à l’origine de tout le mal ? Telles
sont
les composantes de notre situation. Nous sommes là : n’y pouvant plus
251
les sont les composantes de notre situation. Nous
sommes
là : n’y pouvant plus tenir longtemps ; ne pouvant accepter de nous b
252
urquoi la supporterons-nous ? La révolution, ce n’
est
plus un état d’esprit, ni un refus des tâches d’homme. Henri Lefebvre
253
ai rien à sa déclaration si simple. La révolution
est
une nécessité au sens le plus banal du terme, et aussi à son sens de
254
ssi à son sens de « misère qui appelle ». Nous ne
sommes
pas des « bourgeois-dégoûtés » ou des « prolétaires-avides-des-riches
255
’autre part une espérance, une utopie, qu’il nous
est
impossible d’accepter avec le « bon cœur » que préconise Philippe Lam
256
mauté du matériel. Comment penser — si « penser »
est
inséparable d’une action — entre une bourgeoisie déchue et un marxism
257
Combat, de L’Ordre nouveau ou de Réaction, pour n’
être
pas entièrement originales18, ne peuvent manquer de déconcerter tous
258
rien. Et nous ne trahirons pas l’homme tel qu’il
est
, sous prétexte qu’il faut se hâter, et qu’en Russie c’est en train de
259
s tout sur une révolution vraie. Les catastrophes
sont
proches. Nous ne sommes plus les seuls à le dire. Beaucoup de capital
260
ion vraie. Les catastrophes sont proches. Nous ne
sommes
plus les seuls à le dire. Beaucoup de capitalistes l’ont si bien comp
261
te avec l’URSS. Nous ne pensons pas que la guerre
soit
, comme l’écrit Lefebvre, la seule « chance » des capitalistes. Il en
262
bvre, la seule « chance » des capitalistes. Il en
est
une moins coûteuse à risquer et qui consisterait à se laisser convain
263
les, mais qui soudain font mine de « réussir ». N’
est
-ce donc plus, comme le marque Th. Maulnier, qu’un conflit d’intérêts
264
, qu’un conflit d’intérêts ? Et d’intérêts qui ne
sont
pas les nôtres, qui ne sont pas les intérêts réels d’un être aux pris
265
Et d’intérêts qui ne sont pas les nôtres, qui ne
sont
pas les intérêts réels d’un être aux prises avec la condition humaine
266
s nôtres, qui ne sont pas les intérêts réels d’un
être
aux prises avec la condition humaine ? Ni pour le mensonge d’hier, ni
267
ectivistes et des patries personnalistes. Mais où
sont
les motifs de notre choix ? J’en indiquerai trois. 1° — La seule révo
268
’homme, exprime ses données élémentaires : elle n’
est
qu’une projection du conflit de la personne. Les marxistes nous accus
269
ues qui pullulent dans un monde athée. Quelle que
soit
d’ailleurs la conception historique que l’on ait, il faut pourtant re
270
ait, il faut pourtant reconnaître que la personne
est
un facteur « décisif », sinon suffisant, du processus révolutionnaire
271
r la révolution. Mais il y a plus. Si la personne
est
véritablement l’élément décisif de la réalité humaine, toute révoluti
272
t décisif de la réalité humaine, toute révolution
est
vaine qui se fonde sur des faits mortels pour la personne, même si «
273
its mortels pour la personne, même si « ces faits
sont
les faits » comme on voudrait nous le faire croire. Une révolution n’
274
elque chose : elle se fera contre ces faits. Elle
sera
« acte ». 2e — Le matérialisme décrit un monde tel qu’on ne voit pas
275
le-même ? La dialectique historique à trois temps
est
une arbitraire projection dans les choses d’un mécanisme de « l’intel
276
te toute efficacité créatrice et par là même doit
être
dénoncée comme antirévolutionnaire20. Le matérialisme, c’est l’opium
277
e la révolution. 3e — La conception personnaliste
est
seule capable d’édifier un monde culturel, économique et social qu’an
278
rêveries » l’action. Qu’appellent-ils l’action ?
Est
-ce un opportunisme purement tactique, d’allure électorale ? « Toutes
279
ains du prolétaire qui, justement, avait besoin d’
être
conduit par la pensée de quelques-uns22. Proposition antirévolutionna
280
illeurs brimée. En février 1917, les bolchévistes
sont
200. En octobre, ils s’emparent du pouvoir sur toutes les Russies. En
281
ais, nous dit-on, les constructions d’un Lénine n’
étaient
pas songes, elles s’appuyaient sur le mouvement de l’histoire ». Nous
282
a-t-il en France la moindre chance de succès ? Où
est
sa tradition vivante en ce pays ? La violence des communistes françai
283
este le plus souvent verbale, électorale ; elle n’
est
pas dans leur doctrine constructive. Elle se fonde sur des apparences
284
mais insuffisamment analysés. Les faits, demain,
seront
pour nous. L’Ordre nouveau, Combat, Esprit, travaillent dans la ligne
285
xistes, mais niée en sous-main par leur doctrine,
est
de leur part une duperie manifeste. Je les entends menacer le bourgeo
286
as en quoi la tyrannie du matériel qu’ils prônent
est
meilleure pour les hommes que le présent désordre. Je ne vois pas qu’
287
n l’accumulation de leurs griefs, — dont beaucoup
sont
les nôtres, mais nous en avons davantage. Je vois clairement que leur
288
é de la folie capitaliste-matérialiste. Non, ce n’
est
pas une classe que nous devons sauver, c’est l’homme menacé dans son
289
e menacé dans son intégrité. Sauver l’homme, ce n’
est
pas sauver des consommateurs. Ce n’est pas sauver des entreprises, de
290
omme, ce n’est pas sauver des consommateurs. Ce n’
est
pas sauver des entreprises, des nations, les intérêts (?) du monde. S
291
nde » ? Rien. Au sens fort du mot, le « salut » n’
est
pas à débattre sur le plan de l’humanité, mais entre l’homme, entre t
292
l homme et la Réalité qui seule peut garantir son
être
. — Encore faut-il que les conditions matérielles permettent à ce supr
293
n sens, un point d’application : la personne. Tel
est
en dernière analyse, le fondement, l’enjeu de la révolution nouvelle.
294
s ; une substance, une exigence impossible et qui
est
la seule chose que les hommes éprouvent dans le fond de leur être. Il
295
ose que les hommes éprouvent dans le fond de leur
être
. Il faut derrière ces idées une masse volontaire, une pesante contrai
296
res, n’aurions-nous à répondre qu’un dogmatique «
Tu
te trompes » ? Les hommes n’entendront de nous que notre volonté de s
297
, n’aurions-nous à répondre qu’un dogmatique « Tu
te
trompes » ? Les hommes n’entendront de nous que notre volonté de sacr
298
courage. Je parle de la foi chrétienne où je veux
être
, de ce suprême « choix » qui ne vient pas de moi, mais qui soudain me
299
uelle j’accepte de me faire tuer, parce que ce ne
serait
pas crever bassement dans la haine, mais ce serait un acte enfin dans
300
erait pas crever bassement dans la haine, mais ce
serait
un acte enfin dans lequel je posséderais toute ma vie, d’un seul coup
301
l coup éclatant. Je n’ai pas à sauver quoi que ce
soit
de la terre, mais seulement à recevoir le pardon. Or il n’est de pard
302
rre, mais seulement à recevoir le pardon. Or il n’
est
de pardon que pour celui qui agit. On me dira sans doute que je me pe
303
évolution qu’elle légitimerait, en bonne logique,
serait
une révolution contre la construction entreprise par le capitalisme d
304
us de « personnes ». 23. Le succès du communisme
serait
-il « de nous rendre la vie de caserne acceptable » ? (Roland de Pury,
305
cisme, le pompiérisme, — mais ils savent que cela
est
antipathique, alors ils émettent on ne sait quelle sauce. Je ne veux
306
émettent on ne sait quelle sauce. Je ne veux pas
être
de ceux-ci ». Charles-Albert Cingria est donc de ceux dont l’éruditio
307
eux pas être de ceux-ci ». Charles-Albert Cingria
est
donc de ceux dont l’érudition, quitte à passer pour macaronique — com
308
quitte à passer pour macaronique — comme elles le
sont
toutes, d’ailleurs, mais ridiculement quand elles ne l’avouent pas —
309
s relativement à celui qui les cite, car alors où
serait
l’Impartialité ? Ces gens-là voudraient bien nous faire croire qu’un
310
-là voudraient bien nous faire croire qu’un texte
est
intéressant dans la mesure même où il est dépourvu de pittoresque, c’
311
n texte est intéressant dans la mesure même où il
est
dépourvu de pittoresque, c’est-à-dire, dans ce cas, de traits humains
312
ans ce cas, de traits humains révélateurs, ce qui
est
tout de même aller un peu loin, puisque ainsi l’on supprime la notion
313
ique — rattaché encore à une école provençale qui
est
, à l’origine, de propulsion musicale, donc romane-syrienne puisque le
314
cale, donc romane-syrienne puisque le plain-chant
est
roman-syrien — et le poète fabriqué à coups de platras à la manière a
315
s de platras à la manière antique ». Vous avez le
ton
. Ajoutez-y le plus excitant foisonnement de citations — poètes, chron
316
épiscopale, d’une certaine politesse pompeuse qui
est
la forme particulière de son ironie24 et vous aurez ce petit volume d
317
rner le titre de « monument critique ». Tel qu’il
est
, un petit chef-d’œuvre d’humanisme poétique. Car l’« érudition » de C
318
le doucement retors, dont les moindres anicroches
sont
calculées jusqu’à restituer le naturel — tout cela sans effort, manif
319
la Renaissance où palpite, sous une sérénité qui
est
plutôt de l’enthousiasme dominé, l’opulente diversité du monde. La qu
320
latin, du bas latin et de l’italien dont ce livre
est
abondamment orné permettra de goûter dans le détail ce que l’on vient
321
ela (les patriotismes de l’Europe diverse et une)
était
homogène et souple, vivant, sans faux arrêt, sans cet arrêt d’illusoi
322
uels nationalismes, ayant pour effet qu’au lieu d’
être
avantageuse, la chose publique empêche de communiquer, empêche de viv
323
ier qui introduise à celle de l’élémentaire ; qui
soit
donc le contraire de la recherche du pittoresque. Aucune de ses œuvre
324
de Vaud, mais dans le domaine propre de Ramuz qui
est
l’élémentaire. Jamais il ne fut mieux lui-même. Il y fallait un cas t
325
opre de Ramuz qui est l’élémentaire. Jamais il ne
fut
mieux lui-même. Il y fallait un cas très simple, un de ces cas où le
326
gauche) ; l’humiliation de la chute, l’angoisse d’
être
diminué, les difficultés qu’on découvre, déconcertantes ; puis l’espr
327
ne confidence encore contrainte : « Ah ! comme je
suis
mal fait pour ma part, si j’ose ainsi parler de moi, mais je ne parle
328
oi, ou je ne parle pas que de moi, parce que nous
sommes
tous mal faits. » On n’attendait pas de Ramuz un examen de conscience
329
ce genre de pensées pour ce qu’elles ont toujours
été
à ses yeux : le fait d’un défaut de présence au monde, d’une impuissa
330
réside la cause de la peur, qu’il avoue, et qui n’
est
sans doute que la méditation d’un esprit dépourvu de prises sensibles
331
ans résistance propre, le monde des hommes qui ne
sont
plus présents à eux-mêmes, hommes sans pesée, hommes de peu de poids,
332
t le priver de sa main, — ou asservir cette main.
Est
-ce que ma main n’a pas sa vocation ? Est-ce qu’elle n’a rien de mieux
333
te main. Est-ce que ma main n’a pas sa vocation ?
Est
-ce qu’elle n’a rien de mieux à faire que de se lever avec cent-mille
334
e mains saluent le tyran, une main crée. Le temps
est
peut-être venu de penser avec ses mains. 26. « J’aime que les chose
335
une cheminée qui tire mal. J’aime les choses qui
sont
à leur façon, tandis que je suis à la mienne. » l. Rougemont Denis
336
e les choses qui sont à leur façon, tandis que je
suis
à la mienne. » l. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] C. F. Ramuz,
337
r, par Albert-Marie Schmidt (octobre 1933)m Il
est
plaisant de voir un jeune auteur obtenir de nos jours un effet de sur
338
jours plein d’onction, parfois même de pompe. Tel
est
le premier succès de cet ouvrage. Il en révèle peut-être aussi certai
339
s joyeusement érudite que je connaisse. Tel qu’il
est
, ce petit volume nous offre un jeu serré et subtil, et dont le specta
340
re un jeu serré et subtil, et dont le spectacle n’
est
pas vain. M. Schmidt ne s’en laisse point imposer par la « réussite c
341
qu’on voudrait poser sous cette forme : la vérité
est
-elle en déca ou au-delà du désespoir, dans les mesures humaines ou da
342
ieu des rapports de politesse. Cela pourrait bien
être
la formule du désordre intérieur maximum. Rien ne le dissimule mieux
343
. La nouveauté de l’essai d’Albert-Marie Schmidt
est
d’avoir su déceler la corruption secrète de cet art trop parfait, « q
344
rré de petits faits vrais dont l’intention morale
est
évidente, il est doublement édifiant. Ceux qui ont aimé le Chemin de
345
ts vrais dont l’intention morale est évidente, il
est
doublement édifiant. Ceux qui ont aimé le Chemin de la Vie retrouvero
346
il. On a l’air d’ironiser, mais lisez donc : vous
serez
pris, vous donnerez tort au traître, c’est-à-dire aux anarchistes, ko
347
istoire en bref, — non pas l’intrigue ! tout cela
est
propre. Le jeune Kolka, prolétaire de bonne souche, part pour la Cons
348
te, ignorant, avide de « culture ». Volodia, lui,
est
fils de bourgeois : taré donc, intellectuel, ratiocineur, il n’arrive
349
à se passionner pour le problème de la fonte, qui
est
le problème dominant dans cette région de la Sibérie. Entre eux, une
350
du Kolka dès qu’elle aura compris que l’autre « n’
est
pas né quand il aurait fallu ». L’Histoire a de ces exigences. On con
351
Ce résumé fait le plus grand tort à l’ouvrage. Il
est
cependant exact. Mais les faits, même en Russie, ne sont rien sans la
352
pendant exact. Mais les faits, même en Russie, ne
sont
rien sans la mystique. La force et le charme de ce roman sont ceux mê
353
ns la mystique. La force et le charme de ce roman
sont
ceux mêmes d’une jeunesse fruste, innocente jusque dans ses cruautés
354
nnocente jusque dans ses cruautés ; tout jugement
serait
ici mesquin, on l’accordera volontiers à l’auteur. Ehrenbourg a utili
355
Le prochain plan y pourvoira peut-être. Tout cela
est
en pleine métamorphose. Mais voici un fait plus inquiétant : ce livre
356
, mais quelque chose qui veut une réponse, et qui
est
d’autant plus tragique qu’ils ne savent plus le formuler. À nous de l
357
la même lignée que Le Grand Printemps et Raison d’
Être
, voici encore un essai de Ramuz, mais de tous le moins ramuzien : il
358
e fois d’idées, et même d’idées générales, ce qui
est
assez paradoxal dans une telle œuvre. Le sujet de Taille de l’Homme,
359
, il n’en resterait pas moins, par le fait de son
être
même, une protestation contre le matérialisme dialectique. Quand on p
360
et le sens de la communauté — indissolubles —, on
est
une objection vivante à tout individualisme, à tout communisme, à tou
361
sme, à tout communisme, à tout « isme ». Quand on
est
à ce point possédé par la vie des choses et des êtres, on n’a pas bes
362
t à ce point possédé par la vie des choses et des
êtres
, on n’a pas besoin d’arguments pour faire sentir l’absurdité des « lo
363
e fait voir tout aussi bien que cet essai : Ramuz
est
présent à ce monde, — eux, ils essaient de le recomposer au sein de l
364
ui la Nature27. C’est quand il parle d’elle qu’il
est
grand, qu’il donne et manifeste sa mesure, qu’il apparaît véritableme
365
e, qu’il apparaît véritablement qualifié. La mode
est
au marxisme et au mépris de la Nature ? Mode bourgeoise, tyrannie déc
366
t occupée à calculer sa propre mort. Mais Ramuz n’
est
pas un bourgeois. Il peut attendre : son attente est présence, et por
367
pas un bourgeois. Il peut attendre : son attente
est
présence, et porte en soi sa justification. À ceux qui croient aux fa
368
s de l’Histoire, il faut dire simplement qu’elles
sont
vraies pour eux-mêmes et pour tous ceux de leur espèce. On ne calcule
369
avec des quantités mortes. Ceux qui se vantent d’
être
calculables ont très probablement raison : c’est une constatation de
370
tière » sur laquelle tout se fonde, que Staline s’
est
vu contraint, pour en finir, de fixer la saine doctrine par un ukase
371
ciens. On parle encore du « diamat »29, mais ce n’
est
plus qu’un conformisme d’État. C’est, à peu près, l’ukase en moins, c
372
at. C’est, à peu près, l’ukase en moins, ce qui s’
est
passé chez les bourgeois, au sujet du mot « esprit ».) Le vrai matéri
373
ourgeois-capitaliste. Tous deux savent qu’il faut
être
pour Dieu ou contre Dieu. La bourgeoisie a choisi dès longtemps, prat
374
s, pratiquement athée sans le savoir. Le marxisme
est
l’aveu de son choix. Mais Berdiaev parle en chrétien, et Ramuz ne veu
375
tien, et Ramuz ne veut encore parler qu’en homme.
Est
-ce possible ? Et peut-il y croire ? Il a bien vu le choix, mais l’a-t
376
omme. Il sait aussi que la mesure de cette taille
est
dans une foi, dans « quelque chose qui dépasse l’homme et le suppose
377
oi chrétienne dépasse-t-elle vraiment l’homme ? N’
est
-elle pas bien plutôt ce qui le juge et en même temps le sauve dans se
378
on les traite de matérialistes. Je crains que ce
soit
, chez la plupart d’entre eux, un réflexe de bourgeois plutôt que d’ho
379
s primauté du matériel ! », disait l’un d’eux. Qu’
est
-ce que le matériel peut bien précéder ? D’où nous viendrait alors ce
380
Kafka (mai 1934)p Je ne sais pas si le Procès
est
le chef-d’œuvre de Kafka, mais il est difficile d’imaginer un livre p
381
i le Procès est le chef-d’œuvre de Kafka, mais il
est
difficile d’imaginer un livre plus profond. On a même l’impression en
382
x inspecteurs. Ces messieurs lui apprennent qu’il
est
inculpé, mais ils ne savent pas de quoi et n’ont pas qualité pour le
383
. Puis, on le rend à la liberté. Toute l’histoire
sera
celle, non pas du procès, qui n’a jamais lieu, mais des préliminaires
384
dante, corrompue et capricieuse, dont les bureaux
sont
installés dans des faubourgs ignobles ou des greniers. Jamais K… ne p
385
ister. C’est ainsi une suspension du jugement qui
est
tout le drame du Procès. Constatation de la réalité telle qu’elle est
386
Procès. Constatation de la réalité telle qu’elle
est
, et en même temps, au moment où la révolte point, constatation de la
387
nsistent peut-être à échapper à cette vision, qui
est
l’angoisse même. Est-ce pur hasard si la théologie chrétienne rend co
388
échapper à cette vision, qui est l’angoisse même.
Est
-ce pur hasard si la théologie chrétienne rend compte de presque toute
389
ces avocats qui parlent comme des prêtres, et qui
sont
de mèche avec la justice, ces prévenus en liberté, cette complicité g
390
berté, cette complicité générale, tout cela, ce n’
est
pas la « misère de l’homme sans Dieu », mais la misère de l’homme liv
391
nt pour nous le Père ; mais alors, l’acquittement
est
possible. « Je suis le chemin » — mais alors l’acte aussi est possibl
392
e ; mais alors, l’acquittement est possible. « Je
suis
le chemin » — mais alors l’acte aussi est possible. Ainsi, la foi au
393
. « Je suis le chemin » — mais alors l’acte aussi
est
possible. Ainsi, la foi au Christ est la seule possibilité qui soit d
394
’acte aussi est possible. Ainsi, la foi au Christ
est
la seule possibilité qui soit donnée à l’homme de marcher, d’échapper
395
si, la foi au Christ est la seule possibilité qui
soit
donnée à l’homme de marcher, d’échapper à l’« arrêt » ; mais c’est au
396
émantique. On me fait observer que l’opposition n’
est
pas entre le peuple et la nation — entre les noms — mais entre « nati
397
entre les adjectifs. Je traduis : l’opposition n’
est
pas dans les faits, mais dans les mystiques. Que valent ces mystiques
398
peur, et comme telles meurtrières. Les faits, ce
sont
M. de Wendel derrière la droite, et M. Litvinoff derrière la gauche.
399
. La question se ramène à ceci : si tout le monde
était
mis d’accord par une agression hitlérienne, irait-on se battre au nom
400
en restant capitaliste.) Défendre la culture, ce
serait
d’abord rendre aux mots-clés un sens commun. Mais il me semble qu’on
401
, au Palais de la Mutualité. Il me semble qu’on s’
est
entendu pour « cultiver » des équivoques verbales assez grossières. L
402
sans puissance contre les menaces réelles, — qui
sont
la guerre et l’étatisme totalitaire. C’est très simple. Trop simple,
403
rédéric Gundolf (septembre 1935)r Paracelse ne
fut
pas un mage, ou plutôt si l’on veut qu’il l’ait été, au sens où l’on
404
t pas un mage, ou plutôt si l’on veut qu’il l’ait
été
, au sens où l’on dirait qu’Einstein, interprète du cosmos, est un mag
405
où l’on dirait qu’Einstein, interprète du cosmos,
est
un mage, il ne fut pas un magicien. Il erra toute sa vie, d’auberges
406
instein, interprète du cosmos, est un mage, il ne
fut
pas un magicien. Il erra toute sa vie, d’auberges en universités, sui
407
oris de notre temps. Mais combien, parmi nous, se
sont
fait déterrer deux jours trop tôt ! L’auteur de l’anecdote était bon
408
rrer deux jours trop tôt ! L’auteur de l’anecdote
était
bon prophète, mais il n’a rien compris à Paracelse. Théophraste Parac
409
Théophraste Paracelse Bombaste de Hohenheim, qui
était
né en Suisse allemande, n’était pas un énergumène, mais un savant com
410
de Hohenheim, qui était né en Suisse allemande, n’
était
pas un énergumène, mais un savant complet comme il faut espérer que n
411
les sciences fondamentales qui doivent donner le
ton
à toutes les autres, et qui sont, comme nul ne l’ignore ou ne pourra
412
doivent donner le ton à toutes les autres, et qui
sont
, comme nul ne l’ignore ou ne pourra l’ignorer longtemps, l’astrologie
413
grand souci paraît dans toute son œuvre : il veut
être
clair, et utile. Clair ne signifie pas rationaliste, comme le veut le
414
microcosme, manquait de la seule chose dont nous
soyons
abondamment fournis : d’un attirail de concepts à tout faire31. Il fa
415
ais les lettrés et les médecins de la jeune école
seront
comblés. Gundolf décrit l’œuvre de Paracelse comme un drame de l’expr
416
e choses qu’il ne pouvait en exprimer. Son destin
fut
l’inverse du nôtre. La technique nous masque le vrai, nous sommes en
417
du nôtre. La technique nous masque le vrai, nous
sommes
en pleine scolastique (au sens vulgaire). Ce défaut de mots propres a
418
e leur remède. « Il ne faut pas dire que tel état
est
colérique, tel autre mélancolique, mais que ceci est arsenical, que t
419
colérique, tel autre mélancolique, mais que ceci
est
arsenical, que telle chose est aluminale, telle autre saturnienne. »
420
que, mais que ceci est arsenical, que telle chose
est
aluminale, telle autre saturnienne. » Ce langage en effet renvoie à l
421
t considérer sa relation avec le monde, dont il n’
est
qu’un membre, un reflet. So oben wie unten. L’astrologie de Paracelse
422
t. So oben wie unten. L’astrologie de Paracelse n’
est
pas une superstition de devin, c’est une science de la guérison fondé
423
cination, et même de la psychanalyse. Paracelse s’
était
formé de l’homme une conception spirituelle et organique (théologique
424
héologique-astrologique) à laquelle notre science
est
en train de revenir, après une sombre époque cérébrale et matérialist
425
oyaient l’homme sous l’aspect d’un concept. Il se
fût
opposé aussi aux médecins de la Renaissance, à Léonard, à Cardan, à V
426
se, brève synthèse des idées les plus neuves, qui
sont
aussi les plus antiques, sur la nature unique de la maladie, ouvrage
427
monde. « L’homme ne saura jamais assez combien il
est
anthropomorphe », dit Goethe. Il faudrait dire aussi, à la suite de P
428
e : l’homme ne saura jamais assez à quel point il
est
« cosmomorphe ». Le retour à Paracelse auquel nous assistons est un d
429
he ». Le retour à Paracelse auquel nous assistons
est
un des signes marquants de ce temps-ci. Le symbole d’une révolution a
430
ré comme un miroir du ciel entier. Certes, elle n’
est
pas seulement cruelle et folle, l’époque qui nous offre de si grandes
431
uvre, celle où l’esprit se remet à chercher ce qu’
est
l’homme, et quelle est sa mesure dans l’univers qu’il a cru concevoir
432
se remet à chercher ce qu’est l’homme, et quelle
est
sa mesure dans l’univers qu’il a cru concevoir ! 30. « La monumenta
433
Mais on se représente aisément l’embarras qui eût
été
le sien si l’on eût exigé qu’il nommât l’activité qu’il découvrait. Q
434
de les jeter dans le lac de Schwyz, etc., « et ce
sera
pour la vertu, quarte colonne de la médecine, un grand spectacle ! »
435
ommune des intellectuels révolutionnaires, qu’ils
soient
humanistes ou chrétiens, marxistes ou personnalistes. Désormais, la p
436
rsonnalistes. Désormais, la philosophie cessera d’
être
une simple description : elle va devenir action transformatrice, et p
437
trice. L’esprit pur s’évanouit. L’âge qui s’ouvre
sera
celui du spirituel décisif. La seule doctrine, ou pour mieux dire, la
438
que l’apparence brutale des thèses personnalistes
soit
le fait, provisoire, de toute philosophie naissante qui prétend resti
439
Minkowski, les approximations un peu hésitantes —
est
-ce un reproche ? — de G. Marcel sur l’acte et la personne, mériteraie
440
s très curieuses de P. Klossowski sur Sade, où il
est
démontré par des voies imprévues, comment la négation de Dieu entraîn
441
Les souvenirs de Mabel Dodge sur Lawrence à Taos
sont
irritants à cause de cette Américaine qu’on y voit trop, et passionna
442
crit, c’est de nous laisser lire dans le jeu d’un
être
humain : rien ne flatte mieux notre désir d’ubiquité. À cet égard, le
443
’ubiquité. À cet égard, le livre de Dorothy Brett
est
beaucoup plus satisfaisant que les diatribes intéressées de Mabel Dod
444
rence ? Je me demande si le souvenir de son œuvre
est
pour beaucoup dans l’intérêt que je prends aux chroniques minutieuses
445
vous bouleverse au-delà de toute expression. Vous
êtes
très peiné, et je dis, moi, qu’on ne devrait pas raconter de pareille
446
, nous les pourchassons dans le corral, mais nous
sommes
plus éreintés que jamais. Puis Poppy se cabre au-dessus du dos de Bes
447
ie et nous la perdons presque. Enfin nos montures
sont
sellées et nous partons chercher le lait, mais vous êtes blême et fat
448
llées et nous partons chercher le lait, mais vous
êtes
blême et fatigué. Un trait qui manque par hasard dans cette page, et
449
’irritation perpétuelle où vivait Lawrence : « Je
suis
épuisé — Par l’effort que je fais pour aimer les gens — sans y parven
450
fourrez pas dans vos soucis. » La mauvaise humeur
est
sans doute la caractéristique générale des hommes d’aujourd’hui : c’e
451
els, plus rayonnants, plus « solaires » qu’ils ne
sont
. En somme, bien qu’il prêche tout le temps, il attend des autres beau
452
temps, il attend des autres beaucoup plus qu’il n’
est
disposé à leur donner. « Soyez ! Ah ! Soyez un soleil pour moi — Et n
453
eaucoup plus qu’il n’est disposé à leur donner. «
Soyez
! Ah ! Soyez un soleil pour moi — Et non une lassante et exigeante pe
454
qu’il n’est disposé à leur donner. « Soyez ! Ah !
Soyez
un soleil pour moi — Et non une lassante et exigeante personnalité. »
455
l’aide et auquel on vient en aide. Autrement, il
serait
deux fois insupportable : comme voisin toujours insuffisant, et comme
456
a nature, les bêtes, les choses. Envers elles, il
est
plein d’une espèce de charité patiente et ingénieuse. D’où son amour
457
où son amour des travaux manuels. Comme tout cela
est
rafraîchissant, satisfaisant, fidèle et pur. Notez aussi cette petite
458
dans les bois. » On allait oublier l’écrivain. Il
est
là, adossé à un pin, avec sa chemise bleue, ses culottes de velours b
459
nt maigre au regard narquois et inquiet, et qui s’
est
mis une barbe rousse pour avoir l’air d’un faune. 33. Même question
460
e que j’appellerais le « problème des gens », qui
est
moins grandiose et beaucoup plus encombrant… t. Rougemont Denis de,
461
uelle doit fatalement les déformer. C’est qu’elle
est
généralement conditionnée par notre romantisme littéraire en même tem
462
disposition d’esprit nous incite à séparer ce qui
était
lié chez les mystiques : la vision de foi et les symboles concrets qu
463
le.) Du point de vue strictement théologique, qui
est
tout de même décisif en ces matières, l’alternative que je viens d’in
464
je viens d’indiquer ne se pose plus. Car la foi n’
est
pas davantage une évasion hors de ce monde qu’une limitation de l’hom
465
Cette définition condamne tout mysticisme qui ne
serait
, comme le veut M. Chuzeville, que la « recherche des moyens par lesqu
466
à s’oublier en Dieu, son principe ». La question
est
alors de savoir s’il existe une mystique vraiment chrétienne, une mys
467
mystique vraiment chrétienne, une mystique qui ne
soit
pas cette « transgression » et cet oubli de nos limites, contre lesqu
468
— du point de vue de l’art — de cette anthologie,
sont
souvent les plus hérétiques, celles aussi où l’hybris spirituelle se
469
pare le mieux d’humilité dévote. Ceci marqué, qui
est
plus qu’une réserve, il convient de remercier M. Chuzeville de nous a
470
art des mystiques que M. Chuzeville nous présente
sont
inconnus du public français, Novalis et Ruysbroeck mis à part ; et be
471
s, Novalis et Ruysbroeck mis à part ; et beaucoup
sont
de grands poètes, des philosophes terriblement concrets : Maître Eckh
472
gurer dans un choix de « mystiques », alors qu’il
est
le premier défenseur de l’expériencev. Mais la beauté des textes cité
473
stiques modernes. Mais sans doute M. Chuzeville s’
est
-il laissé guider dans son choix par un préjugé historique que le « Ma
474
et le marxisme. Voilà pourquoi le peuple allemand
est
un peuple empoisonné (p. 19). Cette généalogie des monstres germaniqu
475
ehme à la philosophie de Fichte et de Hegel, d’où
sont
effectivement sortis un certain nationalisme et la doctrine du jeune
476
nt il cite constamment les sermons. M. Chuzeville
serait
sans doute mieux inspiré s’il développait certaines indications fécon
477
. Il m’a semblé que cette perspective spirituelle
était
la seule que dégageât sans équivoque la confrontation des mystiques e
478
s à M. Chuzeville, c’est d’écrire que Paracelse «
était
de nature comédienne, et savait à l’occasion dissimuler, comme l’indi
479
, se nommait Theophilus Bombast ». Or Paracelse n’
est
pas un pseudonyme, mais un des trois prénoms du médecin, qui se nomma
480
arfois hasardeuse. Les travaux de Jean Baruzi lui
sont
inconnus ; de même que les études de A. Koyré sur Franck et Weigel. Q
481
voici une anecdote d’Angleterre : elle doit donc
être
vraie. Une petite fille aux cheveux carotte, nommée Alice, écrit ceci
482
t ceci dans son devoir d’anglais : « L’Angleterre
est
le plus beau pays du monde. » Un inspecteur passait par là. Il lit le
483
eil patriotique », où allons-nous ? Quelqu’un qui
est
bien content, dans cette affaire, c’est le journaliste allemand qui l
484
illet). On dirait une « histoire idiote ». Tout y
est
faux. C’est incroyable à quel point cela ressemble à la plupart des e
485
qui trouvent très bon qu’on dise que l’Angleterre
est
le plus beau pays du monde ? Cela du moins ne manque pas de logique,
486
gré la première apparence. L’erreur courante, qui
est
celle du libéral rationaliste, c’est de croire que la proposition « l
487
c’est de croire que la proposition « l’Angleterre
est
le plus beau pays du monde » comporte un sens rationnel ; que c’est u
488
é, lorsque la petite Alice écrit que l’Angleterre
est
le plus beau pays du monde, elle veut dire simplement : j’aime mon pa
489
our exclut toute comparaison. Dire que tel pays «
est
le plus beau du monde », ce n’est pas dire qu’après enquête on abouti
490
que tel pays « est le plus beau du monde », ce n’
est
pas dire qu’après enquête on aboutit à cette conclusion : il y a dans
491
n ; qui dit raison suppose comparaison, et rien n’
est
plus absurde que de comparer un pays à un autre, un amour à un autre,
492
r un pays à un autre, un amour à un autre, car où
est
l’étalon, où est la mesure commune, et qui connaît le modèle idéal ?
493
tre, un amour à un autre, car où est l’étalon, où
est
la mesure commune, et qui connaît le modèle idéal ? Le malfaisant nat
494
ît le modèle idéal ? Le malfaisant nationalisme n’
est
rien d’autre qu’une rationalisation mensongère du sentiment patriotiq
495
ule formule « internationale » qui reste possible
est
celle-ci : « Chaque pays est le plus beau du monde ». C’est la formul
496
» qui reste possible est celle-ci : « Chaque pays
est
le plus beau du monde ». C’est la formule fédéraliste. — Inutile d’aj
497
rase suivante : « La religion de l’esprit incarné
est
celle qui honore l’esprit en tant qu’il veut porter l’empreinte de ce
498
des théologiques ou simplement logiques ». S’il m’
est
permis de faire ici un peu de théologie et un peu de logique, je dema
499
il attaque ont jamais prétendu que leur politique
fût
une « incarnation » de l’esprit ; 2° au cas où ils l’auraient fait, c
500
c les loups, et de trahir de la sorte doublement,
étant
admis toutefois que la mission de l’esprit est d’entrer dans le monde
501
étant admis toutefois que la mission de l’esprit
est
d’entrer dans le monde, non point pour s’y soumettre, mais pour le tr
502
araissent capitales. Et je ne vois pas comment il
serait
possible d’y échapper. Depuis huit ans que sa Trahison des Clercs est
503
apper. Depuis huit ans que sa Trahison des Clercs
est
apparue, M. Benda s’y applique pourtant non sans bonheur, curieusemen
504
icteurs de droite. Mais alors son dernier article
est
trop clair. Il n’y manque plus qu’une épigraphe, qui conviendrait d’a
505
élan meurt en anarchie. La solution de ce conflit
est
évidente, c’est peut-être pourquoi bien peu l’ont vue jusqu’à présent
506
ellipse ; l’on dira qu’une liberté organisée n’en
est
plus une. Expliquons-nous ; il faut organiser le matériel — la dictat
507
pour la liberté — une dictature de la liberté. Ce
serait
le plus beau « titre » du siècle. Ceci admis, et comment ne point l’a
508
annies actuelles. Considérant le désordre où nous
sommes
, ils prétendent nous en tirer en parant, comme ils disent, au plus pr
509
diverses dictatures, lesquelles, pour n’avoir pas
été
soumises dès le début à une volonté perspicace et fanatique de libéra
510
libertés réelles, leur personne. Si la personne n’
est
pas déjà au début d’un calcul pratique, on ne la retrouvera jamais au
511
on. Comme le prouve toute l’histoire moderne, qui
est
celle des révolutions étranglées par l’État et sa police. Telles sont
512
utions étranglées par l’État et sa police. Telles
sont
les bases — algébrisées — des recherches de L’Ordre nouveau. Robert A
513
sion », à laquelle se ramènent toutes les autres,
est
en train de devenir une sorte de pont aux ânes de nos philosophies po
514
première expérience de service civil, organisée l’
été
dernier, a fait voir que les ouvriers savent apprécier les conséquenc
515
a puissance de choc et d’interrogation ne saurait
être
comparée qu’à celle de Pascal, de Dostoïevski et de Nietzsche. Aujour
516
toïevski et de Nietzsche. Aujourd’hui Kierkegaard
est
cité par tout le monde. On m’assure qu’il a même un public passionné.
517
passionné. Mais si l’on juge de la façon dont il
est
lu par la façon dont il est trop souvent cité, l’on pensera qu’il eût
518
e de la façon dont il est lu par la façon dont il
est
trop souvent cité, l’on pensera qu’il eût mieux valu montrer plus de
519
dence à le répandre. Et pourtant il fallait qu’il
fût
traduit : c’était une des nécessités de notre état spirituel. Seuleme
520
une opération aussi risquée, que ces fragments n’
étaient
que les premiers termes d’une dialectique au cours de laquelle ils de
521
une dialectique au cours de laquelle ils devaient
être
radicalement niés, on a incité le lecteur, non prévenu ou mal prévenu
522
mité de cette erreur. Je crains bien que ce n’ait
été
qu’au profit d’une erreur plus subtile. 2. Parce qu’on a traduit la M
523
espoir considéré comme un des beaux-arts. Or s’il
est
vrai que Kierkegaard s’est occupé à décrire les formes déclarées ou d
524
es beaux-arts. Or s’il est vrai que Kierkegaard s’
est
occupé à décrire les formes déclarées ou déguisées que revêt le déses
525
revêt le désespoir fondamental du pécheur ; s’il
est
vrai qu’il a su montrer, avec une effrayante lucidité, l’universalité
526
cet état, c’est aussi que pour lui, le désespoir
est
le péché, la seule maladie vraiment mortelle, dont la foi seule, non
527
que le néant, dont ils lui prêtent ainsi le goût,
est
justement celui que Kierkegaard dénonce au cœur des systèmes qu’ils l
528
s qu’ils lui opposent. 3. Parce que Kierkegaard s’
est
déchaîné contre les églises établies, les évêques de la cour, et la r
529
théorique à un christianisme existentiel — ce qui
est
le mouvement même de la Réforme — on a voulu le présenter comme une e
530
t, la définition même de la foi dans l’Évangile n’
est
-elle pas justement ce cri : « Je crois, Seigneur, viens au secours de
531
isif. Bien entendu, le « succès » de prestige eût
été
beaucoup plus restreint. Les raisons qui poussèrent Kierkegaard à pub
532
ore plus fortes de nos jours. Il se peut qu’il se
fût
réjoui de la maldonne. Que voulait donc Kierkegaard ? Peut-être, à la
533
son retrait.) La question qui se posait dès lors
était
celle-ci : « Comment donner à une époque plongée dans la plus grande
534
ssion de faire mourir un témoin de la vérité ? Si
tu
veux ce résultat… apprends d’abord à bien connaître ta génération, et
535
ux ce résultat… apprends d’abord à bien connaître
ta
génération, et surtout ses erreurs, ses plaisirs, ses fièvres, ce qu’
536
it disposer d’elle-même. Ainsi bien informé, fais-
toi
alors le porte-parole des idées, des passions qui sont dans l’air, av
537
alors le porte-parole des idées, des passions qui
sont
dans l’air, avec l’enthousiasme d’une éloquence chaude et entraînante
538
ne éloquence chaude et entraînante. Pour cela, il
te
faut de la force et du talent. Qu’arrive-t-il ? Tout simplement ceci
539
-il ? Tout simplement ceci : l’époque s’engoue de
tes
discours et tu deviens son favori. Tu es alors au début de ton suppli
540
ement ceci : l’époque s’engoue de tes discours et
tu
deviens son favori. Tu es alors au début de ton supplice. Il s’agit m
541
’engoue de tes discours et tu deviens son favori.
Tu
es alors au début de ton supplice. Il s’agit maintenant de changer de
542
goue de tes discours et tu deviens son favori. Tu
es
alors au début de ton supplice. Il s’agit maintenant de changer de di
543
et tu deviens son favori. Tu es alors au début de
ton
supplice. Il s’agit maintenant de changer de direction ; tu restes an
544
e. Il s’agit maintenant de changer de direction ;
tu
restes animé de la même décision, mais tu te rends aussi rebutant que
545
ction ; tu restes animé de la même décision, mais
tu
te rends aussi rebutant que tu as été attirant ; alors tu verras tes
546
on ; tu restes animé de la même décision, mais tu
te
rends aussi rebutant que tu as été attirant ; alors tu verras tes con
547
ême décision, mais tu te rends aussi rebutant que
tu
as été attirant ; alors tu verras tes contemporains se passionner et
548
cision, mais tu te rends aussi rebutant que tu as
été
attirant ; alors tu verras tes contemporains se passionner et bientôt
549
nds aussi rebutant que tu as été attirant ; alors
tu
verras tes contemporains se passionner et bientôt s’enflammer contre
550
rebutant que tu as été attirant ; alors tu verras
tes
contemporains se passionner et bientôt s’enflammer contre toi.38 Tel
551
rains se passionner et bientôt s’enflammer contre
toi
.38 Tel fut le sort que choisit Kierkegaard, lorsqu’au cours des anné
552
sionner et bientôt s’enflammer contre toi.38 Tel
fut
le sort que choisit Kierkegaard, lorsqu’au cours des années qui prépa
553
et révéla le sens dernier de toute son œuvre. Il
est
juste que ce destin se répète aujourd’hui parmi nous. Et la publicati
554
teur du Traité du désespoir un « succès » dont il
est
peut-être temps de tirer certaines conclusions propres à « repousser
555
ions propres à « repousser l’admiration ». Rien n’
est
plus conforme au style kierkegaardien que la manière dont M. Tisseau
556
uvrages font néanmoins quelque chemin, ce ne peut
être
qu’à contre-courant du snobisme qui naît autour de leur auteur. ⁂ Le
557
autour de leur auteur. ⁂ Le centre de Kierkegaard
est
dans cette phrase : « La subjectivité est la vérité. » La subjectivit
558
kegaard est dans cette phrase : « La subjectivité
est
la vérité. » La subjectivité, ce n’est pas le subjectivisme, ce n’est
559
bjectivité est la vérité. » La subjectivité, ce n’
est
pas le subjectivisme, ce n’est pas le vague, le sentiment incontrôlé,
560
subjectivité, ce n’est pas le subjectivisme, ce n’
est
pas le vague, le sentiment incontrôlé, le romantisme et l’anarchie, e
561
vouloir d’une manière totale et unique que ce qui
est
vrai. Car tout ce qui n’est pas vrai comporte en soi une division et
562
et unique que ce qui est vrai. Car tout ce qui n’
est
pas vrai comporte en soi une division et divise la volonté qu’on met
563
et divise la volonté qu’on met à le réaliser. Tel
est
le sujet de la Pureté du cœur. La plupart des écrits proprement relig
564
isseau en reviennent tous à la même question, qui
est
celle du sérieux dernier, de la prise au sérieux de la vérité. Du poi
565
issance ; puis à montrer que l’éternelle vérité n’
est
encore qu’une grandiose ironie tant qu’elle n’est pas actualisée dans
566
est encore qu’une grandiose ironie tant qu’elle n’
est
pas actualisée dans l’acte de foi. Il n’y eut jamais de sérieux absol
567
t vraiment « le droit de mourir pour la vérité »,
étant
lui-même la vérité. C’est pourquoi l’acte de foi, qui saisit dans ce
568
érieux, poses et amusettes, une ironie, ou ce qui
est
pire, un soupçon d’insondable ironie. Un soupçon : car peut-être, l’a
569
ut-être, l’acte de foi n’existe pas ? Peut-être n’
est
-ce qu’une figure de rhétorique pieuse, une illusion, un mythe, ou enc
570
une dialectique dont le plus étrange, sans doute,
est
qu’elle embrasse avec une familiarité poignante les problèmes de la v
571
rançaises de Kierkegaard. P.-S. Cette chronique
était
déjà imprimée, quand j’ai lu dans les Cahiers du Sud une étude de Ben
572
l’accompagne plus onéreuse pour la vérité que ne
serait
l’affectation d’impartialité ; et je suis loin de trouver vaine la qu
573
ue ne serait l’affectation d’impartialité ; et je
suis
loin de trouver vaine la question que pose Fondane : « Ils suivent Ki
574
« Ils suivent Kierkegaard du regard — mais où en
sont
-ils de leur propre démarche ? » Oui, cette question est gênante et sé
575
s de leur propre démarche ? » Oui, cette question
est
gênante et sérieuse, et c’est pourquoi il fallait la poser. Et c’est
576
personne à la suite de Kierkegaard… Tout le reste
est
littérature, « littérature kierkegaardienne » évidemment, « admiratio
577
stance atténuante, au bénéfice du maladroit, s’il
est
aimable. Ou bien c’est l’ornement de nos loisirs. Mais Claudel dit :
578
de nos loisirs. Mais Claudel dit : l’art poétique
est
art de faire. Un gémissement célèbre, chez les clercs, déplore l’anti
579
à-dire qu’il choisit de choisir, car l’étymologie
est
trop loin d’être une science pour que l’adoption même d’une « origine
580
isit de choisir, car l’étymologie est trop loin d’
être
une science pour que l’adoption même d’une « origine » soit autre cho
581
cience pour que l’adoption même d’une « origine »
soit
autre chose qu’un choix délibéré, quand ce n’est pas un profond calem
582
soit autre chose qu’un choix délibéré, quand ce n’
est
pas un profond calembour. « Il est permis à chacun de se servir de te
583
ré, quand ce n’est pas un profond calembour. « Il
est
permis à chacun de se servir de tel son qu’il lui plaît pour exprimer
584
e de la Logique de Port-Royal, dont Claudel, s’il
est
réaliste, doit récuser la principale40, peut néanmoins servir à préci
585
aux divers jargons de son temps : c’est que l’une
est
une langue « avertie », posant un perpétuel avertissement, tandis que
586
érale. Claudel montre partout son parti pris, qui
est
de s’en tenir aux origines, et à cette origine, entre plusieurs proba
587
he de la chose et du geste. Poésie, de poiein, ce
sera
: faire. Connaître, de cognoscere, sera : co-naître. Il faut savoir c
588
oiein, ce sera : faire. Connaître, de cognoscere,
sera
: co-naître. Il faut savoir ce que parler veut dire. (D’où l’on vient
589
ler veut dire. (D’où l’on vient, où l’on va : tel
est
le sens.) Car le langage, parmi d’autres fonctions, a celle-là de per
590
les signaux. Les autres (voyez leurs journaux) se
sont
jetés dans un énorme embouteillage, il n’y a plus qu’à se laisser pou
591
, c’est un sur-place exaspérant, tous les moteurs
sont
débrayés) ce sens partout évanouissant n’en est pas moins le sens « c
592
sont débrayés) ce sens partout évanouissant n’en
est
pas moins le sens « commun » — voire même, par antiphrase, le sens «
593
té »), la plénitude, le rassemblement de tous les
êtres
, le branle-bas de toute la création vers son achèvement intelligible,
594
si, dans le monde d’aujourd’hui, se condamner à n’
être
pas compris. Paradoxe d’un génie catholique, isolé de la foule des ho
595
ustement, sa volonté de catholicité ! ⁂ Non qu’il
soit
« méconnu », bien sûr. Mais parmi tant d’admirateurs, combien co-nais
596
le plus profane de Tête d’Or ou de l’Annonce. Ce
serait
aggraver d’une sottise cette Séparation, notre péché, contre laquelle
597
n perpétuelle, et tout s’y tient parce que chaque
être
y agit pour tout ce qu’il n’est pas. « Tout cherche partout sa fin, c
598
parce que chaque être y agit pour tout ce qu’il n’
est
pas. « Tout cherche partout sa fin, complément ou efférence, sa part
599
cessité que de la fin totale qu’il glorifie. Ce n’
est
pas notre monde tel qu’il est, mais notre monde tel qu’il est sauvé,
600
u’il glorifie. Ce n’est pas notre monde tel qu’il
est
, mais notre monde tel qu’il est sauvé, relié solidement par la Promes
601
e monde tel qu’il est, mais notre monde tel qu’il
est
sauvé, relié solidement par la Promesse et remis en marche vers elle,
602
e. Diviser, séparer, isoler, faire scission, ce n’
est
pas seulement cartésien ; et Descartes n’a fait que constater les eff
603
t de la Création. « Et c’est pourquoi une fin lui
fut
en effet donnée » — qui est sa mort. Mais l’œuvre du poète, la vocati
604
pourquoi une fin lui fut en effet donnée » — qui
est
sa mort. Mais l’œuvre du poète, la vocation de l’homme, la charité co
605
la révélation des enfants de Dieu, parce que ce n’
est
pas de son propre gré qu’elle a été assujettie à vanité » (Rom. 8, 19
606
arce que ce n’est pas de son propre gré qu’elle a
été
assujettie à vanité » (Rom. 8, 19-20). Ne fût-ce que par son style, e
607
e a été assujettie à vanité » (Rom. 8, 19-20). Ne
fût
-ce que par son style, et l’intention, partout, qu’il manifeste avec p
608
la source continue qu’il contient en lui dans son
être
: son geste n’est plus que la traduction, dans l’univers matériel, du
609
qu’il contient en lui dans son être : son geste n’
est
plus que la traduction, dans l’univers matériel, du sanglot de l’orig
610
voici donc « chargés du rôle d’origine ». L’homme
est
« le sceau de l’authenticité ». Il est, par son action recréatrice, u
611
». L’homme est « le sceau de l’authenticité ». Il
est
, par son action recréatrice, une étymologie vivante de tout ce qui es
612
ecréatrice, une étymologie vivante de tout ce qui
est
. Et maintenant, pour se connaître, il lui suffit d’agir sa vocation.
613
uments dont il a la propriété ». Et son corps lui
est
comme « un document où il suit les œuvres de l’esprit qui le remue ».
614
! Mais l’usure des mots les édente, notre langage
est
débrayé. Comment rétablir le contact ? Claudel n’écrira pas : je vais
615
vais vous expliquer cela clairement, mais : « Tel
est
le mystère qu’il s’agit présentement de reporter sur le papier de l’e
616
il nous en coûte pour guerroyer cinq ans. Quel en
est
le résultat ? car le succès définitif est incertain. Avec bien du bon
617
Quel en est le résultat ? car le succès définitif
est
incertain. Avec bien du bonheur, on peut espérer de détruire 150 000
618
sans compter la perte sur notre population, qui n’
est
réparée qu’au bout de vingt-cinq ans. Au lieu de cet attirail dispend
619
erling. C’est la plus forte évaluation, et ils ne
sont
pas tous aussi chers, comme on sait mais enfin, il y aurait encore mo
620
la guerre. Mais le geste du capitaliste, qui eût
été
la plus belle farce de l’Histoire, a soulevé d’universelles protestat
621
s de notre anarchie économique. Le capitalisme ne
serait
peut-être pas un trop mauvais système si ses entreprises n’étaient co
622
pas un trop mauvais système si ses entreprises n’
étaient
constamment traversées par celles d’une passion contraire, qui est l’
623
raversées par celles d’une passion contraire, qui
est
l’honneur. Car il est clair que l’honneur seul — ou du moins ce qu’il
624
’une passion contraire, qui est l’honneur. Car il
est
clair que l’honneur seul — ou du moins ce qu’il nous en reste, et ce
625
eul — ou du moins ce qu’il nous en reste, et ce n’
est
qu’une caricature — retient les gouvernants de suivre jusqu’au bout,
626
upules, la logique du capitalisme. Or, ce système
étant
de ceux qui ne se peuvent soutenir que si rien d’arbitraire ou d’huma
627
jusqu’ici par Mounier, ce traité de la propriété
est
sans doute le mieux venu, le plus précis et situé. On aimera la mobil
628
ctrines thomistes, et rejoint avec un naturel qui
est
succès de ce livre, les positions constructives d’Esprit, et même de
629
plutôt de Proudhon)44. En bref, le sens du livre
est
celui-ci : il s’agit de passer d’un mode de propriété abstrait et ano
630
voir, chemin faisant, démontré que la propriété n’
est
pas un instinct permanent, mais au contraire un besoin de l’esprit —
631
unisme — celui que redoutent les bourgeois, qui n’
est
pas celui de Staline… Mais si vigoureuse que soit cette analyse — et
632
’est pas celui de Staline… Mais si vigoureuse que
soit
cette analyse — et si utile sa lecture pour tous les possédants chrét
633
e de l’Esprit 46. Et l’on y lit que les fascistes
sont
les pires adversaires « de la personne humaine, cette grande force sp
634
ons catholiques. Ainsi « le riche, dit Bossuet, n’
est
toléré dans l’Église que pour servir le pauvre ». Et selon saint Thom
635
commerce des couvents anglais.) — Pendant que j’y
suis
, une autre remarque : Mounier exagère l’importance économique de l’us
636
ins catholiques. Marx a bien montré que l’usure n’
est
qu’un facteur secondaire, et très peu décisif, du capitalisme. 45. L
637
294-296. ad. Ce texte de Paul Vaillant-Couturier
est
plus amplement commenté par Rougemont dans le numéro d’Esprit de févr
638
sur les grands quais de ce port atlantique, j’en
étais
à considérer d’un œil brûlé par l’insomnie les flots de l’océan mauss
639
paremment que je n’avais rien de mieux à faire. J’
étais
chômeur depuis trois mois. On m’offrait un abri quelque part, une mai
640
tte ville, au moins pour la jeunesse sans argent,
est
la ville des gérants ignobles et des concierges, des lieux-sombres-et
641
ommencerai par l’inventaire de mon domaine. Je ne
suis
pas propriétaire, c’est entendu. Je ne possède légalement que des val
642
l’on veuille « avoir » autrement. Posséder, ce n’
est
pas avoir. Ce n’est pas même avoir l’usage éventuel de quelque chose.
643
r » autrement. Posséder, ce n’est pas avoir. Ce n’
est
pas même avoir l’usage éventuel de quelque chose. Mais c’est user en
644
est donc un acte et pas du tout un droit. Et ce n’
est
pas une sécurité, ni rien qui dure au-delà du temps qu’on en jouit. C
645
jouit. Cette maisonnette, ce jardin et cette île,
seront
miens selon la puissance avec laquelle j’en saurai faire usage, pour
646
le j’en saurai faire usage, pour une fin qui leur
est
étrangère, et qui me commandera de les quitter le jour qu’ils y mettr
647
bstacle. (Pour les bourgeois, l’idée de propriété
est
liée à l’idée d’héritage. Par quelle folie pensent-ils pouvoir « héri
648
tout ignorer de la vraie possession ! Une chose n’
est
mienne que pour un temps, et si je change, elle me devient impropre.
649
e n’hérite pas même de moi ! Ou alors, l’héritage
est
cela dont on ne peut pas se délivrer à temps, et devrait être défini
650
nt on ne peut pas se délivrer à temps, et devrait
être
défini franchement comme ce qui est incommode ou impropre, et dont il
651
, et devrait être défini franchement comme ce qui
est
incommode ou impropre, et dont il faut tâcher de se délivrer coûte qu
652
ai sous la main. Voici d’abord la table que je me
suis
fabriquée : j’ai trouvé dans le chai deux tréteaux et deux planches b
653
Curiosité, comme au début d’un film. La situation
est
d’ailleurs excellente pour l’instant. Il nous reste encore de quoi vi
654
ant six semaines environ, si du moins nos calculs
sont
justes : 900 francs, un bon toit, et le temps de voir venir. Du 10
655
it, dans ces articles, de ce que les gens croient
être
actuel, ou sont censés croire actuel, dans la littérature ou les idée
656
icles, de ce que les gens croient être actuel, ou
sont
censés croire actuel, dans la littérature ou les idées. C’est cela qu
657
ire de l’île, ses coutumes, et son dialecte. L’un
est
l’œuvre d’un archiviste du continent. Il affecte une douce ironie sor
658
il faut l’avouer, à ne tenir pour vrai que ce qui
est
petit. Laissons donc de côté ce petit travail qui a dû valoir les pal
659
nce par une chronique historique dont l’essentiel
est
naturellement l’énumération des débarquements qui ont honoré l’île, d
660
cobins. Plusieurs des discours de leurs chefs ont
été
consignés par miracle : ils ne le cèdent en rien pour l’ampleur de le
661
t au moins à son instigation. Enfin, et cela nous
sera
des plus utiles, une minutieuse description de la faune et de la flor
662
ce, ou d’ironie… Pour de tels hommes, certes il n’
est
pas deux France ! Ou plutôt elles se mêlent dans un combat indivisibl
663
a place principale. Au milieu de cette place, qui
est
un vaste rectangle de terre jaune, les habitants plantèrent à la Révo
664
à la Révolution un arbre de la Liberté. Cet orme
est
devenu gigantesque, majestueux, exemplaire dans sa symétrie architect
665
e. Il domine toutes les maisons et le clocher. Il
est
seul au-dessus du pays. Je voudrais le dessiner dans le style romanti
666
d on aborde le village où l’on va vivre. Celle-ci
est
énorme et goutteuse. Elle a des douleurs dans les jambes, et m’en par
667
tion de rester ici tout l’hiver ? C’est plutôt en
été
qu’on vient chez nous, me fait-elle prudemment observer. — Je le sais
668
xpliquer la nature de mon travail. « Écrire », qu’
est
-ce que cela signifie ? Écrire pour les journaux, sans doute, mais il
669
aient en silence, le nez sur leurs sabots, que je
sois
sorti. La mère Aujard n’a pas toujours ce qu’on voudrait. En hiver el
670
ler de l’autre côté de la place, chez Mélie. Ce n’
est
pas simple d’éviter d’être vu par l’une, entrant chez l’autre. Mais c
671
place, chez Mélie. Ce n’est pas simple d’éviter d’
être
vu par l’une, entrant chez l’autre. Mais c’est prudent, on me l’a dit
672
es augmenteront bien plutôt pour le punir d’avoir
été
en face. Sans compter qu’on n’aime pas être accueilli par la réprobat
673
’avoir été en face. Sans compter qu’on n’aime pas
être
accueilli par la réprobation sournoise d’une épicière. 20 novembre
674
ec une grande enveloppe contenant un manuscrit. «
Est
-ce une lettre ? — Non. Est-ce un imprimé ? — Non. C’est tapé à la mac
675
tenant un manuscrit. « Est-ce une lettre ? — Non.
Est
-ce un imprimé ? — Non. C’est tapé à la machine. — Est-ce qu’il n’y a
676
ce un imprimé ? — Non. C’est tapé à la machine. —
Est
-ce qu’il n’y a rien d’écrit à la main ? Si, il y a des corrections éc
677
elle me tend une formule de télégramme, mais ce n’
est
pas un télégramme, c’est une notification officielle d’avoir à verser
678
l faut donc que je m’exécute, sinon c’est lui qui
sera
forcé « d’y aller de sa poche ». Me voilà courant à l’autobus pour ar
679
e cause un peu, pour me faire pardonner. Pédenaud
est
mutilé de guerre. Il boite. On lui a donné cette recette auxiliaire à
680
n comptant tout ». Sa femme fait des lessives. En
été
ils pêchent des palourdes et les vendent aux baigneurs. Bien entendu,
681
e, manger et boire, 480 francs ; (en général tout
est
plus cher qu’à Paris). Recettes : 80 francs pour quelques notes publi
682
nnelles de ne pas appeler au secours. Pourtant je
suis
bien tranquille, je ne l’ai même jamais été aussi absolument. C’est p
683
t je suis bien tranquille, je ne l’ai même jamais
été
aussi absolument. C’est peut-être à cause du bonheur de notre vie. Tr
684
en penser » en dépend. 2 décembre Questions. —
Est
-ce donc si « naturel » de vivre sur une île ? Est-ce que l’insularité
685
Est-ce donc si « naturel » de vivre sur une île ?
Est
-ce que l’insularité (géographique et morale) n’est pas une espèce de
686
st-ce que l’insularité (géographique et morale) n’
est
pas une espèce de vice ? Est-ce que ce n’est pas la racine de tout l’
687
aphique et morale) n’est pas une espèce de vice ?
Est
-ce que ce n’est pas la racine de tout l’idéalisme dont les modernes d
688
e) n’est pas une espèce de vice ? Est-ce que ce n’
est
pas la racine de tout l’idéalisme dont les modernes doivent se guérir
689
guérir, s’ils veulent enfin devenir « actuels » ?
Est
-ce que ce n’est pas aussi la racine de cet esprit d’abstraction égoïs
690
ulent enfin devenir « actuels » ? Est-ce que ce n’
est
pas aussi la racine de cet esprit d’abstraction égoïste dont nous sou
691
che jusqu’au pays voisin. Cette liberté insulaire
est
une liberté négative. Elle nous met à l’abri du monde et nous ramène
692
ène tous physiquement à nos limites. Mais l’homme
est
ainsi fait qu’il désire sans cesse se risquer au-delà de ce qu’il peu
693
s à partager avec les hommes de ce village ce qui
est
essentiel et solide dans ma vie. Le simple fait que je ne puis pas le
694
rappés : ma machine à écrire. La mère Renaud, qui
est
une vieille amie des propriétaires de notre maison, est venue plusieu
695
e vieille amie des propriétaires de notre maison,
est
venue plusieurs fois nous voir. Hier, elle m’a demandé avec toutes so
696
échange direct sur pied d’égalité. Le père Renaud
est
un ancien marin, barbu, jovial, déjà touché par le gâtisme, mais agré
697
s souvenirs, trop souvent racontés. (« Quand nous
étions
devant Tamatave, en 1886. ») Il s’occupe maintenant à fabriquer un fi
698
pés. Je m’attarde à causer dans leur cuisine, qui
est
leur habitation ordinaire. On ne peut rien désirer de plus plaisant q
699
re, sur laquelle travaille le père Renaud. Le sol
est
de terre battue recouverte d’une fine couche de sable. Sur les murs b
700
moi, m’intéresse : je sens trop bien qu’ils n’en
sont
pas curieux. De quoi donc me parlent-ils ? Du temps, et j’aime cela c
701
eau, mais nouvellement intéressant. Et quand nous
sommes
en confiance, si j’essaie d’amener l’entretien sur leurs lectures, le
702
vail. J’ai quelque peine à exprimer ceci, — qui n’
est
précisément qu’un sentiment de gêne en moi. Sentiment qu’il y a là qu
703
vons pu rester si parfaitement aveugles ? Ou bien
est
-ce ma gêne qui est absurde ? Essayer de confronter la culture et la r
704
arfaitement aveugles ? Ou bien est-ce ma gêne qui
est
absurde ? Essayer de confronter la culture et la réalité, c’est peut-
705
r d’une naïveté impardonnable ? — Pourtant, je ne
suis
pas prêt à me donner tort, c’est-à-dire à donner raison au bon sens d
706
mbre Déjeuné, après le culte, chez M. Palut. Il n’
est
pas pasteur en titre, mais seulement « évangéliste » au service d’une
707
ervice d’une œuvre missionnaire. Les évangélistes
étant
moins bien payés que les pasteurs, dont le traitement de base est de
708
ayés que les pasteurs, dont le traitement de base
est
de 10 000 francs, Mme Palut est obligée de faire, quand cela se trouv
709
raitement de base est de 10 000 francs, Mme Palut
est
obligée de faire, quand cela se trouve, des remplacements d’institutr
710
t casse beaucoup d’assiettes. Dans cette île, qui
fut
presque entièrement protestante au xvie siècle, M. Palut n’a plus au
711
zaine au culte. Les autres habitent trop loin, ou
sont
indifférents. Il me raconte les efforts qu’il a faits, pendant six an
712
dire que tout ce travail épuisant dans l’inertie
soit
resté absolument vain : il y a eu quelques conversions. Mais c’est to
713
les abandons ou les départs. (Les protestants qui
sont
souvent l’élément le plus actif de la population s’expatrient volonti
714
rient volontiers, ou vont habiter les villes.) En
été
, la petite ville se remplit de baigneurs et l’auditoire du temple est
715
se remplit de baigneurs et l’auditoire du temple
est
décuplé : cela suffit pour qu’on maintienne le poste… J’essaie de me
716
veulent pas même l’écouter, et toute sa raison d’
être
est cependant de leur parler. Il n’a rien d’autre à faire, et il ne p
717
ent pas même l’écouter, et toute sa raison d’être
est
cependant de leur parler. Il n’a rien d’autre à faire, et il ne peut
718
faire, et il ne peut pas le faire. Et de plus, il
est
seul à croire qu’il doit le faire. Il m’a décrit son existence sans a
719
petit hôtelier breton d’origine catholique, il s’
est
converti à l’âge de vingt ans et depuis lors il n’a jamais songé qu’i
720
amenait sans cesse aux mêmes préoccupations. Ce n’
était
pas cette vacance où les idées et sentiments changent de climat. Le l
721
ées et sentiments changent de climat. Le loisir n’
est
pas simplement la cessation du travail pour un repos nécessaire. Il s
722
par rapport à la sécurité matérielle qu’assurent
soit
le travail, soit la fortune, soit dans mon cas particulier, l’amitié.
723
sécurité matérielle qu’assurent soit le travail,
soit
la fortune, soit dans mon cas particulier, l’amitié. Un chômeur intel
724
lle qu’assurent soit le travail, soit la fortune,
soit
dans mon cas particulier, l’amitié. Un chômeur intellectuel peut enco
725
ation du désespoir, et c’est l’humilité. Si je ne
suis
pas important, le monde s’agrandit. Je puis encore aimer des paysages
726
grandit. Je puis encore aimer des paysages qui ne
sont
pas mon état d’âme, mais une parole à déchiffrer. L’humilité m’apport
727
es données, mais soi-même. 28 février Gens. Il
est
très impressionnant de se demander en face de ces hommes, à quelques
728
cette île et de ces vies ? 3 avril La solitude
est
une jeunesse. Elle nous apprend cette chose nouvelle que nous savions
729
lle que nous savions déjà, c’est vrai, quand nous
étions
adolescents, chose nouvelle au goût du souvenir, que trop de téléphon
730
ombes ; cette chose toujours neuve et nouvelle qu’
est
l’attente d’on ne sait quoi. Condition véritable de l’homme : il est
731
ne sait quoi. Condition véritable de l’homme : il
est
celui qui agit dans l’attente. Il attend des révélations. C’est évide
732
tions. C’est évident ! Ses actions les plus pures
sont
des appels et des incantations : leur sens est toujours au-delà. Elle
733
s sont des appels et des incantations : leur sens
est
toujours au-delà. Elles ne sont que symboles, invites angoissées ou s
734
ations : leur sens est toujours au-delà. Elles ne
sont
que symboles, invites angoissées ou séductions tentées dans l’inconnu
735
nécessairement sur fond de mort. (La jeunesse qui
est
l’âge de l’attente la plus ardente de la vie est aussi l’âge le plus
736
est l’âge de l’attente la plus ardente de la vie
est
aussi l’âge le plus familier avec la mort.) Ainsi nos gestes se prolo
737
Ainsi nos gestes se prolongent, et leur grandeur
est
dans l’attente qu’ils trahissent. Si le travail moderne est dégradant
738
’attente qu’ils trahissent. Si le travail moderne
est
dégradant, c’est qu’on a limité ses gestes à l’immédiat, et borné son
739
at, et borné son attente au salaire. Or toute vie
est
absurde et violemment inacceptable, qui ne s’ouvre pas sur l’attente
740
e que je retrouve dans une pile de notes. La page
est
restée blanche. Et toute réflexion faite, c’est bien ainsi, et très c
741
noire qui habite seule au bout du jardin. Elle y
est
pourtant depuis notre arrivée, héritée du propriétaire. Nous l’avons
742
ir pendant des mois, la croyant trop vieille pour
être
mangée, sinon pour faire encore quelques œufs. Elle paraissait inguér
743
ci ne comprendraient rien à ce que je fais, et ce
serait
assez normal : il y a l’obstacle du vocabulaire, d’une certaine techn
744
peuple », cela ne peut accrocher à rien dans cet
être
que j’ai devant moi, avec ses rides, sa barbe et sa casquette, et qui
745
tinue à me parler de la pêche, de son filet qui a
été
emporté hier, etc. Quel sens concret cela peut-il avoir de parler de
746
es rendre telles qu’elles puissent, je ne dis pas
être
comprises, mais au moins, en pensée, confrontées sans un ridicule ang
747
cule angoissant avec la réalité des choses et des
êtres
dont elles utilisent le concept… Eh bien, voilà le résultat : après u
748
des affinités ou répulsions que les faits ou les
êtres
qu’ils sont censés représenter n’ont pas dans la réalité. À la fin on
749
s ou répulsions que les faits ou les êtres qu’ils
sont
censés représenter n’ont pas dans la réalité. À la fin on obtient l’a
750
me laisse assez froid. La culture m’a repris. Je
suis
dans le faux et tout y est correct : je dis que la thèse que je défen
751
ulture m’a repris. Je suis dans le faux et tout y
est
correct : je dis que la thèse que je défends est vraie !… Il y aurait
752
est correct : je dis que la thèse que je défends
est
vraie !… Il y aurait de quoi s’arrêter de penser, si l’on pouvait. Le
753
pouvait. Le principe de toute culture véritable n’
est
-il pas cette commune mesure, sinon de raisons formulables, du moins…
754
séries de pensées et la diversité désordonnée des
êtres
et des choses, où nous vivons ? « Je pense, donc j’en suis ». Et je n
755
es choses, où nous vivons ? « Je pense, donc j’en
suis
». Et je ne suis guère, si je n’en suis pas. Et je ne pense bien, val
756
s vivons ? « Je pense, donc j’en suis ». Et je ne
suis
guère, si je n’en suis pas. Et je ne pense bien, valablement, en véri
757
donc j’en suis ». Et je ne suis guère, si je n’en
suis
pas. Et je ne pense bien, valablement, en vérité, que si je me sens e
758
ais au centre de mon domaine ; et c’est Paris qui
est
loin maintenant, peu vraisemblable ; et non plus moi. Premières roses
759
au-dessus de mon verre de vin blanc. Mai La mer
est
d’un vert bleu crayeux, très froide encore. On ne peut guère que se t
760
et sans révolte. Sensiblerie évidemment, mais qu’
est
-ce que cela veut dire ? Je parlais de « l’attente ardente » des créat
761
ce de notre royauté nécessaire et réparatrice. Il
est
probable que le tigre en train de déchiqueter une jeune gazelle ne fa
762
t pas de sentiment. Et pourtant, ma sensiblerie n’
est
hypocrite que parce qu’elle reste pratiquement insuffisante. Elle est
763
rce qu’elle reste pratiquement insuffisante. Elle
est
plus juste, et plus digne de l’homme que ces vertus de carnassiers qu
764
’allais conclure : nos rapports avec la nature ne
sont
guère plus satisfaisants que nos rapports avec les hommes. Mais atten
765
et tout obscure. 24 mai On dirait que l’homme n’
est
pas fait pour durer : la vie étale nous ennuie, c’est ce qui naît et
766
émeut. Cette nuit, avant d’aller me coucher, j’ai
été
voir au poulailler. (Nous attendions depuis deux jours l’éclosion des
767
freiner mais peser à fond sur l’accélérateur. Je
suis
allé à A. acheter des cigarettes. Et nous allions nous mettre à table
768
r le canard des grandes occasions, quand la chose
est
arrivée. Apportée par la factrice. Une grosse enveloppe cachetée, ven
769
n’aurais jamais eu l’idée de solliciter. Et qui m’
est
octroyé pour un petit livre paru sans bruit il y a plus de dix-huit m
770
ns bruit il y a plus de dix-huit mois. Les hommes
sont
bons, du moins certains d’entre eux. Sur le moment, ce qui m’a le plu
771
moment, ce qui m’a le plus frappé c’est que je m’
étais
fâché hier soir, et que la Providence, évidemment, se payait ma tête.
772
j’ai calculé que cela nous permettait de passer l’
été
ici sans inquiétude. Ou encore, de le passer ailleurs, sans ennui. Ce
773
lleurs, sans ennui. Cela probablement parce que j’
étais
à bout de ressources, ne bougeais plus ni pied ni patte et n’écrivais
774
nce, ou plutôt du retrait. (Il ne faut pas que ce
soit
une feinte, bien entendu, cela ferait tout rater ; il faut un véritab
775
ecine des homéopathes. 16 juin La banque d’A. n’
est
ouverte qu’un jour par semaine. Ce n’est qu’aujourd’hui que j’ai pu a
776
e d’A. n’est ouverte qu’un jour par semaine. Ce n’
est
qu’aujourd’hui que j’ai pu aller y négocier mon chèque. J’arrive deva
777
gocier mon chèque. J’arrive devant la porte où il
est
écrit : Caisse. Je frappe et entre. Un homme penché vers le guichet p
778
uit de voix dans la salle de la caisse. Le client
est
-il sorti ? Quel peut être le motif de cette audience privée ? Enfin j
779
de la caisse. Le client est-il sorti ? Quel peut
être
le motif de cette audience privée ? Enfin j’entends qu’on sort, et le
780
ou quand ils touchent de l’argent ! C’est qu’ils
sont
très spéciaux les gens d’ici ! Moi je n’y viens qu’une fois par semai
781
ils n’auraient pas idée de ça, au contraire, ils
sont
tout fiers de venir à la banque. Ici, on a dû faire cette salle d’att
782
’en puis juger d’après les propos du gérant, ce n’
est
pas seulement la crainte, après tout légitime, qu’on sache combien il
783
illette ce journal : voici des semaines qu’il n’y
est
à peu près plus question des « gens ». En somme, je ne m’intéresse pl
784
reilles. Grande différence entre eux et moi : ils
sont
adaptés à leur conduite et à leur milieu, comme les animaux. Ils ne s
785
tier d’en poser… Il vaut mieux partir quand on en
est
là. Quand on en est à ne plus voir le prochain, la situation n’est pl
786
vaut mieux partir quand on en est là. Quand on en
est
à ne plus voir le prochain, la situation n’est plus humaine, elle ne
787
en est à ne plus voir le prochain, la situation n’
est
plus humaine, elle ne pose plus de questions utiles. 2 juillet La s
788
de questions utiles. 2 juillet La sécheresse a
été
la plus forte : malgré nos arrosages, les salades et les choux sont b
789
: malgré nos arrosages, les salades et les choux
sont
brûlés, la terre se craquèle, ou devient poussiéreuse. Il n’y a plus
790
nt dans un tiroir. Cela signifie que j’ai cessé d’
être
chômeur. Le départ est fixé au 10. Il va falloir vendre la poule noir
791
signifie que j’ai cessé d’être chômeur. Le départ
est
fixé au 10. Il va falloir vendre la poule noire et les poulets encore
792
oule noire et les poulets encore trop jeunes pour
être
mangés. Régler vingt petites choses de cette espèce. Petites choses p
793
our la première fois mesquines… 10 juillet Tout
est
bouclé, ficelé, cloué. Il me reste à peu près deux heures, avant le d
794
ignent. J’ai pensé plus d’une fois qu’il pourrait
être
utile de décrire ma petite expérience d’intellectuel en chômage ; qu’
795
rience d’intellectuel en chômage ; qu’il pourrait
être
utile de montrer qu’on peut sortir des villes où se font les « carriè
796
tant de gens invoquent avec un accent triste. Je
suis
devenu tout doucement amoureux de ma vie, et je crois bien que c’est
797
ui dirait au coin d’un bois. Je crois que le réel
est
à portée de la main, et n’est que là. Alors il s’agit seulement d’ass
798
e crois que le réel est à portée de la main, et n’
est
que là. Alors il s’agit seulement d’assurer la prise de cette main. C
799
’un Noël à l’autre sur la province du Warmland, s’
étant
juré de ne rien accomplir d’utile ni de raisonnable. Voici l’histoire
800
que l’on croit intégralement parce qu’elles nous
sont
données pour ce qu’elles sont, des fables. Nos romanciers, terrorisés
801
parce qu’elles nous sont données pour ce qu’elles
sont
, des fables. Nos romanciers, terrorisés par une sadique « défense d’i
802
Pour faire vrai, ils imitent la vie. Mais la vie
est
toujours ailleurs, en train de s’inventer différente. Elle n’aime que
803
au moins par chapitre48, et à chaque fois le coup
est
bon. Vous partez en pleine convention romantique, populaire carte pos
804
des forêts, dans les exploits des Cavaliers. Ce n’
est
pas du réalisme socialiste, c’est la réalité sociale plus toutes les
805
’oudarnikis plus ou moins décorés. Selma Lagerlöf
est
la seule femme de la littérature européenne dont le génie ait eu la f
806
iracle : « Il y a mille ans que le peuple suédois
est
son propre maître. Tous les Suédois, hommes et femmes, jouissent des
807
dans une aventure — la vie — « où elle ne peut qu’
être
outragée » (car la vie est irrationnelle). D’autres clercs, conséquen
808
« où elle ne peut qu’être outragée » (car la vie
est
irrationnelle). D’autres clercs, conséquents, ne manqueront pas d’en
809
opos du premier dilemme — ou sophisme — « qu’il n’
est
point fâcheux d’offenser les hommes, quand on ne le peut éviter qu’en
810
fensant Dieu ». Et au sujet du second : « qu’il n’
est
pas avantageux de contenter les hommes en offensant Dieu ». J’en conc
811
es hommes en offensant Dieu ». J’en conclus qu’il
est
bon d’engager la raison dans la vie : non point pour qu’elle y reçoiv
812
e l’on révère, de la vérité ou de la sécurité. Ce
serait
une raison bien débile, qui n’oserait s’exercer que sur du rationnel
813
fait. S’il y a quelque part du rationnel (que ce
soit
dans le monde ou dans l’esprit) c’est que la raison s’est bel et bien
814
le monde ou dans l’esprit) c’est que la raison s’
est
bel et bien risquée et se risque encore dans le chaos, et qu’elle a s
815
plus onéreux : celui de laisser perdre le peu qui
fut
gagné par d’autres, et dont on vit. ah. Rougemont Denis de, « Au d
816
teresse de Noirmoutier, puis à l’île d’Yeu. Il ne
sera
libéré qu’après cinq ans de captivité, durant lesquels il subira les
817
Et vous ferez quelque chose contre la guerre, ne
fût
-ce que de la connaître mieux. Peut-être même prendrez-vous conscience
818
chacun de nous, et dont l’internement de guerre n’
est
qu’une conséquence entre mille, d’une virulence particulière, mais au
819
olise, illustre et concrétise une condition qui n’
est
pas seulement celle du prisonnier proprement dit, mais, peu ou prou,
820
urent sans réponse. Le courrier qu’on lui adresse
est
retenu par les intendants, les paquets vidés. Le régime disciplinaire
821
dants, les paquets vidés. Le régime disciplinaire
est
aggravé de temps à autre, on ne sait pourquoi, « par représailles ».
822
hose qui se passe très loin, partout, et qui doit
être
réel puisqu’on en souffre, mais dont on ne sait rien de précis, ni l’
823
u Procès une signification théologique. Mais ce n’
est
pas la seule possible. Il y a aussi dans ce livre une parabole de l’h
824
dit : Grouchy ! — C’était Grouchy. » Et Waterloo
fut
une victoire. Mais Napoléon abdiqua et termina ses jours à Sainte-Hél
825
abdiqua et termina ses jours à Sainte-Hélène. Tel
est
le sujet. En somme, mettant un signe plus là où l’Histoire met un sig
826
ment que peut provoquer ce livre, dit la préface,
est
que pour transformer une défaite en victoire et une abdication forcée
827
léon a découvert la vie concrète d’un pays et des
êtres
dont c’est la patrie. Il a conçu les premiers doutes humains sur la r
828
pouvoir, préfiguration des fascismes. (Lui aussi
fut
trois fois plébiscité !) Devant les Chambres, il s’écriera : « Prenez
829
Nous avons fait un empire géant pour n’avoir pas
été
capables de fédérer nos communes. » Voilà l’épigraphe de l’ouvrage, q
830
apporte un rêve où il disait à Napoléon : « Je ne
suis
jamais plus intelligent qu’au lit, quand je rêve de vous, car alors j
831
Une révolution refoulée (juillet 1938)al
Est
-il possible d’indiquer une raison simple de l’échec du Front populair
832
le a consisté à empêcher la révolution. Juin 1936
était
un espoir que les accords Matignon trompèrent. C’est tout ce que l’Hi
833
il ne peut et ne sait faire, seule une révolution
est
capable de faire aboutir des réformes. Mais personne ne la prépare. M
834
’autres vertus. S’il se fait une révolution, elle
sera
donc improvisée, donc sanglante, donc destinée à se figer dans le ric
835
clament des caporaux. Ainsi l’Autriche fascinée s’
est
jetée dans la gueule du dragon, après avoir trompé et désarmé la rési
836
e la révolution de 36. D’où le « complexe » qui s’
est
noué. Complexe fasciste, avoué sous le nom d’antifascisme, c’est norm
837
ormal. On n’arrête pas une révolution lorsqu’elle
est
nécessaire, et c’est le cas. Mais il arrive qu’on la dénature en la r
838
rroll (août 1938)am Si l’on songe que le conte
est
par essence un récit cocasse et en quelque manière libérateur, on con
839
ur, on conçoit que les meilleurs sujets de contes
sont
les plus abstraitement logiques. La logique enfantine est bien plus p
840
plus abstraitement logiques. La logique enfantine
est
bien plus proche du raisonnement mathématique que de la raison averti
841
— « plus grand que » et « plus petit que » —, qui
est
aussi le fondement de toute mathématique. Ces remarques peuvent nous
842
ension nouvelle des contes de Lewis Carroll — qui
était
un mathématicien —, et d’Alice en particulier. On dit à l’enfant : ma
843
d’Alice en particulier. On dit à l’enfant : mange
ta
soupe et tu deviendras grand. Donc il peut exister des aliments qui p
844
articulier. On dit à l’enfant : mange ta soupe et
tu
deviendras grand. Donc il peut exister des aliments qui produiraient
845
effets. Qu’en résultera-t-il ? Le rêve logique qu’
est
le conte de Carroll nous apparaît alors comme une série de variations
846
mal », ces règles paraissent absurdes quand Alice
est
plus grande, et vexatoires quand elle est plus petite. Dans les deux
847
d Alice est plus grande, et vexatoires quand elle
est
plus petite. Dans les deux cas, elles lui deviennent problématiques.
848
sement acharnées à lui opposer une logique qui, n’
étant
plus le fait des grandes personnes — « ce qui va de soi » — apparaît
849
sur le temps, au cours du « Thé loufoque » où il
est
toujours cinq heures, annonce une psychologie post-einsteinienne, et
850
a gagné, quand une des règles principales du jeu
est
omise ou inobservée. (Ainsi la partie de croquet, la discussion avec
851
ui refuse de décapiter un chat dont la tête seule
est
visible, etc.). Et pourtant, ce n’est que d’un jeu qu’il s’agit. Alic
852
tête seule est visible, etc.). Et pourtant, ce n’
est
que d’un jeu qu’il s’agit. Alice en garde la conscience secrète — com
853
s ont une double détente par calembour. Tout cela
est
assez bien symbolisé par la déclaration de la Tortue à Tête de Veau,
854
qui croit que les quatre opérations arithmétiques
sont
l’Ambition, la Distraction, la Laidification et la Dérision. Mais ici
855
là par des préciosités indéfendables. Les dessins
sont
d’une meilleure plume. am. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Le
856
bitrage international. Au nom du premier principe
fut
créé l’État tchèque, au nom du second, la SDN. Mais le jacobinisme de
857
honnête des deux principes. D’une part la SDN ne
fut
pas une fédération, aucun des États constituants n’ayant renoncé à au
858
itlériennes ? — Les dictateurs du Centre européen
furent
les premiers à s’apercevoir du paradoxe politique que nous venons de
859
nexion au nom de « l’unité nationale ». 3. Quelle
fut
la réponse des démocraties ? — Il était fatal, dans ces conditions, q
860
. 3. Quelle fut la réponse des démocraties ? — Il
était
fatal, dans ces conditions, que les démocraties se laissassent convai
861
e conflit s’aggrava-t-il subitement ? — Le litige
était
réglé en principe. Mais alors (entrevue de Godesberg), Hitler démasqu
862
n’eût pas compté à ses yeux. La religion dont il
était
le fondateur voulait le sacrifice sanglant (ou son symbole), le viol
863
e de la proie désirée (guerre limitée). 5. Quelle
fut
la réaction de l’Europe ? — L’opinion démocratique apparut désorienté
864
autres pensaient que l’exigence d’entrer en armes
était
une « querelle d’Allemands », une rodomontade gratuite, puisqu’en pri
865
une rodomontade gratuite, puisqu’en principe tout
était
résolu. Seul, le Premier ministre anglais sut voir et dire qu’il y av
866
déral de l’Europe. Hitler comprit que son heure n’
était
pas encore venue. Il se vit contraint d’accepter la réunion à Munich
867
ette victoire symbolique du principe fédératif ne
fut
pas exploitée par les nations qui l’avaient remportée comme malgré el
868
érielles subies. Le bénéfice moral, incalculable,
fut
perdu. 7. Conclusion. — La voie était dès lors ouverte aux ambitions
869
incalculable, fut perdu. 7. Conclusion. — La voie
était
dès lors ouverte aux ambitions totalitaires, les dictateurs ne trouva
870
déclarée), pour surprenants et monstrueux qu’ils
soient
apparus en leur temps, trouvent leur explication la moins douteuse.
871
fantastiques » et de sa « méthode arriérée », qui
est
celle de l’autorité (p. 72). La « vraie foi », vous la trouverez donc
872
ale. Ainsi le catholicisme, interprété par Alain,
serait
une sagesse éternelle qu’il s’agirait de remettre à jour, c’est-à-dir
873
evant le regard positif, toute religion finit par
être
vraie », et même « l’obligation de croire ne digère pas beaucoup du d
874
t je ne trouve pas trace dans les évangiles, s’il
est
vrai qu’il encombre une bonne part de la théologie, surtout catholiqu
875
moins l’indiquer. Un chrétien sait que sa foi n’
est
nullement le contraire du doute intellectuel, mais le contraire du pé
876
ntellectuel, mais le contraire du péché, lequel n’
est
nullement une erreur morale, mais un état de révolte active de la cré
877
forme et laïcise le contenu. « La vraie religion
est
le culte des morts », dit-il après Auguste Comte. Je le pense aussi.
878
oyez le racisme.) Mais pour le chrétien, « la foi
est
la substance des choses espérées ». Ce qu’un esprit comme celui d’Ala
879
exemple, rejette au nom de sa foi : tout ce qui n’
est
que sociologie. (Je ne dis pas que ce soit négligeable.) Pour situer
880
e qui n’est que sociologie. (Je ne dis pas que ce
soit
négligeable.) Pour situer la sagesse d’Alain, qu’on songe à la folie
881
e « vrai croyant » qui ne vive « selon la peur ».
Serait
-ce qu’il n’a jamais rencontré que des hommes « religieux », non des c
882
s réponses. 51. On me dira que mon point de vue
est
partiel, dogmatique, confessionnel, etc. Bien sûr. Je le donne pour t
883
soie, dressé sur ses ergots de grand ténor, l’on
est
tenté de ne voir en lui que le feu naturel du désir, — une espèce d’a
884
andeur, dans le dernier acte de Mozart. Non, ce n’
est
pas l’animal, mais l’homme ; et non d’avant, mais d’après la morale.
885
s son rang. Son naturel, c’est le mépris ; rien n’
est
plus loin de la nature. Voyez comme il se sert des femmes : incapable
886
seule cette inconstance forcenée ? Alors Don Juan
serait
l’homme de la première rencontre, de la plus excitante victoire ? « L
887
e, de la plus excitante victoire ? « La nouveauté
est
le tyran de notre âme », écrit le vieux Casanova. Mais déjà ce n’est
888
re âme », écrit le vieux Casanova. Mais déjà ce n’
est
plus l’homme du plaisir qui parle ainsi. La volupté du vrai sensuel c
889
Ils ne l’ont pas manqué. Pour eux aussi, Don Juan
serait
le contraire de ce que l’on croit, il souffrirait d’une anxiété secrè
890
iété secrète déjà voisine de l’impuissance. Et il
est
vrai que celui qui cède à cet attrait superficiel que presque toutes
891
e plus loin, à des critères spirituels ? Don Juan
serait
par exemple le type de l’homme qui n’atteint pas au plan de la person
892
rrait se manifester ce qu’il y a d’unique dans un
être
. Pourquoi ne peut-il désirer que la nouveauté dans la femme ? Et pour
893
on du nouveau, du nouveau à tout prix, quel qu’il
soit
? Celui qui cherche, c’est qu’il n’a pas ; mais peut-être aussi qu’il
894
’est qu’il n’a pas ; mais peut-être aussi qu’il n’
est
pas ? Celui qui a, vit de sa possession et ne l’abandonne pas pour l’
895
ain, — entendez : s’il possède vraiment. Don Juan
serait
l’homme qui ne peut pas aimer, parce qu’aimer c’est d’abord choisir,
896
’est d’abord choisir, et pour choisir il faudrait
être
, et il n’est pas. Mais le contraire n’est pas moins vraisemblable : D
897
hoisir, et pour choisir il faudrait être, et il n’
est
pas. Mais le contraire n’est pas moins vraisemblable : Don Juan cherc
898
udrait être, et il n’est pas. Mais le contraire n’
est
pas moins vraisemblable : Don Juan cherchant partout son idéal, son «
899
n l’image de Tristan. Mais il ne trouvera pas. Il
est
Don Juan parce qu’on sait qu’il ne peut trouver, soit impuissance à s
900
Don Juan parce qu’on sait qu’il ne peut trouver,
soit
impuissance à se fixer, soit impuissance à se déprendre d’une image à
901
’il ne peut trouver, soit impuissance à se fixer,
soit
impuissance à se déprendre d’une image à lui-même secrète. Et de là v
902
, son rythme dionysiaque. ⁂ Or si le don juanisme
est
une passion de l’esprit et non pas comme nous aimions le croire, une
903
stinct, tout porte à supposer que cette passion n’
est
pas toujours liée au sexe. Et même il faut se demander si la sensuali
904
aut se demander si la sensualité, précisément, ne
serait
pas le domaine où Don Juan se révèle le moins dangereux. (Appelons ic
905
es mœurs ont pour but de maintenir, cet équilibre
étant
d’ailleurs bon ou mauvais.) C’est que le désir de nouveauté et de cha
906
ffrir d’une dépense improductive. Certes Don Juan
est
un tricheur, et même il ne vit que de cela. (La banque de pharaon éta
907
même il ne vit que de cela. (La banque de pharaon
était
la source unique des revenus de Casanova : symbole dont il nous donne
908
aintes fois la clé.) Mais une tricherie constante
est
moins dangereuse que les faiblesses subites d’un honnête homme. On es
909
que les faiblesses subites d’un honnête homme. On
est
en garde, et l’on connaît le système, entièrement relatif aux règles
910
espèces sonnantes. Alors « la tricherie » cesse d’
être
une habileté vulgaire et profitable. Elle peut devenir l’acte héroïqu
911
e neuf par le décret de sa rigueur. ⁂ Nietzsche s’
est
dressé face au siècle. Et l’adversaire qu’il s’est choisi, c’est l’es
912
st dressé face au siècle. Et l’adversaire qu’il s’
est
choisi, c’est l’esprit de lourdeur, notre poids naturel, notre facult
913
lle de retombement dans la coutume. L’immoraliste
est
comme le moraliste un ennemi vigilant de l’instinct : car s’il le glo
914
t tuer pour une vertu dont on ne sait plus quelle
est
la fin ? Et toutes ces vérités qu’ils respectaient, voyez comme elles
915
rendre à Dieu et à son Fils. Déjà « le Dieu moral
est
réfuté ». Que va dire l’Autre ? C’est, dans la vie du Don Juan des vé
916
core l’aube de la terre. Personne n’a parlé. Dieu
est
mort ! De chaque idée, de chaque croyance, de chaque valeur, Nietzsch
917
e possession. Pourquoi s’attarderait-il ? Elles n’
étaient
excitantes pour l’esprit que par la fausse vertu qu’on leur prêtait.
918
abuser de ses victimes. Mille et trois vérités se
sont
rendues, et pas une seule n’a su le retenir. Qu’importent les « contr
919
tenir. Qu’importent les « contradictions » ! Ce n’
est
pas pour bâtir un système qu’il réfute, dénonce et détruit, c’est pou
920
horisme — fulgurations toujours décevantes : ce n’
est
pas elle qu’il vient de posséder… Ô haine de leurs vérités faibles !
921
der… Ô haine de leurs vérités faibles ! La Vérité
est
morte ! Revivra-t-elle ? Car si ce Dieu est mort à tout jamais, il n
922
rité est morte ! Revivra-t-elle ? Car si ce Dieu
est
mort à tout jamais, il n’y a plus d’amour possible. Il faut inventer
923
sur le temps… Mais dans le temps, disait-il, Dieu
est
mort. Si Dieu est mort, c’est donc qu’il a vécu ? Dieu revivra éterne
924
dans le temps, disait-il, Dieu est mort. Si Dieu
est
mort, c’est donc qu’il a vécu ? Dieu revivra éternellement ! Ainsi Ni
925
amour. S’il gagne, c’est en violant la vérité des
êtres
. Nietzsche pose des valeurs qui détruisent les règles anciennes, mais
926
pourrons jamais que perdre. Alors : ou bien nous
serons
condamnés, ou bien nous recevrons notre grâce. Mais Nietzsche et Don
927
nu, me dit-elle, un homme marié avec lequel ayant
été
coquette en vain, il me dit en me quittant : “Je vous ajoute à ma lis
928
il n’avait pas eues, par fidélité à la sienne. Où
est
la tricherie ? Dans ce défi installée au cœur de la règle ? ap. Ro
929
ysement blasonnant des Visions hermétiques : tels
sont
les animaux étranges, bariolés et quasi monstrueux que nous ramène du
930
e ceux que nous pensions connaître. Ils n’ont pas
été
restaurés par les auteurs de manuels, ni patinés par nos lectures. Le
931
l’ère classique a voulu faire le sacrifice. Ce n’
est
pas rien ! Cela donne à Phèdre un air de luxe fou : pour fondre ce bi
932
ignifications magiques. Ensuite, au xviiie , il n’
est
resté que la nudité du décor. La discipline est devenue lésinerie. Co
933
n’est resté que la nudité du décor. La discipline
est
devenue lésinerie. Comment louer assez les mérites de l’auteur, sa pa
934
ui sous des amas d’abstruse érudition. Il fallait
être
Schmidt pour découvrir dans ce grenier de notre poésie tant de possib
935
erbe et, finalement, de s’en rendre maîtres. Tous
sont
soutenus par une double croyance dans le pouvoir magique du langage,
936
et de Herder. La création entière, disait Hamann,
est
« un discours adressé à la créature au moyen de la créature : car un
937
e dans celui de tel surréaliste. Mais notre monde
est
-il encore formulable en noms et en rythmes ? La science moderne ne te
938
du Journal d’André Gide (janvier 1940)ar Il ne
serait
guère honnête, et moins encore adroit, de ne point avouer l’incertitu
939
res par excessive défiance d’une symétrie où l’on
serait
tenté de s’arrêter…) Faute d’un « jugement » que ces treize cents pag
940
qui séduit, ce qui fascine dans ce Journal, ce n’
est
rien qui puisse être défini séparément — style, sujets abordés, rythm
941
fascine dans ce Journal, ce n’est rien qui puisse
être
défini séparément — style, sujets abordés, rythme, idées ou lyrisme —
942
e puis évoquer que l’exemple de Goethe, dont ce n’
est
pas telle œuvre ou telle action que j’aime, mais bien le paysage vita
943
que l’on prend à lire le Journal d’André Gide. Il
est
probable que, du seul point de vue de l’art, cet intérêt demeure impu
944
concertées avouaient peut-être beaucoup mieux. Il
est
probable aussi que le journal est un genre littéraire inférieur, pour
945
ucoup mieux. Il est probable aussi que le journal
est
un genre littéraire inférieur, pour cette raison qu’il est toujours t
946
nre littéraire inférieur, pour cette raison qu’il
est
toujours trop facilement intéressant. Je ne le conçois, comme œuvre d
947
us des titres particuliers (Feuillets, Numquid et
tu
, La Marche turque, etc.), malgré la perfection constante de l’écritur
948
ait éviter Gide, plus jalousement qu’aucun autre.
Est
-ce vraiment pour le diminuer qu’il anticipe sur ce risque ? Ou pour d
949
l leur rend par avance toutes ses armes ? Mais ce
serait
un mauvais calcul. Aux yeux d’un lecteur prévenu, tant de naturel pou
950
une pose raffinée. J’imaginerais plutôt que Gide
est
fasciné par l’obstacle qu’il veut éviter. Son horreur du malentendu l
951
tylisations des morales et jugements tout faits n’
est
plus seulement émouvant : il revêt la valeur d’une expérience crucial
952
et du journal intime en particulier. La passion d’
être
complètement vrai finit par altérer le naturel ; mais par son excès m
953
, Stendhal). D’autres fois, l’œuvre et le journal
sont
simplement des manières différentes de poursuivre une même confidence
954
ne même confidence. On ne sait plus si le journal
est
en marge de l’œuvre, ou si l’œuvre n’est qu’un moment privilégié de c
955
journal est en marge de l’œuvre, ou si l’œuvre n’
est
qu’un moment privilégié de ce journal. Alors le vrai portrait de l’au
956
ce journal. Alors le vrai portrait de l’auteur n’
est
plus dans l’œuvre ni dans le journal, mais dans leur mutuelle réfract
957
r mutuelle réfraction. Et par exemple, les choses
tues
dans ce recueil — Gide a marqué qu’une grave lacune mutile l’image qu
958
nous y livre de lui-même53 —, il se peut qu’elles
soient
dites dans Les Cahiers d’André Walter, et surtout dans La Porte étroi
959
journal. « Les choses les plus importantes à dire
sont
celles que souvent je n’ai pas cru devoir dire — parce qu’elles me pa
960
n se veuille en relatant ses journées, comment ne
serait
-on pas tenté de dire surtout ce qui a frappé, ce qui est bizarre, ce
961
pas tenté de dire surtout ce qui a frappé, ce qui
est
bizarre, ce qui fait exception justement. Et comment ne céderait-on p
962
rosse » que nature. Gide lui-même, à ce jeu, ne s’
est
pas épargné : « Je ne suis qu’un petit garçon qui s’amuse — doublé d’
963
ui-même, à ce jeu, ne s’est pas épargné : « Je ne
suis
qu’un petit garçon qui s’amuse — doublé d’un pasteur protestant qui l
964
it ? Cercle vicieux de la sincérité. Ou bien l’on
est
banal pour rétablir les quotidiennes proportions — ou bien l’on ne co
965
tel acte exceptionnel… ⁂ Les journaux d’écrivains
sont
vrais, mais d’une vérité indirecte, et parfois même négative. C’est m
966
désir de compenser ou de parfaire ce qui n’a pas
été
vécu, ou mal vécu. (« J’avais besoin de lui pour me ressaisir ».) La
967
s manqués… Il s’agirait de savoir si la vraie vie
est
dans ce qu’on fait, ou dans ce qu’on pense de ses actions. (Voir là-d
968
ubliant ce qui va de soi : l’autoportrait de Gide
est
aussi ressemblant. On l’y retrouve aussi au naturel, avec toutes ses
969
comme Goethe encore se voulait peintre (mais Gide
est
, je crois, plus doué). On l’y découvre enfin, et cela me paraît nouve
970
usqu’à quel point l’« antichristianisme » de Gide
est
chrétien dans ses déterminations ? Je crois qu’on s’est trop laissé p
971
rétien dans ses déterminations ? Je crois qu’on s’
est
trop laissé prendre à sa perpétuelle polémique contre les convertis-c
972
que pour lui, le problème proprement religieux s’
est
posé, et se pose encore, dans des termes qui échappent, presque néces
973
sairement, à la sollicitude des catholiques. Gide
fut
élevé dans un milieu où la religion paraissait se réduire à ces deux
974
qui inspire et qualifie nos actions quotidiennes,
fussent
-elles non conformistes. Mais toute morale a bientôt fait de se muer à
975
») Ceci explique que le souci central de Gide ait
été
de débarrasser son christianisme de toutes les adjonctions « humaines
976
ion, ou de la conversion trop « facile ». « Je ne
suis
ni protestant ni catholique, je suis chrétien tout simplement. » Posi
977
e ». « Je ne suis ni protestant ni catholique, je
suis
chrétien tout simplement. » Position caractéristique du protestantism
978
Ce qui me retient [d’entrer dans l’église], ce n’
est
pas la libre pensée, c’est l’Évangile. » Mais n’y a-t-il pas, à l’ori
979
atholique), un attachement à sa vérité propre qui
est
moins évangélique qu’individualiste, ou même rationaliste ? Certes, j
980
Kierkegaard. Gide répugne à paraître plus qu’il n’
est
, à affirmer plus qu’il ne croit. Il se décrit « forcé de s’asseoir au
981
iment… » Kierkegaard, lui aussi, répétait : je ne
suis
pas chrétien. Mais c’était par désir de sauver une conception pure de
982
oint d’autorité, et si j’en reconnaissais une, ce
serait
celle de l’Église » (donc de Rome). Allons donc ! Pour un protestant,
983
me). Allons donc ! Pour un protestant, ce dilemme
est
aussi choquant que le serait pour un Anglais ou un Scandinave le dile
984
protestant, ce dilemme est aussi choquant que le
serait
pour un Anglais ou un Scandinave le dilemme entre l’anarchie et l’éta
985
me totalitaire. Assimiler l’autorité au romanisme
est
d’ailleurs une erreur des plus courantes, en France surtout, et même
986
la sienne ma génération littéraire. Notre culture
est
beaucoup plus philosophique — je simplifie — que littéraire. Non poin
987
araît que la leçon de Gide, pour ceux de mon âge,
est
moins urgente dans l’ordre de l’éthique, que dans celui de l’esthétiq
988
oint les positions auxquelles on tient, et qui ne
sont
pas exactement les siennes… ar. Rougemont Denis de, « [Compte rendu
989
ckhardt et de Nietzsche… Mais le centre vaudois s’
est
distingué par sa méfiance à l’égard des « idées ». Son particularisme
990
e en forme et en physionomie lisible. Enfin, l’on
est
au-delà de la psychologie. « N’allez pas chercher derrière la forme,
991
s chercher derrière la forme, disait Goethe, elle
est
elle-même enseignement. » as. Rougemont Denis de, « [Compte rendu]
992
39 où dans le hall de la rue Sébastien-Bottin, j’
étais
en train de téléphoner quand je le vois descendre l’escalier. Je parl
993
ous arrivons chez lui, ma femme et moi. Le studio
est
vaste et plaisant, agrémenté d’un escalier conduisant à une large gal
994
e balance en regardant nos valises. « Tout cela s’
est
arrangé si soudainement, dit-il, c’est inquiétant. Cela me ferait pre
995
ougemont, quand on saura que vous habitez ici, qu’
est
-ce qu’on va dire ?… » Et il répète, à travers ses dents serrées : « Q
996
Et il répète, à travers ses dents serrées : « Qu’
est
-ce qu’on va dire ?… » avec un sourire inquisiteur. Je me garde de rép
997
a « critique dogmatique » des grandes époques, ne
sont
plus que mensonges à ses yeux dès que l’on passe à l’ordre spirituel.
998
ation s’engage sur L’Amour et l’Occident , qu’il
est
en train de lire, et dont il me déclare, à ma profonde surprise, qu’i
999
plaisir. Il croyait que « l’amour hétérosexuel »
était
d’autant plus pur que rien de charnel ne s’y mêlait. « C’est ainsi qu
1000
de charnel ne s’y mêlait. « C’est ainsi que je me
suis
complètement blousé », répète-t-il en accentuant, circonflexant le de
1001
». Il hoche la tête, trouve cela très curieux, n’
est
-ce pas ? — un éclair de malice au coin de l’œil. Puis il a quelques p
1002
ir. On se trompe ainsi, et les conséquences. J’ai
été
assez bête pour croire cela ! Il ne faut jamais croire ce qu’elles no
1003
un rôle très grave dans ma vie. » (Frappé par le
ton
de confession, par le ton « c’était mal » de ses propos.) Et, subitem
1004
a vie. » (Frappé par le ton de confession, par le
ton
« c’était mal » de ses propos.) Et, subitement, après un silence : «
1005
t ce qui concerne intimement sa femme — « le seul
être
, dit-il, que j’ai vraiment aimé » — tous ces passages ont été coupés.
1006
que j’ai vraiment aimé » — tous ces passages ont
été
coupés. On les lira plus tard. Il les a recopiés dans deux cahiers gr
1007
plus souvenir d’aucune conversation qui mérite d’
être
rapportée, j’entends : qui modifie le moins du monde l’image que l’on
1008
hasard.) J’avais écrit, dernière question : « Qu’
est
-ce que le style ? » Catherine, sa fille, lut sa dernière réponse : «
1009
ors que le christianisme, l’Église et l’Évangile,
furent
ses constants sujets d’irritation, de nostalgie ou de perplexité ? Le
1010
on, de nostalgie ou de perplexité ? Le paradoxe n’
est
qu’apparent. Qu’on n’oublie pas sa formation chrétienne ; ses lecture
1011
igion à la morale ? Je pense plutôt que la morale
était
le lieu de son vrai drame, et qu’il ne pouvait approcher la religion
1012
n credo. J’en donne la preuve : avoir la foi sans
être
saint lui paraissait la tricherie même, tandis qu’il eût admis la sai
1013
hrétien ni hindou, sans mystique, ni mystère ? Ne
serait
-il pas un homme tout à fait plat, réduit à quelques partis pris éthiq
1014
ntre l’éthique et la mystique, mais qui souvent n’
est
qu’un concept bâtard, engendré par le romantisme. Gide recherchait pl
1015
n élan pour caramboler des symboles, où Valéry se
fût
poliment récusé, Gide objectait, déduisait, s’émouvait… Peu d’écrivai
1016
l croyait à l’homme individuel, et cette croyance
est
née de la synthèse du christianisme. Elle n’existe pas hors de lui, e
1017
hristianisme. Elle n’existe pas hors de lui, et n’
est
pas explicable sans lui. (Je ne dis pas qu’elle soit chrétienne pour
1018
t pas explicable sans lui. (Je ne dis pas qu’elle
soit
chrétienne pour autant.) Gide était individualiste. Savons-nous encor
1019
is pas qu’elle soit chrétienne pour autant.) Gide
était
individualiste. Savons-nous encore mesurer le sens et la portée de ce
1020
er mais de légitimer sa différence, on ne pouvait
être
plus occidental. On ne pouvait être moins mystique au sens des religi
1021
on ne pouvait être plus occidental. On ne pouvait
être
moins mystique au sens des religions traditionnelles, au sens du myth
1022
onnel n’ont rien à voir avec la bienséance, et ne
sont
pas de l’ordre des mérites. Et c’est pourquoi il est écrit : « Ne jug
1023
pas de l’ordre des mérites. Et c’est pourquoi il
est
écrit : « Ne jugez pas ! » J’avoue que je comprends mal, ou plutôt qu
1024
ongées après sa mort, dans notre siècle. Elles ne
sont
ni chrétiennes ni simplement honnêtes. « Le Seigneur seul connaît les
1025
eul connaît les siens », dit l’Écriture : si l’on
est
chrétien, qu’on croie cela, laissant aux incroyants le droit de mieux
1026
nt aux incroyants le droit de mieux savoir. Et qu’
est
-ce que cela peut bien nous faire ? Sinon nous servir d’argument et no
1027
n de plus vient renforcer notre parti, et qu’il n’
est
pas le premier venu. C’est usurper la place du Juge, ou mêler vanités
1028
lque chose, c’est justement le totalitarisme, qui
est
l’esprit de parti logiquement développé. Et d’abord dans la religion.
1029
bord dans la religion. Le vrai croyant demain, ne
sera-t
-il pas celui qui osera dire : « Je ne crois pas ! » quand l’État cont
1030
mme invoquera les Nécessités de l’Histoire ? Il n’
est
pas de vraie foi sans vrai doute, plus qu’il n’est de lumière sans om
1031
st pas de vraie foi sans vrai doute, plus qu’il n’
est
de lumière sans ombre. Et je n’entends pas dire que Gide fut un croya
1032
ère sans ombre. Et je n’entends pas dire que Gide
fut
un croyant, mais il reste un douteur exemplaire. at. Rougemont Den
1033
ations ont trouvé mieux peut-être, mais pas cela.
Est
-il possible d’attribuer aux « inventions » les plus typiques de l’Occ
1034
mi tant de contradictions ? L’unité de l’Europe n’
est
pas définissable par un contour géographique, moins encore par un con
1035
de nos nations à partir du xixe siècle. L’Europe
est
une longue aventure, et l’esprit d’aventure y paraît plus sensible qu
1036
y paraît plus sensible que l’objet de la quête n’
est
clairement connaissable. Pourtant, certaines options fondamentales on
1037
ndition des sciences physiques et naturelles, qui
est
la reconnaissance du corps, de la matière, et de la forme du monde en
1038
siècle, crut pouvoir la préciser : l’homme avait
été
créé en 4004 avant J.-C., le 23 octobre, à 9 heures du matin. Les pro
1039
est-à-dire depuis la création de l’homme, il ne s’
est
écoulé que six ou huit-mille ans. » Cuvier partage ces vues, que Sche
1040
t paraître une révolution considérable. Mais ce n’
est
guère qu’un détail dénué d’intérêt pour peu que l’on considère les di
1041
, l’unité de temps — le Kalpa ou Jour de Brahma —
est
de quatre-milliards-trois-cent-vingt-millions d’années solaires. Or l
1042
millions d’années solaires. Or la vie d’un Brahma
est
de cent et huit « années », dont chaque jour et chaque nuit représent
1043
la destruction du monde et sa reconstruction, qui
sera
l’œuvre de Kalki, dernier avatar de Vishnu. En regard des ordres de g
1044
maintenant ce double fait : le sens de l’Histoire
est
caractéristique de l’Occident, et il y tourne même à l’obsession si l
1045
istoire et de la Personne Un fait quelconque n’
est
historique au sens exact qu’en vertu de son unicité. S’il pouvait se
1046
unicité que lui confère sa vocation, autrement il
est
vu comme une répétition, grain de poussière isolé d’un univers absurd
1047
d’un corps magique sans fin. Combien d’individus
sont
-ils donc nés et morts depuis qu’il y a des hommes sur cette planète ?
1048
he génial pouvait nous dire demain que la réponse
est
« de l’ordre de trois-cents-milliards », nous en serions moins étourd
1049
« de l’ordre de trois-cents-milliards », nous en
serions
moins étourdis que gênés. Mais d’où viendrait notre malaise ? Comment
1050
endrait notre malaise ? Comment ne pas voir qu’il
serait
intimement lié, chez ceux qui l’éprouveraient, au sens de la personne
1051
castes. Tout cela se tient et se relie, tout cela
est
« religion » au sens premier du terme56 — et ne laisse aucune place à
1052
e de l’Histoire : il annonce la Résurrection, qui
est
victoire sur le temps comme sur la mort. Mais c’est bien à partir de
1053
haque personne devient unique et décisif, comme l’
était
sous l’Ancienne Alliance le rôle collectif d’Israël. Le dialogue de P
1054
istoire, conscience nouvelle du temps des hommes,
est
née de la même rupture des grands rythmes cosmiques et des fatalités
1055
la mort, qui libère et suscite la personne. Ce n’
est
pas un hasard si le premier auteur d’une philosophie de l’Histoire —
1056
’une philosophie de l’Histoire — la Civitas Dei —
fut
aussi le premier auteur d’une biographie de sa personne : les Confess
1057
du temps. Voilà le fait fondamental. Car le temps
est
lié à la mort comme à la perte des paradis — Eden, âge d’or, enfance
1058
, âge d’or, enfance — vécus ou imaginaires. Et il
est
lié à la menace toujours instante des catastrophes imprévisibles et a
1059
s dévalorise le temps vécu de la souffrance. Ce n’
est
plus la souffrance qui est vaine, dès lors qu’elle prend un sens exem
1060
de la souffrance. Ce n’est plus la souffrance qui
est
vaine, dès lors qu’elle prend un sens exemplaire dans le Mythe, mais
1061
es termes que saint Paul la présente. Que Dieu se
soit
manifesté comme une Personne ; par un geste sans précédent ; au temps
1062
evient responsable de son temps sur la Terre. Ce
serait
intolérable si la Révélation n’apportait en même temps la certitude q
1063
portait en même temps la certitude que le temps a
été
vaincu au matin de Pâques, que l’homme ne lui appartient que par la c
1064
, que l’homme ne lui appartient que par la chair (
étant
au monde mais non du monde) et qu’un terme est promis à l’Histoire, e
1065
(étant au monde mais non du monde) et qu’un terme
est
promis à l’Histoire, encore que nul n’en sache « le jour ni l’heure »
1066
i échappe au temps et à la mort. « Si le Christ n’
est
pas ressuscité, votre foi est vaine et vous êtes encore dans vos péch
1067
t. « Si le Christ n’est pas ressuscité, votre foi
est
vaine et vous êtes encore dans vos péchés. » Mais cette preuve n’est
1068
n’est pas ressuscité, votre foi est vaine et vous
êtes
encore dans vos péchés. » Mais cette preuve n’est valable que pour la
1069
tes encore dans vos péchés. » Mais cette preuve n’
est
valable que pour la foi parfaite, et ce recours au Transcendant, non
1070
on plus au Mythe, contre la dictature du temps, n’
est
effectif que pour celui qui croit « que Dieu peut tout à tout instant
1071
ant », ainsi que l’écrit Kierkegaard. Or la foi n’
est
jamais parfaite, et dans l’homme converti persiste « le vieil homme »
1072
ersiste « le vieil homme ». Son mouvement naturel
sera
donc de chercher et d’inventer contre le temps d’autres défenses. Il
1073
des cycles et des rythmes cosmiques de l’Histoire
sera
reprise — contre l’esprit des Pères — par les plus grands docteurs oc
1074
re du temps et du progrès continu de l’Histoire n’
est
guère soutenue que par un Joachim de Flore, dont les écrits sont cond
1075
enue que par un Joachim de Flore, dont les écrits
sont
condamnés ou falsifiés. Dans la conscience populaire médiévale, comme
1076
’idée d’une évolution imprévisible et progressive
est
généralement éliminée par des représentations archétypiques et mythiq
1077
— comme on l’a ressassé depuis les romantiques —
fut
bien plutôt dans son ensemble une longue réaction de défense contre l
1078
l’Évangile. (J’ai dit plus haut que le Moyen Âge
fut
la période « orientale » de l’Europe.) Touchée en premier lieu par le
1079
lieu des temps », symbole archétypique. Les temps
sont
rétrécis à quelques millénaires dont la chronologie restera symboliqu
1080
’où les excès qu’on signalait plus haut). Elle ne
sera
vraiment bouleversée qu’à la fin du xixe siècle. Relevons ici que la
1081
er. C’est un mouvement exactement contraire qui s’
est
produit dans l’Occident moderne, où, à l’inverse de ce qui s’était pa
1082
s l’Occident moderne, où, à l’inverse de ce qui s’
était
passé durant l’intermède médiéval, l’état civil des hommes et des act
1083
humaine. Ceci pose un problème encore neuf. 4.
Être
ou non dans l’Histoire Tout d’un coup (dans l’espace d’une quarant
1084
de l’Univers, qui se répéterait à l’infini : nous
serions
dans une phase d’expansion. La cosmologie des hindous paraît alors mo
1085
torité que celle d’un précepteur. Ses « lois » ne
sont
encore que celles de la morale, et sa réalité celle d’un discours. Ma
1086
elle d’un discours. Mais l’Histoire aujourd’hui n’
est
plus un conte, elle se distingue absolument de son récit. Elle ne con
1087
leçons », qu’on pourrait aussi bien ignorer. Elle
est
tout autre chose : le devenir présent. Elle est plus vraie que nous,
1088
e est tout autre chose : le devenir présent. Elle
est
plus vraie que nous, qui ne faisons que l’habiter pour un atome de te
1089
habiter pour un atome de temps insignifiant. Elle
est
devenue le cours de la réalité, où ce qu’il y a de plus réel, c’est l
1090
le cours même. Et comme ce mouvement pur « doit »
être
dépourvu d’origine et de but connaissable, on ne peut savoir son sens
1091
çoit l’attribut d’exister. Ce qui résiste au sens
est
« mystification » aux yeux des théoriciens et polémistes, « sabotage
1092
’action d’un pays ou de l’option d’un homme, il n’
est
donc plus question de demander si c’est « vrai ». C’est « dans le sen
1093
». C’est « dans le sens de l’Histoire », ou ce n’
est
rien qui vaille… Suis-je dans l’Histoire ? Es-tu dans l’Histoire ? So
1094
ens de l’Histoire », ou ce n’est rien qui vaille…
Suis
-je dans l’Histoire ? Es-tu dans l’Histoire ? Sont-ils dans l’Histoire
1095
n’est rien qui vaille… Suis-je dans l’Histoire ?
Es
-tu dans l’Histoire ? Sont-ils dans l’Histoire ? ainsi conjugue une bo
1096
est rien qui vaille… Suis-je dans l’Histoire ? Es-
tu
dans l’Histoire ? Sont-ils dans l’Histoire ? ainsi conjugue une bonne
1097
Suis-je dans l’Histoire ? Es-tu dans l’Histoire ?
Sont
-ils dans l’Histoire ? ainsi conjugue une bonne partie de l’intelligen
1098
telligentsia occidentale du xxe siècle. Comme il
est
clair qu’on ne peut pas « être » dans l’Histoire rédigée par les hist
1099
e siècle. Comme il est clair qu’on ne peut pas «
être
» dans l’Histoire rédigée par les historiens, on voit qu’il s’agit d’
1100
de l’Existence. Cette Histoire absolutisée, qui n’
est
plus connaissance des actes du passé, mais flux irrésistible entraîna
1101
eut-on la distinguer encore du temps lui-même ? N’
est
-elle pas simplement une manière de le penser qui le ferme à toute tra
1102
t nous interdit tout recours ? « Au monde comme n’
étant
pas du monde », disait saint Paul. Mais l’Histoire absolue veut que l
1103
s l’Histoire absolue veut que l’homme tout entier
soit
uniquement du monde : elle le coupe de l’esprit. Ce faisant, elle nie
1104
couvre impuissant devant elle et en elle : rien n’
est
plus répandu que ce sentiment anxieux dans l’intelligentsia comme dan
1105
seule conviction que la vocation d’un homme peut
être
plus vraie que la règle — d’où les martyrs des premiers temps du chri
1106
ituer dans l’ensemble de l’Aventure occidentale ?
Est
-elle le signe annonciateur d’une fin lugubre, ou seulement d’une cris
1107
r la croyance à l’action personnelle. La personne
est
agent de liberté. Cette Histoire nous conduit au fatalisme. Comment l
1108
venir exclusives l’une de l’autre, alors qu’elles
sont
nées en même temps d’un même acte libérateur ? Mais, d’abord, est-il
1109
temps d’un même acte libérateur ? Mais, d’abord,
est
-il sûr que la croyance moderne à l’Histoire comme devenir tout-puissa
1110
moderne à l’Histoire comme devenir tout-puissant
soit
le développement normal et la suite obligée de l’attitude chrétienne
1111
répandu que jamais dans le grand public : Toynbee
est
best-seller, les revues et la presse nous parlent de Sumer, du paléol
1112
se mettre au passé dans un livre. Mais la réponse
est
non s’il s’agit de cette Histoire dans le « sens » de laquelle on nou
1113
le « sens » de laquelle on nous dit qu’il faut «
être
» de toute nécessité, sous peine de n’être pas. Celle-ci marque un re
1114
faut « être » de toute nécessité, sous peine de n’
être
pas. Celle-ci marque un recul devant le risque du temps. La conscienc
1115
t le risque du temps. La conscience de l’Histoire
est
née de l’acceptation d’un temps radicalement imprévisible. Et sa fin
1116
temps radicalement imprévisible. Et sa fin seule
était
certaine et serait bonne. Mais encore fallait-il croire à l’Apocalyps
1117
t imprévisible. Et sa fin seule était certaine et
serait
bonne. Mais encore fallait-il croire à l’Apocalypse. D’ici là, nul so
1118
manière dont il décide d’identifier au devenir l’
être
et la vérité elle-même. Solution masochiste, pour un Occidental. L’in
1119
te façon je ne pourrais plus le distinguer. Je ne
suis
plus responsable, mais c’est l’Évolution, et je n’ai plus d’autre cho
1120
choix que de m’en dire l’agent. Cet abandon de l’
être
entier à la Maya, sans plus rêver la délivrance du nirvana, cet enlis
1121
éel du sens de la personne et de la liberté. Ce n’
est
pas qu’on n’aime plus être soi librement, ni vraiment qu’on renie la
1122
et de la liberté. Ce n’est pas qu’on n’aime plus
être
soi librement, ni vraiment qu’on renie la personne : mais on ne croit
1123
plus croire qu’elle puisse répondre, c’est-à-dire
être
responsable. Derrière ce masochisme, comme toujours, un sadisme. Dans
1124
l’orgueil fou trouve un alibi. L’Évolution fatale
est
en réalité celle que l’on voudrait imposer. Les communistes affirment
1125
oudrait imposer. Les communistes affirment qu’ils
sont
les instruments du sens inévitable de l’Histoire, légitimant la mort
1126
ter son utopie. Si le sang de ses propres martyrs
fut
la semence de l’Église, c’est le sang des « païens », le sang des aut
1127
temps ne va pas apporter la négation de ce que je
suis
, de ce que j’attends, de mes croyances ou de mon incroyance, ou même
1128
ir. Utopies optimistes chez les totalitaires : ce
sont
les mêmes, mais ils s’en félicitent. Et les unes comme les autres, re
1129
rs au transcendant libérateur. Engendrer l’utopie
est
un mouvement de l’âme, sans doute inséparable de l’historicité initié
1130
le défi du temps paraisse insurmontable. L’utopie
est
recul devant le temps ouvert, elle refuse d’affronter cette situation
1131
lle refuse d’affronter cette situation béante qui
fut
celle des premiers chrétiens, mais elle en reste tributaire — et c’es
1132
s que ceux de la routine. L’Histoire-devenir, qui
est
une conjuration du temps, exige des sacrifices sanglants bien plus ma
1133
ais d’anticiper sur nos lendemains, et ceux-ci ne
seront
point marqués par nos hypothèses même exactes, mais par nos choix fon
1134
ais par nos choix fondamentaux. Car la question n’
est
pas de savoir « ce qui arrivera », mais de savoir dès maintenant ce q
1135
vera », mais de savoir dès maintenant ce que nous
sommes
disposés à laisser arriver ou à faire arriver ; la question n’est pas
1136
aisser arriver ou à faire arriver ; la question n’
est
pas de supputer le sens probable d’un devenir fatal, pour nous « ajus
1137
s’originer qu’en la personne. Bref, la question n’
est
pas de deviner l’Histoire, mais de la faire. Seules nos options prése
1138
. La première société d’histoire connue en Orient
fut
fondée au xixe siècle par un Anglais, sir William Jones : la Société
1139
Jones : la Société asiatique du Bengale. Et ce n’
est
guère que depuis la fin du xixe siècle qu’une science historique s’e
1140
a fin du xixe siècle qu’une science historique s’
est
constituée en Inde. 56. Religio, de religare, lier ensemble. 57. L
1141
nouveauté — le fait sans précédent archétypique —
est
la terreur de tous les « Moyen Âge ». Quand elle survient, quand on s
1142
dres rassurants ; d’autant plus rassurants qu’ils
sont
rigides, mais de là vient précisément leur malfaisance. au. Rougemo
1143
tsia de l’Inde se préoccupe des problèmes qui lui
sont
imposés par la technique et par l’hygiène occidentales, et cherche à
1144
tes des mystiques soufis, mais l’Iran et l’Arabie
sont
en pleine crise d’adaptation à l’habitus capitaliste. L’Occident déco
1145
découvrons avec passion dans le Tiers Monde, ce n’
est
pas ce dont il vivait, c’est ce qui manquait à nos élites, ou qu’elle
1146
re foi. Ce que le tiers-monde nous emprunte, ce n’
est
pas notre créativité, mais ses produits. Nous découvrons leurs secret
1147
spirituels en même temps que leur misère, qui en
était
la rançon. Ils adoptent nos formes sociales, nos procédés de gouverne
1148
es, mais non pas les tensions spirituelles qui en
étaient
le moteur secret. Ce qui était pour nous résultantes d’innombrables p
1149
rituelles qui en étaient le moteur secret. Ce qui
était
pour nous résultantes d’innombrables poussées et résistances, malaisé
1150
et désormais inévitable, pour si mal engagé qu’il
soit
, porte sur l’homme et sa définition. S’il est vrai que l’Orient nie l
1151
il soit, porte sur l’homme et sa définition. S’il
est
vrai que l’Orient nie le moi, qui est une valeur centrale pour l’Occi
1152
ition. S’il est vrai que l’Orient nie le moi, qui
est
une valeur centrale pour l’Occident, il doit en résulter d’infinies c
1153
spirituel au politique ; mais dans quelle mesure
est
-ce vrai ? Quel est le moi qui s’affirme d’une part et quel est le moi
1154
ique ; mais dans quelle mesure est-ce vrai ? Quel
est
le moi qui s’affirme d’une part et quel est le moi qu’on nie de l’aut
1155
Quel est le moi qui s’affirme d’une part et quel
est
le moi qu’on nie de l’autre ? Est-ce bien le même ? La Personne
1156
ne part et quel est le moi qu’on nie de l’autre ?
Est
-ce bien le même ? La Personne Le christianisme a formé l’Occide
1157
mplaire de l’espèce. Pour saint Paul, le vrai moi
est
l’homme nouveau, « appelé » par un Dieu personnel, donc créé par une
1158
e le « vieil homme », puisque sa vie « nouvelle »
est
à la fois dans le monde et hors du monde, à la fois manifestée par so
1159
d’une âme tout intellectuelle, dont « la nature n’
est
que de penser » et qui reste entièrement distincte du corps. Avec Kan
1160
totalisante, dans son pouvoir d’intégration de l’
être
. Loin de dissocier le moi, les recherches psychologiques du xxe sièc
1161
nisé par la Loi) et le spirituel libérateur. S’il
est
vrai que le langage courant confond sans l’ombre d’un scrupule la per
1162
re d’un scrupule la personne et tout ce qu’elle n’
est
pas — l’individu, la persona, la « forte individualité », l’âme sensi
1163
le recours à la « valeur absolue de la personne »
sont
à peu près universels en Occident. Comme l’attestent tant de notions
1164
t de réalités « bien vues » à l’Ouest, mais que l’
Est
se devait d’ignorer, voire de condamner, telles que l’originalité, le
1165
oi j’entends venir plus loin. L’ange Quelle
est
cette part de la personne dès maintenant libérée du monde, où elle vi
1166
e l’Inde mais enté sur le tronc abrahamique, d’où
sont
issus les juifs, les chrétiens, et l’islam. Que serait l’Ange pour no
1167
t issus les juifs, les chrétiens, et l’islam. Que
serait
l’Ange pour nos psychologues ? Une projection du moi individuel ou co
1168
viduel ou collectif. Pour les sages de l’Iran, il
est
ce moi. Barakat, juif passé à l’islam, écrit en 1165 : « … pour chaqu
1169
lusieurs ayant même nature ou affinité, il y a un
être
spirituel qui tout au long de leur existence assume envers cette âme
1170
les réconforte, les fait triompher, et c’est cet
être
qu’ils appelaient Nature parfaite. » C’est le vrai moi, c’est l’Ange.
1171
sous laquelle chacun des spirituels connaît Dieu
est
aussi la forme sous laquelle Dieu le connaît, parce qu’elle est la fo
1172
orme sous laquelle Dieu le connaît, parce qu’elle
est
la forme sous laquelle Dieu se révèle à soi-même en lui. C’est la “pa
1173
onne de la mystique soufi, « la totalité de notre
être
, ce n’est pas seulement cette partie que nous appelons présentement n
1174
mystique soufi, « la totalité de notre être, ce n’
est
pas seulement cette partie que nous appelons présentement notre perso
1175
n’évoque pas seulement cette part initiante de l’
être
renouvelé qui demeure cachée en Dieu selon le christianisme, mais enc
1176
de combattre pour venir en aide à Ohrmazd) et qui
sont
à la fois les archétypes célestes des êtres et leurs anges tutélaires
1177
et qui sont à la fois les archétypes célestes des
êtres
et leurs anges tutélaires. Il y a plus : selon le mazdéisme « chaque
1178
déisme « chaque entité physique ou morale, chaque
être
complet ou chaque groupe d’êtres appartenant au monde de Lumière a sa
1179
ou morale, chaque être complet ou chaque groupe d’
êtres
appartenant au monde de Lumière a sa Fravarti » — Ohrmazd, le Dieu lu
1180
i-même la sienne63. La Terre physique et tous les
êtres
qui l’habitent apparaissent ainsi comme la contrepartie visible du mo
1181
re-de-Gloire restituant toutes choses et tous les
êtres
dans leur pureté paradisiaque, « dans un décor de montagnes flamboyan
1182
’immortalité », au centre du monde spirituel (qui
est
le monde réel des Archétypes), le pont Chinvat s’élance, reliant un s
1183
’une beauté resplendissante et qui lui dit : — Je
suis
toi-même ! Mais si l’homme sur la Terre a maltraité son moi, au lieu
1184
stianisme véritable, ne demande pas d’abord ce qu’
est
l’homme, mais qui es-tu ? Toute réalité dernière est personnelle. Le
1185
l’homme, mais qui es-tu ? Toute réalité dernière
est
personnelle. Le vrai moi est ailleurs, mais son drame ici-bas. L’a
1186
ute réalité dernière est personnelle. Le vrai moi
est
ailleurs, mais son drame ici-bas. L’absolu, ou la négation du moi
1187
entre eux que les peuples de l’Europe, mais s’il
est
une croyance qu’ils ont tous en commun c’est la croyance à la métemps
1188
vies successives. Car si le moi n’existe pas, qu’
est
-ce qui transmigre64 ? Mais ce moi, cet ego, cette entité distincte, v
1189
osent leur idée du non-moi. Le vrai malentendu se
serait
-il instauré entre eux et nous ? Entre cela qu’ils pensent que nous cr
1190
me » que le Christ exige de ses disciples, et qui
est
la condition de leur accession à leur vrai moi spirituel, celui qui d
1191
Il en va de même pour le bouddhisme originel. Qu’
est
-ce que l’homme ? Un ensemble transitoire d’agrégats matériels et de f
1192
et la roue des retours sans fin. « Inconnaissable
est
le commencement des êtres enveloppés par l’ignorance, et que le désir
1193
ans fin. « Inconnaissable est le commencement des
êtres
enveloppés par l’ignorance, et que le désir conduit à de criminelles
1194
conduit à de criminelles renaissances.65 » Le but
est
donc « de nous apprendre le moyen de ne pas renaître », nous dit une
1195
a Sabbe dhamma anatta (Toutes choses composées
sont
transitoires Toutes choses composées sont souffrantes Toutes les chos
1196
mposées sont transitoires Toutes choses composées
sont
souffrantes Toutes les choses sont sans moi.68) Si D. T. Suzuki peut
1197
oses composées sont souffrantes Toutes les choses
sont
sans moi.68) Si D. T. Suzuki peut écrire après cela : « On le voit,
1198
rès cela : « On le voit, l’expérience personnelle
est
le fondement de la philosophie bouddhiste », comprenons qu’il s’agit
1199
es védantins comme des premiers bouddhistes, ce n’
est
pas encore la personne, mais l’obstination de l’ego qui veut durer au
1200
nce, dirions-nous, aux exigences du vrai moi, qui
est
notre répondant céleste. Et faut-il qu’il existe et qu’il soit fort,
1201
pondant céleste. Et faut-il qu’il existe et qu’il
soit
fort, ce moi qu’on répute illusoire, pour qu’un des buts majeurs des
1202
qu’un des buts majeurs des méthodes spirituelles
soit
de l’empêcher de renaître69 ! Mais vient le second stade, où les spi
1203
fond avec le Soi de l’Immensité, ou du Brahma. Qu’
est
-ce que l’âme ? Une monade, disent les uns. Un reflet du Brahma, disen
1204
n, répondent les advaïtins : c’est Brahma ou ce n’
est
rien. Et tu n’es rien. Et de leur côté les bouddhistes (mais le tao c
1205
les advaïtins : c’est Brahma ou ce n’est rien. Et
tu
n’es rien. Et de leur côté les bouddhistes (mais le tao chinois et le
1206
dvaïtins : c’est Brahma ou ce n’est rien. Et tu n’
es
rien. Et de leur côté les bouddhistes (mais le tao chinois et le shin
1207
s les mêmes phrases) : « Nagasena, existe-t-il un
être
qui transmigre de ce corps dans un autre ? — Non, il n’y en a point.
1208
ui a péché reprend une individualité, mais non un
être
pur. — Ô Nagasena, dis-moi s’il existe rien de semblable à l’âme ? —
1209
Les spirituels hindous cherchent le samadhi, qui
est
l’absorption totale dans l’Absolu du Soi : le grand sommeil, lentemen
1210
fait, signe du Tout, et donc du Vide. Leur satori
est
le contraire du samadhi : c’est un éveil instantané. Éveil de quoi ?
1211
veil de quoi ? De la vision-en-soi, du Cela qui n’
est
pas personnel et se joue à travers notre moi. Ainsi tout l’Orient des
1212
tant de cinquante ans la durée moyenne de la vie,
serait
alors une « recette d’immortalité ». Et même la seule qui ait réussi.
1213
aisons face à l’Un tout-transcendant.71 » (Ce qui
est
chrétien.) Le même Chang Chen-Chi qui cite ce koan : Parfois, j’arra
1214
même manière. » Puis il ajoute : « Si le disciple
est
exceptionnellement doué, le maître ne touche ni à la personne, ni à l
1215
e pense pas au bien ni au mal, mais regarde ce qu’
est
, au moment présent, ta physionomie originelle, celle que tu avais ava
1216
u mal, mais regarde ce qu’est, au moment présent,
ta
physionomie originelle, celle que tu avais avant même d’être né.72 »
1217
ent présent, ta physionomie originelle, celle que
tu
avais avant même d’être né.72 » Par où nous rejoignons un certain chr
1218
nomie originelle, celle que tu avais avant même d’
être
né.72 » Par où nous rejoignons un certain christianisme — à partir d’
1219
eule quête de l’esprit, dont le Graal, ou l’Ange,
est
: toi-même. ⁂ Les différences ne sont donc pas où l’on croyait, ne so
1220
, ou l’Ange, est : toi-même. ⁂ Les différences ne
sont
donc pas où l’on croyait, ne sont jamais exactement ce que l’on croya
1221
différences ne sont donc pas où l’on croyait, ne
sont
jamais exactement ce que l’on croyait. Si nous souhaitons préciser le
1222
. Dans ce domaine, toute différence reconnue peut
être
vérifiée par l’expérience intime, et promet au dialogue des spirituel
1223
ux névroses de la psychanalyse freudienne : elles
seraient
autant de « rationalisations » des attitudes « dysfonctionnelles » qu
1224
oblèmes. Trois écoles de l’amour Si l’amour
est
le premier moteur non seulement de l’homme mais du monde, c’est son a
1225
C’est l’amour dominant qui fait l’homme… L’homme
est
absolument tel qu’est l’amour dominant de sa vie : selon (cet amour)
1226
t qui fait l’homme… L’homme est absolument tel qu’
est
l’amour dominant de sa vie : selon (cet amour) se fait son ciel, s’il
1227
sa vie : selon (cet amour) se fait son ciel, s’il
est
bon, ou son enfer, s’il est mauvais », dit Swedenborg dans La Nouvell
1228
e fait son ciel, s’il est bon, ou son enfer, s’il
est
mauvais », dit Swedenborg dans La Nouvelle Jérusalem. Et dans De Coel
1229
e : « Le corps de chaque esprit et de chaque ange
est
la forme de son amour.73 » Les trois notions de l’homme que l’on vien
1230
ne dualité sans laquelle ni l’homme ni l’amour ne
seraient
même concevables. Il ne s’agit ici ni du dualisme trop facilement nom
1231
ntre l’individu et le « vrai moi ». (L’individu n’
est
pas le mal en soi : il ne devient mauvais que dans la seule mesure où
1232
se refuse à l’amour. Et de même le « vrai moi » n’
est
pas le bien en soi, car il peut devenir un monstre.) Pour aimer, il f
1233
il peut devenir un monstre.) Pour aimer, il faut
être
deux, dit la sagesse des nations. Et cela vaut d’abord pour l’amour d
1234
irituels dans leur condamnation de l’égoïsme, qui
est
l’impérialisme de l’ego naturel et sa fermeture autarcique. Mais les
1235
arcique. Mais les motifs de cette condamnation ne
sont
pas les mêmes : les moralistes jugent au nom de la société, les spiri
1236
ans une vue chrétienne de l’homme, l’amour de soi
est
le rapport positif entre l’individu et le vrai moi. Le second command
1237
ment qui résume toute la Loi et les Prophètes : «
Tu
aimeras ton prochain comme toi-même », suppose évidemment un moi duel
1238
sume toute la Loi et les Prophètes : « Tu aimeras
ton
prochain comme toi-même », suppose évidemment un moi duel, au sein du
1239
ne manière telle que s’aimer et aimer le prochain
soit
un même acte : sinon le comme n’aurait pas son plein sens. Dans l’amo
1240
orienter par lui. C’est le vrai moi qui aime, qui
est
l’agent de l’amour. Ce vrai moi seul peut aimer le prochain, parce qu
1241
Alain. Or le meilleur de l’autre — comme de soi —
est
sa vocation singulière. Aimer le prochain dans sa personne, c’est dis
1242
ne. Mais alors, d’où vient la personne ? Quel que
soit
le nom que lui ont donné les trois religions abrahamiques, le vrai mo
1243
nné les trois religions abrahamiques, le vrai moi
est
toujours suscité par l’Amour même : « Dieu nous a aimés le premier. »
1244
er. » Pour le chrétien, c’est parce que Dieu, qui
est
Amour, est un Dieu personnel, dans sa tri-unité, que l’amour spiritue
1245
le chrétien, c’est parce que Dieu, qui est Amour,
est
un Dieu personnel, dans sa tri-unité, que l’amour spirituel crée dans
1246
Si la plus haute valeur de l’Occident chrétien n’
est
pas la connaissance détachée mais le sacrifice personnel, et si le sa
1247
cation. Ou c’est encore se sacrifier tel que l’on
est
, à soi-même tel qu’on va le devenir par l’esprit. C’est rejoindre la
1248
sprit. C’est rejoindre la forme immortelle de son
être
au travers d’une « mort à soi-même » transfigurante. Ce modèle de l’a
1249
omplaisance croissante. Je sais bien que la haine
est
l’envers de l’amour, mais comment l’amour fasciné par le désir de ce
1250
vraiment ce qu’il lui sacrifie ? Le masochisme n’
est
-il pas le moment de retombement de l’âme frustrée, quand l’esprit qui
1251
ite hors du moi naturel. Désormais le vieil homme
est
jugé : n’ayant pu l’entraîner avec elle vers son bien et l’animer de
1252
n autonomie. Si le corps lui paraît désirable, il
sera
parfois tenté d’attribuer ce mouvement, né de l’instinct, à la révéla
1253
aut craindre celui qui se hait lui-même, car nous
serons
les victimes de sa colère et de sa vengeance. Ayons donc soin de l’in
1254
re à l’amour de lui-même.74 » L’érotisme sensuel
est
l’autre extrême où se porte l’âme irritée mais non pas convertie par
1255
e retombe alors dans les liens de l’instinct, qui
est
la puissance impersonnelle par excellence, et s’épuise à s’en libérer
1256
ntre les conventions de la morale commune — qu’il
est
déjà trop « spirituel » pour respecter — mais aussi contre le respect
1257
le respect du mystère exigeant de l’Autre qu’il n’
est
pas assez « spirituel » pour aimer. (Mais s’il l’était assez, il retr
1258
pas assez « spirituel » pour aimer. (Mais s’il l’
était
assez, il retrouverait aussi la justification de certaines convention
1259
le tissu conjonctif de toutes les sociétés qui ne
sont
pas un ordre.) L’école iranienne Il n’existe plus de communauté
1260
4-41) qui pose comme une clef musicale : « Chaque
être
connaît le mode de prière et de glorification qui lui est propre. » T
1261
aît le mode de prière et de glorification qui lui
est
propre. » Toute personne s’origine en Dieu, qui l’a créée afin d’être
1262
personne s’origine en Dieu, qui l’a créée afin d’
être
connu par elle et de « devenir en elle l’objet de sa propre connaissa
1263
de l’autre et l’aimer « comme soi-même », — comme
étant
née du même amour qui m’a créé. « (Dieu) est celui qui dans chaque êt
1264
me étant née du même amour qui m’a créé. « (Dieu)
est
celui qui dans chaque être aimé se manifeste au regard de chaque aman
1265
qui m’a créé. « (Dieu) est celui qui dans chaque
être
aimé se manifeste au regard de chaque amant… car il est impossible d’
1266
mé se manifeste au regard de chaque amant… car il
est
impossible d’aimer un être sans se représenter en lui la divinité. Un
1267
de chaque amant… car il est impossible d’aimer un
être
sans se représenter en lui la divinité. Un être n’aime en réalité per
1268
n être sans se représenter en lui la divinité. Un
être
n’aime en réalité personne d’autre que son créateur.76 » Ibn Arabi di
1269
elle pour Lui ; l’amour spirituel « dont le siège
est
en la créature toujours à la quête de l’être dont elle découvre en el
1270
siège est en la créature toujours à la quête de l’
être
dont elle découvre en elle l’Image, ou dont elle se découvre comme ét
1271
e en elle l’Image, ou dont elle se découvre comme
étant
l’Image » ; enfin l’amour naturel, qui recherche la satisfaction de s
1272
rs sans souci de l’agrément de l’Aimé. « Et telle
est
hélas ! dit Ibn Arabi, la manière dont la plupart des gens d’aujourd’
1273
bi observe que les plus parfaits amants mystiques
sont
ceux qui aiment Dieu simultanément pour lui-même et pour eux-mêmes, p
1274
malheureuse » en proie aux déchirements). » Telle
est
donc la personne unifiée et tel est son amour de soi-même. Quant à l’
1275
nts). » Telle est donc la personne unifiée et tel
est
son amour de soi-même. Quant à l’amour-passion (ici, non romantique !
1276
toutes les dimensions de l’amour unifié. L’Aimé n’
est
plus alors un simple objet — comme il est pour l’amour naturel, posse
1277
’Aimé n’est plus alors un simple objet — comme il
est
pour l’amour naturel, possessif — mais une virtualité divine que l’am
1278
ine l’Image) et qu’il tend à faire exister dans l’
être
aimé, par l’efficace de son amour préfigurant. C’est précisément là q
1279
fonction théophanique de l’Ange (ainsi en a-t-il
été
des Figures féminines célébrées par les Fedeli d’amore, compagnons de
1280
li d’amore, compagnons de Dante ; ainsi en a-t-il
été
de celle qui apparut à Ibn Arabi, à la Mekke, comme figure de la Soph
1281
en profondeur : que l’amant tende à contempler l’
être
aimé, à s’unir en lui, à en perpétuer la présence, son amour tend tou
1282
tend toujours à faire exister quelque chose qui n’
est
pas encore existant dans l’Aimé.78 On reconnaît ici les « notes » de
1283
Comme tout bien procède du Seigneur, le Seigneur
est
, dans le sens suprême et au degré le plus éminent, le Prochain ; c’es
1284
ns relatives au prochain, c’est-à-dire que chacun
est
le prochain en proportion de ce qu’il a quelque chose du Seigneur en
1285
n qui procède du Seigneur, il s’ensuit que l’un n’
est
pas le prochain de la même manière que l’autre… ; il n’y a jamais che
1286
ue… C’est l’amour qui fait le prochain, et chacun
est
le prochain selon la qualité de son amour.80 En dépit de tout ce qui
1287
poésie dense de l’Arabe, l’homologie des énoncés
est
indéniable. Si le symbolisme concret des soufis transpose doublement
1288
e prochain, reste exactement comparable, comme le
sont
les trois formes de l’amour que manifeste cette structure. Mais « l’I
1289
e un amour dédié à sa propre âme81, dont Iseut ne
serait
que l’image sensible, — et c’est pourquoi j’ai osé dire que Tristan n
1290
que Tristan n’aimait pas Iseut — cette passion n’
est
-elle pas mieux vue si l’on évoque les Fravartis du mazdéisme, les fig
1291
» de l’âme et de sa Dâenâ au pont Chinvat ? Et n’
est
-ce pas pour avoir désiré l’amour de l’Ange que les amants de la forêt
1292
ce que « leur engagement — comme dira Novalis — n’
était
pas pris pour cette vie », mais pour l’autre ? S’il est une « erreur
1293
s pris pour cette vie », mais pour l’autre ? S’il
est
une « erreur de Tristan », motivant le malheur essentiel de sa passio
1294
, motivant le malheur essentiel de sa passion, ce
serait
alors dans le mode de la transposition du « ciel » en Terre, et de l’
1295
t transitoire et le Soi tout impersonnel : « Il n’
est
qu’un Soi pour tous les êtres.82 » L’individualité qui est là, qui to
1296
impersonnel : « Il n’est qu’un Soi pour tous les
êtres
.82 » L’individualité qui est là, qui tombe sous le sens, doit être ex
1297
Soi pour tous les êtres.82 » L’individualité qui
est
là, qui tombe sous le sens, doit être exténuée méthodiquement (non po
1298
idualité qui est là, qui tombe sous le sens, doit
être
exténuée méthodiquement (non point transfigurée ou glorifiée) pour at
1299
i sans distinction, la Réalité sans visage, qui n’
est
ni ceci ni cela, mais qui est l’Immensité, disent les hindous, et qui
1300
sans visage, qui n’est ni ceci ni cela, mais qui
est
l’Immensité, disent les hindous, et qui est le Vide, disent les boudd
1301
s qui est l’Immensité, disent les hindous, et qui
est
le Vide, disent les bouddhistes. Du même coup se trouvent évacués les
1302
(Ou tout au moins, pris au sérieux.) L’amour même
est
évacué. Il n’est plus que l’attrait des sexes agissant fatalement sur
1303
, pris au sérieux.) L’amour même est évacué. Il n’
est
plus que l’attrait des sexes agissant fatalement sur des milliards d’
1304
selon le cours des astres et le Karma. Il ne peut
être
, pour l’esprit, qu’indifférent. (Quoique la morale sociale condamne r
1305
alement l’adultère de la femme mariée ; mais ce n’
est
pas au nom de l’amour, on le pense bien.) « Écarte les choses, ô aman
1306
on le pense bien.) « Écarte les choses, ô amant,
ta
voie est fuite ! » s’écriait saint Jean de la Croix. Écarte le procha
1307
ense bien.) « Écarte les choses, ô amant, ta voie
est
fuite ! » s’écriait saint Jean de la Croix. Écarte le prochain ! ajou
1308
s spirituels du védantisme et du bouddhisme. S’il
est
vrai que « la notion de Moi n’a d’accès que dans la pensée des sots »
1309
s », comme le dit un texte tibétain, la notion de
Toi
ne vaut pas mieux. « La morale bouddhique, qui est une sorte d’hygièn
1310
oi ne vaut pas mieux. « La morale bouddhique, qui
est
une sorte d’hygiène spirituelle, tend à détruire, en nous, les causes
1311
ouleur. » Si l’on s’en tient aux textes, la cause
est
entendue : l’Asie métaphysique ne connaît pas l’amour, — j’entends l’
1312
l’amour matrimonial. Mais on me dira que l’Asie n’
est
pas toute spirituelle, et que la vie ne s’en tient pas aux textes. On
1313
’on ne voit pas de raisons pour que l’Orient réel
soit
plus conforme aux sermons du Bouddha que l’Europe au Sermon sur la Mo
1314
ndes doctrines religieuses de l’Asie n’ont jamais
été
révolutionnaires. Elles n’ont jamais prétendu transformer l’ensemble
1315
ennent à partie, un à un, tout individu tel qu’il
est
, décidées à le transformer en vérité85. Elles provoquent d’innombrabl
1316
85. Elles provoquent d’innombrables réactions. Il
est
par suite inévitable que l’existence réelle, en Occident, ressemble m
1317
Occident, ressemble moins à la doctrine que ce n’
était
le cas, jusqu’à nos jours, en Asie. Prenons l’exemple de l’érotisme.
1318
lles nous procurent une jouissance. La divinité n’
est
un objet d’amour que parce qu’elle représente une volupté sans mélang
1319
la joie de la possession, la souffrance du désir
est
pour un instant apaisée… et l’homme perçoit dans le plaisir sa propre
1320
dans le plaisir sa propre nature essentielle, qui
est
la joie. Toute jouissance, tout plaisir est une expérience du divin…
1321
, qui est la joie. Toute jouissance, tout plaisir
est
une expérience du divin… Mais l’amour parfait est celui dont l’objet
1322
est une expérience du divin… Mais l’amour parfait
est
celui dont l’objet n’est pas limité. C’est cet amour qui est l’amour
1323
in… Mais l’amour parfait est celui dont l’objet n’
est
pas limité. C’est cet amour qui est l’amour pur, l’amour de l’amour m
1324
ont l’objet n’est pas limité. C’est cet amour qui
est
l’amour pur, l’amour de l’amour même, l’amour de l’Être-de-volupté tr
1325
anscendant.86 Kâma, le dieu du plaisir érotique,
est
vénéré par les yogis, « car c’est lui seul, lorsqu’il est satisfait,
1326
ré par les yogis, « car c’est lui seul, lorsqu’il
est
satisfait, qui peut libérer l’esprit du désir… Ce n’est pas le plaisi
1327
tisfait, qui peut libérer l’esprit du désir… Ce n’
est
pas le plaisir mais le désir qui lie l’homme et qui est un obstacle à
1328
s le plaisir mais le désir qui lie l’homme et qui
est
un obstacle à son progrès spirituel87 ». Et encore : « Celui qui cher
1329
ui cherche l’amour dans l’espoir d’une jouissance
est
la victime du désir. Le sage accepte les plaisirs sensuels quand ils
1330
and ils viennent, mais avec un cœur détaché. Il n’
est
pas victime du désir.88 » Ce « détachement » tout accueillant, cette
1331
s » et les « infâmes », contre tous ceux « qui se
sont
livrés à l’impureté, selon les convoitises de leur cœur ». Comparons
1332
et l’on sait à quel point cette forme de l’amour
est
liée à ses expressions. La passion et l’amour mystique, l’érotisme et
1333
mour mystique, l’érotisme et l’amour du prochain,
sont
des problèmes occidentaux, posés à tous par les rigueurs mal tolérées
1334
es, cependant que les voies de sagesse asiatiques
sont
seulement proposées, — à quelques-uns. Les recettes de plaisir, ou d’
1335
isir, ou d’immortalité par la rétention du semen,
sont
liées en Asie à la piété, tandis que nos coutumes viennent d’un vieux
1336
sme ou du bouddhisme, la vie réelle de l’Occident
est
en conflit avec la foi, tandis que la vie réelle de l’Asie est en sym
1337
t avec la foi, tandis que la vie réelle de l’Asie
est
en symbiose avec ses religions. Et si la symétrie de ces formules inq
1338
te dans un roman moderne, dont l’auteur se trouve
être
un brahmane orthodoxe : « J’avais vécu en Europe, j’avais épousé une
1339
e qu’elles excluent leur contraire, ou que l’on s’
était
mépris sur le vrai sens de leurs affirmations répétées du contraire (
1340
on personnelle accomplie aux dépens de l’individu
est
loin d’être absente de la Bhagavad-Gita : Sois détaché et accomplis
1341
lle accomplie aux dépens de l’individu est loin d’
être
absente de la Bhagavad-Gita : Sois détaché et accomplis l’action qui
1342
du est loin d’être absente de la Bhagavad-Gita :
Sois
détaché et accomplis l’action qui est ton devoir, car en accomplissan
1343
ad-Gita : Sois détaché et accomplis l’action qui
est
ton devoir, car en accomplissant l’action sans attachement, l’homme o
1344
ita : Sois détaché et accomplis l’action qui est
ton
devoir, car en accomplissant l’action sans attachement, l’homme obtie
1345
e. (III, 19) Notre propre devoir, si humble qu’il
soit
, vaut mieux que le devoir parfaitement accompli d’un autre. Le dharma
1346
itement accompli d’un autre. Le dharma d’un autre
est
plein de dangers. (III, 35) Et dans les upanishads : La vie n’a serv
1347
njonction évangélique d’aimer aussi son ennemi ne
sont
pas absentes du bouddhisme car l’ennemi et toi-même ne diffèrent que
1348
rmer Éros en Agapè »90. Je répète que tout cela n’
est
pas contradictoire, dans une philosophie sans dogmatique. Nous parler
1349
? Non point à la femme, mais en vérité au Soi qui
est
en elle.91 En présence d’une telle phrase, j’éprouve d’abord ceci :
1350
vive reconnaissance. Car toute vérité sur l’amour
est
immédiatement reconnue par celui qui s’est mis en quête d’un savoir d
1351
’amour est immédiatement reconnue par celui qui s’
est
mis en quête d’un savoir de l’amour qu’il vit. N’importe qui m’averti
1352
. N’importe qui m’avertira que le Soi de l’Inde n’
est
pas le vrai Dieu des chrétiens, qui est personnel. On connaît les déf
1353
l’Inde n’est pas le vrai Dieu des chrétiens, qui
est
personnel. On connaît les définitions. Mais je retrouve ici mon expér
1354
rire tout un livre. (Mais si c’était celui que je
suis
en train d’écrire ? Et qui, précisément, ici, touche à sa fin ?) Je d
1355
mour, et l’aider à prendre conscience de ce qu’il
est
ou peut devenir. N’est-ce pas l’aider à réfléchir la lumière de l’amo
1356
dre conscience de ce qu’il est ou peut devenir. N’
est
-ce pas l’aider à réfléchir la lumière de l’amour créateur ? Non, ce s
1357
éfléchir la lumière de l’amour créateur ? Non, ce
serait
là trop dire, et pas assez. Aimer, c’est aider l’autre à se situer de
1358
us lui-même qu’avant : amour mutuel. L’expérience
est
la même, ou du moins je la sens telle. Mais la lumière ? Est-ce le No
1359
, ou du moins je la sens telle. Mais la lumière ?
Est
-ce le Nom qu’on lui donne qui diffère, — ou quoi d’autre ? Le point d
1360
diffère, — ou quoi d’autre ? Le point du dialogue
est
ici. Un point seulement, sans étendue, mais selon le regard que nous
1361
cidental ou l’Oriental. Tous les risques d’erreur
sont
de notre côté, nous les payons par les névroses ou l’abêtissement spi
1362
par les névroses ou l’abêtissement spirituel. Eux
sont
tellement en garde contre l’illusion, qu’ils l’ont mise en facteur co
1363
d’une gigantesque schizophrénie du Soi. (Mais il
sera
finalement résorbé, tout s’arrangera.) Ils en ont fait autant pour le
1364
mique, Purusha (dont la contrepartie actualisante
est
Prakriti) finalement dissociée et fondue dans le Soi : « Tu es Cela »
1365
i) finalement dissociée et fondue dans le Soi : «
Tu
es Cela ». Le drame individuel est noyé dans le Tout. Mais le Tout es
1366
finalement dissociée et fondue dans le Soi : « Tu
es
Cela ». Le drame individuel est noyé dans le Tout. Mais le Tout est l
1367
dans le Soi : « Tu es Cela ». Le drame individuel
est
noyé dans le Tout. Mais le Tout est le contraire du drame. Tous les r
1368
me individuel est noyé dans le Tout. Mais le Tout
est
le contraire du drame. Tous les risques d’erreur sont liés à notre am
1369
le contraire du drame. Tous les risques d’erreur
sont
liés à notre amour ; et plus l’amour est passionné, exigeant, singuli
1370
’erreur sont liés à notre amour ; et plus l’amour
est
passionné, exigeant, singulier, plus grand le risque. Ce que nous cro
1371
and le risque. Ce que nous croyons aimer en elle,
est
-ce elle-même ou l’image de notre ange ? Ce que nous avons cru voir en
1372
lle, et que nous déifions peut-être à ses dépens,
est
-ce notre anima projetée ? Tous les psychanalystes nous l’ont dit : l’
1373
es nous l’ont dit : l’erreur sur la personne de l’
être
aimé est la source des pires conflits, une violence faite à l’âme de
1374
ont dit : l’erreur sur la personne de l’être aimé
est
la source des pires conflits, une violence faite à l’âme de l’autre,
1375
son autonomie. Ici, le brahmane intervient : — Si
tu
cherches le Soi à travers elle, si tu as compris l’impermanence et t’
1376
ient : — Si tu cherches le Soi à travers elle, si
tu
as compris l’impermanence et t’exerces aux « vues justes » comme disa
1377
travers elle, si tu as compris l’impermanence et
t’
exerces aux « vues justes » comme disait le Bouddha, — qui était l’un
1378
ux « vues justes » comme disait le Bouddha, — qui
était
l’un des nôtres, un Indien — si tu vois bien ce que tu vois et portes
1379
ddha, — qui était l’un des nôtres, un Indien — si
tu
vois bien ce que tu vois et portes ton amour à l’immuable seul, toute
1380
un des nôtres, un Indien — si tu vois bien ce que
tu
vois et portes ton amour à l’immuable seul, toutes ces erreurs que tu
1381
Indien — si tu vois bien ce que tu vois et portes
ton
amour à l’immuable seul, toutes ces erreurs que tu craignais sont ill
1382
n amour à l’immuable seul, toutes ces erreurs que
tu
craignais sont illusoires. Comme le moi. — La vue juste distingue et
1383
mmuable seul, toutes ces erreurs que tu craignais
sont
illusoires. Comme le moi. — La vue juste distingue et juge, mais ne
1384
er mieux, c’est apprendre à discerner la raison d’
être
— donc d’être unique — de l’autre aimé, comme de soi-même. Ce corps v
1385
t apprendre à discerner la raison d’être — donc d’
être
unique — de l’autre aimé, comme de soi-même. Ce corps visible que vie
1386
t animer un mouvement singulier et fascinant de l’
être
… « Aimer ce que jamais on ne verra deux fois ! » — Aimer, c’est voulo
1387
bsorbant. Mais que nous devenions Shiva, la femme
est
dissoute et le monde avec elle. Car le monde ne doit pas être refusé
1388
e et le monde avec elle. Car le monde ne doit pas
être
refusé mais dissous.92 — Je veux voir l’autre en sa réalité, qui est
1389
ous.92 — Je veux voir l’autre en sa réalité, qui
est
unique. J’aime en elle à la fois ce que je vois et ce qui fait que je
1390
: ce vrai moi pressenti par l’amour seul, et qui
est
elle-même. Tu dis le Soi, ce n’est personne. — Il n’y a personne. Per
1391
pressenti par l’amour seul, et qui est elle-même.
Tu
dis le Soi, ce n’est personne. — Il n’y a personne. Personne ne peut
1392
r seul, et qui est elle-même. Tu dis le Soi, ce n’
est
personne. — Il n’y a personne. Personne ne peut aimer, sauf l’égoïste
1393
mour, et nous pouvons seulement devenir amour. Et
tu
sais bien que tu ne dois aimer que ton « Dieu » dans ses créatures, p
1394
vons seulement devenir amour. Et tu sais bien que
tu
ne dois aimer que ton « Dieu » dans ses créatures, puisqu’il est dit
1395
r amour. Et tu sais bien que tu ne dois aimer que
ton
« Dieu » dans ses créatures, puisqu’il est dit de Lui qu’il est amour
1396
er que ton « Dieu » dans ses créatures, puisqu’il
est
dit de Lui qu’il est amour. — Mais Dieu pour nous est une Personne, e
1397
ans ses créatures, puisqu’il est dit de Lui qu’il
est
amour. — Mais Dieu pour nous est une Personne, et nous crée comme per
1398
dit de Lui qu’il est amour. — Mais Dieu pour nous
est
une Personne, et nous crée comme personnes bien distinctes. Tu ne voi
1399
ne, et nous crée comme personnes bien distinctes.
Tu
ne vois pas la femme que tu crois aimer. — Quand je saurai aimer le S
1400
nnes bien distinctes. Tu ne vois pas la femme que
tu
crois aimer. — Quand je saurai aimer le Soi en elle, je ne serai plus
1401
er. — Quand je saurai aimer le Soi en elle, je ne
serai
plus moi, elle ne sera plus elle, et les dieux mêmes me serviront.
1402
mer le Soi en elle, je ne serai plus moi, elle ne
sera
plus elle, et les dieux mêmes me serviront. Tout et tous L’Orie
1403
consommation des temps, répond saint Paul, « Dieu
sera
tout en tous ». Depuis six millénaires, les sages de l’Asie n’ont pas
1404
s savent la date — la vie, le cosmos et les dieux
seront
résorbés dans l’Un seul, sans laisser aucune trace, comme n’ayant pas
1405
ulé par la science occidentale : mais personne ne
sera
là pour constater que leurs doctrines sur la Lumière finale et sur le
1406
nes sur la Lumière finale et sur le Vide n’auront
été
, dans leur ensemble, qu’une immense transposition sur les plans poéti
1407
ppe à la majorité de ceux qu’elle entraîne. Et il
est
vrai qu’on ne saurait guère le concevoir sans une vision de sa fin an
1408
tte fin. Dès lors, au duel de l’Un et du Multiple
est
substitué le drame de l’Un et des Uniques : — à l’anéantissement fina
1409
rnisé par l’effort vivifiant de l’Imagination. Ce
sont
là deux doctrines, deux vues des spirituels. Quelle est la vraie ? Si
1410
deux doctrines, deux vues des spirituels. Quelle
est
la vraie ? Si les sages de l’Orient ont raison, personne ne pourra le
1411
sées. Si les saints de l’Occident ont raison, ils
seront
seuls à être là pour le savoir. La doctrine qui peut devenir vraie se
1412
ints de l’Occident ont raison, ils seront seuls à
être
là pour le savoir. La doctrine qui peut devenir vraie sera celle que
1413
our le savoir. La doctrine qui peut devenir vraie
sera
celle que nous choisirons, en vérité vécue de conscience et d’action.
1414
et d’action. Les résultats actuels et historiques
sont
ambigus à l’infini, pour nos mesures. Les peuples sont dans l’ignoran
1415
ambigus à l’infini, pour nos mesures. Les peuples
sont
dans l’ignorance malheureuse des origines et des fins de ce qu’ils cr
1416
our leurs croyances. Nous voyons ce que l’Orient
est
resté jusqu’ici, et que ces doctrines d’extinction n’ont pas tué l’il
1417
llusion du moi ; au contraire, ce moi sans valeur
est
en train de faire valoir ses revendications, par plusieurs centaines
1418
r et l’espérance ce que l’Occident peut devenir :
soit
s’engloutir dans l’Illusion de la matière (et l’Orient aurait eu rais
1419
ion de la matière (et l’Orient aurait eu raison),
soit
accomplir sa vocation aventureuse, déchiffrer l’Être dans le singulie
1420
t accomplir sa vocation aventureuse, déchiffrer l’
Être
dans le singulier et les structures de l’énergie universelle. Car c’e
1421
, qu’il aille jusqu’au bout ! Pour lui la Réalité
est
dans l’individuel, et l’Être dans les raisons d’être des uniques. Or
1422
! Pour lui la Réalité est dans l’individuel, et l’
Être
dans les raisons d’être des uniques. Or ce choix est celui de l’amour
1423
t dans l’individuel, et l’Être dans les raisons d’
être
des uniques. Or ce choix est celui de l’amour, de la connaissance par
1424
dans les raisons d’être des uniques. Or ce choix
est
celui de l’amour, de la connaissance par l’amour, car tout ce qui exi
1425
connaissance par l’amour, car tout ce qui existe
est
unique, à voir de près, comme voit l’amour. 60. Cf. Charles Baudoi
1426
couverte de la Personne, 1940, p. 22. Cet ouvrage
est
le meilleur exposé du personnalisme moderne, par un psychanalyste ass
1427
d Bouddhist, p. 39.) La psychologie dont il parle
est
occidentale. Cherchant à guérir les « maladies du moi », elle le conf
1428
ise une action ; ses collègues l’approuvent et il
est
décidé qu’il sera fait suivant ce qu’il a proposé. D’autres fois, plu
1429
ses collègues l’approuvent et il est décidé qu’il
sera
fait suivant ce qu’il a proposé. D’autres fois, plusieurs membres de
1430
de l’assemblée la quittent d’eux-mêmes ; d’autres
sont
graduellement poussés au-dehors et d’autres, encore, sont expulsés de
1431
duellement poussés au-dehors et d’autres, encore,
sont
expulsés de force par leurs collègues. Pendant ce temps, de nouveaux
1432
e nouveaux venus s’introduisent dans l’assemblée,
soit
en s’y glissant doucement, soit en enfonçant les portes. On remarque
1433
dans l’assemblée, soit en s’y glissant doucement,
soit
en enfonçant les portes. On remarque encore que certains membres de l
1434
ar ne plus l’entendre. Au contraire, d’autres qui
étaient
débiles et timides se fortifient et s’enhardissent, et finissent par
1435
er dictateurs. Les membres de cette assemblée, ce
sont
les éléments physiques et mentaux qui constituent la “personne” ; ce
1436
ues et mentaux qui constituent la “personne” ; ce
sont
nos instincts, nos tendances, nos idées, nos croyances, nos désirs, e
1437
ces, nos désirs, etc. Chacun de ceux-ci se trouve
être
, de par les causes qui l’ont engendré, le descendant et l’héritier de
1438
moi, on le perd assurément et par méthode. Car il
est
forme dominante et gouvernante. Si on tentait de l’observer à l’aide
1439
à l’aide d’un microscope, l’éléphant lui aussi ne
serait
plus qu’une vaste illusion. 70. Les Questions de Milinda (Milindah
1440
e Milinda (Milindahunha), ier siècle A.D. Milinda
est
le roi indo-grec Ménandre, qui vivait au iie siècle avant J.-C. Naga
1441
Neel, op. cit., p. 304-305. 73. Ces deux phrases
sont
à rapprocher de cette vue d’un soufi : « Le paradis du gnostique fidè
1442
près ce que Freud nomme « narcissisme », et qui n’
est
tel qu’aux yeux de celui qui nie l’âme ; mais alors, d’où viendrait c
1443
cet amour, à qui irait-il ? La passion de Tristan
est
la preuve de l’âme, s’il en fut jamais. 82. Katha upanishad. 83. Al
1444
assion de Tristan est la preuve de l’âme, s’il en
fut
jamais. 82. Katha upanishad. 83. Alexandra David-Neel, Le Bouddhism
1445
hristianisme et le judaïsme. « Dans l’Arabe, tout
est
colère », écrit Henri Michaux. « Son bonjour : “Que le salut soit sur
1446
crit Henri Michaux. « Son bonjour : “Que le salut
soit
sur quiconque suit la vraie religion.” (La vraie ! Aux autres, pas de
1447
confronte avec plus de tendresse et de rigueur l’
Est
et l’Ouest. Lire aussi, mais c’est beaucoup moins tendre pour les deu
1448
s de L’Amour et l’Occident un peu plus qu’il ne
serait
souhaitable, de son propre point de vue. 91. On pourra retrouver ce
1449
de Chardin, La Route de l’Ouest (inédit). 94. Il
serait
peut-être fécond d’interpréter le principe de Carnot-Clausius (accroi