1 1932, Présence, articles (1932–1946). Penser avec les mains (fragments) (janvier 1932)
1 c à ce point d’étrangeté où l’on oppose la pensée et l’action jusque sur le plan de l’éthique. Or, un homme qui professe c
2 commettre un acte qui vous laisse dans le doute ( et l’on s’attire pourtant une responsabilité) que de simplement prétendr
3 e contradiction » règne au cœur du monde moderne, et la « pensée » bourgeoise a réussi ce tour pendable de la faire passer
4 est de s’enrichir : modeste, il s’y conforme. « … Et l’on s’attire pourtant une responsabilité. » Il faut bien constater q
5 ue l’on pourrait baptiser la pensée sans douleur, et qui comblait si doucement la débilité morale du siècle ! Elle en figu
6 figura tout ensemble le « bon goût », la mesure, et la suprême astuce. Toutefois, le danger d’un écart, par ailleurs conf
7 r ailleurs confortable, entre nos idéaux généreux et nos petites activités s’étant manifesté avec quelque insistance depui
8 struction réelle, sinon concertée, de la bâtisse, et seront encore bons pour construire, si demain nous laisse construire
9 qu’est-ce que l’Éthique ? — Question non éthique, et qui manifeste seulement l’égarement du temps. « L’Éthique ne commence
10 plorer — où le choix n’est plus qu’entre marxisme et christianisme3, entre vérité collective et vérité personnifiée. Ou en
11 rxisme et christianisme3, entre vérité collective et vérité personnifiée. Ou encore, entre la réalisation fatale d’une doc
12 ntre la réalisation fatale d’une doctrine du fait et la réalisation héroïque d’une doctrine de l’être. Deux noms : Hegel e
13 oïque d’une doctrine de l’être. Deux noms : Hegel et Kierkegaard4. Désormais, nous les retrouverons aux prises à tous les
14 e siècle vient s’incarner dans notre génération. Et déjà ce n’est plus qu’à notre situation géographique que nous devons
15 au. L’on s’en rend compte en écrivant ces lignes, et qu’il y a peu de mérite, pour l’heure, à récuser une pensée qui ne me
16 dées des autres, quand ils étaient intelligents ; et autrement, du journalisme. On compare ensuite certains types nationau
17 s on remarque à ce propos qu’une certaine finesse et une certaine profondeur peuvent se situer à égale distance de la réal
18 ituer à égale distance de la réalisation éthique, et se confondre dans la même insignifiance, quoique de signes contraires
19 t de la façon suivante : le Français pèse le pour et le contre ; l’Allemand pèse sur les choses. D’où l’on conclut encore
20 éer de tout son être spirituel des faits nouveaux et vrais, dans un certain style. — Ainsi pensèrent un Pascal, un Rimbaud
21 le de correction, dans les démarches de l’esprit. Et Dostoïevski, dont on peut dire qu’il pensait par péchés et remords. A
22 evski, dont on peut dire qu’il pensait par péchés et remords. Ainsi pensèrent tous ceux dont l’œuvre détermine en nous une
23 n’y a de création possible que par les individus. Et de là vient que toute création absolue est héroïque. Socialisme (ou
24 à exécution » — la condamner à mort, autant dire, et l’extirper de son être, fût-ce pour l’introduire dans l’Histoire. Mai
25 oire. Mais c’est au contraire devenir cette idée. Et le théâtre de sa passion. Voilà qui mène plus loin que l’activisme, —
26 sion. Voilà qui mène plus loin que l’activisme, —  et avec plus de conséquence6. C’est le drame de l’éthique individuelle,
27 e d’amour, une affaire de la solitude. Une pensée et une vie sont aux prises : qu’on les laisse donc seules à ce débat sil
28 u’on les laisse donc seules à ce débat silencieux et obscur comme les ruses de la volupté, à ce jeu serré de refus, de ten
29 eu serré de refus, de tentations, d’oublis feints et de brusques retours. Il faut tout cela, et les mille petites souffran
30 feints et de brusques retours. Il faut tout cela, et les mille petites souffrances de la souffrance, pour qu’une idée devi
31 ur qu’une idée devienne ce mythe qui vive en nous et dans lequel nous vivions, jusqu’au point que chacun de nos gestes — o
32 i simple que cela — qu’il faut avaler les idées7, et qu’une idée qui ne peut être mastiquée, puis avalée, n’a pas plus de
33 ée du bonheur : qu’on la détruise, qu’on la mange et qu’on l’oublie. Ainsi de tant d’autres pensers, d’un désir ou d’un id
34 intes, de blessures, combien de morts, de retours et de morts encore, jusqu’à ce que l’esprit enfin brisé s’abandonne comm
35 e, à tel vouloir qu’il concevait, mais redoutait, et qui devient alors notre sang et nos songes. Le sang, les songes, tour
36 , mais redoutait, et qui devient alors notre sang et nos songes. Le sang, les songes, tour à tour, nous poussent vers les
37 songes, tour à tour, nous poussent vers les êtres et guident notre main. Par eux s’incarne la pensée, et c’est là l’héroïs
38 guident notre main. Par eux s’incarne la pensée, et c’est là l’héroïsme de l’esprit. Car toute incarnation s’opère au pri
39 d’un héroïsme, l’on veut dire : d’une souffrance et d’un isolement. Telle est la loi du monde, et il est admirable de l’a
40 nce et d’un isolement. Telle est la loi du monde, et il est admirable de l’aimer. Et la pensée n’est point soustraite à ce
41 la loi du monde, et il est admirable de l’aimer. Et la pensée n’est point soustraite à cette loi, non, la pensée même de
42 e de la condition humaine déchirée entre le Temps et l’Éternité. 1. Kierkegaard : « Conclusion peu scientifique à la Phi
43 me ne sont encore que des compromis, intelligents et énergiques certes, avec les valeurs bourgeoises qui nous ont valu la
44 ui nous ont valu la dernière guerre, nationalisme et doctrine de l’État souverain, par exemple. Elles préparent la jeuness
45 phie dialectique de l’histoire, d’où Marx, Engels et Feuerbach devaient tirer le matérialisme historique, manifestent la s
46 ècle perdent leur aiguillon si on les y compare ; et se réduisent bien souvent à des questions de préséance, entre philoso
47 peut-être la première fois que les mots bourgeois et seul se trouvent accolés, donnant cet aspect d’erreur typographique…
48 « Le christianisme est plus radical. » (Marxisme et Religion.) 7. « Et l’ange me dit : « Prends le livre et avale-le. »
49 est plus radical. » (Marxisme et Religion.) 7. «  Et l’ange me dit : « Prends le livre et avale-le. » Ainsi Jean reçoit le
50 gion.) 7. « Et l’ange me dit : « Prends le livre et avale-le. » Ainsi Jean reçoit le pouvoir de prophétiser. (Apoc. X. 9.
51 avec les mains (fragments) », Présence, Lausanne et Genève, janvier 1932, p. 37-41.
2 1932, Présence, articles (1932–1946). Cause commune (avril-juin 1932)
52 emps. Mais ce temps, où le prendre en conscience, et à qui ? De toutes parts ce serait trahir. Si l’on veut agir sur l’épo
53 e dans la peau ; c’est aujourd’hui en disant vite et sans calcul ce qui nous presse qu’on la dira le moins imparfaitement.
54 ement. Je ne t’envoie qu’une lettre. « Présence » et « réalisation », ces deux thèmes de ton enquête sur l’Humanisme, je l
55 le mot de passe d’une génération révolutionnaire. Et en même temps la définition de notre humanisme, s’il est bien cette v
56 re une bourgeoisie que la jouissance du téléphone et de l’ascenseur console de sa déchéance morale, déchéance jalousée d’a
57 illeurs par un prolétariat tout abruti de travail et de cinéma. Car enfin ce n’est pas l’humanisme du xvie siècle qui nou
58 t pas l’humanisme du xvie siècle qui nous chaut, et encore moins celui du xixe , resté celui de nos bons maîtres. Il ne s
59 nt, on l’a bien vu, à dresser, contre la grandeur et l’humilité de la personne, l’orgueilleuse et épuisante adresse des in
60 deur et l’humilité de la personne, l’orgueilleuse et épuisante adresse des ingénieurs. Notre humanisme ne saurait être con
61 s d’actualisation. L’humanisme d’un homme de 1932 et qui veut vivre, au lieu d’amèrement languir, — c’est la Révolution. M
62 ifier, à le châtrer de toute violence spirituelle et créatrice 8. Et comment se défendre, sinon par l’attaque ? Sinon par
63 rer de toute violence spirituelle et créatrice 8. Et comment se défendre, sinon par l’attaque ? Sinon par l’affirmation de
64 affirmation de l’identité nécessaire de la pensée et de l’action ; sinon par l’effort d’instaurer une économie générale de
65 omie générale de la vie impliquant cette identité et fondant sur elle ses valeurs les plus hautes et les plus quotidiennes
66 é et fondant sur elle ses valeurs les plus hautes et les plus quotidiennes à la fois. Car s’il faut une morale simple, nou
67 est au contraire : « Faites comme tout-le-monde, et pensez ce que vous n’oserez jamais faire. » Faut-il, pour d’autres, p
68 considère avant tout la commune condition humaine et sa défense contre un système dont l’action dissolvante s’étend à tout
69 nse de l’homme, il recouvre exactement le concept et les méthodes de la Révolution naissante. Les uns viennent de Marx, le
70 rkegaard ; de la Raison sous ses formes violentes et créatrices, ou de la Foi. Peu de malentendus pourtant. Car c’est le p
71 lus souvent sous le coup d’indignations pareilles et de sursauts du sentiment blessé que ces jeunes gens se sont connus. C
72 ntendu fondamental. Ensuite on confronte les buts et les moyens inséparables de ces fins. Tout cela nous dépasse et se meu
73 inséparables de ces fins. Tout cela nous dépasse et se meut sur un plan où la vanité chercherait en vain la moindre nourr
74 re d’une époque où tout ce qu’un homme peut aimer et vouloir se trouve coupé de son origine vivante, flétri, dénaturé, inv
75 oté. La Révolution pour nous n’est pas la haine ; et ce n’est pas détruire. C’est le salut10 de l’homme en tant qu’homme e
76 ire. C’est le salut10 de l’homme en tant qu’homme et qui sent. « Une Actualité inséparable d’une Réalisation », disais-tu.
77 ec Philippe Lamour (Alexandre Marc, René Dupuis). Et tant d’autres ici, qui chaque jour se découvrent et sont découverts.
78 tant d’autres ici, qui chaque jour se découvrent et sont découverts. À l’extrême droite, le groupe de Réaction (Thierry M
79 tants de Philosophies, ou naissants, de Réalité. ( Et je ne parle ici à peu près que d’amis, parisiens au surplus.) Jamais,
80 mais n’eut à dévisager une menace aussi pressante et planétaire. Rien ne peut plus nous détourner de la solidarité du péri
81 ut plus nous détourner de la solidarité du péril. Et les problèmes exquis où s’attardent encore ceux que je décrirai comme
82 loisirs fiévreux, s’il faut faire quelque chose, et comment et pourquoi. Ce que nous devons faire est toujours assez simp
83 évreux, s’il faut faire quelque chose, et comment et pourquoi. Ce que nous devons faire est toujours assez simple, est tou
84 dent dès que nous possédons le courage de le voir et de l’assumer. Un acte de présence à la misère du siècle, une présence
85 n vit, si nous vivons. Autour de nous tout craque et nous appelle. Sur les tenants d’un ordre délabré, le Souci tend son a
86 nt plus à la mort, mais au combat de ce qui meurt et de ce qui renaît par cette mort. La neurasthénie broie les villes, où
87 nous sommes peut-être seuls à connaître la force et la présence. Nous connaissons la vérité. Qu’elle soit tombée du ciel
88 l’acte de la saisir dans son impérieuse évidence et dans sa violence éternelle. Privilège à vrai dire sans mesure ; osera
89 i-je écrire : sans espoir ? Tâchons d’être joyeux et humbles. 8. Le seul climat qui permette et suscite l’aventure spiri
90 yeux et humbles. 8. Le seul climat qui permette et suscite l’aventure spirituelle. Le seul aussi qui donne un sens à la
91 s (tant « Front Noir » que communistes), français et belges. Des délégués suisses y assistèrent, ainsi qu’un délégué fasci
92 endons par ce terme si vague l’activité créatrice et « actuelle » de la pensée, inséparable d’un ordre humain total. b.
93 t Denis de, « Cause commune », Présence, Lausanne et Genève, avril–juin 1932, p. 12-15. c. Précédé de la note suivante :
94 ivante : « Le texte qu’on va lire est une réponse et un écho à l’étude Autour de l’humanisme en marche, de Gilbert Trollie
3 1933, Présence, articles (1932–1946). Paysage de tête : poème (1933)
95 N’attendons plus, dans cette journée violente et trop vaste, la venue des bien-aimées clairières entre deux pluies, ni
96 ies, ni d’une femme ni d’une fièvre pour agrandir et soudain noyer de suie le regard ni d’une lueur muette qui s’approche
97 ie le regard ni d’une lueur muette qui s’approche et nous aime. Car voici l’heure de la solitude et l’origine d’un mutisme
98 he et nous aime. Car voici l’heure de la solitude et l’origine d’un mutisme sombre et ce n’est point menace encore ni même
99 e de la solitude et l’origine d’un mutisme sombre et ce n’est point menace encore ni même froncement de ce grand visage qu
100 armi des pièges au vol lourd, des faulx de larmes et ces battements de paupières plus terribles que l’orage, ces battement
101 nne où maintenant descend, suspendue dans le soir et dans la transparence, l’épouvantable constatation de la mort. d. R
102 Denis de, « Paysage de tête », Présence, Lausanne et Genève, 1933, p. 53.
4 1934, Présence, articles (1932–1946). L’œuvre et la mort d’Arnaud Dandieu (1934)
103 L’œuvre et la mort d’Arnaud Dandieu (1934)e La vie d’Arnaud Dandieu s’exprime
104 a prise, la qualité du dynamisme qu’il suscitait, et il est mort l’été dernier, dans cet élan qui va s’épanouir. Ce révolu
105 nnaire était un homme tranquille, carré, courtois et gai. On veut que ce soient des agités : les vrais sont des ordonnateu
106 teurs, solidement humains. Sa force était réelle, et peu démonstrative. Car la tension d’un esprit créateur n’est pas, com
107 chez les inadaptés, une tension entre l’individu et le milieu qui lui résiste. Elle est à l’intérieur de la personne. Ell
108 a finesse, la pénétration de l’esprit d’une part, et d’autre part la prise de la main, la puissance de bouleversement conc
109 tre d’un homme, sinon cette tension qu’il incarne et qui est aussi le ressort de sa puissance d’imagination concrète, de s
110 dieu, par l’apparente contradiction entre sa face et son profil, je veux dire par la tension que son visage rendait visibl
111 la vue, comme l’image même de la « personne »12, et comme le symbole impérieux de cet Ordre nouveau qu’il annonçait. « L’
112 il publiait, à Oxford, en 1927, sur Marcel Proust et sa Révélation psychologique, en donnerait la meilleure formule. C’est
113 ormule. C’est une défense du primat de l’affectif et de la créativité dans l’exercice de la connaissance. Une œuvre « subj
114 ser aux clichés polémiques, ce livre de recherche et de découvertes précises, et le plus dépourvu qui soit d’enveloppes « 
115 ce livre de recherche et de découvertes précises, et le plus dépourvu qui soit d’enveloppes « littéraires » ou de fraudes
116 mier témoignage d’une époque de lucidité nouvelle et d’une aventure authentique. Ouvrez-le : vous serez frappé d’y voir ci
117 affirmation qui ne soit confirmée par un texte ; et cependant de vous sentir aux antipodes d’une critique universitaire.
118 sitaire. Ce petit livre a l’aspect d’un chantier, et non point d’un salon littéraire. Il est tout animé de la joie de cons
119 raire. Il est tout animé de la joie de construire et d’abattre. Grande allure intellectuelle. — Comment ce Proust passa-t-
120 ées plus tard, en collaboration avec Robert Aron, et qui mettent en œuvre sur le plan économique et politique les mêmes mé
121 n, et qui mettent en œuvre sur le plan économique et politique les mêmes méthodes de synthèse. En vérité, ces deux ouvrage
122 s sont dans le prolongement nécessaire du Proust, et c’est là qu’il faudra chercher leur origine spirituelle. Décadence de
123 qui relie l’homme à son lieu, à sa patrie réelle. Et c’est encore au nom de l’homme concret que Le Cancer américain apport
124 il refusait pourtant la distinction rationaliste et libérale entre la pensée pure et l’acte qui l’atteste. Il professait
125 ion rationaliste et libérale entre la pensée pure et l’acte qui l’atteste. Il professait que « l’écrivain ne saurait sans
126 rdre poétique sur la métaphore chez Proust, Blake et Keats, il devait aboutir à une éthique politique. Cette trajectoire t
127 rice. On en trouvera des marques dans les notices et dans l’introduction de son Anthologie des Philosophes contemporains,
128 noménologie du savant, sur la psychologie morbide et primitive, sur les nomades, sur Nietzsche ou Diderot, sur des questio
129 t révolution. On le fait synonyme tantôt d’émeute et de chambardement, tantôt d’anarchie littéraire, tantôt de dictature é
130 eux définit la personne. Si l’on admet, avec Marx et Proudhon, que la révolution consiste à sauver l’homme concret de l’em
131 t « les antiques sottises racistes, matérialistes et théocratiques » qui montent à l’assaut d’une Europe décadente, il ajo
132 de l’homme. Le long des côtes de la Méditerranée et de la mer du Nord, remontant le Danube ou le Rhin, s’avance l’antique
133 ou tyrannie ; mais son essence est plus profonde et n’a de nom dans aucune langue ; surtout pas en français. Ce n’est pas
134 st pas notre faute si le pays des petits rentiers et du traité de Versailles est tout de même aussi le dernier refuge cont
135 n’est pas notre faute si, pour sauver l’Occident et l’Europe, nous devons d’abord, aujourd’hui, nous appuyer sur la Franc
136 st venue. Allons-y. Défi véritablement héroïque, et vocation orgueilleuse de l’homme ! Mais dans la mesure où cet orgueil
137 n’est plus visible chez un homme que son mystère, et ceci définit un visage. e. Rougemont Denis de, « L’œuvre et la mort
138 nit un visage. e. Rougemont Denis de, « L’œuvre et la mort d’Arnaud Dandieu », Présence, Lausanne et Genève, 1933–1934,
139 et la mort d’Arnaud Dandieu », Présence, Lausanne et Genève, 1933–1934, p. 57-59. f. Voir le compte rendu que Rougemont e
140 du que Rougemont en fait dans les Cahiers du Sud, et repris dans Politique de la personne . g. Titre de l’ouvrage que pu
141 re de l’ouvrage que publiera en 1936 Robert Aron, et dont Rougemont rendra compte dans la NRF .
5 1935, Présence, articles (1932–1946). Contre Nietzsche (avril-mai 1935)
142 e individuelle, toute possession, est exclusive ; et c’est pourquoi il faut lutter contre celui qui attaque, parce que sa
143 e puisse être possédé que d’une manière exclusive et belliqueuse… Un noble effort ne peut s’appuyer que sur une pleine et
144 noble effort ne peut s’appuyer que sur une pleine et ferme confiance en soi, qui seule élève le cœur et l’esprit. À celui
145 t ferme confiance en soi, qui seule élève le cœur et l’esprit. À celui qui a perdu cette confiance, plus rien ne saurait a
146 confiance, plus rien ne saurait apparaître digne et grand ; son âme a perdu la noble dureté qui donne au sérieux toute sa
147 s qui figurèrent la bonne conscience d’une élite, et par là même, presque toujours tonique et enseignante, elle nous excit
148 e élite, et par là même, presque toujours tonique et enseignante, elle nous excite à des affirmations qui la condamnent. L
149 c’est encore à dire de l’homme qui vit en Christ, et non plus dans la forme du siècle présent. Mais les contradictions de
150 me mort de ses contemporains. Il attaque à droite et à gauche, utilisant tantôt la droite contre la gauche, tantôt la gauc
151 que celle d’un foyer dynamique rayonnant à gauche et à droite et dans bien d’autres directions nouvelles, inconnues de la
152 un foyer dynamique rayonnant à gauche et à droite et dans bien d’autres directions nouvelles, inconnues de la gauche et de
153 tres directions nouvelles, inconnues de la gauche et de la droite. Il ne quitte pas le plan des erreurs qu’il attaque. Il
154 le monde. Mais Nietzsche n’a pas voulu distinguer et saisir le sens dernier de cette transformation. (Exemples : le chapit
155 rmations qui s’entretuent, la relation de l’homme et de la femme perd tout caractère rationnel — ce qui n’est certes pas à
156 une cruelle facilité — que la relation de l’homme et de la femme n’est guère mieux pensable dans les catégories chrétienne
157 e fondent dans l’acte de foi originel (synthèse), et qu’alors même qu’il nie toute possibilité de thèse provisoire (ce que
158 sur les valeurs morales. Il attaque l’altruisme, et démasque dans cette « vertu » les effets du « ressentiment » le plus
159 l’égoïsme contre la soi-disant morale du Christ, et au nom d’une espèce de « virtu » dont il laisse entendre souvent qu’e
160 flagelle, ne suffit pas à établir entre sa pensée et son temps un contact véritable, un lien concret de responsabilité. C’
161 qu’il n’existe qu’un unique agent de contact réel et vital14, et c’est l’éclair dans notre vie d’une transcendance, l’amou
162 te qu’un unique agent de contact réel et vital14, et c’est l’éclair dans notre vie d’une transcendance, l’amour en actes,
163 e, l’amour en actes, l’action directe, réciproque et gratuite, au sens où la grâce est gratuite, — sens absolument différe
164 oncret entre deux êtres, ou bien entre une pensée et les contemporains, ne peut être établi qu’en vertu d’une action obéis
165 son action, par sa pensée critique ou créatrice, et cela pour des motifs d’ordre uniquement humain, on doit être certain
166 servant son voisin, il n’échappe point à la loi, et la loi n’établit jamais ni le contact vital ni l’amour du prochain. L
167 infiniment souverain, infiniment différent de toi et de moi, absolument central — d’ailleurs intemporel —, établit ce lien
168 un fait, comme une donnée de Dieu, au sens actif et subjectif du mot donnée. Seul ce rapport posé par Dieu abolit toute d
169 provoque un contact pur, permet une action vraie, et transforme le monde. Mais Nietzsche a beau se colleter avec son temps
170 a pensée, à la soumettre à la critique souveraine et parfaitement pénétrante de l’amour. Il ne parvient à rendre responsab
171 ainsi qu’il exprime dans un style vraiment noble et tragique, parfois aussi d’une turbulence maladive, la situation typiq
172 n. Ses tentatives d’évaluation s’entre-détruisent et n’aboutissent qu’à la plus radicale dévaluation de la vie et de la mo
173 ssent qu’à la plus radicale dévaluation de la vie et de la mort que son siècle ait pu concevoir, et qu’il fut seul sans do
174 ie et de la mort que son siècle ait pu concevoir, et qu’il fut seul sans doute, dans ce siècle, à oser mesurer sans triche
175 effondre d’ailleurs dès qu’il comprend son œuvre. Et c’est d’une infernale panique que ses derniers billets trahissent l’i
176 écu pareil drame ? Découvrir qu’on s’est suicidé, et que la seule lucidité subsiste, sans appui. Tous comptes faits, toute
177 faits, toute vie consumée, toute position rongée et corrodée par le réactif qu’elle secrète, toutes ces évaluations rageu
178 « bourgeois », au monde de la pensée sans mains, et des mains privées de pensée ? ⁂ Je ne cherche pas à être juste. Nietz
179 enis de, « Contre Nietzsche », Présence, Lausanne et Genève, avril–mai 1935, p. 1-4.
6 1935, Présence, articles (1932–1946). Autour de Nietzsche : petite note sur l’injustice (novembre 1935)
180 é désespérée, qui se croient trop vite au-delà. «  Et moi-même, qui écris ceci… » Une personne relativement grande, mainten
181 dira encore : Je me sens injuste en sa présence, et je ne puis, en la jugeant, que lui faire tort. Mais alors il ne s’agi
182 ende justice à ce que Nietzsche a refusé d’être ; et que, dans ce qu’il a refusé d’être, réside justement l’essentiel au r
183 c’est là qu’il est important de prendre position, et non ailleurs. Ne vivons-nous pas aujourd’hui, maintenant — au double
184 jourd’hui, maintenant — au double sens historique et éternel du mot nunc —, une situation décisive, c’est-à-dire une situa
185 tuation qui exige de chacun de nous la confession et la déclaration de ce qu’il tient pour plus vrai que sa vie, et à quoi
186 tion de ce qu’il tient pour plus vrai que sa vie, et à quoi tout le reste s’ordonne, y compris cette justice dont nous pen
187 acte de foi décisif. Il est un temps pour nuancer et balancer, et un temps pour trancher : pour ou contre. (L’intelligence
188 écisif. Il est un temps pour nuancer et balancer, et un temps pour trancher : pour ou contre. (L’intelligence est une épée
189 e. (L’intelligence est une épée, disait Dandieu.) Et tout jugement de cette espèce comporte une injustice, c’est trop clai
190 , mais tout refus de juger comporte une illusion, et souvent une lâcheté. (En termes distingués cela s’appelle scrupule.)
191 ute prise de parti bien franche le rappel revêche et stérilisant à la « complexité » des problèmes, — cette démagogie du j
192 des problèmes, — cette démagogie du juste milieu et de la scrupuleuse impartialité, responsable à mon sens de tout ce mal
193 use ; grâce n’a qu’un sens vaguement métaphorique et sentimental en dehors de l’Évangile, où ce mot signifie pardon, rémis
194 , où ce mot signifie pardon, rémission des péchés et de la peine de mort qu’ils entraînent, c’est-à-dire, en un mot : Jésu
195 de nous-mêmes, mais tout au plus : de nos choix. Et qu’ainsi, c’est toujours « notre Nietzsche » que nous jugeons ou que
196 petite note sur l’injustice », Présence, Lausanne et Genève, novembre 1935, p. 30-31.
7 1946, Présence, articles (1932–1946). Le Nœud gordien renoué (avril 1946)
197 curiosités de l’endroit. On lui indique le temple et la mairie. Sans hésiter, il entre au temple sur son char, et les prêt
198 e. Sans hésiter, il entre au temple sur son char, et les prêtres s’écrient en chœur : C’est lui le Roi ! Voici le Roi que
199 e Roi que nous attendions ! Devenu roi par hasard et grâce d’innocence, Gordius voulut le rester par astucieuse appropriat
200 ce qu’il sait faire. Entre les cornes de l’autel et le timon du char, le voilà qui se met à nouer le plus beau nœud qu’il
201 êvé. Il y passe des heures indicibles d’intensité et de concentration. C’est le temps de sa vie ! Ce nœud l’attestera. L’i
202 ! Ce nœud l’attestera. L’innocence du prédestiné, et la malice du paysan s’y mêlent dans un vertige de trouvailles, dans u
203 calcul instinctif l’enthousiasme de la grandeur, et son angoisse. Ah ! le compère assez malin pour dénouer ce chef-d’œuvr
204 nœud, c’est d’abord un anneau : signe d’alliance et de prise du pouvoir. Cercle magique et couronne royale. Signe aussi d
205 d’alliance et de prise du pouvoir. Cercle magique et couronne royale. Signe aussi de fécondité. Qu’une intrigue se noue, e
206 t se fait un nœud, sait aussi comment le défaire, et le refaire : il détient le secret du pouvoir. ⁂ De tous les pays de l
207 e cet emblème d’un cerveau né d’une pensée unique et vraiment souveraine : la royauté dans son état naissant. Je me souvie
208 de cet objet monstrueux, fait d’une seule corde. Et je passais des heures à contempler ceux qui, à mon instar, contemplai
209 le Nœud gordien. Celui qui le portait en lui-même et qui se faisait analyser à Delphes : il venait entre deux séances subr
210 ure… Celui qui prévoyait la science de nos jours, et me disait : — Il n’est de science que des phénomènes que l’on peut re
211 ue, inimitable, cet objet devant moi indubitable, et que la science ne saura vérifier ni dénouer, faute de pouvoir le répé
212 xiste donc point, à ses yeux. Elle n’en veut pas. Et si personne n’en veut, il est à moi ! Je le prends : il est ma libert
213 ar allusion à ses malheurs d’amour, si simples…) Et la femme de Gordius vint un jour s’acquitter de ses dévotions. Devant
214 e croyait que son mari ne s’occupait que d’elle.) Et tant d’autres qui vinrent, et qui restaient longtemps. Et nul ne s’en
215 cupait que d’elle.) Et tant d’autres qui vinrent, et qui restaient longtemps. Et nul ne s’en allait qu’enrichi d’un mystèr
216 d’autres qui vinrent, et qui restaient longtemps. Et nul ne s’en allait qu’enrichi d’un mystère. Tel était le culte de Gor
217 religion de l’inextricable. ⁂ Alexandre impatient et tricheur pénétra dans le temple au jour dit par ses astres, trancha l
218 ns ; de la tricherie ; de la rupture des liens. ⁂ Et depuis lors, je vais criant : Renouez-le ! Renouez-le ! Car il y va d
219 me, dans les détours du plus profond secret noué. Et si vous simplifiez, vous gagnerez le monde, mais au prix d’une âme, l
220 rien, mais qui épouse, qui accepte, qui pénètre, et qui sait bien que pour nouer un lien solide, il faut tous ces retours
221 ur nouer un lien solide, il faut tous ces retours et ces tours illogiques, cette intrication sans espoir, ces replis infin
222 fut envoyé à l’Hermite qui vivait dans les Alpes et qui détenait, sans nul pouvoir, l’autorité. En cette extrémité, et to
223 sans nul pouvoir, l’autorité. En cette extrémité, et tout espoir perdu, on sollicitait son conseil. Il prit la corde qui s
224 ure à sa pauvre robe. Il en fit une boucle simple et la tendit au messager : — Va leur donner ce nœud, dit-il, afin qu’ils
225 L’homme le plus fort ne pourrait pas le dénouer, et il faudrait alors l’épée pour le trancher, si chacun tire par un bout
226 e, « Le Nœud gordien renoué », Présence, Lausanne et Genève, avril 1946, p. 45-48.