1 1951, Preuves, articles (1951–1968). Mesurons nos forces (avril 1951)
1 nvier à cet égard. Il semble que l’esprit humain, dans tous les temps, n’ait point imaginé une seule liberté que les Europée
2 cs avant de fouiller nos valises ; droit d’entrer dans n’importe quels magasin, marché, café, ou restaurant, et de composer
3 ques. Mais il me semble au contraire qu’il renaît dans les plus jeunes générations. On se lamente sur l’état de la jeunesse
4 en, ou que la « sottise qui paye » de Hollywood ! Dans l’idée de la personne s’enracine toute liberté concrète, créatrice et
5 masse ». Il n’y aura jamais de liberté réelle que dans le besoin, le droit et la passion de différer de son voisin, de couri
6 uropéen. Elle le met à la pointe du genre humain. Dans cette passion de différer les uns des autres, nous trouvons tous, nou
7 lidement, non point à s’unifier mais à se fédérer dans leurs différences essentielles. Si demain notre fédération s’établit
2 1951, Preuves, articles (1951–1968). Neutralité et neutralisme (mai 1951)
8 qui menace aujourd’hui la culture, sans précédent dans toute l’histoire du monde, c’est tout simplement que nous pouvons per
9 e très bonne, très utile, et même très nécessaire dans certaines situations bien définies. C’est aux hommes d’État d’en juge
10 aux hommes d’État d’en juger. …Mais si je rentre dans mon domaine propre, qui est celui de la culture, je constate que la n
11 é du chapeau suivant : « Nous avons rendu compte, dans notre précédent numéro, du Congrès indien pour la liberté de la cultu
3 1951, Preuves, articles (1951–1968). Culture et famine (novembre 1951)
12 Culture et famine (novembre 1951)e Allez dans un pays comme l’Inde, où, dans la seule province du Bihar, vingt mill
13 re 1951)e Allez dans un pays comme l’Inde, où, dans la seule province du Bihar, vingt millions d’habitants meurent de fai
14 d’exemples de ce genre qu’il y eut de créations, dans les arts et les sciences, provoquées par la nécessité et seules capab
15 turelle, comme celle que je citais plus haut — et dans l’esprit de ceux qui l’applaudirent — il n’y a pas l’ombre d’une rais
16 n tant que créateur, elle est moyen de libération dans tous les ordres, du plus intellectuel au plus physique. Par suite, c’
17 ulture, non point de politique, qu’on doit parler dans un pays comme l’Inde, sans cesse menacé de famine. Et cela vaut aussi
4 1952, Preuves, articles (1951–1968). « L’Œuvre du xxe siècle » : une réponse, ou une question ? (mai 1952)
18 tte fois-ci sur une doctrine. Le mal serait entré dans la peinture, dit-elle, avec les pommes de Cézanne, pommes de pure for
19 politiques, de leurs goûts et de leurs censures, dans le développement de nos arts. L’Œuvre du xxe siècle pose bien d’autr
20 vent. On ne voit pas de précédent à l’entreprise, dans l’ère moderne. Mais on songe aux jeux séculaires, dont la fonction, s
21 devait être de restaurer ou de maintenir la cité dans sa gloire. Une telle concentration d’œuvres fameuses, qu’on les juge
22 re de sentir notre temps. Comme l’acte d’observer dans la microphysique, cet acte d’exposer ne laissera pas intact son objet
23 n de seuils et de limites n’avons-nous pas forcés dans notre siècle — seuil de l’atome ou seuil de l’inconscient, sens de la
24 mensions… ? Chacune de ces victoires nous a jetés dans un complexe nouveau de paradoxes. Prenons l’exemple de l’artiste péné
25 soit peintre, poète ou conteur, plus il s’avance dans ce domaine, plus il s’isole et perd le contact du public ; cependant
26 du public ; cependant que l’invention technique, dans le même temps, vient lui proposer des moyens de communiquer avec des
27 mulation, jamais moins de scrupules d’expression, dans les sciences, les arts et les lettres ; et jamais non plus de conform
28 ènes serait-il la rançon de l’autre ? Sommes-nous dans une situation globale de disjonctions irrémédiables, de divorce, alla
29 lant vers le chaos et vers la décadence ? Ou bien dans un système de tensions créatrices sans cesse accrues, orienté vers la
30 ul fait de leurs illustrations, ensemble exposées dans Paris. Le choix de la ville n’est pas sans signification. Paris fut,
31 état naissant ? L’Œuvre du xxe siècle s’inaugure dans le vrai style de notre époque : la réponse qu’elle apporte, d’une par
32 o ne crée pas ses œuvres morbides et repoussantes dans le but de critiquer les contradictions de la réalité et de réveiller
33 spectateurs pour les forces de la réaction, mais dans le but de faire l’apologie esthétique du capitalisme », I. V. Kemenov
5 1952, Preuves, articles (1951–1968). Le sens de nos vies, ou l’Europe (juin 1952)
34 dieux implacables de la fécondité et de la mort. Dans notre Europe moderne, éduquer signifie au contraire amener le jeune h
35 e à juger par lui-même, l’émanciper. L’éducation, dans toutes les langues latines, comme en anglais, vient d’educere, qui es
36 nduire au-dehors ». Donc libérer, non plus forcer dans le moule commun : voilà l’Europe et sa révolution. L’Oriental (je pen
37 litaire à l’accusation de sabotage. S’ils tombent dans cette erreur et s’ils y persévèrent, l’Oriental l’expiera dans ses vi
38 reur et s’ils y persévèrent, l’Oriental l’expiera dans ses vies ultérieures, tandis que le Soviétique, dès cette vie-ci, ser
39 réformateur ; mais cela donne aussi le chercheur dans les sciences et l’innovateur dans les arts. Cela donne tout ce qui a
40 si le chercheur dans les sciences et l’innovateur dans les arts. Cela donne tout ce qui a compté dans la vie de l’Europe, to
41 ur dans les arts. Cela donne tout ce qui a compté dans la vie de l’Europe, tout ce qui s’y est fait un nom et un visage dist
42 ns de nos vies, du sens particulier de chaque vie dans la vie, dénote et marque l’Occident, et plus spécifiquement l’Europe.
43 totalement nouvelle de l’incarnation de l’esprit dans un homme particulier, la Judée. Toute l’histoire de l’Europe peut êtr
44 a vaste synthèse de ces trois courants, culminant dans les notions de personne et de vocation, synthèse qui s’opéra durant l
45 nos vies n’auraient plus sel ni sens : voilà bien dans sa réalité la menace qui pèse aujourd’hui sur l’Europe, disons plus :
46 ins et de la société ; c’est donc un homme engagé dans une aventure bien réelle, mais qu’il est seul à pouvoir courir. Cette
47 s que la notion de révolution a la même extension dans l’espace et le temps que le monde christianisé. L’Asiatique, par exem
48 e ; les révolutionnaires ne peuvent se former que dans un monde qui tient la liberté et la vocation prophétique pour plus vr
49 es. Prenons maintenant le phénomène de la passion dans les rapports individuels. La passion, c’est l’amour exalté non seulem
50 t du plaisir. C’est ce qui jette Tristan et Iseut dans la mort, souhaitée comme un suprême accomplissement. La passion dans
51 itée comme un suprême accomplissement. La passion dans l’amour nourrit toutes nos littératures depuis des siècles — depuis l
52 ède nos rêves, elle met un « tourment délicieux » dans nos vies. Sous des formes à vrai dire dégradées, de plus en plus anod
53 enant que cette passion qui tient une telle place dans nos vies, ou tout au moins dans nos secrètes nostalgies, l’Asie l’ign
54 t une telle place dans nos vies, ou tout au moins dans nos secrètes nostalgies, l’Asie l’ignore en toute sérénité, l’Amériqu
55 cela vient-il ? Cela vient de ce que la passion, dans sa pureté originelle, suppose une croyance innée dans la valeur uniqu
56 sa pureté originelle, suppose une croyance innée dans la valeur unique de l’être aimé, irremplaçable, infiniment distinct d
57 t si « naturelle », est en réalité exceptionnelle dans le monde. On peut la qualifier d’extravagante ou d’immorale, et l’Égl
58 ns qu’elle a sa source vive — quoique lointaine — dans la révolution chrétienne et qu’elle est inconcevable hors d’un monde
59 nconcevable hors d’un monde où Pascal peut placer dans la bouche même du Christ cette phrase célèbre : « Je pensais à toi da
60 Christ cette phrase célèbre : « Je pensais à toi dans mon agonie ; j’ai versé telles gouttes de sang pour toi. » Pour toi,
61 production — mais pour toi, que vient distinguer, dans toute la masse des hommes de tous les temps, mon amour personnel. Ces
62 les : le besoin d’originalité et l’humour. Il y a dans notre goût de l’originalité, deux composantes : l’esprit de concurren
63 mons « créer ». Mais cette idée de l’originalité, dans les arts ou dans la conduite, ne signifie rien de raisonnable pour l’
64 ais cette idée de l’originalité, dans les arts ou dans la conduite, ne signifie rien de raisonnable pour l’Asiatique, par ex
65 à fait différents. Et je ne nie pas non plus que dans tous nos pays, il existe une majorité de conformistes, qui redoutent
66 s dont ils disposent pour leur conduite morale et dans les arts, demeurent en dernière analyse des créations individuelles,
67 orer ces tyrannies qu’il laisse parfois s’établir dans son sein, l’Occident leur résiste en mille manières. Non seulement pa
68 s fort, toutes choses qui se résument aujourd’hui dans le pouvoir anonyme de l’État. L’humour est la combustion lente de la
69 ividus. C’est pourquoi vous le chercherez en vain dans toute l’Asie. Et vous n’en jouerez pas impunément dans les États tota
70 toute l’Asie. Et vous n’en jouerez pas impunément dans les États totalitaires, où il se voit réduit à la plus stricte clande
71 distance par rapport à ce que l’on se voit être. Dans l’humour, c’est donc la personne qui juge son propre individu… J’en v
72 sie ou en Amérique. Ce qu’on appelle « progrès », dans ces empires de masses, diffère profondément de notre idéal. Dans une
73 s de masses, diffère profondément de notre idéal. Dans une dictature, par exemple, l’idée de progrès perdra nécessairement c
74 ble création possible. Leur nostalgie n’était pas dans l’avenir, mais dans le temps mythique des origines ; le Paradis datai
75 e. Leur nostalgie n’était pas dans l’avenir, mais dans le temps mythique des origines ; le Paradis datait d’avant l’évolutio
76 me, religion du Dieu incarné une fois pour toutes dans le temps, à un certain moment donné, daté, unique, — « sous Ponce Pil
77 au jugement dernier. D’ici là, nous nous avançons dans l’inconnu de l’Histoire que nous créons nous-mêmes, dans l’incertitud
78 inconnu de l’Histoire que nous créons nous-mêmes, dans l’incertitude et l’espoir. Les catastrophes restent toujours possible
79 eux-mille ans. Cependant, de nos jours, notre foi dans le Progrès a cessé d’être une foi naïve. Nous nous posons à son sujet
80 e Progrès, au total, a vraiment un sens positif ? Dans l’ensemble, il se peut qu’il n’en ait point, qu’il n’ait aucune direc
81 n revanche, je ne connais pas « d’européologues » dans les empires extraeuropéens. J’ajouterai que j’en connais trop peu dan
82 aeuropéens. J’ajouterai que j’en connais trop peu dans nos pays, et que c’est précisément pour remédier à cette carence que
83 attitude, absolument particulière, sans précédent dans les annales de l’homme, caractérise l’Europe comme volonté de conscie
84 s qui diffèrent de la sienne, mais c’est elle qui dans bien des cas retrouve leurs traditions perdues, et favorise leur réve
85 s moments de la recherche et de l’essor spirituel dans ces pays, et qui vont découvrir au fond de leur retraite les derniers
86 politique, civique, et même psychique, si répandu dans nos élites — le pire danger, tant il est vrai que nous résigner à cro
87 pour démontrer que notre culture fut bel et bien, dans le passé, la vraie raison de notre puissance, même matérielle, et qu’
88 abord, puis impatient ; m’expliqua finalement que dans l’état des choses, les turbines, c’est sérieux, la culture n’est qu’u
89 , et il vivait à Bâle, entre France et Allemagne, dans une atmosphère très savante mais pénétrée de spiritualité. Influencé
90 traversent l’Océan, d’énormes capitaux s’amassent dans le pays. Quand on me demande maintenant : quelle est donc cette Europ
6 1952, Preuves, articles (1951–1968). Le dialogue Europe-Amérique (août-septembre 1952)
91 intellectuelle, le stalinisme est en recul marqué dans nos pays. À Paris et à Rome, où il avait conquis au lendemain de la g
92 de la guerre d’importantes positions stratégiques dans les lettres, les arts et les sciences, le dernier carré de ses adhére
93 stant où la menace du stalinisme perd son urgence dans le domaine culturel, un problème d’un autre ordre apparaît, qui se po
94 iennent isolationnistes, ce sera bien notre faute dans les deux cas. Car il faut faire l’Europe, ou il faudra subir soit leu
95 isation plus ou moins officielle ou privée.) Ceci dans une Europe qui proclame sans relâche sa méfiance ou son hostilité à l
96 de se prononcer sur n’importe quoi qui n’est pas dans la situation concrète de l’Europe, mais dans le programme d’une enquê
97 pas dans la situation concrète de l’Europe, mais dans le programme d’une enquête « scientifiquement établie » outre-mer. Co
98 note de la rédaction précise : « Ce texte a paru dans le Bulletin du Centre européen de la culture que Denis de Rougemont d
7 1953, Preuves, articles (1951–1968). Deux princes danois : Kierkegaard et Hamlet (février 1953)
99 ès. Mais, à mesure qu’il se fit mieux comprendre, dans la suite de ses ouvrages composés et publiés au rythme accéléré de tr
100 nt loué ses premières œuvres, il se vit abandonné dans la plus complète solitude qu’ait jamais connue un grand esprit. Un an
101 menait seul contre toute l’opinion, il s’effondra dans la rue au cours d’une promenade. On le transporta dans un hôpital où
102 la rue au cours d’une promenade. On le transporta dans un hôpital où il mourut en quelques semaines, âgé de 42 ans. Le seul
103 celui d’une vocation. Toute son intrigue consiste dans le dévoilement progressif du sens et de la fin de cette vocation, sec
104 ement, que le héros paie de sa vie. Or il existe, dans la littérature occidentale, un prototype de cette action tragique, un
105 lequel il balançait. Il tue l’usurpateur et périt dans ce combat. Mélancolie, secret qu’il faut garder tout en essayant de l
106 ssible de pousser ce parallèle beaucoup plus loin dans le détail. Ce serait peut-être un bon moyen d’illustrer à la fois la
107 nie et aux métaphores baroques. Voyons maintenant dans quels termes Kierkegaard lui-même s’est décrit. Lui aussi se sent un
108 e sent un prince. « Il y a quelque chose de royal dans mon être », fait-il dire à l’un de ses pseudonymes. Lui aussi voudrai
109 e Shakespeare, et Kierkegaard tel qu’il se montre dans son premier ouvrage, L’Alternative : deux princes vraiment, deux être
110 ette révélation de « grand tremblement de terre » dans sa vie. C’est bien ainsi qu’Hamlet pourrait parler de la scène du spe
111 énoncer l’usurpation religieuse, afin de rétablir dans sa pureté première l’exigence absolue de l’Évangile. La tâche apparaî
112 deux pensent qu’« il y a quelque chose de pourri dans le Royaume de Danemark » et que leur destin sera de dénoncer cette si
113 l faut relever d’abord le rôle que joue le secret dans les deux cas. Pour Hamlet, c’est très simple : il doit se taire, sino
114 pseudonymes — pour intéresser tout en inquiétant dans le sens voulu, pour suggérer le secret sans le dire, enfin pour force
115 e, et sur ce dernier point le doute reste le même dans les deux cas. Kierkegaard s’est expliqué sur la rupture de ses fiança
116 les avec Régine. Il s’est expliqué, peut-on dire, dans toute son œuvre, et non pas seulement dans des ouvrages tels que Coup
117 dire, dans toute son œuvre, et non pas seulement dans des ouvrages tels que Coupable-Non coupable, qui sont en réalité le r
118 le droit de troubler cette enfant, de l’entraîner dans des tourments auxquels lui-même risque parfois de succomber. « Qui pe
119 eux-tu donc jamais te marier ? Je répondis : Oui, dans dix ans, quand le feu de la jeunesse sera passé : il me faudra une de
120 it nécessaire… » Il me semble que cette conduite, dans sa duplicité plus douloureuse que scandaleuse, ne manque pas d’analog
121 drame. Un incident banal déclenche la catastrophe dans Hamlet : c’est un simple assaut de fleuret. Seulement, le fleuret de
122 mple phrase, et qui pouvait passer pour un cliché dans un discours très officiel. L’évêque Mynster, primat de l’Église danoi
123 re comme celle d’un « vrai témoin de la vérité ». Dans cette phrase était le poison, pour Kierkegaard. Car toute son œuvre,
124 vait eu d’autre sens, à ses yeux, que de rétablir dans sa pureté apostolique le concept de témoin de la vérité, c’est-à-dire
125 toutes les souffrances dont on parle généralement dans le monde. Un témoin de la vérité, c’est un homme qui témoigne dans le
126 témoin de la vérité, c’est un homme qui témoigne dans le dénuement, dans la misère, dans l’abaissement et l’humiliation, ho
127 é, c’est un homme qui témoigne dans le dénuement, dans la misère, dans l’abaissement et l’humiliation, homme méconnu, haï, d
128 e qui témoigne dans le dénuement, dans la misère, dans l’abaissement et l’humiliation, homme méconnu, haï, détesté, insulté,
129 , brûlé ou rôti sur un gril, jeté par le bourreau dans un endroit écarté, sans être enterré. Voilà un témoin de la vérité, s
130 du temps, quand la décision éternelle se réalise dans l’inégale occasion ». Le saut, c’était le mouvement propre de la foi,
131 que le moindre doute fait échouer, ce risque pur dans lequel on peut sombrer, mais faute de l’oser, on n’a rien3.   Plongé
132 je l’étais, en écrivant les lignes qui précèdent, dans la lecture alternée de Kierkegaard et de Shakespeare, j’avoue qu’il m
133 e de deux pages est publiée en appendice au livre dans lequel Kierkegaard raconte le drame de ses fiançailles. Il semble don
134 ens technique et esthétique du terme. En effet, «  dans l’ordre esthétique, l’obstacle doit être hors du héros, non pas en lu
135 te est en lui, il s’agit d’un scrupule religieux. Dans ce cas, le héros n’est grand que par sa souffrance, non par son triom
136 e en son ambiguïté. Celle-ci paraît immédiatement dans notre usage courant du terme de vocation. L’on dit ainsi d’un jeune g
137 que je t’ordonnerai… » Voici, je mets mes paroles dans ta bouche. » Il est rarement possible d’isoler dans le vif ces deux m
138 ns ta bouche. » Il est rarement possible d’isoler dans le vif ces deux mouvements contradictoires : la poussée de la nature
139 s raisons qui sont celles de l’esprit — bien que, dans ce cas particulier, la nature et l’appel reçu semblent pousser et tir
140 nature et l’appel reçu semblent pousser et tirer dans le même sens. On pourra donc interpréter cette vocation de deux maniè
141 n témoin de la vérité. Cependant, cette ambiguïté dans notre idée courante de la vocation n’est pas celle qui retient Kierke
142 me, en effet, qui reçoit vocation, se trouve jeté dans une incertitude inévitable par l’appel qu’il a cru entendre. Et son i
143 reçue soi-même. Ainsi l’incertitude est objective dans la mesure où l’objet de la conviction qu’on entretient n’est pas démo
144 nviction qu’on entretient n’est pas démontrable ; dans la mesure, aussi, où l’enjeu de la vocation reste passible d’être mis
145 reste passible d’être mis en doute, ou même nié ; dans la mesure où cet enjeu risque, après tout, d’être purement imaginaire
146 En fait, l’homme de la vocation se trouve plongé dans une double incertitude et dans un risque permanent. Il n’est pas de m
147 n se trouve plongé dans une double incertitude et dans un risque permanent. Il n’est pas de méthode éprouvée ni de raisonnem
148 out sur quelque chose qui lui demeure mystérieux, dans lui-même autant qu’hors de lui. Reprenons une dernière fois notre par
149 st donc sans équivoque, son rôle clairement tracé dans l’action générale. L’incertitude n’affecte dans Hamlet que les moyens
150 é dans l’action générale. L’incertitude n’affecte dans Hamlet que les moyens à mettre en œuvre et, par suite, le succès fina
151 Il s’agit de découvrir le rôle qu’on devra jouer dans un drame infini, aussi vaste que l’histoire humaine, dont nul ne peut
152 tie à l’œuvre. Kierkegaard l’a bien su et l’a dit dans sa brochure intitulée Point de vue sur mon activité d’auteur : Il me
153 r : Il me faut préciser la part de la Providence dans mon œuvre. Car je me rendrais coupable de déloyauté envers Dieu si je
154 e la précision possibles la part de la Providence dans mon œuvre entière, je n’en saurais donner de formule plus adéquate ou
155 Providence a fait mon éducation, qui se réfléchit dans le processus de ma production. Ainsi sont infirmées dans une certaine
156 t avec des yeux d’Argus à ne pas se laisser duper dans une œuvre où se proclame le poète. Enfin, aux dernières pages du liv
157 j’ai pris conscience de mon idée, de ma tâche. » Dans un autre passage du même livre, il nous décrit ce que l’on pourrait a
158 t purement idéale lorsque ensuite cela paraissait dans mon œuvre ; bien des choses que j’ai faites à titre privé se trouvaie
159 t, prenaient d’immenses proportions, me mettaient dans une disposition précise ; je ne comprenais pas, je tombais dans la mé
160 sition précise ; je ne comprenais pas, je tombais dans la mélancolie et, chose curieuse, il en résultait précisément et à po
161 e crée tout en croyant le suivre. S’avancer ainsi dans la vie, c’est pratiquement vivre dans l’improbable, c’est être toujou
162 ancer ainsi dans la vie, c’est pratiquement vivre dans l’improbable, c’est être toujours prêt à affronter l’invraisemblable.
163 à toute justification devant l’opinion, et même, dans certains cas, à la morale. C’est courir un risque absolu. Quelles aid
164 n cette dernière, suivre sa vocation, c’est aller dans le sens où la nature nous pousse, dans le sens de nos talents, de nos
165 ’est aller dans le sens où la nature nous pousse, dans le sens de nos talents, de nos « facilités », tandis que Kierkegaard
166 élevée, et, de là, d’un saut prodigieux, se jette dans le vide, l’épée brandie, pour tomber sur le roi, qu’il tue. Parfaite
8 1953, Preuves, articles (1951–1968). À propos de la crise de l’Unesco (mars 1953)
167 ur notre part, aucune raison d’affecter la pudeur dans ce domaine. Disons que la crise est grave, que le départ de M. Jaime
168 al à l’endroit de l’Unesco, et cela non seulement dans l’opinion, probablement superficielle dans ses jugements, quand elle
169 lement dans l’opinion, probablement superficielle dans ses jugements, quand elle en a sur cet objet ; non seulement chez les
170 de leur chef. Il doit y avoir un vice constitutif dans toute l’affaire. Et peut-être facile à trouver. Car, en somme, qu’est
171 , de littérature ou de science, et leur diffusion dans les masses, serait vraiment une aide à la culture. Quel est le gouver
172 fois plus. Mais le fait est qu’on n’y croit guère dans ces milieux, et tel étant l’état de l’opinion moyenne, 9 000 000 de d
173 tralisé. La réalité de la culture ne se trouve ni dans l’individu isolé, ni dans la nation, ni dans les vastes organisations
174 culture ne se trouve ni dans l’individu isolé, ni dans la nation, ni dans les vastes organisations internationales, mais bie
175 e ni dans l’individu isolé, ni dans la nation, ni dans les vastes organisations internationales, mais bien dans les communau
176 s vastes organisations internationales, mais bien dans les communautés organiques et dans les foyers de création. Nous enten
177 les, mais bien dans les communautés organiques et dans les foyers de création. Nous entendons par là : les écoles de pensée
178 cède suffit à établir que l’initiative véritable, dans le domaine de la culture, appartient en fait aux petits groupes, à de
179 p abstrait des conditions concrètes de la culture dans son état naissant. Et ce qui vaut pour les initiatives devrait valoir
180 ant la libération pratique des échanges culturels dans une aire donnée), de subvention (après examen des propositions étudié
9 1953, Preuves, articles (1951–1968). « Nous ne sommes pas des esclaves ! » (juillet 1953)
181 es, le cri de douleur des faubourgs s’est propagé dans les avenues lugubres de Berlin, entre leurs façades sur le vide, les
182 la foule ouvrière. Cette phrase qu’on n’a pas lue dans la presse communiste, nos enfants la liront dans leurs livres d’histo
183 dans la presse communiste, nos enfants la liront dans leurs livres d’histoire. Cette phrase a été dite, une fois pour toute
184 toutes les villes de la zone Est, bien qu’écrasée dans le sang, marque la fin d’une ère : celle du mythe communiste qui, pen
185 x Berlinois que « la classe ouvrière se reconnaît dans les épreuves de force que le PC institue en son nom » ! (J.-P. Sartre
186 u milieu du secteur soviétique, comme l’ont écrit dans leur panique les communistes ? Pouvaient-ils pratiquement n’être pas
187 t devenue manifeste. Il ne reste à ses partisans, dans nos démocraties, qu’à nier les faits. Il leur reste à nier l’éclat de
10 1953, Preuves, articles (1951–1968). Les raisons d’être du Congrès (septembre 1953)
188 emagne, en France, en Italie, en Grande-Bretagne, dans les deux Amériques, aux Indes et au Japon. Et le travail en profondeu
189 trait avec éclat la vitalité insurpassée des Arts dans le monde libre. « Voilà ce que peut produire la liberté ! », disait e
190 al, et « voilà nos raisons de reprendre confiance dans une culture, que ceux qui en sont indignes, et qui le prouvent par là
191 rprètes et leurs critiques, poursuivra cet effort dans le domaine des Arts. Mais la science ? nous a-t-on dit de tous côtés,
192 ’État. Il est facile de s’en convaincre. En Asie, dans l’Antiquité, chez les Aztèques, pendant la Renaissance, au xviie siè
193 de la recherche, qui est par essence une aventure dans l’inconnu. Notre deuxième raison de nous tourner vers la science est
194 s en dérivant. Cette situation est toute nouvelle dans l’histoire de l’humanité. Elle pose des problèmes difficiles, devant
195 étrangement ambivalente : à la fois systématique dans ses interprétations du réel et pourtant jamais achevée ; absolument c
196 ères de penser nouvelles : typiquement européenne dans sa source et pourtant universelle dans ses conclusions ; modèle de ce
197 européenne dans sa source et pourtant universelle dans ses conclusions ; modèle de certitude dans ses déductions, et pourtan
198 rselle dans ses conclusions ; modèle de certitude dans ses déductions, et pourtant née à chaque instant du doute le plus dél
199 la science « qui guérit et qui tue » joue-t-elle dans le monde présent en faveur de la liberté, ou contre elle ? Comment pe
200 servir la liberté qu’en demeurant elle-même libre dans sa recherche. Il me reste à vous dire, en deux mots, pourquoi cette c
201 nférence se tient ici et non ailleurs. La liberté dans la recherche et l’acceptation de ses risques supposent une belle conf
202 tion de ses risques supposent une belle confiance dans les pouvoirs de l’homme et dans l’issue de l’aventure humaine. Nous c
203 e belle confiance dans les pouvoirs de l’homme et dans l’issue de l’aventure humaine. Nous cherchions un lieu propice à cett
204 cette atmosphère souhaitée. Et nous avons trouvé, dans cette Europe inquiète, une grande cité qui offrait l’exemple du dynam
205 e. La liberté de la science se situe, elle aussi, dans un certain contexte politique et aucun savant ne peut plus l’ignorer.
11 1954, Preuves, articles (1951–1968). La table ronde de l’Europe (janvier 1954)
206 me de diffusion de l’idée européenne en Europe et dans le monde. Cette initiative fut approuvée par les délégués des ministr
207 lème spirituel et culturel de l’Europe considérée dans son unité historique et les moyens d’exprimer cette unité en termes c
208 uropéens, nous vivons, depuis la dernière guerre, dans la peur des Russes et de la charité des Américains. » Je traduis main
209 st du rideau de fer, 325 millions d’hommes vivent dans la peur de 190 millions et de la charité de 155 millions. » La raison
210 Nous pensons et sentons par nations cloisonnées, dans l’ère des grands empires continentaux, des grands marchés, et de la s
211 condamnés à perdre, après nos dernières positions dans le monde, notre indépendance politique, économique et peut-être moral
212 tout sauver par une union qui ferait de l’Europe, dans la réalité vivante, ce qu’elle n’est aujourd’hui que dans l’arithméti
213 réalité vivante, ce qu’elle n’est aujourd’hui que dans l’arithmétique. Que manque-t-il à l’Europe pour se sauver, pour rejoi
214 ’est ainsi, j’imagine, que l’on voyait les choses dans les milieux du Conseil de l’Europe où germa, voici quelques mois, l’i
215 Comment réduire ces résistances là où elles sont, dans les esprits et dans les cœurs, selon la formule consacrée, pour une f
216 résistances là où elles sont, dans les esprits et dans les cœurs, selon la formule consacrée, pour une fois juste ? Comment
217 disciplines de l’esprit ; et des hommes de pensée dans la rigueur du terme, mais riches d’une expérience intime des nécessit
218 moyens de faire connaître et d’illustrer, chacun dans sa sphère d’influence, les résultats de la réflexion des Six. II.
219 ts qui se déroulèrent pendant six longues séances dans le huis clos doré d’un vieux palais de Rome, mais bien d’en commenter
220 ut tenir compte de ce malentendu toujours instant dans le dialogue européen. Cependant, c’est l’angle de vision que l’on ado
221 aux rapporteurs d’envisager le problème européen dans une perspective telle que les graves divisions nationales, linguistiq
222 res et relatives. À cette fin, j’avais introduit, dans les six thèmes proposés, l’idée d’un destin commun de tous les peuple
223 ènes, de Rome et du Proche-Orient ; son expansion dans le monde entier ; l’exportation pêle-mêle de nos idéaux religieux, de
224 e renversement subit et complet de notre position dans le monde ; la montée des empires unifiés, devant nos divisions sangla
225 autre issue pratique, d’autre avenir possible que dans l’union. Ce fut le dernier mot du rapport de Toynbee : « Unissons l’E
226 es très énergiquement formulées par M. de Gasperi dans son discours introductif, qui nous a présenté le tableau cohérent des
227 culeuses pour supprimer le mal et assurer le bien dans un délai garanti. Mais elle a déterminé clairement nos responsabilité
228 ialogue fécond, de la mise en question réciproque dans la tolérance mutuelle, et d’une morale civique européenne, commune au
229 elui de passer du régime colonial à l’association dans l’égalité, et celui de compenser la perte de nos positions économique
230 e compenser la perte de nos positions économiques dans le monde, la table ronde a conclu à la nécessité « d’opérer un change
231 u à la nécessité « d’opérer un changement radical dans nos rapports avec le monde extraeuropéen et dans nos rapports mutuels
232 dans nos rapports avec le monde extraeuropéen et dans nos rapports mutuels » (Toynbee), c’est-à-dire de regagner en prestig
233 nécessaire pour penser l’Europe.   Voir l’Europe dans le Monde. — Dès que l’on parle du destin commun de nos pays, des voix
234 nationalisme qu’ils n’ont pas encore su dépasser dans leur cœur. On voit bien où le bât les blesse. D’autres parlent d’humi
235 mais le sens des tensions fécondes et de l’union dans la diversité. Or ce génie fédéraliste n’exclut rien, sauf justement l
236 e l’universalisme reste une prétention honorable, dans le domaine des idées pures (s’il en est, et qui restent telles). Mais
237 incipale raison d’unir l’Europe, je la vois moins dans nos querelles internes que dans le jeu des forces mondiales qui nous
238 je la vois moins dans nos querelles internes que dans le jeu des forces mondiales qui nous pressent. Et certes, il faudra b
239 à sa guise, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur, dans les limites posées par le droit applicable à chaque domaine ». Or on
240 psychologique. Où la voit-on à l’œuvre ? Non pas dans les faits mais dans les discours des députés adversaires de la CED. E
241 a voit-on à l’œuvre ? Non pas dans les faits mais dans les discours des députés adversaires de la CED. Elle atteint son degr
242 CED. Elle atteint son degré de virulence extrême dans les centaines de lettres cravachantes qu’envoient aux rédactions des
243 r à son tour. Par malheur, elle m’a paru retomber dans l’illusion qu’il suffirait d’épurer les textes. Or c’est notre vision
244 lent, disent-ils, de voir leur patrie « se perdre dans la masse informe d’une Europe unie ». Le second argument est dû à M.
245 ument est dû à M. Cotsaridas, publiciste grec : «  Dans les domaines militaire, économique et politique, les organisations in
246 ignorer le véritable sens du mot. Et ce n’est pas dans le dictionnaire qu’ils le trouveront ! Littré le définit ainsi : « Né
247 as de différence sérieuse entre une contradiction dans les termes et une tension féconde dans les réalités, veulent supprime
248 tradiction dans les termes et une tension féconde dans les réalités, veulent supprimer la seconde parce que la première bles
249 toire » que M. Stéphane Lupasco vient de formuler dans des ouvrages savants, qui renvoie dos à dos jacobins rationalistes et
250 ste. Tant que l’on persistera à concevoir l’union dans les catégories de l’État-nation, des administrations centralisées, ou
251 nflit de loyalismes n’a pas plus de raison d’être dans l’Europe d’aujourd’hui qu’il n’en avait à Rome. Les nations européenn
252 . Les nations européennes ne peuvent survivre que dans le cadre de l’Europe, et l’Europe ne peut être florissante que si les
253 il insiste pour que cette notion trouve sa place dans les conclusions de la table ronde. M. Kogon. — L’Europe a une contri
254 sion.) Je me souviens d’avoir longuement analysé, dans l’un de mes premiers livres, « la décadence des lieux communs ». Cett
255 issement catastrophique de la culture théologique dans notre monde, pour ne rien dire de la philosophie, de l’étymologie et
256 n, Calvin et Kant, tout est jeté par-dessus bord, dans l’inconscience générale, par ces confusions de langage. Comment pense
257 onne, de l’être-en-relations tel que l’ont défini dans leurs longues disputes trinitaires les grands conciles, je ne sais pl
258 lvétique. 6. On en trouvera de nombreux exemples dans les comptes rendus de notre table ronde, encore que, dans bien des ca
259 comptes rendus de notre table ronde, encore que, dans bien des cas, les rédacteurs soient les seuls responsables de confusi
12 1954, Preuves, articles (1951–1968). Tragédie de l’Europe à Genève (juin 1954)
260 l’Occident rendait l’initiative aux pays libres, dans leur confrontation avec Moscou : ils avaient pour une fois quelque ch
261 est déjà changé. L’Occident s’est laissé glisser dans une « Conférence asiatique » qui s’ouvre à Genève, à l’heure choisie
262 es en Asie ! Notre tour est venu de nous immiscer dans vos affaires. L’Indochine, la Corée ne vous regardent plus. Mais le p
263 union ; qu’elle venait de remporter une victoire dans ce plan ; qu’elle ne s’en apercevrait pas ; qu’il était donc aisé de
264 eux qui doutent encore que le vrai but de Genève, dans l’esprit de Molotov, est de saboter l’Europe, je citerai la Radio de
265 ope, je citerai la Radio de Moscou qui proclamait dans toutes les langues, au soir même de la chute de Diên Biên Phu : « La
266 ommuniste serait un moyen de rétablir la « paix » dans le Sud-Est de l’Asie, puisque celle-ci se verrait ouverte à l’expansi
267 querelles locales pour mesurer l’état des forces dans le monde présent. Sous la double poussée de la révolte asiatique et d
268 cela peut en sortir demain. La seule riposte est dans l’union européenne capable d’opposer aux Russes une puissance qui les
269 e vingt nations européennes se laissent entraîner dans l’abîme par une poignée de députés en sursis, qui ont donc à peine le
13 1954, Preuves, articles (1951–1968). Il n’y a pas de « musique moderne » (juillet 1954)
270 t d’essayer de comprendre tout ce qui fut composé dans notre siècle. Bref, la « musique moderne » est celle que l’on n’aime
271 ée de fuir toute apparence d’unité, non seulement dans le style et dans les procédés, mais plus encore dans les croyances in
272 apparence d’unité, non seulement dans le style et dans les procédés, mais plus encore dans les croyances inspiratrices. Si t
273 s le style et dans les procédés, mais plus encore dans les croyances inspiratrices. Si tant de négations et de ruptures, tan
274 règles de l’art et doctrines ont d’abord refoulé dans l’inconscient. Et c’est ainsi que le choix des règles détermine le co
275 rès X ou Y on ne sait plus que faire. Nous sommes dans une impasse… » Cette impasse est purement « historique », créée par l
276 aise foi. C’est qu’ils se placent et se regardent dans l’Histoire. Il semble que leur principal souci soit de s’intégrer dan
277 emble que leur principal souci soit de s’intégrer dans une évolution qu’ils déclarent « nécessaire » ; dans on ne sait quell
278 s une évolution qu’ils déclarent « nécessaire » ; dans on ne sait quelle logique hégélienne de l’Histoire. Ils parlent beauc
279 aussi d’être « moderne », pour s’habituer à vivre dans l’histoire. Il faut enfin l’avouer : toutes les autres époques ont ét
280 rare. » 7. Pierre Boulez, « Éventuellement… », dans la Revue musicale d’avril 1952 — étude par ailleurs importante et for
281 xviiie siècle, et mis, comme on dit en anglais, dans une coque de noix. Nos compositeurs auraient sans doute avantage à pl
282 ette coque de noix comme instrument de percussion dans leur orchestre ; nos interprètes à en coiffer le balancier de leur mé
283 as Rousseau.) Mais il y a que Denis de Rougemont, dans ses ouvrages, veux-je dire, a eu un vif commerce avec le diable. Et q
14 1954, Preuves, articles (1951–1968). De Gasperi l’Européen (octobre 1954)
284 nos pays ne peut être vraiment ranimé et rétabli dans son intégrité, s’il ne s’intègre à la communauté plus vaste qui est s
285 e. Il s’est détourné du spectacle que préparaient dans une ombre fiévreuse ceux qu’il venait de désigner (dans une lettre en
286 ne ombre fiévreuse ceux qu’il venait de désigner ( dans une lettre encore inédite) comme les « saboteurs de l’Europe ». Cet h
287 e nation voisine, ils s’élèveront au premier rang dans cette nation pour y prendre une revanche éclatante, pour la punir en
288 consciente et sadomasochiste. Mais les hommes nés dans des régions séparées pour un temps de la mère patrie, un de Gasperi,
289 ait connu d’autres peuples et d’autres coutumes — dans la fédération austro-hongroise — il attendait de la participation de
290 remarquables qu’il ne s’agissait pas de politique dans tout cela, mais du « problème spirituel et culturel de l’Europe ». De
291 ait que le réalisme veut que notre union se fonde dans les esprits, non sur des textes marchandés par les partis dans les pa
292 its, non sur des textes marchandés par les partis dans les parlements excités. Il ne confondait pas l’action réelle avec les
293 e le sarcasme.) Je me souviens d’un mot qu’il eut dans son discours inaugural, à propos de la Communauté des Six : « Seuls d
294 ie, mais il s’est contenté de restaurer sa patrie dans sa dignité — pour l’Europe. À la veille de la conférence de Bruxelles
295 de Bruxelles, du haut de sa retraite montagnarde dans le Trentin, il avait téléphoné au président du Conseil Scelba, l’adju
15 1954, Preuves, articles (1951–1968). Politique de la peur proclamée (novembre 1954)
296 0 = P – 125. Ce qui est faux, manifestement, sauf dans le seul cas où l’on attribuerait à « Peur de l’Allemagne » une valeur
297 rais celui-là, dit en substance François Mauriac ( dans L’Express du 25 septembre). ⁂ L’argument de la peur qu’inspire l’Alle
298 as très nouveau qu’un grand pays proclame sa peur dans l’instant qu’il règle sur elle sa politique ? Naguère, on préférait c
299 de l’humour malenkovien est sans relation aucune, dans l’esprit de M. Bevan, avec la citation de Hitler qu’est la seconde ph
300 ion économique et sociale est en Russie — « comme dans les autres nations » — le vrai Pouvoir. Voilà qui évoque l’idée de co
301 pendant, le problème de l’intervention des hommes dans ce processus évolutif se pose encore à M. Bevan. Car c’est précisémen
302 taline, comme on voit. En 1927, M. Bevan écrivait dans son journal intime : « Staline est-il un autre Lénine ? Très évidemme
16 1955, Preuves, articles (1951–1968). De gauche à droite (mars 1955)
303 cise. Ils s’opposèrent finalement à Mendès-France dans la mesure exacte où celui-ci s’éloignait des thèses gaullistes sur la
17 1955, Preuves, articles (1951–1968). Le Château aventureux : passion, révolution, nation (mai 1955)
304 n pathos qui ne saurait tromper, ils représentent dans notre Quête du Graal l’épisode du Château aventureux (c’est la grotte
305 e du Château aventureux (c’est la grotte de Circé dans l’Odyssée). Et pour qui serait tenté de mettre en doute leur valeur r
306 C’est au début du xiie siècle que se constituent dans le Midi de la France la poésie et la morale courtoises, dont le thème
307 e méridional au romantisme, et nous vivons encore dans la tiédeur des cendres d’un interminable incendie. Et je sais bien qu
308 la mort (mais la vie et la mort changent de signe dans le langage des passionnés et des mystiques), il est impérialisme et a
309 alisme et abandon du moi (avec la même sincérité, dans le même geste) ; il est intensité mais déprimante, ascèse mais luxuri
310 gieux ; Iseut trahit tous ses serments sacrés, et dans la scène de l’ordalie par le fer rouge, en arrive à duper Dieu lui-mê
311 dours, voit un premier retour de l’individualisme dans l’Occident christianisé. Il prédit la Renaissance aux sons mélancoliq
312 sé d’inquiéter le cœur sauvage de l’homme enfermé dans les liens d’un mariage de raison avec l’orthodoxie. Quant au mariage
313 de son mythe. On voit l’homme et la femme entrer dans la passion comme ils entreraient en religion. Le premier regard et le
314 . Alors commença pour lui une autre vie. Il entra dans une vie nouvelle où tout son être fut changé. Il devint un autre homm
315 vint un autre homme…10 Cette « vie nouvelle » — dans le monde comme n’étant pas du monde — n’est pas donnée à l’homme pour
316 is ! La passion de Tristan ne pouvait se déclarer dans sa grandeur tragique et obsédante qu’au sein d’un monde qui avait app
317 irremplaçable d’un seul être. « Je pensais à toi dans mon agonie. J’ai versé telles gouttes de sang pour toi », dit au croy
318 Pascal. La passion ne pouvait donc apparaître que dans le monde où cette croyance à l’être unique faisait partie de la relig
319 qui mime le saut de la foi, ne jette pas l’homme dans son salut vivant ni dans un martyre salutaire, mais dans la catastrop
320 oi, ne jette pas l’homme dans son salut vivant ni dans un martyre salutaire, mais dans la catastrophe de la mort des amants.
321 n salut vivant ni dans un martyre salutaire, mais dans la catastrophe de la mort des amants. « Viens, douce mort », chante l
322 e refuse à la totale incarnation, à l’abaissement dans le monde fini, lieu de notre expérience salutaire ? Certes, mais il f
323 spirituelle imaginée par l’Inde et le bouddhisme. Dans son refus de la chair fragile et provisoire, et du temps décisif de c
324 e et provisoire, et du temps décisif de cette vie dans la chair, dans son angélisme essentiel, la passion ne peut rêver d’au
325 , et du temps décisif de cette vie dans la chair, dans son angélisme essentiel, la passion ne peut rêver d’autre horizon d’e
326 e Quand le catastrophisme passionnel se répand dans le corps social, il prend le nom de Révolution. L’idée et la réalité
327 lité de ce phénomène, je l’ai dit, sont inconnues dans tout l’Orient, qu’il s’agisse des empires aryens ou dravidiens, khmer
328 ’Ordre lui-même, cette notion a la même extension dans l’espace et le temps que le « monde christianisé ». S’il n’y a pas de
329 rs, un Japonais fondait le mouvement syndicaliste dans son pays : mais c’était le chrétien Kagawa. Depuis lors, nous avons a
330 s, nous avons assisté à l’extension du communisme dans l’Asie. Mais prenons l’Inde : les premiers touchés par l’idéologie ma
331 t le même sens : c’est se retourner complètement. Dans les deux cas, se produit une crise brusque et rapide, un processus de
332 es « choses nouvelles » par un brusque avènement. Dans les deux cas, la subversion de l’ordre ancien s’opère par un double m
333 oment anarchisant — mais aussitôt la Foi l’engage dans l’obéissance de l’Église — et c’est le moment instituant, communautai
334 instituant, communautaire. L’irruption de la foi dans une vie figure donc le modèle spirituel de toute révolution occidenta
335 e recherche perpétuelle du vrai civisme, inconnue dans les sociétés closes et sacrées ; enfin, l’idée de la mission reçue ou
336 le triomphe de l’Église en Occident ont provoqué dans l’évolution occidentale une discontinuité, un traumatisme exemplaire 
337 ait l’Histoire. L’Asie du Sud a duré jusqu’à nous dans la continuité vivante de ses passés, dont nul n’est aboli ni privé de
338 e d’une Europe où vivraient encore sous nos yeux, dans nos villes et dans nos campagnes, avec leurs rites et leurs idoles et
339 ivraient encore sous nos yeux, dans nos villes et dans nos campagnes, avec leurs rites et leurs idoles et leurs fidèles, Zeu
340 a le christianisme dès son établissement officiel dans l’Empire a créé pour l’Europe un précédent qui ne cesse de hanter son
341 is pour des raisons théologiques, mais militaires dans le premier cas, techniques dans l’autre. Enfin, là même où le christi
342 , mais militaires dans le premier cas, techniques dans l’autre. Enfin, là même où le christianisme a prouvé sa puissance de
343 s siècles et les autres révolutions qui ont versé dans son ombre « un sang impur ». L’Église, en effet, se fondait sur la ré
344 tricherie civique et politique en vient à dominer dans la cité, et que l’individu ne se sent plus encadré ni relié, le vide
345 nt. Il y a l’Église et sa fraternité fondamentale dans l’amour du prochain et du même Père. Il y a le Parti (mouvement, club
346 b, ou faction) et sa camaraderie conditionnelle13 dans la lutte contre l’ordre établi. L’Église est obéissance au Libérateur
347 u Libérateur éternel, mort pour nous mais présent dans la foi, cette « ferme assurance des choses qu’on ne voit pas ». Le Pa
348 murs ; il réclame lui aussi la foi des militants dans un monde idéal et futur, mais cette foi n’est gagée que sur le sacrif
349 sacrifice et la mort de ses adversaires. On entre dans l’Église parce qu’on est converti, donc changé ; mais on entre dans l
350 e qu’on est converti, donc changé ; mais on entre dans le Parti pour changer le monde d’abord et non d’abord soi-même. Il s’
351 d’abord et non d’abord soi-même. Il s’agit donc, dans le cas du révolutionnaire, d’une conversion non pas de l’être mais du
352 s, et leur Inquisition, plus efficace que l’autre dans l’épuration de l’hérésie jusqu’aux derniers replis du cervelet. Saint
353 et les conduit au césaropapisme. Ambition bridée dans l’Église par sa vocation transcendante et par le recours direct de l’
354 ses crimes. Et dès lors qu’il se sait illégitime dans sa prétention à régner au nom de tous contre une moitié du peuple, le
355 de tous contre une moitié du peuple, le Parti vit dans l’obsession des « ennemis de la liberté », appelant ainsi ceux qui di
356 munautaire générateur de nos révolutions jugerait dans l’irréel, j’ai dit pourquoi. Mais ceux qui croient encore que ces rév
357 leurs dieux de ceux qui en dictaient les formules dans les termes sadiques et hautains qui ont toujours exalté les masochist
358 acré n’a cure des résultats : il trouve sa preuve dans le sang. Mais si, profanant le mythe et ses tabous, nous estimons fro
359 a Liberté se voilait — laissant ensuite se perdre dans les bureaux de l’État l’élan premier vers la communauté, les révoluti
360 évolution et de l’Empire, loin de faire triompher dans toute l’Europe l’idéologie unitaire des jacobins, va susciter des nat
361 s, va susciter des nationalismes rivaux. Et c’est dans le pays qui aura subi le plus durement l’agression napoléonienne, c’e
362 et nature.) Cet esprit national est « un individu dans la marche de l’Histoire ». Il se fait par sa propre activité, s’épano
363 fois cette fin atteinte, il n’a plus rien à faire dans le monde. » Et encore : « À chaque époque domine le peuple qui incarn
364 de vivre en paix, de « végéter », précise Hegel, dans le bonheur et sans histoire. Nous assistons au transfert décisif de l
365 er les hommes réels, comment va-t-il se comporter dans le monde ? L’idéal primitif de la nation, confisqué par l’État frança
366 ore, ou même leur langue : c’est ainsi qu’on a vu dans notre siècle la Norvège, la Turquie, l’Irlande et Israël restaurer ar
367 s, dépourvus de tout scrupule communautaire, main dans la poche, prêts à tirer, vont essayer de faire la loi en Europe. On p
368 le christianisme, elle se contentera de l’annexer dans les occasions décisives. Certes, l’esprit national est un dieu bien r
369 n temps de guerre), de se sentir comme transporté dans une espèce de transcendance. À vrai dire, il s’agit encore d’un égoïs
370 ment élargi qu’il en devient vertu. On l’enseigne dans les écoles sous le nom de « patriotisme ». Il est admis que tout orgu
371 t ainsi que nous voyons la Chine s’occidentaliser dans le pire sens du terme, au lendemain d’une révolution certes réelle ma
372 es, isolées de l’ensemble où elles se composaient dans une tension commune vers la résolution toujours fuyante. Toutes les t
373 t aux motifs les plus profonds de notre situation dans l’Histoire ; à la genèse de toute notre Aventure. Elles sont les long
374 ues erreurs inséparables de la périlleuse odyssée dans laquelle nous sommes nés embarqués. Un dernier trait commun à toutes
375 esoin subsiste de se donner sans réserve, d’aimer dans la totalité de l’être, jusqu’au sacrifice éperdu. Alors je ferai d’Is
376 moi, même embrassés, empêchera l’Absolu d’échouer dans la durée. Devant l’impossible défi, l’homme dit : c’est trop pour moi
377 anisme originel, son exigence de l’absolu réalisé dans cette vie limitée, dans ce temps qui nous fuit, dans cette chair impé
378 gence de l’absolu réalisé dans cette vie limitée, dans ce temps qui nous fuit, dans cette chair impérieuse et débile, n’a pa
379 s cette vie limitée, dans ce temps qui nous fuit, dans cette chair impérieuse et débile, n’a pas cessé de travailler les âme
380 e la vraie foi et s’en écartent, mais disséminent dans des millions d’esprits inatteints par l’orthodoxie certaines formes m
381 lyse intime comme plus et mieux « christianisée » dans ses structures qu’elle ne l’était avant le xiie siècle. D’où l’on ne
382 s profondément active qu’on ne le pensait naguère dans l’âme de nos contemporains même incroyants, et ne cesse de s’étendre
383 aine. 15. Ce personnage s’égale aux plus grands, dans leur culte — en pleine époque de la psychanalyse ! Les auteurs qu’ils
18 1955, Preuves, articles (1951–1968). L’aventure occidentale de l’homme : L’exploration de la matière (août 1955)
384 enants, les légats de l’empereur et du pape, font dans la ville choisie des entrées solennelles : la discussion commence par
385 r l’adversaire hérétique17, excommunier, rétablir dans un siège, tenir compte des pressions opposées de l’empereur ou du pap
386 les évêques en cortège à la lueur des torches et dans l’encens des cassolettes à parfum. Tel est donc le spectacle offert p
387 c les yeux de l’Histoire. Voilà donc l’atmosphère dans laquelle fut nouée la notion dont descendent nos conceptions de l’hom
388 e là, l’homme lui-même en tant que doté de droits dans la cité : le citoyen. Tout homme est un individu, du simple fait qu’i
389 ations civiques ou juridiques dont il est porteur dans l’État ; d’où cet adage du droit romain : persona est sui juris, serv
390 sona que valence ; l’un existait par soi, l’autre dans ses relations. L’acte de création des grands conciles consista donc à
391 de savoir de quelle manière la science, agissant dans nos vies, procède des options de Nicée. Le rapport est-il positif, di
392 ables. On ne saurait donc chercher la solution ni dans la réduction de l’un des termes, ni dans une alternance du type diast
393 ution ni dans la réduction de l’un des termes, ni dans une alternance du type diastole-systole, qui dissocierait la personne
394 met, il devenait difficile de le refuser en droit dans les domaines subordonnés. Mais la transposition n’a pas toujours été
395 e, terme à terme, la transcendance et l’immanence dans le langage des philosophes, la vocation et l’individu dans l’anthropo
396 angage des philosophes, la vocation et l’individu dans l’anthropologie chrétienne, enfin la foi et la religion naturelle. Ma
397 s autres couples d’opposés qui se sont multipliés dans notre histoire ? La plupart mettent en jeu des réalités purement huma
398 volution et stabilité, individu et société, etc., dans le domaine politique et social. Et pourtant, ces polarités reproduise
399 » les incompatibles, cela ne peut se produire que dans un seul esprit. Aussi longtemps que les aspects contradictoires sont
400 vus séparément par des esprits divers, il n’y a, dans l’ensemble d’une culture, qu’oscillations et alternances sans progrès
401 t, l’identité des contraires apparents : tout est dans tout, bien sûr, mais la science n’a pas lieu. Or, la physique actuell
402 s », n’a-t-elle pas donné lieu à d’infinis débats dans lesquels on pourrait retrouver — et ce jeu n’est peut-être pas vain —
403 ous, la doctrine trinitaire n’a cessé de propager dans les domaines de plus en plus « humains » un type de dialectique à tro
404 Dieu, mais Dieu lui-même s’est rendu connaissable dans la chair. Et il est vrai aussi que « l’Esprit seul vivifie, la chair
405 chair ne sert de rien », mais pourtant c’est bien dans cette vie, dans cette existence toute charnelle22 que l’homme doit se
406 rien », mais pourtant c’est bien dans cette vie, dans cette existence toute charnelle22 que l’homme doit se convertir ; c’e
407 mais consistante, de « l’ici-bas ». Il y a plus : dans sa lettre aux Romains, saint Paul révèle que « la création tout entiè
408 s douleurs de l’enfantement » et qu’elle attend «  dans un ardent désir la révélation des fils de Dieu… avec l’espérance qu’e
409 re des génies — procède d’une confiance intuitive dans l’accord de l’homme et du monde — accord réalisé une fois en Jésus-Ch
410 ence, d’ordre et de sens, mais il attend de nous, dans une profonde complicité de l’espérance, d’être à son tour interprété
411 ne peut vraiment devenir la totalité du réel que dans un monde créé par Dieu. Là, toute chose, belle ou laide à notre idée,
412 ntéressante et valable : « Dieu est aussi présent dans l’intestin d’un pou », déclare Luther — inaugurant ainsi la poésie mo
413 derne, laquelle ne pouvait naître, selon lui, que dans un monde christianisé. Suivons ici l’exégèse magistrale qu’a donnée d
414 créée. La connaissance, alors, vise précisément, dans le réel, ce qui ne cadre pas avec les ordonnances et les lois établie
415 ension, de cette lutte avec l’idée de Dieu jusque dans la connaissance du réel, qui pourtant vient de Dieu… Dieu n’est pas l
416 avance le satisfait et le convainc. Ainsi, c’est dans la mesure où le christianisme a signifié la fin des religions et des
417 crété doctrine d’État par l’URSS. Mais tandis que dans ce pays, l’hérésie s’organise en Église, le déclin de son prestige en
418 rétienne était ressentie comme trop matérialiste, dans un monde encore tout pénétré de conceptions du type oriental. C’est l
419 rent se sentir d’autant plus libres de s’enfoncer dans la matière et son étude, qu’ils se posaient moins de questions quant
420 grande poussée aveugle, cet enfoncement de taupe dans une galerie où le Soleil ne parvient plus — et l’on finit par l’oubli
421 ondaient sur l’idée fixe que la preuve de réalité dans tous les cas et dans tous les domaines, est fournie par les seules ex
422 ixe que la preuve de réalité dans tous les cas et dans tous les domaines, est fournie par les seules expériences qu’on peut
423 thèse mystique ». Mais pendant que se vulgarisait dans les couches les plus étendues de la population occidentale ce « gros
424 oir en déduire qu’il y avait de la liberté jusque dans la matière : mais n’était-ce pas admettre du même coup qu’il y aurait
425 p qu’il y aurait aussi de la détermination jusque dans l’esprit ? Que la frontière s’efface entre la matière et l’énergie, p
426 t la pensée sous le règne de la Loi, c’est-à-dire dans la « chair », telle que la définissent saint Paul et l’Évangile. D
427 ient des autorités usurpées et d’ailleurs fondées dans l’erreur. Mais comme cet homme moyen serait fort incapable de vérifie
428 e. Car si le cosmos est vraiment infini à la fois dans le temps et dans l’espace — comme l’ont cru les atomistes grecs, puis
429 os est vraiment infini à la fois dans le temps et dans l’espace — comme l’ont cru les atomistes grecs, puis Nicolas de Cuse
430 tôt le « superdispersive field » ou « sub-ether » dans lequel des informations venant de tous les points de l’Univers se tra
431 il ? Cette question n’a pas de sens, nous dit-on. Dans l’Univers d’Einstein (illimité-fini), vous iriez aussi loin et longte
432 tôt que la question d’un au-delà ne se pose plus. Dans l’univers en expansion de l’abbé Lemaître et de Gamow, né d’une explo
433 plus longtemps que la plus extrême galaxie. Mais dans quoi tout cela se meut-il ? Il est vrai que la question n’a pas de se
434 et la mathématique. Tout s’explique et s’implique dans le cosmos des sciences, et l’invisibilité même s’y convertit sans ces
435 révélation en Jésus-Christ : « Dieu est Amour. » ( Dans le contexte ardu que l’on vient d’explorer, le mot prend un sens inso
436 urations qui seront pratiquées 1500 ans plus tard dans une Russie dont l’esprit « byzantin » explique beaucoup plus qu’on ne
437 Voir là-dessus la critique décisive de Karl Barth dans sa Dogmatik, tome I, chap. 2 : Vestigium Trinitatis, dont je citerai
438 t la christologie éveille l’attente et l’exigence dans l’homme naturel. 22. Il est certain que « la chair » selon S. Paul n
439 ’hérétique que si elle a pris son point de départ dans le complexe orthodoxe, et s’est développée contre lui. 25. L’homme d
440 physique est un « nœud d’énergie » qui se produit dans un « champ » au sein duquel agissent on ne sait quels archétypes form
19 1955, Preuves, articles (1951–1968). L’aventure technique (octobre 1955)
441 la fois, réconciliant spiritualisme et naturisme dans une alliance imprévue, mais lyrique. Avant d’analyser les deux groupe
442  ? Certes, elle l’obligera à peiner très durement dans nos climats occidentaux, pour se nourrir, se protéger du froid, des i
443 tion » que notre esprit rationnel croit découvrir dans ce qu’il prend par erreur pour « technique » chez les peuples anciens
444 jouer le jeu » selon les règles. Ainsi l’humanité dans ses rites religieux « joue » l’ordre naturel pour qu’il se perpétue.
445 es outils parce qu’il joue avec les démons cachés dans le feu ou la pierre, dans l’eau courante ou l’animal, et plus tard da
446 avec les démons cachés dans le feu ou la pierre, dans l’eau courante ou l’animal, et plus tard dans ses songes ou ses rêves
447 re, dans l’eau courante ou l’animal, et plus tard dans ses songes ou ses rêves éveillés. C’est du rêve de voler qu’est né l’
448 es des choses sont les reflets de son âme. Plongé dans la Nature, il la sent la plus forte ; et parce qu’il y projette les a
449 ture et sa vie — cette distance est le « milieu » dans lequel il existe —, l’esprit conçoit un Bien distinct de la Nature, e
450 ’homme est conçu désormais comme une âme enfermée dans un corps. Il ne sera jamais libre et vraiment bon que s’il parvient à
451 en train de la domestiquer pour la première fois dans l’histoire. Déjà, l’homme dispose des moyens de maîtriser plusieurs d
452 le téléphone et la radio, n’ont fait leur entrée dans nos vies que pendant le premier tiers de ce siècle. Tels sont bien le
453 ier tiers de ce siècle. Tels sont bien les faits, dans l’ensemble. Mais il serait faux de penser que les peuples d’Occident
454 onne doit les faire accepter et créer leur besoin dans la masse. Sur la base de ces jouets pour grandes personnes34, l’écono
455 se tournant alors vers les applications. Et cela, dans un climat social et politique devenu très favorable aux entreprises b
456 : ces deux sources de l’essor technique confluent dans le grand mythe de l’ère moderne : le Faust de Goethe est d’abord alch
457 antes du savoir pur, de la puissance et du salut) dans le rôle d’un ingénieur créant un pays neuf36. Que l’avidité naturelle
458 siècle. Au xixe siècle, l’essor technique crée dans le peuple une misère inhumaine, mais dans la grande majorité des élit
459 ue crée dans le peuple une misère inhumaine, mais dans la grande majorité des élites bourgeoises un optimisme débordant. Au
460 e décalage est significatif. En 1835, Andrew Ure, dans sa Philosophy of Manufactures, célèbre les usines « qui surpassent en
461 ines sera bon, s’il fait partie de l’effort divin dans l’homme, très mauvais s’il procède de notre orgueil. Le mal n’est pas
462 s s’il procède de notre orgueil. Le mal n’est pas dans les choses, mais dans l’homme. Il est lié à notre liberté. Il tient à
463 e orgueil. Le mal n’est pas dans les choses, mais dans l’homme. Il est lié à notre liberté. Il tient à notre condition, comm
464 condition, comme l’avers tient à l’envers. Il est dans notre esprit, n’existe pas ailleurs, et c’est en nous qu’il faut le c
465 e distinguer. 1° L’idée chrétienne que le mal est dans l’homme, et que la Nature est innocente, leur fait craindre que la te
466 ne fera rien, c’est clair. Elle se tiendra coite dans sa caisse. Qu’on ne nous raconte donc pas d’histoires. Ce qu’il nous
467 avail à la chaîne déshumanise, et que nous vivons dans le monde sans âme de l’uniformité et de la série. Il faut bien voir q
468 ombreux aujourd’hui que les prisonniers des camps dans les nations soumises au communisme). Voilà le sérieux de la chose ; i
469 Voilà le sérieux de la chose ; il ne consiste pas dans le sentiment de faire partie d’un « monde sans âme », mais dans le fa
470 ent de faire partie d’un « monde sans âme », mais dans le fait que des hommes ne sont plus que les « compléments vivants d’u
471 usage que l’homme en fait. D’où l’idée, répandue dans les élites, qu’un peu plus de technique ne peut produire qu’un peu pl
472 maître des moyens, mais son prestige s’évanouira dans la mesure même où les loisirs et leur contenu deviendront le problème
473 ue elle-même est-elle une utopie ? Voyons d’abord dans quelle mesure elle est déjà réalisée. Le niveau de vie moyen en Europ
474 très net : de 1890 à 1954, la semaine de travail dans le textile est passée de 65 heures à 40 heures, et l’année de travail
475 u’enfin la guerre atomique peut tout compromettre dans l’œuf. Mais l’œuf est là, portant son germe et notre avenir, cet aven
476 es nous l’a fait voir à une échelle réduite, mais dans un temps trop court pour qu’on distingue la suite. Une expérience un
477 ns publiques se tiennent par dizaines de milliers dans nos pays démocratiques ; et l’instruction publique est heureusement d
478 permettent aux Occidentaux, pour la première fois dans l’Histoire, de prendre une vue d’ensemble de leur propre Aventure : s
479 e qu’un prisme diffracteur du sentiment religieux dans nos activités dites créatrices, des mathématiques pures à la poterie,
480 sur les reflets épars du dogme et de la liturgie dans la culture dont il est imprégné. Voilà pourquoi la connaissance des d
481 t. Mais je vois aussi que la culture répand déjà, dans un public naguère totalement ignorant de ce genre de réalités, certai
482 que la passion pour l’occulte ne cesse de grandir dans nos villes, occupant rapidement le vide de l’âme créé par le matérial
483 ien, c’est que nos plus grands mystiques ont vécu dans les pires conditions matérielles. La technique ne peut rien pour l’Es
484 tre lui. Je dis seulement qu’elle peut nous jeter dans une époque où les questions religieuses deviendront plus sérieuses qu
485 igion, Psychologie und Alchemie, etc. On trouvera dans Mensch und Technik, par Donald Brinkmann, de nombreux exemples démont
486 Les seules descriptions « riantes » de la Nature dans la poésie et la peinture médiévales concernent les vergers. Le reste
487 .-P. Sartre, qui se place au niveau de la morale, dans le prolongement des exigences existentielles d’une éthique protestant
488 , son athéisme. Le retour aux problèmes religieux dans la littérature occidentale s’est amorcé dès 1919, et n’a pas cessé de
20 1956, Preuves, articles (1951–1968). Les joyeux butors du Kremlin (août 1956)
489 rculent à ce propos ; mais il omet de les réfuter dans son rapport. 2. K. limite ses attaques contre Staline à ce qui s’est
490 oque-t-on ? De la presse occidentale, qui a donné dans le panneau, comme toujours ? Mais l’heure n’est pas aux plaisanteries
491 i que ce soit. Parler de « direction collégiale » dans un régime monolithique, c’est une simple figure de langage : elle n’a
492 K. devant les siècles, mais assurent son impunité dans l’immédiat. C’est trop gros, trop invraisemblable, et parce qu’on n’o
493 le équipe d’aller vivre en paix sur leurs rentes, dans la datcha du terroriste retraité, c’est que le régime valait encore m
494 le seul possible. Il y a beaucoup de places vides dans les camps sibériens. Quelques années de « rééducation » ne feraient p
495 es, à fuir les châtiments, et à mettre les crimes dans le sens de l’Histoire, pour les rendre acceptables aux mandarins fran
496 u’il proclame, mais toutes les relations humaines dans une époque. Cet exemple donné de très haut, par des médiocres tout-pu
497 e d’Isaac Deutscher, reprise et approuvée presque dans les mêmes termes par Jean-Paul Sartre dans Les Temps modernes 48. La
498 resque dans les mêmes termes par Jean-Paul Sartre dans Les Temps modernes 48. La voici condensée par Sartre en quelques lign
499 Sartre l’approuvait en général (« Ses positions, dans l’ensemble, ont été justes »). Il approuvait donc, pour la France, et
500 les conséquences qui peuvent ou doivent découler, dans l’immédiat, de cette situation en partie renouvelée, pour les anticom
501 ctif anticommuniste représente une sorte d’injure dans la bouche d’une bonne partie de l’intelligentsia occidentale, bien qu
502 oient très peu et assez mal représentés. « Verser dans l’anticommunisme », aux yeux d’un Sartre, par exemple, c’est quitter
503 la bonne foi. Ce lieu commun, solidement installé dans l’esprit de milliers de libéraux par ailleurs attachés à la démocrati
504 bien que de leurs alliés. J’essaierai de la faire dans les termes les plus simples. Qu’est-ce qu’un anticommuniste militant 
505 ste montre une certaine persévérance ou vigilance dans sa critique, il se verra bientôt stigmatisé sous le nom d’anticommuni
506 a dictature, et K. suppose Staline, qui l’a fait. Dans un système totalitaire, par définition tout se tient. Il est parfaite
507 ique49. À proprement parler, il n’y a pas d’excès dans un régime totalitaire, faute de critères d’évaluation indépendants de
508 mique ; 8. que le niveau de vie des travailleurs, dans tous les pays communistes, restait très inférieur à ce qu’il était da
509 munistes, restait très inférieur à ce qu’il était dans les pays capitalistes et socialistes, dont pourtant les régimes ne se
510 ui ? Quel est le « profond changement » introduit dans la situation par le rapport K. et ses suites ? Sur les points 1 à 8 d
511 t sa confirmation héroïque et sanglante s’inscrit dans les émeutes ouvrières et dans la Résistance intellectuelle de l’Est.
512 sanglante s’inscrit dans les émeutes ouvrières et dans la Résistance intellectuelle de l’Est.   Que vont dire, dans ces cond
513 istance intellectuelle de l’Est.   Que vont dire, dans ces conditions, nos AAC ? Et que vont faire nos PPC ? Proclamer que n
514 rouve que les motifs justifiant toutes ces choses dans l’esprit des chefs russes et le vôtre aient changé. Répéter contre St
515 saient contre Trotski, Kamenev ou Toukhatchevski, dans les mêmes termes, avec les mêmes sanctions, n’est pas sortir du stali
516 ollège, n’est pas renier la dictature. Mitrailler dans les rues de Poznań les ouvriers qui souffrent de cette dictature, bie
517 haut les bonnes et solides raisons que j’aurais, dans ce cas, de rester optimiste. M. Fejtö me dira qu’il ne me visait pas,
518 ient pas ceux de la fin que Staline alléguait, ni dans le fait (comme nous le disions alors) ni même dans l’intention (comme
519 ans le fait (comme nous le disions alors) ni même dans l’intention (comme K. l’affirme) ; ils étaient les moyens généraux de
520 adavre du même Rajk réhabilité. N’a-t-il pas obéi dans les deux cas ? De quoi donc devrait-il s’excuser ? Nos censeurs de l’
521 vement de l’histoire, etc., se tenaient entre eux dans leur mythologie, mais ne collaient plus à rien de réel et de vérifiab
522 e « complément » de l’internationalisme ; de voir dans Jaspers un nazi, dans Staline un penseur, et dans Stil quelque chose 
523 internationalisme ; de voir dans Jaspers un nazi, dans Staline un penseur, et dans Stil quelque chose ; enfin de situer « à
524 dans Jaspers un nazi, dans Staline un penseur, et dans Stil quelque chose ; enfin de situer « à gauche » le despotisme russe
525 r vrai que ce qui était dit « de gauche » ; bref, dans tous ces exemples choisis à la volée, de vider le sens des mots ou de
526 es dont on voit la fonction sans doute nécessaire dans leur cas, cherchons à comprendre pourquoi leur constante « mauvaise f
527 n sentira bientôt que l’erreur qu’ils commettent, dans laquelle ils vivent, qu’ils existent, n’est pas de celles dont on peu
528 ordre de Moscou : « Soyez libres ! », les a jetés dans un désarroi que le rapport de K. porte à son comble. « L’émotion légi
529 omme des brutes ! » Aussitôt la panique se répand dans les cœurs. L’opinion publique, engourdie, hésite à trahir son réveil,
530 publique, engourdie, hésite à trahir son réveil, dans sa crainte d’un nouveau coup de matraque. Chacun donc, sans trop réfl
531 e prix.   D’autres difficultés créées ou révélées dans l’univers du communisme soviétique et mondial par la Turbulence que l
532 ée de rupture nécessaire. Comment dire la vérité dans le monde communiste ? — Le problème est nettement posé par le rapport
533 érité. Cela prouve au contraire qu’ils persistent dans leur erreur fondamentale, qui est de croire que la vérité doit être d
534 portance politique. Il est vrai, mais nous sommes dans une ère scientifique. Ou, plus exactement, technique. Le mensonge y d
535 répréhensible et rétrograde, mais inapte à durer dans notre âge. L’infaillibilité du Parti de Lénine. — Elle résultait de
536 i de Lénine (dont on souligne encore « l’autorité dans le mouvement ouvrier international ») a toujours et nécessairement ra
537 tème — soit que la méthode elle-même ne vaut rien dans ce cas ; mais alors à quel saint se vouer ?   Les difficultés singuli
538 elques exemples sont sans précédent, semble-t-il, dans l’histoire des mouvements politiques, mais non pas dans l’histoire de
539 ’histoire des mouvements politiques, mais non pas dans l’histoire des Églises. Elles font voir à quel point le PC se disting
540 ne reprise en main ne pourrait guère s’opérer que dans le style que le Kremlin vient de condamner, et, s’il l’a condamné, c’
541 n pourrait appeler « le dépassement du communisme dans un seul pays », agirait-il en fait autrement qu’il n’agit, bien que d
542 ux sciences, croient de moins en moins au Diamat, dans le même temps que les Européens, formés aux lettres d’aujourd’hui, cr
543 poser encore à l’adversaire qui le fasse basculer dans le camp que lui-même quitte ? Voilà le danger. Mais il n’est pas fata
544 ques ou organiques. L’esprit critique peut opérer dans ces amas le choix du bon et du mauvais, mais se renierait s’il préten
545 s accepter ou rejeter en bloc. L’inverse est vrai dans le cas du bolchévisme russe, qui se veut essentiellement « monolithiq
546 de Staline et de Lénine. 50. Exemples récents : dans Preuves, n° 64, F. Fejtö estime que la « déstalinisation » va priver
547 venus en URSS. On sait que le procédé est courant dans Esprit. Quant à Sartre, il écrit dans ses Temps modernes (n° 123, p. 
548 est courant dans Esprit. Quant à Sartre, il écrit dans ses Temps modernes (n° 123, p. 1521) : « On ne répond pas à Rousset.
549 gagner sa vie comme il peut. » Mais il se plaint, dans le même article, des procédés dont use à son égard L’Observateur, et
550 aussi calomnieux mais tout de même moins pâteux, dans Preuves. » (Ce « et je sais » que j’ai souligné, paraît obscur.) Je n
551 uffit de le citer pour faire mesurer les ravages, dans un esprit qui se veut honnête, de l’anti-anticommunisme. 51. Françoi
552 appellent le “culte d’un homme” », Maurice Thorez dans les Cahiers du Communisme, en janvier 1950. 55. Un peu plus tard, K.
553 une paire de claques sur les joues par une claque dans le dos. 56. Cela vaut, bien entendu, pour l’orthodoxie matériau des
21 1956, Preuves, articles (1951–1968). Sur Suez et ses environs historiques (octobre 1956)
554 Si vous ne m’aidez pas, sachez-le, je me jetterai dans les bras de Moscou, et c’est vous qui m’y aurez poussé ! J’ai besoin
555 vous me demandiez de m’en mêler. A. Vous me jetez dans les bras de Khrouchtchev ! Je ne veux pas de conditions politiques. B
556 les capitaux requis sans, par là même, intervenir dans vos affaires ? A. Assez de sophismes et de provocations impérialistes
557 me le demandant ? A. Pour éviter que je me jette dans les bras de Moscou. B. Pourquoi vous jeter dans les bras de Moscou, q
558 e dans les bras de Moscou. B. Pourquoi vous jeter dans les bras de Moscou, qui ne vous aidera jamais sans condition ? A. Par
559 us aimez seulement me haïr. Cherchez ailleurs que dans mes dons les moyens d’assouvir votre haine. Nasser n’est pas Hitle
560 hez les démocrates libéraux, réactions identiques dans les deux cas, excessives en paroles et déficientes en actes. L’affair
22 1956, Preuves, articles (1951–1968). Sur l’Europe à faire (novembre 1956)
561 Êtes-vous sûr qu’elle existe ? Où commence-t-elle dans le temps ? Et où finit-elle dans l’espace ? B. Ceux qui l’attaquent s
562 commence-t-elle dans le temps ? Et où finit-elle dans l’espace ? B. Ceux qui l’attaquent savent assez ce qu’elle est. A. L’
563 n passé mort et enterré, mais pour tenir sa place dans le monde de demain, entre les empires qui l’affrontent. S. Mais l’Eur
564 nègres arrachés à l’Afrique vivent comme esclaves dans les pays arabes. La France et l’Angleterre ont proposé un contrôle de
565 n France. Il est vrai qu’Émile Roche les a suivis dans Le Monde , mais cela n’arrange rien : le Kremlin a parlé ; Nasser es
566 ’innombrables êtres humains maintenus à cette fin dans l’obscurantisme ». La question n’est donc pas de savoir ce qu’on fait
567 profane n’oserait encore douter qu’elle se place dans le sens de l’Histoire, moyennant le changement de signe dialectique q
568 el du PC. (Entendons qu’il dépend du seul Nasser, dans la mesure où Moscou l’approuve, de déclarer que sa dictature est « po
569 té de l’artiste Bartók est mort aux États-Unis dans une situation matérielle qu’on me dit voisine de la misère. Les milie
570 avec le masochisme, maladie spécifique des élites dans nos démocraties occidentales. Quant à moi, je me promène sur la place
571 eurs un peu plus défendable que celle qui prévaut dans ce siècle. Bartók ne gagne pas de quoi se payer la clinique et il en
572  : 3000 dollars pour une soirée et trente soirées dans une saison, tandis qu’un adroit pousseur de ballon, sollicité par un
23 1956, Preuves, articles (1951–1968). Sur le rêve des sciences (décembre 1956)
573 e ait découvert les Amériques, et toute la Terre, dans le seul dessein de satisfaire les viles passions qui caractérisent no
574 sclaves pour avoir financé cette atroce ingérence dans la souveraineté nationale d’innocentes monarchies populaires. Mais vo
575 lait », mû par des songes insensés et se trompant dans ses calculs de la largeur d’un océan, mais nos moralistes le condamne
576 s partis à cause de cela ! Nos descendants seront dans l’erreur, cette petite note en soit témoin : à la date où je l’écris,
577 t un des vieux réflexes de l’humanité : compenser dans le Ciel ce que l’on rate ici-bas. La révolte des satellites terrestre
578 Et quant à la coexistence, qui se révèle malaisée dans le siècle, on ira la chercher dans un temps qui n’est plus celui de l
579 évèle malaisée dans le siècle, on ira la chercher dans un temps qui n’est plus celui de l’Histoire : il est question que l’U
580 ficielles. Un rocket nommé Coexistence ira porter dans le vide cette abstraction fuyante, concrétisée en forme de ballon de
581 de ballon de football. S’il revient sur la Terre dans vingt ans, il n’y trouvera plus de rideau de fer ni plus de problème
582 es sont déjà des réalités : parler au loin, voler dans la hauteur, transmuter l’or, prolonger la durée de la vie, tuer ses e
583 s mécaniques, lire les pensées… Demain nous irons dans la Lune, après-demain nous rajeunirons, et l’immortalité n’est plus u
584 r le moyen des sciences physiques, puisqu’elle va dans une sorte d’au-delà, pour la première fois calculable. Je la résume a
585 de matière, mais on ne l’a vérifié jusqu’ici que dans l’infinitésimal. Les rencontres les plus importantes n’auraient donné
586 cataclysmes locaux tels qu’un grand trou suspect dans la plaine sibérienne, ou l’embrassement mortel d’une étoile par son d
587 ogonies religieuses : le monde ne s’est manifesté dans ses apparences matérielles qu’à la faveur de son reflet, disent les V
588 professionnels, le Double est synonyme de reflet dans le miroir, d’image du vrai moi, d’ombre, d’écho, et d’âme. Et chacun
589 du vrai moi, d’ombre, d’écho, et d’âme. Et chacun dans sa langue nous enseigne que voir son Double, c’est mourir. Je n’en d
590 aux solutions massives proposées par la Science, dans les domaines jusqu’ici réservés aux passions partisanes, aux rhéteurs
591 iens et plusieurs généraux en retraite, mais bien dans les laboratoires où s’inventent de nouvelles sources d’énergie. Le v
592 ctique des classes : il a vu son Double effrayant dans les rues de Poznań et de Budapest. 58. Salvador de Madariaga, Chri
593 1952. 59. Voir l’article de Charles-Noël Martin dans le Figaro Littéraire du 22 septembre. ac. Rougemont Denis de, « Sur
24 1957, Preuves, articles (1951–1968). Sur la honte et l’espoir de l’Europe (janvier 1957)
594 juste et du vrai ? Pourtant Hitler s’est suicidé dans la débâcle, Mussolini a été fusillé, Staline et Beria liquidés, Perón
595 st la seule réponse positive et finalement active dans l’Histoire. Mais en même temps, il faut agir sur les esprits, provoqu
596 ir. Des dizaines de milliers ont marché lentement dans les rues totalement silencieuses (plus un tram et plus une auto), jus
597 ription du phénomène. Ce qui vient de se produire dans la conscience européenne — et dans elle seule, car l’Amérique du Nord
598 de se produire dans la conscience européenne — et dans elle seule, car l’Amérique du Nord n’a pas bougé — n’est pas encore d
599 Égypte absurde. Le fait que je n’en aie pas parlé dans mon appel ne saurait signifier que je m’en fasse le complice, puisqu’
600 re, du Tibet conquis par la Chine, de l’esclavage dans les pays arabes, du canal interdit aux bateaux d’Israël, des subventi
601 perdent à tout coup. Que l’énergie magyare passe dans notre sang ! J’ai vu se lever, depuis quelques semaines, une générati
25 1957, Preuves, articles (1951–1968). Sur Voltaire (février 1957)
602 ’appeler mon domicile, qui est à Ferney-Voltaire, dans l’Ain : « Veuillez épeler », dit la téléphoniste. C’est trop long. Do
603 Branca et Voltaire comme un fauteuil. — J’y suis. Dans quel département ? — L’Ain. Elle comprend « hein ? » et redemande : «
604  L’Ain. Elle comprend « hein ? » et redemande : «  Dans quel département ? », etc. Cela prend du temps, et cela se répète dep
605 a se répète depuis neuf ans que je me suis arrêté dans cette ferme, au pied du Jura, face aux Alpes, à 8 kilomètres de Genèv
606 e anime toute la région ; il ne vit pas seulement dans les mémoires : ces maisons, ces fabriques, ces allées de peupliers, c
607 plus vrai. Il a bien sa statue, grandeur nature, dans mon village. Mais ce n’est pas ce petit corps maigre et ce rire édent
608 alait cent vertus. « Marchez toujours en ricanant dans le chemin de la vérité », écrivait-il à Mme du Deffand. Avec ou sans
609 res de Ferney, ou des bas de soie que l’on filait dans sa fabrique. La première paire parvint à la duchesse de Choiseul avec
610 otre zone : ah ! que ne pouvait un seul individu, dans ces temps que l’on nous a décrits comme adversaires des libertés réel
611 imagination, que bien d’autres images entraînent, dans ce pays de « marches », entre Alpes et jura, entre le xviiie et notr
612 e contre les jésuites fanatiques. Tout est démodé dans ce pamphlet, si l’on s’en tient à son prétexte et à sa lettre. Tout r
613 mmes ; douze religions paisibles étaient établies dans leur empire ; les jésuites vinrent faire la treizième ; mais bientôt
614 établie : les Dominicains n’y croient pas encore. Dans quel temps les Dominicains commenceront-ils à mériter des peines dans
615 Dominicains commenceront-ils à mériter des peines dans ce monde, et dans l’autre ? » (Lisez : dans quel temps les titistes —
616 ceront-ils à mériter des peines dans ce monde, et dans l’autre ? » (Lisez : dans quel temps les titistes — par exemple — com
617 eines dans ce monde, et dans l’autre ? » (Lisez : dans quel temps les titistes — par exemple — commenceront-ils à redevenir
618 le l’ouvrage de Dieu. (Lisez : que le PC est seul dans le sens de l’Histoire.) Mais en bonne foi, parce que notre religion e
26 1957, Preuves, articles (1951–1968). Sur la neutralité européenne (mars 1957)
619 en parle même en France. Que se passe-t-il donc ? Dans la confusion générale, qui est celle où s’élaborent habituellement le
620 libertés, de notre indépendance et de notre rôle dans l’histoire. L’idée de neutralité résulte ici de la conscience de notr
621 encore contre les Russes. Enfin, l’on a cru voir dans le geste de Nagy, proclamant (sans succès d’ailleurs) la neutralité d
622 anquent pas d’être invoqués par ceux qui trouvent dans la neutralité un alibi décent de « l’apaisement » mal famé. Plus obsc
623 e qu’ils entendent par neutralité. Divers abus dans la notion de neutralité J’ai dit plus haut pourquoi le neutralisme
624 que la résolution condamne les menées communistes dans les pays libres d’Asie, Nehru dit oui, mais à la condition que fussen
625 l vraiment de neutralité ? Guère plus que de paix dans le cas des Partisans de la Paix. Le neutralisme et la neutralité à la
626 traités de Vienne et de Paris la reconnaissent, «  dans les vrais intérêts de l’Europe entière ». On conçoit qu’elle serve en
627 qui risquerait de se disloquer s’il prenait parti dans les luttes opposant des voisins immédiats comme les Suisses sont fran
628 elle décidait de rester neutre non plus seulement dans le cadre européen de son statut, mais partout et en toute circonstanc
629 conquête, parce qu’il est satisfait de son sort. Dans ce dernier cas, il se refuse à toute alliance militaire, craignant de
630 alliance militaire, craignant de se voir entraîné dans le jeu d’ambitions étrangères, au détriment de son indépendance. Il d
631 rincipe). Les échanges économiques se poursuivent dans la mesure du possible avec les deux camps. On échappe, en cas de succ
632 entretien d’une armée défensive. Rien de glorieux dans tout cela, peu d’idéal, beaucoup de raison pratique et de prudents ca
633 nt neutre. Je n’en vois guère que deux qui soient dans ce cas. Quasiment autarciques, plus puissamment armés que l’ensemble
634 la Bombe H. Chacun d’eux se trouve devant l’autre dans la position qu’on nomme pat, « coup où l’un des joueurs n’ayant que s
635 r puissance. Et voilà Suez et Budapest. Et voilà, dans ce jeu carrollien, la révolte grondant chez les pions et chez les fou
636 lité de l’Europe. 61. Cité par Henri Miéville, dans un remarquable article intitulé « Propos hétérodoxes sur la neutralit
27 1957, Preuves, articles (1951–1968). Sur la neutralité européenne (II) (avril 1957)
637 nisés par l’URSS. 2. Une prise de parti militaire dans les conflits à prévoir disloquerait l’union existante. Le seul danger
638 d, en cas de guerre entre les deux Grands, réside dans l’existence des PC en Europe. Mais se déclarer neutres à cause d’un t
639 termédiaire bénévole entre les camps. C’est exclu dans le cas d’une Europe divisée. 4. Le groupe d’États, satisfait de son s
640 nse. Ces conditions ne sauraient être réunies que dans le cas d’une Europe vraiment unie, par où j’entends une Europe intégr
641 urnham l’élargit aujourd’hui, et Bevan le rejoint dans L’Express. Tout arrive. Du point de vue militaire, je ne puis juger l
642 e n’ai jamais trouvé qu’il y ait la moindre force dans l’idée d’une Europe unie », déclare Bevan63. Par chance, on ne l’a pa
643 s en Tchécoslovaquie. Ce qui maintient le système dans les pays de l’Est, c’est la simple menace d’une intervention russe. L
644 1° L’union faite, cette neutralité serait-elle «  dans les vrais intérêts » de l’humanité entière et de l’Europe conjointeme
645 enons les neutralistes de bonne volonté, ébranlés dans leurs préférences (inavouées mais indiscutables) par la tragédie de B
646 bles) par la tragédie de Budapest : ils verraient dans une vraie neutralité l’occasion de se refaire une vertu sans changer
647 ouvertures. (À suivre.) 63. Voir son interview dans L’Express du 22 février 1957. ag. Rougemont Denis de, « Sur la neut
28 1957, Preuves, articles (1951–1968). Sur la neutralité européenne (fin) (mai 1957)
648 ah Tout ce qui précède64 a consisté, en somme, dans une approche sans parti pris, dans une mise à l’épreuve variée, pour
649 sté, en somme, dans une approche sans parti pris, dans une mise à l’épreuve variée, pour la mieux établir enfin dans sa simp
650 e à l’épreuve variée, pour la mieux établir enfin dans sa simplicité massive, d’une évidence : l’Europe ne pourra se dire ne
651 ait et devrait au monde d’être doublement limitée dans sa nature et ses motivations. Elle serait strictement militaire, non
652 nnés » comme des pions ou des pièces secondaires, dans la partie jouée par les deux autres Rois. Quelques coups à prévoir
653 s déséquilibres éventuels qui pourraient survenir dans d’autres continents, et à se disposer en conséquence. 2. Si la trêve
654 ocs, l’Europe n’est pas entraînée automatiquement dans le conflit. Cette certitude diminue à elle seule les chances d’éclate
655 sement de la Hongrie. Mais, une fois l’Est inclus dans l’Union neutre, toute intervention russe chez un ex-satellite devient
656 ne s’en poursuit pas moins en Asie, en Afrique et dans le Moyen-Orient. Que devient alors, sur ces théâtres, la faculté de m
657 n moins complexe, et dont il resterait à supputer dans quelle mesure elle peut demeurer indépendante de la première. En g
658 uissances, soit en marge de leur jeu bloqué, soit dans ce jeu s’il devait repartir. d) L’Europe neutre et unie devrait payer
659  : elle perdrait en partie sa liberté de manœuvre dans la politique planétaire au moment où, par son union précisément, elle
29 1957, Preuves, articles (1951–1968). Sur deux écrivains politiques (juin 1957)
660 ique Ayant publié plusieurs centaines de pages dans ses Temps modernes pour démontrer que la politique des communistes ét
661 que des communistes était juste, M. Sartre publie dans la même revue 119 pages pour démontrer que cette politique était faus
662 ropositions aussi simples en soi que surprenantes dans leur succession : la politique soviétique est juste, Budapest est l’e
663 exprimée » par Berlin et Poznań — ils ne sont pas dans le sens de l’Histoire ; ce qui leur ôte le droit de faire reproche à
664 tre confusion je m’avoue responsable. On m’accuse dans Aspects de la France de parler indifféremment du nationalisme et de s
665 il est vrai. Mais mes deux censeurs se rejoignent dans une inquiétante découverte. « Je connais M. de Rougemont, écrit Sartr
666 que le Parti communiste est celui des privilégiés dans tous les pays où il détient le pouvoir. En France, il n’est encore qu
667 e gigantesque du « socialisme » soviétique. Mais, dans nos pays socialistes ou libéraux, ne serait-il pas temps de faire res
668 lui opposera, que Suzanne Labin n’ait déjà placée dans la bouche de son contradicteur, pour la réfuter aussitôt avec une élo
30 1957, Preuves, articles (1951–1968). Sur le pouvoir des intellectuels (juillet 1957)
669 ou de ressentiment, des plus fréquentes en France dans la presse et les revues. L’homme de la rue ne l’emploie jamais, et ce
670 rras, Mazzini, H. S. Chamberlain ou Sorel. Je lis dans une revue réputée conformiste la phrase suivante : « Le caractère idé
671 tre pas la netteté que lui prêtent les savants. » Dans les deux cas, le conflit désigné, idéologique ou scientifique, n’exis
672 détienne plus ou moins de « netteté » intrinsèque dans une réalité qui serait indépendante soit des idéologues, soit des sav
673 ps. L’Europe, Napoléon et les intellectuels Dans une autre revue, je lis ceci : « L’Europe unie, c’est un problème qui
674 u tort car de son temps rien ne menaçait l’Europe dans son ensemble sinon lui. Même jeu pour un Hitler, qui a presque fait l
675 ue fait l’Europe, mais contre lui. C’est en effet dans les mouvements de résistance de tous nos pays envahis que s’est nouée
676 ralisme utilise la contrainte contre ses ennemis, dans l’exacte mesure nécessaire pour les ramener aux conditions de départ
677 mage et vérifier qu’elle ne le trompait pas. Rien dans tout cela qui rapproche les peuples : tout confirme, au contraire, le
678 contrer à Londres, à La Haye, à Genève ou à Rome, dans le seul dessein de fédérer l’Europe, si nous y parvenons, ce ne sera
679 l’union nous apprenons à nous connaître mieux. Dans la marge d’un hebdomadaire Critique d’un livre. On commence par ci
31 1957, Preuves, articles (1951–1968). L’échéance de septembre (septembre 1957)
680 s dégâts sociaux, en restant à peu près elle-même dans l’ensemble. Mais l’Asie le pourra-t-elle ? Et l’Afrique ? L’URSS écra
681 eur inflige le Plan par la police. Les USA vivent dans le bonheur sans dimensions de la non-résistance unanime, qu’ils préfè
682 éléments du drame lorsqu’il éclate exemplairement dans un pays comme l’Algérie. Car c’est ici la vraie nature de la tragédie
683 propos du drame algérien. Mais l’affaire a mûri, dans les esprits, tout en se détériorant dans les rues et les douars, et d
684 a mûri, dans les esprits, tout en se détériorant dans les rues et les douars, et dans l’opinion vague qu’on dit mondiale. V
685 en se détériorant dans les rues et les douars, et dans l’opinion vague qu’on dit mondiale. Voici le deuxième acte annoncé :
686 ais bien la civilisation européenne tout entière, dans ses rapports inévitables et imprévus avec les peuples non préparés à
687 grand concile œcuménique des cultures en présence dans le monde du xxe siècle. Elle demande des années d’études, d’enquêtes
688 mis. Il se trouve que la France, une fois de plus dans l’histoire, est aux prises avec un problème intéressant l’humanité en
689 , pouvait laisser se poser et comme s’exemplifier dans toutes ses vraies complexités humaines. L’Amérique saura-t-elle compr
690 L’Algérie en 1957, ouvrage signalé par Aimé Patri dans Preuves d’août. al. Rougemont Denis de, « L’échéance de septembre »
32 1957, Preuves, articles (1951–1968). Pourquoi je suis Européen (octobre 1957)
691 îtront les héritiers d’une même culture embarqués dans la même aventure. Qu’on ne chicane pas sur les frontières à venir de
692 nt tout si l’idée fédérale ne devient pas vivante dans nos existences personnelles. Les vraies chances de l’Europe fédérée,
693 es vraies chances de l’Europe fédérée, c’est donc dans les esprits et les cœurs de nos nouvelles générations que nous pourro
694 concerne et que l’avenir de cette union s’inscrit dans les données de leur dessein personnel. Deux Français parleront aujour
33 1957, Preuves, articles (1951–1968). Sur le crépuscule d’un régime (octobre 1957)
695 e absolument. Elle n’avait qu’à rester tranquille dans son petit milieu « naturel ». Ceux qui n’aiment pas l’artificiel n’on
696 e une expertise de ces clichés. Je n’entends ici, dans les ruelles et aux terrasses, que des jugements triviaux ou malveilla
697 tre l’avis de la majorité ; elle est incompétente dans son cas, s’il est vraiment quelqu’un et s’il veut le prouver. Éduquer
698 arré, plutôt qu’un de ces pléonasmes si fréquents dans l’argot pour insister clairement. La démocratie populaire n’est en fa
699 , car nous sommes restés à mi-chemin, en marchant dans la même direction. A. — Il faut donc devenir fasciste ou communiste ?
700 d’une qualité sensiblement égale, comme il arrive dans certains groupes restreints. On ne saurait élire une élite ; on ne pe
701 s tables ! R. — Croyez-moi, la Démocratie restera dans l’Histoire le rêve du xixe siècle et le cauchemar du xxe siècle. L’
702 foule insouciante, demeurons un moment recueillis dans la gloire sombrement émanée de ces marbres. Elle règne, taciturne, au
34 1957, Preuves, articles (1951–1968). Sur un certain cynisme (septembre 1957)
703 s et sans rapports non plus avec ce qui est actif dans la réalité française. Prenez le théâtre « expérimental », comme vous
704 vues, je ne les trouve pas du tout moins cyniques dans leur genre. Et Monsieur Ouine, c’est pire que Bardamu. Et Jean Genet,
705 e Henry Miller, qui ne le vaut pas toujours, sauf dans Sexus peut-être, en ôtant les « idées ». Simplifions par Céline et Mi
706 ’autres écrivains fameux, qui auraient leur place dans toutes les listes, s’il s’agissait d’un palmarès. J’ai choisi quelque
707 quelques noms qui vous décrivent une France tout dans la critique morale et l’invention lyrique, la chronique incisive et l
708 « invisible et fréquente ainsi qu’un feu d’épines dans le vent »67. A. — Vos auteurs vivent-ils à Paris ? R. — Quelques-uns,
709 tous les temps mis au futur. Voyez Mauriac entrer dans la fosse aux lions de la polémique politique, tout frémissant de juvé
35 1957, Preuves, articles (1951–1968). Sur l’Europe à faire (novembre 1957)
710 ’Europe et le monde fut cette année le sujet jeté dans la lice pour y être « traité » en dix jours par une centaine d’intell
711 marqué que j’éprouve une secrète attirance. Perdu dans la foule anonyme, je suivais les « interventions » très sévèrement ré
712 nt pas admises, car « on ne fait pas de politique dans cette enceinte ». Le seul qui enfreint la consigne, en condamnant l’a
713 elle une étude scientifique. Beau sujet de thèse, dans vingt ans. Aux intellectuels des Rencontres, obsédés par les seuls « 
714 poser : 1° L’Europe est-elle, oui ou non, menacée dans son ensemble et dans ses positions mondiales par l’expansion normale
715 st-elle, oui ou non, menacée dans son ensemble et dans ses positions mondiales par l’expansion normale des grands empires, p
716 .) Mais les Anglais n’accepteront jamais d’entrer dans une Europe qui ne serait pas déjà faite, quitte à se plaindre, alors,
717 éduquer, former, informer. Car les obstacles sont dans les esprits, ou dans les préjugés sentimentaux inculqués par l’École,
718 rmer. Car les obstacles sont dans les esprits, ou dans les préjugés sentimentaux inculqués par l’École, confirmés par la Pre
719 e fera sans l’esprit, mais sera-t-il assez prompt dans son effort pour éveiller les masses ? 4. Il faut créer une force poli
36 1957, Preuves, articles (1951–1968). Sur la pluralité des satellites (II) (décembre 1957)
720 ant aux billes, justement. L’Amérique peut lancer dans un an des spoutniks beaucoup plus sophistiqués et confortables, empor
721 e sa fusée de lancement. Il eût fallu multiplier, dans toute la presse occidentale, depuis un an, des articles obéissant au
722 ’est beaucoup dire. Il doit paraître antipathique dans la mesure même où il tend à frustrer notre besoin de sensations. Or c
723 rodigieux. Ce qu’il y a de plus beau, sans doute, dans l’épopée des satellites, c’est qu’ils manifestent au ciel la part du
724 pas ce qu’il disait. (C’était même le contraire, dans ce cas.) La nature des régimes est certes en cause, mais on savait de
725 ndividuelle et idéologique, dont le vrai nom sera dans l’histoire : liquidation du communisme. On élimine d’abord le Père de
726 sé sa provision de grosses lettres n’en dit rien. Dans le même temps, les satellites mis au pillage se révoltent. Leurs ouvr
727 t à la face du monde de la faillite du communisme dans les générations qu’il avait seul formées. Le Kremlin se rattrape au c
728 rappeler, objectives quoique dissimulées, jouent dans le sens d’un rapprochement futur entre le peuple russe et l’Occident.
729 peuple russe et l’Occident. Le spoutnik lui-même, dans la mesure où il manifeste un succès de la Technique créée par les sav
730 vée par l’élimination de ses nationalismes. C’est dans la perspective d’un tel retour que nous devons non seulement résister
731 cembre 1956 : « Sur la pluralité des satellites » dans ma chronique « Le Rêve des sciences ». ap. Rougemont Denis de, « Su
37 1958, Preuves, articles (1951–1968). Sur la fabrication des nouvelles et des faits (février 1958)
732 trêve des confiseurs : il ne se passe jamais rien dans le monde entre le 24 décembre et le 2 janvier, les discours bénisseur
733 sseurs remplaçant les nouvelles. Il est clair que dans cette optique, les nouvelles sont les événements, ceux-ci n’ayant pas
734 e l’homme de la rue, il ne se passerait plus rien dans le monde. En termes très voisins, un peu plus généraux, on pourrait a
735 our le public, de ce que les agences en décident. Dans le fourmillement infini de ce-qui-se-passe ou non par le monde, la pr
736 eterre n’étant pas nommée ni impliquée. Sensation dans la presse, mais aucune suite concrète. Une année plus tard, à Montreu
737 la fédération de l’Europe. Rien, ou presque rien dans la presse. Ainsi, Montreux ne devint pas un « fait ». En mai 1948 s’o
738 comme on dit à New York. Mais l’écho reste faible dans la presse. Car les agences ont décidé, ce jour-là, de donner les manc
739 ette photo avait paru depuis longtemps en France, dans une revue spécialisée. Il est exclu d’accélérer des particules « à la
740 base de la plupart de nos convictions politiques, dans la mesure — souvent faible d’ailleurs — où nous les modelons sur les
741 leur donnerait le code des hiérarchies à observer dans le choix fabricateur des « faits » ? Ce serait précisément une politi
742 ble mais indispensable. Je demande qu’on institue dans les écoles publiques des cours de lecture des journaux. Proposition t
743 ne sert qu’à préparer des lecteurs aux journaux, dans quatre-vingt-dix cas sur cent.   Rôle suspect des commentateurs. — O
744 u : 350 seulement. J’ouvre une autre publication, dans laquelle M. Pierre André conteste l’exactitude du chiffre de « 800 »
745 l’attention de la seule chose qui nous intéresse dans la politique d’aujourd’hui : les scandales qui déchirent notre France
746 ceux qui les cultivent se voient bientôt conduits dans un ordre d’action où ce n’est plus la dent dure mais la vision lucide
38 1958, Preuves, articles (1951–1968). Sur un patriotisme de la terre (mars 1958)
747 ra sombre de l’hélice. L’aluminium des ailes luit dans l’ombre, sur le fond de la plaine embrumée. Un léger balancement vien
748 ée. Un léger balancement vient de plonger l’avant dans l’illumination rose orangé des derniers rayons de soleil, et les bord
749 trecroisent au ras du sol, nous passons lentement dans la nuit des hauteurs, un feu vert, un feu rouge clignotant pour perso
750 n feu vert, un feu rouge clignotant pour personne dans le crépuscule désertique, point parmi des milliards d’autres points é
751 éphémères qui s’animent un instant et s’annulent dans ce recoin perdu de l’univers. Tout s’est tu dans notre cabine. Si l’a
752 dans ce recoin perdu de l’univers. Tout s’est tu dans notre cabine. Si l’avion continuait vers l’espace infini ? Tristesse
753 ue, fin du Sens. Déchirant amour de la Terre ! Dans cent ans « En 2057, l’humanité connaît déjà les merveilles de l’âg
754 e sont rendues sur Mars et sur Vénus. Les voyages dans la Lune sont devenus simple routine. De luxueux hôtels y ont été cons
755 y a douze ans69. Alors la Terre jouera peut-être dans le système solaire, pour commencer, le rôle joué par la Grèce dans l’
756 olaire, pour commencer, le rôle joué par la Grèce dans l’Empire romain, par l’Europe dans le Monde d’aujourd’hui. Cette prév
757 é par la Grèce dans l’Empire romain, par l’Europe dans le Monde d’aujourd’hui. Cette prévision est la plus optimiste. On me
758 ècle à venir. On le sent naître et balbutier déjà dans les romans de science-fiction, où la Terre, vue de loin, devient obje
759  » Dernière pudeur Notre Europe, dira-t-on, dans cette immense affaire, perd beaucoup de son importance. Oui, mais la
760 et que ces deux pays nous précéderont sans doute dans la Lune, puis sur Mars et Vénus : ils ont moins de pudeur à rompre ce
761 er en le portant à l’absurde ce qu’ils condamnent dans leur époque, ou au contraire à exalter ce qu’ils approuvent, en le fa
762 ter ce qu’ils approuvent, en le faisant triompher dans un Âge d’or rêvé. À la première classe appartiennent Swift, Butler, H
763 urgeon, c’est une métapsychologie qui s’institue, dans la terreur et la pitié. L’humanisme n’est plus cette chose molle qu’o
764 tion. Car la science a déjà devancé nos poètes. «  Dans cent ans, dit le professeur John Weird, nous pourrons modifier les ém
765 sur la communication verbale. Le savoir accumulé dans les “banques électroniques” sera peut-être transmis directement au sy
766 t guère de motifs d’en douter. Appréhension Dans l’univers du xxie siècle, quel sens auront encore nos écrits et nos
767 ue les modifications introduites par la technique dans le cadre de nos existences n’empêchent nullement la Bible et l’Odyssé
768 t fois plus intelligents, verront-ils autre chose dans nos œuvres que des erreurs maniaques, des fixations bizarres, des sen
769 musent nos petits-fils, comme on aime à retrouver dans son journal intime telle page ancienne, touchante, qui prévoyait le p
39 1958, Preuves, articles (1951–1968). Sur la prétendue décadence de l’Occident (avril 1958)
770 e crépuscules antiques. Beauté de Paestum enlisée dans les roses et la malaria. Préservons ces réduits pervers. Tous les siè
771 étaient mortellement menacées. Ainsi parle le Duc dans Mesure pour mesure : « Il reste à peine assez de vérité vivante pour
772 tous les jours. » La crise de l’Occident est déjà dans Virgile, le déclin de la foi dans les Pères de l’Église, la fin de l’
773 cident est déjà dans Virgile, le déclin de la foi dans les Pères de l’Église, la fin de l’Histoire dans Augustin, premier ph
774 dans les Pères de l’Église, la fin de l’Histoire dans Augustin, premier philosophe de l’Histoire, la décadence de la cheval
775 ophe de l’Histoire, la décadence de la chevalerie dans les romans qui fondent son prestige. Et combien de passions sont nées
776 renaissance religieuse est combien plus puissante dans nos diverses confessions que les modes littéraires qui occupent tant
777 rice d’un Maritain ou d’un Karl Barth, répercutée dans la pensée, les hiérarchies et les croyances d’Églises qui groupent da
778 érarchies et les croyances d’Églises qui groupent dans le monde entier des centaines de millions de fidèles. Frottez-vous bi
779 et combat sournoisement notre volonté de guérir, dans le temps même qu’il excite contre nous les peuples qui l’ont « attrap
780 lles universelles ? Nous exportons avec succès dans le monde entier nos machines, nos structures politiques et sociales,
781 ’énumérer ici. Il m’apparaît que l’Occident, seul dans le monde du xxe siècle, possède le droit, la volonté et les moyens d
782 pour chacun. Son idée de la personne en puissance dans tout homme, son idée de l’amour du prochain, son antiracisme foncier
783 igérer, d’intégrer, d’adapter et de réinterpréter dans une synthèse ouverte tout ce que l’homme d’autres temps et d’autres l
784 les ouvrent à l’aventure, au lieu de les enfermer dans l’apaisante horreur d’un Sacré hiératique ou cyclique. Quelle est l’a
40 1958, Preuves, articles (1951–1968). Sur un centre qui doit être partout (mai 1958)
785 défend Strasbourg. Le Luxembourg dit Luxembourg, dans l’espoir de garder la CECA. L’élite niçoise parle de Nice, et tous le
786 nous donnerait l’équivalent de Washington, D.C., dans notre siècle. Une ville neuve dans un terrain vague, vierge de tradit
787 hington, D.C., dans notre siècle. Une ville neuve dans un terrain vague, vierge de traditions locales. Avantage : le distric
788 est en lui. Les belles analyses de Mircea Eliade, dans son Traité d’histoire des religions, nous font saisir comment le symb
789 t de l’examen d’un grand nombre d’exemples puisés dans toutes les traditions de la Terre : « Chaque habitation, par le parad
790 ux. Sur le centre géométrique de l’humanité Dans le domaine du sacré tout est sens, mais dans la vie publique de notre
791 é Dans le domaine du sacré tout est sens, mais dans la vie publique de notre temps, on n’ose guère invoquer que des calcu
792 nations et nos désirs ; mais nous voulons trouver dans des faits mesurables les justifications de nos actes et conduites, et
793 ance, et qu’elles se tiennent, elles jouent alors dans notre âge scientifique le rôle que jouaient les « signes » et les has
794 ient les « signes » et les hasards pleins de sens dans les époques mieux averties des choses de l’âme. Illustrons ces deux a
795 tre géométrique de l’univers humain. On lira cela dans la savante étude du Dr J. Parker van Zandt, The Geography of World Ai
796 n 1944. Cependant, le professeur E. G. R. Taylor, dans sa brochure Geography of an Air Age, parue à Londres un an plus tard,
797 rme dès l’abord, tandis que tous ses concurrents, dans l’innocence de l’illusion rationaliste, croient indiqué de vanter seu
798 de Thoiry où Stresemann et Briand fraternisèrent dans une première ferveur européenne. Au sud‑ouest, en bordure de frontièr
799 umaines sont parties d’un grand rêve pour aboutir dans les bureaux ! C’est normal, ce n’est pas enchanteur. 70. Voir Pari
41 1958, Preuves, articles (1951–1968). Sur le régime fédéraliste (I) (août 1958)
800 lisme. Quatre problèmes urgents devraient trouver dans la nouvelle Constitution la formule de leur solution. Deux sont purem
801 emble français doit se mettre en mesure d’exercer dans une union européenne. Si différents qu’ils soient en apparence, les q
802 à la fois durables et compatibles entre elles que dans un système fédéral. On me demandera pourquoi et je répondrai d’abord
803 ais qu’il est bien typique qu’on ne le sente pas, dans un pays de traditions louis-quatorziennes et de réflexes jacobins. Vo
804 en quelques semaines qu’on peut espérer modifier dans une mesure utile pareil état d’esprit. Si la Constitution que l’on pr
805 e passe, ce sera que l’électeur n’y aura rien vu, dans l’ignorance où il est des premiers rudiments de l’attitude et de la p
806 onsiste à dire le vrai en temps et hors de temps, dans le secret espoir d’être saisi par quelques-uns, qui en feront un jour
807 s étonner de l’irréalité des querelles politiques dans ce pays de culture. Il se trouve aujourd’hui que le fédéralisme repré
808 entale. Ici, la contradiction n’est pas seulement dans les mots. Il s’agit de deux attitudes d’esprit inconciliables, dictan
809 ationaliste, tantôt fédéraliste. Qu’on vit tantôt dans le xixe siècle, tantôt dans le xxe . Que 2 et 2 font 4 ou 22 selon l
810 te. Qu’on vit tantôt dans le xixe siècle, tantôt dans le xxe . Que 2 et 2 font 4 ou 22 selon les jours. Que la schizophréni
811 nation-bloc, rigide et intégriste, s’intègre mal dans un ensemble fédéral conditionné par sa souplesse. Elle propose donc l
42 1958, Preuves, articles (1951–1968). Sur le régime fédéraliste (II) (septembre 1958)
812 , avec les formations qui se partagent le pouvoir dans les démocraties latines. Le fait qu’il y ait beaucoup de partis ne su
813 doctrines et idéologies qui sont leurs substituts dans notre monde laïque. Au niveau de l’intérêt, la lutte qui s’institue e
814 ande, par exemple, finit toujours par se résoudre dans le compromis concret qu’on nomme un prix. Mais deux religions, deux i
815 ématique et proclamé de tenir compte des réalités dans leur nouveauté intrinsèque et par rapport à certains intérêts bien ét
816 tivité abstraite, rhétorique, qui ne trouvait pas dans les réalités autant de problèmes à résoudre (après étude) mais autant
817 ministère ne représentait pas une politique : car dans ce cas elle l’eût aussitôt renversé. Elle ne voyait en lui que le der
818 ann intitulé Mario et le Magicien. Les partis dans une fédération Tout cela n’est pas imaginable dans un régime fédér
819 une fédération Tout cela n’est pas imaginable dans un régime fédéraliste, qui est politique et non politicien. Le Parlem
820 ui est politique et non politicien. Le Parlement, dans une fédération, tient toute son existence des États membres et de que
821 l’union est l’essence même du régime. Les partis dans une fédération étant bien moins des partis pris universels que des pa
822 le jour où l’on prendra le pouvoir. Au contraire, dans une fédération, un parti de doctrine générale se verrait condamné à r
823 ait condamné à rester faible, manquant de racines dans chaque région, tandis que les partis régionaux savent d’instinct qu’i
824 re ou cinq ans, j’interrogeais un député français dans les couloirs de l’assemblée, pendant que celle-ci tentait de rédiger
825 é, s’abandonne au médecin paternel — image du Roi dans l’inconscient — qui l’envoie d’un ton ferme et gentil se détendre les
826 oût, le débat se déchaîne, comme je l’avais prévu dans ma chronique du mois dernier, sur la question de la fédération ou de
827 rt des constitutions ont été rédigées et adoptées dans la confusion générale, mais ne préjugeaient pas de l’avenir du régime
43 1958, Preuves, articles (1951–1968). Sur le vocabulaire politique des Français (novembre 1958)
828 r une sérieuse révision du vocabulaire politique, dans ses termes fondamentaux. Par exemple, on peut accorder le sens tradit
829 font croire les étymologies : je n’en jugerai pas dans cette chronique. Je voudrais seulement signaler des difficultés séman
830 es » par opposition aux « deux-cents familles » : dans tous les cas, c’était le grand nombre. L’appel au peuple, procédé dém
831 e coupé, sont les électeurs communistes, soutenus dans le cas présent par quelques radicaux et quelques groupes d’intellectu
832 inutile et incertain. — L’usage du mot démocratie dans nos discussions politiques signale presque toujours l’apparition de l
833 eté à un seul homme au lieu de 596, on peut dire, dans ce cas, ou bien que la dictature ainsi plébiscitée est démocratique,
834 t se dire démocratiques. Mais que se passerait-il dans le cas, fort improbable, où l’on renoncerait à invoquer ce terme, qui
835 puis 150 ans, la sagesse des pères se prolongeant dans celle des fils, et le plébiscite de 1852 dans celui de 1958 ? Sûremen
836 ant dans celle des fils, et le plébiscite de 1852 dans celui de 1958 ? Sûrement non. Penserait-il qu’une nation « adulte » n
837 de la Quatrième, et j’en passe, n’apparaît guère dans son ensemble plus « adulte » que la Nouvelle Vague. La phrase citée n
838 Je ne crois pas en Dieu, insiste Sartre — mais si dans ce plébiscite je devrais choisir entre Lui et le prétendant actuel, j
839 ais — entre Dieu et le Général ; mais elle échoue dans un sophisme. En effet, si Sartre préfère Dieu au Général, c’est qu’il
840 ir : il sera donc dictateur absolu. Tout pouvoir, dans un monde sans Dieu, devient fatalement abusif. En fait, de Gaulle éta
841 re des âmes et des réflexes. En d’autres termes : dans le monde sans Dieu d’un Sartre, de Gaulle doit nécessairement apparaî
842 tre comme le Tyran sans frein ni loi — tandis que dans le monde où Dieu existe, qui est celui du général de Gaulle, la tyran
843 rvivant aux pouvoirs réels de l’Église catholique dans ce pays. On observe en effet que les monarchies sacrées, fondées sur
844 ondées sur le rite catholique, ont été renversées dans toute l’Europe par un anticléricalisme intransigeant. En revanche, le
845 nde-Bretagne, calviniste en Hollande, luthérienne dans les trois pays scandinaves, la monarchie paraît s’accommoder d’un sen
846 progressiste à cet égard.) C’est que la royauté, dans ces nations, n’est plus sacrée mais respectable et respectée. Elle ne
847 général de Gaulle n’est-il pas celui d’instaurer dans une France anticléricale et catholique un type de monarchie qui, jusq
44 1959, Preuves, articles (1951–1968). Nouvelles métamorphoses de Tristan (février 1959)
848 les meilleures œuvres qu’on est convenu de ranger dans ce genre littéraire, mais, indépendamment de leur qualité d’art, de l
849 Point de passion concevable ou déclarée en fait, dans un monde où tout est permis. Car la passion suppose toujours, entre l
850 ins de la narration et de la rhétorique du récit. Dans une société comme la nôtre, l’amour-passion peut-il encore trouver de
851 tout distingue les trois œuvres que je considère dans ces pages. Et l’on ne sent que trop les bonnes et graves raisons que
852 ur seule commune mesure. Je ne m’attacherai donc, dans ces trois œuvres, qu’à l’apparition de Tristan, dictant impérieusemen
853 u’il découvre et décrit ainsi mieux que personne, dans le même temps qu’il se voit rejeté par le milieu social, ses lois et
854 commet un crime de dément et meurt ivre d’amour, dans sa prison, après avoir écrit ce livre posthume. Robert Musil. — J’ai
855 t la livrer à la guerre, puis à pire. Je l’ai dit dans un vaste roman dont le personnage central, Ulrich von X., qui me ress
856 prochain qu’il parvienne à aimer comme lui-même, dans sa patrie. Mais ce prochain est « interdit » par la morale. Aimant sa
857 n, le suppliant de me laisser vivre encore un peu dans le voisinage de celle qui doit me rejeter, car loin d’elle ma vie n’a
858 taine, vivant depuis peu en Amérique, la découvre dans une petite ville où il prend ses vacances. Coup de foudre. Intrigue d
859 ntôt, renversée par une auto. H. H. emmène Lolita dans un hôtel à l’enseigne des Chasseurs enchantés. Il lui fait boire un s
860 er et de l’accentuer, soit en accablant son héros dans une préface d’ailleurs attribuée à un psychiatre américain, soit, d’u
861 res à la nature ? On les voit largement pratiqués dans le monde animal et dans la grande majorité des sociétés humaines conn
862 voit largement pratiqués dans le monde animal et dans la grande majorité des sociétés humaines connues, les classes bourgeo
863 it dire à son héros : « Mon sort a été de grandir dans une civilisation qui autorise un homme de 25 ans à courtiser une fill
864 on. Ainsi, la mère du héros meurt très tôt (comme dans Tristan), mais voici le ton du récit : « Ma très photogénique mère mo
865 ton du récit : « Ma très photogénique mère mourut dans un accident capricieux (pique-nique, éclair) quand j’avais 3 ans. » (
866 et grave mélodie » qui marque la mort de la mère dans Tristan !) Le nom de l’hôtel où se passe la nuit de la séduction, les
867 isiblement l’état de transe de la scène des aveux dans Tristan, mais toute la description du lieu vise précisément à le dése
868 récit de l’erreur « fatale » de Brangien.) Comme dans Tristan, il est vrai, la polémique contre le mariage au nom de l’amou
869 nom de l’amour-passion anime tout le récit. Comme dans Tristan, l’on sent que l’auteur n’est pas intéressé par le côté sexue
870 ent par la magie de l’Éros, et il le dit75. Comme dans Tristan, « les amants fuient le monde et lui, eux ». Enfin, comme dan
871 mants fuient le monde et lui, eux ». Enfin, comme dans Tristan, ils meurent à peu de temps l’un de l’autre, séparés. Mais le
872 is leur mort est aussi sordide que fut grandiose, dans les versions du xiie siècle et dans Wagner, la Mort des Amants légen
873 t grandiose, dans les versions du xiie siècle et dans Wagner, la Mort des Amants légendaires. C’est qu’en réalité, H. H. et
874 c’est précisément ainsi que les choses se passent dans le grand livre de Musil, comme on le verra tout à l’heure. Mais l’abs
875 seul… Et j’ai quelque scrupule à le faire figurer dans un contexte qu’il dépasse, d’autant plus qu’il s’agit ici d’aborder s
876 ue Musil a décrit cette disposition para-mystique dans un langage plein de correspondances avec celui de mes analyses du Myt
877 sans trop savoir pourquoi, ce souvenir : C’était dans un tramway. Une petite fille monta, elle avait peut-être 12 ans, en c
878 descendu derrière la fillette, et je l’ai perdue dans la foule… — Comment accordes-tu cela, dit Agathe, avec le fait que l’
879 agerait la créature désarmée et inachevée encore, dans des histoires pour quoi elle n’est pas faite. Il devrait faire abstra
880 el ! Je renonce à souligner les mots révélateurs dans le contexte de notre analyse : tout y passerait ! Non seulement ces d
881 ment passionné d’amour ! L’expérience impossible dans laquelle s’engage Ulrich se présente d’abord à sa méditation sous la
882 el rococo qu’il possède au milieu d’un beau parc, dans Vienne. Souvent, même dans les années où Ulrich avait cherché sa voi
883 ilieu d’un beau parc, dans Vienne. Souvent, même dans les années où Ulrich avait cherché sa voie seul et non sans insolence
884 blement, des phénomènes analogues sont fréquents. Dans plus d’une existence, la sœur imaginaire n’est que la forme juvénile,
885 ts normaux, supérieurement intelligents, intégrés dans la vie sociale d’une capitale européenne mais irrités par son insigni
886 es composent un philtre d’une efficacité inégalée dans la littérature contemporaine. Ce n’est pas René et ce n’est pas Byron
887 bonne dose d’aversion pour la société… Et Musil, dans une note pour l’un des chapitres non terminés, ajoute : L’homme qui
888 près de se détacher d’eux et les unissaient déjà dans leur imagination, comme la tempête, devant les vagues, cravache un vo
889 qui a provoqué la passion, et qu’on peut prendre dans ses bras, alors que ce qu’on aime réellement c’est la personne provoq
890 rsonne irréelle ? — Là est le nœud de l’affaire : dans tous les rapports extérieurs, la personne réelle doit représenter la
891 stence autonome… on en retrouve des traces jusque dans les circonstances les plus banales de l’amour : dans l’attrait lié à
892 s les circonstances les plus banales de l’amour : dans l’attrait lié à tout changement, à tout travesti, comme dans l’import
893 ait lié à tout changement, à tout travesti, comme dans l’importance de l’unisson et de la répétition de soi dans l’autre… Le
894 mportance de l’unisson et de la répétition de soi dans l’autre… Les grandes, les implacables passions amoureuses sont toutes
895 d’un autre. D’où l’illusion que le Moi s’abolit dans cette Nuit de l’indistinction que chante le deuxième acte de Tristan 
896 naissance de l’esprit, celle que l’homme connaît dans l’invention d’une pensée… Dans ces nuits-là, le Moi ne retient rien e
897 ue l’homme connaît dans l’invention d’une pensée… Dans ces nuits-là, le Moi ne retient rien en lui-même… le Soi-même exalté
898 ient rien en lui-même… le Soi-même exalté rayonne dans un oubli infini de soi-même… Mais Agathe dit un peu plus tard : Pou
899 us sépare ? Mais ici, le roman de Musil s’engage dans deux Voies divergentes : il nous en reste des fragments inégalement p
900 œur cèdent à leur amour, réfugiés sans passeports dans une île de l’Adriatique. Notes de Musil, pour un chapitre intitulé Le
901 x amants qui, l’instant d’après, se précipiteront dans le vide. Ils se précipitèrent. Et le vide les porta. L’instant demeur
902 percevaient plus aucune séparation, ni en eux ni dans les choses, ils ne formaient plus qu’un seul être. Mais cet accompli
903 t plus qu’un seul être. Mais cet accomplissement dans l’Île, symbolique de l’abolition du social, dévoile l’échec fondament
904 peut être fait de défi. Il faut qu’il soit inséré dans une société. Il n’est pas un contenu de vie, mais une négation, une e
905 spose ici l’épisode des amants légendaires bannis dans la forêt du Morois : le philtre ayant cessé d’agir après trois ans, i
906 s droits, l’expérience de l’amour interdit échoue dans la réalité, et le Roman dans l’analyse psychologique la plus banale e
907 mour interdit échoue dans la réalité, et le Roman dans l’analyse psychologique la plus banale et déprimante. C’est pourquoi
908 à, conforme à la logique du Mythe, pour s’engager dans la voie difficile d’une recherche de l’amour mystique : c’est ce qu’i
909 versation entre le frère et la sœur qui s’aiment, dans leur jardin où choit sans fin du haut des arbres sur le vert assombri
910 odyssée spirituelle. Mais cette présence heureuse dans l’amour partagé n’évoque-t-elle pas aussi un mystère plus prochain, u
911 sûr — d’un amour trop réel pour oser dire son nom dans un roman ? L’amour heureux n’a pas d’histoire, chacun sait cela depui
912 nak Il résulte d’une enquête récente, conduite dans le public américain, que les préférences du grand nombre vont aux rom
913 la société qui écrase le personnage central. Or, dans la liste des best-sellers américains, ces deux romans se disputent de
914 motifs accidentels et différents, scandale moral dans le cas de Lolita, manifestation politique dans le cas du Docteur Jiva
915 al dans le cas de Lolita, manifestation politique dans le cas du Docteur Jivago. Mais cela n’explique pas tout, même si c’es
916 ù l’amour-passion est exclu. Or je vois triompher dans ce même public deux romans de l’amour-passion. Dira-t-on qu’il s’agit
917 us, pour des raisons, d’ailleurs, qui ne sont pas dans ce livre, plus d’un lecteur sera sincèrement choqué de m’en voir parl
918 hèse va plus loin : c’est « l’affaire Pasternak » dans son ensemble, j’entends le drame entre l’auteur, le peuple russe et l
919 ur, le peuple russe et le régime, drame préfiguré dans le roman lui-même, que j’interprète comme une affaire d’amour-passion
920 er comme un hommage rendu à son libéralisme, voie dans ce geste une offense à son autorité. Normal enfin que le syndicat des
921 x confrère en le couvrant d’insultes officielles. Dans le concert mondial qui s’ensuit, hommages en Occident, outrages en UR
922 ix, il est prêt à renier ce qui déplaît au régime dans son livre, pourvu qu’on le laisse, lui, Pasternak, en communion avec
923 se. Si maintenant il les approuve afin de rentrer dans la faveur publique, n’est-ce pas lui qui trahit le peuple ? Ce serait
924 : — Tout se passe comme si cet homme était retenu dans son pays par une passion secrète et sans doute interdite ; comme s’il
925 l’objet de son amour, dût-il vivre auprès de lui dans un silence humilié et sans espoir. Mais quelle peut être la nature de
926 le la nostalgie du docteur Jivago, qu’elle soigne dans un hôpital, mais elle épouse un révolutionnaire et disparaît. Jivago
927 a guerre civile. Finalement, le hasard les réunit dans une maison perdue au fond des bois où Jivago se cache, traqué par la
928 s’occupait de son ménage, puis la quitte et meurt dans la foule. Inexplicablement reparue à cette heure, Lara vient pleurer
929 omme qui symbolise le Pouvoir régnant, — la fuite dans la forêt, le second mariage, la dernière réunion des amants dans la m
930 le second mariage, la dernière réunion des amants dans la mort… Il n’y a qu’un seul roman dans nos littératures ! Une seule
931 es amants dans la mort… Il n’y a qu’un seul roman dans nos littératures ! Une seule passion dictant les mêmes péripéties dan
932  ! Une seule passion dictant les mêmes péripéties dans tous les temps depuis Tristan, depuis l’épiphanie grandiose et décisi
933 ée du Tristan de Wagner. Jivago s’adresse à Lara, dans leur retraite forestière : … Disons adieu à nos espoirs, disons-nous
934 er un nom au sortilège lumineux que tu avais jeté dans mon âme, à ce rayon qui, peu à peu, s’obscurcissait, à cette musique
935 ers rayons. C’est cette image qui lui fait voir «  dans la nature, dans le couchant, dans tout le monde visible le visage imm
936 t cette image qui lui fait voir « dans la nature, dans le couchant, dans tout le monde visible le visage immense et innocent
937 lui fait voir « dans la nature, dans le couchant, dans tout le monde visible le visage immense et innocent d’une petite fill
938 d’un paysage de l’âme, ou d’une femme ?) se fond dans une identité lyrique : Au fait, qu’était-elle donc pour lui ? Oh ! à
939 arée, tout s’éclaire de ce qui vient de se passer dans la vie de Boris Pasternak. Sa lettre au Maître du Kremlin, nous en li
940 e du Kremlin, nous en lisons les termes anticipés dans la scène où Komarovski (l’intrigant qui a su détourner à son profit l
941 ent la vie sociale. D’où la présence continuelle, dans nos trois romans tristaniens, de la Société et de ses conventions ; d
942 coup plus absolu : l’état de passion. J’ai montré dans L’Amour et l’Occident comment cet état préexiste à tout objet déter
943 en soi, plutôt qu’Iseut l’inaccessible. Cet état dans lequel les vrais amants, poètes, mystiques et créateurs, voudraient s
944 ndicible. Tantôt, il plonge ceux qui le subissent dans un mutisme gémissant, tantôt il les excite à une loquacité intarissab
945 d en rêve, et n’existe peut-être jamais mieux que dans l’élan lyrique de son récit. Lié plus que tout autre à la littérature
946 fauteur. La liberté sexuelle des très jeunes gens dans l’Amérique contemporaine, certaines modes littéraires de l’époque 190
947 900, permettent à un Nabokov, à un Musil, d’aller dans leurs romans jusqu’au point périlleux où le scandale reste efficace t
948 la censure hésite. Le Roman de Tristan n’apparut dans l’histoire qu’au temps où la réforme grégorienne et les abus qu’elle
949 entrevoir un genre nouveau, qui pourrait intégrer dans la littérature les démarches de la science et de la psychologie les p
950 C’est que la nature des obstacles diffère du tout dans les deux cas. Politique et sociale en URSS, donc extérieure, plus pri
951 , elle ne met pas en jeu les mêmes ressources que dans une société plus libérale ou relâchée, ou décadente : là, l’obstacle
952 alitarisme soviétique et le conformisme des mœurs dans les démocraties de l’Occident ne sont plus défendus sans scrupules pa
953 nte ? 72. On sait que Musil est mort à Genève, dans la misère, en 1942. 73. Toute cette partie « géographique » du livre
954 la Suède. 74. D’une manière implicite ou voilée dans Béroul et Thomas, explicite et agressive dans Gottfried de Strasbourg
955 lée dans Béroul et Thomas, explicite et agressive dans Gottfried de Strasbourg, dont s’inspira Wagner. 75. « Je ne suis nul
45 1959, Preuves, articles (1951–1968). Sur une phrase du « Bloc-notes » (mars 1959)
956 jeunesse allemande a oublié les Camps, en déduit dans l’Express que les « Européens » sont insondablement naïfs, ou hypocri
957 mment vous expliquer qu’il y a dix fautes par mot dans cette page malheureuse ? Erreur sur l’Allemagne, erreur sur la France
958 els français, erreur sur l’Europe et sa situation dans le monde présent, erreur sur les motifs des « Européens », erreur sur
959 gez qu’on n’enseigne pas l’histoire toute récente dans les écoles. J’ai dû expliquer l’autre jour encore à une jeune Françai
960 e Gaulle n’est pas un dictateur et je l’encourage dans cette idée, tout en le poussant à étudier la biographie de feu Stalin
961 ré ce je ne sais quoi d’anachronique, un peu 1913 dans le ton. Mais en 1959, quel bonheur de pouvoir vous rappeler que la Fr
962 et l’Allemagne reposent leur « problème éternel » dans les termes où vous le faites encore. Ce premier objectif est atteint.
963 rgi : celui du rôle et de la fonction de l’Europe dans le monde du xxe siècle, à l’échelle planétaire. Le réveil de l’Afriq
964 la tutelle américaine : tel est le cadre mondial dans lequel les « Européens » ont la naïveté de situer leur continent, et
965 uivi la prise du pouvoir par Fidel Castro. Je lis dans l’un d’entre eux le récit des dernières heures d’un partisan de Batis
966 n sait que la bonne conscience du journaliste est dans les chiffres : en voici quelques-uns. Trois bulldozers ont ouvert une
967 on en vienne à « transmettre » un massacre jusque dans les foyers les plus paisibles. Mais à l’instant précis où se croisent
46 1959, Preuves, articles (1951–1968). Rudolf Kassner et la grandeur (juin 1959)
968 mble de sa gloire secrète. Qui l’a mis à son rang dans notre siècle ? Les meilleurs, certes, mais presque seuls : Valéry, Gi
969 ntre eux, si l’on songe à ce dont parle la presse dans ses rubriques dites « littéraires ». Première approche de l’œuvre
970 Ces premiers textes de Kassner, lus en français dans une précieuse et simple traduction79, lorsque j’essaie de me remémore
971 ssionnément originale. Et je tentais de décrire — dans le premier article, je crois bien, publié en France sur Kassner80 —
972 mes de cette prose et son autorité. J’écrivais : Dans la mesure même où Kassner se montre disciple de Kierkegaard, sa pensé
973 rets plutôt que sur des formules explicites. Même dans son essai le plus discursif, relativement, celui qui donne son titre
974 au contraire, l’homme qui doit être surpassé, vit dans la démesure, et lorsqu’il « veut prendre mesure de lui-même, il se se
975 ndons que, pour lui, penser n’est pas se débattre dans ses contradictions personnelles, parlementarisme intérieur qui nous m
976 t son être spirituel des faits nouveaux et vrais, dans un certain style. Car il n’est point de vérité sans forme. Quelques p
977 dolf Kassner se garde bien de poser les problèmes dans nos catégories psychologiques. Il prend tout par des biais qui nous s
978 e ne saurait être comprise à moins d’être recréée dans sa forme — ce dont certaine clarté dispense le lecteur. On pourrait d
979 il réfute ses adversaires — Freud en particulier, dans Christ et l’Âme du monde — mais bien plutôt qu’à force d’approfondir
980 les ruine intérieurement ; ou encore les dissout dans une réalité plus absolue. Telle est la forme des dialogues où culmine
981 rande lecture. Ainsi s’opposent et se comparent, dans ses dialogues, mesure antique et démesure moderne, ou les grandes int
982 zen qu’à Lamartine ou même à Rilke, reconnaîtront dans les dialogues et les paraboles de Kassner son irréfutable présence.
983 s lui avaient ménagé une assez plaisante retraite dans le bourg de Sierre en Valais, non loin de cette tour de Muzot où Rilk
984 elation de maître à disciple qui avait été réelle dans mon esprit seulement et qui ne pouvait ni ne devait l’être autrement,
985 rnier propose une réponse erronée. (Ainsi fait-on dans les couvents bouddhistes du Japon.)82 Et justement Kassner serrait de
986 apon.)82 Et justement Kassner serrait deux cannes dans ses énormes mains d’infirme — paralysé des jambes dès le berceau — ma
987 sur Kassner cela surtout qu’il a si bien su taire dans toute son œuvre : cette manière discrètement ascétique, ou pour mieux
988 eur physique et de refuser que ce malheur l’isole dans la seule profondeur de sa vision83. D’où sa curiosité avide et amusée
989 n, qu’il avait bien connus lui-même ou rencontrés dans ses voyages innombrables en Europe, en Russie, en Inde. Il ne cessait
990 Cette collection de types de notre siècle puisait dans l’Europe de naguère — surtout viennoise — ses éléments anecdotiques o
991 s grands temples de l’Inde. Je relève encore ceci dans ses Propos, confirmant les souvenirs que je viens d’interpréter : « L
992 e débat inépuisable — et sans doute trouvera-t-on dans ses papiers posthumes bien d’autres notes qui s’y rapportent. L’essai
993 r le sacrifice », phrase dont Rilke lui avait dit dans une lettre qu’il la sentait « écrite pour lui, et contre lui ». Il su
994 du zen, qui n’est resté qu’un nom pour lui. Mais dans le recueil d’hommages publié pour ses 80 ans (le Gedenkbuch déjà cité
995 et sa propre pensée l’a frappé : Cela resta fixé dans ma mémoire, écrit-il, me tint alerté… jusqu’à ce que, peu de temps ap
996 ressentais maintenant ce que le zen signifiait et dans quel rapport il pouvait être avec mon œuvre, qui comptait à ce moment
997 ugle qui l’atteint, qui, sans le voir, l’atteint. Dans les deux cas, il s’agit du concept, de l’idée et de l’existence de l’
998 s de Rougemont a raison ; il y a du zen, en fait, dans tous mes écrits, à commencer par cette « Morale de la musique » qui a
999 ui aujourd’hui, à cause de cela, remonte vers moi dans mon grand âge, sous un aspect nouveau et rajeuni. Kassner rappelle a
1000 de la musique comme absorption totale du contenu dans la forme, où il voit un équivalent de l’unité du Tout et du Rien, mai
1001 l’esprit que cette Einbildungskraft 87, qui joue dans toute son œuvre un rôle aussi fondamental que la libido chez un Freud
1002 d’une doctrine ou d’un système ; mais peut-être, dans certains de ses livres, a-t-il jeté un pont, une arche par-dessus con
1003 mouvement de pensée de ses Dialogues et Paraboles dans ces paroles d’un maître zen sur le tir à l’arc : Celui qui est capab
1004 le) et sans flèche (poil), ce dernier est Maître, dans l’acception la plus élevée du terme, Maître de l’art sans art, mieux,
1005 mmobile, danse sans danse, le tir à l’arc se fond dans le zen. Mais voici le plus remarquable. Il semble que Kassner ne se
1006 ner ne se soit pas souvenu d’avoir écrit lui-même dans ses Proverbes du yogi 89 les phrases suivantes : Quand je décoche un
1007 coche une flèche, le but que je vise est toujours dans le fini. Le point où tombe la flèche, c’est le fini (sans limites). À
1008 erté) ; le but deviendra le sens. Mais la flèche, dans ce cas, c’est l’homme.90 Relisons maintenant Herrigel, ce philosoph
1009 que, à l’infini, où se rejoignent d’un seul coup, dans l’illumination de la vision (dirait Kassner) du satori (disent les bo
1010 is d’une vision particulière que j’eus de lui, et dans laquelle il semble bien qu’il se soit finalement reconnu. J’ai dit qu
1011 n, tension et sacrifice, incarnation de la Parole dans l’histoire. Maintenant, comment passer de cette réalité qui est liber
1012 yle et son mouvement, essentiellement paradoxaux, dans l’espoir d’alerter quelques esprits, curieux d’une grandeur authentiq
1013 n. Les pensées que ces quatre boutons éveillaient dans l’esprit de l’oncle Hammond étaient absolument originales et ne taris
1014 Hammond pouvait, à partir de ces boutons, penser dans toutes les directions, jusqu’à Dieu ; il fallait donc considérer comm
1015 84. Le Livre du souvenir, p. 161. 85. Recueilli dans Geistige Welten, Ullstein, 1958. 86. Ce parallèle est déjà indiqué d
1016 llstein, 1958. 86. Ce parallèle est déjà indiqué dans les Propos recueillis par Kensik (Gedenkbuch, 1954) où je lis à propo
1017 l’idée de foi ?… » Je développais cette même idée dans mon essai sur Kierkegaard et Hamlet, deux princes danois, paru dans P
1018 Kierkegaard et Hamlet, deux princes danois, paru dans Preuves et Der Monat peu de mois avant. 87. Il serait absolument in
1019 st là qu’on trouvera la scène du Maître qui tire, dans l’obscurité, une première flèche au centre de la cible, puis une seco
1020 dha. » 89. « Aus den Sätzen des Ioghi », publiés dans le recueil intitulé Umgang der Jahre (Commerce des Ans), E. Rentsch,
1021 90. Traduction française par Geneviève Bianquis dans Évocations et paraboles, Plon, Paris, 1956. 91. Kassner joue à plusi
1022 it (unité tout-embrassante). 92. « La chimère », dans Les Éléments de la grandeur humaine. az. Rougemont Denis de, « Rudo
47 1959, Preuves, articles (1951–1968). Sur un chassé-croisé d’idéaux et de faits (novembre 1959)
1023 il se haussait vers lui et souhaitait le dépasser dans son sens. Voilà qui est clair et naturel. Khrouchtchev, au contraire,
1024 es utilisés par le « chef du communisme mondial » dans son fameux article de Foreign Affairs. Mais alors, comment expliquer
1025 de tels résultats que l’Union soviétique, qui est dans le sens de l’Histoire, doive aujourd’hui se donner pour but de le rat
1026 -dessus Américains et Russes.   Deux articles. —  Dans le numéro d’octobre de Foreign Affairs, K. publiait un long article q
1027 gèrent insolent, mais que je crois sincère jusque dans ses sophismes. Il exprime un ardent désir de faire accepter la doctri
1028 rxisme. Le « communisme » est mentionné cent fois dans cet article, son triomphe est donné pour fatal, mais on chercherait e
1029 sse… du droit de l’homme à créer en toute liberté dans l’intérêt du peuple. » À ce niveau d’idéal, il est clair qu’aucune co
1030 de part et d’autre, renoncer à toute interférence dans les affaires intérieures du voisin, s’en remettre à la « compétition
1031 e de notre société, c’est que nous ne sommes unis dans la poursuite d’aucun objectif fondamental… Nous parlons de nous-mêmes
1032 ue avant tout une société orientée vers un but et dans laquelle l’énergie des citoyens est dirigée vers la réalisation de ce
1033 s en réalité. Je ne vois guère moins de sophisme dans cet argument que dans ceux de K. ; guère plus de justification au déf
1034 ois guère moins de sophisme dans cet argument que dans ceux de K. ; guère plus de justification au défaitisme occidental qu’
1035 hui à « faire mieux » que vous et à vous dépasser dans votre sens ? Puisque leur grande idée, c’était hier la vôtre, mais vo
1036 s de votre continent — quand ils auront « gagné » dans cette compétition — la grande idée que vous proposera M. Lippmann pou
1037   Le grand chassé-croisé du siècle. — L’entrevue dans la ferme de Camp David symbolise au mieux la portée de ce voyage fabu
1038 es sont destinés à se ressembler de plus en plus, dans toute la mesure où ils se rapprocheront de leurs buts, dans la mesure
1039 la mesure où ils se rapprocheront de leurs buts, dans la mesure donc où l’URSS rattrapera l’Amérique. (J’entends bien sur c
1040 l’Amérique. (J’entends bien sur cette Terre, non dans la Lune.)   Les grandes masses se dessinent. — Le voyage de Khroucht
1041 le ne révélerait qu’un léger gain pour l’Occident dans l’affaire de Berlin, désamorcée.) Aux yeux des peuples du monde entie
1042 hine, sans cesse nommées, numérotées et comparées dans les discours de Khrouchtchev, sont apparues comme les seules réalités
1043 ur effets de situer la Russie au centre du monde, dans une position d’arbitrage décisive — et d’empêcher accessoirement qu’o
1044 n monde né de ses œuvres. J’enchaînerai là-dessus dans mes prochaines chroniques. ba. Rougemont Denis de, « Sur un chassé
48 1960, Preuves, articles (1951–1968). Sur la détente et les intellectuels (mars 1960)
1045 er d’une manière détendue que ma seule intention, dans cette chronique, est d’essayer de comprendre un problème très confus
1046 959, on prêche toujours âprement la guerre froide dans les pages de Preuves  ». « Cette revue essaie de prouver que la coex
1047 haude, et que c’est là l’ordre naturel des choses dans lequel l’humanité doit vivre. Anachronisme monstrueux et stupide, etc
1048 vivre. Anachronisme monstrueux et stupide, etc. » Dans une interview accordée au journal communisant Pease Sera (Rome), Guid
1049 intellectuels italiens, d’exercer notre influence dans la vie publique afin que la guerre froide cesse à l’intérieur du pays
1050 vivre à la détente. À l’inverse, Alberto Moravia, dans les vœux du Nouvel An qu’il adresse à un hebdomadaire parisien, souha
1051 souhaite « la paix entre les peuples et la guerre dans la littérature ». Ehrenbourg, lui, est pour la paix dans la littératu
1052 littérature ». Ehrenbourg, lui, est pour la paix dans la littérature aussi : « Je tiens à affirmer ma profonde conviction q
1053 Au reste, on n’a pas oublié l’avertissement de K. dans son fameux article de la revue Foreign Affairs : la politique de coex
1054 et simples ce qu’étaient ces données auparavant, dans l’espoir de mieux distinguer ce qu’elles pourraient être désormais.  
1055 gatoire. Aragon me traitait publiquement d’aliéné dans une conférence en Sorbonne, L’Humanité donnait ma caricature en SS, j
1056 nt parce qu’à nos yeux, la vocation de l’écrivain dans la cité ne pouvait être interprétée un seul instant dans leur langage
1057 cité ne pouvait être interprétée un seul instant dans leur langage et leurs catégories. Pour eux, s’écriait alors Guido Pio
1058 Guido Piovene93, « l’homme de culture a sa place dans la cité comme instrument d’une politique, comme moyen pour obtenir la
1059 e chose et de faire penser à autre chose. » C’est dans la seule mesure où nous refusions le mensonge en service commandé pou
1060 te quel système, fût-il celui de nos États, c’est dans cette mesure-là que nous étions des « antis ». Au reste, nous pension
1061 a détente ? Une seule chose, notable il est vrai, dans le camp russe : cette phrase de l’article de K. publié par Foreign Af
1062 té. Aujourd’hui l’URSS accepte de séparer la paix dans la pratique politique et la guerre dans le domaine des idées. Nous so
1063 r la paix dans la pratique politique et la guerre dans le domaine des idées. Nous sommes d’accord : c’était notre attitude.
1064 raison que de plaisir. Sa conception de la lutte dans le domaine des idées consiste en somme à nous demander une reddition
1065 ique, à l’en croire, cesse de s’opposer à la paix dans la mesure où elle cesse d’être une lutte. Ehrenbourg est pour les éch
1066 de faux Occidentaux… Cette faiblesse congénitale dans l’attitude des communistes russes mal ressuyés du stalinisme, cette t
1067 de libre échange. C’est fatal, c’est inscrit non dans le « sens de l’histoire », pieux mensonge à l’usage des victimes d’un
1068 mensonge à l’usage des victimes d’un tyran, mais dans les lois de la lutte des fils contre les pères. Et l’oncle subversif,
49 1960, Preuves, articles (1951–1968). Les incidences du progrès sur les libertés (août 1960)
1069 rai, puisqu’il a tenu des réunions successivement dans plus de vingt-cinq pays sur les cinq continents — mais voici le point
1070 roblèmes que pose, à cette génération, le progrès dans la liberté. Car il est clair que ce problème numéro 1 de notre siècle
1071 ! Unissez vos intelligences, mais aussi vos cœurs dans la recherche des conditions d’un meilleur monde, d’un monde plus libr
1072 re le défaitisme fataliste qui préparait leur lit dans nos démocraties. Il nous fallait courir au plus pressé, secourir les
1073 morale où vivent (en Occident au moins autant que dans les pays techniquement non développés) des centaines de millions d’êt
1074 sens à leur vie individuelle. L’absence de sens, dans une vie, voilà ce qui ôte le goût de la liberté, voilà ce qui ruine l
1075 abord permettre à l’homme de se situer à sa place dans le monde, et dans un monde qu’il approuve et dont il comprend les sym
1076 l’homme de se situer à sa place dans le monde, et dans un monde qu’il approuve et dont il comprend les symboles. Mais la séc
1077 e se ridiculiser mutuellement, comme c’est le cas dans trop de nos vies, et retrouvent une commune mesure, un style commun.
1078 des cinq ou six cultures continentales qui vivent dans le monde d’aujourd’hui : leurs confrontations amicales les orientent,
1079 le même progrès technique, éducatif et culturel, dans les conditions différentes de l’Europe, de l’Afrique, de l’Asie, du P
1080 u Proche-Orient et des deux Amériques ; mais ceci dans la perspective qui nous est propre : celle des incidences du progrès
1081 s, et il est inutile d’insister sur ce fait, ici, dans ce Berlin où elle nous cerne de toutes parts. Mais nous refusons d’ac
1082 conduit à nos fins. Car la liberté se concrétise dans l’augmentation continuelle des possibilités, pour chaque homme, de co
1083 de compte le degré de liberté atteint par l’homme dans telle ou telle société. Mais c’est par la nature et par la qualité de
50 1961, Preuves, articles (1951–1968). Dialectique des mythes : Le carrefour fabuleux (I) (avril 1961)
1084 es : Le carrefour fabuleux (I) (avril 1961)bd Dans la forêt de Gribskov, il est un lieu nommé « le Coin des Huit Chemins
1085 de l’amour et leurs épiphanies les plus parfaites dans le lyrisme occidental. À la quête spirituelle d’une vision juste, ou
1086 ous suivrons tantôt cette allée de lumière frayée dans les hautes futaies par les rayons obliques de l’après-midi, tantôt ce
1087 on de Kierkegaard pour le Don Giovanni de Mozart. Dans le Journal de 1839, on lit déjà : D’une certaine façon, je puis dire
1088 . Enfin, c’est à Mozart, écrira-t-il plus tard — dans les Étapes — qu’il aura dû de n’avoir pas vécu sans aimer, « quoique
1089 thèse de Kierkegaard sur Don Juan rejoint Mozart dans sa génialité : elle réinvente la structure du drame comme par une cré
1090 condensé. Le christianisme, étant esprit, a posé dans le monde la sensualité. Parce qu’il l’excluait en principe, il l’a po
1091 m le moins matériel de l’idée : elle n’existe que dans le temps, dans une succession de moments, puis disparaît, contraireme
1092 riel de l’idée : elle n’existe que dans le temps, dans une succession de moments, puis disparaît, contrairement à l’œuvre pl
1093 prit, trouvera donc son « médium absolu » non pas dans la parole mais bien dans la musique ; et de même la musique trouvera
1094  médium absolu » non pas dans la parole mais bien dans la musique ; et de même la musique trouvera dans le génie sensuel son
1095 dans la musique ; et de même la musique trouvera dans le génie sensuel son « objet absolu » car « l’état d’âme sensuel est
1096 ’exprimer ». Si Don Juan représente le désir pur, dans sa génialité irrésistible et démoniaque, « déterminé par l’esprit com
1097 la surface de l’eau, il s’enfonce instantanément dans l’abîme du néant, après le dernier ricochet. Irresponsable comme tout
1098 llement fidèle. « L’amour psychique est existence dans le temps, l’amour sensuel disparition dans le temps »99, d’où vient q
1099 stence dans le temps, l’amour sensuel disparition dans le temps »99, d’où vient que la musique est son parfait médium. Pour
1100 r, intégralement manifesté en chaque détail comme dans le style et la structure de l’ensemble. On a pu varier les interpréta
1101 actère abstrait de l’idée, vivra éternellement et dans tous les temps ». En récrire un après Mozart équivaudrait à produire
1102 sont que passions déterminées par Don Juan, sont dans cette mesure même musicaux. « On peut arriver pendant la représentati
1103 rkegaard fut pourtant le contraire d’un Don Juan. Dans ses rapports avec son œuvre, son action publique, et sa vocation fina
1104 lique, et sa vocation finale, il fut Hamlet. Mais dans sa vie individuelle, dans son amour unique et longuement malheureux p
1105 le, il fut Hamlet. Mais dans sa vie individuelle, dans son amour unique et longuement malheureux pour Régine, il fut Tristan
1106 Régine, il fut Tristan. Cependant, je n’ai trouvé dans toute son œuvre que de rares allusions à l’Hamlet de Shakespeare, et
1107 malingre (« Qu’on me donne un corps ! », gémit-il dans son Journal) et qui pressent son génie d’écrivain et sa vocation reli
1108 suprême, unique et absolue, poétiquement absolue, dans le fait qu’il n’y a au monde qu’un seul être bien-aimé, et que cette
1109 monstrueux de sélection » ? L’amoureux passionné, dans son choix exclusif, n’est-il pas « un pantin dont quelque chose d’ine
1110 u’il le pourra, car c’est la femme qu’il aime, et dans chaque femme réelle, c’est ce qui veut être séduit et qui ne peut l’ê
1111 fois. Au contraire, le Mari qui prendra la parole dans la seconde partie des Étapes choisit d’aimer une seule femme et de l’
1112 , qui rend l’existence concrète. Par elle, la vie dans le mariage devient « la plénitude du temps » — ce temps qui toujours
1113 osophiques que la décision ne saurait être fondée dans l’argumentation. Rien d’étonnant si cet ouvrage ne convainc guère : K
1114 it, et qu’il va tenter d’expliquer, de justifier, dans tout le reste de son œuvre. Admettons que l’amour vrai soit la passio
1115 la passion unique et partagée. Pour être heureux, dans un mariage par exemple, cet amour devrait opérer le miracle de « fair
1116 dra par le détour de la théologie de Kierkegaard. Dans ses ouvrages religieux, il revient sans cesse sur « la différence qua
1117 ecte, voilée, rejoignant l’homme là où il existe, dans sa finitude, et lui parlant la langue qu’il entend. Mais alors le mes
1118 entend. Mais alors le message devient énigmatique dans la mesure même où il a su se rendre perceptible… Ce qui se passe entr
1119 structure analogue du possible et de l’impossible dans la communication. Il l’aime, elle l’aime, mais le secret qu’il porte
1120 n exceptionnelle) lui interdit d’entrer avec elle dans ce rapport de communication directe, égalisante, en quoi consiste à s
1121 ’est pas plutôt l’inverse, — ne correspond à rien dans notre perspective, et n’aiderait à déceler aucun sens vérifiable. En
1122 qu’une certaine structure dynamique : Kierkegaard dans sa vie et son œuvre indissociables ; et je vois qu’elle est disposée
1123 pas cela, celui qui décide n’a été rendu fini que dans sa réflexion, il n’a pas pris de vitesse l’inclination amoureuse, mai
1124 e marier ? Un tel soldat ose-t-il — ceci soit dit dans un sens spirituel — se marier, s’il doit jour et nuit se battre non p
1125 once autrement. Tout cela signifie donc que c’est dans un rapport négatif que la femme rend l’homme productif dans l’idéalit
1126 pport négatif que la femme rend l’homme productif dans l’idéalité. Ainsi comprise, la femme entraîne vers la hauteur. Cet a
1127 uteur. Cet amour qui « entraîne » et transfigure dans la mesure où il est par essence malheureux, ce n’est pas l’Éternel fé
1128 éminin mystique du Second Faust. C’est la passion dans son intransigeance et dans sa ruse avec l’Éros, avec la vie. Et c’est
1129 aust. C’est la passion dans son intransigeance et dans sa ruse avec l’Éros, avec la vie. Et c’est le mythe de Tristan qui re
1130 pensée de Kierkegaard. Or, voici ce qu’il en dit dans l’un de ses ouvrages les plus achevés, les Riens philosophiques 107 :
1131 enser. Et plus loin : Regardons ce qui se passe dans l’amour, quoiqu’il ne rende qu’imparfaitement la situation. L’égoïsme
1132 si l’amour, ainsi ces deux puissances s’entendent dans la passion de l’instant, et cette puissance est justement l’amour. C
1133 st d’abord une forme d’existence. Elle s’illustre dans les relations malheureuses — mais spirituellement créatrices — entre
1134 kegaard et Régine. Il n’a pu l’aimer que de loin, dans la perte, choisie par lui, de toute présence autre que nostalgique. (
1135 t il ajoute que lorsqu’il peut la dire « sienne » dans la solitude de son cœur, « c’est alors seulement que nous sommes unis
1136 re fois, ils se sont rencontrés, mais par hasard, dans la rue. Elle l’a salué, et il a répondu à son salut, mais ils n’ont p
1137 de la même année. Régine était au-delà des mers, dans une autre île. Que cette forme d’amour nostalgique et de possession p
1138 e possession par la perte transparaisse également dans la dialectique existentielle et dans la pensée proprement religieuse
1139 se également dans la dialectique existentielle et dans la pensée proprement religieuse de Kierkegaard, ce n’est pas ici le l
1140 le, parce qu’il touche au cœur même de mon sujet. Dans ses Œuvres de l’amour, Kierkegaard marque le contraste, apparemment i
1141 élective toujours égoïste et « charnelle », mais dans l’égalité de tous devant Dieu. On s’étonne : cet amour général, imper
1142 que la première mention de « l’Individu » figure dans la dédicace des Discours religieux de 1843, sous cette forme : « À l’
1143 est la signature de l’homme spirituel, distingué dans la foule anonyme, séquestré par sa vocation, mais en même temps relié
1144 a personne. Finalement, cet Individu s’exemplifie dans le destin, ou pour mieux dire la vocation exceptionnelle, de Søren Ki
1145 Comme pour le Mari des Étapes, qui voulait voir dans la synthèse d’une décision et d’une inclination le plus haut risque,
1146 s imaginer mariés. Un philosophe marié a sa place dans la comédie, telle est ma thèse : et Socrate, seule exception, le mali
1147 e cette thèse.110 « Marie-toi, ne te marie pas, dans les deux cas tu le regretteras », disait Socrate. « Celui qui se mari
1148 ève, à condition cependant qu’il ne l’épouse pas. Dans ses moments d’« équilibre doré » et d’évaluation créatrice de la mora
1149 incts : La civilisation d’un peuple se manifeste dans l’unité disciplinée des instincts de ce peuple : la philosophie maîtr
1150 re pour les Grecs que l’amour désintéressé ; mais dans l’esprit de Nietzsche, elle désigne déjà cette passion « noble » qui
1151 premier rang les valeurs d’art et l’enthousiasme dans la vénération, plutôt que la revendication d’une liberté des mœurs, q
1152 sexuel (éviter les occasions, implanter la règle dans l’instinct, créer le dégoût par la satiété, associer à l’instinct une
1153 d’un instinct est en dehors de notre puissance ». Dans le procès de maîtrise d’un instinct, « l’intellect n’est que l’instru
1154 ns maintenant les phases de leur grande polémique dans l’œuvre et dans la vie de Nietzsche.   « Par la musique, les passion
1155 s phases de leur grande polémique dans l’œuvre et dans la vie de Nietzsche.   « Par la musique, les passions jouissent d’el
1156 écrit Ou bien… ou bien. Et tandis que l’un trouve dans le Don Giovanni de Mozart l’expression parfaite et unique de la spont
1157 la musique et le drame parfait. » Nietzsche voit dans le mythe en général « le but réel de la science », s’il est vrai que
1158 Sur la scène tout au moins — et l’on veut dire : dans ce que Nietzsche exprime consciemment —, Tristan s’est évanoui et Don
1159 phrase de ce livre a été pensée et comme capturée dans les mille recoins de ce chaos de rochers près de Gênes, où je vivais
1160 mité avec la mer. »117 Il vit aussi à Sils-Maria, dans l’air sec et la limpidezza des hauteurs, et il y termine la première
1161 Wagner ? Elle enseigne l’amour « remis à sa place dans la nature ! Non pas l’amour d’une femme “idéale” !… Au contraire, l’a
1162 our d’une femme “idéale” !… Au contraire, l’amour dans ce qu’il a de fatal, de cynique, de candide, de cruel… L’amour dont l
1163 orale, au-delà du bien et du mal, sera « la danse dans l’esprit. »120 Voici sans doute le texte capital : Une fable. — Le
1164 si ce n’est ce qu’il y a d’absolument douloureux dans la connaissance, comme l’ivrogne qui finit par boire de l’absinthe et
1165 savoir et à La Généalogie de la morale. Mais déjà dans Aurore, il arrive que le Don Juan de la connaissance s’interroge, et
1166 de la connaissance s’interroge, et cela n’est pas dans le droit fil du personnage. Ou bien veut-il aller plus outre dans son
1167 l du personnage. Ou bien veut-il aller plus outre dans son sens, emporté par sa frénésie de découvertes et de négations trio
1168 égations triomphantes ? La dernière peut le jeter dans cela même dont il incarnait le refus : La nouvelle passion. — Pourq
1169 e Adversaire. Qui sait s’il ne va pas l’aimer ?   Dans la seconde partie d’Ainsi parlait Zarathoustra se produit le coup de
1170 sourde interrogation n’a pu manquer de réveiller dans la mémoire musicale de Nietzsche les motifs tristaniens du Désir, de
1171 au Commandeur — à l’Éternel Revenant, au Père ! —  dans un suprême défi, et pour sombrer. Et ce sera bientôt l’aveu presque p
1172 ti-Tristan — venait d’être envoyé à l’impression. Dans Aurore, je relis : « Que celui qui veut tuer son adversaire considère
1173 sur toute autre passion ? Pourquoi ce vol éperdu dans cette même direction, vers le point où jusqu’à présent tous les solei
1174 vant l’infini ? Ou bien, mes frères, ou bien ? — Dans Ecce Homo, Nietzsche commente : Ce livre se termine par un « Ou bien
1175 en… ou bien (Enten – Eller) et qu’on peut résumer dans cette alternative : — ou bien Don Juan, ou bien le Tristan de la Foi.
1176 férente du sextuor du IIe acte, qu’on a retrouvée dans ses papiers à Dux. 98. À rapprocher de Nietzsche : « Le mot le plus
1177 mot le plus pudique que j’aie jamais entendu : — Dans le véritable amour, c’est l’âme qui enveloppe le corps. » (Par-delà l
1178 . (Cf. notamment le développement sur Marguerite, dans Ou bien… ou bien, « Tracés d’ombre »). Dans l’ouvrage si intelligent
1179 rite, dans Ou bien… ou bien, « Tracés d’ombre »). Dans l’ouvrage si intelligent et si bien informé de Mlle Micheline Sauvage
1180 an quand il le demande à la volupté. » Etc. 101. Dans un ouvrage hautement technique, l’excellent Génie créateur de Mozart
1181 Essai sur l’instauration musicale des personnages dans Les Noces de Figaro, Don Juan, La Flûte enchantée) par F. A. Breydert
1182 de Kierkegaard. À coup de citations musicales et dans le langage de son art, Breydert illustre abondamment l’intuition musi
1183 rathoustra va témoigner. 119. « Le cas Wagner », dans Le Crépuscule des idoles (1888). 120. Par-delà le bien et le mal, p
51 1961, Preuves, articles (1951–1968). Dialectique des mythes : Le carrefour fabuleux (II) (mai 1961)
1184 flet inversé de Tristan. Le contraste est d’abord dans l’allure extérieure des personnages, dans leur rythme. On imagine Don
1185 d’abord dans l’allure extérieure des personnages, dans leur rythme. On imagine Don Juan toujours dressé sur ses ergots, prêt
1186 c’est la multiplicité qui est pauvre, tandis que dans un être unique et possédé à l’infini se concentre le monde entier. Tr
1187 son angoisse et sa course éperdue. L’un recherche dans l’acte d’amour la volupté d’une profanation, l’autre accomplit en res
1188 rs retours, et enfin leur coexistence statistique dans l’ensemble d’une société aussi complexe que la nôtre. L’Éthique conda
1189 rapport subsiste donc en permanence. Au surplus, dans la mesure où la conduite, la pensée et l’affectivité d’un même indivi
1190 rôle exact de Lucifer par rapport à la Création, dans la doctrine manichéenne : c’est lui qui a donné sa figure au Burlador
1191 es, s’éloigne de la Cour, son « errance » traduit dans l’espace la Quête ou l’Exil spirituel. Mais l’humeur voyageuse de Don
1192 prenaient les femmes, leur révélaient le plaisir dans l’acuité de l’épouvante, et fuyaient au galop vers leur désert. Et c’
1193 ésert. Et c’est aussi le prêtre ou le héros divin dans les religions antiques et primitives : celui qui est assez saint ou a
1194 e devoir littéralement « religieux » du seigneur. Dans la nuit, sous le masque, hors la loi ou sacré, « l’homme sans nom » v
1195 ore plus évidente. L’amour-passion n’est ressenti dans sa pureté animique que par la prime adolescence. Il est alors sentime
1196 traité du mariage.) Si au contraire le sentiment, dans son essor vers le mariage, est arrêté par des obstacles insurmontable
1197 er. C’est alors que les mythes s’emparent de lui. Dans les deux cas, le mariage est condamné : puisqu’il est la durée social
1198 qui parvienne à maintenir sans crise une synthèse dans la durée des éléments variés dont nos deux mythes symbolisent l’excès
1199 l’échec, la plupart des couples réels sont soumis dans leurs crises à l’action de l’un des deux. La morale et la société pro
1200 et leur coexistence dialectique —, l’un agissant dans l’ombre quand l’autre agit au jour. Tout diagnostic d’une situation,
1201 en va de même pour une vie personnelle considérée dans sa durée biographique : les exemples évoqués ici l’ont établi. En rev
1202 r qu’il s’agirait, mais d’une tension à restaurer dans son équilibre vital… Sens final des deux mythes Quelles sont le
1203 dépit devant leur impuissance à intégrer l’amour dans l’existence normale, ou par goût de l’excès en soi, l’un prétendra tr
1204 uan. Don Juan nous chante qu’il n’est heureux que dans l’instant, la nouveauté et le changement, et qu’il n’a jamais souhait
1205 27, qui ajoute aussitôt : « Il est heureux jusque dans les échecs de sa chasse, puisque son plaisir est dans la chasse plus
1206 les échecs de sa chasse, puisque son plaisir est dans la chasse plus que dans la prise. » L’excitation de la chasse lui suf
1207 , puisque son plaisir est dans la chasse plus que dans la prise. » L’excitation de la chasse lui suffit donc, et l’on insist
1208 faiblesse intime de l’érotisme donjuanesque, même dans ses manifestations les plus altières et les plus fascinantes pour l’e
1209 us, et non moins que la possession de la vérité «  dans une âme et un corps », comme dit Rimbaud. L’excitation de la nouveaut
1210 mbaud. L’excitation de la nouveauté, il la trouve dans le drame renouvelé d’une seule passion mais toujours plus intense, br
1211  ? Seule une estimation bien assurée de notre vie dans ce monde-ci, et de son sens ou de son absurdité, nous mettrait en mes
1212 et de l’éternité. Celui qui a résolu ce problème dans sa vie est seul en mesure de condamner Don Juan et Tristan à la fois 
1213 par les aventures sans lendemain, couples heureux dans la durée de leur amour, tourments bienheureux de la passion : l’argum
1214 généraux — empêchent de jouer un rôle « heureux » dans le mariage, ou le libertinage, ou la passion. Sans parler du ressenti
1215 ose est normal. Une certaine dualité est normale, dans la mesure où elle ne fait que traduire la formule même de la vie sur
1216 simultanée de deux acides nucléiques, concentrés dans le noyau mais également à l’œuvre dans le cytoplasme, où ils sont les
1217 concentrés dans le noyau mais également à l’œuvre dans le cytoplasme, où ils sont les agents d’induction de la synthèse des
1218 s plus tard, c’est la cellule elle-même, modifiée dans son « âme » (c’est-à-dire dans le programme d’activité dont ses chrom
1219 lle-même, modifiée dans son « âme » (c’est-à-dire dans le programme d’activité dont ses chromosomes sont porteurs) qui se me
1220 cellules voisines. Ainsi se propage la contagion dans un organe. Mais après tout, qu’est-ce qu’un virus ? Voilà le point. U
1221 lipses apparentes, et leurs soudaines récurrences dans une vie. (Je songe par exemple au choc reçu par Nietzsche à l’annonce
1222 e Wagner : le motif de Tristan reparaît peu après dans le second Zarathoustra : « Car je t’aime, ô éternité ! ») Une certain
1223 regard “objectif”, ce teint pâle, cette lourdeur dans le bas du visage, qui permet de reconnaître au premier regard un chef
1224 ie les appels au plaisir. (Nous sommes maintenant dans le palais.) Brusquement tout s’arrête à l’entrée du Trio. Quelques ac
1225 les voix relèvent ce défi, et chacune le reprend dans son registre ! Les trois Masques, Zerline et son fiancé se joignent à
1226 ntes, alternées ou couplées, jusqu’au tutti final dans une harmonie triomphante. — Mais que peut signifier cette harmonie ?
1227 tres ne sont guère que revendications déterminées dans l’homme par son « emploi » social ou son éthique utilitaire. N’y a-t-
1228 erté ? Ou bien la seule vraie liberté serait-elle dans le défi du Libertin à tout ce que le commun des hommes tient pour vra
1229 us haut — mais peut-être est-ce aller trop haut — dans la défense et dans l’illustration du libertinage de l’esprit, contre
1230 -être est-ce aller trop haut — dans la défense et dans l’illustration du libertinage de l’esprit, contre la liberté chrétien
1231 ifique, qui est elle aussi, à sa manière, une foi dans le vrai objectif, une obéissance au vérifiable. Pourtant, la liberté
1232 spirituels sont « morts… de sorte qu’ils servent dans un esprit nouveau, non selon la lettre. »131. Cette liberté seule « v
1233 uppose un changement intérieur — instantané comme dans la conversion chrétienne et l’illumination bouddhiste, ou lentement a
1234 l’amant et l’aimée se confondent en un seul être, dans le règne sans fin de l’Amour sans réveil. Là, rien n’est plus ni vrai
1235 ni faux, ni tien ni mien, ni séparé ni interdit, dans l’Un sans nom : Dans le flot houleux Dans l’éclat sonore Dans la tou
1236 ien, ni séparé ni interdit, dans l’Un sans nom : Dans le flot houleux Dans l’éclat sonore Dans la tourmente infinie Du souf
1237 erdit, dans l’Un sans nom : Dans le flot houleux Dans l’éclat sonore Dans la tourmente infinie Du souffle du Monde S’englou
1238 s nom : Dans le flot houleux Dans l’éclat sonore Dans la tourmente infinie Du souffle du Monde S’engloutir — S’abîmer — Inc
1239 est libre ? Et qui peut encore aimer qui ? C’est dans l’énigme jamais résolue de ce nirvana romantique (où le Souffle du Mo
1240 si le dernier obstacle qui nourrit sa passion est dans le moi distinct, et si ce moi doit s’abîmer dans l’inconscient tout e
1241 dans le moi distinct, et si ce moi doit s’abîmer dans l’inconscient tout englobant, il n’y a plus d’objet, ni de prochain.
1242 de prochain. Il n’y a plus que l’amour de l’amour dans un sujet qui, lui aussi, doit s’évanouir. Que reste-t-il ? Comme d’au
1243 à cause de l’amour les raisons humaines d’aimer. Dans la pureté de leur expression mythique, l’extraversion de Don Juan et
1244 nt sont en réalité deux négations de l’amour vrai dans le mariage, bien qu’ils en soient inséparables : ils sont nés de lui,
1245 leur fonction proprement vitale, ou devenue telle dans notre évolution. Ils ne sont pas seulement nos tentations majeures, m
1246 rêve d’autres nuits, au lieu de nous accompagner dans l’ombre, et nous savons que le moment est venu de virer de cap, ou bi
1247 quilibre se trahit en nous, ou provoque une crise dans le couple, ils s’y jettent et l’aggravent à plaisir. Que l’un des deu
1248 anesque. Mais le général de Gaulle est tristanien dans son nationalisme altier. Son Iseut, c’est la France — il est bien prè
1249 rs exemplaires ». Il l’a longtemps aimée de loin, dans son exil. Il l’a ramenée au Mari légitime, représenté par la Légalité
1250 elles l’ont mieux conquis : on se sépare heureux, dans les Mémoires. Notons aussi que Dona Anna, si elle déclare sa haine po
1251 ret de Tristan, tel qu’il est chanté : Nietzsche, dans l’Origine de la tragédie, citait le texte du poème, un peu différent.
52 1961, Preuves, articles (1951–1968). Pour Berlin (septembre 1961)
1252 droit de quitter tout pays, y compris le sien. » Dans ses notes aux puissances occidentales, M. Khrouchtchev déclare que « 
1253 ôt de fuir à l’Ouest et se mettraient au travail, dans l’espoir. Ceux qui retrouvent l’espoir ne veulent plus que la paix, e
1254 de la peur mutuelle qui nourrit la guerre froide, dans les deux camps, la fin de l’angoisse planétaire provoquée par la cris
53 1963, Preuves, articles (1951–1968). Le mur de Berlin vu par Esprit (février 1963)
1255 n ne sait pas toujours qui sont ceux que l’on lit dans les revues françaises, qui, très généralement, donnent les noms d’aut
1256 coutumes de Versailles ont laissé bien des traces dans la vie littéraire de Paris.) Pourquoi ne pas dire au lecteur qui sont
1257 lques lignes en fin de numéro, comme cela se fait dans le monde entier, sauf à Paris, à une ou deux exceptions près. Bref,
1258 l’Est, jusqu’ici, n’est donc pas pour une brique dans ce mur. Mais quels furent les motifs de l’Ouest ? « On avait besoin d
1259 la sottise de ceux qui croient servir une cause. Dans Le Figaro littéraire du 15 décembre 1962, Ernst von Salomon déclare :
1260 e mur n’est rien. Seul compte celui qui se trouve dans le cœur des Allemands de l’Ouest, qui abandonnent leurs frères. » Cet
1261 Mauvaise foi ou masochisme ? L’un porte l’autre. Dans l’un ou l’autre cas, cui bono ? Mais j’allais oublier le plus beau. M
54 1963, Preuves, articles (1951–1968). Une journée des dupes et un nouveau départ (mars 1963)
1262 ues, qui étaient la cause finale du Marché commun dans l’esprit de ses promoteurs. Tous les gaullistes se sont posés en défe
1263 ne reprise par lui-même… Qui a perdu, qui a gagné dans cette affaire ? Question oiseuse ainsi posée en termes de personnes p
1264 aité de Rome, qu’il se bornait à tolérer en fait, dans le temps même où l’Angleterre le refusait, puis s’y opposait de toute
1265 s en 1914. Reste la solution fédéraliste, l’union dans la diversité. Appuyée sur les Communautés, elle seule pourra faire fa
1266 vec la politique de nos États, de leurs pouvoirs. Dans le même numéro d’Encounter, sir Stephen King-Hall écrit en toute cand
1267 eur : « Malgré tout, je suis favorable à l’entrée dans le Marché commun, pour des raisons économiques, et aussi politiques.
1268 prépondérance que nous avons si sottement refusée dans les années 1950, alors qu’il ne tenait qu’à nous de la saisir. » On n
1269 us « antidémocratique ». 135. Voir son interview dans Le Nouveau Candide du 31 janvier. bh. Rougemont Denis de, « Une jou
55 1964, Preuves, articles (1951–1968). Un district fédéral pour l’Europe (août 1964)
1270 . Au surplus, ce qui demeure profondément valable dans l’intention avouée des partisans de l’Europe des États ou des patries
1271 visiblement les processus de décision en vigueur dans les Communautés. L’Europe de formule unitaire me paraît donc une utop
1272 mais elle nous perdrait tous tant que nous sommes dans l’espace d’une génération. Une Europe unitaire, c’est finis helvetiae
1273 étient le secret. Formée du xive au xvie siècle dans le Saint-Empire et par lui, ayant reçu ses premières libertés pour as
1274 considérable pour un lecteur d’aujourd’hui. Comme dans Le Contrat social, il s’y fait l’avocat d’une confédération de nos pa
1275 n peu plus tard, le Schaffhousois Jean de Müller, dans sa Vue générale de l’histoire du genre humain (1797), annonce comme R
1276 soit à l’Amérique ». Germaine de Staël est Suisse dans la mesure où elle ouvre des perspectives européennes, soit par son ac
1277 la Suisse indépendante. Et tandis que se forment dans le reste de l’Europe des nations unitaires sur le modèle français, pr
1278 ses cantons selon la maxime impériale de l’union dans la diversité. Proudhon s’est peut-être souvenu de son passage à Neuch
1279 r compte. Au xxe siècle, c’est encore en Suisse ( dans les années 1930) que le premier mouvement de militants fédéralistes e
1280 nion politique de l’Europe. Impossible d’omettre, dans ce bref historique, les aspects culturels du mouvement et le rôle qu’
1281 ormation de l’Europe, méritent une place de choix dans toute anthologie de l’idée européenne. C’est en Suisse que Mazzini pu
1282 nnaître que nos autorités et notre presse ont été dans l’ensemble pour le moins réservées, et que notre peuple l’est sans do
1283 Réponse : La neutralité suisse a été garantie «  dans les intérêts de l’Europe entière ». Or c’est l’union qui est aujourd’
1284 e entière ». Or c’est l’union qui est aujourd’hui dans l’intérêt de tous les peuples de l’Europe. Si la neutralité fait obst
1285 dit-il, la Suisse se refuse à entrer sans réserve dans le Marché commun, elle ne saurait justifier ce refus par des motifs j
1286 t-cent-mille en 1963. Que peuvent bien signifier, dans une telle conjoncture, les rêveries d’experts fédéraux qui, sans oser
1287 et quelquefois de la culture, croient distinguer dans les projets d’Europe unie une « politique d’unification qui vise à mê
1288 pend de nous aussi. C’est à nous de faire valoir, dans les conseils qui élaborent l’Europe future, les avantages de la formu
1289 tion aura doublé. Mais que la Suisse entre ou non dans le Marché commun n’y changera rien. (À moins que notre isolement n’en
1290 osent de renoncer à la neutralité : c’est devenu, dans la Suisse moderne, un crime de lèse-majesté. Personne n’ose donc crie
1291 mpte ce qui demeure valable et même indispensable dans la neutralité d’une fédération. Il n’y a pas une chance qu’on nous of
1292 ut le débat sur l’idée européenne paraît tourner, dans notre presse, autour de la défense des intérêts particuliers de la Su
1293 es intérêts particuliers de la Suisse. Je diffère dans ce domaine de la majorité. Il s’agit de savoir et de dire ce que nous
1294 en donnerai un exemple tout récent : je le trouve dans les journaux de ce matin, 13 avril 1964. Un député de Genève ayant de
1295 e présenter un tableau de sa gestion « considérée dans ses grandes lignes et dans son ensemble », se voit répondre par le Co
1296 a gestion « considérée dans ses grandes lignes et dans son ensemble », se voit répondre par le Collège exécutif : 1°) « Dans
1297 se voit répondre par le Collège exécutif : 1°) «  Dans un pays comme le nôtre, les débats sur la politique générale risquera
1298 gimes totalitaires, tendant vers l’uniforme, sont dans cette mesure régressifs. En revanche, pour la complexité, la Suisse n
1299 graphique des éléments distincts, hier dominantes dans l’ordonnance des choses et des États, céderont le pas aux notions d’i
1300 lle. Résidences multiples et nomadisme universel… Dans un tel monde, les dimensions superficielles d’une nation compteront d
1301 ultiplicité de groupes distincts, à les articuler dans la coexistence spirituelle et topographique, sans frontières territor
1302 rckhardt : Le petit État existe pour qu’il y ait dans le monde un coin de terre où le plus grand nombre d’habitants puisse
1303 ational dominant les nationalités et les unissant dans son sein. Et Robert de Traz, dans le même temps : Grâce au besoin q
1304 t les unissant dans son sein. Et Robert de Traz, dans le même temps : Grâce au besoin qu’il a du reste du monde, le petit
1305 s facile d’admettre ce qui ne lui ressemble pas. Dans le monde de demain, qui exigera un degré beaucoup plus élevé d’organi
1306 ser. 3°) La planification se révèle plus efficace dans un milieu où les relais d’exécution sont nombreux et organiquement di
1307 ce qui entraînait une confusion (qui dure encore dans beaucoup d’esprits) entre étatisme, centralisation et planification.
1308 . Toute l’évolution prévisible de nos sociétés va dans ce sens. L’un des thèmes favoris des sociologues actuels est l’étude
1309 re idéal et de notre usage du fédéralisme, mais «  dans les intérêts de l’Europe entière. » Même s’il n’était pas accepté en
1310 s qui ruinent les autres, pour se retirer ensuite dans sa prospérité en invoquant sa situation particulière dans un sens tou
1311 prospérité en invoquant sa situation particulière dans un sens toujours négatif — alors que cette même situation pourrait à
1312 dernes, en Europe et ailleurs : confort technique dans une belle nature, paix assurée et pas d’Histoire. Mais il suffit que
1313 ague — il n’y en a d’ailleurs plus d’assez vaste, dans l’Europe de 1980. Le District fédéral doit être situé au centre du co
1314 orités de la fédération européenne ont leur siège dans ses villes principales, Zurich, Genève et Bâle, à vingt minutes d’avi
1315 toute ingérence particulière des affaires suisses dans les affaires fédérales européennes146. La Suisse, qui n’inquiète pers
1316 personne, se voit ainsi réinstallée et confirmée dans son statut traditionnel : sa neutralité, son inviolabilité et son ind
1317 ouveaux plus forts que les anciens, comme étant «  dans les vrais intérêts de l’Europe entière ». Premières réactions prévis
1318 pitale ferait peur aux autres. La Suisse perdrait dans cette affaire son indépendance et ses caractéristiques nationales. Ce
1319 . Je ne vois rien de consistant ni de raisonnable dans aucun de ces arguments, qui se contredisent d’ailleurs deux à deux. M
1320 uis viendra la réflexion, la décision. Je me mets dans la peau du Parisien, du Viennois ou du Bruxellois, candidats naturels
1321 peut-être un peu fort. Ils ne voulaient rien être dans l’union, les voilà qui se proposent comme pays-capitale ! Leurs hôtel
1322 Les fonctionnaires européens s’ennuieraient vite dans la patrie du Ranz des vaches… Mais après tout, si notre capitale n’es
1323 stinctes. Et s’il y a contamination, ce n’est pas dans le sens qu’un vieux Genevois pouvait redouter. « Molotov, comme tout
1324 onférence. Notre climat passe pour être apaisant. Dans une Suisse devenue terre d’Europe, comme elle fut jadis terre d’Empir
1325 ande des Grisons en fines tranches transparentes, dans une vaste auberge odorante au bord d’un lac ou au cœur du pays des Co
1326 ns spacieux aux larges baies, glissant en silence dans la pluie entre les collines, les usines, les châteaux, les quartiers
1327 s races du monde se mêlent à nos derniers paysans dans une odeur de bouillon Maggi et de cigares de Brissago, qui étaient ce
1328 sente en tous ses âges, du couvent au laboratoire dans les glaciers, de Paracelse aux industries chimiques, aux guérisseurs
1329 à sa juste valeur. J’ai parlé de plus d’un peuple dans mes livres, pour l’avoir vécu d’assez près et pour l’avoir intimement
1330 je veux le croire avec Victor Hugo : La Suisse, dans l’Histoire, aura le dernier mot. Mais encore faut-il qu’elle le dise
1331 ouvernement de Pologne date de 1773. 137. Inclus dans l’« Acte additionnel aux Constitutions de l’Empire ». 138. Die Schw
1332 143. Cf. E. Perron, « Éloge de l’incohérence », dans le journal La Suisse du 13 avril 1964. 144. L’exemple du CERN est le
1333 ficient de ses recherches n’aurait l’idée de voir dans cette mise en commun une diminution quelconque de leur indépendance,
1334 mesure symbolique, qui reprendrait toute sa force dans le cas que j’examine. bi. Rougemont Denis de, « Un district fédéral
56 1966, Preuves, articles (1951–1968). André Breton (novembre 1966)
1335 vais chaque jour, j’ai marché sans penser à rien, dans l’odeur végétale d’un crépuscule humide, presque orageux, et la prése
1336 ment de la nature. Pourtant, on l’imagine surtout dans les rues de Paris, suivant Nadja, aux terrasses de café entouré de so
1337 terrasses de café entouré de son groupe, ou seul, dans sa veste de daim, arpentant les boulevards à pas lents, visage levé,
1338 as lents, visage levé, crinière au vent. Et c’est dans le décor de Manhattan (qu’il haïssait), granit poli, brique enfumée,
1339 d’une aigrette, autant qu’un de ces paysages que dans Arcane 17 ou L’Amour fou il composait à grandes phrases solennelles.
1340 du même coup mon ami, après un dîner tête-à-tête dans un petit restaurant du Village, à New York. (20 juin 1942, selon le j
1341 onneries ! Et que l’on expie ! » (Beaucoup de lui dans ces quelques mots.) Il m’arrive de rêver que je m’entends au mieux av
1342 es, morales et religieuses. Et nous voici bientôt dans l’euphorie de la contestation en convergence heureuse ! À quelques jo
1343 n quotidienne. J’écrivais quelques mois plus tard dans mon journal : « Une journée à l’OWI. — André Breton, superbement cou
1344 à régir, et le beau nom de sacerdoce à restaurer dans une atmosphère orageuse ! Mais l’Amérique n’est pas son fort. Il y ti
1345 « Celle par exemple qui devrait durer trois jours dans une vaste demeure aux portes condamnées, où chaque invité amènerait u
1346 us étant costumés et masqués, les propos échangés dans un style rigoureusement prescrit, les heures réglées, le moindre indi
1347 heures réglées, le moindre indice de relâchement dans l’attitude ou le langage entraînant des sanctions immédiates. Rendre
1348 ique… C’est un rêve de compensation, si l’on voit dans quel cadre nous sommes en train de causer. Trente machines à écrire d
1349 mmes en train de causer. Trente machines à écrire dans cette salle, en contrepoint avec deux télétypes. Visières vertes aux
1350 chose dont je pense bien que personne ne parlera dans les centaines d’articles à paraître ces prochains jours. C’est que Br
1351 n sa règle à lui, bien entendu, une rigueur folle dans le défi, qui rejoignait l’Inquisition… Il me dit ce soir-là qu’il ava
1352 t découvert au fond de l’échoppe d’un cordonnier, dans le Morvan, les deux portraits se faisant face de la mère Angélique Ar
1353 Marat : l’accord du jansénisme et du jacobinisme dans la vénération de l’artisan lui semblait des plus exaltants. Or il n’e
1354 t la tête en arrière, et la victime disparaissait dans les ténèbres du dehors, éjectée, déjetée, insultée jusqu’à l’âme. D’a
1355 de peintres, n’ont jamais pu vraiment s’approuver dans leur cœur, parce que Breton ne les avait pas admis et célébrés !) J’a
1356 ton d’emphase soutenue, en marchant à grands pas dans son studio : « L’Européen le plus moderne c’est vous pape Pie X ! »,
1357 Mais tout de même, la litanie du Christ aviateur, dans le même poème…) C’est ainsi qu’il me lut un jour l’Ode à Charles Four
1358 une grande réparation vous est due », écrira-t-il dans Arcane 17, deux ans plus tard, et il poursuit : « À travers leurs out
1359 pter beaucoup de Pascal, à cause du ton, mais que dans ce livre, vraiment, je passais les bornes, allant jusqu’à tomber parf
1360 passais les bornes, allant jusqu’à tomber parfois dans le langage de la piété, « si j’ose dire… » C’était évidemment très gr
1361 mp serait pris pour arbitre. Rendez-vous fut fixé dans un petit bar français pour le dîner du lendemain. J’y vais à l’heure,
1362 l en substance (ravi de l’ambiguïté du mot croire dans cette phrase). « Qu’est-ce que cela peut faire à Breton ? À chacun sa
57 1968, Preuves, articles (1951–1968). Marcel Duchamp mine de rien (février 1968)
1363 sur les rayons cosmiques, le mouvement se produit dans des conditions de vide matériel, d’inanité telles qu’on peut bien dir
1364 n au repos, ça ne marche pas, rien n’est en repos dans l’univers. Alors ? Son mouvement n’est qu’un mythe. En fait, dit-il a
1365 uner sur la galerie, tout se passe anarchiquement dans le monde. Les lois ne servent que de prétextes. On ne les respecte pa
1366 disiez qu’on n’a jamais vu vivre un groupe humain dans l’anarchie telle que je la préconise. Pourtant je connais un groupe o
1367 ts, ses frères et sa sœur) joue un rôle important dans la vie de Marcel. — Depuis que mon père est mort, je me sens privé de
1368 er la vaisselle, et on recommence… » (Toujours et dans tous les domaines, ce même mouvement de retrait.) Le soir, faute d’éc
1369 lques problèmes avec des Chinese Checkers trouvés dans la bibliothèque, et cela nous mène assez tard. Nous avons fini hier p
1370 hamp est allongé sur son lit, son petit échiquier dans une main, sa pipe dans l’autre. « L’impossibilité du faire »… Il trav
1371 n lit, son petit échiquier dans une main, sa pipe dans l’autre. « L’impossibilité du faire »… Il travaille « cinq minutes au
1372 hé de la peinture, tout a été radicalement changé dans le domaine de l’art. Regardez comme ils produisent. Croyez-vous qu’il
1373 es chèques. Il se lève, va chercher quelque chose dans la boîte-en-valise en construction. — Voilà. C’est un chèque, mais tr
1374 les soixante-huit autres objets savamment rangés dans la boîte-en-valise : reproduction de tableaux, verres, ready mades, c
1375 r ce chèque à mon dentiste, pour le faire figurer dans ma valise ! 7 août. Avant le déjeuner, sur la galerie : — Qu’est-ce q
1376 cette catégorie de l’infra-mince dont vous parlez dans le numéro spécial de View ? « Quand la fumée du tabac sent aussi de l
1377 quand on bouge, relève de l’infra-mince. Le creux dans le papier, entre le recto et le verso d’une feuille mince… À étudier 
1378 vient à l’instant : les presbytes sont malheureux dans les villes, parce que le regard y bute constamment contre une muraill
1379 août. Commencer par raconter l’entrée de la Chose dans nos esprits. Ce sera le début de la première de mes Lettres. Hier, j’
1380 nous en parlions encore. Le choc nous avait jetés dans l’élucubration, plutôt que dans la terreur ou la méditation. (Cette r
1381 nous avait jetés dans l’élucubration, plutôt que dans la terreur ou la méditation. (Cette réaction, je le crains, va se gén
1382 d’un mot, la clé de ses mystérieuses disparitions dans le Sud-Ouest. L’une des girls avait lu un article sur l’automobile at
1383 rls avait lu un article sur l’automobile atomique dans un magazine du genre Look. C. s’écria que l’idée que nous mourrons to
1384 ook. C. s’écria que l’idée que nous mourrons tous dans une grande explosion la hantait depuis son enfance. (Elle est née dan
1385 sion la hantait depuis son enfance. (Elle est née dans un tremblement de terre.) « C’est sacrilège, ce qu’on vient de faire,
1386 enger ! » Enfin Duchamp voulut bien s’interrompre dans un problème d’échecs, pour remarquer que la bombe confirmait son poin
1387 premiers essais (La Mort lente) il avait disparu dans les bois et nous revint au bout d’une heure, pâle et défait, disant q
1388 par la plus grande masse d’explosif jamais réunie dans l’Histoire mais au contraire par la scission d’un point imperceptible
1389 trouve guère ses œuvres peintes qu’en Californie, dans une collection privée. Mais avec son petit bagage, sa propre mise en
1390 pparent. La réussite de sa vie tiendra sans doute dans cette faculté mystérieuse de rendre exemplaires, mémorables, chargés
1391 ique , commencées ce jour-là, et publiées en 1946 dans des journaux américains, français, hollandais, norvégiens, italiens,
58 1968, Preuves, articles (1951–1968). Vingt ans après, ou la campagne des congrès (1947-1949) (octobre 1968)
1392 ail et nuances méticuleuses : car c’est seulement dans le détail concret qu’on voit jouer ce qu’on appellera, pour faire cou
1393 ment personnaliste des années 1930 s’est continué dans la pensée et dans l’action d’un grand nombre de résistants, ceux qui
1394 des années 1930 s’est continué dans la pensée et dans l’action d’un grand nombre de résistants, ceux qui précisément vont a
1395 nt multiforme, hétérogène, étrangement inefficace dans sa tactique et simpliste dans sa stratégie, mais auquel le Conseil de
1396 angement inefficace dans sa tactique et simpliste dans sa stratégie, mais auquel le Conseil de l’Europe doit d’exister, les
1397 les communautés des Six d’avoir pu prendre forme dans l’imagination de nombreux économistes, et d’avoir été acceptées par l
1398 nts et les gouvernements qui en dépendaient alors dans nos pays. Des historiens pourront soutenir que tous ces congrès n’ont
1399 nent pas l’essentiel de l’événement, qui se passa dans les têtes et dans les cœurs. Les documents manuscrits ou polycopiés,
1400 el de l’événement, qui se passa dans les têtes et dans les cœurs. Les documents manuscrits ou polycopiés, déjà plus « vrais 
1401 onc forcément incomplet et délibérément subjectif dans l’approche de ce passé, quitte à recouper mes souvenirs à l’aide de n
1402 journal intime (mais elles sont rares précisément dans les périodes où l’on agit) ou à les confronter avec les lettres, brou
1403 ence « réaliste » ne s’y étaient mis comme le ver dans le fruit. Oui, c’est la naïveté de quelques fédéralistes qui a presqu
1404 x. Au nom de notre ancienne camaraderie de combat dans le mouvement personnaliste (L’Ordre nouveau, Esprit, etc., 1931-1939)
1405 isiteurs donne peut-être son vrai sens à ma venue dans ce lieu. » Le soir du 26 août, au Pavillon des Sports, en face du Mon
1406 , me présente comme l’un des auteurs qu’on lisait dans son camp d’otages en Hollande. Si la jeunesse de nos pays n’a pu fair
1407 e. Si la jeunesse de nos pays n’a pu faire passer dans l’action les idées que je représente, c’est qu’elle ne peut encore in
1408 , c’est qu’elle ne peut encore insérer son effort dans le cadre qui serait seul adéquat, d’une Europe fédérée, fédéraliste…
1409 iewers, m’a fait asseoir devant une fine à l’eau, dans un hall du Montreux-Palace, et m’a dit. “Tout cela est bel et bon, ma
1410 amis venus de Paris. Je n’étais pas encore engagé dans l’affaire. Tout se passait comme si j’avais jugé que le fait de prono
1411 nte prestation. Notes du 28 août, soir : « Hier, dans les rues de Sion, en fin d’après-midi l’affiche de la Gazette de Lau
1412 décide d’y retourner le soir même. Lu la Gazette dans le train : les « importantes déclarations » c’était tout simplement…
1413 ns » c’était tout simplement… les miennes ! Pluie dans le soleil bas près d’Aigle, beau soir rose et doré sur le Léman tandi
1414 ve à Montreux, palmiers, tennis, saules pleureurs dans l’eau sombre… Été ce matin à la commission économique, en curieux. Le
1415 années suivantes notre mouvement étaient en germe dans ce premier affrontement entre l’élan des fédéralistes et la tactique
1416 ’avoir été jeté à brûle-pourpoint et publiquement dans ce débat que je puisse attribuer mon engagement réel, dès ce moment-l
1417 ’institutions ou d’organismes à créer. Toutefois, dans les rapports d’Henri Brugmans sur la politique européenne, de Maurice
1418 osé, le but ultime bien indiqué : « L’Europe unie dans un monde uni », organisée selon le mode fédéral pour sauver les auton
1419 la politique économique, par exemple. Au surplus, dans la perspective historique qui commence à se dégager après vingt ans,
1420 ce mémorable À vrai dire, en quittant Montreux dans l’euphorie d’une promesse de camaraderie retrouvée et d’une grande av
1421 mportance objective de ce qui venait de se passer dans ce palace énorme et désuet. Pour l’historien futur, j’indiquerai rapi
1422 uparavant, par une curieuse coïncidence à la fois dans le temps et dans l’espace : à la fin de l’été et en Suisse toutes les
1423 e curieuse coïncidence à la fois dans le temps et dans l’espace : à la fin de l’été et en Suisse toutes les trois. Il y ava
1424 aires : c’étaient eux qui prolongeaient leur élan dans cette volonté d’action européenne154. Et plusieurs de leurs chefs se
1425 sprit et de L’Ordre nouveau) et qui avait essaimé dans le reste de l’Europe, y compris l’Allemagne (groupe des Gegner avec H
1426 où le fédéralisme apparut d’une manière autonome dans les camps des îles Lipari (manifeste de Ventotene, 1942, et revue L’U
1427 re mémorable le problème de « l’esprit européen » dans le monde bouleversé de l’après-guerre. Julien Benda, Georges Bernanos
1428 aux grandes lignes bien marquées. J’avais plongé dans un milieu nouveau dont j’éprouvais l’étrangeté, la tonicité, la consi
1429 ux permet de reconstituer la situation dramatique dans laquelle l’UEF avait à tenir son rôle, ou plutôt à le créer, en prena
1430 robablement notre action en serait vite paralysée dans l’immédiat et c’est l’immédiat qui compte, non seulement parce que le
1431 tionaux, sans droit de veto du Comité de liaison. Dans la discussion qui suit, on sent fort bien qu’en chacun des dix-huit m
1432 nom de l’avenir… Il serait intéressant d’analyser dans ce procès-verbal les facteurs politiques et psychologiques, conscient
1433 , au lieu d’une simple société de gouvernements). Dans cette hypothèse, les chances des états généraux eussent été les plus
1434 s des états généraux eussent été les plus grandes dans le plus court délai : l’effet de surprise, je le répète, était une co
1435 ouvel et puissant élan à la propagande européenne dans tous nos pays. On mesure la différence de niveau entre les ambitions
1436 et à Ferney pour me demander de m’engager à fond dans le mouvement (je leur promis d’y consacrer deux ans de ma vie, et m’y
1437 ures doit maintenir nos idées constamment actives dans les masses. Chaque meeting organisé par un de nos groupes affiliés de
1438 t à dix jours du Congrès. À Londres, le 26 avril, dans une petite salle du palais de la Chambre des communes, je me vis en p
1439 devant une patience de cartes. Il m’emmena dîner dans un petit restaurant en face de Victoria Station, où il avait jadis co
1440 gens autour de moi, dont les visages s’illuminent dans le faisceau des projecteurs de cinéma ? Je suis assis sur la tribune,
1441 chaîne en sautoir… Où suis-je ? À quelle époque ? Dans un rêve ? Que se passe-t-il ? « Churchill, tout près de moi, parle da
1442 passe-t-il ? « Churchill, tout près de moi, parle dans un micro, et la voix me revient de la salle : “The task before us, at
1443 is vingt ans. « Devant nous, tout autour de nous, dans cette grande salle des Chevaliers, qui est celle d’un très vieux Parl
1444 t, mille personnes, mille Européens. Je reconnais dans la foule quelques têtes, la moustache d’Anthony Eden, la face concave
1445 laudissement ? “L’Europe, vient de dire quelqu’un dans le micro, c’est la civilisation des non-conformistes !” Je regarde le
1446 t. Il y avait des fleurs partout, et des fanfares dans la cour du palais. “On dirait un mariage !” m’a soufflé mon voisin, L
1447 ’une Charte des droits de l’homme) se déroulèrent dans l’habituelle confusion des congrès, bien illustrée par cette suite de
1448 ement, tout le contenu positif du Rapport passera dans la résolution votée à l’unanimité : Centre culturel, Charte des droit
1449 nce des idées fédéralistes est également sensible dans des expressions clés telles que « transférer certains droits souverai
1450 éralistes et unionistes laisse une trace sensible dans la résolution politique : l’emploi, à cinq reprises, des mots « l’uni
1451 s rapports et des résolutions, il ne triompha que dans les textes. L’unionisme, doctrine (ou refus de doctrine) de ceux qui
1452 éralistes) ne parlait que d’une assemblée « élue, dans leur sein ou au-dehors par les parlements ». Enfin, le Message aux E
1453 gneraient le document, lequel circulerait ensuite dans toute l’Europe pour récolter des millions de signatures et devenir l’
1454 d’agitation européiste. Or, tandis que je donnais dans les couloirs une interview à la radio, dix minutes avant l’heure fixé
1455 ercher : Duncan Sandys désirait me voir d’urgence dans la salle des Chevaliers, où la séance plénière de la section économiq
1456 er et Paul van Zeeland, qui étaient à la tribune. Dans une petite salle près de l’entrée, nous nous assîmes à six ou sept, e
1457 impérieux de la main afin que personne ne se lève dans la salle. J’eus une faible revanche (mais seulement d’amour-propre),
1458 sonne ne bougea cependant. Et le Congrès prit fin dans l’enthousiasme, mais il venait de tuer en germe tout espoir d’une cam
1459 campagne populaire élargissant son retentissement dans l’Europe entière. Suite et fin des congrès Le Mouvement europée
1460 ndraient de confier certains pouvoirs spécifiques dans des domaines bien définis de la vie économique ». Pour les « industri
1461 en vertu des mécanismes supranationaux institués dans certains domaines clés. Enfin, la conférence culturelle de Lausanne (
1462 notre idée européenne, comme risquait de le faire dans un autre domaine la stratégie si rapidement mais isolément efficace d
1463 aurer. En décembre 1948, ils avaient tenu à Rome, dans les salles du palais de Venise, un grand congrès riche en péripéties
1464 nt en cours de rédaction ou de publication. 151. Dans Mission ou démission de la Suisse , Neuchâtel, La Baconnière, 1940.
1465 s’étaient réunis clandestinement à trois reprises dans une villa de Genève, au printemps de 1944, pour rédiger un manifeste
1466 uropéen. On en lira le texte, largement commenté, dans L’Europe de demain, La Baconnière, 1946. Et l’on notera que la plupar
1467 1961. 156. D’après un document inédit, figurant dans les archives de I’UEF, daté du 24 septembre 1947. 157. Cette lettre,
1468 pour la première fois. L’original anglais figure dans les archives du CEC à Genève. 158. « La tâche qui nous attend dans c
1469 du CEC à Genève. 158. « La tâche qui nous attend dans ce congrès n’est pas seulement de faire entendre la voix de l’Europe
1470 ères, prononça en français le discours inaugural, dans l’ancienne salle des Faisceaux, devant un millier de délégués, d’invi
59 1970, Preuves, articles (1951–1968). Dépasser l’État-nation (1970)
1471 humaine aux seules décisions de bureaux installés dans une seule capitale, et interdire toute allégeance des citoyens à des
1472 ’un mythe, il faut choisir. Pour la première fois dans son histoire, l’homme se voit aujourd’hui en situation de choisir lib
1473 e narguer ces frontières sur terre, sous terre et dans les airs, et de ne pas perdre une occasion de faire voir à quel point
1474 e de tout ce qui touche à l’État-nation : néfaste dans la mesure où il est encore réel, inexistant quand on voudrait compter
1475 aquelle ne saurait être positive, me semble-t-il, dans tous les pays à la fois…) ne sont pas le type même de faux problèmes,
1476 taine, c’est que les États-nations n’existent pas dans l’histoire de la culture, et que les « cheminements de l’esprit » don
1477 traversent leurs frontières sans les apercevoir : dans ce plan, elles n’existent pas. Il n’y a pas de « cultures nationales 
1478 des divisions tout arbitraires opérées après coup dans l’ensemble vivant de la culture européenne. Et les diversités que nou
1479 ions et nos régions, nos personnes mêmes ! Il y a dans chaque pays un nord et un midi ; dans chaque Église, une aile évangél
1480 es ! Il y a dans chaque pays un nord et un midi ; dans chaque Église, une aile évangélique et une aile ritualiste ; dans cha
1481 se, une aile évangélique et une aile ritualiste ; dans chaque personne qui réfléchit une droite et une gauche… La renaiss
1482 t qu’il nous faut bannir du vocabulaire politique dans une Europe fédérée, au seuil de l’ère du Monde uni. Le modèle fédé
1483 tes. La réponse à la contestation de la jeunesse, dans le monde entier, ne relève pas de l’économie, et encore moins de la p
1484 participent d’une “unité de culture” qui englobe, dans une communauté devenue de plus en plus complexe au cours des siècles,
1485 1970 le prix Robert Schuman. Preuves reproduit dans cet article une partie des idées qu’il a exprimées à cette occasion e
1486 xprimées à cette occasion et que l’auteur reprend dans sa Lettre ouverte aux Européens qui paraîtra prochainement aux Édit