1 1931, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Les Éléments de la grandeur humaine, par Rudolf Kassner (octobre 1931)
1 dont la composante réelle tend vers zéro, c’est d’ une philosophie de l’existence personnelle qu’avant tout nous avons besoi
2 pose le type le plus efficace. Et c’est ainsi par une nécessité organique — nous sommes nécessiteux — que son œuvre entre e
3 ainsi qu’en témoigne l’accueil fait à la pensée d’ un Karl Barth, génial disciple du Danois, et dont il est grand temps qu’
4 fractaire à toute description, car elle opère sur des mythes concrets plutôt que sur des formules explicites. Même dans son
5 elle opère sur des mythes concrets plutôt que sur des formules explicites. Même dans son essai le plus discursif, relativem
6 dépendance leur valeur originale. Kassner reprend un des thèmes essentiels du préromantisme allemand, l’opposition de l’an
7 endance leur valeur originale. Kassner reprend un des thèmes essentiels du préromantisme allemand, l’opposition de l’antiqu
8 e comme on le fit en France, mais du point de vue des valeurs vitales (problème que notre xviie siècle se devait de ne pas
9 grandeur parce qu’il possède la mesure au sein d’ un tout fini : famille, dieux, nature. Il ne se recherche pas soi-même,
10 insi le chrétien existe en tant que le péché crée une tension entre lui et Dieu. Mais le péché ne devient réalité que pour
11 erne et de tension par le péché, il n’est plus qu’ un être sans destinée, un « indiscret ». « Sa substance interne est crev
12 le péché, il n’est plus qu’un être sans destinée, un « indiscret ». « Sa substance interne est crevassée et divisée. Son œ
13 e son essence intime ressemble par quelque côté à un outrage, voire à une impudeur. » À l’opposition du Beau objectif et d
14 ressemble par quelque côté à un outrage, voire à une impudeur. » À l’opposition du Beau objectif et de l’Intéressant senti
15 ui préside à son analyse de l’indiscret nous vaut une description inégalable du mal du siècle. Ici le mépris ne porte aucun
16 onne la sensation à peu près unique en ce temps d’ une pensée autoritaire. Entendons que pour lui, penser n’est pas se débat
17 ne lentement à l’impuissance. (Si Kassner exprime un tourment, c’est en tant que la réalité humaine, non sa pensée privée,
18 mentée.) Penser n’est pas non plus s’ingénier sur des idées et des combinaisons d’idées mais créer de tout son être spiritu
19 er n’est pas non plus s’ingénier sur des idées et des combinaisons d’idées mais créer de tout son être spirituel des faits
20 ons d’idées mais créer de tout son être spirituel des faits nouveaux et vrais, dans un certain style. Car il n’est point de
21 être spirituel des faits nouveaux et vrais, dans un certain style. Car il n’est point de vérité sans forme. Quelques page
22 en elles-mêmes et comme à l’état sauvage, non par une explication qui les réduise et qui les domestique. Une pensée neuve n
23 xplication qui les réduise et qui les domestique. Une pensée neuve ne saurait être comprise à moins d’être recréée dans sa
24 as numéro deux. Car il ne s’agit pas de professer une chose mais d’être la chose. Le rare, c’est que chez Kassner comme che
25 me chez Kierkegaard, cette présence s’accommode d’ une ironie qui chez d’autres serait plutôt le fait du détachement. Une ir
26 ez d’autres serait plutôt le fait du détachement. Une ironie à l’intérieur des choses, qui les fouille et les purifie, une
27 le fait du détachement. Une ironie à l’intérieur des choses, qui les fouille et les purifie, une ironie née de la rigueur
28 rieur des choses, qui les fouille et les purifie, une ironie née de la rigueur et non du scepticisme2. Le dialogue de Laure
29 r Krooks sur Judas et la Parole est à cet égard d’ une saveur particulièrement riche et complexe. (« … les bavards ne tirent
30 les paroles qu’ils profèrent ; ils les reçoivent des prophètes ; s’il n’y avait pas de prophètes, les bavards seraient peu
31 pas de prophètes, les bavards seraient peut-être des créatures très silencieuses, comme les belettes ou les étoiles filant
32 e de l’empereur Alexandre Ier de Russie, n’est qu’ une suite de méditations sur le thème du tout-ou-rien moral qui caractéri
33 ins de paradoxe et plus de délectation peut-être, une acuité lente de la réflexion, un alliage précieux de hauteur, de rigu
34 tion peut-être, une acuité lente de la réflexion, un alliage précieux de hauteur, de rigueur et de pitié humaine, une rete
35 cieux de hauteur, de rigueur et de pitié humaine, une retenue presque solennelle mais qui sans cesse frôle l’humour, et par
36 ruine intérieurement ; ou encore les dissout dans une réalité plus absolue. Telle est la forme des dialogues où culmine son
37 dans une réalité plus absolue. Telle est la forme des dialogues où culmine son art. De ces dialogues, où chaque interlocute
38 onclusion ne peut être qu’implicite et fonction d’ une hiérarchie de valeurs, non de la seule exactitude des pensées —, nous
39 hiérarchie de valeurs, non de la seule exactitude des pensées —, nous connaissons le modèle immortel, le Livre de Job. Il s
40 jusqu’au Soulier de Satin de Claudel : ce serait une sorte de généalogie du réalisme poétique. 1. Obscurité : Kassner ne
41 nos catégories psychologiques. Il prend tout par des biais qui nous sont peu familiers. Et puis enfin, voilà une philosoph
42 qui nous sont peu familiers. Et puis enfin, voilà une philosophie qui postule la vision, c’est-à-dire l’appréhension poétiq
43 nt les romantiques allemands. Rien de commun avec un Renan, un France. a. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Rudolf Ka
44 antiques allemands. Rien de commun avec un Renan, un France. a. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Rudolf Kassner, Les
2 1931, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Sarah, par Jean Cassou (novembre 1931)
45 )b Quelque chose d’espagnol dans la démarche ; un tour qui ferait penser aux conteurs de la fin du xviiie  ; des sujets
46 ferait penser aux conteurs de la fin du xviiie  ; des sujets dans le goût allemand, tels sont les éléments qui composent no
47 n, qu’il imagine et dont il meurt. Car la vie est une espèce de marâtre et n’a que faire de nos tendresses. Les sujets de J
48 ent sur eux leurs forces. Le monde est habité par des êtres dont le « bonheur » consiste à ne pas se rendre compte de ce qu
49 dre compte de ce qu’ils vivent. Dans quelques-uns des plus significatifs de ces récits (Dieu et le sommeil, Les Fins derniè
50 et le sommeil, Les Fins dernières) l’on assiste à un réveil, explosion de révolte ou de joie, tellement incompatible avec
51 s » de la vie que mort s’en suit. Sarah est donc un recueil de contes romantiques, cas tout à fait rare dans la littératu
52 e qui gêne pourtant, en plusieurs endroits, c’est un certain tour désinvolte, le coup de pouce voltairien, l’élégance trop
53 rien, l’élégance trop rapide. Il n’est pas bon qu’ un conteur laisse voir la moindre ironie vis-à-vis de ses personnages ;
54 ent. Ainsi Sarah, Monsieur Hoog, qui atteignent à une qualité d’émotion vraiment pure et insistante. Mais le mérite origina
55 nsistante. Mais le mérite original et important d’ un tel livre me paraît résider avant tout dans l’ordre des faits qu’il m
56 l livre me paraît résider avant tout dans l’ordre des faits qu’il met en jeu, dans la problématique qu’il parvient à suscit
57 usciter au cours de ces brèves imaginations, avec une bonhomie d’autant plus touchante qu’elle figure, je pense, pour l’aut
58 ouchante qu’elle figure, je pense, pour l’auteur, une sorte de consolation un peu forcée que le cœur s’accorde en dépit de
59 je pense, pour l’auteur, une sorte de consolation un peu forcée que le cœur s’accorde en dépit de tout, tandis que l’espri
3 1932, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Les Signes parmi nous, par C. F. Ramuz (janvier 1932)
60 fonction serait d’exprimer notre civilisation, en un temps où elle se trouve brutalement mise en question, posent eux-même
61 mes si peu de questions, ou de si minimes. Je lis un article récent de Ramuz (sur le Travail), qui débute ainsi « Pourquoi
62 e semble entendre pour la première fois la voix d’ un de nos aînés, interrogeant notre destin, lui poser en face des questi
63 t notre destin, lui poser en face des questions d’ une accablante simplicité. Me tromperais-je ? Ai-je mal su lire tant de b
64 s sur le monde actuel et futur ? Est-ce le fait d’ une disposition trop romantique que d’avoir cru distinguer dans ces œuvre
65 eversant ? D’autre part, n’est-ce point le fait d’ un certain manque de tact intellectuel que de poser des questions si rud
66 des questions si rudimentaires, si peu élaborées, des questions que n’importe qui pourrait poser et qui ne peuvent tirer de
67 ns sa grandeur, c’est-à-dire dans l’élémentaire : un être qui est nu, qui a froid, qui a faim, qui a été jeté au sein d’un
68 qui a froid, qui a faim, qui a été jeté au sein d’ une nature hostile, de sorte qu’il lui faut sans cesse s’efforcer, ne con
69 et simple qui est à lui, nullement irrité (comme un Bloy), nullement moralisant ou jacobin (comme les marxistes), ni vict
70 cobin (comme les marxistes), ni victime ni juge d’ une bourgeoisie à laquelle il échappe entièrement et de toute façon, n’ét
71 raciné dans l’élémentaire ; élaborant son œuvre à un niveau d’où bourgeoisie et révolution apparaissent comme des localisa
72 d’où bourgeoisie et révolution apparaissent comme des localisations de surfaces et temporaires. (Les animaux et les arbres
73 tenaient trop de terre embrassée et par elle tout un pays et son peuple ; car « c’est ici le pays de la solidité, parce qu
74 i le pays de la solidité, parce que c’est le pays des ressemblances. Regarde, tout y tient ensemble fortement, comme dans l
75 tient ensemble fortement, comme dans le tableau d’ un grand peintre ». Ah ! la grandeur de ce peuple ramuzien, qui se meut
76 tiste raffiné » d’avoir su « se ravaler au niveau des simples. » Non, Ramuz ne descend pas au peuple, on devrait dire plutô
77 lutôt qu’il y remonte. Son art vient de plus bas, des origines, des éléments créateurs de sa race. Il a cette même lenteur
78 remonte. Son art vient de plus bas, des origines, des éléments créateurs de sa race. Il a cette même lenteur imposée par la
79 , ce même besoin de précision utile. Ce n’est pas un art d’après le peuple4, mais on dirait presque : d’avant. Il n’est pa
80 la biblique, qui est vivante. Ainsi tous parlent un même langage, qu’ils l’inscrivent sur le papier ou dans la terre. Un
81 ’ils l’inscrivent sur le papier ou dans la terre. Un tel sens de la communauté put induire certains à parler de l’unanimis
82 ment coupé que dégagent certaines œuvres récentes des écrivains de l’URSS, je ne les retrouve que chez Ramuz. Mais purifiés
83 e et secrète réserve d’innocence » d’où peut-être un jour sortira le peuple-poète, « le peuple tous en un ». Mais son œuvr
84 jour sortira le peuple-poète, « le peuple tous en un  ». Mais son œuvre est bien au-delà de l’ère machiniste que traverse l
85 la vénération, qui est aussi celui de la lenteur des choses. Cet art, le sujet des Signes parmi nous, par sa simplicité mê
86 celui de la lenteur des choses. Cet art, le sujet des Signes parmi nous, par sa simplicité même, le met en valeur mieux que
87 ys, et offre à tous la Parole, « ayant l’aspect d’ une brochure à couverture bleue », où les événements actuels — cela se pa
88 leue », où les événements actuels — cela se passe un jour d’été de 1918 — sont expliqués à la lumière des Écritures. La Fi
89 sont expliqués à la lumière des Écritures. La Fin des Temps est proche, il faut en témoigner. À tous il tend la Parole « mo
90 en qu’on n’est pas morts ! » Le monde renaît dans une soirée pure et le baiser d’un couple heureux. Rarement la forme authe
91 monde renaît dans une soirée pure et le baiser d’ un couple heureux. Rarement la forme authentique de Ramuz atteignit une
92 Rarement la forme authentique de Ramuz atteignit une autorité comparable à celle qui éclate dans cet ouvrage entièrement c
93 ute explication intellectuelle, atteignant par la une unité de style tellement têtue qu’elle évoque peu à peu on ne sait qu
94 , surimpressions, changements de temps au cours d’ une phrase, sont ici largement mis en œuvre mais toujours avec une probit
95 ont ici largement mis en œuvre mais toujours avec une probité singulière. La surimpression par exemple n’est jamais pour Ra
96 jamais pour Ramuz ce qu’elle fut pour d’autres : un moyen de créer du mystère en brouillant les plans ; mais un moyen de
97 e créer du mystère en brouillant les plans ; mais un moyen de rendre plus totale la vision. Tout, par ailleurs, indique ch
98 que chez Ramuz la volonté de ne pas faire prendre une chose pour une autre, ni certain aspect usuel de la chose pour toute
99 la volonté de ne pas faire prendre une chose pour une autre, ni certain aspect usuel de la chose pour toute la chose. C’est
100 ’est pourquoi il s’attarde à décrire le concret d’ une façon concrète : ainsi, le maniement d’un outil. D’où le reproche de
101 cret d’une façon concrète : ainsi, le maniement d’ un outil. D’où le reproche de puérilité que lui adressent ceux qui, par
102 par exemple, n’hésitent pas à prendre au sérieux une intrigue romanesque à la Bourget. On s’est trop arrêté à l’insolite d
103 p détaillés. Mais l’important, je pense, c’est qu’ une page de Ramuz — même pas très réussie, et il y en a qui ont un air ra
104 muz — même pas très réussie, et il y en a qui ont un air raté, un air pastiche de Ramuz —, c’est qu’une seule page de ce l
105 s très réussie, et il y en a qui ont un air raté, un air pastiche de Ramuz —, c’est qu’une seule page de ce livre lue avec
106 un air raté, un air pastiche de Ramuz —, c’est qu’ une seule page de ce livre lue avec cette lenteur qu’elle impose, nous re
107 e, nous replace dans la vision grande et efficace des choses les plus simples. Mais il faut dire maintenant l’actualité tou
108 e maintenant l’actualité tout à fait singulière d’ un tel livre. Il y a des sujets éternels, ou mieux, perpétuels — sujets
109 ité tout à fait singulière d’un tel livre. Il y a des sujets éternels, ou mieux, perpétuels — sujets d’étonnement perpétuel
110 nt perpétuel — et la Fin du Monde est l’un d’eux. Un vrai mythe, c’est-à-dire un événement perpétuellement possible, qui r
111 Monde est l’un d’eux. Un vrai mythe, c’est-à-dire un événement perpétuellement possible, qui reçoit la vie comme un moule
112 perpétuellement possible, qui reçoit la vie comme un moule reçoit la matière en fusion et la réalise soudain — la fait cho
113 réalise soudain — la fait chose — en lui donnant une forme ; l’actualise — la fait acte — en l’arrêtant dans cette forme e
114 e — en l’arrêtant dans cette forme et lui donnant une date. Les périodes qui « marquent » dans l’Histoire sont celles où la
115 quent » dans l’Histoire sont celles où la forme d’ un mythe affleure, s’incarne et devient visible. Ce sont les périodes de
116 Ce sont les périodes de crise. Or toute crise est un jugement6, — un « arrêt dans une forme ». Cela se voit par l’étymolog
117 odes de crise. Or toute crise est un jugement6, —  un « arrêt dans une forme ». Cela se voit par l’étymologie. Aussi, par l
118 r toute crise est un jugement6, — un « arrêt dans une forme ». Cela se voit par l’étymologie. Aussi, par le passage à la li
119 ns de l’actuelle crise apparaît ainsi manifeste : un jugement sur tous les plans, financier, commercial, éthique et spirit
120 ignes. Aussi serait-il bien insuffisant de dire d’ une telle œuvre, datée de 1919 et reparue en un temps de crise, qu’elle e
121 re d’une telle œuvre, datée de 1919 et reparue en un temps de crise, qu’elle en revêt une actualité accidentelle : c’est e
122 et reparue en un temps de crise, qu’elle en revêt une actualité accidentelle : c’est en quelque sorte le contraire qui est
123 traire qui est vrai ; c’est notre temps qui revêt une actualité7 et une réalité véritables du fait de la crise. Mais cet af
124 i ; c’est notre temps qui revêt une actualité7 et une réalité véritables du fait de la crise. Mais cet affleurement mystéri
125 issance d’aujourd’hui, enraciné profondément dans une permanente actualité. 3. « Travail », dans Aujourd’hui, 29 octobre
126 pulisme est d’après le peuple. Cette terne vision des choses en apprend plus sur le compte de la bourgeoisie que sur le peu
127 t le ton de la musique de Stravinsky, du Sacre et des Noces. Le ton de la création du monde. 6. S’il est vrai, comme l’a m
4 1932, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Le silence de Goethe (mars 1932)
128 ir dans la sagesse faustienne qu’elle est surtout une défense contre le Démon révolté et la Magie latente ; et s’ils ne le
129 yant été moins loin que Goethe dans la domination des mystères. Ainsi se réclament-ils de Rimbaud. Peut-être la confrontati
130 Peut-être la confrontation du Sage et du Fou — d’ un fou qui reste notre intime tentation — permettra-t-elle, par la vivac
131 rmettra-t-elle, par la vivacité même du paradoxe, une prise de conscience plus juste et plus efficace des puissances goethé
132 e prise de conscience plus juste et plus efficace des puissances goethéennes. ⁂ Rimbaud enfant écrit des poèmes « magiques 
133 es puissances goethéennes. ⁂ Rimbaud enfant écrit des poèmes « magiques » puis renonce à la magie, et se tait. Goethe, init
134 la fièvre tombée, poursuivra durant toute sa vie une « activité littéraire ». Ces deux expériences seraient antithétiques
135 . Mais notre optique n’est-elle point faussée par un état d’esprit qui voudrait que l’on considère ces deux hommes avant t
136 e l’on considère ces deux hommes avant tout comme des écrivains ? C’est par la chose écrite, par la lettre justement qu’ils
137 ’opposent le plus. Pourtant Rimbaud ne fut jamais un écrivain, ni ne se soucia de l’être. Et Goethe ne fut qu’entre autres
138 e l’être. Et Goethe ne fut qu’entre autres choses un écrivain, et se soucia de l’être dans la mesure seulement où il porta
139 ù il portait en tous les domaines de son activité une application volontaire et soutenue. Ce n’est donc pas l’aspect littér
140 t conditionner notre vision. Non point qu’il soit un seul instant négligeable, s’agissant de deux êtres que l’on connaît p
141 aît par leurs écrits d’abord. Mais, pour en tenir un juste compte, il s’agit de le subordonner au problème personnel de ce
142 -on dire. Or c’est, chez l’un comme chez l’autre, une révolution profonde de l’esprit dont procèdent à la fois le refus de
143 gie et le goût passionné de l’effort immédiat. Qu’ un fait de cet ordre puisse être tenu pour crucial, je veux croire qu’on
144 tomes depuis. Il convient de marquer toutefois qu’ une pareille assimilation eût exaspéré Goethe autant que Rimbaud, mais, c
145 dans leur commune grandeur. Seule la croyance en une analogie universelle des réactions profondes de l’âme devant son dest
146 ur. Seule la croyance en une analogie universelle des réactions profondes de l’âme devant son destin m’autorise à cette con
147 recoupement de deux vies qui l’ont réalisée selon des voies totalement divergentes, une attitude humaine qui me paraît comm
148 réalisée selon des voies totalement divergentes, une attitude humaine qui me paraît commune. Que Goethe ait pratiqué « le
149 araît commune. Que Goethe ait pratiqué « le devis des choses grandes et secrètes » comme parle Jérôme Cardan, l’on en trouv
150 ente Mlle de Klettenberg. Mais bien plus que dans une spiritualité facilement épurée, le mysticisme de celui qui, tout enfa
151 le mysticisme de celui qui, tout enfant, édifiait un autel à la Nature, trouvait son aliment dans une méditation, renouvel
152 t un autel à la Nature, trouvait son aliment dans une méditation, renouvelée des rose-croix, et qui le porta même à quelque
153 uvait son aliment dans une méditation, renouvelée des rose-croix, et qui le porta même à quelques essais d’alchimie. Coquet
154 intermédiaires qui ne conduisent réellement vers une plénitude, pour un esprit comme celui de Goethe. « On a peur que son
155 ne conduisent réellement vers une plénitude, pour un esprit comme celui de Goethe. « On a peur que son feu ne le consume »
156 e. « On a peur que son feu ne le consume », écrit un de ses amis, vers ce temps. « Goethe vit sur un perpétuel pied de gue
157 t un de ses amis, vers ce temps. « Goethe vit sur un perpétuel pied de guerre et de révolte psychique ». Et lui-même gémit
158 t de révolte psychique ». Et lui-même gémit, avec une sombre joie : « Sort misérable, qui ne me permet rien que d’extrême »
159 lescence, figurent bel et bien dans son évolution une de ces crises où l’être spirituel découvre sa forme véritable. Et si,
160 forme véritable. Et si, comme chez Goethe, c’est une forme mystique, celle du terrible « Meurs et deviens ! », et s’il l’a
161 t s’il l’assume en connaissance de cause, — c’est un événement qui ne peut normalement se traduire que par une qualité nou
162 ement qui ne peut normalement se traduire que par une qualité nouvelle de silence. Encore faut-il que le destin favorise co
163  hasard » l’a-t-il provoquée chez Goethe ? Il est un fait de sa jeunesse dont on ne saurait exagérer l’importance à la foi
164 Goethe avec le mysticisme précédèrent de très peu une grave maladie, dont il ne fut sauvé que par l’intervention d’un médec
165 ie, dont il ne fut sauvé que par l’intervention d’ un médecin « alchimiste ». Retenons ceci : au seuil de l’initiation, che
166 seuil de l’initiation, chez Goethe, il n’y a pas une révolte, il y a un péril conjuré. C’est contre ce qu’il nommera désor
167 on, chez Goethe, il n’y a pas une révolte, il y a un péril conjuré. C’est contre ce qu’il nommera désormais son Daimon, co
168 mais son Daimon, contre « l’oppression despotique des éléments inquiétants qui gouvernent trop puissamment dans son âme » q
169 issamment dans son âme » qu’il appelle les arts d’ une magie maîtrisée, c’est-à-dire incarnée. La question se pose pour lui,
170 otre condition. Et c’est seulement en passant par une application matérielle que la magie, se reniant en tant que spéculati
171 térature prendra plus tard chez Goethe l’allure d’ une discipline de l’âme. Un exercice, une activité organique à objectifs
172 d chez Goethe l’allure d’une discipline de l’âme. Un exercice, une activité organique à objectifs limités et concrètement
173 l’allure d’une discipline de l’âme. Un exercice, une activité organique à objectifs limités et concrètement conditionnée,
174 concrètement conditionnée, nullement spéculative. Un instrument et un style. Dès ce moment le choix de Goethe a trouvé sa
175 itionnée, nullement spéculative. Un instrument et un style. Dès ce moment le choix de Goethe a trouvé sa forme. Il lui fau
176 ncement à la magie spéculative n’est, en fait, qu’ un accomplissement, le plus difficile et le seul humainement fécond. Car
177 plus difficile et le seul humainement fécond. Car un tel silence n’est pas absence de mots. C’est encore chez Goethe une a
178 est pas absence de mots. C’est encore chez Goethe une activité réelle, et même à double effet. Qu’y a-t-il de plus agissant
179 double effet. Qu’y a-t-il de plus agissant, dans une œuvre marquée du signe de la maturité, que cette présence rayonnante
180 je l’éprouve plus vivement dans certains passages des Affinités électives, d’une apparente platitude, mais translucide, que
181 dans certains passages des Affinités électives, d’ une apparente platitude, mais translucide, que dans le Conte du Serpent V
182 ure, la renie même bruyamment. C’est là le fait d’ une âme qui se refuse encore à la souffrance et la crie sur la place. Un
183 e encore à la souffrance et la crie sur la place. Un peu plus de souffrance, plus intimement ancrée, et voici l’autre dang
184  : la délectation ascétique, l’obscurité glaciale des Mystères. Un peu plus d’humilité, c’est-à-dire le réel désir d’être «
185 ion ascétique, l’obscurité glaciale des Mystères. Un peu plus d’humilité, c’est-à-dire le réel désir d’être « utile », et
186 e point : les Affinités. D’ailleurs, l’alternance des trois états, visible tout au long de l’œuvre, prouve que la question
187 se poursuit. Seulement l’effort d’équilibre crée des énergies nouvelles. Le silence mûrit à la faveur du secret, et dans l
188 rit à la faveur du secret, et dans la profondeur, des conceptions s’opèrent. C’est ainsi que la magie reniée extérieurement
189 si que la magie reniée extérieurement au profit d’ une expression « utile », renaît comme libérée intérieurement au « jour n
190 ède celui qui sait préserver sa passion au sein d’ une interminable patience. N’est-ce point ce tréfonds dont parle Jacob Bo
191 ns actes à Vérité et Poésie. Le drame s’ouvre sur un réveil : l’exercice sans frein des arts occultes laisse l’esprit de F
192 ame s’ouvre sur un réveil : l’exercice sans frein des arts occultes laisse l’esprit de Faust béant sur le vide : « Moi qui
193 in… qui pensais en créant pouvoir jouir de la vie des dieux et m’y égaler… combien je dois expier tout cela ! » Faust se re
194 seuil de la mort. Mais la vie ne lui sera plus qu’ un profond renoncement ; même si la passion l’occupe un temps, c’est l’a
195 profond renoncement ; même si la passion l’occupe un temps, c’est l’action, la Tätigkeit — le grand mot goethéen — qui tri
196 and mot goethéen — qui triomphera désormais. Mais une action qui par avance désespère du seul succès qui pour Faust serait
197 ute son existence, et c’est leur chœur qui chante une dernière fois la loi, au moment où il reçoit la grâce de lui échapper
198 ntemple l’Indescriptible. Si Faust est le drame d’ une formidable patience sans cesse remise en question, la Saison en enfer
199 se en question, la Saison en enfer est le drame d’ une pureté avide, et son destin se joue d’un coup. La grandeur de Goethe
200 drame d’une pureté avide, et son destin se joue d’ un coup. La grandeur de Goethe est d’avoir su vieillir, celle de Rimbaud
201 ansportez la dialectique faustienne dans la vie d’ un être jeune et libre encore de toute contrainte sociale, culturelle, v
202 née initiale est bien la même : c’est l’attrait d’ une vision qui transcende la vie médiocre. Rimbaud s’y lance avec l’empor
203 médiocre. Rimbaud s’y lance avec l’emportement d’ une révolte qui traduit d’abord un excès féroce de vitalité plutôt qu’une
204 c l’emportement d’une révolte qui traduit d’abord un excès féroce de vitalité plutôt qu’une souffrance matérielle, — et va
205 uit d’abord un excès féroce de vitalité plutôt qu’ une souffrance matérielle, — et va d’un mouvement rigoureusement logique
206 té plutôt qu’une souffrance matérielle, — et va d’ un mouvement rigoureusement logique jusqu’au système de sa folie. Mais l
207 u’il parle si fort, qu’il vante ses pouvoirs avec une étrange exagération ? Et voici que l’hallucination le gagne et le sub
208 allucination le gagne et le submerge. « Je devins un opéra fabuleux. » Il a brûlé les étapes de l’initiation. Mais on ne d
209 t, c’est l’Esprit incarné. L’incarnation entraîne des « conditions ». C’est la vision du travail humain, inexorable et dégo
210 per ? L’hallucination est tombée, faisant place à une stupeur désolée. « Je ne sais plus parler. » Le renoncement dès lors
211 pensé de toute morale, je suis rendu au sol, avec un devoir à chercher et la réalité rugueuse à étreindre. » C’est le cri
212 obsédé par ce travail. Ainsi cette vie est bien d’ un seul tenant ; une seule et unique expérience la remplit : l’envahisse
213 vail. Ainsi cette vie est bien d’un seul tenant ; une seule et unique expérience la remplit : l’envahissement de la magie a
214 Rimbaud est vraiment le même que le premier, dans une phase plus « réalisée ». L’homme moderne est peu fait pour comprendre
215 t peu fait pour la grandeur et la pureté, et pour des paroles comme « Si ton œil te fait tomber dans le péché, arrache-le e
216 -le et jette-le loin de toi ». Mais Rimbaud est d’ une autre trempe : il a déjà prouvé en écrivant les Illuminations qu’il p
217 luminations qu’il peut renoncer violemment à tout un monde faux pour en créer un autre. Sa vie en Afrique est un second re
218 cer violemment à tout un monde faux pour en créer un autre. Sa vie en Afrique est un second renoncement. Nous aurions comb
219 il n’est pas donné à beaucoup d’hommes de devenir un mythe à force de pureté dans la réalisation de leur destin. Rimbaud e
220 nnées de son effort particulier. Ce renoncement à un Orient de mythe, c’est cela même qui constitue l’Occident spirituel.
221 « orientation » qu’il adopte suffit à déterminer une suite d’actes. Dilemme, en son fond, religieux. C’est une forme diale
222 e d’actes. Dilemme, en son fond, religieux. C’est une forme dialectique, « agonique », de la vie de l’âme, une forme crucia
223 me dialectique, « agonique », de la vie de l’âme, une forme cruciale, c’est-à-dire une de ces contradictions essentielles,
224 la vie de l’âme, une forme cruciale, c’est-à-dire une de ces contradictions essentielles, en signe de croix, qui sont la ma
225 croix, qui sont la marque même de la réalité dans une conscience occidentale. Supprimez l’un des termes, et la vie se déten
226 é dans une conscience occidentale. Supprimez l’un des termes, et la vie se détend, le tragique s’évanouit. Que ce mythe dia
227 acieux. Pascal choisit une fois pour toutes, dans une crise lucide, au sein d’un vertige total. Rimbaud choisit dans une cr
228 ois pour toutes, dans une crise lucide, au sein d’ un vertige total. Rimbaud choisit dans une crise instinctive qui ressemb
229 au sein d’un vertige total. Rimbaud choisit dans une crise instinctive qui ressemble à la chute soudaine de l’ivresse deva
230 e l’ivresse devant le mortel danger qui se lève à un pas. Tous deux réalisent le renoncement, le deuxième temps de cette d
231 ent, le deuxième temps de cette dialectique, dans un mouvement que sa violence rend unique : c’est qu’ils reviennent tous
232 ue : c’est qu’ils reviennent tous deux de loin, d’ un long abandon à l’erreur. Goethe n’a pas connu de tels déchirements. E
233 eur. Il avance ainsi pas à pas, l’âme tendue dans une puissante circonspection, pendant soixante ans, sans jamais s’abandon
234 de la démesure. On rit de ses allures compassées, des solennelles banalités dont il gratifie le pauvre Eckermann. Je ne pui
235 r dans ces façons que la distraction souveraine d’ une âme tout occupée à dompter ses dieux. Une haute menace, invisible à t
236 raine d’une âme tout occupée à dompter ses dieux. Une haute menace, invisible à tout autre, l’accompagne sans trêve, et c’e
237 ses forces, toujours renouvelées. Mais il y faut une prudence peu commune, et même tellement soutenue qu’elle informe peu
238 même tellement soutenue qu’elle informe peu à peu une sorte d’instinct, libérant l’attention consciente. C’est ainsi que le
239 ilistins. Le somnambule est désormais protégé par une cotte d’invisible silence. Vous pouvez lui parler sans le troubler :
240 chez Rimbaud, et d’autre part le contraste absolu des rythmes, vont se traduire dans la similitude des conclusions éthiques
241 des rythmes, vont se traduire dans la similitude des conclusions éthiques et dans la divergence des réalisations littérair
242 de des conclusions éthiques et dans la divergence des réalisations littéraires. « Bon esprit, prends garde ! Pas de partis
243 roirait tirée de quelque journal intime du Goethe des années ascétiques, à Weimar avant l’Italie. Et le passage fameux de l
244 Olympien de la légende ont peu de consonance avec un tel pathétique, mais quel écho n’eût-il pas éveillé dans l’âme du jeu
245 aux lèvres serrées, l’inférieure creusée comme d’ un sanglot retenu, et relâchée aux commissures, — tristesse et volupté.
246 missures, — tristesse et volupté. Mais le front d’ une plénitude royale s’avance fortement contre la lumière, et les yeux, e
247 es yeux, entre cette bouche et ce front, disent d’ un sobre et méditant regard le mot suprême de la Saison, ce cri sourd du
248 le silence, alors qu’elle propose à Goethe, comme un exercice de choix, l’écriture, — cela n’a rien que de logique, et rés
249 ue de logique, et résulte de la définition même d’ un tel yoga. Tout savoir doit être confirmé par un faire, qui le tait et
250 d’un tel yoga. Tout savoir doit être confirmé par un faire, qui le tait et l’exprime à la fois. Le « faire » de Rimbaud ne
251 er sans paradoxe que la littérature de Goethe est un des moyens de silence dont il dispose. Ni plus ni moins que l’étude d
252 sans paradoxe que la littérature de Goethe est un des moyens de silence dont il dispose. Ni plus ni moins que l’étude des s
253 nce dont il dispose. Ni plus ni moins que l’étude des sciences naturelles, la régie d’un théâtre ou l’administration du Gra
254 s que l’étude des sciences naturelles, la régie d’ un théâtre ou l’administration du Grand-Duché. « J’ai toujours considéré
255 au fond, il m’est assez indifférent d’avoir fait des pots ou des assiettes »10. Si tout de même il a peiné sur la composit
256 m’est assez indifférent d’avoir fait des pots ou des assiettes »10. Si tout de même il a peiné sur la composition d’Iphigé
257 même il a peiné sur la composition d’Iphigénie ou des Ballades, c’est que l’art est pour lui la tentation la plus aiguë de
258 fins les plus hautes de l’existence terrestre. «  Un fait de notre vie ne vaut pas en tant qu’il est vrai, mais en tant qu
259 e refus de Goethe, dès qu’il s’agit de faire état des causes premières, des fins dernières, en tant que telles. De là ce ra
260 qu’il s’agit de faire état des causes premières, des fins dernières, en tant que telles. De là ce rationalisme agressif qu
261 out aux belles dames qui n’ont rien à faire. Mais un homme supérieur, qui a déjà conscience d’être quelque chose ici-bas,
262 tout ce que nous ferons, comme la douce lumière d’ un soleil caché14. » Écrire, tout en se taisant. Et ceux-là seuls entend
263 auront su percevoir l’accent dominateur et tendu des pages les plus égales et sereines du Faust. Mais, qu’à ce tempérament
264 onfession éruptive : les Illuminations naissent d’ une telle rupture. Elles sont le champ même15 où Rimbaud se livre à l’exp
265 , rage de revanche, par son excès même est encore une évasion hors du réel. En cela il est romantique, comme tous ceux que
266 leur violence et leur faiblesse précipitent vers des portes de sortie souvent illusoires, vers un « au-delà » des conditio
267 ers des portes de sortie souvent illusoires, vers un « au-delà » des conditions de vivre. Mais notre époque voudra-t-elle
268 de sortie souvent illusoires, vers un « au-delà » des conditions de vivre. Mais notre époque voudra-t-elle encore de ces év
269 e. Et qui voudrait les opposer ? Que signifierait un choix dont l’opération resterait purement imaginaire et vaniteuse pou
270 ranscendance, en bonne dialectique autoriserait à des jugements de valeurs humaines. Mais il faudrait mettre en balance une
271 eurs humaines. Mais il faudrait mettre en balance une longue fidélité peut-être orgueilleuse, puisque Goethe tenait ses fai
272 lleuse, puisque Goethe tenait ses faiblesses pour des erreurs, non pour le péché, et d’autre part un orgueil assumé, puis r
273 r des erreurs, non pour le péché, et d’autre part un orgueil assumé, puis renié avec la même violence, — celle dont il est
274 il est écrit qu’elle force les portes du Royaume des Cieux. Il reste que les temps nous pressent de toutes parts au choix,
275 ssent d’affecter toute chose, même spirituelle, d’ une sorte de coefficient d’utilité. En ce jour de février 1932, dans ce F
276 s trésors patinés dans la haute demeure familiale des Goethe. Aujourd’hui… Un immense glissement de la réalité hors des ca
277 haute demeure familiale des Goethe. Aujourd’hui… Un immense glissement de la réalité hors des cadres d’une logique statiq
278 rd’hui… Un immense glissement de la réalité hors des cadres d’une logique statique et cartésienne nous porte en des région
279 mmense glissement de la réalité hors des cadres d’ une logique statique et cartésienne nous porte en des régions nouvelles d
280 une logique statique et cartésienne nous porte en des régions nouvelles de l’esprit où l’action redevient notre seul critèr
281 mandons aux œuvres que nous aimons de témoigner d’ une certaine force de révolte. Notre premier mouvement nous porterait ver
282 nant de Goethe. Mais prenons garde de tomber dans un conformisme à rebours, victimes de valeurs sentimentales héritées des
283 bours, victimes de valeurs sentimentales héritées des temps révolus, prenons garde de nous laisser convaincre par les seuls
284 de nous laisser convaincre par les seuls éclats d’ un fanatisme à vrai dire splendide. (Qui me guérira de la honte de n’êtr
285 distinguer dans ce vertige la réelle puissance d’ une voix volontairement assourdie. Le silence de Goethe n’est pas moins d
286 es d’enchaînement Si j’étais devant toi, ô nature un homme solitaire, Sans doute vaudrait-il alors la peine d’être un homm
287 ire, Sans doute vaudrait-il alors la peine d’être un homme. 10. Conversations avec Eckermann, 2 mai 1824. 11. Ibid.,
5 1932, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Querelles de famille, par Georges Duhamel (mai 1932)
288 ’est du paradoxe détendu ; ou si l’on veut, c’est une contradiction intérieure dont les deux termes, faute d’être assumés s
289 franchement, tirent à hue et à dia et engendrent une grande confusion. En ce sens, le dernier livre de M. Duhamel, consacr
290 rnier livre de M. Duhamel, consacré à la critique des aspects orduriers et bassement mécaniques de la vie moderne, illustre
291 ement mécaniques de la vie moderne, illustre avec un talent qu’il n’est plus temps de discuter, une position morale exempl
292 vec un talent qu’il n’est plus temps de discuter, une position morale exemplairement ambiguë. Rien de plus légitime que le
293 ocher à M. Duhamel d’avoir adopté pour cette fois un style conventionnel, ou plus exactement une certaine rhétorique de l’
294 e fois un style conventionnel, ou plus exactement une certaine rhétorique de l’indignation dont les figures servent en Fran
295 nt les figures servent en France indifféremment à des fins électorales, journalistiques ou philanthropiques. Il faut avouer
296 l’instrument révèle son insuffisance quand c’est un virtuose qui se mêle d’en jouer. Mais sans doute le but serait-il att
297 enfin garde ses droits. Aussi n’est-ce point sans une gêne grandissante que l’on poursuit la lecture de ces pages où maints
298 nts paragraphes apportent entre deux tours repris des meilleurs auteurs, une de ces approximations vulgaires qui « rendraie
299 nt entre deux tours repris des meilleurs auteurs, une de ces approximations vulgaires qui « rendraient » mieux sous la rubr
300 la rubrique Mon film 16. En d’autres passages, d’ une expression plus serrée, M. Duhamel cherche ce qu’on appelait jadis le
301 ers futurs. Mais lorsqu’il stigmatise les méfaits des « grandes brutes mécaniques », sa verve — qu’il me pardonne l’image t
302 Ses laborieuses exagérations (Message aux Princes des Prêtres) sont dépourvues du minimum de cynisme et de fantaisie qui en
303 nnelle de la mauvaise humeur gauloise, héritage d’ un classicisme nettement pessimiste, s’accorde mal avec l’impénitente fo
304 . Ce malaise dans l’expression traduit d’ailleurs une équivoque foncière et qui porte sur le thème général du livre. Il est
305 thème général du livre. Il est inquiétant de voir un esprit de cette qualité, et qui certes veut être honnête, se complair
306 veut être honnête, se complaire expressément dans une hargne tempérée de badinage. C’est à la fois trop et trop peu. Car, o
307 trop peu. Car, ou bien M. Duhamel critique l’abus des mécaniques, ce qui revient à faire le vain procès de la bêtise humain
308 fonde, mais alors elle implique la condamnation d’ une conception du monde à la fois libérale et inconsciemment matérialiste
309 oi récriminer sur quelques aspects superficiels d’ une civilisation dont on refuserait de dénoncer les principes ou plutôt l
310 , assure son conformisme foncier ? Faut-il y voir une sorte de sublimation à rebours du sens de la révolte ? On serait en d
311 ens de la révolte ? On serait en droit d’exiger d’ un critique de son temps qu’il déclare ce qu’il attend de l’homme. Après
312 s de cette suite de messages adressés aux Princes des Prêtres, à MM. les Députés, au chef du gouvernement. L’on s’étonne qu
313 s’étonne que M. Duhamel n’ait joint à son recueil une épître au préfet de Police sur les Embarras de Paris. Sujet de pastic
314 mobilistes, déclame au beau milieu de la chaussée des tirades généreusement libertaires, enraye la circulation, « mais trav
315 rutissante musique, parfois coupée, Dieu merci, d’ un monologue financier ou de hoquets publicitaires. “De la musique avant
316 sme — sinon sur la crainte instinctive de choquer un public, qui ne supporte que la mesure, par l’affirmation de prévision
317 ons horribles, et cependant conformes à la nature des choses. e. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Georges Duhamel, Qu
6 1932, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Ce chien, ton serviteur, par Rudyard Kipling (juillet 1932)
318 et adapté, voire recréé par Jacques Valette dans une langue insolite et touchante, ni petit nègre, ni bêtifiante, d’une gr
319 te et touchante, ni petit nègre, ni bêtifiante, d’ une grande force d’expression concrète. Le petit chien Botte raconte ses
320 ète. Le petit chien Botte raconte ses journées, «  des choses et des choses comme des rats qui courent ». — « On est des pau
321 chien Botte raconte ses journées, « des choses et des choses comme des rats qui courent ». — « On est des pauvres tout peti
322 te ses journées, « des choses et des choses comme des rats qui courent ». — « On est des pauvres tout petits chiens qu’on h
323 s choses comme des rats qui courent ». — « On est des pauvres tout petits chiens qu’on habite tout par dehors et que person
324 s’occupe ». Dès la seconde page, c’est à pousser des cris de joie. Les enfants comprendront-ils ? Dans la mesure seulement
7 1932, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Éloge de l’imprudence, par Marcel Jouhandeau (septembre 1932)
325 sse il en parle, car la Société vit sous le règne des jugements. Mais d’autre part, peut-on parler réellement du mal, quand
326 sérieux, ni à l’enfer ? Quand personne ne déclare un Bien si haut qu’on se fasse tuer pour ce Bien ? Ceci pour indiquer à
327 al qu’il publie en marge de son œuvre romanesque. Un Kierkegaard critique ses mesures morales, en donne la référence : ce
328 Dieu terrible. Et sa vertu est choix. L’absolu d’ un Nietzsche, c’est le Grand Midi ; et sa vertu : dépassement. Jouhandea
329 celle de l’autre. C’est là qu’éclate la violence des contraires. Pour tous ceux qui ont l’audace de se maintenir dans une
330 r tous ceux qui ont l’audace de se maintenir dans une telle dialectique, il n’existe pas un choix préalable à la tentation,
331 tenir dans une telle dialectique, il n’existe pas un choix préalable à la tentation, un choix universel et abstrait, mais
332 l n’existe pas un choix préalable à la tentation, un choix universel et abstrait, mais des choix qui s’imposent avec une v
333 a tentation, un choix universel et abstrait, mais des choix qui s’imposent avec une violence égale à celle de la tentation
334 l et abstrait, mais des choix qui s’imposent avec une violence égale à celle de la tentation — c’est la même violence — dan
335 sité. Et ces mots ne désignent pas autre chose qu’ une intensité ou une pureté toujours plus folle dans le bien comme dans l
336 ne désignent pas autre chose qu’une intensité ou une pureté toujours plus folle dans le bien comme dans le mal. « Je mettr
337 s gens, mais non pas le généreux avec le pleutre, une âme triste avec une âme joyeuse. » Voilà bien le leitmotiv de l’œuvre
338 le généreux avec le pleutre, une âme triste avec une âme joyeuse. » Voilà bien le leitmotiv de l’œuvre entière de Jouhande
339 . Et soudain il nous apparaît que cette œuvre est une illustration, non dépourvue de complaisance, du « pecca fortiter » de
340 le méritent. C’est qu’ils supposent l’existence d’ un bien et d’un mal concrets dont les Binche ou M. Godeau ou plus récemm
341 C’est qu’ils supposent l’existence d’un bien et d’ un mal concrets dont les Binche ou M. Godeau ou plus récemment les héros
342 générosité » malgré tout équivoque. La foi révèle une réalité essentiellement différente et qui enveloppe tout ensemble les
343 ries du bien et du mal : le péché. Le contraire d’ un péché, c’est-à-dire ce qui le supprime, ce n’est pas une vertu, mais
344 hé, c’est-à-dire ce qui le supprime, ce n’est pas une vertu, mais le pardon. La vertu comme le vice naît de la loi et s’y r
345 foi, et meurt là où vit la foi. Au bien vulgaire des moralistes, Jouhandeau oppose le mal ; à celui-ci le Bien ; d’où nais
346 « péché » — le débat se ramène sur cette page, à une question de vocabulaire. Une simple question de vocabulaire comme on
347 ne sur cette page, à une question de vocabulaire. Une simple question de vocabulaire comme on dit, — lorsqu’on se soucie pe
8 1932, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Alexandre, par Klaus Mann (septembre 1932)
348 era personne, alors qu’Alexandre est tout de même un phénomène assez bouleversant. Klaus Mann a raconté cette histoire ave
349 raconté cette histoire avec beaucoup de grâces et des pointes d’ironie anachroniques. Cela frise Salammbô plus que Laforgue
350 ur les thèmes, inépuisables, du profil de plâtre, des boules de neige et du « dialecte du cœur ». h. Rougemont Denis de,
9 1932, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Cahier de revendications [Présentation] (décembre 1932)
351 n] (décembre 1932)i Est-il possible de définir une cause commune de la jeunesse française, une communauté d’attitude ess
352 finir une cause commune de la jeunesse française, une communauté d’attitude essentielle ? Il semble que la solidarité du pé
353 Il semble que la solidarité du péril crée en nous une unité que n’ont su faire ni maîtres ni doctrines, unité de refus deva
354 s, unité de refus devant la consternante misère d’ une époque où tout ce qu’un homme peut aimer et vouloir se trouve coupé d
355 la consternante misère d’une époque où tout ce qu’ un homme peut aimer et vouloir se trouve coupé de son origine vivante, f
356 igine vivante, flétri, dénaturé, inverti, saboté. Des groupes tels que L’Ordre nouveau, Combat, Esprit, Plans, Réaction, pa
357 s leur diversité, les premières lignes de force d’ une nouvelle révolution française. Leur anticapitalisme n’est pas celui d
358 éjà s’affirme dans l’attitude de tous ces groupes un véritable acte de présence à la misère du siècle, assez nouveau parmi
359 centué qu’il peut paraître suffisant pour définir un front unique, fût-il provisoire. C’est dans cette vue qu’ont été réun
10 1932, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). À prendre ou à tuer (décembre 1932)
360 oisi de vivre — telle est notre révolution — dans un monde qui nous préparait pour autre chose, dans une société organisée
361 n monde qui nous préparait pour autre chose, dans une société organisée (et mal) contre les « risques-vie », livrée aux bas
362 les « risques-vie », livrée aux basses rigueurs d’ un cadre policier. Que vivre soit un choix, une partialité violente, voi
363 sses rigueurs d’un cadre policier. Que vivre soit un choix, une partialité violente, voilà ce qu’on paraît trop facilement
364 urs d’un cadre policier. Que vivre soit un choix, une partialité violente, voilà ce qu’on paraît trop facilement admettre a
365 é serait hypocrisie, refus. Qu’on trouve donc ici une prise de parti.   Nous sommes une génération comblée. Comblée de chan
366 trouve donc ici une prise de parti.   Nous sommes une génération comblée. Comblée de chances de grandeur, et comblée de ris
367 amental de toute « existence » se concrétise dans une « nécessité » révolutionnaire dont l’ampleur est sans précédent. Ce n
368 Mais pour nous, entrés dans la vie sous le coup d’ une menace de faillite planétaire, il ne peut s’agir de rien d’autre que
369 unc, mais pour que les hommes vivent et demeurent des hommes. Il y a deux camps : ceux qui veulent en sortir, — et ceux qu
370 ains intérêts dans l’affaire. Entre eux, la masse des braves gens persuadés qu’après tout ça va se remettre, ça va durer, p
371 a guerre, ont trop souvent crié au loup, par goût des atmosphères tragiques. Littérature et mauvais caractère. Il y avait d
372 faire. Et vous pensiez que la révolution, c’était une bande de méchants garçons. Puis vous avez pensé que c’étaient des gen
373 hants garçons. Puis vous avez pensé que c’étaient des gens dangereux et avides. Et maintenant, c’est vous qui glissez dans
374 sse. Vous et vos maîtres. Bientôt vous chercherez des équipes de sauvetage.   Ici paraît le communisme, comme une constatat
375 s de sauvetage.   Ici paraît le communisme, comme une constatation de la faillite, une liquidation à un taux sous-humain. V
376 ommunisme, comme une constatation de la faillite, une liquidation à un taux sous-humain. Voici le Plan, prêt à reprendre l’
377 ne constatation de la faillite, une liquidation à un taux sous-humain. Voici le Plan, prêt à reprendre l’entreprise sur de
378 Voici le Plan, prêt à reprendre l’entreprise sur des bases plus rationnelles. Mais si c’était cette « raison » déjà qui se
379 ngtemps ; ne pouvant accepter de nous battre pour un « ordre » et des « idéaux » criminels. Il y a la guerre proche. La fe
380 vant accepter de nous battre pour un « ordre » et des « idéaux » criminels. Il y a la guerre proche. La ferons-nous ? pour
381 supporterons-nous ? La révolution, ce n’est plus un état d’esprit, ni un refus des tâches d’homme. Henri Lefebvre l’a mon
382 La révolution, ce n’est plus un état d’esprit, ni un refus des tâches d’homme. Henri Lefebvre l’a montré, je n’ajouterai r
383 tion, ce n’est plus un état d’esprit, ni un refus des tâches d’homme. Henri Lefebvre l’a montré, je n’ajouterai rien à sa d
384 ien à sa déclaration si simple. La révolution est une nécessité au sens le plus banal du terme, et aussi à son sens de « mi
385 ens de « misère qui appelle ». Nous ne sommes pas des « bourgeois-dégoûtés » ou des « prolétaires-avides-des-richesses-d’au
386 Nous ne sommes pas des « bourgeois-dégoûtés » ou des « prolétaires-avides-des-richesses-d’autrui », mais des hommes menacé
387 prolétaires-avides-des-richesses-d’autrui », mais des hommes menacés, qui dévisagent la menace et contre-attaquent. Et alor
388 nt la menace et contre-attaquent. Et alors, toute une jeunesse va se dresser ? Va prendre parti, et agir ?… — Paralysie. — 
389 prix de l’âme même. On nous donne à choisir entre un régime bourgeois odieux, raté, dont nous mourrons, — et d’autre part
390 ieux, raté, dont nous mourrons, — et d’autre part une espérance, une utopie, qu’il nous est impossible d’accepter avec le «
391 t nous mourrons, — et d’autre part une espérance, une utopie, qu’il nous est impossible d’accepter avec le « bon cœur » que
392 ise Philippe Lamour, parce que nous n’y voyons qu’ une réalisation épurée, tyrannique et privée de toute résistance interne,
393 Comment penser — si « penser » est inséparable d’ une action — entre une bourgeoisie déchue et un marxisme faux ? Il reste
394 i « penser » est inséparable d’une action — entre une bourgeoisie déchue et un marxisme faux ? Il reste à faire la révoluti
395 le d’une action — entre une bourgeoisie déchue et un marxisme faux ? Il reste à faire la révolution. Ni à gauche, ni à dro
396 réalité échappe encore à ceux qui récitent Marx : une « utopie » sans doute, — du moins vraie celle-là.   Les témoignages q
397 ar contre, les bases doctrinales exposées ici par des membres d’Esprit, de Combat, de L’Ordre nouveau ou de Réaction, pour
398 s ceux qui n’imaginent de choix possible qu’entre un capitalisme plus ou moins fascistisé, et le communisme (plus ou moins
399 istes détiennent l’avantage certain de tabler sur une « utopie » partiellement traduite en faits. C’est même, à voir les ch
400 rxistes. Mais comment nous laisser convaincre par une réussite matérielle, temporaire, et d’ailleurs discutable ? C’est l’h
401 c’est en train de marcher. Nous jouerons tout sur une révolution vraie. Les catastrophes sont proches. Nous ne sommes plus
402 is qu’on peut les voir déjà préparer en sous-main des terrains d’entente avec l’URSS. Nous ne pensons pas que la guerre soi
403 soit, comme l’écrit Lefebvre, la seule « chance » des capitalistes. Il en est une moins coûteuse à risquer et qui consister
404 , la seule « chance » des capitalistes. Il en est une moins coûteuse à risquer et qui consisterait à se laisser convaincre…
405 st-ce donc plus, comme le marque Th. Maulnier, qu’ un conflit d’intérêts ? Et d’intérêts qui ne sont pas les nôtres, qui ne
406 les nôtres, qui ne sont pas les intérêts réels d’ un être aux prises avec la condition humaine ? Ni pour le mensonge d’hie
407 ui de demain nous ne verserons notre sang. Il y a une vérité qui domine et condamne tout cela. Entre le communisme et la ré
408 ement. Les uns croient, avec Marx, à la réalité d’ une dialectique ternaire ; ils placent leur espoir dans l’avènement de sy
409 e synthèses successives, acheminant l’espèce vers un équilibre final, morne réplique du millénium chrétien. Les autres, av
410 aine religieux. Elle traduira demain l’opposition des nations collectivistes et des patries personnalistes. Mais où sont le
411 demain l’opposition des nations collectivistes et des patries personnalistes. Mais où sont les motifs de notre choix ? J’en
412 exprime ses données élémentaires : elle n’est qu’ une projection du conflit de la personne. Les marxistes nous accusent de
413 la personne. Les marxistes nous accusent de mêler des notions « morales » — ainsi désignent-ils la notion de personne ! — a
414 ces créations pseudo-mystiques qui pullulent dans un monde athée. Quelle que soit d’ailleurs la conception historique que
415 il faut pourtant reconnaître que la personne est un facteur « décisif », sinon suffisant, du processus révolutionnaire, e
416 aine, toute révolution est vaine qui se fonde sur des faits mortels pour la personne, même si « ces faits sont les faits »
417 s faits » comme on voudrait nous le faire croire. Une révolution n’agit pas dans le vide, mais contre quelque chose : elle
418 . Elle sera « acte ». 2e — Le matérialisme décrit un monde tel qu’on ne voit pas où l’acte peut s’y insérer. Comment croir
419 sprit puisse agir sur les faits autrement que par une suite de coups de force, d’actes créateurs, — révolutionnant le déter
420 ême ? La dialectique historique à trois temps est une arbitraire projection dans les choses d’un mécanisme de « l’intellige
421 s est une arbitraire projection dans les choses d’ un mécanisme de « l’intelligence-outil ». Théorie dont le fatalisme inte
422 lisme interne reparaît sans cesse dans les propos des marxistes les plus émancipés, les moins « mécanistes » ; théorie qui
423 ception personnaliste est seule capable d’édifier un monde culturel, économique et social qu’anime un risque permanent, es
424 un monde culturel, économique et social qu’anime un risque permanent, essentiel. L’état marxiste idéal ne laisse subsiste
425 Et comme le marquait récemment T. S. Eliot, dans un article21 où s’exprimaient des vues parfois proches de celles d’Espri
426 t T. S. Eliot, dans un article21 où s’exprimaient des vues parfois proches de celles d’Esprit ou de Combat, il réduit l’ave
427 prit ou de Combat, il réduit l’aventure humaine à un déroulement indéfini de changements, justiciables tout au plus de la
428 es » l’action. Qu’appellent-ils l’action ? Est-ce un opportunisme purement tactique, d’allure électorale ? « Toutes les te
429 ont elle se réclame implicitement, Lénine réussit une révolution d’intellectuels dans un pays qui compte à cette époque moi
430 énine réussit une révolution d’intellectuels dans un pays qui compte à cette époque moins de 3 millions d’ouvriers sur une
431 à cette époque moins de 3 millions d’ouvriers sur une population de 160 millions, et où la bourgeoisie existe à peine en ta
432 ntrôlés. « Mais, nous dit-on, les constructions d’ un Lénine n’étaient pas songes, elles s’appuyaient sur le mouvement de l
433 uvement de l’histoire ». Nous avons affaire ici à un véritable mysticisme de la réussite, à un fatalisme, à un pragmatisme
434 e ici à un véritable mysticisme de la réussite, à un fatalisme, à un pragmatisme historique dont le fondement matérialiste
435 able mysticisme de la réussite, à un fatalisme, à un pragmatisme historique dont le fondement matérialiste n’exige rien de
436 e fondement matérialiste n’exige rien de moins qu’ un acte de foi. Un tel mysticisme a-t-il en France la moindre chance de
437 rialiste n’exige rien de moins qu’un acte de foi. Un tel mysticisme a-t-il en France la moindre chance de succès ? Où est
438 est sa tradition vivante en ce pays ? La violence des communistes français reste le plus souvent verbale, électorale ; elle
439 ans leur doctrine constructive. Elle se fonde sur des apparences, voire sur des faits actuels, mais insuffisamment analysés
440 tive. Elle se fonde sur des apparences, voire sur des faits actuels, mais insuffisamment analysés. Les faits, demain, seron
441 ouveau, Combat, Esprit, travaillent dans la ligne des forces révolutionnaires profondes de la France. Cette révolte de la p
442 en sous-main par leur doctrine, est de leur part une duperie manifeste. Je les entends menacer le bourgeois : mais je ne v
443 ur les mêmes raisons, aggravées23. Ils jouent sur une révolte des hommes contre le capitalisme : mais cette révolte va se t
444 raisons, aggravées23. Ils jouent sur une révolte des hommes contre le capitalisme : mais cette révolte va se tourner contr
445 ent du pain, et croient ainsi triompher à la fois des bourgeois, et de la vérité humaine de nos doctrines antibourgeoises.
446 « pensée » bourgeoise (la pensée sans douleur !), des méthodes policières grâce auxquelles se maintient le désordre établi.
447 arxisme, révélant sa vraie nature, apparaît comme un cas privilégié de la folie capitaliste-matérialiste. Non, ce n’est pa
448 folie capitaliste-matérialiste. Non, ce n’est pas une classe que nous devons sauver, c’est l’homme menacé dans son intégrit
449 on intégrité. Sauver l’homme, ce n’est pas sauver des consommateurs. Ce n’est pas sauver des entreprises, des nations, les
450 pas sauver des consommateurs. Ce n’est pas sauver des entreprises, des nations, les intérêts (?) du monde. Sylveire demande
451 nsommateurs. Ce n’est pas sauver des entreprises, des nations, les intérêts (?) du monde. Sylveire demande : que signifie «
452 ermettent à ce suprême et quotidien débat d’avoir un sens, un point d’application : la personne. Tel est en dernière analy
453 à ce suprême et quotidien débat d’avoir un sens, un point d’application : la personne. Tel est en dernière analyse, le fo
454 mmes de ce temps n’aiment pas répondre, car c’est une question personnelle. Une mise en question réelle. Je la cherche. Ce
455 pas répondre, car c’est une question personnelle. Une mise en question réelle. Je la cherche. Ce qu’il faut pour légitimer
456 lle. Je la cherche. Ce qu’il faut pour légitimer un système d’idées en elles-mêmes justes et opportunes (comme celles, je
457 de L’Ordre nouveau, de Combat ou d’Esprit) c’est une violence spirituelle qui existe déjà au-delà des bouleversements néce
458 une violence spirituelle qui existe déjà au-delà des bouleversements nécessaires ; une substance, une exigence impossible
459 te déjà au-delà des bouleversements nécessaires ; une substance, une exigence impossible et qui est la seule chose que les
460 des bouleversements nécessaires ; une substance, une exigence impossible et qui est la seule chose que les hommes éprouven
461 le fond de leur être. Il faut derrière ces idées une masse volontaire, une pesante contrainte de foi, une pureté terrible
462 Il faut derrière ces idées une masse volontaire, une pesante contrainte de foi, une pureté terrible et humble. Loin de moi
463 masse volontaire, une pesante contrainte de foi, une pureté terrible et humble. Loin de moi la pensée que par des argument
464 terrible et humble. Loin de moi la pensée que par des arguments nous pourrons triompher d’autre chose que d’arguments. À l’
465 admirable du peuple russe retrouvant la grandeur des luttes élémentaires, n’aurions-nous à répondre qu’un dogmatique « Tu
466 luttes élémentaires, n’aurions-nous à répondre qu’ un dogmatique « Tu te trompes » ? Les hommes n’entendront de nous que no
467 té ne peut exister parmi nous que sous la forme d’ une accusation personnelle. Il faut savoir entendre ce mutisme formidable
468 as crever bassement dans la haine, mais ce serait un acte enfin dans lequel je posséderais toute ma vie, d’un seul coup éc
469 ons — après les avoir faites. 18. En Allemagne, un groupe en croissance rapide, le Gegner, s’efforce de créer une unité
470 croissance rapide, le Gegner, s’efforce de créer une unité révolutionnaire au-dessus des partis existants. En Angleterre (
471 orce de créer une unité révolutionnaire au-dessus des partis existants. En Angleterre (New Europe Group de A. R. Orage ; Ne
472 elle existe en sol et dans sa durée propre, comme un 3e terme, en réalité, supprime l’un des deux premiers termes. Ainsi d
473 pre, comme un 3e terme, en réalité, supprime l’un des deux premiers termes. Ainsi des conflits individu-société, petite pat
474 té, supprime l’un des deux premiers termes. Ainsi des conflits individu-société, petite patrie-nation culturelle, initiativ
475 on qu’elle légitimerait, en bonne logique, serait une révolution contre la construction entreprise par le capitalisme d’Éta
476 ion. 22. Exemple frappant de l’Allemagne : voici un pays enfin qui réunit toutes les conditions théoriques prévues par Ma
477 es conditions théoriques prévues par Marx pour qu’ une révolution éclate. Il ne se passe rien. Parce qu’on manque de chefs.
11 1933, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Pétrarque, par Charles-Albert Cingria (avril 1933)
478 gria (avril 1933)k « Les modernes qui écrivent des livres sur Pétrarque voudraient pouvoir faire une part au Moyen Âge (
479 des livres sur Pétrarque voudraient pouvoir faire une part au Moyen Âge (qui les excite) et admirer en même temps le restau
480 ments, la morale en soi (pas la morale en vertu d’ un dogme), le nationalisme, l’ironie, le scepticisme, le pompiérisme, — 
481 t petit livre sur Pétrarque, venant après celle d’ une Civilisation de Saint-Gall non moins remarquable, le met aux antipode
482 orains dont le succès consiste, lorsqu’ils citent des textes, à donner l’impression que ces textes n’ont, en somme, aucun s
483 Ces gens-là voudraient bien nous faire croire qu’ un texte est intéressant dans la mesure même où il est dépourvu de pitto
484 umains révélateurs, ce qui est tout de même aller un peu loin, puisque ainsi l’on supprime la notion même d’intéressant. D
485 la notion même d’intéressant. Donc Cingria défend une thèse : « Je m’appliquerai à désassocier et à mettre en face de lui-m
486 de lui-même le poète lyrique — rattaché encore à une école provençale qui est, à l’origine, de propulsion musicale, donc r
487 ueurs, musicographes, Notker, Dante, Nietzsche —, une pétulance idéologique qui s’exprime en notes, digressions et plaisant
488 s et plaisanteries jamais dépourvues d’ailleurs d’ une certaine onction épiscopale, d’une certaine politesse pompeuse qui es
489 s d’ailleurs d’une certaine onction épiscopale, d’ une certaine politesse pompeuse qui est la forme particulière de son iron
490 le titre de « monument critique ». Tel qu’il est, un petit chef-d’œuvre d’humanisme poétique. Car l’« érudition » de Cingr
491 occidentale, les méfaits de Cicéron, le commerce des vins dans la vallée du Rhône, la marche en montagne, le romantisme, l
492 t curieusement les doctrines de L’Ordre nouveau). Un style doucement retors, dont les moindres anicroches sont calculées j
493 de fantaisie assez relâchée. En quelques touches un peu bourrues, un peu précieuses, il jette l’esprit du lecteur dans le
494 ez relâchée. En quelques touches un peu bourrues, un peu précieuses, il jette l’esprit du lecteur dans le vif d’un sujet,
495 euses, il jette l’esprit du lecteur dans le vif d’ un sujet, et loin d’exploiter l’avantage de cette surprise, place aussit
496 iter l’avantage de cette surprise, place aussitôt une citation, oublie d’avoir raison, et nous laisse admirer cette prose d
497 er cette prose de la Renaissance où palpite, sous une sérénité qui est plutôt de l’enthousiasme dominé, l’opulente diversit
498 dominé, l’opulente diversité du monde. La qualité des traductions du latin, du bas latin et de l’italien dont ce livre est
499 précision savoureuse dans le rendu de l’esprit d’ un texte, mais cela toujours grâce à des inventions poétiques jouant sur
500 e l’esprit d’un texte, mais cela toujours grâce à des inventions poétiques jouant sur la lettre même, c’est-à-dire sur ce q
501 à-dire sur ce qu’il y a de plus significatif dans un écrit « signé ». 24. Et qui d’ailleurs n’exclut pas de petites féro
502 rocités soudaines, raffinées, ni le bavardage, ni une espèce d’indignation morale aux sursauts fréquents. 25. « Mais cela
503 ais cela (les patriotismes de l’Europe diverse et une ) était homogène et souple, vivant, sans faux arrêt, sans cet arrêt d’
504 reniant sa fin, elle ne sert plus que d’aliment à un dogmatisme populaire farouche, et se définit comme désavantageuse ».
12 1933, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Une main, par C. F. Ramuz (juin 1933)
505 Une main, par C. F. Ramuz (juin 1933)l Qu’on ait pris Ramuz pour un « 
506 . Ramuz (juin 1933)l Qu’on ait pris Ramuz pour un « régionaliste », c’est une de ces méprises qui peuvent servir à déte
507 on ait pris Ramuz pour un « régionaliste », c’est une de ces méprises qui peuvent servir à déterminer le niveau d’une certa
508 rises qui peuvent servir à déterminer le niveau d’ une certaine presse. Si l’on ne voit dans l’auteur d’Adam et Ève qu’une s
509 e. Si l’on ne voit dans l’auteur d’Adam et Ève qu’ une sorte de folkloriste, il faudra considérer l’auteur de Phèdre comme u
510 te, il faudra considérer l’auteur de Phèdre comme un archéologue, auteur de drames historiques. Que cherche Ramuz ? Une co
511 auteur de drames historiques. Que cherche Ramuz ? Une connaissance du particulier qui introduise à celle de l’élémentaire ;
512 che du pittoresque. Aucune de ses œuvres mieux qu’ Une Main n’en convaincra. On y sent, plus directe qu’ailleurs, sa pensée 
513 ensée ; on y voit de tout près, dans l’intimité d’ une chambre, comment sa pensée marche, insiste, souffre. Et cela ne se pa
514 re. Jamais il ne fut mieux lui-même. Il y fallait un cas très simple, un de ces cas où le mot « concret » devient presque
515 mieux lui-même. Il y fallait un cas très simple, un de ces cas où le mot « concret » devient presque synonyme de matériel
516 « concret » devient presque synonyme de matériel. Un bras cassé (le gauche) ; l’humiliation de la chute, l’angoisse d’être
517 on, l’esprit qui prend peur. La guérison naîtra d’ une résistance retrouvée26. Et Ramuz, apaisé, regarde tomber la neige : l
518 t à peine de lui. Dix petites pages émouvantes, d’ une confidence encore contrainte : « Ah ! comme je suis mal fait pour ma
519 mes tous mal faits. » On n’attendait pas de Ramuz un examen de conscience. S’il s’interroge, dans Une Main, c’est plutôt u
520 z un examen de conscience. S’il s’interroge, dans Une Main, c’est plutôt un examen de son corps. Examen forcé d’ailleurs, i
521 ce. S’il s’interroge, dans Une Main, c’est plutôt un examen de son corps. Examen forcé d’ailleurs, interrogation accidente
522 qu’elles ont toujours été à ses yeux : le fait d’ un défaut de présence au monde, d’une impuissance à saisir les choses. L
523 eux : le fait d’un défaut de présence au monde, d’ une impuissance à saisir les choses. Là réside la cause de la peur, qu’il
524 voue, et qui n’est sans doute que la méditation d’ un esprit dépourvu de prises sensibles. C’est un état d’âme qui caractér
525 n d’un esprit dépourvu de prises sensibles. C’est un état d’âme qui caractérise assez bien le monde moderne, le monde des
526 caractérise assez bien le monde moderne, le monde des hommes sans responsabilité et sans résistance propre, le monde des ho
527 esponsabilité et sans résistance propre, le monde des hommes qui ne sont plus présents à eux-mêmes, hommes sans pesée, homm
528 e, hommes de peu de poids, facilement entraînés. Une Main nous donne ainsi l’analyse élémentaire d’un des phénomènes les p
529 Une Main nous donne ainsi l’analyse élémentaire d’ un des phénomènes les plus importants d’aujourd’hui : la démoralisation.
530 Main nous donne ainsi l’analyse élémentaire d’un des phénomènes les plus importants d’aujourd’hui : la démoralisation. Dém
531 ts d’aujourd’hui : la démoralisation. Démoraliser un homme, c’est le priver de son pouvoir créateur. C’est le priver de sa
532 mille autres ? Cent-mille mains saluent le tyran, une main crée. Le temps est peut-être venu de penser avec ses mains. 26
533 résistent et vous contredisent, comme par exemple une maison trop grande, un feu de bois vert qu’on s’ingénie à allumer dan
534 disent, comme par exemple une maison trop grande, un feu de bois vert qu’on s’ingénie à allumer dans une cheminée qui tire
535 n feu de bois vert qu’on s’ingénie à allumer dans une cheminée qui tire mal. J’aime les choses qui sont à leur façon, tandi
536 Rougemont Denis de, « [Compte rendu] C. F. Ramuz, Une main  », La Nouvelle Revue française, Paris, juin 1933, p. 1001-1002.
13 1933, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Saint-Évremond ou L’humaniste impur, par Albert-Marie Schmidt (octobre 1933)
537 chmidt (octobre 1933)m Il est plaisant de voir un jeune auteur obtenir de nos jours un effet de surprise par l’emploi d
538 sant de voir un jeune auteur obtenir de nos jours un effet de surprise par l’emploi d’un style poli, nombreux, toujours pl
539 de nos jours un effet de surprise par l’emploi d’ un style poli, nombreux, toujours plein d’onction, parfois même de pompe
540 il le maintienne arbitrairement dans les cadres d’ une dogmatique morale : c’est plutôt qu’il suit Saint-Évremond de trop pr
541 il en fait valoir ainsi toutes les nuances, avec un art égal à son modèle. On voudrait pourtant qu’il lui donne parfois l
542 re, qu’il ne le garde point sans cesse à portée d’ un coup de patte qu’il s’abandonne lui-même à sa fantaisie, la plus joye
543 naisse. Tel qu’il est, ce petit volume nous offre un jeu serré et subtil, et dont le spectacle n’est pas vain. M. Schmidt
544 de choisir. Il croit pouvoir entretenir avec Dieu des rapports de politesse. Cela pourrait bien être la formule du désordre
545 Rien ne le dissimule mieux que le demi-sourire d’ une raison éclairée et mondaine. La nouveauté de l’essai d’Albert-Marie
546 èmes, à force de les éclaircir », et l’impureté d’ un humanisme que l’on croyait tempéré et limpide, mais que l’on voit « s
547 hauffer, se brouiller » aux premières instances d’ un choix radical et véritablement ordonnateur. Le chapitre le plus remar
548 t par leur raffinement, par leur perfection même, une anarchie spirituelle dont elles constituent probablement l’unique rem
14 1933, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Le Deuxième Jour de la Création, par Ilya Ehrenbourg (décembre 1933)
549 faut pour entraîner l’adolescence avide de servir une grande cause et de se sacrifier pour le bonheur collectif. Chanson de
550 inant dans cette région de la Sibérie. Entre eux, une jeune et touchante Irina, qui choisira bien entendu Kolka dès qu’elle
551 force et le charme de ce roman sont ceux mêmes d’ une jeunesse fruste, innocente jusque dans ses cruautés ; tout jugement s
552 ntiers à l’auteur. Ehrenbourg a utilisé pêle-mêle une masse de documents qui parlent d’eux-mêmes. Ils parlent peut-être plu
553 -être plus qu’ils ne devraient. Ils nous montrent une jeunesse russe assez peu marxiste, mais encore moins révolutionnaire.
554 ntale, formidablement conformiste. Le puritanisme des komsomols a ceci de spécifiquement ennuyeux qu’il ne crée pas en eux
555 pas en eux le moindre refoulement. Ce qui suppose une remarquable absence d’imagination. Le prochain plan y pourvoira peut-
556 Tout cela est en pleine métamorphose. Mais voici un fait plus inquiétant : ce livre montre, par vingt exemples irréfutabl
557 aire, dans cette frénésie de bonne humeur, il y a une question. Non pas un doute, mais quelque chose qui veut une réponse,
558 sie de bonne humeur, il y a une question. Non pas un doute, mais quelque chose qui veut une réponse, et qui est d’autant p
559 on. Non pas un doute, mais quelque chose qui veut une réponse, et qui est d’autant plus tragique qu’ils ne savent plus le f
15 1934, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Taille de l’homme, par C. F. Ramuz (avril 1934)
560 e l’homme, par C. F. Ramuz (avril 1934)o Après Une Main, confession réticente, d’une discrétion presque farouche, et dan
561 1934)o Après Une Main, confession réticente, d’ une discrétion presque farouche, et dans la même lignée que Le Grand Prin
562 Le Grand Printemps et Raison d’Être, voici encore un essai de Ramuz, mais de tous le moins ramuzien : il s’agit cette fois
563 ’idées générales, ce qui est assez paradoxal dans une telle œuvre. Le sujet de Taille de l’Homme, c’est en effet l’oppositi
564 eur foi, les marxistes. Mais ce qu’il décrit avec une véritable puissance, c’est l’aboutissement du marxisme : l’isolement
565 esterait pas moins, par le fait de son être même, une protestation contre le matérialisme dialectique. Quand on possède, co
566 e sens de la communauté — indissolubles —, on est une objection vivante à tout individualisme, à tout communisme, à tout « 
567 sme ». Quand on est à ce point possédé par la vie des choses et des êtres, on n’a pas besoin d’arguments pour faire sentir
568 n est à ce point possédé par la vie des choses et des êtres, on n’a pas besoin d’arguments pour faire sentir l’absurdité de
569 besoin d’arguments pour faire sentir l’absurdité des « lois » qui, pour certains intellectuels, figurent la réalité. Une œ
570 pour certains intellectuels, figurent la réalité. Une œuvre comme Adam et Ève nous le fait voir tout aussi bien que cet ess
571 e à calculer sa propre mort. Mais Ramuz n’est pas un bourgeois. Il peut attendre : son attente est présence, et porte en s
572 espèce. On ne calcule pas avec la vie, mais avec des quantités mortes. Ceux qui se vantent d’être calculables ont très pro
573 calculables ont très probablement raison : c’est une constatation de décès spirituel, à peine anticipée peut-être. Mais il
574 les philosophes de Moscou, ont abouti, en 1932, à des définitions tellement abstruses de cette fameuse « matière » sur laqu
575 nt, pour en finir, de fixer la saine doctrine par un ukase condamnant à la fois les mécanistes et les dialecticiens. On pa
576 rle encore du « diamat »29, mais ce n’est plus qu’ un conformisme d’État. C’est, à peu près, l’ukase en moins, ce qui s’est
577 a bien vu le choix, mais l’a-t-il fait ? Il veut un monde à la taille de l’homme. Il sait aussi que la mesure de cette ta
578 sait aussi que la mesure de cette taille est dans une foi, dans « quelque chose qui dépasse l’homme et le suppose en même t
579 ès). 27. Pas la Nature de Rousseau, – la Nature des choses. 28. Certains écrivains marxistes français protestent avec la
580 crains que ce soit, chez la plupart d’entre eux, un réflexe de bourgeois plutôt que d’homme. « Précédence, et non pas pri
16 1934, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Le Procès, par Franz Kafka (mai 1934)
581 ’œuvre de Kafka, mais il est difficile d’imaginer un livre plus profond. On a même l’impression en le lisant, de lire pour
582 ssion en le lisant, de lire pour la première fois un livre absolument profond. Non qu’il prétende percer les apparences du
583 rcer les apparences du monde pour s’enfoncer dans un ésotérisme, au contraire : il se borne à décrire ces apparences avec
584 raire : il se borne à décrire ces apparences avec une minutie qui suffit à dénoncer leur absurdité réelle, en même temps qu
585 uffer le scandale. Josef K… fondé de pouvoir dans une banque, se voit arrêté un beau matin par deux inspecteurs. Ces messie
586 fondé de pouvoir dans une banque, se voit arrêté un beau matin par deux inspecteurs. Ces messieurs lui apprennent qu’il e
587 lle, non pas du procès, qui n’a jamais lieu, mais des préliminaires, des démarches que tente l’accusé auprès d’une justice
588 cès, qui n’a jamais lieu, mais des préliminaires, des démarches que tente l’accusé auprès d’une justice insaisissable, infi
589 naires, des démarches que tente l’accusé auprès d’ une justice insaisissable, infiniment pédante, corrompue et capricieuse,
590 capricieuse, dont les bureaux sont installés dans des faubourgs ignobles ou des greniers. Jamais K… ne parvient à l’instanc
591 aux sont installés dans des faubourgs ignobles ou des greniers. Jamais K… ne parvient à l’instance suprême ; jamais personn
592 y parvenir. À la fin du cauchemar, on le tue dans des conditions trop déprimantes pour qu’il puisse songer même à résister.
593 qu’il puisse songer même à résister. C’est ainsi une suspension du jugement qui est tout le drame du Procès. Constatation
594 appeler la vision métaphysique. Tous les efforts des hommes — y compris les philosophes — consistent peut-être à échapper
595 n n’atteint jamais, ces avocats qui parlent comme des prêtres, et qui sont de mèche avec la justice, ces prévenus en libert
596 me sans Dieu », mais la misère de l’homme livré à un Dieu qu’il ne connaît pas, parce qu’il ne connaît pas le Christ. « Nu
597 cette foi, et parce qu’elle nous permet de faire un pas et « d’en sortir » que nous connaissons notre état, que nous mesu
17 1935, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Ni gauche ni droite (août 1935)
598 . Aujourd’hui l’on se voit sommé de choisir entre un front qui se dit « national » et un front qui se dit « populaire ». F
599 choisir entre un front qui se dit « national » et un front qui se dit « populaire ». Faudrait-il en déduire que le peuple
600 ts : voilà bien le désordre où nous vivons. C’est une anarchie sémantique. On me fait observer que l’opposition n’est pas e
601 à droite, la peur de la gauche. Je vois à droite une tentation fasciste, trop faible encore pour oser s’avouer ; à gauche
602 trop faible encore pour oser s’avouer ; à gauche une peur du fascisme assez forte déjà pour que la masse accepte l’idée d’
603 sez forte déjà pour que la masse accepte l’idée d’ une dictature… « antifasciste ». Tout cela se joue sur des mots, et ces m
604 ictature… « antifasciste ». Tout cela se joue sur des mots, et ces mots ne traduisent que des religions vagues, nées de la
605 joue sur des mots, et ces mots ne traduisent que des religions vagues, nées de la peur, et comme telles meurtrières. Les f
606 gents, du côté d’Hitler par exemple. Staline veut une armée française puissante, il approuve la loi de deux ans. « Staline
607 ne, disent les droites, a tort : car nous voulons une armée forte, mais non pas en vertu d’un conseil bolcheviste. La quest
608 voulons une armée forte, mais non pas en vertu d’ un conseil bolcheviste. La question se ramène à ceci : si tout le monde
609 à ceci : si tout le monde était mis d’accord par une agression hitlérienne, irait-on se battre au nom de la liberté nation
610 la liberté populaire ! Flatus vocis ! Il n’y a qu’ une seule manière de tirer à la mitrailleuse et de se faire casser la fig
611 e de la culture n’ait rien tenté pour débrouiller un peu le complexe de mots adultérés qui encombre la vie politique et qu
612 a culture, ce serait d’abord rendre aux mots-clés un sens commun. Mais il me semble qu’on a fait tout autre chose, au Pala
613 l me semble qu’on s’est entendu pour « cultiver » des équivoques verbales assez grossières. L’équivoque sur le mot liberté
614 rté par exemple : c’était jusqu’à présent le fait des ligues que de proclamer la liberté en préparant la dictature. Jamais
615 . Ni la gauche ni la droite ne pourront aboutir à une doctrine constructive tant qu’elles s’efforceront de dénaturer les gr
18 1935, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Paracelse, par Frédéric Gundolf (septembre 1935)
616 Gundolf (septembre 1935)r Paracelse ne fut pas un mage, ou plutôt si l’on veut qu’il l’ait été, au sens où l’on dirait
617 ’on dirait qu’Einstein, interprète du cosmos, est un mage, il ne fut pas un magicien. Il erra toute sa vie, d’auberges en
618 interprète du cosmos, est un mage, il ne fut pas un magicien. Il erra toute sa vie, d’auberges en universités, suivi d’un
619 toute sa vie, d’auberges en universités, suivi d’ une troupe de disciples turbulents, à la recherche de secrets qu’il voula
620 es à tous, et qu’il exprimait, comme Luther, dans un allemand populaire et grossier30. Il faut se méfier de la gloire qu’o
621 iable qui lui conseilla de se faire enterrer pour une année, coupé en petits morceaux, dans du crottin de cheval, et de fai
622 val, et de faire subir à son corps toute la gamme des combinaisons alchimiques afin de ressusciter ensuite sous la forme d’
623 iques afin de ressusciter ensuite sous la forme d’ un beau jeune homme. Il se fit tailler en morceaux et enterrer par son f
624 , le crâne seul n’avait pas tout à fait repoussé. Un peu d’air pénétra dans le cerveau et Paracelse dut mourir avant d’avo
625 Rajeunir son corps et son âme par l’ordure, c’est un des thèmes favoris de notre temps. Mais combien, parmi nous, se sont
626 eunir son corps et son âme par l’ordure, c’est un des thèmes favoris de notre temps. Mais combien, parmi nous, se sont fait
627 im, qui était né en Suisse allemande, n’était pas un énergumène, mais un savant complet comme il faut espérer que nous en
628 Suisse allemande, n’était pas un énergumène, mais un savant complet comme il faut espérer que nous en reverrons bientôt, u
629 me il faut espérer que nous en reverrons bientôt, un savant qui voulait harmoniser sa petite spécialité avec les sciences
630 ’ignorer longtemps, l’astrologie et la théologie. Un grand souci paraît dans toute son œuvre : il veut être clair, et util
631 ussi a-t-on souvent tendance à le rejeter du côté des mystiques, où cependant il n’a que faire, avec son goût de l’expérien
632 le chose dont nous soyons abondamment fournis : d’ un attirail de concepts à tout faire31. Il faut voir comme il se débat a
633 tit livre de Gundolf. C’est l’œuvre synthétique d’ un philosophe des formes culturelles, plutôt que d’un historien de la sc
634 undolf. C’est l’œuvre synthétique d’un philosophe des formes culturelles, plutôt que d’un historien de la science. Les hist
635 n philosophe des formes culturelles, plutôt que d’ un historien de la science. Les historiens font la grimace, mais les let
636 omblés. Gundolf décrit l’œuvre de Paracelse comme un drame de l’expression, une tragédie de la terminologie, une « lutte a
637 uvre de Paracelse comme un drame de l’expression, une tragédie de la terminologie, une « lutte accablante pour l’expression
638 de l’expression, une tragédie de la terminologie, une « lutte accablante pour l’expression des choses jamais dites ». Parac
639 nologie, une « lutte accablante pour l’expression des choses jamais dites ». Paracelse a vu plus de choses qu’il ne pouvait
640 e étiologie se borne la plupart du temps à mettre un nom abstrait sur chaque symptôme, Paracelse ne veut nommer les maladi
641 trouve aussi le remède. Pour connaître et guérir une maladie, il ne suffit pas de voir l’homme seul ; il faut considérer s
642 dérer sa relation avec le monde, dont il n’est qu’ un membre, un reflet. So oben wie unten. L’astrologie de Paracelse n’est
643 lation avec le monde, dont il n’est qu’un membre, un reflet. So oben wie unten. L’astrologie de Paracelse n’est pas une su
644 en wie unten. L’astrologie de Paracelse n’est pas une superstition de devin, c’est une science de la guérison fondée sur le
645 acelse n’est pas une superstition de devin, c’est une science de la guérison fondée sur le principe hippocratique des simil
646 la guérison fondée sur le principe hippocratique des similia similibus, principe qu’on retrouve à la base de l’homéopathie
647 psychanalyse. Paracelse s’était formé de l’homme une conception spirituelle et organique (théologique-astrologique) à laqu
648 elle notre science est en train de revenir, après une sombre époque cérébrale et matérialiste. Il s’opposait32 aux médecins
649 s galénistes qui voyaient l’homme sous l’aspect d’ un concept. Il se fût opposé aussi aux médecins de la Renaissance, à Léo
650 nous ont conduits à considérer notre corps comme une espèce de moteur démontable. Ainsi le grand docteur « macrocosmique »
651 e l’esprit vitaliste de Paracelse, brève synthèse des idées les plus neuves, qui sont aussi les plus antiques, sur la natur
652 a maladie, ouvrage dont on peut dire qu’il marque une date dans l’histoire de la connaissance du monde par le corps, ou si
653 . Le retour à Paracelse auquel nous assistons est un des signes marquants de ce temps-ci. Le symbole d’une révolution astr
654 e retour à Paracelse auquel nous assistons est un des signes marquants de ce temps-ci. Le symbole d’une révolution astronom
655 des signes marquants de ce temps-ci. Le symbole d’ une révolution astronomique de la culture occidentale. Peut-être avons-no
656 ation de la vie. Peut-être avons-nous passé l’âge des rationalismes trop courts, de la mythologie féroce des ismes, de Marx
657 ationalismes trop courts, de la mythologie féroce des ismes, de Marx et des capitalistes, des adorateurs de la mort, triomp
658 ts, de la mythologie féroce des ismes, de Marx et des capitalistes, des adorateurs de la mort, triomphe des chiffres et des
659 ie féroce des ismes, de Marx et des capitalistes, des adorateurs de la mort, triomphe des chiffres et des laboratoires. Peu
660 capitalistes, des adorateurs de la mort, triomphe des chiffres et des laboratoires. Peut-être allons-nous revenir non pas à
661 s adorateurs de la mort, triomphe des chiffres et des laboratoires. Peut-être allons-nous revenir non pas à l’humanisme mai
662 pas à l’humanisme mais à l’homme, considéré comme un miroir du ciel entier. Certes, elle n’est pas seulement cruelle et fo
663 ue qui nous offre de si grandes chances. Et c’est une ère favorable qui s’ouvre, celle où l’esprit se remet à chercher ce q
664 aux différents minerais. Avec sa vision nouvelle des choses, il étudia aussi les effets des métaux et des vapeurs sur les
665 n nouvelle des choses, il étudia aussi les effets des métaux et des vapeurs sur les ouvriers, observa la démarche, le genre
666 choses, il étudia aussi les effets des métaux et des vapeurs sur les ouvriers, observa la démarche, le genre de vie et l’a
667 observa la démarche, le genre de vie et l’aspect des mineurs et conçut ainsi, le premier, l’importance de l’hygiène profes
668 iène professionnelle » ? 32. Euphémisme résumant des chapitres entiers d’effroyables et puériles injures. « Votre Esculape
669 era pour la vertu, quarte colonne de la médecine, un grand spectacle ! » (Liber Paragranum). r. Rougemont Denis de, « [C
19 1935, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Recherches philosophiques (septembre 1935)
670 s ce tome IV au profit de la recherche véritable, des imprudences passionnées, des « essais » ou des hardiesses simplificat
671 recherche véritable, des imprudences passionnées, des « essais » ou des hardiesses simplificatrices. Philosopher signifie c
672 e, des imprudences passionnées, des « essais » ou des hardiesses simplificatrices. Philosopher signifie chercher et non rat
673 iociner. On ne saurait assez louer les directeurs des Recherches d’avoir pris au sérieux le risque philosophique. Et je ne
674 tendance en insistant ici exclusivement sur trois des écrits les moins « orthodoxes » qu’ils ont accueillis cette année. La
675 x et Kierkegaard fournit à l’orientation actuelle des Recherches une sorte de justification historique de grande envergure.
676 d fournit à l’orientation actuelle des Recherches une sorte de justification historique de grande envergure. Löwith voit en
677 ndrement de l’idéalisme hégélien sous la pression des réalités humaines élémentaires, voilà le fait historique capital sur
678 ue capital sur lequel se fonde l’attitude commune des intellectuels révolutionnaires, qu’ils soient humanistes ou chrétiens
679 alistes. Désormais, la philosophie cessera d’être une simple description : elle va devenir action transformatrice, et produ
680 te de cette crise essentielle révélée par l’échec des synthèses hégéliennes comme constitutive de l’humain, certains pensen
681 la personne dans le temps paraîtront par endroits un peu sommaires, mais ce défaut procède de la vigueur joyeuse dont l’au
682 oyeuse dont l’auteur fait preuve dans l’attaque d’ un problème entre tous urgent. Il se pourrait d’ailleurs que l’apparence
683 Il se pourrait d’ailleurs que l’apparence brutale des thèses personnalistes soit le fait, provisoire, de toute philosophie
684 l sur les Limites du langage philosophique. C’est une recherche des conditions d’activité de l’imagerie philosophique, cond
685 tes du langage philosophique. C’est une recherche des conditions d’activité de l’imagerie philosophique, conduite avec un b
686 tivité de l’imagerie philosophique, conduite avec un bon sens socratique, un sens du concret de l’esprit qui enchante en m
687 losophique, conduite avec un bon sens socratique, un sens du concret de l’esprit qui enchante en moi le disciple de Kierke
688 ute action réelle résident dans la restauration d’ un langage efficace. C’est dire l’intérêt, au sens fort, de l’apport des
689 . C’est dire l’intérêt, au sens fort, de l’apport des poètes à la philosophie et à l’éthique. Les études de E. Weil sur l’h
690 oménologiques du Dr Minkowski, les approximations un peu hésitantes — est-ce un reproche ? — de G. Marcel sur l’acte et la
691 ki, les approximations un peu hésitantes — est-ce un reproche ? — de G. Marcel sur l’acte et la personne, mériteraient bea
692 cte et la personne, mériteraient beaucoup plus qu’ une simple mention. J’aurais aimé analyser aussi les trois pages où Jean
693 Stern sur l’a posteriori, bien caractéristique d’ un certain renouveau du réalisme. Je me bornerai à signaler pour finir l
694 de P. Klossowski sur Sade, où il est démontré par des voies imprévues, comment la négation de Dieu entraîne la négation du
695 on de Dieu entraîne la négation du prochain, dans un esprit voué à la plus torturante logique. s. Rougemont Denis de, «
20 1935, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Lawrence et Brett par Dorothy Brett ; Matinées mexicaines suivi de Pansies (poèmes), par D. H. Lawrence (octobre 1935)
696 discret, sensible, qui convient à la confession d’ un sentiment ni partagé ni rebuté, et résigné dès le début à cet état. L
697 d’écrit, c’est de nous laisser lire dans le jeu d’ un être humain : rien ne flatte mieux notre désir d’ubiquité. À cet égar
698 e. Il parvient à ne rien cacher tout en restant d’ une exacte pudeur. Mais enfin, c’est tout de même pour Lawrence qu’on lit
699 ses de sa vie33. A-t-on remarqué l’extrême rareté des documents accessibles sur la manière de vivre de nos contemporains ?
700 anière de vivre de nos contemporains ? Nous avons des reportages et des biographies, c’est-à-dire des moyennes et des excep
701 nos contemporains ? Nous avons des reportages et des biographies, c’est-à-dire des moyennes et des exceptions, de la stati
702 s des reportages et des biographies, c’est-à-dire des moyennes et des exceptions, de la statistique et du pittoresque. Mais
703 et des biographies, c’est-à-dire des moyennes et des exceptions, de la statistique et du pittoresque. Mais où trouver la d
704 et du pittoresque. Mais où trouver la description des journées, des occupations, des manières de réagir d’un homme réel aux
705 que. Mais où trouver la description des journées, des occupations, des manières de réagir d’un homme réel aux prises avec s
706 ver la description des journées, des occupations, des manières de réagir d’un homme réel aux prises avec son métier, ses vo
707 urnées, des occupations, des manières de réagir d’ un homme réel aux prises avec son métier, ses voisins, sa femme, son arg
708 a femme, son argent ou son manque d’argent ; avec des ustensiles, une scie, un cheval ; avec les sentiments et les idées de
709 ent ou son manque d’argent ; avec des ustensiles, une scie, un cheval ; avec les sentiments et les idées des autres, et leu
710 manque d’argent ; avec des ustensiles, une scie, un cheval ; avec les sentiments et les idées des autres, et leurs histoi
711 cie, un cheval ; avec les sentiments et les idées des autres, et leurs histoires ; avec le train banal des embêtements et d
712 autres, et leurs histoires ; avec le train banal des embêtements et des petites chances ? — Voici alors, entre cent autres
713 istoires ; avec le train banal des embêtements et des petites chances ? — Voici alors, entre cent autres, cette description
714 ici alors, entre cent autres, cette description d’ une journée de Lawrence dans son ranch mexicain (c’est à Lawrence que Bre
715 . À déjeuner, vous me dites que Clarence avait eu une conversation avec Tony au cours de laquelle il lui avait déclaré que
716 er le parquet de la cuisine à genoux ; à l’aide d’ une petite brosse à mains, vous frottez les vieilles planches pourries. C
717 de vous ainsi qui m’a fait peindre ces planchers, des années plus tard, pour que vous n’ayez plus jamais à les frotter. Apr
718 tout ce qui vous tombe sous la main et vous lavez des choses toute la journée. À cinq heures nous allons chercher les cheva
719 ercher le lait, mais vous êtes blême et fatigué. Un trait qui manque par hasard dans cette page, et qu’on retrouve dans t
720 dans toutes les autres, c’est la mauvaise humeur des Lawrence, leur humeur rageuse, faut-il dire, coupée d’accès de malice
721 humeur est sans doute la caractéristique générale des hommes d’aujourd’hui : c’est qu’ils croient au bonheur et à l’argent,
722 t, les deux choses les plus irritantes du monde. ( Un sous-produit et un moyen pris pour fins.) Mais justement Lawrence ne
723 les plus irritantes du monde. (Un sous-produit et un moyen pris pour fins.) Mais justement Lawrence ne croyait ni à l’un n
724 somme, bien qu’il prêche tout le temps, il attend des autres beaucoup plus qu’il n’est disposé à leur donner. « Soyez ! Ah 
725 n’est disposé à leur donner. « Soyez ! Ah ! Soyez un soleil pour moi — Et non une lassante et exigeante personnalité. » L’
726 « Soyez ! Ah ! Soyez un soleil pour moi — Et non une lassante et exigeante personnalité. » L’homme moderne, dit Keyserling
727 dit Keyserling, n’a pas de prochains ; il n’a que des voisins inévitables. Voilà Lawrence, l’homme sans prochain. Car le pr
728 s bêtes, les choses. Envers elles, il est plein d’ une espèce de charité patiente et ingénieuse. D’où son amour des travaux
729 de charité patiente et ingénieuse. D’où son amour des travaux manuels. Comme tout cela est rafraîchissant, satisfaisant, fi
730 On allait oublier l’écrivain. Il est là, adossé à un pin, avec sa chemise bleue, ses culottes de velours blanc, et son gra
731 rire sur ses genoux. (Pendant que les autres font une carrière dans le « monde des lettres » et se composent un prestige !)
732 que les autres font une carrière dans le « monde des lettres » et se composent un prestige !) Il invente ses histoires, se
733 ère dans le « monde des lettres » et se composent un prestige !) Il invente ses histoires, secrètement animées par « les b
734 eusement, il les approche avec méfiance et tout d’ un coup les pousse par-derrière, et rit. C’est un long enfant maigre au
735 d’un coup les pousse par-derrière, et rit. C’est un long enfant maigre au regard narquois et inquiet, et qui s’est mis un
736 e au regard narquois et inquiet, et qui s’est mis une barbe rousse pour avoir l’air d’un faune. 33. Même question pour le
737 qui s’est mis une barbe rousse pour avoir l’air d’ un faune. 33. Même question pour les Conversations avec Eckermann, pou
738 oi la religion solaire que prêche Lawrence. C’est un rêve de compensation. C’est l’expression de son impuissance à résoudr
739 nce à résoudre ce que j’appellerais le « problème des gens », qui est moins grandiose et beaucoup plus encombrant… t. Rou
21 1935, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Les Mystiques allemands du xiiie au xixe siècle, par Jean Chuzeville (octobre 1935)
740 cle, par Jean Chuzeville (octobre 1935)u C’est une entreprise incertaine que celle d’offrir à la curiosité moderne les t
741 n même temps que par notre scepticisme religieux. Une telle disposition d’esprit nous incite à séparer ce qui était lié che
742 ption) devant les témoignages qu’on nous propose. Un peu plus d’exigence philosophique conduirait certainement la plupart
743 oitesse positiviste, qui réduira tout cela au jeu des complexes freudiens ? Tout dépend de ce que l’on attend de l’homme et
744 r ne se pose plus. Car la foi n’est pas davantage une évasion hors de ce monde qu’une limitation de l’homme au temporel. La
745 est pas davantage une évasion hors de ce monde qu’ une limitation de l’homme au temporel. La foi réelle, c’est la puissance
746 , comme le veut M. Chuzeville, que la « recherche des moyens par lesquels l’âme arrive à transgresser ses limites charnelle
747 pe ». La question est alors de savoir s’il existe une mystique vraiment chrétienne, une mystique qui ne soit pas cette « tr
748 oir s’il existe une mystique vraiment chrétienne, une mystique qui ne soit pas cette « transgression » et cet oubli de nos
749 x d’humilité dévote. Ceci marqué, qui est plus qu’ une réserve, il convient de remercier M. Chuzeville de nous avoir ouvert
750 ille de nous avoir ouvert par son anthologie tout un monde spirituel et poétique plein de dangereuses merveilles. Le choix
751 oétique plein de dangereuses merveilles. Le choix des textes me paraît des plus heureux, la traduction ferme et coulante. L
752 ereuses merveilles. Le choix des textes me paraît des plus heureux, la traduction ferme et coulante. La plupart des mystiqu
753 k mis à part ; et beaucoup sont de grands poètes, des philosophes terriblement concrets : Maître Eckhart, Suso, Tauler, Fra
754 on s’étonnera sans doute de le voir figurer dans un choix de « mystiques », alors qu’il est le premier défenseur de l’exp
755 remier défenseur de l’expériencev. Mais la beauté des textes cités fait pardonner bien volontiers cette erreur de classific
756 zeville s’est-il laissé guider dans son choix par un préjugé historique que le « Mage du Nord » eût trop évidemment déconc
757 Ce préjugé consiste à rendre Luther responsable d’ une scission dans la culture et la spiritualité allemandes, scission abou
758 spiritualité allemandes, scission aboutissant par une série d’actions et de réactions dialectiques « au romantisme, au révo
759 e marxisme. Voilà pourquoi le peuple allemand est un peuple empoisonné (p. 19). Cette généalogie des monstres germaniques
760 st un peuple empoisonné (p. 19). Cette généalogie des monstres germaniques obsède décidément nos universitaires. Elle relèv
761 sède décidément nos universitaires. Elle relève d’ un nationalisme de manuels, pour ne pas dire, avec E. R. Curtius, d’une
762 manuels, pour ne pas dire, avec E. R. Curtius, d’ une « propagande de guerre » qu’on aimait à croire périmée. M. Chuzeville
763 ichte et de Hegel, d’où sont effectivement sortis un certain nationalisme et la doctrine du jeune Marx, on ne voit pas du
764 ndications fécondes de sa préface et nous donnait une bonne étude sur le lyrisme romantique considéré comme une sécularisat
765 e étude sur le lyrisme romantique considéré comme une sécularisation du mysticisme. Il m’a semblé que cette perspective spi
766 eule que dégageât sans équivoque la confrontation des mystiques et de la mentalité moderne. 35. Ce que je pardonne moins
767 asion dissimuler, comme l’indique le choix même d’ un pseudonyme. L’alchimiste médecin Paracelse, en réalité, se nommait Th
768 mait Theophilus Bombast ». Or Paracelse n’est pas un pseudonyme, mais un des trois prénoms du médecin, qui se nommait, « e
769 ast ». Or Paracelse n’est pas un pseudonyme, mais un des trois prénoms du médecin, qui se nommait, « en réalité », Théophr
770  ». Or Paracelse n’est pas un pseudonyme, mais un des trois prénoms du médecin, qui se nommait, « en réalité », Théophraste
771 nck et Weigel. Quant à Luther, il le juge d’après un résumé, confectionné par Gonzague Truc, du pamphlet de Maritain, lequ
22 1935, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). « Le plus beau pays du monde » (octobre 1935)
772 cent n’en conçoivent. Pour vous le prouver, voici une anecdote d’Angleterre : elle doit donc être vraie. Une petite fille a
773 necdote d’Angleterre : elle doit donc être vraie. Une petite fille aux cheveux carotte, nommée Alice, écrit ceci dans son d
774 « L’Angleterre est le plus beau pays du monde. » Un inspecteur passait par là. Il lit le devoir. Tonnerre et foudres de c
775 nterpelle les communes. Qui à leur tour infligent un blâme à l’inspecteur ; car si l’École se met à « décourager l’orgueil
776 nte, et qui ne manque pas de féliciter la Chambre des communes. (Gazette de Francfort, du 31 juillet). On dirait une « hist
777 (Gazette de Francfort, du 31 juillet). On dirait une « histoire idiote ». Tout y est faux. C’est incroyable à quel point c
778 urd’hui sur la politique, à l’article du Temps, à un cerveau d’homme de gauche ou d’homme de droite. D’abord « impérialism
779 ue voulait dire l’inspecteur (à moins qu’il n’ait une conception conquérante de la beauté ?). « Démodé » : on se demande da
780 ationalisme existe parce qu’on l’enseigne ; c’est une mystique, un idéal abstrait, un orgueil. Il existe dans la mesure où
781 iste parce qu’on l’enseigne ; c’est une mystique, un idéal abstrait, un orgueil. Il existe dans la mesure où on l’exalte.
782 enseigne ; c’est une mystique, un idéal abstrait, un orgueil. Il existe dans la mesure où on l’exalte. Le patriotisme, c’e
783 eule mesure où il va de soi ; il faut qu’il reste un lien obscur, informulé, un fait sentimental et tellurique, un ensembl
784  ; il faut qu’il reste un lien obscur, informulé, un fait sentimental et tellurique, un ensemble de goûts et d’habitudes q
785 ur, informulé, un fait sentimental et tellurique, un ensemble de goûts et d’habitudes qui ne comporte ni orgueil ni modest
786 i vous voulez. L’idée même de s’en vanter indique un trouble. — Enfin, voilà les hitlériens qui trouvent très bon qu’on di
787 leterre est le plus beau pays du monde » comporte un sens rationnel ; que c’est un jugement qui conclut d’une comparaison.
788 du monde » comporte un sens rationnel ; que c’est un jugement qui conclut d’une comparaison. Mais en réalité, lorsque la p
789 s rationnel ; que c’est un jugement qui conclut d’ une comparaison. Mais en réalité, lorsque la petite Alice écrit que l’Ang
790 el et tel autre. C’est tout au contraire exprimer un refus pur et simple de comparer. C’est affirmer une préférence incond
791 n refus pur et simple de comparer. C’est affirmer une préférence inconditionnelle. C’est reconnaître et accepter le fait co
792 . C’est reconnaître et accepter le fait concret d’ un attachement qui ne comporte pas de choix délibéré. Par malheur, l’ens
793 riotique et tente de le rationaliser : il en fait un objet de discours. Par là même il le rend absurde. Il le « mystifie »
794 aison, et rien n’est plus absurde que de comparer un pays à un autre, un amour à un autre, car où est l’étalon, où est la
795 rien n’est plus absurde que de comparer un pays à un autre, un amour à un autre, car où est l’étalon, où est la mesure com
796 plus absurde que de comparer un pays à un autre, un amour à un autre, car où est l’étalon, où est la mesure commune, et q
797 de que de comparer un pays à un autre, un amour à un autre, car où est l’étalon, où est la mesure commune, et qui connaît
798 Le malfaisant nationalisme n’est rien d’autre qu’ une rationalisation mensongère du sentiment patriotique. C’est l’interven
23 1936, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Sur l’esprit incarné (février 1936)
799 ssion pour s’exercer en toute liberté. » Il écrit un peu plus loin qu’il déplore la disparition « des grandes disciplines
800 t un peu plus loin qu’il déplore la disparition «  des grandes disciplines intellectuelles, singulièrement des études théolo
801 andes disciplines intellectuelles, singulièrement des études théologiques ou simplement logiques ». S’il m’est permis de fa
802 ttaque ont jamais prétendu que leur politique fût une « incarnation » de l’esprit ; 2° au cas où ils l’auraient fait, ce qu
803 droit d’opposer esprit pur à esprit incarné dans des termes tels qu’esprit incarné devienne synonyme de trahison intéressé
804 (aux intérêts politiques) évoque précisément pour un chrétien l’opposition de Pilate et des docteurs nationalistes juifs q
805 sément pour un chrétien l’opposition de Pilate et des docteurs nationalistes juifs qui criaient avec la populace : Crucifie
806 s’en lave les mains ne risque pas de faire le jeu des clercs qui crient avec les loups, et de trahir de la sorte doublement
807 ble d’y échapper. Depuis huit ans que sa Trahison des Clercs est apparue, M. Benda s’y applique pourtant non sans bonheur,
808 ier article est trop clair. Il n’y manque plus qu’ une épigraphe, qui conviendrait d’ailleurs à tous ses livres : ut evacuat
24 1936, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Dictature de la liberté, par Robert Aron (mars 1936)
809 audelaire. Celui d’Aron unit ces deux vertus, par une sorte d’ellipse tout à fait révélatrice du mouvement de sa pensée, et
810 l faut organiser la liberté. Mais c’est encore là une ellipse ; l’on dira qu’une liberté organisée n’en est plus une. Expli
811 . Mais c’est encore là une ellipse ; l’on dira qu’ une liberté organisée n’en est plus une. Expliquons-nous ; il faut organi
812 l’on dira qu’une liberté organisée n’en est plus une . Expliquons-nous ; il faut organiser le matériel — la dictature36 seu
813 faut soumettre la dictature à la liberté, il faut une dictature pour la liberté — une dictature de la liberté. Ce serait le
814 liberté, il faut une dictature pour la liberté — une dictature de la liberté. Ce serait le plus beau « titre » du siècle.
815 s parce qu’ils en ignorent les fins. Cette erreur des fameux techniciens nous vaut les tyrannies actuelles. Considérant le
816 , à leurs yeux « matérielles d’abord ». Cette vue des plus courantes à Rome, à Berlin, à Moscou, nous vaut diverses dictatu
817 les, pour n’avoir pas été soumises dès le début à une volonté perspicace et fanatique de libération, ne tardent pas à se re
818 ersonne. Si la personne n’est pas déjà au début d’ un calcul pratique, on ne la retrouvera jamais au terme ; et la rigueur
819 le prouve toute l’histoire moderne, qui est celle des révolutions étranglées par l’État et sa police. Telles sont les bases
820 sa police. Telles sont les bases — algébrisées — des recherches de L’Ordre nouveau. Robert Aron les a décrites avec une so
821 L’Ordre nouveau. Robert Aron les a décrites avec une sobre et nerveuse précision37 qui tranche sur le verbiage technico-hu
822 ’urgence ». Précision qui d’ailleurs n’exclut pas une éloquence qu’on dirait jacobine si un humour très personnel ne venait
823 exclut pas une éloquence qu’on dirait jacobine si un humour très personnel ne venait sans cesse la rabattre au concret. On
824 uveau, et la difficulté de le résumer à l’usage d’ un public qu’il faut sans cesse prévenir contre les pires malentendus, l
825 tension et de décision spirituelle que supposait un tel ouvrage. M. Thibaudet réclamait ici même une critique qui « conti
826 t un tel ouvrage. M. Thibaudet réclamait ici même une critique qui « contingentât » l’importation des mystiques étrangères.
827 e une critique qui « contingentât » l’importation des mystiques étrangères. Oui, mais on ne se défend qu’en attaquant. Sach
828 ’Europe, et de les poser sous la forme concrète d’ une série de tensions qu’il s’agit d’orienter et de rendre fécondes : sol
829 mènent toutes les autres, est en train de devenir une sorte de pont aux ânes de nos philosophies politiques (Berdiaev, Mari
830 n réjouir. L’Ordre nouveau en a tiré, le premier, des conclusions pratiques dans le domaine du travail. Et sa première expé
831 ers savent apprécier les conséquences concrètes d’ une distinction que bien des clercs estimaient « trop philosophique ».
832 conséquences concrètes d’une distinction que bien des clercs estimaient « trop philosophique ». 36. Entendue au sens larg
833 . Entendue au sens large de discipline rigoureuse des activités automatiques, ou « indifférenciées », et non pas au sens pu
834 u sens purement politique de tyrannie exercée par un seul homme dans tous les domaines. 37. Particulièrement efficace dan
25 1936, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Kierkegaard en France (juin 1936)
835 que la crise : 1930-1935. Il a fallu bien près d’ un siècle, il a fallu surtout le double truchement de Heidegger et de Ka
836 r imposer à l’attention de quelques-uns l’œuvre d’ un écrivain dont, cependant, la puissance de choc et d’interrogation ne
837 cité par tout le monde. On m’assure qu’il a même un public passionné. Mais si l’on juge de la façon dont il est lu par la
838 t pourtant il fallait qu’il fût traduit : c’était une des nécessités de notre état spirituel. Seulement, il eût fallu le tr
839 urtant il fallait qu’il fût traduit : c’était une des nécessités de notre état spirituel. Seulement, il eût fallu le tradui
840 ntendus inévitables. Je ne vise pas ici la langue des traductions, encore qu’il y ait beaucoup à dire sur ce point, mais bi
841 bien l’ordre ou plutôt la succession désordonnée des œuvres qu’on nous a traduites. Kierkegaard donne l’exemple unique, je
842 rkegaard donne l’exemple unique, je crois bien, d’ un auteur qui attache autant d’importance à l’opportunité spirituelle de
843 « attaques contre la chrétienté établie ». Toute une carrière de poète et de philosophe « à orientation religieuse » avait
844 e climat et la juste portée de ces attaques, avec une patience ironique, mais aussi dans la crainte et le tremblement d’une
845 e, mais aussi dans la crainte et le tremblement d’ une foi sans cesse combattue, d’une vraie foi. Publier maintenant, au has
846 le tremblement d’une foi sans cesse combattue, d’ une vraie foi. Publier maintenant, au hasard, des fragments de cette œuvr
847 , d’une vraie foi. Publier maintenant, au hasard, des fragments de cette œuvre entièrement commandée par son terme, tout en
848 d’orientation intime, de fidélité essentielle, en un mot, de finalité. D’où résultent nécessairement un certain nombre de
849 n mot, de finalité. D’où résultent nécessairement un certain nombre de malentendus. 1. Parce qu’on a publié d’abord le Jou
850 ublié d’abord le Journal du séducteur, fragment d’ un gros ouvrage intitulé De deux choses l’une, puis In vino veritas, fra
851 deux choses l’une, puis In vino veritas, fragment des Stades sur le chemin de la vie, et cela, sans déclarer avec toute l’i
852 sans déclarer avec toute l’instance que requérait une opération aussi risquée, que ces fragments n’étaient que les premiers
853 ces fragments n’étaient que les premiers termes d’ une dialectique au cours de laquelle ils devaient être radicalement niés,
854 prévenu ou mal prévenu, à tenir Kierkegaard pour une espèce d’esthète du paradoxe moral, pour un immoraliste avant la lett
855 pour une espèce d’esthète du paradoxe moral, pour un immoraliste avant la lettre nietzschéenne. Admettons que la suite ait
856 r. Je crains bien que ce n’ait été qu’au profit d’ une erreur plus subtile. 2. Parce qu’on a traduit la Maladie à la mort so
857 tôt pour le coryphée du désespoir considéré comme un des beaux-arts. Or s’il est vrai que Kierkegaard s’est occupé à décri
858 pour le coryphée du désespoir considéré comme un des beaux-arts. Or s’il est vrai que Kierkegaard s’est occupé à décrire l
859 pécheur ; s’il est vrai qu’il a su montrer, avec une effrayante lucidité, l’universalité de cet état, c’est aussi que pour
860 t justement celui que Kierkegaard dénonce au cœur des systèmes qu’ils lui opposent. 3. Parce que Kierkegaard s’est déchaîné
861 nisme « à bon marché » ; parce qu’il en appelle d’ un christianisme théorique à un christianisme existentiel — ce qui est l
862 e qu’il en appelle d’un christianisme théorique à un christianisme existentiel — ce qui est le mouvement même de la Réform
863 ême de la Réforme — on a voulu le présenter comme une espèce de nihiliste antichrétien. Parce qu’en présence de l’écœurante
864 doute inséparable de la foi ; parce que, « comme un oiseau s’envole anxieux aux approches de l’orage, ainsi, flairant le
865 e grabuge en traduisant dès le début quelques-uns des ouvrages que Kierkegaard publia sous son vrai nom, parce qu’il y expr
866 t Kierkegaard à publier ses premières œuvres sous des masques diversement trompeurs lui apparaîtraient encore plus fortes d
867 sait dès lors était celle-ci : « Comment donner à une époque plongée dans la plus grande mollesse spirituelle » l’amère pas
868 sse spirituelle » l’amère passion de faire mourir un témoin de la vérité ? Si tu veux ce résultat… apprends d’abord à bien
869 insi bien informé, fais-toi alors le porte-parole des idées, des passions qui sont dans l’air, avec l’enthousiasme d’une él
870 nformé, fais-toi alors le porte-parole des idées, des passions qui sont dans l’air, avec l’enthousiasme d’une éloquence cha
871 ssions qui sont dans l’air, avec l’enthousiasme d’ une éloquence chaude et entraînante. Pour cela, il te faut de la force et
872 le sort que choisit Kierkegaard, lorsqu’au cours des années qui préparèrent sa mort, il « changea de direction » et révéla
873 répète aujourd’hui parmi nous. Et la publication des écrits religieux entreprise par M. Paul Tisseau y contribuera certain
874 nalais ont valu à l’auteur du Traité du désespoir un « succès » dont il est peut-être temps de tirer certaines conclusions
875 du cœur, Le Droit de mourir pour la vérité, Pour un examen de conscience, Le Souverain sacrificateur. On les trouvera « c
876 « chez le traducteur, à Bazoges-en-Pareds », dans une petite ferme, tout au fond du bocage vendéen, pays de secrets obstiné
877 la vouloir uniquement. Mais on ne peut vouloir d’ une manière totale et unique que ce qui est vrai. Car tout ce qui n’est p
878 i. Car tout ce qui n’est pas vrai comporte en soi une division et divise la volonté qu’on met à le réaliser. Tel est le suj
879 sérieux humain, l’éternité doit apparaître comme une espèce d’ironie cruelle ; mais du point de vue de l’éternité, le séri
880 l’éternité, le sérieux humain apparaît affecté d’ un humour désespéré. La dialectique de Kierkegaard consiste alors à déco
881 à montrer que l’éternelle vérité n’est encore qu’ une grandiose ironie tant qu’elle n’est pas actualisée dans l’acte de foi
882 , jette sur tous nos sérieux, poses et amusettes, une ironie, ou ce qui est pire, un soupçon d’insondable ironie. Un soupço
883 ses et amusettes, une ironie, ou ce qui est pire, un soupçon d’insondable ironie. Un soupçon : car peut-être, l’acte de fo
884 ce qui est pire, un soupçon d’insondable ironie. Un soupçon : car peut-être, l’acte de foi n’existe pas ? Peut-être n’est
885 ’acte de foi n’existe pas ? Peut-être n’est-ce qu’ une figure de rhétorique pieuse, une illusion, un mythe, ou encore un sau
886 être n’est-ce qu’une figure de rhétorique pieuse, une illusion, un mythe, ou encore un saut dans le vide ? Et alors il n’y
887 qu’une figure de rhétorique pieuse, une illusion, un mythe, ou encore un saut dans le vide ? Et alors il n’y aurait nulle
888 torique pieuse, une illusion, un mythe, ou encore un saut dans le vide ? Et alors il n’y aurait nulle part de vrai sérieux
889 ette Résurrection peut devenir quelque part, dans une vie, le hic et nunc de la foi ? Mais alors il n’y a pas de vrai série
890 l’ironie, l’ironie du sérieux, voilà les pôles d’ une dialectique dont le plus étrange, sans doute, est qu’elle embrasse av
891 us étrange, sans doute, est qu’elle embrasse avec une familiarité poignante les problèmes de la vie banale. Il y a dans ce
892 me, par exemple, à la fin du Miroir de la Parole) une appréhension si totale du réel que notre langue, je le crains, n’arri
893 s, les gaucheries qui arrêtent parfois le lecteur des meilleures traductions françaises de Kierkegaard.   P.-S. Cette chron
894 à imprimée, quand j’ai lu dans les Cahiers du Sud une étude de Benjamin Fondane qui s’en prend avec énergie aux interprétat
895 etourne à son auteur. Mais peut-on y répondre par des mots ? Plusieurs des Discours religieux ayant pour objet de « prépare
896 Mais peut-on y répondre par des mots ? Plusieurs des Discours religieux ayant pour objet de « préparer à la Communion », j
897 arer à la Communion », je ne vois pour ma part qu’ un seul moyen de s’engager de toute sa personne à la suite de Kierkegaar
26 1936, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). L’Art poétique ou Qu’il faut penser avec les mains (décembre 1936)
898 . La rumeur quotidienne tend à faire de « poète » une circonstance atténuante, au bénéfice du maladroit, s’il est aimable.
899 is Claudel dit : l’art poétique est art de faire. Un gémissement célèbre, chez les clercs, déplore l’antipathie tragique d
900 de choisir, car l’étymologie est trop loin d’être une science pour que l’adoption même d’une « origine » soit autre chose q
901 oin d’être une science pour que l’adoption même d’ une « origine » soit autre chose qu’un choix délibéré, quand ce n’est pas
902 option même d’une « origine » soit autre chose qu’ un choix délibéré, quand ce n’est pas un profond calembour. « Il est per
903 re chose qu’un choix délibéré, quand ce n’est pas un profond calembour. « Il est permis à chacun de se servir de tel son q
904 moins servir à préciser ce qui oppose la langue d’ un poète aux divers jargons de son temps : c’est que l’une est une langu
905 divers jargons de son temps : c’est que l’une est une langue « avertie », posant un perpétuel avertissement, tandis que les
906 ’est que l’une est une langue « avertie », posant un perpétuel avertissement, tandis que les autres ont plutôt l’air de ré
907 dis que les autres ont plutôt l’air de résulter d’ une série d’oublis d’avertir, d’une série de contraventions dans l’impuni
908 air de résulter d’une série d’oublis d’avertir, d’ une série de contraventions dans l’impunité générale. Claudel montre part
909 ettre à nos pensées de circuler. Claudel se donne un règlement, et il observe les signaux. Les autres (voyez leurs journau
910 autres (voyez leurs journaux) se sont jetés dans un énorme embouteillage, il n’y a plus qu’à se laisser pousser dans le s
911 presque indéfinissable (plus rien n’avance, c’est un sur-place exaspérant, tous les moteurs sont débrayés) ce sens partout
912 yons de la traduire. Les modes, l’usage, l’usure des mots aggravés par la presse et par la politique, ont peu à peu fait p
913 olitique, ont peu à peu fait passer pour communes des significations qui à vrai dire, et dans le fait, ruinent les bases de
914 s de la communauté. On convient de s’entendre sur des malentendus42. À ce prix, l’on nourrit une paix sans racines. (Alors
915 re sur des malentendus42. À ce prix, l’on nourrit une paix sans racines. (Alors que toute communauté réelle naît d’une ente
916 acines. (Alors que toute communauté réelle naît d’ une entente passionnée sur le sens de certains maîtres-mots : esprit, nat
917 re la pensée et la main. Cependant que l’effort d’ un Claudel, restituant à chaque mot son sens le plus poignant, par là mê
918 plus poignant, par là même le plus apte à ranimer une communion vivante entre les hommes, se trouve produire exactement l’e
919 et contraire : son succès même va s’inscrire dans une œuvre incommunicable au très grand nombre. Rendre au mot sa valeur d’
920 ui, se condamner à n’être pas compris. Paradoxe d’ un génie catholique, isolé de la foule des hommes, par ce qui manifeste,
921 Paradoxe d’un génie catholique, isolé de la foule des hommes, par ce qui manifeste, justement, sa volonté de catholicité !
922 uisition ? Qu’on ne dise pas que la philosophie d’ un grand poète importe moins que son humanité, que son lyrisme, ou que c
923 e Tête d’Or ou de l’Annonce. Ce serait aggraver d’ une sottise cette Séparation, notre péché, contre laquelle toute l’œuvre
924 spirituel, ne connaît pas de lois mais seulement des formes. C’est un monde en recréation perpétuelle, et tout s’y tient p
925 naît pas de lois mais seulement des formes. C’est un monde en recréation perpétuelle, et tout s’y tient parce que chaque ê
926 de l’image, le mot qui profère son sens. » C’est un univers du discours, où les objets qui « veulent dire » s’assemblent
927 n’a fait que constater les effets antipoétiques d’ un relâchement originel. Rompre le lien de l’homme avec son origine, c’e
928 a fin universelle. Alors l’homme se complaît dans une fin qu’il fait sienne, c’est-à-dire qu’il s’isole et s’abstrait du mo
929 du mouvement de la Création. « Et c’est pourquoi une fin lui fut en effet donnée » — qui est sa mort. Mais l’œuvre du poèt
930 rétien (identiquement), c’est alors d’embrasser d’ un seul geste, de réunir, de relancer vers sa vraie fin tout ce qu’une d
931 réunir, de relancer vers sa vraie fin tout ce qu’ une durée mauvaise a disjoint et altéré. « Car l’attente ardente de la cr
932 tente ardente de la création attend la révélation des enfants de Dieu, parce que ce n’est pas de son propre gré qu’elle a é
933 n la chose qu’il re-présente tout d’abord, rendre un corps et refaire des racines matérielles aux dérivés les plus exsangu
934 présente tout d’abord, rendre un corps et refaire des racines matérielles aux dérivés les plus exsangues, c’est rénover l’a
935 de co-naissance qui répond à la présence sensible des choses mêmes. » Le nom, qui désigne la chose, appelle un geste de l’h
936 es mêmes. » Le nom, qui désigne la chose, appelle un geste de l’homme pour cette chose. Le verbe, désignant ce geste, appe
937 ette chose. Le verbe, désignant ce geste, appelle une phrase, un rythme d’actes concertés. Ainsi l’homme se trouve mis « en
938 Le verbe, désignant ce geste, appelle une phrase, un rythme d’actes concertés. Ainsi l’homme se trouve mis « en communicat
939 « L’acte par lequel l’homme atteste la permanence des choses, par lequel, en dehors du temps, en dehors des circonstances e
940 stances et causes secondes, il formule l’ensemble des conditions permanentes dont la réunion donne à chaque chose son droit
941 thenticité ». Il est, par son action recréatrice, une étymologie vivante de tout ce qui est. Et maintenant, pour se connaît
942 plus ou moindre grande qu’il éprouve à se servir des instruments dont il a la propriété ». Et son corps lui est comme « un
943 il a la propriété ». Et son corps lui est comme «  un document où il suit les œuvres de l’esprit qui le remue ». Penser dan
944 tout appelle, et d’abord la parole ! Mais l’usure des mots les édente, notre langage est débrayé. Comment rétablir le conta
945  : « Ruminons la bouchée intelligible. » Toujours une chose-image, au lieu d’une formule faite, d’un terme abstrait. C’est
946 telligible. » Toujours une chose-image, au lieu d’ une formule faite, d’un terme abstrait. C’est le style du livre de Job.
947 s une chose-image, au lieu d’une formule faite, d’ un terme abstrait. C’est le style du livre de Job. aa. Rougemont Deni
27 1937, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Une idée de Law (janvier 1937)
948 Une idée de Law (janvier 1937)ab C’est dans les Œuvres de Law qu’on tr
949 lui qui a le dernier écu. On entretient en France une armée qui coûte 100 millions par an ; c’est 2 milliards pour vingt an
950 ies. Ainsi, la destruction directe ou indirecte d’ un soldat allemand nous coûte 20 000 livres, sans compter la perte sur n
951 t attirail dispendieux, incommode et dangereux, d’ une armée permanente, ne vaudrait-il pas mieux en épargner les frais et a
952 ée ennemie, lorsque l’occasion s’en présenterait. Un Anglais estimait un homme 480 livres sterling. C’est la plus forte év
953 l’occasion s’en présenterait. Un Anglais estimait un homme 480 livres sterling. C’est la plus forte évaluation, et ils ne
954 ut en population, car, pour son argent, on aurait un homme nouveau, au lieu que, dans le système actuel, on perd celui qu’
955 patriote de Law, M. Rickett songeait sans doute à une opération fort analogue lorsqu’il tenta d’acheter le sol que le Duce
956 la morale. Mais ils permettent d’entrevoir l’une des raisons de notre anarchie économique. Le capitalisme ne serait peut-ê
957 conomique. Le capitalisme ne serait peut-être pas un trop mauvais système si ses entreprises n’étaient constamment travers
958 ses n’étaient constamment traversées par celles d’ une passion contraire, qui est l’honneur. Car il est clair que l’honneur
959 u du moins ce qu’il nous en reste, et ce n’est qu’ une caricature — retient les gouvernants de suivre jusqu’au bout, et sans
960 ais quels scandales… ab. Rougemont Denis de, «  Une idée de Law », La Nouvelle Revue française, Paris, janvier 1937, p. 1
28 1937, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). De la propriété capitaliste à la propriété humaine et Manifeste au service du personnalisme, par Emmanuel Mounier (février 1937)
961 nalisme, par Emmanuel Mounier (février 1937)ac Des quatre essais publiés jusqu’ici par Mounier, ce traité de la propriét
962 ses coupes, qualités nées, comme par décantation, des défauts mêmes qu’on a pu reprocher aux précédents ouvrages de l’auteu
963 mas d’Aquin et de Cajetan. On ne nous propose pas un « retour » de plus à quelque médiévisme d’utopie, mais au contraire o
964 tes avaient obnubilées, et que la grande majorité des catholiques d’aujourd’hui ignore avec persévérance. À vrai dire, nul
965 éfendre la propriété contre les mauvaises raisons des capitalistes, ou comme il dit : « libérer de la dialectique des propr
966 es, ou comme il dit : « libérer de la dialectique des propriétaires les valeurs de propriété personnelle ». La plupart des
967 le la Somme — usage commun et gestion personnelle des biens, nécessaire vital et nécessaire personnel, entre autres — appar
968 cessaire personnel, entre autres — apparaissent d’ une utilité et d’une efficacité éclatantes dans l’embrouillamini politico
969 l, entre autres — apparaissent d’une utilité et d’ une efficacité éclatantes dans l’embrouillamini politico-sentimental où n
970 ments secrétés par le capitalisme. Mounier part d’ une phénoménologie de la possession — presque trop brillante par endroits
971 sque trop brillante par endroits —, s’engage dans un exposé synthétique des doctrines thomistes, et rejoint avec un nature
972 r endroits —, s’engage dans un exposé synthétique des doctrines thomistes, et rejoint avec un naturel qui est succès de ce
973 thétique des doctrines thomistes, et rejoint avec un naturel qui est succès de ce livre, les positions constructives d’Esp
974 ens du livre est celui-ci : il s’agit de passer d’ un mode de propriété abstrait et anonyme à un mode personnel et responsa
975 sser d’un mode de propriété abstrait et anonyme à un mode personnel et responsable, ou encore, d’un mode matérialiste et t
976 à un mode personnel et responsable, ou encore, d’ un mode matérialiste et tyrannique à un mode spirituel, donc humain. Je
977 ou encore, d’un mode matérialiste et tyrannique à un mode spirituel, donc humain. Je sais gré à Mounier d’avoir, chemin fa
978 emin faisant, démontré que la propriété n’est pas un instinct permanent, mais au contraire un besoin de l’esprit — le néce
979 ’est pas un instinct permanent, mais au contraire un besoin de l’esprit — le nécessaire vital une fois assuré. Ce qui suff
980 fois assuré. Ce qui suffit à renverser l’argument des propriétaires, trop souvent et hypocritement opposé à certain communi
981 récent Manifeste de Mounier permettra de prendre une mesure rapide des progrès — et aussi des lacunes provisoires45 — de c
982 de Mounier permettra de prendre une mesure rapide des progrès — et aussi des lacunes provisoires45 — de ce mouvement. Le le
983 prendre une mesure rapide des progrès — et aussi des lacunes provisoires45 — de ce mouvement. Le lecteur qui se souvient e
984 publié ici même en 1932, ne manquera pas de faire des rapprochements fort instructifs. Ce terme de personne, que nous jetio
985 urquoi, d’ailleurs, ils s’obstinent à lui accoler un adjectif pléonastique : « personne humaine ».) En 1932, les marxistes
986 role officiel du parti communiste français publie une sorte de discours-programme intitulé Au service de l’Esprit 46. Et l’
987 es problèmes de la paix, de la liberté et du pain des hommes »ad. À vrai dire, nous n’espérions pas un triomphe si rapide —
988 des hommes »ad. À vrai dire, nous n’espérions pas un triomphe si rapide — ni de cette qualité… À nous maintenant de rendre
989 itique qu’il se veuille, se trouve intéressé dans un pareil débat ? Cela va de soi. 44. Je pense que Mounier ne se dissi
990 er ne se dissimule pas le caractère « théorique » des justifications qu’il va demander à certaines traditions catholiques.
991 ut donner l’aumône au nécessiteux avec l’argent d’ un autre, s’il ne peut le faire du sien ». (Car cet argent de l’autre de
992 n.) Mais je ne sache pas qu’on ait jamais songé à des théories de ce genre pour excuser la sécularisation des biens convent
993 éories de ce genre pour excuser la sécularisation des biens conventuels — biens dans lesquels Labriola pouvait voir l’origi
994 l’accumulation capitaliste. (Centres de commerce des couvents anglais.) — Pendant que j’y suis, une autre remarque : Mouni
995 ce des couvents anglais.) — Pendant que j’y suis, une autre remarque : Mounier exagère l’importance économique de l’usure,
996 économique de l’usure, suivant l’erreur fréquente des écrivains catholiques. Marx a bien montré que l’usure n’est qu’un fac
997 holiques. Marx a bien montré que l’usure n’est qu’ un facteur secondaire, et très peu décisif, du capitalisme. 45. Le Préc
29 1937, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). N’habitez pas les villes (Extrait d’un Journal) (juillet 1937)
998 N’habitez pas les villes (Extrait d’ un Journal) (juillet 1937)ae Je revois, je revis si bien la traversée
999 non sans fièvre, et cette arrivée au soleil dans une liberté naïve et nue, pauvre et joyeuse. Mais je vois bien qu’il me f
1000 de ce port atlantique, j’en étais à considérer d’ un œil brûlé par l’insomnie les flots de l’océan maussade et les pauvres
1001 . J’étais chômeur depuis trois mois. On m’offrait un abri quelque part, une maison vide pendant l’hiver, une occasion de s
1002 is trois mois. On m’offrait un abri quelque part, une maison vide pendant l’hiver, une occasion de solitude désirée en secr
1003 ri quelque part, une maison vide pendant l’hiver, une occasion de solitude désirée en secret dès longtemps. Je voudrais bie
1004 moins pour la jeunesse sans argent, est la ville des gérants ignobles et des concierges, des lieux-sombres-et-populeux où
1005 sans argent, est la ville des gérants ignobles et des concierges, des lieux-sombres-et-populeux où il faut pénétrer l’âme b
1006 la ville des gérants ignobles et des concierges, des lieux-sombres-et-populeux où il faut pénétrer l’âme basse et la petit
1007 t il suffit de bien peu pour partir : la France a des milliers de maisons vides. Dites autour de vous que vous en cherchez
1008 vides. Dites autour de vous que vous en cherchez une , et vous en trouverez pour rien, ou pas grand-chose. Encore faut-il s
1009 aire, c’est entendu. Je ne possède légalement que des valises, de quoi me vêtir, et quelques livres. Mais aussi, je ne puis
1010 aussi, je ne puis vivre nulle part sans me créer des possessions, appelant ainsi toute chose que je sais mettre en œuvre à
1011 c’est user en fait de cette chose-là. C’est donc un acte et pas du tout un droit. Et ce n’est pas une sécurité, ni rien q
1012 cette chose-là. C’est donc un acte et pas du tout un droit. Et ce n’est pas une sécurité, ni rien qui dure au-delà du temp
1013 un acte et pas du tout un droit. Et ce n’est pas une sécurité, ni rien qui dure au-delà du temps qu’on en jouit. Cette mai
1014 sance avec laquelle j’en saurai faire usage, pour une fin qui leur est étrangère, et qui me commandera de les quitter le jo
1015 Par quelle folie pensent-ils pouvoir « hériter » des biens de leurs pères ? Il faut tout ignorer de la vraie possession !
1016 s ? Il faut tout ignorer de la vraie possession ! Une chose n’est mienne que pour un temps, et si je change, elle me devien
1017 raie possession ! Une chose n’est mienne que pour un temps, et si je change, elle me devient impropre. Je n’hérite pas mêm
1018 illeuls, la margelle du puits à gauche, où repose une vieille chatte, le chai à droite. Au-delà de la cour, les planches in
1019 es planches incultes du potager, de chaque côté d’ une allée bordée de rosiers. L’allée aboutit à une porte de bois à deux b
1020 d’une allée bordée de rosiers. L’allée aboutit à une porte de bois à deux battants, à demi cachée par des lauriers épais.
1021 porte de bois à deux battants, à demi cachée par des lauriers épais. De hauts murs blancs enclosent de tous côtés ce jardi
1022 e la maison. On ne voit rien que le ciel au-delà, un ciel lavé, tissé d’oiseaux, et parfois traversé par un nuage rapide.
1023 el lavé, tissé d’oiseaux, et parfois traversé par un nuage rapide. La maison compte deux chambres au rez-de-chaussée, sépa
1024 es au rez-de-chaussée, séparées de la cuisine par un couloir dallé. À l’étage, où l’on parvient par un petit escalier qui
1025 un couloir dallé. À l’étage, où l’on parvient par un petit escalier qui prend au fond de la cuisine, deux autres chambres
1026 rt de plafond. Très peu de meubles, comme j’aime. Des murs blanchis ou teintés de bleu clair, des planchers rudes. Décor ca
1027 aime. Des murs blanchis ou teintés de bleu clair, des planchers rudes. Décor candide et gai, oui vraiment plus gai qu’ascét
1028 t plus gai qu’ascétique. Dans le chai, à la porte un peu trop basse, règne une pénétrante odeur de laurier.   10 novembre
1029 Dans le chai, à la porte un peu trop basse, règne une pénétrante odeur de laurier.   10 novembre Ce journal n’aura rien d’i
1030 écis qui me paraîtront frappants ici ou là, c’est une sorte de contrôle amusant et utile — pour plus tard — et c’est une bo
1031 rôle amusant et utile — pour plus tard — et c’est une bonne discipline de l’esprit que la description objective. Me voici p
1032 que la description objective. Me voici pris dans une expérience forcée de vie pauvre, libre et solitaire — trois grands mo
1033 ts ! et pourtant c’est bien cela — tout au bout d’ un pays dénué de ressources, pratiquement analogue, j’imagine, à un post
1034 e ressources, pratiquement analogue, j’imagine, à un poste colonial aux limites du désert. Curiosité, comme au début d’un
1035 ux limites du désert. Curiosité, comme au début d’ un film. La situation est d’ailleurs excellente pour l’instant. Il nous
1036 si du moins nos calculs sont justes : 900 francs, un bon toit, et le temps de voir venir.   Du 10 au 17 novembre Pour pare
1037 er au plus pressé, écrit et envoyé six articles à des revues, hebdomadaires et journaux. Grande facilité de travail dans le
1038 hui c’est le jour du repos. J’ai trouvé au fond d’ une armoire, derrière une pile d’assiettes, deux volumes sur l’histoire d
1039 epos. J’ai trouvé au fond d’une armoire, derrière une pile d’assiettes, deux volumes sur l’histoire de l’île, ses coutumes,
1040 ses coutumes, et son dialecte. L’un est l’œuvre d’ un archiviste du continent. Il affecte une douce ironie sorbonnarde pour
1041 l’œuvre d’un archiviste du continent. Il affecte une douce ironie sorbonnarde pour les petits événements qui se déroulèren
1042 à son auteur. Le second bouquin, c’est l’œuvre d’ un vieux médecin tout plein de verve et de gaillarde érudition, comme il
1043 e et de gaillarde érudition, comme il s’en trouve un peu partout pour sauver « l’esprit » d’un pays. J’ai passé tout l’apr
1044 trouve un peu partout pour sauver « l’esprit » d’ un pays. J’ai passé tout l’après-midi dessus. — Cela commence par une ch
1045 ssé tout l’après-midi dessus. — Cela commence par une chronique historique dont l’essentiel est naturellement l’énumération
1046 dont l’essentiel est naturellement l’énumération des débarquements qui ont honoré l’île, des premières galères romaines ju
1047 umération des débarquements qui ont honoré l’île, des premières galères romaines jusqu’au bateau à vapeur de Sadi Carnot —
1048 ar les drakkars norvégiens, les flottes anglaises des guerres de religion et les expéditions de saumoniers. Une période hér
1049 res de religion et les expéditions de saumoniers. Une période héroïque sous Richelieu. Depuis lors, semble-t-il, les villag
1050 en friche. La Révolution seule a ranimé l’ardeur des habitants, pour la plupart jacobins. Plusieurs des discours de leurs
1051 es habitants, pour la plupart jacobins. Plusieurs des discours de leurs chefs ont été consignés par miracle : ils ne le cèd
1052 ampleur de leurs vues sur le monde, à l’éloquence des conventionnels… On trouve encore dans ce livre des anecdotes paysanne
1053 es conventionnels… On trouve encore dans ce livre des anecdotes paysannes assez libres, rédigées dans un patois un peu trop
1054 s anecdotes paysannes assez libres, rédigées dans un patois un peu trop exemplaire. D’intéressantes précisions budgétaires
1055 s paysannes assez libres, rédigées dans un patois un peu trop exemplaire. D’intéressantes précisions budgétaires sur les i
1056 moins à son instigation. Enfin, et cela nous sera des plus utiles, une minutieuse description de la faune et de la flore de
1057 gation. Enfin, et cela nous sera des plus utiles, une minutieuse description de la faune et de la flore de l’île, du régime
1058 on de la faune et de la flore de l’île, du régime des marées, des courants et des vents. Merveilleux livre en vérité ! Et l
1059 ne et de la flore de l’île, du régime des marées, des courants et des vents. Merveilleux livre en vérité ! Et la merveilleu
1060 e de l’île, du régime des marées, des courants et des vents. Merveilleux livre en vérité ! Et la merveilleuse bibliothèque
1061 rages analogues que, dans chaque sous-préfecture, un vieux docteur au fichu caractère a composé de sa longue expérience, d
1062 eur. L’esprit fort et l’esprit de clocher se font une guerre acharnée dans ces pages et ils l’emportent tour à tour, jusqu’
1063 portent tour à tour, jusqu’à la synthèse finale d’ une envolée tout à la fois patriotique, républicaine, et tolérante. La dr
1064 ublicaine, et tolérante. La droite, la gauche, et une certaine espèce d’intelligence, ou d’ironie… Pour de tels hommes, cer
1065 pas deux France ! Ou plutôt elles se mêlent dans un combat indivisible et nécessaire au cœur de chacun d’eux. Voilà l’esp
1066 bout de notre jardin. Passée la porte, on enfile une petite rue toute blanche qui contourne la panse de l’église et abouti
1067 ace principale. Au milieu de cette place, qui est un vaste rectangle de terre jaune, les habitants plantèrent à la Révolut
1068 e jaune, les habitants plantèrent à la Révolution un arbre de la Liberté. Cet orme est devenu gigantesque, majestueux, exe
1069 us ses détails et toute son opulence, frisé comme une perruque du grand siècle. De trois côtés de la place généralement vid
1070 airs et simples, blanc, jaune ou vert. La couleur des volets s’harmonise avec chaque façade d’une manière subtile et précis
1071 uleur des volets s’harmonise avec chaque façade d’ une manière subtile et précise qui en dit long sur l’âme de ce peuple dis
1072 t l’impression que je veux retenir pour le moment des gens d’ici. Elle corrige la mauvaise humeur que m’a donnée notre épic
1073 a vivre. Celle-ci est énorme et goutteuse. Elle a des douleurs dans les jambes, et m’en parle d’abord, pour me mettre en co
1074 aire causer avant de fixer le prix du chou-fleur, des enveloppes jaunes, du peloton de ficelle et du kilo de riz. Mes vêtem
1075 ne la renseignent pas clairement. Et que penser d’ un « Parisien » qui manifeste l’intention de rester ici tout l’hiver ? C
1076 mes vacances ! J’ai du travail à faire chez moi, des tas de choses à écrire… Elle n’ose pas m’en demander davantage. Et mo
1077 n’achetant guère autre chose que de la mercerie, des lainages et des épices. Alors il faut aller de l’autre côté de la pla
1078 e autre chose que de la mercerie, des lainages et des épices. Alors il faut aller de l’autre côté de la place, chez Mélie.
1079 ar elles ne baisseront pas leurs prix pour garder un client, elles les augmenteront bien plutôt pour le punir d’avoir été
1080 pas être accueilli par la réprobation sournoise d’ une épicière.   20 novembre Le bureau de poste. Trois mètres sur trois, e
1081 re Le bureau de poste. Trois mètres sur trois, et une grille épaisse au milieu. Derrière la grille, le long visage de Péden
1082 s fois la semaine au moins, il me voit venir avec une grande enveloppe contenant un manuscrit. « Est-ce une lettre ? — Non.
1083 me voit venir avec une grande enveloppe contenant un manuscrit. « Est-ce une lettre ? — Non. Est-ce un imprimé ? — Non. C’
1084 grande enveloppe contenant un manuscrit. « Est-ce une lettre ? — Non. Est-ce un imprimé ? — Non. C’est tapé à la machine. —
1085 un manuscrit. « Est-ce une lettre ? — Non. Est-ce un imprimé ? — Non. C’est tapé à la machine. — Est-ce qu’il n’y a rien d
1086 e qu’il n’y a rien d’écrit à la main ? Si, il y a des corrections écrites à la main. » Pédenaud relit pour la énième fois s
1087 our la énième fois son tarif, fait son calcul sur un bout de papier, et conclut que j’ai à payer 72 francs pour un envoi,
1088 apier, et conclut que j’ai à payer 72 francs pour un envoi, ce jour-là, d’une centaine de feuilles. Il en paraît lui-même
1089 ai à payer 72 francs pour un envoi, ce jour-là, d’ une centaine de feuilles. Il en paraît lui-même consterné. J’affirme avec
1090 du jardin. C’est la femme de Pédenaud qui brandit un papier. J’accours : elle me tend une formule de télégramme, mais ce n
1091 d qui brandit un papier. J’accours : elle me tend une formule de télégramme, mais ce n’est pas un télégramme, c’est une not
1092 tend une formule de télégramme, mais ce n’est pas un télégramme, c’est une notification officielle d’avoir à verser sans d
1093 élégramme, mais ce n’est pas un télégramme, c’est une notification officielle d’avoir à verser sans délai la somme de franc
1094 Pédenaud qui a voulu en avoir le cœur net, a pris des instructions par téléphone au chef-lieu. Son supérieur lui a confirmé
1095 one au chef-lieu. Son supérieur lui a confirmé qu’ un manuscrit s’affranchit comme une lettre. Il faut donc que je m’exécut
1096 lui a confirmé qu’un manuscrit s’affranchit comme une lettre. Il faut donc que je m’exécute, sinon c’est lui qui sera forcé
1097 ge le sac postal, discuter passionnément, trouver une formule d’apaisement qui ménage toutes les susceptibilités, et finale
1098 és, et finalement ne rien payer de plus. Je cause un peu, pour me faire pardonner. Pédenaud est mutilé de guerre. Il boite
1099 ancs par mois « en comptant tout ». Sa femme fait des lessives. En été ils pêchent des palourdes et les vendent aux baigneu
1100 ». Sa femme fait des lessives. En été ils pêchent des palourdes et les vendent aux baigneurs. Bien entendu, je n’arrive pas
1101 mbien ce petit commerce lui rapporte, « ça dépend des années ».   1er décembre Dépenses du premier mois dans l’île : ménag
1102 tes : 80 francs pour quelques notes publiées dans une revue. Reste : environ 200 francs. Le sentiment de dépendre entièreme
1103 lointaines, et du hasard, éveille par résonnance un sentiment de liberté, de gratuité aventureuse. Mon sort ne dépend plu
1104 en que je l’ai dit quelquefois. Mais il y a aussi des exceptions, des cas sans précédent, et des raisons toutes personnelle
1105 it quelquefois. Mais il y a aussi des exceptions, des cas sans précédent, et des raisons toutes personnelles de ne pas appe
1106 aussi des exceptions, des cas sans précédent, et des raisons toutes personnelles de ne pas appeler au secours. Pourtant je
1107 stions. — Est-ce donc si « naturel » de vivre sur une île ? Est-ce que l’insularité (géographique et morale) n’est pas une
1108 e l’insularité (géographique et morale) n’est pas une espèce de vice ? Est-ce que ce n’est pas la racine de tout l’idéalism
1109 uffrons tous ? Pourquoi les hommes vivent-ils sur des îles ? Quand nous sortons pour une promenade et que nous mesurons tou
1110 vivent-ils sur des îles ? Quand nous sortons pour une promenade et que nous mesurons toute l’étroitesse de notre domaine, l
1111 jusqu’au pays voisin. Cette liberté insulaire est une liberté négative. Elle nous met à l’abri du monde et nous ramène tous
1112 availle vraiment en écrivant, cela met entre nous une barrière sentimentale, une gêne constamment sensible. Et je n’ai null
1113 t, cela met entre nous une barrière sentimentale, une gêne constamment sensible. Et je n’ai nulle envie d’en prendre mon pa
1114 Dans ce qu’ils ont pu entrevoir de mon activité, une seule chose les a frappés : ma machine à écrire. La mère Renaud, qui
1115 és : ma machine à écrire. La mère Renaud, qui est une vieille amie des propriétaires de notre maison, est venue plusieurs f
1116 écrire. La mère Renaud, qui est une vieille amie des propriétaires de notre maison, est venue plusieurs fois nous voir. Hi
1117 le comprendre et l’admirer. Ils ont ainsi sur moi une sorte de supériorité concrète dont je ne souffre pas dans ma vanité,
1118 nge direct sur pied d’égalité. Le père Renaud est un ancien marin, barbu, jovial, déjà touché par le gâtisme, mais agréabl
1119 e, en 1886. ») Il s’occupe maintenant à fabriquer un filet de quatre-vingts mètres, bel ouvrage dont le détail m’intéresse
1120 vrage dont le détail m’intéresse. Le fils compose des cartes postales illustrées avec des bouts de timbres-poste découpés.
1121 fils compose des cartes postales illustrées avec des bouts de timbres-poste découpés. Je m’attarde à causer dans leur cuis
1122 rien désirer de plus plaisant que cet intérieur. Des chaises au siège de bois poli, une lourde table au centre, une autre
1123 cet intérieur. Des chaises au siège de bois poli, une lourde table au centre, une autre plus petite vers la fenêtre, sur la
1124 u siège de bois poli, une lourde table au centre, une autre plus petite vers la fenêtre, sur laquelle travaille le père Ren
1125 e Renaud. Le sol est de terre battue recouverte d’ une fine couche de sable. Sur les murs blanchis, quelques petites gravure
1126 iennes, encadrées de noir, et joliment disposées, une photo de bateau, et un vieil arbre généalogique aux couleurs pâlies.
1127 r, et joliment disposées, une photo de bateau, et un vieil arbre généalogique aux couleurs pâlies. Cet ordre gai, cette pr
1128 a côte, et je les écoute avec toute l’attention d’ un apprenti ; de leurs souvenirs, parfois touchants, parfois comiques, t
1129 parfois comiques, toujours révélateurs pour moi d’ un monde non pas absolument nouveau, mais nouvellement intéressant. Et q
1130 se taisent bien vite, ou se remettent à raconter des anecdotes subitement sans intérêt. Je ne sens pas qu’ils se méfient d
1131 devine qu’ils n’estiment pas que je puisse avoir une opinion plus avertie que la leur sur les sujets que je viens de nomme
1132 e se doutent pas que c’est de cela précisément qu’ un écrivain peut faire sa « spécialité ». Et rien ne les étonnerait dava
1133 rien ne les étonnerait davantage que d’apprendre un beau jour que je m’intéresse à leurs « idées », à leur situation, à l
1134 peine à exprimer ceci, — qui n’est précisément qu’ un sentiment de gêne en moi. Sentiment qu’il y a là quelque absurdité, e
1135 que personne ne pense à la dire… Peut-être, dans un siècle ou deux, se demandera-t-on comment nous avons pu rester si par
1136 er qu’on ignore l’une et l’autre ? Ou témoigner d’ une naïveté impardonnable ? — Pourtant, je ne suis pas prêt à me donner t
1137 itre, mais seulement « évangéliste » au service d’ une œuvre missionnaire. Les évangélistes étant moins bien payés que les p
1138 Palut est obligée de faire, quand cela se trouve, des remplacements d’institutrices. Ils ont déjà deux garçons, et ils ont
1139 , et ils ont trouvé le moyen de recueillir encore une vieille Bretonne sans ressources, qui aide un peu à la cuisine et cas
1140 re une vieille Bretonne sans ressources, qui aide un peu à la cuisine et casse beaucoup d’assiettes. Dans cette île, qui f
1141 au xvie siècle, M. Palut n’a plus aujourd’hui qu’ une centaine de paroissiens disséminés. Il en vient une dizaine au culte.
1142 e centaine de paroissiens disséminés. Il en vient une dizaine au culte. Les autres habitent trop loin, ou sont indifférents
1143 isolement intellectuel. Il trouve normal de vivre une vie humainement absurde. Non qu’il n’en distingue pas l’absurdité, ma
1144 s simplement il sait pourquoi il la subit. Fils d’ un petit hôtelier breton d’origine catholique, il s’est converti à l’âge
1145 n d’agrément, ne m’a permis de faire jusqu’ici qu’ une seule expérience précise et utile : celle du loisir. Je m’aperçois qu
1146 je ne savais plus, ou ne pouvais plus, « perdre » une soirée, depuis six mois que je n’ai plus de travail fixe. Quand je m’
1147 sa journée et qui pense maintenant à autre chose. Une sorte d’impatience me tarabustait encore, me ramenait sans cesse aux
1148 n’est pas simplement la cessation du travail pour un repos nécessaire. Il se définit psychologiquement non par rapport au
1149 fortune, soit dans mon cas particulier, l’amitié. Un chômeur intellectuel peut encore travailler — et c’est cela qui le di
1150 — et c’est cela qui le différencie profondément d’ un chômeur industriel, par exemple — mais il ne connaît plus de vrais lo
1151 pas se mettre en colère au mois de janvier. C’est une saison abstraite, on n’atteint presque rien. Le soleil froid à traver
1152 n’atteint presque rien. Le soleil froid à travers une brume lointaine agrandit les regards sans nourrir la vision. Pas de m
1153 la vision. Pas de mouches dans la lumière au ras des landes. Lucidité stérile du bel hiver ! La colère y jaillit sans renc
1154 ar désir famélique de créer du nouveau. Car c’est une consolation aussi que d’avoir à faire face à quelque catastrophe inti
1155 intime. Certains jours on donnerait beaucoup pour une bonne raison de désespérer, pour une bonne et impérieuse raison d’aba
1156 eaucoup pour une bonne raison de désespérer, pour une bonne et impérieuse raison d’abandonner cette partie mal engagée, ma
1157 r neuf, enfantin, ou tout simplement jeune devant un présent ouvert de tous côtés… Une seule vertu peut alors nous sauver
1158 ent jeune devant un présent ouvert de tous côtés… Une seule vertu peut alors nous sauver de cette tentation du désespoir, e
1159 ortant, le monde s’agrandit. Je puis encore aimer des paysages qui ne sont pas mon état d’âme, mais une parole à déchiffrer
1160 des paysages qui ne sont pas mon état d’âme, mais une parole à déchiffrer. L’humilité m’apporte des nouvelles du monde. Ain
1161 ais une parole à déchiffrer. L’humilité m’apporte des nouvelles du monde. Ainsi je me renouvelle lentement. C’est un moyen
1162 du monde. Ainsi je me renouvelle lentement. C’est un moyen de sortir de l’impasse : non pas en changeant ses données, mais
1163 thodes productivistes et la démesure collective d’ un plan quinquennal. Le silence de la lande et des marais, la rumeur de
1164 d’un plan quinquennal. Le silence de la lande et des marais, la rumeur de la côte, les petits chocs irréguliers des pioche
1165 a rumeur de la côte, les petits chocs irréguliers des pioches et des bouelles, tout ce qu’il y a de paisible, de grand, de
1166 côte, les petits chocs irréguliers des pioches et des bouelles, tout ce qu’il y a de paisible, de grand, de mesquin, de mil
1167 te île et de ces vies ?   3 avril La solitude est une jeunesse. Elle nous apprend cette chose nouvelle que nous savions déj
1168 : il est celui qui agit dans l’attente. Il attend des révélations. C’est évident ! Ses actions les plus pures sont des appe
1169 . C’est évident ! Ses actions les plus pures sont des appels et des incantations : leur sens est toujours au-delà. Elles ne
1170 t ! Ses actions les plus pures sont des appels et des incantations : leur sens est toujours au-delà. Elles ne sont que symb
1171 t supporter leur petitesse ? Si je gratte pendant des heures ce coin réduit de terre caillouteuse, c’est pour un printemps
1172 ce coin réduit de terre caillouteuse, c’est pour un printemps qui viendra. C’est pour gagner ma vie, dit une raison borgn
1173 ntemps qui viendra. C’est pour gagner ma vie, dit une raison borgne ; c’est aussi pour gagner ma mort, je le sais bien. Tou
1174 inacceptable, qui ne s’ouvre pas sur l’attente d’ une révélation à venir, et d’une « consolation » finale. (Consolation sig
1175 pas sur l’attente d’une révélation à venir, et d’ une « consolation » finale. (Consolation signifiant selon l’étymologie :
1176 ification, harmonisation, c’est-à-dire résolution des dissonances en un accord qui comble toute attente.)   7 avril Recett
1177 ation, c’est-à-dire résolution des dissonances en un accord qui comble toute attente.)   7 avril Recette pour vivre de pe
1178 elle, peu de temps après notre arrivée, au haut d’ une page que je retrouve dans une pile de notes. La page est restée blanc
1179 arrivée, au haut d’une page que je retrouve dans une pile de notes. La page est restée blanche. Et toute réflexion faite,
1180 iétaire. Nous l’avons nourrie sans espoir pendant des mois, la croyant trop vieille pour être mangée, sinon pour faire enco
1181 vec la laitière ou la factrice, ou le postier, ou un Renaud, j’éprouve une brève angoisse : quel rapport entre cet homme à
1182 factrice, ou le postier, ou un Renaud, j’éprouve une brève angoisse : quel rapport entre cet homme à qui je parle, et le m
1183 ssez normal : il y a l’obstacle du vocabulaire, d’ une certaine technique des idées, etc., mais encore ils ne comprendraient
1184 obstacle du vocabulaire, d’une certaine technique des idées, etc., mais encore ils ne comprendraient pas même de quoi il s’
1185 oi il s’agit quand je parle d’eux précisément, et des problèmes qui intéressent leur existence. J’aurais beau leur explique
1186 rises, mais au moins, en pensée, confrontées sans un ridicule angoissant avec la réalité des choses et des êtres dont elle
1187 ntées sans un ridicule angoissant avec la réalité des choses et des êtres dont elles utilisent le concept… Eh bien, voilà l
1188 ridicule angoissant avec la réalité des choses et des êtres dont elles utilisent le concept… Eh bien, voilà le résultat : a
1189 nt le concept… Eh bien, voilà le résultat : après une demi-heure de relecture attentive, j’ai rajouté quelques virgules, pr
1190 ques termes trop vagues, barré cinq lignes et mis une note au bas de la page. Il me semble vraiment que cela se tient. Il m
1191 quait en moi, précisément, la présence physique d’ un homme, confrontée avec les idées que j’avais en tête. Il y a probable
1192 es idées que j’avais en tête. Il y a probablement une fatalité interne dans notre culture : elle s’enchante, se critique, s
1193 suffisent. Les concepts alors se combinent selon des affinités ou répulsions que les faits ou les êtres qu’ils sont censés
1194 e puis en retrouver le souvenir autrement que par un effort de réflexion qui me laisse assez froid. La culture m’a repris.
1195 u de vision finale, qu’il s’agit de maintenir par un constant effort entre nos belles séries de pensées et la diversité dé
1196 les séries de pensées et la diversité désordonnée des êtres et des choses, où nous vivons ? « Je pense, donc j’en suis ». E
1197 pensées et la diversité désordonnée des êtres et des choses, où nous vivons ? « Je pense, donc j’en suis ». Et je ne suis
1198 oire couve depuis hier ses treize œufs. J’ai semé des salades, planté des choux, enfoncé une à une des graines de haricots
1199 er ses treize œufs. J’ai semé des salades, planté des choux, enfoncé une à une des graines de haricots dans un sillon tiré
1200 J’ai semé des salades, planté des choux, enfoncé une à une des graines de haricots dans un sillon tiré à la ficelle. Plais
1201 semé des salades, planté des choux, enfoncé une à une des graines de haricots dans un sillon tiré à la ficelle. Plaisir d’a
1202 des salades, planté des choux, enfoncé une à une des graines de haricots dans un sillon tiré à la ficelle. Plaisir d’avoir
1203 x, enfoncé une à une des graines de haricots dans un sillon tiré à la ficelle. Plaisir d’avoir les doigts et les ongles te
1204 du chai. Nous déjeunons sous les tilleuls. Il y a un grand bonheur dans la lumière qui baigne le jardin fleuri, éclate sur
1205 re que le ciel vide, et illumine la goutte rose d’ une fourmi ailée qui danse au-dessus de mon verre de vin blanc.   Mai La
1206 sus de mon verre de vin blanc.   Mai La mer est d’ un vert bleu crayeux, très froide encore. On ne peut guère que se trempe
1207 la dune, au vent doux. Villages blancs au-dessus des lagunes. Une odeur forte de varech séché vient des champs et des vign
1208 vent doux. Villages blancs au-dessus des lagunes. Une odeur forte de varech séché vient des champs et des vignes sablonneus
1209 es lagunes. Une odeur forte de varech séché vient des champs et des vignes sablonneuses.   21 mai Pendant les jours de gran
1210 e odeur forte de varech séché vient des champs et des vignes sablonneuses.   21 mai Pendant les jours de grande marée, entr
1211 ait fuir et choir de tous côtés de petits crabes. Des ruisseaux, des rivières impétueuses parcourent ce territoire compliqu
1212 ir de tous côtés de petits crabes. Des ruisseaux, des rivières impétueuses parcourent ce territoire compliqué. Nous les sui
1213 irer vivement la treille et l’égoutter. On ramène un paquet de varech, un ou deux crabes tout terreux, et parfois en se pe
1214 lle et l’égoutter. On ramène un paquet de varech, un ou deux crabes tout terreux, et parfois en se penchant sur la treille
1215 s en se penchant sur la treille, on voit bondir d’ un bord à l’autre quelque chose de transparent, ou de rosé, ou de verdât
1216 e rosé, ou de verdâtre, qu’il faut attraper comme une mouche et qui vous saute encore dans la main et vous gratte la paume
1217 plus belles crevettes, grosses comme le doigt, d’ un rose sombre, aux longues antennes grenat. — On cuit les crevettes tou
1218 ntes, en les jetant dans de l’eau qui bout. Après des soubresauts terribles — une ou deux sautent hors de la casserole —, e
1219 l’eau qui bout. Après des soubresauts terribles — une ou deux sautent hors de la casserole —, elles se recroquevillent, rou
1220 a veut dire ? Je parlais de « l’attente ardente » des créatures, songeant au passage où l’Apôtre nous fait entendre ce soup
1221 ce soupir de toute la Création vers la révélation des « enfants de lumière », et la restauration de l’ordre originel. Et vo
1222 répulsion, pitié, etc. En somme, tout se borne à une certaine « sympathie » (souffrir avec) que l’homme éprouve pour ses v
1223 est probable que le tigre en train de déchiqueter une jeune gazelle ne fait pas tant d’histoires, ne fait pas de sentiment.
1224 attention. C’est uniquement s’il y a dans l’homme une vocation surnaturelle, la mission de restaurer l’harmonie primitive,
1225 ère plainte de la justice cosmique blessée. Comme une prière muette en moi, toute machinale et tout obscure.   24 mai On di
1226 er. (Nous attendions depuis deux jours l’éclosion des œufs.) Il me semble qu’il se passe des choses au fond du réduit obscu
1227 l’éclosion des œufs.) Il me semble qu’il se passe des choses au fond du réduit obscur. La poule grogne furieusement quand j
1228 eusement quand je passe la tête. Je vais chercher une bougie, je réveille ma femme. Nous essayons de soulever par les ailes
1229 ayons de soulever par les ailes la poule qui fait un caquet déchirant : elle serre entre ses pattes un œuf à demi ouvert d
1230 un caquet déchirant : elle serre entre ses pattes un œuf à demi ouvert d’où sort un long cou maigre, tout humide. Un poule
1231 e entre ses pattes un œuf à demi ouvert d’où sort un long cou maigre, tout humide. Un poulet gris, déjà séché, palpite au
1232 ouvert d’où sort un long cou maigre, tout humide. Un poulet gris, déjà séché, palpite au milieu des autres œufs. On entend
1233 e au milieu des autres œufs. On entend le toc-toc des becs à l’intérieur. Je repose la lourde poule avec précaution, craign
1234 ents, ramène deux œufs sous son aile, fait sortir une coque vide, et reprend, l’œil fixe, son travail invisible de mère. C’
1235 et mystérieux, pacifiant comme la démonstration d’ une absolue sagesse à l’œuvre dans cette vie. Il y a sur toute la terre d
1236 e « rentrées ».   14 juin Hier soir, j’avais fait une dernière revue de nos possibilités de subsister pendant les semaines
1237 Les chapitres du livre en train, non détachables. Un essai philosophique sur la personne : destiné à une revue non payante
1238 n essai philosophique sur la personne : destiné à une revue non payante. Autres ressources : néant. Reste : 90 francs. Ce m
1239 ncs. Ce matin, nous avons décidé de réagir. Quand une auto risque de rater le tournant emportée par la force centrifuge, il
1240 ond sur l’accélérateur. Je suis allé à A. acheter des cigarettes. Et nous allions nous mettre à table pour manger le canard
1241 allions nous mettre à table pour manger le canard des grandes occasions, quand la chose est arrivée. Apportée par la factri
1242 d la chose est arrivée. Apportée par la factrice. Une grosse enveloppe cachetée, venant de l’étranger. En-tête d’une fondat
1243 veloppe cachetée, venant de l’étranger. En-tête d’ une fondation littéraire. Il faut d’abord signer, c’est recommandé. Ensui
1244 t recommandé. Ensuite, il faut comprendre : c’est une lettre et un chèque. C’est un prix. Un prix dont je connaissais tout
1245 Ensuite, il faut comprendre : c’est une lettre et un chèque. C’est un prix. Un prix dont je connaissais tout juste le nom.
1246 comprendre : c’est une lettre et un chèque. C’est un prix. Un prix dont je connaissais tout juste le nom. Que je n’aurais
1247 e : c’est une lettre et un chèque. C’est un prix. Un prix dont je connaissais tout juste le nom. Que je n’aurais jamais eu
1248 u l’idée de solliciter. Et qui m’est octroyé pour un petit livre paru sans bruit il y a plus de dix-huit mois. Les hommes
1249 ou plutôt du retrait. (Il ne faut pas que ce soit une feinte, bien entendu, cela ferait tout rater ; il faut un véritable n
1250 e, bien entendu, cela ferait tout rater ; il faut un véritable non-espoir). Équivalent, pour la façon de traiter la vie, d
1251 , pour la façon de traiter la vie, de la médecine des homéopathes.   16 juin La banque d’A. n’est ouverte qu’un jour par se
1252 pathes.   16 juin La banque d’A. n’est ouverte qu’ un jour par semaine. Ce n’est qu’aujourd’hui que j’ai pu aller y négocie
1253 rte où il est écrit : Caisse. Je frappe et entre. Un homme penché vers le guichet parle au gérant. Le gérant me fait un si
1254 ers le guichet parle au gérant. Le gérant me fait un signe, et comme je ne comprends pas, il passe sa portette et vient me
1255 mis de côté », qui peut expliquer le comportement des gens d’ici. Il faut admettre que pour eux, une pudeur, ou une honte t
1256 nt des gens d’ici. Il faut admettre que pour eux, une pudeur, ou une honte tout à fait particulière s’attache au commerce d
1257 ci. Il faut admettre que pour eux, une pudeur, ou une honte tout à fait particulière s’attache au commerce de l’argent.   2
1258 juin Les gens. Je feuillette ce journal : voici des semaines qu’il n’y est à peu près plus question des « gens ». En somm
1259 s semaines qu’il n’y est à peu près plus question des « gens ». En somme, je ne m’intéresse plus guère à leurs affaires. J’
1260 même patience, depuis qu’il y a de l’argent dans un tiroir. Cela signifie que j’ai cessé d’être chômeur. Le départ est fi
1261 . Bilan. S’installer dans la pauvreté comme dans un champ d’activité nouveau, avec l’ardeur et les curiosités naïves du d
1262 , cela suppose beaucoup moins de courage que bien des jeunes bourgeois ne l’imaginent : ceux qui voudraient « partir », se
1263 e saut. Peut-être leur suffirait-il, pour oser, d’ une vision précise de cet état qu’ils rêvent et craignent. J’ai pensé plu
1264 pourrait être utile de montrer qu’on peut sortir des villes où se font les « carrières » sans sortir de la vie véritable ;
1265 de très peu sans cesser de vivre son plein. Voici un an bientôt que j’ai quitté Paris. Voici un an que je dors bien, que j
1266 Voici un an bientôt que j’ai quitté Paris. Voici un an que je dors bien, que je travaille sans fièvre et que je flâne san
1267 n compris ce mot, que tant de gens invoquent avec un accent triste. Je suis devenu tout doucement amoureux de ma vie, et j
1268 nt amoureux de ma vie, et je crois bien que c’est un penchant qu’elle agrée. Non point qu’elle me paye en retour de surpri
1269 multipliées : peu d’aventures dans l’existence d’ un homme qui cherche à se posséder plutôt qu’à se fuir dans les hasards.
1270 t qu’à se fuir dans les hasards. C’est sans doute un effet de la trentaine qui approche : je n’espère plus, comme à vingt
1271 e embuscade du destin, comme qui dirait au coin d’ un bois. Je crois que le réel est à portée de la main, et n’est que là.
1272 assurer la prise de cette main. C’est l’affaire d’ une patience, ou d’une impatience dominée, — et sans doute qu’une certain
1273 cette main. C’est l’affaire d’une patience, ou d’ une impatience dominée, — et sans doute qu’une certaine pauvreté pouvait
1274 , ou d’une impatience dominée, — et sans doute qu’ une certaine pauvreté pouvait seule m’y forcer utilement. ae. Rougemon
1275 t Denis de, « N’habitez pas les villes (Extrait d’ un journal) », La Nouvelle Revue française, Paris, juillet 1937, p. 63-8
30 1937, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Gösta Berling, par Selma Lagerlöf (novembre 1937)
1276 les douze « Cavaliers » d’Ekeby, qui régnèrent d’ un Noël à l’autre sur la province du Warmland, s’étant juré de ne rien a
1277 il ne reste que Selma Lagerlöf pour nous raconter des histoires, des histoires inventées, impossibles, caracolantes et grac
1278 Selma Lagerlöf pour nous raconter des histoires, des histoires inventées, impossibles, caracolantes et gracieuses, réalist
1279 ques, pleines de malices et de profondes audaces. Des histoires que l’on croit intégralement parce qu’elles nous sont donné
1280 qu’elles nous sont données pour ce qu’elles sont, des fables. Nos romanciers, terrorisés par une sadique « défense d’invent
1281 sont, des fables. Nos romanciers, terrorisés par une sadique « défense d’inventer », s’épuisent à rechercher le vraisembla
1282 lle adore se laisser attraper dans les figures qu’ une Lagerlöf s’amuse à rajeunir tour à tour : une au moins par chapitre48
1283 qu’une Lagerlöf s’amuse à rajeunir tour à tour : une au moins par chapitre48, et à chaque fois le coup est bon. Vous parte
1284 émouvants, et l’auteur s’esquive prestement avec une bonne espièglerie, pour vous laisser à votre joie ou à vos larmes. Il
1285 ythmes naturels, libérant les vertus et les vices des entraves du respect humain, nous jette dans le grand jeu du péché et
1286 ession de vivre. Cette année folle, inaugurée par un traité avec le diable, vient mourir dans la nuit de Noël au rythme fa
1287 nt mourir dans la nuit de Noël au rythme familier des marteaux de la forge rebâtie. Les Cavaliers, « appelés à faire vivre
1288 ende, malgré toutes ses romances et ses idylles d’ une pureté dramatique. Les forges, les charrois de minerai, le trafic des
1289 e. Les forges, les charrois de minerai, le trafic des chalands, l’économie agraire, tout cela ne joue pas un moindre rôle q
1290 alands, l’économie agraire, tout cela ne joue pas un moindre rôle que la nature, les ours et les trolls des forêts, dans l
1291 oindre rôle que la nature, les ours et les trolls des forêts, dans les exploits des Cavaliers. Ce n’est pas du réalisme soc
1292 ours et les trolls des forêts, dans les exploits des Cavaliers. Ce n’est pas du réalisme socialiste, c’est la réalité soci
1293 lité sociale plus toutes les autres. Et l’amour d’ une femme pour son peuple, au lieu de ces vantardises en service commandé
1294 ropéenne dont le génie ait eu la force de recréer un pays tout entier, avec ses classes et ses institutions, ses armes, se
1295 re. Tous les Suédois, hommes et femmes, jouissent des mêmes droits politiques. » 47. On n’en connaissait jusqu’ici qu’une
1296 itiques. » 47. On n’en connaissait jusqu’ici qu’ une adaptation abrégée, selon la coutume détestable qu’appuient nos préju
1297 s, sorcières, belles jeunes filles courtisées par des héros, épousant des benêts, vieux pasteurs ivrognes ou avares, demois
1298 jeunes filles courtisées par des héros, épousant des benêts, vieux pasteurs ivrognes ou avares, demoiselles de compagnie s
31 1937, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Au dossier d’une vieille querelle (novembre 1937)
1299 Au dossier d’ une vieille querelle (novembre 1937)ah Un clerc écrivait récemment qu’
1300 ssier d’une vieille querelle (novembre 1937)ah Un clerc écrivait récemment qu’il faut se garder d’engager la raison dan
1301 ent qu’il faut se garder d’engager la raison dans une aventure — la vie — « où elle ne peut qu’être outragée » (car la vie
1302 écurité. On trouve dans la Logique de Port-Royal, un dilemme assez comparable, « par lequel un ancien Philosophe prouvait
1303 -Royal, un dilemme assez comparable, « par lequel un ancien Philosophe prouvait qu’on ne se devait point mêler des affaire
1304 hilosophe prouvait qu’on ne se devait point mêler des affaires de la République. Si on y agit bien — disait-il — on offense
1305 « Si on s’y gouverne selon les règles corrompues des hommes, on contentera les hommes. Si on y garde la vraie justice, on
1306 on dans la vie : non point pour qu’elle y reçoive des outrages, mais pour qu’elle-même en fasse subir de salutaires à une v
1307 pour qu’elle-même en fasse subir de salutaires à une vie qui en a grand besoin. Que cela n’aille pas sans risques, c’est l
1308 révère, de la vérité ou de la sécurité. Ce serait une raison bien débile, qui n’oserait s’exercer que sur du rationnel tout
1309 on vit. ah. Rougemont Denis de, « Au dossier d’ une vieille querelle », La Nouvelle Revue française, Paris, novembre 1937
32 1938, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Le Monastère noir, par Aladár Kuncz (janvier 1938)
1310 les premiers jours de la guerre. On l’envoie dans un camp à Perpignan. De là au « monastère noir », la forteresse de Noirm
1311 Et voici le journal de cet intellectuel jeté dans un cul de bassefosse par le jeu de l’état civil. Qu’il ne s’y mêle aucun
1312 . Qu’il ne s’y mêle aucune trace de hargne, c’est un miracle qui défie l’époque. M. de Lacretelle, dans sa préface, déclar
1313 réface, déclare fort justement qu’il s’acquitte d’ une dette en présentant cette œuvre au public français. Vous en ferez tou
1314 mieux. Peut-être même prendrez-vous conscience d’ une menace plus générale encore, qui concerne chacun de nous, et dont l’i
1315 de nous, et dont l’internement de guerre n’est qu’ une conséquence entre mille, d’une virulence particulière, mais au moins
1316 de guerre n’est qu’une conséquence entre mille, d’ une virulence particulière, mais au moins déclarée. Je veux parler du myt
1317 mène multiforme, insaisissable et saisissant : qu’ un innocent, ou qui se croit tel, se voie privé de sa liberté pour des «
1318 ui se croit tel, se voie privé de sa liberté pour des « raisons » collectives et obscures. Il me paraît que le livre de Kun
1319 t du fait qu’il symbolise, illustre et concrétise une condition qui n’est pas seulement celle du prisonnier proprement dit,
1320 peu ou prou, de chaque individu soumis aux lois d’ une collectivité délirante. Sur la foi d’affiches officielles promettant
1321 oi d’affiches officielles promettant aux internés une libération rapide, Kuncz écrit à des personnages haut placés pour leu
1322 aux internés une libération rapide, Kuncz écrit à des personnages haut placés pour leur faire part de son état : mais les l
1323 sons ni points de repère : c’est la guerre. C’est un mot sacré. C’est quelque chose qui se passe très loin, partout, et qu
1324 tout le monde se trouve secrètement impliqué dans une atroce et lente fatalité universelle. Comment ne point songer au Proc
1325 tationaj. On se rappelle que c’était l’histoire d’ un homme qui se voit inculpé, par une justice inaccessible, d’une faute
1326 it l’histoire d’un homme qui se voit inculpé, par une justice inaccessible, d’une faute indéterminée. Il faut sans doute at
1327 se voit inculpé, par une justice inaccessible, d’ une faute indéterminée. Il faut sans doute attribuer au Procès une signif
1328 éterminée. Il faut sans doute attribuer au Procès une signification théologique. Mais ce n’est pas la seule possible. Il y
1329 pas la seule possible. Il y a aussi dans ce livre une parabole de l’homme traqué par les tyrannies anonymes qui se multipli
1330 cle49, et tendent à faire du moindre d’entre nous un prévenu. C’est le cauchemar du xxe siècle. Le triomphe de l’État sur
1331 out cela dans le livre de Kuncz : il nous apporte un document bien assez émouvant comme tel. Et la preuve, une fois de plu
1332 assées, casernes, discipline et épuration au sein des partis, arrestations en masse de suspects, procès de tendance faits à
33 1938, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Victoire à Waterloo, par Robert Aron (février 1938)
1333  : Grouchy ! — C’était Grouchy. » Et Waterloo fut une victoire. Mais Napoléon abdiqua et termina ses jours à Sainte-Hélène.
1334 ainte-Hélène. Tel est le sujet. En somme, mettant un signe plus là où l’Histoire met un signe moins, l’auteur annule le fa
1335 somme, mettant un signe plus là où l’Histoire met un signe moins, l’auteur annule le facteur Waterloo, et nous démontre qu
1336 our second membre l’abdication. Il y a sans doute une théorie de l’Histoire à l’origine de cet ouvrage d’une passionnante a
1337 héorie de l’Histoire à l’origine de cet ouvrage d’ une passionnante ambiguïté, et qui se donne l’air d’une « fantaisie ». Pr
1338 e passionnante ambiguïté, et qui se donne l’air d’ une « fantaisie ». Prenons ce mot au sens allemand : une « imagination »
1339 « fantaisie ». Prenons ce mot au sens allemand : une « imagination » profonde du destin de Napoléon, voilà ce que nous pro
1340 a pensé qu’il valait mieux tirer de faits fictifs des conséquences vraies, que de tirer comme M. Madelin des conséquences f
1341 onséquences vraies, que de tirer comme M. Madelin des conséquences fausses de faits « prouvés ». La thèse peut se discuter.
1342 e livre, dit la préface, est que pour transformer une défaite en victoire et une abdication forcée en abdication volontaire
1343 t que pour transformer une défaite en victoire et une abdication forcée en abdication volontaire, il ait fallu si peu chang
1344 eu imaginer. Il faut vraiment que dans l’histoire des hommes les faits interviennent moins qu’on ne croit communément. Il f
1345 uoi cette victoire à Waterloo ? Parce qu’au cours des journées qui précèdent la bataille, Napoléon a découvert la vie concr
1346 bataille, Napoléon a découvert la vie concrète d’ un pays et des êtres dont c’est la patrie. Il a conçu les premiers doute
1347 Napoléon a découvert la vie concrète d’un pays et des êtres dont c’est la patrie. Il a conçu les premiers doutes humains su
1348 mais cela même dénonce son pouvoir, préfiguration des fascismes. (Lui aussi fut trois fois plébiscité !) Devant les Chambre
1349 s gouvernons en pleine idéologie. Nous avons fait un empire géant pour n’avoir pas été capables de fédérer nos communes. »
1350 par ailleurs compose bien d’autres thèmes : celui des îles, celui de la patrie perdue que Bonaparte cherche à se recréer, c
1351 u schizophrène qui « perd le sentiment », celui d’ une société qu’il faut bâtir « à hauteur d’homme » et non pas à hauteur d
1352 e méditation personnaliste. Car après tout, c’est une histoire, un des meilleurs romans de l’année, et qui se fait lire ave
1353 ersonnaliste. Car après tout, c’est une histoire, un des meilleurs romans de l’année, et qui se fait lire avec le plus con
1354 onnaliste. Car après tout, c’est une histoire, un des meilleurs romans de l’année, et qui se fait lire avec le plus constan
1355 a bien plus que de l’ingéniosité dans ce livre : un sens de l’homme et des limites de sa grandeur, un sens de l’humour du
1356 ingéniosité dans ce livre : un sens de l’homme et des limites de sa grandeur, un sens de l’humour du destin, une vraie poés
1357 un sens de l’homme et des limites de sa grandeur, un sens de l’humour du destin, une vraie poésie de l’Histoire, libératri
1358 es de sa grandeur, un sens de l’humour du destin, une vraie poésie de l’Histoire, libératrice et excitante pour l’esprit. À
1359 rel, sur Madelin et sur Aubry, pour leur arracher des aveux à l’appui de la thèse d’Aron. 50. Jean-Paul rapporte un rêve
1360 ppui de la thèse d’Aron. 50. Jean-Paul rapporte un rêve où il disait à Napoléon : « Je ne suis jamais plus intelligent q
34 1938, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Une révolution refoulée (juillet 1938)
1361 Une révolution refoulée (juillet 1938)al Est-il possible d’indiquer un
1362 ée (juillet 1938)al Est-il possible d’indiquer une raison simple de l’échec du Front populaire ? La psychanalyse nous pr
1363 du Front populaire ? La psychanalyse nous propose un type d’explication qui me paraît bien tentant : c’est le mécanisme du
1364 onsisté à empêcher la révolution. Juin 1936 était un espoir que les accords Matignon trompèrent. C’est tout ce que l’Histo
1365 courbe de l’expérience : il s’agissait d’affirmer une mystique, mais de ne faire que les réformes qu’imposait la pression d
1366 ne faire que les réformes qu’imposait la pression des « masses ». Dans une telle situation historique, les réformes vont to
1367 rmes qu’imposait la pression des « masses ». Dans une telle situation historique, les réformes vont toujours à l’encontre d
1368 storique, les réformes vont toujours à l’encontre des buts allégués. Chacun sent très bien que l’autre triche. D’où cet aff
1369 avoir plus qu’il ne peut et ne sait faire, seule une révolution est capable de faire aboutir des réformes. Mais personne n
1370 seule une révolution est capable de faire aboutir des réformes. Mais personne ne la prépare. M. Staline a d’autres plans, e
1371 plans, et Ce soir a d’autres vertus. S’il se fait une révolution, elle sera donc improvisée, donc sanglante, donc destinée
1372 glante, donc destinée à se figer dans le rictus d’ une dictature. Tout le monde le sent, tout le monde le craint — et le dés
1373 es se mettent en rang, lèvent le poing, acclament des caporaux. Ainsi l’Autriche fascinée s’est jetée dans la gueule du dra
1374 nom d’antifascisme, c’est normal. On n’arrête pas une révolution lorsqu’elle est nécessaire, et c’est le cas. Mais il arriv
1375 me tromper, croire au miracle. Je préfère opposer un pessimisme actif à tant d’espérances bernées. al. Rougemont Denis
1376 ’espérances bernées. al. Rougemont Denis de, «  Une révolution refoulée », La Nouvelle Revue française, Paris, juillet 19
35 1938, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Alice au pays des merveilles, par Lewis Carroll (août 1938)
1377 Alice au pays des merveilles, par Lewis Carroll (août 1938)am Si l’on songe que le c
1378 )am Si l’on songe que le conte est par essence un récit cocasse et en quelque manière libérateur, on conçoit que les me
1379 tie, donc impure. Elle opère en toute liberté sur un nombre restreint de données qu’elle considère dans l’absolu, et elle
1380 qu’elle considère dans l’absolu, et elle en tire des déductions exactes, qui se trouvent par là même contredire l’expérien
1381 libération. En outre, quoi de plus important pour un enfant que la comparaison des grandeurs — « plus grand que » et « plu
1382 plus important pour un enfant que la comparaison des grandeurs — « plus grand que » et « plus petit que » —, qui est aussi
1383 matique. Ces remarques peuvent nous orienter vers une compréhension nouvelle des contes de Lewis Carroll — qui était un mat
1384 ent nous orienter vers une compréhension nouvelle des contes de Lewis Carroll — qui était un mathématicien —, et d’Alice en
1385 nouvelle des contes de Lewis Carroll — qui était un mathématicien —, et d’Alice en particulier. On dit à l’enfant : mange
1386 oupe et tu deviendras grand. Donc il peut exister des aliments qui produiraient l’effet inverse ? Et l’imagination peut ais
1387 est le conte de Carroll nous apparaît alors comme une série de variations sur le thème de la relativité dans l’espace et le
1388 te et tantôt naine, Alice expérimente chaque fois un monde nouveau, et chaque fois elle se sent plus forte ou plus faible
1389 s, créatures curieusement acharnées à lui opposer une logique qui, n’étant plus le fait des grandes personnes — « ce qui va
1390 lui opposer une logique qui, n’étant plus le fait des grandes personnes — « ce qui va de soi » — apparaît tantôt ridicule,
1391 de Mars, ce Loir et ce Chapelier fou, on croirait une préfiguration des logiciens de l’école de Vienne. Et la discussion su
1392 t ce Chapelier fou, on croirait une préfiguration des logiciens de l’école de Vienne. Et la discussion sur le temps, au cou
1393 oufoque » où il est toujours cinq heures, annonce une psychologie post-einsteinienne, et fait songer au Temps vécu de Minko
1394 nt tous ! », gémit Alice, constamment réfutée par un formalisme délirant. Le pire, c’est que la plupart des discussions pè
1395 a plupart des discussions pèchent par l’absence d’ un élément de commune mesure : d’où l’impression d’entrave, de cauchemar
1396 auchemar. Impossible de savoir qui a gagné, quand une des règles principales du jeu est omise ou inobservée. (Ainsi la part
1397 emar. Impossible de savoir qui a gagné, quand une des règles principales du jeu est omise ou inobservée. (Ainsi la partie d
1398 scussion avec le bourreau qui refuse de décapiter un chat dont la tête seule est visible, etc.). Et pourtant, ce n’est que
1399 e est visible, etc.). Et pourtant, ce n’est que d’ un jeu qu’il s’agit. Alice en garde la conscience secrète — comme dans l
1400 le ou menaçante. D’ailleurs, on pourrait proposer une explication parallèle par le langage, autre problème fondamental pour
1401 e par le langage, autre problème fondamental pour un enfant. Les deux hypothèses rendent compte de la plupart des « gags »
1402 pose le récit. Et parfois les pièges logiques ont une double détente par calembour. Tout cela est assez bien symbolisé par
1403 aît scrupuleuse, encore que déparée ici ou là par des préciosités indéfendables. Les dessins sont d’une meilleure plume.
1404 des préciosités indéfendables. Les dessins sont d’ une meilleure plume. am. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Lewis Ca
1405 de, « [Compte rendu] Lewis Carroll, Alice au pays des merveilles  », La Nouvelle Revue française, Paris, août 1938, p. 328-
36 1938, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Page d’histoire (novembre 1938)
1406 Page d’histoire (novembre 1938)an D’ un manuel futur : Leçon sur la crise des minorités en 1938. 1. Caractéri
1407 1938)an D’un manuel futur : Leçon sur la crise des minorités en 1938. 1. Caractérisez l’état politique de l’Europe en 19
1408 vaient fondé leur paix sur deux principes : droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, arbitrage international. Au nom du pr
1409 ue, au nom du second, la SDN. Mais le jacobinisme des démocraties (centralisation rigide, confusion de l’État et de la Nati
1410 opposait dans le fait à toute application honnête des deux principes. D’une part la SDN ne fut pas une fédération, aucun de
1411 des deux principes. D’une part la SDN ne fut pas une fédération, aucun des États constituants n’ayant renoncé à aucune de
1412 ’une part la SDN ne fut pas une fédération, aucun des États constituants n’ayant renoncé à aucune de ses prérogatives au bé
1413 èque opprima ses propres minorités, leur imposant un régime centraliste inspiré du modèle français. 2. Sur quoi se basaien
1414 de baser leurs revendications, à la fois sur l’un des principes que les démocraties prétendaient défendre, et sur le systèm
1415 t. C’est ainsi que l’Allemagne exigea l’autonomie des Sudètes au nom du droit de libre disposition des peuples, puis leur a
1416 des Sudètes au nom du droit de libre disposition des peuples, puis leur annexion au nom de « l’unité nationale ». 3. Quell
1417 e « l’unité nationale ». 3. Quelle fut la réponse des démocraties ? — Il était fatal, dans ces conditions, que les démocrat
1418 es se laissassent convaincre par le « bon droit » des exigences allemandes. Et c’est pourquoi, lorsqu’en septembre 1938, l’
1419 mes et sur le champ dans les territoires sudètes. Une cession purement diplomatique n’eût pas compté à ses yeux. La religio
1420 pensaient que l’exigence d’entrer en armes était une « querelle d’Allemands », une rodomontade gratuite, puisqu’en princip
1421 trer en armes était une « querelle d’Allemands », une rodomontade gratuite, puisqu’en principe tout était résolu. Seul, le
1422 inistre anglais sut voir et dire qu’il y avait là un fait nouveau, le signe d’une volonté d’hégémonie. C’était traduire en
1423 dire qu’il y avait là un fait nouveau, le signe d’ une volonté d’hégémonie. C’était traduire en termes classiques la réalité
1424 e religion totalitaire. D’ailleurs, les réactions des masses ne tardèrent pas à démontrer que Chamberlain avait su exprimer
1425 démontrer que Chamberlain avait su exprimer l’une des tendances fondamentales et instinctives de l’Occident : la résistance
1426 ident : la résistance à toute hégémonie, au nom d’ un idéal latent de fédération des peuples sur pied d’égalité. Une vague
1427 hégémonie, au nom d’un idéal latent de fédération des peuples sur pied d’égalité. Une vague de fond s’éleva contre la préte
1428 ent de fédération des peuples sur pied d’égalité. Une vague de fond s’éleva contre la prétention allemande, que l’on sentai
1429 se vit contraint d’accepter la réunion à Munich d’ une « Diète » de gouvernements égaux, qui régla le problème à l’avantage
1430 me à l’avantage matériel de l’Allemagne, mais sur une base d’arbitrage international préfigurant ainsi un statut fédéral ex
1431 base d’arbitrage international préfigurant ainsi un statut fédéral exclusif de toute hégémonie. 6. À qui profitèrent les
1432 dépit de leurs intérêts nationalistes. En proie à des luttes intestines sans grandeur, les démocraties de l’Ouest ne surent
1433 eur, les démocraties de l’Ouest ne surent tirer d’ un événement aussi considérable que des conclusions chagrines, au terme
1434 urent tirer d’un événement aussi considérable que des conclusions chagrines, au terme de calculs qu’on appelait alors « réa
1435 s « réalistes », et qui se bornaient à faire état des pertes matérielles subies. Le bénéfice moral, incalculable, fut perdu
1436 s, les dictateurs ne trouvant plus devant eux que des États demeurés centralistes et maladroitement autarchiques, auxquels
1437 re dynamique de l’Occident : l’utopie agissante d’ une fédération des égaux, dont la seule Suisse figurait le microcosme. C’
1438 l’Occident : l’utopie agissante d’une fédération des égaux, dont la seule Suisse figurait le microcosme. C’est dans cette
37 1939, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Propos sur la religion, par Alain (avril 1939)
1439 nsi le catholicisme, interprété par Alain, serait une sagesse éternelle qu’il s’agirait de remettre à jour, c’est-à-dire de
1440 respecte, celle d’Alain ne peut pas tenir compte des données concrètes du christianisme : le péché, le salut, le drame de
1441 ule volontiers sur les avantages et inconvénients des « preuves » ou de l’absence de preuves en matière de « croyance », dé
1442 dans les évangiles, s’il est vrai qu’il encombre une bonne part de la théologie, surtout catholique. Tout cela, je le crai
1443 out catholique. Tout cela, je le crains, relève d’ un malentendu, courant sur le sens du mot « foi ». Je voudrais au moins
1444 du mot « foi ». Je voudrais au moins l’indiquer. Un chrétien sait que sa foi n’est nullement le contraire du doute intell
1445 ais le contraire du péché, lequel n’est nullement une erreur morale, mais un état de révolte active de la créature (même lo
1446 é, lequel n’est nullement une erreur morale, mais un état de révolte active de la créature (même lorsqu’il se déguise en b
1447 cise le contenu. « La vraie religion est le culte des morts », dit-il après Auguste Comte. Je le pense aussi. (Voyez le rac
1448 Mais pour le chrétien, « la foi est la substance des choses espérées ». Ce qu’un esprit comme celui d’Alain retient du cat
1449 foi est la substance des choses espérées ». Ce qu’ un esprit comme celui d’Alain retient du catholicisme, c’est donc exacte
1450 tuer la sagesse d’Alain, qu’on songe à la folie d’ un Kierkegaard. Alors éclate le conflit véritable entre l’humanisme et l
1451 peur ». Serait-ce qu’il n’a jamais rencontré que des hommes « religieux », non des chrétiens vivant selon la foi et capabl
1452 amais rencontré que des hommes « religieux », non des chrétiens vivant selon la foi et capables de lui faire pressentir que
1453 français, en tant que, vidé de la foi, il demeure une « religion » ? Qu’il poursuive donc son enquête, si toutefois il ne t
1454 nel, etc. Bien sûr. Je le donne pour tel. Il faut des repères pour juger. La critique moderne l’oublie un peu, animée d’une
1455 repères pour juger. La critique moderne l’oublie un peu, animée d’une méfiance étrange pour celui qui déclare ses valeurs
1456 er. La critique moderne l’oublie un peu, animée d’ une méfiance étrange pour celui qui déclare ses valeurs, — en dehors de l
38 1939, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Don Juan (juillet 1939)
1457 de ne voir en lui que le feu naturel du désir, —  une espèce d’animalité véhémente, et comme innocente… Mais jamais la Natu
1458 sentez bien qu’il y a du démoniaque dans son cas, une sorte de polémique anxieuse, de méchanceté et de défi : la main tendu
1459 « primitifs » qu’on nous décrit. Don Juan suppose une société encombrée de règles précises dont elle rêve moins de se déliv
1460 st plus loin de la nature. Voyez comme il se sert des femmes : incapable de les posséder, il les viole d’abord moralement p
1461 contraire de ce que l’on croit, il souffrirait d’ une anxiété secrète déjà voisine de l’impuissance. Et il est vrai que cel
1462 exercer sur presque tous les hommes, n’évoque pas une idée de santé. Mais dans cette furie insolente, dans cette jactance b
1463 lesse et défaut ? Ira-t-on peut-être plus loin, à des critères spirituels ? Don Juan serait par exemple le type de l’homme
1464 pourrait se manifester ce qu’il y a d’unique dans un être. Pourquoi ne peut-il désirer que la nouveauté dans la femme ? Et
1465 ance, baisser la tête, s’assombrir, comme saisi d’ une timidité, et fasciné pour la première fois par la révélation d’amour,
1466 nce à se fixer, soit impuissance à se déprendre d’ une image à lui-même secrète. Et de là vient sa puissance apparente, sa f
1467 n rythme dionysiaque. ⁂ Or si le don juanisme est une passion de l’esprit et non pas comme nous aimions le croire, une exul
1468 l’esprit et non pas comme nous aimions le croire, une exultation de l’instinct, tout porte à supposer que cette passion n’e
1469 ux. (Appelons ici danger ce qui peut compromettre un certain équilibre social que les mœurs ont pour but de maintenir, cet
1470 el, dès que l’esprit insatiable l’excite, devient une menace pour la vie. En dérivant cette passion vers le plaisir, la soc
1471 vers le plaisir, la société se trouve lui ménager des satisfactions qui l’épuisent, sans que l’ordre des choses ait à souff
1472 es satisfactions qui l’épuisent, sans que l’ordre des choses ait à souffrir d’une dépense improductive. Certes Don Juan est
1473 ent, sans que l’ordre des choses ait à souffrir d’ une dépense improductive. Certes Don Juan est un tricheur, et même il ne
1474 r d’une dépense improductive. Certes Don Juan est un tricheur, et même il ne vit que de cela. (La banque de pharaon était
1475 ela. (La banque de pharaon était la source unique des revenus de Casanova : symbole dont il nous donne maintes fois la clé.
1476 ole dont il nous donne maintes fois la clé.) Mais une tricherie constante est moins dangereuse que les faiblesses subites d
1477 est moins dangereuse que les faiblesses subites d’ un honnête homme. On est en garde, et l’on connaît le système, entièreme
1478 entièrement relatif aux règles du jeu. Imaginons un don juanisme plus secret, une table de pharaon où l’on mette sur les
1479 es du jeu. Imaginons un don juanisme plus secret, une table de pharaon où l’on mette sur les cartes des « valeurs » invisib
1480 une table de pharaon où l’on mette sur les cartes des « valeurs » invisibles au lieu d’espèces sonnantes. Alors « la triche
1481 es sonnantes. Alors « la tricherie » cesse d’être une habileté vulgaire et profitable. Elle peut devenir l’acte héroïque d’
1482 t profitable. Elle peut devenir l’acte héroïque d’ une loyauté sans scrupules, toutefois ressentie comme un crime, du fait q
1483 loyauté sans scrupules, toutefois ressentie comme un crime, du fait qu’elle institue un ordre neuf par le décret de sa rig
1484 essentie comme un crime, du fait qu’elle institue un ordre neuf par le décret de sa rigueur. ⁂ Nietzsche s’est dressé face
1485 la coutume. L’immoraliste est comme le moraliste un ennemi vigilant de l’instinct : car s’il le glorifie c’est par esprit
1486 u tombent dans le doute à la première séduction d’ une hypothèse scientifique. Il n’y a plus de foi qui affirme et qui maint
1487 r à tout coup, pour peu qu’on ait l’envie de nier des règles que personne n’ose plus dire inviolables ! Qui donc se ferait
1488 s dire inviolables ! Qui donc se ferait tuer pour une vertu dont on ne sait plus quelle est la fin ? Et toutes ces vérités
1489 va dire l’Autre ? C’est, dans la vie du Don Juan des vérités, l’heure de l’invitation au Commandeur. Or Dieu se tait. Il n
1490 le défi. Nietzsche attend dans la nuit désertique des hauteurs. Une aube vient. C’est encore l’aube de la terre. Personne n
1491 sche attend dans la nuit désertique des hauteurs. Une aube vient. C’est encore l’aube de la terre. Personne n’a parlé. Dieu
1492 que l’on désirait de toute sa fougue ; et se rire des suiveurs, des successeurs, de ces disciples enhardis par le triomphe
1493 ait de toute sa fougue ; et se rire des suiveurs, des successeurs, de ces disciples enhardis par le triomphe ardent d’un au
1494 e ces disciples enhardis par le triomphe ardent d’ un autre, et qui déjà croient pouvoir abuser de ses victimes. Mille et t
1495 s. Mille et trois vérités se sont rendues, et pas une seule n’a su le retenir. Qu’importent les « contradictions » ! Ce n’e
1496 les « contradictions » ! Ce n’est pas pour bâtir un système qu’il réfute, dénonce et détruit, c’est pour la joie du viol
1497 mage obscure, et à lui-même infiniment secrète, d’ une Vérité qui ne se rendrait point, mais qui le posséderait à tout jamai
1498 it mine de résister. Voluptés brèves — le temps d’ un aphorisme — fulgurations toujours décevantes : ce n’est pas elle qu’i
1499 il n’y a plus d’amour possible. Il faut inventer un amour qui permette au moins de haïr tout ce qui passe, tout ce qui cè
1500 de détruire devient douleur, et dans l’angoisse d’ une puissance anéantie par son succès, que Nietzsche a rencontré soudain
1501 nute, à cet instant ! L’Éternité, c’est le retour des temps ; et non pas la victoire sur le temps… Mais dans le temps, disa
1502 rnellement ! Ainsi Nietzsche devient le Tristan d’ un Destin qu’il ne peut posséder que par l’amour éternellement lointain.
1503 ans amour. S’il gagne, c’est en violant la vérité des êtres. Nietzsche pose des valeurs qui détruisent les règles anciennes
1504 st en violant la vérité des êtres. Nietzsche pose des valeurs qui détruisent les règles anciennes, mais qui ne valent que p
1505 al, par-delà toutes les règles du jeu, il faut qu’ une passion se révèle ; ou la mort, ou la vie éternelle. Il faut donc que
1506 ’où la tricherie ; ou bien encore, de nier la fin des temps, le règlement final, le Jugement dernier — d’où l’idée du Retou
1507 etour éternel. ⁂ Comme je parlais de ces choses à une amie : « J’ai connu, me dit-elle, un homme marié avec lequel ayant ét
1508 es choses à une amie : « J’ai connu, me dit-elle, un homme marié avec lequel ayant été coquette en vain, il me dit en me q
1509 e dit en me quittant : “Je vous ajoute à ma liste des mille e tre”. » C’étaient les femmes qu’il n’avait pas eues, par fidé
39 1939, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). La Poésie scientifique en France au xvie siècle, par Albert-Marie Schmidt (septembre 1939)
1510 r l’Adam-microcosme, Belleau décrivant les Amours des Pierres précieuses, Peletier du Mans versifiant l’Éloge du Nombre Un,
1511 es, Peletier du Mans versifiant l’Éloge du Nombre Un , Du Chesne, calviniste paracelsien et physiologue pansexualiste, Béro
1512 de Gamon, Clovis Hesteau de Nuysement blasonnant des Visions hermétiques : tels sont les animaux étranges, bariolés et qua
1513 , incongrus et antédiluviens, marée grouillante d’ une Renaissance pré-baroque. C’était le temps où la magie et la raison il
1514 a magie et la raison illuminée collaboraient dans un pédant délire, la première nourrissant la seconde de tentations fécon
1515 eut menés ? Le livre de Schmidt inventorie, avec une sorte d’ardente lucidité, les richesses dont l’ère classique a voulu
1516 acrifice. Ce n’est pas rien ! Cela donne à Phèdre un air de luxe fou : pour fondre ce bijou de platine d’une suprême éléga
1517 r de luxe fou : pour fondre ce bijou de platine d’ une suprême élégance, la plus discrète, il a fallu brûler le mobilier, le
1518 er, les souvenirs de famille datant du Moyen Âge, un tas d’objets inutiles et bizarres, chargés de significations magiques
1519 l’esprit que suppose son entreprise ? Car l’étude des poètes hermétiques exige une faculté d’interprétation recréatrice bie
1520 eprise ? Car l’étude des poètes hermétiques exige une faculté d’interprétation recréatrice bien différente des qualités req
1521 ulté d’interprétation recréatrice bien différente des qualités requises du pur et simple philologue. C’est une vision du mo
1522 lités requises du pur et simple philologue. C’est une vision du monde, et des rapports du monde à l’homme, qu’il s’agit de
1523 simple philologue. C’est une vision du monde, et des rapports du monde à l’homme, qu’il s’agit de concevoir à nouveau, si
1524 ocabulaire, et dégager le pittoresque enfoui sous des amas d’abstruse érudition. Il fallait être Schmidt pour découvrir dan
1525 nces théologiques, et finalement pour en extraire un matériel encore utilisable. Il me semble d’ailleurs que ce travail ap
1526 Toutes ces tentatives constituent, pour reprendre une heureuse expression de l’auteur, autant « d’appels plastiques à l’ave
1527 uteur, autant « d’appels plastiques à l’avenir ». Un écrivain contemporain, conscient de l’impasse où l’a conduit l’idéal
1528 , conscient de l’impasse où l’a conduit l’idéal d’ une poésie pure, pourrait trouver dans les thèmes et les formes qui foiso
1529 es et les formes qui foisonnèrent au xvie siècle des incitations très fécondes. Encore y faudrait-il une passion de cultur
1530 s incitations très fécondes. Encore y faudrait-il une passion de culture que les facilités de l’après-guerre ont passableme
1531 près-guerre ont passablement déprimée. On imagine un Valéry reprenant tel dessein de Scève : décrire la naissance des figu
1532 enant tel dessein de Scève : décrire la naissance des figures puis des solides géométriques à partir du point originel. Mai
1533 de Scève : décrire la naissance des figures puis des solides géométriques à partir du point originel. Mais qui oserait enc
1534 l. Mais qui oserait encore envisager l’ambition d’ un Guillaume du Bartas, d’un Peletier, d’un La Boderie et de tant d’autr
1535 envisager l’ambition d’un Guillaume du Bartas, d’ un Peletier, d’un La Boderie et de tant d’autres, cet inventaire de la C
1536 bition d’un Guillaume du Bartas, d’un Peletier, d’ un La Boderie et de tant d’autres, cet inventaire de la Création embrass
1537 t, de s’en rendre maîtres. Tous sont soutenus par une double croyance dans le pouvoir magique du langage, et dans la libert
1538 éels et les « signatures » primitives dans le jeu des symboles et des correspondances. C’est l’ambition que refoulera trop
1539 gnatures » primitives dans le jeu des symboles et des correspondances. C’est l’ambition que refoulera trop aisément notre â
1540 Herder. La création entière, disait Hamann, est «  un discours adressé à la créature au moyen de la créature : car un jour
1541 ressé à la créature au moyen de la créature : car un jour le redit au suivant, une nuit l’annonce à l’autre. Cette parole
1542 de la créature : car un jour le redit au suivant, une nuit l’annonce à l’autre. Cette parole traverse tous les climats, jus
1543 s l’avons perçue de nos jours, dans le dialecte d’ un Claudel, parfois même dans celui de tel surréaliste. Mais notre monde
1544 u point de rendre puérile à nos yeux l’ambition d’ un lyrisme cosmique ? 52. Un exemple au hasard. Ce vers de Baïf : « L’
1545 nos yeux l’ambition d’un lyrisme cosmique ? 52. Un exemple au hasard. Ce vers de Baïf : « L’huître dans son écaille essa
1546 la Renaissance qui « considéraient l’huître comme un condensateur du fluide vital circulant par l’univers ». Voilà de la b
1547 . Voilà de la belle érudition qui signifie. C’est une manière de poésie que bien peu savent allier à tant de science. aq.
40 1940, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Au sujet du Journal d’André Gide (janvier 1940)
1548 estimable ». Comment prendrait-on position devant un homme qui récuse sans cesse tout parti pris, et d’abord, quant à soi 
1549 renonce aisément à le fixer dans l’une ou l’autre des figures qu’il nous révèle au cours de ce Journal ; mais le malaise du
1550 llusions, et beaucoup de silence, font pressentir un drame secret, un nœud vital où peut-être réside la cause des plus étr
1551 coup de silence, font pressentir un drame secret, un nœud vital où peut-être réside la cause des plus étranges contradicti
1552 ecret, un nœud vital où peut-être réside la cause des plus étranges contradictions qu’il subit ou qu’il entretient. (Jusqu’
1553 rfois de vraies fenêtres par excessive défiance d’ une symétrie où l’on serait tenté de s’arrêter…) Faute d’un « jugement »
1554 étrie où l’on serait tenté de s’arrêter…) Faute d’ un « jugement » que ces treize cents pages s’appliquent à dénoncer d’ava
1555 ’appliquent à dénoncer d’avance, réduisons-nous à des notes de lecture, à quelques réactions impressionnistes. ⁂ Ce qui séd
1556 e, dans l’espace et le temps, voilà qui donnerait une idée de l’espèce d’intérêt que l’on prend à lire le Journal d’André G
1557 dans le tout venant de confidences fragmentaires, une vérité que les œuvres concertées avouaient peut-être beaucoup mieux.
1558 p mieux. Il est probable aussi que le journal est un genre littéraire inférieur, pour cette raison qu’il est toujours trop
1559 conçois, comme œuvre d’art, que limité au récit d’ une crise, et soumis par lui-même à une sorte d’unité qui fait nécessaire
1560 té au récit d’une crise, et soumis par lui-même à une sorte d’unité qui fait nécessairement défaut à la chronique intermitt
1561 essairement défaut à la chronique intermittente d’ une existence. Malgré les pages plus élaborées que Gide a groupées ça et
1562 plus élaborées que Gide a groupées ça et là sous des titres particuliers (Feuillets, Numquid et tu, La Marche turque, etc.
1563 arde la maîtrise, on peut prévoir que la valeur d’ un tel ouvrage restera d’ordre essentiellement biographique. Mais ici se
1564 blie mon journal, je crains qu’il ne donne de moi une idée assez fausse. Je ne l’ai point tenu durant les longues périodes
1565 pourvoit lui-même. Et cependant, « donner de soi une idée fausse », c’est bien ce que devait éviter Gide, plus jalousement
1566 rend par avance toutes ses armes ? Mais ce serait un mauvais calcul. Aux yeux d’un lecteur prévenu, tant de naturel pourra
1567 es ? Mais ce serait un mauvais calcul. Aux yeux d’ un lecteur prévenu, tant de naturel pourrait encore passer pour une pose
1568 venu, tant de naturel pourrait encore passer pour une pose raffinée. J’imaginerais plutôt que Gide est fasciné par l’obstac
1569 gidien pour échapper aux trompeuses stylisations des morales et jugements tout faits n’est plus seulement émouvant : il re
1570 st plus seulement émouvant : il revêt la valeur d’ une expérience cruciale sur les limites de la sincérité en général, et du
1571 d’y porter nos retouches. ⁂ Parfois, le secret d’ une vie s’épuise dans l’œuvre ; il ne reste pour le journal que les plus
1572 utres fois, l’œuvre et le journal sont simplement des manières différentes de poursuivre une même confidence. On ne sait pl
1573 simplement des manières différentes de poursuivre une même confidence. On ne sait plus si le journal est en marge de l’œuvr
1574 l est en marge de l’œuvre, ou si l’œuvre n’est qu’ un moment privilégié de ce journal. Alors le vrai portrait de l’auteur n
1575 es choses tues dans ce recueil — Gide a marqué qu’ une grave lacune mutile l’image qu’il nous y livre de lui-même53 —, il se
1576 ement. Et comment ne céderait-on pas à l’invite d’ une formule, d’une épigramme sur tel ami dont il semble inutile de répéte
1577 nt ne céderait-on pas à l’invite d’une formule, d’ une épigramme sur tel ami dont il semble inutile de répéter chaque fois q
1578 à ce jeu, ne s’est pas épargné : « Je ne suis qu’ un petit garçon qui s’amuse — doublé d’un pasteur protestant qui l’ennui
1579 ne suis qu’un petit garçon qui s’amuse — doublé d’ un pasteur protestant qui l’ennuie. » Type de boutade dont certains, con
1580 trop pittoresque. En somme, le journal exigerait une discipline plus grande encore que celle de l’œuvre : il faudrait s’im
1581 core que celle de l’œuvre : il faudrait s’imposer un rythme égal et sans lacunes, une relation automatique et monotone des
1582 audrait s’imposer un rythme égal et sans lacunes, une relation automatique et monotone des petits faits, situant exactement
1583 ans lacunes, une relation automatique et monotone des petits faits, situant exactement l’apparition de telle pensée ou de t
1584 el… ⁂ Les journaux d’écrivains sont vrais, mais d’ une vérité indirecte, et parfois même négative. C’est moins la vie vécue
1585 langue toujours si fermement articulée (habitude des lectures à haute voix), ses sautes d’humeur, et ce besoin de donner r
1586 constamment occupé de problèmes religieux. Mais d’ une manière qu’il importerait de spécifier. ⁂ A-t-on remarqué jusqu’à que
1587 ent religieux s’est posé, et se pose encore, dans des termes qui échappent, presque nécessairement, à la sollicitude des ca
1588 happent, presque nécessairement, à la sollicitude des catholiques. Gide fut élevé dans un milieu où la religion paraissait
1589 sollicitude des catholiques. Gide fut élevé dans un milieu où la religion paraissait se réduire à ces deux éléments que C
1590 que pourra ». Du moralisme, il a gardé sans doute une propension fondamentale à préférer à la lettre du dogme l’esprit qui
1591 leur église, et subissant seulement la coutume d’ un milieu. Tout à fait justifiée en soi, cette réaction gauchit parfois
1592 me semble-t-il, avec l’image courante et fausse d’ un Calvin inhumain, presque manichéen.) L’évangélisme, hérité malgré tou
1593 t d’autre part, le recours à l’orthodoxie comme à une assurance prise sur le Saint-Esprit autant que sur le doute. (Il cite
1594 Esprit autant que sur le doute. (Il cite ce mot d’ un catholique à un pasteur : « Vous, vous croyez, mais nous savons ! »)
1595 e sur le doute. (Il cite ce mot d’un catholique à un pasteur : « Vous, vous croyez, mais nous savons ! ») Ceci explique qu
1596 u dogmatisme romain. D’où son horreur congénitale des tours de passe-passe religieux. En somme, tout son effort consiste à
1597 s de toute église (tant reformée que catholique), un attachement à sa vérité propre qui est moins évangélique qu’individua
1598 ionaliste ? Certes, je m’en voudrais de critiquer une exigence d’honnêteté qui rappelle si fort Kierkegaard. Gide répugne à
1599 is pas chrétien. Mais c’était par désir de sauver une conception pure de la foi, dont il ne s’estimait pas digne, et qu’il
1600 e problème de l’église visible, de l’obéissance à une orthodoxie qui ne prétende pas s’emparer de l’Évangile, mais au contr
1601 onnais point d’autorité, et si j’en reconnaissais une , ce serait celle de l’Église » (donc de Rome). Allons donc ! Pour un
1602 de l’Église » (donc de Rome). Allons donc ! Pour un protestant, ce dilemme est aussi choquant que le serait pour un Angla
1603 ce dilemme est aussi choquant que le serait pour un Anglais ou un Scandinave le dilemme entre l’anarchie et l’étatisme to
1604 t aussi choquant que le serait pour un Anglais ou un Scandinave le dilemme entre l’anarchie et l’étatisme totalitaire. Ass
1605 Assimiler l’autorité au romanisme est d’ailleurs une erreur des plus courantes, en France surtout, et même chez certains p
1606 l’autorité au romanisme est d’ailleurs une erreur des plus courantes, en France surtout, et même chez certains protestants.
1607 eproche de prendre position non sans légèreté sur des problèmes infiniment complexes (tel le communisme, naguère), je pense
1608 e, naguère), je pense qu’on le peut expliquer par une certaine défiance d’artiste à l’égard des « idées » en soi, et de l’i
1609 es choisir, et encore moins les circonscrire dans un domaine privilégié. Ils nous contraignent parfois davantage qu’ils ne
1610 ets nous opposeront l’exemple du probe adversaire des orthodoxies orgueilleuses, « André Gide à n’en plus finir » ! 53. C
41 1940, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Hommage à C. F. Ramuz (mai 1940)
1611 F. Ramuz (mai 1940)as Le plus intéressant dans un recueil de mélanges ou d’hommages, c’est en général le sommaire : cet
1612 l le sommaire : cette fois encore. Voici le noyau des premiers ramuziens (à peu près le groupe des Cahiers vaudois), les de
1613 oyau des premiers ramuziens (à peu près le groupe des Cahiers vaudois), les deux Cingria, le peintre Auberjonois, Ansermet,
1614 Stravinsky. Claudel y touche de près. Cocteau y a des souvenirs, Maritain des amitiés. Pour la fête, on a invité quelques é
1615 uche de près. Cocteau y a des souvenirs, Maritain des amitiés. Pour la fête, on a invité quelques étrangers de marque : Tho
1616 s quatre langues suisses — n’oubliez pas le ladin des Grisons — viennent dire au dessert leur couplet. Ce complexe de mysti
1617 tisme non pas à la manière de Genève mais à celle des troubadours, voilà bien la constellation ramuzienne. Rien de plus « S
1618 s, comme accidentelles, de centres européens dans un canton : Zurich au xviiie siècle, Coppet, Bâle au temps de Burckhard
42 1951, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Un complot de protestants (novembre 1951)
1619 Un complot de protestants (novembre 1951)at Tout compte fait, nous no
1620 is descendre l’escalier. Je parle en le suivant d’ un œil. Il s’arrête, il paraît attendre. Je pose le récepteur et nous so
1621 pose le récepteur et nous sortons. Nous voici sur un banc du boulevard Saint-Germain. Les autos passent tout près. Je l’en
1622 prendre au téléphone que « cela ne va plus » pour un appartement promis. Il dit encore (mais vraiment j’entends mal) : « V
1623 e (mais vraiment j’entends mal) : « Vous cherchez un studio ? » — « Oui, c’est exactement ce qu’il me faut. » Il a l’air é
1624 seulement, je comprends qu’il avait dit : « J’ai un studio… » Le lendemain matin, très tôt, nous arrivons chez lui, ma fe
1625 moi. Le studio est vaste et plaisant, agrémenté d’ un escalier conduisant à une large galerie. Par une porte capitonnée qui
1626 et plaisant, agrémenté d’un escalier conduisant à une large galerie. Par une porte capitonnée qui donne sur la bibliothèque
1627 d’un escalier conduisant à une large galerie. Par une porte capitonnée qui donne sur la bibliothèque où il travaille, Gide
1628 Gide apparaît en robe de chambre grise, le corps un peu tassé et de large carrure, sa belle tête de moine tibétain barrée
1629 carrure, sa belle tête de moine tibétain barrée d’ un sourire mince et pourtant amical. Il fait très chaud. De ses poches,
1630 bière et nous les offre. Au milieu du studio pend un trapèze. Gide s’y appuie des deux mains, se balance en regardant nos
1631 milieu du studio pend un trapèze. Gide s’y appuie des deux mains, se balance en regardant nos valises. « Tout cela s’est ar
1632 nts serrées : « Qu’est-ce qu’on va dire ?… » avec un sourire inquisiteur. Je me garde de répondre. Finalement, Gide en ria
1633 inalement, Gide en riant : « On va dire que c’est un complot de protestants ! » Le mot ne manque pas de pertinence. Tous l
1634 ntrouvrir la porte capitonnée, en s’annonçant par un profond « Allô ! Allô ! » et me demandera de passer chez lui pour que
1635 t, chaque fois, il orientera la conversation vers des sujets religieux ou même théologiques, comme si c’était précisément p
1636 ue le terme d’orthodoxie protestante puisse avoir un sens. Le protestant, pour lui, c’est l’opposant. (Comme on le croit g
1637 s qu’on rende à l’art, la « critique dogmatique » des grandes époques, ne sont plus que mensonges à ses yeux dès que l’on p
1638 tyle d’abord ne l’ait séduit. Il me parle souvent des Variations de Bossuet, avec une vive admiration, mais se refuse à Kie
1639 me parle souvent des Variations de Bossuet, avec une vive admiration, mais se refuse à Kierkegaard, qu’il juge « trop long
1640 , et les moyens particuliers de sa recherche. Sur un seul de ces entretiens, j’ai pris des notes. C’est celui du 20 juin.
1641 cherche. Sur un seul de ces entretiens, j’ai pris des notes. C’est celui du 20 juin. J’avais eu l’impression ce jour-là que
1642 e déclare, à ma profonde surprise, qu’il y trouve une explication des « erreurs de sa vie de jeune homme ». En phrases lent
1643 profonde surprise, qu’il y trouve une explication des « erreurs de sa vie de jeune homme ». En phrases lentes et difficultu
1644 dernier mot. Ce qui l’a souvent frappé chez bien des femmes, c’est leur manière « de s’offusquer du désir de l’homme ». Pl
1645 tête, trouve cela très curieux, n’est-ce pas ? —  un éclair de malice au coin de l’œil. Puis il a quelques phrases obscure
1646 amais croire ce qu’elles nous disent. » Il a pris une expression angoissée et crispée. « Je vous parle très sincèrement, je
1647 était mal » de ses propos.) Et, subitement, après un silence : « C’est ainsi que j’ai commis, à cette époque — je parle de
1648 ue — je parle de mon premier séjour en Afrique, —  une terrible erreur d’aiguillage ! » Puis il tousse, se plaint de fumer t
1649 cours d’impression, et sur lequel je vais écrire un article pour la NRF. Il insiste comme il sait insister sur les suppre
1650 les a recopiés dans deux cahiers gris d’écolier. Un soir, il vient m’avertir qu’il compte s’absenter pour huit jours. Mai
1651 besoin… Dès le lendemain, j’y pénètre, bien sûr. Des housses couvrent les meubles, une sorte de vieux drap son grand burea
1652 ètre, bien sûr. Des housses couvrent les meubles, une sorte de vieux drap son grand bureau. Sur l’étoffe, bien en évidence,
1653 son grand bureau. Sur l’étoffe, bien en évidence, un fort cahier gris d’écolier. J’ai lu les premières lignes, pour vérifi
1654 il se sentait le plus incapable d’écrire : ceux d’ un Marcel Aymé, d’un Simenon.) À Berne, pendant un déjeuner, il s’enquit
1655 lus incapable d’écrire : ceux d’un Marcel Aymé, d’ un Simenon.) À Berne, pendant un déjeuner, il s’enquit avec insistance d
1656 d’un Marcel Aymé, d’un Simenon.) À Berne, pendant un déjeuner, il s’enquit avec insistance de mon opinion sur Strindberg,
1657 ance de mon opinion sur Strindberg, et je lui fis une réponse assez vague, m’étonnant surtout de la question. Huit jours pl
1658 rd, il recevait le prix Nobel. Chez Richard Heyd, un soir, à Neuchâtel, l’on jouait au « cadavre exquis ». (L’un écrit tro
1659 er que le jeu devenait bien personnel, et proposa des bouts-rimés. Il y excellait. ⁂ Peu d’hommes m’ont donné l’impression
1660 presque inégalé depuis Montaigne. (Je ne nie pas un instant son lyrisme.) Et c’est ainsi qu’il réussit à remplacer le tra
1661 ans laquelle il voyait (par erreur) la sanction d’ une certaine éthique ; la conversion de quelques-uns de ses amis ; enfin
1662 sa femme. Ces données biographiques ne font point une nature. Elles expliquent simplement l’insistance du problème aux stad
1663 inteté, non l’accueil du mystère, ni l’adhésion à un credo. J’en donne la preuve : avoir la foi sans être saint lui parais
1664 l’a souhaitée expressément. Mais comment définir un saint qui ne croit pas ? Un saint privé de foi autant que de religion
1665 Mais comment définir un saint qui ne croit pas ? Un saint privé de foi autant que de religion, ni chrétien ni hindou, san
1666 dou, sans mystique, ni mystère ? Ne serait-il pas un homme tout à fait plat, réduit à quelques partis pris éthiques ? Ce d
1667 Ce débat nous éloignerait de la réalité de Gide. Une intense affectivité le liait, le reliait, au monde du christianisme,
1668 dimensions profondes. J’ai dit qu’il se méfiait d’ une certaine « profondeur » qui mesure parfois la distance entre l’éthiqu
1669 éthique et la mystique, mais qui souvent n’est qu’ un concept bâtard, engendré par le romantisme. Gide recherchait plutôt l
1670 vait ainsi de s’arrêter à la logique exotérique d’ un texte, disons à son seul sens éthique. Penchant bien protestant, ou s
1671 Penchant bien protestant, ou simplement rançon d’ une sobriété stricte. Ses connaissances bibliques me stupéfiaient. L’usag
1672 ant. Là où Claudel prend son élan pour caramboler des symboles, où Valéry se fût poliment récusé, Gide objectait, déduisait
1673 ité, en vérité bizarre et unique dans l’Histoire, une civilisation sur vingt et une connues l’ayant rendue possible et acce
1674 ue dans l’Histoire, une civilisation sur vingt et une connues l’ayant rendue possible et acceptable. « Hérétique entre les
1675 dental. On ne pouvait être moins mystique au sens des religions traditionnelles, au sens du mythe, des astres et de l’ordre
1676 des religions traditionnelles, au sens du mythe, des astres et de l’ordre cosmique, ou bien encore au sens de lois fatales
1677 s de lois fatales et collectives interprétées par un Parti. C’est pourquoi le problème religieux, tel qu’il se pose au mon
1678 e christianisé, et à lui seul, libéré de l’empire des mythes, n’a cessé d’occuper sa pensée. Et j’ignore si c’est mal ou bi
1679 plement le phénomène. Je ne tiens pas la foi pour une vertu plus que l’absence de foi pour une preuve de courage. Des vertu
1680 foi pour une vertu plus que l’absence de foi pour une preuve de courage. Des vertus et des vices, dans un milieu donné, tou
1681 que l’absence de foi pour une preuve de courage. Des vertus et des vices, dans un milieu donné, tout le monde reste en dro
1682 de foi pour une preuve de courage. Des vertus et des vices, dans un milieu donné, tout le monde reste en droit de juger au
1683 preuve de courage. Des vertus et des vices, dans un milieu donné, tout le monde reste en droit de juger au nom des normes
1684 nné, tout le monde reste en droit de juger au nom des normes établies. Mais la foi, le salut personnel n’ont rien à voir av
1685 oir avec la bienséance, et ne sont pas de l’ordre des mérites. Et c’est pourquoi il est écrit : « Ne jugez pas ! » J’avoue
1686 éprouve, ces discussions sur la croyance ou non d’ un homme connu, multipliées et prolongées après sa mort, dans notre sièc
1687 ns notre foi ou dans notre incroyance, — parce qu’ un de plus vient renforcer notre parti, et qu’il n’est pas le premier ve
1688 sans ombre. Et je n’entends pas dire que Gide fut un croyant, mais il reste un douteur exemplaire. at. Rougemont Denis
1689 s pas dire que Gide fut un croyant, mais il reste un douteur exemplaire. at. Rougemont Denis de, « Un complot de protes
1690 douteur exemplaire. at. Rougemont Denis de, «  Un complot de protestants », La Nouvelle Revue française, Paris, novembr
43 1957, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). La découverte du temps ou l’aventure occidentale (mars 1957)
1691 et le développement de la technique, par exemple) une origine ou une visée communes, révélant un principe de cohérence parm
1692 ment de la technique, par exemple) une origine ou une visée communes, révélant un principe de cohérence parmi tant de contr
1693 mple) une origine ou une visée communes, révélant un principe de cohérence parmi tant de contradictions ? L’unité de l’Eur
1694  ? L’unité de l’Europe n’est pas définissable par un contour géographique, moins encore par un consensus délibéré de tous
1695 ble par un contour géographique, moins encore par un consensus délibéré de tous ses peuples, ou par quelque essence éterne
1696 os nations à partir du xixe siècle. L’Europe est une longue aventure, et l’esprit d’aventure y paraît plus sensible que l’
1697 lé au concile de Nicée, et vous ôtez la condition des sciences physiques et naturelles, qui est la reconnaissance du corps,
1698 illusoires.) Ôtez l’idée de la personne, déduite des grandes définitions trinitaires et christologiques, vous avez quelque
1699 mme l’Inde et non l’Europe. De cette recherche d’ un principe de cohérence révélé par la nature même des péripéties de l’A
1700 n principe de cohérence révélé par la nature même des péripéties de l’Aventure, je détache ici le moment de l’exploration d
1701 varié quant à la date de naissance de l’humanité. Un professeur de Cambridge, au xviiie siècle, crut pouvoir la préciser 
1702 e 23 mars, même heure et même année. Buffon écrit un peu plus tard : « Depuis la fin des ouvrages de Dieu, c’est-à-dire de
1703 . Buffon écrit un peu plus tard : « Depuis la fin des ouvrages de Dieu, c’est-à-dire depuis la création de l’homme, il ne s
1704 et que les catéchismes ne cesseront d’enseigner à des générations dont notre enfance a connu les derniers représentants. Ce
1705 ler brusquement l’âge de l’humanité peut paraître une révolution considérable. Mais ce n’est guère qu’un détail dénué d’int
1706 e révolution considérable. Mais ce n’est guère qu’ un détail dénué d’intérêt pour peu que l’on considère les dimensions du
1707 ent-vingt-millions d’années solaires. Or la vie d’ un Brahma est de cent et huit « années », dont chaque jour et chaque nui
1708 s », dont chaque jour et chaque nuit représentent un Kalpa. Après deux-cent-quarante-neuf-milliards d’années, le Brahma me
1709 hma meurt, l’univers retourne au grand Chaos pour une durée égale, puis un autre Brahma inaugure une ère nouvelle, et ainsi
1710 etourne au grand Chaos pour une durée égale, puis un autre Brahma inaugure une ère nouvelle, et ainsi de suite à l’infini.
1711 ur une durée égale, puis un autre Brahma inaugure une ère nouvelle, et ainsi de suite à l’infini. Quant au temps de notre h
1712 vre de Kalki, dernier avatar de Vishnu. En regard des ordres de grandeur, si prodigieusement différents, attribués par les
1713 et de l’Occident au temps cosmique comme au temps des humains, plaçons maintenant ce double fait : le sens de l’Histoire es
1714 . Co-naissance de l’Histoire et de la Personne Un fait quelconque n’est historique au sens exact qu’en vertu de son uni
1715 ire, mais au Mythe. De même l’individu ne devient une personne que par l’unicité que lui confère sa vocation, autrement il
1716 ui confère sa vocation, autrement il est vu comme une répétition, grain de poussière isolé d’un univers absurde relevant de
1717 comme une répétition, grain de poussière isolé d’ un univers absurde relevant de la pure statistique, ou cellule transitoi
1718 de la pure statistique, ou cellule transitoire d’ un corps magique sans fin. Combien d’individus sont-ils donc nés et mort
1719 vidus sont-ils donc nés et morts depuis qu’il y a des hommes sur cette planète ? Si un démographe génial pouvait nous dire
1720 epuis qu’il y a des hommes sur cette planète ? Si un démographe génial pouvait nous dire demain que la réponse est « de l’
1721 e ou qui survivent dans notre siècle ont enseigné des théories du temps, et presque toutes décrivent un temps cyclique. Ell
1722 es théories du temps, et presque toutes décrivent un temps cyclique. Elles croient aussi à la métempsycose, à l’astrologie
1723 peuple élu : dès lors, celle-ci ne dépendait plus des astres ni d’un cours calculable des temps, mais d’une intention perso
1724 lors, celle-ci ne dépendait plus des astres ni d’ un cours calculable des temps, mais d’une intention personnelle, inscrut
1725 épendait plus des astres ni d’un cours calculable des temps, mais d’une intention personnelle, inscrutable et pourtant mani
1726 astres ni d’un cours calculable des temps, mais d’ une intention personnelle, inscrutable et pourtant manifestée par une sui
1727 rsonnelle, inscrutable et pourtant manifestée par une suite d’événements révélateurs. L’incarnation du Christ vint accompli
1728 yclique. Dans le prolongement du temps dramatique des Prophètes s’ouvre alors le temps du salut : temps de l’attente active
1729 active, de l’espérance patiente et de la foi dans un retour unique du Christ glorieux. Et, dans ce temps nouveau, le rôle
1730 u qui appelle et l’âme qui répond libère celle-ci des décrets uniformes de la morale et de la tradition sacrée, comme aussi
1731 la morale et de la tradition sacrée, comme aussi des caprices du hasard insensé, comme enfin de la roue du karma et du ver
1732 le temps et la chair à l’insignifiance anonyme d’ un passage éphémère dans l’Illusion. Ainsi l’Histoire, conscience nouvel
1733 n. Ainsi l’Histoire, conscience nouvelle du temps des hommes, est née de la même rupture des grands rythmes cosmiques et de
1734 e du temps des hommes, est née de la même rupture des grands rythmes cosmiques et des fatalités astrologiques, et de la mêm
1735 e la même rupture des grands rythmes cosmiques et des fatalités astrologiques, et de la même victoire sur les étoiles et su
1736 , qui libère et suscite la personne. Ce n’est pas un hasard si le premier auteur d’une philosophie de l’Histoire — la Civi
1737 ne. Ce n’est pas un hasard si le premier auteur d’ une philosophie de l’Histoire — la Civitas Dei — fut aussi le premier aut
1738 — la Civitas Dei — fut aussi le premier auteur d’ une biographie de sa personne : les Confessions. 3. Du Mythe à l’Histo
1739 is il reste à mieux voir comment l’homme, délivré des « religions » par la foi, trouve alors le courage exceptionnel d’acce
1740 outes les religions traditionnelles ont développé des mythes du temps cyclique et de l’éternel retour, c’est parce que l’ho
1741 . Car le temps est lié à la mort comme à la perte des paradis — Eden, âge d’or, enfance — vécus ou imaginaires. Et il est l
1742 ires. Et il est lié à la menace toujours instante des catastrophes imprévisibles et arbitraires, des désastres privés et pu
1743 te des catastrophes imprévisibles et arbitraires, des désastres privés et publics et de leur injustice d’autant plus scanda
1744 dité, l’homme n’a d’autre recours que d’attribuer un sens à ce qu’il subit sans l’avoir « mérité ». Au scandale des souffr
1745 qu’il subit sans l’avoir « mérité ». Au scandale des souffrances et de la mort, il ne répondra point par une révolte vaine
1746 uffrances et de la mort, il ne répondra point par une révolte vaine, pure démence à ses yeux de Grec ou d’Oriental, mais pa
1747 x de Grec ou d’Oriental, mais par le rêve immense des religions, transformant le réel insensé en un poème de morts et de ré
1748 se des religions, transformant le réel insensé en un poème de morts et de résurrections dominées par des rythmes et par de
1749 n poème de morts et de résurrections dominées par des rythmes et par des archétypes qui s’accordent à ceux de l’âme. Ainsi
1750 de résurrections dominées par des rythmes et par des archétypes qui s’accordent à ceux de l’âme. Ainsi le rêve universel d
1751 souffrance qui est vaine, dès lors qu’elle prend un sens exemplaire dans le Mythe, mais c’est le temps lui-même qui perd
1752 c’est la même chose. ») L’irruption dans ce monde des religions antiques du message de l’Incarnation figure donc le Scandal
1753 aul la présente. Que Dieu se soit manifesté comme une Personne ; par un geste sans précédent ; au temps choisi par lui ; « 
1754 e Dieu se soit manifesté comme une Personne ; par un geste sans précédent ; au temps choisi par lui ; « une fois pour tout
1755 ar lui ; « une fois pour toutes » — voici ruiné d’ un coup tout l’édifice mythique des protections de l’âme contre le temps
1756 » — voici ruiné d’un coup tout l’édifice mythique des protections de l’âme contre le temps de l’Histoire. Il s’agit d’un vr
1757 l’âme contre le temps de l’Histoire. Il s’agit d’ un vrai fait, non plus d’un avatar ni de l’épiphanie d’un archétype. Cet
1758 l’Histoire. Il s’agit d’un vrai fait, non plus d’ un avatar ni de l’épiphanie d’un archétype. Cette rupture du Cercle cosm
1759 ai fait, non plus d’un avatar ni de l’épiphanie d’ un archétype. Cette rupture du Cercle cosmique livre l’homme à l’imprévi
1760 la chair (étant au monde mais non du monde) et qu’ un terme est promis à l’Histoire, encore que nul n’en sache « le jour ni
1761 la Résurrection, l’homme n’aurait pas la preuve d’ une existence qui échappe au temps et à la mort. « Si le Christ n’est pas
1762 u docétistes. Plus tard, au Moyen Âge, la théorie des cycles et des rythmes cosmiques de l’Histoire sera reprise — contre l
1763 Plus tard, au Moyen Âge, la théorie des cycles et des rythmes cosmiques de l’Histoire sera reprise — contre l’esprit des Pè
1764 ques de l’Histoire sera reprise — contre l’esprit des Pères — par les plus grands docteurs occidentaux, tant orthodoxes que
1765 ontinu de l’Histoire n’est guère soutenue que par un Joachim de Flore, dont les écrits sont condamnés ou falsifiés. Dans l
1766 rd’hui encore dans les masses paysannes, l’idée d’ une évolution imprévisible et progressive est généralement éliminée par d
1767 ible et progressive est généralement éliminée par des représentations archétypiques et mythiques du cours des choses humain
1768 présentations archétypiques et mythiques du cours des choses humaines ressenti comme semblable à celui des saisons, de la v
1769 choses humaines ressenti comme semblable à celui des saisons, de la végétation ou des étoiles. Et peut-être faut-il rattac
1770 emblable à celui des saisons, de la végétation ou des étoiles. Et peut-être faut-il rattacher à cette même tendance naturel
1771 s romantiques — fut bien plutôt dans son ensemble une longue réaction de défense contre le ferment de révolution introduit
1772 miers chrétiens, ce qui rend supportable l’idée d’ un temps vidé de rythmes et de mythes, c’est la croyance à la Fin immine
1773 indéniable. Saint Augustin résout le paradoxe en un dualisme à peine voilé : il y a l’Histoire de Dieu et celle des homme
1774 peine voilé : il y a l’Histoire de Dieu et celle des hommes, et si la première intervient dans la seconde par des actes li
1775 et si la première intervient dans la seconde par des actes libres, elle n’y détermine pas une loi d’évolution. Le Moyen Âg
1776 onde par des actes libres, elle n’y détermine pas une loi d’évolution. Le Moyen Âge ira beaucoup plus loin, non pas dans le
1777 , non pas dans le sens du risque, mais dans celui des normes. C’est une vision réduite et limitée de l’Histoire qui lui per
1778 sens du risque, mais dans celui des normes. C’est une vision réduite et limitée de l’Histoire qui lui permet de rendre un r
1779 et limitée de l’Histoire qui lui permet de rendre un rythme à sa durée. L’apparition du Christ ne marque plus pour lui le
1780 commencement du temps de la Fin, mais le « milieu des temps », symbole archétypique. Les temps sont rétrécis à quelques mil
1781 cle. Relevons ici que la chronologie vertigineuse des hindous ne s’appliquait qu’aux cycles du cosmos : les événements de l
1782 yés que personne n’a le souci de les dater. C’est un mouvement exactement contraire qui s’est produit dans l’Occident mode
1783 t passé durant l’intermède médiéval, l’état civil des hommes et des actions humaines n’a cessé de se préciser, tandis que l
1784 l’intermède médiéval, l’état civil des hommes et des actions humaines n’a cessé de se préciser, tandis que la Fin et le Co
1785 se préciser, tandis que la Fin et le Commencement des temps ne cessaient de s’éloigner dans le vague de l’infini. Or le Cre
1786 Il n’en reste pas moins que l’extension soudaine des dimensions de l’Histoire, telle qu’elle vient de se produire au xxe
1787 lle vient de se produire au xxe siècle, provoque une crise profonde de la relation intime et proprement congénitale entre
1788 ntre l’Histoire et la personne humaine. Ceci pose un problème encore neuf. 4. Être ou non dans l’Histoire Tout d’un
1789 neuf. 4. Être ou non dans l’Histoire Tout d’ un coup (dans l’espace d’une quarantaine d’années) il se révèle que notr
1790 ans l’Histoire Tout d’un coup (dans l’espace d’ une quarantaine d’années) il se révèle que notre humanité n’a pas derrièr
1791 atre milliards d’années, aurait déjà vécu presque un « jour de Brahma » dans le cosmos actuel. Je dis « cosmos actuel », c
1792 el », car de nombreux savants nous parlent déjà d’ un mouvement de diastole et de systole de l’Univers, qui se répéterait à
1793 qui se répéterait à l’infini : nous serions dans une phase d’expansion. La cosmologie des hindous paraît alors moins éloig
1794 serions dans une phase d’expansion. La cosmologie des hindous paraît alors moins éloignée de la vérité que celle du Moyen Â
1795 ue celle du Moyen Âge « chrétien ». Il en résulte une suite de conséquences qui jouent en fait — mais je ne pense pas en dr
1796 ée occidentale de l’homme. L’importance apparente des collectivités, des civilisations, des périodes et des ères, grandit d
1797 ’homme. L’importance apparente des collectivités, des civilisations, des périodes et des ères, grandit d’autant qu’à cette
1798 e apparente des collectivités, des civilisations, des périodes et des ères, grandit d’autant qu’à cette échelle multipliée,
1799 collectivités, des civilisations, des périodes et des ères, grandit d’autant qu’à cette échelle multipliée, elles demeurent
1800 ent aussi distant de l’homme concret que Brahma d’ un paria sans voie. Et l’Histoire, dans l’esprit de nos contemporains, p
1801 Abrégé de l’Histoire de France, nous parle déjà d’ une Histoire « maîtresse de la vie humaine et de la politique ». Il s’agi
1802 les et de leçons n’a d’autre autorité que celle d’ un précepteur. Ses « lois » ne sont encore que celles de la morale, et s
1803 re que celles de la morale, et sa réalité celle d’ un discours. Mais l’Histoire aujourd’hui n’est plus un conte, elle se di
1804 discours. Mais l’Histoire aujourd’hui n’est plus un conte, elle se distingue absolument de son récit. Elle ne concerne pl
1805 vraie que nous, qui ne faisons que l’habiter pour un atome de temps insignifiant. Elle est devenue le cours de la réalité,
1806 ui résiste au sens est « mystification » aux yeux des théoriciens et polémistes, « sabotage » aux yeux des pouvoirs. En pré
1807 théoriciens et polémistes, « sabotage » aux yeux des pouvoirs. En présence d’une doctrine politique ou sociale, de l’actio
1808 « sabotage » aux yeux des pouvoirs. En présence d’ une doctrine politique ou sociale, de l’action d’un pays ou de l’option d
1809 ’une doctrine politique ou sociale, de l’action d’ un pays ou de l’option d’un homme, il n’est donc plus question de demand
1810 u sociale, de l’action d’un pays ou de l’option d’ un homme, il n’est donc plus question de demander si c’est « vrai ». C’e
1811 non de mémoire mais d’attitude actuelle, et non d’ une discipline de l’intellect mais bien d’une conception de l’Existence.
1812 t non d’une discipline de l’intellect mais bien d’ une conception de l’Existence. Cette Histoire absolutisée, qui n’est plus
1813 Histoire absolutisée, qui n’est plus connaissance des actes du passé, mais flux irrésistible entraînant à la fois ceux qui
1814 ore du temps lui-même ? N’est-elle pas simplement une manière de le penser qui le ferme à toute transcendance, et qui du mê
1815 ps, le détruit et le renouvelle. Et, si l’on rêve un monde coupé du transcendant, on évacue du même mouvement désespéré to
1816 effet, par la seule conviction que la vocation d’ un homme peut être plus vraie que la règle — d’où les martyrs des premie
1817 t être plus vraie que la règle — d’où les martyrs des premiers temps du christianisme. Si, au contraire, le « sens » appart
1818 us moderne du temps Cette description rapide d’ une attitude nouvelle et d’un état de conscience profondément typique de
1819 e description rapide d’une attitude nouvelle et d’ un état de conscience profondément typique de l’Occident au xxe siècle
1820 re occidentale ? Est-elle le signe annonciateur d’ une fin lugubre, ou seulement d’une crise de croissance ? On a vu que la
1821 ne annonciateur d’une fin lugubre, ou seulement d’ une crise de croissance ? On a vu que la croyance à l’Histoire absolue, c
1822 l’autre, alors qu’elles sont nées en même temps d’ un même acte libérateur ? Mais, d’abord, est-il sûr que la croyance mode
1823 a presse nous parlent de Sumer, du paléolithique, des Mayas ou du vase de Vix, les mémoires font fureur, les biographies s’
1824 pas la cinquantaine pour se mettre au passé dans un livre. Mais la réponse est non s’il s’agit de cette Histoire dans le
1825 essité, sous peine de n’être pas. Celle-ci marque un recul devant le risque du temps. La conscience de l’Histoire est née
1826 nscience de l’Histoire est née de l’acceptation d’ un temps radicalement imprévisible. Et sa fin seule était certaine et se
1827 i. À ce risque du temps, le Moyen Âge résiste par un retour aux conceptions cycliques et par une nette limitation des dime
1828 te par un retour aux conceptions cycliques et par une nette limitation des dimensions du passé et de l’avenir : cette espèc
1829 conceptions cycliques et par une nette limitation des dimensions du passé et de l’avenir : cette espèce de congélation du t
1830 et la vérité elle-même. Solution masochiste, pour un Occidental. L’individu trouve le défi trop lourd. Dans un cosmos qui
1831 ental. L’individu trouve le défi trop lourd. Dans un cosmos qui se calcule en centaines de millions d’années-lumière, dans
1832 e, dans cette durée qui va vers l’infini, et dans une société où la technique, les « lois économiques », la puissance de l’
1833 alut individuel58 — je pressens qu’ils trahissent un dépit amoureux au moins autant qu’un fléchissement réel du sens de la
1834 s trahissent un dépit amoureux au moins autant qu’ un fléchissement réel du sens de la personne et de la liberté. Ce n’est
1835 ponsable. Derrière ce masochisme, comme toujours, un sadisme. Dans cette abjecte humiliation du moi, l’orgueil fou trouve
1836 abjecte humiliation du moi, l’orgueil fou trouve un alibi. L’Évolution fatale est en réalité celle que l’on voudrait impo
1837 martyrs fut la semence de l’Église, c’est le sang des « païens », le sang des autres, qui cimente l’édifice de l’Usine sovi
1838 e l’Église, c’est le sang des « païens », le sang des autres, qui cimente l’édifice de l’Usine soviétique et donne la preuv
1839 viétique et donne la preuve démente de la réalité des utopies au nom desquelles on l’a versé. Mais d’où vient cette fureur
1840 ur d’anticiper l’avenir jusqu’à l’hypothéquer sur des millions de crimes ? Elle vient de notre angoisse devant le temps. An
1841 well prévoit l’instauration prochaine du contrôle des pensées par le Pouvoir. Utopies optimistes chez les totalitaires : ce
1842 nfondent pas seulement dans leur vision précise d’ un avenir donné pour fatal, mais dans une seule et même démission de la
1843 n précise d’un avenir donné pour fatal, mais dans une seule et même démission de la personne, qui désespère de ses pouvoirs
1844 u transcendant libérateur. Engendrer l’utopie est un mouvement de l’âme, sans doute inséparable de l’historicité initiée p
1845 d’affronter cette situation béante qui fut celle des premiers chrétiens, mais elle en reste tributaire — et c’est pourquoi
1846 quoi l’Orient ne produit pas d’utopies. Concevoir une utopie et agir d’après elle, massacrer pour hâter sa venue bienfaisan
1847 e ceux de la routine. L’Histoire-devenir, qui est une conjuration du temps, exige des sacrifices sanglants bien plus massif
1848 -devenir, qui est une conjuration du temps, exige des sacrifices sanglants bien plus massifs que n’en rêvèrent jamais les p
1849 . Dilemme La crise de notre sens du temps pose un dilemme. L’Occident, succombant au Devenir déifié, va-t-il se mettre
1850 cosmique et temporel où l’a plongé sa science par une mutation brusque, saura-t-il en tirer une liberté nouvelle ? Je céder
1851 nce par une mutation brusque, saura-t-il en tirer une liberté nouvelle ? Je céderais à la tentation que j’ai décrite si j’e
1852 question n’est pas de supputer le sens probable d’ un devenir fatal, pour nous « ajuster » à ses « lois », mais au contrair
1853 , mais au contraire d’affronter le temps au nom d’ un sens qui ne peut s’originer qu’en la personne. Bref, la question n’es
1854 la faire. Seules nos options présentes préparent un sens, ménagent d’avance une signification aux surprises du temps qui
1855 ns présentes préparent un sens, ménagent d’avance une signification aux surprises du temps qui vient à nous. Et ces options
1856 nt d’imprévus réalisables, l’attente réalisante d’ une ferme vocation. 55. La première société d’histoire connue en Orien
1857 e connue en Orient fut fondée au xixe siècle par un Anglais, sir William Jones : la Société asiatique du Bengale. Et ce n
1858 n’est guère que depuis la fin du xixe siècle qu’ une science historique s’est constituée en Inde. 56. Religio, de religa
1859 prétend « renouveler la tradition ». Il suffit qu’ une charte, une coutume, un usage ait vingt-cinq ou trente ans, au Moyen
1860 nouveler la tradition ». Il suffit qu’une charte, une coutume, un usage ait vingt-cinq ou trente ans, au Moyen Âge, pour qu
1861 radition ». Il suffit qu’une charte, une coutume, un usage ait vingt-cinq ou trente ans, au Moyen Âge, pour qu’on l’invoqu
1862 premier sent la tricherie. 59. Lits de Procuste des utopies toujours trop pauvres, ou de ces plans qui prévoient tout sau
1863 entiel humain, parce qu’on les a conçus non comme des directives, mais comme des cadres rassurants ; d’autant plus rassuran
1864 les a conçus non comme des directives, mais comme des cadres rassurants ; d’autant plus rassurants qu’ils sont rigides, mai
44 1961, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). La personne, l’ange et l’absolu, ou le dialogue Occident-Orient (avril 1961)
1865 u le dialogue Occident-Orient (avril 1961)av Un dialogue mal engagé L’Occident découvre le zen au moment où les co
1866 mais déjà l’intelligentsia de l’Inde se préoccupe des problèmes qui lui sont imposés par la technique et par l’hygiène occi
1867 ccidentales, et cherche à les résoudre à l’aide d’ un socialisme qui ne doit rien à Shankara. L’Occident découvre Zoroastre
1868 a suite de Nietzsche, et publie les grands textes des mystiques soufis, mais l’Iran et l’Arabie sont en pleine crise d’adap
1869 r eux bouleversements soudains. Que peuvent, dans une telle situation, intellectuels et spirituels ? Presque rien, sinon di
1870 n. S’il est vrai que l’Orient nie le moi, qui est une valeur centrale pour l’Occident, il doit en résulter d’infinies consé
1871 , le vrai moi est l’homme nouveau, « appelé » par un Dieu personnel, donc créé par une vocation, et il ne tombe pas sous l
1872 , « appelé » par un Dieu personnel, donc créé par une vocation, et il ne tombe pas sous le sens comme le « vieil homme », p
1873 es, le vrai moi c’est « l’âme », mais il s’agit d’ une âme tout intellectuelle, dont « la nature n’est que de penser » et qu
1874  fonction à plusieurs variables », par là douée d’ une liberté que n’aura jamais l’individu, simple objet du déterminisme un
1875 criptions « objectives » l’opposition paulinienne des « deux hommes en moi » : le naturel tyrannisant (et tyrannisé par la
1876 rai que le langage courant confond sans l’ombre d’ un scrupule la personne et tout ce qu’elle n’est pas — l’individu, la pe
1877 lle, la biographie et le portrait, la prière pour un tel vivant ou pour les morts… Comme l’attestent non moins la mauvaise
1878 vènement de l’Amour ? C’est l’Ange, répond l’Iran des spirituels, l’Iran du mazdéisme et des mystiques soufis, proche de l’
1879 ond l’Iran des spirituels, l’Iran du mazdéisme et des mystiques soufis, proche de l’Inde mais enté sur le tronc abrahamique
1880 ’islam. Que serait l’Ange pour nos psychologues ? Une projection du moi individuel ou collectif. Pour les sages de l’Iran,
1881 r plusieurs ayant même nature ou affinité, il y a un être spirituel qui tout au long de leur existence assume envers cette
1882 tence assume envers cette âme ou ce groupe d’âmes une sollicitude et tendresse spéciales ; c’est lui qui les initie à la co
1883 ais de ceci : « que la Forme sous laquelle chacun des spirituels connaît Dieu est aussi la forme sous laquelle Dieu le conn
1884 tre personne, car cette totalité inclut également une autre personne, une contrepartie transcendante qui nous demeure invis
1885 tte totalité inclut également une autre personne, une contrepartie transcendante qui nous demeure invisible, ce qu’Ibn Arab
1886 vieil Iran désignait comme Fravarti 62. » L’Ange des soufis n’évoque pas seulement cette part initiante de l’être renouvel
1887 en Dieu selon le christianisme, mais encore, et d’ une manière plus précise dans l’homologie, ces entités célestes, féminine
1888 zd) et qui sont à la fois les archétypes célestes des êtres et leurs anges tutélaires. Il y a plus : selon le mazdéisme « c
1889 epartie visible du monde invisible, mais premier, des archétypes. L’événement majeur, la scène capitale du drame de la pers
1890 son moi céleste à l’entrée du pont Chinvat. Dans un paysage nimbé de la Lumière-de-Gloire restituant toutes choses et tou
1891 s les êtres dans leur pureté paradisiaque, « dans un décor de montagnes flamboyant aux aurores, d’eaux célestes où croisse
1892 centre du monde spirituel (qui est le monde réel des Archétypes), le pont Chinvat s’élance, reliant un sommet au monde des
1893 es Archétypes), le pont Chinvat s’élance, reliant un sommet au monde des Lumières infinies. À son entrée, se dresse devant
1894 pont Chinvat s’élance, reliant un sommet au monde des Lumières infinies. À son entrée, se dresse devant l’âme sa Dâenâ, son
1895 nt l’âme sa Dâenâ, son moi céleste, jeune femme d’ une beauté resplendissante et qui lui dit : — Je suis toi-même ! Mais si
1896 maltraité son moi, au lieu de la Fravarti, c’est une apparition monstrueuse et défigurée qui reflète son état déchu. La « 
1897 contre aurorale » avec le moi céleste figure donc une pesée des âmes. Le mazdéisme, comme plus tard les soufis, et comme le
1898 orale » avec le moi céleste figure donc une pesée des âmes. Le mazdéisme, comme plus tard les soufis, et comme le christian
1899 L’absolu, ou la négation du moi Les peuples des régions que l’Europe nomme Asie diffèrent bien plus entre eux que les
1900 re eux que les peuples de l’Europe, mais s’il est une croyance qu’ils ont tous en commun c’est la croyance à la métempsycos
1901 a croyance à la métempsycose, à la transmigration des âmes. Or elle nous semble à première vue impliquer comme allant de so
1902 vue impliquer comme allant de soi la croyance en un moi reconnaissable au travers de ses vies successives. Car si le moi
1903 ées en Inde comme le bouddhisme, dénoncent depuis des millénaires comme l’illusion fondamentale. Il y aurait donc malentend
1904 tre les peuples et leurs sages, entre la religion des uns et la métaphysique des autres ? En fait, on ne voit pas les Sages
1905 ges, entre la religion des uns et la métaphysique des autres ? En fait, on ne voit pas les Sages de l’Asie dénoncer sans re
1906 s croient en le niant ? Nous avancerons peut-être un peu en cherchant à nous représenter contre quoi se dirigeaient leurs
1907 itoire et « aveugle », enveloppe obscurcissante d’ une âme divine. Ainsi parlent tous les upanishads, et les premiers écrits
1908 éteindre le désir individuel, cause de l’erreur, des souffrances et de la mort, dissiper cet écran de matière entre l’âme
1909 tes, vishnouites et shivaïtes, en Inde, admettent une âme individuelle mais « obscurcie » par son union avec le corps. Elle
1910 r le bouddhisme originel. Qu’est-ce que l’homme ? Un ensemble transitoire d’agrégats matériels et de formations mentales e
1911  ; d’où l’action, le devenir, la mort, et la roue des retours sans fin. « Inconnaissable est le commencement des êtres enve
1912 rs sans fin. « Inconnaissable est le commencement des êtres enveloppés par l’ignorance, et que le désir conduit à de crimin
1913 apprendre le moyen de ne pas renaître », nous dit une moderne interprète du bouddhisme tibétain66. À l’autre extrémité géog
1914 ographique (et parfois spirituelle) du continent, un interprète du zen fait écho : « La négation de l’Atman énoncée par le
1915 bouddhiste », comprenons qu’il s’agit pour lui d’ une expérience rigoureusement spirituelle. En somme, l’adversaire princip
1916 ent spirituelle. En somme, l’adversaire principal des védantins comme des premiers bouddhistes, ce n’est pas encore la pers
1917 somme, l’adversaire principal des védantins comme des premiers bouddhistes, ce n’est pas encore la personne, mais l’obstina
1918 soit fort, ce moi qu’on répute illusoire, pour qu’ un des buts majeurs des méthodes spirituelles soit de l’empêcher de rena
1919 t fort, ce moi qu’on répute illusoire, pour qu’un des buts majeurs des méthodes spirituelles soit de l’empêcher de renaître
1920 ’on répute illusoire, pour qu’un des buts majeurs des méthodes spirituelles soit de l’empêcher de renaître69 ! Mais vient
1921 l’Immensité, ou du Brahma. Qu’est-ce que l’âme ? Une monade, disent les uns. Un reflet du Brahma, disent les autres. Non,
1922 Qu’est-ce que l’âme ? Une monade, disent les uns. Un reflet du Brahma, disent les autres. Non, répondent les advaïtins : c
1923 près les mêmes phrases) : « Nagasena, existe-t-il un être qui transmigre de ce corps dans un autre ? — Non, il n’y en a po
1924 iste-t-il un être qui transmigre de ce corps dans un autre ? — Non, il n’y en a point. — S’il n’y a pas de transmigration,
1925 S’il n’y a pas de transmigration, peut-il y avoir une réincarnation ? — Oui, c’est possible. » Voici l’explication : « Le R
1926  ? Nagasena répondit : Celui qui a péché reprend une individualité, mais non un être pur. — Ô Nagasena, dis-moi s’il exist
1927 i qui a péché reprend une individualité, mais non un être pur. — Ô Nagasena, dis-moi s’il existe rien de semblable à l’âme
1928 l’âme ? — Il n’y a rien de semblable à l’âme.70 » Un texte zen chinois surenchérit : « Y a-t-il un enseignement à donner a
1929 0 » Un texte zen chinois surenchérit : « Y a-t-il un enseignement à donner au peuple ? — Oui. Lequel ? — Il n’y a ni espri
1930 . Leur satori est le contraire du samadhi : c’est un éveil instantané. Éveil de quoi ? De la vision-en-soi, du Cela qui n’
1931 se joue à travers notre moi. Ainsi tout l’Orient des doctrines, — et en même temps l’Orient des peuples et sa croyance en
1932 Orient des doctrines, — et en même temps l’Orient des peuples et sa croyance en la transmigration… Mais voici le moment d’a
1933 ante ans la durée moyenne de la vie, serait alors une « recette d’immortalité ». Et même la seule qui ait réussi. Apprenons
1934 ’a déclaré, zen ne se soucie pas de disserter sur des notions abstruses telles que Dieu, la Vérité ; ce que zen demande au
1935 avant même d’être né.72 » Par où nous rejoignons un certain christianisme — à partir d’un certain bouddhisme — et certain
1936 rejoignons un certain christianisme — à partir d’ un certain bouddhisme — et certainement le mazdéisme et les soufis : il
1937 ainement le mazdéisme et les soufis : il s’agit d’ une seule quête de l’esprit, dont le Graal, ou l’Ange, est : toi-même. ⁂
1938 ée par l’expérience intime, et promet au dialogue des spirituels un élargissement de la conscience que chacun prendra de so
1939 ence intime, et promet au dialogue des spirituels un élargissement de la conscience que chacun prendra de son bien. Tandis
1940 e : elles seraient autant de « rationalisations » des attitudes « dysfonctionnelles » qui menacent l’intégrité du moi et qu
1941 nous apparaissent alors comme autant de modèles d’ une énergétique de l’amour, ou comme autant d’effets de son action config
1942 ante et composante. Et nous les voyons différer d’ une manière subtile mais précise par la forme des rapports qu’elles imagi
1943 r d’une manière subtile mais précise par la forme des rapports qu’elles imaginent entre le moi naturel et le vrai moi, c’es
1944 ’ego et le Soi. Observons que les trois partent d’ une dualité sans laquelle ni l’homme ni l’amour ne seraient même concevab
1945 omme deux principes préexistants ; ni tout à fait des « deux hommes en moi » dont la lutte fait gémir saint Paul ; mais, pr
1946 jugement moral, il s’agit de la reconnaissance d’ une bipolarité, d’une tension permanente entre l’individu et le « vrai mo
1947 l s’agit de la reconnaissance d’une bipolarité, d’ une tension permanente entre l’individu et le « vrai moi ». (L’individu n
1948 i » n’est pas le bien en soi, car il peut devenir un monstre.) Pour aimer, il faut être deux, dit la sagesse des nations.
1949 e.) Pour aimer, il faut être deux, dit la sagesse des nations. Et cela vaut d’abord pour l’amour de soi-même, sans lequel p
1950 ci que les seconds. L’école chrétienne Dans une vue chrétienne de l’homme, l’amour de soi est le rapport positif entr
1951 ton prochain comme toi-même », suppose évidemment un moi duel, au sein duquel l’amour s’instaure d’une manière telle que s
1952 un moi duel, au sein duquel l’amour s’instaure d’ une manière telle que s’aimer et aimer le prochain soit un même acte : si
1953 nière telle que s’aimer et aimer le prochain soit un même acte : sinon le comme n’aurait pas son plein sens. Dans l’amour
1954 hrétien, c’est parce que Dieu, qui est Amour, est un Dieu personnel, dans sa tri-unité, que l’amour spirituel crée dans l’
1955 ’amour véritable l’explique seule. « Personne n’a un plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’il aime. » Se sacr
1956 ndre la forme immortelle de son être au travers d’ une « mort à soi-même » transfigurante. Ce modèle de l’amour et du vrai m
1957 r tous les spirituels de tendance ascétique, avec une complaisance croissante. Je sais bien que la haine est l’envers de l’
1958 Elle voulait l’ange. Il lui reste la nostalgie d’ une fuite hors du moi naturel. Désormais le vieil homme est jugé : n’ayan
1959  prison » du moi. Et c’est que l’âme avait rêvé d’ une métamorphose angélique, quand l’esprit lui demandait seulement d’ordo
1960 hain : il ne peut voir en lui que son semblable —  un corps « vil » et une âme qui se veut ange —, non le vrai moi dans son
1961 ir en lui que son semblable — un corps « vil » et une âme qui se veut ange —, non le vrai moi dans son autonomie. Si le cor
1962 ce mouvement, né de l’instinct, à la révélation d’ un amour angélique. La passion romantique trouve ici sa genèse. Exaltée
1963 érique. Capté par l’instinct qu’il excite au-delà des exigences naturelles, il ira fatalement s’épuiser dans l’illusoire mu
1964 atalement s’épuiser dans l’illusoire multiplicité des « aventures sans lendemain ». Limitant son désir à ces désirs qu’une
1965 s lendemain ». Limitant son désir à ces désirs qu’ une possession rapide anesthésie, l’âme retombe alors dans les liens de l
1966 mières chances de l’esprit, — ou mettant à l’abri des atteintes de l’esprit l’indispensable tissu conjonctif de toutes les
1967 conjonctif de toutes les sociétés qui ne sont pas un ordre.) L’école iranienne Il n’existe plus de communauté humain
1968 tra ; et nulle ne s’inspira jamais de la mystique des soufis, et pour cause. Si je les fais intervenir ici, c’est à titre d
1969 fais intervenir ici, c’est à titre d’évocation d’ une dimension virtuelle, intemporelle, et donc permanente de l’esprit : l
1970 l’esprit : le mazdéisme et les soufis ont proposé des notions de l’homme et de l’amour homologues aux notions chrétiennes,
1971 rétiennes, mais comme transposées terme à terme d’ un degré vers le « ciel » des archétypes : ainsi la dualité ego-vrai moi
1972 sposées terme à terme d’un degré vers le « ciel » des archétypes : ainsi la dualité ego-vrai moi y devient celle de l’âme e
1973 citons ce verset du Coran (24-41) qui pose comme une clef musicale : « Chaque être connaît le mode de prière et de glorifi
1974 rd de chaque amant… car il est impossible d’aimer un être sans se représenter en lui la divinité. Un être n’aime en réalit
1975 r un être sans se représenter en lui la divinité. Un être n’aime en réalité personne d’autre que son créateur.76 » Ibn Ara
1976 nsions de l’amour unifié. L’Aimé n’est plus alors un simple objet — comme il est pour l’amour naturel, possessif — mais un
1977 mme il est pour l’amour naturel, possessif — mais une virtualité divine que l’amant « imagine » (dont il devine l’Image) et
1978 ion de la figure aimée terrestre, en l’adossant à une lumière qui en fasse éclore toutes les virtualités surhumaines, jusqu
1979 ction théophanique de l’Ange (ainsi en a-t-il été des Figures féminines célébrées par les Fedeli d’amore, compagnons de Dan
1980 ue l’autre… ; il n’y a jamais chez deux personnes un bien absolument identique… C’est l’amour qui fait le prochain, et cha
1981 enborg et la poésie dense de l’Arabe, l’homologie des énoncés est indéniable. Si le symbolisme concret des soufis transpose
1982 énoncés est indéniable. Si le symbolisme concret des soufis transpose doublement tous les termes à la fois dans le surnatu
1983 este) et dans le sensible terrestre, la structure des relations entre Dieu, le vrai moi et le prochain, reste exactement co
1984 cette structure. Mais « l’Imagination créatrice » des soufis, comme l’angélologie du mazdéisme, nous fait voir combien plus
1985 éter (dans la légende primitive et l’opéra) comme un amour dédié à sa propre âme81, dont Iseut ne serait que l’image sensi
1986 is pour cette vie », mais pour l’autre ? S’il est une « erreur de Tristan », motivant le malheur essentiel de sa passion, c
1987 La plupart des doctrines hindoues, et l’unanimité des écoles bouddhistes, comme on l’a vu, nient la personne ou la survolen
1988 itoire et le Soi tout impersonnel : « Il n’est qu’ un Soi pour tous les êtres.82 » L’individualité qui est là, qui tombe so
1989 mour même est évacué. Il n’est plus que l’attrait des sexes agissant fatalement sur des milliards d’agrégats éphémères, com
1990 s que l’attrait des sexes agissant fatalement sur des milliards d’agrégats éphémères, combinés et défaits selon le cours de
1991 ats éphémères, combinés et défaits selon le cours des astres et le Karma. Il ne peut être, pour l’esprit, qu’indifférent. (
1992 « la notion de Moi n’a d’accès que dans la pensée des sots », comme le dit un texte tibétain, la notion de Toi ne vaut pas
1993 accès que dans la pensée des sots », comme le dit un texte tibétain, la notion de Toi ne vaut pas mieux. « La morale boudd
1994 e vaut pas mieux. « La morale bouddhique, qui est une sorte d’hygiène spirituelle, tend à détruire, en nous, les causes de
1995 sortes d’amours a cent sortes de douleurs ; qui a un amour a une douleur ; qui n’a pas d’amour n’a pas de douleur. » Si l’
1996 ours a cent sortes de douleurs ; qui a un amour a une douleur ; qui n’a pas d’amour n’a pas de douleur. » Si l’on s’en tien
1997 lles n’ont jamais prétendu transformer l’ensemble des réalités humaines : sociales, économiques et politiques, ou même mora
1998 les rites quotidiens omniprésents, par le régime des castes et la condamnation de toute curiosité du monde) ; d’autre part
1999 othéistes et communautaires, attaquent l’ensemble des relations humaines et prennent à partie, un à un, tout individu tel q
2000 mble des relations humaines et prennent à partie, un à un, tout individu tel qu’il est, décidées à le transformer en vérit
2001 des relations humaines et prennent à partie, un à un , tout individu tel qu’il est, décidées à le transformer en vérité85.
2002 pose le désir à la base de tout. Nous ne désirons des choses que dans la mesure où elles nous procurent une jouissance. La
2003 choses que dans la mesure où elles nous procurent une jouissance. La divinité n’est un objet d’amour que parce qu’elle repr
2004 nous procurent une jouissance. La divinité n’est un objet d’amour que parce qu’elle représente une volupté sans mélange…
2005 est un objet d’amour que parce qu’elle représente une volupté sans mélange… Le désir du luxurieux pour la femme n’existe qu
2006 de la possession, la souffrance du désir est pour un instant apaisée… et l’homme perçoit dans le plaisir sa propre nature
2007 i est la joie. Toute jouissance, tout plaisir est une expérience du divin… Mais l’amour parfait est celui dont l’objet n’es
2008 plaisir mais le désir qui lie l’homme et qui est un obstacle à son progrès spirituel87 ». Et encore : « Celui qui cherche
2009 ore : « Celui qui cherche l’amour dans l’espoir d’ une jouissance est la victime du désir. Le sage accepte les plaisirs sens
2010 s plaisirs sensuels quand ils viennent, mais avec un cœur détaché. Il n’est pas victime du désir.88 » Ce « détachement » t
2011 xpérience du divin, comparons-les aux diatribes d’ un saint Paul annonçant la « colère de Dieu, révélée du Ciel » contre le
2012 commentaires sur le culte du phallus, aux traités des Pères de l’Église sur l’ascèse et sur la chasteté, et nous comprendro
2013 mystique, l’érotisme et l’amour du prochain, sont des problèmes occidentaux, posés à tous par les rigueurs mal tolérées de
2014 ie à la piété, tandis que nos coutumes viennent d’ un vieux fond païen et que notre hygiène moderne se veut « scientifique 
2015 s au quotidien banal, pris sur le vif : plutôt qu’ une infinie bibliographie rameutée à l’appui de mes dires, cette notation
2016 appui de mes dires, cette notation plaisante dans un roman moderne, dont l’auteur se trouve être un brahmane orthodoxe : «
2017 ns un roman moderne, dont l’auteur se trouve être un brahmane orthodoxe : « J’avais vécu en Europe, j’avais épousé une Eur
2018 hodoxe : « J’avais vécu en Europe, j’avais épousé une Européenne : apparemment, cela me donnait l’invraisemblable privilège
2019 ansfigurer la vie concrète, l’Occident répond par des mythes symbolisant ses résistances naturelles, et qui font l’intérêt
2020 amoureuse. Mais l’Orient se contente de proposer des voies aux Renonçants (ou sannyasins) qui ont épuisé la coupe, ou la d
2021 vaut mieux que le devoir parfaitement accompli d’ un autre. Le dharma d’un autre est plein de dangers. (III, 35) Et dans
2022 oir parfaitement accompli d’un autre. Le dharma d’ un autre est plein de dangers. (III, 35) Et dans les upanishads : La vi
2023 pète que tout cela n’est pas contradictoire, dans une philosophie sans dogmatique. Nous parlerons alors d’inconséquence log
2024 e Raja Rao qu’on vient de citer, cette sentence d’ un upanishad reparaît à plusieurs reprises : En vérité, à quoi se rappor
2025 eprises : En vérité, à quoi se rapporte l’amour d’ un mari pour sa femme ? Non point à la femme, mais en vérité au Soi qui
2026 n vérité au Soi qui est en elle.91 En présence d’ une telle phrase, j’éprouve d’abord ceci : le sentiment d’une immédiate e
2027 e phrase, j’éprouve d’abord ceci : le sentiment d’ une immédiate et vive reconnaissance. Car toute vérité sur l’amour est im
2028 ement reconnue par celui qui s’est mis en quête d’ un savoir de l’amour qu’il vit. N’importe qui m’avertira que le Soi de l
2029 rtira que le Soi de l’Inde n’est pas le vrai Dieu des chrétiens, qui est personnel. On connaît les définitions. Mais je ret
2030 deviennent capables de réponses. Sur cette phrase des upanishads, sur le dialogue qui peut s’instituer à partir d’expérienc
2031 d’expériences re-connues, on pourrait écrire tout un livre. (Mais si c’était celui que je suis en train d’écrire ? Et qui,
2032 autrement éclairé, et par là subtilement changé, un peu plus lui-même qu’avant : amour mutuel. L’expérience est la même,
2033 — ou quoi d’autre ? Le point du dialogue est ici. Un point seulement, sans étendue, mais selon le regard que nous portons
2034 le regard que nous portons sur lui, il en jaillit un monde ou l’autre : l’Occidental ou l’Oriental. Tous les risques d’err
2035 ut entier semble résulter — selon leurs sages — d’ une gigantesque schizophrénie du Soi. (Mais il sera finalement résorbé, t
2036 it autant pour les personnes, potentialisées dans une seule Personne-cosmique, Purusha (dont la contrepartie actualisante e
2037 reur sur la personne de l’être aimé est la source des pires conflits, une violence faite à l’âme de l’autre, à son corps ou
2038 de l’être aimé est la source des pires conflits, une violence faite à l’âme de l’autre, à son corps ou à son esprit — ou e
2039 ustes » comme disait le Bouddha, — qui était l’un des nôtres, un Indien — si tu vois bien ce que tu vois et portes ton amou
2040 e disait le Bouddha, — qui était l’un des nôtres, un Indien — si tu vois bien ce que tu vois et portes ton amour à l’immua
2041 dividu naturel, et qui lui survivra dans le cours des siècles, sans surprises et mille fois réincarné — la vue juste imagin
2042 me de soi-même. Ce corps visible que vient animer un mouvement singulier et fascinant de l’être… « Aimer ce que jamais on
2043 de Lui qu’il est amour. — Mais Dieu pour nous est une Personne, et nous crée comme personnes bien distinctes. Tu ne vois pa
2044 il y aura le Soi seul en tout. À la consommation des temps, répond saint Paul, « Dieu sera tout en tous ». Depuis six mill
2045 du Multiple, dualité finalement illusoire puisqu’ un jour — dont ils savent la date — la vie, le cosmos et les dieux seron
2046 ie se confondra ce jour-là avec l’aboutissement d’ un processus entièrement matériel calculé par la science occidentale : m
2047 sur le Vide n’auront été, dans leur ensemble, qu’ une immense transposition sur les plans poétique et religieux du Second p
2048 alité tangible, insuffisante, pleine de mystères, des apparences actuelles, qu’elle s’évertue en conséquence à scruter et à
2049 sociales et politiques, les droits de l’homme et une extraordinaire avidité. Le sens réel de l’aventure échappe à la major
2050 est vrai qu’on ne saurait guère le concevoir sans une vision de sa fin anticipée. La petite phrase de saint Paul au début d
2051 l au début de notre ère, « Dieu tout en tous », d’ un seul trait fulgurant décrit cette fin. Dès lors, au duel de l’Un et d
2052 et du Multiple est substitué le drame de l’Un et des Uniques : — à l’anéantissement final dans l’unisson, l’harmonie d’un
2053 anéantissement final dans l’unisson, l’harmonie d’ un chœur infini ; — à la régressive extinction des différences éphémères
2054 d’un chœur infini ; — à la régressive extinction des différences éphémères, leur mort et transfiguration ; — à l’individue
2055 t et transfiguration ; — à l’individuel aboli par une longue aspiration de l’Atman, le personnel éternisé par l’effort vivi
2056 Imagination. Ce sont là deux doctrines, deux vues des spirituels. Quelle est la vraie ? Si les sages de l’Orient ont raison
2057 personne ne pourra le vérifier à la consommation des temps, pas même le Soi qui dormira dans un sommeil sans rêves — leur
2058 ation des temps, pas même le Soi qui dormira dans un sommeil sans rêves — leur idée du bonheur — entre deux Créations tota
2059 es. Les peuples sont dans l’ignorance malheureuse des origines et des fins de ce qu’ils croient, bien qu’ils en vivent plus
2060 sont dans l’ignorance malheureuse des origines et des fins de ce qu’ils croient, bien qu’ils en vivent plus ou moins bien,
2061 res de l’énergie universelle. Car c’est au secret des personnes que nous tentons d’écouter la Personne, mais c’est dans la
2062 re, « soumise à la vanité » mais travaillée par «  un ardent désir, attend la révélation des fils de Dieu ». (Romains 8). E
2063 illée par « un ardent désir, attend la révélation des fils de Dieu ». (Romains 8). Et saint Justin, l’œcuménique du iie si
2064 Justin, l’œcuménique du iie siècle, ose parler d’ un salut de la Matière. À force de l’étreindre de ses mains, de la mesur
2065 atière du cosmos en expansion, de l’atome élusif, des corps vivants, l’homme d’Occident ne cherche pas seulement à dévoiler
2066 s l’individuel, et l’Être dans les raisons d’être des uniques. Or ce choix est celui de l’amour, de la connaissance par l’a
2067 le meilleur exposé du personnalisme moderne, par un psychanalyste assez proche de C. G. Jung. Mais si Ch. Baudoin me para
2068 oche de C. G. Jung. Mais si Ch. Baudoin me paraît un peu trop pessimiste, de son propre point de vue, D. T. Suzuki passe l
2069 la mesure dans l’autre sens lorsqu’il écrit avec une évidente satisfaction : « La psychologie moderne, en fait, a éliminé
2070 5. Parole attribuée au Bouddha, dans la tradition des Théravadins (hynayânistes). 66. Cf. Alexandra David-Neel, Le Bouddhi
2071 l. Radakrishnan. 69. Alexandra David-Neel donne une Parabole tibétaine de la « personne » dans l’op. cit. « Une “personne
2072 le tibétaine de la « personne » dans l’op. cit. «  Une “personne” ressemble à une assemblée composée d’une quantité de membr
2073 ne » dans l’op. cit. « Une “personne” ressemble à une assemblée composée d’une quantité de membres. La discussion ne cesse
2074 e “personne” ressemble à une assemblée composée d’ une quantité de membres. La discussion ne cesse jamais. Parfois, un de se
2075 membres. La discussion ne cesse jamais. Parfois, un de ses membres se lève, prononce un discours, préconise une action ;
2076 ais. Parfois, un de ses membres se lève, prononce un discours, préconise une action ; ses collègues l’approuvent et il est
2077 membres se lève, prononce un discours, préconise une action ; ses collègues l’approuvent et il est décidé qu’il sera fait
2078 bres de l’assemblée se lèvent ensemble, proposent des choses différentes et chacun d’eux appuie ses propositions sur des ra
2079 entes et chacun d’eux appuie ses propositions sur des raisons particulières. On en vient à se battre entre collègues. Il ad
2080 e plaignait d’avoir deux âmes en lui. J’ai en moi une foule d’âmes turbulentes. Et tout se passe comme dans une république.
2081 e d’âmes turbulentes. Et tout se passe comme dans une république. » À regarder ainsi le moi, on le perd assurément et par m
2082 uvernante. Si on tentait de l’observer à l’aide d’ un microscope, l’éléphant lui aussi ne serait plus qu’une vaste illusion
2083 icroscope, l’éléphant lui aussi ne serait plus qu’ une vaste illusion. 70. Les Questions de Milinda (Milindahunha), ier s
2084 , qui vivait au iie siècle avant J.-C. Nagasena, un patriarche bouddhiste. 71. Kitaro Nishida, Die intelligible Welt, p.
2085 Ces deux phrases sont à rapprocher de cette vue d’ un soufi : « Le paradis du gnostique fidèle, c’est son corps même, et l’
2086 est même féroce, le chef-d’œuvre d’Henri Michaux, Un Barbare en Asie. Lire enfin de Rudolf Kassner, Le Livre de ma Vie. Pu
2087 crains que l’auteur ne vienne ici à la rencontre des catégories de L’Amour et l’Occident un peu plus qu’il ne serait sou
2088 ncontre des catégories de L’Amour et l’Occident un peu plus qu’il ne serait souhaitable, de son propre point de vue. 91
2089 assage dans la Brihadaranyaka upanishad, au cours des dialogues entre l’illustre sage Yajnavalkya et son épouse Maitreyi, q
2090 t le principe d’exclusion de Pauli (individuation des électrons, conditionnant la « vie ») en termes de métaphysique occide