1 1932, Présence, articles (1932–1946). Penser avec les mains (fragments) (janvier 1932)
1 Penser avec les mains (fragments) (janvier 1932) a Nous voici donc à ce point d’étrangeté où l’on oppose la pensée et
2 xemple de Descartes est l’un des plus mauvais qui aient été donnés au monde moderne. « Depuis Descartes, ils ont tous cru, di
3 donnés au monde moderne. « Depuis Descartes, ils ont tous cru, dit Kierkegaard, que si longtemps qu’ils pussent douter, si
4 œur du monde moderne, et la « pensée » bourgeoise a réussi ce tour pendable de la faire passer pour le bon sens même. L’i
5 jeunesse qu’on dit outrecuidante, — qui surtout n’ a pas envie de se faire assassiner. ⁂ Pendant que ce monde condamné tie
6 dans ces pages, celui que l’on voudrait nommer l’ a priori éthique. Kierkegaard, après avoir formulé la « monstrueuse con
7 ait nommer l’a priori éthique. Kierkegaard, après avoir formulé la « monstrueuse contradiction » moderne, conclut par un renv
8 ’avènement historique est dans nos mains. On nous a menés à ce point — il n’est question de s’en réjouir ni de le déplore
9 tifs à différentes acceptions du verbe penser. On a noté d’abord qu’une espèce humaine est en voie de disparaître, en par
10 ture dispense de penser. En vérité, ces gens-là n’ ont jamais pensé. N’ont fait que de la classification avec les idées des
11 ser. En vérité, ces gens-là n’ont jamais pensé. N’ ont fait que de la classification avec les idées des autres, quand ils ét
12 rprétations étymologiques du mot penser. Celui-ci ayant la même origine que peser, il est loisible de jouer avec le mot de la
13 me. ⁂ Moralisme. Il y a des gens qui disent : j’ ai tel idéal de véracité, de justice, eh bien ! dès aujourd’hui je m’en
14 mment le pourraient-ils ? Car il faut qu’un idéal ait « pris corps » pour qu’il devienne « applicable ». On ne crée rien de
15 icable ». On ne crée rien de vivant avec ce qu’on a , mais seulement avec ce qu’on est. C’est pourquoi il n’y a de créatio
16 eulement avec ce qu’on est. C’est pourquoi il n’y a de création possible que par les individus. Et de là vient que toute
17 t au bourgeois seul, cela ne se peut concevoir, n’ a jamais existé5. Le bourgeois n’étant donc jamais un héros, n’entrepre
18 e idée qui ne peut être mastiquée, puis avalée, n’ a pas plus de valeur que ces melons en carton qu’on voit aux étalages.
19 ues certes, avec les valeurs bourgeoises qui nous ont valu la dernière guerre, nationalisme et doctrine de l’État souverain
20 stent la seule opposition réellement profonde qui ait divisé le xixe . Tous les autres débats du siècle perdent leur aiguil
21 reçoit le pouvoir de prophétiser. (Apoc. X. 9.) a . Rougemont Denis de, « Penser avec les mains (fragments) », Présence
2 1932, Présence, articles (1932–1946). Cause commune (avril-juin 1932)
22 prudente à quoi l’on reconnaît l’intellectuel qui a pris son temps. Mais ce temps, où le prendre en conscience, et à qui 
23 . Si l’on veut agir sur l’époque, il faut d’abord avoir l’époque dans la peau ; c’est aujourd’hui en disant vite et sans calc
24 sserait l’homme contre Dieu, ce qui revient, on l’ a bien vu, à dresser, contre la grandeur et l’humilité de la personne,
25 ture. Le congrès de Francfort9 organisé par Plans a révélé cette unité fondamentale que créent en nous non pas des maître
26 au surplus.) Jamais, peut-être, une génération n’ avait trouvé spontanément pareille communauté d’attitude essentielle. C’est
27 d’attitude essentielle. C’est qu’aucune jamais n’ eut à dévisager une menace aussi pressante et planétaire. Rien ne peut pl
28 décrirai comme les Prêtres de l’Insoluble, nous n’ avons plus le droit d’y prêter une libérale complaisance. Laisse donc tous
29 umanisme en marche, de Gilbert Trolliet, que nous avons publiée en tête du numéro 1. Le lecteur voudra bien s’y reporter. »
3 1934, Présence, articles (1932–1946). L’œuvre et la mort d’Arnaud Dandieu (1934)
30 entière dans une doctrine de l’acte créateur. Il a écrit quelques ouvrages d’une audace précise. Ils ont paru dans une e
31 écrit quelques ouvrages d’une audace précise. Ils ont paru dans une espèce de silence. Il a vu qu’une jeunesse avait compri
32 cise. Ils ont paru dans une espèce de silence. Il a vu qu’une jeunesse avait compris, venait à lui comme il savait qu’ell
33 ns une espèce de silence. Il a vu qu’une jeunesse avait compris, venait à lui comme il savait qu’elle y viendrait. Quelque te
34 il savait qu’elle y viendrait. Quelque temps, il a pu éprouver la solidité de sa prise, la qualité du dynamisme qu’il su
35 ncarnait cette image du « spirituel » tel qu’il l’ a défini. Il avait le profil nettement dessiné, mais une rudesse puissa
36 e image du « spirituel » tel qu’il l’a défini. Il avait le profil nettement dessiné, mais une rudesse puissante sur le front 
37 gination concrète, de son acte ? Je me souviens d’ avoir été vivement frappé, lors de ma première rencontre avec Dandieu, par
38 odes d’une critique universitaire. Ce petit livre a l’aspect d’un chantier, et non point d’un salon littéraire. Il est to
39 ries à la mode, avec trop de dédain peut-être… On a fait plus de bruit autour des deux pamphlets que Dandieu publiait que
40 rgical qui devait entraîner sa mort, à 36 ans, il avait ajouté de sa main, sur les épreuves de son dernier ouvrage, une concl
41 yrannie ; mais son essence est plus profonde et n’ a de nom dans aucune langue ; surtout pas en français. Ce n’est pas not
42 y a de plus profond dans l’homme, c’est la peau, a-t -on écrit. On pourrait dire aussi que rien n’est plus visible chez un
4 1935, Présence, articles (1932–1946). Contre Nietzsche (avril-mai 1935)
43 qui seule élève le cœur et l’esprit. À celui qui a perdu cette confiance, plus rien ne saurait apparaître digne et grand
44 en ne saurait apparaître digne et grand ; son âme a perdu la noble dureté qui donne au sérieux toute sa force. Fr. H. Jac
45 de l’anarchie spirituelle du xixe siècle. Il en a souffert si vivement qu’il n’est presque pas un aspect de la mentalit
46 lité du siècle athée auquel sa pensée d’écorché n’ ait réagi par une diamétrale opposition. Il coupe toutes les erreurs du t
47 lité, l’on découvre constitutive. D’autres poètes ont paru, qui ne furent pas moins violemment contradictoires : Kierkegaar
48 seul peut transformer le monde. Mais Nietzsche n’ a pas voulu distinguer et saisir le sens dernier de cette transformatio
49 e toute possibilité de thèse provisoire (ce que n’ avait pas fait l’apôtre Paul, autorisant en fin de compte le mariage), il r
50 — reste la seule angoisse. Etc., etc.) Nietzsche a horreur de toute dogmatique13 : il est par là le type le plus parfait
51 n personnaliste, encore que très peu de bourgeois aient eu conscience d’avoir ce goût. Mais son opposition si frénétique à la
52 onnaliste, encore que très peu de bourgeois aient eu conscience d’avoir ce goût. Mais son opposition si frénétique à la bê
53 e que très peu de bourgeois aient eu conscience d’ avoir ce goût. Mais son opposition si frénétique à la bêtise de sa classe,
54 gratuite, — sens absolument différent de celui qu’ a prôné André Gide. Le lien concret entre deux êtres, ou bien entre une
55 ion vraie, et transforme le monde. Mais Nietzsche a beau se colleter avec son temps, il a beau, par dépit de l’impuissant
56 s Nietzsche a beau se colleter avec son temps, il a beau, par dépit de l’impuissant amour « moral », renverser les donnée
57 évaluation de la vie et de la mort que son siècle ait pu concevoir, et qu’il fut seul sans doute, dans ce siècle, à oser me
58 erniers billets trahissent l’invasion. Quel homme a vécu pareil drame ? Découvrir qu’on s’est suicidé, et que la seule lu
59 cteurs irrationnels de la vie », etc. Nietzsche l’ a chanté, mais comme un bien perdu. h. Rougemont Denis de, « Contre N
5 1935, Présence, articles (1932–1946). Autour de Nietzsche : petite note sur l’injustice (novembre 1935)
60 , rende raison à la vérité finale que cette œuvre a voulu nier. Descendons jusqu’à nous. Il se peut que mon « injustice »
61 is de Nietzsche, rende justice à ce que Nietzsche a refusé d’être ; et que, dans ce qu’il a refusé d’être, réside justeme
62 Nietzsche a refusé d’être ; et que, dans ce qu’il a refusé d’être, réside justement l’essentiel au regard de la vérité. O
63 méditée. Je m’en consolerais mieux si M. Miéville avait plus discrètement usé, pour me confondre, des malentendus les plus gr
64 pel que l’on accepte ou que l’on refuse ; grâce n’ a qu’un sens vaguement métaphorique et sentimental en dehors de l’Évang
65 un mot : Jésus-Christ15. Dogmatique : je croyais avoir fait sentir que je n’en étais plus à confondre cette discipline de l’
66 e « doctrine que l’on s’interdit d’examiner » ! J’ avais écrit : « De même que le squelette naît de la peau, la dogmatique naî
6 1946, Présence, articles (1932–1946). Le Nœud gordien renoué (avril 1946)
67 Le Nœud gordien renoué (avril 1946)j Un oracle avait annoncé que serait roi celui qui, debout sur son char, pénétrerait au
68 voilà qui se met à nouer le plus beau nœud qu’il ait jamais rêvé. Il y passe des heures indicibles d’intensité et de conce
69 itié se noue. Quand on peut dire d’un fruit qu’il a noué, il devient graine. Celui qui sait comment se fait un nœud, sait
70 ouant par cette fascination tout ce que le prêtre avait dénoué en lui, refaisant le nœud d’après nature, l’aimant parce qu’il
71 aison. (Tous les joueurs perdent.) Ce coup d’épée a fondé le monde moderne. Monde de la simplification hâtive ; de l’expé
72 ’institutions de tous les temps, qu’aucune épée n’ a jamais pu trancher. j. Rougemont Denis de, « Le Nœud gordien renoué