1 1931, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Les Éléments de la grandeur humaine, par Rudolf Kassner (octobre 1931)
1 (problème que notre xviie siècle se devait de ne pas poser). L’homme antique peut atteindre la grandeur parce qu’il possèd
2 fini : famille, dieux, nature. Il ne se recherche pas soi-même, il vise à la plénitude élémentaire, définie par la loi, par
3 ure du démesuré, et que pour le chrétien il n’est pas d’autre grandeur ». Ainsi le chrétien existe en tant que le péché cré
4 l’homme sans mesure naturelle : s’il ne retrouve pas de loi interne et de tension par le péché, il n’est plus qu’un être s
5 autoritaire. Entendons que pour lui, penser n’est pas se débattre dans ses contradictions personnelles, parlementarisme int
6 n sa pensée privée, est tourmentée.) Penser n’est pas non plus s’ingénier sur des idées et des combinaisons d’idées mais cr
7 d’être appelé Judas numéro deux. Car il ne s’agit pas de professer une chose mais d’être la chose. Le rare, c’est que chez
8 ent riche et complexe. (« … les bavards ne tirent pas d’eux-mêmes toutes les paroles qu’ils profèrent ; ils les reçoivent d
9 ils les reçoivent des prophètes ; s’il n’y avait pas de prophètes, les bavards seraient peut-être des créatures très silen
10 alisme poétique. 1. Obscurité : Kassner ne pose pas les problèmes dans nos catégories psychologiques. Il prend tout par d
2 1931, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Sarah, par Jean Cassou (novembre 1931)
11 é par des êtres dont le « bonheur » consiste à ne pas se rendre compte de ce qu’ils vivent. Dans quelques-uns des plus sign
12 ouce voltairien, l’élégance trop rapide. Il n’est pas bon qu’un conteur laisse voir la moindre ironie vis-à-vis de ses pers
3 1932, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Les Signes parmi nous, par C. F. Ramuz (janvier 1932)
13 dilemme urgent de l’heure. Et je m’inquiète ; non pas de ces questions ni de la prise de parti (antimarxiste) qu’elles déte
14 il échappe entièrement et de toute façon, n’étant pas même révolutionnaire, parce que trop radical, trop enraciné dans l’él
15 t temporaires. (Les animaux et les arbres ne sont pas révolutionnaires.) Et ce n’est pas qu’il ait jamais craint de tirer s
16 arbres ne sont pas révolutionnaires.) Et ce n’est pas qu’il ait jamais craint de tirer sur ces racines, fortement : mais il
17 er au niveau des simples. » Non, Ramuz ne descend pas au peuple, on devrait dire plutôt qu’il y remonte. Son art vient de p
18 ture, ce même besoin de précision utile. Ce n’est pas un art d’après le peuple4, mais on dirait presque : d’avant. Il n’est
19 uple4, mais on dirait presque : d’avant. Il n’est pas jusqu’à son Antiquité qui ne coïncide avec celle du pays de Vaud : no
20 qui ne coïncide avec celle du pays de Vaud : non pas la grecque, qui est scolaire — pour eux — mais la biblique, qui est v
21 », ils se relèvent : « Il paraît bien qu’on n’est pas morts ! » Le monde renaît dans une soirée pure et le baiser d’un coup
22 t grandiose monotonie. Art dont la mesure ne doit pas être cherchée dans le pittoresque, ni dans l’ingéniosité, ni dans l’h
23 par ailleurs, indique chez Ramuz la volonté de ne pas faire prendre une chose pour une autre, ni certain aspect usuel de la
24 e lui adressent ceux qui, par exemple, n’hésitent pas à prendre au sérieux une intrigue romanesque à la Bourget. On s’est t
25 style chez Ramuz. Ce qu’il a d’insolite, ce n’est pas tant sa forme que les vertus qu’elle suppose : la sobriété, la solidi
26 tant, je pense, c’est qu’une page de Ramuz — même pas très réussie, et il y en a qui ont un air raté, un air pastiche de Ra
4 1932, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Le silence de Goethe (mars 1932)
27 nalisme, sans tension ni grandeur : ils ne savent pas voir dans la sagesse faustienne qu’elle est surtout une défense contr
28 volté et la Magie latente ; et s’ils ne le voient pas , c’est que précisément cette défense a réussi. Par contre ils veulent
29 ques si elles étaient superposables, ce qui n’est pas même le cas. De ce point de vue littéraire, la confrontation serait a
30 application volontaire et soutenue. Ce n’est donc pas l’aspect littéraire de leur expérience qui doit conditionner notre vi
31 ur crucial, je veux croire qu’on ne le contestera pas . Mais ce qu’on voudrait dire maintenant, ce qui ne cesse de provoquer
32 : au seuil de l’initiation, chez Goethe, il n’y a pas une révolte, il y a un péril conjuré. C’est contre ce qu’il nommera d
33 seul humainement fécond. Car un tel silence n’est pas absence de mots. C’est encore chez Goethe une activité réelle, et mêm
34 ux que la longue patience géniale ne parviendrait pas seule à le sauvegarder. Il y faudra le dressage de la souffrance. L’e
35 é les étapes de l’initiation. Mais on ne déchaîne pas de telles puissances impunément. « Ma santé fut menacée. La terreur v
36 « Je vois que mes malaises viennent de ne m’être pas figuré assez tôt que nous sommes à l’Occident. » L’Occident, c’est l’
37 né tout cela avec de la littérature. Car il n’est pas donné à beaucoup d’hommes de devenir un mythe à force de pureté dans
38 ’ivresse devant le mortel danger qui se lève à un pas . Tous deux réalisent le renoncement, le deuxième temps de cette diale
39 de loin, d’un long abandon à l’erreur. Goethe n’a pas connu de tels déchirements. Et c’est lui qui méritera la phrase de la
40 c’est lui qui méritera la phrase de la Saison : «  Pas de partis de salut violents. » Dès les premiers instants de son acces
41 en état de défense et de lenteur. Il avance ainsi pas à pas, l’âme tendue dans une puissante circonspection, pendant soixan
42 t de défense et de lenteur. Il avance ainsi pas à pas , l’âme tendue dans une puissante circonspection, pendant soixante ans
43 sations littéraires. « Bon esprit, prends garde ! Pas de partis de salut violents. Exerce-toi ». Objurgation que l’on croir
44 ue le Chérubin. » « Point de cantiques : tenir le pas gagné… la réalité rugueuse à étreindre ». Certes, les sentences du vi
45 e avec un tel pathétique, mais quel écho n’eût-il pas éveillé dans l’âme du jeune ministre de 32 ans, adonné vers ce temps
46 en devient visible sur ses traits. Je ne me lasse pas de méditer ce visage dont Klauer modela l’effigie passionnément trist
47 istence terrestre. « Un fait de notre vie ne vaut pas en tant qu’il est vrai, mais en tant qu’il signifie quelque chose… Il
48 e de quelque avantage aux autres11… L’homme n’est pas né pour résoudre le problème de l’univers, mais bien pour rechercher
49 t que cette pureté et cette grandeur ne tenteront pas nos âmes jusqu’à la mort ? L’homme ne peut juger que plus bas que lui
50 r que plus bas que lui. C’est-à-dire qu’il n’en a pas le droit. Certes, il est d’autres recours, d’autres points de vision
51 rt en proie au Carnaval et à l’angoisse, ce n’est pas moi qui pose la question : elle m’assiège. Le dernier carnaval, peut-
52 splendide. (Qui me guérira de la honte de n’être pas Rimbaud ?) Plus que jamais, il faudrait s’appliquer à distinguer dans
53 ontairement assourdie. Le silence de Goethe n’est pas moins dangereux, pour qui sait l’entendre, que l’imprécation de Rimba
5 1932, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Querelles de famille, par Georges Duhamel (mai 1932)
54 grand public, et c’est pourquoi l’on ne voudrait pas reprocher à M. Duhamel d’avoir adopté pour cette fois un style conven
55 iques, destinées peut-être à indiquer qu’il n’est pas dupe, qu’il n’est pas si furieux que ça, que la littérature enfin gar
56 être à indiquer qu’il n’est pas dupe, qu’il n’est pas si furieux que ça, que la littérature enfin garde ses droits. Aussi n
57 — qu’il me pardonne l’image technique — n’embraye pas , et paraît forcée. Ses laborieuses exagérations (Message aux Princes
6 1932, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Ce chien, ton serviteur, par Rudyard Kipling (juillet 1932)
58 ui est émouvante, décider que ceux qui n’aimeront pas sont fermés à toute poésie à l’état sauvage — la vraie. f. Rougemo
7 1932, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Éloge de l’imprudence, par Marcel Jouhandeau (septembre 1932)
59 maintenir dans une telle dialectique, il n’existe pas un choix préalable à la tentation, un choix universel et abstrait, ma
60 que situation existentielle. En sorte qu’il n’est pas de préférence définitive, c’est-à-dire facile, accordée au Bien par e
61 mprudence ou générosité. Et ces mots ne désignent pas autre chose qu’une intensité ou une pureté toujours plus folle dans l
62 e même sac honnêtes et malhonnêtes gens, mais non pas le généreux avec le pleutre, une âme triste avec une âme joyeuse. » V
63 u « pecca fortiter » de Luther. Pour qui n’aurait pas lu d’autres ouvrages de Jouhandeau, les aphorismes qui composent l’Él
64 de la morale). Et c’est la foi qui en libère, non pas cette « générosité » malgré tout équivoque. La foi révèle une réalité
65 péché, c’est-à-dire ce qui le supprime, ce n’est pas une vertu, mais le pardon. La vertu comme le vice naît de la loi et s
8 1932, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Alexandre, par Klaus Mann (septembre 1932)
66 dre, par Klaus Mann (septembre 1932)h Ce n’est pas pour l’amour du laurier, mais pour l’amour de son ami Clitus, poète a
9 1932, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Cahier de revendications [Présentation] (décembre 1932)
67 révolution française. Leur anticapitalisme n’est pas celui de la Troisième Internationale. Toutefois, la doctrine marxiste
10 1932, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). À prendre ou à tuer (décembre 1932)
68 ps. Masse de sourds, de muets et d’aveugles, mais pas si sourds qu’ils ne s’irritent de nos cris. Il est vrai que certains,
69 on sens de « misère qui appelle ». Nous ne sommes pas des « bourgeois-dégoûtés » ou des « prolétaires-avides-des-richesses-
70 t, de L’Ordre nouveau ou de Réaction, pour n’être pas entièrement originales18, ne peuvent manquer de déconcerter tous ceux
71 rxiste. Vous n’y ferez rien. Et nous ne trahirons pas l’homme tel qu’il est, sous prétexte qu’il faut se hâter, et qu’en Ru
72 s terrains d’entente avec l’URSS. Nous ne pensons pas que la guerre soit, comme l’écrit Lefebvre, la seule « chance » des c
73 un conflit d’intérêts ? Et d’intérêts qui ne sont pas les nôtres, qui ne sont pas les intérêts réels d’un être aux prises a
74 ’intérêts qui ne sont pas les nôtres, qui ne sont pas les intérêts réels d’un être aux prises avec la condition humaine ? N
75 écanique du conflit nécessaire et vital. Il n’y a pas de troisième terme, — ou c’est la mort19. Mais la coefficience de deu
76  », dont ils parlent avec tremblement, n’existent pas . Elles font partie de ces créations pseudo-mystiques qui pullulent da
77 drait nous le faire croire. Une révolution n’agit pas dans le vide, mais contre quelque chose : elle se fera contre ces fai
78 Le matérialisme décrit un monde tel qu’on ne voit pas où l’acte peut s’y insérer. Comment croire que l’esprit puisse agir s
79 orale ? « Toutes les tentatives qui ne se fondent pas sur la classe révolutionnaire ne comportent pas de points d’applicati
80 t pas sur la classe révolutionnaire ne comportent pas de points d’application », écrit Nizan. Voilà bien la suprême « évasi
81 s dit-on, les constructions d’un Lénine n’étaient pas songes, elles s’appuyaient sur le mouvement de l’histoire ». Nous avo
82 le plus souvent verbale, électorale ; elle n’est pas dans leur doctrine constructive. Elle se fonde sur des apparences, vo
83 es entends menacer le bourgeois : mais je ne vois pas en quoi la tyrannie du matériel qu’ils prônent est meilleure pour les
84 ur les hommes que le présent désordre. Je ne vois pas qu’ils connaissent l’homme mieux que nous. Je ne les vois pas plus fo
85 onnaissent l’homme mieux que nous. Je ne les vois pas plus forts. Je vois bien l’accumulation de leurs griefs, — dont beauc
86 os doctrines antibourgeoises. Mais ils ne donnent pas de pain. Ceux qui ne promettent que du pain, finalement n’en donnent
87 la folie capitaliste-matérialiste. Non, ce n’est pas une classe que nous devons sauver, c’est l’homme menacé dans son inté
88 nacé dans son intégrité. Sauver l’homme, ce n’est pas sauver des consommateurs. Ce n’est pas sauver des entreprises, des na
89 , ce n’est pas sauver des consommateurs. Ce n’est pas sauver des entreprises, des nations, les intérêts (?) du monde. Sylve
90 » ? Rien. Au sens fort du mot, le « salut » n’est pas à débattre sur le plan de l’humanité, mais entre l’homme, entre tel h
91 croyez-vous ? », les hommes de ce temps n’aiment pas répondre, car c’est une question personnelle. Une mise en question ré
92 Je parle de cette seule chose au monde qui n’ait pas besoin d’arguments pour juger les idoles du monde ; de cette seule ch
93 ’accepte de me faire tuer, parce que ce ne serait pas crever bassement dans la haine, mais ce serait un acte enfin dans leq
94 is toute ma vie, d’un seul coup éclatant. Je n’ai pas à sauver quoi que ce soit de la terre, mais seulement à recevoir le p
11 1933, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Pétrarque, par Charles-Albert Cingria (avril 1933)
95 udition, les grands sentiments, la morale en soi ( pas la morale en vertu d’un dogme), le nationalisme, l’ironie, le sceptic
96 ils émettent on ne sait quelle sauce. Je ne veux pas être de ceux-ci ». Charles-Albert Cingria est donc de ceux dont l’éru
97 leurs, mais ridiculement quand elles ne l’avouent pas — se veut constamment significative. La publication de cet étonnant p
98 écrit « signé ». 24. Et qui d’ailleurs n’exclut pas de petites férocités soudaines, raffinées, ni le bavardage, ni une es
12 1933, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Une main, par C. F. Ramuz (juin 1933)
99 t, si j’ose ainsi parler de moi, mais je ne parle pas de moi, ou je ne parle pas que de moi, parce que nous sommes tous mal
100 moi, mais je ne parle pas de moi, ou je ne parle pas que de moi, parce que nous sommes tous mal faits. » On n’attendait pa
101 que nous sommes tous mal faits. » On n’attendait pas de Ramuz un examen de conscience. S’il s’interroge, dans Une Main, c’
102 — ou asservir cette main. Est-ce que ma main n’a pas sa vocation ? Est-ce qu’elle n’a rien de mieux à faire que de se leve
13 1933, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Saint-Évremond ou L’humaniste impur, par Albert-Marie Schmidt (octobre 1933)
103 n jeu serré et subtil, et dont le spectacle n’est pas vain. M. Schmidt ne s’en laisse point imposer par la « réussite class
14 1933, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Le Deuxième Jour de la Création, par Ilya Ehrenbourg (décembre 1933)
104 e danser en rond. Voici l’histoire en bref, — non pas l’intrigue ! tout cela est propre. Le jeune Kolka, prolétaire de bonn
105 souche, part pour la Construction où il ne tarde pas à se distinguer par diverses actions d’éclat. Il devient brigadier de
106 taré donc, intellectuel, ratiocineur, il n’arrive pas , malgré ses plus loyaux efforts, à se passionner pour le problème de
107 olka dès qu’elle aura compris que l’autre « n’est pas né quand il aurait fallu ». L’Histoire a de ces exigences. On conseil
108 s a ceci de spécifiquement ennuyeux qu’il ne crée pas en eux le moindre refoulement. Ce qui suppose une remarquable absence
109 me rôle que la race chez les hitlériens. Il n’y a pas plus de conversion possible au prolétariat qu’au germanisme. Voilà de
110 rénésie de bonne humeur, il y a une question. Non pas un doute, mais quelque chose qui veut une réponse, et qui est d’autan
15 1934, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Taille de l’homme, par C. F. Ramuz (avril 1934)
111 lus de précision, et qui d’ailleurs n’ébranleront pas , dans leur foi, les marxistes. Mais ce qu’il décrit avec une véritabl
112 que s’il défendait le marxisme, il n’en resterait pas moins, par le fait de son être même, une protestation contre le matér
113 ossédé par la vie des choses et des êtres, on n’a pas besoin d’arguments pour faire sentir l’absurdité des « lois » qui, po
114 cupée à calculer sa propre mort. Mais Ramuz n’est pas un bourgeois. Il peut attendre : son attente est présence, et porte e
115 s et pour tous ceux de leur espèce. On ne calcule pas avec la vie, mais avec des quantités mortes. Ceux qui se vantent d’êt
116 l’homme et les choses. Aussi bien n’éprouve-t-il pas le besoin de s’affirmer matérialiste. La position de Ramuz paraît ass
117 enne dépasse-t-elle vraiment l’homme ? N’est-elle pas bien plutôt ce qui le juge et en même temps le sauve dans ses limites
118 imaginable (l’homme sauvé par son progrès). 27. Pas la Nature de Rousseau, – la Nature des choses. 28. Certains écrivain
119 ourgeois plutôt que d’homme. « Précédence, et non pas primauté du matériel ! », disait l’un d’eux. Qu’est-ce que le matérie
16 1934, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Le Procès, par Franz Kafka (mai 1934)
120 Procès, par Franz Kafka (mai 1934)p Je ne sais pas si le Procès est le chef-d’œuvre de Kafka, mais il est difficile d’im
121 apprennent qu’il est inculpé, mais ils ne savent pas de quoi et n’ont pas qualité pour le savoir. Puis, on le rend à la li
122 inculpé, mais ils ne savent pas de quoi et n’ont pas qualité pour le savoir. Puis, on le rend à la liberté. Toute l’histoi
123 nd à la liberté. Toute l’histoire sera celle, non pas du procès, qui n’a jamais lieu, mais des préliminaires, des démarches
124 é, cette complicité générale, tout cela, ce n’est pas la « misère de l’homme sans Dieu », mais la misère de l’homme livré à
125 isère de l’homme livré à un Dieu qu’il ne connaît pas , parce qu’il ne connaît pas le Christ. « Nul ne vient au Père que par
126 Dieu qu’il ne connaît pas, parce qu’il ne connaît pas le Christ. « Nul ne vient au Père que par moi ». C’est par le Fils qu
127 tte foi, et parce qu’elle nous permet de faire un pas et « d’en sortir » que nous connaissons notre état, que nous mesurons
17 1935, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Ni gauche ni droite (août 1935)
128 tique. On me fait observer que l’opposition n’est pas entre le peuple et la nation — entre les noms — mais entre « national
129 re les adjectifs. Je traduis : l’opposition n’est pas dans les faits, mais dans les mystiques. Que valent ces mystiques dét
130 e l’affiche communiste ; mais alors La Rocque n’a pas tort ? — Certes, il a tort disent les gauches ; et c’est à cause de l
131 tort : car nous voulons une armée forte, mais non pas en vertu d’un conseil bolcheviste. La question se ramène à ceci : si
18 1935, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Paracelse, par Frédéric Gundolf (septembre 1935)
132 ric Gundolf (septembre 1935)r Paracelse ne fut pas un mage, ou plutôt si l’on veut qu’il l’ait été, au sens où l’on dira
133 ein, interprète du cosmos, est un mage, il ne fut pas un magicien. Il erra toute sa vie, d’auberges en universités, suivi d
134 pporte par exemple que « déjà vieux et ne voulant pas mourir, il s’adressa au diable qui lui conseilla de se faire enterrer
135 morphosé en bel adolescent, le crâne seul n’avait pas tout à fait repoussé. Un peu d’air pénétra dans le cerveau et Paracel
136 enheim, qui était né en Suisse allemande, n’était pas un énergumène, mais un savant complet comme il faut espérer que nous
137 : il veut être clair, et utile. Clair ne signifie pas rationaliste, comme le veut le langage confus de ceux qui se croient
138 adies que par le nom de leur remède. « Il ne faut pas dire que tel état est colérique, tel autre mélancolique, mais que cec
139 our connaître et guérir une maladie, il ne suffit pas de voir l’homme seul ; il faut considérer sa relation avec le monde,
140 o oben wie unten. L’astrologie de Paracelse n’est pas une superstition de devin, c’est une science de la guérison fondée su
141 s laboratoires. Peut-être allons-nous revenir non pas à l’humanisme mais à l’homme, considéré comme un miroir du ciel entie
142 omme un miroir du ciel entier. Certes, elle n’est pas seulement cruelle et folle, l’époque qui nous offre de si grandes cha
143 ndolf. 31. Gundolf écrit : « Il ne s’intéressait pas seulement aux différents minerais. Avec sa vision nouvelle des choses
19 1935, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Recherches philosophiques (septembre 1935)
144 u sérieux le risque philosophique. Et je ne pense pas trahir leur tendance en insistant ici exclusivement sur trois des écr
145 érieure et intérieure, de l’homme ». Et je ne dis pas que le parallèle Marx-Kierkegaard n’ait entraîné l’auteur à déshumani
20 1935, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Lawrence et Brett par Dorothy Brett ; Matinées mexicaines suivi de Pansies (poèmes), par D. H. Lawrence (octobre 1935)
146 é. Miss Brett raconte la même période et n’irrite pas , ne passionne pas non plus, mais nous intéresse longuement et gagne e
147 nte la même période et n’irrite pas, ne passionne pas non plus, mais nous intéresse longuement et gagne en somme notre comp
148 êtes très peiné, et je dis, moi, qu’on ne devrait pas raconter de pareilles histoires à Tony. Vous répondez avec force et c
149 rce et chaleur : « Oui, c’est vrai, on ne devrait pas les lui dire » et vous soupirez profondément. Vous ne vous sentez pas
150 t vous soupirez profondément. Vous ne vous sentez pas bien, aussi après le déjeuner vous vous mettez à frotter le parquet d
151 ans y parvenir. » Ou encore : « Oh ! ne me donnez pas votre confiance — Pour me charger du poids de votre vie, de vos affai
152 s de votre vie, de vos affaires ; — Ne me fourrez pas dans vos soucis. » La mauvaise humeur est sans doute la caractéristiq
153 sonnalité. » L’homme moderne, dit Keyserling, n’a pas de prochains ; il n’a que des voisins inévitables. Voilà Lawrence, l’
154 ours insuffisant, et comme reproche qu’on ne veut pas entendre. Pauvre Lawrence à la recherche de sa communauté solaire !34
155 , pour le Journal de Byron, etc. 34. Je n’arrive pas à prendre au sérieux en soi la religion solaire que prêche Lawrence.
21 1935, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Les Mystiques allemands du xiiie au xixe siècle, par Jean Chuzeville (octobre 1935)
156 les critères du lyrisme moderne, qui ne préjugent pas nécessairement l’intellection du contenu, et encore moins de sa vérit
157 iens d’indiquer ne se pose plus. Car la foi n’est pas davantage une évasion hors de ce monde qu’une limitation de l’homme a
158 que vraiment chrétienne, une mystique qui ne soit pas cette « transgression » et cet oubli de nos limites, contre lesquels
159 Elle relève d’un nationalisme de manuels, pour ne pas dire, avec E. R. Curtius, d’une « propagande de guerre » qu’on aimait
160 onalisme et la doctrine du jeune Marx, on ne voit pas du tout le passage de Luther à Boehme, ce défenseur du libre arbitre
161 nommait Theophilus Bombast ». Or Paracelse n’est pas un pseudonyme, mais un des trois prénoms du médecin, qui se nommait,
22 1935, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). « Le plus beau pays du monde » (octobre 1935)
162 Tonnerre et foudres de ce pacifiste, qui n’hésite pas à dénoncer « l’impérialisme démodé » de l’instituteur d’Alice, tenu p
163 naliste allemand qui la raconte, et qui ne manque pas de féliciter la Chambre des communes. (Gazette de Francfort, du 31 ju
164 plus beau pays du monde ? Cela du moins ne manque pas de logique, malgré la première apparence. L’erreur courante, qui est
165 tel pays « est le plus beau du monde », ce n’est pas dire qu’après enquête on aboutit à cette conclusion : il y a dans ce
166 le fait concret d’un attachement qui ne comporte pas de choix délibéré. Par malheur, l’enseignement s’empare du fait patri
23 1936, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Sur l’esprit incarné (février 1936)
167 5° si le clerc qui s’en lave les mains ne risque pas de faire le jeu des clercs qui crient avec les loups, et de trahir de
168 questions me paraissent capitales. Et je ne vois pas comment il serait possible d’y échapper. Depuis huit ans que sa Trahi
24 1936, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Dictature de la liberté, par Robert Aron (mars 1936)
169 aut diverses dictatures, lesquelles, pour n’avoir pas été soumises dès le début à une volonté perspicace et fanatique de li
170 perspicace et fanatique de libération, ne tardent pas à se retourner contre les hommes, et à brimer nécessairement leurs vo
171 rtés réelles, leur personne. Si la personne n’est pas déjà au début d’un calcul pratique, on ne la retrouvera jamais au ter
172 ns d’urgence ». Précision qui d’ailleurs n’exclut pas une éloquence qu’on dirait jacobine si un humour très personnel ne ve
173 ités automatiques, ou « indifférenciées », et non pas au sens purement politique de tyrannie exercée par un seul homme dans
174 colonel de la Rocque, « cet en avant qui ne sait pas où aller ». y. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Robert Aron, Di
25 1936, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Kierkegaard en France (juin 1936)
175 enir certains malentendus inévitables. Je ne vise pas ici la langue des traductions, encore qu’il y ait beaucoup à dire sur
176 , ainsi, flairant le danger », il a dit : Je n’ai pas la foi, — certains pensent qu’au fond, il n’a jamais pu croire. Et po
177 inition même de la foi dans l’Évangile n’est-elle pas justement ce cri : « Je crois, Seigneur, viens au secours de mon incr
178 tivité est la vérité. » La subjectivité, ce n’est pas le subjectivisme, ce n’est pas le vague, le sentiment incontrôlé, le
179 ectivité, ce n’est pas le subjectivisme, ce n’est pas le vague, le sentiment incontrôlé, le romantisme et l’anarchie, etc.
180 le fait de devenir le sujet de la vérité, et non pas seulement son admirateur enthousiaste. On dirait, dans le langage d’a
181 unique que ce qui est vrai. Car tout ce qui n’est pas vrai comporte en soi une division et divise la volonté qu’on met à le
182 s attitudes de vie ou de pensée qui ne se fondent pas dans cette vision centrale et unitive. Il me semble que les neuf disc
183 encore qu’une grandiose ironie tant qu’elle n’est pas actualisée dans l’acte de foi. Il n’y eut jamais de sérieux absolu39
184 n soupçon : car peut-être, l’acte de foi n’existe pas  ? Peut-être n’est-ce qu’une figure de rhétorique pieuse, une illusion
185 e, le hic et nunc de la foi ? Mais alors il n’y a pas de vrai sérieux dans ma vie, tant qu’il n’y a pas eu cet acte de foi,
186 pas de vrai sérieux dans ma vie, tant qu’il n’y a pas eu cet acte de foi, ce renversement du désespoir qui s’ignore en cert
187 u réel que notre langue, je le crains, n’arrivera pas à la restituer sans bizarreries. Ceci suffit sans doute à excuser les
188 r Mme R. Bespaloff, et par moi-même. Je ne trouve pas cette violence déplacée, ni l’injustice qui l’accompagne plus onéreus
26 1936, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). L’Art poétique ou Qu’il faut penser avec les mains (décembre 1936)
189 autre chose qu’un choix délibéré, quand ce n’est pas un profond calembour. « Il est permis à chacun de se servir de tel so
190 t débrayés) ce sens partout évanouissant n’en est pas moins le sens « commun » — voire même, par antiphrase, le sens « cour
191 ans le monde d’aujourd’hui, se condamner à n’être pas compris. Paradoxe d’un génie catholique, isolé de la foule des hommes
192 mbien accepteraient l’inquisition ? Qu’on ne dise pas que la philosophie d’un grand poète importe moins que son humanité, q
193 Le monde qu’interprète l’Art poétique ne connaît pas Descartes le diviseur, ne connaît pas de localisation du spirituel, n
194 ne connaît pas Descartes le diviseur, ne connaît pas de localisation du spirituel, ne connaît pas de lois mais seulement d
195 naît pas de localisation du spirituel, ne connaît pas de lois mais seulement des formes. C’est un monde en recréation perpé
196 e que chaque être y agit pour tout ce qu’il n’est pas . « Tout cherche partout sa fin, complément ou efférence, sa part dans
197 ité que de la fin totale qu’il glorifie. Ce n’est pas notre monde tel qu’il est, mais notre monde tel qu’il est sauvé, reli
198 iviser, séparer, isoler, faire scission, ce n’est pas seulement cartésien ; et Descartes n’a fait que constater les effets
199 évélation des enfants de Dieu, parce que ce n’est pas de son propre gré qu’elle a été assujettie à vanité » (Rom. 8, 19-20)
200 et du spirituel. L’homme « se connaît donc à son pas et à l’extension de ses mains, à la facilité plus ou moindre grande q
201 ue les flics s’en mêlent, et viennent « mettre au pas  » le langage — ou saurons-nous à temps nous débrouiller et nous enten
202 é. Comment rétablir le contact ? Claudel n’écrira pas  : je vais vous expliquer cela clairement, mais : « Tel est le mystère
27 1937, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Une idée de Law (janvier 1937)
203  ; c’est 2 milliards pour vingt ans. Nous n’avons pas plus de cinq ans de guerre chaque vingt ans, et cette guerre, en outr
204 dangereux, d’une armée permanente, ne vaudrait-il pas mieux en épargner les frais et acheter l’armée ennemie, lorsque l’occ
205 g. C’est la plus forte évaluation, et ils ne sont pas tous aussi chers, comme on sait mais enfin, il y aurait encore moitié
206 ’échec de Law et l’échec de Rickett ne comportent pas de morale : je veux le croire pour la morale. Mais ils permettent d’e
207 ie économique. Le capitalisme ne serait peut-être pas un trop mauvais système si ses entreprises n’étaient constamment trav
208 bien l’honneur — le budget de l’honneur — et non pas je ne sais quels scandales… ab. Rougemont Denis de, « Une idée de
28 1937, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). De la propriété capitaliste à la propriété humaine et Manifeste au service du personnalisme, par Emmanuel Mounier (février 1937)
209 Thomas d’Aquin et de Cajetan. On ne nous propose pas un « retour » de plus à quelque médiévisme d’utopie, mais au contrair
210 , chemin faisant, démontré que la propriété n’est pas un instinct permanent, mais au contraire un besoin de l’esprit — le n
211 me — celui que redoutent les bourgeois, qui n’est pas celui de Staline… Mais si vigoureuse que soit cette analyse — et si u
212 endications, publié ici même en 1932, ne manquera pas de faire des rapprochements fort instructifs. Ce terme de personne, q
213 reprochait non sans aigreur, quand il ne faisait pas sourire les réalistes, le voilà repris et galvaudé depuis deux ans pa
214 ain des hommes »ad. À vrai dire, nous n’espérions pas un triomphe si rapide — ni de cette qualité… À nous maintenant de ren
215 e soi. 44. Je pense que Mounier ne se dissimule pas le caractère « théorique » des justifications qu’il va demander à cer
216 evient dans ce cas bien commun.) Mais je ne sache pas qu’on ait jamais songé à des théories de ce genre pour excuser la séc
29 1937, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). N’habitez pas les villes (Extrait d’un Journal) (juillet 1937)
217 N’habitez pas les villes (Extrait d’un Journal) (juillet 1937)ae Je revois, je r
218 en secret dès longtemps. Je voudrais bien n’avoir pas l’air trop romantique : mes dernières années de Paris m’avaient appri
219 cherchez une, et vous en trouverez pour rien, ou pas grand-chose. Encore faut-il savoir comment on y peut « vivre » ? C’es
220 cerai par l’inventaire de mon domaine. Je ne suis pas propriétaire, c’est entendu. Je ne possède légalement que des valises
221 n veuille « avoir » autrement. Posséder, ce n’est pas avoir. Ce n’est pas même avoir l’usage éventuel de quelque chose. Mai
222 autrement. Posséder, ce n’est pas avoir. Ce n’est pas même avoir l’usage éventuel de quelque chose. Mais c’est user en fait
223 en fait de cette chose-là. C’est donc un acte et pas du tout un droit. Et ce n’est pas une sécurité, ni rien qui dure au-d
224 donc un acte et pas du tout un droit. Et ce n’est pas une sécurité, ni rien qui dure au-delà du temps qu’on en jouit. Cette
225 je change, elle me devient impropre. Je n’hérite pas même de moi ! Ou alors, l’héritage est cela dont on ne peut pas se dé
226 i ! Ou alors, l’héritage est cela dont on ne peut pas se délivrer à temps, et devrait être défini franchement comme ce qui
227 l n’aura rien d’intime. J’ai à gagner ma vie, non pas à la regarder. Toutefois, noter les faits précis qui me paraîtront fr
228 ou d’ironie… Pour de tels hommes, certes il n’est pas deux France ! Ou plutôt elles se mêlent dans un combat indivisible et
229 vêtements, citadins mais râpés, ne la renseignent pas clairement. Et que penser d’un « Parisien » qui manifeste l’intention
230 Je le sais bien, madame Aujard, mais je ne viens pas pour mes vacances ! J’ai du travail à faire chez moi, des tas de chos
231 chez moi, des tas de choses à écrire… Elle n’ose pas m’en demander davantage. Et moi, je recule devant l’entreprise de lui
232 e pour les journaux, sans doute, mais il n’y en a pas tant à raconter sur ce pays. Je l’ai laissée en plein mystère. Elle a
233 urs sabots, que je sois sorti. La mère Aujard n’a pas toujours ce qu’on voudrait. En hiver elle fait peu de réserves de pro
234 de l’autre côté de la place, chez Mélie. Ce n’est pas simple d’éviter d’être vu par l’une, entrant chez l’autre. Mais c’est
235 t prudent, on me l’a dit. Car elles ne baisseront pas leurs prix pour garder un client, elles les augmenteront bien plutôt
236 ir d’avoir été en face. Sans compter qu’on n’aime pas être accueilli par la réprobation sournoise d’une épicière.   20 nove
237 consterné. J’affirme avec vivacité que ça ne peut pas aller. Il faut tout recommencer. Finalement l’on décide d’envoyer le
238 me tend une formule de télégramme, mais ce n’est pas un télégramme, c’est une notification officielle d’avoir à verser san
239 vendent aux baigneurs. Bien entendu, je n’arrive pas à savoir combien ce petit commerce lui rapporte, « ça dépend des anné
240 lque chose. Et s’il n’arrive rien ? « On ne meurt pas de faim dans nos pays », dit-on, et je crois bien que je l’ai dit que
241 écédent, et des raisons toutes personnelles de ne pas appeler au secours. Pourtant je suis bien tranquille, je ne l’ai même
242 e que l’insularité (géographique et morale) n’est pas une espèce de vice ? Est-ce que ce n’est pas la racine de tout l’idéa
243 ’est pas une espèce de vice ? Est-ce que ce n’est pas la racine de tout l’idéalisme dont les modernes doivent se guérir, s’
244 t enfin devenir « actuels » ? Est-ce que ce n’est pas aussi la racine de cet esprit d’abstraction égoïste dont nous souffro
245 amène à moi seul. J’ai beau faire, je ne parviens pas à partager avec les hommes de ce village ce qui est essentiel et soli
246 solide dans ma vie. Le simple fait que je ne puis pas les persuader que je travaille vraiment en écrivant, cela met entre n
247 sorte de supériorité concrète dont je ne souffre pas dans ma vanité, c’est entendu, mais bien dans mon désir de sympathie
248 ’y intéresse avec eux. Mais je ne puis ou ne sais pas encore leur parler de ce qui moi, m’intéresse : je sens trop bien qu’
249 m’intéresse : je sens trop bien qu’ils n’en sont pas curieux. De quoi donc me parlent-ils ? Du temps, et j’aime cela comme
250 ues, toujours révélateurs pour moi d’un monde non pas absolument nouveau, mais nouvellement intéressant. Et quand nous somm
251 des anecdotes subitement sans intérêt. Je ne sens pas qu’ils se méfient de moi. Simplement, ils n’ont jamais formé de phras
252 propos de ces choses-là. Non seulement je ne sens pas qu’ils se méfient de moi en tant qu’intellectuel ou « spécialiste »,
253 aliste », mais encore je devine qu’ils n’estiment pas que je puisse avoir une opinion plus avertie que la leur sur les suje
254 sujets que je viens de nommer. Ils ne se doutent pas que c’est de cela précisément qu’un écrivain peut faire sa « spéciali
255 ne naïveté impardonnable ? — Pourtant, je ne suis pas prêt à me donner tort, c’est-à-dire à donner raison au bon sens de l’
256 Déjeuné, après le culte, chez M. Palut. Il n’est pas pasteur en titre, mais seulement « évangéliste » au service d’une œuv
257 olportage de bibles de porte en porte. On ne peut pas dire que tout ce travail épuisant dans l’inertie soit resté absolumen
258 els il devrait exercer sa mission. Ils ne veulent pas même l’écouter, et toute sa raison d’être est cependant de leur parle
259 arler. Il n’a rien d’autre à faire, et il ne peut pas le faire. Et de plus, il est seul à croire qu’il doit le faire. Il m’
260 vie humainement absurde. Non qu’il n’en distingue pas l’absurdité, mais simplement il sait pourquoi il la subit. Fils d’un
261 ’arrêtais d’écrire, par fatigue, je ne me sentais pas la bonne conscience de l’employé qui a fait sa journée et qui pense m
262 t sans cesse aux mêmes préoccupations. Ce n’était pas cette vacance où les idées et sentiments changent de climat. Le loisi
263 et sentiments changent de climat. Le loisir n’est pas simplement la cessation du travail pour un repos nécessaire. Il se dé
264 sirs.   23 janvier (écrit sur la dune) Il ne faut pas se mettre en colère au mois de janvier. C’est une saison abstraite, o
265 aine agrandit les regards sans nourrir la vision. Pas de mouches dans la lumière au ras des landes. Lucidité stérile du bel
266 du désespoir, et c’est l’humilité. Si je ne suis pas important, le monde s’agrandit. Je puis encore aimer des paysages qui
267 it. Je puis encore aimer des paysages qui ne sont pas mon état d’âme, mais une parole à déchiffrer. L’humilité m’apporte de
268 ment. C’est un moyen de sortir de l’impasse : non pas en changeant ses données, mais soi-même.   28 février Gens. Il est t
269 bsurde et violemment inacceptable, qui ne s’ouvre pas sur l’attente d’une révélation à venir, et d’une « consolation » fina
270 bien ainsi, et très complet.)   10 avril Je n’ai pas encore parlé de la poule, la triste et digne poule noire qui habite s
271 es idées, etc., mais encore ils ne comprendraient pas même de quoi il s’agit quand je parle d’eux précisément, et des probl
272 sion » entre cet homme et la culture ? N’y a-t-il pas là deux mondes qui n’ont jamais eu de contact, ni jamais de commune m
273 de les rendre telles qu’elles puissent, je ne dis pas être comprises, mais au moins, en pensée, confrontées sans un ridicul
274 ou les êtres qu’ils sont censés représenter n’ont pas dans la réalité. À la fin on obtient l’absurdité que j’éprouvais, mai
275 . Le principe de toute culture véritable n’est-il pas cette commune mesure, sinon de raisons formulables, du moins… d’angoi
276 j’en suis ». Et je ne suis guère, si je n’en suis pas . Et je ne pense bien, valablement, en vérité, que si je me sens et me
277 ées d’algues sombres dont le crépitement sous nos pas fait fuir et choir de tous côtés de petits crabes. Des ruisseaux, des
278 en train de déchiqueter une jeune gazelle ne fait pas tant d’histoires, ne fait pas de sentiment. Et pourtant, ma sensibler
279 une gazelle ne fait pas tant d’histoires, ne fait pas de sentiment. Et pourtant, ma sensiblerie n’est hypocrite que parce q
280 out obscure.   24 mai On dirait que l’homme n’est pas fait pour durer : la vie étale nous ennuie, c’est ce qui naît et ce q
281 nant emportée par la force centrifuge, il ne faut pas freiner mais peser à fond sur l’accélérateur. Je suis allé à A. achet
282 l de l’absence, ou plutôt du retrait. (Il ne faut pas que ce soit une feinte, bien entendu, cela ferait tout rater ; il fau
283 gérant me fait un signe, et comme je ne comprends pas , il passe sa portette et vient me prier à voix basse d’aller attendre
284 e. J’attends je ne sais combien de temps, je n’ai pas de montre, mais c’est très long. Aucun bruit de voix dans la salle de
285 « Vous savez, c’est la coutume, ici ils n’aiment pas qu’il y ait d’autres personnes dans la salle quand ils payent ou quan
286 ville prochaine sur le continent) ils n’auraient pas idée de ça, au contraire, ils sont tout fiers de venir à la banque. I
287 puis juger d’après les propos du gérant, ce n’est pas seulement la crainte, après tout légitime, qu’on sache combien ils on
288 leur milieu, comme les animaux. Ils ne se posent pas de questions gênantes. Or, c’est mon métier d’en poser… Il vaut mieux
289 ans vague à l’âme. C’est quelque chose. Je ne dis pas que c’est le bonheur, je n’ai jamais très bien compris ce mot, que ta
290 utilement. ae. Rougemont Denis de, « N’habitez pas les villes (Extrait d’un journal) », La Nouvelle Revue française, Par
30 1937, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Gösta Berling, par Selma Lagerlöf (novembre 1937)
291 s chalands, l’économie agraire, tout cela ne joue pas un moindre rôle que la nature, les ours et les trolls des forêts, dan
292 forêts, dans les exploits des Cavaliers. Ce n’est pas du réalisme socialiste, c’est la réalité sociale plus toutes les autr
31 1937, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Au dossier d’une vieille querelle (novembre 1937)
293 lle). D’autres clercs, conséquents, ne manqueront pas d’en conclure qu’ils n’ont pas à se mêler aux luttes sociales et poli
294 nts, ne manqueront pas d’en conclure qu’ils n’ont pas à se mêler aux luttes sociales et politiques où leur raison a tout à
295 ant Dieu ». Et au sujet du second : « qu’il n’est pas avantageux de contenter les hommes en offensant Dieu ». J’en conclus
296 à une vie qui en a grand besoin. Que cela n’aille pas sans risques, c’est l’évidence. Mais il s’agit de savoir ce que l’on
297 a su y prévaloir sur quelques points. On ne voit pas bien pourquoi il faudrait s’arrêter. Et même, à faire le petit rentie
32 1938, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Le Monastère noir, par Aladár Kuncz (janvier 1938)
298 e, illustre et concrétise une condition qui n’est pas seulement celle du prisonnier proprement dit, mais, peu ou prou, de c
299 ocès une signification théologique. Mais ce n’est pas la seule possible. Il y a aussi dans ce livre une parabole de l’homme
33 1938, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Victoire à Waterloo, par Robert Aron (février 1938)
300 t nous démontre que l’équation Napoléon n’en doit pas moins avoir pour second membre l’abdication. Il y a sans doute une th
301 ychiques. » C’est donc devant sa destinée, et non pas devant Blücher, ce hasard, que l’empereur devait succomber. Mais pour
302 gie. Nous avons fait un empire géant pour n’avoir pas été capables de fédérer nos communes. » Voilà l’épigraphe de l’ouvrag
303 été qu’il faut bâtir « à hauteur d’homme » et non pas à hauteur d’idéologies. Peut-être ai-je trop insisté sur l’actualité
34 1938, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Une révolution refoulée (juillet 1938)
304 le nom d’antifascisme, c’est normal. On n’arrête pas une révolution lorsqu’elle est nécessaire, et c’est le cas. Mais il a
35 1938, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Page d’histoire (novembre 1938)
305 nête des deux principes. D’une part la SDN ne fut pas une fédération, aucun des États constituants n’ayant renoncé à aucune
306 sudètes. Une cession purement diplomatique n’eût pas compté à ses yeux. La religion dont il était le fondateur voulait le
307 D’ailleurs, les réactions des masses ne tardèrent pas à démontrer que Chamberlain avait su exprimer l’une des tendances fon
308 de l’Europe. Hitler comprit que son heure n’était pas encore venue. Il se vit contraint d’accepter la réunion à Munich d’un
309 victoire symbolique du principe fédératif ne fut pas exploitée par les nations qui l’avaient remportée comme malgré elles
36 1939, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Propos sur la religion, par Alain (avril 1939)
310 de 1908 à 1935, mais la position de l’auteur n’a pas varié durant ce temps. Elle se ramène, me semble-t-il, à ceci : la re
311 aie », et même « l’obligation de croire ne digère pas beaucoup du devoir de penser » (commencez par croire, vous finirez pa
312 te sagesse qui se respecte, celle d’Alain ne peut pas tenir compte des données concrètes du christianisme : le péché, le sa
313 matière de « croyance », débat dont je ne trouve pas trace dans les évangiles, s’il est vrai qu’il encombre une bonne part
314 oi : tout ce qui n’est que sociologie. (Je ne dis pas que ce soit négligeable.) Pour situer la sagesse d’Alain, qu’on songe
315 rsuive donc son enquête, si toutefois il ne tient pas à avoir raison comme Napoléon, qui faisait les demandes et les répons
37 1939, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Don Juan (juillet 1939)
316 ur, dans le dernier acte de Mozart. Non, ce n’est pas l’animal, mais l’homme ; et non d’avant, mais d’après la morale. Poin
317 contre eux. Si les lois de la morale n’existaient pas , il les inventerait pour les violer. Et c’est cela qui nous fait pres
318 l’école viennoise ? Le beau sujet ! Ils ne l’ont pas manqué. Pour eux aussi, Don Juan serait le contraire de ce que l’on c
319 ent exercer sur presque tous les hommes, n’évoque pas une idée de santé. Mais dans cette furie insolente, dans cette jactan
320 rait par exemple le type de l’homme qui n’atteint pas au plan de la personne, où pourrait se manifester ce qu’il y a d’uniq
321 l qu’il soit ? Celui qui cherche, c’est qu’il n’a pas  ; mais peut-être aussi qu’il n’est pas ? Celui qui a, vit de sa posse
322 qu’il n’a pas ; mais peut-être aussi qu’il n’est pas  ? Celui qui a, vit de sa possession et ne l’abandonne pas pour l’ince
323 lui qui a, vit de sa possession et ne l’abandonne pas pour l’incertain, — entendez : s’il possède vraiment. Don Juan serait
324 ède vraiment. Don Juan serait l’homme qui ne peut pas aimer, parce qu’aimer c’est d’abord choisir, et pour choisir il faudr
325 ir, et pour choisir il faudrait être, et il n’est pas . Mais le contraire n’est pas moins vraisemblable : Don Juan cherchant
326 it être, et il n’est pas. Mais le contraire n’est pas moins vraisemblable : Don Juan cherchant partout son idéal, son « typ
327 e muer en l’image de Tristan. Mais il ne trouvera pas . Il est Don Juan parce qu’on sait qu’il ne peut trouver, soit impuiss
328 e don juanisme est une passion de l’esprit et non pas comme nous aimions le croire, une exultation de l’instinct, tout port
329 ct, tout porte à supposer que cette passion n’est pas toujours liée au sexe. Et même il faut se demander si la sensualité,
330 demander si la sensualité, précisément, ne serait pas le domaine où Don Juan se révèle le moins dangereux. (Appelons ici da
331 tion au Commandeur. Or Dieu se tait. Il ne relève pas le défi. Nietzsche attend dans la nuit désertique des hauteurs. Une a
332 times. Mille et trois vérités se sont rendues, et pas une seule n’a su le retenir. Qu’importent les « contradictions » ! Ce
333 r. Qu’importent les « contradictions » ! Ce n’est pas pour bâtir un système qu’il réfute, dénonce et détruit, c’est pour la
334 sme — fulgurations toujours décevantes : ce n’est pas elle qu’il vient de posséder… Ô haine de leurs vérités faibles ! La V
335  ! L’Éternité, c’est le retour des temps ; et non pas la victoire sur le temps… Mais dans le temps, disait-il, Dieu est mor
336 ille e tre”. » C’étaient les femmes qu’il n’avait pas eues, par fidélité à la sienne. Où est la tricherie ? Dans ce défi in
38 1939, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). La Poésie scientifique en France au xvie siècle, par Albert-Marie Schmidt (septembre 1939)
337 s que ceux que nous pensions connaître. Ils n’ont pas été restaurés par les auteurs de manuels, ni patinés par nos lectures
338 re classique a voulu faire le sacrifice. Ce n’est pas rien ! Cela donne à Phèdre un air de luxe fou : pour fondre ce bijou
339 us le rendre proprement inimaginable ? N’a-t-elle pas dissocié Nombre et Verbe au point de rendre puérile à nos yeux l’ambi
39 1940, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Au sujet du Journal d’André Gide (janvier 1940)
340 traîne le jugement. Gide a tant répété : Ne jugez pas  ! qu’il a fini par se rendre lui-même littéralement « inestimable ».
341 is évoquer que l’exemple de Goethe, dont ce n’est pas telle œuvre ou telle action que j’aime, mais bien le paysage vital, a
342 mportantes à dire sont celles que souvent je n’ai pas cru devoir dire — parce qu’elles me paraissaient trop évidentes. » Si
343 le en relatant ses journées, comment ne serait-on pas tenté de dire surtout ce qui a frappé, ce qui est bizarre, ce qui fai
344 it exception justement. Et comment ne céderait-on pas à l’invite d’une formule, d’une épigramme sur tel ami dont il semble
345 e » que nature. Gide lui-même, à ce jeu, ne s’est pas épargné : « Je ne suis qu’un petit garçon qui s’amuse — doublé d’un p
346 outade dont certains, contre lui, ne se priveront pas d’abuser. Voici qui va fort loin dans la critique du genre : « Je ne
347 rt loin dans la critique du genre : « Je ne pense pas qu’il y ait grand profit à tirer de ces examens de conscience où l’on
348 e le désir de compenser ou de parfaire ce qui n’a pas été vécu, ou mal vécu. (« J’avais besoin de lui pour me ressaisir ».)
349 qui me retient [d’entrer dans l’église], ce n’est pas la libre pensée, c’est l’Évangile. » Mais n’y a-t-il pas, à l’origine
350 libre pensée, c’est l’Évangile. » Mais n’y a-t-il pas , à l’origine de ce refus de toute église (tant reformée que catholiqu
351 … » Kierkegaard, lui aussi, répétait : je ne suis pas chrétien. Mais c’était par désir de sauver une conception pure de la
352 conception pure de la foi, dont il ne s’estimait pas digne, et qu’il confessait par là même. Gide paraît surtout attentif
353 de l’obéissance à une orthodoxie qui ne prétende pas s’emparer de l’Évangile, mais au contraire s’y ordonner. « Orthodoxie
354 les problèmes qui se posent à nous, nous n’avons pas pu les choisir, et encore moins les circonscrire dans un domaine priv
355 les positions auxquelles on tient, et qui ne sont pas exactement les siennes… ar. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Au
40 1940, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Hommage à C. F. Ramuz (mai 1940)
356 Valéry. Et les quatre langues suisses — n’oubliez pas le ladin des Grisons — viennent dire au dessert leur couplet. Ce comp
357 étique, d’humour vaudois et de cosmopolitisme non pas à la manière de Genève mais à celle des troubadours, voilà bien la co
358 in, l’on est au-delà de la psychologie. « N’allez pas chercher derrière la forme, disait Goethe, elle est elle-même enseign
41 1951, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Un complot de protestants (novembre 1951)
359 « Eh bien ! si c’est ainsi, allons le voir de ce pas , voulez-vous ? » Alors, seulement, je comprends qu’il avait dit : « J
360 st un complot de protestants ! » Le mot ne manque pas de pertinence. Tous les matins, vers onze heures, il viendra entrouvr
361 hoche la tête, trouve cela très curieux, n’est-ce pas  ? — un éclair de malice au coin de l’œil. Puis il a quelques phrases
362 ngtemps gardé cette illusion que la femme n’avait pas besoin du commerce physique, autant que nous. Hélas, je ne voyais pas
363 ce physique, autant que nous. Hélas, je ne voyais pas clair. On se trompe ainsi, et les conséquences. J’ai été assez bête p
364 et chez les autres résolu, croient-ils. Je ne dis pas qu’il torturait Gide, hors quelques crises dont nous avons les témoig
365 raît presque inégalé depuis Montaigne. (Je ne nie pas un instant son lyrisme.) Et c’est ainsi qu’il réussit à remplacer le
366 é ? Le paradoxe n’est qu’apparent. Qu’on n’oublie pas sa formation chrétienne ; ses lectures prolongées et sans cesse renou
367 ément. Mais comment définir un saint qui ne croit pas  ? Un saint privé de foi autant que de religion, ni chrétien ni hindou
368 hindou, sans mystique, ni mystère ? Ne serait-il pas un homme tout à fait plat, réduit à quelques partis pris éthiques ? C
369 ée de la synthèse du christianisme. Elle n’existe pas hors de lui, et n’est pas explicable sans lui. (Je ne dis pas qu’elle
370 tianisme. Elle n’existe pas hors de lui, et n’est pas explicable sans lui. (Je ne dis pas qu’elle soit chrétienne pour auta
371 lui, et n’est pas explicable sans lui. (Je ne dis pas qu’elle soit chrétienne pour autant.) Gide était individualiste. Savo
372 je constate simplement le phénomène. Je ne tiens pas la foi pour une vertu plus que l’absence de foi pour une preuve de co
373 n’ont rien à voir avec la bienséance, et ne sont pas de l’ordre des mérites. Et c’est pourquoi il est écrit : « Ne jugez p
374 ites. Et c’est pourquoi il est écrit : « Ne jugez pas  ! » J’avoue que je comprends mal, ou plutôt que je réprouve, ces disc
375 plus vient renforcer notre parti, et qu’il n’est pas le premier venu. C’est usurper la place du Juge, ou mêler vanités et
376 la religion. Le vrai croyant demain, ne sera-t-il pas celui qui osera dire : « Je ne crois pas ! » quand l’État contre l’ho
377 era-t-il pas celui qui osera dire : « Je ne crois pas  ! » quand l’État contre l’homme invoquera les Nécessités de l’Histoir
378 invoquera les Nécessités de l’Histoire ? Il n’est pas de vraie foi sans vrai doute, plus qu’il n’est de lumière sans ombre.
379 u’il n’est de lumière sans ombre. Et je n’entends pas dire que Gide fut un croyant, mais il reste un douteur exemplaire.
42 1957, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). La découverte du temps ou l’aventure occidentale (mars 1957)
380 et civilisations ont trouvé mieux peut-être, mais pas cela. Est-il possible d’attribuer aux « inventions » les plus typique
381 ant de contradictions ? L’unité de l’Europe n’est pas définissable par un contour géographique, moins encore par un consens
382 du siècle dernier, les Occidentaux n’ont presque pas varié quant à la date de naissance de l’humanité. Un professeur de Ca
383 r, revenir comme les saisons, il n’appartiendrait pas à l’Histoire, mais au Mythe. De même l’individu ne devient une person
384 s. Mais d’où viendrait notre malaise ? Comment ne pas voir qu’il serait intimement lié, chez ceux qui l’éprouveraient, au s
385 mort, qui libère et suscite la personne. Ce n’est pas un hasard si le premier auteur d’une philosophie de l’Histoire — la C
386 a réalité. Sans la Résurrection, l’homme n’aurait pas la preuve d’une existence qui échappe au temps et à la mort. « Si le
387 happe au temps et à la mort. « Si le Christ n’est pas ressuscité, votre foi est vaine et vous êtes encore dans vos péchés. 
388 seconde par des actes libres, elle n’y détermine pas une loi d’évolution. Le Moyen Âge ira beaucoup plus loin, non pas dan
389 olution. Le Moyen Âge ira beaucoup plus loin, non pas dans le sens du risque, mais dans celui des normes. C’est une vision
390 à mesure qu’il s’éloigne du mythe. Il n’en reste pas moins que l’extension soudaine des dimensions de l’Histoire, telle qu
391 ine d’années) il se révèle que notre humanité n’a pas derrière elle six-mille ans, mais probablement six-cent-mille. Et que
392 onséquences qui jouent en fait — mais je ne pense pas en droit — contre l’idée occidentale de l’homme. L’importance apparen
393 du xxe siècle. Comme il est clair qu’on ne peut pas « être » dans l’Histoire rédigée par les historiens, on voit qu’il s’
394 distinguer encore du temps lui-même ? N’est-elle pas simplement une manière de le penser qui le ferme à toute transcendanc
395 interdit tout recours ? « Au monde comme n’étant pas du monde », disait saint Paul. Mais l’Histoire absolue veut que l’hom
396 biographies s’arrachent, et beaucoup n’attendent pas la cinquantaine pour se mettre au passé dans un livre. Mais la répons
397 « être » de toute nécessité, sous peine de n’être pas . Celle-ci marque un recul devant le risque du temps. La conscience de
398 t le risque béant, soudain total, l’homme qui n’a pas de foi cède au vertige. Sa dernière résistance à l’angoisse du temps
399 du sens de la personne et de la liberté. Ce n’est pas qu’on n’aime plus être soi librement, ni vraiment qu’on renie la pers
400 c’est tenter de se convaincre que le temps ne va pas apporter la négation de ce que je suis, de ce que j’attends, de mes c
401 es autres, redoutées ou voulues, ne se confondent pas seulement dans leur vision précise d’un avenir donné pour fatal, mais
402 ributaire — et c’est pourquoi l’Orient ne produit pas d’utopies. Concevoir une utopie et agir d’après elle, massacrer pour
403 par nos choix fondamentaux. Car la question n’est pas de savoir « ce qui arrivera », mais de savoir dès maintenant ce que n
404 er arriver ou à faire arriver ; la question n’est pas de supputer le sens probable d’un devenir fatal, pour nous « ajuster 
405 iginer qu’en la personne. Bref, la question n’est pas de deviner l’Histoire, mais de la faire. Seules nos options présentes
43 1961, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). La personne, l’ange et l’absolu, ou le dialogue Occident-Orient (avril 1961)
406 et oblitère son mandarinat. Enfin, l’Occident n’a pas plus tôt découvert l’art nègre, les masques, la magie, le jazz, que l
407 uvrons avec passion dans le Tiers Monde, ce n’est pas ce dont il vivait, c’est ce qui manquait à nos élites, ou qu’elles ne
408 oi. Ce que le tiers-monde nous emprunte, ce n’est pas notre créativité, mais ses produits. Nous découvrons leurs secrets sp
409 cédés de gouvernement et nos techniques, mais non pas les tensions spirituelles qui en étaient le moteur secret. Ce qui éta
410 onnel, donc créé par une vocation, et il ne tombe pas sous le sens comme le « vieil homme », puisque sa vie « nouvelle » es
411 ’un scrupule la personne et tout ce qu’elle n’est pas — l’individu, la persona, la « forte individualité », l’âme sensitive
412 ique soufi, « la totalité de notre être, ce n’est pas seulement cette partie que nous appelons présentement notre personne,
413 t comme Fravarti 62. » L’Ange des soufis n’évoque pas seulement cette part initiante de l’être renouvelé qui demeure cachée
414 , et comme le christianisme véritable, ne demande pas d’abord ce qu’est l’homme, mais qui es-tu ? Toute réalité dernière es
415 s de ses vies successives. Car si le moi n’existe pas , qu’est-ce qui transmigre64 ? Mais ce moi, cet ego, cette entité dist
416 la métaphysique des autres ? En fait, on ne voit pas les Sages de l’Asie dénoncer sans relâche, comme on pourrait s’y atte
417 ux temps anciens où nos affirmations n’existaient pas , ou leur demeuraient inconnues. Dès les premiers commentaires aux Ved
418 e but est donc « de nous apprendre le moyen de ne pas renaître », nous dit une moderne interprète du bouddhisme tibétain66.
419 édantins comme des premiers bouddhistes, ce n’est pas encore la personne, mais l’obstination de l’ego qui veut durer au-del
420 un autre ? — Non, il n’y en a point. — S’il n’y a pas de transmigration, peut-il y avoir une réincarnation ? — Oui, c’est p
421 de quoi ? De la vision-en-soi, du Cela qui n’est pas personnel et se joue à travers notre moi. Ainsi tout l’Orient des doc
422 e fondateur du zen) l’a déclaré, zen ne se soucie pas de disserter sur des notions abstruses telles que Dieu, la Vérité ; c
423 ème Patriarche de la secte (638-713) : « Ne pense pas au bien ni au mal, mais regarde ce qu’est, au moment présent, ta phys
424 e, est : toi-même. ⁂ Les différences ne sont donc pas où l’on croyait, ne sont jamais exactement ce que l’on croyait. Si no
425 l’individu et le « vrai moi ». (L’individu n’est pas le mal en soi : il ne devient mauvais que dans la seule mesure où il
426 efuse à l’amour. Et de même le « vrai moi » n’est pas le bien en soi, car il peut devenir un monstre.) Pour aimer, il faut
427 ue. Mais les motifs de cette condamnation ne sont pas les mêmes : les moralistes jugent au nom de la société, les spirituel
428 chain soit un même acte : sinon le comme n’aurait pas son plein sens. Dans l’amour de soi-même, l’homme naturel s’ouvre à l
429 la plus haute valeur de l’Occident chrétien n’est pas la connaissance détachée mais le sacrifice personnel, et si le sacrif
430 nt ce qu’il lui sacrifie ? Le masochisme n’est-il pas le moment de retombement de l’âme frustrée, quand l’esprit qui l’appe
431 . Mais celui qui se hait de cette manière ne peut pas aimer le prochain : il ne peut voir en lui que son semblable — un cor
432 et ascétisme non-transfigurant, Nietzsche n’écrit pas sans raison : « Il faut craindre celui qui se hait lui-même, car nous
433 ’autre extrême où se porte l’âme irritée mais non pas convertie par l’esprit — comme l’a si bien vu Kierkegaard. Tout amour
434 espect du mystère exigeant de l’Autre qu’il n’est pas assez « spirituel » pour aimer. (Mais s’il l’était assez, il retrouve
435 ssu conjonctif de toutes les sociétés qui ne sont pas un ordre.) L’école iranienne Il n’existe plus de communauté hum
436 toujours à faire exister quelque chose qui n’est pas encore existant dans l’Aimé.78 On reconnaît ici les « notes » de l’a
437 i procède du Seigneur, il s’ensuit que l’un n’est pas le prochain de la même manière que l’autre… ; il n’y a jamais chez de
438 c’est pourquoi j’ai osé dire que Tristan n’aimait pas Iseut — cette passion n’est-elle pas mieux vue si l’on évoque les Fra
439 tan n’aimait pas Iseut — cette passion n’est-elle pas mieux vue si l’on évoque les Fravartis du mazdéisme, les figures angé
440 ’âme et de sa Dâenâ au pont Chinvat ? Et n’est-ce pas pour avoir désiré l’amour de l’Ange que les amants de la forêt du Mor
441 « leur engagement — comme dira Novalis — n’était pas pris pour cette vie », mais pour l’autre ? S’il est une « erreur de T
442 ent l’adultère de la femme mariée ; mais ce n’est pas au nom de l’amour, on le pense bien.) « Écarte les choses, ô amant, t
443 e dit un texte tibétain, la notion de Toi ne vaut pas mieux. « La morale bouddhique, qui est une sorte d’hygiène spirituell
444 douleurs ; qui a un amour a une douleur ; qui n’a pas d’amour n’a pas de douleur. » Si l’on s’en tient aux textes, la cause
445 un amour a une douleur ; qui n’a pas d’amour n’a pas de douleur. » Si l’on s’en tient aux textes, la cause est entendue :
446 use est entendue : l’Asie métaphysique ne connaît pas l’amour, — j’entends l’amour de Dieu, de soi et du prochain, l’amour-
447 our matrimonial. Mais on me dira que l’Asie n’est pas toute spirituelle, et que la vie ne s’en tient pas aux textes. On ajo
448 as toute spirituelle, et que la vie ne s’en tient pas aux textes. On ajoutera peut-être qu’on ne voit pas de raisons pour q
449 s aux textes. On ajoutera peut-être qu’on ne voit pas de raisons pour que l’Orient réel soit plus conforme aux sermons du B
450 Mais l’amour parfait est celui dont l’objet n’est pas limité. C’est cet amour qui est l’amour pur, l’amour de l’amour même,
451 ait, qui peut libérer l’esprit du désir… Ce n’est pas le plaisir mais le désir qui lie l’homme et qui est un obstacle à son
452 ils viennent, mais avec un cœur détaché. Il n’est pas victime du désir.88 » Ce « détachement » tout accueillant, cette appr
453 asins) qui ont épuisé la coupe, ou la dédaignent. Pas de drame, encore moins de tragique, et surtout pas de tout ou rien, m
454 as de drame, encore moins de tragique, et surtout pas de tout ou rien, mais d’innombrables variétés dans l’approche de l’ul
455 verrions contradiction, antinomie, ils ne montent pas sur leurs grands chevaux théologiques, mais chacun suit sa voie, son
456 dogme, tandis que leurs divergences ne s’opposent pas . S’il arrive que certaines de leurs croyances semblent bien se confon
457 tion évangélique d’aimer aussi son ennemi ne sont pas absentes du bouddhisme car l’ennemi et toi-même ne diffèrent que par
458 Éros en Agapè »90. Je répète que tout cela n’est pas contradictoire, dans une philosophie sans dogmatique. Nous parlerons
459 nséquence logique ? Mais notre science n’a-t-elle pas inventé plusieurs logiques, aussi valables l’une que l’autre ? Elles
460 importe qui m’avertira que le Soi de l’Inde n’est pas le vrai Dieu des chrétiens, qui est personnel. On connaît les définit
461 science de ce qu’il est ou peut devenir. N’est-ce pas l’aider à réfléchir la lumière de l’amour créateur ? Non, ce serait l
462 ’amour créateur ? Non, ce serait là trop dire, et pas assez. Aimer, c’est aider l’autre à se situer de telle manière que la
463 . — La vue juste distingue et juge, mais ne peut pas nier le trouble. Dans ce moi peu ou point différencié que la vie nous
464 imagine — au sens fort — la personne. Il ne faut pas jeter la vie avec l’erreur, mais aimer mieux. Non pas éteindre ou dép
465 jeter la vie avec l’erreur, mais aimer mieux. Non pas éteindre ou dépasser, mais transmuter, transfigurer ! Aimer mieux, c’
466 ’a rien en soi qui mérite l’amour. Cela n’empêche pas la poésie, les amours poétiques, ni le désir, ni « cette adoration do
467 soute et le monde avec elle. Car le monde ne doit pas être refusé mais dissous.92 — Je veux voir l’autre en sa réalité, qu
468 crée comme personnes bien distinctes. Tu ne vois pas la femme que tu crois aimer. — Quand je saurai aimer le Soi en elle,
469 Depuis six millénaires, les sages de l’Asie n’ont pas varié dans leur croyance à la dualité de l’Un et du Multiple, dualité
470 Un seul, sans laisser aucune trace, comme n’ayant pas eu lieu. Le triomphe de ces spirituels et de leur eschatologie se con
471 e pourra le vérifier à la consommation des temps, pas même le Soi qui dormira dans un sommeil sans rêves — leur idée du bon
472 usqu’ici, et que ces doctrines d’extinction n’ont pas tué l’illusion du moi ; au contraire, ce moi sans valeur est en train
473 des corps vivants, l’homme d’Occident ne cherche pas seulement à dévoiler ses lois secrètes, mais à se transformer lui-mêm
474 suit la vraie religion.” (La vraie ! Aux autres, pas de bonjour.) » 86. Lingopasanârahasya. 87. Alain Daniélou, Le Poly