1 1951, Preuves, articles (1951–1968). Mesurons nos forces (avril 1951)
1 tés, propagandes et mystiques politiques. Mais il me semble au contraire qu’il renaît dans les plus jeunes générations. On
2 qu’elle ne « marche » plus pour aucune idéologie, je serais tenté plutôt de l’en féliciter. Si cette jeunesse, qui a vu le
3 rien qu’aux réalités immédiates, alors seulement je la jugerais malade. Il me semble au contraire qu’elle réagit avec un
4 diates, alors seulement je la jugerais malade. Il me semble au contraire qu’elle réagit avec un réalisme impitoyable et sa
5 taires, contre la religion des idoles. Un lecteur m’ écrivait récemment : « Quelle réponse l’Occident prétend-il apporter à
6 d-il apporter à l’inquiétude du monde moderne ? » Je serais tenté de lui dire : l’esprit critique. Car cet esprit nous ren
7 progrès, le but de toute communauté digne du nom. J’ en viens ici à notre troisième force : la personne. Voilà la création
8 nne, l’Europe est née ; avec elle, elle mourrait. J’ indique tout de suite que le mal spécifique de la personne, c’est l’in
9 dre conscience de ses conditions, de ses risques. Je crois à la vertu de la prise de conscience : c’est d’une part le débu
10 sé. Si vous demandez : quelles sont nos chances ? Je dirai qu’elles dépendent de chacun de nous, — beaucoup plus que d’un
2 1951, Preuves, articles (1951–1968). Neutralité et neutralisme (mai 1951)
11 celle de l’Inde en particulier. Personnellement, je tiens à prendre ici une position extrêmement claire. Il me paraît cap
12 à prendre ici une position extrêmement claire. Il me paraît capital d’établir une distinction nette entre la neutralité et
13 ies. C’est aux hommes d’État d’en juger. …Mais si je rentre dans mon domaine propre, qui est celui de la culture, je const
14 hommes d’État d’en juger. …Mais si je rentre dans mon domaine propre, qui est celui de la culture, je constate que la neutr
15 mon domaine propre, qui est celui de la culture, je constate que la neutralité simplement n’y existe pas. Créer, ou faire
16 e le loup qui menace et le berger qui le protège. Je le comprends fort bien. Il espère ainsi que le loup au lieu de le man
17 ouvent trop, et il ne lit que le Reader’s Digest. Je refuse donc l’un et l’autre également, je suis neutre. » C’est contre
18 Digest. Je refuse donc l’un et l’autre également, je suis neutre. » C’est contre ce mensonge-là que nous devons lutter, je
19 est contre ce mensonge-là que nous devons lutter, je veux dire : — contre cette manière de mettre la culture au service de
3 1951, Preuves, articles (1951–1968). Culture et famine (novembre 1951)
20 d’applaudissements et toute la presse pour vous. J’ ai vu cela ce printemps à Bombay, et ne m’en suis pas trop étonné. Mai
21 r vous. J’ai vu cela ce printemps à Bombay, et ne m’ en suis pas trop étonné. Mais pour peu que l’on y réfléchisse… Pourquo
22 e mauvaise conscience culturelle, comme celle que je citais plus haut — et dans l’esprit de ceux qui l’applaudirent — il n
23 be. Comment lutter contre cette « évidence » ? Il me semble pourtant que le contraire est vrai, que ce sont les repus qui
4 1952, Preuves, articles (1951–1968). « L’Œuvre du xxe siècle » : une réponse, ou une question ? (mai 1952)
24 drons longtemps, l’aveu public de cet « avenir », je veux dire son exposition. Pourtant, il faut juger pareil procès sur p
25 siècle pose bien d’autres problèmes. Le premier me paraît être celui de la prise de conscience d’une époque non par ses
5 1952, Preuves, articles (1951–1968). Le sens de nos vies, ou l’Europe (juin 1952)
26 un : voilà l’Europe et sa révolution. L’Oriental ( je pense aux Hindous plus qu’aux Chinois), est d’une caste, d’un ordre,
27 ’approuve en cet effort : l’éducation au sens que je viens de rappeler ; les grands exemples qu’on lui vante, les héros, l
28 du au tout, et d’attribuer l’absurdité non pas au moi qui la ressent, mais au monde ou à la société, voilà qui est propreme
29 ignons maintenant que ce drame permanent entre le moi et le destin social, entre la personne libre et la fatalité, ne serai
30 utes les puissances qui oppriment ou qui nient le moi responsable et distinct. Lutte contre le destin natal, pour se forger
31 ie ; lutte enfin contre les servitudes intimes du moi , afin de dominer ses mécanismes et d’en tirer une liberté plus haute.
32 t du collectivisme et de la liberté démocratique. Je tenterai de faire voir, maintenant, comment l’idée du moi distinct, d
33 erai de faire voir, maintenant, comment l’idée du moi distinct, de la personne — à la fois mère et fille de l’Europe — form
34 e affectif à la plupart de nos activités. Ôtez le moi distinct, le droit d’être une personne, et du même coup nos vies n’au
35 sur l’Europe, disons plus : sur l’espoir humain. Ma thèse est simple. Elle consiste à rappeler que la plupart de nos vale
36 otion de l’homme introduite par le christianisme. Je ne parle pas ici de l’homme proprement chrétien, au sens courant, de
37 e membre d’une Église, de l’homme pieux et moral. Je parle d’une manière plus générale du type d’homme (croyant ou non) qu
38 ul le christianisme a permis de concevoir, et que je nomme la personne. C’est un homme à la fois libre et responsable, lib
39 e magique de l’Asie, avec le monde collectiviste. Je dis que nos valeurs modernes, actuelles (le sens que nous donnons à n
40 , crime absurde. Voyageant en Inde, l’an dernier, j’ ai pu vérifier sur place que les seuls hommes touchés par l’idéologie
41 s magazines féminins, et leurs courriers du cœur. Je constaterai maintenant que cette passion qui tient une telle place da
42 isqu’elles tendent au contraire au dépassement du moi . Quant aux Américains, ils ont certes en commun avec nous l’héritage
43 de la littérature, vulgarisé par Hollywood. Mais j’ ai pu observer qu’ils tendent de plus en plus à prendre à son sens lit
44 la bouche même du Christ cette phrase célèbre : «  Je pensais à toi dans mon agonie ; j’ai versé telles gouttes de sang pou
45 st cette phrase célèbre : « Je pensais à toi dans mon agonie ; j’ai versé telles gouttes de sang pour toi. » Pour toi, dit
46 se célèbre : « Je pensais à toi dans mon agonie ; j’ ai versé telles gouttes de sang pour toi. » Pour toi, dit bien Pascal,
47 dans toute la masse des hommes de tous les temps, mon amour personnel. Ces deux exemples sont extrêmes. Nous ne sommes pas
48 de concurrence et le besoin d’exprimer son « vrai moi  », comme on dit. À partir d’un certain niveau de culture, en Europe,
49 faire rater l’opération magique de l’œuvre d’art. Je ne dis pas qu’entre l’Occidental, qui tend à s’affirmer comme individ
50 rdonner au monde des dieux, nous ayons à choisir. Je dis que nous avons choisi. Je ne dis pas que l’un vaut mieux que l’au
51 us ayons à choisir. Je dis que nous avons choisi. Je ne dis pas que l’un vaut mieux que l’autre, mais qu’ils se donnent de
52 ls se donnent des buts tout à fait différents. Et je ne nie pas non plus que dans tous nos pays, il existe une majorité de
53 e « d’original » et préfèrent imiter les voisins. Je dis seulement que les modèles dont ils disposent pour leur conduite m
54 l’a pas, n’a pas non plus le vrai sens de la vie. Je n’oublie pas que l’humour consiste aussi, sinon d’abord, à se moquer
55 st donc la personne qui juge son propre individu… J’ en viens à un dernier exemple, le Progrès, et notre attitude envers lu
56 r l’individu (que serait une liberté en masse ?). Je définirai donc le Progrès véritable comme l’augmentation continuelle
57 être libres. Car la seule liberté qui compte pour moi — dira tout véritable Européen — c’est celle de me réaliser ; de cher
58 i — dira tout véritable Européen — c’est celle de me réaliser ; de chercher, de trouver et de vivre ma vérité, non celle d
59 me réaliser ; de chercher, de trouver et de vivre ma vérité, non celle des autres, et non celle que l’État ou le Parti a d
60 , et non celle que l’État ou le Parti a décidé de m’ imposer toute faite. Si je perdais cette liberté fondamentale, alors v
61 ou le Parti a décidé de m’imposer toute faite. Si je perdais cette liberté fondamentale, alors vraiment ma vie n’aurait pl
62 erdais cette liberté fondamentale, alors vraiment ma vie n’aurait plus aucun sens. La conscience du monde Ainsi l’Eu
63 conscience du monde Ainsi l’Europe — telle que je viens de la décrire par quelques-uns de ses traits les plus typiques
64 its les plus typiques — l’Europe est la patrie du moi distinct, des individus, des personnes, de ceux qui veulent se rendre
65 définitive des hommes conscients. Voilà pourquoi je disais en débutant, que l’Europe est aussi la conscience du monde. J’
66 t, que l’Europe est aussi la conscience du monde. J’ illustrerai cette seconde thèse par trois remarques très simples, quoi
67 a découvert le reste du monde — et non l’inverse. Je ne parle pas seulement des grands voyages qui ont permis de relever l
68 es spécialistes du monde soviétique. En revanche, je ne connais pas « d’européologues » dans les empires extraeuropéens. J
69 ’européologues » dans les empires extraeuropéens. J’ ajouterai que j’en connais trop peu dans nos pays, et que c’est précis
70 dans les empires extraeuropéens. J’ajouterai que j’ en connais trop peu dans nos pays, et que c’est précisément pour reméd
71 ème remarque : l’Europe est le Musée du monde. Et je ne pense pas seulement en disant cela, au Louvre, au British Museum,
72 ctérise l’Europe comme volonté de conscience — et j’ opposerai cette expression à celle de volonté de puissance. Troisième
73 eurs traditions perdues, et favorise leur réveil. Je connais tel chargé de mission culturelle en Amérique du Sud, tel miss
74 ience extrême de toute l’humanité — cette Europe, j’ ose le dire, indispensable au monde — mais cette Europe aussi qui peut
75 otre déclin fatal, le rendrait en effet fatal. On me dira que la culture, c’est peu de chose pour arrêter le cours de nos
76 qu’on puisse commettre à propos de l’Europe. Ici, je devrais faire une autre conférence pour démontrer que notre culture f
77 u’elle peut, et qu’elle doit le redevenir demain. Je vous conterai plutôt une petite histoire vraie. C’était il y a deux o
78 histoire vraie. C’était il y a deux ou trois ans. Je cherchais de l’argent, comme il arrive, pour une entreprise culturell
79 comme il arrive, pour une entreprise culturelle. J’ allai voir un industriel qui fabrique d’énormes turbines. Il m’écouta,
80 un industriel qui fabrique d’énormes turbines. Il m’ écouta, distrait d’abord, puis impatient ; m’expliqua finalement que d
81 . Il m’écouta, distrait d’abord, puis impatient ; m’ expliqua finalement que dans l’état des choses, les turbines, c’est sé
82 r d’abord contre le communisme, qu’il confondait, je le crains, avec les réformes sociales. En sortant de chez lui, les ma
83 ociales. En sortant de chez lui, les mains vides, je me dis ceci : cet homme tire sa puissance de la turbine, mais après t
84 ales. En sortant de chez lui, les mains vides, je me dis ceci : cet homme tire sa puissance de la turbine, mais après tout
85 s tout ce n’est pas lui qui l’inventa. Qui donc ? J’ ouvris une encyclopédie, et trouvai ceci : — Il y avait au xviiie siè
86 normes capitaux s’amassent dans le pays. Quand on me demande maintenant : quelle est donc cette Europe que vous voulez uni
87 ette Europe que vous voulez unir pour la sauver ? Je réponds que ce n’est pas celle des turbines, mais celle de l’inventeu
6 1952, Preuves, articles (1951–1968). Le dialogue Europe-Amérique (août-septembre 1952)
88 parlant de métaphysique mais prenant nos dollars. Je force à peine les traits, pour aller vite. Je rappelle des jugements
89 rs. Je force à peine les traits, pour aller vite. Je rappelle des jugements grossiers, mais très courants2. Que les Améric
90 l’Américain se demande si l’on y croit vraiment… ( J’ écris on à dessein : car ce ne sont pas les mêmes qui, en Europe, font
91 ation se présente ainsi aux yeux des Américains.) J’ ai vu des comités, placés devant le choix de plusieurs thèmes d’activi
92 ns « disent » vraiment cela, qu’ils pensent. Mais j’ atténue plutôt la violence des jugements formulés contre les USA par l
7 1953, Preuves, articles (1951–1968). Deux princes danois : Kierkegaard et Hamlet (février 1953)
93 t un prince. « Il y a quelque chose de royal dans mon être », fait-il dire à l’un de ses pseudonymes. Lui aussi voudrait « 
94 e sait la victime d’une sorte de neurasthénie : «  J’ ai vécu dès mes jeunes années sous l’empire d’une immense mélancolie,
95 ime d’une sorte de neurasthénie : « J’ai vécu dès mes jeunes années sous l’empire d’une immense mélancolie, dont la profond
96 se mélancolie, dont la profondeur n’a d’égale que ma faculté de la dissimuler sous des apparences de gaieté. » Ou encore :
97 er sous des apparences de gaieté. » Ou encore : «  J’ étais armé d’une foi presque téméraire en ma capacité de pouvoir toute
98 e : « J’étais armé d’une foi presque téméraire en ma capacité de pouvoir toutes choses, sauf une : devenir un oiseau libre
99 chaînes de la mélancolie, où une autre puissance me retenait. » Cette disposition, ajoute-t-il, l’a condamné à observer,
100 poque est détraquée, hélas ! pourquoi faut-il que je sois né pour la rajuster ! », s’écrie Hamlet. Et Kierkegaard ne cesse
101 e représentation, dit-il, est le moyen par lequel je surprendrai la conscience du roi. » Tous les deux choisissent donc de
102 des mots atroces lors de leur séparation : « Elle me demanda : Ne veux-tu donc jamais te marier ? Je répondis : Oui, dans
103 e me demanda : Ne veux-tu donc jamais te marier ? Je répondis : Oui, dans dix ans, quand le feu de la jeunesse sera passé 
104 ans, quand le feu de la jeunesse sera passé : il me faudra une demoiselle au sang frais pour me rajeunir. » Et Kierkegaar
105  : il me faudra une demoiselle au sang frais pour me rajeunir. » Et Kierkegaard ajoute, en commentant ce récit : « Cruauté
106 ure toute la nuit. « Mais le lendemain, écrit-il, je fus comme d’ordinaire, et même plus pétillant d’esprit que jamais : c
107 nt d’esprit que jamais : c’était nécessaire… » Il me semble que cette conduite, dans sa duplicité plus douloureuse que sca
108 leurs à un héros tout théorique qu’il imagine : «  Je vois que l’idée de mon existence fait naufrage sur cette jeune fille,
109 théorique qu’il imagine : « Je vois que l’idée de mon existence fait naufrage sur cette jeune fille, ergo la jeune fille do
110 jeune fille doit disparaître. Sur sa perte passe ma route vers un grand but. » Et nous voyons Hamlet, comme Kierkegaard,
111 e pas gai ! » Cependant qu’il avoue en aparté : «  Je dois paraître cruel, mais c’est pour être tendre… » Il convient de ma
112 rire, non sans amertume : « Elle a choisi le cri, j’ ai gardé la douleur », tandis qu’Hamlet pousse Ophélia au suicide et s
113 ais faute de l’oser, on n’a rien3.   Plongé comme je l’étais, en écrivant les lignes qui précèdent, dans la lecture altern
114 ecture alternée de Kierkegaard et de Shakespeare, j’ avoue qu’il m’est arrivé plus d’une fois de ne plus bien savoir lequel
115 e de Kierkegaard et de Shakespeare, j’avoue qu’il m’ est arrivé plus d’une fois de ne plus bien savoir lequel des deux parl
116 ne plus bien savoir lequel des deux parlait et de m’ imaginer qu’Hamlet avait été écrit par Kierkegaard, voire qu’à l’inver
117 tout concourait à l’illusion… Jusqu’au moment où je tombai sur une note de Kierkegaard lui-même au sujet d’Hamlet, qui ré
118 fiançailles. Il semble donc que le parallèle que j’ ai risqué se soit offert à l’esprit de Kierkegaard, et qu’il ait tenu
119 , ici « échoue sur l’existence » le parallèle que je viens d’esquisser. J’ai tenté d’illustrer, par le moyen d’images conn
120 xistence » le parallèle que je viens d’esquisser. J’ ai tenté d’illustrer, par le moyen d’images connues de tous, celles de
121 rnel l’ordre de parler aux nations, il répond : «  Je ne suis qu’un enfant, voici, je ne sais point parler. » Nous dirions
122 ns, il répond : « Je ne suis qu’un enfant, voici, je ne sais point parler. » Nous dirions qu’il n’a pas la vocation. Préci
123 adressée en dépit de ce qu’il est. « Et l’Éternel me dit : Ne dis pas : Je ne suis qu’un enfant. Car tu iras vers tous ceu
124 e qu’il est. « Et l’Éternel me dit : Ne dis pas : Je ne suis qu’un enfant. Car tu iras vers tous ceux auprès de qui je t’e
125 enfant. Car tu iras vers tous ceux auprès de qui je t’enverrai, et tu diras tout ce que je t’ordonnerai… » Voici, je mets
126 rès de qui je t’enverrai, et tu diras tout ce que je t’ordonnerai… » Voici, je mets mes paroles dans ta bouche. » Il est r
127 et tu diras tout ce que je t’ordonnerai… » Voici, je mets mes paroles dans ta bouche. » Il est rarement possible d’isoler
128 ras tout ce que je t’ordonnerai… » Voici, je mets mes paroles dans ta bouche. » Il est rarement possible d’isoler dans le v
129 ousser l’individu à faire ceci ou cela : « Est-ce ma nature secrète ou l’esprit qui a parlé ? » En fait, l’homme de la voc
130 malgré nous… Telle est l’angoisse de la vocation. Je disais tout à l’heure que Kierkegaard, dès ses premières publications
131 a dit dans sa brochure intitulée Point de vue sur mon activité d’auteur : Il me faut préciser la part de la Providence dan
132 ulée Point de vue sur mon activité d’auteur : Il me faut préciser la part de la Providence dans mon œuvre. Car je me rend
133 Il me faut préciser la part de la Providence dans mon œuvre. Car je me rendrais coupable de déloyauté envers Dieu si je pré
134 iser la part de la Providence dans mon œuvre. Car je me rendrais coupable de déloyauté envers Dieu si je prétendais avoir
135 r la part de la Providence dans mon œuvre. Car je me rendrais coupable de déloyauté envers Dieu si je prétendais avoir eu
136 me rendrais coupable de déloyauté envers Dieu si je prétendais avoir eu dès le début une vue d’ensemble de toute la struc
137 e d’ensemble de toute la structure dialectique de mon œuvre… Non, je dois le dire franchement, ce qui m’échappe, c’est que
138 toute la structure dialectique de mon œuvre… Non, je dois le dire franchement, ce qui m’échappe, c’est que je puis mainten
139 n œuvre… Non, je dois le dire franchement, ce qui m’ échappe, c’est que je puis maintenant avoir l’intelligence de l’ensemb
140 le dire franchement, ce qui m’échappe, c’est que je puis maintenant avoir l’intelligence de l’ensemble, sans toutefois po
141 mble, sans toutefois pouvoir affirmer qu’au début je l’ai saisie avec cette netteté : et pourtant c’est bien moi qui ai ac
142 aisie avec cette netteté : et pourtant c’est bien moi qui ai accompli cette œuvre et l’ai menée à chef, pas à pas, avec ma
143 cette œuvre et l’ai menée à chef, pas à pas, avec ma réflexion. … S’il me fallait exprimer avec toute la rigueur et toute
144 enée à chef, pas à pas, avec ma réflexion. … S’il me fallait exprimer avec toute la rigueur et toute la précision possible
145 précision possibles la part de la Providence dans mon œuvre entière, je n’en saurais donner de formule plus adéquate ou plu
146 la part de la Providence dans mon œuvre entière, je n’en saurais donner de formule plus adéquate ou plus décisive que cel
147 plus décisive que celle-ci : la Providence a fait mon éducation, qui se réfléchit dans le processus de ma production. Ainsi
148 éducation, qui se réfléchit dans le processus de ma production. Ainsi sont infirmées dans une certaine mesure les vues qu
149 t infirmées dans une certaine mesure les vues que j’ ai précédemment exposées, à savoir que toute ma production esthétique
150 ue j’ai précédemment exposées, à savoir que toute ma production esthétique est une fraude ; car cette formule concède un p
151 s elle n’est pas tout à fait fausse non plus, car j’ ai eu conscience de moi au cours de cette éducation et dès le début. …
152 à fait fausse non plus, car j’ai eu conscience de moi au cours de cette éducation et dès le début. … Dès le premier moment,
153 ernières pages du livre, il ajoute ceci : « Toute mon œuvre a été en même temps mon propre développement ; c’est en elle qu
154 oute ceci : « Toute mon œuvre a été en même temps mon propre développement ; c’est en elle que j’ai pris conscience de mon
155 emps mon propre développement ; c’est en elle que j’ ai pris conscience de mon idée, de ma tâche. » Dans un autre passage d
156 ement ; c’est en elle que j’ai pris conscience de mon idée, de ma tâche. » Dans un autre passage du même livre, il nous déc
157 en elle que j’ai pris conscience de mon idée, de ma tâche. » Dans un autre passage du même livre, il nous décrit ce que l
158 n seulement privé de confident, mais seul avec un moi qu’il ne comprend même plus : Vainement essaierais-je de raconter l
159 il ne comprend même plus : Vainement essaierais- je de raconter les occasions où Dieu m’a fait sentir son secours. Une ch
160 t essaierais-je de raconter les occasions où Dieu m’ a fait sentir son secours. Une chose m’est bien souvent arrivée que je
161 ns où Dieu m’a fait sentir son secours. Une chose m’ est bien souvent arrivée que je ne puis m’expliquer : quand je faisais
162 secours. Une chose m’est bien souvent arrivée que je ne puis m’expliquer : quand je faisais ce dont il m’était impossible
163 e chose m’est bien souvent arrivée que je ne puis m’ expliquer : quand je faisais ce dont il m’était impossible de donner l
164 ouvent arrivée que je ne puis m’expliquer : quand je faisais ce dont il m’était impossible de donner la raison, ne songean
165 ne puis m’expliquer : quand je faisais ce dont il m’ était impossible de donner la raison, ne songeant pas même à la cherch
166 raison, ne songeant pas même à la chercher, quand je suivais les impulsions de ma nature, ce qui avait ainsi pour moi une
167 à la chercher, quand je suivais les impulsions de ma nature, ce qui avait ainsi pour moi une valeur strictement personnell
168 impulsions de ma nature, ce qui avait ainsi pour moi une valeur strictement personnelle, tenant presque au hasard, révélai
169 ement idéale lorsque ensuite cela paraissait dans mon œuvre ; bien des choses que j’ai faites à titre privé se trouvaient ê
170 a paraissait dans mon œuvre ; bien des choses que j’ ai faites à titre privé se trouvaient être justement celles que je dev
171 tre privé se trouvaient être justement celles que je devais faire comme auteur. Je n’arrivais pas à comprendre comment de
172 ustement celles que je devais faire comme auteur. Je n’arrivais pas à comprendre comment de petites circonstances en appar
173 es circonstances en apparence toutes fortuites de ma vie et qui, mon imagination aidant, prenaient d’immenses proportions,
174 s en apparence toutes fortuites de ma vie et qui, mon imagination aidant, prenaient d’immenses proportions, me mettaient da
175 ination aidant, prenaient d’immenses proportions, me mettaient dans une disposition précise ; je ne comprenais pas, je tom
176 ions, me mettaient dans une disposition précise ; je ne comprenais pas, je tombais dans la mélancolie et, chose curieuse,
177 s une disposition précise ; je ne comprenais pas, je tombais dans la mélancolie et, chose curieuse, il en résultait précis
178 t nommé la disposition nécessaire au travail dont je m’occupais. En un sens, j’ai produit toute mon œuvre comme si je n’av
179 ommé la disposition nécessaire au travail dont je m’ occupais. En un sens, j’ai produit toute mon œuvre comme si je n’avais
180 ssaire au travail dont je m’occupais. En un sens, j’ ai produit toute mon œuvre comme si je n’avais rien fait d’autre que d
181 ont je m’occupais. En un sens, j’ai produit toute mon œuvre comme si je n’avais rien fait d’autre que de copier chaque jour
182 En un sens, j’ai produit toute mon œuvre comme si je n’avais rien fait d’autre que de copier chaque jour des fragments dét
183 ne se risque pas à y marcher. Cette « lumière sur mon sentier », dont nous parle un psaume de David, n’éclaire pas au loin
184 loin une voie tracée d’avance : non, elle est « à mes pieds » seulement, elle ne peut révéler que le premier pas à faire, e
185 aine à laquelle on puisse en appeler par analogie me paraît être l’expérience poétique. Car le poète, lui non plus, ne sai
186 ent, comme la voie même… 3. Cette image du saut me fait songer à la scène finale du beau film que Laurence Olivier a tir
8 1953, Preuves, articles (1951–1968). « Nous ne sommes pas des esclaves ! » (juillet 1953)
187 au nom de la justice et des libertés populaires. J’ imagine deux choses pires que la pire injustice : la première serait d
9 1953, Preuves, articles (1951–1968). Les raisons d’être du Congrès (septembre 1953)
188 lture, dont la liberté est le résultat principal. Je rappellerai tout d’abord les quelques grandes étapes qui nous ont con
189 Nous l’avons fait pour deux grandes raisons, que je voudrais commenter brièvement. Voici notre première raison : La scien
190 le pose des problèmes difficiles, devant lesquels je souhaite que votre conférence ne recule pas. Je citerai deux de ces p
191 s je souhaite que votre conférence ne recule pas. Je citerai deux de ces problèmes, qui d’ailleurs concernent moins l’esse
192 favoriser sa vraie mission libératrice ? Ensuite, je vois le problème des applications de la science. Lorsque Einstein écr
193 n demeurant elle-même libre dans sa recherche. Il me reste à vous dire, en deux mots, pourquoi cette conférence se tient i
194 ait, pour son malheur, à l’Allemagne, au temps où j’ y fis mes études.” Nous reproduisons ci-dessous presque intégralement
195 r son malheur, à l’Allemagne, au temps où j’y fis mes études.” Nous reproduisons ci-dessous presque intégralement l’allocut
10 1954, Preuves, articles (1951–1968). La table ronde de l’Europe (janvier 1954)
196 ù venons-nous ? Où sommes-nous ? Où allons-nous ? Je n’imagine pas de meilleure devise pour la table ronde de l’Europe qui
197 eur des Russes et de la charité des Américains. » Je traduis maintenant les mots en chiffres, et cela donne le curieux rés
198 ur de l’union, notre salut prochain. C’est ainsi, j’ imagine, que l’on voyait les choses dans les milieux du Conseil de l’E
199 un petit groupe de six Sages, dont la composition me paraît tout à fait remarquable4. L’on y trouvait en effet côte à côte
200 e l’unité culturelle à la communauté politique Mon dessein n’est pas de résumer les péripéties des débats qui se déroulè
201 raint de donner la parole à tous sauf à moi-même, je n’en pensais guère moins et notais au passage des points de départ d’
202 des points de départ d’interventions virtuelles… Je m’en voudrais pourtant de les développer ici sans avoir retracé d’abo
203 s points de départ d’interventions virtuelles… Je m’ en voudrais pourtant de les développer ici sans avoir retracé d’abord
204 l’on adopte qui permet finalement de s’accorder. J’ avais donc suggéré aux rapporteurs d’envisager le problème européen da
205 araissent transitoires et relatives. À cette fin, j’ avais introduit, dans les six thèmes proposés, l’idée d’un destin comm
206 l’être que jusqu’où l’on veut », remarque Valéry. Je dirai maintenant les réflexions qui se formaient en moi en écoutant l
207 rai maintenant les réflexions qui se formaient en moi en écoutant les autres. Elles tournent toutes autour d’un même problè
208 mun de nos pays, des voix s’élèvent pour dénoncer je ne sais quel « nationalisme européen », qui aurait pour effet de nous
209 i aurait pour effet de nous « séparer du monde ». Je note que cette résistance à un nationalisme européen encore imaginair
210 généralement le fait de nationalistes tout court, j’ entends de partisans attardés mais honteux de la souveraineté sans lim
211 première et la principale raison d’unir l’Europe, je la vois moins dans nos querelles internes que dans le jeu des forces
212 manquer d’en parler à son tour. Par malheur, elle m’ a paru retomber dans l’illusion qu’il suffirait d’épurer les textes. O
213 erres intérieures par nos peuples. Deux arguments m’ ont frappé, comme étant propres à éduquer le sens européen de notre op
214 suscite la perte de la souveraineté nationale. » Je me résume : il n’est pas exact que nos nations, en vue de s’unir, doi
215 scite la perte de la souveraineté nationale. » Je me résume : il n’est pas exact que nos nations, en vue de s’unir, doiven
216 e à ses nations.   Sentir le fédéralisme. — Plus j’ écoute ce qu’on dit sur l’Europe, et plus me frappe l’absence, chez no
217 Plus j’écoute ce qu’on dit sur l’Europe, et plus me frappe l’absence, chez nos intellectuels, de ce qu’on pourrait appele
218 lecticiens marxistes, et que les hommes d’État de mon pays ont pratiquée sans le savoir depuis des siècles, avec un paisibl
219 r depuis des siècles, avec un paisible succès. Il m’ apparaît urgent et vital que ceux qui s’occupent de l’Europe fassent l
220 on de nos pays reste pratiquement impensable — si j’ ose risquer l’alliance de ces deux mots. Le fédéralisme n’est rien d’a
221 les débats. L’éducation fédéraliste de l’opinion me paraît donc la première tâche de l’heure. J’illustrerai par trois exe
222 nion me paraît donc la première tâche de l’heure. J’ illustrerai par trois exemples, empruntés aux débats de la table ronde
223 s mots tels que paix, liberté, ordre, agression.) Je me souviens d’avoir longuement analysé, dans l’un de mes premiers liv
224 ots tels que paix, liberté, ordre, agression.) Je me souviens d’avoir longuement analysé, dans l’un de mes premiers livres
225 souviens d’avoir longuement analysé, dans l’un de mes premiers livres, « la décadence des lieux communs ». Cette analyse, d
226 une ironie noire, mais sans porter remède au mal. Je lui ajoute ici un exemple topique. Presque tout le monde, aujourd’hui
227 longues disputes trinitaires les grands conciles, je ne sais plus quelle Europe nous défendrons. Celle dont je parle est u
228 is plus quelle Europe nous défendrons. Celle dont je parle est une notion de l’homme, et non pas une somme d’intérêts dont
229 s et de mentionner les sacrifices indispensables, j’ ai cru bon de finir sur ces mots mon discours de clôture au Capitole :
230 ndispensables, j’ai cru bon de finir sur ces mots mon discours de clôture au Capitole : Il est clair que certains sacrific
231 e autre Histoire pour une Europe nouvelle. 4. Je le dis d’autant plus librement qu’invité par le secrétariat du Consei
232 iat du Conseil de l’Europe à présider les débats, je me suis trouvé en présence de personnalités déjà nommées par les gouv
233 du Conseil de l’Europe à présider les débats, je me suis trouvé en présence de personnalités déjà nommées par les gouvern
11 1954, Preuves, articles (1951–1968). Tragédie de l’Europe à Genève (juin 1954)
234 ans l’esprit de Molotov, est de saboter l’Europe, je citerai la Radio de Moscou qui proclamait dans toutes les langues, au
12 1954, Preuves, articles (1951–1968). Il n’y a pas de « musique moderne » (juillet 1954)
235 « musique moderne » (juillet 1954)r s Quand on me demande : « Aimez-vous la musique moderne ? » c’est qu’on attend que
236 ous la musique moderne ? » c’est qu’on attend que je dise non. Je réponds oui pour inquiéter, mais c’est gênant, car la ch
237 e moderne ? » c’est qu’on attend que je dise non. Je réponds oui pour inquiéter, mais c’est gênant, car la chose dont on m
238 nquiéter, mais c’est gênant, car la chose dont on me parle n’existe pas. La « musique moderne », en effet, n’est guère plu
239 re d’école, de style commun, de ton d’époque dont je n’aperçois pas de témoignages concluants au xxe siècle. Il y eut le
240 le groupe des Six, mais il ne fut qu’une amitié : je ne vois rien d’autre qui rapproche un Honegger et un Poulenc. Il y eu
241 ntre toute œuvre tonale, jugée « réactionnaire ». Je ne vois pas deux compositeurs du xviie du xviiie ou du romantisme,
242 té comme une vertu de l’art. Combien de fois n’ai- je pas entendu un jeune peintre ou un jeune compositeur soupirer : « Apr
243 e la peinture et de la poésie au xxe siècle ? Il me semble que ceux qui tiennent la clé de ce problème vital pour la cult
244 ent l’un l’autre, le résultat est une « époque ». Je ne sais pas si nous en vivons une… Mais peut-être sommes-nous sur le
245 enture, un risque financier ? ⁂ À la question que je citais au début, je répondrai maintenant sans hésiter : « J’aime la m
246 nancier ? ⁂ À la question que je citais au début, je répondrai maintenant sans hésiter : « J’aime la musique moderne de to
247 u début, je répondrai maintenant sans hésiter : «  J’ aime la musique moderne de tous les temps, et même du nôtre — la plus
248 a que Denis de Rougemont, dans ses ouvrages, veux- je dire, a eu un vif commerce avec le diable. Et que le diable, qui depu
13 1954, Preuves, articles (1951–1968). De Gasperi l’Européen (octobre 1954)
249 esprit de dévouement, non par fanatisme sectaire. Je l’ai trop peu connu, mais assez bien pour que sa mort m’éprouve comme
250 trop peu connu, mais assez bien pour que sa mort m’ éprouve comme celle d’un ami. Ce fut à l’occasion de la table ronde co
251 endant les cinq jours que durèrent les débats que je dirigeais, siégeant à son côté, je n’ai cessé de l’observer, d’échang
252 les débats que je dirigeais, siégeant à son côté, je n’ai cessé de l’observer, d’échanger avec lui ces remarques à voix ba
253 , sur les problèmes fondamentaux mis en question. Je le voyais écrire sans cesse, résumant certaines déclarations, formula
254 à nos débats par un homme d’État du premier plan, me parurent d’autant plus remarquables qu’il ne s’agissait pas de politi
255 sans humour, et ne connaissent que le sarcasme.) Je me souviens d’un mot qu’il eut dans son discours inaugural, à propos
256 ns humour, et ne connaissent que le sarcasme.) Je me souviens d’un mot qu’il eut dans son discours inaugural, à propos de
14 1954, Preuves, articles (1951–1968). Politique de la peur proclamée (novembre 1954)
257 nt et à tout jamais. Car s’il n’en restait qu’un, je craindrais celui-là, dit en substance François Mauriac (dans L’Expres
258 ché de manifester un profond sens de l’humour. Il m’ a affirmé énergiquement qu’il n’y avait aucun des problèmes opposant l
259 ment de masse », déclare M. Bevan. « Notre tâche, m’ a dit un dirigeant chinois, est maintenant d’atteindre le peuple. » Se
15 1955, Preuves, articles (1951–1968). Le Château aventureux : passion, révolution, nation (mai 1955)
260 dent par ses maladies spécifiques, ces trois noms me sembleraient y suffire. Inconnus de l’Antiquité comme de l’Orient d’a
261 mettre en doute leur valeur religieuse et sacrée, je lui suggère d’en prendre pour mesure sa propre réaction à propos de c
262 ement. Ennemi de la personne et de sa liberté, si j’ en juge par ses vrais effets, il n’en demeure pas moins inconcevable h
263 appelons une série de faits incontestables — dont j’ ai tenté ailleurs d’interpréter les liens9. C’est au début du xiie si
264 iédeur des cendres d’un interminable incendie. Et je sais bien que de la passion mortelle à la romance plus ou moins excit
265 des mystiques), il est impérialisme et abandon du moi (avec la même sincérité, dans le même geste) ; il est intensité mais
266 de sa prêtresse et magicienne Isolde : « Élu par moi , perdu par moi ! » Vocation de souffrance et de fidélité jusqu’à la m
267 e et magicienne Isolde : « Élu par moi, perdu par moi  ! » Vocation de souffrance et de fidélité jusqu’à la mort divinisante
268 roire à la valeur irremplaçable d’un seul être. «  Je pensais à toi dans mon agonie. J’ai versé telles gouttes de sang pour
269 mplaçable d’un seul être. « Je pensais à toi dans mon agonie. J’ai versé telles gouttes de sang pour toi », dit au croyant
270 un seul être. « Je pensais à toi dans mon agonie. J’ ai versé telles gouttes de sang pour toi », dit au croyant le Jésus de
271 Révolution. L’idée et la réalité de ce phénomène, je l’ai dit, sont inconnues dans tout l’Orient, qu’il s’agisse des empir
272 rateur de nos révolutions jugerait dans l’irréel, j’ ai dit pourquoi. Mais ceux qui croient encore que ces révolutions aura
273 hier, jettent les hauts cris de la vertu blessée. J’ attaque en fait leur religion. Non pas comme un parti adverse, mais co
274 peine de naître. Ce que nul n’oserait dire de son moi , il a le devoir sacré de le dire de son nous. Pourtant, cette religio
275 oublient du même coup leurs rudiments d’histoire. J’ ai dit que la frénésie pseudo-religieuse du nationalisme pouvait être
276 tionalisme pouvait être mortelle à l’Occident, et je vois deux raisons considérables pour le craindre. La première, c’est
277 Chacun le sent et le redoute obscurément. Si l’on me demande pourquoi, je répondrai par cette phrase qui est la parabole b
278 redoute obscurément. Si l’on me demande pourquoi, je répondrai par cette phrase qui est la parabole biologique d’une vérit
279 entre l’Occident et l’Orient. Or, voici justement ma seconde raison : c’est que l’Asie tout entière est menacée de « prend
280 alité de l’être, jusqu’au sacrifice éperdu. Alors je ferai d’Iseut l’absolu du désir, et elle le sera tant qu’un obstacle
281 era tant qu’un obstacle réel ou non entre elle et moi , même embrassés, empêchera l’Absolu d’échouer dans la durée. Devant l
282 l’impossible défi, l’homme dit : c’est trop pour moi , mais je ne saurais plus vivre et ressentir ma vie sans cet appel int
283 ble défi, l’homme dit : c’est trop pour moi, mais je ne saurais plus vivre et ressentir ma vie sans cet appel intime. Il p
284 r moi, mais je ne saurais plus vivre et ressentir ma vie sans cet appel intime. Il pense alors : c’est Dieu qui doit être
285 alors : c’est Dieu qui doit être trop faible pour me contraindre à l’obéissance et à l’amour. La révolte ne se lève jamais
286 t sens de l’Histoire, p. 79.) 13. Tout homme est mon frère, quoi qu’il fasse ou pense, si je suis chrétien. Tout camarade
287 omme est mon frère, quoi qu’il fasse ou pense, si je suis chrétien. Tout camarade peut à chaque instant cesser de l’être,
288 marade peut à chaque instant cesser de l’être, si je suis communiste. 14. Les chefs soviétiques font récrire Marx lui-mêm
16 1955, Preuves, articles (1951–1968). L’aventure occidentale de l’homme : L’exploration de la matière (août 1955)
289 e de penser », un archétype mental de l’Occident. Je ne dis pas que ce passage de la christologie à la psychologie soit lé
290 savants ne devraient l’accepter comme tel — mais je constate primo qu’il a eu lieu, et secundo qu’il appartient de fait à
291 holique »… Une démonstration analogue à celle que je viens d’esquisser en partant de la christologie pourrait être faite à
292 prend pour l’Ordre et le Bien. L’eppur de Galilée me paraît plus « chrétien » que l’indignation de ses juges. L’hérésie
293 menacé d’abord par une hérésie toute contraire : je veux parler du docétisme, qui tenait le corps du Christ pour une simp
294 d’une hérésie au sens précis24, c’est bien ce que j’ ai tenté plus haut de mettre en lumière par d’insistants rappels à la
295 mais proprement théologique : c’est l’hérésie que j’ ai décrite. Qu’en est-il du choix des savants ? Beaucoup d’entre eux,
296 ussi, elle dépasse le monde ; rien en lui ne peut m’ empêcher, ni moi-même, de me la poser. C’est ainsi que notre esprit sa
297 ; rien en lui ne peut m’empêcher, ni moi-même, de me la poser. C’est ainsi que notre esprit sans relâche vient buter contr
298 si de penser « Liberté ». Le refus qu’on oppose à ma question dernière dissimule un refus d’être mis en question par autre
299 n 680, par le VIe concile de Constantinople. 20. Je ne veux parler ici que d’incompatibles réels. Certains incompatibles
300 tik, tome I, chap. 2 : Vestigium Trinitatis, dont je citerai ces quelques lignes : « Qu’il suffise de mentionner ici la tr
301 Est-ce bien sa faute ? Et la théologie du temps — je pense surtout à celle des pays protestants, les plus féconds, alors,
302 sent on ne sait quels archétypes formateurs… 31. J’ anticipe à dessein sur un succès total de la science actuelle et de so
17 1955, Preuves, articles (1951–1968). L’aventure technique (octobre 1955)
303 le, est l’humble serviteur de ces géants d’acier… J’ admirais tristement ; il m’était impossible de ne pas voir en même tem
304 de ces géants d’acier… J’admirais tristement ; il m’ était impossible de ne pas voir en même temps ces pitoyables visages d
305 ’homme. Retour à la magie. Cette double confusion me paraît rendre compte des erreurs les plus manifestes commises par les
306 manifestes commises par les « antimodernes » que j’ ai dits. Erreur sur la Bombe. J’écrivais au lendemain d’Hiroshima : «
307 timodernes » que j’ai dits. Erreur sur la Bombe. J’ écrivais au lendemain d’Hiroshima : « La Bombe n’est pas dangereuse du
308 qui ne pourrait être utilisée que pour le bien ? Je dis que ce serait une invention du diable : elle priverait l’homme de
309 les de travail et de création ? La tâche présente me paraît donc bien moins de mettre un frein moral au cours de la techni
310 ois plus élevé en 1954 qu’en 1880.) Ces chiffres, je l’avoue, me laissent mal convaincu : la notion même d’un « niveau de
311 vé en 1954 qu’en 1880.) Ces chiffres, je l’avoue, me laissent mal convaincu : la notion même d’un « niveau de vie moyen »
312 transports, habitation, hygiène, et distractions. Je vois bien l’aspect théorique de ces calculs ; qu’ils supposent une di
313 a technique les libère subitement à ce degré-là ? Je n’en sais rien. Savait-on beaucoup mieux, aux environs de 1830, ce qu
314 istences quotidiennes. La question « Que faire de ma vie ? » ne sera plus réprimée par cette réponse, plusieurs fois millé
315 : « La gagner ! » Elle sera subitement mise à nu. Je n’entends pas peindre ici quelque utopie qui pourrait amuser nos desc
316 u, bien moins par suite de facteurs matériels que j’ aurais oubliés, ou ne saurais prévoir, qu’en vertu de nos libres décis
317 asion de la culture, nul ne saurait en préjuger : je dis seulement que tout y mène pour le meilleur et pour le pire. C’est
318 nous ramènera demain aux options religieuses. Et je n’imagine pas de drogue assez puissante pour en détourner le genre hu
319 puissante pour en détourner le genre humain42.   Je sais bien que la vie religieuse la plus intense a signifié longtemps
320 nes dont le style créateur a fait son temps43. Et je ne dis pas qu’elles s’en priveront. Mais je vois aussi que la culture
321 3. Et je ne dis pas qu’elles s’en priveront. Mais je vois aussi que la culture répand déjà, dans un public naguère totalem
322 , ni le défaut de confort n’a rien pu contre lui. Je dis seulement qu’elle peut nous jeter dans une époque où les question
323 35. Sur l’entreprise spirituelle de l’Alchimie, je ne puis que renvoyer aux œuvres de C. G. Jung : Psychologie und Relig
18 1956, Preuves, articles (1951–1968). Les joyeux butors du Kremlin (août 1956)
324 udes sur l’avenir probable de l’URSS : la plupart me semblent céder à la manie d’historiser le présent, et de n’en vouloir
325 tion commode. Loin d’ajouter à cette littérature, j’ examinerai les trois questions suivantes : Que se passe-t-il en réalit
326 définiraient une courbe d’allure bien différente… Je ne prétends pas que la courbe descendante soit plus vraie que l’ascen
327 endre à Franco moyennant une solide contrepartie, j’ écrivis : « Aujourd’hui, c’est le voleur lui-même qui rapporte contre
328 d’appeler « crimes » les moyens de leur fortune ( j’ entends bien : de leur pouvoir présent) légitime leur propriété ou du
329 nom du « mouvement de l’Histoire ». Ces réalistes me diront : vous parlez au nom de la morale, mais K. et ses amis ont bie
330 ialectique » ? Ne serait-ce pas un moyen, que dis- je , le seul moyen, de sauver cette méthode éminemment marxiste, dont on
331 aux mandarins français ? Idée chrétienne, diront mes réalistes avec mépris. Mais idée russe aussi : Tolstoï, Dostoïevski (
332 ’il n’y a pas eu « déstalinisation » ? Nullement. Je cherche à voir un ensemble de faits que le mot ne suffit pas à caract
333 es appliquer. Quant au sens général du phénomène, j’ ai dit qu’il est encore conjectural. On ignore, on effet, son vrai poi
334 , mais trompeuse : « Ceux qui gouvernent en URSS, je reconnais qu’ils ont eu des postes et des charges du vivant de Stalin
335 t donc survivre à l’autre ? Or ils sont morts, si j’ en crois Sartre, au même instant, par une extraordinaire coïncidence (
336 le du communisme soviétique et mondial. Au total, je ne pense pas que le phénomène relève d’une dialectique justifiante de
337 rouvent encore quand ils disent ne plus le faire. Je pense, au contraire, que Staline a été brutalement liquidé par l’acti
338 . le reflète, l’accentue et le rend irréversible. J’ examinerai maintenant les conséquences qui peuvent ou doivent découler
339 leurs adversaires aussi bien que de leurs alliés. J’ essaierai de la faire dans les termes les plus simples. Qu’est-ce qu’u
340 sous le nom d’anticommuniste systématique. C’est mon cas et je m’en explique. Je fus aussi, et au même titre, un antinazi
341 m d’anticommuniste systématique. C’est mon cas et je m’en explique. Je fus aussi, et au même titre, un antinazi systématiq
342 ’anticommuniste systématique. C’est mon cas et je m’ en explique. Je fus aussi, et au même titre, un antinazi systématique.
343 systématique. C’est mon cas et je m’en explique. Je fus aussi, et au même titre, un antinazi systématique. Communisme et
344 n’y a donc pas, en eux, à prendre et à laisser. ( Je prends le Plan, je laisse les camps ; je prends K. et son groupe, je
345 eux, à prendre et à laisser. (Je prends le Plan, je laisse les camps ; je prends K. et son groupe, je laisse Staline ; je
346 aisser. (Je prends le Plan, je laisse les camps ; je prends K. et son groupe, je laisse Staline ; je prends les idéaux, je
347 je laisse les camps ; je prends K. et son groupe, je laisse Staline ; je prends les idéaux, je laisse les faits.) Ce que p
348 ; je prends K. et son groupe, je laisse Staline ; je prends les idéaux, je laisse les faits.) Ce que prétendent laisser no
349 groupe, je laisse Staline ; je prends les idéaux, je laisse les faits.) Ce que prétendent laisser nos libéraux jobards et
350 e par le régime lui-même. Et parmi les hommes que j’ ai dit libéraux, neutralistes ou progressistes, certains le savaient t
351 asse ou du parti dont il attaque les adversaires. Je suis certain que Sartre, par exemple, tire honnêtement ses revenus de
352 apport K. et ses suites ? Sur les points 1 à 8 de ma liste d’exemples, K. et les siens, pour l’essentiel, donnent raison a
353 nt. Cela peut être aussi bien asservir davantage. Je reviendrai tout à l’heure sur ce point : c’est le nœud des sophismes
354 souvent aussi de leurs revenus »51. Réponse : En ma qualité d’anticommuniste beaucoup moins distingué, sans doute, que M.
355 e ses amis d’Esprit, donc carrément « vulgaire », j’ essaie de mesurer mon « épreuve bien dure ». Est-il vrai que l’antista
356 donc carrément « vulgaire », j’essaie de mesurer mon « épreuve bien dure ». Est-il vrai que l’antistalinisme tardivement p
357 e tardivement proclamé par K. détruise la base de mes convictions ? J’ai cru voir, au contraire, qu’il la consolidait, en l
358 lamé par K. détruise la base de mes convictions ? J’ ai cru voir, au contraire, qu’il la consolidait, en lui apportant une
359 nte infirmation. Est-il vrai que le rapport de K. me rejette à la condition d’intellectuel en chômage ? Au pire, j’aurais
360 la condition d’intellectuel en chômage ? Au pire, j’ aurais encore ma conscience pour moi… Mais, à supposer qu’il soit vrai
361 ntellectuel en chômage ? Au pire, j’aurais encore ma conscience pour moi… Mais, à supposer qu’il soit vrai que l’existence
362 age ? Au pire, j’aurais encore ma conscience pour moi … Mais, à supposer qu’il soit vrai que l’existence du stalinisme soit
363 ue l’existence du stalinisme soit la condition de mes revenus, j’ai dit plus haut les bonnes et solides raisons que j’aurai
364 e du stalinisme soit la condition de mes revenus, j’ ai dit plus haut les bonnes et solides raisons que j’aurais, dans ce c
365 i dit plus haut les bonnes et solides raisons que j’ aurais, dans ce cas, de rester optimiste. M. Fejtö me dira qu’il ne me
366 urais, dans ce cas, de rester optimiste. M. Fejtö me dira qu’il ne me visait pas, qu’il s’étonne même que je me sois cru v
367 s, de rester optimiste. M. Fejtö me dira qu’il ne me visait pas, qu’il s’étonne même que je me sois cru visé. On lui deman
368 a qu’il ne me visait pas, qu’il s’étonne même que je me sois cru visé. On lui demandera des précisions, des noms. Visait-i
369 u’il ne me visait pas, qu’il s’étonne même que je me sois cru visé. On lui demandera des précisions, des noms. Visait-il d
370 e conscience des anticommunistes « distingués » ? Je croyais, naïvement, que le rapport K. devait, en somme, et en quelque
371 langage. Ils jugeaient honnêtement, sincèrement, je n’en doute pas, sur la foi d’un système d’étiquettes proposé par les
372 , donc de mentir. On se tromperait en croyant que j’ instruis un procès : il s’agit simplement de poser un diagnostic. L’in
373 ument de K. (Ce dernier s’en déclare enchanté : «  J’ étais sûr de mon vieux Togliatti »)55. Mais Thorez, Fils du Peuple, s’
374 dernier s’en déclare enchanté : « J’étais sûr de mon vieux Togliatti »)55. Mais Thorez, Fils du Peuple, s’accroche au Père
375 déclarer aux mêmes sujets : « À partir de demain, je l’ordonne, soyez libres ! Peignez-vous comme il vous plaira et cessez
376 le même accent et pour les mêmes motifs. Que dis- je  ! les Thorez, les Duclos, rédigeant leurs résolutions, ils m’ont l’ai
377 rez, les Duclos, rédigeant leurs résolutions, ils m’ ont l’air encore plus menteurs en critiquant Staline par ordre, qu’en
378 ssi en pratique. La crise est telle, au moment où j’ écris (fin juin 1956), qu’on ne saurait plus refuser sans examen l’hyp
379 es au dédain des experts unanimes des deux camps. Je m’étais un peu moqué de leur propension à anticiper l’avenir… Ceteru
380 au dédain des experts unanimes des deux camps. Je m’ étais un peu moqué de leur propension à anticiper l’avenir… Ceterum c
381 rets d’une liberté que les seconds renient ? Ceci me rappelle un embarras de logique diaboliquement imaginé par l’innocent
382 Encore faut-il vouloir une paix vraiment vivante, j’ entends une paix qui ne résulte pas du contact de deux apathies et de
383 le qui naît de la confiance en ce que l’on croit. J’ en conclus qu’il faut faire l’Europe. Nous rendre assez forts pour don
384 st de fous, moins ça se voit », pourrait au mieux me répondre K. 47. « Avec la démocratie intérieure au Parti, la directi
385 L’Observateur, et qu’il juge trop personnels : «  J’ ai retrouvé avec stupeur les procédés de la droite et je sais que j’au
386 etrouvé avec stupeur les procédés de la droite et je sais que j’aurai droit, le mois prochain, à un autre article, aussi c
387 stupeur les procédés de la droite et je sais que j’ aurai droit, le mois prochain, à un autre article, aussi calomnieux ma
388 ut de même moins pâteux, dans Preuves. » (Ce « et je sais » que j’ai souligné, paraît obscur.) Je n’ai pas la moindre envi
389 ns pâteux, dans Preuves. » (Ce « et je sais » que j’ ai souligné, paraît obscur.) Je n’ai pas la moindre envie de calomnier
390 « et je sais » que j’ai souligné, paraît obscur.) Je n’ai pas la moindre envie de calomnier un homme pour qui j’ai eu de l
391 s la moindre envie de calomnier un homme pour qui j’ ai eu de l’amitié, et ce n’est pas ma faute s’il suffit de le citer po
392 mme pour qui j’ai eu de l’amitié, et ce n’est pas ma faute s’il suffit de le citer pour faire mesurer les ravages, dans un
19 1956, Preuves, articles (1951–1968). Sur Suez et ses environs historiques (octobre 1956)
393 ues (octobre 1956)aa Un dialogue A. Aidez- moi , bon monsieur, je suis sous-développé. B. Intéressant ami, que vous f
394 a Un dialogue A. Aidez-moi, bon monsieur, je suis sous-développé. B. Intéressant ami, que vous faut-il ? A. Si vou
395 Intéressant ami, que vous faut-il ? A. Si vous ne m’ aidez pas, sachez-le, je me jetterai dans les bras de Moscou, et c’est
396 s faut-il ? A. Si vous ne m’aidez pas, sachez-le, je me jetterai dans les bras de Moscou, et c’est vous qui m’y aurez pous
397 aut-il ? A. Si vous ne m’aidez pas, sachez-le, je me jetterai dans les bras de Moscou, et c’est vous qui m’y aurez poussé 
398 tterai dans les bras de Moscou, et c’est vous qui m’ y aurez poussé ! J’ai besoin d’un barrage. B. Entendu. Vous aurez des
399 s de Moscou, et c’est vous qui m’y aurez poussé ! J’ ai besoin d’un barrage. B. Entendu. Vous aurez des capitaux. Je vous d
400 ’un barrage. B. Entendu. Vous aurez des capitaux. Je vous demanderai seulement… A. Quoi, déjà des conditions politiques ?
401 des conditions politiques ? Sachez, monsieur, que je suis souverain. Je vous refuse le droit de vous mêler de mes affaires
402 tiques ? Sachez, monsieur, que je suis souverain. Je vous refuse le droit de vous mêler de mes affaires B. Je croyais qu’i
403 uverain. Je vous refuse le droit de vous mêler de mes affaires B. Je croyais qu’il s’agissait d’un barrage, que c’était une
404 ne affaire, et votre affaire d’abord, et que vous me demandiez de m’en mêler. A. Vous me jetez dans les bras de Khrouchtch
405 otre affaire d’abord, et que vous me demandiez de m’ en mêler. A. Vous me jetez dans les bras de Khrouchtchev ! Je ne veux
406 , et que vous me demandiez de m’en mêler. A. Vous me jetez dans les bras de Khrouchtchev ! Je ne veux pas de conditions po
407 A. Vous me jetez dans les bras de Khrouchtchev ! Je ne veux pas de conditions politiques. B. Je n’en ai pas parlé. J’alla
408 e conditions politiques. B. Je n’en ai pas parlé. J’ allais dire justement que mes capitaux seraient administrés par vous.
409 Je n’en ai pas parlé. J’allais dire justement que mes capitaux seraient administrés par vous. Cependant, j’eusse aimé suggé
410 apitaux seraient administrés par vous. Cependant, j’ eusse aimé suggérer certaines garanties de bonne gestion. A. Me prenez
411 les moyens. A. Je les aurai demain, à Moscou, si je le veux. B. Mais à quelles conditions politiques ? A. Vous vous mêlez
412 ons politiques ? A. Vous vous mêlez de nouveau de mes affaires privées ! Nous irons dénoncer devant l’ONU cette abominable
413 de provocations impérialistes ! Vous êtes riche, je suis pauvre, vous devez donc me donner de quoi devenir riche à mon to
414 Vous êtes riche, je suis pauvre, vous devez donc me donner de quoi devenir riche à mon tour. B. Pourquoi vous ferais-je c
415 vous devez donc me donner de quoi devenir riche à mon tour. B. Pourquoi vous ferais-je ce don sans garanties, à vous qui m’
416 devenir riche à mon tour. B. Pourquoi vous ferais- je ce don sans garanties, à vous qui m’insultez en me le demandant ? A.
417 vous ferais-je ce don sans garanties, à vous qui m’ insultez en me le demandant ? A. Pour éviter que je me jette dans les
418 e ce don sans garanties, à vous qui m’insultez en me le demandant ? A. Pour éviter que je me jette dans les bras de Moscou
419 ’insultez en me le demandant ? A. Pour éviter que je me jette dans les bras de Moscou. B. Pourquoi vous jeter dans les bra
420 sultez en me le demandant ? A. Pour éviter que je me jette dans les bras de Moscou. B. Pourquoi vous jeter dans les bras d
421 ndition ? A. Parce que Moscou vous emm… et que ça me plaît. B. Si je vous donnais les capitaux, Moscou ne changerait pas p
422 ce que Moscou vous emm… et que ça me plaît. B. Si je vous donnais les capitaux, Moscou ne changerait pas pour si peu. Je v
423 s capitaux, Moscou ne changerait pas pour si peu. Je vous rendrais plus fort contre moi, et vous ne m’aimeriez pas davanta
424 as pour si peu. Je vous rendrais plus fort contre moi , et vous ne m’aimeriez pas davantage. Vous n’aimez pas vos intérêts,
425 Je vous rendrais plus fort contre moi, et vous ne m’ aimeriez pas davantage. Vous n’aimez pas vos intérêts, pourquoi donc m
426 age. Vous n’aimez pas vos intérêts, pourquoi donc m’ intéresseraient-ils ? Vous aimez seulement me haïr. Cherchez ailleurs
427 donc m’intéresseraient-ils ? Vous aimez seulement me haïr. Cherchez ailleurs que dans mes dons les moyens d’assouvir votre
428 mez seulement me haïr. Cherchez ailleurs que dans mes dons les moyens d’assouvir votre haine. Nasser n’est pas Hitler
20 1956, Preuves, articles (1951–1968). Sur l’Europe à faire (novembre 1956)
429 ait tous, et vous demandez une bonne définition ! Je vous vois venir. A. J’y viens ! Serait-elle de gauche ou de droite ?
430 dez une bonne définition ! Je vous vois venir. A. J’ y viens ! Serait-elle de gauche ou de droite ? Dominée par l’Allemagne
431 ve. On choisirait ensuite les étiquettes. A. Mais je ne sais toujours pas de quelle Europe vous parlez. B. De celle qu’il
432 alogue, peut-être. De celle où vous êtes né comme moi , si je ne me trompe, et qui meurt de vos doutes, plus que de la foi d
433 peut-être. De celle où vous êtes né comme moi, si je ne me trompe, et qui meurt de vos doutes, plus que de la foi des autr
434 tre. De celle où vous êtes né comme moi, si je ne me trompe, et qui meurt de vos doutes, plus que de la foi des autres.  
435 e la foi des autres.   C et D (ensemble). Laissez- moi ricaner, monsieur ! Votre Europe, elle nous laisse tomber ! B. Commen
436 ieux ? Les grands partis s’en mêlent ? Mais dites- moi , c’est intéressant ! B. Plus ou moins. S. Mais qu’est-ce qu’il vous f
437 e. La cause étant ainsi jugée, l’on ne fera rien. Je sais bien que quelques étudiants noirs conspués à l’entrée d’un collè
438 st le réflexe normal de tout bon communiste. «  Je vous assure, docteur ! » Les événements récents, à la suite du XXe
439 de quoi veut-on que nous nous libérions ? Jamais je ne me suis senti si libre ! » Ainsi parle Joliot-Curie, au congrès du
440 oi veut-on que nous nous libérions ? Jamais je ne me suis senti si libre ! » Ainsi parle Joliot-Curie, au congrès du PC fr
441 ux États-Unis dans une situation matérielle qu’on me dit voisine de la misère. Les milieux musicaux ont loué sa « dignité 
442 élites dans nos démocraties occidentales. Quant à moi , je me promène sur la place Saint-Marc, portant aux nues le festival
443 s dans nos démocraties occidentales. Quant à moi, je me promène sur la place Saint-Marc, portant aux nues le festival de V
444 ans nos démocraties occidentales. Quant à moi, je me promène sur la place Saint-Marc, portant aux nues le festival de Veni
445 de maillot (Stravinski restant loin derrière). Et je ne parle même pas du monde du cinéma, où la minute de pellicule multi
446 de poitrine vaut un vison. « C’est tout naturel » m’ assure-t-on. Voilà qui juge une société. Car il n’y a rien de naturel
21 1956, Preuves, articles (1951–1968). Sur le rêve des sciences (décembre 1956)
447 , cette petite note en soit témoin : à la date où je l’écris, nous ne savons rien de ce qui peut nous attendre ou non sur
448 astres. Nous avons simplement envie d’aller voir je ne sais quoi, — d’aller voir. Au-delà de nos vieilles rages politique
449 plus de problème du communisme. Quelques Blancs, je l’espère, et beaucoup de Jaunes, les Rouges n’étant plus qu’un souven
450 er le délire cohérent des sciences exactes. Tu ne me trouverais pas, dit l’objet, si tu ne m’avais d’abord cherché, et com
451 s. Tu ne me trouverais pas, dit l’objet, si tu ne m’ avais d’abord cherché, et comment m’aurais-tu cherché si tu ne m’avais
452 jet, si tu ne m’avais d’abord cherché, et comment m’ aurais-tu cherché si tu ne m’avais d’abord imaginé ? Parce que tu m’as
453 cherché, et comment m’aurais-tu cherché si tu ne m’ avais d’abord imaginé ? Parce que tu m’as rêvé, je suis. Voilà qui est
454 é si tu ne m’avais d’abord imaginé ? Parce que tu m’ as rêvé, je suis. Voilà qui est moins idéaliste que le cogito cartésie
455 m’avais d’abord imaginé ? Parce que tu m’as rêvé, je suis. Voilà qui est moins idéaliste que le cogito cartésien : il suff
456 k et séparé de l’Europe depuis de longues années, je notais : « Transmission du corps humain à grande distance par radio.
457 orte d’au-delà, pour la première fois calculable. Je la résume ainsi : quand un neutron rencontre son antineutron, il disp
458 ynonyme de reflet dans le miroir, d’image du vrai moi , d’ombre, d’écho, et d’âme. Et chacun dans sa langue nous enseigne qu
459 nous enseigne que voir son Double, c’est mourir. Je n’en dirai pas plus aujourd’hui, laissez-moi réfléchir un peu… Nos
460 rir. Je n’en dirai pas plus aujourd’hui, laissez- moi réfléchir un peu… Nos problèmes d’aujourd’hui, de classes Ceci
461 rtisanes, aux rhéteurs excités. Que deux exemples me suffisent ici. La suppression de la condition prolétarienne ne sera p
22 1957, Preuves, articles (1951–1968). Sur la honte et l’espoir de l’Europe (janvier 1957)
462 faire cette Europe qui aurait seule pu répondre. Je partage cette honte pour avoir toléré trop de mauvais prétextes à ne
463 ef article. Que peut-on faire ? Il y a seize ans, j’ en publiais un autre sur l’entrée d’Hitler à Paris. Hitler nous menaça
464 à bout portant. Quinze jours de prison militaire m’ avaient au moins prouvé qu’il est des mots qui portent. Mais les Russe
465 pel ? Savoir ce qu’il faut dire est notre action. J’ écrivais hier : Jurons de faire l’Europe. C’est la seule réponse posit
466 tiques. Refuser désormais tout dialogue avec eux, je ne vois aucun autre moyen de leur faire prendre conscience de ce qui
467 mettrait ainsi de parler de Budapest ? Tandis que mon silence sur le Guatemala me l’interdirait aujourd’hui ? Cela paraît d
468 udapest ? Tandis que mon silence sur le Guatemala me l’interdirait aujourd’hui ? Cela paraît dément, ou stupide. Mais il s
469 iante que l’effet d’humour noir paraît délibéré : je crois pourtant qu’il ne l’est pas. C’est leur mauvaise conscience qui
470 ey Rentré hier de Paris à Genève, à temps pour me joindre au cortège de deuil et de muette protestation annoncé pour si
471 ’est toujours le même cri : « Que peut-on faire ? Je suis prêt à le faire avec vous. » « Agissez ! Agissez ! Agissez ! » —
472 oupures de presse et nouvelles lettres. Plusieurs me disent : Et Suez ? Et les Malgaches ? Et le Guatemala ? Et l’Algérie 
473 stez pas ? Vous êtes donc pour ? (Mais ceux-là ne me disent pas : et Berlin ? Et Poznań ? Et le peuple, après tout, de la
474 nte Russie colonisée par un parti impérialiste ?) Je réprouve le massacre des Malgaches. Je trouve la guerre d’Égypte absu
475 ialiste ?) Je réprouve le massacre des Malgaches. Je trouve la guerre d’Égypte absurde. Le fait que je n’en aie pas parlé
476 Je trouve la guerre d’Égypte absurde. Le fait que je n’en aie pas parlé dans mon appel ne saurait signifier que je m’en fa
477 e absurde. Le fait que je n’en aie pas parlé dans mon appel ne saurait signifier que je m’en fasse le complice, puisqu’aucu
478 pas parlé dans mon appel ne saurait signifier que je m’en fasse le complice, puisqu’aucun de mes principes ne m’y oblige e
479 parlé dans mon appel ne saurait signifier que je m’ en fasse le complice, puisqu’aucun de mes principes ne m’y oblige et n
480 er que je m’en fasse le complice, puisqu’aucun de mes principes ne m’y oblige et nulle discipline de parti. Faut-il donc vo
481 sse le complice, puisqu’aucun de mes principes ne m’ y oblige et nulle discipline de parti. Faut-il donc vous faire un dess
482 de parti. Faut-il donc vous faire un dessin ? Que je n’aie rien dit cette fois de Perón, de Franco, de Katyn et de la Coré
483 y, non, cela ne veut pas dire, ô belles âmes, que j’ approuve ces opérations. Cela traduit simplement le fait qu’on ne peut
484 up. Que l’énergie magyare passe dans notre sang ! J’ ai vu se lever, depuis quelques semaines, une génération qui a compris
23 1957, Preuves, articles (1951–1968). Sur Voltaire (février 1957)
485 Sur Voltaire (février 1957)ae S’il m’ arrive, à Paris, d’appeler mon domicile, qui est à Ferney-Voltaire, da
486 rier 1957)ae S’il m’arrive, à Paris, d’appeler mon domicile, qui est à Ferney-Voltaire, dans l’Ain : « Veuillez épeler »
487 r », dit la téléphoniste. C’est trop long. Donnez- moi Ferney comme Branca et Voltaire comme un fauteuil. — J’y suis. Dans q
488 ney comme Branca et Voltaire comme un fauteuil. —  J’ y suis. Dans quel département ? — L’Ain. Elle comprend « hein ? » et r
489 d du temps, et cela se répète depuis neuf ans que je me suis arrêté dans cette ferme, au pied du Jura, face aux Alpes, à 8
490 u temps, et cela se répète depuis neuf ans que je me suis arrêté dans cette ferme, au pied du Jura, face aux Alpes, à 8 ki
491 jusqu’à l’année de sa mort, vingt ans plus tard. Je connais peu de paysages aussi complets : la plaine et ses intimités c
492 apis de brume. Aux bords de ce ruisseau qui longe mon jardin, qui l’inonde aux crues de printemps, Chateaubriand passa des
493 vrai. Il a bien sa statue, grandeur nature, dans mon village. Mais ce n’est pas ce petit corps maigre et ce rire édenté de
494 présent parmi nous. Plutôt ces inscriptions, que je copie sur le socle : Face nord : Au bienfaiteur de Ferney Voltaire f
495 it et, malgré son grand âge, il plantait. « Quand je n’aurais défriché qu’un champ et quand je n’aurais fait réussir que v
496 « Quand je n’aurais défriché qu’un champ et quand je n’aurais fait réussir que vingt arbres, c’est toujours un bien qui ne
497 Mais les arbres bordant la route de Gex à Genève me parlent chaque matin de son amour des lieux. Il fit venir de Genève c
498 os soldats ? » demande le prince de Hesse. « Non, mes amis ! », dit le grand homme. Et tous de pleurer à l’envi. Paul Claud
499 Paul Claudel, informé par un ami commun de ce que j’ habitais à Ferney : « Est-ce que Voltaire ne vient pas lui chatouiller
500 antôme, mais certes son exemple vient chatouiller mon imagination, que bien d’autres images entraînent, dans ce pays de « m
501 iter le P. Teilhard de Chardin, lequel d’ailleurs me dit un jour, en riant beaucoup, que sa famille était apparentée à Vol
24 1957, Preuves, articles (1951–1968). Sur la neutralité européenne (mars 1957)
502 ts, qui sont peut-être à l’origine du courant que je crois sentir vers la neutralité européenne. Il y a d’abord le sentime
503 rope. Mais ceux qui en parlent sont les mêmes qui me disaient hier encore : « Qu’est-ce que l’Europe ? » À mon tour de leu
504 ient hier encore : « Qu’est-ce que l’Europe ? » À mon tour de leur demander ce qu’ils entendent par neutralité. Divers a
505 é. Divers abus dans la notion de neutralité J’ ai dit plus haut pourquoi le neutralisme est littéralement un mensonge
506 s partisans, d’ailleurs, le savent aussi bien que moi .) Laissons donc ces mystères de la mauvaise conscience, et voyons le
507 utre entre une armée et un point de vue ; que dis- je , entre la maladie et le diagnostic ! Cette espèce-là de neutralité s’
508 du jeu, et d’un besoin plus fier d’indépendance. Je ne sais qui a pu écrire que « seul un État neutre est vraiment indépe
509 ment indépendant pourrait être absolument neutre. Je n’en vois guère que deux qui soient dans ce cas. Quasiment autarcique
510 Présence , Lausanne et Genève, n° 3, 1956. 62. J’ imagine qu’une situation de double pat ne saurait se produire aux éche
25 1957, Preuves, articles (1951–1968). Sur la neutralité européenne (II) (avril 1957)
511 veraines, et fragilement alliées plutôt qu’unies. J’ avais énuméré quatre de ces motifs, et les rappelle. 1. La cause ou l’
512 ue dans le cas d’une Europe vraiment unie, par où j’ entends une Europe intégrale incluant les pays de l’Est, dotée d’un po
513 ’Express. Tout arrive. Du point de vue militaire, je ne puis juger l’idée. Du point de vue de la spéculation politique et
514 s nous imposent comme la seule solution viable. «  Je n’ai jamais trouvé qu’il y ait la moindre force dans l’idée d’une Eur
515 nt ? Une foule de motifs très divers concourent à me faire répondre à la première question par un oui presque sans réserve
516 que nos armées nationales ne paient plus ?) Reste ma seconde question. Supposons l’union faite, d’autant plus vite, d’aill
26 1957, Preuves, articles (1951–1968). Sur la neutralité européenne (fin) (mai 1957)
517 l’échiquier du monde occidental. Chemin faisant, j’ ai signalé que cette neutralité européenne — comme toute neutralité mo
518 on Faute de l’aide d’une machine électronique, j’ ai dû simplifier à l’extrême la prévision de ces quelques coups élémen
519 ces quelques coups élémentaires, et l’on voit que mes premiers résultats n’en sont pas moins d’une assez grande complexité.
520 ’en sont pas moins d’une assez grande complexité. Je suis fort loin d’être arrivé à la conclusion univoque dont j’avais qu
521 loin d’être arrivé à la conclusion univoque dont j’ avais quelque idée qu’elle pourrait se dégager de l’exercice, une fois
522 taines données de fait et de vocabulaire courant. Je n’aurais pas mené en vain cette recherche sans prévention, si les dif
523 les résultantes issues de ce complexe de forces, j’ aboutis à peu près à ceci : a) Une Europe intégrale et fédérée, procla
524 union en ralliant les pays de l’Est. 64. Voir ma chronique de mars et d’avril. ah. Rougemont Denis de, « Sur la neu
27 1957, Preuves, articles (1951–1968). Sur deux écrivains politiques (juin 1957)
525 Budapest est l’expression de cette politique, et je suis le seul à le voir, mais Budapest est une faute grave, donc cette
526 aute grave, donc cette politique était fausse, et j’ ai seul le droit de le dire, l’ayant soutenue jusqu’au dernier moment
527 ux Suisses Le même Sartre écrivait naguère que je me suis tu sur Suez mais « abondamment expliqué sur Budapest ». Or c’
528 Suisses Le même Sartre écrivait naguère que je me suis tu sur Suez mais « abondamment expliqué sur Budapest ». Or c’est
529 dapest ». Or c’est lui qui a fait cela et non pas moi . On m’a lu sur Suez ici même, et je n’ai publié sur Budapest que troi
530 . Or c’est lui qui a fait cela et non pas moi. On m’ a lu sur Suez ici même, et je n’ai publié sur Budapest que trois petit
531 a et non pas moi. On m’a lu sur Suez ici même, et je n’ai publié sur Budapest que trois petits articles qui font douze pag
532 donné trois-cents pages sur Budapest, tandis que je ne connais rien de lui sur Suez à part ce qu’il en dit à propos de Gu
533 il en dit à propos de Guy Mollet. On dirait qu’il me prend pour lui, ou lui pour moi. D’une autre confusion je m’avoue res
534 t. On dirait qu’il me prend pour lui, ou lui pour moi . D’une autre confusion je m’avoue responsable. On m’accuse dans Aspec
535 pour lui, ou lui pour moi. D’une autre confusion je m’avoue responsable. On m’accuse dans Aspects de la France de parler
536 ur lui, ou lui pour moi. D’une autre confusion je m’ avoue responsable. On m’accuse dans Aspects de la France de parler ind
537 D’une autre confusion je m’avoue responsable. On m’ accuse dans Aspects de la France de parler indifféremment du nationali
538 reurs majeures de notre temps. » De plus fins que moi s’y sont laissé prendre, il est vrai. Mais mes deux censeurs se rejoi
539 ue moi s’y sont laissé prendre, il est vrai. Mais mes deux censeurs se rejoignent dans une inquiétante découverte. « Je con
540 se rejoignent dans une inquiétante découverte. «  Je connais M. de Rougemont, écrit Sartre, c’est un homme doux, bien élev
541 e son côté, Aspects de la France croit savoir que je suis Suisse, trouve que j’ai bien de la chance, mais que cela m’ôte l
542 rance croit savoir que je suis Suisse, trouve que j’ ai bien de la chance, mais que cela m’ôte le droit de « faire la leçon
543 trouve que j’ai bien de la chance, mais que cela m’ ôte le droit de « faire la leçon aux Français ». Au second, je rappell
544 it de « faire la leçon aux Français ». Au second, je rappelle que l’ouvrage qu’il attaque, d’ailleurs écrit pour un éditeu
545 t que de l’Occident en général. Quant au premier, je crains qu’il ne s’inspire de Machiavel, qui écrivait au xvie siècle 
546 mune à juger des idées sur le vu d’un passeport ? Mon point de vue n’est pas national, comme le suggère le titre même de ce
547 dès le début, plus qu’aucun ouvrage politique que j’ aie lu ces dernières années, mais peut-être est-il trop complet, trop
548 les qui se présentent à l’esprit d’un libéral, et je crois bien qu’il n’est pas une de celles qu’on lui opposera, que Suza
549 éloquente rigueur. Du point de vue des principes, je lui donne cause gagnée. Du point de vue de l’opportunité et de la str
550 ue de l’opportunité et de la stratégie politique, je ne suis nullement partisan d’une interdiction du PC, encore qu’il soi
28 1957, Preuves, articles (1951–1968). Sur le pouvoir des intellectuels (juillet 1957)
551 ou Maurras, Mazzini, H. S. Chamberlain ou Sorel. Je lis dans une revue réputée conformiste la phrase suivante : « Le cara
552 a netteté que lui prêtent les intellectuels. » Et je sens aussitôt que l’intellectuel qui écrit cela défend une certaine p
553 éon et les intellectuels Dans une autre revue, je lis ceci : « L’Europe unie, c’est un problème qui intéresse avant tou
554 norent pathétiquement leurs vrais problèmes. Mais je ne vois pas un seul mouvement né de la masse qui ait réussi au xxe s
555 ti de petits groupes d’idéologues. À supposer que je sois contre l’union de l’Europe, si l’on me disait que c’est une affa
556 r que je sois contre l’union de l’Europe, si l’on me disait que c’est une affaire d’intellectuels, je serais inquiet. S
557 me disait que c’est une affaire d’intellectuels, je serais inquiet. Sur une hypocrisie des pseudo-libéraux Refuser
558 , mais la force brutale des armées étrangères. On me dira que tout le monde le sait, mais je vois que personne n’y croit c
559 gères. On me dira que tout le monde le sait, mais je vois que personne n’y croit chez les soi-disant libéraux, puisqu’ils
560 Volant de Genève à Londres, à La Haye ou à Rome, je lis les prospectus qu’on nous donne sur ces villes. Les photos, les v
561 gés symbolisant leurs différences à première vue. J’ ai regardé tous mes voisins, comme d’habitude. Ils représentent peut-ê
562 urs différences à première vue. J’ai regardé tous mes voisins, comme d’habitude. Ils représentent peut-être une dizaine de
563 ls représentent peut-être une dizaine de pays. Et je doute, une fois de plus, qu’il soit bon de se connaître, que les écha
564 n crée l’amitié, et que l’amitié prépare l’union. Je survole en une heure la Suisse, petite unité politique bien compacte
565 , bien entendu, n’est pas signé. Mœurs courantes, me dit-on, on ne répond pas à cela. Je pense à cet ami qui soupirait : «
566 rs courantes, me dit-on, on ne répond pas à cela. Je pense à cet ami qui soupirait : « Ah je n’ai plus le temps d’écrire,
567 s à cela. Je pense à cet ami qui soupirait : « Ah je n’ai plus le temps d’écrire, même aux amis, je ne réponds plus qu’aux
568 Ah je n’ai plus le temps d’écrire, même aux amis, je ne réponds plus qu’aux lettres anonymes ! » aj. Rougemont Denis d
29 1957, Preuves, articles (1951–1968). L’échéance de septembre (septembre 1957)
569 quatre de moins, est-ce un gain ? Une seule chose me paraît certaine : ce ne sont pas les plus gais qui s’en vont. Mais ch
570 rs à le faire, et les seuls jusqu’ici, autant que je sache. Le livre de Germaine Tillion65 et l’accueil qu’on lui fait de
571 llion65 et l’accueil qu’on lui fait de tous côtés m’ en donne la preuve. Il déblaye un terrain d’entente pour tous les Fran
30 1957, Preuves, articles (1951–1968). Pourquoi je suis Européen (octobre 1957)
572 Pourquoi je suis Européen (octobre 1957)ak L’Europe se fait. La petite Europe
573 son union. ak. Rougemont Denis de, « Pourquoi je suis Européen », Preuves, Paris, octobre 1957, p. 2.
31 1957, Preuves, articles (1951–1968). Sur le crépuscule d’un régime (octobre 1957)
574 able ? Elle trouve Venise « artificielle » ! A. —  Je comprends bien ce qu’elle veut dire. R. — Moi je m’y refuse absolumen
575 A. — Je comprends bien ce qu’elle veut dire. R. —  Moi je m’y refuse absolument. Elle n’avait qu’à rester tranquille dans so
576  Je comprends bien ce qu’elle veut dire. R. — Moi je m’y refuse absolument. Elle n’avait qu’à rester tranquille dans son p
577 comprends bien ce qu’elle veut dire. R. — Moi je m’ y refuse absolument. Elle n’avait qu’à rester tranquille dans son peti
578 de, et après ? Vous croyez à la Démocratie ? A. —  Je crois à l’éducation progressive des masses, et je crois qu’une démocr
579 Je crois à l’éducation progressive des masses, et je crois qu’une démocratie saine ne peut fonctionner qu’à cette conditio
580 ette condition. Cette foule qui choque l’esthète, je la trouve si touchante ! Elle s’amuse, elle s’instruit, elle se fait
581 venirs, elle apprend à connaître l’étranger… R. —  Je demande une expertise de ces clichés. Je n’entends ici, dans les ruel
582 er… R. — Je demande une expertise de ces clichés. Je n’entends ici, dans les ruelles et aux terrasses, que des jugements t
583 hose que le simple déplacement physique en masse. Je demande qu’on institue le permis de voyager, et qu’on ne le donne qu’
584 ée, que vous semblez vouloir condamner. R. — Oh ! je ne la condamne pas ! Je la crois dépassée. On va me couper la tête, m
585 loir condamner. R. — Oh ! je ne la condamne pas ! Je la crois dépassée. On va me couper la tête, mais cela ne résoudra rie
586 ne la condamne pas ! Je la crois dépassée. On va me couper la tête, mais cela ne résoudra rien. Voulez-vous que je devien
587 tête, mais cela ne résoudra rien. Voulez-vous que je devienne bien sérieux ? Je vous confierai que c’est l’examen de l’Édu
588 rien. Voulez-vous que je devienne bien sérieux ? Je vous confierai que c’est l’examen de l’Éducation précisément, et de s
589 cisément, et de ses conditions au xxe siècle qui m’ a fait voir le mieux que la Démocratie n’est pas le dernier mot de la
590 paradoxe, vous n’êtes pas « bien sérieux ». R. —  Je suis aussi sérieux que l’étymologie. Démocratie veut dire pouvoir du
591 s qui conduisent logiquement aux dictatures. A. —  Je ne vois pas à quoi vous tendez et quelle sorte de régime vous paraît
592 z et quelle sorte de régime vous paraît bon. R. —  J’ avoue que j’ignore son nom, on le trouvera bien un jour, et je n’ose e
593 sorte de régime vous paraît bon. R. — J’avoue que j’ ignore son nom, on le trouvera bien un jour, et je n’ose espérer qu’il
594 j’ignore son nom, on le trouvera bien un jour, et je n’ose espérer qu’il soit exact. Ce sera peut-être encore Démocratie,
595 s il s’agit de les former, non de les élire. A. —  Je persiste à penser que l’élection libre par le suffrage universel est
596 viennent tous abusifs quand ils durent. R. — Puis- je vous faire observer que l’élection n’est pas un procédé démocratique,
597 uve en est que vous approuvez les élections. A. —  Je ne vous suis plus. R. — C’est pourtant simple. Si les démocraties éga
598 tocratie. A. — Vous jouez sur les mots. R. — Non, je les prends au sérieux. A. — Vous approuvez donc l’élection en tant qu
599 uffisante. Voyons plutôt le mérite du procédé. Il me paraît fort expédient quand il s’agit de se prononcer sur une personn
600 ts. Dès qu’il s’agit de quelque chose de sérieux, j’ entends qui les passionne ou que l’on peut vérifier, il n’est plus que
601 s, on nous entend aux autres tables ! R. — Croyez- moi , la Démocratie restera dans l’Histoire le rêve du xixe siècle et le
602 bles de digérer les données innombrables du réel. Je n’y puis rien, ni vous non plus. D’ailleurs, cela se pratique déjà. U
32 1957, Preuves, articles (1951–1968). Sur un certain cynisme (septembre 1957)
603 — Pourquoi la France est-elle tellement cynique ? Je viens de passer quelques mois à Paris. Tout ce que j’entends et tout
604 iens de passer quelques mois à Paris. Tout ce que j’ entends et tout ce que je lis, politique et littérature, donne la même
605 ois à Paris. Tout ce que j’entends et tout ce que je lis, politique et littérature, donne la même impression générale — co
606 re le train du monde, qu’on ne peut plus changer. Je suis ami de la France. Je me sens déprimé. R. — Vous ne l’avez pas vo
607 n ne peut plus changer. Je suis ami de la France. Je me sens déprimé. R. — Vous ne l’avez pas volé, et cela vous apprendra
608 e peut plus changer. Je suis ami de la France. Je me sens déprimé. R. — Vous ne l’avez pas volé, et cela vous apprendra à
609 us lisez ! A. — Mais que croire, si tout ce qu’on me raconte et tout ce qu’on me donne à lire m’égare ? R. — Regardez ce q
610 ire, si tout ce qu’on me raconte et tout ce qu’on me donne à lire m’égare ? R. — Regardez ce que l’on fait, tous ces gosse
611 qu’on me raconte et tout ce qu’on me donne à lire m’ égare ? R. — Regardez ce que l’on fait, tous ces gosses, par exemple.
612 t tâchez de lire d’autres livres. A. — Justement, j’ allais vous demander. J’ai lu votre avant-garde, et j’ai vu les pièces
613 s livres. A. — Justement, j’allais vous demander. J’ ai lu votre avant-garde, et j’ai vu les pièces « noires » desquelles l
614 lais vous demander. J’ai lu votre avant-garde, et j’ ai vu les pièces « noires » desquelles l’élite française fait ses déli
615 pour telle, la seule sans doute que vous lisiez. Je ne vois rien là de particulier à la France, ni même à Paris. Vos roma
616 « Look back in anger », de M. John Osborne. Vous me parliez du théâtre d’avant-garde et vous mettiez en parallèle son cyn
617 révoltantes ou en tout cas pointless. N’allez pas me parler surtout d’une querelle de générations ! Car il se trouve que c
618 ante ans en moyenne — voilà votre avant-garde. Et je ne vois pas grand-chose à signaler au-dessous, Françoise Sagan n’étan
619 nons pour typiquement française en Amérique… R. —  J’ en déduis que votre pays se franciserait plus facilement que la France
620 s ce n’est pas cela qui compte en France. A. Oui, je sais, c’est toujours autre chose, et chacun pense ainsi de soi-même v
621 cun pense ainsi de soi-même vu par d’autres. Vous me disiez que « mon » avant-garde n’est guère française, mais les pièces
622 de soi-même vu par d’autres. Vous me disiez que «  mon  » avant-garde n’est guère française, mais les pièces d’Anouilh et d’A
623 nt pas d’avant-garde et que tout le monde a vues, je ne les trouve pas du tout moins cyniques dans leur genre. Et Monsieur
624 pas déprimant, pour les amis de la France ? R. —  Je vous les laisse, mais je vous conseille de laisser cela qui se voit e
625 amis de la France ? R. — Je vous les laisse, mais je vous conseille de laisser cela qui se voit et se discute à Paris, et
626 isiteurs. La vraie vie de la pensée est ailleurs. Je vous propose mon « Programme de lectures pour étrangers inquiets de l
627 ie vie de la pensée est ailleurs. Je vous propose mon « Programme de lectures pour étrangers inquiets de la santé de la Fra
628 e jeune chroniqueur François Mauriac… » Eh bien ? J’ avoue que je ne comprends pas. Je connais ces auteurs. Je ne leur vois
629 niqueur François Mauriac… » Eh bien ? J’avoue que je ne comprends pas. Je connais ces auteurs. Je ne leur vois rien de com
630 iac… » Eh bien ? J’avoue que je ne comprends pas. Je connais ces auteurs. Je ne leur vois rien de commun. Deux sont morts
631 que je ne comprends pas. Je connais ces auteurs. Je ne leur vois rien de commun. Deux sont morts et pas un n’est un « jeu
632 lure vive, d’esprit aventureux et de vues larges. Ma liste exprime un parti pris très net, qui est l’inverse de celui qui
633 , qui est l’inverse de celui qui vous déprime. Or je crois qu’elle recouvre à peu près la liste des meilleurs auteurs de c
634 s de Céline le Cynique ? R. — Que voulez-vous que j’ en fasse ? Céline est le modèle de votre Henry Miller, qui ne le vaut
635 . Simplifions par Céline et Miller, voulez-vous ? Je n’ai pas cité bien d’autres écrivains fameux, qui auraient leur place
636 toutes les listes, s’il s’agissait d’un palmarès. J’ ai choisi quelques noms qui vous décrivent une France tout dans la cri
637 réfute cet abus de langage. Que la haute couture me pardonne ! A. — Quelle est la moyenne d’âge de vos auteurs ? R. — 64
638 de vos auteurs ? R. — 64 ans et demi, et saluez, je vous prie, car ce n’est pas seulement le pouvoir d’invention, mais le
639 onquêtes impériales, devenir le poète de l’amour. Je ne trouve pas ailleurs tant d’éclatants exemples de carrières intelle
640 e nouvelle aventure au-delà des bonheurs assurés. J’ y vois un signe de civilisation bien imprégnée, autant que de vitalité
33 1957, Preuves, articles (1951–1968). Sur l’Europe à faire (novembre 1957)
641 s, armés pour la plupart de redoutables préjugés. J’ ai pris le temps d’aller voir, de temps à autre, les progrès du dépeça
642 çage de ce thème pour lequel on aura remarqué que j’ éprouve une secrète attirance. Perdu dans la foule anonyme, je suivais
643 e secrète attirance. Perdu dans la foule anonyme, je suivais les « interventions » très sévèrement réglées des gladiateurs
644 ions » très sévèrement réglées des gladiateurs et je devais avoir l’air de souffrir en silence, si j’en crois les regards
645 je devais avoir l’air de souffrir en silence, si j’ en crois les regards chargés de compréhension dont me gratifièrent que
646 n crois les regards chargés de compréhension dont me gratifièrent quelques amis entraperçus. Qu’on en juge par ces notes e
647 n entrée en vigueur. À qui le point ? Un étudiant m’ a dit à la sortie qu’il a trouvé ce communiste « très fort », décidé à
648 peuple, mais refusée par les seuls communistes ». J’ aurais aimé demander qu’on me rappelle la date des libres élections et
649 seuls communistes ». J’aurais aimé demander qu’on me rappelle la date des libres élections et du mouvement « d’en bas » qu
650 Russes à Budapest, c’est un communiste polonais. J’ attendais qu’on le rappelle à l’ordre. On a toléré son écart, par libé
651 utre incident typique. Spaak dit avec chaleur : — Je ne crois pas à la guerre et chacun sait qu’aucun de nos pays ne la ve
652 et chacun sait qu’aucun de nos pays ne la veut. —  Je suis heureux de vous l’entendre dire ! interrompt le communiste Pierr
653 le communiste Pierre Abraham. Et cela signifie : Je ne croyais pas cela de vous, connaissant votre goût pour les carnages
654 angers » de toute forme d’union qu’on leur offre, j’ aurais eu trois questions à poser : 1° L’Europe est-elle, oui ou non,
655 a. En marge d’une enquête I. — « Pourquoi je ne suis pas Européen » Je me disais, en suivant les Rencontres gen
656 I. — « Pourquoi je ne suis pas Européen » Je me disais, en suivant les Rencontres genevoises, qu’il serait amusant
657 I. — « Pourquoi je ne suis pas Européen » Je me disais, en suivant les Rencontres genevoises, qu’il serait amusant de
658 ’ils n’étaient pas embarqués… II. — « Pourquoi je suis Européen » C’est la phylogénie de l’européisme que je voudrai
659 péen » C’est la phylogénie de l’européisme que je voudrais indiquer ici : la liste des stades successifs qu’a parcourus
660 he répondront qu’on ne peut faire tout à la fois. Je voudrais qu’ils se demandent un instant ce qu’on peut faire de sérieu
34 1957, Preuves, articles (1951–1968). Sur la pluralité des satellites (II) (décembre 1957)
661 mpenser. — Si vous avez été surpris, ce n’est pas ma faute : j’en parlais ici même il y a tout juste un an68. C’est votre
662 Si vous avez été surpris, ce n’est pas ma faute : j’ en parlais ici même il y a tout juste un an68. C’est votre inattention
663 a tout juste un an68. C’est votre inattention qui m’ a surpris, et l’ampleur de l’ébahissement : l’un des plus grands du si
664 ns ».) Allant jusqu’à l’extrême de cette logique, j’ annonce dès aujourd’hui que l’arrivée sur la Lune d’une mission soviét
665 rters : elle ne rattrapera rien, le mal est fait. J’ ai parlé de bêtise. Entendons-nous. J’appelle ainsi le complexe formé
666 l est fait. J’ai parlé de bêtise. Entendons-nous. J’ appelle ainsi le complexe formé par la jobardise des foules, leur into
667 itique saura toujours prévenir ses déchaînements. J’ en propose un exemple précis. Si l’on avait fait attention, tout simpl
668 soin ne pouvant être avoué comme tel, on dira que mon plan n’eût visé qu’à frustrer les Soviets d’une gloire très légitime.
669 ent pas former.   Eppur, se muove  ! — Des amis me retiennent par la manche : — Avouez, disent-ils, que l’anticommunisme
670 ensateur. De quoi faudrait-il s’étonner ? Lorsque je vins déranger Marcel Duchamp, tout absorbé par un problème d’échecs,
671 checs, pour lui annoncer la bombe d’Hiroshima, il me dit tranquillement : « Qu’est-ce que cela prouve ? On avait tout arra
672 s la Russie. Ce n’est pas la guerre des blocs qui me paraît fatale, mais le retour de l’Est à l’Europe rénovée par l’élimi
673 e 1956 : « Sur la pluralité des satellites » dans ma chronique « Le Rêve des sciences ». ap. Rougemont Denis de, « Sur l
35 1958, Preuves, articles (1951–1968). Sur la fabrication des nouvelles et des faits (février 1958)
674 n’ont rien perdu.   Le masochisme occidental. —  Je ne soupçonne pas la presse occidentale de suivre une politique quelco
675 . Comment mettre un peu d’ordre en ces matières ? Je ne parle pas ici des fausses nouvelles, très rares et trop vite démen
676 lus sûr recours. Réformer la presse d’information me paraît impossible ou dangereux. En revanche, développer la résistance
677 n’est pas seulement possible mais indispensable. Je demande qu’on institue dans les écoles publiques des cours de lecture
678 entateurs attitrés de l’actualité politique. Mais je les vois trop souvent légers ou sans scrupules, dès qu’il s’agit de q
679 ; et Gaillard qui aurait répondu : 350 seulement. J’ ouvre une autre publication, dans laquelle M. Pierre André conteste l’
680 à tout le moins cités différemment — et qui peut me dire d’abord lesquels sont vrais, ensuite ce qu’il serait juste d’en
681 aux moyens de poursuivre ou de cesser la lutte ? J’ attends le commentateur qui osera se taire jusqu’à ce qu’il soit certa
682 u’il soit certain de savoir ce qu’il en est. Mais je les vois presque tous juger selon leurs « croyances », comme si les f
36 1958, Preuves, articles (1951–1968). Sur un patriotisme de la terre (mars 1958)
683 de notre Terre sera faite par Mars et par Vénus : je le prévoyais il y a douze ans69. Alors la Terre jouera peut-être dan
684 rd’hui. Cette prévision est la plus optimiste. On me dira qu’elle se fonde sur du wishful thinking. Mais si nous ne sommes
685 vons pas prévoir ce qu’un sens nouveau sentirait. J’ imagine cependant que les premiers livres démodés à coup sûr avant la
37 1958, Preuves, articles (1951–1968). Sur la prétendue décadence de l’Occident (avril 1958)
686 e culture, d’une cause ou d’une vie individuelle. Je ne dis rien des délices clandestines qu’entretient l’amateur de crépu
687 passé, et le laboratoire du xxe siècle (par quoi j’ entends l’ensemble de nos créations) aura mieux enrichi le musée mondi
688 ’il vienne qui les prend pour guides ou repères ? Je fonderais pour ma part une réponse positive sur quelques motifs génér
689 réponse positive sur quelques motifs généraux que je ne puis qu’énumérer ici. Il m’apparaît que l’Occident, seul dans le m
690 otifs généraux que je ne puis qu’énumérer ici. Il m’ apparaît que l’Occident, seul dans le monde du xxe siècle, possède le
38 1958, Preuves, articles (1951–1968). Sur un centre qui doit être partout (mai 1958)
691 ls ont tous raison ! Comme on les approuve tous ! Je le dis sans la moindre ironie, persuadé que l’Europe est un être d’es
692 déral synthétique ; qu’on fasse l’Europe d’abord, j’ entends l’Europe entière et qu’on ne lui cherche pas un centre vide ta
693 ureuse coïncidence du sens et de l’arpentage ! Mon candidat J’ai dit pourquoi l’Europe doit écarter l’idée d’une capi
694 ce du sens et de l’arpentage ! Mon candidat J’ ai dit pourquoi l’Europe doit écarter l’idée d’une capitale centralisa
695 l’idée d’une capitale centralisante, et pourquoi je ne sens pas l’urgence de créer un district fédéral tant que nous rest
696 otifs géodésiques et la dialectique du sacré avec mon point de vue personnel, j’avance alors un candidat : le pays de Gex,
697 ectique du sacré avec mon point de vue personnel, j’ avance alors un candidat : le pays de Gex, où est Ferney. Morceau de F
698 les institutions mondiales, qui effraie certains, me paraît au contraire des plus conformes au génie de notre culture touj
699 auté, la SDN, la Croix‑Rouge internationale… Mais je m’égare. J’étais parti pour vous rappeler que le choix d’un lieu priv
700 é, la SDN, la Croix‑Rouge internationale… Mais je m’ égare. J’étais parti pour vous rappeler que le choix d’un lieu privilé
701 , la Croix‑Rouge internationale… Mais je m’égare. J’ étais parti pour vous rappeler que le choix d’un lieu privilégié ne re
702 de compas, et de poètes autant que d’ingénieurs. J’ ai pris l’exemple du pays que j’ai sous les yeux, mais je tiens à sa p
703 que d’ingénieurs. J’ai pris l’exemple du pays que j’ ai sous les yeux, mais je tiens à sa paix : qu’on n’y vienne pas trop
704 is l’exemple du pays que j’ai sous les yeux, mais je tiens à sa paix : qu’on n’y vienne pas trop vite avec des bulldozers
39 1958, Preuves, articles (1951–1968). Sur le régime fédéraliste (I) (août 1958)
705 ibles entre elles que dans un système fédéral. On me demandera pourquoi et je répondrai d’abord que cela se sent avant de
706 s un système fédéral. On me demandera pourquoi et je répondrai d’abord que cela se sent avant de s’expliquer, mais qu’il e
707 ttitude et de la pratique fédéralistes. Tout ceci me conduirait à douter de l’opportunité de définir cette attitude et cet
708 é de définir cette attitude et cette pratique. Si je m’y essaie toutefois, et une fois de plus, c’est que le plaisir d’un
709 e définir cette attitude et cette pratique. Si je m’ y essaie toutefois, et une fois de plus, c’est que le plaisir d’un écr
710 et représentant par suite un moindre mal — qu’on me dise alors ce que l’on choisit, du système suisse ou de son nom ? La
711 agesse. Et que les colonels sont des économistes. Je déplore d’avoir l’air de jongler avec les mots et les concepts, quand
712 r de jongler avec les mots et les concepts, quand je cherche au contraire à mieux fixer leur sens, mais il paraît clair qu
713 cause même des troubles qu’elle prétend arrêter. Je n’ai pas encore parlé du statut des partis, de la stabilité de l’exéc
40 1958, Preuves, articles (1951–1968). Sur le régime fédéraliste (II) (septembre 1958)
714 nt de ce traumatisme que fut la Terreur jacobine. Je parle évidemment des partis d’opinion ou d’idéologie, à la française,
715 qui vous disaient : « En tant qu’homme de gauche, je ne puis admettre ceci ou cela », ou au contraire : « Si vous admettez
716 cela », ou au contraire : « Si vous admettez avec moi ceci ou cela, c’est que vous êtes un homme de droite. » Phrases insen
717 écuté À Strasbourg, il y a quatre ou cinq ans, j’ interrogeais un député français dans les couloirs de l’assemblée, pend
718 onstitution pour l’Europe. — Nous sommes arrêtés, me dit-il, par le problème de la stabilité de l’exécutif. — Prenez le Co
719 utif. — Prenez le Conseil fédéral suisse, lui dis- je , c’est le modèle même de la stabilité. Et, comme il semblait un peu v
720 la stabilité. Et, comme il semblait un peu vague, je lui rappelai que ce collège de sept membres, qui est à la fois le che
721 longé, le peuple tranche par un référendum. — Que me dites-vous là ? Le Parlement ne pourrait donc pas renverser les minis
722 plus de politique s’écria ce député consterné. — Je crains bien, répliquai-je, que votre cri du cœur ne définisse l’idée
723 ce député consterné. — Je crains bien, répliquai- je , que votre cri du cœur ne définisse l’idée de la politique que l’on s
724 e pour un temps. Post-scriptum À l’heure où j’ écris, ce 10 août, le débat se déchaîne, comme je l’avais prévu dans m
725 j’écris, ce 10 août, le débat se déchaîne, comme je l’avais prévu dans ma chronique du mois dernier, sur la question de l
726 le débat se déchaîne, comme je l’avais prévu dans ma chronique du mois dernier, sur la question de la fédération ou de la
727 peu complexes. Mais l’électeur comprendra-t-il ? Je suis bien sûr que non, et cela n’importe guère. La plupart des consti
41 1958, Preuves, articles (1951–1968). Sur le vocabulaire politique des Français (novembre 1958)
728 sont plus la masse. — Les chiffres du référendum me paraissent commander une sérieuse révision du vocabulaire politique,
729 e en fait que ne le font croire les étymologies : je n’en jugerai pas dans cette chronique. Je voudrais seulement signaler
730 ogies : je n’en jugerai pas dans cette chronique. Je voudrais seulement signaler des difficultés sémantiques et suggérer l
731 on. Il y a longtemps que la Logique de Port-Royal m’ a convaincu qu’on peut faire dire aux mots tout ce que l’on veut, « à
732 oduction, etc. Les grands critères deviendraient, j’ imagine, la liberté et l’efficacité. Les grands débats seraient entre
733 , de Vichy, des 26 ministères de la Quatrième, et j’ en passe, n’apparaît guère dans son ensemble plus « adulte » que la No
734 confondent avec l’image du Père. Voilà l’ennemi. Je suis adulte, ou quoi ? À chacun ses complexes et ses débats intimes.
735 i ? À chacun ses complexes et ses débats intimes. Je n’entends parler ici que des projections publiques d’une attitude qui
736 réfléchie, librement consentie, tout bien pesé… «  Je ne crois pas en Dieu, insiste Sartre — mais si dans ce plébiscite je
737 Dieu, insiste Sartre — mais si dans ce plébiscite je devrais choisir entre Lui et le prétendant actuel, je voterais plutôt
738 evrais choisir entre Lui et le prétendant actuel, je voterais plutôt pour Dieu : il est plus modeste. » Cette phrase bizar
739 esquisse une distinction — rhétorique ou sincère, je ne sais — entre Dieu et le Général ; mais elle échoue dans un sophism
740 e Gaulle, la tyrannie totalitaire est impensable. J’ entends qu’elle serait condamnée par la Vérité même que le chef veut s
42 1959, Preuves, articles (1951–1968). Nouvelles métamorphoses de Tristan (février 1959)
741 d compte de la plupart des vrais romans, par quoi j’ entends non point les meilleures œuvres qu’on est convenu de ranger da
742 aît, dominateur, l’archétype médiéval de Tristan. Je ne sais à vrai dire si la passion naît de la distance, ou l’inverse.
743 ssez fascinants, pour que son délire se déclare ? J’ entends parler de la société occidentale, c’est-à-dire de l’Europe et
744 e étant, d’ailleurs, de mieux en mieux prescrit.) J’ entrevoyais, il y a vingt ans, quand j’écrivais L’Amour et l’Occident
745 prescrit.) J’entrevoyais, il y a vingt ans, quand j’ écrivais L’Amour et l’Occident , qu’une culture trop consciente de se
746 nous une sorte de Derniers Mohicans de l’amour. » Je ne fais pas ici de critique littéraire, n’ayant d’autre propos que d’
747 ue d’illustrer un thème dont on verra bientôt que je ne suis pas le dernier à subir les prestiges et le charme fatal. Est-
748 que ce grand thème est l’unique justification de mon essai ? Mythe passionnel à part, tout distingue les trois œuvres que
749 onnel à part, tout distingue les trois œuvres que je considère dans ces pages. Et l’on ne sent que trop les bonnes et grav
750 ne sent que trop les bonnes et graves raisons que j’ ai de redouter que leur simple rapprochement choque le sens esthétique
751 s’y trahit, et qui est leur seule commune mesure. Je ne m’attacherai donc, dans ces trois œuvres, qu’à l’apparition de Tri
752 ahit, et qui est leur seule commune mesure. Je ne m’ attacherai donc, dans ces trois œuvres, qu’à l’apparition de Tristan,
753 plaçant par hypothèse sous l’angle de vision que je propose :   Vladimir Nabokov. — Aux yeux du « vieil Européen » que j
754 mir Nabokov. — Aux yeux du « vieil Européen » que je me trouve être de naissance, l’Amérique est patrie d’accueil, plus qu
755 Nabokov. — Aux yeux du « vieil Européen » que je me trouve être de naissance, l’Amérique est patrie d’accueil, plus que d
756 accueil, plus que d’exil. Le lecteur devinera que je l’aime, malgré tout ce qui m’irrite en elle, et en dépit de ce qu’ell
757 ecteur devinera que je l’aime, malgré tout ce qui m’ irrite en elle, et en dépit de ce qu’elle veut être et croit qu’elle e
758 tre et croit qu’elle est. Son immaturité perverse me fascine. Le scandaleux héros (par antiphrase) de mon roman (éduqué en
759 fascine. Le scandaleux héros (par antiphrase) de mon roman (éduqué en Europe, j’y insiste) n’épouse l’american way of life
760 (par antiphrase) de mon roman (éduqué en Europe, j’ y insiste) n’épouse l’american way of life, en la personne d’une bourg
761 impossible, car Lolita n’a pas 13 ans. Cependant, mon héros l’enlève et il fuit avec elle, de motel en hôtel, à travers tou
762 s avoir écrit ce livre posthume. Robert Musil. —  J’ ai aimé mon Autriche « impériale et royale » d’un amour exigeant, luci
763 rit ce livre posthume. Robert Musil. — J’ai aimé mon Autriche « impériale et royale » d’un amour exigeant, lucide et ironi
764 l, qui devait la livrer à la guerre, puis à pire. Je l’ai dit dans un vaste roman dont le personnage central, Ulrich von X
765 an dont le personnage central, Ulrich von X., qui me ressemble comme un frère, reporte sa passion, déçue par la réalité, s
766 se, mais qui le sépare en fait de la vie sociale. Mon héros devient moralement un exilé de l’intérieur, comme je suis deven
767 devient moralement un exilé de l’intérieur, comme je suis devenu un exilé tout court.72 Boris Pasternak. — J’aime passio
768 evenu un exilé tout court.72 Boris Pasternak. —  J’ aime passionnément ma Russie et je voudrais en être aimé, comme le doc
769 ourt.72 Boris Pasternak. — J’aime passionnément ma Russie et je voudrais en être aimé, comme le docteur Jivago aime Lara
770 is Pasternak. — J’aime passionnément ma Russie et je voudrais en être aimé, comme le docteur Jivago aime Lara et en est ai
771 ynique et brutal, qui l’a séduite et humiliée. Il m’ interdit de lui parler. Je lui dis pourtant mon amour sous le couvert
772 séduite et humiliée. Il m’interdit de lui parler. Je lui dis pourtant mon amour sous le couvert d’un roman plein d’allusio
773 Il m’interdit de lui parler. Je lui dis pourtant mon amour sous le couvert d’un roman plein d’allusions et de symboles qu’
774 comprendra. Et voici que l’on fait un triomphe à ma déclaration d’amour ! Le Maître prétend aussitôt que j’ai insulté la
775 laration d’amour ! Le Maître prétend aussitôt que j’ ai insulté la Russie. C’est au nom de celle que j’aime qu’il me repous
776 j’ai insulté la Russie. C’est au nom de celle que j’ aime qu’il me repousse et qu’il menace de m’exiler. Mais tel est mon a
777 la Russie. C’est au nom de celle que j’aime qu’il me repousse et qu’il menace de m’exiler. Mais tel est mon amour que je s
778 e que j’aime qu’il me repousse et qu’il menace de m’ exiler. Mais tel est mon amour que je saurai mentir : je demanderai pa
779 epousse et qu’il menace de m’exiler. Mais tel est mon amour que je saurai mentir : je demanderai pardon au tyran, le suppli
780 il menace de m’exiler. Mais tel est mon amour que je saurai mentir : je demanderai pardon au tyran, le suppliant de me lai
781 er. Mais tel est mon amour que je saurai mentir : je demanderai pardon au tyran, le suppliant de me laisser vivre encore u
782  : je demanderai pardon au tyran, le suppliant de me laisser vivre encore un peu dans le voisinage de celle qui doit me re
783 encore un peu dans le voisinage de celle qui doit me rejeter, car loin d’elle ma vie n’a pas de sens, c’est près d’elle qu
784 age de celle qui doit me rejeter, car loin d’elle ma vie n’a pas de sens, c’est près d’elle que je veux me taire.   Ainsi
785 lle ma vie n’a pas de sens, c’est près d’elle que je veux me taire.   Ainsi réduits à leur diagramme mythique — on aura re
786 ie n’a pas de sens, c’est près d’elle que je veux me taire.   Ainsi réduits à leur diagramme mythique — on aura reconnu le
787 st pas du tout accidentelle. Elle ne résulte pas, j’ y insiste, de quelque hésitation prolongée de l’auteur entre deux thèm
788  : démoniaque) ; et, pour ces créatures choisies, je propose le nom de nymphets. » Lolita, 12 ans et 7 mois, a le charme i
789 el une crise cardiaque épargne la peine capitale. Je n’entends pas voiler ni excuser le caractère scandaleux du roman, car
790 sse, modes passagères dont l’édition et le cinéma me paraissent profiter davantage que la société n’en pâtit. En revanche,
791 e-civilisation. Nabokov fait dire à son héros : «  Mon sort a été de grandir dans une civilisation qui autorise un homme de
792 mme dans Tristan), mais voici le ton du récit : «  Ma très photogénique mère mourut dans un accident capricieux (pique-niqu
793 n accident capricieux (pique-nique, éclair) quand j’ avais 3 ans. » (Qu’on se rappelle le ton lugubre de destin, la « vieil
794 éalité, H. H. et Lolita n’ont jamais connu ce que j’ appelle « l’amour réciproque malheureux ». Lolita n’a jamais répondu à
795 t mort à peu près ignoré, tout près de ce lieu où j’ écris, — j’étais alors en Amérique — et son œuvre, en partie posthume,
796 u près ignoré, tout près de ce lieu où j’écris, —  j’ étais alors en Amérique — et son œuvre, en partie posthume, ne cessera
797 ier grand livre76 une puissance d’envoûtement que je n’avais pas subie depuis l’œuvre de Proust, mieux achevée sans doute
798 lus facile, mais d’une moindre vertu spirituelle. J’ aurais aimé parler de Musil, mais de lui seul… Et j’ai quelque scrupul
799 aurais aimé parler de Musil, mais de lui seul… Et j’ ai quelque scrupule à le faire figurer dans un contexte qu’il dépasse,
800 un langage plein de correspondances avec celui de mes analyses du Mythe, et d’une précision si constante qu’elle me permett
801 du Mythe, et d’une précision si constante qu’elle me permettra, bien souvent, de substituer la citation au commentaire. Ma
802 ntaire. Mais une chance plus bizarre vient servir mon propos. Je découvre en effet que Musil, non seulement touche à deux r
803 une chance plus bizarre vient servir mon propos. Je découvre en effet que Musil, non seulement touche à deux reprises le
804 moureux, sans que s’y mêle la moindre convoitise. Je me souviens d’avoir regardé timidement les autres voyageurs, parce qu
805 reux, sans que s’y mêle la moindre convoitise. Je me souviens d’avoir regardé timidement les autres voyageurs, parce que j
806 egardé timidement les autres voyageurs, parce que j’ avais l’impression que tout le monde m’avait fui. Puis je suis descend
807 parce que j’avais l’impression que tout le monde m’ avait fui. Puis je suis descendu derrière la fillette, et je l’ai perd
808 l’impression que tout le monde m’avait fui. Puis je suis descendu derrière la fillette, et je l’ai perdue dans la foule…
809 i. Puis je suis descendu derrière la fillette, et je l’ai perdue dans la foule… — Comment accordes-tu cela, dit Agathe, av
810 , jalouse peut-être, chez Agathe, il ajoute : Si j’ ai raconté cette histoire, c’est qu’elle est une préface à l’amour fra
811 st qu’elle est une préface à l’amour fraternel ! Je renonce à souligner les mots révélateurs dans le contexte de notre an
812 e caverne de vices, comme beaucoup le prétendent. Je crois que l’histoire de la petite fille, et tous les autres exemples
813 l’avancent des commentateurs ? Il ne s’agit, pour moi , que de la passion, c’est-à-dire d’un secret fondamental de la psyché
814 iermacher, celui qui est indifférent à la morale… Je dois t’aimer (pense Agathe) parce que je ne puis aimer les autres. Di
815 morale… Je dois t’aimer (pense Agathe) parce que je ne puis aimer les autres. Dieu et l’antisocial. Dès le début, son amo
816 ne, voire un peu didactique par endroit : Dire : je t’aime, c’est faire une confusion. On croit aimer toi, cette personne
817 outes liées au fait qu’un être s’imagine voir son moi le plus secret l’épier derrière le rideau des yeux d’un autre. D’où
818 deau des yeux d’un autre. D’où l’illusion que le Moi s’abolit dans cette Nuit de l’indistinction que chante le deuxième ac
819 s l’invention d’une pensée… Dans ces nuits-là, le Moi ne retient rien en lui-même… le Soi-même exalté rayonne dans un oubli
820 il pas été le travesti — tout à fait inconscient, j’ en suis sûr — d’un amour trop réel pour oser dire son nom dans un roma
821 , à son insu, l’ait approchée plus que nul autre. Je signale au génie de demain ce précurseur considérable, que sa lucidit
822 oit le seul trait commun aux deux ouvrages : elle m’ en paraît d’autant plus surprenante. Je vois bien qu’on peut l’attribu
823 ges : elle m’en paraît d’autant plus surprenante. Je vois bien qu’on peut l’attribuer à des motifs accidentels et différen
824 n’explique pas tout, même si c’est vrai, ce dont je doute. Pourquoi l’enquête est-elle muette sur ce qui fait depuis des
825 socialiste », d’où l’amour-passion est exclu. Or je vois triompher dans ce même public deux romans de l’amour-passion. Di
826 vre, plus d’un lecteur sera sincèrement choqué de m’ en voir parler comme d’un roman d’amour. À vrai dire, ma thèse va plus
827 oir parler comme d’un roman d’amour. À vrai dire, ma thèse va plus loin : c’est « l’affaire Pasternak » dans son ensemble,
828 c’est « l’affaire Pasternak » dans son ensemble, j’ entends le drame entre l’auteur, le peuple russe et le régime, drame p
829 gime, drame préfiguré dans le roman lui-même, que j’ interprète comme une affaire d’amour-passion. Voyons les faits. Paster
830 deux phrases : « Le départ hors des frontières de ma patrie équivaudrait pour moi à la mort, et c’est pourquoi je vous sup
831 ors des frontières de ma patrie équivaudrait pour moi à la mort, et c’est pourquoi je vous supplie de ne pas prendre à mon
832 quivaudrait pour moi à la mort, et c’est pourquoi je vous supplie de ne pas prendre à mon égard cette mesure extrême… J’in
833 ’est pourquoi je vous supplie de ne pas prendre à mon égard cette mesure extrême… J’insiste, la main sur le cœur, que j’ai
834 ne pas prendre à mon égard cette mesure extrême… J’ insiste, la main sur le cœur, que j’ai contribué à la littérature sovi
835 sure extrême… J’insiste, la main sur le cœur, que j’ ai contribué à la littérature soviétique et que je puis encore lui êtr
836 j’ai contribué à la littérature soviétique et que je puis encore lui être utile. » Il a refusé le prix, il est prêt à reni
837 la crise, que les cent premières pages du roman, je me disais : — Tout se passe comme si cet homme était retenu dans son
838 crise, que les cent premières pages du roman, je me disais : — Tout se passe comme si cet homme était retenu dans son pay
839 istan ? Et quel est le roi Marc qui l’en sépare ? Je me mis à lire plus avant. Une jeune fille, Lara, éveille la nostalgie
840 an ? Et quel est le roi Marc qui l’en sépare ? Je me mis à lire plus avant. Une jeune fille, Lara, éveille la nostalgie du
841 . Ce n’est pas un hasard si tu es là, au terme de ma vie, mon ange secret, mon ange interdit, sous un ciel de guerres et d
842 st pas un hasard si tu es là, au terme de ma vie, mon ange secret, mon ange interdit, sous un ciel de guerres et d’insurrec
843 si tu es là, au terme de ma vie, mon ange secret, mon ange interdit, sous un ciel de guerres et d’insurrections ; il y a bi
844 tions ; il y a bien longtemps, au commencement de ma vie, sous le ciel paisible de mon enfance, tu es apparue de la même m
845 commencement de ma vie, sous le ciel paisible de mon enfance, tu es apparue de la même manière… Souvent, plus tard, au cou
846 la même manière… Souvent, plus tard, au cours de ma vie, j’ai tenté de définir, de donner un nom au sortilège lumineux qu
847 manière… Souvent, plus tard, au cours de ma vie, j’ ai tenté de définir, de donner un nom au sortilège lumineux que tu ava
848 nom au sortilège lumineux que tu avais jeté dans mon âme, à ce rayon qui, peu à peu, s’obscurcissait, à cette musique qui
849 te musique qui s’estompait, qui s’est fondue avec mon existence même, qui est devenue la clé de toutes les portes du monde,
850 ais voici l’aveu décisif ; et cette ambiguïté qui m’ arrêtait (parlent-ils donc, ces romanciers, d’une société, d’un paysag
851 dernier lui répond, sans motiver son refus : « De mon départ, il ne saurait être question. » Mais il ajoute un peu plus tar
852 ns. Il est probable qu’un jour, à bout de forces, je devrai étouffer mon orgueil et mon amour-propre, et me traîner humble
853 qu’un jour, à bout de forces, je devrai étouffer mon orgueil et mon amour-propre, et me traîner humblement à vos pieds pou
854 bout de forces, je devrai étouffer mon orgueil et mon amour-propre, et me traîner humblement à vos pieds pour recevoir de v
855 vrai étouffer mon orgueil et mon amour-propre, et me traîner humblement à vos pieds pour recevoir de vos mains Lara, la vi
856 de vos mains Lara, la vie, le moyen de retrouver ma famille, le salut… La nouvelle que vous m’annoncez m’abasourdit. Je s
857 rouver ma famille, le salut… La nouvelle que vous m’ annoncez m’abasourdit. Je suis écrasé par une souffrance qui m’enlève
858 amille, le salut… La nouvelle que vous m’annoncez m’ abasourdit. Je suis écrasé par une souffrance qui m’enlève la capacité
859 ut… La nouvelle que vous m’annoncez m’abasourdit. Je suis écrasé par une souffrance qui m’enlève la capacité de juger… La
860 abasourdit. Je suis écrasé par une souffrance qui m’ enlève la capacité de juger… La seule chose que je puisse faire mainte
861 m’enlève la capacité de juger… La seule chose que je puisse faire maintenant, c’est de vous approuver machinalement et de
862 nant, c’est de vous approuver machinalement et de m’ en remettre à vous aveuglément. Ainsi, pour le bien de Lara, je vais j
863 à vous aveuglément. Ainsi, pour le bien de Lara, je vais jouer la comédie… V. Passion et Société Toute passion se
864 pouvoir beaucoup plus absolu : l’état de passion. J’ ai montré dans L’Amour et l’Occident comment cet état préexiste à to
865 ement inévitable, qu’on attribue donc au Destin. ( Mes citations de Musil ont illustré ce point.) C’est l’état de passion qu
866 us sans scrupules par les élites des deux partis. Je ne vois guère d’autres interdits vraiment redoutables, aux yeux de l’
867 t-il déjouer ce plan d’asepsie spirituelle ? Mais j’ imagine parfois d’autres obstacles, plus subtils et tenaces que les ta
868 , plus subtils et tenaces que les tabous sociaux. J’ y ai fait allusion à propos de Musil. S’il est vrai que la passion che
869 ried de Strasbourg, dont s’inspira Wagner. 75. «  Je ne suis nullement intéressé par ce qu’on appelle “sex” (en Amérique).
870 d’animalité. C’est une plus grande entreprise qui me tente : fixer une fois pour toutes la périlleuse magie des nymphets. 
871 ment qui entraîne le choix d’un tel objet. » Voir ma remarque sur le cercle vicieux de Lolita. ax. Rougemont Denis de, «
43 1959, Preuves, articles (1951–1968). Sur une phrase du « Bloc-notes » (mars 1959)
872 mme politique, 1 % souhaite un général. Comparez. Je ne dis pas : concluez, mais suspendez peut-être un peu votre jugement
873 gne pas l’histoire toute récente dans les écoles. J’ ai dû expliquer l’autre jour encore à une jeune Française de vingt ans
874 nnaissait pas ce nom-là. Plus fort : un bachelier m’ apprend que de Gaulle « à ce qu’il paraît » s’est bien conduit pendant
875 en déduit que de Gaulle n’est pas un dictateur et je l’encourage dans cette idée, tout en le poussant à étudier la biograp
876 peuple allemand en le coupant en deux tronçons. J’ eusse peut-être applaudi votre article au début de 1933, malgré ce je
877 pplaudi votre article au début de 1933, malgré ce je ne sais quoi d’anachronique, un peu 1913 dans le ton. Mais en 1959, q
878 pas. Jean Monnet fait tout de même plus sérieux : je ne le crois pas du tout naïf et vous ne l’accuserez pas d’hypocrisie.
879 nt, et l’hypocrisie d’évaluer ses problèmes. Vous me direz que vous ne pensiez qu’à l’unification des deux Allemagnes, don
880 plus rêver de les affronter seul. Direz-vous que je fais bien des histoires pour une phrase écrite en passant ? Mais c’es
881 écrite en passant ? Mais c’est cela justement qui m’ inquiète, cette attaque en passant, gratuite… Et qu’elle vienne après
882 phrases que vous n’aurez jamais écrites — et dont je vous rends l’hommage de vous tenir comptable — en faveur de l’union d
883 nivers merveilleux, il gémit : « Que ne donnerais- je pas pour devenir un non-conformiste comme tous ces autres ! »   Sur
884 i ont suivi la prise du pouvoir par Fidel Castro. Je lis dans l’un d’entre eux le récit des dernières heures d’un partisan
885 ts deux par deux devant la fosse et fusillés. Ici je cite : « Le lieutenant de police Enrique Despaigne, accusé de 53 meur
44 1959, Preuves, articles (1951–1968). Rudolf Kassner et la grandeur (juin 1959)
886 ans une précieuse et simple traduction79, lorsque j’ essaie de me remémorer l’espèce de choc que j’en reçus, à 25 ans, un s
887 ieuse et simple traduction79, lorsque j’essaie de me remémorer l’espèce de choc que j’en reçus, à 25 ans, un seul mot me v
888 que j’essaie de me remémorer l’espèce de choc que j’ en reçus, à 25 ans, un seul mot me vient à l’esprit : autorité. Avant
889 èce de choc que j’en reçus, à 25 ans, un seul mot me vient à l’esprit : autorité. Avant d’avoir compris ce qui était dit —
890 utorité. Avant d’avoir compris ce qui était dit — j’ entends compris à la manière intellectuelle et discursive, ramenant à
891 sive, ramenant à des catégories, à des clichés —, j’ avais reconnu la grandeur d’un ton, d’un style, d’une impatience rigou
892 comme l’antique injonction du Sphinx : devine, ou je te dévore ! Une constante énergie de l’énoncé. Et une grande force d’
893 de force d’exclusion. Seuls les mondains, pensais- je , savent encore exclure avec cette parfaite assurance, mais par manie,
894 vertu d’une réflexion passionnément originale. Et je tentais de décrire — dans le premier article, je crois bien, publié e
895 je tentais de décrire — dans le premier article, je crois bien, publié en France sur Kassner80 — « l’acuité lente de la
896 mot, les charmes de cette prose et son autorité. J’ écrivais : Dans la mesure même où Kassner se montre disciple de Kierk
897 t de l’intérieur… Il ne peut jamais sortir de son moi sans trahison et chaque manifestation de son essence intime ressemble
898 de généalogie du réalisme poétique.   Telle fut ma première impression. Je la vois aujourd’hui confirmée par un commerce
899 me poétique.   Telle fut ma première impression. Je la vois aujourd’hui confirmée par un commerce rarement interrompu ave
900 dont la difficulté, précisément, n’a pas cessé de me séduire et inciter. Je suppose qu’il est devenu banal de déplorer l’o
901 cisément, n’a pas cessé de me séduire et inciter. Je suppose qu’il est devenu banal de déplorer l’obscurité des essais et
902 rantie de leur pouvoir, et ne saurait traduire, à mon avis, qu’une intention profondément délibérée. Car il s’agit ici d’un
903 e maïeutique, s’exerçant sur les mythes de l’âme. Je parlais tout à l’heure d’ellipses « saisissantes » et c’était au sens
904 ination un exercice spirituel, assez analogue, il me semble, à ceux qu’imposent aux néophytes les moines bouddhistes de la
905 nus des quatre coins de l’Europe. Pourquoi n’y ai- je été que si rarement ? Sans doute à cause de la réserve qu’inspirent l
906 ions. Mais peut-être aussi, et surtout, parce que je m’étais fait de Kassner l’image d’un maître spirituel, d’un guru comm
907 s. Mais peut-être aussi, et surtout, parce que je m’ étais fait de Kassner l’image d’un maître spirituel, d’un guru comme d
908 re spirituel, d’un guru comme disent les hindous. Je le confesse cum grano salis, longue in the cheek — quelle serait donc
909 l’expression française ? — amusé de retrouver en moi cette persistance du premier choc reçu par mon adolescence prolongée.
910 en moi cette persistance du premier choc reçu par mon adolescence prolongée. Transposant vingt-cinq ans en arrière une rela
911 on de maître à disciple qui avait été réelle dans mon esprit seulement et qui ne pouvait ni ne devait l’être autrement, je
912 et qui ne pouvait ni ne devait l’être autrement, je le voyais bien, je jouais encore avec l’idée que cette relation devai
913 ni ne devait l’être autrement, je le voyais bien, je jouais encore avec l’idée que cette relation devait exclure tout bava
914 ement de sujet. Après tout, n’était-ce pas ce que j’ attendais ? Il parlait à bâtons rompus sur le dos des fervents indiscr
915 s sur le dos des fervents indiscrets ! Et n’avais- je pas cédé à l’illusion banale qui veut que l’auteur et l’œuvre soient
916 moins s’ils comptent ? Nos trop rares entretiens m’ ont appris sur Kassner cela surtout qu’il a si bien su taire dans tout
917 écorent l’extérieur des grands temples de l’Inde. Je relève encore ceci dans ses Propos, confirmant les souvenirs que je v
918 eci dans ses Propos, confirmant les souvenirs que je viens d’interpréter : « Le Witz (la boutade, le trait d’esprit) est l
919 solitaire qui garde ses distances… » Finalement, je crois bien que Kassner est à peu près le seul homme que j’aie connu d
920 bien que Kassner est à peu près le seul homme que j’ aie connu dont je ne puisse imaginer qu’il ait dit ou écrit une sottis
921 est à peu près le seul homme que j’aie connu dont je ne puisse imaginer qu’il ait dit ou écrit une sottise ou, même en bav
922 t avec un humour énergique (ces deux mots accolés me rappellent son ton de voix), tout en lui, l’œuvre et l’homme, évoquai
923 rise achevée, comme infaillible. D’où l’image qui me vint à l’esprit, pendant notre première rencontre, de cet archer qui
924 atteint à chaque coup le centre de la cible. D’où mes allusions répétées à la technique du zen-bouddhisme — que je voudrais
925 s répétées à la technique du zen-bouddhisme — que je voudrais maintenant expliciter. Kassner, Rilke et le zen Une am
926 t, qui blesse les uns, paraît folle aux autres »… Je ne fais ici qu’énumérer les expressions souvent répétées, mais de plu
927 urence Sterne et Søren Kierkegaard. En tous trois je reconnais et vénère mes grands aïeux »84. Une dernière fois, en 1956,
928 Kierkegaard. En tous trois je reconnais et vénère mes grands aïeux »84. Une dernière fois, en 1956, Kassner revient sur ce
929 L’essai porte un titre curieux : Rilke, le zen et moi 85 et il est curieusement décousu. À propos de l’influence qu’on lui
930 s (le Gedenkbuch déjà cité), le rapprochement que je suggérais entre le zen et sa propre pensée l’a frappé : Cela resta f
931 propre pensée l’a frappé : Cela resta fixé dans ma mémoire, écrit-il, me tint alerté… jusqu’à ce que, peu de temps après
932 ppé : Cela resta fixé dans ma mémoire, écrit-il, me tint alerté… jusqu’à ce que, peu de temps après, je fusse informé de
933 tint alerté… jusqu’à ce que, peu de temps après, je fusse informé de l’existence d’une école du zen dont les maîtres parv
934 la flèche au centre de la cible, les yeux fermés… Je pressentais maintenant ce que le zen signifiait et dans quel rapport
935 nifiait et dans quel rapport il pouvait être avec mon œuvre, qui comptait à ce moment-là plus d’un demi-siècle. Atteindre l
936 re pensée la plus profonde, l’ultime, et le dirai- je , la pensée sans limites… Le zen suppose la dissolution, l’éclatement
937 git aussi de l’union ultime du But et du Sens. Si je m’en tiens à cette interprétation du zen, Denis de Rougemont a raison
938 aussi de l’union ultime du But et du Sens. Si je m’ en tiens à cette interprétation du zen, Denis de Rougemont a raison ;
939 mont a raison ; il y a du zen, en fait, dans tous mes écrits, à commencer par cette « Morale de la musique » qui aujourd’hu
940  » qui aujourd’hui, à cause de cela, remonte vers moi dans mon grand âge, sous un aspect nouveau et rajeuni. Kassner rappe
941 jourd’hui, à cause de cela, remonte vers moi dans mon grand âge, sous un aspect nouveau et rajeuni. Kassner rappelle alors
942 la seule forme possible de la foi. Et certes, il m’ est souvent venu à l’esprit que cette Einbildungskraft 87, qui joue da
943 overbes du yogi 89 les phrases suivantes : Quand je décoche une flèche, le but que je vise est toujours dans le fini. Le
944 vantes : Quand je décoche une flèche, le but que je vise est toujours dans le fini. Le point où tombe la flèche, c’est le
945 e physiognomoniste : le disciple dit au maître : Je crains de ne plus rien comprendre… Est-ce moi qui touche le but ou bi
946 e : Je crains de ne plus rien comprendre… Est-ce moi qui touche le but ou bien le but qui m’atteint ? Ce que vous appelez
947 … Est-ce moi qui touche le but ou bien le but qui m’ atteint ? Ce que vous appelez le « quelque chose » (qui tire) est-il d
948 l’un ni l’autre ? Toutes ces choses, arc, flèche, moi , s’amalgament tellement que je ne suis plus capable de les séparer… L
949 ses, arc, flèche, moi, s’amalgament tellement que je ne suis plus capable de les séparer… Le Maître m’interrompit alors et
950 je ne suis plus capable de les séparer… Le Maître m’ interrompit alors et dit : Voilà justement la corde de l’arc qui vient
951 orde de l’arc qui vient de vous traverser ! Mais je n’en finirais pas de citer tantôt Kassner, tantôt les maîtres du zen,
952 ) l’Un et le Tout, l’individu et le sens final91. J’ en reviens donc à l’homme que j’essaie de décrire par le biais d’une v
953 le sens final91. J’en reviens donc à l’homme que j’ essaie de décrire par le biais d’une vision particulière que j’eus de
954 écrire par le biais d’une vision particulière que j’ eus de lui, et dans laquelle il semble bien qu’il se soit finalement r
955 il semble bien qu’il se soit finalement reconnu. J’ ai dit que l’image d’un maître zen m’était venue en écoutant parler Ka
956 ent reconnu. J’ai dit que l’image d’un maître zen m’ était venue en écoutant parler Kassner. Et voici ce qu’il dit lui-même
957 nversation telle qu’il l’entend et la pratique : Je suis toujours chargé (comme un fusil) quand je suis réellement alerté
958 : Je suis toujours chargé (comme un fusil) quand je suis réellement alerté, éveillé. Le dialogue, la dialectique sont alo
959 llit et puis, parfois, cela touche le noir. De là mon « Tireur zen », mon zen… L’arc est toujours tendu. Et oui, bien sûr,
960 s, cela touche le noir. De là mon « Tireur zen », mon zen… L’arc est toujours tendu. Et oui, bien sûr, pourquoi ne pas pens
961 olupté qu’on pourrait qualifier de bouddhiste… Si j’ avais pu revoir Kassner, l’hiver dernier, venant de lire son essai sur
962 er, venant de lire son essai sur le zen et Rilke, je lui aurais posé des questions qu’il laisse à jamais sans réponse. Je
963 des questions qu’il laisse à jamais sans réponse. Je lui aurais dit sans doute : le but du zen est de nous libérer du moi
964 sans doute : le but du zen est de nous libérer du moi conscient, mais le sens dernier de votre œuvre est de libérer ce moi
965 le sens dernier de votre œuvre est de libérer ce moi conscient (qui est la personne) du moi factice, du personnage et de s
966 libérer ce moi conscient (qui est la personne) du moi factice, du personnage et de son masque, laissant alors paraître le v
967 ous, vous seul sans doute… Il n’est plus là. Mais j’ imagine que ses Propos, que l’on commence à publier, vont apporter des
968 trice des valeurs de l’Orient et de l’Occident.   Je ne pouvais présenter Kassner à des lecteurs dont la plupart ne l’ont
969 romancier, ni dramaturge, ni poète, il demeure à mes yeux le type même du créateur au xxe siècle. En abordant cette œuvre
970 e) par l’un de ses aspects les plus particuliers, j’ entends par sa relation récemment entrevue avec ce qui semblait le plu
971 evue avec ce qui semblait le plus éloigné d’elle, j’ ai tenté d’épouser son style et son mouvement, essentiellement paradox
972 ques esprits, curieux d’une grandeur authentique. Je pensais à ce personnage du plus beau dialogue de Kassner92, l’oncle H
973 outons et n’admettait au monde que les boucles : Mon oncle s’agitait tout particulièrement et s’abandonnait à de sombres p
974 s de la grandeur humaine, traduction anonyme, que je crois due aux soins conjugués de Bernard Groethuysen et de Jean Paulh
975 ethuysen et de Jean Paulhan. 80. En 1931. 81. «  Je ne songe pas ici — écrit Kassner — au journaliste anonyme, mais bien
976 indiscret, l’autre ne fait que son devoir. » 82. Je viens de lire des propos de Kassner (recueillis par M. Kensik, Neue Z
977 urs et mains palpées… Mais un cérémonial, tel que je l’entends, devrait permettre justement d’éviter ces « cérémonies » ;
978 plusieurs heures par jour : « Depuis le temps de mon semestre à Berlin, en 1895, pendant plus d’un demi-siècle, j’ai march
979 à Berlin, en 1895, pendant plus d’un demi-siècle, j’ ai marché trois heures par jour ou parfois plus… Si l’on calculait cel
980 rable. À défaut d’une autre gloire, n’est-ce pas, je garderai peut-être celle d’avoir été le plus grand promeneur de la li
981 d promeneur de la littérature universelle, malgré mes cannes ou à cause d’elles. Ce qui ne signifie pas grand-chose pour la
982 and-chose pour la littérature, mais beaucoup pour moi … Ma vision, ma pensée, sont liées à la marche, au chemin. Inséparable
983 hose pour la littérature, mais beaucoup pour moi… Ma vision, ma pensée, sont liées à la marche, au chemin. Inséparables !…
984 a littérature, mais beaucoup pour moi… Ma vision, ma pensée, sont liées à la marche, au chemin. Inséparables !… » (A. Cl.
985 ropos recueillis par Kensik (Gedenkbuch, 1954) où je lis à propos de Kierkegaard, de son père, de sa fiancée, de sa mélanc
986 dée du Dieu-Homme, l’Hamlet de l’idée de foi ?… » Je développais cette même idée dans mon essai sur Kierkegaard et Hamlet,
987 e de foi ?… » Je développais cette même idée dans mon essai sur Kierkegaard et Hamlet, deux princes danois, paru dans Preuv
988 avant la guerre de 1914 et avaient paru en revue. Je rappelle que Kassner n’a découvert le zen qu’à partir de 1954 ! 90.
45 1959, Preuves, articles (1951–1968). Sur un chassé-croisé d’idéaux et de faits (novembre 1959)
989 le que les Américains jugèrent insolent, mais que je crois sincère jusque dans ses sophismes. Il exprime un ardent désir d
990 , mais celui de l’opinion réfléchie et anxieuse — je le crois fidèlement exprimé par ces lignes d’un éditorial de Walter L
991 e confiant et résolu que nous sommes en réalité. Je ne vois guère moins de sophisme dans cet argument que dans ceux de K.
992 la mesure donc où l’URSS rattrapera l’Amérique. ( J’ entends bien sur cette Terre, non dans la Lune.)   Les grandes masses
993 son sort et le sort d’un monde né de ses œuvres. J’ enchaînerai là-dessus dans mes prochaines chroniques. ba. Rougemont
994 de né de ses œuvres. J’enchaînerai là-dessus dans mes prochaines chroniques. ba. Rougemont Denis de, « Sur un chassé-cro
46 1960, Preuves, articles (1951–1968). Sur la détente et les intellectuels (mars 1960)
995 détente et les intellectuels (mars 1960)bb Il me sera d’autant plus facile d’en parler d’une manière détendue que ma s
996 lus facile d’en parler d’une manière détendue que ma seule intention, dans cette chronique, est d’essayer de comprendre un
997 ssayer de comprendre un problème très confus dont je ne suis même pas sûr qu’il y ait lieu de le poser, mais qui paraît tr
998 i, est pour la paix dans la littérature aussi : «  Je tiens à affirmer ma profonde conviction qu’il n’existe pas “d’art bou
999 dans la littérature aussi : « Je tiens à affirmer ma profonde conviction qu’il n’existe pas “d’art bourgeois” écrit-il. Ba
1000 changer, les vieux problèmes sont dépassés. Mais je ne vois encore qu’une vaste confusion. Admettons que je voie mal, et
1001 vois encore qu’une vaste confusion. Admettons que je voie mal, et que les conditions, les données mêmes du dialogue aient
1002 ions, les données mêmes du dialogue aient changé. J’ essaierai patiemment, pesamment s’il le faut, de définir en termes cla
1003 ur nous disqualifier, et même obligatoire. Aragon me traitait publiquement d’aliéné dans une conférence en Sorbonne, L’Hum
1004 ns une conférence en Sorbonne, L’Humanité donnait ma caricature en SS, j’avais « publié tous mes livres sous Vichy », et j
1005 Sorbonne, L’Humanité donnait ma caricature en SS, j’ avais « publié tous mes livres sous Vichy », et j’étais « payé par les
1006 onnait ma caricature en SS, j’avais « publié tous mes livres sous Vichy », et j’étais « payé par les Américains », comme Sa
1007 j’avais « publié tous mes livres sous Vichy », et j’ étais « payé par les Américains », comme Sartre et Camus, d’ailleurs.
1008 itant de redire tout cela, n’est-ce pas ? Ceux de ma génération en ont assez. Les plus jeunes ne connaissent de l’URSS que
1009 a réciprocité. Son absence annule la première. Si j’ en crois en effet ce que publient le Kommunist et Novy Mir, cités plus
47 1960, Preuves, articles (1951–1968). Les incidences du progrès sur les libertés (août 1960)
1010 jorité de l’auditoire ici présent n’a pu écouter, je pense répondre à l’attente de tous en essayant de reconsidérer la nat
1011 le parti pris de la liberté ! Sur ce mot Liberté, je serai très bref, bien qu’il soit le mot capital. Car la liberté, voye
1012 la culture et ses définitions, que là aussi vous me permettrez d’être assez bref, et de me borner à quelques traits défin
1013 aussi vous me permettrez d’être assez bref, et de me borner à quelques traits définissant la conception de la culture que
1014 raits définissant la conception de la culture que je vois pratiquée par ce Congrès. Le pire danger, c’est donc l’absence d
1015 là pour les trois termes qui forment notre titre. J’ en déduis que la fonction de notre Congrès, tel qu’il est devenu depui
1016 ous côtés : Êtes-vous un mouvement politique ? Il me semble que le commentaire que je viens de vous donner de nos buts rép
1017 t politique ? Il me semble que le commentaire que je viens de vous donner de nos buts répond suffisamment à cette question
1018 iques, que nous soyons d’abord anti-ceci ou cela… J’ insisterai donc à mon tour. En situant le Congrès comme je viens de le
1019 ns d’abord anti-ceci ou cela… J’insisterai donc à mon tour. En situant le Congrès comme je viens de le faire, j’ai voulu vo
1020 erai donc à mon tour. En situant le Congrès comme je viens de le faire, j’ai voulu vous montrer qu’il n’agit pas au niveau
1021 En situant le Congrès comme je viens de le faire, j’ ai voulu vous montrer qu’il n’agit pas au niveau de la politique propr
48 1961, Preuves, articles (1951–1968). Dialectique des mythes : Le carrefour fabuleux (I) (avril 1961)
1022 er, que sa personne refuse, et qui est son Ombre. J’ ai cherché bien longtemps le point de perspective d’où le regard puiss
1023 nal de 1839, on lit déjà : D’une certaine façon, je puis dire de Don Juan, comme Elvire : — Toi, meurtrier de mon bonheur
1024 e de Don Juan, comme Elvire : — Toi, meurtrier de mon bonheur ! Car en vérité, cette pièce s’est emparée de moi d’une façon
1025 eur ! Car en vérité, cette pièce s’est emparée de moi d’une façon si diabolique que je ne pourrai plus jamais l’oublier. C’
1026 ’est emparée de moi d’une façon si diabolique que je ne pourrai plus jamais l’oublier. C’est elle qui m’a poussé, comme El
1027 ne pourrai plus jamais l’oublier. C’est elle qui m’ a poussé, comme Elvire, hors de la nuit tranquille du cloître. Enfin,
1028 ersonne : Quand Don Juan est conçu musicalement, j’ entends en lui tout l’infini, mais aussi la puissance infinie de la pa
1029 de la passion, à laquelle rien ne peut résister ; j’ entends la convoitise effrénée du désir, mais aussi le triomphe absolu
1030 est certaine et l’obstacle n’est qu’un stimulant. Je trouve en Don Juan une vie ainsi animée d’un démoniaque puissant et i
1031 a façon d’un élément. Telle est son idéalité dont je puis me réjouir tranquillement, parce que la musique ne me le représe
1032 d’un élément. Telle est son idéalité dont je puis me réjouir tranquillement, parce que la musique ne me le représente pas
1033 e réjouir tranquillement, parce que la musique ne me le représente pas comme personne ou individu, mais comme puissance.96
1034 moral. Il séduit par la seule énergie du désir. Je ne l’imagine pas du tout comme quelqu’un qui forme ses projets sourno
1035 alheureux pour Régine, il fut Tristan. Cependant, je n’ai trouvé dans toute son œuvre que de rares allusions à l’Hamlet de
1036 même temps de complexion plutôt malingre (« Qu’on me donne un corps ! », gémit-il dans son Journal) et qui pressent son gé
1037 gure de lui-même qui le tente le plus : c’est son moi potentiel, prestigieux, désiré, mais qu’il ne peut et qu’il ne veut a
1038 formes. Ce système définit son individualité. Or je ne regarde ici et n’essaie de saisir qu’une certaine structure dynami
1039 aard dans sa vie et son œuvre indissociables ; et je vois qu’elle est disposée de telle manière que « l’esthétique » et le
1040 n’y arrivera jamais avec une morale sans passion. Je vois enfin que la personne de Kierkegaard est ce système qui se défin
1041 ir et nostalgie s’embrassent. C’est ce moment que j’ aime tant ». Et il ajoute que lorsqu’il peut la dire « sienne » dans l
1042 egaard, ce n’est pas ici le lieu de l’expliciter. J’ en donnerai tout de même un exemple, parce qu’il touche au cœur même d
1043 me un exemple, parce qu’il touche au cœur même de mon sujet. Dans ses Œuvres de l’amour, Kierkegaard marque le contraste, a
1044  : « À l’Individu qu’avec joie et reconnaissance, j’ appelle mon lecteur. » C’était là le prochain par excellence, et — nou
1045 ndividu qu’avec joie et reconnaissance, j’appelle mon lecteur. » C’était là le prochain par excellence, et — nous le savons
1046 ommunauté nouvelle des esprits — et c’est lui que j’ appelle la personne. Finalement, cet Individu s’exemplifie dans le des
1047 sophe marié a sa place dans la comédie, telle est ma thèse : et Socrate, seule exception, le malicieux Socrate, s’est semb
1048 t d’un autre instinct. »114 Passage capital pour mon propos ! Ce que Nietzsche y appelle « instincts rivaux » se ramène en
1049 précisément avec l’usage non instinctif du sexe ( j’ entends l’usage non nécessaire biologiquement). Et l’amour, que Nietzs
1050 miration pour Schopenhauer, leur maître commun. «  J’ aime en Wagner — écrit-il en 1866 à Erwin Rohde — ce que j’aime en Sch
1051 Wagner — écrit-il en 1866 à Erwin Rohde — ce que j’ aime en Schopenhauer : le souffle éthique, la croix, la mort, l’abîme…
1052 noui et Don Juan domine tout. Wagner n’est plus «  mon noble compagnon d’armes » mais « l’asphyxie par le rabâchage de toute
1053 recoins de ce chaos de rochers près de Gênes, où je vivais tout seul, en une familière intimité avec la mer. »117 Il vit
1054 Ô homme, prends garde ! Que dit minuit profond ? J’ ai dormi, j’ai dormi — Du fond d’un songe je m’éveille : Profond est l
1055 ends garde ! Que dit minuit profond ? J’ai dormi, j’ ai dormi — Du fond d’un songe je m’éveille : Profond est le monde Et p
1056 ond ? J’ai dormi, j’ai dormi — Du fond d’un songe je m’éveille : Profond est le monde Et plus profond que le jour ne l’a v
1057  ? J’ai dormi, j’ai dormi — Du fond d’un songe je m’ éveille : Profond est le monde Et plus profond que le jour ne l’a vu.
1058 r Cosima au jour où la démence éclate : « Ariane, je t’aime ! signé : Dionysos. » Le Cas Wagner — qui est un dernier Anti
1059 venait d’être envoyé à l’impression. Dans Aurore, je relis : « Que celui qui veut tuer son adversaire considère si ce ne s
1060 tre destinée d’échouer devant l’infini ? Ou bien, mes frères, ou bien ? — Dans Ecce Homo, Nietzsche commente : Ce livre s
1061 Enfin, il se contente de conquêtes faciles. (Mais je ne sais où l’on prend que Don Juan les dédaigne ? N’aurait-on jamais
1062 ocher de Nietzsche : « Le mot le plus pudique que j’ aie jamais entendu : — Dans le véritable amour, c’est l’âme qui envelo
1063 incroyable : Kierkegaard n’y est pas même nommé), je trouve ces formules adroitement balancées : « Don Juan et Faust sont
1064 Don Juan, La Flûte enchantée) par F. A. Breydert, je ne trouve rien qui ne confirme les analyses de Kierkegaard. À coup de
49 1961, Preuves, articles (1951–1968). Dialectique des mythes : Le carrefour fabuleux (II) (mai 1961)
1065 ance ? L’antinomie Don Juan-Tristan, telle que je l’ai formulée ailleurs, doit être ici rappelée en quelques phrases :
1066 son orgueil qu’à l’approche de la mort lumineuse. Je ne leur vois qu’un trait commun : tous deux ont l’épée à la main.123
1067 ? » le Don Juan de Tirso de Molina répond : « Qui je suis ? Un homme sans nom. » Cet homme sans nom, sans passé ni lendema
1068 sychologie individuelle, l’antériorité de Tristan me paraît encore plus évidente. L’amour-passion n’est ressenti dans sa p
1069 et des permutations possibles : ce n’est pas ici mon sujet, mais celui d’un traité du mariage.) Si au contraire le sentime
1070 l’ennui : c’est pourquoi beaucoup les confondent. J’ imagine cependant deux raisons non médiocres de refuser la durée norma
1071 nnable ». (Saluons au passage cette nouveauté.) «  J’ ai cueilli une pomme ; je l’ai trouvée bonne. J’en vois une autre : ri
1072 sage cette nouveauté.) « J’ai cueilli une pomme ; je l’ai trouvée bonne. J’en vois une autre : rien de plus raisonnable qu
1073 « J’ai cueilli une pomme ; je l’ai trouvée bonne. J’ en vois une autre : rien de plus raisonnable que de la cueillir aussi.
1074 réussi, d’éprouver à l’endroit des deux autres : j’ étais né pour ceci ou pour cela (le contraire de ce que je suis en tra
1075 né pour ceci ou pour cela (le contraire de ce que je suis en train de vivre), j’ai toujours rêvé de…, si je pouvais refair
1076 e contraire de ce que je suis en train de vivre), j’ ai toujours rêvé de…, si je pouvais refaire ma vie… Mais rêver d’autre
1077 is en train de vivre), j’ai toujours rêvé de…, si je pouvais refaire ma vie… Mais rêver d’autre chose est normal. Une cert
1078 e), j’ai toujours rêvé de…, si je pouvais refaire ma vie… Mais rêver d’autre chose est normal. Une certaine dualité est no
1079 es, et leurs soudaines récurrences dans une vie. ( Je songe par exemple au choc reçu par Nietzsche à l’annonce de la mort d
1080 aît peu après dans le second Zarathoustra : « Car je t’aime, ô éternité ! ») Une certaine dialectique formelle étant commu
1081 quel que soit le niveau de la « vie » considéré ? Je ne citerai — et en passant — qu’un seul exemple d’application de cett
1082 Allemagne hitlérienne (comme lecteur de français) j’ avais coutume de dire à ceux qui me questionnaient sur les motifs de l
1083 r de français) j’avais coutume de dire à ceux qui me questionnaient sur les motifs de l’adhésion réelle de tant d’Allemand
1084 d’Allemands à une doctrine évidemment démente : «  J’ ai vu certains de mes étudiants devenir nazis. J’ai vu qu’ils changeai
1085 ctrine évidemment démente : « J’ai vu certains de mes étudiants devenir nazis. J’ai vu qu’ils changeaient physiquement. Ils
1086  J’ai vu certains de mes étudiants devenir nazis. J’ ai vu qu’ils changeaient physiquement. Ils prenaient ce type dur, ce r
1087 zi. Si peu sérieux que cela puisse vous paraître, je crois que le totalitarisme est un virus, et si vous l’attrapez, vous
1088 si vous l’attrapez, vous n’y pourrez plus rien. » Je ne croyais pas si bien dire129.   La liberté. — Sur les premières me
1089 ietzsche en humeur donjuanesque —, ils obtinrent, je ne sais par quelle voie, quelques indications sur le fameux symbole,
1090 mites, au-delà des formes et du temps, au-delà du moi distinct et désirant, au-delà de tous les attachements terrestres, — 
1091 . Là, rien n’est plus ni vrai ni faux, ni tien ni mien , ni séparé ni interdit, dans l’Un sans nom : Dans le flot houleux Da
1092 r — Inconscient — Joie suprême !132 Mais si le moi est dépassé, qui est libre ? Et qui peut encore aimer qui ? C’est dan
1093 rnier obstacle qui nourrit sa passion est dans le moi distinct, et si ce moi doit s’abîmer dans l’inconscient tout engloban
1094 rit sa passion est dans le moi distinct, et si ce moi doit s’abîmer dans l’inconscient tout englobant, il n’y a plus d’obje
1095 sent Don Juan prêt à s’enfuir, un peu trop vite. Je ne vois pas Casanova « trahi » de la sorte. Il a mieux aimé ses conqu
1096 , n’est pas pressée d’épouser Don Ottavio… 129. Mon Journal d’Allemagne ne fait qu’une ou deux allusions très voilées à
1097 cette transformation physique. Il faut croire que mon hypothèse se lisait entre les lignes, néanmoins, puisque Eugène Iones
1098 (au cours d’une interview récente à la radio) que mon livre lui avait suggéré le sujet de son Rhinocéros. 130. Généalogie
1099 de la morale, III, 24. 131. Romains, 7, 6. 132. Je traduis ici les derniers vers du livret de Tristan, tel qu’il est cha
50 1963, Preuves, articles (1951–1968). Le mur de Berlin vu par Esprit (février 1963)
1100 ’autre. Dans l’un ou l’autre cas, cui bono ? Mais j’ allais oublier le plus beau. M. Dehem se plaint : « On m’a littéraleme
1101 s oublier le plus beau. M. Dehem se plaint : « On m’ a littéralement proscrit pour avoir écrit que le mur ne me faisait pas
1102 éralement proscrit pour avoir écrit que le mur ne me faisait pas peur. » De quel côté du mur a-t-il écrit cela ? Qui l’a «
51 1963, Preuves, articles (1951–1968). Une journée des dupes et un nouveau départ (mars 1963)
1103 contre des sentiments de l’un et de l’autre, mais je m’en tiens aux décisions intervenues. Ce chassé-croisé n’a pu surpren
1104 tre des sentiments de l’un et de l’autre, mais je m’ en tiens aux décisions intervenues. Ce chassé-croisé n’a pu surprendre
1105 le. » Or, dit-il aujourd’hui, comme « personne ne me propose l’Europe intégrée, je crois préférable d’avoir l’Angleterre a
1106 comme « personne ne me propose l’Europe intégrée, je crois préférable d’avoir l’Angleterre avec nous »135. Ce qui revient
1107 laire. La vraie lutte pour l’Europe se relâchait. Je ne sens plus, pour ma part, aucune raison de douter de sa rénovation.
1108 de douter de sa rénovation.   Post-scriptum pour mes amis anglais. Si, nonobstant l’analyse qu’on vient de lire, j’ai ress
1109 is. Si, nonobstant l’analyse qu’on vient de lire, j’ ai ressenti comme une blessure la rupture du 29 janvier, c’est à cause
1110 Nairn écrit : « These peoples are my peoples. » ( Je renonce à traduire.) Et il ajoute : « Quand je traverse la Manche, il
1111 » (Je renonce à traduire.) Et il ajoute : « Quand je traverse la Manche, il me semble que je rentre à mon foyer, non que j
1112 Et il ajoute : « Quand je traverse la Manche, il me semble que je rentre à mon foyer, non que je le quitte… Pour ma part,
1113 : « Quand je traverse la Manche, il me semble que je rentre à mon foyer, non que je le quitte… Pour ma part, je suis déjà
1114 traverse la Manche, il me semble que je rentre à mon foyer, non que je le quitte… Pour ma part, je suis déjà fédéré. » Il
1115 , il me semble que je rentre à mon foyer, non que je le quitte… Pour ma part, je suis déjà fédéré. » Il serait fou de dout
1116 à mon foyer, non que je le quitte… Pour ma part, je suis déjà fédéré. » Il serait fou de douter un seul instant que l’Ang
1117 King-Hall écrit en toute candeur : « Malgré tout, je suis favorable à l’entrée dans le Marché commun, pour des raisons éco
1118 our des raisons économiques, et aussi politiques. Je garde quelque espoir que, lorsque des forces divergentes commenceront
1119 134. Cette expression est de Michel Debré, lequel m’ écrivait en 1953 que les Six ne seraient — s’ils existaient jamais, ce
52 1964, Preuves, articles (1951–1968). Un district fédéral pour l’Europe (août 1964)
1120 age européen. Or l’Europe doit s’unir pour durer, j’ entends pour continuer à exercer demain sa vocation mondialisante : pa
1121 s partisans de l’Europe des États ou des patries, j’ entends la volonté de sauvegarder les diversités de l’Europe, voilà qu
1122 ans les Communautés. L’Europe de formule unitaire me paraît donc une utopie non seulement dangereuse mais sans avenir. c)
1123 e des glorieuses et vieilles nations de l’Europe. J’ attends qu’on me démontre pourquoi, et je souhaite qu’on le fasse un j
1124 et vieilles nations de l’Europe. J’attends qu’on me démontre pourquoi, et je souhaite qu’on le fasse un jour en pleine co
1125 ’Europe. J’attends qu’on me démontre pourquoi, et je souhaite qu’on le fasse un jour en pleine connaissance de cause, j’en
1126 le fasse un jour en pleine connaissance de cause, j’ entends en connaissance précise du modèle que l’on dit ne pouvoir imit
1127 coutumes ! Temps perdu ! Ça ne se fera jamais ! » Je me souviens d’un débat devant le micro, en février 1953, au cours duq
1128 tumes ! Temps perdu ! Ça ne se fera jamais ! » Je me souviens d’un débat devant le micro, en février 1953, au cours duquel
1129 ’Europe n’a jamais été justifiée — comme disaient mes instituteurs. Qu’en est-il de la seconde objection que je citais : « 
1130 tuteurs. Qu’en est-il de la seconde objection que je citais : « Si cela se fait par impossible, ce sera néfaste pour la Su
1131 sont invoqués par les partisans de l’abstention. Je vais les résumer et y répondre. Arguments politiques. — La neutralit
1132 que nous pourrons faire face à une Europe unie — j’ entends unie sans nous et malgré nous. Arguments traditionalistes. — 
1133 tion » de vouloir « mêler les peuples d’Europe ». Je rappelais tout à l’heure l’afflux des travailleurs étrangers en Suiss
1134 tinées de laquelle l’auteur de la déclaration que j’ ai citée n’est pas tout à fait étranger. S’il croit vraiment que le mé
1135 de paraître peu réaliste, voire peu suisse. Mais je sens deux autres motifs à cette espèce d’embarras. Ceux qui se réclam
1136 Mais notre peuple comprend mal ce qui est en jeu. Je ne suis d’accord, pour ma part, ni avec ceux qui refusent l’Europe en
1137 enonce sans condition à toute idée de neutralité. Mon idéal très clair — mon utopie — est que la Suisse adhère un jour à un
1138 toute idée de neutralité. Mon idéal très clair — mon utopie — est que la Suisse adhère un jour à une union européenne de t
1139 a défense des intérêts particuliers de la Suisse. Je diffère dans ce domaine de la majorité. Il s’agit de savoir et de dir
1140 liste, qui maintient les patries et l’union. Mais je réitère : si la Suisse ne la préconise pas, qui le fera ? Notre fédér
1141 présidé avec succès aux destinées de notre pays. J’ en donnerai un exemple tout récent : je le trouve dans les journaux de
1142 otre pays. J’en donnerai un exemple tout récent : je le trouve dans les journaux de ce matin, 13 avril 1964. Un député de
1143 u fait accompli, c’est-à-dire du « trop tard mais je n’y puis rien, et tâchez de comprendre mes soucis… ») 2°) « L’on peut
1144 rd mais je n’y puis rien, et tâchez de comprendre mes soucis… ») 2°) « L’on peut mesurer les difficultés que rencontrerait
1145 e ne craint personne ! Voici quelques raisons qui me portent à croire à l’avenir de ses formules. 1°) Le monde de demain s
1146 é : l’homme semble fait pour de petites sociétés. Je dirai plus : il n’y a pas de grandes sociétés possibles, car il n’y a
1147 ci vingt ans, trop grande pour ses institutions ? Je pense qu’il n’y a pas lieu de le redouter si elle continue d’applique
1148 faveur du bien commun de l’Europe. Telle serait à mes yeux la mission positive de la Suisse. Mais j’ai montré pour quels mo
1149 à mes yeux la mission positive de la Suisse. Mais j’ ai montré pour quels motifs en apparence paradoxaux bien qu’historique
1150 le flatterait les désirs secrets de la plupart de mes compatriotes. Mieux encore, je soupçonne qu’elle symbolise un idéal p
1151 de la plupart de mes compatriotes. Mieux encore, je soupçonne qu’elle symbolise un idéal presque trop beau pour être vrai
1152 our à la santé, une maladie déclarée, ou la mort. Je n’oublie pas que le discours est d’une logique plus exigeante que l’h
1153 aura plus d’Europe. À mi-chemin entre le temps où j’ écrivais le Message final du premier congrès de l’Europe à La Haye, et
1154 ù l’Europe unie sera sans doute un fait accompli, je propose mon dessein raisonnable d’un avenir possible de la Suisse. En
1155 unie sera sans doute un fait accompli, je propose mon dessein raisonnable d’un avenir possible de la Suisse. En voici le pr
1156 nc en parler à Berne, vous serez bien reçu ! Etc. Je ne vois rien de consistant ni de raisonnable dans aucun de ces argume
1157 ents, qui se contredisent d’ailleurs deux à deux. Mon dessein, ne l’oublions pas, est à mi-chemin entre une initiative pris
1158 de ce pays un musée. Il est modeste, sans excès. Je vois en revanche beaucoup de motifs d’angoisse pour l’avenir prochain
1159 ès les pour et contre. Le Suisse moyen pensera de mon « utopie » que c’est bien joli, mais que nous ne sommes pas faits pou
1160 table. Et puis viendra la réflexion, la décision. Je me mets dans la peau du Parisien, du Viennois ou du Bruxellois, candi
1161 le. Et puis viendra la réflexion, la décision. Je me mets dans la peau du Parisien, du Viennois ou du Bruxellois, candidat
1162 onne première, étant seconde sur chaque bulletin. Je ne m’attends pas à voir mon dessein raisonnable discuté sérieusement
1163 remière, étant seconde sur chaque bulletin. Je ne m’ attends pas à voir mon dessein raisonnable discuté sérieusement par la
1164 e sur chaque bulletin. Je ne m’attends pas à voir mon dessein raisonnable discuté sérieusement par la Suisse officielle. Je
1165 le discuté sérieusement par la Suisse officielle. Je vais donc le faire à sa place. Nos dirigeants se refusent expressémen
1166 liste, et neutre au surplus. Nul projet mieux que le mien ne saurait la servir ! Il ne suppose en somme qu’une seule initiative
1167 e moralement. Et maintenant, en tant que citoyen, j’ essaie d’imaginer mes réactions devant un projet comme le mien, s’il é
1168 ntenant, en tant que citoyen, j’essaie d’imaginer mes réactions devant un projet comme le mien, s’il émanait d’un étranger.
1169 e d’imaginer mes réactions devant un projet comme le mien , s’il émanait d’un étranger. Supposons la chose faite. Que devient mo
1170 n étranger. Supposons la chose faite. Que devient mon pays ? Ma première impression, c’est que la Suisse n’est plus à l’éca
1171 Supposons la chose faite. Que devient mon pays ? Ma première impression, c’est que la Suisse n’est plus à l’écart de l’Eu
1172 d’ici huit jours, ira jeter du pain aux cygnes », me disait le chef de la police municipale à la veille d’une grande confé
1173 re d’Europe, comme elle fut jadis terre d’Empire, je ne vois pas de motifs de craindre qu’il y ait plus d’« étrangers enva
1174 ns illusions, qui taxe le réel à sa juste valeur. J’ ai parlé de plus d’un peuple dans mes livres, pour l’avoir vécu d’asse
1175 juste valeur. J’ai parlé de plus d’un peuple dans mes livres, pour l’avoir vécu d’assez près et pour l’avoir intimement aim
1176 rope centrale, les États-Unis, la France surtout. J’ ai dit un jour de la France : c’est le pays du monde dont je préfère m
1177 n jour de la France : c’est le pays du monde dont je préfère me plaindre. La Suisse est le pays dont je souhaite le plus q
1178 a France : c’est le pays du monde dont je préfère me plaindre. La Suisse est le pays dont je souhaite le plus qu’il commun
1179 e préfère me plaindre. La Suisse est le pays dont je souhaite le plus qu’il communique sa grâce très secrète à l’avenir eu
1180 ent un mystère, ou plutôt elle est ce mystère. Il m’ a fallu longtemps, beaucoup d’étude, d’éloignement, de retours étonnés
1181 d’étude, d’éloignement, de retours étonnés, pour me voir contraint de l’admettre. Saura-t-elle un jour s’exprimer par le
1182 t, mais nous pousse en même temps et nous oblige, je veux le croire avec Victor Hugo : La Suisse, dans l’Histoire, aura l
1183 e, qui reprendrait toute sa force dans le cas que j’ examine. bi. Rougemont Denis de, « Un district fédéral pour l’Europe
53 1966, Preuves, articles (1951–1968). André Breton (novembre 1966)
1184 novembre 1966)bk Vers cette forêt de plaine où je vais chaque jour, j’ai marché sans penser à rien, dans l’odeur végéta
1185 ers cette forêt de plaine où je vais chaque jour, j’ ai marché sans penser à rien, dans l’odeur végétale d’un crépuscule hu
1186 humide, presque orageux, et la présence de Breton m’ est advenue sous les grands chênes, comme si j’étais sorti ce soir à s
1187 on m’est advenue sous les grands chênes, comme si j’ étais sorti ce soir à sa rencontre. Je n’ai pas connu d’autre écrivain
1188 s, comme si j’étais sorti ce soir à sa rencontre. Je n’ai pas connu d’autre écrivain français qui ait eu, de loin, pareil
1189 contrés. Mais au long des années de notre amitié, j’ ai souvent observé comme il savait aimer un arbre, une feuille, une pi
1190 tant d’années sans nous voir, Dieu sait pourquoi, j’ ai retrouvé ce soir une ombre amie à l’orée de mon bois celtique, Andr
1191 j’ai retrouvé ce soir une ombre amie à l’orée de mon bois celtique, André Breton, enterré ce matin.   La guerre, l’exil am
1192 x sévères des jeunes mouvements personnalistes où je militais, cessât tout d’un coup d’être un mythe pour devenir du même
1193 un coup d’être un mythe pour devenir du même coup mon ami, après un dîner tête-à-tête dans un petit restaurant du Village,
1194 , à New York. (20 juin 1942, selon le journal que je tenais alors.) Deux jours plus tôt, je l’avais rencontré à l’Office o
1195 ournal que je tenais alors.) Deux jours plus tôt, je l’avais rencontré à l’Office of War Information, où je venais de pren
1196 avais rencontré à l’Office of War Information, où je venais de prendre un poste. J’écrivais deux longs textes par jour : «
1197 ar Information, où je venais de prendre un poste. J’ écrivais deux longs textes par jour : « La voix de l’Amérique parle au
1198 « La voix de l’Amérique parle aux Français », et j’ avais deux équipes d’« announcers » qui les lisaient en alternant les
1199  ! » (Beaucoup de lui dans ces quelques mots.) Il m’ arrive de rêver que je m’entends au mieux avec tel homme, telle femme
1200 dans ces quelques mots.) Il m’arrive de rêver que je m’entends au mieux avec tel homme, telle femme dont tout me sépare en
1201 s ces quelques mots.) Il m’arrive de rêver que je m’ entends au mieux avec tel homme, telle femme dont tout me sépare en fa
1202 ds au mieux avec tel homme, telle femme dont tout me sépare en fait, ou avec qui j’ai rompu sans retour. Ce soir-là, au Vi
1203 le femme dont tout me sépare en fait, ou avec qui j’ ai rompu sans retour. Ce soir-là, au Village, mon rêve est devenu vrai
1204 i j’ai rompu sans retour. Ce soir-là, au Village, mon rêve est devenu vrai : nous parlons certes de ce qui peut nous rappro
1205 convergence heureuse ! À quelques jours de là, il me dit souhaiter que nous puissions désormais nous rencontrer « mécaniqu
1206 de bon de nous en assurer l’occasion quotidienne. J’ écrivais quelques mois plus tard dans mon journal : « Une journée à l
1207 tidienne. J’écrivais quelques mois plus tard dans mon journal : « Une journée à l’OWI. — André Breton, superbement courtoi
1208 is même : surréalisme. « Chaque soir, pendant que mon texte terminé sous pression passe par une série de bureaux, de la cen
1209 avardent… »   Dès notre première vraie rencontre, j’ avais découvert quelque chose dont je pense bien que personne ne parle
1210 e rencontre, j’avais découvert quelque chose dont je pense bien que personne ne parlera dans les centaines d’articles à pa
1211 le dans le défi, qui rejoignait l’Inquisition… Il me dit ce soir-là qu’il avait découvert au fond de l’échoppe d’un cordon
1212 que Breton ne les avait pas admis et célébrés !) J’ ai vu plus d’une scène de ce genre aux réunions du groupe, d’ailleurs
1213 eligmann et Duchamp signèrent celle qui annonçait ma Part du diable ). J’allais chez lui, il me lisait de la poésie sur u
1214 gnèrent celle qui annonçait ma Part du diable ). J’ allais chez lui, il me lisait de la poésie sur un ton d’emphase souten
1215 nçait ma Part du diable ). J’allais chez lui, il me lisait de la poésie sur un ton d’emphase soutenue, en marchant à gran
1216 aviateur, dans le même poème…) C’est ainsi qu’il me lut un jour l’Ode à Charles Fourier qu’il venait de recopier d’une be
1217 alors son nouvel Intercesseur : il insistait pour m’ en lire des chapitres décrivant le travail et les plaisirs réglés des
1218 fraîcheur. » Jamais Breton ne s’est mieux défini. Je pense au soir où il déclara qu’il était temps d’aller regarder de plu
1219 ec celui qu’avait canonisé « l’Obscurantisme ».   Je crois avoir été, de ses amis, le seul qui s’avouât et se voulût « chr
1220 . Ainsi en mars 1945, lorsque parurent à New York mes Personnes du Drame . Breton me dit que sa femme en ayant lu quelques
1221 urent à New York mes Personnes du Drame . Breton me dit que sa femme en ayant lu quelques chapitres, il avait vu que le l
1222 avait vu que le livre était « dangereux ». Comme je feignais de ne pas comprendre, il précisa qu’il pouvait accepter beau
1223 à cause du ton, mais que dans ce livre, vraiment, je passais les bornes, allant jusqu’à tomber parfois dans le langage de
1224 tomber parfois dans le langage de la piété, « si j’ ose dire… » C’était évidemment très grave, peut-être même impardonnabl
1225 eut-être même impardonnable. Et lorsqu’il vit que je ne me défendais pas, je suis certain que l’idée le traversa de me fai
1226 re même impardonnable. Et lorsqu’il vit que je ne me défendais pas, je suis certain que l’idée le traversa de me faire pas
1227 ble. Et lorsqu’il vit que je ne me défendais pas, je suis certain que l’idée le traversa de me faire passer devant le trib
1228 is pas, je suis certain que l’idée le traversa de me faire passer devant le tribunal du Groupe. Mais après tout, je n’avai
1229 er devant le tribunal du Groupe. Mais après tout, je n’avais jamais été surréaliste d’observance, comment m’exclure ? Et i
1230 vais jamais été surréaliste d’observance, comment m’ exclure ? Et il n’avait aucune envie de rompre. Il trouva une espèce d
1231 un petit bar français pour le dîner du lendemain. J’ y vais à l’heure, Marcel est déjà là, plus que ponctuel et parfaitemen
1232 éjà là, plus que ponctuel et parfaitement serein. Je ne sais s’il a lu mon litigieux ouvrage. « Je crois que vous croyez ?
1233 tuel et parfaitement serein. Je ne sais s’il a lu mon litigieux ouvrage. « Je crois que vous croyez ? », me dit-il en subst
1234 in. Je ne sais s’il a lu mon litigieux ouvrage. «  Je crois que vous croyez ? », me dit-il en substance (ravi de l’ambiguït
1235 itigieux ouvrage. « Je crois que vous croyez ? », me dit-il en substance (ravi de l’ambiguïté du mot croire dans cette phr
1236 é. Puisque Marcel, infaillible à ses yeux, semble m’ absoudre, il pourra sans perdre la face continuer à me rencontrer. Je
1237 soudre, il pourra sans perdre la face continuer à me rencontrer. Je relate cet incident pour montrer que l’amitié comptait
1238 ra sans perdre la face continuer à me rencontrer. Je relate cet incident pour montrer que l’amitié comptait parfois aux ye
1239 ne pouvait exister que pour lui seul. De personne je ne suis à ce point sûr qu’il a toujours suivi — avec autant d’audace
1240 sance aux signes devinés — ce qu’il faut bien que j’ appelle ici, d’un terme signifiant pour moi la relation d’un homme au
1241 ien que j’appelle ici, d’un terme signifiant pour moi la relation d’un homme au transcendant, sa vocation. bk. Rougemont
54 1968, Preuves, articles (1951–1968). Marcel Duchamp mine de rien (février 1968)
1242 solitude. Aujourd’hui, on nous traque. — Oui, dis- je , mais tout dépend des vrais désirs des hommes : c’est ce qu’il s’agit
1243 éclatantes de la réalité des lois de la science, je sais ce que je dis. Nous calculons les mouvements de l’électron, la p
1244 la réalité des lois de la science, je sais ce que je dis. Nous calculons les mouvements de l’électron, la puissance des ra
1245 avec ça ! Allez en faire autant avec vos fées ! » Je lui réponds que jamais un moteur n’a pu produire la moindre fée. Quan
1246 cela ! On en revient donc évidemment aux mythes. Je le prévoyais. Prenez la notion de cause : la cause et l’effet disting
1247 it pas en Dieu, l’idée de cause n’a plus de sens. Je m’excuse, je crois que vous croyez en Dieu… — Je crois en Dieu, mais
1248 pas en Dieu, l’idée de cause n’a plus de sens. Je m’ excuse, je crois que vous croyez en Dieu… — Je crois en Dieu, mais je
1249 u, l’idée de cause n’a plus de sens. Je m’excuse, je crois que vous croyez en Dieu… — Je crois en Dieu, mais je le considè
1250 Je m’excuse, je crois que vous croyez en Dieu… — Je crois en Dieu, mais je le considère comme l’origine, non comme l’effe
1251 que vous croyez en Dieu… — Je crois en Dieu, mais je le considère comme l’origine, non comme l’effet de notre idée de caus
1252 rable, évidemment… D’ailleurs, ce n’est pas cela. Je crois que Dieu est fou selon nos normes rationnelles, infiniment plus
1253 ouvons imaginer de lui… Avant d’aller se coucher, je lui donne le Nouvel Esprit scientifique de Bachelard. J’ai souligné l
1254 donne le Nouvel Esprit scientifique de Bachelard. J’ ai souligné le paragraphe où l’on explique que selon la théorie de Mil
1255 réexistante pour qu’un mouvement s’y appliquât. — Je l’ai bien lu, m’a-t-il dit ce matin en me rendant le livre. Je crois
1256 qu’un mouvement s’y appliquât. — Je l’ai bien lu, m’ a-t-il dit ce matin en me rendant le livre. Je crois que je comprends
1257 quât. — Je l’ai bien lu, m’a-t-il dit ce matin en me rendant le livre. Je crois que je comprends tout, ou presque tout, à
1258 lu, m’a-t-il dit ce matin en me rendant le livre. Je crois que je comprends tout, ou presque tout, à part épistémologie, j
1259 dit ce matin en me rendant le livre. Je crois que je comprends tout, ou presque tout, à part épistémologie, j’ai oublié et
1260 ends tout, ou presque tout, à part épistémologie, j’ ai oublié et le mot m’agace … Inanité par contre me plaît beaucoup. Ma
1261 tout, à part épistémologie, j’ai oublié et le mot m’ agace … Inanité par contre me plaît beaucoup. Mais il y a cependant un
1262 ’ai oublié et le mot m’agace … Inanité par contre me plaît beaucoup. Mais il y a cependant une expression que je ne compre
1263 eaucoup. Mais il y a cependant une expression que je ne comprends pas du tout, c’est mouvement. Qu’est-ce qu’il appelle mo
1264 ourrait s’en passer. Si l’on supprimait l’argent, je suis sûr que tout irait aussi bien, et beaucoup plus facilement. Le b
1265 s vendre. Ainsi de suite. Enfin, ce soir : — Vous me disiez qu’on n’a jamais vu vivre un groupe humain dans l’anarchie tel
1266 vivre un groupe humain dans l’anarchie telle que je la préconise. Pourtant je connais un groupe où cela marche très bien 
1267 ns l’anarchie telle que je la préconise. Pourtant je connais un groupe où cela marche très bien : c’est la famille… N’est-
1268 ôle important dans la vie de Marcel. — Depuis que mon père est mort, je me sens privé de repères. Pères et repères… Je n’ar
1269 la vie de Marcel. — Depuis que mon père est mort, je me sens privé de repères. Pères et repères… Je n’arrive plus à prendr
1270 vie de Marcel. — Depuis que mon père est mort, je me sens privé de repères. Pères et repères… Je n’arrive plus à prendre d
1271 t, je me sens privé de repères. Pères et repères… Je n’arrive plus à prendre de responsabilités. Il me semble que je devra
1272 Je n’arrive plus à prendre de responsabilités. Il me semble que je devrais d’abord aller demander à mon père son opinion —
1273 us à prendre de responsabilités. Il me semble que je devrais d’abord aller demander à mon père son opinion — son OK. Proba
1274 me semble que je devrais d’abord aller demander à mon père son opinion — son OK. Probablement, je n’ai jamais atteint l’âge
1275 er à mon père son opinion — son OK. Probablement, je n’ai jamais atteint l’âge adulte… À propos d’âge : — La grande crise
1276 « quatre heures par jour, environ ». C’est à quoi je le trouve occupé chaque matin, sur la galerie, fumant sa pipe, et lev
1277 u de questions et réponses écrites simultanément. Ma première question était : Qu’est-ce que le génie ? Marcel lit sa répo
1278 ajoute : « Encore un calembour, évidemment. » De ma table de travail, par la porte ouverte, je vois une partie de sa cham
1279 . » De ma table de travail, par la porte ouverte, je vois une partie de sa chambre. Duchamp est allongé sur son lit, son p
1280 s échecs. Pensant à la conversation de la veille, je lui demande s’il est vrai qu’il a décidé un beau jour d’abandonner dé
1281 ’écrie-t-il avec une nuance d’indignation amusée. Je n’ai pas renoncé par attitude. Je n’ai rien décidé du tout ! J’attend
1282 gnation amusée. Je n’ai pas renoncé par attitude. Je n’ai rien décidé du tout ! J’attends simplement d’avoir des idées… J’
1283 noncé par attitude. Je n’ai rien décidé du tout ! J’ attends simplement d’avoir des idées… J’ai eu trente-trois idées, j’ai
1284 du tout ! J’attends simplement d’avoir des idées… J’ ai eu trente-trois idées, j’ai fait trente-trois tableaux. Je ne veux
1285 nt d’avoir des idées… J’ai eu trente-trois idées, j’ ai fait trente-trois tableaux. Je ne veux pas me copier, comme tous le
1286 nte-trois idées, j’ai fait trente-trois tableaux. Je ne veux pas me copier, comme tous les autres. Vous comprenez, être pe
1287 , j’ai fait trente-trois tableaux. Je ne veux pas me copier, comme tous les autres. Vous comprenez, être peintre, c’est co
1288 ou quatre fois plus grand que ceux qu’on voit. — Je l’ai fait entièrement de ma main, sauf le papier. — Même ce fond saum
1289 ue ceux qu’on voit. — Je l’ai fait entièrement de ma main, sauf le papier. — Même ce fond saumon, avec tous ces longs S bi
1290 n faux chèque, puisqu’il est entièrement fait par moi  ! Et signé ! Rien de plus authentique ! Et au moins, cela ne pouvait
1291 t soudain : — La seule chose ennuyeuse, c’est que j’ ai dû racheter ce chèque à mon dentiste, pour le faire figurer dans ma
1292 ennuyeuse, c’est que j’ai dû racheter ce chèque à mon dentiste, pour le faire figurer dans ma valise ! 7 août. Avant le déj
1293 chèque à mon dentiste, pour le faire figurer dans ma valise ! 7 août. Avant le déjeuner, sur la galerie : — Qu’est-ce que
1294 i échappe encore à nos définitions scientifiques. J’ ai pris à dessein le mot mince qui est un mot humain, affectif, et non
1295 jamais essayé de regarder ainsi votre tableau ? — Moi  ? Non. Pourquoi ? Je suis l’auteur. Pour en revenir à l’infra-mince,
1296 der ainsi votre tableau ? — Moi ? Non. Pourquoi ? Je suis l’auteur. Pour en revenir à l’infra-mince, c’est une catégorie q
1297 revenir à l’infra-mince, c’est une catégorie qui m’ a beaucoup occupé depuis dix ans. Je crois que par l’infra-mince on pe
1298 catégorie qui m’a beaucoup occupé depuis dix ans. Je crois que par l’infra-mince on peut passer de la deuxième à la troisi
1299 res sens : — Avez-vous remarqué, dit Duchamp, que je puis vous voir regarder, vous voir voir, mais que je ne puis pas vous
1300 puis vous voir regarder, vous voir voir, mais que je ne puis pas vous entendre entendre, ni vous goûter goûtant, et ainsi
1301 agnes environnant le lac, ses golfes et ses îles. Je dis combien cette vue m’apaise et me satisfait. — Vous êtes sans clou
1302 ses golfes et ses îles. Je dis combien cette vue m’ apaise et me satisfait. — Vous êtes sans cloute presbyte ? Tenez, je v
1303 et ses îles. Je dis combien cette vue m’apaise et me satisfait. — Vous êtes sans cloute presbyte ? Tenez, je vous donne ce
1304 isfait. — Vous êtes sans cloute presbyte ? Tenez, je vous donne celle-là toute fraîche, une théorie-minute qui me vient à
1305 ne celle-là toute fraîche, une théorie-minute qui me vient à l’instant : les presbytes sont malheureux dans les villes, pa
1306 s nos esprits. Ce sera le début de la première de mes Lettres. Hier, j’ai ramené le journal du village, et je l’ai lu presq
1307 era le début de la première de mes Lettres. Hier, j’ ai ramené le journal du village, et je l’ai lu presque en entier tout
1308 tres. Hier, j’ai ramené le journal du village, et je l’ai lu presque en entier tout en marchant, malgré les petites mouche
1309 nde est accouru sur la galerie, à la nouvelle, et j’ ai dû raconter l’histoire comme si je revenais d’Hiroshima, comme si j
1310 nouvelle, et j’ai dû raconter l’histoire comme si je revenais d’Hiroshima, comme si j’en étais responsable. À minuit, nous
1311 stoire comme si je revenais d’Hiroshima, comme si j’ en étais responsable. À minuit, nous en parlions encore. Le choc nous
1312 ans la terreur ou la méditation. (Cette réaction, je le crains, va se généraliser.) Et chacun s’efforçait de montrer que l
1313 t une série de résultats acquis depuis dix ans. — Je savais ! déclara le capitaine, avec cette simplicité exaspérante qu’a
1314 girls, enfin, parurent émues. C’est le moment que je choisis pour parler d’homéopathie, un de mes dadas. Ma thèse est simp
1315 t que je choisis pour parler d’homéopathie, un de mes dadas. Ma thèse est simple : Qu’est-ce que l’homéopathie ? L’action d
1316 oisis pour parler d’homéopathie, un de mes dadas. Ma thèse est simple : Qu’est-ce que l’homéopathie ? L’action d’un remède
1317 L’action d’un point de matière subitement absent. J’ admire que la plus grande explosion de l’Histoire n’ait pas été provoq
1318 qui s’est défait.   « L’impossibilité du faire », j’ y reviens. Marcel confesse volontiers ce qu’il appelle sa paresse. C’e
1319 éclare-t-il avec sérénité. Peut-être le croit-il. Moi non. Cet « artiste-inventeur » prend son temps simplement. Ce Jules V
1320 le ceinture noire parmi nos artistes et penseurs. J’ admire l’économie de ses moyens : un rien, un calembour, un non-mot, u
1321 e. Tout cela gentiment. Mine de rien. 147. Voir mes Lettres sur la bombe atomique , commencées ce jour-là, et publiées e
55 1968, Preuves, articles (1951–1968). Vingt ans après, ou la campagne des congrès (1947-1949) (octobre 1968)
1322 49) (octobre 1968)bm Avec le recul des années, je me sens enclin à croire que, oui, tout est sorti du congrès de La Hay
1323 (octobre 1968)bm Avec le recul des années, je me sens enclin à croire que, oui, tout est sorti du congrès de La Haye e
1324 it alors qu’il eût été possible de le déclencher. Je voudrais fixer quelques points dont l’historien futur devra tenir com
1325 pour faire court, les « ressorts de l’histoire ». Je voudrais illustrer ainsi la réalité de l’engagement intellectuel en p
1326 daine de ceux qui nous laissaient la chose148. Et je voudrais enfin rappeler que le mouvement personnaliste des années 193
1327 s et rendre justice à l’action qu’elle a exercée. Je voudrais comparer cette action non pas à celle d’un général qui conqu
1328 f Joseph Retinger peut-être, ne prit part à tous. Je serai donc forcément incomplet et délibérément subjectif dans l’appro
1329 if dans l’approche de ce passé, quitte à recouper mes souvenirs à l’aide de notes de journal intime (mais elles sont rares
1330 Genève au Centre européen de la culture. Ce qu’il m’ importe de rendre ici, c’est tout ce que l’étude objective des rapport
1331 aura pas de miracle. Le congrès de Montreux Je venais de rentrer en Europe après six ans aux USA, et je m’installais
1332 is de rentrer en Europe après six ans aux USA, et je m’installais près de Genève, mais en France, à Ferney-Voltaire, quand
1333 de rentrer en Europe après six ans aux USA, et je m’ installais près de Genève, mais en France, à Ferney-Voltaire, quand je
1334 Genève, mais en France, à Ferney-Voltaire, quand je reçus la visite d’Alexandre Marc : il m’apprit l’existence d’une Unio
1335 e, quand je reçus la visite d’Alexandre Marc : il m’ apprit l’existence d’une Union européenne des fédéralistes, dont le si
1336 ste (L’Ordre nouveau, Esprit, etc., 1931-1939) il me demandait d’y venir prononcer un discours. Et certes, durant mes anné
1337 ’y venir prononcer un discours. Et certes, durant mes années américaines, je n’avais cessé d’imaginer une action pour unir
1338 scours. Et certes, durant mes années américaines, je n’avais cessé d’imaginer une action pour unir l’Europe, si jamais il
1339 amais il devenait possible d’y rentrer. Pourtant, je me sentais pris de court. Je n’avais pas encore défait toutes mes val
1340 is il devenait possible d’y rentrer. Pourtant, je me sentais pris de court. Je n’avais pas encore défait toutes mes valise
1341 y rentrer. Pourtant, je me sentais pris de court. Je n’avais pas encore défait toutes mes valises… Avant de me donner la p
1342 ris de court. Je n’avais pas encore défait toutes mes valises… Avant de me donner la parole en public, il fallait me laisse
1343 is pas encore défait toutes mes valises… Avant de me donner la parole en public, il fallait me laisser le temps de m’orien
1344 vant de me donner la parole en public, il fallait me laisser le temps de m’orienter… Deux jours plus tard, le soir, c’est
1345 role en public, il fallait me laisser le temps de m’ orienter… Deux jours plus tard, le soir, c’est un journaliste français
1346 d Silva, secrétaire général de l’UEF, et il vient me relancer au sujet de Montreux. À mes objections réitérées, il répond
1347 , et il vient me relancer au sujet de Montreux. À mes objections réitérées, il répond « Je vous demande simplement de nous
1348 Montreux. À mes objections réitérées, il répond «  Je vous demande simplement de nous lire les pages sur L’Attitude fédéral
1349  ? C’est en songeant à des tâches de ce genre que j’ ai décidé de revenir en Europe. Aboutissement ? Nouveau départ ? Le fa
1350 veau départ ? Le fait qu’A. M. et R. S. aient été mes premiers visiteurs donne peut-être son vrai sens à ma venue dans ce l
1351 remiers visiteurs donne peut-être son vrai sens à ma venue dans ce lieu. » Le soir du 26 août, au Pavillon des Sports, en
1352 s sur une scène, et face à une salle archicomble. Je n’ai en main qu’un texte encore plus condensé qu’à mon ordinaire, pré
1353 ’ai en main qu’un texte encore plus condensé qu’à mon ordinaire, prévu pour introduire un débat de table ronde. Henri Brugm
1354 ébat de table ronde. Henri Brugmans, qui préside, me présente comme l’un des auteurs qu’on lisait dans son camp d’otages e
1355 s n’a pu faire passer dans l’action les idées que je représente, c’est qu’elle ne peut encore insérer son effort dans le c
1356 seul adéquat, d’une Europe fédérée, fédéraliste… Je n’ai plus qu’à m’exécuter. notes de journal : « Parlé très vite en m
1357 ne Europe fédérée, fédéraliste… Je n’ai plus qu’à m’ exécuter. notes de journal : « Parlé très vite en me disant que j’all
1358 xécuter. notes de journal : « Parlé très vite en me disant que j’allais beaucoup les ennuyer. Surpris par des applaudisse
1359 s de journal : « Parlé très vite en me disant que j’ allais beaucoup les ennuyer. Surpris par des applaudissements pour je
1360 es ennuyer. Surpris par des applaudissements pour je ne sais quoi, après une dizaine de minutes, puis d’autres, à de nombr
1361 autres, à de nombreuses reprises, notamment quand j’ oppose point par point le totalitarisme et le fédéralisme, et à la fin
1362 sme et le fédéralisme, et à la fin, une “ovation” je crois bien. Un curieux personnage appuyé sur une canne m’a entraîné l
1363 bien. Un curieux personnage appuyé sur une canne m’ a entraîné loin des interviewers, m’a fait asseoir devant une fine à l
1364 sur une canne m’a entraîné loin des interviewers, m’ a fait asseoir devant une fine à l’eau, dans un hall du Montreux-Palac
1365 fine à l’eau, dans un hall du Montreux-Palace, et m’ a dit. “Tout cela est bel et bon, mais maintenant il nous faut travail
1366 s en exil à Londres : tous veulent l’Europe unie, me dit-il, vous avez donné ce soir la doctrine, il reste à faire le prin
1367 pal, l’action pratique… » Mais le lendemain matin je quittais Montreux pour retrouver à Sion des amis venus de Paris. Je n
1368 ux pour retrouver à Sion des amis venus de Paris. Je n’étais pas encore engagé dans l’affaire. Tout se passait comme si j’
1369 e engagé dans l’affaire. Tout se passait comme si j’ avais jugé que le fait de prononcer un keynote speech était une suffis
1370 ’après-midi l’affiche de la Gazette de Lausanne me tire l’œil : à Montreux, importantes déclarations sur l’Europe. Je me
1371 Montreux, importantes déclarations sur l’Europe. Je me dis que j’ai eu tort de quitter ce congrès, j’aurai raté le princi
1372 ntreux, importantes déclarations sur l’Europe. Je me dis que j’ai eu tort de quitter ce congrès, j’aurai raté le principal
1373 ortantes déclarations sur l’Europe. Je me dis que j’ ai eu tort de quitter ce congrès, j’aurai raté le principal, et je déc
1374 Je me dis que j’ai eu tort de quitter ce congrès, j’ aurai raté le principal, et je décide d’y retourner le soir même. Lu l
1375 quitter ce congrès, j’aurai raté le principal, et je décide d’y retourner le soir même. Lu la Gazette dans le train : les
1376 économique, en curieux. Le président Hopkinson MP me prie de venir siéger à la tribune. Après cinq minutes, on m’appelle p
1377 venir siéger à la tribune. Après cinq minutes, on m’ appelle pour un entretien devant le micro avec Brugmans, Robert Aron,
1378 tre gouvernements. Parlant aussitôt après Sandys, je demande que bien au contraire l’action européenne parte des mouvement
1379 le micro l’après-midi.) » Vingt ans plus tard, il m’ apparaît clairement que toutes les difficultés et frustrations qu’alla
1380 brûle-pourpoint et publiquement dans ce débat que je puisse attribuer mon engagement réel, dès ce moment-là, au service du
1381 ubliquement dans ce débat que je puisse attribuer mon engagement réel, dès ce moment-là, au service du fédéralisme européen
1382 ce moment-là, au service du fédéralisme européen. Je n’oserais affirmer, en revanche, que le contenu des discussions et de
1383 contenu des discussions et des résolutions votées m’ ait fait alors une impression bien forte. Je viens de relire le volume
1384 otées m’ait fait alors une impression bien forte. Je viens de relire le volume qui réunit les principaux discours et les c
1385 onomique, ou de Théo Chopard sur le syndicalisme, je souligne beaucoup de propositions plus riches et plus précises que le
1386 e dégager après vingt ans, le congrès de Montreux me paraît tenir une place décisive et axiale : c’est là que s’opéra la r
1387 retrouvée et d’une grande aventure où s’engager, j’ étais loin de mesurer l’importance objective de ce qui venait de se pa
1388 palace énorme et désuet. Pour l’historien futur, j’ indiquerai rapidement les trois composantes principales de l’affaire.
1389 rt Aron et Alexandre Marc (qui avaient été, comme moi , de L’Ordre nouveau et d’Esprit), par Eugen Kogon, et par Henri Brugm
1390 es deux « Grands ». Appuyé notamment par Jaspers, j’ avais préconisé une formule fédérale d’union politique de l’Europe. Av
1391 orer une sorte de charte fédérative, dont hélas ! j’ ai perdu les brouillons, rédigés au café Landolt par Maurice Druon. Ce
1392 que, au nom de laquelle il était venu à Montreux. Je devais découvrir tout cela, par bribes, au cours de ce congrès et des
1393 de ce congrès et des mois qui le suivirent, mais je ne m’en forme qu’aujourd’hui un tableau clair, aux grandes lignes bie
1394 congrès et des mois qui le suivirent, mais je ne m’ en forme qu’aujourd’hui un tableau clair, aux grandes lignes bien marq
1395 tableau clair, aux grandes lignes bien marquées. J’ avais plongé dans un milieu nouveau dont j’éprouvais l’étrangeté, la t
1396 quées. J’avais plongé dans un milieu nouveau dont j’ éprouvais l’étrangeté, la tonicité, la consistance, les courants impré
1397 ynamisme neuf. En cet automne d’il y a vingt ans, je n’étais guère préoccupé de connaître les origines si complexes d’une
1398 les origines si complexes d’une organisation dont je n’étais pas encore membre et d’un mouvement aux contours assez vagues
1399 ent aux contours assez vagues mais au sein duquel j’ entrevoyais des possibilités d’action à développer d’urgence. De Mo
1400 le comité central de l’UEF. Le procès-verbal que j’ ai sous les yeux permet de reconstituer la situation dramatique dans l
1401 ant, si nous refusons, que va-t-il se passer ? Il me paraît difficile de faire les états généraux contre le congrès de La
1402 s dans le plus court délai : l’effet de surprise, je le répète, était une condition décisive de succès. Certes, on pourra
1403 iel de toute révolution politique ou spirituelle. Je pense plutôt que l’UEF gardait encore bon espoir de faire du congrès
1404 948, puis Joseph Retinger, le 25 février, vinrent me voir à Genève et à Ferney pour me demander de m’engager à fond dans l
1405 évrier, vinrent me voir à Genève et à Ferney pour me demander de m’engager à fond dans le mouvement (je leur promis d’y co
1406 me voir à Genève et à Ferney pour me demander de m’ engager à fond dans le mouvement (je leur promis d’y consacrer deux an
1407 e demander de m’engager à fond dans le mouvement ( je leur promis d’y consacrer deux ans de ma vie, et m’y voici toujours,
1408 uvement (je leur promis d’y consacrer deux ans de ma vie, et m’y voici toujours, après vingt ans), je posai les conditions
1409 leur promis d’y consacrer deux ans de ma vie, et m’ y voici toujours, après vingt ans), je posai les conditions suivantes
1410 ma vie, et m’y voici toujours, après vingt ans), je posai les conditions suivantes à ma prise en charge de la partie cult
1411 s vingt ans), je posai les conditions suivantes à ma prise en charge de la partie culturelle du congrès projeté : 1° La co
1412 s politique et économique. Dès la fin de février, j’ avais reçu des promesses de collaboration d’une cinquantaine de philos
1413 ophes, savants, écrivains et éducateurs, auxquels j’ avais soumis une première esquisse du rapport qui devait faire l’objet
1414 e l’Éducation (anciens ou imminents). T. S. Eliot m’ écrivait : « I feel that at the present time one ought to do what one
1415 erate the attempt. » Et Salvador de Madariaga : «  Je consacrerai volontiers (à la Commission) un temps qui, à dire vrai, m
1416 iers (à la Commission) un temps qui, à dire vrai, me manque. » Retinger m’avait appuyé fort habilement. Il m’écrivait le 2
1417 un temps qui, à dire vrai, me manque. » Retinger m’ avait appuyé fort habilement. Il m’écrivait le 29 mars (avec « copie à
1418 ue. » Retinger m’avait appuyé fort habilement. Il m’ écrivait le 29 mars (avec « copie à quelques-uns de nos collègues ») u
1419 donnait au préambule sa pleine valeur, telle que je l’avais souhaitée. « Je suis d’avis que cette déclaration doit fourni
1420 pleine valeur, telle que je l’avais souhaitée. «  Je suis d’avis que cette déclaration doit fournir le point de départ de
1421 rapports des trois commissions ». C’était à quoi je tenais surtout. Ce point marqué et qui pouvait être important, restai
1422 etite salle du palais de la Chambre des communes, je me vis en présence d’un groupe presque purement britannique, qui feig
1423 te salle du palais de la Chambre des communes, je me vis en présence d’un groupe presque purement britannique, qui feignit
1424 feignit le plus grand embarras : comment imprimer mon rapport, puisqu’il y en avait là deux autres, d’auteurs anglais, plei
1425 , d’auteurs anglais, pleins de mérites eux aussi… Je rappelais que la commission culturelle travaillait depuis deux mois s
1426 ssion culturelle travaillait depuis deux mois sur mon texte, et n’avait jamais entendu parler de ces deux autres. On me rép
1427 vait jamais entendu parler de ces deux autres. On me répondit que mon projet était trop long, qu’il parlait de fédéralisme
1428 ndu parler de ces deux autres. On me répondit que mon projet était trop long, qu’il parlait de fédéralisme et qu’on « ne po
1429 parlait de fédéralisme et qu’on « ne pouvait pas me suivre jusque-là… ». En conséquence, et faute de temps pour raccourci
1430 En conséquence, et faute de temps pour raccourcir mon texte, lui incorporer la substance des deux autres et le remettre à l
1431 tre à l’imprimeur (dernier délai demain matin, et je devais repartir le soir même), on se bornerait à proposer au Congrès,
1432 omité de liaison, les trois documents polycopiés… Je sentais qu’au-delà de mon rapport, on visait le Message final : on te
1433 is documents polycopiés… Je sentais qu’au-delà de mon rapport, on visait le Message final : on tentait de casser ou d’émous
1434 u d’émousser cette pointe fédéraliste du Congrès… Je quittai la séance au milieu de l’après-midi et allai me recueillir à
1435 ttai la séance au milieu de l’après-midi et allai me recueillir à Westminster Abbey. Puis à pied jusque chez Retinger, que
1436 ster Abbey. Puis à pied jusque chez Retinger, que je trouvai devant une patience de cartes. Il m’emmena dîner dans un peti
1437 que je trouvai devant une patience de cartes. Il m’ emmena dîner dans un petit restaurant en face de Victoria Station, où
1438 me de retrouver Joseph Conrad. Nous convînmes que je ne quitterais Londres que par l’avion du lendemain matin, et qu’un se
1439 , alerté par Retinger, viendrait à l’aube prendre mon texte pour le remettre à l’imprimerie. À l’hôtel, un garçon lugubre m
1440 ttre à l’imprimerie. À l’hôtel, un garçon lugubre m’ apporta des kippers, de la bière, et une table de bridge. À 6 heures d
1441 ère, et une table de bridge. À 6 heures du matin, j’ avais fini, à 8 heures mon avion décollait, à midi je m’endormais à Fe
1442 ge. À 6 heures du matin, j’avais fini, à 8 heures mon avion décollait, à midi je m’endormais à Ferney. Mon rapport culturel
1443 vais fini, à 8 heures mon avion décollait, à midi je m’endormais à Ferney. Mon rapport culturel, à l’encre encore humide,
1444 s fini, à 8 heures mon avion décollait, à midi je m’ endormais à Ferney. Mon rapport culturel, à l’encre encore humide, fut
1445 avion décollait, à midi je m’endormais à Ferney. Mon rapport culturel, à l’encre encore humide, fut remis aux délégués le
1446 emis aux délégués le deuxième jour du Congrès. On me dit qu’un des auteurs qu’on m’avait opposés, apprenant au cours d’un
1447 our du Congrès. On me dit qu’un des auteurs qu’on m’ avait opposés, apprenant au cours d’un dîner à Londres que mon texte é
1448 osés, apprenant au cours d’un dîner à Londres que mon texte était sous presse, non le sien, avait pleuré. Nous étions tous
1449 grès de La Haye : 7 au 11 mai 1948 extrait de mon journal, mai 1948 : « Cette architecture de grandes poutres, chevrons
1450 ulptées, soutenant un toit immense, tout là-haut, j’ ai rêvé un instant qu’enfants, nous sautions d’une poutre à l’autre, s
1451 ns regarder l’abîme sous nos pas… Vertige rapide. J’ abaisse mes regards le long des parois blanches et nues, jusqu’à cette
1452 r l’abîme sous nos pas… Vertige rapide. J’abaisse mes regards le long des parois blanches et nues, jusqu’à cette rangée d’é
1453 , un large dais carré, tendu de soie rouge et or. J’ appuie ma tête contre les plis d’un lourd rideau de velours pourpre. Q
1454 e dais carré, tendu de soie rouge et or. J’appuie ma tête contre les plis d’un lourd rideau de velours pourpre. Qui sont c
1455 u de velours pourpre. Qui sont ces gens autour de moi , dont les visages s’illuminent dans le faisceau des projecteurs de ci
1456 nent dans le faisceau des projecteurs de cinéma ? Je suis assis sur la tribune, derrière deux rangs de dos et de nuques fa
1457 d’une redingote victorienne, Winston Churchill. À ma gauche, à ma droite, quelques profils d’amis, ce jeune ancien ministr
1458 te victorienne, Winston Churchill. À ma gauche, à ma droite, quelques profils d’amis, ce jeune ancien ministre socialiste
1459 r qui porte une longue chaîne en sautoir… Où suis- je  ? À quelle époque ? Dans un rêve ? Que se passe-t-il ? « Churchill, t
1460 e ? Que se passe-t-il ? « Churchill, tout près de moi , parle dans un micro, et la voix me revient de la salle : “The task b
1461 tout près de moi, parle dans un micro, et la voix me revient de la salle : “The task before us, at this congress, is not o
1462 158 Oui, c’est un rêve, devenu réalité ; et que je faisais depuis vingt ans. « Devant nous, tout autour de nous, dans ce
1463 ieux Parlement, mille personnes, mille Européens. Je reconnais dans la foule quelques têtes, la moustache d’Anthony Eden,
1464 ro, c’est la civilisation des non-conformistes !” Je regarde le texte qu’on m’a remis. “L’Europe, c’est la terre des homme
1465 des non-conformistes !” Je regarde le texte qu’on m’ a remis. “L’Europe, c’est la terre des hommes continuellement en lutte
1466 ragique — et, par là, digne d’être vécue.” (C’est mon ami Brugmans, travailliste hollandais, qui parle ainsi devant douze a
1467 deux-cents députés venus de vingt-cinq pays… Mais je me dis qu’en effet, malgré tout, notre congrès est doublement non con
1468 x-cents députés venus de vingt-cinq pays… Mais je me dis qu’en effet, malgré tout, notre congrès est doublement non confor
1469 dans la cour du palais. “On dirait un mariage !” m’ a soufflé mon voisin, Lord Layton. « Mariage de qui ? Non certes de Ch
1470 r du palais. “On dirait un mariage !” m’a soufflé mon voisin, Lord Layton. « Mariage de qui ? Non certes de Churchill et du
1471 s congressistes se répartirent en trois sections. Je ne pus en suivre qu’une, celle dont j’avais la charge. Les débats sur
1472 sections. Je ne pus en suivre qu’une, celle dont j’ avais la charge. Les débats sur mon rapport (création d’un Centre euro
1473 une, celle dont j’avais la charge. Les débats sur mon rapport (création d’un Centre européen de la culture et d’une Charte
1474 moral, exige d’abord un retour à Dieu et dénonce mon rapport comme « antichrétien ». Enfin, Bertrand Russell, tout en rele
1475 nion indiquent toutes une forme d’union fédérale, j’ entends non unitaire, limitée et réelle. Mais si le fédéralisme réussi
1476 tats modestes, mais concrets ». Les fédéralistes, je l’ai dit, espéraient que les états généraux donneraient naissance — m
1477 it entendu qu’à la fin de la séance de clôture où je lirais ce texte, tous les congressistes, Churchill en tête, signeraie
1478 e campagne d’agitation européiste. Or, tandis que je donnais dans les couloirs une interview à la radio, dix minutes avant
1479 l’heure fixée pour la séance de clôture, on vint me chercher : Duncan Sandys désirait me voir d’urgence dans la salle des
1480 ure, on vint me chercher : Duncan Sandys désirait me voir d’urgence dans la salle des Chevaliers, où la séance plénière de
1481 ce plénière de la section économique prenait fin. Je vis Churchill debout devant le micro, les mains sur les revers de sa
1482 Au fond de la salle, près de l’entrée principale, je trouvai Duncan et son beau-frère Randolph Churchill, lequel me dit :
1483 ncan et son beau-frère Randolph Churchill, lequel me dit : « Vous souhaitez, je pense, l’unanimité du Congrès sur le texte
1484 olph Churchill, lequel me dit : « Vous souhaitez, je pense, l’unanimité du Congrès sur le texte d’engagement qui termine v
1485 texte d’engagement qui termine votre Message. Or je connais trente délégués au moins qui s’y opposeront, à cause de la ph
1486 grès. Désolé, mais il faut renoncer au Message ». Mon interviewer, Alec Plaut, m’avait suivi, le micro à la main, traînant
1487 noncer au Message ». Mon interviewer, Alec Plaut, m’ avait suivi, le micro à la main, traînant des fils. Je lui fis signe e
1488 ait suivi, le micro à la main, traînant des fils. Je lui fis signe et, parlant devant le micro, je répétai ce qu’on venait
1489 ls. Je lui fis signe et, parlant devant le micro, je répétai ce qu’on venait de dire et je conclus : « OK ! Lors du procha
1490 t le micro, je répétai ce qu’on venait de dire et je conclus : « OK ! Lors du prochain Congrès européen, Staline, qui est
1491 nquante délégués ! Et l’Europe ne se fera pas ! » J’ avais un peu crié, je crois. Des huissiers nous prièrent de sortir. J’
1492 l’Europe ne se fera pas ! » J’avais un peu crié, je crois. Des huissiers nous prièrent de sortir. J’envoyai quérir Reting
1493 je crois. Des huissiers nous prièrent de sortir. J’ envoyai quérir Retinger et Paul van Zeeland, qui étaient à la tribune.
1494 ent, au cours duquel, voyant entrer Churchill Jr, je criai aux huissiers : « Faites sortir ce journaliste irresponsable »,
1495 de clôture du Congrès fit accepter un compromis : je lirais le Message, mais j’omettrais la petite phrase incriminée. Cela
1496 ccepter un compromis : je lirais le Message, mais j’ omettrais la petite phrase incriminée. Cela semblait raisonnable et bé
1497 imprimé, puisque la petite phrase y figurait161. J’ étais encore très pâle, paraît-il, quand van Zeeland me donna la parol
1498 is encore très pâle, paraît-il, quand van Zeeland me donna la parole pour présenter le Message aux Européens . Au moment
1499 aux Européens . Au moment où, marquant un temps, j’ allais passer à l’engagement final en cinq articles, Sandys fit un sig
1500 main afin que personne ne se lève dans la salle. J’ eus une faible revanche (mais seulement d’amour-propre), pendant que l
1501 sénateur Kerstens lisait le Message en anglais : j’ avais repris ma place à la tribune, juste derrière Churchill, qui fais
1502 ens lisait le Message en anglais : j’avais repris ma place à la tribune, juste derrière Churchill, qui faisait basculer so
1503 Churchill, qui faisait basculer son fauteuil, et je l’entendais dire à haute voix : « But why ? We should stand up at tha
1504 le de Lausanne (8-12 décembre 1949) organisée par mon « Bureau d’études » de Genève et présidée par Salvador de Madariaga,
1505 tâche de l’aile marchante du Mouvement européen, j’ entends la recherche et la formulation des moyens de rendre fécondes l
1506 pect des autonomies, unité et diversité — que dis- je , unité pour les diversités ? Si je tiens pour licite et opportun de p
1507 sité — que dis-je, unité pour les diversités ? Si je tiens pour licite et opportun de publier aujourd’hui ce protocole d’u
1508 elle des vingt ans qui viennent. Et certains, que je connais, la préparent. 148. La notion d’engagement, définie par le
1509 re, par une erreur journalistique manifeste, dont je n’ai pas souvenir qu’il se soit jamais plaint. 149. J’amorce ainsi l
1510 i pas souvenir qu’il se soit jamais plaint. 149. J’ amorce ainsi la suite du Journal d’une époque (1926-1946) : ce sera
1511 l’union européenne, par Olivier Philip, 1950, et mon Europe en jeu , 1948. Quelques thèses sont en cours de rédaction ou
1512 . 154. On ignore trop souvent ce fait, décisif à mes yeux, que les délégués mandatés des Résistances de neuf pays s’étaien
1513 ommune, mais les résolutions n’en parlaient plus. Je note que le motif de la sécurité ne joua donc aucun rôle à La Haye (c
1514 à ce que répètent journalistes et historiens). Et j’ ajoute que deux ans plus tard, à l’Assemblée de Strasbourg, Sandys fit
56 1970, Preuves, articles (1951–1968). Dépasser l’État-nation (1970)
1515 ’unir l’Europe ! Voilà qui explique suffisamment, je crois, pourquoi l’on n’a pas avancé d’un mètre en direction de notre
1516 inalités commandent deux politiques d’union, dont je crains bien qu’on ne puisse pas impunément continuer à mêler les moye
1517 ntinuer à mêler les moyens. On ne manquera pas de m’ objecter en ce point que la politique a toujours eu pour fin réelle la
1518 e a toujours eu pour fin réelle la puissance ; et je vois bien que toutes les civilisations que nous connaissons ont chois
1519 les, ou pure et simple captatio démagogique. Mais je vois aussi que seuls des Européens, rares mais exemplaires, ont osé p
1520 ie sera seule capable de réaliser leur vision. On me dira peut-être aussi que je radicalise indûment l’antithèse État-nati
1521 liser leur vision. On me dira peut-être aussi que je radicalise indûment l’antithèse État-nation / fédération, ramenée au
1522 sance ou Liberté comme finalités de l’union. Mais je ne crois pas qu’il y ait un tiers parti tenable. Je ne crois pas à ce
1523 ne crois pas qu’il y ait un tiers parti tenable. Je ne crois pas à cette « imposante Confédération » qu’évoquait le génér
1524 ment leurs prétentions à la souveraineté absolue. Je ne crois pas à cette amicale des misanthropes. Je crois à la nécessit
1525 Je ne crois pas à cette amicale des misanthropes. Je crois à la nécessité de défaire nos États-nations. Ou plutôt de les d
1526 el, inexistant quand on voudrait compter sur lui. Je ne sais, n’étant pas économiste, si nos États-nations délimités pour
1527 r miracle, des entités économiques intelligibles. Je ne sais si les problèmes profonds que pose leur balance commerciale (
1528 e commerciale (laquelle ne saurait être positive, me semble-t-il, dans tous les pays à la fois…) ne sont pas le type même
1529 ne correspondent à rien d’économique. Mais ce que je sais de science certaine, c’est que les États-nations n’existent pas
1530 ion le montrent : on vous suivra si vous marchez. Je propose la convocation d’une Conférence du désarmement étatique des n
1531 es fédérations continentales. Et vous noterez que je ne parle pas de relations ou d’affaires « étrangères » : c’est un mot
1532 es du continent peut en offrir le modèle. Si l’on me dit maintenant que c’est une utopie que de vouloir dépasser l’État-na
1533 une utopie que de vouloir dépasser l’État-nation, je réponds que c’est au contraire la grande tâche politique de notre tem