1 1951, Preuves, articles (1951–1968). Mesurons nos forces (avril 1951)
1 Mesurons nos forces (avril 1951)a b Nous sommes plutôt faibles devant la propag
2 Mesurons nos forces (avril 1951)a b Nous sommes plutôt faibles devant la propagande totalitaire. Beaucoup, ang
3 jusqu’à l’inconscience aux libertés conquises par notre religion, par nos révolutions et par nos sciences, décorent du nom de
4 ce aux libertés conquises par notre religion, par nos révolutions et par nos sciences, décorent du nom de « mystiques puiss
5 es par notre religion, par nos révolutions et par nos sciences, décorent du nom de « mystiques puissantes » de simples prop
6 mystiques puissantes » de simples propagandes qui nous promettent le paradis et la grandeur, la justice et la vraie liberté 
7 ce et la vraie liberté ; et ils vont répétant que nous n’avons rien à opposer à ces « mystiques », qui sont au vrai des myst
8 s qui en ont grand besoin, parce qu’ils n’ont pas nos réalités — et leurs chefs doivent masquer cette absence par des sloga
9 ce qu’ils n’ont pas nos réalités — et leurs chefs doivent masquer cette absence par des slogans. Nous n’avons nul besoin d’une
10 fs doivent masquer cette absence par des slogans. Nous n’avons nul besoin d’une mystique « aussi puissante » ou « plus puiss
11 u « plus puissante » que les leurs. Car les faits nous suffisent, et quant aux libertés, nous en avons plus que nous mériton
12 les faits nous suffisent, et quant aux libertés, nous en avons plus que nous méritons. Quand nous aurons compris que nous p
13 nt, et quant aux libertés, nous en avons plus que nous méritons. Quand nous aurons compris que nous pouvons les perdre, comm
14 rtés, nous en avons plus que nous méritons. Quand nous aurons compris que nous pouvons les perdre, comme d’autres près de no
15 que nous méritons. Quand nous aurons compris que nous pouvons les perdre, comme d’autres près de nous les ont perdues, nous
16 e nous pouvons les perdre, comme d’autres près de nous les ont perdues, nous commencerons à savoir ce qu’elles valent. Quand
17 dre, comme d’autres près de nous les ont perdues, nous commencerons à savoir ce qu’elles valent. Quand nous aurons compris c
18 s commencerons à savoir ce qu’elles valent. Quand nous aurons compris ce que valent nos libertés, nous commencerons à mesure
19 s valent. Quand nous aurons compris ce que valent nos libertés, nous commencerons à mesurer nos forces. Quand nous les auro
20 d nous aurons compris ce que valent nos libertés, nous commencerons à mesurer nos forces. Quand nous les aurons mesurées, no
21 valent nos libertés, nous commencerons à mesurer nos forces. Quand nous les aurons mesurées, nous verrons que l’avenir et
22 és, nous commencerons à mesurer nos forces. Quand nous les aurons mesurées, nous verrons que l’avenir et le progrès sont de
23 surer nos forces. Quand nous les aurons mesurées, nous verrons que l’avenir et le progrès sont de notre côté. Et alors, nous
24 , nous verrons que l’avenir et le progrès sont de notre côté. Et alors, nous voudrons sauver notre présent ! Nos forces réell
25 venir et le progrès sont de notre côté. Et alors, nous voudrons sauver notre présent ! Nos forces réelles sont immenses. La
26 ont de notre côté. Et alors, nous voudrons sauver notre présent ! Nos forces réelles sont immenses. La première, c’est le tré
27 é. Et alors, nous voudrons sauver notre présent ! Nos forces réelles sont immenses. La première, c’est le trésor vivant des
28 sor vivant des droits de toute nature conquis par notre Histoire et par toutes nos histoires nationales. Tous les peuples du
29 e nature conquis par notre Histoire et par toutes nos histoires nationales. Tous les peuples du monde, sans exception, peuv
30 ous les peuples du monde, sans exception, peuvent nous envier à cet égard. Il semble que l’esprit humain, dans tous les temp
31 re. À des degrés divers, parfois jusqu’à l’excès, nous avons tous les droits que nous mentionnons plus haut et des douzaines
32 s jusqu’à l’excès, nous avons tous les droits que nous mentionnons plus haut et des douzaines d’autres en plus : droit de ci
33 s les folies concevables ; droit à la religion de notre choix, et droit de n’en choisir aucune ; droit d’élire ceux que nous
34 t de n’en choisir aucune ; droit d’élire ceux que nous voulons et de les traiter ensuite de scélérats ; droit de protester,
35 aniers mettent des gants blancs avant de fouiller nos valises ; droit d’entrer dans n’importe quels magasin, marché, café,
36 composer le menu de votre choix ; droit d’élever nos enfants selon nos principes — et tous les droits non codifiés, non fo
37 de votre choix ; droit d’élever nos enfants selon nos principes — et tous les droits non codifiés, non formulables, les plu
38 nd avenir. Voilà l’espoir des hommes. Il est chez nous . La seconde force dont nous disposons, et l’une des plus typiques de
39 s hommes. Il est chez nous. La seconde force dont nous disposons, et l’une des plus typiques de l’Occident, n’est autre que
40 l’Occident, n’est autre que l’esprit critique. On nous dit qu’il se perd et l’on en donne pour preuve le succès des publicit
41 impitoyable et sain. La foi chrétienne elle-même doit aujourd’hui se réjouir d’un tel scepticisme, voir en lui son meilleur
42 é de lui dire : l’esprit critique. Car cet esprit nous renvoie sobrement à nos inquiétudes personnelles, qui ne se satisfont
43 critique. Car cet esprit nous renvoie sobrement à nos inquiétudes personnelles, qui ne se satisfont point de réponses colle
44 isser. Mais elle est d’autre part la condition de nos libertés, et de l’esprit créateur. C’est à cause d’elle que l’Occiden
45 e toute communauté digne du nom. J’en viens ici à notre troisième force : la personne. Voilà la création majeure de l’Occiden
46 originale, la plus profonde aussi qu’ait élaborée notre Europe. La personne, c’est l’individu chargé d’une vocation qui le di
47 l’individualisme, qui a fait tant de ravages chez nos intellectuels depuis un siècle ou deux. Mais combien cette maladie mê
48 ans cette passion de différer les uns des autres, nous trouvons tous, nous les Européens, notre commune dignité et notre ris
49 différer les uns des autres, nous trouvons tous, nous les Européens, notre commune dignité et notre risque le plus cher. Te
50 s autres, nous trouvons tous, nous les Européens, notre commune dignité et notre risque le plus cher. Telles sont nos maladie
51 ous, nous les Européens, notre commune dignité et notre risque le plus cher. Telles sont nos maladies. Telles sont nos forces
52 dignité et notre risque le plus cher. Telles sont nos maladies. Telles sont nos forces. S’il est une chose au monde pour la
53 plus cher. Telles sont nos maladies. Telles sont nos forces. S’il est une chose au monde pour laquelle on ne peut faire de
54 i l’on tentait de l’imposer. Mais on peut et l’on doit prendre conscience de ses conditions, de ses risques. Je crois à la v
55 soi, quand les faits objectifs sont meilleurs que notre lassitude ne le pensait. Rendus conscients des forces véritables de l
56 s forces véritables de l’Europe et de l’Occident, nous serons en mesure, aussitôt, de renverser l’absurde situation volontai
57 pagande, répondons tranquille­ment par les faits. Nous pouvons perdre toutes nos libertés ? Nous pouvons aussi les sauver en
58 le­ment par les faits. Nous pouvons perdre toutes nos libertés ? Nous pouvons aussi les sauver en décidant de les répandre.
59 faits. Nous pouvons perdre toutes nos libertés ? Nous pouvons aussi les sauver en décidant de les répandre. Si nous voyons
60 aussi les sauver en décidant de les répandre. Si nous voyons les faits, et savons les faire voir, nous aurons du même coup
61 nous voyons les faits, et savons les faire voir, nous aurons du même coup repris l’initiative. C’est l’autre camp qui sera
62 mettre sur la défensive, contre le rayonnement de nos vraies libertés. Or le meilleur moyen de les faire rayonner, c’est de
63 de les faire passer du plan des faits à celui de nos consciences et de nos volontés ; c’est d’appeler toutes nos forces ép
64 u plan des faits à celui de nos consciences et de nos volontés ; c’est d’appeler toutes nos forces éparses à se fédérer sol
65 ences et de nos volontés ; c’est d’appeler toutes nos forces éparses à se fédérer solidement, non point à s’unifier mais à
66 er dans leurs différences essentielles. Si demain notre fédération s’établit à Strasbourg ou ailleurs, nous dotant d’instrume
67 re fédération s’établit à Strasbourg ou ailleurs, nous dotant d’instruments modernes et puissants (politiques, scientifiques
68 sociaux) au service de la vocation commune à tous nos peuples, le monde entier verra que l’Europe c’est l’espoir, qu’elle a
69 plus grand passé. Si vous demandez : quelles sont nos chances ? Je dirai qu’elles dépendent de chacun de nous, — beaucoup p
70 hances ? Je dirai qu’elles dépendent de chacun de nous , — beaucoup plus que d’un général américain. Chaque personne fait obs
71 la fatalité. a. Rougemont Denis de, « Mesurons nos forces », Preuves, Paris, avril 1951, p. 1-3. b. Une note précise :
72 e Denis de Rougemont, intitulée Les Libertés que nous pouvons perdre , que nous publierons très prochainement. »
73 tulée Les Libertés que nous pouvons perdre , que nous publierons très prochainement. »
2 1951, Preuves, articles (1951–1968). Neutralité et neutralisme (mai 1951)
74 Neutralité et neutralisme (mai 1951)c d Nous sommes contre toute espèce de totalitarisme, pour une raison très sim
75 simple, d’ordre intellectuel et moral : parce que nous refusons de subordonner la culture à la politique, — à n’importe quel
76 ns de la vie humaine et de son sens, la politique doit s’occuper des moyens pratiques de réaliser ces fins. C’est une grave
77 te l’histoire du monde, c’est tout simplement que nous pouvons perdre demain notre liberté de penser. …Nulle part peut-être
78 st tout simplement que nous pouvons perdre demain notre liberté de penser. …Nulle part peut-être plus qu’en Inde, la culture
79 ace totalitaire contre la liberté de la pensée ne doit être plus redoutée que pour l’âme même de ce pays de très vieille et
80 qu’en fait, le totalitarisme le plus dangereux de nos jours est le stalinisme, variété la plus puissante d’une maladie uniq
81 ice politique, donc à corrompre la source même de notre liberté. Et voilà pourquoi nous sommes antistaliniens. …On a dit que
82 a source même de notre liberté. Et voilà pourquoi nous sommes antistaliniens. …On a dit que nous sommes ici au service des A
83 ourquoi nous sommes antistaliniens. …On a dit que nous sommes ici au service des Américains. Soyons bien clairs : nous ne se
84 i au service des Américains. Soyons bien clairs : nous ne serons jamais « pour l’Amérique » de la même manière que les stali
85 s d’une grande puissance bien définie. Mais pour nous l’Amérique ne s’identifie pas avec le bien ni avec le vrai. Même si l
86 tre actuellement le défenseur le plus efficace de nos libertés, nous ne sommes pas prêts à souscrire sans condition, une fo
87 nt le défenseur le plus efficace de nos libertés, nous ne sommes pas prêts à souscrire sans condition, une fois pour toutes,
88 r toutes la liberté avec les intérêts américains. Nous sommes amis des Américains, mais plus encore amis de la vérité. …On a
89 plus encore amis de la vérité. …On a prétendu que nous étions réunis à Bombay pour condamner la neutralité en général, et ce
90 je suis neutre. » C’est contre ce mensonge-là que nous devons lutter, je veux dire : — contre cette manière de mettre la cul
91 is neutre. » C’est contre ce mensonge-là que nous devons lutter, je veux dire : — contre cette manière de mettre la culture au
92 . d. Le texte est précédé du chapeau suivant : «  Nous avons rendu compte, dans notre précédent numéro, du Congrès indien po
93 chapeau suivant : « Nous avons rendu compte, dans notre précédent numéro, du Congrès indien pour la liberté de la culture qui
94 culture, a fait une importante intervention, dont nous donnons ci-dessous quelques extraits. »
3 1951, Preuves, articles (1951–1968). Culture et famine (novembre 1951)
95 , les Sumériens, les Égyptiens et les Romains, si nos ancêtres européens eux-mêmes avaient déclaré en leur temps : « point
96 ps : « point de culture tant qu’il subsiste parmi nous de la misère et de la famine », il n’y aurait point de civilisation.
97 vilisation. S’il n’y avait point de civilisation, nous serions sans moyens techniques de remédier à la famine. Ce n’est pas
98 , c’est de culture, non point de politique, qu’on doit parler dans un pays comme l’Inde, sans cesse menacé de famine. Et cel
4 1952, Preuves, articles (1951–1968). « L’Œuvre du xxe siècle » : une réponse, ou une question ? (mai 1952)
99 reux qu’ils ne voudraient le croire sont ceux qui nous répètent, depuis vingt ans, que l’état de nos arts est la preuve d’un
100 ui nous répètent, depuis vingt ans, que l’état de nos arts est la preuve d’une décadence de l’Occident. Cette mystification
101 e l’Occident. Cette mystification date des nazis. Notre art « dégénéré » survit à leur empire, qu’ils fondaient pour mille an
102 ché originel naquit le formalisme occidental, qui devait conduire à Picasso, lequel, tout communiste qu’il soit, sert Wall Str
103 d’environ 1880 que par la couleur des parements. Nous attendons encore, nous attendrons longtemps, l’aveu public de cet « a
104 la couleur des parements. Nous attendons encore, nous attendrons longtemps, l’aveu public de cet « avenir », je veux dire s
105 ants du pompiérisme, du racisme et du stalinisme, nous avons choisi d’opposer des chefs-d’œuvre de l’art et de la pensée lib
106 ts et de leurs censures, dans le développement de nos arts. L’Œuvre du xxe siècle pose bien d’autres problèmes. Le premier
107 aires, dont la fonction, selon l’oracle sibyllin, devait être de restaurer ou de maintenir la cité dans sa gloire. Une telle c
108 s créateurs, le public, et leur manière de sentir notre temps. Comme l’acte d’observer dans la microphysique, cet acte d’expo
109 définir. Combien de seuils et de limites n’avons- nous pas forcés dans notre siècle — seuil de l’atome ou seuil de l’inconsc
110 seuils et de limites n’avons-nous pas forcés dans notre siècle — seuil de l’atome ou seuil de l’inconscient, sens de la vue e
111 ce à trois dimensions… ? Chacune de ces victoires nous a jetés dans un complexe nouveau de paradoxes. Prenons l’exemple de l
112 hénomènes serait-il la rançon de l’autre ? Sommes- nous dans une situation globale de disjonctions irrémédiables, de divorce,
113 hé comme de leur gloire. Cette aventure va-t-elle nous apparaître comme un passé déjà, ou comme l’effervescence d’un ordre n
114 e du xxe siècle s’inaugure dans le vrai style de notre époque : la réponse qu’elle apporte, d’une part, est, de l’autre, une
5 1952, Preuves, articles (1951–1968). Le sens de nos vies, ou l’Europe (juin 1952)
115 Le sens de nos vies, ou l’Europe (juin 1952)g Toute civilisation consiste, en fin
116 x implacables de la fécondité et de la mort. Dans notre Europe moderne, éduquer signifie au contraire amener le jeune homme à
117 ie-ci, sera « rééduqué » pour l’avenir collectif. Nous voyons au contraire l’homme d’Europe chercher l’originalité, et presq
118 les saints — et les nécessités de la concurrence. Nous le voyons chercher sa voie selon ses goûts, ses croyances qui diffère
119 a conversion personnelle. La question du sens de nos vies, du sens particulier de chaque vie dans la vie, dénote et marque
120 t les modernes entreprises totalitaires, l’Europe nous apparaît comme une espèce de révolution permanente, révolution menée
121 de chaque personne humaine. Pour beaucoup d’entre nous l’expression est passée au rang de cliché. Mais l’historien jugera di
122 nthèse qui s’opéra durant les premiers siècles de notre ère, qui s’épanouit avec la Renaissance, et dont la dialectique inter
123 sance, et dont la dialectique interne aboutit, de nos jours, au conflit du collectivisme et de la liberté démocratique. Je
124 nne — à la fois mère et fille de l’Europe — forme nos vies, permet qu’elles aient un sens, et donne leur intérêt même affec
125 donne leur intérêt même affectif à la plupart de nos activités. Ôtez le moi distinct, le droit d’être une personne, et du
126 ct, le droit d’être une personne, et du même coup nos vies n’auraient plus sel ni sens : voilà bien dans sa réalité la mena
127 imple. Elle consiste à rappeler que la plupart de nos valeurs et idéaux, à nous autres Européens, et la plupart de nos acti
128 ppeler que la plupart de nos valeurs et idéaux, à nous autres Européens, et la plupart de nos activités courantes, sérieuses
129 idéaux, à nous autres Européens, et la plupart de nos activités courantes, sérieuses ou non, dérivent de la notion de l’hom
130 e l’Asie, avec le monde collectiviste. Je dis que nos valeurs modernes, actuelles (le sens que nous donnons à nos activités
131 que nos valeurs modernes, actuelles (le sens que nous donnons à nos activités) si elles ne traduisent pas toujours directem
132 s modernes, actuelles (le sens que nous donnons à nos activités) si elles ne traduisent pas toujours directement cette noti
133 nomène caractéristique du christianisme. De même, nous constatons que la notion de révolution a la même extension dans l’esp
134 lissement. La passion dans l’amour nourrit toutes nos littératures depuis des siècles — depuis les troubadours — et grâce à
135 ubadours — et grâce à la littérature, elle obsède nos rêves, elle met un « tourment délicieux » dans nos vies. Sous des for
136 os rêves, elle met un « tourment délicieux » dans nos vies. Sous des formes à vrai dire dégradées, de plus en plus anodines
137 que cette passion qui tient une telle place dans nos vies, ou tout au moins dans nos secrètes nostalgies, l’Asie l’ignore
138 telle place dans nos vies, ou tout au moins dans nos secrètes nostalgies, l’Asie l’ignore en toute sérénité, l’Amérique la
139 ant aux Américains, ils ont certes en commun avec nous l’héritage de la littérature, vulgarisé par Hollywood. Mais j’ai pu o
140 passion. Enfin, le citoyen du monde soviétique se doit de rejeter avec une horreur officielle l’idée non scientifique, bourg
141 du stakhanoviste modèle. Cette passion, donc, qui nous paraît si « naturelle », est en réalité exceptionnelle dans le monde.
142 amour personnel. Ces deux exemples sont extrêmes. Nous ne sommes pas tous des révolutionnaires, ni les héros d’une grande pa
143 telle, mais la révolution et la passion sont pour nous tous des repères décisifs. Nos vies sont orientées par rapport à ces
144 passion sont pour nous tous des repères décisifs. Nos vies sont orientées par rapport à ces pôles. Voici, plus près de nos
145 tées par rapport à ces pôles. Voici, plus près de nos vies quotidiennes, d’autres exemples : le besoin d’originalité et l’h
146 le besoin d’originalité et l’humour. Il y a dans notre goût de l’originalité, deux composantes : l’esprit de concurrence et
147  » d’une manière personnelle. C’est même cela que nous nommons « créer ». Mais cette idée de l’originalité, dans les arts ou
148 iental, qui tend à s’ordonner au monde des dieux, nous ayons à choisir. Je dis que nous avons choisi. Je ne dis pas que l’un
149 monde des dieux, nous ayons à choisir. Je dis que nous avons choisi. Je ne dis pas que l’un vaut mieux que l’autre, mais qu’
150 fférents. Et je ne nie pas non plus que dans tous nos pays, il existe une majorité de conformistes, qui redoutent l’épithèt
151 … J’en viens à un dernier exemple, le Progrès, et notre attitude envers lui. Il est de mode aujourd’hui de douter du Progrès.
152 de douter du Progrès. Les plus grands esprits de notre siècle, un Paul Valéry, un Eliot, un Toynbee, un Bergson l’ont fait ;
153 oynbee, un Bergson l’ont fait ; et la majorité de nos élites les a suivis. Certes, nous pouvons railler les illusions du si
154 t la majorité de nos élites les a suivis. Certes, nous pouvons railler les illusions du siècle des Lumières et du siècle bou
155 des Lumières et du siècle bourgeois-capitaliste ; nous pouvons répéter que notre industrie aboutit à la misère prolétarienne
156 bourgeois-capitaliste ; nous pouvons répéter que notre industrie aboutit à la misère prolétarienne, notre science à la bombe
157 otre industrie aboutit à la misère prolétarienne, notre science à la bombe atomique, nos révolutions à l’État totalitaire ; q
158 prolétarienne, notre science à la bombe atomique, nos révolutions à l’État totalitaire ; que le Progrès n’est donc nullemen
159 ssible reste vital pour l’homme européen ; et que nos vies perdraient leur sens, si vraiment nous cessions de croire qu’un
160 et que nos vies perdraient leur sens, si vraiment nous cessions de croire qu’un lendemain plus vaste et plus libre reste ouv
161 ste ouvert. De plus, il serait faux de penser que notre idée européenne du progrès ait vraiment émigré en Russie ou en Amériq
162 ns ces empires de masses, diffère profondément de notre idéal. Dans une dictature, par exemple, l’idée de progrès perdra néce
163 e de progrès perdra nécessairement ce qui fait, à nos yeux, tout son prix : elle cesse d’être liée à l’idée de liberté, c’e
164 a perspective d’une vie plus libre pour chacun de nous . Elle se lie à l’idée de contrainte collective, qui est la négation m
165 la négation même de son mouvement originel. D’où nous vient, en effet, le concept du Progrès ? Il n’est apparu comme concep
166 retour du Seigneur au jugement dernier. D’ici là, nous nous avançons dans l’inconnu de l’Histoire que nous créons nous-mêmes
167 r du Seigneur au jugement dernier. D’ici là, nous nous avançons dans l’inconnu de l’Histoire que nous créons nous-mêmes, dan
168 us nous avançons dans l’inconnu de l’Histoire que nous créons nous-mêmes, dans l’incertitude et l’espoir. Les catastrophes r
169 is le progrès aussi devient possible : il traduit notre volonté d’échapper aux fatalités. Et nous l’imaginons comme le produi
170 raduit notre volonté d’échapper aux fatalités. Et nous l’imaginons comme le produit de toutes les créations accumulées par l
171 s hommes, héros, savants, législateurs et saints. Nous pensons que tout cela rendra la vie meilleure. Nous nous trompons peu
172 us pensons que tout cela rendra la vie meilleure. Nous nous trompons peut-être, mais nous le pensons, et cela depuis près de
173 nsons que tout cela rendra la vie meilleure. Nous nous trompons peut-être, mais nous le pensons, et cela depuis près de deux
174 vie meilleure. Nous nous trompons peut-être, mais nous le pensons, et cela depuis près de deux-mille ans. Cependant, de nos
175 cela depuis près de deux-mille ans. Cependant, de nos jours, notre foi dans le Progrès a cessé d’être une foi naïve. Nous n
176 près de deux-mille ans. Cependant, de nos jours, notre foi dans le Progrès a cessé d’être une foi naïve. Nous nous posons à
177 foi dans le Progrès a cessé d’être une foi naïve. Nous nous posons à son sujet des questions parfois angoissantes. Par exemp
178 ans le Progrès a cessé d’être une foi naïve. Nous nous posons à son sujet des questions parfois angoissantes. Par exemple :
179 esurer le Progrès ? La question paraît insoluble. Nos créations sont toujours équivoques, chacun le sait au xxe siècle. L’
180 un le sait au xxe siècle. L’essor de l’industrie nous a valu un certain confort matériel, mais aussi les problèmes sociaux.
181 nfort matériel, mais aussi les problèmes sociaux. Nous traversons l’Atlantique en huit heures, mais ainsi font les bombardie
182 rifiable, et que la somme des modifications qu’il nous apporte, en bien et en mal, s’annule. La croyance au Progrès collecti
183 peut reprendre un sens certain que par rapport à notre vie individuelle. Car le Progrès à l’origine signifiait une libératio
184 grès à l’origine signifiait une libération, et de nos jours encore la liberté ne peut avoir de sens que pour l’individu (qu
185 ogrès, ce ne sera pas seulement l’augmentation de notre sécurité, de notre confort, mais aussi et peut-être surtout, celle de
186 as seulement l’augmentation de notre sécurité, de notre confort, mais aussi et peut-être surtout, celle de nos risques person
187 onfort, mais aussi et peut-être surtout, celle de nos risques personnels, des occasions et des moyens de nous décider nous-
188 isques personnels, des occasions et des moyens de nous décider nous-mêmes, donc d’être libres. Car la seule liberté qui comp
189 er la carte des continents et de dénombrer toutes nos races de Marco Polo à Vasco de Gama, et de Christophe Colomb au capit
190 Aztèques ni les Bantous, ni même les Hindous qui nous ont découverts. C’est nous qui avons été y voir. Mais il y a plus. No
191 i même les Hindous qui nous ont découverts. C’est nous qui avons été y voir. Mais il y a plus. Nous avons en Europe des sino
192 ’est nous qui avons été y voir. Mais il y a plus. Nous avons en Europe des sinologues, des hindouistes, des arabisants, et m
193 péens. J’ajouterai que j’en connais trop peu dans nos pays, et que c’est précisément pour remédier à cette carence que nous
194 est précisément pour remédier à cette carence que nous avons fondé à Genève, le Centre européen de la culture, institution q
195 , institution qui a pour but principal de fédérer nos forces culturelles afin de réveiller la conscience de l’Europe comme
196 conscience de l’Europe comme unité, au-dessus de nos nations. Deuxième remarque : l’Europe est le Musée du monde. Et je ne
197 ayant décidé, en plein accord avec Goebbels, que notre art était décadent.) Nous avons fait bien plus que de collectionner,
198 ord avec Goebbels, que notre art était décadent.) Nous avons fait bien plus que de collectionner, bien plus que d’enregistre
199 es voix et les visages de l’innombrable humanité. Nous avons médité sur les mystères de toutes les civilisations qui précédè
200 tères de toutes les civilisations qui précédèrent les nôtres et sur celles qui subsistent au xxe siècle. Nous avons déchiffré leu
201 tres et sur celles qui subsistent au xxe siècle. Nous avons déchiffré leurs hiéroglyphes, reconstitué et revécu leurs ambit
202 lyphes, reconstitué et revécu leurs ambitions, et nous avons philosophé sur leurs problèmes avec autant de passion, souvent,
203 roblèmes avec autant de passion, souvent, que sur les nôtres . Voici le trait que l’on doit souligner : tous les peuples du monde a
204 vent, que sur les nôtres. Voici le trait que l’on doit souligner : tous les peuples du monde aujourd’hui, nous imitent — pou
205 ouligner : tous les peuples du monde aujourd’hui, nous imitent — pour leur bien et leur mal à la fois — mais nous, bien au c
206 ent — pour leur bien et leur mal à la fois — mais nous , bien au contraire, au lieu de les imiter, nous cherchons et nous par
207 s nous, bien au contraire, au lieu de les imiter, nous cherchons et nous parvenons à les comprendre. Cette attitude, absolum
208 ntraire, au lieu de les imiter, nous cherchons et nous parvenons à les comprendre. Cette attitude, absolument particulière,
209 renaissance. Au-delà de la peur Voilà donc notre Europe, patrie de l’homme conscient, lieu de conscience extrême de to
210 a la menace totalitaire, la négation pratique de nos raisons de vivre. Il y a la menace de ruines économiques qui entraîne
211 ique, civique, et même psychique, si répandu dans nos élites — le pire danger, tant il est vrai que nous résigner à croire
212 nos élites — le pire danger, tant il est vrai que nous résigner à croire notre déclin fatal, le rendrait en effet fatal. On
213 nger, tant il est vrai que nous résigner à croire notre déclin fatal, le rendrait en effet fatal. On me dira que la culture,
214 ture, c’est peu de chose pour arrêter le cours de nos fatalités. Si l’on dit cela, on commettra la pire erreur qu’on puisse
215 on puisse commettre à propos de l’Europe. Ici, je devrais faire une autre conférence pour démontrer que notre culture fut bel e
216 ais faire une autre conférence pour démontrer que notre culture fut bel et bien, dans le passé, la vraie raison de notre puis
217 ut bel et bien, dans le passé, la vraie raison de notre puissance, même matérielle, et qu’elle peut, et qu’elle doit le redev
218 nce, même matérielle, et qu’elle peut, et qu’elle doit le redevenir demain. Je vous conterai plutôt une petite histoire vrai
219 piétisme, il pensait que sa science abstraite ne devait pas l’empêcher de se rendre utile aux hommes. Aussi dessina-t-il, à t
220 es actes. Sur le plan des faits bruts, l’Amérique nous dépasse, l’armée russe peut encore nous écraser, et notre union s’avè
221 ’Amérique nous dépasse, l’armée russe peut encore nous écraser, et notre union s’avère bien difficile. Mais l’esprit créateu
222 passe, l’armée russe peut encore nous écraser, et notre union s’avère bien difficile. Mais l’esprit créateur reste notre apan
223 vère bien difficile. Mais l’esprit créateur reste notre apanage, l’esprit qui voit au-delà des faits et peut les transformer
224 roit de poser passionnément quelques questions au devoir de réciter toutes les réponses — l’esprit de liberté qui peut encore
225 ver d’un même mouvement et l’Europe et le sens de nos vies. g. Rougemont Denis de, « Le sens de nos vies, ou l’Europe »
226 nos vies. g. Rougemont Denis de, « Le sens de nos vies, ou l’Europe », Preuves, Paris, juin 1952, p. 3-8.
6 1952, Preuves, articles (1951–1968). Le dialogue Europe-Amérique (août-septembre 1952)
227 lectuelle, le stalinisme est en recul marqué dans nos pays. À Paris et à Rome, où il avait conquis au lendemain de la guerr
228 pper une civilisation certes proche parente de la nôtre , mais autonome ; la plus grande différence entre les deux étant que l
229 vocabulaire des staliniens) la marshallisation de nos cultures. À l’en croire, l’invasion de l’américanisme représenterait
230 l’invasion de l’américanisme représenterait pour nous un aussi grand danger que l’invasion du stalinisme russe. On sait les
231 Wall Street » et le danger d’une guerre menée sur notre sol contre les Russes. (Mais l’attitude antiaméricaine est plus ancie
232 ancienne que ces griefs, et très souvent ne leur doit rien.) Quant aux motifs d’attrait, ce sont parfois les mêmes, plus ch
233 rts humains plus francs et plus cordiaux que chez nous . Politiquement, on sait ce que donne cette attitude ambivalente : aid
234 t ce que donne cette attitude ambivalente : aidez- nous avec vos dollars, mais si vous exigez que votre aide soit efficace, n
235 mais si vous exigez que votre aide soit efficace, nous crierons à l’impérialisme ; puis décampez, go home, laissez-nous à no
236 l’impérialisme ; puis décampez, go home, laissez- nous à nos combats de coqs et nous crierons à l’isolationnisme. Quant à la
237 rialisme ; puis décampez, go home, laissez-nous à nos combats de coqs et nous crierons à l’isolationnisme. Quant à la cultu
238 z, go home, laissez-nous à nos combats de coqs et nous crierons à l’isolationnisme. Quant à la culture, la cause est entendu
239 ola, Hollywood, comics et whisky. Il est vrai que nous copions vos romans et vos danses. Mais vous n’avez même pas le sens d
240 pliqués et susceptibles, esquivant les réponses à nos questions directes, occupés à se ruiner par des guerres nationales qu
241 upés à se ruiner par des guerres nationales qu’on nous demande ensuite de payer, parlant de métaphysique mais prenant nos do
242 te de payer, parlant de métaphysique mais prenant nos dollars. Je force à peine les traits, pour aller vite. Je rappelle de
243 stes, ou deviennent isolationnistes, ce sera bien notre faute dans les deux cas. Car il faut faire l’Europe, ou il faudra sub
244 Et si la « civilisation du digest » prévaut chez nous , ce sera notre faute encore, autant que celle des USA. Les digests, q
245 vilisation du digest » prévaut chez nous, ce sera notre faute encore, autant que celle des USA. Les digests, que nous lisons
246 ncore, autant que celle des USA. Les digests, que nous lisons par millions, ne sont tout de même pas distribués par M. Aches
247 que de jazz hot, il faut bien constater que c’est notre public européen, qui, librement, propage ces succès américains et leu
248 américains et leurs contrefaçons multipliées chez nous . Notre élite s’en plaint, il est vrai. Mais l’élite des USA aussi. Pe
249 ains et leurs contrefaçons multipliées chez nous. Notre élite s’en plaint, il est vrai. Mais l’élite des USA aussi. Personne
250 tmosphère plus saine, quelques conditions simples nous ont paru requises : a) La première rencontre doit être restreinte et
251 nous ont paru requises : a) La première rencontre doit être restreinte et non spectaculaire ; il ne s’agit pas d’un congrès,
252 s représentants de l’Amérique et ceux de l’Europe doivent être choisis au même niveau de culture et de responsabilité : cessons
253 autre, et Pascal aux digests ou les gratte-ciel à nos pittoresques taudis ; parlons en égaux différents. Alors, entre les m
254 nente, il y aura vraiment rencontre créatrice. c) Nos griefs et critiques réciproques doivent être considérés comme justifi
255 créatrice. c) Nos griefs et critiques réciproques doivent être considérés comme justifiés, dès le départ, et la question ne ser
256 ) « neutralistes ». En voici un : « Dès le début, nous avons ici dénoncé… les dangers que faisait courir à la santé de notre
257 ncé… les dangers que faisait courir à la santé de notre pays une culture américaine qui attaque à leurs racines l’originalité
7 1953, Preuves, articles (1951–1968). Deux princes danois : Kierkegaard et Hamlet (février 1953)
258 à la lutte, au cours de la polémique décisive qui devait le mener à la mort. Ainsi le drame de Kierkegaard fut typiquement cel
259 cette action tragique, une pièce célèbre dont il nous apparaît que la forme et le progrès même présentent avec la biographi
260 e Kierkegaard les plus frappantes analogies. Sans nous attarder sur la coïncidence qui fait d’Hamlet un prince danois — et l
261 t à première vue le drame vécu par Kierkegaard et nous suggèrent un parallèle possible. L’histoire d’Hamlet peut se résumer
262 ir donner le change ». Voici donc Hamlet tel que nous le décrivent les premières scènes du drame de Shakespeare, et Kierkeg
263 vent, mais dont il n’a jamais expliqué la nature. Nous savons cependant que le secret était lié à la mémoire de son père. Il
264 les plus terribles de la réalité la plus cruelle. Nous avons dénaturé le christianisme, nous l’avons pris à bon marché, au l
265 us cruelle. Nous avons dénaturé le christianisme, nous l’avons pris à bon marché, au lieu de nous en reconnaître indignes et
266 nisme, nous l’avons pris à bon marché, au lieu de nous en reconnaître indignes et d’avouer que nous refusons d’en payer le p
267 u de nous en reconnaître indignes et d’avouer que nous refusons d’en payer le prix. C’est là, dit Kierkegaard, « un crime de
268 a donc usurpation. Le christianisme officiel, de nos jours, joue de la sorte, aux yeux de Kierkegaard, le même rôle que le
269 e de l’Évangile. La tâche apparaît surhumaine. Et nous voyons les deux héros gémir sous le faix qui leur est imposé : « L’ép
270 ous les tons la même idée : il est né pour forcer notre époque détraquée à reconnaître l’absolu chrétien et, sinon à lui obéi
271 les deux cas. Pour Hamlet, c’est très simple : il doit se taire, sinon Claudius le fera sans aucun doute assassiner. Pour Ki
272 lia. Ici, c’est l’exemple vécu de Kierkegaard qui nous aide à comprendre Hamlet. Kierkegaard aime Régine, jeune fille de 17
273 un témoin de la vérité ? Un soldat à la frontière devrait -il être marié ? se demande Kierkegaard. Et lui, qui se bat aux avant-
274 ufrage sur cette jeune fille, ergo la jeune fille doit disparaître. Sur sa perte passe ma route vers un grand but. » Et nous
275 r sa perte passe ma route vers un grand but. » Et nous voyons Hamlet, comme Kierkegaard, se noircir aux yeux de la jeune fil
276 as gai ! » Cependant qu’il avoue en aparté : « Je dois paraître cruel, mais c’est pour être tendre… » Il convient de marquer
277 eur Martensen, prononçant son éloge funèbre, crut devoir saluer sa mémoire comme celle d’un « vrai témoin de la vérité ». Dans
278 c’est bien d’un véritable témoin de la vérité que nous parle le professeur Martensen — et puis enfin crucifié, décapité, brû
279 . En effet, « dans l’ordre esthétique, l’obstacle doit être hors du héros, non pas en lui ». Si l’obstacle à son acte est en
280 son ambiguïté. Celle-ci paraît immédiatement dans notre usage courant du terme de vocation. L’on dit ainsi d’un jeune garçon
281 s qu’un enfant, voici, je ne sais point parler. » Nous dirions qu’il n’a pas la vocation. Précisément, il la reçoit. Elle lu
282 l’esprit. Chez Kierkegaard, l’ambiguïté subsiste. Nous avons vu que sa mélancolie profonde le sépare des autres et, dès l’en
283 oin de la vérité. Cependant, cette ambiguïté dans notre idée courante de la vocation n’est pas celle qui retient Kierkegaard.
284 , après tout, d’être purement imaginaire. À cela, nous ajouterons l’incertitude subjective, celle qui concerne les motifs qu
285 utant qu’hors de lui. Reprenons une dernière fois notre parallèle dramatique. Il nous faut reconnaître, enfin, que la mission
286 une dernière fois notre parallèle dramatique. Il nous faut reconnaître, enfin, que la mission reçue par Hamlet n’est pas un
287 tout acte de foi. Hamlet sait exactement ce qu’il doit faire : tuer l’usurpateur, venger le roi assassiné. Son but est donc
288 ifféremment. Il s’agit de découvrir le rôle qu’on devra jouer dans un drame infini, aussi vaste que l’histoire humaine, dont
289 trame ni l’ensemble — et cependant il faut jouer, nous sommes au monde, nous sommes embarqués, nous sommes en scène malgré n
290 et cependant il faut jouer, nous sommes au monde, nous sommes embarqués, nous sommes en scène malgré nous… Telle est l’angoi
291 uer, nous sommes au monde, nous sommes embarqués, nous sommes en scène malgré nous… Telle est l’angoisse de la vocation. Je
292 ous sommes embarqués, nous sommes en scène malgré nous … Telle est l’angoisse de la vocation. Je disais tout à l’heure que Ki
293  tromperies » — comme il tient à le répéter. Ceci nous porterait à croire que, d’entrée de jeu, tout comme Hamlet, il avait
294 i simples. C’est après coup, le plus souvent, que nos actions apparaissent organisées par une intention générale. Celle-ci,
295 te la structure dialectique de mon œuvre… Non, je dois le dire franchement, ce qui m’échappe, c’est que je puis maintenant a
296 tâche. » Dans un autre passage du même livre, il nous décrit ce que l’on pourrait appeler la psychologie d’une vocation en
297 privé se trouvaient être justement celles que je devais faire comme auteur. Je n’arrivais pas à comprendre comment de petites
298 es hasards et fait flèche de tout bois, souvent à notre insu. Mais ce qu’illustre avant tout ce passage, c’est le paradoxe es
299 marcher. Cette « lumière sur mon sentier », dont nous parle un psaume de David, n’éclaire pas au loin une voie tracée d’ava
300 aides, quels repères, quels principes directeurs nous offrira donc Kierkegaard ? À vrai dire, le seul guide qu’il nous prop
301 nc Kierkegaard ? À vrai dire, le seul guide qu’il nous propose, c’est la souffrance, lorsqu’il écrit cette phrase lourde de
302 a vocation, c’est aller dans le sens où la nature nous pousse, dans le sens de nos talents, de nos « facilités », tandis que
303 le sens où la nature nous pousse, dans le sens de nos talents, de nos « facilités », tandis que Kierkegaard nous propose la
304 ture nous pousse, dans le sens de nos talents, de nos « facilités », tandis que Kierkegaard nous propose la souffrance non
305 nts, de nos « facilités », tandis que Kierkegaard nous propose la souffrance non pas seulement comme signe et garantie de la
8 1953, Preuves, articles (1951–1968). À propos de la crise de l’Unesco (mars 1953)
306 it de l’Unesco, les milieux proprement culturels. Nous ne voyons, pour notre part, aucune raison d’affecter la pudeur dans c
307 ilieux proprement culturels. Nous ne voyons, pour notre part, aucune raison d’affecter la pudeur dans ce domaine. Disons que
308 -même, comme le prouve le départ de leur chef. Il doit y avoir un vice constitutif dans toute l’affaire. Et peut-être facile
309 es. Les activités culturelles n’étant aux yeux de nos gouvernements — et c’est normal — qu’une espèce de mal nécessaire, un
310 e pas plus d’énergie qu’elle n’en transmet ? Cela devrait se calculer, semble-t-il. Mais l’a-t-on fait ? En attendant, rêvons u
311 but en soi, non comme annexe d’une politique. Et nous venons de voir pourquoi c’est impossible : non point à cause d’une ma
312 eu de libre-échange qui ne tenait aucun compte de nos récentes divisions administratives et douanières. Le champ d’action o
313 e, l’islam, l’Asie du Sud, l’Extrême-Orient. Ceci doit se traduire par des organismes régionaux (comme on dit à l’Unesco) et
314 nautés organiques et dans les foyers de création. Nous entendons par là : les écoles de pensée et d’art ; les revues et les
315 entre foyers de création. Ces liaisons peuvent et doivent être favorisées quand elles ne s’établissent pas spontanément. Mais o
316 tat naissant. Et ce qui vaut pour les initiatives devrait valoir aussi pour le contrôle des tâches exécutées en collaboration.
317 ts soit à l’échelle des Nations unies, soit comme nous le pensons préférable, à celle du Conseil de l’Europe ? Les taches no
318 ectes entre les petits exécutifs spécialisés dont nous parlions et les instances gouvernementales se révèle là encore le plu
9 1953, Preuves, articles (1951–1968). « Nous ne sommes pas des esclaves ! » (juillet 1953)
319 «  Nous ne sommes pas des esclaves ! » (juillet 1953)l « Ils ont tiré ! Il
320 osé se rassembler, sans armes, pour proclamer : «  Nous ne sommes pas des esclaves ! » Ainsi les Soviétiques viennent de reno
321 rase qu’on n’a pas lue dans la presse communiste, nos enfants la liront dans leurs livres d’histoire. Cette phrase a été di
322 de vivre. D’autres massacres d’ouvriers ont sali notre histoire, depuis le xviiie siècle. Au nom de l’ordre, et de la loi,
323 ntérêts de la production, les policiers de toutes nos bourgeoisies ont tué des travailleurs qui, eux, se révoltaient au nom
324 t de leur dignité d’hommes. C’était ignoble, mais nous voyons bien pire. Il était réservé au régime communiste de faire ce m
325 ourgeois par celui des Soviets ; mais la seconde, nous l’avons sous les yeux, consiste à s’emparer de la cause ouvrière, à s
326 nt fait avec éclat le dix-sept juin ! En criant «  nous ne sommes pas des esclaves ! », les ouvriers de Berlin ont rétabli d’
327 enue manifeste. Il ne reste à ses partisans, dans nos démocraties, qu’à nier les faits. Il leur reste à nier l’éclat de rir
328 rvice de la liberté. l. Rougemont Denis de, « “ Nous ne sommes pas des esclaves !” », Preuves, Paris, juillet 1953, p. 3-4
10 1953, Preuves, articles (1951–1968). Les raisons d’être du Congrès (septembre 1953)
329 raisons d’être du Congrès (septembre 1953)m n Notre tâche est une action mondiale pour la liberté de la culture, c’est-à-
330 erai tout d’abord les quelques grandes étapes qui nous ont conduits jusqu’ici. À Berlin, au début de la guerre de Corée, nou
331 qu’ici. À Berlin, au début de la guerre de Corée, nous avons été dire un seul mot : Liberté ! et le sens de ce mot, ce sens
332 yrans. À la suite du meeting mémorable de Berlin, nous nous sommes organisés. Nous avons créé des secrétariats en Allemagne,
333 . À la suite du meeting mémorable de Berlin, nous nous sommes organisés. Nous avons créé des secrétariats en Allemagne, en F
334 mémorable de Berlin, nous nous sommes organisés. Nous avons créé des secrétariats en Allemagne, en France, en Italie, en Gr
335 en profondeur a commencé. À Paris, l’an dernier, notre festival du xxe siècle montrait avec éclat la vitalité insurpassée d
336 erté ! », disait en somme ce festival, et « voilà nos raisons de reprendre confiance dans une culture, que ceux qui en sont
337 ffort dans le domaine des Arts. Mais la science ? nous a-t-on dit de tous côtés, qu’en faites-vous ? N’est-elle pas une part
338 nce et la liberté a fait partie, dès le début, de notre programme. Nous nous sommes tournés vers la science. Nous l’avons fai
339 a fait partie, dès le début, de notre programme. Nous nous sommes tournés vers la science. Nous l’avons fait pour deux gran
340 it partie, dès le début, de notre programme. Nous nous sommes tournés vers la science. Nous l’avons fait pour deux grandes r
341 gramme. Nous nous sommes tournés vers la science. Nous l’avons fait pour deux grandes raisons, que je voudrais commenter bri
342 sons, que je voudrais commenter brièvement. Voici notre première raison : La science nous apparaît encore plus gravement mena
343 èvement. Voici notre première raison : La science nous apparaît encore plus gravement menacée que les Arts par les régimes d
344 tainement plus enviable que celui d’un savant qui doit apprendre et professer la génétique selon Lyssenko, la linguistique s
345 qui est par essence une aventure dans l’inconnu. Notre deuxième raison de nous tourner vers la science est encore plus évide
346 aventure dans l’inconnu. Notre deuxième raison de nous tourner vers la science est encore plus évidente, et la voici : La c
347 ence même de la science que ses implications pour notre vie sociale. Tout d’abord, la science est devenue aux yeux de l’homme
348 t les sous-produits de la science, aboutissent de nos jours à des applications accélérées presque immédiates. Il a fallu pl
349 ion publique et la grande presse. Mais prenez, de nos jours, une petite invention comme celle de la télévision ; en quelque
350 tualité et le bonheur des masses ? Ou bien sommes- nous prêts à courir les risques de la liberté ? Ces questions sont parmi l
351 de l’homme et dans l’issue de l’aventure humaine. Nous cherchions un lieu propice à cette atmosphère souhaitée. Et nous avon
352 un lieu propice à cette atmosphère souhaitée. Et nous avons trouvé, dans cette Europe inquiète, une grande cité qui offrait
353 it votre cité libre et hanséatique, dont le génie nous semblait incarné par celui qui a la charge de l’administrer, ce grand
354 qui est aussi un grand Weltbürger. Voilà pourquoi nous sommes ici. Merci ! m. Rougemont Denis de, « Allocution inaugurale
355 de la science détruit la science. Les savants ne doivent pas se reposer sur d’autres pour la défense de leur propre liberté de
356 à ce Congrès, le recteur Bruno Snell a déclaré : “ Nous autres savants, avons besoin l’un de l’autre. Nous devons savoir que
357 ous autres savants, avons besoin l’un de l’autre. Nous devons savoir que chacun de nous peut compter sur tous les autres lor
358 utres savants, avons besoin l’un de l’autre. Nous devons savoir que chacun de nous peut compter sur tous les autres lorsque no
359 l’un de l’autre. Nous devons savoir que chacun de nous peut compter sur tous les autres lorsque notre patrimoine commun est
360 de nous peut compter sur tous les autres lorsque notre patrimoine commun est en jeu, lorsque la science libre est menacée.”
361 dit-il, n’est exempt de vices. Cette critique que nous autres, chercheurs, appliquons à des mesures administratives est une
362 , à l’Allemagne, au temps où j’y fis mes études.” Nous reproduisons ci-dessous presque intégralement l’allocution inaugurale
11 1954, Preuves, articles (1951–1968). La table ronde de l’Europe (janvier 1954)
363 me temps, quinze publicistes, un par pays membre, devraient prendre part à la discussion, leur tâche particulière étant d’exprime
364 plus célèbres de Gauguin s’intitule : D’où venons- nous  ? Où sommes-nous ? Où allons-nous ? Je n’imagine pas de meilleure dev
365 Gauguin s’intitule : D’où venons-nous ? Où sommes- nous  ? Où allons-nous ? Je n’imagine pas de meilleure devise pour la table
366 rise, partons de la deuxième question : où sommes- nous , Européens, en ce milieu du xxe siècle ? Une phrase déjà fameuse, pr
367 -Henri Spaak, répond d’une manière dramatique : «  Nous autres Européens, nous vivons, depuis la dernière guerre, dans la peu
368 une manière dramatique : « Nous autres Européens, nous vivons, depuis la dernière guerre, dans la peur des Russes et de la c
369  » La raison de ce paradoxe est des plus simples. Nous ne nous sentons pas, en réalité, 325 millions d’Européens, mais seule
370 ison de ce paradoxe est des plus simples. Nous ne nous sentons pas, en réalité, 325 millions d’Européens, mais seulement 42
371 , 8 millions de Belges, 3 millions de Norvégiens… Nous pensons et sentons par nations cloisonnées, dans l’ère des grands emp
372 des grands marchés, et de la stratégie mondiale. Nous nous sentons, en conséquence, trop petits pour le siècle, et condamné
373 grands marchés, et de la stratégie mondiale. Nous nous sentons, en conséquence, trop petits pour le siècle, et condamnés à p
374 tits pour le siècle, et condamnés à perdre, après nos dernières positions dans le monde, notre indépendance politique, écon
375 dre, après nos dernières positions dans le monde, notre indépendance politique, économique et peut-être morale. Et certes, no
376 tique, économique et peut-être morale. Et certes, nous perdrons tout cela, tout ce qui fait le sens même de nos vies, si nou
377 drons tout cela, tout ce qui fait le sens même de nos vies, si nous persistons à demeurer une vingtaine de nations, de cant
378 la, tout ce qui fait le sens même de nos vies, si nous persistons à demeurer une vingtaine de nations, de cantons désunis. M
379 e nations, de cantons désunis. Mais au contraire, nous pouvons tout sauver par une union qui ferait de l’Europe, dans la réa
380 a conscience des périls qu’elle encourt, que tous nos pays courent ensemble, — et la conscience aussi des ressources immens
381 ion concrète et raisonnable en faveur de l’union, notre salut prochain. C’est ainsi, j’imagine, que l’on voyait les choses da
382 s littéraires, accueille avec un scepticisme amer nos plus éloquents hommes d’État. Il fallait donc d’une part approfondir
383 eux effort d’information. La tâche de méditer sur nos destins fut confiée à un petit groupe de six Sages, dont la compositi
384 ue menée par des esprits aussi divers que le sont nos peuples et les familles intellectuelles qui les composent. Mis aux pr
385 ons nationales, linguistiques et idéologiques qui nous fascinent aujourd’hui, apparaissent transitoires et relatives. À cett
386 origines communes à tous les peuples de l’Europe, nous l’avons faite sous la conduite magistrale et souriante d’un des plus
387 e et souriante d’un des plus grands historiens de notre temps, M. Toynbee, appuyé par l’autorité d’un savant humaniste, M. Lö
388 ar l’autorité d’un savant humaniste, M. Löfstedt. Nous avons vu se dessiner l’extraordinaire aventure collective de l’Occide
389 enture collective de l’Occident : la naissance de notre civilisation au confluent des courants issus d’Athènes, de Rome et du
390 dans le monde entier ; l’exportation pêle-mêle de nos idéaux religieux, de nos formes politiques, aussi, et enfin des secre
391 exportation pêle-mêle de nos idéaux religieux, de nos formes politiques, aussi, et enfin des secrets techniques de notre pu
392 tiques, aussi, et enfin des secrets techniques de notre puissance chez tous les peuples de la terre ; et puis soudain, au xxe
393 xxe siècle, le renversement subit et complet de notre position dans le monde ; la montée des empires unifiés, devant nos di
394 le monde ; la montée des empires unifiés, devant nos divisions sanglantes ; la crise de nos idéaux, devant la propagande m
395 és, devant nos divisions sanglantes ; la crise de nos idéaux, devant la propagande massive des dictatures ; les moyens maté
396 atures ; les moyens matériels et intellectuels de notre domination retournés contre nous. Nous avons vu clairement que nos pa
397 ntellectuels de notre domination retournés contre nous . Nous avons vu clairement que nos pays n’avaient plus d’autre issue p
398 ctuels de notre domination retournés contre nous. Nous avons vu clairement que nos pays n’avaient plus d’autre issue pratiqu
399 tournés contre nous. Nous avons vu clairement que nos pays n’avaient plus d’autre issue pratique, d’autre avenir possible q
400 ort de Toynbee : « Unissons l’Europe maintenant ! Nous n’avons pas de temps à perdre. » Pourtant, chacun peut voir que nous
401 temps à perdre. » Pourtant, chacun peut voir que nous perdons du temps. Quelles sont donc les causes intérieures qui paraly
402 s sont donc les causes intérieures qui paralysent nos efforts vers l’union ? L’examen de notre crise spirituelle et par sui
403 paralysent nos efforts vers l’union ? L’examen de notre crise spirituelle et par suite culturelle et civique fut introduit av
404 munauté supranationale. Le diagnostic ainsi posé, nous nous sommes tournés vers l’avenir : où allons-nous ? Et c’est M. Robe
405 té supranationale. Le diagnostic ainsi posé, nous nous sommes tournés vers l’avenir : où allons-nous ? Et c’est M. Robert Sc
406 M. de Gasperi dans son discours introductif, qui nous a présenté le tableau cohérent des mesures institutionnelles capables
407 tutionnelles capables d’assurer la renaissance de notre unité compromise. Certes, la table ronde n’a pas trouvé de solutions
408 n délai garanti. Mais elle a déterminé clairement nos responsabilités d’Européens devant le monde que nous avons changé, et
409 s responsabilités d’Européens devant le monde que nous avons changé, et elle a formulé les buts communs susceptibles de nous
410 t elle a formulé les buts communs susceptibles de nous unir. Car ce ne sont pas seulement leurs origines, mais les buts qu’i
411 a contradiction apparente entre l’exigence d’unir nos pays, et celle de sauvegarder les diversités qui ont fait la richesse
412 nationales, permettant de mettre en commun ce qui doit l’être normalement, afin de garantir et de faire vivre mieux ce qui d
413 , afin de garantir et de faire vivre mieux ce qui doit normalement demeurer autonome, distinct, privé, original. Enfin, deva
414 devant le double défi qu’affrontent plusieurs de nos pays : celui de passer du régime colonial à l’association dans l’égal
415 dans l’égalité, et celui de compenser la perte de nos positions économiques dans le monde, la table ronde a conclu à la néc
416 a nécessité « d’opérer un changement radical dans nos rapports avec le monde extraeuropéen et dans nos rapports mutuels » (
417 nos rapports avec le monde extraeuropéen et dans nos rapports mutuels » (Toynbee), c’est-à-dire de regagner en prestige mo
418 c’est-à-dire de regagner en prestige moral ce que nous perdons en puissance politique, et de regagner par l’exploitation en
419 e, et de regagner par l’exploitation en commun de nos propres richesses ce que nous perdons en apports extérieurs. La table
420 itation en commun de nos propres richesses ce que nous perdons en apports extérieurs. La table ronde n’a pas dressé les plan
421 e civilisation modèle. Mais elle a déclaré que le devoir et le salut des Européens consistaient aujourd’hui à édifier des modè
422 du monde. Un seul exemple : le nationalisme a été notre invention collective. Nous l’avons communiqué, « donné » au monde ent
423 le nationalisme a été notre invention collective. Nous l’avons communiqué, « donné » au monde entier, et cette liqueur tout
424 ord enivrante est bientôt devenue poison. C’est à nous qu’il appartient donc d’inventer l’antidote de ce toxique et de créer
425 e Monde. — Dès que l’on parle du destin commun de nos pays, des voix s’élèvent pour dénoncer je ne sais quel « nationalisme
426 nationalisme européen », qui aurait pour effet de nous « séparer du monde ». Je note que cette résistance à un nationalisme
427 nialiste sur la poitrine des fédéralistes. « Vous nous vantez l’Europe, il n’y a pas de quoi ! Elle a réduit en servitude et
428 nse : Ce n’est pas l’Europe, ce sont plusieurs de nos nations comme telles, c’est le délire nationaliste qui a fait tout ce
429 entendent sauver par la fédération le meilleur de notre culture : non point la tolérance indifférente, mais le sens des tensi
430 re égaux différents. En vérité, il ne s’agit pour nous , Européens de la moitié du xxe siècle, ni d’orgueil, ni d’humilité :
431 iècle, ni d’orgueil, ni d’humilité : il s’agit de nous voir responsables d’une culture bien particulière, dont les principes
432 une culture bien particulière, dont les principes nous sont communs depuis des siècles. Cette culture est le cœur d’une civi
433 ale raison d’unir l’Europe, je la vois moins dans nos querelles internes que dans le jeu des forces mondiales qui nous pres
434 internes que dans le jeu des forces mondiales qui nous pressent. Et certes, il faudra bien liquider nos querelles : mais c’e
435 nous pressent. Et certes, il faudra bien liquider nos querelles : mais c’est la seule vision du grand péril que tous nos pa
436 ais c’est la seule vision du grand péril que tous nos pays courent ensemble, qui nous en donnera les moyens, c’est-à-dire l
437 and péril que tous nos pays courent ensemble, qui nous en donnera les moyens, c’est-à-dire la volonté ferme. « Naguère encor
438 .   Recouvrer la souveraineté. — Est-il vrai que nos souverainetés doivent être abandonnées, si l’on veut faire l’Europe ?
439 souveraineté. — Est-il vrai que nos souverainetés doivent être abandonnées, si l’on veut faire l’Europe ? Est-il vrai qu’il y a
440 ion qu’il suffirait d’épurer les textes. Or c’est notre vision de l’Histoire qu’il faut changer. Quand on aura désherbé les m
441 s de l’enseignement, qu’il est besoin. Sans elle, nos chroniques régionales nous seront à jamais inintelligibles, et nourri
442 est besoin. Sans elle, nos chroniques régionales nous seront à jamais inintelligibles, et nourriront les plus fatales erreu
443 erreurs : celles qui permettent l’acceptation de nos guerres intérieures par nos peuples. Deux arguments m’ont frappé, com
444 tent l’acceptation de nos guerres intérieures par nos peuples. Deux arguments m’ont frappé, comme étant propres à éduquer l
445 comme étant propres à éduquer le sens européen de notre opinion publique. Le premier fut apporté par M. Ernst Friedländer, pu
446 ubliciste allemand : « Il faut dire franchement à nos nations qu’elles ne pourront sauver leur individualité qu’en sacrifia
447 leur souveraineté fictive. » C’est ainsi que l’on doit rassurer ceux qui tremblent, disent-ils, de voir leur patrie « se per
448 forme d’une Europe unie ». Le second argument est à M. Cotsaridas, publiciste grec : « Dans les domaines militaire, éco
449 ationale. » Je me résume : il n’est pas exact que nos nations, en vue de s’unir, doivent sacrifier ce qui subsiste de leur
450 ’est pas exact que nos nations, en vue de s’unir, doivent sacrifier ce qui subsiste de leur souveraineté nominale. Quant à l’es
451 tour. À la question : pourquoi l’Europe unie ? il nous faut donc répondre maintenant : pour que l’Europe recouvre, entre les
452 t sur l’Europe, et plus me frappe l’absence, chez nos intellectuels, de ce qu’on pourrait appeler l’instinct fédéraliste. Q
453 prit de système et au rationalisme rhétorique. Il doit rester incompréhensible à ceux qui, n’apercevant pas de différence sé
454 ler l’ABC du fédéralisme, car sans lui l’union de nos pays reste pratiquement impensable — si j’ose risquer l’alliance de c
455 raliste. 1. La fédération des nations de l’Europe doit entraîner leur fédéralisation interne : M. Schlichting (Pays-Bas) fa
456 l’autonomie sera presque complète, encore qu’elle doive connaître certaines limites. Le supranationalisme peut conduire à la
457 le loyalisme, les Romains ont découvert qu’il ne devait pas nécessairement s’appliquer à un seul objet. Cicéron a concilié sa
458 ion particulière à donner à la civilisation. Elle devra trouver l’optimum qui combine un minimum d’unité avec un maximum de d
459 n : M. de Gasperi. — Seuls des sophistes peuvent nous demander pourquoi nous nous bornons à certains pays. Il n’est pas hon
460 euls des sophistes peuvent nous demander pourquoi nous nous bornons à certains pays. Il n’est pas honnête de nous reprocher
461 des sophistes peuvent nous demander pourquoi nous nous bornons à certains pays. Il n’est pas honnête de nous reprocher d’exc
462 bornons à certains pays. Il n’est pas honnête de nous reprocher d’exclure le reste de l’humanité. Quand on aime une femme e
463 guer l’individu et la personne. — La confusion de notre vocabulaire, relevée par Eugen Kogon, est l’un des signes les plus gr
464 ent catastrophique de la culture théologique dans notre monde, pour ne rien dire de la philosophie, de l’étymologie et de la
465 ssionnées, les travaux des conciles fondateurs de notre conception occidentale de l’homme, Athanase, Grégoire et Basile, Boèc
466 ler, et à confondre les mots-clés qui déterminent notre existence concrète ? Comment répondre, par exemple, à la critique mar
467 marxiste autant que fasciste de l’atomisation de nos sociétés, et comment réfuter l’éthique collectiviste si l’on se met h
468 des réactions collectivistes du corps social ? Si nous avons perdu le sens de la personne, de l’être-en-relations tel que l’
469 es grands conciles, je ne sais plus quelle Europe nous défendrons. Celle dont je parle est une notion de l’homme, et non pas
470 Capitole : Il est clair que certains sacrifices doivent être consentis par les uns et les autres. Certains risques doivent êt
471 entis par les uns et les autres. Certains risques doivent être courus. Les refuser pourtant serait tout perdre, à coup sûr et à
472 à coup sûr et à bref délai. On compare volontiers notre Europe à Byzance. Cet empire qui sombra pour toujours il y a cinq siè
473 faire le pool patriotique des faibles sommes qui devaient assurer leur salut. L’assaut fut décidé après des mois d’attente. Byz
474 il dépend d’efforts comme le vôtre, il dépend de nous tous, Européens, d’écrire une autre Histoire pour une Europe nouvelle
475 a de nombreux exemples dans les comptes rendus de notre table ronde, encore que, dans bien des cas, les rédacteurs soient les
12 1954, Preuves, articles (1951–1968). Tragédie de l’Europe à Genève (juin 1954)
476 gédie de l’Europe à Genève (juin 1954)q Genève nous offre le spectacle d’un de ces mystérieux moments d’accélération de l
477 nsistons pas. Mais la prise de conscience peut et devrait surgir du seul contraste entre deux conférences, celle de Berlin et c
478 x » pour y noyer l’Europe des Six. Pensait-il que nos neutralistes et leurs alliés nationalistes en France, qui dénoncent à
479 déclare en substance : « Bas les pattes en Asie ! Notre tour est venu de nous immiscer dans vos affaires. L’Indochine, la Cor
480 « Bas les pattes en Asie ! Notre tour est venu de nous immiscer dans vos affaires. L’Indochine, la Corée ne vous regardent p
481 ne vous regardent plus. Mais le problème allemand nous intéresse beaucoup. » Que s’est-il donc passé depuis Berlin ? — Rien,
482 ope les délégués de l’Asie et leurs problèmes, et nous impose ainsi, sans coup férir, un angle de vision choisi par Molotov.
483 e préalable, dont Molotov paraît savoir mieux que nous qu’il est l’union de l’Europe, condition de notre force. La conférenc
484 nous qu’il est l’union de l’Europe, condition de notre force. La conférence de Genève est acceptée : première victoire du Kr
485 t, désormais, joue perdant. Le monde entier verra nos défaites militaires et l’insolence des envoyés de l’Asie rouge. Et vo
486 éen a vécu. Mais le colonialisme soviétique, lui, nous menace à bout portant : il a déjà conquis le tiers de l’Europe de l’E
487 t du siège de Vienne par les Turcs ? C’est à quoi nous en sommes, et c’est pire. Car une absurde conjoncture veut que les dé
488 oviétique, une Europe persistant à rester désunie doit rapidement périr par asphyxie. Marchés perdus, alliance atlantique pe
489 tienne en respect. (Et tout le Sud-Est de l’Asie devrait comprendre que son élan irrésistible vers l’indépendance nationale ne
490 e rendue consciente de sa vraie position pourrait nous sauver de Genève — ce Diên Biên Phu diplomatique. Un tel sursaut vita
13 1954, Preuves, articles (1951–1968). Il n’y a pas de « musique moderne » (juillet 1954)
491 ssayer de comprendre tout ce qui fut composé dans notre siècle. Bref, la « musique moderne » est celle que l’on n’aime pas. (
492 de style aussi radicales que celles qui séparent nos « modernes », Hindemith et Berg, par exemple, ou Bartók et Britten, o
493 e époque peut-être n’a connu moins d’unité que la nôtre . Aucune en tout cas n’a fait montre d’une volonté aussi délibérée de
494 profonde parenté entre les œuvres principales de notre siècle, malgré tous les efforts de leurs auteurs, ce n’est pas cette
495 i que le choix des règles détermine le contenu de nos rêves, — et notre style : négativement. La seule unité que confère au
496 es règles détermine le contenu de nos rêves, — et notre style : négativement. La seule unité que confère aux œuvres des conte
497 ant les lieux communs du temps, et c’est pourquoi nous les voyons chercher la naïveté comme une vertu de l’art. Combien de f
498 pirer : « Après X ou Y on ne sait plus que faire. Nous sommes dans une impasse… » Cette impasse est purement « historique »,
499 nd donc plus aux « nécessités de l’époque » et de nos grands marchés, il n’est nullement prouvé que l’œuvre d’un compositeu
500 les autres époques ont été « modernes », sauf la nôtre  ! Notre grand public se nourrit de musiques des époques révolues. Qua
501 res époques ont été « modernes », sauf la nôtre ! Notre grand public se nourrit de musiques des époques révolues. Quand il ne
502 de Haydn : on jouait sa dernière production. Mais nos grands concerts du dimanche ne jouent plus que les modernes d’autres
503 usiques d’aujourd’hui. De là peut-être aussi chez nos compositeurs, séparés d’un public devenu trop vaste, et privés de la
504 le résultat est une « époque ». Je ne sais pas si nous en vivons une… Mais peut-être sommes-nous sur le seuil. Au mois de ma
505 pas si nous en vivons une… Mais peut-être sommes- nous sur le seuil. Au mois de mai 1952, L’Œuvre du xxe siècle a donné à P
506 étrange que de vivre en son temps soit devenu de nos jours une exception notable, une aventure, un risque financier ? ⁂ À
507 la musique moderne de tous les temps, et même du nôtre — la plus rare. » 7. Pierre Boulez, « Éventuellement… », dans la Re
508 et voici l’inédit, le complexe et le paradoxal de notre situation “réduits à leur principe”, comme on disait au xviiie siècl
509 comme on dit en anglais, dans une coque de noix. Nos compositeurs auraient sans doute avantage à placer cette coque de noi
510 me instrument de percussion dans leur orchestre ; nos interprètes à en coiffer le balancier de leur métronome pour trouver
511 r métronome pour trouver le tempo de leur temps ; nos critiques, à l’approcher de leur oreille comme cornet ; et même nos m
512 ’approcher de leur oreille comme cornet ; et même nos managers y pourraient bercer la clef de leur coffre. Mais d’où tant d
513 e avec des accords de do majeur) et d’essayer sur nos contemporains “cette chose vague et pourtant puissante” qu’est la séd
14 1954, Preuves, articles (1951–1968). De Gasperi l’Européen (octobre 1954)
514 tructeur de la patrie. Mais il savait qu’aucun de nos pays ne peut être vraiment ranimé et rétabli dans son intégrité, s’il
515 re à l’Europe, à la fois fille de Rome et mère de nos nations. Et voilà que l’Europe soudain chancelle, hésite, semble frap
516 euse et modeste, cette extrême attention portée à nos débats par un homme d’État du premier plan, me parurent d’autant plus
517 ope ». De Gasperi savait que le réalisme veut que notre union se fonde dans les esprits, non sur des textes marchandés par le
518 ur ? Le jugement politique et l’art du trémolo ne devraient -ils pas, au contraire, être tenus pour foncièrement incompatibles ? L
519 ommunauté des Six : « Seuls des sophistes peuvent nous demander pourquoi nous nous bornons à certains pays. Il n’est pas hon
520 euls des sophistes peuvent nous demander pourquoi nous nous bornons à certains pays. Il n’est pas honnête de nous reprocher
521 des sophistes peuvent nous demander pourquoi nous nous bornons à certains pays. Il n’est pas honnête de nous reprocher d’exc
522 bornons à certains pays. Il n’est pas honnête de nous reprocher d’exclure le reste de l’humanité. Quand on aime une femme e
523 xelles fut la cause directe d’une attaque dont il devait mourir le surlendemain. L’œuvre entreprise par un Adenauer, par un Sc
524 opéennes qu’il faut attribuer sa mort prématurée. Nous restons pour reprendre sa lutte en faveur d’une Europe « des esprits
15 1954, Preuves, articles (1951–1968). Politique de la peur proclamée (novembre 1954)
525 nçais a dit ceci : « L’Allemagne qu’il incarne ne nous apparaît pas moins redoutable que celle qui exigeait la démission de
526 ttre que les institutions politiques de la Russie doivent être adaptées, comme celles des autres nations, à l’évolution économi
527 ontrer M. Mauriac. ⁂ Ne craignons pas les Russes, nous dit L’Express. Le vrai danger vient des Allemands. Un Anglais prouve
528 de 48 millions d’Allemands de l’Ouest, quelle ne doit pas être la terreur de Mao Tsé-toung devant ses propres Chinois ? Car
529 été un mouvement de masse », déclare M. Bevan. «  Notre tâche, m’a dit un dirigeant chinois, est maintenant d’atteindre le pe
16 1955, Preuves, articles (1951–1968). De gauche à droite (mars 1955)
530 De gauche à droite (mars 1955)v « Parce que nous sommes soucieux de la logique de notre action, il convient de nous de
531 « Parce que nous sommes soucieux de la logique de notre action, il convient de nous demander ce qui a été ainsi (par le rejet
532 eux de la logique de notre action, il convient de nous demander ce qui a été ainsi (par le rejet de la CED) gagné ou perdu,
533 ar le rejet de la CED) gagné ou perdu, et comment nous situer maintenant. Examiner si nous avons eu tort ou raison de contri
534 u, et comment nous situer maintenant. Examiner si nous avons eu tort ou raison de contribuer à l’échec de la CED. Nous ne le
535 tort ou raison de contribuer à l’échec de la CED. Nous ne le ferons pas ; quoi qu’il arrive maintenant […] un premier bénéfi
536 i qu’il arrive maintenant […] un premier bénéfice nous est acquis pour l’histoire : soumis à une formidable pression politiq
537 rd en Allemagne occidentale. (Fuite d’Otto John.) Nous avons reçu d’autres témoignages d’anciens résistants à l’hitlérisme q
17 1955, Preuves, articles (1951–1968). Le Château aventureux : passion, révolution, nation (mai 1955)
538 Inconnus de l’Antiquité comme de l’Orient d’avant notre influence, inconcevables hors du christianisme quoique désignant troi
539 hos qui ne saurait tromper, ils représentent dans notre Quête du Graal l’épisode du Château aventureux (c’est la grotte de Ci
540 et Iseut. Du Midi des troubadours, inventeurs de notre lyrisme, au Nord des Trouvères, inventeurs du roman, puis à toute l’E
541 , sujets et procédés peut être suivie pas à pas : nos plus grands érudits l’ont décrite. Mais le roman de Tristan ne fut pa
542 ence vécue de l’amour-passion y a trouvé, jusqu’à nos jours, son langage et ses types de conduite, c’est-à-dire les moyens
543 ion, du xiie siècle méridional au romantisme, et nous vivons encore dans la tiédeur des cendres d’un interminable incendie.
544 es qu’elle offre au sentiment, ce mythe a pénétré nos vies, et même si nos actions échappent à son emprise, il ne cesse de
545 entiment, ce mythe a pénétré nos vies, et même si nos actions échappent à son emprise, il ne cesse de régner sur nos rêves
546 chappent à son emprise, il ne cesse de régner sur nos rêves et d’éveiller nos nostalgies. Et c’est ainsi qu’il a conditionn
547 il ne cesse de régner sur nos rêves et d’éveiller nos nostalgies. Et c’est ainsi qu’il a conditionné depuis des siècles les
548 Cette forme, cette structure agissent encore sur nous , même quand nous ignorons les origines du mythe et ne soupçonnons rie
549 te structure agissent encore sur nous, même quand nous ignorons les origines du mythe et ne soupçonnons rien de sa finalité.
550 tion, à l’abaissement dans le monde fini, lieu de notre expérience salutaire ? Certes, mais il faut voir qu’un tel échec deme
551 horizon d’espoir que celui de la métempsycose. «  Notre engagement n’était pas pris pour cette vie », dit Novalis parlant de
552 s : mais c’était le chrétien Kagawa. Depuis lors, nous avons assisté à l’extension du communisme dans l’Asie. Mais prenons l
553 dent ou de sa religion. De fait, le christianisme nous offre le type même du changement brusque et radical, mais survenant d
554 choses sont devenues nouvelles. » Et les chefs de nos révolutions promettent des « choses nouvelles » par un brusque avènem
555 , qui est la source à la fois de l’instabilité de nos régimes politiques et sociaux et d’une recherche perpétuelle du vrai
556 et c’est une ère nouvelle, comptée à neuf. Toutes nos révolutions s’en souviendront. L’Orient n’a pas connu pareille coupur
557 i a fait l’Histoire. L’Asie du Sud a duré jusqu’à nous dans la continuité vivante de ses passés, dont nul n’est aboli ni pri
558 oque l’idée d’une Europe où vivraient encore sous nos yeux, dans nos villes et dans nos campagnes, avec leurs rites et leur
559 ne Europe où vivraient encore sous nos yeux, dans nos villes et dans nos campagnes, avec leurs rites et leurs idoles et leu
560 ent encore sous nos yeux, dans nos villes et dans nos campagnes, avec leurs rites et leurs idoles et leurs fidèles, Zeus, A
561 nt incompatibles avec sa conception de l’homme12. Nos révolutions tentent l’inverse : partant de l’utopie d’un ordre théori
562 nces et de ces contradictions, il faut remonter à notre dialectique de la personne. Ce n’est pas la personne qui se détache d
563 e est obéissance au Libérateur éternel, mort pour nous mais présent dans la foi, cette « ferme assurance des choses qu’on ne
564 ente ou non) de l’Église chrétienne, voilà ce que notre temps ne peut plus mettre en doute. Nazisme et stalinisme ont eu leur
565 rait condamner l’élan communautaire générateur de nos révolutions jugerait dans l’irréel, j’ai dit pourquoi. Mais ceux qui
566 rt furent les bénéficiaires, non les victimes, de nos révolutions « libératrices ». Celles-ci n’ont triomphé que de régimes
567 ute. Mais pour quelles fins avouables ? Rappelons- nous qu’il « fallait » ouvrir d’un coup de poignard d’obsidienne la poitri
568 sang. Mais si, profanant le mythe et ses tabous, nous estimons froidement ses résultats, force nous est de constater que le
569 us, nous estimons froidement ses résultats, force nous est de constater que les révolutions européennes, sans aucune excepti
570 é sur tout le front des troupes, que les Français durent la victoire. Remarquons que ce cri, à ce moment-là, ne signifie point
571 e sera gagnée. La nation à l’état naissant, comme nous la trouvons à Valmy, c’est donc un idéal, une idéologie, le principe
572 précise Hegel, dans le bonheur et sans histoire. Nous assistons au transfert décisif de l’idée de vocation, passant des per
573 ou même leur langue : c’est ainsi qu’on a vu dans notre siècle la Norvège, la Turquie, l’Irlande et Israël restaurer artifici
574 e sacrifice de la vie même des citoyens. Mais que nous offre-t-il en échange de nos vies ? Une certaine communion vague et p
575 citoyens. Mais que nous offre-t-il en échange de nos vies ? Une certaine communion vague et puissante, qui permet à l’indi
576 re. Ce que nul n’oserait dire de son moi, il a le devoir sacré de le dire de son nous. Pourtant, cette religion demeure bien i
577 e son moi, il a le devoir sacré de le dire de son nous . Pourtant, cette religion demeure bien incapable d’animer l’existence
578 ue l’Asie tout entière est menacée de « prendre » notre fièvre nationaliste. Certains pays en font une crise, encore bénigne,
579 par les propagandistes de Moscou. C’est ainsi que nous voyons la Chine s’occidentaliser dans le pire sens du terme, au lende
580 « attrapé » par les peuples de l’Orient comme de notre rhume de cerveau, souvent mortel pour les Polynésiens. Le nationalism
581 irulence inouïe. Tout cela va se retourner contre notre Occident, au moment même où il commence d’entrevoir l’étendue de sa p
582 et liées à la mort par une complicité originelle. Nous le savons, ou du moins nous le pressentons. Mais nous reculons aussi
583 omplicité originelle. Nous le savons, ou du moins nous le pressentons. Mais nous reculons aussi devant l’imagination de leur
584 le savons, ou du moins nous le pressentons. Mais nous reculons aussi devant l’imagination de leur guérison soudaine d’un co
585 vres aurait un effet dévastant : ne serait-ce pas nous vider d’une affectivité qui est devenue la saveur et le sens même de
586 ur et le sens même de la vie pour des millions de nos contemporains, et des meilleurs ? Elles menacent notre paix, et plus
587 contemporains, et des meilleurs ? Elles menacent notre paix, et plus encore : l’existence même de l’Occident. Et pourtant l’
588 qu’elles tiennent aux motifs les plus profonds de notre situation dans l’Histoire ; à la genèse de toute notre Aventure. Elle
589 situation dans l’Histoire ; à la genèse de toute notre Aventure. Elles sont les longues erreurs inséparables de la périlleus
590 séparables de la périlleuse odyssée dans laquelle nous sommes nés embarqués. Un dernier trait commun à toutes les trois achè
591 nitale au christianisme. Elles ressuscitent parmi nous le sacré, c’est-à-dire cet instinct religieux que la Foi véritable tr
592 cet appel intime. Il pense alors : c’est Dieu qui doit être trop faible pour me contraindre à l’obéissance et à l’amour. La
593 nce est ressentie comme un « abus ». Ainsi toutes nos révoltes imitent, même sans le savoir, le dépit de l’amour qui dresse
594 on, nation : certains ont cru que leur empire sur nos esprits mesurait ce qu’on appelle bien à tort la « dé-christianisatio
595 réalisé dans cette vie limitée, dans ce temps qui nous fuit, dans cette chair impérieuse et débile, n’a pas cessé de travail
596 essé de travailler les âmes depuis vingt siècles. Nos « erreurs » font partie de la Quête, en ce sens qu’elles procèdent de
597 e d’une inconsciente nostalgie. Et c’est pourquoi notre Psyché occidentale, ayant subi durant des siècles les atteintes toujo
598 active qu’on ne le pensait naguère dans l’âme de nos contemporains même incroyants, et ne cesse de s’étendre à des régions
599 ne cesse de s’étendre à des régions nouvelles de notre existence profane. 9. Cf. L’Amour et l’Occident , 1939. Une versi
600 cident , 1939. Une version révisée de cet ouvrage doit paraître à la fin de cette année. 10. Tristan, de Gottfried de Stra
18 1955, Preuves, articles (1951–1968). L’aventure occidentale de l’homme : L’exploration de la matière (août 1955)
601 e, les chroniques de l’époque et les textes votés nous permettent de nous faire une image vivante de ces assises du christia
602 e l’époque et les textes votés nous permettent de nous faire une image vivante de ces assises du christianisme grec : les gr
603 s moines et des nervis fait irruption, Hilaire ne doit son salut qu’à la fuite, Flavien meurt sous les coups de bâton. Au so
604 dans laquelle fut nouée la notion dont descendent nos conceptions de l’homme. En apparence, il ne s’agit, lors de Nicée, qu
605 théologique aux yeux des Pères de Nicée, mais qui devait apparaître, après coup, comme le fait spécifique et capital de l’anth
606 avoir de quelle manière la science, agissant dans nos vies, procède des options de Nicée. Le rapport est-il positif, dialec
607 tension, ou mieux par tensions, qui sera jusqu’à nous la marque et le ressort de l’esprit de recherche occidental, en contr
608 de la chair, — c’est-à-dire aux futurs objets de nos sciences physiques et naturelles — une dignité et une réalité que l’O
609 lité que l’Orient leur dénie par principe. Enfin, nous avons vu que la foi met un terme à la magie, aux mythes, aux religion
610 mées et formulées par la théologie d’où procèdent nos philosophies, elles ont déterminé dans une large mesure la problémati
611 terminé dans une large mesure la problématique de nos sciences.   a) La pensée par tensions. — Le dogme du Dieu-homme fut
612 exige, dès qu’on l’admet, une réforme profonde de nos catégories intellectuelles. Si Jésus-Christ est à la fois « vrai Dieu
613 egrés, de proche en proche, sur tous les plans de notre pensée occidentale, le « scandale » des réalités contradictoires s’es
614 res couples d’opposés qui se sont multipliés dans notre histoire ? La plupart mettent en jeu des réalités purement humaines,
615 t légitime — ni les théologiens ni les savants ne devraient l’accepter comme tel — mais je constate primo qu’il a eu lieu, et sec
616 pe de pensée se manifeste aux étapes décisives de notre science. Certes, on ne peut dire que le modèle théologique ait précéd
617 tenants de Pythagore remonte au ve siècle avant notre ère. Mais entre Parménide et Pythagore, c’est-à-dire entre l’un et le
618 ompatibles. La passion de la synthèse, ressort de nos recherches et de tout l’effort scientifique, naît et renaît sans fin
619 el, dont procèdent Marx et ses disciples, jusqu’à nous , la doctrine trinitaire n’a cessé de propager dans les domaines de pl
620 hé de son objet primitif, est devenu une forme de notre esprit21.   b) La valorisation du monde manifesté. — Par son paradox
621 nir. Comment nier la réalité de la matière et de notre chair, quand Dieu lui-même a choisi de se manifester en elle ? Il est
622 ans cette existence toute charnelle22 que l’homme doit se convertir ; c’est « ici-bas », sans évasion possible, qu’est le li
623 interdirait de comprendre le motif primordial de notre science occidentale, et la raison pourquoi Descartes estime qu’un ath
624 nt par la Résurrection. Dès lors le témoignage de nos sens n’est pas vain : il est certes affecté d’erreur par le péché, ma
625 tour les rêveries de la raison ; la parenté entre notre œil et la lumière, quoique mystérieuse, n’est plus illusion ; et le c
626 cohérence, d’ordre et de sens, mais il attend de nous , dans une profonde complicité de l’espérance, d’être à son tour inter
627 créé par Dieu. Là, toute chose, belle ou laide à notre idée, implique une intention, trahit un sens, est intéressante et val
628 nce fondamentale qui sépare la science grecque de notre science moderne, laquelle ne pouvait naître, selon lui, que dans un m
629 le matérialisme, comme position métaphysique, qui devait faire éclater en Europe le conflit de la science et de la religion. P
630 opédistes elle se déclare, et jusqu’aux débuts de notre siècle, la majorité des savants tiendra pour l’attitude matérialiste
631 plupart25, les hommes de science du xixe siècle durent se sentir d’autant plus libres de s’enfoncer dans la matière et son é
632 entre les mythes de l’âme et les cosmogonies que nous croyons « observer » ou calculer… Nous verrons tout à l’heure que cel
633 gonies que nous croyons « observer » ou calculer… Nous verrons tout à l’heure que cela n’affecte en rien la dialectique tran
634 ont le secret semble perdu, ou comme certaines de nos propres coutumes, à notre insu, remontent au temps de l’animisme. En
635 du, ou comme certaines de nos propres coutumes, à notre insu, remontent au temps de l’animisme. En revanche, les spiritualist
636 dentale, dont la science est la pointe extrême en notre siècle, notre image du monde s’évanouit. Elle échappe à notre raison,
637 la science est la pointe extrême en notre siècle, notre image du monde s’évanouit. Elle échappe à notre raison, comme elle av
638 , notre image du monde s’évanouit. Elle échappe à notre raison, comme elle avait déjà échappé à nos sens. Dépassée la matière
639 e à notre raison, comme elle avait déjà échappé à nos sens. Dépassée la matière, qui était pourtant devenue l’objet princip
640 pourtant devenue l’objet principal de la science, nous butons contre le mystère que cette science avait cru pouvoir éliminer
641 le, qu’y a-t-il ? Cette question n’a pas de sens, nous dit-on. Dans l’Univers d’Einstein (illimité-fini), vous iriez aussi l
642 her, ni moi-même, de me la poser. C’est ainsi que notre esprit sans relâche vient buter contre la transcendance. Si le matéri
643 ranscendance. Si le matérialisme immatérialisé de notre période einsteinienne revient à constater que la Maya est tout, et qu
644 , n’auront jamais raison de cette Question : elle nous juge et pose nos limites, qui sont celles du savoir humain, mais elle
645 raison de cette Question : elle nous juge et pose nos limites, qui sont celles du savoir humain, mais elle pose en même tem
646 mé sur soi. Cette « voie négative » de la science nous conduit à l’inconnaissable. C’est le nom de l’absence de Dieu pour l’
647 nnent peut-être qu’à l’insuffisance provisoire de nos mesures : ainsi le fait que l’âge de la Terre et du Soleil (3-4 milli
648 s sommairement : la doctrine trinitaire fournit à notre esprit le moyen de penser la synthèse dont la christologie éveille l’
19 1955, Preuves, articles (1951–1968). L’aventure technique (octobre 1955)
649 tique par Lindbergh avait exalté l’Occident. Elle nous apportait un héros, sur une machine encore insuffisante : d’où la glo
650 tout leur régime social. Mais on ne voit pas que nos conquêtes techniques aient bouleversé aussi radicalement notre habita
651 es techniques aient bouleversé aussi radicalement notre habitat, nos mœurs, et la continuité de nos caractères nationaux. La
652 ient bouleversé aussi radicalement notre habitat, nos mœurs, et la continuité de nos caractères nationaux. La question qui
653 ent notre habitat, nos mœurs, et la continuité de nos caractères nationaux. La question qui se pose est alors de savoir si
654 emarque générale s’impose : quoique unanime parmi nos sages et leur public, cette réaction reste impuissante. Elle a parfoi
655 r des recherches techniques. « L’envahissement de nos vies par les machines » est freiné par le prix des appareils, non par
656 enir cette « crise », qui est le thème préféré de nos meilleurs esprits. Et pourtant, bien qu’elle reste impuissante, et bi
657 et de la Bombe n’en est pas moins révélatrice de notre condition occidentale. Il s’agit, une fois de plus, de savoir si elle
658 olomb. L’architecture hindoue ne le cède pas à la nôtre . Les industries artisanales du textile, du papier et de l’imprimerie,
659 papier et de l’imprimerie, d’abord en retard chez nous jusqu’à la Renaissance, ne dépassent guère celles de l’Asie jusqu’à l
660 siècle : le type d’homme qui précisément rédigea nos manuels scolaires, et qui n’a jamais rien inventé32. Finalement, de N
661 Spengler, en passant par Scheler et Schubert, on nous a représenté une espèce d’homme de proie qui se jette sur la Nature p
662 é. L’homme primitif — qui vit encore en chacun de nous — a-t-il vraiment rêvé de dominer la Nature ? Il est baigné par elle
663 rtes, elle l’obligera à peiner très durement dans nos climats occidentaux, pour se nourrir, se protéger du froid, des inond
664 ut en leur obéissant. D’où « l’inadaptation » que notre esprit rationnel croit découvrir dans ce qu’il prend par erreur pour
665 réel de l’énorme majorité des inventions, jusqu’à notre ère. L’homme crée des outils parce qu’il joue avec les démons cachés
666 des inventions non faites, ou non « utilisées » à notre idée, conduirait aux mêmes conclusions. Pourquoi les Mayas ne laboura
667 Histoire Redescendons maintenant au présent de notre siècle. Toute magie expulsée de la Nature, la technique est en train
668 beaucoup d’insectes sont vaincus.) D’autre part, nous nous découvrons les tout premiers contemporains de la machine. Invent
669 coup d’insectes sont vaincus.) D’autre part, nous nous découvrons les tout premiers contemporains de la machine. Inventée pa
670 remière Guerre mondiale. Une proportion infime de nos populations eut l’occasion, durant ce laps de temps, d’emprunter le c
671 oute transporté moins de voyageurs que ne le font nos avions en une année. L’auto, le tank, l’avion et le métro, les machin
672 éléphone et la radio, n’ont fait leur entrée dans nos vies que pendant le premier tiers de ce siècle. Tels sont bien les fa
673 voulu ce qu’ils reçoivent aujourd’hui comme leur . Que veulent en général les hommes occidentaux ? La santé, un meilleu
674 dons inouïs de la technique. Et certains comblent nos désirs secrets, mais beaucoup ne répondent à rien : la technique qui
675 ne répondent à rien : la technique qui les donne doit les faire accepter et créer leur besoin dans la masse. Sur la base de
676 D’où vient donc la technique, si ce n’est pas de nos besoins matériels et utilitaires, qui n’entrent en jeu qu’après coup 
677 se d’unique s’est produit en Europe aux débuts de notre ère technique : la rencontre de la science, enfin constituée sur des
678 utre visée que celle qui orientait leurs travaux. Nous savons aujourd’hui que le rêve des alchimistes n’était pas de faire d
679 e, la soif du gain sous sa forme moderne que l’on devait dénommer capitalisme, se soit emparée de ces données, le contraire eû
680 uant aux moyens. Et quant aux fins : la technique devait contribuer à libérer l’homme du travail, c’est-à-dire de la peine req
681 rennent du « progrès technique » une vue lugubre. Nous avons assisté, depuis cinquante ans, au développement d’une attitude
682 lacable Technique, personnifiée et mythifiée, qui nous domine et nous « déshumanise ». Cette projection du Mal sur la machin
683 ue, personnifiée et mythifiée, qui nous domine et nous « déshumanise ». Cette projection du Mal sur la machine trahit un flé
684 e « fatalité ». Les machines sont plus fortes que nous , c’est entendu (le marteau est plus dur que la main, les murs de la m
685 a main, les murs de la maison plus résistants que nos corps). Mais si vous ne priez plus, ce n’est tout de même pas leur fa
686 ctuel, le lui interdirait à elle seule. La Nature doit être sauvée par le moyen de l’homme sauvé, ayant été soumise à la cor
687 divin dans l’homme, très mauvais s’il procède de notre orgueil. Le mal n’est pas dans les choses, mais dans l’homme. Il est
688 dans les choses, mais dans l’homme. Il est lié à notre liberté. Il tient à notre condition, comme l’avers tient à l’envers.
689 s l’homme. Il est lié à notre liberté. Il tient à notre condition, comme l’avers tient à l’envers. Il est dans notre esprit,
690 tion, comme l’avers tient à l’envers. Il est dans notre esprit, n’existe pas ailleurs, et c’est en nous qu’il faut le combatt
691 notre esprit, n’existe pas ailleurs, et c’est en nous qu’il faut le combattre. Comment imaginer, dès lors, que la technique
692 une existence indépendante ? Son mal provient de notre faute, et son bien fait partie de l’effort vers le salut. Cessons don
693 salut. Cessons donc de projeter le mal qui est en nous sur les choses, machines ou Nature, douées d’intentions autonomes : c
694 ’intentions autonomes : cette démarche magique ne doit plus nous tromper. Les penseurs d’aujourd’hui qui adoptent cependant
695 s autonomes : cette démarche magique ne doit plus nous tromper. Les penseurs d’aujourd’hui qui adoptent cependant à l’égard
696 r. Elle se tiendra coite dans sa caisse. Qu’on ne nous raconte donc pas d’histoires. Ce qu’il nous faut, c’est un contrôle d
697 on ne nous raconte donc pas d’histoires. Ce qu’il nous faut, c’est un contrôle de l’homme. » ( Lettres sur la bombe atomique
698 oi. Erreur sur la standardisation du travail. On nous répète à droite autant qu’à gauche que le travail à la chaîne déshuma
699 he que le travail à la chaîne déshumanise, et que nous vivons dans le monde sans âme de l’uniformité et de la série. Il faut
700 r sur les inventions. « L’homme volant » de Vinci devait semer de la neige sur les villes accablées par l’été : l’avion bombar
701 les villes accablées par l’été : l’avion bombarde nos cités. Les découvertes géniales d’Einstein aboutissent à la Bombe ato
702 par la bouche d’un poète de l’époque : L’air de nos ateliers nous ronge les poumons, Et nous mourons les yeux tournés ver
703 e d’un poète de l’époque : L’air de nos ateliers nous ronge les poumons, Et nous mourons les yeux tournés vers les campagne
704 L’air de nos ateliers nous ronge les poumons, Et nous mourons les yeux tournés vers les campagnes39. Aujourd’hui, le progr
705 evaux au moyen d’un licol rigide). Ce ne sont pas nos protestations contre le travail à la chaîne qui libéreront le proléta
706 décisions.) L’évolution vers des sociétés closes nous semble d’autant plus fatale qu’elle se passe sous nos yeux, depuis pr
707 semble d’autant plus fatale qu’elle se passe sous nos yeux, depuis près d’un demi-siècle. On vient de voir comment la techn
708 u’au point où plus rien d’avouable ne pourra plus nous empêcher de réaliser enfin ses bénéfices humains. Les loisirs. Cette
709 iveau de vie moyen en Europe est passé de 1 à 15, nous dit-on, de 1800 à 1950. (On précise qu’il est dix fois plus élevé en
710 iplie. (Que signifie le mot vivre si l’on dit que nous vivons dix ou quinze fois mieux que nos ancêtres ?) Mais voici qui pr
711 dit que nous vivons dix ou quinze fois mieux que nos ancêtres ?) Mais voici qui présente un sens très net : de 1890 à 1954
712 ique. Ce sont maintenant les moyens à trouver qui devront s’adapter à cette fin reconnue, non l’inverse comme auparavant. Ces m
713 l’inverse comme auparavant. Ces moyens à trouver, nous en tenons les principes : énergie nucléaire, chlorella, photosynthèse
714 chelle mondiale. D’ici vingt ou trente ans, selon nos meilleurs experts, il suffira d’un tiers de la population — fortement
715 vaillant quatre heures par semaine, pour que tous nos besoins « matériels » soient satisfaits (et bien mieux qu’aujourd’hui
716 ns l’œuf. Mais l’œuf est là, portant son germe et notre avenir, cet avenir qu’il nous faut accepter de dévisager hardiment.
717 rtant son germe et notre avenir, cet avenir qu’il nous faut accepter de dévisager hardiment. Le sérieux de la vie On d
718 de les refouler parce qu’ils donnent le vertige. Nous sommes au seuil des temps où la culture va devenir le sérieux de la v
719 i, c’était le travail qui occupait l’essentiel de nos jours, et dont dépendait notre sort : salaire, nourriture et logement
720 upait l’essentiel de nos jours, et dont dépendait notre sort : salaire, nourriture et logement. Si la technique, demain — com
721 mps vide » du loisir41 deviendra le vrai temps de nos existences quotidiennes. La question « Que faire de ma vie ? » ne ser
722 as peindre ici quelque utopie qui pourrait amuser nos descendants. Tout peut changer radicalement et d’ici peu, bien moins
723 is oubliés, ou ne saurais prévoir, qu’en vertu de nos libres décisions. (Ce n’est pas l’invention de la roue qui compte en
724 e un saut sans précédent, créant une situation où nos vrais vœux, nos vraies orientations, nos vraies options se manifester
725 récédent, créant une situation où nos vrais vœux, nos vraies orientations, nos vraies options se manifesteront d’une manièr
726 ation où nos vrais vœux, nos vraies orientations, nos vraies options se manifesteront d’une manière transparente et seront
727 s orientations que l’on peut essayer d’induire de notre état d’esprit actuel. Libéré du labeur matériel, l’Occidental se tour
728 x et l’érotisme. L’expérience des vacances payées nous l’a fait voir à une échelle réduite, mais dans un temps trop court po
729 ingue la suite. Une expérience un peu plus longue nous est donnée par les populations du cercle arctique (Suède et Norvège),
730 isent ; toute la peinture mondiale peut venir sur nos murs sous forme de reproductions « à s’y méprendre » ; toute la musiq
731 roductions « à s’y méprendre » ; toute la musique nous vient à domicile par la radio et par le disque ; des conférences, cau
732 bliques se tiennent par dizaines de milliers dans nos pays démocratiques ; et l’instruction publique est heureusement doubl
733 techniques, politique, religions. C’est dire que nous multiplions déjà — comme en vue de lendemains qui auront le temps de
734 ps de chanter — les occasions de mieux comprendre nos vies comme aussi de mieux comprendre les chefs-d’œuvre… Quant à la qu
735 le meilleur et pour le pire. C’est dire que tout nous mène vers une ère religieuse. Car la culture n’est en fin de compte q
736 un prisme diffracteur du sentiment religieux dans nos activités dites créatrices, des mathématiques pures à la poterie, et
737 que la technique, pratiquement, comme la science, nous ramènera demain aux options religieuses. Et je n’imagine pas de drogu
738 comme en Orient. (En fait, elle est surtout — et devrait être — accession à la vérité, et peu importent les moyens.) On voit d
739 ple —, puisque c’est la technique précisément qui nous permet ce retour en créant du loisir. Et quant à la mystique, elle su
740 ssance des dogmes et des options fondamentales de nos religions sera demain la première condition des hérésies et gnoses qu
741 a passion pour l’occulte ne cesse de grandir dans nos villes, occupant rapidement le vide de l’âme créé par le matérialisme
742 tidiens. La preuve qu’il n’en est rien, c’est que nos plus grands mystiques ont vécu dans les pires conditions matérielles.
743 rien pu contre lui. Je dis seulement qu’elle peut nous jeter dans une époque où les questions religieuses deviendront plus s
744 entera un progrès ou un risque nouveau, voilà qui nous conduit à reconsidérer le sens et la nature finale du Progrès. Celui-
745 s qui ont produit les grandes inventions, jusqu’à nos jours, prouve que l’appât du gain ou du confort n’est presque jamais
746 e sont pur jeu. Ils sont pourtant les ancêtres de nos robots d’usine, indispensables pour manipuler les substances radioact
747 isme fut décisif en ce qui concerne la plupart de nos progrès techniques. Notons qu’en retour, les deux grands mystiques de
748 in. Cette hiérarchie des valeurs a dominé jusqu’à nos jours. Elle explique en partie la résistance des syndicats aux techni
749 gieuses n’aura été qu’un phénomène transitoire de notre civilisation occidentale. L’intelligentsia berlinoise, puis new-yorka
750 é dès 1919, et n’a pas cessé de s’amplifier. 43. Nos sectes orientalistes font parfois penser à quelqu’un qui inventerait
20 1956, Preuves, articles (1951–1968). Les joyeux butors du Kremlin (août 1956)
751 peut qu’il n’y ait là qu’une illusion d’optique. Notre idée préformée d’évolution — aspect mental de l’inertie — nous incite
752 formée d’évolution — aspect mental de l’inertie — nous incite à combler les lacunes, à déplacer un peu les points remarquabl
753 s pour qu’ils s’alignent plus régulièrement. Elle nous incite surtout à ne pas tenir compte d’une série de faits moins frapp
754 ais l’illusion d’un retour à la démocratie comble nos vœux, tout concourt à l’accréditer : qu’il s’agisse du besoin d’avoir
755 tous les PC (obéissant spontanément à ses ordres) nous rebattent les oreilles, il suffit de poser deux questions : ce culte
756 pas tel ou tel trait de folie d’un dictateur qui doit retenir l’attention, mais le fait de la dictature. Ce n’est point par
757 me si rien d’insolite ne venait de se passer sous nos yeux. Quand les complices d’un chef de bande, liquidant sa mémoire no
758 té phénoménale du procédé n’a guère été notée par notre opinion libre, tandis que les « progressistes » la portaient au crédi
759 ffrir pour une Relève des Innocents — ceux qu’ils durent condamner sur ordre, nous disent-ils — ne serait-ce pas un beau geste
760 nocents — ceux qu’ils durent condamner sur ordre, nous disent-ils — ne serait-ce pas un beau geste « dialectique » ? Ne sera
761 ement que le Doyen de Cantorbéry. « Le crime seul doit placer l’être qui l’a commis hors de la considération sociale, et le
762 hors de la considération sociale, et le châtiment doit l’y réintégrer. » (Simone Weil.) Voilà qui eût justifié, en théorie d
763 sociale, on l’entend, la seule qui non seulement nous donne le droit de juger, mais nous en fasse un impérieux devoir civiq
764 non seulement nous donne le droit de juger, mais nous en fasse un impérieux devoir civique. Le procédé de K., s’il demeure
765 e droit de juger, mais nous en fasse un impérieux devoir civique. Le procédé de K., s’il demeure impuni devant le tribunal de
766 inerai maintenant les conséquences qui peuvent ou doivent découler, dans l’immédiat, de cette situation en partie renouvelée, p
767 , je laisse les faits.) Ce que prétendent laisser nos libéraux jobards et nos soi-disant neutralistes, c’est la condition m
768 Ce que prétendent laisser nos libéraux jobards et nos soi-disant neutralistes, c’est la condition même de ce qu’ils entende
769 me des critères sélectifs qui valent à plein pour nos régimes démocratiques, mais sont exclus par le principe actif du comm
770 concret de l’attitude anticommuniste. Que disions- nous , en somme, depuis quelque dix ans ? Nous affirmions, en nous fondant
771 disions-nous, en somme, depuis quelque dix ans ? Nous affirmions, en nous fondant sur l’examen critique des faits connus de
772 mme, depuis quelque dix ans ? Nous affirmions, en nous fondant sur l’examen critique des faits connus de tous : 1. que Stali
773 d’espions au service du capitalisme, soit (comme nous le pensions, et K. le confirme) par une minorité de scélérats, Stalin
774 nne ; et que les conflits du travail, réglés chez nous par conventions bilatérales, étaient réglés à l’Est par les canons de
775 justifiaient tout cela par le Diamat. Parce que nous disions cela, les communistes nous accusaient de « mépriser l’homme »
776 at. Parce que nous disions cela, les communistes nous accusaient de « mépriser l’homme », de vouloir l’injustice sociale, d
777 anti-anticommunistes et les pro-parti communiste) nous resservir les mêmes insultes, sous l’emballage peu trompeur de formul
778 n ni personne ne les obligeait, eux, à croire que nos dénonciations du communisme — stalinien durant toute cette période —
779 rte que toutes les justifications qu’en donnaient nos intellectuels, acrobates de la dialectique, se trouvent balayées d’un
780 p, ridiculisées sans espoir, et ramenées à ce que nous disions qu’elles étaient en réalité : de pures et simples mystificati
781 e de l’Est.   Que vont dire, dans ces conditions, nos AAC ? Et que vont faire nos PPC ? Proclamer que nous avions raison ?
782 dans ces conditions, nos AAC ? Et que vont faire nos PPC ? Proclamer que nous avions raison ? S’excuser de leurs calomnies
783 s AAC ? Et que vont faire nos PPC ? Proclamer que nous avions raison ? S’excuser de leurs calomnies ? Se frapper la poitrine
784 l’antistalinisme soumet les idéologues de ce que nous pourrions appeler l’anticommunisme vulgaire à une épreuve bien dure. 
785 gués » ? Je croyais, naïvement, que le rapport K. devait , en somme, et en quelque manière, gêner plutôt les staliniens et leur
786 yés par Staline, qui fut pendant tout le temps de notre débat l’incarnation incontestée du communisme, n’étaient pas ceux de
787 fin que Staline alléguait, ni dans le fait (comme nous le disions alors) ni même dans l’intention (comme K. l’affirme) ; ils
788 la s’est vu. Leurs mandarins disaient : « Taisons- nous sur les camps : nous ferions le jeu de l’Amérique capitaliste. » C’ét
789 ndarins disaient : « Taisons-nous sur les camps : nous ferions le jeu de l’Amérique capitaliste. » C’était faire simplement
790 maintenant le Kremlin annonce qu’il les supprime, nous avions donc doublement tort : de les dire bien réels, puisqu’on va le
791 ient en URSS…) Lorsqu’eut lieu le procès de Rajk, nous ne disions pas que cet homme était un innocent : il avait les mains r
792 t les mains rouges d’un agent de la Terreur. Mais nous disions que les chefs d’accusation produits par la « justice » au nom
793 ’a-t-il pas obéi dans les deux cas ? De quoi donc devrait -il s’excuser ? Nos censeurs de l’anticommunisme n’ont pas tous attein
794 es deux cas ? De quoi donc devrait-il s’excuser ? Nos censeurs de l’anticommunisme n’ont pas tous atteint ce degré de puret
795 t de l’Histoire, espiègle pour une fois, veut que nos deux grands PC soient contraints d’illustrer chacun l’une de ces deux
796 ypothèses. Togliatti décide d’obéir et, pour bien nous montrer qu’il a compris les ordres, risque une critique prudente d’un
797 ors du Kremlin : « Désormais, chaque PC volera de nos propres ailes » ? Non, car l’ordre voulait qu’on se déclare autonome
798 ’est déjà pas facile… Mais une fable simplette va nous y aider peut-être. Soit un chef absolu qui ordonne à ses sujets de se
799 t « faux » parce que cela desservait le Parti. K. nous dit aujourd’hui que le despote était fou. Il dit vrai (selon l’observ
800 eur fondamentale, qui est de croire que la vérité doit être dictée, non cherchée, et dépend de l’intérêt du Parti, non de l’
801 vérité qu’ils disent maintenant par ordre, et que nous disions par conviction, c’est la même et ce n’est pas la même. Ils la
802 n’a pas d’importance politique. Il est vrai, mais nous sommes dans une ère scientifique. Ou, plus exactement, technique. Le
803 éhensible et rétrograde, mais inapte à durer dans notre âge. L’infaillibilité du Parti de Lénine. — Elle résultait de la tri
804 t en question. En effet, regretter, comme le font nos PC, que la presse bourgeoise ait seule publié le Rapport, c’est dire,
805 ant le troisième blasphème…). Car l’erreur a bien se glisser quelque part ; elle est là et on l’a reconnue ; et pourtan
806 ine est-elle possible ? — Répudier, comme le font nos PC, les « actes d’arbitraire reprochés à Staline », ce n’est pas enco
807 contre des intérêts prolétariens. Mais il omet de nous dire au nom de quelle classe (ou de quelle puissance en tenant lieu)
808 ? Car une telle analyse, si elle reste orthodoxe, devrait montrer soit que Staline n’a jamais rien fait par lui-même — ce qui a
809 libre y succombe. À de libres échanges, qu’avons- nous à gagner ? Peu de choses sur le plan des idées, vraiment rien regarda
810 iment rien regardant les méthodes spirituelles56. Nous pouvons apporter aux Soviétiques le sens du doute, sans lequel il n’e
811 ans lequel il n’est point de foi digne de ce nom. Nous pouvons les convaincre aussi que l’amour de la liberté n’est pas un c
812 on croit. J’en conclus qu’il faut faire l’Europe. Nous rendre assez forts pour donner, pour mieux vivre et pour rayonner. Qu
813 Que cela soit attendu par les meilleurs à l’Est, nous le savons désormais, voilà qui oblige. On nous met au défi de donner
814 t, nous le savons désormais, voilà qui oblige. On nous met au défi de donner un peu plus que nous ne possédons ? Il nous fau
815 ge. On nous met au défi de donner un peu plus que nous ne possédons ? Il nous faudra donc le créer. 44. Comme le veut J.-
816 de donner un peu plus que nous ne possédons ? Il nous faudra donc le créer. 44. Comme le veut J.-P. Sartre, Les Temps mo
817 la direction collégiale grandit pas à pas. Prenez notre Comité central et notre Commission de contrôle. Ils forment ensemble
818 grandit pas à pas. Prenez notre Comité central et notre Commission de contrôle. Ils forment ensemble un centre dirigeant. C’e
819 plus démocratiques et agissant collégialement que notre Parti ait jamais eus… » Discours de Staline au XVe Congrès du Parti,
21 1956, Preuves, articles (1951–1968). Sur Suez et ses environs historiques (octobre 1956)
820 s vous mêlez de nouveau de mes affaires privées ! Nous irons dénoncer devant l’ONU cette abominable pression ! B. Comment vo
821 rialistes ! Vous êtes riche, je suis pauvre, vous devez donc me donner de quoi devenir riche à mon tour. B. Pourquoi vous fer
822 pour travailler au canal. « Suez est le centre de notre vie de travail. Là, nous ferons l’acte que le monde attend pour confe
823 « Suez est le centre de notre vie de travail. Là, nous ferons l’acte que le monde attend pour confesser que nous sommes mâle
824 ons l’acte que le monde attend pour confesser que nous sommes mâles », écrit le Père Enfantin, au moment où il débarque avec
825 e fit l’Europe de la Renaissance ? Quelles seront nos grandes découvertes ? La réponse ne fait pas de doute : notre « Améri
826 s découvertes ? La réponse ne fait pas de doute : notre « Amérique » sera cette fois-ci le Nouveau Monde de l’énergie nucléai
22 1956, Preuves, articles (1951–1968). Sur l’Europe à faire (novembre 1956)
827 pas du tout ? B. Hannibal est aux portes, l’union nous sauverait tous, et vous demandez une bonne définition ! Je vous vois
828 s de quelle Europe vous parlez. B. De celle qu’il nous faut faire, ne fût-ce que pour sauver l’objet de notre dialogue — et
829 faut faire, ne fût-ce que pour sauver l’objet de notre dialogue — et tout dialogue, peut-être. De celle où vous êtes né comm
830 aissez-moi ricaner, monsieur ! Votre Europe, elle nous laisse tomber ! B. Comment l’aurait-elle pu si elle n’était pas née ?
831 riez tort de vous plaindre. C et D. N’empêche que nous sommes seuls à relever un défi qui s’adresse à tout l’Occident. B. Vo
832 tous les autres ! Il fallait bien, Monsieur, que nous allassions les consulter. B. Votre belle souveraineté, qui a su refus
833 : que l’Europe peut se faire demain et qu’elle le doit , non point pour éviter certains désagréments d’un passé mort et enter
834 tellectuels communistes. Mais de quoi veut-on que nous nous libérions ? Jamais je ne me suis senti si libre ! » Ainsi parle
835 ctuels communistes. Mais de quoi veut-on que nous nous libérions ? Jamais je ne me suis senti si libre ! » Ainsi parle Jolio
836 le masochisme, maladie spécifique des élites dans nos démocraties occidentales. Quant à moi, je me promène sur la place Sai
23 1956, Preuves, articles (1951–1968). Sur le rêve des sciences (décembre 1956)
837 e satisfaire les viles passions qui caractérisent notre race. Les entreprises colonialistes de Colomb, animées par l’esprit d
838 ltures des Indiens, des Aztèques et des Incas, et nos deux-cents familles ont reçu leur lot d’esclaves pour avoir financé c
839 s monarchies populaires. Mais voici que Madariaga nous met en mesure de découvrir Colomb58. Lisez-le : Vous verrez que nos a
840 de découvrir Colomb58. Lisez-le : Vous verrez que nos amers masochistes, calomniant à longueur de journée l’Occident (qui s
841 rêvait d’un Grand Khan adversaire de l’islam, et nous avons M. Dulles. Il comptait rapporter la subvention spéciale qui eût
842 catholiques de lancer la dernière Croisade, mais nous avons le dollar gap et le Conseil de Sécurité. Il partit comme Abraha
843 t dans ses calculs de la largeur d’un océan, mais nos moralistes le condamnent pour avoir voulu consciemment servir les des
844 quels motifs bien précis, bassement utilitaires, nos descendants nous attribueront-ils ? Tout dépend de ce que nous trouve
845 en précis, bassement utilitaires, nos descendants nous attribueront-ils ? Tout dépend de ce que nous trouverons sur notre ro
846 nts nous attribueront-ils ? Tout dépend de ce que nous trouverons sur notre route : on dira que nous étions partis à cause d
847 t-ils ? Tout dépend de ce que nous trouverons sur notre route : on dira que nous étions partis à cause de cela ! Nos descenda
848 que nous trouverons sur notre route : on dira que nous étions partis à cause de cela ! Nos descendants seront dans l’erreur,
849 on dira que nous étions partis à cause de cela ! Nos descendants seront dans l’erreur, cette petite note en soit témoin :
850 te note en soit témoin : à la date où je l’écris, nous ne savons rien de ce qui peut nous attendre ou non sur d’autres astre
851 où je l’écris, nous ne savons rien de ce qui peut nous attendre ou non sur d’autres astres. Nous avons simplement envie d’al
852 ui peut nous attendre ou non sur d’autres astres. Nous avons simplement envie d’aller voir je ne sais quoi, — d’aller voir.
853 voir je ne sais quoi, — d’aller voir. Au-delà de nos vieilles rages politiques. Sur la pluralité des satellites Il n
854 é de peu l’ouverture de « l’Année Cosmique », qui doit mettre au point la formule des satellites astronomiques. Et quant à l
855 plus qu’un souvenir. L’action fille du rêve Nos rêves ne précèdent pas seulement nos actions et nos découvertes, mais
856 e du rêve Nos rêves ne précèdent pas seulement nos actions et nos découvertes, mais les recherches qu’elles supposent, e
857 s rêves ne précèdent pas seulement nos actions et nos découvertes, mais les recherches qu’elles supposent, et qu’ils orient
858 sent, et qu’ils orientent. Les archétypes du rêve nous préparent aux surprises qui viennent un jour récompenser le délire co
859 suite. Elle viendra. Car, en effet, la plupart de nos rêves millénaires sont déjà des réalités : parler au loin, voler dans
860 r d’esclaves mécaniques, lire les pensées… Demain nous irons dans la Lune, après-demain nous rajeunirons, et l’immortalité n
861 ées… Demain nous irons dans la Lune, après-demain nous rajeunirons, et l’immortalité n’est plus une utopie : on l’obtient in
862 pour la matière formée d’atomes, finalement pour notre cosmos ? On voit le danger : le jour où notre monde touchera son refl
863 our notre cosmos ? On voit le danger : le jour où notre monde touchera son reflet, l’antimonde, un court-circuit définitif ef
864 propos justement de la Fin du Monde. En fait, on nous assure59 que cela se passe bien ainsi, à chaque instant depuis que le
865 ombre, d’écho, et d’âme. Et chacun dans sa langue nous enseigne que voir son Double, c’est mourir. Je n’en dirai pas plus a
866 lus aujourd’hui, laissez-moi réfléchir un peu… Nos problèmes d’aujourd’hui, de classes Ceci tout de même, au lieu d’u
867 le résultat du marxisme, comme l’imaginent encore nos derniers mandarins, mais simplement le résultat de l’automation. L’in
868 sur ses frontières, comme l’imaginent encore tous nos politiciens et plusieurs généraux en retraite, mais bien dans les lab
869 vrai problème nouveau sera de répondre au défi de nos grands rêves réalisés, — au défi de l’invasion des loisirs, par exemp
870 e, laissés en friche et libérés par la technique… Nous sortirons enfin des « temps modernes », c’est-à-dire du xixe siècle
24 1957, Preuves, articles (1951–1968). Sur la honte et l’espoir de l’Europe (janvier 1957)
871 obre 1956, à Ferney Nouvelles de Budapest : on nous répète sans fin que la révolte est écrasée. Honte à nous tous Europée
872 pète sans fin que la révolte est écrasée. Honte à nous tous Européens ! Et pas seulement à ceux qui se trompaient et voulaie
873 à ceux qui se trompaient et voulaient à tout prix nous tromper depuis dix ans : il fallait « essayer de comprendre le désir
874 rien faire, trop de reculs pour mieux sauter, et nous voilà… Mais en même temps quel soulèvement d’espoir, au-delà de nous-
875 soulèvement d’espoir, au-delà de nous-mêmes et de nos fautes ! S’ils mentent encore — et pourquoi cesseraient-ils ? — la ré
876 lent. Toutes les dictatures finissent mal. Avions- nous vraiment oublié cette leçon simple de l’Histoire, trop claire sans do
877 res et quart, transmettait le dernier message : «  Nous mourons pour la liberté, pour la Hongrie et pour l’Europe. » Cette Eu
878 is un autre sur l’entrée d’Hitler à Paris. Hitler nous menaçait à bout portant. Quinze jours de prison militaire m’avaient a
879 ndre à leur appel ? Savoir ce qu’il faut dire est notre action. J’écrivais hier : Jurons de faire l’Europe. C’est la seule ré
880 tions humaines élémentaires, contre ceux qui chez nous , librement, approuvent le crime de Budapest, et contre les complices
881 arquer, sans autre commentaire, la solidarité qui nous contraint à rompre avec ceux qui les tuent.) Mardi 6 novembre 1956
882 intellectuels. Déjà pourtant, certains prétendent nous dénier le droit de protester. Ayant toujours approuvé l’URSS, disent-
883 l’URSS, disent-ils, c’est leur affaire et non la nôtre de la désapprouver si elle va trop loin. Leur silence à propos de Ber
884 t leur Octobre à eux). Il semble que la honte que nous éprouvions tous ait empêché toute description du phénomène. Ce qui vi
885 ever lentement, mesurer le péril à la grandeur de notre humiliation, et peut-être saisir une arme : l’unité. Dimanche 11 n
886 combattre… Liberté, que ton regard s’abaisse sur nous , Reconnais-nous ! Reconnais ton peuple ! Alors que d’autres n’osent m
887 rté, que ton regard s’abaisse sur nous, Reconnais- nous  ! Reconnais ton peuple ! Alors que d’autres n’osent même pas verser d
888 s que d’autres n’osent même pas verser des larmes Nous les Magyars, nous versons notre sang. Te faut-il encore plus, ô Liber
889 sent même pas verser des larmes Nous les Magyars, nous versons notre sang. Te faut-il encore plus, ô Liberté, Pour que ta gr
890 verser des larmes Nous les Magyars, nous versons notre sang. Te faut-il encore plus, ô Liberté, Pour que ta grâce daigne sur
891 ore plus, ô Liberté, Pour que ta grâce daigne sur nous descendre ? Poème de Petőfi, 1848, intitulé Silence de l’Europe.
892 sez ! » — dernier Message des écrivains hongrois. Nous avons essayé d’agir auprès de l’ONU, auprès de Nehru, auprès de l’opi
893 embre 1956 C’est la Hongrie qui fera l’Europe. Nos chefs politiques ne feront rien. Le sacrifice de la Hongrie est sans
894 ice de la Hongrie est sans mesure : elle a gagné. Nos gouvernants calculent et perdent à tout coup. Que l’énergie magyare p
895 ent à tout coup. Que l’énergie magyare passe dans notre sang ! J’ai vu se lever, depuis quelques semaines, une génération qui
25 1957, Preuves, articles (1951–1968). Sur Voltaire (février 1957)
896 e vieillard polisson qui le rendent présent parmi nous . Plutôt ces inscriptions, que je copie sur le socle : Face nord : Au
897 ropriétaires par un système que l’on nommerait de nos jours location-vente. « Il commande des maisons à son maçon comme d’a
898 avec joie permettent de supprimer les douanes de notre zone : ah ! que ne pouvait un seul individu, dans ces temps que l’on
899 pouvait un seul individu, dans ces temps que l’on nous a décrits comme adversaires des libertés réelles ! Enfin, Voltaire li
900 rches », entre Alpes et jura, entre le xviiie et notre siècle, entre ces jardins de Candide et cette Bourse des valeurs de t
901 sens de l’Histoire.) Mais en bonne foi, parce que notre religion est divine (lisez parce que notre Parti est socialiste), doi
902 ce que notre religion est divine (lisez parce que notre Parti est socialiste), doit-elle régner par la haine, par les fureurs
903 ine (lisez parce que notre Parti est socialiste), doit -elle régner par la haine, par les fureurs, par les exils, par l’enlèv
904 vérité. 60. On sait assez que les jésuites, de nos jours, ont brillé plus d’une fois au premier rang de la pensée libre 
26 1957, Preuves, articles (1951–1968). Sur la neutralité européenne (mars 1957)
905 ralité européenne. Il y a d’abord le sentiment de notre impuissance, né de la crise de Suez et des votes à l’ONU. La conjonct
906 elle ait été, et comme accidentelle, a suffi pour nous faire entrevoir un péril jusqu’alors inconcevable : celui d’une paix
907 alors inconcevable : celui d’une paix conclue sur notre dos, au prix de nos libertés, de notre indépendance et de notre rôle
908 elui d’une paix conclue sur notre dos, au prix de nos libertés, de notre indépendance et de notre rôle dans l’histoire. L’i
909 onclue sur notre dos, au prix de nos libertés, de notre indépendance et de notre rôle dans l’histoire. L’idée de neutralité r
910 prix de nos libertés, de notre indépendance et de notre rôle dans l’histoire. L’idée de neutralité résulte ici de la conscien
911 dée de neutralité résulte ici de la conscience de notre faiblesse, du désir de rester nous-mêmes, et d’un obscur besoin de re
912 mêmes, et d’un obscur besoin de revanche : — Vous nous avez laissés tomber ? Bien. Faites sans nous !… Il y a la crise du ne
913 Vous nous avez laissés tomber ? Bien. Faites sans nous  !… Il y a la crise du neutralisme, provoquée par le drame de Budapest
914 les USA, comme si l’Europe n’existait pas. (Ou ne devait pas exister.) En effet, refuser de choisir entre un ennemi de l’Europ
915 étrangères, au détriment de son indépendance. Il doit alors se mettre en mesure d’assurer tout seul sa défense. Au total :
916 regarde comme ayant perdu la partie. » Voilà donc nos deux grands neutralisés, tous deux perdants, faute de pouvoir jouer62
917 révolte grondant chez les pions et chez les fous. Nous ne voulons plus servir au jeu des Grands, disent-ils, ils sont capabl
918 jeu des Grands, disent-ils, ils sont capables de nous laisser prendre par simple peur de s’affronter. Il faudra réfléchir,
919 d’une partie d’échecs à trois rois. C’est à quoi nous contraint le problème d’une neutralité de l’Europe. 61. Cité par H
27 1957, Preuves, articles (1951–1968). Sur la neutralité européenne (II) (avril 1957)
920 sses) sont réalisés en Europe, pour l’ensemble de nos nations soi-disant souveraines, et fragilement alliées plutôt qu’unie
921 ffet à sacrifier l’union, que cent autres raisons nous imposent comme la seule solution viable. « Je n’ai jamais trouvé qu’i
922 l’on sait que les bombes H coûtent plus cher que nos divisions réunies — mais alors c’en sera fait de l’espoir d’une indép
923  » les États satellites et l’Allemagne de l’Est ? Nos « progressistes » par antiphrase, sans aucun doute. Quant aux Russes,
924 sans aucun doute. Quant aux Russes, enchantés de nous voir jouer leur jeu, ils ne seront pas si bêtes que de nous décourage
925 jouer leur jeu, ils ne seront pas si bêtes que de nous décourager : tout ce qui peut faire obstacle à notre union les sert.
926 us décourager : tout ce qui peut faire obstacle à notre union les sert. Mais on ne peut espérer qu’ils seront assez fous pour
927 eut espérer qu’ils seront assez fous pour laisser nos pays de l’Est rejeter le communisme détesté. Or ce n’est pas seulemen
928 ue entretenu par ses divisions. Le peu de progrès à « l’idée européenne » (la CECA, le Marché commun, l’UEO et l’OECE)
929 ur rester neutre ou pouvoir se déclarer tel. Mais nous ne serons jamais indépendants si nous refusons de nous fédérer. Ici,
930 r tel. Mais nous ne serons jamais indépendants si nous refusons de nous fédérer. Ici, deux grandes questions se posent : 1° 
931 ne serons jamais indépendants si nous refusons de nous fédérer. Ici, deux grandes questions se posent : 1° L’union faite, ce
932 ment dupés, pourra-t-on leur cacher longtemps que nos armées nationales ne paient plus ?) Reste ma seconde question. Suppos
933 s d’habitants que l’URSS et les USA additionnés.) Nous voici ramenés aux problèmes d’une partie d’échecs à trois rois. Il s’
28 1957, Preuves, articles (1951–1968). Sur la neutralité européenne (fin) (mai 1957)
934 comme toute neutralité moralement acceptable — se devrait et devrait au monde d’être doublement limitée dans sa nature et ses m
935 neutralité moralement acceptable — se devrait et devrait au monde d’être doublement limitée dans sa nature et ses motivations.
936 sse chez un ex-satellite devient une violation de notre intégrité garantie par les USA. La coalition atlantique se reforme au
937 ou l’explosion générale en cas d’accident (ce qui nous renvoie à l’éventualité prévue sous 3). 6. Les Trois Rois de l’Occide
938 Faute de l’aide d’une machine électronique, j’ai simplifier à l’extrême la prévision de ces quelques coups élémentaire
939 n marge de leur jeu bloqué, soit dans ce jeu s’il devait repartir. d) L’Europe neutre et unie devrait payer le prix d’une sécu
940 s’il devait repartir. d) L’Europe neutre et unie devrait payer le prix d’une sécurité garantie : elle perdrait en partie sa li
29 1957, Preuves, articles (1951–1968). Sur deux écrivains politiques (juin 1957)
941 nne ne l’ait vu à part lui. L’histoire récente de notre philosophe se résumerait alors en une série de propositions aussi sim
942 es salauds qui affirmaient sans nul droit qu’elle devait s’exprimer par quelque chose comme Budapest, ce qu’elle a fait. En ré
943 le monde a tort, sauf un qui, n’écoutant que son devoir , se met à faire la leçon à tous. Les communistes ont tort parce qu’il
944 ne raison d’avoir dit que la politique communiste devait s’exprimer normalement par Budapest — comme elle s’était « exprimée »
945 patience de suivre Sartre depuis quelques années devaient s’attendre soit à ce qu’il justifiât Budapest, soit à ce qu’il fit pr
946 fication socialiste est privilégiée en ceci qu’on doit , pour la comprendre, épouser son mouvement et adopter ses objectifs ;
947 lège en explique ( !) un autre : seuls peuvent et doivent juger ceux qui participent, à l’Est et à l’Ouest, au mouvement du Soc
948 rivilège du Socialisme, consiste en ceci, qu’il «  doit  » être le seul à bénéficier des conditions normales de la compréhensi
949 nalisme — constitue l’une des erreurs majeures de notre temps. » De plus fins que moi s’y sont laissé prendre, il est vrai. M
950 mi. Qu’il se rassure : le mouvement de l’Histoire nous a réduits à l’état de neutrissimes. D’où peut venir cette tendance co
951 e droit de tricher, en se réclamant du fair-play. Nous ne pouvons rien contre l’imposture gigantesque du « socialisme » sovi
952 antesque du « socialisme » soviétique. Mais, dans nos pays socialistes ou libéraux, ne serait-il pas temps de faire respect
953 e disait plus vite, encore que plus d’une page de notre auteur l’évoque, et rappelle le ton vif et percutant des polémistes d
954 ent « gênant » prend corps. C’est à quoi ce livre doit servir, même s’il irrite d’excellents libéraux. À ceux-ci l’on peut f
30 1957, Preuves, articles (1951–1968). Sur le pouvoir des intellectuels (juillet 1957)
955 ectuels, et ils dominent la politique concrète de notre temps. L’Europe, Napoléon et les intellectuels Dans une autre r
956 suspecte, dès qu’elle cesse d’être inefficace. On nous rappelle qu’Hitler a voulu faire l’Europe, et Napoléon avant lui. Où
957 tanément parmi les hommes les plus libres de tous nos peuples ? Si Napoléon avait vraiment voulu créer les États-Unis d’Eur
958 n effet dans les mouvements de résistance de tous nos pays envahis que s’est nouée l’idée d’une fédération libre, mettant f
959 eux d’ailleurs — aient été les premiers à vouloir notre union prouve en faveur de leur lucidité ; qu’un Poujade intéresse du
960 à La Haye ou à Rome, je lis les prospectus qu’on nous donne sur ces villes. Les photos, les vignettes surtout, montrent des
961 lle, mais d’allégeance aux mêmes institutions. Et nous , Européens de diverses nations qui allons, une fois de plus, nous ren
962 de diverses nations qui allons, une fois de plus, nous rencontrer à Londres, à La Haye, à Genève ou à Rome, dans le seul des
963 ome, dans le seul dessein de fédérer l’Europe, si nous y parvenons, ce ne sera qu’en surmontant les irritations évidentes qu
964 qu’en surmontant les irritations évidentes qu’il nous arrive de nous causer réciproquement, à mesure qu’en travaillant ense
965 nt les irritations évidentes qu’il nous arrive de nous causer réciproquement, à mesure qu’en travaillant ensemble pour l’uni
966 à mesure qu’en travaillant ensemble pour l’union nous apprenons à nous connaître mieux. Dans la marge d’un hebdomadaire
967 ravaillant ensemble pour l’union nous apprenons à nous connaître mieux. Dans la marge d’un hebdomadaire Critique d’un
31 1957, Preuves, articles (1951–1968). L’échéance de septembre (septembre 1957)
968 maines, à l’exception, partielle seulement, de la nôtre . Car l’Europe a su se défendre, depuis un siècle et demi, tant bien q
969 du problème, n’ont pas mordu sur la réalité. Mais nos démocraties étant ce qu’elles sont, il fallait en passer par là pour
970 l intenté par tous à chacun et par chacun à tous. Nous l’avons bien vu depuis deux ans à propos du drame algérien. Mais l’af
971 non préparés à l’absorber. Le cessez-le-feu, qui doit intervenir absolument, ne résoudra rien. Ni aucune décision politique
32 1957, Preuves, articles (1951–1968). Pourquoi je suis Européen (octobre 1957)
972 éenne (devenant à son tour moyen au plan mondial) doit inspirer dès le début les structures et surtout les méthodes propres
973 fomenter l’union. Les traités ne feront rien sans nous et les fonctionnaires gâteront tout si l’idée fédérale ne devient pas
974 ut si l’idée fédérale ne devient pas vivante dans nos existences personnelles. Les vraies chances de l’Europe fédérée, c’es
975 érée, c’est donc dans les esprits et les cœurs de nos nouvelles générations que nous pourrons les supputer. D’où cette enqu
976 its et les cœurs de nos nouvelles générations que nous pourrons les supputer. D’où cette enquête. Elle ne portera pas sur le
977 jeunes des pays de l’Est, il est possible qu’ils nous apportent les témoignages les plus ardents et les plus sérieusement m
33 1957, Preuves, articles (1951–1968). Sur le crépuscule d’un régime (octobre 1957)
978 rc un regard ébaubi et des jugements réprobateurs devraient se voir retirer leur permis de voyager. Ils salissent tout. Mais note
979 l’immense Problème des Loisirs qui défile devant nous sur cette place. L’éducation des masses exige tout autre chose que le
980 de différer. C’est apprendre au jeune homme qu’il doit faire ce qu’il est seul au monde à juger bon pour lui (même s’il se t
981 aire face aux réalités. Quant à ceux qui viennent nous parler de « démocratie populaire », ils font un mensonge au carré, pl
982 que leur système révoltait à juste titre ont cru devoir du même coup défendre sans réserve ce que ces dictateurs prétendaient
983 rieures, ils ont réalisé tout cela bien mieux que nous , car nous sommes restés à mi-chemin, en marchant dans la même directi
984 ls ont réalisé tout cela bien mieux que nous, car nous sommes restés à mi-chemin, en marchant dans la même direction. A. — I
985 périmé pour s’y rallier. Mais on ne retiendra de notre système actuel que quelques procédés que vous approuvez d’ailleurs, p
986 es pouvoirs qui deviennent tous abusifs quand ils durent . R. — Puis-je vous faire observer que l’élection n’est pas un procédé
987 nt des réalités incontestables. Ce sont elles que nous défendons sous le nom de démocratie, qui est une fausse étiquette, sa
988 rnit l’utopie démocrate. A. — Parlez plus bas, on nous entend aux autres tables ! R. — Croyez-moi, la Démocratie restera dan
989 ’useront vite, ignorant les soins hypocrites dont nous avons su l’entourer. A. (chuchotant). — Et après ? R. — Nos ministère
990 su l’entourer. A. (chuchotant). — Et après ? R. —  Nos ministères seront remplacés par des cerveaux électroniques, seuls cap
991 us les galeries leurs partisans bavards. Avant de nous mêler à leur foule insouciante, demeurons un moment recueillis dans l
34 1957, Preuves, articles (1951–1968). Sur un certain cynisme (septembre 1957)
992 e depuis un siècle sont d’accord pour trouver que notre café fout le camp, et ne sont pris au sérieux qu’à ce prix. C’est le
993 met le cynisme à la portée de toutes les bourses. Nous la tenons pour typiquement française en Amérique… R. — J’en déduis qu
994 s facilement que la France ne s’américanise. Vous nous donnez des recettes de bonheur digéré qui nous déplaisent, soit à cau
995 us nous donnez des recettes de bonheur digéré qui nous déplaisent, soit à cause des recettes, soit à cause du bonheur. Nous
996 it à cause des recettes, soit à cause du bonheur. Nous vous rendons « Bonjour tristesse » qui vous ravit. Mais ce n’est pas
997 assez sobre mais assez fière aussi de l’homme de notre temps. Une France intellectuelle partout présente et vive au plus brû
998 rs, mais peu font des romans. Vos critiques comme les nôtres réservent aux romanciers, aux auteurs de théâtre et aux poètes la qua
35 1957, Preuves, articles (1951–1968). Sur l’Europe à faire (novembre 1957)
999 s » très sévèrement réglées des gladiateurs et je devais avoir l’air de souffrir en silence, si j’en crois les regards chargés
1000 crois pas à la guerre et chacun sait qu’aucun de nos pays ne la veut. — Je suis heureux de vous l’entendre dire ! interrom
1001 arer sarcastiquement que « la petite Europe qu’on nous fabrique est si petite, si minuscule, qu’elle n’a même pas su faire u
1002 posé par le grand jeu des forces mondiales et que nos divisions nous empêchent de résoudre ? 2° S’il y a problème, et si vo
1003 and jeu des forces mondiales et que nos divisions nous empêchent de résoudre ? 2° S’il y a problème, et si vous refusez les
1004 s disposés à faire ? En résumé : vous n’aimez pas notre Europe, celle pour laquelle nous luttons depuis dix ans. Mais quelle
1005 ous n’aimez pas notre Europe, celle pour laquelle nous luttons depuis dix ans. Mais quelle autre Europe voulez-vous ? Et qu’
1006 rope ? », on peut répondre : 1. — Non, car seules nos nations existent. Mais depuis quand ? La moitié de ces nations ont mo
1007 Et qu’offrent-elles de mieux qui ne soit né chez nous  ? 3. — Non, car l’Europe unie n’intéresse pas les autres. Ainsi, l’in
1008 — Non, car l’Europe à faire n’est pas celle qu’on nous fait. Car on fait une Europe vaticane, dit la gauche. Car on fait une
1009 e et cultivés par les intellectuels. L’Europe que nous aimons n’est-elle pas avant tout un grand fait de culture, une civili
36 1957, Preuves, articles (1951–1968). Sur la pluralité des satellites (II) (décembre 1957)
1010 llites de l’Est européen. L’élimination de Joukov devait être à son tour compensée par le lancement d’un second projectile (do
1011 le mal est fait. J’ai parlé de bêtise. Entendons- nous . J’appelle ainsi le complexe formé par la jobardise des foules, leur
1012 avélique, penserez-vous ? C’est beaucoup dire. Il doit paraître antipathique dans la mesure même où il tend à frustrer notre
1013 athique dans la mesure même où il tend à frustrer notre besoin de sensations. Or ce besoin ne pouvant être avoué comme tel, o
1014 ays libres mais irresponsables ont tout fait pour nous aveugler depuis un an. Les voici qui nous jettent d’un coup en plein
1015 it pour nous aveugler depuis un an. Les voici qui nous jettent d’un coup en plein délire de masochisme occidental et d’admir
1016 régime par ailleurs condamné. Le Kremlin payerait notre presse qu’elle n’écrirait pas autrement. Mais il sait bien qu’il peut
1017 re confiance. La totale inconscience politique de nos organes d’information suffit à garantir leur succès financier. Eux au
1018 prouver le contraire. Ils tournent glorieusement, nous regardent d’en haut, et nous disent bip-bip et oua-oua. C’est prodigi
1019 rnent glorieusement, nous regardent d’en haut, et nous disent bip-bip et oua-oua. C’est prodigieux. Ce qu’il y a de plus bea
1020 l’Éternel féminin : c’est elle, dorénavant, qui «  nous entraîne vers les hauteurs ». Les Russes ont fait enfin quelque chose
1021 ements d’icônes, qui occupent la première page de nos journaux (mais quelques lignes en dernière page des journaux russes),
1022 que, est enterré sans oraison (25 décembre 1956). Notre presse ayant épuisé sa provision de grosses lettres n’en dit rien. Da
1023 l reprochait, au nom d’un réalisme sarcastique, à notre conception libérale de la vie. L’élimination progressive mais fatale
1024 venture occidentale. Le régime communiste éliminé nous laissera sur les bras la Russie. Ce n’est pas la guerre des blocs qui
1025 es. C’est dans la perspective d’un tel retour que nous devons non seulement résister, mais construire. 68. Cf. Preuves de
1026 ’est dans la perspective d’un tel retour que nous devons non seulement résister, mais construire. 68. Cf. Preuves de décembr
37 1958, Preuves, articles (1951–1968). Sur la fabrication des nouvelles et des faits (février 1958)
1027 les et de leurs dirigeants. Et non seulement elle nous fabrique les faits (au point qu’il n’y en a plus si elle se met en gr
1028 de ces informations que se décide la politique de nos États ; que votent les parlements et même parfois les peuples ; et qu
1029 le provient de ceci que la « réalité » à laquelle nous croyons chaque matin n’est faite que par la presse et la radio, et n’
1030 t faite que pour elles. Les agences seraient donc nos vrais maîtres ? C’est trop dire. Car elles sont irresponsables.   Tr
1031 rrêtent une doctrine et un programme précis, d’où devait résulter toute l’action ultérieure pour la fédération de l’Europe. Ri
1032 x-là vraiment feront les faits qui vont gouverner nos humeurs, les votes des députés et les cotes de la Bourse. Telle est l
1033 de la Bourse. Telle est la base de la plupart de nos convictions politiques, dans la mesure — souvent faible d’ailleurs —
1034 , dans la mesure — souvent faible d’ailleurs — où nous les modelons sur les faits. Comment mettre un peu d’ordre en ces mati
1035 acte, c’en serait fait des dernières libertés qui nous restent — celle de ne pas croire ou de croire ce qui nous plaît, cell
1036 tent — celle de ne pas croire ou de croire ce qui nous plaît, celle de douter, ou de soupçonner un piège. En bref, la libert
1037 ref, la liberté de critique. Or c’est précisément notre plus sûr recours. Réformer la presse d’information me paraît impossib
1038 oudrait plutôt qu’ils suspendent leur jugement et nous conseillent d’en faire autant. Un exemple au hasard du jour : combien
1039 omme s’il était suspect de s’en soucier. — Quoi ? nous parler de chiffres quand il s’agit de morale ? On voit bien votre jeu
1040 ez de détourner l’attention de la seule chose qui nous intéresse dans la politique d’aujourd’hui : les scandales qui déchire
1041 tique d’aujourd’hui : les scandales qui déchirent notre France et que nous sommes là pour dénoncer. On peut aussi considérer
1042 : les scandales qui déchirent notre France et que nous sommes là pour dénoncer. On peut aussi considérer que la politique re
38 1958, Preuves, articles (1951–1968). Sur un patriotisme de la terre (mars 1958)
1043 raire : c’est comme si cet avion entrait en elle. Nous passons au-dessus de régions incertaines entre Moselle et Rhénanie, a
1044 ous, la Terre, proche et amie ; mais tout près de nos têtes, les grands espaces noirs ouvrent les dimensions insensées du c
1045 ensées du cosmos. Ah ! la vraie vie n’est que sur notre Terre ! Et ce qui est « ailleurs » n’a pas encore de sens, mais rend
1046 ici-bas étrange. Cinq, mille mètres au-dessous de nous , arbres, maisons, collines, perdent le seul relief où pouvait s’attac
1047 ent le seul relief où pouvait s’attacher l’amour. Notre émotion devant les paysages de la Terre, qu’est-ce que cela peut enco
1048 es minutieuses qui s’entrecroisent au ras du sol, nous passons lentement dans la nuit des hauteurs, un feu vert, un feu roug
1049 ce recoin perdu de l’univers. Tout s’est tu dans notre cabine. Si l’avion continuait vers l’espace infini ? Tristesse absolu
1050 l’Asie, le Moyen-Orient et l’Afrique, l’union de notre Terre sera faite par Mars et par Vénus : je le prévoyais il y a douze
1051 qu’elle se fonde sur du wishful thinking. Mais si nous ne sommes pas « découverts » par des êtres pensants d’autres planètes
1052 ar des êtres pensants d’autres planètes avant que nous les ayons visités sur leur globe, il en ira de l’aventure des Terrien
1053 ce de changer de planète. » Dernière pudeur Notre Europe, dira-t-on, dans cette immense affaire, perd beaucoup de son i
1054 t en URSS et aux États-Unis, et que ces deux pays nous précéderont sans doute dans la Lune, puis sur Mars et Vénus : ils ont
1055 de mémoire que la plupart des nègres ». Mais déjà nous ne sommes plus en Utopie : la prévision se veut scientifique, comme e
1056 ut faire attention. Car la science a déjà devancé nos poètes. « Dans cent ans, dit le professeur John Weird, nous pourrons
1057 s. « Dans cent ans, dit le professeur John Weird, nous pourrons modifier les émotions, les désirs, les pensées de l’homme, c
1058 otions, les désirs, les pensées de l’homme, comme nous le faisons déjà de façon rudimentaire, avec les tranquillisants… Les
1059 ’univers du xxie siècle, quel sens auront encore nos écrits et nos livres ? Perdront-ils toute espèce d’intérêt, tout pouv
1060 ie siècle, quel sens auront encore nos écrits et nos livres ? Perdront-ils toute espèce d’intérêt, tout pouvoir d’émotion
1061 ons introduites par la technique dans le cadre de nos existences n’empêchent nullement la Bible et l’Odyssée, la Divine Com
1062 ine Comédie, Shakespeare et Baudelaire d’agir sur nous . Que le héros affronte son destin à pied, en bateau, en carrosse, en
1063 , en avion ou même en fusée, c’est son destin qui nous fascine, c’est sa personne, et le drame qui les met aux prises. Mais
1064 on droit d’identité native, le sujet même de tous nos drames s’évanouira. Nos descendants « tranquillisés » et modifiés, ou
1065 ve, le sujet même de tous nos drames s’évanouira. Nos descendants « tranquillisés » et modifiés, ou devenus cent fois plus
1066 s plus intelligents, verront-ils autre chose dans nos œuvres que des erreurs maniaques, des fixations bizarres, des sentime
1067 nce, de soi, des autres et de l’univers : de cela nous sommes certains, mais de cela seul, si par définition nous ne pouvons
1068 es certains, mais de cela seul, si par définition nous ne pouvons pas prévoir ce qu’un sens nouveau sentirait. J’imagine cep
1069 démodés à coup sûr avant la fin du siècle seront nos ouvrages de science-fiction, et ceux qui se fondent sur nos doctrines
1070 es de science-fiction, et ceux qui se fondent sur nos doctrines sociologiques ; puis les écrits qui expriment notre étonnem
1071 nes sociologiques ; puis les écrits qui expriment notre étonnement devant les nouveautés techniques. Enfin des chroniques com
1072 niques comme celle-ci, à moins qu’elles n’amusent nos petits-fils, comme on aime à retrouver dans son journal intime telle
39 1958, Preuves, articles (1951–1968). Sur la prétendue décadence de l’Occident (avril 1958)
1073 éservons ces réduits pervers. Tous les siècles de notre histoire ont déploré la décadence universelle et décrit des âges d’or
1074 oduire la jérémiade la plus amplement modulée sur nos perspectives prochaines. Sorel, Bergson, Spengler, Valéry et Toynbee
1075 nbee et plusieurs centaines d’autres à leur suite nous l’ont répété sans relâche : l’Occident n’en a plus pour longtemps, se
1076 du xxe siècle (par quoi j’entends l’ensemble de nos créations) aura mieux enrichi le musée mondial que le xviiie tant va
1077 ne autre culture, même pas le passé de la sienne, nous voyons toute la Terre imiter ses techniques, ses formes de gouverneme
1078 e, l’islam ou la magie des nègres ? L’adoption de notre alphabet et du birth control par la Chine a tout de même une autre im
1079 la Chine a tout de même une autre importance que nos brèves poussées d’exotisme. Perte du contact vivant avec les origines
1080 ssance religieuse est combien plus puissante dans nos diverses confessions que les modes littéraires qui occupent tant notr
1081 sions que les modes littéraires qui occupent tant notre presse. Les auteurs et les peintres que l’on cite à l’appui de la « d
1082 que l’on cite à l’appui de la « désintégration de nos valeurs » n’exerceront jamais une action comparable en étendue et pro
1083 es mondiales n’a pas seulement compromis ou perdu nos positions de puissance politique ; il déprime et combat sournoisement
1084 ce politique ; il déprime et combat sournoisement notre volonté de guérir, dans le temps même qu’il excite contre nous les pe
1085 de guérir, dans le temps même qu’il excite contre nous les peuples qui l’ont « attrapé ». À cause de lui, nous refusons de n
1086 es peuples qui l’ont « attrapé ». À cause de lui, nous refusons de nous unir, tandis qu’à cause de lui les Arabes se fédèren
1087 ont « attrapé ». À cause de lui, nous refusons de nous unir, tandis qu’à cause de lui les Arabes se fédèrent. Différents ou
1088 et cerveau, plexus solaire de l’Occident. Mais nos valeurs sont-elles universelles ? Nous exportons avec succès dans
1089 Mais nos valeurs sont-elles universelles ? Nous exportons avec succès dans le monde entier nos machines, nos structur
1090 Nous exportons avec succès dans le monde entier nos machines, nos structures politiques et sociales, notre hygiène scient
1091 ns avec succès dans le monde entier nos machines, nos structures politiques et sociales, notre hygiène scientifique et nos
1092 machines, nos structures politiques et sociales, notre hygiène scientifique et nos virus ; mais nous omettons trop souvent d
1093 tiques et sociales, notre hygiène scientifique et nos virus ; mais nous omettons trop souvent d’y joindre un mode d’emploi
1094 s, notre hygiène scientifique et nos virus ; mais nous omettons trop souvent d’y joindre un mode d’emploi circonstancié, et
1095 ncié, et des indications de régime ou de cure. Or nos produits sans nos valeurs créent du chaos, bouleversent les métabolis
1096 ations de régime ou de cure. Or nos produits sans nos valeurs créent du chaos, bouleversent les métabolismes culturels, et
1097 édiat et mieux déterminé que les spéculations sur notre décadence ; il nous engage et nous provoque, quand celles-ci ne tenda
1098 iné que les spéculations sur notre décadence ; il nous engage et nous provoque, quand celles-ci ne tendaient qu’à nous conva
1099 culations sur notre décadence ; il nous engage et nous provoque, quand celles-ci ne tendaient qu’à nous convaincre de la van
1100 nous provoque, quand celles-ci ne tendaient qu’à nous convaincre de la vanité de toute intervention, en nous livrant à des
1101 convaincre de la vanité de toute intervention, en nous livrant à des fatalités imaginaires. Mais avant d’attaquer ce problèm
40 1958, Preuves, articles (1951–1968). Sur un centre qui doit être partout (mai 1958)
1102 Sur un centre qui doit être partout (mai 1958)at Capitale de l’Europe Voilà qui accr
1103 l’on pense automatiquement que l’Europe de demain doit s’ordonner autour d’un centre prestigieux, c’est d’abord qu’on transp
1104 ment l’analogie entre l’Europe et la nation qu’il nous faut refuser d’entrée de jeu. Nous voulons une Europe fédérale. Le sa
1105 a nation qu’il nous faut refuser d’entrée de jeu. Nous voulons une Europe fédérale. Le sacré national, ce culte jacobin dont
1106 la mode en vit, mais les provinces en meurent70. Nous ne mangerons pas de ce sacré‑là. D’ailleurs, le phénomène est à peu p
1107 modés, l’absence d’aérodromes. C’est Brasilia qui nous donnerait l’équivalent de Washington, D.C., dans notre siècle. Une vi
1108 donnerait l’équivalent de Washington, D.C., dans notre siècle. Une ville neuve dans un terrain vague, vierge de traditions l
1109 orta qu’en 1800. Pourquoi veut‑on que le choix de notre capitale précède l’instauration d’un État fédéral dont l’aire et le r
1110 Eliade, dans son Traité d’histoire des religions, nous font saisir comment le symbolisme du Centre régit le choix, ou pour m
1111 aire, une ville, voire une simple maison. Le lieu doit se révéler « Centre du monde », intersection d’axes cosmiques, lieu «
1112 ce qui tient au sacré, le Centre ainsi déterminé doit satisfaire à deux séries d’exigences contradictoires, chacune pouvant
1113 ymboles, de mythes et de rites traditionnels : il doit être accessible à tous ceux qui le désirent, mais entouré d’obstacles
1114 our double fonction de rassurer et de bluffer. Il doit être ouvert et fermé. Étrange et familier. Attirant et redoutable. En
1115 sacré tout est sens, mais dans la vie publique de notre temps, on n’ose guère invoquer que des calculs à l’appui des projets
1116 ue l’on rêve. Les archétypes régissent en réalité nos imaginations et nos désirs ; mais nous voulons trouver dans des faits
1117 chétypes régissent en réalité nos imaginations et nos désirs ; mais nous voulons trouver dans des faits mesurables les just
1118 en réalité nos imaginations et nos désirs ; mais nous voulons trouver dans des faits mesurables les justifications de nos a
1119 r dans des faits mesurables les justifications de nos actes et conduites, et quand nous les trouvons par chance, et qu’elle
1120 ustifications de nos actes et conduites, et quand nous les trouvons par chance, et qu’elles se tiennent, elles jouent alors
1121 et qu’elles se tiennent, elles jouent alors dans notre âge scientifique le rôle que jouaient les « signes » et les hasards p
1122 Centre. Sens. Le Dictionnaire abrégé de la fable nous apprend que Myscille, habitant d’Argos, n’ayant pu débrouiller le sen
1123 infinité des hémisphères que l’on peut tracer sur notre globe, il en est un qui se trouve contenir 90 % des terres libres de
1124 re du monde tombe quelque part en plein milieu de notre Europe. Bel exemple de « signe » donné par le calcul ! Heureuse coïnc
1125 e ! Mon candidat J’ai dit pourquoi l’Europe doit écarter l’idée d’une capitale centralisante, et pourquoi je ne sens p
1126 s l’urgence de créer un district fédéral tant que nous restons privés d’un État fédéral. Mais supposons maintenant cet État
1127 l satisfait à la première série de conditions que nous savons requises par le sacré. Il les affirme dès l’abord, tandis que
1128 ges et des stratèges. En revanche, et comme il se doit , le pays de Gex présente des avantages uniques aux yeux du géographe
1129 lantes constellations d’esprits qui influencèrent notre horoscope occidental. Enfin, le lac Léman et la cité internationale d
1130 araît au contraire des plus conformes au génie de notre culture toujours ouverte vers l’universel. En fouillant le sol de ce
1131 er. at. Rougemont Denis de, « Sur un centre qui doit être partout (Le point de vue de Ferney) », Preuves, Paris, mai 1958,
41 1958, Preuves, articles (1951–1968). Sur le régime fédéraliste (I) (août 1958)
1132 le plus mal entendu par la plupart des hommes de notre temps, et particulièrement en France : fédéralisme. Quatre problèmes
1133 en France : fédéralisme. Quatre problèmes urgents devraient trouver dans la nouvelle Constitution la formule de leur solution. De
1134 ’est celui de la fonction que l’ensemble français doit se mettre en mesure d’exercer dans une union européenne. Si différent
1135 Un système bon pour les sauvages Mais Littré nous apprend autre chose, sur ce chapitre. Quelque chose qui montre assez
1136 fédéralisme représente un effort vers l’union de nos peuples, et que c’est le nationalisme qui a pour projet de rompre l’u
1137 pte des faits qui commandent à la fois l’union de nos pays et le respect de leurs différences, donc l’adhésion de la France
1138 table d’un fédéralisme externe, supranational. Si nos deux sous de raison ne sont pas finis, c’est de cela qu’il nous faut
1139 de raison ne sont pas finis, c’est de cela qu’il nous faut parler et disputer, car ce que le monde entier attend de nous, c
1140 et disputer, car ce que le monde entier attend de nous , ce n’est pas une résolution de la fraction radicale valoisienne « ré
1141 r rapport intime avec l’antinomie fondamentale de notre siècle : celle du régime fédéraliste et du régime totalitaire. Ce ser
42 1958, Preuves, articles (1951–1968). Sur le régime fédéraliste (II) (septembre 1958)
1142 ines et idéologies qui sont leurs substituts dans notre monde laïque. Au niveau de l’intérêt, la lutte qui s’institue entre l
1143 ti sous le nom de « complot » si elles semblaient devoir être efficaces, et à qualifier de « trahison » toute tentative d’arra
1144 qui sait faire triompher sa « vérité » ; mais il doit au contraire concilier des réalités fort diverses et qu’il est obligé
1145 tait de rédiger une constitution pour l’Europe. — Nous sommes arrêtés, me dit-il, par le problème de la stabilité de l’exécu
43 1958, Preuves, articles (1951–1968). Sur le vocabulaire politique des Français (novembre 1958)
1146 artre, décrivant la manifestation du 4 septembre, nous montrait « au milieu de la place, le prince ; autour de lui, le chœur
1147 mieux que la grande masse amorphe ce que celle-ci doit vouloir pour son bien : ce serait une aristocratie, au sens littéral
1148 le et incertain. — L’usage du mot démocratie dans nos discussions politiques signale presque toujours l’apparition de la ma
1149 sque toujours l’apparition de la mauvaise foi. On devrait donc se l’interdire, car au fait, il ne sert à rien dès l’instant que
1150 u, insiste Sartre — mais si dans ce plébiscite je devrais choisir entre Lui et le prétendant actuel, je voterais plutôt pour Di
1151  : dans le monde sans Dieu d’un Sartre, de Gaulle doit nécessairement apparaître comme le Tyran sans frein ni loi — tandis q
44 1959, Preuves, articles (1951–1968). Nouvelles métamorphoses de Tristan (février 1959)
1152 la rhétorique du récit. Dans une société comme la nôtre , l’amour-passion peut-il encore trouver des interdits assez redoutabl
1153 enfin l’amour-passion et le mariage. N’en sommes- nous pas au point de notre évolution où, tout étant réduit, « ramené à » c
1154 n et le mariage. N’en sommes-nous pas au point de notre évolution où, tout étant réduit, « ramené à » comme on dit, profané,
1155 ux règles de l’hygiène et de la sociologie — tout nous semble permis de ce qui ne nuirait pas à la santé et à la productivit
1156 rois œuvres où transparaît l’archétype de Tristan nous sont données vers ce milieu du siècle par l’Europe, l’Amérique et la
1157 lusieurs reprises d’elle-même et de son frère : «  Nous aurons été les derniers romantiques de l’amour… Au fond, c’est la der
1158 ière histoire d’amour possible… Sans doute serons- nous une sorte de Derniers Mohicans de l’amour. » Je ne fais pas ici de cr
1159 culturel à la fois décadent et conventionnel, qui devait la livrer à la guerre, puis à pire. Je l’ai dit dans un vaste roman d
1160 ara et en est aimé. Mais, comme Lara, la Russie a suivre un Maître cynique et brutal, qui l’a séduite et humiliée. Il m
1161 ivre encore un peu dans le voisinage de celle qui doit me rejeter, car loin d’elle ma vie n’a pas de sens, c’est près d’elle
1162 Qu’est-ce que l’auteur a voulu dire ? Tout ce que nous voyons là, sans doute, et plus encore. S’il avait pu le dire autremen
1163 avait pu le dire autrement, il l’aurait fait (et nous ne le lirions pas). Mais la réponse de l’écrivain ne suffit pas, bien
1164 cère. Car il faut voir que cette ambiguïté, qu’il nous propose malgré lui, n’est pas du tout accidentelle. Elle ne résulte p
1165 Humbert. Si l’amour des nymphets n’était pas, de nos jours, l’un des derniers tabous sexuels qui tiennent encore (avec l’i
1166 ronique, aidées par la version moderne de Bédier, nous font prendre trop facilement pour la touchante histoire d’un amour pr
1167 térature européenne, qu’illustreront plus près de nous un Goethe, créant le personnage de Mignon, un Novalis dédiant son œuv
1168 ses lettres à des petites filles. L’adultère, de nos jours, ne conduit qu’au divorce, ou s’épuise en liaisons banales. Il
1169 la conscience d’une profanation faisait flamber. Nous restent deux tabous sexuels, curieusement respectés par nos mœurs en
1170 t deux tabous sexuels, curieusement respectés par nos mœurs en transition rapide du sacré primitif vers une hygiène scienti
1171 des histoires pour quoi elle n’est pas faite. Il devrait faire abstraction de l’immaturité de ce corps et de cet esprit en for
1172 ouligner les mots révélateurs dans le contexte de notre analyse : tout y passerait ! Non seulement ces deux pages se trouvent
1173 la petite fille, et tous les autres exemples dont nous avons parlé, loin de relever de la monstruosité ou de la faiblesse, r
1174 entre l’élan qui porte l’homme vers l’ange, et le devoir d’aimer le prochain, fondement de toute société. Avec une objectivit
1175 macher, celui qui est indifférent à la morale… Je dois t’aimer (pense Agathe) parce que je ne puis aimer les autres. Dieu et
1176 té qui condamne la passion, et rabat au mariage. Notre temps, qui a probablement perdu la notion de passion amoureuse, parce
1177 tous les rapports extérieurs, la personne réelle doit représenter la personne rêvée et même ne faire qu’un avec elle. D’où
1178 chent : Ce désir d’un double de l’autre sexe qui nous ressemble absolument tout en étant un autre, d’une créature magique q
1179 n étant un autre, d’une créature magique qui soit nous tout en possédant l’avantage, sur toutes nos imaginations, d’une exis
1180 oit nous tout en possédant l’avantage, sur toutes nos imaginations, d’une existence autonome… on en retrouve des traces jus
1181 pas un philtre contre ce qui, au dernier moment, nous sépare ? Mais ici, le roman de Musil s’engage dans deux Voies diverg
1182 e Musil s’engage dans deux Voies divergentes : il nous en reste des fragments inégalement poussés, inconciliables. Première
1183 n chapitre intitulé Le Voyage au Paradis : C’est notre destin : peut-être aimons-nous ce qui est interdit. Mais nous ne nous
1184 Paradis : C’est notre destin : peut-être aimons- nous ce qui est interdit. Mais nous ne nous tuerons pas avant d’avoir fait
1185 : peut-être aimons-nous ce qui est interdit. Mais nous ne nous tuerons pas avant d’avoir fait une tentative extrême. Le mond
1186 tre aimons-nous ce qui est interdit. Mais nous ne nous tuerons pas avant d’avoir fait une tentative extrême. Le monde est fu
1187 xactement) qu’un roman soit vraiment un roman, et nous passionne ? Les préférences qu’avoue le public interrogé devraient le
1188 ne ? Les préférences qu’avoue le public interrogé devraient le porter, si l’on en croit l’enquête, vers une version américaine du
1189 iement, à se voir séparé de l’objet de son amour, dût -il vivre auprès de lui dans un silence humilié et sans espoir. Mais q
1190 ants dans la mort… Il n’y a qu’un seul roman dans nos littératures ! Une seule passion dictant les mêmes péripéties dans to
1191 dans leur retraite forestière : … Disons adieu à nos espoirs, disons-nous adieu l’un à l’autre. Nous nous dirons encore l’
1192 orestière : … Disons adieu à nos espoirs, disons- nous adieu l’un à l’autre. Nous nous dirons encore l’un à l’autre nos paro
1193 à nos espoirs, disons-nous adieu l’un à l’autre. Nous nous dirons encore l’un à l’autre nos paroles secrètes de la nuit, gr
1194 s espoirs, disons-nous adieu l’un à l’autre. Nous nous dirons encore l’un à l’autre nos paroles secrètes de la nuit, grande
1195 Boris Pasternak. Sa lettre au Maître du Kremlin, nous en lisons les termes anticipés dans la scène où Komarovski (l’intriga
1196 Il est probable qu’un jour, à bout de forces, je devrai étouffer mon orgueil et mon amour-propre, et me traîner humblement à
1197 a vie sociale. D’où la présence continuelle, dans nos trois romans tristaniens, de la Société et de ses conventions ; d’où
1198 mplicité d’origine et d’essence, l’amour-passion, nous l’avons vu, n’est guère moins dépendant de cette société qu’il récuse
1199 ’il récuse : c’est elle qui lui a fourni, jusqu’à nos jours, les obstacles indispensables. Sur ce point, deux observations
1200 ystiques, qu’il échappe à la fin au romanesque et nous fait entrevoir un genre nouveau, qui pourrait intégrer dans la littér
1201 entretenait le culte ? Quels tabous subsistant de nos jours pourraient-ils encore provoquer les épiphanies romanesques de T
45 1959, Preuves, articles (1951–1968). Sur une phrase du « Bloc-notes » (mars 1959)
1202 as l’histoire toute récente dans les écoles. J’ai expliquer l’autre jour encore à une jeune Française de vingt ans (fia
1203 faisant l’Europe, c’est l’évidence. Ou bien dites- nous quelle autre solution ? Le vrai danger, c’est notre désunion. Et non
1204 ous quelle autre solution ? Le vrai danger, c’est notre désunion. Et non seulement devant une grande Allemagne hypothétique,
1205 ent devant une grande Allemagne hypothétique, que nos méfiances auraient repoussée vers la Russie, mais devant des coalitio
1206 et spirituelles, d’une ampleur telle qu’aucun de nos pays, fût-il la France plus l’Algérie plus un bon tiers de l’Afrique,
1207 de vous tenir comptable — en faveur de l’union de notre Europe menacée et des ouvriers de sa cause. Vous pouvez plus que d’au
1208 andant au Ciel « que ces erreurs ne fassent point nos calamités », comme on lit au Traité sur la tolérance.   Sur les « mé
1209 n est Jules Feiffer, jeune dessinateur irrité. Il nous montre un bourgeois sérieux observant les ébats convulsifs d’un repré
1210 ignoble parce que sérieuse comme la mort. Ce qui devait rester sacré est profané par cette mise en scène, ce qui devait reste
1211 sacré est profané par cette mise en scène, ce qui devait rester profane est sacralisé par l’horreur. Tout est faux, insondable
46 1959, Preuves, articles (1951–1968). Rudolf Kassner et la grandeur (juin 1959)
1212 de sa gloire secrète. Qui l’a mis à son rang dans notre siècle ? Les meilleurs, certes, mais presque seuls : Valéry, Gide, El
1213 du point de vue des valeurs vitales (problème que notre xviie siècle se devait de ne pas poser). L’homme antique peut attein
1214 eurs vitales (problème que notre xviie siècle se devait de ne pas poser). L’homme antique peut atteindre la grandeur parce qu
1215 astre. L’homme chrétien au contraire, l’homme qui doit être surpassé, vit dans la démesure, et lorsqu’il « veut prendre mesu
1216 de charme mais sans forme et sans but, peut bien nous stimuler, mais ne nous détermine jamais… Cet homme indiscret est dist
1217 rme et sans but, peut bien nous stimuler, mais ne nous détermine jamais… Cet homme indiscret est distrait, et sa distraction
1218 éfléchie qui préside à son analyse de l’indiscret nous vaut une description inégalable du mal du siècle. Ici, le mépris ne p
1219 privilège d’avoir parlé sans complicité de ce qui nous détruit : Rudolf Kassner donne la sensation à peu près unique en ce t
1220 tions personnelles, parlementarisme intérieur qui nous mène lentement à l’impuissance. (Si Kassner exprime un tourment, c’es
1221 Kassner se garde bien de poser les problèmes dans nos catégories psychologiques. Il prend tout par des biais qui nous sont
1222 s psychologiques. Il prend tout par des biais qui nous sont peu familiers. Et puis enfin, voilà une philosophie qui postule
1223 valeurs, non de la seule exactitude des pensées — nous connaissons le modèle immortel, le Livre de Job. Il serait curieux d’
1224 tudes intermédiaires. Elle est un acte de vision. Nous montrant d’un seul coup, sans transition, plusieurs objets que la cou
1225 de comparaisons. De quels autres moyens disposons- nous , qui soient ordonnés à cette fin ? Ce sont moyens de poésie, c’est-à-
1226 i en fait voir un grand nombre d’autres, et qu’on nous fait découvrir tout d’un coup ce que nous ne pouvions espérer qu’aprè
1227 t qu’on nous fait découvrir tout d’un coup ce que nous ne pouvions espérer qu’après une grande lecture. Ainsi s’opposent et
1228 dans mon esprit seulement et qui ne pouvait ni ne devait l’être autrement, je le voyais bien, je jouais encore avec l’idée que
1229 , je jouais encore avec l’idée que cette relation devait exclure tout bavardage et comporter quelque cérémonial : seul devant
1230 n tension dialectique — du moins s’ils comptent ? Nos trop rares entretiens m’ont appris sur Kassner cela surtout qu’il a s
1231 u ratés exemplaires. Cette collection de types de notre siècle puisait dans l’Europe de naguère — surtout viennoise — ses élé
1232 ble. D’où l’image qui me vint à l’esprit, pendant notre première rencontre, de cet archer qui tire les yeux fermés et atteint
1233 erre de 1914, et plusieurs témoignages importants nous en demeurent : lettres de Rilke à leur amie commune, la princesse de
1234 à la grandeur. Relisons les essais qui suivent : nous y voyons que pour Kassner, Rilke appartient décidément au monde du Pè
1235 but sans le voir (blind), celui qui peut cela ne doit -il pas avoir le but en lui-même ?… Le zen, le tir aveugle, est acte,
1236 tir aveugle, est acte, mais cet acte est en outre notre pensée la plus profonde, l’ultime, et le dirai-je, la pensée sans lim
1237 donne un nom, ce sera : Bouddha. Enfin ceci, qui devait combler chez Kassner le penseur existentiel autant que le physiognomo
1238 lui aurais dit sans doute : le but du zen est de nous libérer du moi conscient, mais le sens dernier de votre œuvre est de
1239 que vous nommez souvent « magie à rebours », vous nous avez montré la voie de la personne, le passage vers l’esprit et vers
1240 st négation du personnel ? Ou plutôt, saurez-vous nous faire voir l’unité finale des deux voies ? Nul autre mieux que vous,
1241 randeur humaine, traduction anonyme, que je crois due aux soins conjugués de Bernard Groethuysen et de Jean Paulhan. 80. E
1242 mpossible, est indiscret, l’autre ne fait que son devoir . » 82. Je viens de lire des propos de Kassner (recueillis par M. Ken
1243 alpées… Mais un cérémonial, tel que je l’entends, devrait permettre justement d’éviter ces « cérémonies » ; de saluer, de parle
1244 erkegaard une géniale conception de Dieu… ou bien devrait -on le nommer l’Hamlet de l’idée du Dieu-Homme, l’Hamlet de l’idée de
1245 r de transformer » par excellence. C’est elle qui nous permet de passer du monde magico-mythique à celui de la personne et d
1246 Quelque chose” a tiré et touché le but. Inclinons- nous devant le but comme devant Bouddha. » 89. « Aus den Sätzen des Ioghi
47 1959, Preuves, articles (1951–1968). Sur un chassé-croisé d’idéaux et de faits (novembre 1959)
1247 — Quand le tsar Pierre Ier décida que son empire devait « faire mieux que l’Occident », il voulut étudier nos secrets et s’en
1248 « faire mieux que l’Occident », il voulut étudier nos secrets et s’engagea comme ouvrier aux chantiers maritimes de Saardam
1249 ui, l’ouvrier Khrouchtchev a décidé que la Russie devait « faire mieux que l’Amérique », mais comme il sait aussi mieux que l’
1250 développent sur table rase beaucoup plus vite que nous , à peu près aussi vite l’une que l’autre, depuis le départ presque si
1251 n soviétique, qui est dans le sens de l’Histoire, doive aujourd’hui se donner pour but de le rattraper ? En d’autres termes,
1252 Walter Lippmann : La faiblesse la plus grave de notre société, c’est que nous ne sommes unis dans la poursuite d’aucun obje
1253 iblesse la plus grave de notre société, c’est que nous ne sommes unis dans la poursuite d’aucun objectif fondamental… Nous p
1254 s dans la poursuite d’aucun objectif fondamental… Nous parlons de nous-mêmes comme d’une société achevée, qui a atteint ses
1255 ule façon de répondre à M. K., c’est de cesser de nous demander avec inquiétude s’il va nous séduire… et de redevenir enfin
1256 e cesser de nous demander avec inquiétude s’il va nous séduire… et de redevenir enfin le peuple confiant et résolu que nous
1257 redevenir enfin le peuple confiant et résolu que nous sommes en réalité. Je ne vois guère moins de sophisme dans cet argum
1258 rdises soviétiques. Lippmann, comme la plupart de nos intellectuels, se dit en somme : — Nous n’avons plus de grande idée,
1259 plupart de nos intellectuels, se dit en somme : — Nous n’avons plus de grande idée, eux en ont une. Nous sommes riches, heur
1260 Nous n’avons plus de grande idée, eux en ont une. Nous sommes riches, heureux, arrivés, donc faibles ; ils sont en marche, p
1261 de confiance dont il n’indique pas les motifs) et nous laisse sur l’idée que les Russes doivent gagner. Mais gagner quoi ? Q
1262 motifs) et nous laisse sur l’idée que les Russes doivent gagner. Mais gagner quoi ? Qu’auriez-vous donc à redouter, Américains
1263 e du voyage de K. en Amérique, on pouvait et l’on devait s’attendre à ce qui s’est passé en effet : la rencontre de deux group
1264 iment mêlé de soulagement et d’anxiété nouvelle : nous ne sommes pas si différents, mais alors ? Où sont nos certitudes, nos
1265 ne sommes pas si différents, mais alors ? Où sont nos certitudes, nos refus bien tranchés, nos raisons de nous haïr et de n
1266 différents, mais alors ? Où sont nos certitudes, nos refus bien tranchés, nos raisons de nous haïr et de nous craindre ? Q
1267 Où sont nos certitudes, nos refus bien tranchés, nos raisons de nous haïr et de nous craindre ? Quand Khrouchtchev réitère
1268 rtitudes, nos refus bien tranchés, nos raisons de nous haïr et de nous craindre ? Quand Khrouchtchev réitère que ses positio
1269 fus bien tranchés, nos raisons de nous haïr et de nous craindre ? Quand Khrouchtchev réitère que ses positions idéologiques
1270 nt qu’on voie l’Europe, qu’on y pense même ! Mais nous , qui sommes d’Europe, nous allons y penser. Le mois dernier, François
1271 on y pense même ! Mais nous, qui sommes d’Europe, nous allons y penser. Le mois dernier, François Bondy posait ici même la q
1272 ndy posait ici même la question que tout Européen doit se poser désormais, la question de l’absence de l’Europe aux lieux où
48 1960, Preuves, articles (1951–1968). Sur la détente et les intellectuels (mars 1960)
1273 de le poser, mais qui paraît troubler certains de nos amis, et qu’une masse d’étourdis tranchent de la sorte : maintenant q
1274 d’étourdis tranchent de la sorte : maintenant que nous avons la détente politique, une détente intellectuelle doit s’ensuivr
1275 la détente politique, une détente intellectuelle doit s’ensuivre. Il faut avouer que le voyage de Khrouchtchev en Amérique
1276 en avant », il y a dix ans, la liberté, mais qui doit se replier aujourd’hui « sur le terrain de la vie intérieure ». Au co
1277 l’ordre naturel des choses dans lequel l’humanité doit vivre. Anachronisme monstrueux et stupide, etc. » Dans une interview
1278 ease Sera (Rome), Guido Piovene déclare : « C’est notre rôle à tous, intellectuels italiens, d’exercer notre influence dans l
1279 re rôle à tous, intellectuels italiens, d’exercer notre influence dans la vie publique afin que la guerre froide cesse à l’in
1280 lique un redoublement de la lutte idéologique… On nous a dit : tout est changé, tout doit changer, les vieux problèmes sont
1281 déologique… On nous a dit : tout est changé, tout doit changer, les vieux problèmes sont dépassés. Mais je ne vois encore qu
1282 se qu’on avoue quand on est pris et démasqué. Ils nous jugeaient donc à leur aune. Ils avaient démasqué notre « anticommunis
1283 jugeaient donc à leur aune. Ils avaient démasqué notre « anticommunisme », et nous réduisaient à cela. C’était notre unique
1284 Ils avaient démasqué notre « anticommunisme », et nous réduisaient à cela. C’était notre unique obsession, notre seule raiso
1285 communisme », et nous réduisaient à cela. C’était notre unique obsession, notre seule raison d’être, et notre profession. Tou
1286 duisaient à cela. C’était notre unique obsession, notre seule raison d’être, et notre profession. Tout était donc permis pour
1287 e unique obsession, notre seule raison d’être, et notre profession. Tout était donc permis pour nous disqualifier, et même ob
1288 et notre profession. Tout était donc permis pour nous disqualifier, et même obligatoire. Aragon me traitait publiquement d’
1289 ent : ils avaient à le dire et c’est tout. Or, si nous nous trouvions être « anticommunistes », c’est-à-dire définis comme t
1290 ils avaient à le dire et c’est tout. Or, si nous nous trouvions être « anticommunistes », c’est-à-dire définis comme tels n
1291 nistes », c’est-à-dire définis comme tels non par nous mais par leur manie systématique, c’était précisément parce qu’à nos
1292 anie systématique, c’était précisément parce qu’à nos yeux, la vocation de l’écrivain dans la cité ne pouvait être interpré
1293 t exactement le contraire de celui qu’un écrivain doit revendiquer. Le rôle de l’écrivain est de montrer par son œuvre que l
1294 er à autre chose. » C’est dans la seule mesure où nous refusions le mensonge en service commandé pour le douteux profit de n
1295 profit de n’importe quel système, fût-il celui de nos États, c’est dans cette mesure-là que nous étions des « antis ». Au r
1296 elui de nos États, c’est dans cette mesure-là que nous étions des « antis ». Au reste, nous pensions surtout à « d’autres ch
1297 esure-là que nous étions des « antis ». Au reste, nous pensions surtout à « d’autres choses ». Mais comme ces autres choses,
1298 s, pour eux, n’existaient pas, ils ne voyaient en nous que leur image inversée, inexplicablement perverse et révoltante. Le
1299 t l’Octobre de Pologne. Et Budapest. Plus près de nous , les autocritiques d’intellectuels quittant le parti communiste. Auta
1300 ttant le parti communiste. Autant de motifs, pour nous , de penser que notre refus « systématique » de leur système suffisait
1301 niste. Autant de motifs, pour nous, de penser que notre refus « systématique » de leur système suffisait bien, et que le dial
1302 mps perdu avec des officieux qui ne pouvaient pas nous écouter et n’insultaient que nos caricatures. (C’est irritant de redi
1303 e pouvaient pas nous écouter et n’insultaient que nos caricatures. (C’est irritant de redire tout cela, n’est-ce pas ? Ceux
1304 ccidental serait encore un acte de guerre froide. Nous reprochions à l’URSS de ne pas distinguer entre les intérêts d’un par
1305 politique et la guerre dans le domaine des idées. Nous sommes d’accord : c’était notre attitude. Et l’URSS précisément la co
1306 domaine des idées. Nous sommes d’accord : c’était notre attitude. Et l’URSS précisément la condamnait. Elle l’adopte aujourd’
1307 ui, mais par opportunisme, et feint de croire que nous la refusons. Elle nous reproche à tort ce dont nous l’accusions avec
1308 me, et feint de croire que nous la refusons. Elle nous reproche à tort ce dont nous l’accusions avec plus de raison que de p
1309 us la refusons. Elle nous reproche à tort ce dont nous l’accusions avec plus de raison que de plaisir. Sa conception de la l
1310 tte dans le domaine des idées consiste en somme à nous demander une reddition sans condition. La lutte idéologique, à l’en c
1311 te. Ehrenbourg est pour les échanges, comme il se doit . Mais au lieu de traduire Pasternak, nous dit-il (hélas ! interdit en
1312 e il se doit. Mais au lieu de traduire Pasternak, nous dit-il (hélas ! interdit en Russie) qu’on traduise de vrais communist
1313 rais communistes ! En revanche, Silone et Spender doivent être bannis du dialogue et ce n’est pas, bien au contraire, qu’ils so
1314 chances de prestige, selon les sociologues. Mais notre mère à tous, n’est-ce pas l’Europe ? 93. Allocution à la Salle Gave
49 1960, Preuves, articles (1951–1968). Les incidences du progrès sur les libertés (août 1960)
1315 ssayant de reconsidérer la nature, la fonction de notre Congrès et les idéaux qui l’inspirent. Le plus simple sera de reprend
1316 simple sera de reprendre les trois termes formant notre titre : Congrès, Liberté, Culture. Vous verrez à quel point ces trois
1317 termes s’appellent et s’impliquent mutuellement. Nous sommes donc d’abord un Congrès — un congrès permanent, il est vrai, p
1318 rté. Car il est clair que ce problème numéro 1 de notre siècle déborde toute capacité individuelle et qu’il exige un vaste ef
1319 erté, voyez-vous, ce n’est pas quelque chose dont nous devons parler, mais quelque chose que nous devons créer, dont nous de
1320 voyez-vous, ce n’est pas quelque chose dont nous devons parler, mais quelque chose que nous devons créer, dont nous devons cr
1321 e dont nous devons parler, mais quelque chose que nous devons créer, dont nous devons créer les conditions, quelque chose qu
1322 t nous devons parler, mais quelque chose que nous devons créer, dont nous devons créer les conditions, quelque chose que nous
1323 r, mais quelque chose que nous devons créer, dont nous devons créer les conditions, quelque chose que nous devons reconquéri
1324 is quelque chose que nous devons créer, dont nous devons créer les conditions, quelque chose que nous devons reconquérir chaqu
1325 us devons créer les conditions, quelque chose que nous devons reconquérir chaque jour et sans relâche, sur nous-mêmes tout d
1326 vons créer les conditions, quelque chose que nous devons reconquérir chaque jour et sans relâche, sur nous-mêmes tout d’abord,
1327 ment fait-on cela ? Revendiquer la liberté, quand nous avons formé notre Congrès, c’était d’abord lutter contre des dictatur
1328  ? Revendiquer la liberté, quand nous avons formé notre Congrès, c’était d’abord lutter contre des dictatures extérieures, bi
1329 défaitisme fataliste qui préparait leur lit dans nos démocraties. Il nous fallait courir au plus pressé, secourir les pers
1330 e qui préparait leur lit dans nos démocraties. Il nous fallait courir au plus pressé, secourir les persécutés accusés de lib
1331 les persécutés accusés de liberté d’esprit, — et nous l’avons fait. Mais nous voyons bien, aujourd’hui, que les menaces con
1332 de liberté d’esprit, — et nous l’avons fait. Mais nous voyons bien, aujourd’hui, que les menaces contre les libertés ne vien
1333 iennent aussi des formes de vie matérialistes que notre civilisation occidentale propage aveuglément sur toute la terre, et q
1334 u’intervient la Culture, ou, en tout cas, qu’elle doit et peut intervenir. Vous avez lu et entendu depuis longtemps tant de
1335 tivités proprement humaines qui donnent un sens à notre vie. Car la culture, c’est tout d’abord : transmettre des recettes de
1336 on et progrès technique et démocratique. Pour que notre vie ait un sens, il faut que la culture vivante recrée pour les homme
1337 ce temps des ensembles intelligibles. Il faut que nos activités humaines que nous avons spécialisées et séparées jusqu’à l’
1338 lligibles. Il faut que nos activités humaines que nous avons spécialisées et séparées jusqu’à l’absurde — l’art et la vie qu
1339 ser mutuellement, comme c’est le cas dans trop de nos vies, et retrouvent une commune mesure, un style commun. Et ceci vaut
1340 llénaire de l’Inde traditionnelle. C’est pourquoi nous devons attacher tant de prix aux contacts que permet un congrès comme
1341 ire de l’Inde traditionnelle. C’est pourquoi nous devons attacher tant de prix aux contacts que permet un congrès comme le nôt
1342 de prix aux contacts que permet un congrès comme le nôtre  : contacts d’une part entre représentants des arts, des sciences et d
1343 globale. Voilà pour les trois termes qui forment notre titre. J’en déduis que la fonction de notre Congrès, tel qu’il est de
1344 rment notre titre. J’en déduis que la fonction de notre Congrès, tel qu’il est devenu depuis dix ans, s’élargissant progressi
1345 eux Amériques ; mais ceci dans la perspective qui nous est propre : celle des incidences du progrès sur les vraies libertés
1346 s du progrès sur les vraies libertés humaines. On nous demande souvent, de tous côtés : Êtes-vous un mouvement politique ? I
1347 que le commentaire que je viens de vous donner de nos buts répond suffisamment à cette question. Mais on insiste, la presse
1348 erviewers insistent : tous veulent absolument que nous soyons politiques, que nous soyons d’abord anti-ceci ou cela… J’insis
1349 eulent absolument que nous soyons politiques, que nous soyons d’abord anti-ceci ou cela… J’insisterai donc à mon tour. En si
1350 sens humain, pour chaque personne. La politique, nous n’y échapperons pas, et il est inutile d’insister sur ce fait, ici, d
1351 insister sur ce fait, ici, dans ce Berlin où elle nous cerne de toutes parts. Mais nous refusons d’accorder à la politique c
1352 e Berlin où elle nous cerne de toutes parts. Mais nous refusons d’accorder à la politique cette valeur absolue de fin en soi
1353 la politique totale et absolutisée. La politique doit rester pour nous un moyen dominé par des fins humaines, ces fins que
1354 ale et absolutisée. La politique doit rester pour nous un moyen dominé par des fins humaines, ces fins que l’esprit seul peu
1355 sprit seul peut entrevoir, imaginer et proposer à nos désirs et à notre raison, à notre volonté et à notre foi. Et alors, l
1356 entrevoir, imaginer et proposer à nos désirs et à notre raison, à notre volonté et à notre foi. Et alors, la liberté serait-e
1357 ner et proposer à nos désirs et à notre raison, à notre volonté et à notre foi. Et alors, la liberté serait-elle du nombre de
1358 os désirs et à notre raison, à notre volonté et à notre foi. Et alors, la liberté serait-elle du nombre de ces fins dernières
1359 son tour un absolu ? Non, certes, mais elle seule nous conduit à nos fins. Car la liberté se concrétise dans l’augmentation
1360 olu ? Non, certes, mais elle seule nous conduit à nos fins. Car la liberté se concrétise dans l’augmentation continuelle de
50 1961, Preuves, articles (1951–1968). Dialectique des mythes : Le carrefour fabuleux (I) (avril 1961)
1361 ire : la trivialité, combien plus triviale encore doit être la rencontre de huit routes ! Pourtant il en est bien ainsi : hu
1362 profond des forêts de l’âme occidentale. Arrêtons- nous ici pour méditer. Et nous suivrons tantôt cette allée de lumière fray
1363 e occidentale. Arrêtons-nous ici pour méditer. Et nous suivrons tantôt cette allée de lumière frayée dans les hautes futaies
1364 ira-t-il plus tard — dans les Étapes — qu’il aura de n’avoir pas vécu sans aimer, « quoique d’un amour malheureux ». Re
1365 comme par une création de logique intrépide. Elle nous impose, par la vertu d’une cohérence inoubliable, une interprétation
1366  suprême expression de l’amour », à laquelle il a renoncer pour une raison qui reste son secret dernier. Le mariage éta
1367 son ombre, plus brillante que lui-même, et qu’il doit exalter et condamner sans cesse, car elle est lui autant que lui, mai
1368 ue Johannes le séducteur, prouve simplement que «  notre jeune ami reste au-dehors », c’est-à-dire n’entretient encore que des
1369 cela veut dire que ce qu’il y a de plus spontané doit être en même temps la décision la plus libre… En outre l’une de ces c
1370 on la plus libre… En outre l’une de ces choses ne doit pas suivre l’autre, la décision ne doit pas arriver par-derrière à pa
1371 choses ne doit pas suivre l’autre, la décision ne doit pas arriver par-derrière à pas de loup : le tout doit avoir lieu simu
1372 pas arriver par-derrière à pas de loup : le tout doit avoir lieu simultanément. Suivent cent pages au cours desquelles le
1373 e heureux, dans un mariage par exemple, cet amour devrait opérer le miracle de « faire du différent l’égal », créant ainsi la p
1374 à ses yeux le mariage. Par amour pour Régine, il doit donc s’éloigner, bien qu’il ne cesse de s’adresser à elle sous le cou
1375 pas plutôt l’inverse, — ne correspond à rien dans notre perspective, et n’aiderait à déceler aucun sens vérifiable. En effet,
1376 la décision fondant le mariage symbolisait aussi, nous l’avons vu, le fondement même de toute éthique existentielle. Mais vo
1377 ceptionnelle. Le mariage est interdit à celui qui doit être l’Exception : Au soldat qui monte la garde aux frontières, est-
1378 soit dit dans un sens spirituel — se marier, s’il doit jour et nuit se battre non pas contre les Tartares et les Scythes, ma
1379 cette femme qui l’a ainsi enthousiasmé, il aurait pourtant s’unir pour la vie. Mais l’existence l’énonce autrement. Tou
1380 solitude de son cœur, « c’est alors seulement que nous sommes unis ».) Régine s’est mariée ailleurs. Le dernier appel qu’il
1381 tablit l’exigence existentielle. Le sujet du « Tu dois aimer » ne saurait être, en effet, que « l’Individu ». Or on sait que
1382 ur. » C’était là le prochain par excellence, et — nous le savons par le Journal — c’était Régine ! Plus tard, le concept d’i
1383 elle, de Søren Kierkegaard lui-même. Vocation qui devait le mener à sa perte, puisqu’il mourut d’une longue passion unique pou
1384 plications pourquoi l’amour en tant que passion — notre spécialité européenne — doit être nécessairement d’origine noble. On
1385 tant que passion — notre spécialité européenne — doit être nécessairement d’origine noble. On sait que son invention doit ê
1386 rement d’origine noble. On sait que son invention doit être attribuée aux chevaliers poètes provençaux, ces hommes magnifiqu
1387 battre la violence d’un instinct est en dehors de notre puissance ». Dans le procès de maîtrise d’un instinct, « l’intellect
1388 tinct, qui est le rival de celui dont la violence nous tourmente, que ce soit le besoin de repos, ou la crainte de la honte
1389 éfastes, ou bien encore l’amour. Donc, tandis que nous croyons nous plaindre de la violence d’un instinct, c’est au fond un
1390 ien encore l’amour. Donc, tandis que nous croyons nous plaindre de la violence d’un instinct, c’est au fond un instinct qui
1391 es facultés de l’imagination… Les images du mythe doivent être les esprits tutélaires invisibles et omniprésents, propices au d
1392 sique à sa perfection, chez les Grecs comme parmi nous , mais elle y ajoute aussitôt le mythe tragique, et le héros tragique
1393 sur ses épaules le fardeau du monde dionysien et nous en délivre. … Entre la portée universelle de sa musique et l’auditeur
1394 e, sans la sauvegarde de cette illusion. Le mythe nous protège contre la musique, et lui seul, d’autre part, donne à celle-c
1395 gaieté, l’irresponsabilité ! Vivons au-dessus de nous afin de pouvoir vivre avec nous-mêmes ! » Que s’est-il passé entre-te
1396 ustra ? « Insouciant et railleur, violent — ainsi nous veut la sagesse. Elle est femme… » Que dit Aurore ? « Il n’y a encore
1397 ouvelle passion. — Pourquoi craignons et haïssons- nous la possibilité d’un retour à la barbarie ? Serait-ce peut-être parce
1398 es de tous les temps avaient plus de bonheur : ne nous y trompons pas. — Mais c’est notre instinct de connaissance qui est t
1399 de bonheur : ne nous y trompons pas. — Mais c’est notre instinct de connaissance qui est trop développé pour que nous puissio
1400 t de connaissance qui est trop développé pour que nous puissions encore apprécier le bonheur sans connaissance, ou bien le b
1401 le bonheur d’une illusion solide et vigoureuse ; nous souffrons rien qu’à nous représenter un pareil état de choses ! L’inq
1402 n solide et vigoureuse ; nous souffrons rien qu’à nous représenter un pareil état de choses ! L’inquiétude de la découverte
1403 de la découverte et de la divination a pris pour nous autant de charme et nous est devenue tout aussi indispensable que ne
1404 a divination a pris pour nous autant de charme et nous est devenue tout aussi indispensable que ne l’est, pour l’amoureux, l
1405 r l’état d’indifférence ; — oui, peut-être sommes- nous , nous aussi, des amants malheureux. La connaissance s’est transformée
1406 at d’indifférence ; — oui, peut-être sommes-nous, nous aussi, des amants malheureux. La connaissance s’est transformée chez
1407 alheureux. La connaissance s’est transformée chez nous en passion qui ne s’effraie d’aucun sacrifice et n’a, au fond, qu’une
1408  Cette pensée, elle aussi, est sans puissance sur nous . Le christianisme s’est-il donc effrayé d’idées semblables ? La passi
1409 aphorisme d’Aurore se termine ainsi : Où voulons- nous aller ? Voulons-nous donc franchir la mer ? Où nous entraîne cette pa
1410 termine ainsi : Où voulons-nous aller ? Voulons- nous donc franchir la mer ? Où nous entraîne cette passion puissante, qui
1411 us aller ? Voulons-nous donc franchir la mer ? Où nous entraîne cette passion puissante, qui prime pour nous sur toute autre
1412 entraîne cette passion puissante, qui prime pour nous sur toute autre passion ? Pourquoi ce vol éperdu dans cette même dire
1413 et s’éteignirent ? Dira-t-on peut-être un jour de nous que, nous aussi, gouvernant toujours vers l’ouest, nous espérions att
1414 nirent ? Dira-t-on peut-être un jour de nous que, nous aussi, gouvernant toujours vers l’ouest, nous espérions atteindre une
1415 ue, nous aussi, gouvernant toujours vers l’ouest, nous espérions atteindre une Inde inconnue, — mais que c’était notre desti
1416 s atteindre une Inde inconnue, — mais que c’était notre destinée d’échouer devant l’infini ? Ou bien, mes frères, ou bien ? —
1417 -191. 117. Ecce Homo. 118. Le choc profond que dut éprouver Nietzsche, à cette nouvelle, précède donc de très peu l’illu
51 1961, Preuves, articles (1951–1968). Dialectique des mythes : Le carrefour fabuleux (II) (mai 1961)
1418 uan-Tristan, telle que je l’ai formulée ailleurs, doit être ici rappelée en quelques phrases : Considérons le Don Juan du t
1419 ns l’ensemble d’une société aussi complexe que la nôtre . L’Éthique condamne en principe les deux mythes. En fait, elle exige
1420 t de considérer, l’éclipse du mythe de la passion devait faire apparaître l’antithèse de Tristan. Si Don Juan n’est pas, histo
1421 i le jus primae noctis serait plutôt une sorte de devoir littéralement « religieux » du seigneur. Dans la nuit, sous le masque
1422 e synthèse dans la durée des éléments variés dont nos deux mythes symbolisent l’excès ou l’échec, la plupart des couples ré
1423 eur véritable nature, et des fins vers lesquelles nous conduisent leurs structures. Du point de vue de l’histoire et de la p
1424 ’une situation, tout pronostic sur son évolution, devront donc s’établir sur cette base. Il en va de même pour une vie personne
1425 fins auxquelles chacun de ses termes s’ordonne et nous incline, selon sa loi. Mais il se peut aussi qu’une fois ces fins rec
1426 final des deux mythes Quelles sont les fins de nos vies au-delà de survivre, travailler et gagner de l’argent, qui ne so
1427 nt, qui ne sont au vrai que des moyens ? Limitons- nous aux quatre que voici : la durée, le bonheur, la liberté, l’amour.  
1428 ’un se voudra Tristan, l’autre Don Juan. Don Juan nous chante qu’il n’est heureux que dans l’instant, la nouveauté et le cha
1429 rai que Don Juan « raisonne » ainsi, en chacun de nous à ses heures. C’est qu’il oublie qu’une femme n’est pas une pomme. Et
1430 haine, parce que selon la légende primitive — que nous rappelle un analyste freudien — « il ne lui a pas donné l’âme qu’il l
1431 reudien — « il ne lui a pas donné l’âme qu’il lui devait … Il a trompé la femme en elle, en abusant de son rôle divin d’animate
1432 ltières et les plus fascinantes pour l’esprit. Il nous rappelle aussi que la durée n’est pas seulement la réalité du couple,
1433 véritable ? Seule une estimation bien assurée de notre vie dans ce monde-ci, et de son sens ou de son absurdité, nous mettra
1434 ce monde-ci, et de son sens ou de son absurdité, nous mettrait en mesure de répondre. Si notre incarnation présente n’est q
1435 bsurdité, nous mettrait en mesure de répondre. Si notre incarnation présente n’est que souffrance et illusion — souffrance à
1436 ique, matérielle et biologique, le mariage est un devoir civique, et Don Juan serait alors la liberté, un reflet inversé de l’
1437 ’explique pas, on s’en doute, la nature en soi de nos mythes, qui sont phénomènes de l’âme. Mais elle nous aide à mieux ima
1438 s mythes, qui sont phénomènes de l’âme. Mais elle nous aide à mieux imaginer le processus de leur action ; peut-être aussi l
1439 it, l’orchestre multiplie les appels au plaisir. ( Nous sommes maintenant dans le palais.) Brusquement tout s’arrête à l’entr
1440 n, mais elle y succombera. Or cette liberté seule nous intéresse ; les autres ne sont guère que revendications déterminées d
1441 ffle du Monde est encore une « tourmente » !) que nous laissent les dernières mesures de Tristan.   L’amour. — Ici la diale
1442 sa passion est dans le moi distinct, et si ce moi doit s’abîmer dans l’inconscient tout englobant, il n’y a plus d’objet, ni
1443 l’amour de l’amour dans un sujet qui, lui aussi, doit s’évanouir. Que reste-t-il ? Comme d’autres perdent pour sauver leur
1444 ude de l’amour — et sa rareté merveilleuse ! Mais nos arts devant elle ont toujours reculé. Et nos littératures, impuissant
1445 Mais nos arts devant elle ont toujours reculé. Et nos littératures, impuissantes à créer le mythe du mariage idéal, ont véc
1446 fonction proprement vitale, ou devenue telle dans notre évolution. Ils ne sont pas seulement nos tentations majeures, mais de
1447 e dans notre évolution. Ils ne sont pas seulement nos tentations majeures, mais des signes chargés de sens. Qu’ils se lèven
1448 chargés de sens. Qu’ils se lèvent soudain devant nous , fascinants comme un rêve d’autres nuits, au lieu de nous accompagner
1449 scinants comme un rêve d’autres nuits, au lieu de nous accompagner dans l’ombre, et nous savons que le moment est venu de vi
1450 its, au lieu de nous accompagner dans l’ombre, et nous savons que le moment est venu de virer de cap, ou bien d’affronter la
1451 nge vivant. Enfin tous les deux ont raison contre nos morales de série, hygiéniques, étatiques, et sans style ni virtù. Dès
1452 yle ni virtù. Dès qu’un déséquilibre se trahit en nous , ou provoque une crise dans le couple, ils s’y jettent et l’aggravent
1453 onne, et la vie même. Mais sans eux, que seraient nos amours ? 123. L’Amour et l’Occident . 124. L’Amour et l’Occid
1454 eunes gens. (Minotaure-Morholt-Hitler.) Puis il a s’éloigner de nouveau, écœuré par l’intrigue des barons félons. Certe
1455  À propos de Dona Anna : les biographes de Mozart nous assurent que ses contemporains ne doutaient pas un instant que Dona A
52 1961, Preuves, articles (1951–1968). Pour Berlin (septembre 1961)
1456 Les motifs politiques qui animent M. Khrouchtchev doivent être à ses yeux bien puissants pour justifier le risque qu’il encourt
1457 annonce rend la guerre atomique soudain possible. Nous ne discuterons pas ses raisons, ni celles que lui oppose l’Occident.
1458 ses raisons, ni celles que lui oppose l’Occident. Nous sommes en présence d’un fait qui dépasse les calculs politiques et me
1459 erlinois ? » s’écriait récemment M. Khrouchtchev. Nous lui demandons en retour, avec tous ceux qui veulent la paix : « Pourq
1460 jour un millier de sujets qui ne l’aiment pas ? » Nous demandons pour ces sujets le droit de redevenir des citoyens. Nous de
1461 ur ces sujets le droit de redevenir des citoyens. Nous demandons que leur soient reconnus les droits que définit l’article 1
1462 n problème de Berlin et que la paix est ébranlée. Nous demandons à M. Khrouchtchev d’appliquer les principes qu’il proclame,
1463 ns armes ne menacent pas la paix du peuple russe. Nous demandons à M. Khrouchtchev de ne pas pousser à bout les Allemands de
1464 de tout espoir n’est pas « consolider la paix ». Nous demandons à M. Khrouchtchev de ne pas déclencher le massacre universe
1465 ssacre universel pour sauver un régime décrié. Et nous lui proposons de faire confiance à l’Histoire, conformément à sa doct
53 1963, Preuves, articles (1951–1968). Le mur de Berlin vu par Esprit (février 1963)
1466 eptions près. Bref, Esprit du 1er décembre 1962 nous laisse tout ignorer de M. Paul Dehem, qui écrit longuement sur le mur
1467 ù est la « nécessité vitale » du mur ?) 3°) L’Est doit être indemnisé pour avoir construit le mur. En effet, l’Ouest, en pro
1468 budget d’un pays où l’État assume pleinement son devoir d’instruction publique ». L’auteur en conclut qu’« il est évident que
1469 auteur en conclut qu’« il est évident que l’Ouest doit à la RDA un dédommagement ». (Combien l’URSS a-t-elle offert aux Angl
54 1963, Preuves, articles (1951–1968). Une journée des dupes et un nouveau départ (mars 1963)
1470 arait : « Si l’Angleterre entre au Marché commun, nous devons renoncer à l’Europe supranationale. » Or, dit-il aujourd’hui,
1471  : « Si l’Angleterre entre au Marché commun, nous devons renoncer à l’Europe supranationale. » Or, dit-il aujourd’hui, comme «
1472 ée, je crois préférable d’avoir l’Angleterre avec nous  »135. Ce qui revient en fait, sinon en intention, à sacrifier le trai
1473 Spaak lui-même. Logiquement, c’est de Gaulle qui devrait jouer maintenant. Mais il serait excessif de dire qu’il a bien dispos
1474 aux mouvements de militants qu’il appartenait de nous offrir une vision de l’Europe politiquement unie. Mais ils se taisent
1475 e aux tâches mondiales que la culture occidentale doit assumer. Encore faut-il que quelques-uns se mettent au travail, qu’il
1476 déduisent une tactique, et qu’ils dressent devant nous et devant les hommes d’État une image convaincante de l’avenir, capab
1477 tuels anglais. Leur élan vers l’Europe va droit à notre cœur. Parlant de l’Europe continentale, Jan Nairn écrit : « These peo
1478 France, la Pologne, l’Espagne, ou la Suisse. Mais nous sommes tous aux prises avec la politique de nos États, de leurs pouvo
1479 nous sommes tous aux prises avec la politique de nos États, de leurs pouvoirs. Dans le même numéro d’Encounter, sir Stephe
1480 entes commenceront à se manifester parmi les Six, nous trouverons là l’occasion de nous assurer en Europe cette prépondéranc
1481 r parmi les Six, nous trouverons là l’occasion de nous assurer en Europe cette prépondérance que nous avons si sottement ref
1482 de nous assurer en Europe cette prépondérance que nous avons si sottement refusée dans les années 1950, alors qu’il ne tenai
1483 dans les années 1950, alors qu’il ne tenait qu’à nous de la saisir. » On ne saurait dire plus clairement que l’intérêt de l
55 1964, Preuves, articles (1951–1968). Un district fédéral pour l’Europe (août 1964)
1484 t 1964)bi bj Prenons les grandes dimensions de notre planète en mutation. C’est l’Europe qui a tout déclenché, et son rôle
1485 rs, c’est parler un langage européen. Or l’Europe doit s’unir pour durer, j’entends pour continuer à exercer demain sa vocat
1486 utant dire pour bien peu de temps. Broyant toutes nos diversités traditionnelles, elle causerait à court terme une chute de
1487 n. Avant 1848, un député de Genève ou des Grisons devait compter deux ou trois jours pour se rendre à la Diète fédérale, alors
1488 a la moindre chance de succès, s’agissant d’unir nos pays, hors une solution fédérale. Ici, l’exemple de la Suisse… On s’é
1489 e des États conviendrait à ravir à la majorité de nos dirigeants politiques et industriels, mais elle nous perdrait tous ta
1490 s dirigeants politiques et industriels, mais elle nous perdrait tous tant que nous sommes dans l’espace d’une génération. Un
1491 ndustriels, mais elle nous perdrait tous tant que nous sommes dans l’espace d’une génération. Une Europe unitaire, c’est fin
1492 es. Mais une Europe fédérale, seule possible pour nous comme pour l’Europe, qui la propose ? Les Suisses devant le projet
1493 d-garde du Gothard, elle a seule conservé jusqu’à nos jours le principe de l’Empire d’Occident, l’union sans unification, q
1494 cial, il s’y fait l’avocat d’une confédération de nos pays inspirée du « corps germanique », des états généraux de Hollande
1495 nifiée par un despote ou par une idéologie : elle devrait être une Europe des cités, formée de très petits États « où tous les
1496 personnelle à Coppet, où les meilleurs esprits de nos diverses nations se lient d’amitié, soit par des livres comme De l’Al
1497 tal, Zurich, Bluntschli connaît les mécanismes de notre vie civique : il n’hésite pas à les proposer en modèle pour l’édifica
1498 un jour, écrit-il en 1875, la nationalité suisse devra s’incorporer à la communauté de la Grande Europe. De cette façon, ell
1499 vain ni sans gloire138. » Pratiquement ignoré de nos jours par les fédéralistes européens, le projet très précis du jurist
1500 nne, discussion généralisée sur les formes que va devoir prendre l’union politique de l’Europe. Impossible d’omettre, dans ce
1501 squ’aux environs de 1960, il faut reconnaître que nos autorités et notre presse ont été dans l’ensemble pour le moins réser
1502 de 1960, il faut reconnaître que nos autorités et notre presse ont été dans l’ensemble pour le moins réservées, et que notre
1503 é dans l’ensemble pour le moins réservées, et que notre peuple l’est sans doute plus encore, s’agissant du projet européen. L
1504 ur chimérique. « Fumeux idéalisme ! Subversion de nos vieilles coutumes ! Temps perdu ! Ça ne se fera jamais ! » Je me souv
1505 e micro, en février 1953, au cours duquel l’un de nos plus célèbres professeurs de sciences politiques déclara au sujet du
1506 ste pour la Suisse, à cause de ses incidences sur nos transports. Trois jours plus tard, le premier train de charbon libre
1507 llemande. Bien d’autres faits, non moins patents, devaient réduire l’une après l’autre les objections du scepticisme invétéré (o
1508 et la faculté de prévision de ceux qui faisaient notre opinion. L’union de l’Europe s’avérait bel et bien réalisable, puisqu
1509 alisable, puisqu’elle devenait réalité, mais elle nous prenait par surprise, et chaque démarche de nos gouvernants pour rejo
1510 nous prenait par surprise, et chaque démarche de nos gouvernants pour rejoindre l’histoire en train de se faire semblait p
1511 train de se faire semblait prématurée aux yeux de nos sages et de nos experts, quoique trop tardive aux yeux du reste de l’
1512 e semblait prématurée aux yeux de nos sages et de nos experts, quoique trop tardive aux yeux du reste de l’Europe. Notre en
1513 oique trop tardive aux yeux du reste de l’Europe. Notre entrée à l’OECE fut accueillie avec méfiance par la presse moyenne de
1514 trangères, plutôt mal vues à cause de l’adjectif. Notre demande d’association au Marché commun prit pour certains une allure
1515 Canossa sans agenouillement, donc sans pardon. Et notre arrivée tardive au Conseil de l’Europe n’a jamais été justifiée — com
1516 iques. — La neutralité intégrale reste la base de notre indépendance et « l’étoile fixe sur laquelle se règle la politique ét
1517 amais été qu’un moyen politique mis au service de notre indépendance ; elle n’est pas affirmée par la Constitution ; « elle n
1518 nt transformé le sens, la portée et la réalité de notre neutralité141. » Cette dernière est devenue en partie factice. La Sui
1519 dernière est devenue en partie factice. La Suisse doit donc tendre à participer « sans réserve et de plein droit » à l’édifi
1520 ’est-à-dire contre son essence fédéraliste ; mais nous aurons perdu le droit auquel beaucoup d’entre nous tiennent le plus :
1521 ous aurons perdu le droit auquel beaucoup d’entre nous tiennent le plus : le droit de nous plaindre. À quoi l’on pourrait aj
1522 ucoup d’entre nous tiennent le plus : le droit de nous plaindre. À quoi l’on pourrait ajouter : 1°) que s’il est vrai que no
1523 l’on pourrait ajouter : 1°) que s’il est vrai que notre neutralité a permis les interventions de la Croix-Rouge lors des conf
1524 ctuelles. Déclarer, par exemple, que la Suisse se devrait de rester neutre, même en cas de conflit entre l’Europe d’une part et
1525 ien la Chine), c’est opérer un coup d’État contre notre présent statut de neutralité, et c’est absurde : car la Suisse fait p
1526 es ennemis, ce serait vouloir rester neutre entre nos ennemis et nous-mêmes. Neutres entre le pompier et l’incendie, entre
1527 le régime fiscal, pour ne citer que ces exemples, devraient être uniformisés selon des directives européennes. Ce serait contrair
1528 re à la Constitution, et ce serait même la fin de notre fédéralisme, n’hésitent pas à déclarer de nombreux politiciens et jou
1529 es globaux sont connus. En mai 1963, par exemple, nos importations proviennent pour 65,3 % des Six, pour 13,4 % des Sept, p
1530 3,4 % des Sept, pour 21,3 % du reste du monde. De nos exportations, les deux tiers vont à l’Europe. Il est vrai que notre b
1531 , les deux tiers vont à l’Europe. Il est vrai que notre balance commerciale reste déficitaire avec l’Europe (de 447 millions)
1532 uer que ces chiffres ne suffisent pas à justifier notre refus de participer au Marché commun, ni d’ailleurs notre participati
1533 fus de participer au Marché commun, ni d’ailleurs notre participation à l’AELE. La Suisse est si peu indépendante de l’Europe
1534 in-d’œuvre européenne nécessaire à l’expansion de notre économie a dû passer de quatre-vingt-dix-mille personnes en 1950 à hu
1535 enne nécessaire à l’expansion de notre économie a passer de quatre-vingt-dix-mille personnes en 1950 à huit-cent-mille
1536 r prôner une autarcie plus impossible encore chez nous qu’ailleurs, n’en affirment pas moins que s’il le faut, un jour, la S
1537 la Suisse farà da se et saura bien se défendre ? Nous ne sommes plus au défilé de Morgarten. Ce n’est pas avec des longues
1538 s de fer aux pieds et une résolution farouche que nous pourrons faire face à une Europe unie — j’entends unie sans nous et m
1539 aire face à une Europe unie — j’entends unie sans nous et malgré nous. Arguments traditionalistes. — Des représentants de l
1540 Europe unie — j’entends unie sans nous et malgré nous . Arguments traditionalistes. — Des représentants de l’industrie, et
1541 ope fédérée, respectueuse de ses diversités comme nous des nôtres, s’accorderait avec la vocation traditionnelle de la Suiss
1542 Suisse. Mais se fera-t-elle ? Voilà qui dépend de nous aussi. C’est à nous de faire valoir, dans les conseils qui élaborent
1543 -t-elle ? Voilà qui dépend de nous aussi. C’est à nous de faire valoir, dans les conseils qui élaborent l’Europe future, les
1544 aliste. Prétendre en conserver les bénéfices pour nous seuls serait le plus sûr moyen de les perdre. Il n’est pas vrai, d’ai
1545 illeurs, que l’union de l’Europe menace d’effacer nos caractéristiques nationales. L’union de la Suisse, depuis 1848, n’a p
1546 L’union de la Suisse, depuis 1848, n’a pas effacé nos caractéristiques cantonales. Et il est pour le moins bizarre qu’un po
1547 fuser de rejoindre le Marché commun, mais il a le devoir de freiner l’expansion de l’industrie suisse, cause directe du « mal 
1548 été créée par le mouvement d’union européenne. De nos jours encore, à l’étranger, le nom de la Suisse évoque des vaches et
1549 endu bien rare et difficile pour les habitants de nos grandes villes, soit définitivement interrompu pour ceux de la Mégalo
1550 le Marché commun n’y changera rien. (À moins que notre isolement n’entraîne un retour à la misère naturelle du pays ?) Bref,
1551 eugle et sous le prétexte d’une indépendance dont notre peuple n’est pas disposé plus qu’un autre à payer le prix exorbitant.
1552 s choses. Elle s’explique peut-être en partie par nos coutumes précisément fédéralistes de tolérance calculée et d’empirism
1553 ce d’embarras. Ceux qui se réclament très haut de nos traditions savent bien que chacun sait qu’il s’agit d’intérêts et de
1554 re d’affaires, qui définit le sens de la vie pour nos industriels « sérieux ». Et quant aux enthousiastes de l’Europe, ils
1555 r trop fort, et c’est peut-être mieux ainsi. Mais notre peuple comprend mal ce qui est en jeu. Je ne suis d’accord, pour ma p
1556 ni avec ceux qui refusent l’Europe en prétextant notre neutralité ni avec ceux (beaucoup plus rares d’ailleurs) qui voudraie
1557 é d’une fédération. Il n’y a pas une chance qu’on nous offre cela, si nous, Suisses, ne le proposons pas. Mais quant aux cha
1558 Il n’y a pas une chance qu’on nous offre cela, si nous , Suisses, ne le proposons pas. Mais quant aux chances que nous le pro
1559 , ne le proposons pas. Mais quant aux chances que nous le proposions… Tout le débat sur l’idée européenne paraît tourner, da
1560 débat sur l’idée européenne paraît tourner, dans notre presse, autour de la défense des intérêts particuliers de la Suisse.
1561 a majorité. Il s’agit de savoir et de dire ce que nous avons à donner, et non pas seulement à sauver ; ce que l’Europe est e
1562 t largement bénéficiaire, et pas seulement ce que nous redoutons de l’action des autres. Au cœur géographique et historique
1563 géographique et historique du continent européen, nous avons réussi beaucoup mieux que cette fameuse neutralité — nécessité
1564 eutralité — nécessité subie, à l’origine, et dont nous fîmes peu à peu vertu à partir du xxe siècle — nous avons réussi not
1565 s fîmes peu à peu vertu à partir du xxe siècle — nous avons réussi notre fédéralisme ! Différent en ceci de la neutralité,
1566 vertu à partir du xxe siècle — nous avons réussi notre fédéralisme ! Différent en ceci de la neutralité, il tient à l’essenc
1567 ci de la neutralité, il tient à l’essence même de notre État. C’est notre création majeure. Il nous oblige. Et en son nom, no
1568 é, il tient à l’essence même de notre État. C’est notre création majeure. Il nous oblige. Et en son nom, nous nous devons dor
1569 e de notre État. C’est notre création majeure. Il nous oblige. Et en son nom, nous nous devons dorénavant de prendre des ini
1570 création majeure. Il nous oblige. Et en son nom, nous nous devons dorénavant de prendre des initiatives. Aux deux solutions
1571 tion majeure. Il nous oblige. Et en son nom, nous nous devons dorénavant de prendre des initiatives. Aux deux solutions en p
1572 majeure. Il nous oblige. Et en son nom, nous nous devons dorénavant de prendre des initiatives. Aux deux solutions en présence
1573 smes qu’on déguise en patriotismes — la Suisse se doit d’en opposer une troisième, la solution fédéraliste, qui maintient le
1574 : si la Suisse ne la préconise pas, qui le fera ? Notre fédéralisme est peu connu, ou très mal connu hors de Suisse ; notre n
1575 est peu connu, ou très mal connu hors de Suisse ; notre neutralité n’y est que trop connue. Pourquoi parler toujours de cette
1576 rtu qui ennuie, de cette pratique négative, quand nous avons cette expérience passionnante, remarquablement positive et tell
1577 uvelles. Ce que les Européens peuvent attendre de nous , ce n’est pas l’exposé lassant des raisons de notre réserve devant to
1578 ous, ce n’est pas l’exposé lassant des raisons de notre réserve devant tout ce que d’autres entreprennent, mais un plan d’uni
1579 d’autres entreprennent, mais un plan d’union qui nous convienne enfin et auquel nous puissions adhérer « sans réserve et de
1580 n plan d’union qui nous convienne enfin et auquel nous puissions adhérer « sans réserve et de plein droit ». Mais énoncer un
1581 une politique. Et c’est à quoi le gouvernement de notre fédération se refuse avec vigilance, non parce qu’il est mauvais, mai
1582 jusqu’ici, a présidé avec succès aux destinées de notre pays. J’en donnerai un exemple tout récent : je le trouve dans les jo
1583 ar le Collège exécutif : 1°) « Dans un pays comme le nôtre , les débats sur la politique générale risqueraient d’être stériles… L
1584 ateur d’une situation étrangement contradictoire. Notre système est foncièrement hostile à ce que l’on nomme ailleurs la poli
1585 automatique à toute initiative capable de sauver notre régime fédéraliste en le faisant accepter au plan européen. Voici l’i
1586 de prospective fédéraliste La guerre actuelle nous révèle un univers en perpétuelle évolution vers un ordre et des forme
1587 pendant la dernière guerre : À l’heure actuelle, notre destinée se révèle. Le sort nous a confié une conception de l’État do
1588 heure actuelle, notre destinée se révèle. Le sort nous a confié une conception de l’État dont la portée historique n’éclate
1589 hui, un idéal national qui n’a pas de valeur pour nous seulement, mais pour l’Europe entière. Au moment où le principe des n
1590 t où les civilisations opposées s’entredéchirent, notre petit État revendique l’honneur d’un idéal national dominant les nati
1591 l a du reste du monde, le petit État échappe — ou devrait échapper — à l’exclusivisme, au fanatisme borné, à l’ignorance vanite
1592 isme authentique. Toute l’évolution prévisible de nos sociétés va dans ce sens. L’un des thèmes favoris des sociologues act
1593 valorisation croissante des frontières nationales doit libérer le dynamisme des régions, traditionnelles et nouvelles. Déjà
1594 ide, par hasard, et pour l’instant, avec celui de notre population. Question : la Suisse ne sera-t-elle pas, d’ici vingt ans
1595 s ou par nature trop vastes pour l’unité de base, doivent être construits en commun avec d’autres régions voisines. Seuls ces r
1596 urope de l’Ouest145. Il serait présenté au nom de notre idéal et de notre usage du fédéralisme, mais « dans les intérêts de l
1597 5. Il serait présenté au nom de notre idéal et de notre usage du fédéralisme, mais « dans les intérêts de l’Europe entière. »
1598 aux bien qu’historiquement explicables elle croit devoir s’y refuser. Pendant longtemps encore, et sans doute trop longtemps p
1599 e englobant des siècles d’histoire commune à tous nos peuples et les diversités que l’on sait, le District fédéral ne saura
1600 vaste, dans l’Europe de 1980. Le District fédéral doit être situé au centre du continent. Il doit être facile à fermer et à
1601 édéral doit être situé au centre du continent. Il doit être facile à fermer et à défendre en temps de troubles, mais d’accès
1602 t si possible de tradition fédéraliste. Enfin, il doit accepter de demeurer, en tant qu’État, à l’écart des luttes politique
1603 a de mon « utopie » que c’est bien joli, mais que nous ne sommes pas faits pour le rôle, et que le reste de l’Europe va peut
1604 l’Europe. « Il était temps que ces petits Suisses nous offrent autre chose que leurs leçons. Mais ils vont peut-être un peu
1605 la patrie du Ranz des vaches… Mais après tout, si notre capitale n’est pas retenue, au bout du compte, plutôt que d’en choisi
1606 sse officielle. Je vais donc le faire à sa place. Nos dirigeants se refusent expressément à toute espèce de programme polit
1607 ute politique qui ne se résume pas à faire valoir nos bonnes raisons de n’en avoir aucune — et c’est ce que l’on appelle « 
1608 ère le bien commun de toute l’Europe, que perdons- nous  ? Les seuls droits dont nous refusions obstinément de faire usage. Et
1609 ’Europe, que perdons-nous ? Les seuls droits dont nous refusions obstinément de faire usage. Et nous y trouvons en revanche
1610 ont nous refusions obstinément de faire usage. Et nous y trouvons en revanche les garanties qui faisaient de plus en plus dé
1611 menacée de désuétude par l’entente établie entre nos grands voisins. Les risques de guerre qui subsistent ne sont plus nat
1612 e. Le grand réseau des relations continentales et nos petits réseaux serrés de relations cantonales et communales coexisten
1613 e municipale à la veille d’une grande conférence. Notre climat passe pour être apaisant. Dans une Suisse devenue terre d’Euro
1614 en quittant l’autoroute, le vrai pays — celui que nous seuls pourrions dénaturer. Trois décis d’un petit vin blanc frais de
1615 de gare où toutes les races du monde se mêlent à nos derniers paysans dans une odeur de bouillon Maggi et de cigares de Br
1616 i bat le cœur de l’Europe. C’est ici que l’Europe devrait se déclarer, jurer son pacte et se constituer. La Suisse fondrait alo
1617 tes fins. Ce rêve peut devenir vrai demain, et il doit l’être, mais le sera-t-il jamais si nous restons muets ? Malgré tout
1618 n, et il doit l’être, mais le sera-t-il jamais si nous restons muets ? Malgré tout ce qui nous retient, mais nous pousse en
1619 jamais si nous restons muets ? Malgré tout ce qui nous retient, mais nous pousse en même temps et nous oblige, je veux le cr
1620 ons muets ? Malgré tout ce qui nous retient, mais nous pousse en même temps et nous oblige, je veux le croire avec Victor Hu
1621 i nous retient, mais nous pousse en même temps et nous oblige, je veux le croire avec Victor Hugo : La Suisse, dans l’Histo
56 1966, Preuves, articles (1951–1968). André Breton (novembre 1966)
1622 granit poli, brique enfumée, verre et ciment, que nous nous sommes rencontrés. Mais au long des années de notre amitié, j’ai
1623 t poli, brique enfumée, verre et ciment, que nous nous sommes rencontrés. Mais au long des années de notre amitié, j’ai souv
1624 ous sommes rencontrés. Mais au long des années de notre amitié, j’ai souvent observé comme il savait aimer un arbre, une feui
1625 poétique de l’univers ». Après tant d’années sans nous voir, Dieu sait pourquoi, j’ai retrouvé ce soir une ombre amie à l’or
1626 ui avait été l’un des « phares » baudelairiens de notre adolescence loin de Paris, puis un symbole (refusé mais sacré) de la
1627 Il se plaignit, très gentiment, de ce que durant nos années parisiennes nous n’ayons pu, ou cru pouvoir, nous rencontrer.
1628 entiment, de ce que durant nos années parisiennes nous n’ayons pu, ou cru pouvoir, nous rencontrer. « Ce sont de ces conneri
1629 nées parisiennes nous n’ayons pu, ou cru pouvoir, nous rencontrer. « Ce sont de ces conneries ! Et que l’on expie ! » (Beauc
1630 e soir-là, au Village, mon rêve est devenu vrai : nous parlons certes de ce qui peut nous rapprocher, l’amour-passion, les t
1631 devenu vrai : nous parlons certes de ce qui peut nous rapprocher, l’amour-passion, les troubadours, la psychanalyse, Saint-
1632 Saint-John Perse, mais aussi de ce qui semblerait devoir nous opposer de front : nos options politiques, morales et religieuse
1633 ohn Perse, mais aussi de ce qui semblerait devoir nous opposer de front : nos options politiques, morales et religieuses. Et
1634 ce qui semblerait devoir nous opposer de front : nos options politiques, morales et religieuses. Et nous voici bientôt dan
1635 os options politiques, morales et religieuses. Et nous voici bientôt dans l’euphorie de la contestation en convergence heure
1636 ! À quelques jours de là, il me dit souhaiter que nous puissions désormais nous rencontrer « mécaniquement en quelque sorte 
1637 il me dit souhaiter que nous puissions désormais nous rencontrer « mécaniquement en quelque sorte ». L’OWI eut ceci de bon
1638 ment en quelque sorte ». L’OWI eut ceci de bon de nous en assurer l’occasion quotidienne. J’écrivais quelques mois plus tard
1639 cinq heures au fond de la grande salle. Il vient nous prêter sa voix noble, agrémentée d’un léger sifflement, mais il garde
1640 à la polycopie, avant d’être remis aux speakers, nous trouvons un moment pour causer. Et souvent nous parlons des fêtes que
1641 , nous trouvons un moment pour causer. Et souvent nous parlons des fêtes que nous rêvons d’organiser. « Celle par exemple qu
1642 our causer. Et souvent nous parlons des fêtes que nous rêvons d’organiser. « Celle par exemple qui devrait durer trois jours
1643 nous rêvons d’organiser. « Celle par exemple qui devrait durer trois jours dans une vaste demeure aux portes condamnées, où ch
1644 êve de compensation, si l’on voit dans quel cadre nous sommes en train de causer. Trente machines à écrire dans cette salle,
1645 locales entre des groupes qui bavardent… »   Dès notre première vraie rencontre, j’avais découvert quelque chose dont je pen
1646 du Père Enfantin… une grande réparation vous est due  », écrira-t-il dans Arcane 17, deux ans plus tard, et il poursuit : «
1647 tin, qu’il tenait pour l’ancêtre des jansénistes. Nous lui dîmes qu’il y avait là-dessus des bibliothèques, il n’en crut rie
57 1968, Preuves, articles (1951–1968). Marcel Duchamp mine de rien (février 1968)
1648 ns et l’eau tout de suite, au pied de la galerie. Nous attendions Marcel Duchamp sans trop savoir quand il viendrait, et pou
1649 st très bien. » Il va donc rester quelques jours. Nos voisins sont venus en fin d’après-midi, gentils et trop gentils, prôn
1650 asses sont inéducables, dit-il après le départ de nos hôtes. Elles nous détestent et nous tueraient volontiers. Ce sont les
1651 ables, dit-il après le départ de nos hôtes. Elles nous détestent et nous tueraient volontiers. Ce sont les imbéciles qui, en
1652 s le départ de nos hôtes. Elles nous détestent et nous tueraient volontiers. Ce sont les imbéciles qui, en se liguant contre
1653 pellent la réalité, le monde « matériel » tel que nous le souffrons. Ça les arrange. C’est ce même monde que la science, ens
1654 ence, la lenteur, et la solitude. Aujourd’hui, on nous traque. — Oui, dis-je, mais tout dépend des vrais désirs des hommes :
1655 d’accepter. Le reste est beaucoup plus facile. À nous de choisir nos fées, puisque nous le pouvons en vertu de l’extrême li
1656 reste est beaucoup plus facile. À nous de choisir nos fées, puisque nous le pouvons en vertu de l’extrême liberté que nous
1657 plus facile. À nous de choisir nos fées, puisque nous le pouvons en vertu de l’extrême liberté que nous nous accordons par
1658 nous le pouvons en vertu de l’extrême liberté que nous nous accordons par convention. Voulons-nous susciter les fées du brui
1659 le pouvons en vertu de l’extrême liberté que nous nous accordons par convention. Voulons-nous susciter les fées du bruit et
1660 é que nous nous accordons par convention. Voulons- nous susciter les fées du bruit et de la vitesse, ou celles de la lenteur
1661 sse, ou celles de la lenteur et du silence ? Mais notre ami le Dr M. V., qui passe l’été près d’ici avec deux jeunes amies no
1662 qui passe l’été près d’ici avec deux jeunes amies nous écrase d’un souriant dédain. « Vous aurez bientôt, nous dit-il, les p
1663 crase d’un souriant dédain. « Vous aurez bientôt, nous dit-il, les preuves les plus éclatantes de la réalité des lois de la
1664 té des lois de la science, je sais ce que je dis. Nous calculons les mouvements de l’électron, la puissance des rayons cosmi
1665 de l’électron, la puissance des rayons cosmiques, nous ferons marcher des moteurs avec ça ! Allez en faire autant avec vos f
1666 e considère comme l’origine, non comme l’effet de notre idée de cause. Indémontrable, évidemment… D’ailleurs, ce n’est pas ce
1667 e n’est pas cela. Je crois que Dieu est fou selon nos normes rationnelles, infiniment plus fou que tout ce que nous pouvons
1668 rationnelles, infiniment plus fou que tout ce que nous pouvons imaginer de lui… Avant d’aller se coucher, je lui donne le No
1669 à prendre de responsabilités. Il me semble que je devrais d’abord aller demander à mon père son opinion — son OK. Probablement,
1670 nte ans, chez un artiste. C’est à ce moment qu’il doit se renouveler entièrement, ou se résigner à s’imiter lui-même. Vous a
1671 il faut devenir son propre père ? 6 août. Ce qui nous manque ici, c’est un jeu d’échecs. Celui dont Duchamp se sert pour se
1672 raillements », précise-t-il. Mais faute de jouer, nous en parlons. C’est d’ailleurs le mot de sa vie : échec de l’art, art d
1673 s par jour — son régime ordinaire — la plupart de nos aliments, surtout la viande, n’étant pas assimilés et ne servant qu’à
1674 viande, n’étant pas assimilés et ne servant qu’à nous bourrer l’estomac d’une sorte de caoutchouc « Et tout ce temps qu’on
1675 e mouvement de retrait.) Le soir, faute d’échecs, nous essayons de créer quelques problèmes avec des Chinese Checkers trouvé
1676 se Checkers trouvés dans la bibliothèque, et cela nous mène assez tard. Nous avons fini hier par un petit jeu de questions e
1677 ns la bibliothèque, et cela nous mène assez tard. Nous avons fini hier par un petit jeu de questions et réponses écrites sim
1678 dain : — La seule chose ennuyeuse, c’est que j’ai racheter ce chèque à mon dentiste, pour le faire figurer dans ma vali
1679 deurs s’épousent par infra-mince. » Voudriez-vous nous donner d’autres exemples ? — En effet, on ne peut guère en donner que
1680 xemples. C’est quelque chose qui échappe encore à nos définitions scientifiques. J’ai pris à dessein le mot mince qui est u
1681 ndre, ni vous goûter goûtant, et ainsi de suite ? Nous sommes en train de déjeuner sur la galerie, au-dessus de l’eau. Entre
1682 de la terre en est changée, mais combien de temps nous faudra-t-il pour le comprendre ? Si nous n’y arrivons pas très vite,
1683 de temps nous faudra-t-il pour le comprendre ? Si nous n’y arrivons pas très vite, nous n’y arriverons sans doute jamais : n
1684 comprendre ? Si nous n’y arrivons pas très vite, nous n’y arriverons sans doute jamais : nous sauterons comme des imbéciles
1685 rès vite, nous n’y arriverons sans doute jamais : nous sauterons comme des imbéciles. Il ne nous reste qu’une alternative :
1686 amais : nous sauterons comme des imbéciles. Il ne nous reste qu’une alternative : le Monde uni ou l’Autre monde. Le dire tou
1687 Commencer par raconter l’entrée de la Chose dans nos esprits. Ce sera le début de la première de mes Lettres. Hier, j’ai r
1688 st accouru sur la galerie, à la nouvelle, et j’ai raconter l’histoire comme si je revenais d’Hiroshima, comme si j’en é
1689 shima, comme si j’en étais responsable. À minuit, nous en parlions encore. Le choc nous avait jetés dans l’élucubration, plu
1690 sable. À minuit, nous en parlions encore. Le choc nous avait jetés dans l’élucubration, plutôt que dans la terreur ou la méd
1691 ante qu’affecte Sherlock Holmes devant Watson. Il nous donnait ainsi, d’un mot, la clé de ses mystérieuses disparitions dans
1692 magazine du genre Look. C. s’écria que l’idée que nous mourrons tous dans une grande explosion la hantait depuis son enfance
1693 (La Mort lente) il avait disparu dans les bois et nous revint au bout d’une heure, pâle et défait, disant que sa vie n’avait
1694 lectuel dont il est la seule ceinture noire parmi nos artistes et penseurs. J’admire l’économie de ses moyens : un rien, un
58 1968, Preuves, articles (1951–1968). Vingt ans après, ou la campagne des congrès (1947-1949) (octobre 1968)
1695 rais fixer quelques points dont l’historien futur devra tenir compte. Points de détail et nuances méticuleuses : car c’est se
1696 e l’engagement intellectuel en politique, tel que nous l’avions pratiqué bien avant cette époque de l’après-guerre où le mot
1697 rre où le mot fit la fortune soudaine de ceux qui nous laissaient la chose148. Et je voudrais enfin rappeler que le mouvemen
1698 sa stratégie, mais auquel le Conseil de l’Europe doit d’exister, les communautés des Six d’avoir pu prendre forme dans l’im
1699 t les gouvernements qui en dépendaient alors dans nos pays. Des historiens pourront soutenir que tous ces congrès n’ont rie
1700 1948, et c’est l’habileté politicienne embrassant notre cause comme pour mieux l’étouffer qui a ramené toutes choses au nivea
1701 qui allait tenir un congrès à Montreux. Au nom de notre ancienne camaraderie de combat dans le mouvement personnaliste (L’Ord
1702 térées, il répond « Je vous demande simplement de nous lire les pages sur L’Attitude fédéraliste que vous avez publiées en 1
1703 bliées en 1940151. C’est la doctrine qu’attendent nos militants. Nous serons une trentaine autour d’une table, on discutera
1704 51. C’est la doctrine qu’attendent nos militants. Nous serons une trentaine autour d’une table, on discutera, vous aurez l’o
1705 son camp d’otages en Hollande. Si la jeunesse de nos pays n’a pu faire passer dans l’action les idées que je représente, c
1706 it. “Tout cela est bel et bon, mais maintenant il nous faut travailler.” C’est un Polonais d’une soixantaine d’années, le Dr
1707 e d’entrée de jeu que l’action pour unir l’Europe doit s’appuyer sur le plan Marshall, et qu’une intégration économique cond
1708 e meneur de jeu interrompt l’enregistrement, pour nous permettre d’harmoniser nos déclarations. (Ce que nous faisons tant bi
1709 ’enregistrement, pour nous permettre d’harmoniser nos déclarations. (Ce que nous faisons tant bien que mal avant de reprend
1710 permettre d’harmoniser nos déclarations. (Ce que nous faisons tant bien que mal avant de reprendre l’entretien devant le mi
1711 ’allait subir au cours des trois années suivantes notre mouvement étaient en germe dans ce premier affrontement entre l’élan
1712 ne veulent rien faire, répliquaient les autres. À nous de montrer le but, et après cela, on cherchera les voies qui peuvent
1713 ation économique du continent : l’union douanière doit être l’expression finale d’une union économique, c’est-à-dire d’un pl
1714 de production ; la franchise totale des échanges devrait être obtenue par des abaissements de droits échelonnés sur dix à quin
1715 ces en une démonstration spectaculaire, celle qui devait se réaliser quelques mois plus tard à La Haye. Une convergence mém
1716 Kogon, et par Henri Brugmans, qui a dit ce qu’il devait à Mounier et à Dandieu notamment. Il y avait eu ensuite, du 1er au 12
1717 cs, J. R. de Salis, Stephen Spender, et moi-même, nous étions attachés à définir en neuf conférences suivies de débats publi
1718 ôt sceptique, Stephen Spender et quelques autres, nous avions même tenté d’élaborer une sorte de charte fédérative, dont hél
1719 , au nom de laquelle il était venu à Montreux. Je devais découvrir tout cela, par bribes, au cours de ce congrès et des mois q
1720 printemps suivant des états généraux de l’Europe. Nous pensions recenser rapidement ce que nous appelions (d’un terme repris
1721 ’Europe. Nous pensions recenser rapidement ce que nous appelions (d’un terme repris de L’Ordre nouveau de 1933) les « forces
1722 L’Ordre nouveau de 1933) les « forces vives » de nos pays : syndicats ouvriers, agricoles, patronaux ; coopératives ; magi
1723 vendications et de nommer leurs délégués. Ceux-ci devaient se réunir en de vastes assises délibératives et peu à peu constituant
1724 ent le noyau d’un futur gouvernement européen156. Nous songions à Versailles comme siège de l’Assemblée : ce symbole de l’ab
1725 ents de comptes nationalistes de 1871 et de 1919, devait être racheté en quelque sorte par l’avènement de l’Europe fédérale. M
1726 réunir à La Haye les « sommités » européennes, et nous invitent à collaborer. Or, Sandys ayant exigé et obtenu que son comit
1727 ière se trouve seule contre trois. « Pourtant, si nous refusons, que va-t-il se passer ? Il me paraît difficile de faire les
1728 autres se couvriront largement sur leur gauche et nous aurons à envisager bientôt de sérieuses difficultés financières. Très
1729 ieuses difficultés financières. Très probablement notre action en serait vite paralysée dans l’immédiat et c’est l’immédiat q
1730 événements se précipitent, mais encore parce que nos propres mouvements se désagrégeront si nous ne leur donnons pas un bu
1731 ce que nos propres mouvements se désagrégeront si nous ne leur donnons pas un but précis. Nous risquerions de devenir une se
1732 geront si nous ne leur donnons pas un but précis. Nous risquerions de devenir une secte. Pendant ce temps, du reste, les aut
1733 dant ce temps, du reste, les autres agiront. Sans nous , ils ont beau jeu. La droite connaît un renouveau inespéré, les commu
1734 “grands noms” de l’“Europe unie” et de la Ligue. Nous pourrions sans doute, dans une certaine mesure, empêcher les autres d
1735 utres d’obtenir à La Haye un succès complet, mais nous ne réussirons pas non plus, et on se sera paralysé mutuellement. » Br
1736 , mais aussi la seule chance peut-être de réussir notre révolution fédéraliste ? (La gauche, la jeunesse et le reste suivraie
1737 uissant élan à la propagande européenne dans tous nos pays. On mesure la différence de niveau entre les ambitions fédérali
1738 ons « sérieuses » (la politique et l’économique), devait assumer le rôle décisif de dire le sens de toute l’entreprise et des
1739 qu’il partageait cette vue, le comité de liaison devait charger la commission culturelle de rédiger le préambule définissant
1740 ngeraient par une action commune. 3° Ce préambule devait contribuer aussi à codifier la terminologie des résolutions ; il impo
1741 avais soumis une première esquisse du rapport qui devait faire l’objet des débats de la section culturelle, à La Haye : ainsi,
1742 rivait le 29 mars (avec « copie à quelques-uns de nos collègues ») une lettre qui donnait au préambule sa pleine valeur, te
1743 souhaitée. « Je suis d’avis que cette déclaration doit fournir le point de départ de notre action commune après le Congrès e
1744 te déclaration doit fournir le point de départ de notre action commune après le Congrès et doit devenir le manifeste de tout
1745 épart de notre action commune après le Congrès et doit devenir le manifeste de tout le Mouvement européen. Nous devons tente
1746 venir le manifeste de tout le Mouvement européen. Nous devons tenter de réunir des millions de signatures d’Européens, et de
1747 le manifeste de tout le Mouvement européen. Nous devons tenter de réunir des millions de signatures d’Européens, et de créer
1748 écalcitrants. […] Le lancement d’un tel manifeste doit constituer l’un des objectifs principaux et immédiats du congrès et d
1749 bjectifs principaux et immédiats du congrès et de notre mouvement. Le fait de recueillir des signatures doit maintenir nos id
1750 e mouvement. Le fait de recueillir des signatures doit maintenir nos idées constamment actives dans les masses. Chaque meeti
1751 fait de recueillir des signatures doit maintenir nos idées constamment actives dans les masses. Chaque meeting organisé pa
1752 ans les masses. Chaque meeting organisé par un de nos groupes affiliés devra se terminer par une collecte de signatures (et
1753 e meeting organisé par un de nos groupes affiliés devra se terminer par une collecte de signatures (et peut-être de quelques
1754 à l’imprimeur (dernier délai demain matin, et je devais repartir le soir même), on se bornerait à proposer au Congrès, mais s
1755 l avait jadis coutume de retrouver Joseph Conrad. Nous convînmes que je ne quitterais Londres que par l’avion du lendemain m
1756 xte était sous presse, non le sien, avait pleuré. Nous étions tous assez nerveux, en cette veillée d’armes. Le congrès de
1757 e, tout là-haut, j’ai rêvé un instant qu’enfants, nous sautions d’une poutre à l’autre, sans regarder l’abîme sous nos pas…
1758 ’une poutre à l’autre, sans regarder l’abîme sous nos pas… Vertige rapide. J’abaisse mes regards le long des parois blanche
1759 rois. Plus bas, des tapis suspendus. Au-dessus de nous , un large dais carré, tendu de soie rouge et or. J’appuie ma tête con
1760 té ; et que je faisais depuis vingt ans. « Devant nous , tout autour de nous, dans cette grande salle des Chevaliers, qui est
1761 s depuis vingt ans. « Devant nous, tout autour de nous , dans cette grande salle des Chevaliers, qui est celle d’un très vieu
1762 nq pays… Mais je me dis qu’en effet, malgré tout, notre congrès est doublement non conformiste, puisqu’il a su rallier pour u
1763 es…) « Tout à l’heure, présidents et rapporteurs, nous avons traversé la salle en procession, Churchill et sa femme conduisa
1764 Ou encore des vainqueurs et des vaincus d’hier ? ( Nous avons des délégations allemandes, autrichiennes et italiennes.) Ou bi
1765 ducation Kenneth Lindsay pense au contraire que «  notre devoir est de constituer nous-mêmes un comité compétent pour continue
1766 on Kenneth Lindsay pense au contraire que « notre devoir est de constituer nous-mêmes un comité compétent pour continuer l’œuv
1767 ire propre à sauver les caractères distinctifs de nos peuples ; et enfin de considérer que cette union sera le premier pas
1768 où soient représentées les forces vives de toutes nos nations », thèse des fédéralistes intégraux. En fait, le Mouvement eu
1769 on ignore, c’est l’incident minime et décisif qui devait couper les ailes à tout espoir d’action « révolutionnaire » du congrè
1770 moins qui s’y opposeront, à cause de la phrase : “ Nous voulons une défense commune”. » Sandys ajouta : « Cette phrase n’a pa
1771  ! » J’avais un peu crié, je crois. Des huissiers nous prièrent de sortir. J’envoyai quérir Retinger et Paul van Zeeland, qu
1772 tribune. Dans une petite salle près de l’entrée, nous nous assîmes à six ou sept, et après dix minutes d’un débat virulent,
1773 une. Dans une petite salle près de l’entrée, nous nous assîmes à six ou sept, et après dix minutes d’un débat virulent, au c
1774 ournaliste irresponsable », Paul van Zeeland, qui devait présider la séance de clôture du Congrès fit accepter un compromis :
1775 i précisa qu’« une Autorité européenne permanente devrait être instituée, à laquelle les gouvernements conviendraient de confie
1776 charbon, fer et acier », une Autorité européenne devrait être créée en vue de supprimer les droits de douane, définir la polit
1777 bord l’économie avec l’idée que l’union politique devra s’ensuivre, en vertu des mécanismes supranationaux institués dans cer
1778 grise » qu’étaient alors en train de subir toutes nos nations, trop pauvres pour s’offrir un si grand appareil. Ainsi les u
1779 succès même risquait de compromettre l’avenir de notre idée européenne, comme risquait de le faire dans un autre domaine la
1780 nalyse impitoyable, conduite par beaucoup d’entre nous , il devient très clair, désormais, que la fédération européenne ne se
1781 i coriace que désuète. Elle se fera, elle peut et doit se faire à partir des régions, formule neuve qui réalise exactement c
1782 es archives du CEC à Genève. 158. « La tâche qui nous attend dans ce congrès n’est pas seulement de faire entendre la voix
1783 oix de l’Europe comme celle d’une famille réunie. Nous devons, ici et maintenant, décider que soit constituée une Assemblée
1784 e l’Europe comme celle d’une famille réunie. Nous devons , ici et maintenant, décider que soit constituée une Assemblée europée
1785 2. « Mais quoi ! Il faudrait se lever pour cela ! Nous devrions tous nous lever ! » 163. Sforza, ministre des Affaires étra
1786 Mais quoi ! Il faudrait se lever pour cela ! Nous devrions tous nous lever ! » 163. Sforza, ministre des Affaires étrangères, p
1787 faudrait se lever pour cela ! Nous devrions tous nous lever ! » 163. Sforza, ministre des Affaires étrangères, prononça en
1788 f, disent : “Le pauvre, il n’a pas réussi !” Mais nous , quand nous parlons du nôtre, nous disons : “C’était un couillon !” »
1789 “Le pauvre, il n’a pas réussi !” Mais nous, quand nous parlons du nôtre, nous disons : “C’était un couillon !” » bm. Rouge
1790 ’a pas réussi !” Mais nous, quand nous parlons du nôtre , nous disons : “C’était un couillon !” » bm. Rougemont Denis de, « 
1791 réussi !” Mais nous, quand nous parlons du nôtre, nous disons : “C’était un couillon !” » bm. Rougemont Denis de, « Vingt
59 1970, Preuves, articles (1951–1968). Dépasser l’État-nation (1970)
1792 l’autre, tout au long du xixe siècle, suivis de nos jours par le reste du monde, notamment par le tiers-monde, mal décolo
1793 incapable de répondre aux exigences concrètes de notre temps, puisqu’il est à la fois trop petit pour agir à l’échelle mondi
1794 sance ou liberté Or voici l’ironie tragique de notre Histoire : c’est sur la base de cet obstacle radical à toute union qu
1795 oi l’on n’a pas avancé d’un mètre en direction de notre union politique. Entre l’union de l’Europe et les États-nations sacra
1796 ituation de choisir librement son avenir. Jusqu’à nous , point de choix économiques ni même peut-être politiques longuement d
1797 somme du superflu. Mais dès lors que ce choix de notre avenir est libre, nous voici contraints de le faire, à nos risques et
1798 dès lors que ce choix de notre avenir est libre, nous voici contraints de le faire, à nos risques et périls ! Nous voici co
1799 r est libre, nous voici contraints de le faire, à nos risques et périls ! Nous voici contraints de nous demander ce que nou
1800 contraints de le faire, à nos risques et périls ! Nous voici contraints de nous demander ce que nous attendons de notre vie
1801 nos risques et périls ! Nous voici contraints de nous demander ce que nous attendons de notre vie et de la vie en société,
1802 s ! Nous voici contraints de nous demander ce que nous attendons de notre vie et de la vie en société, ce que nous voulons r
1803 traints de nous demander ce que nous attendons de notre vie et de la vie en société, ce que nous voulons réellement, principa
1804 dons de notre vie et de la vie en société, ce que nous voulons réellement, principalement, et contraints de tirer des plans
1805 raints de tirer des plans en conséquence. Voulons- nous par exemple à tout prix élever notre niveau de vie, quantitatif — ou
1806 ence. Voulons-nous par exemple à tout prix élever notre niveau de vie, quantitatif — ou plutôt voulons-nous sauvegarder un ce
1807 re niveau de vie, quantitatif — ou plutôt voulons- nous sauvegarder un certain mode de vie, qualitatif ? Voulons-nous contrib
1808 rder un certain mode de vie, qualitatif ? Voulons- nous contribuer à tout prix à l’accroissement indéfini du PNB (Produit nat
1809 ent, une communauté vivante ? Et quel prix sommes- nous prêts à payer pour cela ? Le prix de certaines libertés, ou le prix d
1810 e la vie… D’une façon plus précise, en Europe, il nous faut décider si notre union aura pour but la Puissance collective ou
1811 plus précise, en Europe, il nous faut décider si notre union aura pour but la Puissance collective ou la Liberté des personn
1812 ssance collective ou la Liberté des personnes. Il nous faut le décider, en toute conscience, et vite ; car le choix de la fi
1813 iez pas aller… Voici donc le dilemme présent : si nous attribuons pour finalité à la Cité européenne de demain la puissance,
1814 gressif, comme la France de Napoléon, et faire de nos États autant de départements. Il faut tout unifier par des lois infle
1815 super État-nation ne pourrait être imposé à tous nos peuples qu’à la faveur d’une guerre générale — selon la loi de format
1816 r autant. Un modèle périmé Au contraire, si nous donnons pour finalité à la Cité européenne la liberté, c’est-à-dire l
1817 et je vois bien que toutes les civilisations que nous connaissons ont choisi la puissance comme seul but réaliste de la soc
1818 misanthropes. Je crois à la nécessité de défaire nos États-nations. Ou plutôt de les dépasser, de démystifier leur sacré,
1819 ne servent absolument à rien pour arrêter ce qui devrait l’être : les tempêtes et les épidémies, la pollution de l’air et des
1820 r sur lui. Je ne sais, n’étant pas économiste, si nos États-nations délimités pour la plupart au xixe et au xxe siècles,
1821 t de la culture européenne. Et les diversités que nous devons respecter ne sont pas celles de ces États-nations nés d’hier :
1822 la culture européenne. Et les diversités que nous devons respecter ne sont pas celles de ces États-nations nés d’hier : elles
1823 ais avec aucune frontière. Elles traversent aussi nos partis, nos confessions et nos régions, nos personnes mêmes ! Il y a
1824 une frontière. Elles traversent aussi nos partis, nos confessions et nos régions, nos personnes mêmes ! Il y a dans chaque
1825 s traversent aussi nos partis, nos confessions et nos régions, nos personnes mêmes ! Il y a dans chaque pays un nord et un
1826 aussi nos partis, nos confessions et nos régions, nos personnes mêmes ! Il y a dans chaque pays un nord et un midi ; dans c
1827 e et une gauche… La renaissance des régions Nos États-nations, obsédés par l’idée de « se faire respecter », oublient
1828 n’est qu’un appareil plus ou moins efficace, qui doit être mis au service des citoyens et de leurs cités ; et non l’inverse
1829 ou d’affaires « étrangères » : c’est un mot qu’il nous faut bannir du vocabulaire politique dans une Europe fédérée, au seui
1830 r : on ne fera pas l’Europe sans casser des œufs, nous le voyons depuis vingt-cinq ans. Mais il l’est moins parce qu’il dema
1831 communiste à la mise en question du sens même de nos vies et des vrais buts de nos activités communautaires et personnelle
1832 ion du sens même de nos vies et des vrais buts de nos activités communautaires et personnelles. Si sérieux que soient les p
1833 e c’est au contraire la grande tâche politique de notre temps. Précisons : des vingt ans qui viennent. Car à ce prix seulemen
1834 s vingt ans qui viennent. Car à ce prix seulement nous ferons l’Europe, et nous la ferons pour toute l’humanité, nous lui de
1835 Car à ce prix seulement nous ferons l’Europe, et nous la ferons pour toute l’humanité, nous lui devons cela ! Une Europe qu
1836 ’Europe, et nous la ferons pour toute l’humanité, nous lui devons cela ! Une Europe qui ne sera pas nécessairement la plus p
1837 et nous la ferons pour toute l’humanité, nous lui devons cela ! Une Europe qui ne sera pas nécessairement la plus puissante ou
1838 et comment cette “unité de culture non unitaire” doit se traduire en termes de structures politiques grâce au fédéralisme.