1
e, les dictatures, les troupes de choc militaires
et
politiques, ou simplement l’anonymat collectiviste. D’autres, habitué
2
conquises par notre religion, par nos révolutions
et
par nos sciences, décorent du nom de « mystiques puissantes » de simp
3
imples propagandes qui nous promettent le paradis
et
la grandeur, la justice et la vraie liberté ; et ils vont répétant qu
4
promettent le paradis et la grandeur, la justice
et
la vraie liberté ; et ils vont répétant que nous n’avons rien à oppos
5
et la grandeur, la justice et la vraie liberté ;
et
ils vont répétant que nous n’avons rien à opposer à ces « mystiques »
6
and besoin, parce qu’ils n’ont pas nos réalités —
et
leurs chefs doivent masquer cette absence par des slogans. Nous n’avo
7
te » que les leurs. Car les faits nous suffisent,
et
quant aux libertés, nous en avons plus que nous méritons. Quand nous
8
us les aurons mesurées, nous verrons que l’avenir
et
le progrès sont de notre côté. Et alors, nous voudrons sauver notre p
9
ns que l’avenir et le progrès sont de notre côté.
Et
alors, nous voudrons sauver notre présent ! Nos forces réelles sont i
10
droits de toute nature conquis par notre Histoire
et
par toutes nos histoires nationales. Tous les peuples du monde, sans
11
ns tous les droits que nous mentionnons plus haut
et
des douzaines d’autres en plus : droit de circuler, de travailler, de
12
profession ; droit d’exprimer toutes les sagesses
et
toutes les folies concevables ; droit à la religion de notre choix, e
13
concevables ; droit à la religion de notre choix,
et
droit de n’en choisir aucune ; droit d’élire ceux que nous voulons et
14
isir aucune ; droit d’élire ceux que nous voulons
et
de les traiter ensuite de scélérats ; droit de protester, d’écrire au
15
lle locale, de faire campagne pour n’importe quoi
et
le contraire ; droit d’exiger que les douaniers mettent des gants bla
16
porte quels magasin, marché, café, ou restaurant,
et
de composer le menu de votre choix ; droit d’élever nos enfants selon
17
droit d’élever nos enfants selon nos principes —
et
tous les droits non codifiés, non formulables, les plus précieux sans
18
ts, de prendre à la radio le poste qu’on préfère,
et
de tourner le bouton si l’on s’ennuie, sans être dénoncé par les vois
19
s être dénoncé par les voisins ; le droit d’aimer
et
de haïr, le droit d’épouser qui l’on veut… Il n’est pas un seul de c
20
dont la masse représente bien plus que la Russie
et
deux fois plus que l’Amérique. Tous ces droits bien vivants ne sont p
21
chez nous. La seconde force dont nous disposons,
et
l’une des plus typiques de l’Occident, n’est autre que l’esprit criti
22
que l’esprit critique. On nous dit qu’il se perd
et
l’on en donne pour preuve le succès des publicités, propagandes et my
23
pour preuve le succès des publicités, propagandes
et
mystiques politiques. Mais il me semble au contraire qu’il renaît dan
24
veut dire par là qu’elle ne croit plus aux idéaux
et
aux grands mots, qu’elle trouve la vie absurde, et qu’elle ne « march
25
t aux grands mots, qu’elle trouve la vie absurde,
et
qu’elle ne « marche » plus pour aucune idéologie, je serais tenté plu
26
qui a vu les camps comme résultat des idéologies,
et
qui a vu les pires tyrannies comme traduction des mystiques libertair
27
raire qu’elle réagit avec un réalisme impitoyable
et
sain. La foi chrétienne elle-même doit aujourd’hui se réjouir d’un te
28
le est d’autre part la condition de nos libertés,
et
de l’esprit créateur. C’est à cause d’elle que l’Occident demeure l’e
29
t demeure l’espoir de l’homme qui pense, qui juge
et
qui sent par lui-même. Et cet homme est le but du progrès, le but de
30
mme qui pense, qui juge et qui sent par lui-même.
Et
cet homme est le but du progrès, le but de toute communauté digne du
31
onne s’enracine toute liberté concrète, créatrice
et
vécue. Au contraire, c’est de la masse homogène, uniforme, que naisse
32
alors qu’il faut forcer les masses à être masses.
Et
c’est pourquoi Personne égale Liberté, tandis que masse égale contrai
33
is de liberté réelle que dans le besoin, le droit
et
la passion de différer de son voisin, de courir sa propre aventure, d
34
ture, de créer par sa vie ce qu’on n’a jamais vu,
et
d’accomplir ainsi, en secret bien souvent, une vocation qui n’a pas d
35
ation qui n’a pas de comptes à rendre aux hommes,
et
encore bien moins à l’État, parce qu’elle est « immédiate à Dieu ». T
36
s tous, nous les Européens, notre commune dignité
et
notre risque le plus cher. Telles sont nos maladies. Telles sont nos
37
iberté si l’on tentait de l’imposer. Mais on peut
et
l’on doit prendre conscience de ses conditions, de ses risques. Je cr
38
ndus conscients des forces véritables de l’Europe
et
de l’Occident, nous serons en mesure, aussitôt, de renverser l’absurd
39
cidant de les répandre. Si nous voyons les faits,
et
savons les faire voir, nous aurons du même coup repris l’initiative.
40
sser du plan des faits à celui de nos consciences
et
de nos volontés ; c’est d’appeler toutes nos forces éparses à se fédé
41
g ou ailleurs, nous dotant d’instruments modernes
et
puissants (politiques, scientifiques, économiques, sociaux) au servic
42
Neutralité
et
neutralisme (mai 1951)c d Nous sommes contre toute espèce de total
43
pour une raison très simple, d’ordre intellectuel
et
moral : parce que nous refusons de subordonner la culture à la politi
44
e. La culture s’occupe des fins de la vie humaine
et
de son sens, la politique doit s’occuper des moyens pratiques de réal
45
ée que pour l’âme même de ce pays de très vieille
et
profonde culture. Maintenant, il se trouve qu’en fait, le totalitaris
46
donc à corrompre la source même de notre liberté.
Et
voilà pourquoi nous sommes antistaliniens. …On a dit que nous sommes
47
ien, les seuls critères de jugement intellectuels
et
artistiques sont ceux qu’impose l’intérêt du Parti, intérêt confondu
48
à Bombay pour condamner la neutralité en général,
et
celle de l’Inde en particulier. Personnellement, je tiens à prendre i
49
établir une distinction nette entre la neutralité
et
le neutralisme. La neutralité est une mesure politique qui peut être
50
e politique qui peut être très bonne, très utile,
et
même très nécessaire dans certaines situations bien définies. C’est a
51
t opérer des choix perpétuellement, entre le vrai
et
le faux, le beau et le laid, le remède et la maladie. Il n’existe, il
52
erpétuellement, entre le vrai et le faux, le beau
et
le laid, le remède et la maladie. Il n’existe, il ne peut pas exister
53
le vrai et le faux, le beau et le laid, le remède
et
la maladie. Il n’existe, il ne peut pas exister de neutralité intelle
54
ar une petite fable. Imaginez un loup, un agneau,
et
un berger. L’agneau décide de rester neutre entre le loup qui menace
55
décide de rester neutre entre le loup qui menace
et
le berger qui le protège. Je le comprends fort bien. Il espère ainsi
56
politique par des raisons morales ou doctrinales,
et
qu’il dise par exemple : — « Après tout, soyons objectif ! Voyons les
57
as à mal, il a grand-faim, il a beaucoup lu Marx,
et
il est “partisan de la paix” ; d’autre part, ce berger n’est pas un h
58
n’est pas un homme parfait, il boit souvent trop,
et
il ne lit que le Reader’s Digest. Je refuse donc l’un et l’autre égal
59
e lit que le Reader’s Digest. Je refuse donc l’un
et
l’autre également, je suis neutre. » C’est contre ce mensonge-là que
60
ique, de n’importe quelle politique, même neutre,
et
même démocratique ; car dès l’instant où la culture se subordonne à u
61
nexorable. c. Rougemont Denis de, « Neutralité
et
neutralisme. Le discours de Denis de Rougemont au congrès de Bombay »
62
Culture
et
famine (novembre 1951)e Allez dans un pays comme l’Inde, où, dans
63
aim. Montez à la tribune d’un congrès d’écrivains
et
proclamez « qu’il y a de l’indécence à parler de culture quand la fam
64
d la famine sévit » : tonnerre d’applaudissements
et
toute la presse pour vous. J’ai vu cela ce printemps à Bombay, et ne
65
se pour vous. J’ai vu cela ce printemps à Bombay,
et
ne m’en suis pas trop étonné. Mais pour peu que l’on y réfléchisse… P
66
e, mais c’est bien cela qu’on dit, objectivement,
et
logiquement aussi. La famine, en effet, a régné sur la Terre depuis q
67
a régné sur la Terre depuis qu’il y a des hommes,
et
qui n’en pensent pas moins. Culture est un mot plus récent, mais ce q
68
les anciens Hindous, les Sumériens, les Égyptiens
et
les Romains, si nos ancêtres européens eux-mêmes avaient déclaré en l
69
lture tant qu’il subsiste parmi nous de la misère
et
de la famine », il n’y aurait point de civilisation. S’il n’y avait p
70
ce genre qu’il y eut de créations, dans les arts
et
les sciences, provoquées par la nécessité et seules capables de la su
71
arts et les sciences, provoquées par la nécessité
et
seules capables de la surmonter. À l’appui d’une déclaration de mauva
72
culturelle, comme celle que je citais plus haut —
et
dans l’esprit de ceux qui l’applaudirent — il n’y a pas l’ombre d’une
73
y a deux circonstances atténuantes : un proverbe
et
un préjugé, qui relèvent à la fois de la sagesse des peuples et d’une
74
qui relèvent à la fois de la sagesse des peuples
et
d’une erreur courante sur la culture. Ventre affamé n’a point d’oreil
75
t ce que l’époque bourgeoise semble avoir oublié,
et
le prolétariat hérite de cette erreur. Si la culture est tout d’abord
76
n pays comme l’Inde, sans cesse menacé de famine.
Et
cela vaut aussi, bien entendu, pour les pays qui ont surtout faim de
77
m de liberté. e. Rougemont Denis de, « Culture
et
famine », Preuves, Paris, novembre 1951, p. 3.
78
it à leur empire, qu’ils fondaient pour mille ans
et
qui mourut en douze. Mais, aussitôt, une autre dictature relève l’acc
79
ussitôt, une autre dictature relève l’accusation,
et
l’appuie cette fois-ci sur une doctrine. Le mal serait entré dans la
80
uel, tout communiste qu’il soit, sert Wall Street
et
ses sombres desseins1. Quant à l’avenir, il serait représenté par les
81
u xxe siècle a pris les devants, pour la défense
et
pour l’illustration de l’Occident. À la campagne de dénigrement condu
82
nduite par les tenants du pompiérisme, du racisme
et
du stalinisme, nous avons choisi d’opposer des chefs-d’œuvre de l’art
83
avons choisi d’opposer des chefs-d’œuvre de l’art
et
de la pensée libre apparus depuis cinquante ans : ils parlent d’eux-m
84
us depuis cinquante ans : ils parlent d’eux-mêmes
et
leur langage sera plus convaincant que tous les arguments. Mais la ri
85
urs celui des pouvoirs politiques, de leurs goûts
et
de leurs censures, dans le développement de nos arts. L’Œuvre du xxe
86
rester sans effets sur les créateurs, le public,
et
leur manière de sentir notre temps. Comme l’acte d’observer dans la m
87
jet, c’est peut-être la modernité — voulue, créée
et
ressentie comme telle. Une passion d’expérimenter à tous risques peut
88
à tous risques peut la définir. Combien de seuils
et
de limites n’avons-nous pas forcés dans notre siècle — seuil de l’ato
89
l’atome ou seuil de l’inconscient, sens de la vue
et
de l’ouïe exercés au-delà de leur portée naturelle, conquête du ciel,
90
plus il s’avance dans ce domaine, plus il s’isole
et
perd le contact du public ; cependant que l’invention technique, dans
91
ses. Mais ces deux maxima, celui de la découverte
et
celui de l’audience accessible, se révèlent pratiquement contradictoi
92
amais on n’avait vu pareille liberté de recherche
et
de formulation, jamais moins de scrupules d’expression, dans les scie
93
rupules d’expression, dans les sciences, les arts
et
les lettres ; et jamais non plus de conformismes plus pesants, plus a
94
ion, dans les sciences, les arts et les lettres ;
et
jamais non plus de conformismes plus pesants, plus acharnés à contrôl
95
s irrémédiables, de divorce, allant vers le chaos
et
vers la décadence ? Ou bien dans un système de tensions créatrices sa
96
vif, d’une commune mesure élargie ? Ces problèmes
et
bien d’autres se trouvent posés, par le seul fait de leurs illustrati
97
Paris, groupe des Six, surréalisme, Proust, Gide
et
Valéry, et leurs commentateurs, et leurs adversaires de tout bord, et
98
upe des Six, surréalisme, Proust, Gide et Valéry,
et
leurs commentateurs, et leurs adversaires de tout bord, et le foyer m
99
, Proust, Gide et Valéry, et leurs commentateurs,
et
leurs adversaires de tout bord, et le foyer mondial de leur marché co
100
commentateurs, et leurs adversaires de tout bord,
et
le foyer mondial de leur marché comme de leur gloire. Cette aventure
101
n. 1. « Picasso ne crée pas ses œuvres morbides
et
repoussantes dans le but de critiquer les contradictions de la réalit
102
but de critiquer les contradictions de la réalité
et
de réveiller la haine des spectateurs pour les forces de la réaction,
103
ngue le bien du mal, définit les raisons de vivre
et
de mourir, et dresse chaque homme, dès son enfance à s’y adapter et c
104
u mal, définit les raisons de vivre et de mourir,
et
dresse chaque homme, dès son enfance à s’y adapter et conformer. La c
105
resse chaque homme, dès son enfance à s’y adapter
et
conformer. La civilisation européenne, elle aussi, donne des normes g
106
ques, les Égyptiens, les Sumériens, les Congolais
et
les Mongols, élever l’enfant ou le jeune homme consistait à le rendre
107
stait à le rendre conforme aux modèles collectifs
et
sacrés, fixés par les dieux implacables de la fécondité et de la mort
108
, fixés par les dieux implacables de la fécondité
et
de la mort. Dans notre Europe moderne, éduquer signifie au contraire
109
plus forcer dans le moule commun : voilà l’Europe
et
sa révolution. L’Oriental (je pense aux Hindous plus qu’aux Chinois),
110
itaire, le parti sait pour lui quel est son bien,
et
lui prouve au besoin qu’il le sait mieux que lui. L’idée de varier, d
111
tion de sabotage. S’ils tombent dans cette erreur
et
s’ils y persévèrent, l’Oriental l’expiera dans ses vies ultérieures,
112
ontraire l’homme d’Europe chercher l’originalité,
et
presque tout l’approuve en cet effort : l’éducation au sens que je vi
113
lui vante, les héros, les champions, les saints —
et
les nécessités de la concurrence. Nous le voyons chercher sa voie sel
114
l expérimente, enfin sa vocation s’il en sent une
et
s’il y croit. Lorsqu’il entre en conflit avec les lois, les tradition
115
leux. Cette manière d’opposer l’individu au tout,
et
d’attribuer l’absurdité non pas au moi qui la ressent, mais au monde
116
s cela donne aussi le chercheur dans les sciences
et
l’innovateur dans les arts. Cela donne tout ce qui a compté dans la v
117
vie de l’Europe, tout ce qui s’y est fait un nom
et
un visage distinct. Soulignons maintenant que ce drame permanent entr
118
ns maintenant que ce drame permanent entre le moi
et
le destin social, entre la personne libre et la fatalité, ne serait p
119
moi et le destin social, entre la personne libre
et
la fatalité, ne serait pas concevable hors d’un monde qui date ses an
120
ens particulier de chaque vie dans la vie, dénote
et
marque l’Occident, et plus spécifiquement l’Europe. On peut donc défi
121
que vie dans la vie, dénote et marque l’Occident,
et
plus spécifiquement l’Europe. On peut donc définir l’Europe comme cet
122
e où l’homme, sans relâche, se remet en question,
et
veut changer le monde de telle manière que sa vie personnelle y prenn
123
s. L’étrange exception Ainsi donc, comparée
et
contrastée avec les civilisations sacrées de l’Antiquité, les civilis
124
l’Antiquité, les civilisations magiques de l’Asie
et
les modernes entreprises totalitaires, l’Europe nous apparaît comme u
125
ces qui oppriment ou qui nient le moi responsable
et
distinct. Lutte contre le destin natal, pour se forger une destinée ;
126
, pour se forger une destinée ; contre les astres
et
les dieux écrasants ; contre la masse informe qui annule les personne
127
ule les personnes, mais aussi contre l’arbitraire
et
l’anarchie, qui vident de sens l’effort de toute une vie ; lutte enfi
128
es intimes du moi, afin de dominer ses mécanismes
et
d’en tirer une liberté plus haute. Or le fondement de cette révolutio
129
Or le fondement de cette révolution, son ressort
et
sa cause finale, c’est la notion, chrétienne à l’origine, de la valeu
130
permit la découverte philosophique de l’individu
et
de l’atome, la Grèce ; celle qui conçut les droits du citoyen, Rome ;
131
courants, culminant dans les notions de personne
et
de vocation, synthèse qui s’opéra durant les premiers siècles de notr
132
de notre ère, qui s’épanouit avec la Renaissance,
et
dont la dialectique interne aboutit, de nos jours, au conflit du coll
133
boutit, de nos jours, au conflit du collectivisme
et
de la liberté démocratique. Je tenterai de faire voir, maintenant, co
134
du moi distinct, de la personne — à la fois mère
et
fille de l’Europe — forme nos vies, permet qu’elles aient un sens, et
135
— forme nos vies, permet qu’elles aient un sens,
et
donne leur intérêt même affectif à la plupart de nos activités. Ôtez
136
ez le moi distinct, le droit d’être une personne,
et
du même coup nos vies n’auraient plus sel ni sens : voilà bien dans s
137
consiste à rappeler que la plupart de nos valeurs
et
idéaux, à nous autres Européens, et la plupart de nos activités coura
138
e nos valeurs et idéaux, à nous autres Européens,
et
la plupart de nos activités courantes, sérieuses ou non, dérivent de
139
courant, de membre d’une Église, de l’homme pieux
et
moral. Je parle d’une manière plus générale du type d’homme (croyant
140
que seul le christianisme a permis de concevoir,
et
que je nomme la personne. C’est un homme à la fois libre et responsab
141
nomme la personne. C’est un homme à la fois libre
et
responsable, libre parce qu’il est chargé d’une vocation qui le disti
142
le distingue de la masse, lui donne une direction
et
un visage ; mais aussi responsable de cette vocation vis-à-vis de ses
143
able de cette vocation vis-à-vis de ses prochains
et
de la société ; c’est donc un homme engagé dans une aventure bien rée
144
n de révolution a la même extension dans l’espace
et
le temps que le monde christianisé. L’Asiatique, par exemple, ne peut
145
istianisés. Pour admettre l’idée de la révolution
et
de sa fécondité possible, il faut avoir sucé avec le lait (celui d’un
146
ue, du renouvellement possible de toutes choses ;
et
aussi, de la liberté, de la justice, de la mission reçue, et de leur
147
e la liberté, de la justice, de la mission reçue,
et
de leur valeur transcendante par rapport à l’ordre établi — toutes ch
148
se former que dans un monde qui tient la liberté
et
la vocation prophétique pour plus vraies que l’Ordre du Monde et l’ob
149
prophétique pour plus vraies que l’Ordre du Monde
et
l’obéissance aux lois sacrées. Prenons maintenant le phénomène de la
150
de toute raison, mais au-delà de l’instinct même
et
du plaisir. C’est ce qui jette Tristan et Iseut dans la mort, souhait
151
ct même et du plaisir. C’est ce qui jette Tristan
et
Iseut dans la mort, souhaitée comme un suprême accomplissement. La pa
152
res depuis des siècles — depuis les troubadours —
et
grâce à la littérature, elle obsède nos rêves, elle met un « tourment
153
s à vrai dire dégradées, de plus en plus anodines
et
banales, c’est elle — bien plus que le sex-appeal — qui inspire le ci
154
— qui inspire le cinéma, les magazines féminins,
et
leurs courriers du cœur. Je constaterai maintenant que cette passion
155
démocratie qui dit qu’un homme en vaut un autre,
et
donc qu’une femme en vaut une autre. Disposition peu favorable, il fa
156
ur officielle l’idée non scientifique, bourgeoise
et
individualiste de l’amour romanesque. Il estime à bon droit que la pa
157
n peut la qualifier d’extravagante ou d’immorale,
et
l’Église peut la condamner. Il n’en reste pas moins qu’elle a sa sour
158
quoique lointaine — dans la révolution chrétienne
et
qu’elle est inconcevable hors d’un monde où Pascal peut placer dans l
159
gique d’un acte sacrificiel les rythmes du Cosmos
et
les lois de la fécondité — on dirait aujourd’hui : pour favoriser le
160
d’une grande passion mortelle, mais la révolution
et
la passion sont pour nous tous des repères décisifs. Nos vies sont or
161
nnes, d’autres exemples : le besoin d’originalité
et
l’humour. Il y a dans notre goût de l’originalité, deux composantes :
162
alité, deux composantes : l’esprit de concurrence
et
le besoin d’exprimer son « vrai moi », comme on dit. À partir d’un ce
163
de traduire en symboles convenus l’ordre cosmique
et
les grands gestes rituels. La variation, l’innovation individuelle ne
164
l, qui tend à s’affirmer comme individu créateur,
et
l’Oriental, qui tend à s’ordonner au monde des dieux, nous ayons à ch
165
u’ils se donnent des buts tout à fait différents.
Et
je ne nie pas non plus que dans tous nos pays, il existe une majorité
166
ormistes, qui redoutent l’épithète « d’original »
et
préfèrent imiter les voisins. Je dis seulement que les modèles dont i
167
èles dont ils disposent pour leur conduite morale
et
dans les arts, demeurent en dernière analyse des créations individuel
168
en dernière analyse des créations individuelles,
et
non des conventions sacrées. Ils imitent moins des rites millénaires
169
ions d’hier ou d’avant-hier. Entre le conformiste
et
le révolté, l’Europe connaît d’ailleurs un être intermédiaire : celui
170
manières. Non seulement par la rébellion ouverte
et
armée mais par des attitudes et des conduites qui affirment la libert
171
rébellion ouverte et armée mais par des attitudes
et
des conduites qui affirment la liberté de jugement des individus. Ain
172
tre la tyrannie rationaliste, contre les préjugés
et
les routines et contre le droit du plus fort, toutes choses qui se ré
173
rationaliste, contre les préjugés et les routines
et
contre le droit du plus fort, toutes choses qui se résument aujourd’h
174
uoi vous le chercherez en vain dans toute l’Asie.
Et
vous n’en jouerez pas impunément dans les États totalitaires, où il s
175
l se voit réduit à la plus stricte clandestinité.
Et
c’est pourquoi, enfin, les créateurs de la démocratie moderne, les An
176
l s’agit d’exister comme une personne consciente,
et
de prendre distance par rapport à ce que l’on se voit être. Dans l’hu
177
idu… J’en viens à un dernier exemple, le Progrès,
et
notre attitude envers lui. Il est de mode aujourd’hui de douter du Pr
178
ry, un Eliot, un Toynbee, un Bergson l’ont fait ;
et
la majorité de nos élites les a suivis. Certes, nous pouvons railler
179
vons railler les illusions du siècle des Lumières
et
du siècle bourgeois-capitaliste ; nous pouvons répéter que notre indu
180
’est plus même un idéal européen, mais bien russe
et
américain, et tout cela semble en bonne partie vrai. Mais il n’est pa
181
un idéal européen, mais bien russe et américain,
et
tout cela semble en bonne partie vrai. Mais il n’est pas moins vrai q
182
grès possible reste vital pour l’homme européen ;
et
que nos vies perdraient leur sens, si vraiment nous cessions de croir
183
ous cessions de croire qu’un lendemain plus vaste
et
plus libre reste ouvert. De plus, il serait faux de penser que notre
184
e. Mais ses origines sont beaucoup plus anciennes
et
remontent incontestablement — encore une fois — au christianisme prim
185
stianisme primitif. Toutes les religions antiques
et
celles de l’Asie, étaient des religions an-historiques, en ce sens qu
186
ons an-historiques, en ce sens qu’elles croyaient
et
enseignaient que le monde évolue d’une manière cyclique, comme une ro
187
e cyclique, comme une roue qui tourne sur son axe
et
n’avance pas, la destruction succédant fatalement à la construction e
188
estruction succédant fatalement à la construction
et
le déclin à l’ascension, selon les lois du Retour éternel. Pour ces r
189
humanité n’est plus une suite indéfinie de cycles
et
de répétitions dont l’homme ne saurait se libérer et dont il n’est pa
190
de répétitions dont l’homme ne saurait se libérer
et
dont il n’est pas responsable ; elle devient une longue aventure, où
191
re que nous créons nous-mêmes, dans l’incertitude
et
l’espoir. Les catastrophes restent toujours possibles, mais le progrè
192
l traduit notre volonté d’échapper aux fatalités.
Et
nous l’imaginons comme le produit de toutes les créations accumulées
193
r les grands hommes, héros, savants, législateurs
et
saints. Nous pensons que tout cela rendra la vie meilleure. Nous nous
194
us nous trompons peut-être, mais nous le pensons,
et
cela depuis près de deux-mille ans. Cependant, de nos jours, notre fo
195
t point, qu’il n’ait aucune direction vérifiable,
et
que la somme des modifications qu’il nous apporte, en bien et en mal,
196
mme des modifications qu’il nous apporte, en bien
et
en mal, s’annule. La croyance au Progrès collectif demeure un pur et
197
. La croyance au Progrès collectif demeure un pur
et
simple acte de foi, devant lequel il est permis de rester sceptique…
198
le Progrès à l’origine signifiait une libération,
et
de nos jours encore la liberté ne peut avoir de sens que pour l’indiv
199
es, à un nombre sans cesse croissant d’individus.
Et
la mesure de ce Progrès, ce ne sera pas seulement l’augmentation de n
200
n de notre sécurité, de notre confort, mais aussi
et
peut-être surtout, celle de nos risques personnels, des occasions et
201
t, celle de nos risques personnels, des occasions
et
des moyens de nous décider nous-mêmes, donc d’être libres. Car la seu
202
st celle de me réaliser ; de chercher, de trouver
et
de vivre ma vérité, non celle des autres, et non celle que l’État ou
203
uver et de vivre ma vérité, non celle des autres,
et
non celle que l’État ou le Parti a décidé de m’imposer toute faite. S
204
endre compte de leur vie pour leur propre compte,
et
qui ont là-dessus leurs idées bien à eux — donc en définitive des hom
205
terres du globe, a découvert le reste du monde —
et
non l’inverse. Je ne parle pas seulement des grands voyages qui ont p
206
qui ont permis de relever la carte des continents
et
de dénombrer toutes nos races de Marco Polo à Vasco de Gama, et de Ch
207
r toutes nos races de Marco Polo à Vasco de Gama,
et
de Christophe Colomb au capitaine Cook. Ce ne sont pas les Aztèques n
208
des sinologues, des hindouistes, des arabisants,
et
même des spécialistes du monde soviétique. En revanche, je ne connais
209
jouterai que j’en connais trop peu dans nos pays,
et
que c’est précisément pour remédier à cette carence que nous avons fo
210
uxième remarque : l’Europe est le Musée du monde.
Et
je ne pense pas seulement en disant cela, au Louvre, au British Museu
211
u British Museum, à tant de collections publiques
et
privées d’art oriental, précolombien ou nègre — alors que c’est en va
212
ctionner, bien plus que d’enregistrer sur disques
et
pellicules les chants, les danses, les rites, les voix et les visages
213
cules les chants, les danses, les rites, les voix
et
les visages de l’innombrable humanité. Nous avons médité sur les myst
214
utes les civilisations qui précédèrent les nôtres
et
sur celles qui subsistent au xxe siècle. Nous avons déchiffré leurs
215
s avons déchiffré leurs hiéroglyphes, reconstitué
et
revécu leurs ambitions, et nous avons philosophé sur leurs problèmes
216
roglyphes, reconstitué et revécu leurs ambitions,
et
nous avons philosophé sur leurs problèmes avec autant de passion, sou
217
monde aujourd’hui, nous imitent — pour leur bien
et
leur mal à la fois — mais nous, bien au contraire, au lieu de les imi
218
contraire, au lieu de les imiter, nous cherchons
et
nous parvenons à les comprendre. Cette attitude, absolument particuli
219
aractérise l’Europe comme volonté de conscience —
et
j’opposerai cette expression à celle de volonté de puissance. Troisiè
220
s bien des cas retrouve leurs traditions perdues,
et
favorise leur réveil. Je connais tel chargé de mission culturelle en
221
ssionnaire-ethnographe en Afrique, tel philosophe
et
théologien en Iran, qui savent bien mieux que les natifs, quels furen
222
, quels furent les grands moments de la recherche
et
de l’essor spirituel dans ces pays, et qui vont découvrir au fond de
223
recherche et de l’essor spirituel dans ces pays,
et
qui vont découvrir au fond de leur retraite les derniers représentant
224
c’est-à-dire pratiquement les sauver de l’oubli,
et
peut-être initier leur renaissance. Au-delà de la peur Voilà do
225
rer aux heures d’angoisse de Nicopolis, de Mohacs
et
du siège de Vienne par les Turcs ; mieux encore, à ces temps du xiiie
226
nomiques qui entraîneraient une tutelle étrangère
et
ses conséquences culturelles. Il y a surtout la menace du défaitisme
227
enace du défaitisme à la fois politique, civique,
et
même psychique, si répandu dans nos élites — le pire danger, tant il
228
nférence pour démontrer que notre culture fut bel
et
bien, dans le passé, la vraie raison de notre puissance, même matérie
229
vraie raison de notre puissance, même matérielle,
et
qu’elle peut, et qu’elle doit le redevenir demain. Je vous conterai p
230
otre puissance, même matérielle, et qu’elle peut,
et
qu’elle doit le redevenir demain. Je vous conterai plutôt une petite
231
ines, c’est sérieux, la culture n’est qu’un luxe,
et
que l’important, c’était de lutter d’abord contre le communisme, qu’i
232
l’inventa. Qui donc ? J’ouvris une encyclopédie,
et
trouvai ceci : — Il y avait au xviiie siècle un très grand mathémati
233
grand mathématicien. Il s’appelait Léonard Euler,
et
il vivait à Bâle, entre France et Allemagne, dans une atmosphère très
234
Léonard Euler, et il vivait à Bâle, entre France
et
Allemagne, dans une atmosphère très savante mais pénétrée de spiritua
235
râce au génie d’Euler, au milieu culturel de Bâle
et
au piétisme, des milliers d’ouvriers et d’ingénieurs gagnent leur vie
236
l de Bâle et au piétisme, des milliers d’ouvriers
et
d’ingénieurs gagnent leur vie, des paquebots traversent l’Océan, d’én
237
dépasse, l’armée russe peut encore nous écraser,
et
notre union s’avère bien difficile. Mais l’esprit créateur reste notr
238
otre apanage, l’esprit qui voit au-delà des faits
et
peut les transformer puisqu’il les a produits, l’esprit qui sans relâ
239
sprit qui sans relâche vient remettre en question
et
modifier les résultats acquis. Et c’est l’esprit des hommes qui ont t
240
tre en question et modifier les résultats acquis.
Et
c’est l’esprit des hommes qui ont toujours préféré le droit de poser
241
iberté qui peut encore sauver d’un même mouvement
et
l’Europe et le sens de nos vies. g. Rougemont Denis de, « Le sens
242
eut encore sauver d’un même mouvement et l’Europe
et
le sens de nos vies. g. Rougemont Denis de, « Le sens de nos vies
243
inisme est en recul marqué dans nos pays. À Paris
et
à Rome, où il avait conquis au lendemain de la guerre d’importantes p
244
positions stratégiques dans les lettres, les arts
et
les sciences, le dernier carré de ses adhérents lutte en retraite, mé
245
u mieux encore : la fille d’Européens aventuriers
et
puritains, les « Pères pèlerins », et d’une vaste contrée vierge. Une
246
aventuriers et puritains, les « Pères pèlerins »,
et
d’une vaste contrée vierge. Une fille n’est pas une partie de son pèr
247
deux motifs apparemment contradictoires : la peur
et
l’attrait combinés. Il est clair qu’une partie sans cesse croissante
248
gne de la culture de masse, rapports humains durs
et
purement utilitaires. Tout cela corsé de griefs politiques, tels que
249
iques, tels que « l’impérialisme de Wall Street »
et
le danger d’une guerre menée sur notre sol contre les Russes. (Mais l
250
antiaméricaine est plus ancienne que ces griefs,
et
très souvent ne leur doit rien.) Quant aux motifs d’attrait, ce sont
251
émocratie marche mieux, l’avenir est plus ouvert,
et
les rapports humains plus francs et plus cordiaux que chez nous. Poli
252
plus ouvert, et les rapports humains plus francs
et
plus cordiaux que chez nous. Politiquement, on sait ce que donne cett
253
mpez, go home, laissez-nous à nos combats de coqs
et
nous crierons à l’isolationnisme. Quant à la culture, la cause est en
254
digests, Collier’s, Coca-Cola, Hollywood, comics
et
whisky. Il est vrai que nous copions vos romans et vos danses. Mais v
255
t whisky. Il est vrai que nous copions vos romans
et
vos danses. Mais vous n’avez même pas le sens de la lutte des classes
256
ficaces, bons cuisiniers, affreusement compliqués
et
susceptibles, esquivant les réponses à nos questions directes, occupé
257
subir soit leur intervention, soit leur retrait.
Et
si la « civilisation du digest » prévaut chez nous, ce sera notre fau
258
en, qui, librement, propage ces succès américains
et
leurs contrefaçons multipliées chez nous. Notre élite s’en plaint, il
259
ille situation, l’Américain se met sur ses gardes
et
commet des fautes méthodiques. Il multiplie les enquêtes minutieuses
260
s enquêtes minutieuses pour savoir qui fait quoi,
et
où, et comment aider tel ou tel sans avoir l’air de faire pression, t
261
tes minutieuses pour savoir qui fait quoi, et où,
et
comment aider tel ou tel sans avoir l’air de faire pression, tout en
262
en souvent dépasse son objet, il fait ses comptes
et
son rapport au comité, qui se décide objectivement, et qui se trompe
263
n rapport au comité, qui se décide objectivement,
et
qui se trompe une fois sur deux. Il en résulte un gaspillage d’effort
264
s sur deux. Il en résulte un gaspillage d’efforts
et
de capitaux qui d’une part compromet l’efficacité de l’aide américain
265
part compromet l’efficacité de l’aide américaine,
et
d’autre part donne à certains Européens des habitudes de parasites. O
266
On veut bien faire état d’une culture supérieure
et
de ses antiques traditions, mais on refuse d’en payer les frais coura
267
ont pas les mêmes qui, en Europe, font la culture
et
ont l’argent. Mais globalement, la situation se présente ainsi aux ye
268
voir des chances d’intéresser l’argent américain,
et
renoncer à ceux qui intéresseraient l’Europe et les vrais moyens de l
269
, et renoncer à ceux qui intéresseraient l’Europe
et
les vrais moyens de l’unir. Inversement, les donateurs virtuels propo
270
liticiens d’inspirer des entreprises d’éducation,
et
d’une manière générale à n’importe qui de se prononcer sur n’importe
271
ncipal d’éclaircir les malentendus entre l’Europe
et
l’Amérique. Pour qu’un dialogue de cette nature soit juste, et pour q
272
. Pour qu’un dialogue de cette nature soit juste,
et
pour qu’il puisse créer une atmosphère plus saine, quelques condition
273
s : a) La première rencontre doit être restreinte
et
non spectaculaire ; il ne s’agit pas d’un congrès, mais d’un séminair
274
de recherches. b) Les représentants de l’Amérique
et
ceux de l’Europe doivent être choisis au même niveau de culture et de
275
pe doivent être choisis au même niveau de culture
et
de responsabilité : cessons de comparer, comme on le fait couramment,
276
d’un côté à ce qu’il y a de meilleur de l’autre,
et
Pascal aux digests ou les gratte-ciel à nos pittoresques taudis ; par
277
voués aux perpétuelles révolutions de la pensée,
et
les meilleurs Américains, techniciens idéalistes de l’évolution perma
278
aura vraiment rencontre créatrice. c) Nos griefs
et
critiques réciproques doivent être considérés comme justifiés, dès le
279
t être considérés comme justifiés, dès le départ,
et
la question ne sera pas d’échanger de mauvaises notes, mais de trouve
280
ver, après une analyse des erreurs, les principes
et
les modes d’une collaboration meilleure. Diminuer la méfiance, augmen
281
ement de l’aide américaine, réduire les préjugés,
et
sauvegarder l’autonomie européenne non seulement en paroles mais en a
282
ectifs concrets. Ils sont vitaux. Car si l’Europe
et
l’Amérique n’arrivent pas à s’entendre effectivement, comment rêver u
283
ricaine qui attaque à leurs racines l’originalité
et
la cohésion mentale et morale des peuples européens. » (Esprit, juin
284
eurs racines l’originalité et la cohésion mentale
et
morale des peuples européens. » (Esprit, juin 52.) h. Rougemont Den
285
Deux princes danois : Kierkegaard
et
Hamlet (février 1953)j La carrière de Søren Kierkegaard s’est déro
286
ative, parut en 1843, lorsqu’il avait trente ans,
et
connut un immense succès. Mais, à mesure qu’il se fit mieux comprendr
287
omprendre, dans la suite de ses ouvrages composés
et
publiés au rythme accéléré de trois ou quatre volumes par an, le publ
288
atre volumes par an, le public s’écarta, effrayé.
Et
, lorsqu’en 1854 il attaqua de front le christianisme officiel et les
289
854 il attaqua de front le christianisme officiel
et
les évêques, qui avaient loué ses premières œuvres, il se vit abandon
290
rist de l’Évangile. Tous ses ouvrages esthétiques
et
philosophiques parurent sous divers pseudonymes symboliques. Il quali
291
t ces ouvrages de « communications indirectes » ;
et
ces pseudonymes figuraient les personnes d’un drame dont lui seul dét
292
e consiste dans le dévoilement progressif du sens
et
de la fin de cette vocation, secrètement orientée, dès le début, vers
293
nt orientée, dès le début, vers une action unique
et
éclatante, à laquelle le héros se prépare longuement, devant laquelle
294
se prépare longuement, devant laquelle il hésite
et
recule, jusqu’à ce qu’un incident secondaire en apparence provoque le
295
pièce célèbre dont il nous apparaît que la forme
et
le progrès même présentent avec la biographie de Kierkegaard les plus
296
coïncidence qui fait d’Hamlet un prince danois —
et
l’on peut rêver là-dessus — rappelons d’abord les traits les plus sai
297
uent à première vue le drame vécu par Kierkegaard
et
nous suggèrent un parallèle possible. L’histoire d’Hamlet peut se rés
298
rompre ses fiançailles avec la très jeune Ophélia
et
le fait passer pour un dangereux exalté. Finalement, il se voit contr
299
e devant lequel il balançait. Il tue l’usurpateur
et
périt dans ce combat. Mélancolie, secret qu’il faut garder tout en es
300
être un bon moyen d’illustrer à la fois la pensée
et
la vie de Kierkegaard et, d’une manière générale, ce que l’on pourrai
301
trer à la fois la pensée et la vie de Kierkegaard
et
, d’une manière générale, ce que l’on pourrait nommer les lois ou la p
302
d’abord le caractère des deux héros, l’un fictif
et
l’autre réel. Hamlet, jeune prince royal, est un intellectuel. Il n’a
303
tion humaine. Une incurable mélancolie le possède
et
lui fait trouver les biens de ce monde « fastidieux, usés et vulgaire
304
trouver les biens de ce monde « fastidieux, usés
et
vulgaires ». Le suicide le tente. Mais il réussit à masquer cette mél
305
castique, d’un esprit pétulant, prompt à l’ironie
et
aux métaphores baroques. Voyons maintenant dans quels termes Kierkega
306
ner à son génie dialectique, aux projets de poète
et
de philosophe qu’il avait conçus pendant son séjour à l’Académie de B
307
théologie, par obéissance aux désirs de son père.
Et
surtout, lui aussi se sait la victime d’une sorte de neurasthénie : «
308
ent les premières scènes du drame de Shakespeare,
et
Kierkegaard tel qu’il se montre dans son premier ouvrage, L’Alternati
309
ment, deux êtres d’exception, pleins de hardiesse
et
de fierté, mais inaptes à la vie commune, à cause d’une mystérieuse m
310
colie qu’ils dissimulent sous un masque ironique.
Et
voici que ces deux individus, pour qui la vie en soi est déjà un prob
311
oblème, reçoivent en outre une mission redoutable
et
qui les condamnera, bien plus encore que leur nature psychologique, à
312
s compagnons, qui assistaient de loin à la scène,
et
leur fait jurer par trois fois de garder le secret sur cette révélati
313
qu’Hamlet pourrait parler de la scène du spectre.
Et
, d’autre part, c’est l’influence de son père (auquel il dédiera tous
314
erkegaard sur l’absolu du christianisme véritable
et
lui permit de découvrir cette vérité terrible : le soi-disant christi
315
n marché, au lieu de nous en reconnaître indignes
et
d’avouer que nous refusons d’en payer le prix. C’est là, dit Kierkega
316
ristianisme. Hamlet connaît maintenant sa mission
et
son acte : tuer l’usurpateur, afin de rétablir la légitimité. Et Kier
317
uer l’usurpateur, afin de rétablir la légitimité.
Et
Kierkegaard pressent sa vocation, qui sera de dénoncer l’usurpation r
318
olue de l’Évangile. La tâche apparaît surhumaine.
Et
nous voyons les deux héros gémir sous le faix qui leur est imposé : «
319
je sois né pour la rajuster ! », s’écrie Hamlet.
Et
Kierkegaard ne cesse de répéter sur tous les tons la même idée : il e
320
époque détraquée à reconnaître l’absolu chrétien
et
, sinon à lui obéir, tout au moins à cesser de se dire chrétienne « à
321
que chose de pourri dans le Royaume de Danemark »
et
que leur destin sera de dénoncer cette situation, advienne que pourra
322
ues, brillants, paradoxaux, apparemment cyniques,
et
tous signés de divers pseudonymes. Le message chrétien, qui lui impor
323
ent dissimulé. De la sorte, il attirera le public
et
l’amènera à son insu au point le plus favorable pour l’attaque décisi
324
e pantomime représentant l’assassinat de son père
et
l’usurpation. « Cette représentation, dit-il, est le moyen par lequel
325
ros. Ils risquent de créer les pires malentendus.
Et
ils risquent aussi leur bonheur. Ici, le parallèle semble parfait. Le
326
ion humaine, c’est à leurs yeux la femme, l’amour
et
le mariage. Or tous les deux se voient contraints d’y renoncer, à cau
327
à cause de leur nature profondément mélancolique,
et
sur ce dernier point le doute reste le même dans les deux cas. Kierke
328
est expliqué, peut-on dire, dans toute son œuvre,
et
non pas seulement dans des ouvrages tels que Coupable-Non coupable, q
329
alité le récit à peine déguisé de ses fiançailles
et
l’analyse interminable des motifs de la rupture. Shakespeare, au cont
330
. Kierkegaard aime Régine, jeune fille de 17 ans,
et
il en est aimé. Mais il a son secret ambigu, le secret de sa vocation
331
il a son secret ambigu, le secret de sa vocation
et
celui de sa mélancolie. Or il comprend bientôt que le secret serait t
332
cret serait trop lourd pour la jeune fille. Naïve
et
spontanée, elle tenterait simplement, s’il le lui révélait, de ramene
333
n fiancé à une vue plus bourgeoise de l’existence
et
de la religion. Elle minerait son courage, déprimerait sa résolution
334
e minerait son courage, déprimerait sa résolution
et
deviendrait le pire obstacle intime à l’exercice de son étrange vocat
335
e devrait-il être marié ? se demande Kierkegaard.
Et
lui, qui se bat aux avant-postes, aux frontières de l’esprit ? D’autr
336
contradiction de la douleur : ne point se révéler
et
faire mourir l’amour ; se révéler et faire mourir l’aimée ? » S’il ch
337
t se révéler et faire mourir l’amour ; se révéler
et
faire mourir l’aimée ? » S’il choisit d’être la victime, une seule is
338
onner un instant la nature de son double secret ;
et
pour cela faire croire à sa fiancée qu’il ne l’aime plus. On sait la
339
i a peut-être de graves méfaits sur la conscience
et
qui renonce au mariage pour mieux jouir de sa vie de garçon. Il a des
340
une demoiselle au sang frais pour me rajeunir. »
Et
Kierkegaard ajoute, en commentant ce récit : « Cruauté nécessaire ! »
341
avec une froideur affectée, puis court au théâtre
et
, rentré chez lui, pleure toute la nuit. « Mais le lendemain, écrit-il
342
le lendemain, écrit-il, je fus comme d’ordinaire,
et
même plus pétillant d’esprit que jamais : c’était nécessaire… » Il me
343
. Hamlet a compris lui aussi que l’amour spontané
et
naïf d’Ophélia ferait obstacle à ses desseins secrets. C’est à lui qu
344
Sur sa perte passe ma route vers un grand but. »
Et
nous voyons Hamlet, comme Kierkegaard, se noircir aux yeux de la jeun
345
ustice, une différence profonde entre Kierkegaard
et
Hamlet : c’est que le premier a tout fait pour que Régine ne souffre
346
re pas, il a voulu prendre sur lui tout le drame,
et
il y a réussi, puisqu’il peut écrire, non sans amertume : « Elle a ch
347
eur », tandis qu’Hamlet pousse Ophélia au suicide
et
semble indifférent à ce désastre… Mais venons-en au dénouement du dra
348
tragique ? Un incident minime, une simple phrase,
et
qui pouvait passer pour un cliché dans un discours très officiel. L’é
349
er, primat de l’Église danoise, venait de mourir.
Et
le professeur Martensen, prononçant son éloge funèbre, crut devoir sa
350
nster avait été un grand prélat, chargé de titres
et
d’honneurs, un fin lettré, un humaniste, un homme comblé des biens de
351
tait se moquer de l’Évangile, c’était reconnaître
et
sanctionner l’usurpation. Kierkegaard se sentit provoqué. Et, là enco
352
ner l’usurpation. Kierkegaard se sentit provoqué.
Et
, là encore, ce qui aurait pu rester un simple assaut de fleuret, une
353
r, succédant à Mynster. Puis il publia l’article.
Et
cet article fut son acte, l’attaque directe, décisive et mortelle, au
354
article fut son acte, l’attaque directe, décisive
et
mortelle, aussi « exagérée » que peut l’être l’élan d’un combattant q
355
ce — avec les luttes intérieures, avec la crainte
et
le tremblement, les frémissements, les scrupules, les angoisses de l’
356
les angoisses de l’âme, les tourments de l’esprit
et
, de plus, toutes les souffrances dont on parle généralement dans le m
357
le dénuement, dans la misère, dans l’abaissement
et
l’humiliation, homme méconnu, haï, détesté, insulté, outragé, bafoué
358
st flagellé, torturé, traîné de prison en prison,
et
puis enfin — car c’est bien d’un véritable témoin de la vérité que no
359
a vérité que nous parle le professeur Martensen —
et
puis enfin crucifié, décapité, brûlé ou rôti sur un gril, jeté par le
360
tre enterré. Voilà un témoin de la vérité, sa vie
et
son existence, sa mort et son enterrement — et l’évêque Mynster, dit
361
in de la vérité, sa vie et son existence, sa mort
et
son enterrement — et l’évêque Mynster, dit le professeur Martensen, f
362
ie et son existence, sa mort et son enterrement —
et
l’évêque Mynster, dit le professeur Martensen, fut un des vrais témoi
363
mporte quelle hérésie ou n’importe quel schisme —
et
c’est de jouer au christianisme, d’en écarter les dangers et de jouer
364
jouer au christianisme, d’en écarter les dangers
et
de jouer ensuite au jeu que l’évêque Mynster était un témoin de la vé
365
rieuse s’éleva de toutes parts. L’opinion danoise
et
scandinave fut secouée d’une vertueuse indignation. Kierkegaard lutta
366
hlet périodique, intitulé L’Instant, pour élargir
et
pour intensifier son offensive. Après un an de bataille, il succomba.
367
avait réussi : l’usurpation s’était vue dénoncée,
et
il avait forcé le grand public à devenir attentif à son message. Mais
368
it comme fascinée par les deux concepts d’instant
et
de saut. L’instant, c’était pour lui le temps de la foi, le contact d
369
pour lui le temps de la foi, le contact du temps
et
de l’éternité ou, comme il le disait : « la plénitude du temps, quand
370
récèdent, dans la lecture alternée de Kierkegaard
et
de Shakespeare, j’avoue qu’il m’est arrivé plus d’une fois de ne plus
371
is de ne plus bien savoir lequel des deux parlait
et
de m’imaginer qu’Hamlet avait été écrit par Kierkegaard, voire qu’à l
372
ierkegaard avait été mise à la scène deux siècles
et
demi avant d’être vécue. Le style élisabéthain de Kierkegaard, son ly
373
risqué se soit offert à l’esprit de Kierkegaard,
et
qu’il ait tenu à le corriger lui-même. Voici en bref le contenu de la
374
rs il n’y aurait plus de drame, au sens technique
et
esthétique du terme. En effet, « dans l’ordre esthétique, l’obstacle
375
mlet de Shakespeare, mais on rejoindrait purement
et
simplement la biographie de Kierkegaard. Le drame de Kierkegaard n’a
376
erkegaard n’a pas été fictif. Il n’a pas été joué
et
ne saurait l’être. Il a été vécu et souffert consciemment (avec une c
377
pas été joué et ne saurait l’être. Il a été vécu
et
souffert consciemment (avec une conscience folle, pourrait-on dire),
378
ainsi dire, de toute « communication indirecte ».
Et
maintenant, par fidélité à la méthode de Kierkegaard, passons sans tr
379
’un musicien. Il ne s’agit ici que du don naturel
et
des dispositions natives. Mais il existe un sens bien différent du te
380
Elle lui est adressée en dépit de ce qu’il est. «
Et
l’Éternel me dit : Ne dis pas : Je ne suis qu’un enfant. Car tu iras
381
iras vers tous ceux auprès de qui je t’enverrai,
et
tu diras tout ce que je t’ordonnerai… » Voici, je mets mes paroles da
382
vements contradictoires : la poussée de la nature
et
l’appel de l’esprit. Chez Kierkegaard, l’ambiguïté subsiste. Nous avo
383
u que sa mélancolie profonde le sépare des autres
et
, dès l’enfance, fait de lui une nature d’exception. Mais l’appel reli
384
t l’atteindre au début de sa carrière d’écrivain,
et
qui le charge d’une mission unique, le rend une exception au second d
385
it — bien que, dans ce cas particulier, la nature
et
l’appel reçu semblent pousser et tirer dans le même sens. On pourra d
386
ulier, la nature et l’appel reçu semblent pousser
et
tirer dans le même sens. On pourra donc interpréter cette vocation de
387
de Kierkegaard soit qu’il fut un neurasthénique,
et
que son cas relève de la psychanalyse, soit qu’il fut un prophète, né
388
e, soit qu’il fut un prophète, né pour être poète
et
philosophe, mais contraint, par l’appel transcendant, à devenir un té
389
tude inévitable par l’appel qu’il a cru entendre.
Et
son incertitude n’est pas le fait d’un manque d’information, d’une co
390
mmé Jésus, le fils d’un charpentier de Nazareth »
et
l’autre confessera : « C’est le Christ, le Fils de Dieu, la Deuxième
391
une périphrase philosophique pour désigner la foi
et
sa nécessité. On ne peut que « croire » en Dieu, et l’on ne peut que
392
sa nécessité. On ne peut que « croire » en Dieu,
et
l’on ne peut que « croire » une vocation, celle d’un autre, mais auss
393
oire » une vocation, celle d’un autre, mais aussi
et
d’abord celle que l’on « croit » avoir reçue soi-même. Ainsi l’incert
394
tion se trouve plongé dans une double incertitude
et
dans un risque permanent. Il n’est pas de méthode éprouvée ni de rais
395
ent qui puisse l’aider. L’homme engage son action
et
parie tout sur quelque chose qui lui demeure mystérieux, dans lui-mêm
396
ecte dans Hamlet que les moyens à mettre en œuvre
et
, par suite, le succès final. Chez Kierkegaard, chez le chrétien en gé
397
nt nul ne peut connaître la trame ni l’ensemble —
et
cependant il faut jouer, nous sommes au monde, nous sommes embarqués,
398
ion comportant toute une stratégie de pseudonymes
et
de « tromperies » — comme il tient à le répéter. Ceci nous porterait
399
’on l’a sentie à l’œuvre. Kierkegaard l’a bien su
et
l’a dit dans sa brochure intitulée Point de vue sur mon activité d’au
400
r qu’au début je l’ai saisie avec cette netteté :
et
pourtant c’est bien moi qui ai accompli cette œuvre et l’ai menée à c
401
urtant c’est bien moi qui ai accompli cette œuvre
et
l’ai menée à chef, pas à pas, avec ma réflexion. … S’il me fallait ex
402
… S’il me fallait exprimer avec toute la rigueur
et
toute la précision possibles la part de la Providence dans mon œuvre
403
eu conscience de moi au cours de cette éducation
et
dès le début. … Dès le premier moment, l’élément religieux est donné
404
au hasard, révélait une signification tout autre
et
purement idéale lorsque ensuite cela paraissait dans mon œuvre ; bien
405
onstances en apparence toutes fortuites de ma vie
et
qui, mon imagination aidant, prenaient d’immenses proportions, me met
406
ne comprenais pas, je tombais dans la mélancolie
et
, chose curieuse, il en résultait précisément et à point nommé la disp
407
e et, chose curieuse, il en résultait précisément
et
à point nommé la disposition nécessaire au travail dont je m’occupais
408
imprimé. Ainsi la vocation organise les hasards
et
fait flèche de tout bois, souvent à notre insu. Mais ce qu’illustre a
409
elle ne peut révéler que le premier pas à faire,
et
le sentier se crée sous les pas qui le foulent. Ici, la seule expérie
410
nce poétique. Car le poète, lui non plus, ne sait
et
ne saura jamais s’il ne fait qu’épouser un rythme errant, ou s’il le
411
cès, mais à toute justification devant l’opinion,
et
même, dans certains cas, à la morale. C’est courir un risque absolu.
412
opose la souffrance non pas seulement comme signe
et
garantie de la vraie voie, mais, plus radicalement, comme la voie mêm
413
l’action, monte sur une sorte de tribune élevée,
et
, de là, d’un saut prodigieux, se jette dans le vide, l’épée brandie,
414
erkegaard. j. Rougemont Denis de, « Kierkegaard
et
Hamlet : deux princes danois », Preuves, Paris, février 1953, p. 3-11
415
a rien eu de diplomatique, que ce poète, ministre
et
grand éducateur est parti en claquant la porte, non sans avoir déclar
416
xiste un malaise général à l’endroit de l’Unesco,
et
cela non seulement dans l’opinion, probablement superficielle dans se
417
y avoir un vice constitutif dans toute l’affaire.
Et
peut-être facile à trouver. Car, en somme, qu’est-ce que l’Unesco ? U
418
onctionnaires nommés par eux, entièrement financé
et
contrôlé par eux, et dont le programme général est voté par leurs dél
419
par eux, entièrement financé et contrôlé par eux,
et
dont le programme général est voté par leurs délégués. Inutile de che
420
ctivité d’un peintre, d’un savant, d’un écrivain,
et
les intérêts d’un ministre, les rapports, s’il en est, ne sont qu’acc
421
re de la culture. L’Unesco veut aider la culture,
et
plus encore aider les peuples à se cultiver, non point d’ailleurs pou
422
é des œuvres d’art, de littérature ou de science,
et
leur diffusion dans les masses, serait vraiment une aide à la culture
423
a culture organisée Il y eut jadis des princes
et
dictateurs mécènes. Il y eut Laurent le Magnifique. Temps bien passés
424
autre ministère (celui des finances, par exemple)
et
contrôlé par la majorité d’un parlement. Comment un ministère pourrai
425
es) obtenir un crédit pour la beauté d’une œuvre,
et
sur la seule démonstration de son excellence ? Il n’en obtient parfoi
426
es nationaux, certains groupes d’intérêts privés,
et
finalement certains partis. Admettons que le projet soit retenu. La d
427
a là le Yémen, le Liban, les Latins, les Hindous
et
les Américains, chacun dûment pourvu d’instructions de son État, donc
428
merge de leurs débats a par miracle forme humaine
et
valeur proprement culturelle, ce sera bien grâce aux tours de force d
429
on du budget. Il faut faire vivre l’Organisation,
et
songer aussi à ses tâches. Les activités culturelles n’étant aux yeux
430
lturelles n’étant aux yeux de nos gouvernements —
et
c’est normal — qu’une espèce de mal nécessaire, un de ces irritants p
431
a lutte des partis, de l’économie, de la défense,
et
de la politique générale, — il est bien clair qu’on leur donnera touj
432
fait est qu’on n’y croit guère dans ces milieux,
et
tel étant l’état de l’opinion moyenne, 9 000 000 de dollars font tout
433
u décerner 3000 grands prix de littérature, d’art
et
de science ; ou réunir 4000 séminaires de discussions et de recherche
434
cience ; ou réunir 4000 séminaires de discussions
et
de recherches ; ou distribuer 5 à 6000 bourses d’études pour professe
435
es, étudiants ; ou publier 25 millions de volumes
et
les distribuer gratuitement ; ou encore 80 millions de grandes reprod
436
ais tout cela, comme cent autres choses possibles
et
imaginables, supposerait que l’on traite la culture comme but en soi,
437
mme but en soi, non comme annexe d’une politique.
Et
nous venons de voir pourquoi c’est impossible : non point à cause d’u
438
ion C’est le système qu’il faut donc réformer,
et
c’est encore trop peu dire : il s’agit de refaire à l’inverse, de fon
439
agit de refaire à l’inverse, de fond en comble, —
et
non de comble en fond — ce qu’ont imaginé il y a sept ans les créateu
440
s majeurs : il est trop vaste, il est centralisé,
et
il laisse aux gouvernements l’initiative autant que le contrôle. Repr
441
e peut se donner qu’un but très vague, mal défini
et
presque vide de contenu proprement culturel. (En fait, on se borne à
442
compte de nos récentes divisions administratives
et
douanières. Le champ d’action optimum d’une œuvre de coopération cult
443
es organismes régionaux (comme on dit à l’Unesco)
et
non point mondiaux. 2. Centralisé. La réalité de la culture ne se tro
444
onales, mais bien dans les communautés organiques
et
dans les foyers de création. Nous entendons par là : les écoles de pe
445
ion. Nous entendons par là : les écoles de pensée
et
d’art ; les revues et les groupes d’études ; les festivals de musique
446
r là : les écoles de pensée et d’art ; les revues
et
les groupes d’études ; les festivals de musique ou de théâtre ; les i
447
sique ou de théâtre ; les instituts de recherches
et
d’enseignement ; les laboratoires, etc. C’est là que se forme le lang
448
que se forme le langage des créateurs individuels
et
que leurs œuvres apparaissent. C’est donc de là qu’il faut partir, de
449
d’une organisation abstraite parce que mondiale,
et
condamnée par ses dimensions mêmes à la bureaucratie comme aux interf
450
eloppe par des méthodes de coordination pratique,
et
non pas à coups de directives émises par un office lointain, soumis l
451
es entre foyers de création. Ces liaisons peuvent
et
doivent être favorisées quand elles ne s’établissent pas spontanément
452
chelle qui n’est plus celle du rayonnement normal
et
sensible des foyers de base. 3. Initiative et contrôle gouvernementau
453
mal et sensible des foyers de base. 3. Initiative
et
contrôle gouvernementaux. Ce qui précède suffit à établir que l’initi
454
Partir d’en bas, non pas d’un centre trop élevé,
et
trop abstrait des conditions concrètes de la culture dans son état na
455
s concrètes de la culture dans son état naissant.
Et
ce qui vaut pour les initiatives devrait valoir aussi pour le contrôl
456
ubvention (après examen des propositions étudiées
et
soumises par les intéressés directs) et parfois d’arbitrage (en cas d
457
étudiées et soumises par les intéressés directs)
et
parfois d’arbitrage (en cas de conflit entre certaines activités cult
458
de conflit entre certaines activités culturelles
et
le bien commun des peuples ou du groupe de nations considéré). S’il f
459
Qu’on leur laisse donc l’initiative, le contrôle
et
l’exécution ! Qu’ils s’associent directement entre eux, quand ils le
460
s’est montrée la plus économique, la plus rapide
et
la plus efficace aussi pour préserver les entreprises de culture de t
461
rage entre les intérêts spécifiques de la culture
et
les intérêts généraux des populations. Un régime de consultations dir
462
s petits exécutifs spécialisés dont nous parlions
et
les instances gouvernementales se révèle là encore le plus pratique,
463
lus pratique, ne fût-ce qu’en évitant les retards
et
les frais des grandes machines bureaucratiques. k. Rougemont Deni
464
ongère, elle est gagée sur des centaines de morts
et
de blessés. Étant dite, et de cette manière, non par certains pour le
465
des centaines de morts et de blessés. Étant dite,
et
de cette manière, non par certains pour les besoins d’une polémique,
466
de Marx, ou de Lénine, ou de Staline, mais dite,
et
sans retour, et de cette manière-là, par la révolte et les blessures
467
Lénine, ou de Staline, mais dite, et sans retour,
et
de cette manière-là, par la révolte et les blessures et les cadavres
468
ns retour, et de cette manière-là, par la révolte
et
les blessures et les cadavres des ouvriers de Berlin-Est, cette phras
469
cette manière-là, par la révolte et les blessures
et
les cadavres des ouvriers de Berlin-Est, cette phrase crie sur la ter
470
e système totalitaire est un crime contre l’homme
et
ses jours désormais sont comptés. L’insurrection de toutes les villes
471
ns, domina la conscience prolétarienne (de France
et
d’Italie surtout) et l’inconscient de millions de bourgeois. Fin d’un
472
nce prolétarienne (de France et d’Italie surtout)
et
l’inconscient de millions de bourgeois. Fin d’un mythe, mais aussi d’
473
hes qui vantiez la violence ouvrière, « substance
et
force du PC », allez redire aux Berlinois que « la classe ouvrière se
474
émasqué comme le parti de la répression sanglante
et
de la déportation massive des travailleurs. C’est ici le lieu et le t
475
ation massive des travailleurs. C’est ici le lieu
et
le temps de le répéter, ou jamais : d’autres que les Soviets ont tiré
476
ire, depuis le xviiie siècle. Au nom de l’ordre,
et
de la loi, au nom des droits sacrés de la propriété, au nom des intér
477
urs qui, eux, se révoltaient au nom de la liberté
et
de leur dignité d’hommes. C’était ignoble, mais nous voyons bien pire
478
uvrier d’usine, de l’appeler dès lors « liberté »
et
d’exiger que les prolétaires, « spontanément », réclament, au lieu d’
479
uvrant ces intérêts ; jamais au nom de la justice
et
des libertés populaires. J’imagine deux choses pires que la pire inju
480
er de la cause ouvrière, à se parer de sa justice
et
de son nom, pour l’écraser ensuite, une fois qu’on a le pouvoir, en r
481
élioration de la vie, de haine contre le fascisme
et
les provocateurs. Qui ne voit aujourd’hui quels furent à Berlin-Est c
482
aut pour tous leurs camarades des pays satellites
et
de l’URSS ; et les tyrans l’ont confirmée, en ouvrant le feu. L’impos
483
eurs camarades des pays satellites et de l’URSS ;
et
les tyrans l’ont confirmée, en ouvrant le feu. L’imposture communiste
484
e sentir à Berlin, surgissant d’un peuple écrasé.
Et
ce n’est pas l’Europe des marchandages entre nations qui entendent ch
485
re nations qui entendent chacune recevoir le plus
et
croiraient trahir en donnant. C’est l’Europe qui crée son avenir et j
486
ir en donnant. C’est l’Europe qui crée son avenir
et
justifie sa raison d’être par des hommes qui se sacrifient au service
487
t la culture est une des principales conditions ;
et
pour la culture, dont la liberté est le résultat principal. Je rappel
488
orée, nous avons été dire un seul mot : Liberté !
et
le sens de ce mot, ce sens que les plus grands philosophes n’ont pas
489
ande-Bretagne, dans les deux Amériques, aux Indes
et
au Japon. Et le travail en profondeur a commencé. À Paris, l’an derni
490
, dans les deux Amériques, aux Indes et au Japon.
Et
le travail en profondeur a commencé. À Paris, l’an dernier, notre fes
491
uire la liberté ! », disait en somme ce festival,
et
« voilà nos raisons de reprendre confiance dans une culture, que ceux
492
dans une culture, que ceux qui en sont indignes,
et
qui le prouvent par là même, ont voulu qualifier de décadente ». L’an
493
nds compositeurs modernes, avec leurs interprètes
et
leurs critiques, poursuivra cet effort dans le domaine des Arts. Mais
494
Certes, la question des rapports entre la science
et
la liberté a fait partie, dès le début, de notre programme. Nous nous
495
nçais, on a vu la peinture, la poésie, la musique
et
la danse prospérer sous toutes sortes de tyrannies, souvent en dépit
496
t en dépit d’elles, mais parfois à cause d’elles.
Et
aujourd’hui cela est possible encore. Certes, la peinture et la litté
497
hui cela est possible encore. Certes, la peinture
et
la littérature sont tombées au plus bas en Russie soviétique ; mais l
498
enviable que celui d’un savant qui doit apprendre
et
professer la génétique selon Lyssenko, la linguistique selon Staline,
499
, des raisons financières par exemple, mais aussi
et
surtout, parce que personne ne peut dire au savant : « Tu penseras, t
500
penseras, tu chercheras, tu découvriras jusqu’ici
et
pas plus loin ! » Personne ne peut lui dire cela sans tuer en lui l’é
501
tourner vers la science est encore plus évidente,
et
la voici : La civilisation occidentale est de plus en plus dominée,
502
science pure, du moins par l’idée que les peuples
et
leurs éducateurs se font de la science. De plus en plus, l’on accorde
503
étée, toute l’autorité qu’on retire à la religion
et
aux morales en dérivant. Cette situation est toute nouvelle dans l’hi
504
ois systématique dans ses interprétations du réel
et
pourtant jamais achevée ; absolument contraignante pour l’esprit et p
505
achevée ; absolument contraignante pour l’esprit
et
pourtant créatrice de manières de penser nouvelles : typiquement euro
506
nouvelles : typiquement européenne dans sa source
et
pourtant universelle dans ses conclusions ; modèle de certitude dans
507
usions ; modèle de certitude dans ses déductions,
et
pourtant née à chaque instant du doute le plus délibéré. Aventure sup
508
e suprême de l’esprit critique pour ses créateurs
et
cependant cause de superstition nouvelle pour les masses, la science
509
nouvelle pour les masses, la science « qui guérit
et
qui tue » joue-t-elle dans le monde présent en faveur de la liberté,
510
s de la recherche scientifique fasse l’inquiétude
et
même l’angoisse du monde moderne. À cela s’ajoute le fait que les inv
511
a fallu attendre pour cela l’instruction publique
et
la grande presse. Mais prenez, de nos jours, une petite invention com
512
enace de ruiner l’importante industrie du cinéma,
et
qu’elle bouleverse les conditions d’une campagne présidentielle aux É
513
plus inquiète l’État, réagit sur le jeu politique
et
tend à dominer la société. Mais alors la question se pose, inévitable
514
lie entre la science, la liberté, la spiritualité
et
le bonheur des masses ? Ou bien sommes-nous prêts à courir les risque
515
deux mots, pourquoi cette conférence se tient ici
et
non ailleurs. La liberté dans la recherche et l’acceptation de ses ri
516
ici et non ailleurs. La liberté dans la recherche
et
l’acceptation de ses risques supposent une belle confiance dans les p
517
une belle confiance dans les pouvoirs de l’homme
et
dans l’issue de l’aventure humaine. Nous cherchions un lieu propice à
518
ons un lieu propice à cette atmosphère souhaitée.
Et
nous avons trouvé, dans cette Europe inquiète, une grande cité qui of
519
de l’essor scientifique. C’était votre cité libre
et
hanséatique, dont le génie nous semblait incarné par celui qui a la c
520
s de, « Allocution inaugurale du Congrès “Science
et
Liberté” (Hambourg, juillet 1953) », Preuves, Paris, août–septembre 1
521
e, elle aussi, dans un certain contexte politique
et
aucun savant ne peut plus l’ignorer. L’asservissement de la science d
522
du 23 juillet, le congrès international “Science
et
Liberté”. Cette rencontre organisée par le Congrès pour la liberté de
523
mmunauté des savants pouvait estimer injustifiées
et
nuisibles : “Aucun système de gouvernement, dit-il, n’est exempt de v
524
en qui fait partie du meilleur héritage américain
et
qui manquait, pour son malheur, à l’Allemagne, au temps où j’y fis me
525
ingt rapports concernant la liberté de la science
et
les relations entre les savants et la société furent présentés et dis
526
de la science et les relations entre les savants
et
la société furent présentés et discutés par les représentants qualifi
527
entre les savants et la société furent présentés
et
discutés par les représentants qualifiés des disciplines les plus var
528
ne réunion restreinte d’écrivains, de publicistes
et
de journalistes éminents soit consacrée à la discussion d’un programm
529
ramme de diffusion de l’idée européenne en Europe
et
dans le monde. Cette initiative fut approuvée par les délégués des mi
530
à instituer un débat sur « le problème spirituel
et
culturel de l’Europe considérée dans son unité historique et les moye
531
de l’Europe considérée dans son unité historique
et
les moyens d’exprimer cette unité en termes contemporains ». Chacune
532
l’Europe non seulement au point de vue politique
et
économique, mais aussi sur le plan culturel et spirituel. Il avait ét
533
ue et économique, mais aussi sur le plan culturel
et
spirituel. Il avait été décidé finalement que cette table ronde se ré
534
tte table ronde se réunirait à Rome le 13 octobre
et
siégerait pendant quatre jours, que M. Denis de Rougemont, directeur
535
en de la culture à Genève, dirigerait les débats,
et
enfin que le gouvernement italien, qui avait accepté de patronner la
536
position de la table ronde la villa Aldobrandini,
et
prendrait toutes les dispositions matérielles pour favoriser la renco
537
ien ministre des Affaires étrangères des Pays-Bas
et
ancien ambassadeur à Washington, actuellement ministre à Lisbonne ; l
538
professeur Kogon, directeur des Frankfurter Hefte
et
président d’Europa-Union ; le professeur Löfstedt, recteur de l’Unive
539
s au « Royal Institute of International Affairs »
et
professeur d’histoire internationale à l’Université de Londres ; et M
540
stoire internationale à l’Université de Londres ;
et
M. de Rougemont, directeur des débats. Publicistes : MM. Hommel (Belg
541
res, du Comité des experts culturels, de l’Unesco
et
de l’Organisation du traité de Bruxelles assistaient à la réunion. C’
542
e Menthon, président de l’Assemblée consultative,
et
en présence de M. Pella, président du Conseil italien, ainsi que du c
543
epuis la dernière guerre, dans la peur des Russes
et
de la charité des Américains. » Je traduis maintenant les mots en chi
544
ns. » Je traduis maintenant les mots en chiffres,
et
cela donne le curieux résultat que voici : « À l’ouest du rideau de f
545
ions d’hommes vivent dans la peur de 190 millions
et
de la charité de 155 millions. » La raison de ce paradoxe est des plu
546
de Belges, 3 millions de Norvégiens… Nous pensons
et
sentons par nations cloisonnées, dans l’ère des grands empires contin
547
grands empires continentaux, des grands marchés,
et
de la stratégie mondiale. Nous nous sentons, en conséquence, trop pet
548
tons, en conséquence, trop petits pour le siècle,
et
condamnés à perdre, après nos dernières positions dans le monde, notr
549
e monde, notre indépendance politique, économique
et
peut-être morale. Et certes, nous perdrons tout cela, tout ce qui fai
550
ndance politique, économique et peut-être morale.
Et
certes, nous perdrons tout cela, tout ce qui fait le sens même de nos
551
ur se sauver, pour rejoindre un salut tout proche
et
comme à portée de la main ? Il ne lui manque peut-être qu’une seule c
552
le encourt, que tous nos pays courent ensemble, —
et
la conscience aussi des ressources immenses qui sont là, dont elle pe
553
nc la condition première de toute action concrète
et
raisonnable en faveur de l’union, notre salut prochain. C’est ainsi,
554
ais lentement : économique, politique, militaire.
Et
les résistances croissaient à la mesure des gains déjà réalisés. Comm
555
es résistances là où elles sont, dans les esprits
et
dans les cœurs, selon la formule consacrée, pour une fois juste ? Com
556
eiller l’opinion ? Les slogans s’usent très vite,
et
la jeunesse actuelle, très sensible aux tribuns littéraires, accueill
557
r rang, mais rompus aux disciplines de l’esprit ;
et
des hommes de pensée dans la rigueur du terme, mais riches d’une expé
558
de ce mariage très significatif de la méditation
et
de l’expérience, quinze publicistes réputés furent conviés à recherch
559
rechercher ensemble les moyens de faire connaître
et
d’illustrer, chacun dans sa sphère d’influence, les résultats de la r
560
tous sauf à moi-même, je n’en pensais guère moins
et
notais au passage des points de départ d’interventions virtuelles… Je
561
des esprits aussi divers que le sont nos peuples
et
les familles intellectuelles qui les composent. Mis aux prises avec u
562
ue les graves divisions nationales, linguistiques
et
idéologiques qui nous fascinent aujourd’hui, apparaissent transitoire
563
fascinent aujourd’hui, apparaissent transitoires
et
relatives. À cette fin, j’avais introduit, dans les six thèmes propos
564
e, défini par leur unité incontestable d’origines
et
par le fait qu’ils succomberont demain aux mêmes périls, s’ils ne tro
565
e, nous l’avons faite sous la conduite magistrale
et
souriante d’un des plus grands historiens de notre temps, M. Toynbee,
566
u confluent des courants issus d’Athènes, de Rome
et
du Proche-Orient ; son expansion dans le monde entier ; l’exportation
567
déaux religieux, de nos formes politiques, aussi,
et
enfin des secrets techniques de notre puissance chez tous les peuples
568
tre puissance chez tous les peuples de la terre ;
et
puis soudain, au xxe siècle, le renversement subit et complet de not
569
is soudain, au xxe siècle, le renversement subit
et
complet de notre position dans le monde ; la montée des empires unifi
570
nde massive des dictatures ; les moyens matériels
et
intellectuels de notre domination retournés contre nous. Nous avons v
571
ers l’union ? L’examen de notre crise spirituelle
et
par suite culturelle et civique fut introduit avec ampleur par M. Eug
572
e notre crise spirituelle et par suite culturelle
et
civique fut introduit avec ampleur par M. Eugen Kogon. Il conclut à l
573
te restauration des cadres d’une culture nouvelle
et
des bases d’un langage commun. Puis M. van Kleffens, en juriste rompu
574
la souveraineté nationale (ou ce qu’il en reste)
et
la future communauté supranationale. Le diagnostic ainsi posé, nous n
575
s sommes tournés vers l’avenir : où allons-nous ?
Et
c’est M. Robert Schuman, en plein accord avec les thèses très énergiq
576
ni de recettes miraculeuses pour supprimer le mal
et
assurer le bien dans un délai garanti. Mais elle a déterminé claireme
577
’Européens devant le monde que nous avons changé,
et
elle a formulé les buts communs susceptibles de nous unir. Car ce ne
578
me en apparence irréductible de la foi religieuse
et
des certitudes relatives fondées sur la science, la table ronde a aff
579
n question réciproque dans la tolérance mutuelle,
et
d’une morale civique européenne, commune aux deux familles d’esprits.
580
ction apparente entre l’exigence d’unir nos pays,
et
celle de sauvegarder les diversités qui ont fait la richesse de l’Eur
581
ce qui doit l’être normalement, afin de garantir
et
de faire vivre mieux ce qui doit normalement demeurer autonome, disti
582
u régime colonial à l’association dans l’égalité,
et
celui de compenser la perte de nos positions économiques dans le mond
583
cal dans nos rapports avec le monde extraeuropéen
et
dans nos rapports mutuels » (Toynbee), c’est-à-dire de regagner en pr
584
moral ce que nous perdons en puissance politique,
et
de regagner par l’exploitation en commun de nos propres richesses ce
585
isation modèle. Mais elle a déclaré que le devoir
et
le salut des Européens consistaient aujourd’hui à édifier des modèles
586
us l’avons communiqué, « donné » au monde entier,
et
cette liqueur tout d’abord enivrante est bientôt devenue poison. C’es
587
partient donc d’inventer l’antidote de ce toxique
et
de créer un type nouveau de Communauté fédérale. III. Éléments d’u
588
ner comme autre chose qu’une nation monstrueuse ;
et
ils s’empressent de projeter sur elle les péchés d’égoïsme, d’orgueil
589
projeter sur elle les péchés d’égoïsme, d’orgueil
et
d’étroitesse inhérents au nationalisme qu’ils n’ont pas encore su dép
590
ù le bât les blesse. D’autres parlent d’humilité,
et
battent la coulpe de l’Europe colonialiste sur la poitrine des fédéra
591
il n’y a pas de quoi ! Elle a réduit en servitude
et
parfois massacré des peuples entiers, en Amérique, en Asie, en Afriqu
592
frique. Elle a produit Hitler, les chambres à gaz
et
le racisme. Elle a provoqué les guerres les plus sanglantes de l’Hist
593
’est le délire nationaliste qui a fait tout cela.
Et
voyez : c’est au nom du même nationalisme — appuyé par les communiste
594
indifférente, mais le sens des tensions fécondes
et
de l’union dans la diversité. Or ce génie fédéraliste n’exclut rien,
595
ismes. D’autres enfin nient les concepts d’Europe
et
d’unité culturelle de l’Europe au nom d’un idéal d’universalité. Ils
596
a raison, de ses morales variées, de sa technique
et
de ses formes politiques est typique de l’Européen, héritier des Grec
597
r des Grecs, des Romains, de l’Église catholique,
et
des clubs jacobins. Cette croyance, en fait illusoire, est la racine
598
le, dans le domaine des idées pures (s’il en est,
et
qui restent telles). Mais il couvre trop d’équivoques. Ce qu’il a de
599
l a de bon, le désir d’ouverture de la conscience
et
de la connaissance, c’est l’attitude fédéraliste qui peut le sauver,
600
st devenue vraiment universelle, pour le meilleur
et
pour le pire. Afin de sauver cette culture menacée par les chocs en r
601
xportée sans nul discernement, à cette fin seule,
et
non pour quelque impérialisme trop évidemment inconcevable, il faut m
602
au-dessus de leurs nations mortelles. La première
et
la principale raison d’unir l’Europe, je la vois moins dans nos quere
603
ns le jeu des forces mondiales qui nous pressent.
Et
certes, il faudra bien liquider nos querelles : mais c’est la seule v
604
ion ? Ces souverainetés ont-elles quelque réalité
et
consistance, en dehors des débats où elles figurent comme prétexte à
605
implacables circonstances techniques, économiques
et
politiques. Il en résulte que la souveraineté nationale n’a plus guèr
606
retraite. Refoulée du domaine des forces réelles
et
des pouvoirs concrets, elle est devenue le réceptacle où se recueille
607
gies de gloires passées, orgueils déçus, rancunes
et
préjugés hérités d’une Histoire faussée par l’école, agressivité frus
608
stoire faussée par l’école, agressivité frustrée,
et
surtout angoisse de perdre son identité. Elle a donc pris les caractè
609
de s’adapter aux réalités changeantes du siècle,
et
même de les apercevoir. D’où la prise qu’ils offrent aux manœuvres le
610
lousie d’Othello. D’où enfin, l’extrême confusion
et
les éclats de passion saugrenus qui caractérisent les débats sur la s
611
sherbé les manuels de toutes leurs dépêches d’Ems
et
de tous leurs jugements désobligeants sur les pays voisins, on n’aura
612
une des Européens que se détachent, apparaissent,
et
disparaissent, les nations et leurs États, phénomènes de nature et de
613
hent, apparaissent, et disparaissent, les nations
et
leurs États, phénomènes de nature et de durée très variables, et qui
614
les nations et leurs États, phénomènes de nature
et
de durée très variables, et qui ne sont devenus mortels qu’à partir d
615
phénomènes de nature et de durée très variables,
et
qui ne sont devenus mortels qu’à partir du moment où l’on a prétendu
616
régionales nous seront à jamais inintelligibles,
et
nourriront les plus fatales erreurs : celles qui permettent l’accepta
617
grec : « Dans les domaines militaire, économique
et
politique, les organisations internationales existantes (telles que l
618
) prennent aujourd’hui les décisions principales,
et
le peuple n’a sur elles aucun contrôle. Au contraire, les organisatio
619
sentiel de cette souveraineté, elles l’ont perdu,
et
sans retour. À la question : pourquoi l’Europe unie ? il nous faut do
620
lisme. — Plus j’écoute ce qu’on dit sur l’Europe,
et
plus me frappe l’absence, chez nos intellectuels, de ce qu’on pourrai
621
lupart semblent ignorer le véritable sens du mot.
Et
ce n’est pas dans le dictionnaire qu’ils le trouveront ! Littré le dé
622
e. Système, doctrine du gouvernement fédératif »,
et
le décrit, d’après Chateaubriand, comme « une des formes politiques l
623
ès avoir précisé, au mot fédéral, que « la Suisse
et
les États-Unis ont des gouvernements fédéraux ».) Le même Littré ajou
624
s se proposent de créer un vaste État centralisé.
Et
combien savent que la Constitution suisse de 1848, pourtant exemplair
625
n instinct politique opposé à l’esprit de système
et
au rationalisme rhétorique. Il doit rester incompréhensible à ceux qu
626
sérieuse entre une contradiction dans les termes
et
une tension féconde dans les réalités, veulent supprimer la seconde p
627
nts, qui renvoie dos à dos jacobins rationalistes
et
dialecticiens marxistes, et que les hommes d’État de mon pays ont pra
628
acobins rationalistes et dialecticiens marxistes,
et
que les hommes d’État de mon pays ont pratiquée sans le savoir depuis
629
es, avec un paisible succès. Il m’apparaît urgent
et
vital que ceux qui s’occupent de l’Europe fassent l’effort de s’assim
630
n d’autre qu’une manière de saisir à la fois l’Un
et
le Divers en politique ; de comprendre à la fois que les diversités s
631
a résultante se nomme la paix. L’Europe étant une
et
diverse, composée de vingt-quatre nations qu’englobe et vivifie une c
632
erse, composée de vingt-quatre nations qu’englobe
et
vivifie une culture millénaire, on tuerait cette Europe en l’unifiant
633
es régions, ce qui mène à un centralisme excessif
et
à une limitation anormale de l’autonomie locale et de la vie régional
634
t à une limitation anormale de l’autonomie locale
et
de la vie régionale. Le supranationalisme offre donc des perspectives
635
ssibilités d’expansion aux manifestations locales
et
régionales de la culture. M. Schuman déclare que ce dernier point pe
636
ommunauté charbon-acier, où la Lorraine, la Sarre
et
le Luxembourg pourront constituer une zone unique dont l’autonomie se
637
iculté son loyalisme envers l’État mondial romain
et
envers Arpino, Paul son loyalisme envers Rome et Tarse. Un conflit de
638
et envers Arpino, Paul son loyalisme envers Rome
et
Tarse. Un conflit de loyalismes n’a pas plus de raison d’être dans l’
639
e peuvent survivre que dans le cadre de l’Europe,
et
l’Europe ne peut être florissante que si les nations qui la composent
640
égeances » serait peut-être un terme plus juste —
et
il insiste pour que cette notion trouve sa place dans les conclusions
641
e le reste de l’humanité. Quand on aime une femme
et
qu’on l’épouse, stipule-t-on par là une déclaration de haine à toutes
642
utes les autres femmes ? Distinguer l’individu
et
la personne. — La confusion de notre vocabulaire, relevée par Eugen K
643
rmes d’individu, d’individualité, de personnalité
et
de personne6. Ceci dénote un abaissement catastrophique de la culture
644
r ne rien dire de la philosophie, de l’étymologie
et
de la sémantique. Des siècles de disputes savantes et passionnées, le
645
e la sémantique. Des siècles de disputes savantes
et
passionnées, les travaux des conciles fondateurs de notre conception
646
eption occidentale de l’homme, Athanase, Grégoire
et
Basile, Boèce et Thomas d’Aquin, Calvin et Kant, tout est jeté par-de
647
e de l’homme, Athanase, Grégoire et Basile, Boèce
et
Thomas d’Aquin, Calvin et Kant, tout est jeté par-dessus bord, dans l
648
égoire et Basile, Boèce et Thomas d’Aquin, Calvin
et
Kant, tout est jeté par-dessus bord, dans l’inconscience générale, pa
649
es confusions de langage. Comment penser l’Europe
et
son apport vital à la conception de l’humain, si l’on persiste à tout
650
ption de l’humain, si l’on persiste à tout mêler,
et
à confondre les mots-clés qui déterminent notre existence concrète ?
651
nt que fasciste de l’atomisation de nos sociétés,
et
comment réfuter l’éthique collectiviste si l’on se met hors d’état d’
652
x désordres de la démocratie, la démocratie saine
et
non la dictature ; à l’anarchie individualiste, le sens communautaire
653
l’anarchie individualiste, le sens communautaire
et
non le collectivisme ; bref, à la peste, l’hygiène et non le choléra
654
on le collectivisme ; bref, à la peste, l’hygiène
et
non le choléra ? Comment défendre contre les communistes l’individu v
655
s. Celle dont je parle est une notion de l’homme,
et
non pas une somme d’intérêts dont le reste du monde pourrait se passe
656
nt d’attaquer de front les préjugés nationalistes
et
de mentionner les sacrifices indispensables, j’ai cru bon de finir su
657
ins sacrifices doivent être consentis par les uns
et
les autres. Certains risques doivent être courus. Les refuser pourtan
658
s refuser pourtant serait tout perdre, à coup sûr
et
à bref délai. On compare volontiers notre Europe à Byzance. Cet empir
659
an 1204, où l’armée des croisés pilla sa capitale
et
viola son sanctuaire. Chute immense, dont la cause directe fut le ref
660
Les riches ne l’aidèrent point, se disant ruinés,
et
refusant de faire le pool patriotique des faibles sommes qui devaient
661
ns compter le trésor inestimable des œuvres d’art
et
des objets sacrés, dilapidés ou « réquisitionnés ». Les richesses de
662
nommées par les gouvernements des États membres,
et
ne suis donc responsable que du choix des thèmes et de leur répartiti
663
ne suis donc responsable que du choix des thèmes
et
de leur répartition aux rapporteurs. On pouvait certes imaginer bien
664
s s’est révélé heureux. 5. Cf. les articles 1, 3
et
5 de la Constitution helvétique. 6. On en trouvera de nombreux exemp
665
on générale, soit une prise de conscience, subite
et
dramatique. Sur la confusion générale, n’insistons pas. Mais la prise
666
n’insistons pas. Mais la prise de conscience peut
et
devrait surgir du seul contraste entre deux conférences, celle de Ber
667
contraste entre deux conférences, celle de Berlin
et
celle de Genève. Berlin fut un échec sur les principaux points à son
668
son ordre du jour — l’unification de l’Allemagne
et
la libération de l’Autriche. Mais cet échec était prévu. La vraie que
669
l’Europe des Six. Pensait-il que nos neutralistes
et
leurs alliés nationalistes en France, qui dénoncent à grands cris la
670
forces entre quarante-trois-millions de Français
et
quarante-huit-millions d’Allemands seraient rassurés à l’idée d’un bl
671
nations libres est proclamée par toute la presse.
Et
le second jour atteste l’un des renversements les plus stupéfiants de
672
un « fait » visible pour la presse, pas une crise
et
pas une bataille modifiant le rapport des forces ; pas un seul événem
673
stalle au cœur de l’Europe les délégués de l’Asie
et
leurs problèmes, et nous impose ainsi, sans coup férir, un angle de v
674
Europe les délégués de l’Asie et leurs problèmes,
et
nous impose ainsi, sans coup férir, un angle de vision choisi par Mol
675
s ; qu’il était donc aisé de créer une diversion,
et
que la meilleure possible était l’Asie. Il suffisait de viser le poin
676
ait la France, dont le sang coulait en Indochine,
et
qui allait décider du sort de toute l’Europe en ratifiant ou non la C
677
nt. Le monde entier verra nos défaites militaires
et
l’insolence des envoyés de l’Asie rouge. Et voici la deuxième victoir
678
aires et l’insolence des envoyés de l’Asie rouge.
Et
voici la deuxième victoire : pendant des mois, l’Europe ne fera plus
679
iance agressive baptisée CED. Elle y serait noyée
et
sans force. » Ce sophisme insultant va servir de slogan à la campagne
680
Il baptise « paix » cette conquête par la force,
et
« provocation belliciste » toute tentative de résistance à son empris
681
e celle-ci se verrait ouverte à l’expansion russe
et
chinoise. Mais assurer la paix définitive entre la France et l’Allema
682
. Mais assurer la paix définitive entre la France
et
l’Allemagne par le moyen de leur fédération, ce serait agir en « bell
683
aux armées rouges. Au lendemain de Diên Biên Phu
et
des humiliations de Genève, l’Europe saura-t-elle se souvenir de Nico
684
saura-t-elle se souvenir de Nicopolis, de Mohacs,
et
du siège de Vienne par les Turcs ? C’est à quoi nous en sommes, et c’
685
enne par les Turcs ? C’est à quoi nous en sommes,
et
c’est pire. Car une absurde conjoncture veut que les décisions vitale
686
t. Sous la double poussée de la révolte asiatique
et
du colonialisme soviétique, une Europe persistant à rester désunie do
687
misme créateur déprimé, repliement sur une misère
et
des rancunes croissantes, décomposition des résistances à la propagan
688
tion des résistances à la propagande totalitaire,
et
démission finale entre les mains d’un petit groupe « d’apaiseurs » fo
689
Russes une puissance qui les tienne en respect. (
Et
tout le Sud-Est de l’Asie devrait comprendre que son élan irrésistibl
690
s utile si le parlement français repousse la CED,
et
avec elle ses suites et ses implications, la Communauté politique et
691
français repousse la CED, et avec elle ses suites
et
ses implications, la Communauté politique et son élargissement rapide
692
ites et ses implications, la Communauté politique
et
son élargissement rapide à toute l’Europe. Ainsi le sort de 330 milli
693
Europe. Ainsi le sort de 330 millions d’Européens
et
, au-delà d’eux, de toute la civilisation occidentale, se trouve dépen
694
r. Toute discussion d’alinéas, de « préalables »,
et
autres « garanties » réclamées par tel groupe ou demi-groupe d’un Par
695
ent démente, si l’on a vu la situation mondiale —
et
si l’on n’est pas communiste. Seule une profonde révolte de l’Europe
696
issable, sinon celle d’un refus global d’entendre
et
d’essayer de comprendre tout ce qui fut composé dans notre siècle. Br
697
je ne vois rien d’autre qui rapproche un Honegger
et
un Poulenc. Il y eut les dodécaphonistes, mais justement ils n’ont ri
698
piccinistes aux gluckistes paraît bien innocente
et
amicale au regard des exclusives catégoriques que prononcent les disc
699
e celles qui séparent nos « modernes », Hindemith
et
Berg, par exemple, ou Bartók et Britten, ou le Stravinsky d’Œdipus Re
700
rnes », Hindemith et Berg, par exemple, ou Bartók
et
Britten, ou le Stravinsky d’Œdipus Rex et le Schönberg d’Erwartung. A
701
Bartók et Britten, ou le Stravinsky d’Œdipus Rex
et
le Schönberg d’Erwartung. Aucune époque peut-être n’a connu moins d’u
702
te apparence d’unité, non seulement dans le style
et
dans les procédés, mais plus encore dans les croyances inspiratrices.
703
les croyances inspiratrices. Si tant de négations
et
de ruptures, tant de refus de prendre la suite de quoi que ce soit, d
704
rement sensible aux gens qui vivent cette époque,
et
ceci pour les mêmes raisons qui veulent qu’un psychanalyste soit inca
705
e que les conventions, artifices, règles de l’art
et
doctrines ont d’abord refoulé dans l’inconscient. Et c’est ainsi que
706
doctrines ont d’abord refoulé dans l’inconscient.
Et
c’est ainsi que le choix des règles détermine le contenu de nos rêves
707
x des règles détermine le contenu de nos rêves, —
et
notre style : négativement. La seule unité que confère aux œuvres des
708
i, c’est qu’ils sont justement moins « modernes »
et
moins naïvement de leur temps, que ne le furent un Rameau, un Haydn o
709
e l’artiste acceptant les lieux communs du temps,
et
c’est pourquoi nous les voyons chercher la naïveté comme une vertu de
710
ment le dire autrement que le dernier qui a parlé
et
que ceux qui l’ont précédé. Mais les grands ont tous commencé par par
711
ent sous la pression de ce qu’ils avaient à dire,
et
qui était un peu différent. Aujourd’hui, l’on voudrait commencer par
712
oudrait commencer par le stade de maîtrise de soi
et
de ses moyens personnels, difficilement atteint par les devanciers —
713
nnels, difficilement atteint par les devanciers —
et
courir tout de suite au-delà, sans avoir mérité cette liberté… De là
714
ent même de mauvaise foi. C’est qu’ils se placent
et
se regardent dans l’Histoire. Il semble que leur principal souci soit
715
e l’époque » empruntant au vocabulaire économique
et
politique. Or si l’on peut prouver que l’auto produite par une petite
716
le, pour des raisons précises de prix de revient,
et
ne correspond donc plus aux « nécessités de l’époque » et de nos gran
717
rrespond donc plus aux « nécessités de l’époque »
et
de nos grands marchés, il n’est nullement prouvé que l’œuvre d’un com
718
’un compositeur non dodécaphonique « est inutile…
et
se place en deçà des nécessités de son époque »7. Les « nécessités no
719
e l’on invoque, ne sont telles que pour l’oreille
et
l’intelligence d’un très petit groupe d’hommes connaissant toute l’hi
720
évolues. Quand il ne se contente pas de Beethoven
et
de Brahms, il ne découvre pas les talents d’aujourd’hui, mais Purcell
721
positeurs, séparés d’un public devenu trop vaste,
et
privés de la chaleur des réactions directes, une tendance générale à
722
une tendance générale à faire passer la technique
et
la théorie avant cette chose vague et pourtant puissante qu’est l’acc
723
a technique et la théorie avant cette chose vague
et
pourtant puissante qu’est l’accord spontané du novateur et du plaisir
724
nt puissante qu’est l’accord spontané du novateur
et
du plaisir des auditeurs. Cette chose qu’on nomme tout simplement le
725
tte situation, qui est aussi celle de la peinture
et
de la poésie au xxe siècle ? Il me semble que ceux qui tiennent la c
726
urs que ceux qui font les programmes des concerts
et
qui décident du choix des enregistrements. Plus on jouera de musique
727
uvelle, plus le public en deviendra contemporain,
et
plus ceux qui composent se rapprocheront de la sensibilité mieux éduq
728
uquée d’une élite sans cesse élargie. Quand l’art
et
le public se créent l’un l’autre, le résultat est une « époque ». Je
729
Paris plus de cent symphonies, concertos, opéras
et
ballets, durant trente jours, sans que s’y glisse une mesure de musiq
730
: « J’aime la musique moderne de tous les temps,
et
même du nôtre — la plus rare. » 7. Pierre Boulez, « Éventuellement…
731
cale d’avril 1952 — étude par ailleurs importante
et
fort intelligente. r. Rougemont Denis de, « Il n’y a pas de “musiqu
732
ionnel Denis de Rougemont. Quelques paragraphes —
et
voici l’inédit, le complexe et le paradoxal de notre situation “rédui
733
ques paragraphes — et voici l’inédit, le complexe
et
le paradoxal de notre situation “réduits à leur principe”, comme on d
734
eur principe”, comme on disait au xviiie siècle,
et
mis, comme on dit en anglais, dans une coque de noix. Nos compositeur
735
ues, à l’approcher de leur oreille comme cornet ;
et
même nos managers y pourraient bercer la clef de leur coffre. Mais d’
736
eux-je dire, a eu un vif commerce avec le diable.
Et
que le diable, qui depuis Faust “disait toujours non”, s’est fatigué
737
s non”, s’est fatigué de cette attitude ennuyeuse
et
a découvert qu’il était plus stimulant de se faire musicien moderne,
738
s dissoner (fût-ce avec des accords de do majeur)
et
d’essayer sur nos contemporains “cette chose vague et pourtant puissa
739
’essayer sur nos contemporains “cette chose vague
et
pourtant puissante” qu’est la séduction de cette dissonance au goût d
740
de cette dissonance au goût de révolte, de soufre
et
d’œillet vert. Cette chose que Denis de Rougemont a la diablerie de n
741
d’un parti qu’il avait su conduire à la victoire,
et
à la tête duquel il avait gouverné toute l’Italie pendant huit ans —
742
qu’aucun de nos pays ne peut être vraiment ranimé
et
rétabli dans son intégrité, s’il ne s’intègre à la communauté plus va
743
t la conduire à l’Europe, à la fois fille de Rome
et
mère de nos nations. Et voilà que l’Europe soudain chancelle, hésite,
744
, à la fois fille de Rome et mère de nos nations.
Et
voilà que l’Europe soudain chancelle, hésite, semble frappée au cœur,
745
oudain chancelle, hésite, semble frappée au cœur,
et
se dérobe. De Gasperi est mort de la sentir mourante. Il s’est détour
746
res conquêtes épuisantes. Surenchère inconsciente
et
sadomasochiste. Mais les hommes nés dans des régions séparées pour un
747
, c’est par amour non par esprit de ressentiment.
Et
c’est pourquoi ils ne sont pas tentés de faire subir aux autres le so
748
de compréhension, d’union vivante, non de rancune
et
d’unification forcée. Ce contraste est bien moins celui de deux régim
749
est bien moins celui de deux régimes — dictature
et
démocratie — que celui plus profond de deux qualités d’âme. Napoléon,
750
gage d’une paix féconde entre la foi, la liberté,
et
le civisme militant. « Universel » en tant que catholique, c’est-à-di
751
éclairé parce qu’il avait connu d’autres peuples
et
d’autres coutumes — dans la fédération austro-hongroise — il attendai
752
nflits douloureux qui déchirent l’Italie croyante
et
libérale, et qui ne peuvent être résolus qu’au-delà du tête-à-tête de
753
reux qui déchirent l’Italie croyante et libérale,
et
qui ne peuvent être résolus qu’au-delà du tête-à-tête de frères ennem
754
oite, dénoncé par un Togliatti comme « assassin »
et
par quelques faussaires à gages comme ayant demandé aux Alliés de bom
755
», selon le mot de M. Eden, un catholique laïque
et
démocrate, et bien sûr un homme de parti, mais par esprit de dévoueme
756
ot de M. Eden, un catholique laïque et démocrate,
et
bien sûr un homme de parti, mais par esprit de dévouement, non par fa
757
vec lui ces remarques à voix basse, ces questions
et
réponses sur des bouts de papier qui sont l’agrément des congrès, mai
758
ines déclarations, formulant son propre jugement.
Et
lors de la séance finale au Capitole, il se leva pour lire un magistr
759
à peine retouchées. Cette efficacité silencieuse
et
modeste, cette extrême attention portée à nos débats par un homme d’É
760
ique dans tout cela, mais du « problème spirituel
et
culturel de l’Europe ». De Gasperi savait que le réalisme veut que no
761
nds éclats de voix secouant des meetings informes
et
sans lendemain. Il n’était pas « grand orateur », et s’en plaignait p
762
sans lendemain. Il n’était pas « grand orateur »,
et
s’en plaignait parfois avec humour. Mais pourquoi faudrait-il qu’un h
763
abord un brillant rhéteur ? Le jugement politique
et
l’art du trémolo ne devraient-ils pas, au contraire, être tenus pour
764
s ? Les parlements latins sont les plus éloquents
et
font en conséquence la pire des politiques. Qui dira le mal fait à l’
765
s vulgaires. De Gasperi parlait d’une voix sévère
et
fraternelle, avec une force peu commune. C’était la voix d’un homme,
766
peu commune. C’était la voix d’un homme, austère
et
bon. L’art de simplifier les problèmes était le gage de son autorité,
767
son honnêteté. (Les dictateurs sont sans humour,
et
ne connaissent que le sarcasme.) Je me souviens d’un mot qu’il eut da
768
e le reste de l’humanité. Quand on aime une femme
et
qu’on l’épouse, stipule-t-on par là une déclaration de haine à toutes
769
œuvre entreprise par un Adenauer, par un Schuman,
et
par lui-même, se voyait subitement compromise. Bien plus qu’à sa retr
770
ique, c’est à cette trahison soudaine de la cause
et
des réalités européennes qu’il faut attribuer sa mort prématurée. Nou
771
dre sa lutte en faveur d’une Europe « des esprits
et
des cœurs », formule dont les sentimentaux ont abusé, et dont se couv
772
cœurs », formule dont les sentimentaux ont abusé,
et
dont se couvrent les sceptiques pour mieux refuser toute action posit
773
mée, occupée, amputée d’un quart de sa population
et
d’un tiers de son territoire, au surplus gouvernée par un ami de la F
774
redoutable » que l’Allemagne arrogante, surarmée
et
intacte sur laquelle régnait Guillaume II. Ce qui peut s’écrire : Pe
775
rimée que si l’Allemagne disparaissait totalement
et
à tout jamais. Car s’il n’en restait qu’un, je craindrais celui-là, d
776
reuses que douze divisions allemandes virtuelles,
et
que la présence en Europe de quatre divisions anglaises rétablirait l
777
par l’égalité proposée des armements de la France
et
de l’Allemagne. Encore une fois, seule la Peur, affectée du signe ∞,
778
assuré. « Il a l’esprit vif, beaucoup de finesse,
et
les difficultés de la traduction ne l’ont pas empêché de manifester u
779
voie de négociations. » Relisez ces deux phrases
et
ne riez pas. Leur juxtaposition est un simple accident. L’allusion au
780
lles des autres nations, à l’évolution économique
et
sociale du pays. Il est donc normal d’admettre que l’évolution économ
781
d’une nécessité organique. L’évolution économique
et
sociale est en Russie — « comme dans les autres nations » — le vrai P
782
ressant d’examiner la position de Khrouchtchev ».
Et
de se demander : « Khrouchtchev est-il un autre Staline ? » Et de rép
783
nder : « Khrouchtchev est-il un autre Staline ? »
Et
de répondre : « Très évidemment non. C’est un personnage agressif, dy
784
ent non. C’est un personnage agressif, dynamique,
et
tout à fait extraverti. » Tout le contraire de Staline, comme on voit
785
e est-il un autre Lénine ? Très évidemment non. »
Et
il avait raison. Hitler ne fut pas non plus un autre Bismarck. Généra
786
té ainsi (par le rejet de la CED) gagné ou perdu,
et
comment nous situer maintenant. Examiner si nous avons eu tort ou rai
787
aux facilités de la capitulation son raisonnement
et
son instinct. » Qui parle ainsi ? Au nom de quelle puissante « action
788
action » qui a « contribué à l’échec de la CED »
et
qui marque son point « pour l’histoire ? » Ce n’est qu’Esprit, revue
789
ent raconté à l’opinion française les gens du MRP
et
de la droite était donc faux : leur menace d’un retrait des crédits a
790
pas « au moins égales ». Le rejet de la CED a bel
et
bien entraîné la recréation d’une Wehrmacht, comme le disaient les ge
791
de Londres ; ceux-ci rétablissant une Wehrmacht,
et
la Wehrmacht (de demain) étant destinée à provoquer la « création » d
792
cherchaient depuis le début : c’était à droite. (
Et
même un peu plus loin.) v. Rougemont Denis de, « De gauche à droit
793
, tout chargés de prestige aux yeux de l’Européen
et
d’un pathos qui ne saurait tromper, ils représentent dans notre Quête
794
tureux (c’est la grotte de Circé dans l’Odyssée).
Et
pour qui serait tenté de mettre en doute leur valeur religieuse et sa
795
t tenté de mettre en doute leur valeur religieuse
et
sacrée, je lui suggère d’en prendre pour mesure sa propre réaction à
796
la nation non point comme d’une idole sanguinaire
et
bornée, mais simplement comme d’une formule qui a fait son temps, voi
797
a moins chrétienne. Il y a donc un sacré moderne.
Et
ces trois noms révèlent ses puissances d’envoûtement. Ennemi de la pe
798
s puissances d’envoûtement. Ennemi de la personne
et
de sa liberté, si j’en juge par ses vrais effets, il n’en demeure pas
799
re pas moins inconcevable hors d’un monde investi
et
structuré par la réalité de la personne et de ses « notes » les plus
800
nvesti et structuré par la réalité de la personne
et
de ses « notes » les plus certaines : la vocation, la conversion et l
801
» les plus certaines : la vocation, la conversion
et
le sentiment d’unicité sans précédent. La passion ou la conversion
802
e constituent dans le Midi de la France la poésie
et
la morale courtoises, dont le thème unique est l’amour. Peu après (à
803
, les chanoines instituent le culte de la Vierge.
Et
Notre-Dame répond à la Dame des pensées, comme à la cortezia des trou
804
la mystique de l’amour divin d’un saint Bernard,
et
comme à l’histoire exemplaire vécue par Héloïse et Abélard, le mythe
805
t comme à l’histoire exemplaire vécue par Héloïse
et
Abélard, le mythe de la passion mortelle mis en vers et en prose dès
806
lard, le mythe de la passion mortelle mis en vers
et
en prose dès la fin du même siècle : le Roman de Tristan et Iseut. Du
807
e dès la fin du même siècle : le Roman de Tristan
et
Iseut. Du Midi des troubadours, inventeurs de notre lyrisme, au Nord
808
pe littéraire, la transmission des thèmes, sujets
et
procédés peut être suivie pas à pas : nos plus grands érudits l’ont d
809
assion y a trouvé, jusqu’à nos jours, son langage
et
ses types de conduite, c’est-à-dire les moyens de s’avouer, de s’entr
810
jusqu’à l’exaltation, de mettre au défi la morale
et
finalement de lui dérober son prestige le plus efficace, l’héroïsme d
811
assion, du xiie siècle méridional au romantisme,
et
nous vivons encore dans la tiédeur des cendres d’un interminable ince
812
a tiédeur des cendres d’un interminable incendie.
Et
je sais bien que de la passion mortelle à la romance plus ou moins ex
813
sion mortelle à la romance plus ou moins exciting
et
de la mystique d’Amour au love interest des films de Hollywood, on ne
814
s’agit du même mythe. Par le moyen de la culture
et
des modèles qu’elle offre au sentiment, ce mythe a pénétré nos vies,
815
offre au sentiment, ce mythe a pénétré nos vies,
et
même si nos actions échappent à son emprise, il ne cesse de régner su
816
son emprise, il ne cesse de régner sur nos rêves
et
d’éveiller nos nostalgies. Et c’est ainsi qu’il a conditionné depuis
817
égner sur nos rêves et d’éveiller nos nostalgies.
Et
c’est ainsi qu’il a conditionné depuis des siècles les relations des
818
st exaltation de la vie vers la mort (mais la vie
et
la mort changent de signe dans le langage des passionnés et des mysti
819
changent de signe dans le langage des passionnés
et
des mystiques), il est impérialisme et abandon du moi (avec la même s
820
passionnés et des mystiques), il est impérialisme
et
abandon du moi (avec la même sincérité, dans le même geste) ; il est
821
s c’est la forme du mythe qui provoque ce contenu
et
qui l’amène au jour de l’existence, comme les règles d’un jeu suffise
822
s, même quand nous ignorons les origines du mythe
et
ne soupçonnons rien de sa finalité. Au regard de la société, le mythe
823
société, le mythe de la passion n’est que révolte
et
fuite. Il ne peut fomenter que l’individu égoïste et profanateur, au
824
fuite. Il ne peut fomenter que l’individu égoïste
et
profanateur, au sein même du monde féodal, qui est le monde des « fid
825
passion, viole tous les interdits moraux, sociaux
et
religieux ; Iseut trahit tous ses serments sacrés, et dans la scène d
826
eligieux ; Iseut trahit tous ses serments sacrés,
et
dans la scène de l’ordalie par le fer rouge, en arrive à duper Dieu l
827
aux sons mélancoliques du luth inventé par Manès.
Et
cette musique de gnose n’a cessé d’inquiéter le cœur sauvage de l’hom
828
ec l’orthodoxie. Quant au mariage lui-même, civil
et
religieux, forme personnaliste des rapports des deux sexes, puisqu’il
829
sion. Ici paraît la forme religieuse du phénomène
et
de son mythe. On voit l’homme et la femme entrer dans la passion comm
830
use du phénomène et de son mythe. On voit l’homme
et
la femme entrer dans la passion comme ils entreraient en religion. Le
831
me ils entreraient en religion. Le premier regard
et
le premier aveu correspondent aux « touches » de l’Esprit, l’étreinte
832
rit, l’étreinte des corps ouvre la Voie mystique,
et
l’abandon total à la passion est décrit comme une conversion : Alors
833
, la fougueuse déesse, le pénétra de ses ardeurs.
Et
son cœur brûlant lui révéla la source des peines dont il souffrait. A
834
aisir : elle le saisit comme une grâce exigeante,
et
le revêt d’une vocation. L’individu arraché du commun par un souverai
835
-la chanter par la voix déchaînée de sa prêtresse
et
magicienne Isolde : « Élu par moi, perdu par moi ! » Vocation de souf
836
par moi, perdu par moi ! » Vocation de souffrance
et
de fidélité jusqu’à la mort divinisante, mais un seul être a pris la
837
sante, mais un seul être a pris la place de tous,
et
du monde, et de Dieu lui-même. Tout ici rappelle la personne, imite s
838
n seul être a pris la place de tous, et du monde,
et
de Dieu lui-même. Tout ici rappelle la personne, imite sa forme et re
839
me. Tout ici rappelle la personne, imite sa forme
et
reproduit son paradoxe, bien qu’en un reflet inversé. Cet amour déifi
840
ascination mortelle. Cependant il l’élit, l’isole
et
le relie, le transporte au-delà de toute morale profane et lui dit à
841
ie, le transporte au-delà de toute morale profane
et
lui dit à son tour comme Augustin à celui que sa foi délivre de la lo
842
gustin à celui que sa foi délivre de la loi : ama
et
fac quod vis ! La passion de Tristan ne pouvait se déclarer dans sa g
843
ne pouvait se déclarer dans sa grandeur tragique
et
obsédante qu’au sein d’un monde qui avait appris à croire à la valeur
844
e l’âme « exilée », qui ne s’arrache à la matière
et
à la chair que pour sombrer. Mais alors la passion ne serait-elle pas
845
irréversible, engageant sans retour la personne.
Et
pourtant, la passion réinvente un des profonds secrets de l’évasion s
846
rets de l’évasion spirituelle imaginée par l’Inde
et
le bouddhisme. Dans son refus de la chair fragile et provisoire, et d
847
le bouddhisme. Dans son refus de la chair fragile
et
provisoire, et du temps décisif de cette vie dans la chair, dans son
848
Dans son refus de la chair fragile et provisoire,
et
du temps décisif de cette vie dans la chair, dans son angélisme essen
849
ant de sa fiancée perdue. Sur la tombe de Tristan
et
d’Iseut, deux plantes en une nuit s’élèvent et s’enlacent. Et ce symb
850
an et d’Iseut, deux plantes en une nuit s’élèvent
et
s’enlacent. Et ce symbole discret de la transmigration noue ses racin
851
deux plantes en une nuit s’élèvent et s’enlacent.
Et
ce symbole discret de la transmigration noue ses racines aux profonde
852
i sépare l’Orient magique de l’Occident tragique,
et
cet abîme n’est autre que le vertige de l’âme en proie au refus manic
853
rps social, il prend le nom de Révolution. L’idée
et
la réalité de ce phénomène, je l’ai dit, sont inconnues dans tout l’O
854
ntal a connu les grands bouleversements d’empires
et
les révoltes. Pourtant, que le Grand Khan balaye la Chine des Song, p
855
, qu’un Mahmud envahisse les royaumes des Rajputs
et
que ceux-ci se soulèvent contre lui, il ne s’agit en aucun cas de rév
856
n renouvellement par l’intérieur de toutes choses
et
de l’Ordre lui-même, cette notion a la même extension dans l’espace e
857
e, cette notion a la même extension dans l’espace
et
le temps que le « monde christianisé ». S’il n’y a pas de socialisme
858
e ont été les intellectuels éduqués en Angleterre
et
les populations très anciennement christianisées de la côte du Malaba
859
sme nous offre le type même du changement brusque
et
radical, mais survenant de l’intérieur : la conversion, l’éblouisseme
860
ù Saul de Tarse devient l’apôtre Paul. Révolution
et
conversion ont le même sens : c’est se retourner complètement. Dans l
861
. Dans les deux cas, se produit une crise brusque
et
rapide, un processus de mort et renaissance, qui revêt la violence d’
862
une crise brusque et rapide, un processus de mort
et
renaissance, qui revêt la violence d’une catharsis : « Les choses vie
863
; voici, toutes choses sont devenues nouvelles. »
Et
les chefs de nos révolutions promettent des « choses nouvelles » par
864
t la Foi l’engage dans l’obéissance de l’Église —
et
c’est le moment instituant, communautaire. L’irruption de la foi dans
865
dications) : l’exigence d’une justice universelle
et
non plus relative à la caste ou à la classe ; l’exigence de la libert
866
a fois de l’instabilité de nos régimes politiques
et
sociaux et d’une recherche perpétuelle du vrai civisme, inconnue dans
867
’instabilité de nos régimes politiques et sociaux
et
d’une recherche perpétuelle du vrai civisme, inconnue dans les sociét
868
u vrai civisme, inconnue dans les sociétés closes
et
sacrées ; enfin, l’idée de la mission reçue ou vocation, transcendant
869
on, transcendante par rapport à la morale commune
et
aux « intérêts de l’État ». Ainsi, le type du révolutionnaire europée
870
étache sur le fond d’une foi qui tient la liberté
et
l’action prophétique pour plus vraies que l’Ordre du Monde et l’obéis
871
prophétique pour plus vraies que l’Ordre du Monde
et
l’obéissance aux lois sacrées. Enfin, l’apparition du Christ et le tr
872
e aux lois sacrées. Enfin, l’apparition du Christ
et
le triomphe de l’Église en Occident ont provoqué dans l’évolution occ
873
n traumatisme exemplaire : on dit « avant J.-C. »
et
c’est l’Antiquité, « après J.-C. » et c’est une ère nouvelle, comptée
874
ant J.-C. » et c’est l’Antiquité, « après J.-C. »
et
c’est une ère nouvelle, comptée à neuf. Toutes nos révolutions s’en s
875
ù vivraient encore sous nos yeux, dans nos villes
et
dans nos campagnes, avec leurs rites et leurs idoles et leurs fidèles
876
os villes et dans nos campagnes, avec leurs rites
et
leurs idoles et leurs fidèles, Zeus, Aphrodite et Diane, les mystères
877
s nos campagnes, avec leurs rites et leurs idoles
et
leurs fidèles, Zeus, Aphrodite et Diane, les mystères d’Éleusis, la G
878
et leurs idoles et leurs fidèles, Zeus, Aphrodite
et
Diane, les mystères d’Éleusis, la Grande Déesse, les cultes initiatiq
879
, les cultes initiatiques, l’Odin des Scandinaves
et
le Dispater des Celtes, les courants de pensée judaïques et arabes, i
880
ater des Celtes, les courants de pensée judaïques
et
arabes, iraniens et manichéens, et vingt écoles métaphysiques simulta
881
courants de pensée judaïques et arabes, iraniens
et
manichéens, et vingt écoles métaphysiques simultanées, sans primauté,
882
nsée judaïques et arabes, iraniens et manichéens,
et
vingt écoles métaphysiques simultanées, sans primauté, ni succession,
883
sifs. Mais leur constatation n’explique pas tout.
Et
par exemple : le passage de la conversion à la révolution, c’est-à-di
884
à-dire du modèle spirituel au phénomène politique
et
social, ne semble pas aller de soi. Il paraît même douteux que les pr
885
la « révolution chrétienne » des premiers siècles
et
les autres révolutions qui ont versé dans son ombre « un sang impur »
886
a société, mais d’unir en un corps les convertis.
Et
c’est accessoirement qu’elle a pu contribuer à modifier certaines str
887
veut rendre compte à la fois de ces coïncidences
et
de ces contradictions, il faut remonter à notre dialectique de la per
888
. Celui-ci fonde une cité dont il édicte les lois
et
les contrats. Mais lorsque la tricherie civique et politique en vient
889
t les contrats. Mais lorsque la tricherie civique
et
politique en vient à dominer dans la cité, et que l’individu ne se se
890
que et politique en vient à dominer dans la cité,
et
que l’individu ne se sent plus encadré ni relié, le vide social appel
891
en effet concevables à ce moment. Il y a l’Église
et
sa fraternité fondamentale dans l’amour du prochain et du même Père.
892
fraternité fondamentale dans l’amour du prochain
et
du même Père. Il y a le Parti (mouvement, club, ou faction) et sa cam
893
re. Il y a le Parti (mouvement, club, ou faction)
et
sa camaraderie conditionnelle13 dans la lutte contre l’ordre établi.
894
est aux ordres d’un chef dont la présence visible
et
matérielle est confirmée sur tous les murs ; il réclame lui aussi la
895
ui aussi la foi des militants dans un monde idéal
et
futur, mais cette foi n’est gagée que sur le sacrifice et la mort de
896
, mais cette foi n’est gagée que sur le sacrifice
et
la mort de ses adversaires. On entre dans l’Église parce qu’on est co
897
entre dans le Parti pour changer le monde d’abord
et
non d’abord soi-même. Il s’agit donc, dans le cas du révolutionnaire,
898
’une conversion non pas de l’être mais du faire ;
et
, de plus, déléguée à l’action collective. L’individu imite le saut de
899
notre temps ne peut plus mettre en doute. Nazisme
et
stalinisme ont eu leur pape et leur infaillibilité, leurs hiérarchies
900
en doute. Nazisme et stalinisme ont eu leur pape
et
leur infaillibilité, leurs hiérarchies, leurs ordres, leurs cultes et
901
té, leurs hiérarchies, leurs ordres, leurs cultes
et
leurs dogmes, et leur Inquisition, plus efficace que l’autre dans l’é
902
hies, leurs ordres, leurs cultes et leurs dogmes,
et
leur Inquisition, plus efficace que l’autre dans l’épuration de l’hér
903
uccès. Il n’a pas disposé des mêmes télécommandes
et
ses missi dominici n’allaient qu’à cheval. Mais sa Terreur valait les
904
l. Mais sa Terreur valait les purges communistes,
et
son « cléricalisme » fut sans tache. Toutefois, les églises politique
905
apè, qui hante les doctrinaires de la révolution,
et
les conduit au césaropapisme. Ambition bridée dans l’Église par sa vo
906
ridée dans l’Église par sa vocation transcendante
et
par le recours direct de l’âme à Dieu. Mais qui peut en appeler des a
907
s de lui14. Il n’y a pas de Juge pour ses crimes.
Et
dès lors qu’il se sait illégitime dans sa prétention à régner au nom
908
e la liberté », appelant ainsi ceux qui diffèrent
et
pourraient donc devenir ses juges. D’où la Terreur inévitable qu’il e
909
étant lui-même terrorisé. D’où le fait nécessaire
et
non accidentel — en dépit de l’hypocrisie des historiographes partisa
910
volution, mythe libertaire, est une réalité close
et
lugubre, une psychose de persécution, la paranoïa de l’Occident. Qui
911
Au contraire, elles en ont établi, de très grands
et
de très sanglants : Napoléon, Hitler, Mussolini, Staline. Ces tyrans
912
ont été abattus que par la guerre ou par la mort.
Et
la plupart furent les bénéficiaires, non les victimes, de nos révolut
913
Celles-ci n’ont triomphé que de régimes séniles,
et
dont la « tyrannie », si on la compare à celles des disciplines d’Éta
914
n dictaient les formules dans les termes sadiques
et
hautains qui ont toujours exalté les masochistes. L’éloquence crispée
915
raire leur a longtemps tenu lieu de spiritualité,
et
ses prestiges sont loin d’être épuisés. La guillotine et les camps so
916
prestiges sont loin d’être épuisés. La guillotine
et
les camps soviétiques font partie de la bonne conscience des sectateu
917
tèques, en arracher le cœur encore tout palpitant
et
l’offrir au dieu — pour qu’il pleuve. En vérité, le sacré n’a cure de
918
preuve dans le sang. Mais si, profanant le mythe
et
ses tabous, nous estimons froidement ses résultats, force nous est de
919
r la tyrannie soit d’un homme, soit d’une classe,
et
toujours de l’État. Adoptant les valeurs de la Passion — « La liberté
920
liberté ou la mort ! », s’écriaient les jacobins,
et
la mort était là, celle des autres d’abord, mais la Liberté se voilai
921
rope ont fomenté le nationalisme, cette troisième
et
peut-être mortelle frénésie religieuse de l’Occident. La nation ou
922
uvelle communauté non de naissance, mais d’avenir
et
de volonté. Toutefois, cette idéologie n’est pas le fait du peuple en
923
t pas le fait du peuple entier, mais d’un parti ;
et
ce parti agit par le moyen de l’État. À l’intérieur du pays, la premi
924
écraser les opposants, car la nation est religion
et
les religions, en Occident, ne transigent pas, du moins depuis l’appa
925
ice, de centraliser tous les éléments du pouvoir,
et
de transformer la justice en instrument de l’idéologie, le tout au no
926
re les mains de l’État un instrument d’oppression
et
de guerre civile larvée, à l’extérieur elle va devenir un instrument
927
uite, parce que la collusion de l’État centralisé
et
de la nation missionnaire produit comme résultante fatale l’impériali
928
produit comme résultante fatale l’impérialisme :
et
voici la France napoléonienne. L’idéologie de la nation est par essen
929
par les soldats « libérateurs » de la Révolution
et
de l’Empire, loin de faire triompher dans toute l’Europe l’idéologie
930
s jacobins, va susciter des nationalismes rivaux.
Et
c’est dans le pays qui aura subi le plus durement l’agression napoléo
931
c’est son esprit national. » (On voit que nation
et
Patrie diffèrent pour lui comme esprit et nature.) Cet esprit nationa
932
nation et Patrie diffèrent pour lui comme esprit
et
nature.) Cet esprit national est « un individu dans la marche de l’Hi
933
ant (donc par la guerre), puis fatalement décline
et
meurt. « Chaque peuple mûrit un fruit ; son activité consiste à accom
934
teinte, il n’a plus rien à faire dans le monde. »
Et
encore : « À chaque époque domine le peuple qui incarne le plus haut
935
x, de « végéter », précise Hegel, dans le bonheur
et
sans histoire. Nous assistons au transfert décisif de l’idée de vocat
936
ns notre siècle la Norvège, la Turquie, l’Irlande
et
Israël restaurer artificiellement une « langue nationale » parfaiteme
937
roche du vrai patriotisme, mais tout aussi jaloux
et
même hargneux que celui des grands voisins. Aucun de ces « concepts d
938
. On parlera beaucoup de « concert des nations »,
et
de « droit international », mais il est clair que ces États-nations-I
939
tout ordre international impossible en principe,
et
par définition, puisqu’ils n’acceptent aucune instance supérieure à l
940
ent aucune instance supérieure à leurs « droits »
et
limitant leur « absolue souveraineté ». Pendant cent ans, l’Europe qu
941
absurdité a-t-elle pu triompher pendant un siècle
et
plus ? En singeant la religion et son enseignement, en devenant elle-
942
ndant un siècle et plus ? En singeant la religion
et
son enseignement, en devenant elle-même une source de sacré. L’Aigle,
943
une source de sacré. L’Aigle, les Trois Couleurs
et
le Petit Chapeau jouent au début le rôle du labarum, du crucifix et d
944
u jouent au début le rôle du labarum, du crucifix
et
de la mitre. Les cérémonies viendront plus tard, avec les monuments a
945
viendront plus tard, avec les monuments aux Morts
et
le culte du Soldat inconnu. Pour la piété et la morale nouvelle, les
946
orts et le culte du Soldat inconnu. Pour la piété
et
la morale nouvelle, les poètes populaires et l’instruction publique o
947
iété et la morale nouvelle, les poètes populaires
et
l’instruction publique obligatoire se chargeront d’en rédiger les hym
948
obligatoire se chargeront d’en rédiger les hymnes
et
le catéchisme. Cette religion nationale, que l’on a comparée très jus
949
Certes, l’esprit national est un dieu bien réel,
et
que l’on croit vraiment, puisqu’il peut exiger le sacrifice de la vie
950
change de nos vies ? Une certaine communion vague
et
puissante, qui permet à l’individu de dépasser son horizon restreint,
951
e ». Il est admis que tout orgueil, toute vanité,
et
jusqu’aux vantardises les plus stupides deviennent licites et honorab
952
vantardises les plus stupides deviennent licites
et
honorables, dès qu’on les met au compte de la nation où l’on a pris l
953
est manifeste qu’elle est spirituellement indigne
et
matériellement incapable : celui de la souveraineté sans limites, par
954
nationalisme pouvait être mortelle à l’Occident,
et
je vois deux raisons considérables pour le craindre. La première, c’e
955
ctions essentielles entre la souveraineté absolue
et
la paix, entre l’État-nation et la liberté, entre le sacré national e
956
veraineté absolue et la paix, entre l’État-nation
et
la liberté, entre le sacré national et la foi chrétienne, etc., contr
957
tat-nation et la liberté, entre le sacré national
et
la foi chrétienne, etc., contradictions qui ont éclaté dès 1914, affa
958
, en effet, déséquilibre le groupement atlantique
et
menace de livrer la moitié du monde à l’hégémonie des États-Unis. Ceu
959
Ceux-ci n’ont pas souhaité cette responsabilité,
et
ne sont pas équipés pour l’exercer : c’est par là qu’ils diffèrent pr
960
t le sens profond de son Aventure. Chacun le sent
et
le redoute obscurément. Si l’on me demande pourquoi, je répondrai par
961
e plante qui souffre a tendance à produire fleurs
et
fruits. »16 (Un peu plus de souffrance et elle se dessécherait ; plus
962
fleurs et fruits. »16 (Un peu plus de souffrance
et
elle se dessécherait ; plus du tout, son feuillage et sa tige embelli
963
lle se dessécherait ; plus du tout, son feuillage
et
sa tige embelliraient, mais aux dépens de la saveur des fruits.) À ce
964
ce d’un vrai dialogue illuminant entre l’Occident
et
l’Orient. Or, voici justement ma seconde raison : c’est que l’Asie to
965
lisé par la durable résistance des groupes locaux
et
des diverses internationales politiques et professionnelles. Ces réfl
966
locaux et des diverses internationales politiques
et
professionnelles. Ces réflexes de défense du corps social ne s’exerça
967
commence d’entrevoir l’étendue de sa propre folie
et
d’en chercher la cure qu’il peut seul inventer. La révolte contre
968
t sur la société. Toutes les trois sont mortelles
et
liées à la mort par une complicité originelle. Nous le savons, ou du
969
vider d’une affectivité qui est devenue la saveur
et
le sens même de la vie pour des millions de nos contemporains, et des
970
de la vie pour des millions de nos contemporains,
et
des meilleurs ? Elles menacent notre paix, et plus encore : l’existen
971
ns, et des meilleurs ? Elles menacent notre paix,
et
plus encore : l’existence même de l’Occident. Et pourtant l’Occident
972
et plus encore : l’existence même de l’Occident.
Et
pourtant l’Occident sans elles apparaît presque inconcevable. C’est q
973
étoile. Elles illustrent trois formes d’une seule
et
même révolte contre le But dernier de l’Aventure, qui ne peut jamais
974
xigences. Voilà ce qui a mis en marche l’Occident
et
allumé sa soif inextinguible. Mais quand l’homme en vient à sentir qu
975
n même temps que la Grâce subvienne à sa débilité
et
qu’ainsi le salut soit donné par Dieu seul, il se jette vers des buts
976
eu seul, il se jette vers des buts plus prochains
et
sensibles. Mouvement essentiellement intempestif — niant le temps, l’
977
niant le temps, l’attente, les conditions données
et
substituant impatiemment à l’objet de son espérance celui d’une imméd
978
roche : il le touche de ses mains, il l’embrasse,
et
il croit embrasser l’Absolu, parce que sa soif n’attendait rien de mo
979
ant qui annule le Temps, il a « bu sa destruction
et
sa mort ». Sacraliser des buts qui ne sont pas le But, c’est la formu
980
e, qui avait offert le type d’une société d’amour
et
de fraternité, mais n’a pas pu l’actualiser — c’est le Scandale. Il e
981
ne vraie communauté qui déclenche les révolutions
et
qui entretient le culte de l’idole nationale. Révolte contre l’Amour
982
l’idole nationale. Révolte contre l’Amour de Dieu
et
du prochain, qui était le commandement remplaçant toute la Loi, et l’
983
ui était le commandement remplaçant toute la Loi,
et
l’on voudrait mais on ne peut pas s’y conformer ; pourtant le besoin
984
éperdu. Alors je ferai d’Iseut l’absolu du désir,
et
elle le sera tant qu’un obstacle réel ou non entre elle et moi, même
985
e sera tant qu’un obstacle réel ou non entre elle
et
moi, même embrassés, empêchera l’Absolu d’échouer dans la durée. Deva
986
’est trop pour moi, mais je ne saurais plus vivre
et
ressentir ma vie sans cet appel intime. Il pense alors : c’est Dieu q
987
re trop faible pour me contraindre à l’obéissance
et
à l’amour. La révolte ne se lève jamais contre la force à son zénith.
988
me se révolte alors contre cette liberté radicale
et
vertigineuse, au nom d’une liberté qu’il rêve à sa mesure ; et ce rêv
989
se, au nom d’une liberté qu’il rêve à sa mesure ;
et
ce rêve incarné devient une tyrannie. Passion, révolution, nation : c
990
omme ensemble historique n’a jamais été converti,
et
il ne saurait l’être, en vérité, du seul fait qu’il n’est pas une per
991
temps qui nous fuit, dans cette chair impérieuse
et
débile, n’a pas cessé de travailler les âmes depuis vingt siècles. No
992
Quête, en ce sens qu’elles procèdent de son élan
et
le propagent en des régions nouvelles de l’âme, même lorsqu’elles en
993
l’âme, même lorsqu’elles en oublient le vrai but
et
l’enjeu. Ainsi, les hérésies jaillissent de la vraie foi et s’en écar
994
. Ainsi, les hérésies jaillissent de la vraie foi
et
s’en écartent, mais disséminent dans des millions d’esprits inatteint
995
xpérience spirituelle que la foi seule a pu créer
et
qui l’attendront désormais de toute la force d’une inconsciente nosta
996
s de toute la force d’une inconsciente nostalgie.
Et
c’est pourquoi notre Psyché occidentale, ayant subi durant des siècle
997
jours plus pénétrantes de la passion individuelle
et
collective, pourrait bien se révéler à l’analyse intime comme plus et
998
ait bien se révéler à l’analyse intime comme plus
et
mieux « christianisée » dans ses structures qu’elle ne l’était avant
999
dans l’âme de nos contemporains même incroyants,
et
ne cesse de s’étendre à des régions nouvelles de notre existence prof
1000
es de notre existence profane. 9. Cf. L’Amour
et
l’Occident , 1939. Une version révisée de cet ouvrage doit paraître à
1001
fried de Strasbourg. 11. Bien qu’ils vident l’un
et
l’autre de leur contenu sacré en refusant de rendre un culte à César
1002
tenu sacré en refusant de rendre un culte à César
et
en épousant des esclaves. 12. On pourrait même soutenir que le chris
1003
-ci n’étaient pas admises, elle devint militante,
et
tout en se développant sur le plan spirituel, elle fut un facteur de
1004
libérales des adversaires de l’Église. » (Origine
et
sens de l’Histoire, p. 79.) 13. Tout homme est mon frère, quoi qu’il
1005
hanalyse ! Les auteurs qu’ils admirent le savent,
et
se gardent bien de toucher à l’idole, même s’ils n’y croient plus. «
1006
Grégoire de Nazianze, les chroniques de l’époque
et
les textes votés nous permettent de nous faire une image vivante de c
1007
re bien moins de savantes réunions de professeurs
et
d’érudits que des séances houleuses de parlements modernes, ou même d
1008
Proche-Orient, d’Afrique, de Macédoine, d’Égypte
et
d’Ibérie. Les chefs de grands partis, entourés de leurs tenants, les
1009
tourés de leurs tenants, les légats de l’empereur
et
du pape, font dans la ville choisie des entrées solennelles : la disc
1010
ssion commence par ces démonstrations de la force
et
du prestige des partis en présence. Des troupes de moines fanatiques
1011
ques parcourent les rues. Parfois, comme à Éphèse
et
Chalcédoine, tout un monde de laïques ambitieux, de soldats, de matel
1012
ques ambitieux, de soldats, de matelots égyptiens
et
d’hommes de main, rôde autour de l’église où siège le concile, attend
1013
essaim de frelons », note Grégoire. On s’exclame
et
l’on s’interpelle avec violence, de la gauche et de la droite de la n
1014
et l’on s’interpelle avec violence, de la gauche
et
de la droite de la nef où sont massés plusieurs centaines d’évêques e
1015
nef où sont massés plusieurs centaines d’évêques
et
de docteurs, tandis que les légats du pape (toujours absent) et les f
1016
, tandis que les légats du pape (toujours absent)
et
les fonctionnaires de l’Empire ont pris place à la balustrade de l’au
1017
la balustrade de l’autel. Des tumultes s’élèvent
et
les Pères crient : « C’est la vraie Foi ! C’est la Foi des Apôtres !
1018
de Rome, déposer ou non le patriarche de Byzance,
et
soudain la tourbe des moines et des nervis fait irruption, Hilaire ne
1019
arche de Byzance, et soudain la tourbe des moines
et
des nervis fait irruption, Hilaire ne doit son salut qu’à la fuite, F
1020
mé, l’erreur de Nestorius vient d’être condamnée,
et
la population de la ville éclate en transports d’allégresse, acclame
1021
uit les évêques en cortège à la lueur des torches
et
dans l’encens des cassolettes à parfum. Tel est donc le spectacle off
1022
e douze ans seulement après l’édit de Constantin,
et
beaucoup d’évêques qui dominent le concile portent les traces de la p
1023
t le concile portent les traces de la persécution
et
des tortures qu’ils ont subies.) Spectacle à vrai dire confondant. To
1024
rai dire confondant. Tout cela grouille, discourt
et
manifeste, proteste, exile, accuse de blasphème ou en est accusé, org
1025
rnablement la politique d’Église ou même d’Empire
et
la métaphysique la plus subtile, pour n’aboutir enfin qu’à des défini
1026
s autres, d’ailleurs, peu compréhensibles en soi,
et
souvent tout obscures pour le peuple chrétien. Tout cela serait absur
1027
finalement bien plus intelligent, bien plus sage
et
bien plus réaliste qu’un Athanase lui-même n’a pu le concevoir, faute
1028
n de la personne, à partir des Personnes divines,
et
particulièrement de celle du Christ, vrai Dieu et vrai homme à la foi
1029
et particulièrement de celle du Christ, vrai Dieu
et
vrai homme à la fois. Le problème était le suivant : comment nommer l
1030
ivant : comment nommer les relations intradivines
et
les relations de Dieu à l’homme révélées par la venue du Christ, Dieu
1031
ur ? Comment sauvegarder à la fois la distinction
et
la liaison de ces aspects ? Comment éviter à la fois un monothéisme i
1032
encié, évacuant le fait central de l’Incarnation,
et
un trithéisme mythologique ou rationalisé ? Pour résoudre en doctrine
1033
laire19, sous la pression croissante des hérésies
et
de la Gnose en pleine effervescence, les Pères grecs et latins ne dis
1034
la Gnose en pleine effervescence, les Pères grecs
et
latins ne disposaient en fait que de notions et de mots inadéquats, a
1035
s et latins ne disposaient en fait que de notions
et
de mots inadéquats, au surplus difficiles à concilier. L’hellénisme a
1036
s de l’être distinct, c’est-à-dire de l’Individu,
et
de la permanence de cet être à travers ses modalités : essence, subst
1037
être à travers ses modalités : essence, substance
et
hypostase. De leur côté, les Romains avaient défini le terme de perso
1038
masque de l’acteur, puis l’acteur, puis son rôle,
et
de là, l’homme lui-même en tant que doté de droits dans la cité : le
1039
une personne). Ainsi l’individu n’était qu’atome,
et
la persona que valence ; l’un existait par soi, l’autre dans ses rela
1040
opérer la transmutation périlleuse d’un mot latin
et
de contenus helléniques en un dogme exprimant la nature triple et une
1041
elléniques en un dogme exprimant la nature triple
et
une de la Divinité révélée en Jésus. Ainsi naquit l’idée de Personne,
1042
apparaître, après coup, comme le fait spécifique
et
capital de l’anthropologie occidentale. De Nicée à la bombe atomiq
1043
urope christianisée, voilà qui paraît indéniable,
et
c’est le contraire qui aurait de quoi surprendre. Comment pourrait-on
1044
partait encore du vieux conflit entre la science
et
la religion, tel qu’il a dominé le xixe siècle ? Cette opposition mê
1045
d’une civilisation qui a su valoriser la matière
et
le corps, objets de la science, en même temps que la liberté sujet de
1046
r deux siècles de polémiques aujourd’hui périmées
et
stériles. Il est temps de renouveler la question et de rappeler les a
1047
stériles. Il est temps de renouveler la question
et
de rappeler les aspects positifs : ceux-ci sont à la fois plus « nouv
1048
core mal nettoyés des routines d’un passé récent,
et
plus féconds pour introduire une discussion des aspects dialectiques
1049
nation, précisée à l’extrême par les Pères grecs,
et
maintenue par des soins jaloux au plus haut point du paradoxe, a créé
1050
eux par tensions, qui sera jusqu’à nous la marque
et
le ressort de l’esprit de recherche occidental, en contraste avec le
1051
itement, confère au monde manifesté de la matière
et
de la chair, — c’est-à-dire aux futurs objets de nos sciences physiqu
1052
-dire aux futurs objets de nos sciences physiques
et
naturelles — une dignité et une réalité que l’Orient leur dénie par p
1053
os sciences physiques et naturelles — une dignité
et
une réalité que l’Orient leur dénie par principe. Enfin, nous avons v
1054
de science aux sociétés antiques. Ces structures
et
ces attitudes spécifiques de la pensée chrétienne ne pouvaient pas ma
1055
nditionner une certaine approche du réel. Formées
et
formulées par la théologie d’où procèdent nos philosophies, elles ont
1056
t le problème crucial de la spéculation des Pères
et
de leurs conciles. Il fut aussi le modèle suprême de la polarité impe
1057
lles. Si Jésus-Christ est à la fois « vrai Dieu »
et
« vrai homme » en une seule et même Personne, et si cette Personne à
1058
fois « vrai Dieu » et « vrai homme » en une seule
et
même Personne, et si cette Personne à son tour est à la fois vraiment
1059
et « vrai homme » en une seule et même Personne,
et
si cette Personne à son tour est à la fois vraiment distincte et vrai
1060
sonne à son tour est à la fois vraiment distincte
et
vraiment reliée au sein de la Trinité, il en résulte pour l’esprit cr
1061
tole, qui dissocierait la personne. Il s’agit bel
et
bien de vivre leur tension. Et c’est ainsi qu’à tous les degrés, de p
1062
nne. Il s’agit bel et bien de vivre leur tension.
Et
c’est ainsi qu’à tous les degrés, de proche en proche, sur tous les p
1063
anière immédiate, terme à terme, la transcendance
et
l’immanence dans le langage des philosophes, la vocation et l’individ
1064
ence dans le langage des philosophes, la vocation
et
l’individu dans l’anthropologie chrétienne, enfin la foi et la religi
1065
idu dans l’anthropologie chrétienne, enfin la foi
et
la religion naturelle. Mais qu’en est-il des autres couples d’opposés
1066
ux. S’il est vrai que l’opposition entre l’Église
et
l’Empire (guelfes et gibelins) reflète encore celle du divin et de l’
1067
l’opposition entre l’Église et l’Empire (guelfes
et
gibelins) reflète encore celle du divin et de l’humain (au prix des é
1068
uelfes et gibelins) reflète encore celle du divin
et
de l’humain (au prix des équivoques et des abus que l’on sait) il n’e
1069
e du divin et de l’humain (au prix des équivoques
et
des abus que l’on sait) il n’en va plus de même des couples gauche et
1070
sait) il n’en va plus de même des couples gauche
et
droite, liberté et autorité, ordre et mouvement, révolution et stabil
1071
lus de même des couples gauche et droite, liberté
et
autorité, ordre et mouvement, révolution et stabilité, individu et so
1072
ples gauche et droite, liberté et autorité, ordre
et
mouvement, révolution et stabilité, individu et société, etc., dans l
1073
berté et autorité, ordre et mouvement, révolution
et
stabilité, individu et société, etc., dans le domaine politique et so
1074
e et mouvement, révolution et stabilité, individu
et
société, etc., dans le domaine politique et social. Et pourtant, ces
1075
ividu et société, etc., dans le domaine politique
et
social. Et pourtant, ces polarités reproduisent le même type de tensi
1076
ciété, etc., dans le domaine politique et social.
Et
pourtant, ces polarités reproduisent le même type de tension nécessai
1077
mme tel — mais je constate primo qu’il a eu lieu,
et
secundo qu’il appartient de fait à la définition de l’Occident. Or ce
1078
omies du réel : le conflit qui opposa les éléates
et
les tenants de Pythagore remonte au ve siècle avant notre ère. Mais
1079
ve siècle avant notre ère. Mais entre Parménide
et
Pythagore, c’est-à-dire entre l’un et le multiple, ou entre Démocrite
1080
e Parménide et Pythagore, c’est-à-dire entre l’un
et
le multiple, ou entre Démocrite et Aristote — l’atomisme et le contin
1081
ire entre l’un et le multiple, ou entre Démocrite
et
Aristote — l’atomisme et le continu — la tension à vrai dire « n’exis
1082
iple, ou entre Démocrite et Aristote — l’atomisme
et
le continu — la tension à vrai dire « n’existe » pas. Il s’agit simpl
1083
implement de l’antagonisme de deux écoles isolées
et
hostiles, totalement exclusives l’une de l’autre. Seule l’Europe — et
1084
ent exclusives l’une de l’autre. Seule l’Europe —
et
de plus en plus à mesure qu’on se rapproche du xxe siècle — a osé ce
1085
passion de la synthèse, ressort de nos recherches
et
de tout l’effort scientifique, naît et renaît sans fin ni cesse de ce
1086
recherches et de tout l’effort scientifique, naît
et
renaît sans fin ni cesse de cette tension. S’il est vrai que le secre
1087
a, dans l’ensemble d’une culture, qu’oscillations
et
alternances sans progrès, monismes séquestrés, scepticismes stériles.
1088
naissance de ses incompatibles : le problème onde
et
corpuscule en est l’exemple le plus pur20. Certes, il s’agit de phéno
1089
. Certes, il s’agit de phénomènes de même nature,
et
dont l’opposition ne résulte peut-être que des méthodes d’analyse emp
1090
umière qui consiste à la fois en « vraies ondes »
et
« vrais corpuscules », n’a-t-elle pas donné lieu à d’infinis débats d
1091
inis débats dans lesquels on pourrait retrouver —
et
ce jeu n’est peut-être pas vain — l’équivalent des hérésies les plus
1092
thodoxie étant alors représentée par MM. Einstein
et
de Broglie, non moins acharnés qu’Athanase à trouver une synthèse « c
1093
Flore, pour aboutir à Hegel, dont procèdent Marx
et
ses disciples, jusqu’à nous, la doctrine trinitaire n’a cessé de prop
1094
de pensée, mais elle a prédéterminé, circonscrit
et
valorisé le champ même des recherches à venir. Comment nier la réali
1095
s à venir. Comment nier la réalité de la matière
et
de notre chair, quand Dieu lui-même a choisi de se manifester en elle
1096
lui-même s’est rendu connaissable dans la chair.
Et
il est vrai aussi que « l’Esprit seul vivifie, la chair ne sert de ri
1097
asion possible, qu’est le lieu de son obéissance.
Et
il est vrai enfin que « la chair n’héritera pas du Royaume des cieux
1098
« la chair n’héritera pas du Royaume des cieux »,
et
qu’elle est aujourd’hui sous le règne de la Loi, donc du péché et de
1099
ujourd’hui sous le règne de la Loi, donc du péché
et
de la mort, mais le Credo n’en affirme pas moins sa délivrance finale
1100
Credo n’en affirme pas moins sa délivrance finale
et
sa résurrection. Cette dialectique violente et tourmentée, cette insi
1101
le et sa résurrection. Cette dialectique violente
et
tourmentée, cette insistance des évangiles et des épîtres sur la réal
1102
nte et tourmentée, cette insistance des évangiles
et
des épîtres sur la réalité mortelle de la chair, et sur toutes ses co
1103
des épîtres sur la réalité mortelle de la chair,
et
sur toutes ses contradictions, ce terme même d’In-carnation et le mou
1104
ses contradictions, ce terme même d’In-carnation
et
le mouvement descendant qu’il évoque, tout contribue à concentrer l’a
1105
aul révèle que « la création tout entière soupire
et
souffre les douleurs de l’enfantement » et qu’elle attend « dans un a
1106
oupire et souffre les douleurs de l’enfantement »
et
qu’elle attend « dans un ardent désir la révélation des fils de Dieu…
1107
de de la corruption, pour avoir part à la liberté
et
à la gloire des enfants de Dieu ». Voici donc l’homme chargé d’une mi
1108
r un monde dont la réalité est attestée par Dieu,
et
qui attend son salut de l’homme sauvé. Il est très important que Kepl
1109
le motif primordial de notre science occidentale,
et
la raison pourquoi Descartes estime qu’un athée ne pourrait pas faire
1110
’une confiance intuitive dans l’accord de l’homme
et
du monde — accord réalisé une fois en Jésus-Christ, et promis au croy
1111
monde — accord réalisé une fois en Jésus-Christ,
et
promis au croyant par la Résurrection. Dès lors le témoignage de nos
1112
êveries de la raison ; la parenté entre notre œil
et
la lumière, quoique mystérieuse, n’est plus illusion ; et le cosmos n
1113
mière, quoique mystérieuse, n’est plus illusion ;
et
le cosmos n’est pas une fantasmagorie privée de cohérence, d’ordre et
1114
as une fantasmagorie privée de cohérence, d’ordre
et
de sens, mais il attend de nous, dans une profonde complicité de l’es
1115
cité de l’espérance, d’être à son tour interprété
et
révélé… Celui qui estime vraiment que le monde est absurde, on sent q
1116
ition de Descartes, qui fut aussi celle de Newton
et
de Kepler. c) Les vertus scientifiques. — La non-absurdité et la r
1117
c) Les vertus scientifiques. — La non-absurdité
et
la réalité du monde manifesté ne suffiraient pas encore pour permettr
1118
e une intention, trahit un sens, est intéressante
et
valable : « Dieu est aussi présent dans l’intestin d’un pou », déclar
1119
proprement dite, c’est que les mobiles spirituels
et
les impulsions morales nécessaires leur ont manqué. Au contraire, le
1120
avancer cette science, grâce à son christianisme
et
ensuite contre son christianisme — du moins contre chacune des formes
1121
arence logique de la totalité posée par l’esprit…
Et
il ne s’agit pas là seulement d’Aristote et de Démocrite ; Thomas aus
1122
prit… Et il ne s’agit pas là seulement d’Aristote
et
de Démocrite ; Thomas aussi, et même Descartes cèdent à cette impulsi
1123
lement d’Aristote et de Démocrite ; Thomas aussi,
et
même Descartes cèdent à cette impulsion grecque qui veut à tout prix
1124
le réel, ce qui ne cadre pas avec les ordonnances
et
les lois établies précédemment. La pensée logique elle-même éprouve l
1125
aire pour se retrouver ensuite élargie, enrichie,
et
poursuivre ce processus à l’infini sans être comblée jamais. La scien
1126
rmer sur elle-même, reste ouverte à l’irrationnel
et
réussit même à y pénétrer en s’y subordonnant. D’où vient cette exig
1127
gence proprement insatiable, « à la fois inquiète
et
sûre d’elle-même », et d’où vient le courage qu’elle suppose ? De la
1128
able, « à la fois inquiète et sûre d’elle-même »,
et
d’où vient le courage qu’elle suppose ? De la foi, qui est confiance
1129
l est désormais responsable de ce qu’est le monde
et
de ce qui s’y passe ». Il y a donc un sens, et il vaut la peine de le
1130
de et de ce qui s’y passe ». Il y a donc un sens,
et
il vaut la peine de le chercher — advienne que pourra ! Voilà pour la
1131
— advienne que pourra ! Voilà pour la confiance.
Et
quant à l’exigence : Ce problème de la théodicée, de la justificatio
1132
l rejette les théologiens qui tentent de consoler
et
de réconforter Job par des pensées spécieuses. Il exige de l’homme un
1133
. La passion de la science, à la fois universelle
et
incorruptible, naît de cette tension, de cette lutte avec l’idée de D
1134
supporter d’être mis en question par les faits ;
et
toute quête de Dieu se rend en même temps la tâche plus ardue en refu
1135
r suspecte toute pensée qui d’avance le satisfait
et
le convainc. Ainsi, c’est dans la mesure où le christianisme a signi
1136
le christianisme a signifié la fin des religions
et
des magies, nées de la peur, qu’il a permis le développement de la Sc
1137
semble nuire au groupe, à la tribu, à leurs lois
et
coutumes sacrées, que l’on prend pour l’Ordre et le Bien. L’eppur de
1138
et coutumes sacrées, que l’on prend pour l’Ordre
et
le Bien. L’eppur de Galilée me paraît plus « chrétien » que l’indigna
1139
que son dogme central postule la réalité du corps
et
de la matière. On vient de voir, au surplus, comment la science est l
1140
surplus, comment la science est liée à l’attitude
et
à la dialectique fondamentales du christianisme. C’est pourtant le ma
1141
faire éclater en Europe le conflit de la science
et
de la religion. Ponctuée d’éclats sporadiques, la lutte couvait depui
1142
temps ; avec les encyclopédistes elle se déclare,
et
jusqu’aux débuts de notre siècle, la majorité des savants tiendra pou
1143
ait le corps du Christ pour une simple apparence,
et
l’Esprit pour la seule et vraie réalité. La plupart des grandes hérés
1144
r une simple apparence, et l’Esprit pour la seule
et
vraie réalité. La plupart des grandes hérésies des premiers siècles s
1145
cet « Orient »-là, consécutive à la Renaissance,
et
consommée dès l’aube de l’ère technique, qui a donné libre cours à l’
1146
sont deux manières de s’évader, l’une par en haut
et
l’autre par en bas. Malgré ses prétentions à l’objectivité, le matéri
1147
l’Esprit même qui avait permis de valoriser chair
et
matière. Il se voulait moniste, mais né d’un Occident profondément ma
1148
’autant plus libres de s’enfoncer dans la matière
et
son étude, qu’ils se posaient moins de questions quant aux motifs et
1149
s se posaient moins de questions quant aux motifs
et
aux effets de leurs recherches. Peut-être fallut-il, en ce moment de
1150
. Peut-être fallut-il, en ce moment de l’histoire
et
de l’Aventure occidentale, cette grande poussée aveugle, cet enfoncem
1151
dans une galerie où le Soleil ne parvient plus —
et
l’on finit par l’oublier ou le nier — peut-être fallut-il ce dernier
1152
irituel, pour que le fond de la matière fût percé
et
qu’une nouvelle lumière encore diffuse apparût de l’autre côté, comme
1153
s établir une distinction sensée entre la matière
et
quelque autre chose. » Et ce n’est pas seulement entre la matière et
1154
sensée entre la matière et quelque autre chose. »
Et
ce n’est pas seulement entre la matière et « autre chose », ou entre
1155
ose. » Et ce n’est pas seulement entre la matière
et
« autre chose », ou entre l’énergie et quelque « ondulation » d’on ne
1156
la matière et « autre chose », ou entre l’énergie
et
quelque « ondulation » d’on ne sait quoi, que la frontière intelligib
1157
s’est évanouie, mais c’est aussi entre le vivant
et
l’inerte, entre le soma et la psyché, peut-être enfin entre les mythe
1158
aussi entre le vivant et l’inerte, entre le soma
et
la psyché, peut-être enfin entre les mythes de l’âme et les cosmogoni
1159
psyché, peut-être enfin entre les mythes de l’âme
et
les cosmogonies que nous croyons « observer » ou calculer… Nous verro
1160
e en rien la dialectique transcendance-immanence,
et
n’apporte aucun argument « en faveur » du Credo de Nicée… Mais il fau
1161
e fixe que la preuve de réalité dans tous les cas
et
dans tous les domaines, est fournie par les seules expériences qu’on
1162
atière : le plein, la consistance, l’immutabilité
et
l’impénétrabilité. Fondement premier et refuge ultime de l’idée de ma
1163
utabilité et l’impénétrabilité. Fondement premier
et
refuge ultime de l’idée de matérialité, l’atome se résolvait en une s
1164
érieur d’un champ ondulatoire, mais dont la forme
et
la complexité structurelle sont si clairement définies par les lois d
1165
ent comme si elles étaient des êtres substantiels
et
durables »27. Voilà ce qui reste de la matière aux yeux de la science
1166
prit ? Que la frontière s’efface entre la matière
et
l’énergie, puis entre l’énergie et quelque chose qui n’est plus expri
1167
tre la matière et l’énergie, puis entre l’énergie
et
quelque chose qui n’est plus exprimable qu’en formules mathématiques,
1168
est plus exprimable qu’en formules mathématiques,
et
qui semble appartenir, par suite, à la pensée et à ses lois, voilà qu
1169
et qui semble appartenir, par suite, à la pensée
et
à ses lois, voilà qui tendrait à prouver l’existence d’une continuité
1170
existence d’une continuité entre la matière brute
et
la pensée la plus abstraite. Il faudrait alors dissocier bien plus ra
1171
nt qu’on ne le fait d’ordinaire la pensée humaine
et
l’Esprit (mind and Spirit). Et ceci ramènerait la pensée sous le règn
1172
la pensée humaine et l’Esprit (mind and Spirit).
Et
ceci ramènerait la pensée sous le règne de la Loi, c’est-à-dire dans
1173
la « chair », telle que la définissent saint Paul
et
l’Évangile. De la science à la théologie La question se ramène
1174
gie La question se ramène à savoir qui décide,
et
qui détient la preuve de la réalité. L’Occidental moyen se figure qu’
1175
héologie, dont, depuis la Renaissance, la science
et
la raison ont une fois pour toutes pris la place. Ce changement repré
1176
nt » ce que lui imposaient des autorités usurpées
et
d’ailleurs fondées dans l’erreur. Mais comme cet homme moyen serait f
1177
t-il du choix des savants ? Beaucoup d’entre eux,
et
non des moindres, ayant été conduits par leurs travaux bien au-delà d
1178
tières s’effacent entre le « fond » de la matière
et
la pensée. Ils en déduisent tout un système du monde qu’ils qualifien
1179
osmos est vraiment infini à la fois dans le temps
et
dans l’espace — comme l’ont cru les atomistes grecs, puis Nicolas de
1180
ont cru les atomistes grecs, puis Nicolas de Cuse
et
Giordano Bruno, et comme l’affirment aujourd’hui plusieurs astronomes
1181
es grecs, puis Nicolas de Cuse et Giordano Bruno,
et
comme l’affirment aujourd’hui plusieurs astronomes de renom — ou si l
1182
ogique reste aussi apparent qu’il est inévitable.
Et
il opère en général sur d’assez grossières confusions : celle du temp
1183
sez grossières confusions : celle du temps infini
et
de l’Éternité, celle enfin de l’immanence et de la transcendance, dès
1184
fini et de l’Éternité, celle enfin de l’immanence
et
de la transcendance, dès l’instant que la première est conçue comme l
1185
u’une apparence flottant sur l’océan sans rivages
et
sans fond de l’immatérielle Énergie. Voici donc retrouvée la Maya des
1186
d’Einstein (illimité-fini), vous iriez aussi loin
et
longtemps que vous voulez, droit devant vous, pour revenir au même po
1187
ur revenir au même point. Essayez de penser cela,
et
vous verrez bientôt que la question d’un au-delà ne se pose plus. Dan
1188
s. Dans l’univers en expansion de l’abbé Lemaître
et
de Gamow, né d’une explosion primitive, et qui reviendra peut-être à
1189
maître et de Gamow, né d’une explosion primitive,
et
qui reviendra peut-être à son point initial, vous n’irez pas plus loi
1190
inienne revient à constater que la Maya est tout,
et
qu’il est fou de penser à n’importe quoi d’autre, c’est qu’alors il e
1191
mis en question par autre chose que « le monde »
et
la mathématique. Tout s’explique et s’implique dans le cosmos des sci
1192
« le monde » et la mathématique. Tout s’explique
et
s’implique dans le cosmos des sciences, et l’invisibilité même s’y co
1193
plique et s’implique dans le cosmos des sciences,
et
l’invisibilité même s’y convertit sans cesse en matière composée d’én
1194
a Question. Nulle réponse, nul refus de répondre,
et
nulle interdiction d’interroger, n’auront jamais raison de cette Ques
1195
jamais raison de cette Question : elle nous juge
et
pose nos limites, qui sont celles du savoir humain, mais elle pose en
1196
idée d’un Ailleurs absolu, d’un totaliter aliter.
Et
rien ne peut faire qu’une telle idée provienne d’un monde suffisant e
1197
qu’une telle idée provienne d’un monde suffisant
et
fermé sur soi. Cette « voie négative » de la science nous conduit à l
1198
e nom de l’absence de Dieu pour l’homme. L’infini
et
l’omniprésence, l’ordre et son principe immuable, la prescience et la
1199
pour l’homme. L’infini et l’omniprésence, l’ordre
et
son principe immuable, la prescience et la totalité, ces attributs ma
1200
, l’ordre et son principe immuable, la prescience
et
la totalité, ces attributs majeurs que les grandes religions avaient
1201
nt conçus comme ceux du Dieu suprême, la physique
et
la mathématique peuvent les transférer au Cosmos. Mais le Dieu que pr
1202
par cela justement que la science ne connaît pas,
et
ne pourra jamais ni intégrer, ni réfuter comme illusoire. Et c’est la
1203
a jamais ni intégrer, ni réfuter comme illusoire.
Et
c’est la seule définition de Dieu donnée par sa révélation en Jésus-C
1204
s’en trouver purifié de ses associations pieuses
et
sentimentales.) 17. Hécatombes d’évêques déposés à la suite de cer
1205
p plus qu’on ne le croit les conduites politiques
et
les façons de penser. 18. Le débat du concile de Nicée porte en effe
1206
oousios (de même substance) défendu par Athanase,
et
homoiousios (de substance semblable) défendu par Eusèbe et les tenant
1207
usios (de substance semblable) défendu par Eusèbe
et
les tenants d’Arius. 19. Le concile de Nicée se tint en 325. Les gra
1208
au milieu du iie siècle, entre Grecs philosophes
et
juifs fanatiquement monothéistes, puis se poursuivent entre Grecs et
1209
ent monothéistes, puis se poursuivent entre Grecs
et
Latins d’une part, gnostiques, montanistes, ariens, donatistes, sabel
1210
ve siècle, renaîtra la querelle du monophysisme,
et
c’est alors que se définiront « l’Orient » et « l’Occident » du chris
1211
me, et c’est alors que se définiront « l’Orient »
et
« l’Occident » du christianisme. L’orthodoxie catholique ne sera défi
1212
ainsi le fait que la masse combinée des neutrons
et
des protons composant le noyau atomique est toujours inférieure à la
1213
nos mesures : ainsi le fait que l’âge de la Terre
et
du Soleil (3-4 milliards d’années) apparaît supérieur à l’âge de l’Un
1214
triade de Schelling : Sujet, Objet, Sujet-Objet,
et
celle de Hegel : l’en-soi de l’esprit subjectif (thèse), le pour-soi
1215
e), le pour-soi de l’esprit objectif (antithèse),
et
l’en-soi et pour soi (An und Für sich) de l’esprit absolu (synthèse).
1216
soi de l’esprit objectif (antithèse), et l’en-soi
et
pour soi (An und Für sich) de l’esprit absolu (synthèse). On peut aff
1217
a synthèse dont la christologie éveille l’attente
et
l’exigence dans l’homme naturel. 22. Il est certain que « la chair »
1218
mplexe indissociable corps-intellect-âme volitive
et
affective. L’erreur moderne est générale à ce sujet : elle en vient s
1219
lusif d’une opinion isolée de ses complémentaires
et
poussée jusqu’à l’absolu. Une doctrine ne peut être qualifiée d’hérét
1220
s son point de départ dans le complexe orthodoxe,
et
s’est développée contre lui. 25. L’homme de science moyen du xixe s
1221
se encore être tributaire. Est-ce bien sa faute ?
Et
la théologie du temps — je pense surtout à celle des pays protestants
1222
es affirmations de Nicée. Elle fait de l’histoire
et
court après la science… 26. Ce qui équivaut à dire que l’état spirit
1223
99 % de la matière cosmique consiste en hydrogène
et
en hélium produit à partir de l’hydrogène. Le noyau de l’hydrogène es
1224
essein sur un succès total de la science actuelle
et
de son orientation. Cette dernière peut changer : elle changera donc
1225
nsion souveraine de leurs pouvoirs sur la matière
et
la Nature. Elle passa presque inaperçue. Qu’a-t-elle changé aux habit
1226
’a-t-elle changé aux habitudes de vie des peuples
et
des individus ? Si peu que rien. On voit très bien que l’introduction
1227
isation, peut-être empêché leur exode au Yucatan,
et
révolutionné tout leur régime social. Mais on ne voit pas que nos con
1228
ersé aussi radicalement notre habitat, nos mœurs,
et
la continuité de nos caractères nationaux. La question qui se pose es
1229
xagérer sans mesure ni vérifications l’importance
et
le danger de la technique, et ses effets sur la personne humaine. Ces
1230
ations l’importance et le danger de la technique,
et
ses effets sur la personne humaine. Ces diatribes cent fois répétées
1231
r, l’ont modulé l’un après l’autre après Tolstoï,
et
toutes les revues et toute la presse du monde entier l’ont amplifié,
1232
après l’autre après Tolstoï, et toutes les revues
et
toute la presse du monde entier l’ont amplifié, grâce aux machines do
1233
se électrique, mais n’importe, la cause est noble
et
l’angoisse qu’on traduit, réelle et populaire. Derrière cette campagn
1234
use est noble et l’angoisse qu’on traduit, réelle
et
populaire. Derrière cette campagne unanime, distinguons deux espèces
1235
ontre les forces impersonnelles qui nient l’homme
et
sa dignité, et qui menacent de stériliser ses facultés les plus humai
1236
s impersonnelles qui nient l’homme et sa dignité,
et
qui menacent de stériliser ses facultés les plus humaines : jugement,
1237
sérénité, loisir, maîtrise de soi, individualité
et
liberté… On proteste au nom de la Nature, de ses rythmes majestueux,
1238
e au nom de la Nature, de ses rythmes majestueux,
et
du contact avec la terre, contre un monde qui devient artificiel et l
1239
la terre, contre un monde qui devient artificiel
et
laid, uniforme et abstrait, haletant et minuté, coupé des cycles natu
1240
un monde qui devient artificiel et laid, uniforme
et
abstrait, haletant et minuté, coupé des cycles naturels et de la poés
1241
rtificiel et laid, uniforme et abstrait, haletant
et
minuté, coupé des cycles naturels et de la poésie des Géorgiques. Ou
1242
it, haletant et minuté, coupé des cycles naturels
et
de la poésie des Géorgiques. Ou bien encore on puise aux deux sources
1243
eux sources à la fois, réconciliant spiritualisme
et
naturisme dans une alliance imprévue, mais lyrique. Avant d’analyser
1244
nérale s’impose : quoique unanime parmi nos sages
et
leur public, cette réaction reste impuissante. Elle a parfois privé l
1245
e les ouvriers ont renoncé à briser les machines,
et
les bourgeois s’en sont toujours gardé. Et quant à ceux qui ont décid
1246
hines, et les bourgeois s’en sont toujours gardé.
Et
quant à ceux qui ont décidé de sortir du monde et de se remettre à ti
1247
Et quant à ceux qui ont décidé de sortir du monde
et
de se remettre à tisser leurs vêtements, etc., il n’est rien sorti de
1248
e ceux qui le jugent : elle augmente l’insécurité
et
le pessimisme des masses ; elle contribue de la sorte à entretenir ce
1249
ui est le thème préféré de nos meilleurs esprits.
Et
pourtant, bien qu’elle reste impuissante, et bien qu’elle se contente
1250
its. Et pourtant, bien qu’elle reste impuissante,
et
bien qu’elle se contente en général d’arguments pathétiques mais peu
1251
eu sûrs, cette angoisse devant l’ère des machines
et
de la Bombe n’en est pas moins révélatrice de notre condition occiden
1252
uère qu’avec le siècle des machines, de la chimie
et
de l’électricité, pour s’épanouir au siècle de l’électronique et de l
1253
cité, pour s’épanouir au siècle de l’électronique
et
de l’énergie nucléaire et solaire. Jusqu’alors et à cet égard, c’est
1254
iècle de l’électronique et de l’énergie nucléaire
et
solaire. Jusqu’alors et à cet égard, c’est à peine si l’Orient se dis
1255
et de l’énergie nucléaire et solaire. Jusqu’alors
et
à cet égard, c’est à peine si l’Orient se distingue de l’Occident. Le
1256
Les industries artisanales du textile, du papier
et
de l’imprimerie, d’abord en retard chez nous jusqu’à la Renaissance,
1257
bjets plus durs prolongeant l’action de ses mains
et
les décisions de sa pensée. D’autres prétendent que l’homme n’était p
1258
méliorer son sort ou d’amasser plus de nourriture
et
de richesses : cette théorie « économique » ou utilitaire suppose un
1259
me qui précisément rédigea nos manuels scolaires,
et
qui n’a jamais rien inventé32. Finalement, de Nietzsche à Spengler, e
1260
, de Nietzsche à Spengler, en passant par Scheler
et
Schubert, on nous a représenté une espèce d’homme de proie qui se jet
1261
êvé de dominer la Nature ? Il est baigné par elle
et
il y participe. Comment pourrait-elle menacer « le libre développemen
1262
apparaît sur deux points de la planète au Caucase
et
en Chine, semble-t-il — c’est d’abord communier avec lui pour l’apais
1263
— c’est d’abord communier avec lui pour l’apaiser
et
le concilier : on lui offre un quartier de la même viande dont on man
1264
apparaît en même temps que les outils, les armes
et
les pots, les vêtements et les maisons, toutes choses un peu plus for
1265
les outils, les armes et les pots, les vêtements
et
les maisons, toutes choses un peu plus fortes ou plus solides que l’h
1266
s un peu plus fortes ou plus solides que l’homme,
et
qui le mettent en mesure de jouer sa partie en compensant les faibles
1267
jets n’épuise nullement l’intention qui les crée,
et
même, le plus souvent, n’en rend pas compte : tout est magie à l’orig
1268
le système des conventions sacrées entre l’homme
et
les forces naturelles. Ce n’est donc pas des lois de la Nature qu’on
1269
s lois, on espère bien que les saisons, le soleil
et
la pluie, les puissances fécondantes, vont continuer à « jouer le jeu
1270
magie, de mythe, de liturgie, l’idéal alchimique
et
le panthéisme actif de la Renaissance, d’une manière générale les mot
1271
tilité ou de puissance pour expliquer le pourquoi
et
le but réel de l’énorme majorité des inventions, jusqu’à notre ère. L
1272
eu ou la pierre, dans l’eau courante ou l’animal,
et
plus tard dans ses songes ou ses rêves éveillés. C’est du rêve de vol
1273
illés. C’est du rêve de voler qu’est né l’avion ;
et
du rêve de partir au hasard sur les routes qu’est née l’auto. Voir l’
1274
streinte à suivre la loi rigide des voies ferrées
et
ses horaires, mais pût aller à l’aventure : rêve typique de l’adolesc
1275
ilisèrent-ils la roue que pour faire des jouets ?
Et
pourquoi l’or fut-il pur ornement chez tant de peuples ? À cause de l
1276
À cause de leur magie, de leurs rêves différents,
et
des règles particulières de leur jeu avec la Nature. Jusqu’ici, la
1277
Nature demeure l’Objet de l’homme, son vis-à-vis
et
son miroir. Il ne sait pas encore qu’il n’y voit que ses songes, et q
1278
ne sait pas encore qu’il n’y voit que ses songes,
et
que les âmes des choses sont les reflets de son âme. Plongé dans la N
1279
Plongé dans la Nature, il la sent la plus forte ;
et
parce qu’il y projette les angoisses de son cœur, il finira par voir
1280
e de mettre une sorte de distance entre la Nature
et
sa vie — cette distance est le « milieu » dans lequel il existe —, l’
1281
, l’esprit conçoit un Bien distinct de la Nature,
et
qu’elle seule semble rendre inaccessible. Il conçoit la vertu et la s
1282
e semble rendre inaccessible. Il conçoit la vertu
et
la santé parfaites, la puissance, l’abondance assurée, la liberté de
1283
iner son corps, de ne pas mourir… Ce qui s’oppose
et
résiste à ce Bien, ce sont alors les servitudes de la Nature, la néce
1284
mblable à leur Bien : il sera bon, juste, parfait
et
immortel, sa toute-puissance n’étant mise en échec que par le princip
1285
ulièrement l’ascension des religions du Dieu bon,
et
qui leur oppose en sourdine un « spiritualisme épuré », c’est-à-dire
1286
e enfermée dans un corps. Il ne sera jamais libre
et
vraiment bon que s’il parvient à s’évader de la chair, de la matière
1287
il parvient à s’évader de la chair, de la matière
et
de la vie naturelle, règne et création du Démiurge. D’où l’ascétisme,
1288
hair, de la matière et de la vie naturelle, règne
et
création du Démiurge. D’où l’ascétisme, le monachisme, l’angélisme, q
1289
chisme, l’angélisme, qui méprisant matière, chair
et
Nature, ne peuvent conduire qu’à la condamnation et à l’abandon de to
1290
Nature, ne peuvent conduire qu’à la condamnation
et
à l’abandon de toute espèce d’effort technique. Devant cette même Nat
1291
s pourront se donner licence d’exercer leurs arts
et
leurs ruses. Ils se serviront d’elle comme d’un objet sans âme, dont
1292
erne, en ôtant beaucoup de scrupules à ses agents
et
usagers. Histoire Redescendons maintenant au présent de notre s
1293
des déserts, pluie artificielle) ; les épidémies
et
un très grand nombre de maladies (antibiotiques, vaccinations, asepsi
1294
hygiène préventive, psychothérapie) ; la distance
et
les délais temporels (transports rapides, télécommunications). L’homm
1295
libres ; mais les plus grands fauves, la vermine
et
beaucoup d’insectes sont vaincus.) D’autre part, nous nous découvrons
1296
temps, d’emprunter le chemin de fer, par exemple,
et
tous les trains de 1830 à 1900 ont sans doute transporté moins de voy
1297
nos avions en une année. L’auto, le tank, l’avion
et
le métro, les machines agricoles et ménagères, l’électricité domestiq
1298
tank, l’avion et le métro, les machines agricoles
et
ménagères, l’électricité domestique, le téléphone et la radio, n’ont
1299
ménagères, l’électricité domestique, le téléphone
et
la radio, n’ont fait leur entrée dans nos vies que pendant le premier
1300
r que les peuples d’Occident aient jamais cherché
et
voulu ce qu’ils reçoivent aujourd’hui comme leur dû. Que veulent en g
1301
, cultiver librement tel petit délire personnel… (
Et
non pas « dominer la Nature ! ») À la rencontre de ces vœux modestes,
1302
modestes, voici les dons inouïs de la technique.
Et
certains comblent nos désirs secrets, mais beaucoup ne répondent à ri
1303
a technique qui les donne doit les faire accepter
et
créer leur besoin dans la masse. Sur la base de ces jouets pour grand
1304
ets pour grandes personnes34, l’économie sérieuse
et
scientifique échafaude par la suite le système de ses « lois ». Elle
1305
’innombrables usines, marques, salons, dividendes
et
records, donne une telle consistance à l’industrie de l’auto qu’on ou
1306
chnique, si ce n’est pas de nos besoins matériels
et
utilitaires, qui n’entrent en jeu qu’après coup ? Le problème revient
1307
après coup ? Le problème revient à savoir comment
et
pourquoi la technique a pris un brusque essor à tel moment donné de l
1308
i est d’ordre poétique (au sens premier du terme)
et
qui est de l’homme en général. Mais quelque chose d’unique s’est prod
1309
science, enfin constituée sur des bases autonomes
et
précises, et du rêve alchimique chassé par la chimie du domaine de la
1310
n constituée sur des bases autonomes et précises,
et
du rêve alchimique chassé par la chimie du domaine de la recherche pu
1311
sé par la chimie du domaine de la recherche pure,
et
se tournant alors vers les applications. Et cela, dans un climat soci
1312
pure, et se tournant alors vers les applications.
Et
cela, dans un climat social et politique devenu très favorable aux en
1313
les applications. Et cela, dans un climat social
et
politique devenu très favorable aux entreprises brutales de ceux que
1314
ceux que l’on baptise « capitaines d’industrie »
et
qui s’inspirent et s’autorisent des précédents de la Révolution et de
1315
ise « capitaines d’industrie » et qui s’inspirent
et
s’autorisent des précédents de la Révolution et de l’Empire. Trois fo
1316
t et s’autorisent des précédents de la Révolution
et
de l’Empire. Trois forces, donc, dont deux sont créatrices, et la tro
1317
e. Trois forces, donc, dont deux sont créatrices,
et
la troisième instrumentale. Pour la science, la chose va de soi : mat
1318
allait d’autres hommes que les meilleurs savants,
et
surtout une autre visée que celle qui orientait leurs travaux. Nous s
1319
ue celle des alchimistes aux piétistes allemands,
et
de ces derniers aux fondateurs de nombreuses industries modernes. Léo
1320
transformante (par la transmutation de la matière
et
des âmes) : ces deux sources de l’essor technique confluent dans le g
1321
s trois dominantes du savoir pur, de la puissance
et
du salut) dans le rôle d’un ingénieur créant un pays neuf36. Que l’av
1322
cé le « Progrès », sans bénéfice pour ses auteurs
et
au détriment de ses ouvriers. C’est ainsi que les applications de la
1323
mystique qui tendait au salut conjoint du cosmos
et
de l’âme humaine, brusquement changent de signe et tournent au fléau
1324
t de l’âme humaine, brusquement changent de signe
et
tournent au fléau en créant le prolétariat, lorsque l’ambition déchaî
1325
par un phénomène qui l’étonnait merveilleusement,
et
dont elle ne pouvait mesurer l’ampleur prochaine, la société occident
1326
t doublement trompée sur les fins de la technique
et
la manière de s’en servir. Elle n’a pas su prévoir l’effroyable ranço
1327
ique du machinisme : l’appât de bénéfices énormes
et
rapides, et la tentation de la puissance (non sur la Nature mais sur
1328
inisme : l’appât de bénéfices énormes et rapides,
et
la tentation de la puissance (non sur la Nature mais sur l’homme) l’o
1329
ais sur l’homme) l’ont aveuglée quant aux moyens.
Et
quant aux fins : la technique devait contribuer à libérer l’homme du
1330
eine à seule fin d’augmenter ses besoins naturels
et
de leur en ajouter d’artificiels. Ce manque de prévision, ce faux dép
1331
ision, ce faux départ, ont été lourdement payés —
et
le sont encore — par le prolétariat industriel, qui a subi tous les «
1332
matériel, ils l’ont payé d’un prix moins visible
et
tangible car on ne mesure pas les valeurs spirituelles, ni ce que l’h
1333
, le paradoxe éclate si l’on compare les réalités
et
les états d’esprit correspondants, au xixe siècle et au xxe siècle.
1334
es états d’esprit correspondants, au xixe siècle
et
au xxe siècle. Au xixe siècle, l’essor technique crée dans le peupl
1335
rse : les masses ont accepté le progrès technique
et
en font un article de foi, tandis que les élites le considèrent avec
1336
« qui surpassent en nombre, en valeur, en utilité
et
en noblesse architecturale les célèbres monuments des despotismes asi
1337
res monuments des despotismes asiatique, égyptien
et
romain ». Mais dès 1846, Michelet annonce la réaction pessimiste : «
1338
erre quand on parcourt ces maisons fées où le fer
et
le cuivre, éblouissants, polis, semblent aller d’eux-mêmes, ont l’air
1339
de penser, de vouloir, tandis que l’homme, faible
et
pâle, est l’humble serviteur de ces géants d’acier… J’admirais triste
1340
mes, ces jeunes filles fanées, ces enfants tordus
et
bouffis. » La bourgeoisie européenne ignorait cela, au xixe siècle,
1341
des camps nazis, sinon celui des morts de Kolyma
et
autres lieux de rééducation. Au xxe siècle, la situation s’est retou
1342
ituation s’est retournée. Les ouvriers américains
et
scandinaves ont à domicile les produits de leur travail : autos, radi
1343
uits de leur travail : autos, radios, frigidaires
et
conserves ; et le cinéma au coin de la rue. Ils ont retrouvé la Natur
1344
avail : autos, radios, frigidaires et conserves ;
et
le cinéma au coin de la rue. Ils ont retrouvé la Nature, pendant le w
1345
uencés par la lecture de leurs meilleurs penseurs
et
de mille chroniqueurs, épouvantés enfin par la Bombe H, prennent du «
1346
de l’homme, l’implacable Technique, personnifiée
et
mythifiée, qui nous domine et nous « déshumanise ». Cette projection
1347
nique, personnifiée et mythifiée, qui nous domine
et
nous « déshumanise ». Cette projection du Mal sur la machine trahit u
1348
. Retour à l’axe Au contraire du bouddhisme
et
du manichéisme, l’orthodoxie chrétienne ne condamne pas le monde mani
1349
Il est dans notre esprit, n’existe pas ailleurs,
et
c’est en nous qu’il faut le combattre. Comment imaginer, dès lors, qu
1350
e indépendante ? Son mal provient de notre faute,
et
son bien fait partie de l’effort vers le salut. Cessons donc de proje
1351
1° L’idée chrétienne que le mal est dans l’homme,
et
que la Nature est innocente, leur fait craindre que la technique augm
1352
us leur seul aspect régulateur. Pessimisme humain
et
optimisme naturaliste, l’un et l’autre unilatéraux. 2° L’idée du Mal
1353
Pessimisme humain et optimisme naturaliste, l’un
et
l’autre unilatéraux. 2° L’idée du Mal est projetée à nouveau non plus
1354
la Nature mais bien sur la Technique personnifiée
et
sur ses produits, comme la Bombe, dès lors douée d’une sorte d’intrin
1355
eux, c’est l’homme. C’est lui qui a fait la Bombe
et
qui se prépare à l’employer. Le contrôle de la Bombe est une absurdit
1356
mple appareil, n’a jamais rien fait par lui-même,
et
c’est toujours quelqu’un qui vous appelle par le moyen de ce porte-vo
1357
’à gauche que le travail à la chaîne déshumanise,
et
que nous vivons dans le monde sans âme de l’uniformité et de la série
1358
ous vivons dans le monde sans âme de l’uniformité
et
de la série. Il faut bien voir que cela concerne en fait les ouvriers
1359
ifiée, cent ans plus tôt ; contre l’usine ignoble
et
insalubre l’ouvrier pouvait dire par la bouche d’un poète de l’époque
1360
: L’air de nos ateliers nous ronge les poumons,
Et
nous mourons les yeux tournés vers les campagnes39. Aujourd’hui, le
1361
technique rend la campagne aux citadins, ouvriers
et
bourgeois mêlés. La technique a plus fait pour rapprocher les hommes
1362
est elle seule qui peut le sauver de sa condition
et
du décor hideux de son existence. Ce n’est pas la scolastique qui a s
1363
la machine ». Mais les faux problèmes écartés —
et
la classe ouvrière libérée, non par les communistes mais bien par la
1364
ir. La technocratie. L’homme qui cesse de sentir
et
de vouloir les buts derniers de son existence se met fatalement à par
1365
ement même, qui définit la politique des jacobins
et
des totalitaires de toute couleur. Il s’agit pratiquement de se maint
1366
plus se laisser guider par la finalité incertaine
et
suspecte des souhaits humains. Ce vertige de l’action naît d’une fati
1367
vertige de l’action naît d’une fatigue mentale ;
et
cet oubli des buts derniers n’est qu’un immense lapsus révélateur : i
1368
du loisir, qui poseraient d’une manière immédiate
et
concrète la grande question des fins de l’existence ici-bas. Répudian
1369
aux seuls motifs prochains du profit, du confort
et
de la force militaire. Privée d’objectifs à long terme, elle ne peut
1370
statistique (niveau de vie moyen d’une nation) ;
et
les « nécessités de la défense nationale » déterminent la science mêm
1371
tamment invoquées, tranchent en dernier ressort.)
Et
la morale, déterminée par les États, conduit aux dictatures totalitai
1372
ures totalitaires. (On remplace Dieu par Société,
et
l’État seul représentant la Société, il n’est plus de recours contre
1373
hnique ne peut produire qu’un peu plus d’étatisme
et
d’autant moins de liberté. Et, de fait, on ne peut pas arrêter l’état
1374
peu plus d’étatisme et d’autant moins de liberté.
Et
, de fait, on ne peut pas arrêter l’étatisme, mais on peut pousser la
1375
ge s’évanouira dans la mesure même où les loisirs
et
leur contenu deviendront le problème vital et passionnant. Alors le «
1376
irs et leur contenu deviendront le problème vital
et
passionnant. Alors le « sérieux » changera de camp. Celui dont le rôl
1377
à offrir aux humains libérés pour d’autres rêves
et
d’autres jeux, c’est-à-dire pour des formes nouvelles de travail et d
1378
c’est-à-dire pour des formes nouvelles de travail
et
de création ? La tâche présente me paraît donc bien moins de mettre u
1379
un « niveau de vie moyen » n’est pas bien claire,
et
le devient encore moins quand on la multiplie. (Que signifie le mot v
1380
s le textile est passée de 65 heures à 40 heures,
et
l’année de travail pour les cheminots de 3900 heures à 2000 heures, t
1381
but principal est encore de fournir plus d’objets
et
plus de bénéfices. Pourtant, ce « sous-produit » n’était-il pas d’abo
1382
carotte après laquelle il court depuis un siècle
et
demi ? On vient de voir qu’en réalité la distance entre les moyens de
1383
lité la distance entre les moyens de la technique
et
l’un de ses buts possibles, le loisir, a diminué d’un tiers pendant c
1384
ndes masses asiatiques, à la fois sous-alimentées
et
en croissance incontrôlable. Mais le seul fait de cette prise de cons
1385
tous nos besoins « matériels » soient satisfaits (
et
bien mieux qu’aujourd’hui) : alimentation et transports, habitation,
1386
its (et bien mieux qu’aujourd’hui) : alimentation
et
transports, habitation, hygiène, et distractions. Je vois bien l’aspe
1387
alimentation et transports, habitation, hygiène,
et
distractions. Je vois bien l’aspect théorique de ces calculs ; qu’ils
1388
s offrira de nouvelles « occasions de travail » ;
et
qu’enfin la guerre atomique peut tout compromettre dans l’œuf. Mais l
1389
dans l’œuf. Mais l’œuf est là, portant son germe
et
notre avenir, cet avenir qu’il nous faut accepter de dévisager hardim
1390
le travail qui occupait l’essentiel de nos jours,
et
dont dépendait notre sort : salaire, nourriture et logement. Si la te
1391
t dont dépendait notre sort : salaire, nourriture
et
logement. Si la technique, demain — comme elle le peut — permet à la
1392
r nos descendants. Tout peut changer radicalement
et
d’ici peu, bien moins par suite de facteurs matériels que j’aurais ou
1393
l’usage qu’un peuple a décidé d’en faire : chars
et
wagons en Occident, jouets et ornements chez les Aztèques.) Ce qui es
1394
d’en faire : chars et wagons en Occident, jouets
et
ornements chez les Aztèques.) Ce qui est certain, c’est que le progrè
1395
tions se manifesteront d’une manière transparente
et
seront suivis d’effets presque immédiats. Ce sont ces vœux et ces ori
1396
ivis d’effets presque immédiats. Ce sont ces vœux
et
ces orientations que l’on peut essayer d’induire de notre état d’espr
1397
mmédiatement vers les voyages, le sport, les jeux
et
l’érotisme. L’expérience des vacances payées nous l’a fait voir à une
1398
née par les populations du cercle arctique (Suède
et
Norvège), condamnées au loisir pendant six mois d’hiver : elles se to
1399
plé ou centuplé pendant ce siècle les instruments
et
moyens de culture. On y publie plus de livres que jamais et à vil pri
1400
de culture. On y publie plus de livres que jamais
et
à vil prix : les bibliothèques et les foyers de culture locaux se gén
1401
vres que jamais et à vil prix : les bibliothèques
et
les foyers de culture locaux se généralisent ; toute la peinture mond
1402
ute la musique nous vient à domicile par la radio
et
par le disque ; des conférences, causeries et discussions publiques s
1403
dio et par le disque ; des conférences, causeries
et
discussions publiques se tiennent par dizaines de milliers dans nos p
1404
izaines de milliers dans nos pays démocratiques ;
et
l’instruction publique est heureusement doublée par des centaines d’o
1405
ment de l’histoire, découverte du monde, sciences
et
techniques, politique, religions. C’est dire que nous multiplions déj
1406
je dis seulement que tout y mène pour le meilleur
et
pour le pire. C’est dire que tout nous mène vers une ère religieuse.
1407
créatrices, des mathématiques pures à la poterie,
et
de la métaphysique à la sculpture des meubles. C’est ainsi que la tec
1408
ce, nous ramènera demain aux options religieuses.
Et
je n’imagine pas de drogue assez puissante pour en détourner le genre
1409
ieuse la plus intense a signifié longtemps ascèse
et
renoncement, en Occident comme en Orient. (En fait, elle est surtout
1410
ent comme en Orient. (En fait, elle est surtout —
et
devrait être — accession à la vérité, et peu importent les moyens.) O
1411
urtout — et devrait être — accession à la vérité,
et
peu importent les moyens.) On voit donc mal, à première vue, comment
1412
de retrait en deçà) du dogme formulé ; mais l’une
et
l’autre s’appuyaient sur l’objet de leur renoncement et en dépendaien
1413
utre s’appuyaient sur l’objet de leur renoncement
et
en dépendaient étroitement. L’ascèse de demain pourra difficilement p
1414
nt qui nous permet ce retour en créant du loisir.
Et
quant à la mystique, elle suppose avant tout la connaissance précise
1415
d — vit simplement sur les reflets épars du dogme
et
de la liturgie dans la culture dont il est imprégné. Voilà pourquoi l
1416
prégné. Voilà pourquoi la connaissance des dogmes
et
des options fondamentales de nos religions sera demain la première co
1417
ns sera demain la première condition des hérésies
et
gnoses qui vont paraître : elles ne feraient autrement que répéter de
1418
trines dont le style créateur a fait son temps43.
Et
je ne dis pas qu’elles s’en priveront. Mais je vois aussi que la cult
1419
lévision, la radio apportent le monde à domicile,
et
les spectacles solennels organisés par l’art ou par le sport préparen
1420
és par l’art ou par le sport préparent les masses
et
les individus à des liturgies imprévues. Les religions de « divertiss
1421
otalitaires — en bénéficieront très certainement.
Et
l’on sait, d’autre part, que la passion pour l’occulte ne cesse de gr
1422
au, voilà qui nous conduit à reconsidérer le sens
et
la nature finale du Progrès. Celui-ci n’est-il pas simplement l’augme
1423
. Brinkmann, Mensch und Technik, 1936, p. 85 à 92
et
passim.) Cela changera au xxe siècle, avec l’institution des laborat
1424
rêves alchimiques » sur les inventeurs du xviiie
et
du xixe siècles. Leur lignée remonte à Paracelse, par Jérôme Cardan,
1425
vaient être des ingénieurs des mines : Swedenborg
et
Novalis. 36. Le modèle qui servit à Goethe pour écrire la fin du sec
1426
arbier, Iambes, cité par P. M. Schuhl, Machinisme
et
Philosophie, 1938. 40. Les seules descriptions « riantes » de la Nat
1427
criptions « riantes » de la Nature dans la poésie
et
la peinture médiévales concernent les vergers. Le reste était terreur
1428
. L’intelligentsia berlinoise, puis new-yorkaise,
et
une partie de la parisienne se crurent, au xxe siècle, et furent dan
1429
rtie de la parisienne se crurent, au xxe siècle,
et
furent dans une large mesure antireligieuses ou a-religieuses. Le sur
1430
cessé de chercher une vision religieuse du monde
et
de la vie, bien plus « païen », par cela même, qu’un J.-P. Sartre, qu
1431
la littérature occidentale s’est amorcé dès 1919,
et
n’a pas cessé de s’amplifier. 43. Nos sectes orientalistes font parf
1432
thé à Windsor, relâchement des liens entre Moscou
et
les PC européens… Ne serait-ce pas qu’une logique interne, ou qu’un p
1433
emblent céder à la manie d’historiser le présent,
et
de n’en vouloir juger — si l’on peut dire encore — qu’au nom de ce qu
1434
e passe-t-il en réalité ? Que deviennent les anti
et
les pro-communistes privés de la figure de Staline ? Enfin, quelles s
1435
ants semblent se situer sur une courbe ascendante
et
continue, allant de la tyrannie démente vers une sorte de démocratie,
1436
frappants (puisqu’il s’agit d’omissions calculées
et
non plus de déclarations) — faits tout de même, qui, reliés à leur to
1437
contre Staline à ce qui s’est passé depuis 1934,
et
seulement aux dépens des « bons communistes ». Que penserait-on d’un
1438
ocès staliniens comme des machinations délirantes
et
stupides, mais il omet d’en proposer la révision. Il reprend au contr
1439
les risques qu’il courait. C’est justifier Vichy
et
, du même coup, condamner toute espèce de Résistance : à bon entendeur
1440
e espèce de Résistance : à bon entendeur, salut !
Et
c’est aussi contraindre les PC étrangers, pour lesquels l’excuse ne v
1441
ire. Au sujet du culte de la personnalité dont K.
et
tous les PC (obéissant spontanément à ses ordres) nous rebattent les
1442
Staline, ne serait-il pas une « personnalité » ?
Et
son mausolée de la Place Rouge, le lieu d’un culte ? Thorez et Toglia
1443
ée de la Place Rouge, le lieu d’un culte ? Thorez
et
Togliatti se seraient-ils éclipsés ? De qui se moque-t-on ? De la pre
1444
ention du fait même de la dictature, cause réelle
et
vraie condition des crimes que l’on impute au seul Staline. Or la dir
1445
ps d’Hitler, qui était aussi le temps de Staline.
Et
que la dictature se dise collégiale ou s’avoue personnelle n’y change
1446
6. K. dénonçant Staline au nom de ses créatures —
et
des seules que Staline ait épargnées — ne donne aucune indication que
1447
épargnées — ne donne aucune indication quelconque
et
moins encore de preuves que le groupe des nouveaux chefs se sente com
1448
’immédiat. C’est trop gros, trop invraisemblable,
et
parce qu’on n’ose y croire, on n’a rien vu. Voilà bien son calcul mép
1449
euple, personne ne songe à contester à ces joyeux
et
francs butors l’usage enfin « démocratique » et « pacifique » des pro
1450
x et francs butors l’usage enfin « démocratique »
et
« pacifique » des produits de trente ans de « crimes ». Un peu de m
1451
leur propriété ou du moins leur droit d’usufruit,
et
leur vaudra, de plus, l’estime des libéraux, l’amour des progressiste
1452
l’estime des libéraux, l’amour des progressistes,
et
un prestige accru. Honte aux hommes de ce temps, le calcul semble jus
1453
diront : vous parlez au nom de la morale, mais K.
et
ses amis ont bien d’autres problèmes. Au lendemain de la mort de Stal
1454
ce qu’ils ont fait ? — Bien des choses, en somme,
et
d’abord s’en aller. Si trente ans de pouvoir total sur les esprits, e
1455
. Si trente ans de pouvoir total sur les esprits,
et
d’entraînement systématique des cadres, n’ont pas formé les trois dou
1456
les, à nier les évidences, à fuir les châtiments,
et
à mettre les crimes dans le sens de l’Histoire, pour les rendre accep
1457
écisément en URSS) l’auraient sans doute comprise
et
approuvée plus facilement que le Doyen de Cantorbéry. « Le crime seul
1458
qui l’a commis hors de la considération sociale,
et
le châtiment doit l’y réintégrer. » (Simone Weil.) Voilà qui eût just
1459
u moins, les fameux camps de rééducation. Mais K.
et
ses collègues, en se refusant en corps au châtiment prévu par leur pr
1460
re régime pour les fauteurs de « crimes sociaux »
et
leurs complices, et les familles et les amis de ces complices, ruinen
1461
auteurs de « crimes sociaux » et leurs complices,
et
les familles et les amis de ces complices, ruinent à jamais, par un e
1462
mes sociaux » et leurs complices, et les familles
et
les amis de ces complices, ruinent à jamais, par un exemple décisif,
1463
morale qu’il faut ici parler, de morale politique
et
sociale, on l’entend, la seule qui non seulement nous donne le droit
1464
est de ceux qui dégradent non seulement un régime
et
les idéaux qu’il proclame, mais toutes les relations humaines dans un
1465
ant avec succès, sans nulle opposition, l’honneur
et
le sens le plus commun de la justice, sous l’œil intéressé des masses
1466
e faits que le mot ne suffit pas à caractériser ;
et
à mettre en lumière ce qu’il tend à cacher. Il est clair que Staline
1467
nié. Mais il est non moins clair que les méthodes
et
les procédés communistes — baptisés « staliniens » quand ils devienne
1468
son règne, ne se voient dénoncés que des lèvres,
et
à seule fin d’exonérer le groupe qui entend bien rester libre de les
1469
és), les perspectives se modifient radicalement ;
et
l’on jugera que le « stalinisme » peut encore se porter aussi bien qu
1470
de hypothèse est celle d’Isaac Deutscher, reprise
et
approuvée presque dans les mêmes termes par Jean-Paul Sartre dans Les
1471
nt en URSS, je reconnais qu’ils ont eu des postes
et
des charges du vivant de Staline ; mais faut-il en conclure que ce so
1472
même en créant, par l’industrialisation de l’URSS
et
par l’élévation continue du niveau matériel et culturel des Soviétiqu
1473
SS et par l’élévation continue du niveau matériel
et
culturel des Soviétiques, les conditions d’une politique nouvelle. Le
1474
sont les hommes de cette politique : ils la font,
et
ils sont faits par elle. » Notons d’abord que Sartre « reconnaît » qu
1475
» Notons d’abord que Sartre « reconnaît » que K.
et
les siens eurent « des postes et des charges du vivant de Staline ».
1476
connaît » que K. et les siens eurent « des postes
et
des charges du vivant de Staline ». (Il serait difficile de le nier.)
1477
étamorphose — la dialectique en a fait d’autres —
et
posons une question plus gênante : le stalinisme est-il un système di
1478
? Pourtant, le PC de France se disait stalinien,
et
Sartre l’approuvait en général (« Ses positions, dans l’ensemble, ont
1479
té justes »). Il approuvait donc, pour la France,
et
sous le même nom de stalinisme, autre chose que ce qu’il dit que le s
1480
talinisme contenait autre chose que ce que Sartre
et
l’Histoire en pouvaient approuver, puisqu’il est aujourd’hui condamné
1481
t approuver, puisqu’il est aujourd’hui condamné —
et
non pas simplement dépassé — par ceux-là mêmes en qui Sartre veut voi
1482
ent de l’Histoire qui les mène. (« … ils la font,
et
ils sont faits par elle. ») Quelle était donc cette autre chose qui e
1483
e était donc cette autre chose qui est condamnée,
et
que Sartre n’approuvait pas ? L’action personnelle de Staline, en tan
1484
n, car tout se compliquerait aussitôt. Si Staline
et
le stalinisme n’étaient pas une seule et même chose, l’un pouvait don
1485
Staline et le stalinisme n’étaient pas une seule
et
même chose, l’un pouvait donc survivre à l’autre ? Or ils sont morts,
1486
istoire ? Ah ! qu’il est encombrant, ce cadavre !
Et
comme l’existence vient se moquer des systèmes et de leur dialectique
1487
Et comme l’existence vient se moquer des systèmes
et
de leur dialectique ! Si l’on déduit du « stalinisme » selon Sartre,
1488
e part ce qu’il en approuvait en dehors de l’URSS
et
de ses conditions, d’autre part ce que K. et les siens viennent d’en
1489
URSS et de ses conditions, d’autre part ce que K.
et
les siens viennent d’en condamner en URSS même, on voit mal ce qu’il
1490
vérité bien certaine, c’est que Staline est mort
et
que, trois ans plus tard, ses successeurs ont jugé nécessaire de déno
1491
nécessairement nouvelle du communisme soviétique
et
mondial. Au total, je ne pense pas que le phénomène relève d’une dial
1492
nte de l’Histoire (ainsi que le veulent Deutscher
et
Sartre), dialectique dont la « nécessité » aurait le grand avantage d
1493
e espèce de jugement moral, actuel ou rétroactif,
et
de ridiculiser d’avance toute demande de comptes s’adressant non seul
1494
ts acteurs quand ils faisaient le jeu de Staline,
et
les approuvent encore quand ils disent ne plus le faire. Je pense, au
1495
de ses méthodes fondamentales, lesquelles étaient
et
restent celles de la dictature ; que le « stalinisme », si on en défa
1496
’administration des hommes que Staline a formés ;
et
qu’enfin le seul grand changement produit par la mort du despote et s
1497
l grand changement produit par la mort du despote
et
son reniement proclamé est un changement psychologique : le rapport d
1498
logique : le rapport de K. le reflète, l’accentue
et
le rend irréversible. J’examinerai maintenant les conséquences qui pe
1499
ntale, bien que les communistes y soient très peu
et
assez mal représentés. « Verser dans l’anticommunisme », aux yeux d’u
1500
ntretient un climat de confusions intellectuelles
et
morales dont les seuls staliniens ont pu se réjouir. Leur crise prése
1501
nom d’anticommuniste systématique. C’est mon cas
et
je m’en explique. Je fus aussi, et au même titre, un antinazi systéma
1502
C’est mon cas et je m’en explique. Je fus aussi,
et
au même titre, un antinazi systématique. Communisme et nazisme, en ef
1503
même titre, un antinazi systématique. Communisme
et
nazisme, en effet, ne sont pas seulement des systèmes, mais des systè
1504
otalitaires. Il n’y a donc pas, en eux, à prendre
et
à laisser. (Je prends le Plan, je laisse les camps ; je prends K. et
1505
rends le Plan, je laisse les camps ; je prends K.
et
son groupe, je laisse Staline ; je prends les idéaux, je laisse les f
1506
.) Ce que prétendent laisser nos libéraux jobards
et
nos soi-disant neutralistes, c’est la condition même de ce qu’ils ent
1507
u prolétariat non consulté) suppose la dictature,
et
K. suppose Staline, qui l’a fait. Dans un système totalitaire, par dé
1508
endants de la ligne fixée par le régime lui-même.
Et
parmi les hommes que j’ai dit libéraux, neutralistes ou progressistes
1509
tion de Staline en tant que seul juge de la Ligne
et
porteur du mouvement de l’Histoire ! D’où l’on voit qu’un anticommuni
1510
tique. On lui reproche de « n’être qu’un anti » ;
et
comme, en fait et en logique, on ne connaît pas d’opposition qui n’im
1511
oche de « n’être qu’un anti » ; et comme, en fait
et
en logique, on ne connaît pas d’opposition qui n’implique une certain
1512
us de la classe bourgeoise, qui achète ses livres
et
applaudit ses pièces bien qu’il n’ait pas cessé de l’attaquer, et qu’
1513
pièces bien qu’il n’ait pas cessé de l’attaquer,
et
qu’il n’a nul besoin de l’argent du communisme, qu’il défend sans y a
1514
onnus de tous : 1. que Staline était un fou cruel
et
rusé (le « Caligula du Kremlin », écrivaient Preuves et le BEIPI), un
1515
é (le « Caligula du Kremlin », écrivaient Preuves
et
le BEIPI), un mégalomane en proie au délire de persécution, comme la
1516
isme-léninisme ; 3. que Staline glorifié, en gros
et
en détail, par tous les communistes du monde entier, en tant que resp
1517
e millions de juifs par Hitler au nom du racisme,
et
compromettait au surplus un idéal universel, ce que n’avait pas su fa
1518
, Slanski, etc., menés au nom des mêmes doctrines
et
par les mêmes procédés délirants que ceux de Boukharine, Zinoviev et
1519
océdés délirants que ceux de Boukharine, Zinoviev
et
consorts, et que celui de Beria et de ses agents, prouvaient que les
1520
nts que ceux de Boukharine, Zinoviev et consorts,
et
que celui de Beria et de ses agents, prouvaient que les États communi
1521
rine, Zinoviev et consorts, et que celui de Beria
et
de ses agents, prouvaient que les États communistes étaient gouvernés
1522
t en croire Staline) par une majorité de traîtres
et
d’espions au service du capitalisme, soit (comme nous le pensions, et
1523
ice du capitalisme, soit (comme nous le pensions,
et
K. le confirme) par une minorité de scélérats, Staline en tête, dont
1524
mps de travail forcé non seulement existaient bel
et
bien, mais qu’ils étaient peuplés de millions d’innocents, condamnés
1525
es, dites « locales », empêchait tout désarmement
et
retardait ainsi le progrès économique ; 8. que le niveau de vie des t
1526
rieur à ce qu’il était dans les pays capitalistes
et
socialistes, dont pourtant les régimes ne se justifiaient pas au seul
1527
pas au seul nom de l’émancipation prolétarienne ;
et
que les conflits du travail, réglés chez nous par conventions bilatér
1528
dent, simples valets de plume du PC, calomniaient
et
louaient sur ordre, stakhanovistes de la servilité ; 10. qu’enfin tou
1529
e fascisme, etc. C’était conforme à leur doctrine
et
à leur discipline terroriste. Mais il était plus surprenant de voir l
1530
il était plus surprenant de voir les simples AAC
et
PPC (les anti-anticommunistes et les pro-parti communiste) nous resse
1531
les simples AAC et PPC (les anti-anticommunistes
et
les pro-parti communiste) nous resservir les mêmes insultes, sous l’e
1532
t » introduit dans la situation par le rapport K.
et
ses suites ? Sur les points 1 à 8 de ma liste d’exemples, K. et les s
1533
? Sur les points 1 à 8 de ma liste d’exemples, K.
et
les siens, pour l’essentiel, donnent raison aux anticommunistes. Sur
1534
, le niveau de vie inférieur des ouvriers russes,
et
la servilité des écrivains staliniens), mais encore toutes ces choses
1535
alayées d’un seul coup, ridiculisées sans espoir,
et
ramenées à ce que nous disions qu’elles étaient en réalité : de pures
1536
us disions qu’elles étaient en réalité : de pures
et
simples mystifications, au sens marxiste de l’expression. Quant au po
1537
t, sa vérité résulte des points qui le précèdent,
et
sa confirmation héroïque et sanglante s’inscrit dans les émeutes ouvr
1538
nts qui le précèdent, et sa confirmation héroïque
et
sanglante s’inscrit dans les émeutes ouvrières et dans la Résistance
1539
et sanglante s’inscrit dans les émeutes ouvrières
et
dans la Résistance intellectuelle de l’Est. Que vont dire, dans ces
1540
. Que vont dire, dans ces conditions, nos AAC ?
Et
que vont faire nos PPC ? Proclamer que nous avions raison ? S’excuser
1541
. Réponse : Tout n’est pas condamné, loin de là,
et
ce n’est point par hasard que ces « crimes » furent commis : ils étai
1542
toutes ces choses dans l’esprit des chefs russes
et
le vôtre aient changé. Répéter contre Staline et Beria ce qu’ils disa
1543
et le vôtre aient changé. Répéter contre Staline
et
Beria ce qu’ils disaient contre Trotski, Kamenev ou Toukhatchevski, d
1544
me si l’on tire au nom du bien de ceux qu’on tue.
Et
, pour tout dire, recevoir l’ordre d’être libre, de telle manière pres
1545
l’ordre d’être libre, de telle manière prescrite
et
limitée, n’est pas encore se libérer en obéissant. Cela peut être aus
1546
fet, elle supprime « la base de leurs convictions
et
souvent aussi de leurs revenus »51. Réponse : En ma qualité d’antico
1547
aucoup moins distingué, sans doute, que M. Fejtö,
et
beaucoup moins subtil que ses amis d’Esprit, donc carrément « vulgair
1548
ion de mes revenus, j’ai dit plus haut les bonnes
et
solides raisons que j’aurais, dans ce cas, de rester optimiste. M. Fe
1549
s, naïvement, que le rapport K. devait, en somme,
et
en quelque manière, gêner plutôt les staliniens et leurs alliés, AAC,
1550
t en quelque manière, gêner plutôt les staliniens
et
leurs alliés, AAC, PPC et consorts. Que sont-ils, en effet, et quelle
1551
r plutôt les staliniens et leurs alliés, AAC, PPC
et
consorts. Que sont-ils, en effet, et quelle tête peuvent-ils faire, a
1552
és, AAC, PPC et consorts. Que sont-ils, en effet,
et
quelle tête peuvent-ils faire, au lendemain du XXe congrès, s’ils son
1553
r un paranoïaque. Ils croyaient servir la justice
et
approuvaient régulièrement toute injustice, pour peu qu’elle fût comm
1554
oyaient servir « le libre développement de tous »
et
justifiaient les camps de travail forcé, ou niaient leur existence, o
1555
s camps. C’était faire le jeu de Staline, fauteur
et
pourvoyeur des camps. (Mais il n’y avait pas de camps !, criait Würms
1556
: de les dire bien réels, puisqu’on va les vider,
et
de les dire mauvais, puisqu’ils étaient en URSS…) Lorsqu’eut lieu le
1557
peuple » hongrois étaient proprement scandaleux,
et
visiblement fabriqués. Benda déclarait, au contraire : « Le malheur p
1558
aveux, par les témoignages les plus formels52. »
Et
Courtade, témoin du procès, osait écrire : « On cherche en vain sur c
1559
e exclut toute distinction morale entre la vérité
et
le mensonge. La bonne foi, c’est la foi du Parti. La mauvaise foi con
1560
anité sur le visage de Rajk vivant. Il est encore
et
toujours de bonne foi en retrouvant cette trace sur le cadavre du mêm
1561
foi telle qu’un Sartre pouvait jadis la définir,
et
la discipline du PC, on conçoit le malaise qu’ils endurent. Il serait
1562
çoit le malaise qu’ils endurent. Il serait puéril
et
vain, malgré tant d’apparences, de leur dire aujourd’hui : « Reconnai
1563
vos torts. » Ils vivaient sur des mythes verbaux
et
littéraires d’une indéniable consistance psychologique. Ça ne se guér
1564
pas en un jour. Tous leurs mots, groupes de mots,
et
tabous : révolution, contre-révolution, capitalisme, réaction, gauche
1565
contre-révolution, capitalisme, réaction, gauche
et
droite, stalinisme et fascisme, dictature, liberté formelle, mauvaise
1566
pitalisme, réaction, gauche et droite, stalinisme
et
fascisme, dictature, liberté formelle, mauvaise foi, volonté des mass
1567
mythologie, mais ne collaient plus à rien de réel
et
de vérifiable : « névrose constituée » du langage. Ils jugeaient honn
1568
r le contraste entre les étiquettes « de gauche »
et
les contenus. Elle commandait ainsi de se taire sur les camps, ou de
1569
ir dans Jaspers un nazi, dans Staline un penseur,
et
dans Stil quelque chose ; enfin de situer « à gauche » le despotisme
1570
droite » l’esprit critique, le doute, la liberté,
et
de ne tenir pour vrai que ce qui était dit « de gauche » ; bref, dans
1571
este sans prise sur des troubles de cette nature.
Et
, plutôt que de leur retourner tant d’insultes outrées dont on voit la
1572
lus correct, ni par un supplément d’information ;
et
qu’elle exclut tout geste de fair-play à l’adresse d’adversaires inte
1573
ne « erreur » si longuement constituée, cohérente
et
conditionnée, que seul un acte comparable à la conversion religieuse,
1574
que un règlement de comptes entre le tyran défunt
et
ses successeurs ; attribuer du jour au lendemain tout le mal qui s’es
1575
ar suite à justifier Tito, mais non Trotski, Rajk
et
Kostov, mais pas encore Slansky, cela fait partie des exercices coura
1576
bat sa coulpe sur les joues de Thorez, de Duclos
et
de Togliatti. Le bon vieux drill fait place à la brimade directe, mai
1577
’esclavage qui transcende l’obéissance technique,
et
ne peut récuser qu’un seul ordre : celui de ne plus obéir. Le mouveme
1578
de ces deux hypothèses. Togliatti décide d’obéir
et
, pour bien nous montrer qu’il a compris les ordres, risque une critiq
1579
soyez libres ! Peignez-vous comme il vous plaira
et
cessez d’obéir comme des brutes ! » Aussitôt la panique se répand dan
1580
n violet ou en rose. Quelques-uns restent rouges,
et
l’on peut se demander s’ils n’ont rien trouvé de mieux, ou s’ils tent
1581
endant, deux ou trois se débarbouillent la figure
et
décident de quitter le pays. La question qui se pose est celle-ci : l
1582
qu’avant. Comprenez qu’il n’est pas d’autre voie,
et
que vous ne serez jamais libres à moindre prix. D’autres difficulté
1583
révélées dans l’univers du communisme soviétique
et
mondial par la Turbulence que l’on sait seront ici brièvement indiqué
1584
Le problème est nettement posé par le rapport K.
et
ses suites. Jusqu’à la veille du rapport, en effet, dire que Staline
1585
tout court, voilà qui est loin de prouver que K.
et
les PC aient rejoint le parti de la vérité. Cela prouve au contraire
1586
ire que la vérité doit être dictée, non cherchée,
et
dépend de l’intérêt du Parti, non de l’examen libre des faits. Cette
1587
Cette vérité qu’ils disent maintenant par ordre,
et
que nous disions par conviction, c’est la même et ce n’est pas la mêm
1588
et que nous disions par conviction, c’est la même
et
ce n’est pas la même. Ils la disent comme ils la niaient : parce qu’i
1589
e dire le vrai comme on ment, avec le même accent
et
pour les mêmes motifs. Que dis-je ! les Thorez, les Duclos, rédigeant
1590
ctement, technique. Le mensonge y devient erreur,
et
l’erreur y est frappée de sanctions immédiates, qui ne sont point mor
1591
oups de mensonges, mais à force de calculs exacts
et
de vérifications critiques. (La dialectique marxiste, en sciences, n’
1592
arxiste, en sciences, n’a produit que des pannes,
et
Lyssenko). Un monde tel qu’on ne peut plus y dire la vérité, n’est pa
1593
dire la vérité, n’est pas seulement répréhensible
et
rétrograde, mais inapte à durer dans notre âge. L’infaillibilité du
1594
ques avec le Parti, du Parti avec le Prolétariat,
et
de celui-ci avec le mouvement de l’Histoire, qui, par définition, ne
1595
le mouvement ouvrier international ») a toujours
et
nécessairement raison, qu’il soit incarné par Staline comme hier, ou
1596
il soit incarné par Staline comme hier, ou par K.
et
son groupe comme aujourd’hui, sauf qu’on reconnaît « spontanément » q
1597
le vrai porteur ? Faudra-t-il dissocier les chefs
et
le Parti, sacrifier les premiers pour garder pur le second ? Ou disso
1598
pour garder pur le second ? Ou dissocier le Parti
et
le Prolétariat ? (On recule encore devant le troisième blasphème…). C
1599
r a bien dû se glisser quelque part ; elle est là
et
on l’a reconnue ; et pourtant, il s’agit de limiter les dégâts… Mais
1600
r quelque part ; elle est là et on l’a reconnue ;
et
pourtant, il s’agit de limiter les dégâts… Mais que devient alors la
1601
que devient alors la fameuse cohérence léniniste
et
monolithique de tous les échelons du système ? K., hier encore, la pr
1602
encore, la proclamait vitale. Insoluble problème,
et
les risques sont graves. Car ou bien tout se défait ; ou les « crimes
1603
ple la nouvelle classe des bureaucrates ? Mais K.
et
ses amis sont aujourd’hui ses chefs. Au surplus, chacun sait que les
1604
utre parti totalitaire, limité à une seule nation
et
privé de doctrine universelle ; mais elles montrent aussi que « l’uni
1605
te d’une rapide reprise en main, se détachent bel
et
bien du Kremlin, nolens volens, un jour ou l’autre, après bien des à-
1606
dans le style que le Kremlin vient de condamner,
et
, s’il l’a condamné, c’est qu’il y était forcé. La dialectique, encore
1607
rti au pouvoir, de leur appartenance bien visible
et
tangible à une Église monolithique, enfin de leur connivence active a
1608
ence active avec la Terreur même régnant à l’Est,
et
dont on sait que la fascination leur a valu tant d’adhésions à l’Oues
1609
iques), démasquerait son vrai visage nationaliste
et
stalinien. Mais est-il sûr, ici encore, que l’équipe du Kremlin ne dé
1610
élever son niveau de vie, de rattraper l’Amérique
et
de faire du commerce comme les autres. Un tel État tendrait à se déba
1611
endrait à se débarrasser des entraves dogmatiques
et
de ceux qui les vénèrent… À supposer que l’arrière-pensée d’un K. soi
1612
es échanges de personnes, d’idées, d’informations
et
de produits se multiplient déjà et ne s’arrêteront plus. Qu’adviendra
1613
d’informations et de produits se multiplient déjà
et
ne s’arrêteront plus. Qu’adviendra-t-il de ces échanges d’idées, si l
1614
l’humour consistait à tout prendre à la lettre. A
et
B, tous deux hommes politiques, se rencontrent au club pour un échang
1615
ix qui ne résulte pas du contact de deux apathies
et
de l’échange de deux démissions. Le dialogue désormais engagé ne sera
1616
ions. Le dialogue désormais engagé ne sera fécond
et
profitable à tous les deux que si l’un au moins des partenaires détie
1617
rendre assez forts pour donner, pour mieux vivre
et
pour rayonner. Que cela soit attendu par les meilleurs à l’Est, nous
1618
lte de la personne… coûtait cher en vies humaines
et
en biens matériels, mais il ne nuisait pas nécessairement à la justes
1619
ques qui exigent des hécatombes de vies humaines,
et
s’accommodent d’un niveau d’existence matérielle si bas, qu’il provoq
1620
le grandit pas à pas. Prenez notre Comité central
et
notre Commission de contrôle. Ils forment ensemble un centre dirigean
1621
eant. C’est un des centres les plus démocratiques
et
agissant collégialement que notre Parti ait jamais eus… » Discours de
1622
ntalité prélogique. Le capitalisme au xxe siècle
et
les États-Unis, sont des amas de réalités, non des systèmes logiques
1623
ritique peut opérer dans ces amas le choix du bon
et
du mauvais, mais se renierait s’il prétendait les accepter ou rejeter
1624
K. ne cesse de le répéter, à la suite de Staline
et
de Lénine. 50. Exemples récents : dans Preuves, n° 64, F. Fejtö esti
1625
e ce qui « constitue la base de leurs convictions
et
souvent aussi de leurs revenus ». Et il poursuit : « C’est sans doute
1626
convictions et souvent aussi de leurs revenus ».
Et
il poursuit : « C’est sans doute pour cette raison » que lesdits anti
1627
des procédés dont use à son égard L’Observateur,
et
qu’il juge trop personnels : « J’ai retrouvé avec stupeur les procédé
1628
i retrouvé avec stupeur les procédés de la droite
et
je sais que j’aurai droit, le mois prochain, à un autre article, auss
1629
tout de même moins pâteux, dans Preuves. » (Ce «
et
je sais » que j’ai souligné, paraît obscur.) Je n’ai pas la moindre e
1630
calomnier un homme pour qui j’ai eu de l’amitié,
et
ce n’est pas ma faute s’il suffit de le citer pour faire mesurer les
1631
, 19 septembre 1949. 54. « Les ennemis du peuple
et
leurs divers agents feignent de railler ce qu’ils appellent le “culte
1632
peu plus tard, K. juge utile de tancer Togliatti
et
d’approuver Thorez : ces sautes d’humeur semblent déterminées par le
1633
Sur Suez
et
ses environs historiques (octobre 1956)aa Un dialogue A. Aide
1634
achez-le, je me jetterai dans les bras de Moscou,
et
c’est vous qui m’y aurez poussé ! J’ai besoin d’un barrage. B. Entend
1635
s’agissait d’un barrage, que c’était une affaire,
et
votre affaire d’abord, et que vous me demandiez de m’en mêler. A. Vou
1636
ue c’était une affaire, et votre affaire d’abord,
et
que vous me demandiez de m’en mêler. A. Vous me jetez dans les bras d
1637
ervenir dans vos affaires ? A. Assez de sophismes
et
de provocations impérialistes ! Vous êtes riche, je suis pauvre, vous
1638
is sans condition ? A. Parce que Moscou vous emm…
et
que ça me plaît. B. Si je vous donnais les capitaux, Moscou ne change
1639
ur si peu. Je vous rendrais plus fort contre moi,
et
vous ne m’aimeriez pas davantage. Vous n’aimez pas vos intérêts, pour
1640
entiques dans les deux cas, excessives en paroles
et
déficientes en actes. L’affaire Hitler était locale, politiquement :
1641
ompromet l’ensemble des rapports entre l’Occident
et
l’Asie, elle met en cause l’une des deux politiques fondamentales pra
1642
de l’Est européen jusqu’aux confins de la Sibérie
et
jusqu’au désert de Gobi. Essentiellement réactionnaire, elle a pour p
1643
e, elle a pour principes permanents le despotisme
et
l’immobilité, parfois coupée d’accès de nomadisme stériles ou destruc
1644
é celle du mouvement libérateur, de la découverte
et
des échanges. L’une tend à la formation de blocs fermés, l’autre à l’
1645
tivités autonomes, foyers de rayonnement culturel
et
commercial. L’une centralise, l’autre fédère. L’une est conservatrice
1646
ntralise, l’autre fédère. L’une est conservatrice
et
l’autre progressiste. En travers de la politique maritime des Occiden
1647
L’histoire du canal de Suez illustre ce dialogue
et
cette évolution. Le verrou de l’islam Les Pharaons, ancêtres de
1648
attribuera ces pertes en vies humaines à Lesseps
et
à l’Occident.) Trajan fait rouvrir le canal, temporairement ensablé.
1649
canal permettant aux Infidèles l’accès de Médine
et
de La Mecque, villes saintes, l’Abbasside El Mansour le fait boucher
1650
utoniques, puis exploration de l’Océan par Colomb
et
Vasco de Gama. Le premier trouvera l’Amérique. Le second, découvrant
1651
s’étonnera de rencontrer à Calicut les Égyptiens
et
les Chinois « unis comme des compères »57. Préfiguration de Bandung,
1652
n Égypte. Ces plans, cette idéologie progressiste
et
humanitaire, étudiés et repris par Lesseps, violemment combattus par
1653
te idéologie progressiste et humanitaire, étudiés
et
repris par Lesseps, violemment combattus par les Anglais, mollement s
1654
me domine le monde. Mais que l’Occident se divise
et
que l’islam relève la tête, aussitôt le canal de Suez se voit de nouv
1655
argement les intérêts d’une compagnie capitaliste
et
d’un dictateur acculé. L’URSS entre deux politiques Quand la Ru
1656
vient à sa politique traditionnelle, continentale
et
asiatique, Moscou reprend son rôle central. La crise de Suez trouve d
1657
e fois-ci le Nouveau Monde de l’énergie nucléaire
et
solaire. La vraie question que pose le geste de Nasser n’est pas cell
1658
ndes, p. 68. aa. Rougemont Denis de, « Sur Suez
et
ses environs historiques (Le point de vue de Ferney) », Preuves, Pari
1659
’elle existe ? Où commence-t-elle dans le temps ?
Et
où finit-elle dans l’espace ? B. Ceux qui l’attaquent savent assez ce
1660
t. A. L’Albanie musulmane en ferait-elle partie ?
Et
la Russie ? Très grosse question ! Jusqu’à l’Ukraine ou à l’Oural, ou
1661
ibal est aux portes, l’union nous sauverait tous,
et
vous demandez une bonne définition ! Je vous vois venir. A. J’y viens
1662
ût-ce que pour sauver l’objet de notre dialogue —
et
tout dialogue, peut-être. De celle où vous êtes né comme moi, si je n
1663
le où vous êtes né comme moi, si je ne me trompe,
et
qui meurt de vos doutes, plus que de la foi des autres. C et D (ens
1664
de vos doutes, plus que de la foi des autres. C
et
D (ensemble). Laissez-moi ricaner, monsieur ! Votre Europe, elle nous
1665
omment l’aurait-elle pu si elle n’était pas née ?
Et
c’est vous qui en avez décidé, vous les Anglais en sabotant Strasbour
1666
CED. Vous l’appelez quand elle peut vous servir,
et
la mettez en doute quand il faut qu’on la serve. C’est naturel, on vo
1667
s bien. Mais vous auriez tort de vous plaindre. C
et
D. N’empêche que nous sommes seuls à relever un défi qui s’adresse à
1668
s’adresse à tout l’Occident. B. Vous êtes seuls —
et
l’on sait pourquoi — à proclamer que vous faites ainsi, mais rien ne
1669
r que vous faites ainsi, mais rien ne se passe. C
et
D. C’est qu’il y a tous les autres ! Il fallait bien, Monsieur, que n
1670
e l’Égypte. Si vous êtes souverains, tirez donc !
Et
n’allez pas demander partout des permissions. Mais si vous ne pouvez
1671
ope, cet automne ? B. Et vous ? merci. Tout germe
et
tout bourgeonne. On se croirait au printemps ! Voici les faits. Adena
1672
t l’essentiel : que l’Europe peut se faire demain
et
qu’elle le doit, non point pour éviter certains désagréments d’un pas
1673
pour éviter certains désagréments d’un passé mort
et
enterré, mais pour tenir sa place dans le monde de demain, entre les
1674
sitôt accusée de dirigisme. Puis on a tué la CED,
et
toute la presse a récité que l’idée européenne était bien morte. Voil
1675
mun, Guy Mollet au pouvoir en France, Jean Monnet
et
son Euratom ralliant enfin l’opposition allemande, et l’affaire Nenni
1676
on Euratom ralliant enfin l’opposition allemande,
et
l’affaire Nenni-Saragat… S. C’est donc sérieux ? Les grands partis s’
1677
’y a plus une minute à perdre. Sur l’esclavage
et
la souveraineté nationale Une conférence internationale qui a pass
1678
nt comme esclaves dans les pays arabes. La France
et
l’Angleterre ont proposé un contrôle des bateaux qui emmènent ces mal
1679
ui emmènent ces malheureux à travers la mer Rouge
et
le golfe Persique. Le délégué de l’URSS en a profité pour dénoncer l’
1680
a donné à ce commerce une approbation objective,
et
l’Inde a proposé des mesures de compromis. L’esclavage devient donc t
1681
uelques écrivains catholiques, comme Daniel-Rops,
et
un pasteur-député ont parlé de l’affaire en France. Il est vrai qu’Ém
1682
eraineté nationale est un principe progressiste ;
et
la France a tort, quoi qu’elle fasse. Voilà bien des raisons. La prem
1683
rtout, du massacre massif des Koulaks, des Kasaks
et
autres Cosaques, voilà qui n’empêche pas qu’elle « représente » l’adv
1684
ui, selon M. Joliot-Curie, « exige l’exploitation
et
l’esclavage d’innombrables êtres humains maintenus à cette fin dans l
1685
C français. Cela prouve qu’il n’est pas africain,
et
qu’il n’habite pas en Égypte. Car, en effet… Non-ingérence En j
1686
nité n’en a pas moins loué « le caractère positif
et
progressiste » de la saisie du canal de Suez. Qu’importe le fascisme,
1687
asions de tricher, de mentir, de fermer les yeux,
et
de parler de progrès en vous faisant les poches. La fameuse souverain
1688
gens, l’avènement du code imbécile des gangsters
et
des dictateurs. En un mot, c’est le fascisme essentiel. Le polythéism
1689
ski vient d’écrire sur commande une œuvre austère
et
dure, qui ne concède rien ni à l’attente du public ni à celle des cri
1690
ante-quinze ans. Il vit en Amérique. Il a demandé
et
obtenu un cachet « digne », pour une fois, de l’importance de l’œuvre
1691
igne », pour une fois, de l’importance de l’œuvre
et
du génie qu’il est. C’en est trop ! Tous crient au scandale, le grand
1692
l’œuvre, les milieux musicaux à cause du cachet,
et
les critiques à cause des deux. La sottise et la jalousie s’allient a
1693
et, et les critiques à cause des deux. La sottise
et
la jalousie s’allient avec le masochisme, maladie spécifique des élit
1694
Bartók ne gagne pas de quoi se payer la clinique
et
il en meurt, mais les virtuoses qui jouent ses concertos en vivent tr
1695
n vivent très bien : 3000 dollars pour une soirée
et
trente soirées dans une saison, tandis qu’un adroit pousseur de ballo
1696
er de maillot (Stravinski restant loin derrière).
Et
je ne parle même pas du monde du cinéma, où la minute de pellicule mu
1697
urd’hui que l’Europe ait découvert les Amériques,
et
toute la Terre, dans le seul dessein de satisfaire les viles passions
1698
ialistes de Colomb, animées par l’esprit de lucre
et
l’hypocrisie missionnaire, ont détruit les « splendides » cultures de
1699
« splendides » cultures des Indiens, des Aztèques
et
des Incas, et nos deux-cents familles ont reçu leur lot d’esclaves po
1700
cultures des Indiens, des Aztèques et des Incas,
et
nos deux-cents familles ont reçu leur lot d’esclaves pour avoir finan
1701
. Christophe Colomb n’a pas découvert l’Amérique,
et
lui-même n’était pas celui que l’on croit, mais un juif espagnol conv
1702
r conquérir Jérusalem. Ce demi-fou sublime, pieux
et
mégalomane, n’a rien fait de ce qu’il croyait faire, ni de ce qu’on l
1703
Il rêvait d’un Grand Khan adversaire de l’islam,
et
nous avons M. Dulles. Il comptait rapporter la subvention spéciale qu
1704
dernière Croisade, mais nous avons le dollar gap
et
le Conseil de Sécurité. Il partit comme Abraham, « sans savoir où il
1705
savoir où il allait », mû par des songes insensés
et
se trompant dans ses calculs de la largeur d’un océan, mais nos moral
1706
l Street. À supposer que la découverte de la Lune
et
la navigation vers les planètes, qui n’est qu’un rêve encore pour cet
1707
action créatrice sans quelque rêve qui la dirige,
et
qu’elle trahit. « Celui qui vend des bœufs, rêve de bœufs », dit le p
1708
d’Or, a toujours préféré la formule, plus brutale
et
subtile à la fois, des satellites. Elle projette aujourd’hui vers l’e
1709
au point la formule des satellites astronomiques.
Et
quant à la coexistence, qui se révèle malaisée dans le siècle, on ira
1710
celui de l’Histoire : il est question que l’URSS
et
les États-Unis lancent en commun des lunes artificielles. Un rocket n
1711
lème du communisme. Quelques Blancs, je l’espère,
et
beaucoup de Jaunes, les Rouges n’étant plus qu’un souvenir. L’acti
1712
Nos rêves ne précèdent pas seulement nos actions
et
nos découvertes, mais les recherches qu’elles supposent, et qu’ils or
1713
ouvertes, mais les recherches qu’elles supposent,
et
qu’ils orientent. Les archétypes du rêve nous préparent aux surprises
1714
s, dit l’objet, si tu ne m’avais d’abord cherché,
et
comment m’aurais-tu cherché si tu ne m’avais d’abord imaginé ? Parce
1715
e poser comme axiome l’accord fondamental du rêve
et
du réel. Qui n’a rêvé de se transporter en un clin d’œil aux antipode
1716
rs lointains ? En février 1946, vivant à New York
et
séparé de l’Europe depuis de longues années, je notais : « Transmissi
1717
distance par radio. Une particule de chair coupée
et
aussitôt recollée continue à vivre. On pourrait donc envoyer un corps
1718
une fraction de seconde, à l’autre bout du monde
et
l’y recomposer… Accidents à prévoir : arrêt du mécanisme en cours de
1719
ons du corps après plusieurs voyages (« bougé »).
Et
si l’âme reste en route ? — Réfléchir sur la destruction de la catégo
1720
ir trouvé le moyen de désintégrer un corps humain
et
de le réintégrer à grande distance. On attend la suite. Elle viendra.
1721
rons dans la Lune, après-demain nous rajeunirons,
et
l’immortalité n’est plus une utopie : on l’obtient in vitro pour d’im
1722
in vitro pour d’importants organes. La matière
et
son double La découverte de l’antineutron va plus loin que toutes
1723
le monde est monde, c’est-à-dire monde de formes
et
de matière, mais on ne l’a vérifié jusqu’ici que dans l’infinitésimal
1724
vatron de Berkeley rejoint enfin par l’expérience
et
le calcul l’intuition des plus vieilles cosmogonies religieuses : le
1725
umaine. Tous les folklores l’illustrent à l’envi,
et
presque tous les romantiques allemands ont subi l’obsession de ce thè
1726
es Indiens Algonquins, les Abipons, les Bassoutos
et
autres bons sauvages, comme pour Musset et Maupassant, Edgar Poe et D
1727
soutos et autres bons sauvages, comme pour Musset
et
Maupassant, Edgar Poe et Dostoïevski, et autres névrosés professionne
1728
vages, comme pour Musset et Maupassant, Edgar Poe
et
Dostoïevski, et autres névrosés professionnels, le Double est synonym
1729
r Musset et Maupassant, Edgar Poe et Dostoïevski,
et
autres névrosés professionnels, le Double est synonyme de reflet dans
1730
le miroir, d’image du vrai moi, d’ombre, d’écho,
et
d’âme. Et chacun dans sa langue nous enseigne que voir son Double, c’
1731
, d’image du vrai moi, d’ombre, d’écho, et d’âme.
Et
chacun dans sa langue nous enseigne que voir son Double, c’est mourir
1732
es, comme l’imaginent encore tous nos politiciens
et
plusieurs généraux en retraite, mais bien dans les laboratoires où s’
1733
; au défi des besoins de l’âme, laissés en friche
et
libérés par la technique… Nous sortirons enfin des « temps modernes »
1734
« temps modernes », c’est-à-dire du xixe siècle
et
de sa morne dialectique des classes : il a vu son Double effrayant da
1735
a vu son Double effrayant dans les rues de Poznań
et
de Budapest. 58. Salvador de Madariaga, Christophe Colomb, Paris,
1736
Sur la honte
et
l’espoir de l’Europe (janvier 1957)ad Mardi 30 octobre 1956, à F
1737
évolte est écrasée. Honte à nous tous Européens !
Et
pas seulement à ceux qui se trompaient et voulaient à tout prix nous
1738
péens ! Et pas seulement à ceux qui se trompaient
et
voulaient à tout prix nous tromper depuis dix ans : il fallait « essa
1739
honte, rentrant de là-bas, les peuples satellites
et
leurs chefs « adorés ». (M. Pierre Cot parlait ainsi de Rákosi, confi
1740
ême « justice » qui animait les brutes au pouvoir
et
leurs victimes ! Honte aux politiciens européistes qui ont accepté de
1741
ne rien faire, trop de reculs pour mieux sauter,
et
nous voilà… Mais en même temps quel soulèvement d’espoir, au-delà de
1742
quel soulèvement d’espoir, au-delà de nous-mêmes
et
de nos fautes ! S’ils mentent encore — et pourquoi cesseraient-ils ?
1743
s-mêmes et de nos fautes ! S’ils mentent encore —
et
pourquoi cesseraient-ils ? — la révolte n’est pas écrasée. Ne voit-on
1744
ces choses-là qu’en rêve ? Ces triomphes du juste
et
du vrai ? Pourtant Hitler s’est suicidé dans la débâcle, Mussolini a
1745
dans la débâcle, Mussolini a été fusillé, Staline
et
Beria liquidés, Perón chassé — et les autres chancellent. Toutes les
1746
usillé, Staline et Beria liquidés, Perón chassé —
et
les autres chancellent. Toutes les dictatures finissent mal. Avions-n
1747
4 novembre 1956, soir La radio, à sept heures
et
quart, transmettait le dernier message : « Nous mourons pour la liber
1748
: « Nous mourons pour la liberté, pour la Hongrie
et
pour l’Europe. » Cette Europe qui aurait pu, en s’unissant plus tôt,
1749
de l’Occident, hurlant : « L’Europe à l’aide ! »
et
mourant sans réponse. (Écrit pour le Journal de Genève un bref articl
1750
s mots qui portent. Mais les Russes sont si loin,
et
c’est pire.) Nuit du 5 au 6 novembre 1956, à Paris De tous côté
1751
ent pas d’eux-mêmes, ils obéissent à des paroles.
Et
cette révolution, ce n’est pas le mouvement de l’Histoire qui a décle
1752
qui a déclenché sa marche à jamais bouleversante,
et
ce ne sont pas des hommes de main qui l’ont conduite, mais des hommes
1753
e faire l’Europe. C’est la seule réponse positive
et
finalement active dans l’Histoire. Mais en même temps, il faut agir s
1754
Déclarons donc la grève des relations culturelles
et
des relations humaines élémentaires, contre ceux qui chez nous, libre
1755
nous, librement, approuvent le crime de Budapest,
et
contre les complices « objectifs » de ce crime, les intellectuels sov
1756
prendre conscience de ce qui vient de se passer,
et
de l’infernale logique du régime qu’ils approuvent. Ce n’est certes p
1757
dépassée. (Traduit l’appel des écrivains hongrois
et
tenté de marquer, sans autre commentaire, la solidarité qui nous cont
1758
s approuvé l’URSS, disent-ils, c’est leur affaire
et
non la nôtre de la désapprouver si elle va trop loin. Leur silence à
1759
ntée avec un fait brutal. La disproportion morale
et
objective entre l’affaire du Guatemala et la tragédie de Budapest est
1760
morale et objective entre l’affaire du Guatemala
et
la tragédie de Budapest est tellement criante que l’effet d’humour no
1761
nève, à temps pour me joindre au cortège de deuil
et
de muette protestation annoncé pour six heures du soir. Des dizaines
1762
ns les rues totalement silencieuses (plus un tram
et
plus une auto), jusqu’à la place où les couleurs suisses et hongroise
1763
e auto), jusqu’à la place où les couleurs suisses
et
hongroises furent hissées, sous les projecteurs, pendant une minute d
1764
e la largeur de la rue, sans un cri, sans un mot,
et
peu n’ont pas pleuré. Il est frappant que la presse n’ait guère parlé
1765
vi (chahuts devant un journal du parti communiste
et
devant un hôtel où des diplomates russes célébraient leur Octobre à e
1766
nt de se produire dans la conscience européenne —
et
dans elle seule, car l’Amérique du Nord n’a pas bougé — n’est pas enc
1767
urer le péril à la grandeur de notre humiliation,
et
peut-être saisir une arme : l’unité. Dimanche 11 novembre 1956
1768
’Europe se tait… Honte à cette Europe silencieuse
Et
qui n’a pas conquis sa liberté ! Lâches, les peuples t’ont abandonné
1769
el que diffuse le Congrès : « Pour que leur cause
et
leur combat survivent. » C’est toujours le même cri : « Que peut-on f
1770
opinion libre. Mais l’ONU ne trouve quelque force
et
n’accepte d’en faire usage qu’aux dépens des démocraties. Sa machiner
1771
parlant au nom d’une force en tous temps alertée,
et
d’une force indépendante. Pour qu’il y ait une Europe qui puisse vole
1772
abord à New York une permission refusée d’avance,
et
sans consulter autre chose que sa vocation de liberté. C’est la seule
1773
. Mardi 21 novembre 1956 Coupures de presse
et
nouvelles lettres. Plusieurs me disent : Et Suez ? Et les Malgaches ?
1774
resse et nouvelles lettres. Plusieurs me disent :
Et
Suez ? Et les Malgaches ? Et le Guatemala ? Et l’Algérie ? Vous ne pr
1775
ouvelles lettres. Plusieurs me disent : Et Suez ?
Et
les Malgaches ? Et le Guatemala ? Et l’Algérie ? Vous ne protestez pa
1776
lusieurs me disent : Et Suez ? Et les Malgaches ?
Et
le Guatemala ? Et l’Algérie ? Vous ne protestez pas ? Vous êtes donc
1777
: Et Suez ? Et les Malgaches ? Et le Guatemala ?
Et
l’Algérie ? Vous ne protestez pas ? Vous êtes donc pour ? (Mais ceux-
1778
êtes donc pour ? (Mais ceux-là ne me disent pas :
et
Berlin ? Et Poznań ? Et le peuple, après tout, de la Sainte Russie co
1779
ur ? (Mais ceux-là ne me disent pas : et Berlin ?
Et
Poznań ? Et le peuple, après tout, de la Sainte Russie colonisée par
1780
eux-là ne me disent pas : et Berlin ? Et Poznań ?
Et
le peuple, après tout, de la Sainte Russie colonisée par un parti imp
1781
lice, puisqu’aucun de mes principes ne m’y oblige
et
nulle discipline de parti. Faut-il donc vous faire un dessin ? Que je
1782
rien dit cette fois de Perón, de Franco, de Katyn
et
de la Corée, du siège de Varsovie, des Koulaks, du Cachemire, du Naga
1783
s de l’Aramco aux fellaghas, de l’affaire Dreyfus
et
du bûcher de Servet, ni même de la Saint-Barthélemy, non, cela ne veu
1784
mesure : elle a gagné. Nos gouvernants calculent
et
perdent à tout coup. Que l’énergie magyare passe dans notre sang ! J’
1785
agir. ad. Rougemont Denis de, « Sur la honte
et
l’espoir de l’Europe (Le point de vue de Ferney) », Preuves, Paris, j
1786
. C’est trop long. Donnez-moi Ferney comme Branca
et
Voltaire comme un fauteuil. — J’y suis. Dans quel département ? — L’A
1787
l département ? — L’Ain. Elle comprend « hein ? »
et
redemande : « Dans quel département ? », etc. Cela prend du temps, et
1788
s quel département ? », etc. Cela prend du temps,
et
cela se répète depuis neuf ans que je me suis arrêté dans cette ferme
1789
ève, sur un sol longtemps disputé entre la France
et
les Confédérés, finalement demeuré français. « L’un des plus beaux as
1790
onnais peu de paysages aussi complets : la plaine
et
ses intimités cloisonnées de rideaux de peupliers, les montagnes loin
1791
ntagnes lointaines ou proches figurant le sublime
et
le familier, le grand couloir des vents européens, et ces prairies en
1792
e familier, le grand couloir des vents européens,
et
ces prairies entre deux bois de très vieux chênes, où persiste un tap
1793
es heures d’heureux ennui, méditant sur la gloire
et
les jeux de Ferney. Le souvenir de Voltaire anime toute la région ; i
1794
rais, voilà l’œuvre du Patriarche au pays de Gex,
et
son monument le plus vrai. Il a bien sa statue, grandeur nature, dans
1795
village. Mais ce n’est pas ce petit corps maigre
et
ce rire édenté de vieillard polisson qui le rendent présent parmi nou
1796
essécher les marais du pays Il établit des foires
et
des marchés Il nourrit les habitants pendant la disette de 1771. F
1797
ngagé ! Il ignorait le mot, mais faisait un pays.
Et
certes personne ne l’aidait, mais il était fort riche et souvent géné
1798
es personne ne l’aidait, mais il était fort riche
et
souvent généreux, pourvu d’une plume qui valait une armée, et d’un ma
1799
énéreux, pourvu d’une plume qui valait une armée,
et
d’un mauvais esprit qui valait cent vertus. « Marchez toujours en ric
1800
réalistes, il édifiait, il réformait, il initiait
et
, malgré son grand âge, il plantait. « Quand je n’aurais défriché qu’u
1801
lantait. « Quand je n’aurais défriché qu’un champ
et
quand je n’aurais fait réussir que vingt arbres, c’est toujours un bi
1802
s. Il y faisait ses Pâques, non sans ostentation,
et
ne se privait pas de haranguer le bon peuple à la sortie de la messe,
1803
crivait plus une lettre aux princes intellectuels
et
temporels de l’Europe sans y ajouter un prospectus vantant la qualité
1804
t : « Daignez les mettre, Madame, une seule fois,
et
montrez ensuite vos jambes à qui vous voudrez. » À ses amis de Paris
1805
s serez servis… Vous aurez de très belles montres
et
de très mauvais vers quand il vous plaira. » En vingt ans, le village
1806
Enfin, Voltaire libère ses vassaux de la gabelle
et
même du servage. Sur quoi le peuple vient lui rendre hommage à la Sai
1807
e Hesse. « Non, mes amis ! », dit le grand homme.
Et
tous de pleurer à l’envi. Paul Claudel, informé par un ami commun de
1808
raînent, dans ce pays de « marches », entre Alpes
et
jura, entre le xviiie et notre siècle, entre ces jardins de Candide
1809
marches », entre Alpes et jura, entre le xviiie
et
notre siècle, entre ces jardins de Candide et cette Bourse des valeur
1810
ie et notre siècle, entre ces jardins de Candide
et
cette Bourse des valeurs de toute l’Europe qui fait sa rumeur à Genèv
1811
olérance chez les Grecs, les Hébreux, les Romains
et
les premiers chrétiens, des digressions sur la magie, la morale et la
1812
hrétiens, des digressions sur la magie, la morale
et
la philologie, et partout une allègre érudition mise au service d’une
1813
essions sur la magie, la morale et la philologie,
et
partout une allègre érudition mise au service d’une inlassable escrim
1814
ns ce pamphlet, si l’on s’en tient à son prétexte
et
à sa lettre. Tout redevient actuel si l’on remplace les jésuites par
1815
l’on tolère le Parti. Un Mandarin dit au jésuite
et
aux deux missionnaires protestants qui se sont disputés devant lui :
1816
taire approuve l’empereur Yont-Chin, le plus sage
et
le plus magnanime qu’ait eu la Chine, pour avoir chassé les jésuites
1817
jésuites l’étaient ». Ces arguments sont simples,
et
ils valent aujourd’hui comme en 1763, mais non plus contre les jésuit
1818
menceront-ils à mériter des peines dans ce monde,
et
dans l’autre ? » (Lisez : dans quel temps les titistes — par exemple
1819
mple — commenceront-ils à redevenir des fascistes
et
se verront-ils exclus du mouvement de l’Histoire ?) Voici enfin sur l
1820
(lisez les partis) sont les ouvrages des hommes,
et
que l’Église romaine est seule l’ouvrage de Dieu. (Lisez : que le PC
1821
s biens, les prisons, les tortures, les meurtres,
et
par les actions de grâce rendues à Dieu (lisez : au Kremlin) pour ces
1822
n ne peut s’empêcher de dissoudre leur Compagnie,
et
d’abolir les jésuites pour en faire des citoyens : ce qui au fond est
1823
citoyens : ce qui au fond est un mal imaginaire,
et
un bien réel pour eux ; car où est le mal… d’être libre au lieu d’êtr
1824
te. Il est très bon qu’on en discute ouvertement,
et
que l’on recherche, en tous les cas divers qui se présentent, non seu
1825
quand elle demande du pain, la paix, la liberté,
et
si possible un peu de vérité. 60. On sait assez que les jésuites, d
1826
pe. Elle semblait jusqu’ici réservée à la Suisse.
Et
voici qu’on en parle même en France. Que se passe-t-il donc ? Dans la
1827
où s’élaborent habituellement les notions vagues
et
puissantes, comme « neutralité » ou « Europe », essayons de repérer,
1828
de motifs clairs, quelques complexes de passions
et
d’intérêts, de phobies et de raisonnements, qui sont peut-être à l’or
1829
s complexes de passions et d’intérêts, de phobies
et
de raisonnements, qui sont peut-être à l’origine du courant que je cr
1830
ment de notre impuissance, né de la crise de Suez
et
des votes à l’ONU. La conjonction USA-URSS, si brève qu’elle ait été,
1831
a conjonction USA-URSS, si brève qu’elle ait été,
et
comme accidentelle, a suffi pour nous faire entrevoir un péril jusqu’
1832
s, au prix de nos libertés, de notre indépendance
et
de notre rôle dans l’histoire. L’idée de neutralité résulte ici de la
1833
e notre faiblesse, du désir de rester nous-mêmes,
et
d’un obscur besoin de revanche : — Vous nous avez laissés tomber ? Bi
1834
tre. Une certaine manière de choisir entre l’URSS
et
les USA, comme si l’Europe n’existait pas. (Ou ne devait pas exister.
1835
t, refuser de choisir entre un ennemi de l’Europe
et
un allié de l’Europe, mais refuser en même temps de faire l’Europe pa
1836
aire l’Europe par crainte de déplaire aux Soviets
et
de plaire aux Américains, voilà qui revient en fait à supprimer l’Eur
1837
avec les provinces occupées. Beaucoup de Suisses
et
de Suédois s’imaginent que leur neutralité les protégerait encore con
1838
ntique… Tels sont, sans doute, les faits récents,
et
les réactions à ces faits, qui expliquent pourquoi l’idée se répand d
1839
sons donc ces mystères de la mauvaise conscience,
et
voyons le cas illustre d’une « conscience », le Premier ministre Nehr
1840
ntre un parti mondial soutenu par un énorme État,
et
la poignée d’intellectuels indiens qui avaient le courage de dénoncer
1841
e dénoncer ce parti ; donc neutre entre une armée
et
un point de vue ; que dis-je, entre la maladie et le diagnostic ! Cet
1842
et un point de vue ; que dis-je, entre la maladie
et
le diagnostic ! Cette espèce-là de neutralité s’est traduite par les
1843
rishna Menon est resté neutre entre les criminels
et
les cris de leurs victimes. On a vu ce jour-là que cette neutralité s
1844
s le cas des Partisans de la Paix. Le neutralisme
et
la neutralité à la Menon abusent du mot, non de la chose, dont ils se
1845
rt le risque d’abuser d’une neutralité justifiée,
et
scrupuleusement pratiquée. Il en abuse lorsqu’il oublie les condition
1846
abuse lorsqu’il oublie les conditions historiques
et
concrètes de son statut de neutralité, et tend à faire de cette devis
1847
oriques et concrètes de son statut de neutralité,
et
tend à faire de cette devise d’État tout autre chose que n’avaient pr
1848
ralité suisse date de 1815. Les traités de Vienne
et
de Paris la reconnaissent, « dans les vrais intérêts de l’Europe enti
1849
lemands ou italiens par leur langue, leur culture
et
leurs affinités, la guerre des autres serait leur guerre civile. Qu’e
1850
ans le cadre européen de son statut, mais partout
et
en toute circonstance, d’une manière absolue, sans révision possible,
1851
ntre l’Europe, dont elle est une partie centrale,
et
les ennemis de l’Europe entière ; neutre entre elle-même et ses ennem
1852
emis de l’Europe entière ; neutre entre elle-même
et
ses ennemis ! Refusant de servir les intérêts, elle violerait son sta
1853
vir les intérêts, elle violerait son statut légal
et
l’esprit même de ses institutions. Au surplus, elle se suiciderait, d
1854
a neutralité Mais l’abus n’enlève pas l’usage,
et
le même exemple suisse peut illustrer les conditions concrètes d’une
1855
gociations secrètes menées en Suisse en 1916-1917
et
dès 1942) 4°) enfin, s’il a renoncé à tout esprit de conquête, parce
1856
militaire, combinant les motifs d’intérêt propre
et
de solidarité humaine, et compensant le renoncement définitif à toute
1857
motifs d’intérêt propre et de solidarité humaine,
et
compensant le renoncement définitif à toute agression par la volonté
1858
appe, en cas de succès, aux destructions humaines
et
matérielles de la guerre, mais on dépense en temps de paix 40 % de so
1859
ut cela, peu d’idéal, beaucoup de raison pratique
et
de prudents calculs. On aurait le plus grand tort d’y mêler de la mor
1860
qu’en tant que mesure politique, donc contingente
et
limitée. En tant qu’attitude générale, elle se situerait à peu près e
1861
e se situerait à peu près entre l’égoïsme cynique
et
l’indifférence de l’autruche. Indépendance et neutralité L’idée
1862
et l’indifférence de l’autruche. Indépendance
et
neutralité L’idée d’étendre à toute l’Europe une neutralité « à la
1863
du désir défaitiste de tirer son épingle du jeu,
et
d’un besoin plus fier d’indépendance. Je ne sais qui a pu écrire que
1864
t armés que l’ensemble des autres peuples, l’URSS
et
les USA pourraient se payer le luxe de se déclarer neutres et de se c
1865
ourraient se payer le luxe de se déclarer neutres
et
de se conduire comme tels. Mais, au fait, ne le sont-il pas ? Ils le
1866
s joueurs n’ayant que son roi qu’il puisse jouer,
et
ne l’ayant pas en échec, ne peut le jouer sans se mettre en prise ».
1867
n à l’autre. Mais en fait il y a d’autres pièces,
et
quelques pions, moyennes ou petites nations de l’Europe ou de l’Orien
1868
s rois impossibles, paralysés par leur puissance.
Et
voilà Suez et Budapest. Et voilà, dans ce jeu carrollien, la révolte
1869
bles, paralysés par leur puissance. Et voilà Suez
et
Budapest. Et voilà, dans ce jeu carrollien, la révolte grondant chez
1870
és par leur puissance. Et voilà Suez et Budapest.
Et
voilà, dans ce jeu carrollien, la révolte grondant chez les pions et
1871
eu carrollien, la révolte grondant chez les pions
et
chez les fous. Nous ne voulons plus servir au jeu des Grands, disent-
1872
sur la neutralité suisse », Présence , Lausanne
et
Genève, n° 3, 1956. 62. J’imagine qu’une situation de double pat ne
1873
i les motifs d’une vraie neutralité (donc limitée
et
contingente, comme celle des Suisses) sont réalisés en Europe, pour l
1874
l’ensemble de nos nations soi-disant souveraines,
et
fragilement alliées plutôt qu’unies. J’avais énuméré quatre de ces mo
1875
t qu’unies. J’avais énuméré quatre de ces motifs,
et
les rappelle. 1. La cause ou l’enjeu des conflits à prévoir n’intéres
1876
renonce à toute idée de conquête ou d’extension,
et
prétend assurer seul, et sans alliés, sa défense. Ces conditions ne s
1877
conquête ou d’extension, et prétend assurer seul,
et
sans alliés, sa défense. Ces conditions ne sauraient être réunies que
1878
l’Est, dotée d’un pouvoir fédéral, d’un Parlement
et
d’une armée. Une neutralité « à la suisse » n’aurait donc aucun sens
1879
quement impossible sans un Pouvoir qui la déclare
et
qui l’assume, et elle ne saurait donc être considérée comme un object
1880
e sans un Pouvoir qui la déclare et qui l’assume,
et
elle ne saurait donc être considérée comme un objectif souhaitable qu
1881
ntre les blocs. Neutralisons les États satellites
et
l’Allemagne (réunifiée), séparons par une zone d’un millier de kilomè
1882
act, « désengageons » les forces armées des blocs
et
le tour sera joué. Ce fut d’abord l’idée d’Eden. Un peu étroite. Elle
1883
de ligne Maginot. Burnham l’élargit aujourd’hui,
et
Bevan le rejoint dans L’Express. Tout arrive. Du point de vue militai
1884
idée. Du point de vue de la spéculation politique
et
journalistique, elle est brillante. Elle fait appel à l’empirisme tou
1885
l’Europe en tranches pour plaire aux Soviétiques
et
rassurer peut-être les Américains (tout en gagnant des voix aux élect
1886
van63. Par chance, on ne l’a pas attendu. La CECA
et
le Marché commun se contentent fort bien d’exister, même si Bevan per
1887
Que propose ce politicien ? D’abandonner l’Europe
et
de la diviser selon les craintes et les calculs des autres. Faire de
1888
nner l’Europe et de la diviser selon les craintes
et
les calculs des autres. Faire de la Grande-Bretagne et de la France i
1889
s calculs des autres. Faire de la Grande-Bretagne
et
de la France isolées des pions sur l’échiquier américain, livrer les
1890
le plan du héros de la nouvelle gauche française
et
de l’arrière-garde antieuropéenne. Qui défendra l’Europe, réduite aux
1891
mérique, cela va de soi, elle est là pour payer —
et
l’on sait que les bombes H coûtent plus cher que nos divisions réunie
1892
a fait de l’espoir d’une indépendance reconquise.
Et
qui se laissera convaincre de « désengager » les États satellites et
1893
convaincre de « désengager » les États satellites
et
l’Allemagne de l’Est ? Nos « progressistes » par antiphrase, sans auc
1894
se retirer de Varsovie, de Budapest, de Bucarest
et
de Leipzig, comme elles se sont déjà retirées de Prague, sûres qu’ell
1895
lie passant au communisme ? Le jeu n’est pas égal
et
les dés sont pipés. L’Europe neutralisée, sans union préalable, serai
1896
ée européenne » (la CECA, le Marché commun, l’UEO
et
l’OECE) serait immédiatement sacrifié si l’Europe était découpée en z
1897
si l’Europe était découpée en zone « désengagée »
et
en zone « atlantique ». Sans l’Allemagne, les Six ne sont rien ; sans
1898
« dans les vrais intérêts » de l’humanité entière
et
de l’Europe conjointement ? Une foule de motifs très divers concouren
1899
l’adhésion de la Suisse (plus neutre que la Suède
et
que l’Autriche), disparaîtrait d’un coup sans discussion possible. Pr
1900
tellites (qui n’aiment pas qu’on les nomme ainsi,
et
c’est bon signe !) : la neutralité de l’Europe entre l’URSS et les US
1901
signe !) : la neutralité de l’Europe entre l’URSS
et
les USA faciliterait l’évolution qu’ils désirent tous vers des formes
1902
des formes occidentales de démocratie socialiste,
et
priverait les Soviets d’un de leurs meilleurs prétextes à stopper bru
1903
s intellectuels antiaméricains de Paris, d’Italie
et
parfois d’Angleterre : une Europe neutre entre le Coca-Cola et les ca
1904
Angleterre : une Europe neutre entre le Coca-Cola
et
les camps de travail forcé leur paraîtrait enfin équilibrée. Prenons
1905
iment les dernières, aurait de quoi les émouvoir.
Et
prenons enfin les jeunes gens : l’idée de servir une Europe capable d
1906
ale. Quelles seront alors les chances de l’Europe
et
de la paix ? Unie, neutre, et armée, l’Europe indépendante deviendrai
1907
chances de l’Europe et de la paix ? Unie, neutre,
et
armée, l’Europe indépendante deviendrait le plus grand des Grands occ
1908
e compterait en effet plus d’habitants que l’URSS
et
les USA additionnés.) Nous voici ramenés aux problèmes d’une partie d
1909
ntenant d’en prévoir les principales combinaisons
et
ouvertures. (À suivre.) 63. Voir son interview dans L’Express du 2
1910
rement rejointe, qu’elle soit capable de défendre
et
d’affirmer son indépendance politique à l’échelle planétaire, seule v
1911
ute neutralité moralement acceptable — se devrait
et
devrait au monde d’être doublement limitée dans sa nature et ses moti
1912
au monde d’être doublement limitée dans sa nature
et
ses motivations. Elle serait strictement militaire, non pas morale, n
1913
elques coups à prévoir Supposons l’union faite
et
la neutralité non seulement déclarée mais garantie, essayons maintena
1914
ux figures de ses problèmes. 1. Si les États-Unis
et
l’URSS restent en position de double pat, mutuellement neutralisés co
1915
qui pourraient survenir dans d’autres continents,
et
à se disposer en conséquence. 2. Si la trêve est rompue entre les deu
1916
pays de l’Est européen. Devant une Europe désunie
et
l’implicite neutralité américaine à l’égard de la « zone de Yalta »,
1917
l’Europe, dont l’OTAN n’englobait qu’une moitié.
Et
l’URSS y regarde à deux fois… 4. Si la guerre téléguidée éclate entre
1918
re, — ou bien les USA sont rapidement vainqueurs,
et
alors l’Europe est là pour aider une nouvelle Russie à réintégrer la
1919
gagne, non sans avoir reçu des coups très rudes,
et
alors l’Europe perd la face en même temps que ses appuis à l’Ouest, m
1920
Trois Rois garantit la neutralité des deux autres
et
se range automatiquement aux côtés de celui qui est attaqué. Ceci pro
1921
eu ne s’en poursuit pas moins en Asie, en Afrique
et
dans le Moyen-Orient. Que devient alors, sur ces théâtres, la faculté
1922
aussi par la puissance nouvelle de l’Europe unie
et
par la prudence accrue des Russes et des Américains, liés par la gara
1923
’Europe unie et par la prudence accrue des Russes
et
des Américains, liés par la garantie triangulaire. 7. La neutralité e
1924
sation des rapports entre la dictature soviétique
et
les démocraties occidentales, tend également à immobiliser les divers
1925
ésie jouent une autre partie, non moins complexe,
et
dont il resterait à supputer dans quelle mesure elle peut demeurer in
1926
la prévision de ces quelques coups élémentaires,
et
l’on voit que mes premiers résultats n’en sont pas moins d’une assez
1927
ne fois tirées au clair certaines données de fait
et
de vocabulaire courant. Je n’aurais pas mené en vain cette recherche
1928
vent en jeu neutralisme, neutralité, indépendance
et
interdépendance… Essayant de repérer pour ma part les résultantes iss
1929
outis à peu près à ceci : a) Une Europe intégrale
et
fédérée, proclamant sa neutralité en cas de conflit américano-russe,
1930
; si pourtant la guerre éclatait, l’Europe neutre
et
unie serait en meilleure posture pour se défendre contre l’URSS. b) L
1931
ce n’existerait vraiment que par rapport à l’URSS
et
aux États-Unis. Elle signifierait un refus de se laisser manœuvrer pa
1932
s ce jeu s’il devait repartir. d) L’Europe neutre
et
unie devrait payer le prix d’une sécurité garantie : elle perdrait en
1933
s on n’a supposé qu’un nombre limité d’hypothèses
et
de combinaisons. Tel facteur oublié peut devenir décisif, telle hypot
1934
d son union fédérale, incluant les pays de l’Est,
et
garantie par les deux blocs. Le meilleur argument qui subsiste en fav
1935
s pays de l’Est. 64. Voir ma chronique de mars
et
d’avril. ah. Rougemont Denis de, « Sur la neutralité européenne (f
1936
te, Budapest est l’expression de cette politique,
et
je suis le seul à le voir, mais Budapest est une faute grave, donc ce
1937
e faute grave, donc cette politique était fausse,
et
j’ai seul le droit de le dire, l’ayant soutenue jusqu’au dernier mome
1938
ue à laquelle Sartre avait pourtant donné raison.
Et
les anticommunistes ont doublement tort, car bien que l’histoire leur
1939
pest — comme elle s’était « exprimée » par Berlin
et
Poznań — ils ne sont pas dans le sens de l’Histoire ; ce qui leur ôte
1940
ait cédé à un réflexe irrépressible d’écœurement,
et
ce n’est surtout pas au nom de quelque « morale » qui dénoncerait le
1941
re de Budapest pourrait être jugée par quiconque.
Et
seul Sartre, parlant au nom du Socialisme, a le droit de protester co
1942
n doit, pour la comprendre, épouser son mouvement
et
adopter ses objectifs ; en un mot, on juge de ce qu’elle fait au nom
1943
ivilège en explique ( !) un autre : seuls peuvent
et
doivent juger ceux qui participent, à l’Est et à l’Ouest, au mouvemen
1944
nt et doivent juger ceux qui participent, à l’Est
et
à l’Ouest, au mouvement du Socialisme ». Traduisons : le privilège du
1945
munisme, trotskisme, social-démocratie germanique
et
latine, travaillisme anglais et scandinave, nouvelle gauche parisienn
1946
cratie germanique et latine, travaillisme anglais
et
scandinave, nouvelle gauche parisienne, dissidences philosophiques, e
1947
du seul point de vue transcendant qu’il accepte,
et
qui est « le Socialisme lui-même ». Mais qui incarne cette essence ?
1948
-elle donc l’existentialisme ? Deux confusions
et
deux Suisses Le même Sartre écrivait naguère que je me suis tu sur
1949
iqué sur Budapest ». Or c’est lui qui a fait cela
et
non pas moi. On m’a lu sur Suez ici même, et je n’ai publié sur Budap
1950
cela et non pas moi. On m’a lu sur Suez ici même,
et
je n’ai publié sur Budapest que trois petits articles qui font douze
1951
a France de parler indifféremment du nationalisme
et
de son idéologie : « Il devient lassant à la longue de toujours répét
1952
confusion de deux nationalismes, le traditionnel
et
le jacobin — le nationalisme confondu avec le nationalisme — constitu
1953
t, écrit Sartre, c’est un homme doux, bien élevé,
et
par-dessus le marché un Suisse : le prestige militaire de la France n
1954
on intention est de tricher, d’abolir les règles,
et
de liquider l’arbitre, faut-il continuer la partie ? Le Parti communi
1955
serait-il pas temps de faire respecter les règles
et
de mettre fin au privilège exorbitant des tricheurs avérés, invétérés
1956
vilège exorbitant des tricheurs avérés, invétérés
et
systématiques ? Telle est la proposition centrale du dernier livre de
1957
le PC soit remis sous l’empire des lois communes,
et
qu’on cesse de le laisser jouir d’un régime d’exception dont il abuse
1958
à tous les partis y compris le Parti communiste,
et
comportant entre autres : une clause de répudiation du totalitarisme,
1959
e, une clause garantissant la liberté de critique
et
d’opposition interne, et une clause fixant un plafond aux dépenses de
1960
t la liberté de critique et d’opposition interne,
et
une clause fixant un plafond aux dépenses des partis. La meilleure pr
1961
s réflexes sont plus forts que tout, le cri part,
et
l’on s’est trahi… Fort brillamment écrit d’un bout à l’autre, ce livr
1962
ment écrit d’un bout à l’autre, ce livre accroche
et
convainc dès le début, plus qu’aucun ouvrage politique que j’aie lu c
1963
ore que plus d’une page de notre auteur l’évoque,
et
rappelle le ton vif et percutant des polémistes du xviiie siècle. La
1964
de notre auteur l’évoque, et rappelle le ton vif
et
percutant des polémistes du xviiie siècle. La forme dialoguée permet
1965
relles qui se présentent à l’esprit d’un libéral,
et
je crois bien qu’il n’est pas une de celles qu’on lui opposera, que S
1966
ne cause gagnée. Du point de vue de l’opportunité
et
de la stratégie politique, je ne suis nullement partisan d’une interd
1967
tes suffisent bien, mais il est visible que non ;
et
d’ailleurs, on ne se souciera de les appliquer que si l’idée d’un Cod
1968
ent, des plus fréquentes en France dans la presse
et
les revues. L’homme de la rue ne l’emploie jamais, et cela pour la ra
1969
es revues. L’homme de la rue ne l’emploie jamais,
et
cela pour la raison bien simple qu’il ne saurait imaginer un seul ins
1970
ctuels pour ridiculiser leurs ennemis politiques,
et
cela sans nul souci du ridicule qu’ils se trouvent jeter du même coup
1971
ropre corporation. Ils ont bien tort, d’ailleurs,
et
se trompent sur leur pouvoir au moins autant que l’homme de la rue. E
1972
u la netteté que lui prêtent les intellectuels. »
Et
je sens aussitôt que l’intellectuel qui écrit cela défend une certain
1973
uel qui écrit cela défend une certaine politique,
et
en attaque une autre qu’il dénigre à l’avance en lui donnant pour déf
1974
ntifique du conflit (entre la théorie ondulatoire
et
la théorie corpusculaire) n’a peut-être pas la netteté que lui prêten
1975
t des idéologues, soit des savants qui l’ont posé
et
qui en débattent. Il est vain de reculer devant ces deux évidences :
1976
lits idéologiques sont le fait des intellectuels,
et
ils dominent la politique concrète de notre temps. L’Europe, Napol
1977
ue concrète de notre temps. L’Europe, Napoléon
et
les intellectuels Dans une autre revue, je lis ceci : « L’Europe u
1978
blème qui intéresse avant tout les intellectuels,
et
laisse les masses indifférentes. » On entend suggérer par là que l’un
1979
tes) ne suffit pas, hélas ! à changer ses données
et
ne contribue guère à le résoudre. On se retourne alors vers les réali
1980
n nous rappelle qu’Hitler a voulu faire l’Europe,
et
Napoléon avant lui. Où prend-on cela ? Ces dictateurs rêvaient sans d
1981
érialiste d’un État s’imposant à tous les autres,
et
la volonté fédérale surgie spontanément parmi les hommes les plus lib
1982
is d’Europe, il l’aurait dit avant Sainte-Hélène.
Et
, s’il l’avait dit, il aurait eu tort car de son temps rien ne menaçai
1983
e siècle. Tout ce qui a marqué, pour le meilleur
et
pour le pire, est sorti de petits groupes d’idéologues. À supposer qu
1984
ment, il joue le jeu de l’ennemi qui le supprime.
Et
, par la suite, ce ne sont jamais les libéraux qui rétablissent la lib
1985
s, les vignettes surtout, montrent des constables
et
des horse guards, des paysans en sabots sur un fond de moulins, des s
1986
es peuples ». Mais il le fait à coups de clichés,
et
ce sont ces clichés qu’il « promeut », plus qu’une vraie connaissance
1987
ce sont ces idées qui mettent les gens en route,
et
non pas la soif d’inconnu. Le touriste moyen ne veut pas découvrir, m
1988
pas découvrir, mais seulement rejoindre une image
et
vérifier qu’elle ne le trompait pas. Rien dans tout cela qui rapproch
1989
. Ils représentent peut-être une dizaine de pays.
Et
je doute, une fois de plus, qu’il soit bon de se connaître, que les é
1990
x comprendre, que la compréhension crée l’amitié,
et
que l’amitié prépare l’union. Je survole en une heure la Suisse, peti
1991
e la Suisse, petite unité politique bien compacte
et
modèle de civisme. On passe en cinq minutes d’un canton à un autre. L
1992
tuelle, mais d’allégeance aux mêmes institutions.
Et
nous, Européens de diverses nations qui allons, une fois de plus, nou
1993
que d’un livre. On commence par citer (guillemets
et
italique) une phrase que l’auteur n’a pas écrite : « De Nicée à la bo
1994
ise, un moyen de gouverner sans résoudre la crise
et
même en s’appuyant sur elle. Mais ce n’est pas du devenir soviétique
1995
es par des massacres, ses crimes par des slogans,
et
ses déficits par des purges, elle s’est mise étrangement en marge du
1996
xxe siècle englobe celui de la Russie soviétique
et
le dépasse très largement. C’est le drame qui surgit de l’affrontemen
1997
tal du monde occidental, fauteur de la technique,
et
des sociétés « primitives » par rapport à ce mode de vie, celles qui
1998
. Car l’Europe a su se défendre, depuis un siècle
et
demi, tant bien que mal il est vrai, contre ses propres inventions, e
1999
e mal il est vrai, contre ses propres inventions,
et
les assimiler, non sans dégâts sociaux, en restant à peu près elle-mê
2000
e dans l’ensemble. Mais l’Asie le pourra-t-elle ?
Et
l’Afrique ? L’URSS écrase les défenses instinctives de ses peuples et
2001
S écrase les défenses instinctives de ses peuples
et
leur inflige le Plan par la police. Les USA vivent dans le bonheur sa
2002
es reproches mutuels, les scandales trop certains
et
leur exploitation par les factions, les campagnes de presse, les accè
2003
de répression, les examens de conscience de part
et
d’autre, les livres, les pamphlets et les articles, plus intelligents
2004
nce de part et d’autre, les livres, les pamphlets
et
les articles, plus intelligents qu’informés, plus informés que judici
2005
ieux que sensibles, ou plus sensibles que sensés,
et
moins réalistes que tout cela, enfin les slogans à la craie, trop fac
2006
en Algérie », c’est autant dire la Lune pour tous
et
pour tout de suite — n’ont certainement pas contribué à la solution d
2007
ils ont été somme toute les premiers à le faire,
et
les seuls jusqu’ici, autant que je sache. Le livre de Germaine Tillio
2008
tant que je sache. Le livre de Germaine Tillion65
et
l’accueil qu’on lui fait de tous côtés m’en donne la preuve. Il débla
2009
us les Français de bonne foi. Réfutant à la fois,
et
sans le chercher du tout, les points de vue partisans de la gauche et
2010
du tout, les points de vue partisans de la gauche
et
de la droite, les ignorances américaines et les astuces tactiques fas
2011
auche et de la droite, les ignorances américaines
et
les astuces tactiques fascistes et communistes, ce petit ouvrage met
2012
es américaines et les astuces tactiques fascistes
et
communistes, ce petit ouvrage met tout au point — au point tragique.
2013
est un procès perpétuel intenté par tous à chacun
et
par chacun à tous. Nous l’avons bien vu depuis deux ans à propos du d
2014
les esprits, tout en se détériorant dans les rues
et
les douars, et dans l’opinion vague qu’on dit mondiale. Voici le deux
2015
ut en se détériorant dans les rues et les douars,
et
dans l’opinion vague qu’on dit mondiale. Voici le deuxième acte annon
2016
ès intenté par les Nations unies. Bandung, Moscou
et
Washington vont se trouver enfin d’accord sur un seul point : la cond
2017
egroupent, face à la convergence de ces attaques,
et
qu’ils cessent de fournir contre la France des arguments qu’Américain
2018
rnir contre la France des arguments qu’Américains
et
Russes vont emprunter aux polémiques françaises, mais qui ne touchent
2019
me. Ce n’est pas la France comme entité nationale
et
politique qui peut être ici mise en cause, mais bien la civilisation
2020
éenne tout entière, dans ses rapports inévitables
et
imprévus avec les peuples non préparés à l’absorber. Le cessez-le-fe
2021
mmun ne saurait être que l’ignorance de la nature
et
du nom même des réalités en présence. Il ne s’agit donc pas d’interna
2022
e décision qui condamnerait la France injustement
et
vainement. Mais il s’agit de reconnaître que l’affaire algérienne n’e
2023
ce qu’elle relève d’une politique de civilisation
et
non d’un tribunal quelconque, fût-il de « l’opinion mondiale ». Qui p
2024
cle. Elle demande des années d’études, d’enquêtes
et
de consultations mutuelles. D’une manière immédiate et préalable, ell
2025
consultations mutuelles. D’une manière immédiate
et
préalable, elle exige que les représentants de l’Europe tout entière,
2026
eprésentants de l’Europe tout entière, culturelle
et
technique, et de l’Afrique du Nord, politique et religieuse, se réuni
2027
e l’Europe tout entière, culturelle et technique,
et
de l’Afrique du Nord, politique et religieuse, se réunissent pour déf
2028
et technique, et de l’Afrique du Nord, politique
et
religieuse, se réunissent pour définir et confronter leurs buts de pa
2029
litique et religieuse, se réunissent pour définir
et
confronter leurs buts de paix, leurs possibilités de survivre à court
2030
à long terme. Mais voici l’échéance de septembre.
Et
tout peut être compromis. Il se trouve que la France, une fois de plu
2031
avec un problème intéressant l’humanité entière,
et
qu’elle ne peut résoudre seule, mais qu’elle seule, tant à cause de s
2032
s défauts traditionnels, pouvait laisser se poser
et
comme s’exemplifier dans toutes ses vraies complexités humaines. L’Am
2033
nt celui de l’aventure occidentale tout entière ?
Et
les autres pays de l’Europe verront-ils que la France n’est ici que l
2034
celle de l’Europe, au-delà de la France déchirée.
Et
de l’Occident peut-être, au-delà de l’Europe. 65. L’Algérie en 195
2035
tenter sa première expérience d’union progressive
et
prudente. Trop petite ! vont répétant ceux qui en ont déjà peur. Bon
2036
de cette union : nul ne sera contraint d’entrer,
et
nul exclu. Tout dépendra des libres décisions que leur peuple seul im
2037
ondial) doit inspirer dès le début les structures
et
surtout les méthodes propres à fomenter l’union. Les traités ne feron
2038
ter l’union. Les traités ne feront rien sans nous
et
les fonctionnaires gâteront tout si l’idée fédérale ne devient pas vi
2039
de l’Europe fédérée, c’est donc dans les esprits
et
les cœurs de nos nouvelles générations que nous pourrons les supputer
2040
es. Elle vise à confronter des expériences vécues
et
à faire voir par quels chemins variés, imprévus et parfois scabreux,
2041
t à faire voir par quels chemins variés, imprévus
et
parfois scabreux, des hommes de formation et de nations différentes e
2042
évus et parfois scabreux, des hommes de formation
et
de nations différentes en sont venus à reconnaître que l’Europe exist
2043
pour eux, que la nécessité de s’unir les concerne
et
que l’avenir de cette union s’inscrit dans les données de leur dessei
2044
ux Français parleront aujourd’hui ; des Espagnols
et
des Italiens, des Allemands et des Scandinaves, des Anglais et des Su
2045
ui ; des Espagnols et des Italiens, des Allemands
et
des Scandinaves, des Anglais et des Suisses suivront. Quant aux jeune
2046
ns, des Allemands et des Scandinaves, des Anglais
et
des Suisses suivront. Quant aux jeunes des pays de l’Est, il est poss
2047
s nous apportent les témoignages les plus ardents
et
les plus sérieusement motivés de leur volonté de rejoindre une Europe
2048
d’après-midi pâle sur les dômes de Saint-Marc. A.
et
R. boivent un negroni en regardant passer par bancs les touristes en
2049
iciel n’ont qu’à brouter. A. — Vous êtes bien dur
et
bien maussade. R. — C’est qu’il y a de quoi ! Venise n’a rien de plus
2050
. Il faut en interdire l’accès à ceux qui pensent
et
qui parlent comme cette dame. Ces hordes de barbares aux mollets nus
2051
qui se promènent sur Saint-Marc un regard ébaubi
et
des jugements réprobateurs devraient se voir retirer leur permis de v
2052
ratique ? R. — Ce ne l’est pas le moins du monde,
et
après ? Vous croyez à la Démocratie ? A. — Je crois à l’éducation pro
2053
— Je crois à l’éducation progressive des masses,
et
je crois qu’une démocratie saine ne peut fonctionner qu’à cette condi
2054
e ces clichés. Je n’entends ici, dans les ruelles
et
aux terrasses, que des jugements triviaux ou malveillants : il paraît
2055
llants : il paraît que les canaux sentent mauvais
et
que la Place n’est pas bien régulière. Voyez-vous, c’est l’immense Pr
2056
. Je demande qu’on institue le permis de voyager,
et
qu’on ne le donne qu’à ceux qui auront passé une série d’examens un p
2057
ai que c’est l’examen de l’Éducation précisément,
et
de ses conditions au xxe siècle qui m’a fait voir le mieux que la Dé
2058
ective, du grégarisme naturel, vers son autonomie
et
vers sa vocation. Éduquer, c’est donner au jeune homme les moyens de
2059
es moyens de se libérer du conformisme, du nombre
et
de ses lois, de l’égalitarisme et de l’imitation, des slogans et de l
2060
isme, du nombre et de ses lois, de l’égalitarisme
et
de l’imitation, des slogans et de la peur de différer. C’est apprendr
2061
de l’égalitarisme et de l’imitation, des slogans
et
de la peur de différer. C’est apprendre au jeune homme qu’il doit fai
2062
monde à juger bon pour lui (même s’il se trompe)
et
cela contre l’avis de la majorité ; elle est incompétente dans son ca
2063
pétente dans son cas, s’il est vraiment quelqu’un
et
s’il veut le prouver. Éduquer, c’est apprendre à distinguer. C’est ap
2064
dites inférieures, — le contraire de la dictature
et
de l’arbitraire du Pouvoir. Seriez-vous devenu fasciste ? R. — C’est
2065
devenu tabou. La raison en est évidente : Hitler
et
Mussolini ayant raillé la Démocratie, tous ceux que leur système révo
2066
sistait à porter cette erreur au pire. Or, Hitler
et
Staline n’ont fait en réalité que pousser l’utopie démocratique à ses
2067
uple unanime, monolithique comme on dit à Moscou,
et
ils l’ont eu, l’épuration éliminant l’opposition, selon le procédé ja
2068
ictatures. A. — Je ne vois pas à quoi vous tendez
et
quelle sorte de régime vous paraît bon. R. — J’avoue que j’ignore son
2069
ue j’ignore son nom, on le trouvera bien un jour,
et
je n’ose espérer qu’il soit exact. Ce sera peut-être encore Démocrati
2070
atie, qui sait ? car ce genre de mot sert à tout,
et
cela peut rassurer les vieux routiers de la gauche, comme cette parti
2071
commence par A, puis par B, puis par C, jusqu’à Z
et
retour. Ou bien tous les hommes sont égaux, alors prenez n’importe qu
2072
la former, la laisser se dégager, la reconnaître
et
puis la respecter. En revanche, l’élite seule peut élire, avec des ch
2073
, vous marquez un point. Ce mélange de plébiscite
et
de rugby, cette compétition plus sportive que proprement politique et
2074
ompétition plus sportive que proprement politique
et
qui finit par des échanges de courtoisie, c’est le seul cas, peut-êtr
2075
re, sans tricher avec ses principes, l’efficacité
et
le bon sens. Les hommes étant ce qu’ils sont, Truman gouvernait bien.
2076
l’homme soit libre. Luther le nie énergiquement,
et
la cybernétique lui donne raison. Seules les libertés politiques sont
2077
e restera dans l’Histoire le rêve du xixe siècle
et
le cauchemar du xxe siècle. L’Occident n’y croit plus. Il la revend
2078
dont nous avons su l’entourer. A. (chuchotant). —
Et
après ? R. — Nos ministères seront remplacés par des cerveaux électro
2079
uel donnera l’image exacte de l’opinion publique,
et
de ses résultantes réelles. A. — Les machines en tiendront-elles comp
2080
’est que les « informations » fournies sur bande,
et
sur lesquelles ces cerveaux ne fonctionnent pas, soient dictées par u
2081
ictées par un petit groupe de savants, d’esthètes
et
de saints. A. — Le Vrai, le Beau, le Bien, en somme, un vieux système
2082
ini. Les rois déchus s’attablent chez « Quadri »,
et
les régimes de tous les temps promènent sous les galeries leurs parti
2083
umain. 66. Aristocratie : de aristo, excellent,
et
krateo, être fort : domination des meilleurs. am. Rougemont Denis d
2084
sser quelques mois à Paris. Tout ce que j’entends
et
tout ce que je lis, politique et littérature, donne la même impressio
2085
ce que j’entends et tout ce que je lis, politique
et
littérature, donne la même impression générale — comme si le cynisme
2086
Je me sens déprimé. R. — Vous ne l’avez pas volé,
et
cela vous apprendra à croire tout ce qu’on vous dit et tout ce que vo
2087
la vous apprendra à croire tout ce qu’on vous dit
et
tout ce que vous lisez ! A. — Mais que croire, si tout ce qu’on me ra
2088
A. — Mais que croire, si tout ce qu’on me raconte
et
tout ce qu’on me donne à lire m’égare ? R. — Regardez ce que l’on fai
2089
que cela ne change rien à la réalité des choses,
et
ne l’exprime presque jamais. Et tâchez de lire d’autres livres. A. —
2090
alité des choses, et ne l’exprime presque jamais.
Et
tâchez de lire d’autres livres. A. — Justement, j’allais vous demande
2091
’allais vous demander. J’ai lu votre avant-garde,
et
j’ai vu les pièces « noires » desquelles l’élite française fait ses d
2092
ux en tirent beaucoup de succès auprès des jeunes
et
du public bourgeois, qui est seul grand public. Tous détestent les co
2093
s. Ils n’approuvent que le pessimisme, l’amertume
et
le ricanement. R. — C’est en effet la convention commune à l’extrême
2094
en effet la convention commune à l’extrême droite
et
à la gauche. À l’exception du seul Kipling peut-être, tous les auteur
2095
’accord pour trouver que notre café fout le camp,
et
ne sont pris au sérieux qu’à ce prix. C’est le pont aux ânes de l’ava
2096
Osborne. Vous me parliez du théâtre d’avant-garde
et
vous mettiez en parallèle son cynisme et celui de la politique frança
2097
nt-garde et vous mettiez en parallèle son cynisme
et
celui de la politique française. Mais les deux choses sont sans rappo
2098
is les deux choses sont sans rapports entre elles
et
sans rapports non plus avec ce qui est actif dans la réalité français
2099
isme, du tragique sans issue, du délire entretenu
et
de l’insulte à la vie comme elle va, c’est Ionesco, Adamov et Beckett
2100
lte à la vie comme elle va, c’est Ionesco, Adamov
et
Beckett, un Roumain, un Arménien et un Irlandais. Aucun rapport avec
2101
nesco, Adamov et Beckett, un Roumain, un Arménien
et
un Irlandais. Aucun rapport avec Mollet, Bourgès, Duchet ou Mitterran
2102
nquante ans en moyenne — voilà votre avant-garde.
Et
je ne vois pas grand-chose à signaler au-dessous, Françoise Sagan n’é
2103
nce. A. Oui, je sais, c’est toujours autre chose,
et
chacun pense ainsi de soi-même vu par d’autres. Vous me disiez que «
2104
n’est guère française, mais les pièces d’Anouilh
et
d’Aymé, qui ne sont pas d’avant-garde et que tout le monde a vues, je
2105
’Anouilh et d’Aymé, qui ne sont pas d’avant-garde
et
que tout le monde a vues, je ne les trouve pas du tout moins cyniques
2106
rouve pas du tout moins cyniques dans leur genre.
Et
Monsieur Ouine, c’est pire que Bardamu. Et Jean Genet, dont Sartre es
2107
genre. Et Monsieur Ouine, c’est pire que Bardamu.
Et
Jean Genet, dont Sartre essaya de faire un saint, n’est-ce pas frança
2108
int, n’est-ce pas français, n’est-ce pas cynique,
et
n’est-ce pas déprimant, pour les amis de la France ? R. — Je vous les
2109
ais je vous conseille de laisser cela qui se voit
et
se discute à Paris, et que l’on y « présente » aux visiteurs. La vrai
2110
e laisser cela qui se voit et se discute à Paris,
et
que l’on y « présente » aux visiteurs. La vraie vie de la pensée est
2111
ré Breton, Paul Morand, Jean Giono, André Malraux
et
le jeune chroniqueur François Mauriac… » Eh bien ? J’avoue que je ne
2112
. Je ne leur vois rien de commun. Deux sont morts
et
pas un n’est un « jeune »… R. — Mais pas un seul n’est un cynique, no
2113
Mais pas un seul n’est un cynique, notez-le bien,
et
ce sont eux qui représentent le mieux une France de volonté, de rigue
2114
é, de rigueur, d’allure vive, d’esprit aventureux
et
de vues larges. Ma liste exprime un parti pris très net, qui est l’in
2115
e, en ôtant les « idées ». Simplifions par Céline
et
Miller, voulez-vous ? Je n’ai pas cité bien d’autres écrivains fameux
2116
décrivent une France tout dans la critique morale
et
l’invention lyrique, la chronique incisive et les vastes systèmes, et
2117
ale et l’invention lyrique, la chronique incisive
et
les vastes systèmes, et qui a le sens de la grandeur réelle, parce qu
2118
ue, la chronique incisive et les vastes systèmes,
et
qui a le sens de la grandeur réelle, parce qu’elle prend une mesure a
2119
temps. Une France intellectuelle partout présente
et
vive au plus brûlant du débat de l’époque, « invisible et fréquente a
2120
au plus brûlant du débat de l’époque, « invisible
et
fréquente ainsi qu’un feu d’épines dans le vent »67. A. — Vos auteurs
2121
réservent aux romanciers, aux auteurs de théâtre
et
aux poètes la qualité de créateurs. R. — Toute l’histoire littéraire
2122
est la moyenne d’âge de vos auteurs ? R. — 64 ans
et
demi, et saluez, je vous prie, car ce n’est pas seulement le pouvoir
2123
yenne d’âge de vos auteurs ? R. — 64 ans et demi,
et
saluez, je vous prie, car ce n’est pas seulement le pouvoir d’inventi
2124
reton qui ne se lassera jamais de découvrir mages
et
mystiques de tous les temps mis au futur. Voyez Mauriac entrer dans l
2125
du tragique militant à la métaphysique de l’art.
Et
Saint-John Perse, poète des conquêtes impériales, devenir le poète de
2126
lité. Chez vous, les floraisons sont plus rapides
et
les succès aussi, mais moins profonds, puis c’est l’oubli ou la répét
2127
e européen de la France, rôle mondial de l’Europe
et
rôle cosmique de l’homme. A. — Faut-il jouer la « Marseillaise » ? R.
2128
ts centrés sur une série de conférences. L’Europe
et
le monde fut cette année le sujet jeté dans la lice pour y être « tra
2129
entions » très sévèrement réglées des gladiateurs
et
je devais avoir l’air de souffrir en silence, si j’en crois les regar
2130
cipe, qu’ils se gardent bien d’exprimer. Théâtral
et
crispé, un communiste français annonce que le Marché commun vient d’a
2131
rime, mais une nécessité reconnue de longue date,
et
qu’elle ne dépend pas du Marché à créer, si elle peut faciliter son e
2132
er qu’on me rappelle la date des libres élections
et
du mouvement « d’en bas » qui ont porté Lénine au pouvoir. Et Kadar,
2133
ent « d’en bas » qui ont porté Lénine au pouvoir.
Et
Kadar, donc ! Mais les interruptions ne sont pas admises, car « on ne
2134
n fait à laisser tous les droits aux antilibéraux
et
à eux seuls, même s’ils défendent les libertés. (Car il peut arriver
2135
dit avec chaleur : — Je ne crois pas à la guerre
et
chacun sait qu’aucun de nos pays ne la veut. — Je suis heureux de vou
2136
e dire ! interrompt le communiste Pierre Abraham.
Et
cela signifie : Je ne croyais pas cela de vous, connaissant votre goû
2137
carnages massifs. Néanmoins, vous voilà compromis
et
condamné d’avance aux yeux de l’opinion si jamais votre Europe fait m
2138
ux libérateurs sibériens. La bonne foi d’un Spaak
et
d’un André Philip, hommes politiques, est d’autant plus frappante que
2139
e est-elle, oui ou non, menacée dans son ensemble
et
dans ses positions mondiales par l’expansion normale des grands empir
2140
de Bandung, par son déficit en matières premières
et
en énergie, et par ses propres armes en général, idéologiques et tech
2141
son déficit en matières premières et en énergie,
et
par ses propres armes en général, idéologiques et techniques, retourn
2142
et par ses propres armes en général, idéologiques
et
techniques, retournées depuis peu contre elle ? Y a-t-il, oui ou non,
2143
urope, posé par le grand jeu des forces mondiales
et
que nos divisions nous empêchent de résoudre ? 2° S’il y a problème,
2144
ous empêchent de résoudre ? 2° S’il y a problème,
et
si vous refusez les mesures concrètes que les « Européistes » sont en
2145
vos attaques contre les partisans de son union —,
et
qu’êtes-vous disposés à faire ? En résumé : vous n’aimez pas notre Eu
2146
s dix ans. Mais quelle autre Europe voulez-vous ?
Et
qu’êtes-vous prêts à faire pour elle ? N’êtes-vous pas des Européens
2147
serait amusant de dresser le catalogue des bonnes
et
des mauvaises raisons de dire non à l’union nécessaire. Ainsi, à la q
2148
? La moitié de ces nations ont moins de cent ans
et
toutes se proclament éternelles. C’est peu croyable. Les maladies aus
2149
est peu croyable. Les maladies aussi existent bel
et
bien et ce n’est pas une raison pour refuser les remèdes. Quelle nati
2150
croyable. Les maladies aussi existent bel et bien
et
ce n’est pas une raison pour refuser les remèdes. Quelle nation de l’
2151
à la Lune. — Qu’attendez-vous donc pour y aller ?
Et
qu’offrent-elles de mieux qui ne soit né chez nous ? 3. — Non, car l’
2152
acteur commun : lâcheté devant l’opinion publique
et
refus hypocrite de la former, ou d’abord de la consulter. 4. — Non, c
2153
on ne fait pas l’Europe, disent les fédéralistes.
Et
chacun se renfrogne, et le problème subsiste, mais tous ont leur rais
2154
disent les fédéralistes. Et chacun se renfrogne,
et
le problème subsiste, mais tous ont leur raison de refuser leur conco
2155
ste. Elle recouvre à peu près la liste des motifs
et
des méthodes pour faire l’Europe qui furent préconisés depuis six ans
2156
s. Tous les européistes ont passé par ces stades
et
beaucoup se sont arrêtés à l’un ou à l’autre. D’où trois ou quatre éc
2157
qu’elle voulait résoudre est dépassé. Le charbon
et
l’acier étant mis en commun, sans parler de l’énergie atomique, si le
2158
ans parler de l’énergie atomique, si les Français
et
les Allemands décidaient de se battre demain, ils ne pourraient plus
2159
nt apparues, hors d’Europe, à l’échelle mondiale.
Et
trois tendances maîtresses se sont diversifiées au cours de ces derni
2160
anismes irréversibles : la CECA, le Marché commun
et
l’Euratom ; et que les parlements les votent bien vite, sans trop voi
2161
sibles : la CECA, le Marché commun et l’Euratom ;
et
que les parlements les votent bien vite, sans trop voir ce qui est en
2162
st engagé. — Oui, mais la France a rejeté la CED,
et
depuis lors les résistances sont alertées. Comment les vaincre ? Le M
2163
urope assiégée ? 3. Il faut persuader les esprits
et
les cœurs, éduquer, former, informer. Car les obstacles sont dans les
2164
ux inculqués par l’École, confirmés par la Presse
et
cultivés par les intellectuels. L’Europe que nous aimons n’est-elle p
2165
auvera… — Oui, mais l’œuvre est de longue haleine
et
le temps presse. Rien ne se fera sans l’esprit, mais sera-t-il assez
2166
une force politique. Car la raison, la persuasion
et
la technique ne sont rien sans la force, qui n’est pas rationnelle. L
2167
pas sans une pression des masses qui les élisent.
Et
les institutions européennes seront bloquées par les parlements si ce
2168
aiment d’avoir bien vu l’urgence pour aller vite,
et
pour en trouver les moyens intellectuels et matériels ? La vérité, c’
2169
vite, et pour en trouver les moyens intellectuels
et
matériels ? La vérité, c’est que les méthodes technique, éducative et
2170
rité, c’est que les méthodes technique, éducative
et
politique ne mèneront à rien l’une sans l’autre. Le grand public pens
2171
un an68. C’est votre inattention qui m’a surpris,
et
l’ampleur de l’ébahissement : l’un des plus grands du siècle qui se v
2172
s mois n’a d’importance qu’aux yeux des ignorants
et
des enfants : c’est vrai, mais l’ignorance et la puérilité font la fo
2173
nts et des enfants : c’est vrai, mais l’ignorance
et
la puérilité font la force principale de l’opinion publique. Rien au
2174
riez nullement conclu que le capitalisme est bon.
Et
vous auriez eu bien raison, mais cette lucidité à sens unique est une
2175
Science », elle devient proprement irrépressible
et
balaye tout. Les Soviets avaient bien calculé le raz de marée de symp
2176
aillibles. Il suffit de tenir compte de l’opinion
et
d’estimer correctement son âge mental, qui est celui des garçons joua
2177
ns un an des spoutniks beaucoup plus sophistiqués
et
confortables, emportant le catalogue de Sears Robuck, la Déclaration
2178
k, la Déclaration d’indépendance, Walter Winchell
et
Billy Graham comme reporters : elle ne rattrapera rien, le mal est fa
2179
es foules, leur intoxication par le sensationnel,
et
les fausses déductions qu’elles tirent à coup sûr de chaque sensation
2180
sant au plan suivant : a) commentaires compétents
et
ardus sur la portée proprement scientifique de l’expérience : elle es
2181
ut militaires des programmes de fusées américains
et
russes, qui peuvent permettre accessoirement de lancer quelques satel
2182
e avec des questions scientifiques assez ingrates
et
des réalités militaires nettement sinistres ; c) appréciation plus mo
2183
rplus, l’Amérique eût été alertée en temps utile.
Et
l’Europe eût mieux vu que ses divisions stupides la mettent seules ho
2184
eurs illusions. Au lieu de quoi, la grande presse
et
la radio des pays libres mais irresponsables ont tout fait pour nous
2185
’un coup en plein délire de masochisme occidental
et
d’admiration éperdue pour un régime par ailleurs condamné. Le Kremlin
2186
garantir leur succès financier. Eux aussi jouent
et
gagnent à tout coup sur l’ignorance et la puérilité d’une opinion qu’
2187
ssi jouent et gagnent à tout coup sur l’ignorance
et
la puérilité d’une opinion qu’ils ne savent pas et ne veulent pas for
2188
t la puérilité d’une opinion qu’ils ne savent pas
et
ne veulent pas former. Eppur, se muove ! — Des amis me retiennen
2189
isent-ils, que l’anticommunisme a trompé le monde
et
s’est trompé lui-même, en répétant que le régime soviétique stérilisa
2190
tournent glorieusement, nous regardent d’en haut,
et
nous disent bip-bip et oua-oua. C’est prodigieux. Ce qu’il y a de plu
2191
nous regardent d’en haut, et nous disent bip-bip
et
oua-oua. C’est prodigieux. Ce qu’il y a de plus beau, sans doute, dan
2192
55) avait largement démontré l’égalité des Russes
et
des Américains. Depuis lors, l’Amérique a choisi d’élever le niveau d
2193
seulement »… Chacun récolte donc ce qu’il a semé,
et
qui n’était pas ce qu’il disait. (C’était même le contraire, dans ce
2194
« idéaliste » tient surtout au bien-être général,
et
que la Russie « matérialiste » veut surtout gouverner les esprits. On
2195
a crise, le régime soviétique accumule les échecs
et
multiplie les signes avant-coureurs d’une désintégration fatale. Aprè
2196
uré le nouveau cours : à la liquidation sanglante
et
collective nommée construction socialiste, succède l’élimination indi
2197
on socialiste, succède l’élimination individuelle
et
idéologique, dont le vrai nom sera dans l’histoire : liquidation du c
2198
lice secrète. On élimine l’agent de sa Diplomatie
et
celui de son Économie, puis le héros numéro un de son Armée. À la fav
2199
ntralisation d’ailleurs non moins bureaucratique,
et
finalement le plan quinquennal, symbole même du régime soviétique, es
2200
lites mis au pillage se révoltent. Leurs ouvriers
et
leurs paysans se dressent contre Moscou au nom du socialisme. Leurs é
2201
and bye », voilà ce que le régime promet encore :
et
c’est littéralement ce qu’il reprochait, au nom d’un réalisme sarcast
2202
ns d’un rapprochement futur entre le peuple russe
et
l’Occident. Le spoutnik lui-même, dans la mesure où il manifeste un s
2203
Sur la fabrication des nouvelles
et
des faits (février 1958)aq Qu’est-ce qu’une nouvelle ? — Admetton
2204
nouvelle ? — Admettons-le avec l’homme de la rue
et
le dernier speaker de la Radio française avant la grève qui a doublé,
2205
se jamais rien dans le monde entre le 24 décembre
et
le 2 janvier, les discours bénisseurs remplaçant les nouvelles. Il es
2206
devenant tel que par la nouvelle qui le baptise,
et
ne revêtant que l’importance exacte que la nouvelle, littéralement, l
2207
agences, il n’y aurait pas non plus de nouvelles,
et
qu’aux yeux de l’homme de la rue, il ne se passerait plus rien dans l
2208
sins, un peu plus généraux, on pourrait affirmer,
et
on l’a fait, que sans historiens plus d’Histoire. Le sophisme paraît
2209
ur toute la Terre un nombre immense de naissances
et
de morts, de projets et d’échecs, d’actes et d’inventions, de discour
2210
bre immense de naissances et de morts, de projets
et
d’échecs, d’actes et d’inventions, de discours et de prises de consci
2211
nces et de morts, de projets et d’échecs, d’actes
et
d’inventions, de discours et de prises de conscience, de décisions et
2212
et d’échecs, d’actes et d’inventions, de discours
et
de prises de conscience, de décisions et d’accidents, mais leur valeu
2213
discours et de prises de conscience, de décisions
et
d’accidents, mais leur valeur de « faits » dépend, pour le public, de
2214
tit nombre de thèmes, les manipule, les dramatise
et
les impose (en vertu d’une entente tacite) à l’attention des peuples
2215
u d’une entente tacite) à l’attention des peuples
et
de leurs dirigeants. Et non seulement elle nous fabrique les faits (a
2216
à l’attention des peuples et de leurs dirigeants.
Et
non seulement elle nous fabrique les faits (au point qu’il n’y en a p
2217
croit devoir dire à tel moment pour que la presse
et
la radio en tirent telle conclusion probable et opportune, qui peut a
2218
e et la radio en tirent telle conclusion probable
et
opportune, qui peut agir sur l’électeur américain ou réagir à la dern
2219
me l’opinion, c’est-à-dire pratiquement la presse
et
la radio, à quoi tout se réduit au bout du compte. Car c’est bien com
2220
olitique de nos États ; que votent les parlements
et
même parfois les peuples ; et que l’Histoire s’écrira demain. L’irréa
2221
tent les parlements et même parfois les peuples ;
et
que l’Histoire s’écrira demain. L’irréalité de ce siècle provient de
2222
royons chaque matin n’est faite que par la presse
et
la radio, et n’est souvent faite que pour elles. Les agences seraient
2223
matin n’est faite que par la presse et la radio,
et
n’est souvent faite que pour elles. Les agences seraient donc nos vra
2224
mples. — On dit un peu partout — livres, articles
et
films — que le mouvement pour l’union de l’Europe est né le 1er septe
2225
l s’était borné à conseiller l’union de la France
et
de l’Allemagne, l’Angleterre n’étant pas nommée ni impliquée. Sensati
2226
dant à l’appel de groupes de résistants de droite
et
de gauche non communistes. Ils arrêtent une doctrine et un programme
2227
gauche non communistes. Ils arrêtent une doctrine
et
un programme précis, d’où devait résulter toute l’action ultérieure p
2228
e. Seize Premiers ministres, deux-cents ministres
et
parlementaires, huit-cents délégués, quatre-cents journalistes : il y
2229
er des particules « à la vitesse de la lumière ».
Et
le synchrocyclotron de Genève a 200 mètres de diamètre. Mais le journ
2230
rnal en question (pourtant bourgeois, capitaliste
et
nationaliste français), l’URSS fait prime, elle fait peur, elle fait
2231
dacteur en chef, le metteur en pages d’un journal
et
celui qui choisit les nouvelles à passer, les « corps », les emplacem
2232
sser, les « corps », les emplacements, les photos
et
les titres. Ceux-là vraiment feront les faits qui vont gouverner nos
2233
vont gouverner nos humeurs, les votes des députés
et
les cotes de la Bourse. Telle est la base de la plupart de nos convic
2234
e parle pas ici des fausses nouvelles, très rares
et
trop vite démenties par les agences rivales : ce procédé qui obsède e
2235
en question, mais leur choix, leur présentation,
et
ce que l’on a convenu de taire. La nouvelle vraie devient fausse par
2236
mise en page, par les omissions qu’elle suppose,
et
par le fait qu’on ne l’a choisie qu’en vue de la vente. Mais qui peut
2237
u’en vue de la vente. Mais qui peut actuellement,
et
qui pourrait demain, imposer à la presse une méthode scientifique de
2238
ser à la presse une méthode scientifique de choix
et
de présentation, qui permettrait de donner une image plus conforme de
2239
e voudrait plutôt qu’ils suspendent leur jugement
et
nous conseillent d’en faire autant. Un exemple au hasard du jour : co
2240
te desquels il estime qu’on ne peut pas gouverner
et
encore moins juger de la situation. Il cite Mendès-France qui aurait
2241
la guerre d’Algérie coûte 700 milliards par an ;
et
Gaillard qui aurait répondu : 350 seulement. J’ouvre une autre public
2242
e 362 milliards cité par M. Monteil à la Chambre,
et
affirme au surplus que « la rébellion algérienne n’a aucune répercuss
2243
différents — à tout le moins cités différemment —
et
qui peut me dire d’abord lesquels sont vrais, ensuite ce qu’il serait
2244
rd’hui : les scandales qui déchirent notre France
et
que nous sommes là pour dénoncer. On peut aussi considérer que la pol
2245
Ces vertus, par malheur, ne sont pas éloquentes.
Et
ceux qui les cultivent se voient bientôt conduits dans un ordre d’act
2246
ce n’est plus la dent dure mais la vision lucide
et
la main ferme qui assurent parfois quelque succès. aq. Rougemont D
2247
mont Denis de, « Sur la fabrication des nouvelles
et
des faits (Le point de vue de Ferney) », Preuves, Paris, février 1958
2248
ns au-dessus de régions incertaines entre Moselle
et
Rhénanie, au crépuscule. Le moteur extérieur à droite, son nez rose à
2249
nation rose orangé des derniers rayons de soleil,
et
les bords des plaques rivetées sont devenus sang clair, rubis vivant,
2250
pourrait en pleurer. Au-dessous, la Terre, proche
et
amie ; mais tout près de nos têtes, les grands espaces noirs ouvrent
2251
os. Ah ! la vraie vie n’est que sur notre Terre !
Et
ce qui est « ailleurs » n’a pas encore de sens, mais rend déjà le sen
2252
e signifier ? C’était l’intime accord de l’esprit
et
des formes, des souvenirs et des horizons, du désir et de ses chemins
2253
e accord de l’esprit et des formes, des souvenirs
et
des horizons, du désir et de ses chemins. Survolant en quelques minut
2254
s formes, des souvenirs et des horizons, du désir
et
de ses chemins. Survolant en quelques minutes tant de destinées minut
2255
’autres points éphémères qui s’animent un instant
et
s’annulent dans ce recoin perdu de l’univers. Tout s’est tu dans notr
2256
e. Plusieurs expéditions se sont rendues sur Mars
et
sur Vénus. Les voyages dans la Lune sont devenus simple routine. De l
2257
’un réseau de transports réguliers entre la Terre
et
les planètes les plus proches. La Terre sera entourée de toute une fa
2258
tificiels, de toutes tailles, de toutes altitudes
et
de toutes nationalités, répondant à des besoins différents. Il y aura
2259
d’être faite par l’URSS, l’Asie, le Moyen-Orient
et
l’Afrique, l’union de notre Terre sera faite par Mars et par Vénus :
2260
rique, l’union de notre Terre sera faite par Mars
et
par Vénus : je le prévoyais il y a douze ans69. Alors la Terre jouer
2261
n va dominer le siècle à venir. On le sent naître
et
balbutier déjà dans les romans de science-fiction, où la Terre, vue d
2262
, comme une communauté qui donne seule une saveur
et
un sens à l’existence de ses individus. Comme une patrie. Ce sentimen
2263
s’écarte de son groupe natal, ou le voit attaqué
et
spolié. Comme la conscience, il naît d’une perte, subie ou seulement
2264
r une terre agrandie par la puissance d’ubiquité,
et
rétrécie par les petites proportions d’un globe souillé partout ? Il
2265
mpte, tout comme le fut la découverte de la Terre
et
pour les mêmes raisons profondes. Ce sont ses rêves que toute l’human
2266
ves que toute l’humanité rejoint par sa technique
et
grâce à son génie. Il est vrai que la science-fiction prospère surtou
2267
i que la science-fiction prospère surtout en URSS
et
aux États-Unis, et que ces deux pays nous précéderont sans doute dans
2268
ction prospère surtout en URSS et aux États-Unis,
et
que ces deux pays nous précéderont sans doute dans la Lune, puis sur
2269
récéderont sans doute dans la Lune, puis sur Mars
et
Vénus : ils ont moins de pudeur à rompre certains liens, et cela se c
2270
ils ont moins de pudeur à rompre certains liens,
et
cela se comprend. D’où leur « avance technique » incontestée. Mais la
2271
emière classe appartiennent Swift, Butler, Huxley
et
Orwell. À la seconde, Thomas More et Bacon, Campanella, Rabelais et H
2272
tler, Huxley et Orwell. À la seconde, Thomas More
et
Bacon, Campanella, Rabelais et H. G. Wells. La plupart sont Anglais,
2273
conde, Thomas More et Bacon, Campanella, Rabelais
et
H. G. Wells. La plupart sont Anglais, il faudrait voir pourquoi. Les
2274
ique ou imaginatif, pataphysique ou scientifique,
et
généralement optimiste. (C. G. Jung expliquerait aisément ces contrad
2275
ntradictions apparentes entre le rêve d’un peuple
et
son comportement.) Fontenelle écrit en 1686 : « L’art de voler ne fai
2276
fait encore que de naître ; il se perfectionnera,
et
quelque jour on ira jusqu’à la Lune. » Il prévoit aussi les microbes,
2277
les microbes, quelques sens inconnus de l’homme,
et
Vénus habitée « par une autre famille, dont les visages ont un autre
2278
faut qu’ils soient tous fous à force de vivacité
et
n’aient pas plus de mémoire que la plupart des nègres ». Mais déjà no
2279
Verne, si la psychologie reste à la mode du temps
et
ne semble pas prévoir un changement de l’homme même. Avec la science-
2280
e métapsychologie qui s’institue, dans la terreur
et
la pitié. L’humanisme n’est plus cette chose molle qu’on obtient en é
2281
ais bien le simple fait d’être homme, mis au défi
et
dépassé. Ce n’est plus drôle du tout. Il faut faire attention. Car la
2282
xxie siècle, quel sens auront encore nos écrits
et
nos livres ? Perdront-ils toute espèce d’intérêt, tout pouvoir d’émot
2283
ls toute espèce d’intérêt, tout pouvoir d’émotion
et
toute utilité ? Il est trop facile de répondre que les modifications
2284
de nos existences n’empêchent nullement la Bible
et
l’Odyssée, la Divine Comédie, Shakespeare et Baudelaire d’agir sur no
2285
ible et l’Odyssée, la Divine Comédie, Shakespeare
et
Baudelaire d’agir sur nous. Que le héros affronte son destin à pied,
2286
t son destin qui nous fascine, c’est sa personne,
et
le drame qui les met aux prises. Mais si le siècle qui vient retire à
2287
es s’évanouira. Nos descendants « tranquillisés »
et
modifiés, ou devenus cent fois plus intelligents, verront-ils autre c
2288
maniaques, des fixations bizarres, des sentiments
et
raisonnements d’insectes ? La plasticité accrue des tissus nerveux ch
2289
d’appréhension de l’existence, de soi, des autres
et
de l’univers : de cela nous sommes certains, mais de cela seul, si pa
2290
du siècle seront nos ouvrages de science-fiction,
et
ceux qui se fondent sur nos doctrines sociologiques ; puis les écrits
2291
ntiques. Beauté de Paestum enlisée dans les roses
et
la malaria. Préservons ces réduits pervers. Tous les siècles de notre
2292
tre histoire ont déploré la décadence universelle
et
décrit des âges d’or nostalgiques. Le xxe siècle étant celui d’une a
2293
une accélération sans précédent depuis Tubal-Caïn
et
Prométhée des conquêtes culturelles de l’Occident, il ne pouvait manq
2294
ives prochaines. Sorel, Bergson, Spengler, Valéry
et
Toynbee et plusieurs centaines d’autres à leur suite nous l’ont répét
2295
ines. Sorel, Bergson, Spengler, Valéry et Toynbee
et
plusieurs centaines d’autres à leur suite nous l’ont répété sans relâ
2296
us sont épuisées, les barbares vont le submerger…
et
vous l’aurez bien mérité. Ces déplorations polémiques ne sont cependa
2297
le fait d’une société vraiment acculée à la ruine
et
penchant au bord du chaos. Elles supposent, par leur succès même et d
2298
d du chaos. Elles supposent, par leur succès même
et
du seul fait qu’on les publie, quelques croyances fondamentales inébr
2299
oire en crise, pour mieux les sentir en soi-même,
et
pour faire la leçon à ceux qui n’y croient plus, mais qu’on n’oserait
2300
valerie dans les romans qui fondent son prestige.
Et
combien de passions sont nées à l’instant précis où l’on a cru perdu
2301
er ; la perte du contact vivant avec les origines
et
avec les principes générateurs des lois, des mœurs, des arts et des c
2302
incipes générateurs des lois, des mœurs, des arts
et
des croyances ; enfin, la faiblesse du support matériel (militaire, é
2303
l’Occident. Il ne cesse de renouveler ses styles
et
les hypothèses de ses sciences, tout en conservant son passé, et le l
2304
es de ses sciences, tout en conservant son passé,
et
le laboratoire du xxe siècle (par quoi j’entends l’ensemble de nos c
2305
s formes de gouvernement, ses arts, ses sciences,
et
ses manies les plus grotesques. En revanche, voit-on les masses occid
2306
a magie des nègres ? L’adoption de notre alphabet
et
du birth control par la Chine a tout de même une autre importance que
2307
s ? Peut-être aux USA, en URSS plus brutalement ;
et
ce fut le cas en Europe durant la basse époque bourgeoise du matérial
2308
aires qui occupent tant notre presse. Les auteurs
et
les peintres que l’on cite à l’appui de la « désintégration de nos va
2309
xerceront jamais une action comparable en étendue
et
profondeur à l’influence restauratrice d’un Maritain ou d’un Karl Bar
2310
Barth, répercutée dans la pensée, les hiérarchies
et
les croyances d’Églises qui groupent dans le monde entier des centain
2311
nos positions de puissance politique ; il déprime
et
combat sournoisement notre volonté de guérir, dans le temps même qu’i
2312
, tous ses effets tendent à ruiner l’Europe, cœur
et
cerveau, plexus solaire de l’Occident. Mais nos valeurs sont-elles
2313
de entier nos machines, nos structures politiques
et
sociales, notre hygiène scientifique et nos virus ; mais nous ometton
2314
olitiques et sociales, notre hygiène scientifique
et
nos virus ; mais nous omettons trop souvent d’y joindre un mode d’emp
2315
uvent d’y joindre un mode d’emploi circonstancié,
et
des indications de régime ou de cure. Or nos produits sans nos valeur
2316
u chaos, bouleversent les métabolismes culturels,
et
sont capables de détruire en une année des équilibres séculaires que
2317
oblème du siècle planétaire. Il est plus immédiat
et
mieux déterminé que les spéculations sur notre décadence ; il nous en
2318
spéculations sur notre décadence ; il nous engage
et
nous provoque, quand celles-ci ne tendaient qu’à nous convaincre de l
2319
peuvent-elles être adoptées par tous les peuples,
et
marquer un progrès pour tout homme d’où qu’il vienne qui les prend po
2320
onde du xxe siècle, possède le droit, la volonté
et
les moyens d’étendre à l’univers son système de valeurs, sans mériter
2321
usqu’ici — prouverait par là qu’elle ne l’est pas
et
qu’elle a très peu de chances de le devenir jamais, puisqu’elle ignor
2322
nir jamais, puisqu’elle ignore le bien des autres
et
ne se prépare donc point à l’intégrer. La Volonté. — D’une part, le
2323
tianisme dès sa naissance se veut salut pour tous
et
pour chacun. Son idée de la personne en puissance dans tout homme, so
2324
e de l’amour du prochain, son antiracisme foncier
et
son refus du système des castes en font une religion missionnaire par
2325
ence née de l’Europe se veut exacte en tous lieux
et
tous temps et fonde mieux que la raison classique cette ambition œcum
2326
Europe se veut exacte en tous lieux et tous temps
et
fonde mieux que la raison classique cette ambition œcuménique. Les M
2327
Moyens. — L’appareil d’exploration, d’information
et
de comparaison élaboré depuis des siècles par l’Europe se révèle aujo
2328
virtuellement, de digérer, d’intégrer, d’adapter
et
de réinterpréter dans une synthèse ouverte tout ce que l’homme d’autr
2329
nthèse ouverte tout ce que l’homme d’autres temps
et
d’autres lieux a pu concevoir et créer. La Vocation. — Une remarque
2330
e d’autres temps et d’autres lieux a pu concevoir
et
créer. La Vocation. — Une remarque suffira : même les valeurs « révé
2331
èrent les Occidentaux les renvoient à l’universel
et
les ouvrent à l’aventure, au lieu de les enfermer dans l’apaisante ho
2332
ture ou civilisation qui propose aujourd’hui plus
et
mieux, avec quelques chances d’être crue ? Certes, le communisme offr
2333
de garder la CECA. L’élite niçoise parle de Nice,
et
tous les Belges veulent Bruxelles. Et chacun démontre à l’envi que la
2334
le de Nice, et tous les Belges veulent Bruxelles.
Et
chacun démontre à l’envi que la ville de son choix est un carrefour d
2335
e est un être d’esprit dont le centre est partout
et
la frontière nulle part. Ou si l’on veut parler de sa circonférence (
2336
n invoque sont toutes plus ou moins raisonnables,
et
voilà leur faiblesse commune. Car si l’on veut que l’Europe unie soit
2337
e. Or c’est précisément l’analogie entre l’Europe
et
la nation qu’il nous faut refuser d’entrée de jeu. Nous voulons une E
2338
e. Le sacré national, ce culte jacobin dont Hegel
et
Fichte dirent le dogme après coup, fait de la Capitale un centre univ
2339
une capitale comparable à Paris pour le prestige
et
la nocivité. La pratique des foyers multiples triomphe partout ailleu
2340
ésavantage : il serait pour tous « à l’étranger »
et
l’idée de capitale centralisante aurait tôt fait de la dénaturer. On
2341
. On voudrait y mettre à la fois le Marché commun
et
l’Université européenne, les députés et les physiciens nucléaires, le
2342
hé commun et l’Université européenne, les députés
et
les physiciens nucléaires, les bureaucrates et la culture, la cour de
2343
és et les physiciens nucléaires, les bureaucrates
et
la culture, la cour de justice et la mode. Or si l’on ne veut penser
2344
es bureaucrates et la culture, la cour de justice
et
la mode. Or si l’on ne veut penser qu’un « Paris » transposé, qu’on a
2345
district fédéral à la mesure de l’Europe entière
et
de son demi‑milliard d’habitants, qu’on prenne la Suisse, tout équipé
2346
asse l’Europe d’abord, j’entends l’Europe entière
et
qu’on ne lui cherche pas un centre vide tant qu’on n’a pas de vrais p
2347
ès que la Constitution ait fondé les États‑Unis ;
et
le gouvernement ne s’y transporta qu’en 1800. Pourquoi veut‑on que le
2348
cède l’instauration d’un État fédéral dont l’aire
et
le régime sont encore inconnus ? Faut‑il croire qu’on désire seulemen
2349
tient au trésor des archétypes de toute humanité,
et
l’homme moderne autant qu’un autre tend à « réaliser les archétypes »
2350
e », intersection d’axes cosmiques, lieu « vivant
et
réel au suprême degré » en vertu de quelque événement qui le consacre
2351
n, par le paradoxe de la consécration de l’espace
et
par le rite de construction, se voit transformée en un centre. De sor
2352
alais, les cités — se trouvent situées en un seul
et
même point commun, le Centre de l’univers. Il s’agit là, on s’en rend
2353
’espace profane, compatible avec une multiplicité
et
même avec une infinité de centres. » Comme tout ce qui tient au sacr
2354
llustrée par une abondance de symboles, de mythes
et
de rites traditionnels : il doit être accessible à tous ceux qui le d
2355
us ceux qui le désirent, mais entouré d’obstacles
et
d’épreuves redoutables. Au niveau de la psychologie et du vocabulaire
2356
épreuves redoutables. Au niveau de la psychologie
et
du vocabulaire les plus courants, disons que le Centre a pour double
2357
que le Centre a pour double fonction de rassurer
et
de bluffer. Il doit être ouvert et fermé. Étrange et familier. Attira
2358
on de rassurer et de bluffer. Il doit être ouvert
et
fermé. Étrange et familier. Attirant et redoutable. En un mot qui dit
2359
de bluffer. Il doit être ouvert et fermé. Étrange
et
familier. Attirant et redoutable. En un mot qui dit tout : prestigieu
2360
re ouvert et fermé. Étrange et familier. Attirant
et
redoutable. En un mot qui dit tout : prestigieux. Sur le centre gé
2361
archétypes régissent en réalité nos imaginations
et
nos désirs ; mais nous voulons trouver dans des faits mesurables les
2362
faits mesurables les justifications de nos actes
et
conduites, et quand nous les trouvons par chance, et qu’elles se tien
2363
les les justifications de nos actes et conduites,
et
quand nous les trouvons par chance, et qu’elles se tiennent, elles jo
2364
conduites, et quand nous les trouvons par chance,
et
qu’elles se tiennent, elles jouent alors dans notre âge scientifique
2365
scientifique le rôle que jouaient les « signes »
et
les hasards pleins de sens dans les époques mieux averties des choses
2366
ller bâtir une ville là où il trouverait la pluie
et
le beau temps, il rencontra en Italie une courtisane qui pleurait et,
2367
l rencontra en Italie une courtisane qui pleurait
et
, en ce lieu, bâtit la ville de Crotone. Calcul. Parmi l’infinité des
2368
des terres libres de glace, 94 % de la population
et
98 % de l’activité industrielle du monde. C’est l’hémisphère dont le
2369
onné par le calcul ! Heureuse coïncidence du sens
et
de l’arpentage ! Mon candidat J’ai dit pourquoi l’Europe doit é
2370
doit écarter l’idée d’une capitale centralisante,
et
pourquoi je ne sens pas l’urgence de créer un district fédéral tant q
2371
ipal. Mais au sud‑est de Nantes, on ne voit rien,
et
autour de Berlin, des Russes. On cherche donc, plus près du cœur du c
2372
près du cœur du continent, une région plus axiale
et
plus dense… Combinant les motifs géodésiques et la dialectique du sac
2373
e et plus dense… Combinant les motifs géodésiques
et
la dialectique du sacré avec mon point de vue personnel, j’avance alo
2374
ables à l’intersection des grands axes spirituels
et
physiques de l’Europe. Défendu de tous les côtés par des obstacles na
2375
côtés par des obstacles naturels, montagnes, cols
et
routes semés d’embûches, et par les spectres ricanants ou trop bavard
2376
rels, montagnes, cols et routes semés d’embûches,
et
par les spectres ricanants ou trop bavards de grands ancêtres europée
2377
qui se trouve les disqualifier aux yeux des sages
et
des stratèges. En revanche, et comme il se doit, le pays de Gex prése
2378
aux yeux des sages et des stratèges. En revanche,
et
comme il se doit, le pays de Gex présente des avantages uniques aux y
2379
s uniques aux yeux du géographe de l’ère nouvelle
et
de l’historien des mythes de l’âme européenne. Au nord, la plus haute
2380
aîne du Jura, traversée par le col de la Faucille
et
la Route Blanche qui va vers l’Italie. Le tunnel du Mont-Blanc, sous
2381
nce. À l’ouest, l’auberge de Thoiry où Stresemann
et
Briand fraternisèrent dans une première ferveur européenne. Au sud‑ou
2382
ointrin, croisement des lignes intercontinentales
et
régionales ; et tout près de là, le Centre européen de la recherche n
2383
ent des lignes intercontinentales et régionales ;
et
tout près de là, le Centre européen de la recherche nucléaire, haut l
2384
ieu de la science. Au sud, les châteaux de Ferney
et
de Coppet gardent les traces radioactives des plus brillantes constel
2385
t notre horoscope occidental. Enfin, le lac Léman
et
la cité internationale de l’Europe. Calvin, Rousseau, Voltaire, Mme d
2386
Europe. Calvin, Rousseau, Voltaire, Mme de Staël,
et
la pédagogie nouvelle ont rayonné de là sur toute l’Europe moderne. E
2387
lle ont rayonné de là sur toute l’Europe moderne.
Et
la proximité des principales institutions mondiales, qui effraie cert
2388
es Ligures, des Celtes, des Germains, des Romains
et
des Burgondes : société des nations souterraine. Paris, Zurich, Milan
2389
on ; Londres, Bruxelles, La Haye, Bonn, Barcelone
et
Rome à deux ou trois heures, aujourd’hui. Et s’il faut une armée pour
2390
lone et Rome à deux ou trois heures, aujourd’hui.
Et
s’il faut une armée pour veiller sur la sécurité du district fédéral,
2391
troupes suisses fut de défendre les institutions
et
les symboles d’intérêt général européen : l’idée de fédération, dès l
2392
ométrie, mais d’une science des mythes, des rites
et
des sites. C’est affaire de pendule autant que de compas, et de poète
2393
s. C’est affaire de pendule autant que de compas,
et
de poètes autant que d’ingénieurs. J’ai pris l’exemple du pays que j’
2394
u’on n’y vienne pas trop vite avec des bulldozers
et
des palais préfabriqués. Tant d’aventures humaines sont parties d’un
2395
ormal, ce n’est pas enchanteur. 70. Voir Paris
et
le désert français, livre fameux de Jean-François Gravier. at. Roug
2396
entendu par la plupart des hommes de notre temps,
et
particulièrement en France : fédéralisme. Quatre problèmes urgents de
2397
eux sont purement internes : le régime des partis
et
la stabilité de l’exécutif. Le troisième porte sur le mode d’articula
2398
tion ou d’intégration des territoires d’outre-mer
et
de la métropole : il peut être considéré soit comme interne, soit com
2399
ient trouver de solutions tout à la fois durables
et
compatibles entre elles que dans un système fédéral. On me demandera
2400
dans un système fédéral. On me demandera pourquoi
et
je répondrai d’abord que cela se sent avant de s’expliquer, mais qu’i
2401
s, dans un pays de traditions louis-quatorziennes
et
de réflexes jacobins. Voilà le drame français. Et si l’on peut devine
2402
et de réflexes jacobins. Voilà le drame français.
Et
si l’on peut deviner que le chef du gouvernement n’est pas sans en av
2403
rejoignant le fanatisme de l’intégration. Gauche
et
droite s’uniraient pour rejeter au nom de leurs traditions sacrées to
2404
ste, c’est-à-dire adaptée aux réalités du siècle,
et
si elle passe, ce sera que l’électeur n’y aura rien vu, dans l’ignora
2405
ce où il est des premiers rudiments de l’attitude
et
de la pratique fédéralistes. Tout ceci me conduirait à douter de l’op
2406
douter de l’opportunité de définir cette attitude
et
cette pratique. Si je m’y essaie toutefois, et une fois de plus, c’es
2407
de et cette pratique. Si je m’y essaie toutefois,
et
une fois de plus, c’est que le plaisir d’un écrivain qui ne brigue ri
2408
i ne brigue rien consiste à dire le vrai en temps
et
hors de temps, dans le secret espoir d’être saisi par quelques-uns, q
2409
ui ont coutume de poser cette question préalable,
et
qu’ils croient insidieuse, on peut dire tranquillement que la seule d
2410
seul État à l’égard des puissances étrangères ».
Et
il donne pour exemple « la confédération des États-Unis ». Il définit
2411
la fédération comme « union politique d’États »,
et
il donne pour exemple « la fédération américaine ». D’où l’on conclut
2412
tion américaine ». D’où l’on conclut qu’une seule
et
même réalité correspondant aux deux mots, ceux-ci sont équivalents —
2413
it inexacte, puisqu’elle ne mentionne que l’union
et
ne dit rien de l’autonomie. Une union qui ne respecterait pas l’auton
2414
— l’un étant paraît-il moins fédéral que l’autre
et
représentant par suite un moindre mal — qu’on me dise alors ce que l’
2415
ue est le type même d’une authentique fédération,
et
tous les organes communs à ses vingt-cinq États (dont la souveraineté
2416
ique. La préférence pour ce préfixe malencontreux
et
superflu trahit l’antifédéraliste et le nationaliste invétéré qui ess
2417
alencontreux et superflu trahit l’antifédéraliste
et
le nationaliste invétéré qui essaie de se mettre à la page. Un sys
2418
ttribué aux girondins de rompre l’unité nationale
et
de transformer la France en une fédération de petits États. » Aux yeu
2419
n de petits États. » Aux yeux du Français cultivé
et
qui tient à savoir ce que parler veut dire, le fédéralisme se réduit
2420
rt bon pour les sauvages, par exemple les Suisses
et
les Américains, quand ce n’est pas un complot contre la République un
2421
ce n’est pas un complot contre la République une
et
indivisible de Saint-Just, c’est-à-dire contre la patrie, l’honneur,
2422
dire contre la patrie, l’honneur, la civilisation
et
la décence élémentaire. Allez vous étonner de l’irréalité des querell
2423
représente un effort vers l’union de nos peuples,
et
que c’est le nationalisme qui a pour projet de rompre l’unité contine
2424
qui a pour projet de rompre l’unité continentale
et
de transformer l’Europe, jadis reine de la Terre, en une poussière de
2425
par la conjoncture mondiale au sous-développement
et
à la colonisation. Ambiguïté de l’intégration Laissons Littré,
2426
aissons Littré, qui sur ce mot n’a rien d’actuel,
et
voyons ce que l’époque entend ou malentend par le terme d’intégration
2427
lgérie, l’intégration signifie l’unification pure
et
simple, l’assimilation totale, légale et décrétée, de l’Algérie à la
2428
ion pure et simple, l’assimilation totale, légale
et
décrétée, de l’Algérie à la métropole, c’est-à-dire le refus de tenir
2429
a croyance à la vertu suffisante de la nation une
et
indivisible. Au plan européen, l’intégration signifie le contraire ex
2430
aits qui commandent à la fois l’union de nos pays
et
le respect de leurs différences, donc l’adhésion de la France à une f
2431
s. On ne peut vouloir à la fois l’absolu national
et
la fédération supranationale. On ne peut vouloir à la fois l’intégrat
2432
à la fois l’intégration de l’Algérie à la France
et
l’intégration de la France à l’Europe. Car cela supposerait qu’on est
2433
dans le xixe siècle, tantôt dans le xxe . Que 2
et
2 font 4 ou 22 selon les jours. Que la schizophrénie est une sagesse.
2434
les jours. Que la schizophrénie est une sagesse.
Et
que les colonels sont des économistes. Je déplore d’avoir l’air de jo
2435
Je déplore d’avoir l’air de jongler avec les mots
et
les concepts, quand je cherche au contraire à mieux fixer leur sens,
2436
it commune aux deux problèmes, celui de l’Algérie
et
celui de l’Europe, n’est autre que la solution du fédéralisme intégra
2437
mal avec les autres : qu’une nation-bloc, rigide
et
intégriste, s’intègre mal dans un ensemble fédéral conditionné par sa
2438
t pas finis, c’est de cela qu’il nous faut parler
et
disputer, car ce que le monde entier attend de nous, ce n’est pas une
2439
Comité Cadillac » — ô les grands jours de la IIIe
et
de la IVe République ! — mais l’antidote que l’Europe peut trouver au
2440
r au virus du nationalisme, cause de sa décadence
et
cause de la révolte qui dresse contre elle le monde entier. La doctri
2441
statut des partis, de la stabilité de l’exécutif
et
de leur rapport intime avec l’antinomie fondamentale de notre siècle
2442
ale de notre siècle : celle du régime fédéraliste
et
du régime totalitaire. Ce sera pour le mois prochain. au. Rougemo
2443
u régime des partis : il en est plutôt l’origine,
et
il en demeure la nostalgie secrète. Car l’un et l’autre sont issus de
2444
, et il en demeure la nostalgie secrète. Car l’un
et
l’autre sont issus des jacobins, qui fournirent à l’histoire occident
2445
jacobins que la France numérote ses républiques,
et
le « réflexe républicain » qu’on invoque en périodes de crise est un
2446
s anglais ou américains, dont l’origine, les buts
et
la fonction n’ont rien en commun, sauf le nom, avec les formations qu
2447
é d’une idéologie, non d’une réalité bien définie
et
d’intérêts bien déclarés, est candidat à la fonction de parti unique,
2448
ansigent mais non les religions, ni les doctrines
et
idéologies qui sont leurs substituts dans notre monde laïque. Au nive
2449
l’intérêt, la lutte qui s’institue entre l’offre
et
la demande, par exemple, finit toujours par se résoudre dans le compr
2450
e composer avec les circonstances est une cruelle
et
scandaleuse nécessité, à laquelle les partis ne se plieront qu’à la d
2451
lte que la différence entre un régime totalitaire
et
un régime de partis multiples ne tient pas au libéralisme de ces part
2452
liquer cette idéologie à toute situation nouvelle
et
imprévue impliquait une erreur systématique, ou pour le moins multipl
2453
s chances d’erreur. C’était un refus systématique
et
proclamé de tenir compte des réalités dans leur nouveauté intrinsèque
2454
mpte des réalités dans leur nouveauté intrinsèque
et
par rapport à certains intérêts bien étudiés. Ce que l’on appelait al
2455
plot » si elles semblaient devoir être efficaces,
et
à qualifier de « trahison » toute tentative d’arrangement praticable,
2456
our ce faire d’une analyse sérieuse des objectifs
et
des méthodes des autres : il suffisait de recourir à un jeu de précéd
2457
ce langage codé permettant de démasquer l’ennemi
et
ses viles intentions, en vertu d’une règle sacrée sans nul rapport au
2458
ique se manifestait parfois d’une manière extrême
et
quasi délirante, lorsqu’on voyait deux ou trois partis naître par sci
2459
iscours, non de l’action ; au niveau des réflexes
et
des tempéraments, des loyautés idéologiques ou des inimitiés personne
2460
autés idéologiques ou des inimitiés personnelles,
et
non pas au niveau des données objectives de l’événement ou de l’évolu
2461
par le petit récit de Thomas Mann intitulé Mario
et
le Magicien. Les partis dans une fédération Tout cela n’est pa
2462
ble dans un régime fédéraliste, qui est politique
et
non politicien. Le Parlement, dans une fédération, tient toute son ex
2463
tion, tient toute son existence des États membres
et
de quelques partis représentant des intérêts bien définis. Il n’a don
2464
au contraire concilier des réalités fort diverses
et
qu’il est obligé de respecter, puisque le refus de l’uniformité au se
2465
dont il est membre. La nation centraliste, « une
et
indivisible », ouvre une vaste carrière aux idéologies. Elle appelle
2466
e une vaste carrière aux idéologies. Elle appelle
et
suscite des partis à l’image de celui qui d’abord l’unifia. La toléra
2467
lui dis-je, c’est le modèle même de la stabilité.
Et
, comme il semblait un peu vague, je lui rappelai que ce collège de se
2468
sept membres, qui est à la fois le chef de l’État
et
le cabinet, prépare des lois et les soumet au Parlement mais si ce de
2469
le chef de l’État et le cabinet, prépare des lois
et
les soumet au Parlement mais si ce dernier les refuse, le Conseil ne
2470
que que l’on se fait trop généralement en France.
Et
en effet : le grand moment de la vie politique française sous la Troi
2471
t de la vie politique française sous la Troisième
et
sous la Quatrième, c’était le moment de chute du ministère. Cette con
2472
C’est qu’ils oubliaient l’origine, l’acte initial
et
fondateur de la première des Républiques françaises : la mise à mort
2473
t du roi, ce symbole du Pouvoir. Acte sacrificiel
et
bouleversant, dont les parlementaires modernes, héritiers des convent
2474
c’est chaque fois moins excitant, moins efficace,
et
comme on ne peut forcer la dose de cette drogue sans cesse édulcorée,
2475
dans l’inconscient — qui l’envoie d’un ton ferme
et
gentil se détendre les nerfs et se taire pour un temps. Post-scrip
2476
ie d’un ton ferme et gentil se détendre les nerfs
et
se taire pour un temps. Post-scriptum À l’heure où j’écris, ce
2477
cteur comprendra-t-il ? Je suis bien sûr que non,
et
cela n’importe guère. La plupart des constitutions ont été rédigées e
2478
re. La plupart des constitutions ont été rédigées
et
adoptées dans la confusion générale, mais ne préjugeaient pas de l’av
2479
la vie politique n’a jamais dépendu des articles
et
paragraphes. Elle dépend de l’angle de vision qu’une élite responsabl
2480
ar exemple, on peut accorder le sens traditionnel
et
un peu vague des mots peuple et démocratie avec les résultats du réfé
2481
sens traditionnel et un peu vague des mots peuple
et
démocratie avec les résultats du référendum : il suffit pour cela d’a
2482
blement représenté par la majorité des électeurs,
et
que la « vraie » démocratie ne saurait être définie que par les vœux
2483
rait être définie que par les vœux de la minorité
et
les éditoriaux de L’Express. Ce qui est peut-être moins absurde en fa
2484
is seulement signaler des difficultés sémantiques
et
suggérer leur solution. Il y a longtemps que la Logique de Port-Royal
2485
e résultat n’exprime pas l’opinion du vrai peuple
et
sonne le glas de la vraie démocratie, c’est qu’on a changé le sens de
2486
, mais non pas d’une manière univoque, invariable
et
clairement déclarée. Sartre, décrivant la manifestation du 4 septembr
2487
le chœur des élus ; puis, derrière les barricades
et
le cordon des flics, très loin, le grondement du peuple qui dit Non.
2488
véritable Peuple, celui qui aura toujours raison,
et
qui ne peut être défini par une trompeuse majorité71. Car le vrai Peu
2489
’il vote pour de Gaulle : c’est un électeur égaré
et
même, on le précise, « terrorisé ». Il s’ensuit que le vrai Peuple —
2490
s’ensuit que le vrai Peuple — celui qui gronde —
et
que les vraies « masses », qui sont une part de ce 20 % dont on ne ve
2491
outenus dans le cas présent par quelques radicaux
et
quelques groupes d’intellectuels bourgeois. Comme ils sont une minori
2492
faut en avertir. On préfère mélanger les clichés
et
les faits, et l’on invoque Michelet pour faire passer Lénine. Sur un
2493
ir. On préfère mélanger les clichés et les faits,
et
l’on invoque Michelet pour faire passer Lénine. Sur un terme inutile
2494
t pour faire passer Lénine. Sur un terme inutile
et
incertain. — L’usage du mot démocratie dans nos discussions politique
2495
ien dès l’instant que chacun se déclare démocrate
et
que seul l’adversaire (ou l’autre) ne l’est pas, cependant que nulle
2496
l’est pas, cependant que nulle définition claire
et
distincte ne peut tenir lieu d’étalon et permettre en bonne foi de tr
2497
n claire et distincte ne peut tenir lieu d’étalon
et
permettre en bonne foi de trancher le débat. Si la démocratie est ce
2498
rce la souveraineté, elle n’a jamais été réalisée
et
ne saurait l’être. On a donc tacitement convenu d’appeler démocraties
2499
itiques sont garantis par le libre jeu des partis
et
de l’opposition ; et démocratie réelle (ou progressiste) un régime de
2500
par le libre jeu des partis et de l’opposition ;
et
démocratie réelle (ou progressiste) un régime de parti unique, si tou
2501
ti unique, si toutefois ce parti se dit de gauche
et
réussit à liquider l’opposition. Cependant, le fascisme, qui a tous l
2502
t contraint de définir les oppositions véritables
et
de remplacer la discussion des mythes hérités du xixe siècle par cel
2503
cadre national ou continental, autonomies locales
et
plans de production, etc. Les grands critères deviendraient, j’imagin
2504
nds critères deviendraient, j’imagine, la liberté
et
l’efficacité. Les grands débats seraient entre partisans du confort o
2505
choses qu’aujourd’hui, mais ce serait plus clair
et
moins bête. Simplifiez par « démocratie » les polémiques contemporain
2506
sse des pères se prolongeant dans celle des fils,
et
le plébiscite de 1852 dans celui de 1958 ? Sûrement non. Penserait-il
2507
s : celle de Napoléon en 1808, de la Restauration
et
de la Charte, de Gavroche sur les barricades, du prince-président, du
2508
ire, de Vichy, des 26 ministères de la Quatrième,
et
j’en passe, n’apparaît guère dans son ensemble plus « adulte » que la
2509
aitées par la vie, aient besoin de croire en Dieu
et
surtout en Son Incarnation. Combien de femmes solitaires et trahies o
2510
en Son Incarnation. Combien de femmes solitaires
et
trahies ont étendu leur ressentiment à l’espèce entière : tout ce qui
2511
humain leur fait horreur, elles aiment les chiens
et
les surhommes. » Si donc les Français veulent un roi, c’est qu’ils cè
2512
it du « Gentil Seigneur » auquel on offre « amour
et
foi en échange de son aide et protection ». Et si Sartre est contre d
2513
el on offre « amour et foi en échange de son aide
et
protection ». Et si Sartre est contre de Gaulle, c’est qu’il est d’ab
2514
ur et foi en échange de son aide et protection ».
Et
si Sartre est contre de Gaulle, c’est qu’il est d’abord contre Dieu :
2515
, c’est qu’il est d’abord contre Dieu : de Gaulle
et
Dieu se confondent avec l’image du Père. Voilà l’ennemi. Je suis adul
2516
Je suis adulte, ou quoi ? À chacun ses complexes
et
ses débats intimes. Je n’entends parler ici que des projections publi
2517
i dans ce plébiscite je devrais choisir entre Lui
et
le prétendant actuel, je voterais plutôt pour Dieu : il est plus mode
2518
— rhétorique ou sincère, je ne sais — entre Dieu
et
le Général ; mais elle échoue dans un sophisme. En effet, si Sartre p
2519
le monarque n’a rien au-dessus de lui qui le juge
et
limite son pouvoir : il sera donc dictateur absolu. Tout pouvoir, dan
2520
ul porteur du Sens de l’Histoire, maître des âmes
et
des réflexes. En d’autres termes : dans le monde sans Dieu d’un Sartr
2521
même que le chef veut servir. Les crimes d’Hitler
et
de Staline étaient légitimés, bien au contraire, par la doctrine que
2522
ire, par la doctrine que proclamaient ces hommes,
et
que beaucoup de ceux qui ont voté non, aux deux extrêmes, approuvent
2523
r leurs fréquentes majorités de gauche. Anglicane
et
presbytérienne en Grande-Bretagne, calviniste en Hollande, luthérienn
2524
on est en droit de dire « adulte » cette fois-ci,
et
d’un socialisme concret, plus poussé que partout ailleurs. (La Suisse
2525
s ces nations, n’est plus sacrée mais respectable
et
respectée. Elle ne peut exciter ces fureurs œdipiennes que réveille a
2526
l apparent de tant de Pères distants, orgueilleux
et
frivoles. Le grand problème qui se pose au général de Gaulle n’est-il
2527
s celui d’instaurer dans une France anticléricale
et
catholique un type de monarchie qui, jusqu’ici, n’a fait ses preuves
2528
on ne pouvaient l’être davantage ? Isorni, Mendès
et
Duclos n’ont pas les mêmes idées sur la démocratie et ne poursuivent
2529
uclos n’ont pas les mêmes idées sur la démocratie
et
ne poursuivent pas les mêmes buts. La majorité des non contre la CED
2530
s non contre la CED était-elle donc plus homogène
et
plus valable ? Elle comptait ceux qui, hier, ont voté non, plus les g
2531
se l’immédiat, fuit le prochain, veut la distance
et
l’invente au besoin, pour mieux se ressentir et s’exalter. Cette défi
2532
e et l’invente au besoin, pour mieux se ressentir
et
s’exalter. Cette définition rend compte de la plupart des vrais roman
2533
me pour un objet tout proche, aisément accessible
et
moralement permis, ou généralement toléré. Comme la nature et le nomb
2534
t permis, ou généralement toléré. Comme la nature
et
le nombre de ces tolérances et des interdits qui subsistent varient s
2535
é. Comme la nature et le nombre de ces tolérances
et
des interdits qui subsistent varient selon les sociétés (qu’on a pu c
2536
isie du xixe s’interdisant de parler de l’argent
et
du sexe, d’où le choc révélateur produit par Marx et Freud), la passi
2537
du sexe, d’où le choc révélateur produit par Marx
et
Freud), la passion qui est toujours antisociale reçoit cependant de l
2538
antisociale reçoit cependant de la société même —
et
d’elle seule, par un assez beau paradoxe — ses objets, différents sel
2539
. Car la passion suppose toujours, entre le sujet
et
l’objet, un tiers qui fait obstacle à leur étreinte, — un roi Marc qu
2540
ramatis persona, pour les besoins de la narration
et
de la rhétorique du récit. Dans une société comme la nôtre, l’amour-p
2541
l encore trouver des interdits assez redoutables,
et
par suite assez fascinants, pour que son délire se déclare ? J’entend
2542
la société occidentale, c’est-à-dire de l’Europe
et
de ses prolongements en Amérique et en Russie ; société travaillée et
2543
e de l’Europe et de ses prolongements en Amérique
et
en Russie ; société travaillée et formée par une polémique millénaire
2544
nts en Amérique et en Russie ; société travaillée
et
formée par une polémique millénaire entre le sacré, créateur des tabo
2545
e millénaire entre le sacré, créateur des tabous,
et
le profane, qui naît de leur violation, mais aussi entre la sagesse e
2546
ît de leur violation, mais aussi entre la sagesse
et
la politique, la grâce et le mérite, la mystique et la morale, la cro
2547
aussi entre la sagesse et la politique, la grâce
et
le mérite, la mystique et la morale, la croyance et la science, l’abs
2548
la politique, la grâce et le mérite, la mystique
et
la morale, la croyance et la science, l’absolu et le raisonnable, enf
2549
le mérite, la mystique et la morale, la croyance
et
la science, l’absolu et le raisonnable, enfin l’amour-passion et le m
2550
et la morale, la croyance et la science, l’absolu
et
le raisonnable, enfin l’amour-passion et le mariage. N’en sommes-nous
2551
l’absolu et le raisonnable, enfin l’amour-passion
et
le mariage. N’en sommes-nous pas au point de notre évolution où, tout
2552
usions religieuses, névrotiques ou sentimentales,
et
soumis par l’intermédiaire d’analyses toujours plus indiscrètes aux r
2553
toujours plus indiscrètes aux règles de l’hygiène
et
de la sociologie — tout nous semble permis de ce qui ne nuirait pas à
2554
semble permis de ce qui ne nuirait pas à la santé
et
à la productivité ? (Tout le reste étant, d’ailleurs, de mieux en mie
2555
yais, il y a vingt ans, quand j’écrivais L’Amour
et
l’Occident , qu’une culture trop consciente de ses fins et moyens, c’
2556
dent , qu’une culture trop consciente de ses fins
et
moyens, c’est-à-dire trop sociologique, ne laisserait plus de place à
2557
au xiie siècle par les troubadours du Languedoc
et
romancé par les Bretons. C’était faire trop d’honneur aux seuls tabou
2558
r aux seuls tabous moraux de l’époque victorienne
et
bourgeoise, et aux succès des analystes et des marxistes, qui vivent
2559
ous moraux de l’époque victorienne et bourgeoise,
et
aux succès des analystes et des marxistes, qui vivent à leurs dépens
2560
rienne et bourgeoise, et aux succès des analystes
et
des marxistes, qui vivent à leurs dépens depuis un demi-siècle. D’aut
2561
morale du Jour au nom de la mystique de la Nuit,
et
la vie d’action raisonnable au nom de l’extase et de la mort enthousi
2562
et la vie d’action raisonnable au nom de l’extase
et
de la mort enthousiasmante. I. Trois vrais romans d’amour-passion,
2563
vers ce milieu du siècle par l’Europe, l’Amérique
et
la Russie. De chacune d’elles on a pu dire, non sans raison, qu’elle
2564
impériale, ou des États-Unis, ou de la Révolution
et
de ses suites en URSS. Mais chacune d’elles aussi a pu être décrite c
2565
ladimir Nabokov, s’intitule « Le dernier amant ».
Et
l’héroïne de L’Homme sans qualités de Robert Musil, dit à plusieurs r
2566
obert Musil, dit à plusieurs reprises d’elle-même
et
de son frère : « Nous aurons été les derniers romantiques de l’amour…
2567
e je ne suis pas le dernier à subir les prestiges
et
le charme fatal. Est-il besoin de souligner que ce grand thème est l’
2568
les trois œuvres que je considère dans ces pages.
Et
l’on ne sent que trop les bonnes et graves raisons que j’ai de redout
2569
ns ces pages. Et l’on ne sent que trop les bonnes
et
graves raisons que j’ai de redouter que leur simple rapprochement cho
2570
approchement choque le sens esthétique du lecteur
et
révolte son sens moral… Mais il se peut aussi que l’incongruité d’une
2571
s significative l’action du mythe qui s’y trahit,
et
qui est leur seule commune mesure. Je ne m’attacherai donc, dans ces
2572
e je l’aime, malgré tout ce qui m’irrite en elle,
et
en dépit de ce qu’elle veut être et croit qu’elle est. Son immaturité
2573
rite en elle, et en dépit de ce qu’elle veut être
et
croit qu’elle est. Son immaturité perverse me fascine. Le scandaleux
2574
ita n’a pas 13 ans. Cependant, mon héros l’enlève
et
il fuit avec elle, de motel en hôtel, à travers tout le continent amé
2575
ravers tout le continent américain qu’il découvre
et
décrit ainsi mieux que personne, dans le même temps qu’il se voit rej
2576
’il se voit rejeté par le milieu social, ses lois
et
ses coutumes. Abandonné par sa nymphet, il commet un crime de dément
2577
onné par sa nymphet, il commet un crime de dément
et
meurt ivre d’amour, dans sa prison, après avoir écrit ce livre posthu
2578
obert Musil. — J’ai aimé mon Autriche « impériale
et
royale » d’un amour exigeant, lucide et ironique. Mais elle appartena
2579
impériale et royale » d’un amour exigeant, lucide
et
ironique. Mais elle appartenait à un milieu social, à un clan politiq
2580
partenait à un milieu social, à un clan politique
et
culturel à la fois décadent et conventionnel, qui devait la livrer à
2581
un clan politique et culturel à la fois décadent
et
conventionnel, qui devait la livrer à la guerre, puis à pire. Je l’ai
2582
e. Aimant sa sœur, Ulrich veut toucher l’interdit
et
posséder l’inaccessible, qui est le plus vrai, puisqu’il ouvre l’accè
2583
Boris Pasternak. — J’aime passionnément ma Russie
et
je voudrais en être aimé, comme le docteur Jivago aime Lara et en est
2584
s en être aimé, comme le docteur Jivago aime Lara
et
en est aimé. Mais, comme Lara, la Russie a dû suivre un Maître cyniqu
2585
mme Lara, la Russie a dû suivre un Maître cynique
et
brutal, qui l’a séduite et humiliée. Il m’interdit de lui parler. Je
2586
ivre un Maître cynique et brutal, qui l’a séduite
et
humiliée. Il m’interdit de lui parler. Je lui dis pourtant mon amour
2587
mour sous le couvert d’un roman plein d’allusions
et
de symboles qu’elle comprendra. Et voici que l’on fait un triomphe à
2588
in d’allusions et de symboles qu’elle comprendra.
Et
voici que l’on fait un triomphe à ma déclaration d’amour ! Le Maître
2589
’est au nom de celle que j’aime qu’il me repousse
et
qu’il menace de m’exiler. Mais tel est mon amour que je saurai mentir
2590
ans : vous regardez longuement ce visage de femme
et
, peu à peu, c’est un paysage, c’est un pays, c’est une société tout e
2591
ciété tout entière qui transparaît, se recompose,
et
envahit tout le tableau. Vous reprenez votre lecture et, non, c’était
2592
ahit tout le tableau. Vous reprenez votre lecture
et
, non, c’était vraiment une femme… Qu’est-ce que l’auteur a voulu dire
2593
lu dire ? Tout ce que nous voyons là, sans doute,
et
plus encore. S’il avait pu le dire autrement, il l’aurait fait (et no
2594
’il avait pu le dire autrement, il l’aurait fait (
et
nous ne le lirions pas). Mais la réponse de l’écrivain ne suffit pas,
2595
ires, ou deux sphères d’imagination. Elle exprime
et
traduit irrésistiblement l’ambiguïté fondamentale de la passion, anti
2596
ge permanent hors duquel elle n’existerait point,
et
dont ce milieu même circonscrit l’occasion, dicte l’objet ou fournit
2597
s de l’analyse mythologique proposée par L’Amour
et
l’Occident . II. « Lolita » ou le scandale « Entre les limites
2598
ou le scandale « Entre les limites d’âge de 9
et
14 ans apparaissent des fillettes qui, aux yeux de certains voyageurs
2599
humaine mais nymphique (entendons : démoniaque) ;
et
, pour ces créatures choisies, je propose le nom de nymphets. » Lolita
2600
, je propose le nom de nymphets. » Lolita, 12 ans
et
7 mois, a le charme inquiétant, l’impudeur innocente et la pointe de
2601
ois, a le charme inquiétant, l’impudeur innocente
et
la pointe de vulgarité qui caractérisent la nymphet. Humbert Humbert,
2602
le séduit ! Commence la longue fuite du beau-père
et
de la fille, traqués par leur secrète culpabilité, d’un bout à l’autr
2603
tuera. À 17 ans, mariée depuis peu avec un jeune
et
brave technicien, elle meurt en couches, quelques semaines après Humb
2604
e scandaleux du roman, car il apparaît essentiel,
et
l’auteur ne manque pas une occasion de le souligner et de l’accentuer
2605
auteur ne manque pas une occasion de le souligner
et
de l’accentuer, soit en accablant son héros dans une préface d’ailleu
2606
s sens, se métamorphose en passion. C’est d’abord
et
surtout le scandale évident, le caractère profanateur de l’amour de H
2607
ences profondes qui séparent ce roman sarcastique
et
pétulant de la sombre épopée, simple et drue, d’un Béroul. Qu’on ne s
2608
rcastique et pétulant de la sombre épopée, simple
et
drue, d’un Béroul. Qu’on ne s’y trompe pas : le roman de Tristan n’ét
2609
ue ne l’est aujourd’hui Lolita. Ce que l’habitude
et
l’illusion anachronique, aidées par la version moderne de Bédier, nou
2610
r la touchante histoire d’un amour presque chaste
et
conçu fortuitement hors du mariage, recélait à vrai dire, pour les le
2611
rdalie truquée, violation répétée des allégeances
et
de la foi jurée, profanation du sacré féodal et des sacrements cathol
2612
s et de la foi jurée, profanation du sacré féodal
et
des sacrements catholiques, faux serments, sorcellerie, magie noire.
2613
e de la jeunesse, modes passagères dont l’édition
et
le cinéma me paraissent profiter davantage que la société n’en pâtit.
2614
ans, un Edgar Poe qui épouse une fille de 14 ans,
et
le génial Lewis Carroll : Alice au pays des merveilles est née de l’a
2615
clergyman, mais avoué par certains de ses poèmes
et
trahi par les plaisanteries souvent féroces de ses lettres à des peti
2616
jour l’élan mortel, secret de l’amour tristanien.
Et
l’absence de sacré exténue les passions, que la conscience d’une prof
2617
ygiène scientifique : l’amour des petites nymphes
et
l’inceste. Ces deux amours seraient-ils contraires à la nature ? On l
2618
les voit largement pratiqués dans le monde animal
et
dans la grande majorité des sociétés humaines connues, les classes bo
2619
une petite fille de 9 ans qui s’appelait Annabel,
et
qui mourut bientôt — rappel de Poe. Ainsi, l’Éros de cet adulte, par
2620
e doublement inaccessible par la différence d’âge
et
par l’idée de la mort. C’est ainsi que la « nymphet » peut devenir le
2621
du désir infini qui échappe aux rythmes naturels
et
joue le rôle d’un absolu préférable à la vie elle-même. La possession
2622
’un amour interdit qui les exile de la communauté
et
les consume sans les unir vraiment, on aura reconnu les grands moment
2623
man le donnent à croire, allusions aux péripéties
et
situations les plus typiques de la légende de Tristan. Mais il est cu
2624
e rappelle le ton lugubre de destin, la « vieille
et
grave mélodie » qui marque la mort de la mère dans Tristan !) Le nom
2625
mnifère que H. H. fait prendre par ruse à Lolita,
et
qui se révèle d’ailleurs trop faible, le médecin qui l’a procuré s’ét
2626
nt trompé son client. (Inversion point par point,
et
que l’on peut croire délibérée, du récit de l’erreur « fatale » de Br
2627
histoire, mais uniquement par la magie de l’Éros,
et
il le dit75. Comme dans Tristan, « les amants fuient le monde et lui,
2628
Comme dans Tristan, « les amants fuient le monde
et
lui, eux ». Enfin, comme dans Tristan, ils meurent à peu de temps l’u
2629
fut grandiose, dans les versions du xiie siècle
et
dans Wagner, la Mort des Amants légendaires. C’est qu’en réalité, H.
2630
es Amants légendaires. C’est qu’en réalité, H. H.
et
Lolita n’ont jamais connu ce que j’appelle « l’amour réciproque malhe
2631
». Lolita n’a jamais répondu à la passion tendre
et
sauvage de son aîné. De là l’échec du Mythe et par compensation le to
2632
re et sauvage de son aîné. De là l’échec du Mythe
et
par compensation le ton « férocement facétieux » du roman, son réalis
2633
nt facétieux » du roman, son réalisme impitoyable
et
ses plaisanteries un peu folles, sauvées (de justesse parfois) de la
2634
Iseut, le roman réaliste eût fait place au poème
et
la satire sociale au lyrisme intérieur. L’hypothèse n’est pas arbitra
2635
es irritations de l’auteur, on acclame sa syntaxe
et
son vocabulaire, on rit souvent, on n’est jamais ému. Tel qu’il est,
2636
ouvrage parfait reste, aussi, un Tristan manqué.
Et
cela tient à l’immaturité de l’objet même de la passion décrite ; mai
2637
te ; mais sans cette immaturité, point d’obstacle
et
donc point de passion… Peut-être le livre, après tout, n’est-il vraim
2638
t vicieux que par ce cercle. III. Robert Musil
et
le « règne millénaire » Ingénieur, officier, philosophe, écrivain,
2639
ce lieu où j’écris, — j’étais alors en Amérique —
et
son œuvre, en partie posthume, ne cessera de monter à l’horizon mondi
2640
ines, des rôles sociaux, des problèmes de l’amour
et
des buts de la vie confèrent aux deux-mille pages de son dernier gran
2641
epuis l’œuvre de Proust, mieux achevée sans doute
et
d’accès combien plus facile, mais d’une moindre vertu spirituelle. J’
2642
J’aurais aimé parler de Musil, mais de lui seul…
Et
j’ai quelque scrupule à le faire figurer dans un contexte qu’il dépas
2643
respondances avec celui de mes analyses du Mythe,
et
d’une précision si constante qu’elle me permettra, bien souvent, de s
2644
de l’amour interdit qui unira ses héros : Ulrich
et
Agathe, frère et sœur. Admirable coïncidence, qu’il faut bien attribu
2645
dit qui unira ses héros : Ulrich et Agathe, frère
et
sœur. Admirable coïncidence, qu’il faut bien attribuer à la logique d
2646
de deux œuvres à ce point inégales par le climat
et
l’ambition. Ulrich von X. converse avec sa sœur Agathe, dont il sent
2647
ur Agathe, dont il sent qu’il commence à l’aimer,
et
lui raconte, sans trop savoir pourquoi, ce souvenir : C’était dans u
2648
fui. Puis je suis descendu derrière la fillette,
et
je l’ai perdue dans la foule… — Comment accordes-tu cela, dit Agathe,
2649
n’existe plus, que seules demeurent la sexualité
et
la camaraderie ? — Cela ne s’accorde pas du tout ! s’écria Ulrich en
2650
nt. On voit que l’amour-passion est seul en jeu,
et
que le seul exemple qu’en trouve le héros est celui de l’attrait « mo
2651
t d’ailleurs traduire « des relations déficientes
et
tendues avec le monde », Ulrich conte à nouveau l’histoire de « la fe
2652
en serait capable engagerait la créature désarmée
et
inachevée encore, dans des histoires pour quoi elle n’est pas faite.
2653
ait faire abstraction de l’immaturité de ce corps
et
de cet esprit en formation, jouer sa passion avec un partenaire muet
2654
rmation, jouer sa passion avec un partenaire muet
et
caché…77 C’est une tout autre attitude, avec de tout autres suites !
2655
out autre attitude, avec de tout autres suites !
Et
, comme il sent encore une sorte de réprobation, jalouse peut-être, ch
2656
ne fuite devant la vie, un refuge pour la lâcheté
et
une caverne de vices, comme beaucoup le prétendent. Je crois que l’hi
2657
dent. Je crois que l’histoire de la petite fille,
et
tous les autres exemples dont nous avons parlé, loin de relever de la
2658
e profane, une insubordination, un désir démesuré
et
démesurément passionné d’amour ! L’expérience impossible dans laquel
2659
d’un besoin d’amour « délivré des contre-courants
et
des aversions sociales et sexuelles » : Il rêvait d’une femme absolu
2660
vré des contre-courants et des aversions sociales
et
sexuelles » : Il rêvait d’une femme absolument inaccessible. Elle fl
2661
a sœur Agathe, retrouvée après de longues années,
et
qui, fuyant son mari, vient habiter le petit hôtel rococo qu’il possè
2662
s les années où Ulrich avait cherché sa voie seul
et
non sans insolence, le mot de sœur avait été chargé pour lui d’une no
2663
amais songé alors qu’il possédait une sœur réelle
et
vivante… Incontestablement, des phénomènes analogues sont fréquents.
2664
animal quelconque, ou se tournera vers l’humanité
et
le prochain. De Chateaubriand à d’Annunzio et à Thomas Mann, en pass
2665
té et le prochain. De Chateaubriand à d’Annunzio
et
à Thomas Mann, en passant par le romantisme allemand, français et ang
2666
, en passant par le romantisme allemand, français
et
anglais, on sait assez la fortune littéraire de cette forme d’amour i
2667
connut peut-être les derniers prestiges. La lente
et
fascinante histoire de la prise de conscience, puis du choix de cet a
2668
impitoyable des réflexions échangées par le frère
et
la sœur, la qualité de leurs exigences morales et de leurs nostalgies
2669
et la sœur, la qualité de leurs exigences morales
et
de leurs nostalgies spirituelles composent un philtre d’une efficacit
2670
s la littérature contemporaine. Ce n’est pas René
et
ce n’est pas Byron, ce n’est pas décadent ni scandaleux. S’agirait-il
2671
moins d’un inceste que des relations entre Animus
et
Anima, comme l’avancent des commentateurs ? Il ne s’agit, pour moi, q
2672
ême de la « dernière histoire d’amour possible »,
et
d’une admirable analyse du spectre spirituel de l’Occident. Voici la
2673
rituel de l’Occident. Voici la dialectique d’Éros
et
d’Agapè, la lutte entre l’élan qui porte l’homme vers l’ange, et le d
2674
lutte entre l’élan qui porte l’homme vers l’ange,
et
le devoir d’aimer le prochain, fondement de toute société. Avec une
2675
lative, il s’avoua que les relations entre Agathe
et
lui avaient comporté dès le début une bonne dose d’aversion pour la s
2676
début une bonne dose d’aversion pour la société…
Et
Musil, dans une note pour l’un des chapitres non terminés, ajoute :
2677
athe) parce que je ne puis aimer les autres. Dieu
et
l’antisocial. Dès le début, son amour pour Ulrich a mobilisé son host
2678
à l’égard du monde. Le moment négateur du monde
et
du social, inhérent à toute vraie passion, n’apparaît cependant, aux
2679
mme un contrecoup accidentel. Ils veulent brûler.
Et
ils croient découvrir, aux époques les plus différentes, que c’est l’
2680
at présent de la société qui condamne la passion,
et
rabat au mariage. Notre temps, qui a probablement perdu la notion de
2681
nastique, des « révolutions de la vie sexuelle »,
et
veulent aider les hommes à être mariés, et néanmoins contents. L’homm
2682
lle », et veulent aider les hommes à être mariés,
et
néanmoins contents. L’homme et la femme n’y sont plus que « porteurs
2683
mes à être mariés, et néanmoins contents. L’homme
et
la femme n’y sont plus que « porteurs de germe mâle ou femelle » ou e
2684
le ou femelle » ou encore « partenaires sexuels »
et
l’on baptise « problème sexuel » l’ennui qu’il s’agit de bannir de le
2685
rend son essor : thèmes du regard, de la tempête,
et
de l’épée de chasteté entre les corps : Lorsque leurs regards se cro
2686
une seule certitude : c’est que tout était décidé
et
que tous les interdits, maintenant, leur étaient indifférents… Chacun
2687
plissement étaient bien près de se détacher d’eux
et
les unissaient déjà dans leur imagination, comme la tempête, devant l
2688
gence plus forte encore leur commandait le calme,
et
ils furent incapables de se toucher de nouveau. L’équivoque essentie
2689
que essentielle entre l’amour projeté sur l’autre
et
le refus de la possession qui mettrait un terme au désir, explique le
2690
er toi, cette personne qui a provoqué la passion,
et
qu’on peut prendre dans ses bras, alors que ce qu’on aime réellement
2691
re qu’on n’aime pas réellement la personne réelle
et
qu’on aime réellement une personne irréelle ? — Là est le nœud de l’a
2692
ersonne réelle doit représenter la personne rêvée
et
même ne faire qu’un avec elle. D’où les innombrables confusions qui d
2693
ut travesti, comme dans l’importance de l’unisson
et
de la répétition de soi dans l’autre… Les grandes, les implacables pa
2694
en ses bras maternels toutes les contradictions,
et
sur son cœur, il n’est plus de parole vraie ou fausse, chacune étant,
2695
ssés, inconciliables. Première version : le frère
et
la sœur cèdent à leur amour, réfugiés sans passeports dans une île de
2696
debout maintenant sur un haut balcon, entrelacés
et
enlacés à l’indicible comme deux amants qui, l’instant d’après, se pr
2697
précipiteront dans le vide. Ils se précipitèrent.
Et
le vide les porta. L’instant demeura immobile, sans monter ni descend
2698
emeura immobile, sans monter ni descendre. Agathe
et
Ulrich ressentirent un bonheur dont ils ne savaient pas si c’était de
2699
limitatives s’étaient perdues toutes les limites
et
, comme ils ne percevaient plus aucune séparation, ni en eux ni dans l
2700
is ans, ils découvrent que le monde existe encore
et
les appelle… « Deh ! dit Tristan, quelle départie ! » Mais il y a plu
2701
de Musil s’attaque ici à la formule même du Roman
et
la détruit. Si la passion ne conduit pas à la mort, si le Jour peut r
2702
ience de l’amour interdit échoue dans la réalité,
et
le Roman dans l’analyse psychologique la plus banale et déprimante. C
2703
Roman dans l’analyse psychologique la plus banale
et
déprimante. C’est pourquoi Musil semble bien avoir écarté cette fin-l
2704
se rien qu’une longue conversation entre le frère
et
la sœur qui s’aiment, dans leur jardin où choit sans fin du haut des
2705
ût pris la place de l’Île de la passion mortelle.
Et
le Voyage au Paradis de l’ancienne ébauche fût devenu le « Voyage ver
2706
s les thèmes constants de la passion sont apparus
et
ont grandi l’un après l’autre, pour s’évanouir ensuite comme des îles
2707
e, chacun sait cela depuis qu’on écrit des romans
et
qui passionnent. Mais cette convention littéraire, condamnant le mari
2708
bien autrement redoutable, aux yeux de l’écrivain
et
du lecteur, que toute espèce d’inceste ou de passion maudite ? L’érot
2709
bre vont aux romans écrits à la première personne
et
par une femme, décrivant des situations quotidiennes et des sentiment
2710
une femme, décrivant des situations quotidiennes
et
des sentiments normaux que « chacun a vécus ou pourrait vivre », évit
2711
itant l’exotisme, louant le way of life américain
et
confirmant sa morale optimiste. Tels étant les goûts du public, telle
2712
tuations révolutionnaires, l’autre des sentiments
et
obsessions que bien peu d’hommes et moins encore de femmes ont pu viv
2713
es sentiments et obsessions que bien peu d’hommes
et
moins encore de femmes ont pu vivre aux États-Unis ; l’un raillant cr
2714
; tous les deux s’achevant sur un échec tragique,
et
condamnant implicitement la société qui écrase le personnage central.
2715
n qu’on peut l’attribuer à des motifs accidentels
et
différents, scandale moral dans le cas de Lolita, manifestation polit
2716
e exactement) qu’un roman soit vraiment un roman,
et
nous passionne ? Les préférences qu’avoue le public interrogé devraie
2717
meure mal vu, mais n’en fascine que mieux l’homme
et
la femme du xxe siècle américain, nonobstant les progrès de l’éducat
2718
n, nonobstant les progrès de l’éducation sexuelle
et
la préparation rationnelle au mariage dès les bancs de l’école primai
2719
Jivago l’objet d’une polémique mondiale où l’URSS
et
l’Ouest s’affrontent une fois de plus, pour des raisons, d’ailleurs,
2720
’entends le drame entre l’auteur, le peuple russe
et
le régime, drame préfiguré dans le roman lui-même, que j’interprète c
2721
x Nobel le couronne parce que c’est un beau livre
et
parce que son auteur est resté un homme libre. Il est normal que l’UR
2722
icat des écrivains déguise en loyauté sa jalousie
et
rejette le glorieux confrère en le couvrant d’insultes officielles. D
2723
s’ensuit, hommages en Occident, outrages en URSS
et
lettres de cosaques zaporogues au Kremlin, tout est scandaleusement n
2724
res de ma patrie équivaudrait pour moi à la mort,
et
c’est pourquoi je vous supplie de ne pas prendre à mon égard cette me
2725
r, que j’ai contribué à la littérature soviétique
et
que je puis encore lui être utile. » Il a refusé le prix, il est prêt
2726
cte politique, comme on a voulu le croire de part
et
d’autre. Sensible à la présence cachée d’une logique totalement diffé
2727
elle qui dicte normalement les prises de position
et
gestes politiques, mais n’ayant encore lu, lorsqu’éclata la crise, qu
2728
tait retenu dans son pays par une passion secrète
et
sans doute interdite ; comme s’il préférait tout, y compris le reniem
2729
ût-il vivre auprès de lui dans un silence humilié
et
sans espoir. Mais quelle peut être la nature de cette « Iseut » inacc
2730
» inaccessible, dont il semble être le Tristan ?
Et
quel est le roi Marc qui l’en sépare ? Je me mis à lire plus avant. U
2731
s un hôpital, mais elle épouse un révolutionnaire
et
disparaît. Jivago la retrouve beaucoup plus tard. Leur amour se décla
2732
r réussit à rejoindre Moscou, où il vit misérable
et
caché. Il épouse sans amour une jeune fille qui s’occupait de son mén
2733
ille qui s’occupait de son ménage, puis la quitte
et
meurt dans la foule. Inexplicablement reparue à cette heure, Lara vie
2734
urer sur son cadavre. Elle est arrêtée peu après,
et
va mourir en Sibérie. Ainsi, tous les moments de la Légende transpara
2735
i, tous les moments de la Légende transparaissent
et
se recomposent l’un après l’autre, avec une mystérieuse précision. Is
2736
emps depuis Tristan, depuis l’épiphanie grandiose
et
décisive de l’archétype de la passion, au xiie siècle. Écoutez-la, c
2737
ion, au xiie siècle. Écoutez-la, cette « vieille
et
grave mélodie » renouvelée du Tristan de Wagner. Jivago s’adresse à L
2738
à l’autre nos paroles secrètes de la nuit, grande
et
pacifique comme le nom de l’océan d’Asie. Ce n’est pas un hasard si t
2739
ecret, mon ange interdit, sous un ciel de guerres
et
d’insurrections ; il y a bien longtemps, au commencement de ma vie, s
2740
fois de plus, la passion sépare du monde : Jivago
et
Lara détestent « les principes d’un culte menteur de la société, tran
2741
ant, dit Jivago, « il perdrait sa raison de vivre
et
peut-être même la vie ». Exagération romantique ? Non, c’est la vérit
2742
ir elle est transpercée par le feu du couchant »,
et
les scènes décisives de ce roman de poète sont toujours éclairées par
2743
ar le même soleil rouge sortant au bas des nuages
et
rasant la forêt de ses derniers rayons. C’est cette image qui lui fai
2744
ant, dans tout le monde visible le visage immense
et
innocent d’une petite fille ». Mais voici l’aveu décisif ; et cette a
2745
d’une petite fille ». Mais voici l’aveu décisif ;
et
cette ambiguïté qui m’arrêtait (parlent-ils donc, ces romanciers, d’u
2746
e pour montrer que l’espace est palpitant de vie.
Et
ce lointain, c’est la Russie, cette mère glorieuse, incomparable, don
2747
éclats toujours imprévisibles, à jamais sublimes
et
tragiques ! Oh ! comme il est doux d’exister. Comme il est doux de vi
2748
’exister. Comme il est doux de vivre sur la terre
et
d’aimer la vie ! Oh ! comme l’on voudrait dire merci à la vie même, à
2749
e même, à l’existence même, le leur dire à elles,
et
en face. Oui, Lara, c’est tout cela. Puisqu’on ne peut communiquer pa
2750
sentante, leur symbole. Elle est à la fois l’ouïe
et
la parole offertes en don aux principes muets de l’existence. Dès ce
2751
instant, dès cet aveu, dès que l’identité de Lara
et
de la Russie est expressément déclarée, tout s’éclaire de ce qui vien
2752
urner à son profit le Pouvoir né de la révolution
et
qui va confisquer Lara) offre l’exil à Jivago. Ce dernier lui répond,
2753
à bout de forces, je devrai étouffer mon orgueil
et
mon amour-propre, et me traîner humblement à vos pieds pour recevoir
2754
devrai étouffer mon orgueil et mon amour-propre,
et
me traîner humblement à vos pieds pour recevoir de vos mains Lara, la
2755
maintenant, c’est de vous approuver machinalement
et
de m’en remettre à vous aveuglément. Ainsi, pour le bien de Lara, je
2756
de Lara, je vais jouer la comédie… V. Passion
et
Société Toute passion se nourrit de négation, parce qu’elle assume
2757
sion se nourrit de négation, parce qu’elle assume
et
souffre l’exception, au sens kierkegaardien du terme. Elle exile celu
2758
dans nos trois romans tristaniens, de la Société
et
de ses conventions ; d’où la critique mordante à laquelle les soumet
2759
du passionné est dirigée contre le social en soi,
et
non point provoquée par la nature particulière du régime politique au
2760
traint de violer le sacré féodal, devient traître
et
félon et se voit exilé de la communauté des preux, non point parce qu
2761
violer le sacré féodal, devient traître et félon
et
se voit exilé de la communauté des preux, non point parce qu’il appro
2762
lu : l’état de passion. J’ai montré dans L’Amour
et
l’Occident comment cet état préexiste à tout objet déterminé, commen
2763
t dans lequel les vrais amants, poètes, mystiques
et
créateurs, voudraient se maintenir une fois qu’ils l’ont connu, tout
2764
tarissable — lettres d’amour, traités mystiques —
et
procédant généralement par antithèses et paradoxes. Car on n’aura jam
2765
tiques — et procédant généralement par antithèses
et
paradoxes. Car on n’aura jamais assez de mots et de métaphores, et de
2766
et paradoxes. Car on n’aura jamais assez de mots
et
de métaphores, et de clichés réinventés, et de symboles entrecroisés
2767
on n’aura jamais assez de mots et de métaphores,
et
de clichés réinventés, et de symboles entrecroisés pour tenter de cer
2768
mots et de métaphores, et de clichés réinventés,
et
de symboles entrecroisés pour tenter de cerner cet indicible qu’on vo
2769
r ou l’autre, la différence entre un désir sexuel
et
l’état d’âme ou mieux : l’état d’être amoureux. La passion amoureuse
2770
qui se prête le mieux au récit. La sexualité pure
et
l’amour du prochain ne sont vrais qu’en acte, et leur description enn
2771
et l’amour du prochain ne sont vrais qu’en acte,
et
leur description ennuie vite. La passion de l’Éros est vraie d’abord
2772
. La passion de l’Éros est vraie d’abord en rêve,
et
n’existe peut-être jamais mieux que dans l’élan lyrique de son récit.
2773
tre à la littérature par une complicité d’origine
et
d’essence, l’amour-passion, nous l’avons vu, n’est guère moins dépend
2774
st remarquable que la passion n’utilise interdits
et
tabous qu’au moment où ceux-ci commencent à faiblir, où les violer es
2775
l’histoire qu’au temps où la réforme grégorienne
et
les abus qu’elle combattait venaient de dresser contre les lois matri
2776
e les meilleures chances à la fois de se déclarer
et
de propager sa contagion. Il y a plus. La nature des interdits sociau
2777
terdits sociaux détermine le niveau psychologique
et
le style même d’un roman. Le Docteur Jivago, par exemple, est de beau
2778
ploie tant de raffinements formels, intellectuels
et
même mystiques, qu’il échappe à la fin au romanesque et nous fait ent
2779
e mystiques, qu’il échappe à la fin au romanesque
et
nous fait entrevoir un genre nouveau, qui pourrait intégrer dans la l
2780
r dans la littérature les démarches de la science
et
de la psychologie les plus récentes. C’est que la nature des obstacle
2781
cles diffère du tout dans les deux cas. Politique
et
sociale en URSS, donc extérieure, plus primitive en quelque sorte, el
2782
le s’intériorise, l’action devient introspection,
et
l’intrigue aventure spirituelle… Ce processus est-il irréversible ? F
2783
e provoquer les épiphanies romanesques de Tristan
et
de l’amour-passion ? Le totalitarisme soviétique et le conformisme de
2784
de l’amour-passion ? Le totalitarisme soviétique
et
le conformisme des mœurs dans les démocraties de l’Occident ne sont p
2785
e l’homme du xxe siècle, que ceux que la Science
et
l’Hygiène pourraient faire prononcer par l’État. La passion qui voudr
2786
’imagine parfois d’autres obstacles, plus subtils
et
tenaces que les tabous sociaux. J’y ai fait allusion à propos de Musi
2787
l est vrai que la passion cherche l’inaccessible,
et
s’il est vrai que l’Autre en tant que tel reste aux yeux d’un amour e
2788
mour exigeant le mystère le mieux défendu, — Éros
et
Agapè ne pourraient-ils nouer une alliance paradoxale au sein même du
2789
accepté ? Tout Autre n’est-il pas l’inaccessible,
et
toute femme aimée une Iseut, même si nul interdit moral ou nul tabou
2790
ne vient symboliser, pour les besoins de la fable
et
la commodité du romancier, l’essence même de l’obstacle excitant, cel
2791
74. D’une manière implicite ou voilée dans Béroul
et
Thomas, explicite et agressive dans Gottfried de Strasbourg, dont s’i
2792
licite ou voilée dans Béroul et Thomas, explicite
et
agressive dans Gottfried de Strasbourg, dont s’inspira Wagner. 75. «
2793
que le drapeau à croix gammée flotte sur Hambourg
et
que la jeunesse allemande a oublié les Camps, en déduit dans l’Expres
2794
lations actuelles, erreur sur la jeunesse de l’un
et
de l’autre pays et sur leurs « nostalgies secrètes », erreur sur le m
2795
erreur sur la jeunesse de l’un et de l’autre pays
et
sur leurs « nostalgies secrètes », erreur sur le militarisme éternel
2796
eur sur le militarisme éternel du peuple allemand
et
sur le pacifisme actuel de certains colonels français, erreur sur l’E
2797
e certains colonels français, erreur sur l’Europe
et
sa situation dans le monde présent, erreur sur les motifs des « Europ
2798
Il en déduit que de Gaulle n’est pas un dictateur
et
je l’encourage dans cette idée, tout en le poussant à étudier la biog
2799
celui que vous remerciez d’avoir sauvé la France
et
réconforté le peuple allemand en le coupant en deux tronçons. J’euss
2800
el bonheur de pouvoir vous rappeler que la France
et
l’Allemagne ayant mis en commun non seulement leur charbon et leur ac
2801
ne ayant mis en commun non seulement leur charbon
et
leur acier, mais encore leurs wagons et leurs avions, si elles décida
2802
r charbon et leur acier, mais encore leurs wagons
et
leurs avions, si elles décidaient de se battre, elles ne pourraient p
2803
ne pourraient plus le faire qu’à coups de bâtons
et
de pages de rhétorique. Déroulède est bien mort, Aragon ne suffit pas
2804
me plus sérieux : je ne le crois pas du tout naïf
et
vous ne l’accuserez pas d’hypocrisie. Mais alors de qui parlez-vous ?
2805
Cette union de l’Europe que réclamaient Churchill
et
les fédéralistes issus de la Résistance, dès les congrès de Montreux
2806
sus de la Résistance, dès les congrès de Montreux
et
de La Haye, elle avait pour premier objectif d’empêcher que la France
2807
it pour premier objectif d’empêcher que la France
et
l’Allemagne reposent leur « problème éternel » dans les termes où vou
2808
t. Un tout autre problème a surgi : celui du rôle
et
de la fonction de l’Europe dans le monde du xxe siècle, à l’échelle
2809
opéens » ont la naïveté de situer leur continent,
et
l’hypocrisie d’évaluer ses problèmes. Vous me direz que vous ne pensi
2810
réunion s’opère un jour, en dépit de vos craintes
et
de celles de Khrouchtchev, comment la rendre inoffensive ou bénéfique
2811
solution ? Le vrai danger, c’est notre désunion.
Et
non seulement devant une grande Allemagne hypothétique, que nos méfia
2812
mais devant des coalitions non moins redoutables
et
beaucoup plus réelles ; et surtout devant des tâches économiques, édu
2813
non moins redoutables et beaucoup plus réelles ;
et
surtout devant des tâches économiques, éducatives et spirituelles, d’
2814
surtout devant des tâches économiques, éducatives
et
spirituelles, d’une ampleur telle qu’aucun de nos pays, fût-il la Fra
2815
i m’inquiète, cette attaque en passant, gratuite…
Et
qu’elle vienne après tant de silence, après tant de phrases que vous
2816
tant de phrases que vous n’aurez jamais écrites —
et
dont je vous rends l’hommage de vous tenir comptable — en faveur de l
2817
le — en faveur de l’union de notre Europe menacée
et
des ouvriers de sa cause. Vous pouvez plus que d’autres. Vos omission
2818
a, condamné par un tribunal siégeant en plein air
et
de nuit. La scène est éclairée par des phares de camions. Des millier
2819
ert une tranchée de 40 pieds de long, 10 de large
et
10 de profondeur ; 70 condamnés, préalablement confessés par 6 prêtre
2820
tres, sont conduits deux par deux devant la fosse
et
fusillés. Ici je cite : « Le lieutenant de police Enrique Despaigne,
2821
si l’on en juge par les photos extraites du film
et
que le magazine donne en regard du texte. Deux enchaînements de faits
2822
un peuple pour la dignité, la justice, la liberté
et
la prospérité. Admettons que cette cause excuse ce massacre. Il y a d
2823
deux séries, tout devient d’un seul coup absurde
et
révoltant, tout sens humain éclate comme une ampoule de flash. L’exéc
2824
. (Imaginez l’attente du condamné passé vedette.)
Et
la photo devient ignoble parce que sérieuse comme la mort. Ce qui dev
2825
Tout est faux, insondablement faux, perd son sens
et
tourne au cauchemar, par la coïncidence absurde de deux « sens » qui
2826
nt en cause. Mais bien les auditeurs, spectateurs
et
lecteurs qui tolèrent qu’on les traite ainsi, qui paient pour ces div
2827
traite ainsi, qui paient pour ces divertissements
et
qui en redemandent. Ceux d’Amérique comme naguère ceux d’Europe (souv
2828
Rudolf Kassner
et
la grandeur (juin 1959)az Rudolf Kassner vient de mourir à l’âge d
2829
difficulté. (Il a traduit aussi Platon, Pouchkine
et
Gogol, Laurence Sterne et Newman, le Philoctète de Gide et les Éloges
2830
aussi Platon, Pouchkine et Gogol, Laurence Sterne
et
Newman, le Philoctète de Gide et les Éloges de Saint-John Perse.) Int
2831
Laurence Sterne et Newman, le Philoctète de Gide
et
les Éloges de Saint-John Perse.) Intimement lié avec Rilke et avec Ho
2832
s de Saint-John Perse.) Intimement lié avec Rilke
et
avec Hofmannsthal, il procède à la fois, par un étrange paradoxe, de
2833
alectique kierkegaardienne comme son cadet Kafka,
et
de la société autrichienne d’avant 1914 comme Robert Musil. Ces cinq
2834
s de Kassner, la seule littérature digne du nom ;
et
l’on ne s’étonnera pas que Kassner soit resté, jusqu’ici, le moins co
2835
es de Kassner, lus en français dans une précieuse
et
simple traduction79, lorsque j’essaie de me remémorer l’espèce de cho
2836
t — j’entends compris à la manière intellectuelle
et
discursive, ramenant à des catégories, à des clichés —, j’avais recon
2837
n « rassemblée », n’admettant que des gestes nets
et
maîtrisés, puis de la briser soudain par une cascade d’ellipses saisi
2838
je te dévore ! Une constante énergie de l’énoncé.
Et
une grande force d’exclusion. Seuls les mondains, pensais-je, savent
2839
l’égard du doute faible, de l’adjectif incertain,
et
en général des complaisances « artistes » ou des clichés philosophiqu
2840
en vertu d’une réflexion passionnément originale.
Et
je tentais de décrire — dans le premier article, je crois bien, publi
2841
lexion, l’alliage précieux de hauteur, de rigueur
et
de pitié humaine, la retenue presque solennelle mais qui sans cesse f
2842
ue solennelle mais qui sans cesse frôle l’humour,
et
parfois tourne en sournoise malice » qui composaient, au sens magique
2843
u sens magique du mot, les charmes de cette prose
et
son autorité. J’écrivais : Dans la mesure même où Kassner se montre
2844
orphose, miroir, limite, sacrifice, chance, drame
et
tension, ne sont guère définis que par leurs rapports mutuels et tire
2845
sont guère définis que par leurs rapports mutuels
et
tirent de cette interdépendance leur valeur originale. Kassner repren
2846
préromantisme allemand, l’opposition de l’antique
et
du moderne, non du point de vue littéraire comme on le fit en France,
2847
mme qui doit être surpassé, vit dans la démesure,
et
lorsqu’il « veut prendre mesure de lui-même, il se sent aussitôt inco
2848
mesure de lui-même, il se sent aussitôt incomplet
et
coupable. Il est donc possible de dire que le péché est la mesure du
2849
e de dire que le péché est la mesure du démesuré,
et
que pour le chrétien il n’est pas d’autre grandeur ». Ainsi le chréti
2850
e en tant que le péché crée une tension entre lui
et
Dieu. Mais le péché ne devient réalité que pour le converti ; c’est d
2851
e, ni grandeur, ni forme, mais seulement chimères
et
incohérence. Que l’on considère en effet l’homme moderne, l’homme san
2852
e naturelle : s’il ne retrouve pas de loi interne
et
de tension par le péché, il n’est plus qu’un être sans destinée, un I
2853
n Indiscret. « Sa substance interne est crevassée
et
divisée. Son œuvre souvent pleine de charme mais sans forme et sans b
2854
on œuvre souvent pleine de charme mais sans forme
et
sans but, peut bien nous stimuler, mais ne nous détermine jamais… Cet
2855
termine jamais… Cet homme indiscret est distrait,
et
sa distraction vient de l’intérieur… Il ne peut jamais sortir de son
2856
Il ne peut jamais sortir de son moi sans trahison
et
chaque manifestation de son essence intime ressemble par quelque côté
2857
à une impudeur. » À l’opposition du Beau objectif
et
de l’intéressant sentimental qui pour Schiller et surtout pour Schleg
2858
et de l’intéressant sentimental qui pour Schiller
et
surtout pour Schlegel symbolisait celle de l’antique et du moderne, K
2859
tout pour Schlegel symbolisait celle de l’antique
et
du moderne, Kassner répondrait aujourd’hui par l’opposition de la gra
2860
jourd’hui par l’opposition de la grandeur mesurée
et
de l’indiscrétion journalistique81. La férocité réfléchie qui préside
2861
enser n’est pas non plus s’ingénier sur des idées
et
des combinaisons d’idées : mais créer de tout son être spirituel des
2862
éer de tout son être spirituel des faits nouveaux
et
vrais, dans un certain style. Car il n’est point de vérité sans forme
2863
int de vérité sans forme. Quelques pages étranges
et
puissantes sur les chimères de Notre-Dame illustrent ce réalisme de l
2864
la forme, hors de quoi il n’est qu’indiscrétion,
et
qui livre la clé de la pensée de Kassner, comme aussi de son apparent
2865
d tout par des biais qui nous sont peu familiers.
Et
puis enfin, voilà une philosophie qui postule la vision, c’est-à-dire
2866
s créées ne soient concevables qu’en elles-mêmes,
et
comme à l’état sauvage, non par une explication qui les réduise et qu
2867
sauvage, non par une explication qui les réduise
et
qui les domestique. Une pensée neuve ne saurait être comprise à moins
2868
ironie à l’intérieur des choses, qui les fouille
et
les purifie, une ironie née de la rigueur et non du scepticisme. Le d
2869
ille et les purifie, une ironie née de la rigueur
et
non du scepticisme. Le dialogue de Laurence Sterne et du recteur Kroo
2870
on du scepticisme. Le dialogue de Laurence Sterne
et
du recteur Krooks sur Judas et la Parole est à cet égard d’une saveur
2871
de Laurence Sterne et du recteur Krooks sur Judas
et
la Parole est à cet égard d’une saveur particulièrement riche et comp
2872
t à cet égard d’une saveur particulièrement riche
et
complexe : « Les bavards ne tirent pas d’eux-mêmes toutes les paroles
2873
lus encore que leur conception de l’« existence »
et
que leur ironie, ce qui rapproche Kassner et son maître, c’est leur v
2874
ce » et que leur ironie, ce qui rapproche Kassner
et
son maître, c’est leur vision tragique du péché. Le Lépreux, journal
2875
s adversaires — Freud en particulier, dans Christ
et
l’Âme du monde — mais bien plutôt qu’à force d’approfondir leur domai
2876
ce d’approfondir leur domaine propre, il les mine
et
les ruine intérieurement ; ou encore les dissout dans une réalité plu
2877
bien que la conclusion ne peut être qu’implicite
et
fonction d’une hiérarchie de valeurs, non de la seule exactitude des
2878
ficulté, précisément, n’a pas cessé de me séduire
et
inciter. Je suppose qu’il est devenu banal de déplorer l’obscurité de
2879
t devenu banal de déplorer l’obscurité des essais
et
dialogues de Kassner. Elle est pourtant la garantie de leur pouvoir,
2880
r. Elle est pourtant la garantie de leur pouvoir,
et
ne saurait traduire, à mon avis, qu’une intention profondément délibé
2881
arlais tout à l’heure d’ellipses « saisissantes »
et
c’était au sens littéral, non pathétique, de l’adjectif. L’ellipse de
2882
ateur de l’Occident. Problème ambigu s’il en fut,
et
qui échappe par définition à la pensée systématique et discursive : p
2883
i échappe par définition à la pensée systématique
et
discursive : point de réponse rationnelle au cur deus homo de saint A
2884
de l’âme est de comparer », remarque Montesquieu,
et
il ajoute : Ce qui fait ordinairement une grande pensée, c’est lorsq
2885
chose qui en fait voir un grand nombre d’autres,
et
qu’on nous fait découvrir tout d’un coup ce que nous ne pouvions espé
2886
er qu’après une grande lecture. Ainsi s’opposent
et
se comparent, dans ses dialogues, mesure antique et démesure moderne,
2887
se comparent, dans ses dialogues, mesure antique
et
démesure moderne, ou les grandes intuitions tautologiques de l’Inde e
2888
ou les grandes intuitions tautologiques de l’Inde
et
les conséquences « dramatiques » de l’incarnation de la Parole : par
2889
conclusion. Mais l’angle de vision s’est imposé.
Et
l’imagination, irrésistiblement, s’oriente vers le mystère crucial. S
2890
ne idée finalement plus favorable au Livre de Job
et
aux proverbes zen qu’à Lamartine ou même à Rilke, reconnaîtront dans
2891
ou même à Rilke, reconnaîtront dans les dialogues
et
les paraboles de Kassner son irréfutable présence. Bâtons rompus
2892
plus profondes admirations. Mais peut-être aussi,
et
surtout, parce que je m’étais fait de Kassner l’image d’un maître spi
2893
le qui avait été réelle dans mon esprit seulement
et
qui ne pouvait ni ne devait l’être autrement, je le voyais bien, je j
2894
que cette relation devait exclure tout bavardage
et
comporter quelque cérémonial : seul devant lui, se taire longtemps ap
2895
ait-on dans les couvents bouddhistes du Japon.)82
Et
justement Kassner serrait deux cannes dans ses énormes mains d’infirm
2896
âtons rompus sur le dos des fervents indiscrets !
Et
n’avais-je pas cédé à l’illusion banale qui veut que l’auteur et l’œu
2897
as cédé à l’illusion banale qui veut que l’auteur
et
l’œuvre soient pareils, alors qu’ils sont toujours en tension dialect
2898
disciplinée de dominer son grand malheur physique
et
de refuser que ce malheur l’isole dans la seule profondeur de sa visi
2899
rofondeur de sa vision83. D’où sa curiosité avide
et
amusée pour tous ceux que l’on pouvait connaître, ne fût-ce que de ré
2900
rope, en Russie, en Inde. Il ne cessait de mettre
et
de remettre à jour son tableau d’une certaine société finissante, com
2901
nte, composée certes des meilleurs esprits (morts
et
vivants) et des plus authentiques Grandes Dames, mais aussi d’une fou
2902
e certes des meilleurs esprits (morts et vivants)
et
des plus authentiques Grandes Dames, mais aussi d’une foule de figure
2903
sait à évoquer d’un seul trait fortement appuyé —
et
l’on devinait alors qu’ils étaient les modèles des personnages de ses
2904
ient les modèles des personnages de ses Dialogues
et
récits physiognomoniques, officiers, acteurs ou artistes, grands mani
2905
boutade, le trait d’esprit) est la forme logique
et
naturelle que revêt la sociabilité chez le solitaire qui garde ses di
2906
rappellent son ton de voix), tout en lui, l’œuvre
et
l’homme, évoquait la présence d’une maîtrise achevée, comme infaillib
2907
rencontre, de cet archer qui tire les yeux fermés
et
atteint à chaque coup le centre de la cible. D’où mes allusions répét
2908
voudrais maintenant expliciter. Kassner, Rilke
et
le zen Une amitié des plus complexes, pour ne pas dire ambivalente
2909
dire ambivalente, a lié longtemps Rudolf Kassner
et
Rainer Maria Rilke. Elle remonte aux années qui précédèrent la guerre
2910
nte aux années qui précédèrent la guerre de 1914,
et
plusieurs témoignages importants nous en demeurent : lettres de Rilke
2911
ilke à leur amie commune, la princesse de la Tour
et
Taxis, dédicace à Kassner de la Huitième Élégie de Duino, fin des Cah
2912
les traces visibles de l’influence kassnérienne ;
et
les sept essais successifs consacrés par Kassner à Rilke, de 1926, au
2913
Poète au plus haut comme pur lyrique sans faille
et
sans clichés, prend ses distances : Rilke, écrit-il, a toujours refus
2914
au monde du Père, « monde des enfants, des femmes
et
des vieillards », monde passif, féminin, sans conflits et sans drame,
2915
ieillards », monde passif, féminin, sans conflits
et
sans drame, sans négation ni dialectique, monde « phallique » aussi,
2916
si, « mélange très singulier de candeur enfantine
et
de perversion », monde spatial, an-historique, désincarné, lunaire, m
2917
n-historique, désincarné, lunaire, monde de l’âme
et
non de l’esprit, profondément antipaulinien, et qui permet seul de co
2918
e et non de l’esprit, profondément antipaulinien,
et
qui permet seul de comprendre chez Rilke « son hostilité au Christ, q
2919
e, est le monde du Fils, de la Parole qui tranche
et
institue le drame, le monde ouvert par la tragédie grecque, par l’Éva
2920
édie grecque, par l’Évangile, monde du Dieu-Homme
et
du paradoxe, du sacrifice et du Retour (Umkehr), de la Personne et de
2921
monde du Dieu-Homme et du paradoxe, du sacrifice
et
du Retour (Umkehr), de la Personne et de la Liberté. Monde viril où n
2922
u sacrifice et du Retour (Umkehr), de la Personne
et
de la Liberté. Monde viril où ne peut régner que « cette prose qui ex
2923
exclut les vers : Blaise Pascal, Laurence Sterne
et
Søren Kierkegaard. En tous trois je reconnais et vénère mes grands aï
2924
et Søren Kierkegaard. En tous trois je reconnais
et
vénère mes grands aïeux »84. Une dernière fois, en 1956, Kassner revi
2925
1956, Kassner revient sur ce débat inépuisable —
et
sans doute trouvera-t-on dans ses papiers posthumes bien d’autres not
2926
t. L’essai porte un titre curieux : Rilke, le zen
et
moi 85 et il est curieusement décousu. À propos de l’influence qu’on
2927
porte un titre curieux : Rilke, le zen et moi 85
et
il est curieusement décousu. À propos de l’influence qu’on lui attrib
2928
ns une lettre qu’il la sentait « écrite pour lui,
et
contre lui ». Il suggère en passant un parallèle entre Kierkegaard et
2929
suggère en passant un parallèle entre Kierkegaard
et
Hamlet « qui tous les deux luttèrent pour la grandeur, non point à pa
2930
r désespoir »86. Suit une digression sur la Duse,
et
subitement, Kassner en vient à l’aspect « asiatique » du monde rilkée
2931
vient à l’aspect « asiatique » du monde rilkéen,
et
au bouddhisme. Il a toujours aimé le Bouddha, dit-il. Il a suivi ses
2932
), le rapprochement que je suggérais entre le zen
et
sa propre pensée l’a frappé : Cela resta fixé dans ma mémoire, écrit
2933
e pressentais maintenant ce que le zen signifiait
et
dans quel rapport il pouvait être avec mon œuvre, qui comptait à ce m
2934
en outre notre pensée la plus profonde, l’ultime,
et
le dirai-je, la pensée sans limites… Le zen suppose la dissolution,
2935
ns antique, c’est-à-dire de la chance, du hasard,
et
celui-là seul peut y arriver qui ne sépare plus l’acte de l’ascèse.
2936
ment hindou, ajoute Kassner, appartient à l’Asie,
et
n’eût été compris que par peu de Grecs, par les éléates, et par aucun
2937
té compris que par peu de Grecs, par les éléates,
et
par aucun Romain. Il y aurait beaucoup à dire là-dessus : sur la flèc
2938
flèche du vieux Zénon, qui n’atteint pas le but,
et
sur le tireur aveugle qui l’atteint, qui, sans le voir, l’atteint. Da
2939
ans les deux cas, il s’agit du concept, de l’idée
et
de l’existence de l’Infini, dès que la parole cesse d’être une simple
2940
dès que la parole cesse d’être une simple coque ;
et
il s’agit aussi de l’union ultime du But et du Sens. Si je m’en tiens
2941
que ; et il s’agit aussi de l’union ultime du But
et
du Sens. Si je m’en tiens à cette interprétation du zen, Denis de Rou
2942
rs moi dans mon grand âge, sous un aspect nouveau
et
rajeuni. Kassner rappelle alors sa conception de la musique comme ab
2943
orme, où il voit un équivalent de l’unité du Tout
et
du Rien, maintenus ensemble et assumés par la seule force de l’Imagin
2944
de l’unité du Tout et du Rien, maintenus ensemble
et
assumés par la seule force de l’Imagination. Et il poursuit : Le zen
2945
e et assumés par la seule force de l’Imagination.
Et
il poursuit : Le zen nie le Dieu personnel, il ne le nie pas au nom
2946
est pour lui la seule forme possible de la foi.
Et
certes, il m’est souvent venu à l’esprit que cette Einbildungskraft 8
2947
-il jeté un pont, une arche par-dessus continents
et
millénaires, reliant ainsi les représentations de l’ancienne Asie à c
2948
sa propre pensée physiognomonique, c’est que l’un
et
l’autre se soucient davantage de limites que de causes. Et cette noti
2949
e se soucient davantage de limites que de causes.
Et
cette notion de limite, si importante pour lui, le ramène à Rilke, do
2950
théâtre… Il s’agit de limites, d’abîme, de centre
et
d’absence de centre. Il s’agit également de la limite entre existence
2951
Il s’agit également de la limite entre existence
et
poésie, ou de la poésie comme existence, ce qui donne une parfaite qu
2952
es derniers temps de sa vie a pu relier son monde
et
celui de Rilke. Par un suprême dépassement des concepts, au nom du Se
2953
s qui est le But à l’infini. Le But, la Flèche
et
l’Homme Kassner avait sans doute pris connaissance du zen par le p
2954
x ans, deviens bambou toi-même, puis, oublie tout
et
peins. » (Problème de la limite entre existence et art, ou de l’art c
2955
t peins. » (Problème de la limite entre existence
et
art, ou de l’art comme existence.) D’autres correspondances ont pu le
2956
u le frapper. N’a-t-il pas reconnu le style même,
et
sinon le son de sa voix, qu’on est seul à ne pas reconnaître, du moin
2957
du moins le mouvement de pensée de ses Dialogues
et
Paraboles dans ces paroles d’un maître zen sur le tir à l’arc : Celu
2958
qui est capable de tirer avec l’écaille du lièvre
et
le poil de la tortue, c’est-à-dire d’atteindre le centre de la cible
2959
tteindre le centre de la cible sans arc (écaille)
et
sans flèche (poil), ce dernier est Maître, dans l’acception la plus é
2960
ux, il est l’art sans art, à la fois ainsi Maître
et
non-Maître. Par ce revirement, en tant que mouvement immobile, danse
2961
rc mais de la « présence d’esprit », du dynamisme
et
de la faculté d’éveil avec laquelle vous tirez. Ou encore : La Gran
2962
but, qui ne s’atteint d’aucune manière technique,
et
si elle lui donne un nom, ce sera : Bouddha. Enfin ceci, qui devait
2963
ble de les séparer… Le Maître m’interrompit alors
et
dit : Voilà justement la corde de l’arc qui vient de vous traverser !
2964
tres du zen, au risque de confondre leurs énigmes
et
leurs réponses non moins énigmatiques parce qu’elles renvoient toujou
2965
Kassner) du satori (disent les bouddhistes) l’Un
et
le Tout, l’individu et le sens final91. J’en reviens donc à l’homme q
2966
sent les bouddhistes) l’Un et le Tout, l’individu
et
le sens final91. J’en reviens donc à l’homme que j’essaie de décrire
2967
biais d’une vision particulière que j’eus de lui,
et
dans laquelle il semble bien qu’il se soit finalement reconnu. J’ai d
2968
tre zen m’était venue en écoutant parler Kassner.
Et
voici ce qu’il dit lui-même de la conversation telle qu’il l’entend e
2969
lui-même de la conversation telle qu’il l’entend
et
la pratique : Je suis toujours chargé (comme un fusil) quand je suis
2970
réflexion, sans scrupule douloureux, cela jaillit
et
puis, parfois, cela touche le noir. De là mon « Tireur zen », mon zen
2971
Tireur zen », mon zen… L’arc est toujours tendu.
Et
oui, bien sûr, pourquoi ne pas penser ici au bios d’Héraclite, qui si
2972
penser ici au bios d’Héraclite, qui signifie Vie
et
Arc, vie qui appelle et produit, et arc qui donne la mort ? Mais il
2973
raclite, qui signifie Vie et Arc, vie qui appelle
et
produit, et arc qui donne la mort ? Mais il ajoute aussitôt que le s
2974
signifie Vie et Arc, vie qui appelle et produit,
et
arc qui donne la mort ? Mais il ajoute aussitôt que le silence est p
2975
table volupté — pendant des heures, chaque soir —
et
que c’est bien cette volupté qu’on pourrait qualifier de bouddhiste…
2976
iver dernier, venant de lire son essai sur le zen
et
Rilke, je lui aurais posé des questions qu’il laisse à jamais sans ré
2977
ui est la personne) du moi factice, du personnage
et
de son masque, laissant alors paraître le visage. Entre les deux « ab
2978
onde sans mesure d’avant le drame, d’avant l’idée
et
la Parole — et du monde collectif, qui est sa contrepartie plate et a
2979
e d’avant le drame, d’avant l’idée et la Parole —
et
du monde collectif, qui est sa contrepartie plate et abstraite, et qu
2980
du monde collectif, qui est sa contrepartie plate
et
abstraite, et que vous nommez souvent « magie à rebours », vous nous
2981
ctif, qui est sa contrepartie plate et abstraite,
et
que vous nommez souvent « magie à rebours », vous nous avez montré la
2982
la voie de la personne, le passage vers l’esprit
et
vers la liberté, qui est souffrance et vision, tension et sacrifice,
2983
s l’esprit et vers la liberté, qui est souffrance
et
vision, tension et sacrifice, incarnation de la Parole dans l’histoir
2984
la liberté, qui est souffrance et vision, tension
et
sacrifice, incarnation de la Parole dans l’histoire. Maintenant, comm
2985
a transmutation créatrice des valeurs de l’Orient
et
de l’Occident. Je ne pouvais présenter Kassner à des lecteurs dont
2986
tés. Il est par excellence l’auteur incomparable.
Et
de même, son œuvre défie toute espèce de catégorie. Ni philosophe pro
2987
au xxe siècle. En abordant cette œuvre difficile
et
mal connue (surtout en France) par l’un de ses aspects les plus parti
2988
us éloigné d’elle, j’ai tenté d’épouser son style
et
son mouvement, essentiellement paradoxaux, dans l’espoir d’alerter qu
2989
Hammond Sterne, de Bath, qui haïssait les boutons
et
n’admettait au monde que les boucles : Mon oncle s’agitait tout part
2990
cles : Mon oncle s’agitait tout particulièrement
et
s’abandonnait à de sombres pensées lorsqu’il lui arrivait de parler d
2991
de l’oncle Hammond étaient absolument originales
et
ne tarissaient pas. L’oncle Hammond pouvait, à partir de ces boutons,
2992
; Le Livre du souvenir, Stock, 1942 ; Évocations
et
paraboles, Plon, 1956. 79. Les Éléments de la grandeur humaine, tra
2993
is due aux soins conjugués de Bernard Groethuysen
et
de Jean Paulhan. 80. En 1931. 81. « Je ne songe pas ici — écrit Kas
2994
ciel, pas de cérémonies ! » Il aime qu’on arrive
et
s’en aille à l’improviste, que les récits soient brefs — surtout pas
2995
, sautant d’un objet ou d’un paradoxe à un autre,
et
qu’on prenne congé sans étreintes, excuses, retours et mains palpées…
2996
’on prenne congé sans étreintes, excuses, retours
et
mains palpées… Mais un cérémonial, tel que je l’entends, devrait perm
2997
« cérémonies » ; de saluer, de parler, d’écouter,
et
de s’en aller sans bavures. 83. Kassner s’obligeait à marcher sur se
2998
ard, de son père, de sa fiancée, de sa mélancolie
et
de son angoisse : « De même qu’Hamlet est une géniale conception de S
2999
is cette même idée dans mon essai sur Kierkegaard
et
Hamlet, deux princes danois, paru dans Preuves et Der Monat peu de m
3000
t Hamlet, deux princes danois, paru dans Preuves
et
Der Monat peu de mois avant. 87. Il serait absolument insuffisant de
3001
r du monde magico-mythique à celui de la personne
et
de la liberté. 88. C’est là qu’on trouvera la scène du Maître qui ti
3002
emière. Il dit ensuite : « “Quelque chose” a tiré
et
touché le but. Inclinons-nous devant le but comme devant Bouddha. »
3003
proverbes étaient écrits avant la guerre de 1914
et
avaient paru en revue. Je rappelle que Kassner n’a découvert le zen q
3004
française par Geneviève Bianquis dans Évocations
et
paraboles, Plon, Paris, 1956. 91. Kassner joue à plusieurs reprises
3005
l’homme spirituel, de l’Individu kierkegaardien)
et
All-Einheit (unité tout-embrassante). 92. « La chimère », dans Les É
3006
maine. az. Rougemont Denis de, « Rudolf Kassner
et
la grandeur », Preuves, Paris, juin 1959, p. 63-71.
3007
Sur un chassé-croisé d’idéaux
et
de faits (novembre 1959)ba Le tsar et l’ouvrier. — Quand le tsar
3008
’idéaux et de faits (novembre 1959)ba Le tsar
et
l’ouvrier. — Quand le tsar Pierre Ier décida que son empire devait «
3009
x que l’Occident », il voulut étudier nos secrets
et
s’engagea comme ouvrier aux chantiers maritimes de Saardam. Aujourd’h
3010
es moyens qu’il est facile de comparer. Chez l’un
et
l’autre, et malgré toutes les différences imaginables, on retrouve la
3011
’il est facile de comparer. Chez l’un et l’autre,
et
malgré toutes les différences imaginables, on retrouve la même convic
3012
e génie occidental dominera fatalement l’Occident
et
le monde : « Troisième Rome » ou ultime révolution. « Mieux faire
3013
ent. En voulant l’imiter, il se haussait vers lui
et
souhaitait le dépasser dans son sens. Voilà qui est clair et naturel.
3014
it le dépasser dans son sens. Voilà qui est clair
et
naturel. Khrouchtchev, au contraire, professe que l’Occident est prom
3015
promis à la décadence. Que veut-il donc rejoindre
et
dépasser de cet Occident condamné ? Vouloir faire mieux que l’Amériqu
3016
Mais c’est une création européenne que l’Amérique
et
la Russie développent sur table rase beaucoup plus vite que nous, à p
3017
que simultané de la course aux fusées, aux bombes
et
aux satellites. Reste « le degré de prospérité et de bonheur des peup
3018
et aux satellites. Reste « le degré de prospérité
et
de bonheur des peuples, et l’amélioration de leur vie matérielle et s
3019
le degré de prospérité et de bonheur des peuples,
et
l’amélioration de leur vie matérielle et spirituelle » — pour reprend
3020
peuples, et l’amélioration de leur vie matérielle
et
spirituelle » — pour reprendre les termes mêmes utilisés par le « che
3021
rait faire, en bonne doctrine marxiste-léniniste,
et
n’a fait en pratique, selon K ? Voyons ce que disent là-dessus Améric
3022
lon K ? Voyons ce que disent là-dessus Américains
et
Russes. Deux articles. — Dans le numéro d’octobre de Foreign Affai
3023
ts suivants : « amélioration de la vie matérielle
et
spirituelle…, épanouissement de la science et de la culture, réalisat
3024
lle et spirituelle…, épanouissement de la science
et
de la culture, réalisation du rêve humain d’une vie heureuse, d’une v
3025
rerait des réalisations du socialisme britannique
et
scandinave, ou de l’american way of life. K. se borne à proclamer que
3026
ue d’appeler la « lutte idéologique » entre l’Est
et
l’Ouest n’est donc plus à ses yeux qu’une lutte de vitesse, et le « m
3027
est donc plus à ses yeux qu’une lutte de vitesse,
et
le « meilleur système » est simplement celui qui va mener le plus vit
3028
de coexistence (ou de « compétition pacifique »)
et
les déclarations prophétisant le triomphe rapide du communisme, K. ré
3029
re, il faut cesser de « confondre » cette théorie
et
cette praxis. Mais cela revient à dire, en somme, qu’il faut cesser d
3030
ange de slogans d’ailleurs peu différents de part
et
d’autre, renoncer à toute interférence dans les affaires intérieures
3031
isme du xixe siècle, c’est ce que Marx attaquait
et
méprisait le plus. Quant au point de vue américain — non pas celui du
3032
est politique, mais celui de l’opinion réfléchie
et
anxieuse — je le crois fidèlement exprimé par ces lignes d’un éditori
3033
mme d’une société achevée, qui a atteint ses buts
et
qui n’a plus de grands problèmes à résoudre. La force du régime sovié
3034
titue avant tout une société orientée vers un but
et
dans laquelle l’énergie des citoyens est dirigée vers la réalisation
3035
us demander avec inquiétude s’il va nous séduire…
et
de redevenir enfin le peuple confiant et résolu que nous sommes en ré
3036
séduire… et de redevenir enfin le peuple confiant
et
résolu que nous sommes en réalité. Je ne vois guère moins de sophism
3037
se de confiance dont il n’indique pas les motifs)
et
nous laisse sur l’idée que les Russes doivent gagner. Mais gagner quo
3038
se réduit aujourd’hui à « faire mieux » que vous
et
à vous dépasser dans votre sens ? Puisque leur grande idée, c’était h
3039
s vous l’avez réalisée ! Quand ils auront rejoint
et
dépassé la prospérité matérielle dont jouissent les grandes masses de
3040
il le sommaire de la Loi qui régira l’ennui futur
et
fera s’endormir l’Histoire ? Ni Khrouchtchev ni Lippmann n’ont parlé
3041
ibilité de « lutte idéologique ». Le dictateur
et
l’homme. — Telles étant donc les attitudes affichées ou confessées de
3042
onc les attitudes affichées ou confessées de part
et
d’autre à la veille du voyage de K. en Amérique, on pouvait et l’on d
3043
la veille du voyage de K. en Amérique, on pouvait
et
l’on devait s’attendre à ce qui s’est passé en effet : la rencontre d
3044
omplexes qui d’abord se repoussent, se provoquent
et
se cherchent, puis s’accrochent brutalement à deux ou trois reprises,
3045
indre une espèce de sentiment mêlé de soulagement
et
d’anxiété nouvelle : nous ne sommes pas si différents, mais alors ? O
3046
nos refus bien tranchés, nos raisons de nous haïr
et
de nous craindre ? Quand Khrouchtchev réitère que ses positions idéol
3047
s, mais au plus mal avec les chefs syndicalistes,
et
que les vulgarités de Hollywood, conformes aux recettes infaillibles,
3048
s aveux non calculés, l’émotion réelle au départ,
et
ce récit du voyage fait au bon peuple de Moscou sur le ton du paysan
3049
scou sur le ton du paysan qui revient de la ville
et
raconte en se tapant sur la cuisse comment « ils » sont là-bas, étonn
3050
la cuisse comment « ils » sont là-bas, étonnants
et
risibles… Si l’on songe au Führer, au Duce, à Staline, il devient évi
3051
est une créature intermédiaire entre le dictateur
et
l’homme. Plus près de l’homme qu’on ne le croyait. Le grand chassé
3052
acifiste, K. la volonté d’efficacité matérialiste
et
machiavélique. Inversement, aux yeux des communistes russes, K. repré
3053
s communistes russes, K. représentait l’Idéologie
et
le sens de l’Histoire, Ike les intérêts immédiats du capitalisme aux
3054
ge de K. les peuples vont sentir — très lentement
et
d’abord inconsciemment — que ces deux contradictions flagrantes et po
3055
ciemment — que ces deux contradictions flagrantes
et
polaires peuvent se ramener à deux égalités, par une sorte de court-c
3056
tés, par une sorte de court-circuit ; que l’Idéal
et
l’Idéologie jouent également en faveur de la paix, et que les intérêt
3057
’Idéologie jouent également en faveur de la paix,
et
que les intérêts sont de même nature, bien que provisoirement en conc
3058
age à conformer leur politique à leurs principes,
et
que les Russes acceptent plus facilement de subordonner leur doctrine
3059
u monde entier, les images concrètes de la Russie
et
de l’Amérique se sont rapprochées, plus puissantes et plus efficaces
3060
e l’Amérique se sont rapprochées, plus puissantes
et
plus efficaces que les oppositions idéologiques, figées et pâlies à l
3061
fficaces que les oppositions idéologiques, figées
et
pâlies à l’arrière-plan. Aux yeux des peuples du monde entier, la car
3062
rd, Russie, Chine, sans cesse nommées, numérotées
et
comparées dans les discours de Khrouchtchev, sont apparues comme les
3063
u monde, dans une position d’arbitrage décisive —
et
d’empêcher accessoirement qu’on voie l’Europe, qu’on y pense même ! M
3064
ence de l’Europe aux lieux où se discute son sort
et
le sort d’un monde né de ses œuvres. J’enchaînerai là-dessus dans mes
3065
ugemont Denis de, « Sur un chassé-croisé d’idéaux
et
de faits (Le point de vue de Ferney) », Preuves, Paris, novembre 1959
3066
Sur la détente
et
les intellectuels (mars 1960)bb Il me sera d’autant plus facile d’
3067
r, mais qui paraît troubler certains de nos amis,
et
qu’une masse d’étourdis tranchent de la sorte : maintenant que nous a
3068
saie de prouver que la coexistence est impossible
et
que la guerre froide ne cessera de voisiner avec la guerre chaude, et
3069
ide ne cessera de voisiner avec la guerre chaude,
et
que c’est là l’ordre naturel des choses dans lequel l’humanité doit v
3070
el l’humanité doit vivre. Anachronisme monstrueux
et
stupide, etc. » Dans une interview accordée au journal communisant Pe
3071
e froide cesse à l’intérieur du pays… Le choc pur
et
simple entre le communisme et l’anticommunisme est dépassé. De nouvel
3072
u pays… Le choc pur et simple entre le communisme
et
l’anticommunisme est dépassé. De nouvelles réalités sont là, dont il
3073
vant-garde est une séquelle de la guerre froide »
et
ne saurait survivre à la détente. À l’inverse, Alberto Moravia, dans
3074
re parisien, souhaite « la paix entre les peuples
et
la guerre dans la littérature ». Ehrenbourg, lui, est pour la paix da
3075
tc., n’ont jamais exprimé l’idéologie bourgeoise,
et
il serait absurde de prétendre que Hemingway, Faulkner, Graham Greene
3076
ages de caractère « idéologique », ceux de Silone
et
de Spender par exemple. (Literaturnaya Gazeta, novembre 1959). Or le
3077
étition pacifique suppose un débat idéologique ».
Et
il ajoute sèchement : « Exiger une trêve idéologique est parfaitement
3078
ne trêve idéologique est parfaitement irréaliste,
et
une telle demande ne peut être faite que par ceux qui n’ont rien comp
3079
u’une vaste confusion. Admettons que je voie mal,
et
que les conditions, les données mêmes du dialogue aient changé. J’ess
3080
samment s’il le faut, de définir en termes clairs
et
simples ce qu’étaient ces données auparavant, dans l’espoir de mieux
3081
ement quelque chose qu’on avoue quand on est pris
et
démasqué. Ils nous jugeaient donc à leur aune. Ils avaient démasqué n
3082
e. Ils avaient démasqué notre « anticommunisme »,
et
nous réduisaient à cela. C’était notre unique obsession, notre seule
3083
otre unique obsession, notre seule raison d’être,
et
notre profession. Tout était donc permis pour nous disqualifier, et m
3084
n. Tout était donc permis pour nous disqualifier,
et
même obligatoire. Aragon me traitait publiquement d’aliéné dans une c
3085
S, j’avais « publié tous mes livres sous Vichy »,
et
j’étais « payé par les Américains », comme Sartre et Camus, d’ailleur
3086
j’étais « payé par les Américains », comme Sartre
et
Camus, d’ailleurs. Quelques années plus tard, la consigne changeait.
3087
emander s’ils y croyaient : ils avaient à le dire
et
c’est tout. Or, si nous nous trouvions être « anticommunistes », c’es
3088
tre interprétée un seul instant dans leur langage
et
leurs catégories. Pour eux, s’écriait alors Guido Piovene93, « l’homm
3089
Le rôle de l’écrivain est de penser à autre chose
et
de faire penser à autre chose. » C’est dans la seule mesure où nous r
3090
ue leur image inversée, inexplicablement perverse
et
révoltante. Le dialogue était impossible. Puis il y eut le « dégel »
3091
ogue était impossible. Puis il y eut le « dégel »
et
les « révélations » du XXe Congrès sur Staline (réglant le compte de
3092
danov en passant). Il y eut l’Octobre de Pologne.
Et
Budapest. Plus près de nous, les autocritiques d’intellectuels quitta
3093
« systématique » de leur système suffisait bien,
et
que le dialogue eût été temps perdu avec des officieux qui ne pouvaie
3094
c des officieux qui ne pouvaient pas nous écouter
et
n’insultaient que nos caricatures. (C’est irritant de redire tout cel
3095
que Lunik III. Mais si l’on veut aller plus loin,
et
il le faut, un peu de clarté crue sur les données de l’affaire paraît
3096
ret (anathème à l’appui) la compétition pacifique
et
la lutte idéologique. Si la lutte idéologique n’est plus la guerre, s
3097
différent. Mais la seconde donnée manque encore,
et
c’est la réciprocité. Son absence annule la première. Si j’en crois e
3098
j’en crois en effet ce que publient le Kommunist
et
Novy Mir, cités plus haut, la lutte idéologique des Soviets contre l’
3099
stinguer entre les intérêts d’un parti au pouvoir
et
la recherche de la vérité. Aujourd’hui l’URSS accepte de séparer la p
3100
pte de séparer la paix dans la pratique politique
et
la guerre dans le domaine des idées. Nous sommes d’accord : c’était n
3101
s. Nous sommes d’accord : c’était notre attitude.
Et
l’URSS précisément la condamnait. Elle l’adopte aujourd’hui, mais par
3102
Elle l’adopte aujourd’hui, mais par opportunisme,
et
feint de croire que nous la refusons. Elle nous reproche à tort ce do
3103
aduise de vrais communistes ! En revanche, Silone
et
Spender doivent être bannis du dialogue et ce n’est pas, bien au cont
3104
Silone et Spender doivent être bannis du dialogue
et
ce n’est pas, bien au contraire, qu’ils soient de faux Occidentaux… C
3105
s les lois de la lutte des fils contre les pères.
Et
l’oncle subversif, du côté maternel, a toutes chances de prestige, se
3106
1953. bb. Rougemont Denis de, « Sur la détente
et
les intellectuels (Le point de vue de Ferney) », Preuves, Paris, mars
3107
onsidérer la nature, la fonction de notre Congrès
et
les idéaux qui l’inspirent. Le plus simple sera de reprendre les troi
3108
verrez à quel point ces trois termes s’appellent
et
s’impliquent mutuellement. Nous sommes donc d’abord un Congrès — un c
3109
hommes de culture qui se veulent à la fois libres
et
responsables devant eux-mêmes et devant la société. Peu de mois après
3110
à la fois libres et responsables devant eux-mêmes
et
devant la société. Peu de mois après leur première conférence à Berli
3111
se grouper afin de créer ainsi, en cas d’urgence
et
au service des libertés de l’esprit partout où elles sont attaquées,
3112
prouvèrent le besoin de se grouper pour dialoguer
et
réfléchir ensemble sur les immenses problèmes que pose, à cette génér
3113
notre siècle déborde toute capacité individuelle
et
qu’il exige un vaste effort d’équipes confrontant leurs points de vue
3114
effort d’équipes confrontant leurs points de vue,
et
à l’échelle mondiale. Le Congrès s’est donc adressé aux intellectuels
3115
st donc adressé aux intellectuels du monde entier
et
il leur a dit : Vous, écrivains, philosophes, sociologues, physiciens
3116
philosophes, sociologues, physiciens, biologistes
et
artistes, hommes de l’esprit, de l’âme et de l’intellect, sel de la t
3117
ogistes et artistes, hommes de l’esprit, de l’âme
et
de l’intellect, sel de la terre, et, bien plus que vous ne souhaiteri
3118
rit, de l’âme et de l’intellect, sel de la terre,
et
, bien plus que vous ne souhaiteriez le croire : responsables d’un ave
3119
roire : responsables d’un avenir qui vous dépasse
et
vous appelle, et qui a besoin de vous, tant pis pour vous ! Unissez v
3120
les d’un avenir qui vous dépasse et vous appelle,
et
qui a besoin de vous, tant pis pour vous ! Unissez vos intelligences,
3121
tions d’un meilleur monde, d’un monde plus libre.
Et
qu’un seul et unique parti pris vous anime : le parti pris de la libe
3122
lleur monde, d’un monde plus libre. Et qu’un seul
et
unique parti pris vous anime : le parti pris de la liberté ! Sur ce m
3123
que chose que nous devons reconquérir chaque jour
et
sans relâche, sur nous-mêmes tout d’abord, et pour les autres. Mais c
3124
our et sans relâche, sur nous-mêmes tout d’abord,
et
pour les autres. Mais comment fait-on cela ? Revendiquer la liberté,
3125
r contre des dictatures extérieures, bien connues
et
localisées, contre les idéologies qu’elles voulaient imposer, et cont
3126
contre les idéologies qu’elles voulaient imposer,
et
contre le défaitisme fataliste qui préparait leur lit dans nos démocr
3127
rir les persécutés accusés de liberté d’esprit, —
et
nous l’avons fait. Mais nous voyons bien, aujourd’hui, que les menace
3128
gimes que vous savez. Elles viennent de la misère
et
de la faim pour une large partie de l’humanité. Elles viennent aussi
3129
cidentale propage aveuglément sur toute la terre,
et
qui, sous les meilleurs prétextes, comme celui de nourrir les corps e
3130
leurs prétextes, comme celui de nourrir les corps
et
de réduire les misères matérielles, bouleversent et oppriment tant de
3131
de réduire les misères matérielles, bouleversent
et
oppriment tant de cultures traditionnelles mal préparées à les assimi
3132
uine le plus insidieusement la dignité d’un homme
et
sa passion de lutter pour la liberté. Chaque fois qu’un homme ou une
3133
e sens, la liberté perd un de ses points d’appui,
et
la dictature s’avance aussitôt pour l’occuper. C’est ici qu’intervien
3134
ervient la Culture, ou, en tout cas, qu’elle doit
et
peut intervenir. Vous avez lu et entendu depuis longtemps tant de ban
3135
as, qu’elle doit et peut intervenir. Vous avez lu
et
entendu depuis longtemps tant de banalités, souvent exactes d’ailleur
3136
lités, souvent exactes d’ailleurs, sur la culture
et
ses définitions, que là aussi vous me permettrez d’être assez bref, e
3137
ue là aussi vous me permettrez d’être assez bref,
et
de me borner à quelques traits définissant la conception de la cultur
3138
ransmettre des recettes de vie, des connaissances
et
des significations, relier les sentiments, les idées et les actes, ma
3139
significations, relier les sentiments, les idées
et
les actes, maintenir une tradition où l’on se sente chez soi. C’est d
3140
à l’homme de se situer à sa place dans le monde,
et
dans un monde qu’il approuve et dont il comprend les symboles. Mais l
3141
ce dans le monde, et dans un monde qu’il approuve
et
dont il comprend les symboles. Mais la sécurité n’est que la moitié d
3142
e certaine révolte sont aussi des besoins vitaux.
Et
alors se révèle l’autre aspect de la culture, qui n’est plus seulemen
3143
i n’est plus seulement transmission mais critique
et
rupture s’il le faut ; qui n’est plus seulement initiation mais inven
3144
peuvent devenir également dangereux pour l’homme
et
pour sa liberté réelle, s’ils restent séparés, isolés l’un de l’autre
3145
isolés l’un de l’autre. En revanche, équilibrées
et
combinées, tradition et innovation représentent ensemble la culture v
3146
En revanche, équilibrées et combinées, tradition
et
innovation représentent ensemble la culture vivante, celle qui peut r
3147
e. Or il se trouve que la plupart des conférences
et
groupes d’études organisés par le Congrès portent précisément ce titr
3148
e titre général : Tradition and Change, tradition
et
progrès technique et démocratique. Pour que notre vie ait un sens, il
3149
dition and Change, tradition et progrès technique
et
démocratique. Pour que notre vie ait un sens, il faut que la culture
3150
os activités humaines que nous avons spécialisées
et
séparées jusqu’à l’absurde — l’art et la vie quotidienne, le travail
3151
pécialisées et séparées jusqu’à l’absurde — l’art
et
la vie quotidienne, le travail et la réflexion, la spéculation pure e
3152
absurde — l’art et la vie quotidienne, le travail
et
la réflexion, la spéculation pure et les techniques appliquées, la pe
3153
, le travail et la réflexion, la spéculation pure
et
les techniques appliquées, la pensée et l’action en somme, cessent de
3154
tion pure et les techniques appliquées, la pensée
et
l’action en somme, cessent de se ridiculiser mutuellement, comme c’es
3155
lement, comme c’est le cas dans trop de nos vies,
et
retrouvent une commune mesure, un style commun. Et ceci vaut pour l’O
3156
t retrouvent une commune mesure, un style commun.
Et
ceci vaut pour l’Occident surtout. Mais désormais, c’est à l’échelle
3157
es diverses facultés de l’homme peuvent retrouver
et
rassembler leurs grands symboles : — celles du corps et de l’intellec
3158
sembler leurs grands symboles : — celles du corps
et
de l’intellect (d’où la technique) dont s’occupe surtout l’Occident ;
3159
e part entre représentants des arts, des sciences
et
de la sociologie, contacts d’autre part entre les représentants des c
3160
èmes que pose le même progrès technique, éducatif
et
culturel, dans les conditions différentes de l’Europe, de l’Afrique,
3161
Europe, de l’Afrique, de l’Asie, du Proche-Orient
et
des deux Amériques ; mais ceci dans la perspective qui nous est propr
3162
tte question. Mais on insiste, la presse insiste,
et
les interviewers insistent : tous veulent absolument que nous soyons
3163
prement dite, mais au niveau de ce qui la prépare
et
la pré-forme, en contribuant à orienter les esprits et leurs choix ve
3164
pré-forme, en contribuant à orienter les esprits
et
leurs choix vers des fins qui dépassent la politique et qui seules lu
3165
rs choix vers des fins qui dépassent la politique
et
qui seules lui donnent son vrai sens, son sens humain, pour chaque pe
3166
personne. La politique, nous n’y échapperons pas,
et
il est inutile d’insister sur ce fait, ici, dans ce Berlin où elle no
3167
tanks, symboles écrasants de la politique totale
et
absolutisée. La politique doit rester pour nous un moyen dominé par d
3168
s fins que l’esprit seul peut entrevoir, imaginer
et
proposer à nos désirs et à notre raison, à notre volonté et à notre f
3169
peut entrevoir, imaginer et proposer à nos désirs
et
à notre raison, à notre volonté et à notre foi. Et alors, la liberté
3170
r à nos désirs et à notre raison, à notre volonté
et
à notre foi. Et alors, la liberté serait-elle du nombre de ces fins d
3171
t à notre raison, à notre volonté et à notre foi.
Et
alors, la liberté serait-elle du nombre de ces fins dernières, serait
3172
un sens à sa vie, tant de travail que de loisir,
et
tant d’action que de méditation. Ce n’est point par des statistiques,
3173
telle ou telle société. Mais c’est par la nature
et
par la qualité des chances ménagées à chacun de courir sa propre aven
3174
es ménagées à chacun de courir sa propre aventure
et
d’affronter le mystère de sa personne. Telle est la fin dernière de t
3175
e. Telle est la fin dernière de toute communauté,
et
la seule mesure qui permette de juger qu’une forme de vie ou un systè
3176
rouve celui qui le cherche avec beaucoup de soins
et
de finesse, car aucune carte ne l’indique. Son nom même est une contr
3177
mins publics peut-il former un « coin » solitaire
et
dérobé ? Si la rencontre de trois routes suffit à donner son nom à to
3178
tes ! Pourtant il en est bien ainsi : huit routes
et
quelle solitude ! … Tout près de là, un bosquet fermé de haies, porte
3179
e de Don Juan. Nietzsche a vécu plus seul encore,
et
guère moins chaste, mais toute son œuvre mène le train d’enfer d’un «
3180
ité en laquelle il découvre son Isolde. Pour l’un
et
l’autre la pensée est une passion, et l’expression totale de la passi
3181
. Pour l’un et l’autre la pensée est une passion,
et
l’expression totale de la passion ne peut être que musicale. « Par la
3182
ions jouissent d’elles-mêmes. »94 L’un par Mozart
et
l’autre par Wagner accède au cœur du mythe qu’il n’a pu que rêver, qu
3183
e qu’il n’a pu que rêver, que sa personne refuse,
et
qui est son Ombre. J’ai cherché bien longtemps le point de perspectiv
3184
puisse embrasser à la fois ces deux vies dénuées
et
ces deux œuvres d’une richesse inépuisable ; ces deux mythes majeurs
3185
inépuisable ; ces deux mythes majeurs de l’amour
et
leurs épiphanies les plus parfaites dans le lyrisme occidental. À la
3186
te, ou peut-être seulement d’une qualité heureuse
et
pénétrante du regard, situant en vérité celui qui voit, il arrive qu’
3187
n pressente l’invite d’une étape significative, —
et
« l’enclos fatal » n’est pas loin, mais en même temps s’ouvrent des a
3188
’âme occidentale. Arrêtons-nous ici pour méditer.
Et
nous suivrons tantôt cette allée de lumière frayée dans les hautes fu
3189
es de l’après-midi, tantôt cette allée assombrie,
et
qui s’anime au gré d’un vent soudain, dont on ne sait ni d’où il vien
3190
sait ni d’où il vient ni où il va. Kierkegaard
et
Don Juan C’est au cœur des grands bois du Nord de la Seeland, un s
3191
ant à flots, la séduction fascinante des parfums,
et
le goût impeccable du service saisirent les convives qui entraient, e
3192
du service saisirent les convives qui entraient,
et
tandis que l’orchestre attaquait la musique du ballet de Don Juan, il
3193
allet de Don Juan, ils se sentirent transfigurés,
et
comme frappés de respect pour un esprit invisible, ils s’arrêtèrent u
3194
semblables à celui que l’enthousiasme a réveillé
et
qui ressuscite en plein enthousiasme. Cette page introduisant les di
3195
refus du mythe de Don Juan, tentation permanente
et
toujours refoulée. C’est pourquoi personne d’autre n’a mieux jugé ce
3196
cohérence inoubliable, une interprétation triple
et
unique de l’opéra, du mythe, et de l’essence de la musique occidental
3197
rprétation triple et unique de l’opéra, du mythe,
et
de l’essence de la musique occidentale. En voici l’argument condensé.
3198
excluait en principe, il l’a posée comme principe
et
comme catégorie spirituelle. L’érotisme, « synthèse psycho-sensible »
3199
ituelle. L’érotisme, « synthèse psycho-sensible »
et
déterminée par l’esprit, exige désormais un langage capable de tradui
3200
on pas dans la parole mais bien dans la musique ;
et
de même la musique trouvera dans le génie sensuel son « objet absolu
3201
bsolu » car « l’état d’âme sensuel est trop lourd
et
trop dense pour être porté par la parole ; seule la musique peut l’ex
3202
ente le désir pur, dans sa génialité irrésistible
et
démoniaque, « déterminé par l’esprit comme étant ce que l’esprit excl
3203
expression de Don Juan ne peut être que musicale.
Et
c’est pourquoi le seul Don Juan conforme au mythe95, c’est le Don Gio
3204
nt selon Kierkegaard. Don Juan est une puissance,
et
non pas une personne : Quand Don Juan est conçu musicalement, j’ente
3205
ouissance en est accrue, la victoire est certaine
et
l’obstacle n’est qu’un stimulant. Je trouve en Don Juan une vie ainsi
3206
uan une vie ainsi animée d’un démoniaque puissant
et
irrésistible, à la façon d’un élément. Telle est son idéalité dont je
3207
me quelqu’un qui forme ses projets sournoisement,
et
calcule avec ruse ses intrigues… La réflexion lui fait défaut… Il n’a
3208
s prêt, l’énergie est constamment présente en lui
et
le désir aussi. Il n’étourdit pas Zerline de belles paroles, il l’in
3209
fait un geste. « Il ne séduit pas mais il désire,
et
ce désir a un effet séducteur. » Non seulement il a du succès auprès
3210
s des femmes, mais encore il les rend heureuses —
et
malheureuses ; chose étrange, c’est là ce qu’elles veulent, et celle
3211
es ; chose étrange, c’est là ce qu’elles veulent,
et
celle qui ne rêverait pas de devenir malheureuse pour avoir été une f
3212
an s’oppose à l’Éros antique, qui était psychique
et
non sensuel, « et c’est ce qui inspire cette pudeur qui caractérise t
3213
os antique, qui était psychique et non sensuel, «
et
c’est ce qui inspire cette pudeur qui caractérise tout amour grec »98
3214
nfidélité ni tromperie, mais seulement répétition
et
multiplicité. Sa vie n’étant ainsi qu’« une somme de moments distinct
3215
rait avoir de biographie : le doter d’une enfance
et
d’une jeunesse fut l’erreur fatale de Byron. Il est le génie de l’ins
3216
histoire, « car le temps lui manque ». « La voir
et
l’aimer sont une seule chose… et aussitôt tout est fini, puis cela se
3217
que ». « La voir et l’aimer sont une seule chose…
et
aussitôt tout est fini, puis cela se répète à l’infini. » Sans passé,
3218
oire (il lui faut le Catalogue !), sans lendemain
et
sans nostalgie, il court, vole et se réjouit, jusqu’à ce qu’il butte
3219
sans lendemain et sans nostalgie, il court, vole
et
se réjouit, jusqu’à ce qu’il butte contre « la pierre d’achoppement »
3220
nt manifesté en chaque détail comme dans le style
et
la structure de l’ensemble. On a pu varier les interprétations de la
3221
e que Mozart en ait découvert à la fois le médium
et
l’idée », d’où « la valeur classique absolue » de son opéra. On pourr
3222
caractère abstrait de l’idée, vivra éternellement
et
dans tous les temps ». En récrire un après Mozart équivaudrait à prod
3223
» Don Juan n’étant pas caractère, mais puissance
et
vie, donc « absolument musical », les autres personnages, qui ne sont
3224
ps est circonscrit par l’éternité. Kierkegaard
et
Tristan Kierkegaard fut pourtant le contraire d’un Don Juan. Dans
3225
ses rapports avec son œuvre, son action publique,
et
sa vocation finale, il fut Hamlet. Mais dans sa vie individuelle, dan
3226
s dans sa vie individuelle, dans son amour unique
et
longuement malheureux pour Régine, il fut Tristan. Cependant, je n’ai
3227
que de rares allusions à l’Hamlet de Shakespeare,
et
pas une mention de Tristan — pour des centaines de pages enthousiaste
3228
istan — pour des centaines de pages enthousiastes
et
lyriques sur le Don Juan de la légende et de Mozart. Le contraste ent
3229
siastes et lyriques sur le Don Juan de la légende
et
de Mozart. Le contraste entre cette discrétion, voire ce mutisme, et
3230
ntraste entre cette discrétion, voire ce mutisme,
et
cette luxuriance verbale, est de ceux qui expriment à coup sûr les do
3231
t libre de mener sa vie comme il lui plaît, riche
et
oisif, brillant esprit, curieux de tout, mais en même temps de comple
3232
me donne un corps ! », gémit-il dans son Journal)
et
qui pressent son génie d’écrivain et sa vocation religieuse ? Don Jua
3233
son Journal) et qui pressent son génie d’écrivain
et
sa vocation religieuse ? Don Juan est de toute évidence la figure de
3234
otentiel, prestigieux, désiré, mais qu’il ne peut
et
qu’il ne veut actualiser. En l’écartant de soi, en le refusant, il le
3235
En l’écartant de soi, en le refusant, il le voit
et
le définit mieux que personne ; du même coup il se définit, contre lu
3236
oit que deux manières de vivre dignes de l’absolu
et
possibles pour lui : ou bien le séducteur, ou bien l’anachorète102. L
3237
bien le séducteur, ou bien l’anachorète102. L’une
et
l’autre excluent le mariage, « suprême expression de l’amour », à laq
3238
n devient son ombre, plus brillante que lui-même,
et
qu’il doit exalter et condamner sans cesse, car elle est lui autant q
3239
lus brillante que lui-même, et qu’il doit exalter
et
condamner sans cesse, car elle est lui autant que lui, mais elle est
3240
, exemplairement, s’il n’était pas ce qu’il subit
et
souffre, et s’efforce de dépasser vers l’absolu, vers ce qu’il veut d
3241
ment, s’il n’était pas ce qu’il subit et souffre,
et
s’efforce de dépasser vers l’absolu, vers ce qu’il veut devenir selon
3242
e, de son Éros ? C’est la passion unique, totale,
et
malheureuse ; et par ce malheur même, salvatrice. L’amour humain rep
3243
C’est la passion unique, totale, et malheureuse ;
et
par ce malheur même, salvatrice. L’amour humain repose sur un instin
3244
nclination, trouve son expression suprême, unique
et
absolue, poétiquement absolue, dans le fait qu’il n’y a au monde qu’u
3245
t qu’il n’y a au monde qu’un seul être bien-aimé,
et
que cette « seule fois » de l’amour est l’amour, et que la « seconde
3246
que cette « seule fois » de l’amour est l’amour,
et
que la « seconde fois » n’est rien… Une fois est le tout absolu, et l
3247
e fois » n’est rien… Une fois est le tout absolu,
et
la seconde fois la ruine absolue de tout.103 Certes, le Jeune Homme
3248
de la passion, qui est d’une importance capitale
et
qu’on ne peut faire « qu’à l’aveuglette ». Comment expliquer « un act
3249
t qu’il le pourra, car c’est la femme qu’il aime,
et
dans chaque femme réelle, c’est ce qui veut être séduit et qui ne peu
3250
haque femme réelle, c’est ce qui veut être séduit
et
qui ne peut l’être qu’une fois. Au contraire, le Mari qui prendra la
3251
partie des Étapes choisit d’aimer une seule femme
et
de l’épouser, car le mariage est cette décision qui « traduit l’exalt
3252
pas éluder la difficulté fondamentale du mariage,
et
même il la formule d’entrée de jeu : L’amour et l’inclination amoure
3253
et même il la formule d’entrée de jeu : L’amour
et
l’inclination amoureuse sont tout à fait spontanés, le mariage est un
3254
est pas derrière le Mari. Car celui-ci représente
et
défend l’impossibilité que Kierkegaard subit, et qu’il va tenter d’ex
3255
et défend l’impossibilité que Kierkegaard subit,
et
qu’il va tenter d’expliquer, de justifier, dans tout le reste de son
3256
Admettons que l’amour vrai soit la passion unique
et
partagée. Pour être heureux, dans un mariage par exemple, cet amour d
3257
ur « la différence qualitative infinie entre Dieu
et
l’homme », qui fait, des relations entre l’homme et Dieu, un amour es
3258
l’homme », qui fait, des relations entre l’homme
et
Dieu, un amour essentiellement malheureux. Cet amour serait même impo
3259
ait en lui son pouvoir d’appropriation subjective
et
libre de la vérité. C’est donc l’amour divin lui-même qui exige la co
3260
ignant l’homme là où il existe, dans sa finitude,
et
lui parlant la langue qu’il entend. Mais alors le message devient éni
3261
re perceptible… Ce qui se passe entre Kierkegaard
et
sa fiancée semble relever d’une structure analogue du possible et de
3262
mble relever d’une structure analogue du possible
et
de l’impossible dans la communication. Il l’aime, elle l’aime, mais l
3263
resser à elle sous le couvert de ses pseudonymes,
et
de lui dédier toutes ses œuvres, comme autant de justifications de la
3264
res, comme autant de justifications de la rupture
et
d’assurances de sa fidélité. « Qui comprendra cette contradiction de
3265
ontradiction de la douleur : ne point se révéler,
et
faire mourir l’amour ; se révéler, et faire mourir l’aimée ? »104 Te
3266
se révéler, et faire mourir l’amour ; se révéler,
et
faire mourir l’aimée ? »104 Tenter d’établir, en ce point, si l’atti
3267
e, — ne correspond à rien dans notre perspective,
et
n’aiderait à déceler aucun sens vérifiable. En effet, tout homme pens
3268
e définit son individualité. Or je ne regarde ici
et
n’essaie de saisir qu’une certaine structure dynamique : Kierkegaard
3269
ine structure dynamique : Kierkegaard dans sa vie
et
son œuvre indissociables ; et je vois qu’elle est disposée de telle m
3270
kegaard dans sa vie et son œuvre indissociables ;
et
je vois qu’elle est disposée de telle manière que « l’esthétique » et
3271
st disposée de telle manière que « l’esthétique »
et
le « religieux » y sont constamment homologues, tous les deux irrigué
3272
stade intermédiaire, paraît exsangue, schématique
et
peu structuré. Un seul exemple : la décision fondant le mariage symbo
3273
on échappe à l’homme, donc à l’éthique temporelle
et
autonome : La décision n’est pas la force de l’homme, ni son courage
3274
tion amoureuse, mais est resté en cours de route,
et
une telle décision est trop misérable pour que l’inclination amoureus
3275
le pour que l’inclination amoureuse ne la méprise
et
ne préfère se fier à elle-même plutôt que de se livrer aux directives
3276
ce système qui se définit par la mise en tension
et
l’interdépendance de trois réalités hétérogènes : — sa croyance en l’
3277
ènes : — sa croyance en l’altérité totale de Dieu
et
en l’unicité de l’amour humain ; — la « mélancolie » qui l’accable et
3278
’amour humain ; — la « mélancolie » qui l’accable
et
lui rend ce mariage impossible ; — enfin sa vocation exceptionnelle.
3279
ans un sens spirituel — se marier, s’il doit jour
et
nuit se battre non pas contre les Tartares et les Scythes, mais contr
3280
our et nuit se battre non pas contre les Tartares
et
les Scythes, mais contre les hordes de brigands d’une mélancolie inné
3281
’il posséda, car par elle il ne devint que père ;
et
pas un ne fut un saint par la jeune fille qu’il posséda, car il n’en
3282
fille qu’il posséda, car il n’en posséda aucune,
et
ne voulut en posséder qu’une seule, qu’il n’obtint pas, de même que t
3283
aîne vers la hauteur. Cet amour qui « entraîne »
et
transfigure dans la mesure où il est par essence malheureux, ce n’est
3284
d Faust. C’est la passion dans son intransigeance
et
dans sa ruse avec l’Éros, avec la vie. Et c’est le mythe de Tristan q
3285
igeance et dans sa ruse avec l’Éros, avec la vie.
Et
c’est le mythe de Tristan qui reparaît enfin ! On sait assez que le p
3286
r de mal du paradoxe, cette passion de la pensée,
et
les penseurs qui en manquent sont comme des amants sans passion, c’es
3287
rir quelque chose qu’elle-même ne puisse penser.
Et
plus loin : Regardons ce qui se passe dans l’amour, quoiqu’il ne ren
3288
ssances s’entendent dans la passion de l’instant,
et
cette puissance est justement l’amour. Cette forme de pensée est tri
3289
is spirituellement créatrices — entre Kierkegaard
et
Régine. Il n’a pu l’aimer que de loin, dans la perte, choisie par lui
3290
ar lui, de toute présence autre que nostalgique. (
Et
déjà, durant les fiançailles, il lui écrit pour s’excuser d’un rendez
3291
campagne, ce jour-là, « à Fredensborg où souvenir
et
nostalgie s’embrassent. C’est ce moment que j’aime tant ». Et il ajou
3292
s’embrassent. C’est ce moment que j’aime tant ».
Et
il ajoute que lorsqu’il peut la dire « sienne » dans la solitude de s
3293
és, mais par hasard, dans la rue. Elle l’a salué,
et
il a répondu à son salut, mais ils n’ont pas pu se parler. C’était le
3294
ne autre île. Que cette forme d’amour nostalgique
et
de possession par la perte transparaisse également dans la dialectiqu
3295
aisse également dans la dialectique existentielle
et
dans la pensée proprement religieuse de Kierkegaard, ce n’est pas ici
3296
amour poétique) qui élit un seul être bien-aimé,
et
l’amour du prochain (amour chrétien), dont le commandement est d’aime
3297
tion, non par sympathie élective toujours égoïste
et
« charnelle », mais dans l’égalité de tous devant Dieu. On s’étonne :
3298
eu. On s’étonne : cet amour général, impersonnel,
et
qu’on pourrait confondre avec un sens social humanitaire, serait-il v
3299
sprit, — isolé de la foule, « qui est mensonge ».
Et
l’objet, le prochain — celui qu’il faut aider, selon la parabole évan
3300
it en tout homme. Seul donc celui qui s’est connu
et
accepté en tant qu’esprit, celui qui de la sorte se trouve séparé de
3301
3, sous cette forme : « À l’Individu qu’avec joie
et
reconnaissance, j’appelle mon lecteur. » C’était là le prochain par e
3302
lecteur. » C’était là le prochain par excellence,
et
— nous le savons par le Journal — c’était Régine ! Plus tard, le conc
3303
cept d’individu s’universalise (paradoxalement !)
et
s’approfondit. Il est la signature de l’homme spirituel, distingué da
3304
é par elle à la communauté nouvelle des esprits —
et
c’est lui que j’appelle la personne. Finalement, cet Individu s’exemp
3305
que pour l’intériorité de la Vérité. Nietzsche
et
son ombre Deux vies dénuées. Deux célibataires maladifs, chastes s
3306
des fiançailles, l’attaque finale contre l’Église
et
la mort à 42 ans. Pour l’autre, moins encore : quelques années de pro
3307
longue solitude errante, la folie à 44 ans. L’un
et
l’autre ont produit en une quinzaine d’années leur œuvre difficile et
3308
it en une quinzaine d’années leur œuvre difficile
et
foisonnante, et n’ont forcé qu’in extremis, par le scandale, l’attent
3309
ine d’années leur œuvre difficile et foisonnante,
et
n’ont forcé qu’in extremis, par le scandale, l’attention de quelques-
3310
urs ses lents mouvements d’approche, d’émergences
et
d’éclipses alternées. Ces deux chastes ont beaucoup médité sur l’amou
3311
tes ont beaucoup médité sur l’amour, sur la femme
et
sur le mariage. Nietzsche en a certes moins longuement écrit que Kier
3312
qui rappelle à la fois la « difficulté » initiale
et
la réponse du Mari des Étapes 108 : L’institution du mariage maintie
3313
ependant susceptible de durer en tant que passion
et
que l’amour à vie peut être considéré comme la règle. Par cette ténac
3314
ons si fréquentes qu’elles sont presque la règle,
et
qui en font par conséquent une pia fraus, l’institution a conféré à l
3315
une passion la croyance en la durée de celle-ci,
et
la responsabilité de la durée, malgré l’essence même de la passion, l
3316
qui voulait voir dans la synthèse d’une décision
et
d’une inclination le plus haut risque, et même un risque plus qu’huma
3317
écision et d’une inclination le plus haut risque,
et
même un risque plus qu’humain, le mariage est ici aux yeux de Nietzsc
3318
erkegaardienne, tant par l’esprit que par le ton,
et
par l’évocation de Socrate — cette attaque frontale : Le philosophe
3319
e frontale : Le philosophe a horreur du mariage,
et
de tout ce qui pourrait l’y conduire, — du mariage en tant qu’obstacl
3320
a sa place dans la comédie, telle est ma thèse :
et
Socrate, seule exception, le malicieux Socrate, s’est semble-t-il mar
3321
sait saint Paul, parlant en tant que Spirituel, —
et
c’est le point de vue qu’adopteront personnellement Kierkegaard en ta
3322
personnellement Kierkegaard en tant qu’Exception
et
Nietzsche en tant que philosophe. Nietzsche paraît plus naturellement
3323
du fait que l’homme se trouvait à côté de l’homme
et
qu’aucune femme ne pouvait élever la prétention d’être pour l’homme l
3324
re pour l’homme l’objet de l’amour le plus proche
et
le plus haut, ou même l’objet unique — comme l’enseigne la passion.11
3325
épouse pas. Dans ses moments d’« équilibre doré »
et
d’évaluation créatrice de la morale et de la civilisation, Nietzsche
3326
bre doré » et d’évaluation créatrice de la morale
et
de la civilisation, Nietzsche met tout l’accent non sur l’ascèse mais
3327
nce, l’art maîtrise l’instinct créateur de formes
et
l’extase, l’Agapè maîtrise l’Éros, etc.112 L’Agapè dont il est ici
3328
e a fait porter au premier rang les valeurs d’art
et
l’enthousiasme dans la vénération, plutôt que la revendication d’une
3329
valiers poètes provençaux, ces hommes magnifiques
et
ingénieux du gai saber à qui l’Europe est redevable de tant de choses
3330
er à qui l’Europe est redevable de tant de choses
et
presque d’elle-même.113 Plus tard, ayant énuméré six moyens de brid
3331
inct une idée martyrisante ou de honte, dissocier
et
disperser ses forces, enfin s’affaiblir et se déprimer physiquement e
3332
socier et disperser ses forces, enfin s’affaiblir
et
se déprimer physiquement et psychiquement !) Nietzsche en vient à déc
3333
es, enfin s’affaiblir et se déprimer physiquement
et
psychiquement !) Nietzsche en vient à découvrir qu’en réalité « la vo
3334
oit le besoin de repos, ou la crainte de la honte
et
d’autres suites néfastes, ou bien encore l’amour. Donc, tandis que no
3335
puissances rivales en l’homme : l’érotisme sexuel
et
l’amour. Or, ni la passion érotique d’un Byron ou d’un Napoléon — cit
3336
j’entends l’usage non nécessaire biologiquement).
Et
l’amour, que Nietzsche suggère comme un possible instinct rival, est
3337
s animique que symbolisent les mythes de Don Juan
et
de Tristan. Suivons maintenant les phases de leur grande polémique da
3338
les phases de leur grande polémique dans l’œuvre
et
dans la vie de Nietzsche. « Par la musique, les passions jouissent
3339
ar un ouvrage sur la musique, la tragédie lyrique
et
le mythe : c’est L’Origine de la tragédie, qu’il publie à 28 ans. Au
3340
Au même âge, Kierkegaard écrit Ou bien… ou bien.
Et
tandis que l’un trouve dans le Don Giovanni de Mozart l’expression pa
3341
s le Don Giovanni de Mozart l’expression parfaite
et
unique de la spontanéité passionnée, l’autre ne veut prendre à témoin
3342
n de Wagner, comme expression exemplaire du mythe
et
de la musique dionysiaque. L’un et l’autre tiennent le langage pour i
3343
laire du mythe et de la musique dionysiaque. L’un
et
l’autre tiennent le langage pour impuissant à traduire l’essence de l
3344
un voit l’expression de la spontanéité sensuelle,
et
l’autre l’expression de « l’esprit dionysien », de la spontanéité org
3345
ysien », de la spontanéité orgiastique. Pour l’un
et
l’autre, « seule, la musique » peut dire d’une manière immédiate, le
3346
dire d’une manière immédiate, le secret de l’Éros
et
de ses mythes. Mais seule aussi, elle peut régénérer la tragédie. « U
3347
« Une harmonie préétablie règne entre la musique
et
le drame parfait. » Nietzsche voit dans le mythe en général « le but
3348
Le mythe est une « image du monde en raccourci »
et
, sans le mythe, « toute culture est dépossédée de sa force naturelle,
3349
lture est dépossédée de sa force naturelle, saine
et
créatrice ; seul un horizon constellé de mythes parachève l’unité d’u
3350
he doivent être les esprits tutélaires invisibles
et
omniprésents, propices au développement de l’âme adolescente, et dont
3351
, propices au développement de l’âme adolescente,
et
dont les signes annoncent et expliquent à l’homme fait sa vie et ses
3352
e l’âme adolescente, et dont les signes annoncent
et
expliquent à l’homme fait sa vie et ses combats. »115 Et voici les r
3353
nes annoncent et expliquent à l’homme fait sa vie
et
ses combats. »115 Et voici les relations entre le mythe tragique et
3354
quent à l’homme fait sa vie et ses combats. »115
Et
voici les relations entre le mythe tragique et la musique : La tragé
3355
5 Et voici les relations entre le mythe tragique
et
la musique : La tragédie absorbe en elle le délire orgiastique de la
3356
s, mais elle y ajoute aussitôt le mythe tragique,
et
le héros tragique qui, pareil à un formidable Titan, prend sur ses ép
3357
end sur ses épaules le fardeau du monde dionysien
et
nous en délivre. … Entre la portée universelle de sa musique et l’aud
3358
ivre. … Entre la portée universelle de sa musique
et
l’auditeur soumis à l’influence dionysiaque, la tragédie introduit un
3359
tragédie introduit un symbole sublime, le mythe ;
et
elle suscite chez celui-là l’illusion que la musique ne soit qu’un ad
3360
llusion. Le mythe nous protège contre la musique,
et
lui seul, d’autre part, donne à celle-ci la suprême liberté. La musiq
3361
he tragique une portée métaphysique si pénétrante
et
si décisive que, sans cet auxiliaire unique, la parole et l’image fus
3362
cisive que, sans cet auxiliaire unique, la parole
et
l’image fussent demeurées à jamais impuissantes à l’atteindre. Et c’e
3363
nt demeurées à jamais impuissantes à l’atteindre.
Et
c’est tout spécialement par l’effet de la musique que le spectateur d
3364
ie suprême, à laquelle aboutit ce chemin de ruine
et
de déception, de sorte qu’il croit entendre la voix la plus secrète d
3365
ui parle intelligiblement.116 Sans les paroles
et
l’image scénique, Nietzsche imagine qu’il ne pourrait supporter l’aud
3366
jeunesse marque l’apogée de l’amitié avec Wagner
et
de l’admiration pour Schopenhauer, leur maître commun. « J’aime en Wa
3367
passé entre-temps ? Sur la scène tout au moins —
et
l’on veut dire : dans ce que Nietzsche exprime consciemment —, Trista
3368
che exprime consciemment —, Tristan s’est évanoui
et
Don Juan domine tout. Wagner n’est plus « mon noble compagnon d’armes
3369
par le rabâchage de toutes les absurdités morales
et
religieuses ». Loin de Bâle, loin de Triebschen, loin de Bayreuth sur
3370
du Nord désormais détesté, Nietzsche vit à Gênes,
et
il écrit Aurore. « Presque chaque phrase de ce livre a été pensée et
3371
« Presque chaque phrase de ce livre a été pensée
et
comme capturée dans les mille recoins de ce chaos de rochers près de
3372
r. »117 Il vit aussi à Sils-Maria, dans l’air sec
et
la limpidezza des hauteurs, et il y termine la première partie de Zar
3373
ia, dans l’air sec et la limpidezza des hauteurs,
et
il y termine la première partie de Zarathoustra, à « l’heure sainte »
3374
à Venise118. Que dit Zarathoustra ? « Insouciant
et
railleur, violent — ainsi nous veut la sagesse. Elle est femme… » Que
3375
e ce vieux remède radical : l’amour en retour ! »
Et
que peut enseigner cette Carmen de Bizet, que Nietzsche opposera « co
3376
la chasteté douteuse, à la religiosité décadente
et
aux « Sursum ! Bouboum ! » de Wagner ? Elle enseigne l’amour « remis
3377
t de la « Sagesse » qui se croit devenu Don Juan,
et
qui se définit comme tel ! Les philosophes de l’avenir réclameront le
3378
ous le manteau de la lumière… des conquérants ! »
et
leur morale, au-delà du bien et du mal, sera « la danse dans l’esprit
3379
s conquérants ! » et leur morale, au-delà du bien
et
du mal, sera « la danse dans l’esprit. »120 Voici sans doute le text
3380
des choses qu’il découvre, mais il a de l’esprit
et
de la volupté et il jouit des chasses et des intrigues de la connaiss
3381
découvre, mais il a de l’esprit et de la volupté
et
il jouit des chasses et des intrigues de la connaissance — qu’il pour
3382
l’esprit et de la volupté et il jouit des chasses
et
des intrigues de la connaissance — qu’il poursuit jusqu’aux étoiles l
3383
qu’il poursuit jusqu’aux étoiles les plus hautes
et
les plus lointaines ! — jusqu’à ce qu’enfin il ne lui reste plus rien
3384
comme l’ivrogne qui finit par boire de l’absinthe
et
de l’eau-forte. C’est pourquoi il finit par désirer l’enfer, — c’est
3385
rêter pour toute l’éternité, cloué à la déception
et
devenu lui-même l’hôte de pierre, et il éprouvera le désir d’un repas
3386
la déception et devenu lui-même l’hôte de pierre,
et
il éprouvera le désir d’un repas du soir de la connaissance, qui jama
3387
ablé, le presto de Don Juan, son humeur insolente
et
gaie, la désinvolture de grand seigneur avec laquelle on « laisse tom
3388
d’aphorismes, d’Humain, trop humain au Gai savoir
et
à La Généalogie de la morale. Mais déjà dans Aurore, il arrive que le
3389
e que le Don Juan de la connaissance s’interroge,
et
cela n’est pas dans le droit fil du personnage. Ou bien veut-il aller
3390
son sens, emporté par sa frénésie de découvertes
et
de négations triomphantes ? La dernière peut le jeter dans cela même
3391
fus : La nouvelle passion. — Pourquoi craignons
et
haïssons-nous la possibilité d’un retour à la barbarie ? Serait-ce pe
3392
issance, ou bien le bonheur d’une illusion solide
et
vigoureuse ; nous souffrons rien qu’à nous représenter un pareil état
3393
il état de choses ! L’inquiétude de la découverte
et
de la divination a pris pour nous autant de charme et nous est devenu
3394
e la divination a pris pour nous autant de charme
et
nous est devenue tout aussi indispensable que ne l’est, pour l’amoure
3395
ous en passion qui ne s’effraie d’aucun sacrifice
et
n’a, au fond, qu’une seule crainte, celle de s’éteindre elle-même… M
3396
t-il donc effrayé d’idées semblables ? La passion
et
la mort ne sont-elles pas sœurs ? »122 Au comble du défi, Don Juan v
3397
l’Invocation à la Nuit, de la Délivrance du Temps
et
de l’Extase. Subitement, ce qui parle, c’est l’Ombre, c’est son ombre
3398
nd d’un songe je m’éveille : Profond est le monde
Et
plus profond que le jour ne l’a vu. Profonde est sa douleur — Mais la
3399
onde encore que la peine : La douleur dit : Passe
et
finis ! Mais toute joie veut l’éternité, Veut la profonde, profonde é
3400
e retour du mythe mortel de l’Amour qui transfixe
et
transfigure. C’est le Chant de Minuit saluant l’Éternité, quand Don J
3401
nt l’Éternité, quand Don Juan meurt avec le temps
et
la succession des moments. C’est la vision du Retour éternel qui subi
3402
ernel Revenant, au Père ! — dans un suprême défi,
et
pour sombrer. Et ce sera bientôt l’aveu presque posthume, le dernier
3403
u Père ! — dans un suprême défi, et pour sombrer.
Et
ce sera bientôt l’aveu presque posthume, le dernier appel à Isolde, c
3404
cas Nietzsche » n’a pas été tranché par la folie.
Et
personne n’en a mieux formulé les données que Nietzsche lui-même. Le
3405
t où jusqu’à présent tous les soleils déclinèrent
et
s’éteignirent ? Dira-t-on peut-être un jour de nous que, nous aussi,
3406
avait pour titre Ou bien… ou bien (Enten – Eller)
et
qu’on peut résumer dans cette alternative : — ou bien Don Juan, ou bi
3407
de inconnue ? 94. Nietzsche, Par-delà le bien
et
le mal, n° 106. 95. Kierkegaard dit en termes hégéliens : conforme à
3408
rkegaard — sinon selon Mozart ! — que les Valmont
et
autres séducteurs machiavéliques du xviiie siècle, qui ne laissent d
3409
e, qui ne laissent derrière eux que colère, honte
et
mépris. Casanova aime les femmes, Valmont ne cherche qu’à gagner des
3410
Dieu ni les hommes. Il n’est pas révolutionnaire,
et
n’est pas non plus grand seigneur. Il est tricheur, vulgaire, catholi
3411
i ! Don Juan n’a jamais existé, il est un mythe ;
et
la plus grande différence entre Casanova et le mythe, c’est que les M
3412
the ; et la plus grande différence entre Casanova
et
le mythe, c’est que les Mémoires existent bel et bien. Quant aux poin
3413
et le mythe, c’est que les Mémoires existent bel
et
bien. Quant aux points de contact historiques entre le Vénitien et Do
3414
x points de contact historiques entre le Vénitien
et
Don Giovanni, qu’il suffise de rappeler l’amitié qui liait Da Ponte e
3415
l suffise de rappeler l’amitié qui liait Da Ponte
et
Casanova au moment où l’abbé écrivit son livret, la visite que les de
3416
l’âme qui enveloppe le corps. » (Par-delà le bien
et
le mal, 142.) 99. Ou bien… ou bien, ibid. 100. Kierkegaard voit tr
3417
ard voit très bien la parenté des mythes de Faust
et
de Don Juan. (Cf. notamment le développement sur Marguerite, dans Ou
3418
Tracés d’ombre »). Dans l’ouvrage si intelligent
et
si bien informé de Mlle Micheline Sauvage : Le Cas Don Juan (une seul
3419
e ces formules adroitement balancées : « Don Juan
et
Faust sont des gémeaux mythiques… moitiés complémentaires d’un être d
3420
t est voluptueux, désireux d’amour, il a des sens
et
un cœur donjuanesques… Faust est l’intelligence de Don Juan ; Don Jua
3421
e de Faust… Le romantisme conciliera que Don Juan
et
Faust cherchent tous deux l’absolu, et que le héros unique s’appelle
3422
e Don Juan et Faust cherchent tous deux l’absolu,
et
que le héros unique s’appelle Faust quand il demande cet absolu à la
3423
ses de Kierkegaard. À coup de citations musicales
et
dans le langage de son art, Breydert illustre abondamment l’intuition
3424
04. Riens philosophiques, « Le Dieu comme maître
et
sauveur », 1844. 105. Étapes, « Problèmes du mariage ». 106. Étap
3425
e métaphysique) ». 108. Cf. supra, « Kierkegaard
et
Tristan ». 109. Aurore, n° 27. 110. Aurore, n° 503. 111. Généal
3426
die grecque, chapitre II. 113. Par-delà le bien
et
le mal, n° 260, fin. 114. Aurore, n° 109. 115. L’Origine de la tr
3427
uscule des idoles (1888). 120. Par-delà le bien
et
le mal, passim. 121. Aurore, n° 327. 122. Aurore, n° 429. bd. R
3428
ura jamais épuisé la richesse. L’un posséda mille
et
trois femmes, l’autre une seule femme. Mais c’est la multiplicité qui
3429
té qui est pauvre, tandis que dans un être unique
et
possédé à l’infini se concentre le monde entier. Tristan n’a plus bes
3430
é, ne peut pas aimer en retour. D’où son angoisse
et
sa course éperdue. L’un recherche dans l’acte d’amour la volupté d’un
3431
inisante. La tactique de Don Juan, c’est le viol,
et
aussitôt remportée la victoire, il abandonne le terrain, et s’enfuit.
3432
t remportée la victoire, il abandonne le terrain,
et
s’enfuit. Or la règle de l’amour courtois faisait du viol précisément
3433
le crime des crimes, la félonie sans rémission ;
et
de l’hommage un engagement jusqu’à la mort. Don Juan se rend donc tri
3434
lui, se voit libéré du jeu des règles, des péchés
et
des vertus, par la grâce d’une vertu qui transcende le monde de la Lo
3435
martyr de la sensation de plus en plus décevante
et
méprisable — quand Tristan est le prisonnier d’un au-delà du jour et
3436
nd Tristan est le prisonnier d’un au-delà du jour
et
de la nuit, le martyr d’un ravissement qui se mue en joie pure à la m
3437
oré un véritable chevalier. Tristan, mélancolique
et
courageux, n’abdique au contraire son orgueil qu’à l’approche de la m
3438
elle. Don Juan n’est pas concevable sans Tristan,
et
sans lui n’eût pas vu le jour. Mais ce lien de genèse réciproque ne s
3439
tate la filiation des mythes, puis leurs retours,
et
enfin leur coexistence statistique dans l’ensemble d’une société auss
3440
surplus, dans la mesure où la conduite, la pensée
et
l’affectivité d’un même individu sont dissociées, Don Juan peut régir
3441
de Don Juan ne remonte guère qu’à la Renaissance,
et
ne s’est vraiment constituée qu’à la faveur du refoulement temporaire
3442
lui qui a donné sa figure au Burlador de Molina,
et
qui lui a imprimé pour toujours ces deux traits si typiques de l’époq
3443
deux traits si typiques de l’époque : la noirceur
et
la scélératesse. Antithèse vraiment parfaite des deux vertus de l’amo
3444
deux vertus de l’amour chevaleresque : la candeur
et
la courtoisie.124 Observons aussi que Don Juan succède normalement
3445
ue du rationaliste éclairé aux coutumes, préjugés
et
principes du groupe natif, de la tribu ou de la nation. C’est pourquo
3446
disme de Don Juan n’est pas seulement cosmopolite
et
donc moderne. Les succès du héros, comme ceux de Casanova, ne sont pa
3447
vélaient le plaisir dans l’acuité de l’épouvante,
et
fuyaient au galop vers leur désert. Et c’est aussi le prêtre ou le hé
3448
épouvante, et fuyaient au galop vers leur désert.
Et
c’est aussi le prêtre ou le héros divin dans les religions antiques e
3449
tre ou le héros divin dans les religions antiques
et
primitives : celui qui est assez saint ou assez fort pour oser assume
3450
omme un ange, passe, étreint, dit le mot, révèle,
et
disparaît. Don Ottavio s’indigne au nom de la morale, mais le paysan
3451
de civilisation bien antérieur au christianisme,
et
plus encore à la chevalerie courtoise. Du point de vue de la psycholo
3452
e. Il est alors sentiment pur, douleur-joie pure,
et
ne sera plus jamais aussi nettement distinct de tout autre douleur ou
3453
iment les troubadours est typiquement adolescent,
et
comme indépendant du sexe. S’il réussit à se fixer sur un seul être,
3454
dont les termes de base sont le sexuel, le social
et
le sentimental. Supposons que la synthèse des trois termes s’opère, e
3455
pposons que la synthèse des trois termes s’opère,
et
qu’il en résulte un vrai couple. Cela signifie qu’au sein de cette en
3456
ient trouvé leur régime d’équilibre en mouvement,
et
que la résultante de ce système d’échanges soit positive pour l’une e
3457
de ce système d’échanges soit positive pour l’une
et
l’autre des personnes composant le couple. Une telle synthèse peut de
3458
atique, au sens où la supposent la morale sociale
et
ses lois laïques ou religieuses. Car elle sera bientôt soumise à l’ép
3459
l’importance relative de chacun des trois termes,
et
cela chez deux êtres différents. (Calculez le nombre des combinaisons
3460
différents. (Calculez le nombre des combinaisons
et
des permutations possibles : ce n’est pas ici mon sujet, mais celui d
3461
éralement de nature sociale : ou bien il s’exalte
et
les nie — ou bien il renonce et les hait. Bientôt aimanté par le sexe
3462
bien il s’exalte et les nie — ou bien il renonce
et
les hait. Bientôt aimanté par le sexe, il y prend une nouvelle énergi
3463
serait un mari manqué pour avoir manqué le social
et
surcompensé cet échec par la passion ; tandis que Don Juan serait un
3464
qué, pour avoir reculé à la fois devant le social
et
le sentimental126. Mais comme il n’est guère de mariage qui parvienne
3465
urs crises à l’action de l’un des deux. La morale
et
la société prononcent alors leurs décrets. S’ils suffisent à mainteni
3466
: non comme médecin psychiatre, non comme prêtre,
et
non comme avocat, et encore moins comme juge, mais simplement parce q
3467
sychiatre, non comme prêtre, et non comme avocat,
et
encore moins comme juge, mais simplement parce qu’il connaît le signa
3468
identale. La fonction civilisatrice, ordonnatrice
et
dynamique qui pourrait aussi bien être la leur, exige une prise de co
3469
de conscience objective de leur véritable nature,
et
des fins vers lesquelles nous conduisent leurs structures. Du point d
3470
t leurs structures. Du point de vue de l’histoire
et
de la psychologie — phylogenèse, ontogenèse —, c’est l’alternance de
3471
ui est manifeste — leur interdépendance génétique
et
leur coexistence dialectique —, l’un agissant dans l’ombre quand l’au
3472
lternative que le drame s’impose, qu’il est vécu,
et
que la morale formule ses exigences. Or, on ne saurait trancher l’alt
3473
es fins auxquelles chacun de ses termes s’ordonne
et
nous incline, selon sa loi. Mais il se peut aussi qu’une fois ces fin
3474
fins de nos vies au-delà de survivre, travailler
et
gagner de l’argent, qui ne sont au vrai que des moyens ? Limitons-nou
3475
tation toujours nouvelle. L’un cherchera le drame
et
l’autre la surprise. Que ce soit par dépit devant leur impuissance à
3476
il n’est heureux que dans l’instant, la nouveauté
et
le changement, et qu’il n’a jamais souhaité mieux. « Le croire malheu
3477
ue dans l’instant, la nouveauté et le changement,
et
qu’il n’a jamais souhaité mieux. « Le croire malheureux parce qu’il v
3478
ise. » L’excitation de la chasse lui suffit donc,
et
l’on insiste : elle est même pour lui « l’essentiel ». Cet instinct «
3479
st qu’il oublie qu’une femme n’est pas une pomme.
Et
qu’elle en voudra mortellement à celui qui ne l’aura pas « prise », s
3480
elle mise à part, le « divin » ramené à l’humain,
et
l’âme n’étant plus confondue avec l’esprit ou la personne, le sens es
3481
efus de la vraie possession, qui implique échange
et
don, entre humains tout au moins, et l’on n’en finit pas si vite ! Il
3482
ique échange et don, entre humains tout au moins,
et
l’on n’en finit pas si vite ! Il n’est que juste d’observer d’ailleur
3483
s à l’érotisme, qui est dépassement de l’instinct
et
des faims animales. Il n’intéresse pas plus que les pariades des autr
3484
n’intéresse pas plus que les pariades des autres,
et
n’a pas de prestige pour l’imagination. Mozart n’en eût rien fait, ni
3485
e, même dans ses manifestations les plus altières
et
les plus fascinantes pour l’esprit. Il nous rappelle aussi que la dur
3486
ation que l’objet humain vit encore, dure encore,
et
demeure lui-même avec tout ce que cela peut comporter de gênant ou d’
3487
e, après l’accomplissement du phantasme excitant.
Et
c’est pourquoi l’impératrice Théodora faisait tuer avant l’aube ses a
3488
l’éternité, car il veut échapper à la souffrance,
et
la souffrance est liée au temps et à l’espace, qui modifient, disting
3489
la souffrance, et la souffrance est liée au temps
et
à l’espace, qui modifient, distinguent et séparent — « mais toute joi
3490
u temps et à l’espace, qui modifient, distinguent
et
séparent — « mais toute joie veut l’éternité, veut la profonde éterni
3491
de son refus de la durée incarnée. Il veut plus,
et
non moins que le mariage ; plus, et non moins que la possession de la
3492
Il veut plus, et non moins que le mariage ; plus,
et
non moins que la possession de la vérité « dans une âme et un corps »
3493
ins que la possession de la vérité « dans une âme
et
un corps », comme dit Rimbaud. L’excitation de la nouveauté, il la tr
3494
ation bien assurée de notre vie dans ce monde-ci,
et
de son sens ou de son absurdité, nous mettrait en mesure de répondre.
3495
i notre incarnation présente n’est que souffrance
et
illusion — souffrance à cause de l’illusion, dit le bouddhisme — c’es
3496
vie ni d’autre réalité qu’historique, matérielle
et
biologique, le mariage est un devoir civique, et Don Juan serait alor
3497
et biologique, le mariage est un devoir civique,
et
Don Juan serait alors la liberté, un reflet inversé de l’esprit que l
3498
rd, la synthèse vivante de l’instant, de la durée
et
de l’éternité. Celui qui a résolu ce problème dans sa vie est seul en
3499
s sa vie est seul en mesure de condamner Don Juan
et
Tristan à la fois ; mais il n’a plus de raison de le faire… Le bon
3500
e la passion : l’argument du bonheur sert à tous.
Et
ce n’est pas une raison pour qu’il soit faux. Il n’en fait pas moins
3501
de l’abandon, l’angoisse ou la vulgarité d’esprit
et
d’âme — ces deux cas sont les plus généraux — empêchent de jouer un r
3502
tous les plans : spirituel, animique, biologique
et
physique. En effet, nulle vie n’est concevable hors de la tension per
3503
s antagonistes. Prenons ici l’exemple élémentaire
et
primordial, celui de la vie d’une cellule. On sait aujourd’hui que ce
3504
la cellule fonctionne bien, son régime d’échanges
et
de synthèses est créateur : on pourrait dire qu’elle est « heureuse »
3505
n virus y pénètre : elle le digère, le désintègre
et
l’assimile, — il n’est plus là, matériellement. Et puis, quelques min
3506
t l’assimile, — il n’est plus là, matériellement.
Et
puis, quelques minutes ou quelques heures plus tard, c’est la cellule
3507
é. (Notons aussi que le virus ne peut se propager
et
se reproduire qu’aux dépens de cellules vivantes : sans elles, il ne
3508
par la présence des deux tendances antagonistes,
et
sa durée sera le produit des synthèses qu’elles induisent en permanen
3509
anence. Qu’un seul des mythes vienne à convaincre
et
modifier le cœur secret, le « noyau » de cette âme, et voici la névro
3510
difier le cœur secret, le « noyau » de cette âme,
et
voici la névrose déclarée, le drame et l’éclatement du couple. Si au
3511
cette âme, et voici la névrose déclarée, le drame
et
l’éclatement du couple. Si au contraire l’âme résiste, elle sera déso
3512
tion ; peut-être aussi leurs éclipses apparentes,
et
leurs soudaines récurrences dans une vie. (Je songe par exemple au ch
3513
niveau de la « vie » considéré ? Je ne citerai —
et
en passant — qu’un seul exemple d’application de cette même dialectiq
3514
arisme est caractérisé par sa prétention unitaire
et
son refus de composer avec aucune espèce d’opposition. Ce qui le dist
3515
deux tendances antagonistes : l’autorité centrale
et
l’autonomie des régions, l’unité et la diversité. Le fédéralisme figu
3516
rité centrale et l’autonomie des régions, l’unité
et
la diversité. Le fédéralisme figure la santé du corps politique, ou s
3517
ître, je crois que le totalitarisme est un virus,
et
si vous l’attrapez, vous n’y pourrez plus rien. » Je ne croyais pas s
3518
is Masques vengeurs s’avancent en pleine lumière,
et
Don Juan les invite, provoquant le destin. (Nul doute qu’il les ait r
3519
comme on croise l’épée, toutes forces en alerte,
et
Don Juan s’écrie d’une voix forte : « Que ce lieu s’ouvre à tous ! Vi
3520
Que ce lieu s’ouvre à tous ! Vive la liberté ! »
Et
voici l’étonnant : toutes les voix relèvent ce défi, et chacune le re
3521
ci l’étonnant : toutes les voix relèvent ce défi,
et
chacune le reprend dans son registre ! Les trois Masques, Zerline et
3522
nd dans son registre ! Les trois Masques, Zerline
et
son fiancé se joignent à Don Juan et à Leporello. Viva la libertà écl
3523
ues, Zerline et son fiancé se joignent à Don Juan
et
à Leporello. Viva la libertà éclate à douze reprises, clamé par des v
3524
les Masques, c’est de tuer le traître séducteur,
et
de se faire les exécutants d’un destin qui les terrifie ; pour le val
3525
t, c’est de servir son maître tant qu’il le paye,
et
de le trahir si les choses tournent mal ; pour Mazetto, c’est d’empêc
3526
du seigneur ; pour Zerline, c’est de succomber ;
et
pour Don Juan de conquérir. Ici donc la morale des principes, la mora
3527
c la morale des principes, la morale des esclaves
et
la morale des maîtres réclament ensemble et revendiquent leur liberté
3528
laves et la morale des maîtres réclament ensemble
et
revendiquent leur liberté, et toutes ces libertés se contredisent, et
3529
réclament ensemble et revendiquent leur liberté,
et
toutes ces libertés se contredisent, et toutes, à des degrés divers,
3530
liberté, et toutes ces libertés se contredisent,
et
toutes, à des degrés divers, ne font que servir l’ordre assigné à cha
3531
le commun des hommes tient pour vrai, nécessaire
et
sacré ? Lorsque les croisés se heurtèrent en Orient à l’invincible o
3532
eut-être est-ce aller trop haut — dans la défense
et
dans l’illustration du libertinage de l’esprit, contre la liberté chr
3533
étienne d’une part, qui est obéissance au Révélé,
et
d’autre part contre l’ascèse scientifique, qui est elle aussi, à sa m
3534
lorsqu’il attaque l’esprit chrétien, métaphysique
et
ascétique et le « petit faitalisme » scientifique — le « Rien n’est v
3535
aque l’esprit chrétien, métaphysique et ascétique
et
le « petit faitalisme » scientifique — le « Rien n’est vrai, tout est
3536
st une connaissance réservée, un savoir religieux
et
un symbole mystique. « Tout est permis », déclare saint Paul. « Aime
3537
. « Tout est permis », déclare saint Paul. « Aime
et
fais ce que tu veux », dit Augustin. L’Orient hindouiste et bouddhist
3538
que tu veux », dit Augustin. L’Orient hindouiste
et
bouddhiste n’a pas dit autre chose avant eux, ni les mystiques de l’i
3539
nt pas « vraies » (si elles sont souvent utiles),
et
leur renversement ne suffirait pas à révéler la Vérité, moins encore
3540
— instantané comme dans la conversion chrétienne
et
l’illumination bouddhiste, ou lentement acquis par le yoga. Atteindre
3541
ssion veut aimer sans limites, au-delà des formes
et
du temps, au-delà du moi distinct et désirant, au-delà de tous les at
3542
à des formes et du temps, au-delà du moi distinct
et
désirant, au-delà de tous les attachements terrestres, — elle veut ce
3543
ements terrestres, — elle veut ce ciel où l’amant
et
l’aimée se confondent en un seul être, dans le règne sans fin de l’Am
3544
32 Mais si le moi est dépassé, qui est libre ?
Et
qui peut encore aimer qui ? C’est dans l’énigme jamais résolue de ce
3545
e enfin ce que l’on croyait son origine concrète,
et
qui lui échappe. Point d’amour pour Don Juan, le désir seul ; ni de p
3546
qui nourrit sa passion est dans le moi distinct,
et
si ce moi doit s’abîmer dans l’inconscient tout englobant, il n’y a p
3547
r expression mythique, l’extraversion de Don Juan
et
l’introversion de Tristan anéantissent, chacune à sa manière, la réal
3548
ne à sa manière, la réalité du prochain. Don Juan
et
Tristan, symboles de l’âme, ne sont en fait que deux manières d’aimer
3549
s, ce qui est la condition de l’amour d’un autre,
et
donc de tout amour réel : car sans prochain, l’amour ne sait plus où
3550
sonne, entre l’individu, qui est l’objet naturel,
et
la vocation qu’il reçoit, sujet nouveau, — et tel est l’amour de soi-
3551
el, et la vocation qu’il reçoit, sujet nouveau, —
et
tel est l’amour de soi-même. Elle s’établit ensuite à l’intérieur du
3552
nes mariées. Elle s’établit enfin entre le couple
et
la communauté humaine. Telle est la plénitude de l’amour — et sa rare
3553
auté humaine. Telle est la plénitude de l’amour —
et
sa rareté merveilleuse ! Mais nos arts devant elle ont toujours recul
3554
! Mais nos arts devant elle ont toujours reculé.
Et
nos littératures, impuissantes à créer le mythe du mariage idéal, ont
3555
t inséparables : ils sont nés de lui, contre lui,
et
ne pourraient se perpétuer sans lui. Mais ici se révèle en même temps
3556
nuits, au lieu de nous accompagner dans l’ombre,
et
nous savons que le moment est venu de virer de cap, ou bien d’affront
3557
u de virer de cap, ou bien d’affronter la tempête
et
les orages désirés. Tous les deux ont raison contre la vie, dès qu’el
3558
tre nos morales de série, hygiéniques, étatiques,
et
sans style ni virtù. Dès qu’un déséquilibre se trahit en nous, ou pro
3559
rovoque une crise dans le couple, ils s’y jettent
et
l’aggravent à plaisir. Que l’un des deux gagne à la main, il aura tôt
3560
tôt fait de ruiner mariage, modération, personne,
et
la vie même. Mais sans eux, que seraient nos amours ? 123. L’Amo
3561
eux, que seraient nos amours ? 123. L’Amour
et
l’Occident . 124. L’Amour et l’Occident . 125. L’homme politique
3562
123. L’Amour et l’Occident . 124. L’Amour
et
l’Occident . 125. L’homme politique opportuniste et joueur relève du
3563
l’Occident . 125. L’homme politique opportuniste
et
joueur relève du type donjuanesque. Mais le général de Gaulle est tri
3564
ès de le dire en plus d’une page de ses Mémoires,
et
pas seulement aux premières phrases où il compare la France à la « pr
3565
incesse des contes… vouée à une destinée éminente
et
exceptionnelle », — fût-ce à « des malheurs exemplaires ». Il l’a lon
3566
utte en terrassant le géant qui la tenait captive
et
qui exigeait son tribut de jeunes gens. (Minotaure-Morholt-Hitler.) P
3567
vraie passion tristanienne se nourrit de retraits
et
d’obstacles, quitte à les susciter s’ils semblent faire défaut. Entre
3568
iter s’ils semblent faire défaut. Entre la France
et
lui, quand il était le plus fort — Tristan plus fort que le roi Marc
3569
rahi » de la sorte. Il a mieux aimé ses conquêtes
et
elles l’ont mieux conquis : on se sépare heureux, dans les Mémoires.
3570
kow, qui n’a jamais été en guerre avec les Russes
et
qui n’existe que par eux. Les motifs politiques qui animent M. Khrouc
3571
ence d’un fait qui dépasse les calculs politiques
et
met en jeu les droits de l’homme. Le problème de Berlin se ramène à c
3572
peuple de le fuir. À travers Berlin, chaque jour
et
depuis une dizaine d’années, des centaines d’Allemands de l’Est passa
3573
ix : « Pourquoi tuer deux-cents-millions d’hommes
et
détruire en passant l’Acropole, à seule fin d’empêcher que M. Walter
3574
économique de tout État ne regarde que son peuple
et
personne d’autre ». Cette déclaration solennelle, tous les peuples du
3575
l’Est le droit élémentaire de choisir leur régime
et
d’aller vivre où ils le veulent, et comme ils veulent, qu’il y a un p
3576
r leur régime et d’aller vivre où ils le veulent,
et
comme ils veulent, qu’il y a un problème de Berlin et que la paix est
3577
omme ils veulent, qu’il y a un problème de Berlin
et
que la paix est ébranlée. Nous demandons à M. Khrouchtchev d’applique
3578
istoire mènera sans guerre au triomphe de Moscou,
et
que la seule comparaison de la puissance soviétique et de l’Occident
3579
e la seule comparaison de la puissance soviétique
et
de l’Occident « pourri » déterminera le choix des masses mondiales. Q
3580
asses mondiales. Qu’il prouve donc qu’il y croit,
et
laisse Berlin tranquille ! Ces deux millions et demi d’hommes et de f
3581
, et laisse Berlin tranquille ! Ces deux millions
et
demi d’hommes et de femmes sans armes ne menacent pas la paix du peup
3582
n tranquille ! Ces deux millions et demi d’hommes
et
de femmes sans armes ne menacent pas la paix du peuple russe. Nous de
3583
massacre universel pour sauver un régime décrié.
Et
nous lui proposons de faire confiance à l’Histoire, conformément à sa
3584
Allemands cesseraient aussitôt de fuir à l’Ouest
et
se mettraient au travail, dans l’espoir. Ceux qui retrouvent l’espoir
3585
retrouvent l’espoir ne veulent plus que la paix,
et
cette volonté populaire, mieux que tous les traités indispensables, g
3586
fournira l’aveu public que le sort des dictatures
et
de l’empire communiste ne tient qu’aux barbelés de la porte de Brande
3587
i, très généralement, donnent les noms d’auteurs,
et
c’est tout. (À la Cour, on ne rencontrait que des personnes qui avaie
3588
que des personnes qui avaient été « présentées »,
et
que tout le monde était censé connaître. Les coutumes de Versailles o
3589
qui l’ont bâti pour abriter leur bonne conscience
et
pour effacer leurs péchés. Voici comment : 1°) En 1958, l’éditeur ham
3590
un côté par des sentinelles est-allemandes armées
et
casquées, il l’est avec non moins de vigilance par la bonne conscienc
3591
société qui chérissait ce mur avant qu’il existât
et
qui lui voue à présent un culte confinant à l’idolâtrie ». En effet,
3592
ile terrain d’action aux profiteurs de tout poil,
et
à la presse la source inépuisable d’alléchantes manchettes ». Il fait
3593
es ». Il fait oublier les crimes nazis, « Oradour
et
Auschwitz », que l’auteur semble donc attribuer aux seuls Allemands d
3594
attribuer aux seuls Allemands de l’Ouest. Enfin,
et
c’est sans doute l’argument le plus bouleversant si l’on écrit pour l
3595
’Ouest a pu « bannir Brecht des scènes allemandes
et
empêcher une information objective sur le monde communiste. Grâce au
3596
atientée par « une propagande officielle monotone
et
stupide », celle d’Ulbricht, qui rend « malaisée la tâche de convainc
3597
e de quoi ? On l’ignore.) « À l’Est, la curiosité
et
la hardiesse étaient plus grandes, surtout parmi les jeunes… » Ainsi,
3598
t. » Ce dernier argument explique enfin l’article
et
permettrait d’en deviner la source, si le proverbe : is fecit cui pro
3599
, on présente l’auteur : il a écrit Les Réprouvés
et
Le Questionnaire, et il fut l’un des assassins de Rathenau, le grand
3600
r : il a écrit Les Réprouvés et Le Questionnaire,
et
il fut l’un des assassins de Rathenau, le grand Allemand d’après la P
3601
agne. » C’est en effet une Allemagne sans Prusse.
Et
une partie de la Prusse ancienne est devenue polonaise, comme on sait
3602
evenue polonaise, comme on sait. Ainsi, MM. Dehem
et
von Salomon sont d’accord pour juger que le mur, en tant qu’il leur s
3603
’est pas nouveau. Il consiste à poser en principe
et
d’une manière systématique que toute erreur ou crime de l’Est incrimi
3604
toute erreur ou crime de l’Est incrimine l’Ouest,
et
lui seul. Mauvaise foi ou masochisme ? L’un porte l’autre. Dans l’un
3605
Une journée des dupes
et
un nouveau départ (mars 1963)bh Au lendemain du 29 janvier, les ré
3606
é de Rome, qui exclut leur « Europe des patries »
et
prépare une supra-nation. Tous les adversaires de l’union européenne
3607
pres fondateurs, longtemps raillés par son parti,
et
à plus d’une reprise par lui-même… Qui a perdu, qui a gagné dans cett
3608
posée en termes de personnes par toute la presse,
et
par cette opinion publique qui n’est rien d’autre que ce qu’en dit la
3609
a presse sans tenir compte des sondages d’opinion
et
du suffrage universel. Abstraction faite des noms, des intentions cac
3610
noms, des intentions cachées, des motifs présumés
et
des sincérités, et quoi qu’on pense des procédés gaulliens, que tous
3611
s cachées, des motifs présumés et des sincérités,
et
quoi qu’on pense des procédés gaulliens, que tous décrient, deux poli
3612
imaginait que la première était celle de M. Spaak
et
des Communautés ; et que la seconde était celle des adversaires de l’
3613
ière était celle de M. Spaak et des Communautés ;
et
que la seconde était celle des adversaires de l’Europe des Six, des m
3614
adversaires de l’Europe des Six, des mondialistes
et
des neutres, ces trois groupes se trouvant renforcés par l’opposition
3615
ux politiques a gagné le 29 janvier, contre Spaak
et
grâce à de Gaulle, et peut-être en dépit ou à l’encontre des sentimen
3616
le 29 janvier, contre Spaak et grâce à de Gaulle,
et
peut-être en dépit ou à l’encontre des sentiments de l’un et de l’aut
3617
e en dépit ou à l’encontre des sentiments de l’un
et
de l’autre, mais je m’en tiens aux décisions intervenues. Ce chassé-c
3618
éral de Gaulle répète qu’il veut une Europe forte
et
autonome, donc unie. Il n’a jamais parlé d’une « Europe des patries »
3619
s »134, pas plus que d’une « Algérie française ».
Et
c’est lui qui invoque maintenant le traité de Rome, qu’il se bornait
3620
. Les raisons subjectives, motifs encore secrets,
et
prévisions tactiques de l’un et de l’autre restant affaire de conject
3621
s encore secrets, et prévisions tactiques de l’un
et
de l’autre restant affaire de conjectures, les choix concrets et obje
3622
estant affaire de conjectures, les choix concrets
et
objectifs sont évidents. C’est là-dessus qu’il faut insister. La vict
3623
ssus qu’il faut insister. La victoire des Anglais
et
des Cinq, le 29 janvier, risquait fort d’impliquer, on vient de le vo
3624
nt à une Europe fédérée. La logique de ses règles
et
méthodes, admirablement adaptées aux conditions de l’économie moderne
3625
démontré — appelle sans doute une union politique
et
la suppose, mais ne la préfigure pas du tout. Prolongée sur le plan p
3626
ice, elle conduirait plutôt à une Europe uniforme
et
centralisée dont nul ne veut. À l’inverse, l’Europe des patries ne te
3627
ils élaborent un plan, en déduisent une tactique,
et
qu’ils dressent devant nous et devant les hommes d’État une image con
3628
sent une tactique, et qu’ils dressent devant nous
et
devant les hommes d’État une image convaincante de l’avenir, capable
3629
eoples are my peoples. » (Je renonce à traduire.)
Et
il ajoute : « Quand je traverse la Manche, il me semble que je rentre
3630
s le Marché commun, pour des raisons économiques,
et
aussi politiques. Je garde quelque espoir que, lorsque des forces div
3631
nesse, mais d’une part importante de votre peuple
et
, par suite de ses gouvernants. Contre cela, luttons en commun pour un
3632
bh. Rougemont Denis de, « Une journée de dupes
et
un nouveau départ », Preuves, Paris, mars 1963, p. 60-61.
3633
en mutation. C’est l’Europe qui a tout déclenché,
et
son rôle reste décisif. C’est elle qui a créé la notion de genre huma
3634
main — ignorée ou niée en Orient — par saint Paul
et
les Pères de l’Église ; et la notion de droit des gens par Vitoria, S
3635
rient — par saint Paul et les Pères de l’Église ;
et
la notion de droit des gens par Vitoria, Suárez, Grotius, Vattel et K
3636
oit des gens par Vitoria, Suárez, Grotius, Vattel
et
Kant. Et c’est elle qui a fourni les instruments techniques de commun
3637
ens par Vitoria, Suárez, Grotius, Vattel et Kant.
Et
c’est elle qui a fourni les instruments techniques de communication e
3638
ne seule de ses petites nations n’y peut suffire,
et
les plus grandes — en termes d’autrefois — sont petites au regard des
3639
vont choisir. Trois formules leur sont proposées,
et
sont en principe concevables. a) L’Europe des États (faussement dite
3640
) consisterait en un système de pactes politiques
et
militaires, et de traités économiques entre pays prétendus souverains
3641
en un système de pactes politiques et militaires,
et
de traités économiques entre pays prétendus souverains. C’est la form
3642
s monarques, transposée au niveau d’États laïques
et
en majorité républicains. C’est dérisoire, c’est dépassé, c’est en re
3643
es réalités (car les Six sont déjà bien au-delà),
et
c’est absolument inadéquat aux exigences reconnues de ce siècle. Ulti
3644
transition tactique vers une union plus sérieuse
et
concrète. On en passera par là, probablement, mais pourquoi s’y arrêt
3645
français, c’est-à-dire culturellement uniformisée
et
administrativement centralisée. « Une foi, une loi, un roi. » « Ein V
3646
n Reich, ein Führer. » Des puissances économiques
et
des équipes de technocrates en lieu et place des anciens partis et de
3647
conomiques et des équipes de technocrates en lieu
et
place des anciens partis et des équipes de politiciens professionnels
3648
technocrates en lieu et place des anciens partis
et
des équipes de politiciens professionnels. Certes, les tentatives uni
3649
els. Certes, les tentatives unitaires de Napoléon
et
d’Hitler ont avorté, au prix qu’on sait, mais rien ne prouve que les
3650
manipulés par le Kremlin ou par la Maison-Blanche
et
le Pentagone, n’arriveraient pas à imposer cette unification tout ext
3651
maginer que l’un des deux « Grands » la souhaite.
Et
personne en Europe ne la propose : il est trop clair que cette formul
3652
rmule totalitaire mais sans doctrine millénariste
et
sans passion ne sauverait le corps qu’au prix de l’âme, autant dire p
3653
ope ses seuls atouts. Le monde entier en pâtirait
et
se sentirait appauvri. Au reste, Napoléon n’a réussi qu’à provoquer d
3654
éussi qu’à provoquer des réactions nationalistes,
et
Hitler des mouvements de résistance. Une troisième tentative ne manqu
3655
ivité civique à des éclats d’anarchie névrotique.
Et
quant à ceux qui déclarent que le Marché commun vise en réalité à ce
3656
n corps politique assez puissant pour sauvegarder
et
garantir l’autonomie de chacun de ses membres, c’est un problème parf
3657
ou d’Athènes est à quelques heures de Strasbourg,
et
encore plus près de Bruxelles. Pratiquement, l’Europe d’aujourd’hui e
3658
était la Suisse à l’époque où elle s’est fédérée.
Et
les disparités de coutumes ou de richesse, de langue, de confession,
3659
, ridiculement réduit, à l’échelle des glorieuses
et
vieilles nations de l’Europe. J’attends qu’on me démontre pourquoi, e
3660
e l’Europe. J’attends qu’on me démontre pourquoi,
et
je souhaite qu’on le fasse un jour en pleine connaissance de cause, j
3661
uisse, il reste que la Suisse dépend de l’Europe,
et
que la forme que prendra l’inévitable union européenne rendra possibl
3662
ravir à la majorité de nos dirigeants politiques
et
industriels, mais elle nous perdrait tous tant que nous sommes dans l
3663
nion de l’Europe La Suisse est née de l’Europe
et
en détient le secret. Formée du xive au xvie siècle dans le Saint-E
3664
mée du xive au xvie siècle dans le Saint-Empire
et
par lui, ayant reçu ses premières libertés pour assurer la grand-gard
3665
s se constituent, se multiplient, s’absolutisent,
et
prouvent leur souveraineté par de glorieux massacres, qui sont le pri
3666
rps germanique », des états généraux de Hollande,
et
de la Ligue helvétique136. L’Europe unie qu’il appelle de ses vœux ne
3667
u’unissent les liens d’une « commune législation…
et
subordination au corps de la république ». C’est une Europe intégrale
3668
Europe intégralement fédéraliste qu’il préconise,
et
son modèle, en dernière analyse, n’est rien d’autre que la cité de Ge
3669
rent à leur ruine », faute d’un principe d’union,
et
que si leurs divisions persistent, l’avenir appartiendra « soit à la
3670
ion internationale des idées, malgré les jacobins
et
le Premier Empire. Benjamin Constant n’est pas seulement l’auteur de
3671
e, pamphlet classique contre l’esprit d’hégémonie
et
de centralisme national, mais c’est lui qui rédige, pendant les Cent-
3672
ue signe — hélas ! il est trop tard ! — Napoléon.
Et
son fédéralisme préfigure le régime qui va triompher à l’échelle suis
3673
péenne à la neutralité de la Suisse indépendante.
Et
tandis que se forment dans le reste de l’Europe des nations unitaires
3674
dèle français, promises aux guerres nationalistes
et
coloniales, seule la Suisse réussit à unir ses cantons selon la maxim
3675
lus haut degré un caractère très international »,
et
c’est ce type d’union pluraliste qui peut seul assurer la paix de l’E
3676
ralistes européens voit le jour : l’Europa-Union.
Et
c’est sur sa convocation qu’au lendemain de la guerre, à Hertenstein
3677
rapidement une vingtaine de mouvements nationaux,
et
plus de cent-mille membres. Elle tient son premier congrès à Montreux
3678
e La Haye naît le Mouvement européen, qui propose
et
obtient en neuf mois la création du Conseil de l’Europe. L’impulsion
3679
pinion se réveille, les hommes d’État le sentent,
et
le reste va s’ensuivre : plan Schuman, Communauté du charbon et de l’
3680
s’ensuivre : plan Schuman, Communauté du charbon
et
de l’acier, tentative avortée d’une Communauté de défense, puis réuss
3681
e défense, puis réussite du Marché commun des Six
et
réplique des Sept de l’AELE, essor de l’économie européenne, discussi
3682
ef historique, les aspects culturels du mouvement
et
le rôle qu’y jouent des Suisses. Le congrès de La Haye ayant préconis
3683
opéen de la culture, celui-ci s’organise à Genève
et
convoque aussitôt une grande conférence qui se tient à Lausanne en dé
3684
à Lausanne en décembre 1949. De cette conférence
et
de l’action du CEC vont naître successivement : le Centre européen de
3685
re, à Genève également (aujourd’hui à Amsterdam),
et
une série d’initiatives groupant des instituts universitaires, des fe
3686
européenne de la culture, sur le thème « l’Europe
et
le monde », se tient à Bâle en septembre 1964, sous le haut patronage
3687
dt, Robert de Traz, auteur de L’Esprit de Genève,
et
Gonzague de Reynold, auteur de Formation de l’Europe, méritent une pl
3688
en Suisse que Mazzini publie en 1836 le manifeste
et
les journaux de la Jeune Europe. C’est en Suisse que le fondateur du
3689
isse que Churchill choisit de parler de l’Europe,
et
que la même année 1946, les premières rencontres internationales de G
3690
uisse idéale, réputée « microcosme de l’Europe »,
et
ce sont quelques Suisses entreprenants qui l’ont permis. Qu’a fait, p
3691
a fait, pendant ce même temps, la Suisse légale ?
Et
que pensaient les Suisses moyens ? Motifs de la réserve suisse
3692
ns de 1960, il faut reconnaître que nos autorités
et
notre presse ont été dans l’ensemble pour le moins réservées, et que
3693
ont été dans l’ensemble pour le moins réservées,
et
que notre peuple l’est sans doute plus encore, s’agissant du projet e
3694
sant du projet européen. Le scepticisme dominait,
et
comme on tient pour réaliste, en politique, les partis pris de la maj
3695
ste, en politique, les partis pris de la majorité
et
ses routines, le projet d’union de l’Europe passait généralement pour
3696
initiative de la Suisse, mais aussi l’imagination
et
la faculté de prévision de ceux qui faisaient notre opinion. L’union
3697
notre opinion. L’union de l’Europe s’avérait bel
et
bien réalisable, puisqu’elle devenait réalité, mais elle nous prenait
3698
ait réalité, mais elle nous prenait par surprise,
et
chaque démarche de nos gouvernants pour rejoindre l’histoire en train
3699
e faire semblait prématurée aux yeux de nos sages
et
de nos experts, quoique trop tardive aux yeux du reste de l’Europe. N
3700
de Canossa sans agenouillement, donc sans pardon.
Et
notre arrivée tardive au Conseil de l’Europe n’a jamais été justifiée
3701
es partisans de l’abstention. Je vais les résumer
et
y répondre. Arguments politiques. — La neutralité intégrale reste la
3702
ité intégrale reste la base de notre indépendance
et
« l’étoile fixe sur laquelle se règle la politique étrangère de la Co
3703
isse recevrait des ordres d’un pouvoir extérieur,
et
c’en serait fait du rôle particulier qu’elle se réserve d’invoquer pl
3704
pourrait qu’y perdre son prestige international,
et
cette réserve originale qui fait qu’on la distingue encore parmi les
3705
on internationale actuelle, économique, politique
et
militaire a, en fait, complètement transformé le sens, la portée et l
3706
fait, complètement transformé le sens, la portée
et
la réalité de notre neutralité141. » Cette dernière est devenue en pa
3707
isse doit donc tendre à participer « sans réserve
et
de plein droit » à l’édification de l’Europe unie. Sinon, l’Europe qu
3708
ons de la Croix-Rouge lors des conflits européens
et
celles de la diplomatie suisse lors de la guerre d’Algérie, l’existen
3709
serait peut-être capable de prévenir ces crises,
et
à coup sûr diminuerait très fortement les risques de leur retour à l’
3710
st celui qui ose la discuter — a changé de nature
et
de finalité. Sortie de l’Histoire, en quelque sorte, elle n’est plus
3711
même en cas de conflit entre l’Europe d’une part
et
l’URSS de l’autre (ou bien la Chine), c’est opérer un coup d’État con
3712
d’État contre notre présent statut de neutralité,
et
c’est absurde : car la Suisse fait partie de l’Europe, qu’elle le veu
3713
t partie de l’Europe, qu’elle le veuille ou non ;
et
rester neutre entre l’Europe et ses ennemis, ce serait vouloir rester
3714
veuille ou non ; et rester neutre entre l’Europe
et
ses ennemis, ce serait vouloir rester neutre entre nos ennemis et nou
3715
ce serait vouloir rester neutre entre nos ennemis
et
nous-mêmes. Neutres entre le pompier et l’incendie, entre le microbe
3716
s ennemis et nous-mêmes. Neutres entre le pompier
et
l’incendie, entre le microbe et la maladie ! On ne voit guère quelles
3717
entre le pompier et l’incendie, entre le microbe
et
la maladie ! On ne voit guère quelles considérations philanthropiques
3718
ropéennes. Ce serait contraire à la Constitution,
et
ce serait même la fin de notre fédéralisme, n’hésitent pas à déclarer
3719
n’hésitent pas à déclarer de nombreux politiciens
et
journalistes. Réponse : Le professeur Paul Guggenheim a démontré d’u
3720
le que l’adhésion de la Suisse à une Europe unie,
et
d’abord au Marché commun, n’entraînerait aucune violation de la Const
3721
rait justifier ce refus par des motifs juridiques
et
des prétextes tirés de la « démocratie directe », mais uniquement par
3722
drait de nombreux avantages, bancaires notamment,
et
son agriculture serait gravement menacée. L’adhésion au Marché commun
3723
s que s’il le faut, un jour, la Suisse farà da se
et
saura bien se défendre ? Nous ne sommes plus au défilé de Morgarten.
3724
des longues piques, des crampons de fer aux pieds
et
une résolution farouche que nous pourrons faire face à une Europe uni
3725
face à une Europe unie — j’entends unie sans nous
et
malgré nous. Arguments traditionalistes. — Des représentants de l’in
3726
itionalistes. — Des représentants de l’industrie,
et
quelquefois de la culture, croient distinguer dans les projets d’Euro
3727
liminer peu à peu les caractéristiques nationales
et
les remplacer par un sentiment européen », ainsi que le déclarait le
3728
ger, directeur de l’Union suisse pour l’industrie
et
le commerce (dite Vorort). Réponse : Il est clair qu’une Europe « un
3729
ort). Réponse : Il est clair qu’une Europe « une
et
indivisible » serait une catastrophe pour la Suisse. Mais personne ne
3730
, n’a pas effacé nos caractéristiques cantonales.
Et
il est pour le moins bizarre qu’un porte-parole des industriels suiss
3731
en Suisse (Italiens, Allemands, Espagnols, Grecs
et
Turcs). Ce n’est pas le Marché commun qui les amène. C’est l’expansio
3732
typiques de ce pays ont changé avec les époques,
et
surtout par l’effet de la technique, laquelle n’a pas été créée par l
3733
l’étranger, le nom de la Suisse évoque des vaches
et
des vachers, des fromages, des yodleurs et de gras pâturages. En fait
3734
vaches et des vachers, des fromages, des yodleurs
et
de gras pâturages. En fait, cette « caractéristique nationale » n’en
3735
itions de l’ancienne Suisse, déjà rendu bien rare
et
difficile pour les habitants de nos grandes villes, soit définitiveme
3736
’aventure certaine, au nom d’une prudence aveugle
et
sous le prétexte d’une indépendance dont notre peuple n’est pas dispo
3737
es précisément fédéralistes de tolérance calculée
et
d’empirisme, qui supposent qu’on ne pousse pas sa pointe à fond et qu
3738
ui supposent qu’on ne pousse pas sa pointe à fond
et
qu’on ne se laisse pas entraîner par une verve logique ou polémique q
3739
vent bien que chacun sait qu’il s’agit d’intérêts
et
de maintenir ou d’augmenter le chiffre d’affaires, qui définit le sen
3740
sens de la vie pour nos industriels « sérieux ».
Et
quant aux enthousiastes de l’Europe, ils savent qu’ils n’ont aucune e
3741
èse-majesté. Personne n’ose donc crier trop fort,
et
c’est peut-être mieux ainsi. Mais notre peuple comprend mal ce qui es
3742
e reprendrait à son compte ce qui demeure valable
et
même indispensable dans la neutralité d’une fédération. Il n’y a pas
3743
ns ce domaine de la majorité. Il s’agit de savoir
et
de dire ce que nous avons à donner, et non pas seulement à sauver ; c
3744
de savoir et de dire ce que nous avons à donner,
et
non pas seulement à sauver ; ce que l’Europe est en droit d’attendre
3745
dre d’une Suisse qui fait partie de sa communauté
et
qui en est largement bénéficiaire, et pas seulement ce que nous redou
3746
communauté et qui en est largement bénéficiaire,
et
pas seulement ce que nous redoutons de l’action des autres. Au cœur g
3747
tons de l’action des autres. Au cœur géographique
et
historique du continent européen, nous avons réussi beaucoup mieux qu
3748
ameuse neutralité — nécessité subie, à l’origine,
et
dont nous fîmes peu à peu vertu à partir du xxe siècle — nous avons
3749
at. C’est notre création majeure. Il nous oblige.
Et
en son nom, nous nous devons dorénavant de prendre des initiatives. A
3750
a solution fédéraliste, qui maintient les patries
et
l’union. Mais je réitère : si la Suisse ne la préconise pas, qui le f
3751
expérience passionnante, remarquablement positive
et
tellement opportune à l’échelle mondiale ? Pourquoi cette timidité ?
3752
nt, mais un plan d’union qui nous convienne enfin
et
auquel nous puissions adhérer « sans réserve et de plein droit ». Mai
3753
n et auquel nous puissions adhérer « sans réserve
et
de plein droit ». Mais énoncer un plan suppose une politique. Et c’es
3754
it ». Mais énoncer un plan suppose une politique.
Et
c’est à quoi le gouvernement de notre fédération se refuse avec vigil
3755
e sa gestion « considérée dans ses grandes lignes
et
dans son ensemble », se voit répondre par le Collège exécutif : 1°) «
3756
ons. » (Ce qui revient à justifier l’opportunisme
et
le régime du fait accompli, c’est-à-dire du « trop tard mais je n’y p
3757
’est-à-dire du « trop tard mais je n’y puis rien,
et
tâchez de comprendre mes soucis… ») 2°) « L’on peut mesurer les diffi
3758
a situation du gouvernement aux yeux du parlement
et
du pays. » Sur quoi l’un des journalistes romands qui commentent cett
3759
diterait-il le gouvernement aux yeux du parlement
et
du peuple ? » Et il conclut : « Confusione hominum et providentia dei
3760
uvernement aux yeux du parlement et du peuple ? »
Et
il conclut : « Confusione hominum et providentia dei Helvetia regitur
3761
u peuple ? » Et il conclut : « Confusione hominum
et
providentia dei Helvetia regitur 143. » Cet exemple est révélateur d’
3762
un univers en perpétuelle évolution vers un ordre
et
des formes d’organisation de plus en plus complexes. Les régimes tota
3763
sera de plus en plus réduit quant aux distances,
et
tissé de réseaux de relations de plus en plus complexes et enchevêtré
3764
de réseaux de relations de plus en plus complexes
et
enchevêtrées. Les notions de succession logique et de séparation topo
3765
t enchevêtrées. Les notions de succession logique
et
de séparation topographique des éléments distincts, hier dominantes d
3766
cts, hier dominantes dans l’ordonnance des choses
et
des États, céderont le pas aux notions d’interaction et de simultanéi
3767
États, céderont le pas aux notions d’interaction
et
de simultanéité. Distances dévalorisées ou abolies. Communications pl
3768
polyvalence professionnelle. Résidences multiples
et
nomadisme universel… Dans un tel monde, les dimensions superficielles
3769
les corps politiques à structures très complexes
et
les communautés à très forte densité culturelle seront alors les réal
3770
elle seront alors les réalités les mieux définies
et
caractérisées, les plus propres à intégrer une multiplicité de groupe
3771
, à les articuler dans la coexistence spirituelle
et
topographique, sans frontières territoriales qui les séparent, mais s
3772
rritoriales qui les séparent, mais sans confusion
et
sans nivellement. L’identité d’un peuple ou d’une communauté ne sera
3773
définie par des arpenteurs, des cordons douaniers
et
des décrets simplistes et rigides promulgués par une capitale, mais p
3774
, des cordons douaniers et des décrets simplistes
et
rigides promulgués par une capitale, mais par des propriétés analogue
3775
étés analogues à celles qui distinguent les corps
et
les combinaisons chimiques, et par des types de structures des relati
3776
tinguent les corps et les combinaisons chimiques,
et
par des types de structures des relations politiques et sociales. (To
3777
des types de structures des relations politiques
et
sociales. (Tout cela, presque inconcevable et parfaitement abstrait p
3778
ues et sociales. (Tout cela, presque inconcevable
et
parfaitement abstrait pour un esprit dix-neuviémiste, mais immédiatem
3779
s immédiatement perceptible, facilement maniable,
et
devenu comme naturel pour des générations formées par la technologie.
3780
s par la technologie.) C’est dire tout l’avantage
et
l’avance effective d’une communauté du type suisse sur des entités po
3781
ucturées de l’intérieur. 2°) Les avantages moraux
et
civiques du petit pays sur la grande nation ont été formulés, depuis
3782
tit État ne possède rien d’autre que la véritable
et
réelle liberté par laquelle il compense pleinement les énormes avanta
3783
elle il compense pleinement les énormes avantages
et
même la puissance des grands États. Alexandre Vinet constate que l’h
3784
eur d’un idéal national dominant les nationalités
et
les unissant dans son sein. Et Robert de Traz, dans le même temps :
3785
les nationalités et les unissant dans son sein.
Et
Robert de Traz, dans le même temps : Grâce au besoin qu’il a du rest
3786
ation, ont de grandes chances d’être confirmées —
et
sans doute de s’étendre du plan moral, civique et politique, aux doma
3787
et sans doute de s’étendre du plan moral, civique
et
politique, aux domaines de l’administration, de l’économie, de la cul
3788
stration, de l’économie, de la culture en général
et
de la recherche en particulier. Bergson l’avait déjà remarqué : l’hom
3789
cii cessent de se sentir tels. Seules l’idéologie
et
la police d’État les encadrent alors, sans les unir ni vraiment les o
3790
un milieu où les relais d’exécution sont nombreux
et
organiquement distribués. Aux stades encore primitifs de la technique
3791
bués. Aux stades encore primitifs de la technique
et
du développement industriel, on pouvait croire que les décrets du cen
3792
it croire que les décrets du centre, géométriques
et
uniformes, assureraient seuls une bonne ordonnance de la production e
3793
aient seuls une bonne ordonnance de la production
et
des échanges, ou corrigeraient les excès et les crises du libéralisme
3794
ction et des échanges, ou corrigeraient les excès
et
les crises du libéralisme là où il existait, et l’on baptisait « plan
3795
s et les crises du libéralisme là où il existait,
et
l’on baptisait « plan » l’ensemble de ces décrets, ce qui entraînait
3796
eaucoup d’esprits) entre étatisme, centralisation
et
planification. Mais dès les années 1950, on prend conscience un peu p
3797
er, de déconcentrer, de différencier, de déléguer
et
de distribuer les pouvoirs d’initiative, d’étude, de décision et d’ex
3798
r les pouvoirs d’initiative, d’étude, de décision
et
d’exécution. Et l’on découvre le principe des dimensions optima d’une
3799
’initiative, d’étude, de décision et d’exécution.
Et
l’on découvre le principe des dimensions optima d’une activité, d’une
3800
ction entre les possibilités d’existence autonome
et
les nécessités de mise en commun ou de création d’instruments communs
3801
ogues actuels est l’étude des ensembles régionaux
et
des « métropoles » constituant les unités de base d’une économie bien
3802
d’une économie bien liée à des réalités sociales
et
culturelles autant que géographiques. La dévalorisation croissante de
3803
libérer le dynamisme des régions, traditionnelles
et
nouvelles. Déjà l’on essaie d’évaluer l’optimum de population d’une r
3804
it capable de fonctionner d’une manière autonome,
et
l’on propose en France le chiffre de six millions : il coïncide, par
3805
hiffre de six millions : il coïncide, par hasard,
et
pour l’instant, avec celui de notre population. Question : la Suisse
3806
continue d’appliquer les principes du fédéralisme
et
ses méthodes d’analyse : celles-ci marquent avec précision le moment
3807
existe pas d’autres) d’une communauté politique,
et
procurer à ses habitants les meilleures chances de plein emploi de le
3808
ent. Elle consulterait ses élites intellectuelles
et
politiques, les cantons, les villes principales, les grandes organisa
3809
ales, les grandes organisations professionnelles,
et
concerterait avec elles les termes d’un projet de fédération politiqu
3810
uest145. Il serait présenté au nom de notre idéal
et
de notre usage du fédéralisme, mais « dans les intérêts de l’Europe e
3811
oit devoir s’y refuser. Pendant longtemps encore,
et
sans doute trop longtemps pour qu’un revirement puisse s’opérer en te
3812
s en deviendraient les gardiens de musée. En lieu
et
place des mots d’ordre d’une action militante et réaliste, les cliché
3813
et place des mots d’ordre d’une action militante
et
réaliste, les clichés de l’helvétisme populaire accueilleraient le to
3814
six siècles de fédéralisme, pédagogie universelle
et
mutuelle, terre de refuge (des hommes jadis, et des capitaux aujourd’
3815
e et mutuelle, terre de refuge (des hommes jadis,
et
des capitaux aujourd’hui), secret des banques et confort hôtelier, li
3816
et des capitaux aujourd’hui), secret des banques
et
confort hôtelier, libres pour travailler et neutres à jamais. On arrê
3817
nques et confort hôtelier, libres pour travailler
et
neutres à jamais. On arrêterait les frais de l’Histoire, une fois les
3818
ation. On surveillerait l’« occupation des lits »
et
la moyenne des « nuitées ». On donnerait l’heure au monde entier, et
3819
nuitées ». On donnerait l’heure au monde entier,
et
pour la modestie on ne craindrait plus personne. Cette image convenue
3820
ner qu’une infime minorité formée d’intellectuels
et
de citoyens conscients. Elle flatterait les désirs secrets de la plup
3821
l’immense majorité des masses modernes, en Europe
et
ailleurs : confort technique dans une belle nature, paix assurée et p
3822
ort technique dans une belle nature, paix assurée
et
pas d’Histoire. Mais il suffit que l’Histoire continue sur un seul po
3823
’au rêve des Suisses, à la littérature romantique
et
aux intérêts du tourisme. 3°) Entre ces deux visions d’un comportemen
3824
e plus exigeante que l’histoire réelle des hommes
et
des nations : ses dilemmes sont plus clairs, mais rarement résolus. I
3825
cident. En général, c’est par manque d’attention,
et
pour n’avoir pas cru aux conseils les plus simples. À une Suisse qui
3826
eut-on conseiller qui ne soit à la fois prématuré
et
périmé, ou simplement trompeur comme un tranquillisant ? Il est certa
3827
e. Il est probable qu’elle sera faite d’ici 1980.
Et
l’on n’imagine pas qu’elle puisse se faire sur d’autres bases et selo
3828
ne pas qu’elle puisse se faire sur d’autres bases
et
selon d’autres règles que celles d’un fédéralisme plus ou moins bien
3829
e final du premier congrès de l’Europe à La Haye,
et
le temps où l’Europe unie sera sans doute un fait accompli, je propos
3830
qu’une fédération soit gouvernée par un collège,
et
non par un seul homme, veulent que son centre ne soit pas une capital
3831
des siècles d’histoire commune à tous nos peuples
et
les diversités que l’on sait, le District fédéral ne saurait être, lu
3832
centre du continent. Il doit être facile à fermer
et
à défendre en temps de troubles, mais d’accès facile en temps de paix
3833
être qu’un petit pays, cependant très diversifié
et
si possible de tradition fédéraliste. Enfin, il doit accepter de deme
3834
, d’ailleurs gardienne traditionnelle des valeurs
et
des réalités d’intérêt commun pour l’Europe. De même qu’au xiii e siè
3835
siège dans ses villes principales, Zurich, Genève
et
Bâle, à vingt minutes d’avion l’une de l’autre ; Berne restant le siè
3836
on de l’armée suisse : un million de mobilisables
et
le réduit national des Alpes, centré sur le Gothard. Des dispositions
3837
ui n’inquiète personne, se voit ainsi réinstallée
et
confirmée dans son statut traditionnel : sa neutralité, son inviolabi
3838
t traditionnel : sa neutralité, son inviolabilité
et
son indépendance de toute influence étrangère sont reconnues solennel
3839
isse perdrait dans cette affaire son indépendance
et
ses caractéristiques nationales. Ce serait vouloir soumettre toute l’
3840
i-chemin entre une initiative prise par la Suisse
et
une absence totale de projet qui ferait de ce pays un musée. Il est m
3841
i elle persiste en son double refus de participer
et
d’initier, et ne se prépare pas pour un tiers terme. Examinons d’un p
3842
e en son double refus de participer et d’initier,
et
ne se prépare pas pour un tiers terme. Examinons d’un peu plus près l
3843
iers terme. Examinons d’un peu plus près les pour
et
contre. Le Suisse moyen pensera de mon « utopie » que c’est bien joli
3844
, mais que nous ne sommes pas faits pour le rôle,
et
que le reste de l’Europe va peut-être sourire… Le sourire est inévita
3845
va peut-être sourire… Le sourire est inévitable.
Et
puis viendra la réflexion, la décision. Je me mets dans la peau du Pa
3846
valoir nos bonnes raisons de n’en avoir aucune —
et
c’est ce que l’on appelle « se réserver », à Berne. Il se peut que ce
3847
seule qui convienne à un petit pays, pluraliste,
et
neutre au surplus. Nul projet mieux que le mien ne saurait la servir
3848
s dont nous refusions obstinément de faire usage.
Et
nous y trouvons en revanche les garanties qui faisaient de plus en pl
3849
e ne serait ni réaliste ni défendable moralement.
Et
maintenant, en tant que citoyen, j’essaie d’imaginer mes réactions de
3850
st que la Suisse n’est plus à l’écart de l’Europe
et
qu’elle participe sans arrière-pensées à ses destins, mais qu’elle re
3851
rvée. Le grand réseau des relations continentales
et
nos petits réseaux serrés de relations cantonales et communales coexi
3852
nos petits réseaux serrés de relations cantonales
et
communales coexistent et se superposent sans interférences gênantes.
3853
de relations cantonales et communales coexistent
et
se superposent sans interférences gênantes. À Genève, depuis le temps
3854
ve, depuis le temps de la SDN, vie internationale
et
vie locale se croisent et se traversent sans fusion ni mélange, les l
3855
SDN, vie internationale et vie locale se croisent
et
se traversent sans fusion ni mélange, les longueurs d’onde étant nett
3856
les longueurs d’onde étant nettement distinctes.
Et
s’il y a contamination, ce n’est pas dans le sens qu’un vieux Genevoi
3857
plus d’« étrangers envahissants » que le tourisme
et
l’industrie ne s’efforçaient naguère d’en attirer, les uns payants et
3858
efforçaient naguère d’en attirer, les uns payants
et
les autres payés. D’ailleurs, ces « étrangers » cessent bientôt de l’
3859
petit vin blanc frais de Lavaux ou de Tourbillon,
et
une assiette de viande des Grisons en fines tranches transparentes, d
3860
matinée près des glaciers ruisselants de lumière
et
d’eaux vives, à deux-mille mètres, parmi les pâturages à l’herbe rase
3861
. Une place de bourg aux maisons peintes en rouge
et
ocre, hérissées d’enseignes baroques. Les façades blanches de l’Engad
3862
hôtel, à Montreux, devant les Alpes translucides.
Et
ces wagons spacieux aux larges baies, glissant en silence dans la plu
3863
lle indéfinie longuement interrompue par des prés
et
des bois secrets. Les quais de gare où toutes les races du monde se m
3864
derniers paysans dans une odeur de bouillon Maggi
et
de cigares de Brissago, qui étaient ce que Joyce préférait en Suisse.
3865
go, qui étaient ce que Joyce préférait en Suisse.
Et
cette façon de vous dire merci quatre ou cinq fois, quand vous achete
3866
cette gentillesse qui étonne même les Américains,
et
qui est la preuve exquise d’une civilisation. Et puis au-delà des app
3867
et qui est la preuve exquise d’une civilisation.
Et
puis au-delà des apparences aimables ou rudes, sentimentales, austère
3868
voureuses, cette densité de cultures différentes,
et
tant d’histoire présente en tous ses âges, du couvent au laboratoire
3869
, aux guérisseurs de l’Appenzell, aux prix Nobel.
Et
cette science ou cet art de la vie communale, du pacte primitif aux s
3870
munale, du pacte primitif aux syndics de village.
Et
beaucoup de lourdeur, de brusquerie, d’accents qui ont fait rire tout
3871
qui ont fait rire toute la France (mais par Grock
et
Michel Simon), et souvent, chez un homme du peuple à la belle tête ta
3872
toute la France (mais par Grock et Michel Simon),
et
souvent, chez un homme du peuple à la belle tête taillée en bois d’ar
3873
lligence, Jacob Burckhardt, ces mêmes yeux larges
et
scrutateurs, ce regard maîtrisé, sans illusions, qui taxe le réel à s
3874
e dans mes livres, pour l’avoir vécu d’assez près
et
pour l’avoir intimement aimé. L’Europe centrale, les États-Unis, la F
3875
que l’Europe devrait se déclarer, jurer son pacte
et
se constituer. La Suisse fondrait alors en elle sa destinée, fidèle à
3876
us hautes fins. Ce rêve peut devenir vrai demain,
et
il doit l’être, mais le sera-t-il jamais si nous restons muets ? Malg
3877
qui nous retient, mais nous pousse en même temps
et
nous oblige, je veux le croire avec Victor Hugo : La Suisse, dans l’
3878
it du projet de paix perpétuelle, publié en 1761,
et
le Jugement sur la paix perpétuelle, posthume. Le gouvernement de Pol
3879
sations économiques supranationales, indépendance
et
neutralité de la Suisse, Bâle, 1963. 143. Cf. E. Perron, « Éloge de
3880
n des treize pays qui ont financé sa construction
et
qui bénéficient de ses recherches n’aurait l’idée de voir dans cette
3881
trés d’une possibilité d’employer leurs talents ;
et
leur dépendance de l’une ou l’autre des grandes puissances « atomique
3882
r les seize États membres du Conseil de l’Europe,
et
par l’intermédiaire de cette organisation. 146. On sait que jusqu’à
3883
végétale d’un crépuscule humide, presque orageux,
et
la présence de Breton m’est advenue sous les grands chênes, comme si
3884
vards à pas lents, visage levé, crinière au vent.
Et
c’est dans le décor de Manhattan (qu’il haïssait), granit poli, briqu
3885
’il haïssait), granit poli, brique enfumée, verre
et
ciment, que nous nous sommes rencontrés. Mais au long des années de n
3886
mment renouvelé, qu’il avait baptisé surréalisme,
et
qui était son idée de la poésie et de « l’intelligence poétique de l’
3887
é surréalisme, et qui était son idée de la poésie
et
de « l’intelligence poétique de l’univers ». Après tant d’années sans
3888
r : « La voix de l’Amérique parle aux Français »,
et
j’avais deux équipes d’« announcers » qui les lisaient en alternant l
3889
nt de mourir), Lévi-Strauss, un des fils Pitoëff,
et
Breton. (Il avait trouvé ce moyen de gagner juste de quoi vivre sans
3890
ir, nous rencontrer. « Ce sont de ces conneries !
Et
que l’on expie ! » (Beaucoup de lui dans ces quelques mots.) Il m’arr
3891
pposer de front : nos options politiques, morales
et
religieuses. Et nous voici bientôt dans l’euphorie de la contestation
3892
: nos options politiques, morales et religieuses.
Et
nous voici bientôt dans l’euphorie de la contestation en convergence
3893
fflement, mais il garde pour lui son port de tête
et
sa présence d’esprit indiscernablement ironique, admirante et solenne
3894
ce d’esprit indiscernablement ironique, admirante
et
solennelle. Qu’on lui donne un royaume ! Ou plutôt non : qu’on lui do
3895
plutôt non : qu’on lui donne une Église à régir,
et
le beau nom de sacerdoce à restaurer dans une atmosphère orageuse ! M
3896
ux speakers, nous trouvons un moment pour causer.
Et
souvent nous parlons des fêtes que nous rêvons d’organiser. « Celle p
3897
personne inconnue des autres, tous étant costumés
et
masqués, les propos échangés dans un style rigoureusement prescrit, l
3898
mmédiates. Rendre un sens aux paroles, aux gestes
et
au costume, par cela même à la Surprise… Introduction à la vie hiérat
3899
vouer, sa vie durant, aux manifestations visibles
et
officielles du christianisme, était un être religieux par excellence.
3900
s, une adoration fascinée, une rébellion furieuse
et
permanente mais selon sa règle à lui, bien entendu, une rigueur folle
3901
raits se faisant face de la mère Angélique Arnaud
et
de Marat : l’accord du jansénisme et du jacobinisme dans la vénératio
3902
lique Arnaud et de Marat : l’accord du jansénisme
et
du jacobinisme dans la vénération de l’artisan lui semblait des plus
3903
ombrageuse, celle qui réglait absolument sa vie,
et
des décrets d’excommunication peu prévisibles, à grands éclats de voi
3904
de voix soudains en rejetant la tête en arrière,
et
la victime disparaissait dans les ténèbres du dehors, éjectée, déjeté
3905
gle très courtois, ou d’une épithète gouailleuse,
et
le disciple, flatté hier encore au-delà de ses plus folles espérances
3906
n allait subitement dégonflé. (Combien de poètes,
et
plus encore de peintres, n’ont jamais pu vraiment s’approuver dans le
3907
eur cœur, parce que Breton ne les avait pas admis
et
célébrés !) J’ai vu plus d’une scène de ce genre aux réunions du grou
3908
genre aux réunions du groupe, d’ailleurs variable
et
quelque peu fortuit, qu’avait reconstitué André Breton dès son arrivé
3909
s arts : Max Ernst, Matta, Tanguy, parfois Masson
et
toujours « l’artiste-inventeur » Marcel Duchamp, père du Pop Art ving
3910
y voyait aussi quelques poètes, des ethnographes,
et
quelques jeunes femmes assez fantasques qu’on eût dit nées des comédi
3911
rrasses de café, une ou deux soirées par semaine,
et
l’on se livrait avec beaucoup de sérieux à des jeux d’écriture ou de
3912
une exposition, ou une vitrine (Breton, Seligmann
et
Duchamp signèrent celle qui annonçait ma Part du diable ). J’allais
3913
u’il venait de recopier d’une belle écriture sage
et
d’orner de fleurs au crayon de couleur. Fourier était alors son nouve
3914
pour m’en lire des chapitres décrivant le travail
et
les plaisirs réglés des ouvriers de l’utopie phalanstérienne. On eût
3915
, écrira-t-il dans Arcane 17, deux ans plus tard,
et
il poursuit : « À travers leurs outrances et tout ce qui procède chez
3916
ard, et il poursuit : « À travers leurs outrances
et
tout ce qui procède chez eux de la griserie imaginative, on ne peut r
3917
es bibliothèques, il n’en crut rien, visiblement,
et
avec raison : son Augustin à lui était sans nul rapport avec celui qu
3918
rois avoir été, de ses amis, le seul qui s’avouât
et
se voulût « chrétien ». Cette inconcevable anomalie l’inquiétait fort
3919
». Cette inconcevable anomalie l’inquiétait fort
et
parfois, subitement, semblait bien près de déclencher en lui le grand
3920
demment très grave, peut-être même impardonnable.
Et
lorsqu’il vit que je ne me défendais pas, je suis certain que l’idée
3921
été surréaliste d’observance, comment m’exclure ?
Et
il n’avait aucune envie de rompre. Il trouva une espèce d’échappatoir
3922
à l’heure, Marcel est déjà là, plus que ponctuel
et
parfaitement serein. Je ne sais s’il a lu mon litigieux ouvrage. « Je
3923
» André Breton vient très en retard, comme prévu,
et
comprend vite que tout s’est arrangé. Puisque Marcel, infaillible à s
3924
euse (antichrétienne athée, faut-il le répéter ?)
et
c’est tout dire. La grande contradiction qui a tendu l’arc d’une exis
3925
le (« La beauté sera convulsive ou ne sera pas »)
et
la régler jusqu’au moindre soupir. Autoritaire et libertaire, anarchi
3926
et la régler jusqu’au moindre soupir. Autoritaire
et
libertaire, anarchiste et sacerdotal, rhéteur de la révolte et précie
3927
dre soupir. Autoritaire et libertaire, anarchiste
et
sacerdotal, rhéteur de la révolte et précieux ajusteur de mallarméens
3928
, anarchiste et sacerdotal, rhéteur de la révolte
et
précieux ajusteur de mallarméens bibelots, entre le délire et l’extrê
3929
ajusteur de mallarméens bibelots, entre le délire
et
l’extrême rigueur il n’a jamais cessé d’inventer un chemin qui ne pou
3930
arrive par la forêt en pente, a dix-huit chambres
et
s’ouvre vers le lac par une galerie de bois montée sur de hauts pilot
3931
si vaste que vingt fauteuils cannés s’y perdent,
et
quelques chevalets de peinture. Luxe inouï de la solitude et du silen
3932
chevalets de peinture. Luxe inouï de la solitude
et
du silence. Un rideau de pins et l’eau tout de suite, au pied de la g
3933
ï de la solitude et du silence. Un rideau de pins
et
l’eau tout de suite, au pied de la galerie. Nous attendions Marcel Du
3934
rcel Duchamp sans trop savoir quand il viendrait,
et
pour mieux l’attirer — vieux procédé magique — Consuelo avait peint s
3935
tête de cheval à la craie sur fond rouge, maigre
et
qui rit, plutôt sourit… Il arrive hier matin, plus ressemblant que ja
3936
s voisins sont venus en fin d’après-midi, gentils
et
trop gentils, prônant l’éducation des masses américaines, déplorant l
3937
américaines, déplorant les horreurs de la guerre
et
buvant beaucoup de cocktails. Marcel, charmant et poli jusqu’à l’invi
3938
et buvant beaucoup de cocktails. Marcel, charmant
et
poli jusqu’à l’invisibilité, n’a pris qu’un doigt de vermouth. — Les
3939
près le départ de nos hôtes. Elles nous détestent
et
nous tueraient volontiers. Ce sont les imbéciles qui, en se liguant c
3940
es qui, en se liguant contre les individus libres
et
inventifs, solidifient ce qu’ils appellent la réalité, le monde « mat
3941
t ce même monde que la science, ensuite, observe,
et
dont elle décrète les prétendues lois. Mais tout l’effort de l’avenir
3942
qui se passe maintenant, le silence, la lenteur,
et
la solitude. Aujourd’hui, on nous traque. — Oui, dis-je, mais tout dé
3943
s des hommes : c’est ce qu’il s’agit de bien voir
et
surtout d’accepter. Le reste est beaucoup plus facile. À nous de choi
3944
nvention. Voulons-nous susciter les fées du bruit
et
de la vitesse, ou celles de la lenteur et du silence ? Mais notre ami
3945
u bruit et de la vitesse, ou celles de la lenteur
et
du silence ? Mais notre ami le Dr M. V., qui passe l’été près d’ici a
3946
fée. Quant à Duchamp, il balaie toute la science
et
les exemples du docteur : ils révèlent une fois de plus à ses yeux le
3947
ses yeux le caractère mythologique de la physique
et
des mathématiques. — Leurs soi-disant démonstrations dépendent de leu
3948
e prévoyais. Prenez la notion de cause : la cause
et
l’effet distingués et opposés. C’est insoutenable. C’est un mythe don
3949
notion de cause : la cause et l’effet distingués
et
opposés. C’est insoutenable. C’est un mythe dont on a tiré l’idée de
3950
u presque tout, à part épistémologie, j’ai oublié
et
le mot m’agace … Inanité par contre me plaît beaucoup. Mais il y a ce
3951
l’argent, je suis sûr que tout irait aussi bien,
et
beaucoup plus facilement. Le boulanger continuerait à faire du pain,
3952
rait à faire du pain, parce que c’est son plaisir
et
qu’il faut s’occuper. On prendrait chez lui sans payer un ou deux pai
3953
ins par jour, on ne peut pas en manger davantage,
et
il serait inutile d’accumuler des miches puisqu’on ne pourrait pas le
3954
ions légales. Tout se passe librement, entre père
et
fils, on s’arrange, il y en a pour tout le monde… La famille est le m
3955
mble bien que sa famille (ses parents, ses frères
et
sa sœur) joue un rôle important dans la vie de Marcel. — Depuis que m
3956
père est mort, je me sens privé de repères. Pères
et
repères… Je n’arrive plus à prendre de responsabilités. Il me semble
3957
ièces à bouton-pression « résistant aux secousses
et
déraillements », précise-t-il. Mais faute de jouer, nous en parlons.
3958
pas, d’ailleurs, de lire des livres de problèmes
et
de les jouer « quatre heures par jour, environ ». C’est à quoi je le
3959
upé chaque matin, sur la galerie, fumant sa pipe,
et
levé avant tous les autres. Il se passe volontiers de breakfast, et p
3960
les autres. Il se passe volontiers de breakfast,
et
pense qu’il suffirait de manger une fois par jour — son régime ordina
3961
liments, surtout la viande, n’étant pas assimilés
et
ne servant qu’à nous bourrer l’estomac d’une sorte de caoutchouc « Et
3962
ous bourrer l’estomac d’une sorte de caoutchouc «
Et
tout ce temps qu’on passe à aller chercher les provisions, puis à fai
3963
uisine, puis à manger, puis à laver la vaisselle,
et
on recommence… » (Toujours et dans tous les domaines, ce même mouveme
3964
laver la vaisselle, et on recommence… » (Toujours
et
dans tous les domaines, ce même mouvement de retrait.) Le soir, faute
3965
es Chinese Checkers trouvés dans la bibliothèque,
et
cela nous mène assez tard. Nous avons fini hier par un petit jeu de q
3966
ous avons fini hier par un petit jeu de questions
et
réponses écrites simultanément. Ma première question était : Qu’est-c
3967
? Marcel lit sa réponse : L’impossibilité du fer.
Et
il ajoute : « Encore un calembour, évidemment. » De ma table de trava
3968
e ses œuvres destinées à sa « boîte-en-valise » —
et
puis il s’étend, ne fait rien, fume un peu, reprend ses échecs. Pensa
3969
eau jour d’abandonner définitivement la peinture,
et
cela, au moment de ses plus grands triomphes en Amérique. — Pas du to
3970
utres. Vous comprenez, être peintre, c’est copier
et
multiplier les quelques idées qu’on a eues ici ou là. C’est manifeste
3971
e ils produisent. Croyez-vous qu’ils aiment cela,
et
qu’ils ont du plaisir à peindre cinquante fois, cent fois la même cho
3972
nt imité. Seules les dimensions sont inusitées. —
Et
votre dentiste a accepté ce paiement ? — Comment donc, ce n’est pas u
3973
chèque, puisqu’il est entièrement fait par moi !
Et
signé ! Rien de plus authentique ! Et au moins, cela ne pouvait pas p
3974
t par moi ! Et signé ! Rien de plus authentique !
Et
au moins, cela ne pouvait pas passer pour artistique… Il remet le chè
3975
duction de tableaux, verres, ready mades, croquis
et
idées qui composent l’œuvre complète de Marcel Duchamp, ainsi prête à
3976
ein le mot mince qui est un mot humain, affectif,
et
non pas une mesure précise de laboratoire. Le bruit ou la musique que
3977
ra-mince. Le creux dans le papier, entre le recto
et
le verso d’une feuille mince… À étudier ! — « À étudier de près, d’un
3978
s vous entendre entendre, ni vous goûter goûtant,
et
ainsi de suite ? Nous sommes en train de déjeuner sur la galerie, au-
3979
us jusqu’à la hauteur du toit, le regard embrasse
et
caresse la perspective lointaine des montagnes environnant le lac, se
3980
aine des montagnes environnant le lac, ses golfes
et
ses îles. Je dis combien cette vue m’apaise et me satisfait. — Vous ê
3981
es et ses îles. Je dis combien cette vue m’apaise
et
me satisfait. — Vous êtes sans cloute presbyte ? Tenez, je vous donne
3982
s’accommodent des villes, mais se sentent perdus
et
vaguement étourdis devant un paysage comme celui-ci. À vérifier, bien
3983
e de la bombe atomique, avant-hier sur Hiroshima.
Et
la face de la terre en est changée, mais combien de temps nous faudra
3984
re monde. Le dire tout de suite, le dire partout,
et
toutes affaires cessantes — si l’on veut simplement qu’elles durent14
3985
Lettres. Hier, j’ai ramené le journal du village,
et
je l’ai lu presque en entier tout en marchant, malgré les petites mou
3986
monde est accouru sur la galerie, à la nouvelle,
et
j’ai dû raconter l’histoire comme si je revenais d’Hiroshima, comme s
3987
Cette réaction, je le crains, va se généraliser.)
Et
chacun s’efforçait de montrer que l’événement ne le prenait pas au dé
3988
ue : la science n’est qu’une mythologie, ses lois
et
sa matière elle-même sont de purs mythes, et n’ont ni plus ni moins d
3989
lois et sa matière elle-même sont de purs mythes,
et
n’ont ni plus ni moins de réalité que les conventions d’un jeu quelco
3990
is (La Mort lente) il avait disparu dans les bois
et
nous revint au bout d’une heure, pâle et défait, disant que sa vie n’
3991
les bois et nous revint au bout d’une heure, pâle
et
défait, disant que sa vie n’avait plus de sens. Les girls, enfin, par
3992
cope. Voilà bien l’événement, voilà la nouveauté,
et
l’une des grandes dates de la terre : ce n’est qu’un rien qui s’est d
3993
égrations microscopiques. Bombe atomique de poche
et
à retardement, à craindre de près pendant presque un siècle. Beaucoup
3994
blancs d’un mètre) que Duchamp avait laissé choir
et
fixés sur la plaque de verre : mesure objective du hasard. On ne trou
3995
is avec son petit bagage, sa propre mise en boîte
et
en valise, il se glissera très librement vers le xxie siècle et la s
3996
l se glissera très librement vers le xxie siècle
et
la suite, en tant qu’inventeur d’une espèce de judo intellectuel dont
3997
il est la seule ceinture noire parmi nos artistes
et
penseurs. J’admire l’économie de ses moyens : un rien, un calembour,
3998
: un rien, un calembour, un non-mot, un retrait,
et
voilà les « terreurs » du catch dialectique, les costauds de la certi
3999
e rendre exemplaires, mémorables, chargés de sens
et
de non-sens, efficaces à long terme ses moindres gestes, ses abstenti
4000
es sur la bombe atomique , commencées ce jour-là,
et
publiées en 1946 dans des journaux américains, français, hollandais,
4001
torien futur devra tenir compte. Points de détail
et
nuances méticuleuses : car c’est seulement dans le détail concret qu’
4002
soudaine de ceux qui nous laissaient la chose148.
Et
je voudrais enfin rappeler que le mouvement personnaliste des années
4003
ste des années 1930 s’est continué dans la pensée
et
dans l’action d’un grand nombre de résistants, ceux qui précisément v
4004
onnés de 1947 à 1949. Ils ont à la fois manifesté
et
fomenté l’état d’esprit et les tendances maîtresses d’un mouvement mu
4005
nt à la fois manifesté et fomenté l’état d’esprit
et
les tendances maîtresses d’un mouvement multiforme, hétérogène, étran
4006
térogène, étrangement inefficace dans sa tactique
et
simpliste dans sa stratégie, mais auquel le Conseil de l’Europe doit
4007
forme dans l’imagination de nombreux économistes,
et
d’avoir été acceptées par l’opinion, donc par les parlements et les g
4008
acceptées par l’opinion, donc par les parlements
et
les gouvernements qui en dépendaient alors dans nos pays. Des histori
4009
nt soutenir que tous ces congrès n’ont rien fait,
et
en effet, il est normal que des congrès ne fassent rien, ce n’est pas
4010
sion y viennent pour s’ennuyer durant les séances
et
s’amuser d’autant mieux après. Mais une sorte de passion très singuli
4011
l mobile qui rassemblait les militants européens,
et
elle leur faisait préférer aux réceptions ou à l’opéra le travail noc
4012
si l’on voulait décrire la réalité psychologique
et
historique de la campagne des congrès et rendre justice à l’action qu
4013
ologique et historique de la campagne des congrès
et
rendre justice à l’action qu’elle a exercée. Je voudrais comparer cet
4014
ne concentration concertée de facteurs psychiques
et
psychologiques qui modifient le terrain et préparent l’organisme à ré
4015
hiques et psychologiques qui modifient le terrain
et
préparent l’organisme à résorber certaines toxines, surmonter des inh
4016
ber certaines toxines, surmonter des inhibitions,
et
libérer des énergies nouvelles. C’est ce genre-là de métamorphoses pr
4017
riode des congrès s’ouvre en août 1947 à Montreux
et
se termine en décembre 1949 à Lausanne. Son histoire n’est pas encore
4018
à Lausanne. Son histoire n’est pas encore écrite,
et
il faut craindre qu’elle ne puisse l’être que d’une manière insuffisa
4019
ntiel de l’événement, qui se passa dans les têtes
et
dans les cœurs. Les documents manuscrits ou polycopiés, déjà plus « v
4020
« vrais », n’ont pas été systématiquement réunis
et
ne se conserveront pas longtemps (mauvais papier de l’après-guerre) ;
4021
suyant une larme de l’index, on voit Raoul Dautry
et
Paul Ramadier, anciens ministres ; Joseph Retinger, qui fut l’éminenc
4022
ur hollandais Kerstens, qui présidait la séance ;
et
l’un des trois rapporteurs, qui est aujourd’hui le seul survivant du
4023
, qui est aujourd’hui le seul survivant du groupe
et
qui est en train d’écrire ces pages. Ce ne seront pas des pages d’his
4024
r l’atmosphère de l’époque, les espoirs, déboires
et
problèmes des responsables de quelques-uns de ces congrès. Personne,
4025
it part à tous. Je serai donc forcément incomplet
et
délibérément subjectif dans l’approche de ce passé, quitte à recouper
4026
c’est tout ce que l’étude objective des rapports
et
des résolutions ne pourra révéler aux auteurs de thèses ; une certain
4027
aine fraîcheur créatrice qui animait l’entreprise
et
l’eût peut-être fait réussir par surprise, si les calculs d’une prude
4028
ralistes qui a presque « fait l’Europe » en 1948,
et
c’est l’habileté politicienne embrassant notre cause comme pour mieux
4029
enais de rentrer en Europe après six ans aux USA,
et
je m’installais près de Genève, mais en France, à Ferney-Voltaire, qu
4030
ne des fédéralistes, dont le siège était à Genève
et
qui allait tenir un congrès à Montreux. Au nom de notre ancienne cama
4031
il me demandait d’y venir prononcer un discours.
Et
certes, durant mes années américaines, je n’avais cessé d’imaginer un
4032
ente, Raymond Silva, secrétaire général de l’UEF,
et
il vient me relancer au sujet de Montreux. À mes objections réitérées
4033
avec un groupe où vous ne trouverez que des amis
et
des disciples. » notes de journal, 6 août 1947 : « Comment refuser,
4034
Aboutissement ? Nouveau départ ? Le fait qu’A. M.
et
R. S. aient été mes premiers visiteurs donne peut-être son vrai sens
4035
lva, autour d’une table, oui, mais sur une scène,
et
face à une salle archicomble. Je n’ai en main qu’un texte encore plus
4036
t quand j’oppose point par point le totalitarisme
et
le fédéralisme, et à la fin, une “ovation” je crois bien. Un curieux
4037
int par point le totalitarisme et le fédéralisme,
et
à la fin, une “ovation” je crois bien. Un curieux personnage appuyé s
4038
ne fine à l’eau, dans un hall du Montreux-Palace,
et
m’a dit. “Tout cela est bel et bon, mais maintenant il nous faut trav
4039
u Montreux-Palace, et m’a dit. “Tout cela est bel
et
bon, mais maintenant il nous faut travailler.” C’est un Polonais d’un
4040
de quitter ce congrès, j’aurai raté le principal,
et
je décide d’y retourner le soir même. Lu la Gazette dans le train : l
4041
e dans le soleil bas près d’Aigle, beau soir rose
et
doré sur le Léman tandis que le train serpente de Villeneuve à Montre
4042
devant le micro avec Brugmans, Robert Aron, Silva
et
Duncan Sandys, jeune ancien ministre conservateur qui représente ici
4043
nir l’Europe doit s’appuyer sur le plan Marshall,
et
qu’une intégration économique conduira nécessairement à l’intégration
4044
litants, bouscule les prudences gouvernementales,
et
ne revendique rien de moins qu’une fédération politique, sans laquell
4045
m’apparaît clairement que toutes les difficultés
et
frustrations qu’allait subir au cours des trois années suivantes notr
4046
remier affrontement entre l’élan des fédéralistes
et
la tactique des unionistes. « Rien ne peut se faire sans les gouverne
4047
épliquaient les autres. À nous de montrer le but,
et
après cela, on cherchera les voies qui peuvent y mener. » Il se peut
4048
e soit au fait d’avoir été jeté à brûle-pourpoint
et
publiquement dans ce débat que je puisse attribuer mon engagement rée
4049
rmer, en revanche, que le contenu des discussions
et
des résolutions votées m’ait fait alors une impression bien forte. Je
4050
lire le volume qui réunit les principaux discours
et
les conclusions du congrès152. Il y a là trop d’affirmations de princ
4051
n parle de « mise en commun des sources d’énergie
et
de matières premières (charbon, électricité, fer, etc.) », d’organisa
4052
e du travail, sans que ces termes soient traduits
et
exemplifiés par des propositions plus détaillées d’institutions ou d’
4053
je souligne beaucoup de propositions plus riches
et
plus précises que les motions finales. Le cadre de toute l’action ult
4054
selon le mode fédéral pour sauver les autonomies
et
les diversités valables, non pas pour les réduire à l’uniformité. La
4055
parti ou par une monnaie. Le mythe du choix fatal
et
du partage du monde entre les deux Grands, le mythe des souverainetés
4056
s souverainetés nationales absolues sont dénoncés
et
vidés de leur contenu terroriste, de même que les fausses oppositions
4057
de même que les fausses oppositions entre liberté
et
planification, attachement à la patrie et universalisme, autorité féd
4058
liberté et planification, attachement à la patrie
et
universalisme, autorité fédérale et autonomie locale. Enfin, un remar
4059
t à la patrie et universalisme, autorité fédérale
et
autonomie locale. Enfin, un remarquable rapport de Daniel Serruys pro
4060
lement pour l’équilibre des productions française
et
allemande (charbonnières et métallurgiques), mais pour la production
4061
productions française et allemande (charbonnières
et
métallurgiques), mais pour la production de l’Union entière ; il faut
4062
tre en commun les ressources d’énergie des marées
et
d’énergie atomique ; enfin, le règlement du « problème agricole de l’
4063
ès de Montreux me paraît tenir une place décisive
et
axiale : c’est là que s’opéra la rencontre de la plupart des courants
4064
’euphorie d’une promesse de camaraderie retrouvée
et
d’une grande aventure où s’engager, j’étais loin de mesurer l’importa
4065
ce qui venait de se passer dans ce palace énorme
et
désuet. Pour l’historien futur, j’indiquerai rapidement les trois com
4066
une curieuse coïncidence à la fois dans le temps
et
dans l’espace : à la fin de l’été et en Suisse toutes les trois. Il
4067
ans le temps et dans l’espace : à la fin de l’été
et
en Suisse toutes les trois. Il y avait eu d’abord, fin août, à Herte
4068
, d’Italie, de Belgique, de Hollande, de Danemark
et
de Grande-Bretagne, mais aussi d’Allemagne, d’Autriche et de plusieur
4069
ande-Bretagne, mais aussi d’Allemagne, d’Autriche
et
de plusieurs pays de l’Est. De ce colloque allait sortir l’Union euro
4070
éunions constitutives à Luxembourg (octobre 1946)
et
Amsterdam (avril 1947). Mais derrière Hertenstein, il y avait, tous p
4071
us proches, les mouvements de résistance à Hitler
et
aux nationalismes totalitaires : c’étaient eux qui prolongeaient leur
4072
r élan dans cette volonté d’action européenne154.
Et
plusieurs de leurs chefs se retrouvaient à Montreux, Italiens et Alle
4073
leurs chefs se retrouvaient à Montreux, Italiens
et
Allemands, Français, Bénéluxiens. Enfin, derrière la pensée de la plu
4074
d’abord à Paris dès l’année 1932 (autour d’Esprit
et
de L’Ordre nouveau) et qui avait essaimé dans le reste de l’Europe, y
4075
nnée 1932 (autour d’Esprit et de L’Ordre nouveau)
et
qui avait essaimé dans le reste de l’Europe, y compris l’Allemagne (g
4076
ps des îles Lipari (manifeste de Ventotene, 1942,
et
revue L’Unita Europea). Cette composante personnaliste-résistante éta
4077
entée à Montreux par des hommes comme Robert Aron
et
Alexandre Marc (qui avaient été, comme moi, de L’Ordre nouveau et d’E
4078
c (qui avaient été, comme moi, de L’Ordre nouveau
et
d’Esprit), par Eugen Kogon, et par Henri Brugmans, qui a dit ce qu’il
4079
de L’Ordre nouveau et d’Esprit), par Eugen Kogon,
et
par Henri Brugmans, qui a dit ce qu’il devait à Mounier et à Dandieu
4080
nri Brugmans, qui a dit ce qu’il devait à Mounier
et
à Dandieu notamment. Il y avait eu ensuite, du 1er au 12 septembre 19
4081
Georges Lukacs, J. R. de Salis, Stephen Spender,
et
moi-même, nous étions attachés à définir en neuf conférences suivies
4082
la conscience que l’Europe prenait de son destin
et
des valeurs de sa culture mise au défi par les ambitions (apparemment
4083
Jean Guéhenno, plutôt sceptique, Stephen Spender
et
quelques autres, nous avions même tenté d’élaborer une sorte de chart
4084
les avaient contribué à créer un climat favorable
et
presque une mode intellectuelle. Il y avait eu enfin, quelques jours
4085
ont il retirait, mine de rien, la Grande-Bretagne
et
les Soviets, bienveillants témoins d’un mariage de raison entre la Fr
4086
ts témoins d’un mariage de raison entre la France
et
l’Allemagne. Churchill avait fondé tôt après l’United Europe Movement
4087
es, des États successeurs de la Double-Monarchie,
et
de la Grèce, des contacts réguliers, des études préparant des projets
4088
uliers, des études préparant des projets communs,
et
même certains accords, officiellement signés, tendant à une future un
4089
6 ans, il avait été parachuté en Pologne occupée,
et
il en gardait une bizarre claudication. Il avait fondé avec Paul van
4090
rir tout cela, par bribes, au cours de ce congrès
et
des mois qui le suivirent, mais je ne m’en forme qu’aujourd’hui un ta
4091
a tonicité, la consistance, les courants imprévus
et
le dynamisme neuf. En cet automne d’il y a vingt ans, je n’étais guèr
4092
ne organisation dont je n’étais pas encore membre
et
d’un mouvement aux contours assez vagues mais au sein duquel j’entrev
4093
e au Montreux-Palace que l’idée avait été lancée,
et
tout de suite discutée avec passion, de convoquer dès le printemps su
4094
ricoles, patronaux ; coopératives ; magistratures
et
parlements ; mouvements de jeunesse ; Églises… On les prierait de réd
4095
prierait de rédiger des cahiers de revendications
et
de nommer leurs délégués. Ceux-ci devaient se réunir en de vastes ass
4096
ient se réunir en de vastes assises délibératives
et
peu à peu constituantes, à mesure qu’un accord se dégagerait sur les
4097
s des règlements de comptes nationalistes de 1871
et
de 1919, devait être racheté en quelque sorte par l’avènement de l’Eu
4098
On convint de chercher un accord entre militants
et
ministres. Le 11 novembre 1947, à Paris, les délégués de l’United Eur
4099
ais pour l’Europe unie (Dautry, Reynaud, Ramadier
et
André Siegfried), et de la Ligue européenne de coopération économique
4100
e (Dautry, Reynaud, Ramadier et André Siegfried),
et
de la Ligue européenne de coopération économique (van Zeeland, Serruy
4101
ient avec ceux de l’UEF (Brugmans, Silva, Voisin)
et
constituaient un « comité de liaison international des mouvements pou
4102
de réunir à La Haye les « sommités » européennes,
et
nous invitent à collaborer. Or, Sandys ayant exigé et obtenu que son
4103
ous invitent à collaborer. Or, Sandys ayant exigé
et
obtenu que son comité anglais et le comité français aient chacun une
4104
ndys ayant exigé et obtenu que son comité anglais
et
le comité français aient chacun une voix, tout comme la Ligue économi
4105
t chacun une voix, tout comme la Ligue économique
et
l’UEF, cette dernière se trouve seule contre trois. « Pourtant, si no
4106
es autres se couvriront largement sur leur gauche
et
nous aurons à envisager bientôt de sérieuses difficultés financières.
4107
e action en serait vite paralysée dans l’immédiat
et
c’est l’immédiat qui compte, non seulement parce que les événements s
4108
é, les communistes se sont isolés volontairement,
et
la “troisième force” classique ou bien se retirera sous sa tente, ou
4109
ien se liera aux “grands noms” de l’“Europe unie”
et
de la Ligue. Nous pourrions sans doute, dans une certaine mesure, emp
4110
ès complet, mais nous ne réussirons pas non plus,
et
on se sera paralysé mutuellement. » Brugmans propose donc de ratifier
4111
ue des organismes permanents naissent de La Haye,
et
que les délégués soient choisis par des Comités nationaux, sans droit
4112
vingt présents), s’affrontent les mêmes craintes
et
volontés contradictoires, quoique inégalement dosées. Rompre avec le
4113
s « sommités », qui dispose des moyens financiers
et
de la presse, c’est risquer de courir à l’écrasement rapide, ou de «
4114
uvements totalisant cent-mille membres cotisants)
et
le dynamisme créateur, révolutionnaire, qu’apporte la doctrine fédéra
4115
e, mais au risque de perdre ses raisons de vivre (
et
pas seulement l’appui des socialistes) ? Ou risquer l’isolement et la
4116
l’appui des socialistes) ? Ou risquer l’isolement
et
la dislocation, mais aussi la seule chance peut-être de réussir notre
4117
révolution fédéraliste ? (La gauche, la jeunesse
et
le reste suivraient.) Dilemme classique on le voit, que celui qui s’é
4118
es face à quelques anciens ministres britanniques
et
français très inégalement assurés de leur droit de parler au nom de l
4119
ser dans ce procès-verbal les facteurs politiques
et
psychologiques, conscients ou inavoués, qui contribuèrent à cette déc
4120
éclatante avec « l’ancien personnel politique »,
et
leur volonté d’assumer tous les risques d’une convocation des états g
4121
aux de l’Europe : les comités d’anciens ministres
et
d’économistes menacés de perdre l’audience des jeunes mouvements de m
4122
re l’audience des jeunes mouvements de militants,
et
du même coup leur meilleure chance d’intéresser la presse, ou bien cé
4123
s de renchérir sur les conditions réelles d’union
et
d’accepter de réviser le dogme des souverainetés nationales absolues.
4124
rope (qui refusait de collaborer avec Churchill),
et
l’Union parlementaire de Coudenhove (qui avait tenu un important cong
4125
d, avec deux-cents parlementaires de dix nations,
et
demandé une fédération des peuples, au lieu d’une simple société de g
4126
ent en cas de rupture les fédéralistes hollandais
et
anglais : la mainmise de la droite libérale sur le congrès de La Haye
4127
sur le congrès de La Haye, le fédéralisme évincé,
et
ses organisations démantelées par l’attrait que le « congrès de Churc
4128
e d’action réelle. En fait, les militants des NEI
et
de nombreux éléments socialistes défendirent les thèses fédéralistes
4129
alistes défendirent les thèses fédéralistes avant
et
pendant le congrès de La Haye et l’on ne peut juger que c’eût été le
4130
déralistes avant et pendant le congrès de La Haye
et
l’on ne peut juger que c’eût été le cas si l’UEF avait rompu avec San
4131
le cas si l’UEF avait rompu avec Sandys, Retinger
et
Courtin. Mais gardons pour plus tard l’évaluation des résultats de La
4132
énéraux la naissance d’une vie politique fédérale
et
la formation d’un noyau de gouvernement européen. Mais le « Comité de
4133
de démontrer d’une manière frappante la puissance
et
l’ampleur des appuis déjà acquis par l’idée européenne ; 2° de fourni
4134
fournir un matériel de discussions, de propagande
et
d’études techniques ; 3° d’imprimer un nouvel et puissant élan à la p
4135
et d’études techniques ; 3° d’imprimer un nouvel
et
puissant élan à la propagande européenne dans tous nos pays. On mesu
4136
érence de niveau entre les ambitions fédéralistes
et
les objectifs unionistes. Dira-t-on que le comité de liaison se rappr
4137
e ce que l’on prévoyait que les partis politiques
et
leurs chefs admettraient ? Ce serait avouer que les fédéralistes avai
4138
Retinger, le 25 février, vinrent me voir à Genève
et
à Ferney pour me demander de m’engager à fond dans le mouvement (je l
4139
(je leur promis d’y consacrer deux ans de ma vie,
et
m’y voici toujours, après vingt ans), je posai les conditions suivant
4140
ntale aux commissions « sérieuses » (la politique
et
l’économique), devait assumer le rôle décisif de dire le sens de tout
4141
ôle décisif de dire le sens de toute l’entreprise
et
des suites qu’on en attendait. 2° Afin de prouver qu’il partageait ce
4142
rédiger le préambule définissant les buts à long
et
à court terme du congrès et des mouvements qui le prolongeraient par
4143
ssant les buts à long et à court terme du congrès
et
des mouvements qui le prolongeraient par une action commune. 3° Ce pr
4144
congrès par les animateurs des sections politique
et
économique. Dès la fin de février, j’avais reçu des promesses de coll
4145
e cinquantaine de philosophes, savants, écrivains
et
éducateurs, auxquels j’avais soumis une première esquisse du rapport
4146
nt of this kind, however desperate the attempt. »
Et
Salvador de Madariaga : « Je consacrerai volontiers (à la Commission)
4147
e départ de notre action commune après le Congrès
et
doit devenir le manifeste de tout le Mouvement européen. Nous devons
4148
de réunir des millions de signatures d’Européens,
et
de créer de la sorte un puissant mouvement populaire… Cela ne manquer
4149
sion supplémentaire sur les gouvernements timides
et
récalcitrants. […] Le lancement d’un tel manifeste doit constituer l’
4150
ste doit constituer l’un des objectifs principaux
et
immédiats du congrès et de notre mouvement. Le fait de recueillir des
4151
des objectifs principaux et immédiats du congrès
et
de notre mouvement. Le fait de recueillir des signatures doit mainten
4152
devra se terminer par une collecte de signatures (
et
peut-être de quelques sous, donnés par chaque signataire, pour faire
4153
x Européens à faire approuver par acclamations »
et
serait donc lu à la séance de clôture. Des représentants des trois se
4154
C’était à quoi je tenais surtout. Ce point marqué
et
qui pouvait être important, restait à obtenir l’imprimatur du comité
4155
té pour le rapport culturel, le rapport politique
et
économique étant déjà sous presse. On était à dix jours du Congrès. À
4156
relle travaillait depuis deux mois sur mon texte,
et
n’avait jamais entendu parler de ces deux autres. On me répondit que
4157
jet était trop long, qu’il parlait de fédéralisme
et
qu’on « ne pouvait pas me suivre jusque-là… ». En conséquence, et fau
4158
uvait pas me suivre jusque-là… ». En conséquence,
et
faute de temps pour raccourcir mon texte, lui incorporer la substance
4159
exte, lui incorporer la substance des deux autres
et
le remettre à l’imprimeur (dernier délai demain matin, et je devais r
4160
mettre à l’imprimeur (dernier délai demain matin,
et
je devais repartir le soir même), on se bornerait à proposer au Congr
4161
s… Je quittai la séance au milieu de l’après-midi
et
allai me recueillir à Westminster Abbey. Puis à pied jusque chez Reti
4162
erais Londres que par l’avion du lendemain matin,
et
qu’un secrétaire, alerté par Retinger, viendrait à l’aube prendre mon
4163
arçon lugubre m’apporta des kippers, de la bière,
et
une table de bridge. À 6 heures du matin, j’avais fini, à 8 heures mo
4164
« Cette architecture de grandes poutres, chevrons
et
traverses sculptées, soutenant un toit immense, tout là-haut, j’ai rê
4165
J’abaisse mes regards le long des parois blanches
et
nues, jusqu’à cette rangée d’écussons aux lions couchés trois par tro
4166
de nous, un large dais carré, tendu de soie rouge
et
or. J’appuie ma tête contre les plis d’un lourd rideau de velours pou
4167
assis sur la tribune, derrière deux rangs de dos
et
de nuques fascinantes qui dépassent le dossier des fauteuils. Cette n
4168
le dossier des fauteuils. Cette nuque très large
et
rouge, c’est Ramadier ; cette nuque placide et blonde, c’est van Zeel
4169
ge et rouge, c’est Ramadier ; cette nuque placide
et
blonde, c’est van Zeeland ; et cette absence de nuque, c’est Paul Rey
4170
ette nuque placide et blonde, c’est van Zeeland ;
et
cette absence de nuque, c’est Paul Reynaud. Une nuque blanche et gonf
4171
e de nuque, c’est Paul Reynaud. Une nuque blanche
et
gonflée au-dessus du col d’une redingote victorienne, Winston Churchi
4172
Churchill, tout près de moi, parle dans un micro,
et
la voix me revient de la salle : “The task before us, at this congres
4173
tuted…”158 Oui, c’est un rêve, devenu réalité ;
et
que je faisais depuis vingt ans. « Devant nous, tout autour de nous,
4174
i rend la vie dangereuse, aventureuse, magnifique
et
tragique — et, par là, digne d’être vécue.” (C’est mon ami Brugmans,
4175
dangereuse, aventureuse, magnifique et tragique —
et
, par là, digne d’être vécue.” (C’est mon ami Brugmans, travailliste h
4176
anciens présidents du Conseil, soixante ministres
et
anciens ministres, deux-cents députés venus de vingt-cinq pays… Mais
4177
u rallier pour une œuvre commune les conformistes
et
les non-conformistes…) « Tout à l’heure, présidents et rapporteurs, n
4178
s non-conformistes…) « Tout à l’heure, présidents
et
rapporteurs, nous avons traversé la salle en procession, Churchill et
4179
avons traversé la salle en procession, Churchill
et
sa femme conduisant. Il y avait des fleurs partout, et des fanfares d
4180
femme conduisant. Il y avait des fleurs partout,
et
des fanfares dans la cour du palais. “On dirait un mariage !” m’a sou
4181
ayton. « Mariage de qui ? Non certes de Churchill
et
du Labour, mais peut-être des vieux hommes d’État et des générations
4182
du Labour, mais peut-être des vieux hommes d’État
et
des générations formées pendant la Résistance ? Ou encore des vainque
4183
pendant la Résistance ? Ou encore des vainqueurs
et
des vaincus d’hier ? (Nous avons des délégations allemandes, autrichi
4184
s avons des délégations allemandes, autrichiennes
et
italiennes.) Ou bien le mariage de l’Ouest et de l’Est ? Non, pas cel
4185
nes et italiennes.) Ou bien le mariage de l’Ouest
et
de l’Est ? Non, pas cela : les quelque trente Roumains, Polonais, Tch
4186
que trente Roumains, Polonais, Tchèques, Hongrois
et
Yougoslaves ici présents ne sont encore, hélas ! que des “observateur
4187
port (création d’un Centre européen de la culture
et
d’une Charte des droits de l’homme) se déroulèrent dans l’habituelle
4188
Réarmement moral, exige d’abord un retour à Dieu
et
dénonce mon rapport comme « antichrétien ». Enfin, Bertrand Russell,
4189
de pays différents à maintenir un contact étroit
et
à mieux connaître leurs points de vue respectifs »159. Finalement, to
4190
é : Centre culturel, Charte des droits de l’homme
et
Cour suprême, « instance supérieure aux États à laquelle puissent en
4191
ux États à laquelle puissent en appeler personnes
et
collectivités ». Tout cela verra le jour à partir de 1950, en applica
4192
ire de fonder les efforts pour l’union économique
et
politique sur l’unité de culture déjà existante et sur les droits de
4193
t politique sur l’unité de culture déjà existante
et
sur les droits de la personne, antérieure et supérieure à ceux de l’É
4194
ante et sur les droits de la personne, antérieure
et
supérieure à ceux de l’État ; de revendiquer une forme d’union fédéra
4195
auver les caractères distinctifs de nos peuples ;
et
enfin de considérer que cette union sera le premier pas vers une fédé
4196
té d’origine ». La controverse entre fédéralistes
et
unionistes laisse une trace sensible dans la résolution politique : l
4197
d’union fédérale, j’entends non unitaire, limitée
et
réelle. Mais si le fédéralisme réussit à influencer le langage des ra
4198
isme réussit à influencer le langage des rapports
et
des résolutions, il ne triompha que dans les textes. L’unionisme, doc
4199
ope », dont on ne savait pas bien s’il était plus
et
mieux qu’une alliance de souverainetés nationales absolues. Le rappor
4200
extraordinaire pourvu d’un secrétariat permanent,
et
une assemblée délibérante nommée par les parlements. Mais la résoluti
4201
s d’un Conseil de l’Europe privé de tous pouvoirs
et
doté d’une Assemblée purement consultative, formée de députés désigné
4202
la, mais ce qu’on ignore, c’est l’incident minime
et
décisif qui devait couper les ailes à tout espoir d’action « révoluti
4203
éens , après avoir été discuté pendant deux mois,
et
mis au point par le comité de liaison à la veille même du congrès, av
4204
l’Europe pour récolter des millions de signatures
et
devenir l’instrument d’une puissante campagne d’agitation européiste.
4205
e. Par moments, un orage déchaîné faisait baisser
et
s’éteindre pour quelques secondes toutes les lumières. Au fond de la
4206
e, près de l’entrée principale, je trouvai Duncan
et
son beau-frère Randolph Churchill, lequel me dit : « Vous souhaitez,
4207
ro à la main, traînant des fils. Je lui fis signe
et
, parlant devant le micro, je répétai ce qu’on venait de dire et je co
4208
vant le micro, je répétai ce qu’on venait de dire
et
je conclus : « OK ! Lors du prochain Congrès européen, Staline, qui e
4209
plus fort que vous, enverra cinquante délégués !
Et
l’Europe ne se fera pas ! » J’avais un peu crié, je crois. Des huissi
4210
ous prièrent de sortir. J’envoyai quérir Retinger
et
Paul van Zeeland, qui étaient à la tribune. Dans une petite salle prè
4211
rès de l’entrée, nous nous assîmes à six ou sept,
et
après dix minutes d’un débat virulent, au cours duquel, voyant entrer
4212
tite phrase incriminée. Cela semblait raisonnable
et
bénin. Cela signifiait en réalité qu’on ne pourrait plus faire signer
4213
ère Churchill, qui faisait basculer son fauteuil,
et
je l’entendais dire à haute voix : « But why ? We should stand up at
4214
all stand up ! »162 Personne ne bougea cependant.
Et
le Congrès prit fin dans l’enthousiasme, mais il venait de tuer en ge
4215
on retentissement dans l’Europe entière. Suite
et
fin des congrès Le Mouvement européen, né au cours des mois suivan
4216
Mouvement européen, né au cours des mois suivants
et
dominé par les unionistes, convoqua d’abord un congrès politique à Br
4217
les « industries de base telles que charbon, fer
et
acier », une Autorité européenne devrait être créée en vue de supprim
4218
des investissements, de la production, des prix,
et
des droits sociaux. L’influence des socialistes, et surtout d’André P
4219
des droits sociaux. L’influence des socialistes,
et
surtout d’André Philip, vient désormais s’ajouter à celle des libérau
4220
lle des libéraux, principaux auteurs des analyses
et
projets formulés par les premiers congrès. Un an plus tard, grâce au
4221
tard, grâce au génie réalisateur de Jean Monnet,
et
à l’accord des trois chefs de gouvernement démo-chrétiens de France,
4222
ouvernement démo-chrétiens de France, d’Allemagne
et
d’Italie, la naissance d’une Haute Autorité du charbon et de l’acier
4223
lie, la naissance d’une Haute Autorité du charbon
et
de l’acier inaugurera une stratégie nouvelle : celle qui consiste à o
4224
) organisée par mon « Bureau d’études » de Genève
et
présidée par Salvador de Madariaga, reprit et développa toutes les su
4225
ève et présidée par Salvador de Madariaga, reprit
et
développa toutes les suggestions même implicites des textes de La Hay
4226
implicites des textes de La Haye. Elle vota vingt
et
une résolutions, dont il est frappant de constater que dix-neuf sont
4227
ntre européen de la culture, le Collège d’Europe,
et
le Laboratoire européen de recherches nucléaires (CERN) qui a constru
4228
t l’un des plus grands synchrocyclotrons du monde
et
a pu, grâce à cela, freiner « l’hémorragie de matière grise » qu’étai
4229
eil. Ainsi les unionistes (la droite continentale
et
le Labour) avaient eu leur Conseil de Strasbourg ; les économistes (l
4230
Conseil de Strasbourg ; les économistes (libéraux
et
socialistes) allaient avoir la Haute Autorité de Luxembourg, en atten
4231
ommun ; les culturels avaient le Centre de Genève
et
par lui ou autour de lui, de nombreuses associations professionnelles
4232
lui, de nombreuses associations professionnelles
et
instituts d’enseignement ou de recherches. Mais les fédéralistes en t
4233
nnes en une vivante interaction organisée d’union
et
de diversités, de puissance et de liberté, idéal politique par excell
4234
organisée d’union et de diversités, de puissance
et
de liberté, idéal politique par excellence. Beaucoup de choses se fai
4235
ux travaillé que les fédéralistes, c’est certain,
et
leur tâche était plus facile, puisqu’ils misaient sur les routines de
4236
Marché commun. Certaines satisfactions partielles
et
à court terme coupent mieux l’élan d’une révolution que ne le font le
4237
alistes s’étaient montrés incapables de concevoir
et
surtout d’imposer une vision vraiment neuve et fascinante des formes
4238
ir et surtout d’imposer une vision vraiment neuve
et
fascinante des formes et institutions de l’union politique à instaure
4239
ne vision vraiment neuve et fascinante des formes
et
institutions de l’union politique à instaurer. En décembre 1948, ils
4240
ties dramatiques. Salués par le président Einaudi
et
par le comte Sforza163, harangués par Pie XII en son palais d’été, il
4241
vain de reprendre l’initiative saisie par Sandys
et
Retinger dès avant La Haye. L’équipe des dirigeants de Montreux, accu
4242
vouée, après des polémiques acerbes. Henri Frenay
et
moi-même, élus en tête de liste, devînmes l’un président et l’autre d
4243
e, élus en tête de liste, devînmes l’un président
et
l’autre délégué général de l’Union. Les thèses « dures » furent accla
4244
de s’épuiser assez vite en querelles de factions
et
de personnes, ou en initiatives mal exploitées. À La Haye, Paul Reyna
4245
nte du Mouvement européen, j’entends la recherche
et
la formulation des moyens de rendre fécondes les grandes antinomies v
4246
les qui tissent la réalité occidentale : autorité
et
liberté, plan continental et initiatives régionales, union nécessaire
4247
cidentale : autorité et liberté, plan continental
et
initiatives régionales, union nécessaire à la force et respect des au
4248
itiatives régionales, union nécessaire à la force
et
respect des autonomies, unité et diversité — que dis-je, unité pour l
4249
saire à la force et respect des autonomies, unité
et
diversité — que dis-je, unité pour les diversités ? Si je tiens pour
4250
ité pour les diversités ? Si je tiens pour licite
et
opportun de publier aujourd’hui ce protocole d’un échec — une bataill
4251
ussi coriace que désuète. Elle se fera, elle peut
et
doit se faire à partir des régions, formule neuve qui réalise exactem
4252
e neuve qui réalise exactement ce que demandaient
et
définissaient le « groupuscule » Ordre nouveau et le mouvement person
4253
et définissaient le « groupuscule » Ordre nouveau
et
le mouvement personnaliste des années 1930. Mais ceci est une autre h
4254
stoire. Ce sera celle des vingt ans qui viennent.
Et
certains, que je connais, la préparent. 148. La notion d’engagemen
4255
Journal d’un Européen (1946-1966). 150. Rapports
et
recueils de Résolutions de Montreux, La Haye, Westminster, Bruxelles,
4256
reux, La Haye, Westminster, Bruxelles, Lausanne —
et
deux petits volumes : Europe Unites (The Hague Congress and After) et
4257
es : Europe Unites (The Hague Congress and After)
et
The European Movement and the Council of Europe, rédigés par le secré
4258
de l’union européenne, par Olivier Philip, 1950,
et
mon Europe en jeu , 1948. Quelques thèses sont en cours de rédaction
4259
té, dans L’Europe de demain, La Baconnière, 1946.
Et
l’on notera que la plupart des mots-clés de Montreux et de La Haye s’
4260
n notera que la plupart des mots-clés de Montreux
et
de La Haye s’y trouvent déjà. 155. Sur l’extraordinaire carrière de
4261
ons aux USA ; puis, en Europe, Mouvement européen
et
groupe de Bilderberg — voir la brochure, intitulée Hommage à un grand
4262
omme celle d’une famille réunie. Nous devons, ici
et
maintenant, décider que soit constituée une Assemblée européenne… »
4263
e en termes très voisins les mêmes points, Charte
et
Cour suprême, que la résolution culturelle (§ 4 et 5). 161. Formelle
4264
t Cour suprême, que la résolution culturelle (§ 4
et
5). 161. Formellement, Sandys avait raison : les rapports demandaien
4265
aye (contrairement à ce que répètent journalistes
et
historiens). Et j’ajoute que deux ans plus tard, à l’Assemblée de Str
4266
nt à ce que répètent journalistes et historiens).
Et
j’ajoute que deux ans plus tard, à l’Assemblée de Strasbourg, Sandys
4267
isceaux, devant un millier de délégués, d’invités
et
de journalistes. Il dit ceci : « Il y a une grande différence entre l
4268
Il y a une grande différence entre les Allemands
et
les Italiens. Eux, quand ils parlent de leur ancien chef, disent : “L
4269
exige, que tout le monde admet qu’il faut faire —
et
que pourtant personne ne fait ? Eh bien ! chacun le sait, rien n’est
4270
e modèle que tous les peuples de l’Europe, grands
et
petits, ont imité l’un après l’autre, tout au long du xixe siècle, s
4271
n même territoire, défini par le sort des guerres
et
du coup baptisé « sol sacré de la patrie », des réalités absolument h
4272
son d’avoir les mêmes frontières, comme la langue
et
l’économie, l’état civil et l’exploitation du sous-sol, ou pire encor
4273
ères, comme la langue et l’économie, l’état civil
et
l’exploitation du sous-sol, ou pire encore, les idéologies ou les rel
4274
ons de bureaux installés dans une seule capitale,
et
interdire toute allégeance des citoyens à des entités plus petites (c
4275
il refuse toute union, alléguant une indépendance
et
une souveraineté absolues aussi peu défendables en droit qu’elles dev
4276
pour permettre une participation civique réelle ;
et
sans correspondance autre qu’accidentelle avec aucun espace économiqu
4277
notre union politique. Entre l’union de l’Europe
et
les États-nations sacralisés, entre une nécessité humaine des plus co
4278
s, entre une nécessité humaine des plus concrètes
et
le culte prolongé d’un mythe, il faut choisir. Pour la première fois
4279
s idéologiques que commerciales (voir le Vietnam)
et
l’on travaille pour le profit, qui est en somme du superflu. Mais dès
4280
nous voici contraints de le faire, à nos risques
et
périls ! Nous voici contraints de nous demander ce que nous attendons
4281
nous demander ce que nous attendons de notre vie
et
de la vie en société, ce que nous voulons réellement, principalement,
4282
, ce que nous voulons réellement, principalement,
et
contraints de tirer des plans en conséquence. Voulons-nous par exempl
4283
créer un habitat décent, une communauté vivante ?
Et
quel prix sommes-nous prêts à payer pour cela ? Le prix de certaines
4284
es peuples avancés sous le rapport de l’industrie
et
de la technique. Et ils les forcent à reposer des questions difficile
4285
ous le rapport de l’industrie et de la technique.
Et
ils les forcent à reposer des questions difficiles, voire angoissante
4286
es. Il nous faut le décider, en toute conscience,
et
vite ; car le choix de la fin implique évidemment celui des moyens ad
4287
puissance, c’est-à-dire la puissance industrielle
et
militaire massive d’une sorte de Troisième Grand préoccupé principale
4288
r État-nation continental, uniformisé, centralisé
et
agressif, comme la France de Napoléon, et faire de nos États autant d
4289
tralisé et agressif, comme la France de Napoléon,
et
faire de nos États autant de départements. Il faut tout unifier par d
4290
inflexibles, sans égard aux diversités ethniques
et
régionales, et soumettre la production industrielle au seul impératif
4291
ans égard aux diversités ethniques et régionales,
et
soumettre la production industrielle au seul impératif de l’élévation
4292
ment des personnes, de participation des citoyens
et
d’autonomie des communautés (la production industrielle n’étant qu’un
4293
dicalement incompatible avec les fins de l’Europe
et
de la liberté. Il faut adopter sans délai les méthodes les plus propr
4294
à réduire l’obstruction des stato-nationalismes,
et
se consacrer sérieusement à la tâche de construire des modèles neufs
4295
autonomies de tous ordres, régionales, communales
et
personnelles, mais rien de plus. Il faut admettre la pluralité des al
4296
, civiques, politiques, culturelles, idéologiques
et
religieuses, contre la prétention de l’État-nation à leur monopole ab
4297
diqués par la nature des tâches, leurs dimensions
et
celles de la communauté la plus apte à les administrer. En un mot, il
4298
ique a toujours eu pour fin réelle la puissance ;
et
je vois bien que toutes les civilisations que nous connaissons ont ch
4299
manières de parler plus ou moins nobles, ou pure
et
simple captatio démagogique. Mais je vois aussi que seuls des Europée
4300
plaires, ont osé proclamer, d’Aristote à Rousseau
et
de William Penn à Proudhon, que les libertés personnelles et les comm
4301
am Penn à Proudhon, que les libertés personnelles
et
les communautés autonomes valent mieux que la puissance collective. L
4302
Confédération » qu’évoquait le général de Gaulle,
et
qui serait formée d’États-nations conservant jalousement leurs préten
4303
, de narguer ces frontières sur terre, sous terre
et
dans les airs, et de ne pas perdre une occasion de faire voir à quel
4304
rontières sur terre, sous terre et dans les airs,
et
de ne pas perdre une occasion de faire voir à quel point elles sont a
4305
rtation rationnelle des productions industrielles
et
agricoles. Mais elles ne servent absolument à rien pour arrêter ce qu
4306
pour arrêter ce qui devrait l’être : les tempêtes
et
les épidémies, la pollution de l’air et des fleuves, les attaques aér
4307
tempêtes et les épidémies, la pollution de l’air
et
des fleuves, les attaques aériennes, les ondes de la propagande et le
4308
es attaques aériennes, les ondes de la propagande
et
les grandes contagions dites idéologiques. Elles empêchent simplement
4309
États-nations délimités pour la plupart au xixe
et
au xxe siècles, se trouvent vraiment former, comme par miracle, des
4310
ons n’existent pas dans l’histoire de la culture,
et
que les « cheminements de l’esprit » dont parlait Robert Schuman trav
4311
dans l’ensemble vivant de la culture européenne.
Et
les diversités que nous devons respecter ne sont pas celles de ces Ét
4312
s États-nations nés d’hier : elles les traversent
et
les divisent tous également, et ne coïncident jamais avec aucune fron
4313
es les traversent et les divisent tous également,
et
ne coïncident jamais avec aucune frontière. Elles traversent aussi no
4314
lles traversent aussi nos partis, nos confessions
et
nos régions, nos personnes mêmes ! Il y a dans chaque pays un nord et
4315
personnes mêmes ! Il y a dans chaque pays un nord
et
un midi ; dans chaque Église, une aile évangélique et une aile ritual
4316
n midi ; dans chaque Église, une aile évangélique
et
une aile ritualiste ; dans chaque personne qui réfléchit une droite e
4317
e ; dans chaque personne qui réfléchit une droite
et
une gauche… La renaissance des régions Nos États-nations, obséd
4318
ficace, qui doit être mis au service des citoyens
et
de leurs cités ; et non l’inverse. Cessez donc, Messieurs les ministr
4319
e mis au service des citoyens et de leurs cités ;
et
non l’inverse. Cessez donc, Messieurs les ministres, d’essayer d’apai
4320
ve de la renaissance des régions. Il faut défaire
et
dépasser l’État-nation. En instaurant les régions en deçà, et la fédé
4321
l’État-nation. En instaurant les régions en deçà,
et
la fédération au-delà. Il faut distribuer et répartir l’État aux diff
4322
eçà, et la fédération au-delà. Il faut distribuer
et
répartir l’État aux différents niveaux de décision où il peut servir
4323
ntité vivante, civique, économique ou culturelle,
et
être contrôlé par l’usager ; distribuer et répartir l’État, de la com
4324
relle, et être contrôlé par l’usager ; distribuer
et
répartir l’État, de la commune et de l’entreprise à la région et aux
4325
er ; distribuer et répartir l’État, de la commune
et
de l’entreprise à la région et aux groupements de régions jusqu’au ni
4326
tat, de la commune et de l’entreprise à la région
et
aux groupements de régions jusqu’au niveau européen ; là des Agences
4327
au sens originel du mot : l’économie, l’écologie
et
l’habitat, les recherches scientifiques, les transports, les relation
4328
globales avec d’autres fédérations continentales.
Et
vous noterez que je ne parle pas de relations ou d’affaires « étrangè
4329
régions rendra justice à ses fécondes diversités,
et
l’ampleur de la fédération exprimera l’unité millénaire de sa culture
4330
n « niveau de vie » déterminé en termes de profit
et
de PNB, c’est passer du matérialisme capitaliste et communiste à la m
4331
de PNB, c’est passer du matérialisme capitaliste
et
communiste à la mise en question du sens même de nos vies et des vrai
4332
te à la mise en question du sens même de nos vies
et
des vrais buts de nos activités communautaires et personnelles. Si sé
4333
et des vrais buts de nos activités communautaires
et
personnelles. Si sérieux que soient les problèmes de prix du lait, du
4334
ans le monde entier, ne relève pas de l’économie,
et
encore moins de la politique au sens étroit et partisan du terme. Ell
4335
e, et encore moins de la politique au sens étroit
et
partisan du terme. Elle exige la recréation de communautés véritables
4336
le exige la recréation de communautés véritables.
Et
la Cité européenne — Res publica europaea — fondée sur les communes e
4337
— Res publica europaea — fondée sur les communes
et
les régions librement fédérées du continent peut en offrir le modèle.
4338
nt. Car à ce prix seulement nous ferons l’Europe,
et
nous la ferons pour toute l’humanité, nous lui devons cela ! Une Euro
4339
in de la planète indispensable au Monde de demain
et
où les hommes pourront trouver non pas le plus de bonheur, peut-être,
4340
us de sens à la vie. 164. Les Basques de l’Est
et
de l’Ouest, les Catalans de Perpignan et de Barcelone, ne sont pas sé
4341
de l’Est et de l’Ouest, les Catalans de Perpignan
et
de Barcelone, ne sont pas séparés par les Pyrénées mais par les décre
4342
és par les Pyrénées mais par les décrets de Paris
et
de Madrid, forçant les uns à parler français, les autres à parler esp
4343
s du Rhin, français sur les deux versants du Jura
et
italien (ou allemand de nouveau) sur les deux versants des Alpes. Déc
4344
x versants des Alpes. Décréter que le Rhin sépare
et
que le Rhône unit donne la mesure. bn. Rougemont Denis de, « Dépass
4345
nt d’origines multiples. Il explique ici pourquoi
et
comment cette “unité de culture non unitaire” doit se traduire en ter
4346
rtie des idées qu’il a exprimées à cette occasion
et
que l’auteur reprend dans sa Lettre ouverte aux Européens qui paraî