1
s qui orientent l’Europe d’aujourd’hui. La France
ne
l’ignorera plus longtemps. Quant à l’Allemagne, elle s’est depuis plu
2
recueil, les mots-clés : mesure, forme, grandeur,
ne
sont guère définis que par leurs rapports mutuels et tirent de cette
3
es (problème que notre xviie siècle se devait de
ne
pas poser). L’homme antique peut atteindre la grandeur parce qu’il po
4
sein d’un tout fini : famille, dieux, nature. Il
ne
se recherche pas soi-même, il vise à la plénitude élémentaire, défini
5
la mesure du démesuré, et que pour le chrétien il
n’
est pas d’autre grandeur ». Ainsi le chrétien existe en tant que le pé
6
crée une tension entre lui et Dieu. Mais le péché
ne
devient réalité que pour le converti ; c’est donc la conversion qui f
7
l’acte par excellence du chrétien, hors duquel il
n’
est pour lui ni mesure, ni grandeur, ni forme, mais seulement chimères
8
mme moderne, l’homme sans mesure naturelle : s’il
ne
retrouve pas de loi interne et de tension par le péché, il n’est plus
9
pas de loi interne et de tension par le péché, il
n’
est plus qu’un être sans destinée, un « indiscret ». « Sa substance in
10
forme et sans but, peut bien nous stimuler, mais
ne
nous détermine jamais. Cet homme indiscret est distrait, et sa distra
11
trait, et sa distraction vient de l’intérieur. Il
ne
peut jamais sortir de son moi sans trahison et chaque manifestation d
12
iption inégalable du mal du siècle. Ici le mépris
ne
porte aucune atteinte à la perspicacité parce qu’il est vraiment souv
13
ensée autoritaire. Entendons que pour lui, penser
n’
est pas se débattre dans ses contradictions personnelles, parlementari
14
ne, non sa pensée privée, est tourmentée.) Penser
n’
est pas non plus s’ingénier sur des idées et des combinaisons d’idées
15
nouveaux et vrais, dans un certain style. Car il
n’
est point de vérité sans forme. Quelques pages étranges et puissantes
16
lustrent ce réalisme de la forme, hors de quoi il
n’
est qu’indiscrétion, et qui livre la clef de la pensée de Kassner, com
17
sans « réaliser ». Il faut que les pensées créées
ne
soient concevables qu’en elles-mêmes et comme à l’état sauvage, non p
18
s réduise et qui les domestique. Une pensée neuve
ne
saurait être comprise à moins d’être recréée dans sa forme — ce dont
19
terait-il d’être appelé Judas numéro deux. Car il
ne
s’agit pas de professer une chose mais d’être la chose. Le rare, c’es
20
ticulièrement riche et complexe. (« … les bavards
ne
tirent pas d’eux-mêmes toutes les paroles qu’ils profèrent ; ils les
21
rofèrent ; ils les reçoivent des prophètes ; s’il
n’
y avait pas de prophètes, les bavards seraient peut-être des créatures
22
apocryphe de l’empereur Alexandre Ier de Russie,
n’
est qu’une suite de méditations sur le thème du tout-ou-rien moral qui
23
humour, et parfois tourne en sournoise malice. On
ne
peut dire précisément de Kassner qu’il réfute ses adversaires — Freud
24
irulente de sa vérité — si bien que la conclusion
ne
peut être qu’implicite et fonction d’une hiérarchie de valeurs, non d
25
ie du réalisme poétique. 1. Obscurité : Kassner
ne
pose pas les problèmes dans nos catégories psychologiques. Il prend t
26
est-à-dire l’appréhension poétique du monde. Rien
n’
est plus étranger au nominalisme qui envahit la critique sous l’influe
27
e sous l’influence du journal. 2. Ici encore, on
ne
peut opposer ce concept d’ironie qu’à celui que formulèrent les roman
28
il meurt. Car la vie est une espèce de marâtre et
n’
a que faire de nos tendresses. Les sujets de Jean Cassou sont très par
29
bité par des êtres dont le « bonheur » consiste à
ne
pas se rendre compte de ce qu’ils vivent. Dans quelques-uns des plus
30
p de pouce voltairien, l’élégance trop rapide. Il
n’
est pas bon qu’un conteur laisse voir la moindre ironie vis-à-vis de s
31
que que d’avoir cru distinguer dans ces œuvres je
ne
sais quelle complaisance qui les faisait éviter d’instinct tout point
32
de vue pratiquement bouleversant ? D’autre part,
n’
est-ce point le fait d’un certain manque de tact intellectuel que de p
33
udimentaires, si peu élaborées, des questions que
n’
importe qui pourrait poser et qui ne peuvent tirer de nous rien d’exqu
34
questions que n’importe qui pourrait poser et qui
ne
peuvent tirer de nous rien d’exquis ni d’original, mais au contraire
35
e, de sorte qu’il lui faut sans cesse s’efforcer,
ne
connaissant que peu de repos de son adolescence à sa mort. »3 Je che
36
de son adolescence à sa mort. »3 Je cherche : je
ne
trouve aucun écrivain plus naturellement libéré de l’idéologie bourge
37
aquelle il échappe entièrement et de toute façon,
n’
étant pas même révolutionnaire, parce que trop radical, trop enraciné
38
rfaces et temporaires. (Les animaux et les arbres
ne
sont pas révolutionnaires.) Et ce n’est pas qu’il ait jamais craint d
39
t les arbres ne sont pas révolutionnaires.) Et ce
n’
est pas qu’il ait jamais craint de tirer sur ces racines, fortement :
40
andeur de ce peuple ramuzien, qui se meut dans je
ne
sais quelle lourdeur « originale » et unanime, en communion avec les
41
« se ravaler au niveau des simples. » Non, Ramuz
ne
descend pas au peuple, on devrait dire plutôt qu’il y remonte. Son ar
42
la nature, ce même besoin de précision utile. Ce
n’
est pas un art d’après le peuple4, mais on dirait presque : d’avant. I
43
le peuple4, mais on dirait presque : d’avant. Il
n’
est pas jusqu’à son Antiquité qui ne coïncide avec celle du pays de Va
44
: d’avant. Il n’est pas jusqu’à son Antiquité qui
ne
coïncide avec celle du pays de Vaud : non pas la grecque, qui est sco
45
ollectif, être sans racines, mythe cérébral. « Je
ne
distingue l’être qu’aux racines de l’élémentaire », écrivait-il dans
46
aines œuvres récentes des écrivains de l’URSS, je
ne
les retrouve que chez Ramuz. Mais purifiés de toute brutalité, de ces
47
urnée », ils se relèvent : « Il paraît bien qu’on
n’
est pas morts ! » Le monde renaît dans une soirée pure et le baiser d’
48
style tellement têtue qu’elle évoque peu à peu on
ne
sait quelle puissance naturelle, dans sa fascinante et grandiose mono
49
inante et grandiose monotonie. Art dont la mesure
ne
doit pas être cherchée dans le pittoresque, ni dans l’ingéniosité, ni
50
probité singulière. La surimpression par exemple
n’
est jamais pour Ramuz ce qu’elle fut pour d’autres : un moyen de créer
51
t, par ailleurs, indique chez Ramuz la volonté de
ne
pas faire prendre une chose pour une autre, ni certain aspect usuel d
52
uérilité que lui adressent ceux qui, par exemple,
n’
hésitent pas à prendre au sérieux une intrigue romanesque à la Bourget
53
te du style chez Ramuz. Ce qu’il a d’insolite, ce
n’
est pas tant sa forme que les vertus qu’elle suppose : la sobriété, la
54
quelque sorte le mettre en état de crise ; et il
n’
y a de réalité que par et dans la crise… 7. On pourrait soutenir que
55
de Goethe (mars 1932)d « L’homme, dit Goethe,
ne
reconnaît et n’apprécie que ce qu’il est lui-même en état de faire. »
56
1932)d « L’homme, dit Goethe, ne reconnaît et
n’
apprécie que ce qu’il est lui-même en état de faire. » Telle est la ca
57
cette vie. Ceux qui traitent Goethe de bourgeois
ne
prouvent rien de plus que leur propre rationalisme, sans tension ni g
58
opre rationalisme, sans tension ni grandeur : ils
ne
savent pas voir dans la sagesse faustienne qu’elle est surtout une dé
59
e le Démon révolté et la Magie latente ; et s’ils
ne
le voient pas, c’est que précisément cette défense a réussi. Par cont
60
ithétiques si elles étaient superposables, ce qui
n’
est pas même le cas. De ce point de vue littéraire, la confrontation s
61
serait absurde, j’en conviens. Mais notre optique
n’
est-elle point faussée par un état d’esprit qui voudrait que l’on cons
62
ement qu’ils s’opposent le plus. Pourtant Rimbaud
ne
fut jamais un écrivain, ni ne se soucia de l’être. Et Goethe ne fut q
63
s. Pourtant Rimbaud ne fut jamais un écrivain, ni
ne
se soucia de l’être. Et Goethe ne fut qu’entre autres choses un écriv
64
un écrivain, ni ne se soucia de l’être. Et Goethe
ne
fut qu’entre autres choses un écrivain, et se soucia de l’être dans l
65
tivité une application volontaire et soutenue. Ce
n’
est donc pas l’aspect littéraire de leur expérience qui doit condition
66
isse être tenu pour crucial, je veux croire qu’on
ne
le contestera pas. Mais ce qu’on voudrait dire maintenant, ce qui ne
67
s. Mais ce qu’on voudrait dire maintenant, ce qui
ne
cesse de provoquer dans notre esprit l’étonnement du premier regard,
68
enveloppèrent leurs manifestations, — à quoi l’on
ne
s’est point privé d’ajouter quelques tomes depuis. Il convient de mar
69
nalité » dans l’ordre — au mieux — esthétique, je
ne
m’en étonnerai point. Il s’agit simplement, ici, de rendre plus concr
70
utes ses œuvres assez de signes irrévocables pour
n’
avoir plus besoin de solliciter les biographes. On a souvent rappelé l
71
s d’alchimie. Coquetteries, a-t-on dit, — mais il
n’
est point de sentiments intermédiaires qui ne conduisent réellement ve
72
s il n’est point de sentiments intermédiaires qui
ne
conduisent réellement vers une plénitude, pour un esprit comme celui
73
it comme celui de Goethe. « On a peur que son feu
ne
le consume », écrit un de ses amis, vers ce temps. « Goethe vit sur u
74
mit, avec une sombre joie : « Sort misérable, qui
ne
me permet rien que d’extrême ». Jacob Boehme, Paracelse, Swedenborg,
75
n connaissance de cause, — c’est un événement qui
ne
peut normalement se traduire que par une qualité nouvelle de silence.
76
ez Goethe ? Il est un fait de sa jeunesse dont on
ne
saurait exagérer l’importance à la fois historique et symbolique : le
77
récédèrent de très peu une grave maladie, dont il
ne
fut sauvé que par l’intervention d’un médecin « alchimiste ». Retenon
78
ceci : au seuil de l’initiation, chez Goethe, il
n’
y a pas une révolte, il y a un péril conjuré. C’est contre ce qu’il no
79
quel point le renoncement à la magie spéculative
n’
est, en fait, qu’un accomplissement, le plus difficile et le seul huma
80
et le seul humainement fécond. Car un tel silence
n’
est pas absence de mots. C’est encore chez Goethe une activité réelle,
81
nt on devine chaque phrase sous-tendue. Mais rien
ne
la trahirait mieux que la retenue même de l’expression. C’est pourquo
82
libre si périlleux que la longue patience géniale
ne
parviendrait pas seule à le sauvegarder. Il y faudra le dressage de l
83
mme pénètre dans la réalité mystique. Et cet acte
ne
peut se produire que dans le plus profond silence de l’esprit, dans l
84
r sa passion au sein d’une interminable patience.
N’
est-ce point ce tréfonds dont parle Jacob Boehme, et qui « contient l’
85
Faust se reprend au seuil de la mort. Mais la vie
ne
lui sera plus qu’un profond renoncement ; même si la passion l’occupe
86
if 8, l’on découvre que c’est la magie encore qui
n’
a cessé de l’entraver : Könnt ich Magie von meinem Pfad entfernen Die
87
olente qu’elle a certainement angoissé l’enfant :
n’
est-ce point pour se défendre qu’il parle si fort, qu’il vante ses pou
88
» Il a brûlé les étapes de l’initiation. Mais on
ne
déchaîne pas de telles puissances impunément. « Ma santé fut menacée.
89
onscience. « Je vois que mes malaises viennent de
ne
m’être pas figuré assez tôt que nous sommes à l’Occident. » L’Occiden
90
tombée, faisant place à une stupeur désolée. « Je
ne
sais plus parler. » Le renoncement dès lors est fatal. « Moi ! moi qu
91
combiné tout cela avec de la littérature. Car il
n’
est pas donné à beaucoup d’hommes de devenir un mythe à force de puret
92
eux de loin, d’un long abandon à l’erreur. Goethe
n’
a pas connu de tels déchirements. Et c’est lui qui méritera la phrase
93
analités dont il gratifie le pauvre Eckermann. Je
ne
puis voir dans ces façons que la distraction souveraine d’une âme tou
94
ous pouvez lui parler sans le troubler : les mots
n’
atteignent plus son rêve profond. Et le cérémonieux silence du ministr
95
consonance avec un tel pathétique, mais quel écho
n’
eût-il pas éveillé dans l’âme du jeune ministre de 32 ans, adonné vers
96
ue le signe en devient visible sur ses traits. Je
ne
me lasse pas de méditer ce visage dont Klauer modela l’effigie passio
97
a. Et cette fameuse sérénité de sa vieillesse, ce
n’
est rien d’autre, peut-être, que le triomphe de l’élément libérateur d
98
e, comme un exercice de choix, l’écriture, — cela
n’
a rien que de logique, et résulte de la définition même d’un tel yoga.
99
t et l’exprime à la fois. Le « faire » de Rimbaud
ne
peut être la littérature, puisque écrire signifie pour lui révéler, p
100
l’action. Insistons sur ce terme de profit, qu’on
ne
saurait ici taxer de vulgarité, puisqu’il concerne les fins les plus
101
de l’existence terrestre. « Un fait de notre vie
ne
vaut pas en tant qu’il est vrai, mais en tant qu’il signifie quelque
102
ordinaire, de garder ces choses-là pour soi et de
n’
en découvrir que juste ce qu’il faut pour qu’elles puissent être de qu
103
nt être de quelque avantage aux autres11… L’homme
n’
est pas né pour résoudre le problème de l’univers, mais bien pour rech
104
aux gens du monde et surtout aux belles dames qui
n’
ont rien à faire. Mais un homme supérieur, qui a déjà conscience d’êtr
105
urons opposer cette confession mémorable : « Nous
ne
devons proférer les plus hautes maximes qu’autant qu’elles sont utile
106
enne aussi. Mais gardons-nous de tirer de ceci je
ne
sais quel critère de « jugement » qui permettrait de placer Goethe au
107
our nous, tant que cette pureté et cette grandeur
ne
tenteront pas nos âmes jusqu’à la mort ? L’homme ne peut juger que pl
108
tenteront pas nos âmes jusqu’à la mort ? L’homme
ne
peut juger que plus bas que lui. C’est-à-dire qu’il n’en a pas le dro
109
ut juger que plus bas que lui. C’est-à-dire qu’il
n’
en a pas le droit. Certes, il est d’autres recours, d’autres points de
110
rancfort en proie au Carnaval et à l’angoisse, ce
n’
est pas moi qui pose la question : elle m’assiège. Le dernier carnaval
111
ai dire splendide. (Qui me guérira de la honte de
n’
être pas Rimbaud ?) Plus que jamais, il faudrait s’appliquer à disting
112
ix volontairement assourdie. Le silence de Goethe
n’
est pas moins dangereux, pour qui sait l’entendre, que l’imprécation d
113
de la vie moderne, illustre avec un talent qu’il
n’
est plus temps de discuter, une position morale exemplairement ambiguë
114
e entendu du grand public, et c’est pourquoi l’on
ne
voudrait pas reprocher à M. Duhamel d’avoir adopté pour cette fois un
115
erait-il atteint si M. Duhamel, visiblement gêné,
ne
coupait lui-même ses effets en terminant la plupart de ses traits sur
116
s ironiques, destinées peut-être à indiquer qu’il
n’
est pas dupe, qu’il n’est pas si furieux que ça, que la littérature en
117
peut-être à indiquer qu’il n’est pas dupe, qu’il
n’
est pas si furieux que ça, que la littérature enfin garde ses droits.
118
que la littérature enfin garde ses droits. Aussi
n’
est-ce point sans une gêne grandissante que l’on poursuit la lecture d
119
sa verve — qu’il me pardonne l’image technique —
n’
embraye pas, et paraît forcée. Ses laborieuses exagérations (Message a
120
pénitente foi dans le genre humain que M. Duhamel
ne
cesse d’entretenir17. Ce malaise dans l’expression traduit d’ailleurs
121
hef du gouvernement. L’on s’étonne que M. Duhamel
n’
ait joint à son recueil une épître au préfet de Police sur les Embarra
122
res. “De la musique avant toute chose…” Oh ! vous
ne
diriez plus cela, Verlaine ! » (page 16). 17. « Si je cherche querel
123
la crainte instinctive de choquer un public, qui
ne
supporte que la mesure, par l’affirmation de prévisions horribles, et
124
s la fin, qui est émouvante, décider que ceux qui
n’
aimeront pas sont fermés à toute poésie à l’état sauvage — la vraie.
125
cultive l’anarchie nominaliste la plus grave : il
ne
sait ou n’ose plus définir et assumer son bien ni son mal, — et sans
126
narchie nominaliste la plus grave : il ne sait ou
n’
ose plus définir et assumer son bien ni son mal, — et sans cesse il en
127
er réellement du mal, quand presque plus personne
n’
y croit avec sérieux, ni à l’enfer ? Quand personne ne déclare un Bien
128
croit avec sérieux, ni à l’enfer ? Quand personne
ne
déclare un Bien si haut qu’on se fasse tuer pour ce Bien ? Ceci pour
129
ce de se maintenir dans une telle dialectique, il
n’
existe pas un choix préalable à la tentation, un choix universel et ab
130
ns chaque situation existentielle. En sorte qu’il
n’
est pas de préférence définitive, c’est-à-dire facile, accordée au Bie
131
u l’appelle imprudence ou générosité. Et ces mots
ne
désignent pas autre chose qu’une intensité ou une pureté toujours plu
132
isance, du « pecca fortiter » de Luther. Pour qui
n’
aurait pas lu d’autres ouvrages de Jouhandeau, les aphorismes qui comp
133
de l’imprudence paraîtront plus abstraits qu’ils
ne
le méritent. C’est qu’ils supposent l’existence d’un bien et d’un mal
134
e d’un péché, c’est-à-dire ce qui le supprime, ce
n’
est pas une vertu, mais le pardon. La vertu comme le vice naît de la l
135
Alexandre, par Klaus Mann (septembre 1932)h Ce
n’
est pas pour l’amour du laurier, mais pour l’amour de son ami Clitus,
136
monde. Le défaut de ce point de vue, c’est qu’il
n’
étonnera personne, alors qu’Alexandre est tout de même un phénomène as
137
la solidarité du péril crée en nous une unité que
n’
ont su faire ni maîtres ni doctrines, unité de refus devant la conster
138
uvelle révolution française. Leur anticapitalisme
n’
est pas celui de la Troisième Internationale. Toutefois, la doctrine m
139
lutionnaire dont l’ampleur est sans précédent. Ce
n’
est plus de conflits d’idées qu’il s’agit, ni même de conflits d’intér
140
s le coup d’une menace de faillite planétaire, il
ne
peut s’agir de rien d’autre que de ceci : s’entendre sur le meilleur
141
sur le seul moyen d’en réchapper, — l’imposer. Ce
n’
est plus pour quelque « idéal » que nous avons à lutter hic et nunc, m
142
de muets et d’aveugles, mais pas si sourds qu’ils
ne
s’irritent de nos cris. Il est vrai que certains, au lendemain de la
143
Il y avait de quoi vous fâcher, braves gens, vous
n’
aviez après tout rien de mieux à faire. Et vous pensiez que la révolut
144
composantes de notre situation. Nous sommes là :
n’
y pouvant plus tenir longtemps ; ne pouvant accepter de nous battre po
145
us sommes là : n’y pouvant plus tenir longtemps ;
ne
pouvant accepter de nous battre pour un « ordre » et des « idéaux » c
146
pourquoi la supporterons-nous ? La révolution, ce
n’
est plus un état d’esprit, ni un refus des tâches d’homme. Henri Lefeb
147
des tâches d’homme. Henri Lefebvre l’a montré, je
n’
ajouterai rien à sa déclaration si simple. La révolution est une néces
148
aussi à son sens de « misère qui appelle ». Nous
ne
sommes pas des « bourgeois-dégoûtés » ou des « prolétaires-avides-des
149
r » que préconise Philippe Lamour, parce que nous
n’
y voyons qu’une réalisation épurée, tyrannique et privée de toute rési
150
faire la révolution. Ni à gauche, ni à droite, il
n’
y a rien pour nous. Nous nous plaçons à l’origine de quelque chose d’a
151
e Combat, de L’Ordre nouveau ou de Réaction, pour
n’
être pas entièrement originales18, ne peuvent manquer de déconcerter t
152
action, pour n’être pas entièrement originales18,
ne
peuvent manquer de déconcerter tous ceux qui n’imaginent de choix pos
153
, ne peuvent manquer de déconcerter tous ceux qui
n’
imaginent de choix possible qu’entre un capitalisme plus ou moins fasc
154
e qui se révolte en nous contre le marxiste. Vous
n’
y ferez rien. Et nous ne trahirons pas l’homme tel qu’il est, sous pré
155
contre le marxiste. Vous n’y ferez rien. Et nous
ne
trahirons pas l’homme tel qu’il est, sous prétexte qu’il faut se hâte
156
lution vraie. Les catastrophes sont proches. Nous
ne
sommes plus les seuls à le dire. Beaucoup de capitalistes l’ont si bi
157
ous-main des terrains d’entente avec l’URSS. Nous
ne
pensons pas que la guerre soit, comme l’écrit Lefebvre, la seule « ch
158
ables, mais qui soudain font mine de « réussir ».
N’
est-ce donc plus, comme le marque Th. Maulnier, qu’un conflit d’intérê
159
ier, qu’un conflit d’intérêts ? Et d’intérêts qui
ne
sont pas les nôtres, qui ne sont pas les intérêts réels d’un être aux
160
s ? Et d’intérêts qui ne sont pas les nôtres, qui
ne
sont pas les intérêts réels d’un être aux prises avec la condition hu
161
le mensonge d’hier, ni pour celui de demain nous
ne
verserons notre sang. Il y a une vérité qui domine et condamne tout c
162
tion mécanique du conflit nécessaire et vital. Il
n’
y a pas de troisième terme, — ou c’est la mort19. Mais la coefficience
163
l’homme, exprime ses données élémentaires : elle
n’
est qu’une projection du conflit de la personne. Les marxistes nous ac
164
économiques », dont ils parlent avec tremblement,
n’
existent pas. Elles font partie de ces créations pseudo-mystiques qui
165
on voudrait nous le faire croire. Une révolution
n’
agit pas dans le vide, mais contre quelque chose : elle se fera contre
166
». 2e — Le matérialisme décrit un monde tel qu’on
ne
voit pas où l’acte peut s’y insérer. Comment croire que l’esprit puis
167
isque permanent, essentiel. L’état marxiste idéal
ne
laisse subsister que les risques accidentels. Et comme le marquait ré
168
d’allure électorale ? « Toutes les tentatives qui
ne
se fondent pas sur la classe révolutionnaire ne comportent pas de poi
169
i ne se fondent pas sur la classe révolutionnaire
ne
comportent pas de points d’application », écrit Nizan. Voilà bien la
170
Mais, nous dit-on, les constructions d’un Lénine
n’
étaient pas songes, elles s’appuyaient sur le mouvement de l’histoire
171
matisme historique dont le fondement matérialiste
n’
exige rien de moins qu’un acte de foi. Un tel mysticisme a-t-il en Fra
172
reste le plus souvent verbale, électorale ; elle
n’
est pas dans leur doctrine constructive. Elle se fonde sur des apparen
173
te. Je les entends menacer le bourgeois : mais je
ne
vois pas en quoi la tyrannie du matériel qu’ils prônent est meilleure
174
leure pour les hommes que le présent désordre. Je
ne
vois pas qu’ils connaissent l’homme mieux que nous. Je ne les vois pa
175
pas qu’ils connaissent l’homme mieux que nous. Je
ne
les vois pas plus forts. Je vois bien l’accumulation de leurs griefs,
176
umaine de nos doctrines antibourgeoises. Mais ils
ne
donnent pas de pain. Ceux qui ne promettent que du pain, finalement n
177
eoises. Mais ils ne donnent pas de pain. Ceux qui
ne
promettent que du pain, finalement n’en donnent jamais. Nous avons en
178
n. Ceux qui ne promettent que du pain, finalement
n’
en donnent jamais. Nous avons en commun avec eux certains mots d’ordre
179
gié de la folie capitaliste-matérialiste. Non, ce
n’
est pas une classe que nous devons sauver, c’est l’homme menacé dans s
180
mme menacé dans son intégrité. Sauver l’homme, ce
n’
est pas sauver des consommateurs. Ce n’est pas sauver des entreprises,
181
’homme, ce n’est pas sauver des consommateurs. Ce
n’
est pas sauver des entreprises, des nations, les intérêts (?) du monde
182
monde » ? Rien. Au sens fort du mot, le « salut »
n’
est pas à débattre sur le plan de l’humanité, mais entre l’homme, entr
183
ement, l’enjeu de la révolution nouvelle. Ici, je
ne
dirai plus nous, mais je. À la question « Prenez-vous au sérieux vos
184
idées, y croyez-vous ? », les hommes de ce temps
n’
aiment pas répondre, car c’est une question personnelle. Une mise en q
185
e retrouvant la grandeur des luttes élémentaires,
n’
aurions-nous à répondre qu’un dogmatique « Tu te trompes » ? Les homme
186
e qu’un dogmatique « Tu te trompes » ? Les hommes
n’
entendront de nous que notre volonté de sacrifice, de pauvreté. C’est
187
dangereux, c’est grave de penser juste. La vérité
ne
peut exister parmi nous que sous la forme d’une accusation personnell
188
enne où je veux être, de ce suprême « choix » qui
ne
vient pas de moi, mais qui soudain me choisit, me saisit. Je parle de
189
aisit. Je parle de cette seule chose au monde qui
n’
ait pas besoin d’arguments pour juger les idoles du monde ; de cette s
190
laquelle j’accepte de me faire tuer, parce que ce
ne
serait pas crever bassement dans la haine, mais ce serait un acte enf
191
éderais toute ma vie, d’un seul coup éclatant. Je
n’
ai pas à sauver quoi que ce soit de la terre, mais seulement à recevoi
192
terre, mais seulement à recevoir le pardon. Or il
n’
est de pardon que pour celui qui agit. On me dira sans doute que je me
193
te que je me perds dans ma mystique ? Allez, vous
ne
vous retrouvez que trop bien dans les vôtres ! Déjà les hommes le pre
194
les vôtres ! Déjà les hommes le pressentent : il
n’
y a rien d’autre à attendre que cette force surhumaine d’entrer dans l
195
révues par Marx pour qu’une révolution éclate. Il
ne
se passe rien. Parce qu’on manque de chefs. Parce qu’il n’y a plus de
196
se rien. Parce qu’on manque de chefs. Parce qu’il
n’
y a plus de « personnes ». 23. Le succès du communisme serait-il « de
197
que cela est antipathique, alors ils émettent on
ne
sait quelle sauce. Je ne veux pas être de ceux-ci ». Charles-Albert C
198
e, alors ils émettent on ne sait quelle sauce. Je
ne
veux pas être de ceux-ci ». Charles-Albert Cingria est donc de ceux d
199
toutes, d’ailleurs, mais ridiculement quand elles
ne
l’avouent pas — se veut constamment significative. La publication de
200
des textes, à donner l’impression que ces textes
n’
ont, en somme, aucun sens relativement à celui qui les cite, car alors
201
dans un écrit « signé ». 24. Et qui d’ailleurs
n’
exclut pas de petites férocités soudaines, raffinées, ni le bavardage,
202
he de respirer, et qu’alors, reniant sa fin, elle
ne
sert plus que d’aliment à un dogmatisme populaire farouche, et se déf
203
terminer le niveau d’une certaine presse. Si l’on
ne
voit dans l’auteur d’Adam et Ève qu’une sorte de folkloriste, il faud
204
ttoresque. Aucune de ses œuvres mieux qu’Une Main
n’
en convaincra. On y sent, plus directe qu’ailleurs, sa pensée ; on y v
205
mment sa pensée marche, insiste, souffre. Et cela
ne
se passe plus dans le canton de Vaud, mais dans le domaine propre de
206
propre de Ramuz qui est l’élémentaire. Jamais il
ne
fut mieux lui-même. Il y fallait un cas très simple, un de ces cas où
207
; puis l’esprit qui se met à douter, parce qu’il
n’
a plus d’application, l’esprit qui prend peur. La guérison naîtra d’un
208
ur ma part, si j’ose ainsi parler de moi, mais je
ne
parle pas de moi, ou je ne parle pas que de moi, parce que nous somme
209
parler de moi, mais je ne parle pas de moi, ou je
ne
parle pas que de moi, parce que nous sommes tous mal faits. » On n’at
210
e moi, parce que nous sommes tous mal faits. » On
n’
attendait pas de Ramuz un examen de conscience. S’il s’interroge, dans
211
à réside la cause de la peur, qu’il avoue, et qui
n’
est sans doute que la méditation d’un esprit dépourvu de prises sensib
212
t sans résistance propre, le monde des hommes qui
ne
sont plus présents à eux-mêmes, hommes sans pesée, hommes de peu de p
213
ain, — ou asservir cette main. Est-ce que ma main
n’
a pas sa vocation ? Est-ce qu’elle n’a rien de mieux à faire que de se
214
que ma main n’a pas sa vocation ? Est-ce qu’elle
n’
a rien de mieux à faire que de se lever avec cent-mille autres, de fai
215
ant qu’il lui donne parfois libre carrière, qu’il
ne
le garde point sans cesse à portée d’un coup de patte qu’il s’abandon
216
ffre un jeu serré et subtil, et dont le spectacle
n’
est pas vain. M. Schmidt ne s’en laisse point imposer par la « réussit
217
, et dont le spectacle n’est pas vain. M. Schmidt
ne
s’en laisse point imposer par la « réussite classique ». Il place Sai
218
re la formule du désordre intérieur maximum. Rien
ne
le dissimule mieux que le demi-sourire d’une raison éclairée et monda
219
de bonne souche, part pour la Construction où il
ne
tarde pas à se distinguer par diverses actions d’éclat. Il devient br
220
rgeois : taré donc, intellectuel, ratiocineur, il
n’
arrive pas, malgré ses plus loyaux efforts, à se passionner pour le pr
221
endu Kolka dès qu’elle aura compris que l’autre «
n’
est pas né quand il aurait fallu ». L’Histoire a de ces exigences. On
222
cependant exact. Mais les faits, même en Russie,
ne
sont rien sans la mystique. La force et le charme de ce roman sont ce
223
nt d’eux-mêmes. Ils parlent peut-être plus qu’ils
ne
devraient. Ils nous montrent une jeunesse russe assez peu marxiste, m
224
komsomols a ceci de spécifiquement ennuyeux qu’il
ne
crée pas en eux le moindre refoulement. Ce qui suppose une remarquabl
225
le même rôle que la race chez les hitlériens. Il
n’
y a pas plus de conversion possible au prolétariat qu’au germanisme. V
226
réponse, et qui est d’autant plus tragique qu’ils
ne
savent plus le formuler. À nous de les y aider ; et de comprendre que
227
e mordant et plus de précision, et qui d’ailleurs
n’
ébranleront pas, dans leur foi, les marxistes. Mais ce qu’il décrit av
228
squ’à soutenir que s’il défendait le marxisme, il
n’
en resterait pas moins, par le fait de son être même, une protestation
229
nt possédé par la vie des choses et des êtres, on
n’
a pas besoin d’arguments pour faire sentir l’absurdité des « lois » qu
230
out occupée à calculer sa propre mort. Mais Ramuz
n’
est pas un bourgeois. Il peut attendre : son attente est présence, et
231
ur eux-mêmes et pour tous ceux de leur espèce. On
ne
calcule pas avec la vie, mais avec des quantités mortes. Ceux qui se
232
ticiens. On parle encore du « diamat »29, mais ce
n’
est plus qu’un conformisme d’État. C’est, à peu près, l’ukase en moins
233
terposées entre l’homme et les choses. Aussi bien
n’
éprouve-t-il pas le besoin de s’affirmer matérialiste. La position de
234
choix. Mais Berdiaev parle en chrétien, et Ramuz
ne
veut encore parler qu’en homme. Est-ce possible ? Et peut-il y croire
235
-être il sert mal sa pensée. Car cette définition
ne
vaut, précisément, que pour la foi marxiste-dialectique. Le « dépasse
236
foi chrétienne dépasse-t-elle vraiment l’homme ?
N’
est-elle pas bien plutôt ce qui le juge et en même temps le sauve dans
237
Le Procès, par Franz Kafka (mai 1934)p Je
ne
sais pas si le Procès est le chef-d’œuvre de Kafka, mais il est diffi
238
sieurs lui apprennent qu’il est inculpé, mais ils
ne
savent pas de quoi et n’ont pas qualité pour le savoir. Puis, on le r
239
il est inculpé, mais ils ne savent pas de quoi et
n’
ont pas qualité pour le savoir. Puis, on le rend à la liberté. Toute l
240
ute l’histoire sera celle, non pas du procès, qui
n’
a jamais lieu, mais des préliminaires, des démarches que tente l’accus
241
des faubourgs ignobles ou des greniers. Jamais K…
ne
parvient à l’instance suprême ; jamais personne d’ailleurs n’a pu y p
242
à l’instance suprême ; jamais personne d’ailleurs
n’
a pu y parvenir. À la fin du cauchemar, on le tue dans des conditions
243
ce Juge impitoyable, cette instance suprême qu’on
n’
atteint jamais, ces avocats qui parlent comme des prêtres, et qui sont
244
liberté, cette complicité générale, tout cela, ce
n’
est pas la « misère de l’homme sans Dieu », mais la misère de l’homme
245
, mais la misère de l’homme livré à un Dieu qu’il
ne
connaît pas, parce qu’il ne connaît pas le Christ. « Nul ne vient au
246
livré à un Dieu qu’il ne connaît pas, parce qu’il
ne
connaît pas le Christ. « Nul ne vient au Père que par moi ». C’est pa
247
pas, parce qu’il ne connaît pas le Christ. « Nul
ne
vient au Père que par moi ». C’est par le Fils que Dieu devient pour
248
sémantique. On me fait observer que l’opposition
n’
est pas entre le peuple et la nation — entre les noms — mais entre « n
249
re entre les adjectifs. Je traduis : l’opposition
n’
est pas dans les faits, mais dans les mystiques. Que valent ces mystiq
250
te ». Tout cela se joue sur des mots, et ces mots
ne
traduisent que des religions vagues, nées de la peur, et comme telles
251
firme l’affiche communiste ; mais alors La Rocque
n’
a pas tort ? — Certes, il a tort disent les gauches ; et c’est à cause
252
u nom de la liberté populaire ! Flatus vocis ! Il
n’
y a qu’une seule manière de tirer à la mitrailleuse et de se faire cas
253
tter que le Congrès pour la défense de la culture
n’
ait rien tenté pour débrouiller un peu le complexe de mots adultérés q
254
me à droite, de nommer les vrais adversaires. (Je
ne
vois que Chamson qui ait dénoncé l’équivoque dont vit la droite, quan
255
r la liberté en préparant la dictature. Jamais on
n’
a plus mal menti, jamais avec plus d’enthousiasme. Ni la gauche ni la
256
ec plus d’enthousiasme. Ni la gauche ni la droite
ne
pourront aboutir à une doctrine constructive tant qu’elles s’efforcer
257
r Frédéric Gundolf (septembre 1935)r Paracelse
ne
fut pas un mage, ou plutôt si l’on veut qu’il l’ait été, au sens où l
258
u’Einstein, interprète du cosmos, est un mage, il
ne
fut pas un magicien. Il erra toute sa vie, d’auberges en universités,
259
On nous rapporte par exemple que « déjà vieux et
ne
voulant pas mourir, il s’adressa au diable qui lui conseilla de se fa
260
it, métamorphosé en bel adolescent, le crâne seul
n’
avait pas tout à fait repoussé. Un peu d’air pénétra dans le cerveau e
261
’auteur de l’anecdote était bon prophète, mais il
n’
a rien compris à Paracelse. Théophraste Paracelse Bombaste de Hohenhei
262
e de Hohenheim, qui était né en Suisse allemande,
n’
était pas un énergumène, mais un savant complet comme il faut espérer
263
e ton à toutes les autres, et qui sont, comme nul
ne
l’ignore ou ne pourra l’ignorer longtemps, l’astrologie et la théolog
264
les autres, et qui sont, comme nul ne l’ignore ou
ne
pourra l’ignorer longtemps, l’astrologie et la théologie. Un grand so
265
e son œuvre : il veut être clair, et utile. Clair
ne
signifie pas rationaliste, comme le veut le langage confus de ceux qu
266
le rejeter du côté des mystiques, où cependant il
n’
a que faire, avec son goût de l’expérience et de l’application concrèt
267
attentif à tant de phénomènes que son vocabulaire
ne
pouvait y suffire. Ce grand esprit qui savait voir de grandioses corr
268
tit nègre médical et philosophique dont la saveur
ne
saurait satisfaire les esprits plus curieux de preuves que de faits.
269
mais dites ». Paracelse a vu plus de choses qu’il
ne
pouvait en exprimer. Son destin fut l’inverse du nôtre. La technique
270
re un nom abstrait sur chaque symptôme, Paracelse
ne
veut nommer les maladies que par le nom de leur remède. « Il ne faut
271
les maladies que par le nom de leur remède. « Il
ne
faut pas dire que tel état est colérique, tel autre mélancolique, mai
272
remède. Pour connaître et guérir une maladie, il
ne
suffit pas de voir l’homme seul ; il faut considérer sa relation avec
273
aut considérer sa relation avec le monde, dont il
n’
est qu’un membre, un reflet. So oben wie unten. L’astrologie de Parace
274
let. So oben wie unten. L’astrologie de Paracelse
n’
est pas une superstition de devin, c’est une science de la guérison fo
275
ou si l’on veut, du corps par le monde. « L’homme
ne
saura jamais assez combien il est anthropomorphe », dit Goethe. Il fa
276
ait dire aussi, à la suite de Paracelse : l’homme
ne
saura jamais assez à quel point il est « cosmomorphe ». Le retour à P
277
déré comme un miroir du ciel entier. Certes, elle
n’
est pas seulement cruelle et folle, l’époque qui nous offre de si gran
278
érienne », dit Gundolf. 31. Gundolf écrit : « Il
ne
s’intéressait pas seulement aux différents minerais. Avec sa vision n
279
igé qu’il nommât l’activité qu’il découvrait. Qui
ne
sait, de nos jours, parler d’« hygiène professionnelle » ? 32. Euphé
280
sophiques (septembre 1935) s Ce recueil annuel
n’
a jamais mieux mérité son titre. Je veux dire que la part de la dialec
281
et à mon sens parfaitement vaine de problèmes qui
n’
empêchent personne de dormir, diminue nettement dans ce tome IV au pro
282
ilosopher signifie chercher et non ratiociner. On
ne
saurait assez louer les directeurs des Recherches d’avoir pris au sér
283
ir pris au sérieux le risque philosophique. Et je
ne
pense pas trahir leur tendance en insistant ici exclusivement sur tro
284
èvement. À partir de Hegel, dit-il, le philosophe
n’
aura plus d’autre possibilité que celle de « réaliser » la philosophie
285
se, extérieure et intérieure, de l’homme ». Et je
ne
dis pas que le parallèle Marx-Kierkegaard n’ait entraîné l’auteur à d
286
t je ne dis pas que le parallèle Marx-Kierkegaard
n’
ait entraîné l’auteur à déshumaniser à l’excès Kierkegaard, et à force
287
maltraité. Miss Brett raconte la même période et
n’
irrite pas, ne passionne pas non plus, mais nous intéresse longuement
288
ss Brett raconte la même période et n’irrite pas,
ne
passionne pas non plus, mais nous intéresse longuement et gagne en so
289
laisser lire dans le jeu d’un être humain : rien
ne
flatte mieux notre désir d’ubiquité. À cet égard, le livre de Dorothy
290
atribes intéressées de Mabel Dodge. Il parvient à
ne
rien cacher tout en restant d’une exacte pudeur. Mais enfin, c’est to
291
sion. Vous êtes très peiné, et je dis, moi, qu’on
ne
devrait pas raconter de pareilles histoires à Tony. Vous répondez ave
292
dez avec force et chaleur : « Oui, c’est vrai, on
ne
devrait pas les lui dire » et vous soupirez profondément. Vous ne vou
293
es lui dire » et vous soupirez profondément. Vous
ne
vous sentez pas bien, aussi après le déjeuner vous vous mettez à frot
294
es planchers, des années plus tard, pour que vous
n’
ayez plus jamais à les frotter. Après le plancher vous brossez tout ce
295
les gens — sans y parvenir. » Ou encore : « Oh !
ne
me donnez pas votre confiance — Pour me charger du poids de votre vie
296
harger du poids de votre vie, de vos affaires ; —
Ne
me fourrez pas dans vos soucis. » La mauvaise humeur est sans doute l
297
un moyen pris pour fins.) Mais justement Lawrence
ne
croyait ni à l’un ni à l’autre. Sa susceptibilité vient sans doute de
298
turels, plus rayonnants, plus « solaires » qu’ils
ne
sont. En somme, bien qu’il prêche tout le temps, il attend des autres
299
e temps, il attend des autres beaucoup plus qu’il
n’
est disposé à leur donner. « Soyez ! Ah ! Soyez un soleil pour moi — E
300
personnalité. » L’homme moderne, dit Keyserling,
n’
a pas de prochains ; il n’a que des voisins inévitables. Voilà Lawrenc
301
oderne, dit Keyserling, n’a pas de prochains ; il
n’
a que des voisins inévitables. Voilà Lawrence, l’homme sans prochain.
302
sin toujours insuffisant, et comme reproche qu’on
ne
veut pas entendre. Pauvre Lawrence à la recherche de sa communauté so
303
après tout, qui donc vint à son aide, à lui ? Il
n’
avait que la nature, les bêtes, les choses. Envers elles, il est plein
304
Eckermann, pour le Journal de Byron, etc. 34. Je
n’
arrive pas à prendre au sérieux en soi la religion solaire que prêche
305
tiques selon les critères du lyrisme moderne, qui
ne
préjugent pas nécessairement l’intellection du contenu, et encore moi
306
s matières, l’alternative que je viens d’indiquer
ne
se pose plus. Car la foi n’est pas davantage une évasion hors de ce m
307
e je viens d’indiquer ne se pose plus. Car la foi
n’
est pas davantage une évasion hors de ce monde qu’une limitation de l’
308
ps. Cette définition condamne tout mysticisme qui
ne
serait, comme le veut M. Chuzeville, que la « recherche des moyens pa
309
ne mystique vraiment chrétienne, une mystique qui
ne
soit pas cette « transgression » et cet oubli de nos limites, contre
310
s. Elle relève d’un nationalisme de manuels, pour
ne
pas dire, avec E. R. Curtius, d’une « propagande de guerre » qu’on ai
311
ain nationalisme et la doctrine du jeune Marx, on
ne
voit pas du tout le passage de Luther à Boehme, ce défenseur du libre
312
té, se nommait Theophilus Bombast ». Or Paracelse
n’
est pas un pseudonyme, mais un des trois prénoms du médecin, qui se no
313
raste Paracelse Bombaste de Hohenheim, ce dont il
n’
eut jamais l’idée de se cacher. – L’érudition considérable de M. Chuze
314
le tort de leur en accorder bien davantage qu’ils
n’
en gardent et que ceux qui les prononcent n’en conçoivent. Pour vous l
315
u’ils n’en gardent et que ceux qui les prononcent
n’
en conçoivent. Pour vous le prouver, voici une anecdote d’Angleterre :
316
devoir. Tonnerre et foudres de ce pacifiste, qui
n’
hésite pas à dénoncer « l’impérialisme démodé » de l’instituteur d’Ali
317
st le journaliste allemand qui la raconte, et qui
ne
manque pas de féliciter la Chambre des communes. (Gazette de Francfor
318
me » que voulait dire l’inspecteur (à moins qu’il
n’
ait une conception conquérante de la beauté ?). « Démodé » : on se dem
319
e dans quel pays. « Pacifiste » ? Aujourd’hui, il
n’
y a plus que les pacifistes pour oser réclamer ouvertement la guerre (
320
llurique, un ensemble de goûts et d’habitudes qui
ne
comporte ni orgueil ni modestie, ni aucune espèce de valeurs morales,
321
re est le plus beau pays du monde ? Cela du moins
ne
manque pas de logique, malgré la première apparence. L’erreur courant
322
re que tel pays « est le plus beau du monde », ce
n’
est pas dire qu’après enquête on aboutit à cette conclusion : il y a d
323
et accepter le fait concret d’un attachement qui
ne
comporte pas de choix délibéré. Par malheur, l’enseignement s’empare
324
son ; qui dit raison suppose comparaison, et rien
n’
est plus absurde que de comparer un pays à un autre, un amour à un aut
325
naît le modèle idéal ? Le malfaisant nationalisme
n’
est rien d’autre qu’une rationalisation mensongère du sentiment patrio
326
Personne ; 5° si le clerc qui s’en lave les mains
ne
risque pas de faire le jeu des clercs qui crient avec les loups, et d
327
ichrétiens, plus pénétrés de christianisme qu’ils
ne
le croient, préfèrent appeler révolution. Ces questions me paraissent
328
ion. Ces questions me paraissent capitales. Et je
ne
vois pas comment il serait possible d’y échapper. Depuis huit ans que
329
Mais alors son dernier article est trop clair. Il
n’
y manque plus qu’une épigraphe, qui conviendrait d’ailleurs à tous ses
330
une ellipse ; l’on dira qu’une liberté organisée
n’
en est plus une. Expliquons-nous ; il faut organiser le matériel — la
331
beau « titre » du siècle. Ceci admis, et comment
ne
point l’admettre — mais c’est admettre la révolution — se posent tout
332
, nous vaut diverses dictatures, lesquelles, pour
n’
avoir pas été soumises dès le début à une volonté perspicace et fanati
333
ne volonté perspicace et fanatique de libération,
ne
tardent pas à se retourner contre les hommes, et à brimer nécessairem
334
s libertés réelles, leur personne. Si la personne
n’
est pas déjà au début d’un calcul pratique, on ne la retrouvera jamais
335
n’est pas déjà au début d’un calcul pratique, on
ne
la retrouvera jamais au terme ; et la rigueur même du calcul s’oppose
336
de « plans d’urgence ». Précision qui d’ailleurs
n’
exclut pas une éloquence qu’on dirait jacobine si un humour très perso
337
qu’on dirait jacobine si un humour très personnel
ne
venait sans cesse la rabattre au concret. On peut reprocher à l’auteu
338
mportation des mystiques étrangères. Oui, mais on
ne
se défend qu’en attaquant. Sachons gré à ce livre de poser enfin les
339
e sur le colonel de la Rocque, « cet en avant qui
ne
sait pas où aller ». y. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Robert
340
ependant, la puissance de choc et d’interrogation
ne
saurait être comparée qu’à celle de Pascal, de Dostoïevski et de Niet
341
our prévenir certains malentendus inévitables. Je
ne
vise pas ici la langue des traductions, encore qu’il y ait beaucoup à
342
qu’à leur contenu intrinsèque. Personne peut-être
n’
a si jalousement pris souci de dire au bon moment ses vérités inactuel
343
it une opération aussi risquée, que ces fragments
n’
étaient que les premiers termes d’une dialectique au cours de laquelle
344
l’énormité de cette erreur. Je crains bien que ce
n’
ait été qu’au profit d’une erreur plus subtile. 2. Parce qu’on a tradu
345
orage, ainsi, flairant le danger », il a dit : Je
n’
ai pas la foi, — certains pensent qu’au fond, il n’a jamais pu croire.
346
’ai pas la foi, — certains pensent qu’au fond, il
n’
a jamais pu croire. Et pourtant, la définition même de la foi dans l’É
347
ant, la définition même de la foi dans l’Évangile
n’
est-elle pas justement ce cri : « Je crois, Seigneur, viens au secours
348
usions propres à « repousser l’admiration ». Rien
n’
est plus conforme au style kierkegaardien que la manière dont M. Tisse
349
Si ces ouvrages font néanmoins quelque chemin, ce
ne
peut être qu’à contre-courant du snobisme qui naît autour de leur aut
350
subjectivité est la vérité. » La subjectivité, ce
n’
est pas le subjectivisme, ce n’est pas le vague, le sentiment incontrô
351
a subjectivité, ce n’est pas le subjectivisme, ce
n’
est pas le vague, le sentiment incontrôlé, le romantisme et l’anarchie
352
e au sérieux et de la vouloir uniquement. Mais on
ne
peut vouloir d’une manière totale et unique que ce qui est vrai. Car
353
le et unique que ce qui est vrai. Car tout ce qui
n’
est pas vrai comporte en soi une division et divise la volonté qu’on m
354
à l’absurde les attitudes de vie ou de pensée qui
ne
se fondent pas dans cette vision centrale et unitive. Il me semble qu
355
puissance ; puis à montrer que l’éternelle vérité
n’
est encore qu’une grandiose ironie tant qu’elle n’est pas actualisée d
356
n’est encore qu’une grandiose ironie tant qu’elle
n’
est pas actualisée dans l’acte de foi. Il n’y eut jamais de sérieux ab
357
’elle n’est pas actualisée dans l’acte de foi. Il
n’
y eut jamais de sérieux absolu39 que dans la vie et dans la mort du Ch
358
ironie. Un soupçon : car peut-être, l’acte de foi
n’
existe pas ? Peut-être n’est-ce qu’une figure de rhétorique pieuse, un
359
peut-être, l’acte de foi n’existe pas ? Peut-être
n’
est-ce qu’une figure de rhétorique pieuse, une illusion, un mythe, ou
360
the, ou encore un saut dans le vide ? Et alors il
n’
y aurait nulle part de vrai sérieux ? Peut-être aussi cet acte existe-
361
une vie, le hic et nunc de la foi ? Mais alors il
n’
y a pas de vrai sérieux dans ma vie, tant qu’il n’y a pas eu cet acte
362
n’y a pas de vrai sérieux dans ma vie, tant qu’il
n’
y a pas eu cet acte de foi, ce renversement du désespoir qui s’ignore
363
si totale du réel que notre langue, je le crains,
n’
arrivera pas à la restituer sans bizarreries. Ceci suffit sans doute à
364
n Wahl, par Mme R. Bespaloff, et par moi-même. Je
ne
trouve pas cette violence déplacée, ni l’injustice qui l’accompagne p
365
qui l’accompagne plus onéreuse pour la vérité que
ne
serait l’affectation d’impartialité ; et je suis loin de trouver vain
366
ant pour objet de « préparer à la Communion », je
ne
vois pour ma part qu’un seul moyen de s’engager de toute sa personne
367
) Jean Wahl écrit de même : « Remarquons que nous
ne
devons prendre au sérieux que le sérieux, que la personne, tout le re
368
« Se connaître, c’est faire naître avec soi »… Il
ne
s’agit évidemment, ici et là, ni de la même poésie ni de la même conn
369
» soit autre chose qu’un choix délibéré, quand ce
n’
est pas un profond calembour. « Il est permis à chacun de se servir de
370
x) se sont jetés dans un énorme embouteillage, il
n’
y a plus qu’à se laisser pousser dans le sens incertain de la masse. O
371
u’il en devient presque indéfinissable (plus rien
n’
avance, c’est un sur-place exaspérant, tous les moteurs sont débrayés)
372
teurs sont débrayés) ce sens partout évanouissant
n’
en est pas moins le sens « commun » — voire même, par antiphrase, le s
373
r. Mais quittons là cette métaphore avant qu’elle
n’
aille aussi s’embouteiller41. Ou encore essayons de la traduire. Les
374
ussi, dans le monde d’aujourd’hui, se condamner à
n’
être pas compris. Paradoxe d’un génie catholique, isolé de la foule de
375
ages, combien accepteraient l’inquisition ? Qu’on
ne
dise pas que la philosophie d’un grand poète importe moins que son hu
376
s que son humanité, que son lyrisme, ou que ce je
ne
sais quoi de bouleversant, obscurément, qui saisit l’auditeur le plus
377
de la Joie. Le monde qu’interprète l’Art poétique
ne
connaît pas Descartes le diviseur, ne connaît pas de localisation du
378
rt poétique ne connaît pas Descartes le diviseur,
ne
connaît pas de localisation du spirituel, ne connaît pas de lois mais
379
eur, ne connaît pas de localisation du spirituel,
ne
connaît pas de lois mais seulement des formes. C’est un monde en recr
380
t parce que chaque être y agit pour tout ce qu’il
n’
est pas. « Tout cherche partout sa fin, complément ou efférence, sa pa
381
me), seul discours proprement cohérent, puisqu’il
ne
tire ses règles et sa nécessité que de la fin totale qu’il glorifie.
382
nécessité que de la fin totale qu’il glorifie. Ce
n’
est pas notre monde tel qu’il est, mais notre monde tel qu’il est sauv
383
sie. Diviser, séparer, isoler, faire scission, ce
n’
est pas seulement cartésien ; et Descartes n’a fait que constater les
384
, ce n’est pas seulement cartésien ; et Descartes
n’
a fait que constater les effets antipoétiques d’un relâchement origine
385
d la révélation des enfants de Dieu, parce que ce
n’
est pas de son propre gré qu’elle a été assujettie à vanité » (Rom. 8,
386
elle a été assujettie à vanité » (Rom. 8, 19-20).
Ne
fût-ce que par son style, et l’intention, partout, qu’il manifeste av
387
e qu’il contient en lui dans son être : son geste
n’
est plus que la traduction, dans l’univers matériel, du sanglot de l’o
388
Dans l’acte conscient de la fin qui l’englobe, il
n’
y a plus de distinction du matériel et du spirituel. L’homme « se conn
389
sister : prêter assistance, etc. Parce que « rien
ne
s’achève sur soi seul » tout porte à conséquence, tout appelle, et d’
390
st débrayé. Comment rétablir le contact ? Claudel
n’
écrira pas : je vais vous expliquer cela clairement, mais : « Tel est
391
s par an ; c’est 2 milliards pour vingt ans. Nous
n’
avons pas plus de cinq ans de guerre chaque vingt ans, et cette guerre
392
, sans compter la perte sur notre population, qui
n’
est réparée qu’au bout de vingt-cinq ans. Au lieu de cet attirail disp
393
, incommode et dangereux, d’une armée permanente,
ne
vaudrait-il pas mieux en épargner les frais et acheter l’armée ennemi
394
sterling. C’est la plus forte évaluation, et ils
ne
sont pas tous aussi chers, comme on sait mais enfin, il y aurait enco
395
otestations. L’échec de Law et l’échec de Rickett
ne
comportent pas de morale : je veux le croire pour la morale. Mais ils
396
sons de notre anarchie économique. Le capitalisme
ne
serait peut-être pas un trop mauvais système si ses entreprises n’éta
397
re pas un trop mauvais système si ses entreprises
n’
étaient constamment traversées par celles d’une passion contraire, qui
398
seul — ou du moins ce qu’il nous en reste, et ce
n’
est qu’une caricature — retient les gouvernants de suivre jusqu’au bou
399
du capitalisme. Or, ce système étant de ceux qui
ne
se peuvent soutenir que si rien d’arbitraire ou d’humain ne vient dér
400
ent soutenir que si rien d’arbitraire ou d’humain
ne
vient déranger les calculs, l’on voit qu’en vérité, ce qui nous ruine
401
’honneur — le budget de l’honneur — et non pas je
ne
sais quels scandales… ab. Rougemont Denis de, « Une idée de Law »,
402
égard, celles de Thomas d’Aquin et de Cajetan. On
ne
nous propose pas un « retour » de plus à quelque médiévisme d’utopie,
403
rsévérance. À vrai dire, nul mieux que l’Aquinate
ne
pouvait servir et autoriser le dessein de Mounier : défendre la propr
404
’avoir, chemin faisant, démontré que la propriété
n’
est pas un instinct permanent, mais au contraire un besoin de l’esprit
405
mmunisme — celui que redoutent les bourgeois, qui
n’
est pas celui de Staline… Mais si vigoureuse que soit cette analyse —
406
lecture pour tous les possédants chrétiens — elle
ne
revêt sa signification totale que dans l’ensemble de la construction
407
ahier de revendications, publié ici même en 1932,
ne
manquera pas de faire des rapprochements fort instructifs. Ce terme d
408
qu’on nous reprochait non sans aigreur, quand il
ne
faisait pas sourire les réalistes, le voilà repris et galvaudé depuis
409
t partis, de La Rocque à Vaillant-Couturier ! (Je
ne
sais pourquoi, d’ailleurs, ils s’obstinent à lui accoler un adjectif
410
» — que les problèmes de l’homme, et de l’esprit,
ne
se poseraient plus durant le prochain demi-siècle. Parler de la prima
411
erté et du pain des hommes »ad. À vrai dire, nous
n’
espérions pas un triomphe si rapide — ni de cette qualité… À nous main
412
nous maintenant de rendre aux mots leur sens. Il
n’
y a que cela de sérieux dans la politique moderne. Et le Manifeste de
413
ébat ? Cela va de soi. 44. Je pense que Mounier
ne
se dissimule pas le caractère « théorique » des justifications qu’il
414
tions catholiques. Ainsi « le riche, dit Bossuet,
n’
est toléré dans l’Église que pour servir le pauvre ». Et selon saint T
415
pour servir le pauvre ». Et selon saint Thomas, «
n’
importe qui peut donner l’aumône au nécessiteux avec l’argent d’un aut
416
ône au nécessiteux avec l’argent d’un autre, s’il
ne
peut le faire du sien ». (Car cet argent de l’autre devient dans ce c
417
l’autre devient dans ce cas bien commun.) Mais je
ne
sache pas qu’on ait jamais songé à des théories de ce genre pour excu
418
vains catholiques. Marx a bien montré que l’usure
n’
est qu’un facteur secondaire, et très peu décisif, du capitalisme. 45
419
N’
habitez pas les villes (Extrait d’un Journal) (juillet 1937)ae Je r
420
rivages du détroit, c’est fort apparemment que je
n’
avais rien de mieux à faire. J’étais chômeur depuis trois mois. On m’o
421
désirée en secret dès longtemps. Je voudrais bien
n’
avoir pas l’air trop romantique : mes dernières années de Paris m’avai
422
e commencerai par l’inventaire de mon domaine. Je
ne
suis pas propriétaire, c’est entendu. Je ne possède légalement que de
423
e. Je ne suis pas propriétaire, c’est entendu. Je
ne
possède légalement que des valises, de quoi me vêtir, et quelques liv
424
quoi me vêtir, et quelques livres. Mais aussi, je
ne
puis vivre nulle part sans me créer des possessions, appelant ainsi t
425
ue l’on veuille « avoir » autrement. Posséder, ce
n’
est pas avoir. Ce n’est pas même avoir l’usage éventuel de quelque cho
426
oir » autrement. Posséder, ce n’est pas avoir. Ce
n’
est pas même avoir l’usage éventuel de quelque chose. Mais c’est user
427
C’est donc un acte et pas du tout un droit. Et ce
n’
est pas une sécurité, ni rien qui dure au-delà du temps qu’on en jouit
428
t tout ignorer de la vraie possession ! Une chose
n’
est mienne que pour un temps, et si je change, elle me devient impropr
429
ps, et si je change, elle me devient impropre. Je
n’
hérite pas même de moi ! Ou alors, l’héritage est cela dont on ne peut
430
me de moi ! Ou alors, l’héritage est cela dont on
ne
peut pas se délivrer à temps, et devrait être défini franchement comm
431
de curé, qui a juste la largeur de la maison. On
ne
voit rien que le ciel au-delà, un ciel lavé, tissé d’oiseaux, et parf
432
trante odeur de laurier. 10 novembre Ce journal
n’
aura rien d’intime. J’ai à gagner ma vie, non pas à la regarder. Toute
433
faits vrais. Elle tend aussi, il faut l’avouer, à
ne
tenir pour vrai que ce qui est petit. Laissons donc de côté ce petit
434
e leurs chefs ont été consignés par miracle : ils
ne
le cèdent en rien pour l’ampleur de leurs vues sur le monde, à l’éloq
435
ence, ou d’ironie… Pour de tels hommes, certes il
n’
est pas deux France ! Ou plutôt elles se mêlent dans un combat indivis
436
kilo de riz. Mes vêtements, citadins mais râpés,
ne
la renseignent pas clairement. Et que penser d’un « Parisien » qui ma
437
server. — Je le sais bien, madame Aujard, mais je
ne
viens pas pour mes vacances ! J’ai du travail à faire chez moi, des t
438
faire chez moi, des tas de choses à écrire… Elle
n’
ose pas m’en demander davantage. Et moi, je recule devant l’entreprise
439
e ? Écrire pour les journaux, sans doute, mais il
n’
y en a pas tant à raconter sur ce pays. Je l’ai laissée en plein mystè
440
r leurs sabots, que je sois sorti. La mère Aujard
n’
a pas toujours ce qu’on voudrait. En hiver elle fait peu de réserves d
441
réserves de produits alimentaires, les habitants
n’
achetant guère autre chose que de la mercerie, des lainages et des épi
442
aller de l’autre côté de la place, chez Mélie. Ce
n’
est pas simple d’éviter d’être vu par l’une, entrant chez l’autre. Mai
443
tre. Mais c’est prudent, on me l’a dit. Car elles
ne
baisseront pas leurs prix pour garder un client, elles les augmentero
444
le punir d’avoir été en face. Sans compter qu’on
n’
aime pas être accueilli par la réprobation sournoise d’une épicière.
445
? — Non. C’est tapé à la machine. — Est-ce qu’il
n’
y a rien d’écrit à la main ? Si, il y a des corrections écrites à la m
446
ui-même consterné. J’affirme avec vivacité que ça
ne
peut pas aller. Il faut tout recommencer. Finalement l’on décide d’en
447
: elle me tend une formule de télégramme, mais ce
n’
est pas un télégramme, c’est une notification officielle d’avoir à ver
448
ménage toutes les susceptibilités, et finalement
ne
rien payer de plus. Je cause un peu, pour me faire pardonner. Pédenau
449
es et les vendent aux baigneurs. Bien entendu, je
n’
arrive pas à savoir combien ce petit commerce lui rapporte, « ça dépen
450
ent de liberté, de gratuité aventureuse. Mon sort
ne
dépend plus de ce que je puis faire ou imaginer : libération. Il faut
451
tion. Il faut qu’il arrive quelque chose. Et s’il
n’
arrive rien ? « On ne meurt pas de faim dans nos pays », dit-on, et je
452
rrive quelque chose. Et s’il n’arrive rien ? « On
ne
meurt pas de faim dans nos pays », dit-on, et je crois bien que je l’
453
précédent, et des raisons toutes personnelles de
ne
pas appeler au secours. Pourtant je suis bien tranquille, je ne l’ai
454
au secours. Pourtant je suis bien tranquille, je
ne
l’ai même jamais été aussi absolument. C’est peut-être à cause du bon
455
Est-ce que l’insularité (géographique et morale)
n’
est pas une espèce de vice ? Est-ce que ce n’est pas la racine de tout
456
ale) n’est pas une espèce de vice ? Est-ce que ce
n’
est pas la racine de tout l’idéalisme dont les modernes doivent se gué
457
veulent enfin devenir « actuels » ? Est-ce que ce
n’
est pas aussi la racine de cet esprit d’abstraction égoïste dont nous
458
utes et ces marécages hostiles, nous souffrons de
ne
pouvoir prolonger en pensée notre marche jusqu’au pays voisin. Cette
459
out ici me ramène à moi seul. J’ai beau faire, je
ne
parviens pas à partager avec les hommes de ce village ce qui est esse
460
tiel et solide dans ma vie. Le simple fait que je
ne
puis pas les persuader que je travaille vraiment en écrivant, cela me
461
entimentale, une gêne constamment sensible. Et je
n’
ai nulle envie d’en prendre mon parti. Dans ce qu’ils ont pu entrevoir
462
machine. Je crois bien que sans cette machine, je
n’
arriverais jamais à leur prouver que je fais réellement quelque chose.
463
sur moi une sorte de supériorité concrète dont je
ne
souffre pas dans ma vanité, c’est entendu, mais bien dans mon désir d
464
ur cuisine, qui est leur habitation ordinaire. On
ne
peut rien désirer de plus plaisant que cet intérieur. Des chaises au
465
intéresse, et je m’y intéresse avec eux. Mais je
ne
puis ou ne sais pas encore leur parler de ce qui moi, m’intéresse : j
466
et je m’y intéresse avec eux. Mais je ne puis ou
ne
sais pas encore leur parler de ce qui moi, m’intéresse : je sens trop
467
e qui moi, m’intéresse : je sens trop bien qu’ils
n’
en sont pas curieux. De quoi donc me parlent-ils ? Du temps, et j’aime
468
aconter des anecdotes subitement sans intérêt. Je
ne
sens pas qu’ils se méfient de moi. Simplement, ils n’ont jamais formé
469
ens pas qu’ils se méfient de moi. Simplement, ils
n’
ont jamais formé de phrases, dans leur tête, à propos de ces choses-là
470
tête, à propos de ces choses-là. Non seulement je
ne
sens pas qu’ils se méfient de moi en tant qu’intellectuel ou « spécia
471
ou « spécialiste », mais encore je devine qu’ils
n’
estiment pas que je puisse avoir une opinion plus avertie que la leur
472
a leur sur les sujets que je viens de nommer. Ils
ne
se doutent pas que c’est de cela précisément qu’un écrivain peut fair
473
un écrivain peut faire sa « spécialité ». Et rien
ne
les étonnerait davantage que d’apprendre un beau jour que je m’intére
474
ravail. J’ai quelque peine à exprimer ceci, — qui
n’
est précisément qu’un sentiment de gêne en moi. Sentiment qu’il y a là
475
a là quelque absurdité, et si énorme que personne
ne
pense à la dire… Peut-être, dans un siècle ou deux, se demandera-t-on
476
gner d’une naïveté impardonnable ? — Pourtant, je
ne
suis pas prêt à me donner tort, c’est-à-dire à donner raison au bon s
477
cembre Déjeuné, après le culte, chez M. Palut. Il
n’
est pas pasteur en titre, mais seulement « évangéliste » au service d’
478
entièrement protestante au xvie siècle, M. Palut
n’
a plus aujourd’hui qu’une centaine de paroissiens disséminés. Il en vi
479
sites, colportage de bibles de porte en porte. On
ne
peut pas dire que tout ce travail épuisant dans l’inertie soit resté
480
uprès desquels il devrait exercer sa mission. Ils
ne
veulent pas même l’écouter, et toute sa raison d’être est cependant d
481
sa raison d’être est cependant de leur parler. Il
n’
a rien d’autre à faire, et il ne peut pas le faire. Et de plus, il est
482
e leur parler. Il n’a rien d’autre à faire, et il
ne
peut pas le faire. Et de plus, il est seul à croire qu’il doit le fai
483
re. Il m’a décrit son existence sans amertume. Il
ne
se plaint que de son isolement intellectuel. Il trouve normal de vivr
484
l de vivre une vie humainement absurde. Non qu’il
n’
en distingue pas l’absurdité, mais simplement il sait pourquoi il la s
485
t converti à l’âge de vingt ans et depuis lors il
n’
a jamais songé qu’il pût faire autre chose qu’annoncer l’Évangile. Qu’
486
re chose qu’annoncer l’Évangile. Qu’importe qu’il
n’
y ait « à vues humaines » aucun espoir de se faire entendre, si le seu
487
(à T…) Ce séjour, par ailleurs plein d’agrément,
ne
m’a permis de faire jusqu’ici qu’une seule expérience précise et util
488
et utile : celle du loisir. Je m’aperçois que je
ne
savais plus, ou ne pouvais plus, « perdre » une soirée, depuis six mo
489
u loisir. Je m’aperçois que je ne savais plus, ou
ne
pouvais plus, « perdre » une soirée, depuis six mois que je n’ai plus
490
us, « perdre » une soirée, depuis six mois que je
n’
ai plus de travail fixe. Quand je m’arrêtais d’écrire, par fatigue, je
491
xe. Quand je m’arrêtais d’écrire, par fatigue, je
ne
me sentais pas la bonne conscience de l’employé qui a fait sa journée
492
ramenait sans cesse aux mêmes préoccupations. Ce
n’
était pas cette vacance où les idées et sentiments changent de climat.
493
idées et sentiments changent de climat. Le loisir
n’
est pas simplement la cessation du travail pour un repos nécessaire. I
494
nt d’un chômeur industriel, par exemple — mais il
ne
connaît plus de vrais loisirs. 23 janvier (écrit sur la dune) Il ne
495
rais loisirs. 23 janvier (écrit sur la dune) Il
ne
faut pas se mettre en colère au mois de janvier. C’est une saison abs
496
u mois de janvier. C’est une saison abstraite, on
n’
atteint presque rien. Le soleil froid à travers une brume lointaine ag
497
sans rencontrer personne. J’ai à craindre qu’elle
ne
m’attaque par désir famélique de créer du nouveau. Car c’est une cons
498
entation du désespoir, et c’est l’humilité. Si je
ne
suis pas important, le monde s’agrandit. Je puis encore aimer des pay
499
s’agrandit. Je puis encore aimer des paysages qui
ne
sont pas mon état d’âme, mais une parole à déchiffrer. L’humilité m’a
500
toujours neuve et nouvelle qu’est l’attente d’on
ne
sait quoi. Condition véritable de l’homme : il est celui qui agit dan
501
antations : leur sens est toujours au-delà. Elles
ne
sont que symboles, invites angoissées ou séductions tentées dans l’in
502
e vie est absurde et violemment inacceptable, qui
ne
s’ouvre pas sur l’attente d’une révélation à venir, et d’une « consol
503
c’est bien ainsi, et très complet.) 10 avril Je
n’
ai pas encore parlé de la poule, la triste et digne poule noire qui ha
504
» dans ce que j’écris ? Non seulement ceux d’ici
ne
comprendraient rien à ce que je fais, et ce serait assez normal : il
505
rtaine technique des idées, etc., mais encore ils
ne
comprendraient pas même de quoi il s’agit quand je parle d’eux précis
506
e. J’aurais beau leur expliquer chaque terme. Ils
n’
y reconnaîtraient rien de ce qui les « soucie », amuse, occupe, ou int
507
la scission entre la culture et le peuple », cela
ne
peut accrocher à rien dans cet être que j’ai devant moi, avec ses rid
508
e la « scission » entre cet homme et la culture ?
N’
y a-t-il pas là deux mondes qui n’ont jamais eu de contact, ni jamais
509
et la culture ? N’y a-t-il pas là deux mondes qui
n’
ont jamais eu de contact, ni jamais de commune mesure ? Je reviens à m
510
ssayer de les rendre telles qu’elles puissent, je
ne
dis pas être comprises, mais au moins, en pensée, confrontées sans un
511
lle de tout à l’heure s’excluent en fait. Mais je
n’
arrive plus du tout à retrouver ce sentiment d’absurdité que provoquai
512
faits ou les êtres qu’ils sont censés représenter
n’
ont pas dans la réalité. À la fin on obtient l’absurdité que j’éprouva
513
uf par éclairs, dans la rue, par exemple. Déjà je
ne
puis en retrouver le souvenir autrement que par un effort de réflexio
514
n pouvait. Le principe de toute culture véritable
n’
est-il pas cette commune mesure, sinon de raisons formulables, du moin
515
nous vivons ? « Je pense, donc j’en suis ». Et je
ne
suis guère, si je n’en suis pas. Et je ne pense bien, valablement, en
516
nse, donc j’en suis ». Et je ne suis guère, si je
n’
en suis pas. Et je ne pense bien, valablement, en vérité, que si je me
517
. Et je ne suis guère, si je n’en suis pas. Et je
ne
pense bien, valablement, en vérité, que si je me sens et me connais p
518
s ongles terreux ; toujours ce goût d’enfance… Je
ne
me sens plus « éloigné de Paris », mais au centre de mon domaine ; et
519
st d’un vert bleu crayeux, très froide encore. On
ne
peut guère que se tremper quelques instants, et se coucher ensuite su
520
inture et qui se remplit de tressaillements. Nous
ne
gardons que les plus belles crevettes, grosses comme le doigt, d’un r
521
se recroquevillent, rougissent, se durcissent. Je
ne
puis voir cela sans honte et sans révolte. Sensiblerie évidemment, ma
522
e tigre en train de déchiqueter une jeune gazelle
ne
fait pas tant d’histoires, ne fait pas de sentiment. Et pourtant, ma
523
r une jeune gazelle ne fait pas tant d’histoires,
ne
fait pas de sentiment. Et pourtant, ma sensiblerie n’est hypocrite qu
524
ait pas de sentiment. Et pourtant, ma sensiblerie
n’
est hypocrite que parce qu’elle reste pratiquement insuffisante. Elle
525
. J’allais conclure : nos rapports avec la nature
ne
sont guère plus satisfaisants que nos rapports avec les hommes. Mais
526
e et tout obscure. 24 mai On dirait que l’homme
n’
est pas fait pour durer : la vie étale nous ennuie, c’est ce qui naît
527
a lourde poule avec précaution, craignant qu’elle
n’
écrase ses petits : elle arrange tout sous elle : pattes, œufs, poulet
528
s carottes, il faut encore attendre, et les choux
n’
ont que quelques feuilles. Mais avec le produit de nos pêches, les bon
529
le tournant emportée par la force centrifuge, il
ne
faut pas freiner mais peser à fond sur l’accélérateur. Je suis allé à
530
rix dont je connaissais tout juste le nom. Que je
n’
aurais jamais eu l’idée de solliciter. Et qui m’est octroyé pour un pe
531
bablement parce que j’étais à bout de ressources,
ne
bougeais plus ni pied ni patte et n’écrivais plus à personne. Je croi
532
ressources, ne bougeais plus ni pied ni patte et
n’
écrivais plus à personne. Je crois à la valeur d’appel de l’absence, o
533
r d’appel de l’absence, ou plutôt du retrait. (Il
ne
faut pas que ce soit une feinte, bien entendu, cela ferait tout rater
534
édecine des homéopathes. 16 juin La banque d’A.
n’
est ouverte qu’un jour par semaine. Ce n’est qu’aujourd’hui que j’ai p
535
que d’A. n’est ouverte qu’un jour par semaine. Ce
n’
est qu’aujourd’hui que j’ai pu aller y négocier mon chèque. J’arrive d
536
u gérant. Le gérant me fait un signe, et comme je
ne
comprends pas, il passe sa portette et vient me prier à voix basse d’
537
ller attendre dans la pièce voisine. J’attends je
ne
sais combien de temps, je n’ai pas de montre, mais c’est très long. A
538
oisine. J’attends je ne sais combien de temps, je
n’
ai pas de montre, mais c’est très long. Aucun bruit de voix dans la sa
539
l’heure. « Vous savez, c’est la coutume, ici ils
n’
aiment pas qu’il y ait d’autres personnes dans la salle quand ils paye
540
qu’ils sont très spéciaux les gens d’ici ! Moi je
n’
y viens qu’une fois par semaine, mais je commence à les connaître. Je
541
exemple (la ville prochaine sur le continent) ils
n’
auraient pas idée de ça, au contraire, ils sont tout fiers de venir à
542
j’en puis juger d’après les propos du gérant, ce
n’
est pas seulement la crainte, après tout légitime, qu’on sache combien
543
feuillette ce journal : voici des semaines qu’il
n’
y est à peu près plus question des « gens ». En somme, je ne m’intéres
544
peu près plus question des « gens ». En somme, je
ne
m’intéresse plus guère à leurs affaires. J’ai pris mon parti de cet é
545
rdial qui a fini par s’établir entre nous : et il
ne
reste que l’ennui de nos conversations toujours pareilles. Grande dif
546
conduite et à leur milieu, comme les animaux. Ils
ne
se posent pas de questions gênantes. Or, c’est mon métier d’en poser…
547
ieux partir quand on en est là. Quand on en est à
ne
plus voir le prochain, la situation n’est plus humaine, elle ne pose
548
n en est à ne plus voir le prochain, la situation
n’
est plus humaine, elle ne pose plus de questions utiles. 2 juillet L
549
e prochain, la situation n’est plus humaine, elle
ne
pose plus de questions utiles. 2 juillet La sécheresse a été la plu
550
la terre se craquèle, ou devient poussiéreuse. Il
n’
y a plus que quelques roses aux pétales fatigués. — Et nous, nous n’av
551
lques roses aux pétales fatigués. — Et nous, nous
n’
avons plus la même patience, depuis qu’il y a de l’argent dans un tiro
552
up moins de courage que bien des jeunes bourgeois
ne
l’imaginent : ceux qui voudraient « partir », se « libérer » et qui r
553
flâne sans vague à l’âme. C’est quelque chose. Je
ne
dis pas que c’est le bonheur, je n’ai jamais très bien compris ce mot
554
que chose. Je ne dis pas que c’est le bonheur, je
n’
ai jamais très bien compris ce mot, que tant de gens invoquent avec un
555
doute un effet de la trentaine qui approche : je
n’
espère plus, comme à vingt ans, rencontrer le « réel » ou la « vraie v
556
encontrer le « réel » ou la « vraie vie » dans je
ne
sais quelle embuscade du destin, comme qui dirait au coin d’un bois.
557
Je crois que le réel est à portée de la main, et
n’
est que là. Alors il s’agit seulement d’assurer la prise de cette main
558
’y forcer utilement. ae. Rougemont Denis de, «
N’
habitez pas les villes (Extrait d’un journal) », La Nouvelle Revue fra
559
utre sur la province du Warmland, s’étant juré de
ne
rien accomplir d’utile ni de raisonnable. Voici l’histoire, traduite
560
pique de la littérature moderne. Kipling mort, il
ne
reste que Selma Lagerlöf pour nous raconter des histoires, des histoi
561
ailleurs, en train de s’inventer différente. Elle
n’
aime que celui qui se moque d’elle et qui n’en fait qu’à ses façons. E
562
Elle n’aime que celui qui se moque d’elle et qui
n’
en fait qu’à ses façons. Elle aime les grands rhétoriciens de l’imagin
563
rafic des chalands, l’économie agraire, tout cela
ne
joue pas un moindre rôle que la nature, les ours et les trolls des fo
564
s des forêts, dans les exploits des Cavaliers. Ce
n’
est pas du réalisme socialiste, c’est la réalité sociale plus toutes l
565
jouissent des mêmes droits politiques. » 47. On
n’
en connaissait jusqu’ici qu’une adaptation abrégée, selon la coutume d
566
la raison dans une aventure — la vie — « où elle
ne
peut qu’être outragée » (car la vie est irrationnelle). D’autres cler
567
est irrationnelle). D’autres clercs, conséquents,
ne
manqueront pas d’en conclure qu’ils n’ont pas à se mêler aux luttes s
568
nséquents, ne manqueront pas d’en conclure qu’ils
n’
ont pas à se mêler aux luttes sociales et politiques où leur raison a
569
« par lequel un ancien Philosophe prouvait qu’on
ne
se devait point mêler des affaires de la République. Si on y agit bie
570
en — disait-il — on offensera les dieux ; donc on
ne
s’en doit point mêler. » Mais Aristote témoigne qu’on lui répondit :
571
propos du premier dilemme — ou sophisme — « qu’il
n’
est point fâcheux d’offenser les hommes, quand on ne le peut éviter qu
572
est point fâcheux d’offenser les hommes, quand on
ne
le peut éviter qu’en offensant Dieu ». Et au sujet du second : « qu’i
573
offensant Dieu ». Et au sujet du second : « qu’il
n’
est pas avantageux de contenter les hommes en offensant Dieu ». J’en c
574
utaires à une vie qui en a grand besoin. Que cela
n’
aille pas sans risques, c’est l’évidence. Mais il s’agit de savoir ce
575
a sécurité. Ce serait une raison bien débile, qui
n’
oserait s’exercer que sur du rationnel tout fait. S’il y a quelque par
576
qu’elle a su y prévaloir sur quelques points. On
ne
voit pas bien pourquoi il faudrait s’arrêter. Et même, à faire le pet
577
forteresse de Noirmoutier, puis à l’île d’Yeu. Il
ne
sera libéré qu’après cinq ans de captivité, durant lesquels il subira
578
l de bassefosse par le jeu de l’état civil. Qu’il
ne
s’y mêle aucune trace de hargne, c’est un miracle qui défie l’époque.
579
re. Et vous ferez quelque chose contre la guerre,
ne
fût-ce que de la connaître mieux. Peut-être même prendrez-vous consci
580
e chacun de nous, et dont l’internement de guerre
n’
est qu’une conséquence entre mille, d’une virulence particulière, mais
581
mbolise, illustre et concrétise une condition qui
n’
est pas seulement celle du prisonnier proprement dit, mais, peu ou pro
582
ur leur faire part de son état : mais les lettres
n’
arrivent jamais, ou demeurent sans réponse. Le courrier qu’on lui adre
583
me disciplinaire est aggravé de temps à autre, on
ne
sait pourquoi, « par représailles ». Puis c’est le départ brusqué « p
584
doit être réel puisqu’on en souffre, mais dont on
ne
sait rien de précis, ni l’enjeu ni les causes véritables. Il ne reste
585
e précis, ni l’enjeu ni les causes véritables. Il
ne
reste que l’obscure certitude, angoissante, que cette guerre « se fai
586
ue cette guerre « se fait toute seule », que rien
ne
dépend plus de personnes responsables, mais que tout le monde se trou
587
une atroce et lente fatalité universelle. Comment
ne
point songer au Procès de Kafka, la plus géniale description du mythe
588
au Procès une signification théologique. Mais ce
n’
est pas la seule possible. Il y a aussi dans ce livre une parabole de
589
e de l’État sur l’homme. D’ailleurs on peut aussi
ne
rien voir de tout cela dans le livre de Kuncz : il nous apporte un do
590
la preuve, une fois de plus, que l’homme moderne
ne
se connaît jamais mieux qu’à la faveur de circonstances brutales, qui
591
aterloo, et nous démontre que l’équation Napoléon
n’
en doit pas moins avoir pour second membre l’abdication. Il y a sans d
592
re des hommes les faits interviennent moins qu’on
ne
croit communément. Il faut vraiment que d’autres facteurs prédominent
593
e idéologie. Nous avons fait un empire géant pour
n’
avoir pas été capables de fédérer nos communes. » Voilà l’épigraphe de
594
l rapporte un rêve où il disait à Napoléon : « Je
ne
suis jamais plus intelligent qu’au lit, quand je rêve de vous, car al
595
: il s’agissait d’affirmer une mystique, mais de
ne
faire que les réformes qu’imposait la pression des « masses ». Dans u
596
, c’est-à-dire quand chacun veut avoir plus qu’il
ne
peut et ne sait faire, seule une révolution est capable de faire abou
597
ire quand chacun veut avoir plus qu’il ne peut et
ne
sait faire, seule une révolution est capable de faire aboutir des réf
598
able de faire aboutir des réformes. Mais personne
ne
la prépare. M. Staline a d’autres plans, et Ce soir a d’autres vertus
599
désire sans se l’avouer. Voilà pourquoi personne
ne
bouge. C’est effrayant, cette immobilité devant le péril. La dictatur
600
voué sous le nom d’antifascisme, c’est normal. On
n’
arrête pas une révolution lorsqu’elle est nécessaire, et c’est le cas.
601
eusement acharnées à lui opposer une logique qui,
n’
étant plus le fait des grandes personnes — « ce qui va de soi » — appa
602
la tête seule est visible, etc.). Et pourtant, ce
n’
est que d’un jeu qu’il s’agit. Alice en garde la conscience secrète —
603
ion honnête des deux principes. D’une part la SDN
ne
fut pas une fédération, aucun des États constituants n’ayant renoncé
604
pas une fédération, aucun des États constituants
n’
ayant renoncé à aucune de ses prérogatives au bénéfice de la Société ;
605
toires sudètes. Une cession purement diplomatique
n’
eût pas compté à ses yeux. La religion dont il était le fondateur voul
606
purement « rituelle ». Les uns remarquaient qu’il
n’
y avait guère de différence entre Berchtesgaden et Godesberg. Les autr
607
totalitaire. D’ailleurs, les réactions des masses
ne
tardèrent pas à démontrer que Chamberlain avait su exprimer l’une des
608
fédéral de l’Europe. Hitler comprit que son heure
n’
était pas encore venue. Il se vit contraint d’accepter la réunion à Mu
609
— Cette victoire symbolique du principe fédératif
ne
fut pas exploitée par les nations qui l’avaient remportée comme malgr
610
estines sans grandeur, les démocraties de l’Ouest
ne
surent tirer d’un événement aussi considérable que des conclusions ch
611
uverte aux ambitions totalitaires, les dictateurs
ne
trouvant plus devant eux que des États demeurés centralistes et malad
612
es mais pour les appliquer avec rigueur. Personne
ne
sut opposer au Führer l’idéal qui avait fait jusqu’alors la force et
613
nent de 1908 à 1935, mais la position de l’auteur
n’
a pas varié durant ce temps. Elle se ramène, me semble-t-il, à ceci :
614
ar être vraie », et même « l’obligation de croire
ne
digère pas beaucoup du devoir de penser » (commencez par croire, vous
615
omme toute sagesse qui se respecte, celle d’Alain
ne
peut pas tenir compte des données concrètes du christianisme : le péc
616
preuves en matière de « croyance », débat dont je
ne
trouve pas trace dans les évangiles, s’il est vrai qu’il encombre une
617
au moins l’indiquer. Un chrétien sait que sa foi
n’
est nullement le contraire du doute intellectuel, mais le contraire du
618
intellectuel, mais le contraire du péché, lequel
n’
est nullement une erreur morale, mais un état de révolte active de la
619
r exemple, rejette au nom de sa foi : tout ce qui
n’
est que sociologie. (Je ne dis pas que ce soit négligeable.) Pour situ
620
de sa foi : tout ce qui n’est que sociologie. (Je
ne
dis pas que ce soit négligeable.) Pour situer la sagesse d’Alain, qu’
621
même du christianisme.51 Alain dit quelque part
n’
avoir jamais connu de « vrai croyant » qui ne vive « selon la peur ».
622
part n’avoir jamais connu de « vrai croyant » qui
ne
vive « selon la peur ». Serait-ce qu’il n’a jamais rencontré que des
623
» qui ne vive « selon la peur ». Serait-ce qu’il
n’
a jamais rencontré que des hommes « religieux », non des chrétiens viv
624
bservations toujours ingénieuses, souvent justes,
ne
portent guère que sur les résidus ou les empreintes psychologiques et
625
Qu’il poursuive donc son enquête, si toutefois il
ne
tient pas à avoir raison comme Napoléon, qui faisait les demandes et
626
sur ses ergots de grand ténor, l’on est tenté de
ne
voir en lui que le feu naturel du désir, — une espèce d’animalité véh
627
émente, et comme innocente… Mais jamais la Nature
n’
a rien produit de pareil. Vous sentez bien qu’il y a du démoniaque dan
628
mmandeur, dans le dernier acte de Mozart. Non, ce
n’
est pas l’animal, mais l’homme ; et non d’avant, mais d’après la moral
629
e de l’anarchie où il se plaît, ce grand seigneur
n’
oublie jamais son rang. Son naturel, c’est le mépris ; rien n’est plus
630
ais son rang. Son naturel, c’est le mépris ; rien
n’
est plus loin de la nature. Voyez comme il se sert des femmes : incapa
631
t le juste — contre eux. Si les lois de la morale
n’
existaient pas, il les inventerait pour les violer. Et c’est cela qui
632
erche « toute naturelle » de l’intensité du désir
ne
peut-elle expliquer à elle seule cette inconstance forcenée ? Alors D
633
otre âme », écrit le vieux Casanova. Mais déjà ce
n’
est plus l’homme du plaisir qui parle ainsi. La volupté du vrai sensue
634
screts de l’école viennoise ? Le beau sujet ! Ils
ne
l’ont pas manqué. Pour eux aussi, Don Juan serait le contraire de ce
635
mmes peuvent exercer sur presque tous les hommes,
n’
évoque pas une idée de santé. Mais dans cette furie insolente, dans ce
636
ns cette jactance batailleuse et joyeuse, comment
ne
voir que faiblesse et défaut ? Ira-t-on peut-être plus loin, à des cr
637
on Juan serait par exemple le type de l’homme qui
n’
atteint pas au plan de la personne, où pourrait se manifester ce qu’il
638
ster ce qu’il y a d’unique dans un être. Pourquoi
ne
peut-il désirer que la nouveauté dans la femme ? Et pourquoi désire-t
639
quel qu’il soit ? Celui qui cherche, c’est qu’il
n’
a pas ; mais peut-être aussi qu’il n’est pas ? Celui qui a, vit de sa
640
c’est qu’il n’a pas ; mais peut-être aussi qu’il
n’
est pas ? Celui qui a, vit de sa possession et ne l’abandonne pas pour
641
n’est pas ? Celui qui a, vit de sa possession et
ne
l’abandonne pas pour l’incertain, — entendez : s’il possède vraiment.
642
’il possède vraiment. Don Juan serait l’homme qui
ne
peut pas aimer, parce qu’aimer c’est d’abord choisir, et pour choisir
643
choisir, et pour choisir il faudrait être, et il
n’
est pas. Mais le contraire n’est pas moins vraisemblable : Don Juan ch
644
faudrait être, et il n’est pas. Mais le contraire
n’
est pas moins vraisemblable : Don Juan cherchant partout son idéal, so
645
n d’amour, se muer en l’image de Tristan. Mais il
ne
trouvera pas. Il est Don Juan parce qu’on sait qu’il ne peut trouver,
646
uvera pas. Il est Don Juan parce qu’on sait qu’il
ne
peut trouver, soit impuissance à se fixer, soit impuissance à se dépr
647
instinct, tout porte à supposer que cette passion
n’
est pas toujours liée au sexe. Et même il faut se demander si la sensu
648
l faut se demander si la sensualité, précisément,
ne
serait pas le domaine où Don Juan se révèle le moins dangereux. (Appe
649
tive. Certes Don Juan est un tricheur, et même il
ne
vit que de cela. (La banque de pharaon était la source unique des rev
650
c’est qu’il veut forcer la nature autrement qu’on
ne
l’a fait jusqu’à lui. Polémiste perpétuel, Nietzsche se trouve entièr
651
s idées se retournent au caprice de l’esprit : il
n’
y a plus de vérité qui tienne. Les hommes se rendent ou tombent dans l
652
emière séduction d’une hypothèse scientifique. Il
n’
y a plus de foi qui affirme et qui maintienne en vertu de l’absurde. A
653
qu’on ait l’envie de nier des règles que personne
n’
ose plus dire inviolables ! Qui donc se ferait tuer pour une vertu don
654
! Qui donc se ferait tuer pour une vertu dont on
ne
sait plus quelle est la fin ? Et toutes ces vérités qu’ils respectaie
655
e l’invitation au Commandeur. Or Dieu se tait. Il
ne
relève pas le défi. Nietzsche attend dans la nuit désertique des haut
656
vient. C’est encore l’aube de la terre. Personne
n’
a parlé. Dieu est mort ! De chaque idée, de chaque croyance, de chaque
657
ère possession. Pourquoi s’attarderait-il ? Elles
n’
étaient excitantes pour l’esprit que par la fausse vertu qu’on leur pr
658
t trois vérités se sont rendues, et pas une seule
n’
a su le retenir. Qu’importent les « contradictions » ! Ce n’est pas po
659
retenir. Qu’importent les « contradictions » ! Ce
n’
est pas pour bâtir un système qu’il réfute, dénonce et détruit, c’est
660
t à lui-même infiniment secrète, d’une Vérité qui
ne
se rendrait point, mais qui le posséderait à tout jamais, digne enfin
661
aphorisme — fulgurations toujours décevantes : ce
n’
est pas elle qu’il vient de posséder… Ô haine de leurs vérités faibles
662
elle ? Car si ce Dieu est mort à tout jamais, il
n’
y a plus d’amour possible. Il faut inventer un amour qui permette au m
663
si Nietzsche devient le Tristan d’un Destin qu’il
ne
peut posséder que par l’amour éternellement lointain. ⁂ Don Juan, tri
664
urs qui détruisent les règles anciennes, mais qui
ne
valent que par ces règles et dans la mesure où l’on sent qu’elles les
665
nt leur sens, puisque le système qui les mesurait
n’
existe plus. Par-delà le bien et le mal, par-delà toutes les règles du
666
faut donc que Don Juan disparaisse (car Don Juan
ne
gagnait qu’en trichant, et s’il n’y a plus de règles, on ne peut plus
667
(car Don Juan ne gagnait qu’en trichant, et s’il
n’
y a plus de règles, on ne peut plus tricher). Voici peut-être la clé d
668
qu’en trichant, et s’il n’y a plus de règles, on
ne
peut plus tricher). Voici peut-être la clé du mystère : c’est qu’en r
669
: c’est qu’en respectant toutes les règles, nous
ne
pourrons jamais que perdre. Alors : ou bien nous serons condamnés, ou
670
te des mille e tre”. » C’étaient les femmes qu’il
n’
avait pas eues, par fidélité à la sienne. Où est la tricherie ? Dans c
671
ntiques que ceux que nous pensions connaître. Ils
n’
ont pas été restaurés par les auteurs de manuels, ni patinés par nos l
672
nt l’ère classique a voulu faire le sacrifice. Ce
n’
est pas rien ! Cela donne à Phèdre un air de luxe fou : pour fondre ce
673
significations magiques. Ensuite, au xviiie , il
n’
est resté que la nudité du décor. La discipline est devenue lésinerie.
674
il apporte plus d’incitations aux créateurs qu’il
ne
comble les amateurs de beaux poèmes oubliés. Toutes ces tentatives co
675
ulable en noms et en rythmes ? La science moderne
ne
tend-elle point à nous le rendre proprement inimaginable ? N’a-t-elle
676
point à nous le rendre proprement inimaginable ?
N’
a-t-elle pas dissocié Nombre et Verbe au point de rendre puérile à nos
677
et du Journal d’André Gide (janvier 1940)ar Il
ne
serait guère honnête, et moins encore adroit, de ne point avouer l’in
678
serait guère honnête, et moins encore adroit, de
ne
point avouer l’incertitude où pareil livre entraîne le jugement. Gide
679
livre entraîne le jugement. Gide a tant répété :
Ne
jugez pas ! qu’il a fini par se rendre lui-même littéralement « inest
680
Ce qui séduit, ce qui fascine dans ce Journal, ce
n’
est rien qui puisse être défini séparément — style, sujets abordés, ry
681
e. Pour qualifier cette harmonie involontaire, je
ne
puis évoquer que l’exemple de Goethe, dont ce n’est pas telle œuvre o
682
ne puis évoquer que l’exemple de Goethe, dont ce
n’
est pas telle œuvre ou telle action que j’aime, mais bien le paysage v
683
u’il est toujours trop facilement intéressant. Je
ne
le conçois, comme œuvre d’art, que limité au récit d’une crise, et so
684
plus tard on publie mon journal, je crains qu’il
ne
donne de moi une idée assez fausse. Je ne l’ai point tenu durant les
685
s qu’il ne donne de moi une idée assez fausse. Je
ne
l’ai point tenu durant les longues périodes d’équilibre, de santé, de
686
stylisations des morales et jugements tout faits
n’
est plus seulement émouvant : il revêt la valeur d’une expérience cruc
687
s, le secret d’une vie s’épuise dans l’œuvre ; il
ne
reste pour le journal que les plus sèches notations (Byron, Stendhal)
688
différentes de poursuivre une même confidence. On
ne
sait plus si le journal est en marge de l’œuvre, ou si l’œuvre n’est
689
le journal est en marge de l’œuvre, ou si l’œuvre
n’
est qu’un moment privilégié de ce journal. Alors le vrai portrait de l
690
de ce journal. Alors le vrai portrait de l’auteur
n’
est plus dans l’œuvre ni dans le journal, mais dans leur mutuelle réfr
691
lus importantes à dire sont celles que souvent je
n’
ai pas cru devoir dire — parce qu’elles me paraissaient trop évidentes
692
u’on se veuille en relatant ses journées, comment
ne
serait-on pas tenté de dire surtout ce qui a frappé, ce qui est bizar
693
arre, ce qui fait exception justement. Et comment
ne
céderait-on pas à l’invite d’une formule, d’une épigramme sur tel ami
694
us « rosse » que nature. Gide lui-même, à ce jeu,
ne
s’est pas épargné : « Je ne suis qu’un petit garçon qui s’amuse — dou
695
e lui-même, à ce jeu, ne s’est pas épargné : « Je
ne
suis qu’un petit garçon qui s’amuse — doublé d’un pasteur protestant
696
uie. » Type de boutade dont certains, contre lui,
ne
se priveront pas d’abuser. Voici qui va fort loin dans la critique du
697
qui va fort loin dans la critique du genre : « Je
ne
pense pas qu’il y ait grand profit à tirer de ces examens de conscien
698
vient toujours à découvrir de mesquins ressorts à
n’
importe quel comportement. On les inventerait même, pour la satisfacti
699
de paraître aimable. Mais à trop se regarder, on
ne
vit plus. Le regard, ici, crée ce qu’il cherche… » Or, en écrivant ce
700
ée ce qu’il cherche… » Or, en écrivant cela, Gide
n’
a-t-il point cédé à la tentation qu’il décrit ? Cercle vicieux de la s
701
ablir les quotidiennes proportions — ou bien l’on
ne
consent à noter que l’important, c’est-à-dire ce qui frappe ce jour-l
702
, que le désir de compenser ou de parfaire ce qui
n’
a pas été vécu, ou mal vécu. (« J’avais besoin de lui pour me ressaisi
703
besoin de lui pour me ressaisir ».) La vie réelle
n’
y figure souvent qu’à la manière dont elle figure dans les rêves. Comp
704
ersion, ou de la conversion trop « facile ». « Je
ne
suis ni protestant ni catholique, je suis chrétien tout simplement. »
705
: Ce qui me retient [d’entrer dans l’église], ce
n’
est pas la libre pensée, c’est l’Évangile. » Mais n’y a-t-il pas, à l’
706
est pas la libre pensée, c’est l’Évangile. » Mais
n’
y a-t-il pas, à l’origine de ce refus de toute église (tant reformée q
707
t Kierkegaard. Gide répugne à paraître plus qu’il
n’
est, à affirmer plus qu’il ne croit. Il se décrit « forcé de s’asseoir
708
paraître plus qu’il n’est, à affirmer plus qu’il
ne
croit. Il se décrit « forcé de s’asseoir au culte de famille. Sa gêne
709
entiment… » Kierkegaard, lui aussi, répétait : je
ne
suis pas chrétien. Mais c’était par désir de sauver une conception pu
710
de sauver une conception pure de la foi, dont il
ne
s’estimait pas digne, et qu’il confessait par là même. Gide paraît su
711
onfesser ce que la chair ni le sang par eux-mêmes
ne
sauraient confesser. Alors seulement pourrait se poser en termes nets
712
ise visible, de l’obéissance à une orthodoxie qui
ne
prétende pas s’emparer de l’Évangile, mais au contraire s’y ordonner.
713
« Orthodoxie protestante — écrit Gide —, ces mots
n’
ont pour moi aucun sens. Je ne reconnais point d’autorité, et si j’en
714
it Gide —, ces mots n’ont pour moi aucun sens. Je
ne
reconnais point d’autorité, et si j’en reconnaissais une, ce serait c
715
là. Mais les problèmes qui se posent à nous, nous
n’
avons pas pu les choisir, et encore moins les circonscrire dans un dom
716
é. Ils nous contraignent parfois davantage qu’ils
ne
servent nos goûts naturels, d’où le danger de didactisme que nous cou
717
re, mais somme toute, assez gidienne encore. Elle
n’
exclut aucun revirement dans les générations qui nous suivront : je pr
718
ire des orthodoxies orgueilleuses, « André Gide à
n’
en plus finir » ! 53. Cf. p. 1331, note du 26 janvier 1930. 54. Bes
719
’on écrit à son propos, qu’il faut se forcer pour
n’
abandonner point les positions auxquelles on tient, et qui ne sont pas
720
r point les positions auxquelles on tient, et qui
ne
sont pas exactement les siennes… ar. Rougemont Denis de, « [Compte
721
n, Zweig, Valéry. Et les quatre langues suisses —
n’
oubliez pas le ladin des Grisons — viennent dire au dessert leur coupl
722
ble. Enfin, l’on est au-delà de la psychologie. «
N’
allez pas chercher derrière la forme, disait Goethe, elle est elle-mêm
723
, et je viens d’apprendre au téléphone que « cela
ne
va plus » pour un appartement promis. Il dit encore (mais vraiment j’
724
re que c’est un complot de protestants ! » Le mot
ne
manque pas de pertinence. Tous les matins, vers onze heures, il viend
725
, la « critique dogmatique » des grandes époques,
ne
sont plus que mensonges à ses yeux dès que l’on passe à l’ordre spiri
726
dès que l’on passe à l’ordre spirituel. Peut-être
ne
songe-t-il qu’à la morale ? « En somme, lui dis-je, vous vous en tene
727
répugner à toute pensée qui par le style d’abord
ne
l’ait séduit. Il me parle souvent des Variations de Bossuet, avec une
728
la prudence dans l’aveu, qu’il me disait ce qu’il
ne
pouvait dire, et n’a peut-être jamais répété. La conversation s’engag
729
veu, qu’il me disait ce qu’il ne pouvait dire, et
n’
a peut-être jamais répété. La conversation s’engage sur L’Amour et l’
730
uel » était d’autant plus pur que rien de charnel
ne
s’y mêlait. « C’est ainsi que je me suis complètement blousé », répèt
731
es ». Il hoche la tête, trouve cela très curieux,
n’
est-ce pas ? — un éclair de malice au coin de l’œil. Puis il a quelque
732
trop longtemps gardé cette illusion que la femme
n’
avait pas besoin du commerce physique, autant que nous. Hélas, je ne v
733
du commerce physique, autant que nous. Hélas, je
ne
voyais pas clair. On se trompe ainsi, et les conséquences. J’ai été a
734
uences. J’ai été assez bête pour croire cela ! Il
ne
faut jamais croire ce qu’elles nous disent. » Il a pris une expressio
735
» Puis il tousse, se plaint de fumer trop, et de
n’
arriver point à se contraindre. Les jours suivants, il me donne à lire
736
, près de Lausanne, à Neuchâtel, à Berne. Mais je
n’
ai plus souvenir d’aucune conversation qui mérite d’être rapportée, j’
737
littérature. (Mais il s’en détachait visiblement,
n’
admirant plus, avec quelque ferveur, que les ouvrages qu’il se sentait
738
uns ; et chez les autres résolu, croient-ils. Je
ne
dis pas qu’il torturait Gide, hors quelques crises dont nous avons le
739
e me paraît presque inégalé depuis Montaigne. (Je
ne
nie pas un instant son lyrisme.) Et c’est ainsi qu’il réussit à rempl
740
tion, de nostalgie ou de perplexité ? Le paradoxe
n’
est qu’apparent. Qu’on n’oublie pas sa formation chrétienne ; ses lect
741
perplexité ? Le paradoxe n’est qu’apparent. Qu’on
n’
oublie pas sa formation chrétienne ; ses lectures prolongées et sans c
742
n la piété de sa femme. Ces données biographiques
ne
font point une nature. Elles expliquent simplement l’insistance du pr
743
morale était le lieu de son vrai drame, et qu’il
ne
pouvait approcher la religion que dans ce drame. Ainsi, devenir ou re
744
s ce drame. Ainsi, devenir ou redevenir chrétien,
ne
pouvait signifier pour lui que la sainteté, non l’accueil du mystère,
745
e expressément. Mais comment définir un saint qui
ne
croit pas ? Un saint privé de foi autant que de religion, ni chrétien
746
i chrétien ni hindou, sans mystique, ni mystère ?
Ne
serait-il pas un homme tout à fait plat, réduit à quelques partis pri
747
entre l’éthique et la mystique, mais qui souvent
n’
est qu’un concept bâtard, engendré par le romantisme. Gide recherchait
748
nce est née de la synthèse du christianisme. Elle
n’
existe pas hors de lui, et n’est pas explicable sans lui. (Je ne dis p
749
christianisme. Elle n’existe pas hors de lui, et
n’
est pas explicable sans lui. (Je ne dis pas qu’elle soit chrétienne po
750
ors de lui, et n’est pas explicable sans lui. (Je
ne
dis pas qu’elle soit chrétienne pour autant.) Gide était individualis
751
x de différer mais de légitimer sa différence, on
ne
pouvait être plus occidental. On ne pouvait être moins mystique au se
752
ifférence, on ne pouvait être plus occidental. On
ne
pouvait être moins mystique au sens des religions traditionnelles, au
753
sé, et à lui seul, libéré de l’empire des mythes,
n’
a cessé d’occuper sa pensée. Et j’ignore si c’est mal ou bien : je con
754
ou bien : je constate simplement le phénomène. Je
ne
tiens pas la foi pour une vertu plus que l’absence de foi pour une pr
755
normes établies. Mais la foi, le salut personnel
n’
ont rien à voir avec la bienséance, et ne sont pas de l’ordre des méri
756
ersonnel n’ont rien à voir avec la bienséance, et
ne
sont pas de l’ordre des mérites. Et c’est pourquoi il est écrit : « N
757
e des mérites. Et c’est pourquoi il est écrit : «
Ne
jugez pas ! » J’avoue que je comprends mal, ou plutôt que je réprouve
758
rolongées après sa mort, dans notre siècle. Elles
ne
sont ni chrétiennes ni simplement honnêtes. « Le Seigneur seul connaî
759
’un de plus vient renforcer notre parti, et qu’il
n’
est pas le premier venu. C’est usurper la place du Juge, ou mêler vani
760
d’abord dans la religion. Le vrai croyant demain,
ne
sera-t-il pas celui qui osera dire : « Je ne crois pas ! » quand l’Ét
761
ain, ne sera-t-il pas celui qui osera dire : « Je
ne
crois pas ! » quand l’État contre l’homme invoquera les Nécessités de
762
homme invoquera les Nécessités de l’Histoire ? Il
n’
est pas de vraie foi sans vrai doute, plus qu’il n’est de lumière sans
763
’est pas de vraie foi sans vrai doute, plus qu’il
n’
est de lumière sans ombre. Et je n’entends pas dire que Gide fut un cr
764
te, plus qu’il n’est de lumière sans ombre. Et je
n’
entends pas dire que Gide fut un croyant, mais il reste un douteur exe
765
armi tant de contradictions ? L’unité de l’Europe
n’
est pas définissable par un contour géographique, moins encore par un
766
re y paraît plus sensible que l’objet de la quête
n’
est clairement connaissable. Pourtant, certaines options fondamentales
767
squ’aux débuts du siècle dernier, les Occidentaux
n’
ont presque pas varié quant à la date de naissance de l’humanité. Un p
768
u, c’est-à-dire depuis la création de l’homme, il
ne
s’est écoulé que six ou huit-mille ans. » Cuvier partage ces vues, qu
769
ore en plein xixe siècle, et que les catéchismes
ne
cesseront d’enseigner à des générations dont notre enfance a connu le
770
derniers représentants. Cependant, vers 1950, nul
ne
peut plus douter que l’homme existe depuis environ cent-mille ans. Au
771
eut paraître une révolution considérable. Mais ce
n’
est guère qu’un détail dénué d’intérêt pour peu que l’on considère les
772
’Histoire et de la Personne Un fait quelconque
n’
est historique au sens exact qu’en vertu de son unicité. S’il pouvait
773
pouvait se répéter, revenir comme les saisons, il
n’
appartiendrait pas à l’Histoire, mais au Mythe. De même l’individu ne
774
s à l’Histoire, mais au Mythe. De même l’individu
ne
devient une personne que par l’unicité que lui confère sa vocation, a
775
ênés. Mais d’où viendrait notre malaise ? Comment
ne
pas voir qu’il serait intimement lié, chez ceux qui l’éprouveraient,
776
est « religion » au sens premier du terme56 — et
ne
laisse aucune place à l’Histoire, ni davantage à la personne. Seule l
777
ence terrestre du peuple élu : dès lors, celle-ci
ne
dépendait plus des astres ni d’un cours calculable des temps, mais d’
778
ur la mort, qui libère et suscite la personne. Ce
n’
est pas un hasard si le premier auteur d’une philosophie de l’Histoire
779
sens. Contre le malheur et son absurdité, l’homme
n’
a d’autre recours que d’attribuer un sens à ce qu’il subit sans l’avoi
780
». Au scandale des souffrances et de la mort, il
ne
répondra point par une révolte vaine, pure démence à ses yeux de Grec
781
ons dévalorise le temps vécu de la souffrance. Ce
n’
est plus la souffrance qui est vaine, dès lors qu’elle prend un sens e
782
le temps lui-même qui perd sa réalité, puisqu’il
n’
apporte plus d’absolue nouveauté, ni par conséquent de scandale. (L’ho
783
scandale. (L’homme d’aujourd’hui, qui croit qu’il
ne
croit plus à rien, mime encore ce mouvement de la sagesse mythique, q
784
la Terre. Ce serait intolérable si la Révélation
n’
apportait en même temps la certitude que le temps a été vaincu au mati
785
emps a été vaincu au matin de Pâques, que l’homme
ne
lui appartient que par la chair (étant au monde mais non du monde) et
786
’un terme est promis à l’Histoire, encore que nul
n’
en sache « le jour ni l’heure ». Seule donc la négation réalisée du te
787
ps dans sa réalité. Sans la Résurrection, l’homme
n’
aurait pas la preuve d’une existence qui échappe au temps et à la mort
788
qui échappe au temps et à la mort. « Si le Christ
n’
est pas ressuscité, votre foi est vaine et vous êtes encore dans vos p
789
êtes encore dans vos péchés. » Mais cette preuve
n’
est valable que pour la foi parfaite, et ce recours au Transcendant, n
790
non plus au Mythe, contre la dictature du temps,
n’
est effectif que pour celui qui croit « que Dieu peut tout à tout inst
791
stant », ainsi que l’écrit Kierkegaard. Or la foi
n’
est jamais parfaite, et dans l’homme converti persiste « le vieil homm
792
aire du temps et du progrès continu de l’Histoire
n’
est guère soutenue que par un Joachim de Flore, dont les écrits sont c
793
s la vue que le Moyen Âge, loin de représenter je
ne
sais quel « âge d’or du christianisme » — comme on l’a ressassé depui
794
rvient dans la seconde par des actes libres, elle
n’
y détermine pas une loi d’évolution. Le Moyen Âge ira beaucoup plus lo
795
ndre un rythme à sa durée. L’apparition du Christ
ne
marque plus pour lui le commencement du temps de la Fin, mais le « mi
796
(d’où les excès qu’on signalait plus haut). Elle
ne
sera vraiment bouleversée qu’à la fin du xixe siècle. Relevons ici q
797
s ici que la chronologie vertigineuse des hindous
ne
s’appliquait qu’aux cycles du cosmos : les événements de l’Histoire s
798
istoire s’y trouvent tellement noyés que personne
n’
a le souci de les dater. C’est un mouvement exactement contraire qui s
799
, l’état civil des hommes et des actions humaines
n’
a cessé de se préciser, tandis que la Fin et le Commencement des temps
800
r, tandis que la Fin et le Commencement des temps
ne
cessaient de s’éloigner dans le vague de l’infini. Or le Credo prend
801
se tait sur celle du Jugement dernier, « car nous
ne
savons ni le jour ni l’heure ». Et c’est pourquoi le progrès de la vi
802
us en plus, à mesure qu’il s’éloigne du mythe. Il
n’
en reste pas moins que l’extension soudaine des dimensions de l’Histoi
803
antaine d’années) il se révèle que notre humanité
n’
a pas derrière elle six-mille ans, mais probablement six-cent-mille. E
804
uite de conséquences qui jouent en fait — mais je
ne
pense pas en droit — contre l’idée occidentale de l’homme. L’importan
805
ns, prend la place de la Providence, bien qu’elle
n’
en revête ni la justice ni la bonté. Bossuet, dans l’Abrégé de l’Histo
806
ette Histoire pourvoyeuse d’exemples et de leçons
n’
a d’autre autorité que celle d’un précepteur. Ses « lois » ne sont enc
807
autorité que celle d’un précepteur. Ses « lois »
ne
sont encore que celles de la morale, et sa réalité celle d’un discour
808
celle d’un discours. Mais l’Histoire aujourd’hui
n’
est plus un conte, elle se distingue absolument de son récit. Elle ne
809
, elle se distingue absolument de son récit. Elle
ne
concerne plus le passé, ni ses « leçons », qu’on pourrait aussi bien
810
evenir présent. Elle est plus vraie que nous, qui
ne
faisons que l’habiter pour un atome de temps insignifiant. Elle est d
811
tre dépourvu d’origine et de but connaissable, on
ne
peut savoir son sens, mais seulement l’épouser, et l’on ne peut le pe
812
avoir son sens, mais seulement l’épouser, et l’on
ne
peut le penser qu’en s’y abandonnant. Ce qui se place dans le sens de
813
l’action d’un pays ou de l’option d’un homme, il
n’
est donc plus question de demander si c’est « vrai ». C’est « dans le
814
ai ». C’est « dans le sens de l’Histoire », ou ce
n’
est rien qui vaille… Suis-je dans l’Histoire ? Es-tu dans l’Histoire ?
815
identale du xxe siècle. Comme il est clair qu’on
ne
peut pas « être » dans l’Histoire rédigée par les historiens, on voit
816
n de l’Existence. Cette Histoire absolutisée, qui
n’
est plus connaissance des actes du passé, mais flux irrésistible entra
817
peut-on la distinguer encore du temps lui-même ?
N’
est-elle pas simplement une manière de le penser qui le ferme à toute
818
et nous interdit tout recours ? « Au monde comme
n’
étant pas du monde », disait saint Paul. Mais l’Histoire absolue veut
819
découvre impuissant devant elle et en elle : rien
n’
est plus répandu que ce sentiment anxieux dans l’intelligentsia comme
820
ul scrupule de conscience ou sursaut de belle âme
ne
saurait écarter cette conséquence, sans doute pénible, mais normale.
821
fureur, les biographies s’arrachent, et beaucoup
n’
attendent pas la cinquantaine pour se mettre au passé dans un livre. M
822
l faut « être » de toute nécessité, sous peine de
n’
être pas. Celle-ci marque un recul devant le risque du temps. La consc
823
spéculation, puis dans le calcul mathématique. On
ne
peut plus limiter l’espace ni le temps, et, lorsque au xxe siècle il
824
evant le risque béant, soudain total, l’homme qui
n’
a pas de foi cède au vertige. Sa dernière résistance à l’angoisse du t
825
tc., échappent à ses prises et l’enserrent — « il
ne
se retrouve plus » et démissionne. Que l’Histoire décide à ma place,
826
e l’Histoire décide à ma place, de toute façon je
n’
y puis rien. Que le dictateur ou le Parti décrètent le vrai sens de ma
827
crètent le vrai sens de ma vie, de toute façon je
ne
pourrais plus le distinguer. Je ne suis plus responsable, mais c’est
828
toute façon je ne pourrais plus le distinguer. Je
ne
suis plus responsable, mais c’est l’Évolution, et je n’ai plus d’autr
829
s plus responsable, mais c’est l’Évolution, et je
n’
ai plus d’autre choix que de m’en dire l’agent. Cet abandon de l’être
830
réel du sens de la personne et de la liberté. Ce
n’
est pas qu’on n’aime plus être soi librement, ni vraiment qu’on renie
831
la personne et de la liberté. Ce n’est pas qu’on
n’
aime plus être soi librement, ni vraiment qu’on renie la personne : ma
832
nt, ni vraiment qu’on renie la personne : mais on
ne
croit plus, on n’ose plus croire qu’elle puisse répondre, c’est-à-dir
833
’on renie la personne : mais on ne croit plus, on
n’
ose plus croire qu’elle puisse répondre, c’est-à-dire être responsable
834
travers. Mais les « lois » révélées par Karl Marx
n’
ont jamais prévu rien de tel ; elles permettent simplement au Dictateu
835
venir, c’est tenter de se convaincre que le temps
ne
va pas apporter la négation de ce que je suis, de ce que j’attends, d
836
les unes comme les autres, redoutées ou voulues,
ne
se confondent pas seulement dans leur vision précise d’un avenir donn
837
en reste tributaire — et c’est pourquoi l’Orient
ne
produit pas d’utopies. Concevoir une utopie et agir d’après elle, mas
838
ge des sacrifices sanglants bien plus massifs que
n’
en rêvèrent jamais les prêtres emplumés du grand dieu Huitzilopochtli.
839
sayais d’anticiper sur nos lendemains, et ceux-ci
ne
seront point marqués par nos hypothèses même exactes, mais par nos ch
840
mais par nos choix fondamentaux. Car la question
n’
est pas de savoir « ce qui arrivera », mais de savoir dès maintenant c
841
laisser arriver ou à faire arriver ; la question
n’
est pas de supputer le sens probable d’un devenir fatal, pour nous « a
842
ntraire d’affronter le temps au nom d’un sens qui
ne
peut s’originer qu’en la personne. Bref, la question n’est pas de dev
843
t s’originer qu’en la personne. Bref, la question
n’
est pas de deviner l’Histoire, mais de la faire. Seules nos options pr
844
rprises du temps qui vient à nous. Et ces options
n’
agiront point par la violence de prises de position calculées dans l’a
845
am Jones : la Société asiatique du Bengale. Et ce
n’
est guère que depuis la fin du xixe siècle qu’une science historique
846
erche à les résoudre à l’aide d’un socialisme qui
ne
doit rien à Shankara. L’Occident découvre Zoroastre à la suite de Nie
847
sme et oblitère son mandarinat. Enfin, l’Occident
n’
a pas plus tôt découvert l’art nègre, les masques, la magie, le jazz,
848
s découvrons avec passion dans le Tiers Monde, ce
n’
est pas ce dont il vivait, c’est ce qui manquait à nos élites, ou qu’e
849
, c’est ce qui manquait à nos élites, ou qu’elles
ne
savaient plus trouver dans notre foi. Ce que le tiers-monde nous empr
850
otre foi. Ce que le tiers-monde nous emprunte, ce
n’
est pas notre créativité, mais ses produits. Nous découvrons leurs sec
851
tuels ? Presque rien, sinon dire l’essentiel, qui
n’
agira guère sur l’histoire dans son devenir immédiat, mais peut orient
852
Dieu personnel, donc créé par une vocation, et il
ne
tombe pas sous le sens comme le « vieil homme », puisque sa vie « nou
853
t d’une âme tout intellectuelle, dont « la nature
n’
est que de penser » et qui reste entièrement distincte du corps. Avec
854
ieurs variables », par là douée d’une liberté que
n’
aura jamais l’individu, simple objet du déterminisme universel. Et qua
855
ence d’aujourd’hui, dont on a pu penser « qu’elle
n’
aborde le moi que pour le disjoindre60 », il me semble plutôt qu’elle
856
mbre d’un scrupule la personne et tout ce qu’elle
n’
est pas — l’individu, la persona, la « forte individualité », l’âme se
857
parfaite. » C’est le vrai moi, c’est l’Ange. « Il
ne
s’agit plus du simple messager transmettant les ordres, ni de l’idée
858
a mystique soufi, « la totalité de notre être, ce
n’
est pas seulement cette partie que nous appelons présentement notre pe
859
désignait comme Fravarti 62. » L’Ange des soufis
n’
évoque pas seulement cette part initiante de l’être renouvelé qui deme
860
les soufis, et comme le christianisme véritable,
ne
demande pas d’abord ce qu’est l’homme, mais qui es-tu ? Toute réalité
861
au travers de ses vies successives. Car si le moi
n’
existe pas, qu’est-ce qui transmigre64 ? Mais ce moi, cet ego, cette e
862
s uns et la métaphysique des autres ? En fait, on
ne
voit pas les Sages de l’Asie dénoncer sans relâche, comme on pourrait
863
négations, aux temps anciens où nos affirmations
n’
existaient pas, ou leur demeuraient inconnues. Dès les premiers commen
864
» Le but est donc « de nous apprendre le moyen de
ne
pas renaître », nous dit une moderne interprète du bouddhisme tibétai
865
des védantins comme des premiers bouddhistes, ce
n’
est pas encore la personne, mais l’obstination de l’ego qui veut durer
866
Non, répondent les advaïtins : c’est Brahma ou ce
n’
est rien. Et tu n’es rien. Et de leur côté les bouddhistes (mais le ta
867
advaïtins : c’est Brahma ou ce n’est rien. Et tu
n’
es rien. Et de leur côté les bouddhistes (mais le tao chinois et le sh
868
transmigre de ce corps dans un autre ? — Non, il
n’
y en a point. — S’il n’y a pas de transmigration, peut-il y avoir une
869
dans un autre ? — Non, il n’y en a point. — S’il
n’
y a pas de transmigration, peut-il y avoir une réincarnation ? — Oui,
870
: « Le Roi dit : Nagasena, y a-t-il quelqu’un qui
ne
reprenne point l’individualité après la mort ? Nagasena répondit : C
871
-moi s’il existe rien de semblable à l’âme ? — Il
n’
y a rien de semblable à l’âme.70 » Un texte zen chinois surenchérit :
872
gnement à donner au peuple ? — Oui. Lequel ? — Il
n’
y a ni esprit, ni Bouddha, ni aucune chose qui existe. » (Mais on ne d
873
i Bouddha, ni aucune chose qui existe. » (Mais on
ne
donne jamais au peuple cette leçon. On s’en garde !) Les spirituels h
874
Éveil de quoi ? De la vision-en-soi, du Cela qui
n’
est pas personnel et se joue à travers notre moi. Ainsi tout l’Orient
875
en même temps l’objet et la personne. Parfois, je
n’
arrache ni l’objet ni la personne. Le même commente : « Supprimer la
876
e disciple est exceptionnellement doué, le maître
ne
touche ni à la personne, ni à l’objet. » Enfin ceci : « Ainsi que Bod
877
odhidharma (le fondateur du zen) l’a déclaré, zen
ne
se soucie pas de disserter sur des notions abstruses telles que Dieu,
878
t le sixième Patriarche de la secte (638-713) : «
Ne
pense pas au bien ni au mal, mais regarde ce qu’est, au moment présen
879
aal, ou l’Ange, est : toi-même. ⁂ Les différences
ne
sont donc pas où l’on croyait, ne sont jamais exactement ce que l’on
880
Les différences ne sont donc pas où l’on croyait,
ne
sont jamais exactement ce que l’on croyait. Si nous souhaitons précis
881
d’une dualité sans laquelle ni l’homme ni l’amour
ne
seraient même concevables. Il ne s’agit ici ni du dualisme trop facil
882
homme ni l’amour ne seraient même concevables. Il
ne
s’agit ici ni du dualisme trop facilement nommé manichéen, opposant l
883
entre l’individu et le « vrai moi ». (L’individu
n’
est pas le mal en soi : il ne devient mauvais que dans la seule mesure
884
i moi ». (L’individu n’est pas le mal en soi : il
ne
devient mauvais que dans la seule mesure où il se referme sur soi, c’
885
e se refuse à l’amour. Et de même le « vrai moi »
n’
est pas le bien en soi, car il peut devenir un monstre.) Pour aimer, i
886
autarcique. Mais les motifs de cette condamnation
ne
sont pas les mêmes : les moralistes jugent au nom de la société, les
887
a société, les spirituels au nom de l’amour. Nous
n’
invoquerons ici que les seconds. L’école chrétienne Dans une vue
888
er le prochain soit un même acte : sinon le comme
n’
aurait pas son plein sens. Dans l’amour de soi-même, l’homme naturel s
889
e. Si la plus haute valeur de l’Occident chrétien
n’
est pas la connaissance détachée mais le sacrifice personnel, et si le
890
de l’amour véritable l’explique seule. « Personne
n’
a un plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’il aime. » Se
891
ïr vraiment ce qu’il lui sacrifie ? Le masochisme
n’
est-il pas le moment de retombement de l’âme frustrée, quand l’esprit
892
moi naturel. Désormais le vieil homme est jugé :
n’
ayant pu l’entraîner avec elle vers son bien et l’animer de son amour,
893
l’amour. Mais celui qui se hait de cette manière
ne
peut pas aimer le prochain : il ne peut voir en lui que son semblable
894
cette manière ne peut pas aimer le prochain : il
ne
peut voir en lui que son semblable — un corps « vil » et une âme qui
895
Contre cet ascétisme non-transfigurant, Nietzsche
n’
écrit pas sans raison : « Il faut craindre celui qui se hait lui-même,
896
e le respect du mystère exigeant de l’Autre qu’il
n’
est pas assez « spirituel » pour aimer. (Mais s’il l’était assez, il r
897
sable tissu conjonctif de toutes les sociétés qui
ne
sont pas un ordre.) L’école iranienne Il n’existe plus de commu
898
ne sont pas un ordre.) L’école iranienne Il
n’
existe plus de communauté humaine, d’unité de civilisation qui s’inspi
899
s’inspire du mazdéisme de Zarathoustra ; et nulle
ne
s’inspira jamais de la mystique des soufis, et pour cause. Si je les
900
e sans se représenter en lui la divinité. Un être
n’
aime en réalité personne d’autre que son créateur.76 » Ibn Arabi disti
901
s toutes les dimensions de l’amour unifié. L’Aimé
n’
est plus alors un simple objet — comme il est pour l’amour naturel, po
902
igure de la Sophia divine). L’analyse d’Ibn Arabi
ne
cesse de gagner en profondeur : que l’amant tende à contempler l’être
903
r tend toujours à faire exister quelque chose qui
n’
est pas encore existant dans l’Aimé.78 On reconnaît ici les « notes »
904
quelque chose du Seigneur en lui ; or, comme nul
ne
reçoit de la même manière le bien qui procède du Seigneur, il s’ensui
905
ien qui procède du Seigneur, il s’ensuit que l’un
n’
est pas le prochain de la même manière que l’autre… ; il n’y a jamais
906
le prochain de la même manière que l’autre… ; il
n’
y a jamais chez deux personnes un bien absolument identique… C’est l’a
907
omme un amour dédié à sa propre âme81, dont Iseut
ne
serait que l’image sensible, — et c’est pourquoi j’ai osé dire que Tr
908
le, — et c’est pourquoi j’ai osé dire que Tristan
n’
aimait pas Iseut — cette passion n’est-elle pas mieux vue si l’on évoq
909
re que Tristan n’aimait pas Iseut — cette passion
n’
est-elle pas mieux vue si l’on évoque les Fravartis du mazdéisme, les
910
le » de l’âme et de sa Dâenâ au pont Chinvat ? Et
n’
est-ce pas pour avoir désiré l’amour de l’Ange que les amants de la fo
911
arce que « leur engagement — comme dira Novalis —
n’
était pas pris pour cette vie », mais pour l’autre ? S’il est une « er
912
ne ou rationnelle, non strictement personnaliste,
ne
peut évidemment que se récuser.) L’école orientale La plupart d
913
mme on l’a vu, nient la personne ou la survolent,
ne
connaissent que l’ego tout transitoire et le Soi tout impersonnel : «
914
out transitoire et le Soi tout impersonnel : « Il
n’
est qu’un Soi pour tous les êtres.82 » L’individualité qui est là, qui
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Soi sans distinction, la Réalité sans visage, qui
n’
est ni ceci ni cela, mais qui est l’Immensité, disent les hindous, et
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faute de protagonistes bien réels, ces problèmes
ne
sauraient avoir lieu. (Ou tout au moins, pris au sérieux.) L’amour mê
917
ns, pris au sérieux.) L’amour même est évacué. Il
n’
est plus que l’attrait des sexes agissant fatalement sur des milliards
918
défaits selon le cours des astres et le Karma. Il
ne
peut être, pour l’esprit, qu’indifférent. (Quoique la morale sociale
919
icalement l’adultère de la femme mariée ; mais ce
n’
est pas au nom de l’amour, on le pense bien.) « Écarte les choses, ô a
920
bouddhisme. S’il est vrai que « la notion de Moi
n’
a d’accès que dans la pensée des sots », comme le dit un texte tibétai
921
comme le dit un texte tibétain, la notion de Toi
ne
vaut pas mieux. « La morale bouddhique, qui est une sorte d’hygiène s
922
s, les causes de souffrance pour autrui.83 » « On
ne
peut comprendre la nature de l’ultime réalité qu’après avoir détruit
923
de douleurs ; qui a un amour a une douleur ; qui
n’
a pas d’amour n’a pas de douleur. » Si l’on s’en tient aux textes, la
924
ui a un amour a une douleur ; qui n’a pas d’amour
n’
a pas de douleur. » Si l’on s’en tient aux textes, la cause est entend
925
xtes, la cause est entendue : l’Asie métaphysique
ne
connaît pas l’amour, — j’entends l’amour de Dieu, de soi et du procha
926
e l’amour matrimonial. Mais on me dira que l’Asie
n’
est pas toute spirituelle, et que la vie ne s’en tient pas aux textes.
927
l’Asie n’est pas toute spirituelle, et que la vie
ne
s’en tient pas aux textes. On ajoutera peut-être qu’on ne voit pas de
928
tient pas aux textes. On ajoutera peut-être qu’on
ne
voit pas de raisons pour que l’Orient réel soit plus conforme aux ser
929
. Car les grandes doctrines religieuses de l’Asie
n’
ont jamais été révolutionnaires. Elles n’ont jamais prétendu transform
930
e l’Asie n’ont jamais été révolutionnaires. Elles
n’
ont jamais prétendu transformer l’ensemble des réalités humaines : soc
931
en Occident, ressemble moins à la doctrine que ce
n’
était le cas, jusqu’à nos jours, en Asie. Prenons l’exemple de l’éroti
932
ualité : il pose le désir à la base de tout. Nous
ne
désirons des choses que dans la mesure où elles nous procurent une jo
933
elles nous procurent une jouissance. La divinité
n’
est un objet d’amour que parce qu’elle représente une volupté sans mél
934
sans mélange… Le désir du luxurieux pour la femme
n’
existe que parce qu’il voit en elle la forme de son plaisir, la source
935
ivin… Mais l’amour parfait est celui dont l’objet
n’
est pas limité. C’est cet amour qui est l’amour pur, l’amour de l’amou
936
satisfait, qui peut libérer l’esprit du désir… Ce
n’
est pas le plaisir mais le désir qui lie l’homme et qui est un obstacl
937
quand ils viennent, mais avec un cœur détaché. Il
n’
est pas victime du désir.88 » Ce « détachement » tout accueillant, cet
938
ra peu d’exemples convaincants — pour ma part, je
n’
en connais point — de ce que nous baptisons amour-passion, et l’on sai
939
é. Où nous verrions contradiction, antinomie, ils
ne
montent pas sur leurs grands chevaux théologiques, mais chacun suit s
940
ment liées au dogme, tandis que leurs divergences
ne
s’opposent pas. S’il arrive que certaines de leurs croyances semblent
941
ple, la réalité de la personne ou du prochain) on
n’
en saurait déduire qu’elles excluent leur contraire, ou que l’on s’éta
942
ngers. (III, 35) Et dans les upanishads : La vie
n’
a servi de rien à celui qui quitte ce monde sans avoir réalisé son pro
943
l’injonction évangélique d’aimer aussi son ennemi
ne
sont pas absentes du bouddhisme car l’ennemi et toi-même ne diffèrent
944
s absentes du bouddhisme car l’ennemi et toi-même
ne
diffèrent que par les attachements du moi phénoménal, tandis qu’ils p
945
former Éros en Agapè »90. Je répète que tout cela
n’
est pas contradictoire, dans une philosophie sans dogmatique. Nous par
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lors d’inconséquence logique ? Mais notre science
n’
a-t-elle pas inventé plusieurs logiques, aussi valables l’une que l’au
947
ogiques, aussi valables l’une que l’autre ? Elles
ne
se contredisent pas plus que les énoncés spirituels correspondant à d
948
st mis en quête d’un savoir de l’amour qu’il vit.
N’
importe qui m’avertira que le Soi de l’Inde n’est pas le vrai Dieu des
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it. N’importe qui m’avertira que le Soi de l’Inde
n’
est pas le vrai Dieu des chrétiens, qui est personnel. On connaît les
950
endre conscience de ce qu’il est ou peut devenir.
N’
est-ce pas l’aider à réfléchir la lumière de l’amour créateur ? Non, c
951
e le moi. — La vue juste distingue et juge, mais
ne
peut pas nier le trouble. Dans ce moi peu ou point différencié que la
952
ue juste imagine — au sens fort — la personne. Il
ne
faut pas jeter la vie avec l’erreur, mais aimer mieux. Non pas éteind
953
et fascinant de l’être… « Aimer ce que jamais on
ne
verra deux fois ! » — Aimer, c’est vouloir l’immortel, non l’éphémère
954
c’est vouloir l’immortel, non l’éphémère, lequel
n’
a rien en soi qui mérite l’amour. Cela n’empêche pas la poésie, les am
955
, lequel n’a rien en soi qui mérite l’amour. Cela
n’
empêche pas la poésie, les amours poétiques, ni le désir, ni « cette a
956
est dissoute et le monde avec elle. Car le monde
ne
doit pas être refusé mais dissous.92 — Je veux voir l’autre en sa ré
957
our seul, et qui est elle-même. Tu dis le Soi, ce
n’
est personne. — Il n’y a personne. Personne ne peut aimer, sauf l’égoï
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elle-même. Tu dis le Soi, ce n’est personne. — Il
n’
y a personne. Personne ne peut aimer, sauf l’égoïste. Il y a l’amour,
959
ce n’est personne. — Il n’y a personne. Personne
ne
peut aimer, sauf l’égoïste. Il y a l’amour, et nous pouvons seulement
960
s seulement devenir amour. Et tu sais bien que tu
ne
dois aimer que ton « Dieu » dans ses créatures, puisqu’il est dit de
961
et nous crée comme personnes bien distinctes. Tu
ne
vois pas la femme que tu crois aimer. — Quand je saurai aimer le Soi
962
aimer. — Quand je saurai aimer le Soi en elle, je
ne
serai plus moi, elle ne sera plus elle, et les dieux mêmes me serviro
963
aimer le Soi en elle, je ne serai plus moi, elle
ne
sera plus elle, et les dieux mêmes me serviront. Tout et tous L
964
us ». Depuis six millénaires, les sages de l’Asie
n’
ont pas varié dans leur croyance à la dualité de l’Un et du Multiple,
965
dans l’Un seul, sans laisser aucune trace, comme
n’
ayant pas eu lieu. Le triomphe de ces spirituels et de leur eschatolog
966
alculé par la science occidentale : mais personne
ne
sera là pour constater que leurs doctrines sur la Lumière finale et s
967
rs doctrines sur la Lumière finale et sur le Vide
n’
auront été, dans leur ensemble, qu’une immense transposition sur les p
968
lle parie sur la vie et contre l’entropie94. Elle
ne
sait plus d’où lui vient cette passion qui a produit la technique et
969
té de ceux qu’elle entraîne. Et il est vrai qu’on
ne
saurait guère le concevoir sans une vision de sa fin anticipée. La pe
970
e ? Si les sages de l’Orient ont raison, personne
ne
pourra le vérifier à la consommation des temps, pas même le Soi qui d
971
esté jusqu’ici, et que ces doctrines d’extinction
n’
ont pas tué l’illusion du moi ; au contraire, ce moi sans valeur est e
972
ome élusif, des corps vivants, l’homme d’Occident
ne
cherche pas seulement à dévoiler ses lois secrètes, mais à se transfo
973
composée d’une quantité de membres. La discussion
ne
cesse jamais. Parfois, un de ses membres se lève, prononce un discour
974
entement ; leur voix devient faible, on finit par
ne
plus l’entendre. Au contraire, d’autres qui étaient débiles et timide
975
er à l’aide d’un microscope, l’éléphant lui aussi
ne
serait plus qu’une vaste illusion. 70. Les Questions de Milinda (M
976
u près ce que Freud nomme « narcissisme », et qui
n’
est tel qu’aux yeux de celui qui nie l’âme ; mais alors, d’où viendrai
977
Raja Rao, Le Serpent et la Corde, 1959, p. 28. Je
ne
saurais trop inciter mes lecteurs à lire ce beau roman autobiographiq
978
i baigne l’œuvre, situe dans la réalité ce que je
n’
entends ici que formuler. Je ne connais rien dans la littérature qui c
979
réalité ce que je n’entends ici que formuler. Je
ne
connais rien dans la littérature qui confronte avec plus de tendresse
980
stian and Buddhist, p. 73. Je crains que l’auteur
ne
vienne ici à la rencontre des catégories de L’Amour et l’Occident u
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ries de L’Amour et l’Occident un peu plus qu’il
ne
serait souhaitable, de son propre point de vue. 91. On pourra retrou