1
c à ce point d’étrangeté où l’on oppose la pensée
et
l’action jusque sur le plan de l’éthique. Or, un homme qui professe c
2
commettre un acte qui vous laisse dans le doute (
et
l’on s’attire pourtant une responsabilité) que de simplement prétendr
3
e contradiction » règne au cœur du monde moderne,
et
la « pensée » bourgeoise a réussi ce tour pendable de la faire passer
4
est de s’enrichir : modeste, il s’y conforme. « …
Et
l’on s’attire pourtant une responsabilité. » Il faut bien constater q
5
ue l’on pourrait baptiser la pensée sans douleur,
et
qui comblait si doucement la débilité morale du siècle ! Elle en figu
6
figura tout ensemble le « bon goût », la mesure,
et
la suprême astuce. Toutefois, le danger d’un écart, par ailleurs conf
7
r ailleurs confortable, entre nos idéaux généreux
et
nos petites activités s’étant manifesté avec quelque insistance depui
8
struction réelle, sinon concertée, de la bâtisse,
et
seront encore bons pour construire, si demain nous laisse construire
9
qu’est-ce que l’Éthique ? — Question non éthique,
et
qui manifeste seulement l’égarement du temps. « L’Éthique ne commence
10
plorer — où le choix n’est plus qu’entre marxisme
et
christianisme3, entre vérité collective et vérité personnifiée. Ou en
11
rxisme et christianisme3, entre vérité collective
et
vérité personnifiée. Ou encore, entre la réalisation fatale d’une doc
12
ntre la réalisation fatale d’une doctrine du fait
et
la réalisation héroïque d’une doctrine de l’être. Deux noms : Hegel e
13
oïque d’une doctrine de l’être. Deux noms : Hegel
et
Kierkegaard4. Désormais, nous les retrouverons aux prises à tous les
14
e siècle vient s’incarner dans notre génération.
Et
déjà ce n’est plus qu’à notre situation géographique que nous devons
15
au. L’on s’en rend compte en écrivant ces lignes,
et
qu’il y a peu de mérite, pour l’heure, à récuser une pensée qui ne me
16
dées des autres, quand ils étaient intelligents ;
et
autrement, du journalisme. On compare ensuite certains types nationau
17
s on remarque à ce propos qu’une certaine finesse
et
une certaine profondeur peuvent se situer à égale distance de la réal
18
ituer à égale distance de la réalisation éthique,
et
se confondre dans la même insignifiance, quoique de signes contraires
19
t de la façon suivante : le Français pèse le pour
et
le contre ; l’Allemand pèse sur les choses. D’où l’on conclut encore
20
éer de tout son être spirituel des faits nouveaux
et
vrais, dans un certain style. — Ainsi pensèrent un Pascal, un Rimbaud
21
le de correction, dans les démarches de l’esprit.
Et
Dostoïevski, dont on peut dire qu’il pensait par péchés et remords. A
22
evski, dont on peut dire qu’il pensait par péchés
et
remords. Ainsi pensèrent tous ceux dont l’œuvre détermine en nous une
23
n’y a de création possible que par les individus.
Et
de là vient que toute création absolue est héroïque. Socialisme (ou
24
à exécution » — la condamner à mort, autant dire,
et
l’extirper de son être, fût-ce pour l’introduire dans l’Histoire. Mai
25
oire. Mais c’est au contraire devenir cette idée.
Et
le théâtre de sa passion. Voilà qui mène plus loin que l’activisme, —
26
sion. Voilà qui mène plus loin que l’activisme, —
et
avec plus de conséquence6. C’est le drame de l’éthique individuelle,
27
e d’amour, une affaire de la solitude. Une pensée
et
une vie sont aux prises : qu’on les laisse donc seules à ce débat sil
28
u’on les laisse donc seules à ce débat silencieux
et
obscur comme les ruses de la volupté, à ce jeu serré de refus, de ten
29
eu serré de refus, de tentations, d’oublis feints
et
de brusques retours. Il faut tout cela, et les mille petites souffran
30
feints et de brusques retours. Il faut tout cela,
et
les mille petites souffrances de la souffrance, pour qu’une idée devi
31
ur qu’une idée devienne ce mythe qui vive en nous
et
dans lequel nous vivions, jusqu’au point que chacun de nos gestes — o
32
i simple que cela — qu’il faut avaler les idées7,
et
qu’une idée qui ne peut être mastiquée, puis avalée, n’a pas plus de
33
ée du bonheur : qu’on la détruise, qu’on la mange
et
qu’on l’oublie. Ainsi de tant d’autres pensers, d’un désir ou d’un id
34
intes, de blessures, combien de morts, de retours
et
de morts encore, jusqu’à ce que l’esprit enfin brisé s’abandonne comm
35
e, à tel vouloir qu’il concevait, mais redoutait,
et
qui devient alors notre sang et nos songes. Le sang, les songes, tour
36
, mais redoutait, et qui devient alors notre sang
et
nos songes. Le sang, les songes, tour à tour, nous poussent vers les
37
songes, tour à tour, nous poussent vers les êtres
et
guident notre main. Par eux s’incarne la pensée, et c’est là l’héroïs
38
guident notre main. Par eux s’incarne la pensée,
et
c’est là l’héroïsme de l’esprit. Car toute incarnation s’opère au pri
39
d’un héroïsme, l’on veut dire : d’une souffrance
et
d’un isolement. Telle est la loi du monde, et il est admirable de l’a
40
nce et d’un isolement. Telle est la loi du monde,
et
il est admirable de l’aimer. Et la pensée n’est point soustraite à ce
41
la loi du monde, et il est admirable de l’aimer.
Et
la pensée n’est point soustraite à cette loi, non, la pensée même de
42
e de la condition humaine déchirée entre le Temps
et
l’Éternité. 1. Kierkegaard : « Conclusion peu scientifique à la Phi
43
me ne sont encore que des compromis, intelligents
et
énergiques certes, avec les valeurs bourgeoises qui nous ont valu la
44
ui nous ont valu la dernière guerre, nationalisme
et
doctrine de l’État souverain, par exemple. Elles préparent la jeuness
45
phie dialectique de l’histoire, d’où Marx, Engels
et
Feuerbach devaient tirer le matérialisme historique, manifestent la s
46
ècle perdent leur aiguillon si on les y compare ;
et
se réduisent bien souvent à des questions de préséance, entre philoso
47
peut-être la première fois que les mots bourgeois
et
seul se trouvent accolés, donnant cet aspect d’erreur typographique…
48
« Le christianisme est plus radical. » (Marxisme
et
Religion.) 7. « Et l’ange me dit : « Prends le livre et avale-le. »
49
est plus radical. » (Marxisme et Religion.) 7. «
Et
l’ange me dit : « Prends le livre et avale-le. » Ainsi Jean reçoit le
50
gion.) 7. « Et l’ange me dit : « Prends le livre
et
avale-le. » Ainsi Jean reçoit le pouvoir de prophétiser. (Apoc. X. 9.
51
avec les mains (fragments) », Présence, Lausanne
et
Genève, janvier 1932, p. 37-41.
52
emps. Mais ce temps, où le prendre en conscience,
et
à qui ? De toutes parts ce serait trahir. Si l’on veut agir sur l’épo
53
e dans la peau ; c’est aujourd’hui en disant vite
et
sans calcul ce qui nous presse qu’on la dira le moins imparfaitement.
54
ement. Je ne t’envoie qu’une lettre. « Présence »
et
« réalisation », ces deux thèmes de ton enquête sur l’Humanisme, je l
55
le mot de passe d’une génération révolutionnaire.
Et
en même temps la définition de notre humanisme, s’il est bien cette v
56
re une bourgeoisie que la jouissance du téléphone
et
de l’ascenseur console de sa déchéance morale, déchéance jalousée d’a
57
illeurs par un prolétariat tout abruti de travail
et
de cinéma. Car enfin ce n’est pas l’humanisme du xvie siècle qui nou
58
t pas l’humanisme du xvie siècle qui nous chaut,
et
encore moins celui du xixe , resté celui de nos bons maîtres. Il ne s
59
nt, on l’a bien vu, à dresser, contre la grandeur
et
l’humilité de la personne, l’orgueilleuse et épuisante adresse des in
60
deur et l’humilité de la personne, l’orgueilleuse
et
épuisante adresse des ingénieurs. Notre humanisme ne saurait être con
61
s d’actualisation. L’humanisme d’un homme de 1932
et
qui veut vivre, au lieu d’amèrement languir, — c’est la Révolution. M
62
ifier, à le châtrer de toute violence spirituelle
et
créatrice 8. Et comment se défendre, sinon par l’attaque ? Sinon par
63
rer de toute violence spirituelle et créatrice 8.
Et
comment se défendre, sinon par l’attaque ? Sinon par l’affirmation de
64
affirmation de l’identité nécessaire de la pensée
et
de l’action ; sinon par l’effort d’instaurer une économie générale de
65
omie générale de la vie impliquant cette identité
et
fondant sur elle ses valeurs les plus hautes et les plus quotidiennes
66
é et fondant sur elle ses valeurs les plus hautes
et
les plus quotidiennes à la fois. Car s’il faut une morale simple, nou
67
est au contraire : « Faites comme tout-le-monde,
et
pensez ce que vous n’oserez jamais faire. » Faut-il, pour d’autres, p
68
considère avant tout la commune condition humaine
et
sa défense contre un système dont l’action dissolvante s’étend à tout
69
nse de l’homme, il recouvre exactement le concept
et
les méthodes de la Révolution naissante. Les uns viennent de Marx, le
70
rkegaard ; de la Raison sous ses formes violentes
et
créatrices, ou de la Foi. Peu de malentendus pourtant. Car c’est le p
71
lus souvent sous le coup d’indignations pareilles
et
de sursauts du sentiment blessé que ces jeunes gens se sont connus. C
72
ntendu fondamental. Ensuite on confronte les buts
et
les moyens inséparables de ces fins. Tout cela nous dépasse et se meu
73
inséparables de ces fins. Tout cela nous dépasse
et
se meut sur un plan où la vanité chercherait en vain la moindre nourr
74
re d’une époque où tout ce qu’un homme peut aimer
et
vouloir se trouve coupé de son origine vivante, flétri, dénaturé, inv
75
oté. La Révolution pour nous n’est pas la haine ;
et
ce n’est pas détruire. C’est le salut10 de l’homme en tant qu’homme e
76
ire. C’est le salut10 de l’homme en tant qu’homme
et
qui sent. « Une Actualité inséparable d’une Réalisation », disais-tu.
77
ec Philippe Lamour (Alexandre Marc, René Dupuis).
Et
tant d’autres ici, qui chaque jour se découvrent et sont découverts.
78
tant d’autres ici, qui chaque jour se découvrent
et
sont découverts. À l’extrême droite, le groupe de Réaction (Thierry M
79
tants de Philosophies, ou naissants, de Réalité. (
Et
je ne parle ici à peu près que d’amis, parisiens au surplus.) Jamais,
80
mais n’eut à dévisager une menace aussi pressante
et
planétaire. Rien ne peut plus nous détourner de la solidarité du péri
81
ut plus nous détourner de la solidarité du péril.
Et
les problèmes exquis où s’attardent encore ceux que je décrirai comme
82
loisirs fiévreux, s’il faut faire quelque chose,
et
comment et pourquoi. Ce que nous devons faire est toujours assez simp
83
évreux, s’il faut faire quelque chose, et comment
et
pourquoi. Ce que nous devons faire est toujours assez simple, est tou
84
dent dès que nous possédons le courage de le voir
et
de l’assumer. Un acte de présence à la misère du siècle, une présence
85
n vit, si nous vivons. Autour de nous tout craque
et
nous appelle. Sur les tenants d’un ordre délabré, le Souci tend son a
86
nt plus à la mort, mais au combat de ce qui meurt
et
de ce qui renaît par cette mort. La neurasthénie broie les villes, où
87
nous sommes peut-être seuls à connaître la force
et
la présence. Nous connaissons la vérité. Qu’elle soit tombée du ciel
88
l’acte de la saisir dans son impérieuse évidence
et
dans sa violence éternelle. Privilège à vrai dire sans mesure ; osera
89
i-je écrire : sans espoir ? Tâchons d’être joyeux
et
humbles. 8. Le seul climat qui permette et suscite l’aventure spiri
90
yeux et humbles. 8. Le seul climat qui permette
et
suscite l’aventure spirituelle. Le seul aussi qui donne un sens à la
91
s (tant « Front Noir » que communistes), français
et
belges. Des délégués suisses y assistèrent, ainsi qu’un délégué fasci
92
endons par ce terme si vague l’activité créatrice
et
« actuelle » de la pensée, inséparable d’un ordre humain total. b.
93
t Denis de, « Cause commune », Présence, Lausanne
et
Genève, avril–juin 1932, p. 12-15. c. Précédé de la note suivante :
94
ivante : « Le texte qu’on va lire est une réponse
et
un écho à l’étude Autour de l’humanisme en marche, de Gilbert Trollie
95
N’attendons plus, dans cette journée violente
et
trop vaste, la venue des bien-aimées clairières entre deux pluies, ni
96
ies, ni d’une femme ni d’une fièvre pour agrandir
et
soudain noyer de suie le regard ni d’une lueur muette qui s’approche
97
ie le regard ni d’une lueur muette qui s’approche
et
nous aime. Car voici l’heure de la solitude et l’origine d’un mutisme
98
he et nous aime. Car voici l’heure de la solitude
et
l’origine d’un mutisme sombre et ce n’est point menace encore ni même
99
e de la solitude et l’origine d’un mutisme sombre
et
ce n’est point menace encore ni même froncement de ce grand visage qu
100
armi des pièges au vol lourd, des faulx de larmes
et
ces battements de paupières plus terribles que l’orage, ces battement
101
nne où maintenant descend, suspendue dans le soir
et
dans la transparence, l’épouvantable constatation de la mort. d. R
102
Denis de, « Paysage de tête », Présence, Lausanne
et
Genève, 1933, p. 53.
103
L’œuvre
et
la mort d’Arnaud Dandieu (1934)e La vie d’Arnaud Dandieu s’exprime
104
a prise, la qualité du dynamisme qu’il suscitait,
et
il est mort l’été dernier, dans cet élan qui va s’épanouir. Ce révolu
105
nnaire était un homme tranquille, carré, courtois
et
gai. On veut que ce soient des agités : les vrais sont des ordonnateu
106
teurs, solidement humains. Sa force était réelle,
et
peu démonstrative. Car la tension d’un esprit créateur n’est pas, com
107
chez les inadaptés, une tension entre l’individu
et
le milieu qui lui résiste. Elle est à l’intérieur de la personne. Ell
108
a finesse, la pénétration de l’esprit d’une part,
et
d’autre part la prise de la main, la puissance de bouleversement conc
109
tre d’un homme, sinon cette tension qu’il incarne
et
qui est aussi le ressort de sa puissance d’imagination concrète, de s
110
dieu, par l’apparente contradiction entre sa face
et
son profil, je veux dire par la tension que son visage rendait visibl
111
la vue, comme l’image même de la « personne »12,
et
comme le symbole impérieux de cet Ordre nouveau qu’il annonçait. « L’
112
il publiait, à Oxford, en 1927, sur Marcel Proust
et
sa Révélation psychologique, en donnerait la meilleure formule. C’est
113
ormule. C’est une défense du primat de l’affectif
et
de la créativité dans l’exercice de la connaissance. Une œuvre « subj
114
ser aux clichés polémiques, ce livre de recherche
et
de découvertes précises, et le plus dépourvu qui soit d’enveloppes «
115
ce livre de recherche et de découvertes précises,
et
le plus dépourvu qui soit d’enveloppes « littéraires » ou de fraudes
116
mier témoignage d’une époque de lucidité nouvelle
et
d’une aventure authentique. Ouvrez-le : vous serez frappé d’y voir ci
117
affirmation qui ne soit confirmée par un texte ;
et
cependant de vous sentir aux antipodes d’une critique universitaire.
118
sitaire. Ce petit livre a l’aspect d’un chantier,
et
non point d’un salon littéraire. Il est tout animé de la joie de cons
119
raire. Il est tout animé de la joie de construire
et
d’abattre. Grande allure intellectuelle. — Comment ce Proust passa-t-
120
ées plus tard, en collaboration avec Robert Aron,
et
qui mettent en œuvre sur le plan économique et politique les mêmes mé
121
n, et qui mettent en œuvre sur le plan économique
et
politique les mêmes méthodes de synthèse. En vérité, ces deux ouvrage
122
s sont dans le prolongement nécessaire du Proust,
et
c’est là qu’il faudra chercher leur origine spirituelle. Décadence de
123
qui relie l’homme à son lieu, à sa patrie réelle.
Et
c’est encore au nom de l’homme concret que Le Cancer américain apport
124
il refusait pourtant la distinction rationaliste
et
libérale entre la pensée pure et l’acte qui l’atteste. Il professait
125
ion rationaliste et libérale entre la pensée pure
et
l’acte qui l’atteste. Il professait que « l’écrivain ne saurait sans
126
rdre poétique sur la métaphore chez Proust, Blake
et
Keats, il devait aboutir à une éthique politique. Cette trajectoire t
127
rice. On en trouvera des marques dans les notices
et
dans l’introduction de son Anthologie des Philosophes contemporains,
128
noménologie du savant, sur la psychologie morbide
et
primitive, sur les nomades, sur Nietzsche ou Diderot, sur des questio
129
t révolution. On le fait synonyme tantôt d’émeute
et
de chambardement, tantôt d’anarchie littéraire, tantôt de dictature é
130
eux définit la personne. Si l’on admet, avec Marx
et
Proudhon, que la révolution consiste à sauver l’homme concret de l’em
131
t « les antiques sottises racistes, matérialistes
et
théocratiques » qui montent à l’assaut d’une Europe décadente, il ajo
132
de l’homme. Le long des côtes de la Méditerranée
et
de la mer du Nord, remontant le Danube ou le Rhin, s’avance l’antique
133
ou tyrannie ; mais son essence est plus profonde
et
n’a de nom dans aucune langue ; surtout pas en français. Ce n’est pas
134
st pas notre faute si le pays des petits rentiers
et
du traité de Versailles est tout de même aussi le dernier refuge cont
135
n’est pas notre faute si, pour sauver l’Occident
et
l’Europe, nous devons d’abord, aujourd’hui, nous appuyer sur la Franc
136
st venue. Allons-y. Défi véritablement héroïque,
et
vocation orgueilleuse de l’homme ! Mais dans la mesure où cet orgueil
137
n’est plus visible chez un homme que son mystère,
et
ceci définit un visage. e. Rougemont Denis de, « L’œuvre et la mort
138
nit un visage. e. Rougemont Denis de, « L’œuvre
et
la mort d’Arnaud Dandieu », Présence, Lausanne et Genève, 1933–1934,
139
et la mort d’Arnaud Dandieu », Présence, Lausanne
et
Genève, 1933–1934, p. 57-59. f. Voir le compte rendu que Rougemont e
140
du que Rougemont en fait dans les Cahiers du Sud,
et
repris dans Politique de la personne . g. Titre de l’ouvrage que pu
141
re de l’ouvrage que publiera en 1936 Robert Aron,
et
dont Rougemont rendra compte dans la NRF .
142
e individuelle, toute possession, est exclusive ;
et
c’est pourquoi il faut lutter contre celui qui attaque, parce que sa
143
e puisse être possédé que d’une manière exclusive
et
belliqueuse… Un noble effort ne peut s’appuyer que sur une pleine et
144
noble effort ne peut s’appuyer que sur une pleine
et
ferme confiance en soi, qui seule élève le cœur et l’esprit. À celui
145
t ferme confiance en soi, qui seule élève le cœur
et
l’esprit. À celui qui a perdu cette confiance, plus rien ne saurait a
146
confiance, plus rien ne saurait apparaître digne
et
grand ; son âme a perdu la noble dureté qui donne au sérieux toute sa
147
s qui figurèrent la bonne conscience d’une élite,
et
par là même, presque toujours tonique et enseignante, elle nous excit
148
e élite, et par là même, presque toujours tonique
et
enseignante, elle nous excite à des affirmations qui la condamnent. L
149
c’est encore à dire de l’homme qui vit en Christ,
et
non plus dans la forme du siècle présent. Mais les contradictions de
150
me mort de ses contemporains. Il attaque à droite
et
à gauche, utilisant tantôt la droite contre la gauche, tantôt la gauc
151
que celle d’un foyer dynamique rayonnant à gauche
et
à droite et dans bien d’autres directions nouvelles, inconnues de la
152
un foyer dynamique rayonnant à gauche et à droite
et
dans bien d’autres directions nouvelles, inconnues de la gauche et de
153
tres directions nouvelles, inconnues de la gauche
et
de la droite. Il ne quitte pas le plan des erreurs qu’il attaque. Il
154
le monde. Mais Nietzsche n’a pas voulu distinguer
et
saisir le sens dernier de cette transformation. (Exemples : le chapit
155
rmations qui s’entretuent, la relation de l’homme
et
de la femme perd tout caractère rationnel — ce qui n’est certes pas à
156
une cruelle facilité — que la relation de l’homme
et
de la femme n’est guère mieux pensable dans les catégories chrétienne
157
e fondent dans l’acte de foi originel (synthèse),
et
qu’alors même qu’il nie toute possibilité de thèse provisoire (ce que
158
sur les valeurs morales. Il attaque l’altruisme,
et
démasque dans cette « vertu » les effets du « ressentiment » le plus
159
l’égoïsme contre la soi-disant morale du Christ,
et
au nom d’une espèce de « virtu » dont il laisse entendre souvent qu’e
160
flagelle, ne suffit pas à établir entre sa pensée
et
son temps un contact véritable, un lien concret de responsabilité. C’
161
qu’il n’existe qu’un unique agent de contact réel
et
vital14, et c’est l’éclair dans notre vie d’une transcendance, l’amou
162
te qu’un unique agent de contact réel et vital14,
et
c’est l’éclair dans notre vie d’une transcendance, l’amour en actes,
163
e, l’amour en actes, l’action directe, réciproque
et
gratuite, au sens où la grâce est gratuite, — sens absolument différe
164
oncret entre deux êtres, ou bien entre une pensée
et
les contemporains, ne peut être établi qu’en vertu d’une action obéis
165
son action, par sa pensée critique ou créatrice,
et
cela pour des motifs d’ordre uniquement humain, on doit être certain
166
servant son voisin, il n’échappe point à la loi,
et
la loi n’établit jamais ni le contact vital ni l’amour du prochain. L
167
infiniment souverain, infiniment différent de toi
et
de moi, absolument central — d’ailleurs intemporel —, établit ce lien
168
un fait, comme une donnée de Dieu, au sens actif
et
subjectif du mot donnée. Seul ce rapport posé par Dieu abolit toute d
169
provoque un contact pur, permet une action vraie,
et
transforme le monde. Mais Nietzsche a beau se colleter avec son temps
170
a pensée, à la soumettre à la critique souveraine
et
parfaitement pénétrante de l’amour. Il ne parvient à rendre responsab
171
ainsi qu’il exprime dans un style vraiment noble
et
tragique, parfois aussi d’une turbulence maladive, la situation typiq
172
n. Ses tentatives d’évaluation s’entre-détruisent
et
n’aboutissent qu’à la plus radicale dévaluation de la vie et de la mo
173
ssent qu’à la plus radicale dévaluation de la vie
et
de la mort que son siècle ait pu concevoir, et qu’il fut seul sans do
174
ie et de la mort que son siècle ait pu concevoir,
et
qu’il fut seul sans doute, dans ce siècle, à oser mesurer sans triche
175
effondre d’ailleurs dès qu’il comprend son œuvre.
Et
c’est d’une infernale panique que ses derniers billets trahissent l’i
176
écu pareil drame ? Découvrir qu’on s’est suicidé,
et
que la seule lucidité subsiste, sans appui. Tous comptes faits, toute
177
faits, toute vie consumée, toute position rongée
et
corrodée par le réactif qu’elle secrète, toutes ces évaluations rageu
178
« bourgeois », au monde de la pensée sans mains,
et
des mains privées de pensée ? ⁂ Je ne cherche pas à être juste. Nietz
179
enis de, « Contre Nietzsche », Présence, Lausanne
et
Genève, avril–mai 1935, p. 1-4.
180
é désespérée, qui se croient trop vite au-delà. «
Et
moi-même, qui écris ceci… » Une personne relativement grande, mainten
181
dira encore : Je me sens injuste en sa présence,
et
je ne puis, en la jugeant, que lui faire tort. Mais alors il ne s’agi
182
ende justice à ce que Nietzsche a refusé d’être ;
et
que, dans ce qu’il a refusé d’être, réside justement l’essentiel au r
183
c’est là qu’il est important de prendre position,
et
non ailleurs. Ne vivons-nous pas aujourd’hui, maintenant — au double
184
jourd’hui, maintenant — au double sens historique
et
éternel du mot nunc —, une situation décisive, c’est-à-dire une situa
185
tuation qui exige de chacun de nous la confession
et
la déclaration de ce qu’il tient pour plus vrai que sa vie, et à quoi
186
tion de ce qu’il tient pour plus vrai que sa vie,
et
à quoi tout le reste s’ordonne, y compris cette justice dont nous pen
187
acte de foi décisif. Il est un temps pour nuancer
et
balancer, et un temps pour trancher : pour ou contre. (L’intelligence
188
écisif. Il est un temps pour nuancer et balancer,
et
un temps pour trancher : pour ou contre. (L’intelligence est une épée
189
e. (L’intelligence est une épée, disait Dandieu.)
Et
tout jugement de cette espèce comporte une injustice, c’est trop clai
190
, mais tout refus de juger comporte une illusion,
et
souvent une lâcheté. (En termes distingués cela s’appelle scrupule.)
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ute prise de parti bien franche le rappel revêche
et
stérilisant à la « complexité » des problèmes, — cette démagogie du j
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des problèmes, — cette démagogie du juste milieu
et
de la scrupuleuse impartialité, responsable à mon sens de tout ce mal
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use ; grâce n’a qu’un sens vaguement métaphorique
et
sentimental en dehors de l’Évangile, où ce mot signifie pardon, rémis
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, où ce mot signifie pardon, rémission des péchés
et
de la peine de mort qu’ils entraînent, c’est-à-dire, en un mot : Jésu
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de nous-mêmes, mais tout au plus : de nos choix.
Et
qu’ainsi, c’est toujours « notre Nietzsche » que nous jugeons ou que
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petite note sur l’injustice », Présence, Lausanne
et
Genève, novembre 1935, p. 30-31.
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curiosités de l’endroit. On lui indique le temple
et
la mairie. Sans hésiter, il entre au temple sur son char, et les prêt
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e. Sans hésiter, il entre au temple sur son char,
et
les prêtres s’écrient en chœur : C’est lui le Roi ! Voici le Roi que
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e Roi que nous attendions ! Devenu roi par hasard
et
grâce d’innocence, Gordius voulut le rester par astucieuse appropriat
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ce qu’il sait faire. Entre les cornes de l’autel
et
le timon du char, le voilà qui se met à nouer le plus beau nœud qu’il
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êvé. Il y passe des heures indicibles d’intensité
et
de concentration. C’est le temps de sa vie ! Ce nœud l’attestera. L’i
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! Ce nœud l’attestera. L’innocence du prédestiné,
et
la malice du paysan s’y mêlent dans un vertige de trouvailles, dans u
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calcul instinctif l’enthousiasme de la grandeur,
et
son angoisse. Ah ! le compère assez malin pour dénouer ce chef-d’œuvr
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nœud, c’est d’abord un anneau : signe d’alliance
et
de prise du pouvoir. Cercle magique et couronne royale. Signe aussi d
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d’alliance et de prise du pouvoir. Cercle magique
et
couronne royale. Signe aussi de fécondité. Qu’une intrigue se noue, e
206
t se fait un nœud, sait aussi comment le défaire,
et
le refaire : il détient le secret du pouvoir. ⁂ De tous les pays de l
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e cet emblème d’un cerveau né d’une pensée unique
et
vraiment souveraine : la royauté dans son état naissant. Je me souvie
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de cet objet monstrueux, fait d’une seule corde.
Et
je passais des heures à contempler ceux qui, à mon instar, contemplai
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le Nœud gordien. Celui qui le portait en lui-même
et
qui se faisait analyser à Delphes : il venait entre deux séances subr
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ure… Celui qui prévoyait la science de nos jours,
et
me disait : — Il n’est de science que des phénomènes que l’on peut re
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ue, inimitable, cet objet devant moi indubitable,
et
que la science ne saura vérifier ni dénouer, faute de pouvoir le répé
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xiste donc point, à ses yeux. Elle n’en veut pas.
Et
si personne n’en veut, il est à moi ! Je le prends : il est ma libert
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ar allusion à ses malheurs d’amour, si simples…)
Et
la femme de Gordius vint un jour s’acquitter de ses dévotions. Devant
214
e croyait que son mari ne s’occupait que d’elle.)
Et
tant d’autres qui vinrent, et qui restaient longtemps. Et nul ne s’en
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cupait que d’elle.) Et tant d’autres qui vinrent,
et
qui restaient longtemps. Et nul ne s’en allait qu’enrichi d’un mystèr
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d’autres qui vinrent, et qui restaient longtemps.
Et
nul ne s’en allait qu’enrichi d’un mystère. Tel était le culte de Gor
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religion de l’inextricable. ⁂ Alexandre impatient
et
tricheur pénétra dans le temple au jour dit par ses astres, trancha l
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ns ; de la tricherie ; de la rupture des liens. ⁂
Et
depuis lors, je vais criant : Renouez-le ! Renouez-le ! Car il y va d
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me, dans les détours du plus profond secret noué.
Et
si vous simplifiez, vous gagnerez le monde, mais au prix d’une âme, l
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rien, mais qui épouse, qui accepte, qui pénètre,
et
qui sait bien que pour nouer un lien solide, il faut tous ces retours
221
ur nouer un lien solide, il faut tous ces retours
et
ces tours illogiques, cette intrication sans espoir, ces replis infin
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fut envoyé à l’Hermite qui vivait dans les Alpes
et
qui détenait, sans nul pouvoir, l’autorité. En cette extrémité, et to
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sans nul pouvoir, l’autorité. En cette extrémité,
et
tout espoir perdu, on sollicitait son conseil. Il prit la corde qui s
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ure à sa pauvre robe. Il en fit une boucle simple
et
la tendit au messager : — Va leur donner ce nœud, dit-il, afin qu’ils
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L’homme le plus fort ne pourrait pas le dénouer,
et
il faudrait alors l’épée pour le trancher, si chacun tire par un bout
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e, « Le Nœud gordien renoué », Présence, Lausanne
et
Genève, avril 1946, p. 45-48.