1 1932, Présence, articles (1932–1946). Penser avec les mains (fragments) (janvier 1932)
1 ts) (janvier 1932)a Nous voici donc à ce point d’ étrangeté où l’on oppose la pensée et l’action jusque sur le plan de l
2 n oppose la pensée et l’action jusque sur le plan de l’éthique. Or, un homme qui professe cette distinction — essentiellem
3 tèmes. La philosophie n’est pas seule responsable d’ un divorce que la nature humaine désirait de toute sa lâcheté. Mais l’
4 sable d’un divorce que la nature humaine désirait de toute sa lâcheté. Mais l’exemple de Descartes est l’un des plus mauva
5 aine désirait de toute sa lâcheté. Mais l’exemple de Descartes est l’un des plus mauvais qui aient été donnés au monde mod
6 uter, si longtemps qu’ils fussent privés du droit d’ affirmer rien de certain dans l’ordre de la connaissance, cependant il
7 ps qu’ils fussent privés du droit d’affirmer rien de certain dans l’ordre de la connaissance, cependant ils seraient en dr
8 du droit d’affirmer rien de certain dans l’ordre de la connaissance, cependant ils seraient en droit d’agir, car on s’y p
9 la connaissance, cependant ils seraient en droit d’ agir, car on s’y peut contenter de vraisemblance. La monstrueuse contr
10 raient en droit d’agir, car on s’y peut contenter de vraisemblance. La monstrueuse contradiction ! Comme s’il n’était pas
11 contradiction ! Comme s’il n’était pas bien pire de commettre un acte qui vous laisse dans le doute (et l’on s’attire pou
12 et l’on s’attire pourtant une responsabilité) que de simplement prétendre quelque chose. »1 Cette « monstrueuse contradic
13 a « pensée » bourgeoise a réussi ce tour pendable de la faire passer pour le bon sens même. L’industriel est-il « en droit
14 le bon sens même. L’industriel est-il « en droit d’ affirmer rien de certain » touchant les fins dernières du progrès méca
15 e. L’industriel est-il « en droit d’affirmer rien de certain » touchant les fins dernières du progrès mécanique ? Il ne s’
16 ême pas posé la question. La coutume du temps est de s’enrichir : modeste, il s’y conforme. « … Et l’on s’attire pourtant
17 que plusieurs générations2 cultivèrent ce défaut d’ exigence éthique comme la garantie d’une certaine douceur de vivre. Pe
18 nt ce défaut d’exigence éthique comme la garantie d’ une certaine douceur de vivre. Penser devint l’art de ne rien affirmer
19 éthique comme la garantie d’une certaine douceur de vivre. Penser devint l’art de ne rien affirmer de décisif. Admirable
20 ne certaine douceur de vivre. Penser devint l’art de ne rien affirmer de décisif. Admirable invention, que l’on pourrait b
21 de vivre. Penser devint l’art de ne rien affirmer de décisif. Admirable invention, que l’on pourrait baptiser la pensée sa
22 esure, et la suprême astuce. Toutefois, le danger d’ un écart, par ailleurs confortable, entre nos idéaux généreux et nos p
23 araît que la question peut être reprise sans trop de mauvais goût par une jeunesse qu’on dit outrecuidante, — qui surtout
24 on dit outrecuidante, — qui surtout n’a pas envie de se faire assassiner. ⁂ Pendant que ce monde condamné tient encore deb
25 monde condamné tient encore debout, il serait bon d’ examiner rapidement les principes qui lui permirent de durer malgré la
26 aminer rapidement les principes qui lui permirent de durer malgré la qualité médiocre des matériaux. Ces principes constit
27 stituaient l’instruction réelle, sinon concertée, de la bâtisse, et seront encore bons pour construire, si demain nous lai
28 renversement soudain : « Cela ne viendrait-il pas de ce que l’Éthique possède en soi une certitude ? Il existerait alors u
29 armes à quelques-uns. Phrase cardinale, au seuil de l’ère révolutionnaire — ère spirituelle — dont l’avènement historique
30 s. On nous a menés à ce point — il n’est question de s’en réjouir ni de le déplorer — où le choix n’est plus qu’entre marx
31 à ce point — il n’est question de s’en réjouir ni de le déplorer — où le choix n’est plus qu’entre marxisme et christianis
32 sonnifiée. Ou encore, entre la réalisation fatale d’ une doctrine du fait et la réalisation héroïque d’une doctrine de l’êt
33 d’une doctrine du fait et la réalisation héroïque d’ une doctrine de l’être. Deux noms : Hegel et Kierkegaard4. Désormais,
34 du fait et la réalisation héroïque d’une doctrine de l’être. Deux noms : Hegel et Kierkegaard4. Désormais, nous les retrou
35 ous les retrouverons aux prises à tous les degrés de notre activité. Ainsi, le plus profond antagonisme de la pensée du xi
36 otre activité. Ainsi, le plus profond antagonisme de la pensée du xixe siècle vient s’incarner dans notre génération. Et
37 qu’à notre situation géographique que nous devons de pouvoir trancher le débat sans risquer le poteau. L’on s’en rend comp
38 e à bout portant. ⁂ L’on résume ici la substance de quelques passages relatifs à différentes acceptions du verbe penser.
39 a noté d’abord qu’une espèce humaine est en voie de disparaître, en partie par vice interne, en partie du fait des circon
40 ’espèce bourgeois cultivé que sa culture dispense de penser. En vérité, ces gens-là n’ont jamais pensé. N’ont fait que de
41 é, ces gens-là n’ont jamais pensé. N’ont fait que de la classification avec les idées des autres, quand ils étaient intell
42 n philosophe s’exprime volontiers dans des termes de ce genre : « penseur ingénieux, esprit subtil ». Ce n’est guère que d
43 it subtil ». Ce n’est guère que dans les feuilles de gauche que l’on voit encore décerner l’épithète de « puissant » à des
44 e gauche que l’on voit encore décerner l’épithète de « puissant » à des « penseurs » comme Victor Margueritte ou Barbusse.
45 Margueritte ou Barbusse. À droite on parle plutôt de « rigueur », en serrant les dents. Mais partout, l’élégance, même vul
46 ine profondeur peuvent se situer à égale distance de la réalisation éthique, et se confondre dans la même insignifiance, q
47 se confondre dans la même insignifiance, quoique de signes contraires. Poursuivant cette opposition au-delà de ces caract
48 contraires. Poursuivant cette opposition au-delà de ces caractéristiques devenues banales, on tente de la ramener à celle
49 e ces caractéristiques devenues banales, on tente de la ramener à celle des deux interprétations étymologiques du mot pens
50 ayant la même origine que peser, il est loisible de jouer avec le mot de la façon suivante : le Français pèse le pour et
51 e que peser, il est loisible de jouer avec le mot de la façon suivante : le Français pèse le pour et le contre ; l’Alleman
52 ur et le contre ; l’Allemand pèse sur les choses. D’ où l’on conclut encore que la pensée figure pour le Français une activ
53 itanique. On fait alors intervenir une définition de la pensée d’où découleront les conclusions de cet essai. Penser serai
54 fait alors intervenir une définition de la pensée d’ où découleront les conclusions de cet essai. Penser serait : créer de
55 ion de la pensée d’où découleront les conclusions de cet essai. Penser serait : créer de tout son être spirituel des faits
56 s conclusions de cet essai. Penser serait : créer de tout son être spirituel des faits nouveaux et vrais, dans un certain
57 ensèrent un Pascal, un Rimbaud, véritable honneur de la langue française. Ainsi, un Nietzsche, qui le premier substitua dé
58 , qui le premier substitua délibérément la notion de style à celle de correction, dans les démarches de l’esprit. Et Dosto
59 substitua délibérément la notion de style à celle de correction, dans les démarches de l’esprit. Et Dostoïevski, dont on p
60 e style à celle de correction, dans les démarches de l’esprit. Et Dostoïevski, dont on peut dire qu’il pensait par péchés
61 e voir par ces exemples qu’il ne s’agit nullement d’ « applications », comme le voudrait le vocabulaire du xixe , mais d’in
62 , comme le voudrait le vocabulaire du xixe , mais d’ incarnation de la pensée. Ni moralisme, ni socialisme. ⁂ Moralisme.
63 drait le vocabulaire du xixe , mais d’incarnation de la pensée. Ni moralisme, ni socialisme. ⁂ Moralisme. Il y a des gen
64 isme. Il y a des gens qui disent : j’ai tel idéal de véracité, de justice, eh bien ! dès aujourd’hui je m’en vais l’appliq
65 des gens qui disent : j’ai tel idéal de véracité, de justice, eh bien ! dès aujourd’hui je m’en vais l’appliquer. Comment
66 ur qu’il devienne « applicable ». On ne crée rien de vivant avec ce qu’on a, mais seulement avec ce qu’on est. C’est pourq
67 lement avec ce qu’on est. C’est pourquoi il n’y a de création possible que par les individus. Et de là vient que toute cré
68 a de création possible que par les individus. Et de là vient que toute création absolue est héroïque. Socialisme (ou mar
69 bourgeois comme fut le dernier, n’osait imaginer de « réalisation » que sociale : car il faut bien qu’on s’y mette à plus
70 te perspective, puisqu’on sait qu’il n’existe pas d’ héroïsme collectif. Le héros est toujours seul. Par définition. Quant
71 ntreprendra jamais la « réalisation » personnelle d’ une pensée. Par contre, s’il est actif, il se piquera de favoriser sa
72 pensée. Par contre, s’il est actif, il se piquera de favoriser sa mise en circulation. Jeter une idée « nouvelle » dans la
73 auraient en rien voiler la physiologique évidence d’ une telle remarque. Précisons : réaliser une pensée, ce n’est pas « la
74 — la condamner à mort, autant dire, et l’extirper de son être, fût-ce pour l’introduire dans l’Histoire. Mais c’est au con
75 st au contraire devenir cette idée. Et le théâtre de sa passion. Voilà qui mène plus loin que l’activisme, — et avec plus
76 ui mène plus loin que l’activisme, — et avec plus de conséquence6. C’est le drame de l’éthique individuelle, — une affaire
77 e, — et avec plus de conséquence6. C’est le drame de l’éthique individuelle, — une affaire d’amour, une affaire de la soli
78 le drame de l’éthique individuelle, — une affaire d’ amour, une affaire de la solitude. Une pensée et une vie sont aux pris
79 individuelle, — une affaire d’amour, une affaire de la solitude. Une pensée et une vie sont aux prises : qu’on les laisse
80 ur, une affaire de la solitude. Une pensée et une vie sont aux prises : qu’on les laisse donc seules à ce débat silencieux
81 s à ce débat silencieux et obscur comme les ruses de la volupté, à ce jeu serré de refus, de tentations, d’oublis feints e
82 cur comme les ruses de la volupté, à ce jeu serré de refus, de tentations, d’oublis feints et de brusques retours. Il faut
83 les ruses de la volupté, à ce jeu serré de refus, de tentations, d’oublis feints et de brusques retours. Il faut tout cela
84 volupté, à ce jeu serré de refus, de tentations, d’ oublis feints et de brusques retours. Il faut tout cela, et les mille
85 serré de refus, de tentations, d’oublis feints et de brusques retours. Il faut tout cela, et les mille petites souffrances
86 faut tout cela, et les mille petites souffrances de la souffrance, pour qu’une idée devienne ce mythe qui vive en nous et
87 ns lequel nous vivions, jusqu’au point que chacun de nos gestes — oui, même ce signe de la main — trahisse son immanente p
88 int que chacun de nos gestes — oui, même ce signe de la main — trahisse son immanente puissance. On voudrait dire — mais c
89 ne peut être mastiquée, puis avalée, n’a pas plus de valeur que ces melons en carton qu’on voit aux étalages. Il y a plusi
90 qu’on voit aux étalages. Il y a plusieurs façons d’ avaler. Il y a même l’oubli. Ainsi de l’idée du bonheur : qu’on la dét
91 ieurs façons d’avaler. Il y a même l’oubli. Ainsi de l’idée du bonheur : qu’on la détruise, qu’on la mange et qu’on l’oubl
92 détruise, qu’on la mange et qu’on l’oublie. Ainsi de tant d’autres pensers, d’un désir ou d’un idéal : ils ne s’incarnent
93 t qu’on l’oublie. Ainsi de tant d’autres pensers, d’ un désir ou d’un idéal : ils ne s’incarnent qu’à ce prix. Combien d’ét
94 ie. Ainsi de tant d’autres pensers, d’un désir ou d’ un idéal : ils ne s’incarnent qu’à ce prix. Combien d’étreintes, de bl
95 idéal : ils ne s’incarnent qu’à ce prix. Combien d’ étreintes, de blessures, combien de morts, de retours et de morts enco
96 ne s’incarnent qu’à ce prix. Combien d’étreintes, de blessures, combien de morts, de retours et de morts encore, jusqu’à c
97 prix. Combien d’étreintes, de blessures, combien de morts, de retours et de morts encore, jusqu’à ce que l’esprit enfin b
98 bien d’étreintes, de blessures, combien de morts, de retours et de morts encore, jusqu’à ce que l’esprit enfin brisé s’aba
99 es, de blessures, combien de morts, de retours et de morts encore, jusqu’à ce que l’esprit enfin brisé s’abandonne comme o
100 r eux s’incarne la pensée, et c’est là l’héroïsme de l’esprit. Car toute incarnation s’opère au prix d’un héroïsme, l’on v
101 e l’esprit. Car toute incarnation s’opère au prix d’ un héroïsme, l’on veut dire : d’une souffrance et d’un isolement. Tell
102 n s’opère au prix d’un héroïsme, l’on veut dire : d’ une souffrance et d’un isolement. Telle est la loi du monde, et il est
103 un héroïsme, l’on veut dire : d’une souffrance et d’ un isolement. Telle est la loi du monde, et il est admirable de l’aime
104 t. Telle est la loi du monde, et il est admirable de l’aimer. Et la pensée n’est point soustraite à cette loi, non, la pen
105 point soustraite à cette loi, non, la pensée même de Dieu n’y est point soustraite. Car elle s’incarne dans le Fils pour a
106 Fils pour agoniser sur la Croix, qui est le Signe de la condition humaine déchirée entre le Temps et l’Éternité. 1. Kier
107 à la Philosophie en miettes. » 2. Contemporaines d’ un Nietzsche, d’un Ibsen, d’un Rimbaud, d’un Sorel ! Mais l’histoire e
108 en miettes. » 2. Contemporaines d’un Nietzsche, d’ un Ibsen, d’un Rimbaud, d’un Sorel ! Mais l’histoire est faite de tell
109  » 2. Contemporaines d’un Nietzsche, d’un Ibsen, d’ un Rimbaud, d’un Sorel ! Mais l’histoire est faite de telles compensat
110 oraines d’un Nietzsche, d’un Ibsen, d’un Rimbaud, d’ un Sorel ! Mais l’histoire est faite de telles compensations. 3. Des
111 n Rimbaud, d’un Sorel ! Mais l’histoire est faite de telles compensations. 3. Des positions politico-sociales comme le fa
112 valu la dernière guerre, nationalisme et doctrine de l’État souverain, par exemple. Elles préparent la jeunesse au communi
113 unesse au communisme, en généralisant le principe de l’action collective. 4. Les attaques de Kierkegaard contre la philos
114 principe de l’action collective. 4. Les attaques de Kierkegaard contre la philosophie dialectique de l’histoire, d’où Mar
115 de Kierkegaard contre la philosophie dialectique de l’histoire, d’où Marx, Engels et Feuerbach devaient tirer le matérial
116 contre la philosophie dialectique de l’histoire, d’ où Marx, Engels et Feuerbach devaient tirer le matérialisme historique
117 re ; et se réduisent bien souvent à des questions de préséance, entre philosophes-professeurs qui connaissent les règles d
118 s et seul se trouvent accolés, donnant cet aspect d’ erreur typographique… Étymologiquement, le bourgeois est le contraire
119 livre et avale-le. » Ainsi Jean reçoit le pouvoir de prophétiser. (Apoc. X. 9.) a. Rougemont Denis de, « Penser avec les
120 e prophétiser. (Apoc. X. 9.) a. Rougemont Denis de , « Penser avec les mains (fragments) », Présence, Lausanne et Genève,
2 1932, Présence, articles (1932–1946). Cause commune (avril-juin 1932)
121 b c Mon cher Trolliet, Le pauvre diable obligé de rédiger lui-même ses discours-programmes, cela se sent toujours : il
122 cela se sent toujours : il y manque cette espèce de rhétorique prudente à quoi l’on reconnaît l’intellectuel qui a pris s
123 « Présence » et « réalisation », ces deux thèmes de ton enquête sur l’Humanisme, je les nouerai dans le seul mot d’actual
124 sur l’Humanisme, je les nouerai dans le seul mot d’ actualisation. C’est le mot de passe d’une génération révolutionnaire.
125 ai dans le seul mot d’actualisation. C’est le mot de passe d’une génération révolutionnaire. Et en même temps la définitio
126 e seul mot d’actualisation. C’est le mot de passe d’ une génération révolutionnaire. Et en même temps la définition de notr
127 n révolutionnaire. Et en même temps la définition de notre humanisme, s’il est bien cette volonté de vivre « humainement »
128 n de notre humanisme, s’il est bien cette volonté de vivre « humainement » que dans le monde entier nous voyons se dresser
129 pitaliste, contre le malthusianisme des virtuoses de la pensée sans douleur, contre une bourgeoisie que la jouissance du t
130 une bourgeoisie que la jouissance du téléphone et de l’ascenseur console de sa déchéance morale, déchéance jalousée d’aill
131 jouissance du téléphone et de l’ascenseur console de sa déchéance morale, déchéance jalousée d’ailleurs par un prolétariat
132 alousée d’ailleurs par un prolétariat tout abruti de travail et de cinéma. Car enfin ce n’est pas l’humanisme du xvie siè
133 eurs par un prolétariat tout abruti de travail et de cinéma. Car enfin ce n’est pas l’humanisme du xvie siècle qui nous c
134 haut, et encore moins celui du xixe , resté celui de nos bons maîtres. Il ne s’agit non plus d’un humanisme qui dresserait
135 celui de nos bons maîtres. Il ne s’agit non plus d’ un humanisme qui dresserait l’homme contre Dieu, ce qui revient, on l’
136 n vu, à dresser, contre la grandeur et l’humilité de la personne, l’orgueilleuse et épuisante adresse des ingénieurs. Notr
137 e comme un système intéressant, abstraction faite de ses moyens d’actualisation. L’humanisme d’un homme de 1932 et qui veu
138 tème intéressant, abstraction faite de ses moyens d’ actualisation. L’humanisme d’un homme de 1932 et qui veut vivre, au li
139 faite de ses moyens d’actualisation. L’humanisme d’ un homme de 1932 et qui veut vivre, au lieu d’amèrement languir, — c’e
140 es moyens d’actualisation. L’humanisme d’un homme de 1932 et qui veut vivre, au lieu d’amèrement languir, — c’est la Révol
141 d à le mécaniser, à le disqualifier, à le châtrer de toute violence spirituelle et créatrice 8. Et comment se défendre, si
142 re, sinon par l’attaque ? Sinon par l’affirmation de l’identité nécessaire de la pensée et de l’action ; sinon par l’effor
143 Sinon par l’affirmation de l’identité nécessaire de la pensée et de l’action ; sinon par l’effort d’instaurer une économi
144 irmation de l’identité nécessaire de la pensée et de l’action ; sinon par l’effort d’instaurer une économie générale de la
145 de la pensée et de l’action ; sinon par l’effort d’ instaurer une économie générale de la vie impliquant cette identité et
146 on par l’effort d’instaurer une économie générale de la vie impliquant cette identité et fondant sur elle ses valeurs les
147 l’effort d’instaurer une économie générale de la vie impliquant cette identité et fondant sur elle ses valeurs les plus ha
148 pensez ce que vous faites. » Alors que la formule d’ une éthique bourgeoise est au contraire : « Faites comme tout-le-monde
149  » Faut-il, pour d’autres, préciser que le manque d’ originalité de telles remarques constitue précisément à nos yeux leur
150 ur d’autres, préciser que le manque d’originalité de telles remarques constitue précisément à nos yeux leur intérêt humain
151 emps encore à provoquer l’indignation révélatrice de tous les amateurs d’inextricable ; d’autre part, elles définissent su
152 er l’indignation révélatrice de tous les amateurs d’ inextricable ; d’autre part, elles définissent suffisamment la cause c
153 , elles définissent suffisamment la cause commune de la jeunesse européenne. L’humanisme n’est rien s’il n’est commun comm
154 il recouvre exactement le concept et les méthodes de la Révolution naissante. Les uns viennent de Marx, les autres de Prou
155 n naissante. Les uns viennent de Marx, les autres de Proudhon ; de Hegel ou de Kierkegaard ; de la Raison sous ses formes
156 es uns viennent de Marx, les autres de Proudhon ; de Hegel ou de Kierkegaard ; de la Raison sous ses formes violentes et c
157 ent de Marx, les autres de Proudhon ; de Hegel ou de Kierkegaard ; de la Raison sous ses formes violentes et créatrices, o
158 autres de Proudhon ; de Hegel ou de Kierkegaard ; de la Raison sous ses formes violentes et créatrices, ou de la Foi. Peu
159 aison sous ses formes violentes et créatrices, ou de la Foi. Peu de malentendus pourtant. Car c’est le plus souvent sous l
160 pourtant. Car c’est le plus souvent sous le coup d’ indignations pareilles et de sursauts du sentiment blessé que ces jeun
161 souvent sous le coup d’indignations pareilles et de sursauts du sentiment blessé que ces jeunes gens se sont connus. Cela
162 on confronte les buts et les moyens inséparables de ces fins. Tout cela nous dépasse et se meut sur un plan où la vanité
163 cherait en vain la moindre nourriture. Le congrès de Francfort9 organisé par Plans a révélé cette unité fondamentale que c
164 maîtres ni des noms, mais la consternante misère d’ une époque où tout ce qu’un homme peut aimer et vouloir se trouve coup
165 qu’un homme peut aimer et vouloir se trouve coupé de son origine vivante, flétri, dénaturé, inverti, saboté. La Révolution
166 aine ; et ce n’est pas détruire. C’est le salut10 de l’homme en tant qu’homme et qui sent. « Une Actualité inséparable d’u
167 qu’homme et qui sent. « Une Actualité inséparable d’ une Réalisation », disais-tu. Formule qu’au même moment, sans connaîtr
168  résolution » concrète chez les meilleurs esprits de notre génération, ceux de l’Ordre nouveau (Arnaud Dandieu, Robert Aro
169 z les meilleurs esprits de notre génération, ceux de l’Ordre nouveau (Arnaud Dandieu, Robert Aron), ceux du groupe naissan
170 Izard, Emmanuel Mounier), ceux encore qui, venant de ces groupes, collaborent à Plans avec Philippe Lamour (Alexandre Marc
171 et sont découverts. À l’extrême droite, le groupe de Réaction (Thierry Maulnier) ; chez les jeunes protestants, le groupe
172 ; chez les jeunes protestants, le groupe barthien de Hic et Nunc ; chez les poètes philosophes, certains éléments subsista
173 poètes philosophes, certains éléments subsistants de Philosophies, ou naissants, de Réalité. (Et je ne parle ici à peu prè
174 éments subsistants de Philosophies, ou naissants, de Réalité. (Et je ne parle ici à peu près que d’amis, parisiens au surp
175 s, de Réalité. (Et je ne parle ici à peu près que d’ amis, parisiens au surplus.) Jamais, peut-être, une génération n’avait
176 n n’avait trouvé spontanément pareille communauté d’ attitude essentielle. C’est qu’aucune jamais n’eut à dévisager une men
177 e et planétaire. Rien ne peut plus nous détourner de la solidarité du péril. Et les problèmes exquis où s’attardent encore
178 ent encore ceux que je décrirai comme les Prêtres de l’Insoluble, nous n’avons plus le droit d’y prêter une libérale compl
179 rêtres de l’Insoluble, nous n’avons plus le droit d’ y prêter une libérale complaisance. Laisse donc tous ces noms dont se
180 sse donc tous ces noms dont se meublent les notes de ton enquête, comme de guéridons démodés supportant des bouquins d’orn
181 dont se meublent les notes de ton enquête, comme de guéridons démodés supportant des bouquins d’ornement : la cause des i
182 omme de guéridons démodés supportant des bouquins d’ ornement : la cause des intellectuels n’est plus celle de l’esprit11.
183 ent : la cause des intellectuels n’est plus celle de l’esprit11. Laisse-les donc chercher, jusqu’à la fin de leurs loisirs
184 sprit11. Laisse-les donc chercher, jusqu’à la fin de leurs loisirs fiévreux, s’il faut faire quelque chose, et comment et
185 oujours évident dès que nous possédons le courage de le voir et de l’assumer. Un acte de présence à la misère du siècle, u
186 t dès que nous possédons le courage de le voir et de l’assumer. Un acte de présence à la misère du siècle, une présence en
187 ns le courage de le voir et de l’assumer. Un acte de présence à la misère du siècle, une présence enfin qui soit un acte :
188 nous tout craque et nous appelle. Sur les tenants d’ un ordre délabré, le Souci tend son aile mortifère, — la « Frau Sorge 
189 ouci tend son aile mortifère, — la « Frau Sorge » de notre Goethe. De tout cela nous ne sommes plus, n’appartenant plus à
190 e mortifère, — la « Frau Sorge » de notre Goethe. De tout cela nous ne sommes plus, n’appartenant plus à la mort, mais au
191 lus, n’appartenant plus à la mort, mais au combat de ce qui meurt et de ce qui renaît par cette mort. La neurasthénie broi
192 plus à la mort, mais au combat de ce qui meurt et de ce qui renaît par cette mort. La neurasthénie broie les villes, où no
193 dans les choses, on nous demande seulement l’acte de la saisir dans son impérieuse évidence et dans sa violence éternelle.
194 mesure ; oserai-je écrire : sans espoir ? Tâchons d’ être joyeux et humbles. 8. Le seul climat qui permette et suscite l’
195 lle. Le seul aussi qui donne un sens à la douceur de vivre, à la tendresse. 9. Février 1932. Pour la constitution d’un fr
196 tendresse. 9. Février 1932. Pour la constitution d’ un front unique des groupements révolutionnaires allemands (tant « Fro
197 is elle reste le seul effort effectif que l’homme d’ aujourd’hui peut produire pour se tirer de l’Enfer, où il s’est mis.
198 l’homme d’aujourd’hui peut produire pour se tirer de l’Enfer, où il s’est mis. 11. Entendons par ce terme si vague l’acti
199 rme si vague l’activité créatrice et « actuelle » de la pensée, inséparable d’un ordre humain total. b. Rougemont Denis
200 éatrice et « actuelle » de la pensée, inséparable d’ un ordre humain total. b. Rougemont Denis de, « Cause commune », Pré
201 ble d’un ordre humain total. b. Rougemont Denis de , « Cause commune », Présence, Lausanne et Genève, avril–juin 1932, p.
202 et Genève, avril–juin 1932, p. 12-15. c. Précédé de la note suivante : « Le texte qu’on va lire est une réponse et un éch
203 n écho à l’étude Autour de l’humanisme en marche, de Gilbert Trolliet, que nous avons publiée en tête du numéro 1. Le lect
3 1933, Présence, articles (1932–1946). Paysage de tête : poème (1933)
204 Paysage de tête : poème (1933)d N’attendons plus, dans cette journée violente
205 des bien-aimées clairières entre deux pluies, ni d’ une femme ni d’une fièvre pour agrandir et soudain noyer de suie le re
206 s clairières entre deux pluies, ni d’une femme ni d’ une fièvre pour agrandir et soudain noyer de suie le regard ni d’une l
207 me ni d’une fièvre pour agrandir et soudain noyer de suie le regard ni d’une lueur muette qui s’approche et nous aime. Car
208 ur agrandir et soudain noyer de suie le regard ni d’ une lueur muette qui s’approche et nous aime. Car voici l’heure de la
209 te qui s’approche et nous aime. Car voici l’heure de la solitude et l’origine d’un mutisme sombre et ce n’est point menace
210 me. Car voici l’heure de la solitude et l’origine d’ un mutisme sombre et ce n’est point menace encore ni même froncement d
211 t ce n’est point menace encore ni même froncement de ce grand visage qui nous regarde tellement, mais nous sommes plutôt é
212 son aire parmi des pièges au vol lourd, des faulx de larmes et ces battements de paupières plus terribles que l’orage, ces
213 vol lourd, des faulx de larmes et ces battements de paupières plus terribles que l’orage, ces battements d’espace au-dess
214 pières plus terribles que l’orage, ces battements d’ espace au-dessus des pluies qui se tirent à l’horizon dans un paysage
215 s qui se tirent à l’horizon dans un paysage agité de la grande puissance diluvienne où maintenant descend, suspendue dans
216 dans la transparence, l’épouvantable constatation de la mort. d. Rougemont Denis de, « Paysage de tête », Présence, Lau
217 le constatation de la mort. d. Rougemont Denis de , « Paysage de tête », Présence, Lausanne et Genève, 1933, p. 53.
218 n de la mort. d. Rougemont Denis de, « Paysage de tête », Présence, Lausanne et Genève, 1933, p. 53.
4 1934, Présence, articles (1932–1946). L’œuvre et la mort d’Arnaud Dandieu (1934)
219 L’œuvre et la mort d’ Arnaud Dandieu (1934)e La vie d’Arnaud Dandieu s’exprime tout entiè
220 L’œuvre et la mort d’Arnaud Dandieu (1934)e La vie d’Arnaud Dandieu s’exprime tout entière dans une doctrine de l’acte c
221 vre et la mort d’Arnaud Dandieu (1934)e La vie d’ Arnaud Dandieu s’exprime tout entière dans une doctrine de l’acte créa
222 Dandieu s’exprime tout entière dans une doctrine de l’acte créateur. Il a écrit quelques ouvrages d’une audace précise. I
223 de l’acte créateur. Il a écrit quelques ouvrages d’ une audace précise. Ils ont paru dans une espèce de silence. Il a vu q
224 ’une audace précise. Ils ont paru dans une espèce de silence. Il a vu qu’une jeunesse avait compris, venait à lui comme il
225 rait. Quelque temps, il a pu éprouver la solidité de sa prise, la qualité du dynamisme qu’il suscitait, et il est mort l’é
226 tait réelle, et peu démonstrative. Car la tension d’ un esprit créateur n’est pas, comme il arrive chez les inadaptés, une
227 n qui s’institue entre la finesse, la pénétration de l’esprit d’une part, et d’autre part la prise de la main, la puissanc
228 de l’esprit d’une part, et d’autre part la prise de la main, la puissance de bouleversement concret. Il semblait que Dand
229 et d’autre part la prise de la main, la puissance de bouleversement concret. Il semblait que Dandieu incarnait cette image
230 ferme. On ne saurait trop insister sur la portée d’ une observation de cet ordre. Qu’est-ce que la personne, la singularit
231 ait trop insister sur la portée d’une observation de cet ordre. Qu’est-ce que la personne, la singularité, la raison d’êtr
232 est-ce que la personne, la singularité, la raison d’ être d’un homme, sinon cette tension qu’il incarne et qui est aussi le
233 que la personne, la singularité, la raison d’être d’ un homme, sinon cette tension qu’il incarne et qui est aussi le ressor
234 tension qu’il incarne et qui est aussi le ressort de sa puissance d’imagination concrète, de son acte ? Je me souviens d’a
235 carne et qui est aussi le ressort de sa puissance d’ imagination concrète, de son acte ? Je me souviens d’avoir été vivemen
236 e ressort de sa puissance d’imagination concrète, de son acte ? Je me souviens d’avoir été vivement frappé, lors de ma pre
237 magination concrète, de son acte ? Je me souviens d’ avoir été vivement frappé, lors de ma première rencontre avec Dandieu,
238 , ou mieux, imposait à la vue, comme l’image même de la « personne »12, et comme le symbole impérieux de cet Ordre nouveau
239 la « personne »12, et comme le symbole impérieux de cet Ordre nouveau qu’il annonçait. « L’intelligence est une épée », é
240 lligence est une épée », écrivait-il. Avec ce nom de chevalier ! Son œuvre déconcerte les catégories de la critique : c’e
241 chevalier ! Son œuvre déconcerte les catégories de la critique : c’est peut-être qu’elle en institue une nouvelle. Le li
242 la meilleure formule. C’est une défense du primat de l’affectif et de la créativité dans l’exercice de la connaissance. Un
243 ule. C’est une défense du primat de l’affectif et de la créativité dans l’exercice de la connaissance. Une œuvre « subject
244 de l’affectif et de la créativité dans l’exercice de la connaissance. Une œuvre « subjective » alors ? Justement non. Romp
245 amais s’abaisser aux clichés polémiques, ce livre de recherche et de découvertes précises, et le plus dépourvu qui soit d’
246 aux clichés polémiques, ce livre de recherche et de découvertes précises, et le plus dépourvu qui soit d’enveloppes « lit
247 écouvertes précises, et le plus dépourvu qui soit d’ enveloppes « littéraires » ou de fraudes rhétoriques, — c’est pour nou
248 dépourvu qui soit d’enveloppes « littéraires » ou de fraudes rhétoriques, — c’est pour nous le premier témoignage d’une ép
249 toriques, — c’est pour nous le premier témoignage d’ une époque de lucidité nouvelle et d’une aventure authentique. Ouvrez-
250 ’est pour nous le premier témoignage d’une époque de lucidité nouvelle et d’une aventure authentique. Ouvrez-le : vous ser
251 r témoignage d’une époque de lucidité nouvelle et d’ une aventure authentique. Ouvrez-le : vous serez frappé d’y voir cités
252 enture authentique. Ouvrez-le : vous serez frappé d’ y voir cités plus d’hommes de science que de littérateurs ; de n’y tro
253 Ouvrez-le : vous serez frappé d’y voir cités plus d’ hommes de science que de littérateurs ; de n’y trouver pas une affirma
254  : vous serez frappé d’y voir cités plus d’hommes de science que de littérateurs ; de n’y trouver pas une affirmation qui
255 rappé d’y voir cités plus d’hommes de science que de littérateurs ; de n’y trouver pas une affirmation qui ne soit confirm
256 és plus d’hommes de science que de littérateurs ; de n’y trouver pas une affirmation qui ne soit confirmée par un texte ;
257 qui ne soit confirmée par un texte ; et cependant de vous sentir aux antipodes d’une critique universitaire. Ce petit livr
258 texte ; et cependant de vous sentir aux antipodes d’ une critique universitaire. Ce petit livre a l’aspect d’un chantier, e
259 critique universitaire. Ce petit livre a l’aspect d’ un chantier, et non point d’un salon littéraire. Il est tout animé de
260 etit livre a l’aspect d’un chantier, et non point d’ un salon littéraire. Il est tout animé de la joie de construire et d’a
261 on point d’un salon littéraire. Il est tout animé de la joie de construire et d’abattre. Grande allure intellectuelle. — C
262 un salon littéraire. Il est tout animé de la joie de construire et d’abattre. Grande allure intellectuelle. — Comment ce P
263 re. Il est tout animé de la joie de construire et d’ abattre. Grande allure intellectuelle. — Comment ce Proust passa-t-il
264 l presque inaperçu en France ? Il renversait trop de théories à la mode, avec trop de dédain peut-être… On a fait plus de
265 u en France ? Il renversait trop de théories à la mode , avec trop de dédain peut-être… On a fait plus de bruit autour des de
266 renversait trop de théories à la mode, avec trop de dédain peut-être… On a fait plus de bruit autour des deux pamphlets q
267 de, avec trop de dédain peut-être… On a fait plus de bruit autour des deux pamphlets que Dandieu publiait quelques années
268 e plan économique et politique les mêmes méthodes de synthèse. En vérité, ces deux ouvrages sont dans le prolongement néce
269 udra chercher leur origine spirituelle. Décadence de la nation française critique le nationalisme présent au nom de l’inst
270 capitalisme. Critique plus constructive que celle de Marx, parce qu’elle ne se fonde pas sur une pseudo-science, sur une m
271 ne pseudo-science, sur une métaphysique idéaliste de la matière, mais sur la révolte de la personne contre l’envahissante
272 ique idéaliste de la matière, mais sur la révolte de la personne contre l’envahissante prolétarisation. Ces deux livres so
273 te prolétarisation. Ces deux livres sont au début de quelque chose. On serait tenté de dire : d’une action, si le mot n’ét
274 s sont au début de quelque chose. On serait tenté de dire : d’une action, si le mot n’était mal entendu de la plupart de n
275 début de quelque chose. On serait tenté de dire : d’ une action, si le mot n’était mal entendu de la plupart de nos contemp
276 ire : d’une action, si le mot n’était mal entendu de la plupart de nos contemporains. « L’action », Dandieu ne la concevai
277 Dandieu ne la concevait pas distincte ou détachée d’ une doctrine. Cartésien par l’audace méthodique de son analyse, il ref
278 d’une doctrine. Cartésien par l’audace méthodique de son analyse, il refusait pourtant la distinction rationaliste et libé
279 « l’écrivain ne saurait sans se diminuer refuser d’ endosser entièrement, jusqu’au bout, les conséquences de ce qu’il écri
280 sser entièrement, jusqu’au bout, les conséquences de ce qu’il écrit ». Voilà pourquoi, parti de recherches d’ordre poétiqu
281 uences de ce qu’il écrit ». Voilà pourquoi, parti de recherches d’ordre poétique sur la métaphore chez Proust, Blake et Ke
282 u’il écrit ». Voilà pourquoi, parti de recherches d’ ordre poétique sur la métaphore chez Proust, Blake et Keats, il devait
283 singulière parcourt les domaines les plus variés de la recherche humaine. Jamais Dandieu n’y dispersa ses puissances d’év
284 maine. Jamais Dandieu n’y dispersa ses puissances d’ évaluation novatrice. On en trouvera des marques dans les notices et d
285 s marques dans les notices et dans l’introduction de son Anthologie des Philosophes contemporains, mais aussi dans les étu
286 ades, sur Nietzsche ou Diderot, sur des questions de droit, sur le régime du travail. Toutes ces recherches le conduisaien
287 use du mot révolution. On le fait synonyme tantôt d’ émeute et de chambardement, tantôt d’anarchie littéraire, tantôt de di
288 évolution. On le fait synonyme tantôt d’émeute et de chambardement, tantôt d’anarchie littéraire, tantôt de dictature écon
289 onyme tantôt d’émeute et de chambardement, tantôt d’ anarchie littéraire, tantôt de dictature économique. Pour Dandieu, com
290 ambardement, tantôt d’anarchie littéraire, tantôt de dictature économique. Pour Dandieu, comme pour les jeunes hommes grou
291 sa doctrine, révolution signifie d’abord création de l’ordre. L’action sociale ne saurait être que la résultante irrépress
292 e ne saurait être que la résultante irrépressible de cet acte fondamental qui pour eux définit la personne. Si l’on admet,
293 e la révolution consiste à sauver l’homme concret de l’empire grandissant des tyrannies abstraites, étatistes ou financièr
294 se voit à peu près seule à défendre dans l’Europe d’ aujourd’hui ? Dictature de la liberté g, proclamera la suite de La Rév
295 défendre dans l’Europe d’aujourd’hui ? Dictature de la liberté g, proclamera la suite de La Révolution nécessaire. Dandie
296  ? Dictature de la liberté g, proclamera la suite de La Révolution nécessaire. Dandieu voyait dans cette revendication la
297 te revendication la mission permanente, la raison d’ être de la France. Peu de jours avant l’accident chirurgical qui devai
298 ndication la mission permanente, la raison d’être de la France. Peu de jours avant l’accident chirurgical qui devait entra
299 vait entraîner sa mort, à 36 ans, il avait ajouté de sa main, sur les épreuves de son dernier ouvrage, une conclusion qui
300 ans, il avait ajouté de sa main, sur les épreuves de son dernier ouvrage, une conclusion qui nous apparaît doublement prop
301 alistes et théocratiques » qui montent à l’assaut d’ une Europe décadente, il ajoutait ces quelques phrases d’une sobre gra
302 urope décadente, il ajoutait ces quelques phrases d’ une sobre grandeur : En dépit d’un préjugé romantique, la décadence n
303 la mort. Ce qui est grandiose, c’est la victoire de l’homme. Le long des côtes de la Méditerranée et de la mer du Nord, r
304 , c’est la victoire de l’homme. Le long des côtes de la Méditerranée et de la mer du Nord, remontant le Danube ou le Rhin,
305 l’homme. Le long des côtes de la Méditerranée et de la mer du Nord, remontant le Danube ou le Rhin, s’avance l’antique en
306 t le Danube ou le Rhin, s’avance l’antique ennemi de l’homme. On l’appellera État, matérialisme, racisme ou tyrannie ; mai
307 annie ; mais son essence est plus profonde et n’a de nom dans aucune langue ; surtout pas en français. Ce n’est pas notre
308 faute si le pays des petits rentiers et du traité de Versailles est tout de même aussi le dernier refuge continental des h
309 hui, nous appuyer sur la France. Il ne s’agit pas de défendre une idée ou une cité. Il ne s’agit pas de défense. Mais de c
310 e défendre une idée ou une cité. Il ne s’agit pas de défense. Mais de choix, d’affirmation, de création, de Révolution. No
311 ée ou une cité. Il ne s’agit pas de défense. Mais de choix, d’affirmation, de création, de Révolution. Nous sommes sur la
312 cité. Il ne s’agit pas de défense. Mais de choix, d’ affirmation, de création, de Révolution. Nous sommes sur la terre déci
313 git pas de défense. Mais de choix, d’affirmation, de création, de Révolution. Nous sommes sur la terre décisive. L’heure e
314 fense. Mais de choix, d’affirmation, de création, de Révolution. Nous sommes sur la terre décisive. L’heure est venue. All
315 véritablement héroïque, et vocation orgueilleuse de l’homme ! Mais dans la mesure où cet orgueil déborde l’humilité du se
316 re où cet orgueil déborde l’humilité du serviteur d’ une grande cause, [ne] semble-t-il pas qu’il se transforme en une espè
317 semble-t-il pas qu’il se transforme en une espèce d’ interrogation angoissée ? « Allons-y » pour voir, coûte que coûte… Sa
318 , et ceci définit un visage. e. Rougemont Denis de , « L’œuvre et la mort d’Arnaud Dandieu », Présence, Lausanne et Genèv
319 ge. e. Rougemont Denis de, « L’œuvre et la mort d’ Arnaud Dandieu », Présence, Lausanne et Genève, 1933–1934, p. 57-59.
320 ans les Cahiers du Sud, et repris dans Politique de la personne . g. Titre de l’ouvrage que publiera en 1936 Robert Aron
321 repris dans Politique de la personne . g. Titre de l’ouvrage que publiera en 1936 Robert Aron, et dont Rougemont rendra
5 1935, Présence, articles (1932–1946). Contre Nietzsche (avril-mai 1935)
322 taque. Exister en résistant, c’est exclure. Toute vie , toute existence individuelle, toute possession, est exclusive ; et c
323 nature même veut qu’il ne puisse être possédé que d’ une manière exclusive et belliqueuse… Un noble effort ne peut s’appuye
324 cobi Nietzsche restera la meilleure description de l’anarchie spirituelle du xixe siècle. Il en a souffert si vivement
325 ert si vivement qu’il n’est presque pas un aspect de la mentalité du siècle athée auquel sa pensée d’écorché n’ait réagi p
326 de la mentalité du siècle athée auquel sa pensée d’ écorché n’ait réagi par une diamétrale opposition. Il coupe toutes les
327 ns révoltantes qui figurèrent la bonne conscience d’ une élite, et par là même, presque toujours tonique et enseignante, el
328 t sa chute, trahit assez exactement une faiblesse de cette œuvre, qu’à prendre celle-ci dans sa totalité, l’on découvre co
329 ard, dans ce même siècle. Mais les contradictions de Kierkegaard renvoient dans leur ensemble à l’unité suprême, celle de
330 oient dans leur ensemble à l’unité suprême, celle de la foi. Elles appartiennent à sa vision du monde, elles en expriment
331 t la tension créatrice, — toute création naissant d’ une tension établie par quelque unité dominante entre la conception de
332 e par quelque unité dominante entre la conception de l’unité d’une part, sa réalisation concrète de l’autre. Il est de la
333 on de l’unité d’une part, sa réalisation concrète de l’autre. Il est de la nature même de la foi — telle que la conçoit Ki
334 part, sa réalisation concrète de l’autre. Il est de la nature même de la foi — telle que la conçoit Kierkegaard — que la
335 ion concrète de l’autre. Il est de la nature même de la foi — telle que la conçoit Kierkegaard — que la vie, la pensée, la
336 a foi — telle que la conçoit Kierkegaard — que la vie , la pensée, la souffrance du chrétien soient sous-tendues par des con
337 sous-tendues par des contradictions destructrices de l’humain, créatrices du divin, c’est-à-dire de « l’homme nouveau », o
338 es de l’humain, créatrices du divin, c’est-à-dire de « l’homme nouveau », ou c’est encore à dire de l’homme qui vit en Chr
339 re de « l’homme nouveau », ou c’est encore à dire de l’homme qui vit en Christ, et non plus dans la forme du siècle présen
340 forme du siècle présent. Mais les contradictions de Nietzsche ne renvoient justement qu’à cette forme du monde qui provoq
341 e qui provoquait sans répit son dégoût. L’absence de dogmatique chez Nietzsche est le sinistre négatif du dogmatisme mort
342 tzsche est le sinistre négatif du dogmatisme mort de ses contemporains. Il attaque à droite et à gauche, utilisant tantôt
343 pensée, dans son ensemble, évoque plutôt l’image d’ un court-circuit que celle d’un foyer dynamique rayonnant à gauche et
344 voque plutôt l’image d’un court-circuit que celle d’ un foyer dynamique rayonnant à gauche et à droite et dans bien d’autre
345 ans bien d’autres directions nouvelles, inconnues de la gauche et de la droite. Il ne quitte pas le plan des erreurs qu’il
346 s directions nouvelles, inconnues de la gauche et de la droite. Il ne quitte pas le plan des erreurs qu’il attaque. Il ne
347 omme l’est aussi le coup final : car l’excès même de cette intensité finit par faire éclater tout le jeu. Les réactions ac
348 nt, ou provoquent des explosions. Toute explosion de la « forme du monde » renvoie certes l’esprit à ce qui seul peut tran
349 ’a pas voulu distinguer et saisir le sens dernier de cette transformation. (Exemples : le chapitre « Femmes » dans les Œuv
350 géniales » —, puis il édicte des lois eugéniques, d’ intention manifestement sociale, mais, en puissance, destructrices de
351 tement sociale, mais, en puissance, destructrices de tout « génie », du sien d’abord. Dans cet aheurtement violent de néga
352  », du sien d’abord. Dans cet aheurtement violent de négations contradictoires, d’affirmations qui s’entretuent, la relati
353 aheurtement violent de négations contradictoires, d’ affirmations qui s’entretuent, la relation de l’homme et de la femme p
354 res, d’affirmations qui s’entretuent, la relation de l’homme et de la femme perd tout caractère rationnel — ce qui n’est c
355 tions qui s’entretuent, la relation de l’homme et de la femme perd tout caractère rationnel — ce qui n’est certes pas à pr
356 ire : avec une cruelle facilité — que la relation de l’homme et de la femme n’est guère mieux pensable dans les catégories
357 cruelle facilité — que la relation de l’homme et de la femme n’est guère mieux pensable dans les catégories chrétiennes a
358 capitale : que toutes les négations (antithèses) de Kierkegaard se fondent dans l’acte de foi originel (synthèse), et qu’
359 antithèses) de Kierkegaard se fondent dans l’acte de foi originel (synthèse), et qu’alors même qu’il nie toute possibilité
360 se), et qu’alors même qu’il nie toute possibilité de thèse provisoire (ce que n’avait pas fait l’apôtre Paul, autorisant e
361 tzsche, opposant l’antithèse à la thèse par haine de ce qui est, non par amour de ce qui doit être « cru », renvoie finale
362 à la thèse par haine de ce qui est, non par amour de ce qui doit être « cru », renvoie finalement au néant, annule lui-mêm
363 lui-même sa réaction. On pourrait en dire autant de la plupart des autres analyses nietzschéennes portant sur les valeurs
364 i-disant morale du Christ, et au nom d’une espèce de « virtu » dont il laisse entendre souvent qu’elle n’est encore que le
365 dre souvent qu’elle n’est encore que le désespoir de celui qui ne peut aimer : hommage déguisé de l’angoisse à l’« altruis
366 poir de celui qui ne peut aimer : hommage déguisé de l’angoisse à l’« altruisme » véritable. Tout bien compté, — reste la
367 a seule angoisse. Etc., etc.) Nietzsche a horreur de toute dogmatique13 : il est par là le type le plus parfait du clerc d
368 la puissance infinie le goût du néant — le refus de la vocation — qui caractérisera le monde bourgeois aux yeux de l’hist
369 ore que très peu de bourgeois aient eu conscience d’ avoir ce goût. Mais son opposition si frénétique à la bêtise de sa cla
370 ût. Mais son opposition si frénétique à la bêtise de sa classe, si elle suffit à le rendre complice, en fin de compte, des
371 t son temps un contact véritable, un lien concret de responsabilité. C’est aussi qu’il n’existe qu’un unique agent de cont
372 té. C’est aussi qu’il n’existe qu’un unique agent de contact réel et vital14, et c’est l’éclair dans notre vie d’une trans
373 act réel et vital14, et c’est l’éclair dans notre vie d’une transcendance, l’amour en actes, l’action directe, réciproque e
374 réel et vital14, et c’est l’éclair dans notre vie d’ une transcendance, l’amour en actes, l’action directe, réciproque et g
375 a grâce est gratuite, — sens absolument différent de celui qu’a prôné André Gide. Le lien concret entre deux êtres, ou bie
376 ée critique ou créatrice, et cela pour des motifs d’ ordre uniquement humain, on doit être certain qu’il ne s’agit encore q
377 , on doit être certain qu’il ne s’agit encore que d’ égoïsme bien compris. L’homme se sert en servant son voisin, il n’écha
378 Le voisin, que la loi bien comprise nous ordonne d’ aider dans sa peine, reste un voisin, ne devient pas prochain. Car le
379 s prochain. Car le centre du monde reste « moi ». De moi à lui, je ne vois qu’une distance. Seul le rapport de responsabil
380 lui, je ne vois qu’une distance. Seul le rapport de responsabilité réciproque devant un Tiers infiniment souverain, infin
381 Tiers infiniment souverain, infiniment différent de toi et de moi, absolument central — d’ailleurs intemporel —, établit
382 iniment souverain, infiniment différent de toi et de moi, absolument central — d’ailleurs intemporel —, établit ce lien ab
383 mpensable, établi comme un fait, comme une donnée de Dieu, au sens actif et subjectif du mot donnée. Seul ce rapport posé
384 se colleter avec son temps, il a beau, par dépit de l’impuissant amour « moral », renverser les données terrestres, tente
385 la critique souveraine et parfaitement pénétrante de l’amour. Il ne parvient à rendre responsables du prochain ni son amou
386 n style vraiment noble et tragique, parfois aussi d’ une turbulence maladive, la situation typique de l’éthos du bourgeois 
387 i d’une turbulence maladive, la situation typique de l’éthos du bourgeois : l’isolation. Ses tentatives d’évaluation s’ent
388 ’éthos du bourgeois : l’isolation. Ses tentatives d’ évaluation s’entre-détruisent et n’aboutissent qu’à la plus radicale d
389 t n’aboutissent qu’à la plus radicale dévaluation de la vie et de la mort que son siècle ait pu concevoir, et qu’il fut se
390 outissent qu’à la plus radicale dévaluation de la vie et de la mort que son siècle ait pu concevoir, et qu’il fut seul sans
391 nt qu’à la plus radicale dévaluation de la vie et de la mort que son siècle ait pu concevoir, et qu’il fut seul sans doute
392 d’ailleurs dès qu’il comprend son œuvre. Et c’est d’ une infernale panique que ses derniers billets trahissent l’invasion.
393 é subsiste, sans appui. Tous comptes faits, toute vie consumée, toute position rongée et corrodée par le réactif qu’elle se
394 aluations rageusement neutralisées, il nous reste de Nietzsche sa rage, son style souverain de pensée. Qu’il ne reste d’un
395 s reste de Nietzsche sa rage, son style souverain de pensée. Qu’il ne reste d’une œuvre qu’un style, n’est-ce pas là le de
396 ge, son style souverain de pensée. Qu’il ne reste d’ une œuvre qu’un style, n’est-ce pas là le dernier caractère qui nous a
397 œuvre appartient au monde « bourgeois », au monde de la pensée sans mains, et des mains privées de pensée ? ⁂ Je ne cherch
398 nde de la pensée sans mains, et des mains privées de pensée ? ⁂ Je ne cherche pas à être juste. Nietzsche non plus. Qu’imp
399 que une dogmatique. De même que le squelette naît de la peau, la dogmatique naît des contacts actifs que nous entretenons
400 actifs que nous entretenons avec le monde. Le mot de dogmatique éveille en général l’image d’un squelette de musée, dépoui
401 . Le mot de dogmatique éveille en général l’image d’ un squelette de musée, dépouillé. Mais tous les vertébrés vivants poss
402 matique éveille en général l’image d’un squelette de musée, dépouillé. Mais tous les vertébrés vivants possèdent un squele
403 te vivant sur lequel s’attachent les muscles. Pas d’ effort qui ne suppose l’existence de ce squelette. 14. Sur l’expressi
404 muscles. Pas d’effort qui ne suppose l’existence de ce squelette. 14. Sur l’expression de contact vital, voir les travau
405 ’existence de ce squelette. 14. Sur l’expression de contact vital, voir les travaux importants d’Eugène Minkowski, en par
406 ion de contact vital, voir les travaux importants d’ Eugène Minkowski, en particulier La Schizophrénie, p. 82-83 (Payot, 19
407 emble bien se rapporter aux facteurs irrationnels de la vie », etc. Nietzsche l’a chanté, mais comme un bien perdu. h. R
408 bien se rapporter aux facteurs irrationnels de la vie  », etc. Nietzsche l’a chanté, mais comme un bien perdu. h. Rougemon
409 é, mais comme un bien perdu. h. Rougemont Denis de , « Contre Nietzsche », Présence, Lausanne et Genève, avril–mai 1935,
6 1935, Présence, articles (1932–1946). Autour de Nietzsche : petite note sur l’injustice (novembre 1935)
410 us une personne est grande, plus il est téméraire de se donner pour juste devant elle. Imaginez une personne absolument gr
411 dire une personne qui comble absolument la mesure de l’homme : qui pourra se dire juste devant elle ? La loyauté prononcer
412 injuste, je me rebelle, je ne puis autrement que de me rebeller. Beaucoup de chrétiens devraient envier à Nietzsche cette
413 e tort. Mais alors il ne s’agit plus, on le voit, de la même injustice. Par exemple, il se peut que l’injustice vis-à-vis
414 Par exemple, il se peut que l’injustice vis-à-vis d’ une œuvre humaine, injustice nécessaire, inévitable, mais toute relati
415 tzsche, rende justice à ce que Nietzsche a refusé d’ être ; et que, dans ce qu’il a refusé d’être, réside justement l’essen
416 a refusé d’être ; et que, dans ce qu’il a refusé d’ être, réside justement l’essentiel au regard de la vérité. Or c’est là
417 ard de la vérité. Or c’est là qu’il est important de prendre position, et non ailleurs. Ne vivons-nous pas aujourd’hui, ma
418 on décisive, c’est-à-dire une situation qui exige de chacun de nous la confession et la déclaration de ce qu’il tient pour
419 e, c’est-à-dire une situation qui exige de chacun de nous la confession et la déclaration de ce qu’il tient pour plus vrai
420 de chacun de nous la confession et la déclaration de ce qu’il tient pour plus vrai que sa vie, et à quoi tout le reste s’o
421 claration de ce qu’il tient pour plus vrai que sa vie , et à quoi tout le reste s’ordonne, y compris cette justice dont nous
422 donne « le reste » — à peu près tout — à cet acte de foi décisif. Il est un temps pour nuancer et balancer, et un temps po
423 e est une épée, disait Dandieu.) Et tout jugement de cette espèce comporte une injustice, c’est trop clair, mais tout refu
424 une injustice, c’est trop clair, mais tout refus de juger comporte une illusion, et souvent une lâcheté. (En termes disti
425 le scrupule.) Quand donc cessera-t-on, chez nous, d’ opposer à toute prise de parti bien franche le rappel revêche et stéri
426 cessera-t-on, chez nous, d’opposer à toute prise de parti bien franche le rappel revêche et stérilisant à la « complexité
427 s problèmes, — cette démagogie du juste milieu et de la scrupuleuse impartialité, responsable à mon sens de tout ce mal qu
428 scrupuleuse impartialité, responsable à mon sens de tout ce mal qu’on attribue absurdement au calvinisme ? (Comme si nous
429 nous étions calvinistes !) Cela dit, l’imprudence de mon article sur Nietzsche demeure visible, au point qu’on la croirait
430 ou même « forte impression » que l’on est investi d’ une « mission », mais bien appel de Dieu, appel que l’on accepte ou qu
431 on est investi d’une « mission », mais bien appel de Dieu, appel que l’on accepte ou que l’on refuse ; grâce n’a qu’un sen
432 ù ce mot signifie pardon, rémission des péchés et de la peine de mort qu’ils entraînent, c’est-à-dire, en un mot : Jésus-C
433 nifie pardon, rémission des péchés et de la peine de mort qu’ils entraînent, c’est-à-dire, en un mot : Jésus-Christ15. Dog
434 e je n’en étais plus à confondre cette discipline de l’esprit créateur avec n’importe quelle « doctrine que l’on s’interdi
435 c n’importe quelle « doctrine que l’on s’interdit d’ examiner » ! J’avais écrit : « De même que le squelette naît de la pea
436 ! J’avais écrit : « De même que le squelette naît de la peau, la dogmatique naît des contacts actifs que nous entretenons
437 , je crains bien que certains n’y voient un trait de cette « volonté de rabaisser l’adversaire » que M. Miéville me reproc
438 e certains n’y voient un trait de cette « volonté de rabaisser l’adversaire » que M. Miéville me reproche, sans apparence
439 ire » que M. Miéville me reproche, sans apparence de « justice », je crois… Mais voilà bien des jugements entrecroisés ! P
440 es jugements entrecroisés ! Peut-être convient-il de leur adjoindre encore celui-ci : que nous ne sommes pas juges les uns
441 e nous ne sommes pas juges les uns des autres, ni de nous-mêmes, mais tout au plus : de nos choix. Et qu’ainsi, c’est touj
442 des autres, ni de nous-mêmes, mais tout au plus : de nos choix. Et qu’ainsi, c’est toujours « notre Nietzsche » que nous j
443 rase proprement stupéfiante… i. Rougemont Denis de , « Autour de Nietzsche : petite note sur l’injustice », Présence, Lau
7 1946, Présence, articles (1932–1946). Le Nœud gordien renoué (avril 1946)
444 n char, pénétrerait au grand galop dans le temple de Jupiter. Les quelques-uns qui le savaient étaient exclus de la compét
445 . Les quelques-uns qui le savaient étaient exclus de la compétition par leur science même : on exigeait l’innocence de l’â
446 n par leur science même : on exigeait l’innocence de l’âme. Quant au peuple, il vaquait à ses travaux. Un jour, un paysan
447 jour, un paysan nommé Gordius vient à cette ville de Phrygie. Il déclare qu’il voudrait visiter les curiosités de l’endroi
448 Il déclare qu’il voudrait visiter les curiosités de l’endroit. On lui indique le temple et la mairie. Sans hésiter, il en
449 nous attendions ! Devenu roi par hasard et grâce d’ innocence, Gordius voulut le rester par astucieuse appropriation d’art
450 ius voulut le rester par astucieuse appropriation d’ artisan. Il saute à terre, bien décidé à montrer aux gens de la ville
451 Il saute à terre, bien décidé à montrer aux gens de la ville ce qu’il sait faire. Entre les cornes de l’autel et le timon
452 de la ville ce qu’il sait faire. Entre les cornes de l’autel et le timon du char, le voilà qui se met à nouer le plus beau
453 ait jamais rêvé. Il y passe des heures indicibles d’ intensité et de concentration. C’est le temps de sa vie ! Ce nœud l’at
454 . Il y passe des heures indicibles d’intensité et de concentration. C’est le temps de sa vie ! Ce nœud l’attestera. L’inno
455 s d’intensité et de concentration. C’est le temps de sa vie ! Ce nœud l’attestera. L’innocence du prédestiné, et la malice
456 tensité et de concentration. C’est le temps de sa vie  ! Ce nœud l’attestera. L’innocence du prédestiné, et la malice du pay
457 et la malice du paysan s’y mêlent dans un vertige de trouvailles, dans une embrouille de génie. Les tours les plus retors
458 ns un vertige de trouvailles, dans une embrouille de génie. Les tours les plus retors de cette corde nouent à la grâce l’a
459 ne embrouille de génie. Les tours les plus retors de cette corde nouent à la grâce l’ambition, marient au luxe fou l’avari
460 u l’avarice ingénieuse, resserrent dans les liens d’ un calcul instinctif l’enthousiasme de la grandeur, et son angoisse. A
461 s les liens d’un calcul instinctif l’enthousiasme de la grandeur, et son angoisse. Ah ! le compère assez malin pour dénoue
462 il n’est pas encore né ! On ne sait rien du règne de Gordius. Mais le nœud qu’il noua devint célèbre. Un oracle nouveau ne
463 . ⁂ Car un nœud, c’est d’abord un anneau : signe d’ alliance et de prise du pouvoir. Cercle magique et couronne royale. Si
464 ud, c’est d’abord un anneau : signe d’alliance et de prise du pouvoir. Cercle magique et couronne royale. Signe aussi de f
465 r. Cercle magique et couronne royale. Signe aussi de fécondité. Qu’une intrigue se noue, elle gouverne aussitôt les person
466 e se noue, une amitié se noue. Quand on peut dire d’ un fruit qu’il a noué, il devient graine. Celui qui sait comment se fa
467 t le refaire : il détient le secret du pouvoir. ⁂ De tous les pays de la Grèce, les rêveurs de couronnes vinrent contemple
468 détient le secret du pouvoir. ⁂ De tous les pays de la Grèce, les rêveurs de couronnes vinrent contempler l’objet. Ils ve
469 voir. ⁂ De tous les pays de la Grèce, les rêveurs de couronnes vinrent contempler l’objet. Ils venaient s’asseoir devant l
470 pendant des heures, des jours, des mois. Combien de grandes pensées se nouèrent dans ce piège à méditations symboliques !
471 dans ce piège à méditations symboliques ! Combien de regards aussi, apparemment stupides, apprirent à déchiffrer les circo
472 pides, apprirent à déchiffrer les circonvolutions de cet emblème d’un cerveau né d’une pensée unique et vraiment souverain
473 t à déchiffrer les circonvolutions de cet emblème d’ un cerveau né d’une pensée unique et vraiment souveraine : la royauté
474 es circonvolutions de cet emblème d’un cerveau né d’ une pensée unique et vraiment souveraine : la royauté dans son état na
475 iens. J’allais m’asseoir au temple, par les jours de colère intraitable. Je dardais un regard de flèche vers ce nœud de vi
476 jours de colère intraitable. Je dardais un regard de flèche vers ce nœud de vipères impassible. Des vengeances profondes s
477 able. Je dardais un regard de flèche vers ce nœud de vipères impassible. Des vengeances profondes se lovaient dans les tor
478 inées à l’intérieur de cet objet monstrueux, fait d’ une seule corde. Et je passais des heures à contempler ceux qui, à mon
479 it dans sa nature… Celui qui prévoyait la science de nos jours, et me disait : — Il n’est de science que des phénomènes qu
480 a science de nos jours, et me disait : — Il n’est de science que des phénomènes que l’on peut reproduire à volonté. Quel e
481 — C’est consolant ! (par allusion à ses malheurs d’ amour, si simples…) Et la femme de Gordius vint un jour s’acquitter d
482 à ses malheurs d’amour, si simples…) Et la femme de Gordius vint un jour s’acquitter de ses dévotions. Devant le nœud, ap
483 Et la femme de Gordius vint un jour s’acquitter de ses dévotions. Devant le nœud, après un long regard, elle dit : — Ce
484 la ! (Elle croyait que son mari ne s’occupait que d’ elle.) Et tant d’autres qui vinrent, et qui restaient longtemps. Et nu
485 aient longtemps. Et nul ne s’en allait qu’enrichi d’ un mystère. Tel était le culte de Gordius, religion de l’inextricable.
486 llait qu’enrichi d’un mystère. Tel était le culte de Gordius, religion de l’inextricable. ⁂ Alexandre impatient et tricheu
487 mystère. Tel était le culte de Gordius, religion de l’inextricable. ⁂ Alexandre impatient et tricheur pénétra dans le tem
488 emple au jour dit par ses astres, trancha le nœud d’ un coup d’épée, ramassa le prix pour la durée de la saison. (Tous les
489 d d’un coup d’épée, ramassa le prix pour la durée de la saison. (Tous les joueurs perdent.) Ce coup d’épée a fondé le mond
490 .) Ce coup d’épée a fondé le monde moderne. Monde de la simplification hâtive ; de l’expérience qui détruit son objet ; de
491 onde moderne. Monde de la simplification hâtive ; de l’expérience qui détruit son objet ; de l’action efficace au détrimen
492 hâtive ; de l’expérience qui détruit son objet ; de l’action efficace au détriment du sens ; de la tricherie ; de la rupt
493 jet ; de l’action efficace au détriment du sens ; de la tricherie ; de la rupture des liens. ⁂ Et depuis lors, je vais cri
494 efficace au détriment du sens ; de la tricherie ; de la rupture des liens. ⁂ Et depuis lors, je vais criant : Renouez-le !
495 is criant : Renouez-le ! Renouez-le ! Car il y va de tout, du sens même de nos vies ! Car vous mourez, nous mourons tous d
496  ! Renouez-le ! Car il y va de tout, du sens même de nos vies ! Car vous mourez, nous mourons tous d’ennui, dans un monde
497 uez-le ! Car il y va de tout, du sens même de nos vies  ! Car vous mourez, nous mourons tous d’ennui, dans un monde où rien n
498 de nos vies ! Car vous mourez, nous mourons tous d’ ennui, dans un monde où rien ne se noue. Car vous mourez, nous mourons
499 se noue. Car vous mourez, nous mourons tous à la vie spirituelle, la vie précieuse. Elle n’existe que prise au complexe d’
500 ourez, nous mourons tous à la vie spirituelle, la vie précieuse. Elle n’existe que prise au complexe d’une âme, dans les dé
501 ie précieuse. Elle n’existe que prise au complexe d’ une âme, dans les détours du plus profond secret noué. Et si vous simp
502 simplifiez, vous gagnerez le monde, mais au prix d’ une âme, la vôtre. Car vous mourez, nous mourons tous à l’amour qui ne
503 sur sa structure, mais détruit à jamais l’espoir de le refaire, de le comprendre ou de s’y laisser prendre, c’est-à-dire
504 re, mais détruit à jamais l’espoir de le refaire, de le comprendre ou de s’y laisser prendre, c’est-à-dire de connaître ou
505 amais l’espoir de le refaire, de le comprendre ou de s’y laisser prendre, c’est-à-dire de connaître ou d’aimer. ⁂ On ne pe
506 omprendre ou de s’y laisser prendre, c’est-à-dire de connaître ou d’aimer. ⁂ On ne peut opposer au mythe du Nœud gordien q
507 s’y laisser prendre, c’est-à-dire de connaître ou d’ aimer. ⁂ On ne peut opposer au mythe du Nœud gordien que l’histoire du
508 lus-simple-du-monde. La guerre civile était près d’ éclater entre les Suisses, au xve siècle. Un messager fut envoyé à l’
509 icitait son conseil. Il prit la corde qui servait de ceinture à sa pauvre robe. Il en fit une boucle simple et la tendit a
510 pée pour le trancher, si chacun tire par un bout, de son côté16. ⁂ — Quelle histoire édifiante ! dit Alexandre. 16. De c
511 Quelle histoire édifiante ! dit Alexandre. 16. De cette action de Nicolas de Flue est résultée la Suisse moderne, ce nœ
512 édifiante ! dit Alexandre. 16. De cette action de Nicolas de Flue est résultée la Suisse moderne, ce nœud gordien de la
513 e est résultée la Suisse moderne, ce nœud gordien de langues, de races, de religions, d’institutions de tous les temps, qu
514 ée la Suisse moderne, ce nœud gordien de langues, de races, de religions, d’institutions de tous les temps, qu’aucune épée
515 se moderne, ce nœud gordien de langues, de races, de religions, d’institutions de tous les temps, qu’aucune épée n’a jamai
516 nœud gordien de langues, de races, de religions, d’ institutions de tous les temps, qu’aucune épée n’a jamais pu trancher.
517 e langues, de races, de religions, d’institutions de tous les temps, qu’aucune épée n’a jamais pu trancher. j. Rougemont
518 épée n’a jamais pu trancher. j. Rougemont Denis de , « Le Nœud gordien renoué », Présence, Lausanne et Genève, avril 1946