1
dont la composante réelle tend vers zéro, c’est d’
une
philosophie de l’existence personnelle qu’avant tout nous avons besoi
2
pose le type le plus efficace. Et c’est ainsi par
une
nécessité organique — nous sommes nécessiteux — que son œuvre entre e
3
ainsi qu’en témoigne l’accueil fait à la pensée d’
un
Karl Barth, génial disciple du Danois, et dont il est grand temps qu’
4
fractaire à toute description, car elle opère sur
des
mythes concrets plutôt que sur des formules explicites. Même dans son
5
elle opère sur des mythes concrets plutôt que sur
des
formules explicites. Même dans son essai le plus discursif, relativem
6
dépendance leur valeur originale. Kassner reprend
un
des thèmes essentiels du préromantisme allemand, l’opposition de l’an
7
endance leur valeur originale. Kassner reprend un
des
thèmes essentiels du préromantisme allemand, l’opposition de l’antiqu
8
e comme on le fit en France, mais du point de vue
des
valeurs vitales (problème que notre xviie siècle se devait de ne pas
9
grandeur parce qu’il possède la mesure au sein d’
un
tout fini : famille, dieux, nature. Il ne se recherche pas soi-même,
10
insi le chrétien existe en tant que le péché crée
une
tension entre lui et Dieu. Mais le péché ne devient réalité que pour
11
erne et de tension par le péché, il n’est plus qu’
un
être sans destinée, un « indiscret ». « Sa substance interne est crev
12
le péché, il n’est plus qu’un être sans destinée,
un
« indiscret ». « Sa substance interne est crevassée et divisée. Son œ
13
e son essence intime ressemble par quelque côté à
un
outrage, voire à une impudeur. » À l’opposition du Beau objectif et d
14
ressemble par quelque côté à un outrage, voire à
une
impudeur. » À l’opposition du Beau objectif et de l’Intéressant senti
15
ui préside à son analyse de l’indiscret nous vaut
une
description inégalable du mal du siècle. Ici le mépris ne porte aucun
16
onne la sensation à peu près unique en ce temps d’
une
pensée autoritaire. Entendons que pour lui, penser n’est pas se débat
17
ne lentement à l’impuissance. (Si Kassner exprime
un
tourment, c’est en tant que la réalité humaine, non sa pensée privée,
18
mentée.) Penser n’est pas non plus s’ingénier sur
des
idées et des combinaisons d’idées mais créer de tout son être spiritu
19
er n’est pas non plus s’ingénier sur des idées et
des
combinaisons d’idées mais créer de tout son être spirituel des faits
20
ons d’idées mais créer de tout son être spirituel
des
faits nouveaux et vrais, dans un certain style. Car il n’est point de
21
être spirituel des faits nouveaux et vrais, dans
un
certain style. Car il n’est point de vérité sans forme. Quelques page
22
en elles-mêmes et comme à l’état sauvage, non par
une
explication qui les réduise et qui les domestique. Une pensée neuve n
23
xplication qui les réduise et qui les domestique.
Une
pensée neuve ne saurait être comprise à moins d’être recréée dans sa
24
as numéro deux. Car il ne s’agit pas de professer
une
chose mais d’être la chose. Le rare, c’est que chez Kassner comme che
25
me chez Kierkegaard, cette présence s’accommode d’
une
ironie qui chez d’autres serait plutôt le fait du détachement. Une ir
26
ez d’autres serait plutôt le fait du détachement.
Une
ironie à l’intérieur des choses, qui les fouille et les purifie, une
27
le fait du détachement. Une ironie à l’intérieur
des
choses, qui les fouille et les purifie, une ironie née de la rigueur
28
rieur des choses, qui les fouille et les purifie,
une
ironie née de la rigueur et non du scepticisme2. Le dialogue de Laure
29
r Krooks sur Judas et la Parole est à cet égard d’
une
saveur particulièrement riche et complexe. (« … les bavards ne tirent
30
les paroles qu’ils profèrent ; ils les reçoivent
des
prophètes ; s’il n’y avait pas de prophètes, les bavards seraient peu
31
pas de prophètes, les bavards seraient peut-être
des
créatures très silencieuses, comme les belettes ou les étoiles filant
32
e de l’empereur Alexandre Ier de Russie, n’est qu’
une
suite de méditations sur le thème du tout-ou-rien moral qui caractéri
33
ins de paradoxe et plus de délectation peut-être,
une
acuité lente de la réflexion, un alliage précieux de hauteur, de rigu
34
tion peut-être, une acuité lente de la réflexion,
un
alliage précieux de hauteur, de rigueur et de pitié humaine, une rete
35
cieux de hauteur, de rigueur et de pitié humaine,
une
retenue presque solennelle mais qui sans cesse frôle l’humour, et par
36
ruine intérieurement ; ou encore les dissout dans
une
réalité plus absolue. Telle est la forme des dialogues où culmine son
37
dans une réalité plus absolue. Telle est la forme
des
dialogues où culmine son art. De ces dialogues, où chaque interlocute
38
onclusion ne peut être qu’implicite et fonction d’
une
hiérarchie de valeurs, non de la seule exactitude des pensées —, nous
39
hiérarchie de valeurs, non de la seule exactitude
des
pensées —, nous connaissons le modèle immortel, le Livre de Job. Il s
40
jusqu’au Soulier de Satin de Claudel : ce serait
une
sorte de généalogie du réalisme poétique. 1. Obscurité : Kassner ne
41
nos catégories psychologiques. Il prend tout par
des
biais qui nous sont peu familiers. Et puis enfin, voilà une philosoph
42
qui nous sont peu familiers. Et puis enfin, voilà
une
philosophie qui postule la vision, c’est-à-dire l’appréhension poétiq
43
nt les romantiques allemands. Rien de commun avec
un
Renan, un France. a. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Rudolf Ka
44
antiques allemands. Rien de commun avec un Renan,
un
France. a. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Rudolf Kassner, Les
45
)b Quelque chose d’espagnol dans la démarche ;
un
tour qui ferait penser aux conteurs de la fin du xviiie ; des sujets
46
ferait penser aux conteurs de la fin du xviiie ;
des
sujets dans le goût allemand, tels sont les éléments qui composent no
47
n, qu’il imagine et dont il meurt. Car la vie est
une
espèce de marâtre et n’a que faire de nos tendresses. Les sujets de J
48
ent sur eux leurs forces. Le monde est habité par
des
êtres dont le « bonheur » consiste à ne pas se rendre compte de ce qu
49
dre compte de ce qu’ils vivent. Dans quelques-uns
des
plus significatifs de ces récits (Dieu et le sommeil, Les Fins derniè
50
et le sommeil, Les Fins dernières) l’on assiste à
un
réveil, explosion de révolte ou de joie, tellement incompatible avec
51
s » de la vie que mort s’en suit. Sarah est donc
un
recueil de contes romantiques, cas tout à fait rare dans la littératu
52
e qui gêne pourtant, en plusieurs endroits, c’est
un
certain tour désinvolte, le coup de pouce voltairien, l’élégance trop
53
rien, l’élégance trop rapide. Il n’est pas bon qu’
un
conteur laisse voir la moindre ironie vis-à-vis de ses personnages ;
54
ent. Ainsi Sarah, Monsieur Hoog, qui atteignent à
une
qualité d’émotion vraiment pure et insistante. Mais le mérite origina
55
nsistante. Mais le mérite original et important d’
un
tel livre me paraît résider avant tout dans l’ordre des faits qu’il m
56
l livre me paraît résider avant tout dans l’ordre
des
faits qu’il met en jeu, dans la problématique qu’il parvient à suscit
57
usciter au cours de ces brèves imaginations, avec
une
bonhomie d’autant plus touchante qu’elle figure, je pense, pour l’aut
58
ouchante qu’elle figure, je pense, pour l’auteur,
une
sorte de consolation un peu forcée que le cœur s’accorde en dépit de
59
je pense, pour l’auteur, une sorte de consolation
un
peu forcée que le cœur s’accorde en dépit de tout, tandis que l’espri
60
fonction serait d’exprimer notre civilisation, en
un
temps où elle se trouve brutalement mise en question, posent eux-même
61
mes si peu de questions, ou de si minimes. Je lis
un
article récent de Ramuz (sur le Travail), qui débute ainsi « Pourquoi
62
e semble entendre pour la première fois la voix d’
un
de nos aînés, interrogeant notre destin, lui poser en face des questi
63
t notre destin, lui poser en face des questions d’
une
accablante simplicité. Me tromperais-je ? Ai-je mal su lire tant de b
64
s sur le monde actuel et futur ? Est-ce le fait d’
une
disposition trop romantique que d’avoir cru distinguer dans ces œuvre
65
eversant ? D’autre part, n’est-ce point le fait d’
un
certain manque de tact intellectuel que de poser des questions si rud
66
des questions si rudimentaires, si peu élaborées,
des
questions que n’importe qui pourrait poser et qui ne peuvent tirer de
67
ns sa grandeur, c’est-à-dire dans l’élémentaire :
un
être qui est nu, qui a froid, qui a faim, qui a été jeté au sein d’un
68
qui a froid, qui a faim, qui a été jeté au sein d’
une
nature hostile, de sorte qu’il lui faut sans cesse s’efforcer, ne con
69
et simple qui est à lui, nullement irrité (comme
un
Bloy), nullement moralisant ou jacobin (comme les marxistes), ni vict
70
cobin (comme les marxistes), ni victime ni juge d’
une
bourgeoisie à laquelle il échappe entièrement et de toute façon, n’ét
71
raciné dans l’élémentaire ; élaborant son œuvre à
un
niveau d’où bourgeoisie et révolution apparaissent comme des localisa
72
d’où bourgeoisie et révolution apparaissent comme
des
localisations de surfaces et temporaires. (Les animaux et les arbres
73
tenaient trop de terre embrassée et par elle tout
un
pays et son peuple ; car « c’est ici le pays de la solidité, parce qu
74
i le pays de la solidité, parce que c’est le pays
des
ressemblances. Regarde, tout y tient ensemble fortement, comme dans l
75
tient ensemble fortement, comme dans le tableau d’
un
grand peintre ». Ah ! la grandeur de ce peuple ramuzien, qui se meut
76
tiste raffiné » d’avoir su « se ravaler au niveau
des
simples. » Non, Ramuz ne descend pas au peuple, on devrait dire plutô
77
lutôt qu’il y remonte. Son art vient de plus bas,
des
origines, des éléments créateurs de sa race. Il a cette même lenteur
78
remonte. Son art vient de plus bas, des origines,
des
éléments créateurs de sa race. Il a cette même lenteur imposée par la
79
, ce même besoin de précision utile. Ce n’est pas
un
art d’après le peuple4, mais on dirait presque : d’avant. Il n’est pa
80
la biblique, qui est vivante. Ainsi tous parlent
un
même langage, qu’ils l’inscrivent sur le papier ou dans la terre. Un
81
’ils l’inscrivent sur le papier ou dans la terre.
Un
tel sens de la communauté put induire certains à parler de l’unanimis
82
ment coupé que dégagent certaines œuvres récentes
des
écrivains de l’URSS, je ne les retrouve que chez Ramuz. Mais purifiés
83
e et secrète réserve d’innocence » d’où peut-être
un
jour sortira le peuple-poète, « le peuple tous en un ». Mais son œuvr
84
jour sortira le peuple-poète, « le peuple tous en
un
». Mais son œuvre est bien au-delà de l’ère machiniste que traverse l
85
la vénération, qui est aussi celui de la lenteur
des
choses. Cet art, le sujet des Signes parmi nous, par sa simplicité mê
86
celui de la lenteur des choses. Cet art, le sujet
des
Signes parmi nous, par sa simplicité même, le met en valeur mieux que
87
ys, et offre à tous la Parole, « ayant l’aspect d’
une
brochure à couverture bleue », où les événements actuels — cela se pa
88
leue », où les événements actuels — cela se passe
un
jour d’été de 1918 — sont expliqués à la lumière des Écritures. La Fi
89
sont expliqués à la lumière des Écritures. La Fin
des
Temps est proche, il faut en témoigner. À tous il tend la Parole « mo
90
en qu’on n’est pas morts ! » Le monde renaît dans
une
soirée pure et le baiser d’un couple heureux. Rarement la forme authe
91
monde renaît dans une soirée pure et le baiser d’
un
couple heureux. Rarement la forme authentique de Ramuz atteignit une
92
Rarement la forme authentique de Ramuz atteignit
une
autorité comparable à celle qui éclate dans cet ouvrage entièrement c
93
ute explication intellectuelle, atteignant par la
une
unité de style tellement têtue qu’elle évoque peu à peu on ne sait qu
94
, surimpressions, changements de temps au cours d’
une
phrase, sont ici largement mis en œuvre mais toujours avec une probit
95
ont ici largement mis en œuvre mais toujours avec
une
probité singulière. La surimpression par exemple n’est jamais pour Ra
96
jamais pour Ramuz ce qu’elle fut pour d’autres :
un
moyen de créer du mystère en brouillant les plans ; mais un moyen de
97
e créer du mystère en brouillant les plans ; mais
un
moyen de rendre plus totale la vision. Tout, par ailleurs, indique ch
98
que chez Ramuz la volonté de ne pas faire prendre
une
chose pour une autre, ni certain aspect usuel de la chose pour toute
99
la volonté de ne pas faire prendre une chose pour
une
autre, ni certain aspect usuel de la chose pour toute la chose. C’est
100
’est pourquoi il s’attarde à décrire le concret d’
une
façon concrète : ainsi, le maniement d’un outil. D’où le reproche de
101
cret d’une façon concrète : ainsi, le maniement d’
un
outil. D’où le reproche de puérilité que lui adressent ceux qui, par
102
par exemple, n’hésitent pas à prendre au sérieux
une
intrigue romanesque à la Bourget. On s’est trop arrêté à l’insolite d
103
p détaillés. Mais l’important, je pense, c’est qu’
une
page de Ramuz — même pas très réussie, et il y en a qui ont un air ra
104
muz — même pas très réussie, et il y en a qui ont
un
air raté, un air pastiche de Ramuz —, c’est qu’une seule page de ce l
105
s très réussie, et il y en a qui ont un air raté,
un
air pastiche de Ramuz —, c’est qu’une seule page de ce livre lue avec
106
un air raté, un air pastiche de Ramuz —, c’est qu’
une
seule page de ce livre lue avec cette lenteur qu’elle impose, nous re
107
e, nous replace dans la vision grande et efficace
des
choses les plus simples. Mais il faut dire maintenant l’actualité tou
108
e maintenant l’actualité tout à fait singulière d’
un
tel livre. Il y a des sujets éternels, ou mieux, perpétuels — sujets
109
ité tout à fait singulière d’un tel livre. Il y a
des
sujets éternels, ou mieux, perpétuels — sujets d’étonnement perpétuel
110
nt perpétuel — et la Fin du Monde est l’un d’eux.
Un
vrai mythe, c’est-à-dire un événement perpétuellement possible, qui r
111
Monde est l’un d’eux. Un vrai mythe, c’est-à-dire
un
événement perpétuellement possible, qui reçoit la vie comme un moule
112
perpétuellement possible, qui reçoit la vie comme
un
moule reçoit la matière en fusion et la réalise soudain — la fait cho
113
réalise soudain — la fait chose — en lui donnant
une
forme ; l’actualise — la fait acte — en l’arrêtant dans cette forme e
114
e — en l’arrêtant dans cette forme et lui donnant
une
date. Les périodes qui « marquent » dans l’Histoire sont celles où la
115
quent » dans l’Histoire sont celles où la forme d’
un
mythe affleure, s’incarne et devient visible. Ce sont les périodes de
116
Ce sont les périodes de crise. Or toute crise est
un
jugement6, — un « arrêt dans une forme ». Cela se voit par l’étymolog
117
odes de crise. Or toute crise est un jugement6, —
un
« arrêt dans une forme ». Cela se voit par l’étymologie. Aussi, par l
118
r toute crise est un jugement6, — un « arrêt dans
une
forme ». Cela se voit par l’étymologie. Aussi, par le passage à la li
119
ns de l’actuelle crise apparaît ainsi manifeste :
un
jugement sur tous les plans, financier, commercial, éthique et spirit
120
ignes. Aussi serait-il bien insuffisant de dire d’
une
telle œuvre, datée de 1919 et reparue en un temps de crise, qu’elle e
121
re d’une telle œuvre, datée de 1919 et reparue en
un
temps de crise, qu’elle en revêt une actualité accidentelle : c’est e
122
et reparue en un temps de crise, qu’elle en revêt
une
actualité accidentelle : c’est en quelque sorte le contraire qui est
123
traire qui est vrai ; c’est notre temps qui revêt
une
actualité7 et une réalité véritables du fait de la crise. Mais cet af
124
i ; c’est notre temps qui revêt une actualité7 et
une
réalité véritables du fait de la crise. Mais cet affleurement mystéri
125
issance d’aujourd’hui, enraciné profondément dans
une
permanente actualité. 3. « Travail », dans Aujourd’hui, 29 octobre
126
pulisme est d’après le peuple. Cette terne vision
des
choses en apprend plus sur le compte de la bourgeoisie que sur le peu
127
t le ton de la musique de Stravinsky, du Sacre et
des
Noces. Le ton de la création du monde. 6. S’il est vrai, comme l’a m
128
ir dans la sagesse faustienne qu’elle est surtout
une
défense contre le Démon révolté et la Magie latente ; et s’ils ne le
129
yant été moins loin que Goethe dans la domination
des
mystères. Ainsi se réclament-ils de Rimbaud. Peut-être la confrontati
130
Peut-être la confrontation du Sage et du Fou — d’
un
fou qui reste notre intime tentation — permettra-t-elle, par la vivac
131
rmettra-t-elle, par la vivacité même du paradoxe,
une
prise de conscience plus juste et plus efficace des puissances goethé
132
e prise de conscience plus juste et plus efficace
des
puissances goethéennes. ⁂ Rimbaud enfant écrit des poèmes « magiques
133
es puissances goethéennes. ⁂ Rimbaud enfant écrit
des
poèmes « magiques » puis renonce à la magie, et se tait. Goethe, init
134
la fièvre tombée, poursuivra durant toute sa vie
une
« activité littéraire ». Ces deux expériences seraient antithétiques
135
. Mais notre optique n’est-elle point faussée par
un
état d’esprit qui voudrait que l’on considère ces deux hommes avant t
136
e l’on considère ces deux hommes avant tout comme
des
écrivains ? C’est par la chose écrite, par la lettre justement qu’ils
137
’opposent le plus. Pourtant Rimbaud ne fut jamais
un
écrivain, ni ne se soucia de l’être. Et Goethe ne fut qu’entre autres
138
e l’être. Et Goethe ne fut qu’entre autres choses
un
écrivain, et se soucia de l’être dans la mesure seulement où il porta
139
ù il portait en tous les domaines de son activité
une
application volontaire et soutenue. Ce n’est donc pas l’aspect littér
140
t conditionner notre vision. Non point qu’il soit
un
seul instant négligeable, s’agissant de deux êtres que l’on connaît p
141
aît par leurs écrits d’abord. Mais, pour en tenir
un
juste compte, il s’agit de le subordonner au problème personnel de ce
142
-on dire. Or c’est, chez l’un comme chez l’autre,
une
révolution profonde de l’esprit dont procèdent à la fois le refus de
143
gie et le goût passionné de l’effort immédiat. Qu’
un
fait de cet ordre puisse être tenu pour crucial, je veux croire qu’on
144
tomes depuis. Il convient de marquer toutefois qu’
une
pareille assimilation eût exaspéré Goethe autant que Rimbaud, mais, c
145
dans leur commune grandeur. Seule la croyance en
une
analogie universelle des réactions profondes de l’âme devant son dest
146
ur. Seule la croyance en une analogie universelle
des
réactions profondes de l’âme devant son destin m’autorise à cette con
147
recoupement de deux vies qui l’ont réalisée selon
des
voies totalement divergentes, une attitude humaine qui me paraît comm
148
réalisée selon des voies totalement divergentes,
une
attitude humaine qui me paraît commune. Que Goethe ait pratiqué « le
149
araît commune. Que Goethe ait pratiqué « le devis
des
choses grandes et secrètes » comme parle Jérôme Cardan, l’on en trouv
150
ente Mlle de Klettenberg. Mais bien plus que dans
une
spiritualité facilement épurée, le mysticisme de celui qui, tout enfa
151
le mysticisme de celui qui, tout enfant, édifiait
un
autel à la Nature, trouvait son aliment dans une méditation, renouvel
152
t un autel à la Nature, trouvait son aliment dans
une
méditation, renouvelée des rose-croix, et qui le porta même à quelque
153
uvait son aliment dans une méditation, renouvelée
des
rose-croix, et qui le porta même à quelques essais d’alchimie. Coquet
154
intermédiaires qui ne conduisent réellement vers
une
plénitude, pour un esprit comme celui de Goethe. « On a peur que son
155
ne conduisent réellement vers une plénitude, pour
un
esprit comme celui de Goethe. « On a peur que son feu ne le consume »
156
e. « On a peur que son feu ne le consume », écrit
un
de ses amis, vers ce temps. « Goethe vit sur un perpétuel pied de gue
157
t un de ses amis, vers ce temps. « Goethe vit sur
un
perpétuel pied de guerre et de révolte psychique ». Et lui-même gémit
158
t de révolte psychique ». Et lui-même gémit, avec
une
sombre joie : « Sort misérable, qui ne me permet rien que d’extrême »
159
lescence, figurent bel et bien dans son évolution
une
de ces crises où l’être spirituel découvre sa forme véritable. Et si,
160
forme véritable. Et si, comme chez Goethe, c’est
une
forme mystique, celle du terrible « Meurs et deviens ! », et s’il l’a
161
t s’il l’assume en connaissance de cause, — c’est
un
événement qui ne peut normalement se traduire que par une qualité nou
162
ement qui ne peut normalement se traduire que par
une
qualité nouvelle de silence. Encore faut-il que le destin favorise co
163
hasard » l’a-t-il provoquée chez Goethe ? Il est
un
fait de sa jeunesse dont on ne saurait exagérer l’importance à la foi
164
Goethe avec le mysticisme précédèrent de très peu
une
grave maladie, dont il ne fut sauvé que par l’intervention d’un médec
165
ie, dont il ne fut sauvé que par l’intervention d’
un
médecin « alchimiste ». Retenons ceci : au seuil de l’initiation, che
166
seuil de l’initiation, chez Goethe, il n’y a pas
une
révolte, il y a un péril conjuré. C’est contre ce qu’il nommera désor
167
on, chez Goethe, il n’y a pas une révolte, il y a
un
péril conjuré. C’est contre ce qu’il nommera désormais son Daimon, co
168
mais son Daimon, contre « l’oppression despotique
des
éléments inquiétants qui gouvernent trop puissamment dans son âme » q
169
issamment dans son âme » qu’il appelle les arts d’
une
magie maîtrisée, c’est-à-dire incarnée. La question se pose pour lui,
170
otre condition. Et c’est seulement en passant par
une
application matérielle que la magie, se reniant en tant que spéculati
171
térature prendra plus tard chez Goethe l’allure d’
une
discipline de l’âme. Un exercice, une activité organique à objectifs
172
d chez Goethe l’allure d’une discipline de l’âme.
Un
exercice, une activité organique à objectifs limités et concrètement
173
l’allure d’une discipline de l’âme. Un exercice,
une
activité organique à objectifs limités et concrètement conditionnée,
174
concrètement conditionnée, nullement spéculative.
Un
instrument et un style. Dès ce moment le choix de Goethe a trouvé sa
175
itionnée, nullement spéculative. Un instrument et
un
style. Dès ce moment le choix de Goethe a trouvé sa forme. Il lui fau
176
ncement à la magie spéculative n’est, en fait, qu’
un
accomplissement, le plus difficile et le seul humainement fécond. Car
177
plus difficile et le seul humainement fécond. Car
un
tel silence n’est pas absence de mots. C’est encore chez Goethe une a
178
est pas absence de mots. C’est encore chez Goethe
une
activité réelle, et même à double effet. Qu’y a-t-il de plus agissant
179
double effet. Qu’y a-t-il de plus agissant, dans
une
œuvre marquée du signe de la maturité, que cette présence rayonnante
180
je l’éprouve plus vivement dans certains passages
des
Affinités électives, d’une apparente platitude, mais translucide, que
181
dans certains passages des Affinités électives, d’
une
apparente platitude, mais translucide, que dans le Conte du Serpent V
182
ure, la renie même bruyamment. C’est là le fait d’
une
âme qui se refuse encore à la souffrance et la crie sur la place. Un
183
e encore à la souffrance et la crie sur la place.
Un
peu plus de souffrance, plus intimement ancrée, et voici l’autre dang
184
: la délectation ascétique, l’obscurité glaciale
des
Mystères. Un peu plus d’humilité, c’est-à-dire le réel désir d’être «
185
ion ascétique, l’obscurité glaciale des Mystères.
Un
peu plus d’humilité, c’est-à-dire le réel désir d’être « utile », et
186
e point : les Affinités. D’ailleurs, l’alternance
des
trois états, visible tout au long de l’œuvre, prouve que la question
187
se poursuit. Seulement l’effort d’équilibre crée
des
énergies nouvelles. Le silence mûrit à la faveur du secret, et dans l
188
rit à la faveur du secret, et dans la profondeur,
des
conceptions s’opèrent. C’est ainsi que la magie reniée extérieurement
189
si que la magie reniée extérieurement au profit d’
une
expression « utile », renaît comme libérée intérieurement au « jour n
190
ède celui qui sait préserver sa passion au sein d’
une
interminable patience. N’est-ce point ce tréfonds dont parle Jacob Bo
191
ns actes à Vérité et Poésie. Le drame s’ouvre sur
un
réveil : l’exercice sans frein des arts occultes laisse l’esprit de F
192
ame s’ouvre sur un réveil : l’exercice sans frein
des
arts occultes laisse l’esprit de Faust béant sur le vide : « Moi qui
193
in… qui pensais en créant pouvoir jouir de la vie
des
dieux et m’y égaler… combien je dois expier tout cela ! » Faust se re
194
seuil de la mort. Mais la vie ne lui sera plus qu’
un
profond renoncement ; même si la passion l’occupe un temps, c’est l’a
195
profond renoncement ; même si la passion l’occupe
un
temps, c’est l’action, la Tätigkeit — le grand mot goethéen — qui tri
196
and mot goethéen — qui triomphera désormais. Mais
une
action qui par avance désespère du seul succès qui pour Faust serait
197
ute son existence, et c’est leur chœur qui chante
une
dernière fois la loi, au moment où il reçoit la grâce de lui échapper
198
ntemple l’Indescriptible. Si Faust est le drame d’
une
formidable patience sans cesse remise en question, la Saison en enfer
199
se en question, la Saison en enfer est le drame d’
une
pureté avide, et son destin se joue d’un coup. La grandeur de Goethe
200
drame d’une pureté avide, et son destin se joue d’
un
coup. La grandeur de Goethe est d’avoir su vieillir, celle de Rimbaud
201
ansportez la dialectique faustienne dans la vie d’
un
être jeune et libre encore de toute contrainte sociale, culturelle, v
202
née initiale est bien la même : c’est l’attrait d’
une
vision qui transcende la vie médiocre. Rimbaud s’y lance avec l’empor
203
médiocre. Rimbaud s’y lance avec l’emportement d’
une
révolte qui traduit d’abord un excès féroce de vitalité plutôt qu’une
204
c l’emportement d’une révolte qui traduit d’abord
un
excès féroce de vitalité plutôt qu’une souffrance matérielle, — et va
205
uit d’abord un excès féroce de vitalité plutôt qu’
une
souffrance matérielle, — et va d’un mouvement rigoureusement logique
206
té plutôt qu’une souffrance matérielle, — et va d’
un
mouvement rigoureusement logique jusqu’au système de sa folie. Mais l
207
u’il parle si fort, qu’il vante ses pouvoirs avec
une
étrange exagération ? Et voici que l’hallucination le gagne et le sub
208
allucination le gagne et le submerge. « Je devins
un
opéra fabuleux. » Il a brûlé les étapes de l’initiation. Mais on ne d
209
t, c’est l’Esprit incarné. L’incarnation entraîne
des
« conditions ». C’est la vision du travail humain, inexorable et dégo
210
per ? L’hallucination est tombée, faisant place à
une
stupeur désolée. « Je ne sais plus parler. » Le renoncement dès lors
211
pensé de toute morale, je suis rendu au sol, avec
un
devoir à chercher et la réalité rugueuse à étreindre. » C’est le cri
212
obsédé par ce travail. Ainsi cette vie est bien d’
un
seul tenant ; une seule et unique expérience la remplit : l’envahisse
213
vail. Ainsi cette vie est bien d’un seul tenant ;
une
seule et unique expérience la remplit : l’envahissement de la magie a
214
Rimbaud est vraiment le même que le premier, dans
une
phase plus « réalisée ». L’homme moderne est peu fait pour comprendre
215
t peu fait pour la grandeur et la pureté, et pour
des
paroles comme « Si ton œil te fait tomber dans le péché, arrache-le e
216
-le et jette-le loin de toi ». Mais Rimbaud est d’
une
autre trempe : il a déjà prouvé en écrivant les Illuminations qu’il p
217
luminations qu’il peut renoncer violemment à tout
un
monde faux pour en créer un autre. Sa vie en Afrique est un second re
218
cer violemment à tout un monde faux pour en créer
un
autre. Sa vie en Afrique est un second renoncement. Nous aurions comb
219
il n’est pas donné à beaucoup d’hommes de devenir
un
mythe à force de pureté dans la réalisation de leur destin. Rimbaud e
220
nnées de son effort particulier. Ce renoncement à
un
Orient de mythe, c’est cela même qui constitue l’Occident spirituel.
221
« orientation » qu’il adopte suffit à déterminer
une
suite d’actes. Dilemme, en son fond, religieux. C’est une forme diale
222
e d’actes. Dilemme, en son fond, religieux. C’est
une
forme dialectique, « agonique », de la vie de l’âme, une forme crucia
223
me dialectique, « agonique », de la vie de l’âme,
une
forme cruciale, c’est-à-dire une de ces contradictions essentielles,
224
la vie de l’âme, une forme cruciale, c’est-à-dire
une
de ces contradictions essentielles, en signe de croix, qui sont la ma
225
croix, qui sont la marque même de la réalité dans
une
conscience occidentale. Supprimez l’un des termes, et la vie se déten
226
é dans une conscience occidentale. Supprimez l’un
des
termes, et la vie se détend, le tragique s’évanouit. Que ce mythe dia
227
acieux. Pascal choisit une fois pour toutes, dans
une
crise lucide, au sein d’un vertige total. Rimbaud choisit dans une cr
228
ois pour toutes, dans une crise lucide, au sein d’
un
vertige total. Rimbaud choisit dans une crise instinctive qui ressemb
229
au sein d’un vertige total. Rimbaud choisit dans
une
crise instinctive qui ressemble à la chute soudaine de l’ivresse deva
230
e l’ivresse devant le mortel danger qui se lève à
un
pas. Tous deux réalisent le renoncement, le deuxième temps de cette d
231
ent, le deuxième temps de cette dialectique, dans
un
mouvement que sa violence rend unique : c’est qu’ils reviennent tous
232
ue : c’est qu’ils reviennent tous deux de loin, d’
un
long abandon à l’erreur. Goethe n’a pas connu de tels déchirements. E
233
eur. Il avance ainsi pas à pas, l’âme tendue dans
une
puissante circonspection, pendant soixante ans, sans jamais s’abandon
234
de la démesure. On rit de ses allures compassées,
des
solennelles banalités dont il gratifie le pauvre Eckermann. Je ne pui
235
r dans ces façons que la distraction souveraine d’
une
âme tout occupée à dompter ses dieux. Une haute menace, invisible à t
236
raine d’une âme tout occupée à dompter ses dieux.
Une
haute menace, invisible à tout autre, l’accompagne sans trêve, et c’e
237
ses forces, toujours renouvelées. Mais il y faut
une
prudence peu commune, et même tellement soutenue qu’elle informe peu
238
même tellement soutenue qu’elle informe peu à peu
une
sorte d’instinct, libérant l’attention consciente. C’est ainsi que le
239
ilistins. Le somnambule est désormais protégé par
une
cotte d’invisible silence. Vous pouvez lui parler sans le troubler :
240
chez Rimbaud, et d’autre part le contraste absolu
des
rythmes, vont se traduire dans la similitude des conclusions éthiques
241
des rythmes, vont se traduire dans la similitude
des
conclusions éthiques et dans la divergence des réalisations littérair
242
de des conclusions éthiques et dans la divergence
des
réalisations littéraires. « Bon esprit, prends garde ! Pas de partis
243
roirait tirée de quelque journal intime du Goethe
des
années ascétiques, à Weimar avant l’Italie. Et le passage fameux de l
244
Olympien de la légende ont peu de consonance avec
un
tel pathétique, mais quel écho n’eût-il pas éveillé dans l’âme du jeu
245
aux lèvres serrées, l’inférieure creusée comme d’
un
sanglot retenu, et relâchée aux commissures, — tristesse et volupté.
246
missures, — tristesse et volupté. Mais le front d’
une
plénitude royale s’avance fortement contre la lumière, et les yeux, e
247
es yeux, entre cette bouche et ce front, disent d’
un
sobre et méditant regard le mot suprême de la Saison, ce cri sourd du
248
le silence, alors qu’elle propose à Goethe, comme
un
exercice de choix, l’écriture, — cela n’a rien que de logique, et rés
249
ue de logique, et résulte de la définition même d’
un
tel yoga. Tout savoir doit être confirmé par un faire, qui le tait et
250
d’un tel yoga. Tout savoir doit être confirmé par
un
faire, qui le tait et l’exprime à la fois. Le « faire » de Rimbaud ne
251
er sans paradoxe que la littérature de Goethe est
un
des moyens de silence dont il dispose. Ni plus ni moins que l’étude d
252
sans paradoxe que la littérature de Goethe est un
des
moyens de silence dont il dispose. Ni plus ni moins que l’étude des s
253
nce dont il dispose. Ni plus ni moins que l’étude
des
sciences naturelles, la régie d’un théâtre ou l’administration du Gra
254
s que l’étude des sciences naturelles, la régie d’
un
théâtre ou l’administration du Grand-Duché. « J’ai toujours considéré
255
au fond, il m’est assez indifférent d’avoir fait
des
pots ou des assiettes »10. Si tout de même il a peiné sur la composit
256
m’est assez indifférent d’avoir fait des pots ou
des
assiettes »10. Si tout de même il a peiné sur la composition d’Iphigé
257
même il a peiné sur la composition d’Iphigénie ou
des
Ballades, c’est que l’art est pour lui la tentation la plus aiguë de
258
fins les plus hautes de l’existence terrestre. «
Un
fait de notre vie ne vaut pas en tant qu’il est vrai, mais en tant qu
259
e refus de Goethe, dès qu’il s’agit de faire état
des
causes premières, des fins dernières, en tant que telles. De là ce ra
260
qu’il s’agit de faire état des causes premières,
des
fins dernières, en tant que telles. De là ce rationalisme agressif qu
261
out aux belles dames qui n’ont rien à faire. Mais
un
homme supérieur, qui a déjà conscience d’être quelque chose ici-bas,
262
tout ce que nous ferons, comme la douce lumière d’
un
soleil caché14. » Écrire, tout en se taisant. Et ceux-là seuls entend
263
auront su percevoir l’accent dominateur et tendu
des
pages les plus égales et sereines du Faust. Mais, qu’à ce tempérament
264
onfession éruptive : les Illuminations naissent d’
une
telle rupture. Elles sont le champ même15 où Rimbaud se livre à l’exp
265
, rage de revanche, par son excès même est encore
une
évasion hors du réel. En cela il est romantique, comme tous ceux que
266
leur violence et leur faiblesse précipitent vers
des
portes de sortie souvent illusoires, vers un « au-delà » des conditio
267
ers des portes de sortie souvent illusoires, vers
un
« au-delà » des conditions de vivre. Mais notre époque voudra-t-elle
268
de sortie souvent illusoires, vers un « au-delà »
des
conditions de vivre. Mais notre époque voudra-t-elle encore de ces év
269
e. Et qui voudrait les opposer ? Que signifierait
un
choix dont l’opération resterait purement imaginaire et vaniteuse pou
270
ranscendance, en bonne dialectique autoriserait à
des
jugements de valeurs humaines. Mais il faudrait mettre en balance une
271
eurs humaines. Mais il faudrait mettre en balance
une
longue fidélité peut-être orgueilleuse, puisque Goethe tenait ses fai
272
lleuse, puisque Goethe tenait ses faiblesses pour
des
erreurs, non pour le péché, et d’autre part un orgueil assumé, puis r
273
r des erreurs, non pour le péché, et d’autre part
un
orgueil assumé, puis renié avec la même violence, — celle dont il est
274
il est écrit qu’elle force les portes du Royaume
des
Cieux. Il reste que les temps nous pressent de toutes parts au choix,
275
ssent d’affecter toute chose, même spirituelle, d’
une
sorte de coefficient d’utilité. En ce jour de février 1932, dans ce F
276
s trésors patinés dans la haute demeure familiale
des
Goethe. Aujourd’hui… Un immense glissement de la réalité hors des ca
277
haute demeure familiale des Goethe. Aujourd’hui…
Un
immense glissement de la réalité hors des cadres d’une logique statiq
278
rd’hui… Un immense glissement de la réalité hors
des
cadres d’une logique statique et cartésienne nous porte en des région
279
mmense glissement de la réalité hors des cadres d’
une
logique statique et cartésienne nous porte en des régions nouvelles d
280
une logique statique et cartésienne nous porte en
des
régions nouvelles de l’esprit où l’action redevient notre seul critèr
281
mandons aux œuvres que nous aimons de témoigner d’
une
certaine force de révolte. Notre premier mouvement nous porterait ver
282
nant de Goethe. Mais prenons garde de tomber dans
un
conformisme à rebours, victimes de valeurs sentimentales héritées des
283
bours, victimes de valeurs sentimentales héritées
des
temps révolus, prenons garde de nous laisser convaincre par les seuls
284
de nous laisser convaincre par les seuls éclats d’
un
fanatisme à vrai dire splendide. (Qui me guérira de la honte de n’êtr
285
distinguer dans ce vertige la réelle puissance d’
une
voix volontairement assourdie. Le silence de Goethe n’est pas moins d
286
es d’enchaînement Si j’étais devant toi, ô nature
un
homme solitaire, Sans doute vaudrait-il alors la peine d’être un homm
287
ire, Sans doute vaudrait-il alors la peine d’être
un
homme. 10. Conversations avec Eckermann, 2 mai 1824. 11. Ibid.,
288
’est du paradoxe détendu ; ou si l’on veut, c’est
une
contradiction intérieure dont les deux termes, faute d’être assumés s
289
franchement, tirent à hue et à dia et engendrent
une
grande confusion. En ce sens, le dernier livre de M. Duhamel, consacr
290
rnier livre de M. Duhamel, consacré à la critique
des
aspects orduriers et bassement mécaniques de la vie moderne, illustre
291
ement mécaniques de la vie moderne, illustre avec
un
talent qu’il n’est plus temps de discuter, une position morale exempl
292
vec un talent qu’il n’est plus temps de discuter,
une
position morale exemplairement ambiguë. Rien de plus légitime que le
293
ocher à M. Duhamel d’avoir adopté pour cette fois
un
style conventionnel, ou plus exactement une certaine rhétorique de l’
294
e fois un style conventionnel, ou plus exactement
une
certaine rhétorique de l’indignation dont les figures servent en Fran
295
nt les figures servent en France indifféremment à
des
fins électorales, journalistiques ou philanthropiques. Il faut avouer
296
l’instrument révèle son insuffisance quand c’est
un
virtuose qui se mêle d’en jouer. Mais sans doute le but serait-il att
297
enfin garde ses droits. Aussi n’est-ce point sans
une
gêne grandissante que l’on poursuit la lecture de ces pages où maints
298
nts paragraphes apportent entre deux tours repris
des
meilleurs auteurs, une de ces approximations vulgaires qui « rendraie
299
nt entre deux tours repris des meilleurs auteurs,
une
de ces approximations vulgaires qui « rendraient » mieux sous la rubr
300
la rubrique Mon film 16. En d’autres passages, d’
une
expression plus serrée, M. Duhamel cherche ce qu’on appelait jadis le
301
ers futurs. Mais lorsqu’il stigmatise les méfaits
des
« grandes brutes mécaniques », sa verve — qu’il me pardonne l’image t
302
Ses laborieuses exagérations (Message aux Princes
des
Prêtres) sont dépourvues du minimum de cynisme et de fantaisie qui en
303
nnelle de la mauvaise humeur gauloise, héritage d’
un
classicisme nettement pessimiste, s’accorde mal avec l’impénitente fo
304
. Ce malaise dans l’expression traduit d’ailleurs
une
équivoque foncière et qui porte sur le thème général du livre. Il est
305
thème général du livre. Il est inquiétant de voir
un
esprit de cette qualité, et qui certes veut être honnête, se complair
306
veut être honnête, se complaire expressément dans
une
hargne tempérée de badinage. C’est à la fois trop et trop peu. Car, o
307
trop peu. Car, ou bien M. Duhamel critique l’abus
des
mécaniques, ce qui revient à faire le vain procès de la bêtise humain
308
fonde, mais alors elle implique la condamnation d’
une
conception du monde à la fois libérale et inconsciemment matérialiste
309
oi récriminer sur quelques aspects superficiels d’
une
civilisation dont on refuserait de dénoncer les principes ou plutôt l
310
, assure son conformisme foncier ? Faut-il y voir
une
sorte de sublimation à rebours du sens de la révolte ? On serait en d
311
ens de la révolte ? On serait en droit d’exiger d’
un
critique de son temps qu’il déclare ce qu’il attend de l’homme. Après
312
s de cette suite de messages adressés aux Princes
des
Prêtres, à MM. les Députés, au chef du gouvernement. L’on s’étonne qu
313
s’étonne que M. Duhamel n’ait joint à son recueil
une
épître au préfet de Police sur les Embarras de Paris. Sujet de pastic
314
mobilistes, déclame au beau milieu de la chaussée
des
tirades généreusement libertaires, enraye la circulation, « mais trav
315
rutissante musique, parfois coupée, Dieu merci, d’
un
monologue financier ou de hoquets publicitaires. “De la musique avant
316
sme — sinon sur la crainte instinctive de choquer
un
public, qui ne supporte que la mesure, par l’affirmation de prévision
317
ons horribles, et cependant conformes à la nature
des
choses. e. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Georges Duhamel, Qu
318
et adapté, voire recréé par Jacques Valette dans
une
langue insolite et touchante, ni petit nègre, ni bêtifiante, d’une gr
319
te et touchante, ni petit nègre, ni bêtifiante, d’
une
grande force d’expression concrète. Le petit chien Botte raconte ses
320
ète. Le petit chien Botte raconte ses journées, «
des
choses et des choses comme des rats qui courent ». — « On est des pau
321
chien Botte raconte ses journées, « des choses et
des
choses comme des rats qui courent ». — « On est des pauvres tout peti
322
te ses journées, « des choses et des choses comme
des
rats qui courent ». — « On est des pauvres tout petits chiens qu’on h
323
s choses comme des rats qui courent ». — « On est
des
pauvres tout petits chiens qu’on habite tout par dehors et que person
324
s’occupe ». Dès la seconde page, c’est à pousser
des
cris de joie. Les enfants comprendront-ils ? Dans la mesure seulement
325
sse il en parle, car la Société vit sous le règne
des
jugements. Mais d’autre part, peut-on parler réellement du mal, quand
326
sérieux, ni à l’enfer ? Quand personne ne déclare
un
Bien si haut qu’on se fasse tuer pour ce Bien ? Ceci pour indiquer à
327
al qu’il publie en marge de son œuvre romanesque.
Un
Kierkegaard critique ses mesures morales, en donne la référence : ce
328
Dieu terrible. Et sa vertu est choix. L’absolu d’
un
Nietzsche, c’est le Grand Midi ; et sa vertu : dépassement. Jouhandea
329
celle de l’autre. C’est là qu’éclate la violence
des
contraires. Pour tous ceux qui ont l’audace de se maintenir dans une
330
r tous ceux qui ont l’audace de se maintenir dans
une
telle dialectique, il n’existe pas un choix préalable à la tentation,
331
tenir dans une telle dialectique, il n’existe pas
un
choix préalable à la tentation, un choix universel et abstrait, mais
332
l n’existe pas un choix préalable à la tentation,
un
choix universel et abstrait, mais des choix qui s’imposent avec une v
333
a tentation, un choix universel et abstrait, mais
des
choix qui s’imposent avec une violence égale à celle de la tentation
334
l et abstrait, mais des choix qui s’imposent avec
une
violence égale à celle de la tentation — c’est la même violence — dan
335
sité. Et ces mots ne désignent pas autre chose qu’
une
intensité ou une pureté toujours plus folle dans le bien comme dans l
336
ne désignent pas autre chose qu’une intensité ou
une
pureté toujours plus folle dans le bien comme dans le mal. « Je mettr
337
s gens, mais non pas le généreux avec le pleutre,
une
âme triste avec une âme joyeuse. » Voilà bien le leitmotiv de l’œuvre
338
le généreux avec le pleutre, une âme triste avec
une
âme joyeuse. » Voilà bien le leitmotiv de l’œuvre entière de Jouhande
339
. Et soudain il nous apparaît que cette œuvre est
une
illustration, non dépourvue de complaisance, du « pecca fortiter » de
340
le méritent. C’est qu’ils supposent l’existence d’
un
bien et d’un mal concrets dont les Binche ou M. Godeau ou plus récemm
341
C’est qu’ils supposent l’existence d’un bien et d’
un
mal concrets dont les Binche ou M. Godeau ou plus récemment les héros
342
générosité » malgré tout équivoque. La foi révèle
une
réalité essentiellement différente et qui enveloppe tout ensemble les
343
ries du bien et du mal : le péché. Le contraire d’
un
péché, c’est-à-dire ce qui le supprime, ce n’est pas une vertu, mais
344
hé, c’est-à-dire ce qui le supprime, ce n’est pas
une
vertu, mais le pardon. La vertu comme le vice naît de la loi et s’y r
345
foi, et meurt là où vit la foi. Au bien vulgaire
des
moralistes, Jouhandeau oppose le mal ; à celui-ci le Bien ; d’où nais
346
« péché » — le débat se ramène sur cette page, à
une
question de vocabulaire. Une simple question de vocabulaire comme on
347
ne sur cette page, à une question de vocabulaire.
Une
simple question de vocabulaire comme on dit, — lorsqu’on se soucie pe
348
era personne, alors qu’Alexandre est tout de même
un
phénomène assez bouleversant. Klaus Mann a raconté cette histoire ave
349
raconté cette histoire avec beaucoup de grâces et
des
pointes d’ironie anachroniques. Cela frise Salammbô plus que Laforgue
350
ur les thèmes, inépuisables, du profil de plâtre,
des
boules de neige et du « dialecte du cœur ». h. Rougemont Denis de,
351
n] (décembre 1932)i Est-il possible de définir
une
cause commune de la jeunesse française, une communauté d’attitude ess
352
finir une cause commune de la jeunesse française,
une
communauté d’attitude essentielle ? Il semble que la solidarité du pé
353
Il semble que la solidarité du péril crée en nous
une
unité que n’ont su faire ni maîtres ni doctrines, unité de refus deva
354
s, unité de refus devant la consternante misère d’
une
époque où tout ce qu’un homme peut aimer et vouloir se trouve coupé d
355
la consternante misère d’une époque où tout ce qu’
un
homme peut aimer et vouloir se trouve coupé de son origine vivante, f
356
igine vivante, flétri, dénaturé, inverti, saboté.
Des
groupes tels que L’Ordre nouveau, Combat, Esprit, Plans, Réaction, pa
357
s leur diversité, les premières lignes de force d’
une
nouvelle révolution française. Leur anticapitalisme n’est pas celui d
358
éjà s’affirme dans l’attitude de tous ces groupes
un
véritable acte de présence à la misère du siècle, assez nouveau parmi
359
centué qu’il peut paraître suffisant pour définir
un
front unique, fût-il provisoire. C’est dans cette vue qu’ont été réun
360
oisi de vivre — telle est notre révolution — dans
un
monde qui nous préparait pour autre chose, dans une société organisée
361
n monde qui nous préparait pour autre chose, dans
une
société organisée (et mal) contre les « risques-vie », livrée aux bas
362
les « risques-vie », livrée aux basses rigueurs d’
un
cadre policier. Que vivre soit un choix, une partialité violente, voi
363
sses rigueurs d’un cadre policier. Que vivre soit
un
choix, une partialité violente, voilà ce qu’on paraît trop facilement
364
urs d’un cadre policier. Que vivre soit un choix,
une
partialité violente, voilà ce qu’on paraît trop facilement admettre a
365
é serait hypocrisie, refus. Qu’on trouve donc ici
une
prise de parti. Nous sommes une génération comblée. Comblée de chan
366
trouve donc ici une prise de parti. Nous sommes
une
génération comblée. Comblée de chances de grandeur, et comblée de ris
367
amental de toute « existence » se concrétise dans
une
« nécessité » révolutionnaire dont l’ampleur est sans précédent. Ce n
368
Mais pour nous, entrés dans la vie sous le coup d’
une
menace de faillite planétaire, il ne peut s’agir de rien d’autre que
369
unc, mais pour que les hommes vivent et demeurent
des
hommes. Il y a deux camps : ceux qui veulent en sortir, — et ceux qu
370
ains intérêts dans l’affaire. Entre eux, la masse
des
braves gens persuadés qu’après tout ça va se remettre, ça va durer, p
371
a guerre, ont trop souvent crié au loup, par goût
des
atmosphères tragiques. Littérature et mauvais caractère. Il y avait d
372
faire. Et vous pensiez que la révolution, c’était
une
bande de méchants garçons. Puis vous avez pensé que c’étaient des gen
373
hants garçons. Puis vous avez pensé que c’étaient
des
gens dangereux et avides. Et maintenant, c’est vous qui glissez dans
374
sse. Vous et vos maîtres. Bientôt vous chercherez
des
équipes de sauvetage. Ici paraît le communisme, comme une constatat
375
s de sauvetage. Ici paraît le communisme, comme
une
constatation de la faillite, une liquidation à un taux sous-humain. V
376
ommunisme, comme une constatation de la faillite,
une
liquidation à un taux sous-humain. Voici le Plan, prêt à reprendre l’
377
ne constatation de la faillite, une liquidation à
un
taux sous-humain. Voici le Plan, prêt à reprendre l’entreprise sur de
378
Voici le Plan, prêt à reprendre l’entreprise sur
des
bases plus rationnelles. Mais si c’était cette « raison » déjà qui se
379
ngtemps ; ne pouvant accepter de nous battre pour
un
« ordre » et des « idéaux » criminels. Il y a la guerre proche. La fe
380
vant accepter de nous battre pour un « ordre » et
des
« idéaux » criminels. Il y a la guerre proche. La ferons-nous ? pour
381
supporterons-nous ? La révolution, ce n’est plus
un
état d’esprit, ni un refus des tâches d’homme. Henri Lefebvre l’a mon
382
La révolution, ce n’est plus un état d’esprit, ni
un
refus des tâches d’homme. Henri Lefebvre l’a montré, je n’ajouterai r
383
tion, ce n’est plus un état d’esprit, ni un refus
des
tâches d’homme. Henri Lefebvre l’a montré, je n’ajouterai rien à sa d
384
ien à sa déclaration si simple. La révolution est
une
nécessité au sens le plus banal du terme, et aussi à son sens de « mi
385
ens de « misère qui appelle ». Nous ne sommes pas
des
« bourgeois-dégoûtés » ou des « prolétaires-avides-des-richesses-d’au
386
Nous ne sommes pas des « bourgeois-dégoûtés » ou
des
« prolétaires-avides-des-richesses-d’autrui », mais des hommes menacé
387
prolétaires-avides-des-richesses-d’autrui », mais
des
hommes menacés, qui dévisagent la menace et contre-attaquent. Et alor
388
nt la menace et contre-attaquent. Et alors, toute
une
jeunesse va se dresser ? Va prendre parti, et agir ?… — Paralysie. —
389
prix de l’âme même. On nous donne à choisir entre
un
régime bourgeois odieux, raté, dont nous mourrons, — et d’autre part
390
ieux, raté, dont nous mourrons, — et d’autre part
une
espérance, une utopie, qu’il nous est impossible d’accepter avec le «
391
t nous mourrons, — et d’autre part une espérance,
une
utopie, qu’il nous est impossible d’accepter avec le « bon cœur » que
392
ise Philippe Lamour, parce que nous n’y voyons qu’
une
réalisation épurée, tyrannique et privée de toute résistance interne,
393
Comment penser — si « penser » est inséparable d’
une
action — entre une bourgeoisie déchue et un marxisme faux ? Il reste
394
i « penser » est inséparable d’une action — entre
une
bourgeoisie déchue et un marxisme faux ? Il reste à faire la révoluti
395
le d’une action — entre une bourgeoisie déchue et
un
marxisme faux ? Il reste à faire la révolution. Ni à gauche, ni à dro
396
réalité échappe encore à ceux qui récitent Marx :
une
« utopie » sans doute, — du moins vraie celle-là. Les témoignages q
397
ar contre, les bases doctrinales exposées ici par
des
membres d’Esprit, de Combat, de L’Ordre nouveau ou de Réaction, pour
398
s ceux qui n’imaginent de choix possible qu’entre
un
capitalisme plus ou moins fascistisé, et le communisme (plus ou moins
399
istes détiennent l’avantage certain de tabler sur
une
« utopie » partiellement traduite en faits. C’est même, à voir les ch
400
rxistes. Mais comment nous laisser convaincre par
une
réussite matérielle, temporaire, et d’ailleurs discutable ? C’est l’h
401
c’est en train de marcher. Nous jouerons tout sur
une
révolution vraie. Les catastrophes sont proches. Nous ne sommes plus
402
is qu’on peut les voir déjà préparer en sous-main
des
terrains d’entente avec l’URSS. Nous ne pensons pas que la guerre soi
403
soit, comme l’écrit Lefebvre, la seule « chance »
des
capitalistes. Il en est une moins coûteuse à risquer et qui consister
404
, la seule « chance » des capitalistes. Il en est
une
moins coûteuse à risquer et qui consisterait à se laisser convaincre…
405
st-ce donc plus, comme le marque Th. Maulnier, qu’
un
conflit d’intérêts ? Et d’intérêts qui ne sont pas les nôtres, qui ne
406
les nôtres, qui ne sont pas les intérêts réels d’
un
être aux prises avec la condition humaine ? Ni pour le mensonge d’hie
407
ui de demain nous ne verserons notre sang. Il y a
une
vérité qui domine et condamne tout cela. Entre le communisme et la ré
408
ement. Les uns croient, avec Marx, à la réalité d’
une
dialectique ternaire ; ils placent leur espoir dans l’avènement de sy
409
e synthèses successives, acheminant l’espèce vers
un
équilibre final, morne réplique du millénium chrétien. Les autres, av
410
aine religieux. Elle traduira demain l’opposition
des
nations collectivistes et des patries personnalistes. Mais où sont le
411
demain l’opposition des nations collectivistes et
des
patries personnalistes. Mais où sont les motifs de notre choix ? J’en
412
exprime ses données élémentaires : elle n’est qu’
une
projection du conflit de la personne. Les marxistes nous accusent de
413
la personne. Les marxistes nous accusent de mêler
des
notions « morales » — ainsi désignent-ils la notion de personne ! — a
414
ces créations pseudo-mystiques qui pullulent dans
un
monde athée. Quelle que soit d’ailleurs la conception historique que
415
il faut pourtant reconnaître que la personne est
un
facteur « décisif », sinon suffisant, du processus révolutionnaire, e
416
aine, toute révolution est vaine qui se fonde sur
des
faits mortels pour la personne, même si « ces faits sont les faits »
417
s faits » comme on voudrait nous le faire croire.
Une
révolution n’agit pas dans le vide, mais contre quelque chose : elle
418
. Elle sera « acte ». 2e — Le matérialisme décrit
un
monde tel qu’on ne voit pas où l’acte peut s’y insérer. Comment croir
419
sprit puisse agir sur les faits autrement que par
une
suite de coups de force, d’actes créateurs, — révolutionnant le déter
420
ême ? La dialectique historique à trois temps est
une
arbitraire projection dans les choses d’un mécanisme de « l’intellige
421
s est une arbitraire projection dans les choses d’
un
mécanisme de « l’intelligence-outil ». Théorie dont le fatalisme inte
422
lisme interne reparaît sans cesse dans les propos
des
marxistes les plus émancipés, les moins « mécanistes » ; théorie qui
423
ception personnaliste est seule capable d’édifier
un
monde culturel, économique et social qu’anime un risque permanent, es
424
un monde culturel, économique et social qu’anime
un
risque permanent, essentiel. L’état marxiste idéal ne laisse subsiste
425
Et comme le marquait récemment T. S. Eliot, dans
un
article21 où s’exprimaient des vues parfois proches de celles d’Espri
426
t T. S. Eliot, dans un article21 où s’exprimaient
des
vues parfois proches de celles d’Esprit ou de Combat, il réduit l’ave
427
prit ou de Combat, il réduit l’aventure humaine à
un
déroulement indéfini de changements, justiciables tout au plus de la
428
es » l’action. Qu’appellent-ils l’action ? Est-ce
un
opportunisme purement tactique, d’allure électorale ? « Toutes les te
429
ont elle se réclame implicitement, Lénine réussit
une
révolution d’intellectuels dans un pays qui compte à cette époque moi
430
énine réussit une révolution d’intellectuels dans
un
pays qui compte à cette époque moins de 3 millions d’ouvriers sur une
431
à cette époque moins de 3 millions d’ouvriers sur
une
population de 160 millions, et où la bourgeoisie existe à peine en ta
432
ntrôlés. « Mais, nous dit-on, les constructions d’
un
Lénine n’étaient pas songes, elles s’appuyaient sur le mouvement de l
433
uvement de l’histoire ». Nous avons affaire ici à
un
véritable mysticisme de la réussite, à un fatalisme, à un pragmatisme
434
e ici à un véritable mysticisme de la réussite, à
un
fatalisme, à un pragmatisme historique dont le fondement matérialiste
435
able mysticisme de la réussite, à un fatalisme, à
un
pragmatisme historique dont le fondement matérialiste n’exige rien de
436
e fondement matérialiste n’exige rien de moins qu’
un
acte de foi. Un tel mysticisme a-t-il en France la moindre chance de
437
rialiste n’exige rien de moins qu’un acte de foi.
Un
tel mysticisme a-t-il en France la moindre chance de succès ? Où est
438
est sa tradition vivante en ce pays ? La violence
des
communistes français reste le plus souvent verbale, électorale ; elle
439
ans leur doctrine constructive. Elle se fonde sur
des
apparences, voire sur des faits actuels, mais insuffisamment analysés
440
tive. Elle se fonde sur des apparences, voire sur
des
faits actuels, mais insuffisamment analysés. Les faits, demain, seron
441
ouveau, Combat, Esprit, travaillent dans la ligne
des
forces révolutionnaires profondes de la France. Cette révolte de la p
442
en sous-main par leur doctrine, est de leur part
une
duperie manifeste. Je les entends menacer le bourgeois : mais je ne v
443
ur les mêmes raisons, aggravées23. Ils jouent sur
une
révolte des hommes contre le capitalisme : mais cette révolte va se t
444
raisons, aggravées23. Ils jouent sur une révolte
des
hommes contre le capitalisme : mais cette révolte va se tourner contr
445
ent du pain, et croient ainsi triompher à la fois
des
bourgeois, et de la vérité humaine de nos doctrines antibourgeoises.
446
« pensée » bourgeoise (la pensée sans douleur !),
des
méthodes policières grâce auxquelles se maintient le désordre établi.
447
arxisme, révélant sa vraie nature, apparaît comme
un
cas privilégié de la folie capitaliste-matérialiste. Non, ce n’est pa
448
folie capitaliste-matérialiste. Non, ce n’est pas
une
classe que nous devons sauver, c’est l’homme menacé dans son intégrit
449
on intégrité. Sauver l’homme, ce n’est pas sauver
des
consommateurs. Ce n’est pas sauver des entreprises, des nations, les
450
pas sauver des consommateurs. Ce n’est pas sauver
des
entreprises, des nations, les intérêts (?) du monde. Sylveire demande
451
nsommateurs. Ce n’est pas sauver des entreprises,
des
nations, les intérêts (?) du monde. Sylveire demande : que signifie «
452
ermettent à ce suprême et quotidien débat d’avoir
un
sens, un point d’application : la personne. Tel est en dernière analy
453
à ce suprême et quotidien débat d’avoir un sens,
un
point d’application : la personne. Tel est en dernière analyse, le fo
454
mmes de ce temps n’aiment pas répondre, car c’est
une
question personnelle. Une mise en question réelle. Je la cherche. Ce
455
pas répondre, car c’est une question personnelle.
Une
mise en question réelle. Je la cherche. Ce qu’il faut pour légitimer
456
lle. Je la cherche. Ce qu’il faut pour légitimer
un
système d’idées en elles-mêmes justes et opportunes (comme celles, je
457
de L’Ordre nouveau, de Combat ou d’Esprit) c’est
une
violence spirituelle qui existe déjà au-delà des bouleversements néce
458
une violence spirituelle qui existe déjà au-delà
des
bouleversements nécessaires ; une substance, une exigence impossible
459
te déjà au-delà des bouleversements nécessaires ;
une
substance, une exigence impossible et qui est la seule chose que les
460
des bouleversements nécessaires ; une substance,
une
exigence impossible et qui est la seule chose que les hommes éprouven
461
le fond de leur être. Il faut derrière ces idées
une
masse volontaire, une pesante contrainte de foi, une pureté terrible
462
Il faut derrière ces idées une masse volontaire,
une
pesante contrainte de foi, une pureté terrible et humble. Loin de moi
463
masse volontaire, une pesante contrainte de foi,
une
pureté terrible et humble. Loin de moi la pensée que par des argument
464
terrible et humble. Loin de moi la pensée que par
des
arguments nous pourrons triompher d’autre chose que d’arguments. À l’
465
admirable du peuple russe retrouvant la grandeur
des
luttes élémentaires, n’aurions-nous à répondre qu’un dogmatique « Tu
466
luttes élémentaires, n’aurions-nous à répondre qu’
un
dogmatique « Tu te trompes » ? Les hommes n’entendront de nous que no
467
té ne peut exister parmi nous que sous la forme d’
une
accusation personnelle. Il faut savoir entendre ce mutisme formidable
468
as crever bassement dans la haine, mais ce serait
un
acte enfin dans lequel je posséderais toute ma vie, d’un seul coup éc
469
ons — après les avoir faites. 18. En Allemagne,
un
groupe en croissance rapide, le Gegner, s’efforce de créer une unité
470
croissance rapide, le Gegner, s’efforce de créer
une
unité révolutionnaire au-dessus des partis existants. En Angleterre (
471
orce de créer une unité révolutionnaire au-dessus
des
partis existants. En Angleterre (New Europe Group de A. R. Orage ; Ne
472
elle existe en sol et dans sa durée propre, comme
un
3e terme, en réalité, supprime l’un des deux premiers termes. Ainsi d
473
pre, comme un 3e terme, en réalité, supprime l’un
des
deux premiers termes. Ainsi des conflits individu-société, petite pat
474
té, supprime l’un des deux premiers termes. Ainsi
des
conflits individu-société, petite patrie-nation culturelle, initiativ
475
on qu’elle légitimerait, en bonne logique, serait
une
révolution contre la construction entreprise par le capitalisme d’Éta
476
ion. 22. Exemple frappant de l’Allemagne : voici
un
pays enfin qui réunit toutes les conditions théoriques prévues par Ma
477
es conditions théoriques prévues par Marx pour qu’
une
révolution éclate. Il ne se passe rien. Parce qu’on manque de chefs.
478
gria (avril 1933)k « Les modernes qui écrivent
des
livres sur Pétrarque voudraient pouvoir faire une part au Moyen Âge (
479
des livres sur Pétrarque voudraient pouvoir faire
une
part au Moyen Âge (qui les excite) et admirer en même temps le restau
480
ments, la morale en soi (pas la morale en vertu d’
un
dogme), le nationalisme, l’ironie, le scepticisme, le pompiérisme, —
481
t petit livre sur Pétrarque, venant après celle d’
une
Civilisation de Saint-Gall non moins remarquable, le met aux antipode
482
orains dont le succès consiste, lorsqu’ils citent
des
textes, à donner l’impression que ces textes n’ont, en somme, aucun s
483
Ces gens-là voudraient bien nous faire croire qu’
un
texte est intéressant dans la mesure même où il est dépourvu de pitto
484
umains révélateurs, ce qui est tout de même aller
un
peu loin, puisque ainsi l’on supprime la notion même d’intéressant. D
485
la notion même d’intéressant. Donc Cingria défend
une
thèse : « Je m’appliquerai à désassocier et à mettre en face de lui-m
486
de lui-même le poète lyrique — rattaché encore à
une
école provençale qui est, à l’origine, de propulsion musicale, donc r
487
ueurs, musicographes, Notker, Dante, Nietzsche —,
une
pétulance idéologique qui s’exprime en notes, digressions et plaisant
488
s et plaisanteries jamais dépourvues d’ailleurs d’
une
certaine onction épiscopale, d’une certaine politesse pompeuse qui es
489
s d’ailleurs d’une certaine onction épiscopale, d’
une
certaine politesse pompeuse qui est la forme particulière de son iron
490
le titre de « monument critique ». Tel qu’il est,
un
petit chef-d’œuvre d’humanisme poétique. Car l’« érudition » de Cingr
491
occidentale, les méfaits de Cicéron, le commerce
des
vins dans la vallée du Rhône, la marche en montagne, le romantisme, l
492
t curieusement les doctrines de L’Ordre nouveau).
Un
style doucement retors, dont les moindres anicroches sont calculées j
493
de fantaisie assez relâchée. En quelques touches
un
peu bourrues, un peu précieuses, il jette l’esprit du lecteur dans le
494
ez relâchée. En quelques touches un peu bourrues,
un
peu précieuses, il jette l’esprit du lecteur dans le vif d’un sujet,
495
euses, il jette l’esprit du lecteur dans le vif d’
un
sujet, et loin d’exploiter l’avantage de cette surprise, place aussit
496
iter l’avantage de cette surprise, place aussitôt
une
citation, oublie d’avoir raison, et nous laisse admirer cette prose d
497
er cette prose de la Renaissance où palpite, sous
une
sérénité qui est plutôt de l’enthousiasme dominé, l’opulente diversit
498
dominé, l’opulente diversité du monde. La qualité
des
traductions du latin, du bas latin et de l’italien dont ce livre est
499
précision savoureuse dans le rendu de l’esprit d’
un
texte, mais cela toujours grâce à des inventions poétiques jouant sur
500
e l’esprit d’un texte, mais cela toujours grâce à
des
inventions poétiques jouant sur la lettre même, c’est-à-dire sur ce q
501
à-dire sur ce qu’il y a de plus significatif dans
un
écrit « signé ». 24. Et qui d’ailleurs n’exclut pas de petites féro
502
rocités soudaines, raffinées, ni le bavardage, ni
une
espèce d’indignation morale aux sursauts fréquents. 25. « Mais cela
503
ais cela (les patriotismes de l’Europe diverse et
une
) était homogène et souple, vivant, sans faux arrêt, sans cet arrêt d’
504
reniant sa fin, elle ne sert plus que d’aliment à
un
dogmatisme populaire farouche, et se définit comme désavantageuse ».
505
Une
main, par C. F. Ramuz (juin 1933)l Qu’on ait pris Ramuz pour un «
506
. Ramuz (juin 1933)l Qu’on ait pris Ramuz pour
un
« régionaliste », c’est une de ces méprises qui peuvent servir à déte
507
on ait pris Ramuz pour un « régionaliste », c’est
une
de ces méprises qui peuvent servir à déterminer le niveau d’une certa
508
rises qui peuvent servir à déterminer le niveau d’
une
certaine presse. Si l’on ne voit dans l’auteur d’Adam et Ève qu’une s
509
e. Si l’on ne voit dans l’auteur d’Adam et Ève qu’
une
sorte de folkloriste, il faudra considérer l’auteur de Phèdre comme u
510
te, il faudra considérer l’auteur de Phèdre comme
un
archéologue, auteur de drames historiques. Que cherche Ramuz ? Une co
511
auteur de drames historiques. Que cherche Ramuz ?
Une
connaissance du particulier qui introduise à celle de l’élémentaire ;
512
che du pittoresque. Aucune de ses œuvres mieux qu’
Une
Main n’en convaincra. On y sent, plus directe qu’ailleurs, sa pensée
513
ensée ; on y voit de tout près, dans l’intimité d’
une
chambre, comment sa pensée marche, insiste, souffre. Et cela ne se pa
514
re. Jamais il ne fut mieux lui-même. Il y fallait
un
cas très simple, un de ces cas où le mot « concret » devient presque
515
mieux lui-même. Il y fallait un cas très simple,
un
de ces cas où le mot « concret » devient presque synonyme de matériel
516
« concret » devient presque synonyme de matériel.
Un
bras cassé (le gauche) ; l’humiliation de la chute, l’angoisse d’être
517
on, l’esprit qui prend peur. La guérison naîtra d’
une
résistance retrouvée26. Et Ramuz, apaisé, regarde tomber la neige : l
518
t à peine de lui. Dix petites pages émouvantes, d’
une
confidence encore contrainte : « Ah ! comme je suis mal fait pour ma
519
mes tous mal faits. » On n’attendait pas de Ramuz
un
examen de conscience. S’il s’interroge, dans Une Main, c’est plutôt u
520
z un examen de conscience. S’il s’interroge, dans
Une
Main, c’est plutôt un examen de son corps. Examen forcé d’ailleurs, i
521
ce. S’il s’interroge, dans Une Main, c’est plutôt
un
examen de son corps. Examen forcé d’ailleurs, interrogation accidente
522
qu’elles ont toujours été à ses yeux : le fait d’
un
défaut de présence au monde, d’une impuissance à saisir les choses. L
523
eux : le fait d’un défaut de présence au monde, d’
une
impuissance à saisir les choses. Là réside la cause de la peur, qu’il
524
voue, et qui n’est sans doute que la méditation d’
un
esprit dépourvu de prises sensibles. C’est un état d’âme qui caractér
525
n d’un esprit dépourvu de prises sensibles. C’est
un
état d’âme qui caractérise assez bien le monde moderne, le monde des
526
caractérise assez bien le monde moderne, le monde
des
hommes sans responsabilité et sans résistance propre, le monde des ho
527
esponsabilité et sans résistance propre, le monde
des
hommes qui ne sont plus présents à eux-mêmes, hommes sans pesée, homm
528
e, hommes de peu de poids, facilement entraînés.
Une
Main nous donne ainsi l’analyse élémentaire d’un des phénomènes les p
529
Une Main nous donne ainsi l’analyse élémentaire d’
un
des phénomènes les plus importants d’aujourd’hui : la démoralisation.
530
Main nous donne ainsi l’analyse élémentaire d’un
des
phénomènes les plus importants d’aujourd’hui : la démoralisation. Dém
531
ts d’aujourd’hui : la démoralisation. Démoraliser
un
homme, c’est le priver de son pouvoir créateur. C’est le priver de sa
532
mille autres ? Cent-mille mains saluent le tyran,
une
main crée. Le temps est peut-être venu de penser avec ses mains. 26
533
résistent et vous contredisent, comme par exemple
une
maison trop grande, un feu de bois vert qu’on s’ingénie à allumer dan
534
disent, comme par exemple une maison trop grande,
un
feu de bois vert qu’on s’ingénie à allumer dans une cheminée qui tire
535
n feu de bois vert qu’on s’ingénie à allumer dans
une
cheminée qui tire mal. J’aime les choses qui sont à leur façon, tandi
536
Rougemont Denis de, « [Compte rendu] C. F. Ramuz,
Une
main », La Nouvelle Revue française, Paris, juin 1933, p. 1001-1002.
537
chmidt (octobre 1933)m Il est plaisant de voir
un
jeune auteur obtenir de nos jours un effet de surprise par l’emploi d
538
sant de voir un jeune auteur obtenir de nos jours
un
effet de surprise par l’emploi d’un style poli, nombreux, toujours pl
539
de nos jours un effet de surprise par l’emploi d’
un
style poli, nombreux, toujours plein d’onction, parfois même de pompe
540
il le maintienne arbitrairement dans les cadres d’
une
dogmatique morale : c’est plutôt qu’il suit Saint-Évremond de trop pr
541
il en fait valoir ainsi toutes les nuances, avec
un
art égal à son modèle. On voudrait pourtant qu’il lui donne parfois l
542
re, qu’il ne le garde point sans cesse à portée d’
un
coup de patte qu’il s’abandonne lui-même à sa fantaisie, la plus joye
543
naisse. Tel qu’il est, ce petit volume nous offre
un
jeu serré et subtil, et dont le spectacle n’est pas vain. M. Schmidt
544
de choisir. Il croit pouvoir entretenir avec Dieu
des
rapports de politesse. Cela pourrait bien être la formule du désordre
545
Rien ne le dissimule mieux que le demi-sourire d’
une
raison éclairée et mondaine. La nouveauté de l’essai d’Albert-Marie
546
èmes, à force de les éclaircir », et l’impureté d’
un
humanisme que l’on croyait tempéré et limpide, mais que l’on voit « s
547
hauffer, se brouiller » aux premières instances d’
un
choix radical et véritablement ordonnateur. Le chapitre le plus remar
548
t par leur raffinement, par leur perfection même,
une
anarchie spirituelle dont elles constituent probablement l’unique rem
549
faut pour entraîner l’adolescence avide de servir
une
grande cause et de se sacrifier pour le bonheur collectif. Chanson de
550
inant dans cette région de la Sibérie. Entre eux,
une
jeune et touchante Irina, qui choisira bien entendu Kolka dès qu’elle
551
force et le charme de ce roman sont ceux mêmes d’
une
jeunesse fruste, innocente jusque dans ses cruautés ; tout jugement s
552
ntiers à l’auteur. Ehrenbourg a utilisé pêle-mêle
une
masse de documents qui parlent d’eux-mêmes. Ils parlent peut-être plu
553
-être plus qu’ils ne devraient. Ils nous montrent
une
jeunesse russe assez peu marxiste, mais encore moins révolutionnaire.
554
ntale, formidablement conformiste. Le puritanisme
des
komsomols a ceci de spécifiquement ennuyeux qu’il ne crée pas en eux
555
pas en eux le moindre refoulement. Ce qui suppose
une
remarquable absence d’imagination. Le prochain plan y pourvoira peut-
556
Tout cela est en pleine métamorphose. Mais voici
un
fait plus inquiétant : ce livre montre, par vingt exemples irréfutabl
557
aire, dans cette frénésie de bonne humeur, il y a
une
question. Non pas un doute, mais quelque chose qui veut une réponse,
558
sie de bonne humeur, il y a une question. Non pas
un
doute, mais quelque chose qui veut une réponse, et qui est d’autant p
559
on. Non pas un doute, mais quelque chose qui veut
une
réponse, et qui est d’autant plus tragique qu’ils ne savent plus le f
560
e l’homme, par C. F. Ramuz (avril 1934)o Après
Une
Main, confession réticente, d’une discrétion presque farouche, et dan
561
1934)o Après Une Main, confession réticente, d’
une
discrétion presque farouche, et dans la même lignée que Le Grand Prin
562
Le Grand Printemps et Raison d’Être, voici encore
un
essai de Ramuz, mais de tous le moins ramuzien : il s’agit cette fois
563
’idées générales, ce qui est assez paradoxal dans
une
telle œuvre. Le sujet de Taille de l’Homme, c’est en effet l’oppositi
564
eur foi, les marxistes. Mais ce qu’il décrit avec
une
véritable puissance, c’est l’aboutissement du marxisme : l’isolement
565
esterait pas moins, par le fait de son être même,
une
protestation contre le matérialisme dialectique. Quand on possède, co
566
e sens de la communauté — indissolubles —, on est
une
objection vivante à tout individualisme, à tout communisme, à tout «
567
sme ». Quand on est à ce point possédé par la vie
des
choses et des êtres, on n’a pas besoin d’arguments pour faire sentir
568
n est à ce point possédé par la vie des choses et
des
êtres, on n’a pas besoin d’arguments pour faire sentir l’absurdité de
569
besoin d’arguments pour faire sentir l’absurdité
des
« lois » qui, pour certains intellectuels, figurent la réalité. Une œ
570
pour certains intellectuels, figurent la réalité.
Une
œuvre comme Adam et Ève nous le fait voir tout aussi bien que cet ess
571
e à calculer sa propre mort. Mais Ramuz n’est pas
un
bourgeois. Il peut attendre : son attente est présence, et porte en s
572
espèce. On ne calcule pas avec la vie, mais avec
des
quantités mortes. Ceux qui se vantent d’être calculables ont très pro
573
calculables ont très probablement raison : c’est
une
constatation de décès spirituel, à peine anticipée peut-être. Mais il
574
les philosophes de Moscou, ont abouti, en 1932, à
des
définitions tellement abstruses de cette fameuse « matière » sur laqu
575
nt, pour en finir, de fixer la saine doctrine par
un
ukase condamnant à la fois les mécanistes et les dialecticiens. On pa
576
rle encore du « diamat »29, mais ce n’est plus qu’
un
conformisme d’État. C’est, à peu près, l’ukase en moins, ce qui s’est
577
a bien vu le choix, mais l’a-t-il fait ? Il veut
un
monde à la taille de l’homme. Il sait aussi que la mesure de cette ta
578
sait aussi que la mesure de cette taille est dans
une
foi, dans « quelque chose qui dépasse l’homme et le suppose en même t
579
ès). 27. Pas la Nature de Rousseau, – la Nature
des
choses. 28. Certains écrivains marxistes français protestent avec la
580
crains que ce soit, chez la plupart d’entre eux,
un
réflexe de bourgeois plutôt que d’homme. « Précédence, et non pas pri
581
’œuvre de Kafka, mais il est difficile d’imaginer
un
livre plus profond. On a même l’impression en le lisant, de lire pour
582
ssion en le lisant, de lire pour la première fois
un
livre absolument profond. Non qu’il prétende percer les apparences du
583
rcer les apparences du monde pour s’enfoncer dans
un
ésotérisme, au contraire : il se borne à décrire ces apparences avec
584
raire : il se borne à décrire ces apparences avec
une
minutie qui suffit à dénoncer leur absurdité réelle, en même temps qu
585
uffer le scandale. Josef K… fondé de pouvoir dans
une
banque, se voit arrêté un beau matin par deux inspecteurs. Ces messie
586
fondé de pouvoir dans une banque, se voit arrêté
un
beau matin par deux inspecteurs. Ces messieurs lui apprennent qu’il e
587
lle, non pas du procès, qui n’a jamais lieu, mais
des
préliminaires, des démarches que tente l’accusé auprès d’une justice
588
cès, qui n’a jamais lieu, mais des préliminaires,
des
démarches que tente l’accusé auprès d’une justice insaisissable, infi
589
naires, des démarches que tente l’accusé auprès d’
une
justice insaisissable, infiniment pédante, corrompue et capricieuse,
590
capricieuse, dont les bureaux sont installés dans
des
faubourgs ignobles ou des greniers. Jamais K… ne parvient à l’instanc
591
aux sont installés dans des faubourgs ignobles ou
des
greniers. Jamais K… ne parvient à l’instance suprême ; jamais personn
592
y parvenir. À la fin du cauchemar, on le tue dans
des
conditions trop déprimantes pour qu’il puisse songer même à résister.
593
qu’il puisse songer même à résister. C’est ainsi
une
suspension du jugement qui est tout le drame du Procès. Constatation
594
appeler la vision métaphysique. Tous les efforts
des
hommes — y compris les philosophes — consistent peut-être à échapper
595
n n’atteint jamais, ces avocats qui parlent comme
des
prêtres, et qui sont de mèche avec la justice, ces prévenus en libert
596
me sans Dieu », mais la misère de l’homme livré à
un
Dieu qu’il ne connaît pas, parce qu’il ne connaît pas le Christ. « Nu
597
cette foi, et parce qu’elle nous permet de faire
un
pas et « d’en sortir » que nous connaissons notre état, que nous mesu
598
. Aujourd’hui l’on se voit sommé de choisir entre
un
front qui se dit « national » et un front qui se dit « populaire ». F
599
choisir entre un front qui se dit « national » et
un
front qui se dit « populaire ». Faudrait-il en déduire que le peuple
600
ts : voilà bien le désordre où nous vivons. C’est
une
anarchie sémantique. On me fait observer que l’opposition n’est pas e
601
à droite, la peur de la gauche. Je vois à droite
une
tentation fasciste, trop faible encore pour oser s’avouer ; à gauche
602
trop faible encore pour oser s’avouer ; à gauche
une
peur du fascisme assez forte déjà pour que la masse accepte l’idée d’
603
sez forte déjà pour que la masse accepte l’idée d’
une
dictature… « antifasciste ». Tout cela se joue sur des mots, et ces m
604
ictature… « antifasciste ». Tout cela se joue sur
des
mots, et ces mots ne traduisent que des religions vagues, nées de la
605
joue sur des mots, et ces mots ne traduisent que
des
religions vagues, nées de la peur, et comme telles meurtrières. Les f
606
gents, du côté d’Hitler par exemple. Staline veut
une
armée française puissante, il approuve la loi de deux ans. « Staline
607
ne, disent les droites, a tort : car nous voulons
une
armée forte, mais non pas en vertu d’un conseil bolcheviste. La quest
608
voulons une armée forte, mais non pas en vertu d’
un
conseil bolcheviste. La question se ramène à ceci : si tout le monde
609
à ceci : si tout le monde était mis d’accord par
une
agression hitlérienne, irait-on se battre au nom de la liberté nation
610
la liberté populaire ! Flatus vocis ! Il n’y a qu’
une
seule manière de tirer à la mitrailleuse et de se faire casser la fig
611
e de la culture n’ait rien tenté pour débrouiller
un
peu le complexe de mots adultérés qui encombre la vie politique et qu
612
a culture, ce serait d’abord rendre aux mots-clés
un
sens commun. Mais il me semble qu’on a fait tout autre chose, au Pala
613
l me semble qu’on s’est entendu pour « cultiver »
des
équivoques verbales assez grossières. L’équivoque sur le mot liberté
614
rté par exemple : c’était jusqu’à présent le fait
des
ligues que de proclamer la liberté en préparant la dictature. Jamais
615
. Ni la gauche ni la droite ne pourront aboutir à
une
doctrine constructive tant qu’elles s’efforceront de dénaturer les gr
616
Gundolf (septembre 1935)r Paracelse ne fut pas
un
mage, ou plutôt si l’on veut qu’il l’ait été, au sens où l’on dirait
617
’on dirait qu’Einstein, interprète du cosmos, est
un
mage, il ne fut pas un magicien. Il erra toute sa vie, d’auberges en
618
interprète du cosmos, est un mage, il ne fut pas
un
magicien. Il erra toute sa vie, d’auberges en universités, suivi d’un
619
toute sa vie, d’auberges en universités, suivi d’
une
troupe de disciples turbulents, à la recherche de secrets qu’il voula
620
es à tous, et qu’il exprimait, comme Luther, dans
un
allemand populaire et grossier30. Il faut se méfier de la gloire qu’o
621
iable qui lui conseilla de se faire enterrer pour
une
année, coupé en petits morceaux, dans du crottin de cheval, et de fai
622
val, et de faire subir à son corps toute la gamme
des
combinaisons alchimiques afin de ressusciter ensuite sous la forme d’
623
iques afin de ressusciter ensuite sous la forme d’
un
beau jeune homme. Il se fit tailler en morceaux et enterrer par son f
624
, le crâne seul n’avait pas tout à fait repoussé.
Un
peu d’air pénétra dans le cerveau et Paracelse dut mourir avant d’avo
625
Rajeunir son corps et son âme par l’ordure, c’est
un
des thèmes favoris de notre temps. Mais combien, parmi nous, se sont
626
eunir son corps et son âme par l’ordure, c’est un
des
thèmes favoris de notre temps. Mais combien, parmi nous, se sont fait
627
im, qui était né en Suisse allemande, n’était pas
un
énergumène, mais un savant complet comme il faut espérer que nous en
628
Suisse allemande, n’était pas un énergumène, mais
un
savant complet comme il faut espérer que nous en reverrons bientôt, u
629
me il faut espérer que nous en reverrons bientôt,
un
savant qui voulait harmoniser sa petite spécialité avec les sciences
630
’ignorer longtemps, l’astrologie et la théologie.
Un
grand souci paraît dans toute son œuvre : il veut être clair, et util
631
ussi a-t-on souvent tendance à le rejeter du côté
des
mystiques, où cependant il n’a que faire, avec son goût de l’expérien
632
le chose dont nous soyons abondamment fournis : d’
un
attirail de concepts à tout faire31. Il faut voir comme il se débat a
633
tit livre de Gundolf. C’est l’œuvre synthétique d’
un
philosophe des formes culturelles, plutôt que d’un historien de la sc
634
undolf. C’est l’œuvre synthétique d’un philosophe
des
formes culturelles, plutôt que d’un historien de la science. Les hist
635
n philosophe des formes culturelles, plutôt que d’
un
historien de la science. Les historiens font la grimace, mais les let
636
omblés. Gundolf décrit l’œuvre de Paracelse comme
un
drame de l’expression, une tragédie de la terminologie, une « lutte a
637
uvre de Paracelse comme un drame de l’expression,
une
tragédie de la terminologie, une « lutte accablante pour l’expression
638
de l’expression, une tragédie de la terminologie,
une
« lutte accablante pour l’expression des choses jamais dites ». Parac
639
nologie, une « lutte accablante pour l’expression
des
choses jamais dites ». Paracelse a vu plus de choses qu’il ne pouvait
640
e étiologie se borne la plupart du temps à mettre
un
nom abstrait sur chaque symptôme, Paracelse ne veut nommer les maladi
641
trouve aussi le remède. Pour connaître et guérir
une
maladie, il ne suffit pas de voir l’homme seul ; il faut considérer s
642
dérer sa relation avec le monde, dont il n’est qu’
un
membre, un reflet. So oben wie unten. L’astrologie de Paracelse n’est
643
lation avec le monde, dont il n’est qu’un membre,
un
reflet. So oben wie unten. L’astrologie de Paracelse n’est pas une su
644
en wie unten. L’astrologie de Paracelse n’est pas
une
superstition de devin, c’est une science de la guérison fondée sur le
645
acelse n’est pas une superstition de devin, c’est
une
science de la guérison fondée sur le principe hippocratique des simil
646
la guérison fondée sur le principe hippocratique
des
similia similibus, principe qu’on retrouve à la base de l’homéopathie
647
psychanalyse. Paracelse s’était formé de l’homme
une
conception spirituelle et organique (théologique-astrologique) à laqu
648
elle notre science est en train de revenir, après
une
sombre époque cérébrale et matérialiste. Il s’opposait32 aux médecins
649
s galénistes qui voyaient l’homme sous l’aspect d’
un
concept. Il se fût opposé aussi aux médecins de la Renaissance, à Léo
650
nous ont conduits à considérer notre corps comme
une
espèce de moteur démontable. Ainsi le grand docteur « macrocosmique »
651
e l’esprit vitaliste de Paracelse, brève synthèse
des
idées les plus neuves, qui sont aussi les plus antiques, sur la natur
652
a maladie, ouvrage dont on peut dire qu’il marque
une
date dans l’histoire de la connaissance du monde par le corps, ou si
653
. Le retour à Paracelse auquel nous assistons est
un
des signes marquants de ce temps-ci. Le symbole d’une révolution astr
654
e retour à Paracelse auquel nous assistons est un
des
signes marquants de ce temps-ci. Le symbole d’une révolution astronom
655
des signes marquants de ce temps-ci. Le symbole d’
une
révolution astronomique de la culture occidentale. Peut-être avons-no
656
ation de la vie. Peut-être avons-nous passé l’âge
des
rationalismes trop courts, de la mythologie féroce des ismes, de Marx
657
ationalismes trop courts, de la mythologie féroce
des
ismes, de Marx et des capitalistes, des adorateurs de la mort, triomp
658
ts, de la mythologie féroce des ismes, de Marx et
des
capitalistes, des adorateurs de la mort, triomphe des chiffres et des
659
ie féroce des ismes, de Marx et des capitalistes,
des
adorateurs de la mort, triomphe des chiffres et des laboratoires. Peu
660
capitalistes, des adorateurs de la mort, triomphe
des
chiffres et des laboratoires. Peut-être allons-nous revenir non pas à
661
s adorateurs de la mort, triomphe des chiffres et
des
laboratoires. Peut-être allons-nous revenir non pas à l’humanisme mai
662
pas à l’humanisme mais à l’homme, considéré comme
un
miroir du ciel entier. Certes, elle n’est pas seulement cruelle et fo
663
ue qui nous offre de si grandes chances. Et c’est
une
ère favorable qui s’ouvre, celle où l’esprit se remet à chercher ce q
664
aux différents minerais. Avec sa vision nouvelle
des
choses, il étudia aussi les effets des métaux et des vapeurs sur les
665
n nouvelle des choses, il étudia aussi les effets
des
métaux et des vapeurs sur les ouvriers, observa la démarche, le genre
666
choses, il étudia aussi les effets des métaux et
des
vapeurs sur les ouvriers, observa la démarche, le genre de vie et l’a
667
observa la démarche, le genre de vie et l’aspect
des
mineurs et conçut ainsi, le premier, l’importance de l’hygiène profes
668
iène professionnelle » ? 32. Euphémisme résumant
des
chapitres entiers d’effroyables et puériles injures. « Votre Esculape
669
era pour la vertu, quarte colonne de la médecine,
un
grand spectacle ! » (Liber Paragranum). r. Rougemont Denis de, « [C
670
s ce tome IV au profit de la recherche véritable,
des
imprudences passionnées, des « essais » ou des hardiesses simplificat
671
recherche véritable, des imprudences passionnées,
des
« essais » ou des hardiesses simplificatrices. Philosopher signifie c
672
e, des imprudences passionnées, des « essais » ou
des
hardiesses simplificatrices. Philosopher signifie chercher et non rat
673
iociner. On ne saurait assez louer les directeurs
des
Recherches d’avoir pris au sérieux le risque philosophique. Et je ne
674
tendance en insistant ici exclusivement sur trois
des
écrits les moins « orthodoxes » qu’ils ont accueillis cette année. La
675
x et Kierkegaard fournit à l’orientation actuelle
des
Recherches une sorte de justification historique de grande envergure.
676
d fournit à l’orientation actuelle des Recherches
une
sorte de justification historique de grande envergure. Löwith voit en
677
ndrement de l’idéalisme hégélien sous la pression
des
réalités humaines élémentaires, voilà le fait historique capital sur
678
ue capital sur lequel se fonde l’attitude commune
des
intellectuels révolutionnaires, qu’ils soient humanistes ou chrétiens
679
alistes. Désormais, la philosophie cessera d’être
une
simple description : elle va devenir action transformatrice, et produ
680
te de cette crise essentielle révélée par l’échec
des
synthèses hégéliennes comme constitutive de l’humain, certains pensen
681
la personne dans le temps paraîtront par endroits
un
peu sommaires, mais ce défaut procède de la vigueur joyeuse dont l’au
682
oyeuse dont l’auteur fait preuve dans l’attaque d’
un
problème entre tous urgent. Il se pourrait d’ailleurs que l’apparence
683
Il se pourrait d’ailleurs que l’apparence brutale
des
thèses personnalistes soit le fait, provisoire, de toute philosophie
684
l sur les Limites du langage philosophique. C’est
une
recherche des conditions d’activité de l’imagerie philosophique, cond
685
tes du langage philosophique. C’est une recherche
des
conditions d’activité de l’imagerie philosophique, conduite avec un b
686
tivité de l’imagerie philosophique, conduite avec
un
bon sens socratique, un sens du concret de l’esprit qui enchante en m
687
losophique, conduite avec un bon sens socratique,
un
sens du concret de l’esprit qui enchante en moi le disciple de Kierke
688
ute action réelle résident dans la restauration d’
un
langage efficace. C’est dire l’intérêt, au sens fort, de l’apport des
689
. C’est dire l’intérêt, au sens fort, de l’apport
des
poètes à la philosophie et à l’éthique. Les études de E. Weil sur l’h
690
oménologiques du Dr Minkowski, les approximations
un
peu hésitantes — est-ce un reproche ? — de G. Marcel sur l’acte et la
691
ki, les approximations un peu hésitantes — est-ce
un
reproche ? — de G. Marcel sur l’acte et la personne, mériteraient bea
692
cte et la personne, mériteraient beaucoup plus qu’
une
simple mention. J’aurais aimé analyser aussi les trois pages où Jean
693
Stern sur l’a posteriori, bien caractéristique d’
un
certain renouveau du réalisme. Je me bornerai à signaler pour finir l
694
de P. Klossowski sur Sade, où il est démontré par
des
voies imprévues, comment la négation de Dieu entraîne la négation du
695
on de Dieu entraîne la négation du prochain, dans
un
esprit voué à la plus torturante logique. s. Rougemont Denis de, «
696
discret, sensible, qui convient à la confession d’
un
sentiment ni partagé ni rebuté, et résigné dès le début à cet état. L
697
d’écrit, c’est de nous laisser lire dans le jeu d’
un
être humain : rien ne flatte mieux notre désir d’ubiquité. À cet égar
698
e. Il parvient à ne rien cacher tout en restant d’
une
exacte pudeur. Mais enfin, c’est tout de même pour Lawrence qu’on lit
699
ses de sa vie33. A-t-on remarqué l’extrême rareté
des
documents accessibles sur la manière de vivre de nos contemporains ?
700
anière de vivre de nos contemporains ? Nous avons
des
reportages et des biographies, c’est-à-dire des moyennes et des excep
701
nos contemporains ? Nous avons des reportages et
des
biographies, c’est-à-dire des moyennes et des exceptions, de la stati
702
s des reportages et des biographies, c’est-à-dire
des
moyennes et des exceptions, de la statistique et du pittoresque. Mais
703
et des biographies, c’est-à-dire des moyennes et
des
exceptions, de la statistique et du pittoresque. Mais où trouver la d
704
et du pittoresque. Mais où trouver la description
des
journées, des occupations, des manières de réagir d’un homme réel aux
705
que. Mais où trouver la description des journées,
des
occupations, des manières de réagir d’un homme réel aux prises avec s
706
ver la description des journées, des occupations,
des
manières de réagir d’un homme réel aux prises avec son métier, ses vo
707
urnées, des occupations, des manières de réagir d’
un
homme réel aux prises avec son métier, ses voisins, sa femme, son arg
708
a femme, son argent ou son manque d’argent ; avec
des
ustensiles, une scie, un cheval ; avec les sentiments et les idées de
709
ent ou son manque d’argent ; avec des ustensiles,
une
scie, un cheval ; avec les sentiments et les idées des autres, et leu
710
manque d’argent ; avec des ustensiles, une scie,
un
cheval ; avec les sentiments et les idées des autres, et leurs histoi
711
cie, un cheval ; avec les sentiments et les idées
des
autres, et leurs histoires ; avec le train banal des embêtements et d
712
autres, et leurs histoires ; avec le train banal
des
embêtements et des petites chances ? — Voici alors, entre cent autres
713
istoires ; avec le train banal des embêtements et
des
petites chances ? — Voici alors, entre cent autres, cette description
714
ici alors, entre cent autres, cette description d’
une
journée de Lawrence dans son ranch mexicain (c’est à Lawrence que Bre
715
. À déjeuner, vous me dites que Clarence avait eu
une
conversation avec Tony au cours de laquelle il lui avait déclaré que
716
er le parquet de la cuisine à genoux ; à l’aide d’
une
petite brosse à mains, vous frottez les vieilles planches pourries. C
717
de vous ainsi qui m’a fait peindre ces planchers,
des
années plus tard, pour que vous n’ayez plus jamais à les frotter. Apr
718
tout ce qui vous tombe sous la main et vous lavez
des
choses toute la journée. À cinq heures nous allons chercher les cheva
719
ercher le lait, mais vous êtes blême et fatigué.
Un
trait qui manque par hasard dans cette page, et qu’on retrouve dans t
720
dans toutes les autres, c’est la mauvaise humeur
des
Lawrence, leur humeur rageuse, faut-il dire, coupée d’accès de malice
721
humeur est sans doute la caractéristique générale
des
hommes d’aujourd’hui : c’est qu’ils croient au bonheur et à l’argent,
722
t, les deux choses les plus irritantes du monde. (
Un
sous-produit et un moyen pris pour fins.) Mais justement Lawrence ne
723
les plus irritantes du monde. (Un sous-produit et
un
moyen pris pour fins.) Mais justement Lawrence ne croyait ni à l’un n
724
somme, bien qu’il prêche tout le temps, il attend
des
autres beaucoup plus qu’il n’est disposé à leur donner. « Soyez ! Ah
725
n’est disposé à leur donner. « Soyez ! Ah ! Soyez
un
soleil pour moi — Et non une lassante et exigeante personnalité. » L’
726
« Soyez ! Ah ! Soyez un soleil pour moi — Et non
une
lassante et exigeante personnalité. » L’homme moderne, dit Keyserling
727
dit Keyserling, n’a pas de prochains ; il n’a que
des
voisins inévitables. Voilà Lawrence, l’homme sans prochain. Car le pr
728
s bêtes, les choses. Envers elles, il est plein d’
une
espèce de charité patiente et ingénieuse. D’où son amour des travaux
729
de charité patiente et ingénieuse. D’où son amour
des
travaux manuels. Comme tout cela est rafraîchissant, satisfaisant, fi
730
On allait oublier l’écrivain. Il est là, adossé à
un
pin, avec sa chemise bleue, ses culottes de velours blanc, et son gra
731
rire sur ses genoux. (Pendant que les autres font
une
carrière dans le « monde des lettres » et se composent un prestige !)
732
que les autres font une carrière dans le « monde
des
lettres » et se composent un prestige !) Il invente ses histoires, se
733
ère dans le « monde des lettres » et se composent
un
prestige !) Il invente ses histoires, secrètement animées par « les b
734
eusement, il les approche avec méfiance et tout d’
un
coup les pousse par-derrière, et rit. C’est un long enfant maigre au
735
d’un coup les pousse par-derrière, et rit. C’est
un
long enfant maigre au regard narquois et inquiet, et qui s’est mis un
736
e au regard narquois et inquiet, et qui s’est mis
une
barbe rousse pour avoir l’air d’un faune. 33. Même question pour le
737
qui s’est mis une barbe rousse pour avoir l’air d’
un
faune. 33. Même question pour les Conversations avec Eckermann, pou
738
oi la religion solaire que prêche Lawrence. C’est
un
rêve de compensation. C’est l’expression de son impuissance à résoudr
739
nce à résoudre ce que j’appellerais le « problème
des
gens », qui est moins grandiose et beaucoup plus encombrant… t. Rou
740
cle, par Jean Chuzeville (octobre 1935)u C’est
une
entreprise incertaine que celle d’offrir à la curiosité moderne les t
741
n même temps que par notre scepticisme religieux.
Une
telle disposition d’esprit nous incite à séparer ce qui était lié che
742
ption) devant les témoignages qu’on nous propose.
Un
peu plus d’exigence philosophique conduirait certainement la plupart
743
oitesse positiviste, qui réduira tout cela au jeu
des
complexes freudiens ? Tout dépend de ce que l’on attend de l’homme et
744
r ne se pose plus. Car la foi n’est pas davantage
une
évasion hors de ce monde qu’une limitation de l’homme au temporel. La
745
est pas davantage une évasion hors de ce monde qu’
une
limitation de l’homme au temporel. La foi réelle, c’est la puissance
746
, comme le veut M. Chuzeville, que la « recherche
des
moyens par lesquels l’âme arrive à transgresser ses limites charnelle
747
pe ». La question est alors de savoir s’il existe
une
mystique vraiment chrétienne, une mystique qui ne soit pas cette « tr
748
oir s’il existe une mystique vraiment chrétienne,
une
mystique qui ne soit pas cette « transgression » et cet oubli de nos
749
x d’humilité dévote. Ceci marqué, qui est plus qu’
une
réserve, il convient de remercier M. Chuzeville de nous avoir ouvert
750
ille de nous avoir ouvert par son anthologie tout
un
monde spirituel et poétique plein de dangereuses merveilles. Le choix
751
oétique plein de dangereuses merveilles. Le choix
des
textes me paraît des plus heureux, la traduction ferme et coulante. L
752
ereuses merveilles. Le choix des textes me paraît
des
plus heureux, la traduction ferme et coulante. La plupart des mystiqu
753
k mis à part ; et beaucoup sont de grands poètes,
des
philosophes terriblement concrets : Maître Eckhart, Suso, Tauler, Fra
754
on s’étonnera sans doute de le voir figurer dans
un
choix de « mystiques », alors qu’il est le premier défenseur de l’exp
755
remier défenseur de l’expériencev. Mais la beauté
des
textes cités fait pardonner bien volontiers cette erreur de classific
756
zeville s’est-il laissé guider dans son choix par
un
préjugé historique que le « Mage du Nord » eût trop évidemment déconc
757
Ce préjugé consiste à rendre Luther responsable d’
une
scission dans la culture et la spiritualité allemandes, scission abou
758
spiritualité allemandes, scission aboutissant par
une
série d’actions et de réactions dialectiques « au romantisme, au révo
759
e marxisme. Voilà pourquoi le peuple allemand est
un
peuple empoisonné (p. 19). Cette généalogie des monstres germaniques
760
st un peuple empoisonné (p. 19). Cette généalogie
des
monstres germaniques obsède décidément nos universitaires. Elle relèv
761
sède décidément nos universitaires. Elle relève d’
un
nationalisme de manuels, pour ne pas dire, avec E. R. Curtius, d’une
762
manuels, pour ne pas dire, avec E. R. Curtius, d’
une
« propagande de guerre » qu’on aimait à croire périmée. M. Chuzeville
763
ichte et de Hegel, d’où sont effectivement sortis
un
certain nationalisme et la doctrine du jeune Marx, on ne voit pas du
764
ndications fécondes de sa préface et nous donnait
une
bonne étude sur le lyrisme romantique considéré comme une sécularisat
765
e étude sur le lyrisme romantique considéré comme
une
sécularisation du mysticisme. Il m’a semblé que cette perspective spi
766
eule que dégageât sans équivoque la confrontation
des
mystiques et de la mentalité moderne. 35. Ce que je pardonne moins
767
asion dissimuler, comme l’indique le choix même d’
un
pseudonyme. L’alchimiste médecin Paracelse, en réalité, se nommait Th
768
mait Theophilus Bombast ». Or Paracelse n’est pas
un
pseudonyme, mais un des trois prénoms du médecin, qui se nommait, « e
769
ast ». Or Paracelse n’est pas un pseudonyme, mais
un
des trois prénoms du médecin, qui se nommait, « en réalité », Théophr
770
». Or Paracelse n’est pas un pseudonyme, mais un
des
trois prénoms du médecin, qui se nommait, « en réalité », Théophraste
771
nck et Weigel. Quant à Luther, il le juge d’après
un
résumé, confectionné par Gonzague Truc, du pamphlet de Maritain, lequ
772
cent n’en conçoivent. Pour vous le prouver, voici
une
anecdote d’Angleterre : elle doit donc être vraie. Une petite fille a
773
necdote d’Angleterre : elle doit donc être vraie.
Une
petite fille aux cheveux carotte, nommée Alice, écrit ceci dans son d
774
« L’Angleterre est le plus beau pays du monde. »
Un
inspecteur passait par là. Il lit le devoir. Tonnerre et foudres de c
775
nterpelle les communes. Qui à leur tour infligent
un
blâme à l’inspecteur ; car si l’École se met à « décourager l’orgueil
776
nte, et qui ne manque pas de féliciter la Chambre
des
communes. (Gazette de Francfort, du 31 juillet). On dirait une « hist
777
(Gazette de Francfort, du 31 juillet). On dirait
une
« histoire idiote ». Tout y est faux. C’est incroyable à quel point c
778
urd’hui sur la politique, à l’article du Temps, à
un
cerveau d’homme de gauche ou d’homme de droite. D’abord « impérialism
779
ue voulait dire l’inspecteur (à moins qu’il n’ait
une
conception conquérante de la beauté ?). « Démodé » : on se demande da
780
ationalisme existe parce qu’on l’enseigne ; c’est
une
mystique, un idéal abstrait, un orgueil. Il existe dans la mesure où
781
iste parce qu’on l’enseigne ; c’est une mystique,
un
idéal abstrait, un orgueil. Il existe dans la mesure où on l’exalte.
782
enseigne ; c’est une mystique, un idéal abstrait,
un
orgueil. Il existe dans la mesure où on l’exalte. Le patriotisme, c’e
783
eule mesure où il va de soi ; il faut qu’il reste
un
lien obscur, informulé, un fait sentimental et tellurique, un ensembl
784
; il faut qu’il reste un lien obscur, informulé,
un
fait sentimental et tellurique, un ensemble de goûts et d’habitudes q
785
ur, informulé, un fait sentimental et tellurique,
un
ensemble de goûts et d’habitudes qui ne comporte ni orgueil ni modest
786
i vous voulez. L’idée même de s’en vanter indique
un
trouble. — Enfin, voilà les hitlériens qui trouvent très bon qu’on di
787
leterre est le plus beau pays du monde » comporte
un
sens rationnel ; que c’est un jugement qui conclut d’une comparaison.
788
du monde » comporte un sens rationnel ; que c’est
un
jugement qui conclut d’une comparaison. Mais en réalité, lorsque la p
789
s rationnel ; que c’est un jugement qui conclut d’
une
comparaison. Mais en réalité, lorsque la petite Alice écrit que l’Ang
790
el et tel autre. C’est tout au contraire exprimer
un
refus pur et simple de comparer. C’est affirmer une préférence incond
791
n refus pur et simple de comparer. C’est affirmer
une
préférence inconditionnelle. C’est reconnaître et accepter le fait co
792
. C’est reconnaître et accepter le fait concret d’
un
attachement qui ne comporte pas de choix délibéré. Par malheur, l’ens
793
riotique et tente de le rationaliser : il en fait
un
objet de discours. Par là même il le rend absurde. Il le « mystifie »
794
aison, et rien n’est plus absurde que de comparer
un
pays à un autre, un amour à un autre, car où est l’étalon, où est la
795
rien n’est plus absurde que de comparer un pays à
un
autre, un amour à un autre, car où est l’étalon, où est la mesure com
796
plus absurde que de comparer un pays à un autre,
un
amour à un autre, car où est l’étalon, où est la mesure commune, et q
797
de que de comparer un pays à un autre, un amour à
un
autre, car où est l’étalon, où est la mesure commune, et qui connaît
798
Le malfaisant nationalisme n’est rien d’autre qu’
une
rationalisation mensongère du sentiment patriotique. C’est l’interven
799
ssion pour s’exercer en toute liberté. » Il écrit
un
peu plus loin qu’il déplore la disparition « des grandes disciplines
800
t un peu plus loin qu’il déplore la disparition «
des
grandes disciplines intellectuelles, singulièrement des études théolo
801
andes disciplines intellectuelles, singulièrement
des
études théologiques ou simplement logiques ». S’il m’est permis de fa
802
ttaque ont jamais prétendu que leur politique fût
une
« incarnation » de l’esprit ; 2° au cas où ils l’auraient fait, ce qu
803
droit d’opposer esprit pur à esprit incarné dans
des
termes tels qu’esprit incarné devienne synonyme de trahison intéressé
804
(aux intérêts politiques) évoque précisément pour
un
chrétien l’opposition de Pilate et des docteurs nationalistes juifs q
805
sément pour un chrétien l’opposition de Pilate et
des
docteurs nationalistes juifs qui criaient avec la populace : Crucifie
806
s’en lave les mains ne risque pas de faire le jeu
des
clercs qui crient avec les loups, et de trahir de la sorte doublement
807
ble d’y échapper. Depuis huit ans que sa Trahison
des
Clercs est apparue, M. Benda s’y applique pourtant non sans bonheur,
808
ier article est trop clair. Il n’y manque plus qu’
une
épigraphe, qui conviendrait d’ailleurs à tous ses livres : ut evacuat
809
audelaire. Celui d’Aron unit ces deux vertus, par
une
sorte d’ellipse tout à fait révélatrice du mouvement de sa pensée, et
810
l faut organiser la liberté. Mais c’est encore là
une
ellipse ; l’on dira qu’une liberté organisée n’en est plus une. Expli
811
. Mais c’est encore là une ellipse ; l’on dira qu’
une
liberté organisée n’en est plus une. Expliquons-nous ; il faut organi
812
l’on dira qu’une liberté organisée n’en est plus
une
. Expliquons-nous ; il faut organiser le matériel — la dictature36 seu
813
faut soumettre la dictature à la liberté, il faut
une
dictature pour la liberté — une dictature de la liberté. Ce serait le
814
liberté, il faut une dictature pour la liberté —
une
dictature de la liberté. Ce serait le plus beau « titre » du siècle.
815
s parce qu’ils en ignorent les fins. Cette erreur
des
fameux techniciens nous vaut les tyrannies actuelles. Considérant le
816
, à leurs yeux « matérielles d’abord ». Cette vue
des
plus courantes à Rome, à Berlin, à Moscou, nous vaut diverses dictatu
817
les, pour n’avoir pas été soumises dès le début à
une
volonté perspicace et fanatique de libération, ne tardent pas à se re
818
ersonne. Si la personne n’est pas déjà au début d’
un
calcul pratique, on ne la retrouvera jamais au terme ; et la rigueur
819
le prouve toute l’histoire moderne, qui est celle
des
révolutions étranglées par l’État et sa police. Telles sont les bases
820
sa police. Telles sont les bases — algébrisées —
des
recherches de L’Ordre nouveau. Robert Aron les a décrites avec une so
821
L’Ordre nouveau. Robert Aron les a décrites avec
une
sobre et nerveuse précision37 qui tranche sur le verbiage technico-hu
822
’urgence ». Précision qui d’ailleurs n’exclut pas
une
éloquence qu’on dirait jacobine si un humour très personnel ne venait
823
exclut pas une éloquence qu’on dirait jacobine si
un
humour très personnel ne venait sans cesse la rabattre au concret. On
824
uveau, et la difficulté de le résumer à l’usage d’
un
public qu’il faut sans cesse prévenir contre les pires malentendus, l
825
tension et de décision spirituelle que supposait
un
tel ouvrage. M. Thibaudet réclamait ici même une critique qui « conti
826
t un tel ouvrage. M. Thibaudet réclamait ici même
une
critique qui « contingentât » l’importation des mystiques étrangères.
827
e une critique qui « contingentât » l’importation
des
mystiques étrangères. Oui, mais on ne se défend qu’en attaquant. Sach
828
’Europe, et de les poser sous la forme concrète d’
une
série de tensions qu’il s’agit d’orienter et de rendre fécondes : sol
829
mènent toutes les autres, est en train de devenir
une
sorte de pont aux ânes de nos philosophies politiques (Berdiaev, Mari
830
n réjouir. L’Ordre nouveau en a tiré, le premier,
des
conclusions pratiques dans le domaine du travail. Et sa première expé
831
ers savent apprécier les conséquences concrètes d’
une
distinction que bien des clercs estimaient « trop philosophique ».
832
conséquences concrètes d’une distinction que bien
des
clercs estimaient « trop philosophique ». 36. Entendue au sens larg
833
. Entendue au sens large de discipline rigoureuse
des
activités automatiques, ou « indifférenciées », et non pas au sens pu
834
u sens purement politique de tyrannie exercée par
un
seul homme dans tous les domaines. 37. Particulièrement efficace dan
835
que la crise : 1930-1935. Il a fallu bien près d’
un
siècle, il a fallu surtout le double truchement de Heidegger et de Ka
836
r imposer à l’attention de quelques-uns l’œuvre d’
un
écrivain dont, cependant, la puissance de choc et d’interrogation ne
837
cité par tout le monde. On m’assure qu’il a même
un
public passionné. Mais si l’on juge de la façon dont il est lu par la
838
t pourtant il fallait qu’il fût traduit : c’était
une
des nécessités de notre état spirituel. Seulement, il eût fallu le tr
839
urtant il fallait qu’il fût traduit : c’était une
des
nécessités de notre état spirituel. Seulement, il eût fallu le tradui
840
ntendus inévitables. Je ne vise pas ici la langue
des
traductions, encore qu’il y ait beaucoup à dire sur ce point, mais bi
841
bien l’ordre ou plutôt la succession désordonnée
des
œuvres qu’on nous a traduites. Kierkegaard donne l’exemple unique, je
842
rkegaard donne l’exemple unique, je crois bien, d’
un
auteur qui attache autant d’importance à l’opportunité spirituelle de
843
« attaques contre la chrétienté établie ». Toute
une
carrière de poète et de philosophe « à orientation religieuse » avait
844
e climat et la juste portée de ces attaques, avec
une
patience ironique, mais aussi dans la crainte et le tremblement d’une
845
e, mais aussi dans la crainte et le tremblement d’
une
foi sans cesse combattue, d’une vraie foi. Publier maintenant, au has
846
le tremblement d’une foi sans cesse combattue, d’
une
vraie foi. Publier maintenant, au hasard, des fragments de cette œuvr
847
, d’une vraie foi. Publier maintenant, au hasard,
des
fragments de cette œuvre entièrement commandée par son terme, tout en
848
d’orientation intime, de fidélité essentielle, en
un
mot, de finalité. D’où résultent nécessairement un certain nombre de
849
n mot, de finalité. D’où résultent nécessairement
un
certain nombre de malentendus. 1. Parce qu’on a publié d’abord le Jou
850
ublié d’abord le Journal du séducteur, fragment d’
un
gros ouvrage intitulé De deux choses l’une, puis In vino veritas, fra
851
deux choses l’une, puis In vino veritas, fragment
des
Stades sur le chemin de la vie, et cela, sans déclarer avec toute l’i
852
sans déclarer avec toute l’instance que requérait
une
opération aussi risquée, que ces fragments n’étaient que les premiers
853
ces fragments n’étaient que les premiers termes d’
une
dialectique au cours de laquelle ils devaient être radicalement niés,
854
prévenu ou mal prévenu, à tenir Kierkegaard pour
une
espèce d’esthète du paradoxe moral, pour un immoraliste avant la lett
855
pour une espèce d’esthète du paradoxe moral, pour
un
immoraliste avant la lettre nietzschéenne. Admettons que la suite ait
856
r. Je crains bien que ce n’ait été qu’au profit d’
une
erreur plus subtile. 2. Parce qu’on a traduit la Maladie à la mort so
857
tôt pour le coryphée du désespoir considéré comme
un
des beaux-arts. Or s’il est vrai que Kierkegaard s’est occupé à décri
858
pour le coryphée du désespoir considéré comme un
des
beaux-arts. Or s’il est vrai que Kierkegaard s’est occupé à décrire l
859
pécheur ; s’il est vrai qu’il a su montrer, avec
une
effrayante lucidité, l’universalité de cet état, c’est aussi que pour
860
t justement celui que Kierkegaard dénonce au cœur
des
systèmes qu’ils lui opposent. 3. Parce que Kierkegaard s’est déchaîné
861
nisme « à bon marché » ; parce qu’il en appelle d’
un
christianisme théorique à un christianisme existentiel — ce qui est l
862
e qu’il en appelle d’un christianisme théorique à
un
christianisme existentiel — ce qui est le mouvement même de la Réform
863
ême de la Réforme — on a voulu le présenter comme
une
espèce de nihiliste antichrétien. Parce qu’en présence de l’écœurante
864
doute inséparable de la foi ; parce que, « comme
un
oiseau s’envole anxieux aux approches de l’orage, ainsi, flairant le
865
e grabuge en traduisant dès le début quelques-uns
des
ouvrages que Kierkegaard publia sous son vrai nom, parce qu’il y expr
866
t Kierkegaard à publier ses premières œuvres sous
des
masques diversement trompeurs lui apparaîtraient encore plus fortes d
867
sait dès lors était celle-ci : « Comment donner à
une
époque plongée dans la plus grande mollesse spirituelle » l’amère pas
868
sse spirituelle » l’amère passion de faire mourir
un
témoin de la vérité ? Si tu veux ce résultat… apprends d’abord à bien
869
insi bien informé, fais-toi alors le porte-parole
des
idées, des passions qui sont dans l’air, avec l’enthousiasme d’une él
870
nformé, fais-toi alors le porte-parole des idées,
des
passions qui sont dans l’air, avec l’enthousiasme d’une éloquence cha
871
ssions qui sont dans l’air, avec l’enthousiasme d’
une
éloquence chaude et entraînante. Pour cela, il te faut de la force et
872
le sort que choisit Kierkegaard, lorsqu’au cours
des
années qui préparèrent sa mort, il « changea de direction » et révéla
873
répète aujourd’hui parmi nous. Et la publication
des
écrits religieux entreprise par M. Paul Tisseau y contribuera certain
874
nalais ont valu à l’auteur du Traité du désespoir
un
« succès » dont il est peut-être temps de tirer certaines conclusions
875
du cœur, Le Droit de mourir pour la vérité, Pour
un
examen de conscience, Le Souverain sacrificateur. On les trouvera « c
876
« chez le traducteur, à Bazoges-en-Pareds », dans
une
petite ferme, tout au fond du bocage vendéen, pays de secrets obstiné
877
la vouloir uniquement. Mais on ne peut vouloir d’
une
manière totale et unique que ce qui est vrai. Car tout ce qui n’est p
878
i. Car tout ce qui n’est pas vrai comporte en soi
une
division et divise la volonté qu’on met à le réaliser. Tel est le suj
879
sérieux humain, l’éternité doit apparaître comme
une
espèce d’ironie cruelle ; mais du point de vue de l’éternité, le séri
880
l’éternité, le sérieux humain apparaît affecté d’
un
humour désespéré. La dialectique de Kierkegaard consiste alors à déco
881
à montrer que l’éternelle vérité n’est encore qu’
une
grandiose ironie tant qu’elle n’est pas actualisée dans l’acte de foi
882
, jette sur tous nos sérieux, poses et amusettes,
une
ironie, ou ce qui est pire, un soupçon d’insondable ironie. Un soupço
883
ses et amusettes, une ironie, ou ce qui est pire,
un
soupçon d’insondable ironie. Un soupçon : car peut-être, l’acte de fo
884
ce qui est pire, un soupçon d’insondable ironie.
Un
soupçon : car peut-être, l’acte de foi n’existe pas ? Peut-être n’est
885
’acte de foi n’existe pas ? Peut-être n’est-ce qu’
une
figure de rhétorique pieuse, une illusion, un mythe, ou encore un sau
886
être n’est-ce qu’une figure de rhétorique pieuse,
une
illusion, un mythe, ou encore un saut dans le vide ? Et alors il n’y
887
qu’une figure de rhétorique pieuse, une illusion,
un
mythe, ou encore un saut dans le vide ? Et alors il n’y aurait nulle
888
torique pieuse, une illusion, un mythe, ou encore
un
saut dans le vide ? Et alors il n’y aurait nulle part de vrai sérieux
889
ette Résurrection peut devenir quelque part, dans
une
vie, le hic et nunc de la foi ? Mais alors il n’y a pas de vrai série
890
l’ironie, l’ironie du sérieux, voilà les pôles d’
une
dialectique dont le plus étrange, sans doute, est qu’elle embrasse av
891
us étrange, sans doute, est qu’elle embrasse avec
une
familiarité poignante les problèmes de la vie banale. Il y a dans ce
892
me, par exemple, à la fin du Miroir de la Parole)
une
appréhension si totale du réel que notre langue, je le crains, n’arri
893
s, les gaucheries qui arrêtent parfois le lecteur
des
meilleures traductions françaises de Kierkegaard. P.-S. Cette chron
894
à imprimée, quand j’ai lu dans les Cahiers du Sud
une
étude de Benjamin Fondane qui s’en prend avec énergie aux interprétat
895
etourne à son auteur. Mais peut-on y répondre par
des
mots ? Plusieurs des Discours religieux ayant pour objet de « prépare
896
Mais peut-on y répondre par des mots ? Plusieurs
des
Discours religieux ayant pour objet de « préparer à la Communion », j
897
arer à la Communion », je ne vois pour ma part qu’
un
seul moyen de s’engager de toute sa personne à la suite de Kierkegaar
898
. La rumeur quotidienne tend à faire de « poète »
une
circonstance atténuante, au bénéfice du maladroit, s’il est aimable.
899
is Claudel dit : l’art poétique est art de faire.
Un
gémissement célèbre, chez les clercs, déplore l’antipathie tragique d
900
de choisir, car l’étymologie est trop loin d’être
une
science pour que l’adoption même d’une « origine » soit autre chose q
901
oin d’être une science pour que l’adoption même d’
une
« origine » soit autre chose qu’un choix délibéré, quand ce n’est pas
902
option même d’une « origine » soit autre chose qu’
un
choix délibéré, quand ce n’est pas un profond calembour. « Il est per
903
re chose qu’un choix délibéré, quand ce n’est pas
un
profond calembour. « Il est permis à chacun de se servir de tel son q
904
moins servir à préciser ce qui oppose la langue d’
un
poète aux divers jargons de son temps : c’est que l’une est une langu
905
divers jargons de son temps : c’est que l’une est
une
langue « avertie », posant un perpétuel avertissement, tandis que les
906
’est que l’une est une langue « avertie », posant
un
perpétuel avertissement, tandis que les autres ont plutôt l’air de ré
907
dis que les autres ont plutôt l’air de résulter d’
une
série d’oublis d’avertir, d’une série de contraventions dans l’impuni
908
air de résulter d’une série d’oublis d’avertir, d’
une
série de contraventions dans l’impunité générale. Claudel montre part
909
ettre à nos pensées de circuler. Claudel se donne
un
règlement, et il observe les signaux. Les autres (voyez leurs journau
910
autres (voyez leurs journaux) se sont jetés dans
un
énorme embouteillage, il n’y a plus qu’à se laisser pousser dans le s
911
presque indéfinissable (plus rien n’avance, c’est
un
sur-place exaspérant, tous les moteurs sont débrayés) ce sens partout
912
yons de la traduire. Les modes, l’usage, l’usure
des
mots aggravés par la presse et par la politique, ont peu à peu fait p
913
olitique, ont peu à peu fait passer pour communes
des
significations qui à vrai dire, et dans le fait, ruinent les bases de
914
s de la communauté. On convient de s’entendre sur
des
malentendus42. À ce prix, l’on nourrit une paix sans racines. (Alors
915
re sur des malentendus42. À ce prix, l’on nourrit
une
paix sans racines. (Alors que toute communauté réelle naît d’une ente
916
acines. (Alors que toute communauté réelle naît d’
une
entente passionnée sur le sens de certains maîtres-mots : esprit, nat
917
re la pensée et la main. Cependant que l’effort d’
un
Claudel, restituant à chaque mot son sens le plus poignant, par là mê
918
plus poignant, par là même le plus apte à ranimer
une
communion vivante entre les hommes, se trouve produire exactement l’e
919
et contraire : son succès même va s’inscrire dans
une
œuvre incommunicable au très grand nombre. Rendre au mot sa valeur d’
920
ui, se condamner à n’être pas compris. Paradoxe d’
un
génie catholique, isolé de la foule des hommes, par ce qui manifeste,
921
Paradoxe d’un génie catholique, isolé de la foule
des
hommes, par ce qui manifeste, justement, sa volonté de catholicité !
922
uisition ? Qu’on ne dise pas que la philosophie d’
un
grand poète importe moins que son humanité, que son lyrisme, ou que c
923
e Tête d’Or ou de l’Annonce. Ce serait aggraver d’
une
sottise cette Séparation, notre péché, contre laquelle toute l’œuvre
924
spirituel, ne connaît pas de lois mais seulement
des
formes. C’est un monde en recréation perpétuelle, et tout s’y tient p
925
naît pas de lois mais seulement des formes. C’est
un
monde en recréation perpétuelle, et tout s’y tient parce que chaque ê
926
de l’image, le mot qui profère son sens. » C’est
un
univers du discours, où les objets qui « veulent dire » s’assemblent
927
n’a fait que constater les effets antipoétiques d’
un
relâchement originel. Rompre le lien de l’homme avec son origine, c’e
928
a fin universelle. Alors l’homme se complaît dans
une
fin qu’il fait sienne, c’est-à-dire qu’il s’isole et s’abstrait du mo
929
du mouvement de la Création. « Et c’est pourquoi
une
fin lui fut en effet donnée » — qui est sa mort. Mais l’œuvre du poèt
930
rétien (identiquement), c’est alors d’embrasser d’
un
seul geste, de réunir, de relancer vers sa vraie fin tout ce qu’une d
931
réunir, de relancer vers sa vraie fin tout ce qu’
une
durée mauvaise a disjoint et altéré. « Car l’attente ardente de la cr
932
tente ardente de la création attend la révélation
des
enfants de Dieu, parce que ce n’est pas de son propre gré qu’elle a é
933
n la chose qu’il re-présente tout d’abord, rendre
un
corps et refaire des racines matérielles aux dérivés les plus exsangu
934
présente tout d’abord, rendre un corps et refaire
des
racines matérielles aux dérivés les plus exsangues, c’est rénover l’a
935
de co-naissance qui répond à la présence sensible
des
choses mêmes. » Le nom, qui désigne la chose, appelle un geste de l’h
936
es mêmes. » Le nom, qui désigne la chose, appelle
un
geste de l’homme pour cette chose. Le verbe, désignant ce geste, appe
937
ette chose. Le verbe, désignant ce geste, appelle
une
phrase, un rythme d’actes concertés. Ainsi l’homme se trouve mis « en
938
Le verbe, désignant ce geste, appelle une phrase,
un
rythme d’actes concertés. Ainsi l’homme se trouve mis « en communicat
939
« L’acte par lequel l’homme atteste la permanence
des
choses, par lequel, en dehors du temps, en dehors des circonstances e
940
stances et causes secondes, il formule l’ensemble
des
conditions permanentes dont la réunion donne à chaque chose son droit
941
thenticité ». Il est, par son action recréatrice,
une
étymologie vivante de tout ce qui est. Et maintenant, pour se connaît
942
plus ou moindre grande qu’il éprouve à se servir
des
instruments dont il a la propriété ». Et son corps lui est comme « un
943
il a la propriété ». Et son corps lui est comme «
un
document où il suit les œuvres de l’esprit qui le remue ». Penser dan
944
tout appelle, et d’abord la parole ! Mais l’usure
des
mots les édente, notre langage est débrayé. Comment rétablir le conta
945
: « Ruminons la bouchée intelligible. » Toujours
une
chose-image, au lieu d’une formule faite, d’un terme abstrait. C’est
946
telligible. » Toujours une chose-image, au lieu d’
une
formule faite, d’un terme abstrait. C’est le style du livre de Job.
947
s une chose-image, au lieu d’une formule faite, d’
un
terme abstrait. C’est le style du livre de Job. aa. Rougemont Deni
948
Une
idée de Law (janvier 1937)ab C’est dans les Œuvres de Law qu’on tr
949
lui qui a le dernier écu. On entretient en France
une
armée qui coûte 100 millions par an ; c’est 2 milliards pour vingt an
950
ies. Ainsi, la destruction directe ou indirecte d’
un
soldat allemand nous coûte 20 000 livres, sans compter la perte sur n
951
t attirail dispendieux, incommode et dangereux, d’
une
armée permanente, ne vaudrait-il pas mieux en épargner les frais et a
952
ée ennemie, lorsque l’occasion s’en présenterait.
Un
Anglais estimait un homme 480 livres sterling. C’est la plus forte év
953
l’occasion s’en présenterait. Un Anglais estimait
un
homme 480 livres sterling. C’est la plus forte évaluation, et ils ne
954
ut en population, car, pour son argent, on aurait
un
homme nouveau, au lieu que, dans le système actuel, on perd celui qu’
955
patriote de Law, M. Rickett songeait sans doute à
une
opération fort analogue lorsqu’il tenta d’acheter le sol que le Duce
956
la morale. Mais ils permettent d’entrevoir l’une
des
raisons de notre anarchie économique. Le capitalisme ne serait peut-ê
957
conomique. Le capitalisme ne serait peut-être pas
un
trop mauvais système si ses entreprises n’étaient constamment travers
958
ses n’étaient constamment traversées par celles d’
une
passion contraire, qui est l’honneur. Car il est clair que l’honneur
959
u du moins ce qu’il nous en reste, et ce n’est qu’
une
caricature — retient les gouvernants de suivre jusqu’au bout, et sans
960
ais quels scandales… ab. Rougemont Denis de, «
Une
idée de Law », La Nouvelle Revue française, Paris, janvier 1937, p. 1
961
nalisme, par Emmanuel Mounier (février 1937)ac
Des
quatre essais publiés jusqu’ici par Mounier, ce traité de la propriét
962
ses coupes, qualités nées, comme par décantation,
des
défauts mêmes qu’on a pu reprocher aux précédents ouvrages de l’auteu
963
mas d’Aquin et de Cajetan. On ne nous propose pas
un
« retour » de plus à quelque médiévisme d’utopie, mais au contraire o
964
tes avaient obnubilées, et que la grande majorité
des
catholiques d’aujourd’hui ignore avec persévérance. À vrai dire, nul
965
éfendre la propriété contre les mauvaises raisons
des
capitalistes, ou comme il dit : « libérer de la dialectique des propr
966
es, ou comme il dit : « libérer de la dialectique
des
propriétaires les valeurs de propriété personnelle ». La plupart des
967
le la Somme — usage commun et gestion personnelle
des
biens, nécessaire vital et nécessaire personnel, entre autres — appar
968
cessaire personnel, entre autres — apparaissent d’
une
utilité et d’une efficacité éclatantes dans l’embrouillamini politico
969
l, entre autres — apparaissent d’une utilité et d’
une
efficacité éclatantes dans l’embrouillamini politico-sentimental où n
970
ments secrétés par le capitalisme. Mounier part d’
une
phénoménologie de la possession — presque trop brillante par endroits
971
sque trop brillante par endroits —, s’engage dans
un
exposé synthétique des doctrines thomistes, et rejoint avec un nature
972
r endroits —, s’engage dans un exposé synthétique
des
doctrines thomistes, et rejoint avec un naturel qui est succès de ce
973
thétique des doctrines thomistes, et rejoint avec
un
naturel qui est succès de ce livre, les positions constructives d’Esp
974
ens du livre est celui-ci : il s’agit de passer d’
un
mode de propriété abstrait et anonyme à un mode personnel et responsa
975
sser d’un mode de propriété abstrait et anonyme à
un
mode personnel et responsable, ou encore, d’un mode matérialiste et t
976
à un mode personnel et responsable, ou encore, d’
un
mode matérialiste et tyrannique à un mode spirituel, donc humain. Je
977
ou encore, d’un mode matérialiste et tyrannique à
un
mode spirituel, donc humain. Je sais gré à Mounier d’avoir, chemin fa
978
emin faisant, démontré que la propriété n’est pas
un
instinct permanent, mais au contraire un besoin de l’esprit — le néce
979
’est pas un instinct permanent, mais au contraire
un
besoin de l’esprit — le nécessaire vital une fois assuré. Ce qui suff
980
fois assuré. Ce qui suffit à renverser l’argument
des
propriétaires, trop souvent et hypocritement opposé à certain communi
981
récent Manifeste de Mounier permettra de prendre
une
mesure rapide des progrès — et aussi des lacunes provisoires45 — de c
982
de Mounier permettra de prendre une mesure rapide
des
progrès — et aussi des lacunes provisoires45 — de ce mouvement. Le le
983
prendre une mesure rapide des progrès — et aussi
des
lacunes provisoires45 — de ce mouvement. Le lecteur qui se souvient e
984
publié ici même en 1932, ne manquera pas de faire
des
rapprochements fort instructifs. Ce terme de personne, que nous jetio
985
urquoi, d’ailleurs, ils s’obstinent à lui accoler
un
adjectif pléonastique : « personne humaine ».) En 1932, les marxistes
986
role officiel du parti communiste français publie
une
sorte de discours-programme intitulé Au service de l’Esprit 46. Et l’
987
es problèmes de la paix, de la liberté et du pain
des
hommes »ad. À vrai dire, nous n’espérions pas un triomphe si rapide —
988
des hommes »ad. À vrai dire, nous n’espérions pas
un
triomphe si rapide — ni de cette qualité… À nous maintenant de rendre
989
itique qu’il se veuille, se trouve intéressé dans
un
pareil débat ? Cela va de soi. 44. Je pense que Mounier ne se dissi
990
er ne se dissimule pas le caractère « théorique »
des
justifications qu’il va demander à certaines traditions catholiques.
991
ut donner l’aumône au nécessiteux avec l’argent d’
un
autre, s’il ne peut le faire du sien ». (Car cet argent de l’autre de
992
n.) Mais je ne sache pas qu’on ait jamais songé à
des
théories de ce genre pour excuser la sécularisation des biens convent
993
éories de ce genre pour excuser la sécularisation
des
biens conventuels — biens dans lesquels Labriola pouvait voir l’origi
994
l’accumulation capitaliste. (Centres de commerce
des
couvents anglais.) — Pendant que j’y suis, une autre remarque : Mouni
995
ce des couvents anglais.) — Pendant que j’y suis,
une
autre remarque : Mounier exagère l’importance économique de l’usure,
996
économique de l’usure, suivant l’erreur fréquente
des
écrivains catholiques. Marx a bien montré que l’usure n’est qu’un fac
997
holiques. Marx a bien montré que l’usure n’est qu’
un
facteur secondaire, et très peu décisif, du capitalisme. 45. Le Préc
998
N’habitez pas les villes (Extrait d’
un
Journal) (juillet 1937)ae Je revois, je revis si bien la traversée
999
non sans fièvre, et cette arrivée au soleil dans
une
liberté naïve et nue, pauvre et joyeuse. Mais je vois bien qu’il me f
1000
de ce port atlantique, j’en étais à considérer d’
un
œil brûlé par l’insomnie les flots de l’océan maussade et les pauvres
1001
. J’étais chômeur depuis trois mois. On m’offrait
un
abri quelque part, une maison vide pendant l’hiver, une occasion de s
1002
is trois mois. On m’offrait un abri quelque part,
une
maison vide pendant l’hiver, une occasion de solitude désirée en secr
1003
ri quelque part, une maison vide pendant l’hiver,
une
occasion de solitude désirée en secret dès longtemps. Je voudrais bie
1004
moins pour la jeunesse sans argent, est la ville
des
gérants ignobles et des concierges, des lieux-sombres-et-populeux où
1005
sans argent, est la ville des gérants ignobles et
des
concierges, des lieux-sombres-et-populeux où il faut pénétrer l’âme b
1006
la ville des gérants ignobles et des concierges,
des
lieux-sombres-et-populeux où il faut pénétrer l’âme basse et la petit
1007
t il suffit de bien peu pour partir : la France a
des
milliers de maisons vides. Dites autour de vous que vous en cherchez
1008
vides. Dites autour de vous que vous en cherchez
une
, et vous en trouverez pour rien, ou pas grand-chose. Encore faut-il s
1009
aire, c’est entendu. Je ne possède légalement que
des
valises, de quoi me vêtir, et quelques livres. Mais aussi, je ne puis
1010
aussi, je ne puis vivre nulle part sans me créer
des
possessions, appelant ainsi toute chose que je sais mettre en œuvre à
1011
c’est user en fait de cette chose-là. C’est donc
un
acte et pas du tout un droit. Et ce n’est pas une sécurité, ni rien q
1012
cette chose-là. C’est donc un acte et pas du tout
un
droit. Et ce n’est pas une sécurité, ni rien qui dure au-delà du temp
1013
un acte et pas du tout un droit. Et ce n’est pas
une
sécurité, ni rien qui dure au-delà du temps qu’on en jouit. Cette mai
1014
sance avec laquelle j’en saurai faire usage, pour
une
fin qui leur est étrangère, et qui me commandera de les quitter le jo
1015
Par quelle folie pensent-ils pouvoir « hériter »
des
biens de leurs pères ? Il faut tout ignorer de la vraie possession !
1016
s ? Il faut tout ignorer de la vraie possession !
Une
chose n’est mienne que pour un temps, et si je change, elle me devien
1017
raie possession ! Une chose n’est mienne que pour
un
temps, et si je change, elle me devient impropre. Je n’hérite pas mêm
1018
illeuls, la margelle du puits à gauche, où repose
une
vieille chatte, le chai à droite. Au-delà de la cour, les planches in
1019
es planches incultes du potager, de chaque côté d’
une
allée bordée de rosiers. L’allée aboutit à une porte de bois à deux b
1020
d’une allée bordée de rosiers. L’allée aboutit à
une
porte de bois à deux battants, à demi cachée par des lauriers épais.
1021
porte de bois à deux battants, à demi cachée par
des
lauriers épais. De hauts murs blancs enclosent de tous côtés ce jardi
1022
e la maison. On ne voit rien que le ciel au-delà,
un
ciel lavé, tissé d’oiseaux, et parfois traversé par un nuage rapide.
1023
el lavé, tissé d’oiseaux, et parfois traversé par
un
nuage rapide. La maison compte deux chambres au rez-de-chaussée, sépa
1024
es au rez-de-chaussée, séparées de la cuisine par
un
couloir dallé. À l’étage, où l’on parvient par un petit escalier qui
1025
un couloir dallé. À l’étage, où l’on parvient par
un
petit escalier qui prend au fond de la cuisine, deux autres chambres
1026
rt de plafond. Très peu de meubles, comme j’aime.
Des
murs blanchis ou teintés de bleu clair, des planchers rudes. Décor ca
1027
aime. Des murs blanchis ou teintés de bleu clair,
des
planchers rudes. Décor candide et gai, oui vraiment plus gai qu’ascét
1028
t plus gai qu’ascétique. Dans le chai, à la porte
un
peu trop basse, règne une pénétrante odeur de laurier. 10 novembre
1029
Dans le chai, à la porte un peu trop basse, règne
une
pénétrante odeur de laurier. 10 novembre Ce journal n’aura rien d’i
1030
écis qui me paraîtront frappants ici ou là, c’est
une
sorte de contrôle amusant et utile — pour plus tard — et c’est une bo
1031
rôle amusant et utile — pour plus tard — et c’est
une
bonne discipline de l’esprit que la description objective. Me voici p
1032
que la description objective. Me voici pris dans
une
expérience forcée de vie pauvre, libre et solitaire — trois grands mo
1033
ts ! et pourtant c’est bien cela — tout au bout d’
un
pays dénué de ressources, pratiquement analogue, j’imagine, à un post
1034
e ressources, pratiquement analogue, j’imagine, à
un
poste colonial aux limites du désert. Curiosité, comme au début d’un
1035
ux limites du désert. Curiosité, comme au début d’
un
film. La situation est d’ailleurs excellente pour l’instant. Il nous
1036
si du moins nos calculs sont justes : 900 francs,
un
bon toit, et le temps de voir venir. Du 10 au 17 novembre Pour pare
1037
er au plus pressé, écrit et envoyé six articles à
des
revues, hebdomadaires et journaux. Grande facilité de travail dans le
1038
hui c’est le jour du repos. J’ai trouvé au fond d’
une
armoire, derrière une pile d’assiettes, deux volumes sur l’histoire d
1039
epos. J’ai trouvé au fond d’une armoire, derrière
une
pile d’assiettes, deux volumes sur l’histoire de l’île, ses coutumes,
1040
ses coutumes, et son dialecte. L’un est l’œuvre d’
un
archiviste du continent. Il affecte une douce ironie sorbonnarde pour
1041
l’œuvre d’un archiviste du continent. Il affecte
une
douce ironie sorbonnarde pour les petits événements qui se déroulèren
1042
à son auteur. Le second bouquin, c’est l’œuvre d’
un
vieux médecin tout plein de verve et de gaillarde érudition, comme il
1043
e et de gaillarde érudition, comme il s’en trouve
un
peu partout pour sauver « l’esprit » d’un pays. J’ai passé tout l’apr
1044
trouve un peu partout pour sauver « l’esprit » d’
un
pays. J’ai passé tout l’après-midi dessus. — Cela commence par une ch
1045
ssé tout l’après-midi dessus. — Cela commence par
une
chronique historique dont l’essentiel est naturellement l’énumération
1046
dont l’essentiel est naturellement l’énumération
des
débarquements qui ont honoré l’île, des premières galères romaines ju
1047
umération des débarquements qui ont honoré l’île,
des
premières galères romaines jusqu’au bateau à vapeur de Sadi Carnot —
1048
ar les drakkars norvégiens, les flottes anglaises
des
guerres de religion et les expéditions de saumoniers. Une période hér
1049
res de religion et les expéditions de saumoniers.
Une
période héroïque sous Richelieu. Depuis lors, semble-t-il, les villag
1050
en friche. La Révolution seule a ranimé l’ardeur
des
habitants, pour la plupart jacobins. Plusieurs des discours de leurs
1051
es habitants, pour la plupart jacobins. Plusieurs
des
discours de leurs chefs ont été consignés par miracle : ils ne le cèd
1052
ampleur de leurs vues sur le monde, à l’éloquence
des
conventionnels… On trouve encore dans ce livre des anecdotes paysanne
1053
es conventionnels… On trouve encore dans ce livre
des
anecdotes paysannes assez libres, rédigées dans un patois un peu trop
1054
s anecdotes paysannes assez libres, rédigées dans
un
patois un peu trop exemplaire. D’intéressantes précisions budgétaires
1055
s paysannes assez libres, rédigées dans un patois
un
peu trop exemplaire. D’intéressantes précisions budgétaires sur les i
1056
moins à son instigation. Enfin, et cela nous sera
des
plus utiles, une minutieuse description de la faune et de la flore de
1057
gation. Enfin, et cela nous sera des plus utiles,
une
minutieuse description de la faune et de la flore de l’île, du régime
1058
on de la faune et de la flore de l’île, du régime
des
marées, des courants et des vents. Merveilleux livre en vérité ! Et l
1059
ne et de la flore de l’île, du régime des marées,
des
courants et des vents. Merveilleux livre en vérité ! Et la merveilleu
1060
e de l’île, du régime des marées, des courants et
des
vents. Merveilleux livre en vérité ! Et la merveilleuse bibliothèque
1061
rages analogues que, dans chaque sous-préfecture,
un
vieux docteur au fichu caractère a composé de sa longue expérience, d
1062
eur. L’esprit fort et l’esprit de clocher se font
une
guerre acharnée dans ces pages et ils l’emportent tour à tour, jusqu’
1063
portent tour à tour, jusqu’à la synthèse finale d’
une
envolée tout à la fois patriotique, républicaine, et tolérante. La dr
1064
ublicaine, et tolérante. La droite, la gauche, et
une
certaine espèce d’intelligence, ou d’ironie… Pour de tels hommes, cer
1065
pas deux France ! Ou plutôt elles se mêlent dans
un
combat indivisible et nécessaire au cœur de chacun d’eux. Voilà l’esp
1066
bout de notre jardin. Passée la porte, on enfile
une
petite rue toute blanche qui contourne la panse de l’église et abouti
1067
ace principale. Au milieu de cette place, qui est
un
vaste rectangle de terre jaune, les habitants plantèrent à la Révolut
1068
e jaune, les habitants plantèrent à la Révolution
un
arbre de la Liberté. Cet orme est devenu gigantesque, majestueux, exe
1069
us ses détails et toute son opulence, frisé comme
une
perruque du grand siècle. De trois côtés de la place généralement vid
1070
airs et simples, blanc, jaune ou vert. La couleur
des
volets s’harmonise avec chaque façade d’une manière subtile et précis
1071
uleur des volets s’harmonise avec chaque façade d’
une
manière subtile et précise qui en dit long sur l’âme de ce peuple dis
1072
t l’impression que je veux retenir pour le moment
des
gens d’ici. Elle corrige la mauvaise humeur que m’a donnée notre épic
1073
a vivre. Celle-ci est énorme et goutteuse. Elle a
des
douleurs dans les jambes, et m’en parle d’abord, pour me mettre en co
1074
aire causer avant de fixer le prix du chou-fleur,
des
enveloppes jaunes, du peloton de ficelle et du kilo de riz. Mes vêtem
1075
ne la renseignent pas clairement. Et que penser d’
un
« Parisien » qui manifeste l’intention de rester ici tout l’hiver ? C
1076
mes vacances ! J’ai du travail à faire chez moi,
des
tas de choses à écrire… Elle n’ose pas m’en demander davantage. Et mo
1077
n’achetant guère autre chose que de la mercerie,
des
lainages et des épices. Alors il faut aller de l’autre côté de la pla
1078
e autre chose que de la mercerie, des lainages et
des
épices. Alors il faut aller de l’autre côté de la place, chez Mélie.
1079
ar elles ne baisseront pas leurs prix pour garder
un
client, elles les augmenteront bien plutôt pour le punir d’avoir été
1080
pas être accueilli par la réprobation sournoise d’
une
épicière. 20 novembre Le bureau de poste. Trois mètres sur trois, e
1081
re Le bureau de poste. Trois mètres sur trois, et
une
grille épaisse au milieu. Derrière la grille, le long visage de Péden
1082
s fois la semaine au moins, il me voit venir avec
une
grande enveloppe contenant un manuscrit. « Est-ce une lettre ? — Non.
1083
me voit venir avec une grande enveloppe contenant
un
manuscrit. « Est-ce une lettre ? — Non. Est-ce un imprimé ? — Non. C’
1084
grande enveloppe contenant un manuscrit. « Est-ce
une
lettre ? — Non. Est-ce un imprimé ? — Non. C’est tapé à la machine. —
1085
un manuscrit. « Est-ce une lettre ? — Non. Est-ce
un
imprimé ? — Non. C’est tapé à la machine. — Est-ce qu’il n’y a rien d
1086
e qu’il n’y a rien d’écrit à la main ? Si, il y a
des
corrections écrites à la main. » Pédenaud relit pour la énième fois s
1087
our la énième fois son tarif, fait son calcul sur
un
bout de papier, et conclut que j’ai à payer 72 francs pour un envoi,
1088
apier, et conclut que j’ai à payer 72 francs pour
un
envoi, ce jour-là, d’une centaine de feuilles. Il en paraît lui-même
1089
ai à payer 72 francs pour un envoi, ce jour-là, d’
une
centaine de feuilles. Il en paraît lui-même consterné. J’affirme avec
1090
du jardin. C’est la femme de Pédenaud qui brandit
un
papier. J’accours : elle me tend une formule de télégramme, mais ce n
1091
d qui brandit un papier. J’accours : elle me tend
une
formule de télégramme, mais ce n’est pas un télégramme, c’est une not
1092
tend une formule de télégramme, mais ce n’est pas
un
télégramme, c’est une notification officielle d’avoir à verser sans d
1093
élégramme, mais ce n’est pas un télégramme, c’est
une
notification officielle d’avoir à verser sans délai la somme de franc
1094
Pédenaud qui a voulu en avoir le cœur net, a pris
des
instructions par téléphone au chef-lieu. Son supérieur lui a confirmé
1095
one au chef-lieu. Son supérieur lui a confirmé qu’
un
manuscrit s’affranchit comme une lettre. Il faut donc que je m’exécut
1096
lui a confirmé qu’un manuscrit s’affranchit comme
une
lettre. Il faut donc que je m’exécute, sinon c’est lui qui sera forcé
1097
ge le sac postal, discuter passionnément, trouver
une
formule d’apaisement qui ménage toutes les susceptibilités, et finale
1098
és, et finalement ne rien payer de plus. Je cause
un
peu, pour me faire pardonner. Pédenaud est mutilé de guerre. Il boite
1099
ancs par mois « en comptant tout ». Sa femme fait
des
lessives. En été ils pêchent des palourdes et les vendent aux baigneu
1100
». Sa femme fait des lessives. En été ils pêchent
des
palourdes et les vendent aux baigneurs. Bien entendu, je n’arrive pas
1101
mbien ce petit commerce lui rapporte, « ça dépend
des
années ». 1er décembre Dépenses du premier mois dans l’île : ménag
1102
tes : 80 francs pour quelques notes publiées dans
une
revue. Reste : environ 200 francs. Le sentiment de dépendre entièreme
1103
lointaines, et du hasard, éveille par résonnance
un
sentiment de liberté, de gratuité aventureuse. Mon sort ne dépend plu
1104
en que je l’ai dit quelquefois. Mais il y a aussi
des
exceptions, des cas sans précédent, et des raisons toutes personnelle
1105
it quelquefois. Mais il y a aussi des exceptions,
des
cas sans précédent, et des raisons toutes personnelles de ne pas appe
1106
aussi des exceptions, des cas sans précédent, et
des
raisons toutes personnelles de ne pas appeler au secours. Pourtant je
1107
stions. — Est-ce donc si « naturel » de vivre sur
une
île ? Est-ce que l’insularité (géographique et morale) n’est pas une
1108
e l’insularité (géographique et morale) n’est pas
une
espèce de vice ? Est-ce que ce n’est pas la racine de tout l’idéalism
1109
uffrons tous ? Pourquoi les hommes vivent-ils sur
des
îles ? Quand nous sortons pour une promenade et que nous mesurons tou
1110
vivent-ils sur des îles ? Quand nous sortons pour
une
promenade et que nous mesurons toute l’étroitesse de notre domaine, l
1111
jusqu’au pays voisin. Cette liberté insulaire est
une
liberté négative. Elle nous met à l’abri du monde et nous ramène tous
1112
availle vraiment en écrivant, cela met entre nous
une
barrière sentimentale, une gêne constamment sensible. Et je n’ai null
1113
t, cela met entre nous une barrière sentimentale,
une
gêne constamment sensible. Et je n’ai nulle envie d’en prendre mon pa
1114
Dans ce qu’ils ont pu entrevoir de mon activité,
une
seule chose les a frappés : ma machine à écrire. La mère Renaud, qui
1115
és : ma machine à écrire. La mère Renaud, qui est
une
vieille amie des propriétaires de notre maison, est venue plusieurs f
1116
écrire. La mère Renaud, qui est une vieille amie
des
propriétaires de notre maison, est venue plusieurs fois nous voir. Hi
1117
le comprendre et l’admirer. Ils ont ainsi sur moi
une
sorte de supériorité concrète dont je ne souffre pas dans ma vanité,
1118
nge direct sur pied d’égalité. Le père Renaud est
un
ancien marin, barbu, jovial, déjà touché par le gâtisme, mais agréabl
1119
e, en 1886. ») Il s’occupe maintenant à fabriquer
un
filet de quatre-vingts mètres, bel ouvrage dont le détail m’intéresse
1120
vrage dont le détail m’intéresse. Le fils compose
des
cartes postales illustrées avec des bouts de timbres-poste découpés.
1121
fils compose des cartes postales illustrées avec
des
bouts de timbres-poste découpés. Je m’attarde à causer dans leur cuis
1122
rien désirer de plus plaisant que cet intérieur.
Des
chaises au siège de bois poli, une lourde table au centre, une autre
1123
cet intérieur. Des chaises au siège de bois poli,
une
lourde table au centre, une autre plus petite vers la fenêtre, sur la
1124
u siège de bois poli, une lourde table au centre,
une
autre plus petite vers la fenêtre, sur laquelle travaille le père Ren
1125
e Renaud. Le sol est de terre battue recouverte d’
une
fine couche de sable. Sur les murs blanchis, quelques petites gravure
1126
iennes, encadrées de noir, et joliment disposées,
une
photo de bateau, et un vieil arbre généalogique aux couleurs pâlies.
1127
r, et joliment disposées, une photo de bateau, et
un
vieil arbre généalogique aux couleurs pâlies. Cet ordre gai, cette pr
1128
a côte, et je les écoute avec toute l’attention d’
un
apprenti ; de leurs souvenirs, parfois touchants, parfois comiques, t
1129
parfois comiques, toujours révélateurs pour moi d’
un
monde non pas absolument nouveau, mais nouvellement intéressant. Et q
1130
se taisent bien vite, ou se remettent à raconter
des
anecdotes subitement sans intérêt. Je ne sens pas qu’ils se méfient d
1131
devine qu’ils n’estiment pas que je puisse avoir
une
opinion plus avertie que la leur sur les sujets que je viens de nomme
1132
e se doutent pas que c’est de cela précisément qu’
un
écrivain peut faire sa « spécialité ». Et rien ne les étonnerait dava
1133
rien ne les étonnerait davantage que d’apprendre
un
beau jour que je m’intéresse à leurs « idées », à leur situation, à l
1134
peine à exprimer ceci, — qui n’est précisément qu’
un
sentiment de gêne en moi. Sentiment qu’il y a là quelque absurdité, e
1135
que personne ne pense à la dire… Peut-être, dans
un
siècle ou deux, se demandera-t-on comment nous avons pu rester si par
1136
er qu’on ignore l’une et l’autre ? Ou témoigner d’
une
naïveté impardonnable ? — Pourtant, je ne suis pas prêt à me donner t
1137
itre, mais seulement « évangéliste » au service d’
une
œuvre missionnaire. Les évangélistes étant moins bien payés que les p
1138
Palut est obligée de faire, quand cela se trouve,
des
remplacements d’institutrices. Ils ont déjà deux garçons, et ils ont
1139
, et ils ont trouvé le moyen de recueillir encore
une
vieille Bretonne sans ressources, qui aide un peu à la cuisine et cas
1140
re une vieille Bretonne sans ressources, qui aide
un
peu à la cuisine et casse beaucoup d’assiettes. Dans cette île, qui f
1141
au xvie siècle, M. Palut n’a plus aujourd’hui qu’
une
centaine de paroissiens disséminés. Il en vient une dizaine au culte.
1142
e centaine de paroissiens disséminés. Il en vient
une
dizaine au culte. Les autres habitent trop loin, ou sont indifférents
1143
isolement intellectuel. Il trouve normal de vivre
une
vie humainement absurde. Non qu’il n’en distingue pas l’absurdité, ma
1144
s simplement il sait pourquoi il la subit. Fils d’
un
petit hôtelier breton d’origine catholique, il s’est converti à l’âge
1145
n d’agrément, ne m’a permis de faire jusqu’ici qu’
une
seule expérience précise et utile : celle du loisir. Je m’aperçois qu
1146
je ne savais plus, ou ne pouvais plus, « perdre »
une
soirée, depuis six mois que je n’ai plus de travail fixe. Quand je m’
1147
sa journée et qui pense maintenant à autre chose.
Une
sorte d’impatience me tarabustait encore, me ramenait sans cesse aux
1148
n’est pas simplement la cessation du travail pour
un
repos nécessaire. Il se définit psychologiquement non par rapport au
1149
fortune, soit dans mon cas particulier, l’amitié.
Un
chômeur intellectuel peut encore travailler — et c’est cela qui le di
1150
— et c’est cela qui le différencie profondément d’
un
chômeur industriel, par exemple — mais il ne connaît plus de vrais lo
1151
pas se mettre en colère au mois de janvier. C’est
une
saison abstraite, on n’atteint presque rien. Le soleil froid à traver
1152
n’atteint presque rien. Le soleil froid à travers
une
brume lointaine agrandit les regards sans nourrir la vision. Pas de m
1153
la vision. Pas de mouches dans la lumière au ras
des
landes. Lucidité stérile du bel hiver ! La colère y jaillit sans renc
1154
ar désir famélique de créer du nouveau. Car c’est
une
consolation aussi que d’avoir à faire face à quelque catastrophe inti
1155
intime. Certains jours on donnerait beaucoup pour
une
bonne raison de désespérer, pour une bonne et impérieuse raison d’aba
1156
eaucoup pour une bonne raison de désespérer, pour
une
bonne et impérieuse raison d’abandonner cette partie mal engagée, ma
1157
r neuf, enfantin, ou tout simplement jeune devant
un
présent ouvert de tous côtés… Une seule vertu peut alors nous sauver
1158
ent jeune devant un présent ouvert de tous côtés…
Une
seule vertu peut alors nous sauver de cette tentation du désespoir, e
1159
ortant, le monde s’agrandit. Je puis encore aimer
des
paysages qui ne sont pas mon état d’âme, mais une parole à déchiffrer
1160
des paysages qui ne sont pas mon état d’âme, mais
une
parole à déchiffrer. L’humilité m’apporte des nouvelles du monde. Ain
1161
ais une parole à déchiffrer. L’humilité m’apporte
des
nouvelles du monde. Ainsi je me renouvelle lentement. C’est un moyen
1162
du monde. Ainsi je me renouvelle lentement. C’est
un
moyen de sortir de l’impasse : non pas en changeant ses données, mais
1163
thodes productivistes et la démesure collective d’
un
plan quinquennal. Le silence de la lande et des marais, la rumeur de
1164
d’un plan quinquennal. Le silence de la lande et
des
marais, la rumeur de la côte, les petits chocs irréguliers des pioche
1165
a rumeur de la côte, les petits chocs irréguliers
des
pioches et des bouelles, tout ce qu’il y a de paisible, de grand, de
1166
côte, les petits chocs irréguliers des pioches et
des
bouelles, tout ce qu’il y a de paisible, de grand, de mesquin, de mil
1167
te île et de ces vies ? 3 avril La solitude est
une
jeunesse. Elle nous apprend cette chose nouvelle que nous savions déj
1168
: il est celui qui agit dans l’attente. Il attend
des
révélations. C’est évident ! Ses actions les plus pures sont des appe
1169
. C’est évident ! Ses actions les plus pures sont
des
appels et des incantations : leur sens est toujours au-delà. Elles ne
1170
t ! Ses actions les plus pures sont des appels et
des
incantations : leur sens est toujours au-delà. Elles ne sont que symb
1171
t supporter leur petitesse ? Si je gratte pendant
des
heures ce coin réduit de terre caillouteuse, c’est pour un printemps
1172
ce coin réduit de terre caillouteuse, c’est pour
un
printemps qui viendra. C’est pour gagner ma vie, dit une raison borgn
1173
ntemps qui viendra. C’est pour gagner ma vie, dit
une
raison borgne ; c’est aussi pour gagner ma mort, je le sais bien. Tou
1174
inacceptable, qui ne s’ouvre pas sur l’attente d’
une
révélation à venir, et d’une « consolation » finale. (Consolation sig
1175
pas sur l’attente d’une révélation à venir, et d’
une
« consolation » finale. (Consolation signifiant selon l’étymologie :
1176
ification, harmonisation, c’est-à-dire résolution
des
dissonances en un accord qui comble toute attente.) 7 avril Recett
1177
ation, c’est-à-dire résolution des dissonances en
un
accord qui comble toute attente.) 7 avril Recette pour vivre de pe
1178
elle, peu de temps après notre arrivée, au haut d’
une
page que je retrouve dans une pile de notes. La page est restée blanc
1179
arrivée, au haut d’une page que je retrouve dans
une
pile de notes. La page est restée blanche. Et toute réflexion faite,
1180
iétaire. Nous l’avons nourrie sans espoir pendant
des
mois, la croyant trop vieille pour être mangée, sinon pour faire enco
1181
vec la laitière ou la factrice, ou le postier, ou
un
Renaud, j’éprouve une brève angoisse : quel rapport entre cet homme à
1182
factrice, ou le postier, ou un Renaud, j’éprouve
une
brève angoisse : quel rapport entre cet homme à qui je parle, et le m
1183
ssez normal : il y a l’obstacle du vocabulaire, d’
une
certaine technique des idées, etc., mais encore ils ne comprendraient
1184
obstacle du vocabulaire, d’une certaine technique
des
idées, etc., mais encore ils ne comprendraient pas même de quoi il s’
1185
oi il s’agit quand je parle d’eux précisément, et
des
problèmes qui intéressent leur existence. J’aurais beau leur explique
1186
rises, mais au moins, en pensée, confrontées sans
un
ridicule angoissant avec la réalité des choses et des êtres dont elle
1187
ntées sans un ridicule angoissant avec la réalité
des
choses et des êtres dont elles utilisent le concept… Eh bien, voilà l
1188
ridicule angoissant avec la réalité des choses et
des
êtres dont elles utilisent le concept… Eh bien, voilà le résultat : a
1189
nt le concept… Eh bien, voilà le résultat : après
une
demi-heure de relecture attentive, j’ai rajouté quelques virgules, pr
1190
ques termes trop vagues, barré cinq lignes et mis
une
note au bas de la page. Il me semble vraiment que cela se tient. Il m
1191
quait en moi, précisément, la présence physique d’
un
homme, confrontée avec les idées que j’avais en tête. Il y a probable
1192
es idées que j’avais en tête. Il y a probablement
une
fatalité interne dans notre culture : elle s’enchante, se critique, s
1193
suffisent. Les concepts alors se combinent selon
des
affinités ou répulsions que les faits ou les êtres qu’ils sont censés
1194
e puis en retrouver le souvenir autrement que par
un
effort de réflexion qui me laisse assez froid. La culture m’a repris.
1195
u de vision finale, qu’il s’agit de maintenir par
un
constant effort entre nos belles séries de pensées et la diversité dé
1196
les séries de pensées et la diversité désordonnée
des
êtres et des choses, où nous vivons ? « Je pense, donc j’en suis ». E
1197
pensées et la diversité désordonnée des êtres et
des
choses, où nous vivons ? « Je pense, donc j’en suis ». Et je ne suis
1198
oire couve depuis hier ses treize œufs. J’ai semé
des
salades, planté des choux, enfoncé une à une des graines de haricots
1199
er ses treize œufs. J’ai semé des salades, planté
des
choux, enfoncé une à une des graines de haricots dans un sillon tiré
1200
J’ai semé des salades, planté des choux, enfoncé
une
à une des graines de haricots dans un sillon tiré à la ficelle. Plais
1201
semé des salades, planté des choux, enfoncé une à
une
des graines de haricots dans un sillon tiré à la ficelle. Plaisir d’a
1202
des salades, planté des choux, enfoncé une à une
des
graines de haricots dans un sillon tiré à la ficelle. Plaisir d’avoir
1203
x, enfoncé une à une des graines de haricots dans
un
sillon tiré à la ficelle. Plaisir d’avoir les doigts et les ongles te
1204
du chai. Nous déjeunons sous les tilleuls. Il y a
un
grand bonheur dans la lumière qui baigne le jardin fleuri, éclate sur
1205
re que le ciel vide, et illumine la goutte rose d’
une
fourmi ailée qui danse au-dessus de mon verre de vin blanc. Mai La
1206
sus de mon verre de vin blanc. Mai La mer est d’
un
vert bleu crayeux, très froide encore. On ne peut guère que se trempe
1207
la dune, au vent doux. Villages blancs au-dessus
des
lagunes. Une odeur forte de varech séché vient des champs et des vign
1208
vent doux. Villages blancs au-dessus des lagunes.
Une
odeur forte de varech séché vient des champs et des vignes sablonneus
1209
es lagunes. Une odeur forte de varech séché vient
des
champs et des vignes sablonneuses. 21 mai Pendant les jours de gran
1210
e odeur forte de varech séché vient des champs et
des
vignes sablonneuses. 21 mai Pendant les jours de grande marée, entr
1211
ait fuir et choir de tous côtés de petits crabes.
Des
ruisseaux, des rivières impétueuses parcourent ce territoire compliqu
1212
ir de tous côtés de petits crabes. Des ruisseaux,
des
rivières impétueuses parcourent ce territoire compliqué. Nous les sui
1213
irer vivement la treille et l’égoutter. On ramène
un
paquet de varech, un ou deux crabes tout terreux, et parfois en se pe
1214
lle et l’égoutter. On ramène un paquet de varech,
un
ou deux crabes tout terreux, et parfois en se penchant sur la treille
1215
s en se penchant sur la treille, on voit bondir d’
un
bord à l’autre quelque chose de transparent, ou de rosé, ou de verdât
1216
e rosé, ou de verdâtre, qu’il faut attraper comme
une
mouche et qui vous saute encore dans la main et vous gratte la paume
1217
plus belles crevettes, grosses comme le doigt, d’
un
rose sombre, aux longues antennes grenat. — On cuit les crevettes tou
1218
ntes, en les jetant dans de l’eau qui bout. Après
des
soubresauts terribles — une ou deux sautent hors de la casserole —, e
1219
l’eau qui bout. Après des soubresauts terribles —
une
ou deux sautent hors de la casserole —, elles se recroquevillent, rou
1220
a veut dire ? Je parlais de « l’attente ardente »
des
créatures, songeant au passage où l’Apôtre nous fait entendre ce soup
1221
ce soupir de toute la Création vers la révélation
des
« enfants de lumière », et la restauration de l’ordre originel. Et vo
1222
répulsion, pitié, etc. En somme, tout se borne à
une
certaine « sympathie » (souffrir avec) que l’homme éprouve pour ses v
1223
est probable que le tigre en train de déchiqueter
une
jeune gazelle ne fait pas tant d’histoires, ne fait pas de sentiment.
1224
attention. C’est uniquement s’il y a dans l’homme
une
vocation surnaturelle, la mission de restaurer l’harmonie primitive,
1225
ère plainte de la justice cosmique blessée. Comme
une
prière muette en moi, toute machinale et tout obscure. 24 mai On di
1226
er. (Nous attendions depuis deux jours l’éclosion
des
œufs.) Il me semble qu’il se passe des choses au fond du réduit obscu
1227
l’éclosion des œufs.) Il me semble qu’il se passe
des
choses au fond du réduit obscur. La poule grogne furieusement quand j
1228
eusement quand je passe la tête. Je vais chercher
une
bougie, je réveille ma femme. Nous essayons de soulever par les ailes
1229
ayons de soulever par les ailes la poule qui fait
un
caquet déchirant : elle serre entre ses pattes un œuf à demi ouvert d
1230
un caquet déchirant : elle serre entre ses pattes
un
œuf à demi ouvert d’où sort un long cou maigre, tout humide. Un poule
1231
e entre ses pattes un œuf à demi ouvert d’où sort
un
long cou maigre, tout humide. Un poulet gris, déjà séché, palpite au
1232
ouvert d’où sort un long cou maigre, tout humide.
Un
poulet gris, déjà séché, palpite au milieu des autres œufs. On entend
1233
e au milieu des autres œufs. On entend le toc-toc
des
becs à l’intérieur. Je repose la lourde poule avec précaution, craign
1234
ents, ramène deux œufs sous son aile, fait sortir
une
coque vide, et reprend, l’œil fixe, son travail invisible de mère. C’
1235
et mystérieux, pacifiant comme la démonstration d’
une
absolue sagesse à l’œuvre dans cette vie. Il y a sur toute la terre d
1236
e « rentrées ». 14 juin Hier soir, j’avais fait
une
dernière revue de nos possibilités de subsister pendant les semaines
1237
Les chapitres du livre en train, non détachables.
Un
essai philosophique sur la personne : destiné à une revue non payante
1238
n essai philosophique sur la personne : destiné à
une
revue non payante. Autres ressources : néant. Reste : 90 francs. Ce m
1239
ncs. Ce matin, nous avons décidé de réagir. Quand
une
auto risque de rater le tournant emportée par la force centrifuge, il
1240
ond sur l’accélérateur. Je suis allé à A. acheter
des
cigarettes. Et nous allions nous mettre à table pour manger le canard
1241
allions nous mettre à table pour manger le canard
des
grandes occasions, quand la chose est arrivée. Apportée par la factri
1242
d la chose est arrivée. Apportée par la factrice.
Une
grosse enveloppe cachetée, venant de l’étranger. En-tête d’une fondat
1243
veloppe cachetée, venant de l’étranger. En-tête d’
une
fondation littéraire. Il faut d’abord signer, c’est recommandé. Ensui
1244
t recommandé. Ensuite, il faut comprendre : c’est
une
lettre et un chèque. C’est un prix. Un prix dont je connaissais tout
1245
Ensuite, il faut comprendre : c’est une lettre et
un
chèque. C’est un prix. Un prix dont je connaissais tout juste le nom.
1246
comprendre : c’est une lettre et un chèque. C’est
un
prix. Un prix dont je connaissais tout juste le nom. Que je n’aurais
1247
e : c’est une lettre et un chèque. C’est un prix.
Un
prix dont je connaissais tout juste le nom. Que je n’aurais jamais eu
1248
u l’idée de solliciter. Et qui m’est octroyé pour
un
petit livre paru sans bruit il y a plus de dix-huit mois. Les hommes
1249
ou plutôt du retrait. (Il ne faut pas que ce soit
une
feinte, bien entendu, cela ferait tout rater ; il faut un véritable n
1250
e, bien entendu, cela ferait tout rater ; il faut
un
véritable non-espoir). Équivalent, pour la façon de traiter la vie, d
1251
, pour la façon de traiter la vie, de la médecine
des
homéopathes. 16 juin La banque d’A. n’est ouverte qu’un jour par se
1252
pathes. 16 juin La banque d’A. n’est ouverte qu’
un
jour par semaine. Ce n’est qu’aujourd’hui que j’ai pu aller y négocie
1253
rte où il est écrit : Caisse. Je frappe et entre.
Un
homme penché vers le guichet parle au gérant. Le gérant me fait un si
1254
ers le guichet parle au gérant. Le gérant me fait
un
signe, et comme je ne comprends pas, il passe sa portette et vient me
1255
mis de côté », qui peut expliquer le comportement
des
gens d’ici. Il faut admettre que pour eux, une pudeur, ou une honte t
1256
nt des gens d’ici. Il faut admettre que pour eux,
une
pudeur, ou une honte tout à fait particulière s’attache au commerce d
1257
ci. Il faut admettre que pour eux, une pudeur, ou
une
honte tout à fait particulière s’attache au commerce de l’argent. 2
1258
juin Les gens. Je feuillette ce journal : voici
des
semaines qu’il n’y est à peu près plus question des « gens ». En somm
1259
s semaines qu’il n’y est à peu près plus question
des
« gens ». En somme, je ne m’intéresse plus guère à leurs affaires. J’
1260
même patience, depuis qu’il y a de l’argent dans
un
tiroir. Cela signifie que j’ai cessé d’être chômeur. Le départ est fi
1261
. Bilan. S’installer dans la pauvreté comme dans
un
champ d’activité nouveau, avec l’ardeur et les curiosités naïves du d
1262
, cela suppose beaucoup moins de courage que bien
des
jeunes bourgeois ne l’imaginent : ceux qui voudraient « partir », se
1263
e saut. Peut-être leur suffirait-il, pour oser, d’
une
vision précise de cet état qu’ils rêvent et craignent. J’ai pensé plu
1264
pourrait être utile de montrer qu’on peut sortir
des
villes où se font les « carrières » sans sortir de la vie véritable ;
1265
de très peu sans cesser de vivre son plein. Voici
un
an bientôt que j’ai quitté Paris. Voici un an que je dors bien, que j
1266
Voici un an bientôt que j’ai quitté Paris. Voici
un
an que je dors bien, que je travaille sans fièvre et que je flâne san
1267
n compris ce mot, que tant de gens invoquent avec
un
accent triste. Je suis devenu tout doucement amoureux de ma vie, et j
1268
nt amoureux de ma vie, et je crois bien que c’est
un
penchant qu’elle agrée. Non point qu’elle me paye en retour de surpri
1269
multipliées : peu d’aventures dans l’existence d’
un
homme qui cherche à se posséder plutôt qu’à se fuir dans les hasards.
1270
t qu’à se fuir dans les hasards. C’est sans doute
un
effet de la trentaine qui approche : je n’espère plus, comme à vingt
1271
e embuscade du destin, comme qui dirait au coin d’
un
bois. Je crois que le réel est à portée de la main, et n’est que là.
1272
assurer la prise de cette main. C’est l’affaire d’
une
patience, ou d’une impatience dominée, — et sans doute qu’une certain
1273
cette main. C’est l’affaire d’une patience, ou d’
une
impatience dominée, — et sans doute qu’une certaine pauvreté pouvait
1274
, ou d’une impatience dominée, — et sans doute qu’
une
certaine pauvreté pouvait seule m’y forcer utilement. ae. Rougemon
1275
t Denis de, « N’habitez pas les villes (Extrait d’
un
journal) », La Nouvelle Revue française, Paris, juillet 1937, p. 63-8
1276
les douze « Cavaliers » d’Ekeby, qui régnèrent d’
un
Noël à l’autre sur la province du Warmland, s’étant juré de ne rien a
1277
il ne reste que Selma Lagerlöf pour nous raconter
des
histoires, des histoires inventées, impossibles, caracolantes et grac
1278
Selma Lagerlöf pour nous raconter des histoires,
des
histoires inventées, impossibles, caracolantes et gracieuses, réalist
1279
ques, pleines de malices et de profondes audaces.
Des
histoires que l’on croit intégralement parce qu’elles nous sont donné
1280
qu’elles nous sont données pour ce qu’elles sont,
des
fables. Nos romanciers, terrorisés par une sadique « défense d’invent
1281
sont, des fables. Nos romanciers, terrorisés par
une
sadique « défense d’inventer », s’épuisent à rechercher le vraisembla
1282
lle adore se laisser attraper dans les figures qu’
une
Lagerlöf s’amuse à rajeunir tour à tour : une au moins par chapitre48
1283
qu’une Lagerlöf s’amuse à rajeunir tour à tour :
une
au moins par chapitre48, et à chaque fois le coup est bon. Vous parte
1284
émouvants, et l’auteur s’esquive prestement avec
une
bonne espièglerie, pour vous laisser à votre joie ou à vos larmes. Il
1285
ythmes naturels, libérant les vertus et les vices
des
entraves du respect humain, nous jette dans le grand jeu du péché et
1286
ession de vivre. Cette année folle, inaugurée par
un
traité avec le diable, vient mourir dans la nuit de Noël au rythme fa
1287
nt mourir dans la nuit de Noël au rythme familier
des
marteaux de la forge rebâtie. Les Cavaliers, « appelés à faire vivre
1288
ende, malgré toutes ses romances et ses idylles d’
une
pureté dramatique. Les forges, les charrois de minerai, le trafic des
1289
e. Les forges, les charrois de minerai, le trafic
des
chalands, l’économie agraire, tout cela ne joue pas un moindre rôle q
1290
alands, l’économie agraire, tout cela ne joue pas
un
moindre rôle que la nature, les ours et les trolls des forêts, dans l
1291
oindre rôle que la nature, les ours et les trolls
des
forêts, dans les exploits des Cavaliers. Ce n’est pas du réalisme soc
1292
ours et les trolls des forêts, dans les exploits
des
Cavaliers. Ce n’est pas du réalisme socialiste, c’est la réalité soci
1293
lité sociale plus toutes les autres. Et l’amour d’
une
femme pour son peuple, au lieu de ces vantardises en service commandé
1294
ropéenne dont le génie ait eu la force de recréer
un
pays tout entier, avec ses classes et ses institutions, ses armes, se
1295
re. Tous les Suédois, hommes et femmes, jouissent
des
mêmes droits politiques. » 47. On n’en connaissait jusqu’ici qu’une
1296
itiques. » 47. On n’en connaissait jusqu’ici qu’
une
adaptation abrégée, selon la coutume détestable qu’appuient nos préju
1297
s, sorcières, belles jeunes filles courtisées par
des
héros, épousant des benêts, vieux pasteurs ivrognes ou avares, demois
1298
jeunes filles courtisées par des héros, épousant
des
benêts, vieux pasteurs ivrognes ou avares, demoiselles de compagnie s
1299
Au dossier d’
une
vieille querelle (novembre 1937)ah Un clerc écrivait récemment qu’
1300
ssier d’une vieille querelle (novembre 1937)ah
Un
clerc écrivait récemment qu’il faut se garder d’engager la raison dan
1301
ent qu’il faut se garder d’engager la raison dans
une
aventure — la vie — « où elle ne peut qu’être outragée » (car la vie
1302
écurité. On trouve dans la Logique de Port-Royal,
un
dilemme assez comparable, « par lequel un ancien Philosophe prouvait
1303
-Royal, un dilemme assez comparable, « par lequel
un
ancien Philosophe prouvait qu’on ne se devait point mêler des affaire
1304
hilosophe prouvait qu’on ne se devait point mêler
des
affaires de la République. Si on y agit bien — disait-il — on offense
1305
« Si on s’y gouverne selon les règles corrompues
des
hommes, on contentera les hommes. Si on y garde la vraie justice, on
1306
on dans la vie : non point pour qu’elle y reçoive
des
outrages, mais pour qu’elle-même en fasse subir de salutaires à une v
1307
pour qu’elle-même en fasse subir de salutaires à
une
vie qui en a grand besoin. Que cela n’aille pas sans risques, c’est l
1308
révère, de la vérité ou de la sécurité. Ce serait
une
raison bien débile, qui n’oserait s’exercer que sur du rationnel tout
1309
on vit. ah. Rougemont Denis de, « Au dossier d’
une
vieille querelle », La Nouvelle Revue française, Paris, novembre 1937
1310
les premiers jours de la guerre. On l’envoie dans
un
camp à Perpignan. De là au « monastère noir », la forteresse de Noirm
1311
Et voici le journal de cet intellectuel jeté dans
un
cul de bassefosse par le jeu de l’état civil. Qu’il ne s’y mêle aucun
1312
. Qu’il ne s’y mêle aucune trace de hargne, c’est
un
miracle qui défie l’époque. M. de Lacretelle, dans sa préface, déclar
1313
réface, déclare fort justement qu’il s’acquitte d’
une
dette en présentant cette œuvre au public français. Vous en ferez tou
1314
mieux. Peut-être même prendrez-vous conscience d’
une
menace plus générale encore, qui concerne chacun de nous, et dont l’i
1315
de nous, et dont l’internement de guerre n’est qu’
une
conséquence entre mille, d’une virulence particulière, mais au moins
1316
de guerre n’est qu’une conséquence entre mille, d’
une
virulence particulière, mais au moins déclarée. Je veux parler du myt
1317
mène multiforme, insaisissable et saisissant : qu’
un
innocent, ou qui se croit tel, se voie privé de sa liberté pour des «
1318
ui se croit tel, se voie privé de sa liberté pour
des
« raisons » collectives et obscures. Il me paraît que le livre de Kun
1319
t du fait qu’il symbolise, illustre et concrétise
une
condition qui n’est pas seulement celle du prisonnier proprement dit,
1320
peu ou prou, de chaque individu soumis aux lois d’
une
collectivité délirante. Sur la foi d’affiches officielles promettant
1321
oi d’affiches officielles promettant aux internés
une
libération rapide, Kuncz écrit à des personnages haut placés pour leu
1322
aux internés une libération rapide, Kuncz écrit à
des
personnages haut placés pour leur faire part de son état : mais les l
1323
sons ni points de repère : c’est la guerre. C’est
un
mot sacré. C’est quelque chose qui se passe très loin, partout, et qu
1324
tout le monde se trouve secrètement impliqué dans
une
atroce et lente fatalité universelle. Comment ne point songer au Proc
1325
tationaj. On se rappelle que c’était l’histoire d’
un
homme qui se voit inculpé, par une justice inaccessible, d’une faute
1326
it l’histoire d’un homme qui se voit inculpé, par
une
justice inaccessible, d’une faute indéterminée. Il faut sans doute at
1327
se voit inculpé, par une justice inaccessible, d’
une
faute indéterminée. Il faut sans doute attribuer au Procès une signif
1328
éterminée. Il faut sans doute attribuer au Procès
une
signification théologique. Mais ce n’est pas la seule possible. Il y
1329
pas la seule possible. Il y a aussi dans ce livre
une
parabole de l’homme traqué par les tyrannies anonymes qui se multipli
1330
cle49, et tendent à faire du moindre d’entre nous
un
prévenu. C’est le cauchemar du xxe siècle. Le triomphe de l’État sur
1331
out cela dans le livre de Kuncz : il nous apporte
un
document bien assez émouvant comme tel. Et la preuve, une fois de plu
1332
assées, casernes, discipline et épuration au sein
des
partis, arrestations en masse de suspects, procès de tendance faits à
1333
: Grouchy ! — C’était Grouchy. » Et Waterloo fut
une
victoire. Mais Napoléon abdiqua et termina ses jours à Sainte-Hélène.
1334
ainte-Hélène. Tel est le sujet. En somme, mettant
un
signe plus là où l’Histoire met un signe moins, l’auteur annule le fa
1335
somme, mettant un signe plus là où l’Histoire met
un
signe moins, l’auteur annule le facteur Waterloo, et nous démontre qu
1336
our second membre l’abdication. Il y a sans doute
une
théorie de l’Histoire à l’origine de cet ouvrage d’une passionnante a
1337
héorie de l’Histoire à l’origine de cet ouvrage d’
une
passionnante ambiguïté, et qui se donne l’air d’une « fantaisie ». Pr
1338
e passionnante ambiguïté, et qui se donne l’air d’
une
« fantaisie ». Prenons ce mot au sens allemand : une « imagination »
1339
« fantaisie ». Prenons ce mot au sens allemand :
une
« imagination » profonde du destin de Napoléon, voilà ce que nous pro
1340
a pensé qu’il valait mieux tirer de faits fictifs
des
conséquences vraies, que de tirer comme M. Madelin des conséquences f
1341
onséquences vraies, que de tirer comme M. Madelin
des
conséquences fausses de faits « prouvés ». La thèse peut se discuter.
1342
e livre, dit la préface, est que pour transformer
une
défaite en victoire et une abdication forcée en abdication volontaire
1343
t que pour transformer une défaite en victoire et
une
abdication forcée en abdication volontaire, il ait fallu si peu chang
1344
eu imaginer. Il faut vraiment que dans l’histoire
des
hommes les faits interviennent moins qu’on ne croit communément. Il f
1345
uoi cette victoire à Waterloo ? Parce qu’au cours
des
journées qui précèdent la bataille, Napoléon a découvert la vie concr
1346
bataille, Napoléon a découvert la vie concrète d’
un
pays et des êtres dont c’est la patrie. Il a conçu les premiers doute
1347
Napoléon a découvert la vie concrète d’un pays et
des
êtres dont c’est la patrie. Il a conçu les premiers doutes humains su
1348
mais cela même dénonce son pouvoir, préfiguration
des
fascismes. (Lui aussi fut trois fois plébiscité !) Devant les Chambre
1349
s gouvernons en pleine idéologie. Nous avons fait
un
empire géant pour n’avoir pas été capables de fédérer nos communes. »
1350
par ailleurs compose bien d’autres thèmes : celui
des
îles, celui de la patrie perdue que Bonaparte cherche à se recréer, c
1351
u schizophrène qui « perd le sentiment », celui d’
une
société qu’il faut bâtir « à hauteur d’homme » et non pas à hauteur d
1352
e méditation personnaliste. Car après tout, c’est
une
histoire, un des meilleurs romans de l’année, et qui se fait lire ave
1353
ersonnaliste. Car après tout, c’est une histoire,
un
des meilleurs romans de l’année, et qui se fait lire avec le plus con
1354
onnaliste. Car après tout, c’est une histoire, un
des
meilleurs romans de l’année, et qui se fait lire avec le plus constan
1355
a bien plus que de l’ingéniosité dans ce livre :
un
sens de l’homme et des limites de sa grandeur, un sens de l’humour du
1356
ingéniosité dans ce livre : un sens de l’homme et
des
limites de sa grandeur, un sens de l’humour du destin, une vraie poés
1357
un sens de l’homme et des limites de sa grandeur,
un
sens de l’humour du destin, une vraie poésie de l’Histoire, libératri
1358
es de sa grandeur, un sens de l’humour du destin,
une
vraie poésie de l’Histoire, libératrice et excitante pour l’esprit. À
1359
rel, sur Madelin et sur Aubry, pour leur arracher
des
aveux à l’appui de la thèse d’Aron. 50. Jean-Paul rapporte un rêve
1360
ppui de la thèse d’Aron. 50. Jean-Paul rapporte
un
rêve où il disait à Napoléon : « Je ne suis jamais plus intelligent q
1361
Une
révolution refoulée (juillet 1938)al Est-il possible d’indiquer un
1362
ée (juillet 1938)al Est-il possible d’indiquer
une
raison simple de l’échec du Front populaire ? La psychanalyse nous pr
1363
du Front populaire ? La psychanalyse nous propose
un
type d’explication qui me paraît bien tentant : c’est le mécanisme du
1364
onsisté à empêcher la révolution. Juin 1936 était
un
espoir que les accords Matignon trompèrent. C’est tout ce que l’Histo
1365
courbe de l’expérience : il s’agissait d’affirmer
une
mystique, mais de ne faire que les réformes qu’imposait la pression d
1366
ne faire que les réformes qu’imposait la pression
des
« masses ». Dans une telle situation historique, les réformes vont to
1367
rmes qu’imposait la pression des « masses ». Dans
une
telle situation historique, les réformes vont toujours à l’encontre d
1368
storique, les réformes vont toujours à l’encontre
des
buts allégués. Chacun sent très bien que l’autre triche. D’où cet aff
1369
avoir plus qu’il ne peut et ne sait faire, seule
une
révolution est capable de faire aboutir des réformes. Mais personne n
1370
seule une révolution est capable de faire aboutir
des
réformes. Mais personne ne la prépare. M. Staline a d’autres plans, e
1371
plans, et Ce soir a d’autres vertus. S’il se fait
une
révolution, elle sera donc improvisée, donc sanglante, donc destinée
1372
glante, donc destinée à se figer dans le rictus d’
une
dictature. Tout le monde le sent, tout le monde le craint — et le dés
1373
es se mettent en rang, lèvent le poing, acclament
des
caporaux. Ainsi l’Autriche fascinée s’est jetée dans la gueule du dra
1374
nom d’antifascisme, c’est normal. On n’arrête pas
une
révolution lorsqu’elle est nécessaire, et c’est le cas. Mais il arriv
1375
me tromper, croire au miracle. Je préfère opposer
un
pessimisme actif à tant d’espérances bernées. al. Rougemont Denis
1376
’espérances bernées. al. Rougemont Denis de, «
Une
révolution refoulée », La Nouvelle Revue française, Paris, juillet 19
1377
Alice au pays
des
merveilles, par Lewis Carroll (août 1938)am Si l’on songe que le c
1378
)am Si l’on songe que le conte est par essence
un
récit cocasse et en quelque manière libérateur, on conçoit que les me
1379
tie, donc impure. Elle opère en toute liberté sur
un
nombre restreint de données qu’elle considère dans l’absolu, et elle
1380
qu’elle considère dans l’absolu, et elle en tire
des
déductions exactes, qui se trouvent par là même contredire l’expérien
1381
libération. En outre, quoi de plus important pour
un
enfant que la comparaison des grandeurs — « plus grand que » et « plu
1382
plus important pour un enfant que la comparaison
des
grandeurs — « plus grand que » et « plus petit que » —, qui est aussi
1383
matique. Ces remarques peuvent nous orienter vers
une
compréhension nouvelle des contes de Lewis Carroll — qui était un mat
1384
ent nous orienter vers une compréhension nouvelle
des
contes de Lewis Carroll — qui était un mathématicien —, et d’Alice en
1385
nouvelle des contes de Lewis Carroll — qui était
un
mathématicien —, et d’Alice en particulier. On dit à l’enfant : mange
1386
oupe et tu deviendras grand. Donc il peut exister
des
aliments qui produiraient l’effet inverse ? Et l’imagination peut ais
1387
est le conte de Carroll nous apparaît alors comme
une
série de variations sur le thème de la relativité dans l’espace et le
1388
te et tantôt naine, Alice expérimente chaque fois
un
monde nouveau, et chaque fois elle se sent plus forte ou plus faible
1389
s, créatures curieusement acharnées à lui opposer
une
logique qui, n’étant plus le fait des grandes personnes — « ce qui va
1390
lui opposer une logique qui, n’étant plus le fait
des
grandes personnes — « ce qui va de soi » — apparaît tantôt ridicule,
1391
de Mars, ce Loir et ce Chapelier fou, on croirait
une
préfiguration des logiciens de l’école de Vienne. Et la discussion su
1392
t ce Chapelier fou, on croirait une préfiguration
des
logiciens de l’école de Vienne. Et la discussion sur le temps, au cou
1393
oufoque » où il est toujours cinq heures, annonce
une
psychologie post-einsteinienne, et fait songer au Temps vécu de Minko
1394
nt tous ! », gémit Alice, constamment réfutée par
un
formalisme délirant. Le pire, c’est que la plupart des discussions pè
1395
a plupart des discussions pèchent par l’absence d’
un
élément de commune mesure : d’où l’impression d’entrave, de cauchemar
1396
auchemar. Impossible de savoir qui a gagné, quand
une
des règles principales du jeu est omise ou inobservée. (Ainsi la part
1397
emar. Impossible de savoir qui a gagné, quand une
des
règles principales du jeu est omise ou inobservée. (Ainsi la partie d
1398
scussion avec le bourreau qui refuse de décapiter
un
chat dont la tête seule est visible, etc.). Et pourtant, ce n’est que
1399
e est visible, etc.). Et pourtant, ce n’est que d’
un
jeu qu’il s’agit. Alice en garde la conscience secrète — comme dans l
1400
le ou menaçante. D’ailleurs, on pourrait proposer
une
explication parallèle par le langage, autre problème fondamental pour
1401
e par le langage, autre problème fondamental pour
un
enfant. Les deux hypothèses rendent compte de la plupart des « gags »
1402
pose le récit. Et parfois les pièges logiques ont
une
double détente par calembour. Tout cela est assez bien symbolisé par
1403
aît scrupuleuse, encore que déparée ici ou là par
des
préciosités indéfendables. Les dessins sont d’une meilleure plume.
1404
des préciosités indéfendables. Les dessins sont d’
une
meilleure plume. am. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Lewis Ca
1405
de, « [Compte rendu] Lewis Carroll, Alice au pays
des
merveilles », La Nouvelle Revue française, Paris, août 1938, p. 328-
1406
Page d’histoire (novembre 1938)an D’
un
manuel futur : Leçon sur la crise des minorités en 1938. 1. Caractéri
1407
1938)an D’un manuel futur : Leçon sur la crise
des
minorités en 1938. 1. Caractérisez l’état politique de l’Europe en 19
1408
vaient fondé leur paix sur deux principes : droit
des
peuples à disposer d’eux-mêmes, arbitrage international. Au nom du pr
1409
ue, au nom du second, la SDN. Mais le jacobinisme
des
démocraties (centralisation rigide, confusion de l’État et de la Nati
1410
opposait dans le fait à toute application honnête
des
deux principes. D’une part la SDN ne fut pas une fédération, aucun de
1411
des deux principes. D’une part la SDN ne fut pas
une
fédération, aucun des États constituants n’ayant renoncé à aucune de
1412
’une part la SDN ne fut pas une fédération, aucun
des
États constituants n’ayant renoncé à aucune de ses prérogatives au bé
1413
èque opprima ses propres minorités, leur imposant
un
régime centraliste inspiré du modèle français. 2. Sur quoi se basaien
1414
de baser leurs revendications, à la fois sur l’un
des
principes que les démocraties prétendaient défendre, et sur le systèm
1415
t. C’est ainsi que l’Allemagne exigea l’autonomie
des
Sudètes au nom du droit de libre disposition des peuples, puis leur a
1416
des Sudètes au nom du droit de libre disposition
des
peuples, puis leur annexion au nom de « l’unité nationale ». 3. Quell
1417
e « l’unité nationale ». 3. Quelle fut la réponse
des
démocraties ? — Il était fatal, dans ces conditions, que les démocrat
1418
es se laissassent convaincre par le « bon droit »
des
exigences allemandes. Et c’est pourquoi, lorsqu’en septembre 1938, l’
1419
mes et sur le champ dans les territoires sudètes.
Une
cession purement diplomatique n’eût pas compté à ses yeux. La religio
1420
pensaient que l’exigence d’entrer en armes était
une
« querelle d’Allemands », une rodomontade gratuite, puisqu’en princip
1421
trer en armes était une « querelle d’Allemands »,
une
rodomontade gratuite, puisqu’en principe tout était résolu. Seul, le
1422
inistre anglais sut voir et dire qu’il y avait là
un
fait nouveau, le signe d’une volonté d’hégémonie. C’était traduire en
1423
dire qu’il y avait là un fait nouveau, le signe d’
une
volonté d’hégémonie. C’était traduire en termes classiques la réalité
1424
e religion totalitaire. D’ailleurs, les réactions
des
masses ne tardèrent pas à démontrer que Chamberlain avait su exprimer
1425
démontrer que Chamberlain avait su exprimer l’une
des
tendances fondamentales et instinctives de l’Occident : la résistance
1426
ident : la résistance à toute hégémonie, au nom d’
un
idéal latent de fédération des peuples sur pied d’égalité. Une vague
1427
hégémonie, au nom d’un idéal latent de fédération
des
peuples sur pied d’égalité. Une vague de fond s’éleva contre la préte
1428
ent de fédération des peuples sur pied d’égalité.
Une
vague de fond s’éleva contre la prétention allemande, que l’on sentai
1429
se vit contraint d’accepter la réunion à Munich d’
une
« Diète » de gouvernements égaux, qui régla le problème à l’avantage
1430
me à l’avantage matériel de l’Allemagne, mais sur
une
base d’arbitrage international préfigurant ainsi un statut fédéral ex
1431
base d’arbitrage international préfigurant ainsi
un
statut fédéral exclusif de toute hégémonie. 6. À qui profitèrent les
1432
dépit de leurs intérêts nationalistes. En proie à
des
luttes intestines sans grandeur, les démocraties de l’Ouest ne surent
1433
eur, les démocraties de l’Ouest ne surent tirer d’
un
événement aussi considérable que des conclusions chagrines, au terme
1434
urent tirer d’un événement aussi considérable que
des
conclusions chagrines, au terme de calculs qu’on appelait alors « réa
1435
s « réalistes », et qui se bornaient à faire état
des
pertes matérielles subies. Le bénéfice moral, incalculable, fut perdu
1436
s, les dictateurs ne trouvant plus devant eux que
des
États demeurés centralistes et maladroitement autarchiques, auxquels
1437
re dynamique de l’Occident : l’utopie agissante d’
une
fédération des égaux, dont la seule Suisse figurait le microcosme. C’
1438
l’Occident : l’utopie agissante d’une fédération
des
égaux, dont la seule Suisse figurait le microcosme. C’est dans cette
1439
nsi le catholicisme, interprété par Alain, serait
une
sagesse éternelle qu’il s’agirait de remettre à jour, c’est-à-dire de
1440
respecte, celle d’Alain ne peut pas tenir compte
des
données concrètes du christianisme : le péché, le salut, le drame de
1441
ule volontiers sur les avantages et inconvénients
des
« preuves » ou de l’absence de preuves en matière de « croyance », dé
1442
dans les évangiles, s’il est vrai qu’il encombre
une
bonne part de la théologie, surtout catholique. Tout cela, je le crai
1443
out catholique. Tout cela, je le crains, relève d’
un
malentendu, courant sur le sens du mot « foi ». Je voudrais au moins
1444
du mot « foi ». Je voudrais au moins l’indiquer.
Un
chrétien sait que sa foi n’est nullement le contraire du doute intell
1445
ais le contraire du péché, lequel n’est nullement
une
erreur morale, mais un état de révolte active de la créature (même lo
1446
é, lequel n’est nullement une erreur morale, mais
un
état de révolte active de la créature (même lorsqu’il se déguise en b
1447
cise le contenu. « La vraie religion est le culte
des
morts », dit-il après Auguste Comte. Je le pense aussi. (Voyez le rac
1448
Mais pour le chrétien, « la foi est la substance
des
choses espérées ». Ce qu’un esprit comme celui d’Alain retient du cat
1449
foi est la substance des choses espérées ». Ce qu’
un
esprit comme celui d’Alain retient du catholicisme, c’est donc exacte
1450
tuer la sagesse d’Alain, qu’on songe à la folie d’
un
Kierkegaard. Alors éclate le conflit véritable entre l’humanisme et l
1451
peur ». Serait-ce qu’il n’a jamais rencontré que
des
hommes « religieux », non des chrétiens vivant selon la foi et capabl
1452
amais rencontré que des hommes « religieux », non
des
chrétiens vivant selon la foi et capables de lui faire pressentir que
1453
français, en tant que, vidé de la foi, il demeure
une
« religion » ? Qu’il poursuive donc son enquête, si toutefois il ne t
1454
nel, etc. Bien sûr. Je le donne pour tel. Il faut
des
repères pour juger. La critique moderne l’oublie un peu, animée d’une
1455
repères pour juger. La critique moderne l’oublie
un
peu, animée d’une méfiance étrange pour celui qui déclare ses valeurs
1456
er. La critique moderne l’oublie un peu, animée d’
une
méfiance étrange pour celui qui déclare ses valeurs, — en dehors de l
1457
de ne voir en lui que le feu naturel du désir, —
une
espèce d’animalité véhémente, et comme innocente… Mais jamais la Natu
1458
sentez bien qu’il y a du démoniaque dans son cas,
une
sorte de polémique anxieuse, de méchanceté et de défi : la main tendu
1459
« primitifs » qu’on nous décrit. Don Juan suppose
une
société encombrée de règles précises dont elle rêve moins de se déliv
1460
st plus loin de la nature. Voyez comme il se sert
des
femmes : incapable de les posséder, il les viole d’abord moralement p
1461
contraire de ce que l’on croit, il souffrirait d’
une
anxiété secrète déjà voisine de l’impuissance. Et il est vrai que cel
1462
exercer sur presque tous les hommes, n’évoque pas
une
idée de santé. Mais dans cette furie insolente, dans cette jactance b
1463
lesse et défaut ? Ira-t-on peut-être plus loin, à
des
critères spirituels ? Don Juan serait par exemple le type de l’homme
1464
pourrait se manifester ce qu’il y a d’unique dans
un
être. Pourquoi ne peut-il désirer que la nouveauté dans la femme ? Et
1465
ance, baisser la tête, s’assombrir, comme saisi d’
une
timidité, et fasciné pour la première fois par la révélation d’amour,
1466
nce à se fixer, soit impuissance à se déprendre d’
une
image à lui-même secrète. Et de là vient sa puissance apparente, sa f
1467
n rythme dionysiaque. ⁂ Or si le don juanisme est
une
passion de l’esprit et non pas comme nous aimions le croire, une exul
1468
l’esprit et non pas comme nous aimions le croire,
une
exultation de l’instinct, tout porte à supposer que cette passion n’e
1469
ux. (Appelons ici danger ce qui peut compromettre
un
certain équilibre social que les mœurs ont pour but de maintenir, cet
1470
el, dès que l’esprit insatiable l’excite, devient
une
menace pour la vie. En dérivant cette passion vers le plaisir, la soc
1471
vers le plaisir, la société se trouve lui ménager
des
satisfactions qui l’épuisent, sans que l’ordre des choses ait à souff
1472
es satisfactions qui l’épuisent, sans que l’ordre
des
choses ait à souffrir d’une dépense improductive. Certes Don Juan est
1473
ent, sans que l’ordre des choses ait à souffrir d’
une
dépense improductive. Certes Don Juan est un tricheur, et même il ne
1474
r d’une dépense improductive. Certes Don Juan est
un
tricheur, et même il ne vit que de cela. (La banque de pharaon était
1475
ela. (La banque de pharaon était la source unique
des
revenus de Casanova : symbole dont il nous donne maintes fois la clé.
1476
ole dont il nous donne maintes fois la clé.) Mais
une
tricherie constante est moins dangereuse que les faiblesses subites d
1477
est moins dangereuse que les faiblesses subites d’
un
honnête homme. On est en garde, et l’on connaît le système, entièreme
1478
entièrement relatif aux règles du jeu. Imaginons
un
don juanisme plus secret, une table de pharaon où l’on mette sur les
1479
es du jeu. Imaginons un don juanisme plus secret,
une
table de pharaon où l’on mette sur les cartes des « valeurs » invisib
1480
une table de pharaon où l’on mette sur les cartes
des
« valeurs » invisibles au lieu d’espèces sonnantes. Alors « la triche
1481
es sonnantes. Alors « la tricherie » cesse d’être
une
habileté vulgaire et profitable. Elle peut devenir l’acte héroïque d’
1482
t profitable. Elle peut devenir l’acte héroïque d’
une
loyauté sans scrupules, toutefois ressentie comme un crime, du fait q
1483
loyauté sans scrupules, toutefois ressentie comme
un
crime, du fait qu’elle institue un ordre neuf par le décret de sa rig
1484
essentie comme un crime, du fait qu’elle institue
un
ordre neuf par le décret de sa rigueur. ⁂ Nietzsche s’est dressé face
1485
la coutume. L’immoraliste est comme le moraliste
un
ennemi vigilant de l’instinct : car s’il le glorifie c’est par esprit
1486
u tombent dans le doute à la première séduction d’
une
hypothèse scientifique. Il n’y a plus de foi qui affirme et qui maint
1487
r à tout coup, pour peu qu’on ait l’envie de nier
des
règles que personne n’ose plus dire inviolables ! Qui donc se ferait
1488
s dire inviolables ! Qui donc se ferait tuer pour
une
vertu dont on ne sait plus quelle est la fin ? Et toutes ces vérités
1489
va dire l’Autre ? C’est, dans la vie du Don Juan
des
vérités, l’heure de l’invitation au Commandeur. Or Dieu se tait. Il n
1490
le défi. Nietzsche attend dans la nuit désertique
des
hauteurs. Une aube vient. C’est encore l’aube de la terre. Personne n
1491
sche attend dans la nuit désertique des hauteurs.
Une
aube vient. C’est encore l’aube de la terre. Personne n’a parlé. Dieu
1492
que l’on désirait de toute sa fougue ; et se rire
des
suiveurs, des successeurs, de ces disciples enhardis par le triomphe
1493
ait de toute sa fougue ; et se rire des suiveurs,
des
successeurs, de ces disciples enhardis par le triomphe ardent d’un au
1494
e ces disciples enhardis par le triomphe ardent d’
un
autre, et qui déjà croient pouvoir abuser de ses victimes. Mille et t
1495
s. Mille et trois vérités se sont rendues, et pas
une
seule n’a su le retenir. Qu’importent les « contradictions » ! Ce n’e
1496
les « contradictions » ! Ce n’est pas pour bâtir
un
système qu’il réfute, dénonce et détruit, c’est pour la joie du viol
1497
mage obscure, et à lui-même infiniment secrète, d’
une
Vérité qui ne se rendrait point, mais qui le posséderait à tout jamai
1498
it mine de résister. Voluptés brèves — le temps d’
un
aphorisme — fulgurations toujours décevantes : ce n’est pas elle qu’i
1499
il n’y a plus d’amour possible. Il faut inventer
un
amour qui permette au moins de haïr tout ce qui passe, tout ce qui cè
1500
de détruire devient douleur, et dans l’angoisse d’
une
puissance anéantie par son succès, que Nietzsche a rencontré soudain
1501
nute, à cet instant ! L’Éternité, c’est le retour
des
temps ; et non pas la victoire sur le temps… Mais dans le temps, disa
1502
rnellement ! Ainsi Nietzsche devient le Tristan d’
un
Destin qu’il ne peut posséder que par l’amour éternellement lointain.
1503
ans amour. S’il gagne, c’est en violant la vérité
des
êtres. Nietzsche pose des valeurs qui détruisent les règles anciennes
1504
st en violant la vérité des êtres. Nietzsche pose
des
valeurs qui détruisent les règles anciennes, mais qui ne valent que p
1505
al, par-delà toutes les règles du jeu, il faut qu’
une
passion se révèle ; ou la mort, ou la vie éternelle. Il faut donc que
1506
’où la tricherie ; ou bien encore, de nier la fin
des
temps, le règlement final, le Jugement dernier — d’où l’idée du Retou
1507
etour éternel. ⁂ Comme je parlais de ces choses à
une
amie : « J’ai connu, me dit-elle, un homme marié avec lequel ayant ét
1508
es choses à une amie : « J’ai connu, me dit-elle,
un
homme marié avec lequel ayant été coquette en vain, il me dit en me q
1509
e dit en me quittant : “Je vous ajoute à ma liste
des
mille e tre”. » C’étaient les femmes qu’il n’avait pas eues, par fidé
1510
r l’Adam-microcosme, Belleau décrivant les Amours
des
Pierres précieuses, Peletier du Mans versifiant l’Éloge du Nombre Un,
1511
es, Peletier du Mans versifiant l’Éloge du Nombre
Un
, Du Chesne, calviniste paracelsien et physiologue pansexualiste, Béro
1512
de Gamon, Clovis Hesteau de Nuysement blasonnant
des
Visions hermétiques : tels sont les animaux étranges, bariolés et qua
1513
, incongrus et antédiluviens, marée grouillante d’
une
Renaissance pré-baroque. C’était le temps où la magie et la raison il
1514
a magie et la raison illuminée collaboraient dans
un
pédant délire, la première nourrissant la seconde de tentations fécon
1515
eut menés ? Le livre de Schmidt inventorie, avec
une
sorte d’ardente lucidité, les richesses dont l’ère classique a voulu
1516
acrifice. Ce n’est pas rien ! Cela donne à Phèdre
un
air de luxe fou : pour fondre ce bijou de platine d’une suprême éléga
1517
r de luxe fou : pour fondre ce bijou de platine d’
une
suprême élégance, la plus discrète, il a fallu brûler le mobilier, le
1518
er, les souvenirs de famille datant du Moyen Âge,
un
tas d’objets inutiles et bizarres, chargés de significations magiques
1519
l’esprit que suppose son entreprise ? Car l’étude
des
poètes hermétiques exige une faculté d’interprétation recréatrice bie
1520
eprise ? Car l’étude des poètes hermétiques exige
une
faculté d’interprétation recréatrice bien différente des qualités req
1521
ulté d’interprétation recréatrice bien différente
des
qualités requises du pur et simple philologue. C’est une vision du mo
1522
lités requises du pur et simple philologue. C’est
une
vision du monde, et des rapports du monde à l’homme, qu’il s’agit de
1523
simple philologue. C’est une vision du monde, et
des
rapports du monde à l’homme, qu’il s’agit de concevoir à nouveau, si
1524
ocabulaire, et dégager le pittoresque enfoui sous
des
amas d’abstruse érudition. Il fallait être Schmidt pour découvrir dan
1525
nces théologiques, et finalement pour en extraire
un
matériel encore utilisable. Il me semble d’ailleurs que ce travail ap
1526
Toutes ces tentatives constituent, pour reprendre
une
heureuse expression de l’auteur, autant « d’appels plastiques à l’ave
1527
uteur, autant « d’appels plastiques à l’avenir ».
Un
écrivain contemporain, conscient de l’impasse où l’a conduit l’idéal
1528
, conscient de l’impasse où l’a conduit l’idéal d’
une
poésie pure, pourrait trouver dans les thèmes et les formes qui foiso
1529
es et les formes qui foisonnèrent au xvie siècle
des
incitations très fécondes. Encore y faudrait-il une passion de cultur
1530
s incitations très fécondes. Encore y faudrait-il
une
passion de culture que les facilités de l’après-guerre ont passableme
1531
près-guerre ont passablement déprimée. On imagine
un
Valéry reprenant tel dessein de Scève : décrire la naissance des figu
1532
enant tel dessein de Scève : décrire la naissance
des
figures puis des solides géométriques à partir du point originel. Mai
1533
de Scève : décrire la naissance des figures puis
des
solides géométriques à partir du point originel. Mais qui oserait enc
1534
l. Mais qui oserait encore envisager l’ambition d’
un
Guillaume du Bartas, d’un Peletier, d’un La Boderie et de tant d’autr
1535
envisager l’ambition d’un Guillaume du Bartas, d’
un
Peletier, d’un La Boderie et de tant d’autres, cet inventaire de la C
1536
bition d’un Guillaume du Bartas, d’un Peletier, d’
un
La Boderie et de tant d’autres, cet inventaire de la Création embrass
1537
t, de s’en rendre maîtres. Tous sont soutenus par
une
double croyance dans le pouvoir magique du langage, et dans la libert
1538
éels et les « signatures » primitives dans le jeu
des
symboles et des correspondances. C’est l’ambition que refoulera trop
1539
gnatures » primitives dans le jeu des symboles et
des
correspondances. C’est l’ambition que refoulera trop aisément notre â
1540
Herder. La création entière, disait Hamann, est «
un
discours adressé à la créature au moyen de la créature : car un jour
1541
ressé à la créature au moyen de la créature : car
un
jour le redit au suivant, une nuit l’annonce à l’autre. Cette parole
1542
de la créature : car un jour le redit au suivant,
une
nuit l’annonce à l’autre. Cette parole traverse tous les climats, jus
1543
s l’avons perçue de nos jours, dans le dialecte d’
un
Claudel, parfois même dans celui de tel surréaliste. Mais notre monde
1544
u point de rendre puérile à nos yeux l’ambition d’
un
lyrisme cosmique ? 52. Un exemple au hasard. Ce vers de Baïf : « L’
1545
nos yeux l’ambition d’un lyrisme cosmique ? 52.
Un
exemple au hasard. Ce vers de Baïf : « L’huître dans son écaille essa
1546
la Renaissance qui « considéraient l’huître comme
un
condensateur du fluide vital circulant par l’univers ». Voilà de la b
1547
. Voilà de la belle érudition qui signifie. C’est
une
manière de poésie que bien peu savent allier à tant de science. aq.
1548
estimable ». Comment prendrait-on position devant
un
homme qui récuse sans cesse tout parti pris, et d’abord, quant à soi
1549
renonce aisément à le fixer dans l’une ou l’autre
des
figures qu’il nous révèle au cours de ce Journal ; mais le malaise du
1550
llusions, et beaucoup de silence, font pressentir
un
drame secret, un nœud vital où peut-être réside la cause des plus étr
1551
coup de silence, font pressentir un drame secret,
un
nœud vital où peut-être réside la cause des plus étranges contradicti
1552
ecret, un nœud vital où peut-être réside la cause
des
plus étranges contradictions qu’il subit ou qu’il entretient. (Jusqu’
1553
rfois de vraies fenêtres par excessive défiance d’
une
symétrie où l’on serait tenté de s’arrêter…) Faute d’un « jugement »
1554
étrie où l’on serait tenté de s’arrêter…) Faute d’
un
« jugement » que ces treize cents pages s’appliquent à dénoncer d’ava
1555
’appliquent à dénoncer d’avance, réduisons-nous à
des
notes de lecture, à quelques réactions impressionnistes. ⁂ Ce qui séd
1556
e, dans l’espace et le temps, voilà qui donnerait
une
idée de l’espèce d’intérêt que l’on prend à lire le Journal d’André G
1557
dans le tout venant de confidences fragmentaires,
une
vérité que les œuvres concertées avouaient peut-être beaucoup mieux.
1558
p mieux. Il est probable aussi que le journal est
un
genre littéraire inférieur, pour cette raison qu’il est toujours trop
1559
conçois, comme œuvre d’art, que limité au récit d’
une
crise, et soumis par lui-même à une sorte d’unité qui fait nécessaire
1560
té au récit d’une crise, et soumis par lui-même à
une
sorte d’unité qui fait nécessairement défaut à la chronique intermitt
1561
essairement défaut à la chronique intermittente d’
une
existence. Malgré les pages plus élaborées que Gide a groupées ça et
1562
plus élaborées que Gide a groupées ça et là sous
des
titres particuliers (Feuillets, Numquid et tu, La Marche turque, etc.
1563
arde la maîtrise, on peut prévoir que la valeur d’
un
tel ouvrage restera d’ordre essentiellement biographique. Mais ici se
1564
blie mon journal, je crains qu’il ne donne de moi
une
idée assez fausse. Je ne l’ai point tenu durant les longues périodes
1565
pourvoit lui-même. Et cependant, « donner de soi
une
idée fausse », c’est bien ce que devait éviter Gide, plus jalousement
1566
rend par avance toutes ses armes ? Mais ce serait
un
mauvais calcul. Aux yeux d’un lecteur prévenu, tant de naturel pourra
1567
es ? Mais ce serait un mauvais calcul. Aux yeux d’
un
lecteur prévenu, tant de naturel pourrait encore passer pour une pose
1568
venu, tant de naturel pourrait encore passer pour
une
pose raffinée. J’imaginerais plutôt que Gide est fasciné par l’obstac
1569
gidien pour échapper aux trompeuses stylisations
des
morales et jugements tout faits n’est plus seulement émouvant : il re
1570
st plus seulement émouvant : il revêt la valeur d’
une
expérience cruciale sur les limites de la sincérité en général, et du
1571
d’y porter nos retouches. ⁂ Parfois, le secret d’
une
vie s’épuise dans l’œuvre ; il ne reste pour le journal que les plus
1572
utres fois, l’œuvre et le journal sont simplement
des
manières différentes de poursuivre une même confidence. On ne sait pl
1573
simplement des manières différentes de poursuivre
une
même confidence. On ne sait plus si le journal est en marge de l’œuvr
1574
l est en marge de l’œuvre, ou si l’œuvre n’est qu’
un
moment privilégié de ce journal. Alors le vrai portrait de l’auteur n
1575
es choses tues dans ce recueil — Gide a marqué qu’
une
grave lacune mutile l’image qu’il nous y livre de lui-même53 —, il se
1576
ement. Et comment ne céderait-on pas à l’invite d’
une
formule, d’une épigramme sur tel ami dont il semble inutile de répéte
1577
nt ne céderait-on pas à l’invite d’une formule, d’
une
épigramme sur tel ami dont il semble inutile de répéter chaque fois q
1578
à ce jeu, ne s’est pas épargné : « Je ne suis qu’
un
petit garçon qui s’amuse — doublé d’un pasteur protestant qui l’ennui
1579
ne suis qu’un petit garçon qui s’amuse — doublé d’
un
pasteur protestant qui l’ennuie. » Type de boutade dont certains, con
1580
trop pittoresque. En somme, le journal exigerait
une
discipline plus grande encore que celle de l’œuvre : il faudrait s’im
1581
core que celle de l’œuvre : il faudrait s’imposer
un
rythme égal et sans lacunes, une relation automatique et monotone des
1582
audrait s’imposer un rythme égal et sans lacunes,
une
relation automatique et monotone des petits faits, situant exactement
1583
ans lacunes, une relation automatique et monotone
des
petits faits, situant exactement l’apparition de telle pensée ou de t
1584
el… ⁂ Les journaux d’écrivains sont vrais, mais d’
une
vérité indirecte, et parfois même négative. C’est moins la vie vécue
1585
langue toujours si fermement articulée (habitude
des
lectures à haute voix), ses sautes d’humeur, et ce besoin de donner r
1586
constamment occupé de problèmes religieux. Mais d’
une
manière qu’il importerait de spécifier. ⁂ A-t-on remarqué jusqu’à que
1587
ent religieux s’est posé, et se pose encore, dans
des
termes qui échappent, presque nécessairement, à la sollicitude des ca
1588
happent, presque nécessairement, à la sollicitude
des
catholiques. Gide fut élevé dans un milieu où la religion paraissait
1589
sollicitude des catholiques. Gide fut élevé dans
un
milieu où la religion paraissait se réduire à ces deux éléments que C
1590
que pourra ». Du moralisme, il a gardé sans doute
une
propension fondamentale à préférer à la lettre du dogme l’esprit qui
1591
leur église, et subissant seulement la coutume d’
un
milieu. Tout à fait justifiée en soi, cette réaction gauchit parfois
1592
me semble-t-il, avec l’image courante et fausse d’
un
Calvin inhumain, presque manichéen.) L’évangélisme, hérité malgré tou
1593
t d’autre part, le recours à l’orthodoxie comme à
une
assurance prise sur le Saint-Esprit autant que sur le doute. (Il cite
1594
Esprit autant que sur le doute. (Il cite ce mot d’
un
catholique à un pasteur : « Vous, vous croyez, mais nous savons ! »)
1595
e sur le doute. (Il cite ce mot d’un catholique à
un
pasteur : « Vous, vous croyez, mais nous savons ! ») Ceci explique qu
1596
u dogmatisme romain. D’où son horreur congénitale
des
tours de passe-passe religieux. En somme, tout son effort consiste à
1597
s de toute église (tant reformée que catholique),
un
attachement à sa vérité propre qui est moins évangélique qu’individua
1598
ionaliste ? Certes, je m’en voudrais de critiquer
une
exigence d’honnêteté qui rappelle si fort Kierkegaard. Gide répugne à
1599
is pas chrétien. Mais c’était par désir de sauver
une
conception pure de la foi, dont il ne s’estimait pas digne, et qu’il
1600
e problème de l’église visible, de l’obéissance à
une
orthodoxie qui ne prétende pas s’emparer de l’Évangile, mais au contr
1601
onnais point d’autorité, et si j’en reconnaissais
une
, ce serait celle de l’Église » (donc de Rome). Allons donc ! Pour un
1602
de l’Église » (donc de Rome). Allons donc ! Pour
un
protestant, ce dilemme est aussi choquant que le serait pour un Angla
1603
ce dilemme est aussi choquant que le serait pour
un
Anglais ou un Scandinave le dilemme entre l’anarchie et l’étatisme to
1604
t aussi choquant que le serait pour un Anglais ou
un
Scandinave le dilemme entre l’anarchie et l’étatisme totalitaire. Ass
1605
Assimiler l’autorité au romanisme est d’ailleurs
une
erreur des plus courantes, en France surtout, et même chez certains p
1606
l’autorité au romanisme est d’ailleurs une erreur
des
plus courantes, en France surtout, et même chez certains protestants.
1607
eproche de prendre position non sans légèreté sur
des
problèmes infiniment complexes (tel le communisme, naguère), je pense
1608
e, naguère), je pense qu’on le peut expliquer par
une
certaine défiance d’artiste à l’égard des « idées » en soi, et de l’i
1609
es choisir, et encore moins les circonscrire dans
un
domaine privilégié. Ils nous contraignent parfois davantage qu’ils ne
1610
ets nous opposeront l’exemple du probe adversaire
des
orthodoxies orgueilleuses, « André Gide à n’en plus finir » ! 53. C
1611
F. Ramuz (mai 1940)as Le plus intéressant dans
un
recueil de mélanges ou d’hommages, c’est en général le sommaire : cet
1612
l le sommaire : cette fois encore. Voici le noyau
des
premiers ramuziens (à peu près le groupe des Cahiers vaudois), les de
1613
oyau des premiers ramuziens (à peu près le groupe
des
Cahiers vaudois), les deux Cingria, le peintre Auberjonois, Ansermet,
1614
Stravinsky. Claudel y touche de près. Cocteau y a
des
souvenirs, Maritain des amitiés. Pour la fête, on a invité quelques é
1615
uche de près. Cocteau y a des souvenirs, Maritain
des
amitiés. Pour la fête, on a invité quelques étrangers de marque : Tho
1616
s quatre langues suisses — n’oubliez pas le ladin
des
Grisons — viennent dire au dessert leur couplet. Ce complexe de mysti
1617
tisme non pas à la manière de Genève mais à celle
des
troubadours, voilà bien la constellation ramuzienne. Rien de plus « S
1618
s, comme accidentelles, de centres européens dans
un
canton : Zurich au xviiie siècle, Coppet, Bâle au temps de Burckhard
1619
Un
complot de protestants (novembre 1951)at Tout compte fait, nous no
1620
is descendre l’escalier. Je parle en le suivant d’
un
œil. Il s’arrête, il paraît attendre. Je pose le récepteur et nous so
1621
pose le récepteur et nous sortons. Nous voici sur
un
banc du boulevard Saint-Germain. Les autos passent tout près. Je l’en
1622
prendre au téléphone que « cela ne va plus » pour
un
appartement promis. Il dit encore (mais vraiment j’entends mal) : « V
1623
e (mais vraiment j’entends mal) : « Vous cherchez
un
studio ? » — « Oui, c’est exactement ce qu’il me faut. » Il a l’air é
1624
seulement, je comprends qu’il avait dit : « J’ai
un
studio… » Le lendemain matin, très tôt, nous arrivons chez lui, ma fe
1625
moi. Le studio est vaste et plaisant, agrémenté d’
un
escalier conduisant à une large galerie. Par une porte capitonnée qui
1626
et plaisant, agrémenté d’un escalier conduisant à
une
large galerie. Par une porte capitonnée qui donne sur la bibliothèque
1627
d’un escalier conduisant à une large galerie. Par
une
porte capitonnée qui donne sur la bibliothèque où il travaille, Gide
1628
Gide apparaît en robe de chambre grise, le corps
un
peu tassé et de large carrure, sa belle tête de moine tibétain barrée
1629
carrure, sa belle tête de moine tibétain barrée d’
un
sourire mince et pourtant amical. Il fait très chaud. De ses poches,
1630
bière et nous les offre. Au milieu du studio pend
un
trapèze. Gide s’y appuie des deux mains, se balance en regardant nos
1631
milieu du studio pend un trapèze. Gide s’y appuie
des
deux mains, se balance en regardant nos valises. « Tout cela s’est ar
1632
nts serrées : « Qu’est-ce qu’on va dire ?… » avec
un
sourire inquisiteur. Je me garde de répondre. Finalement, Gide en ria
1633
inalement, Gide en riant : « On va dire que c’est
un
complot de protestants ! » Le mot ne manque pas de pertinence. Tous l
1634
ntrouvrir la porte capitonnée, en s’annonçant par
un
profond « Allô ! Allô ! » et me demandera de passer chez lui pour que
1635
t, chaque fois, il orientera la conversation vers
des
sujets religieux ou même théologiques, comme si c’était précisément p
1636
ue le terme d’orthodoxie protestante puisse avoir
un
sens. Le protestant, pour lui, c’est l’opposant. (Comme on le croit g
1637
s qu’on rende à l’art, la « critique dogmatique »
des
grandes époques, ne sont plus que mensonges à ses yeux dès que l’on p
1638
tyle d’abord ne l’ait séduit. Il me parle souvent
des
Variations de Bossuet, avec une vive admiration, mais se refuse à Kie
1639
me parle souvent des Variations de Bossuet, avec
une
vive admiration, mais se refuse à Kierkegaard, qu’il juge « trop long
1640
, et les moyens particuliers de sa recherche. Sur
un
seul de ces entretiens, j’ai pris des notes. C’est celui du 20 juin.
1641
cherche. Sur un seul de ces entretiens, j’ai pris
des
notes. C’est celui du 20 juin. J’avais eu l’impression ce jour-là que
1642
e déclare, à ma profonde surprise, qu’il y trouve
une
explication des « erreurs de sa vie de jeune homme ». En phrases lent
1643
profonde surprise, qu’il y trouve une explication
des
« erreurs de sa vie de jeune homme ». En phrases lentes et difficultu
1644
dernier mot. Ce qui l’a souvent frappé chez bien
des
femmes, c’est leur manière « de s’offusquer du désir de l’homme ». Pl
1645
tête, trouve cela très curieux, n’est-ce pas ? —
un
éclair de malice au coin de l’œil. Puis il a quelques phrases obscure
1646
amais croire ce qu’elles nous disent. » Il a pris
une
expression angoissée et crispée. « Je vous parle très sincèrement, je
1647
était mal » de ses propos.) Et, subitement, après
un
silence : « C’est ainsi que j’ai commis, à cette époque — je parle de
1648
ue — je parle de mon premier séjour en Afrique, —
une
terrible erreur d’aiguillage ! » Puis il tousse, se plaint de fumer t
1649
cours d’impression, et sur lequel je vais écrire
un
article pour la NRF. Il insiste comme il sait insister sur les suppre
1650
les a recopiés dans deux cahiers gris d’écolier.
Un
soir, il vient m’avertir qu’il compte s’absenter pour huit jours. Mai
1651
besoin… Dès le lendemain, j’y pénètre, bien sûr.
Des
housses couvrent les meubles, une sorte de vieux drap son grand burea
1652
ètre, bien sûr. Des housses couvrent les meubles,
une
sorte de vieux drap son grand bureau. Sur l’étoffe, bien en évidence,
1653
son grand bureau. Sur l’étoffe, bien en évidence,
un
fort cahier gris d’écolier. J’ai lu les premières lignes, pour vérifi
1654
il se sentait le plus incapable d’écrire : ceux d’
un
Marcel Aymé, d’un Simenon.) À Berne, pendant un déjeuner, il s’enquit
1655
lus incapable d’écrire : ceux d’un Marcel Aymé, d’
un
Simenon.) À Berne, pendant un déjeuner, il s’enquit avec insistance d
1656
d’un Marcel Aymé, d’un Simenon.) À Berne, pendant
un
déjeuner, il s’enquit avec insistance de mon opinion sur Strindberg,
1657
ance de mon opinion sur Strindberg, et je lui fis
une
réponse assez vague, m’étonnant surtout de la question. Huit jours pl
1658
rd, il recevait le prix Nobel. Chez Richard Heyd,
un
soir, à Neuchâtel, l’on jouait au « cadavre exquis ». (L’un écrit tro
1659
er que le jeu devenait bien personnel, et proposa
des
bouts-rimés. Il y excellait. ⁂ Peu d’hommes m’ont donné l’impression
1660
presque inégalé depuis Montaigne. (Je ne nie pas
un
instant son lyrisme.) Et c’est ainsi qu’il réussit à remplacer le tra
1661
ans laquelle il voyait (par erreur) la sanction d’
une
certaine éthique ; la conversion de quelques-uns de ses amis ; enfin
1662
sa femme. Ces données biographiques ne font point
une
nature. Elles expliquent simplement l’insistance du problème aux stad
1663
inteté, non l’accueil du mystère, ni l’adhésion à
un
credo. J’en donne la preuve : avoir la foi sans être saint lui parais
1664
l’a souhaitée expressément. Mais comment définir
un
saint qui ne croit pas ? Un saint privé de foi autant que de religion
1665
Mais comment définir un saint qui ne croit pas ?
Un
saint privé de foi autant que de religion, ni chrétien ni hindou, san
1666
dou, sans mystique, ni mystère ? Ne serait-il pas
un
homme tout à fait plat, réduit à quelques partis pris éthiques ? Ce d
1667
Ce débat nous éloignerait de la réalité de Gide.
Une
intense affectivité le liait, le reliait, au monde du christianisme,
1668
dimensions profondes. J’ai dit qu’il se méfiait d’
une
certaine « profondeur » qui mesure parfois la distance entre l’éthiqu
1669
éthique et la mystique, mais qui souvent n’est qu’
un
concept bâtard, engendré par le romantisme. Gide recherchait plutôt l
1670
vait ainsi de s’arrêter à la logique exotérique d’
un
texte, disons à son seul sens éthique. Penchant bien protestant, ou s
1671
Penchant bien protestant, ou simplement rançon d’
une
sobriété stricte. Ses connaissances bibliques me stupéfiaient. L’usag
1672
ant. Là où Claudel prend son élan pour caramboler
des
symboles, où Valéry se fût poliment récusé, Gide objectait, déduisait
1673
ité, en vérité bizarre et unique dans l’Histoire,
une
civilisation sur vingt et une connues l’ayant rendue possible et acce
1674
ue dans l’Histoire, une civilisation sur vingt et
une
connues l’ayant rendue possible et acceptable. « Hérétique entre les
1675
dental. On ne pouvait être moins mystique au sens
des
religions traditionnelles, au sens du mythe, des astres et de l’ordre
1676
des religions traditionnelles, au sens du mythe,
des
astres et de l’ordre cosmique, ou bien encore au sens de lois fatales
1677
s de lois fatales et collectives interprétées par
un
Parti. C’est pourquoi le problème religieux, tel qu’il se pose au mon
1678
e christianisé, et à lui seul, libéré de l’empire
des
mythes, n’a cessé d’occuper sa pensée. Et j’ignore si c’est mal ou bi
1679
plement le phénomène. Je ne tiens pas la foi pour
une
vertu plus que l’absence de foi pour une preuve de courage. Des vertu
1680
foi pour une vertu plus que l’absence de foi pour
une
preuve de courage. Des vertus et des vices, dans un milieu donné, tou
1681
que l’absence de foi pour une preuve de courage.
Des
vertus et des vices, dans un milieu donné, tout le monde reste en dro
1682
de foi pour une preuve de courage. Des vertus et
des
vices, dans un milieu donné, tout le monde reste en droit de juger au
1683
preuve de courage. Des vertus et des vices, dans
un
milieu donné, tout le monde reste en droit de juger au nom des normes
1684
nné, tout le monde reste en droit de juger au nom
des
normes établies. Mais la foi, le salut personnel n’ont rien à voir av
1685
oir avec la bienséance, et ne sont pas de l’ordre
des
mérites. Et c’est pourquoi il est écrit : « Ne jugez pas ! » J’avoue
1686
éprouve, ces discussions sur la croyance ou non d’
un
homme connu, multipliées et prolongées après sa mort, dans notre sièc
1687
ns notre foi ou dans notre incroyance, — parce qu’
un
de plus vient renforcer notre parti, et qu’il n’est pas le premier ve
1688
sans ombre. Et je n’entends pas dire que Gide fut
un
croyant, mais il reste un douteur exemplaire. at. Rougemont Denis
1689
s pas dire que Gide fut un croyant, mais il reste
un
douteur exemplaire. at. Rougemont Denis de, « Un complot de protes
1690
douteur exemplaire. at. Rougemont Denis de, «
Un
complot de protestants », La Nouvelle Revue française, Paris, novembr
1691
et le développement de la technique, par exemple)
une
origine ou une visée communes, révélant un principe de cohérence parm
1692
ment de la technique, par exemple) une origine ou
une
visée communes, révélant un principe de cohérence parmi tant de contr
1693
mple) une origine ou une visée communes, révélant
un
principe de cohérence parmi tant de contradictions ? L’unité de l’Eur
1694
? L’unité de l’Europe n’est pas définissable par
un
contour géographique, moins encore par un consensus délibéré de tous
1695
ble par un contour géographique, moins encore par
un
consensus délibéré de tous ses peuples, ou par quelque essence éterne
1696
os nations à partir du xixe siècle. L’Europe est
une
longue aventure, et l’esprit d’aventure y paraît plus sensible que l’
1697
lé au concile de Nicée, et vous ôtez la condition
des
sciences physiques et naturelles, qui est la reconnaissance du corps,
1698
illusoires.) Ôtez l’idée de la personne, déduite
des
grandes définitions trinitaires et christologiques, vous avez quelque
1699
mme l’Inde et non l’Europe. De cette recherche d’
un
principe de cohérence révélé par la nature même des péripéties de l’A
1700
n principe de cohérence révélé par la nature même
des
péripéties de l’Aventure, je détache ici le moment de l’exploration d
1701
varié quant à la date de naissance de l’humanité.
Un
professeur de Cambridge, au xviiie siècle, crut pouvoir la préciser
1702
e 23 mars, même heure et même année. Buffon écrit
un
peu plus tard : « Depuis la fin des ouvrages de Dieu, c’est-à-dire de
1703
. Buffon écrit un peu plus tard : « Depuis la fin
des
ouvrages de Dieu, c’est-à-dire depuis la création de l’homme, il ne s
1704
et que les catéchismes ne cesseront d’enseigner à
des
générations dont notre enfance a connu les derniers représentants. Ce
1705
ler brusquement l’âge de l’humanité peut paraître
une
révolution considérable. Mais ce n’est guère qu’un détail dénué d’int
1706
e révolution considérable. Mais ce n’est guère qu’
un
détail dénué d’intérêt pour peu que l’on considère les dimensions du
1707
ent-vingt-millions d’années solaires. Or la vie d’
un
Brahma est de cent et huit « années », dont chaque jour et chaque nui
1708
s », dont chaque jour et chaque nuit représentent
un
Kalpa. Après deux-cent-quarante-neuf-milliards d’années, le Brahma me
1709
hma meurt, l’univers retourne au grand Chaos pour
une
durée égale, puis un autre Brahma inaugure une ère nouvelle, et ainsi
1710
etourne au grand Chaos pour une durée égale, puis
un
autre Brahma inaugure une ère nouvelle, et ainsi de suite à l’infini.
1711
ur une durée égale, puis un autre Brahma inaugure
une
ère nouvelle, et ainsi de suite à l’infini. Quant au temps de notre h
1712
vre de Kalki, dernier avatar de Vishnu. En regard
des
ordres de grandeur, si prodigieusement différents, attribués par les
1713
et de l’Occident au temps cosmique comme au temps
des
humains, plaçons maintenant ce double fait : le sens de l’Histoire es
1714
. Co-naissance de l’Histoire et de la Personne
Un
fait quelconque n’est historique au sens exact qu’en vertu de son uni
1715
ire, mais au Mythe. De même l’individu ne devient
une
personne que par l’unicité que lui confère sa vocation, autrement il
1716
ui confère sa vocation, autrement il est vu comme
une
répétition, grain de poussière isolé d’un univers absurde relevant de
1717
comme une répétition, grain de poussière isolé d’
un
univers absurde relevant de la pure statistique, ou cellule transitoi
1718
de la pure statistique, ou cellule transitoire d’
un
corps magique sans fin. Combien d’individus sont-ils donc nés et mort
1719
vidus sont-ils donc nés et morts depuis qu’il y a
des
hommes sur cette planète ? Si un démographe génial pouvait nous dire
1720
epuis qu’il y a des hommes sur cette planète ? Si
un
démographe génial pouvait nous dire demain que la réponse est « de l’
1721
e ou qui survivent dans notre siècle ont enseigné
des
théories du temps, et presque toutes décrivent un temps cyclique. Ell
1722
es théories du temps, et presque toutes décrivent
un
temps cyclique. Elles croient aussi à la métempsycose, à l’astrologie
1723
peuple élu : dès lors, celle-ci ne dépendait plus
des
astres ni d’un cours calculable des temps, mais d’une intention perso
1724
lors, celle-ci ne dépendait plus des astres ni d’
un
cours calculable des temps, mais d’une intention personnelle, inscrut
1725
épendait plus des astres ni d’un cours calculable
des
temps, mais d’une intention personnelle, inscrutable et pourtant mani
1726
astres ni d’un cours calculable des temps, mais d’
une
intention personnelle, inscrutable et pourtant manifestée par une sui
1727
rsonnelle, inscrutable et pourtant manifestée par
une
suite d’événements révélateurs. L’incarnation du Christ vint accompli
1728
yclique. Dans le prolongement du temps dramatique
des
Prophètes s’ouvre alors le temps du salut : temps de l’attente active
1729
active, de l’espérance patiente et de la foi dans
un
retour unique du Christ glorieux. Et, dans ce temps nouveau, le rôle
1730
u qui appelle et l’âme qui répond libère celle-ci
des
décrets uniformes de la morale et de la tradition sacrée, comme aussi
1731
la morale et de la tradition sacrée, comme aussi
des
caprices du hasard insensé, comme enfin de la roue du karma et du ver
1732
le temps et la chair à l’insignifiance anonyme d’
un
passage éphémère dans l’Illusion. Ainsi l’Histoire, conscience nouvel
1733
n. Ainsi l’Histoire, conscience nouvelle du temps
des
hommes, est née de la même rupture des grands rythmes cosmiques et de
1734
e du temps des hommes, est née de la même rupture
des
grands rythmes cosmiques et des fatalités astrologiques, et de la mêm
1735
e la même rupture des grands rythmes cosmiques et
des
fatalités astrologiques, et de la même victoire sur les étoiles et su
1736
, qui libère et suscite la personne. Ce n’est pas
un
hasard si le premier auteur d’une philosophie de l’Histoire — la Civi
1737
ne. Ce n’est pas un hasard si le premier auteur d’
une
philosophie de l’Histoire — la Civitas Dei — fut aussi le premier aut
1738
— la Civitas Dei — fut aussi le premier auteur d’
une
biographie de sa personne : les Confessions. 3. Du Mythe à l’Histo
1739
is il reste à mieux voir comment l’homme, délivré
des
« religions » par la foi, trouve alors le courage exceptionnel d’acce
1740
outes les religions traditionnelles ont développé
des
mythes du temps cyclique et de l’éternel retour, c’est parce que l’ho
1741
. Car le temps est lié à la mort comme à la perte
des
paradis — Eden, âge d’or, enfance — vécus ou imaginaires. Et il est l
1742
ires. Et il est lié à la menace toujours instante
des
catastrophes imprévisibles et arbitraires, des désastres privés et pu
1743
te des catastrophes imprévisibles et arbitraires,
des
désastres privés et publics et de leur injustice d’autant plus scanda
1744
dité, l’homme n’a d’autre recours que d’attribuer
un
sens à ce qu’il subit sans l’avoir « mérité ». Au scandale des souffr
1745
qu’il subit sans l’avoir « mérité ». Au scandale
des
souffrances et de la mort, il ne répondra point par une révolte vaine
1746
uffrances et de la mort, il ne répondra point par
une
révolte vaine, pure démence à ses yeux de Grec ou d’Oriental, mais pa
1747
x de Grec ou d’Oriental, mais par le rêve immense
des
religions, transformant le réel insensé en un poème de morts et de ré
1748
se des religions, transformant le réel insensé en
un
poème de morts et de résurrections dominées par des rythmes et par de
1749
n poème de morts et de résurrections dominées par
des
rythmes et par des archétypes qui s’accordent à ceux de l’âme. Ainsi
1750
de résurrections dominées par des rythmes et par
des
archétypes qui s’accordent à ceux de l’âme. Ainsi le rêve universel d
1751
souffrance qui est vaine, dès lors qu’elle prend
un
sens exemplaire dans le Mythe, mais c’est le temps lui-même qui perd
1752
c’est la même chose. ») L’irruption dans ce monde
des
religions antiques du message de l’Incarnation figure donc le Scandal
1753
aul la présente. Que Dieu se soit manifesté comme
une
Personne ; par un geste sans précédent ; au temps choisi par lui ; «
1754
e Dieu se soit manifesté comme une Personne ; par
un
geste sans précédent ; au temps choisi par lui ; « une fois pour tout
1755
ar lui ; « une fois pour toutes » — voici ruiné d’
un
coup tout l’édifice mythique des protections de l’âme contre le temps
1756
» — voici ruiné d’un coup tout l’édifice mythique
des
protections de l’âme contre le temps de l’Histoire. Il s’agit d’un vr
1757
l’âme contre le temps de l’Histoire. Il s’agit d’
un
vrai fait, non plus d’un avatar ni de l’épiphanie d’un archétype. Cet
1758
l’Histoire. Il s’agit d’un vrai fait, non plus d’
un
avatar ni de l’épiphanie d’un archétype. Cette rupture du Cercle cosm
1759
ai fait, non plus d’un avatar ni de l’épiphanie d’
un
archétype. Cette rupture du Cercle cosmique livre l’homme à l’imprévi
1760
la chair (étant au monde mais non du monde) et qu’
un
terme est promis à l’Histoire, encore que nul n’en sache « le jour ni
1761
la Résurrection, l’homme n’aurait pas la preuve d’
une
existence qui échappe au temps et à la mort. « Si le Christ n’est pas
1762
u docétistes. Plus tard, au Moyen Âge, la théorie
des
cycles et des rythmes cosmiques de l’Histoire sera reprise — contre l
1763
Plus tard, au Moyen Âge, la théorie des cycles et
des
rythmes cosmiques de l’Histoire sera reprise — contre l’esprit des Pè
1764
ques de l’Histoire sera reprise — contre l’esprit
des
Pères — par les plus grands docteurs occidentaux, tant orthodoxes que
1765
ontinu de l’Histoire n’est guère soutenue que par
un
Joachim de Flore, dont les écrits sont condamnés ou falsifiés. Dans l
1766
rd’hui encore dans les masses paysannes, l’idée d’
une
évolution imprévisible et progressive est généralement éliminée par d
1767
ible et progressive est généralement éliminée par
des
représentations archétypiques et mythiques du cours des choses humain
1768
présentations archétypiques et mythiques du cours
des
choses humaines ressenti comme semblable à celui des saisons, de la v
1769
choses humaines ressenti comme semblable à celui
des
saisons, de la végétation ou des étoiles. Et peut-être faut-il rattac
1770
emblable à celui des saisons, de la végétation ou
des
étoiles. Et peut-être faut-il rattacher à cette même tendance naturel
1771
s romantiques — fut bien plutôt dans son ensemble
une
longue réaction de défense contre le ferment de révolution introduit
1772
miers chrétiens, ce qui rend supportable l’idée d’
un
temps vidé de rythmes et de mythes, c’est la croyance à la Fin immine
1773
indéniable. Saint Augustin résout le paradoxe en
un
dualisme à peine voilé : il y a l’Histoire de Dieu et celle des homme
1774
peine voilé : il y a l’Histoire de Dieu et celle
des
hommes, et si la première intervient dans la seconde par des actes li
1775
et si la première intervient dans la seconde par
des
actes libres, elle n’y détermine pas une loi d’évolution. Le Moyen Âg
1776
onde par des actes libres, elle n’y détermine pas
une
loi d’évolution. Le Moyen Âge ira beaucoup plus loin, non pas dans le
1777
, non pas dans le sens du risque, mais dans celui
des
normes. C’est une vision réduite et limitée de l’Histoire qui lui per
1778
sens du risque, mais dans celui des normes. C’est
une
vision réduite et limitée de l’Histoire qui lui permet de rendre un r
1779
et limitée de l’Histoire qui lui permet de rendre
un
rythme à sa durée. L’apparition du Christ ne marque plus pour lui le
1780
commencement du temps de la Fin, mais le « milieu
des
temps », symbole archétypique. Les temps sont rétrécis à quelques mil
1781
cle. Relevons ici que la chronologie vertigineuse
des
hindous ne s’appliquait qu’aux cycles du cosmos : les événements de l
1782
yés que personne n’a le souci de les dater. C’est
un
mouvement exactement contraire qui s’est produit dans l’Occident mode
1783
t passé durant l’intermède médiéval, l’état civil
des
hommes et des actions humaines n’a cessé de se préciser, tandis que l
1784
l’intermède médiéval, l’état civil des hommes et
des
actions humaines n’a cessé de se préciser, tandis que la Fin et le Co
1785
se préciser, tandis que la Fin et le Commencement
des
temps ne cessaient de s’éloigner dans le vague de l’infini. Or le Cre
1786
Il n’en reste pas moins que l’extension soudaine
des
dimensions de l’Histoire, telle qu’elle vient de se produire au xxe
1787
lle vient de se produire au xxe siècle, provoque
une
crise profonde de la relation intime et proprement congénitale entre
1788
ntre l’Histoire et la personne humaine. Ceci pose
un
problème encore neuf. 4. Être ou non dans l’Histoire Tout d’un
1789
neuf. 4. Être ou non dans l’Histoire Tout d’
un
coup (dans l’espace d’une quarantaine d’années) il se révèle que notr
1790
ans l’Histoire Tout d’un coup (dans l’espace d’
une
quarantaine d’années) il se révèle que notre humanité n’a pas derrièr
1791
atre milliards d’années, aurait déjà vécu presque
un
« jour de Brahma » dans le cosmos actuel. Je dis « cosmos actuel », c
1792
el », car de nombreux savants nous parlent déjà d’
un
mouvement de diastole et de systole de l’Univers, qui se répéterait à
1793
qui se répéterait à l’infini : nous serions dans
une
phase d’expansion. La cosmologie des hindous paraît alors moins éloig
1794
serions dans une phase d’expansion. La cosmologie
des
hindous paraît alors moins éloignée de la vérité que celle du Moyen Â
1795
ue celle du Moyen Âge « chrétien ». Il en résulte
une
suite de conséquences qui jouent en fait — mais je ne pense pas en dr
1796
ée occidentale de l’homme. L’importance apparente
des
collectivités, des civilisations, des périodes et des ères, grandit d
1797
’homme. L’importance apparente des collectivités,
des
civilisations, des périodes et des ères, grandit d’autant qu’à cette
1798
e apparente des collectivités, des civilisations,
des
périodes et des ères, grandit d’autant qu’à cette échelle multipliée,
1799
collectivités, des civilisations, des périodes et
des
ères, grandit d’autant qu’à cette échelle multipliée, elles demeurent
1800
ent aussi distant de l’homme concret que Brahma d’
un
paria sans voie. Et l’Histoire, dans l’esprit de nos contemporains, p
1801
Abrégé de l’Histoire de France, nous parle déjà d’
une
Histoire « maîtresse de la vie humaine et de la politique ». Il s’agi
1802
les et de leçons n’a d’autre autorité que celle d’
un
précepteur. Ses « lois » ne sont encore que celles de la morale, et s
1803
re que celles de la morale, et sa réalité celle d’
un
discours. Mais l’Histoire aujourd’hui n’est plus un conte, elle se di
1804
discours. Mais l’Histoire aujourd’hui n’est plus
un
conte, elle se distingue absolument de son récit. Elle ne concerne pl
1805
vraie que nous, qui ne faisons que l’habiter pour
un
atome de temps insignifiant. Elle est devenue le cours de la réalité,
1806
ui résiste au sens est « mystification » aux yeux
des
théoriciens et polémistes, « sabotage » aux yeux des pouvoirs. En pré
1807
théoriciens et polémistes, « sabotage » aux yeux
des
pouvoirs. En présence d’une doctrine politique ou sociale, de l’actio
1808
« sabotage » aux yeux des pouvoirs. En présence d’
une
doctrine politique ou sociale, de l’action d’un pays ou de l’option d
1809
’une doctrine politique ou sociale, de l’action d’
un
pays ou de l’option d’un homme, il n’est donc plus question de demand
1810
u sociale, de l’action d’un pays ou de l’option d’
un
homme, il n’est donc plus question de demander si c’est « vrai ». C’e
1811
non de mémoire mais d’attitude actuelle, et non d’
une
discipline de l’intellect mais bien d’une conception de l’Existence.
1812
t non d’une discipline de l’intellect mais bien d’
une
conception de l’Existence. Cette Histoire absolutisée, qui n’est plus
1813
Histoire absolutisée, qui n’est plus connaissance
des
actes du passé, mais flux irrésistible entraînant à la fois ceux qui
1814
ore du temps lui-même ? N’est-elle pas simplement
une
manière de le penser qui le ferme à toute transcendance, et qui du mê
1815
ps, le détruit et le renouvelle. Et, si l’on rêve
un
monde coupé du transcendant, on évacue du même mouvement désespéré to
1816
effet, par la seule conviction que la vocation d’
un
homme peut être plus vraie que la règle — d’où les martyrs des premie
1817
t être plus vraie que la règle — d’où les martyrs
des
premiers temps du christianisme. Si, au contraire, le « sens » appart
1818
us moderne du temps Cette description rapide d’
une
attitude nouvelle et d’un état de conscience profondément typique de
1819
e description rapide d’une attitude nouvelle et d’
un
état de conscience profondément typique de l’Occident au xxe siècle
1820
re occidentale ? Est-elle le signe annonciateur d’
une
fin lugubre, ou seulement d’une crise de croissance ? On a vu que la
1821
ne annonciateur d’une fin lugubre, ou seulement d’
une
crise de croissance ? On a vu que la croyance à l’Histoire absolue, c
1822
l’autre, alors qu’elles sont nées en même temps d’
un
même acte libérateur ? Mais, d’abord, est-il sûr que la croyance mode
1823
a presse nous parlent de Sumer, du paléolithique,
des
Mayas ou du vase de Vix, les mémoires font fureur, les biographies s’
1824
pas la cinquantaine pour se mettre au passé dans
un
livre. Mais la réponse est non s’il s’agit de cette Histoire dans le
1825
essité, sous peine de n’être pas. Celle-ci marque
un
recul devant le risque du temps. La conscience de l’Histoire est née
1826
nscience de l’Histoire est née de l’acceptation d’
un
temps radicalement imprévisible. Et sa fin seule était certaine et se
1827
i. À ce risque du temps, le Moyen Âge résiste par
un
retour aux conceptions cycliques et par une nette limitation des dime
1828
te par un retour aux conceptions cycliques et par
une
nette limitation des dimensions du passé et de l’avenir : cette espèc
1829
conceptions cycliques et par une nette limitation
des
dimensions du passé et de l’avenir : cette espèce de congélation du t
1830
et la vérité elle-même. Solution masochiste, pour
un
Occidental. L’individu trouve le défi trop lourd. Dans un cosmos qui
1831
ental. L’individu trouve le défi trop lourd. Dans
un
cosmos qui se calcule en centaines de millions d’années-lumière, dans
1832
e, dans cette durée qui va vers l’infini, et dans
une
société où la technique, les « lois économiques », la puissance de l’
1833
alut individuel58 — je pressens qu’ils trahissent
un
dépit amoureux au moins autant qu’un fléchissement réel du sens de la
1834
s trahissent un dépit amoureux au moins autant qu’
un
fléchissement réel du sens de la personne et de la liberté. Ce n’est
1835
ponsable. Derrière ce masochisme, comme toujours,
un
sadisme. Dans cette abjecte humiliation du moi, l’orgueil fou trouve
1836
abjecte humiliation du moi, l’orgueil fou trouve
un
alibi. L’Évolution fatale est en réalité celle que l’on voudrait impo
1837
martyrs fut la semence de l’Église, c’est le sang
des
« païens », le sang des autres, qui cimente l’édifice de l’Usine sovi
1838
e l’Église, c’est le sang des « païens », le sang
des
autres, qui cimente l’édifice de l’Usine soviétique et donne la preuv
1839
viétique et donne la preuve démente de la réalité
des
utopies au nom desquelles on l’a versé. Mais d’où vient cette fureur
1840
ur d’anticiper l’avenir jusqu’à l’hypothéquer sur
des
millions de crimes ? Elle vient de notre angoisse devant le temps. An
1841
well prévoit l’instauration prochaine du contrôle
des
pensées par le Pouvoir. Utopies optimistes chez les totalitaires : ce
1842
nfondent pas seulement dans leur vision précise d’
un
avenir donné pour fatal, mais dans une seule et même démission de la
1843
n précise d’un avenir donné pour fatal, mais dans
une
seule et même démission de la personne, qui désespère de ses pouvoirs
1844
u transcendant libérateur. Engendrer l’utopie est
un
mouvement de l’âme, sans doute inséparable de l’historicité initiée p
1845
d’affronter cette situation béante qui fut celle
des
premiers chrétiens, mais elle en reste tributaire — et c’est pourquoi
1846
quoi l’Orient ne produit pas d’utopies. Concevoir
une
utopie et agir d’après elle, massacrer pour hâter sa venue bienfaisan
1847
e ceux de la routine. L’Histoire-devenir, qui est
une
conjuration du temps, exige des sacrifices sanglants bien plus massif
1848
-devenir, qui est une conjuration du temps, exige
des
sacrifices sanglants bien plus massifs que n’en rêvèrent jamais les p
1849
. Dilemme La crise de notre sens du temps pose
un
dilemme. L’Occident, succombant au Devenir déifié, va-t-il se mettre
1850
cosmique et temporel où l’a plongé sa science par
une
mutation brusque, saura-t-il en tirer une liberté nouvelle ? Je céder
1851
nce par une mutation brusque, saura-t-il en tirer
une
liberté nouvelle ? Je céderais à la tentation que j’ai décrite si j’e
1852
question n’est pas de supputer le sens probable d’
un
devenir fatal, pour nous « ajuster » à ses « lois », mais au contrair
1853
, mais au contraire d’affronter le temps au nom d’
un
sens qui ne peut s’originer qu’en la personne. Bref, la question n’es
1854
la faire. Seules nos options présentes préparent
un
sens, ménagent d’avance une signification aux surprises du temps qui
1855
ns présentes préparent un sens, ménagent d’avance
une
signification aux surprises du temps qui vient à nous. Et ces options
1856
nt d’imprévus réalisables, l’attente réalisante d’
une
ferme vocation. 55. La première société d’histoire connue en Orien
1857
e connue en Orient fut fondée au xixe siècle par
un
Anglais, sir William Jones : la Société asiatique du Bengale. Et ce n
1858
n’est guère que depuis la fin du xixe siècle qu’
une
science historique s’est constituée en Inde. 56. Religio, de religa
1859
prétend « renouveler la tradition ». Il suffit qu’
une
charte, une coutume, un usage ait vingt-cinq ou trente ans, au Moyen
1860
nouveler la tradition ». Il suffit qu’une charte,
une
coutume, un usage ait vingt-cinq ou trente ans, au Moyen Âge, pour qu
1861
radition ». Il suffit qu’une charte, une coutume,
un
usage ait vingt-cinq ou trente ans, au Moyen Âge, pour qu’on l’invoqu
1862
premier sent la tricherie. 59. Lits de Procuste
des
utopies toujours trop pauvres, ou de ces plans qui prévoient tout sau
1863
entiel humain, parce qu’on les a conçus non comme
des
directives, mais comme des cadres rassurants ; d’autant plus rassuran
1864
les a conçus non comme des directives, mais comme
des
cadres rassurants ; d’autant plus rassurants qu’ils sont rigides, mai
1865
u le dialogue Occident-Orient (avril 1961)av
Un
dialogue mal engagé L’Occident découvre le zen au moment où les co
1866
mais déjà l’intelligentsia de l’Inde se préoccupe
des
problèmes qui lui sont imposés par la technique et par l’hygiène occi
1867
ccidentales, et cherche à les résoudre à l’aide d’
un
socialisme qui ne doit rien à Shankara. L’Occident découvre Zoroastre
1868
a suite de Nietzsche, et publie les grands textes
des
mystiques soufis, mais l’Iran et l’Arabie sont en pleine crise d’adap
1869
r eux bouleversements soudains. Que peuvent, dans
une
telle situation, intellectuels et spirituels ? Presque rien, sinon di
1870
n. S’il est vrai que l’Orient nie le moi, qui est
une
valeur centrale pour l’Occident, il doit en résulter d’infinies consé
1871
, le vrai moi est l’homme nouveau, « appelé » par
un
Dieu personnel, donc créé par une vocation, et il ne tombe pas sous l
1872
, « appelé » par un Dieu personnel, donc créé par
une
vocation, et il ne tombe pas sous le sens comme le « vieil homme », p
1873
es, le vrai moi c’est « l’âme », mais il s’agit d’
une
âme tout intellectuelle, dont « la nature n’est que de penser » et qu
1874
fonction à plusieurs variables », par là douée d’
une
liberté que n’aura jamais l’individu, simple objet du déterminisme un
1875
criptions « objectives » l’opposition paulinienne
des
« deux hommes en moi » : le naturel tyrannisant (et tyrannisé par la
1876
rai que le langage courant confond sans l’ombre d’
un
scrupule la personne et tout ce qu’elle n’est pas — l’individu, la pe
1877
lle, la biographie et le portrait, la prière pour
un
tel vivant ou pour les morts… Comme l’attestent non moins la mauvaise
1878
vènement de l’Amour ? C’est l’Ange, répond l’Iran
des
spirituels, l’Iran du mazdéisme et des mystiques soufis, proche de l’
1879
ond l’Iran des spirituels, l’Iran du mazdéisme et
des
mystiques soufis, proche de l’Inde mais enté sur le tronc abrahamique
1880
’islam. Que serait l’Ange pour nos psychologues ?
Une
projection du moi individuel ou collectif. Pour les sages de l’Iran,
1881
r plusieurs ayant même nature ou affinité, il y a
un
être spirituel qui tout au long de leur existence assume envers cette
1882
tence assume envers cette âme ou ce groupe d’âmes
une
sollicitude et tendresse spéciales ; c’est lui qui les initie à la co
1883
ais de ceci : « que la Forme sous laquelle chacun
des
spirituels connaît Dieu est aussi la forme sous laquelle Dieu le conn
1884
tre personne, car cette totalité inclut également
une
autre personne, une contrepartie transcendante qui nous demeure invis
1885
tte totalité inclut également une autre personne,
une
contrepartie transcendante qui nous demeure invisible, ce qu’Ibn Arab
1886
vieil Iran désignait comme Fravarti 62. » L’Ange
des
soufis n’évoque pas seulement cette part initiante de l’être renouvel
1887
en Dieu selon le christianisme, mais encore, et d’
une
manière plus précise dans l’homologie, ces entités célestes, féminine
1888
zd) et qui sont à la fois les archétypes célestes
des
êtres et leurs anges tutélaires. Il y a plus : selon le mazdéisme « c
1889
epartie visible du monde invisible, mais premier,
des
archétypes. L’événement majeur, la scène capitale du drame de la pers
1890
son moi céleste à l’entrée du pont Chinvat. Dans
un
paysage nimbé de la Lumière-de-Gloire restituant toutes choses et tou
1891
s les êtres dans leur pureté paradisiaque, « dans
un
décor de montagnes flamboyant aux aurores, d’eaux célestes où croisse
1892
centre du monde spirituel (qui est le monde réel
des
Archétypes), le pont Chinvat s’élance, reliant un sommet au monde des
1893
es Archétypes), le pont Chinvat s’élance, reliant
un
sommet au monde des Lumières infinies. À son entrée, se dresse devant
1894
pont Chinvat s’élance, reliant un sommet au monde
des
Lumières infinies. À son entrée, se dresse devant l’âme sa Dâenâ, son
1895
nt l’âme sa Dâenâ, son moi céleste, jeune femme d’
une
beauté resplendissante et qui lui dit : — Je suis toi-même ! Mais si
1896
maltraité son moi, au lieu de la Fravarti, c’est
une
apparition monstrueuse et défigurée qui reflète son état déchu. La «
1897
contre aurorale » avec le moi céleste figure donc
une
pesée des âmes. Le mazdéisme, comme plus tard les soufis, et comme le
1898
orale » avec le moi céleste figure donc une pesée
des
âmes. Le mazdéisme, comme plus tard les soufis, et comme le christian
1899
L’absolu, ou la négation du moi Les peuples
des
régions que l’Europe nomme Asie diffèrent bien plus entre eux que les
1900
re eux que les peuples de l’Europe, mais s’il est
une
croyance qu’ils ont tous en commun c’est la croyance à la métempsycos
1901
a croyance à la métempsycose, à la transmigration
des
âmes. Or elle nous semble à première vue impliquer comme allant de so
1902
vue impliquer comme allant de soi la croyance en
un
moi reconnaissable au travers de ses vies successives. Car si le moi
1903
ées en Inde comme le bouddhisme, dénoncent depuis
des
millénaires comme l’illusion fondamentale. Il y aurait donc malentend
1904
tre les peuples et leurs sages, entre la religion
des
uns et la métaphysique des autres ? En fait, on ne voit pas les Sages
1905
ges, entre la religion des uns et la métaphysique
des
autres ? En fait, on ne voit pas les Sages de l’Asie dénoncer sans re
1906
s croient en le niant ? Nous avancerons peut-être
un
peu en cherchant à nous représenter contre quoi se dirigeaient leurs
1907
itoire et « aveugle », enveloppe obscurcissante d’
une
âme divine. Ainsi parlent tous les upanishads, et les premiers écrits
1908
éteindre le désir individuel, cause de l’erreur,
des
souffrances et de la mort, dissiper cet écran de matière entre l’âme
1909
tes, vishnouites et shivaïtes, en Inde, admettent
une
âme individuelle mais « obscurcie » par son union avec le corps. Elle
1910
r le bouddhisme originel. Qu’est-ce que l’homme ?
Un
ensemble transitoire d’agrégats matériels et de formations mentales e
1911
; d’où l’action, le devenir, la mort, et la roue
des
retours sans fin. « Inconnaissable est le commencement des êtres enve
1912
rs sans fin. « Inconnaissable est le commencement
des
êtres enveloppés par l’ignorance, et que le désir conduit à de crimin
1913
apprendre le moyen de ne pas renaître », nous dit
une
moderne interprète du bouddhisme tibétain66. À l’autre extrémité géog
1914
ographique (et parfois spirituelle) du continent,
un
interprète du zen fait écho : « La négation de l’Atman énoncée par le
1915
bouddhiste », comprenons qu’il s’agit pour lui d’
une
expérience rigoureusement spirituelle. En somme, l’adversaire princip
1916
ent spirituelle. En somme, l’adversaire principal
des
védantins comme des premiers bouddhistes, ce n’est pas encore la pers
1917
somme, l’adversaire principal des védantins comme
des
premiers bouddhistes, ce n’est pas encore la personne, mais l’obstina
1918
soit fort, ce moi qu’on répute illusoire, pour qu’
un
des buts majeurs des méthodes spirituelles soit de l’empêcher de rena
1919
t fort, ce moi qu’on répute illusoire, pour qu’un
des
buts majeurs des méthodes spirituelles soit de l’empêcher de renaître
1920
’on répute illusoire, pour qu’un des buts majeurs
des
méthodes spirituelles soit de l’empêcher de renaître69 ! Mais vient
1921
l’Immensité, ou du Brahma. Qu’est-ce que l’âme ?
Une
monade, disent les uns. Un reflet du Brahma, disent les autres. Non,
1922
Qu’est-ce que l’âme ? Une monade, disent les uns.
Un
reflet du Brahma, disent les autres. Non, répondent les advaïtins : c
1923
près les mêmes phrases) : « Nagasena, existe-t-il
un
être qui transmigre de ce corps dans un autre ? — Non, il n’y en a po
1924
iste-t-il un être qui transmigre de ce corps dans
un
autre ? — Non, il n’y en a point. — S’il n’y a pas de transmigration,
1925
S’il n’y a pas de transmigration, peut-il y avoir
une
réincarnation ? — Oui, c’est possible. » Voici l’explication : « Le R
1926
? Nagasena répondit : Celui qui a péché reprend
une
individualité, mais non un être pur. — Ô Nagasena, dis-moi s’il exist
1927
i qui a péché reprend une individualité, mais non
un
être pur. — Ô Nagasena, dis-moi s’il existe rien de semblable à l’âme
1928
l’âme ? — Il n’y a rien de semblable à l’âme.70 »
Un
texte zen chinois surenchérit : « Y a-t-il un enseignement à donner a
1929
0 » Un texte zen chinois surenchérit : « Y a-t-il
un
enseignement à donner au peuple ? — Oui. Lequel ? — Il n’y a ni espri
1930
. Leur satori est le contraire du samadhi : c’est
un
éveil instantané. Éveil de quoi ? De la vision-en-soi, du Cela qui n’
1931
se joue à travers notre moi. Ainsi tout l’Orient
des
doctrines, — et en même temps l’Orient des peuples et sa croyance en
1932
Orient des doctrines, — et en même temps l’Orient
des
peuples et sa croyance en la transmigration… Mais voici le moment d’a
1933
ante ans la durée moyenne de la vie, serait alors
une
« recette d’immortalité ». Et même la seule qui ait réussi. Apprenons
1934
’a déclaré, zen ne se soucie pas de disserter sur
des
notions abstruses telles que Dieu, la Vérité ; ce que zen demande au
1935
avant même d’être né.72 » Par où nous rejoignons
un
certain christianisme — à partir d’un certain bouddhisme — et certain
1936
rejoignons un certain christianisme — à partir d’
un
certain bouddhisme — et certainement le mazdéisme et les soufis : il
1937
ainement le mazdéisme et les soufis : il s’agit d’
une
seule quête de l’esprit, dont le Graal, ou l’Ange, est : toi-même. ⁂
1938
ée par l’expérience intime, et promet au dialogue
des
spirituels un élargissement de la conscience que chacun prendra de so
1939
ence intime, et promet au dialogue des spirituels
un
élargissement de la conscience que chacun prendra de son bien. Tandis
1940
e : elles seraient autant de « rationalisations »
des
attitudes « dysfonctionnelles » qui menacent l’intégrité du moi et qu
1941
nous apparaissent alors comme autant de modèles d’
une
énergétique de l’amour, ou comme autant d’effets de son action config
1942
ante et composante. Et nous les voyons différer d’
une
manière subtile mais précise par la forme des rapports qu’elles imagi
1943
r d’une manière subtile mais précise par la forme
des
rapports qu’elles imaginent entre le moi naturel et le vrai moi, c’es
1944
’ego et le Soi. Observons que les trois partent d’
une
dualité sans laquelle ni l’homme ni l’amour ne seraient même concevab
1945
omme deux principes préexistants ; ni tout à fait
des
« deux hommes en moi » dont la lutte fait gémir saint Paul ; mais, pr
1946
jugement moral, il s’agit de la reconnaissance d’
une
bipolarité, d’une tension permanente entre l’individu et le « vrai mo
1947
l s’agit de la reconnaissance d’une bipolarité, d’
une
tension permanente entre l’individu et le « vrai moi ». (L’individu n
1948
i » n’est pas le bien en soi, car il peut devenir
un
monstre.) Pour aimer, il faut être deux, dit la sagesse des nations.
1949
e.) Pour aimer, il faut être deux, dit la sagesse
des
nations. Et cela vaut d’abord pour l’amour de soi-même, sans lequel p
1950
ci que les seconds. L’école chrétienne Dans
une
vue chrétienne de l’homme, l’amour de soi est le rapport positif entr
1951
ton prochain comme toi-même », suppose évidemment
un
moi duel, au sein duquel l’amour s’instaure d’une manière telle que s
1952
un moi duel, au sein duquel l’amour s’instaure d’
une
manière telle que s’aimer et aimer le prochain soit un même acte : si
1953
nière telle que s’aimer et aimer le prochain soit
un
même acte : sinon le comme n’aurait pas son plein sens. Dans l’amour
1954
hrétien, c’est parce que Dieu, qui est Amour, est
un
Dieu personnel, dans sa tri-unité, que l’amour spirituel crée dans l’
1955
’amour véritable l’explique seule. « Personne n’a
un
plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’il aime. » Se sacr
1956
ndre la forme immortelle de son être au travers d’
une
« mort à soi-même » transfigurante. Ce modèle de l’amour et du vrai m
1957
r tous les spirituels de tendance ascétique, avec
une
complaisance croissante. Je sais bien que la haine est l’envers de l’
1958
Elle voulait l’ange. Il lui reste la nostalgie d’
une
fuite hors du moi naturel. Désormais le vieil homme est jugé : n’ayan
1959
prison » du moi. Et c’est que l’âme avait rêvé d’
une
métamorphose angélique, quand l’esprit lui demandait seulement d’ordo
1960
hain : il ne peut voir en lui que son semblable —
un
corps « vil » et une âme qui se veut ange —, non le vrai moi dans son
1961
ir en lui que son semblable — un corps « vil » et
une
âme qui se veut ange —, non le vrai moi dans son autonomie. Si le cor
1962
ce mouvement, né de l’instinct, à la révélation d’
un
amour angélique. La passion romantique trouve ici sa genèse. Exaltée
1963
érique. Capté par l’instinct qu’il excite au-delà
des
exigences naturelles, il ira fatalement s’épuiser dans l’illusoire mu
1964
atalement s’épuiser dans l’illusoire multiplicité
des
« aventures sans lendemain ». Limitant son désir à ces désirs qu’une
1965
s lendemain ». Limitant son désir à ces désirs qu’
une
possession rapide anesthésie, l’âme retombe alors dans les liens de l
1966
mières chances de l’esprit, — ou mettant à l’abri
des
atteintes de l’esprit l’indispensable tissu conjonctif de toutes les
1967
conjonctif de toutes les sociétés qui ne sont pas
un
ordre.) L’école iranienne Il n’existe plus de communauté humain
1968
tra ; et nulle ne s’inspira jamais de la mystique
des
soufis, et pour cause. Si je les fais intervenir ici, c’est à titre d
1969
fais intervenir ici, c’est à titre d’évocation d’
une
dimension virtuelle, intemporelle, et donc permanente de l’esprit : l
1970
l’esprit : le mazdéisme et les soufis ont proposé
des
notions de l’homme et de l’amour homologues aux notions chrétiennes,
1971
rétiennes, mais comme transposées terme à terme d’
un
degré vers le « ciel » des archétypes : ainsi la dualité ego-vrai moi
1972
sposées terme à terme d’un degré vers le « ciel »
des
archétypes : ainsi la dualité ego-vrai moi y devient celle de l’âme e
1973
citons ce verset du Coran (24-41) qui pose comme
une
clef musicale : « Chaque être connaît le mode de prière et de glorifi
1974
rd de chaque amant… car il est impossible d’aimer
un
être sans se représenter en lui la divinité. Un être n’aime en réalit
1975
r un être sans se représenter en lui la divinité.
Un
être n’aime en réalité personne d’autre que son créateur.76 » Ibn Ara
1976
nsions de l’amour unifié. L’Aimé n’est plus alors
un
simple objet — comme il est pour l’amour naturel, possessif — mais un
1977
mme il est pour l’amour naturel, possessif — mais
une
virtualité divine que l’amant « imagine » (dont il devine l’Image) et
1978
ion de la figure aimée terrestre, en l’adossant à
une
lumière qui en fasse éclore toutes les virtualités surhumaines, jusqu
1979
ction théophanique de l’Ange (ainsi en a-t-il été
des
Figures féminines célébrées par les Fedeli d’amore, compagnons de Dan
1980
ue l’autre… ; il n’y a jamais chez deux personnes
un
bien absolument identique… C’est l’amour qui fait le prochain, et cha
1981
enborg et la poésie dense de l’Arabe, l’homologie
des
énoncés est indéniable. Si le symbolisme concret des soufis transpose
1982
énoncés est indéniable. Si le symbolisme concret
des
soufis transpose doublement tous les termes à la fois dans le surnatu
1983
este) et dans le sensible terrestre, la structure
des
relations entre Dieu, le vrai moi et le prochain, reste exactement co
1984
cette structure. Mais « l’Imagination créatrice »
des
soufis, comme l’angélologie du mazdéisme, nous fait voir combien plus
1985
éter (dans la légende primitive et l’opéra) comme
un
amour dédié à sa propre âme81, dont Iseut ne serait que l’image sensi
1986
is pour cette vie », mais pour l’autre ? S’il est
une
« erreur de Tristan », motivant le malheur essentiel de sa passion, c
1987
La plupart des doctrines hindoues, et l’unanimité
des
écoles bouddhistes, comme on l’a vu, nient la personne ou la survolen
1988
itoire et le Soi tout impersonnel : « Il n’est qu’
un
Soi pour tous les êtres.82 » L’individualité qui est là, qui tombe so
1989
mour même est évacué. Il n’est plus que l’attrait
des
sexes agissant fatalement sur des milliards d’agrégats éphémères, com
1990
s que l’attrait des sexes agissant fatalement sur
des
milliards d’agrégats éphémères, combinés et défaits selon le cours de
1991
ats éphémères, combinés et défaits selon le cours
des
astres et le Karma. Il ne peut être, pour l’esprit, qu’indifférent. (
1992
« la notion de Moi n’a d’accès que dans la pensée
des
sots », comme le dit un texte tibétain, la notion de Toi ne vaut pas
1993
accès que dans la pensée des sots », comme le dit
un
texte tibétain, la notion de Toi ne vaut pas mieux. « La morale boudd
1994
e vaut pas mieux. « La morale bouddhique, qui est
une
sorte d’hygiène spirituelle, tend à détruire, en nous, les causes de
1995
sortes d’amours a cent sortes de douleurs ; qui a
un
amour a une douleur ; qui n’a pas d’amour n’a pas de douleur. » Si l’
1996
ours a cent sortes de douleurs ; qui a un amour a
une
douleur ; qui n’a pas d’amour n’a pas de douleur. » Si l’on s’en tien
1997
lles n’ont jamais prétendu transformer l’ensemble
des
réalités humaines : sociales, économiques et politiques, ou même mora
1998
les rites quotidiens omniprésents, par le régime
des
castes et la condamnation de toute curiosité du monde) ; d’autre part
1999
othéistes et communautaires, attaquent l’ensemble
des
relations humaines et prennent à partie, un à un, tout individu tel q
2000
mble des relations humaines et prennent à partie,
un
à un, tout individu tel qu’il est, décidées à le transformer en vérit
2001
des relations humaines et prennent à partie, un à
un
, tout individu tel qu’il est, décidées à le transformer en vérité85.
2002
pose le désir à la base de tout. Nous ne désirons
des
choses que dans la mesure où elles nous procurent une jouissance. La
2003
choses que dans la mesure où elles nous procurent
une
jouissance. La divinité n’est un objet d’amour que parce qu’elle repr
2004
nous procurent une jouissance. La divinité n’est
un
objet d’amour que parce qu’elle représente une volupté sans mélange…
2005
est un objet d’amour que parce qu’elle représente
une
volupté sans mélange… Le désir du luxurieux pour la femme n’existe qu
2006
de la possession, la souffrance du désir est pour
un
instant apaisée… et l’homme perçoit dans le plaisir sa propre nature
2007
i est la joie. Toute jouissance, tout plaisir est
une
expérience du divin… Mais l’amour parfait est celui dont l’objet n’es
2008
plaisir mais le désir qui lie l’homme et qui est
un
obstacle à son progrès spirituel87 ». Et encore : « Celui qui cherche
2009
ore : « Celui qui cherche l’amour dans l’espoir d’
une
jouissance est la victime du désir. Le sage accepte les plaisirs sens
2010
s plaisirs sensuels quand ils viennent, mais avec
un
cœur détaché. Il n’est pas victime du désir.88 » Ce « détachement » t
2011
xpérience du divin, comparons-les aux diatribes d’
un
saint Paul annonçant la « colère de Dieu, révélée du Ciel » contre le
2012
commentaires sur le culte du phallus, aux traités
des
Pères de l’Église sur l’ascèse et sur la chasteté, et nous comprendro
2013
mystique, l’érotisme et l’amour du prochain, sont
des
problèmes occidentaux, posés à tous par les rigueurs mal tolérées de
2014
ie à la piété, tandis que nos coutumes viennent d’
un
vieux fond païen et que notre hygiène moderne se veut « scientifique
2015
s au quotidien banal, pris sur le vif : plutôt qu’
une
infinie bibliographie rameutée à l’appui de mes dires, cette notation
2016
appui de mes dires, cette notation plaisante dans
un
roman moderne, dont l’auteur se trouve être un brahmane orthodoxe : «
2017
ns un roman moderne, dont l’auteur se trouve être
un
brahmane orthodoxe : « J’avais vécu en Europe, j’avais épousé une Eur
2018
hodoxe : « J’avais vécu en Europe, j’avais épousé
une
Européenne : apparemment, cela me donnait l’invraisemblable privilège
2019
ansfigurer la vie concrète, l’Occident répond par
des
mythes symbolisant ses résistances naturelles, et qui font l’intérêt
2020
amoureuse. Mais l’Orient se contente de proposer
des
voies aux Renonçants (ou sannyasins) qui ont épuisé la coupe, ou la d
2021
vaut mieux que le devoir parfaitement accompli d’
un
autre. Le dharma d’un autre est plein de dangers. (III, 35) Et dans
2022
oir parfaitement accompli d’un autre. Le dharma d’
un
autre est plein de dangers. (III, 35) Et dans les upanishads : La vi
2023
pète que tout cela n’est pas contradictoire, dans
une
philosophie sans dogmatique. Nous parlerons alors d’inconséquence log
2024
e Raja Rao qu’on vient de citer, cette sentence d’
un
upanishad reparaît à plusieurs reprises : En vérité, à quoi se rappor
2025
eprises : En vérité, à quoi se rapporte l’amour d’
un
mari pour sa femme ? Non point à la femme, mais en vérité au Soi qui
2026
n vérité au Soi qui est en elle.91 En présence d’
une
telle phrase, j’éprouve d’abord ceci : le sentiment d’une immédiate e
2027
e phrase, j’éprouve d’abord ceci : le sentiment d’
une
immédiate et vive reconnaissance. Car toute vérité sur l’amour est im
2028
ement reconnue par celui qui s’est mis en quête d’
un
savoir de l’amour qu’il vit. N’importe qui m’avertira que le Soi de l
2029
rtira que le Soi de l’Inde n’est pas le vrai Dieu
des
chrétiens, qui est personnel. On connaît les définitions. Mais je ret
2030
deviennent capables de réponses. Sur cette phrase
des
upanishads, sur le dialogue qui peut s’instituer à partir d’expérienc
2031
d’expériences re-connues, on pourrait écrire tout
un
livre. (Mais si c’était celui que je suis en train d’écrire ? Et qui,
2032
autrement éclairé, et par là subtilement changé,
un
peu plus lui-même qu’avant : amour mutuel. L’expérience est la même,
2033
— ou quoi d’autre ? Le point du dialogue est ici.
Un
point seulement, sans étendue, mais selon le regard que nous portons
2034
le regard que nous portons sur lui, il en jaillit
un
monde ou l’autre : l’Occidental ou l’Oriental. Tous les risques d’err
2035
ut entier semble résulter — selon leurs sages — d’
une
gigantesque schizophrénie du Soi. (Mais il sera finalement résorbé, t
2036
it autant pour les personnes, potentialisées dans
une
seule Personne-cosmique, Purusha (dont la contrepartie actualisante e
2037
reur sur la personne de l’être aimé est la source
des
pires conflits, une violence faite à l’âme de l’autre, à son corps ou
2038
de l’être aimé est la source des pires conflits,
une
violence faite à l’âme de l’autre, à son corps ou à son esprit — ou e
2039
ustes » comme disait le Bouddha, — qui était l’un
des
nôtres, un Indien — si tu vois bien ce que tu vois et portes ton amou
2040
e disait le Bouddha, — qui était l’un des nôtres,
un
Indien — si tu vois bien ce que tu vois et portes ton amour à l’immua
2041
dividu naturel, et qui lui survivra dans le cours
des
siècles, sans surprises et mille fois réincarné — la vue juste imagin
2042
me de soi-même. Ce corps visible que vient animer
un
mouvement singulier et fascinant de l’être… « Aimer ce que jamais on
2043
de Lui qu’il est amour. — Mais Dieu pour nous est
une
Personne, et nous crée comme personnes bien distinctes. Tu ne vois pa
2044
il y aura le Soi seul en tout. À la consommation
des
temps, répond saint Paul, « Dieu sera tout en tous ». Depuis six mill
2045
du Multiple, dualité finalement illusoire puisqu’
un
jour — dont ils savent la date — la vie, le cosmos et les dieux seron
2046
ie se confondra ce jour-là avec l’aboutissement d’
un
processus entièrement matériel calculé par la science occidentale : m
2047
sur le Vide n’auront été, dans leur ensemble, qu’
une
immense transposition sur les plans poétique et religieux du Second p
2048
alité tangible, insuffisante, pleine de mystères,
des
apparences actuelles, qu’elle s’évertue en conséquence à scruter et à
2049
sociales et politiques, les droits de l’homme et
une
extraordinaire avidité. Le sens réel de l’aventure échappe à la major
2050
est vrai qu’on ne saurait guère le concevoir sans
une
vision de sa fin anticipée. La petite phrase de saint Paul au début d
2051
l au début de notre ère, « Dieu tout en tous », d’
un
seul trait fulgurant décrit cette fin. Dès lors, au duel de l’Un et d
2052
et du Multiple est substitué le drame de l’Un et
des
Uniques : — à l’anéantissement final dans l’unisson, l’harmonie d’un
2053
anéantissement final dans l’unisson, l’harmonie d’
un
chœur infini ; — à la régressive extinction des différences éphémères
2054
d’un chœur infini ; — à la régressive extinction
des
différences éphémères, leur mort et transfiguration ; — à l’individue
2055
t et transfiguration ; — à l’individuel aboli par
une
longue aspiration de l’Atman, le personnel éternisé par l’effort vivi
2056
Imagination. Ce sont là deux doctrines, deux vues
des
spirituels. Quelle est la vraie ? Si les sages de l’Orient ont raison
2057
personne ne pourra le vérifier à la consommation
des
temps, pas même le Soi qui dormira dans un sommeil sans rêves — leur
2058
ation des temps, pas même le Soi qui dormira dans
un
sommeil sans rêves — leur idée du bonheur — entre deux Créations tota
2059
es. Les peuples sont dans l’ignorance malheureuse
des
origines et des fins de ce qu’ils croient, bien qu’ils en vivent plus
2060
sont dans l’ignorance malheureuse des origines et
des
fins de ce qu’ils croient, bien qu’ils en vivent plus ou moins bien,
2061
res de l’énergie universelle. Car c’est au secret
des
personnes que nous tentons d’écouter la Personne, mais c’est dans la
2062
re, « soumise à la vanité » mais travaillée par «
un
ardent désir, attend la révélation des fils de Dieu ». (Romains 8). E
2063
illée par « un ardent désir, attend la révélation
des
fils de Dieu ». (Romains 8). Et saint Justin, l’œcuménique du iie si
2064
Justin, l’œcuménique du iie siècle, ose parler d’
un
salut de la Matière. À force de l’étreindre de ses mains, de la mesur
2065
atière du cosmos en expansion, de l’atome élusif,
des
corps vivants, l’homme d’Occident ne cherche pas seulement à dévoiler
2066
s l’individuel, et l’Être dans les raisons d’être
des
uniques. Or ce choix est celui de l’amour, de la connaissance par l’a
2067
le meilleur exposé du personnalisme moderne, par
un
psychanalyste assez proche de C. G. Jung. Mais si Ch. Baudoin me para
2068
oche de C. G. Jung. Mais si Ch. Baudoin me paraît
un
peu trop pessimiste, de son propre point de vue, D. T. Suzuki passe l
2069
la mesure dans l’autre sens lorsqu’il écrit avec
une
évidente satisfaction : « La psychologie moderne, en fait, a éliminé
2070
5. Parole attribuée au Bouddha, dans la tradition
des
Théravadins (hynayânistes). 66. Cf. Alexandra David-Neel, Le Bouddhi
2071
l. Radakrishnan. 69. Alexandra David-Neel donne
une
Parabole tibétaine de la « personne » dans l’op. cit. « Une “personne
2072
le tibétaine de la « personne » dans l’op. cit. «
Une
“personne” ressemble à une assemblée composée d’une quantité de membr
2073
ne » dans l’op. cit. « Une “personne” ressemble à
une
assemblée composée d’une quantité de membres. La discussion ne cesse
2074
e “personne” ressemble à une assemblée composée d’
une
quantité de membres. La discussion ne cesse jamais. Parfois, un de se
2075
membres. La discussion ne cesse jamais. Parfois,
un
de ses membres se lève, prononce un discours, préconise une action ;
2076
ais. Parfois, un de ses membres se lève, prononce
un
discours, préconise une action ; ses collègues l’approuvent et il est
2077
membres se lève, prononce un discours, préconise
une
action ; ses collègues l’approuvent et il est décidé qu’il sera fait
2078
bres de l’assemblée se lèvent ensemble, proposent
des
choses différentes et chacun d’eux appuie ses propositions sur des ra
2079
entes et chacun d’eux appuie ses propositions sur
des
raisons particulières. On en vient à se battre entre collègues. Il ad
2080
e plaignait d’avoir deux âmes en lui. J’ai en moi
une
foule d’âmes turbulentes. Et tout se passe comme dans une république.
2081
e d’âmes turbulentes. Et tout se passe comme dans
une
république. » À regarder ainsi le moi, on le perd assurément et par m
2082
uvernante. Si on tentait de l’observer à l’aide d’
un
microscope, l’éléphant lui aussi ne serait plus qu’une vaste illusion
2083
icroscope, l’éléphant lui aussi ne serait plus qu’
une
vaste illusion. 70. Les Questions de Milinda (Milindahunha), ier s
2084
, qui vivait au iie siècle avant J.-C. Nagasena,
un
patriarche bouddhiste. 71. Kitaro Nishida, Die intelligible Welt, p.
2085
Ces deux phrases sont à rapprocher de cette vue d’
un
soufi : « Le paradis du gnostique fidèle, c’est son corps même, et l’
2086
est même féroce, le chef-d’œuvre d’Henri Michaux,
Un
Barbare en Asie. Lire enfin de Rudolf Kassner, Le Livre de ma Vie. Pu
2087
crains que l’auteur ne vienne ici à la rencontre
des
catégories de L’Amour et l’Occident un peu plus qu’il ne serait sou
2088
ncontre des catégories de L’Amour et l’Occident
un
peu plus qu’il ne serait souhaitable, de son propre point de vue. 91
2089
assage dans la Brihadaranyaka upanishad, au cours
des
dialogues entre l’illustre sage Yajnavalkya et son épouse Maitreyi, q
2090
t le principe d’exclusion de Pauli (individuation
des
électrons, conditionnant la « vie ») en termes de métaphysique occide