1
ez de violence pour nous déchirer jusqu’au salut,
et
dont la composante réelle tend vers zéro, c’est d’une philosophie de
2
kegaard nous en propose le type le plus efficace.
Et
c’est ainsi par une nécessité organique — nous sommes nécessiteux — q
3
ensée d’un Karl Barth, génial disciple du Danois,
et
dont il est grand temps qu’on nous traduise quelques essais théologiq
4
sner, de moindre envergure — à cause de sa rareté
et
de son aristocratisme essentiel — mais non de moindre profondeur, man
5
elle aussi l’emprise de l’« Existenzphilosophie »
et
son extrême conséquence. Dans la mesure même où Kassner se montre dis
6
sont guère définis que par leurs rapports mutuels
et
tirent de cette interdépendance leur valeur originale. Kassner repren
7
préromantisme allemand, l’opposition de l’antique
et
du moderne, non du point de vue littéraire comme on le fit en France,
8
mme qui doit être surpassé, vit dans la démesure,
et
lorsqu’il « veut prendre mesure de lui-même, il se sent aussitôt inco
9
mesure de lui-même, il se sent aussitôt incomplet
et
coupable. Il est donc possible de dire que le péché est la mesure du
10
e de dire que le péché est la mesure du démesuré,
et
que pour le chrétien il n’est pas d’autre grandeur ». Ainsi le chréti
11
e en tant que le péché crée une tension entre lui
et
Dieu. Mais le péché ne devient réalité que pour le converti ; c’est d
12
e, ni grandeur, ni forme, mais seulement chimères
et
incohérence. Que l’on considère en effet l’homme moderne, l’homme san
13
e naturelle : s’il ne retrouve pas de loi interne
et
de tension par le péché, il n’est plus qu’un être sans destinée, un «
14
indiscret ». « Sa substance interne est crevassée
et
divisée. Son œuvre souvent pleine de charme mais sans forme et sans b
15
on œuvre souvent pleine de charme mais sans forme
et
sans but, peut bien nous stimuler, mais ne nous détermine jamais. Cet
16
termine jamais. Cet homme indiscret est distrait,
et
sa distraction vient de l’intérieur. Il ne peut jamais sortir de son
17
Il ne peut jamais sortir de son moi sans trahison
et
chaque manifestation de son essence intime ressemble par quelque côté
18
à une impudeur. » À l’opposition du Beau objectif
et
de l’Intéressant sentimental qui pour Schiller et surtout pour Schleg
19
et de l’Intéressant sentimental qui pour Schiller
et
surtout pour Schlegel symbolisait celle de l’antique et du moderne, K
20
tout pour Schlegel symbolisait celle de l’antique
et
du moderne, Kassner répondrait aujourd’hui par l’opposition de la gra
21
jourd’hui par l’opposition de la grandeur mesurée
et
de l’indiscrétion journalistique. La férocité réfléchie qui préside à
22
enser n’est pas non plus s’ingénier sur des idées
et
des combinaisons d’idées mais créer de tout son être spirituel des fa
23
éer de tout son être spirituel des faits nouveaux
et
vrais, dans un certain style. Car il n’est point de vérité sans forme
24
int de vérité sans forme. Quelques pages étranges
et
puissantes sur les chimères de Notre-Dame illustrent ce réalisme de l
25
la forme, hors de quoi il n’est qu’indiscrétion,
et
qui livre la clef de la pensée de Kassner, comme aussi de son apparen
26
es créées ne soient concevables qu’en elles-mêmes
et
comme à l’état sauvage, non par une explication qui les réduise et qu
27
sauvage, non par une explication qui les réduise
et
qui les domestique. Une pensée neuve ne saurait être comprise à moins
28
ironie à l’intérieur des choses, qui les fouille
et
les purifie, une ironie née de la rigueur et non du scepticisme2. Le
29
ille et les purifie, une ironie née de la rigueur
et
non du scepticisme2. Le dialogue de Laurence Sterne et du recteur Kro
30
n du scepticisme2. Le dialogue de Laurence Sterne
et
du recteur Krooks sur Judas et la Parole est à cet égard d’une saveur
31
de Laurence Sterne et du recteur Krooks sur Judas
et
la Parole est à cet égard d’une saveur particulièrement riche et comp
32
t à cet égard d’une saveur particulièrement riche
et
complexe. (« … les bavards ne tirent pas d’eux-mêmes toutes les parol
33
lus encore que leur conception de l’« existence »
et
que leur ironie, ce qui rapproche Kassner et son maître c’est leur vi
34
ce » et que leur ironie, ce qui rapproche Kassner
et
son maître c’est leur vision tragique du péché. Le Lépreux, journal a
35
se Kierkegaard. L’on y trouvera moins de paradoxe
et
plus de délectation peut-être, une acuité lente de la réflexion, un a
36
exion, un alliage précieux de hauteur, de rigueur
et
de pitié humaine, une retenue presque solennelle mais qui sans cesse
37
ue solennelle mais qui sans cesse frôle l’humour,
et
parfois tourne en sournoise malice. On ne peut dire précisément de Ka
38
s adversaires — Freud en particulier, dans Christ
et
l’âme du monde — mais bien plutôt qu’à force d’approfondir leur domai
39
ce d’approfondir leur domaine propre, il les mine
et
les ruine intérieurement ; ou encore les dissout dans une réalité plu
40
bien que la conclusion ne peut être qu’implicite
et
fonction d’une hiérarchie de valeurs, non de la seule exactitude des
41
d tout par des biais qui nous sont peu familiers.
Et
puis enfin, voilà une philosophie qui postule la vision, c’est-à-dire
42
ans paradoxe ce recueil de « motifs » romantiques
et
de frissons anarchiques. Le thème commun, c’est sans doute l’atrocité
43
onde l’amour dont il aurait besoin, qu’il imagine
et
dont il meurt. Car la vie est une espèce de marâtre et n’a que faire
44
nt il meurt. Car la vie est une espèce de marâtre
et
n’a que faire de nos tendresses. Les sujets de Jean Cassou sont très
45
age de pareils faits lorsque l’esprit s’y attache
et
que l’amour ou la pitié essaient sur eux leurs forces. Le monde est h
46
es-uns des plus significatifs de ces récits (Dieu
et
le sommeil, Les Fins dernières) l’on assiste à un réveil, explosion d
47
s tout à fait rare dans la littérature française,
et
qui comporte en soi quelque chose de déconcertant. Il semble bien que
48
an Cassou trouve ici sa forme la plus personnelle
et
persuasive. Son espagnolisme et son germanisme révèlent ici d’heureus
49
plus personnelle et persuasive. Son espagnolisme
et
son germanisme révèlent ici d’heureuses complicités sentimentales. Ce
50
priver par là de cette autorité mystique, absolue
et
naïve où gît leur profonde raison d’être. C’est pourquoi les meilleur
51
atteignent à une qualité d’émotion vraiment pure
et
insistante. Mais le mérite original et important d’un tel livre me pa
52
iment pure et insistante. Mais le mérite original
et
important d’un tel livre me paraît résider avant tout dans l’ordre de
53
dépit de tout, tandis que l’esprit demeure évasif
et
lucide devant les conditions que le monde lui propose. b. Rougemon
54
qui se trouve être le dilemme urgent de l’heure.
Et
je m’inquiète ; non pas de ces questions ni de la prise de parti (ant
55
lire tant de brillants essais sur le monde actuel
et
futur ? Est-ce le fait d’une disposition trop romantique que d’avoir
56
s, des questions que n’importe qui pourrait poser
et
qui ne peuvent tirer de nous rien d’exquis ni d’original, mais au con
57
u presque, il reprend le dialogue avec son public
et
l’époque, de ce ton viril et simple qui est à lui, nullement irrité (
58
ogue avec son public et l’époque, de ce ton viril
et
simple qui est à lui, nullement irrité (comme un Bloy), nullement mor
59
une bourgeoisie à laquelle il échappe entièrement
et
de toute façon, n’étant pas même révolutionnaire, parce que trop radi
60
élaborant son œuvre à un niveau d’où bourgeoisie
et
révolution apparaissent comme des localisations de surfaces et tempor
61
apparaissent comme des localisations de surfaces
et
temporaires. (Les animaux et les arbres ne sont pas révolutionnaires.
62
isations de surfaces et temporaires. (Les animaux
et
les arbres ne sont pas révolutionnaires.) Et ce n’est pas qu’il ait j
63
maux et les arbres ne sont pas révolutionnaires.)
Et
ce n’est pas qu’il ait jamais craint de tirer sur ces racines, fortem
64
nt bon, qu’elles tenaient trop de terre embrassée
et
par elle tout un pays et son peuple ; car « c’est ici le pays de la s
65
trop de terre embrassée et par elle tout un pays
et
son peuple ; car « c’est ici le pays de la solidité, parce que c’est
66
eut dans je ne sais quelle lourdeur « originale »
et
unanime, en communion avec les éléments, avec l’effroi du monde. On a
67
nullement collectiviste d’ailleurs, mais originel
et
spirituel. (La révolution russe en tournant au marxisme, a provisoire
68
elui qu’établissent la mort, la peur, la maladie.
Et
la joie, ce point commun, « ce point qui est au-delà de la vie ». Le
69
ie ». Le communisme qui règne au jugement dernier
et
qui régnait aux Origines, car la Fin et le Commencement « sont en res
70
t dernier et qui régnait aux Origines, car la Fin
et
le Commencement « sont en ressemblance et voisinage ». Ce regard raje
71
la Fin et le Commencement « sont en ressemblance
et
voisinage ». Ce regard rajeuni, ces gestes rudimentaires, cette odeur
72
tend beaucoup du peuple russe, de « cette immense
et
secrète réserve d’innocence » d’où peut-être un jour sortira le peupl
73
niste que traverse l’URSS, au-delà de l’insolence
et
de la révolte ; et ce trait profond de son art m’en convainc : le sen
74
l’URSS, au-delà de l’insolence et de la révolte ;
et
ce trait profond de son art m’en convainc : le sens de la vénération,
75
que, qui s’avance dès le matin à travers le pays,
et
offre à tous la Parole, « ayant l’aspect d’une brochure à couverture
76
e, les maladies, la famine, la révolte, la guerre
et
la mortalité. Caille s’avance dans la journée, et l’angoisse autour d
77
et la mortalité. Caille s’avance dans la journée,
et
l’angoisse autour de lui grandit. De partout l’orage s’amasse. Vers l
78
iquement. Est-ce la fin ? Grande heure de terreur
et
de prière. Puis, « la page du ciel a été tournée », ils se relèvent :
79
as morts ! » Le monde renaît dans une soirée pure
et
le baiser d’un couple heureux. Rarement la forme authentique de Ramuz
80
at naissant, rugueux, décapé de toute rhétorique5
et
de toute explication intellectuelle, atteignant par la une unité de s
81
it quelle puissance naturelle, dans sa fascinante
et
grandiose monotonie. Art dont la mesure ne doit pas être cherchée dan
82
est qu’une page de Ramuz — même pas très réussie,
et
il y en a qui ont un air raté, un air pastiche de Ramuz —, c’est qu’u
83
u’elle impose, nous replace dans la vision grande
et
efficace des choses les plus simples. Mais il faut dire maintenant l’
84
eux, perpétuels — sujets d’étonnement perpétuel —
et
la Fin du Monde est l’un d’eux. Un vrai mythe, c’est-à-dire un événem
85
la vie comme un moule reçoit la matière en fusion
et
la réalise soudain — la fait chose — en lui donnant une forme ; l’act
86
e — la fait acte — en l’arrêtant dans cette forme
et
lui donnant une date. Les périodes qui « marquent » dans l’Histoire s
87
celles où la forme d’un mythe affleure, s’incarne
et
devient visible. Ce sont les périodes de crise. Or toute crise est un
88
ur tous les plans, financier, commercial, éthique
et
spirituel. Que les échanges se ralentissent ou cessent : aussitôt per
89
e par les machines ? Où tendent nos métaphysiques
et
nos philosophies mal embrayées ?… Nous voici ramenés aux questions si
90
yées ?… Nous voici ramenés aux questions simples,
et
réputées grossières. Peut-être voit-on mieux maintenant dans quel esp
91
mieux maintenant dans quel esprit Ramuz les pose,
et
que précisément c’est l’esprit de ces Signes. Aussi serait-il bien in
92
uffisant de dire d’une telle œuvre, datée de 1919
et
reparue en un temps de crise, qu’elle en revêt une actualité accident
93
vrai ; c’est notre temps qui revêt une actualité7
et
une réalité véritables du fait de la crise. Mais cet affleurement mys
94
dans son œuvre, comme le mystique dans sa prière.
Et
c’est pourquoi le poète, Ramuz, l’homme qui vit concrètement les gran
95
z, l’homme qui vit concrètement les grands mythes
et
les réalise dans sa vision, cet homme sera toujours en puissance d’au
96
’est le ton de la musique de Stravinsky, du Sacre
et
des Noces. Le ton de la création du monde. 6. S’il est vrai, comme l
97
est en quelque sorte le mettre en état de crise ;
et
il n’y a de réalité que par et dans la crise… 7. On pourrait souteni
98
en état de crise ; et il n’y a de réalité que par
et
dans la crise… 7. On pourrait soutenir que l’époque 1900-1910 fut «
99
ars 1932)d « L’homme, dit Goethe, ne reconnaît
et
n’apprécie que ce qu’il est lui-même en état de faire. » Telle est la
100
e est surtout une défense contre le Démon révolté
et
la Magie latente ; et s’ils ne le voient pas, c’est que précisément c
101
nse contre le Démon révolté et la Magie latente ;
et
s’ils ne le voient pas, c’est que précisément cette défense a réussi.
102
bien voir la révolte chez ceux-là qui la crient,
et
la magie chez ceux qui vaticinent, ayant été moins loin que Goethe da
103
ls de Rimbaud. Peut-être la confrontation du Sage
et
du Fou — d’un fou qui reste notre intime tentation — permettra-t-elle
104
e du paradoxe, une prise de conscience plus juste
et
plus efficace des puissances goethéennes. ⁂ Rimbaud enfant écrit des
105
des poèmes « magiques » puis renonce à la magie,
et
se tait. Goethe, initié dans sa jeunesse, commence d’écrire vers ce t
106
ut jamais un écrivain, ni ne se soucia de l’être.
Et
Goethe ne fut qu’entre autres choses un écrivain, et se soucia de l’ê
107
Goethe ne fut qu’entre autres choses un écrivain,
et
se soucia de l’être dans la mesure seulement où il portait en tous le
108
maines de son activité une application volontaire
et
soutenue. Ce n’est donc pas l’aspect littéraire de leur expérience qu
109
rit dont procèdent à la fois le refus de la magie
et
le goût passionné de l’effort immédiat. Qu’un fait de cet ordre puiss
110
evant son destin m’autorise à cette confrontation
et
me persuade de son intérêt humain. Et si tout cela reste absurde aux
111
nfrontation et me persuade de son intérêt humain.
Et
si tout cela reste absurde aux yeux de ceux pour qui seule compte cer
112
Goethe ait pratiqué « le devis des choses grandes
et
secrètes » comme parle Jérôme Cardan, l’on en trouve dans toutes ses
113
rappelé l’amitié du jeune bourgeois de Francfort
et
de la sage et très fervente Mlle de Klettenberg. Mais bien plus que d
114
tié du jeune bourgeois de Francfort et de la sage
et
très fervente Mlle de Klettenberg. Mais bien plus que dans une spirit
115
t dans une méditation, renouvelée des rose-croix,
et
qui le porta même à quelques essais d’alchimie. Coquetteries, a-t-on
116
mps. « Goethe vit sur un perpétuel pied de guerre
et
de révolte psychique ». Et lui-même gémit, avec une sombre joie : « S
117
rpétuel pied de guerre et de révolte psychique ».
Et
lui-même gémit, avec une sombre joie : « Sort misérable, qui ne me pe
118
enborg, lectures de son adolescence, figurent bel
et
bien dans son évolution une de ces crises où l’être spirituel découvr
119
où l’être spirituel découvre sa forme véritable.
Et
si, comme chez Goethe, c’est une forme mystique, celle du terrible «
120
est une forme mystique, celle du terrible « Meurs
et
deviens ! », et s’il l’assume en connaissance de cause, — c’est un év
121
stique, celle du terrible « Meurs et deviens ! »,
et
s’il l’assume en connaissance de cause, — c’est un événement qui ne p
122
aurait exagérer l’importance à la fois historique
et
symbolique : les premiers contacts de Goethe avec le mysticisme précé
123
ur lui, dès l’abord, en termes matériels, urgents
et
contraignants. De là le sérieux avec lequel il accepte les conditions
124
equel il accepte les conditions de l’initiation :
et
d’abord la plus difficile, le silence. Ainsi, les premières séduction
125
le ramène à l’aspect concret de notre condition.
Et
c’est seulement en passant par une application matérielle que la magi
126
drame dialectique de sa vie. Mais cette maladie,
et
la convalescence, ont éveillé dans son esprit les premières tentation
127
rcice, une activité organique à objectifs limités
et
concrètement conditionnée, nullement spéculative. Un instrument et un
128
onditionnée, nullement spéculative. Un instrument
et
un style. Dès ce moment le choix de Goethe a trouvé sa forme. Il lui
129
e renouveler perpétuellement durant toute sa vie.
Et
comprendre, éprouver jusqu’à la souffrance — qui est la « substance »
130
en fait, qu’un accomplissement, le plus difficile
et
le seul humainement fécond. Car un tel silence n’est pas absence de m
131
ts. C’est encore chez Goethe une activité réelle,
et
même à double effet. Qu’y a-t-il de plus agissant, dans une œuvre mar
132
it d’une âme qui se refuse encore à la souffrance
et
la crie sur la place. Un peu plus de souffrance, plus intimement ancr
133
n peu plus de souffrance, plus intimement ancrée,
et
voici l’autre danger : la délectation ascétique, l’obscurité glaciale
134
ité, c’est-à-dire le réel désir d’être « utile »,
et
c’est le juste point : les Affinités. D’ailleurs, l’alternance des tr
135
ouve que la question se pose sans cesse à nouveau
et
que sous l’apparence de plus en plus sereine, la tentation revient, l
136
ouvelles. Le silence mûrit à la faveur du secret,
et
dans la profondeur, des conceptions s’opèrent. C’est ainsi que la mag
137
par où l’homme pénètre dans la réalité mystique.
Et
cet acte ne peut se produire que dans le plus profond silence de l’es
138
est-ce point ce tréfonds dont parle Jacob Boehme,
et
qui « contient l’élément pur, mais aussi l’être sombre dans le mystèr
139
œuvre longue comme sa vie de créateur exactement,
et
à tel point autobiographique qu’il put songer à incorporer le plan de
140
r à incorporer le plan de certains actes à Vérité
et
Poésie. Le drame s’ouvre sur un réveil : l’exercice sans frein des ar
141
nsais en créant pouvoir jouir de la vie des dieux
et
m’y égaler… combien je dois expier tout cela ! » Faust se reprend au
142
t réel : la possession bienheureuse de l’instant.
Et
lorsque, épuisé mais pacifié, il va quitter son corps aveugle pour d’
143
e cette agonie symbolique de toute son existence,
et
c’est leur chœur qui chante une dernière fois la loi, au moment où il
144
n rejoint dans la pleine possession de ses forces
et
l’assurance du regard. L’âme, purifiée de sa « vieille dépouille » pa
145
aveuglant de la vie, pénètre dans le Nouveau Jour
et
contemple l’Indescriptible. Si Faust est le drame d’une formidable pa
146
Saison en enfer est le drame d’une pureté avide,
et
son destin se joue d’un coup. La grandeur de Goethe est d’avoir su vi
147
ialectique faustienne dans la vie d’un être jeune
et
libre encore de toute contrainte sociale, culturelle, voire physiolog
148
e vitalité plutôt qu’une souffrance matérielle, —
et
va d’un mouvement rigoureusement logique jusqu’au système de sa folie
149
vante ses pouvoirs avec une étrange exagération ?
Et
voici que l’hallucination le gagne et le submerge. « Je devins un opé
150
agération ? Et voici que l’hallucination le gagne
et
le submerge. « Je devins un opéra fabuleux. » Il a brûlé les étapes d
151
». C’est la vision du travail humain, inexorable
et
dégoûtant, mais comment échapper ? L’hallucination est tombée, faisan
152
, je suis rendu au sol, avec un devoir à chercher
et
la réalité rugueuse à étreindre. » C’est le cri même de Faust. « Il f
153
i cette vie est bien d’un seul tenant ; une seule
et
unique expérience la remplit : l’envahissement de la magie aboutissan
154
ahissement de la magie aboutissant au renoncement
et
à l’action. Le second Rimbaud est vraiment le même que le premier, da
155
cela, de même qu’il est peu fait pour la grandeur
et
la pureté, et pour des paroles comme « Si ton œil te fait tomber dans
156
qu’il est peu fait pour la grandeur et la pureté,
et
pour des paroles comme « Si ton œil te fait tomber dans le péché, arr
157
ton œil te fait tomber dans le péché, arrache-le
et
jette-le loin de toi ». Mais Rimbaud est d’une autre trempe : il a dé
158
ée, acceptant comme Goethe les conditions réelles
et
données de son effort particulier. Ce renoncement à un Orient de myth
159
est le refus de la magie qui fonde notre éthique,
et
ce dilemme est peut-être le plus important qui se pose à l’esprit occ
160
onscience occidentale. Supprimez l’un des termes,
et
la vie se détend, le tragique s’évanouit. Que ce mythe dialectique so
161
ofondément constitutif de notre être, l’extension
et
la diversité de ses aspects le prouvent. C’est l’opposition du savoir
162
aspects le prouvent. C’est l’opposition du savoir
et
du pouvoir, de la connaissance et de la souffrance, de la spéculation
163
ition du savoir et du pouvoir, de la connaissance
et
de la souffrance, de la spéculation et de l’existence, de l’au-delà m
164
nnaissance et de la souffrance, de la spéculation
et
de l’existence, de l’au-delà mystique et de l’immédiat éthique. Et qu
165
culation et de l’existence, de l’au-delà mystique
et
de l’immédiat éthique. Et quels sont les plus grands Occidentaux ? Ce
166
, de l’au-delà mystique et de l’immédiat éthique.
Et
quels sont les plus grands Occidentaux ? Ceux qui ont incarné le choi
167
rreur. Goethe n’a pas connu de tels déchirements.
Et
c’est lui qui méritera la phrase de la Saison : « Pas de partis de sa
168
monde spirituel, il s’est mis en état de défense
et
de lenteur. Il avance ainsi pas à pas, l’âme tendue dans une puissant
169
invisible à tout autre, l’accompagne sans trêve,
et
c’est d’elle qu’il tire ses forces, toujours renouvelées. Mais il y f
170
uvelées. Mais il y faut une prudence peu commune,
et
même tellement soutenue qu’elle informe peu à peu une sorte d’instinc
171
er : les mots n’atteignent plus son rêve profond.
Et
le cérémonieux silence du ministre renouvelle le vieux mythe germaniq
172
de de forme dans le cours de la magie chez Goethe
et
chez Rimbaud, et d’autre part le contraste absolu des rythmes, vont s
173
le cours de la magie chez Goethe et chez Rimbaud,
et
d’autre part le contraste absolu des rythmes, vont se traduire dans l
174
duire dans la similitude des conclusions éthiques
et
dans la divergence des réalisations littéraires. « Bon esprit, prends
175
e des années ascétiques, à Weimar avant l’Italie.
Et
le passage fameux de la Saison : « moi qui me suis dit mage ou ange…
176
n de son silence intérieur. Période de repliement
et
de refus, si douloureuse que le signe en devient visible sur ses trai
177
dont Klauer modela l’effigie passionnément triste
et
dominatrice. Large bouche aux lèvres serrées, l’inférieure creusée co
178
, l’inférieure creusée comme d’un sanglot retenu,
et
relâchée aux commissures, — tristesse et volupté. Mais le front d’une
179
retenu, et relâchée aux commissures, — tristesse
et
volupté. Mais le front d’une plénitude royale s’avance fortement cont
180
tude royale s’avance fortement contre la lumière,
et
les yeux, entre cette bouche et ce front, disent d’un sobre et médita
181
ontre la lumière, et les yeux, entre cette bouche
et
ce front, disent d’un sobre et méditant regard le mot suprême de la S
182
entre cette bouche et ce front, disent d’un sobre
et
méditant regard le mot suprême de la Saison, ce cri sourd du plus luc
183
Saison, ce cri sourd du plus lucide héroïsme : «
Et
allons ! » Goethe seul est allé jusqu’à la délivrance consciente. Il
184
désespoir à la fois l’angoisse de la catastrophe
et
la secrète, l’inavouable joie de la libération. Impossible d’isoler c
185
he, c’est la longueur du temps qui les dénoncera.
Et
cette fameuse sérénité de sa vieillesse, ce n’est rien d’autre, peut-
186
qui toujours s’est efforcé » a purifié le corps,
et
l’âme est prête à recevoir « l’amour d’en haut ». Car telle est le yo
187
hoix, l’écriture, — cela n’a rien que de logique,
et
résulte de la définition même d’un tel yoga. Tout savoir doit être co
188
voir doit être confirmé par un faire, qui le tait
et
l’exprime à la fois. Le « faire » de Rimbaud ne peut être la littérat
189
« J’ai toujours considéré mon activité extérieure
et
ma production comme purement symboliques, et, au fond, il m’est assez
190
eure et ma production comme purement symboliques,
et
, au fond, il m’est assez indifférent d’avoir fait des pots ou des ass
191
ntation la plus aiguë de jouer avec les mystères,
et
par là même l’occasion de réaliser sans cesse à nouveau l’exigence de
192
a vie ordinaire, de garder ces choses-là pour soi
et
de n’en découvrir que juste ce qu’il faut pour qu’elles puissent être
193
s, mais bien pour rechercher où tend ce problème,
et
ensuite se maintenir entre les limites de l’intelligible »12. L’on dé
194
oursuivit Goethe, cela convient aux gens du monde
et
surtout aux belles dames qui n’ont rien à faire. Mais un homme supéri
195
i a déjà conscience d’être quelque chose ici-bas,
et
qui par conséquent doit tous les jours travailler, combattre, agir, l
196
r, combattre, agir, laisse en paix le monde futur
et
se contente d’être actif et utile en celui-ci »13. À quoi nous sauron
197
n paix le monde futur et se contente d’être actif
et
utile en celui-ci »13. À quoi nous saurons opposer cette confession m
198
’un soleil caché14. » Écrire, tout en se taisant.
Et
ceux-là seuls entendront ce silence, qui auront su percevoir l’accent
199
ence, qui auront su percevoir l’accent dominateur
et
tendu des pages les plus égales et sereines du Faust. Mais, qu’à ce t
200
ent dominateur et tendu des pages les plus égales
et
sereines du Faust. Mais, qu’à ce tempérament démoniaque l’on enlève l
201
enlève la force plus grande encore du caractère,
et
voici la confession éruptive : les Illuminations naissent d’une telle
202
périence spirituelle, où il se livre tout entier.
Et
c’est là sa pureté, mais c’est aussi ce qui l’accule en fin de compte
203
est romantique, comme tous ceux que leur violence
et
leur faiblesse précipitent vers des portes de sortie souvent illusoir
204
ne fine, sed nunc stans). Elle veut cette vie-ci.
Et
tout le reste, qu’elle soit marxiste ou nietzschéenne, elle l’appelle
205
nietzschéenne, elle l’appelle « l’arrière-monde »
et
le rejette, en ceci plus chrétienne, plus tragique que l’époque roman
206
est la pureté démesurée de Rimbaud qui nous juge,
et
la grandeur humaine de Goethe. Et qui voudrait les opposer ? Que sign
207
qui nous juge, et la grandeur humaine de Goethe.
Et
qui voudrait les opposer ? Que signifierait un choix dont l’opération
208
ix dont l’opération resterait purement imaginaire
et
vaniteuse pour nous, tant que cette pureté et cette grandeur ne tente
209
ire et vaniteuse pour nous, tant que cette pureté
et
cette grandeur ne tenteront pas nos âmes jusqu’à la mort ? L’homme ne
210
s faiblesses pour des erreurs, non pour le péché,
et
d’autre part un orgueil assumé, puis renié avec la même violence, — c
211
rier 1932, dans ce Francfort en proie au Carnaval
et
à l’angoisse, ce n’est pas moi qui pose la question : elle m’assiège.
212
la réalité hors des cadres d’une logique statique
et
cartésienne nous porte en des régions nouvelles de l’esprit où l’acti
213
i sait l’entendre, que l’imprécation de Rimbaud :
et
tous deux nous contraignent aux tâches immédiates, c’est-à-dire : à l
214
février 1824. 14. Ibid., 15 octobre 1825. 15.
Et
non plus symbolique. d. Rougemont Denis de, « Le silence de Goethe
215
lteraient en s’opposant franchement, tirent à hue
et
à dia et engendrent une grande confusion. En ce sens, le dernier livr
216
en s’opposant franchement, tirent à hue et à dia
et
engendrent une grande confusion. En ce sens, le dernier livre de M. D
217
mel, consacré à la critique des aspects orduriers
et
bassement mécaniques de la vie moderne, illustre avec un talent qu’il
218
time que le désir d’être entendu du grand public,
et
c’est pourquoi l’on ne voudrait pas reprocher à M. Duhamel d’avoir ad
219
il me pardonne l’image technique — n’embraye pas,
et
paraît forcée. Ses laborieuses exagérations (Message aux Princes des
220
es Prêtres) sont dépourvues du minimum de cynisme
et
de fantaisie qui enflammerait notre indignation. C’est que l’expressi
221
ression traduit d’ailleurs une équivoque foncière
et
qui porte sur le thème général du livre. Il est inquiétant de voir un
222
st inquiétant de voir un esprit de cette qualité,
et
qui certes veut être honnête, se complaire expressément dans une harg
223
hargne tempérée de badinage. C’est à la fois trop
et
trop peu. Car, ou bien M. Duhamel critique l’abus des mécaniques, ce
224
tion d’une conception du monde à la fois libérale
et
inconsciemment matérialiste qui permet et favorise tout ce dont il s’
225
ibérale et inconsciemment matérialiste qui permet
et
favorise tout ce dont il s’indigne, conception à laquelle, par ailleu
226
esure, par l’affirmation de prévisions horribles,
et
cependant conformes à la nature des choses. e. Rougemont Denis de,
227
(juillet 1932)f Traduit du chien par Kipling,
et
adapté, voire recréé par Jacques Valette dans une langue insolite et
228
créé par Jacques Valette dans une langue insolite
et
touchante, ni petit nègre, ni bêtifiante, d’une grande force d’expres
229
it chien Botte raconte ses journées, « des choses
et
des choses comme des rats qui courent ». — « On est des pauvres tout
230
s tout petits chiens qu’on habite tout par dehors
et
que personne s’occupe ». Dès la seconde page, c’est à pousser des cri
231
re temps il est question de bien, de mal, de vice
et
de vertu, de péché même, parfois, quels sont les écrivains capables d
232
apables de déclarer leurs références, leurs poids
et
leurs mesures, enfin leur choix ? L’Occident cultive l’anarchie nomin
233
la plus grave : il ne sait ou n’ose plus définir
et
assumer son bien ni son mal, — et sans cesse il en parle, car la Soci
234
se plus définir et assumer son bien ni son mal, —
et
sans cesse il en parle, car la Société vit sous le règne des jugement
235
Bien ? Ceci pour indiquer à la fois l’importance
et
les limites du petit livre si justement paradoxal de Jouhandeau, — de
236
cette espèce de « dialectique » formelle du bien
et
du mal qu’il publie en marge de son œuvre romanesque. Un Kierkegaard
237
orales, en donne la référence : ce Dieu terrible.
Et
sa vertu est choix. L’absolu d’un Nietzsche, c’est le Grand Midi ; et
238
x. L’absolu d’un Nietzsche, c’est le Grand Midi ;
et
sa vertu : dépassement. Jouhandeau à son tour se place dans ces march
239
n tour se place dans ces marches extrêmes du bien
et
du mal où l’apologie de l’un équivaut presque à celle de l’autre. C’e
240
hoix préalable à la tentation, un choix universel
et
abstrait, mais des choix qui s’imposent avec une violence égale à cel
241
ais que dans chaque instant de l’existence le mal
et
le bien conservent toutes leurs chances d’être préférés, et toutes le
242
conservent toutes leurs chances d’être préférés,
et
toutes leurs tentations. En sorte que l’apologie de l’un évoque la gr
243
l’apologie de l’un évoque la grandeur de l’autre,
et
peut-être le secret désir de l’éveiller à la conscience. Le but de ce
244
ent de Jouhandeau, c’est de transcender la morale
et
ses canons donnés d’avance. L’audace du « choix » ou du « dépassement
245
», Jouhandeau l’appelle imprudence ou générosité.
Et
ces mots ne désignent pas autre chose qu’une intensité ou une pureté
246
Je mettrais volontiers dans le même sac honnêtes
et
malhonnêtes gens, mais non pas le généreux avec le pleutre, une âme t
247
en le leitmotiv de l’œuvre entière de Jouhandeau.
Et
soudain il nous apparaît que cette œuvre est une illustration, non dé
248
ent. C’est qu’ils supposent l’existence d’un bien
et
d’un mal concrets dont les Binche ou M. Godeau ou plus récemment les
249
s les complexités. Il s’agit, on le sait, du bien
et
du mal selon l’Église. Mais l’émouvante et ironique dialectique de Jo
250
u bien et du mal selon l’Église. Mais l’émouvante
et
ironique dialectique de Jouhandeau est-elle très catholique, ou même
251
nne ? La dialectique paulinienne postule que bien
et
mal appartiennent au règne de la loi (de la morale). Et c’est la foi
252
appartiennent au règne de la loi (de la morale).
Et
c’est la foi qui en libère, non pas cette « générosité » malgré tout
253
foi révèle une réalité essentiellement différente
et
qui enveloppe tout ensemble les catégories du bien et du mal : le péc
254
ui enveloppe tout ensemble les catégories du bien
et
du mal : le péché. Le contraire d’un péché, c’est-à-dire ce qui le su
255
le pardon. La vertu comme le vice naît de la loi
et
s’y réfère. Mais le péché naît où meurt la foi, et meurt là où vit la
256
t s’y réfère. Mais le péché naît où meurt la foi,
et
meurt là où vit la foi. Au bien vulgaire des moralistes, Jouhandeau o
257
mal ; à celui-ci le Bien ; d’où naissent le désir
et
la nécessité du Mal absolu ; sur quoi il reste béant. Mais la réalité
258
e donnée immédiate ; puis le bien ; puis le péché
et
le pardon. Et la grâce est déjà dans l’œil qui sait voir le péché au
259
iate ; puis le bien ; puis le péché et le pardon.
Et
la grâce est déjà dans l’œil qui sait voir le péché au sein du mal et
260
dans l’œil qui sait voir le péché au sein du mal
et
du bien à la fois. « Mal » ou « péché » — le débat se ramène sur cett
261
a raconté cette histoire avec beaucoup de grâces
et
des pointes d’ironie anachroniques. Cela frise Salammbô plus que Lafo
262
isables, du profil de plâtre, des boules de neige
et
du « dialecte du cœur ». h. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] K
263
re d’une époque où tout ce qu’un homme peut aimer
et
vouloir se trouve coupé de son origine vivante, flétri, dénaturé, inv
264
Réaction, par leur volonté proclamée de rupture,
et
plus encore par leurs revendications constructives, révèlent peut-êtr
265
eut qu’il y trouve quelques appuis occasionnels ;
et
certains de leurs objectifs respectifs sont communs… Déjà s’affirme d
266
du siècle, assez nouveau parmi les intellectuels,
et
si violemment accentué qu’il peut paraître suffisant pour définir un
267
ait pour autre chose, dans une société organisée (
et
mal) contre les « risques-vie », livrée aux basses rigueurs d’un cadr
268
nous voulons rendre inconfortable, inadmissible,
et
dans toute l’urgence du terme : actuelle. Il y va de la qualité même
269
nération comblée. Comblée de chances de grandeur,
et
comblée de risques mortels. Pour la jeunesse de 1932, le conflit de v
270
tter hic et nunc, mais pour que les hommes vivent
et
demeurent des hommes. Il y a deux camps : ceux qui veulent en sortir
271
Il y a deux camps : ceux qui veulent en sortir, —
et
ceux qui voudraient bien continuer, ayant certains intérêts dans l’af
272
re depuis si longtemps. Masse de sourds, de muets
et
d’aveugles, mais pas si sourds qu’ils ne s’irritent de nos cris. Il e
273
, par goût des atmosphères tragiques. Littérature
et
mauvais caractère. Il y avait de quoi vous fâcher, braves gens, vous
274
s, vous n’aviez après tout rien de mieux à faire.
Et
vous pensiez que la révolution, c’était une bande de méchants garçons
275
vous avez pensé que c’étaient des gens dangereux
et
avides. Et maintenant, c’est vous qui glissez dans l’angoisse. Vous e
276
pensé que c’étaient des gens dangereux et avides.
Et
maintenant, c’est vous qui glissez dans l’angoisse. Vous et vos maîtr
277
ant, c’est vous qui glissez dans l’angoisse. Vous
et
vos maîtres. Bientôt vous chercherez des équipes de sauvetage. Ici
278
pouvant accepter de nous battre pour un « ordre »
et
des « idéaux » criminels. Il y a la guerre proche. La ferons-nous ? p
279
est une nécessité au sens le plus banal du terme,
et
aussi à son sens de « misère qui appelle ». Nous ne sommes pas des «
280
mais des hommes menacés, qui dévisagent la menace
et
contre-attaquent. Et alors, toute une jeunesse va se dresser ? Va pre
281
és, qui dévisagent la menace et contre-attaquent.
Et
alors, toute une jeunesse va se dresser ? Va prendre parti, et agir ?
282
te une jeunesse va se dresser ? Va prendre parti,
et
agir ?… — Paralysie. — Le salut qu’on lui offre, il faudrait qu’elle
283
ime bourgeois odieux, raté, dont nous mourrons, —
et
d’autre part une espérance, une utopie, qu’il nous est impossible d’a
284
n’y voyons qu’une réalisation épurée, tyrannique
et
privée de toute résistance interne, de cela justement que dans le dés
285
rable d’une action — entre une bourgeoisie déchue
et
un marxisme faux ? Il reste à faire la révolution. Ni à gauche, ni à
286
qu’entre un capitalisme plus ou moins fascistisé,
et
le communisme (plus ou moins fordisé). Les marxistes détiennent l’ava
287
nvaincre par une réussite matérielle, temporaire,
et
d’ailleurs discutable ? C’est l’homme qui se révolte en nous contre l
288
en nous contre le marxiste. Vous n’y ferez rien.
Et
nous ne trahirons pas l’homme tel qu’il est, sous prétexte qu’il faut
289
tel qu’il est, sous prétexte qu’il faut se hâter,
et
qu’en Russie c’est en train de marcher. Nous jouerons tout sur une ré
290
italistes. Il en est une moins coûteuse à risquer
et
qui consisterait à se laisser convaincre… Tout les y pousse, et l’on
291
erait à se laisser convaincre… Tout les y pousse,
et
l’on se demande en vain quelle idéologie les empêcherait encore de ré
292
e marque Th. Maulnier, qu’un conflit d’intérêts ?
Et
d’intérêts qui ne sont pas les nôtres, qui ne sont pas les intérêts r
293
erserons notre sang. Il y a une vérité qui domine
et
condamne tout cela. Entre le communisme et la révolution personnalist
294
domine et condamne tout cela. Entre le communisme
et
la révolution personnaliste, l’opposition doctrinale peut se définir
295
e, toute solution mécanique du conflit nécessaire
et
vital. Il n’y a pas de troisième terme, — ou c’est la mort19. Mais la
296
ort19. Mais la coefficience de deux termes vrais,
et
assumés comme tels, c’est la personne. L’opposition de Proudhon et de
297
tels, c’est la personne. L’opposition de Proudhon
et
de Marx, sur le terrain économique, traduit exactement l’opposition d
298
e, traduit exactement l’opposition de Kierkegaard
et
de Hegel dans le domaine religieux. Elle traduira demain l’opposition
299
ra demain l’opposition des nations collectivistes
et
des patries personnalistes. Mais où sont les motifs de notre choix ?
300
s la notion de personne ! — aux forces politiques
et
historiques qui selon eux déterminent entièrement le devenir révoluti
301
», sinon suffisant, du processus révolutionnaire,
et
que nier cette valeur « décisive » de la personne, c’est désarmer la
302
éorie qui ôte à l’acte toute efficacité créatrice
et
par là même doit être dénoncée comme antirévolutionnaire20. Le matéri
303
e capable d’édifier un monde culturel, économique
et
social qu’anime un risque permanent, essentiel. L’état marxiste idéal
304
ne laisse subsister que les risques accidentels.
Et
comme le marquait récemment T. S. Eliot, dans un article21 où s’expri
305
Proposition antirévolutionnaire, il faut le dire,
et
niée par les faits dont elle se réclame implicitement, Lénine réussit
306
ns d’ouvriers sur une population de 160 millions,
et
où la bourgeoisie existe à peine en tant que classe, d’ailleurs brimé
307
a révolte de 89, dans ce qu’elle garde de valable
et
de dynamique ; c’est dès à présent le ressort de la nouvelle Révoluti
308
ela commence à se savoir. Ils promettent du pain,
et
croient ainsi triompher à la fois des bourgeois, et de la vérité huma
309
croient ainsi triompher à la fois des bourgeois,
et
de la vérité humaine de nos doctrines antibourgeoises. Mais ils ne do
310
ntre le capitalisme, le fascisme, leurs mystiques
et
leurs créations politiques (nationalisme, SDN, etc.), condamnation de
311
e l’humanité, mais entre l’homme, entre tel homme
et
la Réalité qui seule peut garantir son être. — Encore faut-il que les
312
es conditions matérielles permettent à ce suprême
et
quotidien débat d’avoir un sens, un point d’application : la personne
313
égitimer un système d’idées en elles-mêmes justes
et
opportunes (comme celles, je le crois, de L’Ordre nouveau, de Combat
314
essaires ; une substance, une exigence impossible
et
qui est la seule chose que les hommes éprouvent dans le fond de leur
315
ne pesante contrainte de foi, une pureté terrible
et
humble. Loin de moi la pensée que par des arguments nous pourrons tri
316
l, Présence), en Espagne, en Hollande, en Irlande
et
dans les pays latins de l’Amérique, cette « troisième force », antica
317
rique, cette « troisième force », anticapitaliste
et
non marxiste surgit, s’affirme. 19. Toute solution systématique du v
318
sité-liberté dans la mesure où elle existe en sol
et
dans sa durée propre, comme un 3e terme, en réalité, supprime l’un de
319
voir faire une part au Moyen Âge (qui les excite)
et
admirer en même temps le restaurateur du cicéronianisme dans tout ce
320
fend une thèse : « Je m’appliquerai à désassocier
et
à mettre en face de lui-même le poète lyrique — rattaché encore à une
321
yrienne puisque le plain-chant est roman-syrien —
et
le poète fabriqué à coups de platras à la manière antique ». Vous ave
322
e idéologique qui s’exprime en notes, digressions
et
plaisanteries jamais dépourvues d’ailleurs d’une certaine onction épi
323
use qui est la forme particulière de son ironie24
et
vous aurez ce petit volume de deux-cents pages qui, délayé en six-cen
324
udition » de Cingria reste si constamment précise
et
malicieuse qu’elle atteint à coup sûr le particulier de tout ce qu’el
325
eut en pleine poésie. D’où sa valeur « actuelle »
et
multiple, ses incidences fréquentes dans les problèmes du temps et de
326
incidences fréquentes dans les problèmes du temps
et
de tous les temps : la musique occidentale, les méfaits de Cicéron, l
327
e, le romantisme, le nationalisme, l’européanisme
et
la révolution. (Sur la confusion moderne entre le patriotisme « chose
328
sion moderne entre le patriotisme « chose motivée
et
avantageuse », et le nationalisme artificiel mais régnant qui fait de
329
le patriotisme « chose motivée et avantageuse »,
et
le nationalisme artificiel mais régnant qui fait de la chose publique
330
hose désavantageuse 25, quelques pages brillantes
et
fortes qui rejoignent curieusement les doctrines de L’Ordre nouveau).
331
jette l’esprit du lecteur dans le vif d’un sujet,
et
loin d’exploiter l’avantage de cette surprise, place aussitôt une cit
332
ace aussitôt une citation, oublie d’avoir raison,
et
nous laisse admirer cette prose de la Renaissance où palpite, sous un
333
La qualité des traductions du latin, du bas latin
et
de l’italien dont ce livre est abondamment orné permettra de goûter d
334
plus significatif dans un écrit « signé ». 24.
Et
qui d’ailleurs n’exclut pas de petites férocités soudaines, raffinées
335
« Mais cela (les patriotismes de l’Europe diverse
et
une) était homogène et souple, vivant, sans faux arrêt, sans cet arrê
336
tismes de l’Europe diverse et une) était homogène
et
souple, vivant, sans faux arrêt, sans cet arrêt d’illusoire devenu ré
337
mmuniquer, empêche de vivre, empêche de respirer,
et
qu’alors, reniant sa fin, elle ne sert plus que d’aliment à un dogmat
338
que d’aliment à un dogmatisme populaire farouche,
et
se définit comme désavantageuse ». k. Rougemont Denis de, « [Compte
339
aine presse. Si l’on ne voit dans l’auteur d’Adam
et
Ève qu’une sorte de folkloriste, il faudra considérer l’auteur de Phè
340
mbre, comment sa pensée marche, insiste, souffre.
Et
cela ne se passe plus dans le canton de Vaud, mais dans le domaine pr
341
La guérison naîtra d’une résistance retrouvée26.
Et
Ramuz, apaisé, regarde tomber la neige : les choses ont de nouveau le
342
sens. Ramuz parle de lui, c’est la première fois.
Et
c’est à peine de lui. Dix petites pages émouvantes, d’une confidence
343
oses. Là réside la cause de la peur, qu’il avoue,
et
qui n’est sans doute que la méditation d’un esprit dépourvu de prises
344
moderne, le monde des hommes sans responsabilité
et
sans résistance propre, le monde des hommes qui ne sont plus présents
345
ins. 26. « J’aime que les choses vous résistent
et
vous contredisent, comme par exemple une maison trop grande, un feu d
346
ut : Albert-Marie Schmidt domine trop constamment
et
trop aisément son sujet. Non point qu’il le maintienne arbitrairement
347
u’il est, ce petit volume nous offre un jeu serré
et
subtil, et dont le spectacle n’est pas vain. M. Schmidt ne s’en laiss
348
e petit volume nous offre un jeu serré et subtil,
et
dont le spectacle n’est pas vain. M. Schmidt ne s’en laisse point imp
349
». Il place Saint-Évremond, théoricien spirituel
et
serein de la sagesse du grand siècle, sous le coup de la question cap
350
e mieux que le demi-sourire d’une raison éclairée
et
mondaine. La nouveauté de l’essai d’Albert-Marie Schmidt est d’avoir
351
ngoissants problèmes, à force de les éclaircir »,
et
l’impureté d’un humanisme que l’on croyait tempéré et limpide, mais q
352
’impureté d’un humanisme que l’on croyait tempéré
et
limpide, mais que l’on voit « s’échauffer, se brouiller » aux premièr
353
ller » aux premières instances d’un choix radical
et
véritablement ordonnateur. Le chapitre le plus remarquable de cette b
354
r. Le chapitre le plus remarquable de cette brève
et
dense biographie intellectuelle, le plus juste aussi pour Saint-Évrem
355
unique remède. C’est comme la genèse individuelle
et
religieuse de ce fait trop actuel, qu’Albert-Marie Schmidt nous resti
356
osphère salubre, la naïveté puissante de ce film,
et
le même parti pris de bonne humeur héroïque. Tout ce qu’il faut pour
357
er l’adolescence avide de servir une grande cause
et
de se sacrifier pour le bonheur collectif. Chanson de Roland, fair-pl
358
stoïevski, petites « personnalités », rouspéteurs
et
autres surréalistes, empêcheurs de danser en rond. Voici l’histoire e
359
ions d’éclat. Il devient brigadier de choc. Grave
et
rieur, chaste, ignorant, avide de « culture ». Volodia, lui, est fils
360
cette région de la Sibérie. Entre eux, une jeune
et
touchante Irina, qui choisira bien entendu Kolka dès qu’elle aura com
361
n Russie, ne sont rien sans la mystique. La force
et
le charme de ce roman sont ceux mêmes d’une jeunesse fruste, innocent
362
n doute, mais quelque chose qui veut une réponse,
et
qui est d’autant plus tragique qu’ils ne savent plus le formuler. À n
363
savent plus le formuler. À nous de les y aider ;
et
de comprendre que seule cette question-là rétablit la communion humai
364
ion réticente, d’une discrétion presque farouche,
et
dans la même lignée que Le Grand Printemps et Raison d’Être, voici en
365
he, et dans la même lignée que Le Grand Printemps
et
Raison d’Être, voici encore un essai de Ramuz, mais de tous le moins
366
le moins ramuzien : il s’agit cette fois d’idées,
et
même d’idées générales, ce qui est assez paradoxal dans une telle œuv
367
en effet l’opposition cosmique du monde marxiste
et
du monde chrétien. Ramuz fait au communisme certains reproches que d’
368
d’autres ont déjà formulés, avec plus de mordant
et
plus de précision, et qui d’ailleurs n’ébranleront pas, dans leur foi
369
mulés, avec plus de mordant et plus de précision,
et
qui d’ailleurs n’ébranleront pas, dans leur foi, les marxistes. Mais
370
and on possède, comme lui, le sens de la solitude
et
le sens de la communauté — indissolubles —, on est une objection viva
371
d on est à ce point possédé par la vie des choses
et
des êtres, on n’a pas besoin d’arguments pour faire sentir l’absurdit
372
ctuels, figurent la réalité. Une œuvre comme Adam
et
Ève nous le fait voir tout aussi bien que cet essai : Ramuz est prése
373
uand il parle d’elle qu’il est grand, qu’il donne
et
manifeste sa mesure, qu’il apparaît véritablement qualifié. La mode e
374
t véritablement qualifié. La mode est au marxisme
et
au mépris de la Nature ? Mode bourgeoise, tyrannie décadente, tout oc
375
ois. Il peut attendre : son attente est présence,
et
porte en soi sa justification. À ceux qui croient aux fatalités de l’
376
re simplement qu’elles sont vraies pour eux-mêmes
et
pour tous ceux de leur espèce. On ne calcule pas avec la vie, mais av
377
par un ukase condamnant à la fois les mécanistes
et
les dialecticiens. On parle encore du « diamat »29, mais ce n’est plu
378
ialiste, c’est Ramuz. Parce qu’il aime les choses
et
déteste les mécaniques interposées entre l’homme et les choses. Aussi
379
déteste les mécaniques interposées entre l’homme
et
les choses. Aussi bien n’éprouve-t-il pas le besoin de s’affirmer mat
380
eu de son choix. Mais Berdiaev parle en chrétien,
et
Ramuz ne veut encore parler qu’en homme. Est-ce possible ? Et peut-il
381
veut encore parler qu’en homme. Est-ce possible ?
Et
peut-il y croire ? Il a bien vu le choix, mais l’a-t-il fait ? Il veu
382
une foi, dans « quelque chose qui dépasse l’homme
et
le suppose en même temps », écrit-il. C’est lorsqu’il définit ainsi l
383
définit ainsi la foi qu’on hésite à le suivre, —
et
que peut-être il sert mal sa pensée. Car cette définition ne vaut, pr
384
homme ? N’est-elle pas bien plutôt ce qui le juge
et
en même temps le sauve dans ses limites, ici et maintenant ? C’est là
385
e et en même temps le sauve dans ses limites, ici
et
maintenant ? C’est là le sens de l’Incarnation, en même temps que de
386
xe de bourgeois plutôt que d’homme. « Précédence,
et
non pas primauté du matériel ! », disait l’un d’eux. Qu’est-ce que le
387
qu’il est inculpé, mais ils ne savent pas de quoi
et
n’ont pas qualité pour le savoir. Puis, on le rend à la liberté. Tout
388
tice insaisissable, infiniment pédante, corrompue
et
capricieuse, dont les bureaux sont installés dans des faubourgs ignob
389
ès. Constatation de la réalité telle qu’elle est,
et
en même temps, au moment où la révolte point, constatation de la vani
390
amais, ces avocats qui parlent comme des prêtres,
et
qui sont de mèche avec la justice, ces prévenus en liberté, cette com
391
r à l’« arrêt » ; mais c’est aussi par cette foi,
et
parce qu’elle nous permet de faire un pas et « d’en sortir » que nous
392
foi, et parce qu’elle nous permet de faire un pas
et
« d’en sortir » que nous connaissons notre état, que nous mesurons le
393
onnaissons notre état, que nous mesurons le réel,
et
que nous pouvons l’avouer. p. Rougemont Denis de, « [Compte rendu]
394
ses troupes au cri de « Vive la Nation ! » nation
et
peuple se confondaient alors dans la mystique de la révolution. Aujou
395
de choisir entre un front qui se dit « national »
et
un front qui se dit « populaire ». Faudrait-il en déduire que le peup
396
populaire ». Faudrait-il en déduire que le peuple
et
la nation s’opposent ? Les mots l’indiqueraient, non les faits : voil
397
server que l’opposition n’est pas entre le peuple
et
la nation — entre les noms — mais entre « national » et « populaire »
398
nation — entre les noms — mais entre « national »
et
« populaire », c’est-à-dire entre les adjectifs. Je traduis : l’oppos
399
es du réel ? Je vois à gauche la peur de Chiappe,
et
à droite, la peur de la gauche. Je vois à droite une tentation fascis
400
« antifasciste ». Tout cela se joue sur des mots,
et
ces mots ne traduisent que des religions vagues, nées de la peur, et
401
uisent que des religions vagues, nées de la peur,
et
comme telles meurtrières. Les faits, ce sont M. de Wendel derrière la
402
s faits, ce sont M. de Wendel derrière la droite,
et
M. Litvinoff derrière la gauche. Je leur devine quelques intérêts con
403
s tort ? — Certes, il a tort disent les gauches ;
et
c’est à cause de la mystique. Et Staline, disent les droites, a tort
404
nt les gauches ; et c’est à cause de la mystique.
Et
Staline, disent les droites, a tort : car nous voulons une armée fort
405
a qu’une seule manière de tirer à la mitrailleuse
et
de se faire casser la figure. On peut regretter que le Congrès pour l
406
e de mots adultérés qui encombre la vie politique
et
qui empêche, à gauche comme à droite, de nommer les vrais adversaires
407
contre les menaces réelles, — qui sont la guerre
et
l’étatisme totalitaire. C’est très simple. Trop simple, sans doute ?
408
e secrets qu’il voulait rendre manifestes à tous,
et
qu’il exprimait, comme Luther, dans un allemand populaire et grossier
409
primait, comme Luther, dans un allemand populaire
et
grossier30. Il faut se méfier de la gloire qu’on lui a faite. On nous
410
te. On nous rapporte par exemple que « déjà vieux
et
ne voulant pas mourir, il s’adressa au diable qui lui conseilla de se
411
pé en petits morceaux, dans du crottin de cheval,
et
de faire subir à son corps toute la gamme des combinaisons alchimique
412
n beau jeune homme. Il se fit tailler en morceaux
et
enterrer par son fidèle serviteur. Mais celui-ci, impatient, ouvrit l
413
it repoussé. Un peu d’air pénétra dans le cerveau
et
Paracelse dut mourir avant d’avoir ressuscité ». Rajeunir son corps e
414
ir avant d’avoir ressuscité ». Rajeunir son corps
et
son âme par l’ordure, c’est un des thèmes favoris de notre temps. Mai
415
es qui doivent donner le ton à toutes les autres,
et
qui sont, comme nul ne l’ignore ou ne pourra l’ignorer longtemps, l’a
416
re ou ne pourra l’ignorer longtemps, l’astrologie
et
la théologie. Un grand souci paraît dans toute son œuvre : il veut êt
417
paraît dans toute son œuvre : il veut être clair,
et
utile. Clair ne signifie pas rationaliste, comme le veut le langage c
418
t il n’a que faire, avec son goût de l’expérience
et
de l’application concrète. Mais justement cette fringale d’expérience
419
le d’expérience qu’il promena par toute l’Europe,
et
peut-être même chez les Turcs, le rendit attentif à tant de phénomène
420
t avec son latin de cuisine, son grec allégorique
et
son allemand mal accordé pour fabriquer ce petit nègre médical et phi
421
mal accordé pour fabriquer ce petit nègre médical
et
philosophique dont la saveur ne saurait satisfaire les esprits plus c
422
Les historiens font la grimace, mais les lettrés
et
les médecins de la jeune école seront comblés. Gundolf décrit l’œuvre
423
scientifique. Il s’en tire au moyen d’allégories,
et
transforme sa maladresse en instrument de découvertes. Alors que notr
424
mal, où se trouve aussi le remède. Pour connaître
et
guérir une maladie, il ne suffit pas de voir l’homme seul ; il faut c
425
pathie moderne, du traitement par la vaccination,
et
même de la psychanalyse. Paracelse s’était formé de l’homme une conce
426
était formé de l’homme une conception spirituelle
et
organique (théologique-astrologique) à laquelle notre science est en
427
ain de revenir, après une sombre époque cérébrale
et
matérialiste. Il s’opposait32 aux médecins galénistes qui voyaient l’
428
issection dont descend toute la science du xixe ,
et
qui nous ont conduits à considérer notre corps comme une espèce de mo
429
ourts, de la mythologie féroce des ismes, de Marx
et
des capitalistes, des adorateurs de la mort, triomphe des chiffres et
430
des adorateurs de la mort, triomphe des chiffres
et
des laboratoires. Peut-être allons-nous revenir non pas à l’humanisme
431
entier. Certes, elle n’est pas seulement cruelle
et
folle, l’époque qui nous offre de si grandes chances. Et c’est une èr
432
e, l’époque qui nous offre de si grandes chances.
Et
c’est une ère favorable qui s’ouvre, celle où l’esprit se remet à che
433
ù l’esprit se remet à chercher ce qu’est l’homme,
et
quelle est sa mesure dans l’univers qu’il a cru concevoir ! 30. « L
434
des choses, il étudia aussi les effets des métaux
et
des vapeurs sur les ouvriers, observa la démarche, le genre de vie et
435
es ouvriers, observa la démarche, le genre de vie
et
l’aspect des mineurs et conçut ainsi, le premier, l’importance de l’h
436
démarche, le genre de vie et l’aspect des mineurs
et
conçut ainsi, le premier, l’importance de l’hygiène professionnelle »
437
isme résumant des chapitres entiers d’effroyables
et
puériles injures. « Votre Esculape, votre Avicenne et votre Galien et
438
uériles injures. « Votre Esculape, votre Avicenne
et
votre Galien et tous vos scribouillards (Scribenten) je les dissoudra
439
« Votre Esculape, votre Avicenne et votre Galien
et
tous vos scribouillards (Scribenten) je les dissoudrai dans de l’Alka
440
es brûler au four, de les baptiser d’ordures, eux
et
leur parenté, de les jeter dans le lac de Schwyz, etc., « et ce sera
441
enté, de les jeter dans le lac de Schwyz, etc., «
et
ce sera pour la vertu, quarte colonne de la médecine, un grand specta
442
essionnelle, professorale, la tractation correcte
et
à mon sens parfaitement vaine de problèmes qui n’empêchent personne d
443
s simplificatrices. Philosopher signifie chercher
et
non ratiociner. On ne saurait assez louer les directeurs des Recherch
444
d’avoir pris au sérieux le risque philosophique.
Et
je ne pense pas trahir leur tendance en insistant ici exclusivement s
445
ée. La belle étude de Karl Löwith sur Hegel, Marx
et
Kierkegaard fournit à l’orientation actuelle des Recherches une sorte
446
ble de cette vie temporelle », Löwith oppose Marx
et
Kierkegaard qui pensent « à la banalité soucieuse, extérieure et inté
447
qui pensent « à la banalité soucieuse, extérieure
et
intérieure, de l’homme ». Et je ne dis pas que le parallèle Marx-Kier
448
oucieuse, extérieure et intérieure, de l’homme ».
Et
je ne dis pas que le parallèle Marx-Kierkegaard n’ait entraîné l’aute
449
né l’auteur à déshumaniser à l’excès Kierkegaard,
et
à forcer l’opposition de Marx à la doctrine hégélienne de la médiatio
450
ription : elle va devenir action transformatrice,
et
productrice. L’esprit pur s’évanouit. L’âge qui s’ouvre sera celui du
451
ens fort, de l’apport des poètes à la philosophie
et
à l’éthique. Les études de E. Weil sur l’histoire, de M. Souriau sur
452
— est-ce un reproche ? — de G. Marcel sur l’acte
et
la personne, mériteraient beaucoup plus qu’une simple mention. J’aura
453
où Jean Wahl résume tout le vertige ontologique,
et
l’article de G. Stern sur l’a posteriori, bien caractéristique d’un c
454
Lawrence
et
Brett par Dorothy Brett ; Matinées mexicaines suivi de Pansies (poème
455
ts à cause de cette Américaine qu’on y voit trop,
et
passionnants à cause du sujet, même maltraité. Miss Brett raconte la
456
ême maltraité. Miss Brett raconte la même période
et
n’irrite pas, ne passionne pas non plus, mais nous intéresse longueme
457
onne pas non plus, mais nous intéresse longuement
et
gagne en somme notre complicité. Elle a l’humour discret, sensible, q
458
a confession d’un sentiment ni partagé ni rebuté,
et
résigné dès le début à cet état. Le plaisir le plus vif que réserve c
459
de nos contemporains ? Nous avons des reportages
et
des biographies, c’est-à-dire des moyennes et des exceptions, de la s
460
ges et des biographies, c’est-à-dire des moyennes
et
des exceptions, de la statistique et du pittoresque. Mais où trouver
461
des moyennes et des exceptions, de la statistique
et
du pittoresque. Mais où trouver la description des journées, des occu
462
nsiles, une scie, un cheval ; avec les sentiments
et
les idées des autres, et leurs histoires ; avec le train banal des em
463
al ; avec les sentiments et les idées des autres,
et
leurs histoires ; avec le train banal des embêtements et des petites
464
s histoires ; avec le train banal des embêtements
et
des petites chances ? — Voici alors, entre cent autres, cette descrip
465
ues seaux. Puis vous partez écrire dans les bois,
et
moi taper à la machine. À déjeuner, vous me dites que Clarence avait
466
ion de « détruire » Mabel, ce qui bouleverse Tony
et
vous bouleverse au-delà de toute expression. Vous êtes très peiné, et
467
u-delà de toute expression. Vous êtes très peiné,
et
je dis, moi, qu’on ne devrait pas raconter de pareilles histoires à T
468
eilles histoires à Tony. Vous répondez avec force
et
chaleur : « Oui, c’est vrai, on ne devrait pas les lui dire » et vous
469
Oui, c’est vrai, on ne devrait pas les lui dire »
et
vous soupirez profondément. Vous ne vous sentez pas bien, aussi après
470
vous brossez tout ce qui vous tombe sous la main
et
vous lavez des choses toute la journée. À cinq heures nous allons che
471
s. Puis Poppy se cabre au-dessus du dos de Bessie
et
nous la perdons presque. Enfin nos montures sont sellées et nous part
472
perdons presque. Enfin nos montures sont sellées
et
nous partons chercher le lait, mais vous êtes blême et fatigué. Un t
473
us partons chercher le lait, mais vous êtes blême
et
fatigué. Un trait qui manque par hasard dans cette page, et qu’on re
474
Un trait qui manque par hasard dans cette page,
et
qu’on retrouve dans toutes les autres, c’est la mauvaise humeur des L
475
es confirment d’ailleurs ce que nous disent Brett
et
les autres de cet état d’irritation perpétuelle où vivait Lawrence :
476
s d’aujourd’hui : c’est qu’ils croient au bonheur
et
à l’argent, les deux choses les plus irritantes du monde. (Un sous-pr
477
es les plus irritantes du monde. (Un sous-produit
et
un moyen pris pour fins.) Mais justement Lawrence ne croyait ni à l’u
478
ysique. Mais non moins de son obstination absurde
et
touchante à vouloir « les gens » plus vivants, plus naturels, plus ra
479
donner. « Soyez ! Ah ! Soyez un soleil pour moi —
Et
non une lassante et exigeante personnalité. » L’homme moderne, dit Ke
480
! Soyez un soleil pour moi — Et non une lassante
et
exigeante personnalité. » L’homme moderne, dit Keyserling, n’a pas de
481
ue, c’est justement celui qui « exige » de l’aide
et
auquel on vient en aide. Autrement, il serait deux fois insupportable
482
nsupportable : comme voisin toujours insuffisant,
et
comme reproche qu’on ne veut pas entendre. Pauvre Lawrence à la reche
483
es, il est plein d’une espèce de charité patiente
et
ingénieuse. D’où son amour des travaux manuels. Comme tout cela est r
484
out cela est rafraîchissant, satisfaisant, fidèle
et
pur. Notez aussi cette petite phrase du récit de Brett : « Puis vous
485
sa chemise bleue, ses culottes de velours blanc,
et
son grand chapeau de paille pointu, en train d’écrire sur ses genoux.
486
s font une carrière dans le « monde des lettres »
et
se composent un prestige !) Il invente ses histoires, secrètement ani
487
hait furieusement, il les approche avec méfiance
et
tout d’un coup les pousse par-derrière, et rit. C’est un long enfant
488
fiance et tout d’un coup les pousse par-derrière,
et
rit. C’est un long enfant maigre au regard narquois et inquiet, et qu
489
t. C’est un long enfant maigre au regard narquois
et
inquiet, et qui s’est mis une barbe rousse pour avoir l’air d’un faun
490
long enfant maigre au regard narquois et inquiet,
et
qui s’est mis une barbe rousse pour avoir l’air d’un faune. 33. Mêm
491
le « problème des gens », qui est moins grandiose
et
beaucoup plus encombrant… t. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] D
492
enis de, « [Compte rendu] Dorothy Brett, Lawrence
et
Brett ; D. H. Lawrence, Matinées mexicaines suivi de Pansies », La N
493
i était lié chez les mystiques : la vision de foi
et
les symboles concrets qui essaient de l’envelopper pour la transmettr
494
ent pas nécessairement l’intellection du contenu,
et
encore moins de sa vérité. Il y a donc de l’équivoque dans notre admi
495
ns ? Tout dépend de ce que l’on attend de l’homme
et
de son esprit : la puissance de tromper (art inclus) pour jouir, ou l
496
’âme arrive à transgresser ses limites charnelles
et
temporelles, à s’oublier en Dieu, son principe ». La question est alo
497
mystique qui ne soit pas cette « transgression »
et
cet oubli de nos limites, contre lesquels s’élèvent sans cesse les Pr
498
ontre lesquels s’élèvent sans cesse les Prophètes
et
les Apôtres. Il faut reconnaître que les pages les plus « belles » —
499
ouvert par son anthologie tout un monde spirituel
et
poétique plein de dangereuses merveilles. Le choix des textes me para
500
s me paraît des plus heureux, la traduction ferme
et
coulante. La plupart des mystiques que M. Chuzeville nous présente so
501
résente sont inconnus du public français, Novalis
et
Ruysbroeck mis à part ; et beaucoup sont de grands poètes, des philos
502
blic français, Novalis et Ruysbroeck mis à part ;
et
beaucoup sont de grands poètes, des philosophes terriblement concrets
503
t concrets : Maître Eckhart, Suso, Tauler, Franck
et
Weigel, et surtout Boehme le gnostique. Pour Paracelse, on s’étonnera
504
: Maître Eckhart, Suso, Tauler, Franck et Weigel,
et
surtout Boehme le gnostique. Pour Paracelse, on s’étonnera sans doute
505
ement remplacé la visionnaire Catherine Emmerich,
et
qui mérite au moins autant que Novalis de figurer parmi les grands my
506
Luther responsable d’une scission dans la culture
et
la spiritualité allemandes, scission aboutissant par une série d’acti
507
des, scission aboutissant par une série d’actions
et
de réactions dialectiques « au romantisme, au révolutionnarisme et à
508
ialectiques « au romantisme, au révolutionnarisme
et
à l’anarchie » (selon M. Truc), à quoi M. Chuzeville ajoute pour sa p
509
nalisme, « l’individualisme effréné », le racisme
et
le marxisme. Voilà pourquoi le peuple allemand est un peuple empoison
510
dialectique de Boehme à la philosophie de Fichte
et
de Hegel, d’où sont effectivement sortis un certain nationalisme et l
511
sont effectivement sortis un certain nationalisme
et
la doctrine du jeune Marx, on ne voit pas du tout le passage de Luthe
512
seur du libre arbitre persécuté par les pasteurs.
Et
d’autre part, on sait quels liens unissent Luther à Maître Eckhart, e
513
ait quels liens unissent Luther à Maître Eckhart,
et
surtout à son cher Tauler, dont il cite constamment les sermons. M. C
514
pait certaines indications fécondes de sa préface
et
nous donnait une bonne étude sur le lyrisme romantique considéré comm
515
eât sans équivoque la confrontation des mystiques
et
de la mentalité moderne. 35. Ce que je pardonne moins à M. Chuzevil
516
crire que Paracelse « était de nature comédienne,
et
savait à l’occasion dissimuler, comme l’indique le choix même d’un ps
517
s ; de même que les études de A. Koyré sur Franck
et
Weigel. Quant à Luther, il le juge d’après un résumé, confectionné pa
518
ur en accorder bien davantage qu’ils n’en gardent
et
que ceux qui les prononcent n’en conçoivent. Pour vous le prouver, vo
519
ecteur passait par là. Il lit le devoir. Tonnerre
et
foudres de ce pacifiste, qui n’hésite pas à dénoncer « l’impérialisme
520
re, c’est le journaliste allemand qui la raconte,
et
qui ne manque pas de féliciter la Chambre des communes. (Gazette de F
521
te un lien obscur, informulé, un fait sentimental
et
tellurique, un ensemble de goûts et d’habitudes qui ne comporte ni or
522
t sentimental et tellurique, un ensemble de goûts
et
d’habitudes qui ne comporte ni orgueil ni modestie, ni aucune espèce
523
: il y a dans ce pays plus de beauté que dans tel
et
tel autre. C’est tout au contraire exprimer un refus pur et simple de
524
re. C’est tout au contraire exprimer un refus pur
et
simple de comparer. C’est affirmer une préférence inconditionnelle. C
525
ne préférence inconditionnelle. C’est reconnaître
et
accepter le fait concret d’un attachement qui ne comporte pas de choi
526
heur, l’enseignement s’empare du fait patriotique
et
tente de le rationaliser : il en fait un objet de discours. Par là mê
527
dit raison ; qui dit raison suppose comparaison,
et
rien n’est plus absurde que de comparer un pays à un autre, un amour
528
e, car où est l’étalon, où est la mesure commune,
et
qui connaît le modèle idéal ? Le malfaisant nationalisme n’est rien d
529
rter l’empreinte de certains intérêts terrestres,
et
le méprise en tant qu’il cherche à s’affranchir de ce genre de pressi
530
’il m’est permis de faire ici un peu de théologie
et
un peu de logique, je demanderai à M. Benda : 1° si les « docteurs »
531
té l’empreinte de certains intérêts terrestres »,
et
conséquemment, si l’on a le droit d’opposer esprit pur à esprit incar
532
écisément pour un chrétien l’opposition de Pilate
et
des docteurs nationalistes juifs qui criaient avec la populace : Cruc
533
juifs qui criaient avec la populace : Crucifie !
et
relâche Barabbas — opposition qui se résout pratiquement en unanimité
534
aire le jeu des clercs qui crient avec les loups,
et
de trahir de la sorte doublement, étant admis toutefois que la missio
535
le transformer en vérité. Mission que l’Évangile
et
la théologie résument par le seul mot de Rédemption, et que certains
536
théologie résument par le seul mot de Rédemption,
et
que certains antichrétiens, plus pénétrés de christianisme qu’ils ne
537
évolution. Ces questions me paraissent capitales.
Et
je ne vois pas comment il serait possible d’y échapper. Depuis huit a
538
out à fait révélatrice du mouvement de sa pensée,
et
à certains égards, du contenu de la doctrine qu’il défend. Dictature
539
du contenu de la doctrine qu’il défend. Dictature
et
liberté, le monde moderne se débat tragiquement entre ces deux nécess
540
t la première exprime notre condition matérielle,
et
la seconde notre mission spirituelle. La dictature tue la liberté pou
541
La dictature tue la liberté pour assurer l’ordre
et
le pain du corps (c’est le principe !). La liberté condamne la dictat
542
seule y parvient — mais au profit de la liberté,
et
à seule fin de la laisser s’épanouir. Il faut soumettre la dictature
543
ait le plus beau « titre » du siècle. Ceci admis,
et
comment ne point l’admettre — mais c’est admettre la révolution — se
544
es » ; celles qui passionnent les hommes d’action
et
qu’ils estiment purement techniques parce qu’ils en ignorent les fins
545
sé, c’est-à-dire en organisant l’État, l’économie
et
les rapports sociaux selon les nécessités de l’heure, à leurs yeux «
546
té soumises dès le début à une volonté perspicace
et
fanatique de libération, ne tardent pas à se retourner contre les hom
547
ne tardent pas à se retourner contre les hommes,
et
à brimer nécessairement leurs vocations, leurs libertés réelles, leur
548
l pratique, on ne la retrouvera jamais au terme ;
et
la rigueur même du calcul s’opposera à son intrusion. Comme le prouve
549
i est celle des révolutions étranglées par l’État
et
sa police. Telles sont les bases — algébrisées — des recherches de L’
550
ouveau. Robert Aron les a décrites avec une sobre
et
nerveuse précision37 qui tranche sur le verbiage technico-humanitaire
551
onsidère l’ampleur du dessein de L’Ordre nouveau,
et
la difficulté de le résumer à l’usage d’un public qu’il faut sans ces
552
endus, l’on jugera mieux de la qualité de tension
et
de décision spirituelle que supposait un tel ouvrage. M. Thibaudet ré
553
que la France se doit de résoudre pour l’Europe,
et
de les poser sous la forme concrète d’une série de tensions qu’il s’a
554
e d’une série de tensions qu’il s’agit d’orienter
et
de rendre fécondes : solutions nécessaires et solutions d’urgence ; c
555
ter et de rendre fécondes : solutions nécessaires
et
solutions d’urgence ; coutume et loi abstraite ; création et automati
556
ions nécessaires et solutions d’urgence ; coutume
et
loi abstraite ; création et automatisme ; libéralisme et discipline ;
557
s d’urgence ; coutume et loi abstraite ; création
et
automatisme ; libéralisme et discipline ; fédéralisme et étatisme ; e
558
abstraite ; création et automatisme ; libéralisme
et
discipline ; fédéralisme et étatisme ; enfin, personne et individu. C
559
matisme ; libéralisme et discipline ; fédéralisme
et
étatisme ; enfin, personne et individu. Cette dernière « tension », à
560
pline ; fédéralisme et étatisme ; enfin, personne
et
individu. Cette dernière « tension », à laquelle se ramènent toutes l
561
conclusions pratiques dans le domaine du travail.
Et
sa première expérience de service civil, organisée l’été dernier, a f
562
s activités automatiques, ou « indifférenciées »,
et
non pas au sens purement politique de tyrannie exercée par un seul ho
563
a fallu surtout le double truchement de Heidegger
et
de Karl Barth pour imposer à l’attention de quelques-uns l’œuvre d’un
564
un écrivain dont, cependant, la puissance de choc
et
d’interrogation ne saurait être comparée qu’à celle de Pascal, de Dos
565
tre comparée qu’à celle de Pascal, de Dostoïevski
et
de Nietzsche. Aujourd’hui Kierkegaard est cité par tout le monde. On
566
ieux valu montrer plus de prudence à le répandre.
Et
pourtant il fallait qu’il fût traduit : c’était une des nécessités de
567
ier de sa production ; de là ses nombreux masques
et
pseudonymes, de là aussi l’impétuosité sans scrupules de ses dernière
568
chrétienté établie ». Toute une carrière de poète
et
de philosophe « à orientation religieuse » avait en effet préparé le
569
ion religieuse » avait en effet préparé le climat
et
la juste portée de ces attaques, avec une patience ironique, mais aus
570
une patience ironique, mais aussi dans la crainte
et
le tremblement d’une foi sans cesse combattue, d’une vraie foi. Publi
571
rme, cela revient littéralement à priver l’œuvre,
et
ces fragments qu’on nous en donne, de toute espèce de sens réel, — pa
572
tas, fragment des Stades sur le chemin de la vie,
et
cela, sans déclarer avec toute l’instance que requérait une opération
573
tre les églises établies, les évêques de la cour,
et
la religion bourgeoise qui veut prendre le christianisme « à bon marc
574
il a voulu poser honnêtement la question tragique
et
réelle du doute inséparable de la foi ; parce que, « comme un oiseau
575
ains pensent qu’au fond, il n’a jamais pu croire.
Et
pourtant, la définition même de la foi dans l’Évangile n’est-elle pas
576
apprends d’abord à bien connaître ta génération,
et
surtout ses erreurs, ses plaisirs, ses fièvres, ce qu’elle voudrait r
577
l’air, avec l’enthousiasme d’une éloquence chaude
et
entraînante. Pour cela, il te faut de la force et du talent. Qu’arriv
578
et entraînante. Pour cela, il te faut de la force
et
du talent. Qu’arrive-t-il ? Tout simplement ceci : l’époque s’engoue
579
mplement ceci : l’époque s’engoue de tes discours
et
tu deviens son favori. Tu es alors au début de ton supplice. Il s’agi
580
; alors tu verras tes contemporains se passionner
et
bientôt s’enflammer contre toi.38 Tel fut le sort que choisit Kierke
581
préparèrent sa mort, il « changea de direction »
et
révéla le sens dernier de toute son œuvre. Il est juste que ce destin
582
e que ce destin se répète aujourd’hui parmi nous.
Et
la publication des écrits religieux entreprise par M. Paul Tisseau y
583
s quatre petits volumes de « discours édifiants »
et
d’essais religieux : La Pureté du cœur, Le Droit de mourir pour la vé
584
le vague, le sentiment incontrôlé, le romantisme
et
l’anarchie, etc. La subjectivité, c’est le fait de devenir le sujet d
585
, c’est le fait de devenir le sujet de la vérité,
et
non pas seulement son admirateur enthousiaste. On dirait, dans le lan
586
’on connaît ; ou encore, de la prendre au sérieux
et
de la vouloir uniquement. Mais on ne peut vouloir d’une manière total
587
ent. Mais on ne peut vouloir d’une manière totale
et
unique que ce qui est vrai. Car tout ce qui n’est pas vrai comporte e
588
e qui n’est pas vrai comporte en soi une division
et
divise la volonté qu’on met à le réaliser. Tel est le sujet de la Pur
589
ent religieux de Kierkegaard développent ce thème
et
l’illustrent de la façon la plus familière et directe, tandis que ses
590
ème et l’illustrent de la façon la plus familière
et
directe, tandis que ses écrits littéraires ou philosophiques ont pour
591
qui ne se fondent pas dans cette vision centrale
et
unitive. Il me semble que les neuf discours traduits par M. Paul Tiss
592
rkegaard consiste alors à déconsidérer le sérieux
et
le pathétique purement humains, en les poussant à la limite où se rév
593
’y eut jamais de sérieux absolu39 que dans la vie
et
dans la mort du Christ, homme et Dieu, car lui seul eut vraiment « le
594
que dans la vie et dans la mort du Christ, homme
et
Dieu, car lui seul eut vraiment « le droit de mourir pour la vérité »
595
saisit dans ce temps l’éternel paradoxe de la vie
et
de la mort du Christ, jette sur tous nos sérieux, poses et amusettes,
596
mort du Christ, jette sur tous nos sérieux, poses
et
amusettes, une ironie, ou ce qui est pire, un soupçon d’insondable ir
597
usion, un mythe, ou encore un saut dans le vide ?
Et
alors il n’y aurait nulle part de vrai sérieux ? Peut-être aussi cet
598
aussi cet acte existe-t-il, peut-être que l’illic
et
tuc de cette Mort et de cette Résurrection peut devenir quelque part,
599
-t-il, peut-être que l’illic et tuc de cette Mort
et
de cette Résurrection peut devenir quelque part, dans une vie, le hic
600
désespoir qui s’ignore en certitude combattante —
et
combattue. Le sérieux de l’ironie, l’ironie du sérieux, voilà les pô
601
ette mêlée shakespearienne de logique impitoyable
et
de bon sens populaire, d’anecdotes, de boutades et d’échappées romant
602
t de bon sens populaire, d’anecdotes, de boutades
et
d’échappées romantiques (sur le silence de la femme, par exemple, à l
603
es en France par Jean Wahl, par Mme R. Bespaloff,
et
par moi-même. Je ne trouve pas cette violence déplacée, ni l’injustic
604
rité que ne serait l’affectation d’impartialité ;
et
je suis loin de trouver vaine la question que pose Fondane : « Ils su
605
opre démarche ? » Oui, cette question est gênante
et
sérieuse, et c’est pourquoi il fallait la poser. Et c’est aussi pourq
606
? » Oui, cette question est gênante et sérieuse,
et
c’est pourquoi il fallait la poser. Et c’est aussi pourquoi je la ret
607
sérieuse, et c’est pourquoi il fallait la poser.
Et
c’est aussi pourquoi je la retourne à son auteur. Mais peut-on y répo
608
ure kierkegaardienne » évidemment, « admiration »
et
non « imitation ». Mais peut-on publier autre chose que ce reste ?
609
d’abord deux mots : « poétique » dans le titre ;
et
« connaissance », qui s’inscrit à chaque page. La rumeur quotidienne
610
déplore l’antipathie tragique de la connaissance
et
de la Vie. Ceci tuerait cela. Et de cette dialectique, on a tiré quel
611
la connaissance et de la Vie. Ceci tuerait cela.
Et
de cette dialectique, on a tiré quelques rayons d’in-octavos. Mais Cl
612
e naître avec soi »… Il ne s’agit évidemment, ici
et
là, ni de la même poésie ni de la même connaissance. Claudel choisit,
613
n parti pris, qui est de s’en tenir aux origines,
et
à cette origine, entre plusieurs probables, qui lui paraît la plus co
614
crète, la plus active, la plus proche de la chose
et
du geste. Poésie, de poiein, ce sera : faire. Connaître, de cognoscer
615
nsées de circuler. Claudel se donne un règlement,
et
il observe les signaux. Les autres (voyez leurs journaux) se sont jet
616
it où il va risque encore d’augmenter l’embarras,
et
de se faire copieusement houspiller. Et pourtant, c’est lui seul qui
617
embarras, et de se faire copieusement houspiller.
Et
pourtant, c’est lui seul qui détient la méthode efficace pour en sort
618
l’usage, l’usure des mots aggravés par la presse
et
par la politique, ont peu à peu fait passer pour communes des signifi
619
pour communes des significations qui à vrai dire,
et
dans le fait, ruinent les bases de la communauté. On convient de s’en
620
aîtres-mots : esprit, nation, révolution, salut…)
Et
, comme pour protéger ces conventions précaires, on les rend aussi vag
621
s conventions précaires, on les rend aussi vagues
et
abstraites qu’on le peut. Opération inverse de celle du poète : on s’
622
— rompant ainsi le contact immédiat entre le nom
et
la chose qu’il exprime, entre le verbe et l’acte qu’il commande43, en
623
le nom et la chose qu’il exprime, entre le verbe
et
l’acte qu’il commande43, entre le parler et le faire, — entre la pens
624
verbe et l’acte qu’il commande43, entre le parler
et
le faire, — entre la pensée et la main. Cependant que l’effort d’un C
625
3, entre le parler et le faire, — entre la pensée
et
la main. Cependant que l’effort d’un Claudel, restituant à chaque mot
626
ent « poétiser », collaborer à l’ouvrage de Dieu,
et
recréer la catholicité. Mais c’est aussi, dans le monde d’aujourd’hui
627
dans l’Art poétique ? De cet ouvrage très sévère,
et
sublime en tant de passages, combien accepteraient l’inquisition ? Qu
628
formes. C’est un monde en recréation perpétuelle,
et
tout s’y tient parce que chaque être y agit pour tout ce qu’il n’est
629
proprement cohérent, puisqu’il ne tire ses règles
et
sa nécessité que de la fin totale qu’il glorifie. Ce n’est pas notre
630
qu’il est sauvé, relié solidement par la Promesse
et
remis en marche vers elle, — le monde de la poésie. Diviser, séparer,
631
aire scission, ce n’est pas seulement cartésien ;
et
Descartes n’a fait que constater les effets antipoétiques d’un relâch
632
fin qu’il fait sienne, c’est-à-dire qu’il s’isole
et
s’abstrait du mouvement de la Création. « Et c’est pourquoi une fin l
633
sole et s’abstrait du mouvement de la Création. «
Et
c’est pourquoi une fin lui fut en effet donnée » — qui est sa mort. M
634
raie fin tout ce qu’une durée mauvaise a disjoint
et
altéré. « Car l’attente ardente de la création attend la révélation d
635
é » (Rom. 8, 19-20). Ne fût-ce que par son style,
et
l’intention, partout, qu’il manifeste avec puissance, Claudel répond
636
e qu’il re-présente tout d’abord, rendre un corps
et
refaire des racines matérielles aux dérivés les plus exsangues, c’est
637
, en dehors du temps, en dehors des circonstances
et
causes secondes, il formule l’ensemble des conditions permanentes don
638
l’esprit, par lequel il la conçoit dans son cœur,
et
répète l’ordre qui l’a créée, s’appelle la parole. » Nous voici donc
639
trice, une étymologie vivante de tout ce qui est.
Et
maintenant, pour se connaître, il lui suffit d’agir sa vocation. Dans
640
englobe, il n’y a plus de distinction du matériel
et
du spirituel. L’homme « se connaît donc à son pas et à l’extension de
641
du spirituel. L’homme « se connaît donc à son pas
et
à l’extension de ses mains, à la facilité plus ou moindre grande qu’i
642
servir des instruments dont il a la propriété ».
Et
son corps lui est comme « un document où il suit les œuvres de l’espr
643
z curieusement, d’abord : « Singes de l’Éternel »
et
aussitôt… « Ministres de l’esprit ». Ô singerie géniale et ministère
644
ôt… « Ministres de l’esprit ». Ô singerie géniale
et
ministère manifeste ! Art poétique, art de refaire le monde — tel que
645
tes : faut-il attendre que les flics s’en mêlent,
et
viennent « mettre au pas » le langage — ou saurons-nous à temps nous
646
angage — ou saurons-nous à temps nous débrouiller
et
nous entendre librement ? 42. Tout le monde parle d’esprit sans null
647
inition, sans déclarer ce que le mot sous-entend,
et
qui se révélerait le plus souvent absurdement contradictoire. 43. C
648
oi seul » tout porte à conséquence, tout appelle,
et
d’abord la parole ! Mais l’usure des mots les édente, notre langage e
649
pas plus de cinq ans de guerre chaque vingt ans,
et
cette guerre, en outre, nous met en arrière de 1 milliard au moins. V
650
s. Au lieu de cet attirail dispendieux, incommode
et
dangereux, d’une armée permanente, ne vaudrait-il pas mieux en épargn
651
e, ne vaudrait-il pas mieux en épargner les frais
et
acheter l’armée ennemie, lorsque l’occasion s’en présenterait. Un Ang
652
livres sterling. C’est la plus forte évaluation,
et
ils ne sont pas tous aussi chers, comme on sait mais enfin, il y aura
653
in, il y aurait encore moitié à gagner en finance
et
tout en population, car, pour son argent, on aurait un homme nouveau,
654
levé d’universelles protestations. L’échec de Law
et
l’échec de Rickett ne comportent pas de morale : je veux le croire po
655
onneur seul — ou du moins ce qu’il nous en reste,
et
ce n’est qu’une caricature — retient les gouvernants de suivre jusqu’
656
retient les gouvernants de suivre jusqu’au bout,
et
sans scrupules, la logique du capitalisme. Or, ce système étant de ce
657
, c’est bien l’honneur — le budget de l’honneur —
et
non pas je ne sais quels scandales… ab. Rougemont Denis de, « Une
658
e la propriété capitaliste à la propriété humaine
et
Manifeste au service du personnalisme, par Emmanuel Mounier (février
659
iété est sans doute le mieux venu, le plus précis
et
situé. On aimera la mobilité, le glissement varié de ce style, l’agil
660
lus solides à cet égard, celles de Thomas d’Aquin
et
de Cajetan. On ne nous propose pas un « retour » de plus à quelque mé
661
iévisme d’utopie, mais au contraire on actualise,
et
enfin l’on prend au sérieux les admirables précisions thomistes que l
662
stes que les siècles jésuites avaient obnubilées,
et
que la grande majorité des catholiques d’aujourd’hui ignore avec pers
663
dire, nul mieux que l’Aquinate ne pouvait servir
et
autoriser le dessein de Mounier : défendre la propriété contre les ma
664
distinctions que formule la Somme — usage commun
et
gestion personnelle des biens, nécessaire vital et nécessaire personn
665
t gestion personnelle des biens, nécessaire vital
et
nécessaire personnel, entre autres — apparaissent d’une utilité et d’
666
sonnel, entre autres — apparaissent d’une utilité
et
d’une efficacité éclatantes dans l’embrouillamini politico-sentimenta
667
ico-sentimental où nous ont plongés les doctrines
et
les ressentiments secrétés par le capitalisme. Mounier part d’une phé
668
ns un exposé synthétique des doctrines thomistes,
et
rejoint avec un naturel qui est succès de ce livre, les positions con
669
e ce livre, les positions constructives d’Esprit,
et
même de L’Ordre nouveau (lequel était parti bien plutôt de Proudhon)4
670
s’agit de passer d’un mode de propriété abstrait
et
anonyme à un mode personnel et responsable, ou encore, d’un mode maté
671
propriété abstrait et anonyme à un mode personnel
et
responsable, ou encore, d’un mode matérialiste et tyrannique à un mod
672
et responsable, ou encore, d’un mode matérialiste
et
tyrannique à un mode spirituel, donc humain. Je sais gré à Mounier d’
673
verser l’argument des propriétaires, trop souvent
et
hypocritement opposé à certain communisme — celui que redoutent les b
674
line… Mais si vigoureuse que soit cette analyse —
et
si utile sa lecture pour tous les possédants chrétiens — elle ne revê
675
mettra de prendre une mesure rapide des progrès —
et
aussi des lacunes provisoires45 — de ce mouvement. Le lecteur qui se
676
e, que nous jetions alors dans le débat politique
et
culturel, et qu’on nous reprochait non sans aigreur, quand il ne fais
677
etions alors dans le débat politique et culturel,
et
qu’on nous reprochait non sans aigreur, quand il ne faisait pas souri
678
aisait pas sourire les réalistes, le voilà repris
et
galvaudé depuis deux ans par toutes les ligues et partis, de La Rocqu
679
et galvaudé depuis deux ans par toutes les ligues
et
partis, de La Rocque à Vaillant-Couturier ! (Je ne sais pourquoi, d’a
680
personnalistes » — que les problèmes de l’homme,
et
de l’esprit, ne se poseraient plus durant le prochain demi-siècle. Pa
681
n demi-siècle. Parler de la primauté du spirituel
et
de l’humain, c’était fasciste ! Mais voici que quatre ans plus tard,
682
urs-programme intitulé Au service de l’Esprit 46.
Et
l’on y lit que les fascistes sont les pires adversaires « de la perso
683
rsonne humaine, cette grande force spirituelle ».
Et
aussi « qu’au-dessus de tout, les communistes placent l’homme ». Et e
684
essus de tout, les communistes placent l’homme ».
Et
enfin que « c’est à l’Esprit que le parti communiste français fait co
685
résoudre les problèmes de la paix, de la liberté
et
du pain des hommes »ad. À vrai dire, nous n’espérions pas un triomphe
686
a que cela de sérieux dans la politique moderne.
Et
le Manifeste de Mounier peut y contribuer largement. Faut-il dire que
687
toléré dans l’Église que pour servir le pauvre ».
Et
selon saint Thomas, « n’importe qui peut donner l’aumône au nécessite
688
ontré que l’usure n’est qu’un facteur secondaire,
et
très peu décisif, du capitalisme. 45. Le Précis publié par L’Ordre n
689
e la propriété capitaliste à la propriété humaine
et
Manifeste au service du personnalisme », La Nouvelle Revue française
690
es derniers jours passés à Paris non sans fièvre,
et
cette arrivée au soleil dans une liberté naïve et nue, pauvre et joye
691
et cette arrivée au soleil dans une liberté naïve
et
nue, pauvre et joyeuse. Mais je vois bien qu’il me faut expliquer pou
692
e au soleil dans une liberté naïve et nue, pauvre
et
joyeuse. Mais je vois bien qu’il me faut expliquer pourquoi nous veni
693
rûlé par l’insomnie les flots de l’océan maussade
et
les pauvres rivages du détroit, c’est fort apparemment que je n’avais
694
se sans argent, est la ville des gérants ignobles
et
des concierges, des lieux-sombres-et-populeux où il faut pénétrer l’â
695
mbres-et-populeux où il faut pénétrer l’âme basse
et
la petite enveloppe à la main. Tant d’autres disent : allons-nous-en,
696
à la main. Tant d’autres disent : allons-nous-en,
et
restent faute d’imagination. Et pourtant il suffit de bien peu pour p
697
: allons-nous-en, et restent faute d’imagination.
Et
pourtant il suffit de bien peu pour partir : la France a des milliers
698
s. Dites autour de vous que vous en cherchez une,
et
vous en trouverez pour rien, ou pas grand-chose. Encore faut-il savoi
699
ède légalement que des valises, de quoi me vêtir,
et
quelques livres. Mais aussi, je ne puis vivre nulle part sans me crée
700
ute chose que je sais mettre en œuvre à ma façon,
et
peu capable de comprendre que l’on veuille « avoir » autrement. Possé
701
ser en fait de cette chose-là. C’est donc un acte
et
pas du tout un droit. Et ce n’est pas une sécurité, ni rien qui dure
702
e-là. C’est donc un acte et pas du tout un droit.
Et
ce n’est pas une sécurité, ni rien qui dure au-delà du temps qu’on en
703
emps qu’on en jouit. Cette maisonnette, ce jardin
et
cette île, seront miens selon la puissance avec laquelle j’en saurai
704
faire usage, pour une fin qui leur est étrangère,
et
qui me commandera de les quitter le jour qu’ils y mettront obstacle.
705
ssion ! Une chose n’est mienne que pour un temps,
et
si je change, elle me devient impropre. Je n’hérite pas même de moi !
706
est cela dont on ne peut pas se délivrer à temps,
et
devrait être défini franchement comme ce qui est incommode ou impropr
707
anchement comme ce qui est incommode ou impropre,
et
dont il faut tâcher de se délivrer coûte que coûte.) Mon domaine, c’e
708
abriquée : j’ai trouvé dans le chai deux tréteaux
et
deux planches bien rabotées ; j’ai dressé cela devant la fenêtre ouve
709
e le ciel au-delà, un ciel lavé, tissé d’oiseaux,
et
parfois traversé par un nuage rapide. La maison compte deux chambres
710
de la cuisine, deux autres chambres assez vastes
et
presque vides, auxquelles le toit sert de plafond. Très peu de meuble
711
de bleu clair, des planchers rudes. Décor candide
et
gai, oui vraiment plus gai qu’ascétique. Dans le chai, à la porte un
712
ts ici ou là, c’est une sorte de contrôle amusant
et
utile — pour plus tard — et c’est une bonne discipline de l’esprit qu
713
e de contrôle amusant et utile — pour plus tard —
et
c’est une bonne discipline de l’esprit que la description objective.
714
s dans une expérience forcée de vie pauvre, libre
et
solitaire — trois grands mots ! et pourtant c’est bien cela — tout au
715
pauvre, libre et solitaire — trois grands mots !
et
pourtant c’est bien cela — tout au bout d’un pays dénué de ressources
716
os calculs sont justes : 900 francs, un bon toit,
et
le temps de voir venir. Du 10 au 17 novembre Pour parer au plus pre
717
0 au 17 novembre Pour parer au plus pressé, écrit
et
envoyé six articles à des revues, hebdomadaires et journaux. Grande f
718
t envoyé six articles à des revues, hebdomadaires
et
journaux. Grande facilité de travail dans le silence à peu près absol
719
la littérature ou les idées. C’est cela qui paie,
et
qui m’ennuie. Après quoi, je pourrai travailler. Aujourd’hui c’est le
720
ux volumes sur l’histoire de l’île, ses coutumes,
et
son dialecte. L’un est l’œuvre d’un archiviste du continent. Il affec
721
énements qui se déroulèrent dans ce coin du pays,
et
surtout pour les légendes, locales, qui ont fortement exagéré et embe
722
les légendes, locales, qui ont fortement exagéré
et
embelli tout cela… La science réclame de petits faits vrais. Elle ten
723
st l’œuvre d’un vieux médecin tout plein de verve
et
de gaillarde érudition, comme il s’en trouve un peu partout pour sauv
724
ns, les flottes anglaises des guerres de religion
et
les expéditions de saumoniers. Une période héroïque sous Richelieu. D
725
villages se dépeuplent, les traditions se perdent
et
les champs tombent en friche. La Révolution seule a ranimé l’ardeur d
726
i-même ou tout au moins à son instigation. Enfin,
et
cela nous sera des plus utiles, une minutieuse description de la faun
727
us utiles, une minutieuse description de la faune
et
de la flore de l’île, du régime des marées, des courants et des vents
728
lore de l’île, du régime des marées, des courants
et
des vents. Merveilleux livre en vérité ! Et la merveilleuse bibliothè
729
rants et des vents. Merveilleux livre en vérité !
Et
la merveilleuse bibliothèque que celle qui rassemblerait tous les ouv
730
expérience, de ses rancunes, de son amour caché,
et
de sa science hétéroclite de praticien et de collectionneur. L’esprit
731
caché, et de sa science hétéroclite de praticien
et
de collectionneur. L’esprit fort et l’esprit de clocher se font une g
732
de praticien et de collectionneur. L’esprit fort
et
l’esprit de clocher se font une guerre acharnée dans ces pages et ils
733
locher se font une guerre acharnée dans ces pages
et
ils l’emportent tour à tour, jusqu’à la synthèse finale d’une envolée
734
envolée tout à la fois patriotique, républicaine,
et
tolérante. La droite, la gauche, et une certaine espèce d’intelligenc
735
républicaine, et tolérante. La droite, la gauche,
et
une certaine espèce d’intelligence, ou d’ironie… Pour de tels hommes,
736
plutôt elles se mêlent dans un combat indivisible
et
nécessaire au cœur de chacun d’eux. Voilà l’espèce d’hommes français
737
toute blanche qui contourne la panse de l’église
et
aboutit à la place principale. Au milieu de cette place, qui est un v
738
trie architecturale. Il domine toutes les maisons
et
le clocher. Il est seul au-dessus du pays. Je voudrais le dessiner da
739
r dans le style romantique, avec tous ses détails
et
toute son opulence, frisé comme une perruque du grand siècle. De troi
740
alignent en ordre modeste, peintes en tons clairs
et
simples, blanc, jaune ou vert. La couleur des volets s’harmonise avec
741
armonise avec chaque façade d’une manière subtile
et
précise qui en dit long sur l’âme de ce peuple discret. C’est l’impre
742
le village où l’on va vivre. Celle-ci est énorme
et
goutteuse. Elle a des douleurs dans les jambes, et m’en parle d’abord
743
t goutteuse. Elle a des douleurs dans les jambes,
et
m’en parle d’abord, pour me mettre en confiance. Je sens bien qu’elle
744
eur, des enveloppes jaunes, du peloton de ficelle
et
du kilo de riz. Mes vêtements, citadins mais râpés, ne la renseignent
745
ins mais râpés, ne la renseignent pas clairement.
Et
que penser d’un « Parisien » qui manifeste l’intention de rester ici
746
à écrire… Elle n’ose pas m’en demander davantage.
Et
moi, je recule devant l’entreprise de lui expliquer la nature de mon
747
uère autre chose que de la mercerie, des lainages
et
des épices. Alors il faut aller de l’autre côté de la place, chez Mél
748
embre Le bureau de poste. Trois mètres sur trois,
et
une grille épaisse au milieu. Derrière la grille, le long visage de P
749
son tarif, fait son calcul sur un bout de papier,
et
conclut que j’ai à payer 72 francs pour un envoi, ce jour-là, d’une c
750
apaisement qui ménage toutes les susceptibilités,
et
finalement ne rien payer de plus. Je cause un peu, pour me faire pard
751
it des lessives. En été ils pêchent des palourdes
et
les vendent aux baigneurs. Bien entendu, je n’arrive pas à savoir com
752
enses du premier mois dans l’île : ménage, manger
et
boire, 480 francs ; (en général tout est plus cher qu’à Paris). Recet
753
nt de bonnes ou de mauvaises volontés lointaines,
et
du hasard, éveille par résonnance un sentiment de liberté, de gratuit
754
: libération. Il faut qu’il arrive quelque chose.
Et
s’il n’arrive rien ? « On ne meurt pas de faim dans nos pays », dit-o
755
On ne meurt pas de faim dans nos pays », dit-on,
et
je crois bien que je l’ai dit quelquefois. Mais il y a aussi des exce
756
y a aussi des exceptions, des cas sans précédent,
et
des raisons toutes personnelles de ne pas appeler au secours. Pourtan
757
bonheur de notre vie. Trouver son rythme naturel,
et
les moyens de s’y réduire, voilà le but de toute morale car le « bien
758
r une île ? Est-ce que l’insularité (géographique
et
morale) n’est pas une espèce de vice ? Est-ce que ce n’est pas la rac
759
des îles ? Quand nous sortons pour une promenade
et
que nous mesurons toute l’étroitesse de notre domaine, la mer partout
760
se de notre domaine, la mer partout à dix minutes
et
ces marécages hostiles, nous souffrons de ne pouvoir prolonger en pen
761
liberté négative. Elle nous met à l’abri du monde
et
nous ramène tous physiquement à nos limites. Mais l’homme est ainsi f
762
e sans cesse se risquer au-delà de ce qu’il peut,
et
franchir au moins en pensée les bornes de ses possessions pour aller
763
vec les hommes de ce village ce qui est essentiel
et
solide dans ma vie. Le simple fait que je ne puis pas les persuader q
764
ière sentimentale, une gêne constamment sensible.
Et
je n’ai nulle envie d’en prendre mon parti. Dans ce qu’ils ont pu ent
765
raire. Ils m’expliquent en détail ce qu’ils font,
et
je puis le comprendre et l’admirer. Ils ont ainsi sur moi une sorte d
766
n détail ce qu’ils font, et je puis le comprendre
et
l’admirer. Ils ont ainsi sur moi une sorte de supériorité concrète do
767
es petites gravures anciennes, encadrées de noir,
et
joliment disposées, une photo de bateau, et un vieil arbre généalogiq
768
noir, et joliment disposées, une photo de bateau,
et
un vieil arbre généalogique aux couleurs pâlies. Cet ordre gai, cette
769
décembre Ils me parlent de ce qui les intéresse,
et
je m’y intéresse avec eux. Mais je ne puis ou ne sais pas encore leur
770
curieux. De quoi donc me parlent-ils ? Du temps,
et
j’aime cela comme tout le monde ; de leur travail aux champs ou à la
771
monde ; de leur travail aux champs ou à la côte,
et
je les écoute avec toute l’attention d’un apprenti ; de leurs souveni
772
bsolument nouveau, mais nouvellement intéressant.
Et
quand nous sommes en confiance, si j’essaie d’amener l’entretien sur
773
ment qu’un écrivain peut faire sa « spécialité ».
Et
rien ne les étonnerait davantage que d’apprendre un beau jour que je
774
« idées », à leur situation, à leurs problèmes, —
et
que j’en fais parfois la matière même de mon travail. J’ai quelque pe
775
en moi. Sentiment qu’il y a là quelque absurdité,
et
si énorme que personne ne pense à la dire… Peut-être, dans un siècle
776
ui est absurde ? Essayer de confronter la culture
et
la réalité, c’est peut-être prouver qu’on ignore l’une et l’autre ? O
777
alité, c’est peut-être prouver qu’on ignore l’une
et
l’autre ? Ou témoigner d’une naïveté impardonnable ? — Pourtant, je n
778
ments d’institutrices. Ils ont déjà deux garçons,
et
ils ont trouvé le moyen de recueillir encore une vieille Bretonne san
779
nne sans ressources, qui aide un peu à la cuisine
et
casse beaucoup d’assiettes. Dans cette île, qui fut presque entièreme
780
) En été, la petite ville se remplit de baigneurs
et
l’auditoire du temple est décuplé : cela suffit pour qu’on maintienne
781
nte, celle que lui crée l’indifférence tranquille
et
obstinée de ceux auprès desquels il devrait exercer sa mission. Ils n
782
er sa mission. Ils ne veulent pas même l’écouter,
et
toute sa raison d’être est cependant de leur parler. Il n’a rien d’au
783
dant de leur parler. Il n’a rien d’autre à faire,
et
il ne peut pas le faire. Et de plus, il est seul à croire qu’il doit
784
rien d’autre à faire, et il ne peut pas le faire.
Et
de plus, il est seul à croire qu’il doit le faire. Il m’a décrit son
785
atholique, il s’est converti à l’âge de vingt ans
et
depuis lors il n’a jamais songé qu’il pût faire autre chose qu’annonc
786
e faire jusqu’ici qu’une seule expérience précise
et
utile : celle du loisir. Je m’aperçois que je ne savais plus, ou ne p
787
nne conscience de l’employé qui a fait sa journée
et
qui pense maintenant à autre chose. Une sorte d’impatience me tarabus
788
ations. Ce n’était pas cette vacance où les idées
et
sentiments changent de climat. Le loisir n’est pas simplement la cess
789
Un chômeur intellectuel peut encore travailler —
et
c’est cela qui le différencie profondément d’un chômeur industriel, p
790
ur une bonne raison de désespérer, pour une bonne
et
impérieuse raison d’abandonner cette partie mal engagée, ma vie, et d
791
on d’abandonner cette partie mal engagée, ma vie,
et
de se retrouver neuf, enfantin, ou tout simplement jeune devant un pr
792
lors nous sauver de cette tentation du désespoir,
et
c’est l’humilité. Si je ne suis pas important, le monde s’agrandit. J
793
le, ce que signifient les méthodes productivistes
et
la démesure collective d’un plan quinquennal. Le silence de la lande
794
ive d’un plan quinquennal. Le silence de la lande
et
des marais, la rumeur de la côte, les petits chocs irréguliers des pi
795
la côte, les petits chocs irréguliers des pioches
et
des bouelles, tout ce qu’il y a de paisible, de grand, de mesquin, de
796
nd soleil… Au nom de quelle « vérité » brutaliser
et
bouleverser à grand fracas de moteurs et de règlements de fer les ryt
797
utaliser et bouleverser à grand fracas de moteurs
et
de règlements de fer les rythmes de cette île et de ces vies ? 3 av
798
et de règlements de fer les rythmes de cette île
et
de ces vies ? 3 avril La solitude est une jeunesse. Elle nous appre
799
ssée dans nos lombes ; cette chose toujours neuve
et
nouvelle qu’est l’attente d’on ne sait quoi. Condition véritable de l
800
dent ! Ses actions les plus pures sont des appels
et
des incantations : leur sens est toujours au-delà. Elles ne sont que
801
sais bien. Toute notre attente imagine l’avenir —
et
l’imagine nécessairement sur fond de mort. (La jeunesse qui est l’âge
802
er avec la mort.) Ainsi nos gestes se prolongent,
et
leur grandeur est dans l’attente qu’ils trahissent. Si le travail mod
803
nt, c’est qu’on a limité ses gestes à l’immédiat,
et
borné son attente au salaire. Or toute vie est absurde et violemment
804
son attente au salaire. Or toute vie est absurde
et
violemment inacceptable, qui ne s’ouvre pas sur l’attente d’une révél
805
ouvre pas sur l’attente d’une révélation à venir,
et
d’une « consolation » finale. (Consolation signifiant selon l’étymolo
806
ns une pile de notes. La page est restée blanche.
Et
toute réflexion faite, c’est bien ainsi, et très complet.) 10 avril
807
nche. Et toute réflexion faite, c’est bien ainsi,
et
très complet.) 10 avril Je n’ai pas encore parlé de la poule, la tr
808
l Je n’ai pas encore parlé de la poule, la triste
et
digne poule noire qui habite seule au bout du jardin. Elle y est pour
809
Elle paraissait inguérissablement neurasthénique.
Et
voilà qu’hier, elle a pondu. Et ce matin de nouveau. De très gros œuf
810
t neurasthénique. Et voilà qu’hier, elle a pondu.
Et
ce matin de nouveau. De très gros œufs, me semble-t-il. (Où va se log
811
ù va se loger la vanité !) 14 avril La culture
et
les gens. Souvent, quand je me tire du livre que j’écris — sur la cri
812
se : quel rapport entre cet homme à qui je parle,
et
le mot « homme » dans ce que j’écris ? Non seulement ceux d’ici ne co
813
ux d’ici ne comprendraient rien à ce que je fais,
et
ce serait assez normal : il y a l’obstacle du vocabulaire, d’une cert
814
quoi il s’agit quand je parle d’eux précisément,
et
des problèmes qui intéressent leur existence. J’aurais beau leur expl
815
gine rationaliste de la scission entre la culture
et
le peuple », cela ne peut accrocher à rien dans cet être que j’ai dev
816
tre que j’ai devant moi, avec ses rides, sa barbe
et
sa casquette, et qui continue à me parler de la pêche, de son filet q
817
nt moi, avec ses rides, sa barbe et sa casquette,
et
qui continue à me parler de la pêche, de son filet qui a été emporté
818
voir de parler de la « scission » entre cet homme
et
la culture ? N’y a-t-il pas là deux mondes qui n’ont jamais eu de con
819
un ridicule angoissant avec la réalité des choses
et
des êtres dont elles utilisent le concept… Eh bien, voilà le résultat
820
sé quelques termes trop vagues, barré cinq lignes
et
mis une note au bas de la page. Il me semble vraiment que cela se tie
821
que c’est concret. Je me dis que cette impression
et
celle de tout à l’heure s’excluent en fait. Mais je n’arrive plus du
822
roid. La culture m’a repris. Je suis dans le faux
et
tout y est correct : je dis que la thèse que je défends est vraie !…
823
onstant effort entre nos belles séries de pensées
et
la diversité désordonnée des êtres et des choses, où nous vivons ? «
824
de pensées et la diversité désordonnée des êtres
et
des choses, où nous vivons ? « Je pense, donc j’en suis ». Et je ne s
825
s, où nous vivons ? « Je pense, donc j’en suis ».
Et
je ne suis guère, si je n’en suis pas. Et je ne pense bien, valableme
826
suis ». Et je ne suis guère, si je n’en suis pas.
Et
je ne pense bien, valablement, en vérité, que si je me sens et me con
827
e bien, valablement, en vérité, que si je me sens
et
me connais participant de ce monde « mal compassé ». 16 avril La po
828
lon tiré à la ficelle. Plaisir d’avoir les doigts
et
les ongles terreux ; toujours ce goût d’enfance… Je ne me sens plus «
829
oigné de Paris », mais au centre de mon domaine ;
et
c’est Paris qui est loin maintenant, peu vraisemblable ; et non plus
830
aris qui est loin maintenant, peu vraisemblable ;
et
non plus moi. Premières roses au soleil, le long des murs du chai. No
831
açade de la maison, plus claire que le ciel vide,
et
illumine la goutte rose d’une fourmi ailée qui danse au-dessus de mon
832
n ne peut guère que se tremper quelques instants,
et
se coucher ensuite sur la dune, au vent doux. Villages blancs au-dess
833
Une odeur forte de varech séché vient des champs
et
des vignes sablonneuses. 21 mai Pendant les jours de grande marée,
834
ux, d’immenses plateaux rocheux, pourpres, jaunes
et
noirs se révèlent au-delà de la plage, nouveau pays tout grouillant d
835
out grouillant de merveilles, d’eaux ruisselantes
et
de vies monstrueuses, soudain porté à la lumière de midi. Armés de tr
836
ombres dont le crépitement sous nos pas fait fuir
et
choir de tous côtés de petits crabes. Des ruisseaux, des rivières imp
837
ids, de courants tièdes, de poissons, de crabiots
et
de laines. À quelques mètres de la mer qui affleure le tranchant du p
838
rgit en bassins clairs aux profondeurs rougeâtres
et
doucement mouvantes. C’est là que nous commençons la pêche. Il faut s
839
la pêche. Il faut se planter au centre du bassin,
et
fouiller et racler sous les bords, dans le sable et les paquets d’alg
840
faut se planter au centre du bassin, et fouiller
et
racler sous les bords, dans le sable et les paquets d’algues, avec le
841
fouiller et racler sous les bords, dans le sable
et
les paquets d’algues, avec le cercle rigide du filet, puis retirer vi
842
rigide du filet, puis retirer vivement la treille
et
l’égoutter. On ramène un paquet de varech, un ou deux crabes tout ter
843
paquet de varech, un ou deux crabes tout terreux,
et
parfois en se penchant sur la treille, on voit bondir d’un bord à l’a
844
de verdâtre, qu’il faut attraper comme une mouche
et
qui vous saute encore dans la main et vous gratte la paume de ses ant
845
une mouche et qui vous saute encore dans la main
et
vous gratte la paume de ses antennes, de ses écailles et de ses patte
846
gratte la paume de ses antennes, de ses écailles
et
de ses pattes. On fourre cela dans le sachet que l’on porte attaché à
847
ns le sachet que l’on porte attaché à la ceinture
et
qui se remplit de tressaillements. Nous ne gardons que les plus belle
848
t, se durcissent. Je ne puis voir cela sans honte
et
sans révolte. Sensiblerie évidemment, mais qu’est-ce que cela veut di
849
on vers la révélation des « enfants de lumière »,
et
la restauration de l’ordre originel. Et voilà pratiquement la réponse
850
umière », et la restauration de l’ordre originel.
Et
voilà pratiquement la réponse de l’homme : pillage, ruses, destructio
851
, mais il faut que je vous mange. Dure nécessité,
et
croyez que cela me fend le cœur ! » Voilà la dernière trace de la con
852
ous, de la conscience de notre royauté nécessaire
et
réparatrice. Il est probable que le tigre en train de déchiqueter une
853
t pas tant d’histoires, ne fait pas de sentiment.
Et
pourtant, ma sensiblerie n’est hypocrite que parce qu’elle reste prat
854
e pratiquement insuffisante. Elle est plus juste,
et
plus digne de l’homme que ces vertus de carnassiers que nous partageo
855
tageons, d’ailleurs maladroitement, avec le tigre
et
le requin. J’allais conclure : nos rapports avec la nature ne sont gu
856
. Comme une prière muette en moi, toute machinale
et
tout obscure. 24 mai On dirait que l’homme n’est pas fait pour dure
857
rer : la vie étale nous ennuie, c’est ce qui naît
et
ce qui meurt qui nous émeut. Cette nuit, avant d’aller me coucher, j’
858
x œufs sous son aile, fait sortir une coque vide,
et
reprend, l’œil fixe, son travail invisible de mère. C’est beau. C’est
859
de mère. C’est beau. C’est fascinant. C’est grave
et
mystérieux, pacifiant comme la démonstration d’une absolue sagesse à
860
mangeons les premiers légumes du jardin : salades
et
radis. Pour les carottes, il faut encore attendre, et les choux n’ont
861
adis. Pour les carottes, il faut encore attendre,
et
les choux n’ont que quelques feuilles. Mais avec le produit de nos pê
862
rateur. Je suis allé à A. acheter des cigarettes.
Et
nous allions nous mettre à table pour manger le canard des grandes oc
863
é. Ensuite, il faut comprendre : c’est une lettre
et
un chèque. C’est un prix. Un prix dont je connaissais tout juste le n
864
. Que je n’aurais jamais eu l’idée de solliciter.
Et
qui m’est octroyé pour un petit livre paru sans bruit il y a plus de
865
plus frappé c’est que je m’étais fâché hier soir,
et
que la Providence, évidemment, se payait ma tête. Ensuite j’ai calcul
866
de ressources, ne bougeais plus ni pied ni patte
et
n’écrivais plus à personne. Je crois à la valeur d’appel de l’absence
867
vant la porte où il est écrit : Caisse. Je frappe
et
entre. Un homme penché vers le guichet parle au gérant. Le gérant me
868
chet parle au gérant. Le gérant me fait un signe,
et
comme je ne comprends pas, il passe sa portette et vient me prier à v
869
t comme je ne comprends pas, il passe sa portette
et
vient me prier à voix basse d’aller attendre dans la pièce voisine. J
870
tte audience privée ? Enfin j’entends qu’on sort,
et
le gérant vient me chercher. Notre affaire réglée, il croit devoir s’
871
J’ai pris mon parti de cet équilibre indifférent
et
cordial qui a fini par s’établir entre nous : et il ne reste que l’en
872
et cordial qui a fini par s’établir entre nous :
et
il ne reste que l’ennui de nos conversations toujours pareilles. Gran
873
s toujours pareilles. Grande différence entre eux
et
moi : ils sont adaptés à leur conduite et à leur milieu, comme les an
874
tre eux et moi : ils sont adaptés à leur conduite
et
à leur milieu, comme les animaux. Ils ne se posent pas de questions g
875
la plus forte : malgré nos arrosages, les salades
et
les choux sont brûlés, la terre se craquèle, ou devient poussiéreuse.
876
a plus que quelques roses aux pétales fatigués. —
Et
nous, nous n’avons plus la même patience, depuis qu’il y a de l’argen
877
t fixé au 10. Il va falloir vendre la poule noire
et
les poulets encore trop jeunes pour être mangés. Régler vingt petites
878
départ, pour faire un peu de sentiment sur l’île,
et
le bilan de l’année écoulée. Bilan. S’installer dans la pauvreté com
879
e dans un champ d’activité nouveau, avec l’ardeur
et
les curiosités naïves du débutant, cela suppose beaucoup moins de cou
880
: ceux qui voudraient « partir », se « libérer »
et
qui reculent pourtant devant le saut. Peut-être leur suffirait-il, po
881
r, d’une vision précise de cet état qu’ils rêvent
et
craignent. J’ai pensé plus d’une fois qu’il pourrait être utile de dé
882
s « carrières » sans sortir de la vie véritable ;
et
qu’on peut vivre de très peu sans cesser de vivre son plein. Voici un
883
an que je dors bien, que je travaille sans fièvre
et
que je flâne sans vague à l’âme. C’est quelque chose. Je ne dis pas q
884
Je suis devenu tout doucement amoureux de ma vie,
et
je crois bien que c’est un penchant qu’elle agrée. Non point qu’elle
885
is. Je crois que le réel est à portée de la main,
et
n’est que là. Alors il s’agit seulement d’assurer la prise de cette m
886
re d’une patience, ou d’une impatience dominée, —
et
sans doute qu’une certaine pauvreté pouvait seule m’y forcer utilemen
887
cette communauté de sans-foyers, d’âmes sauvages
et
musiciennes, les douze « Cavaliers » d’Ekeby, qui régnèrent d’un Noël
888
es histoires inventées, impossibles, caracolantes
et
gracieuses, réalistes et romanesques, pleines de malices et de profon
889
mpossibles, caracolantes et gracieuses, réalistes
et
romanesques, pleines de malices et de profondes audaces. Des histoire
890
ses, réalistes et romanesques, pleines de malices
et
de profondes audaces. Des histoires que l’on croit intégralement parc
891
érente. Elle n’aime que celui qui se moque d’elle
et
qui n’en fait qu’à ses façons. Elle aime les grands rhétoriciens de l
892
jeunir tour à tour : une au moins par chapitre48,
et
à chaque fois le coup est bon. Vous partez en pleine convention roman
893
le cadre, envahit tout à grands bonds émouvants,
et
l’auteur s’esquive prestement avec une bonne espièglerie, pour vous l
894
se de « glorieux » — au sens baroque, impertinent
et
emphatique du mot — dans la virtuosité et les malices de ce génie de
895
rtinent et emphatique du mot — dans la virtuosité
et
les malices de ce génie de la fable nordique. Lagerlöf ou la gloire d
896
les grands rythmes naturels, libérant les vertus
et
les vices des entraves du respect humain, nous jette dans le grand je
897
ect humain, nous jette dans le grand jeu du péché
et
de la grâce, et se confond avec la Charité. Imaginer, à ce degré, c’e
898
jette dans le grand jeu du péché et de la grâce,
et
se confond avec la Charité. Imaginer, à ce degré, c’est déjà presque
899
ue son œuvre a libéré les hommes de leur bonheur,
et
la vie de l’obsession de vivre. Cette année folle, inaugurée par un t
900
rne que cette légende, malgré toutes ses romances
et
ses idylles d’une pureté dramatique. Les forges, les charrois de mine
901
joue pas un moindre rôle que la nature, les ours
et
les trolls des forêts, dans les exploits des Cavaliers. Ce n’est pas
902
c’est la réalité sociale plus toutes les autres.
Et
l’amour d’une femme pour son peuple, au lieu de ces vantardises en se
903
de recréer un pays tout entier, avec ses classes
et
ses institutions, ses armes, ses charrues et ses machines, ses légend
904
sses et ses institutions, ses armes, ses charrues
et
ses machines, ses légendes, son histoire, sa morale et sa foi. On peu
905
s machines, ses légendes, son histoire, sa morale
et
sa foi. On peut penser que l’inscription qu’on lit au Pavillon de la
906
s est son propre maître. Tous les Suédois, hommes
et
femmes, jouissent des mêmes droits politiques. » 47. On n’en connai
907
me détestable qu’appuient nos préjugés classiques
et
les problématiques nécessités du commerce le plus mal compris. 48. D
908
soutenues, coïncidences, catastrophes naturelles,
et
tous les emplois de la fable suédoise : trolls, sorcières, belles jeu
909
e qu’ils n’ont pas à se mêler aux luttes sociales
et
politiques où leur raison a tout à perdre mais que s’ils s’y trouvent
910
bien de s’y comporter selon les usages du forum,
et
de crier avec les loups. « Préservant » ainsi la raison, autant que l
911
uand on ne le peut éviter qu’en offensant Dieu ».
Et
au sujet du second : « qu’il n’est pas avantageux de contenter les ho
912
e ou dans l’esprit) c’est que la raison s’est bel
et
bien risquée et se risque encore dans le chaos, et qu’elle a su y pré
913
it) c’est que la raison s’est bel et bien risquée
et
se risque encore dans le chaos, et qu’elle a su y prévaloir sur quelq
914
t bien risquée et se risque encore dans le chaos,
et
qu’elle a su y prévaloir sur quelques points. On ne voit pas bien pou
915
ne voit pas bien pourquoi il faudrait s’arrêter.
Et
même, à faire le petit rentier du rationnel, on court le risque le pl
916
laisser perdre le peu qui fut gagné par d’autres,
et
dont on vit. ah. Rougemont Denis de, « Au dossier d’une vieille qu
917
puisables d’imprévu, du patriotisme de l’arrière.
Et
voici le journal de cet intellectuel jeté dans un cul de bassefosse p
918
us autant en lisant ce livre, en le faisant lire.
Et
vous ferez quelque chose contre la guerre, ne fût-ce que de la connaî
919
lus générale encore, qui concerne chacun de nous,
et
dont l’internement de guerre n’est qu’une conséquence entre mille, d’
920
actuel par ce phénomène multiforme, insaisissable
et
saisissant : qu’un innocent, ou qui se croit tel, se voie privé de sa
921
vé de sa liberté pour des « raisons » collectives
et
obscures. Il me paraît que le livre de Kuncz tire son tragique le plu
922
le plus secret du fait qu’il symbolise, illustre
et
concrétise une condition qui n’est pas seulement celle du prisonnier
923
st quelque chose qui se passe très loin, partout,
et
qui doit être réel puisqu’on en souffre, mais dont on ne sait rien de
924
de se trouve secrètement impliqué dans une atroce
et
lente fatalité universelle. Comment ne point songer au Procès de Kafk
925
anonymes qui se multiplient dans notre siècle49,
et
tendent à faire du moindre d’entre nous un prévenu. C’est le cauchema
926
pporte un document bien assez émouvant comme tel.
Et
la preuve, une fois de plus, que l’homme moderne ne se connaît jamais
927
n, oppositions pourchassées, casernes, discipline
et
épuration au sein des partis, arrestations en masse de suspects, proc
928
in joyeux il dit : Grouchy ! — C’était Grouchy. »
Et
Waterloo fut une victoire. Mais Napoléon abdiqua et termina ses jours
929
Waterloo fut une victoire. Mais Napoléon abdiqua
et
termina ses jours à Sainte-Hélène. Tel est le sujet. En somme, mettan
930
signe moins, l’auteur annule le facteur Waterloo,
et
nous démontre que l’équation Napoléon n’en doit pas moins avoir pour
931
gine de cet ouvrage d’une passionnante ambiguïté,
et
qui se donne l’air d’une « fantaisie ». Prenons ce mot au sens allema
932
est que pour transformer une défaite en victoire
et
une abdication forcée en abdication volontaire, il ait fallu si peu c
933
bdication volontaire, il ait fallu si peu changer
et
si peu imaginer. Il faut vraiment que dans l’histoire des hommes les
934
ue d’autres facteurs prédominent, facteurs moraux
et
psychiques. » C’est donc devant sa destinée, et non pas devant Blüche
935
x et psychiques. » C’est donc devant sa destinée,
et
non pas devant Blücher, ce hasard, que l’empereur devait succomber. M
936
e, Napoléon a découvert la vie concrète d’un pays
et
des êtres dont c’est la patrie. Il a conçu les premiers doutes humain
937
a réalité de son empire, sur son pouvoir abstrait
et
sa démesure géométrique. Et revenant à ses origines, au moment où le
938
son pouvoir abstrait et sa démesure géométrique.
Et
revenant à ses origines, au moment où le sort de la bataille vacille,
939
e, Messieurs, que depuis vingt années nous vivons
et
nous gouvernons en pleine idéologie. Nous avons fait un empire géant
940
ne société qu’il faut bâtir « à hauteur d’homme »
et
non pas à hauteur d’idéologies. Peut-être ai-je trop insisté sur l’ac
941
une histoire, un des meilleurs romans de l’année,
et
qui se fait lire avec le plus constant plaisir, d’autant que l’on pou
942
l’ingéniosité dans ce livre : un sens de l’homme
et
des limites de sa grandeur, un sens de l’humour du destin, une vraie
943
stin, une vraie poésie de l’Histoire, libératrice
et
excitante pour l’esprit. À peine l’a-t-on fini qu’on se jette sur Sor
944
a-t-on fini qu’on se jette sur Sorel, sur Madelin
et
sur Aubry, pour leur arracher des aveux à l’appui de la thèse d’Aron.
945
vous, car alors je dois vous créer moi-même vous
et
vos idées. » ak. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Robert Aron,
946
actuelle. (Au moins dans celle qui se manifeste.)
Et
les réformes obtenues apparaissent comme les résultantes de deux lâch
947
à-dire quand chacun veut avoir plus qu’il ne peut
et
ne sait faire, seule une révolution est capable de faire aboutir des
948
sonne ne la prépare. M. Staline a d’autres plans,
et
Ce soir a d’autres vertus. S’il se fait une révolution, elle sera don
949
Tout le monde le sent, tout le monde le craint —
et
le désire sans se l’avouer. Voilà pourquoi personne ne bouge. C’est e
950
devant le péril. La dictature fascine les masses,
et
les élites. Sous prétexte de lui résister, les voilà qui d’elles-même
951
etée dans la gueule du dragon, après avoir trompé
et
désarmé la résistance prolétarienne. On a refoulé dès sa naissance la
952
te pas une révolution lorsqu’elle est nécessaire,
et
c’est le cas. Mais il arrive qu’on la dénature en la refoulant trop l
953
rop longtemps. Elle cherche alors d’autres voies,
et
les trouve. Encore un peu de mystique Front populaire, encore quelque
954
gouvernementales, la livre à 600, le chômage ; —
et
le premier dictateur venu tirera les conclusions logiques. Sera-t-il
955
nge que le conte est par essence un récit cocasse
et
en quelque manière libérateur, on conçoit que les meilleurs sujets de
956
reint de données qu’elle considère dans l’absolu,
et
elle en tire des déductions exactes, qui se trouvent par là même cont
957
rouvent par là même contredire l’expérience vécue
et
les règles sociales. D’où le cocasse et le sentiment de libération. E
958
nce vécue et les règles sociales. D’où le cocasse
et
le sentiment de libération. En outre, quoi de plus important pour un
959
la comparaison des grandeurs — « plus grand que »
et
« plus petit que » —, qui est aussi le fondement de toute mathématiqu
960
de Lewis Carroll — qui était un mathématicien —,
et
d’Alice en particulier. On dit à l’enfant : mange ta soupe et tu devi
961
n particulier. On dit à l’enfant : mange ta soupe
et
tu deviendras grand. Donc il peut exister des aliments qui produiraie
962
r des aliments qui produiraient l’effet inverse ?
Et
l’imagination peut aisément accélérer ces deux effets. Qu’en résulter
963
tions sur le thème de la relativité dans l’espace
et
le temps. Tantôt géante et tantôt naine, Alice expérimente chaque foi
964
lativité dans l’espace et le temps. Tantôt géante
et
tantôt naine, Alice expérimente chaque fois un monde nouveau, et chaq
965
, Alice expérimente chaque fois un monde nouveau,
et
chaque fois elle se sent plus forte ou plus faible que les règles soc
966
paraissent absurdes quand Alice est plus grande,
et
vexatoires quand elle est plus petite. Dans les deux cas, elles lui d
967
tyrannique à l’excès. Ce Lièvre de Mars, ce Loir
et
ce Chapelier fou, on croirait une préfiguration des logiciens de l’éc
968
préfiguration des logiciens de l’école de Vienne.
Et
la discussion sur le temps, au cours du « Thé loufoque » où il est to
969
ures, annonce une psychologie post-einsteinienne,
et
fait songer au Temps vécu de Minkowski. « Cette façon d’ergoter qu’il
970
er un chat dont la tête seule est visible, etc.).
Et
pourtant, ce n’est que d’un jeu qu’il s’agit. Alice en garde la consc
971
arde la conscience secrète — comme dans le rêve —
et
peut s’en libérer dès que l’absurdité devient intolérable ou menaçant
972
la plupart des « gags » dont se compose le récit.
Et
parfois les pièges logiques ont une double détente par calembour. Tou
973
sont l’Ambition, la Distraction, la Laidification
et
la Dérision. Mais ici se poserait le problème de la version française
974
aties (centralisation rigide, confusion de l’État
et
de la Nation) s’opposait dans le fait à toute application honnête des
975
ncipes que les démocraties prétendaient défendre,
et
sur le système qu’elles pratiquaient en fait. C’est ainsi que l’Allem
976
re par le « bon droit » des exigences allemandes.
Et
c’est pourquoi, lorsqu’en septembre 1938, l’Allemagne appuya sa reven
977
de Godesberg), Hitler démasqua l’aspect original (
et
non plus jacobin) de la dictature totalitaire : l’impérialisme religi
978
religieux, ou sacral. Il exigea d’entrer en armes
et
sur le champ dans les territoires sudètes. Une cession purement diplo
979
n’y avait guère de différence entre Berchtesgaden
et
Godesberg. Les autres pensaient que l’exigence d’entrer en armes étai
980
ésolu. Seul, le Premier ministre anglais sut voir
et
dire qu’il y avait là un fait nouveau, le signe d’une volonté d’hégém
981
ait su exprimer l’une des tendances fondamentales
et
instinctives de l’Occident : la résistance à toute hégémonie, au nom
982
ations qui l’avaient remportée comme malgré elles
et
en dépit de leurs intérêts nationalistes. En proie à des luttes intes
983
me de calculs qu’on appelait alors « réalistes »,
et
qui se bornaient à faire état des pertes matérielles subies. Le bénéf
984
us devant eux que des États demeurés centralistes
et
maladroitement autarchiques, auxquels ils empruntaient leurs vieux sy
985
ührer l’idéal qui avait fait jusqu’alors la force
et
l’équilibre dynamique de l’Occident : l’utopie agissante d’une fédéra
986
e, état de guerre non déclarée), pour surprenants
et
monstrueux qu’ils soient apparus en leur temps, trouvent leur explica
987
la débarrassant de ses « croyances fantastiques »
et
de sa « méthode arriérée », qui est celle de l’autorité (p. 72). La «
988
hez l’instituteur laïque. Cette déclaration ouvre
et
ferme le recueil (p. 23 et 286). Elle le situe dans les cadres de la
989
ette déclaration ouvre et ferme le recueil (p. 23
et
286). Elle le situe dans les cadres de la République radicale. Ainsi
990
d positif, toute religion finit par être vraie »,
et
même « l’obligation de croire ne digère pas beaucoup du devoir de pen
991
isme : le péché, le salut, le drame de la révolte
et
de l’amour. Mais elle spécule volontiers sur les avantages et inconvé
992
r. Mais elle spécule volontiers sur les avantages
et
inconvénients des « preuves » ou de l’absence de preuves en matière d
993
essément à la religion en général, avec ses rites
et
ses croyances dont Alain respecte la forme et laïcise le contenu. « L
994
tes et ses croyances dont Alain respecte la forme
et
laïcise le contenu. « La vraie religion est le culte des morts », dit
995
ors éclate le conflit véritable entre l’humanisme
et
la foi, le scandale au sens paulinien, tout ce que le sage jugera tou
996
eligieux », non des chrétiens vivant selon la foi
et
capables de lui faire pressentir que ses observations toujours ingéni
997
sur les résidus ou les empreintes psychologiques
et
historiques du catholicisme français, en tant que, vidé de la foi, il
998
r raison comme Napoléon, qui faisait les demandes
et
les réponses. 51. On me dira que mon point de vue est partiel, dogm
999
juillet 1939)ap Lorsqu’il paraît brillant d’or
et
de soie, dressé sur ses ergots de grand ténor, l’on est tenté de ne v
1000
rel du désir, — une espèce d’animalité véhémente,
et
comme innocente… Mais jamais la Nature n’a rien produit de pareil. Vo
1001
s, une sorte de polémique anxieuse, de méchanceté
et
de défi : la main tendue au Commandeur, dans le dernier acte de Mozar
1002
ozart. Non, ce n’est pas l’animal, mais l’homme ;
et
non d’avant, mais d’après la morale. Point de Don Juan ni chez les «
1003
ole d’abord moralement pour s’imposer à l’animal,
et
aussitôt prises les rejette, comme si c’était le fait du crime et non
1004
es les rejette, comme si c’était le fait du crime
et
non le plaisir qu’il cherchait. Polémiste perpétuel, il se trouve ent
1005
el, il se trouve entièrement déterminé par le bon
et
le juste — contre eux. Si les lois de la morale n’existaient pas, il
1006
istaient pas, il les inventerait pour les violer.
Et
c’est cela qui nous fait pressentir la nature spirituelle de son secr
1007
ne anxiété secrète déjà voisine de l’impuissance.
Et
il est vrai que celui qui cède à cet attrait superficiel que presque
1008
furie insolente, dans cette jactance batailleuse
et
joyeuse, comment ne voir que faiblesse et défaut ? Ira-t-on peut-être
1009
illeuse et joyeuse, comment ne voir que faiblesse
et
défaut ? Ira-t-on peut-être plus loin, à des critères spirituels ? Do
1010
peut-il désirer que la nouveauté dans la femme ?
Et
pourquoi désire-t-on du nouveau, du nouveau à tout prix, quel qu’il s
1011
’il n’est pas ? Celui qui a, vit de sa possession
et
ne l’abandonne pas pour l’incertain, — entendez : s’il possède vraime
1012
pas aimer, parce qu’aimer c’est d’abord choisir,
et
pour choisir il faudrait être, et il n’est pas. Mais le contraire n’e
1013
’abord choisir, et pour choisir il faudrait être,
et
il n’est pas. Mais le contraire n’est pas moins vraisemblable : Don J
1014
oujours déçu par la réalité dès qu’il l’approche,
et
déjà s’élançant vers d’autres apparences, de plus en plus angoissé et
1015
ers d’autres apparences, de plus en plus angoissé
et
cruel… S’il le trouvait, ce « type » de femme rêvé ! J’imagine cette
1016
la tête, s’assombrir, comme saisi d’une timidité,
et
fasciné pour la première fois par la révélation d’amour, se muer en l
1017
ce à se déprendre d’une image à lui-même secrète.
Et
de là vient sa puissance apparente, sa furia, son rythme dionysiaque.
1018
Or si le don juanisme est une passion de l’esprit
et
non pas comme nous aimions le croire, une exultation de l’instinct, t
1019
ue cette passion n’est pas toujours liée au sexe.
Et
même il faut se demander si la sensualité, précisément, ne serait pas
1020
bon ou mauvais.) C’est que le désir de nouveauté
et
de changement perpétuel, dès que l’esprit insatiable l’excite, devien
1021
se improductive. Certes Don Juan est un tricheur,
et
même il ne vit que de cela. (La banque de pharaon était la source uni
1022
sses subites d’un honnête homme. On est en garde,
et
l’on connaît le système, entièrement relatif aux règles du jeu. Imagi
1023
la tricherie » cesse d’être une habileté vulgaire
et
profitable. Elle peut devenir l’acte héroïque d’une loyauté sans scru
1024
rigueur. ⁂ Nietzsche s’est dressé face au siècle.
Et
l’adversaire qu’il s’est choisi, c’est l’esprit de lourdeur, notre po
1025
tzsche se trouve entièrement déterminé par le bon
et
le juste — contre eux. Il va de défi en défi, excité puis exaspéré pa
1026
se scientifique. Il n’y a plus de foi qui affirme
et
qui maintienne en vertu de l’absurde. Ah ! comme on se lasse de gagne
1027
ne vertu dont on ne sait plus quelle est la fin ?
Et
toutes ces vérités qu’ils respectaient, voyez comme elles ont vite cé
1028
nt vite cédé ! Il faudra donc s’en prendre à Dieu
et
à son Fils. Déjà « le Dieu moral est réfuté ». Que va dire l’Autre ?
1029
aque valeur, Nietzsche a voulu violer le secret ;
et
leur défaite rapide les rend toutes méprisables après la première pos
1030
dégoût ce que l’on désirait de toute sa fougue ;
et
se rire des suiveurs, des successeurs, de ces disciples enhardis par
1031
iples enhardis par le triomphe ardent d’un autre,
et
qui déjà croient pouvoir abuser de ses victimes. Mille et trois vérit
1032
éjà croient pouvoir abuser de ses victimes. Mille
et
trois vérités se sont rendues, et pas une seule n’a su le retenir. Qu
1033
victimes. Mille et trois vérités se sont rendues,
et
pas une seule n’a su le retenir. Qu’importent les « contradictions »
1034
t pas pour bâtir un système qu’il réfute, dénonce
et
détruit, c’est pour la joie du viol intellectuel. Comme Don Juan l’im
1035
e de la Mère, Nietzsche poursuit l’image obscure,
et
à lui-même infiniment secrète, d’une Vérité qui ne se rendrait point,
1036
ce qui passe, tout ce qui cède, toute l’impudeur
et
la lourdeur du monde. C’est au point de fureur dionysiaque où la joie
1037
onysiaque où la joie de détruire devient douleur,
et
dans l’angoisse d’une puissance anéantie par son succès, que Nietzsch
1038
oit interrompre sa course, changer de contenance,
et
pour la première fois baisser la tête et adorer. Tout reviendra étern
1039
tenance, et pour la première fois baisser la tête
et
adorer. Tout reviendra éternellement à cette minute, à cet instant !
1040
instant ! L’Éternité, c’est le retour des temps ;
et
non pas la victoire sur le temps… Mais dans le temps, disait-il, Dieu
1041
anciennes, mais qui ne valent que par ces règles
et
dans la mesure où l’on sent qu’elles les violent. Pour peu qu’il les
1042
qui les mesurait n’existe plus. Par-delà le bien
et
le mal, par-delà toutes les règles du jeu, il faut qu’une passion se
1043
paraisse (car Don Juan ne gagnait qu’en trichant,
et
s’il n’y a plus de règles, on ne peut plus tricher). Voici peut-être
1044
u bien nous recevrons notre grâce. Mais Nietzsche
et
Don Juan doutent de leur grâce. Les voici donc contraints de gagner d
1045
e du Nombre Un, Du Chesne, calviniste paracelsien
et
physiologue pansexualiste, Béroalde de Verville, Christofle de Gamon,
1046
tiques : tels sont les animaux étranges, bariolés
et
quasi monstrueux que nous ramène du fond du xvie siècle le coup de f
1047
nos lectures. Les voici avec toutes leurs barbes
et
verrues, incongrus et antédiluviens, marée grouillante d’une Renaissa
1048
ci avec toutes leurs barbes et verrues, incongrus
et
antédiluviens, marée grouillante d’une Renaissance pré-baroque. C’éta
1049
issance pré-baroque. C’était le temps où la magie
et
la raison illuminée collaboraient dans un pédant délire, la première
1050
lle datant du Moyen Âge, un tas d’objets inutiles
et
bizarres, chargés de significations magiques. Ensuite, au xviiie , il
1051
rice bien différente des qualités requises du pur
et
simple philologue. C’est une vision du monde, et des rapports du mond
1052
et simple philologue. C’est une vision du monde,
et
des rapports du monde à l’homme, qu’il s’agit de concevoir à nouveau,
1053
t entrer dans ces rythmes, goûter ce vocabulaire,
et
dégager le pittoresque enfoui sous des amas d’abstruse érudition. Il
1054
tentions52, tant de correspondances théologiques,
et
finalement pour en extraire un matériel encore utilisable. Il me semb
1055
une poésie pure, pourrait trouver dans les thèmes
et
les formes qui foisonnèrent au xvie siècle des incitations très féco
1056
illaume du Bartas, d’un Peletier, d’un La Boderie
et
de tant d’autres, cet inventaire de la Création embrassant tous les a
1057
nventaire de la Création embrassant tous les arts
et
les métiers humains, de la magie cérémonielle à l’anatomie, de la géo
1058
olonté de « singer Dieu », de recenser les objets
et
les formes, les rythmes et les lois cosmiques, afin de les parfaire p
1059
de recenser les objets et les formes, les rythmes
et
les lois cosmiques, afin de les parfaire par le Verbe et, finalement,
1060
lois cosmiques, afin de les parfaire par le Verbe
et
, finalement, de s’en rendre maîtres. Tous sont soutenus par une doubl
1061
uble croyance dans le pouvoir magique du langage,
et
dans la liberté infinie de l’homme, capable de refaire avec ses mains
1062
apable de refaire avec ses mains le Paradis perdu
et
les « gestes de Dieu ». Le poète a reçu la vocation de restituer le c
1063
les traces du péché, de retrouver les noms réels
et
les « signatures » primitives dans le jeu des symboles et des corresp
1064
signatures » primitives dans le jeu des symboles
et
des correspondances. C’est l’ambition que refoulera trop aisément not
1065
que refoulera trop aisément notre âge classique,
et
que ressusciteront les romantiques allemands, à partir de Hamann et d
1066
ont les romantiques allemands, à partir de Hamann
et
de Herder. La création entière, disait Hamann, est « un discours adre
1067
rse tous les climats, jusqu’aux confins du monde,
et
l’on perçoit sa voix dans chaque dialecte ». Nous l’avons perçue de n
1068
Mais notre monde est-il encore formulable en noms
et
en rythmes ? La science moderne ne tend-elle point à nous le rendre p
1069
ent inimaginable ? N’a-t-elle pas dissocié Nombre
et
Verbe au point de rendre puérile à nos yeux l’ambition d’un lyrisme c
1070
uy de la Boderie, Ronsard, Psellos, M. Laumonier,
et
les philosophes mystiques de la Renaissance qui « considéraient l’huî
1071
e (janvier 1940)ar Il ne serait guère honnête,
et
moins encore adroit, de ne point avouer l’incertitude où pareil livre
1072
t un homme qui récuse sans cesse tout parti pris,
et
d’abord, quant à soi ? On renonce aisément à le fixer dans l’une ou l
1073
t plus que certains détails, certaines allusions,
et
beaucoup de silence, font pressentir un drame secret, un nœud vital o
1074
mais bien le paysage vital, avec ses temps voilés
et
ses soleils, ses parcs, ses friches et ses habitations. Le phénomène-
1075
mps voilés et ses soleils, ses parcs, ses friches
et
ses habitations. Le phénomène-Goethe, dans l’espace et le temps, voil
1076
s habitations. Le phénomène-Goethe, dans l’espace
et
le temps, voilà qui donnerait une idée de l’espèce d’intérêt que l’on
1077
iscrétion moderne va chercher derrière les formes
et
au-dessous d’elles, dans le tout venant de confidences fragmentaires,
1078
mme œuvre d’art, que limité au récit d’une crise,
et
soumis par lui-même à une sorte d’unité qui fait nécessairement défau
1079
é les pages plus élaborées que Gide a groupées ça
et
là sous des titres particuliers (Feuillets, Numquid et tu, La Marche
1080
sous des titres particuliers (Feuillets, Numquid
et
tu, La Marche turque, etc.), malgré la perfection constante de l’écri
1081
.), malgré la perfection constante de l’écriture,
et
toutes ces aquarelles et ces tableaux de genre où s’amuse et s’attard
1082
constante de l’écriture, et toutes ces aquarelles
et
ces tableaux de genre où s’amuse et s’attarde la maîtrise, on peut pr
1083
es aquarelles et ces tableaux de genre où s’amuse
et
s’attarde la maîtrise, on peut prévoir que la valeur d’un tel ouvrage
1084
ssion où j’avais besoin de lui pour me ressaisir,
et
où je me montre dolent, geignant, pitoyable. » « Si plus tard on publ
1085
e mon journal… » Voilà qu’il y pourvoit lui-même.
Et
cependant, « donner de soi une idée fausse », c’est bien ce que devai
1086
échapper aux trompeuses stylisations des morales
et
jugements tout faits n’est plus seulement émouvant : il revêt la vale
1087
ciale sur les limites de la sincérité en général,
et
du journal intime en particulier. La passion d’être complètement vrai
1088
tations (Byron, Stendhal). D’autres fois, l’œuvre
et
le journal sont simplement des manières différentes de poursuivre une
1089
s le journal, mais dans leur mutuelle réfraction.
Et
par exemple, les choses tues dans ce recueil — Gide a marqué qu’une g
1090
les soient dites dans Les Cahiers d’André Walter,
et
surtout dans La Porte étroite, ce roman janséniste et « cathare »… ⁂
1091
urtout dans La Porte étroite, ce roman janséniste
et
« cathare »… ⁂ D’autres causes d’erreur interviennent, faussant les p
1092
qui est bizarre, ce qui fait exception justement.
Et
comment ne céderait-on pas à l’invite d’une formule, d’une épigramme
1093
action de se paraître à soi-même plus perspicace,
et
l’on a grande tendance, par contre, à négliger, de peur de se surfair
1094
important, c’est-à-dire ce qui frappe ce jour-là,
et
l’on se fait trop pittoresque. En somme, le journal exigerait une dis
1095
de l’œuvre : il faudrait s’imposer un rythme égal
et
sans lacunes, une relation automatique et monotone des petits faits,
1096
me égal et sans lacunes, une relation automatique
et
monotone des petits faits, situant exactement l’apparition de telle p
1097
crivains sont vrais, mais d’une vérité indirecte,
et
parfois même négative. C’est moins la vie vécue qui s’y traduit, que
1098
vec toutes ses curiosités, son admirable modestie
et
ses malices, son sens rythmique de la langue toujours si fermement ar
1099
des lectures à haute voix), ses sautes d’humeur,
et
ce besoin de donner raison à l’adversaire…54 On l’y retrouve naturali
1100
l’y retrouve naturaliste à la manière goethéenne,
et
musicien comme Goethe encore se voulait peintre (mais Gide est, je cr
1101
est, je crois, plus doué). On l’y découvre enfin,
et
cela me paraît nouveau, constamment occupé de problèmes religieux. Ma
1102
lui, le problème proprement religieux s’est posé,
et
se pose encore, dans des termes qui échappent, presque nécessairement
1103
Calvin considère comme hérétiques : libre examen
et
moralisme. Du libre examen, Gide conserve son exigence de vérité et d
1104
ibre examen, Gide conserve son exigence de vérité
et
de véracité « advienne que pourra ». Du moralisme, il a gardé sans do
1105
référer à la lettre du dogme l’esprit qui inspire
et
qualifie nos actions quotidiennes, fussent-elles non conformistes. Ma
1106
le a bientôt fait de se muer à son tour en dogme,
et
la morale protestante succombe à ce danger plus qu’aucune autre dans
1107
de naissance » détachés de la vie de leur église,
et
subissant seulement la coutume d’un milieu. Tout à fait justifiée en
1108
nd souvent, me semble-t-il, avec l’image courante
et
fausse d’un Calvin inhumain, presque manichéen.) L’évangélisme, hérit
1109
entes, du christianisme : le mépris de la nature,
et
d’autre part, le recours à l’orthodoxie comme à une assurance prise s
1110
nes — trop humaines » du moralisme néo-protestant
et
du dogmatisme romain. D’où son horreur congénitale des tours de passe
1111
pure de la foi, dont il ne s’estimait pas digne,
et
qu’il confessait par là même. Gide paraît surtout attentif à sa natur
1112
Gide paraît surtout attentif à sa nature complexe
et
réticente. Or toute nature, irrémédiablement, s’éprouve complexe et r
1113
oute nature, irrémédiablement, s’éprouve complexe
et
réticente. Et l’acte de foi consistera toujours à passer outre au dou
1114
rrémédiablement, s’éprouve complexe et réticente.
Et
l’acte de foi consistera toujours à passer outre au doute naturel, à
1115
moi aucun sens. Je ne reconnais point d’autorité,
et
si j’en reconnaissais une, ce serait celle de l’Église » (donc de Rom
1116
lais ou un Scandinave le dilemme entre l’anarchie
et
l’étatisme totalitaire. Assimiler l’autorité au romanisme est d’aille
1117
une erreur des plus courantes, en France surtout,
et
même chez certains protestants. Tout ce que je me sens le droit de di
1118
lité à l’autorité de l’Évangile, fondement unique
et
suffisant de la seule orthodoxie libératrice. ⁂ Si, malgré son génie
1119
éfiance d’artiste à l’égard des « idées » en soi,
et
de l’information méthodique. C’est par là que je sens le mieux la dis
1120
e posent à nous, nous n’avons pas pu les choisir,
et
encore moins les circonscrire dans un domaine privilégié. Ils nous co
1121
langue, plus que l’immoraliste, qui nous importe,
et
qui nous intéresse au double sens du mot. Conclusion provisoire, para
1122
andonner point les positions auxquelles on tient,
et
qui ne sont pas exactement les siennes… ar. Rougemont Denis de, « [
1123
étrangers de marque : Thomas Mann, Zweig, Valéry.
Et
les quatre langues suisses — n’oubliez pas le ladin des Grisons — vie
1124
russe, d’avant-garde ascétique, d’humour vaudois
et
de cosmopolitisme non pas à la manière de Genève mais à celle des tro
1125
iiie siècle, Coppet, Bâle au temps de Burckhardt
et
de Nietzsche… Mais le centre vaudois s’est distingué par sa méfiance
1126
le Petit Ramusianum harmonique de Ch.-A. Cingria
et
Stravinsky : l’humour de l’authentique, si caractéristique du cercle
1127
ercle ramuzien, s’y traduit en mirlitons acidulés
et
en mélodies savamment bêtifiantes de compliment d’anniversaire. Quant
1128
deux portraits photographiques de Germaine Martin
et
de H. L. Mermod. Ce visage puissamment travaillé et simplifié, cet œi
1129
de H. L. Mermod. Ce visage puissamment travaillé
et
simplifié, cet œil halluciné par le réel, c’est tout l’art de Ramuz e
1130
amuz exposé. Ici, tout le mystère se mue en forme
et
en physionomie lisible. Enfin, l’on est au-delà de la psychologie. «
1131
’arrête, il paraît attendre. Je pose le récepteur
et
nous sortons. Nous voici sur un banc du boulevard Saint-Germain. Les
1132
a maison de Charles Du Bos qui rentre d’Amérique,
et
je viens d’apprendre au téléphone que « cela ne va plus » pour un app
1133
e qu’il me faut. » Il a l’air étonné, puis amusé.
Et
, soudain, en se levant : « Eh bien ! si c’est ainsi, allons le voir d
1134
matin, très tôt, nous arrivons chez lui, ma femme
et
moi. Le studio est vaste et plaisant, agrémenté d’un escalier conduis
1135
ns chez lui, ma femme et moi. Le studio est vaste
et
plaisant, agrémenté d’un escalier conduisant à une large galerie. Par
1136
t en robe de chambre grise, le corps un peu tassé
et
de large carrure, sa belle tête de moine tibétain barrée d’un sourire
1137
tête de moine tibétain barrée d’un sourire mince
et
pourtant amical. Il fait très chaud. De ses poches, il tire deux bout
1138
. De ses poches, il tire deux bouteilles de bière
et
nous les offre. Au milieu du studio pend un trapèze. Gide s’y appuie
1139
ue vous habitez ici, qu’est-ce qu’on va dire ?… »
Et
il répète, à travers ses dents serrées : « Qu’est-ce qu’on va dire ?…
1140
, en s’annonçant par un profond « Allô ! Allô ! »
et
me demandera de passer chez lui pour quelques instants. Et, chaque fo
1141
andera de passer chez lui pour quelques instants.
Et
, chaque fois, il orientera la conversation vers des sujets religieux
1142
it l’hospitalité. Saint Paul reste sa bête noire.
Et
l’idée même d’orthodoxie. Il nie vivement que le terme d’orthodoxie p
1143
g ». Marquant ainsi bien franchement ses limites,
et
les moyens particuliers de sa recherche. Sur un seul de ces entretien
1144
l’aveu, qu’il me disait ce qu’il ne pouvait dire,
et
n’a peut-être jamais répété. La conversation s’engage sur L’Amour et
1145
ais répété. La conversation s’engage sur L’Amour
et
l’Occident , qu’il est en train de lire, et dont il me déclare, à ma
1146
Amour et l’Occident , qu’il est en train de lire,
et
dont il me déclare, à ma profonde surprise, qu’il y trouve une explic
1147
urs de sa vie de jeune homme ». En phrases lentes
et
difficultueuses, coupées de silences et de reniflements, il se met à
1148
es lentes et difficultueuses, coupées de silences
et
de reniflements, il se met à parler sur « le drame de sa vie ». Jeune
1149
ler sur « le drame de sa vie ». Jeune homme épris
et
puritain, il a voulu disjoindre l’amour et le plaisir. Il croyait que
1150
épris et puritain, il a voulu disjoindre l’amour
et
le plaisir. Il croyait que « l’amour hétérosexuel » était d’autant pl
1151
élas, je ne voyais pas clair. On se trompe ainsi,
et
les conséquences. J’ai été assez bête pour croire cela ! Il ne faut j
1152
nous disent. » Il a pris une expression angoissée
et
crispée. « Je vous parle très sincèrement, je vous parle de choses qu
1153
ssion, par le ton « c’était mal » de ses propos.)
Et
, subitement, après un silence : « C’est ainsi que j’ai commis, à cett
1154
lage ! » Puis il tousse, se plaint de fumer trop,
et
de n’arriver point à se contraindre. Les jours suivants, il me donne
1155
es épreuves de son Journal en cours d’impression,
et
sur lequel je vais écrire un article pour la NRF. Il insiste comme il
1156
ier. J’ai lu les premières lignes, pour vérifier,
et
j’ai vite refermé la couverture. Pudeur, ou répugnance à donner dans
1157
l’ai-je revu après la guerre ? Souvent, en somme,
et
dans les lieux les plus divers, « Au Vaneau », près de Lausanne, à Ne
1158
ous parlions style, tournures de phrases, Littré.
Et
quelquefois, littérature. (Mais il s’en détachait visiblement, n’admi
1159
it avec insistance de mon opinion sur Strindberg,
et
je lui fis une réponse assez vague, m’étonnant surtout de la question
1160
pour observer que le jeu devenait bien personnel,
et
proposa des bouts-rimés. Il y excellait. ⁂ Peu d’hommes m’ont donné l
1161
roblème permanent. Écarté, refoulé chez les uns ;
et
chez les autres résolu, croient-ils. Je ne dis pas qu’il torturait Gi
1162
i, problème. Gide avait peu d’instinct religieux,
et
moins encore de goût pour la métaphysique. Il préférait ce qu’il juge
1163
ontaigne. (Je ne nie pas un instant son lyrisme.)
Et
c’est ainsi qu’il réussit à remplacer le tragique par la perplexité.
1164
eut éclairer son attitude envers le christianisme
et
son mystère. Peu d’instinct religieux chez cet homme, alors que le ch
1165
z cet homme, alors que le christianisme, l’Église
et
l’Évangile, furent ses constants sujets d’irritation, de nostalgie ou
1166
sa formation chrétienne ; ses lectures prolongées
et
sans cesse renouvelées de l’Écriture ; son amour pour le style bibliq
1167
ue chez les jeunes bourgeois entre tabous sexuels
et
spiritualité, d’où sa polémique inlassable contre l’orthodoxie telle
1168
sable contre l’orthodoxie telle qu’il l’imaginait
et
dans laquelle il voyait (par erreur) la sanction d’une certaine éthiq
1169
é, c’est l’éthique, non le religieux ; la justice
et
non le salut ; ce que l’on vit et comment on juge, non la connaissanc
1170
ux ; la justice et non le salut ; ce que l’on vit
et
comment on juge, non la connaissance pure, ni le mystère. Réduisait-i
1171
ôt que la morale était le lieu de son vrai drame,
et
qu’il ne pouvait approcher la religion que dans ce drame. Ainsi, deve
1172
» qui mesure parfois la distance entre l’éthique
et
la mystique, mais qui souvent n’est qu’un concept bâtard, engendré pa
1173
ns, nous ont montré pareil amour pour l’Évangile,
et
cela jusque dans les années où il doutait de l’existence de Dieu. Mai
1174
ce de Dieu. Mais il croyait à l’homme individuel,
et
cette croyance est née de la synthèse du christianisme. Elle n’existe
1175
du christianisme. Elle n’existe pas hors de lui,
et
n’est pas explicable sans lui. (Je ne dis pas qu’elle soit chrétienne
1176
ndividualiste. Savons-nous encore mesurer le sens
et
la portée de cette banalité, en vérité bizarre et unique dans l’Histo
1177
et la portée de cette banalité, en vérité bizarre
et
unique dans l’Histoire, une civilisation sur vingt et une connues l’a
1178
nique dans l’Histoire, une civilisation sur vingt
et
une connues l’ayant rendue possible et acceptable. « Hérétique entre
1179
sur vingt et une connues l’ayant rendue possible
et
acceptable. « Hérétique entre les hérétiques », toujours soucieux de
1180
ons traditionnelles, au sens du mythe, des astres
et
de l’ordre cosmique, ou bien encore au sens de lois fatales et collec
1181
cosmique, ou bien encore au sens de lois fatales
et
collectives interprétées par un Parti. C’est pourquoi le problème rel
1182
ligieux, tel qu’il se pose au monde christianisé,
et
à lui seul, libéré de l’empire des mythes, n’a cessé d’occuper sa pen
1183
empire des mythes, n’a cessé d’occuper sa pensée.
Et
j’ignore si c’est mal ou bien : je constate simplement le phénomène.
1184
nce de foi pour une preuve de courage. Des vertus
et
des vices, dans un milieu donné, tout le monde reste en droit de juge
1185
t personnel n’ont rien à voir avec la bienséance,
et
ne sont pas de l’ordre des mérites. Et c’est pourquoi il est écrit :
1186
ienséance, et ne sont pas de l’ordre des mérites.
Et
c’est pourquoi il est écrit : « Ne jugez pas ! » J’avoue que je compr
1187
la croyance ou non d’un homme connu, multipliées
et
prolongées après sa mort, dans notre siècle. Elles ne sont ni chrétie
1188
laissant aux incroyants le droit de mieux savoir.
Et
qu’est-ce que cela peut bien nous faire ? Sinon nous servir d’argumen
1189
ut bien nous faire ? Sinon nous servir d’argument
et
nous rassurer curieusement dans notre foi ou dans notre incroyance, —
1190
parce qu’un de plus vient renforcer notre parti,
et
qu’il n’est pas le premier venu. C’est usurper la place du Juge, ou m
1191
C’est usurper la place du Juge, ou mêler vanités
et
salut. Si Gide a refusé totalement quelque chose, c’est justement le
1192
qui est l’esprit de parti logiquement développé.
Et
d’abord dans la religion. Le vrai croyant demain, ne sera-t-il pas ce
1193
ai doute, plus qu’il n’est de lumière sans ombre.
Et
je n’entends pas dire que Gide fut un croyant, mais il reste un doute
1194
lle créé les sciences physiques, conçu l’Histoire
et
découvert la Terre ? D’autres cultures et civilisations ont trouvé mi
1195
istoire et découvert la Terre ? D’autres cultures
et
civilisations ont trouvé mieux peut-être, mais pas cela. Est-il possi
1196
ues de l’Occident (le concept de personne humaine
et
le développement de la technique, par exemple) une origine ou une vis
1197
u xixe siècle. L’Europe est une longue aventure,
et
l’esprit d’aventure y paraît plus sensible que l’objet de la quête n’
1198
me de l’Incarnation, formulé au concile de Nicée,
et
vous ôtez la condition des sciences physiques et naturelles, qui est
1199
et vous ôtez la condition des sciences physiques
et
naturelles, qui est la reconnaissance du corps, de la matière, et de
1200
ui est la reconnaissance du corps, de la matière,
et
de la forme du monde en tant que réalités. (L’Orient les tient pour i
1201
onne, déduite des grandes définitions trinitaires
et
christologiques, vous avez quelque chose comme l’Inde et non l’Europe
1202
stologiques, vous avez quelque chose comme l’Inde
et
non l’Europe. De cette recherche d’un principe de cohérence révélé p
1203
urs d’Oxford tenaient pour le 23 mars, même heure
et
même année. Buffon écrit un peu plus tard : « Depuis la fin des ouvra
1204
que Schelling suit encore en plein xixe siècle,
et
que les catéchismes ne cesseront d’enseigner à des générations dont n
1205
nnées solaires. Or la vie d’un Brahma est de cent
et
huit « années », dont chaque jour et chaque nuit représentent un Kalp
1206
est de cent et huit « années », dont chaque jour
et
chaque nuit représentent un Kalpa. Après deux-cent-quarante-neuf-mill
1207
, puis un autre Brahma inaugure une ère nouvelle,
et
ainsi de suite à l’infini. Quant au temps de notre humanité : chaque
1208
uatre-millions-trois-cent-vingt-mille ans chacun,
et
chaque éon se subdivise en quatre âges de durées décroissantes. Nous
1209
à minuit précise, le 18 février 3102 avant J.-C.,
et
doit se terminer dans 426 941 ans par la destruction du monde et sa r
1210
iner dans 426 941 ans par la destruction du monde
et
sa reconstruction, qui sera l’œuvre de Kalki, dernier avatar de Vishn
1211
, attribués par les grandes religions de l’Orient
et
de l’Occident au temps cosmique comme au temps des humains, plaçons m
1212
de l’Histoire est caractéristique de l’Occident,
et
il y tourne même à l’obsession si l’on en juge par notre siècle, tand
1213
ture occidentale se doit d’affronter ce contraste
et
d’essayer de l’interpréter. Et, en particulier, toute théorie de l’Hi
1214
onter ce contraste et d’essayer de l’interpréter.
Et
, en particulier, toute théorie de l’Histoire qui négligerait d’en ren
1215
de ce chapitre. 2. Co-naissance de l’Histoire
et
de la Personne Un fait quelconque n’est historique au sens exact q
1216
e sans fin. Combien d’individus sont-ils donc nés
et
morts depuis qu’il y a des hommes sur cette planète ? Si un démograph
1217
sens de la personne ? Presque toutes les cultures
et
civilisations que nous avons exhumées du passé de la Terre ou qui sur
1218
notre siècle ont enseigné des théories du temps,
et
presque toutes décrivent un temps cyclique. Elles croient aussi à la
1219
s croient aussi à la métempsycose, à l’astrologie
et
aux castes. Tout cela se tient et se relie, tout cela est « religion
1220
à l’astrologie et aux castes. Tout cela se tient
et
se relie, tout cela est « religion » au sens premier du terme56 — et
1221
ela est « religion » au sens premier du terme56 —
et
ne laisse aucune place à l’Histoire, ni davantage à la personne. Seul
1222
ps, mais d’une intention personnelle, inscrutable
et
pourtant manifestée par une suite d’événements révélateurs. L’incarna
1223
complir cette vocation unique du peuple d’Israël.
Et
, certes, l’Évangile ignore absolument toute espèce de doctrine de l’H
1224
nt découvert le temps irréversible de l’Histoire,
et
qu’ils ont osé l’accepter. La prédication paulinienne, avec son insis
1225
ur l’unicité absolue de l’Incarnation salvatrice,
et
cet « une fois pour toutes » qui sert de leitmotiv à l’Épître « aux H
1226
emps de l’attente active, de l’espérance patiente
et
de la foi dans un retour unique du Christ glorieux. Et, dans ce temps
1227
la foi dans un retour unique du Christ glorieux.
Et
, dans ce temps nouveau, le rôle de chaque personne devient unique et
1228
ouveau, le rôle de chaque personne devient unique
et
décisif, comme l’était sous l’Ancienne Alliance le rôle collectif d’I
1229
gue de Personne à personne entre Dieu qui appelle
et
l’âme qui répond libère celle-ci des décrets uniformes de la morale e
1230
ibère celle-ci des décrets uniformes de la morale
et
de la tradition sacrée, comme aussi des caprices du hasard insensé, c
1231
u hasard insensé, comme enfin de la roue du karma
et
du vertige de la métempsycose, qui réduisaient toute vie dans le temp
1232
mpsycose, qui réduisaient toute vie dans le temps
et
la chair à l’insignifiance anonyme d’un passage éphémère dans l’Illus
1233
e de la même rupture des grands rythmes cosmiques
et
des fatalités astrologiques, et de la même victoire sur les étoiles e
1234
rythmes cosmiques et des fatalités astrologiques,
et
de la même victoire sur les étoiles et sur la mort, qui libère et sus
1235
ologiques, et de la même victoire sur les étoiles
et
sur la mort, qui libère et suscite la personne. Ce n’est pas un hasar
1236
ctoire sur les étoiles et sur la mort, qui libère
et
suscite la personne. Ce n’est pas un hasard si le premier auteur d’un
1237
alors le courage exceptionnel d’accepter le temps
et
l’Histoire. Si toutes les religions traditionnelles ont développé des
1238
nelles ont développé des mythes du temps cyclique
et
de l’éternel retour, c’est parce que l’homme a peur du temps. Voilà l
1239
— Eden, âge d’or, enfance — vécus ou imaginaires.
Et
il est lié à la menace toujours instante des catastrophes imprévisibl
1240
toujours instante des catastrophes imprévisibles
et
arbitraires, des désastres privés et publics et de leur injustice d’a
1241
mprévisibles et arbitraires, des désastres privés
et
publics et de leur injustice d’autant plus scandaleuse qu’elle appara
1242
s et arbitraires, des désastres privés et publics
et
de leur injustice d’autant plus scandaleuse qu’elle apparaît « sans p
1243
e apparaît « sans précédent », vraiment nouvelle,
et
donc dénuée de sens. Contre le malheur et son absurdité, l’homme n’a
1244
uvelle, et donc dénuée de sens. Contre le malheur
et
son absurdité, l’homme n’a d’autre recours que d’attribuer un sens à
1245
s l’avoir « mérité ». Au scandale des souffrances
et
de la mort, il ne répondra point par une révolte vaine, pure démence
1246
transformant le réel insensé en un poème de morts
et
de résurrections dominées par des rythmes et par des archétypes qui s
1247
orts et de résurrections dominées par des rythmes
et
par des archétypes qui s’accordent à ceux de l’âme. Ainsi le rêve uni
1248
l’âme. Ainsi le rêve universel du temps cyclique
et
du retour sans fin de toutes les situations dévalorise le temps vécu
1249
solu, la nouveauté totale, proprement impensable.
Et
c’est bien dans ces termes que saint Paul la présente. Que Dieu se so
1250
e par la chair (étant au monde mais non du monde)
et
qu’un terme est promis à l’Histoire, encore que nul n’en sache « le j
1251
as la preuve d’une existence qui échappe au temps
et
à la mort. « Si le Christ n’est pas ressuscité, votre foi est vaine e
1252
Christ n’est pas ressuscité, votre foi est vaine
et
vous êtes encore dans vos péchés. » Mais cette preuve n’est valable q
1253
te preuve n’est valable que pour la foi parfaite,
et
ce recours au Transcendant, non plus au Mythe, contre la dictature du
1254
rit Kierkegaard. Or la foi n’est jamais parfaite,
et
dans l’homme converti persiste « le vieil homme ». Son mouvement natu
1255
me ». Son mouvement naturel sera donc de chercher
et
d’inventer contre le temps d’autres défenses. Il essaiera d’abord de
1256
s. Plus tard, au Moyen Âge, la théorie des cycles
et
des rythmes cosmiques de l’Histoire sera reprise — contre l’esprit de
1257
bert le Grand, Thomas d’Aquin, Dante, Roger Bacon
et
tous les astrologues, qui vont devenir avec Kepler les astronomes. La
1258
r les astronomes. La conception linéaire du temps
et
du progrès continu de l’Histoire n’est guère soutenue que par un Joac
1259
es paysannes, l’idée d’une évolution imprévisible
et
progressive est généralement éliminée par des représentations archéty
1260
nt éliminée par des représentations archétypiques
et
mythiques du cours des choses humaines ressenti comme semblable à cel
1261
lui des saisons, de la végétation ou des étoiles.
Et
peut-être faut-il rattacher à cette même tendance naturelle la propen
1262
e à substituer la tradition, l’allégorie mystique
et
la légende aux faits dont seules les Écritures, fort peu lues en ce t
1263
trouver les moyens de l’accepter progressivement
et
d’y adapter ses conceptions. Pour les premiers chrétiens, ce qui rend
1264
end supportable l’idée d’un temps vidé de rythmes
et
de mythes, c’est la croyance à la Fin imminente : encore « un peu de
1265
e à la Fin imminente : encore « un peu de temps »
et
le Christ reviendra. Mais Rome s’écroule, l’Église s’installe, et les
1266
iendra. Mais Rome s’écroule, l’Église s’installe,
et
les Barbares se convertissent. Il va falloir trouver les moyens de pe
1267
ualisme à peine voilé : il y a l’Histoire de Dieu
et
celle des hommes, et si la première intervient dans la seconde par de
1268
: il y a l’Histoire de Dieu et celle des hommes,
et
si la première intervient dans la seconde par des actes libres, elle
1269
s dans celui des normes. C’est une vision réduite
et
limitée de l’Histoire qui lui permet de rendre un rythme à sa durée.
1270
ra symbolique jusqu’aux abords de la Renaissance.
Et
dès lors elle ira se précisant, mais dans le même cadre indiscuté (d’
1271
ant l’intermède médiéval, l’état civil des hommes
et
des actions humaines n’a cessé de se préciser, tandis que la Fin et l
1272
aines n’a cessé de se préciser, tandis que la Fin
et
le Commencement des temps ne cessaient de s’éloigner dans le vague de
1273
er, « car nous ne savons ni le jour ni l’heure ».
Et
c’est pourquoi le progrès de la vision historique, loin de sécularise
1274
provoque une crise profonde de la relation intime
et
proprement congénitale entre l’Histoire et la personne humaine. Ceci
1275
intime et proprement congénitale entre l’Histoire
et
la personne humaine. Ceci pose un problème encore neuf. 4. Être ou
1276
six-mille ans, mais probablement six-cent-mille.
Et
que la Terre, avec ses quelque trois ou quatre milliards d’années, au
1277
ants nous parlent déjà d’un mouvement de diastole
et
de systole de l’Univers, qui se répéterait à l’infini : nous serions
1278
es collectivités, des civilisations, des périodes
et
des ères, grandit d’autant qu’à cette échelle multipliée, elles demeu
1279
helle multipliée, elles demeurent seules visibles
et
concevables. L’individu, en revanche, disparaît et s’annule. La même
1280
t concevables. L’individu, en revanche, disparaît
et
s’annule. La même raison veut que les « lois de l’Histoire », nécessa
1281
embles étendus, négligent l’action de la personne
et
nous inclinent à douter de sa réalité. Le « réel historique », ainsi
1282
l’homme concret que Brahma d’un paria sans voie.
Et
l’Histoire, dans l’esprit de nos contemporains, prend la place de la
1283
déjà d’une Histoire « maîtresse de la vie humaine
et
de la politique ». Il s’agit de préparer le Dauphin, son élève, à sa
1284
che de roi. Cette Histoire pourvoyeuse d’exemples
et
de leçons n’a d’autre autorité que celle d’un précepteur. Ses « lois
1285
« lois » ne sont encore que celles de la morale,
et
sa réalité celle d’un discours. Mais l’Histoire aujourd’hui n’est plu
1286
ù ce qu’il y a de plus réel, c’est le cours même.
Et
comme ce mouvement pur « doit » être dépourvu d’origine et de but con
1287
ce mouvement pur « doit » être dépourvu d’origine
et
de but connaissable, on ne peut savoir son sens, mais seulement l’épo
1288
e peut savoir son sens, mais seulement l’épouser,
et
l’on ne peut le penser qu’en s’y abandonnant. Ce qui se place dans le
1289
ns est « mystification » aux yeux des théoriciens
et
polémistes, « sabotage » aux yeux des pouvoirs. En présence d’une doc
1290
chose : non de mémoire mais d’attitude actuelle,
et
non d’une discipline de l’intellect mais bien d’une conception de l’E
1291
sistible entraînant à la fois ceux qui lui cèdent
et
ceux qui lui résistent — peut-on la distinguer encore du temps lui-mê
1292
de le penser qui le ferme à toute transcendance,
et
qui du même coup nous enferme et nous interdit tout recours ? « Au mo
1293
e transcendance, et qui du même coup nous enferme
et
nous interdit tout recours ? « Au monde comme n’étant pas du monde »,
1294
ne se fonde dans ce qui juge le temps, le détruit
et
le renouvelle. Et, si l’on rêve un monde coupé du transcendant, on év
1295
e qui juge le temps, le détruit et le renouvelle.
Et
, si l’on rêve un monde coupé du transcendant, on évacue du même mouve
1296
ette Histoire, se découvre impuissant devant elle
et
en elle : rien n’est plus répandu que ce sentiment anxieux dans l’int
1297
l’intelligentsia comme dans les masses modernes,
et
c’est sur lui que les dictatures totalitaires fondent leur pouvoir. L
1298
u contraire, le « sens » appartient à l’Histoire,
et
l’Histoire au César du moment, la police politique du César détient s
1299
Cette description rapide d’une attitude nouvelle
et
d’un état de conscience profondément typique de l’Occident au xxe si
1300
ire nous conduit au fatalisme. Comment l’Histoire
et
la personne ont-elles pu devenir exclusives l’une de l’autre, alors q
1301
evenir tout-puissant soit le développement normal
et
la suite obligée de l’attitude chrétienne devant le temps ? Notre épo
1302
rand public : Toynbee est best-seller, les revues
et
la presse nous parlent de Sumer, du paléolithique, des Mayas ou du va
1303
émoires font fureur, les biographies s’arrachent,
et
beaucoup n’attendent pas la cinquantaine pour se mettre au passé dans
1304
acceptation d’un temps radicalement imprévisible.
Et
sa fin seule était certaine et serait bonne. Mais encore fallait-il c
1305
ment imprévisible. Et sa fin seule était certaine
et
serait bonne. Mais encore fallait-il croire à l’Apocalypse. D’ici là,
1306
e résiste par un retour aux conceptions cycliques
et
par une nette limitation des dimensions du passé et de l’avenir : cet
1307
par une nette limitation des dimensions du passé
et
de l’avenir : cette espèce de congélation du temps a pour effet d’éli
1308
effet d’éliminer le devenir. Mais la Renaissance
et
les siècles suivants découvrent l’infini et le réintroduisent dans l’
1309
sance et les siècles suivants découvrent l’infini
et
le réintroduisent dans l’imagination et la spéculation, puis dans le
1310
l’infini et le réintroduisent dans l’imagination
et
la spéculation, puis dans le calcul mathématique. On ne peut plus lim
1311
ue. On ne peut plus limiter l’espace ni le temps,
et
, lorsque au xxe siècle ils se dilatent soudain au-delà de tout ce qu
1312
se figurer, l’idée d’évolution balaie nos repères
et
nous emporte sans espoir à l’aventure. Devant le risque béant, soudai
1313
ère dont il décide d’identifier au devenir l’être
et
la vérité elle-même. Solution masochiste, pour un Occidental. L’indiv
1314
s-lumière, dans cette durée qui va vers l’infini,
et
dans une société où la technique, les « lois économiques », la puissa
1315
mouvements de masse, etc., échappent à ses prises
et
l’enserrent — « il ne se retrouve plus » et démissionne. Que l’Histoi
1316
rises et l’enserrent — « il ne se retrouve plus »
et
démissionne. Que l’Histoire décide à ma place, de toute façon je n’y
1317
ne suis plus responsable, mais c’est l’Évolution,
et
je n’ai plus d’autre choix que de m’en dire l’agent. Cet abandon de l
1318
t qu’un fléchissement réel du sens de la personne
et
de la liberté. Ce n’est pas qu’on n’aime plus être soi librement, ni
1319
tres, qui cimente l’édifice de l’Usine soviétique
et
donne la preuve démente de la réalité des utopies au nom desquelles o
1320
de désespérer auxquelles je tiens contre le monde
et
contre Dieu — la négation de moi-même et du sens de ma vie. Anticiper
1321
le monde et contre Dieu — la négation de moi-même
et
du sens de ma vie. Anticiper l’avenir, c’est le dernier refus de l’av
1322
es : ce sont les mêmes, mais ils s’en félicitent.
Et
les unes comme les autres, redoutées ou voulues, ne se confondent pas
1323
d’un avenir donné pour fatal, mais dans une seule
et
même démission de la personne, qui désespère de ses pouvoirs d’innova
1324
sonne, qui désespère de ses pouvoirs d’innovation
et
de toute espèce de recours au transcendant libérateur. Engendrer l’ut
1325
emiers chrétiens, mais elle en reste tributaire —
et
c’est pourquoi l’Orient ne produit pas d’utopies. Concevoir une utopi
1326
nt ne produit pas d’utopies. Concevoir une utopie
et
agir d’après elle, massacrer pour hâter sa venue bienfaisante, c’est
1327
e l’Histoire ? Ou, surmontant le vertige cosmique
et
temporel où l’a plongé sa science par une mutation brusque, saura-t-i
1328
ite si j’essayais d’anticiper sur nos lendemains,
et
ceux-ci ne seront point marqués par nos hypothèses même exactes, mais
1329
fication aux surprises du temps qui vient à nous.
Et
ces options n’agiront point par la violence de prises de position cal
1330
William Jones : la Société asiatique du Bengale.
Et
ce n’est guère que depuis la fin du xixe siècle qu’une science histo
1331
vaincre, on s’empresse d’en appeler à la coutume,
et
l’on prétend « renouveler la tradition ». Il suffit qu’une charte, un
1332
, que le succès temporel prenne la place du salut
et
qu’il tienne lieu de but suprême. Succès individuel ou collectif d’ai
1333
La personne, l’ange
et
l’absolu, ou le dialogue Occident-Orient (avril 1961)av Un dialo
1334
s problèmes qui lui sont imposés par la technique
et
par l’hygiène occidentales, et cherche à les résoudre à l’aide d’un s
1335
s par la technique et par l’hygiène occidentales,
et
cherche à les résoudre à l’aide d’un socialisme qui ne doit rien à Sh
1336
ident découvre Zoroastre à la suite de Nietzsche,
et
publie les grands textes des mystiques soufis, mais l’Iran et l’Arabi
1337
s grands textes des mystiques soufis, mais l’Iran
et
l’Arabie sont en pleine crise d’adaptation à l’habitus capitaliste. L
1338
tion à l’habitus capitaliste. L’Occident découvre
et
publie le Hi-King, tandis que la Chine s’industrialise, s’impose notr
1339
la Chine s’industrialise, s’impose notre marxisme
et
oblitère son mandarinat. Enfin, l’Occident n’a pas plus tôt découvert
1340
te dans le nationalisme, les jeux parlementaires,
et
l’exploitation par elle-même de ses ressources matérielles. Ce que no
1341
nos formes sociales, nos procédés de gouvernement
et
nos techniques, mais non pas les tensions spirituelles qui en étaient
1342
ait pour nous résultantes d’innombrables poussées
et
résistances, malaisément équilibrées mais lentement accoutumées, devi
1343
peuvent, dans une telle situation, intellectuels
et
spirituels ? Presque rien, sinon dire l’essentiel, qui n’agira guère
1344
feront demain. L’essentiel du dialogue nécessaire
et
désormais inévitable, pour si mal engagé qu’il soit, porte sur l’homm
1345
pour si mal engagé qu’il soit, porte sur l’homme
et
sa définition. S’il est vrai que l’Orient nie le moi, qui est une val
1346
e vrai ? Quel est le moi qui s’affirme d’une part
et
quel est le moi qu’on nie de l’autre ? Est-ce bien le même ? La Pe
1347
carnation, personnes divines à la fois distinctes
et
reliées. D’où la définition de la personne humaine ou du vrai moi, re
1348
on de la personne humaine ou du vrai moi, reprise
et
précisée par toutes les grandes époques de la théologie et de la phil
1349
ée par toutes les grandes époques de la théologie
et
de la philosophie, et toujours opposée à l’homme naturel, animal plus
1350
des époques de la théologie et de la philosophie,
et
toujours opposée à l’homme naturel, animal plus ou moins raisonnable
1351
l’homme naturel, animal plus ou moins raisonnable
et
simple exemplaire de l’espèce. Pour saint Paul, le vrai moi est l’hom
1352
ar un Dieu personnel, donc créé par une vocation,
et
il ne tombe pas sous le sens comme le « vieil homme », puisque sa vie
1353
e sa vie « nouvelle » est à la fois dans le monde
et
hors du monde, à la fois manifestée par son amour (Agapè) et « cachée
1354
monde, à la fois manifestée par son amour (Agapè)
et
« cachée avec le Christ en Dieu ». (Colossiens, 3, 3.) Dès les Pères
1355
n Dieu ». (Colossiens, 3, 3.) Dès les Pères grecs
et
le latin Boèce, à travers Jean Scot Érigène, jusqu’à Richard de Saint
1356
e thomisme, on peut suivre l’évolution du concept
et
du terme de personne, forgé par la doctrine trinitaire ; il s’appliqu
1357
lectuelle, dont « la nature n’est que de penser »
et
qui reste entièrement distincte du corps. Avec Kant, le vrai moi, nou
1358
e vrai moi, nouménal, s’oppose au moi phénoménal,
et
reprend le nom de personne. Chez Renouvier, la personne apparaît comm
1359
individu, simple objet du déterminisme universel.
Et
quant à la science d’aujourd’hui, dont on a pu penser « qu’elle n’abo
1360
biologique (l’hérédité, l’équilibre endocrinien),
et
nous le montre d’autant plus distinct, dans sa fonction centrale, tot
1361
recherches psychologiques du xxe siècle nomment
et
dénoncent les forces qui tendent à le dissocier, les névroses qui l’a
1362
er, les névroses qui l’assiègent de toutes parts,
et
retrouvent par le détour de leurs descriptions « objectives » l’oppos
1363
« deux hommes en moi » : le naturel tyrannisant (
et
tyrannisé par la Loi) et le spirituel libérateur. S’il est vrai que l
1364
le naturel tyrannisant (et tyrannisé par la Loi)
et
le spirituel libérateur. S’il est vrai que le langage courant confond
1365
nt confond sans l’ombre d’un scrupule la personne
et
tout ce qu’elle n’est pas — l’individu, la persona, la « forte indivi
1366
té », l’âme sensitive, l’intellect, l’élémentaire
et
souvent si trompeuse conscience de soi — reste que la croyance au moi
1367
ce de soi — reste que la croyance au moi distinct
et
le recours à la « valeur absolue de la personne » sont à peu près uni
1368
tant de notions considérées comme allant de soi —
et
tant de réalités « bien vues » à l’Ouest, mais que l’Est se devait d’
1369
, le record, la gloire personnelle, la biographie
et
le portrait, la prière pour un tel vivant ou pour les morts… Comme l’
1370
ité, la dénonciation de l’on par nos philosophes,
et
les diatribes marxistes contre l’aliénation. Et comme l’atteste enfin
1371
, et les diatribes marxistes contre l’aliénation.
Et
comme l’atteste enfin notre notion de l’amour, — à quoi j’entends ven
1372
iée », « revêtue de lumière », d’incorruptibilité
et
d’immortalité ; dès maintenant donc « ressuscitée avec le Christ », b
1373
répond l’Iran des spirituels, l’Iran du mazdéisme
et
des mystiques soufis, proche de l’Inde mais enté sur le tronc abraham
1374
amique, d’où sont issus les juifs, les chrétiens,
et
l’islam. Que serait l’Ange pour nos psychologues ? Une projection du
1375
ers cette âme ou ce groupe d’âmes une sollicitude
et
tendresse spéciales ; c’est lui qui les initie à la connaissance, les
1376
, les défend, les réconforte, les fait triompher,
et
c’est cet être qu’ils appelaient Nature parfaite. » C’est le vrai moi
1377
ue, le Nom divin, investi en lui.61 » Ainsi donc,
et
selon les admirables commentaires qu’Henry Corbin nous donne de la my
1378
chée en Dieu selon le christianisme, mais encore,
et
d’une manière plus précise dans l’homologie, ces entités célestes, fé
1379
choisi de combattre pour venir en aide à Ohrmazd)
et
qui sont à la fois les archétypes célestes des êtres et leurs anges t
1380
sont à la fois les archétypes célestes des êtres
et
leurs anges tutélaires. Il y a plus : selon le mazdéisme « chaque ent
1381
umineux a lui-même la sienne63. La Terre physique
et
tous les êtres qui l’habitent apparaissent ainsi comme la contreparti
1382
de la Lumière-de-Gloire restituant toutes choses
et
tous les êtres dans leur pureté paradisiaque, « dans un décor de mont
1383
céleste, jeune femme d’une beauté resplendissante
et
qui lui dit : — Je suis toi-même ! Mais si l’homme sur la Terre a mal
1384
de la Fravarti, c’est une apparition monstrueuse
et
défigurée qui reflète son état déchu. La « rencontre aurorale » avec
1385
s âmes. Le mazdéisme, comme plus tard les soufis,
et
comme le christianisme véritable, ne demande pas d’abord ce qu’est l’
1386
ait donc malentendu fondamental entre les peuples
et
leurs sages, entre la religion des uns et la métaphysique des autres
1387
peuples et leurs sages, entre la religion des uns
et
la métaphysique des autres ? En fait, on ne voit pas les Sages de l’A
1388
e vrai malentendu se serait-il instauré entre eux
et
nous ? Entre cela qu’ils pensent que nous croyons lorsque nous affirm
1389
nous croyons lorsque nous affirmons le moi réel,
et
cela que nous pensons qu’ils croient en le niant ? Nous avancerons pe
1390
re l’homme naturel, exemplaire animal transitoire
et
« aveugle », enveloppe obscurcissante d’une âme divine. Ainsi parlent
1391
ne âme divine. Ainsi parlent tous les upanishads,
et
les premiers écrits canoniques du bouddhisme : il faut éteindre le dé
1392
ir individuel, cause de l’erreur, des souffrances
et
de la mort, dissiper cet écran de matière entre l’âme et la Réalité.
1393
a mort, dissiper cet écran de matière entre l’âme
et
la Réalité. On peut penser qu’il s’agit bien ici de la même « mort au
1394
qu’il s’agit bien ici de la même « mort au monde
et
à soi-même » que le Christ exige de ses disciples, et qui est la cond
1395
soi-même » que le Christ exige de ses disciples,
et
qui est la condition de leur accession à leur vrai moi spirituel, cel
1396
citer en corps glorieux. Védantistes, vishnouites
et
shivaïtes, en Inde, admettent une âme individuelle mais « obscurcie »
1397
me ? Un ensemble transitoire d’agrégats matériels
et
de formations mentales en proie au désir égoïste, qui naît de l’ignor
1398
n proie au désir égoïste, qui naît de l’ignorance
et
qui entraîne fatalement les attachements à l’illusoire ; d’où l’actio
1399
l’illusoire ; d’où l’action, le devenir, la mort,
et
la roue des retours sans fin. « Inconnaissable est le commencement de
1400
ommencement des êtres enveloppés par l’ignorance,
et
que le désir conduit à de criminelles renaissances.65 » Le but est do
1401
sme tibétain66. À l’autre extrémité géographique (
et
parfois spirituelle) du continent, un interprète du zen fait écho : «
1402
ces du vrai moi, qui est notre répondant céleste.
Et
faut-il qu’il existe et qu’il soit fort, ce moi qu’on répute illusoir
1403
notre répondant céleste. Et faut-il qu’il existe
et
qu’il soit fort, ce moi qu’on répute illusoire, pour qu’un des buts m
1404
nt les advaïtins : c’est Brahma ou ce n’est rien.
Et
tu n’es rien. Et de leur côté les bouddhistes (mais le tao chinois et
1405
: c’est Brahma ou ce n’est rien. Et tu n’es rien.
Et
de leur côté les bouddhistes (mais le tao chinois et le shinto nippon
1406
de leur côté les bouddhistes (mais le tao chinois
et
le shinto nippon disent à peu près les mêmes phrases) : « Nagasena, e
1407
olu du Soi : le grand sommeil, lentement atteint,
et
qu’on peut appeler l’enstase. Et les mystiques chrétiens cherchent l’
1408
ntement atteint, et qu’on peut appeler l’enstase.
Et
les mystiques chrétiens cherchent l’extase. Quant aux bouddhistes zen
1409
n, on dirait qu’ils s’en tiennent à la stase pure
et
simple : faire face au fait, signe du Tout, et donc du Vide. Leur sat
1410
re et simple : faire face au fait, signe du Tout,
et
donc du Vide. Leur satori est le contraire du samadhi : c’est un évei
1411
la vision-en-soi, du Cela qui n’est pas personnel
et
se joue à travers notre moi. Ainsi tout l’Orient des doctrines, — et
1412
s notre moi. Ainsi tout l’Orient des doctrines, —
et
en même temps l’Orient des peuples et sa croyance en la transmigratio
1413
octrines, — et en même temps l’Orient des peuples
et
sa croyance en la transmigration… Mais voici le moment d’ajuster la v
1414
absolue négation, pour dire qu’il faut se méfier,
et
immortalité pour dire longévité. Notre hygiène, augmentant de cinquan
1415
vie, serait alors une « recette d’immortalité ».
Et
même la seule qui ait réussi. Apprenons donc à lire dans leur optique
1416
ersonne. Parfois, j’arrache en même temps l’objet
et
la personne. Parfois, je n’arrache ni l’objet ni la personne. Le mêm
1417
onne. Le même commente : « Supprimer la personne
et
sauver l’objet signifie éliminer le questionneur, non sa question. Et
1418
gnifie éliminer le questionneur, non sa question.
Et
les trois autres distinctions s’expliquent de la même manière. » Puis
1419
hristianisme — à partir d’un certain bouddhisme —
et
certainement le mazdéisme et les soufis : il s’agit d’une seule quête
1420
certain bouddhisme — et certainement le mazdéisme
et
les soufis : il s’agit d’une seule quête de l’esprit, dont le Graal,
1421
onnue peut être vérifiée par l’expérience intime,
et
promet au dialogue des spirituels un élargissement de la conscience q
1422
sfonctionnelles » qui menacent l’intégrité du moi
et
qui nient ou détruisent la personne… Mais l’Oriental sourit et nous l
1423
ou détruisent la personne… Mais l’Oriental sourit
et
nous laisse « nos » problèmes. Trois écoles de l’amour Si l’amo
1424
ui configure l’idée du moi que nous nous faisons,
et
cette idée du moi révèle l’amour, comme la structure de l’atome tradu
1425
ais », dit Swedenborg dans La Nouvelle Jérusalem.
Et
dans De Coelo, il ajoute : « Le corps de chaque esprit et de chaque a
1426
De Coelo, il ajoute : « Le corps de chaque esprit
et
de chaque ange est la forme de son amour.73 » Les trois notions de l’
1427
comme autant d’effets de son action configurante
et
composante. Et nous les voyons différer d’une manière subtile mais pr
1428
’effets de son action configurante et composante.
Et
nous les voyons différer d’une manière subtile mais précise par la fo
1429
rapports qu’elles imaginent entre le moi naturel
et
le vrai moi, c’est-à-dire selon les langages, entre les phénomènes et
1430
t-à-dire selon les langages, entre les phénomènes
et
le noumène, l’individu et la personne, l’âme et l’ange, l’ego et le S
1431
s, entre les phénomènes et le noumène, l’individu
et
la personne, l’âme et l’ange, l’ego et le Soi. Observons que les troi
1432
s et le noumène, l’individu et la personne, l’âme
et
l’ange, l’ego et le Soi. Observons que les trois partent d’une dualit
1433
l’individu et la personne, l’âme et l’ange, l’ego
et
le Soi. Observons que les trois partent d’une dualité sans laquelle n
1434
trop facilement nommé manichéen, opposant le Bien
et
le Mal comme deux principes préexistants ; ni tout à fait des « deux
1435
larité, d’une tension permanente entre l’individu
et
le « vrai moi ». (L’individu n’est pas le mal en soi : il ne devient
1436
eferme sur soi, c’est-à-dire se refuse à l’amour.
Et
de même le « vrai moi » n’est pas le bien en soi, car il peut devenir
1437
r, il faut être deux, dit la sagesse des nations.
Et
cela vaut d’abord pour l’amour de soi-même, sans lequel point d’amour
1438
’égoïsme, qui est l’impérialisme de l’ego naturel
et
sa fermeture autarcique. Mais les motifs de cette condamnation ne son
1439
ur de soi est le rapport positif entre l’individu
et
le vrai moi. Le second commandement qui résume toute la Loi et les Pr
1440
i. Le second commandement qui résume toute la Loi
et
les Prophètes : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même », suppose é
1441
’amour s’instaure d’une manière telle que s’aimer
et
aimer le prochain soit un même acte : sinon le comme n’aurait pas son
1442
naturel s’ouvre à l’action du vrai moi spirituel
et
se laisse transformer, réorienter par lui. C’est le vrai moi qui aime
1443
ularité, sa vocation, même virtuelle, la soutenir
et
l’aider à naître. Ainsi l’amour dans sa réalité totale, intégrant l’a
1444
onnaissance détachée mais le sacrifice personnel,
et
si le sacrifice diffère du suicide — la nature de l’amour véritable l
1445
à soi-même » transfigurante. Ce modèle de l’amour
et
du vrai moi instaure le normal, le sublime, et la problématique de l’
1446
ur et du vrai moi instaure le normal, le sublime,
et
la problématique de l’Occident chrétien. Il conditionne aussi les dév
1447
n. Il conditionne aussi les déviations de l’amour
et
les formes particulières que prennent en Occident certaines tendances
1448
: n’ayant pu l’entraîner avec elle vers son bien
et
l’animer de son amour, l’âme l’accuse de volonté mauvaise. Mais elle
1449
aise. Mais elle sait bien qu’ils ont partie liée,
et
qu’elle mourra si elle le tue. Elle se contente alors de le maudire,
1450
e le maudire, de le traiter en « corps de mort »,
et
leurs relations s’empoisonnent. La plupart des névroses dites « sexue
1451
e refus que l’âme oppose au corps, vu comme signe
et
symbole de la « prison » du moi. Et c’est que l’âme avait rêvé d’une
1452
u comme signe et symbole de la « prison » du moi.
Et
c’est que l’âme avait rêvé d’une métamorphose angélique, quand l’espr
1453
andait seulement d’ordonner tout le moi terrestre
et
temporel à la vocation de l’amour. Mais celui qui se hait de cette ma
1454
voir en lui que son semblable — un corps « vil »
et
une âme qui se veut ange —, non le vrai moi dans son autonomie. Si le
1455
i-même, car nous serons les victimes de sa colère
et
de sa vengeance. Ayons donc soin de l’induire à l’amour de lui-même.7
1456
kegaard. Tout amour véritable procède du vrai moi
et
se dirige vers le vrai moi de l’autre. Mais il peut arriver qu’il s’a
1457
ui est la puissance impersonnelle par excellence,
et
s’épuise à s’en libérer par le changement de l’excitation, par le déf
1458
e certaines conventions, protégeant chez la brute
et
l’innocent les premières chances de l’esprit, — ou mettant à l’abri d
1459
tion qui s’inspire du mazdéisme de Zarathoustra ;
et
nulle ne s’inspira jamais de la mystique des soufis, et pour cause. S
1460
le ne s’inspira jamais de la mystique des soufis,
et
pour cause. Si je les fais intervenir ici, c’est à titre d’évocation
1461
vocation d’une dimension virtuelle, intemporelle,
et
donc permanente de l’esprit : le mazdéisme et les soufis ont proposé
1462
le, et donc permanente de l’esprit : le mazdéisme
et
les soufis ont proposé des notions de l’homme et de l’amour homologue
1463
et les soufis ont proposé des notions de l’homme
et
de l’amour homologues aux notions chrétiennes, mais comme transposées
1464
la dualité ego-vrai moi y devient celle de l’âme
et
de son ange. Pour situer dans son vrai climat spirituel le personnali
1465
usicale : « Chaque être connaît le mode de prière
et
de glorification qui lui est propre. » Toute personne s’origine en Di
1466
en Dieu, qui l’a créée afin d’être connu par elle
et
de « devenir en elle l’objet de sa propre connaissance.75 » C’est don
1467
out amour peut reconnaître la personne de l’autre
et
l’aimer « comme soi-même », — comme étant née du même amour qui m’a c
1468
urs : l’amour divin du Créateur pour sa créature,
et
d’elle pour Lui ; l’amour spirituel « dont le siège est en la créatur
1469
ses désirs sans souci de l’agrément de l’Aimé. «
Et
telle est hélas ! dit Ibn Arabi, la manière dont la plupart des gens
1470
ement) avec l’amour spirituel ? Qui aime en nous,
et
pour qui ? « Ibn Arabi observe que les plus parfaits amants mystiques
1471
ceux qui aiment Dieu simultanément pour lui-même
et
pour eux-mêmes, parce que cette capacité révèle chez eux l’unificatio
1472
chirements). » Telle est donc la personne unifiée
et
tel est son amour de soi-même. Quant à l’amour-passion (ici, non roma
1473
que l’amant « imagine » (dont il devine l’Image)
et
qu’il tend à faire exister dans l’être aimé, par l’efficace de son am
1474
’on a désigné historiquement comme amour courtois
et
amour mystique. Car l’amour tend à la transfiguration de la figure ai
1475
u Seigneur, le Seigneur est, dans le sens suprême
et
au degré le plus éminent, le Prochain ; c’est donc d’après lui que s’
1476
nt identique… C’est l’amour qui fait le prochain,
et
chacun est le prochain selon la qualité de son amour.80 En dépit de
1477
se) du latin de l’ingénieur-philosophe Swedenborg
et
la poésie dense de l’Arabe, l’homologie des énoncés est indéniable. S
1478
s à la fois dans le surnaturel (ou monde céleste)
et
dans le sensible terrestre, la structure des relations entre Dieu, le
1479
a structure des relations entre Dieu, le vrai moi
et
le prochain, reste exactement comparable, comme le sont les trois for
1480
fait voir combien plus vivement l’unité première
et
finale de tout amour ! Peut-être aussi nous fera-t-elle entrevoir com
1481
hauer — participe du climat spirituel « iranien »
et
trouve en lui ses origines archétypales. La passion du héros, que l’o
1482
l’on peut interpréter (dans la légende primitive
et
l’opéra) comme un amour dédié à sa propre âme81, dont Iseut ne serait
1483
e81, dont Iseut ne serait que l’image sensible, —
et
c’est pourquoi j’ai osé dire que Tristan n’aimait pas Iseut — cette p
1484
s angéliques du vrai moi dans le mysticisme soufi
et
même la « rencontre aurorale » de l’âme et de sa Dâenâ au pont Chinva
1485
soufi et même la « rencontre aurorale » de l’âme
et
de sa Dâenâ au pont Chinvat ? Et n’est-ce pas pour avoir désiré l’amo
1486
orale » de l’âme et de sa Dâenâ au pont Chinvat ?
Et
n’est-ce pas pour avoir désiré l’amour de l’Ange que les amants de la
1487
le mode de la transposition du « ciel » en Terre,
et
de l’Ange en la femme, que l’on pourrait en pressentir l’ultime secre
1488
e orientale La plupart des doctrines hindoues,
et
l’unanimité des écoles bouddhistes, comme on l’a vu, nient la personn
1489
volent, ne connaissent que l’ego tout transitoire
et
le Soi tout impersonnel : « Il n’est qu’un Soi pour tous les êtres.82
1490
la, mais qui est l’Immensité, disent les hindous,
et
qui est le Vide, disent les bouddhistes. Du même coup se trouvent éva
1491
vent évacués les problèmes de l’amour de soi-même
et
de l’amour de Dieu et du prochain : faute de protagonistes bien réels
1492
èmes de l’amour de soi-même et de l’amour de Dieu
et
du prochain : faute de protagonistes bien réels, ces problèmes ne sau
1493
sur des milliards d’agrégats éphémères, combinés
et
défaits selon le cours des astres et le Karma. Il ne peut être, pour
1494
es, combinés et défaits selon le cours des astres
et
le Karma. Il ne peut être, pour l’esprit, qu’indifférent. (Quoique la
1495
prochain ! ajoutent les spirituels du védantisme
et
du bouddhisme. S’il est vrai que « la notion de Moi n’a d’accès que d
1496
achement inné ou acquis, pour ses semblables…84 »
Et
le Bouddha lui-même : « Qui a cent sortes d’amours a cent sortes de d
1497
pas l’amour, — j’entends l’amour de Dieu, de soi
et
du prochain, l’amour-passion, et même l’amour matrimonial. Mais on me
1498
de Dieu, de soi et du prochain, l’amour-passion,
et
même l’amour matrimonial. Mais on me dira que l’Asie n’est pas toute
1499
n me dira que l’Asie n’est pas toute spirituelle,
et
que la vie ne s’en tient pas aux textes. On ajoutera peut-être qu’on
1500
ble des réalités humaines : sociales, économiques
et
politiques, ou même morales. D’une part (en tant que religions), elle
1501
), elles expriment ces réalités, elles les fixent
et
elles les consacrent (par les idoles et les yantras — signes magiques
1502
es fixent et elles les consacrent (par les idoles
et
les yantras — signes magiques et invariables —, par les rites quotidi
1503
(par les idoles et les yantras — signes magiques
et
invariables —, par les rites quotidiens omniprésents, par le régime d
1504
quotidiens omniprésents, par le régime des castes
et
la condamnation de toute curiosité du monde) ; d’autre part, en tant
1505
eligions abrahamiques, au contraire, monothéistes
et
communautaires, attaquent l’ensemble des relations humaines et prenne
1506
ires, attaquent l’ensemble des relations humaines
et
prennent à partie, un à un, tout individu tel qu’il est, décidées à l
1507
souffrance du désir est pour un instant apaisée…
et
l’homme perçoit dans le plaisir sa propre nature essentielle, qui est
1508
’est pas le plaisir mais le désir qui lie l’homme
et
qui est un obstacle à son progrès spirituel87 ». Et encore : « Celui
1509
qui est un obstacle à son progrès spirituel87 ».
Et
encore : « Celui qui cherche l’amour dans l’espoir d’une jouissance e
1510
Dieu, révélée du Ciel » contre les « impudiques »
et
les « infâmes », contre tous ceux « qui se sont livrés à l’impureté,
1511
s, aux traités des Pères de l’Église sur l’ascèse
et
sur la chasteté, et nous comprendrons à quel point Kierkegaard voyait
1512
ères de l’Église sur l’ascèse et sur la chasteté,
et
nous comprendrons à quel point Kierkegaard voyait juste quand il disa
1513
alité au nom de l’esprit, l’a posée comme réalité
et
catégorie spirituelle. Dans les littératures de l’Asie, on trouvera p
1514
s point — de ce que nous baptisons amour-passion,
et
l’on sait à quel point cette forme de l’amour est liée à ses expressi
1515
de l’amour est liée à ses expressions. La passion
et
l’amour mystique, l’érotisme et l’amour du prochain, sont des problèm
1516
sions. La passion et l’amour mystique, l’érotisme
et
l’amour du prochain, sont des problèmes occidentaux, posés à tous par
1517
és à tous par les rigueurs mal tolérées de dogmes
et
de doctrines impératives, cependant que les voies de sagesse asiatiqu
1518
s que nos coutumes viennent d’un vieux fond païen
et
que notre hygiène moderne se veut « scientifique ». À cause de la nat
1519
ntifique ». À cause de la nature du christianisme
et
de la nature de l’hindouisme ou du bouddhisme, la vie réelle de l’Occ
1520
lle de l’Asie est en symbiose avec ses religions.
Et
si la symétrie de ces formules inquiète, revenons au quotidien banal,
1521
ours en Orient que dans certains milieux d’Europe
et
d’Amérique sérieusement éperdus de sagesse asiatique, me paraît appel
1522
deux remarques, à vrai dire d’inégale importance,
et
qu’on voudrait déconcertantes. 1. Précaution de méthode dialectique.
1523
méthode dialectique. — Au défi de dogmes sublimes
et
qui prétendent transfigurer la vie concrète, l’Occident répond par de
1524
es mythes symbolisant ses résistances naturelles,
et
qui font l’intérêt de sa vie amoureuse. Mais l’Orient se contente de
1525
daignent. Pas de drame, encore moins de tragique,
et
surtout pas de tout ou rien, mais d’innombrables variétés dans l’appr
1526
’être absente de la Bhagavad-Gita : Sois détaché
et
accomplis l’action qui est ton devoir, car en accomplissant l’action
1527
harma d’un autre est plein de dangers. (III, 35)
Et
dans les upanishads : La vie n’a servi de rien à celui qui quitte ce
1528
d-âranyaka Up.) La notion de l’amour du prochain,
et
l’injonction évangélique d’aimer aussi son ennemi ne sont pas absente
1529
i ne sont pas absentes du bouddhisme car l’ennemi
et
toi-même ne diffèrent que par les attachements du moi phénoménal, tan
1530
ceux qui me calomnient, me nuisent, me raillent,
et
tous les autres, obtiennent l’illumination spirituelle », dit Shantid
1531
ent l’illumination spirituelle », dit Shantideva.
Et
Suzuki, qui enseigna le zen à toutes les Amériques dégoûtées de l’Occ
1532
n à toutes les Amériques dégoûtées de l’Occident,
et
de plus en plus à l’Europe, va jusqu’à dire que la méthode bouddhiste
1533
rouve d’abord ceci : le sentiment d’une immédiate
et
vive reconnaissance. Car toute vérité sur l’amour est immédiatement r
1534
si c’était celui que je suis en train d’écrire ?
Et
qui, précisément, ici, touche à sa fin ?) Je disais que l’amour vrai,
1535
bord en soi-même — le vrai moi, sujet de l’amour,
et
l’aider à prendre conscience de ce qu’il est ou peut devenir. N’est-c
1536
e l’amour créateur ? Non, ce serait là trop dire,
et
pas assez. Aimer, c’est aider l’autre à se situer de telle manière qu
1537
i moi de l’amant s’y découvre, autrement éclairé,
et
par là subtilement changé, un peu plus lui-même qu’avant : amour mutu
1538
e actualisante est Prakriti) finalement dissociée
et
fondue dans le Soi : « Tu es Cela ». Le drame individuel est noyé dan
1539
us les risques d’erreur sont liés à notre amour ;
et
plus l’amour est passionné, exigeant, singulier, plus grand le risque
1540
notre ange ? Ce que nous avons cru voir en elle,
et
que nous déifions peut-être à ses dépens, est-ce notre anima projetée
1541
i à travers elle, si tu as compris l’impermanence
et
t’exerces aux « vues justes » comme disait le Bouddha, — qui était l’
1542
ôtres, un Indien — si tu vois bien ce que tu vois
et
portes ton amour à l’immuable seul, toutes ces erreurs que tu craigna
1543
lusoires. Comme le moi. — La vue juste distingue
et
juge, mais ne peut pas nier le trouble. Dans ce moi peu ou point diff
1544
dablement plus ancien que notre individu naturel,
et
qui lui survivra dans le cours des siècles, sans surprises et mille f
1545
urvivra dans le cours des siècles, sans surprises
et
mille fois réincarné — la vue juste imagine — au sens fort — la perso
1546
s visible que vient animer un mouvement singulier
et
fascinant de l’être… « Aimer ce que jamais on ne verra deux fois ! »
1547
doration dont la femme a besoin pour s’accomplir,
et
par ce culte que nous lui rendons, nous arrivons à connaître le monde
1548
s lui rendons, nous arrivons à connaître le monde
et
à l’anéantir en l’absorbant. Mais que nous devenions Shiva, la femme
1549
s que nous devenions Shiva, la femme est dissoute
et
le monde avec elle. Car le monde ne doit pas être refusé mais dissous
1550
t unique. J’aime en elle à la fois ce que je vois
et
ce qui fait que je la vois unique : ce vrai moi pressenti par l’amour
1551
unique : ce vrai moi pressenti par l’amour seul,
et
qui est elle-même. Tu dis le Soi, ce n’est personne. — Il n’y a perso
1552
ne ne peut aimer, sauf l’égoïste. Il y a l’amour,
et
nous pouvons seulement devenir amour. Et tu sais bien que tu ne dois
1553
l’amour, et nous pouvons seulement devenir amour.
Et
tu sais bien que tu ne dois aimer que ton « Dieu » dans ses créatures
1554
st amour. — Mais Dieu pour nous est une Personne,
et
nous crée comme personnes bien distinctes. Tu ne vois pas la femme qu
1555
le, je ne serai plus moi, elle ne sera plus elle,
et
les dieux mêmes me serviront. Tout et tous L’Orient voudrait ex
1556
us elle, et les dieux mêmes me serviront. Tout
et
tous L’Orient voudrait exténuer, « émacier le réel tangible »93, p
1557
al. Quand ses dieux mêmes auront fait leur office
et
fait leur temps, il y aura le Soi seul en tout. À la consommation des
1558
pas varié dans leur croyance à la dualité de l’Un
et
du Multiple, dualité finalement illusoire puisqu’un jour — dont ils s
1559
our — dont ils savent la date — la vie, le cosmos
et
les dieux seront résorbés dans l’Un seul, sans laisser aucune trace,
1560
’ayant pas eu lieu. Le triomphe de ces spirituels
et
de leur eschatologie se confondra ce jour-là avec l’aboutissement d’u
1561
nstater que leurs doctrines sur la Lumière finale
et
sur le Vide n’auront été, dans leur ensemble, qu’une immense transpos
1562
’une immense transposition sur les plans poétique
et
religieux du Second principe de la thermodynamique. L’autre moitié de
1563
elles, qu’elle s’évertue en conséquence à scruter
et
à modifier. Elle parie sur la vie et contre l’entropie94. Elle ne sai
1564
ce à scruter et à modifier. Elle parie sur la vie
et
contre l’entropie94. Elle ne sait plus d’où lui vient cette passion q
1565
ui vient cette passion qui a produit la technique
et
les sciences, mais aussi nos structures sociales et politiques, les d
1566
les sciences, mais aussi nos structures sociales
et
politiques, les droits de l’homme et une extraordinaire avidité. Le s
1567
res sociales et politiques, les droits de l’homme
et
une extraordinaire avidité. Le sens réel de l’aventure échappe à la m
1568
e échappe à la majorité de ceux qu’elle entraîne.
Et
il est vrai qu’on ne saurait guère le concevoir sans une vision de sa
1569
urant décrit cette fin. Dès lors, au duel de l’Un
et
du Multiple est substitué le drame de l’Un et des Uniques : — à l’ané
1570
’Un et du Multiple est substitué le drame de l’Un
et
des Uniques : — à l’anéantissement final dans l’unisson, l’harmonie d
1571
e extinction des différences éphémères, leur mort
et
transfiguration ; — à l’individuel aboli par une longue aspiration de
1572
ue nous choisirons, en vérité vécue de conscience
et
d’action. Les résultats actuels et historiques sont ambigus à l’infin
1573
de conscience et d’action. Les résultats actuels
et
historiques sont ambigus à l’infini, pour nos mesures. Les peuples so
1574
es sont dans l’ignorance malheureuse des origines
et
des fins de ce qu’ils croient, bien qu’ils en vivent plus ou moins bi
1575
roient, bien qu’ils en vivent plus ou moins bien,
et
même qu’ils meurent parfois pour leurs croyances. Nous voyons ce que
1576
Nous voyons ce que l’Orient est resté jusqu’ici,
et
que ces doctrines d’extinction n’ont pas tué l’illusion du moi ; au c
1577
ieurs centaines de millions de bouches à nourrir,
et
demain de cerveaux à diriger. Nous pressentons dans la terreur et l’e
1578
veaux à diriger. Nous pressentons dans la terreur
et
l’espérance ce que l’Occident peut devenir : soit s’engloutir dans l’
1579
: soit s’engloutir dans l’Illusion de la matière (
et
l’Orient aurait eu raison), soit accomplir sa vocation aventureuse, d
1580
aventureuse, déchiffrer l’Être dans le singulier
et
les structures de l’énergie universelle. Car c’est au secret des pers
1581
nd la révélation des fils de Dieu ». (Romains 8).
Et
saint Justin, l’œcuménique du iie siècle, ose parler d’un salut de l
1582
mains, de la mesurer par la vue, de la dissoudre
et
de la recomposer, de l’épier dans sa vie secrète, comme l’alchimiste,
1583
bout ! Pour lui la Réalité est dans l’individuel,
et
l’Être dans les raisons d’être des uniques. Or ce choix est celui de
1584
maladies du moi », elle le confirme comme entité
et
le renforce, loin de l’éliminer. 61. Henry Corbin, L’Imagination cré
1585
éatrice dans le soufisme d’Ibn Arabi, 1958, p. 28
et
50. 62. Ibid., p. 131. 63. Henry Corbin, Terre céleste et corps de
1586
Ibid., p. 131. 63. Henry Corbin, Terre céleste
et
corps de résurrection, 1960, p. 31. 64. Sur les solutions proposées
1587
s proposées à ce problème par l’Inde, le taoïsme,
et
le bouddhisme tibétain, voir Alexandra David-Neel, Immortalité et Réi
1588
tibétain, voir Alexandra David-Neel, Immortalité
et
Réincarnation, 1961. 65. Parole attribuée au Bouddha, dans la tradit
1589
préconise une action ; ses collègues l’approuvent
et
il est décidé qu’il sera fait suivant ce qu’il a proposé. D’autres fo
1590
lèvent ensemble, proposent des choses différentes
et
chacun d’eux appuie ses propositions sur des raisons particulières. O
1591
s ; d’autres sont graduellement poussés au-dehors
et
d’autres, encore, sont expulsés de force par leurs collègues. Pendant
1592
endre. Au contraire, d’autres qui étaient débiles
et
timides se fortifient et s’enhardissent, et finissent par s’instituer
1593
tres qui étaient débiles et timides se fortifient
et
s’enhardissent, et finissent par s’instituer dictateurs. Les membres
1594
biles et timides se fortifient et s’enhardissent,
et
finissent par s’instituer dictateurs. Les membres de cette assemblée,
1595
e cette assemblée, ce sont les éléments physiques
et
mentaux qui constituent la “personne” ; ce sont nos instincts, nos te
1596
par les causes qui l’ont engendré, le descendant
et
l’héritier de multiples lignes de causes, de multiples séries de phén
1597
séries de phénomènes remontant loin dans le passé
et
dont les traces se perdent dans les profondeurs de l’éternité. » Nous
1598
en lui. J’ai en moi une foule d’âmes turbulentes.
Et
tout se passe comme dans une république. » À regarder ainsi le moi, o
1599
» À regarder ainsi le moi, on le perd assurément
et
par méthode. Car il est forme dominante et gouvernante. Si on tentait
1600
rément et par méthode. Car il est forme dominante
et
gouvernante. Si on tentait de l’observer à l’aide d’un microscope, l’
1601
71. Kitaro Nishida, Die intelligible Welt, p. 116
et
119. 72. Alexandra David-Neel, op. cit., p. 304-305. 73. Ces deux p
1602
aradis du gnostique fidèle, c’est son corps même,
et
l’enfer de l’homme sans foi ni connaissance c’est également son corps
1603
. 80. Emmanuel Swedenborg, La Nouvelle Jérusalem
et
sa doctrine céleste, § 86 à 89. 81. C’est à peu près ce que Freud no
1604
st à peu près ce que Freud nomme « narcissisme »,
et
qui n’est tel qu’aux yeux de celui qui nie l’âme ; mais alors, d’où v
1605
ntendu, au moins autant que pour le christianisme
et
le judaïsme. « Dans l’Arabe, tout est colère », écrit Henri Michaux.
1606
ttara-tapîni upanishad. 89. Raja Rao, Le Serpent
et
la Corde, 1959, p. 28. Je ne saurais trop inciter mes lecteurs à lire
1607
littérature qui confronte avec plus de tendresse
et
de rigueur l’Est et l’Ouest. Lire aussi, mais c’est beaucoup moins te
1608
fronte avec plus de tendresse et de rigueur l’Est
et
l’Ouest. Lire aussi, mais c’est beaucoup moins tendre pour les deux,
1609
f Kassner, Le Livre de ma Vie. Puis aller en Inde
et
sentir l’innombrable, le « corps magique ». 90. D. T. Suzuki, Mysti
1610
nne ici à la rencontre des catégories de L’Amour
et
l’Occident un peu plus qu’il ne serait souhaitable, de son propre po
1611
s des dialogues entre l’illustre sage Yajnavalkya
et
son épouse Maitreyi, qui l’interroge sur l’immortalité. 92. Phrases
1612
ieurs autres ici au roman de Raja Rao, Le Serpent
et
la Corde. 93. Pierre Teilhard de Chardin, La Route de l’Ouest (inédi
1613
t lumineuse) en termes de métaphysique orientale,
et
le principe d’exclusion de Pauli (individuation des électrons, condit
1614
. av. Rougemont Denis de, « La personne, l’ange
et
l’absolu, ou le dialogue Occident-Orient », La Nouvelle Revue françai