1 1951, Preuves, articles (1951–1968). Mesurons nos forces (avril 1951)
1 ’anonymat collectiviste. D’autres, habitués jusqu’ à l’inconscience aux libertés conquises par notre religion, par nos rév
2 erté ; et ils vont répétant que nous n’avons rien à opposer à ces « mystiques », qui sont au vrai des mystifications. Lai
3 ils vont répétant que nous n’avons rien à opposer à ces « mystiques », qui sont au vrai des mystifications. Laissons les
4 s près de nous les ont perdues, nous commencerons à savoir ce qu’elles valent. Quand nous aurons compris ce que valent no
5 ris ce que valent nos libertés, nous commencerons à mesurer nos forces. Quand nous les aurons mesurées, nous verrons que
6 le liberté que les Européens n’aient voulu vivre. À des degrés divers, parfois jusqu’à l’excès, nous avons tous les droit
7 t voulu vivre. À des degrés divers, parfois jusqu’ à l’excès, nous avons tous les droits que nous mentionnons plus haut et
8 sagesses et toutes les folies concevables ; droit à la religion de notre choix, et droit de n’en choisir aucune ; droit d
9 érats ; droit de protester, d’écrire au Times, ou à la Feuille locale, de faire campagne pour n’importe quoi et le contra
10 plaudir ou de siffler selon ses goûts, de prendre à la radio le poste qu’on préfère, et de tourner le bouton si l’on s’en
11 l’immense majorité des peuples libres qui vivent à l’ouest du rideau de fer : parmi lesquels près de 300 millions d’Euro
12 libertaires, n’avait pas décidé de ne plus croire à rien qu’aux réalités immédiates, alors seulement je la jugerais malad
13 : « Quelle réponse l’Occident prétend-il apporter à l’inquiétude du monde moderne ? » Je serais tenté de lui dire : l’esp
14 t critique. Car cet esprit nous renvoie sobrement à nos inquiétudes personnelles, qui ne se satisfont point de réponses c
15 mme les partis totalitaires voudraient le devenir à bon marché. L’Occident est une somme immense de réalités, de réponses
16 n de nos libertés, et de l’esprit créateur. C’est à cause d’elle que l’Occident demeure l’espoir de l’homme qui pense, qu
17 de toute communauté digne du nom. J’en viens ici à notre troisième force : la personne. Voilà la création majeure de l’O
18 distingue de la masse mais le relie pratiquement à la communauté. Avec l’idée de personne, l’Europe est née ; avec elle,
19 es modernes tyrannies. On ne peut forcer personne à être libre, alors qu’il faut forcer les masses à être masses. Et c’es
20 à être libre, alors qu’il faut forcer les masses à être masses. Et c’est pourquoi Personne égale Liberté, tandis que mas
21 bien souvent, une vocation qui n’a pas de comptes à rendre aux hommes, et encore bien moins à l’État, parce qu’elle est «
22 comptes à rendre aux hommes, et encore bien moins à l’État, parce qu’elle est « immédiate à Dieu ». Telle est bien la pas
23 ien moins à l’État, parce qu’elle est « immédiate à Dieu ». Telle est bien la passion de l’homme européen. Elle le met à
24 bien la passion de l’homme européen. Elle le met à la pointe du genre humain. Dans cette passion de différer les uns des
25 ience de ses conditions, de ses risques. Je crois à la vertu de la prise de conscience : c’est d’une part le début de la
26 nner, c’est de les faire passer du plan des faits à celui de nos consciences et de nos volontés ; c’est d’appeler toutes
27 ontés ; c’est d’appeler toutes nos forces éparses à se fédérer solidement, non point à s’unifier mais à se fédérer dans l
28 forces éparses à se fédérer solidement, non point à s’unifier mais à se fédérer dans leurs différences essentielles. Si d
29 se fédérer solidement, non point à s’unifier mais à se fédérer dans leurs différences essentielles. Si demain notre fédér
30 ssentielles. Si demain notre fédération s’établit à Strasbourg ou ailleurs, nous dotant d’instruments modernes et puissan
31 iques, sociaux) au service de la vocation commune à tous nos peuples, le monde entier verra que l’Europe c’est l’espoir,
32 général américain. Chaque personne fait obstacle à la fatalité. a. Rougemont Denis de, « Mesurons nos forces », Preuv
2 1951, Preuves, articles (1951–1968). Neutralité et neutralisme (mai 1951)
33 parce que nous refusons de subordonner la culture à la politique, — à n’importe quelle politique. La culture s’occupe des
34 usons de subordonner la culture à la politique, —  à n’importe quelle politique. La culture s’occupe des fins de la vie hu
35 D’autre part, dès que la culture est subordonnée à la politique, elle cesse d’être une méthode de libération humaine pou
36 tion humaine pour devenir une préparation mentale à l’esclavage. Le danger qui menace aujourd’hui la culture, sans précéd
37 ffets sont les mêmes puisqu’elle aboutit toujours à soumettre la pensée à la police politique, donc à corrompre la source
38 uisqu’elle aboutit toujours à soumettre la pensée à la police politique, donc à corrompre la source même de notre liberté
39 à soumettre la pensée à la police politique, donc à corrompre la source même de notre liberté. Et voilà pourquoi nous som
40 fficace de nos libertés, nous ne sommes pas prêts à souscrire sans condition, une fois pour toutes, à tout ce que l’Améri
41 à souscrire sans condition, une fois pour toutes, à tout ce que l’Amérique peut décider de faire un jour ou l’autre, ni à
42 ique peut décider de faire un jour ou l’autre, ni à assimiler une fois pour toutes la liberté avec les intérêts américain
43 la vérité. …On a prétendu que nous étions réunis à Bombay pour condamner la neutralité en général, et celle de l’Inde en
44 l’Inde en particulier. Personnellement, je tiens à prendre ici une position extrêmement claire. Il me paraît capital d’é
45 s deux côtés de la question. Ce loup ne pense pas à mal, il a grand-faim, il a beaucoup lu Marx, et il est “partisan de l
46 e ; car dès l’instant où la culture se subordonne à une politique quelconque, cette politique tend à devenir totalitaire,
47 à une politique quelconque, cette politique tend à devenir totalitaire, par un penchant inexorable. c. Rougemont Deni
48 dien pour la liberté de la culture qui s’est tenu à Bombay, du 28 au 31 mars. Au cours de cette conférence, Denis de Roug
3 1951, Preuves, articles (1951–1968). Culture et famine (novembre 1951)
49 ingt millions d’habitants meurent de faim. Montez à la tribune d’un congrès d’écrivains et proclamez « qu’il y a de l’ind
50 écrivains et proclamez « qu’il y a de l’indécence à parler de culture quand la famine sévit » : tonnerre d’applaudissemen
51 te la presse pour vous. J’ai vu cela ce printemps à Bombay, et ne m’en suis pas trop étonné. Mais pour peu que l’on y réf
52 … Pourquoi ne pas avouer qu’il y a de l’indécence à parler de culture tout court ? Certes, on n’aimerait pas le dire, mai
53 , nous serions sans moyens techniques de remédier à la famine. Ce n’est pas un démagogue, ni même un philanthrope, c’est
54 d’une herbe nommée kans, fléau de riches vallées à blé de l’Inde centrale. Avec l’aide des tracteurs américains qui avai
55 la nécessité et seules capables de la surmonter. À l’appui d’une déclaration de mauvaise conscience culturelle, comme ce
56 tions, comme l’angoisse l’est de la pensée. Quant à l’erreur courante sur la culture, elle consiste à tenir cette dernièr
57 à l’erreur courante sur la culture, elle consiste à tenir cette dernière pour un luxe, à la confondre avec la lecture des
58 lle consiste à tenir cette dernière pour un luxe, à la confondre avec la lecture des romans, c’est-à-dire avec ces brioch
59 rioches que la reine Marie-Antoinette conseillait à un peuple sans pain. Culture n’est pas consommation, mais production.
4 1952, Preuves, articles (1951–1968). « L’Œuvre du xxe siècle » : une réponse, ou une question ? (mai 1952)
60 ion date des nazis. Notre art « dégénéré » survit à leur empire, qu’ils fondaient pour mille ans et qui mourut en douze.
61 uit le formalisme occidental, qui devait conduire à Picasso, lequel, tout communiste qu’il soit, sert Wall Street et ses
62 sert Wall Street et ses sombres desseins1. Quant à l’avenir, il serait représenté par les tableaux de genre militaire du
63 la défense et pour l’illustration de l’Occident. À la campagne de dénigrement conduite par les tenants du pompiérisme, d
64 r ceux qui la vivent. On ne voit pas de précédent à l’entreprise, dans l’ère moderne. Mais on songe aux jeux séculaires,
65 ressentie comme telle. Une passion d’expérimenter à tous risques peut la définir. Combien de seuils et de limites n’avons
66 ête du ciel, victoire de l’intellect sur l’espace à trois dimensions… ? Chacune de ces victoires nous a jetés dans un com
67 plus de conformismes plus pesants, plus acharnés à contrôler les sources mêmes de la création. S’agit-il de compensation
68 Les Deux Cultures, Moscou, 1947. Ce Kemenov était à l’époque président de la VOKS, c’est-à-dire chef des relations cultur
69 anger. Sa brochure est un texte officiel, répandu à des millions d’exemplaires en URSS. f. Rougemont Denis de, « L’Œuvr
5 1952, Preuves, articles (1951–1968). Le sens de nos vies, ou l’Europe (juin 1952)
70 Toute civilisation consiste, en fin de compte, à donner un sens à la vie. Par les règles qu’elle institue, religieuses
71 tion consiste, en fin de compte, à donner un sens à la vie. Par les règles qu’elle institue, religieuses, morales, juridi
72 e mourir, et dresse chaque homme, dès son enfance à s’y adapter et conformer. La civilisation européenne, elle aussi, don
73 ols, élever l’enfant ou le jeune homme consistait à le rendre conforme aux modèles collectifs et sacrés, fixés par les di
74 uquer signifie au contraire amener le jeune homme à son autonomie, au-delà des modèles tout faits, le rendre apte à juger
75 e, au-delà des modèles tout faits, le rendre apte à juger par lui-même, l’émanciper. L’éducation, dans toutes les langues
76 e différer ou d’innover, l’idée d’être soi-même «  à son idée », voilà qui pour l’Oriental suggère une inconvenance profon
77 ative expose le sujet d’une dictature totalitaire à l’accusation de sabotage. S’ils tombent dans cette erreur et s’ils y
78 é non pas au moi qui la ressent, mais au monde ou à la société, voilà qui est proprement occidental. Cela donne le révolt
79 t et sa cause finale, c’est la notion, chrétienne à l’origine, de la valeur absolue de la personne humaine — de chaque pe
80 cliché. Mais l’historien jugera différemment. Car à ses yeux cette notion fondamentale, cette conquête majeure de l’Occid
81 ient un sens, et donne leur intérêt même affectif à la plupart de nos activités. Ôtez le moi distinct, le droit d’être un
82 espoir humain. Ma thèse est simple. Elle consiste à rappeler que la plupart de nos valeurs et idéaux, à nous autres Europ
83 rappeler que la plupart de nos valeurs et idéaux, à nous autres Européens, et la plupart de nos activités courantes, séri
84 ans une aventure bien réelle, mais qu’il est seul à pouvoir courir. Cette valeur unique de tout homme, voilà la grande no
85 urs modernes, actuelles (le sens que nous donnons à nos activités) si elles ne traduisent pas toujours directement cette
86 par exemple, ne peut la concevoir. Elle ne serait à ses yeux qu’indécence, blessure à l’ordre du cosmos, crime absurde. V
87 Elle ne serait à ses yeux qu’indécence, blessure à l’ordre du cosmos, crime absurde. Voyageant en Inde, l’an dernier, j’
88 s j’ai pu observer qu’ils tendent de plus en plus à prendre à son sens littéral cette maxime de la démocratie qui dit qu’
89 observer qu’ils tendent de plus en plus à prendre à son sens littéral cette maxime de la démocratie qui dit qu’un homme e
90 ême du Christ cette phrase célèbre : « Je pensais à toi dans mon agonie ; j’ai versé telles gouttes de sang pour toi. » P
91 besoin d’exprimer son « vrai moi », comme on dit. À partir d’un certain niveau de culture, en Europe, le non-conformiste
92 ort de l’artiste européen, depuis un siècle, tend à « faire du neuf » d’une manière personnelle. C’est même cela que nous
93 iation, l’innovation individuelle ne peuvent être à leurs yeux que des erreurs. Elles risqueraient de faire rater l’opéra
94 rt. Je ne dis pas qu’entre l’Occidental, qui tend à s’affirmer comme individu créateur, et l’Oriental, qui tend à s’ordon
95 comme individu créateur, et l’Oriental, qui tend à s’ordonner au monde des dieux, nous ayons à choisir. Je dis que nous
96 tend à s’ordonner au monde des dieux, nous ayons à choisir. Je dis que nous avons choisi. Je ne dis pas que l’un vaut mi
97 que l’autre, mais qu’ils se donnent des buts tout à fait différents. Et je ne nie pas non plus que dans tous nos pays, il
98 humour. L’Occident a créé l’étatisme, lequel tend à rejoindre, à la limite, les despotismes de l’Orient ou de l’Antiquité
99 ident a créé l’étatisme, lequel tend à rejoindre, à la limite, les despotismes de l’Orient ou de l’Antiquité, au point de
100 dans les États totalitaires, où il se voit réduit à la plus stricte clandestinité. Et c’est pourquoi, enfin, les créateur
101 s Anglo-Saxons, attachent une pareille importance à la possession du sense of humour : ils pensent que celui qui ne l’a p
102 e pas que l’humour consiste aussi, sinon d’abord, à se moquer de soi-même. Mais avant de pouvoir rire de soi-même, il s’a
103 personne qui juge son propre individu… J’en viens à un dernier exemple, le Progrès, et notre attitude envers lui. Il est
104 nous pouvons répéter que notre industrie aboutit à la misère prolétarienne, notre science à la bombe atomique, nos révol
105 aboutit à la misère prolétarienne, notre science à la bombe atomique, nos révolutions à l’État totalitaire ; que le Prog
106 otre science à la bombe atomique, nos révolutions à l’État totalitaire ; que le Progrès n’est donc nullement fatal ; qu’i
107 dée de progrès perdra nécessairement ce qui fait, à nos yeux, tout son prix : elle cesse d’être liée à l’idée de liberté,
108 nos yeux, tout son prix : elle cesse d’être liée à l’idée de liberté, c’est-à-dire à la perspective d’une vie plus libre
109 sse d’être liée à l’idée de liberté, c’est-à-dire à la perspective d’une vie plus libre pour chacun de nous. Elle se lie
110 e vie plus libre pour chacun de nous. Elle se lie à l’idée de contrainte collective, qui est la négation même de son mouv
111 n’avance pas, la destruction succédant fatalement à la construction et le déclin à l’ascension, selon les lois du Retour
112 ccédant fatalement à la construction et le déclin à l’ascension, selon les lois du Retour éternel. Pour ces religions, il
113 t donc étrangère aux Anciens, comme elle le reste à la plupart des Orientaux. Survint alors le christianisme, religion du
114 Dieu incarné une fois pour toutes dans le temps, à un certain moment donné, daté, unique, — « sous Ponce Pilate », insis
115 ès a cessé d’être une foi naïve. Nous nous posons à son sujet des questions parfois angoissantes. Par exemple : comment m
116 rapport à notre vie individuelle. Car le Progrès à l’origine signifiait une libération, et de nos jours encore la libert
117 sont offertes, tant matérielles que culturelles, à un nombre sans cesse croissant d’individus. Et la mesure de ce Progrè
118 pre compte, et qui ont là-dessus leurs idées bien à eux — donc en définitive des hommes conscients. Voilà pourquoi je dis
119 arque : l’Europe, qui ne représente en fait que 4 à 5 % des terres du globe, a découvert le reste du monde — et non l’inv
120 ts et de dénombrer toutes nos races de Marco Polo à Vasco de Gama, et de Christophe Colomb au capitaine Cook. Ce ne sont
121 nos pays, et que c’est précisément pour remédier à cette carence que nous avons fondé à Genève, le Centre européen de la
122 our remédier à cette carence que nous avons fondé à Genève, le Centre européen de la culture, institution qui a pour but
123 ent en disant cela, au Louvre, au British Museum, à tant de collections publiques et privées d’art oriental, précolombien
124 ope, même aux États-Unis… (Il y en avait un seul, à Leningrad : il est fermé depuis bien des années, les Soviets ayant dé
125 u de les imiter, nous cherchons et nous parvenons à les comprendre. Cette attitude, absolument particulière, sans précéde
126 é de conscience — et j’opposerai cette expression à celle de volonté de puissance. Troisième remarque : l’Europe ne se bo
127 ce. Troisième remarque : l’Europe ne se borne pas à tolérer les civilisations qui diffèrent de la sienne, mais c’est elle
128 du siège de Vienne par les Turcs ; mieux encore, à ces temps du xiiie siècle, où la marée mongole battait les portes d’
129 e pire danger, tant il est vrai que nous résigner à croire notre déclin fatal, le rendrait en effet fatal. On me dira que
130 ticien. Il s’appelait Léonard Euler, et il vivait à Bâle, entre France et Allemagne, dans une atmosphère très savante mai
131 e se rendre utile aux hommes. Aussi dessina-t-il, à temps perdu, les plans d’une machine d’un type nouveau, qu’il baptisa
6 1952, Preuves, articles (1951–1968). Le dialogue Europe-Amérique (août-septembre 1952)
132 le stalinisme est en recul marqué dans nos pays. À Paris et à Rome, où il avait conquis au lendemain de la guerre d’impo
133 sme est en recul marqué dans nos pays. À Paris et à Rome, où il avait conquis au lendemain de la guerre d’importantes pos
134 d’un autre ordre apparaît, qui se pose lui aussi à l’ensemble de la vie de l’esprit en Europe : c’est le problème de l’i
135 séance de clôture de « L’Œuvre du xxe siècle », à Paris, André Malraux s’est écrié : « L’Amérique n’est qu’une partie d
136 s staliniens) la marshallisation de nos cultures. À l’en croire, l’invasion de l’américanisme représenterait pour nous un
137 , matérialisme, dollar-dieu, vie simplifiée jusqu’ à l’anonymat, règne de la culture de masse, rapports humains durs et pu
138 xigez que votre aide soit efficace, nous crierons à l’impérialisme ; puis décampez, go home, laissez-nous à nos combats d
139 périalisme ; puis décampez, go home, laissez-nous à nos combats de coqs et nous crierons à l’isolationnisme. Quant à la c
140 issez-nous à nos combats de coqs et nous crierons à l’isolationnisme. Quant à la culture, la cause est entendue, vous n’ê
141 e coqs et nous crierons à l’isolationnisme. Quant à la culture, la cause est entendue, vous n’êtes que des barbares : dig
142 ompliqués et susceptibles, esquivant les réponses à nos questions directes, occupés à se ruiner par des guerres nationale
143 nt les réponses à nos questions directes, occupés à se ruiner par des guerres nationales qu’on nous demande ensuite de pa
144 ures faciles. (Le réalisme socialiste s’est borné à les rendre obligatoires.) Prenons un exemple précis. Dès qu’il s’agit
145 u’un propose de faire appel, pour les finances, «  à l’Amérique ». (On entend : des mécènes, une fondation, un comité, une
146 n hostilité à l’endroit de la culture américaine, à tel point que tout institut que l’on croit à tort ou à raison « soute
147 ine, à tel point que tout institut que l’on croit à tort ou à raison « soutenu par les Américains » en tire d’une part un
148 point que tout institut que l’on croit à tort ou à raison « soutenu par les Américains » en tire d’une part un prestige
149 acité de l’aide américaine, et d’autre part donne à certains Européens des habitudes de parasites. On veut bien faire éta
150 se demande si l’on y croit vraiment… (J’écris on à dessein : car ce ne sont pas les mêmes qui, en Europe, font la cultur
151 nces d’intéresser l’argent américain, et renoncer à ceux qui intéresseraient l’Europe et les vrais moyens de l’unir. Inve
152 ir. Inversement, les donateurs virtuels proposent à des instituts de culture de s’occuper de la « productivité », à des é
153 s de culture de s’occuper de la « productivité », à des économistes d’établir des plans politiques, à des politiciens d’i
154 à des économistes d’établir des plans politiques, à des politiciens d’inspirer des entreprises d’éducation, et d’une mani
155 ntreprises d’éducation, et d’une manière générale à n’importe qui de se prononcer sur n’importe quoi qui n’est pas dans l
156 e fait couramment, ce qu’il y a de pire d’un côté à ce qu’il y a de meilleur de l’autre, et Pascal aux digests ou les gra
157 l’autre, et Pascal aux digests ou les gratte-ciel à nos pittoresques taudis ; parlons en égaux différents. Alors, entre l
158 aux. Car si l’Europe et l’Amérique n’arrivent pas à s’entendre effectivement, comment rêver une entente mondiale, comment
159 avons ici dénoncé… les dangers que faisait courir à la santé de notre pays une culture américaine qui attaque à leurs rac
160 de notre pays une culture américaine qui attaque à leurs racines l’originalité et la cohésion mentale et morale des peup
161 opéen de la culture que Denis de Rougemont dirige à Genève. »
7 1953, Preuves, articles (1951–1968). Deux princes danois : Kierkegaard et Hamlet (février 1953)
162 e un drame unique, intense, inexorablement motivé à chaque instant de son progrès. Sa première œuvre importante, L’Altern
163 it trente ans, et connut un immense succès. Mais, à mesure qu’il se fit mieux comprendre, dans la suite de ses ouvrages c
164 drame dont lui seul détenait la clé. Ce ne fut qu’ à la fin de sa vie qu’il s’offrit sans masque à la lutte, au cours de l
165 qu’à la fin de sa vie qu’il s’offrit sans masque à la lutte, au cours de la polémique décisive qui devait le mener à la
166 ours de la polémique décisive qui devait le mener à la mort. Ainsi le drame de Kierkegaard fut typiquement celui d’une vo
167 ès le début, vers une action unique et éclatante, à laquelle le héros se prépare longuement, devant laquelle il hésite et
168 ement, devant laquelle il hésite et recule, jusqu’ à ce qu’un incident secondaire en apparence provoque le saut final, l’a
169 drame inventé par Shakespeare, ceux qui évoquent à première vue le drame vécu par Kierkegaard et nous suggèrent un paral
170 ndirectement, l’isole de ses semblables, l’oblige à rompre ses fiançailles avec la très jeune Ophélia et le fait passer p
171 te d’une usurpation que tout le monde s’accordait à passer sous silence : ce résumé d’Hamlet ne vaut-il pas identiquement
172 tellectuel. Il n’a d’autre désir que de retourner à l’Université de Wittenberg, pour s’y livrer à la philosophie. S’il de
173 ner à l’Université de Wittenberg, pour s’y livrer à la philosophie. S’il demeure à la cour, c’est uniquement par obéissan
174 g, pour s’y livrer à la philosophie. S’il demeure à la cour, c’est uniquement par obéissance aux désirs de sa mère. Il ne
175 vulgaires ». Le suicide le tente. Mais il réussit à masquer cette mélancolie sous des dehors d’une gaieté sarcastique, d’
176 gaieté sarcastique, d’un esprit pétulant, prompt à l’ironie et aux métaphores baroques. Voyons maintenant dans quels ter
177 lque chose de royal dans mon être », fait-il dire à l’un de ses pseudonymes. Lui aussi voudrait « retourner à Wittenberg 
178 e ses pseudonymes. Lui aussi voudrait « retourner à Wittenberg », c’est-à-dire s’abandonner à son génie dialectique, aux
179 tourner à Wittenberg », c’est-à-dire s’abandonner à son génie dialectique, aux projets de poète et de philosophe qu’il av
180 philosophe qu’il avait conçus pendant son séjour à l’Académie de Berlin ; mais il se résout à passer simplement son exam
181 séjour à l’Académie de Berlin ; mais il se résout à passer simplement son examen de théologie, par obéissance aux désirs
182 t. » Cette disposition, ajoute-t-il, l’a condamné à observer, à réfléchir la vie, à l’imiter au lieu de la vivre réelleme
183 isposition, ajoute-t-il, l’a condamné à observer, à réfléchir la vie, à l’imiter au lieu de la vivre réellement ; mais, q
184 -il, l’a condamné à observer, à réfléchir la vie, à l’imiter au lieu de la vivre réellement ; mais, quoique prisonnier de
185 n, pleins de hardiesse et de fierté, mais inaptes à la vie commune, à cause d’une mystérieuse mélancolie qu’ils dissimule
186 esse et de fierté, mais inaptes à la vie commune, à cause d’une mystérieuse mélancolie qu’ils dissimulent sous un masque
187 , bien plus encore que leur nature psychologique, à devenir des êtres d’exception. Hamlet reçoit sa mission de son père,
188 ient vers ses compagnons, qui assistaient de loin à la scène, et leur fait jurer par trois fois de garder le secret sur c
189 e immense illusion. Il ne ressemble pas davantage à celui du Nouveau Testament que le salon du petit-bourgeois ou la sall
190 vons dénaturé le christianisme, nous l’avons pris à bon marché, au lieu de nous en reconnaître indignes et d’avouer que n
191 ée : il est né pour forcer notre époque détraquée à reconnaître l’absolu chrétien et, sinon à lui obéir, tout au moins à
192 traquée à reconnaître l’absolu chrétien et, sinon à lui obéir, tout au moins à cesser de se dire chrétienne « à bon march
193 olu chrétien et, sinon à lui obéir, tout au moins à cesser de se dire chrétienne « à bon marché ». Tous les deux pensent
194 r, tout au moins à cesser de se dire chrétienne «  à bon marché ». Tous les deux pensent qu’« il y a quelque chose de pour
195 , c’est plus complexe. S’il passait tout de suite à l’attaque, personne ne l’écouterait. Il faut donc qu’il commence par
196 il commence par séduire le public, qu’il le force à devenir attentif, toutefois sans trahir l’intention réelle de son œuv
197 . De la sorte, il attirera le public et l’amènera à son insu au point le plus favorable pour l’attaque décisive. Or on se
198 le dire, enfin pour forcer le public ou la cour «  à devenir attentifs » malgré eux. (Mundus vult decipi, le monde veut êt
199 , le monde veut être trompé, constate Kierkegaard à plusieurs reprises.) Mais à ce jeu ils risquent gros. Ils risquent de
200 constate Kierkegaard à plusieurs reprises.) Mais à ce jeu ils risquent gros. Ils risquent de créer les pires malentendus
201 mble parfait. Le bonheur, la pleine participation à la vie, le signe de l’accession à la commune condition humaine, c’est
202 e participation à la vie, le signe de l’accession à la commune condition humaine, c’est à leurs yeux la femme, l’amour et
203 l’accession à la commune condition humaine, c’est à leurs yeux la femme, l’amour et le mariage. Or tous les deux se voien
204 c’est l’exemple vécu de Kierkegaard qui nous aide à comprendre Hamlet. Kierkegaard aime Régine, jeune fille de 17 ans, et
205 ment, s’il le lui révélait, de ramener son fiancé à une vue plus bourgeoise de l’existence et de la religion. Elle minera
206 résolution et deviendrait le pire obstacle intime à l’exercice de son étrange vocation. Peut-on se marier si l’on veut êt
207 l’on veut être un témoin de la vérité ? Un soldat à la frontière devrait-il être marié ? se demande Kierkegaard. Et lui,
208 t ? D’autre part, il redoute d’initier sa fiancée à l’« esclavage de la mélancolie » : il ne se sent pas le droit de trou
209 de son double secret ; et pour cela faire croire à sa fiancée qu’il ne l’aime plus. On sait la comédie que Kierkegaard s
210 aard s’imposa de jouer devant Régine. Il se peint à ses yeux comme une sorte de roué, de séducteur cynique, qui a peut-êt
211 ’amour spontané et naïf d’Ophélia ferait obstacle à ses desseins secrets. C’est à lui que pensait Kierkegaard en écrivant
212 lia ferait obstacle à ses desseins secrets. C’est à lui que pensait Kierkegaard en écrivant ces lignes, attribuées d’aill
213 ard en écrivant ces lignes, attribuées d’ailleurs à un héros tout théorique qu’il imagine : « Je vois que l’idée de mon e
214 t pousse Ophélia au suicide et semble indifférent à ce désastre… Mais venons-en au dénouement du drame. Un incident banal
215 e est empoisonné : le duel sportif tourne au duel à mort. Blessé, Hamlet ne peut plus hésiter. Il tue le roi. Quel fut, c
216 ute sa carrière d’auteur n’avait eu d’autre sens, à ses yeux, que de rétablir dans sa pureté apostolique le concept de té
217 polémique comme une autre, tourna soudain au duel à mort. Kierkegaard écrivit immédiatement un article d’une extrême viol
218 dit que le professeur Martensen fût devenu évêque à son tour, succédant à Mynster. Puis il publia l’article. Et cet artic
219 Martensen fût devenu évêque à son tour, succédant à Mynster. Puis il publia l’article. Et cet article fut son acte, l’att
220 , c’est un homme dont la vie est, du commencement à la fin, familière avec toute espèce de souffrance — avec les luttes i
221 t vue dénoncée, et il avait forcé le grand public à devenir attentif à son message. Mais, au lieu de se faire meurtrier,
222 il avait forcé le grand public à devenir attentif à son message. Mais, au lieu de se faire meurtrier, c’est lui qui paya
223 ’Hamlet avait été écrit par Kierkegaard, voire qu’ à l’inverse la biographie de Kierkegaard avait été mise à la scène deux
224 verse la biographie de Kierkegaard avait été mise à la scène deux siècles et demi avant d’être vécue. Le style élisabétha
225 nce aux préciosités dialectiques, tout concourait à l’illusion… Jusqu’au moment où je tombai sur une note de Kierkegaard
226 c que le parallèle que j’ai risqué se soit offert à l’esprit de Kierkegaard, et qu’il ait tenu à le corriger lui-même. Vo
227 fert à l’esprit de Kierkegaard, et qu’il ait tenu à le corriger lui-même. Voici en bref le contenu de la note, intitulée 
228 sur l’Hamlet de Shakespeare. Kierkegaard reproche à Shakespeare de n’avoir pas fait d’Hamlet un drame religieux. Car, si
229 re hors du héros, non pas en lui ». Si l’obstacle à son acte est en lui, il s’agit d’un scrupule religieux. Dans ce cas,
230 nication indirecte ». Et maintenant, par fidélité à la méthode de Kierkegaard, passons sans transition à l’« énoncé direc
231 a méthode de Kierkegaard, passons sans transition à l’« énoncé direct », à l’examen de la nature ou du mystère d’une voca
232 d, passons sans transition à l’« énoncé direct », à l’examen de la nature ou du mystère d’une vocation historiquement véc
233 vocation d’avocat, ou de poète ; c’est qu’il aime à discuter ou qu’il tient des propos fantaisistes. Mozart, qui composai
234 s fantaisistes. Mozart, qui composait des menuets à sept ans, avait sans doute la vocation d’un musicien. Il ne s’agit ic
235 osophe, mais contraint, par l’appel transcendant, à devenir un témoin de la vérité. Cependant, cette ambiguïté dans notre
236 me, qui ne tient plus au double sens du mot, mais à l’existence même d’une vocation reçue. L’homme, en effet, qui reçoit
237 u risque, après tout, d’être purement imaginaire. À cela, nous ajouterons l’incertitude subjective, celle qui concerne le
238 oncerne les motifs qui peuvent pousser l’individu à faire ceci ou cela : « Est-ce ma nature secrète ou l’esprit qui a par
239 ente pas le caractère d’incertitude objective lié à tout acte de foi. Hamlet sait exactement ce qu’il doit faire : tuer l
240 ’incertitude n’affecte dans Hamlet que les moyens à mettre en œuvre et, par suite, le succès final. Chez Kierkegaard, che
241 lle est l’angoisse de la vocation. Je disais tout à l’heure que Kierkegaard, dès ses premières publications, s’était trac
242 pseudonymes et de « tromperies » — comme il tient à le répéter. Ceci nous porterait à croire que, d’entrée de jeu, tout c
243 nt, mais ce n’est qu’en marchant qu’on l’a sentie à l’œuvre. Kierkegaard l’a bien su et l’a dit dans sa brochure intitulé
244 ien moi qui ai accompli cette œuvre et l’ai menée à chef, pas à pas, avec ma réflexion. … S’il me fallait exprimer avec t
245 ai accompli cette œuvre et l’ai menée à chef, pas à pas, avec ma réflexion. … S’il me fallait exprimer avec toute la rigu
246 e mesure les vues que j’ai précédemment exposées, à savoir que toute ma production esthétique est une fraude ; car cette
247 ne fraude ; car cette formule concède un peu trop à la conscience. Mais elle n’est pas tout à fait fausse non plus, car j
248 eu trop à la conscience. Mais elle n’est pas tout à fait fausse non plus, car j’ai eu conscience de moi au cours de cette
249 ’épancher, tout en veillant avec des yeux d’Argus à ne pas se laisser duper dans une œuvre où se proclame le poète. Enfi
250 ossible de donner la raison, ne songeant pas même à la chercher, quand je suivais les impulsions de ma nature, ce qui ava
251 dans mon œuvre ; bien des choses que j’ai faites à titre privé se trouvaient être justement celles que je devais faire c
252 e je devais faire comme auteur. Je n’arrivais pas à comprendre comment de petites circonstances en apparence toutes fortu
253 t, chose curieuse, il en résultait précisément et à point nommé la disposition nécessaire au travail dont je m’occupais.
254 les hasards et fait flèche de tout bois, souvent à notre insu. Mais ce qu’illustre avant tout ce passage, c’est le parad
255 qui demeure invisible tant qu’on ne se risque pas à y marcher. Cette « lumière sur mon sentier », dont nous parle un psau
256 u loin une voie tracée d’avance : non, elle est «  à mes pieds » seulement, elle ne peut révéler que le premier pas à fair
257 eulement, elle ne peut révéler que le premier pas à faire, et le sentier se crée sous les pas qui le foulent. Ici, la seu
258 qui le foulent. Ici, la seule expérience humaine à laquelle on puisse en appeler par analogie me paraît être l’expérienc
259 te dernière catégorie. « Celui qui ne renonce pas à la vraisemblance n’entre jamais en relation avec Dieu. » Si Abraham n
260 n seulement aux recettes communes du succès, mais à toute justification devant l’opinion, et même, dans certains cas, à l
261 ion devant l’opinion, et même, dans certains cas, à la morale. C’est courir un risque absolu. Quelles aides, quels repère
262 cation, chez Kierkegaard, s’oppose diamétralement à la notion courante. Car, selon cette dernière, suivre sa vocation, c’
263 oie même… 3. Cette image du saut me fait songer à la scène finale du beau film que Laurence Olivier a tiré d’Hamlet. Ha
264 vier a tiré d’Hamlet. Hamlet blessé, enfin résolu à l’action, monte sur une sorte de tribune élevée, et, de là, d’un saut
8 1953, Preuves, articles (1951–1968). À propos de la crise de l’Unesco (mars 1953)
265 organismes culturels dépendants de la politique. À ce titre, elle mérite un examen, que presque toutes les revues ont né
266 oir déclaré vertement qu’il avait cessé de croire à ce qu’il dirigeait. D’où vient le malaise ? Chacun sait qu’il ex
267 titutif dans toute l’affaire. Et peut-être facile à trouver. Car, en somme, qu’est-ce que l’Unesco ? Un organisme qualifi
268 ider la culture, et plus encore aider les peuples à se cultiver, non point d’ailleurs pour le plaisir de l’art, mais parc
269 ffusion dans les masses, serait vraiment une aide à la culture. Quel est le gouvernement qui peut aider ainsi ? Servit
270 t retenu. La délégation nationale votera pour lui à l’Assemblée de l’Unesco. Mais comment voteront tous les autres ? Il y
271 faut faire vivre l’Organisation, et songer aussi à ses tâches. Les activités culturelles n’étant aux yeux de nos gouvern
272 , ou simplement aux subventions de certains États à leurs industries déficientes. Si l’on croyait à la culture comme on c
273 s à leurs industries déficientes. Si l’on croyait à la culture comme on croit au pouvoir électoral des bouilleurs de cru,
274 de discussions et de recherches ; ou distribuer 5 à 6000 bourses d’études pour professeurs, artistes, étudiants ; ou publ
275 ons de voir pourquoi c’est impossible : non point à cause d’une mauvaise volonté ou d’une insuffisance quelconque des hom
276 mmes chargés de la tâche, bien au contraire, mais à cause du système adopté. Trois vices de construction C’est le
277 c’est encore trop peu dire : il s’agit de refaire à l’inverse, de fond en comble, — et non de comble en fond — ce qu’ont
278 ontenu proprement culturel. (En fait, on se borne à dire qu’on travaille pour la paix.) D’autre part, le cadre national n
279 aduire par des organismes régionaux (comme on dit à l’Unesco) et non point mondiaux. 2. Centralisé. La réalité de la cult
280 e mondiale, et condamnée par ses dimensions mêmes à la bureaucratie comme aux interférences politiques. Le travail cultur
281 des méthodes de coordination pratique, et non pas à coups de directives émises par un office lointain, soumis lui-même à
282 es émises par un office lointain, soumis lui-même à des pressions d’un ordre différent de celui de la culture. Il suppose
283 t contrôle gouvernementaux. Ce qui précède suffit à établir que l’initiative véritable, dans le domaine de la culture, ap
284 a culture, appartient en fait aux petits groupes, à de petits exécutifs spécialisés. Il serait donc naturel de calquer le
285 xécutées en collaboration. Que resterait-il alors à l’organisation constituée par les gouvernements soit à l’échelle des
286 rganisation constituée par les gouvernements soit à l’échelle des Nations unies, soit comme nous le pensons préférable, à
287 ons unies, soit comme nous le pensons préférable, à celle du Conseil de l’Europe ? Les taches normales de l’État en génér
288 ue les gouvernements ou la fédération s’attachent à leur rôle d’arbitrage entre les intérêts spécifiques de la culture et
9 1953, Preuves, articles (1951–1968). « Nous ne sommes pas des esclaves ! » (juillet 1953)
289 la seconde, nous l’avons sous les yeux, consiste à s’emparer de la cause ouvrière, à se parer de sa justice et de son no
290 yeux, consiste à s’emparer de la cause ouvrière, à se parer de sa justice et de son nom, pour l’écraser ensuite, une foi
291 rovocateurs. Qui ne voit aujourd’hui quels furent à Berlin-Est ces « provocateurs étrangers » que dénonce rageusement Gro
292 ? Pouvaient-ils pratiquement n’être pas Russes ou à la solde de Moscou ? On demande aux ouvriers de les dénoncer. Mais il
293 ure communiste est devenue manifeste. Il ne reste à ses partisans, dans nos démocraties, qu’à nier les faits. Il leur res
294 e reste à ses partisans, dans nos démocraties, qu’ à nier les faits. Il leur reste à nier l’éclat de rire de la foule deva
295 s démocraties, qu’à nier les faits. Il leur reste à nier l’éclat de rire de la foule devant les haut-parleurs qui proclam
296 entions du gouvernement communiste. Il leur reste à nier ceci : devant la porte de Brandebourg, le vieux chant révolution
297 rsaut de l’Europe nouvelle, on vient de le sentir à Berlin, surgissant d’un peuple écrasé. Et ce n’est pas l’Europe des m
10 1953, Preuves, articles (1951–1968). Les raisons d’être du Congrès (septembre 1953)
298 s grandes étapes qui nous ont conduits jusqu’ici. À Berlin, au début de la guerre de Corée, nous avons été dire un seul m
299 que les plus grands philosophes n’ont pas réussi à épuiser, devint soudain très clair du seul fait qu’il était prononcé
300 dain très clair du seul fait qu’il était prononcé à portée de voix des tyrans. À la suite du meeting mémorable de Berlin,
301 qu’il était prononcé à portée de voix des tyrans. À la suite du meeting mémorable de Berlin, nous nous sommes organisés.
302 au Japon. Et le travail en profondeur a commencé. À Paris, l’an dernier, notre festival du xxe siècle montrait avec écla
303 oulu qualifier de décadente ». L’année prochaine, à Rome, une autre conférence groupant les plus grands compositeurs mode
304 tyrannies, souvent en dépit d’elles, mais parfois à cause d’elles. Et aujourd’hui cela est possible encore. Certes, la pe
305 font de la science. De plus en plus, l’on accorde à cette dernière, au reste mal interprétée, toute l’autorité qu’on reti
306 te mal interprétée, toute l’autorité qu’on retire à la religion et aux morales en dérivant. Cette situation est toute nou
307 de certitude dans ses déductions, et pourtant née à chaque instant du doute le plus délibéré. Aventure suprême de l’espri
308 l’inquiétude et même l’angoisse du monde moderne. À cela s’ajoute le fait que les inventions techniques, qui sont les sou
309 -produits de la science, aboutissent de nos jours à des applications accélérées presque immédiates. Il a fallu plus de tr
310 sque immédiates. Il a fallu plus de trois siècles à l’imprimerie pour développer tous ses effets sociaux, car il a fallu
311 ue cela peut comporter de conséquences politiques à l’échelle mondiale. Ainsi la Science, de plus en plus inquiète l’État
312 uiète l’État, réagit sur le jeu politique et tend à dominer la société. Mais alors la question se pose, inévitable : qui
313 r ? Sera-ce une sorte de sagesse nouvelle, encore à naître, qui imposerait une harmonie préétablie entre la science, la l
314 le bonheur des masses ? Ou bien sommes-nous prêts à courir les risques de la liberté ? Ces questions sont parmi les plus
315 uestions sont parmi les plus graves qui se posent à l’esprit moderne. Par une chance rare, elles sont aussi celles qui pa
316 nt elle-même libre dans sa recherche. Il me reste à vous dire, en deux mots, pourquoi cette conférence se tient ici et no
317 aventure humaine. Nous cherchions un lieu propice à cette atmosphère souhaitée. Et nous avons trouvé, dans cette Europe i
318 urg, qui avait, elle aussi, accordé son patronage à ce Congrès, le recteur Bruno Snell a déclaré : “Nous autres savants,
319 s Franck, prix Nobel, qui a été l’un des premiers à appliquer en physique les théorèmes d’Einstein, déclara que la défens
320 tions inévitables, mais servait aussi de prétexte à des restrictions que la communauté des savants pouvait estimer injust
321 critique que nous autres, chercheurs, appliquons à des mesures administratives est une manifestation de cet esprit de li
322 tage américain et qui manquait, pour son malheur, à l’Allemagne, au temps où j’y fis mes études.” Nous reproduisons ci-de
11 1954, Preuves, articles (1951–1968). La table ronde de l’Europe (janvier 1954)
323 cistes et de journalistes éminents soit consacrée à la discussion d’un programme de diffusion de l’idée européenne en Eur
324 discussions en invitant six Européens distingués à instituer un débat sur « le problème spirituel et culturel de l’Europ
325 ns ». Chacune de ces personnalités serait invitée à traiter un aspect différent de ce problème. En même temps, quinze pub
326 istes, un par pays membre, devraient prendre part à la discussion, leur tâche particulière étant d’exprimer leurs vues su
327 idé finalement que cette table ronde se réunirait à Rome le 13 octobre et siégerait pendant quatre jours, que M. Denis de
328 emont, directeur du Centre européen de la culture à Genève, dirigerait les débats, et enfin que le gouvernement italien,
329 i avait accepté de patronner la réunion, mettrait à la disposition de la table ronde la villa Aldobrandini, et prendrait
330 res étrangères des Pays-Bas et ancien ambassadeur à Washington, actuellement ministre à Lisbonne ; le professeur Kogon, d
331 n ambassadeur à Washington, actuellement ministre à Lisbonne ; le professeur Kogon, directeur des Frankfurter Hefte et pr
332 Affairs » et professeur d’histoire internationale à l’Université de Londres ; et M. de Rougemont, directeur des débats. P
333 l’Organisation du traité de Bruxelles assistaient à la réunion. C’est le mardi 13 octobre, sous la présidence de M. de Me
334 e pour la table ronde de l’Europe qui s’est tenue à Rome l’automne dernier. Pour situer rapidement cette entreprise, part
335 , et cela donne le curieux résultat que voici : «  À l’ouest du rideau de fer, 325 millions d’hommes vivent dans la peur d
336 équence, trop petits pour le siècle, et condamnés à perdre, après nos dernières positions dans le monde, notre indépendan
337 fait le sens même de nos vies, si nous persistons à demeurer une vingtaine de nations, de cantons désunis. Mais au contra
338 ourd’hui que dans l’arithmétique. Que manque-t-il à l’Europe pour se sauver, pour rejoindre un salut tout proche et comme
339 ver, pour rejoindre un salut tout proche et comme à portée de la main ? Il ne lui manque peut-être qu’une seule chose : l
340 es immenses qui sont là, dont elle peut disposer, à la seule condition de les mettre en commun. Une prise de conscience.
341 itique, militaire. Et les résistances croissaient à la mesure des gains déjà réalisés. Comment réduire ces résistances là
342 . La tâche de méditer sur nos destins fut confiée à un petit groupe de six Sages, dont la composition me paraît tout à fa
343 de six Sages, dont la composition me paraît tout à fait remarquable4. L’on y trouvait en effet côte à côte des hommes d’
344 rience, quinze publicistes réputés furent conviés à rechercher ensemble les moyens de faire connaître et d’illustrer, cha
345 a réflexion des Six. II. De l’unité culturelle à la communauté politique Mon dessein n’est pas de résumer les périp
346 s thèmes dominants. Contraint de donner la parole à tous sauf à moi-même, je n’en pensais guère moins et notais au passag
347 ourd’hui, apparaissent transitoires et relatives. À cette fin, j’avais introduit, dans les six thèmes proposés, l’idée d’
348 le leur salut. La recherche des origines communes à tous les peuples de l’Europe, nous l’avons faite sous la conduite mag
349 oduit avec ampleur par M. Eugen Kogon. Il conclut à la nécessité d’instaurer tout d’abord une union politique, condition
350 d’abord une union politique, condition préalable à toute restauration des cadres d’une culture nouvelle et des bases d’u
351 de nos pays : celui de passer du régime colonial à l’association dans l’égalité, et celui de compenser la perte de nos p
352 conomiques dans le monde, la table ronde a conclu à la nécessité « d’opérer un changement radical dans nos rapports avec
353 t le salut des Européens consistaient aujourd’hui à édifier des modèles neufs de société — valables pour eux-mêmes d’abor
354 abord enivrante est bientôt devenue poison. C’est à nous qu’il appartient donc d’inventer l’antidote de ce toxique et de
355 d’une pensée européenne Tout résumé fait tort à son objet, autant qu’à son auteur. « Rien de plus difficile que de n’
356 e Tout résumé fait tort à son objet, autant qu’ à son auteur. « Rien de plus difficile que de n’être pas soi-même ou qu
357  séparer du monde ». Je note que cette résistance à un nationalisme européen encore imaginaire est très généralement le f
358 , en Afrique. Elle a produit Hitler, les chambres à gaz et le racisme. Elle a provoqué les guerres les plus sanglantes de
359 attaquez aujourd’hui ceux qui veulent mettre fin à la cause de ces maux, ceux qui entendent sauver par la fédération le
360 le a fondée, puis exportée sans nul discernement, à cette fin seule, et non pour quelque impérialisme trop évidemment inc
361 l’Europe ? Est-il vrai qu’il y ait là un obstacle à l’union ? Ces souverainetés ont-elles quelque réalité et consistance,
362 ehors des débats où elles figurent comme prétexte à refuser les évidences européennes ? Voyons le concret. La souverainet
363 définie comme « la faculté, pour un État, d’agir à sa guise, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur, dans les limites posée
364 la faculté, pour un État, d’agir à sa guise, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur, dans les limites posées par le droit ap
365 un État, d’agir à sa guise, tant à l’intérieur qu’ à l’extérieur, dans les limites posées par le droit applicable à chaque
366 , dans les limites posées par le droit applicable à chaque domaine ». Or on ne voit plus aucun État européen qui ait cons
367 État européen qui ait conservé la faculté d’agir à sa guise à l’extérieur, c’est-à-dire qui soit capable de déclarer la
368 éen qui ait conservé la faculté d’agir à sa guise à l’extérieur, c’est-à-dire qui soit capable de déclarer la guerre ou d
369 e ou de vivre en vase clos. Ces limites décisives à la souveraineté ne sont plus posées par le droit, mais par d’implacab
370 ’autre existence que psychologique. Où la voit-on à l’œuvre ? Non pas dans les faits mais dans les discours des députés a
371 t qu’ils ont inculqué le nationalisme obligatoire à toutes les générations de petits Européens qui ont passé par l’école,
372 le. La table ronde ne pouvait manquer d’en parler à son tour. Par malheur, elle m’a paru retomber dans l’illusion qu’il s
373 très variables, et qui ne sont devenus mortels qu’ à partir du moment où l’on a prétendu les absolutiser. Bien plus que d’
374 est de l’introduction d’une histoire de l’Europe, à tous les degrés de l’enseignement, qu’il est besoin. Sans elle, nos c
375 Sans elle, nos chroniques régionales nous seront à jamais inintelligibles, et nourriront les plus fatales erreurs : cell
376 Deux arguments m’ont frappé, comme étant propres à éduquer le sens européen de notre opinion publique. Le premier fut ap
377 publiciste allemand : « Il faut dire franchement à nos nations qu’elles ne pourront sauver leur individualité qu’en sacr
378 me d’une Europe unie ». Le second argument est dû à M. Cotsaridas, publiciste grec : « Dans les domaines militaire, écono
379 ouveraineté du peuple, car le peuple sera associé à leur gestion. Il importe d’expliquer cela aux masses, car ainsi sera
380 qui subsiste de leur souveraineté nominale. Quant à l’essentiel de cette souveraineté, elles l’ont perdu, et sans retour.
381 souveraineté, elles l’ont perdu, et sans retour. À la question : pourquoi l’Europe unie ? il nous faut donc répondre mai
382 e les grands empires, la souveraineté qui échappe à ses nations.   Sentir le fédéralisme. — Plus j’écoute ce qu’on dit s
383 pratique. Il suppose un instinct politique opposé à l’esprit de système et au rationalisme rhétorique. Il doit rester inc
384 lisme rhétorique. Il doit rester incompréhensible à ceux qui, n’apercevant pas de différence sérieuse entre une contradic
385 rmuler dans des ouvrages savants, qui renvoie dos à dos jacobins rationalistes et dialecticiens marxistes, et que les hom
386 la manière fédéraliste. Tant que l’on persistera à concevoir l’union dans les catégories de l’État-nation, des administr
387 tir qu’un système supranational pourra contribuer à desserrer les liens étroits que les nations ont été contraintes d’imp
388 its que les nations ont été contraintes d’imposer à leurs différentes régions, ce qui mène à un centralisme excessif et à
389 ’imposer à leurs différentes régions, ce qui mène à un centralisme excessif et à une limitation anormale de l’autonomie l
390 régions, ce qui mène à un centralisme excessif et à une limitation anormale de l’autonomie locale et de la vie régionale.
391 aines limites. Le supranationalisme peut conduire à la création d’autorités régionales chevauchant les frontières actuell
392 rt qu’il ne devait pas nécessairement s’appliquer à un seul objet. Cicéron a concilié sans difficulté son loyalisme enver
393 être dans l’Europe d’aujourd’hui qu’il n’en avait à Rome. Les nations européennes ne peuvent survivre que dans le cadre d
394 Kogon. — L’Europe a une contribution particulière à donner à la civilisation. Elle devra trouver l’optimum qui combine un
395 L’Europe a une contribution particulière à donner à la civilisation. Elle devra trouver l’optimum qui combine un minimum
396 peuvent nous demander pourquoi nous nous bornons à certains pays. Il n’est pas honnête de nous reprocher d’exclure le re
397 use, stipule-t-on par là une déclaration de haine à toutes les autres femmes ?   Distinguer l’individu et la personne. —
398 dent. (La Russie ne l’a pas résolue en se bornant à inverser le sens des mots tels que paix, liberté, ordre, agression.)
399 dence des lieux communs ». Cette analyse, devenue à son tour lieu commun, a prospéré depuis, par une ironie noire, mais s
400 gage. Comment penser l’Europe et son apport vital à la conception de l’humain, si l’on persiste à tout mêler, et à confon
401 tal à la conception de l’humain, si l’on persiste à tout mêler, et à confondre les mots-clés qui déterminent notre existe
402 on de l’humain, si l’on persiste à tout mêler, et à confondre les mots-clés qui déterminent notre existence concrète ? Co
403 istence concrète ? Comment répondre, par exemple, à la critique marxiste autant que fasciste de l’atomisation de nos soci
404 ollectiviste si l’on se met hors d’état d’opposer à l’individu la personne au lieu de la masse ; aux désordres de la démo
405 cratie, la démocratie saine et non la dictature ; à l’anarchie individualiste, le sens communautaire et non le collectivi
406 ens communautaire et non le collectivisme ; bref, à la peste, l’hygiène et non le choléra ? Comment défendre contre les c
407 ué chez les meilleurs esprits certaines tendances à « apaiser » les adversaires de l’union, à dorer la pilule aux États,
408 ndances à « apaiser » les adversaires de l’union, à dorer la pilule aux États, à n’insister que sur les avantages d’un pe
409 ersaires de l’union, à dorer la pilule aux États, à n’insister que sur les avantages d’un peu plus de coopération sans do
410 efuser pourtant serait tout perdre, à coup sûr et à bref délai. On compare volontiers notre Europe à Byzance. Cet empire
411 à bref délai. On compare volontiers notre Europe à Byzance. Cet empire qui sombra pour toujours il y a cinq siècles exac
412 viron. L’empereur en versa la moitié, puis se mit à pleurer misère. Les riches ne l’aidèrent point, se disant ruinés, et
413 décidé après des mois d’attente. Byzance fut mise à sac. Les produits du pillage s’élevèrent après trois jours à plus de
414 produits du pillage s’élevèrent après trois jours à plus de 100 millions, sans compter le trésor inestimable des œuvres d
415 ’invité par le secrétariat du Conseil de l’Europe à présider les débats, je me suis trouvé en présence de personnalités d
12 1954, Preuves, articles (1951–1968). Tragédie de l’Europe à Genève (juin 1954)
416 Tragédie de l’Europe à Genève (juin 1954)q Genève nous offre le spectacle d’un de ces mys
417 ve. Berlin fut un échec sur les principaux points à son ordre du jour — l’unification de l’Allemagne et la libération de
418 de se demander lequel des adversaires est parvenu à imposer son angle de vision. Rappelons ici l’extravagante interventio
419 urs alliés nationalistes en France, qui dénoncent à grands cris la disproportion de forces entre quarante-trois-millions
420 rante-huit-millions d’Allemands seraient rassurés à l’idée d’un bloc de deux-cents-millions de Russes rétablissant d’un s
421 re qu’en feignant de l’accepter d’abord, — quitte à tenter de l’écraser par une surenchère insensée. La vérité — c’est qu
422 par une surenchère insensée. La vérité — c’est qu’ à Berlin l’idée de l’Europe unie, affirmée d’une seule voix par les rep
423 Moscou : ils avaient pour une fois quelque chose à défendre qui n’était pas seulement le statu quo, mais l’avenir commun
424 ser dans une « Conférence asiatique » qui s’ouvre à Genève, à l’heure choisie par l’Est. Dès le premier jour, la désunion
425 ne « Conférence asiatique » qui s’ouvre à Genève, à l’heure choisie par l’Est. Dès le premier jour, la désunion profonde
426 as un seul événement politique qui soit de nature à expliquer la grande débâcle occidentale. Il s’est passé seulement que
427 e la manœuvre est claire. Dès les derniers jours, à Berlin, Molotov a bien vu que l’Europe s’unirait d’autant mieux qu’il
428 irait d’autant mieux qu’il s’attaquerait de front à son union ; qu’elle venait de remporter une victoire dans ce plan ; q
429 , elle va laisser pourrir la CED, seule capable — à tort ou à raison — d’inspirer quelque crainte à l’URSS. Pour ceux qui
430 laisser pourrir la CED, seule capable — à tort ou à raison — d’inspirer quelque crainte à l’URSS. Pour ceux qui doutent e
431 — à tort ou à raison — d’inspirer quelque crainte à l’URSS. Pour ceux qui doutent encore que le vrai but de Genève, dans
432 divisions actives. Elle ne peut donc plus adhérer à l’alliance agressive baptisée CED. Elle y serait noyée et sans force.
433 orce. » Ce sophisme insultant va servir de slogan à la campagne neutraliste. Un revers français en Asie deviendra le nouv
434 rs français en Asie deviendra le nouveau prétexte à la démission de l’Europe. Le colonialisme européen a vécu. Mais le co
435 cation belliciste » toute tentative de résistance à son emprise. Annexer l’Indochine à l’empire communiste serait un moye
436 de résistance à son emprise. Annexer l’Indochine à l’empire communiste serait un moyen de rétablir la « paix » dans le S
437 st de l’Asie, puisque celle-ci se verrait ouverte à l’expansion russe et chinoise. Mais assurer la paix définitive entre
438 hacs, et du siège de Vienne par les Turcs ? C’est à quoi nous en sommes, et c’est pire. Car une absurde conjoncture veut
439 du colonialisme soviétique, une Europe persistant à rester désunie doit rapidement périr par asphyxie. Marchés perdus, al
440 ncunes croissantes, décomposition des résistances à la propagande totalitaire, et démission finale entre les mains d’un p
441 le Bénès : on sait la suite. Tout cela se fomente à Genève, tout cela peut en sortir demain. La seule riposte est dans l’
442 Communauté politique et son élargissement rapide à toute l’Europe. Ainsi le sort de 330 millions d’Européens et, au-delà
443 aux Français, d’abord, qu’on voudrait s’adresser, à ceux qui sentiront l’amitié d’un appel trop angoissé pour ménager ses
444 q. Rougemont Denis de, « Tragédie de l’Europe à Genève », Preuves, Paris, juin 1954, p. 3-4.
13 1954, Preuves, articles (1951–1968). Il n’y a pas de « musique moderne » (juillet 1954)
445 l’on n’aime pas. (Parce qu’elle ne ressemble pas à celle que l’on aimait.) Parler de musique « moderne » en général, com
446 endre la suite de quoi que ce soit, de ressembler à qui que ce soit, finissent tout de même par laisser transparaître que
447 Ne plus savoir que faire, si l’on a quelque chose à exprimer, cela revient à ne plus savoir comment le dire autrement que
448 si l’on a quelque chose à exprimer, cela revient à ne plus savoir comment le dire autrement que le dernier qui a parlé e
449 encé par parler le langage de leurs aînés, quitte à le modifier tout insensiblement sous la pression de ce qu’ils avaient
450 ensiblement sous la pression de ce qu’ils avaient à dire, et qui était un peu différent. Aujourd’hui, l’on voudrait comme
451 ssé lui aussi d’être « moderne », pour s’habituer à vivre dans l’histoire. Il faut enfin l’avouer : toutes les autres épo
452 eur des réactions directes, une tendance générale à faire passer la technique et la théorie avant cette chose vague et po
453 nomme tout simplement le goût. ⁂ Comment remédier à cette situation, qui est aussi celle de la peinture et de la poésie a
454 mois de mai 1952, L’Œuvre du xxe siècle a donné à Paris plus de cent symphonies, concertos, opéras et ballets, durant t
455 on notable, une aventure, un risque financier ? ⁂ À la question que je citais au début, je répondrai maintenant sans hési
456 plexe et le paradoxal de notre situation “réduits à leur principe”, comme on disait au xviiie siècle, et mis, comme on d
457 ix. Nos compositeurs auraient sans doute avantage à placer cette coque de noix comme instrument de percussion dans leur o
458 percussion dans leur orchestre ; nos interprètes à en coiffer le balancier de leur métronome pour trouver le tempo de le
459 r trouver le tempo de leur temps ; nos critiques, à l’approcher de leur oreille comme cornet ; et même nos managers y pou
460 Mais d’où tant de perspicacité musicale vint-elle à Denis de Rougemont ? Il habite Ferney ; le génie du lieu n’y est donc
14 1954, Preuves, articles (1951–1968). De Gasperi l’Européen (octobre 1954)
461 arge de leader d’un parti qu’il avait su conduire à la victoire, et à la tête duquel il avait gouverné toute l’Italie pen
462 n parti qu’il avait su conduire à la victoire, et à la tête duquel il avait gouverné toute l’Italie pendant huit ans — le
463 et rétabli dans son intégrité, s’il ne s’intègre à la communauté plus vaste qui est son espace vital de civilisation. Ay
464 . Ayant redressé l’Italie, il voulait la conduire à l’Europe, à la fois fille de Rome et mère de nos nations. Et voilà qu
465 la terre « irredente » du Trentin, alors soumise à l’Empire autrichien. On a souvent noté que les dictateurs, de Napoléo
466 On a souvent noté que les dictateurs, de Napoléon à Staline, en passant par Hitler, viennent des confins de la patrie qu’
467 e revanche éclatante, pour la punir en la forçant à d’autres conquêtes épuisantes. Surenchère inconsciente et sadomasochi
468 gnent leur communauté après avoir lutté pour elle à l’étranger, c’est par amour non par esprit de ressentiment. Et c’est
469 e ». Ils l’ont presque faite, par les armes, mais à l’image de leur névrose nationaliste, préparant les lendemains humili
470 tti comme « assassin » et par quelques faussaires à gages comme ayant demandé aux Alliés de bombarder les villes italienn
471 nce antifasciste — qu’on se rappelle son discours à la Chambre, au lendemain du meurtre de Matteotti — était en réalité u
472 ue sa mort m’éprouve comme celle d’un ami. Ce fut à l’occasion de la table ronde convoquée l’an dernier à Rome par le Con
473 occasion de la table ronde convoquée l’an dernier à Rome par le Conseil de l’Europe. Pendant les cinq jours que durèrent
474 ue durèrent les débats que je dirigeais, siégeant à son côté, je n’ai cessé de l’observer, d’échanger avec lui ces remarq
475 cieuse et modeste, cette extrême attention portée à nos débats par un homme d’État du premier plan, me parurent d’autant
476 ence la pire des politiques. Qui dira le mal fait à l’Europe par ces « grandes voix » débitant avec âme des sophismes vul
477 peuvent nous demander pourquoi nous nous bornons à certains pays. Il n’est pas honnête de nous reprocher d’exclure le re
478 use, stipule-t-on par là une déclaration de haine à toutes les autres femmes ? » Jamais il n’a voulu parler de la « grand
479 taurer sa patrie dans sa dignité — pour l’Europe. À la veille de la conférence de Bruxelles, du haut de sa retraite monta
480 me, se voyait subitement compromise. Bien plus qu’ à sa retraite de la vie politique, c’est à cette trahison soudaine de l
481 plus qu’à sa retraite de la vie politique, c’est à cette trahison soudaine de la cause et des réalités européennes qu’il
15 1954, Preuves, articles (1951–1968). Politique de la peur proclamée (novembre 1954)
482 ement, sauf dans le seul cas où l’on attribuerait à « Peur de l’Allemagne » une valeur infinie. Ce que l’on fait, en réal
483 ée que si l’Allemagne disparaissait totalement et à tout jamais. Car s’il n’en restait qu’un, je craindrais celui-là, dit
484 tait bien vu. L’aveu de la peur n’était permis qu’ à l’esprit qui la maîtrisait : « Tu trembles, carcasse ! » Les Russes o
485 des Russes, mais leur gouvernement ne cherche qu’ à prévenir ou contenir le danger communiste. En France, on est plus nua
486 fectée du signe ∞, peut rendre un sens quelconque à ces divagations. ⁂ Quelqu’un n’a pas peur : M. Bevan. Malenkov l’a pl
487 t être adaptées, comme celles des autres nations, à l’évolution économique et sociale du pays. Il est donc normal d’admet
488 SS commandait de passer de la dictature d’un seul à celle de plusieurs ; de la liquidation des koulaks à celle des kolkho
489 elle de plusieurs ; de la liquidation des koulaks à celle des kolkhozes ; de l’accusation contre les médecins de Staline
490  ; de l’accusation contre les médecins de Staline à leur réhabilitation. On sent qu’il s’agit là d’une nécessité organiqu
491 e mouvement irrésistible qui porte tant de Russes à émigrer vers la Sibérie. Cependant, le problème de l’intervention des
492 hommes dans ce processus évolutif se pose encore à M. Bevan. Car c’est précisément « à cet égard » (c’est-à-dire au suje
493 « à cet égard » (c’est-à-dire au sujet du passage à la dictature collégiale) qu’il juge « intéressant d’examiner la posit
494 C’est un personnage agressif, dynamique, et tout à fait extraverti. » Tout le contraire de Staline, comme on voit. En 19
495 ation européenne n’est pas un vain mot. Elle joue à plein contre l’Europe. ⁂ Mais si 43 millions de Français de la Métrop
16 1955, Preuves, articles (1951–1968). De gauche à droite (mars 1955)
496 De gauche à droite (mars 1955)v « Parce que nous sommes soucieux de la logique
497 ner si nous avons eu tort ou raison de contribuer à l’échec de la CED. Nous ne le ferons pas ; quoi qu’il arrive maintena
498 bénéfice nous est acquis pour l’histoire : soumis à une formidable pression politique, morale, financière, venant des Éta
499 de quelle puissante « action » qui a « contribué à l’échec de la CED » et qui marque son point « pour l’histoire ? » Ce
500 s tombé sur la tête. « Tout ce qu’avaient raconté à l’opinion française les gens du MRP et de la droite était donc faux :
501 e la corporation militaire allemande fasse sentir à une démocratie incertaine le poids de sa force nouvelle… » (p. 667).
502 ns reçu d’autres témoignages d’anciens résistants à l’hitlérisme qui cherchent à émigrer ou qui, eux aussi, préfèrent le
503 d’anciens résistants à l’hitlérisme qui cherchent à émigrer ou qui, eux aussi, préfèrent le climat, pourtant contraint, d
504 pourtant contraint, de la République démocratique à la précaire liberté de la République fédérale, où la restauration con
505 gens du MRP, etc., avaient vu juste. Il ne reste à Esprit qu’à répéter la leçon connue : le réarmement allemand, autoris
506 , etc., avaient vu juste. Il ne reste à Esprit qu’ à répéter la leçon connue : le réarmement allemand, autorisé par les ac
507 nce » ( ?), « la création d’une force équivalente à l’Est ». Le schéma logique de cet article révèle une rigueur propreme
508 macht, et la Wehrmacht (de demain) étant destinée à provoquer la « création » d’une armée russe (que l’on croyait depuis
509 royait depuis longtemps glorieuse) — si cela mène à la guerre, ce sera la faute d’ Esprit . Esprit fut jadis la revue du
510 la ligne communiste. S’ils ne sont jamais arrivés à la trouver, c’est qu’ils la cherchaient vers la gauche. Aujourd’hui,
511 politique se précise. Ils s’opposèrent finalement à Mendès-France dans la mesure exacte où celui-ci s’éloignait des thèse
512 r ce qu’ils cherchaient depuis le début : c’était à droite. (Et même un peu plus loin.) v. Rougemont Denis de, « De ga
513 plus loin.) v. Rougemont Denis de, « De gauche à droite », Preuves, Paris, mars 1955, p. 92-93.
17 1955, Preuves, articles (1951–1968). Le Château aventureux : passion, révolution, nation (mai 1955)
514 ses, dont le thème unique est l’amour. Peu après ( à Lyon, en 1143), les chanoines instituent le culte de la Vierge. Et No
515 tuent le culte de la Vierge. Et Notre-Dame répond à la Dame des pensées, comme à la cortezia des troubadours la mystique
516 Et Notre-Dame répond à la Dame des pensées, comme à la cortezia des troubadours la mystique de l’amour divin d’un saint B
517 que de l’amour divin d’un saint Bernard, et comme à l’histoire exemplaire vécue par Héloïse et Abélard, le mythe de la pa
518 au Nord des Trouvères, inventeurs du roman, puis à toute l’Europe littéraire, la transmission des thèmes, sujets et proc
519 s thèmes, sujets et procédés peut être suivie pas à pas : nos plus grands érudits l’ont décrite. Mais le roman de Tristan
520 rience vécue de l’amour-passion y a trouvé, jusqu’ à nos jours, son langage et ses types de conduite, c’est-à-dire les moy
521 ire les moyens de s’avouer, de s’entretenir jusqu’ à l’exaltation, de mettre au défi la morale et finalement de lui dérobe
522 endie. Et je sais bien que de la passion mortelle à la romance plus ou moins exciting et de la mystique d’Amour au love i
523 énétré nos vies, et même si nos actions échappent à son emprise, il ne cesse de régner sur nos rêves et d’éveiller nos no
524 que le jeune Européen moyen ne ressemble pas plus à Tristan que n’importe quel fidèle endimanché aux martyrs dont le sang
525 l’existence, comme les règles d’un jeu suffisent à provoquer une ardeur insensée à propos de bouts de bois. Cette forme,
526 la scène de l’ordalie par le fer rouge, en arrive à duper Dieu lui-même. De fait, le xiie siècle, où la passion « naquit
527 Elles allèguent les abus, mais en réalité, c’est à l’usage même qu’elles en ont. Elles lui substituent le serment conclu
528 corps ouvre la Voie mystique, et l’abandon total à la passion est décrit comme une conversion : Alors la vraie Minne, l
529 nde comme n’étant pas du monde — n’est pas donnée à l’homme pour son plaisir : elle le saisit comme une grâce exigeante,
530 i ! » Vocation de souffrance et de fidélité jusqu’ à la mort divinisante, mais un seul être a pris la place de tous, et du
531 sporte au-delà de toute morale profane et lui dit à son tour comme Augustin à celui que sa foi délivre de la loi : ama et
532 rale profane et lui dit à son tour comme Augustin à celui que sa foi délivre de la loi : ama et fac quod vis ! La passion
533 obsédante qu’au sein d’un monde qui avait appris à croire à la valeur irremplaçable d’un seul être. « Je pensais à toi d
534 e qu’au sein d’un monde qui avait appris à croire à la valeur irremplaçable d’un seul être. « Je pensais à toi dans mon a
535 valeur irremplaçable d’un seul être. « Je pensais à toi dans mon agonie. J’ai versé telles gouttes de sang pour toi », di
536 nc apparaître que dans le monde où cette croyance à l’être unique faisait partie de la religion de tous. Son élan fou, qu
537 ’est le cri de l’âme « exilée », qui ne s’arrache à la matière et à la chair que pour sombrer. Mais alors la passion ne s
538 ’âme « exilée », qui ne s’arrache à la matière et à la chair que pour sombrer. Mais alors la passion ne serait-elle pas l
539 occidentale, échec fatal dès que l’âme se refuse à la totale incarnation, à l’abaissement dans le monde fini, lieu de no
540 dès que l’âme se refuse à la totale incarnation, à l’abaissement dans le monde fini, lieu de notre expérience salutaire 
541 principales de l’Occident. Il ne ramène pas l’âme à l’Orient symbolique, comme par une double négation, car l’Orient ne c
542 l’aspect d’une indécence profonde, d’une blessure à l’ordre cosmique, d’un crime absurde. Quant à la réalité, l’Oriental
543 ure à l’ordre cosmique, d’un crime absurde. Quant à la réalité, l’Oriental a connu les grands bouleversements d’empires e
544 n Asie, écrivait en 1930 Henri de Man, cela tient à l’absence du christianisme. Dès ce moment, d’ailleurs, un Japonais fo
545 chrétien Kagawa. Depuis lors, nous avons assisté à l’extension du communisme dans l’Asie. Mais prenons l’Inde : les prem
546 fut le converti Sun-Yat-Sen, protestant fanatique à ses débuts… Tout porte à rattacher le phénomène de la révolution à qu
547 en, protestant fanatique à ses débuts… Tout porte à rattacher le phénomène de la révolution à quelque qualité ou défaut s
548 t porte à rattacher le phénomène de la révolution à quelque qualité ou défaut spécifique de l’Occident ou de sa religion.
549 ce d’une justice universelle et non plus relative à la caste ou à la classe ; l’exigence de la liberté pour tout homme, q
550 ce universelle et non plus relative à la caste ou à la classe ; l’exigence de la liberté pour tout homme, quel que soit s
551  après J.-C. » et c’est une ère nouvelle, comptée à neuf. Toutes nos révolutions s’en souviendront. L’Orient n’a pas conn
552 qui a fait l’Histoire. L’Asie du Sud a duré jusqu’ à nous dans la continuité vivante de ses passés, dont nul n’est aboli n
553 out. Et par exemple : le passage de la conversion à la révolution, c’est-à-dire du modèle spirituel au phénomène politiqu
554 e les voit pas s’en prendre au régime impérial ni à l’institution de l’esclavage, par exemple11, lesquels ne seront pas a
555 . Et c’est accessoirement qu’elle a pu contribuer à modifier certaines structures décidément incompatibles avec sa concep
556 dences et de ces contradictions, il faut remonter à notre dialectique de la personne. Ce n’est pas la personne qui se dét
557 orsque la tricherie civique et politique en vient à dominer dans la cité, et que l’individu ne se sent plus encadré ni re
558 . Deux formules d’ordre sont en effet concevables à ce moment. Il y a l’Église et sa fraternité fondamentale dans l’amour
559 s de l’être mais du faire ; et, de plus, déléguée à l’action collective. L’individu imite le saut de la conversion, mais,
560 let. Saint-Just était un enfant de chœur, comparé à ces Philanthropes, sinon par l’intention du moins par le succès. Il n
561 télécommandes et ses missi dominici n’allaient qu’ à cheval. Mais sa Terreur valait les purges communistes, et son « cléri
562 n transcendante et par le recours direct de l’âme à Dieu. Mais qui peut en appeler des arrêts d’un Parti qui incarne la R
563 lors qu’il se sait illégitime dans sa prétention à régner au nom de tous contre une moitié du peuple, le Parti vit dans
564 éniles, et dont la « tyrannie », si on la compare à celles des disciplines d’État qui leur ont succédé, fut maintes fois
565 éennes, sans aucune exception notable, ont abouti à renforcer la tyrannie soit d’un homme, soit d’une classe, et toujours
566 on ou la vocation socialisée Goethe, assistant à la bataille de Valmy, s’écriait : « De ce lieu, de ce jour, on datera
567 ançais durent la victoire. Remarquons que ce cri, à ce moment-là, ne signifie point : Vive la France ! — pas davantage qu
568 ame un nouveau mythe. Il est comme une invocation à un dieu nouveau, une sorte de Gott mit uns aussitôt exaucé, puisque p
569 ar ce seul cri la bataille sera gagnée. La nation à l’état naissant, comme nous la trouvons à Valmy, c’est donc un idéal,
570 nation à l’état naissant, comme nous la trouvons à Valmy, c’est donc un idéal, une idéologie, le principe d’une nouvelle
571 parti ; et ce parti agit par le moyen de l’État. À l’intérieur du pays, la première tâche de l’État sera d’écraser les o
572 ’idéologie, le tout au nom de la Nation. Mais si, à l’intérieur, l’idée de nation devient entre les mains de l’État un in
573 strument d’oppression et de guerre civile larvée, à l’extérieur elle va devenir un instrument de guerre déclarée. Pourquo
574 que peuple mûrit un fruit ; son activité consiste à accomplir son principe, non à en jouir… Chacun a son principe auquel
575 n activité consiste à accomplir son principe, non à en jouir… Chacun a son principe auquel il tend comme à sa fin. Une fo
576 jouir… Chacun a son principe auquel il tend comme à sa fin. Une fois cette fin atteinte, il n’a plus rien à faire dans le
577 in. Une fois cette fin atteinte, il n’a plus rien à faire dans le monde. » Et encore : « À chaque époque domine le peuple
578 plus rien à faire dans le monde. » Et encore : «  À chaque époque domine le peuple qui incarne le plus haut concept de l’
579 cept de l’Esprit. » Voici donc les peuples élevés à la dignité d’intentions particulières de l’Esprit mondial, mais en mê
580 e fois doué de toute la personnalité dont il tend à priver les hommes réels, comment va-t-il se comporter dans le monde ?
581 nation, confisqué par l’État français, a conduit à des guerres d’agression. Celles-ci ont fait surgir d’autres nationali
582 rgir d’autres nationalismes, qui vont revendiquer à leur tour le droit de dominer l’époque. À cette fin, chacun prétendra
583 ndiquer à leur tour le droit de dominer l’époque. À cette fin, chacun prétendra qu’il incarne « le plus haut concept de l
584 sianisme despotique. Les petits pays se borneront à invoquer leurs traditions, leur folklore, ou même leur langue : c’est
585 ucun de ces « concepts de l’Esprit » ne parvenant à s’imposer, aucune nation ne dominera longtemps, mais aucune n’en tire
586 lusion, une fois vaincue, « qu’elle n’a plus rien à faire au monde ». Chacune se dira « souveraine », à l’imitation des r
587 faire au monde ». Chacune se dira « souveraine », à l’imitation des rois absolus qui n’avaient de comptes à rendre qu’à D
588 itation des rois absolus qui n’avaient de comptes à rendre qu’à Dieu seul — mais il n’y a plus de Dieu au-dessus des nati
589 rois absolus qui n’avaient de comptes à rendre qu’ à Dieu seul — mais il n’y a plus de Dieu au-dessus des nations. Le droi
590 scrupule communautaire, main dans la poche, prêts à tirer, vont essayer de faire la loi en Europe. On parlera beaucoup de
591 puisqu’ils n’acceptent aucune instance supérieure à leurs « droits » et limitant leur « absolue souveraineté ». Pendant c
592 certaine communion vague et puissante, qui permet à l’individu de dépasser son horizon restreint, de s’affranchir de ses
593 de beaucoup plus qu’il ne donne, infiniment plus, à l’absurde. Principe de haine plus que d’amour, la nation revendique d
594 -religieuse du nationalisme pouvait être mortelle à l’Occident, et je vois deux raisons considérables pour le craindre. L
595 atlantique et menace de livrer la moitié du monde à l’hégémonie des États-Unis. Ceux-ci n’ont pas souhaité cette responsa
596 l’esprit : « Toute plante qui souffre a tendance à produire fleurs et fruits. »16 (Un peu plus de souffrance et elle se
597 raient, mais aux dépens de la saveur des fruits.) À cette même crainte se rattache celle de voir s’évanouir, avec l’Europ
598 société. Toutes les trois sont mortelles et liées à la mort par une complicité originelle. Nous le savons, ou du moins no
599 lus profonds de notre situation dans l’Histoire ; à la genèse de toute notre Aventure. Elles sont les longues erreurs ins
600 ous sommes nés embarqués. Un dernier trait commun à toutes les trois achèvera de mettre en lumière leur relation congénit
601 e de l’homme occidental quand il cesse de marcher à l’étoile. Elles illustrent trois formes d’une seule et même révolte c
602 res religions par ce fait qu’il semble impossible à ses fidèles de satisfaire pleinement ses exigences. Voilà ce qui a mi
603 a soif inextinguible. Mais quand l’homme en vient à sentir qu’il ne pourra jamais atteindre au but final s’il n’accepte p
604 ’accepte pas en même temps que la Grâce subvienne à sa débilité et qu’ainsi le salut soit donné par Dieu seul, il se jett
605 es conditions données et substituant impatiemment à l’objet de son espérance celui d’une immédiate jouissance. La même ar
606 ieu qui doit être trop faible pour me contraindre à l’obéissance et à l’amour. La révolte ne se lève jamais contre la for
607 trop faible pour me contraindre à l’obéissance et à l’amour. La révolte ne se lève jamais contre la force à son zénith. M
608 our. La révolte ne se lève jamais contre la force à son zénith. Mais, d’un pouvoir qu’on tient pour affaibli, toute exige
609 ntre le Père les enfants qu’il n’a pas contraints à la vertu. Le Dieu du christianisme a laissé l’homme libre de pécher o
610 et vertigineuse, au nom d’une liberté qu’il rêve à sa mesure ; et ce rêve incarné devient une tyrannie. Passion, révolut
611 re sur nos esprits mesurait ce qu’on appelle bien à tort la « dé-christianisation de l’Occident ». On voit maintenant qu’
612 ividuelle et collective, pourrait bien se révéler à l’analyse intime comme plus et mieux « christianisée » dans ses struc
613 siècle. D’où l’on ne saurait conclure en poussant à l’absurde que l’incroyant moderne est plus « chrétien » que ne pouvai
614 porains même incroyants, et ne cesse de s’étendre à des régions nouvelles de notre existence profane. 9. Cf. L’Amour
615 Une version révisée de cet ouvrage doit paraître à la fin de cette année. 10. Tristan, de Gottfried de Strasbourg. 11
616 leur contenu sacré en refusant de rendre un culte à César et en épousant des esclaves. 12. On pourrait même soutenir que
617 subversif qu’en dépit des prétentions de l’Église à imposer un ordre permanent, une immobilité sacrée, à l’orientale. Kar
618 mposer un ordre permanent, une immobilité sacrée, à l’orientale. Karl Jaspers le souligne avec raison : « L’Empire de Byz
619 temporel. Ainsi le christianisme a-t-il été jusqu’ à encourager les aspirations libérales des adversaires de l’Église. » (
620 ou pense, si je suis chrétien. Tout camarade peut à chaque instant cesser de l’être, si je suis communiste. 14. Les chef
621 admirent le savent, et se gardent bien de toucher à l’idole, même s’ils n’y croient plus. « Ne mêlons pas, fût-ce une sec
18 1955, Preuves, articles (1951–1968). L’aventure occidentale de l’homme : L’exploration de la matière (août 1955)
622 es fanatiques parcourent les rues. Parfois, comme à Éphèse et Chalcédoine, tout un monde de laïques ambitieux, de soldats
623 cile, attendant l’occasion d’intervenir en force. À l’intérieur, les incidents de séance se multiplient. « On dirait un e
624 et les fonctionnaires de l’Empire ont pris place à la balustrade de l’autel. Des tumultes s’élèvent et les Pères crient 
625 aie Foi ! C’est la Foi des Apôtres ! » « Anathème à celui qui ne croit pas ainsi ! Chassez Eusèbe, qu’on le coupe en morc
626 le divise lui-même ! » Des rédactions improvisées à la dernière minute sont mises aux voix. Le vote est emporté, mais des
627 rvis fait irruption, Hilaire ne doit son salut qu’ à la fuite, Flavien meurt sous les coups de bâton. Au soir, le dogme es
628 e les quartiers, reconduit les évêques en cortège à la lueur des torches et dans l’encens des cassolettes à parfum. Tel e
629 ueur des torches et dans l’encens des cassolettes à parfum. Tel est donc le spectacle offert par les premières assises du
630 physique la plus subtile, pour n’aboutir enfin qu’ à des définitions à peine différentes des anciennes ou de celles qu’il
631 a18, en réalité, de la définition de la personne, à partir des Personnes divines, et particulièrement de celle du Christ,
632 s relations intradivines et les relations de Dieu à l’homme révélées par la venue du Christ, Dieu qui est le Père en tant
633 ions et de mots inadéquats, au surplus difficiles à concilier. L’hellénisme avait dégagé les notions de l’être distinct,
634 cte de création des grands conciles consista donc à opérer la transmutation périlleuse d’un mot latin et de contenus hell
635 pital de l’anthropologie occidentale. De Nicée à la bombe atomique Que les options fondamentales décidées au concil
636 re compte du fait certain que la Science est liée à l’Occident, si l’on partait encore du vieux conflit entre la science
637 problème. La doctrine de l’Incarnation, précisée à l’extrême par les Pères grecs, et maintenue par des soins jaloux au p
638 en tension, ou mieux par tensions, qui sera jusqu’ à nous la marque et le ressort de l’esprit de recherche occidental, en
639 ipe. Enfin, nous avons vu que la foi met un terme à la magie, aux mythes, aux religions naturelles, qui tenaient lieu de
640 une seule et même Personne, et si cette Personne à son tour est à la fois vraiment distincte et vraiment reliée au sein
641 et bien de vivre leur tension. Et c’est ainsi qu’ à tous les degrés, de proche en proche, sur tous les plans de notre pen
642 . Je ne dis pas que ce passage de la christologie à la psychologie soit légitime — ni les théologiens ni les savants ne d
643 il a eu lieu, et secundo qu’il appartient de fait à la définition de l’Occident. Or ce type de pensée se manifeste aux ét
644 e de l’autre. Seule l’Europe — et de plus en plus à mesure qu’on se rapproche du xxe siècle — a osé ce mouvement de l’es
645 « vrais corpuscules », n’a-t-elle pas donné lieu à d’infinis débats dans lesquels on pourrait retrouver — et ce jeu n’es
646 ein et de Broglie, non moins acharnés qu’Athanase à trouver une synthèse « catholique »… Une démonstration analogue à cel
647 nthèse « catholique »… Une démonstration analogue à celle que je viens d’esquisser en partant de la christologie pourrait
648 aite à partir de la doctrine trinitaire. De Nicée à S. Augustin, puis à Anselme de Canterbury, à Thomas d’Aquin ou à Joac
649 doctrine trinitaire. De Nicée à S. Augustin, puis à Anselme de Canterbury, à Thomas d’Aquin ou à Joachim de Flore, pour a
650 icée à S. Augustin, puis à Anselme de Canterbury, à Thomas d’Aquin ou à Joachim de Flore, pour aboutir à Hegel, dont proc
651 puis à Anselme de Canterbury, à Thomas d’Aquin ou à Joachim de Flore, pour aboutir à Hegel, dont procèdent Marx et ses di
652 homas d’Aquin ou à Joachim de Flore, pour aboutir à Hegel, dont procèdent Marx et ses disciples, jusqu’à nous, la doctrin
653 egel, dont procèdent Marx et ses disciples, jusqu’ à nous, la doctrine trinitaire n’a cessé de propager dans les domaines
654 e plus en plus « humains » un type de dialectique à trois termes qui, finalement détaché de son objet primitif, est deven
655 conscrit et valorisé le champ même des recherches à venir. Comment nier la réalité de la matière et de notre chair, quan
656 mouvement descendant qu’il évoque, tout contribue à concentrer l’attention vitale du croyant sur la réalité, déchue mais
657 de la servitude de la corruption, pour avoir part à la liberté et à la gloire des enfants de Dieu ». Voici donc l’homme c
658 de la corruption, pour avoir part à la liberté et à la gloire des enfants de Dieu ». Voici donc l’homme chargé d’une miss
659 il peut être corrigé par l’expérience, corrigeant à son tour les rêveries de la raison ; la parenté entre notre œil et la
660 ns une profonde complicité de l’espérance, d’être à son tour interprété et révélé… Celui qui estime vraiment que le monde
661 re pour permettre la science. Les Grecs croyaient à l’ordonnance cosmique, mais ils n’en retenaient pour vraie que la Bea
662 de créé par Dieu. Là, toute chose, belle ou laide à notre idée, implique une intention, trahit un sens, est intéressante
663 sité de l’expérience possible, le Grec s’en tient à des images cosmiques fermées, à la beauté du cosmos tel qu’il le conç
664 e Grec s’en tient à des images cosmiques fermées, à la beauté du cosmos tel qu’il le conçoit, à la transparence logique d
665 mées, à la beauté du cosmos tel qu’il le conçoit, à la transparence logique de la totalité posée par l’esprit… Et il ne s
666 émocrite ; Thomas aussi, et même Descartes cèdent à cette impulsion grecque qui veut à tout prix établir une forme close,
667 scartes cèdent à cette impulsion grecque qui veut à tout prix établir une forme close, paralysant ainsi la science. Entiè
668 ite élargie, enrichie, et poursuivre ce processus à l’infini sans être comblée jamais. La science moderne est née d’une r
669 loin de se refermer sur elle-même, reste ouverte à l’irrationnel et réussit même à y pénétrer en s’y subordonnant. D’où
670 me, reste ouverte à l’irrationnel et réussit même à y pénétrer en s’y subordonnant. D’où vient cette exigence proprement
671 e la vérité absolue ne veut pas qu’on le saisisse à l’aide d’illusions. Il rejette les théologiens qui tentent de console
672 de Dieu, même quand elle semble nuire au groupe, à la tribu, à leurs lois et coutumes sacrées, que l’on prend pour l’Ord
673 me quand elle semble nuire au groupe, à la tribu, à leurs lois et coutumes sacrées, que l’on prend pour l’Ordre et le Bie
674 de voir, au surplus, comment la science est liée à l’attitude et à la dialectique fondamentales du christianisme. C’est
675 plus, comment la science est liée à l’attitude et à la dialectique fondamentales du christianisme. C’est pourtant le maté
676 st la rupture avec cet « Orient »-là, consécutive à la Renaissance, et consommée dès l’aube de l’ère technique, qui a don
677 ’aube de l’ère technique, qui a donné libre cours à l’extrémisme occidental que fut le matérialisme sous ses formes diver
678 aut de mettre en lumière par d’insistants rappels à la christologie, forme première du paradoxe vivant dont le spirituali
679 aut et l’autre par en bas. Malgré ses prétentions à l’objectivité, le matérialisme est demeuré, du moins chez ses théoric
680 un point de vue typiquement polémique, consistant à nier l’Esprit même qui avait permis de valoriser chair et matière. Il
681 rödinger écrivait : « Le physicien d’aujourd’hui, à l’intérieur du domaine propre de sa recherche, ne peut plus établir u
682 oyons « observer » ou calculer… Nous verrons tout à l’heure que cela n’affecte en rien la dialectique transcendance-imman
683 e… Mais il faut voir tout de suite que cela ruine à jamais les « certitudes » de la pensée matérialiste. Celles-ci se fon
684 par les seules expériences qu’on peut reproduire à volonté, toutes choses étant d’ailleurs matériellement égales26. L’ex
685 : elle signifiait l’évidence absolue, mettant fin à toute discussion. La science était censée garantir ce point de vue, a
686 la science réelle allait ailleurs. Elle retirait à la matière, l’une après l’autre, ses qualités classiques de vraie mat
687 cela » restait calculable. « Une figure passagère à l’intérieur d’un champ ondulatoire, mais dont la forme et la complexi
688 résulte que le matérialisme vulgarisé, survivant à ce qui fut sa base, n’est plus guère qu’une superstition. Il entretie
689 erdu, ou comme certaines de nos propres coutumes, à notre insu, remontent au temps de l’animisme. En revanche, les spirit
690 thématiques, et qui semble appartenir, par suite, à la pensée et à ses lois, voilà qui tendrait à prouver l’existence d’u
691 qui semble appartenir, par suite, à la pensée et à ses lois, voilà qui tendrait à prouver l’existence d’une continuité e
692 te, à la pensée et à ses lois, voilà qui tendrait à prouver l’existence d’une continuité entre la matière brute et la pen
693 issent saint Paul et l’Évangile. De la science à la théologie La question se ramène à savoir qui décide, et qui dét
694 a science à la théologie La question se ramène à savoir qui décide, et qui détient la preuve de la réalité. L’Occident
695 ur toutes pris la place. Ce changement représente à ses yeux un indiscutable progrès. Quand on lui demande pourquoi, il r
696 r les faits affirmés par la science, cela revient à dire qu’il a choisi de « croire » — non moins aveuglément que le médi
697 tous les points de l’Univers se transmettraient «  à la vitesse de la pensée », c’est-à-dire sans nulle perte de temps29.
698 le, notre image du monde s’évanouit. Elle échappe à notre raison, comme elle avait déjà échappé à nos sens. Dépassée la m
699 ppe à notre raison, comme elle avait déjà échappé à nos sens. Dépassée la matière, qui était pourtant devenue l’objet pri
700 e explosion primitive, et qui reviendra peut-être à son point initial, vous n’irez pas plus loin ni plus longtemps que la
701 atérialisé de notre période einsteinienne revient à constater que la Maya est tout, et qu’il est fou de penser à n’import
702 que la Maya est tout, et qu’il est fou de penser à n’importe quoi d’autre, c’est qu’alors il est faux de penser « Dieu »
703 ussi de penser « Liberté ». Le refus qu’on oppose à ma question dernière dissimule un refus d’être mis en question par au
704 ergie qui retourne sans cesse au non-manifesté31. À ce cycle infini, l’homme oppose sa Question. Nulle réponse, nul refus
705 ette « voie négative » de la science nous conduit à l’inconnaissable. C’est le nom de l’absence de Dieu pour l’homme. L’i
706 mposant le noyau atomique est toujours inférieure à la masse totale de ce noyau (le défaut de masse étant représenté, cro
707 . D’autres incompatibles ne tiennent peut-être qu’ à l’insuffisance provisoire de nos mesures : ainsi le fait que l’âge de
708 oleil (3-4 milliards d’années) apparaît supérieur à l’âge de l’Univers, que les calculs les plus exacts opérés sur les ga
709 exacts opérés sur les galaxies lointaines fixent à 2 milliards d’années au plus… 21. Voir là-dessus la critique décisiv
710 ons sommairement : la doctrine trinitaire fournit à notre esprit le moyen de penser la synthèse dont la christologie évei
711 itive et affective. L’erreur moderne est générale à ce sujet : elle en vient souvent à l’excès d’identifier la chair avec
712 e est générale à ce sujet : elle en vient souvent à l’excès d’identifier la chair avec la seule sexualité ! 23. Karl Jas
713 on isolée de ses complémentaires et poussée jusqu’ à l’absolu. Une doctrine ne peut être qualifiée d’hérétique que si elle
714 ute ? Et la théologie du temps — je pense surtout à celle des pays protestants, les plus féconds, alors, du point de vue
715 int de vue scientifique — aurait-elle grand-chose à lui offrir ? Elle n’a jamais été plus éloignée des grandes affirmatio
716 e et court après la science… 26. Ce qui équivaut à dire que l’état spirituel, le projet subjectif, le motif personnel, l
717 Car les vérités théologiques d’alors étaient plus à la portée du croyant moyen que les théories de la mécanique ondulatoi
718 des quantas ne le sont du moderne qui ne croit qu’ à la science. 29. Cf. O. L. Reiser, « The Field theory of Matter in a
719 sait quels archétypes formateurs… 31. J’anticipe à dessein sur un succès total de la science actuelle et de son orientat
19 1955, Preuves, articles (1951–1968). L’aventure technique (octobre 1955)
720 âme, selon la métaphore indéfendable (mais facile à citer) de Bergson. On dénonce la dépersonnalisation de l’homme qui se
721 la dépersonnalisation de l’homme qui serait liée à la production en série. On prédit le règne des robots. On va jusqu’à
722 série. On prédit le règne des robots. On va jusqu’ à l’excès — devenu courant — d’opposer la bombe H à l’idée du progrès,
723 à l’excès — devenu courant — d’opposer la bombe H à l’idée du progrès, voire à la recherche scientifique en général : c’e
724 — d’opposer la bombe H à l’idée du progrès, voire à la recherche scientifique en général : c’est maudire l’électricité à
725 s. Il y a beau temps que les ouvriers ont renoncé à briser les machines, et les bourgeois s’en sont toujours gardé. Et qu
726 i ont décidé de sortir du monde et de se remettre à tisser leurs vêtements, etc., il n’est rien sorti de durable de leurs
727 essimisme des masses ; elle contribue de la sorte à entretenir cette « crise », qui est le thème préféré de nos meilleurs
728 toire de la technique va des débuts de l’humanité à la fin du xviiie siècle. L’histoire de la technique comme entité dis
729 de Colomb. L’architecture hindoue ne le cède pas à la nôtre. Les industries artisanales du textile, du papier et de l’im
730 e l’imprimerie, d’abord en retard chez nous jusqu’ à la Renaissance, ne dépassent guère celles de l’Asie jusqu’à l’inventi
731 ssance, ne dépassent guère celles de l’Asie jusqu’ à l’invention des machines. Vers 1800, tout va changer très brusquement
732 mme répondant au défi de la Nature : il se défend à l’aide d’objets plus durs prolongeant l’action de ses mains et les dé
733 a jamais rien inventé32. Finalement, de Nietzsche à Spengler, en passant par Scheler et Schubert, on nous a représenté un
734 roie qui se jette sur la Nature pour la soumettre à sa « volonté de puissance ». On invoque Prométhée, mais c’est la seul
735 nt de sa personnalité » ? Certes, elle l’obligera à peiner très durement dans nos climats occidentaux, pour se nourrir, s
736 é de puissance » qui serait une relation de force à sens unique, inimaginable à ce stade, sentons là le besoin de jouer,
737 une relation de force à sens unique, inimaginable à ce stade, sentons là le besoin de jouer, mais au sens fort du mot, qu
738 us souvent, n’en rend pas compte : tout est magie à l’origine, tout est dialogue avec les forces naturelles qu’il faut sé
739 pluie, les puissances fécondantes, vont continuer à « jouer le jeu » selon les règles. Ainsi l’humanité dans ses rites re
740 t réel de l’énorme majorité des inventions, jusqu’ à notre ère. L’homme crée des outils parce qu’il joue avec les démons c
741 rable, bricoleur sans culture ni génie, cherchait à construire une « locomotive routière » qui ne fût pas astreinte à sui
742 « locomotive routière » qui ne fût pas astreinte à suivre la loi rigide des voies ferrées et ses horaires, mais pût alle
743 des voies ferrées et ses horaires, mais pût aller à l’aventure : rêve typique de l’adolescence. Il le réalisa en 1893, qu
744 années après l’Allemand Otto, inventeur du moteur à explosion interne. On n’ignore pas d’ailleurs que des douzaines d’inv
745 e des inventions non faites, ou non « utilisées » à notre idée, conduirait aux mêmes conclusions. Pourquoi les Mayas ne l
746 struments d’une civilisation naissante permettent à l’homme de mettre une sorte de distance entre la Nature et sa vie — c
747 rps, de ne pas mourir… Ce qui s’oppose et résiste à ce Bien, ce sont alors les servitudes de la Nature, la nécessité anim
748 ’entre les hommes concevront Dieu comme semblable à leur Bien : il sera bon, juste, parfait et immortel, sa toute-puissan
749 que par le principe démoniaque, assimilé dès lors à la Nature. Le Dieu du Bien ne peut être auteur du Mal. La Nature est
750 ra jamais libre et vraiment bon que s’il parvient à s’évader de la chair, de la matière et de la vie naturelle, règne et
751 matière, chair et Nature, ne peuvent conduire qu’ à la condamnation et à l’abandon de toute espèce d’effort technique. De
752 ture, ne peuvent conduire qu’à la condamnation et à l’abandon de toute espèce d’effort technique. Devant cette même Natur
753 technique moderne, en ôtant beaucoup de scrupules à ses agents et usagers. Histoire Redescendons maintenant au prés
754 ablement la vie quotidienne du grand nombre jusqu’ à la Première Guerre mondiale. Une proportion infime de nos populations
755 n de fer, par exemple, et tous les trains de 1830 à 1900 ont sans doute transporté moins de voyageurs que ne le font nos
756 e personnel… (Et non pas « dominer la Nature ! ») À la rencontre de ces vœux modestes, voici les dons inouïs de la techni
757 nt nos désirs secrets, mais beaucoup ne répondent à rien : la technique qui les donne doit les faire accepter et créer le
758 ividendes et records, donne une telle consistance à l’industrie de l’auto qu’on oublie qu’elle est née d’un fantasme (au
759 ntrent en jeu qu’après coup ? Le problème revient à savoir comment et pourquoi la technique a pris un brusque essor à tel
760 et pourquoi la technique a pris un brusque essor à tel moment donné de l’Aventure occidentale. Il serait vain de cherche
761 va de soi : mathématiques, physique, chimie sont à l’origine immédiate des inventions majeures de la technique. Mais ell
762 asser de la volonté de connaissance désintéressée à l’idée d’appliquer certains de ses résultats, il fallait d’autres hom
763 s. C’est ainsi que les applications de la science à la vie sociale, favorisées par une mystique qui tendait au salut conj
764 pas su prévoir l’effroyable rançon qu’elle aurait à payer fatalement pour le développement anarchique du machinisme : l’a
765 t quant aux fins : la technique devait contribuer à libérer l’homme du travail, c’est-à-dire de la peine requise par les
766 par les besoins de sa subsistance ; elle tendait à le libérer pour d’autres tâches, non pas à augmenter sa peine à seule
767 endait à le libérer pour d’autres tâches, non pas à augmenter sa peine à seule fin d’augmenter ses besoins naturels et de
768 our d’autres tâches, non pas à augmenter sa peine à seule fin d’augmenter ses besoins naturels et de leur en ajouter d’ar
769 urnée. Les ouvriers américains et scandinaves ont à domicile les produits de leur travail : autos, radios, frigidaires et
770 ment de la vie spirituelle. C’est battre la table à laquelle on s’est heurté. Mais c’est aussi cacher ses doutes intimes
771 , ce n’est tout de même pas leur faute. Retour à l’axe Au contraire du bouddhisme et du manichéisme, l’orthodoxie c
772 son fondement toujours actuel, le lui interdirait à elle seule. La Nature doit être sauvée par le moyen de l’homme sauvé,
773 par le moyen de l’homme sauvé, ayant été soumise à la corruption non de son gré, mais à cause du péché38. Il s’ensuit qu
774 été soumise à la corruption non de son gré, mais à cause du péché38. Il s’ensuit que l’effort de l’homme pour la soumett
775 as dans les choses, mais dans l’homme. Il est lié à notre liberté. Il tient à notre condition, comme l’avers tient à l’en
776 ans l’homme. Il est lié à notre liberté. Il tient à notre condition, comme l’avers tient à l’envers. Il est dans notre es
777 . Il tient à notre condition, comme l’avers tient à l’envers. Il est dans notre esprit, n’existe pas ailleurs, et c’est e
778 ue la position néo-manichéenne, obéissent en cela à deux motivations qu’il importe de distinguer. 1° L’idée chrétienne qu
779 douée d’une sorte d’intrinsèque capacité de nuire à l’homme. Retour à la magie. Cette double confusion me paraît rendre c
780 d’intrinsèque capacité de nuire à l’homme. Retour à la magie. Cette double confusion me paraît rendre compte des erreurs
781 . C’est lui qui a fait la Bombe et qui se prépare à l’employer. Le contrôle de la Bombe est une absurdité. On nomme des C
782 agacé par le bruit, c’est que vous vous attendez à quelque chose que vous ne désirez pas manquer. Vous n’êtes donc escla
783 re. Voyez les soins dont il l’entoure ! Il voyage à cause d’elle, il se ruine pour elle, un beau jour à cause d’elle il s
784 cause d’elle, il se ruine pour elle, un beau jour à cause d’elle il se tuera ! Cependant, tel autre en fait autant pour l
785 sur la standardisation du travail. On nous répète à droite autant qu’à gauche que le travail à la chaîne déshumanise, et
786 ion du travail. On nous répète à droite autant qu’ à gauche que le travail à la chaîne déshumanise, et que nous vivons dan
787 répète à droite autant qu’à gauche que le travail à la chaîne déshumanise, et que nous vivons dans le monde sans âme de l
788 rtains comportements que d’autres hommes imposent à l’ouvrier, moins pour lui rendre aisé le maniement de sa machine que
789 . Les découvertes géniales d’Einstein aboutissent à la Bombe atomique. Malédiction sur l’invention ! Mais que veut-on dir
790 e ne sont pas nos protestations contre le travail à la chaîne qui libéreront le prolétariat, mais le remplacement des tra
791 eux grands problèmes des plus réels vont se poser à l’humanité de l’Occident. Un danger : la technocratie. Une promesse e
792 buts derniers de son existence se met fatalement à parler des « exigences de la technique ». C’est alors seulement que l
793 buts derniers de l’aventure humaine conduit alors à la Technocratie, qui est le gouvernement des moyens sur les fins. (Le
794 étatisme, mais on peut pousser la technique jusqu’ à des succès décisifs, créant une nouvelle situation. Si demain la tech
795 niques ne concerneront plus que lui. Qu’aura-t-il à offrir aux humains libérés pour d’autres rêves et d’autres jeux, c’es
796 . Le niveau de vie moyen en Europe est passé de 1 à 15, nous dit-on, de 1800 à 1950. (On précise qu’il est dix fois plus
797 Europe est passé de 1 à 15, nous dit-on, de 1800 à 1950. (On précise qu’il est dix fois plus élevé en 1954 qu’en 1880.)
798 ais voici qui présente un sens très net : de 1890 à 1954, la semaine de travail dans le textile est passée de 65 heures à
799 e travail dans le textile est passée de 65 heures à 40 heures, et l’année de travail pour les cheminots de 3900 heures à
800 nnée de travail pour les cheminots de 3900 heures à 2000 heures, tandis que la production ne cessait d’augmenter. Le lois
801 gmente de 70 000 âmes par jour, a paru s’éloigner à mesure que l’Occident prenait une conscience plus exacte du sort des
802 ns de la technique. Ce sont maintenant les moyens à trouver qui devront s’adapter à cette fin reconnue, non l’inverse com
803 tenant les moyens à trouver qui devront s’adapter à cette fin reconnue, non l’inverse comme auparavant. Ces moyens à trou
804 onnue, non l’inverse comme auparavant. Ces moyens à trouver, nous en tenons les principes : énergie nucléaire, chlorella,
805 nergie nucléaire, chlorella, photosynthèse, plans à l’échelle mondiale. D’ici vingt ou trente ans, selon nos meilleurs ex
806 bution socialisée des biens produits en abondance à très bas prix ; que la mise en valeur de l’Afrique, de l’Asie, des ré
807 es si vraiment la technique les libère subitement à ce degré-là ? Je n’en sais rien. Savait-on beaucoup mieux, aux enviro
808 a technique, demain — comme elle le peut — permet à la société d’assurer à très bas prix ces conditions élémentaires, le
809 omme elle le peut — permet à la société d’assurer à très bas prix ces conditions élémentaires, le « temps vide » du loisi
810 naire : « La gagner ! » Elle sera subitement mise à nu. Je n’entends pas peindre ici quelque utopie qui pourrait amuser n
811 expérience des vacances payées nous l’a fait voir à une échelle réduite, mais dans un temps trop court pour qu’on disting
812 culture. On y publie plus de livres que jamais et à vil prix : les bibliothèques et les foyers de culture locaux se génér
813 venir sur nos murs sous forme de reproductions «  à s’y méprendre » ; toute la musique nous vient à domicile par la radio
814 « à s’y méprendre » ; toute la musique nous vient à domicile par la radio et par le disque ; des conférences, causeries e
815 ussi de mieux comprendre les chefs-d’œuvre… Quant à la qualité, ou créativité, ou nocivité relative de cette invasion de
816 tivités dites créatrices, des mathématiques pures à la poterie, et de la métaphysique à la sculpture des meubles. C’est a
817 atiques pures à la poterie, et de la métaphysique à la sculpture des meubles. C’est ainsi que la technique, pratiquement,
818 t, elle est surtout — et devrait être — accession à la vérité, et peu importent les moyens.) On voit donc mal, à première
819 , et peu importent les moyens.) On voit donc mal, à première vue, comment une ère technique conduirait aux religions. L’a
820 eligions. L’ascèse était, en fait, une résistance à la technique sous ses formes primitives, comme la mystique était un m
821 pourra difficilement prendre la forme d’un retour à la nature — au métier à tisser de Gandhi, par exemple —, puisque c’es
822 ndre la forme d’un retour à la nature — au métier à tisser de Gandhi, par exemple —, puisque c’est la technique préciséme
823 t la connaissance précise du dogme. Le « mystique à l’état sauvage » — selon l’expression que Claudel appliquait au cas d
824 as là. La télévision, la radio apportent le monde à domicile, et les spectacles solennels organisés par l’art ou par le s
825 ar le sport préparent les masses et les individus à des liturgies imprévues. Les religions de « divertissement » au sens
826 on ; demain, des règles de yoga « scientifique », à l’occidentale. Beaucoup d’esprits légers s’imaginent l’homme comme un
827 homme comme une sorte de ballon qui ne demande qu’ à « s’élever » dès qu’il est délivré des soucis quotidiens. La preuve q
828 la politique, le cinéma, ou l’Art lui-même. Quant à savoir si cela représentera un progrès ou un risque nouveau, voilà qu
829 grès ou un risque nouveau, voilà qui nous conduit à reconsidérer le sens et la nature finale du Progrès. Celui-ci n’est-i
830 ces qui ont produit les grandes inventions, jusqu’ à nos jours, prouve que l’appât du gain ou du confort n’est presque jam
831 Cf. D. Brinkmann, Mensch und Technik, 1936, p. 85 à 92 et passim.) Cela changera au xxe siècle, avec l’institution des l
832 nipuler les substances radioactives, par exemple. À son tour, la découverte de la radioactivité ne répondait à aucun beso
833 r, la découverte de la radioactivité ne répondait à aucun besoin utilitaire, mais en a créé beaucoup, devenus « vitaux ».
834 xviiie et du xixe siècles. Leur lignée remonte à Paracelse, par Jérôme Cardan, Leibniz, Denis Papin, à travers les pié
835 ers les piétistes du xviiie siècle, pour aboutir à une pléiade de chercheurs plus ou moins « délirants », dont le mystic
836 Swedenborg et Novalis. 36. Le modèle qui servit à Goethe pour écrire la fin du second Faust fut l’ingénieur anglais W.
837 vivants d’un mécanisme mort ». 38. Romains 8, 18 à 24. 39. Auguste Barbier, Iambes, cité par P. M. Schuhl, Machinisme e
838 lein. Cette hiérarchie des valeurs a dominé jusqu’ à nos jours. Elle explique en partie la résistance des syndicats aux te
839 naliste » du monde. D’où son succès mondial jusqu’ à la dernière guerre. André Breton n’a pas cessé de chercher une vision
840 43. Nos sectes orientalistes font parfois penser à quelqu’un qui inventerait une machine à monter les escaliers, au lieu
841 is penser à quelqu’un qui inventerait une machine à monter les escaliers, au lieu de prendre l’ascenseur. y. Rougemont
20 1956, Preuves, articles (1951–1968). Les joyeux butors du Kremlin (août 1956)
842 peut sembler toutefois que, de la mort du despote à la publication du rapport de Khrouchtchev en Occident, une courbe rég
843 affirmation du pouvoir collégial, dégel, excuses à Tito, esprit de Genève, XXe Congrès, thé à Windsor, relâchement des l
844 xcuses à Tito, esprit de Genève, XXe Congrès, thé à Windsor, relâchement des liens entre Moscou et les PC européens… Ne s
845 probable de l’URSS : la plupart me semblent céder à la manie d’historiser le présent, et de n’en vouloir juger — si l’on
846 nt de l’Histoire, fiction commode. Loin d’ajouter à cette littérature, j’examinerai les trois questions suivantes : Que s
847 lution — aspect mental de l’inertie — nous incite à combler les lacunes, à déplacer un peu les points remarquables pour q
848 de l’inertie — nous incite à combler les lacunes, à déplacer un peu les points remarquables pour qu’ils s’alignent plus r
849 nent plus régulièrement. Elle nous incite surtout à ne pas tenir compte d’une série de faits moins frappants (puisqu’il s
850 e déclarations) — faits tout de même, qui, reliés à leur tour, définiraient une courbe d’allure bien différente… Je ne pr
851 ires toutes les deux. Mais l’illusion d’un retour à la démocratie comble nos vœux, tout concourt à l’accréditer : qu’il s
852 ur à la démocratie comble nos vœux, tout concourt à l’accréditer : qu’il s’agisse du besoin d’avoir moins peur de leurs p
853 aircies. K. n’ignore pas les bruits qui circulent à ce propos ; mais il omet de les réfuter dans son rapport. 2. K. limit
854 rapport. 2. K. limite ses attaques contre Staline à ce qui s’est passé depuis 1934, et seulement aux dépens des « bons co
855 e bouffonnerie, probablement insurpassable, porte à sa perfection le style d’un Vychinski, stalinien s’il en fût jamais.
856 révision. Il reprend au contraire leurs verdicts à son compte, s’agissant de leurs victimes les plus spectaculaires. 5.
857 la seule mesure qui donnerait un contenu concret à cette promesse : la reconnaissance du droit d’opposition. 7. K. deman
858 même coup, condamner toute espèce de Résistance : à bon entendeur, salut ! Et c’est aussi contraindre les PC étrangers, p
859 C étrangers, pour lesquels l’excuse ne vaut rien, à justifier « dialectiquement » leur servilité spontanée. Celle-ci étan
860 e-ci étant acquise, K. ne risque plus grand-chose à exiger « l’autonomie » d’esclaves aussi rigoureusement conditionnés.
861 té dont K. et tous les PC (obéissant spontanément à ses ordres) nous rebattent les oreilles, il suffit de poser deux ques
862 lte, en tant que tel, n’a pas fait le moindre mal à l’URSS, ni aux PC45. Bien au contraire. La meilleure preuve, c’est qu
863 changeant seulement les photos. Lénine, substitué à Staline, ne serait-il pas une « personnalité » ? Et son mausolée de l
864 is uniquement verbale, du culte des chefs, répond à une nécessité plus impérieuse : c’est l’alibi de la dictature, devenu
865 c’est l’alibi de la dictature, devenue difficile à défendre, mais qu’il faut maintenir à tout prix. Sacrifier post morte
866 e difficile à défendre, mais qu’il faut maintenir à tout prix. Sacrifier post mortem le seul Staline, ce n’est rien sacri
867 qu’il en appelle de la dictature d’un paranoïaque à celle de ses favoris. Au vrai, ce n’est pas tel ou tel trait de folie
868 é régie par un chef souverain qui n’est comptable à personne se trouve entre les mains d’un malade », écrivait Simone Wei
869 une pareille imposture, la brutalité de l’outrage à toute honnêteté de pensée comme à toute dignité humaine, peuvent désh
870 té de l’outrage à toute honnêteté de pensée comme à toute dignité humaine, peuvent déshonorer K. devant les siècles, mais
871 ire non ses gains, s’instituent ses dénonciateurs à seule fin d’ajouter une prime de moralité au produit de leur commune
872 commune exploitation du peuple, personne ne songe à contester à ces joyeux et francs butors l’usage enfin « démocratique 
873 oitation du peuple, personne ne songe à contester à ces joyeux et francs butors l’usage enfin « démocratique » et « pacif
874 Lorsque Mussolini, s’étant emparé des Baléares à la faveur de la guerre civile, offrit de les rendre à Franco moyennan
875 faveur de la guerre civile, offrit de les rendre à Franco moyennant une solide contrepartie, j’écrivis : « Aujourd’hui,
876 ocrisie était jadis l’hommage que le vice rendait à la vertu. Elle est devenue la vertu même, pour ceux qui jugent au nom
877 années de « rééducation » ne feraient pas de mal à tous ces fonctionnaires dont les réflexes ont été conditionnés pendan
878 on pourrait croire, autrement, qu’elle ne sert qu’ à tromper les peuples, à nier les évidences, à fuir les châtiments, et
879 rement, qu’elle ne sert qu’à tromper les peuples, à nier les évidences, à fuir les châtiments, et à mettre les crimes dan
880 t qu’à tromper les peuples, à nier les évidences, à fuir les châtiments, et à mettre les crimes dans le sens de l’Histoir
881 , à nier les évidences, à fuir les châtiments, et à mettre les crimes dans le sens de l’Histoire, pour les rendre accepta
882 es familles et les amis de ces complices, ruinent à jamais, par un exemple décisif, la seule excuse des camps qu’ils ont
883 . Qui a tué Staline ? Tout cela tendrait-il à prouver qu’il n’y a pas eu « déstalinisation » ? Nullement. Je cherch
884 oir un ensemble de faits que le mot ne suffit pas à caractériser ; et à mettre en lumière ce qu’il tend à cacher. Il est
885 aits que le mot ne suffit pas à caractériser ; et à mettre en lumière ce qu’il tend à cacher. Il est clair que Staline es
886 ractériser ; et à mettre en lumière ce qu’il tend à cacher. Il est clair que Staline est renié. Mais il est non moins cla
887 n règne, ne se voient dénoncés que des lèvres, et à seule fin d’exonérer le groupe qui entend bien rester libre de les ap
888 que l’on sache, la fin du communisme. Reste alors à le définir. S’il était, par exemple, la réponse « historique » du mar
889 ponse « historique » du marxisme ou du communisme à l’état arriéré de l’industrie russe jusque vers 1953 — comme on le dé
890 e seule et même chose, l’un pouvait donc survivre à l’autre ? Or ils sont morts, si j’en crois Sartre, au même instant, p
891 mal ce qu’il peut en rester qui ait pu se livrer à l’autosuppression, sinon précisément ce qui dure encore : la dictatur
892 ents, wishful thinking, ou construction d’experts à la Deutscher. Rien ne prouve que le stalinisme ait jamais existé com
893 ce groupe d’hommes noircit la mémoire de son chef à seule fin de se blanchir lui-même ; que K. ne récuse d’ailleurs que c
894 our les PC eux-mêmes. II. Les anticommunistes à l’épreuve Depuis bien des années, l’adjectif anticommuniste représ
895 rit de milliers de libéraux par ailleurs attachés à la démocratie, entretient un climat de confusions intellectuelles et
896 communiste militant ? C’est un homme qui s’oppose à toutes les tyrannies quel qu’en soit le prétexte allégué. Cette attit
897 systèmes totalitaires. Il n’y a donc pas, en eux, à prendre et à laisser. (Je prends le Plan, je laisse les camps ; je pr
898 litaires. Il n’y a donc pas, en eux, à prendre et à laisser. (Je prends le Plan, je laisse les camps ; je prends K. et so
899 mauvaise foi, ou les deux, de prétendre appliquer à un pareil système des critères sélectifs qui valent à plein pour nos
900 pareil système des critères sélectifs qui valent à plein pour nos régimes démocratiques, mais sont exclus par le princip
901 se nommer progressiste. Ajoutons un dernier trait à la description formelle de l’anticommuniste authentique, donc systéma
902 ique estime qu’un homme peut se tromper sans être à cela matériellement déterminé par l’argent de la classe ou du parti d
903 un faussaire de l’Histoire, qu’il faisait récrire à sa guise ; 4. que la destruction de millions de koulaks par Staline a
904 tous les pays communistes, restait très inférieur à ce qu’il était dans les pays capitalistes et socialistes, dont pourta
905 nous par conventions bilatérales, étaient réglés à l’Est par les canons des tanks ; 9. que les intellectuels communistes
906 , de favoriser le fascisme, etc. C’était conforme à leur doctrine et à leur discipline terroriste. Mais il était plus sur
907 ascisme, etc. C’était conforme à leur doctrine et à leur discipline terroriste. Mais il était plus surprenant de voir les
908 … », etc. Rien ni personne ne les obligeait, eux, à croire que nos dénonciations du communisme — stalinien durant toute c
909 r la guerre, payées par les Américains, etc. ; ni à l’écrire, s’ils ne le croyaient pas. Que se passe-t-il aujourd’hui ?
910 ar le rapport K. et ses suites ? Sur les points 1 à 8 de ma liste d’exemples, K. et les siens, pour l’essentiel, donnent
911 seul coup, ridiculisées sans espoir, et ramenées à ce que nous disions qu’elles étaient en réalité : de pures et simples
912 ’elle soit en principe la leur, n’est pas revenir à la démocratie, même si l’on tire au nom du bien de ceux qu’on tue. Et
913 aussi bien asservir davantage. Je reviendrai tout à l’heure sur ce point : c’est le nœud des sophismes de K. Second argu
914 La métamorphose qui porte les maîtres du Kremlin… à l’avant-garde de l’antistalinisme soumet les idéologues de ce que nou
915 nous pourrions appeler l’anticommunisme vulgaire à une épreuve bien dure. » En effet, elle supprime « la base de leurs c
916 tion. Est-il vrai que le rapport de K. me rejette à la condition d’intellectuel en chômage ? Au pire, j’aurais encore ma
917 re, j’aurais encore ma conscience pour moi… Mais, à supposer qu’il soit vrai que l’existence du stalinisme soit la condit
918 de cette cause unique qu’ils justifiaient l’URSS à tout coup. Justification erronée : les moyens employés par Staline, q
919 , c’est la foi du Parti. La mauvaise foi consiste à lui désobéir en vertu de convictions « abstraites » ou personnelles.
920 eint ce degré de pureté révolutionnaire. Demeurés à mi-chemin entre l’idée de bonne foi telle qu’un Sartre pouvait jadis
921 eux dans leur mythologie, mais ne collaient plus à rien de réel et de vérifiable : « névrose constituée » du langage. Il
922 oposé par les communistes. La dialectique servait à corriger le contraste entre les étiquettes « de gauche » et les conte
923 r, et dans Stil quelque chose ; enfin de situer «  à gauche » le despotisme russe, « à droite » l’esprit critique, le dout
924 fin de situer « à gauche » le despotisme russe, «  à droite » l’esprit critique, le doute, la liberté, et de ne tenir pour
925 e gauche » ; bref, dans tous ces exemples choisis à la volée, de vider le sens des mots ou de leur faire dire chaque fois
926 on sans doute nécessaire dans leur cas, cherchons à comprendre pourquoi leur constante « mauvaise foi » ne mérite cependa
927 ation ; et qu’elle exclut tout geste de fair-play à l’adresse d’adversaires intellectuels. Il s’agit d’une « erreur » si
928 ente et conditionnée, que seul un acte comparable à la conversion religieuse, seule une révolution — mais personnelle, in
929 révolution — mais personnelle, intime — suffirait à les en libérer. III. « Soyez libres ! » En dissolvant le Kominf
930 jetés dans un désarroi que le rapport de K. porte à son comble. « L’émotion légitime » qu’ils évoquent à ce propos n’est
931 on comble. « L’émotion légitime » qu’ils évoquent à ce propos n’est qu’un bien pâle reflet de la difficulté où les met l’
932 lendemain tout le mal qui s’est fait sous Staline à un « culte de l’homme » qu’on se bornait à nier, mais qu’il faut à pr
933 taline à un « culte de l’homme » qu’on se bornait à nier, mais qu’il faut à présent renier54 ; déclarer du jour au lendem
934 u lendemain que le mouvement de l’Histoire oblige à changer le signe d’un acte sur deux du Despote, par suite à justifier
935 le signe d’un acte sur deux du Despote, par suite à justifier Tito, mais non Trotski, Rajk et Kostov, mais pas encore Sla
936 la terreur qui régnait au Kremlin — mais non pas à Paris ni à Rome, que l’on sache — pour s’excuser de n’avoir vraiment
937 qui régnait au Kremlin — mais non pas à Paris ni à Rome, que l’on sache — pour s’excuser de n’avoir vraiment pas pu crie
938 os et de Togliatti. Le bon vieux drill fait place à la brimade directe, mais on laisse aux victimes le droit de se plaind
939 se plaindre un peu, c’est nouveau, c’est la mode à Moscou… (Togliatti a saisi l’occasion, mais Thorez est encore perplex
940 manière touchante ou hypocrite l’ardeur qu’on met à plaire au Maître indiscuté. Supposez que l’on refuse d’obéir. On ne s
941 ait-ce pas le seul moyen « concret » d’obtempérer à l’ordre humoristique des joyeux Butors du Kremlin : « Désormais, chaq
942 aider peut-être. Soit un chef absolu qui ordonne à ses sujets de se peindre le visage en rouge. Cela dure des années, sa
943 ela dure des années, sans problèmes : on se borne à liquider ceux qui refusent de se peindre. Mais voici que le même chef
944 les cœurs. L’opinion publique, engourdie, hésite à trahir son réveil, dans sa crainte d’un nouveau coup de matraque. Cha
945 de prévenir les vœux secrets du chef qui les met à l’épreuve. Cependant, deux ou trois se débarbouillent la figure et dé
946 te, la seule qui ne conduise pas, inévitablement, à plus de tyrannie qu’avant. Comprenez qu’il n’est pas d’autre voie, et
947 d’autre voie, et que vous ne serez jamais libres à moindre prix.   D’autres difficultés créées ou révélées dans l’univer
948 ctère de sophisme concret, sans issue, conduisant à l’idée de rupture nécessaire. Comment dire la vérité dans le monde c
949 ement posé par le rapport K. et ses suites. Jusqu’ à la veille du rapport, en effet, dire que Staline était le génial Père
950 es, mais physiques. On ne fait pas de découvertes à coups de mensonges, mais à force de calculs exacts et de vérification
951 eulement répréhensible et rétrograde, mais inapte à durer dans notre âge. L’infaillibilité du Parti de Lénine. — Elle ré
952 urd’hui, sauf qu’on reconnaît « spontanément » qu’ à partir d’aujourd’hui Staline se trompait hier, en même temps qu’on su
953 e font nos PC, les « actes d’arbitraire reprochés à Staline », ce n’est pas encore expliquer ni pourquoi ni comment il a
954 e elle-même ne vaut rien dans ce cas ; mais alors à quel saint se vouer ?   Les difficultés singulières dont on vient de 
955 pas dans l’histoire des Églises. Elles font voir à quel point le PC se distingue de tout autre parti totalitaire, limité
956 distingue de tout autre parti totalitaire, limité à une seule nation et privé de doctrine universelle ; mais elles montre
957 ir, de leur appartenance bien visible et tangible à une Église monolithique, enfin de leur connivence active avec la Terr
958 ur connivence active avec la Terreur même régnant à l’Est, et dont on sait que la fascination leur a valu tant d’adhésion
959 t que la fascination leur a valu tant d’adhésions à l’Ouest. Pour l’URSS, la perte ne serait pas moins grave, car l’URSS
960 u commerce comme les autres. Un tel État tendrait à se débarrasser des entraves dogmatiques et de ceux qui les vénèrent…
961 entraves dogmatiques et de ceux qui les vénèrent… À supposer que l’arrière-pensée d’un K. soit quelque chose qui ressembl
962 e-pensée d’un K. soit quelque chose qui ressemble à ce qu’on pourrait appeler « le dépassement du communisme dans un seul
963 sont dès maintenant ceux qui s’accrochent encore à l’utopie marxiste, plus lente que la technique… Mais laissons ces rêv
964 camps. Je m’étais un peu moqué de leur propension à anticiper l’avenir… Ceterum censeo… Une seule chose est certaine :
965 lettres d’aujourd’hui, croient de moins en moins à ce qu’ils sont ? Les premiers quêtant les secrets d’une liberté que l
966 ’innocent Lewis Carroll, dont l’humour consistait à tout prendre à la lettre. A et B, tous deux hommes politiques, se ren
967 Carroll, dont l’humour consistait à tout prendre à la lettre. A et B, tous deux hommes politiques, se rencontrent au clu
968 ue B a convaincu A. Le moment délicat se présente à mi-chemin : A (ou B) à moitié convaincu, que peut-il opposer encore à
969 moment délicat se présente à mi-chemin : A (ou B) à moitié convaincu, que peut-il opposer encore à l’adversaire qui le fa
970 B) à moitié convaincu, que peut-il opposer encore à l’adversaire qui le fasse basculer dans le camp que lui-même quitte ?
971 n’est pas fatal que l’Occident libre y succombe. À de libres échanges, qu’avons-nous à gagner ? Peu de choses sur le pla
972 e y succombe. À de libres échanges, qu’avons-nous à gagner ? Peu de choses sur le plan des idées, vraiment rien regardant
973 gue désormais engagé ne sera fécond et profitable à tous les deux que si l’un au moins des partenaires détient le secret
974 rayonner. Que cela soit attendu par les meilleurs à l’Est, nous le savons désormais, voilà qui oblige. On nous met au déf
975 matériels, mais il ne nuisait pas nécessairement à la justesse des positions politiques : il arrêtait le savoir. » (Les
976 amée du dictateur. Des poèmes comme ceux d’Aragon à la gloire de Staline (il rend les peuples féconds !) n’ont jamais fai
977 es peuples féconds !) n’ont jamais fait de mal qu’ à leur auteur. Mais Sartre parle d’un « culte de la personne ». Étrange
978 ure au Parti, la direction collégiale grandit pas à pas. Prenez notre Comité central et notre Commission de contrôle. Ils
979 ait que le procédé est courant dans Esprit. Quant à Sartre, il écrit dans ses Temps modernes (n° 123, p. 1521) : « On ne
980 s modernes (n° 123, p. 1521) : « On ne répond pas à Rousset. On le laisse gagner sa vie comme il peut. » Mais il se plain
981 aint, dans le même article, des procédés dont use à son égard L’Observateur, et qu’il juge trop personnels : « J’ai retro
982 e et je sais que j’aurai droit, le mois prochain, à un autre article, aussi calomnieux mais tout de même moins pâteux, da
983 terminées par le tempérament de K., qui le pousse à corriger une paire de claques sur les joues par une claque dans le do
21 1956, Preuves, articles (1951–1968). Sur Suez et ses environs historiques (octobre 1956)
984 ui n’en a pas les moyens. A. Je les aurai demain, à Moscou, si je le veux. B. Mais à quelles conditions politiques ? A. V
985 es aurai demain, à Moscou, si je le veux. B. Mais à quelles conditions politiques ? A. Vous vous mêlez de nouveau de mes
986 , vous devez donc me donner de quoi devenir riche à mon tour. B. Pourquoi vous ferais-je ce don sans garanties, à vous qu
987 B. Pourquoi vous ferais-je ce don sans garanties, à vous qui m’insultez en me le demandant ? A. Pour éviter que je me jet
988 tature, l’opinion occidentale exige qu’on riposte à Hitler quand elle voit se dresser Nasser. Au vrai, ces hommes n’ont e
989 eur, de la découverte et des échanges. L’une tend à la formation de blocs fermés, l’autre à l’établissement des réseaux d
990 ’une tend à la formation de blocs fermés, l’autre à l’établissement des réseaux de relations entre pays éloignés, centres
991 civilisation occidentale, ouvrent le canal du Nil à Suez, sous Séthi Ier, en 1300 av. J.-C. ; Sésostris, Nécos, Darius ac
992 x. (Nasser attribuera ces pertes en vies humaines à Lesseps et à l’Occident.) Trajan fait rouvrir le canal, temporairemen
993 tribuera ces pertes en vies humaines à Lesseps et à l’Occident.) Trajan fait rouvrir le canal, temporairement ensablé. Qu
994 cap de Bonne-Espérance, s’étonnera de rencontrer à Calicut les Égyptiens et les Chinois « unis comme des compères »57. P
995 s. « Les Vénitiens, aussi intéressés que l’Égypte à traverser les progrès des Portugais, proposèrent au Soudan d’Égypte d
996 ent au Soudan d’Égypte de couper l’isthme de Suez à leurs dépens. Ils eussent par cette entreprise conservé l’empire du c
997 es somptuaires de l’inauguration (Aida, commandée à Verdi pour l’occasion, lui a coûté cher !), revend ses actions aux An
998 place sa capitale vers la mer. Quand elle revient à sa politique traditionnelle, continentale et asiatique, Moscou repren
999 ésitante. Depuis la mort de Staline, elle tendait à s’ouvrir au commerce, à la liberté des échanges, au progrès dont le C
1000 de Staline, elle tendait à s’ouvrir au commerce, à la liberté des échanges, au progrès dont le Canal reste le grand symb
1001 actionnaire : barrer Suez, c’est peut-être livrer à l’Empire soviétique russo-chinois le reste de l’Asie coupée de l’Occi
1002 nce d’une option de cet ordre, Chepilov ait gardé à Londres une attitude constamment ambiguë. L’Europe devant le nouve
22 1956, Preuves, articles (1951–1968). Sur l’Europe à faire (novembre 1956)
1003 Sur l’Europe à faire (novembre 1956)ab Trois échanges A. Votre Europe, au fo
1004 tie ? Et la Russie ? Très grosse question ! Jusqu’ à l’Ukraine ou à l’Oural, ou pas du tout ? B. Hannibal est aux portes,
1005 sie ? Très grosse question ! Jusqu’à l’Ukraine ou à l’Oural, ou pas du tout ? B. Hannibal est aux portes, l’union nous sa
1006 plaindre. C et D. N’empêche que nous sommes seuls à relever un défi qui s’adresse à tout l’Occident. B. Vous êtes seuls —
1007 nous sommes seuls à relever un défi qui s’adresse à tout l’Occident. B. Vous êtes seuls — et l’on sait pourquoi — à procl
1008 ent. B. Vous êtes seuls — et l’on sait pourquoi — à proclamer que vous faites ainsi, mais rien ne se passe. C et D. C’est
1009 roirait au printemps ! Voici les faits. Adenauer, à Bruxelles, a dit tout l’essentiel : que l’Europe peut se faire demain
1010 peu de réclamer l’union. Désormais la Relance est à la mode. C’est plutôt une Relève socialiste. Spaak en Belgique, avec
1011 s. B. Vous voyez donc qu’il n’y a plus une minute à perdre. Sur l’esclavage et la souveraineté nationale Une confér
1012 ment inaperçue, c’est celle qui vient de se tenir à Genève sur l’esclavage. Elle a pris connaissance du fait divers suiva
1013 du fait divers suivant : 500 000 nègres arrachés à l’Afrique vivent comme esclaves dans les pays arabes. La France et l’
1014 il, appuyant le délégué du Caire, serait attenter à la souveraineté nationale de l’Égypte. La cause étant ainsi jugée, l’
1015 e sais bien que quelques étudiants noirs conspués à l’entrée d’un collège américain suffisent à épuiser la capacité d’ind
1016 spués à l’entrée d’un collège américain suffisent à épuiser la capacité d’indignation des intellectuels qui se croient du
1017 rd d’une Respectueuse… D’ailleurs, l’URSS a donné à ce commerce une approbation objective, et l’Inde a proposé des mesure
1018 ment » l’esclavagisme ne fera pas perdre une voix à son parti en France. En effet, l’URSS « représente historiquement » l
1019 ’esclavage d’innombrables êtres humains maintenus à cette fin dans l’obscurantisme ». La question n’est donc pas de savoi
1020 us assure, docteur ! » Les événements récents, à la suite du XXe Congrès, ont provoqué de la part de beaucoup d’intell
1021 ) Cette phrase est capitale, parce qu’elle pousse à l’absurdité la logique jacobine d’une souveraineté suprême accordée à
1022 ique jacobine d’une souveraineté suprême accordée à ce mythe : la Nation. Elle autorise autant de morales fermées qu’il y
1023 une œuvre austère et dure, qui ne concède rien ni à l’attente du public ni à celle des critiques, ni même au style de sa
1024 , qui ne concède rien ni à l’attente du public ni à celle des critiques, ni même au style de sa récente période néo-class
1025 d public à cause de l’œuvre, les milieux musicaux à cause du cachet, et les critiques à cause des deux. La sottise et la
1026 ieux musicaux à cause du cachet, et les critiques à cause des deux. La sottise et la jalousie s’allient avec le masochism
1027 s élites dans nos démocraties occidentales. Quant à moi, je me promène sur la place Saint-Marc, portant aux nues le festi
1028 ifier. ab. Rougemont Denis de, « Sur l’Europe à faire (Le point de vue de Ferney) », Preuves, Paris, novembre 1956, p
23 1956, Preuves, articles (1951–1968). Sur le rêve des sciences (décembre 1956)
1029 Vous verrez que nos amers masochistes, calomniant à longueur de journée l’Occident (qui semble aimer cela) feraient mieux
1030 consciemment servir les desseins de Wall Street. À supposer que la découverte de la Lune et la navigation vers les planè
1031 dans l’erreur, cette petite note en soit témoin : à la date où je l’écris, nous ne savons rien de ce qui peut nous attend
1032 ent. Celui qui rêve de satellites en crée, quitte à les affamer ou à subir leur révolte. Il se peut qu’il en crée d’autan
1033 ve de satellites en crée, quitte à les affamer ou à subir leur révolte. Il se peut qu’il en crée d’autant plus qu’il est
1034 sque toujours lointains ? En février 1946, vivant à New York et séparé de l’Europe depuis de longues années, je notais :
1035 nnées, je notais : « Transmission du corps humain à grande distance par radio. Une particule de chair coupée et aussitôt
1036 ule de chair coupée et aussitôt recollée continue à vivre. On pourrait donc envoyer un corps, atome par atome, en une fra
1037 rps, atome par atome, en une fraction de seconde, à l’autre bout du monde et l’y recomposer… Accidents à prévoir : arrêt
1038 ’autre bout du monde et l’y recomposer… Accidents à prévoir : arrêt du mécanisme en cours de transmission, modifications
1039 e désintégrer un corps humain et de le réintégrer à grande distance. On attend la suite. Elle viendra. Car, en effet, la
1040 n un atome de temps, comme l’écrivait saint Paul, à propos justement de la Fin du Monde. En fait, on nous assure59 que ce
1041 t, on nous assure59 que cela se passe bien ainsi, à chaque instant depuis que le monde est monde, c’est-à-dire monde de f
1042 portantes n’auraient donné lieu, suppose-t-on, qu’ à des cataclysmes locaux tels qu’un grand trou suspect dans la plaine s
1043 ’est manifesté dans ses apparences matérielles qu’ à la faveur de son reflet, disent les Vedas. Point de création sans un
1044 main ne seront plus politiques, mais consisteront à faire face aux solutions massives proposées par la Science, dans les
24 1957, Preuves, articles (1951–1968). Sur la honte et l’espoir de l’Europe (janvier 1957)
1045 rope (janvier 1957)ad Mardi 30 octobre 1956, à Ferney Nouvelles de Budapest : on nous répète sans fin que la révo
1046 répète sans fin que la révolte est écrasée. Honte à nous tous Européens ! Et pas seulement à ceux qui se trompaient et vo
1047 e. Honte à nous tous Européens ! Et pas seulement à ceux qui se trompaient et voulaient à tout prix nous tromper depuis d
1048 s seulement à ceux qui se trompaient et voulaient à tout prix nous tromper depuis dix ans : il fallait « essayer de compr
1049 honte pour avoir toléré trop de mauvais prétextes à ne rien faire, trop de reculs pour mieux sauter, et nous voilà… Mais
1050  ? Dimanche 4 novembre 1956, soir La radio, à sept heures et quart, transmettait le dernier message : « Nous mouron
1051 tte Europe qui pouvait, en rassemblant ses forces à l’appel angoissé de la liberté, éviter la honte éternelle qui accable
1052 sous les yeux de l’Occident, hurlant : « L’Europe à l’aide ! » et mourant sans réponse. (Écrit pour le Journal de Genève
1053 ans, j’en publiais un autre sur l’entrée d’Hitler à Paris. Hitler nous menaçait à bout portant. Quinze jours de prison mi
1054 et c’est pire.) Nuit du 5 au 6 novembre 1956, à Paris De tous côtés, on demande au Congrès : Que faites-vous ? Que
1055 nks ne s’ébranlent pas d’eux-mêmes, ils obéissent à des paroles. Et cette révolution, ce n’est pas le mouvement de l’Hist
1056 mouvement de l’Histoire qui a déclenché sa marche à jamais bouleversante, et ce ne sont pas des hommes de main qui l’ont
1057 de parole : des poètes. Comment, d’ici, répondre à leur appel ? Savoir ce qu’il faut dire est notre action. J’écrivais h
1058 n’est pas le gifler. Mais ce geste peut l’obliger à sentir qu’une limite est atteinte, à se demander, fût-ce un instant,
1059 ut l’obliger à sentir qu’une limite est atteinte, à se demander, fût-ce un instant, s’il ne l’aurait pas dépassée. (Tradu
1060 tre commentaire, la solidarité qui nous contraint à rompre avec ceux qui les tuent.) Mardi 6 novembre 1956 Manifest
1061 6 novembre 1956 Manifestes partout, de gauche à droite. C’est une insurrection morale sans précédent qui répond à l’a
1062 une insurrection morale sans précédent qui répond à l’appel de Budapest. Qu’elle soit presque unanime suffit presque à lu
1063 pest. Qu’elle soit presque unanime suffit presque à lui ôter cet aspect cruellement dérisoire qu’ont les protestations d’
1064 oit » de s’indigner d’un crime ? Oui, disent-ils, à la seule condition d’avoir été complice de tout ce qui le préparait.
1065 ut ce qui le préparait. Jeudi 8 novembre 1956, à Ferney Rentré hier de Paris à Genève, à temps pour me joindre au c
1066 8 novembre 1956, à Ferney Rentré hier de Paris à Genève, à temps pour me joindre au cortège de deuil et de muette prot
1067 1956, à Ferney Rentré hier de Paris à Genève, à temps pour me joindre au cortège de deuil et de muette protestation a
1068 lencieuses (plus un tram et plus une auto), jusqu’ à la place où les couleurs suisses et hongroises furent hissées, sous l
1069 où des diplomates russes célébraient leur Octobre à eux). Il semble que la honte que nous éprouvions tous ait empêché tou
1070 l’Europe nue se lever lentement, mesurer le péril à la grandeur de notre humiliation, et peut-être saisir une arme : l’un
1071 nche 11 novembre 1956 L’Europe se tait… Honte à cette Europe silencieuse Et qui n’a pas conquis sa liberté ! Lâches,
1072 les t’ont abandonné ô Magyar ! Toi seul continues à combattre… Liberté, que ton regard s’abaisse sur nous, Reconnais-nous
1073 Mercredi 14 novembre 1956 Comment répondre à des centaines de pages, en majeure partie manuscrites, déclenchées pa
1074 bérément choisis pour désigner leur propre action à Budapest. L’Europe seule aurait pu secourir sa Hongrie, d’autres juge
1075 rs de ses peuples colonisés sans demander d’abord à New York une permission refusée d’avance, et sans consulter autre cho
1076 ue sa vocation de liberté. C’est la seule réponse à l’appel de la plus pure révolution de l’histoire. Mardi 21 novembr
1077 lle a gagné. Nos gouvernants calculent et perdent à tout coup. Que l’énergie magyare passe dans notre sang ! J’ai vu se l
25 1957, Preuves, articles (1951–1968). Sur Voltaire (février 1957)
1078 Sur Voltaire (février 1957)ae S’il m’arrive, à Paris, d’appeler mon domicile, qui est à Ferney-Voltaire, dans l’Ain 
1079 ’arrive, à Paris, d’appeler mon domicile, qui est à Ferney-Voltaire, dans l’Ain : « Veuillez épeler », dit la téléphonist
1080 ans cette ferme, au pied du Jura, face aux Alpes, à 8 kilomètres de Genève, sur un sol longtemps disputé entre la France
1081 ope », écrit Voltaire, qui y a vécu de 1758 jusqu’ à l’année de sa mort, vingt ans plus tard. Je connais peu de paysages a
1082 ire fait construire plus de cent maisons Il donne à la ville une église, une école, un hôpital Il fait dessécher les mara
1083 canant dans le chemin de la vérité », écrivait-il à Mme du Deffand. Avec ou sans le curé, contre les tyranneaux, en dépit
1084 iclitent. Mais les arbres bordant la route de Gex à Genève me parlent chaque matin de son amour des lieux. Il fit venir d
1085 ilait dans sa fabrique. La première paire parvint à la duchesse de Choiseul avec ce mot : « Daignez les mettre, Madame, u
1086 me, une seule fois, et montrez ensuite vos jambes à qui vous voudrez. » À ses amis de Paris : « On fabrique ici beaucoup
1087 montrez ensuite vos jambes à qui vous voudrez. » À ses amis de Paris : « On fabrique ici beaucoup mieux qu’à Genève… Don
1088 is de Paris : « On fabrique ici beaucoup mieux qu’ à Genève… Donnez vos ordres : vous serez servis… Vous aurez de très bel
1089 n vingt ans, le village passe de cinquante foyers à plus de mille habitants, qui deviennent propriétaires par un système
1090 s jours location-vente. « Il commande des maisons à son maçon comme d’autres commandent une paire de souliers à un cordon
1091 n comme d’autres commandent une paire de souliers à un cordonnier », disent les Mémoires secrets. Mille tractations qu’il
1092 vage. Sur quoi le peuple vient lui rendre hommage à la Saint-François de 1777. M. de Voltaire le reçoit « avec sensibilit
1093 ment doux » de l’assistance. Les garçons défilent à cheval, en uniforme. « Sont-ce vos soldats ? » demande le prince de H
1094 l, informé par un ami commun de ce que j’habitais à Ferney : « Est-ce que Voltaire ne vient pas lui chatouiller la plante
1095 des valeurs de toute l’Europe qui fait sa rumeur à Genève. Le tout survolé trente fois par jour par des avions de New Yo
1096 t est démodé dans ce pamphlet, si l’on s’en tient à son prétexte et à sa lettre. Tout redevient actuel si l’on remplace l
1097 ce pamphlet, si l’on s’en tient à son prétexte et à sa lettre. Tout redevient actuel si l’on remplace les jésuites par le
1098 a ce pays. » Voici sur le problème des tournants à prendre au bon moment : « Il n’y a pas longtemps que l’Immaculée Conc
1099 Dans quel temps les Dominicains commenceront-ils à mériter des peines dans ce monde, et dans l’autre ? » (Lisez : dans q
1100 mps les titistes — par exemple — commenceront-ils à redevenir des fascistes et se verront-ils exclus du mouvement de l’Hi
1101 les meurtres, et par les actions de grâce rendues à Dieu (lisez : au Kremlin) pour ces meurtres ? C’est donc au nom de la
1102 donc au nom de la tolérance que Voltaire conclut à la dissolution nécessaire du PC. « Si leur institut est contraire aux
1103 si la classe ouvrière (que le PC prétend défendre à coups de canon tirés sur elle) y trouverait de réels avantages, outre
1104 n riant beaucoup, que sa famille était apparentée à Voltaire. ae. Rougemont Denis de, « Sur Voltaire (Le point de vue d
26 1957, Preuves, articles (1951–1968). Sur la neutralité européenne (mars 1957)
1105 neuve en Europe. Elle semblait jusqu’ici réservée à la Suisse. Et voici qu’on en parle même en France. Que se passe-t-il
1106 e phobies et de raisonnements, qui sont peut-être à l’origine du courant que je crois sentir vers la neutralité européenn
1107 impuissance, né de la crise de Suez et des votes à l’ONU. La conjonction USA-URSS, si brève qu’elle ait été, et comme ac
1108 plaire aux Américains, voilà qui revient en fait à supprimer l’Europe en tant que facteur indépendant, donc à choisir la
1109 er l’Europe en tant que facteur indépendant, donc à choisir la politique de l’URSS. Celle-ci s’étant déshonorée, sans que
1110 ut-être refoulé, un motif d’un autre ordre hésite à se définir : c’est celui de certains « Européistes » qui se demandent
1111 , sans doute, les faits récents, et les réactions à ces faits, qui expliquent pourquoi l’idée se répand d’une neutralité
1112 saient hier encore : « Qu’est-ce que l’Europe ? » À mon tour de leur demander ce qu’ils entendent par neutralité. Dive
1113 conscience », le Premier ministre Nehru. Lorsque, à la conférence de Colombo, les Cingalais demandèrent que la résolution
1114 dans les pays libres d’Asie, Nehru dit oui, mais à la condition que fussent également condamnées les menées des anticomm
1115 On a vu ce jour-là que cette neutralité se réduit à la mauvaise foi. Mais s’agit-il vraiment de neutralité ? Guère plus q
1116 isans de la Paix. Le neutralisme et la neutralité à la Menon abusent du mot, non de la chose, dont ils se moquent. Il n’e
1117 et concrètes de son statut de neutralité, et tend à faire de cette devise d’État tout autre chose que n’avaient prévu ses
1118 voisins de la Suisse, mais l’Europe tout entière à ce qui n’est pas l’Europe. Si la Suisse, prétextant de sa neutralité,
1119 refusait de participer non plus aux luttes, mais à l’union de ses voisins ; si elle décidait de rester neutre non plus s
1120 Un État ou un groupe d’États peut avoir avantage à se déclarer neutre : 1°) s’il juge que la cause ou l’enjeu d’un confl
1121 que la cause ou l’enjeu d’un conflit existant ou à prévoir n’intéresse pas directement sa souveraineté ou son intégrité
1122 1916-1917 et dès 1942) 4°) enfin, s’il a renoncé à tout esprit de conquête, parce qu’il est satisfait de son sort. Dans
1123 it de son sort. Dans ce dernier cas, il se refuse à toute alliance militaire, craignant de se voir entraîné dans le jeu d
1124 é humaine, et compensant le renoncement définitif à toute agression par la volonté inconditionnelle de se défendre. Quant
1125 Indépendance et neutralité L’idée d’étendre à toute l’Europe une neutralité « à la Suisse » se nourrit à la fois du
1126 ’idée d’étendre à toute l’Europe une neutralité «  à la Suisse » se nourrit à la fois du désir défaitiste de tirer son épi
1127 er que les deux rois, dès lors invulnérables l’un à l’autre. Mais en fait il y a d’autres pièces, et quelques pions, moye
1128 somme d’imaginer les règles d’une partie d’échecs à trois rois. C’est à quoi nous contraint le problème d’une neutralité
1129 règles d’une partie d’échecs à trois rois. C’est à quoi nous contraint le problème d’une neutralité de l’Europe. 61.
27 1957, Preuves, articles (1951–1968). Sur la neutralité européenne (II) (avril 1957)
1130 les rappelle. 1. La cause ou l’enjeu des conflits à prévoir n’intéresse pas l’intégrité du groupe d’États considéré. Ce n
1131 2. Une prise de parti militaire dans les conflits à prévoir disloquerait l’union existante. Le seul danger sérieux à cet
1132 stence des PC en Europe. Mais se déclarer neutres à cause d’un tel danger équivaudrait à escompter la trahison des commun
1133 arer neutres à cause d’un tel danger équivaudrait à escompter la trahison des communistes européens, à la rendre d’avance
1134 escompter la trahison des communistes européens, à la rendre d’avance payante. Si l’on croit que les communistes trahira
1135 Le groupe d’États, satisfait de son sort, renonce à toute idée de conquête ou d’extension, et prétend assurer seul, et sa
1136 , d’un Parlement et d’une armée. Une neutralité «  à la suisse » n’aurait donc aucun sens avant l’union. Elle serait prati
1137 ée d’Eden. Un peu étroite. Elle revenait en somme à créer un négatif de ligne Maginot. Burnham l’élargit aujourd’hui, et
1138 urnalistique, elle est brillante. Elle fait appel à l’empirisme toujours-un-peu-boiteux-mais-réalisateur comme aux profon
1139 ques, au pacifisme ému par la peur atomique comme à la Realpolitik. Elle peut réussir. Mais elle signifierait alors la fi
1140 oix aux élections anglaises) reviendrait en effet à sacrifier l’union, que cent autres raisons nous imposent comme la seu
1141 ntent fort bien d’exister, même si Bevan persiste à les croire nés de rien. Que propose ce politicien ? D’abandonner l’Eu
1142 nous décourager : tout ce qui peut faire obstacle à notre union les sert. Mais on ne peut espérer qu’ils seront assez fou
1143 opéenne, américaine ou nationales) pour s’opposer à ces remises au pas. Il n’y aurait que les bombes H américaines. Or il
1144 entretenu par ses divisions. Le peu de progrès dû à « l’idée européenne » (la CECA, le Marché commun, l’UEO et l’OECE) se
1145 ment ? Une foule de motifs très divers concourent à me faire répondre à la première question par un oui presque sans rése
1146 motifs très divers concourent à me faire répondre à la première question par un oui presque sans réserve. Prenons les pay
1147 e. Prenons les pays neutres de l’Europe ; adhérer à une fédération qui serait neutre aussitôt que faite, n’entraînerait p
1148 x nul changement de statut. Le principal obstacle à l’adhésion de la Suisse (plus neutre que la Suède et que l’Autriche),
1149 ait les Soviets d’un de leurs meilleurs prétextes à stopper brutalement ce progrès. Prenons les neutralistes de bonne vol
1150 voici ramenés aux problèmes d’une partie d’échecs à trois rois. Il s’agit maintenant d’en prévoir les principales combina
1151 voir les principales combinaisons et ouvertures. ( À suivre.) 63. Voir son interview dans L’Express du 22 février 1957.
28 1957, Preuves, articles (1951–1968). Sur la neutralité européenne (fin) (mai 1957)
1152 dans une approche sans parti pris, dans une mise à l’épreuve variée, pour la mieux établir enfin dans sa simplicité mass
1153 ence : l’Europe ne pourra se dire neutre, un jour à venir, que si d’abord elle a fait son union, ce qui implique : que le
1154 défendre et d’affirmer son indépendance politique à l’échelle planétaire, seule valable aujourd’hui, — bref, qu’elle soit
1155 jouée par les deux autres Rois. Quelques coups à prévoir Supposons l’union faite et la neutralité non seulement déc
1156 sés comme aujourd’hui, l’Europe n’a rien de mieux à faire que de rester neutre elle aussi, toujours prête à prévoir d’ail
1157 e que de rester neutre elle aussi, toujours prête à prévoir d’ailleurs les déséquilibres éventuels qui pourraient surveni
1158 pourraient survenir dans d’autres continents, et à se disposer en conséquence. 2. Si la trêve est rompue entre les deux
1159 iquement dans le conflit. Cette certitude diminue à elle seule les chances d’éclatement du conflit. Car, sans l’appoint e
1160 rs l’Europe est là pour aider une nouvelle Russie à réintégrer la communauté occidentale ; — ou bien, contre toute attent
1161 ’Europe perd la face en même temps que ses appuis à l’Ouest, mais gagne en force relativement à l’Est, du seul fait qu’el
1162 ppuis à l’Ouest, mais gagne en force relativement à l’Est, du seul fait qu’elle demeure intacte. 5. Si l’on entend préven
1163 n générale en cas d’accident (ce qui nous renvoie à l’éventualité prévue sous 3). 6. Les Trois Rois de l’Occident restant
1164 e et les démocraties occidentales, tend également à immobiliser les diverses évolutions politiques en cours au Sud-Ouest
1165 partie, non moins complexe, et dont il resterait à supputer dans quelle mesure elle peut demeurer indépendante de la pre
1166 de d’une machine électronique, j’ai dû simplifier à l’extrême la prévision de ces quelques coups élémentaires, et l’on vo
1167 rande complexité. Je suis fort loin d’être arrivé à la conclusion univoque dont j’avais quelque idée qu’elle pourrait se
1168 es de ce complexe de forces, j’aboutis à peu près à ceci : a) Une Europe intégrale et fédérée, proclamant sa neutralité e
1169 eur de stabilisation, parce qu’elle contribuerait à prévenir le conflit ; si pourtant la guerre éclatait, l’Europe neutre
1170 b) Le véritable sens du mot neutralité, appliqué à l’Europe unie, n’est rien d’autre qu’indépendance. c) Mais cette ind
1171 ette limitation de l’esprit d’aventure correspond à un moindre mal que toute guerre, « gagnée » ou « perdue ». On voit do
1172 lle peut, du seul fait qu’on l’admette comme liée à l’avenir d’une union de l’Europe, faciliter les voies de cette union
29 1957, Preuves, articles (1951–1968). Sur deux écrivains politiques (juin 1957)
1173 ausse. Motif du revirement : l’intervention russe à Budapest. « Personne n’a vu que l’intervention était l’expression d’u
1174 expression de cette politique, et je suis le seul à le voir, mais Budapest est une faute grave, donc cette politique étai
1175 t, sauf un qui, n’écoutant que son devoir, se met à faire la leçon à tous. Les communistes ont tort parce qu’ils ont « ex
1176 ’écoutant que son devoir, se met à faire la leçon à tous. Les communistes ont tort parce qu’ils ont « exprimé » à Budapes
1177 communistes ont tort parce qu’ils ont « exprimé » à Budapest une politique à laquelle Sartre avait pourtant donné raison.
1178 e qu’ils ont « exprimé » à Budapest une politique à laquelle Sartre avait pourtant donné raison. Et les anticommunistes o
1179 oire ; ce qui leur ôte le droit de faire reproche à Sartre d’avoir approuvé hier ceux auxquels il donne tort aujourd’hui.
1180 e depuis quelques années devaient s’attendre soit à ce qu’il justifiât Budapest, soit à ce qu’il fit précéder d’un mea cu
1181 attendre soit à ce qu’il justifiât Budapest, soit à ce qu’il fit précéder d’un mea culpa sa condamnation du crime. Mais n
1182 stratégique derrière un rideau d’insultes lancées à ceux qui osent condamner le crime sans avoir été les complices de la
1183 , comme il l’écrit, ce n’est point qu’il ait cédé à un réflexe irrépressible d’écœurement, et ce n’est surtout pas au nom
1184 e que cette erreur « impardonnable » fait du tort à la cause du Socialisme. Le Socialisme se voit donc substitué à toute
1185 Socialisme. Le Socialisme se voit donc substitué à toute autre fin politique, sociale, morale ou religieuse au nom de la
1186 ls peuvent et doivent juger ceux qui participent, à l’Est et à l’Ouest, au mouvement du Socialisme ». Traduisons : le pri
1187 et doivent juger ceux qui participent, à l’Est et à l’Ouest, au mouvement du Socialisme ». Traduisons : le privilège du S
1188 me, consiste en ceci, qu’il « doit » être le seul à bénéficier des conditions normales de la compréhension, tandis que la
1189 ssure : le mouvement de l’Histoire nous a réduits à l’état de neutrissimes. D’où peut venir cette tendance commune à juge
1190 trissimes. D’où peut venir cette tendance commune à juger des idées sur le vu d’un passeport ? Mon point de vue n’est pas
1191 Au mieux, elle constitue un privilège comparable à celui que donne à l’adversaire plus faible le joueur qui accepte un h
1192 nstitue un privilège comparable à celui que donne à l’adversaire plus faible le joueur qui accepte un handicap. Mais si c
1193 niste, ou la promulgation de « lois d’exception » à son égard : il demande, au contraire, que le PC soit remis sous l’emp
1194 ation d’un « Code de la vie civique », applicable à tous les partis y compris le Parti communiste, et comportant entre au
1195 ’on s’est trahi… Fort brillamment écrit d’un bout à l’autre, ce livre accroche et convainc dès le début, plus qu’aucun ou
1196 outes les objections naturelles qui se présentent à l’esprit d’un libéral, et je crois bien qu’il n’est pas une de celles
1197 de Code civique, vraie nouveauté du livre, serait à tous égards plus efficace. On objecte que les lois existantes suffise
1198 d’un Code vraiment « gênant » prend corps. C’est à quoi ce livre doit servir, même s’il irrite d’excellents libéraux. À
1199 t servir, même s’il irrite d’excellents libéraux. À ceux-ci l’on peut faire observer : 1° que c’est être antilibéral que
1200 application des quelques lois existantes, propres à sauvegarder les libertés politiques ; 2° que la menace totalitaire ét
30 1957, Preuves, articles (1951–1968). Sur le pouvoir des intellectuels (juillet 1957)
1201 oir été initiées par des intellectuels prétendant à ce nom, des encyclopédistes à Lénine, en passant par Marx ou Maurras,
1202 lectuels prétendant à ce nom, des encyclopédistes à Lénine, en passant par Marx ou Maurras, Mazzini, H. S. Chamberlain ou
1203 politique, et en attaque une autre qu’il dénigre à l’avance en lui donnant pour défenseurs les intellectuels mal famés.
1204 , un faux problème. Quel problème ne serait faux, à ce compte ? Attribuer celui-ci aux seuls intellectuels (les masses re
1205 ses restant indifférentes) ne suffit pas, hélas ! à changer ses données et ne contribue guère à le résoudre. On se retour
1206 las ! à changer ses données et ne contribue guère à le résoudre. On se retourne alors vers les réalités qui sont censées
1207 dictateurs rêvaient sans doute d’annexer l’Europe à leurs fiefs. Les Soviets le voudraient aussi. Quoi de commun entre ce
1208 e cette volonté impérialiste d’un État s’imposant à tous les autres, et la volonté fédérale surgie spontanément parmi les
1209 trop nombreux d’ailleurs — aient été les premiers à vouloir notre union prouve en faveur de leur lucidité ; qu’un Poujade
1210 e pire, est sorti de petits groupes d’idéologues. À supposer que je sois contre l’union de l’Europe, si l’on me disait qu
1211 n abuser, ce n’est pas laisser des chances égales à tous, comme le prétend la théorie. Car le bon sens voudrait que le li
1212 s cris dès que quelqu’un suggère de réduire le PC à l’observance des lois. Si un autre parti réclame une telle mesure, on
1213 n proteste. Écrit en avion Volant de Genève à Londres, à La Haye ou à Rome, je lis les prospectus qu’on nous donne
1214 Écrit en avion Volant de Genève à Londres, à La Haye ou à Rome, je lis les prospectus qu’on nous donne sur ces vil
1215 avion Volant de Genève à Londres, à La Haye ou à Rome, je lis les prospectus qu’on nous donne sur ces villes. Les phot
1216 ompréhension entre les peuples ». Mais il le fait à coups de clichés, et ce sont ces clichés qu’il « promeut », plus qu’u
1217 raire, les préjugés symbolisant leurs différences à première vue. J’ai regardé tous mes voisins, comme d’habitude. Ils re
1218 les échanges entre les peuples aident les hommes à se mieux comprendre, que la compréhension crée l’amitié, et que l’ami
1219 de civisme. On passe en cinq minutes d’un canton à un autre. Leurs habitants ne se connaissent guère entre eux. S’aimera
1220 tois latin. Si l’un d’eux invitait tel des autres à sa table, ce qui est à peine imaginable, ils n’auraient pas grand-cho
1221 peine imaginable, ils n’auraient pas grand-chose à se dire, à supposer qu’ils trouvent une langue commune. Cela n’empêch
1222 inable, ils n’auraient pas grand-chose à se dire, à supposer qu’ils trouvent une langue commune. Cela n’empêche pas la fé
1223 ons qui allons, une fois de plus, nous rencontrer à Londres, à La Haye, à Genève ou à Rome, dans le seul dessein de fédér
1224 ons, une fois de plus, nous rencontrer à Londres, à La Haye, à Genève ou à Rome, dans le seul dessein de fédérer l’Europe
1225 is de plus, nous rencontrer à Londres, à La Haye, à Genève ou à Rome, dans le seul dessein de fédérer l’Europe, si nous y
1226 nous rencontrer à Londres, à La Haye, à Genève ou à Rome, dans le seul dessein de fédérer l’Europe, si nous y parvenons,
1227 qu’il nous arrive de nous causer réciproquement, à mesure qu’en travaillant ensemble pour l’union nous apprenons à nous
1228 travaillant ensemble pour l’union nous apprenons à nous connaître mieux. Dans la marge d’un hebdomadaire Critique
1229 e phrase que l’auteur n’a pas écrite : « De Nicée à la bombe atomique, l’homme européen, somme toute, a peu changé. » On
1230 gné. Mœurs courantes, me dit-on, on ne répond pas à cela. Je pense à cet ami qui soupirait : « Ah je n’ai plus le temps d
1231 tes, me dit-on, on ne répond pas à cela. Je pense à cet ami qui soupirait : « Ah je n’ai plus le temps d’écrire, même aux
31 1957, Preuves, articles (1951–1968). L’échéance de septembre (septembre 1957)
1232 e n’en est plus la peur. Qu’elle réussisse ou non à se démocratiser par les moyens de la tyrannie, qu’elle prospère ou se
1233 . Ce sont peut-être toutes les sociétés humaines, à l’exception, partielle seulement, de la nôtre. Car l’Europe a su se d
1234 moins réalistes que tout cela, enfin les slogans à la craie, trop facilement contradictoires, qu’on lit sur tous les mur
1235 tout de suite — n’ont certainement pas contribué à la solution du problème, n’ont pas mordu sur la réalité. Mais nos dém
1236 ire aux Français qu’ils ont mis beaucoup de temps à comprendre la gravité de la situation : ils ont été somme toute les p
1237 situation : ils ont été somme toute les premiers à le faire, et les seuls jusqu’ici, autant que je sache. Le livre de Ge
1238 dit-on, est un procès perpétuel intenté par tous à chacun et par chacun à tous. Nous l’avons bien vu depuis deux ans à p
1239 perpétuel intenté par tous à chacun et par chacun à tous. Nous l’avons bien vu depuis deux ans à propos du drame algérien
1240 itables et imprévus avec les peuples non préparés à l’absorber. Le cessez-le-feu, qui doit intervenir absolument, ne rés
1241 eurs buts de paix, leurs possibilités de survivre à court terme, leurs aspirations à long terme. Mais voici l’échéance de
32 1957, Preuves, articles (1951–1968). Pourquoi je suis Européen (octobre 1957)
1242 aventure. Qu’on ne chicane pas sur les frontières à venir de cette union : nul ne sera contraint d’entrer, et nul exclu.
1243 . La conscience de cette fin européenne (devenant à son tour moyen au plan mondial) doit inspirer dès le début les struct
1244 ut les structures et surtout les méthodes propres à fomenter l’union. Les traités ne feront rien sans nous et les fonctio
1245 es uns ou les autres jugent opportunes. Elle vise à confronter des expériences vécues et à faire voir par quels chemins v
1246 Elle vise à confronter des expériences vécues et à faire voir par quels chemins variés, imprévus et parfois scabreux, de
1247 formation et de nations différentes en sont venus à reconnaître que l’Europe existe pour eux, que la nécessité de s’unir
33 1957, Preuves, articles (1951–1968). Sur le crépuscule d’un régime (octobre 1957)
1248 ar bancs les touristes en chemise, ceints d’étuis à Leica. R. — Avez-vous entendu cette femme à l’autre table ? Elle trou
1249 étuis à Leica. R. — Avez-vous entendu cette femme à l’autre table ? Elle trouve Venise « artificielle » ! A. — Je compren
1250 . — Moi je m’y refuse absolument. Elle n’avait qu’ à rester tranquille dans son petit milieu « naturel ». Ceux qui n’aimen
1251 el ». Ceux qui n’aiment pas l’artificiel n’ont qu’ à brouter. A. — Vous êtes bien dur et bien maussade. R. — C’est qu’il y
1252 a Place est sublime. Il faut en interdire l’accès à ceux qui pensent et qui parlent comme cette dame. Ces hordes de barba
1253 est pas le moins du monde, et après ? Vous croyez à la Démocratie ? A. — Je crois à l’éducation progressive des masses, e
1254 rès ? Vous croyez à la Démocratie ? A. — Je crois à l’éducation progressive des masses, et je crois qu’une démocratie sai
1255 is qu’une démocratie saine ne peut fonctionner qu’ à cette condition. Cette foule qui choque l’esthète, je la trouve si to
1256 nstruit, elle se fait des souvenirs, elle apprend à connaître l’étranger… R. — Je demande une expertise de ces clichés. J
1257 tue le permis de voyager, et qu’on ne le donne qu’ à ceux qui auront passé une série d’examens un peu subtils, prouvant au
1258 homme qu’il doit faire ce qu’il est seul au monde à juger bon pour lui (même s’il se trompe) et cela contre l’avis de la
1259 et s’il veut le prouver. Éduquer, c’est apprendre à distinguer. C’est apprendre à se distinguer. C’est donc un acte antid
1260 er, c’est apprendre à distinguer. C’est apprendre à se distinguer. C’est donc un acte antidémocratique. A. — Vous faites
1261 art au monde. C’est un mensonge que de l’invoquer à tout propos, pour éviter de faire face aux réalités. Quant à ceux qui
1262 os, pour éviter de faire face aux réalités. Quant à ceux qui viennent nous parler de « démocratie populaire », ils font u
1263 -vous devenu fasciste ? R. — C’est ce qu’on lance à la tête de quiconque émet le moindre doute sur la Démocratie. Le term
1264 l’ont dénoncée, surtout si leur crime consistait à porter cette erreur au pire. Or, Hitler et Staline n’ont fait en réal
1265 fait en réalité que pousser l’utopie démocratique à ses conséquences fatales. Ils voulaient un peuple unanime, monolithiq
1266 ient un peuple unanime, monolithique comme on dit à Moscou, et ils l’ont eu, l’épuration éliminant l’opposition, selon le
1267 cela bien mieux que nous, car nous sommes restés à mi-chemin, en marchant dans la même direction. A. — Il faut donc deve
1268 t logiquement aux dictatures. A. — Je ne vois pas à quoi vous tendez et quelle sorte de régime vous paraît bon. R. — J’av
1269 e Démocratie, qui sait ? car ce genre de mot sert à tout, et cela peut rassurer les vieux routiers de la gauche, comme ce
1270 ers de la gauche, comme cette partie de la droite à laquelle il suffit qu’un régime apparaisse périmé pour s’y rallier. M
1271 A. — Comme par exemple ? R. — L’éducation ouverte à tous, mais en vue de favoriser la promotion au pouvoir des meilleurs,
1272 on au pouvoir des meilleurs, ce qui est contraire à l’égalitarisme, au moins autant qu’aux privilèges héréditaires que l’
1273 t qu’aux privilèges héréditaires que l’on confond à tort — voir l’étymologie — avec ce régime du bon sens que serait l’Ar
1274 de les former, non de les élire. A. — Je persiste à penser que l’élection libre par le suffrage universel est le meilleur
1275 les hommes sont égaux ? Mais vous n’y croyez pas, à ce principe de base. La preuve en est que vous approuvez les élection
1276 nom commence par A, puis par B, puis par C, jusqu’ à Z et retour. Ou bien tous les hommes sont égaux, alors prenez n’impor
1277 ombe H. A. — Tout cela vous mène irrésistiblement à concevoir un régime dominé par la science. Que deviendraient alors le
1278 malheur veut qu’elles aboutissent le plus souvent à des dictatures criminelles, justifiées par tous les prétextes que fou
1279 laissant tomber en chemin tout recours paresseux à l’argument démocratique, c’est que les « informations » fournies sur
1280 ries leurs partisans bavards. Avant de nous mêler à leur foule insouciante, demeurons un moment recueillis dans la gloire
34 1957, Preuves, articles (1951–1968). Sur un certain cynisme (septembre 1957)
1281 lement cynique ? Je viens de passer quelques mois à Paris. Tout ce que j’entends et tout ce que je lis, politique et litt
1282 — Vous ne l’avez pas volé, et cela vous apprendra à croire tout ce qu’on vous dit et tout ce que vous lisez ! A. — Mais q
1283 out ce qu’on me raconte et tout ce qu’on me donne à lire m’égare ? R. — Regardez ce que l’on fait, tous ces gosses, par e
1284 rtir que ministre. Sachez que cela ne change rien à la réalité des choses, et ne l’exprime presque jamais. Et tâchez de l
1285  » desquelles l’élite française fait ses délices. À les en croire, tout se décompose : la société, le régime, l’homme lui
1286 nement. R. — C’est en effet la convention commune à l’extrême droite et à la gauche. À l’exception du seul Kipling peut-ê
1287 effet la convention commune à l’extrême droite et à la gauche. À l’exception du seul Kipling peut-être, tous les auteurs
1288 ention commune à l’extrême droite et à la gauche. À l’exception du seul Kipling peut-être, tous les auteurs de toute l’Eu
1289 café fout le camp, et ne sont pris au sérieux qu’ à ce prix. C’est le pont aux ânes de l’avant-garde qui se donne pour te
1290 ue vous lisiez. Je ne vois rien là de particulier à la France, ni même à Paris. Vos romanciers américains ne disent pas m
1291 vois rien là de particulier à la France, ni même à Paris. Vos romanciers américains ne disent pas mieux, ni la nouvelle
1292 e sans issue, du délire entretenu et de l’insulte à la vie comme elle va, c’est Ionesco, Adamov et Beckett, un Roumain, u
1293 votre avant-garde. Et je ne vois pas grand-chose à signaler au-dessous, Françoise Sagan n’étant jusqu’ici qu’un succès.
1294 Sagan est un succès parce qu’elle met le cynisme à la portée de toutes les bourses. Nous la tenons pour typiquement fran
1295 ettes de bonheur digéré qui nous déplaisent, soit à cause des recettes, soit à cause du bonheur. Nous vous rendons « Bonj
1296 nous déplaisent, soit à cause des recettes, soit à cause du bonheur. Nous vous rendons « Bonjour tristesse » qui vous ra
1297 nseille de laisser cela qui se voit et se discute à Paris, et que l’on y « présente » aux visiteurs. La vraie vie de la p
1298 R. — Non, c’est une petite liste qui compte huit à dix noms. A. — Faites voir : « Simone Weil, Teilhard de Chardin, Sain
1299 nes dans le vent »67. A. — Vos auteurs vivent-ils à Paris ? R. — Quelques-uns, mais comme n’y étant pas. Les autres en pr
1300 is comme n’y étant pas. Les autres en province ou à l’étranger, à Manosque, à Vevey, à Washington. A. — Vous les dites cr
1301 tant pas. Les autres en province ou à l’étranger, à Manosque, à Vevey, à Washington. A. — Vous les dites créateurs, mais
1302 s autres en province ou à l’étranger, à Manosque, à Vevey, à Washington. A. — Vous les dites créateurs, mais peu font des
1303 en province ou à l’étranger, à Manosque, à Vevey, à Washington. A. — Vous les dites créateurs, mais peu font des romans.
1304 r les lieux communs, fût-ce d’avant-garde, quitte à les rendre une fois sur deux à leur vrai sens, par un paradoxe au car
1305 vant-garde, quitte à les rendre une fois sur deux à leur vrai sens, par un paradoxe au carré. Voyez Breton qui ne se lass
1306 siques. Voyez Malraux passer du tragique militant à la métaphysique de l’art. Et Saint-John Perse, poète des conquêtes im
35 1957, Preuves, articles (1951–1968). Sur l’Europe à faire (novembre 1957)
1307 Sur l’Europe à faire (novembre 1957)ao En marge d’un débat d’intellectuels O
1308 éjugés. J’ai pris le temps d’aller voir, de temps à autre, les progrès du dépeçage de ce thème pour lequel on aura remarq
1309 e longue date, et qu’elle ne dépend pas du Marché à créer, si elle peut faciliter son entrée en vigueur. À qui le point ?
1310 er, si elle peut faciliter son entrée en vigueur. À qui le point ? Un étudiant m’a dit à la sortie qu’il a trouvé ce comm
1311 en vigueur. À qui le point ? Un étudiant m’a dit à la sortie qu’il a trouvé ce communiste « très fort », décidé à « alle
1312 u’il a trouvé ce communiste « très fort », décidé à « aller au fond des choses », tandis que Spaak serait resté « superfi
1313 nt la consigne, en condamnant l’action des Russes à Budapest, c’est un communiste polonais. J’attendais qu’on le rappelle
1314 ommuniste polonais. J’attendais qu’on le rappelle à l’ordre. On a toléré son écart, par libéralisme sans doute, puisqu’ap
1315 n communiste. Certain libéralisme revient en fait à laisser tous les droits aux antilibéraux et à eux seuls, même s’ils d
1316 ait à laisser tous les droits aux antilibéraux et à eux seuls, même s’ils défendent les libertés. (Car il peut arriver qu
1317 pique. Spaak dit avec chaleur : — Je ne crois pas à la guerre et chacun sait qu’aucun de nos pays ne la veut. — Je suis h
1318 inuscule, qu’elle n’a même pas su faire une place à la Suisse ». L’étudiant de première année qui commettrait une erreur
1319 ion qu’on leur offre, j’aurais eu trois questions à poser : 1° L’Europe est-elle, oui ou non, menacée dans son ensemble e
1320 artisans de son union —, et qu’êtes-vous disposés à faire ? En résumé : vous n’aimez pas notre Europe, celle pour laquell
1321 autre Europe voulez-vous ? Et qu’êtes-vous prêts à faire pour elle ? N’êtes-vous pas des Européens ? Si vous souhaitez u
1322 e des bonnes et des mauvaises raisons de dire non à l’union nécessaire. Ainsi, à la question : « Faut-il unir l’Europe ? 
1323 raisons de dire non à l’union nécessaire. Ainsi, à la question : « Faut-il unir l’Europe ? », on peut répondre : 1. — No
1324 ar l’Europe est bien finie, l’avenir est aux USA, à l’URSS, à la Chine, à la Lune. — Qu’attendez-vous donc pour y aller ?
1325 e est bien finie, l’avenir est aux USA, à l’URSS, à la Chine, à la Lune. — Qu’attendez-vous donc pour y aller ? Et qu’off
1326 inie, l’avenir est aux USA, à l’URSS, à la Chine, à la Lune. — Qu’attendez-vous donc pour y aller ? Et qu’offrent-elles d
1327 s une Europe qui ne serait pas déjà faite, quitte à se plaindre, alors, qu’on les en a exclus. 5. — Non, car l’Europe est
1328 le masochisme occidental. 6. — Non, car l’Europe à faire n’est pas celle qu’on nous fait. Car on fait une Europe vatican
1329 passé par ces stades et beaucoup se sont arrêtés à l’un ou à l’autre. D’où trois ou quatre écoles, dont voici les maxime
1330 ces stades et beaucoup se sont arrêtés à l’un ou à l’autre. D’où trois ou quatre écoles, dont voici les maximes. 1. Il n
1331 battre demain, ils ne pourraient plus le faire qu’ à coups de bâton. D’autres raisons d’unir l’Europe sont apparues, hors
1332 ons d’unir l’Europe sont apparues, hors d’Europe, à l’échelle mondiale. Et trois tendances maîtresses se sont diversifiée
1333 aditionnels ou soi-disant économiques, s’opposent à l’union nécessaire. Pour les tourner (seule solution pratique), créon
1334 mmun demande douze ans. Le monde les donnera-t-il à l’Europe assiégée ? 3. Il faut persuader les esprits et les cœurs, éd
1335 des technique, éducative et politique ne mèneront à rien l’une sans l’autre. Le grand public pensera que cela va de soi.
1336 tion. ao. Rougemont Denis de, « Sur l’Europe à faire (Le point de vue de Ferney) », Preuves, Paris, novembre 1957, p
36 1957, Preuves, articles (1951–1968). Sur la pluralité des satellites (II) (décembre 1957)
1337 t vous auriez eu bien raison, mais cette lucidité à sens unique est une des marques de la confusion générale. La bêtise a
1338 Est européen. L’élimination de Joukov devait être à son tour compensée par le lancement d’un second projectile (dont on p
1339 ment qu’il contiendrait Joukov lui-même, « appelé à de plus hautes fonctions ».) Allant jusqu’à l’extrême de cette logiqu
1340 ppelé à de plus hautes fonctions ».) Allant jusqu’ à l’extrême de cette logique, j’annonce dès aujourd’hui que l’arrivée s
1341 telle campagne : a) accoutumance du grand public à l’idée des satellites ; b) liaison de cette idée avec des questions s
1342 aître antipathique dans la mesure même où il tend à frustrer notre besoin de sensations. Or ce besoin ne pouvant être avo
1343 oué comme tel, on dira que mon plan n’eût visé qu’ à frustrer les Soviets d’une gloire très légitime. En vérité, ce plan e
1344 égitime. En vérité, ce plan eût préparé le public à une plus juste appréciation de l’événement. C’est une manière aussi d
1345 nce politique de nos organes d’information suffit à garantir leur succès financier. Eux aussi jouent et gagnent à tout co
1346 eur succès financier. Eux aussi jouent et gagnent à tout coup sur l’ignorance et la puérilité d’une opinion qu’ils ne sav
1347 n mal informé : le congrès des savants atomistes ( à Genève, 1955) avait largement démontré l’égalité des Russes et des Am
1348 Butors du Kremlin ont inauguré le nouveau cours : à la liquidation sanglante et collective nommée construction socialiste
1349 n Économie, puis le héros numéro un de son Armée. À la faveur de ces spectaculaires changements d’icônes, qui occupent la
1350 56) ; la centralisation bureaucratique fait place à une décentralisation d’ailleurs non moins bureaucratique, et finaleme
1351 s, leurs écrivains, leurs philosophes, témoignent à la face du monde de la faillite du communisme dans les générations qu
1352 ’il reprochait, au nom d’un réalisme sarcastique, à notre conception libérale de la vie. L’élimination progressive mais f
1353 ique par ses dirigeants mêmes n’est pas de nature à endormir la vigilance des partisans de la liberté. Le système n’en de
1354 ar les savants européens, apporte sa contribution à l’Aventure occidentale. Le régime communiste éliminé nous laissera su
1355 ocs qui me paraît fatale, mais le retour de l’Est à l’Europe rénovée par l’élimination de ses nationalismes. C’est dans l
37 1958, Preuves, articles (1951–1968). Sur la fabrication des nouvelles et des faits (février 1958)
1356 nouvelle, ce serait donc ce qu’une agence rédige à l’occasion d’un fait réel ou fabriqué, le fait lui-même ne devenant t
1357 Comment se fait une nouvelle ? — Car il se passe à chaque seconde d’un temps théoriquement simultané sur toute la Terre
1358 ise et les impose (en vertu d’une entente tacite) à l’attention des peuples et de leurs dirigeants. Et non seulement elle
1359 u du désarmement, mais ce qu’il croit devoir dire à tel moment pour que la presse et la radio en tirent telle conclusion
1360 qui peut agir sur l’électeur américain ou réagir à la dernière déclaration des Joyeux Butors du Kremlin, lesquels visaie
1361 c’est-à-dire pratiquement la presse et la radio, à quoi tout se réduit au bout du compte. Car c’est bien compte tenu de
1362 de ce siècle provient de ceci que la « réalité » à laquelle nous croyons chaque matin n’est faite que par la presse et l
1363 le 1er septembre 1946 d’un discours de Churchill, à Zurich. En vérité, Churchill s’était borné à conseiller l’union de la
1364 ill, à Zurich. En vérité, Churchill s’était borné à conseiller l’union de la France et de l’Allemagne, l’Angleterre n’éta
1365 mais aucune suite concrète. Une année plus tard, à Montreux, les fédéralistes se rassemblent, répondant à l’appel de gro
1366 treux, les fédéralistes se rassemblent, répondant à l’appel de groupes de résistants de droite et de gauche non communist
1367 ux ne devint pas un « fait ». En mai 1948 s’ouvre à La Haye le premier Congrès de l’Europe. Seize Premiers ministres, deu
1368 s : il y avait là de quoi make news, comme on dit à New York. Mais l’écho reste faible dans la presse. Car les agences on
1369 ont décidé, ce jour-là, de donner les manchettes à Staline, questionné sur la paix — il est pour — par quelque journalis
1370 plusieurs jours en arrière. On la sort par hasard à ce moment précis, conformément aux vœux discrets des Russes qui, eux,
1371 icaine réplique sans hésiter : elle « construit » à l’avance un autre fait, qui se produit enfin sous la forme d’un échec
1372 e ou non. Elle ne se trompe qu’une fois sur deux. À ce taux, elle pourrait aussi bien s’offrir une politique, sans rien y
1373 ecrets de la matière, en lançant des particules «  à la vitesse de la lumière ». Que pouvait en conclure le lecteur ignora
1374 alisée. Il est exclu d’accélérer des particules «  à la vitesse de la lumière ». Et le synchrocyclotron de Genève a 200 mè
1375 se vendent mieux en temps de crise.   Apprendre à lire. — Les correspondants sont honnêtes : ils disent en général ce q
1376 s d’un journal et celui qui choisit les nouvelles à passer, les « corps », les emplacements, les photos et les titres. Ce
1377 eut actuellement, et qui pourrait demain, imposer à la presse une méthode scientifique de choix et de présentation, qui p
1378 vénements de tous les ordres qu’on peut connaître à tout instant, seuls des cerveaux électroniques seraient capables de d
1379 nes résultantes plus valables. Mais qui donnerait à ces cerveaux le programme sans lequel ils ne savent que penser ? Qui
1380 nser ? Qui leur donnerait le code des hiérarchies à observer dans le choix fabricateur des « faits » ? Ce serait précisém
1381 lopper la résistance critique des esprits exposés à la presse n’est pas seulement possible mais indispensable. Je demande
1382 leurs, si l’on veut bien se rappeler qu’apprendre à lire à tous ne sert qu’à préparer des lecteurs aux journaux, dans qua
1383 si l’on veut bien se rappeler qu’apprendre à lire à tous ne sert qu’à préparer des lecteurs aux journaux, dans quatre-vin
1384 se rappeler qu’apprendre à lire à tous ne sert qu’ à préparer des lecteurs aux journaux, dans quatre-vingt-dix cas sur cen
1385 e le chiffre de 362 milliards cité par M. Monteil à la Chambre, et affirme au surplus que « la rébellion algérienne n’a a
1386 dget français ». Voilà cinq chiffres différents — à tout le moins cités différemment — et qui peut me dire d’abord lesque
1387 juste d’en conclure quant au déficit budgétaire, à la politique algérienne, aux moyens de poursuivre ou de cesser la lut
1388 ’attends le commentateur qui osera se taire jusqu’ à ce qu’il soit certain de savoir ce qu’il en est. Mais je les vois pre
38 1958, Preuves, articles (1951–1968). Sur un patriotisme de la terre (mars 1958)
1389 e et Rhénanie, au crépuscule. Le moteur extérieur à droite, son nez rose à travers l’aura sombre de l’hélice. L’aluminium
1390 es altitudes et de toutes nationalités, répondant à des besoins différents. Il y aura une série de grandes stations de l’
1391 pris. Le patriotisme terrien va dominer le siècle à venir. On le sent naître et balbutier déjà dans les romans de science
1392 communauté qui donne seule une saveur et un sens à l’existence de ses individus. Comme une patrie. Ce sentiment d’appart
1393 s d’un globe souillé partout ? Il ne resterait qu’ à demander à la science de changer de planète. » Dernière pudeur
1394 e souillé partout ? Il ne resterait qu’à demander à la science de changer de planète. » Dernière pudeur Notre Europ
1395 puis sur Mars et Vénus : ils ont moins de pudeur à rompre certains liens, et cela se comprend. D’où leur « avance techni
1396 ’improbables Vénusiens des hommes presque réduits à ce qui n’est pas l’Homme. Utopies, science-fiction, prévisions de
1397 programmes, toujours polémiques, cherchent moins à prévoir le possible qu’à ridiculiser en le portant à l’absurde ce qu’
1398 émiques, cherchent moins à prévoir le possible qu’ à ridiculiser en le portant à l’absurde ce qu’ils condamnent dans leur
1399 révoir le possible qu’à ridiculiser en le portant à l’absurde ce qu’ils condamnent dans leur époque, ou au contraire à ex
1400 ’ils condamnent dans leur époque, ou au contraire à exalter ce qu’ils approuvent, en le faisant triompher dans un Âge d’o
1401 t, en le faisant triompher dans un Âge d’or rêvé. À la première classe appartiennent Swift, Butler, Huxley et Orwell. À l
1402 se appartiennent Swift, Butler, Huxley et Orwell. À la seconde, Thomas More et Bacon, Campanella, Rabelais et H. G. Wells
1403 l se perfectionnera, et quelque jour on ira jusqu’ à la Lune. » Il prévoit aussi les microbes, quelques sens inconnus de l
1404 sera chez un Jules Verne, si la psychologie reste à la mode du temps et ne semble pas prévoir un changement de l’homme mê
1405 d’agir sur nous. Que le héros affronte son destin à pied, en bateau, en carrosse, en avion ou même en fusée, c’est son de
1406 et aux prises. Mais si le siècle qui vient retire à l’homme son droit d’identité native, le sujet même de tous nos drames
1407 techniques. Enfin des chroniques comme celle-ci, à moins qu’elles n’amusent nos petits-fils, comme on aime à retrouver d
1408 qu’elles n’amusent nos petits-fils, comme on aime à retrouver dans son journal intime telle page ancienne, touchante, qui
39 1958, Preuves, articles (1951–1968). Sur la prétendue décadence de l’Occident (avril 1958)
1409 e peut être cultivée avec une sombre complaisance à l’intérieur d’un groupe ou d’une culture en plein essor. Elle a toute
1410 es de se manifester chez ceux qui en sont réduits à commenter leur temps sans y être engagés par un risque immédiat ou pa
1411 isque immédiat ou par une volonté d’action visant à modifier le cours des événements : pessimisme fréquent des philosophe
1412 lui qui, s’étant risqué, a perdu ou ne croit plus à l’enjeu pour lequel il luttait en fanatique : pessimisme du militant
1413 dirigeantes de l’empire soviétique l’éprouveront à leur tour demain. Molotov à Oulan-Bator inaugure ce nouveau romantism
1414 iétique l’éprouveront à leur tour demain. Molotov à Oulan-Bator inaugure ce nouveau romantisme.) Le principe est toujours
1415 e principe est toujours le même : c’est d’étendre à l’ensemble l’échec d’une seule partie à quoi l’on tenait plus qu’à to
1416 d’étendre à l’ensemble l’échec d’une seule partie à quoi l’on tenait plus qu’à toute autre, qu’il s’agisse d’une culture,
1417 hec d’une seule partie à quoi l’on tenait plus qu’ à toute autre, qu’il s’agisse d’une culture, d’une cause ou d’une vie i
1418 Valéry et Toynbee et plusieurs centaines d’autres à leur suite nous l’ont répété sans relâche : l’Occident n’en a plus po
1419 endant pas le fait d’une société vraiment acculée à la ruine et penchant au bord du chaos. Elles supposent, par leur succ
1420 ux les sentir en soi-même, et pour faire la leçon à ceux qui n’y croient plus, mais qu’on n’oserait pas attaquer si elles
1421 u pouvoir de rayonnement, ou au moins la tendance à subir les influences d’autres cultures au lieu de les influencer ; la
1422 is une action comparable en étendue et profondeur à l’influence restauratrice d’un Maritain ou d’un Karl Barth, répercuté
1423 selon l’âge des nations, tous ses effets tendent à ruiner l’Europe, cœur et cerveau, plexus solaire de l’Occident. Ma
1424 et nous provoque, quand celles-ci ne tendaient qu’ à nous convaincre de la vanité de toute intervention, en nous livrant à
1425 la vanité de toute intervention, en nous livrant à des fatalités imaginaires. Mais avant d’attaquer ce problème, pour se
1426 s avant d’attaquer ce problème, pour se qualifier à le faire, voici l’épreuve élémentaire qu’on fera bien de s’imposer. O
1427 sède le droit, la volonté et les moyens d’étendre à l’univers son système de valeurs, sans mériter d’être taxé d’impérial
1428 puyant du même coup la seule candidature sérieuse à cette fonction. Une civilisation qui se prendrait naïvement pour univ
1429 re le bien des autres et ne se prépare donc point à l’intégrer. La Volonté. — D’une part, le christianisme dès sa naissa
1430 quelles se réfèrent les Occidentaux les renvoient à l’universel et les ouvrent à l’aventure, au lieu de les enfermer dans
1431 entaux les renvoient à l’universel et les ouvrent à l’aventure, au lieu de les enfermer dans l’apaisante horreur d’un Sac
1432 absolue de sa spiritualité le rendra vite inapte à les soutenir. as. Rougemont Denis de, « Sur la prétendue décadenc
40 1958, Preuves, articles (1951–1968). Sur un centre qui doit être partout (mai 1958)
1433 onnement de sa culture) mettons qu’elle est égale à celle de la planète : littéralement tout englobante. Cependant, les r
1434 c’est d’abord qu’on transpose le phénomène nation à l’échelle d’une Europe continentale qui serait moins unie qu’unifiée.
1435 la Grande‑Bretagne n’ont une capitale comparable à Paris pour le prestige et la nocivité. La pratique des foyers multipl
1436 d’aucun État. Désavantage : il serait pour tous «  à l’étranger » et l’idée de capitale centralisante aurait tôt fait de l
1437 e. Mais si l’on veut vraiment un district fédéral à la mesure de l’Europe entière et de son demi‑milliard d’habitants, qu
1438 nom de cette même neutralité, qu’on renonce alors à l’improvisation d’une capitale ou de quelque district fédéral synthét
1439 centre vide tant qu’on n’a pas de vrais pouvoirs à y loger. La création de Washington, D.C., ne fut décidée qu’en 1790,
1440 ns vouloir en payer le prix ? Ou que l’on s’amuse à discuter la reliure de cette Constitution, qui est seule urgente, mai
1441 anité, et l’homme moderne autant qu’un autre tend à « réaliser les archétypes » : inconsciemment, il cherche à reproduire
1442 ser les archétypes » : inconsciemment, il cherche à reproduire au niveau des formes visibles certaines formes sacrées don
1443 sacré, le Centre ainsi déterminé doit satisfaire à deux séries d’exigences contradictoires, chacune pouvant être illustr
1444 de rites traditionnels : il doit être accessible à tous ceux qui le désirent, mais entouré d’obstacles et d’épreuves red
1445 re temps, on n’ose guère invoquer que des calculs à l’appui des projets que l’on rêve. Les archétypes régissent en réalit
1446 dt, The Geography of World Air Transport, publiée à New York en 1944. Cependant, le professeur E. G. R. Taylor, dans sa b
1447 , dans sa brochure Geography of an Air Age, parue à Londres un an plus tard, estime que le centre de « l’hémisphère princ
1448 européen se repose en termes concrets. On revient à l’idée du Centre de l’hémisphère principal. Mais au sud‑est de Nantes
1449 risé par un étrange complexe de signes mémorables à l’intersection des grands axes spirituels et physiques de l’Europe. D
1450 avards de grands ancêtres européens, il satisfait à la première série de conditions que nous savons requises par le sacré
1451 sera percé d’ici peu, mettant le bassin de Genève à trois heures d’auto de Turin. À l’est, Divonne, avec son casino où l’
1452 bassin de Genève à trois heures d’auto de Turin. À l’est, Divonne, avec son casino où l’on sacrifie à la Chance. À l’oue
1453 l’est, Divonne, avec son casino où l’on sacrifie à la Chance. À l’ouest, l’auberge de Thoiry où Stresemann et Briand fra
1454 ne, avec son casino où l’on sacrifie à la Chance. À l’ouest, l’auberge de Thoiry où Stresemann et Briand fraternisèrent d
1455 es nations souterraine. Paris, Zurich, Milan sont à une heure d’avion ; Londres, Bruxelles, La Haye, Bonn, Barcelone et R
1456 dres, Bruxelles, La Haye, Bonn, Barcelone et Rome à deux ou trois heures, aujourd’hui. Et s’il faut une armée pour veille
1457 ple du pays que j’ai sous les yeux, mais je tiens à sa paix : qu’on n’y vienne pas trop vite avec des bulldozers et des p
41 1958, Preuves, articles (1951–1968). Sur le régime fédéraliste (I) (août 1958)
1458 la pratique fédéralistes. Tout ceci me conduirait à douter de l’opportunité de définir cette attitude et cette pratique.
1459 plaisir d’un écrivain qui ne brigue rien consiste à dire le vrai en temps et hors de temps, dans le secret espoir d’être
1460 uelque chose. Fédération ou confédération ? À ceux qui ont coutume de poser cette question préalable, et qu’ils cro
1461 ceux-ci sont équivalents — deux quantités égales à une troisième l’étant entre elles — encore que la définition de fédér
1462 thentique fédération, et tous les organes communs à ses vingt-cinq États (dont la souveraineté, notons-le, est garantie p
1463 ux. À vrai dire, ceux qui insistent pour préférer à la fédération (« cette utopie ») une confédération (« plus réaliste »
1464 le nationaliste invétéré qui essaie de se mettre à la page. Un système bon pour les sauvages Mais Littré nous appr
1465 tats. » Aux yeux du Français cultivé et qui tient à savoir ce que parler veut dire, le fédéralisme se réduit à un régime
1466 ce que parler veut dire, le fédéralisme se réduit à un régime fort bon pour les sauvages, par exemple les Suisses et les
1467 la conjoncture mondiale au sous-développement et à la colonisation. Ambiguïté de l’intégration Laissons Littré, qu
1468 intégration, lié de deux manières contradictoires à celui de fédération. Pour les porte-paroles des Français d’Algérie, l
1469 milation totale, légale et décrétée, de l’Algérie à la métropole, c’est-à-dire le refus de tenir compte des différences q
1470 e solution fédéraliste interne, enfin la croyance à la vertu suffisante de la nation une et indivisible. Au plan européen
1471 e leurs différences, donc l’adhésion de la France à une formule fédéraliste d’union continentale. Ici, la contradiction n
1472 peut vouloir à la fois l’intégration de l’Algérie à la France et l’intégration de la France à l’Europe. Car cela supposer
1473 Algérie à la France et l’intégration de la France à l’Europe. Car cela supposerait qu’on est tantôt nationaliste, tantôt
1474 ts et les concepts, quand je cherche au contraire à mieux fixer leur sens, mais il paraît clair que la seule solution qui
1475 lle constate que l’attitude nationaliste unitaire à l’intérieur des frontières d’un État est incompatible avec l’attitude
1476 État est incompatible avec l’attitude fédéraliste à l’extérieur. Elle observe que les nations obsédées par le problème de
42 1958, Preuves, articles (1951–1968). Sur le régime fédéraliste (II) (septembre 1958)
1477 t l’autre sont issus des jacobins, qui fournirent à l’histoire occidentale le type même du parti unique. C’est en partant
1478 e évidemment des partis d’opinion ou d’idéologie, à la française, non des partis anglais ou américains, dont l’origine, l
1479 fait qu’il y ait beaucoup de partis ne suffit pas à changer leur nature, mais la masque aux yeux de la masse : il l’empêc
1480 définie et d’intérêts bien déclarés, est candidat à la fonction de parti unique, parce qu’il prétend détenir les principe
1481 stances est une cruelle et scandaleuse nécessité, à laquelle les partis ne se plieront qu’à la dernière extrémité. C’est
1482 écessité, à laquelle les partis ne se plieront qu’ à la dernière extrémité. C’est dire qu’ils ont horreur de la vraie poli
1483 pas au libéralisme de ces partis, mais seulement à leur impuissance. Cette « garantie des libertés » n’est pas durable,
1484 venirs de la Quatrième La politique consistait à préjuger de tout au nom de la doctrine d’un parti. On rencontrait cha
1485 rente, le simple fait d’appliquer cette idéologie à toute situation nouvelle et imprévue impliquait une erreur systématiq
1486 rouvait pas dans les réalités autant de problèmes à résoudre (après étude) mais autant de prétextes à « réaffirmer son at
1487 à résoudre (après étude) mais autant de prétextes à « réaffirmer son attachement » à des principes invétérés, à dénoncer
1488 ant de prétextes à « réaffirmer son attachement » à des principes invétérés, à dénoncer les manœuvres d’un autre parti so
1489 rmer son attachement » à des principes invétérés, à dénoncer les manœuvres d’un autre parti sous le nom de « complot » si
1490 t » si elles semblaient devoir être efficaces, et à qualifier de « trahison » toute tentative d’arrangement praticable, t
1491 es méthodes des autres : il suffisait de recourir à un jeu de précédents historiques désignés par de simples dates (6 fév
1492 ne pas faire quelque chose équivaut pratiquement à ne vouloir aucune chose, à neutraliser tout vouloir, donc à se livrer
1493 équivaut pratiquement à ne vouloir aucune chose, à neutraliser tout vouloir, donc à se livrer à la première pression mêm
1494 ir aucune chose, à neutraliser tout vouloir, donc à se livrer à la première pression même modérée que l’on subit de l’ext
1495 ose, à neutraliser tout vouloir, donc à se livrer à la première pression même modérée que l’on subit de l’extérieur : ce
1496 entant des intérêts bien définis. Il n’a donc pas à confronter des opinions connues d’avance sur chaque objet ou des doct
1497 doctrines inconciliables par nature, pour imposer à tous la loi du seul parti qui sait faire triompher sa « vérité » ; ma
1498 ux idéologies. Elle appelle et suscite des partis à l’image de celui qui d’abord l’unifia. La tolérance mutuelle entre de
1499 mutuelle entre de tels partis est donc contraire à leur définition : elle est subie parce qu’il le faut, provisoirement,
1500 un parti de doctrine générale se verrait condamné à rester faible, manquant de racines dans chaque région, tandis que les
1501 t forts qu’autant qu’ils limiteront leur ambition à composer les intérêts locaux qu’ils représentent avec la santé de l’e
1502 -aller en temps de crise, tandis qu’on n’aura pas à l’imposer aux partis d’une fédération, qui voient en elle la conditio
1503 ondition de leur succès. L’exécutif exécuté À Strasbourg, il y a quatre ou cinq ans, j’interrogeais un député franç
1504 la première des Républiques françaises : la mise à mort du roi, ce symbole du Pouvoir. Acte sacrificiel et bouleversant,
1505 modernes, héritiers des conventionnels, cherchent à renouveler le grand frisson sacré quand ils renversent un ministère.
1506 fs et se taire pour un temps. Post-scriptum À l’heure où j’écris, ce 10 août, le débat se déchaîne, comme je l’avai
43 1958, Preuves, articles (1951–1968). Sur le vocabulaire politique des Français (novembre 1958)
1507 rendum étant donnés, si on les déclare contraires à la démocratie, il faut admettre alors que ni le peuple ni la démocrat
1508 peut faire dire aux mots tout ce que l’on veut, «  à condition d’en avertir ». On croyait jusqu’ici que le peuple signifia
1509 nt affirmé leur volonté de passer de la Quatrième à la Cinquième, si l’on estime que ce résultat n’exprime pas l’opinion
1510 une trompeuse majorité71. Car le vrai Peuple vote à gauche de Guy Mollet, c’est-à-dire à l’est de la gauche. Un paysan, u
1511 Peuple vote à gauche de Guy Mollet, c’est-à-dire à l’est de la gauche. Un paysan, un artisan, un camionneur, un petit co
1512 s », qui sont une part de ce 20 % dont on ne veut à aucun prix être coupé, sont les électeurs communistes, soutenus dans
1513 rait donc se l’interdire, car au fait, il ne sert à rien dès l’instant que chacun se déclare démocrate et que seul l’adve
1514 qui ne saurait l’exercer, délègue la souveraineté à qui lui plaît. À partir de là, ce qui règne, c’est la confusion séman
1515 (puisque demos égale populus), tout régime imposé à la nation entière par une infime minorité, pourvu qu’elle ait pris so
1516 si toutefois ce parti se dit de gauche et réussit à liquider l’opposition. Cependant, le fascisme, qui a tous les caractè
1517 oi sont traités de fascistes. Si un peuple décide à une très forte majorité de déléguer sa souveraineté à un seul homme a
1518 e très forte majorité de déléguer sa souveraineté à un seul homme au lieu de 596, on peut dire, dans ce cas, ou bien que
1519 dans le cas, fort improbable, où l’on renoncerait à invoquer ce terme, qui ne signifie plus rien puisqu’on l’applique à t
1520 e, qui ne signifie plus rien puisqu’on l’applique à tout ? On se verrait contraint de définir les oppositions véritables
1521 l veut dire. Croit-il, comme celui qu’il attaque, à une France idéale, personnifiée, différente des Français réels ? C’es
1522 contre la monarchie nouvelle, s’en prenne d’abord à la croyance en Dieu ? « Il est normal, écrit-il, qu’un certain nombre
1523 olitaires et trahies ont étendu leur ressentiment à l’espèce entière : tout ce qui est humain leur fait horreur, elles ai
1524 i, c’est qu’ils cèdent au mirage du « Grand Un », à l’attrait du « Gentil Seigneur » auquel on offre « amour et foi en éc
1525 u Père. Voilà l’ennemi. Je suis adulte, ou quoi ? À chacun ses complexes et ses débats intimes. Je n’entends parler ici q
1526 projections publiques d’une attitude qui échappe à tout jugement moral. C’est la politique œdipienne qui tombe seule sou
1527 l’idolâtrie ou l’iconoclastie. Elle n’arrive pas à la notion de respect, qui est une attitude réfléchie, librement conse
1528 ulle étant chrétien, ne saurait être un dictateur à la Staline, seul porteur du Sens de l’Histoire, maître des âmes et de
1529 publiques ni de serment sur la Bible. Ceci tient à la persistance du complexe anticlérical, survivant aux pouvoirs réels
44 1959, Preuves, articles (1951–1968). Nouvelles métamorphoses de Tristan (février 1959)
1530 e le sujet et l’objet, un tiers qui fait obstacle à leur étreinte, — un roi Marc qui sépare Tristan d’Iseut — l’obstacle
1531 ment social (moral ou coutumier, voire politique) à tel point qu’on le voit se confondre à la limite avec la Société elle
1532 politique) à tel point qu’on le voit se confondre à la limite avec la Société elle-même, encore qu’il soit le plus souven
1533 e notre évolution où, tout étant réduit, « ramené à  » comme on dit, profané, décapé des illusions religieuses, névrotique
1534 tout nous semble permis de ce qui ne nuirait pas à la santé et à la productivité ? (Tout le reste étant, d’ailleurs, de
1535 ble permis de ce qui ne nuirait pas à la santé et à la productivité ? (Tout le reste étant, d’ailleurs, de mieux en mieux
1536 re trop sociologique, ne laisserait plus de place à l’amour passionné, tel qu’il fut inventé au xiie siècle par les trou
1537 succès des analystes et des marxistes, qui vivent à leurs dépens depuis un demi-siècle. D’autres tabous subsistent, ou se
1538 ion se jette pour y trouver de nouveaux prétextes à se consumer glorieusement, à défier la morale du Jour au nom de la my
1539 e nouveaux prétextes à se consumer glorieusement, à défier la morale du Jour au nom de la mystique de la Nuit, et la vie
1540 e d’amour ». L’essai que Lionel Trilling consacre à Lolita de Vladimir Nabokov, s’intitule « Le dernier amant ». Et l’hér
1541 ïne de L’Homme sans qualités de Robert Musil, dit à plusieurs reprises d’elle-même et de son frère : « Nous aurons été le
1542 nt on verra bientôt que je ne suis pas le dernier à subir les prestiges et le charme fatal. Est-il besoin de souligner qu
1543 son fasse tout son prix. D’autant plus différents à tous égards, sauf à un seul, seront les trois ouvrages examinés, d’au
1544 e ne m’attacherai donc, dans ces trois œuvres, qu’ à l’apparition de Tristan, dictant impérieusement — à l’insu des auteur
1545 l’apparition de Tristan, dictant impérieusement — à l’insu des auteurs — la rhétorique profonde de leur composition. Pass
1546 rhétorique profonde de leur composition. Passons à l’expérience sans plus de précautions. Voici la fiche archétypique de
1547 igeant, lucide et ironique. Mais elle appartenait à un milieu social, à un clan politique et culturel à la fois décadent
1548 onique. Mais elle appartenait à un milieu social, à un clan politique et culturel à la fois décadent et conventionnel, qu
1549 s décadent et conventionnel, qui devait la livrer à la guerre, puis à pire. Je l’ai dit dans un vaste roman dont le perso
1550 entionnel, qui devait la livrer à la guerre, puis à pire. Je l’ai dit dans un vaste roman dont le personnage central, Ulr
1551 c’est-à-dire sur le seul prochain qu’il parvienne à aimer comme lui-même, dans sa patrie. Mais ce prochain est « interdit
1552 le, qui est le plus vrai, puisqu’il ouvre l’accès à la vie d’extase, mais qui le sépare en fait de la vie sociale. Mon hé
1553 le comprendra. Et voici que l’on fait un triomphe à ma déclaration d’amour ! Le Maître prétend aussitôt que j’ai insulté
1554 près d’elle que je veux me taire.   Ainsi réduits à leur diagramme mythique — on aura reconnu les personnages du drame, c
1555 umaine. C’est le phénomène inverse qui se produit à la lecture des trois romans : vous regardez longuement ce visage de f
1556 e par une auto. H. H. emmène Lolita dans un hôtel à l’enseigne des Chasseurs enchantés. Il lui fait boire un somnifère, m
1557 , traqués par leur secrète culpabilité, d’un bout à l’autre des États-Unis73. Jusqu’au jour où Lolita s’échappe, séduite
1558 te par un autre homme d’âge mûr qu’Humbert tuera. À 17 ans, mariée depuis peu avec un jeune et brave technicien, elle meu
1559 t son héros dans une préface d’ailleurs attribuée à un psychiatre américain, soit, d’une manière plus convaincante, par l
1560 ersonnage de Mignon, un Novalis dédiant son œuvre à l’amour de Sophie von Kuhn, morte à 11 ans, un Edgar Poe qui épouse u
1561 ant son œuvre à l’amour de Sophie von Kuhn, morte à 11 ans, un Edgar Poe qui épouse une fille de 14 ans, et le génial Lew
1562 les plaisanteries souvent féroces de ses lettres à des petites filles. L’adultère, de nos jours, ne conduit qu’au divorc
1563 aisons banales. Il n’offre pas de support sérieux à ce que Freud a nommé un jour l’élan mortel, secret de l’amour tristan
1564 ’inceste. Ces deux amours seraient-ils contraires à la nature ? On les voit largement pratiqués dans le monde animal et d
1565 nature que contre-civilisation. Nabokov fait dire à son héros : « Mon sort a été de grandir dans une civilisation qui aut
1566 une civilisation qui autorise un homme de 25 ans à courtiser une fille de 16 ans, mais non pas une fille de 12 ans. » Hu
1567 e, au début de ses mémoires, l’amour qu’il conçut à 12 ans pour une petite fille de 9 ans qui s’appelait Annabel, et qui
1568 s naturels et joue le rôle d’un absolu préférable à la vie elle-même. La possession de cet inaccessible devient alors l’e
1569 lennelle. Certes, du coup de foudre initial jusqu’ à la mort des amants séparés, conséquence d’un amour interdit qui les e
1570 onscience ? Certains épisodes du roman le donnent à croire, allusions aux péripéties et situations les plus typiques de l
1571 ais toute la description du lieu vise précisément à le désenchanter. L’épisode du philtre est présent, mais ridiculisé pa
1572 ue d’un somnifère que H. H. fait prendre par ruse à Lolita, et qui se révèle d’ailleurs trop faible, le médecin qui l’a p
1573 ui, eux ». Enfin, comme dans Tristan, ils meurent à peu de temps l’un de l’autre, séparés. Mais leur mort est aussi sordi
1574 éciproque malheureux ». Lolita n’a jamais répondu à la passion tendre et sauvage de son aîné. De là l’échec du Mythe et p
1575 s le grand livre de Musil, comme on le verra tout à l’heure. Mais l’absence, ici très frappante, non seulement de toute e
1576 uit le roman aux dimensions d’un tableau de mœurs à la Hogarth. On partage les irritations de l’auteur, on acclame sa syn
1577 it reste, aussi, un Tristan manqué. Et cela tient à l’immaturité de l’objet même de la passion décrite ; mais sans cette
1578 ieux malgré lui, parce qu’il cherchait une vérité à vivre, Robert Musil est mort à peu près ignoré, tout près de ce lieu
1579 n œuvre, en partie posthume, ne cessera de monter à l’horizon mondial de la littérature européenne. Le comique dévastant,
1580 Musil, mais de lui seul… Et j’ai quelque scrupule à le faire figurer dans un contexte qu’il dépasse, d’autant plus qu’il
1581 découvre en effet que Musil, non seulement touche à deux reprises le thème de l’amour passionné pour une enfant, mais sur
1582 Admirable coïncidence, qu’il faut bien attribuer à la logique du Mythe, en l’absence de tout autre élément qui autorise
1583 lément qui autorise la comparaison de deux œuvres à ce point inégales par le climat et l’ambition. Ulrich von X. converse
1584 avec sa sœur Agathe, dont il sent qu’il commence à l’aimer, et lui raconte, sans trop savoir pourquoi, ce souvenir : C’
1585 pas contre nature de rapporter de telles émotions à une enfant ? dit Agathe. — Seule une convoitise grossièrement directe
1586 nté cette histoire, c’est qu’elle est une préface à l’amour fraternel ! Je renonce à souligner les mots révélateurs dans
1587 est une préface à l’amour fraternel ! Je renonce à souligner les mots révélateurs dans le contexte de notre analyse : to
1588 i dont les excitations les plus fortes sont liées à des expériences qui sont toutes d’une manière ou d’une autre impossib
1589 dans laquelle s’engage Ulrich se présente d’abord à sa méditation sous la forme d’un besoin d’amour « délivré des contre-
1590 ant ses yeux comme ces journées d’arrière-automne à la montagne où l’air a quelque chose d’exsangue, d’agonisant, tandis
1591 gue, d’agonisant, tandis que les couleurs brûlent à l’extrême de la passion. À cette rêverie se mêle l’image de sa sœur
1592 les couleurs brûlent à l’extrême de la passion. À cette rêverie se mêle l’image de sa sœur Agathe, retrouvée après de l
1593 vers l’humanité et le prochain. De Chateaubriand à d’Annunzio et à Thomas Mann, en passant par le romantisme allemand, f
1594 et le prochain. De Chateaubriand à d’Annunzio et à Thomas Mann, en passant par le romantisme allemand, français et angla
1595 hapitres non terminés, ajoute : L’homme qui tend à Dieu, selon Adler, est celui qui est privé de sens communautaire — se
1596 — selon Schleiermacher, celui qui est indifférent à la morale… Je dois t’aimer (pense Agathe) parce que je ne puis aimer
1597 e moment négateur du monde et du social, inhérent à toute vraie passion, n’apparaît cependant, aux yeux des passionnés, q
1598 de la vie sexuelle », et veulent aider les hommes à être mariés, et néanmoins contents. L’homme et la femme n’y sont plus
1599 nt sur lui sa nostalgie d’un désir infini, quitte à nommer destin cette projection. C’est alors la dialectique de la pure
1600 erdit, recréant sans cesse la distance nécessaire à « l’amour de loin » des troubadours. Mais quel est ce désir ? Est-il
1601 n, cette idole barbare, qui n’est pas la même ! —  À t’entendre, dit Agathe, il faudrait croire qu’on n’aime pas réellemen
1602 urquoi les amants passionnés en viennent toujours à invoquer le mythe platonicien des deux moitiés de l’être qui se cherc
1603 les plus banales de l’amour : dans l’attrait lié à tout changement, à tout travesti, comme dans l’importance de l’unisso
1604 e l’amour : dans l’attrait lié à tout changement, à tout travesti, comme dans l’importance de l’unisson et de la répétiti
1605 es. Première version : le frère et la sœur cèdent à leur amour, réfugiés sans passeports dans une île de l’Adriatique. No
1606 ntenant sur un haut balcon, entrelacés et enlacés à l’indicible comme deux amants qui, l’instant d’après, se précipiteron
1607 nu de vie, mais une négation, une exception faite à tous les contenus de vie. Or il faut à une exception quelque chose do
1608 tion faite à tous les contenus de vie. Or il faut à une exception quelque chose dont elle soit l’exception. On ne peut vi
1609 s il y a plus. La lucidité de Musil s’attaque ici à la formule même du Roman et la détruit. Si la passion ne conduit pas
1610 Roman et la détruit. Si la passion ne conduit pas à la mort, si le Jour peut reprendre ses droits, l’expérience de l’amou
1611 l semble bien avoir écarté cette fin-là, conforme à la logique du Mythe, pour s’engager dans la voie difficile d’une rech
1612 ce qu’il nomme le règne millénaire ou l’accession à l’« autre vie », à l’état d’amour pur, à l’extase d’un amour non plus
1613 ègne millénaire ou l’accession à l’« autre vie », à l’état d’amour pur, à l’extase d’un amour non plus égocentrique, mais
1614 ccession à l’« autre vie », à l’état d’amour pur, à l’extase d’un amour non plus égocentrique, mais bien allocentrique :
1615 ouses le fleuve silencieux d’une neige de fleurs. À ce point, la passion fait place à la présence, la souffrance du désir
1616 eige de fleurs. À ce point, la passion fait place à la présence, la souffrance du désir à l’extase partagée — mais aussi
1617 fait place à la présence, la souffrance du désir à l’extase partagée — mais aussi le roman au poème. Quelques instants a
1618 uelques instants avant sa mort, Musil travaillait à ce chapitre, qui eût été, selon certains, le couronnement de l’œuvre.
1619 ur sororal n’aurait-il pas été le travesti — tout à fait inconscient, j’en suis sûr — d’un amour trop réel pour oser dire
1620 la littérature occidentale. Il se peut que Musil, à son insu, l’ait approchée plus que nul autre. Je signale au génie de
1621 références du grand nombre vont aux romans écrits à la première personne et par une femme, décrivant des situations quoti
1622 ur un succès de vente. En même temps paraissaient à New York deux romans écrits par des étrangers, Russes au surplus ; l’
1623 er d’ailleurs que cette fortune subite (réduisant à néant les dires d’experts) soit le seul trait commun aux deux ouvrage
1624 surprenante. Je vois bien qu’on peut l’attribuer à des motifs accidentels et différents, scandale moral dans le cas de L
1625 usse, puis les luttes des années héroïques, jusqu’ à la NEP, tout cela sans prendre parti pour les vertus des Rouges contr
1626 , au lieu de l’interpréter comme un hommage rendu à son libéralisme, voie dans ce geste une offense à son autorité. Norma
1627 à son libéralisme, voie dans ce geste une offense à son autorité. Normal enfin que le syndicat des écrivains déguise en l
1628 des frontières de ma patrie équivaudrait pour moi à la mort, et c’est pourquoi je vous supplie de ne pas prendre à mon ég
1629 c’est pourquoi je vous supplie de ne pas prendre à mon égard cette mesure extrême… J’insiste, la main sur le cœur, que j
1630 ’insiste, la main sur le cœur, que j’ai contribué à la littérature soviétique et que je puis encore lui être utile. » Il
1631 on a voulu le croire de part et d’autre. Sensible à la présence cachée d’une logique totalement différente de celle qui d
1632 omme s’il préférait tout, y compris le reniement, à se voir séparé de l’objet de son amour, dût-il vivre auprès de lui da
1633 quel est le roi Marc qui l’en sépare ? Je me mis à lire plus avant. Une jeune fille, Lara, éveille la nostalgie du docte
1634 e était encore « une gamine ». Le docteur réussit à rejoindre Moscou, où il vit misérable et caché. Il épouse sans amour
1635 et meurt dans la foule. Inexplicablement reparue à cette heure, Lara vient pleurer sur son cadavre. Elle est arrêtée peu
1636 ine, la maîtresse clandestine, interdite, enlevée à Tristan par l’homme qui symbolise le Pouvoir régnant, — la fuite dans
1637 renouvelée du Tristan de Wagner. Jivago s’adresse à Lara, dans leur retraite forestière : … Disons adieu à nos espoirs,
1638 , dans leur retraite forestière : … Disons adieu à nos espoirs, disons-nous adieu l’un à l’autre. Nous nous dirons encor
1639 isons adieu à nos espoirs, disons-nous adieu l’un à l’autre. Nous nous dirons encore l’un à l’autre nos paroles secrètes
1640 dieu l’un à l’autre. Nous nous dirons encore l’un à l’autre nos paroles secrètes de la nuit, grande et pacifique comme le
1641 ortilège lumineux que tu avais jeté dans mon âme, à ce rayon qui, peu à peu, s’obscurcissait, à cette musique qui s’estom
1642 âme, à ce rayon qui, peu à peu, s’obscurcissait, à cette musique qui s’estompait, qui s’est fondue avec mon existence mê
1643 ue : Au fait, qu’était-elle donc pour lui ? Oh ! à cette question, il avait toujours une réponse prête. C’est une soirée
1644 altée, adorée, aux éclats toujours imprévisibles, à jamais sublimes et tragiques ! Oh ! comme il est doux d’exister. Comm
1645 imer la vie ! Oh ! comme l’on voudrait dire merci à la vie même, à l’existence même, le leur dire à elles, et en face. Ou
1646 h ! comme l’on voudrait dire merci à la vie même, à l’existence même, le leur dire à elles, et en face. Oui, Lara, c’est
1647 i à la vie même, à l’existence même, le leur dire à elles, et en face. Oui, Lara, c’est tout cela. Puisqu’on ne peut comm
1648 ène où Komarovski (l’intrigant qui a su détourner à son profit le Pouvoir né de la révolution et qui va confisquer Lara)
1649 évolution et qui va confisquer Lara) offre l’exil à Jivago. Ce dernier lui répond, sans motiver son refus : « De mon dépa
1650 eil et mon amour-propre, et me traîner humblement à vos pieds pour recevoir de vos mains Lara, la vie, le moyen de retrou
1651 vous approuver machinalement et de m’en remettre à vous aveuglément. Ainsi, pour le bien de Lara, je vais jouer la coméd
1652 rme. Elle exile celui qui la vit. Elle le destine à contester comme il respire tout ce qui règle officiellement la vie so
1653 et de ses conventions ; d’où la critique mordante à laquelle les soumet le héros, parlant pour l’auteur : cette critique
1654 L’Amour et l’Occident comment cet état préexiste à tout objet déterminé, comment il crée son objet idéal avant de l’iden
1655 ent il crée son objet idéal avant de l’identifier à quelque être réel par une erreur essentiellement inévitable, qu’on at
1656 t dans un mutisme gémissant, tantôt il les excite à une loquacité intarissable — lettres d’amour, traités mystiques — et
1657 lan lyrique de son récit. Lié plus que tout autre à la littérature par une complicité d’origine et d’essence, l’amour-pas
1658 qu’il récuse : c’est elle qui lui a fourni, jusqu’ à nos jours, les obstacles indispensables. Sur ce point, deux observati
1659 dits et tabous qu’au moment où ceux-ci commencent à faiblir, où les violer est encore scandaleux mais n’entraîne pas la m
1660 est encore scandaleux mais n’entraîne pas la mise à mort instantanée, physique ou sociale, du fauteur. La liberté sexuell
1661 es modes littéraires de l’époque 1900, permettent à un Nabokov, à un Musil, d’aller dans leurs romans jusqu’au point péri
1662 raires de l’époque 1900, permettent à un Nabokov, à un Musil, d’aller dans leurs romans jusqu’au point périlleux où le sc
1663 s, intellectuels et même mystiques, qu’il échappe à la fin au romanesque et nous fait entrevoir un genre nouveau, qui pou
1664 té fascinante ? 72. On sait que Musil est mort à Genève, dans la misère, en 1942. 73. Toute cette partie « géographiq
45 1959, Preuves, articles (1951–1968). Sur une phrase du « Bloc-notes » (mars 1959)
1665 çois Mauriac ayant lu quelque part que le drapeau à croix gammée flotte sur Hambourg et que la jeunesse allemande a oubli
1666 les écoles. J’ai dû expliquer l’autre jour encore à une jeune Française de vingt ans (fiancée d’un officier retour d’Algé
1667 lus fort : un bachelier m’apprend que de Gaulle «  à ce qu’il paraît » s’est bien conduit pendant la Résistance, quoi qu’i
1668 l’encourage dans cette idée, tout en le poussant à étudier la biographie de feu Staline — celui que vous remerciez d’avo
1669 e se battre, elles ne pourraient plus le faire qu’ à coups de bâtons et de pages de rhétorique. Déroulède est bien mort, A
1670 onction de l’Europe dans le monde du xxe siècle, à l’échelle planétaire. Le réveil de l’Afrique, le nationalisme arabe,
1671 s problèmes. Vous me direz que vous ne pensiez qu’ à l’unification des deux Allemagnes, dont la seule perspective vous fai
1672 gèrement au dédain ou au mépris de vos lecteurs ? À supposer que cette réunion s’opère un jour, en dépit de vos craintes
1673 urtres, fut gratifié d’un sursis de trois heures, à la demande des opérateurs de la TV qui avaient besoin de la pleine lu
1674 deux séries de réalités humaines obéissant chacun à sa logique propre, se croisent en ce point de scandale absolu. Il y a
1675 s que ces exigences expliquent que l’on en vienne à « transmettre » un massacre jusque dans les foyers les plus paisibles
46 1959, Preuves, articles (1951–1968). Rudolf Kassner et la grandeur (juin 1959)
1676 r (juin 1959)az Rudolf Kassner vient de mourir à l’âge de 86 ans, au comble de sa gloire secrète. Qui l’a mis à son ra
1677 ans, au comble de sa gloire secrète. Qui l’a mis à son rang dans notre siècle ? Les meilleurs, certes, mais presque seul
1678 ncore, malgré trois traductions78 qui suffiraient à résumer son œuvre, laquelle compte environ quarante volumes d’une séd
1679 bert Musil. Ces cinq noms que l’Autriche a donnés à l’Europe sont parmi les plus grands des Lettres de ce temps. Ils illu
1680 qu’ici, le moins connu d’entre eux, si l’on songe à ce dont parle la presse dans ses rubriques dites « littéraires ». P
1681 de me remémorer l’espèce de choc que j’en reçus, à 25 ans, un seul mot me vient à l’esprit : autorité. Avant d’avoir com
1682 oc que j’en reçus, à 25 ans, un seul mot me vient à l’esprit : autorité. Avant d’avoir compris ce qui était dit — j’enten
1683 voir compris ce qui était dit — j’entends compris à la manière intellectuelle et discursive, ramenant à des catégories, à
1684 la manière intellectuelle et discursive, ramenant à des catégories, à des clichés —, j’avais reconnu la grandeur d’un ton
1685 ctuelle et discursive, ramenant à des catégories, à des clichés —, j’avais reconnu la grandeur d’un ton, d’un style, d’un
1686 iple de Kierkegaard, sa pensée paraît réfractaire à toute description, car elle opère sur des mythes concrets plutôt que
1687 Tout. » Il ne se recherche pas soi-même, il vise à la plénitude élémentaire, définie par la loi, par son astre. L’homme
1688 de son essence intime ressemble par quelque côté à un outrage, voire à une impudeur. » À l’opposition du Beau objectif e
1689 me ressemble par quelque côté à un outrage, voire à une impudeur. » À l’opposition du Beau objectif et de l’intéressant s
1690 uelque côté à un outrage, voire à une impudeur. » À l’opposition du Beau objectif et de l’intéressant sentimental qui pou
1691 urnalistique81. La férocité réfléchie qui préside à son analyse de l’indiscret nous vaut une description inégalable du ma
1692 u siècle. Ici, le mépris ne porte aucune atteinte à la perspicacité parce qu’il est vraiment souverain. Peut-être faut-il
1693 vraiment souverain. Peut-être faut-il reconnaître à ce seul philosophe le privilège d’avoir parlé sans complicité de ce q
1694 parlementarisme intérieur qui nous mène lentement à l’impuissance. (Si Kassner exprime un tourment, c’est en tant que la
1695 ne soient concevables qu’en elles-mêmes, et comme à l’état sauvage, non par une explication qui les réduise et qui les do
1696 stique. Une pensée neuve ne saurait être comprise à moins d’être recréée dans sa forme — ce dont certaine clarté dispense
1697 serait plutôt le fait du détachement. Une ironie à l’intérieur des choses, qui les fouille et les purifie, une ironie né
1698 ns Christ et l’Âme du monde — mais bien plutôt qu’ à force d’approfondir leur domaine propre, il les mine et les ruine int
1699 es, où chaque interlocuteur, tour à tour, atteint à l’expression la plus virulente de sa vérité — si bien que la conclusi
1700 garantie de leur pouvoir, et ne saurait traduire, à mon avis, qu’une intention profondément délibérée. Car il s’agit ici
1701 exerçant sur les mythes de l’âme. Je parlais tout à l’heure d’ellipses « saisissantes » et c’était au sens littéral, non
1702 que la coutume sépare, non seulement elle oblige à les voir d’un œil neuf, mais encore elle excite à découvrir l’angle p
1703 à les voir d’un œil neuf, mais encore elle excite à découvrir l’angle particulier sous lequel a pu les voir, proches ou c
1704 vision étant son vrai message.) Elle propose donc à l’imagination un exercice spirituel, assez analogue, il me semble, à
1705 exercice spirituel, assez analogue, il me semble, à ceux qu’imposent aux néophytes les moines bouddhistes de la secte du
1706 le thème profond, omniprésent, de l’œuvre, c’est à l’inverse du bouddhisme, en apparence, le problème chrétien du Dieu-H
1707 ambigu s’il en fut, et qui échappe par définition à la pensée systématique et discursive : point de réponse rationnelle a
1708 autres moyens disposons-nous, qui soient ordonnés à cette fin ? Ce sont moyens de poésie, c’est-à-dire d’âme, inadéquats
1709 authentique de ce mot. Disons, pour couper court à de longs développements, que ceux-là seuls qui se font de la poésie u
1710 favorable au Livre de Job et aux proverbes zen qu’ à Lamartine ou même à Rilke, reconnaîtront dans les dialogues et les pa
1711 e Job et aux proverbes zen qu’à Lamartine ou même à Rilke, reconnaîtront dans les dialogues et les paraboles de Kassner s
1712 ssant transformé en hôtel, un domestique poussait à vive allure son fauteuil roulant, jusqu’à l’ombrage des marronniers d
1713 oussait à vive allure son fauteuil roulant, jusqu’ à l’ombrage des marronniers de la terrasse. Là, Kassner recevait presqu
1714 vingt-cinq ans en arrière une relation de maître à disciple qui avait été réelle dans mon esprit seulement et qui ne pou
1715 n qu’il eût posée, une seule sentence énigmatique à méditer, sans jamais oublier le risque du coup de bâton appliqué par
1716 t, n’était-ce pas ce que j’attendais ? Il parlait à bâtons rompus sur le dos des fervents indiscrets ! Et n’avais-je pas
1717 des fervents indiscrets ! Et n’avais-je pas cédé à l’illusion banale qui veut que l’auteur et l’œuvre soient pareils, al
1718 , en Inde. Il ne cessait de mettre et de remettre à jour son tableau d’une certaine société finissante, composée certes d
1719 , excentriques ou typiques, qu’il se divertissait à évoquer d’un seul trait fortement appuyé — et l’on devinait alors qu’
1720 evée, comme infaillible. D’où l’image qui me vint à l’esprit, pendant notre première rencontre, de cet archer qui tire le
1721 de cet archer qui tire les yeux fermés et atteint à chaque coup le centre de la cible. D’où mes allusions répétées à la t
1722 e centre de la cible. D’où mes allusions répétées à la technique du zen-bouddhisme — que je voudrais maintenant explicite
1723 s importants nous en demeurent : lettres de Rilke à leur amie commune, la princesse de la Tour et Taxis, dédicace à Kassn
1724 mmune, la princesse de la Tour et Taxis, dédicace à Kassner de la Huitième Élégie de Duino, fin des Cahiers de Malte Laur
1725 les sept essais successifs consacrés par Kassner à Rilke, de 1926, au lendemain de la mort du poète, jusqu’au trentième
1726 in qui permet de passer de l’intériorité fervente à la grandeur. Relisons les essais qui suivent : nous y voyons que pour
1727 ns souvent répétées, mais de plus en plus sévères à mesure que le temps passe, auxquelles Kassner recourt pour se différe
1728 Proverbes du yogi : « Le chemin de l’intériorité à la grandeur passe par le sacrifice », phrase dont Rilke lui avait dit
1729 us les deux luttèrent pour la grandeur, non point à partir du Mythe, mais à partir de la Personne, par désespoir »86. Sui
1730 sion sur la Duse, et subitement, Kassner en vient à l’aspect « asiatique » du monde rilkéen, et au bouddhisme. Il a toujo
1731 dans ma mémoire, écrit-il, me tint alerté… jusqu’ à ce que, peu de temps après, je fusse informé de l’existence d’une éco
1732 ’une école du zen dont les maîtres parviendraient à ceci : atteindre le but sans le voir, placer la flèche au centre de l
1733 port il pouvait être avec mon œuvre, qui comptait à ce moment-là plus d’un demi-siècle. Atteindre le but sans le voir (bl
1734 est absolument hindou, ajoute Kassner, appartient à l’Asie, et n’eût été compris que par peu de Grecs, par les éléates, e
1735 léates, et par aucun Romain. Il y aurait beaucoup à dire là-dessus : sur la flèche du vieux Zénon, qui n’atteint pas le b
1736 ’union ultime du But et du Sens. Si je m’en tiens à cette interprétation du zen, Denis de Rougemont a raison ; il y a du
1737 n ; il y a du zen, en fait, dans tous mes écrits, à commencer par cette « Morale de la musique » qui aujourd’hui, à cause
1738 ible de la foi. Et certes, il m’est souvent venu à l’esprit que cette Einbildungskraft 87, qui joue dans toute son œuvre
1739 iant ainsi les représentations de l’ancienne Asie à celles de l’Occident chrétien. Ce qui lui semble, en fin de compte, r
1740 tion de limite, si importante pour lui, le ramène à Rilke, dont il cite ce vers : Si le boire te semble amer, deviens Vi
1741 nnée. C’est cette question que le 23e des Sonnets à Orphée pose, ou tout au moins, comme il convient à Rilke, tient caché
1742 Orphée pose, ou tout au moins, comme il convient à Rilke, tient cachée : C’est lorsqu’un pur essor vers où ? Aura vainc
1743 ement des concepts, au nom du Sens qui est le But à l’infini. Le But, la Flèche et l’Homme Kassner avait sans doute
1744 t livre d’Herrigel sur L’Art chevaleresque du tir à l’arc 88. Le vers de Rilke sur le vin a donc pu lui rappeler ce préce
1745 c pu lui rappeler ce précepte donné par un maître à un peintre : « Observe le bambou pendant dix ans, deviens bambou toi-
1746 même, et sinon le son de sa voix, qu’on est seul à ne pas reconnaître, du moins le mouvement de pensée de ses Dialogues
1747 boles dans ces paroles d’un maître zen sur le tir à l’arc : Celui qui est capable de tirer avec l’écaille du lièvre et l
1748 que mouvement immobile, danse sans danse, le tir à l’arc se fond dans le zen. Mais voici le plus remarquable. Il semble
1749 apon pour s’initier au zen en s’entraînant au tir à l’arc. Vos flèches manquent de portée (fait remarquer le Maître au d
1750 us tirez. Ou encore : La Grande Doctrine du tir à l’arc ignore tout d’une cible dressée, à une distance déterminée ; el
1751 e du tir à l’arc ignore tout d’une cible dressée, à une distance déterminée ; elle ne connaît que le but, qui ne s’attein
1752 lles renvoient toujours ailleurs, au tout unique, à l’infini, où se rejoignent d’un seul coup, dans l’illumination de la
1753 l’individu et le sens final91. J’en reviens donc à l’homme que j’essaie de décrire par le biais d’une vision particulièr
1754 ke, je lui aurais posé des questions qu’il laisse à jamais sans réponse. Je lui aurais dit sans doute : le but du zen est
1755 de cette réalité qui est liberté de la personne, à celle du zen qui est négation du personnel ? Ou plutôt, saurez-vous n
1756 Mais j’imagine que ses Propos, que l’on commence à publier, vont apporter des éléments sans prix pour le Grand Œuvre de
1757 de l’Occident.   Je ne pouvais présenter Kassner à des lecteurs dont la plupart ne l’ont pas lu, en suivant la méthode u
1758 ni romancier, ni dramaturge, ni poète, il demeure à mes yeux le type même du créateur au xxe siècle. En abordant cette œ
1759 s, curieux d’une grandeur authentique. Je pensais à ce personnage du plus beau dialogue de Kassner92, l’oncle Hammond Ste
1760 s’agitait tout particulièrement et s’abandonnait à de sombres pensées lorsqu’il lui arrivait de parler de quatre grands
1761 e parler de quatre grands boutons de nacre, fixés à l’habit d’un clown célèbre de son temps, Big Button. Les pensées que
1762 boutons, penser dans toutes les directions, jusqu’ à Dieu ; il fallait donc considérer comme un grand bonheur pour lui qu’
1763 écrit Kassner — au journaliste anonyme, mais bien à l’auteur qui écrit des drames, des romans, des systèmes. Ce journalis
1764 journaliste-là, préoccupé d’une immortalité tout à fait impossible, est indiscret, l’autre ne fait que son devoir. » 82
1765 s, spontanés, sautant d’un objet ou d’un paradoxe à un autre, et qu’on prenne congé sans étreintes, excuses, retours et m
1766 s’en aller sans bavures. 83. Kassner s’obligeait à marcher sur ses cannes plusieurs heures par jour : « Depuis le temps
1767 ures par jour : « Depuis le temps de mon semestre à Berlin, en 1895, pendant plus d’un demi-siècle, j’ai marché trois heu
1768 lomètres, on obtiendrait un chiffre considérable. À défaut d’une autre gloire, n’est-ce pas, je garderai peut-être celle
1769 la littérature universelle, malgré mes cannes ou à cause d’elles. Ce qui ne signifie pas grand-chose pour la littérature
1770 aucoup pour moi… Ma vision, ma pensée, sont liées à la marche, au chemin. Inséparables !… » (A. Cl. Kensik : « Entretiens
1771 force créatrice, de l’acte même qui relie l’homme à sa vision, à l’infini ; donc du « pouvoir de transformer » par excell
1772 ce, de l’acte même qui relie l’homme à sa vision, à l’infini ; donc du « pouvoir de transformer » par excellence. C’est e
1773 ui nous permet de passer du monde magico-mythique à celui de la personne et de la liberté. 88. C’est là qu’on trouvera l
1774 t paraboles, Plon, Paris, 1956. 91. Kassner joue à plusieurs reprises sur les mots Alleinheit (état d’isolement de l’hom
47 1959, Preuves, articles (1951–1968). Sur un chassé-croisé d’idéaux et de faits (novembre 1959)
1775 au contraire, professe que l’Occident est promis à la décadence. Que veut-il donc rejoindre et dépasser de cet Occident
1776 lanétaire ? Mais les États-Unis n’y ont accédé qu’ à la faveur de la Seconde Guerre mondiale, c’est-à-dire en même temps q
1777 e, d’une paisible vieillesse… du droit de l’homme à créer en toute liberté dans l’intérêt du peuple. » À ce niveau d’idéa
1778 réer en toute liberté dans l’intérêt du peuple. » À ce niveau d’idéal, il est clair qu’aucune contradiction ne saurait pl
1779 dinave, ou de l’american way of life. K. se borne à proclamer que les Russes atteindront ces buts plus vite que les Améri
1780 ologique » entre l’Est et l’Ouest n’est donc plus à ses yeux qu’une lutte de vitesse, et le « meilleur système » est simp
1781 ut ! Avouez qu’il n’y a pas là de quoi se battre… À ceux qui croyaient voir quelque contradiction entre la politique de c
1782 cette théorie et cette praxis. Mais cela revient à dire, en somme, qu’il faut cesser de penser comme Marx. Séparer la pe
1783 pensée de l’action, réduire la lutte idéologique à l’échange de slogans d’ailleurs peu différents de part et d’autre, re
1784 leurs peu différents de part et d’autre, renoncer à toute interférence dans les affaires intérieures du voisin, s’en reme
1785 les affaires intérieures du voisin, s’en remettre à la « compétition pacifique » pour résoudre tous les conflits, c’est l
1786 eint ses buts et qui n’a plus de grands problèmes à résoudre. La force du régime soviétique… c’est qu’il constitue avant
1787 réalisation de ce but. La seule façon de répondre à M. K., c’est de cesser de nous demander avec inquiétude s’il va nous
1788 pauvres ? Lippmann ne voit rien au-delà, n’a rien à proposer (qu’une reprise de confiance dont il n’indique pas les motif
1789 nt gagner. Mais gagner quoi ? Qu’auriez-vous donc à redouter, Américains, de l’espèce de victoire que les Russes se prome
1790  ? Puisque leur grande idée se réduit aujourd’hui à « faire mieux » que vous et à vous dépasser dans votre sens ? Puisque
1791 réduit aujourd’hui à « faire mieux » que vous et à vous dépasser dans votre sens ? Puisque leur grande idée, c’était hie
1792 itudes affichées ou confessées de part et d’autre à la veille du voyage de K. en Amérique, on pouvait et l’on devait s’at
1793 en Amérique, on pouvait et l’on devait s’attendre à ce qui s’est passé en effet : la rencontre de deux groupes de complex
1794 nt et se cherchent, puis s’accrochent brutalement à deux ou trois reprises, mais aussitôt après commencent à se détendre,
1795 ou trois reprises, mais aussitôt après commencent à se détendre, à se dénouer sans que l’on sache trop ce qui arrive, lai
1796 es, mais aussitôt après commencent à se détendre, à se dénouer sans que l’on sache trop ce qui arrive, laissant poindre u
1797 nquiètent de ne plus savoir pourquoi c’était tout à l’heure impensable… Que K. se soit assez bien entendu avec les grands
1798 ique, c’était prévu. Mais non pas le trac visible à l’arrivée, certains accès de colère maladroits, certains aveux non ca
1799 ts et risibles… Si l’on songe au Führer, au Duce, à Staline, il devient évident que Khrouchtchev est une créature intermé
1800 abuleux, dont on n’a pas encore bien mesuré jusqu’ à quelles profondeurs il déconcerte les catégories de la politique séri
1801 ke représentait l’allégeance aux valeurs idéales, à la spiritualité pacifiste, K. la volonté d’efficacité matérialiste et
1802 ictions flagrantes et polaires peuvent se ramener à deux égalités, par une sorte de court-circuit ; que l’Idéal et l’Idéo
1803 Il se peut que les Américains tiennent davantage à conformer leur politique à leurs principes, et que les Russes accepte
1804 ins tiennent davantage à conformer leur politique à leurs principes, et que les Russes acceptent plus facilement de subor
1805 il est certain que ces deux peuples sont destinés à se ressembler de plus en plus, dans toute la mesure où ils se rapproc
1806 ue les oppositions idéologiques, figées et pâlies à l’arrière-plan. Aux yeux des peuples du monde entier, la carte des gr
48 1960, Preuves, articles (1951–1968). Sur la détente et les intellectuels (mars 1960)
1807 Rome), Guido Piovene déclare : « C’est notre rôle à tous, intellectuels italiens, d’exercer notre influence dans la vie p
1808 s la vie publique afin que la guerre froide cesse à l’intérieur du pays… Le choc pur et simple entre le communisme et l’a
1809 elle de la guerre froide » et ne saurait survivre à la détente. À l’inverse, Alberto Moravia, dans les vœux du Nouvel An
1810 rre froide » et ne saurait survivre à la détente. À l’inverse, Alberto Moravia, dans les vœux du Nouvel An qu’il adresse
1811 Moravia, dans les vœux du Nouvel An qu’il adresse à un hebdomadaire parisien, souhaite « la paix entre les peuples et la
1812 ur la paix dans la littérature aussi : « Je tiens à affirmer ma profonde conviction qu’il n’existe pas “d’art bourgeois”
1813 selon l’auteur du Dégel, il convient de s’opposer à la publication en URSS d’ouvrages de caractère « idéologique », ceux
1814 on est pris et démasqué. Ils nous jugeaient donc à leur aune. Ils avaient démasqué notre « anticommunisme », et nous réd
1815 qué notre « anticommunisme », et nous réduisaient à cela. C’était notre unique obsession, notre seule raison d’être, et n
1816 utile de demander s’ils y croyaient : ils avaient à le dire et c’est tout. Or, si nous nous trouvions être « anticommunis
1817 manie systématique, c’était précisément parce qu’ à nos yeux, la vocation de l’écrivain dans la cité ne pouvait être inte
1818 la totalité. Le rôle de l’écrivain est de penser à autre chose et de faire penser à autre chose. » C’est dans la seule m
1819 in est de penser à autre chose et de faire penser à autre chose. » C’est dans la seule mesure où nous refusions le menson
1820 ns des « antis ». Au reste, nous pensions surtout à « d’autres choses ». Mais comme ces autres choses, pour eux, n’exista
1821 Foreign Affairs, distinguant par décret (anathème à l’appui) la compétition pacifique et la lutte idéologique. Si la lutt
1822 encore un acte de guerre froide. Nous reprochions à l’URSS de ne pas distinguer entre les intérêts d’un parti au pouvoir
1823 e croire que nous la refusons. Elle nous reproche à tort ce dont nous l’accusions avec plus de raison que de plaisir. Sa
1824 lutte dans le domaine des idées consiste en somme à nous demander une reddition sans condition. La lutte idéologique, à l
1825 e reddition sans condition. La lutte idéologique, à l’en croire, cesse de s’opposer à la paix dans la mesure où elle cess
1826 te idéologique, à l’en croire, cesse de s’opposer à la paix dans la mesure où elle cesse d’être une lutte. Ehrenbourg est
1827 e terreur sincère devant le dialogue égal, réduit à peu de choses les chances de la détente entre intellectuels des deux
1828 on dans le « sens de l’histoire », pieux mensonge à l’usage des victimes d’un tyran, mais dans les lois de la lutte des f
1829 prestige, selon les sociologues. Mais notre mère à tous, n’est-ce pas l’Europe ? 93. Allocution à la Salle Gaveau pend
1830 à tous, n’est-ce pas l’Europe ? 93. Allocution à la Salle Gaveau pendant une réunion organisée par le Congrès pour la
49 1960, Preuves, articles (1951–1968). Les incidences du progrès sur les libertés (août 1960)
1831 ire ici présent n’a pu écouter, je pense répondre à l’attente de tous en essayant de reconsidérer la nature, la fonction
1832 re titre : Congrès, Liberté, Culture. Vous verrez à quel point ces trois termes s’appellent et s’impliquent mutuellement.
1833 ciété. Peu de mois après leur première conférence à Berlin, il y a dix ans, ils décidèrent de se grouper afin de créer ai
1834 hir ensemble sur les immenses problèmes que pose, à cette génération, le progrès dans la liberté. Car il est clair que ce
1835 ort d’équipes confrontant leurs points de vue, et à l’échelle mondiale. Le Congrès s’est donc adressé aux intellectuels d
1836 nt tant de cultures traditionnelles mal préparées à les assimiler. Elles viennent enfin, ces menaces contre la liberté, d
1837 ui souffrent avant tout de ne pas trouver un sens à leur vie individuelle. L’absence de sens, dans une vie, voilà ce qui
1838 té. Chaque fois qu’un homme ou une femme en vient à constater que sa vie personnelle n’a pas de sens, la liberté perd un
1839 me permettrez d’être assez bref, et de me borner à quelques traits définissant la conception de la culture que je vois p
1840 activités proprement humaines qui donnent un sens à notre vie. Car la culture, c’est tout d’abord : transmettre des recet
1841 n se sente chez soi. C’est donc d’abord permettre à l’homme de se situer à sa place dans le monde, et dans un monde qu’il
1842 est donc d’abord permettre à l’homme de se situer à sa place dans le monde, et dans un monde qu’il approuve et dont il co
1843 la culture vivante, celle qui peut rendre un sens à l’existence humaine. Or il se trouve que la plupart des conférences e
1844 nes que nous avons spécialisées et séparées jusqu’ à l’absurde — l’art et la vie quotidienne, le travail et la réflexion,
1845 ut pour l’Occident surtout. Mais désormais, c’est à l’échelle mondiale aussi que les diverses facultés de l’homme peuvent
1846 ns de vous donner de nos buts répond suffisamment à cette question. Mais on insiste, la presse insiste, et les interviewe
1847 yons d’abord anti-ceci ou cela… J’insisterai donc à mon tour. En situant le Congrès comme je viens de le faire, j’ai voul
1848 ce qui la prépare et la pré-forme, en contribuant à orienter les esprits et leurs choix vers des fins qui dépassent la po
1849 ne de toutes parts. Mais nous refusons d’accorder à la politique cette valeur absolue de fin en soi que lui donnent les t
1850 ires — tant qu’un jour il n’y a plus rien d’autre à faire qu’à se jeter à mains nues contre les tanks, symboles écrasants
1851 qu’un jour il n’y a plus rien d’autre à faire qu’ à se jeter à mains nues contre les tanks, symboles écrasants de la poli
1852 il n’y a plus rien d’autre à faire qu’à se jeter à mains nues contre les tanks, symboles écrasants de la politique total
1853 ’esprit seul peut entrevoir, imaginer et proposer à nos désirs et à notre raison, à notre volonté et à notre foi. Et alor
1854 t entrevoir, imaginer et proposer à nos désirs et à notre raison, à notre volonté et à notre foi. Et alors, la liberté se
1855 giner et proposer à nos désirs et à notre raison, à notre volonté et à notre foi. Et alors, la liberté serait-elle du nom
1856 nos désirs et à notre raison, à notre volonté et à notre foi. Et alors, la liberté serait-elle du nombre de ces fins der
1857 elle du nombre de ces fins dernières, serait-elle à son tour un absolu ? Non, certes, mais elle seule nous conduit à nos
1858 bsolu ? Non, certes, mais elle seule nous conduit à nos fins. Car la liberté se concrétise dans l’augmentation continuell
1859 de courir son risque personnel, de donner un sens à sa vie, tant de travail que de loisir, et tant d’action que de médita
1860 la nature et par la qualité des chances ménagées à chacun de courir sa propre aventure et d’affronter le mystère de sa p
50 1961, Preuves, articles (1951–1968). Dialectique des mythes : Le carrefour fabuleux (I) (avril 1961)
1861 t dérobé ? Si la rencontre de trois routes suffit à donner son nom à tout ce que craint un solitaire : la trivialité, com
1862 rencontre de trois routes suffit à donner son nom à tout ce que craint un solitaire : la trivialité, combien plus trivial
1863 es les plus parfaites dans le lyrisme occidental. À la quête spirituelle d’une vision juste, ou peut-être seulement d’une
1864 ieux les plus émouvants, pour celui qui chevauche à l’aventure au profond des forêts de l’âme occidentale. Arrêtons-nous
1865 d’un pavillon de chasse. Les portes s’ouvrirent à deux battants ; l’éclairage étincelant, la fraîcheur se déversant à f
1866 l’éclairage étincelant, la fraîcheur se déversant à flots, la séduction fascinante des parfums, et le goût impeccable du
1867 nvisible, ils s’arrêtèrent un instant, semblables à celui que l’enthousiasme a réveillé et qui ressuscite en plein enthou
1868 s de la nuit tranquille du cloître. Enfin, c’est à Mozart, écrira-t-il plus tard — dans les Étapes — qu’il aura dû de n’
1869 amour malheureux ». Reliée par ces derniers mots à la vie trop réelle du Solitaire, la fascination du mythe révèle ici s
1870 i, mais aussi la puissance infinie de la passion, à laquelle rien ne peut résister ; j’entends la convoitise effrénée du
1871 n de s’opposer. Si d’aventure la pensée s’attarde à l’obstacle, celui-ci tire son importance d’exciter la passion plutôt
1872 animée d’un démoniaque puissant et irrésistible, à la façon d’un élément. Telle est son idéalité dont je puis me réjouir
1873 est plus rien. Lancé comme une pierre qui ricoche à la surface de l’eau, il s’enfonce instantanément dans l’abîme du néan
1874 ourdit pas Zerline de belles paroles, il l’invite à entrer, fait un geste. « Il ne séduit pas mais il désire, et ce désir
1875 ent séduite ».97 L’érotisme de Don Juan s’oppose à l’Éros antique, qui était psychique et non sensuel, « et c’est ce qui
1876 rise tout amour grec »98. Il s’oppose plus encore à l’amour courtois, essentiellement fidèle. « L’amour psychique est exi
1877 parfait médium. Pour Don Juan, « la féminité tout à fait abstraite est l’essentiel », l’individualité n’existe pas : il n
1878 l’individualité n’existe pas : il n’y aura jamais à ses yeux infidélité ni tromperie, mais seulement répétition et multip
1879 e… et aussitôt tout est fini, puis cela se répète à l’infini. » Sans passé, sans mémoire (il lui faut le Catalogue !), sa
1880 ns nostalgie, il court, vole et se réjouit, jusqu’ à ce qu’il butte contre « la pierre d’achoppement », la Statue de pierr
1881 varier les interprétations de la légende « jusqu’ à ce que Mozart en ait découvert à la fois le médium et l’idée », d’où
1882 temps ». En récrire un après Mozart équivaudrait à produire une Ilias post Homerum. Du commentaire de l’opéra lui-même (
1883 ervation centrale : « Don Juan donne leur intérêt à tous les autres personnages… Sa passion met la passion des autres en
1884 rouvé dans toute son œuvre que de rares allusions à l’Hamlet de Shakespeare, et pas une mention de Tristan — pour des cen
1885 nt le mariage, « suprême expression de l’amour », à laquelle il a dû renoncer pour une raison qui reste son secret dernie
1886 ude du temps » — ce temps qui toujours « manque » à Don Juan. Cependant, le Mari n’entend pas éluder la difficulté fondam
1887 u : L’amour et l’inclination amoureuse sont tout à fait spontanés, le mariage est une décision ; vouloir se marier, cela
1888 tre, la décision ne doit pas arriver par-derrière à pas de loup : le tout doit avoir lieu simultanément. Suivent cent pa
1889 nt cent pages au cours desquelles le Mari réitère à coup d’arguments philosophiques que la décision ne saurait être fondé
1890 ion, un saut. Toute communication directe de Dieu à l’homme tuerait l’homme, c’est-à-dire tuerait en lui son pouvoir d’ap
1891 mmunication directe, égalisante, en quoi consiste à ses yeux le mariage. Par amour pour Régine, il doit donc s’éloigner,
1892 onc s’éloigner, bien qu’il ne cesse de s’adresser à elle sous le couvert de ses pseudonymes, et de lui dédier toutes ses
1893 si ce n’est pas plutôt l’inverse, — ne correspond à rien dans notre perspective, et n’aiderait à déceler aucun sens vérif
1894 pond à rien dans notre perspective, et n’aiderait à déceler aucun sens vérifiable. En effet, tout homme pensant dispose d
1895 stentielle. Mais voici que cette décision échappe à l’homme, donc à l’éthique temporelle et autonome : La décision n’est
1896 voici que cette décision échappe à l’homme, donc à l’éthique temporelle et autonome : La décision n’est pas la force de
1897 ion amoureuse ne la méprise et ne préfère se fier à elle-même plutôt que de se livrer aux directives d’un tel faux savant
1898 , « l’absurdité de l’inclination amoureuse arrive à une entente divine avec l’absurdité du sentiment religieux ». Mais on
1899 vocation exceptionnelle. Le mariage est interdit à celui qui doit être l’Exception : Au soldat qui monte la garde aux f
1900 is à condition de n’être pas « heureux » : Grâce à une jeune fille, bien des hommes sont devenus des génies, beaucoup de
1901 te en elle a éveillé l’enthousiasme chez l’homme, à cette femme qui l’a ainsi enthousiasmé, il aurait dû pourtant s’unir
1902 nde qu’imparfaitement la situation. L’égoïsme est à l’origine du sentiment pour autrui, mais quand sa passion paradoxale
1903 r d’un rendez-vous manqué : il est allé tout seul à la campagne, ce jour-là, « à Fredensborg où souvenir et nostalgie s’e
1904 l est allé tout seul à la campagne, ce jour-là, «  à Fredensborg où souvenir et nostalgie s’embrassent. C’est ce moment qu
1905 ard, dans la rue. Elle l’a salué, et il a répondu à son salut, mais ils n’ont pas pu se parler. C’était le 17 mars 1855,
1906 n’ont pas pu se parler. C’était le 17 mars 1855, à la veille du départ de Régine pour un long voyage aux Antilles. Il mo
1907 , selon la parabole évangélique — ne saurait être à son tour que l’expression de l’esprit en tout homme. Seul donc celui
1908 ierkegaardien. L’amour ne va pas de n’importe qui à tout le monde, mais d’un seul, distingué par l’esprit, à chacun de ce
1909 le monde, mais d’un seul, distingué par l’esprit, à chacun de ceux, quels qu’ils soient, également existants par l’esprit
1910 Discours religieux de 1843, sous cette forme : «  À l’Individu qu’avec joie et reconnaissance, j’appelle mon lecteur. » C
1911 ar sa vocation, mais en même temps relié par elle à la communauté nouvelle des esprits — et c’est lui que j’appelle la pe
1912 ierkegaard lui-même. Vocation qui devait le mener à sa perte, puisqu’il mourut d’une longue passion unique pour l’intério
1913 lles, l’attaque finale contre l’Église et la mort à 42 ans. Pour l’autre, moins encore : quelques années de professorat,
1914 rofessorat, une longue solitude errante, la folie à 44 ans. L’un et l’autre ont produit en une quinzaine d’années leur œu
1915 un raccourci fidèle de celles de Kierkegaard, qui à leur tour répétaient celles de saint Paul lui-même ! Sur le mariage,
1916 tible de durer en tant que passion et que l’amour à vie peut être considéré comme la règle. Par cette ténacité d’une nobl
1917 conséquent une pia fraus, l’institution a conféré à l’amour une noblesse supérieure. Toutes les institutions qui ont conc
1918 périeure. Toutes les institutions qui ont concédé à une passion la croyance en la durée de celle-ci, et la responsabilité
1919 ar la femme aimée de passion que l’homme s’élève, à condition cependant qu’il ne l’épouse pas. Dans ses moments d’« équil
1920 ndication d’une liberté des mœurs, qui appartient à la « morale des esclaves ». Maintenant, l’on comprendra sans plus d’
1921 ces hommes magnifiques et ingénieux du gai saber à qui l’Europe est redevable de tant de choses et presque d’elle-même.1
1922 nstinct, créer le dégoût par la satiété, associer à l’instinct une idée martyrisante ou de honte, dissocier et disperser
1923 ysiquement et psychiquement !) Nietzsche en vient à découvrir qu’en réalité « la volonté de combattre la violence d’un in
1924 y appelle « instincts rivaux » se ramène en fait à deux possibilités ou puissances rivales en l’homme : l’érotisme sexue
1925 eu avant —, ni l’amour qu’on invoque ici, ne sont à parler proprement, des instincts. L’érotisme commence précisément ave
1926 he : c’est L’Origine de la tragédie, qu’il publie à 28 ans. Au même âge, Kierkegaard écrit Ou bien… ou bien. Et tandis qu
1927 a spontanéité passionnée, l’autre ne veut prendre à témoin que le seul Tristan de Wagner, comme expression exemplaire du
1928 un et l’autre tiennent le langage pour impuissant à traduire l’essence de la musique, en laquelle l’un voit l’expression
1929 cente, et dont les signes annoncent et expliquent à l’homme fait sa vie et ses combats. »115 Et voici les relations entr
1930 musique, portant ainsi du premier coup la musique à sa perfection, chez les Grecs comme parmi nous, mais elle y ajoute au
1931 mythe tragique, et le héros tragique qui, pareil à un formidable Titan, prend sur ses épaules le fardeau du monde dionys
1932 ée universelle de sa musique et l’auditeur soumis à l’influence dionysiaque, la tragédie introduit un symbole sublime, le
1933 stique du mythe. Ce noble subterfuge permet alors à la musique d’assouplir ses allures aux rythmes des danses dithyrambiq
1934 danses dithyrambiques, de s’abandonner impunément à un sentiment orgiastique de liberté auquel, en tant que musique en so
1935 ntre la musique, et lui seul, d’autre part, donne à celle-ci la suprême liberté. La musique, en retour, confère au mythe
1936 re unique, la parole et l’image fussent demeurées à jamais impuissantes à l’atteindre. Et c’est tout spécialement par l’e
1937 t l’image fussent demeurées à jamais impuissantes à l’atteindre. Et c’est tout spécialement par l’effet de la musique que
1938 nvahi de ce sûr pressentiment d’une joie suprême, à laquelle aboutit ce chemin de ruine et de déception, de sorte qu’il c
1939 pporter l’audition du troisième acte de Tristan «  à moins de suffoquer sous la tension convulsive de toutes les fibres de
1940 tre commun. « J’aime en Wagner — écrit-il en 1866 à Erwin Rohde — ce que j’aime en Schopenhauer : le souffle éthique, la
1941 mort, l’abîme… » Mais quelques années plus tard, à Peter Gast : « Vive la liberté, la gaieté, l’irresponsabilité ! Vivon
1942 … — loin du Nord désormais détesté, Nietzsche vit à Gênes, et il écrit Aurore. « Presque chaque phrase de ce livre a été
1943 familière intimité avec la mer. »117 Il vit aussi à Sils-Maria, dans l’air sec et la limpidezza des hauteurs, et il y ter
1944 il y termine la première partie de Zarathoustra, à « l’heure sainte » — tiendra-t-il à préciser plus tard — où Richard W
1945 Zarathoustra, à « l’heure sainte » — tiendra-t-il à préciser plus tard — où Richard Wagner meurt à Venise118. Que dit Zar
1946 il à préciser plus tard — où Richard Wagner meurt à Venise118. Que dit Zarathoustra ? « Insouciant et railleur, violent —
1947 era « comme une antithèse ironique » au marécage, à la magie, à l’histrionisme, au germanisme, à la chasteté douteuse, à
1948 une antithèse ironique » au marécage, à la magie, à l’histrionisme, au germanisme, à la chasteté douteuse, à la religiosi
1949 age, à la magie, à l’histrionisme, au germanisme, à la chasteté douteuse, à la religiosité décadente et aux « Sursum ! Bo
1950 trionisme, au germanisme, à la chasteté douteuse, à la religiosité décadente et aux « Sursum ! Bouboum ! » de Wagner ? El
1951 oum ! » de Wagner ? Elle enseigne l’amour « remis à sa place dans la nature ! Non pas l’amour d’une femme “idéale” !… Au
1952 sentiments le plus égoïste, — l’amour « naturel » à la Don Juan. Il y a plus. Le donjuanisme érotique n’est guère pour Ni
1953 seront « curieux jusqu’au vice, chercheurs jusqu’ à la cruauté, avec des doigts audacieux pour l’insaisissable… prêts à n
1954 des doigts audacieux pour l’insaisissable… prêts à n’importe quelle aventure grâce à un excès de libre jugement… Cachés
1955 les plus hautes et les plus lointaines ! — jusqu’ à ce qu’enfin il ne lui reste plus rien à chasser, si ce n’est ce qu’il
1956 ! — jusqu’à ce qu’enfin il ne lui reste plus rien à chasser, si ce n’est ce qu’il y a d’absolument douloureux dans la con
1957 lui faudra s’arrêter pour toute l’éternité, cloué à la déception et devenu lui-même l’hôte de pierre, et il éprouvera le
1958 s choses tout entier ne trouvera plus une bouchée à donner à cet affamé.121 Le rythme allègre ou endiablé, le presto de
1959 tout entier ne trouvera plus une bouchée à donner à cet affamé.121 Le rythme allègre ou endiablé, le presto de Don Juan
1960 phorismes, d’Humain, trop humain au Gai savoir et à La Généalogie de la morale. Mais déjà dans Aurore, il arrive que le D
1961 gnons et haïssons-nous la possibilité d’un retour à la barbarie ? Serait-ce peut-être parce que la barbarie rendrait les
1962 ion solide et vigoureuse ; nous souffrons rien qu’ à nous représenter un pareil état de choses ! L’inquiétude de la découv
1963 e ne l’est, pour l’amoureux, l’amour malheureux : à aucun prix il n’aimerait l’abandonner pour l’état d’indifférence ; — 
1964 la connaissance peut faire périr l’humanité ? Qu’ à cela ne tienne ! « Cette pensée, elle aussi, est sans puissance sur n
1965 les motifs tristaniens du Désir, de l’Invocation à la Nuit, de la Délivrance du Temps et de l’Extase. Subitement, ce qui
1966 tzsche lui-même, qui tend la main au Commandeur — à l’Éternel Revenant, au Père ! — dans un suprême défi, et pour sombrer
1967 bientôt l’aveu presque posthume, le dernier appel à Isolde, ce billet qu’il écrit pour Cosima au jour où la démence éclat
1968 st un dernier Anti-Tristan — venait d’être envoyé à l’impression. Dans Aurore, je relis : « Que celui qui veut tuer son a
1969 5. Kierkegaard dit en termes hégéliens : conforme à l’idée pure, à l’idéalité, à la catégorie. Il n’a pas de peine à démo
1970 dit en termes hégéliens : conforme à l’idée pure, à l’idéalité, à la catégorie. Il n’a pas de peine à démontrer que les D
1971 hégéliens : conforme à l’idée pure, à l’idéalité, à la catégorie. Il n’a pas de peine à démontrer que les Don Juan de Mol
1972 à l’idéalité, à la catégorie. Il n’a pas de peine à démontrer que les Don Juan de Molière, de Heiberg, de Byron, sont à c
1973 . Casanova aime les femmes, Valmont ne cherche qu’ à gagner des parties. C’est un des lieux communs de la critique moderne
1974 d seigneur. Il est tricheur, vulgaire, catholique à bon compte mais pas athée, occultiste à l’esbrouffe mais très superst
1975 atholique à bon compte mais pas athée, occultiste à l’esbrouffe mais très superstitieux. Enfin, il se contente de conquêt
1976 on livret, la visite que les deux compères firent à Mozart, la présence de Casanova lors de la première de Don Giovanni à
1977 e de Casanova lors de la première de Don Giovanni à Prague, enfin une version différente du sextuor du IIe acte, qu’on a
1978 r du IIe acte, qu’on a retrouvée dans ses papiers à Dux. 98. À rapprocher de Nietzsche : « Le mot le plus pudique que j
1979 , qu’on a retrouvée dans ses papiers à Dux. 98. À rapprocher de Nietzsche : « Le mot le plus pudique que j’aie jamais e
1980 nique s’appelle Faust quand il demande cet absolu à la science, Don Juan quand il le demande à la volupté. » Etc. 101. D
1981 absolu à la science, Don Juan quand il le demande à la volupté. » Etc. 101. Dans un ouvrage hautement technique, l’excel
1982 le de Kierkegaard, que celui-ci voulait attribuer à « la sûreté omniprésente du regard spéculatif ». 102. Étapes sur le
1983 ue ? », 7. 112. La Naissance de la philosophie, à l’époque de la tragédie grecque, chapitre II. 113. Par-delà le bien
1984 118. Le choc profond que dut éprouver Nietzsche, à cette nouvelle, précède donc de très peu l’illumination de Sils-Maria
51 1961, Preuves, articles (1951–1968). Dialectique des mythes : Le carrefour fabuleux (II) (mai 1961)
1985 pauvre, tandis que dans un être unique et possédé à l’infini se concentre le monde entier. Tristan n’a plus besoin du mon
1986 s rémission ; et de l’hommage un engagement jusqu’ à la mort. Don Juan se rend donc tributaire de la morale dont il abuse.
1987 l a grand besoin qu’elle existe pour trouver goût à la violer. Tristan, lui, se voit libéré du jeu des règles, des péchés
1988 anscende le monde de la Loi. Enfin tout se ramène à cette opposition : Don Juan est le démon de l’immanence pure, le pris
1989 e martyr d’un ravissement qui se mue en joie pure à la mort. On peut noter encore ceci : Don Juan plaisante, rit très hau
1990 courageux, n’abdique au contraire son orgueil qu’ à l’approche de la mort lumineuse. Je ne leur vois qu’un trait commun :
1991 ur vois qu’un trait commun : tous deux ont l’épée à la main.123 Ou simplement en quelques mots : Tristan, triste temps,
1992 principe les deux mythes. En fait, elle exige qu’ à tout le moins, si l’un des deux prétend faire valoir sa vertu, ce soi
1993 u niveau de la conscience individuelle correspond à l’occultation de l’autre en l’inconscient. La possibilité d’une inver
1994 ie siècle, celle de Don Juan ne remonte guère qu’ à la Renaissance, et ne s’est vraiment constituée qu’à la faveur du ref
1995 a Renaissance, et ne s’est vraiment constituée qu’ à la faveur du refoulement temporaire de la « noble » passion dont parl
1996 Observons aussi que Don Juan succède normalement à Tristan, comme le cosmopolite au féodal. Si Tristan quitte ses terres
1997 subitement réactivées par sa qualité d’Étranger. À la question d’une femme qu’il veut séduire : « Ah ciel ! Homme, qui e
1998 n bien antérieur au christianisme, et plus encore à la chevalerie courtoise. Du point de vue de la psychologie individuel
1999 scent, et comme indépendant du sexe. S’il réussit à se fixer sur un seul être, sans obstacles insurmontables, il conduit
2000 ues ou religieuses. Car elle sera bientôt soumise à l’épreuve imprévue de la durée, qui modifie nécessairement l’importan
2001 est la durée sociale, l’un des deux mythes pousse à le dépasser, l’autre à le miner. L’un veut plus, infiniment plus, en
2002 ’un des deux mythes pousse à le dépasser, l’autre à le miner. L’un veut plus, infiniment plus, en direction du sentiment
2003 tion du sentiment devenu passion : il oppose donc à la durée une éternité angélique. L’autre prétend que le sexe lui suff
2004 gélique. L’autre prétend que le sexe lui suffit : à la durée il n’oppose que l’instant des brèves rencontres érotiques. D
2005 ais comme il n’est guère de mariage qui parvienne à maintenir sans crise une synthèse dans la durée des éléments variés d
2006 t des couples réels sont soumis dans leurs crises à l’action de l’un des deux. La morale et la société prononcent alors l
2007 é prononcent alors leurs décrets. S’ils suffisent à maintenir l’équilibre du couple, le mythanalyste se tait. S’ils condu
2008 hanalyste se tait. S’ils conduisent au divorce ou à l’électrochoc, il demande à être écouté : non comme médecin psychiatr
2009 duisent au divorce ou à l’électrochoc, il demande à être écouté : non comme médecin psychiatre, non comme prêtre, et non
2010 lémentaires. Ce ne serait plus alors d’un dilemme à trancher qu’il s’agirait, mais d’une tension à restaurer dans son équ
2011 me à trancher qu’il s’agirait, mais d’une tension à restaurer dans son équilibre vital… Sens final des deux mythes
2012 se. Que ce soit par dépit devant leur impuissance à intégrer l’amour dans l’existence normale, ou par goût de l’excès en
2013 x. « Le croire malheureux parce qu’il va de l’une à l’autre, c’est le croire malheureux parce qu’il n’atteint pas un but
2014 ue Don Juan « raisonne » ainsi, en chacun de nous à ses heures. C’est qu’il oublie qu’une femme n’est pas une pomme. Et q
2015 pas une pomme. Et qu’elle en voudra mortellement à celui qui ne l’aura pas « prise », s’étant contenté de la « goûter ».
2016 e magie sexuelle mise à part, le « divin » ramené à l’humain, et l’âme n’étant plus confondue avec l’esprit ou la personn
2017 de citer reste un peu court. Il n’accédera jamais à l’érotisme, qui est dépassement de l’instinct et des faims animales.
2018 eut au contraire l’éternité, car il veut échapper à la souffrance, et la souffrance est liée au temps et à l’espace, qui
2019 souffrance, et la souffrance est liée au temps et à l’espace, qui modifient, distinguent et séparent — « mais toute joie
2020 eureux de la passion : l’argument du bonheur sert à tous. Et ce n’est pas une raison pour qu’il soit faux. Il n’en fait p
2021 passion. Sans parler du ressentiment qu’il arrive à chacun des trois types, même réussi, d’éprouver à l’endroit des deux
2022 à chacun des trois types, même réussi, d’éprouver à l’endroit des deux autres : j’étais né pour ceci ou pour cela (le con
2023 cléiques, concentrés dans le noyau mais également à l’œuvre dans le cytoplasme, où ils sont les agents d’induction de la
2024 la synthèse des protéines. Tant que les deux sont à l’œuvre, la cellule fonctionne bien, son régime d’échanges et de synt
2025 té dont ses chromosomes sont porteurs) qui se met à fabriquer le virus disparu — jusqu’à ce qu’elle meure par éclatement,
2026 ) qui se met à fabriquer le virus disparu — jusqu’ à ce qu’elle meure par éclatement, infectant les cellules voisines. Ain
2027 . Un virus est un composé de substances analogues à celles de la cellule, sauf en ceci qu’il ne renferme qu’un seul des a
2028 ’il ne renferme qu’un seul des acides nucléiques. À cela tient toute sa nocivité. (Notons aussi que le virus ne peut se p
2029 isent en permanence. Qu’un seul des mythes vienne à convaincre et modifier le cœur secret, le « noyau » de cette âme, et
2030 qui sont phénomènes de l’âme. Mais elle nous aide à mieux imaginer le processus de leur action ; peut-être aussi leurs éc
2031 (Je songe par exemple au choc reçu par Nietzsche à l’annonce de la mort de Wagner : le motif de Tristan reparaît peu apr
2032 ) Une certaine dialectique formelle étant commune à tous les phénomènes qui relèvent de la vie en général, pourquoi refus
2033 l exemple d’application de cette même dialectique à la « vie » politique. Le totalitarisme est caractérisé par sa prétent
2034 omme lecteur de français) j’avais coutume de dire à ceux qui me questionnaient sur les motifs de l’adhésion réelle de tan
2035 s motifs de l’adhésion réelle de tant d’Allemands à une doctrine évidemment démente : « J’ai vu certains de mes étudiants
2036 tenant dans le palais.) Brusquement tout s’arrête à l’entrée du Trio. Quelques accords puissants, un échange de saluts co
2037 s’écrie d’une voix forte : « Que ce lieu s’ouvre à tous ! Vive la liberté ! » Et voici l’étonnant : toutes les voix relè
2038 trois Masques, Zerline et son fiancé se joignent à Don Juan et à Leporello. Viva la libertà éclate à douze reprises, cla
2039 , Zerline et son fiancé se joignent à Don Juan et à Leporello. Viva la libertà éclate à douze reprises, clamé par des voi
2040 à Don Juan et à Leporello. Viva la libertà éclate à douze reprises, clamé par des voix différentes, alternées ou couplées
2041 t toutes ces libertés se contredisent, et toutes, à des degrés divers, ne font que servir l’ordre assigné à chacun ! En s
2042 degrés divers, ne font que servir l’ordre assigné à chacun ! En somme, elles crient toutes : Vive la Loi ! Seule la liber
2043 raie liberté serait-elle dans le défi du Libertin à tout ce que le commun des hommes tient pour vrai, nécessaire et sacré
2044 ré ? Lorsque les croisés se heurtèrent en Orient à l’invincible ordre des Assassins — écrivait Nietzsche en humeur donju
2045 contre l’ascèse scientifique, qui est elle aussi, à sa manière, une foi dans le vrai objectif, une obéissance au vérifiab
2046 tte connaissance ne peut être obtenue par un défi à la morale courante, ni même par une révolte contre la Loi, à laquelle
2047 courante, ni même par une révolte contre la Loi, à laquelle tous les vrais spirituels sont « morts… de sorte qu’ils serv
2048 nt utiles), et leur renversement ne suffirait pas à révéler la Vérité, moins encore à la réfuter. Atteindre à la vraie li
2049 e suffirait pas à révéler la Vérité, moins encore à la réfuter. Atteindre à la vraie liberté suppose un changement intéri
2050 r la Vérité, moins encore à la réfuter. Atteindre à la vraie liberté suppose un changement intérieur — instantané comme d
2051 histe, ou lentement acquis par le yoga. Atteindre à la vraie liberté suppose donc une libération. Libération est la voie
2052 t l’introversion de Tristan anéantissent, chacune à sa manière, la réalité du prochain. Don Juan et Tristan, symboles de
2053 l est l’amour de soi-même. Elle s’établit ensuite à l’intérieur du couple, entre les deux sujets-objets que constituent l
2054 oujours reculé. Et nos littératures, impuissantes à créer le mythe du mariage idéal, ont vécu de ses maladies…   En ce te
2055 se dans le couple, ils s’y jettent et l’aggravent à plaisir. Que l’un des deux gagne à la main, il aura tôt fait de ruine
2056 et l’aggravent à plaisir. Que l’un des deux gagne à la main, il aura tôt fait de ruiner mariage, modération, personne, et
2057 ent aux premières phrases où il compare la France à la « princesse des contes… vouée à une destinée éminente et exception
2058 pare la France à la « princesse des contes… vouée à une destinée éminente et exceptionnelle », — fût-ce à « des malheurs
2059 e destinée éminente et exceptionnelle », — fût-ce à « des malheurs exemplaires ». Il l’a longtemps aimée de loin, dans so
2060 intrigue des barons félons. Certes, il est revenu à son appel. Mais la vraie passion tristanienne se nourrit de retraits
2061 nne se nourrit de retraits et d’obstacles, quitte à les susciter s’ils semblent faire défaut. Entre la France et lui, qua
2062 qu’une passion de cette nature n’aboutisse point à quelque « malheur exemplaire », il faudrait qu’un heureux « accident
2063 lui qui ne sait pas trouver le chemin qui conduit à son idéal, vit de façon plus frivole, plus insolente, que l’être sans
2064 e doutaient pas un instant que Dona Anna ait cédé à Don Juan, prenant (ou non) « l’homme inconnu » pour son fiancé, à la
2065 ant (ou non) « l’homme inconnu » pour son fiancé, à la faveur de l’obscurité. Mais c’est Dona Anna qui appelle son père,
2066 ne ne fait qu’une ou deux allusions très voilées à cette transformation physique. Il faut croire que mon hypothèse se li
2067 nesco a pu dire (au cours d’une interview récente à la radio) que mon livre lui avait suggéré le sujet de son Rhinocéros.
52 1961, Preuves, articles (1951–1968). Pour Berlin (septembre 1961)
2068 litiques qui animent M. Khrouchtchev doivent être à ses yeux bien puissants pour justifier le risque qu’il encourt en exi
2069 roits de l’homme. Le problème de Berlin se ramène à ceci qu’un régime qui se dit populaire veut empêcher son peuple de le
2070 lions d’hommes et détruire en passant l’Acropole, à seule fin d’empêcher que M. Walter Ulbricht continue à perdre chaque
2071 le fin d’empêcher que M. Walter Ulbricht continue à perdre chaque jour un millier de sujets qui ne l’aiment pas ? » Nous
2072 erlin et que la paix est ébranlée. Nous demandons à M. Khrouchtchev d’appliquer les principes qu’il proclame, même quand
2073 s qu’il proclame, même quand le droit d’un peuple à disposer de lui-même le conduit à opter pour la démocratie. M. Khrouc
2074 oit d’un peuple à disposer de lui-même le conduit à opter pour la démocratie. M. Khrouchtchev ne cesse de répéter que la
2075 acent pas la paix du peuple russe. Nous demandons à M. Khrouchtchev de ne pas pousser à bout les Allemands de l’Est en fe
2076 ous demandons à M. Khrouchtchev de ne pas pousser à bout les Allemands de l’Est en fermant la dernière issue qu’ils voien
2077 n’est pas « consolider la paix ». Nous demandons à M. Khrouchtchev de ne pas déclencher le massacre universel pour sauve
2078 décrié. Et nous lui proposons de faire confiance à l’Histoire, conformément à sa doctrine. S’il déclarait demain que les
2079 miner, ces Allemands cesseraient aussitôt de fuir à l’Ouest et se mettraient au travail, dans l’espoir. Ceux qui retrouve
2080 ntirait l’évolution pacifique du peuple allemand, à laquelle ses voisins de l’Est sont vitalement intéressés. Ce serait l
53 1963, Preuves, articles (1951–1968). Le mur de Berlin vu par Esprit (février 1963)
2081 ment, donnent les noms d’auteurs, et c’est tout. ( À la Cour, on ne rencontrait que des personnes qui avaient été « présen
2082 cela se fait dans le monde entier, sauf à Paris, à une ou deux exceptions près. Bref, Esprit du 1er décembre 1962 nous
2083 ur de Berlin. D’où vient ce très curieux esprit ? À l’en croire, le mur de Berlin est l’œuvre des Allemands de l’Ouest, q
2084 rent son insigne… apportant eux aussi leur pierre à l’œuvre nationale ». L’Allemagne de l’Est, jusqu’ici, n’est donc pas
2085 entantes de l’Est qu’Axel Springer a créé son mur à coups d’insignes. S’il est vrai que ce mur, aujourd’hui, « est gardé
2086 stât et qui lui voue à présent un culte confinant à l’idolâtrie ». En effet, le mur « assure aux paladins de l’antimarxis
2087 terrain d’action aux profiteurs de tout poil, et à la presse la source inépuisable d’alléchantes manchettes ». Il fait o
2088 ublique fédérale joue Brecht autant qu’on le joue à Paris, ce n’est pas peu dire.) Donc, premier point du raisonnement :
2089 nvaincre ». (Convaincre de quoi ? On l’ignore.) «  À l’Est, la curiosité et la hardiesse étaient plus grandes, surtout par
2090 istes, ces jeunes avaient pris l’habitude d’aller à Berlin-Ouest en trop grand nombre, « acculant à la misère ou à une ré
2091 r à Berlin-Ouest en trop grand nombre, « acculant à la misère ou à une révolte désespérée ceux qui n’avaient pas les moye
2092 t en trop grand nombre, « acculant à la misère ou à une révolte désespérée ceux qui n’avaient pas les moyens de partir…,
2093 proportion » de ces hardis fugitifs retournaient à l’Est, ayant pris conscience d’« une profonde solidarité avec le régi
2094 r en conclut qu’« il est évident que l’Ouest doit à la RDA un dédommagement ». (Combien l’URSS a-t-elle offert aux Anglai
2095 von Salomon déclare : « Ils ont construit un mur à Berlin, ce mur n’est rien. Seul compte celui qui se trouve dans le cœ
2096 ’Ouest. Le procédé n’est pas nouveau. Il consiste à poser en principe et d’une manière systématique que toute erreur ou c
2097 l’a « proscrit » ? On eût mieux fait de l’obliger à sauter le mur pour prouver qu’il n’en a pas peur. bg. Rougemont De
54 1963, Preuves, articles (1951–1968). Une journée des dupes et un nouveau départ (mars 1963)
2098 s fondateurs, longtemps raillés par son parti, et à plus d’une reprise par lui-même… Qui a perdu, qui a gagné dans cette
2099 que tous décrient, deux politiques s’affrontaient à Bruxelles. L’une voulait que le Marché commun soit l’amorce d’une uni
2100 an mondial. L’autre voulait que le Marché commun, à mi-chemin de son évolution, s’ouvre sur une union économique étendue
2101 olution, s’ouvre sur une union économique étendue à l’échelle atlantique. La première indiquait le transfert de certains
2102 supranational. La seconde conduisait pratiquement à une « direction » américaine. L’opinion publique occidentale, s’imagi
2103 rouvant renforcés par l’opposition des gaullistes à la supranationalité. La première de ces deux politiques a gagné le 29
2104 ue maintenant le traité de Rome, qu’il se bornait à tolérer en fait, dans le temps même où l’Angleterre le refusait, puis
2105 erre entre au Marché commun, nous devons renoncer à l’Europe supranationale. » Or, dit-il aujourd’hui, comme « personne n
2106 »135. Ce qui revient en fait, sinon en intention, à sacrifier le traité de Rome (qui fut son œuvre) en tant que propremen
2107 qu’il a bien disposé les esprits, hors de France, à se faire complices de ses desseins cachés. En vérité, c’est aux mouve
2108 r une Constituante, déléguant le travail créateur à des professionnels de l’improvisation. Le Marché commun, par lui-même
2109 mmun, par lui-même, ne conduit pas nécessairement à une Europe fédérée. La logique de ses règles et méthodes, admirableme
2110 ns intervention créatrice, elle conduirait plutôt à une Europe uniforme et centralisée dont nul ne veut. À l’inverse, l’E
2111 Europe uniforme et centralisée dont nul ne veut. À l’inverse, l’Europe des patries ne tendrait qu’à la renaissance des n
2112 À l’inverse, l’Europe des patries ne tendrait qu’ à la renaissance des nationalismes obtus qui ont fait leurs preuves en
2113 ectuels anglais. Leur élan vers l’Europe va droit à notre cœur. Parlant de l’Europe continentale, Jan Nairn écrit : « The
2114 t : « These peoples are my peoples. » (Je renonce à traduire.) Et il ajoute : « Quand je traverse la Manche, il me semble
2115 je traverse la Manche, il me semble que je rentre à mon foyer, non que je le quitte… Pour ma part, je suis déjà fédéré. »
2116 toute candeur : « Malgré tout, je suis favorable à l’entrée dans le Marché commun, pour des raisons économiques, et auss
2117 que, lorsque des forces divergentes commenceront à se manifester parmi les Six, nous trouverons là l’occasion de nous as
2118 ée dans les années 1950, alors qu’il ne tenait qu’ à nous de la saisir. » On ne saurait dire plus clairement que l’intérêt
55 1964, Preuves, articles (1951–1968). Un district fédéral pour l’Europe (août 1964)
2119 doit s’unir pour durer, j’entends pour continuer à exercer demain sa vocation mondialisante : pas une seule de ses petit
2120 empires neufs. Toute la question se ramène alors à savoir quelles formes d’union les Européens vont choisir. Trois formu
2121 apparaît décisif à cet égard. b) L’Europe unifiée à l’image de l’État français, c’est-à-dire culturellement uniformisée e
2122 aison-Blanche et le Pentagone, n’arriveraient pas à imposer cette unification tout extérieure aux dépens de l’union réell
2123 es nos diversités traditionnelles, elle causerait à court terme une chute de potentiel, un accroissement de l’entropie qu
2124 un accroissement de l’entropie qui ferait perdre à l’Europe ses seuls atouts. Le monde entier en pâtirait et se sentirai
2125 tirait appauvri. Au reste, Napoléon n’a réussi qu’ à provoquer des réactions nationalistes, et Hitler des mouvements de ré
2126 s de refus, allant de la totale passivité civique à des éclats d’anarchie névrotique. Et quant à ceux qui déclarent que l
2127 ui déclarent que le Marché commun vise en réalité à ce type d’unité, ils ignorent visiblement les processus de décision e
2128 la seule solution praticable. Unir dix-neuf États à l’Ouest (plus sept à l’Est un jour ou l’autre) en un corps politique
2129 ticable. Unir dix-neuf États à l’Ouest (plus sept à l’Est un jour ou l’autre) en un corps politique assez puissant pour s
2130 membres, c’est un problème parfaitement homologue à celui que la Suisse a résolu, avec ses vingt-cinq petits cantons souv
2131 devait compter deux ou trois jours pour se rendre à la Diète fédérale, alors qu’un député de Stockholm ou d’Athènes est à
2132 alors qu’un député de Stockholm ou d’Athènes est à quelques heures de Strasbourg, et encore plus près de Bruxelles. Prat
2133 aujourd’hui est plus petite que n’était la Suisse à l’époque où elle s’est fédérée. Et les disparités de coutumes ou de r
2134 l’étaient entre les cantons suisses avant 1848 ; à tout le moins ne sont-elles pas d’une autre essence. Si l’on admet qu
2135 question d’imiter ce modèle, ridiculement réduit, à l’échelle des glorieuses et vieilles nations de l’Europe. J’attends q
2136 nir de ce pays. Une Europe des États conviendrait à ravir à la majorité de nos dirigeants politiques et industriels, mais
2137 e pays. Une Europe des États conviendrait à ravir à la majorité de nos dirigeants politiques et industriels, mais elle no
2138 and-garde du Gothard, elle a seule conservé jusqu’ à nos jours le principe de l’Empire d’Occident, l’union sans unificatio
2139 nt le principal de l’histoire qu’elles enseignent à partir du xixe siècle. Les voix suisses qui s’élèvent au plan europé
2140 Rousseau que « tous les États de l’Europe courent à leur ruine », faute d’un principe d’union, et que si leurs divisions
2141 ivisions persistent, l’avenir appartiendra « soit à la Russie, soit à l’Amérique ». Germaine de Staël est Suisse dans la
2142 t, l’avenir appartiendra « soit à la Russie, soit à l’Amérique ». Germaine de Staël est Suisse dans la mesure où elle ouv
2143 ives européennes, soit par son action personnelle à Coppet, où les meilleurs esprits de nos diverses nations se lient d’a
2144 fédéralisme préfigure le régime qui va triompher à l’échelle suisse : « La variété, c’est l’organisation : l’uniformité,
2145 s rois donne une finalité expressément européenne à la neutralité de la Suisse indépendante. Et tandis que se forment dan
2146 ionalistes et coloniales, seule la Suisse réussit à unir ses cantons selon la maxime impériale de l’union dans la diversi
2147 . Proudhon s’est peut-être souvenu de son passage à Neuchâtel (où il fut un temps typographe) en écrivant son grand livre
2148 ontemporains J. C. Bluntschli, célèbre professeur à Heidelberg, s’est inspiré directement de l’expérience suisse en rédig
2149 mécanismes de notre vie civique : il n’hésite pas à les proposer en modèle pour l’édification de l’Europe. Selon lui, « l
2150 en 1875, la nationalité suisse devra s’incorporer à la communauté de la Grande Europe. De cette façon, elle n’aura pas vé
2151 s plus fécondes dont les constituants de l’Europe à venir puissent tenir compte. Au xxe siècle, c’est encore en Suisse (
2152 sur sa convocation qu’au lendemain de la guerre, à Hertenstein (septembre 1946), des militants issus de la Résistance de
2153 ys rédigent une déclaration qui va servir de base à la création de l’Union européenne des fédéralistes. Celle-ci groupe r
2154 ent-mille membres. Elle tient son premier congrès à Montreux, en septembre 1947, date que l’on peut considérer comme le p
2155 de l’Europe. Cette idée aussitôt adoptée conduit à la convocation du congrès de l’Europe, qui se tient à La Haye au mois
2156 convocation du congrès de l’Europe, qui se tient à La Haye au mois de mai 1948. De La Haye naît le Mouvement européen, q
2157 entre européen de la culture, celui-ci s’organise à Genève et convoque aussitôt une grande conférence qui se tient à Laus
2158 voque aussitôt une grande conférence qui se tient à Lausanne en décembre 1949. De cette conférence et de l’action du CEC
2159 e Centre européen de recherches nucléaires (CERN) à Genève, la Fondation européenne de la culture, à Genève également (au
2160 à Genève, la Fondation européenne de la culture, à Genève également (aujourd’hui à Amsterdam), et une série d’initiative
2161 ne de la culture, à Genève également (aujourd’hui à Amsterdam), et une série d’initiatives groupant des instituts univers
2162 , sur le thème « l’Europe et le monde », se tient à Bâle en septembre 1964, sous le haut patronage du Conseil fédéral. Ai
2163 au sujet du pool charbon-acier, comme on appelait à l’époque la CECA : 1°) que ce pool n’était pas réalisable ; 2°) qu’il
2164 téré (ou faut-il dire traditionnel ?) qui tendait à paralyser non seulement toute initiative de la Suisse, mais aussi l’i
2165 rdive aux yeux du reste de l’Europe. Notre entrée à l’OECE fut accueillie avec méfiance par la presse moyenne de la Suiss
2166 tique étrangère de la Confédération139 ». Adhérer à l’union européenne serait contraire à cette neutralité. La Suisse rec
2167  ». Adhérer à l’union européenne serait contraire à cette neutralité. La Suisse recevrait des ordres d’un pouvoir extérie
2168 que la Suisse prenne la moindre initiative visant à l’union européenne au plan politique. Elle ne pourrait qu’y perdre so
2169 uples de l’Europe. Si la neutralité fait obstacle à l’union, il faut en réviser les termes, comme les Suisses l’ont fait
2170 stances politiques intérieures les ont contraints à se retirer du jeu des puissances militaires. Autrement, ils courraien
2171 ission spéciale, opposant leur statut particulier à ses considérants européens, c’est-à-dire le moyen à sa fin. Comme l’a
2172 ses considérants européens, c’est-à-dire le moyen à sa fin. Comme l’auraient fait les Waldstätten s’ils avaient décidé d’
2173 les Waldstätten s’ils avaient décidé d’interdire à tout le monde l’accès du Saint-Gothard, sous prétexte qu’ils étaient
2174 « prolongement politique » — pour rester neutres à tout prix — serait « illusoire140 ». « La situation internationale ac
2175 nue en partie factice. La Suisse doit donc tendre à participer « sans réserve et de plein droit » à l’édification de l’Eu
2176 e à participer « sans réserve et de plein droit » à l’édification de l’Europe unie. Sinon, l’Europe qui se fera sans elle
2177 ous tiennent le plus : le droit de nous plaindre. À quoi l’on pourrait ajouter : 1°) que s’il est vrai que notre neutrali
2178 nuerait très fortement les risques de leur retour à l’avenir ; 2°) que la neutralité suisse, en s’absolutisant jusqu’à d
2179 que la neutralité suisse, en s’absolutisant jusqu’ à devenir tabou — traître est celui qui ose la discuter — a changé de n
2180 anthropiques pourraient être opposées sincèrement à cette thèse de simple bon sens. Arguments constitutionnels. — Si la
2181 guments constitutionnels. — Si la Suisse adhérait à une union supranationale, le pouvoir fédéral serait amené à promulgue
2182 n supranationale, le pouvoir fédéral serait amené à promulguer des décisions qui sont actuellement du ressort des cantons
2183 n des directives européennes. Ce serait contraire à la Constitution, et ce serait même la fin de notre fédéralisme, n’hés
2184 même la fin de notre fédéralisme, n’hésitent pas à déclarer de nombreux politiciens et journalistes. Réponse : Le profe
2185 ne manière magistrale que l’adhésion de la Suisse à une Europe unie, et d’abord au Marché commun, n’entraînerait aucune v
2186 itution actuelle. Si, dit-il, la Suisse se refuse à entrer sans réserve dans le Marché commun, elle ne saurait justifier
2187 en réussi jusqu’ici sans subordonner son économie à celle d’un groupe de nations européennes. Elle tient à garder libres
2188 le d’un groupe de nations européennes. Elle tient à garder libres ses échanges avec le monde au-delà de l’Europe. En s’as
2189 u monde. De nos exportations, les deux tiers vont à l’Europe. Il est vrai que notre balance commerciale reste déficitaire
2190 il faut avouer que ces chiffres ne suffisent pas à justifier notre refus de participer au Marché commun, ni d’ailleurs n
2191 Marché commun, ni d’ailleurs notre participation à l’AELE. La Suisse est si peu indépendante de l’Europe que l’immigrati
2192 immigration de main-d’œuvre européenne nécessaire à l’expansion de notre économie a dû passer de quatre-vingt-dix-mille p
2193 asser de quatre-vingt-dix-mille personnes en 1950 à huit-cent-mille en 1963. Que peuvent bien signifier, dans une telle c
2194 résolution farouche que nous pourrons faire face à une Europe unie — j’entends unie sans nous et malgré nous. Arguments
2195 urope unie une « politique d’unification qui vise à mêler les peuples d’Europe pour éliminer peu à peu les caractéristiqu
2196 ra-t-elle ? Voilà qui dépend de nous aussi. C’est à nous de faire valoir, dans les conseils qui élaborent l’Europe future
2197 « mêler les peuples d’Europe ». Je rappelais tout à l’heure l’afflux des travailleurs étrangers en Suisse (Italiens, Alle
2198 r de la déclaration que j’ai citée n’est pas tout à fait étranger. S’il croit vraiment que le mélange des peuples est un
2199 ouvement d’union européenne. De nos jours encore, à l’étranger, le nom de la Suisse évoque des vaches et des vachers, des
2200 polis qui menace de couvrir le Plateau, de Genève à Romanshorn, avant la fin du siècle, quand la population aura doublé.
2201 ou non dans le Marché commun n’y changera rien. ( À moins que notre isolement n’entraîne un retour à la misère naturelle
2202 (À moins que notre isolement n’entraîne un retour à la misère naturelle du pays ?) Bref, ce n’est pas la Suisse de Morgar
2203 Suisse réelle du xxe siècle. Refuser de coopérer à l’édification de l’Europe unie, sous prétexte de sauvegarder des cara
2204 moyen de sauver la Suisse réelle. Ou c’est courir à l’aventure certaine, au nom d’une prudence aveugle et sous le prétext
2205 t notre peuple n’est pas disposé plus qu’un autre à payer le prix exorbitant. Autofreinage du fédéralisme Tels étan
2206 voire peu suisse. Mais je sens deux autres motifs à cette espèce d’embarras. Ceux qui se réclament très haut de nos tradi
2207 hances d’être écoutés s’ils proposent de renoncer à la neutralité : c’est devenu, dans la Suisse moderne, un crime de lès
2208 i voudraient que la Suisse renonce sans condition à toute idée de neutralité. Mon idéal très clair — mon utopie — est que
2209 r — mon utopie — est que la Suisse adhère un jour à une union européenne de type expressément fédéraliste, qui renoncerai
2210 de type expressément fédéraliste, qui renoncerait à la guerre comme moyen politique. Une telle Europe reprendrait à son c
2211 mme moyen politique. Une telle Europe reprendrait à son compte ce qui demeure valable et même indispensable dans la neutr
2212 Il s’agit de savoir et de dire ce que nous avons à donner, et non pas seulement à sauver ; ce que l’Europe est en droit
2213 ce que nous avons à donner, et non pas seulement à sauver ; ce que l’Europe est en droit d’attendre d’une Suisse qui fai
2214 x que cette fameuse neutralité — nécessité subie, à l’origine, et dont nous fîmes peu à peu vertu à partir du xxe siècle
2215 , à l’origine, et dont nous fîmes peu à peu vertu à partir du xxe siècle — nous avons réussi notre fédéralisme ! Différe
2216 me ! Différent en ceci de la neutralité, il tient à l’essence même de notre État. C’est notre création majeure. Il nous o
2217 e des initiatives. Aux deux solutions en présence à l’échelle du continent — sacrifier les patries à l’union, ou sacrifie
2218 à l’échelle du continent — sacrifier les patries à l’union, ou sacrifier l’union aux égoïsmes qu’on déguise en patriotis
2219 , remarquablement positive et tellement opportune à l’échelle mondiale ? Pourquoi cette timidité ? L’histoire n’est pas f
2220 s énoncer un plan suppose une politique. Et c’est à quoi le gouvernement de notre fédération se refuse avec vigilance, no
2221 contraire parce qu’il s’en tient scrupuleusement à l’empirisme qui, jusqu’ici, a présidé avec succès aux destinées de no
2222 ueraient d’être stériles… Le gouvernement demande à être jugé sur ses actes, non sur ses intentions. » (Ce qui revient à
2223 actes, non sur ses intentions. » (Ce qui revient à justifier l’opportunisme et le régime du fait accompli, c’est-à-dire
2224 rait le Conseil fédéral s’il voulait tracer, même à grands traits, un programme d’action pour l’année ou les années à ven
2225 un programme d’action pour l’année ou les années à venir. Cette procédure serait de nature à affaiblir la situation du g
2226 années à venir. Cette procédure serait de nature à affaiblir la situation du gouvernement aux yeux du parlement et du pa
2227 adictoire. Notre système est foncièrement hostile à ce que l’on nomme ailleurs la politique. Mais cette vertu fédéraliste
2228 e se trouve être aujourd’hui le frein automatique à toute initiative capable de sauver notre régime fédéraliste en le fai
2229 e parler en faveur de sa propre formule, il reste à espérer que l’éloquence des faits prenne le relais de ce mutisme irré
2230  ! Voici quelques raisons qui me portent à croire à l’avenir de ses formules. 1°) Le monde de demain sera de plus en plus
2231 voudra. On peut imaginer que les corps politiques à structures très complexes et les communautés à très forte densité cul
2232 es à structures très complexes et les communautés à très forte densité culturelle seront alors les réalités les mieux déf
2233 mieux définies et caractérisées, les plus propres à intégrer une multiplicité de groupes distincts, à les articuler dans
2234 à intégrer une multiplicité de groupes distincts, à les articuler dans la coexistence spirituelle et topographique, sans
2235 r une capitale, mais par des propriétés analogues à celles qui distinguent les corps et les combinaisons chimiques, et pa
2236 ques « a souvent un caractère imposant qui manque à celle des empires. Elle est davantage l’histoire de la liberté ». Le
2237 te Max Huber écrit, pendant la dernière guerre : À l’heure actuelle, notre destinée se révèle. Le sort nous a confié une
2238 de, le petit État échappe — ou devrait échapper — à l’exclusivisme, au fanatisme borné, à l’ignorance vaniteuse. Parce qu
2239 échapper — à l’exclusivisme, au fanatisme borné, à l’ignorance vaniteuse. Parce qu’il ne dispose pas d’un empire, il s’a
2240 e qu’il ne dispose pas d’un empire, il s’alimente à l’univers. Ainsi lui est-il rendu plus facile d’admettre ce qui ne lu
2241 tuant les unités de base d’une économie bien liée à des réalités sociales et culturelles autant que géographiques. La dév
2242 d’autres) d’une communauté politique, et procurer à ses habitants les meilleures chances de plein emploi de leurs faculté
2243 avec les raisons d’être de l’État suisse (quitte à prévoir certains aménagements internes), serait ensuite présenté aux
2244 n faveur du bien commun de l’Europe. Telle serait à mes yeux la mission positive de la Suisse. Mais j’ai montré pour quel
2245 ’helvétisme populaire accueilleraient le touriste à l’entrée de chaque salle : Guillaume Tell, père de la plus vieille dé
2246 où la femme n’a pas le droit de vote mais « cuit à l’électricité », six siècles de fédéralisme, pédagogie universelle et
2247 nfort hôtelier, libres pour travailler et neutres à jamais. On arrêterait les frais de l’Histoire, une fois les mirages p
2248 lait pour maintenir une paysannerie indispensable à la figuration. On surveillerait l’« occupation des lits » et la moyen
2249 elvétique. Il est trop tard pour la reconstituer, à supposer qu’elle ait jamais été conforme à autre chose qu’au rêve des
2250 ituer, à supposer qu’elle ait jamais été conforme à autre chose qu’au rêve des Suisses, à la littérature romantique et au
2251 té conforme à autre chose qu’au rêve des Suisses, à la littérature romantique et aux intérêts du tourisme. 3°) Entre ces
2252 e de se terminer plus ou moins vite par un retour à la santé, une maladie déclarée, ou la mort. Je n’oublie pas que le di
2253 ur n’avoir pas cru aux conseils les plus simples. À une Suisse qui ne veut ou ne peut assumer ni son avenir ni son passé,
2254 déniable — ou c’est qu’il n’y aura plus d’Europe. À mi-chemin entre le temps où j’écrivais le Message final du premier co
2255 s le Message final du premier congrès de l’Europe à La Haye, et le temps où l’Europe unie sera sans doute un fait accompl
2256 storique englobant des siècles d’histoire commune à tous nos peuples et les diversités que l’on sait, le District fédéral
2257 situé au centre du continent. Il doit être facile à fermer et à défendre en temps de troubles, mais d’accès facile en tem
2258 tre du continent. Il doit être facile à fermer et à défendre en temps de troubles, mais d’accès facile en temps de paix.
2259 n, il doit accepter de demeurer, en tant qu’État, à l’écart des luttes politiques qui se jouent à l’échelle du continent.
2260 at, à l’écart des luttes politiques qui se jouent à l’échelle du continent. Ces conditions idéales se trouvent réunies pa
2261 s ses villes principales, Zurich, Genève et Bâle, à vingt minutes d’avion l’une de l’autre ; Berne restant le siège du go
2262 nales. Ce serait vouloir soumettre toute l’Europe à la Suisse. Allez donc en parler à Berne, vous serez bien reçu ! Etc.
2263 toute l’Europe à la Suisse. Allez donc en parler à Berne, vous serez bien reçu ! Etc. Je ne vois rien de consistant ni d
2264 es arguments, qui se contredisent d’ailleurs deux à deux. Mon dessein, ne l’oublions pas, est à mi-chemin entre une initi
2265 deux à deux. Mon dessein, ne l’oublions pas, est à mi-chemin entre une initiative prise par la Suisse et une absence tot
2266 u Bruxellois, candidats naturels ou déjà désignés à devenir les citoyens d’une capitale de l’Europe. « Il était temps que
2267 t par la Suisse officielle. Je vais donc le faire à sa place. Nos dirigeants se refusent expressément à toute espèce de p
2268 sa place. Nos dirigeants se refusent expressément à toute espèce de programme politique, autant dire à toute politique qu
2269 toute espèce de programme politique, autant dire à toute politique qui ne se résume pas à faire valoir nos bonnes raison
2270 utant dire à toute politique qui ne se résume pas à faire valoir nos bonnes raisons de n’en avoir aucune — et c’est ce qu
2271 e — et c’est ce que l’on appelle « se réserver », à Berne. Il se peut que cette attitude soit la seule qui convienne à un
2272 ut que cette attitude soit la seule qui convienne à un petit pays, pluraliste, et neutre au surplus. Nul projet mieux que
2273 n somme qu’une seule initiative, qui mettrait fin à toute nécessité d’en prendre d’autres plus risquées, sur le plan inte
2274 es garanties qui faisaient de plus en plus défaut à une neutralité menacée de désuétude par l’entente établie entre nos g
2275 emière impression, c’est que la Suisse n’est plus à l’écart de l’Europe et qu’elle participe sans arrière-pensées à ses d
2276 ’Europe et qu’elle participe sans arrière-pensées à ses destins, mais qu’elle reste en même temps préservée. Le grand rés
2277 nt et se superposent sans interférences gênantes. À Genève, depuis le temps de la SDN, vie internationale et vie locale s
2278 gnes », me disait le chef de la police municipale à la veille d’une grande conférence. Notre climat passe pour être apais
2279 eurs, ces « étrangers » cessent bientôt de l’être à mesure qu’ils découvrent, en quittant l’autoroute, le vrai pays — cel
2280 glaciers ruisselants de lumière et d’eaux vives, à deux-mille mètres, parmi les pâturages à l’herbe rase, plantes grasse
2281 x vives, à deux-mille mètres, parmi les pâturages à l’herbe rase, plantes grasses, petites fleurs intenses. Une place de
2282 ’été. Les petits déjeuners sur un balcon d’hôtel, à Montreux, devant les Alpes translucides. Et ces wagons spacieux aux l
2283 is de gare où toutes les races du monde se mêlent à nos derniers paysans dans une odeur de bouillon Maggi et de cigares d
2284 ichel Simon), et souvent, chez un homme du peuple à la belle tête taillée en bois d’arolle, celle de Ramuz, comme chez un
2285 regard maîtrisé, sans illusions, qui taxe le réel à sa juste valeur. J’ai parlé de plus d’un peuple dans mes livres, pour
2286 te le plus qu’il communique sa grâce très secrète à l’avenir européen. Car la Suisse détient un mystère, ou plutôt elle e
2287 Suisse fondrait alors en elle sa destinée, fidèle à son être profond, des origines à ses plus hautes fins. Ce rêve peut d
2288 destinée, fidèle à son être profond, des origines à ses plus hautes fins. Ce rêve peut devenir vrai demain, et il doit l’
2289 tralité suisse, 1946, p. 9. L’auteur n’hésite pas à parler d’« introversion politique » (p. 7) à propos de l’attitude de
2290 re de cette organisation. 146. On sait que jusqu’ à ces dernières années, les citoyens du District fédéral de Washington,
2291 ngton, D.C., n’avaient pas le droit de participer à l’élection du président des États-Unis. Un amendement à la Constituti
2292 ection du président des États-Unis. Un amendement à la Constitution, du 3 avril 1961, a rapporté cette sage mesure symbol
2293 et essai constitue le dernier chapitre d’un livre à paraître en septembre chez Hachette sous le titre : La Suisse, ou l’
56 1966, Preuves, articles (1951–1968). André Breton (novembre 1966)
2294 e où je vais chaque jour, j’ai marché sans penser à rien, dans l’odeur végétale d’un crépuscule humide, presque orageux,
2295 les grands chênes, comme si j’étais sorti ce soir à sa rencontre. Je n’ai pas connu d’autre écrivain français qui ait eu,
2296 , dans sa veste de daim, arpentant les boulevards à pas lents, visage levé, crinière au vent. Et c’est dans le décor de M
2297 es que dans Arcane 17 ou L’Amour fou il composait à grandes phrases solennelles. Ultrasensible mais pas un instant sentim
2298 it pourquoi, j’ai retrouvé ce soir une ombre amie à l’orée de mon bois celtique, André Breton, enterré ce matin.   La gue
2299 tête-à-tête dans un petit restaurant du Village, à New York. (20 juin 1942, selon le journal que je tenais alors.) Deux
2300 alors.) Deux jours plus tôt, je l’avais rencontré à l’Office of War Information, où je venais de prendre un poste. J’écri
2301 la moindre compromission avec tous les snobismes à l’affût.) Il se plaignit, très gentiment, de ce que durant nos années
2302 orie de la contestation en convergence heureuse ! À quelques jours de là, il me dit souhaiter que nous puissions désormai
2303 mois plus tard dans mon journal : « Une journée à l’OWI. — André Breton, superbement courtois, patient comme un lion bi
2304 ement courtois, patient comme un lion bien décidé à ignorer les barreaux de sa cage, apparaît vers cinq heures au fond de
2305 aume ! Ou plutôt non : qu’on lui donne une Église à régir, et le beau nom de sacerdoce à restaurer dans une atmosphère or
2306 e une Église à régir, et le beau nom de sacerdoce à restaurer dans une atmosphère orageuse ! Mais l’Amérique n’est pas so
2307 Amérique n’est pas son fort. Il y tient le succès à distance, laissant à Salvador Dali, qu’il appelle Avida Dollars, le s
2308 n fort. Il y tient le succès à distance, laissant à Salvador Dali, qu’il appelle Avida Dollars, le soin de faire monnaie
2309 monnaie d’une étiquette plus prestigieuse ici qu’ à Paris même : surréalisme. « Chaque soir, pendant que mon texte termin
2310 ion passe par une série de bureaux, de la censure à la polycopie, avant d’être remis aux speakers, nous trouvons un momen
2311 paroles, aux gestes et au costume, par cela même à la Surprise… Introduction à la vie hiératique… C’est un rêve de compe
2312 ostume, par cela même à la Surprise… Introduction à la vie hiératique… C’est un rêve de compensation, si l’on voit dans q
2313 e nous sommes en train de causer. Trente machines à écrire dans cette salle, en contrepoint avec deux télétypes. Visières
2314 personne ne parlera dans les centaines d’articles à paraître ces prochains jours. C’est que Breton, pour toute la haine v
2315 ellion furieuse et permanente mais selon sa règle à lui, bien entendu, une rigueur folle dans le défi, qui rejoignait l’I
2316 et des décrets d’excommunication peu prévisibles, à grands éclats de voix soudains en rejetant la tête en arrière, et la
2317 èbres du dehors, éjectée, déjetée, insultée jusqu’ à l’âme. D’autres fois, il se contentait d’un ou deux coups d’épingle t
2318 qu’avait reconstitué André Breton dès son arrivée à New York. Il avait pour noyau quelques peintres qui allaient changer
2319 aine, et l’on se livrait avec beaucoup de sérieux à des jeux d’écriture ou de télépathie. Parfois, on arrangeait une fête
2320 poésie sur un ton d’emphase soutenue, en marchant à grands pas dans son studio : « L’Européen le plus moderne c’est vous
2321 me poème…) C’est ainsi qu’il me lut un jour l’Ode à Charles Fourier qu’il venait de recopier d’une belle écriture sage et
2322 halanstérienne. On eût dit qu’il était le premier à découvrir ce jeune auteur d’avant-garde ! « Ombre frénétique de Fouri
2323 rien, visiblement, et avec raison : son Augustin à lui était sans nul rapport avec celui qu’avait canonisé « l’Obscurant
2324 l’exclusion. Ainsi en mars 1945, lorsque parurent à New York mes Personnes du Drame . Breton me dit que sa femme en ayan
2325 récisa qu’il pouvait accepter beaucoup de Pascal, à cause du ton, mais que dans ce livre, vraiment, je passais les bornes
2326 re, vraiment, je passais les bornes, allant jusqu’ à tomber parfois dans le langage de la piété, « si j’ose dire… » C’étai
2327 bar français pour le dîner du lendemain. J’y vais à l’heure, Marcel est déjà là, plus que ponctuel et parfaitement serein
2328 ns cette phrase). « Qu’est-ce que cela peut faire à Breton ? À chacun sa mythologie. Il fait une religion de son surréali
2329 rase). « Qu’est-ce que cela peut faire à Breton ? À chacun sa mythologie. Il fait une religion de son surréalisme… » Andr
2330 e tout s’est arrangé. Puisque Marcel, infaillible à ses yeux, semble m’absoudre, il pourra sans perdre la face continuer
2331 absoudre, il pourra sans perdre la face continuer à me rencontrer. Je relate cet incident pour montrer que l’amitié compt
2332 d’une existence poétique si hautement exemplaire à tant d’égards, c’est qu’il voulait tout à la fois changer la vie par
2333 exister que pour lui seul. De personne je ne suis à ce point sûr qu’il a toujours suivi — avec autant d’audace que d’exac
57 1968, Preuves, articles (1951–1968). Marcel Duchamp mine de rien (février 1968)
2334 nsuelo avait peint son image : une tête de cheval à la craie sur fond rouge, maigre et qui rit, plutôt sourit… Il arrive
2335 coup de cocktails. Marcel, charmant et poli jusqu’ à l’invisibilité, n’a pris qu’un doigt de vermouth. — Les masses sont i
2336 ’effort de l’avenir sera d’inventer, par réaction à ce qui se passe maintenant, le silence, la lenteur, et la solitude. A
2337 ut d’accepter. Le reste est beaucoup plus facile. À nous de choisir nos fées, puisque nous le pouvons en vertu de l’extrê
2338 s un moteur n’a pu produire la moindre fée. Quant à Duchamp, il balaie toute la science et les exemples du docteur : ils
2339 emples du docteur : ils révèlent une fois de plus à ses yeux le caractère mythologique de la physique et des mathématique
2340 aucoup plus facilement. Le boulanger continuerait à faire du pain, parce que c’est son plaisir et qu’il faut s’occuper. O
2341 t la famille… N’est-ce pas ? Les enfants prennent à table ou à la cuisine ce dont ils ont besoin. Il n’y a pas d’achat ni
2342 e… N’est-ce pas ? Les enfants prennent à table ou à la cuisine ce dont ils ont besoin. Il n’y a pas d’achat ni de transac
2343 vé de repères. Pères et repères… Je n’arrive plus à prendre de responsabilités. Il me semble que je devrais d’abord aller
2344 l me semble que je devrais d’abord aller demander à mon père son opinion — son OK. Probablement, je n’ai jamais atteint l
2345 produit vers quarante ans, chez un artiste. C’est à ce moment qu’il doit se renouveler entièrement, ou se résigner à s’im
2346 il doit se renouveler entièrement, ou se résigner à s’imiter lui-même. Vous allez sentir cela bientôt, vous verrez… — En
2347 sert pour ses problèmes est trop petit pour jouer à deux : c’est un « jeu de voyage » de sa confection, d’une douzaine de
2348 entimètres de côté, sur lequel on fixe des pièces à bouton-pression « résistant aux secousses et déraillements », précise
2349 de sa vie : échec de l’art, art des échecs, échec à l’art… Il est persuadé que c’est moins la réflexion rigoureuse que la
2350 jouer « quatre heures par jour, environ ». C’est à quoi je le trouve occupé chaque matin, sur la galerie, fumant sa pipe
2351 la viande, n’étant pas assimilés et ne servant qu’ à nous bourrer l’estomac d’une sorte de caoutchouc « Et tout ce temps q
2352 orte de caoutchouc « Et tout ce temps qu’on passe à aller chercher les provisions, puis à faire la cuisine, puis à manger
2353 qu’on passe à aller chercher les provisions, puis à faire la cuisine, puis à manger, puis à laver la vaisselle, et on rec
2354 her les provisions, puis à faire la cuisine, puis à manger, puis à laver la vaisselle, et on recommence… » (Toujours et d
2355 ons, puis à faire la cuisine, puis à manger, puis à laver la vaisselle, et on recommence… » (Toujours et dans tous les do
2356 du faire »… Il travaille « cinq minutes au plus » à des collages délicats — les reproductions de ses œuvres destinées à s
2357 icats — les reproductions de ses œuvres destinées à sa « boîte-en-valise » — et puis il s’étend, ne fait rien, fume un pe
2358 it rien, fume un peu, reprend ses échecs. Pensant à la conversation de la veille, je lui demande s’il est vrai qu’il a dé
2359 vous qu’ils aiment cela, et qu’ils ont du plaisir à peindre cinquante fois, cent fois la même chose ? Pas du tout, ils ne
2360 uc. Le chèque de quatre-cent-cinquante francs est à l’ordre d’un dentiste de Paris. Tout est parfaitement imité. Seules l
2361 t l’œuvre complète de Marcel Duchamp, ainsi prête à être emportée par la postérité sous forme de mallette en cuir, à poig
2362 par la postérité sous forme de mallette en cuir, à poignée solide. — Marcel, vous êtes sans doute le premier artiste qui
2363 e ennuyeuse, c’est que j’ai dû racheter ce chèque à mon dentiste, pour le faire figurer dans ma valise ! 7 août. Avant le
2364 exemples. C’est quelque chose qui échappe encore à nos définitions scientifiques. J’ai pris à dessein le mot mince qui e
2365 encore à nos définitions scientifiques. J’ai pris à dessein le mot mince qui est un mot humain, affectif, et non pas une
2366 uit ou la musique que fait un pantalon de velours à côtes, comme celui-ci, quand on bouge, relève de l’infra-mince. Le cr
2367 , entre le recto et le verso d’une feuille mince… À étudier ! — « À étudier de près, d’un œil, pendant presque une heure 
2368 et le verso d’une feuille mince… À étudier ! — «  À étudier de près, d’un œil, pendant presque une heure » comme dit le t
2369 e heure » comme dit le titre d’une de vos œuvres. À propos, avez-vous jamais essayé de regarder ainsi votre tableau ? — M
2370 Non. Pourquoi ? Je suis l’auteur. Pour en revenir à l’infra-mince, c’est une catégorie qui m’a beaucoup occupé depuis dix
2371 e par l’infra-mince on peut passer de la deuxième à la troisième dimension. Un peu plus tard, à propos du sens de la vue,
2372 us de l’eau. Entre les troncs des pins, nus jusqu’ à la hauteur du toit, le regard embrasse et caresse la perspective loin
2373 uement étourdis devant un paysage comme celui-ci. À vérifier, bien entendu.   Nouvelle de la bombe atomique, avant-hier s
2374 haleur. Tout le monde est accouru sur la galerie, à la nouvelle, et j’ai dû raconter l’histoire comme si je revenais d’Hi
2375 ais d’Hiroshima, comme si j’en étais responsable. À minuit, nous en parlions encore. Le choc nous avait jetés dans l’éluc
2376 ontraire par la scission d’un point imperceptible à l’ultramicroscope. Voilà bien l’événement, voilà la nouveauté, et l’u
2377 ations microscopiques. Bombe atomique de poche et à retardement, à craindre de près pendant presque un siècle. Beaucoup d
2378 piques. Bombe atomique de poche et à retardement, à craindre de près pendant presque un siècle. Beaucoup des œuvres du Vi
2379 té détruites, ou abîmées. De même, La Mariée mise à nu par ses célibataires, même a été brisée, puis à demi réparée, selo
2380 nu par ses célibataires, même a été brisée, puis à demi réparée, selon les lignes prévues par les « stoppages-étalon » (
58 1968, Preuves, articles (1951–1968). Vingt ans après, ou la campagne des congrès (1947-1949) (octobre 1968)
2381 bm Avec le recul des années, je me sens enclin à croire que, oui, tout est sorti du congrès de La Haye en mai 1948 : l
2382 rtie d’une campagne de congrès échelonnés de 1947 à 1949. Ils ont à la fois manifesté et fomenté l’état d’esprit et les t
2383 , et elle leur faisait préférer aux réceptions ou à l’opéra le travail nocturne des commissions. C’est elle qu’il s’agira
2384 ique de la campagne des congrès et rendre justice à l’action qu’elle a exercée. Je voudrais comparer cette action non pas
2385 xercée. Je voudrais comparer cette action non pas à celle d’un général qui conquiert une position, ni d’un législateur qu
2386 ucture, ni même d’un remède qui guérit, mais bien à celle d’une concentration concertée de facteurs psychiques et psychol
2387 qui modifient le terrain et préparent l’organisme à résorber certaines toxines, surmonter des inhibitions, et libérer des
2388 ions. La période des congrès s’ouvre en août 1947 à Montreux et se termine en décembre 1949 à Lausanne. Son histoire n’es
2389 ût 1947 à Montreux et se termine en décembre 1949 à Lausanne. Son histoire n’est pas encore écrite, et il faut craindre q
2390 de cette période s’en vont : sur une photo prise à La Haye, autour de Churchill qui se rassied après son discours inaugu
2391 nne, sauf Joseph Retinger peut-être, ne prit part à tous. Je serai donc forcément incomplet et délibérément subjectif dan
2392 ent subjectif dans l’approche de ce passé, quitte à recouper mes souvenirs à l’aide de notes de journal intime (mais elle
2393 es précisément dans les périodes où l’on agit) ou à les confronter avec les lettres, brouillons, procès-verbaux de comité
2394 lons, procès-verbaux de comités, etc., rassemblés à Genève au Centre européen de la culture. Ce qu’il m’importe de rendre
2395 t je m’installais près de Genève, mais en France, à Ferney-Voltaire, quand je reçus la visite d’Alexandre Marc : il m’app
2396 européenne des fédéralistes, dont le siège était à Genève et qui allait tenir un congrès à Montreux. Au nom de notre anc
2397 ège était à Genève et qui allait tenir un congrès à Montreux. Au nom de notre ancienne camaraderie de combat dans le mouv
2398 EF, et il vient me relancer au sujet de Montreux. À mes objections réitérées, il répond « Je vous demande simplement de n
2399 omment refuser, cette fois-ci ? C’est en songeant à des tâches de ce genre que j’ai décidé de revenir en Europe. Aboutiss
2400 premiers visiteurs donne peut-être son vrai sens à ma venue dans ce lieu. » Le soir du 26 août, au Pavillon des Sports,
2401 n’ai en main qu’un texte encore plus condensé qu’ à mon ordinaire, prévu pour introduire un débat de table ronde. Henri B
2402 ’une Europe fédérée, fédéraliste… Je n’ai plus qu’ à m’exécuter. notes de journal : « Parlé très vite en me disant que j’
2403 uoi, après une dizaine de minutes, puis d’autres, à de nombreuses reprises, notamment quand j’oppose point par point le t
2404 par point le totalitarisme et le fédéralisme, et à la fin, une “ovation” je crois bien. Un curieux personnage appuyé sur
2405 es interviewers, m’a fait asseoir devant une fine à l’eau, dans un hall du Montreux-Palace, et m’a dit. “Tout cela est be
2406 sus de la Résistance ou des gouvernements en exil à Londres : tous veulent l’Europe unie, me dit-il, vous avez donné ce s
2407 il, vous avez donné ce soir la doctrine, il reste à faire le principal, l’action pratique… » Mais le lendemain matin je q
2408 ndemain matin je quittais Montreux pour retrouver à Sion des amis venus de Paris. Je n’étais pas encore engagé dans l’aff
2409 fiche de la Gazette de Lausanne me tire l’œil : à Montreux, importantes déclarations sur l’Europe. Je me dis que j’ai e
2410 Léman tandis que le train serpente de Villeneuve à Montreux, palmiers, tennis, saules pleureurs dans l’eau sombre… Été c
2411 saules pleureurs dans l’eau sombre… Été ce matin à la commission économique, en curieux. Le président Hopkinson MP me pr
2412 Le président Hopkinson MP me prie de venir siéger à la tribune. Après cinq minutes, on m’appelle pour un entretien devant
2413 ne intégration économique conduira nécessairement à l’intégration militaire. Le réalisme commande de se borner à des mesu
2414 tion militaire. Le réalisme commande de se borner à des mesures modestes de coopération, résultant de consultations entre
2415 s ne veulent rien faire, répliquaient les autres. À nous de montrer le but, et après cela, on cherchera les voies qui peu
2416 ns plus détaillées d’institutions ou d’organismes à créer. Toutefois, dans les rapports d’Henri Brugmans sur la politique
2417 les diversités valables, non pas pour les réduire à l’uniformité. La volonté de réunir tous les peuples européens, ceux d
2418 tions entre liberté et planification, attachement à la patrie et universalisme, autorité fédérale et autonomie locale. En
2419 par des abaissements de droits échelonnés sur dix à quinze ans ; « un plan Monnet153 européen est nécessaire », non seule
2420 ons que depuis lors on n’a pas ajouté grand-chose à ce programme ; on lui a plutôt soustrait quelques points essentiels,
2421 plus, dans la perspective historique qui commence à se dégager après vingt ans, le congrès de Montreux me paraît tenir un
2422 le qui devait se réaliser quelques mois plus tard à La Haye. Une convergence mémorable À vrai dire, en quittant Mon
2423 idence à la fois dans le temps et dans l’espace : à la fin de l’été et en Suisse toutes les trois. Il y avait eu d’abord
2424 utes les trois. Il y avait eu d’abord, fin août, à Hertenstein, près de Lucerne, un colloque qui groupait sous l’égide d
2425 ès de Montreux, après deux réunions constitutives à Luxembourg (octobre 1946) et Amsterdam (avril 1947). Mais derrière He
2426 avait, tous proches, les mouvements de résistance à Hitler et aux nationalismes totalitaires : c’étaient eux qui prolonge
2427 e154. Et plusieurs de leurs chefs se retrouvaient à Montreux, Italiens et Allemands, Français, Bénéluxiens. Enfin, derriè
2428 e : le mouvement personnaliste, constitué d’abord à Paris dès l’année 1932 (autour d’Esprit et de L’Ordre nouveau) et qui
2429 osante personnaliste-résistante était représentée à Montreux par des hommes comme Robert Aron et Alexandre Marc (qui avai
2430 et par Henri Brugmans, qui a dit ce qu’il devait à Mounier et à Dandieu notamment. Il y avait eu ensuite, du 1er au 12 s
2431 Brugmans, qui a dit ce qu’il devait à Mounier et à Dandieu notamment. Il y avait eu ensuite, du 1er au 12 septembre 1946
2432 y avait eu ensuite, du 1er au 12 septembre 1946, à Genève, les premières Rencontres internationales. En dehors de toute
2433 tephen Spender, et moi-même, nous étions attachés à définir en neuf conférences suivies de débats publics la conscience q
2434 sur le problème européen. Elles avaient contribué à créer un climat favorable et presque une mode intellectuelle. Il y av
2435 le. Il y avait eu enfin, quelques jours plus tard à Zurich, le 16 septembre exactement, le discours de Winston Churchill,
2436 vement, que son gendre Duncan Sandys représentait à Montreux. À tout cela venait s’ajouter une quatrième composante : il
2437 son gendre Duncan Sandys représentait à Montreux. À tout cela venait s’ajouter une quatrième composante : il y avait eu à
2438 ’ajouter une quatrième composante : il y avait eu à Londres, entre les chefs des gouvernements en exil de la Belgique, de
2439 certains accords, officiellement signés, tendant à une future union de l’Europe. La cheville ouvrière de cette action av
2440 général Sikorski, chef du gouvernement polonais. À 56 ans, il avait été parachuté en Pologne occupée, et il en gardait u
2441 tion économique, au nom de laquelle il était venu à Montreux. Je devais découvrir tout cela, par bribes, au cours de ce c
2442 in duquel j’entrevoyais des possibilités d’action à développer d’urgence. De Montreux à La Haye : une option dramatiqu
2443 s d’action à développer d’urgence. De Montreux à La Haye : une option dramatique C’est en effet pendant les suspens
2444 assises délibératives et peu à peu constituantes, à mesure qu’un accord se dégagerait sur les formes nouvelles d’une Euro
2445 ’un futur gouvernement européen156. Nous songions à Versailles comme siège de l’Assemblée : ce symbole de l’absolutisme,
2446 s mouvements européens non fédéralistes, présents à Montreux, pensaient de leur côté à convoquer une grande conférence de
2447 stes, présents à Montreux, pensaient de leur côté à convoquer une grande conférence de notables sous l’égide prestigieuse
2448 ntre militants et ministres. Le 11 novembre 1947, à Paris, les délégués de l’United Europe Movement de Churchill, du Cons
2449 la situation dramatique dans laquelle l’UEF avait à tenir son rôle, ou plutôt à le créer, en prenant de grands risques qu
2450 laquelle l’UEF avait à tenir son rôle, ou plutôt à le créer, en prenant de grands risques quoi qu’elle fît. Brugmans rap
2451 fît. Brugmans rappelle d’abord l’idée qui a germé à Montreux de « convoquer l’Europe » au terme d’une vaste campagne popu
2452 organisations ont décidé pour leur part de réunir à La Haye les « sommités » européennes, et nous invitent à collaborer.
2453 ye les « sommités » européennes, et nous invitent à collaborer. Or, Sandys ayant exigé et obtenu que son comité anglais e
2454 uvriront largement sur leur gauche et nous aurons à envisager bientôt de sérieuses difficultés financières. Très probable
2455 ne certaine mesure, empêcher les autres d’obtenir à La Haye un succès complet, mais nous ne réussirons pas non plus, et o
2456 donc de ratifier l’accord préparé le 11 novembre, à condition toutefois que les pays de l’Est soient invités, que des org
2457 nanciers et de la presse, c’est risquer de courir à l’écrasement rapide, ou de « devenir une secte », comme l’a dit Brugm
2458 e Lénine a gagné finalement ?) En revanche, aller à La Haye sous le signe d’une union vaguement définie par Churchill, au
2459 giques, conscients ou inavoués, qui contribuèrent à cette décision fatidique. Il se peut que le sort de l’Europe fédérale
2460 eut que le sort de l’Europe fédérale se soit joué à ce moment-là pour trois ou quatre décennies. On peut très bien imagin
2461 toujours plus radicales des fédéralistes (quitte à les « assagir » ou à les berner plus tard), ou bien se voyaient contr
2462 les des fédéralistes (quitte à les « assagir » ou à les berner plus tard), ou bien se voyaient contraints de renchérir su
2463 tionales absolues. De son côté l’UEF voyait venir à elle le mouvement démo-chrétien des Nouvelles équipes internationales
2464 it tenu un important congrès du 8 au 11 septembre à Gstaad, avec deux-cents parlementaires de dix nations, et demandé une
2465 tres s’appelaient « unionistes »…) De Montreux à La Haye : qui formulera le sens ? L’UEF attendait des états généra
2466 niques ; 3° d’imprimer un nouvel et puissant élan à la propagande européenne dans tous nos pays. On mesure la différence
2467 que les fédéralistes avaient renoncé du même coup à créer du possible, ce qui est l’acte essentiel de toute révolution po
2468 s Joseph Retinger, le 25 février, vinrent me voir à Genève et à Ferney pour me demander de m’engager à fond dans le mouve
2469 inger, le 25 février, vinrent me voir à Genève et à Ferney pour me demander de m’engager à fond dans le mouvement (je leu
2470 rès vingt ans), je posai les conditions suivantes à ma prise en charge de la partie culturelle du congrès projeté : 1° La
2471 elle de rédiger le préambule définissant les buts à long et à court terme du congrès et des mouvements qui le prolongerai
2472 diger le préambule définissant les buts à long et à court terme du congrès et des mouvements qui le prolongeraient par un
2473 commune. 3° Ce préambule devait contribuer aussi à codifier la terminologie des résolutions ; il importait donc que son
2474 aire l’objet des débats de la section culturelle, à La Haye : ainsi, Nicolas Berdiaev, Étienne Gilson, Jules Romains, Ign
2475 vador de Madariaga : « Je consacrerai volontiers ( à la Commission) un temps qui, à dire vrai, me manque. » Retinger m’ava
2476 crerai volontiers (à la Commission) un temps qui, à dire vrai, me manque. » Retinger m’avait appuyé fort habilement. Il m
2477 abilement. Il m’écrivait le 29 mars (avec « copie à quelques-uns de nos collègues ») une lettre qui donnait au préambule
2478 her la campagne)157. » Lors du comité du 8 avril, à Paris, il fut décidé subitement que le texte appelé jusqu’à ce jour p
2479 l fut décidé subitement que le texte appelé jusqu’ à ce jour préambule « constituerait un Message aux Européens à faire
2480 ambule « constituerait un Message aux Européens à faire approuver par acclamations » et serait donc lu à la séance de c
2481 re approuver par acclamations » et serait donc lu à la séance de clôture. Des représentants des trois sections l’examiner
2482 ire des rapports des trois commissions ». C’était à quoi je tenais surtout. Ce point marqué et qui pouvait être important
2483 int marqué et qui pouvait être important, restait à obtenir l’imprimatur du comité pour le rapport culturel, le rapport p
2484 ue et économique étant déjà sous presse. On était à dix jours du Congrès. À Londres, le 26 avril, dans une petite salle d
2485 éjà sous presse. On était à dix jours du Congrès. À Londres, le 26 avril, dans une petite salle du palais de la Chambre d
2486 porer la substance des deux autres et le remettre à l’imprimeur (dernier délai demain matin, et je devais repartir le soi
2487 je devais repartir le soir même), on se bornerait à proposer au Congrès, mais sans préavis du comité de liaison, les troi
2488 au milieu de l’après-midi et allai me recueillir à Westminster Abbey. Puis à pied jusque chez Retinger, que je trouvai d
2489 et allai me recueillir à Westminster Abbey. Puis à pied jusque chez Retinger, que je trouvai devant une patience de cart
2490 qu’un secrétaire, alerté par Retinger, viendrait à l’aube prendre mon texte pour le remettre à l’imprimerie. À l’hôtel,
2491 drait à l’aube prendre mon texte pour le remettre à l’imprimerie. À l’hôtel, un garçon lugubre m’apporta des kippers, de
2492 rendre mon texte pour le remettre à l’imprimerie. À l’hôtel, un garçon lugubre m’apporta des kippers, de la bière, et une
2493 des kippers, de la bière, et une table de bridge. À 6 heures du matin, j’avais fini, à 8 heures mon avion décollait, à mi
2494 ble de bridge. À 6 heures du matin, j’avais fini, à 8 heures mon avion décollait, à midi je m’endormais à Ferney. Mon rap
2495 in, j’avais fini, à 8 heures mon avion décollait, à midi je m’endormais à Ferney. Mon rapport culturel, à l’encre encore
2496 heures mon avion décollait, à midi je m’endormais à Ferney. Mon rapport culturel, à l’encre encore humide, fut remis aux
2497 di je m’endormais à Ferney. Mon rapport culturel, à l’encre encore humide, fut remis aux délégués le deuxième jour du Con
2498 on m’avait opposés, apprenant au cours d’un dîner à Londres que mon texte était sous presse, non le sien, avait pleuré. N
2499 un instant qu’enfants, nous sautions d’une poutre à l’autre, sans regarder l’abîme sous nos pas… Vertige rapide. J’abaiss
2500 egards le long des parois blanches et nues, jusqu’ à cette rangée d’écussons aux lions couchés trois par trois. Plus bas,
2501 l d’une redingote victorienne, Winston Churchill. À ma gauche, à ma droite, quelques profils d’amis, ce jeune ancien mini
2502 gote victorienne, Winston Churchill. À ma gauche, à ma droite, quelques profils d’amis, ce jeune ancien ministre socialis
2503 porte une longue chaîne en sautoir… Où suis-je ? À quelle époque ? Dans un rêve ? Que se passe-t-il ? « Churchill, tout
2504 les conformistes et les non-conformistes…) « Tout à l’heure, présidents et rapporteurs, nous avons traversé la salle en p
2505 ire, du Réarmement moral, exige d’abord un retour à Dieu et dénonce mon rapport comme « antichrétien ». Enfin, Bertrand R
2506 ’un Centre aiderait les hommes de pays différents à maintenir un contact étroit et à mieux connaître leurs points de vue
2507 pays différents à maintenir un contact étroit et à mieux connaître leurs points de vue respectifs »159. Finalement, tout
2508 sitif du Rapport passera dans la résolution votée à l’unanimité : Centre culturel, Charte des droits de l’homme et Cour s
2509 et Cour suprême, « instance supérieure aux États à laquelle puissent en appeler personnes et collectivités ». Tout cela
2510 s droits de la personne, antérieure et supérieure à ceux de l’État ; de revendiquer une forme d’union fédéraliste, c’est-
2511 ne forme d’union fédéraliste, c’est-à-dire propre à sauver les caractères distinctifs de nos peuples ; et enfin de consid
2512 sensible dans la résolution politique : l’emploi, à cinq reprises, des mots « l’union ou la fédération » pour désigner la
2513 pe. Cependant, les rares précisions qu’on apporte à l’idée d’union indiquent toutes une forme d’union fédérale, j’entends
2514 limitée et réelle. Mais si le fédéralisme réussit à influencer le langage des rapports et des résolutions, il ne triompha
2515 généraux donneraient naissance — mais comment ? —  à un noyau de gouvernement européen, dont on ne décrivait pas les compé
2516 péen, constitué par les six organisations réunies à La Haye, aboutit très rapidement à un « résultat modeste mais concret
2517 ations réunies à La Haye, aboutit très rapidement à un « résultat modeste mais concret » : la création en neuf mois d’un
2518 ent minime et décisif qui devait couper les ailes à tout espoir d’action « révolutionnaire » du congrès de La Haye. Le M
2519 ux mois, et mis au point par le comité de liaison à la veille même du congrès, avait été imprimé en haut d’un long roulea
2520 u de fort papier parcheminé : il était entendu qu’ à la fin de la séance de clôture où je lirais ce texte, tous les congre
2521 is que je donnais dans les couloirs une interview à la radio, dix minutes avant l’heure fixée pour la séance de clôture,
2522 interviewer, Alec Plaut, m’avait suivi, le micro à la main, traînant des fils. Je lui fis signe et, parlant devant le mi
2523 quérir Retinger et Paul van Zeeland, qui étaient à la tribune. Dans une petite salle près de l’entrée, nous nous assîmes
2524 petite salle près de l’entrée, nous nous assîmes à six ou sept, et après dix minutes d’un débat virulent, au cours duque
2525 Au moment où, marquant un temps, j’allais passer à l’engagement final en cinq articles, Sandys fit un signe impérieux de
2526 t le Message en anglais : j’avais repris ma place à la tribune, juste derrière Churchill, qui faisait basculer son fauteu
2527 unionistes, convoqua d’abord un congrès politique à Bruxelles, en février 1949, qui n’ajouta rien à La Haye, à part l’adh
2528 e à Bruxelles, en février 1949, qui n’ajouta rien à La Haye, à part l’adhésion de P.-H. Spaak ; puis un congrès économiqu
2529 ésion de P.-H. Spaak ; puis un congrès économique à Westminster, en avril 1949, qui précisa qu’« une Autorité européenne
2530 ité européenne permanente devrait être instituée, à laquelle les gouvernements conviendraient de confier certains pouvoir
2531 surtout d’André Philip, vient désormais s’ajouter à celle des libéraux, principaux auteurs des analyses et projets formul
2532 rd, grâce au génie réalisateur de Jean Monnet, et à l’accord des trois chefs de gouvernement démo-chrétiens de France, d’
2533 urera une stratégie nouvelle : celle qui consiste à organiser d’abord l’économie avec l’idée que l’union politique devra
2534 sans liens organiques, sans politique d’ensemble. À qui la faute ? Les unionistes avaient mieux travaillé que les fédéral
2535 ché commun. Certaines satisfactions partielles et à court terme coupent mieux l’élan d’une révolution que ne le font les
2536 e des formes et institutions de l’union politique à instaurer. En décembre 1948, ils avaient tenu à Rome, dans les salles
2537 e à instaurer. En décembre 1948, ils avaient tenu à Rome, dans les salles du palais de Venise, un grand congrès riche en
2538 ent acclamées : c’était trop tard. Cette victoire à la Pyrrhus des radicaux (ou tenus pour tels) n’empêcha pas le Mouveme
2539 t de personnes, ou en initiatives mal exploitées. À La Haye, Paul Reynaud avait dépassé les fédéralistes en proposant l’é
2540 seul tempérament révolutionnaire qui se manifesta à La Haye. À Macmillan qui conseillait de n’avancer que step by step, i
2541 ament révolutionnaire qui se manifesta à La Haye. À Macmillan qui conseillait de n’avancer que step by step, il répliquai
2542 ossé. » Plus tard, les fédéralistes demanderaient à leur tour l’élection par le « peuple européen » d’une Assemblée, mais
2543 ental et initiatives régionales, union nécessaire à la force et respect des autonomies, unité et diversité — que dis-je,
2544 e bataille perdue, non la guerre — c’est parce qu’ à la faveur d’une analyse impitoyable, conduite par beaucoup d’entre no
2545 désuète. Elle se fera, elle peut et doit se faire à partir des régions, formule neuve qui réalise exactement ce que deman
2546 ersonnalistes dès 1932, a été attribuée vers 1945 à Sartre, par une erreur journalistique manifeste, dont je n’ai pas sou
2547 rédigés par le secrétariat du Mouvement européen à Londres, 1949. Sur La Haye, on pourra consulter aussi Le Problème de
2548 t alors plan Monnet l’ensemble des mesures visant à relever l’économie française. 154. On ignore trop souvent ce fait, d
2549 se. 154. On ignore trop souvent ce fait, décisif à mes yeux, que les délégués mandatés des Résistances de neuf pays s’ét
2550 ces de neuf pays s’étaient réunis clandestinement à trois reprises dans une villa de Genève, au printemps de 1944, pour r
2551 Bilderberg — voir la brochure, intitulée Hommage à un grand Européen, J. H. Retinger, Centre européen de la culture, Gen
2552 ’original anglais figure dans les archives du CEC à Genève. 158. « La tâche qui nous attend dans ce congrès n’est pas se
2553 fut décisive. 160. La résolution politique (§ 9 à 13) aborde en termes très voisins les mêmes points, Charte et Cour su
2554 e le motif de la sécurité ne joua donc aucun rôle à La Haye (contrairement à ce que répètent journalistes et historiens).
2555 historiens). Et j’ajoute que deux ans plus tard, à l’Assemblée de Strasbourg, Sandys fit le premier discours demandant u
59 1970, Preuves, articles (1951–1968). Dépasser l’État-nation (1970)
2556 Quel est l’obstacle apparemment insurmontable à cette union que tout indique, que tout exige, que tout le monde admet
2557 le sait, rien n’est moins mystérieux : l’obstacle à toute union possible de l’Europe (donc à toute union fédérale) n’est
2558 obstacle à toute union possible de l’Europe (donc à toute union fédérale) n’est autre que l’État-nation, tel que Napoléon
2559 itale, et interdire toute allégeance des citoyens à des entités plus petites (comme les régions) ou plus vastes (comme un
2560 ’admet aucune autonomie, aucune diversité réelle. À l’extérieur, il refuse toute union, alléguant une indépendance et une
2561 fait au xxe siècle. Rien, donc, de plus hostile à toute espèce d’union tant soit peu sérieuse ou sincère, que cet État-
2562 mps, puisqu’il est à la fois trop petit pour agir à l’échelle mondiale ; trop grand pour permettre une participation civi
2563 toire : c’est sur la base de cet obstacle radical à toute union que l’on s’efforce depuis vingt-cinq ans d’unir l’Europe 
2564 situation de choisir librement son avenir. Jusqu’ à nous, point de choix économiques ni même peut-être politiques longuem
2565 nir est libre, nous voici contraints de le faire, à nos risques et périls ! Nous voici contraints de nous demander ce que
2566 es plans en conséquence. Voulons-nous par exemple à tout prix élever notre niveau de vie, quantitatif — ou plutôt voulons
2567 mode de vie, qualitatif ? Voulons-nous contribuer à tout prix à l’accroissement indéfini du PNB (Produit national brut) —
2568 qualitatif ? Voulons-nous contribuer à tout prix à l’accroissement indéfini du PNB (Produit national brut) — ou plutôt r
2569 mmunauté vivante ? Et quel prix sommes-nous prêts à payer pour cela ? Le prix de certaines libertés, ou le prix d’un conf
2570 ujours accru ? Ces dilemmes se posent aujourd’hui à tous les peuples avancés sous le rapport de l’industrie et de la tech
2571 ’industrie et de la technique. Et ils les forcent à reposer des questions difficiles, voire angoissantes sur le sens même
2572 lique évidemment celui des moyens adéquats ; mais à l’inverse, si vous vous trompez de moyens, ils risquent bien de vous
2573 ilemme présent : si nous attribuons pour finalité à la Cité européenne de demain la puissance, c’est-à-dire la puissance
2574 simple transposition de la formule d’État-nation à l’échelle continentale, serait capable sans nul doute de créer une Eu
2575 r qu’un super État-nation ne pourrait être imposé à tous nos peuples qu’à la faveur d’une guerre générale — selon la loi
2576 ion ne pourrait être imposé à tous nos peuples qu’ à la faveur d’une guerre générale — selon la loi de formation de l’État
2577 mé Au contraire, si nous donnons pour finalité à la Cité européenne la liberté, c’est-à-dire les plus grandes possibil
2578 adopter sans délai les méthodes les plus propres à réduire l’obstruction des stato-nationalismes, et se consacrer sérieu
2579 stato-nationalismes, et se consacrer sérieusement à la tâche de construire des modèles neufs pour une cité rendue à l’usa
2580 construire des modèles neufs pour une cité rendue à l’usage de l’homme. Il faut mettre en commun à l’échelle fédérale con
2581 ue à l’usage de l’homme. Il faut mettre en commun à l’échelle fédérale continentale, tout ce qui est nécessaire pour gara
2582 eligieuses, contre la prétention de l’État-nation à leur monopole absolu. Il  faut distribuer les pouvoirs étatiques aux
2583 imensions et celles de la communauté la plus apte à les administrer. En un mot, il faut appliquer la méthode du fédéralis
2584 ins bien qu’on ne puisse pas impunément continuer à mêler les moyens. On ne manquera pas de m’objecter en ce point que la
2585 s mais exemplaires, ont osé proclamer, d’Aristote à Rousseau et de William Penn à Proudhon, que les libertés personnelles
2586 oclamer, d’Aristote à Rousseau et de William Penn à Proudhon, que les libertés personnelles et les communautés autonomes
2587 ’il y ait un tiers parti tenable. Je ne crois pas à cette « imposante Confédération » qu’évoquait le général de Gaulle, e
2588 -nations conservant jalousement leurs prétentions à la souveraineté absolue. Je ne crois pas à cette amicale des misanthr
2589 ntions à la souveraineté absolue. Je ne crois pas à cette amicale des misanthropes. Je crois à la nécessité de défaire no
2590 is pas à cette amicale des misanthropes. Je crois à la nécessité de défaire nos États-nations. Ou plutôt de les dépasser,
2591 s, et de ne pas perdre une occasion de faire voir à quel point elles sont absurdes. Elles sont encore efficaces, il est v
2592 es et agricoles. Mais elles ne servent absolument à rien pour arrêter ce qui devrait l’être : les tempêtes et les épidémi
2593 icient, est caractéristique de tout ce qui touche à l’État-nation : néfaste dans la mesure où il est encore réel, inexist
2594 ’économies dites nationales, qui ne correspondent à rien d’économique. Mais ce que je sais de science certaine, c’est que
2595 e Conférence du désarmement étatique des nations. À l’aspect négatif de ses travaux, elle ajouterait l’étude on ne peut p
2596 répartir l’État, de la commune et de l’entreprise à la région et aux groupements de régions jusqu’au niveau européen ; là
2597 péenne : la complexité des régions rendra justice à ses fécondes diversités, et l’ampleur de la fédération exprimera l’un
2598 passer du matérialisme capitaliste et communiste à la mise en question du sens même de nos vies et des vrais buts de nos
2599 ibi des raisons de vivre inexistantes. La réponse à la contestation de la jeunesse, dans le monde entier, ne relève pas d
2600 emps. Précisons : des vingt ans qui viennent. Car à ce prix seulement nous ferons l’Europe, et nous la ferons pour toute
2601 eut-être, mais le plus de saveur, le plus de sens à la vie. 164. Les Basques de l’Est et de l’Ouest, les Catalans de P
2602 es décrets de Paris et de Madrid, forçant les uns à parler français, les autres à parler espagnol. On parle provençal sur
2603 id, forçant les uns à parler français, les autres à parler espagnol. On parle provençal sur les deux rives du Rhône, alle
2604 et article une partie des idées qu’il a exprimées à cette occasion et que l’auteur reprend dans sa Lettre ouverte aux Eu