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Deux princes danois : Kierkegaard et
Hamlet
(février 1953)j La carrière de Søren Kierkegaard s’est déroulée en
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Sans nous attarder sur la coïncidence qui fait d’
Hamlet
un prince danois — et l’on peut rêver là-dessus — rappelons d’abord l
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ous suggèrent un parallèle possible. L’histoire d’
Hamlet
peut se résumer ainsi : un jeune homme profondément mélancolique reço
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e s’accordait à passer sous silence : ce résumé d’
Hamlet
ne vaut-il pas identiquement comme résumé de la biographie de Kierkeg
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tère des deux héros, l’un fictif et l’autre réel.
Hamlet
, jeune prince royal, est un intellectuel. Il n’a d’autre désir que de
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imitée de pouvoir donner le change ». Voici donc
Hamlet
tel que nous le décrivent les premières scènes du drame de Shakespear
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e psychologique, à devenir des êtres d’exception.
Hamlet
reçoit sa mission de son père, qui lui apparaît sous la forme d’un sp
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usurpateur, le père ordonne au fils de le venger.
Hamlet
revient vers ses compagnons, qui assistaient de loin à la scène, et l
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ement de terre » dans sa vie. C’est bien ainsi qu’
Hamlet
pourrait parler de la scène du spectre. Et, d’autre part, c’est l’inf
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aard, le même rôle que le roi Claudius aux yeux d’
Hamlet
. Seulement, tandis que le roi Claudius avait séduit la reine, c’est d
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foule, aujourd’hui, prend pour du christianisme.
Hamlet
connaît maintenant sa mission et son acte : tuer l’usurpateur, afin d
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t-il que je sois né pour la rajuster ! », s’écrie
Hamlet
. Et Kierkegaard ne cesse de répéter sur tous les tons la même idée :
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e rôle que joue le secret dans les deux cas. Pour
Hamlet
, c’est très simple : il doit se taire, sinon Claudius le fera sans au
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ble pour l’attaque décisive. Or on se rappelle qu’
Hamlet
dresse un plan analogue. Il imagine de faire jouer devant la cour une
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les deux choisissent donc des moyens indirects —
Hamlet
des comédiens, Kierkegaard des pseudonymes — pour intéresser tout en
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peare, au contraire, ne motive guère l’attitude d’
Hamlet
à l’égard d’Ophélia. Ici, c’est l’exemple vécu de Kierkegaard qui nou
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le vécu de Kierkegaard qui nous aide à comprendre
Hamlet
. Kierkegaard aime Régine, jeune fille de 17 ans, et il en est aimé. M
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anque pas d’analogies précises avec la conduite d’
Hamlet
devant cette autre enfant qu’est Ophélia. Hamlet a compris lui aussi
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’Hamlet devant cette autre enfant qu’est Ophélia.
Hamlet
a compris lui aussi que l’amour spontané et naïf d’Ophélia ferait obs
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asse ma route vers un grand but. » Et nous voyons
Hamlet
, comme Kierkegaard, se noircir aux yeux de la jeune fille, prétendre
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ice, une différence profonde entre Kierkegaard et
Hamlet
: c’est que le premier a tout fait pour que Régine ne souffre pas, il
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choisi le cri, j’ai gardé la douleur », tandis qu’
Hamlet
pousse Ophélia au suicide et semble indifférent à ce désastre… Mais v
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. Un incident banal déclenche la catastrophe dans
Hamlet
: c’est un simple assaut de fleuret. Seulement, le fleuret de Laerte
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: le duel sportif tourne au duel à mort. Blessé,
Hamlet
ne peut plus hésiter. Il tue le roi. Quel fut, chez Kierkegaard, l’éq
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avoir lequel des deux parlait et de m’imaginer qu’
Hamlet
avait été écrit par Kierkegaard, voire qu’à l’inverse la biographie d
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i sur une note de Kierkegaard lui-même au sujet d’
Hamlet
, qui rétablit les différences. Chose curieuse, cette note de deux pag
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aard reproche à Shakespeare de n’avoir pas fait d’
Hamlet
un drame religieux. Car, si les scrupules d’Hamlet ne sont pas d’ordr
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amlet un drame religieux. Car, si les scrupules d’
Hamlet
ne sont pas d’ordre religieux, le héros cesse d’être vraiment tragiqu
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stentiel… Traduisons cela en d’autres termes : si
Hamlet
était religieux, il n’y aurait pas l’Hamlet de Shakespeare, mais on r
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faut reconnaître, enfin, que la mission reçue par
Hamlet
n’est pas une véritable vocation, en ce sens qu’elle ne présente pas
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e d’incertitude objective lié à tout acte de foi.
Hamlet
sait exactement ce qu’il doit faire : tuer l’usurpateur, venger le ro
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s l’action générale. L’incertitude n’affecte dans
Hamlet
que les moyens à mettre en œuvre et, par suite, le succès final. Chez
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rterait à croire que, d’entrée de jeu, tout comme
Hamlet
, il avait vu clairement l’acte historique qu’il était chargé d’accomp
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finale du beau film que Laurence Olivier a tiré d’
Hamlet
. Hamlet blessé, enfin résolu à l’action, monte sur une sorte de tribu
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u beau film que Laurence Olivier a tiré d’Hamlet.
Hamlet
blessé, enfin résolu à l’action, monte sur une sorte de tribune élevé
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egaard. j. Rougemont Denis de, « Kierkegaard et
Hamlet
: deux princes danois », Preuves, Paris, février 1953, p. 3-11.