1 1932, Présence, articles (1932–1946). Penser avec les mains (fragments) (janvier 1932)
1 et l’action jusque sur le plan de l’éthique. Or, un homme qui professe cette distinction — essentiellement moderne — adme
2 dant que d’autre part notre esprit débrayé, comme un psychologue nominaliste, bavarde impunément à travers les systèmes. L
3 mes. La philosophie n’est pas seule responsable d’ un divorce que la nature humaine désirait de toute sa lâcheté. Mais l’ex
4 sa lâcheté. Mais l’exemple de Descartes est l’un des plus mauvais qui aient été donnés au monde moderne. « Depuis Descarte
5 n ! Comme s’il n’était pas bien pire de commettre un acte qui vous laisse dans le doute (et l’on s’attire pourtant une res
6 s laisse dans le doute (et l’on s’attire pourtant une responsabilité) que de simplement prétendre quelque chose. »1 Cette
7 e, il s’y conforme. « … Et l’on s’attire pourtant une responsabilité. » Il faut bien constater que plusieurs générations2 c
8 ce défaut d’exigence éthique comme la garantie d’ une certaine douceur de vivre. Penser devint l’art de ne rien affirmer de
9 ure, et la suprême astuce. Toutefois, le danger d’ un écart, par ailleurs confortable, entre nos idéaux généreux et nos pet
10 n peut être reprise sans trop de mauvais goût par une jeunesse qu’on dit outrecuidante, — qui surtout n’a pas envie de se f
11 lui permirent de durer malgré la qualité médiocre des matériaux. Ces principes constituaient l’instruction réelle, sinon co
12 si demain nous laisse construire autre chose que des bétonnages. On n’en retiendra qu’un dans ces pages, celui que l’on vo
13 re chose que des bétonnages. On n’en retiendra qu’ un dans ces pages, celui que l’on voudrait nommer l’a priori éthique. Ki
14  monstrueuse contradiction » moderne, conclut par un renversement soudain : « Cela ne viendrait-il pas de ce que l’Éthique
15 endrait-il pas de ce que l’Éthique possède en soi une certitude ? Il existerait alors une chose au moins que le doute ne po
16 ossède en soi une certitude ? Il existerait alors une chose au moins que le doute ne pourrait atteindre. » Mais qu’est-ce q
17 rement du temps. « L’Éthique ne commence pas dans une ignorance qu’il faudrait muer en savoir, mais dans un savoir qui exig
18 gnorance qu’il faudrait muer en savoir, mais dans un savoir qui exige sa réalisation ». Phrase qui n’imposera le silence à
19 nnifiée. Ou encore, entre la réalisation fatale d’ une doctrine du fait et la réalisation héroïque d’une doctrine de l’être.
20 une doctrine du fait et la réalisation héroïque d’ une doctrine de l’être. Deux noms : Hegel et Kierkegaard4. Désormais, nou
21 qu’il y a peu de mérite, pour l’heure, à récuser une pensée qui ne menace pas encore à bout portant. ⁂ L’on résume ici la
22 acceptions du verbe penser. On a noté d’abord qu’ une espèce humaine est en voie de disparaître, en partie par vice interne
23 re, en partie par vice interne, en partie du fait des circonstances qui la molestent durement : l’espèce bourgeois cultivé
24 ’ont fait que de la classification avec les idées des autres, quand ils étaient intelligents ; et autrement, du journalisme
25 arque par exemple qu’en France, l’admiration pour un philosophe s’exprime volontiers dans des termes de ce genre : « pense
26 tion pour un philosophe s’exprime volontiers dans des termes de ce genre : « penseur ingénieux, esprit subtil ». Ce n’est g
27 voit encore décerner l’épithète de « puissant » à des « penseurs » comme Victor Margueritte ou Barbusse. À droite on parle
28 e « tiefsinnig ». Mais on remarque à ce propos qu’ une certaine finesse et une certaine profondeur peuvent se situer à égale
29 n remarque à ce propos qu’une certaine finesse et une certaine profondeur peuvent se situer à égale distance de la réalisat
30 devenues banales, on tente de la ramener à celle des deux interprétations étymologiques du mot penser. Celui-ci ayant la m
31 clut encore que la pensée figure pour le Français une activité ordonnatrice ; pour l’Allemand, titanique. On fait alors int
32 r l’Allemand, titanique. On fait alors intervenir une définition de la pensée d’où découleront les conclusions de cet essai
33 Penser serait : créer de tout son être spirituel des faits nouveaux et vrais, dans un certain style. — Ainsi pensèrent un
34 être spirituel des faits nouveaux et vrais, dans un certain style. — Ainsi pensèrent un Pascal, un Rimbaud, véritable hon
35 t vrais, dans un certain style. — Ainsi pensèrent un Pascal, un Rimbaud, véritable honneur de la langue française. Ainsi,
36 ns un certain style. — Ainsi pensèrent un Pascal, un Rimbaud, véritable honneur de la langue française. Ainsi, un Nietzsch
37 véritable honneur de la langue française. Ainsi, un Nietzsche, qui le premier substitua délibérément la notion de style à
38 ensèrent tous ceux dont l’œuvre détermine en nous une réaction éthique, c’est-à-dire une réalisation. On veut faire voir pa
39 ermine en nous une réaction éthique, c’est-à-dire une réalisation. On veut faire voir par ces exemples qu’il ne s’agit null
40 i moralisme, ni socialisme. ⁂ Moralisme. Il y a des gens qui disent : j’ai tel idéal de véracité, de justice, eh bien ! d
41 iquer. Comment le pourraient-ils ? Car il faut qu’ un idéal ait « pris corps » pour qu’il devienne « applicable ». On ne cr
42 descendre au social, si l’on accepte l’héroïsme. Un siècle bourgeois comme fut le dernier, n’osait imaginer de « réalisat
43 jamais existé5. Le bourgeois n’étant donc jamais un héros, n’entreprendra jamais la « réalisation » personnelle d’une pen
44 reprendra jamais la « réalisation » personnelle d’ une pensée. Par contre, s’il est actif, il se piquera de favoriser sa mis
45 iquera de favoriser sa mise en circulation. Jeter une idée « nouvelle » dans la circulation — rêve du sociologue — consiste
46 raient en rien voiler la physiologique évidence d’ une telle remarque. Précisons : réaliser une pensée, ce n’est pas « la me
47 idence d’une telle remarque. Précisons : réaliser une pensée, ce n’est pas « la mettre à exécution » — la condamner à mort,
48 nce6. C’est le drame de l’éthique individuelle, —  une affaire d’amour, une affaire de la solitude. Une pensée et une vie so
49 de l’éthique individuelle, — une affaire d’amour, une affaire de la solitude. Une pensée et une vie sont aux prises : qu’on
50  une affaire d’amour, une affaire de la solitude. Une pensée et une vie sont aux prises : qu’on les laisse donc seules à ce
51 ’amour, une affaire de la solitude. Une pensée et une vie sont aux prises : qu’on les laisse donc seules à ce débat silenci
52 lle petites souffrances de la souffrance, pour qu’ une idée devienne ce mythe qui vive en nous et dans lequel nous vivions,
53 le que cela — qu’il faut avaler les idées7, et qu’ une idée qui ne peut être mastiquée, puis avalée, n’a pas plus de valeur
54 qu’on l’oublie. Ainsi de tant d’autres pensers, d’ un désir ou d’un idéal : ils ne s’incarnent qu’à ce prix. Combien d’étre
55 . Ainsi de tant d’autres pensers, d’un désir ou d’ un idéal : ils ne s’incarnent qu’à ce prix. Combien d’étreintes, de bles
56 l’esprit. Car toute incarnation s’opère au prix d’ un héroïsme, l’on veut dire : d’une souffrance et d’un isolement. Telle
57 s’opère au prix d’un héroïsme, l’on veut dire : d’ une souffrance et d’un isolement. Telle est la loi du monde, et il est ad
58 héroïsme, l’on veut dire : d’une souffrance et d’ un isolement. Telle est la loi du monde, et il est admirable de l’aimer.
59 la Philosophie en miettes. » 2. Contemporaines d’ un Nietzsche, d’un Ibsen, d’un Rimbaud, d’un Sorel ! Mais l’histoire est
60 n miettes. » 2. Contemporaines d’un Nietzsche, d’ un Ibsen, d’un Rimbaud, d’un Sorel ! Mais l’histoire est faite de telles
61 2. Contemporaines d’un Nietzsche, d’un Ibsen, d’ un Rimbaud, d’un Sorel ! Mais l’histoire est faite de telles compensatio
62 aines d’un Nietzsche, d’un Ibsen, d’un Rimbaud, d’ un Sorel ! Mais l’histoire est faite de telles compensations. 3. Des po
63 l’histoire est faite de telles compensations. 3. Des positions politico-sociales comme le fascisme ou le national-socialis
64 isme ou le national-socialisme ne sont encore que des compromis, intelligents et énergiques certes, avec les valeurs bourge
65 on les y compare ; et se réduisent bien souvent à des questions de préséance, entre philosophes-professeurs qui connaissent
2 1932, Présence, articles (1932–1946). Cause commune (avril-juin 1932)
66 a dira le moins imparfaitement. Je ne t’envoie qu’ une lettre. « Présence » et « réalisation », ces deux thèmes de ton enquê
67 seul mot d’actualisation. C’est le mot de passe d’ une génération révolutionnaire. Et en même temps la définition de notre h
68 convention capitaliste, contre le malthusianisme des virtuoses de la pensée sans douleur, contre une bourgeoisie que la jo
69 e des virtuoses de la pensée sans douleur, contre une bourgeoisie que la jouissance du téléphone et de l’ascenseur console
70 chéance morale, déchéance jalousée d’ailleurs par un prolétariat tout abruti de travail et de cinéma. Car enfin ce n’est p
71 elui de nos bons maîtres. Il ne s’agit non plus d’ un humanisme qui dresserait l’homme contre Dieu, ce qui revient, on l’a
72 la personne, l’orgueilleuse et épuisante adresse des ingénieurs. Notre humanisme ne saurait être conçu à la manière des in
73 ls bourgeois, dans l’abstrait, c’est-à-dire comme un système intéressant, abstraction faite de ses moyens d’actualisation.
74 aite de ses moyens d’actualisation. L’humanisme d’ un homme de 1932 et qui veut vivre, au lieu d’amèrement languir, — c’est
75 e et de l’action ; sinon par l’effort d’instaurer une économie générale de la vie impliquant cette identité et fondant sur
76 et les plus quotidiennes à la fois. Car s’il faut une morale simple, nous ne saurions admettre que celle qui dirait : « Fai
77 nsez ce que vous faites. » Alors que la formule d’ une éthique bourgeoise est au contraire : « Faites comme tout-le-monde, e
78 la commune condition humaine et sa défense contre un système dont l’action dissolvante s’étend à toute la terre. Mais dès
79 e ces fins. Tout cela nous dépasse et se meut sur un plan où la vanité chercherait en vain la moindre nourriture. Le congr
80 tte unité fondamentale que créent en nous non pas des maîtres ni des noms, mais la consternante misère d’une époque où tout
81 mentale que créent en nous non pas des maîtres ni des noms, mais la consternante misère d’une époque où tout ce qu’un homme
82 aîtres ni des noms, mais la consternante misère d’ une époque où tout ce qu’un homme peut aimer et vouloir se trouve coupé d
83 la consternante misère d’une époque où tout ce qu’ un homme peut aimer et vouloir se trouve coupé de son origine vivante, f
84 alut10 de l’homme en tant qu’homme et qui sent. «  Une Actualité inséparable d’une Réalisation », disais-tu. Formule qu’au m
85 ’homme et qui sent. « Une Actualité inséparable d’ une Réalisation », disais-tu. Formule qu’au même moment, sans connaître t
86 ches immédiates. Formule qui, je le sais, éveille un même « accord » profond, appelle une même « résolution » concrète che
87 sais, éveille un même « accord » profond, appelle une même « résolution » concrète chez les meilleurs esprits de notre géné
88 d’amis, parisiens au surplus.) Jamais, peut-être, une génération n’avait trouvé spontanément pareille communauté d’attitude
89 ntielle. C’est qu’aucune jamais n’eut à dévisager une menace aussi pressante et planétaire. Rien ne peut plus nous détourne
90 ’Insoluble, nous n’avons plus le droit d’y prêter une libérale complaisance. Laisse donc tous ces noms dont se meublent les
91 on enquête, comme de guéridons démodés supportant des bouquins d’ornement : la cause des intellectuels n’est plus celle de
92 dés supportant des bouquins d’ornement : la cause des intellectuels n’est plus celle de l’esprit11. Laisse-les donc cherche
93 possédons le courage de le voir et de l’assumer. Un acte de présence à la misère du siècle, une présence enfin qui soit u
94 sumer. Un acte de présence à la misère du siècle, une présence enfin qui soit un acte : car pour nous désormais la Révoluti
95 la misère du siècle, une présence enfin qui soit un acte : car pour nous désormais la Révolution vit, si nous vivons. Aut
96 us tout craque et nous appelle. Sur les tenants d’ un ordre délabré, le Souci tend son aile mortifère, — la « Frau Sorge »
97 e l’aventure spirituelle. Le seul aussi qui donne un sens à la douceur de vivre, à la tendresse. 9. Février 1932. Pour la
98 ndresse. 9. Février 1932. Pour la constitution d’ un front unique des groupements révolutionnaires allemands (tant « Front
99 rier 1932. Pour la constitution d’un front unique des groupements révolutionnaires allemands (tant « Front Noir » que commu
100 ront Noir » que communistes), français et belges. Des délégués suisses y assistèrent, ainsi qu’un délégué fasciste. 10. La
101 ges. Des délégués suisses y assistèrent, ainsi qu’ un délégué fasciste. 10. La Révolution ne nous conduira pas au Paradis 
102 trice et « actuelle » de la pensée, inséparable d’ un ordre humain total. b. Rougemont Denis de, « Cause commune », Prése
103 e la note suivante : « Le texte qu’on va lire est une réponse et un écho à l’étude Autour de l’humanisme en marche, de Gilb
104 nte : « Le texte qu’on va lire est une réponse et un écho à l’étude Autour de l’humanisme en marche, de Gilbert Trolliet,
3 1933, Présence, articles (1932–1946). Paysage de tête : poème (1933)
105 ns cette journée violente et trop vaste, la venue des bien-aimées clairières entre deux pluies, ni d’une femme ni d’une fiè
106 es bien-aimées clairières entre deux pluies, ni d’ une femme ni d’une fièvre pour agrandir et soudain noyer de suie le regar
107 clairières entre deux pluies, ni d’une femme ni d’ une fièvre pour agrandir et soudain noyer de suie le regard ni d’une lueu
108 agrandir et soudain noyer de suie le regard ni d’ une lueur muette qui s’approche et nous aime. Car voici l’heure de la sol
109 . Car voici l’heure de la solitude et l’origine d’ un mutisme sombre et ce n’est point menace encore ni même froncement de
110 ais nous sommes plutôt égarés dans son aire parmi des pièges au vol lourd, des faulx de larmes et ces battements de paupièr
111 arés dans son aire parmi des pièges au vol lourd, des faulx de larmes et ces battements de paupières plus terribles que l’o
112 es que l’orage, ces battements d’espace au-dessus des pluies qui se tirent à l’horizon dans un paysage agité de la grande p
113 -dessus des pluies qui se tirent à l’horizon dans un paysage agité de la grande puissance diluvienne où maintenant descend
4 1934, Présence, articles (1932–1946). L’œuvre et la mort d’Arnaud Dandieu (1934)
114 vie d’Arnaud Dandieu s’exprime tout entière dans une doctrine de l’acte créateur. Il a écrit quelques ouvrages d’une audac
115 e l’acte créateur. Il a écrit quelques ouvrages d’ une audace précise. Ils ont paru dans une espèce de silence. Il a vu qu’u
116 ouvrages d’une audace précise. Ils ont paru dans une espèce de silence. Il a vu qu’une jeunesse avait compris, venait à lu
117 s ont paru dans une espèce de silence. Il a vu qu’ une jeunesse avait compris, venait à lui comme il savait qu’elle y viendr
118 élan qui va s’épanouir. Ce révolutionnaire était un homme tranquille, carré, courtois et gai. On veut que ce soient des a
119 le, carré, courtois et gai. On veut que ce soient des agités : les vrais sont des ordonnateurs, solidement humains. Sa forc
120 On veut que ce soient des agités : les vrais sont des ordonnateurs, solidement humains. Sa force était réelle, et peu démon
121 it réelle, et peu démonstrative. Car la tension d’ un esprit créateur n’est pas, comme il arrive chez les inadaptés, une te
122 ur n’est pas, comme il arrive chez les inadaptés, une tension entre l’individu et le milieu qui lui résiste. Elle est à l’i
123 est la personne même. Elle ne se résout pas dans une indignation ni dans une compréhension résignée, mais dans un acte. C’
124 lle ne se résout pas dans une indignation ni dans une compréhension résignée, mais dans un acte. C’est la tension qui s’ins
125 ion ni dans une compréhension résignée, mais dans un acte. C’est la tension qui s’institue entre la finesse, la pénétratio
126 éfini. Il avait le profil nettement dessiné, mais une rudesse puissante sur le front ; des mains fines à la poignée ferme.
127 essiné, mais une rudesse puissante sur le front ; des mains fines à la poignée ferme. On ne saurait trop insister sur la po
128 erme. On ne saurait trop insister sur la portée d’ une observation de cet ordre. Qu’est-ce que la personne, la singularité,
129 e la personne, la singularité, la raison d’être d’ un homme, sinon cette tension qu’il incarne et qui est aussi le ressort
130 dre nouveau qu’il annonçait. « L’intelligence est une épée », écrivait-il. Avec ce nom de chevalier ! Son œuvre déconcerte
131 la critique : c’est peut-être qu’elle en institue une nouvelle. Le livre qu’il publiait, à Oxford, en 1927, sur Marcel Prou
132 logique, en donnerait la meilleure formule. C’est une défense du primat de l’affectif et de la créativité dans l’exercice d
133 la créativité dans l’exercice de la connaissance. Une œuvre « subjective » alors ? Justement non. Rompant avec la coutume d
134 riques, — c’est pour nous le premier témoignage d’ une époque de lucidité nouvelle et d’une aventure authentique. Ouvrez-le 
135 témoignage d’une époque de lucidité nouvelle et d’ une aventure authentique. Ouvrez-le : vous serez frappé d’y voir cités pl
136 science que de littérateurs ; de n’y trouver pas une affirmation qui ne soit confirmée par un texte ; et cependant de vous
137 ver pas une affirmation qui ne soit confirmée par un texte ; et cependant de vous sentir aux antipodes d’une critique univ
138 xte ; et cependant de vous sentir aux antipodes d’ une critique universitaire. Ce petit livre a l’aspect d’un chantier, et n
139 itique universitaire. Ce petit livre a l’aspect d’ un chantier, et non point d’un salon littéraire. Il est tout animé de la
140 it livre a l’aspect d’un chantier, et non point d’ un salon littéraire. Il est tout animé de la joie de construire et d’aba
141 dédain peut-être… On a fait plus de bruit autour des deux pamphlets que Dandieu publiait quelques années plus tard, en col
142 e l’homme concret que Le Cancer américain apporte une critique du capitalisme. Critique plus constructive que celle de Marx
143 celle de Marx, parce qu’elle ne se fonde pas sur une pseudo-science, sur une métaphysique idéaliste de la matière, mais su
144 ’elle ne se fonde pas sur une pseudo-science, sur une métaphysique idéaliste de la matière, mais sur la révolte de la perso
145 but de quelque chose. On serait tenté de dire : d’ une action, si le mot n’était mal entendu de la plupart de nos contempora
146 ndieu ne la concevait pas distincte ou détachée d’ une doctrine. Cartésien par l’audace méthodique de son analyse, il refusa
147 chez Proust, Blake et Keats, il devait aboutir à une éthique politique. Cette trajectoire très singulière parcourt les dom
148 puissances d’évaluation novatrice. On en trouvera des marques dans les notices et dans l’introduction de son Anthologie des
149 notices et dans l’introduction de son Anthologie des Philosophes contemporains, mais aussi dans les études qu’il publiait
150 e, sur les nomades, sur Nietzsche ou Diderot, sur des questions de droit, sur le régime du travail. Toutes ces recherches l
151 à sauver l’homme concret de l’empire grandissant des tyrannies abstraites, étatistes ou financières, il faudra reconnaître
152 sa main, sur les épreuves de son dernier ouvrage, une conclusion qui nous apparaît doublement prophétique. Rappelant « les
153 istes et théocratiques » qui montent à l’assaut d’ une Europe décadente, il ajoutait ces quelques phrases d’une sobre grande
154 ope décadente, il ajoutait ces quelques phrases d’ une sobre grandeur : En dépit d’un préjugé romantique, la décadence n’es
155 elques phrases d’une sobre grandeur : En dépit d’ un préjugé romantique, la décadence n’est pas belle, ni la mort. Ce qui
156 nière écluse. Ce n’est pas notre faute si le pays des petits rentiers et du traité de Versailles est tout de même aussi le
157 tout de même aussi le dernier refuge continental des hommes libres. Ce n’est pas notre faute si, pour sauver l’Occident et
158 puyer sur la France. Il ne s’agit pas de défendre une idée ou une cité. Il ne s’agit pas de défense. Mais de choix, d’affir
159 France. Il ne s’agit pas de défendre une idée ou une cité. Il ne s’agit pas de défense. Mais de choix, d’affirmation, de c
160 où cet orgueil déborde l’humilité du serviteur d’ une grande cause, [ne] semble-t-il pas qu’il se transforme en une espèce
161 ause, [ne] semble-t-il pas qu’il se transforme en une espèce d’interrogation angoissée ? « Allons-y » pour voir, coûte que
162 ui nous pousse en avant, fut pour lui, peut-être, une réponse. Non pas une mort édifiante. Mais une découverte éblouie — pa
163 nt, fut pour lui, peut-être, une réponse. Non pas une mort édifiante. Mais une découverte éblouie — pascalienne. « Euphorie
164 re, une réponse. Non pas une mort édifiante. Mais une découverte éblouie — pascalienne. « Euphorie absolue », disait-il en
165 rrait dire aussi que rien n’est plus visible chez un homme que son mystère, et ceci définit un visage. e. Rougemont Deni
166 le chez un homme que son mystère, et ceci définit un visage. e. Rougemont Denis de, « L’œuvre et la mort d’Arnaud Dandie
5 1935, Présence, articles (1932–1946). Contre Nietzsche (avril-mai 1935)
167 iste pas n’existe pas ; mais toute résistance est une attaque. Exister en résistant, c’est exclure. Toute vie, toute existe
168 ture même veut qu’il ne puisse être possédé que d’ une manière exclusive et belliqueuse… Un noble effort ne peut s’appuyer q
169 ssédé que d’une manière exclusive et belliqueuse… Un noble effort ne peut s’appuyer que sur une pleine et ferme confiance
170 queuse… Un noble effort ne peut s’appuyer que sur une pleine et ferme confiance en soi, qui seule élève le cœur et l’esprit
171 en a souffert si vivement qu’il n’est presque pas un aspect de la mentalité du siècle athée auquel sa pensée d’écorché n’a
172 athée auquel sa pensée d’écorché n’ait réagi par une diamétrale opposition. Il coupe toutes les erreurs du temps à 180 deg
173 temps à 180 degrés, juste. Son œuvre nous apporte un dossier exhaustif des contradictions révoltantes qui figurèrent la bo
174 uste. Son œuvre nous apporte un dossier exhaustif des contradictions révoltantes qui figurèrent la bonne conscience d’une é
175 révoltantes qui figurèrent la bonne conscience d’ une élite, et par là même, presque toujours tonique et enseignante, elle
176 ujours tonique et enseignante, elle nous excite à des affirmations qui la condamnent. La forme aphoristique que Nietzsche c
177 usivement avant sa chute, trahit assez exactement une faiblesse de cette œuvre, qu’à prendre celle-ci dans sa totalité, l’o
178 la tension créatrice, — toute création naissant d’ une tension établie par quelque unité dominante entre la conception de l’
179 la souffrance du chrétien soient sous-tendues par des contradictions destructrices de l’humain, créatrices du divin, c’est-
180 antôt la gauche contre la droite, sans que jamais un centre vif ne soit rendu, par ces éclairs croisés, visible. C’est pou
181 ensée, dans son ensemble, évoque plutôt l’image d’ un court-circuit que celle d’un foyer dynamique rayonnant à gauche et à
182 que plutôt l’image d’un court-circuit que celle d’ un foyer dynamique rayonnant à gauche et à droite et dans bien d’autres
183 gauche et de la droite. Il ne quitte pas le plan des erreurs qu’il attaque. Il ne fait guère qu’y introduire une intensité
184 s qu’il attaque. Il ne fait guère qu’y introduire une intensité délirante. C’est là son jeu, délibéré, comme l’est aussi le
185 actions accélérées se neutralisent, ou provoquent des explosions. Toute explosion de la « forme du monde » renvoie certes l
186 x qui l’animalisent. Il formule contre le mariage des revendications antisociales — « géniales » —, puis il édicte des lois
187 ons antisociales — « géniales » —, puis il édicte des lois eugéniques, d’intention manifestement sociale, mais, en puissanc
188 tère rationnel — ce qui n’est certes pas à priori un mal —, mais elle perd aussi toute valeur soit actuelle, soit historiq
189 démontrerait aisément — ou pour mieux dire : avec une cruelle facilité — que la relation de l’homme et de la femme n’est gu
190 tiennes absolues, telles que les pose par exemple un Kierkegaard. Mais il y a cette différence capitale : que toutes les n
191 ontre la soi-disant morale du Christ, et au nom d’ une espèce de « virtu » dont il laisse entendre souvent qu’elle n’est enc
192 le suffit à le rendre complice, en fin de compte, des erreurs qu’il flagelle, ne suffit pas à établir entre sa pensée et so
193 suffit pas à établir entre sa pensée et son temps un contact véritable, un lien concret de responsabilité. C’est aussi qu’
194 ntre sa pensée et son temps un contact véritable, un lien concret de responsabilité. C’est aussi qu’il n’existe qu’un uniq
195 de responsabilité. C’est aussi qu’il n’existe qu’ un unique agent de contact réel et vital14, et c’est l’éclair dans notre
196 el et vital14, et c’est l’éclair dans notre vie d’ une transcendance, l’amour en actes, l’action directe, réciproque et grat
197 . Le lien concret entre deux êtres, ou bien entre une pensée et les contemporains, ne peut être établi qu’en vertu d’une ac
198 contemporains, ne peut être établi qu’en vertu d’ une action obéissant à des mobiles apparemment « gratuits », mais, en fai
199 être établi qu’en vertu d’une action obéissant à des mobiles apparemment « gratuits », mais, en fait, consciemment, obéiss
200 par sa pensée critique ou créatrice, et cela pour des motifs d’ordre uniquement humain, on doit être certain qu’il ne s’agi
201 omprise nous ordonne d’aider dans sa peine, reste un voisin, ne devient pas prochain. Car le centre du monde reste « moi »
202 monde reste « moi ». De moi à lui, je ne vois qu’ une distance. Seul le rapport de responsabilité réciproque devant un Tier
203 ul le rapport de responsabilité réciproque devant un Tiers infiniment souverain, infiniment différent de toi et de moi, ab
204 ictoire, rationnellement impensable, établi comme un fait, comme une donnée de Dieu, au sens actif et subjectif du mot don
205 nellement impensable, établi comme un fait, comme une donnée de Dieu, au sens actif et subjectif du mot donnée. Seul ce rap
206 ort posé par Dieu abolit toute distance, provoque un contact pur, permet une action vraie, et transforme le monde. Mais Ni
207 t toute distance, provoque un contact pur, permet une action vraie, et transforme le monde. Mais Nietzsche a beau se collet
208 es derniers défis. C’est ainsi qu’il exprime dans un style vraiment noble et tragique, parfois aussi d’une turbulence mala
209 style vraiment noble et tragique, parfois aussi d’ une turbulence maladive, la situation typique de l’éthos du bourgeois : l
210 ailleurs dès qu’il comprend son œuvre. Et c’est d’ une infernale panique que ses derniers billets trahissent l’invasion. Que
211 , son style souverain de pensée. Qu’il ne reste d’ une œuvre qu’un style, n’est-ce pas là le dernier caractère qui nous aver
212 ouverain de pensée. Qu’il ne reste d’une œuvre qu’ un style, n’est-ce pas là le dernier caractère qui nous avertit que cett
213 bourgeois », au monde de la pensée sans mains, et des mains privées de pensée ? ⁂ Je ne cherche pas à être juste. Nietzsche
214 e juste. Nietzsche non plus. Qu’importe le nom qu’ un observateur « impartial » voudra donner à ma justice combattante. 1
215 ombattante. 13. Toute action créatrice implique une dogmatique. De même que le squelette naît de la peau, la dogmatique n
216 le squelette naît de la peau, la dogmatique naît des contacts actifs que nous entretenons avec le monde. Le mot de dogmati
217 Le mot de dogmatique éveille en général l’image d’ un squelette de musée, dépouillé. Mais tous les vertébrés vivants possèd
218 ouillé. Mais tous les vertébrés vivants possèdent un squelette vivant sur lequel s’attachent les muscles. Pas d’effort qui
219 e la vie », etc. Nietzsche l’a chanté, mais comme un bien perdu. h. Rougemont Denis de, « Contre Nietzsche », Présence,
6 1935, Présence, articles (1932–1946). Autour de Nietzsche : petite note sur l’injustice (novembre 1935)
220 ite note sur l’injustice (novembre 1935)i Plus une personne est grande, plus il est téméraire de se donner pour juste de
221 ire de se donner pour juste devant elle. Imaginez une personne absolument grande, — c’est-à-dire une personne qui comble ab
222 ez une personne absolument grande, — c’est-à-dire une personne qui comble absolument la mesure de l’homme : qui pourra se d
223 op vite au-delà. « Et moi-même, qui écris ceci… » Une personne relativement grande, maintenant. La loyauté dira encore : Je
224 r exemple, il se peut que l’injustice vis-à-vis d’ une œuvre humaine, injustice nécessaire, inévitable, mais toute relative,
225 toute relative, elle aussi, témoigne en faveur d’ une vérité décisive. Il se peut que cette « injustice », qui fait tort à
226 i fait tort à la vérité fragmentaire incarnée par une grande œuvre, rende raison à la vérité finale que cette œuvre a voulu
227 double sens historique et éternel du mot nunc —,  une situation décisive, c’est-à-dire une situation qui exige de chacun de
228 mot nunc —, une situation décisive, c’est-à-dire une situation qui exige de chacun de nous la confession et la déclaration
229 peu près tout — à cet acte de foi décisif. Il est un temps pour nuancer et balancer, et un temps pour trancher : pour ou c
230 sif. Il est un temps pour nuancer et balancer, et un temps pour trancher : pour ou contre. (L’intelligence est une épée, d
231 ur trancher : pour ou contre. (L’intelligence est une épée, disait Dandieu.) Et tout jugement de cette espèce comporte une
232 ndieu.) Et tout jugement de cette espèce comporte une injustice, c’est trop clair, mais tout refus de juger comporte une il
233 est trop clair, mais tout refus de juger comporte une illusion, et souvent une lâcheté. (En termes distingués cela s’appell
234 refus de juger comporte une illusion, et souvent une lâcheté. (En termes distingués cela s’appelle scrupule.) Quand donc c
235 rappel revêche et stérilisant à la « complexité » des problèmes, — cette démagogie du juste milieu et de la scrupuleuse imp
236 e avait plus discrètement usé, pour me confondre, des malentendus les plus graves auxquels se prêtait mon langage. (Exemple
237 même « forte impression » que l’on est investi d’ une « mission », mais bien appel de Dieu, appel que l’on accepte ou que l
238 ue l’on accepte ou que l’on refuse ; grâce n’a qu’ un sens vaguement métaphorique et sentimental en dehors de l’Évangile, o
239 l’Évangile, où ce mot signifie pardon, rémission des péchés et de la peine de mort qu’ils entraînent, c’est-à-dire, en un
240 peine de mort qu’ils entraînent, c’est-à-dire, en un mot : Jésus-Christ15. Dogmatique : je croyais avoir fait sentir que j
241 le squelette naît de la peau, la dogmatique naît des contacts actifs que nous entretenons avec le monde. » Etc.) Quant au
242 élestes », je crains bien que certains n’y voient un trait de cette « volonté de rabaisser l’adversaire » que M. Miéville
243 parence de « justice », je crois… Mais voilà bien des jugements entrecroisés ! Peut-être convient-il de leur adjoindre enco
244 e celui-ci : que nous ne sommes pas juges les uns des autres, ni de nous-mêmes, mais tout au plus : de nos choix. Et qu’ain
245 loir monopoliser la grâce », écrit M. Miéville en une phrase proprement stupéfiante… i. Rougemont Denis de, « Autour de N
7 1946, Présence, articles (1932–1946). Le Nœud gordien renoué (avril 1946)
246 Le Nœud gordien renoué (avril 1946)j Un oracle avait annoncé que serait roi celui qui, debout sur son char, p
247 l’âme. Quant au peuple, il vaquait à ses travaux. Un jour, un paysan nommé Gordius vient à cette ville de Phrygie. Il décl
248 ant au peuple, il vaquait à ses travaux. Un jour, un paysan nommé Gordius vient à cette ville de Phrygie. Il déclare qu’il
249 plus beau nœud qu’il ait jamais rêvé. Il y passe des heures indicibles d’intensité et de concentration. C’est le temps de
250 rédestiné, et la malice du paysan s’y mêlent dans un vertige de trouvailles, dans une embrouille de génie. Les tours les p
251 n s’y mêlent dans un vertige de trouvailles, dans une embrouille de génie. Les tours les plus retors de cette corde nouent
252 l’avarice ingénieuse, resserrent dans les liens d’ un calcul instinctif l’enthousiasme de la grandeur, et son angoisse. Ah 
253 Gordius. Mais le nœud qu’il noua devint célèbre. Un oracle nouveau ne tarda pas à le consacrer chez les Grecs : quiconque
254 t à le dénouer régnerait sur toute l’Asie. ⁂ Car un nœud, c’est d’abord un anneau : signe d’alliance et de prise du pouvo
255 t sur toute l’Asie. ⁂ Car un nœud, c’est d’abord un anneau : signe d’alliance et de prise du pouvoir. Cercle magique et c
256 et couronne royale. Signe aussi de fécondité. Qu’ une intrigue se noue, elle gouverne aussitôt les personnages qui la viven
257 gouverne aussitôt les personnages qui la vivent. Un mariage se noue, une amitié se noue. Quand on peut dire d’un fruit qu
258 es personnages qui la vivent. Un mariage se noue, une amitié se noue. Quand on peut dire d’un fruit qu’il a noué, il devien
259 se noue, une amitié se noue. Quand on peut dire d’ un fruit qu’il a noué, il devient graine. Celui qui sait comment se fait
260 il devient graine. Celui qui sait comment se fait un nœud, sait aussi comment le défaire, et le refaire : il détient le se
261 devant lui, pour l’étudier avec passion, pendant des heures, des jours, des mois. Combien de grandes pensées se nouèrent d
262 pour l’étudier avec passion, pendant des heures, des jours, des mois. Combien de grandes pensées se nouèrent dans ce piège
263 dier avec passion, pendant des heures, des jours, des mois. Combien de grandes pensées se nouèrent dans ce piège à méditati
264 à déchiffrer les circonvolutions de cet emblème d’ un cerveau né d’une pensée unique et vraiment souveraine : la royauté da
265 circonvolutions de cet emblème d’un cerveau né d’ une pensée unique et vraiment souveraine : la royauté dans son état naiss
266 , par les jours de colère intraitable. Je dardais un regard de flèche vers ce nœud de vipères impassible. Des vengeances p
267 ard de flèche vers ce nœud de vipères impassible. Des vengeances profondes se lovaient dans les torsions à peine visibles i
268 ées à l’intérieur de cet objet monstrueux, fait d’ une seule corde. Et je passais des heures à contempler ceux qui, à mon in
269 monstrueux, fait d’une seule corde. Et je passais des heures à contempler ceux qui, à mon instar, contemplaient le Nœud gor
270 s jours, et me disait : — Il n’est de science que des phénomènes que l’on peut reproduire à volonté. Quel est ce nœud, réel
271 ’amour, si simples…) Et la femme de Gordius vint un jour s’acquitter de ses dévotions. Devant le nœud, après un long rega
272 acquitter de ses dévotions. Devant le nœud, après un long regard, elle dit : — Ce n’est pas si ressemblant que cela ! (Ell
273 ent longtemps. Et nul ne s’en allait qu’enrichi d’ un mystère. Tel était le culte de Gordius, religion de l’inextricable. ⁂
274 ple au jour dit par ses astres, trancha le nœud d’ un coup d’épée, ramassa le prix pour la durée de la saison. (Tous les jo
275 triment du sens ; de la tricherie ; de la rupture des liens. ⁂ Et depuis lors, je vais criant : Renouez-le ! Renouez-le ! C
276 Car vous mourez, nous mourons tous d’ennui, dans un monde où rien ne se noue. Car vous mourez, nous mourons tous à la vie
277 précieuse. Elle n’existe que prise au complexe d’ une âme, dans les détours du plus profond secret noué. Et si vous simplif
278 implifiez, vous gagnerez le monde, mais au prix d’ une âme, la vôtre. Car vous mourez, nous mourons tous à l’amour qui ne tr
279 pte, qui pénètre, et qui sait bien que pour nouer un lien solide, il faut tous ces retours et ces tours illogiques, cette
280 ir, ces replis infinis qui défient le calcul. Car une coupe transversale pratiquée dans un nœud n’apprend à peu près rien s
281 calcul. Car une coupe transversale pratiquée dans un nœud n’apprend à peu près rien sur sa structure, mais détruit à jamai
282 près d’éclater entre les Suisses, au xve siècle. Un messager fut envoyé à l’Hermite qui vivait dans les Alpes et qui déte
283 i servait de ceinture à sa pauvre robe. Il en fit une boucle simple et la tendit au messager : — Va leur donner ce nœud, di
284 onner ce nœud, dit-il, afin qu’ils le dénouent. — Un faible enfant pourrait le dénouer ! — L’homme le plus fort ne pourrai
285 alors l’épée pour le trancher, si chacun tire par un bout, de son côté16. ⁂ — Quelle histoire édifiante ! dit Alexandre.