1 1932, Présence, articles (1932–1946). Penser avec les mains (fragments) (janvier 1932)
1 ion jusque sur le plan de l’éthique. Or, un homme qui professe cette distinction — essentiellement moderne — admet ainsi qu
2 l’exemple de Descartes est l’un des plus mauvais qui aient été donnés au monde moderne. « Depuis Descartes, ils ont tous c
3 e s’il n’était pas bien pire de commettre un acte qui vous laisse dans le doute (et l’on s’attire pourtant une responsabili
4 l’on pourrait baptiser la pensée sans douleur, et qui comblait si doucement la débilité morale du siècle ! Elle en figura t
5 goût par une jeunesse qu’on dit outrecuidante, —  qui surtout n’a pas envie de se faire assassiner. ⁂ Pendant que ce monde
6 il serait bon d’examiner rapidement les principes qui lui permirent de durer malgré la qualité médiocre des matériaux. Ces
7 est-ce que l’Éthique ? — Question non éthique, et qui manifeste seulement l’égarement du temps. « L’Éthique ne commence pas
8 u’il faudrait muer en savoir, mais dans un savoir qui exige sa réalisation ». Phrase qui n’imposera le silence à personne,
9 dans un savoir qui exige sa réalisation ». Phrase qui n’imposera le silence à personne, mais fera prendre les armes à quelq
10 peu de mérite, pour l’heure, à récuser une pensée qui ne menace pas encore à bout portant. ⁂ L’on résume ici la substance
11 vice interne, en partie du fait des circonstances qui la molestent durement : l’espèce bourgeois cultivé que sa culture dis
12 neur de la langue française. Ainsi, un Nietzsche, qui le premier substitua délibérément la notion de style à celle de corre
13 me, ni socialisme. ⁂ Moralisme. Il y a des gens qui disent : j’ai tel idéal de véracité, de justice, eh bien ! dès aujour
14 ir cette idée. Et le théâtre de sa passion. Voilà qui mène plus loin que l’activisme, — et avec plus de conséquence6. C’est
15 la souffrance, pour qu’une idée devienne ce mythe qui vive en nous et dans lequel nous vivions, jusqu’au point que chacun d
16 la — qu’il faut avaler les idées7, et qu’une idée qui ne peut être mastiquée, puis avalée, n’a pas plus de valeur que ces m
17 à tel vouloir qu’il concevait, mais redoutait, et qui devient alors notre sang et nos songes. Le sang, les songes, tour à t
18 ’incarne dans le Fils pour agoniser sur la Croix, qui est le Signe de la condition humaine déchirée entre le Temps et l’Éte
19 t énergiques certes, avec les valeurs bourgeoises qui nous ont valu la dernière guerre, nationalisme et doctrine de l’État
20 nifestent la seule opposition réellement profonde qui ait divisé le xixe . Tous les autres débats du siècle perdent leur ai
21 tions de préséance, entre philosophes-professeurs qui connaissent les règles du jeu… 5. C’est même peut-être la première f
2 1932, Présence, articles (1932–1946). Cause commune (avril-juin 1932)
22 que prudente à quoi l’on reconnaît l’intellectuel qui a pris son temps. Mais ce temps, où le prendre en conscience, et à qu
23 Mais ce temps, où le prendre en conscience, et à qui  ? De toutes parts ce serait trahir. Si l’on veut agir sur l’époque, i
24 ’est aujourd’hui en disant vite et sans calcul ce qui nous presse qu’on la dira le moins imparfaitement. Je ne t’envoie qu’
25 ar enfin ce n’est pas l’humanisme du xvie siècle qui nous chaut, et encore moins celui du xixe , resté celui de nos bons m
26 ons maîtres. Il ne s’agit non plus d’un humanisme qui dresserait l’homme contre Dieu, ce qui revient, on l’a bien vu, à dre
27 humanisme qui dresserait l’homme contre Dieu, ce qui revient, on l’a bien vu, à dresser, contre la grandeur et l’humilité
28 ’actualisation. L’humanisme d’un homme de 1932 et qui veut vivre, au lieu d’amèrement languir, — c’est la Révolution. Mais
29 olution : défense de l’homme total contre tout ce qui tend à le mécaniser, à le disqualifier, à le châtrer de toute violenc
30 orale simple, nous ne saurions admettre que celle qui dirait : « Faites ce que vous pensez, pensez ce que vous faites. » Al
31 nisme n’est rien s’il n’est commun comme le péril qui nous menace ; s’il ne considère avant tout la commune condition humai
32 . C’est le salut10 de l’homme en tant qu’homme et qui sent. « Une Actualité inséparable d’une Réalisation », disais-tu. For
33 leurs pour définir nos tâches immédiates. Formule qui , je le sais, éveille un même « accord » profond, appelle une même « r
34 ud Dandieu, Robert Aron), ceux du groupe naissant qui s’intitule Esprit (Georges Izard, Emmanuel Mounier), ceux encore qui,
35 it (Georges Izard, Emmanuel Mounier), ceux encore qui , venant de ces groupes, collaborent à Plans avec Philippe Lamour (Ale
36 exandre Marc, René Dupuis). Et tant d’autres ici, qui chaque jour se découvrent et sont découverts. À l’extrême droite, le
37 résence à la misère du siècle, une présence enfin qui soit un acte : car pour nous désormais la Révolution vit, si nous viv
38 ’appartenant plus à la mort, mais au combat de ce qui meurt et de ce qui renaît par cette mort. La neurasthénie broie les v
39 la mort, mais au combat de ce qui meurt et de ce qui renaît par cette mort. La neurasthénie broie les villes, où nous somm
40 ons d’être joyeux et humbles. 8. Le seul climat qui permette et suscite l’aventure spirituelle. Le seul aussi qui donne u
41 et suscite l’aventure spirituelle. Le seul aussi qui donne un sens à la douceur de vivre, à la tendresse. 9. Février 1932
3 1933, Présence, articles (1932–1946). Paysage de tête : poème (1933)
42 ain noyer de suie le regard ni d’une lueur muette qui s’approche et nous aime. Car voici l’heure de la solitude et l’origin
43 nace encore ni même froncement de ce grand visage qui nous regarde tellement, mais nous sommes plutôt égarés dans son aire
44 age, ces battements d’espace au-dessus des pluies qui se tirent à l’horizon dans un paysage agité de la grande puissance di
4 1934, Présence, articles (1932–1946). L’œuvre et la mort d’Arnaud Dandieu (1934)
45 tait, et il est mort l’été dernier, dans cet élan qui va s’épanouir. Ce révolutionnaire était un homme tranquille, carré, c
46 daptés, une tension entre l’individu et le milieu qui lui résiste. Elle est à l’intérieur de la personne. Elle est la perso
47 ion résignée, mais dans un acte. C’est la tension qui s’institue entre la finesse, la pénétration de l’esprit d’une part, e
48 d’un homme, sinon cette tension qu’il incarne et qui est aussi le ressort de sa puissance d’imagination concrète, de son a
49 e et de découvertes précises, et le plus dépourvu qui soit d’enveloppes « littéraires » ou de fraudes rhétoriques, — c’est
50 littérateurs ; de n’y trouver pas une affirmation qui ne soit confirmée par un texte ; et cependant de vous sentir aux anti
51 plus tard, en collaboration avec Robert Aron, et qui mettent en œuvre sur le plan économique et politique les mêmes méthod
52 ique le nationalisme présent au nom de l’instinct qui relie l’homme à son lieu, à sa patrie réelle. Et c’est encore au nom
53 aliste et libérale entre la pensée pure et l’acte qui l’atteste. Il professait que « l’écrivain ne saurait sans se diminuer
54 résultante irrépressible de cet acte fondamental qui pour eux définit la personne. Si l’on admet, avec Marx et Proudhon, q
55 France. Peu de jours avant l’accident chirurgical qui devait entraîner sa mort, à 36 ans, il avait ajouté de sa main, sur l
56 s épreuves de son dernier ouvrage, une conclusion qui nous apparaît doublement prophétique. Rappelant « les antiques sottis
57 ttises racistes, matérialistes et théocratiques » qui montent à l’assaut d’une Europe décadente, il ajoutait ces quelques p
58 que, la décadence n’est pas belle, ni la mort. Ce qui est beau, c’est la lutte contre la mort. Ce qui est grandiose, c’est
59 e qui est beau, c’est la lutte contre la mort. Ce qui est grandiose, c’est la victoire de l’homme. Le long des côtes de la
60 « Allons-y » pour voir, coûte que coûte… Sa mort, qui nous pousse en avant, fut pour lui, peut-être, une réponse. Non pas u
5 1935, Présence, articles (1932–1946). Contre Nietzsche (avril-mai 1935)
61 Contre Nietzsche (avril-mai 1935)h Ce qui ne résiste pas n’existe pas ; mais toute résistance est une attaque.
62 e ; et c’est pourquoi il faut lutter contre celui qui attaque, parce que sa nature même veut qu’il ne puisse être possédé q
63 yer que sur une pleine et ferme confiance en soi, qui seule élève le cœur et l’esprit. À celui qui a perdu cette confiance,
64 soi, qui seule élève le cœur et l’esprit. À celui qui a perdu cette confiance, plus rien ne saurait apparaître digne et gra
65 digne et grand ; son âme a perdu la noble dureté qui donne au sérieux toute sa force. Fr. H. Jacobi Nietzsche restera la
66 dossier exhaustif des contradictions révoltantes qui figurèrent la bonne conscience d’une élite, et par là même, presque t
67 enseignante, elle nous excite à des affirmations qui la condamnent. La forme aphoristique que Nietzsche cultiva de plus en
68 découvre constitutive. D’autres poètes ont paru, qui ne furent pas moins violemment contradictoires : Kierkegaard, dans ce
69 omme nouveau », ou c’est encore à dire de l’homme qui vit en Christ, et non plus dans la forme du siècle présent. Mais les
70 ne renvoient justement qu’à cette forme du monde qui provoquait sans répit son dégoût. L’absence de dogmatique chez Nietzs
71 a « forme du monde » renvoie certes l’esprit à ce qui seul peut transformer le monde. Mais Nietzsche n’a pas voulu distingu
72 ans les Œuvres posthumes : tantôt il attaque ceux qui idéalisent la femme, tantôt ceux qui l’animalisent. Il formule contre
73 attaque ceux qui idéalisent la femme, tantôt ceux qui l’animalisent. Il formule contre le mariage des revendications antiso
74 lent de négations contradictoires, d’affirmations qui s’entretuent, la relation de l’homme et de la femme perd tout caractè
75 et de la femme perd tout caractère rationnel — ce qui n’est certes pas à priori un mal —, mais elle perd aussi toute valeur
76 , opposant l’antithèse à la thèse par haine de ce qui est, non par amour de ce qui doit être « cru », renvoie finalement au
77 hèse par haine de ce qui est, non par amour de ce qui doit être « cru », renvoie finalement au néant, annule lui-même sa ré
78 nt qu’elle n’est encore que le désespoir de celui qui ne peut aimer : hommage déguisé de l’angoisse à l’« altruisme » vérit
79 inie le goût du néant — le refus de la vocation —  qui caractérisera le monde bourgeois aux yeux de l’historien personnalist
80 is, en fait, consciemment, obéissante : sachant à Qui elle obéit ; envers Qui elle est responsable. Si l’homme vient en aid
81 t, obéissante : sachant à Qui elle obéit ; envers Qui elle est responsable. Si l’homme vient en aide à son voisin par son a
82 qu’un style, n’est-ce pas là le dernier caractère qui nous avertit que cette œuvre appartient au monde « bourgeois », au mo
83 sur lequel s’attachent les muscles. Pas d’effort qui ne suppose l’existence de ce squelette. 14. Sur l’expression de cont
6 1935, Présence, articles (1932–1946). Autour de Nietzsche : petite note sur l’injustice (novembre 1935)
84 ne absolument grande, — c’est-à-dire une personne qui comble absolument la mesure de l’homme : qui pourra se dire juste dev
85 onne qui comble absolument la mesure de l’homme : qui pourra se dire juste devant elle ? La loyauté prononcera : Je suis in
86 ient envier à Nietzsche cette loyauté désespérée, qui se croient trop vite au-delà. « Et moi-même, qui écris ceci… » Une pe
87 qui se croient trop vite au-delà. « Et moi-même, qui écris ceci… » Une personne relativement grande, maintenant. La loyaut
88 ité décisive. Il se peut que cette « injustice », qui fait tort à la vérité fragmentaire incarnée par une grande œuvre, ren
89 ne situation décisive, c’est-à-dire une situation qui exige de chacun de nous la confession et la déclaration de ce qu’il t
90 elligence alors ? L’intelligence est justement ce qui ordonne « le reste » — à peu près tout — à cet acte de foi décisif. I
7 1946, Présence, articles (1932–1946). Le Nœud gordien renoué (avril 1946)
91 j Un oracle avait annoncé que serait roi celui qui , debout sur son char, pénétrerait au grand galop dans le temple de Ju
92 galop dans le temple de Jupiter. Les quelques-uns qui le savaient étaient exclus de la compétition par leur science même :
93 s cornes de l’autel et le timon du char, le voilà qui se met à nouer le plus beau nœud qu’il ait jamais rêvé. Il y passe de
94 e se noue, elle gouverne aussitôt les personnages qui la vivent. Un mariage se noue, une amitié se noue. Quand on peut dire
95 d’un fruit qu’il a noué, il devient graine. Celui qui sait comment se fait un nœud, sait aussi comment le défaire, et le re
96 corde. Et je passais des heures à contempler ceux qui , à mon instar, contemplaient le Nœud gordien. Celui qui le portait en
97 mon instar, contemplaient le Nœud gordien. Celui qui le portait en lui-même et qui se faisait analyser à Delphes : il vena
98 Nœud gordien. Celui qui le portait en lui-même et qui se faisait analyser à Delphes : il venait entre deux séances subrepti
99 l’aimant parce qu’il était dans sa nature… Celui qui prévoyait la science de nos jours, et me disait : — Il n’est de scien
100 t à moi ! Je le prends : il est ma liberté… Celui qui murmurait parfois : — C’est consolant ! (par allusion à ses malheurs
101 mari ne s’occupait que d’elle.) Et tant d’autres qui vinrent, et qui restaient longtemps. Et nul ne s’en allait qu’enrichi
102 ait que d’elle.) Et tant d’autres qui vinrent, et qui restaient longtemps. Et nul ne s’en allait qu’enrichi d’un mystère. T
103 nde de la simplification hâtive ; de l’expérience qui détruit son objet ; de l’action efficace au détriment du sens ; de la
104 tre. Car vous mourez, nous mourons tous à l’amour qui ne tranche rien, mais qui épouse, qui accepte, qui pénètre, et qui sa
105 mourons tous à l’amour qui ne tranche rien, mais qui épouse, qui accepte, qui pénètre, et qui sait bien que pour nouer un
106 s à l’amour qui ne tranche rien, mais qui épouse, qui accepte, qui pénètre, et qui sait bien que pour nouer un lien solide,
107 ui ne tranche rien, mais qui épouse, qui accepte, qui pénètre, et qui sait bien que pour nouer un lien solide, il faut tous
108 en, mais qui épouse, qui accepte, qui pénètre, et qui sait bien que pour nouer un lien solide, il faut tous ces retours et
109 cette intrication sans espoir, ces replis infinis qui défient le calcul. Car une coupe transversale pratiquée dans un nœud
110 u xve siècle. Un messager fut envoyé à l’Hermite qui vivait dans les Alpes et qui détenait, sans nul pouvoir, l’autorité.
111 t envoyé à l’Hermite qui vivait dans les Alpes et qui détenait, sans nul pouvoir, l’autorité. En cette extrémité, et tout e
112 rdu, on sollicitait son conseil. Il prit la corde qui servait de ceinture à sa pauvre robe. Il en fit une boucle simple et