1
Mesurons nos forces (avril 1951)a b Nous
sommes
plutôt faibles devant la propagande totalitaire. Beaucoup, angoissés
2
s n’avons rien à opposer à ces « mystiques », qui
sont
au vrai des mystifications. Laissons les « mystiques » synthétiques a
3
mesurées, nous verrons que l’avenir et le progrès
sont
de notre côté. Et alors, nous voudrons sauver notre présent ! Nos for
4
oudrons sauver notre présent ! Nos forces réelles
sont
immenses. La première, c’est le trésor vivant des droits de toute nat
5
e, et de tourner le bouton si l’on s’ennuie, sans
être
dénoncé par les voisins ; le droit d’aimer et de haïr, le droit d’épo
6
de haïr, le droit d’épouser qui l’on veut… Il n’
est
pas un seul de ces droits que les dictatures n’aient attaqué ou suppr
7
, n’aient déclaré antisocial ou criminel. Il n’en
est
pas un seul que n’ait conquis l’immense majorité des peuples libres q
8
s que l’Amérique. Tous ces droits bien vivants ne
sont
pas un passé, mais un présent ; bien plus, ils sont le gage d’un gran
9
nt pas un passé, mais un présent ; bien plus, ils
sont
le gage d’un grand avenir. Voilà l’espoir des hommes. Il est chez nou
10
d’un grand avenir. Voilà l’espoir des hommes. Il
est
chez nous. La seconde force dont nous disposons, et l’une des plus ty
11
sons, et l’une des plus typiques de l’Occident, n’
est
autre que l’esprit critique. On nous dit qu’il se perd et l’on en don
12
elle ne « marche » plus pour aucune idéologie, je
serais
tenté plutôt de l’en féliciter. Si cette jeunesse, qui a vu les camps
13
l apporter à l’inquiétude du monde moderne ? » Je
serais
tenté de lui dire : l’esprit critique. Car cet esprit nous renvoie so
14
sfont point de réponses collectives. L’Occident n’
est
pas une église, n’est pas une doctrine du salut, comme les partis tot
15
s collectives. L’Occident n’est pas une église, n’
est
pas une doctrine du salut, comme les partis totalitaires voudraient l
16
es voudraient le devenir à bon marché. L’Occident
est
une somme immense de réalités, de réponses, de questions, de contradi
17
e prodigieuse diversité peut angoisser. Mais elle
est
d’autre part la condition de nos libertés, et de l’esprit créateur. C
18
, qui juge et qui sent par lui-même. Et cet homme
est
le but du progrès, le but de toute communauté digne du nom. J’en vien
19
tion majeure de l’Occident. L’idée de la personne
est
certainement la plus originale, la plus profonde aussi qu’ait élaboré
20
la communauté. Avec l’idée de personne, l’Europe
est
née ; avec elle, elle mourrait. J’indique tout de suite que le mal sp
21
n siècle ou deux. Mais combien cette maladie même
est
-elle plus proche de l’idéal humain que le collectivisme sibérien, ou
22
modernes tyrannies. On ne peut forcer personne à
être
libre, alors qu’il faut forcer les masses à être masses. Et c’est pou
23
être libre, alors qu’il faut forcer les masses à
être
masses. Et c’est pourquoi Personne égale Liberté, tandis que masse ég
24
mes, et encore bien moins à l’État, parce qu’elle
est
« immédiate à Dieu ». Telle est bien la passion de l’homme européen.
25
at, parce qu’elle est « immédiate à Dieu ». Telle
est
bien la passion de l’homme européen. Elle le met à la pointe du genre
26
mune dignité et notre risque le plus cher. Telles
sont
nos maladies. Telles sont nos forces. S’il est une chose au monde pou
27
ue le plus cher. Telles sont nos maladies. Telles
sont
nos forces. S’il est une chose au monde pour laquelle on ne peut fair
28
s sont nos maladies. Telles sont nos forces. S’il
est
une chose au monde pour laquelle on ne peut faire de propagande sens
29
est justement la liberté, puisqu’elle cesserait d’
être
la liberté si l’on tentait de l’imposer. Mais on peut et l’on doit pr
30
d’une part le début de la guérison, quand le mal
est
d’ordre psychique ; c’est d’autre part une source de confiance en soi
31
ce de confiance en soi, quand les faits objectifs
sont
meilleurs que notre lassitude ne le pensait. Rendus conscients des fo
32
ces véritables de l’Europe et de l’Occident, nous
serons
en mesure, aussitôt, de renverser l’absurde situation volontairement
33
coup repris l’initiative. C’est l’autre camp qui
sera
forcé de se mettre sur la défensive, contre le rayonnement de nos vra
34
t un plus grand passé. Si vous demandez : quelles
sont
nos chances ? Je dirai qu’elles dépendent de chacun de nous, — beauco
35
l 1951, p. 1-3. b. Une note précise : « Ce texte
est
extrait d’une brochure de Denis de Rougemont, intitulée Les Libertés
36
Neutralité et neutralisme (mai 1951)c d Nous
sommes
contre toute espèce de totalitarisme, pour une raison très simple, d’
37
cience pratique. D’autre part, dès que la culture
est
subordonnée à la politique, elle cesse d’être une méthode de libérati
38
ture est subordonnée à la politique, elle cesse d’
être
une méthode de libération humaine pour devenir une préparation mental
39
otalitaire contre la liberté de la pensée ne doit
être
plus redoutée que pour l’âme même de ce pays de très vieille et profo
40
, le totalitarisme le plus dangereux de nos jours
est
le stalinisme, variété la plus puissante d’une maladie unique, qui pe
41
ngisme, ou ce qu’on voudra ; mais dont les effets
sont
les mêmes puisqu’elle aboutit toujours à soumettre la pensée à la pol
42
rce même de notre liberté. Et voilà pourquoi nous
sommes
antistaliniens. …On a dit que nous sommes ici au service des Américai
43
oi nous sommes antistaliniens. …On a dit que nous
sommes
ici au service des Américains. Soyons bien clairs : nous ne serons ja
44
it que nous sommes ici au service des Américains.
Soyons
bien clairs : nous ne serons jamais « pour l’Amérique » de la même ma
45
vice des Américains. Soyons bien clairs : nous ne
serons
jamais « pour l’Amérique » de la même manière que les staliniens sont
46
’Amérique » de la même manière que les staliniens
sont
« pour la Russie ». Pour le stalinien, les seuls critères de jugement
47
critères de jugement intellectuels et artistiques
sont
ceux qu’impose l’intérêt du Parti, intérêt confondu une fois pour tou
48
ien ni avec le vrai. Même si l’Amérique se trouve
être
actuellement le défenseur le plus efficace de nos libertés, nous ne s
49
fenseur le plus efficace de nos libertés, nous ne
sommes
pas prêts à souscrire sans condition, une fois pour toutes, à tout ce
50
tes la liberté avec les intérêts américains. Nous
sommes
amis des Américains, mais plus encore amis de la vérité. …On a préten
51
encore amis de la vérité. …On a prétendu que nous
étions
réunis à Bombay pour condamner la neutralité en général, et celle de
52
lle de l’Inde en particulier. Personnellement, je
tiens
à prendre ici une position extrêmement claire. Il me paraît capital d
53
re la neutralité et le neutralisme. La neutralité
est
une mesure politique qui peut être très bonne, très utile, et même tr
54
. La neutralité est une mesure politique qui peut
être
très bonne, très utile, et même très nécessaire dans certaines situat
55
. …Mais si je rentre dans mon domaine propre, qui
est
celui de la culture, je constate que la neutralité simplement n’y exi
56
t une politique défendable. Mais alors, ce qui ne
serait
pas défendable, ce qui serait une tricherie évidente, ce serait que l
57
is alors, ce qui ne serait pas défendable, ce qui
serait
une tricherie évidente, ce serait que l’agneau prétende justifier sa
58
endable, ce qui serait une tricherie évidente, ce
serait
que l’agneau prétende justifier sa politique par des raisons morales
59
ales, et qu’il dise par exemple : — « Après tout,
soyons
objectif ! Voyons les deux côtés de la question. Ce loup ne pense pas
60
al, il a grand-faim, il a beaucoup lu Marx, et il
est
“partisan de la paix” ; d’autre part, ce berger n’est pas un homme pa
61
“partisan de la paix” ; d’autre part, ce berger n’
est
pas un homme parfait, il boit souvent trop, et il ne lit que le Reade
62
est. Je refuse donc l’un et l’autre également, je
suis
neutre. » C’est contre ce mensonge-là que nous devons lutter, je veux
63
Preuves, Paris, mai 1951, p. 20-21. d. Le texte
est
précédé du chapeau suivant : « Nous avons rendu compte, dans notre pr
64
ongrès indien pour la liberté de la culture qui s’
est
tenu à Bombay, du 28 au 31 mars. Au cours de cette conférence, Denis
65
ès indien pour la liberté de la culture qui s’est
tenu
à Bombay, du 28 au 31 mars. Au cours de cette conférence, Denis de Ro
66
s. J’ai vu cela ce printemps à Bombay, et ne m’en
suis
pas trop étonné. Mais pour peu que l’on y réfléchisse… Pourquoi ne pa
67
es hommes, et qui n’en pensent pas moins. Culture
est
un mot plus récent, mais ce qu’il désigne est très vieux. Si les anci
68
ure est un mot plus récent, mais ce qu’il désigne
est
très vieux. Si les anciens Hindous, les Sumériens, les Égyptiens et l
69
ation. S’il n’y avait point de civilisation, nous
serions
sans moyens techniques de remédier à la famine. Ce n’est pas un démag
70
s moyens techniques de remédier à la famine. Ce n’
est
pas un démagogue, ni même un philanthrope, c’est un savant indien nom
71
idence » ? Il me semble pourtant que le contraire
est
vrai, que ce sont les repus qui n’écoutent pas, que la disette fut mè
72
semble pourtant que le contraire est vrai, que ce
sont
les repus qui n’écoutent pas, que la disette fut mère des civilisatio
73
sont les repus qui n’écoutent pas, que la disette
fut
mère des civilisations, comme l’angoisse l’est de la pensée. Quant à
74
te fut mère des civilisations, comme l’angoisse l’
est
de la pensée. Quant à l’erreur courante sur la culture, elle consiste
75
l’erreur courante sur la culture, elle consiste à
tenir
cette dernière pour un luxe, à la confondre avec la lecture des roman
76
ette conseillait à un peuple sans pain. Culture n’
est
pas consommation, mais production. C’est ce que l’époque bourgeoise s
77
prolétariat hérite de cette erreur. Si la culture
est
tout d’abord prise de conscience de l’homme en tant que créateur, ell
78
conscience de l’homme en tant que créateur, elle
est
moyen de libération dans tous les ordres, du plus intellectuel au plu
79
f Plus nombreux qu’ils ne voudraient le croire
sont
ceux qui nous répètent, depuis vingt ans, que l’état de nos arts est
80
épètent, depuis vingt ans, que l’état de nos arts
est
la preuve d’une décadence de l’Occident. Cette mystification date des
81
t l’appuie cette fois-ci sur une doctrine. Le mal
serait
entré dans la peinture, dit-elle, avec les pommes de Cézanne, pommes
82
conduire à Picasso, lequel, tout communiste qu’il
soit
, sert Wall Street et ses sombres desseins1. Quant à l’avenir, il sera
83
et et ses sombres desseins1. Quant à l’avenir, il
serait
représenté par les tableaux de genre militaire du réalisme socialiste
84
nte ans : ils parlent d’eux-mêmes et leur langage
sera
plus convaincant que tous les arguments. Mais la riposte, ici, transc
85
le le réduit au rôle épisodique qui, précisément,
fut
toujours celui des pouvoirs politiques, de leurs goûts et de leurs ce
86
ose bien d’autres problèmes. Le premier me paraît
être
celui de la prise de conscience d’une époque non par ses héritiers, m
87
dont la fonction, selon l’oracle sibyllin, devait
être
de restaurer ou de maintenir la cité dans sa gloire. Une telle concen
88
pénétrant les structures de l’Inconscient. Qu’il
soit
peintre, poète ou conteur, plus il s’avance dans ce domaine, plus il
89
t la notion nouvelle d’optimum ? Faut-il se faire
soit
monstre, soit vedette ou bien tenter de se faire classique ? Autre pa
90
uvelle d’optimum ? Faut-il se faire soit monstre,
soit
vedette ou bien tenter de se faire classique ? Autre paralogisme de c
91
e compensations, ou bien l’un des deux phénomènes
serait
-il la rançon de l’autre ? Sommes-nous dans une situation globale de d
92
deux phénomènes serait-il la rançon de l’autre ?
Sommes
-nous dans une situation globale de disjonctions irrémédiables, de div
93
emble exposées dans Paris. Le choix de la ville n’
est
pas sans signification. Paris fut, pendant ce demi-siècle, le lieu gé
94
x de la ville n’est pas sans signification. Paris
fut
, pendant ce demi-siècle, le lieu géométrique de l’aventure moderne :
95
époque : la réponse qu’elle apporte, d’une part,
est
, de l’autre, une remise en question. 1. « Picasso ne crée pas ses œ
96
enov, Les Deux Cultures, Moscou, 1947. Ce Kemenov
était
à l’époque président de la VOKS, c’est-à-dire chef des relations cult
97
ulturelles de l’URSS avec l’étranger. Sa brochure
est
un texte officiel, répandu à des millions d’exemplaires en URSS. f.
98
s latines, comme en anglais, vient d’educere, qui
est
« conduire au-dehors ». Donc libérer, non plus forcer dans le moule c
99
ental (je pense aux Hindous plus qu’aux Chinois),
est
d’une caste, d’un ordre, d’un Karma, dont personne n’est jamais sorti
100
ne caste, d’un ordre, d’un Karma, dont personne n’
est
jamais sorti que par la mort (ou par la sainteté, une fois sur des mi
101
’un pays totalitaire, le parti sait pour lui quel
est
son bien, et lui prouve au besoin qu’il le sait mieux que lui. L’idée
102
dée de varier, de différer ou d’innover, l’idée d’
être
soi-même « à son idée », voilà qui pour l’Oriental suggère une inconv
103
ures, tandis que le Soviétique, dès cette vie-ci,
sera
« rééduqué » pour l’avenir collectif. Nous voyons au contraire l’homm
104
fèrent (ou du moins il s’en flatte) de celles qui
sont
censées régner, ses talents qu’il expérimente, enfin sa vocation s’il
105
ressent, mais au monde ou à la société, voilà qui
est
proprement occidental. Cela donne le révolté, l’objecteur de conscien
106
a compté dans la vie de l’Europe, tout ce qui s’y
est
fait un nom et un visage distinct. Soulignons maintenant que ce drame
107
ocial, entre la personne libre et la fatalité, ne
serait
pas concevable hors d’un monde qui date ses années de la Crucifixion,
108
humaine. Pour beaucoup d’entre nous l’expression
est
passée au rang de cliché. Mais l’historien jugera différemment. Car à
109
amentale, cette conquête majeure de l’Occident, n’
est
rien de moins que la résultante de trois grandes civilisations : cell
110
lier, la Judée. Toute l’histoire de l’Europe peut
être
interprétée à partir de la vaste synthèse de ces trois courants, culm
111
e nos activités. Ôtez le moi distinct, le droit d’
être
une personne, et du même coup nos vies n’auraient plus sel ni sens :
112
rope, disons plus : sur l’espoir humain. Ma thèse
est
simple. Elle consiste à rappeler que la plupart de nos valeurs et idé
113
à la fois libre et responsable, libre parce qu’il
est
chargé d’une vocation qui le distingue de la masse, lui donne une dir
114
engagé dans une aventure bien réelle, mais qu’il
est
seul à pouvoir courir. Cette valeur unique de tout homme, voilà la gr
115
dérivent, en tout cas, d’une manière démontrable,
fût
-ce par une suite de laïcisations ou même de dégradations, parfois aus
116
ve au plan collectif. Ces valeurs, ces activités,
seraient
proprement inconcevables sans cette notion originelle de la personne.
117
rner complètement. On peut dire que la révolution
est
, pour une collectivité, l’équivalent exact d’une conversion. Or la co
118
, radicale, changeant tout — le Chemin de Damas —
est
un phénomène caractéristique du christianisme. De même, nous constato
119
tique, par exemple, ne peut la concevoir. Elle ne
serait
à ses yeux qu’indécence, blessure à l’ordre du cosmos, crime absurde.
120
s seuls hommes touchés par l’idéologie communiste
étaient
ceux que l’Occident avait contaminés : jeunes intellectuels éduqués e
121
naires ne peuvent se former que dans un monde qui
tient
la liberté et la vocation prophétique pour plus vraies que l’Ordre du
122
. Je constaterai maintenant que cette passion qui
tient
une telle place dans nos vies, ou tout au moins dans nos secrètes nos
123
ose une croyance innée dans la valeur unique de l’
être
aimé, irremplaçable, infiniment distinct de tous les autres. Or cette
124
romanesque. Il estime à bon droit que la passion
est
une force antisociale, qui ne pourrait que gêner le rendement du stak
125
passion, donc, qui nous paraît si « naturelle »,
est
en réalité exceptionnelle dans le monde. On peut la qualifier d’extra
126
ntaine — dans la révolution chrétienne et qu’elle
est
inconcevable hors d’un monde où Pascal peut placer dans la bouche mêm
127
les temps, mon amour personnel. Ces deux exemples
sont
extrêmes. Nous ne sommes pas tous des révolutionnaires, ni les héros
128
rsonnel. Ces deux exemples sont extrêmes. Nous ne
sommes
pas tous des révolutionnaires, ni les héros d’une grande passion mort
129
assion mortelle, mais la révolution et la passion
sont
pour nous tous des repères décisifs. Nos vies sont orientées par rapp
130
ont pour nous tous des repères décisifs. Nos vies
sont
orientées par rapport à ces pôles. Voici, plus près de nos vies quoti
131
niveau de culture, en Europe, le non-conformiste
est
bien vu, tandis que la banalité disqualifie. Tout l’effort de l’artis
132
e aztèque, ou le grand sorcier nègre, le problème
est
non pas de différer, mais au contraire d’appliquer les recettes, de t
133
a variation, l’innovation individuelle ne peuvent
être
à leurs yeux que des erreurs. Elles risqueraient de faire rater l’opé
134
ste et le révolté, l’Europe connaît d’ailleurs un
être
intermédiaire : celui qui a le sens de l’humour. L’Occident a créé l’
135
d’hui dans le pouvoir anonyme de l’État. L’humour
est
la combustion lente de la révolte des individus. C’est pourquoi vous
136
rendre distance par rapport à ce que l’on se voit
être
. Dans l’humour, c’est donc la personne qui juge son propre individu…
137
ple, le Progrès, et notre attitude envers lui. Il
est
de mode aujourd’hui de douter du Progrès. Les plus grands esprits de
138
volutions à l’État totalitaire ; que le Progrès n’
est
donc nullement fatal ; qu’il n’est plus même un idéal européen, mais
139
e le Progrès n’est donc nullement fatal ; qu’il n’
est
plus même un idéal européen, mais bien russe et américain, et tout ce
140
tout cela semble en bonne partie vrai. Mais il n’
est
pas moins vrai que l’horizon d’un progrès possible reste vital pour l
141
lus vaste et plus libre reste ouvert. De plus, il
serait
faux de penser que notre idée européenne du progrès ait vraiment émig
142
ui fait, à nos yeux, tout son prix : elle cesse d’
être
liée à l’idée de liberté, c’est-à-dire à la perspective d’une vie plu
143
lle se lie à l’idée de contrainte collective, qui
est
la négation même de son mouvement originel. D’où nous vient, en effet
144
ous vient, en effet, le concept du Progrès ? Il n’
est
apparu comme concept social qu’au xviiie siècle. Mais ses origines s
145
pt social qu’au xviiie siècle. Mais ses origines
sont
beaucoup plus anciennes et remontent incontestablement — encore une f
146
outes les religions antiques et celles de l’Asie,
étaient
des religions an-historiques, en ce sens qu’elles croyaient et enseig
147
lois du Retour éternel. Pour ces religions, il n’
était
point de nouveauté, de véritable création possible. Leur nostalgie n’
148
de véritable création possible. Leur nostalgie n’
était
pas dans l’avenir, mais dans le temps mythique des origines ; le Para
149
novations imprévues, que les petits-fils puissent
être
plus heureux que leurs ancêtres, était donc étrangère aux Anciens, co
150
ls puissent être plus heureux que leurs ancêtres,
était
donc étrangère aux Anciens, comme elle le reste à la plupart des Orie
151
ire devient possible. L’évolution de l’humanité n’
est
plus une suite indéfinie de cycles et de répétitions dont l’homme ne
152
s dont l’homme ne saurait se libérer et dont il n’
est
pas responsable ; elle devient une longue aventure, où tout reste imp
153
de nos jours, notre foi dans le Progrès a cessé d’
être
une foi naïve. Nous nous posons à son sujet des questions parfois ang
154
rès ? La question paraît insoluble. Nos créations
sont
toujours équivoques, chacun le sait au xxe siècle. L’essor de l’indu
155
re un pur et simple acte de foi, devant lequel il
est
permis de rester sceptique… En vérité, l’idée de Progrès ne peut repr
156
té ne peut avoir de sens que pour l’individu (que
serait
une liberté en masse ?). Je définirai donc le Progrès véritable comme
157
ntation continuelle des possibilités de choix qui
sont
offertes, tant matérielles que culturelles, à un nombre sans cesse cr
158
nt d’individus. Et la mesure de ce Progrès, ce ne
sera
pas seulement l’augmentation de notre sécurité, de notre confort, mai
159
et des moyens de nous décider nous-mêmes, donc d’
être
libres. Car la seule liberté qui compte pour moi — dira tout véritabl
160
es-uns de ses traits les plus typiques — l’Europe
est
la patrie du moi distinct, des individus, des personnes, de ceux qui
161
oilà pourquoi je disais en débutant, que l’Europe
est
aussi la conscience du monde. J’illustrerai cette seconde thèse par t
162
et de Christophe Colomb au capitaine Cook. Ce ne
sont
pas les Aztèques ni les Bantous, ni même les Hindous qui nous ont déc
163
ous qui nous ont découverts. C’est nous qui avons
été
y voir. Mais il y a plus. Nous avons en Europe des sinologues, des hi
164
ssus de nos nations. Deuxième remarque : l’Europe
est
le Musée du monde. Et je ne pense pas seulement en disant cela, au Lo
165
ts-Unis… (Il y en avait un seul, à Leningrad : il
est
fermé depuis bien des années, les Soviets ayant décidé, en plein acco
166
idé, en plein accord avec Goebbels, que notre art
était
décadent.) Nous avons fait bien plus que de collectionner, bien plus
167
Iran, qui savent bien mieux que les natifs, quels
furent
les grands moments de la recherche et de l’essor spirituel dans ces p
168
uation paraît tragiquement claire, encore qu’elle
soit
paradoxale. D’une part, on peut la comparer aux heures d’angoisse de
169
répandu dans nos élites — le pire danger, tant il
est
vrai que nous résigner à croire notre déclin fatal, le rendrait en ef
170
autre conférence pour démontrer que notre culture
fut
bel et bien, dans le passé, la vraie raison de notre puissance, même
171
choses, les turbines, c’est sérieux, la culture n’
est
qu’un luxe, et que l’important, c’était de lutter d’abord contre le c
172
sa puissance de la turbine, mais après tout ce n’
est
pas lui qui l’inventa. Qui donc ? J’ouvris une encyclopédie, et trouv
173
le pays. Quand on me demande maintenant : quelle
est
donc cette Europe que vous voulez unir pour la sauver ? Je réponds qu
174
voulez unir pour la sauver ? Je réponds que ce n’
est
pas celle des turbines, mais celle de l’inventeur de la turbine ; non
175
aspect de tentation intellectuelle, le stalinisme
est
en recul marqué dans nos pays. À Paris et à Rome, où il avait conquis
176
icacité. Or ce reflux — dont rien n’indique qu’il
soit
simplement temporaire — découvre une situation nouvelle. Dès l’instan
177
’Œuvre du xxe siècle », à Paris, André Malraux s’
est
écrié : « L’Amérique n’est qu’une partie de l’Europe ! » L’Amérique n
178
Paris, André Malraux s’est écrié : « L’Amérique n’
est
qu’une partie de l’Europe ! » L’Amérique n’est-elle pas plutôt la fil
179
n’est qu’une partie de l’Europe ! » L’Amérique n’
est
-elle pas plutôt la fille de l’Europe ? Ou mieux encore : la fille d’E
180
ins », et d’une vaste contrée vierge. Une fille n’
est
pas une partie de son père. Elle peut tenir de lui mais agir autremen
181
fille n’est pas une partie de son père. Elle peut
tenir
de lui mais agir autrement qu’il n’aurait su l’imaginer. Elle ne se d
182
par rapport au monde. En fait, l’Amérique du Nord
est
en train de développer une civilisation certes proche parente de la n
183
tonome ; la plus grande différence entre les deux
étant
que l’Amérique tend consciemment vers les standards de culture, tandi
184
ntradictoires : la peur et l’attrait combinés. Il
est
clair qu’une partie sans cesse croissante de l’intelligentsia europée
185
ontre les Russes. (Mais l’attitude antiaméricaine
est
plus ancienne que ces griefs, et très souvent ne leur doit rien.) Qua
186
e leur doit rien.) Quant aux motifs d’attrait, ce
sont
parfois les mêmes, plus chez beaucoup l’idée que là-bas, la démocrati
187
que là-bas, la démocratie marche mieux, l’avenir
est
plus ouvert, et les rapports humains plus francs et plus cordiaux que
188
c vos dollars, mais si vous exigez que votre aide
soit
efficace, nous crierons à l’impérialisme ; puis décampez, go home, la
189
à l’isolationnisme. Quant à la culture, la cause
est
entendue, vous n’êtes que des barbares : digests, Collier’s, Coca-Col
190
Quant à la culture, la cause est entendue, vous n’
êtes
que des barbares : digests, Collier’s, Coca-Cola, Hollywood, comics e
191
ier’s, Coca-Cola, Hollywood, comics et whisky. Il
est
vrai que nous copions vos romans et vos danses. Mais vous n’avez même
192
impérialistes, ou deviennent isolationnistes, ce
sera
bien notre faute dans les deux cas. Car il faut faire l’Europe, ou il
193
s. Car il faut faire l’Europe, ou il faudra subir
soit
leur intervention, soit leur retrait. Et si la « civilisation du dige
194
urope, ou il faudra subir soit leur intervention,
soit
leur retrait. Et si la « civilisation du digest » prévaut chez nous,
195
« civilisation du digest » prévaut chez nous, ce
sera
notre faute encore, autant que celle des USA. Les digests, que nous l
196
SA. Les digests, que nous lisons par millions, ne
sont
tout de même pas distribués par M. Acheson, ni leur lecture imposée p
197
ultipliées chez nous. Notre élite s’en plaint, il
est
vrai. Mais l’élite des USA aussi. Personne encore n’a proposé de remè
198
t des lectures faciles. (Le réalisme socialiste s’
est
borné à les rendre obligatoires.) Prenons un exemple précis. Dès qu’i
199
restige suspect, d’autre part se voit accusé de n’
être
rien qu’un « instrument de la guerre froide ». Devant l’ambiguïté d’u
200
, tout en gardant un contrôle raisonnable. Puis s’
étant
assuré d’une documentation dont l’ampleur bien souvent dépasse son ob
201
croit vraiment… (J’écris on à dessein : car ce ne
sont
pas les mêmes qui, en Europe, font la culture et ont l’argent. Mais g
202
orte qui de se prononcer sur n’importe quoi qui n’
est
pas dans la situation concrète de l’Europe, mais dans le programme d’
203
entendus ? La bonne volonté n’y suffit pas ; elle
est
là, très souvent, elle n’a rien empêché. Depuis un certain temps, le
204
t l’Amérique. Pour qu’un dialogue de cette nature
soit
juste, et pour qu’il puisse créer une atmosphère plus saine, quelques
205
ont paru requises : a) La première rencontre doit
être
restreinte et non spectaculaire ; il ne s’agit pas d’un congrès, mais
206
entants de l’Amérique et ceux de l’Europe doivent
être
choisis au même niveau de culture et de responsabilité : cessons de c
207
e. c) Nos griefs et critiques réciproques doivent
être
considérés comme justifiés, dès le départ, et la question ne sera pas
208
comme justifiés, dès le départ, et la question ne
sera
pas d’échanger de mauvaises notes, mais de trouver, après une analyse
209
ais en actes, — voilà des objectifs concrets. Ils
sont
vitaux. Car si l’Europe et l’Amérique n’arrivent pas à s’entendre eff
210
rier 1953)j La carrière de Søren Kierkegaard s’
est
déroulée en une douzaine d’années comme un drame unique, intense, ine
211
e 42 ans. Le seul événement extérieur de ce drame
fut
la rupture de ses fiançailles avec Régine Olsen, crise initiale qui l
212
t mourir, certain d’avoir accompli sa mission, ce
fut
son attaque contre le christianisme moderne au nom du Christ de l’Éva
213
s d’un drame dont lui seul détenait la clé. Ce ne
fut
qu’à la fin de sa vie qu’il s’offrit sans masque à la lutte, au cours
214
le mener à la mort. Ainsi le drame de Kierkegaard
fut
typiquement celui d’une vocation. Toute son intrigue consiste dans le
215
biographie de Kierkegaard ? Il reste à voir s’il
est
possible de pousser ce parallèle beaucoup plus loin dans le détail. C
216
e parallèle beaucoup plus loin dans le détail. Ce
serait
peut-être un bon moyen d’illustrer à la fois la pensée et la vie de K
217
ctif et l’autre réel. Hamlet, jeune prince royal,
est
un intellectuel. Il n’a d’autre désir que de retourner à l’Université
218
intenant dans quels termes Kierkegaard lui-même s’
est
décrit. Lui aussi se sent un prince. « Il y a quelque chose de royal
219
prince. « Il y a quelque chose de royal dans mon
être
», fait-il dire à l’un de ses pseudonymes. Lui aussi voudrait « retou
220
sous des apparences de gaieté. » Ou encore : « J’
étais
armé d’une foi presque téméraire en ma capacité de pouvoir toutes cho
221
es choses, sauf une : devenir un oiseau libre, ne
fût
-ce qu’un seul jour, rompre les chaînes de la mélancolie, où une autre
222
rage, L’Alternative : deux princes vraiment, deux
êtres
d’exception, pleins de hardiesse et de fierté, mais inaptes à la vie
223
ci que ces deux individus, pour qui la vie en soi
est
déjà un problème, reçoivent en outre une mission redoutable et qui le
224
core que leur nature psychologique, à devenir des
êtres
d’exception. Hamlet reçoit sa mission de son père, qui lui apparaît s
225
ctre. Assassiné, dit-il, par le roi actuel, qui n’
est
donc qu’un usurpateur, le père ordonne au fils de le venger. Hamlet r
226
ué la nature. Nous savons cependant que le secret
était
lié à la mémoire de son père. Il qualifie cette révélation de « grand
227
: le soi-disant christianisme des temps modernes
est
une tromperie, une immense illusion. Il ne ressemble pas davantage à
228
itimité. Et Kierkegaard pressent sa vocation, qui
sera
de dénoncer l’usurpation religieuse, afin de rétablir dans sa pureté
229
voyons les deux héros gémir sous le faix qui leur
est
imposé : « L’époque est détraquée, hélas ! pourquoi faut-il que je so
230
mir sous le faix qui leur est imposé : « L’époque
est
détraquée, hélas ! pourquoi faut-il que je sois né pour la rajuster !
231
ue est détraquée, hélas ! pourquoi faut-il que je
sois
né pour la rajuster ! », s’écrie Hamlet. Et Kierkegaard ne cesse de r
232
se de répéter sur tous les tons la même idée : il
est
né pour forcer notre époque détraquée à reconnaître l’absolu chrétien
233
dans le Royaume de Danemark » et que leur destin
sera
de dénoncer cette situation, advienne que pourra… Les caractères étan
234
te situation, advienne que pourra… Les caractères
étant
donnés, la mission définie dès le début du drame, voyons maintenant l
235
mes. Le message chrétien, qui lui importe seul, y
sera
toujours présent, mais soigneusement dissimulé. De la sorte, il attir
236
et l’usurpation. « Cette représentation, dit-il,
est
le moyen par lequel je surprendrai la conscience du roi. » Tous les d
237
» malgré eux. (Mundus vult decipi, le monde veut
être
trompé, constate Kierkegaard à plusieurs reprises.) Mais à ce jeu ils
238
te reste le même dans les deux cas. Kierkegaard s’
est
expliqué sur la rupture de ses fiançailles avec Régine. Il s’est expl
239
r la rupture de ses fiançailles avec Régine. Il s’
est
expliqué, peut-on dire, dans toute son œuvre, et non pas seulement da
240
des ouvrages tels que Coupable-Non coupable, qui
sont
en réalité le récit à peine déguisé de ses fiançailles et l’analyse i
241
aard aime Régine, jeune fille de 17 ans, et il en
est
aimé. Mais il a son secret ambigu, le secret de sa vocation et celui
242
mélancolie. Or il comprend bientôt que le secret
serait
trop lourd pour la jeune fille. Naïve et spontanée, elle tenterait si
243
étrange vocation. Peut-on se marier si l’on veut
être
un témoin de la vérité ? Un soldat à la frontière devrait-il être mar
244
e la vérité ? Un soldat à la frontière devrait-il
être
marié ? se demande Kierkegaard. Et lui, qui se bat aux avant-postes,
245
évéler et faire mourir l’aimée ? » S’il choisit d’
être
la victime, une seule issue lui reste ouverte : rompre avec la jeune
246
: Oui, dans dix ans, quand le feu de la jeunesse
sera
passé : il me faudra une demoiselle au sang frais pour me rajeunir. »
247
toute la nuit. « Mais le lendemain, écrit-il, je
fus
comme d’ordinaire, et même plus pétillant d’esprit que jamais : c’éta
248
la conduite d’Hamlet devant cette autre enfant qu’
est
Ophélia. Hamlet a compris lui aussi que l’amour spontané et naïf d’Op
249
a jeune fille, prétendre qu’il ne l’aime pas, lui
tenir
les propos les plus cyniques, s’écrier ensuite : « Comment ferait-on
250
es, s’écrier ensuite : « Comment ferait-on pour n’
être
pas gai ! » Cependant qu’il avoue en aparté : « Je dois paraître crue
251
parté : « Je dois paraître cruel, mais c’est pour
être
tendre… » Il convient de marquer ici, en toute justice, une différenc
252
ssaut de fleuret. Seulement, le fleuret de Laerte
est
empoisonné : le duel sportif tourne au duel à mort. Blessé, Hamlet ne
253
Hamlet ne peut plus hésiter. Il tue le roi. Quel
fut
, chez Kierkegaard, l’équivalent de ce sommet du drame, ou de cette «
254
n « vrai témoin de la vérité ». Dans cette phrase
était
le poison, pour Kierkegaard. Car toute son œuvre, toute sa carrière d
255
pratiquement de martyr. Or l’évêque Mynster avait
été
un grand prélat, chargé de titres et d’honneurs, un fin lettré, un hu
256
publier, il attendit que le professeur Martensen
fût
devenu évêque à son tour, succédant à Mynster. Puis il publia l’artic
257
Mynster. Puis il publia l’article. Et cet article
fut
son acte, l’attaque directe, décisive et mortelle, aussi « exagérée »
258
cisive et mortelle, aussi « exagérée » que peut l’
être
l’élan d’un combattant qui joue sa vie sur un seul coup. Voici un ext
259
n témoin de la vérité, c’est un homme dont la vie
est
, du commencement à la fin, familière avec toute espèce de souffrance
260
té, insulté, outragé, bafoué ; c’est un homme qui
est
flagellé, torturé, traîné de prison en prison, et puis enfin — car c’
261
jeté par le bourreau dans un endroit écarté, sans
être
enterré. Voilà un témoin de la vérité, sa vie et son existence, sa mo
262
et l’évêque Mynster, dit le professeur Martensen,
fut
un des vrais témoins de la vérité. En vérité, il y a quelque chose de
263
s et de jouer ensuite au jeu que l’évêque Mynster
était
un témoin de la vérité. Une polémique furieuse s’éleva de toutes par
264
de toutes parts. L’opinion danoise et scandinave
fut
secouée d’une vertueuse indignation. Kierkegaard luttait seul contre
265
ait osé l’acte ; il avait réussi : l’usurpation s’
était
vue dénoncée, et il avait forcé le grand public à devenir attentif à
266
stant. Depuis longtemps, la pensée de Kierkegaard
était
comme fascinée par les deux concepts d’instant et de saut. L’instant,
267
aute de l’oser, on n’a rien3. Plongé comme je l’
étais
, en écrivant les lignes qui précèdent, dans la lecture alternée de Ki
268
de Kierkegaard et de Shakespeare, j’avoue qu’il m’
est
arrivé plus d’une fois de ne plus bien savoir lequel des deux parlait
269
des deux parlait et de m’imaginer qu’Hamlet avait
été
écrit par Kierkegaard, voire qu’à l’inverse la biographie de Kierkega
270
qu’à l’inverse la biographie de Kierkegaard avait
été
mise à la scène deux siècles et demi avant d’être vécue. Le style éli
271
été mise à la scène deux siècles et demi avant d’
être
vécue. Le style élisabéthain de Kierkegaard, son lyrisme énergique, m
272
érences. Chose curieuse, cette note de deux pages
est
publiée en appendice au livre dans lequel Kierkegaard raconte le dram
273
l semble donc que le parallèle que j’ai risqué se
soit
offert à l’esprit de Kierkegaard, et qu’il ait tenu à le corriger lui
274
it offert à l’esprit de Kierkegaard, et qu’il ait
tenu
à le corriger lui-même. Voici en bref le contenu de la note, intitulé
275
rame religieux. Car, si les scrupules d’Hamlet ne
sont
pas d’ordre religieux, le héros cesse d’être vraiment tragique. Il fr
276
t ne sont pas d’ordre religieux, le héros cesse d’
être
vraiment tragique. Il frise le comique. Si, au contraire, ses tergive
277
effet, « dans l’ordre esthétique, l’obstacle doit
être
hors du héros, non pas en lui ». Si l’obstacle à son acte est en lui,
278
héros, non pas en lui ». Si l’obstacle à son acte
est
en lui, il s’agit d’un scrupule religieux. Dans ce cas, le héros n’es
279
d’un scrupule religieux. Dans ce cas, le héros n’
est
grand que par sa souffrance, non par son triomphe. Il n’y a plus de j
280
l… Traduisons cela en d’autres termes : si Hamlet
était
religieux, il n’y aurait pas l’Hamlet de Shakespeare, mais on rejoind
281
e de Kierkegaard. Le drame de Kierkegaard n’a pas
été
fictif. Il n’a pas été joué et ne saurait l’être. Il a été vécu et so
282
ame de Kierkegaard n’a pas été fictif. Il n’a pas
été
joué et ne saurait l’être. Il a été vécu et souffert consciemment (av
283
s été fictif. Il n’a pas été joué et ne saurait l’
être
. Il a été vécu et souffert consciemment (avec une conscience folle, p
284
f. Il n’a pas été joué et ne saurait l’être. Il a
été
vécu et souffert consciemment (avec une conscience folle, pourrait-on
285
u de poète ; c’est qu’il aime à discuter ou qu’il
tient
des propos fantaisistes. Mozart, qui composait des menuets à sept ans
286
’ordre de parler aux nations, il répond : « Je ne
suis
qu’un enfant, voici, je ne sais point parler. » Nous dirions qu’il n’
287
la vocation. Précisément, il la reçoit. Elle lui
est
adressée en dépit de ce qu’il est. « Et l’Éternel me dit : Ne dis pas
288
eçoit. Elle lui est adressée en dépit de ce qu’il
est
. « Et l’Éternel me dit : Ne dis pas : Je ne suis qu’un enfant. Car tu
289
l est. « Et l’Éternel me dit : Ne dis pas : Je ne
suis
qu’un enfant. Car tu iras vers tous ceux auprès de qui je t’enverrai,
290
» Voici, je mets mes paroles dans ta bouche. » Il
est
rarement possible d’isoler dans le vif ces deux mouvements contradict
291
met à part une seconde fois, pour des raisons qui
sont
celles de l’esprit — bien que, dans ce cas particulier, la nature et
292
opposées. On pourra toujours dire de Kierkegaard
soit
qu’il fut un neurasthénique, et que son cas relève de la psychanalyse
293
On pourra toujours dire de Kierkegaard soit qu’il
fut
un neurasthénique, et que son cas relève de la psychanalyse, soit qu’
294
énique, et que son cas relève de la psychanalyse,
soit
qu’il fut un prophète, né pour être poète et philosophe, mais contrai
295
que son cas relève de la psychanalyse, soit qu’il
fut
un prophète, né pour être poète et philosophe, mais contraint, par l’
296
psychanalyse, soit qu’il fut un prophète, né pour
être
poète et philosophe, mais contraint, par l’appel transcendant, à deve
297
biguïté dans notre idée courante de la vocation n’
est
pas celle qui retient Kierkegaard. Il en a distingué une autre, plus
298
Il en a distingué une autre, plus intime, qui ne
tient
plus au double sens du mot, mais à l’existence même d’une vocation re
299
’appel qu’il a cru entendre. Et son incertitude n’
est
pas le fait d’un manque d’information, d’une conscience vague ou d’un
300
tude objective, telle que la définit Kierkegaard,
est
donc une périphrase philosophique pour désigner la foi et sa nécessit
301
croit » avoir reçue soi-même. Ainsi l’incertitude
est
objective dans la mesure où l’objet de la conviction qu’on entretient
302
re où l’objet de la conviction qu’on entretient n’
est
pas démontrable ; dans la mesure, aussi, où l’enjeu de la vocation re
303
aussi, où l’enjeu de la vocation reste passible d’
être
mis en doute, ou même nié ; dans la mesure où cet enjeu risque, après
304
dans la mesure où cet enjeu risque, après tout, d’
être
purement imaginaire. À cela, nous ajouterons l’incertitude subjective
305
uvent pousser l’individu à faire ceci ou cela : «
Est
-ce ma nature secrète ou l’esprit qui a parlé ? » En fait, l’homme de
306
ble incertitude et dans un risque permanent. Il n’
est
pas de méthode éprouvée ni de raisonnement qui puisse l’aider. L’homm
307
nnaître, enfin, que la mission reçue par Hamlet n’
est
pas une véritable vocation, en ce sens qu’elle ne présente pas le car
308
er l’usurpateur, venger le roi assassiné. Son but
est
donc sans équivoque, son rôle clairement tracé dans l’action générale
309
ni l’ensemble — et cependant il faut jouer, nous
sommes
au monde, nous sommes embarqués, nous sommes en scène malgré nous… Te
310
pendant il faut jouer, nous sommes au monde, nous
sommes
embarqués, nous sommes en scène malgré nous… Telle est l’angoisse de
311
nous sommes au monde, nous sommes embarqués, nous
sommes
en scène malgré nous… Telle est l’angoisse de la vocation. Je disais
312
mbarqués, nous sommes en scène malgré nous… Telle
est
l’angoisse de la vocation. Je disais tout à l’heure que Kierkegaard,
313
ue Kierkegaard, dès ses premières publications, s’
était
tracé un plan d’action comportant toute une stratégie de pseudonymes
314
ie de pseudonymes et de « tromperies » — comme il
tient
à le répéter. Ceci nous porterait à croire que, d’entrée de jeu, tout
315
t, il avait vu clairement l’acte historique qu’il
était
chargé d’accomplir. Mais les choses de la vie ne sont pas aussi simpl
316
chargé d’accomplir. Mais les choses de la vie ne
sont
pas aussi simples. C’est après coup, le plus souvent, que nos actions
317
es, agissait dès le départ obscurément, mais ce n’
est
qu’en marchant qu’on l’a sentie à l’œuvre. Kierkegaard l’a bien su et
318
fléchit dans le processus de ma production. Ainsi
sont
infirmées dans une certaine mesure les vues que j’ai précédemment exp
319
sées, à savoir que toute ma production esthétique
est
une fraude ; car cette formule concède un peu trop à la conscience. M
320
concède un peu trop à la conscience. Mais elle n’
est
pas tout à fait fausse non plus, car j’ai eu conscience de moi au cou
321
but. … Dès le premier moment, l’élément religieux
est
donné de façon décisive ; il a sans contredit la suprématie, mais il
322
es du livre, il ajoute ceci : « Toute mon œuvre a
été
en même temps mon propre développement ; c’est en elle que j’ai pris
323
où Dieu m’a fait sentir son secours. Une chose m’
est
bien souvent arrivée que je ne puis m’expliquer : quand je faisais ce
324
puis m’expliquer : quand je faisais ce dont il m’
était
impossible de donner la raison, ne songeant pas même à la chercher, q
325
hoses que j’ai faites à titre privé se trouvaient
être
justement celles que je devais faire comme auteur. Je n’arrivais pas
326
pas au loin une voie tracée d’avance : non, elle
est
« à mes pieds » seulement, elle ne peut révéler que le premier pas à
327
uelle on puisse en appeler par analogie me paraît
être
l’expérience poétique. Car le poète, lui non plus, ne sait et ne saur
328
c’est pratiquement vivre dans l’improbable, c’est
être
toujours prêt à affronter l’invraisemblable. Si l’incertitude objecti
329
ter l’invraisemblable. Si l’incertitude objective
est
le premier caractère d’une vocation réelle, l’acceptation de l’invrai
330
ion réelle, l’acceptation de l’invraisemblable en
est
la conséquence nécessaire. Kierkegaard ne se lasse pas d’insister sur
331
aham n’avait pas accepté l’invraisemblable, il ne
serait
jamais parti pour un pays dont il ne savait rien. Mais accepter l’inv
332
squ’il écrit cette phrase lourde de sens : « Ce n’
est
pas le chemin qui est difficile, mais c’est le difficile qui est le c
333
ase lourde de sens : « Ce n’est pas le chemin qui
est
difficile, mais c’est le difficile qui est le chemin. » On voit ici q
334
in qui est difficile, mais c’est le difficile qui
est
le chemin. » On voit ici que la notion de vocation, chez Kierkegaard,
335
er la pudeur dans ce domaine. Disons que la crise
est
grave, que le départ de M. Jaime Torres Bodet n’a rien eu de diplomat
336
Et peut-être facile à trouver. Car, en somme, qu’
est
-ce que l’Unesco ? Un organisme qualifié de « culturel », mis sur pied
337
et contrôlé par eux, et dont le programme général
est
voté par leurs délégués. Inutile de chercher plus loin. Il est clair
338
leurs délégués. Inutile de chercher plus loin. Il
est
clair qu’entre l’activité d’un peintre, d’un savant, d’un écrivain, e
339
les intérêts d’un ministre, les rapports, s’il en
est
, ne sont qu’accidentels. Il s’agit d’ordres différents, dirait Pascal
340
rêts d’un ministre, les rapports, s’il en est, ne
sont
qu’accidentels. Il s’agit d’ordres différents, dirait Pascal. Mais ce
341
ou de science, et leur diffusion dans les masses,
serait
vraiment une aide à la culture. Quel est le gouvernement qui peut aid
342
sses, serait vraiment une aide à la culture. Quel
est
le gouvernement qui peut aider ainsi ? Servitudes de la culture or
343
Comment un ministère pourrait-il donc (quels que
soient
les désirs de ses hauts fonctionnaires) obtenir un crédit pour la bea
344
nalement certains partis. Admettons que le projet
soit
retenu. La délégation nationale votera pour lui à l’Assemblée de l’Un
345
forme humaine et valeur proprement culturelle, ce
sera
bien grâce aux tours de force de quelques fonctionnaires chargés de l
346
r aussi à ses tâches. Les activités culturelles n’
étant
aux yeux de nos gouvernements — et c’est normal — qu’une espèce de ma
347
de la défense, et de la politique générale, — il
est
bien clair qu’on leur donnera toujours le moins possible. Aux yeux du
348
euf millions de dollars, comme celui de l’Unesco,
est
gigantesque. Au regard des tâches mondiales que l’Unesco s’assigne, i
349
d des tâches mondiales que l’Unesco s’assigne, il
est
simplement ridicule ; pire encore si l’on ose le comparer aux dépense
350
nerait cent fois ou mille fois plus. Mais le fait
est
qu’on n’y croit guère dans ces milieux, et tel étant l’état de l’opin
351
st qu’on n’y croit guère dans ces milieux, et tel
étant
l’état de l’opinion moyenne, 9 000 000 de dollars font tout de même u
352
o. Le système souffre de trois vices majeurs : il
est
trop vaste, il est centralisé, et il laisse aux gouvernements l’initi
353
re de trois vices majeurs : il est trop vaste, il
est
centralisé, et il laisse aux gouvernements l’initiative autant que le
354
spond pas aux réalités de la culture : celle-ci s’
est
toujours faite par un jeu de libre-échange qui ne tenait aucun compte
355
toujours faite par un jeu de libre-échange qui ne
tenait
aucun compte de nos récentes divisions administratives et douanières.
356
aux interférences politiques. Le travail culturel
est
par nature fédéraliste, donc décentralisé. Il se développe par des mé
357
yers de création. Ces liaisons peuvent et doivent
être
favorisées quand elles ne s’établissent pas spontanément. Mais on ne
358
e saurait les « planifier » sur une échelle qui n’
est
plus celle du rayonnement normal et sensible des foyers de base. 3. I
359
ts groupes, à de petits exécutifs spécialisés. Il
serait
donc naturel de calquer les organisations d’aide culturelle sur cette
360
à l’organisation constituée par les gouvernements
soit
à l’échelle des Nations unies, soit comme nous le pensons préférable,
361
gouvernements soit à l’échelle des Nations unies,
soit
comme nous le pensons préférable, à celle du Conseil de l’Europe ? Le
362
: 1. En matière de culture, les intéressés seuls
sont
juges de leurs besoins. Qu’on leur laisse donc l’initiative, le contr
363
re, les directeurs de festivals). Cette méthode s’
est
montrée la plus économique, la plus rapide et la plus efficace aussi
364
mentales se révèle là encore le plus pratique, ne
fût
-ce qu’en évitant les retards et les frais des grandes machines bureau
365
« Nous ne
sommes
pas des esclaves ! » (juillet 1953)l « Ils ont tiré ! Ils tirent s
366
es européennes, le cri de douleur des faubourgs s’
est
propagé dans les avenues lugubres de Berlin, entre leurs façades sur
367
assembler, sans armes, pour proclamer : « Nous ne
sommes
pas des esclaves ! » Ainsi les Soviétiques viennent de renouveler ce
368
la foule qui marchait vers le Palais d’Hiver. Ce
sont
les descendants des ouvriers d’alors, ce sont leurs petits-fils en un
369
Ce sont les descendants des ouvriers d’alors, ce
sont
leurs petits-fils en uniformes, passés aux ordres du Kremlin, qui ont
370
ront dans leurs livres d’histoire. Cette phrase a
été
dite, une fois pour toutes. Elle n’est pas mensongère, elle est gagée
371
e phrase a été dite, une fois pour toutes. Elle n’
est
pas mensongère, elle est gagée sur des centaines de morts et de bless
372
fois pour toutes. Elle n’est pas mensongère, elle
est
gagée sur des centaines de morts et de blessés. Étant dite, et de cet
373
t gagée sur des centaines de morts et de blessés.
Étant
dite, et de cette manière, non par certains pour les besoins d’une po
374
que l’on n’éteindra plus : le système totalitaire
est
un crime contre l’homme et ses jours désormais sont comptés. L’insurr
375
st un crime contre l’homme et ses jours désormais
sont
comptés. L’insurrection de toutes les villes de la zone Est, bien qu’
376
s. L’insurrection de toutes les villes de la zone
Est
, bien qu’écrasée dans le sang, marque la fin d’une ère : celle du myt
377
le parti communiste a forcément raison, puisqu’il
est
le parti des travailleurs ! On savait qu’il était le parti qui avait
378
l est le parti des travailleurs ! On savait qu’il
était
le parti qui avait supprimé le droit de grève, sous l’impudent prétex
379
l’occasion de s’en servir… On savait aussi qu’il
était
le parti du travail forcé, celui qui venait de « réaliser », par les
380
. C’était ignoble, mais nous voyons bien pire. Il
était
réservé au régime communiste de faire ce métier-là au nom des ouvrier
381
ter l’imposture au crime. C’est en quoi Grotewohl
est
pire que M. Thiers. Il était réservé au régime communiste d’aggraver
382
’est en quoi Grotewohl est pire que M. Thiers. Il
était
réservé au régime communiste d’aggraver d’un contrôle policier la con
383
choses pires que la pire injustice : la première
serait
d’excuser le péché des bourgeois par celui des Soviets ; mais la seco
384
t les provocateurs. Qui ne voit aujourd’hui quels
furent
à Berlin-Est ces « provocateurs étrangers » que dénonce rageusement G
385
que dénonce rageusement Grotewohl ? Pouvaient-ils
être
« en uniforme américain » au milieu du secteur soviétique, comme l’on
386
ue les communistes ? Pouvaient-ils pratiquement n’
être
pas Russes ou à la solde de Moscou ? On demande aux ouvriers de les d
387
avec éclat le dix-sept juin ! En criant « nous ne
sommes
pas des esclaves ! », les ouvriers de Berlin ont rétabli d’un coup la
388
firmée, en ouvrant le feu. L’imposture communiste
est
devenue manifeste. Il ne reste à ses partisans, dans nos démocraties,
389
de Brandebourg, le vieux chant révolutionnaire s’
est
fait entendre pour la première fois depuis vingt ans de silence, ving
390
mble vers la liberté. » Mais rien de tout cela ne
sera
effacé. Rien ne peut plus faire que les héros de Berlin soient morts
391
. Rien ne peut plus faire que les héros de Berlin
soient
morts en vain. Aux jours les plus découragés de l’Occident, ils ont f
392
à Berlin, surgissant d’un peuple écrasé. Et ce n’
est
pas l’Europe des marchandages entre nations qui entendent chacune rec
393
urope qui crée son avenir et justifie sa raison d’
être
par des hommes qui se sacrifient au service de la liberté. l. Roug
394
la liberté. l. Rougemont Denis de, « “Nous ne
sommes
pas des esclaves !” », Preuves, Paris, juillet 1953, p. 3-4.
395
Les raisons d’
être
du Congrès (septembre 1953)m n Notre tâche est une action mondiale
396
tre du Congrès (septembre 1953)m n Notre tâche
est
une action mondiale pour la liberté de la culture, c’est-à-dire : pou
397
e, c’est-à-dire : pour la liberté dont la culture
est
une des principales conditions ; et pour la culture, dont la liberté
398
conditions ; et pour la culture, dont la liberté
est
le résultat principal. Je rappellerai tout d’abord les quelques grand
399
erlin, au début de la guerre de Corée, nous avons
été
dire un seul mot : Liberté ! et le sens de ce mot, ce sens que les pl
400
ser, devint soudain très clair du seul fait qu’il
était
prononcé à portée de voix des tyrans. À la suite du meeting mémorable
401
a suite du meeting mémorable de Berlin, nous nous
sommes
organisés. Nous avons créé des secrétariats en Allemagne, en France,
402
endre confiance dans une culture, que ceux qui en
sont
indignes, et qui le prouvent par là même, ont voulu qualifier de déca
403
s a-t-on dit de tous côtés, qu’en faites-vous ? N’
est
-elle pas une partie décisive de la culture au sens moderne ? Certes,
404
rtie, dès le début, de notre programme. Nous nous
sommes
tournés vers la science. Nous l’avons fait pour deux grandes raisons,
405
e les Arts par les régimes de tyrannie d’État. Il
est
facile de s’en convaincre. En Asie, dans l’Antiquité, chez les Aztèqu
406
mais parfois à cause d’elles. Et aujourd’hui cela
est
possible encore. Certes, la peinture et la littérature sont tombées a
407
ble encore. Certes, la peinture et la littérature
sont
tombées au plus bas en Russie soviétique ; mais le sort d’une balleri
408
mais le sort d’une ballerine de l’Opéra de Moscou
est
certainement plus enviable que celui d’un savant qui doit apprendre e
409
ns tuer en lui l’élan intime de la recherche, qui
est
par essence une aventure dans l’inconnu. Notre deuxième raison de nou
410
e deuxième raison de nous tourner vers la science
est
encore plus évidente, et la voici : La civilisation occidentale est
411
dente, et la voici : La civilisation occidentale
est
de plus en plus dominée, sinon par la science pure, du moins par l’id
412
igion et aux morales en dérivant. Cette situation
est
toute nouvelle dans l’histoire de l’humanité. Elle pose des problèmes
413
pour notre vie sociale. Tout d’abord, la science
est
devenue aux yeux de l’homme moyen du xxe siècle une réalité étrangem
414
ne seconde plus de cent-vingt-mille Japonais ? Il
est
inévitable que cet aspect essentiellement imprévisible, voire anarchi
415
ajoute le fait que les inventions techniques, qui
sont
les sous-produits de la science, aboutissent de nos jours à des appli
416
a spiritualité et le bonheur des masses ? Ou bien
sommes
-nous prêts à courir les risques de la liberté ? Ces questions sont pa
417
courir les risques de la liberté ? Ces questions
sont
parmi les plus graves qui se posent à l’esprit moderne. Par une chanc
418
nt à l’esprit moderne. Par une chance rare, elles
sont
aussi celles qui passionnent le grand public. On comprend que le Cong
419
e de convoquer l’assemblée d’aujourd’hui. Son but
est
clair : montrer que la science ne peut servir la liberté qu’en demeur
420
dire, en deux mots, pourquoi cette conférence se
tient
ici et non ailleurs. La liberté dans la recherche et l’acceptation de
421
s du monde, bref cet esprit de la Renaissance qui
fut
aussi celui de l’essor scientifique. C’était votre cité libre et hans
422
arge de l’administrer, ce grand Bürgermeister qui
est
aussi un grand Weltbürger. Voilà pourquoi nous sommes ici. Merci !
423
st aussi un grand Weltbürger. Voilà pourquoi nous
sommes
ici. Merci ! m. Rougemont Denis de, « Allocution inaugurale du Con
424
is, août–septembre 1953, p. 140-142. n. Le texte
est
précédé du chapeau suivant : « “Ce Congrès est un parlement des intel
425
te est précédé du chapeau suivant : « “Ce Congrès
est
un parlement des intellectuels de nombreux peuples qui ont reconnu le
426
ix-neuf pays. La grande salle de l’hôtel de ville
était
bondée ; la tribune était encadrée par les drapeaux de toutes les nat
427
lle de l’hôtel de ville était bondée ; la tribune
était
encadrée par les drapeaux de toutes les nations participantes. Représ
428
r tous les autres lorsque notre patrimoine commun
est
en jeu, lorsque la science libre est menacée.” Le célèbre physicien n
429
moine commun est en jeu, lorsque la science libre
est
menacée.” Le célèbre physicien nucléaire James Franck, prix Nobel, qu
430
ysicien nucléaire James Franck, prix Nobel, qui a
été
l’un des premiers à appliquer en physique les théorèmes d’Einstein, d
431
ibles : “Aucun système de gouvernement, dit-il, n’
est
exempt de vices. Cette critique que nous autres, chercheurs, appliquo
432
rcheurs, appliquons à des mesures administratives
est
une manifestation de cet esprit de libre examen qui fait partie du me
433
et les relations entre les savants et la société
furent
présentés et discutés par les représentants qualifiés des disciplines
434
le ronde de l’Europe (janvier 1954)o Le texte
est
précédé de l’extrait d’un communiqué du Conseil de l’Europe : « En 1
435
vains, de publicistes et de journalistes éminents
soit
consacrée à la discussion d’un programme de diffusion de l’idée europ
436
enne en Europe et dans le monde. Cette initiative
fut
approuvée par les délégués des ministres. Au cours d’une session ulté
437
mes contemporains ». Chacune de ces personnalités
serait
invitée à traiter un aspect différent de ce problème. En même temps,
438
dre part à la discussion, leur tâche particulière
étant
d’exprimer leurs vues sur la manière de réaliser l’unité de l’Europe
439
aussi sur le plan culturel et spirituel. Il avait
été
décidé finalement que cette table ronde se réunirait à Rome le 13 oct
440
res de Gauguin s’intitule : D’où venons-nous ? Où
sommes
-nous ? Où allons-nous ? Je n’imagine pas de meilleure devise pour la
441
entreprise, partons de la deuxième question : où
sommes
-nous, Européens, en ce milieu du xxe siècle ? Une phrase déjà fameus
442
arité de 155 millions. » La raison de ce paradoxe
est
des plus simples. Nous ne nous sentons pas, en réalité, 325 millions
443
e l’Europe, dans la réalité vivante, ce qu’elle n’
est
aujourd’hui que dans l’arithmétique. Que manque-t-il à l’Europe pour
444
t la conscience aussi des ressources immenses qui
sont
là, dont elle peut disposer, à la seule condition de les mettre en co
445
isés. Comment réduire ces résistances là où elles
sont
, dans les esprits et dans les cœurs, selon la formule consacrée, pour
446
’information. La tâche de méditer sur nos destins
fut
confiée à un petit groupe de six Sages, dont la composition me paraît
447
on et de l’expérience, quinze publicistes réputés
furent
conviés à rechercher ensemble les moyens de faire connaître et d’illu
448
urelle à la communauté politique Mon dessein n’
est
pas de résumer les péripéties des débats qui se déroulèrent pendant s
449
ien que menée par des esprits aussi divers que le
sont
nos peuples et les familles intellectuelles qui les composent. Mis au
450
que, d’autre avenir possible que dans l’union. Ce
fut
le dernier mot du rapport de Toynbee : « Unissons l’Europe maintenant
451
acun peut voir que nous perdons du temps. Quelles
sont
donc les causes intérieures qui paralysent nos efforts vers l’union ?
452
se spirituelle et par suite culturelle et civique
fut
introduit avec ampleur par M. Eugen Kogon. Il conclut à la nécessité
453
pranationale. Le diagnostic ainsi posé, nous nous
sommes
tournés vers l’avenir : où allons-nous ? Et c’est M. Robert Schuman,
454
buts communs susceptibles de nous unir. Car ce ne
sont
pas seulement leurs origines, mais les buts qu’ils regardent ensemble
455
les, permettant de mettre en commun ce qui doit l’
être
normalement, afin de garantir et de faire vivre mieux ce qui doit nor
456
ste du monde. Un seul exemple : le nationalisme a
été
notre invention collective. Nous l’avons communiqué, « donné » au mon
457
e entier, et cette liqueur tout d’abord enivrante
est
bientôt devenue poison. C’est à nous qu’il appartient donc d’inventer
458
u’à son auteur. « Rien de plus difficile que de n’
être
pas soi-même ou que de ne l’être que jusqu’où l’on veut », remarque V
459
fficile que de n’être pas soi-même ou que de ne l’
être
que jusqu’où l’on veut », remarque Valéry. Je dirai maintenant les ré
460
ance à un nationalisme européen encore imaginaire
est
très généralement le fait de nationalistes tout court, j’entends de p
461
la fédération qu’ils craignent, incapables qu’ils
sont
de l’imaginer comme autre chose qu’une nation monstrueuse ; et ils s’
462
s sanglantes de l’Histoire, etc. » Réponse : Ce n’
est
pas l’Europe, ce sont plusieurs de nos nations comme telles, c’est le
463
toire, etc. » Réponse : Ce n’est pas l’Europe, ce
sont
plusieurs de nos nations comme telles, c’est le délire nationaliste q
464
iées, de sa technique et de ses formes politiques
est
typique de l’Européen, héritier des Grecs, des Romains, de l’Église c
465
lubs jacobins. Cette croyance, en fait illusoire,
est
la racine des pires impérialismes : ceux qui se déguisent en entrepri
466
colonialisme, comme aujourd’hui le communisme. Il
est
vrai que l’universalisme reste une prétention honorable, dans le doma
467
norable, dans le domaine des idées pures (s’il en
est
, et qui restent telles). Mais il couvre trop d’équivoques. Ce qu’il a
468
ulture bien particulière, dont les principes nous
sont
communs depuis des siècles. Cette culture est le cœur d’une civilisat
469
us sont communs depuis des siècles. Cette culture
est
le cœur d’une civilisation qui, elle, est devenue vraiment universell
470
culture est le cœur d’une civilisation qui, elle,
est
devenue vraiment universelle, pour le meilleur et pour le pire. Afin
471
rmettre le luxe de la division ; aujourd’hui ce n’
est
plus possible » (Toynbee). Recouvrer la souveraineté. — Est-il vra
472
ible » (Toynbee). Recouvrer la souveraineté. —
Est
-il vrai que nos souverainetés doivent être abandonnées, si l’on veut
473
neté. — Est-il vrai que nos souverainetés doivent
être
abandonnées, si l’on veut faire l’Europe ? Est-il vrai qu’il y ait là
474
t être abandonnées, si l’on veut faire l’Europe ?
Est
-il vrai qu’il y ait là un obstacle à l’union ? Ces souverainetés ont-
475
? Voyons le concret. La souveraineté nationale n’
est
exercée en fait que par l’État. M. van Kleffens l’a définie comme « l
476
d’agir à sa guise à l’extérieur, c’est-à-dire qui
soit
capable de déclarer la guerre ou de conclure la paix comme il l’enten
477
clos. Ces limites décisives à la souveraineté ne
sont
plus posées par le droit, mais par d’implacables circonstances techni
478
des forces réelles et des pouvoirs concrets, elle
est
devenue le réceptacle où se recueillent pêle-mêle nostalgies de gloir
479
un complexe. D’où la difficulté, pour ceux qui en
sont
victimes, de s’adapter aux réalités changeantes du siècle, et même de
480
erroir nourricier du nationalisme. Car l’Europe n’
est
pas l’addition de vingt-quatre « histoires nationales ». C’est au con
481
s de nature et de durée très variables, et qui ne
sont
devenus mortels qu’à partir du moment où l’on a prétendu les absoluti
482
urope, à tous les degrés de l’enseignement, qu’il
est
besoin. Sans elle, nos chroniques régionales nous seront à jamais ini
483
besoin. Sans elle, nos chroniques régionales nous
seront
à jamais inintelligibles, et nourriront les plus fatales erreurs : ce
484
r nos peuples. Deux arguments m’ont frappé, comme
étant
propres à éduquer le sens européen de notre opinion publique. Le prem
485
ns européen de notre opinion publique. Le premier
fut
apporté par M. Ernst Friedländer, publiciste allemand : « Il faut dir
486
e informe d’une Europe unie ». Le second argument
est
dû à M. Cotsaridas, publiciste grec : « Dans les domaines militaire,
487
en fait la souveraineté du peuple, car le peuple
sera
associé à leur gestion. Il importe d’expliquer cela aux masses, car a
488
Il importe d’expliquer cela aux masses, car ainsi
sera
dissipée la crainte que suscite la perte de la souveraineté nationale
489
la souveraineté nationale. » Je me résume : il n’
est
pas exact que nos nations, en vue de s’unir, doivent sacrifier ce qui
490
on pourrait appeler l’instinct fédéraliste. Qu’en
est
-il de la connaissance du fédéralisme lui-même ? La plupart semblent i
491
emblent ignorer le véritable sens du mot. Et ce n’
est
pas dans le dictionnaire qu’ils le trouveront ! Littré le définit ain
492
raux ».) Le même Littré ajoute que le fédéralisme
fut
aussi un « projet attribué aux girondins de rompre l’unité nationale
493
nçais croyaient naguère encore que le fédéralisme
était
une méthode pour affaiblir l’Allemagne ! Par une erreur inverse, d’au
494
ats sur la fédération de l’Europe. Le fédéralisme
est
beaucoup moins une doctrine qu’une pratique. Il suppose un instinct p
495
uer l’alliance de ces deux mots. Le fédéralisme n’
est
rien d’autre qu’une manière de saisir à la fois l’Un et le Divers en
496
ique ; de comprendre à la fois que les diversités
sont
légitimes, que l’union est nécessaire, que les premières ne peuvent s
497
is que les diversités sont légitimes, que l’union
est
nécessaire, que les premières ne peuvent subsister sans la seconde, q
498
peuvent subsister sans la seconde, que la seconde
serait
mortelle sans les premières, qu’il s’agit donc de les composer, ou mi
499
tension. La résultante se nomme la paix. L’Europe
étant
une et diverse, composée de vingt-quatre nations qu’englobe et vivifi
500
e de la penser, en vue de résoudre ses problèmes,
est
la manière fédéraliste. Tant que l’on persistera à concevoir l’union
501
à desserrer les liens étroits que les nations ont
été
contraintes d’imposer à leurs différentes régions, ce qui mène à un c
502
re. M. Schuman déclare que ce dernier point peut
être
illustré par l’examen de la Communauté charbon-acier, où la Lorraine,
503
rront constituer une zone unique dont l’autonomie
sera
presque complète, encore qu’elle doive connaître certaines limites. L
504
Un conflit de loyalismes n’a pas plus de raison d’
être
dans l’Europe d’aujourd’hui qu’il n’en avait à Rome. Les nations euro
505
ue dans le cadre de l’Europe, et l’Europe ne peut
être
florissante que si les nations qui la composent conservent leur ident
506
ee sur les loyalismes multiples — « allégeances »
serait
peut-être un terme plus juste — et il insiste pour que cette notion t
507
pourquoi nous nous bornons à certains pays. Il n’
est
pas honnête de nous reprocher d’exclure le reste de l’humanité. Quand
508
on de notre vocabulaire, relevée par Eugen Kogon,
est
l’un des signes les plus graves de la crise spirituelle de l’Occident
509
le, Boèce et Thomas d’Aquin, Calvin et Kant, tout
est
jeté par-dessus bord, dans l’inconscience générale, par ces confusion
510
unistes l’individu vidé, égoïste, impuissant, qui
est
justement la cause, autant que la victime, des réactions collectivist
511
uelle Europe nous défendrons. Celle dont je parle
est
une notion de l’homme, et non pas une somme d’intérêts dont le reste
512
es mots mon discours de clôture au Capitole : Il
est
clair que certains sacrifices doivent être consentis par les uns et l
513
e : Il est clair que certains sacrifices doivent
être
consentis par les uns et les autres. Certains risques doivent être co
514
r les uns et les autres. Certains risques doivent
être
courus. Les refuser pourtant serait tout perdre, à coup sûr et à bref
515
risques doivent être courus. Les refuser pourtant
serait
tout perdre, à coup sûr et à bref délai. On compare volontiers notre
516
sanctuaire. Chute immense, dont la cause directe
fut
le refus d’un sacrifice minime. Les croisés, débarqués devant Constan
517
refusant de faire le pool patriotique des faibles
sommes
qui devaient assurer leur salut. L’assaut fut décidé après des mois d
518
sommes qui devaient assurer leur salut. L’assaut
fut
décidé après des mois d’attente. Byzance fut mise à sac. Les produits
519
saut fut décidé après des mois d’attente. Byzance
fut
mise à sac. Les produits du pillage s’élevèrent après trois jours à p
520
richesses de Byzance, enfin « mises en commun »,
furent
emportées par l’occupant. Il dépend de vous, Messieurs de la Table ro
521
Conseil de l’Europe à présider les débats, je me
suis
trouvé en présence de personnalités déjà nommées par les gouvernement
522
es par les gouvernements des États membres, et ne
suis
donc responsable que du choix des thèmes et de leur répartition aux r
523
créé par le hasard des désignations officielles s’
est
révélé heureux. 5. Cf. les articles 1, 3 et 5 de la Constitution hel
524
de, encore que, dans bien des cas, les rédacteurs
soient
les seuls responsables de confusions que les orateurs avaient soigneu
525
l’Histoire qui peuvent provoquer, selon les cas,
soit
une confusion générale, soit une prise de conscience, subite et drama
526
quer, selon les cas, soit une confusion générale,
soit
une prise de conscience, subite et dramatique. Sur la confusion génér
527
ences, celle de Berlin et celle de Genève. Berlin
fut
un échec sur les principaux points à son ordre du jour — l’unificatio
528
ne et la libération de l’Autriche. Mais cet échec
était
prévu. La vraie question n’était pas là. Elle était de mesurer la pui
529
. Mais cet échec était prévu. La vraie question n’
était
pas là. Elle était de mesurer la puissance de deux volontés affrontée
530
ait prévu. La vraie question n’était pas là. Elle
était
de mesurer la puissance de deux volontés affrontées sur le problème e
531
, il suffit de se demander lequel des adversaires
est
parvenu à imposer son angle de vision. Rappelons ici l’extravagante i
532
de Français et quarante-huit-millions d’Allemands
seraient
rassurés à l’idée d’un bloc de deux-cents-millions de Russes rétablis
533
n voisinage avec l’alliée naturelle des steppes ?
Était
-il trompé par Le Monde , où l’on estime que si la masse des USA désé
534
ient pour une fois quelque chose à défendre qui n’
était
pas seulement le statu quo, mais l’avenir commun de leurs peuples. De
535
ommun de leurs peuples. Deux mois plus tard, tout
est
déjà changé. L’Occident s’est laissé glisser dans une « Conférence as
536
ois plus tard, tout est déjà changé. L’Occident s’
est
laissé glisser dans une « Conférence asiatique » qui s’ouvre à Genève
537
e » qui s’ouvre à Genève, à l’heure choisie par l’
Est
. Dès le premier jour, la désunion profonde des nations libres est pro
538
ier jour, la désunion profonde des nations libres
est
proclamée par toute la presse. Et le second jour atteste l’un des ren
539
substance : « Bas les pattes en Asie ! Notre tour
est
venu de nous immiscer dans vos affaires. L’Indochine, la Corée ne vou
540
roblème allemand nous intéresse beaucoup. » Que s’
est
-il donc passé depuis Berlin ? — Rien, pas un « fait » visible pour la
541
des forces ; pas un seul événement politique qui
soit
de nature à expliquer la grande débâcle occidentale. Il s’est passé s
542
e à expliquer la grande débâcle occidentale. Il s’
est
passé seulement que la Conférence a lieu, qu’elle installe au cœur de
543
par Molotov. Du côté russe, l’idée de la manœuvre
est
claire. Dès les derniers jours, à Berlin, Molotov a bien vu que l’Eur
544
ce plan ; qu’elle ne s’en apercevrait pas ; qu’il
était
donc aisé de créer une diversion, et que la meilleure possible était
545
créer une diversion, et que la meilleure possible
était
l’Asie. Il suffisait de viser le point crucial, qui se trouvait être
546
fisait de viser le point crucial, qui se trouvait
être
le plus vulnérable : c’était la France, dont le sang coulait en Indoc
547
, dont Molotov paraît savoir mieux que nous qu’il
est
l’union de l’Europe, condition de notre force. La conférence de Genèv
548
condition de notre force. La conférence de Genève
est
acceptée : première victoire du Kremlin. Pendant des mois toute l’att
549
le vrai but de Genève, dans l’esprit de Molotov,
est
de saboter l’Europe, je citerai la Radio de Moscou qui proclamait dan
550
hérer à l’alliance agressive baptisée CED. Elle y
serait
noyée et sans force. » Ce sophisme insultant va servir de slogan à la
551
mprise. Annexer l’Indochine à l’empire communiste
serait
un moyen de rétablir la « paix » dans le Sud-Est de l’Asie, puisque c
552
t l’Allemagne par le moyen de leur fédération, ce
serait
agir en « bellicistes », puisque ce serait fermer l’Europe aux armées
553
on, ce serait agir en « bellicistes », puisque ce
serait
fermer l’Europe aux armées rouges. Au lendemain de Diên Biên Phu et d
554
ge de Vienne par les Turcs ? C’est à quoi nous en
sommes
, et c’est pire. Car une absurde conjoncture veut que les décisions vi
555
tout cela peut en sortir demain. La seule riposte
est
dans l’union européenne capable d’opposer aux Russes une puissance qu
556
apable d’opposer aux Russes une puissance qui les
tienne
en respect. (Et tout le Sud-Est de l’Asie devrait comprendre que son
557
lan irrésistible vers l’indépendance nationale ne
sera
plus arrêté par l’Europe, mais qu’au contraire une Europe forte, rest
558
si l’on a vu la situation mondiale — et si l’on n’
est
pas communiste. Seule une profonde révolte de l’Europe rendue conscie
559
Diên Biên Phu diplomatique. Un tel sursaut vital
est
-il inconcevable ? Mais, plutôt, est-il concevable que vingt nations e
560
sursaut vital est-il inconcevable ? Mais, plutôt,
est
-il concevable que vingt nations européennes se laissent entraîner dan
561
n’existe pas. La « musique moderne », en effet, n’
est
guère plus qu’une manière de parler. C’est l’invention de ceux qui on
562
d’entendre et d’essayer de comprendre tout ce qui
fut
composé dans notre siècle. Bref, la « musique moderne » est celle que
563
é dans notre siècle. Bref, la « musique moderne »
est
celle que l’on n’aime pas. (Parce qu’elle ne ressemble pas à celle qu
564
e siècle. Il y eut le groupe des Six, mais il ne
fut
qu’une amitié : je ne vois rien d’autre qui rapproche un Honegger et
565
tant de refus de prendre la suite de quoi que ce
soit
, de ressembler à qui que ce soit, finissent tout de même par laisser
566
e de quoi que ce soit, de ressembler à qui que ce
soit
, finissent tout de même par laisser transparaître quelque profonde pa
567
e, malgré tous les efforts de leurs auteurs, ce n’
est
pas cette génération qui le verra. Car le style d’une époque est très
568
énération qui le verra. Car le style d’une époque
est
très rarement sensible aux gens qui vivent cette époque, et ceci pour
569
les mêmes raisons qui veulent qu’un psychanalyste
soit
incapable de s’analyser lui-même. Le style surgit de l’inconscient. I
570
apisserie dont le dessin reste inconnu, — s’il en
est
un. Ne parlons plus de « musique moderne ». Parlons seulement d’œuvre
571
es. ⁂ Il faut pousser plus loin le paradoxe. S’il
est
tout de même un caractère commun aux compositeurs d’aujourd’hui, c’es
572
mmun aux compositeurs d’aujourd’hui, c’est qu’ils
sont
justement moins « modernes » et moins naïvement de leur temps, que ne
573
nes » et moins naïvement de leur temps, que ne le
furent
un Rameau, un Haydn ou un Mozart. Pourquoi cela ? Parce qu’ils écrive
574
: « Après X ou Y on ne sait plus que faire. Nous
sommes
dans une impasse… » Cette impasse est purement « historique », créée
575
re. Nous sommes dans une impasse… » Cette impasse
est
purement « historique », créée par l’esprit historique. Ne plus savoi
576
s la pression de ce qu’ils avaient à dire, et qui
était
un peu différent. Aujourd’hui, l’on voudrait commencer par le stade d
577
ns l’Histoire. Il semble que leur principal souci
soit
de s’intégrer dans une évolution qu’ils déclarent « nécessaire » ; da
578
prouver que l’auto produite par une petite usine
est
invendable, pour des raisons précises de prix de revient, et ne corre
579
ités de l’époque » et de nos grands marchés, il n’
est
nullement prouvé que l’œuvre d’un compositeur non dodécaphonique « es
580
que l’œuvre d’un compositeur non dodécaphonique «
est
inutile… et se place en deçà des nécessités de son époque »7. Les « n
581
s nouvelles de la musique », que l’on invoque, ne
sont
telles que pour l’oreille et l’intelligence d’un très petit groupe d’
582
ts, formé par sa discothèque, a cessé lui aussi d’
être
« moderne », pour s’habituer à vivre dans l’histoire. Il faut enfin l
583
ut enfin l’avouer : toutes les autres époques ont
été
« modernes », sauf la nôtre ! Notre grand public se nourrit de musiqu
584
avant cette chose vague et pourtant puissante qu’
est
l’accord spontané du novateur et du plaisir des auditeurs. Cette chos
585
e goût. ⁂ Comment remédier à cette situation, qui
est
aussi celle de la peinture et de la poésie au xxe siècle ? Il me sem
586
poésie au xxe siècle ? Il me semble que ceux qui
tiennent
la clé de ce problème vital pour la culture sont bien moins les compo
587
nnent la clé de ce problème vital pour la culture
sont
bien moins les compositeurs que ceux qui font les programmes des conc
588
et le public se créent l’un l’autre, le résultat
est
une « époque ». Je ne sais pas si nous en vivons une… Mais peut-être
589
ne sais pas si nous en vivons une… Mais peut-être
sommes
-nous sur le seuil. Au mois de mai 1952, L’Œuvre du xxe siècle a donn
590
osée avant l’an 1900 : tous les soirs, les salles
étaient
pleines. Il y a là, semble-t-il, un bel encouragement pour ceux des f
591
au », c’est-à-dire de rejoindre le siècle. Mais n’
est
-il pas étrange que de vivre en son temps soit devenu de nos jours une
592
is n’est-il pas étrange que de vivre en son temps
soit
devenu de nos jours une exception notable, une aventure, un risque fi
593
ves, Paris, juillet 1954, p. 75-77. s. Le texte
est
précédé d’une introduction de Fred Goldbeck : « Le musicien d’aujourd
594
’hui, lorsqu’il apprécie comme lorsqu’il compose,
est
, sauf trompeuses exceptions, économe d’accords parfaits. Plaisir d’au
595
ugemont ? Il habite Ferney ; le génie du lieu n’y
est
donc pour rien. (Ce n’est pas pour des raisons musicales que Voltaire
596
; le génie du lieu n’y est donc pour rien. (Ce n’
est
pas pour des raisons musicales que Voltaire ne prisait pas Rousseau.)
597
diable, qui depuis Faust “disait toujours non”, s’
est
fatigué de cette attitude ennuyeuse et a découvert qu’il était plus s
598
de cette attitude ennuyeuse et a découvert qu’il
était
plus stimulant de se faire musicien moderne, de toujours dissoner (fû
599
se faire musicien moderne, de toujours dissoner (
fût
-ce avec des accords de do majeur) et d’essayer sur nos contemporains
600
ains “cette chose vague et pourtant puissante” qu’
est
la séduction de cette dissonance au goût de révolte, de soufre et d’œ
601
trie. Mais il savait qu’aucun de nos pays ne peut
être
vraiment ranimé et rétabli dans son intégrité, s’il ne s’intègre à la
602
s’il ne s’intègre à la communauté plus vaste qui
est
son espace vital de civilisation. Ayant redressé l’Italie, il voulait
603
semble frappée au cœur, et se dérobe. De Gasperi
est
mort de la sentir mourante. Il s’est détourné du spectacle que prépar
604
. De Gasperi est mort de la sentir mourante. Il s’
est
détourné du spectacle que préparaient dans une ombre fiévreuse ceux q
605
talie nouvelle renaissant des ruines du fascisme,
était
né aux confins disputés de son pays, en la terre « irredente » du Tre
606
esprit de ressentiment. Et c’est pourquoi ils ne
sont
pas tentés de faire subir aux autres le sort qu’ils ont subi, bien au
607
de rancune et d’unification forcée. Ce contraste
est
bien moins celui de deux régimes — dictature et démocratie — que celu
608
l’Italie croyante et libérale, et qui ne peuvent
être
résolus qu’au-delà du tête-à-tête de frères ennemis. Accusé de cléric
609
a Chambre, au lendemain du meurtre de Matteotti —
était
en réalité un « tory de gauche », selon le mot de M. Eden, un catholi
610
ur que sa mort m’éprouve comme celle d’un ami. Ce
fut
à l’occasion de la table ronde convoquée l’an dernier à Rome par le C
611
questions et réponses sur des bouts de papier qui
sont
l’agrément des congrès, mais qui permettent surtout de vérifier rapid
612
d’accord spontané de deux esprits, si différents
soient
-ils, sur les problèmes fondamentaux mis en question. Je le voyais écr
613
ant des meetings informes et sans lendemain. Il n’
était
pas « grand orateur », et s’en plaignait parfois avec humour. Mais po
614
our. Mais pourquoi faudrait-il qu’un homme d’État
fût
d’abord un brillant rhéteur ? Le jugement politique et l’art du trémo
615
rt du trémolo ne devraient-ils pas, au contraire,
être
tenus pour foncièrement incompatibles ? Les parlements latins sont le
616
trémolo ne devraient-ils pas, au contraire, être
tenus
pour foncièrement incompatibles ? Les parlements latins sont les plus
617
oncièrement incompatibles ? Les parlements latins
sont
les plus éloquents et font en conséquence la pire des politiques. Qui
618
austère et bon. L’art de simplifier les problèmes
était
le gage de son autorité, un certain humour très direct, celui de son
619
s direct, celui de son honnêteté. (Les dictateurs
sont
sans humour, et ne connaissent que le sarcasme.) Je me souviens d’un
620
pourquoi nous nous bornons à certains pays. Il n’
est
pas honnête de nous reprocher d’exclure le reste de l’humanité. Quand
621
parler de la « grandeur » de l’Italie, mais il s’
est
contenté de restaurer sa patrie dans sa dignité — pour l’Europe. À la
622
e tout faire pour sauver la CED. Il savait ce qui
était
en jeu : non seulement le sentiment ombrageux de certains Français ma
623
ière. L’échec déjà plus que probable de Bruxelles
fut
la cause directe d’une attaque dont il devait mourir le surlendemain.
624
, au surplus gouvernée par un ami de la France, n’
est
« pas moins redoutable » que l’Allemagne arrogante, surarmée et intac
625
Allemagne – Adenauer ou P + 100 = P – 125. Ce qui
est
faux, manifestement, sauf dans le seul cas où l’on attribuerait à « P
626
que l’on fait, en réalité. La peur de l’Allemagne
étant
infinie — ou absolue — c’est-à-dire indépendante de quoi que ce soit
627
bsolue — c’est-à-dire indépendante de quoi que ce
soit
que l’Allemagne réelle fasse ou non, soit ou non, cette peur ne pourr
628
que ce soit que l’Allemagne réelle fasse ou non,
soit
ou non, cette peur ne pourrait donc être supprimée que si l’Allemagne
629
ou non, soit ou non, cette peur ne pourrait donc
être
supprimée que si l’Allemagne disparaissait totalement et à tout jamai
630
⁂ L’argument de la peur qu’inspire l’Allemagne a
été
l’arme principale des anticédistes. N’est-il pas très nouveau qu’un g
631
magne a été l’arme principale des anticédistes. N’
est
-il pas très nouveau qu’un grand pays proclame sa peur dans l’instant
632
rait crâner. C’était bien vu. L’aveu de la peur n’
était
permis qu’à l’esprit qui la maîtrisait : « Tu trembles, carcasse ! »
633
r ou contenir le danger communiste. En France, on
est
plus nuancé. Car il est évident pour tout cartésien progressiste, que
634
communiste. En France, on est plus nuancé. Car il
est
évident pour tout cartésien progressiste, que deux-cents divisions ru
635
siste, que deux-cents divisions russes existantes
sont
moins dangereuses que douze divisions allemandes virtuelles, et que l
636
pposant la Russie au reste du monde qui ne puisse
être
résolu par voie de négociations. » Relisez ces deux phrases et ne rie
637
s deux phrases et ne riez pas. Leur juxtaposition
est
un simple accident. L’allusion au sens de l’humour malenkovien est sa
638
ident. L’allusion au sens de l’humour malenkovien
est
sans relation aucune, dans l’esprit de M. Bevan, avec la citation de
639
esprit de M. Bevan, avec la citation de Hitler qu’
est
la seconde phrase. L’URSS a d’ailleurs cessé d’être redoutable, puisq
640
st la seconde phrase. L’URSS a d’ailleurs cessé d’
être
redoutable, puisque, après la mort de Staline, elle a cessé d’être un
641
puisque, après la mort de Staline, elle a cessé d’
être
une vraie dictature. Ce fait est établi par les conversations qu’a eu
642
elle a cessé d’être une vraie dictature. Ce fait
est
établi par les conversations qu’a eues M. Bevan avec les dirigeants s
643
Bevan avec les dirigeants soviétiques. La Russie
est
gouvernée aujourd’hui par un pouvoir collégial. Il est normal d’admet
644
ouvernée aujourd’hui par un pouvoir collégial. Il
est
normal d’admettre que les institutions politiques de la Russie doiven
645
les institutions politiques de la Russie doivent
être
adaptées, comme celles des autres nations, à l’évolution économique e
646
, à l’évolution économique et sociale du pays. Il
est
donc normal d’admettre que l’évolution économique de l’URSS commandai
647
sité organique. L’évolution économique et sociale
est
en Russie — « comme dans les autres nations » — le vrai Pouvoir. Voil
648
hrouchtchev ». Et de se demander : « Khrouchtchev
est
-il un autre Staline ? » Et de répondre : « Très évidemment non. C’est
649
evan écrivait dans son journal intime : « Staline
est
-il un autre Lénine ? Très évidemment non. » Et il avait raison. Hitle
650
s évidemment non. » Et il avait raison. Hitler ne
fut
pas non plus un autre Bismarck. Généralement, les gens ne sont pas un
651
plus un autre Bismarck. Généralement, les gens ne
sont
pas un autre, sauf s’ils sont Allemands, comme vient de le montrer M.
652
lement, les gens ne sont pas un autre, sauf s’ils
sont
Allemands, comme vient de le montrer M. Mauriac. ⁂ Ne craignons pas l
653
Français le second. La collaboration européenne n’
est
pas un vain mot. Elle joue à plein contre l’Europe. ⁂ Mais si 43 mill
654
llions d’Allemands de l’Ouest, quelle ne doit pas
être
la terreur de Mao Tsé-toung devant ses propres Chinois ? Car voici la
655
ar an. » Or « le communisme, en Chine, n’a jamais
été
un mouvement de masse », déclare M. Bevan. « Notre tâche, m’a dit un
656
van. « Notre tâche, m’a dit un dirigeant chinois,
est
maintenant d’atteindre le peuple. » Seule, une « petite fraction de l
657
e, une « petite fraction de la société chinoise »
est
communiste. u. Rougemont Denis de, « Politique de la peur proclamé
658
gauche à droite (mars 1955)v « Parce que nous
sommes
soucieux de la logique de notre action, il convient de nous demander
659
tre action, il convient de nous demander ce qui a
été
ainsi (par le rejet de la CED) gagné ou perdu, et comment nous situer
660
il arrive maintenant […] un premier bénéfice nous
est
acquis pour l’histoire : soumis à une formidable pression politique,
661
t qui marque son point « pour l’histoire ? » Ce n’
est
qu’Esprit, revue française, autrefois « internationale ». Esprit ayan
662
de constater que « le ciel du Pentagone » ne lui
est
pas tombé sur la tête. « Tout ce qu’avaient raconté à l’opinion franç
663
opinion française les gens du MRP et de la droite
était
donc faux : leur menace d’un retrait des crédits américains, leur fam
664
au contrecoup nationaliste allemand. » Tout cela
serait
faux ? Rien de tout cela ne se serait produit ? Il se trouve que la s
665
» Tout cela serait faux ? Rien de tout cela ne se
serait
produit ? Il se trouve que la suite de l’article contredit point par
666
dres l’autorisent. Les « raisons de redouter » ne
sont
pas « au moins égales ». Le rejet de la CED a bel et bien entraîné la
667
au contrecoup nationaliste allemand : « Le climat
est
lourd en Allemagne occidentale. (Fuite d’Otto John.) Nous avons reçu
668
» (p. 665). On sait que les socialistes allemands
sont
nationalistes, ne fût-ce que du seul fait qu’Adenauer ne l’est pas. D
669
les socialistes allemands sont nationalistes, ne
fût
-ce que du seul fait qu’Adenauer ne l’est pas. D’ailleurs : les extrém
670
stes, ne fût-ce que du seul fait qu’Adenauer ne l’
est
pas. D’ailleurs : les extrémistes de droite aussi sont renforcés. Tro
671
pas. D’ailleurs : les extrémistes de droite aussi
sont
renforcés. Trois fois sur trois, les gens du MRP, etc., avaient vu ju
672
» ( ?), « la création d’une force équivalente à l’
Est
». Le schéma logique de cet article révèle une rigueur proprement mas
673
issant une Wehrmacht, et la Wehrmacht (de demain)
étant
destinée à provoquer la « création » d’une armée russe (que l’on croy
674
ngtemps glorieuse) — si cela mène à la guerre, ce
sera
la faute d’ Esprit . Esprit fut jadis la revue du personnalisme. Dep
675
à la guerre, ce sera la faute d’ Esprit . Esprit
fut
jadis la revue du personnalisme. Depuis quelques années, ses nombreux
676
tenté de rejoindre la ligne communiste. S’ils ne
sont
jamais arrivés à la trouver, c’est qu’ils la cherchaient vers la gauc
677
t la grotte de Circé dans l’Odyssée). Et pour qui
serait
tenté de mettre en doute leur valeur religieuse et sacrée, je lui sug
678
es symptômes cliniques, comme l’obsession qu’elle
est
; ou parler de la Révolution sans la prêcher ni la maudire, mais en é
679
mme d’une formule qui a fait son temps, voilà qui
sera
ressenti comme sacrilège par l’intelligentsia occidentale, d’autant p
680
tsia occidentale, d’autant plus fortement qu’elle
sera
moins chrétienne. Il y a donc un sacré moderne. Et ces trois noms rév
681
sie et la morale courtoises, dont le thème unique
est
l’amour. Peu après (à Lyon, en 1143), les chanoines instituent le cul
682
transmission des thèmes, sujets et procédés peut
être
suivie pas à pas : nos plus grands érudits l’ont décrite. Mais le rom
683
rudits l’ont décrite. Mais le roman de Tristan ne
fut
pas imité par les seuls écrivains depuis près de huit siècles : toute
684
tige le plus efficace, l’héroïsme divinisant. Tel
fut
l’essor de la passion, du xiie siècle méridional au romantisme, et n
685
e quel fidèle endimanché aux martyrs dont le sang
fut
la semence de l’Église. Le contenu du mythe ne peut être décrit qu’en
686
semence de l’Église. Le contenu du mythe ne peut
être
décrit qu’en opposant des termes eux-mêmes ambivalents : il est exalt
687
en opposant des termes eux-mêmes ambivalents : il
est
exaltation de la vie vers la mort (mais la vie et la mort changent de
688
s le langage des passionnés et des mystiques), il
est
impérialisme et abandon du moi (avec la même sincérité, dans le même
689
(avec la même sincérité, dans le même geste) ; il
est
intensité mais déprimante, ascèse mais luxurieuse, défi mais masochis
690
ascèse mais luxurieuse, défi mais masochiste ; il
est
discours sans fin sur l’indicible. (Le Tristan de Wagner illustre bie
691
Au regard de la société, le mythe de la passion n’
est
que révolte et fuite. Il ne peut fomenter que l’individu égoïste et p
692
et profanateur, au sein même du monde féodal, qui
est
le monde des « fidélités ». Tristan, pris de passion, viole tous les
693
’il suppose l’union au sein de la distinction, il
est
normal que toutes les hérésies du xiie siècle le condamnent. Elles a
694
la Voie mystique, et l’abandon total à la passion
est
décrit comme une conversion : Alors la vraie Minne, la fougueuse dée
695
e vie. Il entra dans une vie nouvelle où tout son
être
fut changé. Il devint un autre homme…10 Cette « vie nouvelle » — da
696
. Il entra dans une vie nouvelle où tout son être
fut
changé. Il devint un autre homme…10 Cette « vie nouvelle » — dans l
697
Cette « vie nouvelle » — dans le monde comme n’
étant
pas du monde — n’est pas donnée à l’homme pour son plaisir : elle le
698
» — dans le monde comme n’étant pas du monde — n’
est
pas donnée à l’homme pour son plaisir : elle le saisit comme une grâc
699
idélité jusqu’à la mort divinisante, mais un seul
être
a pris la place de tous, et du monde, et de Dieu lui-même. Tout ici r
700
bien qu’en un reflet inversé. Cet amour déifié n’
est
pas le Dieu d’Amour. Il n’élit pas un homme pour le sauver, mais pour
701
pris à croire à la valeur irremplaçable d’un seul
être
. « Je pensais à toi dans mon agonie. J’ai versé telles gouttes de san
702
pparaître que dans le monde où cette croyance à l’
être
unique faisait partie de la religion de tous. Son élan fou, qui mime
703
e Bach. La « Joie suprême » d’Isolde agonisante n’
est
qu’un dernier défi au Soleil disparu derrière l’horizon jaune de la m
704
chair que pour sombrer. Mais alors la passion ne
serait
-elle pas l’échec de l’Aventure occidentale, échec fatal dès que l’âme
705
c demeure spécifiquement occidental, encore qu’il
soit
causé par un refus des options principales de l’Occident. Il ne ramèn
706
ue celui de la métempsycose. « Notre engagement n’
était
pas pris pour cette vie », dit Novalis parlant de sa fiancée perdue.
707
nt magique de l’Occident tragique, et cet abîme n’
est
autre que le vertige de l’âme en proie au refus manichéen de l’Incarn
708
’idée et la réalité de ce phénomène, je l’ai dit,
sont
inconnues dans tout l’Orient, qu’il s’agisse des empires aryens ou dr
709
isme en Asie, écrivait en 1930 Henri de Man, cela
tient
à l’absence du christianisme. Dès ce moment, d’ailleurs, un Japonais
710
les premiers touchés par l’idéologie marxiste ont
été
les intellectuels éduqués en Angleterre et les populations très ancie
711
abar. Prenons la Chine : le père de sa révolution
fut
le converti Sun-Yat-Sen, protestant fanatique à ses débuts… Tout port
712
violence d’une catharsis : « Les choses vieilles
sont
passées, dit saint Paul ; voici, toutes choses sont devenues nouvelle
713
nt passées, dit saint Paul ; voici, toutes choses
sont
devenues nouvelles. » Et les chefs de nos révolutions promettent des
714
’exigence de la liberté pour tout homme, quel que
soit
son rang ; le conflit de ces deux exigences, qui est la source à la f
715
son rang ; le conflit de ces deux exigences, qui
est
la source à la fois de l’instabilité de nos régimes politiques et soc
716
ire européen se détache sur le fond d’une foi qui
tient
la liberté et l’action prophétique pour plus vraies que l’Ordre du Mo
717
s la continuité vivante de ses passés, dont nul n’
est
aboli ni privé de ses temples. Elle évoque l’idée d’une Europe où viv
718
paraît même douteux que les premiers chrétiens se
soient
conduits en « révolutionnaires » au sens moderne de l’expression. Cer
719
l’Empire défaillant. Mais les premiers chrétiens
sont
restés « conformistes » à l’égard des pouvoirs établis. On ne les voi
720
tution de l’esclavage, par exemple11, lesquels ne
seront
pas abolis pour des raisons théologiques, mais militaires dans le pre
721
remonter à notre dialectique de la personne. Ce n’
est
pas la personne qui se détache d’abord du corps magique de la tribu,
722
peut naître la révolution. Deux formules d’ordre
sont
en effet concevables à ce moment. Il y a l’Église et sa fraternité fo
723
e13 dans la lutte contre l’ordre établi. L’Église
est
obéissance au Libérateur éternel, mort pour nous mais présent dans la
724
choses qu’on ne voit pas ». Le Parti au contraire
est
aux ordres d’un chef dont la présence visible et matérielle est confi
725
d’un chef dont la présence visible et matérielle
est
confirmée sur tous les murs ; il réclame lui aussi la foi des militan
726
ts dans un monde idéal et futur, mais cette foi n’
est
gagée que sur le sacrifice et la mort de ses adversaires. On entre da
727
s adversaires. On entre dans l’Église parce qu’on
est
converti, donc changé ; mais on entre dans le Parti pour changer le m
728
du révolutionnaire, d’une conversion non pas de l’
être
mais du faire ; et, de plus, déléguée à l’action collective. L’indivi
729
au lieu de se retrouver une personne engagée, il
est
devenu le soldat politique embrigadé. Que le Parti révolutionnaire so
730
politique embrigadé. Que le Parti révolutionnaire
soit
une exacte parodie (consciente ou non) de l’Église chrétienne, voilà
731
jusqu’aux derniers replis du cervelet. Saint-Just
était
un enfant de chœur, comparé à ces Philanthropes, sinon par l’intentio
732
t les purges communistes, et son « cléricalisme »
fut
sans tache. Toutefois, les églises politiques ne copient de l’Église
733
Aucun des traits communs qu’on vient d’énumérer n’
est
proprement évangélique. C’est l’ambition théocratique, non l’Agapè, q
734
s juges. D’où la Terreur inévitable qu’il exerce,
étant
lui-même terrorisé. D’où le fait nécessaire et non accidentel — en dé
735
partisans — que la Révolution, mythe libertaire,
est
une réalité close et lugubre, une psychose de persécution, la paranoï
736
éon, Hitler, Mussolini, Staline. Ces tyrans n’ont
été
abattus que par la guerre ou par la mort. Et la plupart furent les bé
737
s que par la guerre ou par la mort. Et la plupart
furent
les bénéficiaires, non les victimes, de nos révolutions « libératrice
738
lles des disciplines d’État qui leur ont succédé,
fut
maintes fois baptisée « douceur de vivre » non seulement par ses surv
739
asochistes. L’éloquence crispée d’un Saint-Just15
était
leur idée de la « pureté », les sentences brutales d’un Lénine leur i
740
temps tenu lieu de spiritualité, et ses prestiges
sont
loin d’être épuisés. La guillotine et les camps soviétiques font part
741
ieu de spiritualité, et ses prestiges sont loin d’
être
épuisés. La guillotine et les camps soviétiques font partie de la bon
742
ous estimons froidement ses résultats, force nous
est
de constater que les révolutions européennes, sans aucune exception n
743
ption notable, ont abouti à renforcer la tyrannie
soit
d’un homme, soit d’une classe, et toujours de l’État. Adoptant les va
744
t abouti à renforcer la tyrannie soit d’un homme,
soit
d’une classe, et toujours de l’État. Adoptant les valeurs de la Passi
745
la mort ! », s’écriaient les jacobins, et la mort
était
là, celle des autres d’abord, mais la Liberté se voilait — laissant e
746
Vive la Russie ! Il proclame un nouveau mythe. Il
est
comme une invocation à un dieu nouveau, une sorte de Gott mit uns aus
747
sitôt exaucé, puisque par ce seul cri la bataille
sera
gagnée. La nation à l’état naissant, comme nous la trouvons à Valmy,
748
venir et de volonté. Toutefois, cette idéologie n’
est
pas le fait du peuple entier, mais d’un parti ; et ce parti agit par
749
l’intérieur du pays, la première tâche de l’État
sera
d’écraser les opposants, car la nation est religion et les religions,
750
’État sera d’écraser les opposants, car la nation
est
religion et les religions, en Occident, ne transigent pas, du moins d
751
la France napoléonienne. L’idéologie de la nation
est
par essence conquérante : elle veut apporter la Liberté aux autres pe
752
ilosophie du nationalisme va se constituer. Hegel
est
la contrepartie réflexive de Napoléon. Hegel se représente la nation
753
la nation comme une croisade pour l’idée. « Ce ne
sont
pas les déterminations naturelles de la nation qui lui donnent son ca
754
lui comme esprit et nature.) Cet esprit national
est
« un individu dans la marche de l’Histoire ». Il se fait par sa propr
755
us haut concept de l’Esprit ». Pour la France, ce
seront
les « immortels principes ». Pour la Prusse, l’idée de l’État. Pour l
756
is longtemps, afin de mieux prouver leur raison d’
être
. Nationalisme de reflet, d’imitation, parfois plus proche du vrai pat
757
nations », et de « droit international », mais il
est
clair que ces États-nations-Individus rendent tout ordre internationa
758
es occasions décisives. Certes, l’esprit national
est
un dieu bien réel, et que l’on croit vraiment, puisqu’il peut exiger
759
ans les écoles sous le nom de « patriotisme ». Il
est
admis que tout orgueil, toute vanité, et jusqu’aux vantardises les pl
760
nce tout entière de l’homme. « L’orgueil national
est
loin de la vie quotidienne », remarque Simone Weil. La nation est un
761
ie quotidienne », remarque Simone Weil. La nation
est
un dieu lointain, qui demande beaucoup plus qu’il ne donne, infinimen
762
d’amour, la nation revendique des absolus dont il
est
manifeste qu’elle est spirituellement indigne et matériellement incap
763
endique des absolus dont il est manifeste qu’elle
est
spirituellement indigne et matériellement incapable : celui de la sou
764
de la souveraineté sans limites, par exemple, qui
est
un des attributs de Dieu ; ou celui de l’éternité, au mépris de toute
765
« France éternelle », « l’Allemagne immortelle »
sont
des expressions courantes en temps de guerre. Cette rhétorique émeut
766
rénésie pseudo-religieuse du nationalisme pouvait
être
mortelle à l’Occident, et je vois deux raisons considérables pour le
767
ci n’ont pas souhaité cette responsabilité, et ne
sont
pas équipés pour l’exercer : c’est par là qu’ils diffèrent profondéme
768
mande pourquoi, je répondrai par cette phrase qui
est
la parabole biologique d’une vérité fondamentale de l’esprit : « Tout
769
ma seconde raison : c’est que l’Asie tout entière
est
menacée de « prendre » notre fièvre nationaliste. Certains pays en fo
770
pour les Polynésiens. Le nationalisme en Europe s’
est
trouvé partiellement neutralisé par la durable résistance des groupes
771
volution, Nation : ces trois maladies spécifiques
sont
les « signes particuliers » de la fiche de l’Europe au dossier de l’H
772
de l’Europe au dossier de l’Histoire. Mais ce ne
sont
pas seulement des maladies fiévreuses, ce sont aussi des hérésies : v
773
ne sont pas seulement des maladies fiévreuses, ce
sont
aussi des hérésies : vérités dévoyées, isolées de l’ensemble où elles
774
la résolution toujours fuyante. Toutes les trois
sont
le résultat d’une transposition abusive de réalités spirituelles soit
775
ne transposition abusive de réalités spirituelles
soit
sur l’individu, soit sur la société. Toutes les trois sont mortelles
776
ive de réalités spirituelles soit sur l’individu,
soit
sur la société. Toutes les trois sont mortelles et liées à la mort pa
777
l’individu, soit sur la société. Toutes les trois
sont
mortelles et liées à la mort par une complicité originelle. Nous le s
778
Couper ces fièvres aurait un effet dévastant : ne
serait
-ce pas nous vider d’une affectivité qui est devenue la saveur et le s
779
ne serait-ce pas nous vider d’une affectivité qui
est
devenue la saveur et le sens même de la vie pour des millions de nos
780
les apparaît presque inconcevable. C’est qu’elles
tiennent
aux motifs les plus profonds de notre situation dans l’Histoire ; à l
781
oire ; à la genèse de toute notre Aventure. Elles
sont
les longues erreurs inséparables de la périlleuse odyssée dans laquel
782
ables de la périlleuse odyssée dans laquelle nous
sommes
nés embarqués. Un dernier trait commun à toutes les trois achèvera de
783
le But dernier de l’Aventure, qui ne peut jamais
être
saisi que par la foi. Le christianisme se distingue de la plupart des
784
râce subvienne à sa débilité et qu’ainsi le salut
soit
donné par Dieu seul, il se jette vers des buts plus prochains et sens
785
truction et sa mort ». Sacraliser des buts qui ne
sont
pas le But, c’est la formule de la révolte occidentale. Révolte contr
786
évolte contre l’Amour de Dieu et du prochain, qui
était
le commandement remplaçant toute la Loi, et l’on voudrait mais on ne
787
onner sans réserve, d’aimer dans la totalité de l’
être
, jusqu’au sacrifice éperdu. Alors je ferai d’Iseut l’absolu du désir,
788
rs je ferai d’Iseut l’absolu du désir, et elle le
sera
tant qu’un obstacle réel ou non entre elle et moi, même embrassés, em
789
ppel intime. Il pense alors : c’est Dieu qui doit
être
trop faible pour me contraindre à l’obéissance et à l’amour. La révol
790
e la force à son zénith. Mais, d’un pouvoir qu’on
tient
pour affaibli, toute exigence est ressentie comme un « abus ». Ainsi
791
pouvoir qu’on tient pour affaibli, toute exigence
est
ressentie comme un « abus ». Ainsi toutes nos révoltes imitent, même
792
on de l’Occident ». On voit maintenant qu’il n’en
est
rien. L’Occident comme ensemble historique n’a jamais été converti, e
793
. L’Occident comme ensemble historique n’a jamais
été
converti, et il ne saurait l’être, en vérité, du seul fait qu’il n’es
794
rique n’a jamais été converti, et il ne saurait l’
être
, en vérité, du seul fait qu’il n’est pas une personne. Mais le fermen
795
e saurait l’être, en vérité, du seul fait qu’il n’
est
pas une personne. Mais le ferment du christianisme originel, son exig
796
christianisée » dans ses structures qu’elle ne l’
était
avant le xiie siècle. D’où l’on ne saurait conclure en poussant à l’
797
e en poussant à l’absurde que l’incroyant moderne
est
plus « chrétien » que ne pouvait l’être un paroissien naïf du Moyen Â
798
nt moderne est plus « chrétien » que ne pouvait l’
être
un paroissien naïf du Moyen Âge, mais seulement que la dialectique fo
799
lement que la dialectique formelle de la personne
est
plus profondément active qu’on ne le pensait naguère dans l’âme de no
800
n pourrait même soutenir que le christianisme n’a
été
subversif qu’en dépit des prétentions de l’Église à imposer un ordre
801
s le souligne avec raison : « L’Empire de Byzance
était
un État plus ou moins théocratique. En Occident, il en allait tout au
802
evé les mêmes prétentions. Mais comme celles-ci n’
étaient
pas admises, elle devint militante, et tout en se développant sur le
803
out en se développant sur le plan spirituel, elle
fut
un facteur de liberté contre les abus du pouvoir temporel. Ainsi le c
804
u pouvoir temporel. Ainsi le christianisme a-t-il
été
jusqu’à encourager les aspirations libérales des adversaires de l’Égl
805
ne et sens de l’Histoire, p. 79.) 13. Tout homme
est
mon frère, quoi qu’il fasse ou pense, si je suis chrétien. Tout camar
806
e est mon frère, quoi qu’il fasse ou pense, si je
suis
chrétien. Tout camarade peut à chaque instant cesser de l’être, si je
807
. Tout camarade peut à chaque instant cesser de l’
être
, si je suis communiste. 14. Les chefs soviétiques font récrire Marx
808
ade peut à chaque instant cesser de l’être, si je
suis
communiste. 14. Les chefs soviétiques font récrire Marx lui-même, cr
809
r subsister quelque instance supérieure au Parti,
fût
-elle humaine. 15. Ce personnage s’égale aux plus grands, dans leur c
810
le, même s’ils n’y croient plus. « Ne mêlons pas,
fût
-ce une seconde, la personne grandiose de Saint-Just, au triste Marat…
811
olence, de la gauche et de la droite de la nef où
sont
massés plusieurs centaines d’évêques et de docteurs, tandis que les l
812
» Des rédactions improvisées à la dernière minute
sont
mises aux voix. Le vote est emporté, mais des négociations de couloir
813
à la dernière minute sont mises aux voix. Le vote
est
emporté, mais des négociations de couloirs le remettent en question l
814
éputations. On a signé des listes de présence qui
seront
plus tard contestées : sont-elles complètes, sont-elles exactes ? N’a
815
tes de présence qui seront plus tard contestées :
sont
-elles complètes, sont-elles exactes ? N’a-t-on pas ajouté des noms d’
816
ront plus tard contestées : sont-elles complètes,
sont
-elles exactes ? N’a-t-on pas ajouté des noms d’absents ? Il faut main
817
meurt sous les coups de bâton. Au soir, le dogme
est
proclamé, l’erreur de Nestorius vient d’être condamnée, et la populat
818
dogme est proclamé, l’erreur de Nestorius vient d’
être
condamnée, et la population de la ville éclate en transports d’allégr
819
es et dans l’encens des cassolettes à parfum. Tel
est
donc le spectacle offert par les premières assises du christianisme,
820
feste, proteste, exile, accuse de blasphème ou en
est
accusé, organise des guets-apens ou y tombe, mélange indiscernablemen
821
tout obscures pour le peuple chrétien. Tout cela
serait
absurde si ce n’était sublime, si ce n’était finalement bien plus int
822
peuple chrétien. Tout cela serait absurde si ce n’
était
sublime, si ce n’était finalement bien plus intelligent, bien plus sa
823
ela serait absurde si ce n’était sublime, si ce n’
était
finalement bien plus intelligent, bien plus sage et bien plus réalist
824
l’Histoire. Voilà donc l’atmosphère dans laquelle
fut
nouée la notion dont descendent nos conceptions de l’homme. En appare
825
t, vrai Dieu et vrai homme à la fois. Le problème
était
le suivant : comment nommer les relations intradivines et les relatio
826
l’homme révélées par la venue du Christ, Dieu qui
est
le Père en tant que Créateur, le Fils en tant que Rédempteur, le Sain
827
ilier. L’hellénisme avait dégagé les notions de l’
être
distinct, c’est-à-dire de l’Individu, et de la permanence de cet être
828
-à-dire de l’Individu, et de la permanence de cet
être
à travers ses modalités : essence, substance et hypostase. De leur cô
829
é de droits dans la cité : le citoyen. Tout homme
est
un individu, du simple fait qu’il est un corps distinct, mais il ne d
830
Tout homme est un individu, du simple fait qu’il
est
un corps distinct, mais il ne devient une « personne » qu’en vertu de
831
ertu des relations civiques ou juridiques dont il
est
porteur dans l’État ; d’où cet adage du droit romain : persona est su
832
l’État ; d’où cet adage du droit romain : persona
est
sui juris, servus non est persona (la personne étant définie par sa v
833
droit romain : persona est sui juris, servus non
est
persona (la personne étant définie par sa valeur juridique, l’esclave
834
st sui juris, servus non est persona (la personne
étant
définie par sa valeur juridique, l’esclave n’est pas une personne). A
835
tant définie par sa valeur juridique, l’esclave n’
est
pas une personne). Ainsi l’individu n’était qu’atome, et la persona q
836
clave n’est pas une personne). Ainsi l’individu n’
était
qu’atome, et la persona que valence ; l’un existait par soi, l’autre
837
t-on rendre compte du fait certain que la Science
est
liée à l’Occident, si l’on partait encore du vieux conflit entre la s
838
n même temps que la liberté sujet de conflits ? N’
est
-elle pas englobée par ce qu’elle veut nier ? La seule question sérieu
839
os vies, procède des options de Nicée. Le rapport
est
-il positif, dialectique, ou purement négatif ? Les aspects négatifs d
840
aspects négatifs du rapport religion-science ont
été
soulignés à l’envi par deux siècles de polémiques aujourd’hui périmée
841
e polémiques aujourd’hui périmées et stériles. Il
est
temps de renouveler la question et de rappeler les aspects positifs :
842
ion et de rappeler les aspects positifs : ceux-ci
sont
à la fois plus « nouveaux » (voire choquants) pour les esprits encore
843
de pensée en tension, ou mieux par tensions, qui
sera
jusqu’à nous la marque et le ressort de l’esprit de recherche occiden
844
La pensée par tensions. — Le dogme du Dieu-homme
fut
le problème crucial de la spéculation des Pères et de leurs conciles.
845
la spéculation des Pères et de leurs conciles. Il
fut
aussi le modèle suprême de la polarité impensable mais vraie, qui exi
846
e nos catégories intellectuelles. Si Jésus-Christ
est
à la fois « vrai Dieu » et « vrai homme » en une seule et même Person
847
et même Personne, et si cette Personne à son tour
est
à la fois vraiment distincte et vraiment reliée au sein de la Trinité
848
e, le « scandale » des réalités contradictoires s’
est
propagé ou transposé : dès l’instant qu’il était accepté au sommet, i
849
s’est propagé ou transposé : dès l’instant qu’il
était
accepté au sommet, il devenait difficile de le refuser en droit dans
850
bordonnés. Mais la transposition n’a pas toujours
été
légitime : il s’en faut de beaucoup. Au couple d’opposés vrai Dieu-vr
851
enfin la foi et la religion naturelle. Mais qu’en
est
-il des autres couples d’opposés qui se sont multipliés dans notre his
852
qu’en est-il des autres couples d’opposés qui se
sont
multipliés dans notre histoire ? La plupart mettent en jeu des réalit
853
près ni de loin, aux deux termes originaux. S’il
est
vrai que l’opposition entre l’Église et l’Empire (guelfes et gibelins
854
même type de tension nécessaire (les deux termes
sont
vrais, contradictoires, mais essentiels) que la théologie avait élabo
855
commune origine, dont le grand modèle historique
fut
montré comme objet de la foi par les Pères du concile de Nicée, mais
856
ue ce passage de la christologie à la psychologie
soit
légitime — ni les théologiens ni les savants ne devraient l’accepter
857
t renaît sans fin ni cesse de cette tension. S’il
est
vrai que le secret de la synthèse est de « comprendre » les incompati
858
nsion. S’il est vrai que le secret de la synthèse
est
de « comprendre » les incompatibles, cela ne peut se produire que dan
859
. Aussi longtemps que les aspects contradictoires
sont
vus séparément par des esprits divers, il n’y a, dans l’ensemble d’un
860
s, monismes séquestrés, scepticismes stériles. Ce
fut
le cas de l’Antiquité. Ou bien l’on pose, comme les sagesses d’Orient
861
rient, l’identité des contraires apparents : tout
est
dans tout, bien sûr, mais la science n’a pas lieu. Or, la physique ac
862
la science n’a pas lieu. Or, la physique actuelle
est
caractérisée par la reconnaissance de ses incompatibles : le problème
863
incompatibles : le problème onde et corpuscule en
est
l’exemple le plus pur20. Certes, il s’agit de phénomènes de même natu
864
es d’analyse employées. Mais la forme du problème
est
typique ; elle évoque une analogie dont les savants, sans doute, ont
865
dans lesquels on pourrait retrouver — et ce jeu n’
est
peut-être pas vain — l’équivalent des hérésies les plus connues, dual
866
ophysites, arianistes ou docétistes, l’orthodoxie
étant
alors représentée par MM. Einstein et de Broglie, non moins acharnés
867
’esquisser en partant de la christologie pourrait
être
faite à partir de la doctrine trinitaire. De Nicée à S. Augustin, pui
868
es qui, finalement détaché de son objet primitif,
est
devenu une forme de notre esprit21. b) La valorisation du monde ma
869
u lui-même a choisi de se manifester en elle ? Il
est
bien vrai que le but dernier de l’homme est de connaître Dieu, mais D
870
? Il est bien vrai que le but dernier de l’homme
est
de connaître Dieu, mais Dieu lui-même s’est rendu connaissable dans l
871
homme est de connaître Dieu, mais Dieu lui-même s’
est
rendu connaissable dans la chair. Et il est vrai aussi que « l’Esprit
872
ême s’est rendu connaissable dans la chair. Et il
est
vrai aussi que « l’Esprit seul vivifie, la chair ne sert de rien », m
873
ir ; c’est « ici-bas », sans évasion possible, qu’
est
le lieu de son obéissance. Et il est vrai enfin que « la chair n’héri
874
possible, qu’est le lieu de son obéissance. Et il
est
vrai enfin que « la chair n’héritera pas du Royaume des cieux », et q
875
n’héritera pas du Royaume des cieux », et qu’elle
est
aujourd’hui sous le règne de la Loi, donc du péché et de la mort, mai
876
des fils de Dieu… avec l’espérance qu’elle aussi
sera
affranchie de la servitude de la corruption, pour avoir part à la lib
877
par elle pour affronter un monde dont la réalité
est
attestée par Dieu, et qui attend son salut de l’homme sauvé. Il est t
878
ieu, et qui attend son salut de l’homme sauvé. Il
est
très important que Kepler ait écrit : « Les œuvres de Dieu sont digne
879
rtant que Kepler ait écrit : « Les œuvres de Dieu
sont
dignes d’être contemplées. » Ne voir là qu’une phrase « édifiante » i
880
er ait écrit : « Les œuvres de Dieu sont dignes d’
être
contemplées. » Ne voir là qu’une phrase « édifiante » interdirait de
881
faire de physique. Certes, beaucoup d’athées ont
été
physiciens, mais le mouvement créateur de la science — comme il est a
882
is le mouvement créateur de la science — comme il
est
avéré par l’histoire des génies — procède d’une confiance intuitive d
883
ésurrection. Dès lors le témoignage de nos sens n’
est
pas vain : il est certes affecté d’erreur par le péché, mais il peut
884
ors le témoignage de nos sens n’est pas vain : il
est
certes affecté d’erreur par le péché, mais il peut être corrigé par l
885
ertes affecté d’erreur par le péché, mais il peut
être
corrigé par l’expérience, corrigeant à son tour les rêveries de la ra
886
e notre œil et la lumière, quoique mystérieuse, n’
est
plus illusion ; et le cosmos n’est pas une fantasmagorie privée de co
887
mystérieuse, n’est plus illusion ; et le cosmos n’
est
pas une fantasmagorie privée de cohérence, d’ordre et de sens, mais i
888
s, dans une profonde complicité de l’espérance, d’
être
à son tour interprété et révélé… Celui qui estime vraiment que le mon
889
et révélé… Celui qui estime vraiment que le monde
est
absurde, on sent qu’il peut en faire de la littérature, mais non de l
890
Einstein confirmera l’intuition de Descartes, qui
fut
aussi celle de Newton et de Kepler. c) Les vertus scientifiques. —
891
tre idée, implique une intention, trahit un sens,
est
intéressante et valable : « Dieu est aussi présent dans l’intestin d’
892
hit un sens, est intéressante et valable : « Dieu
est
aussi présent dans l’intestin d’un pou », déclare Luther — inaugurant
893
ires leur ont manqué. Au contraire, le chrétien a
été
capable de faire avancer cette science, grâce à son christianisme et
894
’immensité de l’expérience possible, le Grec s’en
tient
à des images cosmiques fermées, à la beauté du cosmos tel qu’il le co
895
ralysant ainsi la science. Entièrement différente
est
l’impulsion moderne, qui veut que l’on reste ouvert sans réserve au t
896
ichie, et poursuivre ce processus à l’infini sans
être
comblée jamais. La science moderne est née d’une rationalité qui, loi
897
fini sans être comblée jamais. La science moderne
est
née d’une rationalité qui, loin de se refermer sur elle-même, reste o
898
vient le courage qu’elle suppose ? De la foi, qui
est
confiance en Dieu. Car « si Dieu est le créateur du monde, il est dés
899
la foi, qui est confiance en Dieu. Car « si Dieu
est
le créateur du monde, il est désormais responsable de ce qu’est le mo
900
Dieu. Car « si Dieu est le créateur du monde, il
est
désormais responsable de ce qu’est le monde et de ce qui s’y passe ».
901
r du monde, il est désormais responsable de ce qu’
est
le monde et de ce qui s’y passe ». Il y a donc un sens, et il vaut la
902
sance du réel, qui pourtant vient de Dieu… Dieu n’
est
pas l’objet d’une foi véritable s’il ne peut pas supporter d’être mis
903
d’une foi véritable s’il ne peut pas supporter d’
être
mis en question par les faits ; et toute quête de Dieu se rend en mêm
904
ions. C’est un trait particulier du savant que de
tenir
pour suspecte toute pensée qui d’avance le satisfait et le convainc.
905
de la vérité. Car la vérité, pour la foi, ne peut
être
que celle de Dieu, même quand elle semble nuire au groupe, à la tribu
906
religions de l’Orient, le christianisme pourrait
être
qualifié de matérialisme, en tant que son dogme central postule la ré
907
On vient de voir, au surplus, comment la science
est
liée à l’attitude et à la dialectique fondamentales du christianisme.
908
x débuts de notre siècle, la majorité des savants
tiendra
pour l’attitude matérialiste contre l’ensemble des croyants. Finaleme
909
le matérialisme devenu système général de pensée,
sera
décrété doctrine d’État par l’URSS. Mais tandis que dans ce pays, l’h
910
en Église, le déclin de son prestige en Occident
est
précisément amorcé par la défection des savants. Il est remarquable q
911
écisément amorcé par la défection des savants. Il
est
remarquable que le christianisme ait été menacé d’abord par une hérés
912
ants. Il est remarquable que le christianisme ait
été
menacé d’abord par une hérésie toute contraire : je veux parler du do
913
oute contraire : je veux parler du docétisme, qui
tenait
le corps du Christ pour une simple apparence, et l’Esprit pour la seu
914
plupart des grandes hérésies des premiers siècles
sont
très nettement spiritualistes, ce qui indique bien que l’orthodoxie c
915
, ce qui indique bien que l’orthodoxie chrétienne
était
ressentie comme trop matérialiste, dans un monde encore tout pénétré
916
a donné libre cours à l’extrémisme occidental que
fut
le matérialisme sous ses formes diverses : mécaniste, moniste, ou « d
917
vant dont le spiritualisme, puis le matérialisme,
sont
deux manières de s’évader, l’une par en haut et l’autre par en bas. M
918
ses prétentions à l’objectivité, le matérialisme
est
demeuré, du moins chez ses théoriciens, un point de vue typiquement p
919
dément marqué au signe de la croix, il ne pouvait
être
senti que sous la forme d’un manichéisme inversé, comme on le voit pa
920
credo, il semble bien que l’élément polémique ait
été
moins déterminant que l’espèce de fascination qu’exerçaient les progr
921
ence du spirituel, pour que le fond de la matière
fût
percé et qu’une nouvelle lumière encore diffuse apparût de l’autre cô
922
ntre la matière et quelque autre chose. » Et ce n’
est
pas seulement entre la matière et « autre chose », ou entre l’énergie
923
’on ne sait quoi, que la frontière intelligible s’
est
évanouie, mais c’est aussi entre le vivant et l’inerte, entre le soma
924
lité dans tous les cas et dans tous les domaines,
est
fournie par les seules expériences qu’on peut reproduire à volonté, t
925
es qu’on peut reproduire à volonté, toutes choses
étant
d’ailleurs matériellement égales26. L’expression de « preuve matériel
926
solue, mettant fin à toute discussion. La science
était
censée garantir ce point de vue, au nom duquel on pouvait écarter tou
927
mais dont la forme et la complexité structurelle
sont
si clairement définies par les lois des ondes, que beaucoup de choses
928
que beaucoup de choses se passent comme si elles
étaient
des êtres substantiels et durables »27. Voilà ce qui reste de la mati
929
p de choses se passent comme si elles étaient des
êtres
substantiels et durables »27. Voilà ce qui reste de la matière aux ye
930
science d’aujourd’hui. Si la base du matérialisme
était
moins la matière classique que la négation de l’Esprit, il n’en reste
931
este pas moins que ses arguments scientifiques se
sont
évanouis avec les caractères classiques de la matière ; car celle-ci
932
ent les attributs que les matérialistes pensaient
être
ceux de l’Esprit : l’ubiquité, l’invisibilité, une certaine indétermi
933
que le matérialisme vulgarisé, survivant à ce qui
fut
sa base, n’est plus guère qu’une superstition. Il entretient religieu
934
isme vulgarisé, survivant à ce qui fut sa base, n’
est
plus guère qu’une superstition. Il entretient religieusement des atti
935
esprit paraît fort compromise. Si le matérialisme
est
à bon droit gêné par le fait que la science subtilise sa matière, que
936
ait de la liberté jusque dans la matière : mais n’
était
-ce pas admettre du même coup qu’il y aurait aussi de la détermination
937
rgie, puis entre l’énergie et quelque chose qui n’
est
plus exprimable qu’en formules mathématiques, et qui semble apparteni
938
rmais, peut fonder son jugement sur des faits qui
sont
« démontrés par la Science », au lieu que le médiéval se voyait oblig
939
fondées dans l’erreur. Mais comme cet homme moyen
serait
fort incapable de vérifier les faits affirmés par la science, cela re
940
matière, au lieu de celle de l’esprit. Ce choix n’
est
donc pas scientifique, mais proprement théologique : c’est l’hérésie
941
logique : c’est l’hérésie que j’ai décrite. Qu’en
est
-il du choix des savants ? Beaucoup d’entre eux, et non des moindres,
942
Beaucoup d’entre eux, et non des moindres, ayant
été
conduits par leurs travaux bien au-delà de la superstition matérialis
943
qu’ils qualifient de panthéiste. Car si le cosmos
est
vraiment infini à la fois dans le temps et dans l’espace — comme l’on
944
i plusieurs astronomes de renom — ou si le cosmos
est
pratiquement fini, mais cependant illimité, comme le pense curieuseme
945
divin prend alors les noms les plus bizarres : il
est
tantôt la forme archétypique organisant les ondes créatrices de la ma
946
, le choix théologique reste aussi apparent qu’il
est
inévitable. Et il opère en général sur d’assez grossières confusions
947
e la transcendance, dès l’instant que la première
est
conçue comme le système total des lois d’un Univers par ailleurs inim
948
résent de l’Aventure occidentale, dont la science
est
la pointe extrême en notre siècle, notre image du monde s’évanouit. E
949
déjà échappé à nos sens. Dépassée la matière, qui
était
pourtant devenue l’objet principal de la science, nous butons contre
950
d’ondes animant le vide30. Le monde phénoménal n’
est
plus qu’une apparence flottant sur l’océan sans rivages et sans fond
951
galaxie. Mais dans quoi tout cela se meut-il ? Il
est
vrai que la question n’a pas de sens : rien « au monde » ne peut y ré
952
ode einsteinienne revient à constater que la Maya
est
tout, et qu’il est fou de penser à n’importe quoi d’autre, c’est qu’a
953
evient à constater que la Maya est tout, et qu’il
est
fou de penser à n’importe quoi d’autre, c’est qu’alors il est faux de
954
enser à n’importe quoi d’autre, c’est qu’alors il
est
faux de penser « Dieu », mais aussi de penser « Liberté ». Le refus q
955
ppose à ma question dernière dissimule un refus d’
être
mis en question par autre chose que « le monde » et la mathématique.
956
uestion : elle nous juge et pose nos limites, qui
sont
celles du savoir humain, mais elle pose en même temps l’existence de
957
au Cosmos. Mais le Dieu que prient les chrétiens
est
celui qui s’est fait connaître par cela justement que la science ne c
958
le Dieu que prient les chrétiens est celui qui s’
est
fait connaître par cela justement que la science ne connaît pas, et n
959
donnée par sa révélation en Jésus-Christ : « Dieu
est
Amour. » (Dans le contexte ardu que l’on vient d’explorer, le mot pre
960
nciles : comment ne pas songer aux épurations qui
seront
pratiquées 1500 ans plus tard dans une Russie dont l’esprit « byzanti
961
les tenants d’Arius. 19. Le concile de Nicée se
tint
en 325. Les grandes disputes christologiques avaient commencé dès les
962
nt » du christianisme. L’orthodoxie catholique ne
sera
définitivement assise qu’en 680, par le VIe concile de Constantinople
963
s. Certains incompatibles aujourd’hui reconnus ne
sont
peut-être qu’apparents : ainsi le fait que la masse combinée des neut
964
utrons et des protons composant le noyau atomique
est
toujours inférieure à la masse totale de ce noyau (le défaut de masse
965
à la masse totale de ce noyau (le défaut de masse
étant
représenté, croit-on, par l’énergie de liaison des particules). D’aut
966
iaison des particules). D’autres incompatibles ne
tiennent
peut-être qu’à l’insuffisance provisoire de nos mesures : ainsi le fa
967
ces produits extrêmes de la philosophie idéaliste
seraient
demeurés impensables sur tout autre arrière-plan que celui de la dogm
968
tente et l’exigence dans l’homme naturel. 22. Il
est
certain que « la chair » selon S. Paul n’est pas seulement le corps p
969
. Il est certain que « la chair » selon S. Paul n’
est
pas seulement le corps physique, mais l’homme naturel tout entier, le
970
llect-âme volitive et affective. L’erreur moderne
est
générale à ce sujet : elle en vient souvent à l’excès d’identifier la
971
et poussée jusqu’à l’absolu. Une doctrine ne peut
être
qualifiée d’hérétique que si elle a pris son point de départ dans le
972
point de départ dans le complexe orthodoxe, et s’
est
développée contre lui. 25. L’homme de science moyen du xixe siècle
973
ui. 25. L’homme de science moyen du xixe siècle
est
moins hostile qu’indifférent au christianisme, dont il est loin de so
974
hostile qu’indifférent au christianisme, dont il
est
loin de soupçonner que sa propre situation puisse encore être tributa
975
soupçonner que sa propre situation puisse encore
être
tributaire. Est-ce bien sa faute ? Et la théologie du temps — je pens
976
a propre situation puisse encore être tributaire.
Est
-ce bien sa faute ? Et la théologie du temps — je pense surtout à cell
977
t-elle grand-chose à lui offrir ? Elle n’a jamais
été
plus éloignée des grandes affirmations de Nicée. Elle fait de l’histo
978
jectif, le motif personnel, le but dernier, etc.,
étaient
considérés, au mieux, comme facteurs nuls. 27. Erwin Schrödinger, «
979
te. 28. En un sens, la superstition scientifique
est
plus aveugle que celle qu’on reprochait au Moyen Âge. Car les vérités
980
u Moyen Âge. Car les vérités théologiques d’alors
étaient
plus à la portée du croyant moyen que les théories de la mécanique on
981
e ondulatoire ou de la physique des quantas ne le
sont
du moderne qui ne croit qu’à la science. 29. Cf. O. L. Reiser, « The
982
à partir de l’hydrogène. Le noyau de l’hydrogène
est
un proton. Cet ultime substrat de l’Univers physique est un « nœud d’
983
proton. Cet ultime substrat de l’Univers physique
est
un « nœud d’énergie » qui se produit dans un « champ » au sein duquel
984
nos caractères nationaux. La question qui se pose
est
alors de savoir si l’Occident qui pense n’a pas pris l’habitude, depu
985
. On dénonce la dépersonnalisation de l’homme qui
serait
liée à la production en série. On prédit le règne des robots. On va j
986
de la chaise électrique, mais n’importe, la cause
est
noble et l’angoisse qu’on traduit, réelle et populaire. Derrière cett
987
« L’envahissement de nos vies par les machines »
est
freiné par le prix des appareils, non par la plainte des écrivains. I
988
oncé à briser les machines, et les bourgeois s’en
sont
toujours gardé. Et quant à ceux qui ont décidé de sortir du monde et
989
se remettre à tisser leurs vêtements, etc., il n’
est
rien sorti de durable de leurs petites communautés de retraites. Cepe
990
bue de la sorte à entretenir cette « crise », qui
est
le thème préféré de nos meilleurs esprits. Et pourtant, bien qu’elle
991
sse devant l’ère des machines et de la Bombe n’en
est
pas moins révélatrice de notre condition occidentale. Il s’agit, une
992
se distingue de l’Occident. Les jonques chinoises
sont
supérieures aux caravelles de Colomb. L’architecture hindoue ne le cè
993
s de sa pensée. D’autres prétendent que l’homme n’
était
poussé que par l’envie d’améliorer son sort ou d’amasser plus de nour
994
— a-t-il vraiment rêvé de dominer la Nature ? Il
est
baigné par elle et il y participe. Comment pourrait-elle menacer « le
995
le le tue, mais c’est d’elle qu’il vit. Tout cela
est
accepté comme allant de soi, comme « naturel » précisément. Quand l’e
996
ent. Quand l’esprit de l’homme entre en jeu, ce n’
est
pas pour attaquer cette Nature animée d’intentions qui sont loin d’êt
997
our attaquer cette Nature animée d’intentions qui
sont
loin d’être toutes malveillantes : c’est pour négocier avec elle, pou
998
cette Nature animée d’intentions qui sont loin d’
être
toutes malveillantes : c’est pour négocier avec elle, pour traiter av
999
tion » de la cuisson des aliments ?) Dès lors, il
est
lié, pour avoir partagé un même repas rituel avec les hommes. Bien pl
1000
es. Bien plus qu’une « volonté de puissance » qui
serait
une relation de force à sens unique, inimaginable à ce stade, sentons
1001
le besoin de jouer, mais au sens fort du mot, qui
est
un sens religieux. La civilisation apparaît en même temps que les out
1002
ême, le plus souvent, n’en rend pas compte : tout
est
magie à l’origine, tout est dialogue avec les forces naturelles qu’il
1003
end pas compte : tout est magie à l’origine, tout
est
dialogue avec les forces naturelles qu’il faut séduire tout en leur o
1004
les peuples anciens. L’histoire des inventions n’
est
pas celle de besoins qui auraient existé avant elles. Sa logique n’es
1005
ins qui auraient existé avant elles. Sa logique n’
est
pas celle de l’utile, mais du jeu33. Or qui dit jeu dit règles fixes.
1006
rées entre l’homme et les forces naturelles. Ce n’
est
donc pas des lois de la Nature qu’on a peur, mais au contraire de l’i
1007
ou ses rêves éveillés. C’est du rêve de voler qu’
est
né l’avion ; et du rêve de partir au hasard sur les routes qu’est née
1008
et du rêve de partir au hasard sur les routes qu’
est
née l’auto. Voir l’autobiographie de Henry Ford. On sait que ce rêveu
1009
t à construire une « locomotive routière » qui ne
fût
pas astreinte à suivre la loi rigide des voies ferrées et ses horaire
1010
roue que pour faire des jouets ? Et pourquoi l’or
fut
-il pur ornement chez tant de peuples ? À cause de leur magie, de leur
1011
y voit que ses songes, et que les âmes des choses
sont
les reflets de son âme. Plongé dans la Nature, il la sent la plus for
1012
stance entre la Nature et sa vie — cette distance
est
le « milieu » dans lequel il existe —, l’esprit conçoit un Bien disti
1013
mourir… Ce qui s’oppose et résiste à ce Bien, ce
sont
alors les servitudes de la Nature, la nécessité animale de tuer pour
1014
concevront Dieu comme semblable à leur Bien : il
sera
bon, juste, parfait et immortel, sa toute-puissance n’étant mise en é
1015
juste, parfait et immortel, sa toute-puissance n’
étant
mise en échec que par le principe démoniaque, assimilé dès lors à la
1016
ilé dès lors à la Nature. Le Dieu du Bien ne peut
être
auteur du Mal. La Nature est donc l’œuvre d’un Autre. On a reconnu ce
1017
ieu du Bien ne peut être auteur du Mal. La Nature
est
donc l’œuvre d’un Autre. On a reconnu cette attitude manichéenne qui
1018
», c’est-à-dire en fait un dualisme. Car l’homme
est
conçu désormais comme une âme enfermée dans un corps. Il ne sera jama
1019
rmais comme une âme enfermée dans un corps. Il ne
sera
jamais libre et vraiment bon que s’il parvient à s’évader de la chair
1020
. Toute magie expulsée de la Nature, la technique
est
en train de la domestiquer pour la première fois dans l’histoire. Déj
1021
ransports rapides, télécommunications). L’homme n’
est
pas encore, il s’en faut, au terme de cette entreprise, mais il a déj
1022
grands fauves, la vermine et beaucoup d’insectes
sont
vaincus.) D’autre part, nous nous découvrons les tout premiers contem
1023
s que pendant le premier tiers de ce siècle. Tels
sont
bien les faits, dans l’ensemble. Mais il serait faux de penser que le
1024
els sont bien les faits, dans l’ensemble. Mais il
serait
faux de penser que les peuples d’Occident aient jamais cherché et vou
1025
ance à l’industrie de l’auto qu’on oublie qu’elle
est
née d’un fantasme (au sens précis de la psychanalyse). D’où vient don
1026
chanalyse). D’où vient donc la technique, si ce n’
est
pas de nos besoins matériels et utilitaires, qui n’entrent en jeu qu’
1027
à tel moment donné de l’Aventure occidentale. Il
serait
vain de chercher le pourquoi de la passion d’inventer, qui est d’ordr
1028
hercher le pourquoi de la passion d’inventer, qui
est
d’ordre poétique (au sens premier du terme) et qui est de l’homme en
1029
’ordre poétique (au sens premier du terme) et qui
est
de l’homme en général. Mais quelque chose d’unique s’est produit en E
1030
l’homme en général. Mais quelque chose d’unique s’
est
produit en Europe aux débuts de notre ère technique : la rencontre de
1031
ion et de l’Empire. Trois forces, donc, dont deux
sont
créatrices, et la troisième instrumentale. Pour la science, la chose
1032
chose va de soi : mathématiques, physique, chimie
sont
à l’origine immédiate des inventions majeures de la technique. Mais e
1033
savons aujourd’hui que le rêve des alchimistes n’
était
pas de faire de l’or pour s’enrichir, mais bien d’opérer le grand œuv
1034
ies modernes. Léonard Euler, piétiste de Bâle, ne
fut
pas seulement le plus grand mathématicien de son siècle, mais l’inven
1035
grand mythe de l’ère moderne : le Faust de Goethe
est
d’abord alchimiste, mais il termine son aventure humaine (conditionné
1036
moderne que l’on devait dénommer capitalisme, se
soit
emparée de ces données, le contraire eût été surprenant. Mais le capi
1037
se soit emparée de ces données, le contraire eût
été
surprenant. Mais le capitalisme n’a rien créé : il a financé le « Pro
1038
xe de l’ère technique naît du fait que ses dons n’
étaient
pas attendus. Prise de court par un phénomène qui l’étonnait merveill
1039
ochaine, la société occidentale du xixe siècle s’
est
doublement trompée sur les fins de la technique et la manière de s’en
1040
iels. Ce manque de prévision, ce faux départ, ont
été
lourdement payés — et le sont encore — par le prolétariat industriel,
1041
ce faux départ, ont été lourdement payés — et le
sont
encore — par le prolétariat industriel, qui a subi tous les « frais h
1042
idèrent avec un croissant pessimisme. Ce décalage
est
significatif. En 1835, Andrew Ure, dans sa Philosophy of Manufactures
1043
, de vouloir, tandis que l’homme, faible et pâle,
est
l’humble serviteur de ces géants d’acier… J’admirais tristement ; il
1044
ces géants d’acier… J’admirais tristement ; il m’
était
impossible de ne pas voir en même temps ces pitoyables visages d’homm
1045
ux de rééducation. Au xxe siècle, la situation s’
est
retournée. Les ouvriers américains et scandinaves ont à domicile les
1046
le « mouvement irrésistible de l’Histoire » leur
est
de plus en plus favorable. Cependant que les bourgeois cultivés, atte
1047
core que les valeurs se trouvent inversées : ce n’
est
plus la Nature qui représente le Mal, mais c’est l’œuvre de l’homme,
1048
pirituelle. C’est battre la table à laquelle on s’
est
heurté. Mais c’est aussi cacher ses doutes intimes derrière une oppor
1049
derrière une opportune « fatalité ». Les machines
sont
plus fortes que nous, c’est entendu (le marteau est plus dur que la m
1050
t plus fortes que nous, c’est entendu (le marteau
est
plus dur que la main, les murs de la maison plus résistants que nos c
1051
que nos corps). Mais si vous ne priez plus, ce n’
est
tout de même pas leur faute. Retour à l’axe Au contraire du bou
1052
é de la Nature. La doctrine de l’Incarnation, qui
est
son fondement toujours actuel, le lui interdirait à elle seule. La Na
1053
, le lui interdirait à elle seule. La Nature doit
être
sauvée par le moyen de l’homme sauvé, ayant été soumise à la corrupti
1054
être sauvée par le moyen de l’homme sauvé, ayant
été
soumise à la corruption non de son gré, mais à cause du péché38. Il s
1055
e l’homme pour la soumettre aux volontés humaines
sera
bon, s’il fait partie de l’effort divin dans l’homme, très mauvais s’
1056
s mauvais s’il procède de notre orgueil. Le mal n’
est
pas dans les choses, mais dans l’homme. Il est lié à notre liberté. I
1057
n’est pas dans les choses, mais dans l’homme. Il
est
lié à notre liberté. Il tient à notre condition, comme l’avers tient
1058
mais dans l’homme. Il est lié à notre liberté. Il
tient
à notre condition, comme l’avers tient à l’envers. Il est dans notre
1059
iberté. Il tient à notre condition, comme l’avers
tient
à l’envers. Il est dans notre esprit, n’existe pas ailleurs, et c’est
1060
tre condition, comme l’avers tient à l’envers. Il
est
dans notre esprit, n’existe pas ailleurs, et c’est en nous qu’il faut
1061
ers le salut. Cessons donc de projeter le mal qui
est
en nous sur les choses, machines ou Nature, douées d’intentions auton
1062
te de distinguer. 1° L’idée chrétienne que le mal
est
dans l’homme, et que la Nature est innocente, leur fait craindre que
1063
nne que le mal est dans l’homme, et que la Nature
est
innocente, leur fait craindre que la technique augmente la capacité h
1064
te, l’un et l’autre unilatéraux. 2° L’idée du Mal
est
projetée à nouveau non plus sur la Nature mais bien sur la Technique
1065
’écrivais au lendemain d’Hiroshima : « La Bombe n’
est
pas dangereuse du tout. C’est un objet. Ce qui est horriblement dange
1066
st pas dangereuse du tout. C’est un objet. Ce qui
est
horriblement dangereux, c’est l’homme. C’est lui qui a fait la Bombe
1067
se prépare à l’employer. Le contrôle de la Bombe
est
une absurdité. On nomme des Comités pour la retenir ! C’est comme si
1068
anquille, elle ne fera rien, c’est clair. Elle se
tiendra
coite dans sa caisse. Qu’on ne nous raconte donc pas d’histoires. Ce
1069
Erreur sur le téléphone. L’esclavage du téléphone
est
un des clichés de l’époque. Mais le téléphone, simple appareil, n’a j
1070
que chose que vous ne désirez pas manquer. Vous n’
êtes
donc esclave que de vous-même. Erreur sur la belle voiture. Cet homm
1071
Erreur sur la belle voiture. Cet homme, dit-on,
est
l’esclave de sa voiture. Voyez les soins dont il l’entoure ! Il voyag
1072
e sans âme », mais dans le fait que des hommes ne
sont
plus que les « compléments vivants d’un mécanisme mort ». Or, ce n’es
1073
mpléments vivants d’un mécanisme mort ». Or, ce n’
est
pas ce mécanisme mort qui peut en être responsable. Ce n’est pas la m
1074
». Or, ce n’est pas ce mécanisme mort qui peut en
être
responsable. Ce n’est pas la machine qui rend un homme esclave : ce s
1075
mécanisme mort qui peut en être responsable. Ce n’
est
pas la machine qui rend un homme esclave : ce sont certains comportem
1076
est pas la machine qui rend un homme esclave : ce
sont
certains comportements que d’autres hommes imposent à l’ouvrier, moin
1077
ent calculé. C’est alors du rendement que l’homme
est
esclave, quel que soit le régime qui l’exige, capitaliste ou communis
1078
rs du rendement que l’homme est esclave, quel que
soit
le régime qui l’exige, capitaliste ou communiste. Taylor a conçu l’ou
1079
semer de la neige sur les villes accablées par l’
été
: l’avion bombarde nos cités. Les découvertes géniales d’Einstein abo
1080
? Imagine-t-on quelque invention qui ne pourrait
être
utilisée que pour le bien ? Je dis que ce serait une invention du dia
1081
it être utilisée que pour le bien ? Je dis que ce
serait
une invention du diable : elle priverait l’homme de sa liberté, voulu
1082
de plainte du xxe siècle contre la technique eût
été
justifiée, cent ans plus tôt ; contre l’usine ignoble et insalubre l’
1083
es Polynésiens de Gauguin. C’est le Moyen Âge qui
était
loin de la Nature : il la craignait40. L’âge classique la jugeait mal
1084
ent. Le goût de s’étaler au soleil sur les plages
est
contemporain de l’auto. La technique naissante a créé le prolétariat
1085
ndition et du décor hideux de son existence. Ce n’
est
pas la scolastique qui a supprimé l’institution de l’esclavage en Eur
1086
ge des chevaux au moyen d’un licol rigide). Ce ne
sont
pas nos protestations contre le travail à la chaîne qui libéreront le
1087
robots. L’usine sans ouvriers, réalité prochaine,
sera
la solution du problème de « l’ouvrier esclave de la machine ». Mai
1088
ue devient un danger véritable ; non pas elle, il
est
vrai, mais l’homme qui parle ainsi. Ernst Jünger a bien vu que la tec
1089
e tend alors vers une morale nihiliste, sa maxime
étant
celle d’une action « sans pourquoi ni vers quoi », sans cause ni but.
1090
atigue mentale ; et cet oubli des buts derniers n’
est
qu’un immense lapsus révélateur : il trahit une angoisse devant les p
1091
e, désormais, pour régler le phénomène technique,
sera
donc la morale sociale, définie par les grands États. L’oubli des but
1092
ture humaine conduit alors à la Technocratie, qui
est
le gouvernement des moyens sur les fins. (Les « exigences de la techn
1093
été, et l’État seul représentant la Société, il n’
est
plus de recours contre ses décisions.) L’évolution vers des sociétés
1094
es en dividendes, le technocrate ne cessera pas d’
être
le maître des moyens, mais son prestige s’évanouira dans la mesure mê
1095
« sérieux » changera de camp. Celui dont le rôle
sera
d’administrer l’immense usine sans ouvriers régnera souverainement su
1096
rison du mal technique par la technique elle-même
est
-elle une utopie ? Voyons d’abord dans quelle mesure elle est déjà réa
1097
e utopie ? Voyons d’abord dans quelle mesure elle
est
déjà réalisée. Le niveau de vie moyen en Europe est passé de 1 à 15,
1098
t déjà réalisée. Le niveau de vie moyen en Europe
est
passé de 1 à 15, nous dit-on, de 1800 à 1950. (On précise qu’il est d
1099
5, nous dit-on, de 1800 à 1950. (On précise qu’il
est
dix fois plus élevé en 1954 qu’en 1880.) Ces chiffres, je l’avoue, me
1100
u : la notion même d’un « niveau de vie moyen » n’
est
pas bien claire, et le devient encore moins quand on la multiplie. (Q
1101
890 à 1954, la semaine de travail dans le textile
est
passée de 65 heures à 40 heures, et l’année de travail pour les chemi
1102
us-produit de la technique, dont le but principal
est
encore de fournir plus d’objets et plus de bénéfices. Pourtant, ce «
1103
lus de bénéfices. Pourtant, ce « sous-produit » n’
était
-il pas d’abord l’une des arrière-pensées de l’invention technique ? E
1104
certain point de saturation des besoins naturels
soit
atteint. La technique a multiplié les hommes dont elle augmentait les
1105
ers pendant ce laps de temps. Un deuxième but qui
est
d’assurer la subsistance d’une humanité qui s’augmente de 70 000 âmes
1106
objectifs proprement humains de la technique. Ce
sont
maintenant les moyens à trouver qui devront s’adapter à cette fin rec
1107
e comme auparavant. Ces moyens à trouver, nous en
tenons
les principes : énergie nucléaire, chlorella, photosynthèse, plans à
1108
semaine, pour que tous nos besoins « matériels »
soient
satisfaits (et bien mieux qu’aujourd’hui) : alimentation et transport
1109
que peut tout compromettre dans l’œuf. Mais l’œuf
est
là, portant son germe et notre avenir, cet avenir qu’il nous faut acc
1110
es refouler parce qu’ils donnent le vertige. Nous
sommes
au seuil des temps où la culture va devenir le sérieux de la vie. (El
1111
devenir le sérieux de la vie. (Elle l’a toujours
été
, mais cela se verra). Jusqu’ici, c’était le travail qui occupait l’es
1112
diennes. La question « Que faire de ma vie ? » ne
sera
plus réprimée par cette réponse, plusieurs fois millénaire : « La gag
1113
plusieurs fois millénaire : « La gagner ! » Elle
sera
subitement mise à nu. Je n’entends pas peindre ici quelque utopie qui
1114
évoir, qu’en vertu de nos libres décisions. (Ce n’
est
pas l’invention de la roue qui compte en soi, mais bien l’usage qu’un
1115
t, jouets et ornements chez les Aztèques.) Ce qui
est
certain, c’est que le progrès technique va faire un saut sans précéde
1116
ns se manifesteront d’une manière transparente et
seront
suivis d’effets presque immédiats. Ce sont ces vœux et ces orientatio
1117
e et seront suivis d’effets presque immédiats. Ce
sont
ces vœux et ces orientations que l’on peut essayer d’induire de notre
1118
la suite. Une expérience un peu plus longue nous
est
donnée par les populations du cercle arctique (Suède et Norvège), con
1119
onférences, causeries et discussions publiques se
tiennent
par dizaines de milliers dans nos pays démocratiques ; et l’instructi
1120
os pays démocratiques ; et l’instruction publique
est
heureusement doublée par des centaines d’ouvrages de vulgarisation qu
1121
us mène vers une ère religieuse. Car la culture n’
est
en fin de compte qu’un prisme diffracteur du sentiment religieux dans
1122
ment, en Occident comme en Orient. (En fait, elle
est
surtout — et devrait être — accession à la vérité, et peu importent l
1123
n Orient. (En fait, elle est surtout — et devrait
être
— accession à la vérité, et peu importent les moyens.) On voit donc m
1124
ère technique conduirait aux religions. L’ascèse
était
, en fait, une résistance à la technique sous ses formes primitives, c
1125
que sous ses formes primitives, comme la mystique
était
un mouvement de dépassement (ou de retrait en deçà) du dogme formulé
1126
u dogme et de la liturgie dans la culture dont il
est
imprégné. Voilà pourquoi la connaissance des dogmes et des options fo
1127
mes et des options fondamentales de nos religions
sera
demain la première condition des hérésies et gnoses qui vont paraître
1128
ballon qui ne demande qu’à « s’élever » dès qu’il
est
délivré des soucis quotidiens. La preuve qu’il n’en est rien, c’est q
1129
livré des soucis quotidiens. La preuve qu’il n’en
est
rien, c’est que nos plus grands mystiques ont vécu dans les pires con
1130
religieuses deviendront plus sérieuses que ne le
sont
aujourd’hui les questions matérielles, les « lois » économiques, les
1131
e sens et la nature finale du Progrès. Celui-ci n’
est
-il pas simplement l’augmentation du risque de l’homme en tant que per
1132
on du risque de l’homme en tant que personne, qui
est
le risque de la liberté ? 32. L’examen des circonstances qui ont p
1133
jours, prouve que l’appât du gain ou du confort n’
est
presque jamais leur motif. (Cf. D. Brinkmann, Mensch und Technik, 193
1134
industries. 33. Les automates du xviiie siècle
sont
pur jeu. Ils sont pourtant les ancêtres de nos robots d’usine, indisp
1135
Les automates du xviiie siècle sont pur jeu. Ils
sont
pourtant les ancêtres de nos robots d’usine, indispensables pour mani
1136
c. 34. En 1833, Thiers déclare que la locomotive
est
une « simple construction d’amusette scientifique ». 35. Sur l’entre
1137
s plus ou moins « délirants », dont le mysticisme
fut
décisif en ce qui concerne la plupart de nos progrès techniques. Noto
1138
ux grands mystiques de cette époque se trouvaient
être
des ingénieurs des mines : Swedenborg et Novalis. 36. Le modèle qui
1139
ervit à Goethe pour écrire la fin du second Faust
fut
l’ingénieur anglais W. A. Madocks, constructeur de digues sur la côte
1140
e prolétaires, appliqué aux ouvriers d’industrie,
fut
introduit par Sismondi dès 1819. Trente ans plus tard, Marx pouvait d
1141
nture médiévales concernent les vergers. Le reste
était
terreur. 41. L’Encyclopédie de 1765 définit le loisir comme « le te
1142
e temps vuide ». Elle suppose donc que le travail
est
le vrai temps, le temps plein. Cette hiérarchie des valeurs a dominé
1143
a le devenir dès que les bénéfices de l’industrie
seront
distribués aux ouvriers, notamment sous la forme d’une diminution du
1144
ris affiché pour les questions religieuses n’aura
été
qu’un phénomène transitoire de notre civilisation occidentale. L’inte
1145
e de la parisienne se crurent, au xxe siècle, et
furent
dans une large mesure antireligieuses ou a-religieuses. Le surréalism
1146
gieuses ou a-religieuses. Le surréalisme français
fut
le signal d’une première révolte contre la conception « rationaliste
1147
les d’une éthique protestante-libérale — quel que
soit
, par ailleurs, son athéisme. Le retour aux problèmes religieux dans l
1148
lèmes religieux dans la littérature occidentale s’
est
amorcé dès 1919, et n’a pas cessé de s’amplifier. 43. Nos sectes ori
1149
encé dès la mort de Staline44 ou par elle. Ce qui
est
indiscutable, c’est l’importance psychologique du phénomène ; mais so
1150
nt des liens entre Moscou et les PC européens… Ne
serait
-ce pas qu’une logique interne, ou qu’un plan savamment préconçu, déte
1151
s privés de la figure de Staline ? Enfin, quelles
sont
les « contradictions » majeures qui menacent d’éclatement l’univers c
1152
nte… Je ne prétends pas que la courbe descendante
soit
plus vraie que l’ascendante, ou l’inverse, car elles sont illusoires
1153
s vraie que l’ascendante, ou l’inverse, car elles
sont
illusoires toutes les deux. Mais l’illusion d’un retour à la démocrat
1154
. 1. Les circonstances de la mort de Staline ne
sont
pas encore éclaircies. K. n’ignore pas les bruits qui circulent à ce
1155
K. limite ses attaques contre Staline à ce qui s’
est
passé depuis 1934, et seulement aux dépens des « bons communistes ».
1156
ection le style d’un Vychinski, stalinien s’il en
fût
jamais. Elle n’en marque pas moins la naissance du nouveau régime col
1157
lectiquement » leur servilité spontanée. Celle-ci
étant
acquise, K. ne risque plus grand-chose à exiger « l’autonomie » d’esc
1158
ussi rigoureusement conditionnés. 10. Enfin, tout
étant
dit, K. reste en place, omettant de tirer les conclusions concrètes d
1159
les, il suffit de poser deux questions : ce culte
était
-il vraiment si dangereux ? est-il réellement condamné ? Les réponses
1160
tions : ce culte était-il vraiment si dangereux ?
est
-il réellement condamné ? Les réponses vont de soi. Le culte, en tant
1161
ement les photos. Lénine, substitué à Staline, ne
serait
-il pas une « personnalité » ? Et son mausolée de la Place Rouge, le l
1162
ouge, le lieu d’un culte ? Thorez et Togliatti se
seraient
-ils éclipsés ? De qui se moque-t-on ? De la presse occidentale, qui a
1163
dans le panneau, comme toujours ? Mais l’heure n’
est
pas aux plaisanteries faciles. La condamnation spectaculaire, mais un
1164
prix. Sacrifier post mortem le seul Staline, ce n’
est
rien sacrifier du tout, mais c’est détourner l’attention du fait même
1165
ute au seul Staline. Or la direction collégiale n’
est
que la continuation par d’autres moyens (ou les mêmes) de la dictatur
1166
paranoïaque à celle de ses favoris. Au vrai, ce n’
est
pas tel ou tel trait de folie d’un dictateur qui doit retenir l’atten
1167
r l’attention, mais le fait de la dictature. Ce n’
est
point par accident qu’un dictateur est fou, car il faut être fou pour
1168
ture. Ce n’est point par accident qu’un dictateur
est
fou, car il faut être fou pour se faire dictateur, la dictature étant
1169
par accident qu’un dictateur est fou, car il faut
être
fou pour se faire dictateur, la dictature étant la forme politique de
1170
ut être fou pour se faire dictateur, la dictature
étant
la forme politique de la démence paranoïaque. « Toute collectivité ré
1171
te collectivité régie par un chef souverain qui n’
est
comptable à personne se trouve entre les mains d’un malade », écrivai
1172
de », écrivait Simone Weil au temps d’Hitler, qui
était
aussi le temps de Staline. Et que la dictature se dise collégiale ou
1173
uveaux chefs se sente comptable envers qui que ce
soit
. Parler de « direction collégiale » dans un régime monolithique, c’es
1174
Staline lui-même47. « Dictature du Prolétariat »
est
une autre figure de langage. Mais comment fait-on cela ? Qui fait cel
1175
mes ». Un peu de morale Lorsque Mussolini, s’
étant
emparé des Baléares à la faveur de la guerre civile, offrit de les re
1176
e : l’immoralité phénoménale du procédé n’a guère
été
notée par notre opinion libre, tandis que les « progressistes » la po
1177
(Seul le Politburo peut la sonder.) L’hypocrisie
était
jadis l’hommage que le vice rendait à la vertu. Elle est devenue la v
1178
is l’hommage que le vice rendait à la vertu. Elle
est
devenue la vertu même, pour ceux qui jugent au nom du « mouvement de
1179
ns qu’on ne l’a cru. Mais ce départ sans gloire n’
était
pas le seul possible. Il y a beaucoup de places vides dans les camps
1180
l à tous ces fonctionnaires dont les réflexes ont
été
conditionnés pendant trente ans par un paranoïaque. S’offrir pour une
1181
durent condamner sur ordre, nous disent-ils — ne
serait
-ce pas un beau geste « dialectique » ? Ne serait-ce pas un moyen, que
1182
serait-ce pas un beau geste « dialectique » ? Ne
serait
-ce pas un moyen, que dis-je, le seul moyen, de sauver cette méthode é
1183
oyen de Cantorbéry. « Le crime seul doit placer l’
être
qui l’a commis hors de la considération sociale, et le châtiment doit
1184
— seul existant, hélas ! au-dessus des despotes —
est
de ceux qui dégradent non seulement un régime et les idéaux qu’il pro
1185
et à mettre en lumière ce qu’il tend à cacher. Il
est
clair que Staline est renié. Mais il est non moins clair que les méth
1186
ce qu’il tend à cacher. Il est clair que Staline
est
renié. Mais il est non moins clair que les méthodes et les procédés c
1187
cher. Il est clair que Staline est renié. Mais il
est
non moins clair que les méthodes et les procédés communistes — baptis
1188
« staliniens » quand ils deviennent gênants — qui
furent
en vigueur sous son règne, ne se voient dénoncés que des lèvres, et à
1189
uant au sens général du phénomène, j’ai dit qu’il
est
encore conjectural. On ignore, on effet, son vrai point de départ. K.
1190
ignore, on effet, son vrai point de départ. K. s’
est
tu sur la mort de Staline. Or, selon qu’il s’agit d’un meurtre concer
1191
’au contraire, le dépassement du « stalinisme » s’
est
bien réellement opéré par les soins du mouvement de l’Histoire, entra
1192
ouvait avoir fait son temps. La seconde hypothèse
est
celle d’Isaac Deutscher, reprise et approuvée presque dans les mêmes
1193
vant de Staline ; mais faut-il en conclure que ce
sont
d’enragés staliniens qui se léninisent sous la menace ? La vérité, c’
1194
la menace ? La vérité, c’est que le stalinisme s’
est
supprimé lui-même en créant, par l’industrialisation de l’URSS et par
1195
d’une politique nouvelle. Les dirigeants actuels
sont
les hommes de cette politique : ils la font, et ils sont faits par el
1196
s hommes de cette politique : ils la font, et ils
sont
faits par elle. » Notons d’abord que Sartre « reconnaît » que K. et l
1197
postes et des charges du vivant de Staline ». (Il
serait
difficile de le nier.) Ils étaient donc les hommes du stalinisme. Cel
1198
Staline ». (Il serait difficile de le nier.) Ils
étaient
donc les hommes du stalinisme. Celui-ci s’étant « supprimé lui-même »
1199
étaient donc les hommes du stalinisme. Celui-ci s’
étant
« supprimé lui-même », on pourrait se demander ce qu’ils font encore
1200
posons une question plus gênante : le stalinisme
est
-il un système différent — si peu que ce soit — du bolchévisme en géné
1201
nisme est-il un système différent — si peu que ce
soit
— du bolchévisme en général ? Il le faut bien, puisque, selon Sartre,
1202
fin du communisme. Reste alors à le définir. S’il
était
, par exemple, la réponse « historique » du marxisme ou du communisme
1203
rs 1953 — comme on le déduit du texte précité — n’
était
-il pas anachronique pour l’Occident ? Pourtant, le PC de France se di
1204
en général (« Ses positions, dans l’ensemble, ont
été
justes »). Il approuvait donc, pour la France, et sous le même nom de
1205
isme, autre chose que ce qu’il dit que le système
était
« nécessairement », ou « historiquement », pour l’URSS ? D’autre part
1206
e et l’Histoire en pouvaient approuver, puisqu’il
est
aujourd’hui condamné — et non pas simplement dépassé — par ceux-là mê
1207
l’Histoire qui les mène. (« … ils la font, et ils
sont
faits par elle. ») Quelle était donc cette autre chose qui est condam
1208
ls la font, et ils sont faits par elle. ») Quelle
était
donc cette autre chose qui est condamnée, et que Sartre n’approuvait
1209
elle. ») Quelle était donc cette autre chose qui
est
condamnée, et que Sartre n’approuvait pas ? L’action personnelle de S
1210
tant que distincte du stalinisme nécessaire ? Ne
serait
-il pas plus simple de le dire ? Non, car tout se compliquerait aussit
1211
liquerait aussitôt. Si Staline et le stalinisme n’
étaient
pas une seule et même chose, l’un pouvait donc survivre à l’autre ? O
1212
se, l’un pouvait donc survivre à l’autre ? Or ils
sont
morts, si j’en crois Sartre, au même instant, par une extraordinaire
1213
rogression savante… dès la mort de Staline »). Il
est
hors de question que Staline se soit « supprimé lui-même ». A-t-il do
1214
taline »). Il est hors de question que Staline se
soit
« supprimé lui-même ». A-t-il donc été tué par le mouvement de l’Hist
1215
taline se soit « supprimé lui-même ». A-t-il donc
été
tué par le mouvement de l’Histoire ? Ah ! qu’il est encombrant, ce ca
1216
é tué par le mouvement de l’Histoire ? Ah ! qu’il
est
encombrant, ce cadavre ! Et comme l’existence vient se moquer des sys
1217
mythe de l’infaillibilité historique du PC, etc.
Soyons
sérieux : la seule vérité bien certaine, c’est que Staline est mort e
1218
la seule vérité bien certaine, c’est que Staline
est
mort et que, trois ans plus tard, ses successeurs ont jugé nécessaire
1219
ses crimes, mais non son héritage. Tout le reste
est
conjectures, affirmations sans preuves, alibis transparents, wishful
1220
line ; rien ne prouve que l’action de Staline ait
été
une phase « nécessaire » (voulue par le mouvement de l’Histoire) du b
1221
s le faire. Je pense, au contraire, que Staline a
été
brutalement liquidé par l’action beaucoup moins calculée que panique
1222
aucune de ses méthodes fondamentales, lesquelles
étaient
et restent celles de la dictature ; que le « stalinisme », si on en d
1223
e le « stalinisme », si on en défalque Staline, n’
était
rien d’autre que le bolchévisme, lequel dure, comme on le voit, sous
1224
par la mort du despote et son reniement proclamé
est
un changement psychologique : le rapport de K. le reflète, l’accentue
1225
ligentsia occidentale, bien que les communistes y
soient
très peu et assez mal représentés. « Verser dans l’anticommunisme »,
1226
de la faire dans les termes les plus simples. Qu’
est
-ce qu’un anticommuniste militant ? C’est un homme qui s’oppose à tout
1227
me qui s’oppose à toutes les tyrannies quel qu’en
soit
le prétexte allégué. Cette attitude le rend suspect aux yeux des adve
1228
dversaires de toutes les tyrannies sauf une. S’il
est
aussi contre celle-là, disent-ils, c’est qu’il est pour les autres, «
1229
st aussi contre celle-là, disent-ils, c’est qu’il
est
pour les autres, « objectivement » parlant. Pour peu que l’anticommun
1230
stématique. C’est mon cas et je m’en explique. Je
fus
aussi, et au même titre, un antinazi systématique. Communisme et nazi
1231
systématique. Communisme et nazisme, en effet, ne
sont
pas seulement des systèmes, mais des systèmes totalitaires. Il n’y a
1232
ns un système totalitaire, par définition tout se
tient
. Il est parfaitement stupide, ou d’une insigne mauvaise foi, ou les d
1233
ème totalitaire, par définition tout se tient. Il
est
parfaitement stupide, ou d’une insigne mauvaise foi, ou les deux, de
1234
lent à plein pour nos régimes démocratiques, mais
sont
exclus par le principe actif du communisme soviétique49. À proprement
1235
anticommuniste qui se veut « non systématique » n’
est
finalement qu’un anticommuniste inconséquent ou, pour mieux dire, inc
1236
ntique, donc systématique. On lui reproche de « n’
être
qu’un anti » ; et comme, en fait et en logique, on ne connaît pas d’o
1237
aine position, on s’en tire en disant : celui qui
est
toujours contre, il faut bien qu’il soit payé pour…50 L’anticommunis
1238
celui qui est toujours contre, il faut bien qu’il
soit
payé pour…50 L’anticommuniste, en revanche, n’est pas tenu de croire
1239
it payé pour…50 L’anticommuniste, en revanche, n’
est
pas tenu de croire que les hommes qui l’attaquent sont payés par Mosc
1240
pour…50 L’anticommuniste, en revanche, n’est pas
tenu
de croire que les hommes qui l’attaquent sont payés par Moscou, pour
1241
pas tenu de croire que les hommes qui l’attaquent
sont
payés par Moscou, pour si peu. N’étant pas marxiste-léniniste, l’anti
1242
l’attaquent sont payés par Moscou, pour si peu. N’
étant
pas marxiste-léniniste, l’anticommuniste systématique estime qu’un ho
1243
tématique estime qu’un homme peut se tromper sans
être
à cela matériellement déterminé par l’argent de la classe ou du parti
1244
e ou du parti dont il attaque les adversaires. Je
suis
certain que Sartre, par exemple, tire honnêtement ses revenus de la c
1245
communisme, qu’il défend sans y adhérer. Mais il
est
temps d’en venir au contenu concret de l’attitude anticommuniste. Que
1246
ritique des faits connus de tous : 1. que Staline
était
un fou cruel et rusé (le « Caligula du Kremlin », écrivaient Preuves
1247
emagne ayant permis de la déclencher) n’avait pas
été
gagnée grâce à Staline, au contraire, ni même grâce au marxisme-lénin
1248
tant que responsable du mouvement de l’Histoire,
était
en réalité un faussaire de l’Histoire, qu’il faisait récrire à sa gui
1249
illions de koulaks par Staline au nom du progrès,
était
aussi monstrueuse que celle de millions de juifs par Hitler au nom du
1250
ses agents, prouvaient que les États communistes
étaient
gouvernés depuis trente ans soit (s’il fallait en croire Staline) par
1251
s communistes étaient gouvernés depuis trente ans
soit
(s’il fallait en croire Staline) par une majorité de traîtres et d’es
1252
traîtres et d’espions au service du capitalisme,
soit
(comme nous le pensions, et K. le confirme) par une minorité de scélé
1253
s, Staline en tête, dont la plupart des créatures
sont
encore au pouvoir en URSS ; 6. que les camps de travail forcé non seu
1254
non seulement existaient bel et bien, mais qu’ils
étaient
peuplés de millions d’innocents, condamnés comme « ennemis du peuple
1255
ys communistes, restait très inférieur à ce qu’il
était
dans les pays capitalistes et socialistes, dont pourtant les régimes
1256
il, réglés chez nous par conventions bilatérales,
étaient
réglés à l’Est par les canons des tanks ; 9. que les intellectuels co
1257
s par conventions bilatérales, étaient réglés à l’
Est
par les canons des tanks ; 9. que les intellectuels communistes d’Occ
1258
trente ans ; la contre-épreuve d’un tel jugement
étant
fournie par les procommunistes eux-mêmes, qui justifiaient tout cela
1259
doctrine et à leur discipline terroriste. Mais il
était
plus surprenant de voir les simples AAC et PPC (les anti-anticommunis
1260
mmunisme — stalinien durant toute cette période —
étaient
de « mauvaise foi », inventées, mensongères, calculées pour provoquer
1261
oyaient pas. Que se passe-t-il aujourd’hui ? Quel
est
le « profond changement » introduit dans la situation par le rapport
1262
Pierre Hervé. Non seulement toutes ces choses ne
sont
plus niées (les camps, la folie de Staline, son incapacité militaire,
1263
ivains staliniens), mais encore toutes ces choses
sont
dénoncées par les chefs mêmes du communisme, comme autant de scandale
1264
spoir, et ramenées à ce que nous disions qu’elles
étaient
en réalité : de pures et simples mystifications, au sens marxiste de
1265
vrières et dans la Résistance intellectuelle de l’
Est
. Que vont dire, dans ces conditions, nos AAC ? Et que vont faire no
1266
argument : Puisque tout ce que vous condamniez a
été
« supprimé » avec le stalinisme, vous n’avez plus de raisons de vous
1267
isons de vous méfier de l’URSS. Réponse : Tout n’
est
pas condamné, loin de là, et ce n’est point par hasard que ces « crim
1268
se : Tout n’est pas condamné, loin de là, et ce n’
est
point par hasard que ces « crimes » furent commis : ils étaient la pr
1269
, et ce n’est point par hasard que ces « crimes »
furent
commis : ils étaient la praxis d’un système cohérent, comme le délire
1270
par hasard que ces « crimes » furent commis : ils
étaient
la praxis d’un système cohérent, comme le délire paranoïaque sait l’ê
1271
tème cohérent, comme le délire paranoïaque sait l’
être
. Rien ne prouve que les motifs justifiant toutes ces choses dans l’es
1272
ans les mêmes termes, avec les mêmes sanctions, n’
est
pas sortir du stalinisme. Dénoncer la dictature d’un seul homme, au n
1273
omme, au nom de la dictature d’un seul collège, n’
est
pas renier la dictature. Mitrailler dans les rues de Poznań les ouvri
1274
rs qui souffrent de cette dictature, bien qu’elle
soit
en principe la leur, n’est pas revenir à la démocratie, même si l’on
1275
ctature, bien qu’elle soit en principe la leur, n’
est
pas revenir à la démocratie, même si l’on tire au nom du bien de ceux
1276
qu’on tue. Et, pour tout dire, recevoir l’ordre d’
être
libre, de telle manière prescrite et limitée, n’est pas encore se lib
1277
e libre, de telle manière prescrite et limitée, n’
est
pas encore se libérer en obéissant. Cela peut être aussi bien asservi
1278
est pas encore se libérer en obéissant. Cela peut
être
aussi bien asservir davantage. Je reviendrai tout à l’heure sur ce po
1279
», j’essaie de mesurer mon « épreuve bien dure ».
Est
-il vrai que l’antistalinisme tardivement proclamé par K. détruise la
1280
dait, en lui apportant une éclatante infirmation.
Est
-il vrai que le rapport de K. me rejette à la condition d’intellectuel
1281
re ma conscience pour moi… Mais, à supposer qu’il
soit
vrai que l’existence du stalinisme soit la condition de mes revenus,
1282
ser qu’il soit vrai que l’existence du stalinisme
soit
la condition de mes revenus, j’ai dit plus haut les bonnes et solides
1283
l ne me visait pas, qu’il s’étonne même que je me
sois
cru visé. On lui demandera des précisions, des noms. Visait-il donc K
1284
ous n’y pensez pas. Les anticommunistes vulgaires
seraient
-ils donc ceux qui n’ont pas de nom ? Il faut pourtant bien qu’ils exi
1285
nom ? Il faut pourtant bien qu’ils existent : où
serait
, sans eux, la bonne conscience des anticommunistes « distingués » ? J
1286
iniens et leurs alliés, AAC, PPC et consorts. Que
sont
-ils, en effet, et quelle tête peuvent-ils faire, au lendemain du XXe
1287
ent-ils faire, au lendemain du XXe congrès, s’ils
sont
honnêtes ? Ils invoquaient le bien de la classe ouvrière. C’est au
1288
on erronée : les moyens employés par Staline, qui
fut
pendant tout le temps de notre débat l’incarnation incontestée du com
1289
débat l’incarnation incontestée du communisme, n’
étaient
pas ceux de la fin que Staline alléguait, ni dans le fait (comme nous
1290
même dans l’intention (comme K. l’affirme) ; ils
étaient
les moyens généraux de tout système totalitaire, ou les moyens partic
1291
t régulièrement toute injustice, pour peu qu’elle
fût
commise au nom de l’URSS. Ils croyaient servir « le libre développeme
1292
é, ou niaient leur existence, ou les deux, cela s’
est
vu. Leurs mandarins disaient : « Taisons-nous sur les camps : nous fe
1293
va les vider, et de les dire mauvais, puisqu’ils
étaient
en URSS…) Lorsqu’eut lieu le procès de Rajk, nous ne disions pas que
1294
procès de Rajk, nous ne disions pas que cet homme
était
un innocent : il avait les mains rouges d’un agent de la Terreur. Mai
1295
par la « justice » au nom du « peuple » hongrois
étaient
proprement scandaleux, et visiblement fabriqués. Benda déclarait, au
1296
ait, au contraire : « Le malheur pour cette thèse
est
que les faits relevés contre les inculpés sont établis, bien autremen
1297
èse est que les faits relevés contre les inculpés
sont
établis, bien autrement que par leurs aveux, par les témoignages les
1298
vain sur ce visage une trace d’humanité53. » Rajk
étant
réhabilité par les porteurs actuels du « mouvement de l’Histoire », o
1299
victions « abstraites » ou personnelles. Courtade
était
donc de bonne foi en ne trouvant pas une trace d’humanité sur le visa
1300
trace d’humanité sur le visage de Rajk vivant. Il
est
encore et toujours de bonne foi en retrouvant cette trace sur le cada
1301
du PC, on conçoit le malaise qu’ils endurent. Il
serait
puéril et vain, malgré tant d’apparences, de leur dire aujourd’hui :
1302
nté des masses, mouvement de l’histoire, etc., se
tenaient
entre eux dans leur mythologie, mais ne collaient plus à rien de réel
1303
l’esprit critique, le doute, la liberté, et de ne
tenir
pour vrai que ce qui était dit « de gauche » ; bref, dans tous ces ex
1304
, la liberté, et de ne tenir pour vrai que ce qui
était
dit « de gauche » ; bref, dans tous ces exemples choisis à la volée,
1305
eur faire dire chaque fois le contraire de ce qui
est
, donc de mentir. On se tromperait en croyant que j’instruis un procès
1306
ent, dans laquelle ils vivent, qu’ils existent, n’
est
pas de celles dont on peut se tirer par un raisonnement plus correct,
1307
e, intime — suffirait à les en libérer. III. «
Soyez
libres ! » En dissolvant le Kominform, au mois d’avril dernier, l’
1308
n’en demandaient pas tant. L’ordre de Moscou : «
Soyez
libres ! », les a jetés dans un désarroi que le rapport de K. porte à
1309
’émotion légitime » qu’ils évoquent à ce propos n’
est
qu’un bien pâle reflet de la difficulté où les met l’injonction du no
1310
attribuer du jour au lendemain tout le mal qui s’
est
fait sous Staline à un « culte de l’homme » qu’on se bornait à nier,
1311
oscou… (Togliatti a saisi l’occasion, mais Thorez
est
encore perplexe.) Où les choses se gâtent pour de bon, c’est quand on
1312
de bon, c’est quand on reçoit, en plus, l’ordre d’
être
autonome ! car tout change aussitôt, du seul fait que la question n’e
1313
t change aussitôt, du seul fait que la question n’
est
plus simplement d’obéir, mais de savoir comment obéir ! Logiquement,
1314
e savoir comment obéir ! Logiquement, le problème
est
insoluble. Soit qu’on accepte l’ordre ou qu’on le refuse, on ne peut
1315
t obéir ! Logiquement, le problème est insoluble.
Soit
qu’on accepte l’ordre ou qu’on le refuse, on ne peut pas devenir libr
1316
’est perdu d’avance : la liberté que l’on feint n’
est
qu’une minable comédie, illustrant d’une manière touchante ou hypocri
1317
piègle pour une fois, veut que nos deux grands PC
soient
contraints d’illustrer chacun l’une de ces deux hypothèses. Togliatti
1318
ent de K. (Ce dernier s’en déclare enchanté : « J’
étais
sûr de mon vieux Togliatti »)55. Mais Thorez, Fils du Peuple, s’accro
1319
e aux yeux de certains un air d’indépendance : ne
serait
-ce pas le seul moyen « concret » d’obtempérer à l’ordre humoristique
1320
u. On ne sort pas d’un tel embarras. Le décrire n’
est
déjà pas facile… Mais une fable simplette va nous y aider peut-être.
1321
is une fable simplette va nous y aider peut-être.
Soit
un chef absolu qui ordonne à ses sujets de se peindre le visage en ro
1322
êmes sujets : « À partir de demain, je l’ordonne,
soyez
libres ! Peignez-vous comme il vous plaira et cessez d’obéir comme de
1323
ident de quitter le pays. La question qui se pose
est
celle-ci : les sujets n’ont-ils fait qu’obéir une fois de plus — ou s
1324
ets n’ont-ils fait qu’obéir une fois de plus — ou
sont
-ils enfin devenus libres ? Réponse : Il faut se laver, si l’on veut ê
1325
libres ? Réponse : Il faut se laver, si l’on veut
être
libre. Refuser toute espèce de couleur. Telle est la seule révolution
1326
tre libre. Refuser toute espèce de couleur. Telle
est
la seule révolution qui compte, la seule qui ne conduise pas, inévita
1327
t, à plus de tyrannie qu’avant. Comprenez qu’il n’
est
pas d’autre voie, et que vous ne serez jamais libres à moindre prix.
1328
enez qu’il n’est pas d’autre voie, et que vous ne
serez
jamais libres à moindre prix. D’autres difficultés créées ou révélé
1329
étique et mondial par la Turbulence que l’on sait
seront
ici brièvement indiquées : elles présentent le même caractère de soph
1330
a vérité dans le monde communiste ? — Le problème
est
nettement posé par le rapport K. et ses suites. Jusqu’à la veille du
1331
la veille du rapport, en effet, dire que Staline
était
le génial Père des peuples était « vrai » au nom de l’Histoire, s’exp
1332
dire que Staline était le génial Père des peuples
était
« vrai » au nom de l’Histoire, s’exprimant par la bouche du Parti. Ma
1333
par la bouche du Parti. Mais dire que le despote
était
fou, en se fondant sur l’observation, c’était « faux » parce que cela
1334
le Parti. K. nous dit aujourd’hui que le despote
était
fou. Il dit vrai (selon l’observation), mais au nom de ce qui sert le
1335
e actuellement avec le vrai tout court, voilà qui
est
loin de prouver que K. et les PC aient rejoint le parti de la vérité.
1336
ils persistent dans leur erreur fondamentale, qui
est
de croire que la vérité doit être dictée, non cherchée, et dépend de
1337
ondamentale, qui est de croire que la vérité doit
être
dictée, non cherchée, et dépend de l’intérêt du Parti, non de l’exame
1338
ous disions par conviction, c’est la même et ce n’
est
pas la même. Ils la disent comme ils la niaient : parce qu’ils croien
1339
orale formelle n’a pas d’importance politique. Il
est
vrai, mais nous sommes dans une ère scientifique. Ou, plus exactement
1340
as d’importance politique. Il est vrai, mais nous
sommes
dans une ère scientifique. Ou, plus exactement, technique. Le mensong
1341
ique. Le mensonge y devient erreur, et l’erreur y
est
frappée de sanctions immédiates, qui ne sont point morales, mais phys
1342
eur y est frappée de sanctions immédiates, qui ne
sont
point morales, mais physiques. On ne fait pas de découvertes à coups
1343
monde tel qu’on ne peut plus y dire la vérité, n’
est
pas seulement répréhensible et rétrograde, mais inapte à durer dans n
1344
nal ») a toujours et nécessairement raison, qu’il
soit
incarné par Staline comme hier, ou par K. et son groupe comme aujourd
1345
où se place l’infaillibilité ? Qui, désormais, en
sera
le vrai porteur ? Faudra-t-il dissocier les chefs et le Parti, sacrif
1346
l’erreur a bien dû se glisser quelque part ; elle
est
là et on l’a reconnue ; et pourtant, il s’agit de limiter les dégâts…
1347
lamait vitale. Insoluble problème, et les risques
sont
graves. Car ou bien tout se défait ; ou les « crimes de Staline » app
1348
tier. Une analyse marxiste des crimes de Staline
est
-elle possible ? — Répudier, comme le font nos PC, les « actes d’arbit
1349
« actes d’arbitraire reprochés à Staline », ce n’
est
pas encore expliquer ni pourquoi ni comment il a pu les commettre. K.
1350
e puissance en tenant lieu) cette trahison aurait
été
commise. Omission stupéfiante de la part d’un marxiste pour qui toute
1351
ute déviation, opposition ou trahison, ne saurait
être
motivée que par les intérêts d’une classe bien définie. Ce n’est pour
1352
par les intérêts d’une classe bien définie. Ce n’
est
pourtant pas l’individu, on le sait, qui fait l’Histoire. En voici un
1353
lle classe des bureaucrates ? Mais K. et ses amis
sont
aujourd’hui ses chefs. Au surplus, chacun sait que les classes ont ét
1354
hefs. Au surplus, chacun sait que les classes ont
été
abolies en URSS. Lorsque le PC français réclame imprudemment « une an
1355
analyse, si elle reste orthodoxe, devrait montrer
soit
que Staline n’a jamais rien fait par lui-même — ce qui aurait pour ef
1356
réhabiliter, mais d’incriminer tout le système —
soit
que la méthode elle-même ne vaut rien dans ce cas ; mais alors à quel
1357
lières dont on vient de relever quelques exemples
sont
sans précédent, semble-t-il, dans l’histoire des mouvements politique
1358
elles montrent aussi que « l’univers communiste »
est
le lieu des contradictions insurmontables, non seulement en logique (
1359
a vu), mais peut-être aussi en pratique. La crise
est
telle, au moment où j’écris (fin juin 1956), qu’on ne saurait plus re
1360
e condamner, et, s’il l’a condamné, c’est qu’il y
était
forcé. La dialectique, encore un coup, arrangerait cela au besoin. Ma
1361
encore un coup, arrangerait cela au besoin. Mais
est
-il sûr que le Kremlin souhaite vraiment retenir ses PC étrangers ? To
1362
onnivence active avec la Terreur même régnant à l’
Est
, et dont on sait que la fascination leur a valu tant d’adhésions à l’
1363
t d’adhésions à l’Ouest. Pour l’URSS, la perte ne
serait
pas moins grave, car l’URSS sans ses partis ne serait plus que la Rus
1364
it pas moins grave, car l’URSS sans ses partis ne
serait
plus que la Russie. Aussitôt, son impérialisme, dépouillé de ses prét
1365
t son vrai visage nationaliste et stalinien. Mais
est
-il sûr, ici encore, que l’équipe du Kremlin ne désire pas justement l
1366
ayant fait son plein vers l’Europe, tandis qu’il
est
barré par la Chine en Asie ? Supposez, au surplus, qu’elle se soit av
1367
Chine en Asie ? Supposez, au surplus, qu’elle se
soit
avisée que la condition prolétarienne en Occident ne sera pas supprim
1368
sée que la condition prolétarienne en Occident ne
sera
pas supprimée par des complots marxistes, mais plutôt par l’automatio
1369
vénèrent… À supposer que l’arrière-pensée d’un K.
soit
quelque chose qui ressemble à ce qu’on pourrait appeler « le dépassem
1370
e, ou bon Russe. Ce jour-là, le mythe bolcheviste
sera
vraiment « dépassé par l’Histoire », — comme le sont dès maintenant c
1371
a vraiment « dépassé par l’Histoire », — comme le
sont
dès maintenant ceux qui s’accrochent encore à l’utopie marxiste, plus
1372
dédain des experts unanimes des deux camps. Je m’
étais
un peu moqué de leur propension à anticiper l’avenir… Ceterum censeo
1373
ciper l’avenir… Ceterum censeo… Une seule chose
est
certaine : les échanges de personnes, d’idées, d’informations et de p
1374
ujourd’hui, croient de moins en moins à ce qu’ils
sont
? Les premiers quêtant les secrets d’une liberté que les seconds reni
1375
que lui-même quitte ? Voilà le danger. Mais il n’
est
pas fatal que l’Occident libre y succombe. À de libres échanges, qu’a
1376
ux Soviétiques le sens du doute, sans lequel il n’
est
point de foi digne de ce nom. Nous pouvons les convaincre aussi que l
1377
les convaincre aussi que l’amour de la liberté n’
est
pas un cliché de banquet, une philosophie de requin, mais le secret d
1378
le secret de toute création. Au total, le gagnant
serait
la paix, pour l’ensemble d’un Occident auquel l’URSS, par là même, se
1379
deux démissions. Le dialogue désormais engagé ne
sera
fécond et profitable à tous les deux que si l’un au moins des partena
1380
enaires détient le secret de la générosité, qui n’
est
rien d’autre que la force, la vraie force, celle qui naît de la confi
1381
nner, pour mieux vivre et pour rayonner. Que cela
soit
attendu par les meilleurs à l’Est, nous le savons désormais, voilà qu
1382
nner. Que cela soit attendu par les meilleurs à l’
Est
, nous le savons désormais, voilà qui oblige. On nous met au défi de d
1383
rtre, Les Temps modernes, n° 123, p. 1524. 45. N’
est
-ce pas l’avis de Sartre, qui écrit : « Le culte de la personne… coûta
1384
(Les Temps modernes, n° 123, p. 1515). La phrase
est
étonnante. Qu’est-ce que la « justesse » de positions politiques qui
1385
es, n° 123, p. 1515). La phrase est étonnante. Qu’
est
-ce que la « justesse » de positions politiques qui exigent des hécato
1386
tes ouvrières que l’on sait ? Mais, en fait, ce n’
est
pas le « culte de la personnalité » qui a motivé le génocide des koul
1387
té, mais le mépris de la personne. 46. « Plus on
est
de fous, moins ça se voit », pourrait au mieux me répondre K. 47. «
1388
Les Temps modernes, n° 123, p. 1524. 49. Ce qui
est
injustifiable, c’est l’anticapitalisme systématique des communistes,
1389
me systématique des communistes, le capitalisme n’
étant
pas un système cohérent, encore moins un régime totalitaire. Ou l’ant
1390
Le capitalisme au xxe siècle et les États-Unis,
sont
des amas de réalités, non des systèmes logiques ou organiques. L’espr
1391
endait les accepter ou rejeter en bloc. L’inverse
est
vrai dans le cas du bolchévisme russe, qui se veut essentiellement «
1392
ngements survenus en URSS. On sait que le procédé
est
courant dans Esprit. Quant à Sartre, il écrit dans ses Temps modernes
1393
er un homme pour qui j’ai eu de l’amitié, et ce n’
est
pas ma faute s’il suffit de le citer pour faire mesurer les ravages,
1394
matériau des Soviétiques, alors que le contraire
serait
vrai s’il s’agissait de l’orthodoxie religieuse des Russes. z. Roug
1395
Un dialogue A. Aidez-moi, bon monsieur, je
suis
sous-développé. B. Intéressant ami, que vous faut-il ? A. Si vous ne
1396
conditions politiques ? Sachez, monsieur, que je
suis
souverain. Je vous refuse le droit de vous mêler de mes affaires B. J
1397
s parlé. J’allais dire justement que mes capitaux
seraient
administrés par vous. Cependant, j’eusse aimé suggérer certaines gara
1398
sophismes et de provocations impérialistes ! Vous
êtes
riche, je suis pauvre, vous devez donc me donner de quoi devenir rich
1399
provocations impérialistes ! Vous êtes riche, je
suis
pauvre, vous devez donc me donner de quoi devenir riche à mon tour. B
1400
ns les moyens d’assouvir votre haine. Nasser n’
est
pas Hitler Toujours en retard d’une dictature, l’opinion occidenta
1401
paroles et déficientes en actes. L’affaire Hitler
était
locale, politiquement : elle ne concernait que les rapports des États
1402
États-nations de l’Europe. Son importance réelle
était
plutôt religieuse, « idéologique » comme on dit. L’affaire Nasser est
1403
e, « idéologique » comme on dit. L’affaire Nasser
est
au contraire mondiale, elle compromet l’ensemble des rapports entre l
1404
s millénaires l’immense espace ouvert qui va de l’
Est
européen jusqu’aux confins de la Sibérie et jusqu’au désert de Gobi.
1405
ractéristique des peuples occidentaux, a toujours
été
celle du mouvement libérateur, de la découverte et des échanges. L’un
1406
mmercial. L’une centralise, l’autre fédère. L’une
est
conservatrice et l’autre progressiste. En travers de la politique mar
1407
des siècles. Réactions de l’Europe : essor vers l’
est
d’abord, par les chevaliers teutoniques, puis exploration de l’Océan
1408
treprise « colonialiste ». Mais, en fait, l’islam
est
tourné. Aussitôt, Venise réagit : elle convoque la Commission des Épi
1409
(Voltaire, Essai sur les mœurs.) L’idée du canal
sera
reprise par les Français : projets de Girardin en 1685, de Savary en
1410
des volontaires pour travailler au canal. « Suez
est
le centre de notre vie de travail. Là, nous ferons l’acte que le mond
1411
’acte que le monde attend pour confesser que nous
sommes
mâles », écrit le Père Enfantin, au moment où il débarque avec un gro
1412
pions de la politique moderne des océans. L’islam
est
au plus bas de sa longue décadence. L’Occident maritime domine le mon
1413
z se voit de nouveau menacé d’ensablement. Telles
sont
les données millénaires d’un conflit qui dépasse largement les intérê
1414
te le grand symbole. Mais ses intérêts politiques
sont
du côté de l’islam réactionnaire : barrer Suez, c’est peut-être livre
1415
ant le nouveau défi Certes, le « monde arabe »
est
encore faible, s’il crie fort. Mais il peut couper les pipe-lines : i
1416
rie fort. Mais il peut couper les pipe-lines : il
tient
donc sous sa dépendance l’une des sources principales d’énergie de l’
1417
ir comme fit l’Europe de la Renaissance ? Quelles
seront
nos grandes découvertes ? La réponse ne fait pas de doute : notre « A
1418
réponse ne fait pas de doute : notre « Amérique »
sera
cette fois-ci le Nouveau Monde de l’énergie nucléaire et solaire. La
1419
. La vraie question que pose le geste de Nasser n’
est
pas celle de la souveraineté de son pays, mais bien celle de l’indépe
1420
dépendance de toute l’Europe. La vraie réponse ne
sera
donc pas de forcer militairement le passage du canal, mais de suscite
1421
Trois échanges A. Votre Europe, au fond, qu’
est
-ce que c’est ? Êtes-vous sûr qu’elle existe ? Où commence-t-elle dans
1422
A. Votre Europe, au fond, qu’est-ce que c’est ?
Êtes
-vous sûr qu’elle existe ? Où commence-t-elle dans le temps ? Et où fi
1423
? B. Ceux qui l’attaquent savent assez ce qu’elle
est
. A. L’Albanie musulmane en ferait-elle partie ? Et la Russie ? Très g
1424
kraine ou à l’Oural, ou pas du tout ? B. Hannibal
est
aux portes, l’union nous sauverait tous, et vous demandez une bonne d
1425
e définition ! Je vous vois venir. A. J’y viens !
Serait
-elle de gauche ou de droite ? Dominée par l’Allemagne ou la France ?
1426
ous parlez. B. De celle qu’il nous faut faire, ne
fût
-ce que pour sauver l’objet de notre dialogue — et tout dialogue, peut
1427
e — et tout dialogue, peut-être. De celle où vous
êtes
né comme moi, si je ne me trompe, et qui meurt de vos doutes, plus qu
1428
se tomber ! B. Comment l’aurait-elle pu si elle n’
était
pas née ? Et c’est vous qui en avez décidé, vous les Anglais en sabot
1429
tort de vous plaindre. C et D. N’empêche que nous
sommes
seuls à relever un défi qui s’adresse à tout l’Occident. B. Vous êtes
1430
un défi qui s’adresse à tout l’Occident. B. Vous
êtes
seuls — et l’on sait pourquoi — à proclamer que vous faites ainsi, ma
1431
este impuissante en fait contre l’Égypte. Si vous
êtes
souverains, tirez donc ! Et n’allez pas demander partout des permissi
1432
ésagréments d’un passé mort et enterré, mais pour
tenir
sa place dans le monde de demain, entre les empires qui l’affrontent.
1433
et toute la presse a récité que l’idée européenne
était
bien morte. Voilà qui ne changeait rien aux données de fait, qui ne c
1434
si peu de réclamer l’union. Désormais la Relance
est
à la mode. C’est plutôt une Relève socialiste. Spaak en Belgique, ave
1435
c’est intéressant ! B. Plus ou moins. S. Mais qu’
est
-ce qu’il vous faut ? B. L’Europe est une cause trop sérieuse pour qu’
1436
. S. Mais qu’est-ce qu’il vous faut ? B. L’Europe
est
une cause trop sérieuse pour qu’on la laisse aux mains des seuls poli
1437
rieusement inaperçue, c’est celle qui vient de se
tenir
à Genève sur l’esclavage. Elle a pris connaissance du fait divers sui
1438
bateaux, disait-il, appuyant le délégué du Caire,
serait
attenter à la souveraineté nationale de l’Égypte. La cause étant ains
1439
à la souveraineté nationale de l’Égypte. La cause
étant
ainsi jugée, l’on ne fera rien. Je sais bien que quelques étudiants n
1440
ent du côté du cœur. Ce demi-million d’esclaves n’
est
rien au regard d’une Respectueuse… D’ailleurs, l’URSS a donné à ce co
1441
compromis. L’esclavage devient donc tabou : ce n’
est
pas un scandale utilisable. Contre-épreuve : seuls, quelques écrivain
1442
steur-député ont parlé de l’affaire en France. Il
est
vrai qu’Émile Roche les a suivis dans Le Monde , mais cela n’arrange
1443
cela n’arrange rien : le Kremlin a parlé ; Nasser
est
un dictateur de gauche ; la souveraineté nationale est un principe pr
1444
n dictateur de gauche ; la souveraineté nationale
est
un principe progressiste ; et la France a tort, quoi qu’elle fasse. V
1445
ine de celle d’esclavagisme… Que l’URSS, en fait,
soit
la patrie des camps, de l’interdiction des grèves, de la police parto
1446
xige l’exploitation et l’esclavage d’innombrables
êtres
humains maintenus à cette fin dans l’obscurantisme ». La question n’e
1447
à cette fin dans l’obscurantisme ». La question n’
est
donc pas de savoir ce qu’on fait, ni même ce qu’on représente en fait
1448
moyennant le changement de signe dialectique qui
est
le réflexe normal de tout bon communiste. « Je vous assure, docteu
1449
intellectuels des appels, des invites qui parfois
sont
insultantes : « Libérez-vous ! dit-on aux intellectuels communistes.
1450
veut-on que nous nous libérions ? Jamais je ne me
suis
senti si libre ! » Ainsi parle Joliot-Curie, au congrès du PC françai
1451
e, au congrès du PC français. Cela prouve qu’il n’
est
pas africain, et qu’il n’habite pas en Égypte. Car, en effet… Non-
1452
tère démocratique ou non du gouvernement égyptien
est
l’affaire des Égyptiens eux-mêmes », déclare l’organe officiel du PC.
1453
ù Moscou l’approuve, de déclarer que sa dictature
est
« populaire » ou qu’elle n’est rien qu’une dictature.) Cette phrase e
1454
r que sa dictature est « populaire » ou qu’elle n’
est
rien qu’une dictature.) Cette phrase est capitale, parce qu’elle pous
1455
u’elle n’est rien qu’une dictature.) Cette phrase
est
capitale, parce qu’elle pousse à l’absurdité la logique jacobine d’un
1456
mot, c’est le fascisme essentiel. Le polythéisme
est
défendable : c’est une théologie de la coexistence. Le monothéisme es
1457
t une théologie de la coexistence. Le monothéisme
est
vrai. Mais la pluralité des monothéismes n’est pas seulement contradi
1458
me est vrai. Mais la pluralité des monothéismes n’
est
pas seulement contradictoire, elle rend l’existence impossible. Su
1459
ossible. Sur la dignité de l’artiste Bartók
est
mort aux États-Unis dans une situation matérielle qu’on me dit voisin
1460
ois, de l’importance de l’œuvre et du génie qu’il
est
. C’en est trop ! Tous crient au scandale, le grand public à cause de
1461
importance de l’œuvre et du génie qu’il est. C’en
est
trop ! Tous crient au scandale, le grand public à cause de l’œuvre, l
1462
explique » ? Mais expliquer un phénomène social n’
est
pas encore le justifier. ab. Rougemont Denis de, « Sur l’Europe à
1463
olomb n’a pas découvert l’Amérique, et lui-même n’
était
pas celui que l’on croit, mais un juif espagnol converti, qui avait c
1464
la Lune et la navigation vers les planètes, qui n’
est
qu’un rêve encore pour cette génération, se réalise au xxe siècle, q
1465
s étions partis à cause de cela ! Nos descendants
seront
dans l’erreur, cette petite note en soit témoin : à la date où je l’é
1466
ndants seront dans l’erreur, cette petite note en
soit
témoin : à la date où je l’écris, nous ne savons rien de ce qui peut
1467
iques. Sur la pluralité des satellites Il n’
est
point d’action créatrice sans quelque rêve qui la dirige, et qu’elle
1468
œufs, rêve de bœufs », dit le proverbe. L’inverse
est
aussi vrai, naturellement. Celui qui rêve de satellites en crée, quit
1469
lte. Il se peut qu’il en crée d’autant plus qu’il
est
moins sûr de leur fidélité, ou de la sienne. (Ainsi Don Juan multipli
1470
le siècle, on ira la chercher dans un temps qui n’
est
plus celui de l’Histoire : il est question que l’URSS et les États-Un
1471
un temps qui n’est plus celui de l’Histoire : il
est
question que l’URSS et les États-Unis lancent en commun des lunes art
1472
je l’espère, et beaucoup de Jaunes, les Rouges n’
étant
plus qu’un souvenir. L’action fille du rêve Nos rêves ne précèd
1473
vais d’abord imaginé ? Parce que tu m’as rêvé, je
suis
. Voilà qui est moins idéaliste que le cogito cartésien : il suffit de
1474
giné ? Parce que tu m’as rêvé, je suis. Voilà qui
est
moins idéaliste que le cogito cartésien : il suffit de poser comme ax
1475
odes, ou simplement aux lieux de son bonheur, qui
sont
presque toujours lointains ? En février 1946, vivant à New York et sé
1476
ar, en effet, la plupart de nos rêves millénaires
sont
déjà des réalités : parler au loin, voler dans la hauteur, transmuter
1477
après-demain nous rajeunirons, et l’immortalité n’
est
plus une utopie : on l’obtient in vitro pour d’importants organes.
1478
bien ainsi, à chaque instant depuis que le monde
est
monde, c’est-à-dire monde de formes et de matière, mais on ne l’a vér
1479
vieilles cosmogonies religieuses : le monde ne s’
est
manifesté dans ses apparences matérielles qu’à la faveur de son refle
1480
création sans un double. Or on sait que le Double
est
l’un des archétypes les plus anciens de la psyché humaine. Tous les f
1481
ski, et autres névrosés professionnels, le Double
est
synonyme de reflet dans le miroir, d’image du vrai moi, d’ombre, d’éc
1482
ne conclusion : les grands problèmes de demain ne
seront
plus politiques, mais consisteront à faire face aux solutions massive
1483
. La suppression de la condition prolétarienne ne
sera
pas le résultat du marxisme, comme l’imaginent encore nos derniers ma
1484
lles sources d’énergie. Le vrai problème nouveau
sera
de répondre au défi de nos grands rêves réalisés, — au défi de l’inva
1485
Budapest : on nous répète sans fin que la révolte
est
écrasée. Honte à nous tous Européens ! Et pas seulement à ceux qui se
1486
re — et pourquoi cesseraient-ils ? — la révolte n’
est
pas écrasée. Ne voit-on ces choses-là qu’en rêve ? Ces triomphes du j
1487
triomphes du juste et du vrai ? Pourtant Hitler s’
est
suicidé dans la débâcle, Mussolini a été fusillé, Staline et Beria li
1488
Hitler s’est suicidé dans la débâcle, Mussolini a
été
fusillé, Staline et Beria liquidés, Perón chassé — et les autres chan
1489
prison militaire m’avaient au moins prouvé qu’il
est
des mots qui portent. Mais les Russes sont si loin, et c’est pire.)
1490
é qu’il est des mots qui portent. Mais les Russes
sont
si loin, et c’est pire.) Nuit du 5 au 6 novembre 1956, à Paris
1491
béissent à des paroles. Et cette révolution, ce n’
est
pas le mouvement de l’Histoire qui a déclenché sa marche à jamais bou
1492
lenché sa marche à jamais bouleversante, et ce ne
sont
pas des hommes de main qui l’ont conduite, mais des hommes de parole
1493
répondre à leur appel ? Savoir ce qu’il faut dire
est
notre action. J’écrivais hier : Jurons de faire l’Europe. C’est la se
1494
encore chez ceux qui approuvent ce crime. Quelle
est
l’arme des hommes qui n’en ont point ? La grève. Déclarons donc la gr
1495
fernale logique du régime qu’ils approuvent. Ce n’
est
certes pas plus « rationnel » qu’un traitement de choc, ou que la grè
1496
ement. Refuser de serrer la main d’un homme, ce n’
est
pas tirer sur lui, ce n’est pas le gifler. Mais ce geste peut l’oblig
1497
main d’un homme, ce n’est pas tirer sur lui, ce n’
est
pas le gifler. Mais ce geste peut l’obliger à sentir qu’une limite es
1498
is ce geste peut l’obliger à sentir qu’une limite
est
atteinte, à se demander, fût-ce un instant, s’il ne l’aurait pas dépa
1499
sentir qu’une limite est atteinte, à se demander,
fût
-ce un instant, s’il ne l’aurait pas dépassée. (Traduit l’appel des éc
1500
écédent qui répond à l’appel de Budapest. Qu’elle
soit
presque unanime suffit presque à lui ôter cet aspect cruellement déri
1501
l’affaire du Guatemala et la tragédie de Budapest
est
tellement criante que l’effet d’humour noir paraît délibéré : je croi
1502
ir paraît délibéré : je crois pourtant qu’il ne l’
est
pas. C’est leur mauvaise conscience qui a trouvé cette astuce dont on
1503
a trouvé cette astuce dont on se demande si elle
est
plus indécente que pitoyable. A-t-on jamais « le droit » de s’indigne
1504
e ? Oui, disent-ils, à la seule condition d’avoir
été
complice de tout ce qui le préparait. Jeudi 8 novembre 1956, à Fer
1505
’à la place où les couleurs suisses et hongroises
furent
hissées, sous les projecteurs, pendant une minute de silence. Quatre-
1506
un cri, sans un mot, et peu n’ont pas pleuré. Il
est
frappant que la presse n’ait guère parlé, ce matin, que des incidents
1507
e seule, car l’Amérique du Nord n’a pas bougé — n’
est
pas encore définissable. Soulèvement émotif sans précédent. Quand la
1508
t toujours le même cri : « Que peut-on faire ? Je
suis
prêt à le faire avec vous. » « Agissez ! Agissez ! Agissez ! » — dern
1509
ope ! Pour qu’il y ait quelqu’un qui réponde, qui
soit
capable de réponse, ou responsable, lorsque d’autres appels viendront
1510
ala ? Et l’Algérie ? Vous ne protestez pas ? Vous
êtes
donc pour ? (Mais ceux-là ne me disent pas : et Berlin ? Et Poznań ?
1511
tiques ne feront rien. Le sacrifice de la Hongrie
est
sans mesure : elle a gagné. Nos gouvernants calculent et perdent à to
1512
il m’arrive, à Paris, d’appeler mon domicile, qui
est
à Ferney-Voltaire, dans l’Ain : « Veuillez épeler », dit la téléphoni
1513
comme Branca et Voltaire comme un fauteuil. — J’y
suis
. Dans quel département ? — L’Ain. Elle comprend « hein ? » et redeman
1514
emps, et cela se répète depuis neuf ans que je me
suis
arrêté dans cette ferme, au pied du Jura, face aux Alpes, à 8 kilomèt
1515
tue, grandeur nature, dans mon village. Mais ce n’
est
pas ce petit corps maigre et ce rire édenté de vieillard polisson qui
1516
un pays. Et certes personne ne l’aidait, mais il
était
fort riche et souvent généreux, pourvu d’une plume qui valait une arm
1517
r que vingt arbres, c’est toujours un bien qui ne
sera
pas perdu. » Les cèdres du Caucase, envoyés par la Grande Catherine,
1518
vieux père de famille. C’est ici que la publicité
fut
inventée. Voltaire n’écrivait plus une lettre aux princes intellectue
1519
ucoup mieux qu’à Genève… Donnez vos ordres : vous
serez
servis… Vous aurez de très belles montres et de très mauvais vers qua
1520
œufs, du lait, des fruits. Une jeune fille qui se
tient
au milieu d’eux, porteuse d’une corbeille fleurie, figure « le sentim
1521
ce. Les garçons défilent à cheval, en uniforme. «
Sont
-ce vos soldats ? » demande le prince de Hesse. « Non, mes amis ! », d
1522
r un ami commun de ce que j’habitais à Ferney : «
Est
-ce que Voltaire ne vient pas lui chatouiller la plante des pieds pend
1523
d’un coup leur grondement. Vous voyez que ce pays
est
le centre du monde. C’est ce que l’on pense toujours d’un lieu qu’on
1524
aime. Sur la tolérance Le Traité sur la tolérance
est
un joyeux fatras. On y trouve un récit de l’affaire Calas, des consid
1525
able escrime contre les jésuites fanatiques. Tout
est
démodé dans ce pamphlet, si l’on s’en tient à son prétexte et à sa le
1526
s. Tout est démodé dans ce pamphlet, si l’on s’en
tient
à son prétexte et à sa lettre. Tout redevient actuel si l’on remplace
1527
partis, enfin la Compagnie par le PC. Le problème
est
de savoir si la vraie tolérance permet que l’on tolère le Parti. Un M
1528
uite et aux deux missionnaires protestants qui se
sont
disputés devant lui : « Si vous voulez qu’on tolère ici votre doctrin
1529
qu’on tolère ici votre doctrine, commencez par n’
être
pas intolérants ni intolérables. » Ailleurs : « Il faut donc que les
1530
: « Il faut donc que les hommes commencent par n’
être
pas fanatiques pour mériter la tolérance. » Ailleurs encore, Voltaire
1531
our avoir chassé les jésuites car, dit-il, « ce n’
était
pas parce qu’il était intolérant, c’était au contraire parce que les
1532
ésuites car, dit-il, « ce n’était pas parce qu’il
était
intolérant, c’était au contraire parce que les jésuites l’étaient ».
1533
nt, c’était au contraire parce que les jésuites l’
étaient
». Ces arguments sont simples, et ils valent aujourd’hui comme en 176
1534
parce que les jésuites l’étaient ». Ces arguments
sont
simples, et ils valent aujourd’hui comme en 1763, mais non plus contr
1535
sur les méfaits du parti unique : « Les Japonais
étaient
les plus tolérants de tous les hommes ; douze religions paisibles éta
1536
ts de tous les hommes ; douze religions paisibles
étaient
établies dans leur empire ; les jésuites vinrent faire la treizième ;
1537
Il n’y a pas longtemps que l’Immaculée Conception
est
établie : les Dominicains n’y croient pas encore. Dans quel temps les
1538
des ouvriers : « Vous répondez que la différence
est
grande, que toutes les religions (lisez les partis) sont les ouvrages
1539
ande, que toutes les religions (lisez les partis)
sont
les ouvrages des hommes, et que l’Église romaine est seule l’ouvrage
1540
les ouvrages des hommes, et que l’Église romaine
est
seule l’ouvrage de Dieu. (Lisez : que le PC est seul dans le sens de
1541
e est seule l’ouvrage de Dieu. (Lisez : que le PC
est
seul dans le sens de l’Histoire.) Mais en bonne foi, parce que notre
1542
ire.) Mais en bonne foi, parce que notre religion
est
divine (lisez parce que notre Parti est socialiste), doit-elle régner
1543
religion est divine (lisez parce que notre Parti
est
socialiste), doit-elle régner par la haine, par les fureurs, par les
1544
dissolution nécessaire du PC. « Si leur institut
est
contraire aux lois du Royaume, on ne peut s’empêcher de dissoudre leu
1545
uites pour en faire des citoyens : ce qui au fond
est
un mal imaginaire, et un bien réel pour eux ; car où est le mal… d’êt
1546
mal imaginaire, et un bien réel pour eux ; car où
est
le mal… d’être libre au lieu d’être esclave ? » Là-dessus, l’on disc
1547
, et un bien réel pour eux ; car où est le mal… d’
être
libre au lieu d’être esclave ? » Là-dessus, l’on discutera sur l’opp
1548
r eux ; car où est le mal… d’être libre au lieu d’
être
esclave ? » Là-dessus, l’on discutera sur l’opportunité — qui varie
1549
e mesure que le droit justifie sans nul doute. Il
est
très bon qu’on en discute ouvertement, et que l’on recherche, en tous
1550
t réellement de l’interdiction prononcée — ce qui
est
loin d’être toujours sûr — mais encore si la classe ouvrière (que le
1551
t de l’interdiction prononcée — ce qui est loin d’
être
toujours sûr — mais encore si la classe ouvrière (que le PC prétend d
1552
me dit un jour, en riant beaucoup, que sa famille
était
apparentée à Voltaire. ae. Rougemont Denis de, « Sur Voltaire (Le p
1553
7)af Pourquoi l’on en parle La neutralité
est
une idée neuve en Europe. Elle semblait jusqu’ici réservée à la Suiss
1554
passe-t-il donc ? Dans la confusion générale, qui
est
celle où s’élaborent habituellement les notions vagues et puissantes,
1555
t d’intérêts, de phobies et de raisonnements, qui
sont
peut-être à l’origine du courant que je crois sentir vers la neutrali
1556
NU. La conjonction USA-URSS, si brève qu’elle ait
été
, et comme accidentelle, a suffi pour nous faire entrevoir un péril ju
1557
utralisme, provoquée par le drame de Budapest. Qu’
est
-ce, en somme, que le neutralisme ? Le contraire, à peu près, de ce qu
1558
lisme ? Le contraire, à peu près, de ce qu’il dit
être
. Une certaine manière de choisir entre l’URSS et les USA, comme si l’
1559
donc à choisir la politique de l’URSS. Celle-ci s’
étant
déshonorée, sans que les États-Unis s’honorent d’autant, une vraie ne
1560
té de la Hongrie, l’indication d’une attitude qui
serait
commune aux actuels États satellites dès l’instant de leur libération
1561
leur libération. Ces arguments ne manquent pas d’
être
invoqués par ceux qui trouvent dans la neutralité un alibi décent de
1562
itantes, l’abandon de l’alliance atlantique… Tels
sont
, sans doute, les faits récents, et les réactions à ces faits, qui exp
1563
neutralité de l’Europe. Mais ceux qui en parlent
sont
les mêmes qui me disaient hier encore : « Qu’est-ce que l’Europe ? »
1564
sont les mêmes qui me disaient hier encore : « Qu’
est
-ce que l’Europe ? » À mon tour de leur demander ce qu’ils entendent p
1565
ité J’ai dit plus haut pourquoi le neutralisme
est
littéralement un mensonge. (Ses partisans, d’ailleurs, le savent auss
1566
es d’Asie, Nehru dit oui, mais à la condition que
fussent
également condamnées les menées des anticommunistes — responsables sa
1567
t le diagnostic ! Cette espèce-là de neutralité s’
est
traduite par les abstentions du délégué de l’Inde lors des votes de l
1568
r le retrait des tanks de Budapest. Krishna Menon
est
resté neutre entre les criminels et les cris de leurs victimes. On a
1569
opposant des voisins immédiats comme les Suisses
sont
français, allemands ou italiens par leur langue, leur culture et leur
1570
culture et leurs affinités, la guerre des autres
serait
leur guerre civile. Qu’en est-il aujourd’hui ? Tout est changé. La no
1571
uerre des autres serait leur guerre civile. Qu’en
est
-il aujourd’hui ? Tout est changé. La notion d’équilibre européen a vé
1572
ur guerre civile. Qu’en est-il aujourd’hui ? Tout
est
changé. La notion d’équilibre européen a vécu. Les conflits qui menac
1573
la Suisse, mais l’Europe tout entière à ce qui n’
est
pas l’Europe. Si la Suisse, prétextant de sa neutralité, refusait de
1574
Suisse se dirait neutre entre l’Europe, dont elle
est
une partie centrale, et les ennemis de l’Europe entière ; neutre entr
1575
i militairement (l’union fédérale de la Suisse se
serait
disloquée en 1914, par exemple, les Romands tenant pour la France, le
1576
a renoncé à tout esprit de conquête, parce qu’il
est
satisfait de son sort. Dans ce dernier cas, il se refuse à toute alli
1577
tort d’y mêler de la morale. Car la neutralité n’
est
défendable qu’en tant que mesure politique, donc contingente et limit
1578
ne sais qui a pu écrire que « seul un État neutre
est
vraiment indépendant »61. Il est clair que l’inverse est vrai : seul
1579
l un État neutre est vraiment indépendant »61. Il
est
clair que l’inverse est vrai : seul un État vraiment indépendant pour
1580
iment indépendant »61. Il est clair que l’inverse
est
vrai : seul un État vraiment indépendant pourrait être absolument neu
1581
vrai : seul un État vraiment indépendant pourrait
être
absolument neutre. Je n’en vois guère que deux qui soient dans ce cas
1582
bsolument neutre. Je n’en vois guère que deux qui
soient
dans ce cas. Quasiment autarciques, plus puissamment armés que l’ense
1583
t de se conduire comme tels. Mais, au fait, ne le
sont
-il pas ? Ils le sont, non par libre choix, mais parce qu’ils possèden
1584
e tels. Mais, au fait, ne le sont-il pas ? Ils le
sont
, non par libre choix, mais parce qu’ils possèdent la Bombe H. Chacun
1585
tous deux perdants, faute de pouvoir jouer62. Ce
serait
fort bien s’ils étaient seuls, s’il n’y avait plus sur l’échiquier qu
1586
ute de pouvoir jouer62. Ce serait fort bien s’ils
étaient
seuls, s’il n’y avait plus sur l’échiquier que les deux rois, dès lor
1587
ns plus servir au jeu des Grands, disent-ils, ils
sont
capables de nous laisser prendre par simple peur de s’affronter. Il f
1588
e de neutralité morale, ou « neutralisme », comme
étant
insensée ou de mauvaise foi, voyons si les motifs d’une vraie neutral
1589
limitée et contingente, comme celle des Suisses)
sont
réalisés en Europe, pour l’ensemble de nos nations soi-disant souvera
1590
pas l’intégrité du groupe d’États considéré. Ce n’
est
pas le cas de l’Europe, qui ne serait pas intégrale sans les pays de
1591
onsidéré. Ce n’est pas le cas de l’Europe, qui ne
serait
pas intégrale sans les pays de l’Est colonisés par l’URSS. 2. Une pri
1592
e, qui ne serait pas intégrale sans les pays de l’
Est
colonisés par l’URSS. 2. Une prise de parti militaire dans les confli
1593
si l’on n’y croit pas, ce motif de neutralité ne
tient
plus. 3. Le groupe d’États considéré se réserve un rôle humanitaire,
1594
s alliés, sa défense. Ces conditions ne sauraient
être
réunies que dans le cas d’une Europe vraiment unie, par où j’entends
1595
tends une Europe intégrale incluant les pays de l’
Est
, dotée d’un pouvoir fédéral, d’un Parlement et d’une armée. Une neutr
1596
se » n’aurait donc aucun sens avant l’union. Elle
serait
pratiquement impossible sans un Pouvoir qui la déclare et qui l’assum
1597
déclare et qui l’assume, et elle ne saurait donc
être
considérée comme un objectif souhaitable que par ceux qu’animerait en
1598
diversion Il y a deux ou trois ans que l’idée
fut
émise de faire un peu de vide entre les blocs. Neutralisons les États
1599
ngageons » les forces armées des blocs et le tour
sera
joué. Ce fut d’abord l’idée d’Eden. Un peu étroite. Elle revenait en
1600
forces armées des blocs et le tour sera joué. Ce
fut
d’abord l’idée d’Eden. Un peu étroite. Elle revenait en somme à créer
1601
la spéculation politique et journalistique, elle
est
brillante. Elle fait appel à l’empirisme toujours-un-peu-boiteux-mais
1602
s sur l’échiquier américain, livrer les pays de l’
Est
aux entreprises des Russes (ces pays « pourront d’ailleurs rester com
1603
tes de l’Ouest ? L’Amérique, cela va de soi, elle
est
là pour payer — et l’on sait que les bombes H coûtent plus cher que n
1604
cher que nos divisions réunies — mais alors c’en
sera
fait de l’espoir d’une indépendance reconquise. Et qui se laissera co
1605
es, enchantés de nous voir jouer leur jeu, ils ne
seront
pas si bêtes que de nous décourager : tout ce qui peut faire obstacle
1606
re union les sert. Mais on ne peut espérer qu’ils
seront
assez fous pour laisser nos pays de l’Est rejeter le communisme détes
1607
’ils seront assez fous pour laisser nos pays de l’
Est
rejeter le communisme détesté. Or ce n’est pas seulement leur présenc
1608
s de l’Est rejeter le communisme détesté. Or ce n’
est
pas seulement leur présence militaire qui assure les régimes « popula
1609
e. Ce qui maintient le système dans les pays de l’
Est
, c’est la simple menace d’une intervention russe. Les troupes russes
1610
dapest, de Bucarest et de Leipzig, comme elles se
sont
déjà retirées de Prague, sûres qu’elles sont de pouvoir y rentrer sit
1611
s se sont déjà retirées de Prague, sûres qu’elles
sont
de pouvoir y rentrer sitôt que les régimes communistes s’y trouveraie
1612
Il n’y aurait que les bombes H américaines. Or il
est
clair que ces bombes H ne seront jamais utilisées si les Russes inter
1613
américaines. Or il est clair que ces bombes H ne
seront
jamais utilisées si les Russes interviennent chez les « neutres » de
1614
es Russes interviennent chez les « neutres » de l’
Est
. Quant aux « neutres » de l’Ouest, la question ne se pose pas. Imagin
1615
ance, une Italie passant au communisme ? Le jeu n’
est
pas égal et les dés sont pipés. L’Europe neutralisée, sans union préa
1616
au communisme ? Le jeu n’est pas égal et les dés
sont
pipés. L’Europe neutralisée, sans union préalable, serait donnée par
1617
ipés. L’Europe neutralisée, sans union préalable,
serait
donnée par Bevan aux Russes. De plus, elle serait condamnée au perman
1618
serait donnée par Bevan aux Russes. De plus, elle
serait
condamnée au permanent désordre économique entretenu par ses division
1619
ne » (la CECA, le Marché commun, l’UEO et l’OECE)
serait
immédiatement sacrifié si l’Europe était découpée en zone « désengagé
1620
l’OECE) serait immédiatement sacrifié si l’Europe
était
découpée en zone « désengagée » et en zone « atlantique ». Sans l’All
1621
zone « atlantique ». Sans l’Allemagne, les Six ne
sont
rien ; sans les Six, l’union ne se fera pas. Le vrai problème S
1622
ose, on s’aperçoit que la seule question concrète
est
l’indépendance de l’Europe. Car il faut être indépendant pour rester
1623
crète est l’indépendance de l’Europe. Car il faut
être
indépendant pour rester neutre ou pouvoir se déclarer tel. Mais nous
1624
r neutre ou pouvoir se déclarer tel. Mais nous ne
serons
jamais indépendants si nous refusons de nous fédérer. Ici, deux grand
1625
ns se posent : 1° L’union faite, cette neutralité
serait
-elle « dans les vrais intérêts » de l’humanité entière et de l’Europe
1626
eutres de l’Europe ; adhérer à une fédération qui
serait
neutre aussitôt que faite, n’entraînerait plus pour eux nul changemen
1627
e ennemis d’hier, pour que les deux « dernières »
soient
vraiment les dernières, aurait de quoi les émouvoir. Et prenons enfin
1628
nte que le service militaire national. (Même s’il
est
vrai que les jeunes sont facilement dupés, pourra-t-on leur cacher lo
1629
aire national. (Même s’il est vrai que les jeunes
sont
facilement dupés, pourra-t-on leur cacher longtemps que nos armées na
1630
raie condition d’une neutralité générale. Quelles
seront
alors les chances de l’Europe et de la paix ? Unie, neutre, et armée,
1631
it son union, ce qui implique : que les pays de l’
Est
l’aient librement rejointe, qu’elle soit capable de défendre et d’aff
1632
pays de l’Est l’aient librement rejointe, qu’elle
soit
capable de défendre et d’affirmer son indépendance politique à l’éche
1633
taire, seule valable aujourd’hui, — bref, qu’elle
soit
devenue le Troisième Roi sur l’échiquier du monde occidental. Chemin
1634
ent acceptable — se devrait et devrait au monde d’
être
doublement limitée dans sa nature et ses motivations. Elle serait str
1635
t limitée dans sa nature et ses motivations. Elle
serait
strictement militaire, non pas morale, ni même économique. Elle signi
1636
signifierait strictement le refus des Européens d’
être
utilisés ou « donnés » comme des pions ou des pièces secondaires, dan
1637
, et à se disposer en conséquence. 2. Si la trêve
est
rompue entre les deux blocs, l’Europe n’est pas entraînée automatique
1638
trêve est rompue entre les deux blocs, l’Europe n’
est
pas entraînée automatiquement dans le conflit. Cette certitude diminu
1639
sibles, aujourd’hui, il y a d’abord les pays de l’
Est
européen. Devant une Europe désunie et l’implicite neutralité américa
1640
omme l’écrasement de la Hongrie. Mais, une fois l’
Est
inclus dans l’Union neutre, toute intervention russe chez un ex-satel
1641
otifs, l’Europe restant neutre, — ou bien les USA
sont
rapidement vainqueurs, et alors l’Europe est là pour aider une nouvel
1642
USA sont rapidement vainqueurs, et alors l’Europe
est
là pour aider une nouvelle Russie à réintégrer la communauté occident
1643
s à l’Ouest, mais gagne en force relativement à l’
Est
, du seul fait qu’elle demeure intacte. 5. Si l’on entend prévenir l’é
1644
t se range automatiquement aux côtés de celui qui
est
attaqué. Ceci produit l’arrêt du jeu entre les Trois (paix occidental
1645
éâtres, la faculté de manœuvre de l’Europe ? Elle
est
évidemment restreinte par la volonté de ne rien faire qui puisse caus
1646
ses antieuropéennes au Moyen-Orient ou en Afrique
sont
refrénées elles aussi par la puissance nouvelle de l’Europe unie et p
1647
res, et l’on voit que mes premiers résultats n’en
sont
pas moins d’une assez grande complexité. Je suis fort loin d’être arr
1648
sont pas moins d’une assez grande complexité. Je
suis
fort loin d’être arrivé à la conclusion univoque dont j’avais quelque
1649
’une assez grande complexité. Je suis fort loin d’
être
arrivé à la conclusion univoque dont j’avais quelque idée qu’elle pou
1650
sa neutralité en cas de conflit américano-russe,
serait
un facteur de stabilisation, parce qu’elle contribuerait à prévenir l
1651
rtant la guerre éclatait, l’Europe neutre et unie
serait
en meilleure posture pour se défendre contre l’URSS. b) Le véritable
1652
ns du mot neutralité, appliqué à l’Europe unie, n’
est
rien d’autre qu’indépendance. c) Mais cette indépendance n’existerai
1653
refus de se laisser manœuvrer par ces puissances,
soit
en marge de leur jeu bloqué, soit dans ce jeu s’il devait repartir. d
1654
ces puissances, soit en marge de leur jeu bloqué,
soit
dans ce jeu s’il devait repartir. d) L’Europe neutre et unie devrait
1655
tion typique de maxima contradictoires. L’optimum
serait
en vue s’il était reconnu que cette limitation de l’esprit d’aventure
1656
ima contradictoires. L’optimum serait en vue s’il
était
reconnu que cette limitation de l’esprit d’aventure correspond à un m
1657
’abord son union fédérale, incluant les pays de l’
Est
, et garantie par les deux blocs. Le meilleur argument qui subsiste en
1658
es voies de cette union en ralliant les pays de l’
Est
. 64. Voir ma chronique de mars et d’avril. ah. Rougemont Denis
1659
s pour démontrer que la politique des communistes
était
juste, M. Sartre publie dans la même revue 119 pages pour démontrer q
1660
evue 119 pages pour démontrer que cette politique
était
fausse. Motif du revirement : l’intervention russe à Budapest. « Pers
1661
à Budapest. « Personne n’a vu que l’intervention
était
l’expression d’une politique », écrit Sartre. Admettons que personne
1662
es dans leur succession : la politique soviétique
est
juste, Budapest est l’expression de cette politique, et je suis le se
1663
ion : la politique soviétique est juste, Budapest
est
l’expression de cette politique, et je suis le seul à le voir, mais B
1664
dapest est l’expression de cette politique, et je
suis
le seul à le voir, mais Budapest est une faute grave, donc cette poli
1665
ique, et je suis le seul à le voir, mais Budapest
est
une faute grave, donc cette politique était fausse, et j’ai seul le d
1666
udapest est une faute grave, donc cette politique
était
fausse, et j’ai seul le droit de le dire, l’ayant soutenue jusqu’au d
1667
’exprimer normalement par Budapest — comme elle s’
était
« exprimée » par Berlin et Poznań — ils ne sont pas dans le sens de l
1668
’était « exprimée » par Berlin et Poznań — ils ne
sont
pas dans le sens de l’Histoire ; ce qui leur ôte le droit de faire re
1669
Sartre depuis quelques années devaient s’attendre
soit
à ce qu’il justifiât Budapest, soit à ce qu’il fit précéder d’un mea
1670
nt s’attendre soit à ce qu’il justifiât Budapest,
soit
à ce qu’il fit précéder d’un mea culpa sa condamnation du crime. Mais
1671
es à ceux qui osent condamner le crime sans avoir
été
les complices de la politique qu’il exprime. Si M. Sartre n’a pu « d
1672
a pu « digérer » Budapest, comme il l’écrit, ce n’
est
point qu’il ait cédé à un réflexe irrépressible d’écœurement, et ce n
1673
à un réflexe irrépressible d’écœurement, et ce n’
est
surtout pas au nom de quelque « morale » qui dénoncerait le crime com
1674
au nom de laquelle l’affaire de Budapest pourrait
être
jugée par quiconque. Et seul Sartre, parlant au nom du Socialisme, a
1675
qu’on le veuille ou non, l’édification socialiste
est
privilégiée en ceci qu’on doit, pour la comprendre, épouser son mouve
1676
euvent et doivent juger ceux qui participent, à l’
Est
et à l’Ouest, au mouvement du Socialisme ». Traduisons : le privilège
1677
e du Socialisme, consiste en ceci, qu’il « doit »
être
le seul à bénéficier des conditions normales de la compréhension, tan
1678
pprécier toutes les autres entreprises ». Mais qu’
est
-ce que le Socialisme ? Toutes ses formes existantes sont condamnées s
1679
que le Socialisme ? Toutes ses formes existantes
sont
condamnées sans exception par Sartre : communisme, trotskisme, social
1680
l point de vue transcendant qu’il accepte, et qui
est
« le Socialisme lui-même ». Mais qui incarne cette essence ? Sartre s
1681
is qui incarne cette essence ? Sartre seul, qui s’
est
mis en situation de n’être reconnu comme camarade valable par aucun d
1682
ce ? Sartre seul, qui s’est mis en situation de n’
être
reconnu comme camarade valable par aucun des partis, groupements ou g
1683
ù Sartre épuise une « vaine passion » morigénante
sera-t
-elle donc l’existentialisme ? Deux confusions et deux Suisses L
1684
sses Le même Sartre écrivait naguère que je me
suis
tu sur Suez mais « abondamment expliqué sur Budapest ». Or c’est lui
1685
s articles qui font douze pages en tout. Si c’est
être
abondant, il n’y a pas de mot pour Sartre qui a donné trois-cents pag
1686
jeures de notre temps. » De plus fins que moi s’y
sont
laissé prendre, il est vrai. Mais mes deux censeurs se rejoignent dan
1687
De plus fins que moi s’y sont laissé prendre, il
est
vrai. Mais mes deux censeurs se rejoignent dans une inquiétante décou
1688
on côté, Aspects de la France croit savoir que je
suis
Suisse, trouve que j’ai bien de la chance, mais que cela m’ôte le dro
1689
ées sur le vu d’un passeport ? Mon point de vue n’
est
pas national, comme le suggère le titre même de cette chronique. Au f
1690
ère le titre même de cette chronique. Au fait, ne
serait
-ce pas là l’explication ? Ferney rappelle un écrivain connu qui signa
1691
ait un manifeste. Signer : le Suisse Rougemont ne
serait
qu’un pléonasme. On se contentera du nom d’Européen. Tolérer l’int
1692
ur but l’abolition du parlementarisme. Il ne peut
être
question de l’utilisation des institutions gouvernementales bourgeois
1693
adversaire annonce expressément que son intention
est
de tricher, d’abolir les règles, et de liquider l’arbitre, faut-il co
1694
ut-il continuer la partie ? Le Parti communiste s’
est
toujours réclamé du socialisme, doctrine soucieuse de la défense des
1695
En fait, chacun peut voir que le Parti communiste
est
celui des privilégiés dans tous les pays où il détient le pouvoir. En
1696
es pays où il détient le pouvoir. En France, il n’
est
encore que le parti privilégié, le seul auquel on laisse le droit de
1697
. Mais, dans nos pays socialistes ou libéraux, ne
serait
-il pas temps de faire respecter les règles et de mettre fin au privil
1698
cheurs avérés, invétérés et systématiques ? Telle
est
la proposition centrale du dernier livre de Suzanne Labin, Les Entret
1699
à son égard : il demande, au contraire, que le PC
soit
remis sous l’empire des lois communes, et qu’on cesse de le laisser j
1700
preuve de l’efficacité probable de telles clauses
est
fournie par les cris d’indignation qui s’élèvent de la presse communi
1701
a presse communiste, au seul énoncé du projet. Il
serait
plus habile de feindre que ces mesures n’ont rien de gênant pour le P
1702
our le Parti, mais un point trop sensible vient d’
être
touché, les réflexes sont plus forts que tout, le cri part, et l’on s
1703
t trop sensible vient d’être touché, les réflexes
sont
plus forts que tout, le cri part, et l’on s’est trahi… Fort brillamme
1704
sont plus forts que tout, le cri part, et l’on s’
est
trahi… Fort brillamment écrit d’un bout à l’autre, ce livre accroche
1705
que j’aie lu ces dernières années, mais peut-être
est
-il trop complet, trop insistant : Voltaire pensait ainsi, mais le dis
1706
à l’esprit d’un libéral, et je crois bien qu’il n’
est
pas une de celles qu’on lui opposera, que Suzanne Labin n’ait déjà pl
1707
l’opportunité et de la stratégie politique, je ne
suis
nullement partisan d’une interdiction du PC, encore qu’il soit normal
1708
t partisan d’une interdiction du PC, encore qu’il
soit
normal d’en discuter : le projet de Code civique, vraie nouveauté du
1709
projet de Code civique, vraie nouveauté du livre,
serait
à tous égards plus efficace. On objecte que les lois existantes suffi
1710
e que les lois existantes suffisent bien, mais il
est
visible que non ; et d’ailleurs, on ne se souciera de les appliquer q
1711
À ceux-ci l’on peut faire observer : 1° que c’est
être
antilibéral que de tolérer l’inapplication des quelques lois existant
1712
ibertés politiques ; 2° que la menace totalitaire
étant
nouvelle, il convient d’innover pour la prévenir. ai. Rougemont D
1713
les politiques, dès la fin du xviiie siècle, ont
été
idéologiques, pour avoir été initiées par des intellectuels prétendan
1714
xviiie siècle, ont été idéologiques, pour avoir
été
initiées par des intellectuels prétendant à ce nom, des encyclopédist
1715
tant que tel, que pour ceux qui le formulent. Il
est
donc impossible, par définition, qu’il détienne plus ou moins de « ne
1716
s de « netteté » intrinsèque dans une réalité qui
serait
indépendante soit des idéologues, soit des savants qui l’ont posé et
1717
rinsèque dans une réalité qui serait indépendante
soit
des idéologues, soit des savants qui l’ont posé et qui en débattent.
1718
lité qui serait indépendante soit des idéologues,
soit
des savants qui l’ont posé et qui en débattent. Il est vain de recule
1719
es savants qui l’ont posé et qui en débattent. Il
est
vain de reculer devant ces deux évidences : les conflits idéologiques
1720
nt ces deux évidences : les conflits idéologiques
sont
le fait des intellectuels, et ils dominent la politique concrète de n
1721
On entend suggérer par là que l’union de l’Europe
est
une chimère, un faux problème. Quel problème ne serait faux, à ce com
1722
t une chimère, un faux problème. Quel problème ne
serait
faux, à ce compte ? Attribuer celui-ci aux seuls intellectuels (les m
1723
oudre. On se retourne alors vers les réalités qui
sont
censées intéresser les masses, mais c’est encore pour essayer de mont
1724
e pour essayer de montrer que l’union de l’Europe
est
une idée suspecte, dès qu’elle cesse d’être inefficace. On nous rappe
1725
Europe est une idée suspecte, dès qu’elle cesse d’
être
inefficace. On nous rappelle qu’Hitler a voulu faire l’Europe, et Nap
1726
ents de résistance de tous nos pays envahis que s’
est
nouée l’idée d’une fédération libre, mettant fin tout d’abord aux ave
1727
ellectuels — pas trop nombreux d’ailleurs — aient
été
les premiers à vouloir notre union prouve en faveur de leur lucidité
1728
e qui a marqué, pour le meilleur et pour le pire,
est
sorti de petits groupes d’idéologues. À supposer que je sois contre l
1729
de petits groupes d’idéologues. À supposer que je
sois
contre l’union de l’Europe, si l’on me disait que c’est une affaire d
1730
disait que c’est une affaire d’intellectuels, je
serais
inquiet. Sur une hypocrisie des pseudo-libéraux Refuser l’usage
1731
force contre ceux qui ont juré d’en abuser, ce n’
est
pas laisser des chances égales à tous, comme le prétend la théorie. C
1732
l’ennemi qui le supprime. Et, par la suite, ce ne
sont
jamais les libéraux qui rétablissent la liberté, mais la force brutal
1733
n ne croit pas au reproche qu’on lui fait. Car il
est
clair qu’un vrai parti totalitaire a tous les droits, en régime libér
1734
ples ». Mais il le fait à coups de clichés, et ce
sont
ces clichés qu’il « promeut », plus qu’une vraie connaissance mutuell
1735
us qu’une vraie connaissance mutuelle. La méthode
est
sûrement réaliste. Elle traite les idées préconçues. Or ce sont ces i
1736
réaliste. Elle traite les idées préconçues. Or ce
sont
ces idées qui mettent les gens en route, et non pas la soif d’inconnu
1737
ine de pays. Et je doute, une fois de plus, qu’il
soit
bon de se connaître, que les échanges entre les peuples aident les ho
1738
d’eux invitait tel des autres à sa table, ce qui
est
à peine imaginable, ils n’auraient pas grand-chose à se dire, à suppo
1739
pas la fédération suisse de tourner rond : elle n’
est
pas une affaire de sentiment, ni même de connaissance mutuelle, mais
1740
n de fédérer l’Europe, si nous y parvenons, ce ne
sera
qu’en surmontant les irritations évidentes qu’il nous arrive de nous
1741
vues « superficielles », non sans raison, car ce
sont
celles qu’on lui attribue. Mais on admet pourtant « qu’il paraît tomb
1742
véritable de son livre… Ce faux, bien entendu, n’
est
pas signé. Mœurs courantes, me dit-on, on ne répond pas à cela. Je pe
1743
septembre 1957)al Les joyeux Butors du Kremlin
sont
quatre de moins, est-ce un gain ? Une seule chose me paraît certaine
1744
es joyeux Butors du Kremlin sont quatre de moins,
est
-ce un gain ? Une seule chose me paraît certaine : ce ne sont pas les
1745
gain ? Une seule chose me paraît certaine : ce ne
sont
pas les plus gais qui s’en vont. Mais chercher si ce sont les plus du
1746
les plus gais qui s’en vont. Mais chercher si ce
sont
les plus durs, les plus mous, les plus souples ou les plus staliniens
1747
lus mous, les plus souples ou les plus staliniens
est
un jeu dont Boris Souvarine a montré toute la vanité. Que le régime s
1748
montré toute la vanité. Que le régime soviétique
soit
en crise, on le savait. Toute dictature est un régime de crise, un mo
1749
ique soit en crise, on le savait. Toute dictature
est
un régime de crise, un moyen de gouverner sans résoudre la crise et m
1750
a crise et même en s’appuyant sur elle. Mais ce n’
est
pas du devenir soviétique que dépend le sort de l’Europe, la menace d
1751
monte ou non sa crise congénitale, elle a cessé d’
être
l’espoir du monde depuis qu’elle n’en est plus la peur. Qu’elle réuss
1752
essé d’être l’espoir du monde depuis qu’elle n’en
est
plus la peur. Qu’elle réussisse ou non à se démocratiser par les moye
1753
s slogans, et ses déficits par des purges, elle s’
est
mise étrangement en marge du grand jeu. Ou disons plutôt que le vrai
1754
elles qui se trouvent sans défense contre lui. Ce
sont
peut-être toutes les sociétés humaines, à l’exception, partielle seul
1755
e, depuis un siècle et demi, tant bien que mal il
est
vrai, contre ses propres inventions, et les assimiler, non sans dégât
1756
préfèrent qualifier d’adaptation sociale. Ils se
sont
mis hors d’état de sentir ou même d’identifier les éléments du drame
1757
nt pas mordu sur la réalité. Mais nos démocraties
étant
ce qu’elles sont, il fallait en passer par là pour préparer les prise
1758
a réalité. Mais nos démocraties étant ce qu’elles
sont
, il fallait en passer par là pour préparer les prises de conscience n
1759
rer les prises de conscience nécessaires. Rien ne
serait
plus injuste que de dire aux Français qu’ils ont mis beaucoup de temp
1760
à comprendre la gravité de la situation : ils ont
été
somme toute les premiers à le faire, et les seuls jusqu’ici, autant q
1761
au point — au point tragique. La France, dit-on,
est
un procès perpétuel intenté par tous à chacun et par chacun à tous. N
1762
un seul point : la condamnation de la France. Il
est
temps que les Français se regroupent, face à la convergence de ces at
1763
catégories. Il dépasse également la France. Ce n’
est
point parce que la France aurait été plus « colonialiste » que d’autr
1764
rance. Ce n’est point parce que la France aurait
été
plus « colonialiste » que d’autres que le drame algérien s’est noué.
1765
lonialiste » que d’autres que le drame algérien s’
est
noué. Ce n’est pas une politique de gauche ou de droite ou de nouvell
1766
e d’autres que le drame algérien s’est noué. Ce n’
est
pas une politique de gauche ou de droite ou de nouvelle gauche ou de
1767
aurait pu modifier les données de ce drame. Ce n’
est
pas la France comme entité nationale et politique qui peut être ici m
1768
ance comme entité nationale et politique qui peut
être
ici mise en cause, mais bien la civilisation européenne tout entière,
1769
nies, dont le seul dénominateur commun ne saurait
être
que l’ignorance de la nature et du nom même des réalités en présence.
1770
s’agit de reconnaître que l’affaire algérienne n’
est
plus (si elle le fut jamais) une affaire nationale, ni même internati
1771
e que l’affaire algérienne n’est plus (si elle le
fut
jamais) une affaire nationale, ni même internationale, parce qu’elle
1772
de civilisation et non d’un tribunal quelconque,
fût
-il de « l’opinion mondiale ». Qui pourrait se charger d’élaborer cett
1773
emande un débat sur le fond, dont les politiciens
sont
incapables, seuls. Elle exige la convocation d’un grand concile œcumé
1774
Mais voici l’échéance de septembre. Et tout peut
être
compromis. Il se trouve que la France, une fois de plus dans l’histoi
1775
que la France, une fois de plus dans l’histoire,
est
aux prises avec un problème intéressant l’humanité entière, et qu’ell
1776
dre que le drame algérien l’intéresse vitalement,
étant
celui de l’aventure occidentale tout entière ? Et les autres pays de
1777
tres pays de l’Europe verront-ils que la France n’
est
ici que leur avant-garde exposée ? L’échéance de septembre sera celle
1778
eur avant-garde exposée ? L’échéance de septembre
sera
celle de l’Europe, au-delà de la France déchirée. Et de l’Occident pe
1779
Pourquoi je
suis
Européen (octobre 1957)ak L’Europe se fait. La petite Europe des S
1780
disent les autres, si l’on ne s’arrête pas là. Il
est
clair que l’Europe des Six n’est qu’un moyen. La fin, c’est l’union f
1781
rrête pas là. Il est clair que l’Europe des Six n’
est
qu’un moyen. La fin, c’est l’union fédérale de tous les peuples qui s
1782
ur les frontières à venir de cette union : nul ne
sera
contraint d’entrer, et nul exclu. Tout dépendra des libres décisions
1783
hommes de formation et de nations différentes en
sont
venus à reconnaître que l’Europe existe pour eux, que la nécessité de
1784
Suisses suivront. Quant aux jeunes des pays de l’
Est
, il est possible qu’ils nous apportent les témoignages les plus arden
1785
n union. ak. Rougemont Denis de, « Pourquoi je
suis
Européen », Preuves, Paris, octobre 1957, p. 2.
1786
nt pas l’artificiel n’ont qu’à brouter. A. — Vous
êtes
bien dur et bien maussade. R. — C’est qu’il y a de quoi ! Venise n’a
1787
rtificiel qu’une villa de banlieue, mais la Place
est
sublime. Il faut en interdire l’accès à ceux qui pensent et qui parle
1788
Ce que vous dites-là, ce permis de voyager, ce n’
est
pas très… démocratique ? R. — Ce ne l’est pas le moins du monde, et a
1789
r, ce n’est pas très… démocratique ? R. — Ce ne l’
est
pas le moins du monde, et après ? Vous croyez à la Démocratie ? A. —
1790
que les canaux sentent mauvais et que la Place n’
est
pas bien régulière. Voyez-vous, c’est l’immense Problème des Loisirs
1791
u subtils, prouvant au moins leur innocence. Ce n’
est
pas une affaire de classe, notez-le bien. Presque toutes les mondaine
1792
est entendu. Mais sous le nom de démocratie, ce n’
est
qu’une démocratie mal éduquée, insuffisamment éduquée, que vous sembl
1793
le qui m’a fait voir le mieux que la Démocratie n’
est
pas le dernier mot de la sagesse politique. Éduquer, c’est conduire h
1794
pprendre au jeune homme qu’il doit faire ce qu’il
est
seul au monde à juger bon pour lui (même s’il se trompe) et cela cont
1795
ompe) et cela contre l’avis de la majorité ; elle
est
incompétente dans son cas, s’il est vraiment quelqu’un et s’il veut l
1796
jorité ; elle est incompétente dans son cas, s’il
est
vraiment quelqu’un et s’il veut le prouver. Éduquer, c’est apprendre
1797
émocratique. A. — Vous faites du paradoxe, vous n’
êtes
pas « bien sérieux ». R. — Je suis aussi sérieux que l’étymologie. Dé
1798
radoxe, vous n’êtes pas « bien sérieux ». R. — Je
suis
aussi sérieux que l’étymologie. Démocratie veut dire pouvoir du peupl
1799
ur insister clairement. La démocratie populaire n’
est
en fait que la suppression de certains procédés qu’on dit démocratiqu
1800
re de la dictature et de l’arbitraire du Pouvoir.
Seriez
-vous devenu fasciste ? R. — C’est ce qu’on lance à la tête de quiconq
1801
émet le moindre doute sur la Démocratie. Le terme
est
devenu tabou. La raison en est évidente : Hitler et Mussolini ayant r
1802
mocratie. Le terme est devenu tabou. La raison en
est
évidente : Hitler et Mussolini ayant raillé la Démocratie, tous ceux
1803
t réalisé tout cela bien mieux que nous, car nous
sommes
restés à mi-chemin, en marchant dans la même direction. A. — Il faut
1804
trouvera bien un jour, et je n’ose espérer qu’il
soit
exact. Ce sera peut-être encore Démocratie, qui sait ? car ce genre d
1805
un jour, et je n’ose espérer qu’il soit exact. Ce
sera
peut-être encore Démocratie, qui sait ? car ce genre de mot sert à to
1806
arce que vous les croyez démocratiques, quand ils
sont
aristocratiques. A. — Comme par exemple ? R. — L’éducation ouverte à
1807
ser la promotion au pouvoir des meilleurs, ce qui
est
contraire à l’égalitarisme, au moins autant qu’aux privilèges hérédit
1808
oir l’étymologie — avec ce régime du bon sens que
serait
l’Aristocratie66. Tout le pouvoir aux élites véritables ! Mais il s’a
1809
er que l’élection libre par le suffrage universel
est
le meilleur moyen de garantir les libertés fondamentales en renouvela
1810
R. — Puis-je vous faire observer que l’élection n’
est
pas un procédé démocratique, si la démocratie repose sur le principe
1811
cratie repose sur le principe que tous les hommes
sont
égaux ? Mais vous n’y croyez pas, à ce principe de base. La preuve en
1812
y croyez pas, à ce principe de base. La preuve en
est
que vous approuvez les élections. A. — Je ne vous suis plus. R. — C’e
1813
que vous approuvez les élections. A. — Je ne vous
suis
plus. R. — C’est pourtant simple. Si les démocraties égalitaires croy
1814
r C, jusqu’à Z et retour. Ou bien tous les hommes
sont
égaux, alors prenez n’importe qui, ou bien certains semblent meilleur
1815
e procédé antidémocratique ? R. — Cette raison ne
serait
pas suffisante. Voyons plutôt le mérite du procédé. Il me paraît fort
1816
qui les passionne ou que l’on peut vérifier, il n’
est
plus question de voter. Personne ne veut élire au suffrage universel
1817
nteur, un poète, un pilote de canal. Le procédé n’
est
bon que pour les députés. A. — Vous oubliez le président américain. R
1818
rincipes, l’efficacité et le bon sens. Les hommes
étant
ce qu’ils sont, Truman gouvernait bien. Cela réussit une fois sur deu
1819
cacité et le bon sens. Les hommes étant ce qu’ils
sont
, Truman gouvernait bien. Cela réussit une fois sur deux, proportion j
1820
viendraient alors les libertés humaines ? R. — Il
est
douteux que l’homme soit libre. Luther le nie énergiquement, et la cy
1821
bertés humaines ? R. — Il est douteux que l’homme
soit
libre. Luther le nie énergiquement, et la cybernétique lui donne rais
1822
lui donne raison. Seules les libertés politiques
sont
des réalités incontestables. Ce sont elles que nous défendons sous le
1823
s politiques sont des réalités incontestables. Ce
sont
elles que nous défendons sous le nom de démocratie, qui est une fauss
1824
que nous défendons sous le nom de démocratie, qui
est
une fausse étiquette, sans nul doute. Le malheur veut qu’elles abouti
1825
A. (chuchotant). — Et après ? R. — Nos ministères
seront
remplacés par des cerveaux électroniques, seuls capables de digérer l
1826
de ses résultantes réelles. A. — Les machines en
tiendront
-elles compte ? R. — Ce qu’il faut revendiquer, désormais, laissant to
1827
sur lesquelles ces cerveaux ne fonctionnent pas,
soient
dictées par un petit groupe de savants, d’esthètes et de saints. A. —
1828
vieux système… Il a bien peu de chances… R. — Ce
sont
les chances de l’homme. La nuit est là. Les dômes dorés de la Basili
1829
es… R. — Ce sont les chances de l’homme. La nuit
est
là. Les dômes dorés de la Basilique sont éteints. Les pigeons dorment
1830
La nuit est là. Les dômes dorés de la Basilique
sont
éteints. Les pigeons dorment aux façades. Tout au fond de la Place dé
1831
. Aristocratie : de aristo, excellent, et krateo,
être
fort : domination des meilleurs. am. Rougemont Denis de, « Sur le c
1832
re 1957)an Un Américain. — Pourquoi la France
est
-elle tellement cynique ? Je viens de passer quelques mois à Paris. To
1833
la même impression générale — comme si le cynisme
était
la seule issue d’une perpétuelle irritation contre le train du monde,
1834
le train du monde, qu’on ne peut plus changer. Je
suis
ami de la France. Je me sens déprimé. R. — Vous ne l’avez pas volé, e
1835
s, le commerce. Sachez que la politique en France
est
conçue comme une crise permanente entretenue par ses spécialistes, un
1836
cès auprès des jeunes et du public bourgeois, qui
est
seul grand public. Tous détestent les conventions. Ils n’approuvent q
1837
us les auteurs de toute l’Europe depuis un siècle
sont
d’accord pour trouver que notre café fout le camp, et ne sont pris au
1838
d pour trouver que notre café fout le camp, et ne
sont
pris au sérieux qu’à ce prix. C’est le pont aux ânes de l’avant-garde
1839
i de la politique française. Mais les deux choses
sont
sans rapports entre elles et sans rapports non plus avec ce qui est a
1840
entre elles et sans rapports non plus avec ce qui
est
actif dans la réalité française. Prenez le théâtre « expérimental »,
1841
nd-chose à signaler au-dessous, Françoise Sagan n’
étant
jusqu’ici qu’un succès. A. — Mais justement, votre Sagan est un succè
1842
ci qu’un succès. A. — Mais justement, votre Sagan
est
un succès parce qu’elle met le cynisme à la portée de toutes les bour
1843
ynisme à la portée de toutes les bourses. Nous la
tenons
pour typiquement française en Amérique… R. — J’en déduis que votre pa
1844
s recettes de bonheur digéré qui nous déplaisent,
soit
à cause des recettes, soit à cause du bonheur. Nous vous rendons « Bo
1845
é qui nous déplaisent, soit à cause des recettes,
soit
à cause du bonheur. Nous vous rendons « Bonjour tristesse » qui vous
1846
s « Bonjour tristesse » qui vous ravit. Mais ce n’
est
pas cela qui compte en France. A. Oui, je sais, c’est toujours autre
1847
’autres. Vous me disiez que « mon » avant-garde n’
est
guère française, mais les pièces d’Anouilh et d’Aymé, qui ne sont pas
1848
aise, mais les pièces d’Anouilh et d’Aymé, qui ne
sont
pas d’avant-garde et que tout le monde a vues, je ne les trouve pas d
1849
an Genet, dont Sartre essaya de faire un saint, n’
est
-ce pas français, n’est-ce pas cynique, et n’est-ce pas déprimant, pou
1850
ssaya de faire un saint, n’est-ce pas français, n’
est
-ce pas cynique, et n’est-ce pas déprimant, pour les amis de la France
1851
n’est-ce pas français, n’est-ce pas cynique, et n’
est
-ce pas déprimant, pour les amis de la France ? R. — Je vous les laiss
1852
ésente » aux visiteurs. La vraie vie de la pensée
est
ailleurs. Je vous propose mon « Programme de lectures pour étrangers
1853
ces auteurs. Je ne leur vois rien de commun. Deux
sont
morts et pas un n’est un « jeune »… R. — Mais pas un seul n’est un cy
1854
vois rien de commun. Deux sont morts et pas un n’
est
un « jeune »… R. — Mais pas un seul n’est un cynique, notez-le bien,
1855
as un n’est un « jeune »… R. — Mais pas un seul n’
est
un cynique, notez-le bien, et ce sont eux qui représentent le mieux u
1856
as un seul n’est un cynique, notez-le bien, et ce
sont
eux qui représentent le mieux une France de volonté, de rigueur, d’al
1857
ges. Ma liste exprime un parti pris très net, qui
est
l’inverse de celui qui vous déprime. Or je crois qu’elle recouvre à p
1858
liste des meilleurs auteurs de ce pays. A. — Elle
est
très incomplète, à cet égard. Que faites-vous de Céline le Cynique ?
1859
ue ? R. — Que voulez-vous que j’en fasse ? Céline
est
le modèle de votre Henry Miller, qui ne le vaut pas toujours, sauf da
1860
t-ils à Paris ? R. — Quelques-uns, mais comme n’y
étant
pas. Les autres en province ou à l’étranger, à Manosque, à Vevey, à W
1861
e. Que la haute couture me pardonne ! A. — Quelle
est
la moyenne d’âge de vos auteurs ? R. — 64 ans et demi, et saluez, je
1862
64 ans et demi, et saluez, je vous prie, car ce n’
est
pas seulement le pouvoir d’invention, mais le pouvoir de renouvelleme
1863
qui vaut que l’on s’étonne. Voyez Paulhan, rien n’
est
plus jeune que sa manière de provoquer les lieux communs, fût-ce d’av
1864
ne que sa manière de provoquer les lieux communs,
fût
-ce d’avant-garde, quitte à les rendre une fois sur deux à leur vrai s
1865
e, tout frémissant de juvéniles indignations, qui
sont
le contraire du cynisme. Voyez Morand, voyez Giono, qui s’étaient ill
1866
aire du cynisme. Voyez Morand, voyez Giono, qui s’
étaient
illustrés en créant leur manière, la quitter subitement pour rénover
1867
autant que de vitalité. Chez vous, les floraisons
sont
plus rapides et les succès aussi, mais moins profonds, puis c’est l’o
1868
ou la répétition. La faculté de renouvellement n’
est
-elle pas aussi remarquable que celle d’innovation ou d’invention ? La
1869
lle d’innovation ou d’invention ? La seconde peut
tenir
de la chance, un coup heureux, l’œuf de Colomb, le vers donné, le com
1870
ur une série de conférences. L’Europe et le monde
fut
cette année le sujet jeté dans la lice pour y être « traité » en dix
1871
fut cette année le sujet jeté dans la lice pour y
être
« traité » en dix jours par une centaine d’intellectuels, armés pour
1872
on terrain. Mais à quoi bon ? Leurs objections ne
sont
fondées que sur un refus de principe, qu’ils se gardent bien d’exprim
1873
n lui répond très sobrement que cette opération n’
est
pas un crime, mais une nécessité reconnue de longue date, et qu’elle
1874
à « aller au fond des choses », tandis que Spaak
serait
resté « superficiel ». La jobardise est-elle seulement le fait des je
1875
Spaak serait resté « superficiel ». La jobardise
est
-elle seulement le fait des jeunes ou du public bourgeois en général ?
1876
’Europe ne se fasse que « par en haut », ce qui n’
est
pas démocratique. — C’est vous qui avez tout fait pour empêcher les m
1877
uvoir. Et Kadar, donc ! Mais les interruptions ne
sont
pas admises, car « on ne fait pas de politique dans cette enceinte ».
1878
chacun sait qu’aucun de nos pays ne la veut. — Je
suis
heureux de vous l’entendre dire ! interrompt le communiste Pierre Abr
1879
un Spaak et d’un André Philip, hommes politiques,
est
d’autant plus frappante que ceux qui les attaquent sont des clercs pa
1880
’autant plus frappante que ceux qui les attaquent
sont
des clercs patentés dont on pourrait penser que la première maxime es
1881
és dont on pourrait penser que la première maxime
est
le respect du vrai. Or un professeur en Sorbonne vient déclarer sarca
1882
uement que « la petite Europe qu’on nous fabrique
est
si petite, si minuscule, qu’elle n’a même pas su faire une place à la
1883
merci. Mais la passion de ne pas sauver l’Europe
est
aveuglante. Ce masochisme appelle une étude scientifique. Beau sujet
1884
j’aurais eu trois questions à poser : 1° L’Europe
est
-elle, oui ou non, menacée dans son ensemble et dans ses positions mon
1885
sez les mesures concrètes que les « Européistes »
sont
en train de réaliser, quelle solution meilleure proposez-vous ? 3° Qu
1886
taques contre les partisans de son union —, et qu’
êtes
-vous disposés à faire ? En résumé : vous n’aimez pas notre Europe, ce
1887
ans. Mais quelle autre Europe voulez-vous ? Et qu’
êtes
-vous prêts à faire pour elle ? N’êtes-vous pas des Européens ? Si vou
1888
ous ? Et qu’êtes-vous prêts à faire pour elle ? N’
êtes
-vous pas des Européens ? Si vous souhaitez une Europe soviétique, dit
1889
En marge d’une enquête I. — « Pourquoi je ne
suis
pas Européen » Je me disais, en suivant les Rencontres genevoises,
1890
sais, en suivant les Rencontres genevoises, qu’il
serait
amusant de dresser le catalogue des bonnes et des mauvaises raisons d
1891
. Les maladies aussi existent bel et bien et ce n’
est
pas une raison pour refuser les remèdes. Quelle nation de l’Europe pe
1892
eut-elle subsister seule ? 2. — Non, car l’Europe
est
bien finie, l’avenir est aux USA, à l’URSS, à la Chine, à la Lune. —
1893
? 2. — Non, car l’Europe est bien finie, l’avenir
est
aux USA, à l’URSS, à la Chine, à la Lune. — Qu’attendez-vous donc pou
1894
our y aller ? Et qu’offrent-elles de mieux qui ne
soit
né chez nous ? 3. — Non, car l’Europe unie n’intéresse pas les autres
1895
ccepteront jamais d’entrer dans une Europe qui ne
serait
pas déjà faite, quitte à se plaindre, alors, qu’on les en a exclus. 5
1896
rs, qu’on les en a exclus. 5. — Non, car l’Europe
est
coupable : elle a détruit les autres civilisations, c’est donc son to
1897
s autres civilisations, c’est donc son tour. Elle
est
colonialiste, qu’elle soit colonisée ! Elle est matérialiste, vive le
1898
est donc son tour. Elle est colonialiste, qu’elle
soit
colonisée ! Elle est matérialiste, vive le yoga ! Elle est chrétienne
1899
e est colonialiste, qu’elle soit colonisée ! Elle
est
matérialiste, vive le yoga ! Elle est chrétienne, vive le matérialism
1900
isée ! Elle est matérialiste, vive le yoga ! Elle
est
chrétienne, vive le matérialisme ! — Facteur commun : le masochisme o
1901
isme occidental. 6. — Non, car l’Europe à faire n’
est
pas celle qu’on nous fait. Car on fait une Europe vaticane, dit la ga
1902
ur raison de refuser leur concours, comme s’ils n’
étaient
pas embarqués… II. — « Pourquoi je suis Européen » C’est la phy
1903
s n’étaient pas embarqués… II. — « Pourquoi je
suis
Européen » C’est la phylogénie de l’européisme que je voudrais ind
1904
es motifs et des méthodes pour faire l’Europe qui
furent
préconisés depuis six ans. Tous les européistes ont passé par ces st
1905
ropéistes ont passé par ces stades et beaucoup se
sont
arrêtés à l’un ou à l’autre. D’où trois ou quatre écoles, dont voici
1906
les dirigeants des mouvements de résistance. Elle
fut
le ressort intime du plan Schuman. Grâce aux institutions qu’elle a f
1907
fait naître, le problème qu’elle voulait résoudre
est
dépassé. Le charbon et l’acier étant mis en commun, sans parler de l’
1908
ulait résoudre est dépassé. Le charbon et l’acier
étant
mis en commun, sans parler de l’énergie atomique, si les Français et
1909
coups de bâton. D’autres raisons d’unir l’Europe
sont
apparues, hors d’Europe, à l’échelle mondiale. Et trois tendances maî
1910
chelle mondiale. Et trois tendances maîtresses se
sont
diversifiées au cours de ces dernières années. 2. Il faut des institu
1911
ments les votent bien vite, sans trop voir ce qui
est
engagé. — Oui, mais la France a rejeté la CED, et depuis lors les rés
1912
e a rejeté la CED, et depuis lors les résistances
sont
alertées. Comment les vaincre ? Le Marché commun demande douze ans. L
1913
urs, éduquer, former, informer. Car les obstacles
sont
dans les esprits, ou dans les préjugés sentimentaux inculqués par l’É
1914
par les intellectuels. L’Europe que nous aimons n’
est
-elle pas avant tout un grand fait de culture, une civilisation ? C’es
1915
r. C’est cela qui la sauvera… — Oui, mais l’œuvre
est
de longue haleine et le temps presse. Rien ne se fera sans l’esprit,
1916
temps presse. Rien ne se fera sans l’esprit, mais
sera-t
-il assez prompt dans son effort pour éveiller les masses ? 4. Il faut
1917
. Car la raison, la persuasion et la technique ne
sont
rien sans la force, qui n’est pas rationnelle. Les parlements peuvent
1918
et la technique ne sont rien sans la force, qui n’
est
pas rationnelle. Les parlements peuvent tout, y compris décréter que
1919
qui les élisent. Et les institutions européennes
seront
bloquées par les parlements si ceux-ci ne subissent pas une pression
1920
erait un pouvoir supérieur aux États. — Voilà qui
est
sûr encore, mais suffit-il vraiment d’avoir bien vu l’urgence pour al
1921
Spoutnik ou l’art de compenser. — Si vous avez
été
surpris, ce n’est pas ma faute : j’en parlais ici même il y a tout ju
1922
rt de compenser. — Si vous avez été surpris, ce n’
est
pas ma faute : j’en parlais ici même il y a tout juste un an68. C’est
1923
t plus vous empêcher de penser que les Soviets ne
sont
pas si mal, puisqu’ils ont lancé leur Spoutnik. Si les États-Unis l’a
1924
s n’en auriez nullement conclu que le capitalisme
est
bon. Et vous auriez eu bien raison, mais cette lucidité à sens unique
1925
eu bien raison, mais cette lucidité à sens unique
est
une des marques de la confusion générale. La bêtise a toujours été un
1926
es de la confusion générale. La bêtise a toujours
été
un facteur important de l’histoire, mais quand elle s’appuie sur « la
1927
au silence de la mort l’un de ses satellites de l’
Est
européen. L’élimination de Joukov devait être à son tour compensée pa
1928
de l’Est européen. L’élimination de Joukov devait
être
à son tour compensée par le lancement d’un second projectile (dont on
1929
politique en Occident. — Ces effets de propagande
sont
infaillibles. Il suffit de tenir compte de l’opinion et d’estimer cor
1930
ion et d’estimer correctement son âge mental, qui
est
celui des garçons jouant aux billes, justement. L’Amérique peut lance
1931
comme reporters : elle ne rattrapera rien, le mal
est
fait. J’ai parlé de bêtise. Entendons-nous. J’appelle ainsi le comple
1932
méritée pour le spoutnik, de même que celui-ci s’
est
séparé des éléments de sa fusée de lancement. Il eût fallu multiplier
1933
ée proprement scientifique de l’expérience : elle
est
très grande, mais différente de ce que l’on croit ; b) révélations su
1934
premiers spoutniks : on attendait la Lune, on en
est
encore loin. Les problèmes de la Terre restent au premier plan. Au su
1935
stent au premier plan. Au surplus, l’Amérique eût
été
alertée en temps utile. Et l’Europe eût mieux vu que ses divisions st
1936
ides la mettent seules hors de coup, bien qu’elle
soit
la patrie des inventions que d’autres ont pu réaliser. Plan machiavél
1937
tre besoin de sensations. Or ce besoin ne pouvant
être
avoué comme tel, on dira que mon plan n’eût visé qu’à frustrer les So
1938
-ils, que l’anticommunisme a trompé le monde et s’
est
trompé lui-même, en répétant que le régime soviétique stérilisait la
1939
ait la recherche scientifique. Les deux spoutniks
sont
là pour prouver le contraire. Ils tournent glorieusement, nous regard
1940
l’anticommunisme prétendait que la science russe
est
en retard, il était bien mal informé : le congrès des savants atomist
1941
prétendait que la science russe est en retard, il
était
bien mal informé : le congrès des savants atomistes (à Genève, 1955)
1942
»… Chacun récolte donc ce qu’il a semé, et qui n’
était
pas ce qu’il disait. (C’était même le contraire, dans ce cas.) La nat
1943
le contraire, dans ce cas.) La nature des régimes
est
certes en cause, mais on savait depuis longtemps que l’Amérique « idé
1944
ait depuis longtemps que l’Amérique « idéaliste »
tient
surtout au bien-être général, et que la Russie « matérialiste » veut
1945
ombe d’Hiroshima, il me dit tranquillement : « Qu’
est
-ce que cela prouve ? On avait tout arrangé pour ça. » Sur l’avenir
1946
ion individuelle et idéologique, dont le vrai nom
sera
dans l’histoire : liquidation du communisme. On élimine d’abord le Pè
1947
n quinquennal, symbole même du régime soviétique,
est
enterré sans oraison (25 décembre 1956). Notre presse ayant épuisé sa
1948
s. Le Kremlin se rattrape au ciel : ses spoutniks
sont
les seuls satellites qui ne menacent pas de se révolter. « Pie in the
1949
communisme soviétique par ses dirigeants mêmes n’
est
pas de nature à endormir la vigilance des partisans de la liberté. Le
1950
rté. Le système n’en devient pas moins faux, pour
être
trahi par les siens. Mais presque toutes les trahisons qu’on vient de
1951
liminé nous laissera sur les bras la Russie. Ce n’
est
pas la guerre des blocs qui me paraît fatale, mais le retour de l’Est
1952
s blocs qui me paraît fatale, mais le retour de l’
Est
à l’Europe rénovée par l’élimination de ses nationalismes. C’est dans
1953
es nouvelles et des faits (février 1958)aq Qu’
est
-ce qu’une nouvelle ? — Admettons-le avec l’homme de la rue et le dern
1954
discours bénisseurs remplaçant les nouvelles. Il
est
clair que dans cette optique, les nouvelles sont les événements, ceux
1955
l est clair que dans cette optique, les nouvelles
sont
les événements, ceux-ci n’ayant pas d’existence hors de celles-là. Un
1956
s d’existence hors de celles-là. Une nouvelle, ce
serait
donc ce qu’une agence rédige à l’occasion d’un fait réel ou fabriqué,
1957
e réduit au bout du compte. Car c’est bien compte
tenu
de ces informations que se décide la politique de nos États ; que vot
1958
réalité » à laquelle nous croyons chaque matin n’
est
faite que par la presse et la radio, et n’est souvent faite que pour
1959
n n’est faite que par la presse et la radio, et n’
est
souvent faite que pour elles. Les agences seraient donc nos vrais maî
1960
t n’est souvent faite que pour elles. Les agences
seraient
donc nos vrais maîtres ? C’est trop dire. Car elles sont irresponsabl
1961
nc nos vrais maîtres ? C’est trop dire. Car elles
sont
irresponsables. Trois exemples. — On dit un peu partout — livres,
1962
films — que le mouvement pour l’union de l’Europe
est
né le 1er septembre 1946 d’un discours de Churchill, à Zurich. En vér
1963
rs de Churchill, à Zurich. En vérité, Churchill s’
était
borné à conseiller l’union de la France et de l’Allemagne, l’Angleter
1964
on de la France et de l’Allemagne, l’Angleterre n’
étant
pas nommée ni impliquée. Sensation dans la presse, mais aucune suite
1965
manchettes à Staline, questionné sur la paix — il
est
pour — par quelque journaliste américain. Cette interview datait de p
1966
nt le lancement réussi de leur satellite. Le fait
est
là. On lui donne toute sa place, qui pour une fois n’est pas volée. L
1967
On lui donne toute sa place, qui pour une fois n’
est
pas volée. La presse américaine réplique sans hésiter : elle « constr
1968
d’un échec. Les conclusions que le monde en tire
sont
fausses, car l’échec du petit pamplemousse est moins celui des USA qu
1969
e sont fausses, car l’échec du petit pamplemousse
est
moins celui des USA que celui de leur presse excitée. (Quand les Russ
1970
elle-même, sans nulle enquête sérieuse, de ce qui
sera
vendable ou non. Elle ne se trompe qu’une fois sur deux. À ce taux, e
1971
ngtemps en France, dans une revue spécialisée. Il
est
exclu d’accélérer des particules « à la vitesse de la lumière ». Et l
1972
r rang — a fait deux fois mieux que la Russie, ce
serait
rassurer le lecteur. Mais les journaux se vendent mieux en temps de c
1973
crise. Apprendre à lire. — Les correspondants
sont
honnêtes : ils disent en général ce qu’ils ont entendu. C’est leur ag
1974
otes des députés et les cotes de la Bourse. Telle
est
la base de la plupart de nos convictions politiques, dans la mesure —
1975
rivales : ce procédé qui obsède encore les foules
est
périmé. Ce n’est plus l’exactitude des nouvelles publiées qui est en
1976
édé qui obsède encore les foules est périmé. Ce n’
est
plus l’exactitude des nouvelles publiées qui est en question, mais le
1977
’est plus l’exactitude des nouvelles publiées qui
est
en question, mais leur choix, leur présentation, et ce que l’on a con
1978
à tout instant, seuls des cerveaux électroniques
seraient
capables de dégager certaines résultantes plus valables. Mais qui don
1979
rver dans le choix fabricateur des « faits » ? Ce
serait
précisément une politique. Si l’on y parvenait, d’ailleurs, l’informa
1980
, l’information devenant une science exacte, c’en
serait
fait des dernières libertés qui nous restent — celle de ne pas croire
1981
stance critique des esprits exposés à la presse n’
est
pas seulement possible mais indispensable. Je demande qu’on institue
1982
ard du jour : combien coûte la guerre d’Algérie ?
Est
-il vrai que cette dépense explique la crise actuelle, qu’on prétend s
1983
milliards que lui opposa le président du Conseil,
tient
pour incontestable le chiffre de 362 milliards cité par M. Monteil à
1984
fféremment — et qui peut me dire d’abord lesquels
sont
vrais, ensuite ce qu’il serait juste d’en conclure quant au déficit b
1985
ire d’abord lesquels sont vrais, ensuite ce qu’il
serait
juste d’en conclure quant au déficit budgétaire, à la politique algér
1986
commentateur qui osera se taire jusqu’à ce qu’il
soit
certain de savoir ce qu’il en est. Mais je les vois presque tous juge
1987
squ’à ce qu’il soit certain de savoir ce qu’il en
est
. Mais je les vois presque tous juger selon leurs « croyances », comme
1988
les faits ne comptaient pas, ou pire : comme s’il
était
suspect de s’en soucier. — Quoi ? nous parler de chiffres quand il s’
1989
scandales qui déchirent notre France et que nous
sommes
là pour dénoncer. On peut aussi considérer que la politique requiert
1990
amais rien construit. Ces vertus, par malheur, ne
sont
pas éloquentes. Et ceux qui les cultivent se voient bientôt conduits
1991
t bientôt conduits dans un ordre d’action où ce n’
est
plus la dent dure mais la vision lucide et la main ferme qui assurent
1992
yons de soleil, et les bords des plaques rivetées
sont
devenus sang clair, rubis vivant, liquide, d’une telle beauté soudain
1993
mensions insensées du cosmos. Ah ! la vraie vie n’
est
que sur notre Terre ! Et ce qui est « ailleurs » n’a pas encore de se
1994
a vraie vie n’est que sur notre Terre ! Et ce qui
est
« ailleurs » n’a pas encore de sens, mais rend déjà le sens de l’ici-
1995
Notre émotion devant les paysages de la Terre, qu’
est
-ce que cela peut encore signifier ? C’était l’intime accord de l’espr
1996
nnulent dans ce recoin perdu de l’univers. Tout s’
est
tu dans notre cabine. Si l’avion continuait vers l’espace infini ? Tr
1997
illes de l’âge cosmique. Plusieurs expéditions se
sont
rendues sur Mars et sur Vénus. Les voyages dans la Lune sont devenus
1998
s sur Mars et sur Vénus. Les voyages dans la Lune
sont
devenus simple routine. De luxueux hôtels y ont été construits, desse
1999
t devenus simple routine. De luxueux hôtels y ont
été
construits, desservis par plusieurs compagnies nationales de voyages
2000
interplanétaires. Tous ces lieux de villégiature
sont
équipés d’immenses dômes de verre permettant d’admirer le magnifique
2001
ttant d’admirer le magnifique panorama. Les plans
sont
faits pour la mise en place d’un réseau de transports réguliers entre
2002
Terre et les planètes les plus proches. La Terre
sera
entourée de toute une famille de satellites artificiels, de toutes ta
2003
La terre unie De même que l’unité de l’Europe
est
en train d’être faite par l’URSS, l’Asie, le Moyen-Orient et l’Afriqu
2004
De même que l’unité de l’Europe est en train d’
être
faite par l’URSS, l’Asie, le Moyen-Orient et l’Afrique, l’union de no
2005
Moyen-Orient et l’Afrique, l’union de notre Terre
sera
faite par Mars et par Vénus : je le prévoyais il y a douze ans69. Al
2006
rope dans le Monde d’aujourd’hui. Cette prévision
est
la plus optimiste. On me dira qu’elle se fonde sur du wishful thinkin
2007
se fonde sur du wishful thinking. Mais si nous ne
sommes
pas « découverts » par des êtres pensants d’autres planètes avant que
2008
Mais si nous ne sommes pas « découverts » par des
êtres
pensants d’autres planètes avant que nous les ayons visités sur leur
2009
mportance. Oui, mais la découverte du Cosmos n’en
sera
pas moins son fait, au bout de compte, tout comme le fut la découvert
2010
moins son fait, au bout de compte, tout comme le
fut
la découverte de la Terre et pour les mêmes raisons profondes. Ce son
2011
la Terre et pour les mêmes raisons profondes. Ce
sont
ses rêves que toute l’humanité rejoint par sa technique et grâce à so
2012
rejoint par sa technique et grâce à son génie. Il
est
vrai que la science-fiction prospère surtout en URSS et aux États-Uni
2013
« avance technique » incontestée. Mais la science
est
d’Europe — Nietzsche l’avait fort bien vu — comme tout ce qui la supp
2014
s Vénusiens des hommes presque réduits à ce qui n’
est
pas l’Homme. Utopies, science-fiction, prévisions de savants La
2015
La faiblesse générale des utopies, c’est qu’elles
sont
moins riches d’avenir que le présent. On peut même dire que l’Utopie
2016
r. Car ainsi que l’a bien vu Toynbee, les utopies
sont
en réalité « des programmes d’action déguisés en descriptions sociolo
2017
, Campanella, Rabelais et H. G. Wells. La plupart
sont
Anglais, il faudrait voir pourquoi. Les Français inaugurent un genre
2018
Quant aux habitants de Mercure, « il faut qu’ils
soient
tous fous à force de vivacité et n’aient pas plus de mémoire que la p
2019
re que la plupart des nègres ». Mais déjà nous ne
sommes
plus en Utopie : la prévision se veut scientifique, comme elle le ser
2020
la prévision se veut scientifique, comme elle le
sera
chez un Jules Verne, si la psychologie reste à la mode du temps et ne
2021
titue, dans la terreur et la pitié. L’humanisme n’
est
plus cette chose molle qu’on obtient en évaporant l’essence chrétienn
2022
étienne de l’Occident, mais bien le simple fait d’
être
homme, mis au défi et dépassé. Ce n’est plus drôle du tout. Il faut f
2023
e fait d’être homme, mis au défi et dépassé. Ce n’
est
plus drôle du tout. Il faut faire attention. Car la science a déjà de
2024
vec les tranquillisants… Les méthodes d’éducation
seront
radicalement différentes. Elles se fonderont beaucoup moins sur la co
2025
savoir accumulé dans les “banques électroniques”
sera
peut-être transmis directement au système nerveux par des messages él
2026
rêt, tout pouvoir d’émotion et toute utilité ? Il
est
trop facile de répondre que les modifications introduites par la tech
2027
de soi, des autres et de l’univers : de cela nous
sommes
certains, mais de cela seul, si par définition nous ne pouvons pas pr
2028
livres démodés à coup sûr avant la fin du siècle
seront
nos ouvrages de science-fiction, et ceux qui se fondent sur nos doctr
2029
enne, touchante, qui prévoyait le pire… Mais s’il
est
arrivé, c’est toujours autrement. 69. Lettres sur la bombe atomi
2030
’où vient l’idée ? Une décadence réelle peut n’
être
pas sentie ni repérée par le groupe ou l’individu qui la subit. Mais
2031
oupe ou l’individu qui la subit. Mais l’inverse n’
est
pas moins vrai : l’idée de décadence peut être cultivée avec une somb
2032
e n’est pas moins vrai : l’idée de décadence peut
être
cultivée avec une sombre complaisance à l’intérieur d’un groupe ou d’
2033
toutes chances de se manifester chez ceux qui en
sont
réduits à commenter leur temps sans y être engagés par un risque immé
2034
qui en sont réduits à commenter leur temps sans y
être
engagés par un risque immédiat ou par une volonté d’action visant à m
2035
Elle naît aussi, probablement, chez celui qui, s’
étant
risqué, a perdu ou ne croit plus à l’enjeu pour lequel il luttait en
2036
ator inaugure ce nouveau romantisme.) Le principe
est
toujours le même : c’est d’étendre à l’ensemble l’échec d’une seule p
2037
l’ensemble l’échec d’une seule partie à quoi l’on
tenait
plus qu’à toute autre, qu’il s’agisse d’une culture, d’une cause ou d
2038
décrit des âges d’or nostalgiques. Le xxe siècle
étant
celui d’une accélération sans précédent depuis Tubal-Caïn et Prométhé
2039
t n’en a plus pour longtemps, ses vieilles vertus
sont
épuisées, les barbares vont le submerger… et vous l’aurez bien mérité
2040
aurez bien mérité. Ces déplorations polémiques ne
sont
cependant pas le fait d’une société vraiment acculée à la ruine et pe
2041
s inébranlées, quelques vérités dominantes, qu’il
est
bon de mettre en doute, voire en crise, pour mieux les sentir en soi-
2042
plus, mais qu’on n’oserait pas attaquer si elles
étaient
mortellement menacées. Ainsi parle le Duc dans Mesure pour mesure : «
2043
igme que roule la sagesse du monde. Ces nouvelles
sont
d’assez ancienne date, cependant ce sont des nouvelles de tous les jo
2044
ouvelles sont d’assez ancienne date, cependant ce
sont
des nouvelles de tous les jours. » La crise de l’Occident est déjà da
2045
elles de tous les jours. » La crise de l’Occident
est
déjà dans Virgile, le déclin de la foi dans les Pères de l’Église, la
2046
qui fondent son prestige. Et combien de passions
sont
nées à l’instant précis où l’on a cru perdu ce que l’on découvre aime
2047
décadente ? Rien de certain tant qu’elle n’a pas
été
réduite au silence définitif, recouverte par une « barbarie » durable
2048
périodes dites par certains de décadence peuvent
être
nommées par l’histoire périodes de mue, de crise, de maladie des chie
2049
, de maladie des chiens. La seule vraie décadence
est
celle qui se termine par une chute sans remontée possible. Qui peut d
2050
ut-être aux USA, en URSS plus brutalement ; et ce
fut
le cas en Europe durant la basse époque bourgeoise du matérialisme sc
2051
se du matérialisme scientiste. Mais la tendance s’
est
renversée dès le second tiers de ce siècle, en Europe, puis en Amériq
2052
rope, puis en Amérique. La renaissance religieuse
est
combien plus puissante dans nos diverses confessions que les modes li
2053
inquiétude pour l’avenir prochain. Déjà le remède
est
trouvé, c’est l’union fédérale de l’Europe. Mais les résistances obst
2054
ésistances obstinées que provoque son application
sont
le signe d’un mal plus profond. Le grand délire nationaliste qui a pr
2055
plexus solaire de l’Occident. Mais nos valeurs
sont
-elles universelles ? Nous exportons avec succès dans le monde enti
2056
haos, bouleversent les métabolismes culturels, et
sont
capables de détruire en une année des équilibres séculaires que le co
2057
. Voilà bien le problème du siècle planétaire. Il
est
plus immédiat et mieux déterminé que les spéculations sur notre décad
2058
oser. On se demandera si les valeurs occidentales
sont
réellement universelles, ce qui veut dire : — peuvent-elles être adop
2059
universelles, ce qui veut dire : — peuvent-elles
être
adoptées par tous les peuples, et marquer un progrès pour tout homme
2060
l’univers son système de valeurs, sans mériter d’
être
taxé d’impérialisme ou d’orgueil provincial. Le Droit. — Car l’Occid
2061
d’orgueil provincial. Le Droit. — Car l’Occident
est
la seule civilisation connue qui se soit posé la question critique de
2062
’Occident est la seule civilisation connue qui se
soit
posé la question critique de sa fonction universelle, appuyant du mêm
2063
toutes jusqu’ici — prouverait par là qu’elle ne l’
est
pas et qu’elle a très peu de chances de le devenir jamais, puisqu’ell
2064
horreur d’un Sacré hiératique ou cyclique. Quelle
est
l’autre culture ou civilisation qui propose aujourd’hui plus et mieux
2065
ujourd’hui plus et mieux, avec quelques chances d’
être
crue ? Certes, le communisme offre au monde de Bandung une version gr
2066
précède, mais c’est encore de l’Occident, dont il
est
né, qu’il tire ses prétentions universelles. L’indigence absolue de s
2067
Sur un centre qui doit
être
partout (mai 1958)at Capitale de l’Europe Voilà qui accroche.
2068
pitale de l’Europe Voilà qui accroche. Si ce n’
est
de vedettes, de princesses, de jeunesse, parlons d’une capitale, le g
2069
hacun démontre à l’envi que la ville de son choix
est
un carrefour des peuples, un lieu prédestiné auquel la géographie, la
2070
dis sans la moindre ironie, persuadé que l’Europe
est
un être d’esprit dont le centre est partout et la frontière nulle par
2071
s la moindre ironie, persuadé que l’Europe est un
être
d’esprit dont le centre est partout et la frontière nulle part. Ou si
2072
que l’Europe est un être d’esprit dont le centre
est
partout et la frontière nulle part. Ou si l’on veut parler de sa circ
2073
ire du rayonnement de sa culture) mettons qu’elle
est
égale à celle de la planète : littéralement tout englobante. Cependan
2074
englobante. Cependant, les raisons qu’on invoque
sont
toutes plus ou moins raisonnables, et voilà leur faiblesse commune. C
2075
lesse commune. Car si l’on veut que l’Europe unie
soit
dotée d’une capitale, c’est justement pour des raisons « sacrées », c
2076
nation à l’échelle d’une Europe continentale qui
serait
moins unie qu’unifiée. Or c’est précisément l’analogie entre l’Europe
2077
rons pas de ce sacré‑là. D’ailleurs, le phénomène
est
à peu près unique. Ni l’Allemagne, ni l’Italie, ni la Hollande, ni la
2078
prend alors l’analogie américaine : Washington n’
est
en somme qu’un complexe de bureaux, ville de nulle part, sans prétent
2079
ais centres de la vie créatrice de leur pays : ce
seraient
pour l’Europe Luxembourg ou Strasbourg. Mais tout cela sent un peu so
2080
éral ne dépendrait d’aucun État. Désavantage : il
serait
pour tous « à l’étranger » et l’idée de capitale centralisante aurait
2081
rs à y loger. La création de Washington, D.C., ne
fut
décidée qu’en 1790, trois ans après que la Constitution ait fondé les
2082
ration d’un État fédéral dont l’aire et le régime
sont
encore inconnus ? Faut‑il croire qu’on désire seulement les apparence
2083
à discuter la reliure de cette Constitution, qui
est
seule urgente, mais dont le premier mot n’est pas encore écrit ? S
2084
qui est seule urgente, mais dont le premier mot n’
est
pas encore écrit ? Sur la fondation d’une ville Mais montrer un
2085
fondation d’une ville Mais montrer une erreur
est
sans profit si l’on n’en montre aussi les causes ou la « raison ». Le
2086
». Le débat sur la Capitale paraît frivole ; il l’
est
sans doute au regard des faits. Cependant, il révèle certains besoins
2087
es visibles certaines formes sacrées dont l’image
est
en lui. Les belles analyses de Mircea Eliade, dans son Traité d’histo
2088
vec une infinité de centres. » Comme tout ce qui
tient
au sacré, le Centre ainsi déterminé doit satisfaire à deux séries d’e
2089
ries d’exigences contradictoires, chacune pouvant
être
illustrée par une abondance de symboles, de mythes et de rites tradit
2090
es, de mythes et de rites traditionnels : il doit
être
accessible à tous ceux qui le désirent, mais entouré d’obstacles et d
2091
ouble fonction de rassurer et de bluffer. Il doit
être
ouvert et fermé. Étrange et familier. Attirant et redoutable. En un m
2092
ue de l’humanité Dans le domaine du sacré tout
est
sens, mais dans la vie publique de notre temps, on n’ose guère invoqu
2093
uand nous les trouvons par chance, et qu’elles se
tiennent
, elles jouent alors dans notre âge scientifique le rôle que jouaient
2094
hères que l’on peut tracer sur notre globe, il en
est
un qui se trouve contenir 90 % des terres libres de glace, 94 % de la
2095
lle du monde. C’est l’hémisphère dont le « pôle »
serait
choisi légèrement au sud‑est de Nantes. La région de Nantes figure ai
2096
dont le « pôle » serait choisi légèrement au sud‑
est
de Nantes. La région de Nantes figure ainsi le centre géométrique de
2097
stime que le centre de « l’hémisphère principal »
serait
plus voisin de Berlin, voire, en trichant un peu, de Londres ou de Pa
2098
e, en trichant un peu, de Londres ou de Paris. Il
est
clair, en tout cas, que le centre du monde tombe quelque part en plei
2099
du Centre de l’hémisphère principal. Mais au sud‑
est
de Nantes, on ne voit rien, et autour de Berlin, des Russes. On cherc
2100
, j’avance alors un candidat : le pays de Gex, où
est
Ferney. Morceau de France détaché vers la Suisse au‑delà de la barriè
2101
se au‑delà de la barrière du Jura, le pays de Gex
est
caractérisé par un étrange complexe de signes mémorables à l’intersec
2102
tunnel du Mont-Blanc, sous le sommet de l’Europe,
sera
percé d’ici peu, mettant le bassin de Genève à trois heures d’auto de
2103
sin de Genève à trois heures d’auto de Turin. À l’
est
, Divonne, avec son casino où l’on sacrifie à la Chance. À l’ouest, l’
2104
été des nations souterraine. Paris, Zurich, Milan
sont
à une heure d’avion ; Londres, Bruxelles, La Haye, Bonn, Barcelone et
2105
tion plusieurs fois séculaire des troupes suisses
fut
de défendre les institutions et les symboles d’intérêt général europé
2106
l’exemple du pays que j’ai sous les yeux, mais je
tiens
à sa paix : qu’on n’y vienne pas trop vite avec des bulldozers et des
2107
our aboutir dans les bureaux ! C’est normal, ce n’
est
pas enchanteur. 70. Voir Paris et le désert français, livre fameux
2108
at. Rougemont Denis de, « Sur un centre qui doit
être
partout (Le point de vue de Ferney) », Preuves, Paris, mai 1958, p. 4
2109
débat qui s’instaure sur la nouvelle Constitution
est
peut-être le mot le plus mal entendu par la plupart des hommes de not
2110
le Constitution la formule de leur solution. Deux
sont
purement internes : le régime des partis et la stabilité de l’exécuti
2111
ritoires d’outre-mer et de la métropole : il peut
être
considéré soit comme interne, soit comme externe. Le quatrième est pl
2112
e-mer et de la métropole : il peut être considéré
soit
comme interne, soit comme externe. Le quatrième est plus nettement ex
2113
pole : il peut être considéré soit comme interne,
soit
comme externe. Le quatrième est plus nettement externe : c’est celui
2114
t comme interne, soit comme externe. Le quatrième
est
plus nettement externe : c’est celui de la fonction que l’ensemble fr
2115
r dans une union européenne. Si différents qu’ils
soient
en apparence, les quatre grands problèmes ont en commun ceci : qu’ils
2116
que cela se sent avant de s’expliquer, mais qu’il
est
bien typique qu’on ne le sente pas, dans un pays de traditions louis-
2117
i l’on peut deviner que le chef du gouvernement n’
est
pas sans en avoir conscience, on doute que les auteurs de la Constitu
2118
ence, on doute que les auteurs de la Constitution
soient
animés par un esprit fédéraliste. Le seraient-ils, ils courraient le
2119
ution soient animés par un esprit fédéraliste. Le
seraient
-ils, ils courraient le risque de provoquer lors du référendum de cet
2120
de ce qui la tue, après l’avoir fait naître. Ce n’
est
pas en quelques semaines qu’on peut espérer modifier dans une mesure
2121
tat d’esprit. Si la Constitution que l’on prépare
est
tant soit peu fédéraliste, c’est-à-dire adaptée aux réalités du siècl
2122
rit. Si la Constitution que l’on prépare est tant
soit
peu fédéraliste, c’est-à-dire adaptée aux réalités du siècle, et si e
2123
ptée aux réalités du siècle, et si elle passe, ce
sera
que l’électeur n’y aura rien vu, dans l’ignorance où il est des premi
2124
électeur n’y aura rien vu, dans l’ignorance où il
est
des premiers rudiments de l’attitude et de la pratique fédéralistes.
2125
n temps et hors de temps, dans le secret espoir d’
être
saisi par quelques-uns, qui en feront un jour quelque chose. Fédér
2126
ent que la seule différence entre les deux termes
est
une syllabe. Littré définit la confédération comme « l’union entre pl
2127
même réalité correspondant aux deux mots, ceux-ci
sont
équivalents — deux quantités égales à une troisième l’étant entre ell
2128
valents — deux quantités égales à une troisième l’
étant
entre elles — encore que la définition de fédération soit inexacte, p
2129
re elles — encore que la définition de fédération
soit
inexacte, puisqu’elle ne mentionne que l’union et ne dit rien de l’au
2130
mie des parties constituantes n’aurait pas lieu d’
être
appelée fédération. Ce serait simplement une union. Si l’on répète qu
2131
s n’aurait pas lieu d’être appelée fédération. Ce
serait
simplement une union. Si l’on répète qu’en dépit du Littré, il faut c
2132
é, il faut choisir entre les deux systèmes — l’un
étant
paraît-il moins fédéral que l’autre et représentant par suite un moin
2133
uisse ou de son nom ? La Confédération helvétique
est
le type même d’une authentique fédération, et tous les organes commun
2134
ingt-cinq États (dont la souveraineté, notons-le,
est
garantie par la Constitution) sont appelés fédéraux. À vrai dire, ceu
2135
eté, notons-le, est garantie par la Constitution)
sont
appelés fédéraux. À vrai dire, ceux qui insistent pour préférer à la
2136
e utopie ») une confédération (« plus réaliste »)
seraient
bien en peine de dire en quoi ce qu’ils veulent diffère d’une simple
2137
octrine du gouvernement fédératif. Le fédéralisme
était
une des formes politiques les plus communes employées par les sauvage
2138
tits États. » Aux yeux du Français cultivé et qui
tient
à savoir ce que parler veut dire, le fédéralisme se réduit à un régim
2139
exemple les Suisses et les Américains, quand ce n’
est
pas un complot contre la République une et indivisible de Saint-Just,
2140
vaste communauté d’intérêts qui ne sauraient plus
être
assurés par les seules entités nationales, la volonté de tenir compte
2141
ste d’union continentale. Ici, la contradiction n’
est
pas seulement dans les mots. Il s’agit de deux attitudes d’esprit inc
2142
la France à l’Europe. Car cela supposerait qu’on
est
tantôt nationaliste, tantôt fédéraliste. Qu’on vit tantôt dans le xix
2143
ont 4 ou 22 selon les jours. Que la schizophrénie
est
une sagesse. Et que les colonels sont des économistes. Je déplore d’a
2144
chizophrénie est une sagesse. Et que les colonels
sont
des économistes. Je déplore d’avoir l’air de jongler avec les mots et
2145
s, mais il paraît clair que la seule solution qui
soit
commune aux deux problèmes, celui de l’Algérie et celui de l’Europe,
2146
lèmes, celui de l’Algérie et celui de l’Europe, n’
est
autre que la solution du fédéralisme intégral. Cette expression dési
2147
e unitaire à l’intérieur des frontières d’un État
est
incompatible avec l’attitude fédéraliste à l’extérieur. Elle observe
2148
rne, supranational. Si nos deux sous de raison ne
sont
pas finis, c’est de cela qu’il nous faut parler et disputer, car ce q
2149
, car ce que le monde entier attend de nous, ce n’
est
pas une résolution de la fraction radicale valoisienne « réunie en Co
2150
e le monde entier. La doctrine officielle d’Alger
est
la cause même des troubles qu’elle prétend arrêter. Je n’ai pas encor
2151
u régime fédéraliste et du régime totalitaire. Ce
sera
pour le mois prochain. au. Rougemont Denis de, « Sur le régime fé
2152
Tous uniques Le régime du Parti unique n’
est
pas vraiment le contraire du régime des partis : il en est plutôt l’o
2153
raiment le contraire du régime des partis : il en
est
plutôt l’origine, et il en demeure la nostalgie secrète. Car l’un et
2154
demeure la nostalgie secrète. Car l’un et l’autre
sont
issus des jacobins, qui fournirent à l’histoire occidentale le type m
2155
républicain » qu’on invoque en périodes de crise
est
un réflexe conditionné procédant de ce traumatisme que fut la Terreur
2156
flexe conditionné procédant de ce traumatisme que
fut
la Terreur jacobine. Je parle évidemment des partis d’opinion ou d’id
2157
en effet de déployer toutes ses virtualités, qui
sont
totalitaires. Chaque parti, s’il est né d’une idéologie, non d’une ré
2158
alités, qui sont totalitaires. Chaque parti, s’il
est
né d’une idéologie, non d’une réalité bien définie et d’intérêts bien
2159
réalité bien définie et d’intérêts bien déclarés,
est
candidat à la fonction de parti unique, parce qu’il prétend détenir l
2160
les religions, ni les doctrines et idéologies qui
sont
leurs substituts dans notre monde laïque. Au niveau de l’intérêt, la
2161
ité. Qu’il faille composer avec les circonstances
est
une cruelle et scandaleuse nécessité, à laquelle les partis ne se pli
2162
ire qu’ils ont horreur de la vraie politique, qui
est
l’art des compromis heureux. Il en résulte que la différence entre un
2163
e totalitaire et un régime de partis multiples ne
tient
pas au libéralisme de ces partis, mais seulement à leur impuissance.
2164
ur impuissance. Cette « garantie des libertés » n’
est
pas durable, outre qu’elle manque de dignité. Souvenirs de la Quat
2165
us admettez avec moi ceci ou cela, c’est que vous
êtes
un homme de droite. » Phrases insensées. Car en supposant que l’idéol
2166
en supposant que l’idéologie de tel ou tel parti
fût
un peu cohérente, le simple fait d’appliquer cette idéologie à toute
2167
étudiés. Ce que l’on appelait alors la politique
était
donc le contraire de ce que le mot signifie. C’était une sorte d’acti
2168
le nom de « complot » si elles semblaient devoir
être
efficaces, et à qualifier de « trahison » toute tentative d’arrangeme
2169
eux ; ou si parfois elle insistait durement, elle
était
ressentie comme une gêne irritante, troublant « le jeu normal » du Pa
2170
te d’aberration. L’extrême insoutenable du régime
fut
atteint le jour où l’assemblée prise de panique fit sa plus grande ma
2171
contre toute décision proprement politique. Elle
fut
donc elle-même renversée, en vertu d’une des lois les plus simples de
2172
me modérée que l’on subit de l’extérieur : ce cas
est
illustré de manière exemplaire par le petit récit de Thomas Mann inti
2173
Les partis dans une fédération Tout cela n’
est
pas imaginable dans un régime fédéraliste, qui est politique et non p
2174
st pas imaginable dans un régime fédéraliste, qui
est
politique et non politicien. Le Parlement, dans une fédération, tient
2175
on politicien. Le Parlement, dans une fédération,
tient
toute son existence des États membres et de quelques partis représent
2176
ire concilier des réalités fort diverses et qu’il
est
obligé de respecter, puisque le refus de l’uniformité au sein de l’un
2177
isque le refus de l’uniformité au sein de l’union
est
l’essence même du régime. Les partis dans une fédération étant bien m
2178
ce même du régime. Les partis dans une fédération
étant
bien moins des partis pris universels que des parties constituantes,
2179
biologique de s’adapter au bien du corps dont il
est
membre. La nation centraliste, « une et indivisible », ouvre une vast
2180
nifia. La tolérance mutuelle entre de tels partis
est
donc contraire à leur définition : elle est subie parce qu’il le faut
2181
artis est donc contraire à leur définition : elle
est
subie parce qu’il le faut, provisoirement, en attendant le jour où l’
2182
de rédiger une constitution pour l’Europe. — Nous
sommes
arrêtés, me dit-il, par le problème de la stabilité de l’exécutif. —
2183
lui rappelai que ce collège de sept membres, qui
est
à la fois le chef de l’État et le cabinet, prépare des lois et les so
2184
ministres ne peuvent imposer leurs décrets. Force
est
donc de s’entendre sur quelque compromis. — Mais alors, il n’y a plus
2185
nfédération. Il semble bien que les nationalistes
soient
aujourd’hui pour la première formule contre la seconde, quand il s’ag
2186
u complexes. Mais l’électeur comprendra-t-il ? Je
suis
bien sûr que non, et cela n’importe guère. La plupart des constitutio
2187
n’importe guère. La plupart des constitutions ont
été
rédigées et adoptées dans la confusion générale, mais ne préjugeaient
2188
ou qu’un chef définit. La question du fédéralisme
est
désormais posée devant le peuple français : que l’on soit pour ou con
2189
ormais posée devant le peuple français : que l’on
soit
pour ou contre importe beaucoup moins que le seul fait qu’elle soit p
2190
e importe beaucoup moins que le seul fait qu’elle
soit
posée. av. Rougemont Denis de, « Sur le régime fédéraliste (II) (
2191
ais (novembre 1958)aw Quand les « masses » ne
sont
plus la masse. — Les chiffres du référendum me paraissent commander u
2192
mettre que la démocratie, gouvernement du peuple,
est
en fait le régime choisi par la majorité des électeurs. En revanche,
2193
ecteurs. En revanche, les résultats du référendum
étant
donnés, si on les déclare contraires à la démocratie, il faut admettr
2194
mettre alors que ni le peuple ni la démocratie ne
sont
ce que l’on croyait, que le « vrai » peuple n’est pas valablement rep
2195
ont ce que l’on croyait, que le « vrai » peuple n’
est
pas valablement représenté par la majorité des électeurs, et que la «
2196
cteurs, et que la « vraie » démocratie ne saurait
être
définie que par les vœux de la minorité et les éditoriaux de L’Expres
2197
a minorité et les éditoriaux de L’Express. Ce qui
est
peut-être moins absurde en fait que ne le font croire les étymologies
2198
l au peuple, procédé démocratique par définition,
était
donc l’appel au grand nombre. Mais aujourd’hui, quatre Français sur c
2199
ondement, le peuple a dit Oui. C’est donc qu’il n’
était
pas le véritable Peuple, celui qui aura toujours raison, et qui ne pe
2200
e, celui qui aura toujours raison, et qui ne peut
être
défini par une trompeuse majorité71. Car le vrai Peuple vote à gauche
2201
ple vote à gauche de Guy Mollet, c’est-à-dire à l’
est
de la gauche. Un paysan, un artisan, un camionneur, un petit commerça
2202
t athée ou catholique, un ouvrier même syndiqué n’
est
pas le Peuple, dès l’instant qu’il vote pour de Gaulle : c’est un éle
2203
ui qui gronde — et que les vraies « masses », qui
sont
une part de ce 20 % dont on ne veut à aucun prix être coupé, sont les
2204
une part de ce 20 % dont on ne veut à aucun prix
être
coupé, sont les électeurs communistes, soutenus dans le cas présent p
2205
ce 20 % dont on ne veut à aucun prix être coupé,
sont
les électeurs communistes, soutenus dans le cas présent par quelques
2206
ques groupes d’intellectuels bourgeois. Comme ils
sont
une minorité, il faut bien en conclure qu’une vraie démocratie, celle
2207
raie démocratie, celle du vrai Peuple, ne saurait
être
gouvernée que par une élite éclairée, sachant mieux que la grande mas
2208
e ce que celle-ci doit vouloir pour son bien : ce
serait
une aristocratie, au sens littéral de ce terme. Pourquoi pas ? Mais i
2209
ocrate et que seul l’adversaire (ou l’autre) ne l’
est
pas, cependant que nulle définition claire et distincte ne peut tenir
2210
que nulle définition claire et distincte ne peut
tenir
lieu d’étalon et permettre en bonne foi de trancher le débat. Si la d
2211
bonne foi de trancher le débat. Si la démocratie
est
ce qu’en dit le Littré, un régime où le peuple exerce la souveraineté
2212
le peuple exerce la souveraineté, elle n’a jamais
été
réalisée et ne saurait l’être. On a donc tacitement convenu d’appeler
2213
eté, elle n’a jamais été réalisée et ne saurait l’
être
. On a donc tacitement convenu d’appeler démocraties les régimes où le
2214
t déclarer sans rire que le référendum français n’
est
pas plus populaire qu’il est démocratique. On parle de plébiscite (du
2215
éférendum français n’est pas plus populaire qu’il
est
démocratique. On parle de plébiscite (du latin plebs, populace ou pro
2216
comme volonté du plus grand nombre, le plébiscite
est
généralement considéré par les Français comme antidémocratique. On ap
2217
réactionnaire) un régime où les droits politiques
sont
garantis par le libre jeu des partis et de l’opposition ; et démocrat
2218
les caractères d’une telle « démocratie réelle »,
est
généralement défini comme le contraire de la démocratie. Ceux qui dem
2219
ire de la démocratie. Ceux qui demandent pourquoi
sont
traités de fascistes. Si un peuple décide à une très forte majorité d
2220
e cas, ou bien que la dictature ainsi plébiscitée
est
démocratique, ou bien que la vraie démocratie n’est pas le régime élu
2221
t démocratique, ou bien que la vraie démocratie n’
est
pas le régime élu par la majorité, mais au contraire celui que précon
2222
rée. Si cette minorité prenait le pouvoir, quelle
serait
alors la différence formelle entre les deux régimes ? L’un serait une
2223
différence formelle entre les deux régimes ? L’un
serait
une dictature librement choisie par la majorité, l’autre une dictatur
2224
ne, la liberté et l’efficacité. Les grands débats
seraient
entre partisans du confort ou du sens de la vie… On parlerait, en som
2225
n somme, des mêmes choses qu’aujourd’hui, mais ce
serait
plus clair et moins bête. Simplifiez par « démocratie » les polémique
2226
polémiques contemporaines, vous verrez comme tout
est
plus net ! Sur une phrase insensée. — Jean-Paul Sartre est une bel
2227
! Sur une phrase insensée. — Jean-Paul Sartre
est
une belle intelligence. Quand il écrit la phrase suivante : « Il y a
2228
vante : « Il y a cent-cinquante ans que la France
est
adulte, qu’a-t-elle besoin d’un père ? » on se demande sérieusement c
2229
ait-il qu’une nation « adulte » n’a plus besoin d’
être
gouvernée ? On peut l’imaginer, mais non pas le vérifier. La France r
2230
e. La phrase citée n’a aucun sens, mais elle n’en
est
pas moins révélatrice. Politiquement absurde, elle donne la clef d’un
2231
ychologique intéressante. L’image du père. — N’
est
-il pas remarquable que Sartre, introduisant une longue diatribe contr
2232
s’en prenne d’abord à la croyance en Dieu ? « Il
est
normal, écrit-il, qu’un certain nombre de personnes, maltraitées par
2233
eur ressentiment à l’espèce entière : tout ce qui
est
humain leur fait horreur, elles aiment les chiens et les surhommes. »
2234
échange de son aide et protection ». Et si Sartre
est
contre de Gaulle, c’est qu’il est d’abord contre Dieu : de Gaulle et
2235
». Et si Sartre est contre de Gaulle, c’est qu’il
est
d’abord contre Dieu : de Gaulle et Dieu se confondent avec l’image du
2236
nfondent avec l’image du Père. Voilà l’ennemi. Je
suis
adulte, ou quoi ? À chacun ses complexes et ses débats intimes. Je n’
2237
ie. Elle n’arrive pas à la notion de respect, qui
est
une attitude réfléchie, librement consentie, tout bien pesé… « Je ne
2238
tendant actuel, je voterais plutôt pour Dieu : il
est
plus modeste. » Cette phrase bizarre esquisse une distinction — rhéto
2239
sus de lui qui le juge et limite son pouvoir : il
sera
donc dictateur absolu. Tout pouvoir, dans un monde sans Dieu, devient
2240
eu, devient fatalement abusif. En fait, de Gaulle
étant
chrétien, ne saurait être un dictateur à la Staline, seul porteur du
2241
if. En fait, de Gaulle étant chrétien, ne saurait
être
un dictateur à la Staline, seul porteur du Sens de l’Histoire, maître
2242
oi — tandis que dans le monde où Dieu existe, qui
est
celui du général de Gaulle, la tyrannie totalitaire est impensable. J
2243
lui du général de Gaulle, la tyrannie totalitaire
est
impensable. J’entends qu’elle serait condamnée par la Vérité même que
2244
nie totalitaire est impensable. J’entends qu’elle
serait
condamnée par la Vérité même que le chef veut servir. Les crimes d’Hi
2245
ef veut servir. Les crimes d’Hitler et de Staline
étaient
légitimés, bien au contraire, par la doctrine que proclamaient ces ho
2246
e. — Personne ne peut douter que la Ve République
soit
une forme de monarchie très voisine de l’américaine. Comme cette dern
2247
cette dernière, elle demeure élective, mais elle
est
encore plus laïque : point de prières publiques ni de serment sur la
2248
rières publiques ni de serment sur la Bible. Ceci
tient
à la persistance du complexe anticlérical, survivant aux pouvoirs rée
2249
hies sacrées, fondées sur le rite catholique, ont
été
renversées dans toute l’Europe par un anticléricalisme intransigeant.
2250
rchie paraît s’accommoder d’un sens civique qu’on
est
en droit de dire « adulte » cette fois-ci, et d’un socialisme concret
2251
ssé que partout ailleurs. (La Suisse républicaine
est
bien moins progressiste à cet égard.) C’est que la royauté, dans ces
2252
égard.) C’est que la royauté, dans ces nations, n’
est
plus sacrée mais respectable et respectée. Elle ne peut exciter ces f
2253
grand problème qui se pose au général de Gaulle n’
est
-il pas celui d’instaurer dans une France anticléricale et catholique
2254
ues ? 71. Les oui ne signifient rien, dit-on, n’
étant
pas homogènes quant aux motifs. Mais a-t-on bien vu que les non ne po
2255
s. Mais a-t-on bien vu que les non ne pouvaient l’
être
davantage ? Isorni, Mendès et Duclos n’ont pas les mêmes idées sur la
2256
les mêmes buts. La majorité des non contre la CED
était
-elle donc plus homogène et plus valable ? Elle comptait ceux qui, hie
2257
non, plus les gaullistes. L’anti-Europe de 1954 s’
est
regroupée contre le Général, qui l’appuyait alors, mais que fera-t-il
2258
phoses de Tristan (février 1959)ax La passion
est
cette forme de l’amour qui refuse l’immédiat, fuit le prochain, veut
2259
i j’entends non point les meilleures œuvres qu’on
est
convenu de ranger dans ce genre littéraire, mais, indépendamment de l
2260
passion naît de la distance, ou l’inverse. Ce qui
est
certain, c’est que le roman occidental n’a jamais décrit, jusqu’ici,
2261
lateur produit par Marx et Freud), la passion qui
est
toujours antisociale reçoit cependant de la société même — et d’elle
2262
evable ou déclarée en fait, dans un monde où tout
est
permis. Car la passion suppose toujours, entre le sujet et l’objet, u
2263
roi Marc qui sépare Tristan d’Iseut — l’obstacle
étant
généralement social (moral ou coutumier, voire politique) à tel point
2264
la limite avec la Société elle-même, encore qu’il
soit
le plus souvent symbolisé par une dramatis persona, pour les besoins
2265
nnable, enfin l’amour-passion et le mariage. N’en
sommes
-nous pas au point de notre évolution où, tout étant réduit, « ramené
2266
mes-nous pas au point de notre évolution où, tout
étant
réduit, « ramené à » comme on dit, profané, décapé des illusions reli
2267
à la santé et à la productivité ? (Tout le reste
étant
, d’ailleurs, de mieux en mieux prescrit.) J’entrevoyais, il y a vingt
2268
rait plus de place à l’amour passionné, tel qu’il
fut
inventé au xiie siècle par les troubadours du Languedoc et romancé p
2269
un demi-siècle. D’autres tabous subsistent, ou se
sont
reformés, sur lesquels la passion se jette pour y trouver de nouveaux
2270
œuvres où transparaît l’archétype de Tristan nous
sont
données vers ce milieu du siècle par l’Europe, l’Amérique et la Russi
2271
ne d’elles on a pu dire, non sans raison, qu’elle
était
« en réalité » une description sociale, morale ou politique de l’Autr
2272
s suites en URSS. Mais chacune d’elles aussi a pu
être
décrite comme le dernier roman d’amour-passion de la littérature occi
2273
cidentale. Le Docteur Jivago de Boris Pasternak n’
est
pas un acte politique, selon Camus, mais au contraire « un grand livr
2274
rises d’elle-même et de son frère : « Nous aurons
été
les derniers romantiques de l’amour… Au fond, c’est la dernière histo
2275
la dernière histoire d’amour possible… Sans doute
serons
-nous une sorte de Derniers Mohicans de l’amour. » Je ne fais pas ici
2276
llustrer un thème dont on verra bientôt que je ne
suis
pas le dernier à subir les prestiges et le charme fatal. Est-il besoi
2277
dernier à subir les prestiges et le charme fatal.
Est
-il besoin de souligner que ce grand thème est l’unique justification
2278
al. Est-il besoin de souligner que ce grand thème
est
l’unique justification de mon essai ? Mythe passionnel à part, tout d
2279
nt plus différents à tous égards, sauf à un seul,
seront
les trois ouvrages examinés, d’autant plus significative l’action du
2280
ficative l’action du mythe qui s’y trahit, et qui
est
leur seule commune mesure. Je ne m’attacherai donc, dans ces trois œu
2281
— Aux yeux du « vieil Européen » que je me trouve
être
de naissance, l’Amérique est patrie d’accueil, plus que d’exil. Le le
2282
» que je me trouve être de naissance, l’Amérique
est
patrie d’accueil, plus que d’exil. Le lecteur devinera que je l’aime,
2283
m’irrite en elle, et en dépit de ce qu’elle veut
être
et croit qu’elle est. Son immaturité perverse me fascine. Le scandale
2284
en dépit de ce qu’elle veut être et croit qu’elle
est
. Son immaturité perverse me fascine. Le scandaleux héros (par antiphr
2285
que pour l’amour fou de sa fille. Mais cet amour
est
impossible, car Lolita n’a pas 13 ans. Cependant, mon héros l’enlève
2286
comme lui-même, dans sa patrie. Mais ce prochain
est
« interdit » par la morale. Aimant sa sœur, Ulrich veut toucher l’int
2287
oucher l’interdit et posséder l’inaccessible, qui
est
le plus vrai, puisqu’il ouvre l’accès à la vie d’extase, mais qui le
2288
ient moralement un exilé de l’intérieur, comme je
suis
devenu un exilé tout court.72 Boris Pasternak. — J’aime passionnéme
2289
J’aime passionnément ma Russie et je voudrais en
être
aimé, comme le docteur Jivago aime Lara et en est aimé. Mais, comme L
2290
tre aimé, comme le docteur Jivago aime Lara et en
est
aimé. Mais, comme Lara, la Russie a dû suivre un Maître cynique et br
2291
me repousse et qu’il menace de m’exiler. Mais tel
est
mon amour que je saurai mentir : je demanderai pardon au tyran, le su
2292
és d’une Iseut « interdite » par un roi Marc, qui
est
la Morale commune, la Société ou le Régime — ces trois romans trahiss
2293
e lecture et, non, c’était vraiment une femme… Qu’
est
-ce que l’auteur a voulu dire ? Tout ce que nous voyons là, sans doute
2294
cette ambiguïté, qu’il nous propose malgré lui, n’
est
pas du tout accidentelle. Elle ne résulte pas, j’y insiste, de quelqu
2295
qu’elles, révèlent leur vraie nature, laquelle n’
est
pas humaine mais nymphique (entendons : démoniaque) ; et, pour ces cr
2296
s une occasion de le souligner et de l’accentuer,
soit
en accablant son héros dans une préface d’ailleurs attribuée à un psy
2297
e d’ailleurs attribuée à un psychiatre américain,
soit
, d’une manière plus convaincante, par la cynique désinvolture du styl
2298
res de Humbert Humbert. Si l’amour des nymphets n’
était
pas, de nos jours, l’un des derniers tabous sexuels qui tiennent enco
2299
e nos jours, l’un des derniers tabous sexuels qui
tiennent
encore (avec l’inceste), il n’y aurait ni passion ni roman véritables
2300
. Qu’on ne s’y trompe pas : le roman de Tristan n’
était
pas moins choquant au xiie siècle que ne l’est aujourd’hui Lolita. C
2301
était pas moins choquant au xiie siècle que ne l’
est
aujourd’hui Lolita. Ce que l’habitude et l’illusion anachronique, aid
2302
nd d’hérésie bien plus dangereuse alors que ne le
sont
aujourd’hui les frénésies qui affectent une partie de la jeunesse, mo
2303
nial Lewis Carroll : Alice au pays des merveilles
est
née de l’amour des « nymphets », refoulé par la conscience pure du cl
2304
des petites nymphes et l’inceste. Ces deux amours
seraient
-ils contraires à la nature ? On les voit largement pratiqués dans le
2305
constituant l’exception la plus remarquable. Ils
sont
bien moins contre nature que contre-civilisation. Nabokov fait dire à
2306
ion. Nabokov fait dire à son héros : « Mon sort a
été
de grandir dans une civilisation qui autorise un homme de 25 ans à co
2307
e cet adulte, par ailleurs sexuellement normal, s’
est
trouvé fixé sur la femme-enfant, rendue doublement inaccessible par l
2308
lita avec plus d’amusement pervers que d’émotion,
seront
en droit de douter de la légitimité d’une interprétation si solennell
2309
s plus typiques de la légende de Tristan. Mais il
est
curieux de noter qu’à chaque fois un point d’ironie frappe l’allusion
2310
écisément à le désenchanter. L’épisode du philtre
est
présent, mais ridiculisé par son échec : il ne s’agit que d’un somnif
2311
illeurs trop faible, le médecin qui l’a procuré s’
étant
trompé d’étiquette ou ayant trompé son client. (Inversion point par p
2312
r « fatale » de Brangien.) Comme dans Tristan, il
est
vrai, la polémique contre le mariage au nom de l’amour-passion anime
2313
cit. Comme dans Tristan, l’on sent que l’auteur n’
est
pas intéressé par le côté sexuel de son histoire, mais uniquement par
2314
de temps l’un de l’autre, séparés. Mais leur mort
est
aussi sordide que fut grandiose, dans les versions du xiie siècle et
2315
re, séparés. Mais leur mort est aussi sordide que
fut
grandiose, dans les versions du xiie siècle et dans Wagner, la Mort
2316
Si Lolita avait aimé le narrateur, si elle avait
été
son Iseut, le roman réaliste eût fait place au poème et la satire soc
2317
atire sociale au lyrisme intérieur. L’hypothèse n’
est
pas arbitraire, car c’est précisément ainsi que les choses se passent
2318
syntaxe et son vocabulaire, on rit souvent, on n’
est
jamais ému. Tel qu’il est, cet ouvrage parfait reste, aussi, un Trist
2319
e, on rit souvent, on n’est jamais ému. Tel qu’il
est
, cet ouvrage parfait reste, aussi, un Tristan manqué. Et cela tient à
2320
parfait reste, aussi, un Tristan manqué. Et cela
tient
à l’immaturité de l’objet même de la passion décrite ; mais sans cett
2321
int de passion… Peut-être le livre, après tout, n’
est
-il vraiment vicieux que par ce cercle. III. Robert Musil et le « r
2322
qu’il cherchait une vérité à vivre, Robert Musil
est
mort à peu près ignoré, tout près de ce lieu où j’écris, — j’étais al
2323
près ignoré, tout près de ce lieu où j’écris, — j’
étais
alors en Amérique — et son œuvre, en partie posthume, ne cessera de m
2324
dame, mais sans trace d’affectation puérile… Elle
était
merveilleusement belle : brune, des lèvres pleines, de forts sourcils
2325
impression que tout le monde m’avait fui. Puis je
suis
descendu derrière la fillette, et je l’ai perdue dans la foule… — Com
2326
ria Ulrich en riant. On voit que l’amour-passion
est
seul en jeu, et que le seul exemple qu’en trouve le héros est celui d
2327
jeu, et que le seul exemple qu’en trouve le héros
est
celui de l’attrait « mortel » pour une nymphet. Une autre fois, parla
2328
poème d’amour écrit en secret, dont les allusions
sont
chargées d’un bonheur encore inconnu… — N’est-il pas contre nature de
2329
ns sont chargées d’un bonheur encore inconnu… — N’
est
-il pas contre nature de rapporter de telles émotions à une enfant ? d
2330
the. — Seule une convoitise grossièrement directe
serait
contre nature, répondit Ulrich. L’homme qui en serait capable engager
2331
it contre nature, répondit Ulrich. L’homme qui en
serait
capable engagerait la créature désarmée et inachevée encore, dans des
2332
hevée encore, dans des histoires pour quoi elle n’
est
pas faite. Il devrait faire abstraction de l’immaturité de ce corps e
2333
: Si j’ai raconté cette histoire, c’est qu’elle
est
une préface à l’amour fraternel ! Je renonce à souligner les mots ré
2334
nt : — Celui dont les excitations les plus fortes
sont
liées à des expériences qui sont toutes d’une manière ou d’une autre
2335
les plus fortes sont liées à des expériences qui
sont
toutes d’une manière ou d’une autre impossibles, refuse les expérienc
2336
ériences possibles ! Il se peut que l’imagination
soit
une fuite devant la vie, un refuge pour la lâcheté et une caverne de
2337
seul et non sans insolence, le mot de sœur avait
été
chargé pour lui d’une nostalgie vague, bien qu’il n’eût jamais songé
2338
ante… Incontestablement, des phénomènes analogues
sont
fréquents. Dans plus d’une existence, la sœur imaginaire n’est que la
2339
. Dans plus d’une existence, la sœur imaginaire n’
est
que la forme juvénile, insaisissable, d’un besoin d’amour qui, plus t
2340
ttéraire de cette forme d’amour interdit, dont il
serait
curieux de chercher pourquoi l’époque où se passe le roman de Musil —
2341
conscience, puis du choix de cet amour, par deux
êtres
en tous points normaux, supérieurement intelligents, intégrés dans la
2342
inégalée dans la littérature contemporaine. Ce n’
est
pas René et ce n’est pas Byron, ce n’est pas décadent ni scandaleux.
2343
térature contemporaine. Ce n’est pas René et ce n’
est
pas Byron, ce n’est pas décadent ni scandaleux. S’agirait-il moins d’
2344
ne. Ce n’est pas René et ce n’est pas Byron, ce n’
est
pas décadent ni scandaleux. S’agirait-il moins d’un inceste que des r
2345
fondamental de la psyché européenne. L’inceste n’
est
ici que la condition même de la « dernière histoire d’amour possible
2346
, ajoute : L’homme qui tend à Dieu, selon Adler,
est
celui qui est privé de sens communautaire — selon Schleiermacher, cel
2347
homme qui tend à Dieu, selon Adler, est celui qui
est
privé de sens communautaire — selon Schleiermacher, celui qui est ind
2348
s communautaire — selon Schleiermacher, celui qui
est
indifférent à la morale… Je dois t’aimer (pense Agathe) parce que je
2349
a notion de passion amoureuse, parce que celle-ci
est
plus religieuse que sexuelle, juge puéril de se préoccuper encore d’a
2350
naturel avec une méticuleuse vigueur. Déjà alors
étaient
parus nombre de ces livres qui parlent, avec la candeur loyale d’un m
2351
la vie sexuelle », et veulent aider les hommes à
être
mariés, et néanmoins contents. L’homme et la femme n’y sont plus que
2352
s, et néanmoins contents. L’homme et la femme n’y
sont
plus que « porteurs de germe mâle ou femelle » ou encore « partenaire
2353
le besoin de passion, rencontrant l’interdit, qui
est
l’antisocial par excellence, projette immédiatement sur lui sa nostal
2354
entre eux qu’une seule certitude : c’est que tout
était
décidé et que tous les interdits, maintenant, leur étaient indifféren
2355
écidé et que tous les interdits, maintenant, leur
étaient
indifférents… Chacune de leurs respirations leur publiait leur conniv
2356
nt de douceur que les images de l’accomplissement
étaient
bien près de se détacher d’eux et les unissaient déjà dans leur imagi
2357
lus forte encore leur commandait le calme, et ils
furent
incapables de se toucher de nouveau. L’équivoque essentielle entre l
2358
à « l’amour de loin » des troubadours. Mais quel
est
ce désir ? Est-il désir de l’autre, ou seulement Désir en soi ? Les h
2359
loin » des troubadours. Mais quel est ce désir ?
Est
-il désir de l’autre, ou seulement Désir en soi ? Les héros de Musil e
2360
voquée par la passion, cette idole barbare, qui n’
est
pas la même ! — À t’entendre, dit Agathe, il faudrait croire qu’on n’
2361
u’on aime réellement une personne irréelle ? — Là
est
le nœud de l’affaire : dans tous les rapports extérieurs, la personne
2362
voquer le mythe platonicien des deux moitiés de l’
être
qui se cherchent : Ce désir d’un double de l’autre sexe qui nous res
2363
’autre sexe qui nous ressemble absolument tout en
étant
un autre, d’une créature magique qui soit nous tout en possédant l’av
2364
out en étant un autre, d’une créature magique qui
soit
nous tout en possédant l’avantage, sur toutes nos imaginations, d’une
2365
Les grandes, les implacables passions amoureuses
sont
toutes liées au fait qu’un être s’imagine voir son moi le plus secret
2366
ssions amoureuses sont toutes liées au fait qu’un
être
s’imagine voir son moi le plus secret l’épier derrière le rideau des
2367
toutes les contradictions, et sur son cœur, il n’
est
plus de parole vraie ou fausse, chacune étant, hors de l’obscur, l’in
2368
il n’est plus de parole vraie ou fausse, chacune
étant
, hors de l’obscur, l’incomparable naissance de l’esprit, celle que l’
2369
C’est notre destin : peut-être aimons-nous ce qui
est
interdit. Mais nous ne nous tuerons pas avant d’avoir fait une tentat
2370
vant d’avoir fait une tentative extrême. Le monde
est
fugace, fluide : fais ce que veux… Un homme ne va jamais si loin que
2371
s si loin que lorsqu’il ne sait pas où il va… Ils
étaient
debout maintenant sur un haut balcon, entrelacés et enlacés à l’indic
2372
i c’était de la tristesse ; seule la conviction d’
être
élus pour vivre l’exceptionnel retint leurs larmes… Avec les formes l
2373
etint leurs larmes… Avec les formes limitatives s’
étaient
perdues toutes les limites et, comme ils ne percevaient plus aucune s
2374
dans les choses, ils ne formaient plus qu’un seul
être
. Mais cet accomplissement dans l’Île, symbolique de l’abolition du s
2375
’échec fondamental de toute passion : Entre deux
êtres
isolés, il n’y a pas d’amour possible, reconnaît Ulrich. Un amour peu
2376
Ulrich. Un amour peut naître par défi, il ne peut
être
fait de défi. Il faut qu’il soit inséré dans une société. Il n’est pa
2377
défi, il ne peut être fait de défi. Il faut qu’il
soit
inséré dans une société. Il n’est pas un contenu de vie, mais une nég
2378
Il faut qu’il soit inséré dans une société. Il n’
est
pas un contenu de vie, mais une négation, une exception faite à tous
2379
r il faut à une exception quelque chose dont elle
soit
l’exception. On ne peut vivre d’une négation pure. Sous une forme in
2380
n garder pour soi, au sommet, cesser simplement d’
être
. » Cette attitude, qui rejoint le détachement bouddhique, mais qui po
2381
ter la rédemption de la passion par l’amour vrai,
est
décrite au somptueux chapitre intitulé Souffles d’un jour d’été. Il n
2382
somptueux chapitre intitulé Souffles d’un jour d’
été
. Il ne s’y passe rien qu’une longue conversation entre le frère et la
2383
sa mort, Musil travaillait à ce chapitre, qui eût
été
, selon certains, le couronnement de l’œuvre. Ainsi le Jardin clos de
2384
le. Et le Voyage au Paradis de l’ancienne ébauche
fût
devenu le « Voyage vers Dieu » auquel font allusion plusieurs notes p
2385
nesque où tous les thèmes constants de la passion
sont
apparus et ont grandi l’un après l’autre, pour s’évanouir ensuite com
2386
ensuite comme des îles dépassées, ce Jardin clos
serait
l’Ithaque d’une moderne odyssée spirituelle. Mais cette présence heur
2387
rdit fascinant de l’amour sororal n’aurait-il pas
été
le travesti — tout à fait inconscient, j’en suis sûr — d’un amour tro
2388
s été le travesti — tout à fait inconscient, j’en
suis
sûr — d’un amour trop réel pour oser dire son nom dans un roman ? L’a
2389
ion littéraire, condamnant le mariage accompli, n’
est
-elle pas un tabou bien autrement redoutable, aux yeux de l’écrivain e
2390
ste ou de passion maudite ? L’érotique du mariage
est
une terre inconnue pour la littérature occidentale. Il se peut que Mu
2391
américain et confirmant sa morale optimiste. Tels
étant
les goûts du public, telles seraient donc, selon l’enquête, les condi
2392
optimiste. Tels étant les goûts du public, telles
seraient
donc, selon l’enquête, les conditions requises pour un succès de vent
2393
ne subite (réduisant à néant les dires d’experts)
soit
le seul trait commun aux deux ouvrages : elle m’en paraît d’autant pl
2394
c’est vrai, ce dont je doute. Pourquoi l’enquête
est
-elle muette sur ce qui fait depuis des siècles (depuis le xiie siècl
2395
s (depuis le xiie siècle exactement) qu’un roman
soit
vraiment un roman, et nous passionne ? Les préférences qu’avoue le pu
2396
du « réalisme socialiste », d’où l’amour-passion
est
exclu. Or je vois triompher dans ce même public deux romans de l’amou
2397
réjugés du magazine qui a fait l’enquête ? Ce qui
est
sûr, c’est que l’amour-passion demeure mal vu, mais n’en fascine que
2398
ois de plus, pour des raisons, d’ailleurs, qui ne
sont
pas dans ce livre, plus d’un lecteur sera sincèrement choqué de m’en
2399
qui ne sont pas dans ce livre, plus d’un lecteur
sera
sincèrement choqué de m’en voir parler comme d’un roman d’amour. À vr
2400
écrit un énorme roman (dont une partie seulement
sera
publiée) décrivant les prodromes de la révolution russe, puis les lut
2401
vertus des Rouges contre les vices des Blancs. Il
est
normal que le régime, étant ce qu’il est, condamne ce livre. Il est n
2402
es vices des Blancs. Il est normal que le régime,
étant
ce qu’il est, condamne ce livre. Il est normal que le roman condamné
2403
ancs. Il est normal que le régime, étant ce qu’il
est
, condamne ce livre. Il est normal que le roman condamné ne puisse par
2404
régime, étant ce qu’il est, condamne ce livre. Il
est
normal que le roman condamné ne puisse paraître qu’en Europe. Il est
2405
oman condamné ne puisse paraître qu’en Europe. Il
est
normal que le jury du prix Nobel le couronne parce que c’est un beau
2406
e que c’est un beau livre et parce que son auteur
est
resté un homme libre. Il est normal que l’URSS, au lieu de l’interpré
2407
parce que son auteur est resté un homme libre. Il
est
normal que l’URSS, au lieu de l’interpréter comme un hommage rendu à
2408
t lettres de cosaques zaporogues au Kremlin, tout
est
scandaleusement normal, jusque-là. Mais voici l’insolite : les autori
2409
la Russie une lettre pathétique dont l’essentiel
tient
en ces deux phrases : « Le départ hors des frontières de ma patrie éq
2410
littérature soviétique et que je puis encore lui
être
utile. » Il a refusé le prix, il est prêt à renier ce qui déplaît au
2411
encore lui être utile. » Il a refusé le prix, il
est
prêt à renier ce qui déplaît au régime dans son livre, pourvu qu’on l
2412
prouve afin de rentrer dans la faveur publique, n’
est
-ce pas lui qui trahit le peuple ? Ce serait le cas, en effet, si Le D
2413
lique, n’est-ce pas lui qui trahit le peuple ? Ce
serait
le cas, en effet, si Le Docteur Jivago était un acte politique, comme
2414
Ce serait le cas, en effet, si Le Docteur Jivago
était
un acte politique, comme on a voulu le croire de part et d’autre. Sen
2415
je me disais : — Tout se passe comme si cet homme
était
retenu dans son pays par une passion secrète et sans doute interdite
2416
silence humilié et sans espoir. Mais quelle peut
être
la nature de cette « Iseut » inaccessible, dont il semble être le Tri
2417
e de cette « Iseut » inaccessible, dont il semble
être
le Tristan ? Et quel est le roi Marc qui l’en sépare ? Je me mis à li
2418
essible, dont il semble être le Tristan ? Et quel
est
le roi Marc qui l’en sépare ? Je me mis à lire plus avant. Une jeune
2419
. Leur amour se déclare. Liaison clandestine. Ils
sont
de nouveau séparés par les péripéties de la guerre civile. Finalement
2420
tin de sortir de Russie : Jivago refuse. Lara lui
est
enlevée par un puissant politicien qui l’avait séduite quand elle éta
2421
uissant politicien qui l’avait séduite quand elle
était
encore « une gamine ». Le docteur réussit à rejoindre Moscou, où il v
2422
e heure, Lara vient pleurer sur son cadavre. Elle
est
arrêtée peu après, et va mourir en Sibérie. Ainsi, tous les moments d
2423
et pacifique comme le nom de l’océan d’Asie. Ce n’
est
pas un hasard si tu es là, au terme de ma vie, mon ange secret, mon a
2424
m de l’océan d’Asie. Ce n’est pas un hasard si tu
es
là, au terme de ma vie, mon ange secret, mon ange interdit, sous un c
2425
ma vie, sous le ciel paisible de mon enfance, tu
es
apparue de la même manière… Souvent, plus tard, au cours de ma vie, j
2426
urcissait, à cette musique qui s’estompait, qui s’
est
fondue avec mon existence même, qui est devenue la clé de toutes les
2427
it, qui s’est fondue avec mon existence même, qui
est
devenue la clé de toutes les portes du monde, grâce à toi. Une fois
2428
se posait sur leur existence condamnée… Mais qui
est
Lara ? En la perdant, dit Jivago, « il perdrait sa raison de vivre et
2429
enfance, il aimait la forêt lorsque le soir elle
est
transpercée par le feu du couchant », et les scènes décisives de ce r
2430
t », et les scènes décisives de ce roman de poète
sont
toujours éclairées par le même soleil rouge sortant au bas des nuages
2431
se fond dans une identité lyrique : Au fait, qu’
était
-elle donc pour lui ? Oh ! à cette question, il avait toujours une rép
2432
ponse prête. C’est une soirée de printemps. L’air
est
tout piqué de sons. Les voix des enfants qui jouent sont éparpillées
2433
ut piqué de sons. Les voix des enfants qui jouent
sont
éparpillées un peu partout comme pour montrer que l’espace est palpit
2434
es un peu partout comme pour montrer que l’espace
est
palpitant de vie. Et ce lointain, c’est la Russie, cette mère glorieu
2435
s, à jamais sublimes et tragiques ! Oh ! comme il
est
doux d’exister. Comme il est doux de vivre sur la terre et d’aimer la
2436
ques ! Oh ! comme il est doux d’exister. Comme il
est
doux de vivre sur la terre et d’aimer la vie ! Oh ! comme l’on voudra
2437
iquer par la parole avec ces forces cachées, Lara
est
leur représentante, leur symbole. Elle est à la fois l’ouïe et la par
2438
, Lara est leur représentante, leur symbole. Elle
est
à la fois l’ouïe et la parole offertes en don aux principes muets de
2439
aveu, dès que l’identité de Lara et de la Russie
est
expressément déclarée, tout s’éclaire de ce qui vient de se passer da
2440
otiver son refus : « De mon départ, il ne saurait
être
question. » Mais il ajoute un peu plus tard : Tout est déjà entre vo
2441
estion. » Mais il ajoute un peu plus tard : Tout
est
déjà entre vos mains. Il est probable qu’un jour, à bout de forces, j
2442
eu plus tard : Tout est déjà entre vos mains. Il
est
probable qu’un jour, à bout de forces, je devrai étouffer mon orgueil
2443
La nouvelle que vous m’annoncez m’abasourdit. Je
suis
écrasé par une souffrance qui m’enlève la capacité de juger… La seule
2444
nt ; en d’autres termes, l’hostilité du passionné
est
dirigée contre le social en soi, et non point provoquée par la nature
2445
e au pouvoir. Ainsi Tristan, modèle du chevalier,
est
contraint de violer le sacré féodal, devient traître et félon et se v
2446
n manquait pas au xiie siècle — mais parce qu’il
est
devenu la proie d’un pouvoir beaucoup plus absolu : l’état de passion
2447
e son objet idéal avant de l’identifier à quelque
être
réel par une erreur essentiellement inévitable, qu’on attribue donc a
2448
connu, tout en sachant que l’on ne peut y vivre,
est
décrit par eux tous comme indicible. Tantôt, il plonge ceux qui le su
2449
la plus commune, parce que la mieux communicable,
soit
celle qui fait écrire des romans, celle dont la contagion rarement mo
2450
désir sexuel et l’état d’âme ou mieux : l’état d’
être
amoureux. La passion amoureuse est, de toutes, celle qui se prête le
2451
ux : l’état d’être amoureux. La passion amoureuse
est
, de toutes, celle qui se prête le mieux au récit. La sexualité pure e
2452
écit. La sexualité pure et l’amour du prochain ne
sont
vrais qu’en acte, et leur description ennuie vite. La passion de l’Ér
2453
eur description ennuie vite. La passion de l’Éros
est
vraie d’abord en rêve, et n’existe peut-être jamais mieux que dans l’
2454
et d’essence, l’amour-passion, nous l’avons vu, n’
est
guère moins dépendant de cette société qu’il récuse : c’est elle qui
2455
ables. Sur ce point, deux observations encore. Il
est
remarquable que la passion n’utilise interdits et tabous qu’au moment
2456
nt où ceux-ci commencent à faiblir, où les violer
est
encore scandaleux mais n’entraîne pas la mise à mort instantanée, phy
2457
qu’au lendemain du « dégel » soviétique : rien n’
est
encore gagné, mais quelques-uns déjà peuvent avouer quelque chose sou
2458
vouer quelque chose sous le couvert du mythe. Tel
est
le « terrain » biologique où le roman trouve les meilleures chances à
2459
même d’un roman. Le Docteur Jivago, par exemple,
est
de beaucoup le plus traditionnel des trois romans qu’on vient de cons
2460
et l’intrigue aventure spirituelle… Ce processus
est
-il irréversible ? Fait-il prévoir la fin d’un genre, qui serait aussi
2461
versible ? Fait-il prévoir la fin d’un genre, qui
serait
aussi la fin de cette forme de passion dont la littérature entretenai
2462
e des mœurs dans les démocraties de l’Occident ne
sont
plus défendus sans scrupules par les élites des deux partis. Je ne vo
2463
par l’État. La passion qui voudrait les violer ne
serait
plus condamnée, mais simplement soignée, aux frais de la Sécurité soc
2464
aux. J’y ai fait allusion à propos de Musil. S’il
est
vrai que la passion cherche l’inaccessible, et s’il est vrai que l’Au
2465
ai que la passion cherche l’inaccessible, et s’il
est
vrai que l’Autre en tant que tel reste aux yeux d’un amour exigeant l
2466
le au sein même du mariage accepté ? Tout Autre n’
est
-il pas l’inaccessible, et toute femme aimée une Iseut, même si nul in
2467
e excitant, celui qui ne dépendra jamais que de l’
être
même : l’autonomie de la personne aimée, son étrangeté fascinante ?
2468
n étrangeté fascinante ? 72. On sait que Musil
est
mort à Genève, dans la misère, en 1942. 73. Toute cette partie « géo
2469
e Strasbourg, dont s’inspira Wagner. 75. « Je ne
suis
nullement intéressé par ce qu’on appelle “sex” (en Amérique). N’impor
2470
s, en déduit dans l’Express que les « Européens »
sont
insondablement naïfs, ou hypocrites. Oh ! cher François Mauriac, comm
2471
vant cette page, erreur sur l’époque… Le compte y
est
-il ? En tous cas, c’en est trop. Ce qu’on vous a raconté n’est simple
2472
l’époque… Le compte y est-il ? En tous cas, c’en
est
trop. Ce qu’on vous a raconté n’est simplement pas vrai. 56 % des All
2473
ous cas, c’en est trop. Ce qu’on vous a raconté n’
est
simplement pas vrai. 56 % des Allemands d’aujourd’hui souhaitent avoi
2474
érie, où il avait aussi vu des croix gammées) qui
fut
Goering : elle ne connaissait pas ce nom-là. Plus fort : un bachelier
2475
r m’apprend que de Gaulle « à ce qu’il paraît » s’
est
bien conduit pendant la Résistance, quoi qu’il ne fût pas communiste.
2476
bien conduit pendant la Résistance, quoi qu’il ne
fût
pas communiste. Il en déduit que de Gaulle n’est pas un dictateur et
2477
fût pas communiste. Il en déduit que de Gaulle n’
est
pas un dictateur et je l’encourage dans cette idée, tout en le poussa
2478
ps de bâtons et de pages de rhétorique. Déroulède
est
bien mort, Aragon ne suffit pas. Jean Monnet fait tout de même plus s
2479
mes où vous le faites encore. Ce premier objectif
est
atteint. Un tout autre problème a surgi : celui du rôle et de la fonc
2480
érialisme soviétique, la tutelle américaine : tel
est
le cadre mondial dans lequel les « Européens » ont la naïveté de situ
2481
ective vous fait trembler. Où prenez-vous qu’elle
soit
le souci majeur, la manie caractéristique de ceux que, sous le nom d’
2482
uelles, d’une ampleur telle qu’aucun de nos pays,
fût
-il la France plus l’Algérie plus un bon tiers de l’Afrique, ne saurai
2483
écrites — et dont je vous rends l’hommage de vous
tenir
comptable — en faveur de l’union de notre Europe menacée et des ouvri
2484
e des dernières révélations de l’humour américain
est
Jules Feiffer, jeune dessinateur irrité. Il nous montre un bourgeois
2485
ibunal siégeant en plein air et de nuit. La scène
est
éclairée par des phares de camions. Des milliers de spectateurs hurle
2486
une forêt de micros. Autour de la clairière où se
tiennent
les prisonniers, aveuglés par les flashes, rôdent les chasseurs d’ima
2487
s. On sait que la bonne conscience du journaliste
est
dans les chiffres : en voici quelques-uns. Trois bulldozers ont ouver
2488
condamnés, préalablement confessés par 6 prêtres,
sont
conduits deux par deux devant la fosse et fusillés. Ici je cite : « L
2489
police Enrique Despaigne, accusé de 53 meurtres,
fut
gratifié d’un sursis de trois heures, à la demande des opérateurs de
2490
n de la pleine lumière de l’aube. » Le résultat n’
est
pas mauvais, si l’on en juge par les photos extraites du film et que
2491
que l’on nomme les exigences de l’actualité, qui
sont
celles des studios d’abord, mais aussi de l’opinion publique qui a le
2492
mais aussi de l’opinion publique qui a le droit d’
être
informée de tout. Admettons que ces exigences expliquent que l’on en
2493
érieuse comme la mort. Ce qui devait rester sacré
est
profané par cette mise en scène, ce qui devait rester profane est sac
2494
cette mise en scène, ce qui devait rester profane
est
sacralisé par l’horreur. Tout est faux, insondablement faux, perd son
2495
rester profane est sacralisé par l’horreur. Tout
est
faux, insondablement faux, perd son sens et tourne au cauchemar, par
2496
se touchant. Fidel Castro ni l’honneur de Cuba ne
sont
en cause. Mais bien les auditeurs, spectateurs et lecteurs qui tolère
2497
Ces cinq noms que l’Autriche a donnés à l’Europe
sont
parmi les plus grands des Lettres de ce temps. Ils illustrent, au mêm
2498
ne du nom ; et l’on ne s’étonnera pas que Kassner
soit
resté, jusqu’ici, le moins connu d’entre eux, si l’on songe à ce dont
2499
l’esprit : autorité. Avant d’avoir compris ce qui
était
dit — j’entends compris à la manière intellectuelle et discursive, ra
2500
, limite, sacrifice, chance, drame et tension, ne
sont
guère définis que par leurs rapports mutuels et tirent de cette inter
2501
i : « Famille, dieux, nature, tout lui commande d’
être
grand. Grand pour la loi, grand pour le Tout. » Il ne se recherche pa
2502
. L’homme chrétien au contraire, l’homme qui doit
être
surpassé, vit dans la démesure, et lorsqu’il « veut prendre mesure de
2503
me, il se sent aussitôt incomplet et coupable. Il
est
donc possible de dire que le péché est la mesure du démesuré, et que
2504
upable. Il est donc possible de dire que le péché
est
la mesure du démesuré, et que pour le chrétien il n’est pas d’autre g
2505
mesure du démesuré, et que pour le chrétien il n’
est
pas d’autre grandeur ». Ainsi le chrétien existe en tant que le péché
2506
acte par excellence du chrétien, hors duquel il n’
est
pour lui ni mesure, ni grandeur, ni forme, mais seulement chimères et
2507
s de loi interne et de tension par le péché, il n’
est
plus qu’un être sans destinée, un Indiscret. « Sa substance interne e
2508
e et de tension par le péché, il n’est plus qu’un
être
sans destinée, un Indiscret. « Sa substance interne est crevassée et
2509
ns destinée, un Indiscret. « Sa substance interne
est
crevassée et divisée. Son œuvre souvent pleine de charme mais sans fo
2510
ais ne nous détermine jamais… Cet homme indiscret
est
distrait, et sa distraction vient de l’intérieur… Il ne peut jamais s
2511
rte aucune atteinte à la perspicacité parce qu’il
est
vraiment souverain. Peut-être faut-il reconnaître à ce seul philosoph
2512
ée autoritaire. Entendons que, pour lui, penser n’
est
pas se débattre dans ses contradictions personnelles, parlementarisme
2513
ant que la réalité humaine, non sa pensée privée,
est
tourmentée.) Penser n’est pas non plus s’ingénier sur des idées et de
2514
, non sa pensée privée, est tourmentée.) Penser n’
est
pas non plus s’ingénier sur des idées et des combinaisons d’idées : m
2515
des combinaisons d’idées : mais créer de tout son
être
spirituel des faits nouveaux et vrais, dans un certain style. Car il
2516
ouveaux et vrais, dans un certain style. Car il n’
est
point de vérité sans forme. Quelques pages étranges et puissantes sur
2517
strent ce réalisme de la forme, hors de quoi il n’
est
qu’indiscrétion, et qui livre la clé de la pensée de Kassner, comme a
2518
chologiques. Il prend tout par des biais qui nous
sont
peu familiers. Et puis enfin, voilà une philosophie qui postule la vi
2519
t-à-dire l’appréhension poétique du monde. Rien n’
est
plus étranger au nominalisme qui envahit la critique sous l’influence
2520
tique sous l’influence du journal. Il faut savoir
être
secret pour penser avec autorité. Il faut savoir taire ce qui permett
2521
s « réaliser ». Il faut que les pensées créées ne
soient
concevables qu’en elles-mêmes, et comme à l’état sauvage, non par une
2522
t qui les domestique. Une pensée neuve ne saurait
être
comprise à moins d’être recréée dans sa forme — ce dont certaine clar
2523
e pensée neuve ne saurait être comprise à moins d’
être
recréée dans sa forme — ce dont certaine clarté dispense le lecteur.
2524
e lecteur. On pourrait dire aussi que l’indiscret
est
celui qui se préoccupe de défendre plutôt que d’illustrer. Ainsi, sel
2525
i s’avisa de défendre la religion mériterait-il d’
être
appelé Judas numéro deux. Car il ne s’agit pas de professer une chose
2526
ar il ne s’agit pas de professer une chose mais d’
être
la chose. Le rare, c’est que chez Kassner, comme chez Kierkegaard, ce
2527
ésence s’accommode d’une ironie qui chez d’autres
serait
plutôt le fait du détachement. Une ironie à l’intérieur des choses, q
2528
terne et du recteur Krooks sur Judas et la Parole
est
à cet égard d’une saveur particulièrement riche et complexe : « Les b
2529
es ; s’il n’y avait pas de prophètes, les bavards
seraient
peut-être des créatures très silencieuses, comme les belettes ou les
2530
pocryphe de l’empereur Alexandre Ier de Russie, n’
est
qu’une suite de méditations sur le thème du tout-ou-rien moral qui ca
2531
les dissout dans une réalité plus absolue. Telle
est
la forme des dialogues où culmine son art. De ces dialogues, où chaqu
2532
de sa vérité — si bien que la conclusion ne peut
être
qu’implicite et fonction d’une hiérarchie de valeurs, non de la seule
2533
nnaissons le modèle immortel, le Livre de Job. Il
serait
curieux d’en suivre la filiation, jusqu’au Soulier de satin, de Claud
2534
ation, jusqu’au Soulier de satin, de Claudel : ce
serait
une sorte de généalogie du réalisme poétique. Telle fut ma premièr
2535
orte de généalogie du réalisme poétique. Telle
fut
ma première impression. Je la vois aujourd’hui confirmée par un comme
2536
cessé de me séduire et inciter. Je suppose qu’il
est
devenu banal de déplorer l’obscurité des essais et dialogues de Kassn
2537
bscurité des essais et dialogues de Kassner. Elle
est
pourtant la garantie de leur pouvoir, et ne saurait traduire, à mon a
2538
pathétique, de l’adjectif. L’ellipse de pensée n’
est
nullement, chez Kassner, un procédé de rhétorique, une manière de sau
2539
les évidences ou platitudes intermédiaires. Elle
est
un acte de vision. Nous montrant d’un seul coup, sans transition, plu
2540
s ou confondues, son auteur. (Cet angle de vision
étant
son vrai message.) Elle propose donc à l’imagination un exercice spir
2541
générateur de l’Occident. Problème ambigu s’il en
fut
, et qui échappe par définition à la pensée systématique et discursive
2542
isons. De quels autres moyens disposons-nous, qui
soient
ordonnés à cette fin ? Ce sont moyens de poésie, c’est-à-dire d’âme,
2543
posons-nous, qui soient ordonnés à cette fin ? Ce
sont
moyens de poésie, c’est-à-dire d’âme, inadéquats sans doute, s’agissa
2544
ant de l’Esprit… « La faculté principale de l’âme
est
de comparer », remarque Montesquieu, et il ajoute : Ce qui fait ordi
2545
cepts ; sans conclusion. Mais l’angle de vision s’
est
imposé. Et l’imagination, irrésistiblement, s’oriente vers le mystère
2546
des quatre coins de l’Europe. Pourquoi n’y ai-je
été
que si rarement ? Sans doute à cause de la réserve qu’inspirent les p
2547
Mais peut-être aussi, et surtout, parce que je m’
étais
fait de Kassner l’image d’un maître spirituel, d’un guru comme disent
2548
sse cum grano salis, longue in the cheek — quelle
serait
donc l’expression française ? — amusé de retrouver en moi cette persi
2549
rière une relation de maître à disciple qui avait
été
réelle dans mon esprit seulement et qui ne pouvait ni ne devait l’êtr
2550
esprit seulement et qui ne pouvait ni ne devait l’
être
autrement, je le voyais bien, je jouais encore avec l’idée que cette
2551
ou d’un subit changement de sujet. Après tout, n’
était
-ce pas ce que j’attendais ? Il parlait à bâtons rompus sur le dos des
2552
’illusion banale qui veut que l’auteur et l’œuvre
soient
pareils, alors qu’ils sont toujours en tension dialectique — du moins
2553
l’auteur et l’œuvre soient pareils, alors qu’ils
sont
toujours en tension dialectique — du moins s’ils comptent ? Nos trop
2554
sée pour tous ceux que l’on pouvait connaître, ne
fût
-ce que de réputation, qu’il avait bien connus lui-même ou rencontrés
2555
fortement appuyé — et l’on devinait alors qu’ils
étaient
les modèles des personnages de ses Dialogues et récits physiognomoniq
2556
réter : « Le Witz (la boutade, le trait d’esprit)
est
la forme logique et naturelle que revêt la sociabilité chez le solita
2557
istances… » Finalement, je crois bien que Kassner
est
à peu près le seul homme que j’aie connu dont je ne puisse imaginer q
2558
fférencier de celui que, pourtant, il ne cesse de
tenir
pour l’un des plus grands depuis Dante. Le monde de Kassner, au contr
2559
depuis Dante. Le monde de Kassner, au contraire,
est
le monde du Fils, de la Parole qui tranche et institue le drame, le m
2560
un titre curieux : Rilke, le zen et moi 85 et il
est
curieusement décousu. À propos de l’influence qu’on lui attribue sur
2561
ucoup plus tard, il entendit parler du zen, qui n’
est
resté qu’un nom pour lui. Mais dans le recueil d’hommages publié pour
2562
: Cela resta fixé dans ma mémoire, écrit-il, me
tint
alerté… jusqu’à ce que, peu de temps après, je fusse informé de l’exi
2563
nt alerté… jusqu’à ce que, peu de temps après, je
fusse
informé de l’existence d’une école du zen dont les maîtres parviendra
2564
le zen signifiait et dans quel rapport il pouvait
être
avec mon œuvre, qui comptait à ce moment-là plus d’un demi-siècle. At
2565
oir le but en lui-même ?… Le zen, le tir aveugle,
est
acte, mais cet acte est en outre notre pensée la plus profonde, l’ult
2566
… Le zen, le tir aveugle, est acte, mais cet acte
est
en outre notre pensée la plus profonde, l’ultime, et le dirai-je, la
2567
ir qu’atteint la flèche du tireur aux yeux bandés
est
le point zéro de la cible, le Néant qui est en même temps le Tout… Qu
2568
andés est le point zéro de la cible, le Néant qui
est
en même temps le Tout… Que signifie encore le zen, sinon l’éliminatio
2569
iver qui ne sépare plus l’acte de l’ascèse. Ceci
est
absolument hindou, ajoute Kassner, appartient à l’Asie, et n’eût été
2570
ou, ajoute Kassner, appartient à l’Asie, et n’eût
été
compris que par peu de Grecs, par les éléates, et par aucun Romain. I
2571
’existence de l’Infini, dès que la parole cesse d’
être
une simple coque ; et il s’agit aussi de l’union ultime du But et du
2572
i de l’union ultime du But et du Sens. Si je m’en
tiens
à cette interprétation du zen, Denis de Rougemont a raison ; il y a d
2573
cevable, en vertu de l’Imagination créatrice, qui
est
pour lui la seule forme possible de la foi. Et certes, il m’est souv
2574
seule forme possible de la foi. Et certes, il m’
est
souvent venu à l’esprit que cette Einbildungskraft 87, qui joue dans
2575
mental que la libido chez un Freud, pourrait bien
être
pour Kassner d’abord la seule forme possible de la foi — ce qui est p
2576
’abord la seule forme possible de la foi — ce qui
est
plus gnostique qu’orthodoxe… Ne tire-t-il pas le zen de son côté ? Il
2577
, peut-être, pour les hommes auxquels la Langue a
été
donnée. C’est cette question que le 23e des Sonnets à Orphée pose, ou
2578
ose, ou tout au moins, comme il convient à Rilke,
tient
cachée : C’est lorsqu’un pur essor vers où ? Aura vaincu l’orgueil p
2579
uéril Qu’enfin, submergé par son gain Celui qui s’
est
approché des lointains Sera ce que son vol solitaire a conquis. « V
2580
ce que son vol solitaire a conquis. « Voilà qui
est
zen, conclut Kassner, ou solution d’un problème zen par le poète, par
2581
rême dépassement des concepts, au nom du Sens qui
est
le But à l’infini. Le But, la Flèche et l’Homme Kassner avait s
2582
le style même, et sinon le son de sa voix, qu’on
est
seul à ne pas reconnaître, du moins le mouvement de pensée de ses Dia
2583
s d’un maître zen sur le tir à l’arc : Celui qui
est
capable de tirer avec l’écaille du lièvre et le poil de la tortue, c’
2584
s arc (écaille) et sans flèche (poil), ce dernier
est
Maître, dans l’acception la plus élevée du terme, Maître de l’art san
2585
vée du terme, Maître de l’art sans art, mieux, il
est
l’art sans art, à la fois ainsi Maître et non-Maître. Par ce revireme
2586
le plus remarquable. Il semble que Kassner ne se
soit
pas souvenu d’avoir écrit lui-même dans ses Proverbes du yogi 89 les
2587
Quand je décoche une flèche, le but que je vise
est
toujours dans le fini. Le point où tombe la flèche, c’est le fini (sa
2588
s maintenant Herrigel, ce philosophe allemand qui
est
allé au Japon pour s’initier au zen en s’entraînant au tir à l’arc.
2589
ez pas assez loin. Comportez-vous comme si le but
était
l’infini… Un bon archer tire plus loin avec un arc de moyenne puissan
2590
anière technique, et si elle lui donne un nom, ce
sera
: Bouddha. Enfin ceci, qui devait combler chez Kassner le penseur ex
2591
u maître : Je crains de ne plus rien comprendre…
Est
-ce moi qui touche le but ou bien le but qui m’atteint ? Ce que vous a
2592
que vous appelez le « quelque chose » (qui tire)
est
-il de nature spirituelle aux yeux du corps, ou corporelle aux yeux de
2593
rc, flèche, moi, s’amalgament tellement que je ne
suis
plus capable de les séparer… Le Maître m’interrompit alors et dit : V
2594
de lui, et dans laquelle il semble bien qu’il se
soit
finalement reconnu. J’ai dit que l’image d’un maître zen m’était venu
2595
t reconnu. J’ai dit que l’image d’un maître zen m’
était
venue en écoutant parler Kassner. Et voici ce qu’il dit lui-même de l
2596
rsation telle qu’il l’entend et la pratique : Je
suis
toujours chargé (comme un fusil) quand je suis réellement alerté, éve
2597
Je suis toujours chargé (comme un fusil) quand je
suis
réellement alerté, éveillé. Le dialogue, la dialectique sont alors le
2598
ment alerté, éveillé. Le dialogue, la dialectique
sont
alors les moyens convenables pour provoquer l’étincelle, la détente,
2599
le noir. De là mon « Tireur zen », mon zen… L’arc
est
toujours tendu. Et oui, bien sûr, pourquoi ne pas penser ici au bios
2600
la mort ? Mais il ajoute aussitôt que le silence
est
pour lui une véritable volupté — pendant des heures, chaque soir — et
2601
nse. Je lui aurais dit sans doute : le but du zen
est
de nous libérer du moi conscient, mais le sens dernier de votre œuvre
2602
oi conscient, mais le sens dernier de votre œuvre
est
de libérer ce moi conscient (qui est la personne) du moi factice, du
2603
votre œuvre est de libérer ce moi conscient (qui
est
la personne) du moi factice, du personnage et de son masque, laissant
2604
. Entre les deux « abîmes » du monde magique, qui
est
le monde sans mesure d’avant le drame, d’avant l’idée et la Parole —
2605
l’idée et la Parole — et du monde collectif, qui
est
sa contrepartie plate et abstraite, et que vous nommez souvent « magi
2606
le passage vers l’esprit et vers la liberté, qui
est
souffrance et vision, tension et sacrifice, incarnation de la Parole
2607
. Maintenant, comment passer de cette réalité qui
est
liberté de la personne, à celle du zen qui est négation du personnel
2608
ui est liberté de la personne, à celle du zen qui
est
négation du personnel ? Ou plutôt, saurez-vous nous faire voir l’unit
2609
autre mieux que vous, vous seul sans doute… Il n’
est
plus là. Mais j’imagine que ses Propos, que l’on commence à publier,
2610
cherait rien de lui en partant de généralités. Il
est
par excellence l’auteur incomparable. Et de même, son œuvre défie tou
2611
tons éveillaient dans l’esprit de l’oncle Hammond
étaient
absolument originales et ne tarissaient pas. L’oncle Hammond pouvait,
2612
éoccupé d’une immortalité tout à fait impossible,
est
indiscret, l’autre ne fait que son devoir. » 82. Je viens de lire de
2613
rive et s’en aille à l’improviste, que les récits
soient
brefs — surtout pas d’analyses ! — les propos vifs, spontanés, sautan
2614
ffre considérable. À défaut d’une autre gloire, n’
est
-ce pas, je garderai peut-être celle d’avoir été le plus grand promene
2615
n’est-ce pas, je garderai peut-être celle d’avoir
été
le plus grand promeneur de la littérature universelle, malgré mes can
2616
re, mais beaucoup pour moi… Ma vision, ma pensée,
sont
liées à la marche, au chemin. Inséparables !… » (A. Cl. Kensik : « En
2617
eistige Welten, Ullstein, 1958. 86. Ce parallèle
est
déjà indiqué dans les Propos recueillis par Kensik (Gedenkbuch, 1954)
2618
lancolie et de son angoisse : « De même qu’Hamlet
est
une géniale conception de Shakespeare, on pourrait appeler Kierkegaar
2619
Preuves et Der Monat peu de mois avant. 87. Il
serait
absolument insuffisant de traduire Einbildungskraft par imagination :
2620
, Zurich, 1949. Une bonne partie de ces proverbes
étaient
écrits avant la guerre de 1914 et avaient paru en revue. Je rappelle
2621
ême comment on pourrait faire mieux qu’elle, ce n’
est
pas en apprenti mais bien en chef d’État qu’il s’en va discourir deva
2622
e. Ce tsar qui se fait ouvrier, cet ouvrier qui s’
est
fait tsar poursuivent la même politique russe, par des moyens qu’il e
2623
ent la même politique russe, par des moyens qu’il
est
facile de comparer. Chez l’un et l’autre, et malgré toutes les différ
2624
t souhaitait le dépasser dans son sens. Voilà qui
est
clair et naturel. Khrouchtchev, au contraire, professe que l’Occident
2625
rouchtchev, au contraire, professe que l’Occident
est
promis à la décadence. Que veut-il donc rejoindre et dépasser de cet
2626
mis de tels résultats que l’Union soviétique, qui
est
dans le sens de l’Histoire, doive aujourd’hui se donner pour but de l
2627
ec les bases mêmes du marxisme. Le « communisme »
est
mentionné cent fois dans cet article, son triomphe est donné pour fat
2628
entionné cent fois dans cet article, son triomphe
est
donné pour fatal, mais on chercherait en vain une phrase ou un exempl
2629
ns l’intérêt du peuple. » À ce niveau d’idéal, il
est
clair qu’aucune contradiction ne saurait plus exister entre les buts
2630
uisque l’économie soviétique, qui n’a que 42 ans,
est
déjà capable de défier l’économie capitaliste américaine, âgée selon
2631
lement de cette compétition, peut donc juger quel
est
le meilleur des deux systèmes. » Ce que K. continue d’appeler la « lu
2632
ntinue d’appeler la « lutte idéologique » entre l’
Est
et l’Ouest n’est donc plus à ses yeux qu’une lutte de vitesse, et le
2633
la « lutte idéologique » entre l’Est et l’Ouest n’
est
donc plus à ses yeux qu’une lutte de vitesse, et le « meilleur systèm
2634
’une lutte de vitesse, et le « meilleur système »
est
simplement celui qui va mener le plus vite au même but ! Avouez qu’il
2635
re États. » On a bien lu : l’idéologie communiste
est
une chose, la politique concrète en est une autre, il faut cesser de
2636
ommuniste est une chose, la politique concrète en
est
une autre, il faut cesser de « confondre » cette théorie et cette pra
2637
méricain — non pas celui du State Department, qui
est
politique, mais celui de l’opinion réfléchie et anxieuse — je le croi
2638
la plus grave de notre société, c’est que nous ne
sommes
unis dans la poursuite d’aucun objectif fondamental… Nous parlons de
2639
rs un but et dans laquelle l’énergie des citoyens
est
dirigée vers la réalisation de ce but. La seule façon de répondre à M
2640
venir enfin le peuple confiant et résolu que nous
sommes
en réalité. Je ne vois guère moins de sophisme dans cet argument que
2641
n’avons plus de grande idée, eux en ont une. Nous
sommes
riches, heureux, arrivés, donc faibles ; ils sont en marche, pauvres,
2642
mmes riches, heureux, arrivés, donc faibles ; ils
sont
en marche, pauvres, insatisfaits, donc forts. Que reste-t-il aux rich
2643
proposera M. Lippmann pour réveiller vos énergies
sera-t
-elle de « faire mieux que la Russie » ? Imitez-vous les uns les autre
2644
que la Russie » ? Imitez-vous les uns les autres
serait
-il le sommaire de la Loi qui régira l’ennui futur et fera s’endormir
2645
sagesse, de sens de la vie. Comme si la richesse
était
tout. Comme si le vrai but était le bonheur tout fait né de l’abondan
2646
e si la richesse était tout. Comme si le vrai but
était
le bonheur tout fait né de l’abondance des biens produits. On ne voit
2647
éologique ». Le dictateur et l’homme. — Telles
étant
donc les attitudes affichées ou confessées de part et d’autre à la ve
2648
, on pouvait et l’on devait s’attendre à ce qui s’
est
passé en effet : la rencontre de deux groupes de complexes qui d’abor
2649
lé de soulagement et d’anxiété nouvelle : nous ne
sommes
pas si différents, mais alors ? Où sont nos certitudes, nos refus bie
2650
nous ne sommes pas si différents, mais alors ? Où
sont
nos certitudes, nos refus bien tranchés, nos raisons de nous haïr et
2651
rouchtchev réitère que ses positions idéologiques
sont
irréductibles, on dirait qu’il essaie de rassurer sa foi. Quand les i
2652
quoi c’était tout à l’heure impensable… Que K. se
soit
assez bien entendu avec les grands capitalistes, mais au plus mal ave
2653
aconte en se tapant sur la cuisse comment « ils »
sont
là-bas, étonnants et risibles… Si l’on songe au Führer, au Duce, à St
2654
e, à Staline, il devient évident que Khrouchtchev
est
une créature intermédiaire entre le dictateur et l’homme. Plus près d
2655
alement en faveur de la paix, et que les intérêts
sont
de même nature, bien que provisoirement en concurrence. Il se peut qu
2656
ent en concurrence. Il se peut que les Américains
tiennent
davantage à conformer leur politique à leurs principes, et que les Ru
2657
x nécessités de leur construction économique ; il
est
probable que les Américains ne sont pas loin de réaliser les buts con
2658
conomique ; il est probable que les Américains ne
sont
pas loin de réaliser les buts concrets du socialisme, sous l’étiquett
2659
rrespond au capitalisme des années 1880 ; mais il
est
certain que ces deux peuples sont destinés à se ressembler de plus en
2660
s 1880 ; mais il est certain que ces deux peuples
sont
destinés à se ressembler de plus en plus, dans toute la mesure où ils
2661
images concrètes de la Russie et de l’Amérique se
sont
rapprochées, plus puissantes et plus efficaces que les oppositions id
2662
es grandes masses qui font l’histoire du siècle s’
est
précisée. Amérique du Nord, Russie, Chine, sans cesse nommées, numéro
2663
s et comparées dans les discours de Khrouchtchev,
sont
apparues comme les seules réalités politiques importantes. Cet angle
2664
oie l’Europe, qu’on y pense même ! Mais nous, qui
sommes
d’Europe, nous allons y penser. Le mois dernier, François Bondy posai
2665
tente et les intellectuels (mars 1960)bb Il me
sera
d’autant plus facile d’en parler d’une manière détendue que ma seule
2666
due que ma seule intention, dans cette chronique,
est
d’essayer de comprendre un problème très confus dont je ne suis même
2667
de comprendre un problème très confus dont je ne
suis
même pas sûr qu’il y ait lieu de le poser, mais qui paraît troubler c
2668
ce des rapports entre les hommes ». Les problèmes
sont
posés désormais, « en des termes qui dépassent tous les conflits anté
2669
Cette revue essaie de prouver que la coexistence
est
impossible et que la guerre froide ne cessera de voisiner avec la gue
2670
et simple entre le communisme et l’anticommunisme
est
dépassé. De nouvelles réalités sont là, dont il faut tenir compte. »
2671
anticommunisme est dépassé. De nouvelles réalités
sont
là, dont il faut tenir compte. » Conséquence : « La littérature expér
2672
ce : « La littérature expérimentale d’avant-garde
est
une séquelle de la guerre froide » et ne saurait survivre à la détent
2673
la guerre dans la littérature ». Ehrenbourg, lui,
est
pour la paix dans la littérature aussi : « Je tiens à affirmer ma pro
2674
est pour la paix dans la littérature aussi : « Je
tiens
à affirmer ma profonde conviction qu’il n’existe pas “d’art bourgeois
2675
’ont jamais exprimé l’idéologie bourgeoise, et il
serait
absurde de prétendre que Hemingway, Faulkner, Graham Greene ou Saroya
2676
ajoute sèchement : « Exiger une trêve idéologique
est
parfaitement irréaliste, et une telle demande ne peut être faite que
2677
aitement irréaliste, et une telle demande ne peut
être
faite que par ceux qui n’ont rien compris au processus historique. »
2678
ent de la lutte idéologique… On nous a dit : tout
est
changé, tout doit changer, les vieux problèmes sont dépassés. Mais je
2679
st changé, tout doit changer, les vieux problèmes
sont
dépassés. Mais je ne vois encore qu’une vaste confusion. Admettons qu
2680
aut, de définir en termes clairs et simples ce qu’
étaient
ces données auparavant, dans l’espoir de mieux distinguer ce qu’elles
2681
espoir de mieux distinguer ce qu’elles pourraient
être
désormais. Position des communistes, avant la détente. — Ils servai
2682
bjectivement », que l’opposition politique : ce n’
était
pas quelque chose qu’on discute, mais seulement quelque chose qu’on a
2683
mais seulement quelque chose qu’on avoue quand on
est
pris et démasqué. Ils nous jugeaient donc à leur aune. Ils avaient dé
2684
tait notre unique obsession, notre seule raison d’
être
, et notre profession. Tout était donc permis pour nous disqualifier,
2685
re seule raison d’être, et notre profession. Tout
était
donc permis pour nous disqualifier, et même obligatoire. Aragon me tr
2686
avais « publié tous mes livres sous Vichy », et j’
étais
« payé par les Américains », comme Sartre et Camus, d’ailleurs. Quelq
2687
le dire et c’est tout. Or, si nous nous trouvions
être
« anticommunistes », c’est-à-dire définis comme tels non par nous mai
2688
la vocation de l’écrivain dans la cité ne pouvait
être
interprétée un seul instant dans leur langage et leurs catégories. Po
2689
munion des masses autour d’une politique. Ce rôle
est
exactement le contraire de celui qu’un écrivain doit revendiquer. Le
2690
écrivain doit revendiquer. Le rôle de l’écrivain
est
de montrer par son œuvre que l’organisation ne constitue pas la total
2691
constitue pas la totalité. Le rôle de l’écrivain
est
de penser à autre chose et de faire penser à autre chose. » C’est dan
2692
pour le douteux profit de n’importe quel système,
fût
-il celui de nos États, c’est dans cette mesure-là que nous étions des
2693
de nos États, c’est dans cette mesure-là que nous
étions
des « antis ». Au reste, nous pensions surtout à « d’autres choses ».
2694
xplicablement perverse et révoltante. Le dialogue
était
impossible. Puis il y eut le « dégel » et les « révélations » du XXe
2695
ur système suffisait bien, et que le dialogue eût
été
temps perdu avec des officieux qui ne pouvaient pas nous écouter et n
2696
ricatures. (C’est irritant de redire tout cela, n’
est
-ce pas ? Ceux de ma génération en ont assez. Les plus jeunes ne conna
2697
K. joue la détente ? Une seule chose, notable il
est
vrai, dans le camp russe : cette phrase de l’article de K. publié par
2698
t la lutte idéologique. Si la lutte idéologique n’
est
plus la guerre, si celui qui s’oppose n’est plus un belliciste, la pr
2699
que n’est plus la guerre, si celui qui s’oppose n’
est
plus un belliciste, la première donnée du dialogue est restituée : ne
2700
lus un belliciste, la première donnée du dialogue
est
restituée : ne pas considérer comme criminel celui qui est d’un avis
2701
tuée : ne pas considérer comme criminel celui qui
est
d’un avis différent. Mais la seconde donnée manque encore, et c’est l
2702
a lutte idéologique des Soviets contre l’Occident
serait
compatible avec la coexistence pacifique, mais toute riposte du côté
2703
pacifique, mais toute riposte du côté occidental
serait
encore un acte de guerre froide. Nous reprochions à l’URSS de ne pas
2704
ique et la guerre dans le domaine des idées. Nous
sommes
d’accord : c’était notre attitude. Et l’URSS précisément la condamnai
2705
’opposer à la paix dans la mesure où elle cesse d’
être
une lutte. Ehrenbourg est pour les échanges, comme il se doit. Mais a
2706
mesure où elle cesse d’être une lutte. Ehrenbourg
est
pour les échanges, comme il se doit. Mais au lieu de traduire Pastern
2707
munistes ! En revanche, Silone et Spender doivent
être
bannis du dialogue et ce n’est pas, bien au contraire, qu’ils soient
2708
t Spender doivent être bannis du dialogue et ce n’
est
pas, bien au contraire, qu’ils soient de faux Occidentaux… Cette faib
2709
alogue et ce n’est pas, bien au contraire, qu’ils
soient
de faux Occidentaux… Cette faiblesse congénitale dans l’attitude des
2710
intellectuels des deux camps. Mais tous les camps
sont
provisoires. Demain, la jeunesse russe fera valoir sa nostalgie de li
2711
selon les sociologues. Mais notre mère à tous, n’
est
-ce pas l’Europe ? 93. Allocution à la Salle Gaveau pendant une réun
2712
rès et les idéaux qui l’inspirent. Le plus simple
sera
de reprendre les trois termes formant notre titre : Congrès, Liberté,
2713
es s’appellent et s’impliquent mutuellement. Nous
sommes
donc d’abord un Congrès — un congrès permanent, il est vrai, puisqu’i
2714
onc d’abord un Congrès — un congrès permanent, il
est
vrai, puisqu’il a tenu des réunions successivement dans plus de vingt
2715
— un congrès permanent, il est vrai, puisqu’il a
tenu
des réunions successivement dans plus de vingt-cinq pays sur les cinq
2716
ts — mais voici le point important : ce Congrès n’
est
pas un parti, n’est pas un front discipliné mais un simple rassemblem
2717
oint important : ce Congrès n’est pas un parti, n’
est
pas un front discipliné mais un simple rassemblement d’hommes de cult
2718
service des libertés de l’esprit partout où elles
sont
attaquées, une certaine force de frappe, de protestation efficace. Ma
2719
te génération, le progrès dans la liberté. Car il
est
clair que ce problème numéro 1 de notre siècle déborde toute capacité
2720
nts de vue, et à l’échelle mondiale. Le Congrès s’
est
donc adressé aux intellectuels du monde entier et il leur a dit : Vou
2721
parti pris de la liberté ! Sur ce mot Liberté, je
serai
très bref, bien qu’il soit le mot capital. Car la liberté, voyez-vous
2722
ur ce mot Liberté, je serai très bref, bien qu’il
soit
le mot capital. Car la liberté, voyez-vous, ce n’est pas quelque chos
2723
le mot capital. Car la liberté, voyez-vous, ce n’
est
pas quelque chose dont nous devons parler, mais quelque chose que nou
2724
ement non développés) des centaines de millions d’
êtres
humains qui souffrent avant tout de ne pas trouver un sens à leur vie
2725
es définitions, que là aussi vous me permettrez d’
être
assez bref, et de me borner à quelques traits définissant la concepti
2726
dont il comprend les symboles. Mais la sécurité n’
est
que la moitié de l’affaire : l’aventure personnelle, la nouveauté, l’
2727
la nouveauté, l’inquiétude, une certaine révolte
sont
aussi des besoins vitaux. Et alors se révèle l’autre aspect de la cul
2728
ors se révèle l’autre aspect de la culture, qui n’
est
plus seulement transmission mais critique et rupture s’il le faut ; q
2729
ion mais critique et rupture s’il le faut ; qui n’
est
plus seulement initiation mais invention. Ces deux aspects de la cult
2730
éduis que la fonction de notre Congrès, tel qu’il
est
devenu depuis dix ans, s’élargissant progressivement aux dimensions d
2731
t progressivement aux dimensions du monde entier,
est
désormais d’organiser un ample effort de réflexions entre intellectue
2732
mériques ; mais ceci dans la perspective qui nous
est
propre : celle des incidences du progrès sur les vraies libertés huma
2733
umaines. On nous demande souvent, de tous côtés :
Êtes
-vous un mouvement politique ? Il me semble que le commentaire que je
2734
wers insistent : tous veulent absolument que nous
soyons
politiques, que nous soyons d’abord anti-ceci ou cela… J’insisterai d
2735
t absolument que nous soyons politiques, que nous
soyons
d’abord anti-ceci ou cela… J’insisterai donc à mon tour. En situant l
2736
ne. La politique, nous n’y échapperons pas, et il
est
inutile d’insister sur ce fait, ici, dans ce Berlin où elle nous cern
2737
otre volonté et à notre foi. Et alors, la liberté
serait
-elle du nombre de ces fins dernières, serait-elle à son tour un absol
2738
erté serait-elle du nombre de ces fins dernières,
serait
-elle à son tour un absolu ? Non, certes, mais elle seule nous conduit
2739
loisir, et tant d’action que de méditation. Ce n’
est
point par des statistiques, portant sur les résultats d’un régime ou
2740
e et d’affronter le mystère de sa personne. Telle
est
la fin dernière de toute communauté, et la seule mesure qui permette
2741
(avril 1961)bd Dans la forêt de Gribskov, il
est
un lieu nommé « le Coin des Huit Chemins ». Seul le trouve celui qui
2742
esse, car aucune carte ne l’indique. Son nom même
est
une contradiction, car comment le croisement de huit chemins publics
2743
la trivialité, combien plus triviale encore doit
être
la rencontre de huit routes ! Pourtant il en est bien ainsi : huit ro
2744
être la rencontre de huit routes ! Pourtant il en
est
bien ainsi : huit routes et quelle solitude ! … Tout près de là, un b
2745
’« Enclos fatal »… L’animation des huit chemins n’
est
qu’une pure possibilité, — possibilité pour l’esprit. Car personne ne
2746
couvre son Isolde. Pour l’un et l’autre la pensée
est
une passion, et l’expression totale de la passion ne peut être que mu
2747
ion, et l’expression totale de la passion ne peut
être
que musicale. « Par la musique, les passions jouissent d’elles-mêmes.
2748
n’a pu que rêver, que sa personne refuse, et qui
est
son Ombre. J’ai cherché bien longtemps le point de perspective d’où l
2749
ne étape significative, — et « l’enclos fatal » n’
est
pas loin, mais en même temps s’ouvrent des avenues… Ces carrefours «
2750
ues… Ces carrefours « qu’aucune carte n’indique »
sont
les lieux les plus émouvants, pour celui qui chevauche à l’aventure a
2751
des grands bois du Nord de la Seeland, un soir d’
été
, que les convives du Banquet se réunissent devant le seuil d’un pavil
2752
ier de mon bonheur ! Car en vérité, cette pièce s’
est
emparée de moi d’une façon si diabolique que je ne pourrai plus jamai
2753
ité existentielle. La vie réelle de Kierkegaard s’
est
qualifiée par son refus du mythe de Don Juan, tentation permanente et
2754
. En voici l’argument condensé. Le christianisme,
étant
esprit, a posé dans le monde la sensualité. Parce qu’il l’excluait en
2755
tanéité. La musique seule va s’y prêter. Car elle
est
un langage des sens, mais le sens de l’ouïe plus que tout autre est «
2756
sens, mais le sens de l’ouïe plus que tout autre
est
« déterminé par l’esprit ». La musique, au surplus, est, après la par
2757
déterminé par l’esprit ». La musique, au surplus,
est
, après la parole, le médium le moins matériel de l’idée : elle n’exis
2758
l son « objet absolu » car « l’état d’âme sensuel
est
trop lourd et trop dense pour être porté par la parole ; seule la mus
2759
t d’âme sensuel est trop lourd et trop dense pour
être
porté par la parole ; seule la musique peut l’exprimer ». Si Don Juan
2760
ble et démoniaque, « déterminé par l’esprit comme
étant
ce que l’esprit exclut », l’expression de Don Juan ne peut être que m
2761
esprit exclut », l’expression de Don Juan ne peut
être
que musicale. Et c’est pourquoi le seul Don Juan conforme au mythe95,
2762
Voici son signalement selon Kierkegaard. Don Juan
est
une puissance, et non pas une personne : Quand Don Juan est conçu mu
2763
ssance, et non pas une personne : Quand Don Juan
est
conçu musicalement, j’entends en lui tout l’infini, mais aussi la pui
2764
e triomphe absolu de ce désir, triomphe auquel il
serait
vain de s’opposer. Si d’aventure la pensée s’attarde à l’obstacle, ce
2765
que de s’y opposer réellement ; la jouissance en
est
accrue, la victoire est certaine et l’obstacle n’est qu’un stimulant.
2766
lement ; la jouissance en est accrue, la victoire
est
certaine et l’obstacle n’est qu’un stimulant. Je trouve en Don Juan u
2767
accrue, la victoire est certaine et l’obstacle n’
est
qu’un stimulant. Je trouve en Don Juan une vie ainsi animée d’un démo
2768
t et irrésistible, à la façon d’un élément. Telle
est
son idéalité dont je puis me réjouir tranquillement, parce que la mus
2769
e ou individu, mais comme puissance.96 Don Juan
est
un mouvement, une tension pure, ou n’est plus rien. Lancé comme une p
2770
Don Juan est un mouvement, une tension pure, ou n’
est
plus rien. Lancé comme une pierre qui ricoche à la surface de l’eau,
2771
n préparatif, d’aucun plan, d’aucun temps, car il
est
toujours prêt, l’énergie est constamment présente en lui et le désir
2772
’aucun temps, car il est toujours prêt, l’énergie
est
constamment présente en lui et le désir aussi. Il n’étourdit pas Zer
2773
ne rêverait pas de devenir malheureuse pour avoir
été
une fois heureuse avec Don Juan serait une pauvre fille. Don Juan es
2774
se pour avoir été une fois heureuse avec Don Juan
serait
une pauvre fille. Don Juan est convaincu que « l’expression véritabl
2775
avec Don Juan serait une pauvre fille. Don Juan
est
convaincu que « l’expression véritable de la femme consiste en sa vol
2776
on véritable de la femme consiste en sa volonté d’
être
séduite… C’est pourquoi elle ne se fâche jamais contre son séducteur,
2777
otisme de Don Juan s’oppose à l’Éros antique, qui
était
psychique et non sensuel, « et c’est ce qui inspire cette pudeur qui
2778
tois, essentiellement fidèle. « L’amour psychique
est
existence dans le temps, l’amour sensuel disparition dans le temps »9
2779
tion dans le temps »99, d’où vient que la musique
est
son parfait médium. Pour Don Juan, « la féminité tout à fait abstrait
2780
our Don Juan, « la féminité tout à fait abstraite
est
l’essentiel », l’individualité n’existe pas : il n’y aura jamais à se
2781
is seulement répétition et multiplicité. Sa vie n’
étant
ainsi qu’« une somme de moments distincts…, une addition d’instants »
2782
raphie : le doter d’une enfance et d’une jeunesse
fut
l’erreur fatale de Byron. Il est le génie de l’instant. Ses conquêtes
2783
t d’une jeunesse fut l’erreur fatale de Byron. Il
est
le génie de l’instant. Ses conquêtes sont sans histoire, « car le tem
2784
yron. Il est le génie de l’instant. Ses conquêtes
sont
sans histoire, « car le temps lui manque ». « La voir et l’aimer sont
2785
« car le temps lui manque ». « La voir et l’aimer
sont
une seule chose… et aussitôt tout est fini, puis cela se répète à l’i
2786
et l’aimer sont une seule chose… et aussitôt tout
est
fini, puis cela se répète à l’infini. » Sans passé, sans mémoire (il
2787
tatue de pierre du Commandeur. Mais le Commandeur
est
un esprit ! C’est même un revenant, donc un retour du passé. Il repré
2788
on spirituelle du génie spontané de l’instant. Il
est
donc seul capable de dompter Don Juan, nulle puissance du monde n’en
2789
son. Cette description du mythe par Kierkegaard n’
est
pas seulement inspirée de Mozart : elle a pour but de démontrer que l
2790
lle a pour but de démontrer que l’opéra de Mozart
est
le mythe pur, intégralement manifesté en chaque détail comme dans le
2791
e Faust suppose une telle maturité d’esprit qu’il
est
naturel qu’il y en ait plusieurs conceptions », chacune pouvant être
2792
y en ait plusieurs conceptions », chacune pouvant
être
« parfaite » pour une génération ; tandis que le Don Juan de Mozart,
2793
lui-même (dont la pénétration proprement musicale
est
stupéfiante, Kierkegaard se disant lui-même un « amateur » sans aucun
2794
en mouvement. Elle résonne partout. » Don Juan n’
étant
pas caractère, mais puissance et vie, donc « absolument musical », le
2795
olument musical », les autres personnages, qui ne
sont
que passions déterminées par Don Juan, sont dans cette mesure même mu
2796
ui ne sont que passions déterminées par Don Juan,
sont
dans cette mesure même musicaux. « On peut arriver pendant la représe
2797
. « On peut arriver pendant la représentation, on
est
immédiatement au centre, parce que ce centre, qui est la vitalité de
2798
immédiatement au centre, parce que ce centre, qui
est
la vitalité de Don Juan, se trouve partout. » Le seul personnage qui
2799
. » Le seul personnage qui semble faire exception
est
naturellement le Commandeur, mais d’une certaine manière (que précise
2800
e (que précise l’analyse des thèmes musicaux), il
est
« placé en dehors de la pièce, ou il la circonscrit ». Comme le temps
2801
la pièce, ou il la circonscrit ». Comme le temps
est
circonscrit par l’éternité. Kierkegaard et Tristan Kierkegaard
2802
ternité. Kierkegaard et Tristan Kierkegaard
fut
pourtant le contraire d’un Don Juan. Dans ses rapports avec son œuvre
2803
e, son action publique, et sa vocation finale, il
fut
Hamlet. Mais dans sa vie individuelle, dans son amour unique et longu
2804
r unique et longuement malheureux pour Régine, il
fut
Tristan. Cependant, je n’ai trouvé dans toute son œuvre que de rares
2805
n, voire ce mutisme, et cette luxuriance verbale,
est
de ceux qui expriment à coup sûr les données essentielles d’une perso
2806
p sûr les données essentielles d’une personne. Qu’
est
-ce que Don Juan pour ce célibataire parfaitement libre de mener sa vi
2807
e d’écrivain et sa vocation religieuse ? Don Juan
est
de toute évidence la figure de lui-même qui le tente le plus : c’est
2808
e raison qui reste son secret dernier. Le mariage
étant
écarté, s’il choisit d’être anachorète, le séducteur devient son myth
2809
dernier. Le mariage étant écarté, s’il choisit d’
être
anachorète, le séducteur devient son mythe. Don Juan devient son ombr
2810
il doit exalter et condamner sans cesse, car elle
est
lui autant que lui, mais elle est ce qu’il refuse en lui. Elle est ce
2811
cesse, car elle est lui autant que lui, mais elle
est
ce qu’il refuse en lui. Elle est ce qu’il saurait être, exemplairemen
2812
e lui, mais elle est ce qu’il refuse en lui. Elle
est
ce qu’il saurait être, exemplairement, s’il n’était pas ce qu’il subi
2813
ce qu’il refuse en lui. Elle est ce qu’il saurait
être
, exemplairement, s’il n’était pas ce qu’il subit et souffre, et s’eff
2814
est ce qu’il saurait être, exemplairement, s’il n’
était
pas ce qu’il subit et souffre, et s’efforce de dépasser vers l’absolu
2815
vers ce qu’il veut devenir selon l’esprit. Si tel
est
bien son mythe, son Éros virtuel, quelle est alors la forme actuelle,
2816
tel est bien son mythe, son Éros virtuel, quelle
est
alors la forme actuelle, historiquement vécue, de son Éros ? C’est la
2817
lue, dans le fait qu’il n’y a au monde qu’un seul
être
bien-aimé, et que cette « seule fois » de l’amour est l’amour, et que
2818
bien-aimé, et que cette « seule fois » de l’amour
est
l’amour, et que la « seconde fois » n’est rien… Une fois est le tout
2819
l’amour est l’amour, et que la « seconde fois » n’
est
rien… Une fois est le tout absolu, et la seconde fois la ruine absolu
2820
, et que la « seconde fois » n’est rien… Une fois
est
le tout absolu, et la seconde fois la ruine absolue de tout.103 Cer
2821
comique de ce choix sans appel de la passion, qui
est
d’une importance capitale et qu’on ne peut faire « qu’à l’aveuglette
2822
L’amoureux passionné, dans son choix exclusif, n’
est
-il pas « un pantin dont quelque chose d’inexplicable tire les ficelle
2823
« la résolution, la résolution de la convoitise,
est
la pointe de l’existence ». Il faut choisir pour exister. Le Séducteu
2824
e, et dans chaque femme réelle, c’est ce qui veut
être
séduit et qui ne peut l’être qu’une fois. Au contraire, le Mari qui p
2825
e, c’est ce qui veut être séduit et qui ne peut l’
être
qu’une fois. Au contraire, le Mari qui prendra la parole dans la seco
2826
r une seule femme et de l’épouser, car le mariage
est
cette décision qui « traduit l’exaltation en réalité ». Loin d’appauv
2827
nce de la vie, elle peut seule y introduire. Elle
est
la décision par excellence, qui rend l’existence concrète. Par elle,
2828
trée de jeu : L’amour et l’inclination amoureuse
sont
tout à fait spontanés, le mariage est une décision ; vouloir se marie
2829
amoureuse sont tout à fait spontanés, le mariage
est
une décision ; vouloir se marier, cela veut dire que ce qu’il y a de
2830
veut dire que ce qu’il y a de plus spontané doit
être
en même temps la décision la plus libre… En outre l’une de ces choses
2831
guments philosophiques que la décision ne saurait
être
fondée dans l’argumentation. Rien d’étonnant si cet ouvrage ne convai
2832
nt si cet ouvrage ne convainc guère : Kierkegaard
est
derrière les pseudonymes exaltant un Don Juan qu’il refuse, mais qui
2833
il refuse, mais qui demeure sa possibilité ; il n’
est
pas derrière le Mari. Car celui-ci représente et défend l’impossibili
2834
le reste de son œuvre. Admettons que l’amour vrai
soit
la passion unique et partagée. Pour être heureux, dans un mariage par
2835
our vrai soit la passion unique et partagée. Pour
être
heureux, dans un mariage par exemple, cet amour devrait opérer le mir
2836
u, un amour essentiellement malheureux. Cet amour
serait
même impossible hors du paradoxe de la foi, laquelle est un mouvement
2837
e impossible hors du paradoxe de la foi, laquelle
est
un mouvement de passion, un saut. Toute communication directe de Dieu
2838
rd « explique » sa conduite amoureuse, ou si ce n’
est
pas plutôt l’inverse, — ne correspond à rien dans notre perspective,
2839
et son œuvre indissociables ; et je vois qu’elle
est
disposée de telle manière que « l’esthétique » et le « religieux » y
2840
anière que « l’esthétique » et le « religieux » y
sont
constamment homologues, tous les deux irrigués d’énergie passionnelle
2841
l’éthique temporelle et autonome : La décision n’
est
pas la force de l’homme, ni son courage, ni son habileté… mais elle e
2842
homme, ni son courage, ni son habileté… mais elle
est
un point de départ religieux ; si elle n’est pas cela, celui qui déci
2843
elle est un point de départ religieux ; si elle n’
est
pas cela, celui qui décide n’a été rendu fini que dans sa réflexion,
2844
ux ; si elle n’est pas cela, celui qui décide n’a
été
rendu fini que dans sa réflexion, il n’a pas pris de vitesse l’inclin
2845
pas pris de vitesse l’inclination amoureuse, mais
est
resté en cours de route, et une telle décision est trop misérable pou
2846
st resté en cours de route, et une telle décision
est
trop misérable pour que l’inclination amoureuse ne la méprise et ne p
2847
e ne reconnaît qu’une seule spontanéité comme lui
étant
ebenbürtig, c’est la spontanéité religieuse.105 Ainsi, comme Kierke
2848
ion. Je vois enfin que la personne de Kierkegaard
est
ce système qui se définit par la mise en tension et l’interdépendance
2849
; — enfin sa vocation exceptionnelle. Le mariage
est
interdit à celui qui doit être l’Exception : Au soldat qui monte la
2850
onnelle. Le mariage est interdit à celui qui doit
être
l’Exception : Au soldat qui monte la garde aux frontières, est-il pe
2851
n : Au soldat qui monte la garde aux frontières,
est
-il permis de se marier ? Un tel soldat ose-t-il — ceci soit dit dans
2852
rmis de se marier ? Un tel soldat ose-t-il — ceci
soit
dit dans un sens spirituel — se marier, s’il doit jour et nuit se bat
2853
igands d’une mélancolie innée ?106 L’amour n’en
est
pas moins l’agent privilégié du progrès spirituel de « l’homme supéri
2854
l’homme supérieur » — toutefois à condition de n’
être
pas « heureux » : Grâce à une jeune fille, bien des hommes sont deve
2855
eux » : Grâce à une jeune fille, bien des hommes
sont
devenus des génies, beaucoup des héros, beaucoup des poètes, beaucoup
2856
des poètes, beaucoup des saints — mais pas un ne
fut
un génie par la jeune fille qu’il posséda, car par elle il ne devint
2857
le il ne devint que conseiller d’État ; pas un ne
fut
un héros par la jeune fille qu’il posséda, car par elle il ne devint
2858
car par elle il ne devint que général ; pas un ne
fut
poète par la jeune fille qu’il posséda, car par elle il ne devint que
2859
car par elle il ne devint que père ; et pas un ne
fut
un saint par la jeune fille qu’il posséda, car il n’en posséda aucune
2860
« entraîne » et transfigure dans la mesure où il
est
par essence malheureux, ce n’est pas l’Éternel féminin mystique du Se
2861
la mesure où il est par essence malheureux, ce n’
est
pas l’Éternel féminin mystique du Second Faust. C’est la passion dans
2862
ui reparaît enfin ! On sait assez que le paradoxe
est
la catégorie fondamentale de la pensée de Kierkegaard. Or, voici ce q
2863
ion de la pensée, et les penseurs qui en manquent
sont
comme des amants sans passion, c’est-à-dire de piètres partenaires. M
2864
s partenaires. Mais le paroxysme de toute passion
est
toujours de vouloir sa propre perte… C’est là le paradoxe suprême de
2865
e rende qu’imparfaitement la situation. L’égoïsme
est
à l’origine du sentiment pour autrui, mais quand sa passion paradoxal
2866
dans la passion de l’instant, et cette puissance
est
justement l’amour. Cette forme de pensée est tristanienne. Elle est
2867
nce est justement l’amour. Cette forme de pensée
est
tristanienne. Elle est d’abord une forme d’existence. Elle s’illustre
2868
ur. Cette forme de pensée est tristanienne. Elle
est
d’abord une forme d’existence. Elle s’illustre dans les relations mal
2869
écrit pour s’excuser d’un rendez-vous manqué : il
est
allé tout seul à la campagne, ce jour-là, « à Fredensborg où souvenir
2870
ude de son cœur, « c’est alors seulement que nous
sommes
unis ».) Régine s’est mariée ailleurs. Le dernier appel qu’il ait ten
2871
alors seulement que nous sommes unis ».) Régine s’
est
mariée ailleurs. Le dernier appel qu’il ait tenté de lui adresser — p
2872
— ne l’a pas atteinte. Une dernière fois, ils se
sont
rencontrés, mais par hasard, dans la rue. Elle l’a salué, et il a rép
2873
Il mourut le 11 novembre de la même année. Régine
était
au-delà des mers, dans une autre île. Que cette forme d’amour nostalg
2874
pensée proprement religieuse de Kierkegaard, ce n’
est
pas ici le lieu de l’expliciter. J’en donnerai tout de même un exempl
2875
mour-passion (ou amour poétique) qui élit un seul
être
bien-aimé, et l’amour du prochain (amour chrétien), dont le commandem
2876
u prochain (amour chrétien), dont le commandement
est
d’aimer tous les hommes, sans distinction, non par sympathie élective
2877
urrait confondre avec un sens social humanitaire,
serait
-il vraiment « chrétien » selon la conception kierkegaardienne ? Le dé
2878
ntielle. Le sujet du « Tu dois aimer » ne saurait
être
, en effet, que « l’Individu ». Or on sait que cette catégorie kierkeg
2879
me isolé par l’esprit, — isolé de la foule, « qui
est
mensonge ». Et l’objet, le prochain — celui qu’il faut aider, selon l
2880
aider, selon la parabole évangélique — ne saurait
être
à son tour que l’expression de l’esprit en tout homme. Seul donc celu
2881
de l’esprit en tout homme. Seul donc celui qui s’
est
connu et accepté en tant qu’esprit, celui qui de la sorte se trouve s
2882
en l’autre, l’esprit qui crée « l’Individu ». Tel
est
le paradoxe proprement kierkegaardien. L’amour ne va pas de n’importe
2883
ngué par l’esprit, à chacun de ceux, quels qu’ils
soient
, également existants par l’esprit. Mais ici, comment ne pas rappeler
2884
versalise (paradoxalement !) et s’approfondit. Il
est
la signature de l’homme spirituel, distingué dans la foule anonyme, s
2885
onguement écrit que Kierkegaard, mais son œuvre n’
est
pas moins riche en jugements brefs, d’ailleurs effrontément contradic
2886
ntément contradictoires, sur ces trois thèmes. Il
est
remarquable que les contradictions de Nietzsche offrent un raccourci
2887
opiniâtrement la croyance que l’amour, bien qu’il
soit
une passion, est cependant susceptible de durer en tant que passion e
2888
royance que l’amour, bien qu’il soit une passion,
est
cependant susceptible de durer en tant que passion et que l’amour à v
2889
rer en tant que passion et que l’amour à vie peut
être
considéré comme la règle. Par cette ténacité d’une noble croyance, ma
2890
nue malgré des réfutations si fréquentes qu’elles
sont
presque la règle, et qui en font par conséquent une pia fraus, l’inst
2891
que, et même un risque plus qu’humain, le mariage
est
ici aux yeux de Nietzsche « une conception surhumaine qui élève l’hom
2892
s l’optimum. Parmi les grands philosophes, lequel
était
marié ? Héraclite, Platon, Descartes, Spinoza, Leibniz, Kant, Schopen
2893
Spinoza, Leibniz, Kant, Schopenhauer — ils ne le
furent
point ; bien plus, on ne pourrait même se les imaginer mariés. Un phi
2894
hilosophe marié a sa place dans la comédie, telle
est
ma thèse : et Socrate, seule exception, le malicieux Socrate, s’est s
2895
Socrate, seule exception, le malicieux Socrate, s’
est
semble-t-il marié par ironie, précisément pour démontrer la vérité de
2896
Kierkegaard : Toutes les grandes choses qui ont
été
faites par l’humanité antique tiraient leur force du fait que l’homme
2897
qu’aucune femme ne pouvait élever la prétention d’
être
pour l’homme l’objet de l’amour le plus proche et le plus haut, ou mê
2898
’Agapè maîtrise l’Éros, etc.112 L’Agapè dont il
est
ici question n’est encore pour les Grecs que l’amour désintéressé ; m
2899
ros, etc.112 L’Agapè dont il est ici question n’
est
encore pour les Grecs que l’amour désintéressé ; mais dans l’esprit d
2900
que passion — notre spécialité européenne — doit
être
nécessairement d’origine noble. On sait que son invention doit être a
2901
t d’origine noble. On sait que son invention doit
être
attribuée aux chevaliers poètes provençaux, ces hommes magnifiques et
2902
nifiques et ingénieux du gai saber à qui l’Europe
est
redevable de tant de choses et presque d’elle-même.113 Plus tard, a
2903
la volonté de combattre la violence d’un instinct
est
en dehors de notre puissance ». Dans le procès de maîtrise d’un insti
2904
procès de maîtrise d’un instinct, « l’intellect n’
est
que l’instrument aveugle d’un autre instinct, qui est le rival de cel
2905
que l’instrument aveugle d’un autre instinct, qui
est
le rival de celui dont la violence nous tourmente, que ce soit le bes
2906
de celui dont la violence nous tourmente, que ce
soit
le besoin de repos, ou la crainte de la honte et d’autres suites néfa
2907
tés peu avant —, ni l’amour qu’on invoque ici, ne
sont
à parler proprement, des instincts. L’érotisme commence précisément a
2908
etzsche suggère comme un possible instinct rival,
est
la passion de l’âme par excellence. La lutte entre les deux « instinc
2909
cellence. La lutte entre les deux « instincts » n’
est
donc pas autre chose que la lutte entre les deux puissances de l’Éros
2910
sique, les passions jouissent d’elles-mêmes ». Il
est
curieux de relever que Nietzsche, comme Kierkegaard, commence sa carr
2911
the et de la musique dionysiaque. L’un et l’autre
tiennent
le langage pour impuissant à traduire l’essence de la musique, en laq
2912
he en général « le but réel de la science », s’il
est
vrai que « la cause finale de la science est de rendre l’existence co
2913
s’il est vrai que « la cause finale de la science
est
de rendre l’existence concevable ». Le mythe est une « image du monde
2914
est de rendre l’existence concevable ». Le mythe
est
une « image du monde en raccourci » et, sans le mythe, « toute cultur
2915
en raccourci » et, sans le mythe, « toute culture
est
dépossédée de sa force naturelle, saine et créatrice ; seul un horizo
2916
tés de l’imagination… Les images du mythe doivent
être
les esprits tutélaires invisibles et omniprésents, propices au dévelo
2917
uscite chez celui-là l’illusion que la musique ne
soit
qu’un admirable procédé, un inégalable moyen de donner la vie au mond
2918
iberté auquel, en tant que musique en soi, il lui
serait
interdit d’oser se livrer avec une telle licence, sans la sauvegarde
2919
sans cet auxiliaire unique, la parole et l’image
fussent
demeurées à jamais impuissantes à l’atteindre. Et c’est tout spéciale
2920
et de la musique que le spectateur de la Tragédie
est
envahi de ce sûr pressentiment d’une joie suprême, à laquelle aboutit
2921
s afin de pouvoir vivre avec nous-mêmes ! » Que s’
est
-il passé entre-temps ? Sur la scène tout au moins — et l’on veut dire
2922
e que Nietzsche exprime consciemment —, Tristan s’
est
évanoui et Don Juan domine tout. Wagner n’est plus « mon noble compag
2923
n s’est évanoui et Don Juan domine tout. Wagner n’
est
plus « mon noble compagnon d’armes » mais « l’asphyxie par le rabâcha
2924
loin de Bayreuth surtout — où l’auteur de Tristan
est
l’époux comblé de Cosima… — loin du Nord désormais détesté, Nietzsche
2925
rit Aurore. « Presque chaque phrase de ce livre a
été
pensée et comme capturée dans les mille recoins de ce chaos de rocher
2926
re partie de Zarathoustra, à « l’heure sainte » —
tiendra-t
-il à préciser plus tard — où Richard Wagner meurt à Venise118. Que di
2927
lleur, violent — ainsi nous veut la sagesse. Elle
est
femme… » Que dit Aurore ? « Il n’y a encore d’efficace contre l’amour
2928
que, de candide, de cruel… L’amour dont la guerre
est
le moyen, dont la haine mortelle des sexes est la base »119. Cet amou
2929
re est le moyen, dont la haine mortelle des sexes
est
la base »119. Cet amour dont Benjamin Constant a bien dit qu’il est d
2930
Cet amour dont Benjamin Constant a bien dit qu’il
est
de tous les sentiments le plus égoïste, — l’amour « naturel » à la Do
2931
Don Juan. Il y a plus. Le donjuanisme érotique n’
est
guère pour Nietzsche qu’une image, voire un argument polémique, mais
2932
venir réclameront le titre de « séducteurs ». Ils
seront
« curieux jusqu’au vice, chercheurs jusqu’à la cruauté, avec des doig
2933
ts ! » et leur morale, au-delà du bien et du mal,
sera
« la danse dans l’esprit. »120 Voici sans doute le texte capital :
2934
nfin il ne lui reste plus rien à chasser, si ce n’
est
ce qu’il y a d’absolument douloureux dans la connaissance, comme l’iv
2935
on Juan de la connaissance s’interroge, et cela n’
est
pas dans le droit fil du personnage. Ou bien veut-il aller plus outre
2936
s-nous la possibilité d’un retour à la barbarie ?
Serait
-ce peut-être parce que la barbarie rendrait les hommes plus malheureu
2937
rendrait les hommes plus malheureux qu’ils ne le
sont
? Hélas, non ! Les barbares de tous les temps avaient plus de bonheur
2938
. — Mais c’est notre instinct de connaissance qui
est
trop développé pour que nous puissions encore apprécier le bonheur sa
2939
ination a pris pour nous autant de charme et nous
est
devenue tout aussi indispensable que ne l’est, pour l’amoureux, l’amo
2940
ous est devenue tout aussi indispensable que ne l’
est
, pour l’amoureux, l’amour malheureux : à aucun prix il n’aimerait l’a
2941
ner pour l’état d’indifférence ; — oui, peut-être
sommes
-nous, nous aussi, des amants malheureux. La connaissance s’est transf
2942
s aussi, des amants malheureux. La connaissance s’
est
transformée chez nous en passion qui ne s’effraie d’aucun sacrifice e
2943
ssance peut faire périr l’humanité ? Qu’à cela ne
tienne
! « Cette pensée, elle aussi, est sans puissance sur nous. Le christi
2944
Qu’à cela ne tienne ! « Cette pensée, elle aussi,
est
sans puissance sur nous. Le christianisme s’est-il donc effrayé d’idé
2945
, est sans puissance sur nous. Le christianisme s’
est
-il donc effrayé d’idées semblables ? La passion et la mort ne sont-el
2946
ayé d’idées semblables ? La passion et la mort ne
sont
-elles pas sœurs ? »122 Au comble du défi, Don Juan vient de surprend
2947
dormi — Du fond d’un songe je m’éveille : Profond
est
le monde Et plus profond que le jour ne l’a vu. Profonde est sa doule
2948
e Et plus profond que le jour ne l’a vu. Profonde
est
sa douleur — Mais la joie plus profonde encore que la peine : La doul
2949
! — dans un suprême défi, et pour sombrer. Et ce
sera
bientôt l’aveu presque posthume, le dernier appel à Isolde, ce billet
2950
t’aime ! signé : Dionysos. » Le Cas Wagner — qui
est
un dernier Anti-Tristan — venait d’être envoyé à l’impression. Dans A
2951
gner — qui est un dernier Anti-Tristan — venait d’
être
envoyé à l’impression. Dans Aurore, je relis : « Que celui qui veut t
2952
i qui veut tuer son adversaire considère si ce ne
serait
pas là une façon de l’éterniser en soi-même. » Le « cas Nietzsche »
2953
ser en soi-même. » Le « cas Nietzsche » n’a pas
été
tranché par la folie. Et personne n’en a mieux formulé les données qu
2954
— ou bien Don Juan, ou bien le Tristan de la Foi.
Était
-ce vraiment la destinée de Nietzsche « d’échouer devant l’infini » ?
2955
ue les Don Juan de Molière, de Heiberg, de Byron,
sont
à cet égard loin de compte. 96. Ou bien… ou bien : « Les stades de
2956
as », discours de Johannes le Séducteur. Casanova
serait
beaucoup plus conforme au type donjuanesque selon Kierkegaard — sinon
2957
que du personnage de Casanova. Certes, Casanova n’
est
pas impie, n’est pas démon, ne provoque ni Dieu ni les hommes. Il n’e
2958
de Casanova. Certes, Casanova n’est pas impie, n’
est
pas démon, ne provoque ni Dieu ni les hommes. Il n’est pas révolution
2959
as démon, ne provoque ni Dieu ni les hommes. Il n’
est
pas révolutionnaire, et n’est pas non plus grand seigneur. Il est tri
2960
ni les hommes. Il n’est pas révolutionnaire, et n’
est
pas non plus grand seigneur. Il est tricheur, vulgaire, catholique à
2961
onnaire, et n’est pas non plus grand seigneur. Il
est
tricheur, vulgaire, catholique à bon compte mais pas athée, occultist
2962
ntiel. Mais quoi ! Don Juan n’a jamais existé, il
est
un mythe ; et la plus grande différence entre Casanova et le mythe, c
2963
eule lacune, presque incroyable : Kierkegaard n’y
est
pas même nommé), je trouve ces formules adroitement balancées : « Don
2964
mules adroitement balancées : « Don Juan et Faust
sont
des gémeaux mythiques… moitiés complémentaires d’un être double… Don
2965
s gémeaux mythiques… moitiés complémentaires d’un
être
double… Don Juan est intelligent, épris de clair savoir, il a une têt
2966
oitiés complémentaires d’un être double… Don Juan
est
intelligent, épris de clair savoir, il a une tête faustienne ; Faust
2967
de clair savoir, il a une tête faustienne ; Faust
est
voluptueux, désireux d’amour, il a des sens et un cœur donjuanesques…
2968
ur, il a des sens et un cœur donjuanesques… Faust
est
l’intelligence de Don Juan ; Don Juan est l’érotisme de Faust… Le rom
2969
… Faust est l’intelligence de Don Juan ; Don Juan
est
l’érotisme de Faust… Le romantisme conciliera que Don Juan et Faust c
2970
e, n° 503. 111. Généalogie de la morale, « Quel
est
le sens de tout idéal ascétique ? », 7. 112. La Naissance de la phi
2971
ristan, telle que je l’ai formulée ailleurs, doit
être
ici rappelée en quelques phrases : Considérons le Don Juan du théâtr
2972
comme le reflet inversé de Tristan. Le contraste
est
d’abord dans l’allure extérieure des personnages, dans leur rythme. O
2973
e une seule femme. Mais c’est la multiplicité qui
est
pauvre, tandis que dans un être unique et possédé à l’infini se conce
2974
a multiplicité qui est pauvre, tandis que dans un
être
unique et possédé à l’infini se concentre le monde entier. Tristan n’
2975
nfin tout se ramène à cette opposition : Don Juan
est
le démon de l’immanence pure, le prisonnier des apparences du monde,
2976
s en plus décevante et méprisable — quand Tristan
est
le prisonnier d’un au-delà du jour et de la nuit, le martyr d’un ravi
2977
taire au sens de la physique actuelle. Don Juan n’
est
pas concevable sans Tristan, et sans lui n’eût pas vu le jour. Mais c
2978
i l’un des deux prétend faire valoir sa vertu, ce
soit
au prix de l’exclusion d’autant plus radicale de l’autre. (Pire qu’un
2979
’autre. (Pire qu’un Don Juan, pire qu’un Tristan,
seraient
un Don Juan marié ou un Tristan coureur.) Enfin, pour la Psychologie,
2980
te, la pensée et l’affectivité d’un même individu
sont
dissociées, Don Juan peut régir telle d’entre elles, Tristan telle au
2981
uan ne remonte guère qu’à la Renaissance, et ne s’
est
vraiment constituée qu’à la faveur du refoulement temporaire de la «
2982
apparaître l’antithèse de Tristan. Si Don Juan n’
est
pas, historiquement, une invention du xviiie , du moins ce siècle a-t
2983
la passion mortelle vers le milieu du xixe , s’il
est
d’abord le fait du romantisme, ne coïncide point par hasard avec l’es
2984
sard avec l’essor de la passion nationaliste, qui
est
sa transposition au niveau politique125. Mais le nomadisme de Don Jua
2985
eau politique125. Mais le nomadisme de Don Juan n’
est
pas seulement cosmopolite et donc moderne. Les succès du héros, comme
2986
. Les succès du héros, comme ceux de Casanova, ne
sont
pas seulement le fait d’un charme individuel. Des coutumes ancestrale
2987
outumes ancestrales, oubliées depuis des siècles,
sont
subitement réactivées par sa qualité d’Étranger. À la question d’une
2988
femme qu’il veut séduire : « Ah ciel ! Homme, qui
es
-tu ? » le Don Juan de Tirso de Molina répond : « Qui je suis ? Un hom
2989
le Don Juan de Tirso de Molina répond : « Qui je
suis
? Un homme sans nom. » Cet homme sans nom, sans passé ni lendemain, c
2990
les religions antiques et primitives : celui qui
est
assez saint ou assez fort pour oser assumer les périls supposés de l’
2991
âme, perte de la mana. Ainsi le jus primae noctis
serait
plutôt une sorte de devoir littéralement « religieux » du seigneur. D
2992
e paysan Mazetto semble savoir un peu ce qu’il en
est
. En ce sens, uniquement, Don Juan procède d’un état de civilisation b
2993
me paraît encore plus évidente. L’amour-passion n’
est
ressenti dans sa pureté animique que par la prime adolescence. Il est
2994
pureté animique que par la prime adolescence. Il
est
alors sentiment pur, douleur-joie pure, et ne sera plus jamais aussi
2995
est alors sentiment pur, douleur-joie pure, et ne
sera
plus jamais aussi nettement distinct de tout autre douleur ou joie. L
2996
u joie. Le sentiment qu’expriment les troubadours
est
typiquement adolescent, et comme indépendant du sexe. S’il réussit à
2997
dant du sexe. S’il réussit à se fixer sur un seul
être
, sans obstacles insurmontables, il conduit normalement au mariage, c’
2998
tique des plus complexes, dont les termes de base
sont
le sexuel, le social et le sentimental. Supposons que la synthèse des
2999
nt, et que la résultante de ce système d’échanges
soit
positive pour l’une et l’autre des personnes composant le couple. Une
3000
eut devenir plus ou moins stable, mais ne saurait
être
en aucun cas statique, au sens où la supposent la morale sociale et s
3001
iale et ses lois laïques ou religieuses. Car elle
sera
bientôt soumise à l’épreuve imprévue de la durée, qui modifie nécessa
3002
ive de chacun des trois termes, et cela chez deux
êtres
différents. (Calculez le nombre des combinaisons et des permutations
3003
combinaisons et des permutations possibles : ce n’
est
pas ici mon sujet, mais celui d’un traité du mariage.) Si au contrair
3004
ire le sentiment, dans son essor vers le mariage,
est
arrêté par des obstacles insurmontables, qui sont généralement de nat
3005
est arrêté par des obstacles insurmontables, qui
sont
généralement de nature sociale : ou bien il s’exalte et les nie — ou
3006
s’emparent de lui. Dans les deux cas, le mariage
est
condamné : puisqu’il est la durée sociale, l’un des deux mythes pouss
3007
les deux cas, le mariage est condamné : puisqu’il
est
la durée sociale, l’un des deux mythes pousse à le dépasser, l’autre
3008
rencontres érotiques. De ce point de vue, Tristan
serait
un mari manqué pour avoir manqué le social et surcompensé cet échec p
3009
sé cet échec par la passion ; tandis que Don Juan
serait
un Tristan manqué, pour avoir reculé à la fois devant le social et le
3010
t le social et le sentimental126. Mais comme il n’
est
guère de mariage qui parvienne à maintenir sans crise une synthèse da
3011
l’excès ou l’échec, la plupart des couples réels
sont
soumis dans leurs crises à l’action de l’un des deux. La morale et la
3012
isent au divorce ou à l’électrochoc, il demande à
être
écouté : non comme médecin psychiatre, non comme prêtre, et non comme
3013
ordonnatrice et dynamique qui pourrait aussi bien
être
la leur, exige une prise de conscience objective de leur véritable na
3014
ontogenèse —, c’est l’alternance des mythes qui
est
manifeste — leur interdépendance génétique et leur coexistence dialec
3015
me d’une alternative que le drame s’impose, qu’il
est
vécu, et que la morale formule ses exigences. Or, on ne saurait tranc
3016
s découvre essentiellement complémentaires. Ce ne
serait
plus alors d’un dilemme à trancher qu’il s’agirait, mais d’une tensio
3017
e vital… Sens final des deux mythes Quelles
sont
les fins de nos vies au-delà de survivre, travailler et gagner de l’a
3018
urvivre, travailler et gagner de l’argent, qui ne
sont
au vrai que des moyens ? Limitons-nous aux quatre que voici : la duré
3019
cherchera le drame et l’autre la surprise. Que ce
soit
par dépit devant leur impuissance à intégrer l’amour dans l’existence
3020
n, l’autre Don Juan. Don Juan nous chante qu’il n’
est
heureux que dans l’instant, la nouveauté et le changement, et qu’il n
3021
de ses apologistes127, qui ajoute aussitôt : « Il
est
heureux jusque dans les échecs de sa chasse, puisque son plaisir est
3022
dans les échecs de sa chasse, puisque son plaisir
est
dans la chasse plus que dans la prise. » L’excitation de la chasse lu
3023
la chasse lui suffit donc, et l’on insiste : elle
est
même pour lui « l’essentiel ». Cet instinct « naturel au mâle » serai
3024
« l’essentiel ». Cet instinct « naturel au mâle »
serait
aussi un « instinct raisonnable ». (Saluons au passage cette nouveaut
3025
e plus raisonnable que de la cueillir aussi. » Il
est
vrai que Don Juan « raisonne » ainsi, en chacun de nous à ses heures.
3026
s à ses heures. C’est qu’il oublie qu’une femme n’
est
pas une pomme. Et qu’elle en voudra mortellement à celui qui ne l’aur
3027
rtellement à celui qui ne l’aura pas « prise », s’
étant
contenté de la « goûter ». Dona Anna poursuit Don Juan de sa haine, p
3028
part, le « divin » ramené à l’humain, et l’âme n’
étant
plus confondue avec l’esprit ou la personne, le sens est clair : le r
3029
s confondue avec l’esprit ou la personne, le sens
est
clair : le refus de la durée, chez Don Juan, équivaut au refus de la
3030
t au moins, et l’on n’en finit pas si vite ! Il n’
est
que juste d’observer d’ailleurs que le Don Juan mangeur de pommes qu’
3031
peu court. Il n’accédera jamais à l’érotisme, qui
est
dépassement de l’instinct et des faims animales. Il n’intéresse pas p
3032
r l’esprit. Il nous rappelle aussi que la durée n’
est
pas seulement la réalité du couple, mais celle de l’objet désiré. La
3033
l veut échapper à la souffrance, et la souffrance
est
liée au temps et à l’espace, qui modifient, distinguent et séparent —
3034
ut l’éternité, veut la profonde éternité ». Telle
est
la forme de son évasion, de son refus de la durée incarnée. Il veut p
3035
sure de répondre. Si notre incarnation présente n’
est
que souffrance et illusion — souffrance à cause de l’illusion, dit le
3036
st Tristan qui a raison contre le mariage. S’il n’
est
pas d’autre vie ni d’autre réalité qu’historique, matérielle et biolo
3037
’historique, matérielle et biologique, le mariage
est
un devoir civique, et Don Juan serait alors la liberté, un reflet inv
3038
ue, le mariage est un devoir civique, et Don Juan
serait
alors la liberté, un reflet inversé de l’esprit que l’on nie. On peut
3039
que l’on nie. On peut aussi penser que le mariage
est
« la plénitude du temps » comme le dit le Mari de Kierkegaard, la syn
3040
rnité. Celui qui a résolu ce problème dans sa vie
est
seul en mesure de condamner Don Juan et Tristan à la fois ; mais il n
3041
sion : l’argument du bonheur sert à tous. Et ce n’
est
pas une raison pour qu’il soit faux. Il n’en fait pas moins ricaner c
3042
ert à tous. Et ce n’est pas une raison pour qu’il
soit
faux. Il n’en fait pas moins ricaner ceux que l’ennui, la satiété, la
3043
ou la vulgarité d’esprit et d’âme — ces deux cas
sont
les plus généraux — empêchent de jouer un rôle « heureux » dans le ma
3044
éussi, d’éprouver à l’endroit des deux autres : j’
étais
né pour ceci ou pour cela (le contraire de ce que je suis en train de
3045
pour ceci ou pour cela (le contraire de ce que je
suis
en train de vivre), j’ai toujours rêvé de…, si je pouvais refaire ma
3046
pouvais refaire ma vie… Mais rêver d’autre chose
est
normal. Une certaine dualité est normale, dans la mesure où elle ne f
3047
er d’autre chose est normal. Une certaine dualité
est
normale, dans la mesure où elle ne fait que traduire la formule même
3048
ue, biologique et physique. En effet, nulle vie n’
est
concevable hors de la tension permanente, voire de la lutte (latente
3049
is également à l’œuvre dans le cytoplasme, où ils
sont
les agents d’induction de la synthèse des protéines. Tant que les deu
3050
n de la synthèse des protéines. Tant que les deux
sont
à l’œuvre, la cellule fonctionne bien, son régime d’échanges et de sy
3051
ionne bien, son régime d’échanges et de synthèses
est
créateur : on pourrait dire qu’elle est « heureuse ». Mais voici qu’u
3052
synthèses est créateur : on pourrait dire qu’elle
est
« heureuse ». Mais voici qu’un virus y pénètre : elle le digère, le d
3053
le le digère, le désintègre et l’assimile, — il n’
est
plus là, matériellement. Et puis, quelques minutes ou quelques heures
3054
dans le programme d’activité dont ses chromosomes
sont
porteurs) qui se met à fabriquer le virus disparu — jusqu’à ce qu’ell
3055
la contagion dans un organe. Mais après tout, qu’
est
-ce qu’un virus ? Voilà le point. Un virus est un composé de substance
3056
qu’est-ce qu’un virus ? Voilà le point. Un virus
est
un composé de substances analogues à celles de la cellule, sauf en ce
3057
renferme qu’un seul des acides nucléiques. À cela
tient
toute sa nocivité. (Notons aussi que le virus ne peut se propager et
3058
n couple, cette « cellule sociale » : son bonheur
sera
conditionné par la présence des deux tendances antagonistes, et sa du
3059
ence des deux tendances antagonistes, et sa durée
sera
le produit des synthèses qu’elles induisent en permanence. Qu’un seul
3060
nt du couple. Si au contraire l’âme résiste, elle
sera
désormais immunisée. Ou bien encore, l’effet nocif du mythe est simpl
3061
immunisée. Ou bien encore, l’effet nocif du mythe
est
simplement mis en latence, mais demeure susceptible de ressusciter so
3062
n s’en doute, la nature en soi de nos mythes, qui
sont
phénomènes de l’âme. Mais elle nous aide à mieux imaginer le processu
3063
ô éternité ! ») Une certaine dialectique formelle
étant
commune à tous les phénomènes qui relèvent de la vie en général, pour
3064
ssi d’une manière formellement analogue, quel que
soit
le niveau de la « vie » considéré ? Je ne citerai — et en passant — q
3065
lectique à la « vie » politique. Le totalitarisme
est
caractérisé par sa prétention unitaire et son refus de composer avec
3066
i le distingue de tout autre régime — quelles que
soient
ses ressemblances avec plusieurs d’entre eux — c’est, d’une manière p
3067
isse vous paraître, je crois que le totalitarisme
est
un virus, et si vous l’attrapez, vous n’y pourrez plus rien. » Je ne
3068
’orchestre multiplie les appels au plaisir. (Nous
sommes
maintenant dans le palais.) Brusquement tout s’arrête à l’entrée du T
3069
ette liberté seule nous intéresse ; les autres ne
sont
guère que revendications déterminées dans l’homme par son « emploi »
3070
c pas de liberté ? Ou bien la seule vraie liberté
serait
-elle dans le défi du Libertin à tout ce que le commun des hommes tien
3071
fi du Libertin à tout ce que le commun des hommes
tient
pour vrai, nécessaire et sacré ? Lorsque les croisés se heurtèrent e
3072
mbole, le principe essentiel dont la connaissance
était
réservée aux esprits supérieurs, seuls dépositaires de cet ultime sec
3073
seuls dépositaires de cet ultime secret : Rien n’
est
vrai, tout est permis. C’était là de la vraie liberté d’esprit, une p
3074
ires de cet ultime secret : Rien n’est vrai, tout
est
permis. C’était là de la vraie liberté d’esprit, une parole qui metta
3075
loin, on ne peut aller plus haut — mais peut-être
est
-ce aller trop haut — dans la défense et dans l’illustration du libert
3076
rit, contre la liberté chrétienne d’une part, qui
est
obéissance au Révélé, et d’autre part contre l’ascèse scientifique, q
3077
et d’autre part contre l’ascèse scientifique, qui
est
elle aussi, à sa manière, une foi dans le vrai objectif, une obéissan
3078
a liberté que Nietzsche veut aimer cessera vite d’
être
désirable quand il aura tué la vérité elle-même : pas de « vraie » li
3079
e « petit faitalisme » scientifique — le « Rien n’
est
vrai, tout est permis » est une connaissance réservée, un savoir reli
3080
lisme » scientifique — le « Rien n’est vrai, tout
est
permis » est une connaissance réservée, un savoir religieux et un sym
3081
tifique — le « Rien n’est vrai, tout est permis »
est
une connaissance réservée, un savoir religieux et un symbole mystique
3082
n savoir religieux et un symbole mystique. « Tout
est
permis », déclare saint Paul. « Aime et fais ce que tu veux », dit Au
3083
de l’islam après eux. Cette connaissance ne peut
être
obtenue par un défi à la morale courante, ni même par une révolte con
3084
ntre la Loi, à laquelle tous les vrais spirituels
sont
« morts… de sorte qu’ils servent dans un esprit nouveau, non selon la
3085
ttre. »131. Cette liberté seule « vraie » ne peut
être
le terme d’aucune espèce de revendication, nécessairement tournée ver
3086
, vers les vérités constituées : car celles-ci ne
sont
pas « vraies » (si elles sont souvent utiles), et leur renversement n
3087
: car celles-ci ne sont pas « vraies » (si elles
sont
souvent utiles), et leur renversement ne suffirait pas à révéler la V
3088
liberté suppose donc une libération. Libération
est
la voie de Tristan. Sa passion veut aimer sans limites, au-delà des f
3089
el où l’amant et l’aimée se confondent en un seul
être
, dans le règne sans fin de l’Amour sans réveil. Là, rien n’est plus n
3090
règne sans fin de l’Amour sans réveil. Là, rien n’
est
plus ni vrai ni faux, ni tien ni mien, ni séparé ni interdit, dans l’
3091
Inconscient — Joie suprême !132 Mais si le moi
est
dépassé, qui est libre ? Et qui peut encore aimer qui ? C’est dans l’
3092
e suprême !132 Mais si le moi est dépassé, qui
est
libre ? Et qui peut encore aimer qui ? C’est dans l’énigme jamais rés
3093
de ce nirvana romantique (où le Souffle du Monde
est
encore une « tourmente » !) que nous laissent les dernières mesures d
3094
an, si le dernier obstacle qui nourrit sa passion
est
dans le moi distinct, et si ce moi doit s’abîmer dans l’inconscient t
3095
chain. Don Juan et Tristan, symboles de l’âme, ne
sont
en fait que deux manières d’aimer sans aimer le prochain. N’étant pas
3096
e deux manières d’aimer sans aimer le prochain. N’
étant
pas des personnes, mais des puissances, ils ne sauraient s’aimer eux-
3097
ances, ils ne sauraient s’aimer eux-mêmes, ce qui
est
la condition de l’amour d’un autre, et donc de tout amour réel : car
3098
ne sait plus où se prendre. Tout amour véritable
est
relation réciproque. Cette relation s’établit tout d’abord à l’intéri
3099
térieur de chaque personne, entre l’individu, qui
est
l’objet naturel, et la vocation qu’il reçoit, sujet nouveau, — et tel
3100
la vocation qu’il reçoit, sujet nouveau, — et tel
est
l’amour de soi-même. Elle s’établit ensuite à l’intérieur du couple,
3101
n entre le couple et la communauté humaine. Telle
est
la plénitude de l’amour — et sa rareté merveilleuse ! Mais nos arts d
3102
aucune carte n’indique, une conclusion que l’on n’
était
pas sans pressentir dévoile enfin son visage ambigu. Les deux mythes
3103
prestigieux de l’amour que l’on rêve en Occident
sont
en réalité deux négations de l’amour vrai dans le mariage, bien qu’il
3104
s de l’amour vrai dans le mariage, bien qu’ils en
soient
inséparables : ils sont nés de lui, contre lui, et ne pourraient se p
3105
mariage, bien qu’ils en soient inséparables : ils
sont
nés de lui, contre lui, et ne pourraient se perpétuer sans lui. Mais
3106
le, ou devenue telle dans notre évolution. Ils ne
sont
pas seulement nos tentations majeures, mais des signes chargés de sen
3107
pagner dans l’ombre, et nous savons que le moment
est
venu de virer de cap, ou bien d’affronter la tempête et les orages dé
3108
l’amour, sitôt qu’il se ramène en soi, cessant d’
être
un échange vivant. Enfin tous les deux ont raison contre nos morales
3109
ion, personne, et la vie même. Mais sans eux, que
seraient
nos amours ? 123. L’Amour et l’Occident . 124. L’Amour et l’O
3110
e du type donjuanesque. Mais le général de Gaulle
est
tristanien dans son nationalisme altier. Son Iseut, c’est la France —
3111
ionalisme altier. Son Iseut, c’est la France — il
est
bien près de le dire en plus d’une page de ses Mémoires, et pas seule
3112
ée à une destinée éminente et exceptionnelle », —
fût
-ce à « des malheurs exemplaires ». Il l’a longtemps aimée de loin, da
3113
vrée de haute lutte en terrassant le géant qui la
tenait
captive et qui exigeait son tribut de jeunes gens. (Minotaure-Morholt
3114
œuré par l’intrigue des barons félons. Certes, il
est
revenu à son appel. Mais la vraie passion tristanienne se nourrit de
3115
nt faire défaut. Entre la France et lui, quand il
était
le plus fort — Tristan plus fort que le roi Marc —, n’a-t-il pas dépo
3116
vit de façon plus frivole, plus insolente, que l’
être
sans idéal », observe Nietzsche. (Par-delà… n° 133.) 127. Henry de M
3117
a Anna, si elle déclare sa haine pour Don Juan, n’
est
pas pressée d’épouser Don Ottavio… 129. Mon Journal d’Allemagne n
3118
les derniers vers du livret de Tristan, tel qu’il
est
chanté : Nietzsche, dans l’Origine de la tragédie, citait le texte du
3119
de paix avec le régime de Pankow, qui n’a jamais
été
en guerre avec les Russes et qui n’existe que par eux. Les motifs pol
3120
fs politiques qui animent M. Khrouchtchev doivent
être
à ses yeux bien puissants pour justifier le risque qu’il encourt en e
3121
aisons, ni celles que lui oppose l’Occident. Nous
sommes
en présence d’un fait qui dépasse les calculs politiques et met en je
3122
aix qu’il exige permettrait d’étouffer Berlin. Il
est
juste d’ajouter que Berlin recevrait le titre de « ville libre » en é
3123
e redevenir des citoyens. Nous demandons que leur
soient
reconnus les droits que définit l’article 13 de la Déclaration des dr
3124
omme proclamée par les Nations unies, dont l’URSS
est
membre : « Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris
3125
t, qu’il y a un problème de Berlin et que la paix
est
ébranlée. Nous demandons à M. Khrouchtchev d’appliquer les principes
3126
s libre. Priver un peuple entier de tout espoir n’
est
pas « consolider la paix ». Nous demandons à M. Khrouchtchev de ne pa
3127
e du peuple allemand, à laquelle ses voisins de l’
Est
sont vitalement intéressés. Ce serait la fin de la peur mutuelle qui
3128
peuple allemand, à laquelle ses voisins de l’Est
sont
vitalement intéressés. Ce serait la fin de la peur mutuelle qui nourr
3129
s voisins de l’Est sont vitalement intéressés. Ce
serait
la fin de la peur mutuelle qui nourrit la guerre froide, dans les deu
3130
sort des dictatures et de l’empire communiste ne
tient
qu’aux barbelés de la porte de Brandebourg, — au chantage qui fait le
3131
t (février 1963)bg On ne sait pas toujours qui
sont
ceux que l’on lit dans les revues françaises, qui, très généralement,
3132
, on ne rencontrait que des personnes qui avaient
été
« présentées », et que tout le monde était censé connaître. Les coutu
3133
avaient été « présentées », et que tout le monde
était
censé connaître. Les coutumes de Versailles ont laissé bien des trace
3134
re de Paris.) Pourquoi ne pas dire au lecteur qui
sont
les gens que l’on publie ? Quelques lignes en fin de numéro, comme ce
3135
curieux esprit ? À l’en croire, le mur de Berlin
est
l’œuvre des Allemands de l’Ouest, qui l’ont bâti pour abriter leur bo
3136
ant, il le bâtissait déjà. » Cependant, « s’il en
fut
l’un des plus infatigables édificateurs, il ne fut pas seul : des mil
3137
ut l’un des plus infatigables édificateurs, il ne
fut
pas seul : des milliers d’Allemands (de l’Ouest) arborèrent son insig
3138
e nationale ». L’Allemagne de l’Est, jusqu’ici, n’
est
donc pas pour une brique dans ce mur. Mais quels furent les motifs de
3139
donc pas pour une brique dans ce mur. Mais quels
furent
les motifs de l’Ouest ? « On avait besoin de ne pas connaître l’autre
3140
nds de l’Ouest contre les réalités tentantes de l’
Est
qu’Axel Springer a créé son mur à coups d’insignes. S’il est vrai que
3141
Springer a créé son mur à coups d’insignes. S’il
est
vrai que ce mur, aujourd’hui, « est gardé d’un côté par des sentinell
3142
nsignes. S’il est vrai que ce mur, aujourd’hui, «
est
gardé d’un côté par des sentinelles est-allemandes armées et casquées
3143
ntinelles est-allemandes armées et casquées, il l’
est
avec non moins de vigilance par la bonne conscience de toute une soci
3144
u théâtre révolutionnaire en Allemagne ». (Rien n’
est
plus faux : la République fédérale joue Brecht autant qu’on le joue à
3145
le joue Brecht autant qu’on le joue à Paris, ce n’
est
pas peu dire.) Donc, premier point du raisonnement : ce n’est pas l’E
3146
dire.) Donc, premier point du raisonnement : ce n’
est
pas l’Est qui a fait le mur, c’est l’Ouest — pour empêcher qu’on joue
3147
c, premier point du raisonnement : ce n’est pas l’
Est
qui a fait le mur, c’est l’Ouest — pour empêcher qu’on joue du Brecht
3148
st — pour empêcher qu’on joue du Brecht. 2°) Si l’
Est
a fait le mur, il avait bien raison. C’était pour lui « une nécessité
3149
ncre ». (Convaincre de quoi ? On l’ignore.) « À l’
Est
, la curiosité et la hardiesse étaient plus grandes, surtout parmi les
3150
’ignore.) « À l’Est, la curiosité et la hardiesse
étaient
plus grandes, surtout parmi les jeunes… » Ainsi, victimes de leurs ve
3151
portion » de ces hardis fugitifs retournaient à l’
Est
, ayant pris conscience d’« une profonde solidarité avec le régime qu’
3152
ime qu’ils avaient fui ». (Mais si c’est vrai, où
est
la « nécessité vitale » du mur ?) 3°) L’Est doit être indemnisé pour
3153
i, où est la « nécessité vitale » du mur ?) 3°) L’
Est
doit être indemnisé pour avoir construit le mur. En effet, l’Ouest, e
3154
la « nécessité vitale » du mur ?) 3°) L’Est doit
être
indemnisé pour avoir construit le mur. En effet, l’Ouest, en prometta
3155
struction publique ». L’auteur en conclut qu’« il
est
évident que l’Ouest doit à la RDA un dédommagement ». (Combien l’URSS
3156
a source, si le proverbe : is fecit cui prodest n’
était
trop souvent démenti par la sottise de ceux qui croient servir une ca
3157
e : « Ils ont construit un mur à Berlin, ce mur n’
est
rien. Seul compte celui qui se trouve dans le cœur des Allemands de l
3158
a écrit Les Réprouvés et Le Questionnaire, et il
fut
l’un des assassins de Rathenau, le grand Allemand d’après la Première
3159
des Prussiens que les défauts… L’Allemagne sans l’
Est
n’est pas l’Allemagne. » C’est en effet une Allemagne sans Prusse. Et
3160
ussiens que les défauts… L’Allemagne sans l’Est n’
est
pas l’Allemagne. » C’est en effet une Allemagne sans Prusse. Et une p
3161
sans Prusse. Et une partie de la Prusse ancienne
est
devenue polonaise, comme on sait. Ainsi, MM. Dehem et von Salomon son
3162
e, comme on sait. Ainsi, MM. Dehem et von Salomon
sont
d’accord pour juger que le mur, en tant qu’il leur semble néfaste, es
3163
er que le mur, en tant qu’il leur semble néfaste,
est
le fait des Allemands de l’Ouest. Le procédé n’est pas nouveau. Il co
3164
st le fait des Allemands de l’Ouest. Le procédé n’
est
pas nouveau. Il consiste à poser en principe et d’une manière systéma
3165
nière systématique que toute erreur ou crime de l’
Est
incrimine l’Ouest, et lui seul. Mauvaise foi ou masochisme ? L’un por
3166
demain du 29 janvier, les réactions suivantes ont
été
enregistrées. Tous les Anglais ont honni la France parce qu’elle leur
3167
de sacrifier les buts proprement politiques, qui
étaient
la cause finale du Marché commun dans l’esprit de ses promoteurs. Tou
3168
’esprit de ses promoteurs. Tous les gaullistes se
sont
posés en défenseurs du traité de Rome, qui exclut leur « Europe des p
3169
te la presse, et par cette opinion publique qui n’
est
rien d’autre que ce qu’en dit la presse sans tenir compte des sondage
3170
t à Bruxelles. L’une voulait que le Marché commun
soit
l’amorce d’une union politique, condition d’une autonomie de l’Europe
3171
publique occidentale, s’imaginait que la première
était
celle de M. Spaak et des Communautés ; et que la seconde était celle
3172
e M. Spaak et des Communautés ; et que la seconde
était
celle des adversaires de l’Europe des Six, des mondialistes et des ne
3173
es sentiments de l’un et de l’autre, mais je m’en
tiens
aux décisions intervenues. Ce chassé-croisé n’a pu surprendre que ceu
3174
en intention, à sacrifier le traité de Rome (qui
fut
son œuvre) en tant que proprement européen. Les raisons subjectives,
3175
e de conjectures, les choix concrets et objectifs
sont
évidents. C’est là-dessus qu’il faut insister. La victoire des Anglai
3176
t de le voir, l’abandon de l’union politique, qui
est
supranationale ou n’est rien. Le veto brutal de la France implique au
3177
de l’union politique, qui est supranationale ou n’
est
rien. Le veto brutal de la France implique au contraire une relance d
3178
Spaak, personne n’a proposé un plan d’union tant
soit
peu imaginatif, voire sérieux. Ni Monnet, ni Churchill, ni Erhard, ni
3179
t de Gaulle qui devrait jouer maintenant. Mais il
serait
excessif de dire qu’il a bien disposé les esprits, hors de France, à
3180
mon foyer, non que je le quitte… Pour ma part, je
suis
déjà fédéré. » Il serait fou de douter un seul instant que l’Angleter
3181
e quitte… Pour ma part, je suis déjà fédéré. » Il
serait
fou de douter un seul instant que l’Angleterre humaine, sensible, int
3182
e, la Pologne, l’Espagne, ou la Suisse. Mais nous
sommes
tous aux prises avec la politique de nos États, de leurs pouvoirs. Da
3183
g-Hall écrit en toute candeur : « Malgré tout, je
suis
favorable à l’entrée dans le Marché commun, pour des raisons économiq
3184
ment refusée dans les années 1950, alors qu’il ne
tenait
qu’à nous de la saisir. » On ne saurait dire plus clairement que l’in
3185
ire plus clairement que l’intérêt de l’Angleterre
serait
d’exciter toute mésentente possible entre les Six. De Gaulle aura rai
3186
pposants en novembre 1962. 134. Cette expression
est
de Michel Debré, lequel m’écrivait en 1953 que les Six ne seraient —
3187
l Debré, lequel m’écrivait en 1953 que les Six ne
seraient
— s’ils existaient jamais, ce dont il doutait — qu’une trahison de la
3188
peuples. Parler de monde uni, d’humanité, que ce
soit
pour ou contre l’Occident d’ailleurs, c’est parler un langage europée
3189
re, et les plus grandes — en termes d’autrefois —
sont
petites au regard des empires neufs. Toute la question se ramène alor
3190
n les Européens vont choisir. Trois formules leur
sont
proposées, et sont en principe concevables. a) L’Europe des États (fa
3191
t choisir. Trois formules leur sont proposées, et
sont
en principe concevables. a) L’Europe des États (faussement dite des p
3192
sé, c’est en retard sur les réalités (car les Six
sont
déjà bien au-delà), et c’est absolument inadéquat aux exigences recon
3193
des nations dites « souveraines », mais qui ne le
sont
plus qu’au niveau des discours, cette Europe minima ne saurait être q
3194
veau des discours, cette Europe minima ne saurait
être
qu’une forme de transition tactique vers une union plus sérieuse et c
3195
les diversités de l’Europe, voilà qui ne saurait
être
réalisé que par l’union de type fédéraliste. L’exemple de la Suisse d
3196
ouhaite. Et personne en Europe ne la propose : il
est
trop clair que cette formule totalitaire mais sans doctrine millénari
3197
ble. Unir dix-neuf États à l’Ouest (plus sept à l’
Est
un jour ou l’autre) en un corps politique assez puissant pour sauvega
3198
cantons souverains. La différence des superficies
était
certes importante au temps des diligences. Tout a changé avec l’avion
3199
ale, alors qu’un député de Stockholm ou d’Athènes
est
à quelques heures de Strasbourg, et encore plus près de Bruxelles. Pr
3200
e Bruxelles. Pratiquement, l’Europe d’aujourd’hui
est
plus petite que n’était la Suisse à l’époque où elle s’est fédérée. E
3201
ent, l’Europe d’aujourd’hui est plus petite que n’
était
la Suisse à l’époque où elle s’est fédérée. Et les disparités de cout
3202
petite que n’était la Suisse à l’époque où elle s’
est
fédérée. Et les disparités de coutumes ou de richesse, de langue, de
3203
se, de langue, de confession, voire de régime, ne
sont
guère plus marquées ou plus frappantes entre les États de l’Europe qu
3204
ppantes entre les États de l’Europe qu’elles ne l’
étaient
entre les cantons suisses avant 1848 ; à tout le moins ne sont-elles
3205
s cantons suisses avant 1848 ; à tout le moins ne
sont
-elles pas d’une autre essence. Si l’on admet que l’anarchie des souve
3206
qu’en revanche les diversités réelles ne peuvent
être
nivelées par décrets, on cherche en vain quelle solution a la moindre
3207
e la Suisse… On s’écrie aussitôt qu’il ne saurait
être
question d’imiter ce modèle, ridiculement réduit, à l’échelle des glo
3208
riels, mais elle nous perdrait tous tant que nous
sommes
dans l’espace d’une génération. Une Europe unitaire, c’est finis helv
3209
devant le projet d’union de l’Europe La Suisse
est
née de l’Europe et en détient le secret. Formée du xive au xvie siè
3210
’Empire d’Occident, l’union sans unification, qui
est
l’idée fédéraliste. Entre-temps, les nations se constituent, se multi
3211
leur souveraineté par de glorieux massacres, qui
sont
le principal de l’histoire qu’elles enseignent à partir du xixe sièc
3212
ue136. L’Europe unie qu’il appelle de ses vœux ne
serait
nullement unifiée par un despote ou par une idéologie : elle devrait
3213
ar un despote ou par une idéologie : elle devrait
être
une Europe des cités, formée de très petits États « où tous les citoy
3214
préconise, et son modèle, en dernière analyse, n’
est
rien d’autre que la cité de Genève ! Un peu plus tard, le Schaffhouso
3215
urs divisions persistent, l’avenir appartiendra «
soit
à la Russie, soit à l’Amérique ». Germaine de Staël est Suisse dans l
3216
istent, l’avenir appartiendra « soit à la Russie,
soit
à l’Amérique ». Germaine de Staël est Suisse dans la mesure où elle o
3217
la Russie, soit à l’Amérique ». Germaine de Staël
est
Suisse dans la mesure où elle ouvre des perspectives européennes, soi
3218
esure où elle ouvre des perspectives européennes,
soit
par son action personnelle à Coppet, où les meilleurs esprits de nos
3219
sprits de nos diverses nations se lient d’amitié,
soit
par des livres comme De l’Allemagne, qui rétablissent la circulation
3220
acobins et le Premier Empire. Benjamin Constant n’
est
pas seulement l’auteur de L’Esprit de conquête, pamphlet classique co
3221
e fédération européenne137 que signe — hélas ! il
est
trop tard ! — Napoléon. Et son fédéralisme préfigure le régime qui va
3222
mpériale de l’union dans la diversité. Proudhon s’
est
peut-être souvenu de son passage à Neuchâtel (où il fut un temps typo
3223
ut-être souvenu de son passage à Neuchâtel (où il
fut
un temps typographe) en écrivant son grand livre, Du principe fédérat
3224
son grand livre, Du principe fédératif ; mais il
est
bien certain qu’un de ses contemporains J. C. Bluntschli, célèbre pro
3225
C. Bluntschli, célèbre professeur à Heidelberg, s’
est
inspiré directement de l’expérience suisse en rédigeant son projet d’
3226
ts nationaux, et plus de cent-mille membres. Elle
tient
son premier congrès à Montreux, en septembre 1947, date que l’on peut
3227
t à la convocation du congrès de l’Europe, qui se
tient
à La Haye au mois de mai 1948. De La Haye naît le Mouvement européen,
3228
s la création du Conseil de l’Europe. L’impulsion
est
donnée, l’opinion se réveille, les hommes d’État le sentent, et le re
3229
et convoque aussitôt une grande conférence qui se
tient
à Lausanne en décembre 1949. De cette conférence et de l’action du CE
3230
s d’outre-mer, etc. La première chaire européenne
est
créée en 1957 par l’Université de Lausanne. Une nouvelle conférence e
3231
ulture, sur le thème « l’Europe et le monde », se
tient
à Bâle en septembre 1964, sous le haut patronage du Conseil fédéral.
3232
idéale, réputée « microcosme de l’Europe », et ce
sont
quelques Suisses entreprenants qui l’ont permis. Qu’a fait, pendant c
3233
reconnaître que nos autorités et notre presse ont
été
dans l’ensemble pour le moins réservées, et que notre peuple l’est sa
3234
le pour le moins réservées, et que notre peuple l’
est
sans doute plus encore, s’agissant du projet européen. Le scepticisme
3235
et européen. Le scepticisme dominait, et comme on
tient
pour réaliste, en politique, les partis pris de la majorité et ses ro
3236
n appelait à l’époque la CECA : 1°) que ce pool n’
était
pas réalisable ; 2°) qu’il serait néfaste pour la Suisse, à cause de
3237
°) que ce pool n’était pas réalisable ; 2°) qu’il
serait
néfaste pour la Suisse, à cause de ses incidences sur nos transports.
3238
yeux du reste de l’Europe. Notre entrée à l’OECE
fut
accueillie avec méfiance par la presse moyenne de la Suisse allemande
3239
arrivée tardive au Conseil de l’Europe n’a jamais
été
justifiée — comme disaient mes instituteurs. Qu’en est-il de la secon
3240
ustifiée — comme disaient mes instituteurs. Qu’en
est
-il de la seconde objection que je citais : « Si cela se fait par impo
3241
je citais : « Si cela se fait par impossible, ce
sera
néfaste pour la Suisse » ? Quatre groupes d’arguments sont invoqués p
3242
ste pour la Suisse » ? Quatre groupes d’arguments
sont
invoqués par les partisans de l’abstention. Je vais les résumer et y
3243
Confédération139 ». Adhérer à l’union européenne
serait
contraire à cette neutralité. La Suisse recevrait des ordres d’un pou
3244
evrait des ordres d’un pouvoir extérieur, et c’en
serait
fait du rôle particulier qu’elle se réserve d’invoquer plus souvent e
3245
d’Algérie, permettant les accords d’Évian). Il n’
est
donc pas question que la Suisse prenne la moindre initiative visant à
3246
u monde actuel. Réponse : La neutralité suisse a
été
garantie « dans les intérêts de l’Europe entière ». Or c’est l’union
3247
érêts de l’Europe entière ». Or c’est l’union qui
est
aujourd’hui dans l’intérêt de tous les peuples de l’Europe. Si la neu
3248
de l’accès du Saint-Gothard, sous prétexte qu’ils
étaient
chargés de le garder. La neutralité suisse n’est pas un dogme. Elle n
3249
ient chargés de le garder. La neutralité suisse n’
est
pas un dogme. Elle n’a jamais été qu’un moyen politique mis au servic
3250
ralité suisse n’est pas un dogme. Elle n’a jamais
été
qu’un moyen politique mis au service de notre indépendance ; elle n’e
3251
que mis au service de notre indépendance ; elle n’
est
pas affirmée par la Constitution ; « elle ne fait pas partie de l’ess
3252
t politique » — pour rester neutres à tout prix —
serait
« illusoire140 ». « La situation internationale actuelle, économique,
3253
réalité de notre neutralité141. » Cette dernière
est
devenue en partie factice. La Suisse doit donc tendre à participer «
3254
urons perdu le droit auquel beaucoup d’entre nous
tiennent
le plus : le droit de nous plaindre. À quoi l’on pourrait ajouter : 1
3255
ndre. À quoi l’on pourrait ajouter : 1°) que s’il
est
vrai que notre neutralité a permis les interventions de la Croix-Roug
3256
a guerre d’Algérie, l’existence d’une Europe unie
serait
peut-être capable de prévenir ces crises, et à coup sûr diminuerait t
3257
en s’absolutisant jusqu’à devenir tabou — traître
est
celui qui ose la discuter — a changé de nature et de finalité. Sortie
3258
é. Sortie de l’Histoire, en quelque sorte, elle n’
est
plus du tout celle que les puissances garantirent en 1815, elle a per
3259
t rester neutre entre l’Europe et ses ennemis, ce
serait
vouloir rester neutre entre nos ennemis et nous-mêmes. Neutres entre
3260
uelles considérations philanthropiques pourraient
être
opposées sincèrement à cette thèse de simple bon sens. Arguments con
3261
it à une union supranationale, le pouvoir fédéral
serait
amené à promulguer des décisions qui sont actuellement du ressort des
3262
déral serait amené à promulguer des décisions qui
sont
actuellement du ressort des cantons. Le droit d’établissement, la lég
3263
fiscal, pour ne citer que ces exemples, devraient
être
uniformisés selon des directives européennes. Ce serait contraire à l
3264
uniformisés selon des directives européennes. Ce
serait
contraire à la Constitution, et ce serait même la fin de notre fédéra
3265
nes. Ce serait contraire à la Constitution, et ce
serait
même la fin de notre fédéralisme, n’hésitent pas à déclarer de nombre
3266
à celle d’un groupe de nations européennes. Elle
tient
à garder libres ses échanges avec le monde au-delà de l’Europe. En s’
3267
vantages, bancaires notamment, et son agriculture
serait
gravement menacée. L’adhésion au Marché commun ne serait donc pas pay
3268
gravement menacée. L’adhésion au Marché commun ne
serait
donc pas payante. Réponse : La Suisse est située au cœur du Marché c
3269
ne serait donc pas payante. Réponse : La Suisse
est
située au cœur du Marché commun. Ce n’est évidemment pas avec le rest
3270
Suisse est située au cœur du Marché commun. Ce n’
est
évidemment pas avec le reste du monde (sans cesse invoqué par les abs
3271
le plus, mais avec les Six. Les chiffres globaux
sont
connus. En mai 1963, par exemple, nos importations proviennent pour 6
3272
exportations, les deux tiers vont à l’Europe. Il
est
vrai que notre balance commerciale reste déficitaire avec l’Europe (d
3273
e avec l’Europe (de 447 millions), tandis qu’elle
est
bénéficiaire (de 51 millions) avec l’outre-mer. Mais il faut avouer q
3274
’ailleurs notre participation à l’AELE. La Suisse
est
si peu indépendante de l’Europe que l’immigration de main-d’œuvre eur
3275
se farà da se et saura bien se défendre ? Nous ne
sommes
plus au défilé de Morgarten. Ce n’est pas avec des longues piques, de
3276
Nous ne sommes plus au défilé de Morgarten. Ce n’
est
pas avec des longues piques, des crampons de fer aux pieds et une rés
3277
strie et le commerce (dite Vorort). Réponse : Il
est
clair qu’une Europe « une et indivisible » serait une catastrophe pou
3278
Il est clair qu’une Europe « une et indivisible »
serait
une catastrophe pour la Suisse. Mais personne ne la préconise en réal
3279
sse. Mais personne ne la préconise en réalité. Il
est
clair en revanche qu’une Europe fédérée, respectueuse de ses diversit
3280
tendre en conserver les bénéfices pour nous seuls
serait
le plus sûr moyen de les perdre. Il n’est pas vrai, d’ailleurs, que l
3281
euls serait le plus sûr moyen de les perdre. Il n’
est
pas vrai, d’ailleurs, que l’union de l’Europe menace d’effacer nos ca
3282
pas effacé nos caractéristiques cantonales. Et il
est
pour le moins bizarre qu’un porte-parole des industriels suisses accu
3283
iens, Allemands, Espagnols, Grecs et Turcs). Ce n’
est
pas le Marché commun qui les amène. C’est l’expansion de l’industrie
3284
uelle l’auteur de la déclaration que j’ai citée n’
est
pas tout à fait étranger. S’il croit vraiment que le mélange des peup
3285
r. S’il croit vraiment que le mélange des peuples
est
un danger majeur pour son pays, il n’a pas le droit d’en conclure qu’
3286
se, cause directe du « mal » en question, si c’en
est
un. Mais il y a plus. Les traits typiques de ce pays ont changé avec
3287
out par l’effet de la technique, laquelle n’a pas
été
créée par le mouvement d’union européenne. De nos jours encore, à l’é
3288
En fait, cette « caractéristique nationale » n’en
est
plus une depuis longtemps. Vers 1900 déjà, les Suisses vivant de l’ag
3289
fficile pour les habitants de nos grandes villes,
soit
définitivement interrompu pour ceux de la Mégalopolis qui menace de c
3290
etour à la misère naturelle du pays ?) Bref, ce n’
est
pas la Suisse de Morgarten, de Marignan ou du xviiie siècle, ni même
3291
e prétexte d’une indépendance dont notre peuple n’
est
pas disposé plus qu’un autre à payer le prix exorbitant. Autofrein
3292
xorbitant. Autofreinage du fédéralisme Tels
étant
les termes du débat que l’idée européenne suscite en Suisse, il faut
3293
ls savent qu’ils n’ont aucune espèce de chances d’
être
écoutés s’ils proposent de renoncer à la neutralité : c’est devenu, d
3294
ieux ainsi. Mais notre peuple comprend mal ce qui
est
en jeu. Je ne suis d’accord, pour ma part, ni avec ceux qui refusent
3295
otre peuple comprend mal ce qui est en jeu. Je ne
suis
d’accord, pour ma part, ni avec ceux qui refusent l’Europe en prétext
3296
e neutralité. Mon idéal très clair — mon utopie —
est
que la Suisse adhère un jour à une union européenne de type expressém
3297
, et non pas seulement à sauver ; ce que l’Europe
est
en droit d’attendre d’une Suisse qui fait partie de sa communauté et
3298
Suisse qui fait partie de sa communauté et qui en
est
largement bénéficiaire, et pas seulement ce que nous redoutons de l’a
3299
éralisme ! Différent en ceci de la neutralité, il
tient
à l’essence même de notre État. C’est notre création majeure. Il nous
3300
la préconise pas, qui le fera ? Notre fédéralisme
est
peu connu, ou très mal connu hors de Suisse ; notre neutralité n’y es
3301
s mal connu hors de Suisse ; notre neutralité n’y
est
que trop connue. Pourquoi parler toujours de cette vertu qui ennuie,
3302
mondiale ? Pourquoi cette timidité ? L’histoire n’
est
pas faite par des gens qui défendent leur position, mais bien par ceu
3303
que les Européens peuvent attendre de nous, ce n’
est
pas l’exposé lassant des raisons de notre réserve devant tout ce que
3304
ération se refuse avec vigilance, non parce qu’il
est
mauvais, mais au contraire parce qu’il s’en tient scrupuleusement à l
3305
l est mauvais, mais au contraire parce qu’il s’en
tient
scrupuleusement à l’empirisme qui, jusqu’ici, a présidé avec succès a
3306
s débats sur la politique générale risqueraient d’
être
stériles… Le gouvernement demande à être jugé sur ses actes, non sur
3307
raient d’être stériles… Le gouvernement demande à
être
jugé sur ses actes, non sur ses intentions. » (Ce qui revient à justi
3308
ur l’année ou les années à venir. Cette procédure
serait
de nature à affaiblir la situation du gouvernement aux yeux du parlem
3309
ovidentia dei Helvetia regitur 143. » Cet exemple
est
révélateur d’une situation étrangement contradictoire. Notre système
3310
tuation étrangement contradictoire. Notre système
est
foncièrement hostile à ce que l’on nomme ailleurs la politique. Mais
3311
politique. Mais cette vertu fédéraliste se trouve
être
aujourd’hui le frein automatique à toute initiative capable de sauver
3312
es régimes totalitaires, tendant vers l’uniforme,
sont
dans cette mesure régressifs. En revanche, pour la complexité, la Sui
3313
l’avenir de ses formules. 1°) Le monde de demain
sera
de plus en plus réduit quant aux distances, et tissé de réseaux de re
3314
ux. Information audiovisuelle planétaire, pouvant
être
captée par tout individu muni d’un récepteur de poche. Bi ou trilingu
3315
tés culturelles de plus en plus, car elles seules
sont
perçues comme signes distinctifs. Ou encore : le poids brut de l’ense
3316
tinctifs. Ou encore : le poids brut de l’ensemble
sera
moins important que le poids spécifique d’un peuple. Les frontières d
3317
t les communautés à très forte densité culturelle
seront
alors les réalités les mieux définies et caractérisées, les plus prop
3318
nt. L’identité d’un peuple ou d’une communauté ne
sera
plus définie par des arpenteurs, des cordons douaniers et des décrets
3319
t civiques du petit pays sur la grande nation ont
été
formulés, depuis Rousseau, par tous les penseurs politiques suisses,
3320
ère imposant qui manque à celle des empires. Elle
est
davantage l’histoire de la liberté ». Le grand juriste Max Huber écr
3321
d’un empire, il s’alimente à l’univers. Ainsi lui
est
-il rendu plus facile d’admettre ce qui ne lui ressemble pas. Dans le
3322
ase de toute fédération, ont de grandes chances d’
être
confirmées — et sans doute de s’étendre du plan moral, civique et pol
3323
efficace dans un milieu où les relais d’exécution
sont
nombreux et organiquement distribués. Aux stades encore primitifs de
3324
. L’un des thèmes favoris des sociologues actuels
est
l’étude des ensembles régionaux et des « métropoles » constituant les
3325
’évaluer l’optimum de population d’une région qui
serait
capable de fonctionner d’une manière autonome, et l’on propose en Fra
3326
lui de notre population. Question : la Suisse ne
sera-t
-elle pas, d’ici vingt ans, trop grande pour ses institutions ? Je pen
3327
nature trop vastes pour l’unité de base, doivent
être
construits en commun avec d’autres régions voisines. Seuls ces réseau
3328
x adaptée aux conditions du monde de demain, elle
serait
donc désignée plus que tout autre pour jouer le rôle d’initiatrice de
3329
jet, compatible par définition avec les raisons d’
être
de l’État suisse (quitte à prévoir certains aménagements internes), s
3330
quitte à prévoir certains aménagements internes),
serait
ensuite présenté aux dix-neuf États de l’Europe de l’Ouest145. Il ser
3331
aux dix-neuf États de l’Europe de l’Ouest145. Il
serait
présenté au nom de notre idéal et de notre usage du fédéralisme, mais
3332
s les intérêts de l’Europe entière. » Même s’il n’
était
pas accepté en fin de compte, il aurait pour effets inévitables : — d
3333
s que cette même situation pourrait à juste titre
être
invoquée comme faisant au pays qui en bénéficie une particulière obli
3334
venir en faveur du bien commun de l’Europe. Telle
serait
à mes yeux la mission positive de la Suisse. Mais j’ai montré pour qu
3335
en temps utile — avant que les jeux européens ne
soient
faits — elle choisira de se réserver. 2°) Ce dernier terme évoque irr
3336
qu’elle symbolise un idéal presque trop beau pour
être
vrai aux yeux de l’immense majorité des masses modernes, en Europe et
3337
tés ont déjà dépassé cette fiction helvétique. Il
est
trop tard pour la reconstituer, à supposer qu’elle ait jamais été con
3338
ur la reconstituer, à supposer qu’elle ait jamais
été
conforme à autre chose qu’au rêve des Suisses, à la littérature roman
3339
deux visions d’un comportement suisse, dont l’une
serait
, dit-on, prématurée, tandis que l’autre est sûrement périmée, le « ma
3340
ne serait, dit-on, prématurée, tandis que l’autre
est
sûrement périmée, le « malaise suisse » demeure le seul avenir certai
3341
suisse » demeure le seul avenir certain. Mais il
est
de la nature d’un malaise de se terminer plus ou moins vite par un re
3342
arée, ou la mort. Je n’oublie pas que le discours
est
d’une logique plus exigeante que l’histoire réelle des hommes et des
3343
e réelle des hommes et des nations : ses dilemmes
sont
plus clairs, mais rarement résolus. Il n’en arrive pas moins que les
3344
venir ni son passé, que peut-on conseiller qui ne
soit
à la fois prématuré et périmé, ou simplement trompeur comme un tranqu
3345
simplement trompeur comme un tranquillisant ? Il
est
certain que l’Europe « se fera » un jour ou l’autre. Il est probable
3346
n que l’Europe « se fera » un jour ou l’autre. Il
est
probable qu’elle sera faite d’ici 1980. Et l’on n’imagine pas qu’elle
3347
era » un jour ou l’autre. Il est probable qu’elle
sera
faite d’ici 1980. Et l’on n’imagine pas qu’elle puisse se faire sur d
3348
l’Europe à La Haye, et le temps où l’Europe unie
sera
sans doute un fait accompli, je propose mon dessein raisonnable d’un
3349
Les mêmes raisons qui veulent qu’une fédération
soit
gouvernée par un collège, et non par un seul homme, veulent que son c
3350
non par un seul homme, veulent que son centre ne
soit
pas une capitale, mais bien un District fédéral. La fédération europé
3351
n un District fédéral. La fédération européenne n’
étant
pas une création sur table rase, mais l’aboutissement d’un très long
3352
tés que l’on sait, le District fédéral ne saurait
être
, lui non plus, une création synthétique édifiée sur un terrain vague
3353
, dans l’Europe de 1980. Le District fédéral doit
être
situé au centre du continent. Il doit être facile à fermer et à défen
3354
l doit être situé au centre du continent. Il doit
être
facile à fermer et à défendre en temps de troubles, mais d’accès faci
3355
mais d’accès facile en temps de paix. Il ne peut
être
qu’un petit pays, cependant très diversifié et si possible de traditi
3356
nt le siège du gouvernement suisse. Ces autorités
sont
placées sous la protection de l’armée suisse : un million de mobilisa
3357
et son indépendance de toute influence étrangère
sont
reconnues solennellement, pour des motifs nouveaux plus forts que les
3358
motifs nouveaux plus forts que les anciens, comme
étant
« dans les vrais intérêts de l’Europe entière ». Premières réactions
3359
dépendance et ses caractéristiques nationales. Ce
serait
vouloir soumettre toute l’Europe à la Suisse. Allez donc en parler à
3360
e à la Suisse. Allez donc en parler à Berne, vous
serez
bien reçu ! Etc. Je ne vois rien de consistant ni de raisonnable dans
3361
eurs deux à deux. Mon dessein, ne l’oublions pas,
est
à mi-chemin entre une initiative prise par la Suisse et une absence t
3362
tale de projet qui ferait de ce pays un musée. Il
est
modeste, sans excès. Je vois en revanche beaucoup de motifs d’angoiss
3363
« utopie » que c’est bien joli, mais que nous ne
sommes
pas faits pour le rôle, et que le reste de l’Europe va peut-être sour
3364
este de l’Europe va peut-être sourire… Le sourire
est
inévitable. Et puis viendra la réflexion, la décision. Je me mets dan
3365
nir les citoyens d’une capitale de l’Europe. « Il
était
temps que ces petits Suisses nous offrent autre chose que leurs leçon
3366
vont peut-être un peu fort. Ils ne voulaient rien
être
dans l’union, les voilà qui se proposent comme pays-capitale ! Leurs
3367
des vaches… Mais après tout, si notre capitale n’
est
pas retenue, au bout du compte, plutôt que d’en choisir une autre, va
3368
On passe au vote : la Suisse sort bonne première,
étant
seconde sur chaque bulletin. Je ne m’attends pas à voir mon dessein r
3369
éserver », à Berne. Il se peut que cette attitude
soit
la seule qui convienne à un petit pays, pluraliste, et neutre au surp
3370
voisins. Les risques de guerre qui subsistent ne
sont
plus nationaux, mais mondiaux : rêver de s’y soustraire ne serait ni
3371
onaux, mais mondiaux : rêver de s’y soustraire ne
serait
ni réaliste ni défendable moralement. Et maintenant, en tant que cito
3372
s ? Ma première impression, c’est que la Suisse n’
est
plus à l’écart de l’Europe et qu’elle participe sans arrière-pensées
3373
sent sans fusion ni mélange, les longueurs d’onde
étant
nettement distinctes. Et s’il y a contamination, ce n’est pas dans le
3374
ement distinctes. Et s’il y a contamination, ce n’
est
pas dans le sens qu’un vieux Genevois pouvait redouter. « Molotov, co
3375
d’une grande conférence. Notre climat passe pour
être
apaisant. Dans une Suisse devenue terre d’Europe, comme elle fut jadi
3376
ans une Suisse devenue terre d’Europe, comme elle
fut
jadis terre d’Empire, je ne vois pas de motifs de craindre qu’il y ai
3377
’ailleurs, ces « étrangers » cessent bientôt de l’
être
à mesure qu’ils découvrent, en quittant l’autoroute, le vrai pays — c
3378
e Soglio. La rade de Genève illuminée aux soirs d’
été
. Les petits déjeuners sur un balcon d’hôtel, à Montreux, devant les A
3379
de bouillon Maggi et de cigares de Brissago, qui
étaient
ce que Joyce préférait en Suisse. Et cette façon de vous dire merci q
3380
entillesse qui étonne même les Américains, et qui
est
la preuve exquise d’une civilisation. Et puis au-delà des apparences
3381
s du monde dont je préfère me plaindre. La Suisse
est
le pays dont je souhaite le plus qu’il communique sa grâce très secrè
3382
Car la Suisse détient un mystère, ou plutôt elle
est
ce mystère. Il m’a fallu longtemps, beaucoup d’étude, d’éloignement,
3383
fondrait alors en elle sa destinée, fidèle à son
être
profond, des origines à ses plus hautes fins. Ce rêve peut devenir vr
3384
s. Ce rêve peut devenir vrai demain, et il doit l’
être
, mais le sera-t-il jamais si nous restons muets ? Malgré tout ce qui
3385
t devenir vrai demain, et il doit l’être, mais le
sera-t
-il jamais si nous restons muets ? Malgré tout ce qui nous retient, ma
3386
Suisse du 13 avril 1964. 144. L’exemple du CERN
est
le plus évident. Aucun des treize pays qui ont financé sa constructio
3387
, bien au contraire : sans le CERN, leurs savants
seraient
frustrés d’une possibilité d’employer leurs talents ; et leur dépenda
3388
u l’autre des grandes puissances « atomiques » en
serait
accrue d’une manière irrémédiable. 145. Seuls accessibles pour le mo
3389
mide, presque orageux, et la présence de Breton m’
est
advenue sous les grands chênes, comme si j’étais sorti ce soir à sa r
3390
m’est advenue sous les grands chênes, comme si j’
étais
sorti ce soir à sa rencontre. Je n’ai pas connu d’autre écrivain fran
3391
i, brique enfumée, verre et ciment, que nous nous
sommes
rencontrés. Mais au long des années de notre amitié, j’ai souvent obs
3392
très finement réceptif mais puissant émetteur, il
était
le centre dynamique d’un événement constamment renouvelé, qu’il avait
3393
enouvelé, qu’il avait baptisé surréalisme, et qui
était
son idée de la poésie et de « l’intelligence poétique de l’univers ».
3394
ce, il a fallu tout cela pour que celui qui avait
été
l’un des « phares » baudelairiens de notre adolescence loin de Paris,
3395
nnalistes où je militais, cessât tout d’un coup d’
être
un mythe pour devenir du même coup mon ami, après un dîner tête-à-têt
3396
New York. (20 juin 1942, selon le journal que je
tenais
alors.) Deux jours plus tôt, je l’avais rencontré à l’Office of War I
3397
n’ayons pu, ou cru pouvoir, nous rencontrer. « Ce
sont
de ces conneries ! Et que l’on expie ! » (Beaucoup de lui dans ces qu
3398
mpu sans retour. Ce soir-là, au Village, mon rêve
est
devenu vrai : nous parlons certes de ce qui peut nous rapprocher, l’a
3399
dans une atmosphère orageuse ! Mais l’Amérique n’
est
pas son fort. Il y tient le succès à distance, laissant à Salvador Da
3400
ageuse ! Mais l’Amérique n’est pas son fort. Il y
tient
le succès à distance, laissant à Salvador Dali, qu’il appelle Avida D
3401
de bureaux, de la censure à la polycopie, avant d’
être
remis aux speakers, nous trouvons un moment pour causer. Et souvent n
3402
amènerait une personne inconnue des autres, tous
étant
costumés et masqués, les propos échangés dans un style rigoureusement
3403
e compensation, si l’on voit dans quel cadre nous
sommes
en train de causer. Trente machines à écrire dans cette salle, en con
3404
tations visibles et officielles du christianisme,
était
un être religieux par excellence. C’est même sans doute parce qu’il j
3405
isibles et officielles du christianisme, était un
être
religieux par excellence. C’est même sans doute parce qu’il jugeait l
3406
’artisan lui semblait des plus exaltants. Or il n’
est
rien de commun aux deux doctrines hors le grand ton de rigueur fanati
3407
trines hors le grand ton de rigueur fanatique qui
était
l’un des aspects de la poésie selon Breton, autrement dit, de sa reli
3408
Parfois, on arrangeait une fête (comme celle qui
fut
dédiée au Nombre 21) ou une exposition, ou une vitrine (Breton, Selig
3409
t d’orner de fleurs au crayon de couleur. Fourier
était
alors son nouvel Intercesseur : il insistait pour m’en lire des chapi
3410
ers de l’utopie phalanstérienne. On eût dit qu’il
était
le premier à découvrir ce jeune auteur d’avant-garde ! « Ombre frénét
3411
euse du Père Enfantin… une grande réparation vous
est
due », écrira-t-il dans Arcane 17, deux ans plus tard, et il poursuit
3412
fice de l’extrême fraîcheur. » Jamais Breton ne s’
est
mieux défini. Je pense au soir où il déclara qu’il était temps d’alle
3413
ieux défini. Je pense au soir où il déclara qu’il
était
temps d’aller regarder de plus près qu’on ne l’avait fait saint Augus
3414
près qu’on ne l’avait fait saint Augustin, qu’il
tenait
pour l’ancêtre des jansénistes. Nous lui dîmes qu’il y avait là-dessu
3415
visiblement, et avec raison : son Augustin à lui
était
sans nul rapport avec celui qu’avait canonisé « l’Obscurantisme ».
3416
it canonisé « l’Obscurantisme ». Je crois avoir
été
, de ses amis, le seul qui s’avouât et se voulût « chrétien ». Cette i
3417
t lu quelques chapitres, il avait vu que le livre
était
« dangereux ». Comme je feignais de ne pas comprendre, il précisa qu’
3418
. Et lorsqu’il vit que je ne me défendais pas, je
suis
certain que l’idée le traversa de me faire passer devant le tribunal
3419
nal du Groupe. Mais après tout, je n’avais jamais
été
surréaliste d’observance, comment m’exclure ? Et il n’avait aucune en
3420
trouva une espèce d’échappatoire : Marcel Duchamp
serait
pris pour arbitre. Rendez-vous fut fixé dans un petit bar français po
3421
cel Duchamp serait pris pour arbitre. Rendez-vous
fut
fixé dans un petit bar français pour le dîner du lendemain. J’y vais
3422
le dîner du lendemain. J’y vais à l’heure, Marcel
est
déjà là, plus que ponctuel et parfaitement serein. Je ne sais s’il a
3423
’ambiguïté du mot croire dans cette phrase). « Qu’
est
-ce que cela peut faire à Breton ? À chacun sa mythologie. Il fait une
3424
retard, comme prévu, et comprend vite que tout s’
est
arrangé. Puisque Marcel, infaillible à ses yeux, semble m’absoudre, i
3425
la vie par une sédition passionnelle (« La beauté
sera
convulsive ou ne sera pas ») et la régler jusqu’au moindre soupir. Au
3426
n passionnelle (« La beauté sera convulsive ou ne
sera
pas ») et la régler jusqu’au moindre soupir. Autoritaire et libertair
3427
vait exister que pour lui seul. De personne je ne
suis
à ce point sûr qu’il a toujours suivi — avec autant d’audace que d’ex
3428
. » Il va donc rester quelques jours. Nos voisins
sont
venus en fin d’après-midi, gentils et trop gentils, prônant l’éducati
3429
é, n’a pris qu’un doigt de vermouth. — Les masses
sont
inéducables, dit-il après le départ de nos hôtes. Elles nous détesten
3430
s nous détestent et nous tueraient volontiers. Ce
sont
les imbéciles qui, en se liguant contre les individus libres et inven
3431
s prétendues lois. Mais tout l’effort de l’avenir
sera
d’inventer, par réaction à ce qui se passe maintenant, le silence, la
3432
agit de bien voir et surtout d’accepter. Le reste
est
beaucoup plus facile. À nous de choisir nos fées, puisque nous le pou
3433
silence ? Mais notre ami le Dr M. V., qui passe l’
été
près d’ici avec deux jeunes amies nous écrase d’un souriant dédain. «
3434
ause. Indémontrable, évidemment… D’ailleurs, ce n’
est
pas cela. Je crois que Dieu est fou selon nos normes rationnelles, in
3435
D’ailleurs, ce n’est pas cela. Je crois que Dieu
est
fou selon nos normes rationnelles, infiniment plus fou que tout ce qu
3436
je ne comprends pas du tout, c’est mouvement. Qu’
est
-ce qu’il appelle mouvement, votre type ? S’il le définit par oppositi
3437
par opposition au repos, ça ne marche pas, rien n’
est
en repos dans l’univers. Alors ? Son mouvement n’est qu’un mythe. En
3438
en repos dans l’univers. Alors ? Son mouvement n’
est
qu’un mythe. En fait, dit-il au déjeuner sur la galerie, tout se pass
3439
rait s’en passer. Si l’on supprimait l’argent, je
suis
sûr que tout irait aussi bien, et beaucoup plus facilement. Le boulan
3440
r jour, on ne peut pas en manger davantage, et il
serait
inutile d’accumuler des miches puisqu’on ne pourrait pas les vendre.
3441
pe où cela marche très bien : c’est la famille… N’
est
-ce pas ? Les enfants prennent à table ou à la cuisine ce dont ils ont
3442
arrange, il y en a pour tout le monde… La famille
est
le modèle d’une société entièrement anarchique. Il a l’air content d’
3443
tant dans la vie de Marcel. — Depuis que mon père
est
mort, je me sens privé de repères. Pères et repères… Je n’arrive plus
3444
cs. Celui dont Duchamp se sert pour ses problèmes
est
trop petit pour jouer à deux : c’est un « jeu de voyage » de sa confe
3445
échec de l’art, art des échecs, échec à l’art… Il
est
persuadé que c’est moins la réflexion rigoureuse que la transmission
3446
la plupart de nos aliments, surtout la viande, n’
étant
pas assimilés et ne servant qu’à nous bourrer l’estomac d’une sorte d
3447
onses écrites simultanément. Ma première question
était
: Qu’est-ce que le génie ? Marcel lit sa réponse : L’impossibilité du
3448
es simultanément. Ma première question était : Qu’
est
-ce que le génie ? Marcel lit sa réponse : L’impossibilité du fer. Et
3449
uverte, je vois une partie de sa chambre. Duchamp
est
allongé sur son lit, son petit échiquier dans une main, sa pipe dans
3450
la conversation de la veille, je lui demande s’il
est
vrai qu’il a décidé un beau jour d’abandonner définitivement la peint
3451
me copier, comme tous les autres. Vous comprenez,
être
peintre, c’est copier et multiplier les quelques idées qu’on a eues i
3452
is la création d’un marché de la peinture, tout a
été
radicalement changé dans le domaine de l’art. Regardez comme ils prod
3453
tchouc. Le chèque de quatre-cent-cinquante francs
est
à l’ordre d’un dentiste de Paris. Tout est parfaitement imité. Seules
3454
francs est à l’ordre d’un dentiste de Paris. Tout
est
parfaitement imité. Seules les dimensions sont inusitées. — Et votre
3455
out est parfaitement imité. Seules les dimensions
sont
inusitées. — Et votre dentiste a accepté ce paiement ? — Comment donc
3456
iste a accepté ce paiement ? — Comment donc, ce n’
est
pas un faux chèque, puisqu’il est entièrement fait par moi ! Et signé
3457
ment donc, ce n’est pas un faux chèque, puisqu’il
est
entièrement fait par moi ! Et signé ! Rien de plus authentique ! Et a
3458
l’œuvre complète de Marcel Duchamp, ainsi prête à
être
emportée par la postérité sous forme de mallette en cuir, à poignée s
3459
allette en cuir, à poignée solide. — Marcel, vous
êtes
sans doute le premier artiste qui ait su se mettre en boîte lui-même.
3460
7 août. Avant le déjeuner, sur la galerie : — Qu’
est
-ce que cette catégorie de l’infra-mince dont vous parlez dans le numé
3461
ientifiques. J’ai pris à dessein le mot mince qui
est
un mot humain, affectif, et non pas une mesure précise de laboratoire
3462
ainsi votre tableau ? — Moi ? Non. Pourquoi ? Je
suis
l’auteur. Pour en revenir à l’infra-mince, c’est une catégorie qui m’
3463
ni vous goûter goûtant, et ainsi de suite ? Nous
sommes
en train de déjeuner sur la galerie, au-dessus de l’eau. Entre les tr
3464
ombien cette vue m’apaise et me satisfait. — Vous
êtes
sans cloute presbyte ? Tenez, je vous donne celle-là toute fraîche, u
3465
me satisfait. — Vous êtes sans cloute presbyte ?
Tenez
, je vous donne celle-là toute fraîche, une théorie-minute qui me vien
3466
e-minute qui me vient à l’instant : les presbytes
sont
malheureux dans les villes, parce que le regard y bute constamment co
3467
ant-hier sur Hiroshima. Et la face de la terre en
est
changée, mais combien de temps nous faudra-t-il pour le comprendre ?
3468
aconter l’entrée de la Chose dans nos esprits. Ce
sera
le début de la première de mes Lettres. Hier, j’ai ramené le journal
3469
vos yeux par des jours de chaleur. Tout le monde
est
accouru sur la galerie, à la nouvelle, et j’ai dû raconter l’histoire
3470
e comme si je revenais d’Hiroshima, comme si j’en
étais
responsable. À minuit, nous en parlions encore. Le choc nous avait je
3471
de explosion la hantait depuis son enfance. (Elle
est
née dans un tremblement de terre.) « C’est sacrilège, ce qu’on vient
3472
bombe confirmait son point de vue : la science n’
est
qu’une mythologie, ses lois et sa matière elle-même sont de purs myth
3473
’une mythologie, ses lois et sa matière elle-même
sont
de purs mythes, et n’ont ni plus ni moins de réalité que les conventi
3474
r parler d’homéopathie, un de mes dadas. Ma thèse
est
simple : Qu’est-ce que l’homéopathie ? L’action d’un remède matériell
3475
pathie, un de mes dadas. Ma thèse est simple : Qu’
est
-ce que l’homéopathie ? L’action d’un remède matériellement absent. Qu
3476
? L’action d’un remède matériellement absent. Qu’
est
-ce que la bombe atomique ? L’action d’un point de matière subitement
3477
la plus grande explosion de l’Histoire n’ait pas
été
provoquée tout bêtement par la plus grande masse d’explosif jamais ré
3478
té, et l’une des grandes dates de la terre : ce n’
est
qu’un rien qui s’est défait. « L’impossibilité du faire », j’y revi
3479
des dates de la terre : ce n’est qu’un rien qui s’
est
défait. « L’impossibilité du faire », j’y reviens. Marcel confesse
3480
son temps simplement. Ce Jules Verne des arts ne
serait
-il pas plus proche de Léonard que n’en sont les essais de Valéry ? Ma
3481
ne serait-il pas plus proche de Léonard que n’en
sont
les essais de Valéry ? Mais ce serait un Léonard homéopathe, l’autre
3482
nard que n’en sont les essais de Valéry ? Mais ce
serait
un Léonard homéopathe, l’autre étant du côté des allopathes : grandes
3483
y ? Mais ce serait un Léonard homéopathe, l’autre
étant
du côté des allopathes : grandes dimensions des œuvres, côté pratique
3484
esque un siècle. Beaucoup des œuvres du Vinci ont
été
détruites, ou abîmées. De même, La Mariée mise à nu par ses célibatai
3485
La Mariée mise à nu par ses célibataires, même a
été
brisée, puis à demi réparée, selon les lignes prévues par les « stopp
3486
venteur d’une espèce de judo intellectuel dont il
est
la seule ceinture noire parmi nos artistes et penseurs. J’admire l’éc
3487
tapis sans effort apparent. La réussite de sa vie
tiendra
sans doute dans cette faculté mystérieuse de rendre exemplaires, mémo
3488
années, je me sens enclin à croire que, oui, tout
est
sorti du congrès de La Haye en mai 1948 : les premières institutions
3489
l’élan populaire, dont on sentait alors qu’il eût
été
possible de le déclencher. Je voudrais fixer quelques points dont l’h
3490
que le mouvement personnaliste des années 1930 s’
est
continué dans la pensée et dans l’action d’un grand nombre de résista
3491
48, la révolution européenne, cent ans plus tard,
est
sortie d’une campagne de congrès échelonnés de 1947 à 1949. Ils ont à
3492
l’imagination de nombreux économistes, et d’avoir
été
acceptées par l’opinion, donc par les parlements et les gouvernements
3493
tous ces congrès n’ont rien fait, et en effet, il
est
normal que des congrès ne fassent rien, ce n’est pas ce que l’on atte
3494
est normal que des congrès ne fassent rien, ce n’
est
pas ce que l’on attend d’eux, en général. Les gens d’une même profess
3495
n très singulière, qui n’existe plus aujourd’hui,
était
le seul mobile qui rassemblait les militants européens, et elle leur
3496
rmine en décembre 1949 à Lausanne. Son histoire n’
est
pas encore écrite, et il faut craindre qu’elle ne puisse l’être que d
3497
e écrite, et il faut craindre qu’elle ne puisse l’
être
que d’une manière insuffisante ou fausse, si l’on ne s’y met sans ret
3498
its ou polycopiés, déjà plus « vrais », n’ont pas
été
systématiquement réunis et ne se conserveront pas longtemps (mauvais
3499
amadier, anciens ministres ; Joseph Retinger, qui
fut
l’éminence grise du congrès ; le sénateur hollandais Kerstens, qui pr
3500
it la séance ; et l’un des trois rapporteurs, qui
est
aujourd’hui le seul survivant du groupe et qui est en train d’écrire
3501
st aujourd’hui le seul survivant du groupe et qui
est
en train d’écrire ces pages. Ce ne seront pas des pages d’histoire, m
3502
upe et qui est en train d’écrire ces pages. Ce ne
seront
pas des pages d’histoire, mais un essai de restituer l’atmosphère de
3503
oseph Retinger peut-être, ne prit part à tous. Je
serai
donc forcément incomplet et délibérément subjectif dans l’approche de
3504
s à l’aide de notes de journal intime (mais elles
sont
rares précisément dans les périodes où l’on agit) ou à les confronter
3505
si les calculs d’une prudence « réaliste » ne s’y
étaient
mis comme le ver dans le fruit. Oui, c’est la naïveté de quelques féd
3506
es choses au niveau du « possible », où l’on peut
être
sûr qu’il n’y aura pas de miracle. Le congrès de Montreux Je ven
3507
Union européenne des fédéralistes, dont le siège
était
à Genève et qui allait tenir un congrès à Montreux. Au nom de notre a
3508
istes, dont le siège était à Genève et qui allait
tenir
un congrès à Montreux. Au nom de notre ancienne camaraderie de combat
3509
’est la doctrine qu’attendent nos militants. Nous
serons
une trentaine autour d’une table, on discutera, vous aurez l’occasion
3510
Nouveau départ ? Le fait qu’A. M. et R. S. aient
été
mes premiers visiteurs donne peut-être son vrai sens à ma venue dans
3511
peut encore insérer son effort dans le cadre qui
serait
seul adéquat, d’une Europe fédérée, fédéraliste… Je n’ai plus qu’à m’
3512
n hall du Montreux-Palace, et m’a dit. “Tout cela
est
bel et bon, mais maintenant il nous faut travailler.” C’est un Polona
3513
ur retrouver à Sion des amis venus de Paris. Je n’
étais
pas encore engagé dans l’affaire. Tout se passait comme si j’avais ju
3514
s jugé que le fait de prononcer un keynote speech
était
une suffisante prestation. Notes du 28 août, soir : « Hier, dans les
3515
iers, tennis, saules pleureurs dans l’eau sombre…
Été
ce matin à la commission économique, en curieux. Le président Hopkins
3516
laquelle ni l’économie ni la défense ne sauraient
être
concertées valablement. Le désaccord est si flagrant que le meneur de
3517
uraient être concertées valablement. Le désaccord
est
si flagrant que le meneur de jeu interrompt l’enregistrement, pour no
3518
cours des trois années suivantes notre mouvement
étaient
en germe dans ce premier affrontement entre l’élan des fédéralistes e
3519
es voies qui peuvent y mener. » Il se peut que ce
soit
au fait d’avoir été jeté à brûle-pourpoint et publiquement dans ce dé
3520
y mener. » Il se peut que ce soit au fait d’avoir
été
jeté à brûle-pourpoint et publiquement dans ce débat que je puisse at
3521
ces précises qu’on en déduit. La supranationalité
est
préconisée avec insistance, comme condition de toute organisation eur
3522
on internationale du travail, sans que ces termes
soient
traduits et exemplifiés par des propositions plus détaillées d’instit
3523
ns finales. Le cadre de toute l’action ultérieure
est
posé, le but ultime bien indiqué : « L’Europe unie dans un monde uni
3524
é de réunir tous les peuples européens, ceux de l’
Est
compris, est affirmée comme seul moyen de prévenir le péril de la col
3525
ous les peuples européens, ceux de l’Est compris,
est
affirmée comme seul moyen de prévenir le péril de la colonisation par
3526
s, le mythe des souverainetés nationales absolues
sont
dénoncés et vidés de leur contenu terroriste, de même que les fausses
3527
économique du continent : l’union douanière doit
être
l’expression finale d’une union économique, c’est-à-dire d’un plan co
3528
uction ; la franchise totale des échanges devrait
être
obtenue par des abaissements de droits échelonnés sur dix à quinze an
3529
r dix à quinze ans ; « un plan Monnet153 européen
est
nécessaire », non seulement pour l’équilibre des productions français
3530
urope » étudié sous l’angle d’une union régionale
sera
« sans cesse confronté avec le devenir de l’économie mondiale ». Avou
3531
après vingt ans, le congrès de Montreux me paraît
tenir
une place décisive et axiale : c’est là que s’opéra la rencontre de l
3532
etrouvée et d’une grande aventure où s’engager, j’
étais
loin de mesurer l’importance objective de ce qui venait de se passer
3533
ois composantes principales de l’affaire. Elles s’
étaient
déclarées un an auparavant, par une curieuse coïncidence à la fois da
3534
is dans le temps et dans l’espace : à la fin de l’
été
et en Suisse toutes les trois. Il y avait eu d’abord, fin août, à He
3535
d’Allemagne, d’Autriche et de plusieurs pays de l’
Est
. De ce colloque allait sortir l’Union européenne des fédéralistes, qu
3536
ropea). Cette composante personnaliste-résistante
était
représentée à Montreux par des hommes comme Robert Aron et Alexandre
3537
comme Robert Aron et Alexandre Marc (qui avaient
été
, comme moi, de L’Ordre nouveau et d’Esprit), par Eugen Kogon, et par
3538
. R. de Salis, Stephen Spender, et moi-même, nous
étions
attachés à définir en neuf conférences suivies de débats publics la c
3539
urope. La cheville ouvrière de cette action avait
été
le Dr Retinger155, bras droit du général Sikorski, chef du gouverneme
3540
chef du gouvernement polonais. À 56 ans, il avait
été
parachuté en Pologne occupée, et il en gardait une bizarre claudicati
3541
de coopération économique, au nom de laquelle il
était
venu à Montreux. Je devais découvrir tout cela, par bribes, au cours
3542
sme neuf. En cet automne d’il y a vingt ans, je n’
étais
guère préoccupé de connaître les origines si complexes d’une organisa
3543
rigines si complexes d’une organisation dont je n’
étais
pas encore membre et d’un mouvement aux contours assez vagues mais au
3544
ons de séance au Montreux-Palace que l’idée avait
été
lancée, et tout de suite discutée avec passion, de convoquer dès le p
3545
comptes nationalistes de 1871 et de 1919, devait
être
racheté en quelque sorte par l’avènement de l’Europe fédérale. Mais t
3546
situation dramatique dans laquelle l’UEF avait à
tenir
son rôle, ou plutôt à le créer, en prenant de grands risques quoi qu’
3547
és financières. Très probablement notre action en
serait
vite paralysée dans l’immédiat et c’est l’immédiat qui compte, non se
3548
connaît un renouveau inespéré, les communistes se
sont
isolés volontairement, et la “troisième force” classique ou bien se r
3549
t, mais nous ne réussirons pas non plus, et on se
sera
paralysé mutuellement. » Brugmans propose donc de ratifier l’accord p
3550
novembre, à condition toutefois que les pays de l’
Est
soient invités, que des organismes permanents naissent de La Haye, et
3551
mbre, à condition toutefois que les pays de l’Est
soient
invités, que des organismes permanents naissent de La Haye, et que le
3552
rmanents naissent de La Haye, et que les délégués
soient
choisis par des Comités nationaux, sans droit de veto du Comité de li
3553
enir une secte », comme l’a dit Brugmans. (Mais n’
est
-ce pas pour avoir accepté ce risque-là que Lénine a gagné finalement
3554
chill, au lieu de convoquer les états généraux, n’
est
-ce pas risquer de perdre à la fois le bénéfice du nombre (l’UEF group
3555
és de leur droit de parler au nom de l’avenir… Il
serait
intéressant d’analyser dans ce procès-verbal les facteurs politiques
3556
e. Il se peut que le sort de l’Europe fédérale se
soit
joué à ce moment-là pour trois ou quatre décennies. On peut très bien
3557
et l’Union parlementaire de Coudenhove (qui avait
tenu
un important congrès du 8 au 11 septembre à Gstaad, avec deux-cents p
3558
hypothèse, les chances des états généraux eussent
été
les plus grandes dans le plus court délai : l’effet de surprise, je l
3559
court délai : l’effet de surprise, je le répète,
était
une condition décisive de succès. Certes, on pourrait aussi imaginer
3560
Certes, on pourrait aussi imaginer l’inverse, qui
était
ce que redoutaient en cas de rupture les fédéralistes hollandais et a
3561
ongrès de La Haye et l’on ne peut juger que c’eût
été
le cas si l’UEF avait rompu avec Sandys, Retinger et Courtin. Mais ga
3562
c’est-à-dire de ceux pour qui l’union de l’Europe
était
le souci primordial ou unique. (Les autres s’appelaient « unionistes
3563
artis politiques et leurs chefs admettraient ? Ce
serait
avouer que les fédéralistes avaient renoncé du même coup à créer du p
3564
renoncé du même coup à créer du possible, ce qui
est
l’acte essentiel de toute révolution politique ou spirituelle. Je pen
3565
rès projeté : 1° La commission culturelle, loin d’
être
une simple adjonction ornementale aux commissions « sérieuses » (la p
3566
e son contenu, élaboré par la section culturelle,
fût
discuté avant le congrès par les animateurs des sections politique et
3567
eine valeur, telle que je l’avais souhaitée. « Je
suis
d’avis que cette déclaration doit fournir le point de départ de notre
3568
gne)157. » Lors du comité du 8 avril, à Paris, il
fut
décidé subitement que le texte appelé jusqu’à ce jour préambule « con
3569
uropéens à faire approuver par acclamations » et
serait
donc lu à la séance de clôture. Des représentants des trois sections
3570
pports des trois commissions ». C’était à quoi je
tenais
surtout. Ce point marqué et qui pouvait être important, restait à obt
3571
je tenais surtout. Ce point marqué et qui pouvait
être
important, restait à obtenir l’imprimatur du comité pour le rapport c
3572
port culturel, le rapport politique et économique
étant
déjà sous presse. On était à dix jours du Congrès. À Londres, le 26 a
3573
olitique et économique étant déjà sous presse. On
était
à dix jours du Congrès. À Londres, le 26 avril, dans une petite salle
3574
de ces deux autres. On me répondit que mon projet
était
trop long, qu’il parlait de fédéralisme et qu’on « ne pouvait pas me
3575
y. Mon rapport culturel, à l’encre encore humide,
fut
remis aux délégués le deuxième jour du Congrès. On me dit qu’un des a
3576
enant au cours d’un dîner à Londres que mon texte
était
sous presse, non le sien, avait pleuré. Nous étions tous assez nerveu
3577
tait sous presse, non le sien, avait pleuré. Nous
étions
tous assez nerveux, en cette veillée d’armes. Le congrès de La Hay
3578
es plis d’un lourd rideau de velours pourpre. Qui
sont
ces gens autour de moi, dont les visages s’illuminent dans le faiscea
3579
t dans le faisceau des projecteurs de cinéma ? Je
suis
assis sur la tribune, derrière deux rangs de dos et de nuques fascina
3580
n noir qui porte une longue chaîne en sautoir… Où
suis
-je ? À quelle époque ? Dans un rêve ? Que se passe-t-il ? « Churchill
3581
nous, dans cette grande salle des Chevaliers, qui
est
celle d’un très vieux Parlement, mille personnes, mille Européens. Je
3582
u chapelier fou d’Alice in Wonderland (ce ne peut
être
que Bertrand Russell), le crâne poli de Prieto, les boucles blanches
3583
ec eux-mêmes, c’est le lieu où aucune certitude n’
est
acceptée comme vérité si elle n’est continuellement découverte. D’aut
3584
e certitude n’est acceptée comme vérité si elle n’
est
continuellement découverte. D’autres continents se vantent de leur ef
3585
use, magnifique et tragique — et, par là, digne d’
être
vécue.” (C’est mon ami Brugmans, travailliste hollandais, qui parle a
3586
je me dis qu’en effet, malgré tout, notre congrès
est
doublement non conformiste, puisqu’il a su rallier pour une œuvre com
3587
taliennes.) Ou bien le mariage de l’Ouest et de l’
Est
? Non, pas cela : les quelque trente Roumains, Polonais, Tchèques, Ho
3588
Tchèques, Hongrois et Yougoslaves ici présents ne
sont
encore, hélas ! que des “observateurs”. « Attendons : le congrès comm
3589
eth Lindsay pense au contraire que « notre devoir
est
de constituer nous-mêmes un comité compétent pour continuer l’œuvre d
3590
les rapports introductifs des trois sections, on
est
frappé par la similitude de leur manière de poser le problème europée
3591
peuples ; et enfin de considérer que cette union
sera
le premier pas vers une fédération mondiale. L’influence des idées fé
3592
tion mondiale. L’influence des idées fédéralistes
est
également sensible dans des expressions clés telles que « transférer
3593
un », ou « créer une citoyenneté commune sans que
soit
perdue pour autant la nationalité d’origine ». La controverse entre f
3594
ncil of Europe », dont on ne savait pas bien s’il
était
plus et mieux qu’une alliance de souverainetés nationales absolues. L
3595
e aux Européens revendiquait « une assemblée… où
soient
représentées les forces vives de toutes nos nations », thèse des fédé
3596
La Haye. Le Message aux Européens , après avoir
été
discuté pendant deux mois, et mis au point par le comité de liaison à
3597
ité de liaison à la veille même du congrès, avait
été
imprimé en haut d’un long rouleau de fort papier parcheminé : il étai
3598
d’un long rouleau de fort papier parcheminé : il
était
entendu qu’à la fin de la séance de clôture où je lirais ce texte, to
3599
ommune”. » Sandys ajouta : « Cette phrase n’a pas
été
discutée par le Congrès. Désolé, mais il faut renoncer au Message ».
3600
! Lors du prochain Congrès européen, Staline, qui
est
plus fort que vous, enverra cinquante délégués ! Et l’Europe ne se fe
3601
’envoyai quérir Retinger et Paul van Zeeland, qui
étaient
à la tribune. Dans une petite salle près de l’entrée, nous nous assîm
3602
mprimé, puisque la petite phrase y figurait161. J’
étais
encore très pâle, paraît-il, quand van Zeeland me donna la parole pou
3603
a qu’« une Autorité européenne permanente devrait
être
instituée, à laquelle les gouvernements conviendraient de confier cer
3604
, fer et acier », une Autorité européenne devrait
être
créée en vue de supprimer les droits de douane, définir la politique
3605
Haye. Elle vota vingt et une résolutions, dont il
est
frappant de constater que dix-neuf sont aujourd’hui réalisées, parmi
3606
s, dont il est frappant de constater que dix-neuf
sont
aujourd’hui réalisées, parmi lesquelles le Centre européen de la cult
3607
ela, freiner « l’hémorragie de matière grise » qu’
étaient
alors en train de subir toutes nos nations, trop pauvres pour s’offri
3608
t rien obtenu de concret, car leur but spécifique
était
, précisément, de lier toutes les activités européennes en une vivante
3609
ue les fédéralistes, c’est certain, et leur tâche
était
plus facile, puisqu’ils misaient sur les routines de la politique des
3610
ée qui indigne l’opinion. Mais les fédéralistes s’
étaient
montrés incapables de concevoir et surtout d’imposer une vision vraim
3611
itique à instaurer. En décembre 1948, ils avaient
tenu
à Rome, dans les salles du palais de Venise, un grand congrès riche e
3612
Sforza163, harangués par Pie XII en son palais d’
été
, ils essayèrent en vain de reprendre l’initiative saisie par Sandys e
3613
treux, accusée d’avoir trop cédé « aux Anglais »,
fut
injustement désavouée, après des polémiques acerbes. Henri Frenay et
3614
délégué général de l’Union. Les thèses « dures »
furent
acclamées : c’était trop tard. Cette victoire à la Pyrrhus des radica
3615
ard. Cette victoire à la Pyrrhus des radicaux (ou
tenus
pour tels) n’empêcha pas le Mouvement de s’épuiser assez vite en quer
3616
allait proposer le même projet en 1958.) Reynaud
fut
le seul tempérament révolutionnaire qui se manifesta à La Haye. À Mac
3617
mblée, mais ils la voudraient constituante. Or il
est
clair qu’une Assemblée ne saurait innover, imaginer ni vraiment créer
3618
t innover, imaginer ni vraiment créer quoi que ce
soit
. Un tel projet ne serait-il pas une manière d’esquiver la vraie tâche
3619
vraiment créer quoi que ce soit. Un tel projet ne
serait
-il pas une manière d’esquiver la vraie tâche de l’aile marchante du M
3620
é — que dis-je, unité pour les diversités ? Si je
tiens
pour licite et opportun de publier aujourd’hui ce protocole d’un éche
3621
ouvement personnaliste des années 1930. Mais ceci
est
une autre histoire. Ce sera celle des vingt ans qui viennent. Et cert
3622
années 1930. Mais ceci est une autre histoire. Ce
sera
celle des vingt ans qui viennent. Et certains, que je connais, la pré
3623
ement, définie par les personnalistes dès 1932, a
été
attribuée vers 1945 à Sartre, par une erreur journalistique manifeste
3624
que manifeste, dont je n’ai pas souvenir qu’il se
soit
jamais plaint. 149. J’amorce ainsi la suite du Journal d’une époque
3625
suite du Journal d’une époque (1926-1946) : ce
sera
le Journal d’un Européen (1946-1966). 150. Rapports et recueils de R
3626
50, et mon Europe en jeu , 1948. Quelques thèses
sont
en cours de rédaction ou de publication. 151. Dans Mission ou démis
3627
délégués mandatés des Résistances de neuf pays s’
étaient
réunis clandestinement à trois reprises dans une villa de Genève, au
3628
embre 1947. 157. Cette lettre, dont l’importance
est
évidente, est publiée ici pour la première fois. L’original anglais f
3629
57. Cette lettre, dont l’importance est évidente,
est
publiée ici pour la première fois. L’original anglais figure dans les
3630
158. « La tâche qui nous attend dans ce congrès n’
est
pas seulement de faire entendre la voix de l’Europe comme celle d’une
3631
unie. Nous devons, ici et maintenant, décider que
soit
constituée une Assemblée européenne… » 159. Cette intervention en fa
3632
ention en faveur du Centre européen de la culture
fut
décisive. 160. La résolution politique (§ 9 à 13) aborde en termes t
3633
Dépasser l’État-nation (1970)bn bo Quel
est
l’obstacle apparemment insurmontable à cette union que tout indique,
3634
rsonne ne fait ? Eh bien ! chacun le sait, rien n’
est
moins mystérieux : l’obstacle à toute union possible de l’Europe (don
3635
sible de l’Europe (donc à toute union fédérale) n’
est
autre que l’État-nation, tel que Napoléon en a posé le modèle, intégr
3636
ar le tiers-monde, mal décolonisé à cet égard… Qu’
est
-ce en somme qu’instituer un État-nation ? C’est soumettre toute une n
3637
donc, de plus hostile à toute espèce d’union tant
soit
peu sérieuse ou sincère, que cet État-nation qui, par ailleurs, se ré
3638
aux exigences concrètes de notre temps, puisqu’il
est
à la fois trop petit pour agir à l’échelle mondiale ; trop grand pour
3639
ttre pour survivre. Aujourd’hui que le nécessaire
est
assuré, on se bat pour le contrôle de zones d’influence plus idéologi
3640
le Vietnam) et l’on travaille pour le profit, qui
est
en somme du superflu. Mais dès lors que ce choix de notre avenir est
3641
erflu. Mais dès lors que ce choix de notre avenir
est
libre, nous voici contraints de le faire, à nos risques et périls ! N
3642
tat décent, une communauté vivante ? Et quel prix
sommes
-nous prêts à payer pour cela ? Le prix de certaines libertés, ou le p
3643
te de Troisième Grand préoccupé principalement de
tenir
tête aux deux autres, alors il faut créer un super État-nation contin
3644
a formule d’État-nation à l’échelle continentale,
serait
capable sans nul doute de créer une Europe très forte mais qui serait
3645
nul doute de créer une Europe très forte mais qui
serait
très peu européenne. Sans compter qu’un super État-nation ne pourrait
3646
Sans compter qu’un super État-nation ne pourrait
être
imposé à tous nos peuples qu’à la faveur d’une guerre générale — selo
3647
tastrophique, mais dont la réalisation ne saurait
être
exclue pour autant. Un modèle périmé Au contraire, si nous donn
3648
mie des communautés (la production industrielle n’
étant
qu’un des moyens de ces libertés), alors il faut reconnaître que l’Ét
3649
s), alors il faut reconnaître que l’État-nation n’
est
pas seulement un modèle périmé, mais qu’il est en fait aujourd’hui ra
3650
n’est pas seulement un modèle périmé, mais qu’il
est
en fait aujourd’hui radicalement incompatible avec les fins de l’Euro
3651
un à l’échelle fédérale continentale, tout ce qui
est
nécessaire pour garantir les autonomies de tous ordres, régionales, c
3652
ue ; le reste — la justice, la paix, la liberté —
étant
manières de parler plus ou moins nobles, ou pure et simple captatio d
3653
mieux que la puissance collective. L’Europe unie
sera
seule capable de réaliser leur vision. On me dira peut-être aussi que
3654
ration » qu’évoquait le général de Gaulle, et qui
serait
formée d’États-nations conservant jalousement leurs prétentions à la
3655
dre une occasion de faire voir à quel point elles
sont
absurdes. Elles sont encore efficaces, il est vrai, pour gêner ce qu’
3656
aire voir à quel point elles sont absurdes. Elles
sont
encore efficaces, il est vrai, pour gêner ce qu’il faudrait aider : l
3657
es sont absurdes. Elles sont encore efficaces, il
est
vrai, pour gêner ce qu’il faudrait aider : les échanges culturels, le
3658
t absolument à rien pour arrêter ce qui devrait l’
être
: les tempêtes et les épidémies, la pollution de l’air et des fleuves
3659
. Ce statut des frontières, doublement déficient,
est
caractéristique de tout ce qui touche à l’État-nation : néfaste dans
3660
he à l’État-nation : néfaste dans la mesure où il
est
encore réel, inexistant quand on voudrait compter sur lui. Je ne sais
3661
quand on voudrait compter sur lui. Je ne sais, n’
étant
pas économiste, si nos États-nations délimités pour la plupart au xix
3662
ose leur balance commerciale (laquelle ne saurait
être
positive, me semble-t-il, dans tous les pays à la fois…) ne sont pas
3663
me semble-t-il, dans tous les pays à la fois…) ne
sont
pas le type même de faux problèmes, résultant de la seule fiction d’é
3664
e. Et les diversités que nous devons respecter ne
sont
pas celles de ces États-nations nés d’hier : elles les traversent et
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ant la « majesté de l’État ». Mais non ! l’État n’
est
pas un dieu, ce n’est qu’un appareil plus ou moins efficace, qui doit
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État ». Mais non ! l’État n’est pas un dieu, ce n’
est
qu’un appareil plus ou moins efficace, qui doit être mis au service d
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t qu’un appareil plus ou moins efficace, qui doit
être
mis au service des citoyens et de leurs cités ; et non l’inverse. Ces
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té vivante, civique, économique ou culturelle, et
être
contrôlé par l’usager ; distribuer et répartir l’État, de la commune
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fédérales, du type de la Communauté de Bruxelles,
seront
chargées de la concertation des grandes tâches d’intérêt public, tâch
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lénaire de sa culture. Dira-t-on que ce programme
est
révolutionnaire ? Il l’est, bien sûr : on ne fera pas l’Europe sans c
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-t-on que ce programme est révolutionnaire ? Il l’
est
, bien sûr : on ne fera pas l’Europe sans casser des œufs, nous le voy
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, nous le voyons depuis vingt-cinq ans. Mais il l’
est
moins parce qu’il demande qu’on dépasse les États-nations que parce q
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és communautaires et personnelles. Si sérieux que
soient
les problèmes de prix du lait, du blé ou même du vin, il est clair qu
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blèmes de prix du lait, du blé ou même du vin, il
est
clair que l’Europe des marchandages entre économies étatiques ne peut
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s enthousiastes. Les jeunes gens d’aujourd’hui ne
seront
pas convaincus par des avantages matériels : ils sont presque comblés
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pas convaincus par des avantages matériels : ils
sont
presque comblés à cet égard. Ce qui leur manque le plus durement, c’e
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est un sens de la vie, maintenant que la guerre n’
est
plus leur exutoire, l’alibi des raisons de vivre inexistantes. La rép
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umanité, nous lui devons cela ! Une Europe qui ne
sera
pas nécessairement la plus puissante ou la plus riche, mais bien ce c
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e plus de sens à la vie. 164. Les Basques de l’
Est
et de l’Ouest, les Catalans de Perpignan et de Barcelone, ne sont pas
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st, les Catalans de Perpignan et de Barcelone, ne
sont
pas séparés par les Pyrénées mais par les décrets de Paris et de Madr
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ves, Paris, automne 1970, p. 54-59. bo. Le texte
est
introduit par le chapeau suivant : Le directeur du Centre européen de