1 1951, Preuves, articles (1951–1968). Mesurons nos forces (avril 1951)
1 la vraie liberté ; et ils vont répétant que nous n’ avons rien à opposer à ces « mystiques », qui sont au vrai des mystifi
2 aux peuples qui en ont grand besoin, parce qu’ils n’ ont pas nos réalités — et leurs chefs doivent masquer cette absence pa
3 ivent masquer cette absence par des slogans. Nous n’ avons nul besoin d’une mystique « aussi puissante » ou « plus puissant
4 semble que l’esprit humain, dans tous les temps, n’ ait point imaginé une seule liberté que les Européens n’aient voulu vi
5 point imaginé une seule liberté que les Européens n’ aient voulu vivre. À des degrés divers, parfois jusqu’à l’excès, nous
6 ; droit à la religion de notre choix, et droit de n’ en choisir aucune ; droit d’élire ceux que nous voulons et de les trai
7 s, ou à la Feuille locale, de faire campagne pour n’ importe quoi et le contraire ; droit d’exiger que les douaniers metten
8 ant de fouiller nos valises ; droit d’entrer dans n’ importe quels magasin, marché, café, ou restaurant, et de composer le
9 et de haïr, le droit d’épouser qui l’on veut… Il n’ est pas un seul de ces droits que les dictatures n’aient attaqué ou su
10 ’est pas un seul de ces droits que les dictatures n’ aient attaqué ou supprimé, n’aient déclaré antisocial ou criminel. Il
11 s que les dictatures n’aient attaqué ou supprimé, n’ aient déclaré antisocial ou criminel. Il n’en est pas un seul que n’ai
12 primé, n’aient déclaré antisocial ou criminel. Il n’ en est pas un seul que n’ait conquis l’immense majorité des peuples li
13 tisocial ou criminel. Il n’en est pas un seul que n’ ait conquis l’immense majorité des peuples libres qui vivent à l’ouest
14 plus que l’Amérique. Tous ces droits bien vivants ne sont pas un passé, mais un présent ; bien plus, ils sont le gage d’un
15 posons, et l’une des plus typiques de l’Occident, n’ est autre que l’esprit critique. On nous dit qu’il se perd et l’on en
16 e son nihilisme. Si l’on veut dire par là qu’elle ne croit plus aux idéaux et aux grands mots, qu’elle trouve la vie absur
17 s mots, qu’elle trouve la vie absurde, et qu’elle ne « marche » plus pour aucune idéologie, je serais tenté plutôt de l’en
18 nnies comme traduction des mystiques libertaires, n’ avait pas décidé de ne plus croire à rien qu’aux réalités immédiates,
19 des mystiques libertaires, n’avait pas décidé de ne plus croire à rien qu’aux réalités immédiates, alors seulement je la
20 oie sobrement à nos inquiétudes personnelles, qui ne se satisfont point de réponses collectives. L’Occident n’est pas une
21 tisfont point de réponses collectives. L’Occident n’ est pas une église, n’est pas une doctrine du salut, comme les partis
22 ses collectives. L’Occident n’est pas une église, n’ est pas une doctrine du salut, comme les partis totalitaires voudraien
23 e, que naissent toutes les modernes tyrannies. On ne peut forcer personne à être libre, alors qu’il faut forcer les masses
24 le Liberté, tandis que masse égale contrainte. Il n’ y aura jamais de liberté « en masse ». Il n’y aura jamais de liberté r
25 e. Il n’y aura jamais de liberté « en masse ». Il n’ y aura jamais de liberté réelle que dans le besoin, le droit et la pas
26 sa propre aventure, de créer par sa vie ce qu’on n’ a jamais vu, et d’accomplir ainsi, en secret bien souvent, une vocatio
27 r ainsi, en secret bien souvent, une vocation qui n’ a pas de comptes à rendre aux hommes, et encore bien moins à l’État, p
28 ces. S’il est une chose au monde pour laquelle on ne peut faire de propagande sens moderne, c’est justement la liberté, pu
29 aits objectifs sont meilleurs que notre lassitude ne le pensait. Rendus conscients des forces véritables de l’Europe et de
2 1951, Preuves, articles (1951–1968). Neutralité et neutralisme (mai 1951)
30 ons de subordonner la culture à la politique, — à n’ importe quelle politique. La culture s’occupe des fins de la vie humai
31 …Nulle part peut-être plus qu’en Inde, la culture n’ avait fait un plus grand effort vers la maîtrise par l’homme de sa pro
32 menace totalitaire contre la liberté de la pensée ne doit être plus redoutée que pour l’âme même de ce pays de très vieill
33 service des Américains. Soyons bien clairs : nous ne serons jamais « pour l’Amérique » de la même manière que les stalinie
34 uissance bien définie. Mais pour nous l’Amérique ne s’identifie pas avec le bien ni avec le vrai. Même si l’Amérique se t
35 défenseur le plus efficace de nos libertés, nous ne sommes pas prêts à souscrire sans condition, une fois pour toutes, à
36 culture, je constate que la neutralité simplement n’ y existe pas. Créer, ou faire de la critique, c’est exactement le cont
37 , le beau et le laid, le remède et la maladie. Il n’ existe, il ne peut pas exister de neutralité intellectuelle, artistiqu
38 le laid, le remède et la maladie. Il n’existe, il ne peut pas exister de neutralité intellectuelle, artistique, scientifiq
39 ’est une politique défendable. Mais alors, ce qui ne serait pas défendable, ce qui serait une tricherie évidente, ce serai
40 f ! Voyons les deux côtés de la question. Ce loup ne pense pas à mal, il a grand-faim, il a beaucoup lu Marx, et il est “p
41 t “partisan de la paix” ; d’autre part, ce berger n’ est pas un homme parfait, il boit souvent trop, et il ne lit que le Re
42 pas un homme parfait, il boit souvent trop, et il ne lit que le Reader’s Digest. Je refuse donc l’un et l’autre également,
43 mettre la culture au service de la politique, de n’ importe quelle politique, même neutre, et même démocratique ; car dès
3 1951, Preuves, articles (1951–1968). Culture et famine (novembre 1951)
44 pour vous. J’ai vu cela ce printemps à Bombay, et ne m’en suis pas trop étonné. Mais pour peu que l’on y réfléchisse… Pour
45 é. Mais pour peu que l’on y réfléchisse… Pourquoi ne pas avouer qu’il y a de l’indécence à parler de culture tout court ?
46 cence à parler de culture tout court ? Certes, on n’ aimerait pas le dire, mais c’est bien cela qu’on dit, objectivement, e
47 sur la Terre depuis qu’il y a des hommes, et qui n’ en pensent pas moins. Culture est un mot plus récent, mais ce qu’il dé
48 ste parmi nous de la misère et de la famine », il n’ y aurait point de civilisation. S’il n’y avait point de civilisation,
49 mine », il n’y aurait point de civilisation. S’il n’ y avait point de civilisation, nous serions sans moyens techniques de
50 ans moyens techniques de remédier à la famine. Ce n’ est pas un démagogue, ni même un philanthrope, c’est un savant indien
51 et dans l’esprit de ceux qui l’applaudirent — il n’ y a pas l’ombre d’une raison. Mais chacun voit qu’il y a deux circonst
52 une erreur courante sur la culture. Ventre affamé n’ a point d’oreilles, dit le proverbe. Comment lutter contre cette « évi
53 le contraire est vrai, que ce sont les repus qui n’ écoutent pas, que la disette fut mère des civilisations, comme l’angoi
54 inette conseillait à un peuple sans pain. Culture n’ est pas consommation, mais production. C’est ce que l’époque bourgeois
4 1952, Preuves, articles (1951–1968). « L’Œuvre du xxe siècle » : une réponse, ou une question ? (mai 1952)
55 ne question ? (mai 1952)f Plus nombreux qu’ils ne voudraient le croire sont ceux qui nous répètent, depuis vingt ans, q
56 ux de genre militaire du réalisme socialiste, qui ne se distinguent de la peinture bourgeoise d’environ 1880 que par la co
57 ar ses héritiers, mais par ceux qui la vivent. On ne voit pas de précédent à l’entreprise, dans l’ère moderne. Mais on son
58 fameuses, qu’on les juge monstres ou merveilles, ne peut pas rester sans effets sur les créateurs, le public, et leur man
59 bserver dans la microphysique, cet acte d’exposer ne laissera pas intact son objet même. Cet objet, c’est peut-être la mod
60 peut la définir. Combien de seuils et de limites n’ avons-nous pas forcés dans notre siècle — seuil de l’atome ou seuil de
61 ique ? Autre paralogisme de ce siècle : jamais on n’ avait vu pareille liberté de recherche et de formulation, jamais moins
62 nsemble exposées dans Paris. Le choix de la ville n’ est pas sans signification. Paris fut, pendant ce demi-siècle, le lieu
63 e l’autre, une remise en question. 1. « Picasso ne crée pas ses œuvres morbides et repoussantes dans le but de critiquer
5 1952, Preuves, articles (1951–1968). Le sens de nos vies, ou l’Europe (juin 1952)
64 ’une caste, d’un ordre, d’un Karma, dont personne n’ est jamais sorti que par la mort (ou par la sainteté, une fois sur des
65 sainteté, une fois sur des millions). L’Oriental ne peut donc se poser le problème d’un sens personnel de sa vie, diverge
66 n social, entre la personne libre et la fatalité, ne serait pas concevable hors d’un monde qui date ses années de la Cruci
67 ndamentale, cette conquête majeure de l’Occident, n’ est rien de moins que la résultante de trois grandes civilisations : c
68 oit d’être une personne, et du même coup nos vies n’ auraient plus sel ni sens : voilà bien dans sa réalité la menace qui p
69 on de l’homme introduite par le christianisme. Je ne parle pas ici de l’homme proprement chrétien, au sens courant, de mem
70 e sens que nous donnons à nos activités) si elles ne traduisent pas toujours directement cette notion de l’homme, en dériv
71 le monde christianisé. L’Asiatique, par exemple, ne peut la concevoir. Elle ne serait à ses yeux qu’indécence, blessure à
72 siatique, par exemple, ne peut la concevoir. Elle ne serait à ses yeux qu’indécence, blessure à l’ordre du cosmos, crime a
73 ncept chrétien de personne ; les révolutionnaires ne peuvent se former que dans un monde qui tient la liberté et la vocati
74 e tous les autres. Or cette croyance, l’Asiatique ne l’a jamais eue. Ses religions ne l’y préparent nullement, puisqu’elle
75 nce, l’Asiatique ne l’a jamais eue. Ses religions ne l’y préparent nullement, puisqu’elles tendent au contraire au dépasse
76 oit que la passion est une force antisociale, qui ne pourrait que gêner le rendement du stakhanoviste modèle. Cette passio
77 ou d’immorale, et l’Église peut la condamner. Il n’ en reste pas moins qu’elle a sa source vive — quoique lointaine — dans
78 personnel. Ces deux exemples sont extrêmes. Nous ne sommes pas tous des révolutionnaires, ni les héros d’une grande passi
79 l’originalité, dans les arts ou dans la conduite, ne signifie rien de raisonnable pour l’Asiatique, par exemple. Pour l’ar
80 rituels. La variation, l’innovation individuelle ne peuvent être à leurs yeux que des erreurs. Elles risqueraient de fair
81 re rater l’opération magique de l’œuvre d’art. Je ne dis pas qu’entre l’Occidental, qui tend à s’affirmer comme individu c
82 ayons à choisir. Je dis que nous avons choisi. Je ne dis pas que l’un vaut mieux que l’autre, mais qu’ils se donnent des b
83 se donnent des buts tout à fait différents. Et je ne nie pas non plus que dans tous nos pays, il existe une majorité de co
84 le chercherez en vain dans toute l’Asie. Et vous n’ en jouerez pas impunément dans les États totalitaires, où il se voit r
85 on du sense of humour : ils pensent que celui qui ne l’a pas, n’a pas non plus le vrai sens de la vie. Je n’oublie pas que
86 of humour : ils pensent que celui qui ne l’a pas, n’ a pas non plus le vrai sens de la vie. Je n’oublie pas que l’humour co
87 pas, n’a pas non plus le vrai sens de la vie. Je n’ oublie pas que l’humour consiste aussi, sinon d’abord, à se moquer de
88 révolutions à l’État totalitaire ; que le Progrès n’ est donc nullement fatal ; qu’il n’est plus même un idéal européen, ma
89 que le Progrès n’est donc nullement fatal ; qu’il n’ est plus même un idéal européen, mais bien russe et américain, et tout
90 et tout cela semble en bonne partie vrai. Mais il n’ est pas moins vrai que l’horizon d’un progrès possible reste vital pou
91 nous vient, en effet, le concept du Progrès ? Il n’ est apparu comme concept social qu’au xviiie siècle. Mais ses origine
92 yclique, comme une roue qui tourne sur son axe et n’ avance pas, la destruction succédant fatalement à la construction et l
93 es lois du Retour éternel. Pour ces religions, il n’ était point de nouveauté, de véritable création possible. Leur nostalg
94 é, de véritable création possible. Leur nostalgie n’ était pas dans l’avenir, mais dans le temps mythique des origines ; le
95 toire devient possible. L’évolution de l’humanité n’ est plus une suite indéfinie de cycles et de répétitions dont l’homme
96 ndéfinie de cycles et de répétitions dont l’homme ne saurait se libérer et dont il n’est pas responsable ; elle devient un
97 ons dont l’homme ne saurait se libérer et dont il n’ est pas responsable ; elle devient une longue aventure, où tout reste
98 sens positif ? Dans l’ensemble, il se peut qu’il n’ en ait point, qu’il n’ait aucune direction vérifiable, et que la somme
99 ’ensemble, il se peut qu’il n’en ait point, qu’il n’ ait aucune direction vérifiable, et que la somme des modifications qu’
100 de rester sceptique… En vérité, l’idée de Progrès ne peut reprendre un sens certain que par rapport à notre vie individuel
101 une libération, et de nos jours encore la liberté ne peut avoir de sens que pour l’individu (que serait une liberté en mas
102 ssant d’individus. Et la mesure de ce Progrès, ce ne sera pas seulement l’augmentation de notre sécurité, de notre confort
103 cette liberté fondamentale, alors vraiment ma vie n’ aurait plus aucun sens. La conscience du monde Ainsi l’Europe —
104 -être inédites. Première remarque : l’Europe, qui ne représente en fait que 4 à 5 % des terres du globe, a découvert le re
105 écouvert le reste du monde — et non l’inverse. Je ne parle pas seulement des grands voyages qui ont permis de relever la c
106 ma, et de Christophe Colomb au capitaine Cook. Ce ne sont pas les Aztèques ni les Bantous, ni même les Hindous qui nous on
107 spécialistes du monde soviétique. En revanche, je ne connais pas « d’européologues » dans les empires extraeuropéens. J’aj
108 remarque : l’Europe est le Musée du monde. Et je ne pense pas seulement en disant cela, au Louvre, au British Museum, à t
109 lonté de puissance. Troisième remarque : l’Europe ne se borne pas à tolérer les civilisations qui diffèrent de la sienne,
110 s choses, les turbines, c’est sérieux, la culture n’ est qu’un luxe, et que l’important, c’était de lutter d’abord contre l
111 re sa puissance de la turbine, mais après tout ce n’ est pas lui qui l’inventa. Qui donc ? J’ouvris une encyclopédie, et tr
112 le piétisme, il pensait que sa science abstraite ne devait pas l’empêcher de se rendre utile aux hommes. Aussi dessina-t-
113 us voulez unir pour la sauver ? Je réponds que ce n’ est pas celle des turbines, mais celle de l’inventeur de la turbine ;
6 1952, Preuves, articles (1951–1968). Le dialogue Europe-Amérique (août-septembre 1952)
114 gende de son efficacité. Or ce reflux — dont rien n’ indique qu’il soit simplement temporaire — découvre une situation nouv
115 à Paris, André Malraux s’est écrié : « L’Amérique n’ est qu’une partie de l’Europe ! » L’Amérique n’est-elle pas plutôt la
116 ue n’est qu’une partie de l’Europe ! » L’Amérique n’ est-elle pas plutôt la fille de l’Europe ? Ou mieux encore : la fille
117 erins », et d’une vaste contrée vierge. Une fille n’ est pas une partie de son père. Elle peut tenir de lui mais agir autre
118 Elle peut tenir de lui mais agir autrement qu’il n’ aurait su l’imaginer. Elle ne se définit point par rapport à lui seul,
119 agir autrement qu’il n’aurait su l’imaginer. Elle ne se définit point par rapport à lui seul, mais aussi par rapport au mo
120 ’Europe insiste sur ses diversités enracinées. Il n’ y aurait pas de problème ou plutôt pas de malaise, ou en tout cas, le
121 des rapports entre ces deux cultures en filiation n’ aurait rien d’irritant ni de grave, si l’Amérique ne disposait — à l’a
122 aurait rien d’irritant ni de grave, si l’Amérique ne disposait — à l’appui de sa culture comme de sa politique — d’une pui
123 est plus ancienne que ces griefs, et très souvent ne leur doit rien.) Quant aux motifs d’attrait, ce sont parfois les même
124 . Quant à la culture, la cause est entendue, vous n’ êtes que des barbares : digests, Collier’s, Coca-Cola, Hollywood, comi
125 nous copions vos romans et vos danses. Mais vous n’ avez même pas le sens de la lutte des classes ! On sait ce que pense d
126 s USA. Les digests, que nous lisons par millions, ne sont tout de même pas distribués par M. Acheson, ni leur lecture impo
127 vrai. Mais l’élite des USA aussi. Personne encore n’ a proposé de remède au mauvais goût, ni au goût des lectures faciles.
128 prestige suspect, d’autre part se voit accusé de n’ être rien qu’un « instrument de la guerre froide ». Devant l’ambiguïté
129 y croit vraiment… (J’écris on à dessein : car ce ne sont pas les mêmes qui, en Europe, font la culture et ont l’argent. M
130 reprises d’éducation, et d’une manière générale à n’ importe qui de se prononcer sur n’importe quoi qui n’est pas dans la s
131 ière générale à n’importe qui de se prononcer sur n’ importe quoi qui n’est pas dans la situation concrète de l’Europe, mai
132 mporte qui de se prononcer sur n’importe quoi qui n’ est pas dans la situation concrète de l’Europe, mais dans le programme
133 tte broussaille de malentendus ? La bonne volonté n’ y suffit pas ; elle est là, très souvent, elle n’a rien empêché. Depui
134 n’y suffit pas ; elle est là, très souvent, elle n’ a rien empêché. Depuis un certain temps, le CEC prépare le plan d’une
135 re doit être restreinte et non spectaculaire ; il ne s’agit pas d’un congrès, mais d’un séminaire de recherches. b) Les re
136 és comme justifiés, dès le départ, et la question ne sera pas d’échanger de mauvaises notes, mais de trouver, après une an
137 s. Ils sont vitaux. Car si l’Europe et l’Amérique n’ arrivent pas à s’entendre effectivement, comment rêver une entente mon
7 1953, Preuves, articles (1951–1968). Deux princes danois : Kierkegaard et Hamlet (février 1953)
138 nnes d’un drame dont lui seul détenait la clé. Ce ne fut qu’à la fin de sa vie qu’il s’offrit sans masque à la lutte, au c
139 aquelle il hésite longtemps. Cette mission, qu’il ne peut révéler qu’indirectement, l’isole de ses semblables, l’oblige à
140 ordait à passer sous silence : ce résumé d’Hamlet ne vaut-il pas identiquement comme résumé de la biographie de Kierkegaar
141 mlet, jeune prince royal, est un intellectuel. Il n’ a d’autre désir que de retourner à l’Université de Wittenberg, pour s’
142 iquement par obéissance aux désirs de sa mère. Il ne peut prendre son parti de la commune condition humaine. Une incurable
143 pire d’une immense mélancolie, dont la profondeur n’ a d’égale que ma faculté de la dissimuler sous des apparences de gaiet
144 outes choses, sauf une : devenir un oiseau libre, ne fût-ce qu’un seul jour, rompre les chaînes de la mélancolie, où une a
145 pectre. Assassiné, dit-il, par le roi actuel, qui n’ est donc qu’un usurpateur, le père ordonne au fils de le venger. Hamle
146 secret, auquel il se réfère souvent, mais dont il n’ a jamais expliqué la nature. Nous savons cependant que le secret était
147 ernes est une tromperie, une immense illusion. Il ne ressemble pas davantage à celui du Nouveau Testament que le salon du
148 r la rajuster ! », s’écrie Hamlet. Et Kierkegaard ne cesse de répéter sur tous les tons la même idée : il est né pour forc
149 S’il passait tout de suite à l’attaque, personne ne l’écouterait. Il faut donc qu’il commence par séduire le public, qu’i
150 motifs de la rupture. Shakespeare, au contraire, ne motive guère l’attitude d’Hamlet à l’égard d’Ophélia. Ici, c’est l’ex
151 a fiancée à l’« esclavage de la mélancolie » : il ne se sent pas le droit de troubler cette enfant, de l’entraîner dans de
152 re, écrit-il, cette contradiction de la douleur : ne point se révéler et faire mourir l’amour ; se révéler et faire mourir
153 et ; et pour cela faire croire à sa fiancée qu’il ne l’aime plus. On sait la comédie que Kierkegaard s’imposa de jouer dev
154 ces lors de leur séparation : « Elle me demanda : Ne veux-tu donc jamais te marier ? Je répondis : Oui, dans dix ans, quan
155 ns sa duplicité plus douloureuse que scandaleuse, ne manque pas d’analogies précises avec la conduite d’Hamlet devant cett
156 ircir aux yeux de la jeune fille, prétendre qu’il ne l’aime pas, lui tenir les propos les plus cyniques, s’écrier ensuite 
157 ques, s’écrier ensuite : « Comment ferait-on pour n’ être pas gai ! » Cependant qu’il avoue en aparté : « Je dois paraître
158 c’est que le premier a tout fait pour que Régine ne souffre pas, il a voulu prendre sur lui tout le drame, et il y a réus
159 uel sportif tourne au duel à mort. Blessé, Hamlet ne peut plus hésiter. Il tue le roi. Quel fut, chez Kierkegaard, l’équiv
160 . Car toute son œuvre, toute sa carrière d’auteur n’ avait eu d’autre sens, à ses yeux, que de rétablir dans sa pureté apos
161 lque chose de plus contraire au christianisme que n’ importe quelle hérésie ou n’importe quel schisme — et c’est de jouer a
162 au christianisme que n’importe quelle hérésie ou n’ importe quel schisme — et c’est de jouer au christianisme, d’en écarte
163 lequel on peut sombrer, mais faute de l’oser, on n’ a rien3.   Plongé comme je l’étais, en écrivant les lignes qui précède
164 re, j’avoue qu’il m’est arrivé plus d’une fois de ne plus bien savoir lequel des deux parlait et de m’imaginer qu’Hamlet a
165 hakespeare. Kierkegaard reproche à Shakespeare de n’ avoir pas fait d’Hamlet un drame religieux. Car, si les scrupules d’Ha
166 n drame religieux. Car, si les scrupules d’Hamlet ne sont pas d’ordre religieux, le héros cesse d’être vraiment tragique.
167 endraient infiniment intéressantes, mais alors il n’ y aurait plus de drame, au sens technique et esthétique du terme. En e
168 it d’un scrupule religieux. Dans ce cas, le héros n’ est grand que par sa souffrance, non par son triomphe. Il n’y a plus d
169 d que par sa souffrance, non par son triomphe. Il n’ y a plus de jeu poétique exaltant. Il n’y a plus que le sérieux, l’exi
170 omphe. Il n’y a plus de jeu poétique exaltant. Il n’ y a plus que le sérieux, l’existentiel… Traduisons cela en d’autres te
171 n d’autres termes : si Hamlet était religieux, il n’ y aurait pas l’Hamlet de Shakespeare, mais on rejoindrait purement et
172 iographie de Kierkegaard. Le drame de Kierkegaard n’ a pas été fictif. Il n’a pas été joué et ne saurait l’être. Il a été v
173 d. Le drame de Kierkegaard n’a pas été fictif. Il n’ a pas été joué et ne saurait l’être. Il a été vécu et souffert conscie
174 egaard n’a pas été fictif. Il n’a pas été joué et ne saurait l’être. Il a été vécu et souffert consciemment (avec une cons
175 s, avait sans doute la vocation d’un musicien. Il ne s’agit ici que du don naturel et des dispositions natives. Mais il ex
176 l l’ordre de parler aux nations, il répond : « Je ne suis qu’un enfant, voici, je ne sais point parler. » Nous dirions qu’
177 il répond : « Je ne suis qu’un enfant, voici, je ne sais point parler. » Nous dirions qu’il n’a pas la vocation. Précisém
178 ci, je ne sais point parler. » Nous dirions qu’il n’ a pas la vocation. Précisément, il la reçoit. Elle lui est adressée en
179 en dépit de ce qu’il est. « Et l’Éternel me dit : Ne dis pas : Je ne suis qu’un enfant. Car tu iras vers tous ceux auprès
180 u’il est. « Et l’Éternel me dit : Ne dis pas : Je ne suis qu’un enfant. Car tu iras vers tous ceux auprès de qui je t’enve
181 ambiguïté dans notre idée courante de la vocation n’ est pas celle qui retient Kierkegaard. Il en a distingué une autre, pl
182 rd. Il en a distingué une autre, plus intime, qui ne tient plus au double sens du mot, mais à l’existence même d’une vocat
183 l’appel qu’il a cru entendre. Et son incertitude n’ est pas le fait d’un manque d’information, d’une conscience vague ou d
184 olonté vacillante, mais elle provient de ce qu’il n’ y a pas de preuve de la réalité de l’appel reçu ni de la réalité de so
185 gaard, d’une incertitude objective. De même qu’on ne saurait prouver l’existence de Dieu, on ne peut démontrer la nature t
186 qu’on ne saurait prouver l’existence de Dieu, on ne peut démontrer la nature transcendante d’une vocation. Devant Jésus-C
187 sophique pour désigner la foi et sa nécessité. On ne peut que « croire » en Dieu, et l’on ne peut que « croire » une vocat
188 ssité. On ne peut que « croire » en Dieu, et l’on ne peut que « croire » une vocation, celle d’un autre, mais aussi et d’a
189 sure où l’objet de la conviction qu’on entretient n’ est pas démontrable ; dans la mesure, aussi, où l’enjeu de la vocation
190 ouble incertitude et dans un risque permanent. Il n’ est pas de méthode éprouvée ni de raisonnement qui puisse l’aider. L’h
191 connaître, enfin, que la mission reçue par Hamlet n’ est pas une véritable vocation, en ce sens qu’elle ne présente pas le
192 st pas une véritable vocation, en ce sens qu’elle ne présente pas le caractère d’incertitude objective lié à tout acte de
193 ement tracé dans l’action générale. L’incertitude n’ affecte dans Hamlet que les moyens à mettre en œuvre et, par suite, le
194 ini, aussi vaste que l’histoire humaine, dont nul ne peut connaître la trame ni l’ensemble — et cependant il faut jouer, n
195 ait chargé d’accomplir. Mais les choses de la vie ne sont pas aussi simples. C’est après coup, le plus souvent, que nos ac
196 rtes, agissait dès le départ obscurément, mais ce n’ est qu’en marchant qu’on l’a sentie à l’œuvre. Kierkegaard l’a bien su
197 part de la Providence dans mon œuvre entière, je n’ en saurais donner de formule plus adéquate ou plus décisive que celle-
198 le concède un peu trop à la conscience. Mais elle n’ est pas tout à fait fausse non plus, car j’ai eu conscience de moi au
199 pancher, tout en veillant avec des yeux d’Argus à ne pas se laisser duper dans une œuvre où se proclame le poète. Enfin,
200 t privé de confident, mais seul avec un moi qu’il ne comprend même plus : Vainement essaierais-je de raconter les occasi
201 ours. Une chose m’est bien souvent arrivée que je ne puis m’expliquer : quand je faisais ce dont il m’était impossible de
202 e dont il m’était impossible de donner la raison, ne songeant pas même à la chercher, quand je suivais les impulsions de m
203 ement celles que je devais faire comme auteur. Je n’ arrivais pas à comprendre comment de petites circonstances en apparenc
204 s, me mettaient dans une disposition précise ; je ne comprenais pas, je tombais dans la mélancolie et, chose curieuse, il
205 un sens, j’ai produit toute mon œuvre comme si je n’ avais rien fait d’autre que de copier chaque jour des fragments déterm
206 suivre un chemin qui demeure invisible tant qu’on ne se risque pas à y marcher. Cette « lumière sur mon sentier », dont no
207 on sentier », dont nous parle un psaume de David, n’ éclaire pas au loin une voie tracée d’avance : non, elle est « à mes p
208 e : non, elle est « à mes pieds » seulement, elle ne peut révéler que le premier pas à faire, et le sentier se crée sous l
209 ’expérience poétique. Car le poète, lui non plus, ne sait et ne saura jamais s’il ne fait qu’épouser un rythme errant, ou
210 poétique. Car le poète, lui non plus, ne sait et ne saura jamais s’il ne fait qu’épouser un rythme errant, ou s’il le cré
211 te, lui non plus, ne sait et ne saura jamais s’il ne fait qu’épouser un rythme errant, ou s’il le crée tout en croyant le
212 ble en est la conséquence nécessaire. Kierkegaard ne se lasse pas d’insister sur cette dernière catégorie. « Celui qui ne
213 nsister sur cette dernière catégorie. « Celui qui ne renonce pas à la vraisemblance n’entre jamais en relation avec Dieu. 
214 ie. « Celui qui ne renonce pas à la vraisemblance n’ entre jamais en relation avec Dieu. » Si Abraham n’avait pas accepté l
215 ’entre jamais en relation avec Dieu. » Si Abraham n’ avait pas accepté l’invraisemblable, il ne serait jamais parti pour un
216 Abraham n’avait pas accepté l’invraisemblable, il ne serait jamais parti pour un pays dont il ne savait rien. Mais accepte
217 e, il ne serait jamais parti pour un pays dont il ne savait rien. Mais accepter l’invraisemblable, il faut bien voir que c
218 orsqu’il écrit cette phrase lourde de sens : « Ce n’ est pas le chemin qui est difficile, mais c’est le difficile qui est l
8 1953, Preuves, articles (1951–1968). À propos de la crise de l’Unesco (mars 1953)
219 e M. Torres Bodet, directeur général de l’Unesco, ne révèle certes pas une crise de la culture, mais bien du principe même
220 l’Unesco, les milieux proprement culturels. Nous ne voyons, pour notre part, aucune raison d’affecter la pudeur dans ce d
221 est grave, que le départ de M. Jaime Torres Bodet n’ a rien eu de diplomatique, que ce poète, ministre et grand éducateur e
222 ntérêts d’un ministre, les rapports, s’il en est, ne sont qu’accidentels. Il s’agit d’ordres différents, dirait Pascal. Ma
223 e, reste loin d’épuiser la question. Car l’Unesco n’ a jamais prétendu faire la culture, ou faire de la culture. L’Unesco v
224 la paix. Or, seule une aide toute désintéressée, n’ ayant en vue que la qualité des œuvres d’art, de littérature ou de sci
225 sur la seule démonstration de son excellence ? Il n’ en obtient parfois, avec quelles peines, que s’il peut démontrer aux F
226 ger aussi à ses tâches. Les activités culturelles n’ étant aux yeux de nos gouvernements — et c’est normal — qu’une espèce
227 t fois ou mille fois plus. Mais le fait est qu’on n’ y croit guère dans ces milieux, et tel étant l’état de l’opinion moyen
228 e on dit, se demandent alors si pour ce prix l’on ne pourrait pas les aider mieux qu’en finançant une grande machine pour
229 ant une grande machine pour les aider. La machine n’ absorbe-t-elle pas plus d’énergie qu’elle n’en transmet ? Cela devrait
230 chine n’absorbe-t-elle pas plus d’énergie qu’elle n’ en transmet ? Cela devrait se calculer, semble-t-il. Mais l’a-t-on fai
231 ui survole toutes les civilisations de la planète ne peut se donner qu’un but très vague, mal défini et presque vide de co
232 le pour la paix.) D’autre part, le cadre national ne correspond pas aux réalités de la culture : celle-ci s’est toujours f
233 st toujours faite par un jeu de libre-échange qui ne tenait aucun compte de nos récentes divisions administratives et doua
234 mondiaux. 2. Centralisé. La réalité de la culture ne se trouve ni dans l’individu isolé, ni dans la nation, ni dans les va
235 ns peuvent et doivent être favorisées quand elles ne s’établissent pas spontanément. Mais on ne saurait les « planifier »
236 elles ne s’établissent pas spontanément. Mais on ne saurait les « planifier » sur une échelle qui n’est plus celle du ray
237 ne saurait les « planifier » sur une échelle qui n’ est plus celle du rayonnement normal et sensible des foyers de base. 3
238 rnementales se révèle là encore le plus pratique, ne fût-ce qu’en évitant les retards et les frais des grandes machines bu
9 1953, Preuves, articles (1951–1968). « Nous ne sommes pas des esclaves ! » (juillet 1953)
239 « Nous ne sommes pas des esclaves ! » (juillet 1953)l « Ils ont tiré ! Ils t
240 e rassembler, sans armes, pour proclamer : « Nous ne sommes pas des esclaves ! » Ainsi les Soviétiques viennent de renouve
241 nt tiré sur la foule ouvrière. Cette phrase qu’on n’ a pas lue dans la presse communiste, nos enfants la liront dans leurs
242 tte phrase a été dite, une fois pour toutes. Elle n’ est pas mensongère, elle est gagée sur des centaines de morts et de bl
243 ase crie sur la terre entière une vérité que l’on n’ éteindra plus : le système totalitaire est un crime contre l’homme et
244 ent prétexte qu’en régime socialiste les ouvriers n’ auraient plus l’occasion de s’en servir… On savait aussi qu’il était l
245 haine contre le fascisme et les provocateurs. Qui ne voit aujourd’hui quels furent à Berlin-Est ces « provocateurs étrange
246 ique les communistes ? Pouvaient-ils pratiquement n’ être pas Russes ou à la solde de Moscou ? On demande aux ouvriers de l
247 it avec éclat le dix-sept juin ! En criant « nous ne sommes pas des esclaves ! », les ouvriers de Berlin ont rétabli d’un
248 L’imposture communiste est devenue manifeste. Il ne reste à ses partisans, dans nos démocraties, qu’à nier les faits. Il
249 nsemble vers la liberté. » Mais rien de tout cela ne sera effacé. Rien ne peut plus faire que les héros de Berlin soient m
250 té. » Mais rien de tout cela ne sera effacé. Rien ne peut plus faire que les héros de Berlin soient morts en vain. Aux jou
251 ir à Berlin, surgissant d’un peuple écrasé. Et ce n’ est pas l’Europe des marchandages entre nations qui entendent chacune
252 de la liberté. l. Rougemont Denis de, « “Nous ne sommes pas des esclaves !” », Preuves, Paris, juillet 1953, p. 3-4.
10 1953, Preuves, articles (1951–1968). Les raisons d’être du Congrès (septembre 1953)
253 e ce mot, ce sens que les plus grands philosophes n’ ont pas réussi à épuiser, devint soudain très clair du seul fait qu’il
254 ous a-t-on dit de tous côtés, qu’en faites-vous ? N’ est-elle pas une partie décisive de la culture au sens moderne ? Certe
255 xemple, mais aussi et surtout, parce que personne ne peut dire au savant : « Tu penseras, tu chercheras, tu découvriras ju
256 couvriras jusqu’ici et pas plus loin ! » Personne ne peut lui dire cela sans tuer en lui l’élan intime de la recherche, qu
257 devant lesquels je souhaite que votre conférence ne recule pas. Je citerai deux de ces problèmes, qui d’ailleurs concerne
258 d’hui. Son but est clair : montrer que la science ne peut servir la liberté qu’en demeurant elle-même libre dans sa recher
259 ans un certain contexte politique et aucun savant ne peut plus l’ignorer. L’asservissement de la science détruit la scienc
260 ent de la science détruit la science. Les savants ne doivent pas se reposer sur d’autres pour la défense de leur propre li
261 isibles : “Aucun système de gouvernement, dit-il, n’ est exempt de vices. Cette critique que nous autres, chercheurs, appli
11 1954, Preuves, articles (1951–1968). La table ronde de l’Europe (janvier 1954)
262 enons-nous ? Où sommes-nous ? Où allons-nous ? Je n’ imagine pas de meilleure devise pour la table ronde de l’Europe qui s’
263 raison de ce paradoxe est des plus simples. Nous ne nous sentons pas, en réalité, 325 millions d’Européens, mais seulemen
264 de l’Europe, dans la réalité vivante, ce qu’elle n’ est aujourd’hui que dans l’arithmétique. Que manque-t-il à l’Europe po
265 lut tout proche et comme à portée de la main ? Il ne lui manque peut-être qu’une seule chose : la conscience des périls qu
266 lturelle à la communauté politique Mon dessein n’ est pas de résumer les péripéties des débats qui se déroulèrent pendan
267 nt de donner la parole à tous sauf à moi-même, je n’ en pensais guère moins et notais au passage des points de départ d’int
268 u’ils succomberont demain aux mêmes périls, s’ils ne trouvent pas ensemble leur salut. La recherche des origines communes
269 ontre nous. Nous avons vu clairement que nos pays n’ avaient plus d’autre issue pratique, d’autre avenir possible que dans
270 e Toynbee : « Unissons l’Europe maintenant ! Nous n’ avons pas de temps à perdre. » Pourtant, chacun peut voir que nous per
271 de notre unité compromise. Certes, la table ronde n’ a pas trouvé de solutions faciles, ni de recettes miraculeuses pour su
272 es buts communs susceptibles de nous unir. Car ce ne sont pas seulement leurs origines, mais les buts qu’ils regardent ens
273 ous perdons en apports extérieurs. La table ronde n’ a pas dressé les plans d’une civilisation modèle. Mais elle a déclaré
274 qu’à son auteur. « Rien de plus difficile que de n’ être pas soi-même ou que de ne l’être que jusqu’où l’on veut », remarq
275 us difficile que de n’être pas soi-même ou que de ne l’être que jusqu’où l’on veut », remarque Valéry. Je dirai maintenant
276 de nos pays, des voix s’élèvent pour dénoncer je ne sais quel « nationalisme européen », qui aurait pour effet de nous « 
277 et d’étroitesse inhérents au nationalisme qu’ils n’ ont pas encore su dépasser dans leur cœur. On voit bien où le bât les
278 des fédéralistes. « Vous nous vantez l’Europe, il n’ y a pas de quoi ! Elle a réduit en servitude et parfois massacré des p
279 lus sanglantes de l’Histoire, etc. » Réponse : Ce n’ est pas l’Europe, ce sont plusieurs de nos nations comme telles, c’est
280 ’union dans la diversité. Or ce génie fédéraliste n’ exclut rien, sauf justement l’impérialisme, inséparable de vos nationa
281 du dialogue entre égaux différents. En vérité, il ne s’agit pour nous, Européens de la moitié du xxe siècle, ni d’orgueil
282 permettre le luxe de la division ; aujourd’hui ce n’ est plus possible » (Toynbee).   Recouvrer la souveraineté. — Est-il
283 es ? Voyons le concret. La souveraineté nationale n’ est exercée en fait que par l’État. M. van Kleffens l’a définie comme
284 par le droit applicable à chaque domaine ». Or on ne voit plus aucun État européen qui ait conservé la faculté d’agir à sa
285 ase clos. Ces limites décisives à la souveraineté ne sont plus posées par le droit, mais par d’implacables circonstances t
286 ques. Il en résulte que la souveraineté nationale n’ a plus guère d’autre existence que psychologique. Où la voit-on à l’œu
287 ssé par l’école, depuis un siècle. La table ronde ne pouvait manquer d’en parler à son tour. Par malheur, elle m’a paru re
288 jugements désobligeants sur les pays voisins, on n’ aura fait qu’améliorer le terroir nourricier du nationalisme. Car l’Eu
289 terroir nourricier du nationalisme. Car l’Europe n’ est pas l’addition de vingt-quatre « histoires nationales ». C’est au
290 ènes de nature et de durée très variables, et qui ne sont devenus mortels qu’à partir du moment où l’on a prétendu les abs
291 « Il faut dire franchement à nos nations qu’elles ne pourront sauver leur individualité qu’en sacrifiant leur souveraineté
292 jourd’hui les décisions principales, et le peuple n’ a sur elles aucun contrôle. Au contraire, les organisations supranatio
293 de la souveraineté nationale. » Je me résume : il n’ est pas exact que nos nations, en vue de s’unir, doivent sacrifier ce
294 semblent ignorer le véritable sens du mot. Et ce n’ est pas dans le dictionnaire qu’ils le trouveront ! Littré le définit
295 ique. Il doit rester incompréhensible à ceux qui, n’ apercevant pas de différence sérieuse entre une contradiction dans les
296 squer l’alliance de ces deux mots. Le fédéralisme n’ est rien d’autre qu’une manière de saisir à la fois l’Un et le Divers
297 es, que l’union est nécessaire, que les premières ne peuvent subsister sans la seconde, que la seconde serait mortelle san
298 rne le loyalisme, les Romains ont découvert qu’il ne devait pas nécessairement s’appliquer à un seul objet. Cicéron a conc
299 me envers Rome et Tarse. Un conflit de loyalismes n’ a pas plus de raison d’être dans l’Europe d’aujourd’hui qu’il n’en ava
300 e raison d’être dans l’Europe d’aujourd’hui qu’il n’ en avait à Rome. Les nations européennes ne peuvent survivre que dans
301 qu’il n’en avait à Rome. Les nations européennes ne peuvent survivre que dans le cadre de l’Europe, et l’Europe ne peut ê
302 rvivre que dans le cadre de l’Europe, et l’Europe ne peut être florissante que si les nations qui la composent conservent
303 é avec un maximum de diversité. 3. Le fédéralisme n’ oppose que le bon sens aux sophistes qui abusent des définitions pour
304 er pourquoi nous nous bornons à certains pays. Il n’ est pas honnête de nous reprocher d’exclure le reste de l’humanité. Qu
305 de la crise spirituelle de l’Occident. (La Russie ne l’a pas résolue en se bornant à inverser le sens des mots tels que pa
306 de la culture théologique dans notre monde, pour ne rien dire de la philosophie, de l’étymologie et de la sémantique. Des
307 gues disputes trinitaires les grands conciles, je ne sais plus quelle Europe nous défendrons. Celle dont je parle est une
308 saires de l’union, à dorer la pilule aux États, à n’ insister que sur les avantages d’un peu plus de coopération sans doule
309 moitié, puis se mit à pleurer misère. Les riches ne l’aidèrent point, se disant ruinés, et refusant de faire le pool patr
310 mmées par les gouvernements des États membres, et ne suis donc responsable que du choix des thèmes et de leur répartition
12 1954, Preuves, articles (1951–1968). Tragédie de l’Europe à Genève (juin 1954)
311 subite et dramatique. Sur la confusion générale, n’ insistons pas. Mais la prise de conscience peut et devrait surgir du s
312 he. Mais cet échec était prévu. La vraie question n’ était pas là. Elle était de mesurer la puissance de deux volontés affr
313 uilibre l’Alliance atlantique, la masse de l’URSS ne manquerait pas d’équilibrer une bonne alliance eurasiatique ? La véri
314 ropéenne avait marqué de tels progrès que Molotov ne pouvait la combattre qu’en feignant de l’accepter d’abord, — quitte à
315 vaient pour une fois quelque chose à défendre qui n’ était pas seulement le statu quo, mais l’avenir commun de leurs peuple
316 immiscer dans vos affaires. L’Indochine, la Corée ne vous regardent plus. Mais le problème allemand nous intéresse beaucou
317 de remporter une victoire dans ce plan ; qu’elle ne s’en apercevrait pas ; qu’il était donc aisé de créer une diversion,
318 la deuxième victoire : pendant des mois, l’Europe ne fera plus rien pour accélérer son union ; bien plus, elle va laisser
319 n Indochine ses dernières divisions actives. Elle ne peut donc plus adhérer à l’alliance agressive baptisée CED. Elle y se
320 n élan irrésistible vers l’indépendance nationale ne sera plus arrêté par l’Europe, mais qu’au contraire une Europe forte,
321 le arrêter l’expansion communiste.) Mais l’Europe ne pourra s’unir en temps utile si le parlement français repousse la CED
322 , si l’on a vu la situation mondiale — et si l’on n’ est pas communiste. Seule une profonde révolte de l’Europe rendue cons
13 1954, Preuves, articles (1951–1968). Il n’y a pas de « musique moderne » (juillet 1954)
323 Il n’ y a pas de « musique moderne » (juillet 1954)r s Quand on me demand
324 mais c’est gênant, car la chose dont on me parle n’ existe pas. La « musique moderne », en effet, n’est guère plus qu’une
325 e n’existe pas. La « musique moderne », en effet, n’ est guère plus qu’une manière de parler. C’est l’invention de ceux qui
326 ention de ceux qui ont décidé qu’après Wagner, il n’ y avait plus que des bruits désagréables. L’expression ne désigne pas
327 it plus que des bruits désagréables. L’expression ne désigne pas une unité définissable, sinon celle d’un refus global d’e
328 . Bref, la « musique moderne » est celle que l’on n’ aime pas. (Parce qu’elle ne ressemble pas à celle que l’on aimait.) Pa
329 e » est celle que l’on n’aime pas. (Parce qu’elle ne ressemble pas à celle que l’on aimait.) Parler de musique « moderne »
330 d’école, de style commun, de ton d’époque dont je n’ aperçois pas de témoignages concluants au xxe siècle. Il y eut le gro
331 xxe siècle. Il y eut le groupe des Six, mais il ne fut qu’une amitié : je ne vois rien d’autre qui rapproche un Honegger
332 groupe des Six, mais il ne fut qu’une amitié : je ne vois rien d’autre qui rapproche un Honegger et un Poulenc. Il y eut l
333 Il y eut les dodécaphonistes, mais justement ils n’ ont rien de commun, ne veulent rien garder de commun avec les autres m
334 onistes, mais justement ils n’ont rien de commun, ne veulent rien garder de commun avec les autres musiciens de l’époque.
335 e toute œuvre tonale, jugée « réactionnaire ». Je ne vois pas deux compositeurs du xviie du xviiie ou du romantisme, don
336 le Schönberg d’Erwartung. Aucune époque peut-être n’ a connu moins d’unité que la nôtre. Aucune en tout cas n’a fait montre
337 nu moins d’unité que la nôtre. Aucune en tout cas n’ a fait montre d’une volonté aussi délibérée de fuir toute apparence d’
338 cle, malgré tous les efforts de leurs auteurs, ce n’ est pas cette génération qui le verra. Car le style d’une époque est t
339 contemporains le refus où beaucoup les englobent, ne peut donc procéder que d’une méconnaissance de ces œuvres. Parce qu’e
340 u’elles diffèrent du déjà entendu, parce qu’elles ne rappellent pas des airs connus, on en déduit bien légèrement qu’elles
341 e dont le dessin reste inconnu, — s’il en est un. Ne parlons plus de « musique moderne ». Parlons seulement d’œuvres conte
342  modernes » et moins naïvement de leur temps, que ne le furent un Rameau, un Haydn ou un Mozart. Pourquoi cela ? Parce qu’
343 naïveté comme une vertu de l’art. Combien de fois n’ ai-je pas entendu un jeune peintre ou un jeune compositeur soupirer :
344 un jeune compositeur soupirer : « Après X ou Y on ne sait plus que faire. Nous sommes dans une impasse… » Cette impasse es
345 nt « historique », créée par l’esprit historique. Ne plus savoir que faire, si l’on a quelque chose à exprimer, cela revie
346 i l’on a quelque chose à exprimer, cela revient à ne plus savoir comment le dire autrement que le dernier qui a parlé et q
347 olution qu’ils déclarent « nécessaire » ; dans on ne sait quelle logique hégélienne de l’Histoire. Ils parlent beaucoup de
348 pour des raisons précises de prix de revient, et ne correspond donc plus aux « nécessités de l’époque » et de nos grands
349 ssités de l’époque » et de nos grands marchés, il n’ est nullement prouvé que l’œuvre d’un compositeur non dodécaphonique «
350 ités nouvelles de la musique », que l’on invoque, ne sont telles que pour l’oreille et l’intelligence d’un très petit grou
351 ourrit de musiques des époques révolues. Quand il ne se contente pas de Beethoven et de Brahms, il ne découvre pas les tal
352 ne se contente pas de Beethoven et de Brahms, il ne découvre pas les talents d’aujourd’hui, mais Purcell ou Monteverde. D
353 mais Purcell ou Monteverde. Du temps de Haydn, on n’ eût jamais joué des auteurs du xviie siècle, ni même les œuvres ancie
354 production. Mais nos grands concerts du dimanche ne jouent plus que les modernes d’autres temps. D’où l’aspect forcément
355 l’un l’autre, le résultat est une « époque ». Je ne sais pas si nous en vivons une… Mais peut-être sommes-nous sur le seu
356 veau », c’est-à-dire de rejoindre le siècle. Mais n’ est-il pas étrange que de vivre en son temps soit devenu de nos jours
357 fort intelligente. r. Rougemont Denis de, « Il n’ y a pas de “musique moderne” », Preuves, Paris, juillet 1954, p. 75-77
358 e Rougemont ? Il habite Ferney ; le génie du lieu n’ y est donc pour rien. (Ce n’est pas pour des raisons musicales que Vol
359 ey ; le génie du lieu n’y est donc pour rien. (Ce n’ est pas pour des raisons musicales que Voltaire ne prisait pas Roussea
360 n’est pas pour des raisons musicales que Voltaire ne prisait pas Rousseau.) Mais il y a que Denis de Rougemont, dans ses o
14 1954, Preuves, articles (1951–1968). De Gasperi l’Européen (octobre 1954)
361 de la patrie. Mais il savait qu’aucun de nos pays ne peut être vraiment ranimé et rétabli dans son intégrité, s’il ne s’in
362 aiment ranimé et rétabli dans son intégrité, s’il ne s’intègre à la communauté plus vaste qui est son espace vital de civi
363 par esprit de ressentiment. Et c’est pourquoi ils ne sont pas tentés de faire subir aux autres le sort qu’ils ont subi, bi
364 i déchirent l’Italie croyante et libérale, et qui ne peuvent être résolus qu’au-delà du tête-à-tête de frères ennemis. Acc
365 débats que je dirigeais, siégeant à son côté, je n’ ai cessé de l’observer, d’échanger avec lui ces remarques à voix basse
366 lan, me parurent d’autant plus remarquables qu’il ne s’agissait pas de politique dans tout cela, mais du « problème spirit
367 és par les partis dans les parlements excités. Il ne confondait pas l’action réelle avec les grands éclats de voix secouan
368 ouant des meetings informes et sans lendemain. Il n’ était pas « grand orateur », et s’en plaignait parfois avec humour. Ma
369 éteur ? Le jugement politique et l’art du trémolo ne devraient-ils pas, au contraire, être tenus pour foncièrement incompa
370 n honnêteté. (Les dictateurs sont sans humour, et ne connaissent que le sarcasme.) Je me souviens d’un mot qu’il eut dans
371 er pourquoi nous nous bornons à certains pays. Il n’ est pas honnête de nous reprocher d’exclure le reste de l’humanité. Qu
372 de haine à toutes les autres femmes ? » Jamais il n’ a voulu parler de la « grandeur » de l’Italie, mais il s’est contenté
15 1954, Preuves, articles (1951–1968). Politique de la peur proclamée (novembre 1954)
373 français a dit ceci : « L’Allemagne qu’il incarne ne nous apparaît pas moins redoutable que celle qui exigeait la démissio
374 re, au surplus gouvernée par un ami de la France, n’ est « pas moins redoutable » que l’Allemagne arrogante, surarmée et in
375 agne réelle fasse ou non, soit ou non, cette peur ne pourrait donc être supprimée que si l’Allemagne disparaissait totalem
376 sparaissait totalement et à tout jamais. Car s’il n’ en restait qu’un, je craindrais celui-là, dit en substance François Ma
377 lemagne a été l’arme principale des anticédistes. N’ est-il pas très nouveau qu’un grand pays proclame sa peur dans l’insta
378 férait crâner. C’était bien vu. L’aveu de la peur n’ était permis qu’à l’esprit qui la maîtrisait : « Tu trembles, carcasse
379 lement peur de l’Occident. Mais leur gouvernement ne cesse d’affirmer que l’URSS ne craint personne. Les Américains n’ont
380 leur gouvernement ne cesse d’affirmer que l’URSS ne craint personne. Les Américains n’ont pas du tout peur des Russes, ma
381 mer que l’URSS ne craint personne. Les Américains n’ ont pas du tout peur des Russes, mais leur gouvernement ne cherche qu’
382 s du tout peur des Russes, mais leur gouvernement ne cherche qu’à prévenir ou contenir le danger communiste. En France, on
383 un sens quelconque à ces divagations. ⁂ Quelqu’un n’ a pas peur : M. Bevan. Malenkov l’a pleinement rassuré. « Il a l’espri
384 p de finesse, et les difficultés de la traduction ne l’ont pas empêché de manifester un profond sens de l’humour. Il m’a a
385 s de l’humour. Il m’a affirmé énergiquement qu’il n’ y avait aucun des problèmes opposant la Russie au reste du monde qui n
386 roblèmes opposant la Russie au reste du monde qui ne puisse être résolu par voie de négociations. » Relisez ces deux phras
387 ie de négociations. » Relisez ces deux phrases et ne riez pas. Leur juxtaposition est un simple accident. L’allusion au se
388 Très évidemment non. » Et il avait raison. Hitler ne fut pas non plus un autre Bismarck. Généralement, les gens ne sont pa
389 on plus un autre Bismarck. Généralement, les gens ne sont pas un autre, sauf s’ils sont Allemands, comme vient de le montr
390 llemands, comme vient de le montrer M. Mauriac. ⁂ Ne craignons pas les Russes, nous dit L’Express. Le vrai danger vient de
391 n Français le second. La collaboration européenne n’ est pas un vain mot. Elle joue à plein contre l’Europe. ⁂ Mais si 43 m
392 eur de 48 millions d’Allemands de l’Ouest, quelle ne doit pas être la terreur de Mao Tsé-toung devant ses propres Chinois 
393 millions par an. » Or « le communisme, en Chine, n’ a jamais été un mouvement de masse », déclare M. Bevan. « Notre tâche,
16 1955, Preuves, articles (1951–1968). De gauche à droite (mars 1955)
394 ou raison de contribuer à l’échec de la CED. Nous ne le ferons pas ; quoi qu’il arrive maintenant […] un premier bénéfice
395 et qui marque son point « pour l’histoire ? » Ce n’ est qu’Esprit, revue française, autrefois « internationale ». Esprit a
396 élicite de constater que « le ciel du Pentagone » ne lui est pas tombé sur la tête. « Tout ce qu’avaient raconté à l’opini
397 mand. » Tout cela serait faux ? Rien de tout cela ne se serait produit ? Il se trouve que la suite de l’article contredit
398 Londres l’autorisent. Les « raisons de redouter » ne sont pas « au moins égales ». Le rejet de la CED a bel et bien entraî
399 que les socialistes allemands sont nationalistes, ne fût-ce que du seul fait qu’Adenauer ne l’est pas. D’ailleurs : les ex
400 onalistes, ne fût-ce que du seul fait qu’Adenauer ne l’est pas. D’ailleurs : les extrémistes de droite aussi sont renforcé
401 rois, les gens du MRP, etc., avaient vu juste. Il ne reste à Esprit qu’à répéter la leçon connue : le réarmement allemand,
402 ont tenté de rejoindre la ligne communiste. S’ils ne sont jamais arrivés à la trouver, c’est qu’ils la cherchaient vers la
17 1955, Preuves, articles (1951–1968). Le Château aventureux : passion, révolution, nation (mai 1955)
403 restige aux yeux de l’Européen et d’un pathos qui ne saurait tromper, ils représentent dans notre Quête du Graal l’épisode
404 sa liberté, si j’en juge par ses vrais effets, il n’ en demeure pas moins inconcevable hors d’un monde investi et structuré
405 s érudits l’ont décrite. Mais le roman de Tristan ne fut pas imité par les seuls écrivains depuis près de huit siècles : t
406 Amour au love interest des films de Hollywood, on ne verra qu’une longue décadence, une vulgarisation au double sens du mo
407 t même si nos actions échappent à son emprise, il ne cesse de régner sur nos rêves et d’éveiller nos nostalgies. Et c’est
408 s en Occident, encore que le jeune Européen moyen ne ressemble pas plus à Tristan que n’importe quel fidèle endimanché aux
409 uropéen moyen ne ressemble pas plus à Tristan que n’ importe quel fidèle endimanché aux martyrs dont le sang fut la semence
410 g fut la semence de l’Église. Le contenu du mythe ne peut être décrit qu’en opposant des termes eux-mêmes ambivalents : il
411 même quand nous ignorons les origines du mythe et ne soupçonnons rien de sa finalité. Au regard de la société, le mythe de
412 . Au regard de la société, le mythe de la passion n’ est que révolte et fuite. Il ne peut fomenter que l’individu égoïste e
413 ythe de la passion n’est que révolte et fuite. Il ne peut fomenter que l’individu égoïste et profanateur, au sein même du
414 luth inventé par Manès. Et cette musique de gnose n’ a cessé d’inquiéter le cœur sauvage de l’homme enfermé dans les liens
415 10 Cette « vie nouvelle » — dans le monde comme n’ étant pas du monde — n’est pas donnée à l’homme pour son plaisir : ell
416 le » — dans le monde comme n’étant pas du monde — n’ est pas donnée à l’homme pour son plaisir : elle le saisit comme une g
417 un par un souverain caprice de la Minne, aussitôt ne s’appartient plus. À peine libéré, le voilà consacré. Minne l’a disti
418 e, bien qu’en un reflet inversé. Cet amour déifié n’ est pas le Dieu d’Amour. Il n’élit pas un homme pour le sauver, mais p
419 é. Cet amour déifié n’est pas le Dieu d’Amour. Il n’ élit pas un homme pour le sauver, mais pour l’exalter vers sa perte. I
420 le sauver, mais pour l’exalter vers sa perte. Il ne lui donne pas un prochain, mais un objet de fascination mortelle. Cep
421 loi : ama et fac quod vis ! La passion de Tristan ne pouvait se déclarer dans sa grandeur tragique et obsédante qu’au sein
422  », dit au croyant le Jésus de Pascal. La passion ne pouvait donc apparaître que dans le monde où cette croyance à l’être
423 e tous. Son élan fou, qui mime le saut de la foi, ne jette pas l’homme dans son salut vivant ni dans un martyre salutaire,
424 de Bach. La « Joie suprême » d’Isolde agonisante n’ est qu’un dernier défi au Soleil disparu derrière l’horizon jaune de l
425 d’Occident. C’est le cri de l’âme « exilée », qui ne s’arrache à la matière et à la chair que pour sombrer. Mais alors la
426 la chair que pour sombrer. Mais alors la passion ne serait-elle pas l’échec de l’Aventure occidentale, échec fatal dès qu
427 n refus des options principales de l’Occident. Il ne ramène pas l’âme à l’Orient symbolique, comme par une double négation
428 ique, comme par une double négation, car l’Orient ne connaît pas ce tragique absolu qui naît de l’acte irréversible, engag
429 a chair, dans son angélisme essentiel, la passion ne peut rêver d’autre horizon d’espoir que celui de la métempsycose. « N
430 que celui de la métempsycose. « Notre engagement n’ était pas pris pour cette vie », dit Novalis parlant de sa fiancée per
431 ient magique de l’Occident tragique, et cet abîme n’ est autre que le vertige de l’âme en proie au refus manichéen de l’Inc
432 s, khmers ou mongols, chinois ou japonais. L’idée ne peut apparaître aux yeux d’un Asiatique indemne d’influences occident
433 ajputs et que ceux-ci se soulèvent contre lui, il ne s’agit en aucun cas de révolution, car la subversion vient de l’extér
434 e et le temps que le « monde christianisé ». S’il n’ y a pas de socialisme en Asie, écrivait en 1930 Henri de Man, cela tie
435 outes nos révolutions s’en souviendront. L’Orient n’ a pas connu pareille coupure des temps — cette coupure de l’histoire e
436 ans la continuité vivante de ses passés, dont nul n’ est aboli ni privé de ses temples. Elle évoque l’idée d’une Europe où
437 ns l’Empire a créé pour l’Europe un précédent qui ne cesse de hanter son histoire. Conversions, valeurs « subversives », d
438 faits paraissent décisifs. Mais leur constatation n’ explique pas tout. Et par exemple : le passage de la conversion à la r
439 odèle spirituel au phénomène politique et social, ne semble pas aller de soi. Il paraît même douteux que les premiers chré
440 conformistes » à l’égard des pouvoirs établis. On ne les voit pas s’en prendre au régime impérial ni à l’institution de l’
441 stitution de l’esclavage, par exemple11, lesquels ne seront pas abolis pour des raisons théologiques, mais militaires dans
442 a réalité des hommes transformés par la foi. Elle n’ avait pas pour but de convertir la société, mais d’unir en un corps le
443 t remonter à notre dialectique de la personne. Ce n’ est pas la personne qui se détache d’abord du corps magique de la trib
444 n vient à dominer dans la cité, et que l’individu ne se sent plus encadré ni relié, le vide social appelle un ordre autori
445 la foi, cette « ferme assurance des choses qu’on ne voit pas ». Le Parti au contraire est aux ordres d’un chef dont la pr
446 ants dans un monde idéal et futur, mais cette foi n’ est gagée que sur le sacrifice et la mort de ses adversaires. On entre
447 de l’Église chrétienne, voilà ce que notre temps ne peut plus mettre en doute. Nazisme et stalinisme ont eu leur pape et
448 sinon par l’intention du moins par le succès. Il n’ a pas disposé des mêmes télécommandes et ses missi dominici n’allaient
449 osé des mêmes télécommandes et ses missi dominici n’ allaient qu’à cheval. Mais sa Terreur valait les purges communistes, e
450 fut sans tache. Toutefois, les églises politiques ne copient de l’Église que ce qu’elle a de moins chrétien. Aucun des tra
451 . Aucun des traits communs qu’on vient d’énumérer n’ est proprement évangélique. C’est l’ambition théocratique, non l’Agapè
452 arrêts d’un Parti qui incarne la Révolution ? Il n’ y a rien au-dessus de lui14. Il n’y a pas de Juge pour ses crimes. Et
453 Révolution ? Il n’y a rien au-dessus de lui14. Il n’ y a pas de Juge pour ses crimes. Et dès lors qu’il se sait illégitime
454 ions auraient « objectivement » servi la liberté, ne font preuve que d’une belle ignorance de l’histoire. Les grandes révo
455 e l’histoire. Les grandes révolutions européennes n’ ont jamais renversé aucun tyran. Au contraire, elles en ont établi, de
456 Napoléon, Hitler, Mussolini, Staline. Ces tyrans n’ ont été abattus que par la guerre ou par la mort. Et la plupart furent
457 s, de nos révolutions « libératrices ». Celles-ci n’ ont triomphé que de régimes séniles, et dont la « tyrannie », si on la
458 au dieu — pour qu’il pleuve. En vérité, le sacré n’ a cure des résultats : il trouve sa preuve dans le sang. Mais si, prof
459 victoire. Remarquons que ce cri, à ce moment-là, ne signifie point : Vive la France ! — pas davantage que « les Soviets p
460 e ! — pas davantage que « les Soviets partout ! » ne signifiera sous Lénine : Vive la Russie ! Il proclame un nouveau myth
461 ’avenir et de volonté. Toutefois, cette idéologie n’ est pas le fait du peuple entier, mais d’un parti ; et ce parti agit p
462 ation est religion et les religions, en Occident, ne transigent pas, du moins depuis l’apparition du christianisme. L’État
463 te la nation comme une croisade pour l’idée. « Ce ne sont pas les déterminations naturelles de la nation qui lui donnent s
464 d comme à sa fin. Une fois cette fin atteinte, il n’ a plus rien à faire dans le monde. » Et encore : « À chaque époque dom
465 ds voisins. Aucun de ces « concepts de l’Esprit » ne parvenant à s’imposer, aucune nation ne dominera longtemps, mais aucu
466 ’Esprit » ne parvenant à s’imposer, aucune nation ne dominera longtemps, mais aucune n’en tirera la conclusion, une fois v
467 aucune nation ne dominera longtemps, mais aucune n’ en tirera la conclusion, une fois vaincue, « qu’elle n’a plus rien à f
468 tirera la conclusion, une fois vaincue, « qu’elle n’ a plus rien à faire au monde ». Chacune se dira « souveraine », à l’im
469  souveraine », à l’imitation des rois absolus qui n’ avaient de comptes à rendre qu’à Dieu seul — mais il n’y a plus de Die
470 ient de comptes à rendre qu’à Dieu seul — mais il n’ y a plus de Dieu au-dessus des nations. Le droit divin se traduit donc
471 onc par le droit de l’État le plus fort. Celui-ci ne connaît plus d’autres obligations que les contrats passés avec ses co
472 iances ou traités de commerce révoqués dès qu’ils ne payent plus. C’est ainsi qu’une demi-douzaine d’États gangsters, foll
473 ssible en principe, et par définition, puisqu’ils n’ acceptent aucune instance supérieure à leurs « droits » et limitant le
474 que l’on a comparée très justement au shintoïsme, n’ attaquera même pas le christianisme, elle se contentera de l’annexer d
475 ion où l’on a pris la peine de naître. Ce que nul n’ oserait dire de son moi, il a le devoir sacré de le dire de son nous.
476 un dieu lointain, qui demande beaucoup plus qu’il ne donne, infiniment plus, à l’absurde. Principe de haine plus que d’amo
477 ié du monde à l’hégémonie des États-Unis. Ceux-ci n’ ont pas souhaité cette responsabilité, et ne sont pas équipés pour l’e
478 ux-ci n’ont pas souhaité cette responsabilité, et ne sont pas équipés pour l’exercer : c’est par là qu’ils diffèrent profo
479 onnelles. Ces réflexes de défense du corps social ne s’exerçant pas en Orient, la maladie nationaliste peut y prendre dema
480 che de l’Europe au dossier de l’Histoire. Mais ce ne sont pas seulement des maladies fiévreuses, ce sont aussi des hérésie
481 e. Couper ces fièvres aurait un effet dévastant : ne serait-ce pas nous vider d’une affectivité qui est devenue la saveur
482 révolte contre le But dernier de l’Aventure, qui ne peut jamais être saisi que par la foi. Le christianisme se distingue
483 uible. Mais quand l’homme en vient à sentir qu’il ne pourra jamais atteindre au but final s’il n’accepte pas en même temps
484 u’il ne pourra jamais atteindre au but final s’il n’ accepte pas en même temps que la Grâce subvienne à sa débilité et qu’a
485 et il croit embrasser l’Absolu, parce que sa soif n’ attendait rien de moins. Mais semblable aux amants tragiques de la lég
486 destruction et sa mort ». Sacraliser des buts qui ne sont pas le But, c’est la formule de la révolte occidentale. Révolte
487 type d’une société d’amour et de fraternité, mais n’ a pas pu l’actualiser — c’est le Scandale. Il en reste cette soif d’un
488 remplaçant toute la Loi, et l’on voudrait mais on ne peut pas s’y conformer ; pourtant le besoin subsiste de se donner san
489 défi, l’homme dit : c’est trop pour moi, mais je ne saurais plus vivre et ressentir ma vie sans cet appel intime. Il pens
490 ntraindre à l’obéissance et à l’amour. La révolte ne se lève jamais contre la force à son zénith. Mais, d’un pouvoir qu’on
491 amour qui dresse contre le Père les enfants qu’il n’ a pas contraints à la vertu. Le Dieu du christianisme a laissé l’homme
492 isation de l’Occident ». On voit maintenant qu’il n’ en est rien. L’Occident comme ensemble historique n’a jamais été conve
493 en est rien. L’Occident comme ensemble historique n’ a jamais été converti, et il ne saurait l’être, en vérité, du seul fai
494 nsemble historique n’a jamais été converti, et il ne saurait l’être, en vérité, du seul fait qu’il n’est pas une personne.
495 ne saurait l’être, en vérité, du seul fait qu’il n’ est pas une personne. Mais le ferment du christianisme originel, son e
496 nous fuit, dans cette chair impérieuse et débile, n’ a pas cessé de travailler les âmes depuis vingt siècles. Nos « erreurs
497 eux « christianisée » dans ses structures qu’elle ne l’était avant le xiie siècle. D’où l’on ne saurait conclure en pouss
498 ’elle ne l’était avant le xiie siècle. D’où l’on ne saurait conclure en poussant à l’absurde que l’incroyant moderne est
499 que l’incroyant moderne est plus « chrétien » que ne pouvait l’être un paroissien naïf du Moyen Âge, mais seulement que la
500 de la personne est plus profondément active qu’on ne le pensait naguère dans l’âme de nos contemporains même incroyants, e
501 ns l’âme de nos contemporains même incroyants, et ne cesse de s’étendre à des régions nouvelles de notre existence profane
502 2. On pourrait même soutenir que le christianisme n’ a été subversif qu’en dépit des prétentions de l’Église à imposer un o
503 élevé les mêmes prétentions. Mais comme celles-ci n’ étaient pas admises, elle devint militante, et tout en se développant
504 se gardent bien de toucher à l’idole, même s’ils n’ y croient plus. « Ne mêlons pas, fût-ce une seconde, la personne grand
505 toucher à l’idole, même s’ils n’y croient plus. «  Ne mêlons pas, fût-ce une seconde, la personne grandiose de Saint-Just,
18 1955, Preuves, articles (1951–1968). L’aventure occidentale de l’homme : L’exploration de la matière (août 1955)
506 est la Foi des Apôtres ! » « Anathème à celui qui ne croit pas ainsi ! Chassez Eusèbe, qu’on le coupe en morceaux ! Il a d
507 tées : sont-elles complètes, sont-elles exactes ? N’ a-t-on pas ajouté des noms d’absents ? Il faut maintenant souscrire au
508 des moines et des nervis fait irruption, Hilaire ne doit son salut qu’à la fuite, Flavien meurt sous les coups de bâton.
509 d’Empire et la métaphysique la plus subtile, pour n’ aboutir enfin qu’à des définitions à peine différentes des anciennes o
510 e peuple chrétien. Tout cela serait absurde si ce n’ était sublime, si ce n’était finalement bien plus intelligent, bien pl
511 cela serait absurde si ce n’était sublime, si ce n’ était finalement bien plus intelligent, bien plus sage et bien plus ré
512 age et bien plus réaliste qu’un Athanase lui-même n’ a pu le concevoir, faute d’avoir pu le juger avec les yeux de l’Histoi
513 dent nos conceptions de l’homme. En apparence, il ne s’agit, lors de Nicée, que d’un iota18, en réalité, de la définition
514 n pleine effervescence, les Pères grecs et latins ne disposaient en fait que de notions et de mots inadéquats, au surplus
515 simple fait qu’il est un corps distinct, mais il ne devient une « personne » qu’en vertu des relations civiques ou juridi
516 étant définie par sa valeur juridique, l’esclave n’ est pas une personne). Ainsi l’individu n’était qu’atome, et la person
517 esclave n’est pas une personne). Ainsi l’individu n’ était qu’atome, et la persona que valence ; l’un existait par soi, l’a
518 en même temps que la liberté sujet de conflits ? N’ est-elle pas englobée par ce qu’elle veut nier ? La seule question sér
519 ces attitudes spécifiques de la pensée chrétienne ne pouvaient pas manquer de conditionner une certaine approche du réel.
520 opposés mais en même temps vraiment valables. On ne saurait donc chercher la solution ni dans la réduction de l’un des te
521 s les domaines subordonnés. Mais la transposition n’ a pas toujours été légitime : il s’en faut de beaucoup. Au couple d’op
522 s réalités purement humaines, de même nature, qui ne se rapportent plus de près ni de loin, aux deux termes originaux. S’i
523 prix des équivoques et des abus que l’on sait) il n’ en va plus de même des couples gauche et droite, liberté et autorité,
524 e penser », un archétype mental de l’Occident. Je ne dis pas que ce passage de la christologie à la psychologie soit légit
525 soit légitime — ni les théologiens ni les savants ne devraient l’accepter comme tel — mais je constate primo qu’il a eu li
526 aux étapes décisives de notre science. Certes, on ne peut dire que le modèle théologique ait précédé la découverte des ant
527 atomisme et le continu — la tension à vrai dire «  n’ existe » pas. Il s’agit simplement de l’antagonisme de deux écoles iso
528 èse est de « comprendre » les incompatibles, cela ne peut se produire que dans un seul esprit. Aussi longtemps que les asp
529 es sont vus séparément par des esprits divers, il n’ y a, dans l’ensemble d’une culture, qu’oscillations et alternances san
530 s : tout est dans tout, bien sûr, mais la science n’ a pas lieu. Or, la physique actuelle est caractérisée par la reconnais
531 e phénomènes de même nature, et dont l’opposition ne résulte peut-être que des méthodes d’analyse employées. Mais la forme
532 ont perdu la conscience, mais que les théologiens ne peuvent manquer d’observer. Cette lumière qui consiste à la fois en «
533 ois en « vraies ondes » et « vrais corpuscules », n’ a-t-elle pas donné lieu à d’infinis débats dans lesquels on pourrait r
534 s dans lesquels on pourrait retrouver — et ce jeu n’ est peut-être pas vain — l’équivalent des hérésies les plus connues, d
535 s disciples, jusqu’à nous, la doctrine trinitaire n’ a cessé de propager dans les domaines de plus en plus « humains » un t
536 son paradoxe essentiel, la christologie de Nicée n’ a pas seulement conditionné de nouvelles formes de pensée, mais elle a
537 vrai aussi que « l’Esprit seul vivifie, la chair ne sert de rien », mais pourtant c’est bien dans cette vie, dans cette e
538 n obéissance. Et il est vrai enfin que « la chair n’ héritera pas du Royaume des cieux », et qu’elle est aujourd’hui sous l
539 a Loi, donc du péché et de la mort, mais le Credo n’ en affirme pas moins sa délivrance finale et sa résurrection. Cette di
540 œuvres de Dieu sont dignes d’être contemplées. » Ne voir là qu’une phrase « édifiante » interdirait de comprendre le moti
541 t la raison pourquoi Descartes estime qu’un athée ne pourrait pas faire de physique. Certes, beaucoup d’athées ont été phy
542 Résurrection. Dès lors le témoignage de nos sens n’ est pas vain : il est certes affecté d’erreur par le péché, mais il pe
543 tre notre œil et la lumière, quoique mystérieuse, n’ est plus illusion ; et le cosmos n’est pas une fantasmagorie privée de
544 e mystérieuse, n’est plus illusion ; et le cosmos n’ est pas une fantasmagorie privée de cohérence, d’ordre et de sens, mai
545 La non-absurdité et la réalité du monde manifesté ne suffiraient pas encore pour permettre la science. Les Grecs croyaient
546 Grecs croyaient à l’ordonnance cosmique, mais ils n’ en retenaient pour vraie que la Beauté. L’objet de la science ne peut
547 t pour vraie que la Beauté. L’objet de la science ne peut vraiment devenir la totalité du réel que dans un monde créé par
548 cience grecque de notre science moderne, laquelle ne pouvait naître, selon lui, que dans un monde christianisé. Suivons ic
549 logique de la totalité posée par l’esprit… Et il ne s’agit pas là seulement d’Aristote et de Démocrite ; Thomas aussi, et
550 ce, alors, vise précisément, dans le réel, ce qui ne cadre pas avec les ordonnances et les lois établies précédemment. La
551 ité du monde. Ce Dieu qui exige la vérité absolue ne veut pas qu’on le saisisse à l’aide d’illusions. Il rejette les théol
552 issance du réel, qui pourtant vient de Dieu… Dieu n’ est pas l’objet d’une foi véritable s’il ne peut pas supporter d’être
553 … Dieu n’est pas l’objet d’une foi véritable s’il ne peut pas supporter d’être mis en question par les faits ; et toute qu
554 yable » de la vérité. Car la vérité, pour la foi, ne peut être que celle de Dieu, même quand elle semble nuire au groupe,
555 dent profondément marqué au signe de la croix, il ne pouvait être senti que sous la forme d’un manichéisme inversé, comme
556 nfoncement de taupe dans une galerie où le Soleil ne parvient plus — et l’on finit par l’oublier ou le nier — peut-être fa
557 à l’intérieur du domaine propre de sa recherche, ne peut plus établir une distinction sensée entre la matière et quelque
558 entre la matière et quelque autre chose. » Et ce n’ est pas seulement entre la matière et « autre chose », ou entre l’éner
559 ou entre l’énergie et quelque « ondulation » d’on ne sait quoi, que la frontière intelligible s’est évanouie, mais c’est a
560 ou calculer… Nous verrons tout à l’heure que cela n’ affecte en rien la dialectique transcendance-immanence, et n’apporte a
561 n rien la dialectique transcendance-immanence, et n’ apporte aucun argument « en faveur » du Credo de Nicée… Mais il faut v
562 tome se résolvait en une sorte de vide animé d’on ne savait trop quoi, sauf que « cela » restait calculable. « Une figure
563 matière classique que la négation de l’Esprit, il n’ en reste pas moins que ses arguments scientifiques se sont évanouis av
564 alisme vulgarisé, survivant à ce qui fut sa base, n’ est plus guère qu’une superstition. Il entretient religieusement des a
565 ps de l’animisme. En revanche, les spiritualistes n’ ont pas lieu de pavoiser, car, pour les mêmes raisons, leur idée de l’
566 avait de la liberté jusque dans la matière : mais n’ était-ce pas admettre du même coup qu’il y aurait aussi de la détermin
567 nergie, puis entre l’énergie et quelque chose qui n’ est plus exprimable qu’en formules mathématiques, et qui semble appart
568 rait alors dissocier bien plus radicalement qu’on ne le fait d’ordinaire la pensée humaine et l’Esprit (mind and Spirit).
569 a matière, au lieu de celle de l’esprit. Ce choix n’ est donc pas scientifique, mais proprement théologique : c’est l’hérés
570 sé d’ondes animant le vide30. Le monde phénoménal n’ est plus qu’une apparence flottant sur l’océan sans rivages et sans fo
571 s derrière ce voile, qu’y a-t-il ? Cette question n’ a pas de sens, nous dit-on. Dans l’Univers d’Einstein (illimité-fini),
572 vous verrez bientôt que la question d’un au-delà ne se pose plus. Dans l’univers en expansion de l’abbé Lemaître et de Ga
573 qui reviendra peut-être à son point initial, vous n’ irez pas plus loin ni plus longtemps que la plus extrême galaxie. Mais
574 out cela se meut-il ? Il est vrai que la question n’ a pas de sens : rien « au monde » ne peut y répondre ; mais aussi, ell
575 e la question n’a pas de sens : rien « au monde » ne peut y répondre ; mais aussi, elle dépasse le monde ; rien en lui ne
576 ; mais aussi, elle dépasse le monde ; rien en lui ne peut m’empêcher, ni moi-même, de me la poser. C’est ainsi que notre e
577 ue la Maya est tout, et qu’il est fou de penser à n’ importe quoi d’autre, c’est qu’alors il est faux de penser « Dieu », m
578 de répondre, et nulle interdiction d’interroger, n’ auront jamais raison de cette Question : elle nous juge et pose nos li
579 n Ailleurs absolu, d’un totaliter aliter. Et rien ne peut faire qu’une telle idée provienne d’un monde suffisant et fermé
580 fait connaître par cela justement que la science ne connaît pas, et ne pourra jamais ni intégrer, ni réfuter comme illuso
581 cela justement que la science ne connaît pas, et ne pourra jamais ni intégrer, ni réfuter comme illusoire. Et c’est la se
582 déposés à la suite de certains conciles : comment ne pas songer aux épurations qui seront pratiquées 1500 ans plus tard da
583 ’esprit « byzantin » explique beaucoup plus qu’on ne le croit les conduites politiques et les façons de penser. 18. Le dé
584 ident » du christianisme. L’orthodoxie catholique ne sera définitivement assise qu’en 680, par le VIe concile de Constanti
585 80, par le VIe concile de Constantinople. 20. Je ne veux parler ici que d’incompatibles réels. Certains incompatibles auj
586 éels. Certains incompatibles aujourd’hui reconnus ne sont peut-être qu’apparents : ainsi le fait que la masse combinée des
587 e liaison des particules). D’autres incompatibles ne tiennent peut-être qu’à l’insuffisance provisoire de nos mesures : ai
588 an que celui de la dogmatique chrétienne, car ils ne représentent en réalité que des variantes de l’argument trinitaire d’
589 22. Il est certain que « la chair » selon S. Paul n’ est pas seulement le corps physique, mais l’homme naturel tout entier,
590 ntaires et poussée jusqu’à l’absolu. Une doctrine ne peut être qualifiée d’hérétique que si elle a pris son point de dépar
591 que — aurait-elle grand-chose à lui offrir ? Elle n’ a jamais été plus éloignée des grandes affirmations de Nicée. Elle fai
592 canique ondulatoire ou de la physique des quantas ne le sont du moderne qui ne croit qu’à la science. 29. Cf. O. L. Reise
593 la physique des quantas ne le sont du moderne qui ne croit qu’à la science. 29. Cf. O. L. Reiser, « The Field theory of M
594 duit dans un « champ » au sein duquel agissent on ne sait quels archétypes formateurs… 31. J’anticipe à dessein sur un su
19 1955, Preuves, articles (1951–1968). L’aventure technique (octobre 1955)
595 et révolutionné tout leur régime social. Mais on ne voit pas que nos conquêtes techniques aient bouleversé aussi radicale
596 pose est alors de savoir si l’Occident qui pense n’ a pas pris l’habitude, depuis une cinquantaine d’années, d’exagérer sa
597 a « mise en esclavage de l’homme par la machine » ne trahissent-elles pas plus d’angoisse devant la liberté vertigineuse d
598 électricité à cause de la chaise électrique, mais n’ importe, la cause est noble et l’angoisse qu’on traduit, réelle et pop
599 a parfois privé les savants de subventions, mais n’ a pas retardé sérieusement l’essor des recherches techniques. « L’enva
600 de se remettre à tisser leurs vêtements, etc., il n’ est rien sorti de durable de leurs petites communautés de retraites. C
601 angoisse devant l’ère des machines et de la Bombe n’ en est pas moins révélatrice de notre condition occidentale. Il s’agit
602 L’histoire de la technique comme entité distincte ne commence guère qu’avec le siècle des machines, de la chimie et de l’é
603 aux caravelles de Colomb. L’architecture hindoue ne le cède pas à la nôtre. Les industries artisanales du textile, du pap
604 abord en retard chez nous jusqu’à la Renaissance, ne dépassent guère celles de l’Asie jusqu’à l’invention des machines. Ve
605 ons de sa pensée. D’autres prétendent que l’homme n’ était poussé que par l’envie d’améliorer son sort ou d’amasser plus de
606 précisément rédigea nos manuels scolaires, et qui n’ a jamais rien inventé32. Finalement, de Nietzsche à Spengler, en passa
607 ément. Quand l’esprit de l’homme entre en jeu, ce n’ est pas pour attaquer cette Nature animée d’intentions qui sont loin d
608 qui le distinguent. Mais l’utilité de ces objets n’ épuise nullement l’intention qui les crée, et même, le plus souvent, n
609 intention qui les crée, et même, le plus souvent, n’ en rend pas compte : tout est magie à l’origine, tout est dialogue ave
610 ez les peuples anciens. L’histoire des inventions n’ est pas celle de besoins qui auraient existé avant elles. Sa logique n
611 soins qui auraient existé avant elles. Sa logique n’ est pas celle de l’utile, mais du jeu33. Or qui dit jeu dit règles fix
612 acrées entre l’homme et les forces naturelles. Ce n’ est donc pas des lois de la Nature qu’on a peur, mais au contraire de
613 hait à construire une « locomotive routière » qui ne fût pas astreinte à suivre la loi rigide des voies ferrées et ses hor
614 Otto, inventeur du moteur à explosion interne. On n’ ignore pas d’ailleurs que des douzaines d’inventeurs — en France surto
615 en avant Ford. Son invention, ou sa ré-invention, n’ en reste pas moins exemplaire. L’histoire des inventions non faites, o
616 duirait aux mêmes conclusions. Pourquoi les Mayas ne labouraient-ils pas leurs terres ? Pourquoi les Aztèques n’utilisèren
617 ient-ils pas leurs terres ? Pourquoi les Aztèques n’ utilisèrent-ils la roue que pour faire des jouets ? Et pourquoi l’or f
618 Objet de l’homme, son vis-à-vis et son miroir. Il ne sait pas encore qu’il n’y voit que ses songes, et que les âmes des ch
619 -à-vis et son miroir. Il ne sait pas encore qu’il n’ y voit que ses songes, et que les âmes des choses sont les reflets de
620 me Printemps perpétuel), de dominer son corps, de ne pas mourir… Ce qui s’oppose et résiste à ce Bien, ce sont alors les s
621 n, juste, parfait et immortel, sa toute-puissance n’ étant mise en échec que par le principe démoniaque, assimilé dès lors
622 e, assimilé dès lors à la Nature. Le Dieu du Bien ne peut être auteur du Mal. La Nature est donc l’œuvre d’un Autre. On a
623 ésormais comme une âme enfermée dans un corps. Il ne sera jamais libre et vraiment bon que s’il parvient à s’évader de la
624 ngélisme, qui méprisant matière, chair et Nature, ne peuvent conduire qu’à la condamnation et à l’abandon de toute espèce
625 (transports rapides, télécommunications). L’homme n’ est pas encore, il s’en faut, au terme de cette entreprise, mais il a
626 la machine. Inventée par le siècle dernier, elle n’ a pas affecté notablement la vie quotidienne du grand nombre jusqu’à l
627 ont sans doute transporté moins de voyageurs que ne le font nos avions en une année. L’auto, le tank, l’avion et le métro
628 électricité domestique, le téléphone et la radio, n’ ont fait leur entrée dans nos vies que pendant le premier tiers de ce
629 rtains comblent nos désirs secrets, mais beaucoup ne répondent à rien : la technique qui les donne doit les faire accepter
630 e prétend « satisfaire » des besoins que personne n’ éprouvait du tout. On n’a pas inventé l’auto parce que l’homme en avai
631 des besoins que personne n’éprouvait du tout. On n’ a pas inventé l’auto parce que l’homme en avait besoin, mais c’est l’i
632 sychanalyse). D’où vient donc la technique, si ce n’ est pas de nos besoins matériels et utilitaires, qui n’entrent en jeu
633 pas de nos besoins matériels et utilitaires, qui n’ entrent en jeu qu’après coup ? Le problème revient à savoir comment et
634 s inventions majeures de la technique. Mais elles n’ y conduisent pas organiquement. Pour passer de la volonté de connaissa
635 us savons aujourd’hui que le rêve des alchimistes n’ était pas de faire de l’or pour s’enrichir, mais bien d’opérer le gran
636 stries modernes. Léonard Euler, piétiste de Bâle, ne fut pas seulement le plus grand mathématicien de son siècle, mais l’i
637 contraire eût été surprenant. Mais le capitalisme n’ a rien créé : il a financé le « Progrès », sans bénéfice pour ses aute
638 doxe de l’ère technique naît du fait que ses dons n’ étaient pas attendus. Prise de court par un phénomène qui l’étonnait m
639 ène qui l’étonnait merveilleusement, et dont elle ne pouvait mesurer l’ampleur prochaine, la société occidentale du xixe
640 e la technique et la manière de s’en servir. Elle n’ a pas su prévoir l’effroyable rançon qu’elle aurait à payer fatalement
641 t payé d’un prix moins visible et tangible car on ne mesure pas les valeurs spirituelles, ni ce que l’homme perd en les tu
642 J’admirais tristement ; il m’était impossible de ne pas voir en même temps ces pitoyables visages d’hommes, ces jeunes fi
643 encore que les valeurs se trouvent inversées : ce n’ est plus la Nature qui représente le Mal, mais c’est l’œuvre de l’homm
644 ison plus résistants que nos corps). Mais si vous ne priez plus, ce n’est tout de même pas leur faute. Retour à l’axe
645 ts que nos corps). Mais si vous ne priez plus, ce n’ est tout de même pas leur faute. Retour à l’axe Au contraire du
646 dhisme et du manichéisme, l’orthodoxie chrétienne ne condamne pas le monde manifesté de la Nature. La doctrine de l’Incarn
647 rès mauvais s’il procède de notre orgueil. Le mal n’ est pas dans les choses, mais dans l’homme. Il est lié à notre liberté
648 avers tient à l’envers. Il est dans notre esprit, n’ existe pas ailleurs, et c’est en nous qu’il faut le combattre. Comment
649 s d’intentions autonomes : cette démarche magique ne doit plus nous tromper. Les penseurs d’aujourd’hui qui adoptent cepen
650 J’écrivais au lendemain d’Hiroshima : « La Bombe n’ est pas dangereuse du tout. C’est un objet. Ce qui est horriblement da
651 de Chine. Si on laisse la Bombe tranquille, elle ne fera rien, c’est clair. Elle se tiendra coite dans sa caisse. Qu’on n
652 lair. Elle se tiendra coite dans sa caisse. Qu’on ne nous raconte donc pas d’histoires. Ce qu’il nous faut, c’est un contr
653 de l’époque. Mais le téléphone, simple appareil, n’ a jamais rien fait par lui-même, et c’est toujours quelqu’un qui vous
654 t que vous vous attendez à quelque chose que vous ne désirez pas manquer. Vous n’êtes donc esclave que de vous-même. Erre
655 elque chose que vous ne désirez pas manquer. Vous n’ êtes donc esclave que de vous-même. Erreur sur la belle voiture. Cet
656 au communisme). Voilà le sérieux de la chose ; il ne consiste pas dans le sentiment de faire partie d’un « monde sans âme 
657 onde sans âme », mais dans le fait que des hommes ne sont plus que les « compléments vivants d’un mécanisme mort ». Or, ce
658 compléments vivants d’un mécanisme mort ». Or, ce n’ est pas ce mécanisme mort qui peut en être responsable. Ce n’est pas l
659 e mécanisme mort qui peut en être responsable. Ce n’ est pas la machine qui rend un homme esclave : ce sont certains compor
660 veut-on dire ? Imagine-t-on quelque invention qui ne pourrait être utilisée que pour le bien ? Je dis que ce serait une in
661 ante. Le romantisme la contemplait avec âme, mais ne s’y baignait pas physiquement. Le goût de s’étaler au soleil sur les
662 condition et du décor hideux de son existence. Ce n’ est pas la scolastique qui a supprimé l’institution de l’esclavage en
663 elage des chevaux au moyen d’un licol rigide). Ce ne sont pas nos protestations contre le travail à la chaîne qui libérero
664 fatigue mentale ; et cet oubli des buts derniers n’ est qu’un immense lapsus révélateur : il trahit une angoisse devant le
665 militaire. Privée d’objectifs à long terme, elle ne peut plus relever que de la morale courante, de ses règles abstraites
666 ciété, et l’État seul représentant la Société, il n’ est plus de recours contre ses décisions.) L’évolution vers des sociét
667 ndue dans les élites, qu’un peu plus de technique ne peut produire qu’un peu plus d’étatisme et d’autant moins de liberté.
668 sme et d’autant moins de liberté. Et, de fait, on ne peut pas arrêter l’étatisme, mais on peut pousser la technique jusqu’
669 aye les masses en loisirs, plus largement qu’elle n’ a jamais payé ses actionnaires en dividendes, le technocrate ne cesser
670 yé ses actionnaires en dividendes, le technocrate ne cessera pas d’être le maître des moyens, mais son prestige s’évanouir
671 ’absence. Mais les fameuses nécessités techniques ne concerneront plus que lui. Qu’aura-t-il à offrir aux humains libérés
672 issamment, jusqu’au point où plus rien d’avouable ne pourra plus nous empêcher de réaliser enfin ses bénéfices humains. L
673 ncu : la notion même d’un « niveau de vie moyen » n’ est pas bien claire, et le devient encore moins quand on la multiplie.
674 00 heures à 2000 heures, tandis que la production ne cessait d’augmenter. Le loisir apparaît ainsi comme le sous-produit d
675 plus de bénéfices. Pourtant, ce « sous-produit » n’ était-il pas d’abord l’une des arrière-pensées de l’invention techniqu
676 n technique ? En devenant toujours plus abondant, ne va-t-il pas apparaître un jour prochain comme le vrai but de l’entrep
677 echnique les libère subitement à ce degré-là ? Je n’ en sais rien. Savait-on beaucoup mieux, aux environs de 1830, ce qu’al
678 otidiennes. La question « Que faire de ma vie ? » ne sera plus réprimée par cette réponse, plusieurs fois millénaire : « L
679  La gagner ! » Elle sera subitement mise à nu. Je n’ entends pas peindre ici quelque utopie qui pourrait amuser nos descend
680 te de facteurs matériels que j’aurais oubliés, ou ne saurais prévoir, qu’en vertu de nos libres décisions. (Ce n’est pas l
681 prévoir, qu’en vertu de nos libres décisions. (Ce n’ est pas l’invention de la roue qui compte en soi, mais bien l’usage qu
682 ité relative de cette invasion de la culture, nul ne saurait en préjuger : je dis seulement que tout y mène pour le meille
683 nous mène vers une ère religieuse. Car la culture n’ est en fin de compte qu’un prisme diffracteur du sentiment religieux d
684 us ramènera demain aux options religieuses. Et je n’ imagine pas de drogue assez puissante pour en détourner le genre humai
685 des hérésies et gnoses qui vont paraître : elles ne feraient autrement que répéter de l’ancien qui n’a pas disparu sans r
686 ne feraient autrement que répéter de l’ancien qui n’ a pas disparu sans raison, ou ressusciter des doctrines dont le style
687 dont le style créateur a fait son temps43. Et je ne dis pas qu’elles s’en priveront. Mais je vois aussi que la culture ré
688 de ce genre de réalités, certaines curiosités qui ne s’arrêteront pas là. La télévision, la radio apportent le monde à dom
689 sait, d’autre part, que la passion pour l’occulte ne cesse de grandir dans nos villes, occupant rapidement le vide de l’âm
690 s’imaginent l’homme comme une sorte de ballon qui ne demande qu’à « s’élever » dès qu’il est délivré des soucis quotidiens
691 st délivré des soucis quotidiens. La preuve qu’il n’ en est rien, c’est que nos plus grands mystiques ont vécu dans les pir
692 ns les pires conditions matérielles. La technique ne peut rien pour l’Esprit, ni le défaut de confort n’a rien pu contre l
693 peut rien pour l’Esprit, ni le défaut de confort n’ a rien pu contre lui. Je dis seulement qu’elle peut nous jeter dans un
694 stions religieuses deviendront plus sérieuses que ne le sont aujourd’hui les questions matérielles, les « lois » économiqu
695 le sens et la nature finale du Progrès. Celui-ci n’ est-il pas simplement l’augmentation du risque de l’homme en tant que
696 s jours, prouve que l’appât du gain ou du confort n’ est presque jamais leur motif. (Cf. D. Brinkmann, Mensch und Technik,
697 le. À son tour, la découverte de la radioactivité ne répondait à aucun besoin utilitaire, mais en a créé beaucoup, devenus
698 5. Sur l’entreprise spirituelle de l’Alchimie, je ne puis que renvoyer aux œuvres de C. G. Jung : Psychologie und Religion
699 Le mépris affiché pour les questions religieuses n’ aura été qu’un phénomène transitoire de notre civilisation occidentale
700 mondial jusqu’à la dernière guerre. André Breton n’ a pas cessé de chercher une vision religieuse du monde et de la vie, b
701 littérature occidentale s’est amorcé dès 1919, et n’ a pas cessé de s’amplifier. 43. Nos sectes orientalistes font parfois
20 1956, Preuves, articles (1951–1968). Les joyeux butors du Kremlin (août 1956)
702 ; mais son sens historique reste conjectural : on ne sait encore ni d’où il vient ni où il va. Il peut sembler toutefois q
703 ement des liens entre Moscou et les PC européens… Ne serait-ce pas qu’une logique interne, ou qu’un plan savamment préconç
704 t céder à la manie d’historiser le présent, et de n’ en vouloir juger — si l’on peut dire encore — qu’au nom de ce qu’en va
705 , par une progression contrôlée. Il se peut qu’il n’ y ait là qu’une illusion d’optique. Notre idée préformée d’évolution —
706 nt plus régulièrement. Elle nous incite surtout à ne pas tenir compte d’une série de faits moins frappants (puisqu’il s’ag
707 iniraient une courbe d’allure bien différente… Je ne prétends pas que la courbe descendante soit plus vraie que l’ascendan
708 n, pour mieux voir ce qui se passe, voyons ce qui ne se passe pas.   1. Les circonstances de la mort de Staline ne sont pa
709 pas.   1. Les circonstances de la mort de Staline ne sont pas encore éclaircies. K. n’ignore pas les bruits qui circulent
710 mort de Staline ne sont pas encore éclaircies. K. n’ ignore pas les bruits qui circulent à ce propos ; mais il omet de les
711 s ». Que penserait-on d’un nazi d’aujourd’hui qui n’ attaquerait Hitler que pour avoir pendu de « bons Allemands » après le
712 ’un Vychinski, stalinien s’il en fût jamais. Elle n’ en marque pas moins la naissance du nouveau régime collégial. 4. K. dé
713 de leurs victimes les plus spectaculaires. 5. K. n’ ose pas publier lui-même son rapport, se réservant ainsi le droit de l
714 traindre les PC étrangers, pour lesquels l’excuse ne vaut rien, à justifier « dialectiquement » leur servilité spontanée.
715 r servilité spontanée. Celle-ci étant acquise, K. ne risque plus grand-chose à exiger « l’autonomie » d’esclaves aussi rig
716 réponses vont de soi. Le culte, en tant que tel, n’ a pas fait le moindre mal à l’URSS, ni aux PC45. Bien au contraire. La
717 eulement les photos. Lénine, substitué à Staline, ne serait-il pas une « personnalité » ? Et son mausolée de la Place Roug
718 né dans le panneau, comme toujours ? Mais l’heure n’ est pas aux plaisanteries faciles. La condamnation spectaculaire, mais
719 t prix. Sacrifier post mortem le seul Staline, ce n’ est rien sacrifier du tout, mais c’est détourner l’attention du fait m
720 mpute au seul Staline. Or la direction collégiale n’ est que la continuation par d’autres moyens (ou les mêmes) de la dicta
721 torial. Que faire pour donner le change, quand on ne veut rien changer ? Exactement ce qu’a fait le rapport de K. Au sujet
722 e procédé de mystification ou de camouflage. Rien ne prouve qu’il parle au nom de la santé, lorsqu’il en appelle de la dic
723 n paranoïaque à celle de ses favoris. Au vrai, ce n’ est pas tel ou tel trait de folie d’un dictateur qui doit retenir l’at
724 nir l’attention, mais le fait de la dictature. Ce n’ est point par accident qu’un dictateur est fou, car il faut être fou p
725 oute collectivité régie par un chef souverain qui n’ est comptable à personne se trouve entre les mains d’un malade », écri
726 ctature se dise collégiale ou s’avoue personnelle n’ y change rien46. K. dénonçant Staline au nom de ses créatures — et des
727 tures — et des seules que Staline ait épargnées — ne donne aucune indication quelconque et moins encore de preuves que le
728 thique, c’est une simple figure de langage : elle n’ a jamais gêné Staline lui-même47. « Dictature du Prolétariat » est une
729 t trop gros, trop invraisemblable, et parce qu’on n’ ose y croire, on n’a rien vu. Voilà bien son calcul méprisant. Tout se
730 nvraisemblable, et parce qu’on n’ose y croire, on n’ a rien vu. Voilà bien son calcul méprisant. Tout se passe comme si rie
731 méprisant. Tout se passe comme si rien d’insolite ne venait de se passer sous nos yeux. Quand les complices d’un chef de b
732 de leur commune exploitation du peuple, personne ne songe à contester à ces joyeux et francs butors l’usage enfin « démoc
733 emble juste : l’immoralité phénoménale du procédé n’ a guère été notée par notre opinion libre, tandis que les « progressis
734 prits, et d’entraînement systématique des cadres, n’ ont pas formé les trois douzaines de chefs qui permettraient aux resca
735 té, c’est que le régime valait encore moins qu’on ne l’a cru. Mais ce départ sans gloire n’était pas le seul possible. Il
736 oins qu’on ne l’a cru. Mais ce départ sans gloire n’ était pas le seul possible. Il y a beaucoup de places vides dans les c
737 mps sibériens. Quelques années de « rééducation » ne feraient pas de mal à tous ces fonctionnaires dont les réflexes ont é
738 ils durent condamner sur ordre, nous disent-ils — ne serait-ce pas un beau geste « dialectique » ? Ne serait-ce pas un moy
739 ne serait-ce pas un beau geste « dialectique » ? Ne serait-ce pas un moyen, que dis-je, le seul moyen, de sauver cette mé
740 iste, dont on pourrait croire, autrement, qu’elle ne sert qu’à tromper les peuples, à nier les évidences, à fuir les châti
741 taline ? Tout cela tendrait-il à prouver qu’il n’ y a pas eu « déstalinisation » ? Nullement. Je cherche à voir un ensem
742 Je cherche à voir un ensemble de faits que le mot ne suffit pas à caractériser ; et à mettre en lumière ce qu’il tend à ca
743 t gênants — qui furent en vigueur sous son règne, ne se voient dénoncés que des lèvres, et à seule fin d’exonérer le group
744 vers 1953 — comme on le déduit du texte précité — n’ était-il pas anachronique pour l’Occident ? Pourtant, le PC de France
745 ette autre chose qui est condamnée, et que Sartre n’ approuvait pas ? L’action personnelle de Staline, en tant que distinct
746 en tant que distincte du stalinisme nécessaire ? Ne serait-il pas plus simple de le dire ? Non, car tout se compliquerait
747 mpliquerait aussitôt. Si Staline et le stalinisme n’ étaient pas une seule et même chose, l’un pouvait donc survivre à l’au
748 , ou construction d’experts à la Deutscher. Rien ne prouve que le stalinisme ait jamais existé comme système défini, en d
749 e défini, en dehors de l’action de Staline ; rien ne prouve que l’action de Staline ait été une phase « nécessaire » (voul
750 le mouvement de l’Histoire) du bolchévisme ; rien ne prouve donc que l’élimination de Staline par ses favoris inaugure une
751 du communisme soviétique et mondial. Au total, je ne pense pas que le phénomène relève d’une dialectique justifiante de l’
752 taline, et les approuvent encore quand ils disent ne plus le faire. Je pense, au contraire, que Staline a été brutalement
753 chef à seule fin de se blanchir lui-même ; que K. ne récuse d’ailleurs que certains des « excès » clairement démentiels de
754 que le « stalinisme », si on en défalque Staline, n’ était rien d’autre que le bolchévisme, lequel dure, comme on le voit,
755 zi systématique. Communisme et nazisme, en effet, ne sont pas seulement des systèmes, mais des systèmes totalitaires. Il n
756 des systèmes, mais des systèmes totalitaires. Il n’ y a donc pas, en eux, à prendre et à laisser. (Je prends le Plan, je l
757 communisme soviétique49. À proprement parler, il n’ y a pas d’excès dans un régime totalitaire, faute de critères d’évalua
758 n anticommuniste qui se veut « non systématique » n’ est finalement qu’un anticommuniste inconséquent ou, pour mieux dire,
759 hentique, donc systématique. On lui reproche de «  n’ être qu’un anti » ; et comme, en fait et en logique, on ne connaît pas
760 u’un anti » ; et comme, en fait et en logique, on ne connaît pas d’opposition qui n’implique une certaine position, on s’e
761 et en logique, on ne connaît pas d’opposition qui n’ implique une certaine position, on s’en tire en disant : celui qui est
762 soit payé pour…50 L’anticommuniste, en revanche, n’ est pas tenu de croire que les hommes qui l’attaquent sont payés par M
763 i l’attaquent sont payés par Moscou, pour si peu. N’ étant pas marxiste-léniniste, l’anticommuniste systématique estime qu’
764 ète ses livres et applaudit ses pièces bien qu’il n’ ait pas cessé de l’attaquer, et qu’il n’a nul besoin de l’argent du co
765 ien qu’il n’ait pas cessé de l’attaquer, et qu’il n’ a nul besoin de l’argent du communisme, qu’il défend sans y adhérer. M
766 e avec l’Allemagne ayant permis de la déclencher) n’ avait pas été gagnée grâce à Staline, au contraire, ni même grâce au m
767 mpromettait au surplus un idéal universel, ce que n’ avait pas su faire Hitler ; 5. que les procès de Rajk, Kostov, Slanski
768 alistes et socialistes, dont pourtant les régimes ne se justifiaient pas au seul nom de l’émancipation prolétarienne ; et
769 ivement les intérêts de… », etc. Rien ni personne ne les obligeait, eux, à croire que nos dénonciations du communisme — st
770 s par les Américains, etc. ; ni à l’écrire, s’ils ne le croyaient pas. Que se passe-t-il aujourd’hui ? Quel est le « profo
771 de Pierre Hervé. Non seulement toutes ces choses ne sont plus niées (les camps, la folie de Staline, son incapacité milit
772 mniez a été « supprimé » avec le stalinisme, vous n’ avez plus de raisons de vous méfier de l’URSS. Réponse : Tout n’est p
773 raisons de vous méfier de l’URSS. Réponse : Tout n’ est pas condamné, loin de là, et ce n’est point par hasard que ces « c
774 onse : Tout n’est pas condamné, loin de là, et ce n’ est point par hasard que ces « crimes » furent commis : ils étaient la
775 nt, comme le délire paranoïaque sait l’être. Rien ne prouve que les motifs justifiant toutes ces choses dans l’esprit des
776 dans les mêmes termes, avec les mêmes sanctions, n’ est pas sortir du stalinisme. Dénoncer la dictature d’un seul homme, a
777 homme, au nom de la dictature d’un seul collège, n’ est pas renier la dictature. Mitrailler dans les rues de Poznań les ou
778 dictature, bien qu’elle soit en principe la leur, n’ est pas revenir à la démocratie, même si l’on tire au nom du bien de c
779 tre libre, de telle manière prescrite et limitée, n’ est pas encore se libérer en obéissant. Cela peut être aussi bien asse
780 cas, de rester optimiste. M. Fejtö me dira qu’il ne me visait pas, qu’il s’étonne même que je me sois cru visé. On lui de
781 Spender, ou Milosz, ou Aron ? Non, bien sûr, vous n’ y pensez pas. Les anticommunistes vulgaires seraient-ils donc ceux qui
782 icommunistes vulgaires seraient-ils donc ceux qui n’ ont pas de nom ? Il faut pourtant bien qu’ils existent : où serait, sa
783 re débat l’incarnation incontestée du communisme, n’ étaient pas ceux de la fin que Staline alléguait, ni dans le fait (com
784 taline, fauteur et pourvoyeur des camps. (Mais il n’ y avait pas de camps !, criait Würmser. Si maintenant le Kremlin annon
785 en URSS…) Lorsqu’eut lieu le procès de Rajk, nous ne disions pas que cet homme était un innocent : il avait les mains roug
786 personnelles. Courtade était donc de bonne foi en ne trouvant pas une trace d’humanité sur le visage de Rajk vivant. Il es
787 tte trace sur le cadavre du même Rajk réhabilité. N’ a-t-il pas obéi dans les deux cas ? De quoi donc devrait-il s’excuser 
788 t-il s’excuser ? Nos censeurs de l’anticommunisme n’ ont pas tous atteint ce degré de pureté révolutionnaire. Demeurés à mi
789 es d’une indéniable consistance psychologique. Ça ne se guérit pas en un jour. Tous leurs mots, groupes de mots, et tabous
790 se tenaient entre eux dans leur mythologie, mais ne collaient plus à rien de réel et de vérifiable : « névrose constituée
791 ngage. Ils jugeaient honnêtement, sincèrement, je n’ en doute pas, sur la foi d’un système d’étiquettes proposé par les com
792  » l’esprit critique, le doute, la liberté, et de ne tenir pour vrai que ce qui était dit « de gauche » ; bref, dans tous
793 mprendre pourquoi leur constante « mauvaise foi » ne mérite cependant pas le terme de « salauds » qu’ils prodiguent. On se
794 ttent, dans laquelle ils vivent, qu’ils existent, n’ est pas de celles dont on peut se tirer par un raisonnement plus corre
795 e aux partis communistes de l’Ouest. Ces derniers n’ en demandaient pas tant. L’ordre de Moscou : « Soyez libres ! », les a
796  L’émotion légitime » qu’ils évoquent à ce propos n’ est qu’un bien pâle reflet de la difficulté où les met l’injonction du
797 ris ni à Rome, que l’on sache — pour s’excuser de n’ avoir vraiment pas pu crier au fou du vivant de Staline… Ainsi K. bat
798 out change aussitôt, du seul fait que la question n’ est plus simplement d’obéir, mais de savoir comment obéir ! Logiquemen
799 Soit qu’on accepte l’ordre ou qu’on le refuse, on ne peut pas devenir libre au commandement. Supposez que l’on obéisse. On
800 c’est perdu d’avance : la liberté que l’on feint n’ est qu’une minable comédie, illustrant d’une manière touchante ou hypo
801 e indiscuté. Supposez que l’on refuse d’obéir. On ne se libère pas pour autant. On affirme, en effet, un besoin d’esclavag
802 clavage qui transcende l’obéissance technique, et ne peut récuser qu’un seul ordre : celui de ne plus obéir. Le mouvement
803 e, et ne peut récuser qu’un seul ordre : celui de ne plus obéir. Le mouvement de l’Histoire, espiègle pour une fois, veut
804 ls du Peuple, s’accroche au Père des peuples : il n’ a pas liquidé ses complexes. Sa « rare capacité d’adaptation », pourta
805 ndre aux yeux de certains un air d’indépendance : ne serait-ce pas le seul moyen « concret » d’obtempérer à l’ordre humori
806 ière spontanée, aux plans remodelés de Moscou. On ne sort pas d’un tel embarras. Le décrire n’est déjà pas facile… Mais un
807 cou. On ne sort pas d’un tel embarras. Le décrire n’ est déjà pas facile… Mais une fable simplette va nous y aider peut-êtr
808 ns restent rouges, et l’on peut se demander s’ils n’ ont rien trouvé de mieux, ou s’ils tentent de prévenir les vœux secret
809 La question qui se pose est celle-ci : les sujets n’ ont-ils fait qu’obéir une fois de plus — ou sont-ils enfin devenus lib
810 est la seule révolution qui compte, la seule qui ne conduise pas, inévitablement, à plus de tyrannie qu’avant. Comprenez
811 ent, à plus de tyrannie qu’avant. Comprenez qu’il n’ est pas d’autre voie, et que vous ne serez jamais libres à moindre pri
812 mprenez qu’il n’est pas d’autre voie, et que vous ne serez jamais libres à moindre prix.   D’autres difficultés créées ou
813 nous disions par conviction, c’est la même et ce n’ est pas la même. Ils la disent comme ils la niaient : parce qu’ils cro
814 u monde entier. On dira que cette morale formelle n’ a pas d’importance politique. Il est vrai, mais nous sommes dans une è
815 erreur y est frappée de sanctions immédiates, qui ne sont point morales, mais physiques. On ne fait pas de découvertes à c
816 es, qui ne sont point morales, mais physiques. On ne fait pas de découvertes à coups de mensonges, mais à force de calculs
817 critiques. (La dialectique marxiste, en sciences, n’ a produit que des pannes, et Lyssenko). Un monde tel qu’on ne peut plu
818 que des pannes, et Lyssenko). Un monde tel qu’on ne peut plus y dire la vérité, n’est pas seulement répréhensible et rétr
819 Un monde tel qu’on ne peut plus y dire la vérité, n’ est pas seulement répréhensible et rétrograde, mais inapte à durer dan
820 le mouvement de l’Histoire, qui, par définition, ne peut se tromper, puisque c’est lui qui détermine la « vérité ». Le ra
821 es « actes d’arbitraire reprochés à Staline », ce n’ est pas encore expliquer ni pourquoi ni comment il a pu les commettre.
822 pour qui toute déviation, opposition ou trahison, ne saurait être motivée que par les intérêts d’une classe bien définie.
823 ue par les intérêts d’une classe bien définie. Ce n’ est pourtant pas l’individu, on le sait, qui fait l’Histoire. En voici
824 reste orthodoxe, devrait montrer soit que Staline n’ a jamais rien fait par lui-même — ce qui aurait pour effet de le réhab
825 r tout le système — soit que la méthode elle-même ne vaut rien dans ce cas ; mais alors à quel saint se vouer ?   Les diff
826 elle, au moment où j’écris (fin juin 1956), qu’on ne saurait plus refuser sans examen l’hypothèse d’une dislocation de cet
827 ien des à-coups imprévus. Or, une reprise en main ne pourrait guère s’opérer que dans le style que le Kremlin vient de con
828 tant d’adhésions à l’Ouest. Pour l’URSS, la perte ne serait pas moins grave, car l’URSS sans ses partis ne serait plus que
829 erait pas moins grave, car l’URSS sans ses partis ne serait plus que la Russie. Aussitôt, son impérialisme, dépouillé de s
830 s est-il sûr, ici encore, que l’équipe du Kremlin ne désire pas justement liquider cet impérialisme ? Supposez qu’elle est
831 ez qu’elle estime qu’il lui coûte davantage qu’il ne peut encore rapporter, ayant fait son plein vers l’Europe, tandis qu’
832 avisée que la condition prolétarienne en Occident ne sera pas supprimée par des complots marxistes, mais plutôt par l’auto
833 n seul pays », agirait-il en fait autrement qu’il n’ agit, bien que disant, pour quelque temps encore, ce qu’il faut bien q
834 apercevra que l’adjectif « communiste », en URSS, ne signifie plus autre chose que bon ouvrier, bon soldat, bon gratte-pap
835 nformations et de produits se multiplient déjà et ne s’arrêteront plus. Qu’adviendra-t-il de ces échanges d’idées, si les
836 mp que lui-même quitte ? Voilà le danger. Mais il n’ est pas fatal que l’Occident libre y succombe. À de libres échanges, q
837 aux Soviétiques le sens du doute, sans lequel il n’ est point de foi digne de ce nom. Nous pouvons les convaincre aussi qu
838 ns les convaincre aussi que l’amour de la liberté n’ est pas un cliché de banquet, une philosophie de requin, mais le secre
839 une paix vraiment vivante, j’entends une paix qui ne résulte pas du contact de deux apathies et de l’échange de deux démis
840 de deux démissions. Le dialogue désormais engagé ne sera fécond et profitable à tous les deux que si l’un au moins des pa
841 rtenaires détient le secret de la générosité, qui n’ est rien d’autre que la force, la vraie force, celle qui naît de la co
842 n nous met au défi de donner un peu plus que nous ne possédons ? Il nous faudra donc le créer. 44. Comme le veut J.-P. 
843 Sartre, Les Temps modernes, n° 123, p. 1524. 45. N’ est-ce pas l’avis de Sartre, qui écrit : « Le culte de la personne… co
844 r en vies humaines et en biens matériels, mais il ne nuisait pas nécessairement à la justesse des positions politiques : i
845 oltes ouvrières que l’on sait ? Mais, en fait, ce n’ est pas le « culte de la personnalité » qui a motivé le génocide des k
846 gloire de Staline (il rend les peuples féconds !) n’ ont jamais fait de mal qu’à leur auteur. Mais Sartre parle d’un « cult
847 isme systématique des communistes, le capitalisme n’ étant pas un système cohérent, encore moins un régime totalitaire. Ou
848 ut essentiellement « monolithique », ainsi que K. ne cesse de le répéter, à la suite de Staline et de Lénine. 50. Exemple
849 dans ses Temps modernes (n° 123, p. 1521) : « On ne répond pas à Rousset. On le laisse gagner sa vie comme il peut. » Mai
850 t je sais » que j’ai souligné, paraît obscur.) Je n’ ai pas la moindre envie de calomnier un homme pour qui j’ai eu de l’am
851 nier un homme pour qui j’ai eu de l’amitié, et ce n’ est pas ma faute s’il suffit de le citer pour faire mesurer les ravage
21 1956, Preuves, articles (1951–1968). Sur Suez et ses environs historiques (octobre 1956)
852 B. Intéressant ami, que vous faut-il ? A. Si vous ne m’aidez pas, sachez-le, je me jetterai dans les bras de Moscou, et c’
853 Vous me jetez dans les bras de Khrouchtchev ! Je ne veux pas de conditions politiques. B. Je n’en ai pas parlé. J’allais
854  ! Je ne veux pas de conditions politiques. B. Je n’ en ai pas parlé. J’allais dire justement que mes capitaux seraient adm
855 our quelqu’un qui a besoin d’un barrage, mais qui n’ en a pas les moyens. A. Je les aurai demain, à Moscou, si je le veux.
856 Pourquoi vous jeter dans les bras de Moscou, qui ne vous aidera jamais sans condition ? A. Parce que Moscou vous emm… et
857 plaît. B. Si je vous donnais les capitaux, Moscou ne changerait pas pour si peu. Je vous rendrais plus fort contre moi, et
858 u. Je vous rendrais plus fort contre moi, et vous ne m’aimeriez pas davantage. Vous n’aimez pas vos intérêts, pourquoi don
859 re moi, et vous ne m’aimeriez pas davantage. Vous n’ aimez pas vos intérêts, pourquoi donc m’intéresseraient-ils ? Vous aim
860 dons les moyens d’assouvir votre haine. Nasser n’ est pas Hitler Toujours en retard d’une dictature, l’opinion occide
861 elle voit se dresser Nasser. Au vrai, ces hommes n’ ont en commun que les réactions qu’ils provoquent chez les démocrates
862 affaire Hitler était locale, politiquement : elle ne concernait que les rapports des États-nations de l’Europe. Son import
863 elles seront nos grandes découvertes ? La réponse ne fait pas de doute : notre « Amérique » sera cette fois-ci le Nouveau
864 re. La vraie question que pose le geste de Nasser n’ est pas celle de la souveraineté de son pays, mais bien celle de l’ind
865 ’indépendance de toute l’Europe. La vraie réponse ne sera donc pas de forcer militairement le passage du canal, mais de su
22 1956, Preuves, articles (1951–1968). Sur l’Europe à faire (novembre 1956)
866 On choisirait ensuite les étiquettes. A. Mais je ne sais toujours pas de quelle Europe vous parlez. B. De celle qu’il nou
867 e vous parlez. B. De celle qu’il nous faut faire, ne fût-ce que pour sauver l’objet de notre dialogue — et tout dialogue,
868 t-être. De celle où vous êtes né comme moi, si je ne me trompe, et qui meurt de vos doutes, plus que de la foi des autres.
869 isse tomber ! B. Comment l’aurait-elle pu si elle n’ était pas née ? Et c’est vous qui en avez décidé, vous les Anglais en
870 . Mais vous auriez tort de vous plaindre. C et D. N’ empêche que nous sommes seuls à relever un défi qui s’adresse à tout l
871 oi — à proclamer que vous faites ainsi, mais rien ne se passe. C et D. C’est qu’il y a tous les autres ! Il fallait bien,
872 ’Égypte. Si vous êtes souverains, tirez donc ! Et n’ allez pas demander partout des permissions. Mais si vous ne pouvez rie
873 as demander partout des permissions. Mais si vous ne pouvez rien sans toute l’Europe, faites-la !   S. Comment va votre Eu
874 r lui survit. B. L’Europe que vous dites vaticane n’ a jamais existé du tout. Il y avait les trois Grands. Ils ont fait la
875 que l’idée européenne était bien morte. Voilà qui ne changeait rien aux données de fait, qui ne cessaient pour si peu de r
876 là qui ne changeait rien aux données de fait, qui ne cessaient pour si peu de réclamer l’union. Désormais la Relance est à
877 . Il y faudra vingt ans. B. Vous voyez donc qu’il n’ y a plus une minute à perdre. Sur l’esclavage et la souveraineté na
878 ale de l’Égypte. La cause étant ainsi jugée, l’on ne fera rien. Je sais bien que quelques étudiants noirs conspués à l’ent
879 oient du côté du cœur. Ce demi-million d’esclaves n’ est rien au regard d’une Respectueuse… D’ailleurs, l’URSS a donné à ce
880 de compromis. L’esclavage devient donc tabou : ce n’ est pas un scandale utilisable. Contre-épreuve : seuls, quelques écriv
881 ile Roche les a suivis dans Le Monde , mais cela n’ arrange rien : le Kremlin a parlé ; Nasser est un dictateur de gauche 
882 e l’URSS protège « objectivement » l’esclavagisme ne fera pas perdre une voix à son parti en France. En effet, l’URSS « re
883 Koulaks, des Kasaks et autres Cosaques, voilà qui n’ empêche pas qu’elle « représente » l’adversaire principal d’un système
884 s à cette fin dans l’obscurantisme ». La question n’ est donc pas de savoir ce qu’on fait, ni même ce qu’on représente en f
885 la valeur de cette superstition, dont nul profane n’ oserait encore douter qu’elle se place dans le sens de l’Histoire, moy
886 quoi veut-on que nous nous libérions ? Jamais je ne me suis senti si libre ! » Ainsi parle Joliot-Curie, au congrès du PC
887 rie, au congrès du PC français. Cela prouve qu’il n’ est pas africain, et qu’il n’habite pas en Égypte. Car, en effet… N
888 s. Cela prouve qu’il n’est pas africain, et qu’il n’ habite pas en Égypte. Car, en effet… Non-ingérence En juin derni
889 u PC d’Égypte, préalablement interdit. L’Humanité n’ en a pas moins loué « le caractère positif et progressiste » de la sai
890 rer que sa dictature est « populaire » ou qu’elle n’ est rien qu’une dictature.) Cette phrase est capitale, parce qu’elle p
891 isme est vrai. Mais la pluralité des monothéismes n’ est pas seulement contradictoire, elle rend l’existence impossible.
892 crire sur commande une œuvre austère et dure, qui ne concède rien ni à l’attente du public ni à celle des critiques, ni mê
893 able que celle qui prévaut dans ce siècle. Bartók ne gagne pas de quoi se payer la clinique et il en meurt, mais les virtu
894 maillot (Stravinski restant loin derrière). Et je ne parle même pas du monde du cinéma, où la minute de pellicule multipli
895 m’assure-t-on. Voilà qui juge une société. Car il n’ y a rien de naturel ni de raisonnable en tout cela. On voulait dire sa
896 s’explique » ? Mais expliquer un phénomène social n’ est pas encore le justifier. ab. Rougemont Denis de, « Sur l’Europ
23 1956, Preuves, articles (1951–1968). Sur le rêve des sciences (décembre 1956)
897 aller rapprendre leur Histoire. Christophe Colomb n’ a pas découvert l’Amérique, et lui-même n’était pas celui que l’on cro
898 Colomb n’a pas découvert l’Amérique, et lui-même n’ était pas celui que l’on croit, mais un juif espagnol converti, qui av
899 usalem. Ce demi-fou sublime, pieux et mégalomane, n’ a rien fait de ce qu’il croyait faire, ni de ce qu’on l’accuse d’avoir
900 e la Lune et la navigation vers les planètes, qui n’ est qu’un rêve encore pour cette génération, se réalise au xxe siècle
901 te en soit témoin : à la date où je l’écris, nous ne savons rien de ce qui peut nous attendre ou non sur d’autres astres.
902 tres. Nous avons simplement envie d’aller voir je ne sais quoi, — d’aller voir. Au-delà de nos vieilles rages politiques.
903 itiques. Sur la pluralité des satellites Il n’ est point d’action créatrice sans quelque rêve qui la dirige, et qu’el
904 s le siècle, on ira la chercher dans un temps qui n’ est plus celui de l’Histoire : il est question que l’URSS et les États
905 all. S’il revient sur la Terre dans vingt ans, il n’ y trouvera plus de rideau de fer ni plus de problème du communisme. Qu
906 s, je l’espère, et beaucoup de Jaunes, les Rouges n’ étant plus qu’un souvenir. L’action fille du rêve Nos rêves ne p
907 souvenir. L’action fille du rêve Nos rêves ne précèdent pas seulement nos actions et nos découvertes, mais les rech
908 enser le délire cohérent des sciences exactes. Tu ne me trouverais pas, dit l’objet, si tu ne m’avais d’abord cherché, et
909 ctes. Tu ne me trouverais pas, dit l’objet, si tu ne m’avais d’abord cherché, et comment m’aurais-tu cherché si tu ne m’av
910 ord cherché, et comment m’aurais-tu cherché si tu ne m’avais d’abord imaginé ? Parce que tu m’as rêvé, je suis. Voilà qui
911 iome l’accord fondamental du rêve et du réel. Qui n’ a rêvé de se transporter en un clin d’œil aux antipodes, ou simplement
912 , après-demain nous rajeunirons, et l’immortalité n’ est plus une utopie : on l’obtient in vitro pour d’importants organes.
913 l’atome possèdent ainsi leur double « en creux », n’ en va-t-il pas de même pour l’atome tout entier, par suite pour la mat
914 est-à-dire monde de formes et de matière, mais on ne l’a vérifié jusqu’ici que dans l’infinitésimal. Les rencontres les pl
915 nfinitésimal. Les rencontres les plus importantes n’ auraient donné lieu, suppose-t-on, qu’à des cataclysmes locaux tels qu
916 plus vieilles cosmogonies religieuses : le monde ne s’est manifesté dans ses apparences matérielles qu’à la faveur de son
917 s enseigne que voir son Double, c’est mourir. Je n’ en dirai pas plus aujourd’hui, laissez-moi réfléchir un peu… Nos pr
918 d’une conclusion : les grands problèmes de demain ne seront plus politiques, mais consisteront à faire face aux solutions
919 ici. La suppression de la condition prolétarienne ne sera pas le résultat du marxisme, comme l’imaginent encore nos dernie
920 ndépendance d’un peuple ou d’un groupe de nations ne se défendra plus sur ses frontières, comme l’imaginent encore tous no
24 1957, Preuves, articles (1951–1968). Sur la honte et l’espoir de l’Europe (janvier 1957)
921 nte pour avoir toléré trop de mauvais prétextes à ne rien faire, trop de reculs pour mieux sauter, et nous voilà… Mais en
922 core — et pourquoi cesseraient-ils ? — la révolte n’ est pas écrasée. Ne voit-on ces choses-là qu’en rêve ? Ces triomphes d
923 cesseraient-ils ? — la révolte n’est pas écrasée. Ne voit-on ces choses-là qu’en rêve ? Ces triomphes du juste et du vrai 
924 de au Congrès : Que faites-vous ? Que les paroles ne suffisent pas contre les tanks, on s’en doutait, mais les tanks ne s’
925 contre les tanks, on s’en doutait, mais les tanks ne s’ébranlent pas d’eux-mêmes, ils obéissent à des paroles. Et cette ré
926 obéissent à des paroles. Et cette révolution, ce n’ est pas le mouvement de l’Histoire qui a déclenché sa marche à jamais
927 déclenché sa marche à jamais bouleversante, et ce ne sont pas des hommes de main qui l’ont conduite, mais des hommes de pa
928 ouvent ce crime. Quelle est l’arme des hommes qui n’ en ont point ? La grève. Déclarons donc la grève des relations culture
929 ues. Refuser désormais tout dialogue avec eux, je ne vois aucun autre moyen de leur faire prendre conscience de ce qui vie
930 infernale logique du régime qu’ils approuvent. Ce n’ est certes pas plus « rationnel » qu’un traitement de choc, ou que la
931 nnement. Refuser de serrer la main d’un homme, ce n’ est pas tirer sur lui, ce n’est pas le gifler. Mais ce geste peut l’ob
932 a main d’un homme, ce n’est pas tirer sur lui, ce n’ est pas le gifler. Mais ce geste peut l’obliger à sentir qu’une limite
933 atteinte, à se demander, fût-ce un instant, s’il ne l’aurait pas dépassée. (Traduit l’appel des écrivains hongrois et ten
934 ur noir paraît délibéré : je crois pourtant qu’il ne l’est pas. C’est leur mauvaise conscience qui a trouvé cette astuce d
935 rgeur de la rue, sans un cri, sans un mot, et peu n’ ont pas pleuré. Il est frappant que la presse n’ait guère parlé, ce ma
936 u n’ont pas pleuré. Il est frappant que la presse n’ ait guère parlé, ce matin, que des incidents qui ont suivi (chahuts de
937 enne — et dans elle seule, car l’Amérique du Nord n’ a pas bougé — n’est pas encore définissable. Soulèvement émotif sans p
938 lle seule, car l’Amérique du Nord n’a pas bougé — n’ est pas encore définissable. Soulèvement émotif sans précédent. Quand
939 se tait… Honte à cette Europe silencieuse Et qui n’ a pas conquis sa liberté ! Lâches, les peuples t’ont abandonné ô Magya
940 -nous ! Reconnais ton peuple ! Alors que d’autres n’ osent même pas verser des larmes Nous les Magyars, nous versons notre
941 s de Nehru, auprès de l’opinion libre. Mais l’ONU ne trouve quelque force et n’accepte d’en faire usage qu’aux dépens des
942 nion libre. Mais l’ONU ne trouve quelque force et n’ accepte d’en faire usage qu’aux dépens des démocraties. Sa machinerie
943 lus contre l’Europe mais contre ses ennemis. Elle n’ a même pas su réagir devant l’outrage exorbitant, quand les joyeux But
944 Malgaches ? Et le Guatemala ? Et l’Algérie ? Vous ne protestez pas ? Vous êtes donc pour ? (Mais ceux-là ne me disent pas 
945 otestez pas ? Vous êtes donc pour ? (Mais ceux-là ne me disent pas : et Berlin ? Et Poznań ? Et le peuple, après tout, de
946 trouve la guerre d’Égypte absurde. Le fait que je n’ en aie pas parlé dans mon appel ne saurait signifier que je m’en fasse
947 Le fait que je n’en aie pas parlé dans mon appel ne saurait signifier que je m’en fasse le complice, puisqu’aucun de mes
948 fasse le complice, puisqu’aucun de mes principes ne m’y oblige et nulle discipline de parti. Faut-il donc vous faire un d
949 parti. Faut-il donc vous faire un dessin ? Que je n’ aie rien dit cette fois de Perón, de Franco, de Katyn et de la Corée,
950 Servet, ni même de la Saint-Barthélemy, non, cela ne veut pas dire, ô belles âmes, que j’approuve ces opérations. Cela tra
951 opérations. Cela traduit simplement le fait qu’on ne peut pas tout dire en un cri. Lundi 3 décembre 1956 C’est la Ho
952 a Hongrie qui fera l’Europe. Nos chefs politiques ne feront rien. Le sacrifice de la Hongrie est sans mesure : elle a gagn
25 1957, Preuves, articles (1951–1968). Sur Voltaire (février 1957)
953 e souvenir de Voltaire anime toute la région ; il ne vit pas seulement dans les mémoires : ces maisons, ces fabriques, ces
954 tatue, grandeur nature, dans mon village. Mais ce n’ est pas ce petit corps maigre et ce rire édenté de vieillard polisson
955 le mot, mais faisait un pays. Et certes personne ne l’aidait, mais il était fort riche et souvent généreux, pourvu d’une
956 et, malgré son grand âge, il plantait. « Quand je n’ aurais défriché qu’un champ et quand je n’aurais fait réussir que ving
957 uand je n’aurais défriché qu’un champ et quand je n’ aurais fait réussir que vingt arbres, c’est toujours un bien qui ne se
958 ssir que vingt arbres, c’est toujours un bien qui ne sera pas perdu. » Les cèdres du Caucase, envoyés par la Grande Cather
959 Il y faisait ses Pâques, non sans ostentation, et ne se privait pas de haranguer le bon peuple à la sortie de la messe, en
960 C’est ici que la publicité fut inventée. Voltaire n’ écrivait plus une lettre aux princes intellectuels et temporels de l’E
961 de supprimer les douanes de notre zone : ah ! que ne pouvait un seul individu, dans ces temps que l’on nous a décrits comm
962 e que j’habitais à Ferney : « Est-ce que Voltaire ne vient pas lui chatouiller la plante des pieds pendant la nuit ? » Non
963 ez qu’on tolère ici votre doctrine, commencez par n’ être pas intolérants ni intolérables. » Ailleurs : « Il faut donc que
964 rs : « Il faut donc que les hommes commencent par n’ être pas fanatiques pour mériter la tolérance. » Ailleurs encore, Volt
965 pour avoir chassé les jésuites car, dit-il, « ce n’ était pas parce qu’il était intolérant, c’était au contraire parce que
966 ésuites vinrent faire la treizième ; mais bientôt n’ en voulant pas souffrir d’autre, on sait ce qui en résulta ; une guerr
967 lème des tournants à prendre au bon moment : « Il n’ y a pas longtemps que l’Immaculée Conception est établie : les Dominic
968 mmaculée Conception est établie : les Dominicains n’ y croient pas encore. Dans quel temps les Dominicains commenceront-ils
969 ur institut est contraire aux lois du Royaume, on ne peut s’empêcher de dissoudre leur Compagnie, et d’abolir les jésuites
970 ) y trouverait de réels avantages, outre celui de ne pas se faire massacrer quand elle demande du pain, la paix, la libert
26 1957, Preuves, articles (1951–1968). Sur la neutralité européenne (mars 1957)
971 hoisir entre l’URSS et les USA, comme si l’Europe n’ existait pas. (Ou ne devait pas exister.) En effet, refuser de choisir
972 et les USA, comme si l’Europe n’existait pas. (Ou ne devait pas exister.) En effet, refuser de choisir entre un ennemi de
973 s dès l’instant de leur libération. Ces arguments ne manquent pas d’être invoqués par ceux qui trouvent dans la neutralité
974 opéistes » qui se demandent si l’union nécessaire n’ exigera pas un jour pour se réaliser, c’est-à-dire pour rallier d’un s
975 du mot, non de la chose, dont ils se moquent. Il n’ en va pas ainsi de la Suisse. Ce pays court le risque d’abuser d’une n
976 faire de cette devise d’État tout autre chose que n’ avaient prévu ses garants : une essence, une vertu ou une loi naturell
977 opéen a vécu. Les conflits qui menacent d’éclater ne peuvent plus opposer les voisins de la Suisse, mais l’Europe tout ent
978 de la Suisse, mais l’Europe tout entière à ce qui n’ est pas l’Europe. Si la Suisse, prétextant de sa neutralité, refusait
979 . Le bon usage de la neutralité Mais l’abus n’ enlève pas l’usage, et le même exemple suisse peut illustrer les condi
980 use ou l’enjeu d’un conflit existant ou à prévoir n’ intéresse pas directement sa souveraineté ou son intégrité territorial
981 nd tort d’y mêler de la morale. Car la neutralité n’ est défendable qu’en tant que mesure politique, donc contingente et li
982 jeu, et d’un besoin plus fier d’indépendance. Je ne sais qui a pu écrire que « seul un État neutre est vraiment indépenda
983 t indépendant pourrait être absolument neutre. Je n’ en vois guère que deux qui soient dans ce cas. Quasiment autarciques,
984 tres et de se conduire comme tels. Mais, au fait, ne le sont-il pas ? Ils le sont, non par libre choix, mais parce qu’ils
985 ition qu’on nomme pat, « coup où l’un des joueurs n’ ayant que son roi qu’il puisse jouer, et ne l’ayant pas en échec, ne p
986 oueurs n’ayant que son roi qu’il puisse jouer, et ne l’ayant pas en échec, ne peut le jouer sans se mettre en prise ». Lit
987 i qu’il puisse jouer, et ne l’ayant pas en échec, ne peut le jouer sans se mettre en prise ». Littré ajoute, non sans sévé
988 62. Ce serait fort bien s’ils étaient seuls, s’il n’ y avait plus sur l’échiquier que les deux rois, dès lors invulnérables
989 te grondant chez les pions et chez les fous. Nous ne voulons plus servir au jeu des Grands, disent-ils, ils sont capables
990 56. 62. J’imagine qu’une situation de double pat ne saurait se produire aux échecs sans l’aide de Lewis Carroll. af. Ro
27 1957, Preuves, articles (1951–1968). Sur la neutralité européenne (II) (avril 1957)
991 le. 1. La cause ou l’enjeu des conflits à prévoir n’ intéresse pas l’intégrité du groupe d’États considéré. Ce n’est pas le
992 e pas l’intégrité du groupe d’États considéré. Ce n’ est pas le cas de l’Europe, qui ne serait pas intégrale sans les pays
993 s considéré. Ce n’est pas le cas de l’Europe, qui ne serait pas intégrale sans les pays de l’Est colonisés par l’URSS. 2.
994 ut dissoudre les PC, préventivement. Mais si l’on n’ y croit pas, ce motif de neutralité ne tient plus. 3. Le groupe d’État
995 ais si l’on n’y croit pas, ce motif de neutralité ne tient plus. 3. Le groupe d’États considéré se réserve un rôle humanit
996 seul, et sans alliés, sa défense. Ces conditions ne sauraient être réunies que dans le cas d’une Europe vraiment unie, pa
997 nt et d’une armée. Une neutralité « à la suisse » n’ aurait donc aucun sens avant l’union. Elle serait pratiquement impossi
998 n Pouvoir qui la déclare et qui l’assume, et elle ne saurait donc être considérée comme un objectif souhaitable que par ce
999 press. Tout arrive. Du point de vue militaire, je ne puis juger l’idée. Du point de vue de la spéculation politique et jou
1000 ous imposent comme la seule solution viable. « Je n’ ai jamais trouvé qu’il y ait la moindre force dans l’idée d’une Europe
1001 ne Europe unie », déclare Bevan63. Par chance, on ne l’a pas attendu. La CECA et le Marché commun se contentent fort bien
1002 usses, enchantés de nous voir jouer leur jeu, ils ne seront pas si bêtes que de nous décourager : tout ce qui peut faire o
1003 ut faire obstacle à notre union les sert. Mais on ne peut espérer qu’ils seront assez fous pour laisser nos pays de l’Est
1004 ays de l’Est rejeter le communisme détesté. Or ce n’ est pas seulement leur présence militaire qui assure les régimes « pop
1005 itaire qui assure les régimes « populaires » : il n’ y a plus de troupes russes en Tchécoslovaquie. Ce qui maintient le sys
1006 raient gravement menacés. Selon le plan Bevan, il n’ y aurait plus d’armées (européenne, américaine ou nationales) pour s’o
1007 tionales) pour s’opposer à ces remises au pas. Il n’ y aurait que les bombes H américaines. Or il est clair que ces bombes
1008 s H américaines. Or il est clair que ces bombes H ne seront jamais utilisées si les Russes interviennent chez les « neutre
1009 st. Quant aux « neutres » de l’Ouest, la question ne se pose pas. Imagine-t-on les USA venant « mettre au pas » une France
1010 France, une Italie passant au communisme ? Le jeu n’ est pas égal et les dés sont pipés. L’Europe neutralisée, sans union p
1011 en zone « atlantique ». Sans l’Allemagne, les Six ne sont rien ; sans les Six, l’union ne se fera pas. Le vrai problème
1012 gne, les Six ne sont rien ; sans les Six, l’union ne se fera pas. Le vrai problème Si l’on revient au sérieux de la
1013 ster neutre ou pouvoir se déclarer tel. Mais nous ne serons jamais indépendants si nous refusons de nous fédérer. Ici, deu
1014 fédération qui serait neutre aussitôt que faite, n’ entraînerait plus pour eux nul changement de statut. Le principal obst
1015 ussion possible. Prenons les pays satellites (qui n’ aiment pas qu’on les nomme ainsi, et c’est bon signe !) : la neutralit
1016 ibrée. Prenons les grandes masses populaires : on n’ ose dire que l’OTAN les passionne, mais l’idée d’une union directe ent
1017 n leur cacher longtemps que nos armées nationales ne paient plus ?) Reste ma seconde question. Supposons l’union faite, d’
28 1957, Preuves, articles (1951–1968). Sur la neutralité européenne (fin) (mai 1957)
1018 sa simplicité massive, d’une évidence : l’Europe ne pourra se dire neutre, un jour à venir, que si d’abord elle a fait so
1019 es, sans plus de sentiment que l’amateur d’échecs n’ en attache aux figures de ses problèmes. 1. Si les États-Unis et l’URS
1020 uellement neutralisés comme aujourd’hui, l’Europe n’ a rien de mieux à faire que de rester neutre elle aussi, toujours prêt
1021 a trêve est rompue entre les deux blocs, l’Europe n’ est pas entraînée automatiquement dans le conflit. Cette certitude dim
1022 t. Elle englobe alors toute l’Europe, dont l’OTAN n’ englobait qu’une moitié. Et l’URSS y regarde à deux fois… 4. Si la gue
1023 ois Rois de l’Occident restant « cloués », le jeu ne s’en poursuit pas moins en Asie, en Afrique et dans le Moyen-Orient.
1024 Elle est évidemment restreinte par la volonté de ne rien faire qui puisse causer l’explosion générale en Occident ; mais
1025 entaires, et l’on voit que mes premiers résultats n’ en sont pas moins d’une assez grande complexité. Je suis fort loin d’ê
1026 nes données de fait et de vocabulaire courant. Je n’ aurais pas mené en vain cette recherche sans prévention, si les diffic
1027 rtis pris d’ordre sentimental plus qu’idéologique ne tranchent pratiquement la question non point au terme d’une analyse m
1028 sens du mot neutralité, appliqué à l’Europe unie, n’ est rien d’autre qu’indépendance. c) Mais cette indépendance n’existe
1029 utre qu’indépendance. c) Mais cette indépendance n’ existerait vraiment que par rapport à l’URSS et aux États-Unis. Elle s
1030 ntre-indications de l’idée de neutralité. Mais on n’ a supposé qu’un nombre limité d’hypothèses et de combinaisons. Tel fac
1031 hypothèse se révéler fausse. Ce qu’en revanche on ne voit pas du tout, c’est l’intérêt de jouer avec l’idée d’une neutrali
1032 avec l’idée d’une neutralité de l’Europe si l’on ne veut pas d’abord son union fédérale, incluant les pays de l’Est, et g
29 1957, Preuves, articles (1951–1968). Sur deux écrivains politiques (juin 1957)
1033 ent : l’intervention russe à Budapest. « Personne n’ a vu que l’intervention était l’expression d’une politique », écrit Sa
1034 politique », écrit Sartre. Admettons que personne ne l’ait vu à part lui. L’histoire récente de notre philosophe se résume
1035 it. En résumé, tout le monde a tort, sauf un qui, n’ écoutant que son devoir, se met à faire la leçon à tous. Les communist
1036 e s’était « exprimée » par Berlin et Poznań — ils ne sont pas dans le sens de l’Histoire ; ce qui leur ôte le droit de fai
1037 ices de la politique qu’il exprime. Si M. Sartre n’ a pu « digérer » Budapest, comme il l’écrit, ce n’est point qu’il ait
1038 n’a pu « digérer » Budapest, comme il l’écrit, ce n’ est point qu’il ait cédé à un réflexe irrépressible d’écœurement, et c
1039 dé à un réflexe irrépressible d’écœurement, et ce n’ est surtout pas au nom de quelque « morale » qui dénoncerait le crime
1040 phiques, etc. Que reste-t-il ? Comment juger ? On ne le peut, précise Sartre, qu’au nom du seul point de vue transcendant
1041 ence ? Sartre seul, qui s’est mis en situation de n’ être reconnu comme camarade valable par aucun des partis, groupements
1042 t non pas moi. On m’a lu sur Suez ici même, et je n’ ai publié sur Budapest que trois petits articles qui font douze pages
1043 t douze pages en tout. Si c’est être abondant, il n’ y a pas de mot pour Sartre qui a donné trois-cents pages sur Budapest,
1044 nné trois-cents pages sur Budapest, tandis que je ne connais rien de lui sur Suez à part ce qu’il en dit à propos de Guy M
1045 hé un Suisse : le prestige militaire de la France ne l’éblouit pas. » De son côté, Aspects de la France croit savoir que j
1046 ue, d’ailleurs écrit pour un éditeur de New York, ne parlait que de l’Occident en général. Quant au premier, je crains qu’
1047 ent en général. Quant au premier, je crains qu’il ne s’inspire de Machiavel, qui écrivait au xvie siècle : Svizzeri, arma
1048 idées sur le vu d’un passeport ? Mon point de vue n’ est pas national, comme le suggère le titre même de cette chronique. A
1049 uggère le titre même de cette chronique. Au fait, ne serait-ce pas là l’explication ? Ferney rappelle un écrivain connu qu
1050 ’était un manifeste. Signer : le Suisse Rougemont ne serait qu’un pléonasme. On se contentera du nom d’Européen. Tolére
1051 donne pour but l’abolition du parlementarisme. Il ne peut être question de l’utilisation des institutions gouvernementales
1052 les pays où il détient le pouvoir. En France, il n’ est encore que le parti privilégié, le seul auquel on laisse le droit
1053 it de tricher, en se réclamant du fair-play. Nous ne pouvons rien contre l’imposture gigantesque du « socialisme » soviéti
1054 que. Mais, dans nos pays socialistes ou libéraux, ne serait-il pas temps de faire respecter les règles et de mettre fin au
1055 Il serait plus habile de feindre que ces mesures n’ ont rien de gênant pour le Parti, mais un point trop sensible vient d’
1056 t à l’esprit d’un libéral, et je crois bien qu’il n’ est pas une de celles qu’on lui opposera, que Suzanne Labin n’ait déjà
1057 e de celles qu’on lui opposera, que Suzanne Labin n’ ait déjà placée dans la bouche de son contradicteur, pour la réfuter a
1058 de l’opportunité et de la stratégie politique, je ne suis nullement partisan d’une interdiction du PC, encore qu’il soit n
1059 , mais il est visible que non ; et d’ailleurs, on ne se souciera de les appliquer que si l’idée d’un Code vraiment « gênan
30 1957, Preuves, articles (1951–1968). Sur le pouvoir des intellectuels (juillet 1957)
1060 e dans la presse et les revues. L’homme de la rue ne l’emploie jamais, et cela pour la raison bien simple qu’il ne saurait
1061 jamais, et cela pour la raison bien simple qu’il ne saurait imaginer un seul instant que les intellectuels exercent une a
1062 dont on estime que c’est le métier. L’expression ne semble donc utilisée que par les seuls intellectuels pour ridiculiser
1063 tère idéologique du conflit (guerre de 1939-1945) n’ a peut-être pas eu la netteté que lui prêtent les intellectuels. » Et
1064 tellectuels mal famés. Mais logiquement la phrase ne se défend pas, comme on le voit en la transposant de cette manière :
1065 théorie ondulatoire et la théorie corpusculaire) n’ a peut-être pas la netteté que lui prêtent les savants. » Dans les deu
1066 le conflit désigné, idéologique ou scientifique, n’ existe, en tant que tel, que pour ceux qui le formulent. Il est donc i
1067 est une chimère, un faux problème. Quel problème ne serait faux, à ce compte ? Attribuer celui-ci aux seuls intellectuels
1068 intellectuels (les masses restant indifférentes) ne suffit pas, hélas ! à changer ses données et ne contribue guère à le
1069 ) ne suffit pas, hélas ! à changer ses données et ne contribue guère à le résoudre. On se retourne alors vers les réalités
1070 vait dit, il aurait eu tort car de son temps rien ne menaçait l’Europe dans son ensemble sinon lui. Même jeu pour un Hitle
1071 ent pathétiquement leurs vrais problèmes. Mais je ne vois pas un seul mouvement né de la masse qui ait réussi au xxe sièc
1072 la force contre ceux qui ont juré d’en abuser, ce n’ est pas laisser des chances égales à tous, comme le prétend la théorie
1073 de l’ennemi qui le supprime. Et, par la suite, ce ne sont jamais les libéraux qui rétablissent la liberté, mais la force b
1074 tout le monde le sait, mais je vois que personne n’ y croit chez les soi-disant libéraux, puisqu’ils jettent les hauts cri
1075 qu’entraîne cette étiquette. Ce qui prouve qu’on ne croit pas au reproche qu’on lui fait. Car il est clair qu’un vrai par
1076 , et non pas la soif d’inconnu. Le touriste moyen ne veut pas découvrir, mais seulement rejoindre une image et vérifier qu
1077 seulement rejoindre une image et vérifier qu’elle ne le trompait pas. Rien dans tout cela qui rapproche les peuples : tout
1078 q minutes d’un canton à un autre. Leurs habitants ne se connaissent guère entre eux. S’aimeraient-ils davantage en se mêla
1079 ntage en se mêlant ? Le pâtre yodleur d’Appenzell n’ a jamais vu l’industriel racé de Winterthur, ni le banquier anglomane
1080 es à sa table, ce qui est à peine imaginable, ils n’ auraient pas grand-chose à se dire, à supposer qu’ils trouvent une lan
1081 supposer qu’ils trouvent une langue commune. Cela n’ empêche pas la fédération suisse de tourner rond : elle n’est pas une
1082 e pas la fédération suisse de tourner rond : elle n’ est pas une affaire de sentiment, ni même de connaissance mutuelle, ma
1083 sein de fédérer l’Europe, si nous y parvenons, ce ne sera qu’en surmontant les irritations évidentes qu’il nous arrive de
1084 (guillemets et italique) une phrase que l’auteur n’ a pas écrite : « De Nicée à la bombe atomique, l’homme européen, somme
1085 et véritable de son livre… Ce faux, bien entendu, n’ est pas signé. Mœurs courantes, me dit-on, on ne répond pas à cela. Je
1086 , n’est pas signé. Mœurs courantes, me dit-on, on ne répond pas à cela. Je pense à cet ami qui soupirait : « Ah je n’ai pl
1087 cela. Je pense à cet ami qui soupirait : « Ah je n’ ai plus le temps d’écrire, même aux amis, je ne réponds plus qu’aux le
1088 je n’ai plus le temps d’écrire, même aux amis, je ne réponds plus qu’aux lettres anonymes ! » aj. Rougemont Denis de,
31 1957, Preuves, articles (1951–1968). L’échéance de septembre (septembre 1957)
1089 un gain ? Une seule chose me paraît certaine : ce ne sont pas les plus gais qui s’en vont. Mais chercher si ce sont les pl
1090 la crise et même en s’appuyant sur elle. Mais ce n’ est pas du devenir soviétique que dépend le sort de l’Europe, la menac
1091 e a cessé d’être l’espoir du monde depuis qu’elle n’ en est plus la peur. Qu’elle réussisse ou non à se démocratiser par le
1092 nt dire la Lune pour tous et pour tout de suite — n’ ont certainement pas contribué à la solution du problème, n’ont pas mo
1093 ainement pas contribué à la solution du problème, n’ ont pas mordu sur la réalité. Mais nos démocraties étant ce qu’elles s
1094 éparer les prises de conscience nécessaires. Rien ne serait plus injuste que de dire aux Français qu’ils ont mis beaucoup
1095 ont emprunter aux polémiques françaises, mais qui ne touchent pas le vrai problème. Ni les colonialistes attardés ni les a
1096 e toutes tendances (idéalistes ou revendicateurs) n’ ont vraiment abordé, jusqu’ici, ce problème. Il dépasse leurs catégori
1097 s catégories. Il dépasse également la France. Ce n’ est point parce que la France aurait été plus « colonialiste » que d’a
1098 que d’autres que le drame algérien s’est noué. Ce n’ est pas une politique de gauche ou de droite ou de nouvelle gauche ou
1099 ui aurait pu modifier les données de ce drame. Ce n’ est pas la France comme entité nationale et politique qui peut être ic
1100 Le cessez-le-feu, qui doit intervenir absolument, ne résoudra rien. Ni aucune décision politique imposée par la majorité a
1101 s Nations unies, dont le seul dénominateur commun ne saurait être que l’ignorance de la nature et du nom même des réalités
1102 ature et du nom même des réalités en présence. Il ne s’agit donc pas d’internationaliser (comme on dit) l’affaire algérien
1103 il s’agit de reconnaître que l’affaire algérienne n’ est plus (si elle le fut jamais) une affaire nationale, ni même intern
1104 oblème intéressant l’humanité entière, et qu’elle ne peut résoudre seule, mais qu’elle seule, tant à cause de ses vertus q
1105 autres pays de l’Europe verront-ils que la France n’ est ici que leur avant-garde exposée ? L’échéance de septembre sera ce
32 1957, Preuves, articles (1951–1968). Pourquoi je suis Européen (octobre 1957)
1106 déjà peur. Bon début, disent les autres, si l’on ne s’arrête pas là. Il est clair que l’Europe des Six n’est qu’un moyen.
1107 ’arrête pas là. Il est clair que l’Europe des Six n’ est qu’un moyen. La fin, c’est l’union fédérale de tous les peuples qu
1108 me culture embarqués dans la même aventure. Qu’on ne chicane pas sur les frontières à venir de cette union : nul ne sera c
1109 s sur les frontières à venir de cette union : nul ne sera contraint d’entrer, et nul exclu. Tout dépendra des libres décis
1110 méthodes propres à fomenter l’union. Les traités ne feront rien sans nous et les fonctionnaires gâteront tout si l’idée f
1111 s fonctionnaires gâteront tout si l’idée fédérale ne devient pas vivante dans nos existences personnelles. Les vraies chan
1112 s pourrons les supputer. D’où cette enquête. Elle ne portera pas sur les moyens politiques ou économiques d’obtenir l’unio
33 1957, Preuves, articles (1951–1968). Sur le crépuscule d’un régime (octobre 1957)
1113 eut dire. R. — Moi je m’y refuse absolument. Elle n’ avait qu’à rester tranquille dans son petit milieu « naturel ». Ceux q
1114 uille dans son petit milieu « naturel ». Ceux qui n’ aiment pas l’artificiel n’ont qu’à brouter. A. — Vous êtes bien dur et
1115 u « naturel ». Ceux qui n’aiment pas l’artificiel n’ ont qu’à brouter. A. — Vous êtes bien dur et bien maussade. R. — C’est
1116 n maussade. R. — C’est qu’il y a de quoi ! Venise n’ a rien de plus artificiel qu’une villa de banlieue, mais la Place est
1117 notez que les pigeons qu’ils aiment photographier ne laissent pas une crotte sur la place. C’est un mystère. Ils ont le se
1118 ). Ce que vous dites-là, ce permis de voyager, ce n’ est pas très… démocratique ? R. — Ce ne l’est pas le moins du monde, e
1119 oyager, ce n’est pas très… démocratique ? R. — Ce ne l’est pas le moins du monde, et après ? Vous croyez à la Démocratie ?
1120 e des masses, et je crois qu’une démocratie saine ne peut fonctionner qu’à cette condition. Cette foule qui choque l’esthè
1121 R. — Je demande une expertise de ces clichés. Je n’ entends ici, dans les ruelles et aux terrasses, que des jugements triv
1122 ît que les canaux sentent mauvais et que la Place n’ est pas bien régulière. Voyez-vous, c’est l’immense Problème des Loisi
1123 nde qu’on institue le permis de voyager, et qu’on ne le donne qu’à ceux qui auront passé une série d’examens un peu subtil
1124 peu subtils, prouvant au moins leur innocence. Ce n’ est pas une affaire de classe, notez-le bien. Presque toutes les monda
1125 c’est entendu. Mais sous le nom de démocratie, ce n’ est qu’une démocratie mal éduquée, insuffisamment éduquée, que vous se
1126 que vous semblez vouloir condamner. R. — Oh ! je ne la condamne pas ! Je la crois dépassée. On va me couper la tête, mais
1127 rois dépassée. On va me couper la tête, mais cela ne résoudra rien. Voulez-vous que je devienne bien sérieux ? Je vous con
1128 ècle qui m’a fait voir le mieux que la Démocratie n’ est pas le dernier mot de la sagesse politique. Éduquer, c’est conduir
1129 idémocratique. A. — Vous faites du paradoxe, vous n’ êtes pas « bien sérieux ». R. — Je suis aussi sérieux que l’étymologie
1130 logie. Démocratie veut dire pouvoir du peuple. Ça n’ existe nulle part au monde. C’est un mensonge que de l’invoquer à tout
1131 pour insister clairement. La démocratie populaire n’ est en fait que la suppression de certains procédés qu’on dit démocrat
1132 dictateurs prétendaient attaquer. Mais une erreur ne se trouve pas justifiée parce que des criminels l’ont dénoncée, surto
1133 orter cette erreur au pire. Or, Hitler et Staline n’ ont fait en réalité que pousser l’utopie démocratique à ses conséquenc
1134 ui conduisent logiquement aux dictatures. A. — Je ne vois pas à quoi vous tendez et quelle sorte de régime vous paraît bon
1135 gnore son nom, on le trouvera bien un jour, et je n’ ose espérer qu’il soit exact. Ce sera peut-être encore Démocratie, qui
1136 égime apparaisse périmé pour s’y rallier. Mais on ne retiendra de notre système actuel que quelques procédés que vous appr
1137 . R. — Puis-je vous faire observer que l’élection n’ est pas un procédé démocratique, si la démocratie repose sur le princi
1138 incipe que tous les hommes sont égaux ? Mais vous n’ y croyez pas, à ce principe de base. La preuve en est que vous approuv
1139 en est que vous approuvez les élections. A. — Je ne vous suis plus. R. — C’est pourtant simple. Si les démocraties égalit
1140 litaires croyaient vraiment les hommes égaux, ils ne feraient jamais d’élections, car celles-ci visent au choix des meille
1141 Ou bien tous les hommes sont égaux, alors prenez n’ importe qui, ou bien certains semblent meilleurs, alors vous élisez un
1142 que procédé antidémocratique ? R. — Cette raison ne serait pas suffisante. Voyons plutôt le mérite du procédé. Il me para
1143 me il arrive dans certains groupes restreints. On ne saurait élire une élite ; on ne peut que la former, la laisser se dég
1144 es restreints. On ne saurait élire une élite ; on ne peut que la former, la laisser se dégager, la reconnaître et puis la
1145 s qui les passionne ou que l’on peut vérifier, il n’ est plus question de voter. Personne ne veut élire au suffrage univers
1146 rifier, il n’est plus question de voter. Personne ne veut élire au suffrage universel un joueur de football, un cycliste o
1147 football, un cycliste ou une star, de même qu’on n’ élit pas un inventeur, un poète, un pilote de canal. Le procédé n’est
1148 venteur, un poète, un pilote de canal. Le procédé n’ est bon que pour les députés. A. — Vous oubliez le président américain
1149 été de demain exige une précision plus grande. On ne saurait mettre aux voix la vérité, quand la moindre erreur de calcul
1150 siècle et le cauchemar du xxe siècle. L’Occident n’ y croit plus. Il la revend d’occasion aux peuples dits sous-développés
1151 s de digérer les données innombrables du réel. Je n’ y puis rien, ni vous non plus. D’ailleurs, cela se pratique déjà. Un g
1152 ournies sur bande, et sur lesquelles ces cerveaux ne fonctionnent pas, soient dictées par un petit groupe de savants, d’es
34 1957, Preuves, articles (1951–1968). Sur un certain cynisme (septembre 1957)
1153 tuelle irritation contre le train du monde, qu’on ne peut plus changer. Je suis ami de la France. Je me sens déprimé. R. —
1154 s ami de la France. Je me sens déprimé. R. — Vous ne l’avez pas volé, et cela vous apprendra à croire tout ce qu’on vous d
1155 une enfilade de situations « sans issue » dont on ne peut sortir que ministre. Sachez que cela ne change rien à la réalité
1156 t on ne peut sortir que ministre. Sachez que cela ne change rien à la réalité des choses, et ne l’exprime presque jamais.
1157 e cela ne change rien à la réalité des choses, et ne l’exprime presque jamais. Et tâchez de lire d’autres livres. A. — Jus
1158 grand public. Tous détestent les conventions. Ils n’ approuvent que le pessimisme, l’amertume et le ricanement. R. — C’est
1159 cord pour trouver que notre café fout le camp, et ne sont pris au sérieux qu’à ce prix. C’est le pont aux ânes de l’avant-
1160 ur telle, la seule sans doute que vous lisiez. Je ne vois rien là de particulier à la France, ni même à Paris. Vos romanci
1161 rance, ni même à Paris. Vos romanciers américains ne disent pas mieux, ni la nouvelle génération anglaise, voir « Look bac
1162 t avec Mollet, Bourgès, Duchet ou Mitterrand, qui ne vont pas voir ces pièces ou, s’ils allaient, les trouveraient révolta
1163 rouveraient révoltantes ou en tout cas pointless. N’ allez pas me parler surtout d’une querelle de générations ! Car il se
1164 e ans en moyenne — voilà votre avant-garde. Et je ne vois pas grand-chose à signaler au-dessous, Françoise Sagan n’étant j
1165 rand-chose à signaler au-dessous, Françoise Sagan n’ étant jusqu’ici qu’un succès. A. — Mais justement, votre Sagan est un
1166 ays se franciserait plus facilement que la France ne s’américanise. Vous nous donnez des recettes de bonheur digéré qui no
1167 ons « Bonjour tristesse » qui vous ravit. Mais ce n’ est pas cela qui compte en France. A. Oui, je sais, c’est toujours aut
1168 d’autres. Vous me disiez que « mon » avant-garde n’ est guère française, mais les pièces d’Anouilh et d’Aymé, qui ne sont
1169 ançaise, mais les pièces d’Anouilh et d’Aymé, qui ne sont pas d’avant-garde et que tout le monde a vues, je ne les trouve
1170 pas d’avant-garde et que tout le monde a vues, je ne les trouve pas du tout moins cyniques dans leur genre. Et Monsieur Ou
1171 Jean Genet, dont Sartre essaya de faire un saint, n’ est-ce pas français, n’est-ce pas cynique, et n’est-ce pas déprimant,
1172 essaya de faire un saint, n’est-ce pas français, n’ est-ce pas cynique, et n’est-ce pas déprimant, pour les amis de la Fra
1173 , n’est-ce pas français, n’est-ce pas cynique, et n’ est-ce pas déprimant, pour les amis de la France ? R. — Je vous les la
1174 ueur François Mauriac… » Eh bien ? J’avoue que je ne comprends pas. Je connais ces auteurs. Je ne leur vois rien de commun
1175 e je ne comprends pas. Je connais ces auteurs. Je ne leur vois rien de commun. Deux sont morts et pas un n’est un « jeune 
1176 ur vois rien de commun. Deux sont morts et pas un n’ est un « jeune »… R. — Mais pas un seul n’est un cynique, notez-le bie
1177 pas un n’est un « jeune »… R. — Mais pas un seul n’ est un cynique, notez-le bien, et ce sont eux qui représentent le mieu
1178 ? Céline est le modèle de votre Henry Miller, qui ne le vaut pas toujours, sauf dans Sexus peut-être, en ôtant les « idées
1179 implifions par Céline et Miller, voulez-vous ? Je n’ ai pas cité bien d’autres écrivains fameux, qui auraient leur place da
1180 ivent-ils à Paris ? R. — Quelques-uns, mais comme n’ y étant pas. Les autres en province ou à l’étranger, à Manosque, à Vev
1181 — 64 ans et demi, et saluez, je vous prie, car ce n’ est pas seulement le pouvoir d’invention, mais le pouvoir de renouvell
1182 s qui vaut que l’on s’étonne. Voyez Paulhan, rien n’ est plus jeune que sa manière de provoquer les lieux communs, fût-ce d
1183 sens, par un paradoxe au carré. Voyez Breton qui ne se lassera jamais de découvrir mages et mystiques de tous les temps m
1184 uêtes impériales, devenir le poète de l’amour. Je ne trouve pas ailleurs tant d’éclatants exemples de carrières intellectu
1185 li ou la répétition. La faculté de renouvellement n’ est-elle pas aussi remarquable que celle d’innovation ou d’invention ?
35 1957, Preuves, articles (1951–1968). Sur l’Europe à faire (novembre 1957)
1186 r son terrain. Mais à quoi bon ? Leurs objections ne sont fondées que sur un refus de principe, qu’ils se gardent bien d’e
1187 On lui répond très sobrement que cette opération n’ est pas un crime, mais une nécessité reconnue de longue date, et qu’el
1188 une nécessité reconnue de longue date, et qu’elle ne dépend pas du Marché à créer, si elle peut faciliter son entrée en vi
1189 e, appuyant le communiste, se plaint que l’Europe ne se fasse que « par en haut », ce qui n’est pas démocratique. — C’est
1190 l’Europe ne se fasse que « par en haut », ce qui n’ est pas démocratique. — C’est vous qui avez tout fait pour empêcher le
1191 pouvoir. Et Kadar, donc ! Mais les interruptions ne sont pas admises, car « on ne fait pas de politique dans cette encein
1192 s les interruptions ne sont pas admises, car « on ne fait pas de politique dans cette enceinte ». Le seul qui enfreint la
1193 e incident typique. Spaak dit avec chaleur : — Je ne crois pas à la guerre et chacun sait qu’aucun de nos pays ne la veut.
1194 s à la guerre et chacun sait qu’aucun de nos pays ne la veut. — Je suis heureux de vous l’entendre dire ! interrompt le co
1195 communiste Pierre Abraham. Et cela signifie : Je ne croyais pas cela de vous, connaissant votre goût pour les carnages ma
1196 ous fabrique est si petite, si minuscule, qu’elle n’ a même pas su faire une place à la Suisse ». L’étudiant de première an
1197 se verrait recalé sans merci. Mais la passion de ne pas sauver l’Europe est aveuglante. Ce masochisme appelle une étude s
1198 qu’êtes-vous disposés à faire ? En résumé : vous n’ aimez pas notre Europe, celle pour laquelle nous luttons depuis dix an
1199 -vous ? Et qu’êtes-vous prêts à faire pour elle ? N’ êtes-vous pas des Européens ? Si vous souhaitez une Europe soviétique,
1200 En marge d’une enquête I. — « Pourquoi je ne suis pas Européen » Je me disais, en suivant les Rencontres genevo
1201 le. Les maladies aussi existent bel et bien et ce n’ est pas une raison pour refuser les remèdes. Quelle nation de l’Europe
1202 c pour y aller ? Et qu’offrent-elles de mieux qui ne soit né chez nous ? 3. — Non, car l’Europe unie n’intéresse pas les a
1203 e soit né chez nous ? 3. — Non, car l’Europe unie n’ intéresse pas les autres. Ainsi, l’industriel prétend qu’elle n’intére
1204 s les autres. Ainsi, l’industriel prétend qu’elle n’ intéresse pas les syndicats, ceux-ci disent que les trusts l’utilisera
1205 raient ; les intellectuels affirment que la masse ne les suivrait pas, celle-ci veut attendre qu’ils bougent ; la gauche d
1206 u d’abord de la consulter. 4. — Non, car l’Europe ne peut pas se faire sans les Anglais. (Cas particulier du précédent.) M
1207 (Cas particulier du précédent.) Mais les Anglais n’ accepteront jamais d’entrer dans une Europe qui ne serait pas déjà fai
1208 n’accepteront jamais d’entrer dans une Europe qui ne serait pas déjà faite, quitte à se plaindre, alors, qu’on les en a ex
1209 chisme occidental. 6. — Non, car l’Europe à faire n’ est pas celle qu’on nous fait. Car on fait une Europe vaticane, dit la
1210 fait une Europe dirigiste, dit la droite. Car on ne fait pas l’Europe, disent les fédéralistes. Et chacun se renfrogne, e
1211 leur raison de refuser leur concours, comme s’ils n’ étaient pas embarqués… II. — « Pourquoi je suis Européen » C’est
1212 s ou quatre écoles, dont voici les maximes. 1. Il ne faut plus de guerres franco-allemandes. Cette conviction fit les prem
1213 les Allemands décidaient de se battre demain, ils ne pourraient plus le faire qu’à coups de bâton. D’autres raisons d’unir
1214 s par les intellectuels. L’Europe que nous aimons n’ est-elle pas avant tout un grand fait de culture, une civilisation ? C
1215 re est de longue haleine et le temps presse. Rien ne se fera sans l’esprit, mais sera-t-il assez prompt dans son effort po
1216 que. Car la raison, la persuasion et la technique ne sont rien sans la force, qui n’est pas rationnelle. Les parlements pe
1217 n et la technique ne sont rien sans la force, qui n’ est pas rationnelle. Les parlements peuvent tout, y compris décréter q
1218 ats-nations ont fait leur temps. Mais les députés ne bougeront pas sans une pression des masses qui les élisent. Et les in
1219 nes seront bloquées par les parlements si ceux-ci ne subissent pas une pression populaire imposant l’élection d’une Assemb
1220 ue les méthodes technique, éducative et politique ne mèneront à rien l’une sans l’autre. Le grand public pensera que cela
1221 Les animateurs de chaque branche répondront qu’on ne peut faire tout à la fois. Je voudrais qu’ils se demandent un instant
36 1957, Preuves, articles (1951–1968). Sur la pluralité des satellites (II) (décembre 1957)
1222 ’art de compenser. — Si vous avez été surpris, ce n’ est pas ma faute : j’en parlais ici même il y a tout juste un an68. C’
1223 fait de devancer les États-Unis de quelques mois n’ a d’importance qu’aux yeux des ignorants et des enfants : c’est vrai,
1224 e principale de l’opinion publique. Rien au monde ne peut plus vous empêcher de penser que les Soviets ne sont pas si mal,
1225 peut plus vous empêcher de penser que les Soviets ne sont pas si mal, puisqu’ils ont lancé leur Spoutnik. Si les États-Uni
1226 . Si les États-Unis l’avaient lancé d’abord, vous n’ en auriez nullement conclu que le capitalisme est bon. Et vous auriez
1227 r Winchell et Billy Graham comme reporters : elle ne rattrapera rien, le mal est fait. J’ai parlé de bêtise. Entendons-nou
1228 ent à coup sûr de chaque sensation renouvelée. On ne peut plus arrêter cette bêtise déchaînée. Mais un peu d’esprit politi
1229 frustrer notre besoin de sensations. Or ce besoin ne pouvant être avoué comme tel, on dira que mon plan n’eût visé qu’à fr
1230 ouvant être avoué comme tel, on dira que mon plan n’ eût visé qu’à frustrer les Soviets d’une gloire très légitime. En véri
1231 ondamné. Le Kremlin payerait notre presse qu’elle n’ écrirait pas autrement. Mais il sait bien qu’il peut lui faire confian
1232 l’ignorance et la puérilité d’une opinion qu’ils ne savent pas et ne veulent pas former.   Eppur, se muove  ! — Des ami
1233 a puérilité d’une opinion qu’ils ne savent pas et ne veulent pas former.   Eppur, se muove  ! — Des amis me retiennent p
1234 la part du jeu. Le programme militaire des fusées n’ explique pas tout. La science-fiction, poème du siècle, a remplacé l’É
1235 S préférant frapper l’esprit des foules, « car on ne vit pas de pain seulement »… Chacun récolte donc ce qu’il a semé, et
1236 nt »… Chacun récolte donc ce qu’il a semé, et qui n’ était pas ce qu’il disait. (C’était même le contraire, dans ce cas.) L
1237 esse ayant épuisé sa provision de grosses lettres n’ en dit rien. Dans le même temps, les satellites mis au pillage se révo
1238 iel : ses spoutniks sont les seuls satellites qui ne menacent pas de se révolter. « Pie in the sky, bye and bye », voilà c
1239 du communisme soviétique par ses dirigeants mêmes n’ est pas de nature à endormir la vigilance des partisans de la liberté.
1240 vigilance des partisans de la liberté. Le système n’ en devient pas moins faux, pour être trahi par les siens. Mais presque
1241 éliminé nous laissera sur les bras la Russie. Ce n’ est pas la guerre des blocs qui me paraît fatale, mais le retour de l’
37 1958, Preuves, articles (1951–1968). Sur la fabrication des nouvelles et des faits (février 1958)
1242 ublé, cette fois-ci, la trêve des confiseurs : il ne se passe jamais rien dans le monde entre le 24 décembre et le 2 janvi
1243 tique, les nouvelles sont les événements, ceux-ci n’ ayant pas d’existence hors de celles-là. Une nouvelle, ce serait donc
1244 sion d’un fait réel ou fabriqué, le fait lui-même ne devenant tel que par la nouvelle qui le baptise, et ne revêtant que l
1245 venant tel que par la nouvelle qui le baptise, et ne revêtant que l’importance exacte que la nouvelle, littéralement, lui
1246 lui donne. D’où l’on déduit que, sans agences, il n’ y aurait pas non plus de nouvelles, et qu’aux yeux de l’homme de la ru
1247 ouvelles, et qu’aux yeux de l’homme de la rue, il ne se passerait plus rien dans le monde. En termes très voisins, un peu
1248 ment elle nous fabrique les faits (au point qu’il n’ y en a plus si elle se met en grève) mais encore elle les influence ou
1249 me les détermine avant la lettre : Ike, en effet, ne dit pas ce qu’il pense des offres soviétiques ou du désarmement, mais
1250 « réalité » à laquelle nous croyons chaque matin n’ est faite que par la presse et la radio, et n’est souvent faite que po
1251 tin n’est faite que par la presse et la radio, et n’ est souvent faite que pour elles. Les agences seraient donc nos vrais
1252 nion de la France et de l’Allemagne, l’Angleterre n’ étant pas nommée ni impliquée. Sensation dans la presse, mais aucune s
1253 , ou presque rien dans la presse. Ainsi, Montreux ne devint pas un « fait ». En mai 1948 s’ouvre à La Haye le premier Cong
1254 à. On lui donne toute sa place, qui pour une fois n’ est pas volée. La presse américaine réplique sans hésiter : elle « con
1255 leur presse excitée. (Quand les Russes ratent, on n’ en sait rien, pas fous.) Mais les agences n’ont rien perdu.   Le maso
1256 t, on n’en sait rien, pas fous.) Mais les agences n’ ont rien perdu.   Le masochisme occidental. — Je ne soupçonne pas la
1257 ont rien perdu.   Le masochisme occidental. — Je ne soupçonne pas la presse occidentale de suivre une politique quelconqu
1258 uivre une politique quelconque, loin de là ! Elle n’ a d’autre souci que celui de son tirage. Mais elle décide elle-même, s
1259 te sérieuse, de ce qui sera vendable ou non. Elle ne se trompe qu’une fois sur deux. À ce taux, elle pourrait aussi bien s
1260 Genève a 200 mètres de diamètre. Mais le journal n’ en a rien dit. Pourquoi ? C’est que la construction de l’appareil de G
1261 omment mettre un peu d’ordre en ces matières ? Je ne parle pas ici des fausses nouvelles, très rares et trop vite démentie
1262 océdé qui obsède encore les foules est périmé. Ce n’ est plus l’exactitude des nouvelles publiées qui est en question, mais
1263 s omissions qu’elle suppose, et par le fait qu’on ne l’a choisie qu’en vue de la vente. Mais qui peut actuellement, et qui
1264 erait à ces cerveaux le programme sans lequel ils ne savent que penser ? Qui leur donnerait le code des hiérarchies à obse
1265 es dernières libertés qui nous restent — celle de ne pas croire ou de croire ce qui nous plaît, celle de douter, ou de sou
1266 sistance critique des esprits exposés à la presse n’ est pas seulement possible mais indispensable. Je demande qu’on instit
1267 veut bien se rappeler qu’apprendre à lire à tous ne sert qu’à préparer des lecteurs aux journaux, dans quatre-vingt-dix c
1268 ts d’appréciation, faute desquels il estime qu’on ne peut pas gouverner et encore moins juger de la situation. Il cite Men
1269 affirme au surplus que « la rébellion algérienne n’ a aucune répercussion sur le déficit du budget français ». Voilà cinq
1270 ger selon leurs « croyances », comme si les faits ne comptaient pas, ou pire : comme s’il était suspect de s’en soucier. —
1271 tres vertus que l’indignation chronique, laquelle n’ a jamais rien construit. Ces vertus, par malheur, ne sont pas éloquent
1272 a jamais rien construit. Ces vertus, par malheur, ne sont pas éloquentes. Et ceux qui les cultivent se voient bientôt cond
1273 ent bientôt conduits dans un ordre d’action où ce n’ est plus la dent dure mais la vision lucide et la main ferme qui assur
38 1958, Preuves, articles (1951–1968). Sur un patriotisme de la terre (mars 1958)
1274 dimensions insensées du cosmos. Ah ! la vraie vie n’ est que sur notre Terre ! Et ce qui est « ailleurs » n’a pas encore de
1275 que sur notre Terre ! Et ce qui est « ailleurs » n’ a pas encore de sens, mais rend déjà le sens de l’ici-bas étrange. Cin
1276 le se fonde sur du wishful thinking. Mais si nous ne sommes pas « découverts » par des êtres pensants d’autres planètes av
1277 prévoyant la venue d’une société universelle, qui ne lui dit rien, conçoit l’idée d’une fuite hors de ce monde : « Comment
1278 tites proportions d’un globe souillé partout ? Il ne resterait qu’à demander à la science de changer de planète. » Dern
1279 son importance. Oui, mais la découverte du Cosmos n’ en sera pas moins son fait, au bout de compte, tout comme le fut la dé
1280 it fort bien vu — comme tout ce qui la supplie de ne pas lancer trop vite vers d’improbables Vénusiens des hommes presque
1281 les Vénusiens des hommes presque réduits à ce qui n’ est pas l’Homme. Utopies, science-fiction, prévisions de savants
1282 ent.) Fontenelle écrit en 1686 : « L’art de voler ne fait encore que de naître ; il se perfectionnera, et quelque jour on
1283 ut qu’ils soient tous fous à force de vivacité et n’ aient pas plus de mémoire que la plupart des nègres ». Mais déjà nous
1284 moire que la plupart des nègres ». Mais déjà nous ne sommes plus en Utopie : la prévision se veut scientifique, comme elle
1285 ne, si la psychologie reste à la mode du temps et ne semble pas prévoir un changement de l’homme même. Avec la science-fic
1286 nstitue, dans la terreur et la pitié. L’humanisme n’ est plus cette chose molle qu’on obtient en évaporant l’essence chréti
1287 ple fait d’être homme, mis au défi et dépassé. Ce n’ est plus drôle du tout. Il faut faire attention. Car la science a déjà
1288 ce, de son côté, la fabrication des surhommes. On ne voit guère de motifs d’en douter. Appréhension Dans l’univers d
1289 par la technique dans le cadre de nos existences n’ empêchent nullement la Bible et l’Odyssée, la Divine Comédie, Shakespe
1290 le monde d’une manière beaucoup plus radicale que ne l’a fait jusqu’ici la technique, car elle changera le mode d’appréhen
1291 rtains, mais de cela seul, si par définition nous ne pouvons pas prévoir ce qu’un sens nouveau sentirait. J’imagine cepend
1292 n des chroniques comme celle-ci, à moins qu’elles n’ amusent nos petits-fils, comme on aime à retrouver dans son journal in
39 1958, Preuves, articles (1951–1968). Sur la prétendue décadence de l’Occident (avril 1958)
1293 D’où vient l’idée ? Une décadence réelle peut n’ être pas sentie ni repérée par le groupe ou l’individu qui la subit. M
1294 groupe ou l’individu qui la subit. Mais l’inverse n’ est pas moins vrai : l’idée de décadence peut être cultivée avec une s
1295 ement, chez celui qui, s’étant risqué, a perdu ou ne croit plus à l’enjeu pour lequel il luttait en fanatique : pessimisme
1296 ulture, d’une cause ou d’une vie individuelle. Je ne dis rien des délices clandestines qu’entretient l’amateur de crépuscu
1297 éthée des conquêtes culturelles de l’Occident, il ne pouvait manquer de produire la jérémiade la plus amplement modulée su
1298 suite nous l’ont répété sans relâche : l’Occident n’ en a plus pour longtemps, ses vieilles vertus sont épuisées, les barba
1299 l’aurez bien mérité. Ces déplorations polémiques ne sont cependant pas le fait d’une société vraiment acculée à la ruine
1300 ir en soi-même, et pour faire la leçon à ceux qui n’ y croient plus, mais qu’on n’oserait pas attaquer si elles étaient mor
1301 la leçon à ceux qui n’y croient plus, mais qu’on n’ oserait pas attaquer si elles étaient mortellement menacées. Ainsi par
1302 culture décadente ? Rien de certain tant qu’elle n’ a pas été réduite au silence définitif, recouverte par une « barbarie 
1303 valeurs étranger. Regardons alors l’Occident. Il ne cesse de renouveler ses styles et les hypothèses de ses sciences, tou
1304 nement ? C’est tout le contraire. Car si l’Europe n’ imite aucune autre culture, même pas le passé de la sienne, nous voyon
1305 à l’appui de la « désintégration de nos valeurs » n’ exerceront jamais une action comparable en étendue et profondeur à l’i
1306 vous bien les yeux devant cette évidence que vous n’ aviez jamais enregistrée. L’affaiblissement du support matériel reste
1307 nationaliste qui a provoqué les guerres mondiales n’ a pas seulement compromis ou perdu nos positions de puissance politiqu
1308 il nous engage et nous provoque, quand celles-ci ne tendaient qu’à nous convaincre de la vanité de toute intervention, en
1309 onse positive sur quelques motifs généraux que je ne puis qu’énumérer ici. Il m’apparaît que l’Occident, seul dans le mond
1310 rent toutes jusqu’ici — prouverait par là qu’elle ne l’est pas et qu’elle a très peu de chances de le devenir jamais, puis
1311 jamais, puisqu’elle ignore le bien des autres et ne se prépare donc point à l’intégrer. La Volonté. — D’une part, le chr
40 1958, Preuves, articles (1951–1968). Sur un centre qui doit être partout (mai 1958)
1312 Capitale de l’Europe Voilà qui accroche. Si ce n’ est de vedettes, de princesses, de jeunesse, parlons d’une capitale, l
1313 on de vie ou de mort pour toute une civilisation, n’ intéresse le Souverain moyen que si quelque anecdote rend la question
1314 ode en vit, mais les provinces en meurent70. Nous ne mangerons pas de ce sacré‑là. D’ailleurs, le phénomène est à peu près
1315 Suisse, ni l’Espagne, ni même la Grande‑Bretagne n’ ont une capitale comparable à Paris pour le prestige et la nocivité. L
1316 On prend alors l’analogie américaine : Washington n’ est en somme qu’un complexe de bureaux, ville de nulle part, sans prét
1317 conomique ou culturel. Bonn, ou Berne, ou La Haye ne gênent pas les vrais centres de la vie créatrice de leur pays : ce se
1318 raditions locales. Avantage : le district fédéral ne dépendrait d’aucun État. Désavantage : il serait pour tous « à l’étra
1319 ulture, la cour de justice et la mode. Or si l’on ne veut penser qu’un « Paris » transposé, qu’on aille donc au vrai, car
1320 ris » transposé, qu’on aille donc au vrai, car on n’ en fera pas d’autre. Mais si l’on veut vraiment un district fédéral à
1321 rope d’abord, j’entends l’Europe entière et qu’on ne lui cherche pas un centre vide tant qu’on n’a pas de vrais pouvoirs à
1322 u’on ne lui cherche pas un centre vide tant qu’on n’ a pas de vrais pouvoirs à y loger. La création de Washington, D.C., ne
1323 voirs à y loger. La création de Washington, D.C., ne fut décidée qu’en 1790, trois ans après que la Constitution ait fondé
1324 ion ait fondé les États‑Unis ; et le gouvernement ne s’y transporta qu’en 1800. Pourquoi veut‑on que le choix de notre cap
1325 , qui est seule urgente, mais dont le premier mot n’ est pas encore écrit ? Sur la fondation d’une ville Mais montrer
1326 Mais montrer une erreur est sans profit si l’on n’ en montre aussi les causes ou la « raison ». Le débat sur la Capitale
1327 ens, mais dans la vie publique de notre temps, on n’ ose guère invoquer que des calculs à l’appui des projets que l’on rêve
1328 able nous apprend que Myscille, habitant d’Argos, n’ ayant pu débrouiller le sens de l’Oracle, qui lui avait dit d’aller bâ
1329 idée d’une capitale centralisante, et pourquoi je ne sens pas l’urgence de créer un district fédéral tant que nous restons
1330 misphère principal. Mais au sud‑est de Nantes, on ne voit rien, et autour de Berlin, des Russes. On cherche donc, plus prè
1331 pour veiller sur la sécurité du district fédéral, n’ oublions pas que la vocation plusieurs fois séculaire des troupes suis
1332 r vous rappeler que le choix d’un lieu privilégié ne relève pas seulement de la géométrie, mais d’une science des mythes,
1333 ai sous les yeux, mais je tiens à sa paix : qu’on n’ y vienne pas trop vite avec des bulldozers et des palais préfabriqués.
1334 pour aboutir dans les bureaux ! C’est normal, ce n’ est pas enchanteur. 70. Voir Paris et le désert français, livre fam
41 1958, Preuves, articles (1951–1968). Sur le régime fédéraliste (I) (août 1958)
1335 atre grands problèmes ont en commun ceci : qu’ils ne pourraient trouver de solutions tout à la fois durables et compatible
1336 de s’expliquer, mais qu’il est bien typique qu’on ne le sente pas, dans un pays de traditions louis-quatorziennes et de ré
1337 si l’on peut deviner que le chef du gouvernement n’ est pas sans en avoir conscience, on doute que les auteurs de la Const
1338 e de ce qui la tue, après l’avoir fait naître. Ce n’ est pas en quelques semaines qu’on peut espérer modifier dans une mesu
1339 siècle, et si elle passe, ce sera que l’électeur n’ y aura rien vu, dans l’ignorance où il est des premiers rudiments de l
1340 s de plus, c’est que le plaisir d’un écrivain qui ne brigue rien consiste à dire le vrai en temps et hors de temps, dans l
1341 finition de fédération soit inexacte, puisqu’elle ne mentionne que l’union et ne dit rien de l’autonomie. Une union qui ne
1342 inexacte, puisqu’elle ne mentionne que l’union et ne dit rien de l’autonomie. Une union qui ne respecterait pas l’autonomi
1343 nion et ne dit rien de l’autonomie. Une union qui ne respecterait pas l’autonomie des parties constituantes n’aurait pas l
1344 cterait pas l’autonomie des parties constituantes n’ aurait pas lieu d’être appelée fédération. Ce serait simplement une un
1345 r exemple les Suisses et les Américains, quand ce n’ est pas un complot contre la République une et indivisible de Saint-Ju
1346 l’intégration Laissons Littré, qui sur ce mot n’ a rien d’actuel, et voyons ce que l’époque entend ou malentend par le
1347 onnaissance d’une vaste communauté d’intérêts qui ne sauraient plus être assurés par les seules entités nationales, la vol
1348 liste d’union continentale. Ici, la contradiction n’ est pas seulement dans les mots. Il s’agit de deux attitudes d’esprit
1349 olutions concrètes radicalement incompatibles. On ne peut vouloir à la fois l’absolu national et la fédération supranation
1350 solu national et la fédération supranationale. On ne peut vouloir à la fois l’intégration de l’Algérie à la France et l’in
1351 oblèmes, celui de l’Algérie et celui de l’Europe, n’ est autre que la solution du fédéralisme intégral. Cette expression d
1352 une doctrine réaliste. Elle affirme que celui qui ne peut pas le moins ne peut pas le plus. Elle constate que l’attitude n
1353 . Elle affirme que celui qui ne peut pas le moins ne peut pas le plus. Elle constate que l’attitude nationaliste unitaire
1354 xterne, supranational. Si nos deux sous de raison ne sont pas finis, c’est de cela qu’il nous faut parler et disputer, car
1355 er, car ce que le monde entier attend de nous, ce n’ est pas une résolution de la fraction radicale valoisienne « réunie en
1356 use même des troubles qu’elle prétend arrêter. Je n’ ai pas encore parlé du statut des partis, de la stabilité de l’exécuti
42 1958, Preuves, articles (1951–1968). Sur le régime fédéraliste (II) (septembre 1958)
1357 av Tous uniques Le régime du Parti unique n’ est pas vraiment le contraire du régime des partis : il en est plutôt
1358 éricains, dont l’origine, les buts et la fonction n’ ont rien en commun, sauf le nom, avec les formations qui se partagent
1359 s latines. Le fait qu’il y ait beaucoup de partis ne suffit pas à changer leur nature, mais la masque aux yeux de la masse
1360 me un prix. Mais deux religions, deux idéologies, ne se contenteront jamais d’une vérité moyenne. C’est tout ou rien. Que
1361 voilà qui relève des circonstances adverses, mais ne saurait affecter la vérité. Qu’il faille composer avec les circonstan
1362 e et scandaleuse nécessité, à laquelle les partis ne se plieront qu’à la dernière extrémité. C’est dire qu’ils ont horreur
1363 gime totalitaire et un régime de partis multiples ne tient pas au libéralisme de ces partis, mais seulement à leur impuiss
1364 leur impuissance. Cette « garantie des libertés » n’ est pas durable, outre qu’elle manque de dignité. Souvenirs de la Q
1365 vous disaient : « En tant qu’homme de gauche, je ne puis admettre ceci ou cela », ou au contraire : « Si vous admettez av
1366 t une sorte d’activité abstraite, rhétorique, qui ne trouvait pas dans les réalités autant de problèmes à résoudre (après
1367 ais une politique : c’est que la politique réelle n’ existait plus pour eux ; ou si parfois elle insistait durement, elle é
1368 stère Pflimlin. Elle savait bien que ce ministère ne représentait pas une politique : car dans ce cas elle l’eût aussitôt
1369 ar dans ce cas elle l’eût aussitôt renversé. Elle ne voyait en lui que le dernier refuge contre toute décision proprement
1370 l’énergie psychologique : la volonté pratique de ne pas faire quelque chose équivaut pratiquement à ne vouloir aucune cho
1371 e pas faire quelque chose équivaut pratiquement à ne vouloir aucune chose, à neutraliser tout vouloir, donc à se livrer à
1372 . Les partis dans une fédération Tout cela n’ est pas imaginable dans un régime fédéraliste, qui est politique et no
1373 partis représentant des intérêts bien définis. Il n’ a donc pas à confronter des opinions connues d’avance sur chaque objet
1374 que les partis régionaux savent d’instinct qu’ils ne resteront forts qu’autant qu’ils limiteront leur ambition à composer
1375 ivique » aux partis d’une nation centralisée, qui n’ y voient guère qu’un pis-aller en temps de crise, tandis qu’on n’aura
1376 e qu’un pis-aller en temps de crise, tandis qu’on n’ aura pas à l’imposer aux partis d’une fédération, qui voient en elle l
1377 rlement mais si ce dernier les refuse, le Conseil ne démissionne pas : il propose simplement des textes modifiés. En cas d
1378 référendum. — Que me dites-vous là ? Le Parlement ne pourrait donc pas renverser les ministres élus par lui ? — Il ne le
1379 pas renverser les ministres élus par lui ? — Il ne le peut pas davantage que les ministres ne peuvent imposer leurs décr
1380 — Il ne le peut pas davantage que les ministres ne peuvent imposer leurs décrets. Force est donc de s’entendre sur quelq
1381 ’entendre sur quelque compromis. — Mais alors, il n’ y a plus de politique s’écria ce député consterné. — Je crains bien, r
1382 crains bien, répliquai-je, que votre cri du cœur ne définisse l’idée de la politique que l’on se fait trop généralement e
1383 matique mais négative de la conduite des affaires ne manquait pas de surprendre ou de scandaliser les étrangers. C’est qu’
1384 fois moins excitant, moins efficace, et comme on ne peut forcer la dose de cette drogue sans cesse édulcorée, on essaie d
1385 mprendra-t-il ? Je suis bien sûr que non, et cela n’ importe guère. La plupart des constitutions ont été rédigées et adopté
1386 gées et adoptées dans la confusion générale, mais ne préjugeaient pas de l’avenir du régime. Car la vie politique n’a jama
1387 t pas de l’avenir du régime. Car la vie politique n’ a jamais dépendu des articles et paragraphes. Elle dépend de l’angle d
43 1958, Preuves, articles (1951–1968). Sur le vocabulaire politique des Français (novembre 1958)
1388 ançais (novembre 1958)aw Quand les « masses » ne sont plus la masse. — Les chiffres du référendum me paraissent comman
1389 admettre alors que ni le peuple ni la démocratie ne sont ce que l’on croyait, que le « vrai » peuple n’est pas valablemen
1390 sont ce que l’on croyait, que le « vrai » peuple n’ est pas valablement représenté par la majorité des électeurs, et que l
1391 ité des électeurs, et que la « vraie » démocratie ne saurait être définie que par les vœux de la minorité et les éditoriau
1392 s. Ce qui est peut-être moins absurde en fait que ne le font croire les étymologies : je n’en jugerai pas dans cette chron
1393 n fait que ne le font croire les étymologies : je n’ en jugerai pas dans cette chronique. Je voudrais seulement signaler de
1394 me à la Cinquième, si l’on estime que ce résultat n’ exprime pas l’opinion du vrai peuple et sonne le glas de la vraie démo
1395 grondement, le peuple a dit Oui. C’est donc qu’il n’ était pas le véritable Peuple, celui qui aura toujours raison, et qui
1396 le Peuple, celui qui aura toujours raison, et qui ne peut être défini par une trompeuse majorité71. Car le vrai Peuple vot
1397 ant athée ou catholique, un ouvrier même syndiqué n’ est pas le Peuple, dès l’instant qu’il vote pour de Gaulle : c’est un
1398 « masses », qui sont une part de ce 20 % dont on ne veut à aucun prix être coupé, sont les électeurs communistes, soutenu
1399 re qu’une vraie démocratie, celle du vrai Peuple, ne saurait être gouvernée que par une élite éclairée, sachant mieux que
1400 . On devrait donc se l’interdire, car au fait, il ne sert à rien dès l’instant que chacun se déclare démocrate et que seul
1401 e démocrate et que seul l’adversaire (ou l’autre) ne l’est pas, cependant que nulle définition claire et distincte ne peut
1402 ependant que nulle définition claire et distincte ne peut tenir lieu d’étalon et permettre en bonne foi de trancher le déb
1403 régime où le peuple exerce la souveraineté, elle n’ a jamais été réalisée et ne saurait l’être. On a donc tacitement conve
1404 la souveraineté, elle n’a jamais été réalisée et ne saurait l’être. On a donc tacitement convenu d’appeler démocraties le
1405 appeler démocraties les régimes où le peuple, qui ne saurait l’exercer, délègue la souveraineté à qui lui plaît. À partir
1406 eut déclarer sans rire que le référendum français n’ est pas plus populaire qu’il est démocratique. On parle de plébiscite
1407 est démocratique, ou bien que la vraie démocratie n’ est pas le régime élu par la majorité, mais au contraire celui que pré
1408 ble, où l’on renoncerait à invoquer ce terme, qui ne signifie plus rien puisqu’on l’applique à tout ? On se verrait contra
1409 rement non. Penserait-il qu’une nation « adulte » n’ a plus besoin d’être gouvernée ? On peut l’imaginer, mais non pas le v
1410 des 26 ministères de la Quatrième, et j’en passe, n’ apparaît guère dans son ensemble plus « adulte » que la Nouvelle Vague
1411 « adulte » que la Nouvelle Vague. La phrase citée n’ a aucun sens, mais elle n’en est pas moins révélatrice. Politiquement
1412 Vague. La phrase citée n’a aucun sens, mais elle n’ en est pas moins révélatrice. Politiquement absurde, elle donne la cle
1413 psychologique intéressante.   L’image du père. —  N’ est-il pas remarquable que Sartre, introduisant une longue diatribe co
1414 À chacun ses complexes et ses débats intimes. Je n’ entends parler ici que des projections publiques d’une attitude qui éc
1415 torité personnifiée. Devant l’image du Père, elle ne peut concevoir que l’adoration lâche ou la révolte, l’idolâtrie ou l’
1416 u la révolte, l’idolâtrie ou l’iconoclastie. Elle n’ arrive pas à la notion de respect, qui est une attitude réfléchie, lib
1417 léchie, librement consentie, tout bien pesé… « Je ne crois pas en Dieu, insiste Sartre — mais si dans ce plébiscite je dev
1418 uisse une distinction — rhétorique ou sincère, je ne sais — entre Dieu et le Général ; mais elle échoue dans un sophisme.
1419 istence de Dieu, non celle du Général. Or si Dieu n’ existe pas, le monarque n’a rien au-dessus de lui qui le juge et limit
1420 du Général. Or si Dieu n’existe pas, le monarque n’ a rien au-dessus de lui qui le juge et limite son pouvoir : il sera do
1421 lement abusif. En fait, de Gaulle étant chrétien, ne saurait être un dictateur à la Staline, seul porteur du Sens de l’His
1422 particulier d’une monarchie française. — Personne ne peut douter que la Ve République soit une forme de monarchie très voi
1423 t égard.) C’est que la royauté, dans ces nations, n’ est plus sacrée mais respectable et respectée. Elle ne peut exciter ce
1424 t plus sacrée mais respectable et respectée. Elle ne peut exciter ces fureurs œdipiennes que réveille au cœur d’un Françai
1425 e grand problème qui se pose au général de Gaulle n’ est-il pas celui d’instaurer dans une France anticléricale et catholiq
1426 t catholique un type de monarchie qui, jusqu’ici, n’ a fait ses preuves que chez les hérétiques ? 71. Les oui ne signifie
1427 s preuves que chez les hérétiques ? 71. Les oui ne signifient rien, dit-on, n’étant pas homogènes quant aux motifs. Mais
1428 iques ? 71. Les oui ne signifient rien, dit-on, n’ étant pas homogènes quant aux motifs. Mais a-t-on bien vu que les non
1429 quant aux motifs. Mais a-t-on bien vu que les non ne pouvaient l’être davantage ? Isorni, Mendès et Duclos n’ont pas les m
1430 aient l’être davantage ? Isorni, Mendès et Duclos n’ ont pas les mêmes idées sur la démocratie et ne poursuivent pas les mê
1431 os n’ont pas les mêmes idées sur la démocratie et ne poursuivent pas les mêmes buts. La majorité des non contre la CED éta
44 1959, Preuves, articles (1951–1968). Nouvelles métamorphoses de Tristan (février 1959)
1432 , dominateur, l’archétype médiéval de Tristan. Je ne sais à vrai dire si la passion naît de la distance, ou l’inverse. Ce
1433 Ce qui est certain, c’est que le roman occidental n’ a jamais décrit, jusqu’ici, de passion qui s’enflamme pour un objet to
1434 raisonnable, enfin l’amour-passion et le mariage. N’ en sommes-nous pas au point de notre évolution où, tout étant réduit,
1435 la sociologie — tout nous semble permis de ce qui ne nuirait pas à la santé et à la productivité ? (Tout le reste étant, d
1436 s fins et moyens, c’est-à-dire trop sociologique, ne laisserait plus de place à l’amour passionné, tel qu’il fut inventé a
1437 occidentale. Le Docteur Jivago de Boris Pasternak n’ est pas un acte politique, selon Camus, mais au contraire « un grand l
1438 s une sorte de Derniers Mohicans de l’amour. » Je ne fais pas ici de critique littéraire, n’ayant d’autre propos que d’ill
1439 our. » Je ne fais pas ici de critique littéraire, n’ ayant d’autre propos que d’illustrer un thème dont on verra bientôt qu
1440 d’illustrer un thème dont on verra bientôt que je ne suis pas le dernier à subir les prestiges et le charme fatal. Est-il
1441 s œuvres que je considère dans ces pages. Et l’on ne sent que trop les bonnes et graves raisons que j’ai de redouter que l
1442 trahit, et qui est leur seule commune mesure. Je ne m’attacherai donc, dans ces trois œuvres, qu’à l’apparition de Trista
1443 ase) de mon roman (éduqué en Europe, j’y insiste) n’ épouse l’american way of life, en la personne d’une bourgeoise accompl
1444 fille. Mais cet amour est impossible, car Lolita n’ a pas 13 ans. Cependant, mon héros l’enlève et il fuit avec elle, de m
1445 celle qui doit me rejeter, car loin d’elle ma vie n’ a pas de sens, c’est près d’elle que je veux me taire.   Ainsi réduits
1446 t pu le dire autrement, il l’aurait fait (et nous ne le lirions pas). Mais la réponse de l’écrivain ne suffit pas, bien qu
1447 ne le lirions pas). Mais la réponse de l’écrivain ne suffit pas, bien que sincère. Car il faut voir que cette ambiguïté, q
1448 e cette ambiguïté, qu’il nous propose malgré lui, n’ est pas du tout accidentelle. Elle ne résulte pas, j’y insiste, de que
1449 malgré lui, n’est pas du tout accidentelle. Elle ne résulte pas, j’y insiste, de quelque hésitation prolongée de l’auteur
1450 u social par un litige permanent hors duquel elle n’ existerait point, et dont ce milieu même circonscrit l’occasion, dicte
1451 és qu’elles, révèlent leur vraie nature, laquelle n’ est pas humaine mais nymphique (entendons : démoniaque) ; et, pour ces
1452 s enchantés. Il lui fait boire un somnifère, mais n’ ose pas profiter de son sommeil. Au matin, c’est elle qui le séduit !
1453 une crise cardiaque épargne la peine capitale. Je n’ entends pas voiler ni excuser le caractère scandaleux du roman, car il
1454 du roman, car il apparaît essentiel, et l’auteur ne manque pas une occasion de le souligner et de l’accentuer, soit en ac
1455 oires de Humbert Humbert. Si l’amour des nymphets n’ était pas, de nos jours, l’un des derniers tabous sexuels qui tiennent
1456 sexuels qui tiennent encore (avec l’inceste), il n’ y aurait ni passion ni roman véritables, au sens « tristanien » de ces
1457 sombre épopée, simple et drue, d’un Béroul. Qu’on ne s’y trompe pas : le roman de Tristan n’était pas moins choquant au xi
1458 ul. Qu’on ne s’y trompe pas : le roman de Tristan n’ était pas moins choquant au xiie siècle que ne l’est aujourd’hui Loli
1459 an n’était pas moins choquant au xiie siècle que ne l’est aujourd’hui Lolita. Ce que l’habitude et l’illusion anachroniqu
1460 me d’amour non seulement opposée au mariage, mais ne pouvant exister que hors de lui. Elles « justifiaient »74 au nom de c
1461 un fond d’hérésie bien plus dangereuse alors que ne le sont aujourd’hui les frénésies qui affectent une partie de la jeun
1462 a me paraissent profiter davantage que la société n’ en pâtit. En revanche, l’amour passionné pour une fille encore impubèr
1463 l’amour passionné pour une fille encore impubère n’ aurait guère pu surprendre au Moyen Âge. On a coutume de vénérer l’amo
1464 s à des petites filles. L’adultère, de nos jours, ne conduit qu’au divorce, ou s’épuise en liaisons banales. Il n’offre pa
1465 u’au divorce, ou s’épuise en liaisons banales. Il n’ offre pas de support sérieux à ce que Freud a nommé un jour l’élan mor
1466 e est présent, mais ridiculisé par son échec : il ne s’agit que d’un somnifère que H. H. fait prendre par ruse à Lolita, e
1467 récit. Comme dans Tristan, l’on sent que l’auteur n’ est pas intéressé par le côté sexuel de son histoire, mais uniquement
1468 légendaires. C’est qu’en réalité, H. H. et Lolita n’ ont jamais connu ce que j’appelle « l’amour réciproque malheureux ». L
1469 appelle « l’amour réciproque malheureux ». Lolita n’ a jamais répondu à la passion tendre et sauvage de son aîné. De là l’é
1470 satire sociale au lyrisme intérieur. L’hypothèse n’ est pas arbitraire, car c’est précisément ainsi que les choses se pass
1471 sa syntaxe et son vocabulaire, on rit souvent, on n’ est jamais ému. Tel qu’il est, cet ouvrage parfait reste, aussi, un Tr
1472 point de passion… Peut-être le livre, après tout, n’ est-il vraiment vicieux que par ce cercle. III. Robert Musil et le
1473 s en Amérique — et son œuvre, en partie posthume, ne cessera de monter à l’horizon mondial de la littérature européenne. L
1474 grand livre76 une puissance d’envoûtement que je n’ avais pas subie depuis l’œuvre de Proust, mieux achevée sans doute et
1475 des-tu cela, dit Agathe, avec le fait que l’amour n’ existe plus, que seules demeurent la sexualité et la camaraderie ? — C
1476 demeurent la sexualité et la camaraderie ? — Cela ne s’accorde pas du tout ! s’écria Ulrich en riant. On voit que l’amour
1477 ions sont chargées d’un bonheur encore inconnu… — N’ est-il pas contre nature de rapporter de telles émotions à une enfant 
1478 achevée encore, dans des histoires pour quoi elle n’ est pas faite. Il devrait faire abstraction de l’immaturité de ce corp
1479 chargé pour lui d’une nostalgie vague, bien qu’il n’ eût jamais songé alors qu’il possédait une sœur réelle et vivante… Inc
1480 ts. Dans plus d’une existence, la sœur imaginaire n’ est que la forme juvénile, insaisissable, d’un besoin d’amour qui, plu
1481 té inégalée dans la littérature contemporaine. Ce n’ est pas René et ce n’est pas Byron, ce n’est pas décadent ni scandaleu
1482 ittérature contemporaine. Ce n’est pas René et ce n’ est pas Byron, ce n’est pas décadent ni scandaleux. S’agirait-il moins
1483 aine. Ce n’est pas René et ce n’est pas Byron, ce n’ est pas décadent ni scandaleux. S’agirait-il moins d’un inceste que de
1484 et Anima, comme l’avancent des commentateurs ? Il ne s’agit, pour moi, que de la passion, c’est-à-dire d’un secret fondame
1485 et fondamental de la psyché européenne. L’inceste n’ est ici que la condition même de la « dernière histoire d’amour possib
1486 rale… Je dois t’aimer (pense Agathe) parce que je ne puis aimer les autres. Dieu et l’antisocial. Dès le début, son amour
1487 nde et du social, inhérent à toute vraie passion, n’ apparaît cependant, aux yeux des passionnés, que comme un contrecoup a
1488 ariés, et néanmoins contents. L’homme et la femme n’ y sont plus que « porteurs de germe mâle ou femelle » ou encore « part
1489 corps : Lorsque leurs regards se croisèrent, il n’ y eut plus entre eux qu’une seule certitude : c’est que tout était déc
1490 rovoquée par la passion, cette idole barbare, qui n’ est pas la même ! — À t’entendre, dit Agathe, il faudrait croire qu’on
1491 t’entendre, dit Agathe, il faudrait croire qu’on n’ aime pas réellement la personne réelle et qu’on aime réellement une pe
1492 réelle doit représenter la personne rêvée et même ne faire qu’un avec elle. D’où les innombrables confusions qui donnent a
1493 ls toutes les contradictions, et sur son cœur, il n’ est plus de parole vraie ou fausse, chacune étant, hors de l’obscur, l
1494 invention d’une pensée… Dans ces nuits-là, le Moi ne retient rien en lui-même… le Soi-même exalté rayonne dans un oubli in
1495 me… Mais Agathe dit un peu plus tard : Pourquoi ne connais-tu pas un philtre contre ce qui, au dernier moment, nous sépa
1496 t-être aimons-nous ce qui est interdit. Mais nous ne nous tuerons pas avant d’avoir fait une tentative extrême. Le monde e
1497 e est fugace, fluide : fais ce que veux… Un homme ne va jamais si loin que lorsqu’il ne sait pas où il va… Ils étaient deb
1498 veux… Un homme ne va jamais si loin que lorsqu’il ne sait pas où il va… Ils étaient debout maintenant sur un haut balcon,
1499 Agathe et Ulrich ressentirent un bonheur dont ils ne savaient pas si c’était de la tristesse ; seule la conviction d’être
1500 ’étaient perdues toutes les limites et, comme ils ne percevaient plus aucune séparation, ni en eux ni dans les choses, ils
1501 une séparation, ni en eux ni dans les choses, ils ne formaient plus qu’un seul être. Mais cet accomplissement dans l’Île,
1502 l de toute passion : Entre deux êtres isolés, il n’ y a pas d’amour possible, reconnaît Ulrich. Un amour peut naître par d
1503 connaît Ulrich. Un amour peut naître par défi, il ne peut être fait de défi. Il faut qu’il soit inséré dans une société. I
1504 i. Il faut qu’il soit inséré dans une société. Il n’ est pas un contenu de vie, mais une négation, une exception faite à to
1505 tion quelque chose dont elle soit l’exception. On ne peut vivre d’une négation pure. Sous une forme intellectualisée — il
1506 ormule même du Roman et la détruit. Si la passion ne conduit pas à la mort, si le Jour peut reprendre ses droits, l’expéri
1507 on plus égocentrique, mais bien allocentrique : «  N’ avoir plus de centre du tout, participer au monde sans réserve, sans r
1508 ux chapitre intitulé Souffles d’un jour d’été. Il ne s’y passe rien qu’une longue conversation entre le frère et la sœur q
1509 Mais cette présence heureuse dans l’amour partagé n’ évoque-t-elle pas aussi un mystère plus prochain, une autre rédemption
1510 l’Agapè ? L’interdit fascinant de l’amour sororal n’ aurait-il pas été le travesti — tout à fait inconscient, j’en suis sûr
1511 oser dire son nom dans un roman ? L’amour heureux n’ a pas d’histoire, chacun sait cela depuis qu’on écrit des romans et qu
1512 ntion littéraire, condamnant le mariage accompli, n’ est-elle pas un tabou bien autrement redoutable, aux yeux de l’écrivai
1513 olitique dans le cas du Docteur Jivago. Mais cela n’ explique pas tout, même si c’est vrai, ce dont je doute. Pourquoi l’en
1514 r, c’est que l’amour-passion demeure mal vu, mais n’ en fascine que mieux l’homme et la femme du xxe siècle américain, non
1515 e fois de plus, pour des raisons, d’ailleurs, qui ne sont pas dans ce livre, plus d’un lecteur sera sincèrement choqué de
1516 mne ce livre. Il est normal que le roman condamné ne puisse paraître qu’en Europe. Il est normal que le jury du prix Nobel
1517 les autorités soviétiques ayant annoncé qu’elles ne mettraient aucun obstacle au départ de l’écrivain — ce qui laissait p
1518 i à la mort, et c’est pourquoi je vous supplie de ne pas prendre à mon égard cette mesure extrême… J’insiste, la main sur
1519 omprendre cette démarche, venant d’un homme qu’on ne peut soupçonner de lâcheté ? Le peuple russe condamne Pasternak pour
1520 approuve afin de rentrer dans la faveur publique, n’ est-ce pas lui qui trahit le peuple ? Ce serait le cas, en effet, si L
1521 les prises de position et gestes politiques, mais n’ ayant encore lu, lorsqu’éclata la crise, que les cent premières pages
1522 , la dernière réunion des amants dans la mort… Il n’ y a qu’un seul roman dans nos littératures ! Une seule passion dictant
1523 e et pacifique comme le nom de l’océan d’Asie. Ce n’ est pas un hasard si tu es là, au terme de ma vie, mon ange secret, mo
1524 et en face. Oui, Lara, c’est tout cela. Puisqu’on ne peut communiquer par la parole avec ces forces cachées, Lara est leur
1525 ond, sans motiver son refus : « De mon départ, il ne saurait être question. » Mais il ajoute un peu plus tard : Tout est
1526 la justification de la passion, bien plus qu’elle ne relève d’un système politique ou social différent ; en d’autres terme
1527 annonciatrice de subversions sociales — comme il n’ en manquait pas au xiie siècle — mais parce qu’il est devenu la proie
1528 fois qu’ils l’ont connu, tout en sachant que l’on ne peut y vivre, est décrit par eux tous comme indicible. Tantôt, il plo
1529 généralement par antithèses et paradoxes. Car on n’ aura jamais assez de mots et de métaphores, et de clichés réinventés,
1530 de cerner cet indicible qu’on voudrait mais qu’on ne peut communiquer. De là que la forme de passion la plus commune, parc
1531 u récit. La sexualité pure et l’amour du prochain ne sont vrais qu’en acte, et leur description ennuie vite. La passion de
1532 a passion de l’Éros est vraie d’abord en rêve, et n’ existe peut-être jamais mieux que dans l’élan lyrique de son récit. Li
1533 e et d’essence, l’amour-passion, nous l’avons vu, n’ est guère moins dépendant de cette société qu’il récuse : c’est elle q
1534 vations encore. Il est remarquable que la passion n’ utilise interdits et tabous qu’au moment où ceux-ci commencent à faibl
1535 faiblir, où les violer est encore scandaleux mais n’ entraîne pas la mise à mort instantanée, physique ou sociale, du faute
1536 tandis que la censure hésite. Le Roman de Tristan n’ apparut dans l’histoire qu’au temps où la réforme grégorienne et les a
1537 turelle de l’Europe. Ainsi, le roman de Pasternak ne vint au jour qu’au lendemain du « dégel » soviétique : rien n’est enc
1538 ur qu’au lendemain du « dégel » soviétique : rien n’ est encore gagné, mais quelques-uns déjà peuvent avouer quelque chose
1539 extérieure, plus primitive en quelque sorte, elle ne met pas en jeu les mêmes ressources que dans une société plus libéral
1540 isme des mœurs dans les démocraties de l’Occident ne sont plus défendus sans scrupules par les élites des deux partis. Je
1541 sans scrupules par les élites des deux partis. Je ne vois guère d’autres interdits vraiment redoutables, aux yeux de l’hom
1542 er par l’État. La passion qui voudrait les violer ne serait plus condamnée, mais simplement soignée, aux frais de la Sécur
1543 eant le mystère le mieux défendu, — Éros et Agapè ne pourraient-ils nouer une alliance paradoxale au sein même du mariage
1544 xale au sein même du mariage accepté ? Tout Autre n’ est-il pas l’inaccessible, et toute femme aimée une Iseut, même si nul
1545 ne Iseut, même si nul interdit moral ou nul tabou ne vient symboliser, pour les besoins de la fable et la commodité du rom
1546 l’essence même de l’obstacle excitant, celui qui ne dépendra jamais que de l’être même : l’autonomie de la personne aimée
1547 d de Strasbourg, dont s’inspira Wagner. 75. « Je ne suis nullement intéressé par ce qu’on appelle “sex” (en Amérique). N’
1548 téressé par ce qu’on appelle “sex” (en Amérique). N’ importe qui peut imaginer ces éléments d’animalité. C’est une plus gra
45 1959, Preuves, articles (1951–1968). Sur une phrase du « Bloc-notes » (mars 1959)
1549 tous cas, c’en est trop. Ce qu’on vous a raconté n’ est simplement pas vrai. 56 % des Allemands d’aujourd’hui souhaitent a
1550 politique, 1 % souhaite un général. Comparez. Je ne dis pas : concluez, mais suspendez peut-être un peu votre jugement. V
1551 t oublié ses devanciers bottés. Mais songez qu’on n’ enseigne pas l’histoire toute récente dans les écoles. J’ai dû expliqu
1552 ussi vu des croix gammées) qui fut Goering : elle ne connaissait pas ce nom-là. Plus fort : un bachelier m’apprend que de
1553 st bien conduit pendant la Résistance, quoi qu’il ne fût pas communiste. Il en déduit que de Gaulle n’est pas un dictateur
1554 ne fût pas communiste. Il en déduit que de Gaulle n’ est pas un dictateur et je l’encourage dans cette idée, tout en le pou
1555 audi votre article au début de 1933, malgré ce je ne sais quoi d’anachronique, un peu 1913 dans le ton. Mais en 1959, quel
1556 s avions, si elles décidaient de se battre, elles ne pourraient plus le faire qu’à coups de bâtons et de pages de rhétoriq
1557 es de rhétorique. Déroulède est bien mort, Aragon ne suffit pas. Jean Monnet fait tout de même plus sérieux : je ne le cro
1558 . Jean Monnet fait tout de même plus sérieux : je ne le crois pas du tout naïf et vous ne l’accuserez pas d’hypocrisie. Ma
1559 sérieux : je ne le crois pas du tout naïf et vous ne l’accuserez pas d’hypocrisie. Mais alors de qui parlez-vous ? De quel
1560 e d’évaluer ses problèmes. Vous me direz que vous ne pensiez qu’à l’unification des deux Allemagnes, dont la seule perspec
1561 ce plus l’Algérie plus un bon tiers de l’Afrique, ne saurait plus rêver de les affronter seul. Direz-vous que je fais bien
1562 s tant de silence, après tant de phrases que vous n’ aurez jamais écrites — et dont je vous rends l’hommage de vous tenir c
1563 ussi, tout en demandant au Ciel « que ces erreurs ne fassent point nos calamités », comme on lit au Traité sur la toléranc
1564 lu » de cet univers merveilleux, il gémit : « Que ne donnerais-je pas pour devenir un non-conformiste comme tous ces autre
1565 urs d’images, genoux pliés. Jungle modernisée qui ne connaît d’autres lois que celles de la photographie. République des c
1566 oin de la pleine lumière de l’aube. » Le résultat n’ est pas mauvais, si l’on en juge par les photos extraites du film et q
1567 en se touchant. Fidel Castro ni l’honneur de Cuba ne sont en cause. Mais bien les auditeurs, spectateurs et lecteurs qui t
46 1959, Preuves, articles (1951–1968). Rudolf Kassner et la grandeur (juin 1959)
1568 sner, la seule littérature digne du nom ; et l’on ne s’étonnera pas que Kassner soit resté, jusqu’ici, le moins connu d’en
1569 liques, d’imposer une allure bien « rassemblée », n’ admettant que des gestes nets et maîtrisés, puis de la briser soudain
1570 oir, limite, sacrifice, chance, drame et tension, ne sont guère définis que par leurs rapports mutuels et tirent de cette
1571 es (problème que notre xviie siècle se devait de ne pas poser). L’homme antique peut atteindre la grandeur parce qu’il po
1572 rand. Grand pour la loi, grand pour le Tout. » Il ne se recherche pas soi-même, il vise à la plénitude élémentaire, défini
1573 la mesure du démesuré, et que pour le chrétien il n’ est pas d’autre grandeur ». Ainsi le chrétien existe en tant que le pé
1574 crée une tension entre lui et Dieu. Mais le péché ne devient réalité que pour le converti ; c’est donc la conversion qui f
1575 l’acte par excellence du chrétien, hors duquel il n’ est pour lui ni mesure, ni grandeur, ni forme, mais seulement chimères
1576 mme moderne, l’homme sans mesure naturelle : s’il ne retrouve pas de loi interne et de tension par le péché, il n’est plus
1577 pas de loi interne et de tension par le péché, il n’ est plus qu’un être sans destinée, un Indiscret. « Sa substance intern
1578 forme et sans but, peut bien nous stimuler, mais ne nous détermine jamais… Cet homme indiscret est distrait, et sa distra
1579 trait, et sa distraction vient de l’intérieur… Il ne peut jamais sortir de son moi sans trahison et chaque manifestation d
1580 ption inégalable du mal du siècle. Ici, le mépris ne porte aucune atteinte à la perspicacité parce qu’il est vraiment souv
1581 nsée autoritaire. Entendons que, pour lui, penser n’ est pas se débattre dans ses contradictions personnelles, parlementari
1582 ne, non sa pensée privée, est tourmentée.) Penser n’ est pas non plus s’ingénier sur des idées et des combinaisons d’idées 
1583 nouveaux et vrais, dans un certain style. Car il n’ est point de vérité sans forme. Quelques pages étranges et puissantes
1584 lustrent ce réalisme de la forme, hors de quoi il n’ est qu’indiscrétion, et qui livre la clé de la pensée de Kassner, comm
1585 est-à-dire l’appréhension poétique du monde. Rien n’ est plus étranger au nominalisme qui envahit la critique sous l’influe
1586 sans « réaliser ». Il faut que les pensées créées ne soient concevables qu’en elles-mêmes, et comme à l’état sauvage, non
1587 s réduise et qui les domestique. Une pensée neuve ne saurait être comprise à moins d’être recréée dans sa forme — ce dont
1588 terait-il d’être appelé Judas numéro deux. Car il ne s’agit pas de professer une chose mais d’être la chose. Le rare, c’es
1589 articulièrement riche et complexe : « Les bavards ne tirent pas d’eux-mêmes toutes les paroles qu’ils profèrent ; ils les
1590 rofèrent ; ils les reçoivent des prophètes ; s’il n’ y avait pas de prophètes, les bavards seraient peut-être des créatures
1591 apocryphe de l’empereur Alexandre Ier de Russie, n’ est qu’une suite de méditations sur le thème du tout-ou-rien moral qui
1592 out-ou-rien moral qui caractérise Kierkegaard. On ne peut dire précisément de Kassner qu’il réfute ses adversaires — Freud
1593 irulente de sa vérité — si bien que la conclusion ne peut être qu’implicite et fonction d’une hiérarchie de valeurs, non d
1594 u avec une œuvre dont la difficulté, précisément, n’ a pas cessé de me séduire et inciter. Je suppose qu’il est devenu bana
1595 Elle est pourtant la garantie de leur pouvoir, et ne saurait traduire, à mon avis, qu’une intention profondément délibérée
1596 on pathétique, de l’adjectif. L’ellipse de pensée n’ est nullement, chez Kassner, un procédé de rhétorique, une manière de
1597 on nous fait découvrir tout d’un coup ce que nous ne pouvions espérer qu’après une grande lecture. Ainsi s’opposent et se
1598 eurs venus des quatre coins de l’Europe. Pourquoi n’ y ai-je été que si rarement ? Sans doute à cause de la réserve qu’insp
1599 avait été réelle dans mon esprit seulement et qui ne pouvait ni ne devait l’être autrement, je le voyais bien, je jouais e
1600 le dans mon esprit seulement et qui ne pouvait ni ne devait l’être autrement, je le voyais bien, je jouais encore avec l’i
1601 lysé des jambes dès le berceau — mais sa maîtrise n’ exerçait d’autres sanctions, sur les trop nombreux visiteurs, que cell
1602 ue ou d’un subit changement de sujet. Après tout, n’ était-ce pas ce que j’attendais ? Il parlait à bâtons rompus sur le do
1603 ns rompus sur le dos des fervents indiscrets ! Et n’ avais-je pas cédé à l’illusion banale qui veut que l’auteur et l’œuvre
1604 amusée pour tous ceux que l’on pouvait connaître, ne fût-ce que de réputation, qu’il avait bien connus lui-même ou rencont
1605 es innombrables en Europe, en Russie, en Inde. Il ne cessait de mettre et de remettre à jour son tableau d’une certaine so
1606 à peu près le seul homme que j’aie connu dont je ne puisse imaginer qu’il ait dit ou écrit une sottise ou, même en bavard
1607 et le zen Une amitié des plus complexes, pour ne pas dire ambivalente, a lié longtemps Rudolf Kassner et Rainer Maria
1608 qui blesse les uns, paraît folle aux autres »… Je ne fais ici qu’énumérer les expressions souvent répétées, mais de plus e
1609 t pour se différencier de celui que, pourtant, il ne cesse de tenir pour l’un des plus grands depuis Dante. Le monde de Ka
1610 , de la Personne et de la Liberté. Monde viril où ne peut régner que « cette prose qui exclut les vers : Blaise Pascal, La
1611 eaucoup plus tard, il entendit parler du zen, qui n’ est resté qu’un nom pour lui. Mais dans le recueil d’hommages publié p
1612 le but sans le voir (blind), celui qui peut cela ne doit-il pas avoir le but en lui-même ?… Le zen, le tir aveugle, est a
1613 e, du hasard, et celui-là seul peut y arriver qui ne sépare plus l’acte de l’ascèse. Ceci est absolument hindou, ajoute K
1614 t hindou, ajoute Kassner, appartient à l’Asie, et n’ eût été compris que par peu de Grecs, par les éléates, et par aucun Ro
1615 ire là-dessus : sur la flèche du vieux Zénon, qui n’ atteint pas le but, et sur le tireur aveugle qui l’atteint, qui, sans
1616 t il poursuit : Le zen nie le Dieu personnel, il ne le nie pas au nom du rationalisme, oh ! pas du tout, mais en vertu de
1617 la foi — ce qui est plus gnostique qu’orthodoxe… Ne tire-t-il pas le zen de son côté ? Il ajoute d’ailleurs aussitôt qu’o
1618 de son côté ? Il ajoute d’ailleurs aussitôt qu’on ne saurait croire un seul instant qu’il ait jamais voulu donner un ensei
1619 coup « comme un extravagant maître du zen » ! Il n’ a que faire d’une doctrine ou d’un système ; mais peut-être, dans cert
1620 nce.) D’autres correspondances ont pu le frapper. N’ a-t-il pas reconnu le style même, et sinon le son de sa voix, qu’on es
1621 ême, et sinon le son de sa voix, qu’on est seul à ne pas reconnaître, du moins le mouvement de pensée de ses Dialogues et
1622 voici le plus remarquable. Il semble que Kassner ne se soit pas souvenu d’avoir écrit lui-même dans ses Proverbes du yogi
1623 aître au débutant) parce que spirituellement vous ne portez pas assez loin. Comportez-vous comme si le but était l’infini…
1624 her sans âme avec l’arc le plus fort. Le résultat ne dépend pas de l’arc mais de la « présence d’esprit », du dynamisme et
1625 e cible dressée, à une distance déterminée ; elle ne connaît que le but, qui ne s’atteint d’aucune manière technique, et s
1626 ance déterminée ; elle ne connaît que le but, qui ne s’atteint d’aucune manière technique, et si elle lui donne un nom, ce
1627 niste : le disciple dit au maître : Je crains de ne plus rien comprendre… Est-ce moi qui touche le but ou bien le but qui
1628 , arc, flèche, moi, s’amalgament tellement que je ne suis plus capable de les séparer… Le Maître m’interrompit alors et di
1629 e de l’arc qui vient de vous traverser ! Mais je n’ en finirais pas de citer tantôt Kassner, tantôt les maîtres du zen, au
1630 rc est toujours tendu. Et oui, bien sûr, pourquoi ne pas penser ici au bios d’Héraclite, qui signifie Vie et Arc, vie qui
1631 ul autre mieux que vous, vous seul sans doute… Il n’ est plus là. Mais j’imagine que ses Propos, que l’on commence à publie
1632 ce des valeurs de l’Orient et de l’Occident.   Je ne pouvais présenter Kassner à des lecteurs dont la plupart ne l’ont pas
1633 présenter Kassner à des lecteurs dont la plupart ne l’ont pas lu, en suivant la méthode usuelle : car on ne le trouverait
1634 nt pas lu, en suivant la méthode usuelle : car on ne le trouverait pas, on ne toucherait rien de lui en partant de général
1635 méthode usuelle : car on ne le trouverait pas, on ne toucherait rien de lui en partant de généralités. Il est par excellen
1636 mond Sterne, de Bath, qui haïssait les boutons et n’ admettait au monde que les boucles : Mon oncle s’agitait tout particu
1637 l’oncle Hammond étaient absolument originales et ne tarissaient pas. L’oncle Hammond pouvait, à partir de ces boutons, pe
1638 uysen et de Jean Paulhan. 80. En 1931. 81. « Je ne songe pas ici — écrit Kassner — au journaliste anonyme, mais bien à l
1639 té tout à fait impossible, est indiscret, l’autre ne fait que son devoir. » 82. Je viens de lire des propos de Kassner (r
1640 hiffre considérable. À défaut d’une autre gloire, n’ est-ce pas, je garderai peut-être celle d’avoir été le plus grand prom
1641 lle, malgré mes cannes ou à cause d’elles. Ce qui ne signifie pas grand-chose pour la littérature, mais beaucoup pour moi…
1642 et avaient paru en revue. Je rappelle que Kassner n’ a découvert le zen qu’à partir de 1954 ! 90. Traduction française par
47 1959, Preuves, articles (1951–1968). Sur un chassé-croisé d’idéaux et de faits (novembre 1959)
1643 -même comment on pourrait faire mieux qu’elle, ce n’ est pas en apprenti mais bien en chef d’État qu’il s’en va discourir d
1644 ssance politique planétaire ? Mais les États-Unis n’ y ont accédé qu’à la faveur de la Seconde Guerre mondiale, c’est-à-dir
1645 Réaction ? De « faire mieux » que cette dernière ne saurait faire, en bonne doctrine marxiste-léniniste, et n’a fait en p
1646 t faire, en bonne doctrine marxiste-léniniste, et n’ a fait en pratique, selon K ? Voyons ce que disent là-dessus Américain
1647 stingueraient ses buts ou ses méthodes de ceux de n’ importe quelle nation moderne, ou de la social-démocratie européenne,
1648 eau d’idéal, il est clair qu’aucune contradiction ne saurait plus exister entre les buts des systèmes en présence. On ne v
1649 ister entre les buts des systèmes en présence. On ne voit plus en quoi la victoire idéologique du communisme différerait d
1650 es Américains, puisque l’économie soviétique, qui n’ a que 42 ans, est déjà capable de défier l’économie capitaliste améric
1651 éricaine, âgée selon lui de cent-cinquante ans. «  N’ importe qui, observant le déroulement de cette compétition, peut donc
1652 r la « lutte idéologique » entre l’Est et l’Ouest n’ est donc plus à ses yeux qu’une lutte de vitesse, et le « meilleur sys
1653 va mener le plus vite au même but ! Avouez qu’il n’ y a pas là de quoi se battre… À ceux qui croyaient voir quelque contra
1654 se la plus grave de notre société, c’est que nous ne sommes unis dans la poursuite d’aucun objectif fondamental… Nous parl
1655 ne société achevée, qui a atteint ses buts et qui n’ a plus de grands problèmes à résoudre. La force du régime soviétique…
1656 onfiant et résolu que nous sommes en réalité. Je ne vois guère moins de sophisme dans cet argument que dans ceux de K. ;
1657 rt de nos intellectuels, se dit en somme : — Nous n’ avons plus de grande idée, eux en ont une. Nous sommes riches, heureux
1658 s, sinon de devenir le but des pauvres ? Lippmann ne voit rien au-delà, n’a rien à proposer (qu’une reprise de confiance d
1659 but des pauvres ? Lippmann ne voit rien au-delà, n’ a rien à proposer (qu’une reprise de confiance dont il n’indique pas l
1660 n à proposer (qu’une reprise de confiance dont il n’ indique pas les motifs) et nous laisse sur l’idée que les Russes doive
1661 endormir l’Histoire ? Ni Khrouchtchev ni Lippmann n’ ont parlé de liberté, de sagesse, de sens de la vie. Comme si la riche
1662 out fait né de l’abondance des biens produits. On ne voit là ni grande idée ni possibilité de « lutte idéologique ».   Le
1663 mêlé de soulagement et d’anxiété nouvelle : nous ne sommes pas si différents, mais alors ? Où sont nos certitudes, nos re
1664 r sur le ventre, on dirait qu’ils s’inquiètent de ne plus savoir pourquoi c’était tout à l’heure impensable… Que K. se soi
1665 dictateur et l’homme. Plus près de l’homme qu’on ne le croyait.   Le grand chassé-croisé du siècle. — L’entrevue dans la
1666 au mieux la portée de ce voyage fabuleux, dont on n’ a pas encore bien mesuré jusqu’à quelles profondeurs il déconcerte les
1667 n économique ; il est probable que les Américains ne sont pas loin de réaliser les buts concrets du socialisme, sous l’éti
1668 oup plus importants que la comptabilité politique n’ en dégage. (Elle ne révélerait qu’un léger gain pour l’Occident dans l
1669 que la comptabilité politique n’en dégage. (Elle ne révélerait qu’un léger gain pour l’Occident dans l’affaire de Berlin,
48 1960, Preuves, articles (1951–1968). Sur la détente et les intellectuels (mars 1960)
1670 yer de comprendre un problème très confus dont je ne suis même pas sûr qu’il y ait lieu de le poser, mais qui paraît troub
1671 oexistence est impossible et que la guerre froide ne cessera de voisiner avec la guerre chaude, et que c’est là l’ordre na
1672 t-garde est une séquelle de la guerre froide » et ne saurait survivre à la détente. À l’inverse, Alberto Moravia, dans les
1673  Je tiens à affirmer ma profonde conviction qu’il n’ existe pas “d’art bourgeois” écrit-il. Balzac, Stendhal, Flaubert, etc
1674 eois” écrit-il. Balzac, Stendhal, Flaubert, etc., n’ ont jamais exprimé l’idéologie bourgeoise, et il serait absurde de pré
1675 est parfaitement irréaliste, et une telle demande ne peut être faite que par ceux qui n’ont rien compris au processus hist
1676 telle demande ne peut être faite que par ceux qui n’ ont rien compris au processus historique. » Au reste, on n’a pas oubli
1677 n compris au processus historique. » Au reste, on n’ a pas oublié l’avertissement de K. dans son fameux article de la revue
1678 anger, les vieux problèmes sont dépassés. Mais je ne vois encore qu’une vaste confusion. Admettons que je voie mal, et que
1679 , avant la détente. — Ils servaient un régime qui n’ admet pas que l’intellectuel ou l’artiste diffère. La liberté de jugem
1680 che personnelle, la critique des idées régnantes, ne pouvaient signifier pour eux, « objectivement », que l’opposition pol
1681  objectivement », que l’opposition politique : ce n’ était pas quelque chose qu’on discute, mais seulement quelque chose qu
1682 nos yeux, la vocation de l’écrivain dans la cité ne pouvait être interprétée un seul instant dans leur langage et leurs c
1683 n est de montrer par son œuvre que l’organisation ne constitue pas la totalité. Le rôle de l’écrivain est de penser à autr
1684 nge en service commandé pour le douteux profit de n’ importe quel système, fût-il celui de nos États, c’est dans cette mesu
1685 choses ». Mais comme ces autres choses, pour eux, n’ existaient pas, ils ne voyaient en nous que leur image inversée, inexp
1686 es autres choses, pour eux, n’existaient pas, ils ne voyaient en nous que leur image inversée, inexplicablement perverse e
1687 alogue eût été temps perdu avec des officieux qui ne pouvaient pas nous écouter et n’insultaient que nos caricatures. (C’e
1688 es officieux qui ne pouvaient pas nous écouter et n’ insultaient que nos caricatures. (C’est irritant de redire tout cela,
1689 caricatures. (C’est irritant de redire tout cela, n’ est-ce pas ? Ceux de ma génération en ont assez. Les plus jeunes ne co
1690 ux de ma génération en ont assez. Les plus jeunes ne connaissent de l’URSS que Lunik III. Mais si l’on veut aller plus loi
1691 et la lutte idéologique. Si la lutte idéologique n’ est plus la guerre, si celui qui s’oppose n’est plus un belliciste, la
1692 gique n’est plus la guerre, si celui qui s’oppose n’ est plus un belliciste, la première donnée du dialogue est restituée :
1693 e, la première donnée du dialogue est restituée : ne pas considérer comme criminel celui qui est d’un avis différent. Mais
1694 te de guerre froide. Nous reprochions à l’URSS de ne pas distinguer entre les intérêts d’un parti au pouvoir et la recherc
1695 et Spender doivent être bannis du dialogue et ce n’ est pas, bien au contraire, qu’ils soient de faux Occidentaux… Cette f
1696 e, selon les sociologues. Mais notre mère à tous, n’ est-ce pas l’Europe ? 93. Allocution à la Salle Gaveau pendant une r
49 1960, Preuves, articles (1951–1968). Les incidences du progrès sur les libertés (août 1960)
1697 que la grande majorité de l’auditoire ici présent n’ a pu écouter, je pense répondre à l’attente de tous en essayant de rec
1698 ents — mais voici le point important : ce Congrès n’ est pas un parti, n’est pas un front discipliné mais un simple rassemb
1699 point important : ce Congrès n’est pas un parti, n’ est pas un front discipliné mais un simple rassemblement d’hommes de c
1700 ntellect, sel de la terre, et, bien plus que vous ne souhaiteriez le croire : responsables d’un avenir qui vous dépasse et
1701 it le mot capital. Car la liberté, voyez-vous, ce n’ est pas quelque chose dont nous devons parler, mais quelque chose que
1702 aujourd’hui, que les menaces contre les libertés ne viennent pas seulement des régimes que vous savez. Elles viennent de
1703 lions d’êtres humains qui souffrent avant tout de ne pas trouver un sens à leur vie individuelle. L’absence de sens, dans
1704 femme en vient à constater que sa vie personnelle n’ a pas de sens, la liberté perd un de ses points d’appui, et la dictatu
1705 t dont il comprend les symboles. Mais la sécurité n’ est que la moitié de l’affaire : l’aventure personnelle, la nouveauté,
1706 alors se révèle l’autre aspect de la culture, qui n’ est plus seulement transmission mais critique et rupture s’il le faut 
1707 ssion mais critique et rupture s’il le faut ; qui n’ est plus seulement initiation mais invention. Ces deux aspects de la c
1708 viens de le faire, j’ai voulu vous montrer qu’il n’ agit pas au niveau de la politique proprement dite, mais au niveau de
1709 humain, pour chaque personne. La politique, nous n’ y échapperons pas, et il est inutile d’insister sur ce fait, ici, dans
1710 lui donnent les totalitaires — tant qu’un jour il n’ y a plus rien d’autre à faire qu’à se jeter à mains nues contre les ta
1711 de loisir, et tant d’action que de méditation. Ce n’ est point par des statistiques, portant sur les résultats d’un régime
1712 qu’une forme de vie ou un système d’institutions n’ apportent pas seulement un Progrès, mais un Bien. bc. Rougemont Den
50 1961, Preuves, articles (1951–1968). Dialectique des mythes : Le carrefour fabuleux (I) (avril 1961)
1713 beaucoup de soins et de finesse, car aucune carte ne l’indique. Son nom même est une contradiction, car comment le croisem
1714 d’« Enclos fatal »… L’animation des huit chemins n’ est qu’une pure possibilité, — possibilité pour l’esprit. Car personne
1715 bilité, — possibilité pour l’esprit. Car personne ne fréquente ce lieu, sauf un petit insecte qui se hâte, lente festinans
1716 n petit insecte qui se hâte, lente festinans… Nul ne hante ces routes, hormis le vent dont on ne sait ni d’où il vient ni
1717 … Nul ne hante ces routes, hormis le vent dont on ne sait ni d’où il vient ni où il va. Kierkegaard, « In Vino Veritas ».
1718 une passion, et l’expression totale de la passion ne peut être que musicale. « Par la musique, les passions jouissent d’el
1719 l’autre par Wagner accède au cœur du mythe qu’il n’ a pu que rêver, que sa personne refuse, et qui est son Ombre. J’ai che
1720 ’une étape significative, — et « l’enclos fatal » n’ est pas loin, mais en même temps s’ouvrent des avenues… Ces carrefours
1721 ent des avenues… Ces carrefours « qu’aucune carte n’ indique » sont les lieux les plus émouvants, pour celui qui chevauche
1722 et qui s’anime au gré d’un vent soudain, dont on ne sait ni d’où il vient ni où il va. Kierkegaard et Don Juan C’est
1723 t emparée de moi d’une façon si diabolique que je ne pourrai plus jamais l’oublier. C’est elle qui m’a poussé, comme Elvir
1724 il plus tard — dans les Étapes — qu’il aura dû de n’ avoir pas vécu sans aimer, « quoique d’un amour malheureux ». Reliée p
1725 oujours refoulée. C’est pourquoi personne d’autre n’ a mieux jugé ce mythe. La thèse de Kierkegaard sur Don Juan rejoint Mo
1726 ole, le médium le moins matériel de l’idée : elle n’ existe que dans le temps, dans une succession de moments, puis dispara
1727 e que l’esprit exclut », l’expression de Don Juan ne peut être que musicale. Et c’est pourquoi le seul Don Juan conforme a
1728 puissance infinie de la passion, à laquelle rien ne peut résister ; j’entends la convoitise effrénée du désir, mais aussi
1729 st accrue, la victoire est certaine et l’obstacle n’ est qu’un stimulant. Je trouve en Don Juan une vie ainsi animée d’un d
1730 s me réjouir tranquillement, parce que la musique ne me le représente pas comme personne ou individu, mais comme puissance
1731 Don Juan est un mouvement, une tension pure, ou n’ est plus rien. Lancé comme une pierre qui ricoche à la surface de l’ea
1732 ral. Il séduit par la seule énergie du désir. Je ne l’imagine pas du tout comme quelqu’un qui forme ses projets sournoise
1733 e ses intrigues… La réflexion lui fait défaut… Il n’ a besoin d’aucun préparatif, d’aucun plan, d’aucun temps, car il est t
1734 onstamment présente en lui et le désir aussi. Il n’ étourdit pas Zerline de belles paroles, il l’invite à entrer, fait un
1735 aroles, il l’invite à entrer, fait un geste. « Il ne séduit pas mais il désire, et ce désir a un effet séducteur. » Non s
1736 range, c’est là ce qu’elles veulent, et celle qui ne rêverait pas de devenir malheureuse pour avoir été une fois heureuse
1737 en sa volonté d’être séduite… C’est pourquoi elle ne se fâche jamais contre son séducteur, du moins s’il l’a vraiment sédu
1738 fait abstraite est l’essentiel », l’individualité n’ existe pas : il n’y aura jamais à ses yeux infidélité ni tromperie, ma
1739 l’essentiel », l’individualité n’existe pas : il n’ y aura jamais à ses yeux infidélité ni tromperie, mais seulement répét
1740 mais seulement répétition et multiplicité. Sa vie n’ étant ainsi qu’« une somme de moments distincts…, une addition d’insta
1741 s distincts…, une addition d’instants », Don Juan ne saurait avoir de biographie : le doter d’une enfance et d’une jeuness
1742 ble de dompter Don Juan, nulle puissance du monde n’ en ayant eu raison. Cette description du mythe par Kierkegaard n’est p
1743 aison. Cette description du mythe par Kierkegaard n’ est pas seulement inspirée de Mozart : elle a pour but de démontrer qu
1744 es en mouvement. Elle résonne partout. » Don Juan n’ étant pas caractère, mais puissance et vie, donc « absolument musical 
1745 absolument musical », les autres personnages, qui ne sont que passions déterminées par Don Juan, sont dans cette mesure mê
1746 eureux pour Régine, il fut Tristan. Cependant, je n’ ai trouvé dans toute son œuvre que de rares allusions à l’Hamlet de Sh
1747 on moi potentiel, prestigieux, désiré, mais qu’il ne peut et qu’il ne veut actualiser. En l’écartant de soi, en le refusan
1748 prestigieux, désiré, mais qu’il ne peut et qu’il ne veut actualiser. En l’écartant de soi, en le refusant, il le voit et
1749 se définit, contre lui mais non pas sans lui. Il ne conçoit que deux manières de vivre dignes de l’absolu et possibles po
1750 e est ce qu’il saurait être, exemplairement, s’il n’ était pas ce qu’il subit et souffre, et s’efforce de dépasser vers l’a
1751 absolue, poétiquement absolue, dans le fait qu’il n’ y a au monde qu’un seul être bien-aimé, et que cette « seule fois » de
1752 e l’amour est l’amour, et que la « seconde fois » n’ est rien… Une fois est le tout absolu, et la seconde fois la ruine abs
1753 Certes, le Jeune Homme d’« In Vino Veritas », qui n’ a jamais encore aimé, a beau jeu de faire éclater l’absurdité tragi-co
1754 ssion, qui est d’une importance capitale et qu’on ne peut faire « qu’à l’aveuglette ». Comment expliquer « un acte aussi m
1755  ? L’amoureux passionné, dans son choix exclusif, n’ est-il pas « un pantin dont quelque chose d’inexplicable tire les fice
1756 « notre jeune ami reste au-dehors », c’est-à-dire n’ entretient encore que des rapports abstraits avec la vie, car « la rés
1757 emme réelle, c’est ce qui veut être séduit et qui ne peut l’être qu’une fois. Au contraire, le Mari qui prendra la parole
1758 oujours « manque » à Don Juan. Cependant, le Mari n’ entend pas éluder la difficulté fondamentale du mariage, et même il la
1759 ision la plus libre… En outre l’une de ces choses ne doit pas suivre l’autre, la décision ne doit pas arriver par-derrière
1760 es choses ne doit pas suivre l’autre, la décision ne doit pas arriver par-derrière à pas de loup : le tout doit avoir lieu
1761 à coup d’arguments philosophiques que la décision ne saurait être fondée dans l’argumentation. Rien d’étonnant si cet ouvr
1762 s l’argumentation. Rien d’étonnant si cet ouvrage ne convainc guère : Kierkegaard est derrière les pseudonymes exaltant un
1763 u’il refuse, mais qui demeure sa possibilité ; il n’ est pas derrière le Mari. Car celui-ci représente et défend l’impossib
1764 pour Régine, il doit donc s’éloigner, bien qu’il ne cesse de s’adresser à elle sous le couvert de ses pseudonymes, et de
1765 ui comprendra cette contradiction de la douleur : ne point se révéler, et faire mourir l’amour ; se révéler, et faire mour
1766 aard « explique » sa conduite amoureuse, ou si ce n’ est pas plutôt l’inverse, — ne correspond à rien dans notre perspectiv
1767 amoureuse, ou si ce n’est pas plutôt l’inverse, —  ne correspond à rien dans notre perspective, et n’aiderait à déceler auc
1768 — ne correspond à rien dans notre perspective, et n’ aiderait à déceler aucun sens vérifiable. En effet, tout homme pensant
1769 rmes. Ce système définit son individualité. Or je ne regarde ici et n’essaie de saisir qu’une certaine structure dynamique
1770 éfinit son individualité. Or je ne regarde ici et n’ essaie de saisir qu’une certaine structure dynamique : Kierkegaard dan
1771 à l’éthique temporelle et autonome : La décision n’ est pas la force de l’homme, ni son courage, ni son habileté… mais ell
1772 s elle est un point de départ religieux ; si elle n’ est pas cela, celui qui décide n’a été rendu fini que dans sa réflexio
1773 igieux ; si elle n’est pas cela, celui qui décide n’ a été rendu fini que dans sa réflexion, il n’a pas pris de vitesse l’i
1774 cide n’a été rendu fini que dans sa réflexion, il n’ a pas pris de vitesse l’inclination amoureuse, mais est resté en cours
1775 t trop misérable pour que l’inclination amoureuse ne la méprise et ne préfère se fier à elle-même plutôt que de se livrer
1776 pour que l’inclination amoureuse ne la méprise et ne préfère se fier à elle-même plutôt que de se livrer aux directives d’
1777 savant. La spontanéité de l’inclination amoureuse ne reconnaît qu’une seule spontanéité comme lui étant ebenbürtig, c’est
1778 u sentiment religieux ». Mais on comprend qu’elle n’ y arrivera jamais avec une morale sans passion. Je vois enfin que la p
1779 de brigands d’une mélancolie innée ?106 L’amour n’ en est pas moins l’agent privilégié du progrès spirituel de « l’homme
1780 « l’homme supérieur » — toutefois à condition de n’ être pas « heureux » : Grâce à une jeune fille, bien des hommes sont
1781 oup des poètes, beaucoup des saints — mais pas un ne fut un génie par la jeune fille qu’il posséda, car par elle il ne dev
1782 par la jeune fille qu’il posséda, car par elle il ne devint que conseiller d’État ; pas un ne fut un héros par la jeune fi
1783 elle il ne devint que conseiller d’État ; pas un ne fut un héros par la jeune fille qu’il posséda, car par elle il ne dev
1784 par la jeune fille qu’il posséda, car par elle il ne devint que général ; pas un ne fut poète par la jeune fille qu’il pos
1785 a, car par elle il ne devint que général ; pas un ne fut poète par la jeune fille qu’il posséda, car par elle il ne devint
1786 par la jeune fille qu’il posséda, car par elle il ne devint que père ; et pas un ne fut un saint par la jeune fille qu’il
1787 a, car par elle il ne devint que père ; et pas un ne fut un saint par la jeune fille qu’il posséda, car il n’en posséda au
1788 un saint par la jeune fille qu’il posséda, car il n’ en posséda aucune, et ne voulut en posséder qu’une seule, qu’il n’obti
1789 lle qu’il posséda, car il n’en posséda aucune, et ne voulut en posséder qu’une seule, qu’il n’obtint pas, de même que tous
1790 une, et ne voulut en posséder qu’une seule, qu’il n’ obtint pas, de même que tous les autres devinrent des génies, des héro
1791 s héros, des poètes grâce à la jeune fille qu’ils ne possédèrent pas. Si l’idéalité que la femme porte en elle a éveillé l
1792 ns la mesure où il est par essence malheureux, ce n’ est pas l’Éternel féminin mystique du Second Faust. C’est la passion d
1793 plus achevés, les Riens philosophiques 107 : Il ne faut pas penser de mal du paradoxe, cette passion de la pensée, et le
1794 e de vouloir découvrir quelque chose qu’elle-même ne puisse penser. Et plus loin : Regardons ce qui se passe dans l’amou
1795 Regardons ce qui se passe dans l’amour, quoiqu’il ne rende qu’imparfaitement la situation. L’égoïsme est à l’origine du se
1796 ment créatrices — entre Kierkegaard et Régine. Il n’ a pu l’aimer que de loin, dans la perte, choisie par lui, de toute pré
1797 de lui adresser — par l’intermédiaire du mari ! —  ne l’a pas atteinte. Une dernière fois, ils se sont rencontrés, mais par
1798 l’a salué, et il a répondu à son salut, mais ils n’ ont pas pu se parler. C’était le 17 mars 1855, à la veille du départ d
1799 a pensée proprement religieuse de Kierkegaard, ce n’ est pas ici le lieu de l’expliciter. J’en donnerai tout de même un exe
1800 ence existentielle. Le sujet du « Tu dois aimer » ne saurait être, en effet, que « l’Individu ». Or on sait que cette caté
1801 qu’il faut aider, selon la parabole évangélique — ne saurait être à son tour que l’expression de l’esprit en tout homme. S
1802 st le paradoxe proprement kierkegaardien. L’amour ne va pas de n’importe qui à tout le monde, mais d’un seul, distingué pa
1803 e proprement kierkegaardien. L’amour ne va pas de n’ importe qui à tout le monde, mais d’un seul, distingué par l’esprit, à
1804 alement existants par l’esprit. Mais ici, comment ne pas rappeler que la première mention de « l’Individu » figure dans la
1805 d’années leur œuvre difficile et foisonnante, et n’ ont forcé qu’in extremis, par le scandale, l’attention de quelques-uns
1806 longuement écrit que Kierkegaard, mais son œuvre n’ est pas moins riche en jugements brefs, d’ailleurs effrontément contra
1807 artes, Spinoza, Leibniz, Kant, Schopenhauer — ils ne le furent point ; bien plus, on ne pourrait même se les imaginer mari
1808 penhauer — ils ne le furent point ; bien plus, on ne pourrait même se les imaginer mariés. Un philosophe marié a sa place
1809 ntrer la vérité de cette thèse.110 « Marie-toi, ne te marie pas, dans les deux cas tu le regretteras », disait Socrate.
1810 e. « Celui qui se marie fait bien, mais celui qui ne se marie pas fait mieux », disait saint Paul, parlant en tant que Spi
1811 se trouvait à côté de l’homme et qu’aucune femme ne pouvait élever la prétention d’être pour l’homme l’objet de l’amour l
1812 que l’homme s’élève, à condition cependant qu’il ne l’épouse pas. Dans ses moments d’« équilibre doré » et d’évaluation c
1813 ’Éros, etc.112 L’Agapè dont il est ici question n’ est encore pour les Grecs que l’amour désintéressé ; mais dans l’espri
1814 e procès de maîtrise d’un instinct, « l’intellect n’ est que l’instrument aveugle d’un autre instinct, qui est le rival de
1815 cités peu avant —, ni l’amour qu’on invoque ici, ne sont à parler proprement, des instincts. L’érotisme commence précisém
1816 excellence. La lutte entre les deux « instincts » n’ est donc pas autre chose que la lutte entre les deux puissances de l’É
1817 e et unique de la spontanéité passionnée, l’autre ne veut prendre à témoin que le seul Tristan de Wagner, comme expression
1818 e suscite chez celui-là l’illusion que la musique ne soit qu’un admirable procédé, un inégalable moyen de donner la vie au
1819 oles et l’image scénique, Nietzsche imagine qu’il ne pourrait supporter l’audition du troisième acte de Tristan « à moins
1820 tan s’est évanoui et Don Juan domine tout. Wagner n’ est plus « mon noble compagnon d’armes » mais « l’asphyxie par le rabâ
1821 sagesse. Elle est femme… » Que dit Aurore ? « Il n’ y a encore d’efficace contre l’amour que ce vieux remède radical : l’a
1822 la Don Juan. Il y a plus. Le donjuanisme érotique n’ est guère pour Nietzsche qu’une image, voire un argument polémique, ma
1823 es doigts audacieux pour l’insaisissable… prêts à n’ importe quelle aventure grâce à un excès de libre jugement… Cachés sou
1824 e la connaissance : aucun philosophe, aucun poète ne l’a encore découvert. Il lui manque l’amour des choses qu’il découvre
1825 et les plus lointaines ! — jusqu’à ce qu’enfin il ne lui reste plus rien à chasser, si ce n’est ce qu’il y a d’absolument
1826 ’enfin il ne lui reste plus rien à chasser, si ce n’ est ce qu’il y a d’absolument douloureux dans la connaissance, comme l
1827 repas du soir de la connaissance, qui jamais plus ne lui tombera en partage ! — Car le monde des choses tout entier ne tro
1828 n partage ! — Car le monde des choses tout entier ne trouvera plus une bouchée à donner à cet affamé.121 Le rythme allèg
1829 Don Juan de la connaissance s’interroge, et cela n’ est pas dans le droit fil du personnage. Ou bien veut-il aller plus ou
1830 rbarie rendrait les hommes plus malheureux qu’ils ne le sont ? Hélas, non ! Les barbares de tous les temps avaient plus de
1831 bares de tous les temps avaient plus de bonheur : ne nous y trompons pas. — Mais c’est notre instinct de connaissance qui
1832 et nous est devenue tout aussi indispensable que ne l’est, pour l’amoureux, l’amour malheureux : à aucun prix il n’aimera
1833 l’amoureux, l’amour malheureux : à aucun prix il n’ aimerait l’abandonner pour l’état d’indifférence ; — oui, peut-être so
1834 ssance s’est transformée chez nous en passion qui ne s’effraie d’aucun sacrifice et n’a, au fond, qu’une seule crainte, ce
1835 en passion qui ne s’effraie d’aucun sacrifice et n’ a, au fond, qu’une seule crainte, celle de s’éteindre elle-même… Mais
1836 naissance peut faire périr l’humanité ? Qu’à cela ne tienne ! « Cette pensée, elle aussi, est sans puissance sur nous. Le
1837 ffrayé d’idées semblables ? La passion et la mort ne sont-elles pas sœurs ? »122 Au comble du défi, Don Juan vient de sur
1838 ité secrète de son pire Adversaire. Qui sait s’il ne va pas l’aimer ?   Dans la seconde partie d’Ainsi parlait Zarathoustr
1839 accords dissonants, dont la sourde interrogation n’ a pu manquer de réveiller dans la mémoire musicale de Nietzsche les mo
1840 Profond est le monde Et plus profond que le jour ne l’a vu. Profonde est sa douleur — Mais la joie plus profonde encore q
1841 elui qui veut tuer son adversaire considère si ce ne serait pas là une façon de l’éterniser en soi-même. »   Le « cas Niet
1842 l’éterniser en soi-même. »   Le « cas Nietzsche » n’ a pas été tranché par la folie. Et personne n’en a mieux formulé les d
1843 e » n’a pas été tranché par la folie. Et personne n’ en a mieux formulé les données que Nietzsche lui-même. Le dernier aph
1844 e à l’idée pure, à l’idéalité, à la catégorie. Il n’ a pas de peine à démontrer que les Don Juan de Molière, de Heiberg, de
1845 séducteurs machiavéliques du xviiie siècle, qui ne laissent derrière eux que colère, honte et mépris. Casanova aime les
1846 onte et mépris. Casanova aime les femmes, Valmont ne cherche qu’à gagner des parties. C’est un des lieux communs de la cri
1847 esque du personnage de Casanova. Certes, Casanova n’ est pas impie, n’est pas démon, ne provoque ni Dieu ni les hommes. Il
1848 ge de Casanova. Certes, Casanova n’est pas impie, n’ est pas démon, ne provoque ni Dieu ni les hommes. Il n’est pas révolut
1849 ertes, Casanova n’est pas impie, n’est pas démon, ne provoque ni Dieu ni les hommes. Il n’est pas révolutionnaire, et n’es
1850 pas démon, ne provoque ni Dieu ni les hommes. Il n’ est pas révolutionnaire, et n’est pas non plus grand seigneur. Il est
1851 u ni les hommes. Il n’est pas révolutionnaire, et n’ est pas non plus grand seigneur. Il est tricheur, vulgaire, catholique
1852 in, il se contente de conquêtes faciles. (Mais je ne sais où l’on prend que Don Juan les dédaigne ? N’aurait-on jamais lu
1853 ne sais où l’on prend que Don Juan les dédaigne ? N’ aurait-on jamais lu le Catalogue ?) Entendu, accordé pour l’essentiel.
1854 u, accordé pour l’essentiel. Mais quoi ! Don Juan n’ a jamais existé, il est un mythe ; et la plus grande différence entre
1855 ne seule lacune, presque incroyable : Kierkegaard n’ y est pas même nommé), je trouve ces formules adroitement balancées :
1856 Juan, La Flûte enchantée) par F. A. Breydert, je ne trouve rien qui ne confirme les analyses de Kierkegaard. À coup de ci
1857 hantée) par F. A. Breydert, je ne trouve rien qui ne confirme les analyses de Kierkegaard. À coup de citations musicales e
51 1961, Preuves, articles (1951–1968). Dialectique des mythes : Le carrefour fabuleux (II) (mai 1961)
1858 celui qu’hypnotise un objet merveilleux, dont il n’ aura jamais épuisé la richesse. L’un posséda mille et trois femmes, l’
1859 à l’infini se concentre le monde entier. Tristan n’ a plus besoin du monde — parce qu’il aime ! Tandis que Don Juan, toujo
1860 qu’il aime ! Tandis que Don Juan, toujours aimé, ne peut pas aimer en retour. D’où son angoisse et sa course éperdue. L’u
1861 le chevalier. Tristan, mélancolique et courageux, n’ abdique au contraire son orgueil qu’à l’approche de la mort lumineuse.
1862 orgueil qu’à l’approche de la mort lumineuse. Je ne leur vois qu’un trait commun : tous deux ont l’épée à la main.123 O
1863 entaire au sens de la physique actuelle. Don Juan n’ est pas concevable sans Tristan, et sans lui n’eût pas vu le jour. Mai
1864 an n’est pas concevable sans Tristan, et sans lui n’ eût pas vu le jour. Mais ce lien de genèse réciproque ne saurait s’exp
1865 pas vu le jour. Mais ce lien de genèse réciproque ne saurait s’exprimer de la même manière en termes d’histoire, d’éthique
1866 les, Tristan telle autre. La filiation des mythes ne pose guère de problèmes. La légende de Tristan date du xiie siècle,
1867 e Tristan date du xiie siècle, celle de Don Juan ne remonte guère qu’à la Renaissance, et ne s’est vraiment constituée qu
1868 Don Juan ne remonte guère qu’à la Renaissance, et ne s’est vraiment constituée qu’à la faveur du refoulement temporaire de
1869 re apparaître l’antithèse de Tristan. Si Don Juan n’ est pas, historiquement, une invention du xviiie , du moins ce siècle
1870 il spirituel. Mais l’humeur voyageuse de Don Juan ne relève que du nomadisme ; elle traduit l’infidélité systématique du r
1871 du xixe , s’il est d’abord le fait du romantisme, ne coïncide point par hasard avec l’essor de la passion nationaliste, qu
1872 iveau politique125. Mais le nomadisme de Don Juan n’ est pas seulement cosmopolite et donc moderne. Les succès du héros, co
1873 rne. Les succès du héros, comme ceux de Casanova, ne sont pas seulement le fait d’un charme individuel. Des coutumes ances
1874 n me paraît encore plus évidente. L’amour-passion n’ est ressenti dans sa pureté animique que par la prime adolescence. Il
1875 Il est alors sentiment pur, douleur-joie pure, et ne sera plus jamais aussi nettement distinct de tout autre douleur ou jo
1876 synthèse peut devenir plus ou moins stable, mais ne saurait être en aucun cas statique, au sens où la supposent la morale
1877 s combinaisons et des permutations possibles : ce n’ est pas ici mon sujet, mais celui d’un traité du mariage.) Si au contr
1878 re prétend que le sexe lui suffit : à la durée il n’ oppose que l’instant des brèves rencontres érotiques. De ce point de v
1879 ant le social et le sentimental126. Mais comme il n’ est guère de mariage qui parvienne à maintenir sans crise une synthèse
1880 u, et que la morale formule ses exigences. Or, on ne saurait trancher l’alternative qu’en connaissance des fins auxquelles
1881 les découvre essentiellement complémentaires. Ce ne serait plus alors d’un dilemme à trancher qu’il s’agirait, mais d’une
1882 e survivre, travailler et gagner de l’argent, qui ne sont au vrai que des moyens ? Limitons-nous aux quatre que voici : la
1883 a durée normale ; ou plutôt deux tempéraments qui ne pourront jamais s’y accommoder. L’un exige l’intensité toujours accru
1884 tan, l’autre Don Juan. Don Juan nous chante qu’il n’ est heureux que dans l’instant, la nouveauté et le changement, et qu’i
1885 ’instant, la nouveauté et le changement, et qu’il n’ a jamais souhaité mieux. « Le croire malheureux parce qu’il va de l’un
1886 à l’autre, c’est le croire malheureux parce qu’il n’ atteint pas un but qu’il ne poursuit pas », écrit l’un de ses apologis
1887 malheureux parce qu’il n’atteint pas un but qu’il ne poursuit pas », écrit l’un de ses apologistes127, qui ajoute aussitôt
1888 ous à ses heures. C’est qu’il oublie qu’une femme n’ est pas une pomme. Et qu’elle en voudra mortellement à celui qui ne l’
1889 me. Et qu’elle en voudra mortellement à celui qui ne l’aura pas « prise », s’étant contenté de la « goûter ». Dona Anna po
1890 e — que nous rappelle un analyste freudien — « il ne lui a pas donné l’âme qu’il lui devait… Il a trompé la femme en elle,
1891 à part, le « divin » ramené à l’humain, et l’âme n’ étant plus confondue avec l’esprit ou la personne, le sens est clair :
1892 ange et don, entre humains tout au moins, et l’on n’ en finit pas si vite ! Il n’est que juste d’observer d’ailleurs que le
1893 out au moins, et l’on n’en finit pas si vite ! Il n’ est que juste d’observer d’ailleurs que le Don Juan mangeur de pommes
1894 ommes qu’on vient de citer reste un peu court. Il n’ accédera jamais à l’érotisme, qui est dépassement de l’instinct et des
1895 passement de l’instinct et des faims animales. Il n’ intéresse pas plus que les pariades des autres, et n’a pas de prestige
1896 ntéresse pas plus que les pariades des autres, et n’ a pas de prestige pour l’imagination. Mozart n’en eût rien fait, ni mê
1897 et n’a pas de prestige pour l’imagination. Mozart n’ en eût rien fait, ni même Da Ponte. Il sert ici d’exemple extrême, pou
1898 our l’esprit. Il nous rappelle aussi que la durée n’ est pas seulement la réalité du couple, mais celle de l’objet désiré.
1899 mesure de répondre. Si notre incarnation présente n’ est que souffrance et illusion — souffrance à cause de l’illusion, dit
1900 ’est Tristan qui a raison contre le mariage. S’il n’ est pas d’autre vie ni d’autre réalité qu’historique, matérielle et bi
1901 condamner Don Juan et Tristan à la fois ; mais il n’ a plus de raison de le faire…   Le bonheur. — Moments de grand plaisi
1902 assion : l’argument du bonheur sert à tous. Et ce n’ est pas une raison pour qu’il soit faux. Il n’en fait pas moins ricane
1903 ce n’est pas une raison pour qu’il soit faux. Il n’ en fait pas moins ricaner ceux que l’ennui, la satiété, la jalousie, l
1904 taine dualité est normale, dans la mesure où elle ne fait que traduire la formule même de la vie sur tous les plans : spir
1905 ique, biologique et physique. En effet, nulle vie n’ est concevable hors de la tension permanente, voire de la lutte (laten
1906 elle le digère, le désintègre et l’assimile, — il n’ est plus là, matériellement. Et puis, quelques minutes ou quelques heu
1907 logues à celles de la cellule, sauf en ceci qu’il ne renferme qu’un seul des acides nucléiques. À cela tient toute sa noci
1908 ent toute sa nocivité. (Notons aussi que le virus ne peut se propager et se reproduire qu’aux dépens de cellules vivantes 
1909 ’aux dépens de cellules vivantes : sans elles, il ne peut subsister.) Imaginons maintenant une âme individuelle, ou même u
1910 effet d’un choc émotif. Cette analogie biologique n’ explique pas, on s’en doute, la nature en soi de nos mythes, qui sont
1911 l que soit le niveau de la « vie » considéré ? Je ne citerai — et en passant — qu’un seul exemple d’application de cette m
1912 d’entre eux — c’est, d’une manière précise, qu’il n’ admet qu’une tendance, la centralisation universelle. Le fédéralisme,
1913 tarisme est un virus, et si vous l’attrapez, vous n’ y pourrez plus rien. » Je ne croyais pas si bien dire129.   La libert
1914 vous l’attrapez, vous n’y pourrez plus rien. » Je ne croyais pas si bien dire129.   La liberté. — Sur les premières mesur
1915 se contredisent, et toutes, à des degrés divers, ne font que servir l’ordre assigné à chacun ! En somme, elles crient tou
1916 r cette liberté seule nous intéresse ; les autres ne sont guère que revendications déterminées dans l’homme par son « empl
1917 son « emploi » social ou son éthique utilitaire. N’ y a-t-il donc pas de liberté ? Ou bien la seule vraie liberté serait-e
1918 zsche en humeur donjuanesque —, ils obtinrent, je ne sais par quelle voie, quelques indications sur le fameux symbole, le
1919 s, seuls dépositaires de cet ultime secret : Rien n’ est vrai, tout est permis. C’était là de la vraie liberté d’esprit, un
1920 ait en question la foi même de la vérité.130 On ne peut aller plus loin, on ne peut aller plus haut — mais peut-être est
1921 de la vérité.130 On ne peut aller plus loin, on ne peut aller plus haut — mais peut-être est-ce aller trop haut — dans l
1922 le « petit faitalisme » scientifique — le « Rien n’ est vrai, tout est permis » est une connaissance réservée, un savoir r
1923 , dit Augustin. L’Orient hindouiste et bouddhiste n’ a pas dit autre chose avant eux, ni les mystiques de l’islam après eux
1924 ystiques de l’islam après eux. Cette connaissance ne peut être obtenue par un défi à la morale courante, ni même par une r
1925 on la lettre. »131. Cette liberté seule « vraie » ne peut être le terme d’aucune espèce de revendication, nécessairement t
1926 eur, vers les vérités constituées : car celles-ci ne sont pas « vraies » (si elles sont souvent utiles), et leur renversem
1927 elles sont souvent utiles), et leur renversement ne suffirait pas à révéler la Vérité, moins encore à la réfuter. Atteind
1928 e règne sans fin de l’Amour sans réveil. Là, rien n’ est plus ni vrai ni faux, ni tien ni mien, ni séparé ni interdit, dans
1929 it s’abîmer dans l’inconscient tout englobant, il n’ y a plus d’objet, ni de prochain. Il n’y a plus que l’amour de l’amour
1930 lobant, il n’y a plus d’objet, ni de prochain. Il n’ y a plus que l’amour de l’amour dans un sujet qui, lui aussi, doit s’é
1931 prochain. Don Juan et Tristan, symboles de l’âme, ne sont en fait que deux manières d’aimer sans aimer le prochain. N’étan
1932 que deux manières d’aimer sans aimer le prochain. N’ étant pas des personnes, mais des puissances, ils ne sauraient s’aimer
1933 étant pas des personnes, mais des puissances, ils ne sauraient s’aimer eux-mêmes, ce qui est la condition de l’amour d’un
1934 c de tout amour réel : car sans prochain, l’amour ne sait plus où se prendre. Tout amour véritable est relation réciproque
1935 méditation au carrefour fabuleux qu’aucune carte n’ indique, une conclusion que l’on n’était pas sans pressentir dévoile e
1936 u’aucune carte n’indique, une conclusion que l’on n’ était pas sans pressentir dévoile enfin son visage ambigu. Les deux my
1937 nséparables : ils sont nés de lui, contre lui, et ne pourraient se perpétuer sans lui. Mais ici se révèle en même temps le
1938 itale, ou devenue telle dans notre évolution. Ils ne sont pas seulement nos tentations majeures, mais des signes chargés d
1939 plus fort — Tristan plus fort que le roi Marc —, n’ a-t-il pas déposé une épée symbolique ? Pour qu’une passion de cette n
1940 symbolique ? Pour qu’une passion de cette nature n’ aboutisse point à quelque « malheur exemplaire », il faudrait qu’un he
1941 ne déjouer la logique du mythe. 126. « Celui qui ne sait pas trouver le chemin qui conduit à son idéal, vit de façon plus
1942 hes de Mozart nous assurent que ses contemporains ne doutaient pas un instant que Dona Anna ait cédé à Don Juan, prenant (
1943 nt Don Juan prêt à s’enfuir, un peu trop vite. Je ne vois pas Casanova « trahi » de la sorte. Il a mieux aimé ses conquête
1944 ona Anna, si elle déclare sa haine pour Don Juan, n’ est pas pressée d’épouser Don Ottavio… 129. Mon Journal d’Allemagne
1945 ser Don Ottavio… 129. Mon Journal d’Allemagne ne fait qu’une ou deux allusions très voilées à cette transformation phy
52 1961, Preuves, articles (1951–1968). Pour Berlin (septembre 1961)
1946 r un traité de paix avec le régime de Pankow, qui n’ a jamais été en guerre avec les Russes et qui n’existe que par eux. Le
1947 i n’a jamais été en guerre avec les Russes et qui n’ existe que par eux. Les motifs politiques qui animent M. Khrouchtchev
1948 ce rend la guerre atomique soudain possible. Nous ne discuterons pas ses raisons, ni celles que lui oppose l’Occident. Nou
1949 nue à perdre chaque jour un millier de sujets qui ne l’aiment pas ? » Nous demandons pour ces sujets le droit de redevenir
1950 lare que « le régime socioéconomique de tout État ne regarde que son peuple et personne d’autre ». Cette déclaration solen
1951 nduit à opter pour la démocratie. M. Khrouchtchev ne cesse de répéter que la marche fatale de l’Histoire mènera sans guerr
1952 millions et demi d’hommes et de femmes sans armes ne menacent pas la paix du peuple russe. Nous demandons à M. Khrouchtche
1953 peuple russe. Nous demandons à M. Khrouchtchev de ne pas pousser à bout les Allemands de l’Est en fermant la dernière issu
1954 lus libre. Priver un peuple entier de tout espoir n’ est pas « consolider la paix ». Nous demandons à M. Khrouchtchev de ne
1955 er la paix ». Nous demandons à M. Khrouchtchev de ne pas déclencher le massacre universel pour sauver un régime décrié. Et
1956 vail, dans l’espoir. Ceux qui retrouvent l’espoir ne veulent plus que la paix, et cette volonté populaire, mieux que tous
1957 le sort des dictatures et de l’empire communiste ne tient qu’aux barbelés de la porte de Brandebourg, — au chantage qui f
53 1963, Preuves, articles (1951–1968). Le mur de Berlin vu par Esprit (février 1963)
1958 ur de Berlin vu par Esprit (février 1963)bg On ne sait pas toujours qui sont ceux que l’on lit dans les revues français
1959 les noms d’auteurs, et c’est tout. (À la Cour, on ne rencontrait que des personnes qui avaient été « présentées », et que
1960 traces dans la vie littéraire de Paris.) Pourquoi ne pas dire au lecteur qui sont les gens que l’on publie ? Quelques lign
1961 n fut l’un des plus infatigables édificateurs, il ne fut pas seul : des milliers d’Allemands (de l’Ouest) arborèrent son i
1962 vre nationale ». L’Allemagne de l’Est, jusqu’ici, n’ est donc pas pour une brique dans ce mur. Mais quels furent les motifs
1963 rent les motifs de l’Ouest ? « On avait besoin de ne pas connaître l’autre Berlin, de ne pas confronter aux réalités l’ima
1964 ait besoin de ne pas connaître l’autre Berlin, de ne pas confronter aux réalités l’image commode qu’on s’en faisait ; on v
1965 du théâtre révolutionnaire en Allemagne ». (Rien n’ est plus faux : la République fédérale joue Brecht autant qu’on le jou
1966 rale joue Brecht autant qu’on le joue à Paris, ce n’ est pas peu dire.) Donc, premier point du raisonnement : ce n’est pas
1967 u dire.) Donc, premier point du raisonnement : ce n’ est pas l’Est qui a fait le mur, c’est l’Ouest — pour empêcher qu’on j
1968 à la misère ou à une révolte désespérée ceux qui n’ avaient pas les moyens de partir…, ou trop de ce sens des responsabili
1969 ifs, « achetait des techniciens dont la formation ne lui avait rien coûté… alors que cette formation avait lourdement grev
1970 en dédommagement de la formation d’Einstein, qui ne leur avait rien coûté ?) 4°) « Le mur rend plus nécessaire que jamai
1971 la source, si le proverbe : is fecit cui prodest n’ était trop souvent démenti par la sottise de ceux qui croient servir u
1972 are : « Ils ont construit un mur à Berlin, ce mur n’ est rien. Seul compte celui qui se trouve dans le cœur des Allemands d
1973 Première Guerre. « Les Allemands, ajoute Salomon, n’ ont pris des Prussiens que les défauts… L’Allemagne sans l’Est n’est p
1974 Prussiens que les défauts… L’Allemagne sans l’Est n’ est pas l’Allemagne. » C’est en effet une Allemagne sans Prusse. Et un
1975 est le fait des Allemands de l’Ouest. Le procédé n’ est pas nouveau. Il consiste à poser en principe et d’une manière syst
1976 ittéralement proscrit pour avoir écrit que le mur ne me faisait pas peur. » De quel côté du mur a-t-il écrit cela ? Qui l’
1977 t de l’obliger à sauter le mur pour prouver qu’il n’ en a pas peur. bg. Rougemont Denis de, « Le mur de Berlin vu par Es
54 1963, Preuves, articles (1951–1968). Une journée des dupes et un nouveau départ (mars 1963)
1978 fusait quelque chose dont la majorité d’entre eux ne voulaient pas ou pas encore… selon les derniers sondages d’opinion133
1979 oute la presse, et par cette opinion publique qui n’ est rien d’autre que ce qu’en dit la presse sans tenir compte des sond
1980 tiens aux décisions intervenues. Ce chassé-croisé n’ a pu surprendre que ceux qui croient ce qu’il leur convient d’imaginer
1981 veut une Europe forte et autonome, donc unie. Il n’ a jamais parlé d’une « Europe des patries »134, pas plus que d’une « A
1982 onale. » Or, dit-il aujourd’hui, comme « personne ne me propose l’Europe intégrée, je crois préférable d’avoir l’Angleterr
1983 n de l’union politique, qui est supranationale ou n’ est rien. Le veto brutal de la France implique au contraire une relanc
1984 aire une relance de la construction politique, ou n’ a pas de sens. Or, jusqu’ici — début de février 1963 — il faut bien qu
1985 il faut bien qu’on l’admette avec Spaak, personne n’ a proposé un plan d’union tant soit peu imaginatif, voire sérieux. Ni
1986 l’improvisation. Le Marché commun, par lui-même, ne conduit pas nécessairement à une Europe fédérée. La logique de ses rè
1987 ans doute une union politique et la suppose, mais ne la préfigure pas du tout. Prolongée sur le plan politique, sans inter
1988 tôt à une Europe uniforme et centralisée dont nul ne veut. À l’inverse, l’Europe des patries ne tendrait qu’à la renaissan
1989 nt nul ne veut. À l’inverse, l’Europe des patries ne tendrait qu’à la renaissance des nationalismes obtus qui ont fait leu
1990 re. La vraie lutte pour l’Europe se relâchait. Je ne sens plus, pour ma part, aucune raison de douter de sa rénovation.  
1991 ttement refusée dans les années 1950, alors qu’il ne tenait qu’à nous de la saisir. » On ne saurait dire plus clairement q
1992 lors qu’il ne tenait qu’à nous de la saisir. » On ne saurait dire plus clairement que l’intérêt de l’Angleterre serait d’e
1993 chel Debré, lequel m’écrivait en 1953 que les Six ne seraient — s’ils existaient jamais, ce dont il doutait — qu’une trahi
55 1964, Preuves, articles (1951–1968). Un district fédéral pour l’Europe (août 1964)
1994 dialisante : pas une seule de ses petites nations n’ y peut suffire, et les plus grandes — en termes d’autrefois — sont pet
1995 tatut des nations dites « souveraines », mais qui ne le sont plus qu’au niveau des discours, cette Europe minima ne saurai
1996 us qu’au niveau des discours, cette Europe minima ne saurait être qu’une forme de transition tactique vers une union plus
1997 ement, mais pourquoi s’y arrêter ? Car l’Histoire n’ en fera rien. L’Europe a sécrété le nationalisme qui infecte aujourd’h
1998 sauvegarder les diversités de l’Europe, voilà qui ne saurait être réalisé que par l’union de type fédéraliste. L’exemple d
1999 ’Hitler ont avorté, au prix qu’on sait, mais rien ne prouve que les moyens modernes, manipulés par le Kremlin ou par la Ma
2000 Kremlin ou par la Maison-Blanche et le Pentagone, n’ arriveraient pas à imposer cette unification tout extérieure aux dépen
2001 e telle puissance matérielle que, justement, l’on ne peut imaginer que l’un des deux « Grands » la souhaite. Et personne e
2002 eux « Grands » la souhaite. Et personne en Europe ne la propose : il est trop clair que cette formule totalitaire mais san
2003 e mais sans doctrine millénariste et sans passion ne sauverait le corps qu’au prix de l’âme, autant dire pour bien peu de
2004 rait et se sentirait appauvri. Au reste, Napoléon n’ a réussi qu’à provoquer des réactions nationalistes, et Hitler des mou
2005 mouvements de résistance. Une troisième tentative ne manquerait pas de provoquer d’autres formes de refus, allant de la to
2006 ement, l’Europe d’aujourd’hui est plus petite que n’ était la Suisse à l’époque où elle s’est fédérée. Et les disparités de
2007 hesse, de langue, de confession, voire de régime, ne sont guère plus marquées ou plus frappantes entre les États de l’Euro
2008 s frappantes entre les États de l’Europe qu’elles ne l’étaient entre les cantons suisses avant 1848 ; à tout le moins ne s
2009 les cantons suisses avant 1848 ; à tout le moins ne sont-elles pas d’une autre essence. Si l’on admet que l’anarchie des
2010 e. Si l’on admet que l’anarchie des souverainetés ne peut durer, mais qu’en revanche les diversités réelles ne peuvent êtr
2011 durer, mais qu’en revanche les diversités réelles ne peuvent être nivelées par décrets, on cherche en vain quelle solution
2012 l’exemple de la Suisse… On s’écrie aussitôt qu’il ne saurait être question d’imiter ce modèle, ridiculement réduit, à l’éc
2013 ds en connaissance précise du modèle que l’on dit ne pouvoir imiter. (Ceux qui invoquent des raisons de prestige, c’est qu
2014 isons de prestige, c’est quelquefois parce qu’ils n’ en ont pas d’autres.) Même si l’Europe refuse de s’inspirer de la Suis
2015 . Les voix suisses qui s’élèvent au plan européen ne cessent de dénoncer ces démences collectives. C’est comme « citoyen d
2016 tique136. L’Europe unie qu’il appelle de ses vœux ne serait nullement unifiée par un despote ou par une idéologie : elle d
2017 il préconise, et son modèle, en dernière analyse, n’ est rien d’autre que la cité de Genève ! Un peu plus tard, le Schaffho
2018 jacobins et le Premier Empire. Benjamin Constant n’ est pas seulement l’auteur de L’Esprit de conquête, pamphlet classique
2019 connaît les mécanismes de notre vie civique : il n’ hésite pas à les proposer en modèle pour l’édification de l’Europe. Se
2020 munauté de la Grande Europe. De cette façon, elle n’ aura pas vécu en vain ni sans gloire138. » Pratiquement ignoré de nos
2021 rsion de nos vieilles coutumes ! Temps perdu ! Ça ne se fera jamais ! » Je me souviens d’un débat devant le micro, en févr
2022 on appelait à l’époque la CECA : 1°) que ce pool n’ était pas réalisable ; 2°) qu’il serait néfaste pour la Suisse, à caus
2023 . Et notre arrivée tardive au Conseil de l’Europe n’ a jamais été justifiée — comme disaient mes instituteurs. Qu’en est-il
2024 re d’Algérie, permettant les accords d’Évian). Il n’ est donc pas question que la Suisse prenne la moindre initiative visan
2025 sant à l’union européenne au plan politique. Elle ne pourrait qu’y perdre son prestige international, et cette réserve ori
2026 taient chargés de le garder. La neutralité suisse n’ est pas un dogme. Elle n’a jamais été qu’un moyen politique mis au ser
2027 er. La neutralité suisse n’est pas un dogme. Elle n’ a jamais été qu’un moyen politique mis au service de notre indépendanc
2028 tique mis au service de notre indépendance ; elle n’ est pas affirmée par la Constitution ; « elle ne fait pas partie de l’
2029 e n’est pas affirmée par la Constitution ; « elle ne fait pas partie de l’essence de la Confédération ». Adhérer au Marché
2030 ité. Sortie de l’Histoire, en quelque sorte, elle n’ est plus du tout celle que les puissances garantirent en 1815, elle a
2031 t l’incendie, entre le microbe et la maladie ! On ne voit guère quelles considérations philanthropiques pourraient être op
2032 la législation du travail, le régime fiscal, pour ne citer que ces exemples, devraient être uniformisés selon des directiv
2033 n, et ce serait même la fin de notre fédéralisme, n’ hésitent pas à déclarer de nombreux politiciens et journalistes. Répo
2034 e à une Europe unie, et d’abord au Marché commun, n’ entraînerait aucune violation de la Constitution actuelle. Si, dit-il,
2035 à entrer sans réserve dans le Marché commun, elle ne saurait justifier ce refus par des motifs juridiques et des prétextes
2036 it gravement menacée. L’adhésion au Marché commun ne serait donc pas payante. Réponse : La Suisse est située au cœur du M
2037 La Suisse est située au cœur du Marché commun. Ce n’ est évidemment pas avec le reste du monde (sans cesse invoqué par les
2038 l’outre-mer. Mais il faut avouer que ces chiffres ne suffisent pas à justifier notre refus de participer au Marché commun,
2039 cie plus impossible encore chez nous qu’ailleurs, n’ en affirment pas moins que s’il le faut, un jour, la Suisse farà da se
2040 uisse farà da se et saura bien se défendre ? Nous ne sommes plus au défilé de Morgarten. Ce n’est pas avec des longues piq
2041  ? Nous ne sommes plus au défilé de Morgarten. Ce n’ est pas avec des longues piques, des crampons de fer aux pieds et une
2042 ait une catastrophe pour la Suisse. Mais personne ne la préconise en réalité. Il est clair en revanche qu’une Europe fédér
2043 seuls serait le plus sûr moyen de les perdre. Il n’ est pas vrai, d’ailleurs, que l’union de l’Europe menace d’effacer nos
2044 es nationales. L’union de la Suisse, depuis 1848, n’ a pas effacé nos caractéristiques cantonales. Et il est pour le moins
2045 aliens, Allemands, Espagnols, Grecs et Turcs). Ce n’ est pas le Marché commun qui les amène. C’est l’expansion de l’industr
2046 aquelle l’auteur de la déclaration que j’ai citée n’ est pas tout à fait étranger. S’il croit vraiment que le mélange des p
2047 es peuples est un danger majeur pour son pays, il n’ a pas le droit d’en conclure qu’il faut refuser de rejoindre le Marché
2048 et surtout par l’effet de la technique, laquelle n’ a pas été créée par le mouvement d’union européenne. De nos jours enco
2049 ges. En fait, cette « caractéristique nationale » n’ en est plus une depuis longtemps. Vers 1900 déjà, les Suisses vivant d
2050 rs 1900 déjà, les Suisses vivant de l’agriculture ne représentaient plus qu’un tiers de la population totale. En 1964, c’e
2051 que la Suisse entre ou non dans le Marché commun n’ y changera rien. (À moins que notre isolement n’entraîne un retour à l
2052 n n’y changera rien. (À moins que notre isolement n’ entraîne un retour à la misère naturelle du pays ?) Bref, ce n’est pas
2053 retour à la misère naturelle du pays ?) Bref, ce n’ est pas la Suisse de Morgarten, de Marignan ou du xviiie siècle, ni m
2054 le prétexte d’une indépendance dont notre peuple n’ est pas disposé plus qu’un autre à payer le prix exorbitant. Autofr
2055 ance calculée et d’empirisme, qui supposent qu’on ne pousse pas sa pointe à fond et qu’on ne se laisse pas entraîner par u
2056 ent qu’on ne pousse pas sa pointe à fond et qu’on ne se laisse pas entraîner par une verve logique ou polémique qui risque
2057 aux enthousiastes de l’Europe, ils savent qu’ils n’ ont aucune espèce de chances d’être écoutés s’ils proposent de renonce
2058 uisse moderne, un crime de lèse-majesté. Personne n’ ose donc crier trop fort, et c’est peut-être mieux ainsi. Mais notre p
2059 s notre peuple comprend mal ce qui est en jeu. Je ne suis d’accord, pour ma part, ni avec ceux qui refusent l’Europe en pr
2060 spensable dans la neutralité d’une fédération. Il n’ y a pas une chance qu’on nous offre cela, si nous, Suisses, ne le prop
2061 e chance qu’on nous offre cela, si nous, Suisses, ne le proposons pas. Mais quant aux chances que nous le proposions… Tout
2062 atries et l’union. Mais je réitère : si la Suisse ne la préconise pas, qui le fera ? Notre fédéralisme est peu connu, ou t
2063 très mal connu hors de Suisse ; notre neutralité n’ y est que trop connue. Pourquoi parler toujours de cette vertu qui enn
2064 e mondiale ? Pourquoi cette timidité ? L’histoire n’ est pas faite par des gens qui défendent leur position, mais bien par
2065 Ce que les Européens peuvent attendre de nous, ce n’ est pas l’exposé lassant des raisons de notre réserve devant tout ce q
2066 ait accompli, c’est-à-dire du « trop tard mais je n’ y puis rien, et tâchez de comprendre mes soucis… ») 2°) « L’on peut me
2067 ssifs. En revanche, pour la complexité, la Suisse ne craint personne ! Voici quelques raisons qui me portent à croire à l’
2068 ement. L’identité d’un peuple ou d’une communauté ne sera plus définie par des arpenteurs, des cordons douaniers et des dé
2069 é de citoyens, au vrai sens du mot… Le petit État ne possède rien d’autre que la véritable et réelle liberté par laquelle
2070 ne conception de l’État dont la portée historique n’ éclate aux yeux qu’aujourd’hui, un idéal national qui n’a pas de valeu
2071 te aux yeux qu’aujourd’hui, un idéal national qui n’ a pas de valeur pour nous seulement, mais pour l’Europe entière. Au mo
2072 tisme borné, à l’ignorance vaniteuse. Parce qu’il ne dispose pas d’un empire, il s’alimente à l’univers. Ainsi lui est-il
2073 si lui est-il rendu plus facile d’admettre ce qui ne lui ressemble pas. Dans le monde de demain, qui exigera un degré bea
2074 fait pour de petites sociétés. Je dirai plus : il n’ y a pas de grandes sociétés possibles, car il n’y a plus de societas v
2075 l n’y a pas de grandes sociétés possibles, car il n’ y a plus de societas véritable quand les socii cessent de se sentir te
2076 celui de notre population. Question : la Suisse ne sera-t-elle pas, d’ici vingt ans, trop grande pour ses institutions ?
2077 rop grande pour ses institutions ? Je pense qu’il n’ y a pas lieu de le redouter si elle continue d’appliquer les principes
2078 e peuvent assurer l’indépendance relative (car il n’ en existe pas d’autres) d’une communauté politique, et procurer à ses
2079 ans les intérêts de l’Europe entière. » Même s’il n’ était pas accepté en fin de compte, il aurait pour effets inévitables 
2080 rer en temps utile — avant que les jeux européens ne soient faits — elle choisira de se réserver. 2°) Ce dernier terme évo
2081 pacifique, ce petit peuple égalitaire où la femme n’ a pas le droit de vote mais « cuit à l’électricité », six siècles de f
2082 t l’heure au monde entier, et pour la modestie on ne craindrait plus personne. Cette image convenue de la Suisse de naguèr
2083 nne. Cette image convenue de la Suisse de naguère ne ferait sourire ou ricaner qu’une infime minorité formée d’intellectue
2084 à la santé, une maladie déclarée, ou la mort. Je n’ oublie pas que le discours est d’une logique plus exigeante que l’hist
2085 emmes sont plus clairs, mais rarement résolus. Il n’ en arrive pas moins que les nations, comme les individus, meurent d’ac
2086 En général, c’est par manque d’attention, et pour n’ avoir pas cru aux conseils les plus simples. À une Suisse qui ne veut
2087 u aux conseils les plus simples. À une Suisse qui ne veut ou ne peut assumer ni son avenir ni son passé, que peut-on conse
2088 ils les plus simples. À une Suisse qui ne veut ou ne peut assumer ni son avenir ni son passé, que peut-on conseiller qui n
2089 n avenir ni son passé, que peut-on conseiller qui ne soit à la fois prématuré et périmé, ou simplement trompeur comme un t
2090 t probable qu’elle sera faite d’ici 1980. Et l’on n’ imagine pas qu’elle puisse se faire sur d’autres bases et selon d’autr
2091 que l’on voudra, mais indéniable — ou c’est qu’il n’ y aura plus d’Europe. À mi-chemin entre le temps où j’écrivais le Mess
2092 et non par un seul homme, veulent que son centre ne soit pas une capitale, mais bien un District fédéral. La fédération e
2093 ien un District fédéral. La fédération européenne n’ étant pas une création sur table rase, mais l’aboutissement d’un très
2094 les diversités que l’on sait, le District fédéral ne saurait être, lui non plus, une création synthétique édifiée sur un t
2095 ion synthétique édifiée sur un terrain vague — il n’ y en a d’ailleurs plus d’assez vaste, dans l’Europe de 1980. Le Distri
2096 roubles, mais d’accès facile en temps de paix. Il ne peut être qu’un petit pays, cependant très diversifié et si possible
2097 affaires fédérales européennes146. La Suisse, qui n’ inquiète personne, se voit ainsi réinstallée et confirmée dans son sta
2098 en parler à Berne, vous serez bien reçu ! Etc. Je ne vois rien de consistant ni de raisonnable dans aucun de ces arguments
2099 contredisent d’ailleurs deux à deux. Mon dessein, ne l’oublions pas, est à mi-chemin entre une initiative prise par la Sui
2100 n son double refus de participer et d’initier, et ne se prépare pas pour un tiers terme. Examinons d’un peu plus près les
2101 mon « utopie » que c’est bien joli, mais que nous ne sommes pas faits pour le rôle, et que le reste de l’Europe va peut-êt
2102 leçons. Mais ils vont peut-être un peu fort. Ils ne voulaient rien être dans l’union, les voilà qui se proposent comme pa
2103 e proposent comme pays-capitale ! Leurs hôteliers n’ y perdraient rien. Les fonctionnaires européens s’ennuieraient vite da
2104 nz des vaches… Mais après tout, si notre capitale n’ est pas retenue, au bout du compte, plutôt que d’en choisir une autre,
2105 e première, étant seconde sur chaque bulletin. Je ne m’attends pas à voir mon dessein raisonnable discuté sérieusement par
2106 amme politique, autant dire à toute politique qui ne se résume pas à faire valoir nos bonnes raisons de n’en avoir aucune
2107 e résume pas à faire valoir nos bonnes raisons de n’ en avoir aucune — et c’est ce que l’on appelle « se réserver », à Bern
2108 t neutre au surplus. Nul projet mieux que le mien ne saurait la servir ! Il ne suppose en somme qu’une seule initiative, q
2109 rojet mieux que le mien ne saurait la servir ! Il ne suppose en somme qu’une seule initiative, qui mettrait fin à toute né
2110 nds voisins. Les risques de guerre qui subsistent ne sont plus nationaux, mais mondiaux : rêver de s’y soustraire ne serai
2111 ationaux, mais mondiaux : rêver de s’y soustraire ne serait ni réaliste ni défendable moralement. Et maintenant, en tant q
2112 ays ? Ma première impression, c’est que la Suisse n’ est plus à l’écart de l’Europe et qu’elle participe sans arrière-pensé
2113 ttement distinctes. Et s’il y a contamination, ce n’ est pas dans le sens qu’un vieux Genevois pouvait redouter. « Molotov,
2114 d’Europe, comme elle fut jadis terre d’Empire, je ne vois pas de motifs de craindre qu’il y ait plus d’« étrangers envahis
2115 ers envahissants » que le tourisme et l’industrie ne s’efforçaient naguère d’en attirer, les uns payants et les autres pay
2116 ire de la neutralité suisse, 1946, p. 9. L’auteur n’ hésite pas à parler d’« introversion politique » (p. 7) à propos de l’
2117 construction et qui bénéficient de ses recherches n’ aurait l’idée de voir dans cette mise en commun une diminution quelcon
2118 citoyens du District fédéral de Washington, D.C., n’ avaient pas le droit de participer à l’élection du président des États
56 1966, Preuves, articles (1951–1968). André Breton (novembre 1966)
2119 comme si j’étais sorti ce soir à sa rencontre. Je n’ ai pas connu d’autre écrivain français qui ait eu, de loin, pareil sen
2120 ent, de ce que durant nos années parisiennes nous n’ ayons pu, ou cru pouvoir, nous rencontrer. « Ce sont de ces conneries 
2121 er dans une atmosphère orageuse ! Mais l’Amérique n’ est pas son fort. Il y tient le succès à distance, laissant à Salvador
2122 ert quelque chose dont je pense bien que personne ne parlera dans les centaines d’articles à paraître ces prochains jours.
2123 t que Breton, pour toute la haine vigilante qu’il n’ a cessé de vouer, sa vie durant, aux manifestations visibles et offici
2124 l’artisan lui semblait des plus exaltants. Or il n’ est rien de commun aux deux doctrines hors le grand ton de rigueur fan
2125 . (Combien de poètes, et plus encore de peintres, n’ ont jamais pu vraiment s’approuver dans leur cœur, parce que Breton ne
2126 ment s’approuver dans leur cœur, parce que Breton ne les avait pas admis et célébrés !) J’ai vu plus d’une scène de ce gen
2127 ie X ! », criait-il en déclamant Zone. Ce pape-là ne le gênait pas : c’était un vers d’Apollinaire. (Mais tout de même, la
2128 i procède chez eux de la griserie imaginative, on ne peut refuser d’accorder aux écrivains réformateurs de la première moi
2129 bénéfice de l’extrême fraîcheur. » Jamais Breton ne s’est mieux défini. Je pense au soir où il déclara qu’il était temps
2130 l était temps d’aller regarder de plus près qu’on ne l’avait fait saint Augustin, qu’il tenait pour l’ancêtre des jansénis
2131 mes qu’il y avait là-dessus des bibliothèques, il n’ en crut rien, visiblement, et avec raison : son Augustin à lui était s
2132 e livre était « dangereux ». Comme je feignais de ne pas comprendre, il précisa qu’il pouvait accepter beaucoup de Pascal,
2133 -être même impardonnable. Et lorsqu’il vit que je ne me défendais pas, je suis certain que l’idée le traversa de me faire
2134 devant le tribunal du Groupe. Mais après tout, je n’ avais jamais été surréaliste d’observance, comment m’exclure ? Et il n
2135 rréaliste d’observance, comment m’exclure ? Et il n’ avait aucune envie de rompre. Il trouva une espèce d’échappatoire : Ma
2136 là, plus que ponctuel et parfaitement serein. Je ne sais s’il a lu mon litigieux ouvrage. « Je crois que vous croyez ? »,
2137 tion passionnelle (« La beauté sera convulsive ou ne sera pas ») et la régler jusqu’au moindre soupir. Autoritaire et libe
2138 bibelots, entre le délire et l’extrême rigueur il n’ a jamais cessé d’inventer un chemin qui ne pouvait exister que pour lu
2139 ueur il n’a jamais cessé d’inventer un chemin qui ne pouvait exister que pour lui seul. De personne je ne suis à ce point
2140 pouvait exister que pour lui seul. De personne je ne suis à ce point sûr qu’il a toujours suivi — avec autant d’audace que
57 1968, Preuves, articles (1951–1968). Marcel Duchamp mine de rien (février 1968)
2141 Lake George (N. Y.), 3 août 1945. La maison qui ne paraît pas grande de l’extérieur, quand on arrive par la forêt en pen
2142 Marcel, charmant et poli jusqu’à l’invisibilité, n’ a pris qu’un doigt de vermouth. — Les masses sont inéducables, dit-il
2143 vos fées ! » Je lui réponds que jamais un moteur n’ a pu produire la moindre fée. Quant à Duchamp, il balaie toute la scie
2144 u, considéré comme modèle de toute cause. Si l’on ne croit pas en Dieu, l’idée de cause n’a plus de sens. Je m’excuse, je
2145 se. Si l’on ne croit pas en Dieu, l’idée de cause n’ a plus de sens. Je m’excuse, je crois que vous croyez en Dieu… — Je cr
2146 cause. Indémontrable, évidemment… D’ailleurs, ce n’ est pas cela. Je crois que Dieu est fou selon nos normes rationnelles,
2147 coup. Mais il y a cependant une expression que je ne comprends pas du tout, c’est mouvement. Qu’est-ce qu’il appelle mouve
2148 ype ? S’il le définit par opposition au repos, ça ne marche pas, rien n’est en repos dans l’univers. Alors ? Son mouvement
2149 t par opposition au repos, ça ne marche pas, rien n’ est en repos dans l’univers. Alors ? Son mouvement n’est qu’un mythe.
2150 st en repos dans l’univers. Alors ? Son mouvement n’ est qu’un mythe. En fait, dit-il au déjeuner sur la galerie, tout se p
2151 t se passe anarchiquement dans le monde. Les lois ne servent que de prétextes. On ne les respecte pas, on pourrait s’en pa
2152 e monde. Les lois ne servent que de prétextes. On ne les respecte pas, on pourrait s’en passer. Si l’on supprimait l’argen
2153 chez lui sans payer un ou deux pains par jour, on ne peut pas en manger davantage, et il serait inutile d’accumuler des mi
2154 l serait inutile d’accumuler des miches puisqu’on ne pourrait pas les vendre. Ainsi de suite. Enfin, ce soir : — Vous me d
2155 de suite. Enfin, ce soir : — Vous me disiez qu’on n’ a jamais vu vivre un groupe humain dans l’anarchie telle que je la pré
2156 oupe où cela marche très bien : c’est la famille… N’ est-ce pas ? Les enfants prennent à table ou à la cuisine ce dont ils
2157 table ou à la cuisine ce dont ils ont besoin. Il n’ y a pas d’achat ni de transactions légales. Tout se passe librement, e
2158 je me sens privé de repères. Pères et repères… Je n’ arrive plus à prendre de responsabilités. Il me semble que je devrais
2159 à mon père son opinion — son OK. Probablement, je n’ ai jamais atteint l’âge adulte… À propos d’âge : — La grande crise se
2160 l’adversaire, souvent, qui permet de gagner. Cela ne l’empêche pas, d’ailleurs, de lire des livres de problèmes et de les
2161 — la plupart de nos aliments, surtout la viande, n’ étant pas assimilés et ne servant qu’à nous bourrer l’estomac d’une so
2162 ents, surtout la viande, n’étant pas assimilés et ne servant qu’à nous bourrer l’estomac d’une sorte de caoutchouc « Et to
2163 es à sa « boîte-en-valise » — et puis il s’étend, ne fait rien, fume un peu, reprend ses échecs. Pensant à la conversation
2164 rie-t-il avec une nuance d’indignation amusée. Je n’ ai pas renoncé par attitude. Je n’ai rien décidé du tout ! J’attends s
2165 tion amusée. Je n’ai pas renoncé par attitude. Je n’ ai rien décidé du tout ! J’attends simplement d’avoir des idées… J’ai
2166 -trois idées, j’ai fait trente-trois tableaux. Je ne veux pas me copier, comme tous les autres. Vous comprenez, être peint
2167 fois, cent fois la même chose ? Pas du tout, ils ne font même pas des tableaux, ils font des chèques. Il se lève, va cher
2168 ntiste a accepté ce paiement ? — Comment donc, ce n’ est pas un faux chèque, puisqu’il est entièrement fait par moi ! Et si
2169 né ! Rien de plus authentique ! Et au moins, cela ne pouvait pas passer pour artistique… Il remet le chèque avec les soixa
2170 us nous donner d’autres exemples ? — En effet, on ne peut guère en donner que des exemples. C’est quelque chose qui échapp
2171 s vous voir regarder, vous voir voir, mais que je ne puis pas vous entendre entendre, ni vous goûter goûtant, et ainsi de
2172 mps nous faudra-t-il pour le comprendre ? Si nous n’ y arrivons pas très vite, nous n’y arriverons sans doute jamais : nous
2173 rendre ? Si nous n’y arrivons pas très vite, nous n’ y arriverons sans doute jamais : nous sauterons comme des imbéciles. I
2174 e jamais : nous sauterons comme des imbéciles. Il ne nous reste qu’une alternative : le Monde uni ou l’Autre monde. Le dir
2175 Et chacun s’efforçait de montrer que l’événement ne le prenait pas au dépourvu. — Rien de neuf en somme, disait le docteu
2176 la bombe confirmait son point de vue : la science n’ est qu’une mythologie, ses lois et sa matière elle-même sont de purs m
2177 s et sa matière elle-même sont de purs mythes, et n’ ont ni plus ni moins de réalité que les conventions d’un jeu quelconqu
2178 éalité que les conventions d’un jeu quelconque. — N’ empêche que la bombe a éclaté au moment prévu ! remarqua le docteur. —
2179 ut d’une heure, pâle et défait, disant que sa vie n’ avait plus de sens. Les girls, enfin, parurent émues. C’est le moment
2180 admire que la plus grande explosion de l’Histoire n’ ait pas été provoquée tout bêtement par la plus grande masse d’explosi
2181 auté, et l’une des grandes dates de la terre : ce n’ est qu’un rien qui s’est défait.   « L’impossibilité du faire », j’y r
2182 end son temps simplement. Ce Jules Verne des arts ne serait-il pas plus proche de Léonard que n’en sont les essais de Valé
2183 arts ne serait-il pas plus proche de Léonard que n’ en sont les essais de Valéry ? Mais ce serait un Léonard homéopathe, l
2184 plaque de verre : mesure objective du hasard. On ne trouve guère ses œuvres peintes qu’en Californie, dans une collection
58 1968, Preuves, articles (1951–1968). Vingt ans après, ou la campagne des congrès (1947-1949) (octobre 1968)
2185 historiens pourront soutenir que tous ces congrès n’ ont rien fait, et en effet, il est normal que des congrès ne fassent r
2186 fait, et en effet, il est normal que des congrès ne fassent rien, ce n’est pas ce que l’on attend d’eux, en général. Les
2187 il est normal que des congrès ne fassent rien, ce n’ est pas ce que l’on attend d’eux, en général. Les gens d’une même prof
2188 s. Mais une sorte de passion très singulière, qui n’ existe plus aujourd’hui, était le seul mobile qui rassemblait les mili
2189 termine en décembre 1949 à Lausanne. Son histoire n’ est pas encore écrite, et il faut craindre qu’elle ne puisse l’être qu
2190 st pas encore écrite, et il faut craindre qu’elle ne puisse l’être que d’une manière insuffisante ou fausse, si l’on ne s’
2191 que d’une manière insuffisante ou fausse, si l’on ne s’y met sans retard : les documents imprimés, peu nombreux150, ne don
2192 retard : les documents imprimés, peu nombreux150, ne donnent pas l’essentiel de l’événement, qui se passa dans les têtes e
2193 ts manuscrits ou polycopiés, déjà plus « vrais », n’ ont pas été systématiquement réunis et ne se conserveront pas longtemp
2194 vrais », n’ont pas été systématiquement réunis et ne se conserveront pas longtemps (mauvais papier de l’après-guerre) ; en
2195 groupe et qui est en train d’écrire ces pages. Ce ne seront pas des pages d’histoire, mais un essai de restituer l’atmosph
2196 ongrès. Personne, sauf Joseph Retinger peut-être, ne prit part à tous. Je serai donc forcément incomplet et délibérément s
2197 l’étude objective des rapports et des résolutions ne pourra révéler aux auteurs de thèses ; une certaine fraîcheur créatri
2198 prise, si les calculs d’une prudence « réaliste » ne s’y étaient mis comme le ver dans le fruit. Oui, c’est la naïveté de
2199 veau du « possible », où l’on peut être sûr qu’il n’ y aura pas de miracle. Le congrès de Montreux Je venais de rentre
2200 urs. Et certes, durant mes années américaines, je n’ avais cessé d’imaginer une action pour unir l’Europe, si jamais il dev
2201 entrer. Pourtant, je me sentais pris de court. Je n’ avais pas encore défait toutes mes valises… Avant de me donner la paro
2202 ccasion de prendre contact avec un groupe où vous ne trouverez que des amis et des disciples. » notes de journal, 6 août
2203 ur une scène, et face à une salle archicomble. Je n’ ai en main qu’un texte encore plus condensé qu’à mon ordinaire, prévu
2204 d’otages en Hollande. Si la jeunesse de nos pays n’ a pu faire passer dans l’action les idées que je représente, c’est qu’
2205 action les idées que je représente, c’est qu’elle ne peut encore insérer son effort dans le cadre qui serait seul adéquat,
2206 ul adéquat, d’une Europe fédérée, fédéraliste… Je n’ ai plus qu’à m’exécuter. notes de journal : « Parlé très vite en me d
2207 ennuyer. Surpris par des applaudissements pour je ne sais quoi, après une dizaine de minutes, puis d’autres, à de nombreus
2208 pour retrouver à Sion des amis venus de Paris. Je n’ étais pas encore engagé dans l’affaire. Tout se passait comme si j’ava
2209 ants, bouscule les prudences gouvernementales, et ne revendique rien de moins qu’une fédération politique, sans laquelle n
2210 itique, sans laquelle ni l’économie ni la défense ne sauraient être concertées valablement. Le désaccord est si flagrant q
2211 édéralistes et la tactique des unionistes. « Rien ne peut se faire sans les gouvernements », disaient les uns… « Mais les
2212 nts », disaient les uns… « Mais les gouvernements ne veulent rien faire, répliquaient les autres. À nous de montrer le but
2213 moment-là, au service du fédéralisme européen. Je n’ oserais affirmer, en revanche, que le contenu des discussions et des r
2214 l’économie mondiale ». Avouons que depuis lors on n’ a pas ajouté grand-chose à ce programme ; on lui a plutôt soustrait qu
2215 ce congrès et des mois qui le suivirent, mais je ne m’en forme qu’aujourd’hui un tableau clair, aux grandes lignes bien m
2216 misme neuf. En cet automne d’il y a vingt ans, je n’ étais guère préoccupé de connaître les origines si complexes d’une org
2217 origines si complexes d’une organisation dont je n’ étais pas encore membre et d’un mouvement aux contours assez vagues ma
2218 e nos propres mouvements se désagrégeront si nous ne leur donnons pas un but précis. Nous risquerions de devenir une secte
2219 d’obtenir à La Haye un succès complet, mais nous ne réussirons pas non plus, et on se sera paralysé mutuellement. » Brugm
2220 evenir une secte », comme l’a dit Brugmans. (Mais n’ est-ce pas pour avoir accepté ce risque-là que Lénine a gagné finaleme
2221 urchill, au lieu de convoquer les états généraux, n’ est-ce pas risquer de perdre à la fois le bénéfice du nombre (l’UEF gr
2222 ées par l’attrait que le « congrès de Churchill » ne manquerait pas d’exercer sur beaucoup de responsables impatients de «
2223 es avant et pendant le congrès de La Haye et l’on ne peut juger que c’eût été le cas si l’UEF avait rompu avec Sandys, Ret
2224 de la sorte un puissant mouvement populaire… Cela ne manquerait pas d’exercer une pression supplémentaire sur les gouverne
2225 le travaillait depuis deux mois sur mon texte, et n’ avait jamais entendu parler de ces deux autres. On me répondit que mon
2226 rop long, qu’il parlait de fédéralisme et qu’on «  ne pouvait pas me suivre jusque-là… ». En conséquence, et faute de temps
2227 de retrouver Joseph Conrad. Nous convînmes que je ne quitterais Londres que par l’avion du lendemain matin, et qu’un secré
2228 profil du chapelier fou d’Alice in Wonderland (ce ne peut être que Bertrand Russell), le crâne poli de Prieto, les boucles
2229 avec eux-mêmes, c’est le lieu où aucune certitude n’ est acceptée comme vérité si elle n’est continuellement découverte. D’
2230 une certitude n’est acceptée comme vérité si elle n’ est continuellement découverte. D’autres continents se vantent de leur
2231 s, Tchèques, Hongrois et Yougoslaves ici présents ne sont encore, hélas ! que des “observateurs”. « Attendons : le congrès
2232 ongressistes se répartirent en trois sections. Je ne pus en suivre qu’une, celle dont j’avais la charge. Les débats sur mo
2233 Enfin, Bertrand Russell, tout en relevant qu’« il n’ y a pas de raison de proclamer la supériorité de l’héritage de l’Europ
2234 er le langage des rapports et des résolutions, il ne triompha que dans les textes. L’unionisme, doctrine (ou refus de doct
2235 part, ses tenants surent empêcher que le Congrès ne se prolonge en un vaste mouvement populaire, d’autre part les fédéral
2236 ouvement populaire, d’autre part les fédéralistes ne surent pas imposer leur tactique : ils se laissèrent berner par des p
2237  ? — à un noyau de gouvernement européen, dont on ne décrivait pas les compétences. Churchill avait parlé d’un « Council o
2238 l avait parlé d’un « Council of Europe », dont on ne savait pas bien s’il était plus et mieux qu’une alliance de souverain
2239 tion politique (votée aussi par les fédéralistes) ne parlait que d’une assemblée « élue, dans leur sein ou au-dehors par l
2240 éfense commune”. » Sandys ajouta : « Cette phrase n’ a pas été discutée par le Congrès. Désolé, mais il faut renoncer au Me
2241 ue vous, enverra cinquante délégués ! Et l’Europe ne se fera pas ! » J’avais un peu crié, je crois. Des huissiers nous pri
2242 nnable et bénin. Cela signifiait en réalité qu’on ne pourrait plus faire signer le Message déjà imprimé, puisque la petite
2243 t un signe impérieux de la main afin que personne ne se lève dans la salle. J’eus une faible revanche (mais seulement d’am
2244 at that ! We should all stand up ! »162 Personne ne bougea cependant. Et le Congrès prit fin dans l’enthousiasme, mais il
2245 ngrès politique à Bruxelles, en février 1949, qui n’ ajouta rien à La Haye, à part l’adhésion de P.-H. Spaak ; puis un cong
2246 echerches. Mais les fédéralistes en tant que tels n’ avaient rien obtenu de concret, car leur but spécifique était, précisé
2247 t terme coupent mieux l’élan d’une révolution que ne le font les refus systématiques d’une réaction butée qui indigne l’op
2248 re à la Pyrrhus des radicaux (ou tenus pour tels) n’ empêcha pas le Mouvement de s’épuiser assez vite en querelles de facti
2249 suffrage universel d’une Assemblée européenne. Il n’ avait recueilli que six voix. (Le général de Gaulle allait proposer le
2250 nifesta à La Haye. À Macmillan qui conseillait de n’ avancer que step by step, il répliquait : « On peut tout faire en deux
2251 nt constituante. Or il est clair qu’une Assemblée ne saurait innover, imaginer ni vraiment créer quoi que ce soit. Un tel
2252 ni vraiment créer quoi que ce soit. Un tel projet ne serait-il pas une manière d’esquiver la vraie tâche de l’aile marchan
2253 ès clair, désormais, que la fédération européenne ne se fera jamais sur la base « réaliste » des États-nations souverains,
2254 par une erreur journalistique manifeste, dont je n’ ai pas souvenir qu’il se soit jamais plaint. 149. J’amorce ainsi la s
2255 158. « La tâche qui nous attend dans ce congrès n’ est pas seulement de faire entendre la voix de l’Europe comme celle d’
2256 ndaient une défense commune, mais les résolutions n’ en parlaient plus. Je note que le motif de la sécurité ne joua donc au
2257 rlaient plus. Je note que le motif de la sécurité ne joua donc aucun rôle à La Haye (contrairement à ce que répètent journ
2258 lent de leur ancien chef, disent : “Le pauvre, il n’ a pas réussi !” Mais nous, quand nous parlons du nôtre, nous disons :
59 1970, Preuves, articles (1951–1968). Dépasser l’État-nation (1970)
2259 admet qu’il faut faire — et que pourtant personne ne fait ? Eh bien ! chacun le sait, rien n’est moins mystérieux : l’obst
2260 personne ne fait ? Eh bien ! chacun le sait, rien n’ est moins mystérieux : l’obstacle à toute union possible de l’Europe (
2261 ossible de l’Europe (donc à toute union fédérale) n’ est autre que l’État-nation, tel que Napoléon en a posé le modèle, int
2262 atrie », des réalités absolument hétérogènes, qui n’ ont aucune raison d’avoir les mêmes frontières, comme la langue et l’é
2263 aturelles contre toute évidence164, l’État-nation n’ admet aucune autonomie, aucune diversité réelle. À l’extérieur, il ref
2264 ui explique suffisamment, je crois, pourquoi l’on n’ a pas avancé d’un mètre en direction de notre union politique. Entre l
2265 oyens, ils risquent bien de vous conduire où vous ne vouliez pas aller… Voici donc le dilemme présent : si nous attribuons
2266 européenne. Sans compter qu’un super État-nation ne pourrait être imposé à tous nos peuples qu’à la faveur d’une guerre g
2267 e utopie catastrophique, mais dont la réalisation ne saurait être exclue pour autant. Un modèle périmé Au contraire,
2268 nomie des communautés (la production industrielle n’ étant qu’un des moyens de ces libertés), alors il faut reconnaître que
2269 tés), alors il faut reconnaître que l’État-nation n’ est pas seulement un modèle périmé, mais qu’il est en fait aujourd’hui
2270 eux politiques d’union, dont je crains bien qu’on ne puisse pas impunément continuer à mêler les moyens. On ne manquera pa
2271 e pas impunément continuer à mêler les moyens. On ne manquera pas de m’objecter en ce point que la politique a toujours eu
2272 ce ou Liberté comme finalités de l’union. Mais je ne crois pas qu’il y ait un tiers parti tenable. Je ne crois pas à cette
2273 crois pas qu’il y ait un tiers parti tenable. Je ne crois pas à cette « imposante Confédération » qu’évoquait le général
2274 t leurs prétentions à la souveraineté absolue. Je ne crois pas à cette amicale des misanthropes. Je crois à la nécessité d
2275 res sur terre, sous terre et dans les airs, et de ne pas perdre une occasion de faire voir à quel point elles sont absurde
2276 roductions industrielles et agricoles. Mais elles ne servent absolument à rien pour arrêter ce qui devrait l’être : les te
2277 inexistant quand on voudrait compter sur lui. Je ne sais, n’étant pas économiste, si nos États-nations délimités pour la
2278 nt quand on voudrait compter sur lui. Je ne sais, n’ étant pas économiste, si nos États-nations délimités pour la plupart a
2279 iracle, des entités économiques intelligibles. Je ne sais si les problèmes profonds que pose leur balance commerciale (laq
2280 fonds que pose leur balance commerciale (laquelle ne saurait être positive, me semble-t-il, dans tous les pays à la fois…)
2281 e, me semble-t-il, dans tous les pays à la fois…) ne sont pas le type même de faux problèmes, résultant de la seule fictio
2282 a seule fiction d’économies dites nationales, qui ne correspondent à rien d’économique. Mais ce que je sais de science cer
2283 de science certaine, c’est que les États-nations n’ existent pas dans l’histoire de la culture, et que les « cheminements
2284 ntières sans les apercevoir : dans ce plan, elles n’ existent pas. Il n’y a pas de « cultures nationales », en dépit des ma
2285 ercevoir : dans ce plan, elles n’existent pas. Il n’ y a pas de « cultures nationales », en dépit des manuels scolaires, il
2286 nationales », en dépit des manuels scolaires, il n’ y a que des divisions tout arbitraires opérées après coup dans l’ensem
2287 enne. Et les diversités que nous devons respecter ne sont pas celles de ces États-nations nés d’hier : elles les traversen
2288 les traversent et les divisent tous également, et ne coïncident jamais avec aucune frontière. Elles traversent aussi nos p
2289 l’idée de « se faire respecter », oublient qu’ils n’ y arriveraient qu’en se rendant utiles. Ils exigent, depuis Louis XIV,
2290 evant la « majesté de l’État ». Mais non ! l’État n’ est pas un dieu, ce n’est qu’un appareil plus ou moins efficace, qui d
2291 l’État ». Mais non ! l’État n’est pas un dieu, ce n’ est qu’un appareil plus ou moins efficace, qui doit être mis au servic
2292 yer d’apaiser les ennemis de l’union en jurant de ne jamais toucher aux droits sacrés de vos États-nations ! Vous savez bi
2293 s de vos États-nations ! Vous savez bien que vous ne pourrez pas unir l’Europe en proclamant votre attachement aux causes
2294 hement aux causes mêmes de sa division ! Pourquoi ne pas le dire ouvertement ? Tous les sondages d’opinion le montrent : o
2295 égatif de ses travaux, elle ajouterait l’étude on ne peut plus positive de la renaissance des régions. Il faut défaire et
2296 fédérations continentales. Et vous noterez que je ne parle pas de relations ou d’affaires « étrangères » : c’est un mot qu
2297 mme est révolutionnaire ? Il l’est, bien sûr : on ne fera pas l’Europe sans casser des œufs, nous le voyons depuis vingt-c
2298 Europe des marchandages entre économies étatiques ne peut pas entraîner d’adhésions enthousiastes. Les jeunes gens d’aujou
2299 ions enthousiastes. Les jeunes gens d’aujourd’hui ne seront pas convaincus par des avantages matériels : ils sont presque
2300 c’est un sens de la vie, maintenant que la guerre n’ est plus leur exutoire, l’alibi des raisons de vivre inexistantes. La
2301 ontestation de la jeunesse, dans le monde entier, ne relève pas de l’économie, et encore moins de la politique au sens étr
2302 l’humanité, nous lui devons cela ! Une Europe qui ne sera pas nécessairement la plus puissante ou la plus riche, mais bien
2303 Ouest, les Catalans de Perpignan et de Barcelone, ne sont pas séparés par les Pyrénées mais par les décrets de Paris et de