1
stinction — essentiellement moderne — admet ainsi
que
d’une part notre conduite peut être aliénée au premier automatisme ve
2
losophie n’est pas seule responsable d’un divorce
que
la nature humaine désirait de toute sa lâcheté. Mais l’exemple de Des
3
uis Descartes, ils ont tous cru, dit Kierkegaard,
que
si longtemps qu’ils pussent douter, si longtemps qu’ils fussent privé
4
s ont tous cru, dit Kierkegaard, que si longtemps
qu’
ils pussent douter, si longtemps qu’ils fussent privés du droit d’affi
5
si longtemps qu’ils pussent douter, si longtemps
qu’
ils fussent privés du droit d’affirmer rien de certain dans l’ordre de
6
te (et l’on s’attire pourtant une responsabilité)
que
de simplement prétendre quelque chose. »1 Cette « monstrueuse contra
7
tant une responsabilité. » Il faut bien constater
que
plusieurs générations2 cultivèrent ce défaut d’exigence éthique comme
8
ne rien affirmer de décisif. Admirable invention,
que
l’on pourrait baptiser la pensée sans douleur, et qui comblait si dou
9
avec quelque insistance depuis 1914, il apparaît
que
la question peut être reprise sans trop de mauvais goût par une jeune
10
eprise sans trop de mauvais goût par une jeunesse
qu’
on dit outrecuidante, — qui surtout n’a pas envie de se faire assassin
11
ire, si demain nous laisse construire autre chose
que
des bétonnages. On n’en retiendra qu’un dans ces pages, celui que l’o
12
autre chose que des bétonnages. On n’en retiendra
qu’
un dans ces pages, celui que l’on voudrait nommer l’a priori éthique.
13
es. On n’en retiendra qu’un dans ces pages, celui
que
l’on voudrait nommer l’a priori éthique. Kierkegaard, après avoir for
14
sement soudain : « Cela ne viendrait-il pas de ce
que
l’Éthique possède en soi une certitude ? Il existerait alors une chos
15
ertitude ? Il existerait alors une chose au moins
que
le doute ne pourrait atteindre. » Mais qu’est-ce que l’Éthique ? — Qu
16
moins que le doute ne pourrait atteindre. » Mais
qu’
est-ce que l’Éthique ? — Question non éthique, et qui manifeste seulem
17
le doute ne pourrait atteindre. » Mais qu’est-ce
que
l’Éthique ? — Question non éthique, et qui manifeste seulement l’égar
18
s. « L’Éthique ne commence pas dans une ignorance
qu’
il faudrait muer en savoir, mais dans un savoir qui exige sa réalisati
19
éjouir ni de le déplorer — où le choix n’est plus
qu’
entre marxisme et christianisme3, entre vérité collective et vérité pe
20
rner dans notre génération. Et déjà ce n’est plus
qu’
à notre situation géographique que nous devons de pouvoir trancher le
21
à ce n’est plus qu’à notre situation géographique
que
nous devons de pouvoir trancher le débat sans risquer le poteau. L’on
22
L’on s’en rend compte en écrivant ces lignes, et
qu’
il y a peu de mérite, pour l’heure, à récuser une pensée qui ne menace
23
tes acceptions du verbe penser. On a noté d’abord
qu’
une espèce humaine est en voie de disparaître, en partie par vice inte
24
a molestent durement : l’espèce bourgeois cultivé
que
sa culture dispense de penser. En vérité, ces gens-là n’ont jamais pe
25
érité, ces gens-là n’ont jamais pensé. N’ont fait
que
de la classification avec les idées des autres, quand ils étaient int
26
certains types nationaux. On remarque par exemple
qu’
en France, l’admiration pour un philosophe s’exprime volontiers dans d
27
enseur ingénieux, esprit subtil ». Ce n’est guère
que
dans les feuilles de gauche que l’on voit encore décerner l’épithète
28
». Ce n’est guère que dans les feuilles de gauche
que
l’on voit encore décerner l’épithète de « puissant » à des « penseurs
29
type « tiefsinnig ». Mais on remarque à ce propos
qu’
une certaine finesse et une certaine profondeur peuvent se situer à ég
30
ues du mot penser. Celui-ci ayant la même origine
que
peser, il est loisible de jouer avec le mot de la façon suivante : le
31
and pèse sur les choses. D’où l’on conclut encore
que
la pensée figure pour le Français une activité ordonnatrice ; pour l’
32
es de l’esprit. Et Dostoïevski, dont on peut dire
qu’
il pensait par péchés et remords. Ainsi pensèrent tous ceux dont l’œuv
33
réalisation. On veut faire voir par ces exemples
qu’
il ne s’agit nullement d’« applications », comme le voudrait le vocabu
34
ppliquer. Comment le pourraient-ils ? Car il faut
qu’
un idéal ait « pris corps » pour qu’il devienne « applicable ». On ne
35
« applicable ». On ne crée rien de vivant avec ce
qu’
on a, mais seulement avec ce qu’on est. C’est pourquoi il n’y a de cré
36
de vivant avec ce qu’on a, mais seulement avec ce
qu’
on est. C’est pourquoi il n’y a de création possible que par les indiv
37
est. C’est pourquoi il n’y a de création possible
que
par les individus. Et de là vient que toute création absolue est héro
38
on possible que par les individus. Et de là vient
que
toute création absolue est héroïque. Socialisme (ou marxisme). Pense
39
t le dernier, n’osait imaginer de « réalisation »
que
sociale : car il faut bien qu’on s’y mette à plusieurs, — rassurante
40
usieurs, — rassurante perspective, puisqu’on sait
qu’
il n’existe pas d’héroïsme collectif. Le héros est toujours seul. Par
41
e théâtre de sa passion. Voilà qui mène plus loin
que
l’activisme, — et avec plus de conséquence6. C’est le drame de l’éthi
42
solitude. Une pensée et une vie sont aux prises :
qu’
on les laisse donc seules à ce débat silencieux et obscur comme les ru
43
nous et dans lequel nous vivions, jusqu’au point
que
chacun de nos gestes — oui, même ce signe de la main — trahisse son i
44
e. On voudrait dire — mais ce n’est pas si simple
que
cela — qu’il faut avaler les idées7, et qu’une idée qui ne peut être
45
ait dire — mais ce n’est pas si simple que cela —
qu’
il faut avaler les idées7, et qu’une idée qui ne peut être mastiquée,
46
imple que cela — qu’il faut avaler les idées7, et
qu’
une idée qui ne peut être mastiquée, puis avalée, n’a pas plus de vale
47
re mastiquée, puis avalée, n’a pas plus de valeur
que
ces melons en carton qu’on voit aux étalages. Il y a plusieurs façons
48
, n’a pas plus de valeur que ces melons en carton
qu’
on voit aux étalages. Il y a plusieurs façons d’avaler. Il y a même l’
49
Il y a même l’oubli. Ainsi de l’idée du bonheur :
qu’
on la détruise, qu’on la mange et qu’on l’oublie. Ainsi de tant d’autr
50
. Ainsi de l’idée du bonheur : qu’on la détruise,
qu’
on la mange et qu’on l’oublie. Ainsi de tant d’autres pensers, d’un dé
51
du bonheur : qu’on la détruise, qu’on la mange et
qu’
on l’oublie. Ainsi de tant d’autres pensers, d’un désir ou d’un idéal
52
rs, d’un désir ou d’un idéal : ils ne s’incarnent
qu’
à ce prix. Combien d’étreintes, de blessures, combien de morts, de ret
53
morts, de retours et de morts encore, jusqu’à ce
que
l’esprit enfin brisé s’abandonne comme on oublie, à tel vouloir qu’il
54
brisé s’abandonne comme on oublie, à tel vouloir
qu’
il concevait, mais redoutait, et qui devient alors notre sang et nos s
55
fascisme ou le national-socialisme ne sont encore
que
des compromis, intelligents et énergiques certes, avec les valeurs bo
56
du jeu… 5. C’est même peut-être la première fois
que
les mots bourgeois et seul se trouvent accolés, donnant cet aspect d’
57
le contraire du solitaire. 6. C’est dans ce sens
que
, parlant du marxisme, Nicolas Berdiaev écrit : « Le christianisme est
58
en disant vite et sans calcul ce qui nous presse
qu’
on la dira le moins imparfaitement. Je ne t’envoie qu’une lettre. « Pr
59
n la dira le moins imparfaitement. Je ne t’envoie
qu’
une lettre. « Présence » et « réalisation », ces deux thèmes de ton en
60
l est bien cette volonté de vivre « humainement »
que
dans le monde entier nous voyons se dresser contre la stérilisante co
61
de la pensée sans douleur, contre une bourgeoisie
que
la jouissance du téléphone et de l’ascenseur console de sa déchéance
62
faut une morale simple, nous ne saurions admettre
que
celle qui dirait : « Faites ce que vous pensez, pensez ce que vous fa
63
rions admettre que celle qui dirait : « Faites ce
que
vous pensez, pensez ce que vous faites. » Alors que la formule d’une
64
i dirait : « Faites ce que vous pensez, pensez ce
que
vous faites. » Alors que la formule d’une éthique bourgeoise est au c
65
aire : « Faites comme tout-le-monde, et pensez ce
que
vous n’oserez jamais faire. » Faut-il, pour d’autres, préciser que le
66
jamais faire. » Faut-il, pour d’autres, préciser
que
le manque d’originalité de telles remarques constitue précisément à n
67
ions pareilles et de sursauts du sentiment blessé
que
ces jeunes gens se sont connus. Cela crée le sous-entendu fondamental
68
anisé par Plans a révélé cette unité fondamentale
que
créent en nous non pas des maîtres ni des noms, mais la consternante
69
is la consternante misère d’une époque où tout ce
qu’
un homme peut aimer et vouloir se trouve coupé de son origine vivante,
70
séparable d’une Réalisation », disais-tu. Formule
qu’
au même moment, sans connaître ton texte, j’utilisais ailleurs pour dé
71
sants, de Réalité. (Et je ne parle ici à peu près
que
d’amis, parisiens au surplus.) Jamais, peut-être, une génération n’av
72
pareille communauté d’attitude essentielle. C’est
qu’
aucune jamais n’eut à dévisager une menace aussi pressante et planétai
73
t les problèmes exquis où s’attardent encore ceux
que
je décrirai comme les Prêtres de l’Insoluble, nous n’avons plus le dr
74
t faire quelque chose, et comment et pourquoi. Ce
que
nous devons faire est toujours assez simple, est toujours évident dès
75
force et la présence. Nous connaissons la vérité.
Qu’
elle soit tombée du ciel ou qu’elle éclate dans les choses, on nous de
76
aissons la vérité. Qu’elle soit tombée du ciel ou
qu’
elle éclate dans les choses, on nous demande seulement l’acte de la sa
77
s révolutionnaires allemands (tant « Front Noir »
que
communistes), français et belges. Des délégués suisses y assistèrent,
78
belges. Des délégués suisses y assistèrent, ainsi
qu’
un délégué fasciste. 10. La Révolution ne nous conduira pas au Paradi
79
Paradis ; mais elle reste le seul effort effectif
que
l’homme d’aujourd’hui peut produire pour se tirer de l’Enfer, où il s
80
-15. c. Précédé de la note suivante : « Le texte
qu’
on va lire est une réponse et un écho à l’étude Autour de l’humanisme
81
ur de l’humanisme en marche, de Gilbert Trolliet,
que
nous avons publiée en tête du numéro 1. Le lecteur voudra bien s’y re
82
mes et ces battements de paupières plus terribles
que
l’orage, ces battements d’espace au-dessus des pluies qui se tirent à
83
Ils ont paru dans une espèce de silence. Il a vu
qu’
une jeunesse avait compris, venait à lui comme il savait qu’elle y vie
84
nesse avait compris, venait à lui comme il savait
qu’
elle y viendrait. Quelque temps, il a pu éprouver la solidité de sa pr
85
la solidité de sa prise, la qualité du dynamisme
qu’
il suscitait, et il est mort l’été dernier, dans cet élan qui va s’épa
86
homme tranquille, carré, courtois et gai. On veut
que
ce soient des agités : les vrais sont des ordonnateurs, solidement hu
87
puissance de bouleversement concret. Il semblait
que
Dandieu incarnait cette image du « spirituel » tel qu’il l’a défini.
88
andieu incarnait cette image du « spirituel » tel
qu’
il l’a défini. Il avait le profil nettement dessiné, mais une rudesse
89
ter sur la portée d’une observation de cet ordre.
Qu’
est-ce que la personne, la singularité, la raison d’être d’un homme, s
90
portée d’une observation de cet ordre. Qu’est-ce
que
la personne, la singularité, la raison d’être d’un homme, sinon cette
91
la raison d’être d’un homme, sinon cette tension
qu’
il incarne et qui est aussi le ressort de sa puissance d’imagination c
92
a face et son profil, je veux dire par la tension
que
son visage rendait visible, ou mieux, imposait à la vue, comme l’imag
93
t comme le symbole impérieux de cet Ordre nouveau
qu’
il annonçait. « L’intelligence est une épée », écrivait-il. Avec ce no
94
e les catégories de la critique : c’est peut-être
qu’
elle en institue une nouvelle. Le livre qu’il publiait, à Oxford, en 1
95
t-être qu’elle en institue une nouvelle. Le livre
qu’
il publiait, à Oxford, en 1927, sur Marcel Proust et sa Révélation psy
96
ez frappé d’y voir cités plus d’hommes de science
que
de littérateurs ; de n’y trouver pas une affirmation qui ne soit conf
97
On a fait plus de bruit autour des deux pamphlets
que
Dandieu publiait quelques années plus tard, en collaboration avec Rob
98
le prolongement nécessaire du Proust, et c’est là
qu’
il faudra chercher leur origine spirituelle. Décadence de la nation fr
99
réelle. Et c’est encore au nom de l’homme concret
que
Le Cancer américain apporte une critique du capitalisme. Critique plu
100
itique du capitalisme. Critique plus constructive
que
celle de Marx, parce qu’elle ne se fonde pas sur une pseudo-science,
101
ensée pure et l’acte qui l’atteste. Il professait
que
« l’écrivain ne saurait sans se diminuer refuser d’endosser entièreme
102
ntièrement, jusqu’au bout, les conséquences de ce
qu’
il écrit ». Voilà pourquoi, parti de recherches d’ordre poétique sur l
103
osophes contemporains, mais aussi dans les études
qu’
il publiait en revue sur la phénoménologie du savant, sur la psycholog
104
tion de l’ordre. L’action sociale ne saurait être
que
la résultante irrépressible de cet acte fondamental qui pour eux défi
105
a personne. Si l’on admet, avec Marx et Proudhon,
que
la révolution consiste à sauver l’homme concret de l’empire grandissa
106
nt libératrice. N’est-ce pas d’ailleurs l’éthique
que
la jeune France se voit à peu près seule à défendre dans l’Europe d’a
107
erviteur d’une grande cause, [ne] semble-t-il pas
qu’
il se transforme en une espèce d’interrogation angoissée ? « Allons-y
108
ogation angoissée ? « Allons-y » pour voir, coûte
que
coûte… Sa mort, qui nous pousse en avant, fut pour lui, peut-être, un
109
it encore, jugeait, voyait enfin… Il savait aussi
que
son œuvre se poursuivrait par d’autres mains, sur cette « terre décis
110
res mains, sur cette « terre décisive ». 12. Ce
qu’
il y a de plus profond dans l’homme, c’est la peau, a-t-on écrit. On p
111
est la peau, a-t-on écrit. On pourrait dire aussi
que
rien n’est plus visible chez un homme que son mystère, et ceci défini
112
e aussi que rien n’est plus visible chez un homme
que
son mystère, et ceci définit un visage. e. Rougemont Denis de, « L’
113
ve, 1933–1934, p. 57-59. f. Voir le compte rendu
que
Rougemont en fait dans les Cahiers du Sud, et repris dans Politique
114
Politique de la personne . g. Titre de l’ouvrage
que
publiera en 1936 Robert Aron, et dont Rougemont rendra compte dans la
115
celui qui attaque, parce que sa nature même veut
qu’
il ne puisse être possédé que d’une manière exclusive et belliqueuse…
116
sa nature même veut qu’il ne puisse être possédé
que
d’une manière exclusive et belliqueuse… Un noble effort ne peut s’app
117
et belliqueuse… Un noble effort ne peut s’appuyer
que
sur une pleine et ferme confiance en soi, qui seule élève le cœur et
118
lle du xixe siècle. Il en a souffert si vivement
qu’
il n’est presque pas un aspect de la mentalité du siècle athée auquel
119
rmations qui la condamnent. La forme aphoristique
que
Nietzsche cultiva de plus en plus exclusivement avant sa chute, trahi
120
it assez exactement une faiblesse de cette œuvre,
qu’
à prendre celle-ci dans sa totalité, l’on découvre constitutive. D’aut
121
autre. Il est de la nature même de la foi — telle
que
la conçoit Kierkegaard — que la vie, la pensée, la souffrance du chré
122
me de la foi — telle que la conçoit Kierkegaard —
que
la vie, la pensée, la souffrance du chrétien soient sous-tendues par
123
ontradictions de Nietzsche ne renvoient justement
qu’
à cette forme du monde qui provoquait sans répit son dégoût. L’absence
124
nsemble, évoque plutôt l’image d’un court-circuit
que
celle d’un foyer dynamique rayonnant à gauche et à droite et dans bie
125
e la droite. Il ne quitte pas le plan des erreurs
qu’
il attaque. Il ne fait guère qu’y introduire une intensité délirante.
126
plan des erreurs qu’il attaque. Il ne fait guère
qu’
y introduire une intensité délirante. C’est là son jeu, délibéré, comm
127
ou pour mieux dire : avec une cruelle facilité —
que
la relation de l’homme et de la femme n’est guère mieux pensable dans
128
dans les catégories chrétiennes absolues, telles
que
les pose par exemple un Kierkegaard. Mais il y a cette différence cap
129
rkegaard. Mais il y a cette différence capitale :
que
toutes les négations (antithèses) de Kierkegaard se fondent dans l’ac
130
ondent dans l’acte de foi originel (synthèse), et
qu’
alors même qu’il nie toute possibilité de thèse provisoire (ce que n’a
131
acte de foi originel (synthèse), et qu’alors même
qu’
il nie toute possibilité de thèse provisoire (ce que n’avait pas fait
132
’il nie toute possibilité de thèse provisoire (ce
que
n’avait pas fait l’apôtre Paul, autorisant en fin de compte le mariag
133
pèce de « virtu » dont il laisse entendre souvent
qu’
elle n’est encore que le désespoir de celui qui ne peut aimer : hommag
134
t il laisse entendre souvent qu’elle n’est encore
que
le désespoir de celui qui ne peut aimer : hommage déguisé de l’angois
135
ois aux yeux de l’historien personnaliste, encore
que
très peu de bourgeois aient eu conscience d’avoir ce goût. Mais son o
136
le rendre complice, en fin de compte, des erreurs
qu’
il flagelle, ne suffit pas à établir entre sa pensée et son temps un c
137
e, un lien concret de responsabilité. C’est aussi
qu’
il n’existe qu’un unique agent de contact réel et vital14, et c’est l’
138
ret de responsabilité. C’est aussi qu’il n’existe
qu’
un unique agent de contact réel et vital14, et c’est l’éclair dans not
139
st gratuite, — sens absolument différent de celui
qu’
a prôné André Gide. Le lien concret entre deux êtres, ou bien entre un
140
pensée et les contemporains, ne peut être établi
qu’
en vertu d’une action obéissant à des mobiles apparemment « gratuits »
141
s d’ordre uniquement humain, on doit être certain
qu’
il ne s’agit encore que d’égoïsme bien compris. L’homme se sert en ser
142
main, on doit être certain qu’il ne s’agit encore
que
d’égoïsme bien compris. L’homme se sert en servant son voisin, il n’é
143
contact vital ni l’amour du prochain. Le voisin,
que
la loi bien comprise nous ordonne d’aider dans sa peine, reste un voi
144
du monde reste « moi ». De moi à lui, je ne vois
qu’
une distance. Seul le rapport de responsabilité réciproque devant un T
145
r, ni sa joie, ni ses derniers défis. C’est ainsi
qu’
il exprime dans un style vraiment noble et tragique, parfois aussi d’u
146
d’évaluation s’entre-détruisent et n’aboutissent
qu’
à la plus radicale dévaluation de la vie et de la mort que son siècle
147
plus radicale dévaluation de la vie et de la mort
que
son siècle ait pu concevoir, et qu’il fut seul sans doute, dans ce si
148
et de la mort que son siècle ait pu concevoir, et
qu’
il fut seul sans doute, dans ce siècle, à oser mesurer sans tricherie.
149
prend son œuvre. Et c’est d’une infernale panique
que
ses derniers billets trahissent l’invasion. Quel homme a vécu pareil
150
asion. Quel homme a vécu pareil drame ? Découvrir
qu’
on s’est suicidé, et que la seule lucidité subsiste, sans appui. Tous
151
pareil drame ? Découvrir qu’on s’est suicidé, et
que
la seule lucidité subsiste, sans appui. Tous comptes faits, toute vie
152
toute position rongée et corrodée par le réactif
qu’
elle secrète, toutes ces évaluations rageusement neutralisées, il nous
153
Nietzsche sa rage, son style souverain de pensée.
Qu’
il ne reste d’une œuvre qu’un style, n’est-ce pas là le dernier caract
154
e souverain de pensée. Qu’il ne reste d’une œuvre
qu’
un style, n’est-ce pas là le dernier caractère qui nous avertit que ce
155
t-ce pas là le dernier caractère qui nous avertit
que
cette œuvre appartient au monde « bourgeois », au monde de la pensée
156
ne cherche pas à être juste. Nietzsche non plus.
Qu’
importe le nom qu’un observateur « impartial » voudra donner à ma just
157
être juste. Nietzsche non plus. Qu’importe le nom
qu’
un observateur « impartial » voudra donner à ma justice combattante.
158
e la peau, la dogmatique naît des contacts actifs
que
nous entretenons avec le monde. Le mot de dogmatique éveille en génér
159
suis injuste, je me rebelle, je ne puis autrement
que
de me rebeller. Beaucoup de chrétiens devraient envier à Nietzsche ce
160
ste en sa présence, et je ne puis, en la jugeant,
que
lui faire tort. Mais alors il ne s’agit plus, on le voit, de la même
161
it, de la même injustice. Par exemple, il se peut
que
l’injustice vis-à-vis d’une œuvre humaine, injustice nécessaire, inév
162
oigne en faveur d’une vérité décisive. Il se peut
que
cette « injustice », qui fait tort à la vérité fragmentaire incarnée
163
une grande œuvre, rende raison à la vérité finale
que
cette œuvre a voulu nier. Descendons jusqu’à nous. Il se peut que mon
164
a voulu nier. Descendons jusqu’à nous. Il se peut
que
mon « injustice » déclarée, vis-à-vis de Nietzsche, rende justice à c
165
larée, vis-à-vis de Nietzsche, rende justice à ce
que
Nietzsche a refusé d’être ; et que, dans ce qu’il a refusé d’être, ré
166
e justice à ce que Nietzsche a refusé d’être ; et
que
, dans ce qu’il a refusé d’être, réside justement l’essentiel au regar
167
e que Nietzsche a refusé d’être ; et que, dans ce
qu’
il a refusé d’être, réside justement l’essentiel au regard de la vérit
168
t l’essentiel au regard de la vérité. Or c’est là
qu’
il est important de prendre position, et non ailleurs. Ne vivons-nous
169
cun de nous la confession et la déclaration de ce
qu’
il tient pour plus vrai que sa vie, et à quoi tout le reste s’ordonne,
170
t la déclaration de ce qu’il tient pour plus vrai
que
sa vie, et à quoi tout le reste s’ordonne, y compris cette justice do
171
partialité, responsable à mon sens de tout ce mal
qu’
on attribue absurdement au calvinisme ? (Comme si nous étions calvinis
172
n article sur Nietzsche demeure visible, au point
qu’
on la croirait préméditée. Je m’en consolerais mieux si M. Miéville av
173
», ni « impression » ou même « forte impression »
que
l’on est investi d’une « mission », mais bien appel de Dieu, appel qu
174
d’une « mission », mais bien appel de Dieu, appel
que
l’on accepte ou que l’on refuse ; grâce n’a qu’un sens vaguement méta
175
ais bien appel de Dieu, appel que l’on accepte ou
que
l’on refuse ; grâce n’a qu’un sens vaguement métaphorique et sentimen
176
l que l’on accepte ou que l’on refuse ; grâce n’a
qu’
un sens vaguement métaphorique et sentimental en dehors de l’Évangile,
177
rdon, rémission des péchés et de la peine de mort
qu’
ils entraînent, c’est-à-dire, en un mot : Jésus-Christ15. Dogmatique :
178
rist15. Dogmatique : je croyais avoir fait sentir
que
je n’en étais plus à confondre cette discipline de l’esprit créateur
179
’esprit créateur avec n’importe quelle « doctrine
que
l’on s’interdit d’examiner » ! J’avais écrit : « De même que le squel
180
e la peau, la dogmatique naît des contacts actifs
que
nous entretenons avec le monde. » Etc.) Quant au paragraphe final sur
181
it de cette « volonté de rabaisser l’adversaire »
que
M. Miéville me reproche, sans apparence de « justice », je crois… Mai
182
e convient-il de leur adjoindre encore celui-ci :
que
nous ne sommes pas juges les uns des autres, ni de nous-mêmes, mais t
183
nous-mêmes, mais tout au plus : de nos choix. Et
qu’
ainsi, c’est toujours « notre Nietzsche » que nous jugeons ou que nous
184
. Et qu’ainsi, c’est toujours « notre Nietzsche »
que
nous jugeons ou que nous défendons — ou les deux à la fois — bon gré
185
toujours « notre Nietzsche » que nous jugeons ou
que
nous défendons — ou les deux à la fois — bon gré mal gré. Tout le res
186
n renoué (avril 1946)j Un oracle avait annoncé
que
serait roi celui qui, debout sur son char, pénétrerait au grand galop
187
ordius vient à cette ville de Phrygie. Il déclare
qu’
il voudrait visiter les curiosités de l’endroit. On lui indique le tem
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crient en chœur : C’est lui le Roi ! Voici le Roi
que
nous attendions ! Devenu roi par hasard et grâce d’innocence, Gordius
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re, bien décidé à montrer aux gens de la ville ce
qu’
il sait faire. Entre les cornes de l’autel et le timon du char, le voi
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ar, le voilà qui se met à nouer le plus beau nœud
qu’
il ait jamais rêvé. Il y passe des heures indicibles d’intensité et de
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On ne sait rien du règne de Gordius. Mais le nœud
qu’
il noua devint célèbre. Un oracle nouveau ne tarda pas à le consacrer
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que et couronne royale. Signe aussi de fécondité.
Qu’
une intrigue se noue, elle gouverne aussitôt les personnages qui la vi
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une amitié se noue. Quand on peut dire d’un fruit
qu’
il a noué, il devient graine. Celui qui sait comment se fait un nœud,
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armi nous, renouant par cette fascination tout ce
que
le prêtre avait dénoué en lui, refaisant le nœud d’après nature, l’ai
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e nos jours, et me disait : — Il n’est de science
que
des phénomènes que l’on peut reproduire à volonté. Quel est ce nœud,
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disait : — Il n’est de science que des phénomènes
que
l’on peut reproduire à volonté. Quel est ce nœud, réel, unique, inimi
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inimitable, cet objet devant moi indubitable, et
que
la science ne saura vérifier ni dénouer, faute de pouvoir le répéter
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regard, elle dit : — Ce n’est pas si ressemblant
que
cela ! (Elle croyait que son mari ne s’occupait que d’elle.) Et tant
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n’est pas si ressemblant que cela ! (Elle croyait
que
son mari ne s’occupait que d’elle.) Et tant d’autres qui vinrent, et
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e cela ! (Elle croyait que son mari ne s’occupait
que
d’elle.) Et tant d’autres qui vinrent, et qui restaient longtemps. Et
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et qui restaient longtemps. Et nul ne s’en allait
qu’
enrichi d’un mystère. Tel était le culte de Gordius, religion de l’ine
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vie spirituelle, la vie précieuse. Elle n’existe
que
prise au complexe d’une âme, dans les détours du plus profond secret
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pouse, qui accepte, qui pénètre, et qui sait bien
que
pour nouer un lien solide, il faut tous ces retours et ces tours illo
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er. ⁂ On ne peut opposer au mythe du Nœud gordien
que
l’histoire du Nœud-le-plus-simple-du-monde. La guerre civile était p
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, de religions, d’institutions de tous les temps,
qu’
aucune épée n’a jamais pu trancher. j. Rougemont Denis de, « Le Nœud