1
la vraie liberté ; et ils vont répétant que nous
n’
avons rien à opposer à ces « mystiques », qui sont au vrai des mystifi
2
aux peuples qui en ont grand besoin, parce qu’ils
n’
ont pas nos réalités — et leurs chefs doivent masquer cette absence pa
3
ivent masquer cette absence par des slogans. Nous
n’
avons nul besoin d’une mystique « aussi puissante » ou « plus puissant
4
semble que l’esprit humain, dans tous les temps,
n’
ait point imaginé une seule liberté que les Européens n’aient voulu vi
5
point imaginé une seule liberté que les Européens
n’
aient voulu vivre. À des degrés divers, parfois jusqu’à l’excès, nous
6
; droit à la religion de notre choix, et droit de
n’
en choisir aucune ; droit d’élire ceux que nous voulons et de les trai
7
s, ou à la Feuille locale, de faire campagne pour
n’
importe quoi et le contraire ; droit d’exiger que les douaniers metten
8
ant de fouiller nos valises ; droit d’entrer dans
n’
importe quels magasin, marché, café, ou restaurant, et de composer le
9
et de haïr, le droit d’épouser qui l’on veut… Il
n’
est pas un seul de ces droits que les dictatures n’aient attaqué ou su
10
’est pas un seul de ces droits que les dictatures
n’
aient attaqué ou supprimé, n’aient déclaré antisocial ou criminel. Il
11
s que les dictatures n’aient attaqué ou supprimé,
n’
aient déclaré antisocial ou criminel. Il n’en est pas un seul que n’ai
12
primé, n’aient déclaré antisocial ou criminel. Il
n’
en est pas un seul que n’ait conquis l’immense majorité des peuples li
13
tisocial ou criminel. Il n’en est pas un seul que
n’
ait conquis l’immense majorité des peuples libres qui vivent à l’ouest
14
plus que l’Amérique. Tous ces droits bien vivants
ne
sont pas un passé, mais un présent ; bien plus, ils sont le gage d’un
15
posons, et l’une des plus typiques de l’Occident,
n’
est autre que l’esprit critique. On nous dit qu’il se perd et l’on en
16
e son nihilisme. Si l’on veut dire par là qu’elle
ne
croit plus aux idéaux et aux grands mots, qu’elle trouve la vie absur
17
s mots, qu’elle trouve la vie absurde, et qu’elle
ne
« marche » plus pour aucune idéologie, je serais tenté plutôt de l’en
18
nnies comme traduction des mystiques libertaires,
n’
avait pas décidé de ne plus croire à rien qu’aux réalités immédiates,
19
des mystiques libertaires, n’avait pas décidé de
ne
plus croire à rien qu’aux réalités immédiates, alors seulement je la
20
oie sobrement à nos inquiétudes personnelles, qui
ne
se satisfont point de réponses collectives. L’Occident n’est pas une
21
tisfont point de réponses collectives. L’Occident
n’
est pas une église, n’est pas une doctrine du salut, comme les partis
22
ses collectives. L’Occident n’est pas une église,
n’
est pas une doctrine du salut, comme les partis totalitaires voudraien
23
e, que naissent toutes les modernes tyrannies. On
ne
peut forcer personne à être libre, alors qu’il faut forcer les masses
24
le Liberté, tandis que masse égale contrainte. Il
n’
y aura jamais de liberté « en masse ». Il n’y aura jamais de liberté r
25
e. Il n’y aura jamais de liberté « en masse ». Il
n’
y aura jamais de liberté réelle que dans le besoin, le droit et la pas
26
sa propre aventure, de créer par sa vie ce qu’on
n’
a jamais vu, et d’accomplir ainsi, en secret bien souvent, une vocatio
27
r ainsi, en secret bien souvent, une vocation qui
n’
a pas de comptes à rendre aux hommes, et encore bien moins à l’État, p
28
ces. S’il est une chose au monde pour laquelle on
ne
peut faire de propagande sens moderne, c’est justement la liberté, pu
29
aits objectifs sont meilleurs que notre lassitude
ne
le pensait. Rendus conscients des forces véritables de l’Europe et de
30
ons de subordonner la culture à la politique, — à
n’
importe quelle politique. La culture s’occupe des fins de la vie humai
31
…Nulle part peut-être plus qu’en Inde, la culture
n’
avait fait un plus grand effort vers la maîtrise par l’homme de sa pro
32
menace totalitaire contre la liberté de la pensée
ne
doit être plus redoutée que pour l’âme même de ce pays de très vieill
33
service des Américains. Soyons bien clairs : nous
ne
serons jamais « pour l’Amérique » de la même manière que les stalinie
34
uissance bien définie. Mais pour nous l’Amérique
ne
s’identifie pas avec le bien ni avec le vrai. Même si l’Amérique se t
35
défenseur le plus efficace de nos libertés, nous
ne
sommes pas prêts à souscrire sans condition, une fois pour toutes, à
36
culture, je constate que la neutralité simplement
n’
y existe pas. Créer, ou faire de la critique, c’est exactement le cont
37
, le beau et le laid, le remède et la maladie. Il
n’
existe, il ne peut pas exister de neutralité intellectuelle, artistiqu
38
le laid, le remède et la maladie. Il n’existe, il
ne
peut pas exister de neutralité intellectuelle, artistique, scientifiq
39
’est une politique défendable. Mais alors, ce qui
ne
serait pas défendable, ce qui serait une tricherie évidente, ce serai
40
f ! Voyons les deux côtés de la question. Ce loup
ne
pense pas à mal, il a grand-faim, il a beaucoup lu Marx, et il est “p
41
t “partisan de la paix” ; d’autre part, ce berger
n’
est pas un homme parfait, il boit souvent trop, et il ne lit que le Re
42
pas un homme parfait, il boit souvent trop, et il
ne
lit que le Reader’s Digest. Je refuse donc l’un et l’autre également,
43
mettre la culture au service de la politique, de
n’
importe quelle politique, même neutre, et même démocratique ; car dès
44
pour vous. J’ai vu cela ce printemps à Bombay, et
ne
m’en suis pas trop étonné. Mais pour peu que l’on y réfléchisse… Pour
45
é. Mais pour peu que l’on y réfléchisse… Pourquoi
ne
pas avouer qu’il y a de l’indécence à parler de culture tout court ?
46
cence à parler de culture tout court ? Certes, on
n’
aimerait pas le dire, mais c’est bien cela qu’on dit, objectivement, e
47
sur la Terre depuis qu’il y a des hommes, et qui
n’
en pensent pas moins. Culture est un mot plus récent, mais ce qu’il dé
48
ste parmi nous de la misère et de la famine », il
n’
y aurait point de civilisation. S’il n’y avait point de civilisation,
49
mine », il n’y aurait point de civilisation. S’il
n’
y avait point de civilisation, nous serions sans moyens techniques de
50
ans moyens techniques de remédier à la famine. Ce
n’
est pas un démagogue, ni même un philanthrope, c’est un savant indien
51
et dans l’esprit de ceux qui l’applaudirent — il
n’
y a pas l’ombre d’une raison. Mais chacun voit qu’il y a deux circonst
52
une erreur courante sur la culture. Ventre affamé
n’
a point d’oreilles, dit le proverbe. Comment lutter contre cette « évi
53
le contraire est vrai, que ce sont les repus qui
n’
écoutent pas, que la disette fut mère des civilisations, comme l’angoi
54
inette conseillait à un peuple sans pain. Culture
n’
est pas consommation, mais production. C’est ce que l’époque bourgeois
55
ne question ? (mai 1952)f Plus nombreux qu’ils
ne
voudraient le croire sont ceux qui nous répètent, depuis vingt ans, q
56
ux de genre militaire du réalisme socialiste, qui
ne
se distinguent de la peinture bourgeoise d’environ 1880 que par la co
57
ar ses héritiers, mais par ceux qui la vivent. On
ne
voit pas de précédent à l’entreprise, dans l’ère moderne. Mais on son
58
fameuses, qu’on les juge monstres ou merveilles,
ne
peut pas rester sans effets sur les créateurs, le public, et leur man
59
bserver dans la microphysique, cet acte d’exposer
ne
laissera pas intact son objet même. Cet objet, c’est peut-être la mod
60
peut la définir. Combien de seuils et de limites
n’
avons-nous pas forcés dans notre siècle — seuil de l’atome ou seuil de
61
ique ? Autre paralogisme de ce siècle : jamais on
n’
avait vu pareille liberté de recherche et de formulation, jamais moins
62
nsemble exposées dans Paris. Le choix de la ville
n’
est pas sans signification. Paris fut, pendant ce demi-siècle, le lieu
63
e l’autre, une remise en question. 1. « Picasso
ne
crée pas ses œuvres morbides et repoussantes dans le but de critiquer
64
’une caste, d’un ordre, d’un Karma, dont personne
n’
est jamais sorti que par la mort (ou par la sainteté, une fois sur des
65
sainteté, une fois sur des millions). L’Oriental
ne
peut donc se poser le problème d’un sens personnel de sa vie, diverge
66
n social, entre la personne libre et la fatalité,
ne
serait pas concevable hors d’un monde qui date ses années de la Cruci
67
ndamentale, cette conquête majeure de l’Occident,
n’
est rien de moins que la résultante de trois grandes civilisations : c
68
oit d’être une personne, et du même coup nos vies
n’
auraient plus sel ni sens : voilà bien dans sa réalité la menace qui p
69
on de l’homme introduite par le christianisme. Je
ne
parle pas ici de l’homme proprement chrétien, au sens courant, de mem
70
e sens que nous donnons à nos activités) si elles
ne
traduisent pas toujours directement cette notion de l’homme, en dériv
71
le monde christianisé. L’Asiatique, par exemple,
ne
peut la concevoir. Elle ne serait à ses yeux qu’indécence, blessure à
72
siatique, par exemple, ne peut la concevoir. Elle
ne
serait à ses yeux qu’indécence, blessure à l’ordre du cosmos, crime a
73
ncept chrétien de personne ; les révolutionnaires
ne
peuvent se former que dans un monde qui tient la liberté et la vocati
74
e tous les autres. Or cette croyance, l’Asiatique
ne
l’a jamais eue. Ses religions ne l’y préparent nullement, puisqu’elle
75
nce, l’Asiatique ne l’a jamais eue. Ses religions
ne
l’y préparent nullement, puisqu’elles tendent au contraire au dépasse
76
oit que la passion est une force antisociale, qui
ne
pourrait que gêner le rendement du stakhanoviste modèle. Cette passio
77
ou d’immorale, et l’Église peut la condamner. Il
n’
en reste pas moins qu’elle a sa source vive — quoique lointaine — dans
78
personnel. Ces deux exemples sont extrêmes. Nous
ne
sommes pas tous des révolutionnaires, ni les héros d’une grande passi
79
l’originalité, dans les arts ou dans la conduite,
ne
signifie rien de raisonnable pour l’Asiatique, par exemple. Pour l’ar
80
rituels. La variation, l’innovation individuelle
ne
peuvent être à leurs yeux que des erreurs. Elles risqueraient de fair
81
re rater l’opération magique de l’œuvre d’art. Je
ne
dis pas qu’entre l’Occidental, qui tend à s’affirmer comme individu c
82
ayons à choisir. Je dis que nous avons choisi. Je
ne
dis pas que l’un vaut mieux que l’autre, mais qu’ils se donnent des b
83
se donnent des buts tout à fait différents. Et je
ne
nie pas non plus que dans tous nos pays, il existe une majorité de co
84
le chercherez en vain dans toute l’Asie. Et vous
n’
en jouerez pas impunément dans les États totalitaires, où il se voit r
85
on du sense of humour : ils pensent que celui qui
ne
l’a pas, n’a pas non plus le vrai sens de la vie. Je n’oublie pas que
86
of humour : ils pensent que celui qui ne l’a pas,
n’
a pas non plus le vrai sens de la vie. Je n’oublie pas que l’humour co
87
pas, n’a pas non plus le vrai sens de la vie. Je
n’
oublie pas que l’humour consiste aussi, sinon d’abord, à se moquer de
88
révolutions à l’État totalitaire ; que le Progrès
n’
est donc nullement fatal ; qu’il n’est plus même un idéal européen, ma
89
que le Progrès n’est donc nullement fatal ; qu’il
n’
est plus même un idéal européen, mais bien russe et américain, et tout
90
et tout cela semble en bonne partie vrai. Mais il
n’
est pas moins vrai que l’horizon d’un progrès possible reste vital pou
91
nous vient, en effet, le concept du Progrès ? Il
n’
est apparu comme concept social qu’au xviiie siècle. Mais ses origine
92
yclique, comme une roue qui tourne sur son axe et
n’
avance pas, la destruction succédant fatalement à la construction et l
93
es lois du Retour éternel. Pour ces religions, il
n’
était point de nouveauté, de véritable création possible. Leur nostalg
94
é, de véritable création possible. Leur nostalgie
n’
était pas dans l’avenir, mais dans le temps mythique des origines ; le
95
toire devient possible. L’évolution de l’humanité
n’
est plus une suite indéfinie de cycles et de répétitions dont l’homme
96
ndéfinie de cycles et de répétitions dont l’homme
ne
saurait se libérer et dont il n’est pas responsable ; elle devient un
97
ons dont l’homme ne saurait se libérer et dont il
n’
est pas responsable ; elle devient une longue aventure, où tout reste
98
sens positif ? Dans l’ensemble, il se peut qu’il
n’
en ait point, qu’il n’ait aucune direction vérifiable, et que la somme
99
’ensemble, il se peut qu’il n’en ait point, qu’il
n’
ait aucune direction vérifiable, et que la somme des modifications qu’
100
de rester sceptique… En vérité, l’idée de Progrès
ne
peut reprendre un sens certain que par rapport à notre vie individuel
101
une libération, et de nos jours encore la liberté
ne
peut avoir de sens que pour l’individu (que serait une liberté en mas
102
ssant d’individus. Et la mesure de ce Progrès, ce
ne
sera pas seulement l’augmentation de notre sécurité, de notre confort
103
cette liberté fondamentale, alors vraiment ma vie
n’
aurait plus aucun sens. La conscience du monde Ainsi l’Europe —
104
-être inédites. Première remarque : l’Europe, qui
ne
représente en fait que 4 à 5 % des terres du globe, a découvert le re
105
écouvert le reste du monde — et non l’inverse. Je
ne
parle pas seulement des grands voyages qui ont permis de relever la c
106
ma, et de Christophe Colomb au capitaine Cook. Ce
ne
sont pas les Aztèques ni les Bantous, ni même les Hindous qui nous on
107
spécialistes du monde soviétique. En revanche, je
ne
connais pas « d’européologues » dans les empires extraeuropéens. J’aj
108
remarque : l’Europe est le Musée du monde. Et je
ne
pense pas seulement en disant cela, au Louvre, au British Museum, à t
109
lonté de puissance. Troisième remarque : l’Europe
ne
se borne pas à tolérer les civilisations qui diffèrent de la sienne,
110
s choses, les turbines, c’est sérieux, la culture
n’
est qu’un luxe, et que l’important, c’était de lutter d’abord contre l
111
re sa puissance de la turbine, mais après tout ce
n’
est pas lui qui l’inventa. Qui donc ? J’ouvris une encyclopédie, et tr
112
le piétisme, il pensait que sa science abstraite
ne
devait pas l’empêcher de se rendre utile aux hommes. Aussi dessina-t-
113
us voulez unir pour la sauver ? Je réponds que ce
n’
est pas celle des turbines, mais celle de l’inventeur de la turbine ;
114
gende de son efficacité. Or ce reflux — dont rien
n’
indique qu’il soit simplement temporaire — découvre une situation nouv
115
à Paris, André Malraux s’est écrié : « L’Amérique
n’
est qu’une partie de l’Europe ! » L’Amérique n’est-elle pas plutôt la
116
ue n’est qu’une partie de l’Europe ! » L’Amérique
n’
est-elle pas plutôt la fille de l’Europe ? Ou mieux encore : la fille
117
erins », et d’une vaste contrée vierge. Une fille
n’
est pas une partie de son père. Elle peut tenir de lui mais agir autre
118
Elle peut tenir de lui mais agir autrement qu’il
n’
aurait su l’imaginer. Elle ne se définit point par rapport à lui seul,
119
agir autrement qu’il n’aurait su l’imaginer. Elle
ne
se définit point par rapport à lui seul, mais aussi par rapport au mo
120
’Europe insiste sur ses diversités enracinées. Il
n’
y aurait pas de problème ou plutôt pas de malaise, ou en tout cas, le
121
des rapports entre ces deux cultures en filiation
n’
aurait rien d’irritant ni de grave, si l’Amérique ne disposait — à l’a
122
aurait rien d’irritant ni de grave, si l’Amérique
ne
disposait — à l’appui de sa culture comme de sa politique — d’une pui
123
est plus ancienne que ces griefs, et très souvent
ne
leur doit rien.) Quant aux motifs d’attrait, ce sont parfois les même
124
. Quant à la culture, la cause est entendue, vous
n’
êtes que des barbares : digests, Collier’s, Coca-Cola, Hollywood, comi
125
nous copions vos romans et vos danses. Mais vous
n’
avez même pas le sens de la lutte des classes ! On sait ce que pense d
126
s USA. Les digests, que nous lisons par millions,
ne
sont tout de même pas distribués par M. Acheson, ni leur lecture impo
127
vrai. Mais l’élite des USA aussi. Personne encore
n’
a proposé de remède au mauvais goût, ni au goût des lectures faciles.
128
prestige suspect, d’autre part se voit accusé de
n’
être rien qu’un « instrument de la guerre froide ». Devant l’ambiguïté
129
y croit vraiment… (J’écris on à dessein : car ce
ne
sont pas les mêmes qui, en Europe, font la culture et ont l’argent. M
130
reprises d’éducation, et d’une manière générale à
n’
importe qui de se prononcer sur n’importe quoi qui n’est pas dans la s
131
ière générale à n’importe qui de se prononcer sur
n’
importe quoi qui n’est pas dans la situation concrète de l’Europe, mai
132
mporte qui de se prononcer sur n’importe quoi qui
n’
est pas dans la situation concrète de l’Europe, mais dans le programme
133
tte broussaille de malentendus ? La bonne volonté
n’
y suffit pas ; elle est là, très souvent, elle n’a rien empêché. Depui
134
n’y suffit pas ; elle est là, très souvent, elle
n’
a rien empêché. Depuis un certain temps, le CEC prépare le plan d’une
135
re doit être restreinte et non spectaculaire ; il
ne
s’agit pas d’un congrès, mais d’un séminaire de recherches. b) Les re
136
és comme justifiés, dès le départ, et la question
ne
sera pas d’échanger de mauvaises notes, mais de trouver, après une an
137
s. Ils sont vitaux. Car si l’Europe et l’Amérique
n’
arrivent pas à s’entendre effectivement, comment rêver une entente mon
138
nnes d’un drame dont lui seul détenait la clé. Ce
ne
fut qu’à la fin de sa vie qu’il s’offrit sans masque à la lutte, au c
139
aquelle il hésite longtemps. Cette mission, qu’il
ne
peut révéler qu’indirectement, l’isole de ses semblables, l’oblige à
140
ordait à passer sous silence : ce résumé d’Hamlet
ne
vaut-il pas identiquement comme résumé de la biographie de Kierkegaar
141
mlet, jeune prince royal, est un intellectuel. Il
n’
a d’autre désir que de retourner à l’Université de Wittenberg, pour s’
142
iquement par obéissance aux désirs de sa mère. Il
ne
peut prendre son parti de la commune condition humaine. Une incurable
143
pire d’une immense mélancolie, dont la profondeur
n’
a d’égale que ma faculté de la dissimuler sous des apparences de gaiet
144
outes choses, sauf une : devenir un oiseau libre,
ne
fût-ce qu’un seul jour, rompre les chaînes de la mélancolie, où une a
145
pectre. Assassiné, dit-il, par le roi actuel, qui
n’
est donc qu’un usurpateur, le père ordonne au fils de le venger. Hamle
146
secret, auquel il se réfère souvent, mais dont il
n’
a jamais expliqué la nature. Nous savons cependant que le secret était
147
ernes est une tromperie, une immense illusion. Il
ne
ressemble pas davantage à celui du Nouveau Testament que le salon du
148
r la rajuster ! », s’écrie Hamlet. Et Kierkegaard
ne
cesse de répéter sur tous les tons la même idée : il est né pour forc
149
S’il passait tout de suite à l’attaque, personne
ne
l’écouterait. Il faut donc qu’il commence par séduire le public, qu’i
150
motifs de la rupture. Shakespeare, au contraire,
ne
motive guère l’attitude d’Hamlet à l’égard d’Ophélia. Ici, c’est l’ex
151
a fiancée à l’« esclavage de la mélancolie » : il
ne
se sent pas le droit de troubler cette enfant, de l’entraîner dans de
152
re, écrit-il, cette contradiction de la douleur :
ne
point se révéler et faire mourir l’amour ; se révéler et faire mourir
153
et ; et pour cela faire croire à sa fiancée qu’il
ne
l’aime plus. On sait la comédie que Kierkegaard s’imposa de jouer dev
154
ces lors de leur séparation : « Elle me demanda :
Ne
veux-tu donc jamais te marier ? Je répondis : Oui, dans dix ans, quan
155
ns sa duplicité plus douloureuse que scandaleuse,
ne
manque pas d’analogies précises avec la conduite d’Hamlet devant cett
156
ircir aux yeux de la jeune fille, prétendre qu’il
ne
l’aime pas, lui tenir les propos les plus cyniques, s’écrier ensuite
157
ques, s’écrier ensuite : « Comment ferait-on pour
n’
être pas gai ! » Cependant qu’il avoue en aparté : « Je dois paraître
158
c’est que le premier a tout fait pour que Régine
ne
souffre pas, il a voulu prendre sur lui tout le drame, et il y a réus
159
uel sportif tourne au duel à mort. Blessé, Hamlet
ne
peut plus hésiter. Il tue le roi. Quel fut, chez Kierkegaard, l’équiv
160
. Car toute son œuvre, toute sa carrière d’auteur
n’
avait eu d’autre sens, à ses yeux, que de rétablir dans sa pureté apos
161
lque chose de plus contraire au christianisme que
n’
importe quelle hérésie ou n’importe quel schisme — et c’est de jouer a
162
au christianisme que n’importe quelle hérésie ou
n’
importe quel schisme — et c’est de jouer au christianisme, d’en écarte
163
lequel on peut sombrer, mais faute de l’oser, on
n’
a rien3. Plongé comme je l’étais, en écrivant les lignes qui précède
164
re, j’avoue qu’il m’est arrivé plus d’une fois de
ne
plus bien savoir lequel des deux parlait et de m’imaginer qu’Hamlet a
165
hakespeare. Kierkegaard reproche à Shakespeare de
n’
avoir pas fait d’Hamlet un drame religieux. Car, si les scrupules d’Ha
166
n drame religieux. Car, si les scrupules d’Hamlet
ne
sont pas d’ordre religieux, le héros cesse d’être vraiment tragique.
167
endraient infiniment intéressantes, mais alors il
n’
y aurait plus de drame, au sens technique et esthétique du terme. En e
168
it d’un scrupule religieux. Dans ce cas, le héros
n’
est grand que par sa souffrance, non par son triomphe. Il n’y a plus d
169
d que par sa souffrance, non par son triomphe. Il
n’
y a plus de jeu poétique exaltant. Il n’y a plus que le sérieux, l’exi
170
omphe. Il n’y a plus de jeu poétique exaltant. Il
n’
y a plus que le sérieux, l’existentiel… Traduisons cela en d’autres te
171
n d’autres termes : si Hamlet était religieux, il
n’
y aurait pas l’Hamlet de Shakespeare, mais on rejoindrait purement et
172
iographie de Kierkegaard. Le drame de Kierkegaard
n’
a pas été fictif. Il n’a pas été joué et ne saurait l’être. Il a été v
173
d. Le drame de Kierkegaard n’a pas été fictif. Il
n’
a pas été joué et ne saurait l’être. Il a été vécu et souffert conscie
174
egaard n’a pas été fictif. Il n’a pas été joué et
ne
saurait l’être. Il a été vécu et souffert consciemment (avec une cons
175
s, avait sans doute la vocation d’un musicien. Il
ne
s’agit ici que du don naturel et des dispositions natives. Mais il ex
176
l l’ordre de parler aux nations, il répond : « Je
ne
suis qu’un enfant, voici, je ne sais point parler. » Nous dirions qu’
177
il répond : « Je ne suis qu’un enfant, voici, je
ne
sais point parler. » Nous dirions qu’il n’a pas la vocation. Précisém
178
ci, je ne sais point parler. » Nous dirions qu’il
n’
a pas la vocation. Précisément, il la reçoit. Elle lui est adressée en
179
en dépit de ce qu’il est. « Et l’Éternel me dit :
Ne
dis pas : Je ne suis qu’un enfant. Car tu iras vers tous ceux auprès
180
u’il est. « Et l’Éternel me dit : Ne dis pas : Je
ne
suis qu’un enfant. Car tu iras vers tous ceux auprès de qui je t’enve
181
ambiguïté dans notre idée courante de la vocation
n’
est pas celle qui retient Kierkegaard. Il en a distingué une autre, pl
182
rd. Il en a distingué une autre, plus intime, qui
ne
tient plus au double sens du mot, mais à l’existence même d’une vocat
183
l’appel qu’il a cru entendre. Et son incertitude
n’
est pas le fait d’un manque d’information, d’une conscience vague ou d
184
olonté vacillante, mais elle provient de ce qu’il
n’
y a pas de preuve de la réalité de l’appel reçu ni de la réalité de so
185
gaard, d’une incertitude objective. De même qu’on
ne
saurait prouver l’existence de Dieu, on ne peut démontrer la nature t
186
qu’on ne saurait prouver l’existence de Dieu, on
ne
peut démontrer la nature transcendante d’une vocation. Devant Jésus-C
187
sophique pour désigner la foi et sa nécessité. On
ne
peut que « croire » en Dieu, et l’on ne peut que « croire » une vocat
188
ssité. On ne peut que « croire » en Dieu, et l’on
ne
peut que « croire » une vocation, celle d’un autre, mais aussi et d’a
189
sure où l’objet de la conviction qu’on entretient
n’
est pas démontrable ; dans la mesure, aussi, où l’enjeu de la vocation
190
ouble incertitude et dans un risque permanent. Il
n’
est pas de méthode éprouvée ni de raisonnement qui puisse l’aider. L’h
191
connaître, enfin, que la mission reçue par Hamlet
n’
est pas une véritable vocation, en ce sens qu’elle ne présente pas le
192
st pas une véritable vocation, en ce sens qu’elle
ne
présente pas le caractère d’incertitude objective lié à tout acte de
193
ement tracé dans l’action générale. L’incertitude
n’
affecte dans Hamlet que les moyens à mettre en œuvre et, par suite, le
194
ini, aussi vaste que l’histoire humaine, dont nul
ne
peut connaître la trame ni l’ensemble — et cependant il faut jouer, n
195
ait chargé d’accomplir. Mais les choses de la vie
ne
sont pas aussi simples. C’est après coup, le plus souvent, que nos ac
196
rtes, agissait dès le départ obscurément, mais ce
n’
est qu’en marchant qu’on l’a sentie à l’œuvre. Kierkegaard l’a bien su
197
part de la Providence dans mon œuvre entière, je
n’
en saurais donner de formule plus adéquate ou plus décisive que celle-
198
le concède un peu trop à la conscience. Mais elle
n’
est pas tout à fait fausse non plus, car j’ai eu conscience de moi au
199
pancher, tout en veillant avec des yeux d’Argus à
ne
pas se laisser duper dans une œuvre où se proclame le poète. Enfin,
200
t privé de confident, mais seul avec un moi qu’il
ne
comprend même plus : Vainement essaierais-je de raconter les occasi
201
ours. Une chose m’est bien souvent arrivée que je
ne
puis m’expliquer : quand je faisais ce dont il m’était impossible de
202
e dont il m’était impossible de donner la raison,
ne
songeant pas même à la chercher, quand je suivais les impulsions de m
203
ement celles que je devais faire comme auteur. Je
n’
arrivais pas à comprendre comment de petites circonstances en apparenc
204
s, me mettaient dans une disposition précise ; je
ne
comprenais pas, je tombais dans la mélancolie et, chose curieuse, il
205
un sens, j’ai produit toute mon œuvre comme si je
n’
avais rien fait d’autre que de copier chaque jour des fragments déterm
206
suivre un chemin qui demeure invisible tant qu’on
ne
se risque pas à y marcher. Cette « lumière sur mon sentier », dont no
207
on sentier », dont nous parle un psaume de David,
n’
éclaire pas au loin une voie tracée d’avance : non, elle est « à mes p
208
e : non, elle est « à mes pieds » seulement, elle
ne
peut révéler que le premier pas à faire, et le sentier se crée sous l
209
’expérience poétique. Car le poète, lui non plus,
ne
sait et ne saura jamais s’il ne fait qu’épouser un rythme errant, ou
210
poétique. Car le poète, lui non plus, ne sait et
ne
saura jamais s’il ne fait qu’épouser un rythme errant, ou s’il le cré
211
te, lui non plus, ne sait et ne saura jamais s’il
ne
fait qu’épouser un rythme errant, ou s’il le crée tout en croyant le
212
ble en est la conséquence nécessaire. Kierkegaard
ne
se lasse pas d’insister sur cette dernière catégorie. « Celui qui ne
213
nsister sur cette dernière catégorie. « Celui qui
ne
renonce pas à la vraisemblance n’entre jamais en relation avec Dieu.
214
ie. « Celui qui ne renonce pas à la vraisemblance
n’
entre jamais en relation avec Dieu. » Si Abraham n’avait pas accepté l
215
’entre jamais en relation avec Dieu. » Si Abraham
n’
avait pas accepté l’invraisemblable, il ne serait jamais parti pour un
216
Abraham n’avait pas accepté l’invraisemblable, il
ne
serait jamais parti pour un pays dont il ne savait rien. Mais accepte
217
e, il ne serait jamais parti pour un pays dont il
ne
savait rien. Mais accepter l’invraisemblable, il faut bien voir que c
218
orsqu’il écrit cette phrase lourde de sens : « Ce
n’
est pas le chemin qui est difficile, mais c’est le difficile qui est l
219
e M. Torres Bodet, directeur général de l’Unesco,
ne
révèle certes pas une crise de la culture, mais bien du principe même
220
l’Unesco, les milieux proprement culturels. Nous
ne
voyons, pour notre part, aucune raison d’affecter la pudeur dans ce d
221
est grave, que le départ de M. Jaime Torres Bodet
n’
a rien eu de diplomatique, que ce poète, ministre et grand éducateur e
222
ntérêts d’un ministre, les rapports, s’il en est,
ne
sont qu’accidentels. Il s’agit d’ordres différents, dirait Pascal. Ma
223
e, reste loin d’épuiser la question. Car l’Unesco
n’
a jamais prétendu faire la culture, ou faire de la culture. L’Unesco v
224
la paix. Or, seule une aide toute désintéressée,
n’
ayant en vue que la qualité des œuvres d’art, de littérature ou de sci
225
sur la seule démonstration de son excellence ? Il
n’
en obtient parfois, avec quelles peines, que s’il peut démontrer aux F
226
ger aussi à ses tâches. Les activités culturelles
n’
étant aux yeux de nos gouvernements — et c’est normal — qu’une espèce
227
t fois ou mille fois plus. Mais le fait est qu’on
n’
y croit guère dans ces milieux, et tel étant l’état de l’opinion moyen
228
e on dit, se demandent alors si pour ce prix l’on
ne
pourrait pas les aider mieux qu’en finançant une grande machine pour
229
ant une grande machine pour les aider. La machine
n’
absorbe-t-elle pas plus d’énergie qu’elle n’en transmet ? Cela devrait
230
chine n’absorbe-t-elle pas plus d’énergie qu’elle
n’
en transmet ? Cela devrait se calculer, semble-t-il. Mais l’a-t-on fai
231
ui survole toutes les civilisations de la planète
ne
peut se donner qu’un but très vague, mal défini et presque vide de co
232
le pour la paix.) D’autre part, le cadre national
ne
correspond pas aux réalités de la culture : celle-ci s’est toujours f
233
st toujours faite par un jeu de libre-échange qui
ne
tenait aucun compte de nos récentes divisions administratives et doua
234
mondiaux. 2. Centralisé. La réalité de la culture
ne
se trouve ni dans l’individu isolé, ni dans la nation, ni dans les va
235
ns peuvent et doivent être favorisées quand elles
ne
s’établissent pas spontanément. Mais on ne saurait les « planifier »
236
elles ne s’établissent pas spontanément. Mais on
ne
saurait les « planifier » sur une échelle qui n’est plus celle du ray
237
ne saurait les « planifier » sur une échelle qui
n’
est plus celle du rayonnement normal et sensible des foyers de base. 3
238
rnementales se révèle là encore le plus pratique,
ne
fût-ce qu’en évitant les retards et les frais des grandes machines bu
239
« Nous
ne
sommes pas des esclaves ! » (juillet 1953)l « Ils ont tiré ! Ils t
240
e rassembler, sans armes, pour proclamer : « Nous
ne
sommes pas des esclaves ! » Ainsi les Soviétiques viennent de renouve
241
nt tiré sur la foule ouvrière. Cette phrase qu’on
n’
a pas lue dans la presse communiste, nos enfants la liront dans leurs
242
tte phrase a été dite, une fois pour toutes. Elle
n’
est pas mensongère, elle est gagée sur des centaines de morts et de bl
243
ase crie sur la terre entière une vérité que l’on
n’
éteindra plus : le système totalitaire est un crime contre l’homme et
244
ent prétexte qu’en régime socialiste les ouvriers
n’
auraient plus l’occasion de s’en servir… On savait aussi qu’il était l
245
haine contre le fascisme et les provocateurs. Qui
ne
voit aujourd’hui quels furent à Berlin-Est ces « provocateurs étrange
246
ique les communistes ? Pouvaient-ils pratiquement
n’
être pas Russes ou à la solde de Moscou ? On demande aux ouvriers de l
247
it avec éclat le dix-sept juin ! En criant « nous
ne
sommes pas des esclaves ! », les ouvriers de Berlin ont rétabli d’un
248
L’imposture communiste est devenue manifeste. Il
ne
reste à ses partisans, dans nos démocraties, qu’à nier les faits. Il
249
nsemble vers la liberté. » Mais rien de tout cela
ne
sera effacé. Rien ne peut plus faire que les héros de Berlin soient m
250
té. » Mais rien de tout cela ne sera effacé. Rien
ne
peut plus faire que les héros de Berlin soient morts en vain. Aux jou
251
ir à Berlin, surgissant d’un peuple écrasé. Et ce
n’
est pas l’Europe des marchandages entre nations qui entendent chacune
252
de la liberté. l. Rougemont Denis de, « “Nous
ne
sommes pas des esclaves !” », Preuves, Paris, juillet 1953, p. 3-4.
253
e ce mot, ce sens que les plus grands philosophes
n’
ont pas réussi à épuiser, devint soudain très clair du seul fait qu’il
254
ous a-t-on dit de tous côtés, qu’en faites-vous ?
N’
est-elle pas une partie décisive de la culture au sens moderne ? Certe
255
xemple, mais aussi et surtout, parce que personne
ne
peut dire au savant : « Tu penseras, tu chercheras, tu découvriras ju
256
couvriras jusqu’ici et pas plus loin ! » Personne
ne
peut lui dire cela sans tuer en lui l’élan intime de la recherche, qu
257
devant lesquels je souhaite que votre conférence
ne
recule pas. Je citerai deux de ces problèmes, qui d’ailleurs concerne
258
d’hui. Son but est clair : montrer que la science
ne
peut servir la liberté qu’en demeurant elle-même libre dans sa recher
259
ans un certain contexte politique et aucun savant
ne
peut plus l’ignorer. L’asservissement de la science détruit la scienc
260
ent de la science détruit la science. Les savants
ne
doivent pas se reposer sur d’autres pour la défense de leur propre li
261
isibles : “Aucun système de gouvernement, dit-il,
n’
est exempt de vices. Cette critique que nous autres, chercheurs, appli
262
enons-nous ? Où sommes-nous ? Où allons-nous ? Je
n’
imagine pas de meilleure devise pour la table ronde de l’Europe qui s’
263
raison de ce paradoxe est des plus simples. Nous
ne
nous sentons pas, en réalité, 325 millions d’Européens, mais seulemen
264
de l’Europe, dans la réalité vivante, ce qu’elle
n’
est aujourd’hui que dans l’arithmétique. Que manque-t-il à l’Europe po
265
lut tout proche et comme à portée de la main ? Il
ne
lui manque peut-être qu’une seule chose : la conscience des périls qu
266
lturelle à la communauté politique Mon dessein
n’
est pas de résumer les péripéties des débats qui se déroulèrent pendan
267
nt de donner la parole à tous sauf à moi-même, je
n’
en pensais guère moins et notais au passage des points de départ d’int
268
u’ils succomberont demain aux mêmes périls, s’ils
ne
trouvent pas ensemble leur salut. La recherche des origines communes
269
ontre nous. Nous avons vu clairement que nos pays
n’
avaient plus d’autre issue pratique, d’autre avenir possible que dans
270
e Toynbee : « Unissons l’Europe maintenant ! Nous
n’
avons pas de temps à perdre. » Pourtant, chacun peut voir que nous per
271
de notre unité compromise. Certes, la table ronde
n’
a pas trouvé de solutions faciles, ni de recettes miraculeuses pour su
272
es buts communs susceptibles de nous unir. Car ce
ne
sont pas seulement leurs origines, mais les buts qu’ils regardent ens
273
ous perdons en apports extérieurs. La table ronde
n’
a pas dressé les plans d’une civilisation modèle. Mais elle a déclaré
274
qu’à son auteur. « Rien de plus difficile que de
n’
être pas soi-même ou que de ne l’être que jusqu’où l’on veut », remarq
275
us difficile que de n’être pas soi-même ou que de
ne
l’être que jusqu’où l’on veut », remarque Valéry. Je dirai maintenant
276
de nos pays, des voix s’élèvent pour dénoncer je
ne
sais quel « nationalisme européen », qui aurait pour effet de nous «
277
et d’étroitesse inhérents au nationalisme qu’ils
n’
ont pas encore su dépasser dans leur cœur. On voit bien où le bât les
278
des fédéralistes. « Vous nous vantez l’Europe, il
n’
y a pas de quoi ! Elle a réduit en servitude et parfois massacré des p
279
lus sanglantes de l’Histoire, etc. » Réponse : Ce
n’
est pas l’Europe, ce sont plusieurs de nos nations comme telles, c’est
280
’union dans la diversité. Or ce génie fédéraliste
n’
exclut rien, sauf justement l’impérialisme, inséparable de vos nationa
281
du dialogue entre égaux différents. En vérité, il
ne
s’agit pour nous, Européens de la moitié du xxe siècle, ni d’orgueil
282
permettre le luxe de la division ; aujourd’hui ce
n’
est plus possible » (Toynbee). Recouvrer la souveraineté. — Est-il
283
es ? Voyons le concret. La souveraineté nationale
n’
est exercée en fait que par l’État. M. van Kleffens l’a définie comme
284
par le droit applicable à chaque domaine ». Or on
ne
voit plus aucun État européen qui ait conservé la faculté d’agir à sa
285
ase clos. Ces limites décisives à la souveraineté
ne
sont plus posées par le droit, mais par d’implacables circonstances t
286
ques. Il en résulte que la souveraineté nationale
n’
a plus guère d’autre existence que psychologique. Où la voit-on à l’œu
287
ssé par l’école, depuis un siècle. La table ronde
ne
pouvait manquer d’en parler à son tour. Par malheur, elle m’a paru re
288
jugements désobligeants sur les pays voisins, on
n’
aura fait qu’améliorer le terroir nourricier du nationalisme. Car l’Eu
289
terroir nourricier du nationalisme. Car l’Europe
n’
est pas l’addition de vingt-quatre « histoires nationales ». C’est au
290
ènes de nature et de durée très variables, et qui
ne
sont devenus mortels qu’à partir du moment où l’on a prétendu les abs
291
« Il faut dire franchement à nos nations qu’elles
ne
pourront sauver leur individualité qu’en sacrifiant leur souveraineté
292
jourd’hui les décisions principales, et le peuple
n’
a sur elles aucun contrôle. Au contraire, les organisations supranatio
293
de la souveraineté nationale. » Je me résume : il
n’
est pas exact que nos nations, en vue de s’unir, doivent sacrifier ce
294
semblent ignorer le véritable sens du mot. Et ce
n’
est pas dans le dictionnaire qu’ils le trouveront ! Littré le définit
295
ique. Il doit rester incompréhensible à ceux qui,
n’
apercevant pas de différence sérieuse entre une contradiction dans les
296
squer l’alliance de ces deux mots. Le fédéralisme
n’
est rien d’autre qu’une manière de saisir à la fois l’Un et le Divers
297
es, que l’union est nécessaire, que les premières
ne
peuvent subsister sans la seconde, que la seconde serait mortelle san
298
rne le loyalisme, les Romains ont découvert qu’il
ne
devait pas nécessairement s’appliquer à un seul objet. Cicéron a conc
299
me envers Rome et Tarse. Un conflit de loyalismes
n’
a pas plus de raison d’être dans l’Europe d’aujourd’hui qu’il n’en ava
300
e raison d’être dans l’Europe d’aujourd’hui qu’il
n’
en avait à Rome. Les nations européennes ne peuvent survivre que dans
301
qu’il n’en avait à Rome. Les nations européennes
ne
peuvent survivre que dans le cadre de l’Europe, et l’Europe ne peut ê
302
rvivre que dans le cadre de l’Europe, et l’Europe
ne
peut être florissante que si les nations qui la composent conservent
303
é avec un maximum de diversité. 3. Le fédéralisme
n’
oppose que le bon sens aux sophistes qui abusent des définitions pour
304
er pourquoi nous nous bornons à certains pays. Il
n’
est pas honnête de nous reprocher d’exclure le reste de l’humanité. Qu
305
de la crise spirituelle de l’Occident. (La Russie
ne
l’a pas résolue en se bornant à inverser le sens des mots tels que pa
306
de la culture théologique dans notre monde, pour
ne
rien dire de la philosophie, de l’étymologie et de la sémantique. Des
307
gues disputes trinitaires les grands conciles, je
ne
sais plus quelle Europe nous défendrons. Celle dont je parle est une
308
saires de l’union, à dorer la pilule aux États, à
n’
insister que sur les avantages d’un peu plus de coopération sans doule
309
moitié, puis se mit à pleurer misère. Les riches
ne
l’aidèrent point, se disant ruinés, et refusant de faire le pool patr
310
mmées par les gouvernements des États membres, et
ne
suis donc responsable que du choix des thèmes et de leur répartition
311
subite et dramatique. Sur la confusion générale,
n’
insistons pas. Mais la prise de conscience peut et devrait surgir du s
312
he. Mais cet échec était prévu. La vraie question
n’
était pas là. Elle était de mesurer la puissance de deux volontés affr
313
uilibre l’Alliance atlantique, la masse de l’URSS
ne
manquerait pas d’équilibrer une bonne alliance eurasiatique ? La véri
314
ropéenne avait marqué de tels progrès que Molotov
ne
pouvait la combattre qu’en feignant de l’accepter d’abord, — quitte à
315
vaient pour une fois quelque chose à défendre qui
n’
était pas seulement le statu quo, mais l’avenir commun de leurs peuple
316
immiscer dans vos affaires. L’Indochine, la Corée
ne
vous regardent plus. Mais le problème allemand nous intéresse beaucou
317
de remporter une victoire dans ce plan ; qu’elle
ne
s’en apercevrait pas ; qu’il était donc aisé de créer une diversion,
318
la deuxième victoire : pendant des mois, l’Europe
ne
fera plus rien pour accélérer son union ; bien plus, elle va laisser
319
n Indochine ses dernières divisions actives. Elle
ne
peut donc plus adhérer à l’alliance agressive baptisée CED. Elle y se
320
n élan irrésistible vers l’indépendance nationale
ne
sera plus arrêté par l’Europe, mais qu’au contraire une Europe forte,
321
le arrêter l’expansion communiste.) Mais l’Europe
ne
pourra s’unir en temps utile si le parlement français repousse la CED
322
, si l’on a vu la situation mondiale — et si l’on
n’
est pas communiste. Seule une profonde révolte de l’Europe rendue cons
323
Il
n’
y a pas de « musique moderne » (juillet 1954)r s Quand on me demand
324
mais c’est gênant, car la chose dont on me parle
n’
existe pas. La « musique moderne », en effet, n’est guère plus qu’une
325
e n’existe pas. La « musique moderne », en effet,
n’
est guère plus qu’une manière de parler. C’est l’invention de ceux qui
326
ention de ceux qui ont décidé qu’après Wagner, il
n’
y avait plus que des bruits désagréables. L’expression ne désigne pas
327
it plus que des bruits désagréables. L’expression
ne
désigne pas une unité définissable, sinon celle d’un refus global d’e
328
. Bref, la « musique moderne » est celle que l’on
n’
aime pas. (Parce qu’elle ne ressemble pas à celle que l’on aimait.) Pa
329
e » est celle que l’on n’aime pas. (Parce qu’elle
ne
ressemble pas à celle que l’on aimait.) Parler de musique « moderne »
330
d’école, de style commun, de ton d’époque dont je
n’
aperçois pas de témoignages concluants au xxe siècle. Il y eut le gro
331
xxe siècle. Il y eut le groupe des Six, mais il
ne
fut qu’une amitié : je ne vois rien d’autre qui rapproche un Honegger
332
groupe des Six, mais il ne fut qu’une amitié : je
ne
vois rien d’autre qui rapproche un Honegger et un Poulenc. Il y eut l
333
Il y eut les dodécaphonistes, mais justement ils
n’
ont rien de commun, ne veulent rien garder de commun avec les autres m
334
onistes, mais justement ils n’ont rien de commun,
ne
veulent rien garder de commun avec les autres musiciens de l’époque.
335
e toute œuvre tonale, jugée « réactionnaire ». Je
ne
vois pas deux compositeurs du xviie du xviiie ou du romantisme, don
336
le Schönberg d’Erwartung. Aucune époque peut-être
n’
a connu moins d’unité que la nôtre. Aucune en tout cas n’a fait montre
337
nu moins d’unité que la nôtre. Aucune en tout cas
n’
a fait montre d’une volonté aussi délibérée de fuir toute apparence d’
338
cle, malgré tous les efforts de leurs auteurs, ce
n’
est pas cette génération qui le verra. Car le style d’une époque est t
339
contemporains le refus où beaucoup les englobent,
ne
peut donc procéder que d’une méconnaissance de ces œuvres. Parce qu’e
340
u’elles diffèrent du déjà entendu, parce qu’elles
ne
rappellent pas des airs connus, on en déduit bien légèrement qu’elles
341
e dont le dessin reste inconnu, — s’il en est un.
Ne
parlons plus de « musique moderne ». Parlons seulement d’œuvres conte
342
modernes » et moins naïvement de leur temps, que
ne
le furent un Rameau, un Haydn ou un Mozart. Pourquoi cela ? Parce qu’
343
naïveté comme une vertu de l’art. Combien de fois
n’
ai-je pas entendu un jeune peintre ou un jeune compositeur soupirer :
344
un jeune compositeur soupirer : « Après X ou Y on
ne
sait plus que faire. Nous sommes dans une impasse… » Cette impasse es
345
nt « historique », créée par l’esprit historique.
Ne
plus savoir que faire, si l’on a quelque chose à exprimer, cela revie
346
i l’on a quelque chose à exprimer, cela revient à
ne
plus savoir comment le dire autrement que le dernier qui a parlé et q
347
olution qu’ils déclarent « nécessaire » ; dans on
ne
sait quelle logique hégélienne de l’Histoire. Ils parlent beaucoup de
348
pour des raisons précises de prix de revient, et
ne
correspond donc plus aux « nécessités de l’époque » et de nos grands
349
ssités de l’époque » et de nos grands marchés, il
n’
est nullement prouvé que l’œuvre d’un compositeur non dodécaphonique «
350
ités nouvelles de la musique », que l’on invoque,
ne
sont telles que pour l’oreille et l’intelligence d’un très petit grou
351
ourrit de musiques des époques révolues. Quand il
ne
se contente pas de Beethoven et de Brahms, il ne découvre pas les tal
352
ne se contente pas de Beethoven et de Brahms, il
ne
découvre pas les talents d’aujourd’hui, mais Purcell ou Monteverde. D
353
mais Purcell ou Monteverde. Du temps de Haydn, on
n’
eût jamais joué des auteurs du xviie siècle, ni même les œuvres ancie
354
production. Mais nos grands concerts du dimanche
ne
jouent plus que les modernes d’autres temps. D’où l’aspect forcément
355
l’un l’autre, le résultat est une « époque ». Je
ne
sais pas si nous en vivons une… Mais peut-être sommes-nous sur le seu
356
veau », c’est-à-dire de rejoindre le siècle. Mais
n’
est-il pas étrange que de vivre en son temps soit devenu de nos jours
357
fort intelligente. r. Rougemont Denis de, « Il
n’
y a pas de “musique moderne” », Preuves, Paris, juillet 1954, p. 75-77
358
e Rougemont ? Il habite Ferney ; le génie du lieu
n’
y est donc pour rien. (Ce n’est pas pour des raisons musicales que Vol
359
ey ; le génie du lieu n’y est donc pour rien. (Ce
n’
est pas pour des raisons musicales que Voltaire ne prisait pas Roussea
360
n’est pas pour des raisons musicales que Voltaire
ne
prisait pas Rousseau.) Mais il y a que Denis de Rougemont, dans ses o
361
de la patrie. Mais il savait qu’aucun de nos pays
ne
peut être vraiment ranimé et rétabli dans son intégrité, s’il ne s’in
362
aiment ranimé et rétabli dans son intégrité, s’il
ne
s’intègre à la communauté plus vaste qui est son espace vital de civi
363
par esprit de ressentiment. Et c’est pourquoi ils
ne
sont pas tentés de faire subir aux autres le sort qu’ils ont subi, bi
364
i déchirent l’Italie croyante et libérale, et qui
ne
peuvent être résolus qu’au-delà du tête-à-tête de frères ennemis. Acc
365
débats que je dirigeais, siégeant à son côté, je
n’
ai cessé de l’observer, d’échanger avec lui ces remarques à voix basse
366
lan, me parurent d’autant plus remarquables qu’il
ne
s’agissait pas de politique dans tout cela, mais du « problème spirit
367
és par les partis dans les parlements excités. Il
ne
confondait pas l’action réelle avec les grands éclats de voix secouan
368
ouant des meetings informes et sans lendemain. Il
n’
était pas « grand orateur », et s’en plaignait parfois avec humour. Ma
369
éteur ? Le jugement politique et l’art du trémolo
ne
devraient-ils pas, au contraire, être tenus pour foncièrement incompa
370
n honnêteté. (Les dictateurs sont sans humour, et
ne
connaissent que le sarcasme.) Je me souviens d’un mot qu’il eut dans
371
er pourquoi nous nous bornons à certains pays. Il
n’
est pas honnête de nous reprocher d’exclure le reste de l’humanité. Qu
372
de haine à toutes les autres femmes ? » Jamais il
n’
a voulu parler de la « grandeur » de l’Italie, mais il s’est contenté
373
français a dit ceci : « L’Allemagne qu’il incarne
ne
nous apparaît pas moins redoutable que celle qui exigeait la démissio
374
re, au surplus gouvernée par un ami de la France,
n’
est « pas moins redoutable » que l’Allemagne arrogante, surarmée et in
375
agne réelle fasse ou non, soit ou non, cette peur
ne
pourrait donc être supprimée que si l’Allemagne disparaissait totalem
376
sparaissait totalement et à tout jamais. Car s’il
n’
en restait qu’un, je craindrais celui-là, dit en substance François Ma
377
lemagne a été l’arme principale des anticédistes.
N’
est-il pas très nouveau qu’un grand pays proclame sa peur dans l’insta
378
férait crâner. C’était bien vu. L’aveu de la peur
n’
était permis qu’à l’esprit qui la maîtrisait : « Tu trembles, carcasse
379
lement peur de l’Occident. Mais leur gouvernement
ne
cesse d’affirmer que l’URSS ne craint personne. Les Américains n’ont
380
leur gouvernement ne cesse d’affirmer que l’URSS
ne
craint personne. Les Américains n’ont pas du tout peur des Russes, ma
381
mer que l’URSS ne craint personne. Les Américains
n’
ont pas du tout peur des Russes, mais leur gouvernement ne cherche qu’
382
s du tout peur des Russes, mais leur gouvernement
ne
cherche qu’à prévenir ou contenir le danger communiste. En France, on
383
un sens quelconque à ces divagations. ⁂ Quelqu’un
n’
a pas peur : M. Bevan. Malenkov l’a pleinement rassuré. « Il a l’espri
384
p de finesse, et les difficultés de la traduction
ne
l’ont pas empêché de manifester un profond sens de l’humour. Il m’a a
385
s de l’humour. Il m’a affirmé énergiquement qu’il
n’
y avait aucun des problèmes opposant la Russie au reste du monde qui n
386
roblèmes opposant la Russie au reste du monde qui
ne
puisse être résolu par voie de négociations. » Relisez ces deux phras
387
ie de négociations. » Relisez ces deux phrases et
ne
riez pas. Leur juxtaposition est un simple accident. L’allusion au se
388
Très évidemment non. » Et il avait raison. Hitler
ne
fut pas non plus un autre Bismarck. Généralement, les gens ne sont pa
389
on plus un autre Bismarck. Généralement, les gens
ne
sont pas un autre, sauf s’ils sont Allemands, comme vient de le montr
390
llemands, comme vient de le montrer M. Mauriac. ⁂
Ne
craignons pas les Russes, nous dit L’Express. Le vrai danger vient de
391
n Français le second. La collaboration européenne
n’
est pas un vain mot. Elle joue à plein contre l’Europe. ⁂ Mais si 43 m
392
eur de 48 millions d’Allemands de l’Ouest, quelle
ne
doit pas être la terreur de Mao Tsé-toung devant ses propres Chinois
393
millions par an. » Or « le communisme, en Chine,
n’
a jamais été un mouvement de masse », déclare M. Bevan. « Notre tâche,
394
ou raison de contribuer à l’échec de la CED. Nous
ne
le ferons pas ; quoi qu’il arrive maintenant […] un premier bénéfice
395
et qui marque son point « pour l’histoire ? » Ce
n’
est qu’Esprit, revue française, autrefois « internationale ». Esprit a
396
élicite de constater que « le ciel du Pentagone »
ne
lui est pas tombé sur la tête. « Tout ce qu’avaient raconté à l’opini
397
mand. » Tout cela serait faux ? Rien de tout cela
ne
se serait produit ? Il se trouve que la suite de l’article contredit
398
Londres l’autorisent. Les « raisons de redouter »
ne
sont pas « au moins égales ». Le rejet de la CED a bel et bien entraî
399
que les socialistes allemands sont nationalistes,
ne
fût-ce que du seul fait qu’Adenauer ne l’est pas. D’ailleurs : les ex
400
onalistes, ne fût-ce que du seul fait qu’Adenauer
ne
l’est pas. D’ailleurs : les extrémistes de droite aussi sont renforcé
401
rois, les gens du MRP, etc., avaient vu juste. Il
ne
reste à Esprit qu’à répéter la leçon connue : le réarmement allemand,
402
ont tenté de rejoindre la ligne communiste. S’ils
ne
sont jamais arrivés à la trouver, c’est qu’ils la cherchaient vers la
403
restige aux yeux de l’Européen et d’un pathos qui
ne
saurait tromper, ils représentent dans notre Quête du Graal l’épisode
404
sa liberté, si j’en juge par ses vrais effets, il
n’
en demeure pas moins inconcevable hors d’un monde investi et structuré
405
s érudits l’ont décrite. Mais le roman de Tristan
ne
fut pas imité par les seuls écrivains depuis près de huit siècles : t
406
Amour au love interest des films de Hollywood, on
ne
verra qu’une longue décadence, une vulgarisation au double sens du mo
407
t même si nos actions échappent à son emprise, il
ne
cesse de régner sur nos rêves et d’éveiller nos nostalgies. Et c’est
408
s en Occident, encore que le jeune Européen moyen
ne
ressemble pas plus à Tristan que n’importe quel fidèle endimanché aux
409
uropéen moyen ne ressemble pas plus à Tristan que
n’
importe quel fidèle endimanché aux martyrs dont le sang fut la semence
410
g fut la semence de l’Église. Le contenu du mythe
ne
peut être décrit qu’en opposant des termes eux-mêmes ambivalents : il
411
même quand nous ignorons les origines du mythe et
ne
soupçonnons rien de sa finalité. Au regard de la société, le mythe de
412
. Au regard de la société, le mythe de la passion
n’
est que révolte et fuite. Il ne peut fomenter que l’individu égoïste e
413
ythe de la passion n’est que révolte et fuite. Il
ne
peut fomenter que l’individu égoïste et profanateur, au sein même du
414
luth inventé par Manès. Et cette musique de gnose
n’
a cessé d’inquiéter le cœur sauvage de l’homme enfermé dans les liens
415
10 Cette « vie nouvelle » — dans le monde comme
n’
étant pas du monde — n’est pas donnée à l’homme pour son plaisir : ell
416
le » — dans le monde comme n’étant pas du monde —
n’
est pas donnée à l’homme pour son plaisir : elle le saisit comme une g
417
un par un souverain caprice de la Minne, aussitôt
ne
s’appartient plus. À peine libéré, le voilà consacré. Minne l’a disti
418
e, bien qu’en un reflet inversé. Cet amour déifié
n’
est pas le Dieu d’Amour. Il n’élit pas un homme pour le sauver, mais p
419
é. Cet amour déifié n’est pas le Dieu d’Amour. Il
n’
élit pas un homme pour le sauver, mais pour l’exalter vers sa perte. I
420
le sauver, mais pour l’exalter vers sa perte. Il
ne
lui donne pas un prochain, mais un objet de fascination mortelle. Cep
421
loi : ama et fac quod vis ! La passion de Tristan
ne
pouvait se déclarer dans sa grandeur tragique et obsédante qu’au sein
422
», dit au croyant le Jésus de Pascal. La passion
ne
pouvait donc apparaître que dans le monde où cette croyance à l’être
423
e tous. Son élan fou, qui mime le saut de la foi,
ne
jette pas l’homme dans son salut vivant ni dans un martyre salutaire,
424
de Bach. La « Joie suprême » d’Isolde agonisante
n’
est qu’un dernier défi au Soleil disparu derrière l’horizon jaune de l
425
d’Occident. C’est le cri de l’âme « exilée », qui
ne
s’arrache à la matière et à la chair que pour sombrer. Mais alors la
426
la chair que pour sombrer. Mais alors la passion
ne
serait-elle pas l’échec de l’Aventure occidentale, échec fatal dès qu
427
n refus des options principales de l’Occident. Il
ne
ramène pas l’âme à l’Orient symbolique, comme par une double négation
428
ique, comme par une double négation, car l’Orient
ne
connaît pas ce tragique absolu qui naît de l’acte irréversible, engag
429
a chair, dans son angélisme essentiel, la passion
ne
peut rêver d’autre horizon d’espoir que celui de la métempsycose. « N
430
que celui de la métempsycose. « Notre engagement
n’
était pas pris pour cette vie », dit Novalis parlant de sa fiancée per
431
ient magique de l’Occident tragique, et cet abîme
n’
est autre que le vertige de l’âme en proie au refus manichéen de l’Inc
432
s, khmers ou mongols, chinois ou japonais. L’idée
ne
peut apparaître aux yeux d’un Asiatique indemne d’influences occident
433
ajputs et que ceux-ci se soulèvent contre lui, il
ne
s’agit en aucun cas de révolution, car la subversion vient de l’extér
434
e et le temps que le « monde christianisé ». S’il
n’
y a pas de socialisme en Asie, écrivait en 1930 Henri de Man, cela tie
435
outes nos révolutions s’en souviendront. L’Orient
n’
a pas connu pareille coupure des temps — cette coupure de l’histoire e
436
ans la continuité vivante de ses passés, dont nul
n’
est aboli ni privé de ses temples. Elle évoque l’idée d’une Europe où
437
ns l’Empire a créé pour l’Europe un précédent qui
ne
cesse de hanter son histoire. Conversions, valeurs « subversives », d
438
faits paraissent décisifs. Mais leur constatation
n’
explique pas tout. Et par exemple : le passage de la conversion à la r
439
odèle spirituel au phénomène politique et social,
ne
semble pas aller de soi. Il paraît même douteux que les premiers chré
440
conformistes » à l’égard des pouvoirs établis. On
ne
les voit pas s’en prendre au régime impérial ni à l’institution de l’
441
stitution de l’esclavage, par exemple11, lesquels
ne
seront pas abolis pour des raisons théologiques, mais militaires dans
442
a réalité des hommes transformés par la foi. Elle
n’
avait pas pour but de convertir la société, mais d’unir en un corps le
443
t remonter à notre dialectique de la personne. Ce
n’
est pas la personne qui se détache d’abord du corps magique de la trib
444
n vient à dominer dans la cité, et que l’individu
ne
se sent plus encadré ni relié, le vide social appelle un ordre autori
445
la foi, cette « ferme assurance des choses qu’on
ne
voit pas ». Le Parti au contraire est aux ordres d’un chef dont la pr
446
ants dans un monde idéal et futur, mais cette foi
n’
est gagée que sur le sacrifice et la mort de ses adversaires. On entre
447
de l’Église chrétienne, voilà ce que notre temps
ne
peut plus mettre en doute. Nazisme et stalinisme ont eu leur pape et
448
sinon par l’intention du moins par le succès. Il
n’
a pas disposé des mêmes télécommandes et ses missi dominici n’allaient
449
osé des mêmes télécommandes et ses missi dominici
n’
allaient qu’à cheval. Mais sa Terreur valait les purges communistes, e
450
fut sans tache. Toutefois, les églises politiques
ne
copient de l’Église que ce qu’elle a de moins chrétien. Aucun des tra
451
. Aucun des traits communs qu’on vient d’énumérer
n’
est proprement évangélique. C’est l’ambition théocratique, non l’Agapè
452
arrêts d’un Parti qui incarne la Révolution ? Il
n’
y a rien au-dessus de lui14. Il n’y a pas de Juge pour ses crimes. Et
453
Révolution ? Il n’y a rien au-dessus de lui14. Il
n’
y a pas de Juge pour ses crimes. Et dès lors qu’il se sait illégitime
454
ions auraient « objectivement » servi la liberté,
ne
font preuve que d’une belle ignorance de l’histoire. Les grandes révo
455
e l’histoire. Les grandes révolutions européennes
n’
ont jamais renversé aucun tyran. Au contraire, elles en ont établi, de
456
Napoléon, Hitler, Mussolini, Staline. Ces tyrans
n’
ont été abattus que par la guerre ou par la mort. Et la plupart furent
457
s, de nos révolutions « libératrices ». Celles-ci
n’
ont triomphé que de régimes séniles, et dont la « tyrannie », si on la
458
au dieu — pour qu’il pleuve. En vérité, le sacré
n’
a cure des résultats : il trouve sa preuve dans le sang. Mais si, prof
459
victoire. Remarquons que ce cri, à ce moment-là,
ne
signifie point : Vive la France ! — pas davantage que « les Soviets p
460
e ! — pas davantage que « les Soviets partout ! »
ne
signifiera sous Lénine : Vive la Russie ! Il proclame un nouveau myth
461
’avenir et de volonté. Toutefois, cette idéologie
n’
est pas le fait du peuple entier, mais d’un parti ; et ce parti agit p
462
ation est religion et les religions, en Occident,
ne
transigent pas, du moins depuis l’apparition du christianisme. L’État
463
te la nation comme une croisade pour l’idée. « Ce
ne
sont pas les déterminations naturelles de la nation qui lui donnent s
464
d comme à sa fin. Une fois cette fin atteinte, il
n’
a plus rien à faire dans le monde. » Et encore : « À chaque époque dom
465
ds voisins. Aucun de ces « concepts de l’Esprit »
ne
parvenant à s’imposer, aucune nation ne dominera longtemps, mais aucu
466
’Esprit » ne parvenant à s’imposer, aucune nation
ne
dominera longtemps, mais aucune n’en tirera la conclusion, une fois v
467
aucune nation ne dominera longtemps, mais aucune
n’
en tirera la conclusion, une fois vaincue, « qu’elle n’a plus rien à f
468
tirera la conclusion, une fois vaincue, « qu’elle
n’
a plus rien à faire au monde ». Chacune se dira « souveraine », à l’im
469
souveraine », à l’imitation des rois absolus qui
n’
avaient de comptes à rendre qu’à Dieu seul — mais il n’y a plus de Die
470
ient de comptes à rendre qu’à Dieu seul — mais il
n’
y a plus de Dieu au-dessus des nations. Le droit divin se traduit donc
471
onc par le droit de l’État le plus fort. Celui-ci
ne
connaît plus d’autres obligations que les contrats passés avec ses co
472
iances ou traités de commerce révoqués dès qu’ils
ne
payent plus. C’est ainsi qu’une demi-douzaine d’États gangsters, foll
473
ssible en principe, et par définition, puisqu’ils
n’
acceptent aucune instance supérieure à leurs « droits » et limitant le
474
que l’on a comparée très justement au shintoïsme,
n’
attaquera même pas le christianisme, elle se contentera de l’annexer d
475
ion où l’on a pris la peine de naître. Ce que nul
n’
oserait dire de son moi, il a le devoir sacré de le dire de son nous.
476
un dieu lointain, qui demande beaucoup plus qu’il
ne
donne, infiniment plus, à l’absurde. Principe de haine plus que d’amo
477
ié du monde à l’hégémonie des États-Unis. Ceux-ci
n’
ont pas souhaité cette responsabilité, et ne sont pas équipés pour l’e
478
ux-ci n’ont pas souhaité cette responsabilité, et
ne
sont pas équipés pour l’exercer : c’est par là qu’ils diffèrent profo
479
onnelles. Ces réflexes de défense du corps social
ne
s’exerçant pas en Orient, la maladie nationaliste peut y prendre dema
480
che de l’Europe au dossier de l’Histoire. Mais ce
ne
sont pas seulement des maladies fiévreuses, ce sont aussi des hérésie
481
e. Couper ces fièvres aurait un effet dévastant :
ne
serait-ce pas nous vider d’une affectivité qui est devenue la saveur
482
révolte contre le But dernier de l’Aventure, qui
ne
peut jamais être saisi que par la foi. Le christianisme se distingue
483
uible. Mais quand l’homme en vient à sentir qu’il
ne
pourra jamais atteindre au but final s’il n’accepte pas en même temps
484
u’il ne pourra jamais atteindre au but final s’il
n’
accepte pas en même temps que la Grâce subvienne à sa débilité et qu’a
485
et il croit embrasser l’Absolu, parce que sa soif
n’
attendait rien de moins. Mais semblable aux amants tragiques de la lég
486
destruction et sa mort ». Sacraliser des buts qui
ne
sont pas le But, c’est la formule de la révolte occidentale. Révolte
487
type d’une société d’amour et de fraternité, mais
n’
a pas pu l’actualiser — c’est le Scandale. Il en reste cette soif d’un
488
remplaçant toute la Loi, et l’on voudrait mais on
ne
peut pas s’y conformer ; pourtant le besoin subsiste de se donner san
489
défi, l’homme dit : c’est trop pour moi, mais je
ne
saurais plus vivre et ressentir ma vie sans cet appel intime. Il pens
490
ntraindre à l’obéissance et à l’amour. La révolte
ne
se lève jamais contre la force à son zénith. Mais, d’un pouvoir qu’on
491
amour qui dresse contre le Père les enfants qu’il
n’
a pas contraints à la vertu. Le Dieu du christianisme a laissé l’homme
492
isation de l’Occident ». On voit maintenant qu’il
n’
en est rien. L’Occident comme ensemble historique n’a jamais été conve
493
en est rien. L’Occident comme ensemble historique
n’
a jamais été converti, et il ne saurait l’être, en vérité, du seul fai
494
nsemble historique n’a jamais été converti, et il
ne
saurait l’être, en vérité, du seul fait qu’il n’est pas une personne.
495
ne saurait l’être, en vérité, du seul fait qu’il
n’
est pas une personne. Mais le ferment du christianisme originel, son e
496
nous fuit, dans cette chair impérieuse et débile,
n’
a pas cessé de travailler les âmes depuis vingt siècles. Nos « erreurs
497
eux « christianisée » dans ses structures qu’elle
ne
l’était avant le xiie siècle. D’où l’on ne saurait conclure en pouss
498
’elle ne l’était avant le xiie siècle. D’où l’on
ne
saurait conclure en poussant à l’absurde que l’incroyant moderne est
499
que l’incroyant moderne est plus « chrétien » que
ne
pouvait l’être un paroissien naïf du Moyen Âge, mais seulement que la
500
de la personne est plus profondément active qu’on
ne
le pensait naguère dans l’âme de nos contemporains même incroyants, e
501
ns l’âme de nos contemporains même incroyants, et
ne
cesse de s’étendre à des régions nouvelles de notre existence profane
502
2. On pourrait même soutenir que le christianisme
n’
a été subversif qu’en dépit des prétentions de l’Église à imposer un o
503
élevé les mêmes prétentions. Mais comme celles-ci
n’
étaient pas admises, elle devint militante, et tout en se développant
504
se gardent bien de toucher à l’idole, même s’ils
n’
y croient plus. « Ne mêlons pas, fût-ce une seconde, la personne grand
505
toucher à l’idole, même s’ils n’y croient plus. «
Ne
mêlons pas, fût-ce une seconde, la personne grandiose de Saint-Just,
506
est la Foi des Apôtres ! » « Anathème à celui qui
ne
croit pas ainsi ! Chassez Eusèbe, qu’on le coupe en morceaux ! Il a d
507
tées : sont-elles complètes, sont-elles exactes ?
N’
a-t-on pas ajouté des noms d’absents ? Il faut maintenant souscrire au
508
des moines et des nervis fait irruption, Hilaire
ne
doit son salut qu’à la fuite, Flavien meurt sous les coups de bâton.
509
d’Empire et la métaphysique la plus subtile, pour
n’
aboutir enfin qu’à des définitions à peine différentes des anciennes o
510
e peuple chrétien. Tout cela serait absurde si ce
n’
était sublime, si ce n’était finalement bien plus intelligent, bien pl
511
cela serait absurde si ce n’était sublime, si ce
n’
était finalement bien plus intelligent, bien plus sage et bien plus ré
512
age et bien plus réaliste qu’un Athanase lui-même
n’
a pu le concevoir, faute d’avoir pu le juger avec les yeux de l’Histoi
513
dent nos conceptions de l’homme. En apparence, il
ne
s’agit, lors de Nicée, que d’un iota18, en réalité, de la définition
514
n pleine effervescence, les Pères grecs et latins
ne
disposaient en fait que de notions et de mots inadéquats, au surplus
515
simple fait qu’il est un corps distinct, mais il
ne
devient une « personne » qu’en vertu des relations civiques ou juridi
516
étant définie par sa valeur juridique, l’esclave
n’
est pas une personne). Ainsi l’individu n’était qu’atome, et la person
517
esclave n’est pas une personne). Ainsi l’individu
n’
était qu’atome, et la persona que valence ; l’un existait par soi, l’a
518
en même temps que la liberté sujet de conflits ?
N’
est-elle pas englobée par ce qu’elle veut nier ? La seule question sér
519
ces attitudes spécifiques de la pensée chrétienne
ne
pouvaient pas manquer de conditionner une certaine approche du réel.
520
opposés mais en même temps vraiment valables. On
ne
saurait donc chercher la solution ni dans la réduction de l’un des te
521
s les domaines subordonnés. Mais la transposition
n’
a pas toujours été légitime : il s’en faut de beaucoup. Au couple d’op
522
s réalités purement humaines, de même nature, qui
ne
se rapportent plus de près ni de loin, aux deux termes originaux. S’i
523
prix des équivoques et des abus que l’on sait) il
n’
en va plus de même des couples gauche et droite, liberté et autorité,
524
e penser », un archétype mental de l’Occident. Je
ne
dis pas que ce passage de la christologie à la psychologie soit légit
525
soit légitime — ni les théologiens ni les savants
ne
devraient l’accepter comme tel — mais je constate primo qu’il a eu li
526
aux étapes décisives de notre science. Certes, on
ne
peut dire que le modèle théologique ait précédé la découverte des ant
527
atomisme et le continu — la tension à vrai dire «
n’
existe » pas. Il s’agit simplement de l’antagonisme de deux écoles iso
528
èse est de « comprendre » les incompatibles, cela
ne
peut se produire que dans un seul esprit. Aussi longtemps que les asp
529
es sont vus séparément par des esprits divers, il
n’
y a, dans l’ensemble d’une culture, qu’oscillations et alternances san
530
s : tout est dans tout, bien sûr, mais la science
n’
a pas lieu. Or, la physique actuelle est caractérisée par la reconnais
531
e phénomènes de même nature, et dont l’opposition
ne
résulte peut-être que des méthodes d’analyse employées. Mais la forme
532
ont perdu la conscience, mais que les théologiens
ne
peuvent manquer d’observer. Cette lumière qui consiste à la fois en «
533
ois en « vraies ondes » et « vrais corpuscules »,
n’
a-t-elle pas donné lieu à d’infinis débats dans lesquels on pourrait r
534
s dans lesquels on pourrait retrouver — et ce jeu
n’
est peut-être pas vain — l’équivalent des hérésies les plus connues, d
535
s disciples, jusqu’à nous, la doctrine trinitaire
n’
a cessé de propager dans les domaines de plus en plus « humains » un t
536
son paradoxe essentiel, la christologie de Nicée
n’
a pas seulement conditionné de nouvelles formes de pensée, mais elle a
537
vrai aussi que « l’Esprit seul vivifie, la chair
ne
sert de rien », mais pourtant c’est bien dans cette vie, dans cette e
538
n obéissance. Et il est vrai enfin que « la chair
n’
héritera pas du Royaume des cieux », et qu’elle est aujourd’hui sous l
539
a Loi, donc du péché et de la mort, mais le Credo
n’
en affirme pas moins sa délivrance finale et sa résurrection. Cette di
540
œuvres de Dieu sont dignes d’être contemplées. »
Ne
voir là qu’une phrase « édifiante » interdirait de comprendre le moti
541
t la raison pourquoi Descartes estime qu’un athée
ne
pourrait pas faire de physique. Certes, beaucoup d’athées ont été phy
542
Résurrection. Dès lors le témoignage de nos sens
n’
est pas vain : il est certes affecté d’erreur par le péché, mais il pe
543
tre notre œil et la lumière, quoique mystérieuse,
n’
est plus illusion ; et le cosmos n’est pas une fantasmagorie privée de
544
e mystérieuse, n’est plus illusion ; et le cosmos
n’
est pas une fantasmagorie privée de cohérence, d’ordre et de sens, mai
545
La non-absurdité et la réalité du monde manifesté
ne
suffiraient pas encore pour permettre la science. Les Grecs croyaient
546
Grecs croyaient à l’ordonnance cosmique, mais ils
n’
en retenaient pour vraie que la Beauté. L’objet de la science ne peut
547
t pour vraie que la Beauté. L’objet de la science
ne
peut vraiment devenir la totalité du réel que dans un monde créé par
548
cience grecque de notre science moderne, laquelle
ne
pouvait naître, selon lui, que dans un monde christianisé. Suivons ic
549
logique de la totalité posée par l’esprit… Et il
ne
s’agit pas là seulement d’Aristote et de Démocrite ; Thomas aussi, et
550
ce, alors, vise précisément, dans le réel, ce qui
ne
cadre pas avec les ordonnances et les lois établies précédemment. La
551
ité du monde. Ce Dieu qui exige la vérité absolue
ne
veut pas qu’on le saisisse à l’aide d’illusions. Il rejette les théol
552
issance du réel, qui pourtant vient de Dieu… Dieu
n’
est pas l’objet d’une foi véritable s’il ne peut pas supporter d’être
553
… Dieu n’est pas l’objet d’une foi véritable s’il
ne
peut pas supporter d’être mis en question par les faits ; et toute qu
554
yable » de la vérité. Car la vérité, pour la foi,
ne
peut être que celle de Dieu, même quand elle semble nuire au groupe,
555
dent profondément marqué au signe de la croix, il
ne
pouvait être senti que sous la forme d’un manichéisme inversé, comme
556
nfoncement de taupe dans une galerie où le Soleil
ne
parvient plus — et l’on finit par l’oublier ou le nier — peut-être fa
557
à l’intérieur du domaine propre de sa recherche,
ne
peut plus établir une distinction sensée entre la matière et quelque
558
entre la matière et quelque autre chose. » Et ce
n’
est pas seulement entre la matière et « autre chose », ou entre l’éner
559
ou entre l’énergie et quelque « ondulation » d’on
ne
sait quoi, que la frontière intelligible s’est évanouie, mais c’est a
560
ou calculer… Nous verrons tout à l’heure que cela
n’
affecte en rien la dialectique transcendance-immanence, et n’apporte a
561
n rien la dialectique transcendance-immanence, et
n’
apporte aucun argument « en faveur » du Credo de Nicée… Mais il faut v
562
tome se résolvait en une sorte de vide animé d’on
ne
savait trop quoi, sauf que « cela » restait calculable. « Une figure
563
matière classique que la négation de l’Esprit, il
n’
en reste pas moins que ses arguments scientifiques se sont évanouis av
564
alisme vulgarisé, survivant à ce qui fut sa base,
n’
est plus guère qu’une superstition. Il entretient religieusement des a
565
ps de l’animisme. En revanche, les spiritualistes
n’
ont pas lieu de pavoiser, car, pour les mêmes raisons, leur idée de l’
566
avait de la liberté jusque dans la matière : mais
n’
était-ce pas admettre du même coup qu’il y aurait aussi de la détermin
567
nergie, puis entre l’énergie et quelque chose qui
n’
est plus exprimable qu’en formules mathématiques, et qui semble appart
568
rait alors dissocier bien plus radicalement qu’on
ne
le fait d’ordinaire la pensée humaine et l’Esprit (mind and Spirit).
569
a matière, au lieu de celle de l’esprit. Ce choix
n’
est donc pas scientifique, mais proprement théologique : c’est l’hérés
570
sé d’ondes animant le vide30. Le monde phénoménal
n’
est plus qu’une apparence flottant sur l’océan sans rivages et sans fo
571
s derrière ce voile, qu’y a-t-il ? Cette question
n’
a pas de sens, nous dit-on. Dans l’Univers d’Einstein (illimité-fini),
572
vous verrez bientôt que la question d’un au-delà
ne
se pose plus. Dans l’univers en expansion de l’abbé Lemaître et de Ga
573
qui reviendra peut-être à son point initial, vous
n’
irez pas plus loin ni plus longtemps que la plus extrême galaxie. Mais
574
out cela se meut-il ? Il est vrai que la question
n’
a pas de sens : rien « au monde » ne peut y répondre ; mais aussi, ell
575
e la question n’a pas de sens : rien « au monde »
ne
peut y répondre ; mais aussi, elle dépasse le monde ; rien en lui ne
576
; mais aussi, elle dépasse le monde ; rien en lui
ne
peut m’empêcher, ni moi-même, de me la poser. C’est ainsi que notre e
577
ue la Maya est tout, et qu’il est fou de penser à
n’
importe quoi d’autre, c’est qu’alors il est faux de penser « Dieu », m
578
de répondre, et nulle interdiction d’interroger,
n’
auront jamais raison de cette Question : elle nous juge et pose nos li
579
n Ailleurs absolu, d’un totaliter aliter. Et rien
ne
peut faire qu’une telle idée provienne d’un monde suffisant et fermé
580
fait connaître par cela justement que la science
ne
connaît pas, et ne pourra jamais ni intégrer, ni réfuter comme illuso
581
cela justement que la science ne connaît pas, et
ne
pourra jamais ni intégrer, ni réfuter comme illusoire. Et c’est la se
582
déposés à la suite de certains conciles : comment
ne
pas songer aux épurations qui seront pratiquées 1500 ans plus tard da
583
’esprit « byzantin » explique beaucoup plus qu’on
ne
le croit les conduites politiques et les façons de penser. 18. Le dé
584
ident » du christianisme. L’orthodoxie catholique
ne
sera définitivement assise qu’en 680, par le VIe concile de Constanti
585
80, par le VIe concile de Constantinople. 20. Je
ne
veux parler ici que d’incompatibles réels. Certains incompatibles auj
586
éels. Certains incompatibles aujourd’hui reconnus
ne
sont peut-être qu’apparents : ainsi le fait que la masse combinée des
587
e liaison des particules). D’autres incompatibles
ne
tiennent peut-être qu’à l’insuffisance provisoire de nos mesures : ai
588
an que celui de la dogmatique chrétienne, car ils
ne
représentent en réalité que des variantes de l’argument trinitaire d’
589
22. Il est certain que « la chair » selon S. Paul
n’
est pas seulement le corps physique, mais l’homme naturel tout entier,
590
ntaires et poussée jusqu’à l’absolu. Une doctrine
ne
peut être qualifiée d’hérétique que si elle a pris son point de dépar
591
que — aurait-elle grand-chose à lui offrir ? Elle
n’
a jamais été plus éloignée des grandes affirmations de Nicée. Elle fai
592
canique ondulatoire ou de la physique des quantas
ne
le sont du moderne qui ne croit qu’à la science. 29. Cf. O. L. Reise
593
la physique des quantas ne le sont du moderne qui
ne
croit qu’à la science. 29. Cf. O. L. Reiser, « The Field theory of M
594
duit dans un « champ » au sein duquel agissent on
ne
sait quels archétypes formateurs… 31. J’anticipe à dessein sur un su
595
et révolutionné tout leur régime social. Mais on
ne
voit pas que nos conquêtes techniques aient bouleversé aussi radicale
596
pose est alors de savoir si l’Occident qui pense
n’
a pas pris l’habitude, depuis une cinquantaine d’années, d’exagérer sa
597
a « mise en esclavage de l’homme par la machine »
ne
trahissent-elles pas plus d’angoisse devant la liberté vertigineuse d
598
électricité à cause de la chaise électrique, mais
n’
importe, la cause est noble et l’angoisse qu’on traduit, réelle et pop
599
a parfois privé les savants de subventions, mais
n’
a pas retardé sérieusement l’essor des recherches techniques. « L’enva
600
de se remettre à tisser leurs vêtements, etc., il
n’
est rien sorti de durable de leurs petites communautés de retraites. C
601
angoisse devant l’ère des machines et de la Bombe
n’
en est pas moins révélatrice de notre condition occidentale. Il s’agit
602
L’histoire de la technique comme entité distincte
ne
commence guère qu’avec le siècle des machines, de la chimie et de l’é
603
aux caravelles de Colomb. L’architecture hindoue
ne
le cède pas à la nôtre. Les industries artisanales du textile, du pap
604
abord en retard chez nous jusqu’à la Renaissance,
ne
dépassent guère celles de l’Asie jusqu’à l’invention des machines. Ve
605
ons de sa pensée. D’autres prétendent que l’homme
n’
était poussé que par l’envie d’améliorer son sort ou d’amasser plus de
606
précisément rédigea nos manuels scolaires, et qui
n’
a jamais rien inventé32. Finalement, de Nietzsche à Spengler, en passa
607
ément. Quand l’esprit de l’homme entre en jeu, ce
n’
est pas pour attaquer cette Nature animée d’intentions qui sont loin d
608
qui le distinguent. Mais l’utilité de ces objets
n’
épuise nullement l’intention qui les crée, et même, le plus souvent, n
609
intention qui les crée, et même, le plus souvent,
n’
en rend pas compte : tout est magie à l’origine, tout est dialogue ave
610
ez les peuples anciens. L’histoire des inventions
n’
est pas celle de besoins qui auraient existé avant elles. Sa logique n
611
soins qui auraient existé avant elles. Sa logique
n’
est pas celle de l’utile, mais du jeu33. Or qui dit jeu dit règles fix
612
acrées entre l’homme et les forces naturelles. Ce
n’
est donc pas des lois de la Nature qu’on a peur, mais au contraire de
613
hait à construire une « locomotive routière » qui
ne
fût pas astreinte à suivre la loi rigide des voies ferrées et ses hor
614
Otto, inventeur du moteur à explosion interne. On
n’
ignore pas d’ailleurs que des douzaines d’inventeurs — en France surto
615
en avant Ford. Son invention, ou sa ré-invention,
n’
en reste pas moins exemplaire. L’histoire des inventions non faites, o
616
duirait aux mêmes conclusions. Pourquoi les Mayas
ne
labouraient-ils pas leurs terres ? Pourquoi les Aztèques n’utilisèren
617
ient-ils pas leurs terres ? Pourquoi les Aztèques
n’
utilisèrent-ils la roue que pour faire des jouets ? Et pourquoi l’or f
618
Objet de l’homme, son vis-à-vis et son miroir. Il
ne
sait pas encore qu’il n’y voit que ses songes, et que les âmes des ch
619
-à-vis et son miroir. Il ne sait pas encore qu’il
n’
y voit que ses songes, et que les âmes des choses sont les reflets de
620
me Printemps perpétuel), de dominer son corps, de
ne
pas mourir… Ce qui s’oppose et résiste à ce Bien, ce sont alors les s
621
n, juste, parfait et immortel, sa toute-puissance
n’
étant mise en échec que par le principe démoniaque, assimilé dès lors
622
e, assimilé dès lors à la Nature. Le Dieu du Bien
ne
peut être auteur du Mal. La Nature est donc l’œuvre d’un Autre. On a
623
ésormais comme une âme enfermée dans un corps. Il
ne
sera jamais libre et vraiment bon que s’il parvient à s’évader de la
624
ngélisme, qui méprisant matière, chair et Nature,
ne
peuvent conduire qu’à la condamnation et à l’abandon de toute espèce
625
(transports rapides, télécommunications). L’homme
n’
est pas encore, il s’en faut, au terme de cette entreprise, mais il a
626
la machine. Inventée par le siècle dernier, elle
n’
a pas affecté notablement la vie quotidienne du grand nombre jusqu’à l
627
ont sans doute transporté moins de voyageurs que
ne
le font nos avions en une année. L’auto, le tank, l’avion et le métro
628
électricité domestique, le téléphone et la radio,
n’
ont fait leur entrée dans nos vies que pendant le premier tiers de ce
629
rtains comblent nos désirs secrets, mais beaucoup
ne
répondent à rien : la technique qui les donne doit les faire accepter
630
e prétend « satisfaire » des besoins que personne
n’
éprouvait du tout. On n’a pas inventé l’auto parce que l’homme en avai
631
des besoins que personne n’éprouvait du tout. On
n’
a pas inventé l’auto parce que l’homme en avait besoin, mais c’est l’i
632
sychanalyse). D’où vient donc la technique, si ce
n’
est pas de nos besoins matériels et utilitaires, qui n’entrent en jeu
633
pas de nos besoins matériels et utilitaires, qui
n’
entrent en jeu qu’après coup ? Le problème revient à savoir comment et
634
s inventions majeures de la technique. Mais elles
n’
y conduisent pas organiquement. Pour passer de la volonté de connaissa
635
us savons aujourd’hui que le rêve des alchimistes
n’
était pas de faire de l’or pour s’enrichir, mais bien d’opérer le gran
636
stries modernes. Léonard Euler, piétiste de Bâle,
ne
fut pas seulement le plus grand mathématicien de son siècle, mais l’i
637
contraire eût été surprenant. Mais le capitalisme
n’
a rien créé : il a financé le « Progrès », sans bénéfice pour ses aute
638
doxe de l’ère technique naît du fait que ses dons
n’
étaient pas attendus. Prise de court par un phénomène qui l’étonnait m
639
ène qui l’étonnait merveilleusement, et dont elle
ne
pouvait mesurer l’ampleur prochaine, la société occidentale du xixe
640
e la technique et la manière de s’en servir. Elle
n’
a pas su prévoir l’effroyable rançon qu’elle aurait à payer fatalement
641
t payé d’un prix moins visible et tangible car on
ne
mesure pas les valeurs spirituelles, ni ce que l’homme perd en les tu
642
J’admirais tristement ; il m’était impossible de
ne
pas voir en même temps ces pitoyables visages d’hommes, ces jeunes fi
643
encore que les valeurs se trouvent inversées : ce
n’
est plus la Nature qui représente le Mal, mais c’est l’œuvre de l’homm
644
ison plus résistants que nos corps). Mais si vous
ne
priez plus, ce n’est tout de même pas leur faute. Retour à l’axe
645
ts que nos corps). Mais si vous ne priez plus, ce
n’
est tout de même pas leur faute. Retour à l’axe Au contraire du
646
dhisme et du manichéisme, l’orthodoxie chrétienne
ne
condamne pas le monde manifesté de la Nature. La doctrine de l’Incarn
647
rès mauvais s’il procède de notre orgueil. Le mal
n’
est pas dans les choses, mais dans l’homme. Il est lié à notre liberté
648
avers tient à l’envers. Il est dans notre esprit,
n’
existe pas ailleurs, et c’est en nous qu’il faut le combattre. Comment
649
s d’intentions autonomes : cette démarche magique
ne
doit plus nous tromper. Les penseurs d’aujourd’hui qui adoptent cepen
650
J’écrivais au lendemain d’Hiroshima : « La Bombe
n’
est pas dangereuse du tout. C’est un objet. Ce qui est horriblement da
651
de Chine. Si on laisse la Bombe tranquille, elle
ne
fera rien, c’est clair. Elle se tiendra coite dans sa caisse. Qu’on n
652
lair. Elle se tiendra coite dans sa caisse. Qu’on
ne
nous raconte donc pas d’histoires. Ce qu’il nous faut, c’est un contr
653
de l’époque. Mais le téléphone, simple appareil,
n’
a jamais rien fait par lui-même, et c’est toujours quelqu’un qui vous
654
t que vous vous attendez à quelque chose que vous
ne
désirez pas manquer. Vous n’êtes donc esclave que de vous-même. Erre
655
elque chose que vous ne désirez pas manquer. Vous
n’
êtes donc esclave que de vous-même. Erreur sur la belle voiture. Cet
656
au communisme). Voilà le sérieux de la chose ; il
ne
consiste pas dans le sentiment de faire partie d’un « monde sans âme
657
onde sans âme », mais dans le fait que des hommes
ne
sont plus que les « compléments vivants d’un mécanisme mort ». Or, ce
658
compléments vivants d’un mécanisme mort ». Or, ce
n’
est pas ce mécanisme mort qui peut en être responsable. Ce n’est pas l
659
e mécanisme mort qui peut en être responsable. Ce
n’
est pas la machine qui rend un homme esclave : ce sont certains compor
660
veut-on dire ? Imagine-t-on quelque invention qui
ne
pourrait être utilisée que pour le bien ? Je dis que ce serait une in
661
ante. Le romantisme la contemplait avec âme, mais
ne
s’y baignait pas physiquement. Le goût de s’étaler au soleil sur les
662
condition et du décor hideux de son existence. Ce
n’
est pas la scolastique qui a supprimé l’institution de l’esclavage en
663
elage des chevaux au moyen d’un licol rigide). Ce
ne
sont pas nos protestations contre le travail à la chaîne qui libérero
664
fatigue mentale ; et cet oubli des buts derniers
n’
est qu’un immense lapsus révélateur : il trahit une angoisse devant le
665
militaire. Privée d’objectifs à long terme, elle
ne
peut plus relever que de la morale courante, de ses règles abstraites
666
ciété, et l’État seul représentant la Société, il
n’
est plus de recours contre ses décisions.) L’évolution vers des sociét
667
ndue dans les élites, qu’un peu plus de technique
ne
peut produire qu’un peu plus d’étatisme et d’autant moins de liberté.
668
sme et d’autant moins de liberté. Et, de fait, on
ne
peut pas arrêter l’étatisme, mais on peut pousser la technique jusqu’
669
aye les masses en loisirs, plus largement qu’elle
n’
a jamais payé ses actionnaires en dividendes, le technocrate ne cesser
670
yé ses actionnaires en dividendes, le technocrate
ne
cessera pas d’être le maître des moyens, mais son prestige s’évanouir
671
’absence. Mais les fameuses nécessités techniques
ne
concerneront plus que lui. Qu’aura-t-il à offrir aux humains libérés
672
issamment, jusqu’au point où plus rien d’avouable
ne
pourra plus nous empêcher de réaliser enfin ses bénéfices humains. L
673
ncu : la notion même d’un « niveau de vie moyen »
n’
est pas bien claire, et le devient encore moins quand on la multiplie.
674
00 heures à 2000 heures, tandis que la production
ne
cessait d’augmenter. Le loisir apparaît ainsi comme le sous-produit d
675
plus de bénéfices. Pourtant, ce « sous-produit »
n’
était-il pas d’abord l’une des arrière-pensées de l’invention techniqu
676
n technique ? En devenant toujours plus abondant,
ne
va-t-il pas apparaître un jour prochain comme le vrai but de l’entrep
677
echnique les libère subitement à ce degré-là ? Je
n’
en sais rien. Savait-on beaucoup mieux, aux environs de 1830, ce qu’al
678
otidiennes. La question « Que faire de ma vie ? »
ne
sera plus réprimée par cette réponse, plusieurs fois millénaire : « L
679
La gagner ! » Elle sera subitement mise à nu. Je
n’
entends pas peindre ici quelque utopie qui pourrait amuser nos descend
680
te de facteurs matériels que j’aurais oubliés, ou
ne
saurais prévoir, qu’en vertu de nos libres décisions. (Ce n’est pas l
681
prévoir, qu’en vertu de nos libres décisions. (Ce
n’
est pas l’invention de la roue qui compte en soi, mais bien l’usage qu
682
ité relative de cette invasion de la culture, nul
ne
saurait en préjuger : je dis seulement que tout y mène pour le meille
683
nous mène vers une ère religieuse. Car la culture
n’
est en fin de compte qu’un prisme diffracteur du sentiment religieux d
684
us ramènera demain aux options religieuses. Et je
n’
imagine pas de drogue assez puissante pour en détourner le genre humai
685
des hérésies et gnoses qui vont paraître : elles
ne
feraient autrement que répéter de l’ancien qui n’a pas disparu sans r
686
ne feraient autrement que répéter de l’ancien qui
n’
a pas disparu sans raison, ou ressusciter des doctrines dont le style
687
dont le style créateur a fait son temps43. Et je
ne
dis pas qu’elles s’en priveront. Mais je vois aussi que la culture ré
688
de ce genre de réalités, certaines curiosités qui
ne
s’arrêteront pas là. La télévision, la radio apportent le monde à dom
689
sait, d’autre part, que la passion pour l’occulte
ne
cesse de grandir dans nos villes, occupant rapidement le vide de l’âm
690
s’imaginent l’homme comme une sorte de ballon qui
ne
demande qu’à « s’élever » dès qu’il est délivré des soucis quotidiens
691
st délivré des soucis quotidiens. La preuve qu’il
n’
en est rien, c’est que nos plus grands mystiques ont vécu dans les pir
692
ns les pires conditions matérielles. La technique
ne
peut rien pour l’Esprit, ni le défaut de confort n’a rien pu contre l
693
peut rien pour l’Esprit, ni le défaut de confort
n’
a rien pu contre lui. Je dis seulement qu’elle peut nous jeter dans un
694
stions religieuses deviendront plus sérieuses que
ne
le sont aujourd’hui les questions matérielles, les « lois » économiqu
695
le sens et la nature finale du Progrès. Celui-ci
n’
est-il pas simplement l’augmentation du risque de l’homme en tant que
696
s jours, prouve que l’appât du gain ou du confort
n’
est presque jamais leur motif. (Cf. D. Brinkmann, Mensch und Technik,
697
le. À son tour, la découverte de la radioactivité
ne
répondait à aucun besoin utilitaire, mais en a créé beaucoup, devenus
698
5. Sur l’entreprise spirituelle de l’Alchimie, je
ne
puis que renvoyer aux œuvres de C. G. Jung : Psychologie und Religion
699
Le mépris affiché pour les questions religieuses
n’
aura été qu’un phénomène transitoire de notre civilisation occidentale
700
mondial jusqu’à la dernière guerre. André Breton
n’
a pas cessé de chercher une vision religieuse du monde et de la vie, b
701
littérature occidentale s’est amorcé dès 1919, et
n’
a pas cessé de s’amplifier. 43. Nos sectes orientalistes font parfois
702
; mais son sens historique reste conjectural : on
ne
sait encore ni d’où il vient ni où il va. Il peut sembler toutefois q
703
ement des liens entre Moscou et les PC européens…
Ne
serait-ce pas qu’une logique interne, ou qu’un plan savamment préconç
704
t céder à la manie d’historiser le présent, et de
n’
en vouloir juger — si l’on peut dire encore — qu’au nom de ce qu’en va
705
, par une progression contrôlée. Il se peut qu’il
n’
y ait là qu’une illusion d’optique. Notre idée préformée d’évolution —
706
nt plus régulièrement. Elle nous incite surtout à
ne
pas tenir compte d’une série de faits moins frappants (puisqu’il s’ag
707
iniraient une courbe d’allure bien différente… Je
ne
prétends pas que la courbe descendante soit plus vraie que l’ascendan
708
n, pour mieux voir ce qui se passe, voyons ce qui
ne
se passe pas. 1. Les circonstances de la mort de Staline ne sont pa
709
pas. 1. Les circonstances de la mort de Staline
ne
sont pas encore éclaircies. K. n’ignore pas les bruits qui circulent
710
mort de Staline ne sont pas encore éclaircies. K.
n’
ignore pas les bruits qui circulent à ce propos ; mais il omet de les
711
s ». Que penserait-on d’un nazi d’aujourd’hui qui
n’
attaquerait Hitler que pour avoir pendu de « bons Allemands » après le
712
’un Vychinski, stalinien s’il en fût jamais. Elle
n’
en marque pas moins la naissance du nouveau régime collégial. 4. K. dé
713
de leurs victimes les plus spectaculaires. 5. K.
n’
ose pas publier lui-même son rapport, se réservant ainsi le droit de l
714
traindre les PC étrangers, pour lesquels l’excuse
ne
vaut rien, à justifier « dialectiquement » leur servilité spontanée.
715
r servilité spontanée. Celle-ci étant acquise, K.
ne
risque plus grand-chose à exiger « l’autonomie » d’esclaves aussi rig
716
réponses vont de soi. Le culte, en tant que tel,
n’
a pas fait le moindre mal à l’URSS, ni aux PC45. Bien au contraire. La
717
eulement les photos. Lénine, substitué à Staline,
ne
serait-il pas une « personnalité » ? Et son mausolée de la Place Roug
718
né dans le panneau, comme toujours ? Mais l’heure
n’
est pas aux plaisanteries faciles. La condamnation spectaculaire, mais
719
t prix. Sacrifier post mortem le seul Staline, ce
n’
est rien sacrifier du tout, mais c’est détourner l’attention du fait m
720
mpute au seul Staline. Or la direction collégiale
n’
est que la continuation par d’autres moyens (ou les mêmes) de la dicta
721
torial. Que faire pour donner le change, quand on
ne
veut rien changer ? Exactement ce qu’a fait le rapport de K. Au sujet
722
e procédé de mystification ou de camouflage. Rien
ne
prouve qu’il parle au nom de la santé, lorsqu’il en appelle de la dic
723
n paranoïaque à celle de ses favoris. Au vrai, ce
n’
est pas tel ou tel trait de folie d’un dictateur qui doit retenir l’at
724
nir l’attention, mais le fait de la dictature. Ce
n’
est point par accident qu’un dictateur est fou, car il faut être fou p
725
oute collectivité régie par un chef souverain qui
n’
est comptable à personne se trouve entre les mains d’un malade », écri
726
ctature se dise collégiale ou s’avoue personnelle
n’
y change rien46. K. dénonçant Staline au nom de ses créatures — et des
727
tures — et des seules que Staline ait épargnées —
ne
donne aucune indication quelconque et moins encore de preuves que le
728
thique, c’est une simple figure de langage : elle
n’
a jamais gêné Staline lui-même47. « Dictature du Prolétariat » est une
729
t trop gros, trop invraisemblable, et parce qu’on
n’
ose y croire, on n’a rien vu. Voilà bien son calcul méprisant. Tout se
730
nvraisemblable, et parce qu’on n’ose y croire, on
n’
a rien vu. Voilà bien son calcul méprisant. Tout se passe comme si rie
731
méprisant. Tout se passe comme si rien d’insolite
ne
venait de se passer sous nos yeux. Quand les complices d’un chef de b
732
de leur commune exploitation du peuple, personne
ne
songe à contester à ces joyeux et francs butors l’usage enfin « démoc
733
emble juste : l’immoralité phénoménale du procédé
n’
a guère été notée par notre opinion libre, tandis que les « progressis
734
prits, et d’entraînement systématique des cadres,
n’
ont pas formé les trois douzaines de chefs qui permettraient aux resca
735
té, c’est que le régime valait encore moins qu’on
ne
l’a cru. Mais ce départ sans gloire n’était pas le seul possible. Il
736
oins qu’on ne l’a cru. Mais ce départ sans gloire
n’
était pas le seul possible. Il y a beaucoup de places vides dans les c
737
mps sibériens. Quelques années de « rééducation »
ne
feraient pas de mal à tous ces fonctionnaires dont les réflexes ont é
738
ils durent condamner sur ordre, nous disent-ils —
ne
serait-ce pas un beau geste « dialectique » ? Ne serait-ce pas un moy
739
ne serait-ce pas un beau geste « dialectique » ?
Ne
serait-ce pas un moyen, que dis-je, le seul moyen, de sauver cette mé
740
iste, dont on pourrait croire, autrement, qu’elle
ne
sert qu’à tromper les peuples, à nier les évidences, à fuir les châti
741
taline ? Tout cela tendrait-il à prouver qu’il
n’
y a pas eu « déstalinisation » ? Nullement. Je cherche à voir un ensem
742
Je cherche à voir un ensemble de faits que le mot
ne
suffit pas à caractériser ; et à mettre en lumière ce qu’il tend à ca
743
t gênants — qui furent en vigueur sous son règne,
ne
se voient dénoncés que des lèvres, et à seule fin d’exonérer le group
744
vers 1953 — comme on le déduit du texte précité —
n’
était-il pas anachronique pour l’Occident ? Pourtant, le PC de France
745
ette autre chose qui est condamnée, et que Sartre
n’
approuvait pas ? L’action personnelle de Staline, en tant que distinct
746
en tant que distincte du stalinisme nécessaire ?
Ne
serait-il pas plus simple de le dire ? Non, car tout se compliquerait
747
mpliquerait aussitôt. Si Staline et le stalinisme
n’
étaient pas une seule et même chose, l’un pouvait donc survivre à l’au
748
, ou construction d’experts à la Deutscher. Rien
ne
prouve que le stalinisme ait jamais existé comme système défini, en d
749
e défini, en dehors de l’action de Staline ; rien
ne
prouve que l’action de Staline ait été une phase « nécessaire » (voul
750
le mouvement de l’Histoire) du bolchévisme ; rien
ne
prouve donc que l’élimination de Staline par ses favoris inaugure une
751
du communisme soviétique et mondial. Au total, je
ne
pense pas que le phénomène relève d’une dialectique justifiante de l’
752
taline, et les approuvent encore quand ils disent
ne
plus le faire. Je pense, au contraire, que Staline a été brutalement
753
chef à seule fin de se blanchir lui-même ; que K.
ne
récuse d’ailleurs que certains des « excès » clairement démentiels de
754
que le « stalinisme », si on en défalque Staline,
n’
était rien d’autre que le bolchévisme, lequel dure, comme on le voit,
755
zi systématique. Communisme et nazisme, en effet,
ne
sont pas seulement des systèmes, mais des systèmes totalitaires. Il n
756
des systèmes, mais des systèmes totalitaires. Il
n’
y a donc pas, en eux, à prendre et à laisser. (Je prends le Plan, je l
757
communisme soviétique49. À proprement parler, il
n’
y a pas d’excès dans un régime totalitaire, faute de critères d’évalua
758
n anticommuniste qui se veut « non systématique »
n’
est finalement qu’un anticommuniste inconséquent ou, pour mieux dire,
759
hentique, donc systématique. On lui reproche de «
n’
être qu’un anti » ; et comme, en fait et en logique, on ne connaît pas
760
u’un anti » ; et comme, en fait et en logique, on
ne
connaît pas d’opposition qui n’implique une certaine position, on s’e
761
et en logique, on ne connaît pas d’opposition qui
n’
implique une certaine position, on s’en tire en disant : celui qui est
762
soit payé pour…50 L’anticommuniste, en revanche,
n’
est pas tenu de croire que les hommes qui l’attaquent sont payés par M
763
i l’attaquent sont payés par Moscou, pour si peu.
N’
étant pas marxiste-léniniste, l’anticommuniste systématique estime qu’
764
ète ses livres et applaudit ses pièces bien qu’il
n’
ait pas cessé de l’attaquer, et qu’il n’a nul besoin de l’argent du co
765
ien qu’il n’ait pas cessé de l’attaquer, et qu’il
n’
a nul besoin de l’argent du communisme, qu’il défend sans y adhérer. M
766
e avec l’Allemagne ayant permis de la déclencher)
n’
avait pas été gagnée grâce à Staline, au contraire, ni même grâce au m
767
mpromettait au surplus un idéal universel, ce que
n’
avait pas su faire Hitler ; 5. que les procès de Rajk, Kostov, Slanski
768
alistes et socialistes, dont pourtant les régimes
ne
se justifiaient pas au seul nom de l’émancipation prolétarienne ; et
769
ivement les intérêts de… », etc. Rien ni personne
ne
les obligeait, eux, à croire que nos dénonciations du communisme — st
770
s par les Américains, etc. ; ni à l’écrire, s’ils
ne
le croyaient pas. Que se passe-t-il aujourd’hui ? Quel est le « profo
771
de Pierre Hervé. Non seulement toutes ces choses
ne
sont plus niées (les camps, la folie de Staline, son incapacité milit
772
mniez a été « supprimé » avec le stalinisme, vous
n’
avez plus de raisons de vous méfier de l’URSS. Réponse : Tout n’est p
773
raisons de vous méfier de l’URSS. Réponse : Tout
n’
est pas condamné, loin de là, et ce n’est point par hasard que ces « c
774
onse : Tout n’est pas condamné, loin de là, et ce
n’
est point par hasard que ces « crimes » furent commis : ils étaient la
775
nt, comme le délire paranoïaque sait l’être. Rien
ne
prouve que les motifs justifiant toutes ces choses dans l’esprit des
776
dans les mêmes termes, avec les mêmes sanctions,
n’
est pas sortir du stalinisme. Dénoncer la dictature d’un seul homme, a
777
homme, au nom de la dictature d’un seul collège,
n’
est pas renier la dictature. Mitrailler dans les rues de Poznań les ou
778
dictature, bien qu’elle soit en principe la leur,
n’
est pas revenir à la démocratie, même si l’on tire au nom du bien de c
779
tre libre, de telle manière prescrite et limitée,
n’
est pas encore se libérer en obéissant. Cela peut être aussi bien asse
780
cas, de rester optimiste. M. Fejtö me dira qu’il
ne
me visait pas, qu’il s’étonne même que je me sois cru visé. On lui de
781
Spender, ou Milosz, ou Aron ? Non, bien sûr, vous
n’
y pensez pas. Les anticommunistes vulgaires seraient-ils donc ceux qui
782
icommunistes vulgaires seraient-ils donc ceux qui
n’
ont pas de nom ? Il faut pourtant bien qu’ils existent : où serait, sa
783
re débat l’incarnation incontestée du communisme,
n’
étaient pas ceux de la fin que Staline alléguait, ni dans le fait (com
784
taline, fauteur et pourvoyeur des camps. (Mais il
n’
y avait pas de camps !, criait Würmser. Si maintenant le Kremlin annon
785
en URSS…) Lorsqu’eut lieu le procès de Rajk, nous
ne
disions pas que cet homme était un innocent : il avait les mains roug
786
personnelles. Courtade était donc de bonne foi en
ne
trouvant pas une trace d’humanité sur le visage de Rajk vivant. Il es
787
tte trace sur le cadavre du même Rajk réhabilité.
N’
a-t-il pas obéi dans les deux cas ? De quoi donc devrait-il s’excuser
788
t-il s’excuser ? Nos censeurs de l’anticommunisme
n’
ont pas tous atteint ce degré de pureté révolutionnaire. Demeurés à mi
789
es d’une indéniable consistance psychologique. Ça
ne
se guérit pas en un jour. Tous leurs mots, groupes de mots, et tabous
790
se tenaient entre eux dans leur mythologie, mais
ne
collaient plus à rien de réel et de vérifiable : « névrose constituée
791
ngage. Ils jugeaient honnêtement, sincèrement, je
n’
en doute pas, sur la foi d’un système d’étiquettes proposé par les com
792
» l’esprit critique, le doute, la liberté, et de
ne
tenir pour vrai que ce qui était dit « de gauche » ; bref, dans tous
793
mprendre pourquoi leur constante « mauvaise foi »
ne
mérite cependant pas le terme de « salauds » qu’ils prodiguent. On se
794
ttent, dans laquelle ils vivent, qu’ils existent,
n’
est pas de celles dont on peut se tirer par un raisonnement plus corre
795
e aux partis communistes de l’Ouest. Ces derniers
n’
en demandaient pas tant. L’ordre de Moscou : « Soyez libres ! », les a
796
L’émotion légitime » qu’ils évoquent à ce propos
n’
est qu’un bien pâle reflet de la difficulté où les met l’injonction du
797
ris ni à Rome, que l’on sache — pour s’excuser de
n’
avoir vraiment pas pu crier au fou du vivant de Staline… Ainsi K. bat
798
out change aussitôt, du seul fait que la question
n’
est plus simplement d’obéir, mais de savoir comment obéir ! Logiquemen
799
Soit qu’on accepte l’ordre ou qu’on le refuse, on
ne
peut pas devenir libre au commandement. Supposez que l’on obéisse. On
800
c’est perdu d’avance : la liberté que l’on feint
n’
est qu’une minable comédie, illustrant d’une manière touchante ou hypo
801
e indiscuté. Supposez que l’on refuse d’obéir. On
ne
se libère pas pour autant. On affirme, en effet, un besoin d’esclavag
802
clavage qui transcende l’obéissance technique, et
ne
peut récuser qu’un seul ordre : celui de ne plus obéir. Le mouvement
803
e, et ne peut récuser qu’un seul ordre : celui de
ne
plus obéir. Le mouvement de l’Histoire, espiègle pour une fois, veut
804
ls du Peuple, s’accroche au Père des peuples : il
n’
a pas liquidé ses complexes. Sa « rare capacité d’adaptation », pourta
805
ndre aux yeux de certains un air d’indépendance :
ne
serait-ce pas le seul moyen « concret » d’obtempérer à l’ordre humori
806
ière spontanée, aux plans remodelés de Moscou. On
ne
sort pas d’un tel embarras. Le décrire n’est déjà pas facile… Mais un
807
cou. On ne sort pas d’un tel embarras. Le décrire
n’
est déjà pas facile… Mais une fable simplette va nous y aider peut-êtr
808
ns restent rouges, et l’on peut se demander s’ils
n’
ont rien trouvé de mieux, ou s’ils tentent de prévenir les vœux secret
809
La question qui se pose est celle-ci : les sujets
n’
ont-ils fait qu’obéir une fois de plus — ou sont-ils enfin devenus lib
810
est la seule révolution qui compte, la seule qui
ne
conduise pas, inévitablement, à plus de tyrannie qu’avant. Comprenez
811
ent, à plus de tyrannie qu’avant. Comprenez qu’il
n’
est pas d’autre voie, et que vous ne serez jamais libres à moindre pri
812
mprenez qu’il n’est pas d’autre voie, et que vous
ne
serez jamais libres à moindre prix. D’autres difficultés créées ou
813
nous disions par conviction, c’est la même et ce
n’
est pas la même. Ils la disent comme ils la niaient : parce qu’ils cro
814
u monde entier. On dira que cette morale formelle
n’
a pas d’importance politique. Il est vrai, mais nous sommes dans une è
815
erreur y est frappée de sanctions immédiates, qui
ne
sont point morales, mais physiques. On ne fait pas de découvertes à c
816
es, qui ne sont point morales, mais physiques. On
ne
fait pas de découvertes à coups de mensonges, mais à force de calculs
817
critiques. (La dialectique marxiste, en sciences,
n’
a produit que des pannes, et Lyssenko). Un monde tel qu’on ne peut plu
818
que des pannes, et Lyssenko). Un monde tel qu’on
ne
peut plus y dire la vérité, n’est pas seulement répréhensible et rétr
819
Un monde tel qu’on ne peut plus y dire la vérité,
n’
est pas seulement répréhensible et rétrograde, mais inapte à durer dan
820
le mouvement de l’Histoire, qui, par définition,
ne
peut se tromper, puisque c’est lui qui détermine la « vérité ». Le ra
821
es « actes d’arbitraire reprochés à Staline », ce
n’
est pas encore expliquer ni pourquoi ni comment il a pu les commettre.
822
pour qui toute déviation, opposition ou trahison,
ne
saurait être motivée que par les intérêts d’une classe bien définie.
823
ue par les intérêts d’une classe bien définie. Ce
n’
est pourtant pas l’individu, on le sait, qui fait l’Histoire. En voici
824
reste orthodoxe, devrait montrer soit que Staline
n’
a jamais rien fait par lui-même — ce qui aurait pour effet de le réhab
825
r tout le système — soit que la méthode elle-même
ne
vaut rien dans ce cas ; mais alors à quel saint se vouer ? Les diff
826
elle, au moment où j’écris (fin juin 1956), qu’on
ne
saurait plus refuser sans examen l’hypothèse d’une dislocation de cet
827
ien des à-coups imprévus. Or, une reprise en main
ne
pourrait guère s’opérer que dans le style que le Kremlin vient de con
828
tant d’adhésions à l’Ouest. Pour l’URSS, la perte
ne
serait pas moins grave, car l’URSS sans ses partis ne serait plus que
829
erait pas moins grave, car l’URSS sans ses partis
ne
serait plus que la Russie. Aussitôt, son impérialisme, dépouillé de s
830
s est-il sûr, ici encore, que l’équipe du Kremlin
ne
désire pas justement liquider cet impérialisme ? Supposez qu’elle est
831
ez qu’elle estime qu’il lui coûte davantage qu’il
ne
peut encore rapporter, ayant fait son plein vers l’Europe, tandis qu’
832
avisée que la condition prolétarienne en Occident
ne
sera pas supprimée par des complots marxistes, mais plutôt par l’auto
833
n seul pays », agirait-il en fait autrement qu’il
n’
agit, bien que disant, pour quelque temps encore, ce qu’il faut bien q
834
apercevra que l’adjectif « communiste », en URSS,
ne
signifie plus autre chose que bon ouvrier, bon soldat, bon gratte-pap
835
nformations et de produits se multiplient déjà et
ne
s’arrêteront plus. Qu’adviendra-t-il de ces échanges d’idées, si les
836
mp que lui-même quitte ? Voilà le danger. Mais il
n’
est pas fatal que l’Occident libre y succombe. À de libres échanges, q
837
aux Soviétiques le sens du doute, sans lequel il
n’
est point de foi digne de ce nom. Nous pouvons les convaincre aussi qu
838
ns les convaincre aussi que l’amour de la liberté
n’
est pas un cliché de banquet, une philosophie de requin, mais le secre
839
une paix vraiment vivante, j’entends une paix qui
ne
résulte pas du contact de deux apathies et de l’échange de deux démis
840
de deux démissions. Le dialogue désormais engagé
ne
sera fécond et profitable à tous les deux que si l’un au moins des pa
841
rtenaires détient le secret de la générosité, qui
n’
est rien d’autre que la force, la vraie force, celle qui naît de la co
842
n nous met au défi de donner un peu plus que nous
ne
possédons ? Il nous faudra donc le créer. 44. Comme le veut J.-P.
843
Sartre, Les Temps modernes, n° 123, p. 1524. 45.
N’
est-ce pas l’avis de Sartre, qui écrit : « Le culte de la personne… co
844
r en vies humaines et en biens matériels, mais il
ne
nuisait pas nécessairement à la justesse des positions politiques : i
845
oltes ouvrières que l’on sait ? Mais, en fait, ce
n’
est pas le « culte de la personnalité » qui a motivé le génocide des k
846
gloire de Staline (il rend les peuples féconds !)
n’
ont jamais fait de mal qu’à leur auteur. Mais Sartre parle d’un « cult
847
isme systématique des communistes, le capitalisme
n’
étant pas un système cohérent, encore moins un régime totalitaire. Ou
848
ut essentiellement « monolithique », ainsi que K.
ne
cesse de le répéter, à la suite de Staline et de Lénine. 50. Exemple
849
dans ses Temps modernes (n° 123, p. 1521) : « On
ne
répond pas à Rousset. On le laisse gagner sa vie comme il peut. » Mai
850
t je sais » que j’ai souligné, paraît obscur.) Je
n’
ai pas la moindre envie de calomnier un homme pour qui j’ai eu de l’am
851
nier un homme pour qui j’ai eu de l’amitié, et ce
n’
est pas ma faute s’il suffit de le citer pour faire mesurer les ravage
852
B. Intéressant ami, que vous faut-il ? A. Si vous
ne
m’aidez pas, sachez-le, je me jetterai dans les bras de Moscou, et c’
853
Vous me jetez dans les bras de Khrouchtchev ! Je
ne
veux pas de conditions politiques. B. Je n’en ai pas parlé. J’allais
854
! Je ne veux pas de conditions politiques. B. Je
n’
en ai pas parlé. J’allais dire justement que mes capitaux seraient adm
855
our quelqu’un qui a besoin d’un barrage, mais qui
n’
en a pas les moyens. A. Je les aurai demain, à Moscou, si je le veux.
856
Pourquoi vous jeter dans les bras de Moscou, qui
ne
vous aidera jamais sans condition ? A. Parce que Moscou vous emm… et
857
plaît. B. Si je vous donnais les capitaux, Moscou
ne
changerait pas pour si peu. Je vous rendrais plus fort contre moi, et
858
u. Je vous rendrais plus fort contre moi, et vous
ne
m’aimeriez pas davantage. Vous n’aimez pas vos intérêts, pourquoi don
859
re moi, et vous ne m’aimeriez pas davantage. Vous
n’
aimez pas vos intérêts, pourquoi donc m’intéresseraient-ils ? Vous aim
860
dons les moyens d’assouvir votre haine. Nasser
n’
est pas Hitler Toujours en retard d’une dictature, l’opinion occide
861
elle voit se dresser Nasser. Au vrai, ces hommes
n’
ont en commun que les réactions qu’ils provoquent chez les démocrates
862
affaire Hitler était locale, politiquement : elle
ne
concernait que les rapports des États-nations de l’Europe. Son import
863
elles seront nos grandes découvertes ? La réponse
ne
fait pas de doute : notre « Amérique » sera cette fois-ci le Nouveau
864
re. La vraie question que pose le geste de Nasser
n’
est pas celle de la souveraineté de son pays, mais bien celle de l’ind
865
’indépendance de toute l’Europe. La vraie réponse
ne
sera donc pas de forcer militairement le passage du canal, mais de su
866
On choisirait ensuite les étiquettes. A. Mais je
ne
sais toujours pas de quelle Europe vous parlez. B. De celle qu’il nou
867
e vous parlez. B. De celle qu’il nous faut faire,
ne
fût-ce que pour sauver l’objet de notre dialogue — et tout dialogue,
868
t-être. De celle où vous êtes né comme moi, si je
ne
me trompe, et qui meurt de vos doutes, plus que de la foi des autres.
869
isse tomber ! B. Comment l’aurait-elle pu si elle
n’
était pas née ? Et c’est vous qui en avez décidé, vous les Anglais en
870
. Mais vous auriez tort de vous plaindre. C et D.
N’
empêche que nous sommes seuls à relever un défi qui s’adresse à tout l
871
oi — à proclamer que vous faites ainsi, mais rien
ne
se passe. C et D. C’est qu’il y a tous les autres ! Il fallait bien,
872
’Égypte. Si vous êtes souverains, tirez donc ! Et
n’
allez pas demander partout des permissions. Mais si vous ne pouvez rie
873
as demander partout des permissions. Mais si vous
ne
pouvez rien sans toute l’Europe, faites-la ! S. Comment va votre Eu
874
r lui survit. B. L’Europe que vous dites vaticane
n’
a jamais existé du tout. Il y avait les trois Grands. Ils ont fait la
875
que l’idée européenne était bien morte. Voilà qui
ne
changeait rien aux données de fait, qui ne cessaient pour si peu de r
876
là qui ne changeait rien aux données de fait, qui
ne
cessaient pour si peu de réclamer l’union. Désormais la Relance est à
877
. Il y faudra vingt ans. B. Vous voyez donc qu’il
n’
y a plus une minute à perdre. Sur l’esclavage et la souveraineté na
878
ale de l’Égypte. La cause étant ainsi jugée, l’on
ne
fera rien. Je sais bien que quelques étudiants noirs conspués à l’ent
879
oient du côté du cœur. Ce demi-million d’esclaves
n’
est rien au regard d’une Respectueuse… D’ailleurs, l’URSS a donné à ce
880
de compromis. L’esclavage devient donc tabou : ce
n’
est pas un scandale utilisable. Contre-épreuve : seuls, quelques écriv
881
ile Roche les a suivis dans Le Monde , mais cela
n’
arrange rien : le Kremlin a parlé ; Nasser est un dictateur de gauche
882
e l’URSS protège « objectivement » l’esclavagisme
ne
fera pas perdre une voix à son parti en France. En effet, l’URSS « re
883
Koulaks, des Kasaks et autres Cosaques, voilà qui
n’
empêche pas qu’elle « représente » l’adversaire principal d’un système
884
s à cette fin dans l’obscurantisme ». La question
n’
est donc pas de savoir ce qu’on fait, ni même ce qu’on représente en f
885
la valeur de cette superstition, dont nul profane
n’
oserait encore douter qu’elle se place dans le sens de l’Histoire, moy
886
quoi veut-on que nous nous libérions ? Jamais je
ne
me suis senti si libre ! » Ainsi parle Joliot-Curie, au congrès du PC
887
rie, au congrès du PC français. Cela prouve qu’il
n’
est pas africain, et qu’il n’habite pas en Égypte. Car, en effet… N
888
s. Cela prouve qu’il n’est pas africain, et qu’il
n’
habite pas en Égypte. Car, en effet… Non-ingérence En juin derni
889
u PC d’Égypte, préalablement interdit. L’Humanité
n’
en a pas moins loué « le caractère positif et progressiste » de la sai
890
rer que sa dictature est « populaire » ou qu’elle
n’
est rien qu’une dictature.) Cette phrase est capitale, parce qu’elle p
891
isme est vrai. Mais la pluralité des monothéismes
n’
est pas seulement contradictoire, elle rend l’existence impossible.
892
crire sur commande une œuvre austère et dure, qui
ne
concède rien ni à l’attente du public ni à celle des critiques, ni mê
893
able que celle qui prévaut dans ce siècle. Bartók
ne
gagne pas de quoi se payer la clinique et il en meurt, mais les virtu
894
maillot (Stravinski restant loin derrière). Et je
ne
parle même pas du monde du cinéma, où la minute de pellicule multipli
895
m’assure-t-on. Voilà qui juge une société. Car il
n’
y a rien de naturel ni de raisonnable en tout cela. On voulait dire sa
896
s’explique » ? Mais expliquer un phénomène social
n’
est pas encore le justifier. ab. Rougemont Denis de, « Sur l’Europ
897
aller rapprendre leur Histoire. Christophe Colomb
n’
a pas découvert l’Amérique, et lui-même n’était pas celui que l’on cro
898
Colomb n’a pas découvert l’Amérique, et lui-même
n’
était pas celui que l’on croit, mais un juif espagnol converti, qui av
899
usalem. Ce demi-fou sublime, pieux et mégalomane,
n’
a rien fait de ce qu’il croyait faire, ni de ce qu’on l’accuse d’avoir
900
e la Lune et la navigation vers les planètes, qui
n’
est qu’un rêve encore pour cette génération, se réalise au xxe siècle
901
te en soit témoin : à la date où je l’écris, nous
ne
savons rien de ce qui peut nous attendre ou non sur d’autres astres.
902
tres. Nous avons simplement envie d’aller voir je
ne
sais quoi, — d’aller voir. Au-delà de nos vieilles rages politiques.
903
itiques. Sur la pluralité des satellites Il
n’
est point d’action créatrice sans quelque rêve qui la dirige, et qu’el
904
s le siècle, on ira la chercher dans un temps qui
n’
est plus celui de l’Histoire : il est question que l’URSS et les États
905
all. S’il revient sur la Terre dans vingt ans, il
n’
y trouvera plus de rideau de fer ni plus de problème du communisme. Qu
906
s, je l’espère, et beaucoup de Jaunes, les Rouges
n’
étant plus qu’un souvenir. L’action fille du rêve Nos rêves ne p
907
souvenir. L’action fille du rêve Nos rêves
ne
précèdent pas seulement nos actions et nos découvertes, mais les rech
908
enser le délire cohérent des sciences exactes. Tu
ne
me trouverais pas, dit l’objet, si tu ne m’avais d’abord cherché, et
909
ctes. Tu ne me trouverais pas, dit l’objet, si tu
ne
m’avais d’abord cherché, et comment m’aurais-tu cherché si tu ne m’av
910
ord cherché, et comment m’aurais-tu cherché si tu
ne
m’avais d’abord imaginé ? Parce que tu m’as rêvé, je suis. Voilà qui
911
iome l’accord fondamental du rêve et du réel. Qui
n’
a rêvé de se transporter en un clin d’œil aux antipodes, ou simplement
912
, après-demain nous rajeunirons, et l’immortalité
n’
est plus une utopie : on l’obtient in vitro pour d’importants organes.
913
l’atome possèdent ainsi leur double « en creux »,
n’
en va-t-il pas de même pour l’atome tout entier, par suite pour la mat
914
est-à-dire monde de formes et de matière, mais on
ne
l’a vérifié jusqu’ici que dans l’infinitésimal. Les rencontres les pl
915
nfinitésimal. Les rencontres les plus importantes
n’
auraient donné lieu, suppose-t-on, qu’à des cataclysmes locaux tels qu
916
plus vieilles cosmogonies religieuses : le monde
ne
s’est manifesté dans ses apparences matérielles qu’à la faveur de son
917
s enseigne que voir son Double, c’est mourir. Je
n’
en dirai pas plus aujourd’hui, laissez-moi réfléchir un peu… Nos pr
918
d’une conclusion : les grands problèmes de demain
ne
seront plus politiques, mais consisteront à faire face aux solutions
919
ici. La suppression de la condition prolétarienne
ne
sera pas le résultat du marxisme, comme l’imaginent encore nos dernie
920
ndépendance d’un peuple ou d’un groupe de nations
ne
se défendra plus sur ses frontières, comme l’imaginent encore tous no
921
nte pour avoir toléré trop de mauvais prétextes à
ne
rien faire, trop de reculs pour mieux sauter, et nous voilà… Mais en
922
core — et pourquoi cesseraient-ils ? — la révolte
n’
est pas écrasée. Ne voit-on ces choses-là qu’en rêve ? Ces triomphes d
923
cesseraient-ils ? — la révolte n’est pas écrasée.
Ne
voit-on ces choses-là qu’en rêve ? Ces triomphes du juste et du vrai
924
de au Congrès : Que faites-vous ? Que les paroles
ne
suffisent pas contre les tanks, on s’en doutait, mais les tanks ne s’
925
contre les tanks, on s’en doutait, mais les tanks
ne
s’ébranlent pas d’eux-mêmes, ils obéissent à des paroles. Et cette ré
926
obéissent à des paroles. Et cette révolution, ce
n’
est pas le mouvement de l’Histoire qui a déclenché sa marche à jamais
927
déclenché sa marche à jamais bouleversante, et ce
ne
sont pas des hommes de main qui l’ont conduite, mais des hommes de pa
928
ouvent ce crime. Quelle est l’arme des hommes qui
n’
en ont point ? La grève. Déclarons donc la grève des relations culture
929
ues. Refuser désormais tout dialogue avec eux, je
ne
vois aucun autre moyen de leur faire prendre conscience de ce qui vie
930
infernale logique du régime qu’ils approuvent. Ce
n’
est certes pas plus « rationnel » qu’un traitement de choc, ou que la
931
nnement. Refuser de serrer la main d’un homme, ce
n’
est pas tirer sur lui, ce n’est pas le gifler. Mais ce geste peut l’ob
932
a main d’un homme, ce n’est pas tirer sur lui, ce
n’
est pas le gifler. Mais ce geste peut l’obliger à sentir qu’une limite
933
atteinte, à se demander, fût-ce un instant, s’il
ne
l’aurait pas dépassée. (Traduit l’appel des écrivains hongrois et ten
934
ur noir paraît délibéré : je crois pourtant qu’il
ne
l’est pas. C’est leur mauvaise conscience qui a trouvé cette astuce d
935
rgeur de la rue, sans un cri, sans un mot, et peu
n’
ont pas pleuré. Il est frappant que la presse n’ait guère parlé, ce ma
936
u n’ont pas pleuré. Il est frappant que la presse
n’
ait guère parlé, ce matin, que des incidents qui ont suivi (chahuts de
937
enne — et dans elle seule, car l’Amérique du Nord
n’
a pas bougé — n’est pas encore définissable. Soulèvement émotif sans p
938
lle seule, car l’Amérique du Nord n’a pas bougé —
n’
est pas encore définissable. Soulèvement émotif sans précédent. Quand
939
se tait… Honte à cette Europe silencieuse Et qui
n’
a pas conquis sa liberté ! Lâches, les peuples t’ont abandonné ô Magya
940
-nous ! Reconnais ton peuple ! Alors que d’autres
n’
osent même pas verser des larmes Nous les Magyars, nous versons notre
941
s de Nehru, auprès de l’opinion libre. Mais l’ONU
ne
trouve quelque force et n’accepte d’en faire usage qu’aux dépens des
942
nion libre. Mais l’ONU ne trouve quelque force et
n’
accepte d’en faire usage qu’aux dépens des démocraties. Sa machinerie
943
lus contre l’Europe mais contre ses ennemis. Elle
n’
a même pas su réagir devant l’outrage exorbitant, quand les joyeux But
944
Malgaches ? Et le Guatemala ? Et l’Algérie ? Vous
ne
protestez pas ? Vous êtes donc pour ? (Mais ceux-là ne me disent pas
945
otestez pas ? Vous êtes donc pour ? (Mais ceux-là
ne
me disent pas : et Berlin ? Et Poznań ? Et le peuple, après tout, de
946
trouve la guerre d’Égypte absurde. Le fait que je
n’
en aie pas parlé dans mon appel ne saurait signifier que je m’en fasse
947
Le fait que je n’en aie pas parlé dans mon appel
ne
saurait signifier que je m’en fasse le complice, puisqu’aucun de mes
948
fasse le complice, puisqu’aucun de mes principes
ne
m’y oblige et nulle discipline de parti. Faut-il donc vous faire un d
949
parti. Faut-il donc vous faire un dessin ? Que je
n’
aie rien dit cette fois de Perón, de Franco, de Katyn et de la Corée,
950
Servet, ni même de la Saint-Barthélemy, non, cela
ne
veut pas dire, ô belles âmes, que j’approuve ces opérations. Cela tra
951
opérations. Cela traduit simplement le fait qu’on
ne
peut pas tout dire en un cri. Lundi 3 décembre 1956 C’est la Ho
952
a Hongrie qui fera l’Europe. Nos chefs politiques
ne
feront rien. Le sacrifice de la Hongrie est sans mesure : elle a gagn
953
e souvenir de Voltaire anime toute la région ; il
ne
vit pas seulement dans les mémoires : ces maisons, ces fabriques, ces
954
tatue, grandeur nature, dans mon village. Mais ce
n’
est pas ce petit corps maigre et ce rire édenté de vieillard polisson
955
le mot, mais faisait un pays. Et certes personne
ne
l’aidait, mais il était fort riche et souvent généreux, pourvu d’une
956
et, malgré son grand âge, il plantait. « Quand je
n’
aurais défriché qu’un champ et quand je n’aurais fait réussir que ving
957
uand je n’aurais défriché qu’un champ et quand je
n’
aurais fait réussir que vingt arbres, c’est toujours un bien qui ne se
958
ssir que vingt arbres, c’est toujours un bien qui
ne
sera pas perdu. » Les cèdres du Caucase, envoyés par la Grande Cather
959
Il y faisait ses Pâques, non sans ostentation, et
ne
se privait pas de haranguer le bon peuple à la sortie de la messe, en
960
C’est ici que la publicité fut inventée. Voltaire
n’
écrivait plus une lettre aux princes intellectuels et temporels de l’E
961
de supprimer les douanes de notre zone : ah ! que
ne
pouvait un seul individu, dans ces temps que l’on nous a décrits comm
962
e que j’habitais à Ferney : « Est-ce que Voltaire
ne
vient pas lui chatouiller la plante des pieds pendant la nuit ? » Non
963
ez qu’on tolère ici votre doctrine, commencez par
n’
être pas intolérants ni intolérables. » Ailleurs : « Il faut donc que
964
rs : « Il faut donc que les hommes commencent par
n’
être pas fanatiques pour mériter la tolérance. » Ailleurs encore, Volt
965
pour avoir chassé les jésuites car, dit-il, « ce
n’
était pas parce qu’il était intolérant, c’était au contraire parce que
966
ésuites vinrent faire la treizième ; mais bientôt
n’
en voulant pas souffrir d’autre, on sait ce qui en résulta ; une guerr
967
lème des tournants à prendre au bon moment : « Il
n’
y a pas longtemps que l’Immaculée Conception est établie : les Dominic
968
mmaculée Conception est établie : les Dominicains
n’
y croient pas encore. Dans quel temps les Dominicains commenceront-ils
969
ur institut est contraire aux lois du Royaume, on
ne
peut s’empêcher de dissoudre leur Compagnie, et d’abolir les jésuites
970
) y trouverait de réels avantages, outre celui de
ne
pas se faire massacrer quand elle demande du pain, la paix, la libert
971
hoisir entre l’URSS et les USA, comme si l’Europe
n’
existait pas. (Ou ne devait pas exister.) En effet, refuser de choisir
972
et les USA, comme si l’Europe n’existait pas. (Ou
ne
devait pas exister.) En effet, refuser de choisir entre un ennemi de
973
s dès l’instant de leur libération. Ces arguments
ne
manquent pas d’être invoqués par ceux qui trouvent dans la neutralité
974
opéistes » qui se demandent si l’union nécessaire
n’
exigera pas un jour pour se réaliser, c’est-à-dire pour rallier d’un s
975
du mot, non de la chose, dont ils se moquent. Il
n’
en va pas ainsi de la Suisse. Ce pays court le risque d’abuser d’une n
976
faire de cette devise d’État tout autre chose que
n’
avaient prévu ses garants : une essence, une vertu ou une loi naturell
977
opéen a vécu. Les conflits qui menacent d’éclater
ne
peuvent plus opposer les voisins de la Suisse, mais l’Europe tout ent
978
de la Suisse, mais l’Europe tout entière à ce qui
n’
est pas l’Europe. Si la Suisse, prétextant de sa neutralité, refusait
979
. Le bon usage de la neutralité Mais l’abus
n’
enlève pas l’usage, et le même exemple suisse peut illustrer les condi
980
use ou l’enjeu d’un conflit existant ou à prévoir
n’
intéresse pas directement sa souveraineté ou son intégrité territorial
981
nd tort d’y mêler de la morale. Car la neutralité
n’
est défendable qu’en tant que mesure politique, donc contingente et li
982
jeu, et d’un besoin plus fier d’indépendance. Je
ne
sais qui a pu écrire que « seul un État neutre est vraiment indépenda
983
t indépendant pourrait être absolument neutre. Je
n’
en vois guère que deux qui soient dans ce cas. Quasiment autarciques,
984
tres et de se conduire comme tels. Mais, au fait,
ne
le sont-il pas ? Ils le sont, non par libre choix, mais parce qu’ils
985
ition qu’on nomme pat, « coup où l’un des joueurs
n’
ayant que son roi qu’il puisse jouer, et ne l’ayant pas en échec, ne p
986
oueurs n’ayant que son roi qu’il puisse jouer, et
ne
l’ayant pas en échec, ne peut le jouer sans se mettre en prise ». Lit
987
i qu’il puisse jouer, et ne l’ayant pas en échec,
ne
peut le jouer sans se mettre en prise ». Littré ajoute, non sans sévé
988
62. Ce serait fort bien s’ils étaient seuls, s’il
n’
y avait plus sur l’échiquier que les deux rois, dès lors invulnérables
989
te grondant chez les pions et chez les fous. Nous
ne
voulons plus servir au jeu des Grands, disent-ils, ils sont capables
990
56. 62. J’imagine qu’une situation de double pat
ne
saurait se produire aux échecs sans l’aide de Lewis Carroll. af. Ro
991
le. 1. La cause ou l’enjeu des conflits à prévoir
n’
intéresse pas l’intégrité du groupe d’États considéré. Ce n’est pas le
992
e pas l’intégrité du groupe d’États considéré. Ce
n’
est pas le cas de l’Europe, qui ne serait pas intégrale sans les pays
993
s considéré. Ce n’est pas le cas de l’Europe, qui
ne
serait pas intégrale sans les pays de l’Est colonisés par l’URSS. 2.
994
ut dissoudre les PC, préventivement. Mais si l’on
n’
y croit pas, ce motif de neutralité ne tient plus. 3. Le groupe d’État
995
ais si l’on n’y croit pas, ce motif de neutralité
ne
tient plus. 3. Le groupe d’États considéré se réserve un rôle humanit
996
seul, et sans alliés, sa défense. Ces conditions
ne
sauraient être réunies que dans le cas d’une Europe vraiment unie, pa
997
nt et d’une armée. Une neutralité « à la suisse »
n’
aurait donc aucun sens avant l’union. Elle serait pratiquement impossi
998
n Pouvoir qui la déclare et qui l’assume, et elle
ne
saurait donc être considérée comme un objectif souhaitable que par ce
999
press. Tout arrive. Du point de vue militaire, je
ne
puis juger l’idée. Du point de vue de la spéculation politique et jou
1000
ous imposent comme la seule solution viable. « Je
n’
ai jamais trouvé qu’il y ait la moindre force dans l’idée d’une Europe
1001
ne Europe unie », déclare Bevan63. Par chance, on
ne
l’a pas attendu. La CECA et le Marché commun se contentent fort bien
1002
usses, enchantés de nous voir jouer leur jeu, ils
ne
seront pas si bêtes que de nous décourager : tout ce qui peut faire o
1003
ut faire obstacle à notre union les sert. Mais on
ne
peut espérer qu’ils seront assez fous pour laisser nos pays de l’Est
1004
ays de l’Est rejeter le communisme détesté. Or ce
n’
est pas seulement leur présence militaire qui assure les régimes « pop
1005
itaire qui assure les régimes « populaires » : il
n’
y a plus de troupes russes en Tchécoslovaquie. Ce qui maintient le sys
1006
raient gravement menacés. Selon le plan Bevan, il
n’
y aurait plus d’armées (européenne, américaine ou nationales) pour s’o
1007
tionales) pour s’opposer à ces remises au pas. Il
n’
y aurait que les bombes H américaines. Or il est clair que ces bombes
1008
s H américaines. Or il est clair que ces bombes H
ne
seront jamais utilisées si les Russes interviennent chez les « neutre
1009
st. Quant aux « neutres » de l’Ouest, la question
ne
se pose pas. Imagine-t-on les USA venant « mettre au pas » une France
1010
France, une Italie passant au communisme ? Le jeu
n’
est pas égal et les dés sont pipés. L’Europe neutralisée, sans union p
1011
en zone « atlantique ». Sans l’Allemagne, les Six
ne
sont rien ; sans les Six, l’union ne se fera pas. Le vrai problème
1012
gne, les Six ne sont rien ; sans les Six, l’union
ne
se fera pas. Le vrai problème Si l’on revient au sérieux de la
1013
ster neutre ou pouvoir se déclarer tel. Mais nous
ne
serons jamais indépendants si nous refusons de nous fédérer. Ici, deu
1014
fédération qui serait neutre aussitôt que faite,
n’
entraînerait plus pour eux nul changement de statut. Le principal obst
1015
ussion possible. Prenons les pays satellites (qui
n’
aiment pas qu’on les nomme ainsi, et c’est bon signe !) : la neutralit
1016
ibrée. Prenons les grandes masses populaires : on
n’
ose dire que l’OTAN les passionne, mais l’idée d’une union directe ent
1017
n leur cacher longtemps que nos armées nationales
ne
paient plus ?) Reste ma seconde question. Supposons l’union faite, d’
1018
sa simplicité massive, d’une évidence : l’Europe
ne
pourra se dire neutre, un jour à venir, que si d’abord elle a fait so
1019
es, sans plus de sentiment que l’amateur d’échecs
n’
en attache aux figures de ses problèmes. 1. Si les États-Unis et l’URS
1020
uellement neutralisés comme aujourd’hui, l’Europe
n’
a rien de mieux à faire que de rester neutre elle aussi, toujours prêt
1021
a trêve est rompue entre les deux blocs, l’Europe
n’
est pas entraînée automatiquement dans le conflit. Cette certitude dim
1022
t. Elle englobe alors toute l’Europe, dont l’OTAN
n’
englobait qu’une moitié. Et l’URSS y regarde à deux fois… 4. Si la gue
1023
ois Rois de l’Occident restant « cloués », le jeu
ne
s’en poursuit pas moins en Asie, en Afrique et dans le Moyen-Orient.
1024
Elle est évidemment restreinte par la volonté de
ne
rien faire qui puisse causer l’explosion générale en Occident ; mais
1025
entaires, et l’on voit que mes premiers résultats
n’
en sont pas moins d’une assez grande complexité. Je suis fort loin d’ê
1026
nes données de fait et de vocabulaire courant. Je
n’
aurais pas mené en vain cette recherche sans prévention, si les diffic
1027
rtis pris d’ordre sentimental plus qu’idéologique
ne
tranchent pratiquement la question non point au terme d’une analyse m
1028
sens du mot neutralité, appliqué à l’Europe unie,
n’
est rien d’autre qu’indépendance. c) Mais cette indépendance n’existe
1029
utre qu’indépendance. c) Mais cette indépendance
n’
existerait vraiment que par rapport à l’URSS et aux États-Unis. Elle s
1030
ntre-indications de l’idée de neutralité. Mais on
n’
a supposé qu’un nombre limité d’hypothèses et de combinaisons. Tel fac
1031
hypothèse se révéler fausse. Ce qu’en revanche on
ne
voit pas du tout, c’est l’intérêt de jouer avec l’idée d’une neutrali
1032
avec l’idée d’une neutralité de l’Europe si l’on
ne
veut pas d’abord son union fédérale, incluant les pays de l’Est, et g
1033
ent : l’intervention russe à Budapest. « Personne
n’
a vu que l’intervention était l’expression d’une politique », écrit Sa
1034
politique », écrit Sartre. Admettons que personne
ne
l’ait vu à part lui. L’histoire récente de notre philosophe se résume
1035
it. En résumé, tout le monde a tort, sauf un qui,
n’
écoutant que son devoir, se met à faire la leçon à tous. Les communist
1036
e s’était « exprimée » par Berlin et Poznań — ils
ne
sont pas dans le sens de l’Histoire ; ce qui leur ôte le droit de fai
1037
ices de la politique qu’il exprime. Si M. Sartre
n’
a pu « digérer » Budapest, comme il l’écrit, ce n’est point qu’il ait
1038
n’a pu « digérer » Budapest, comme il l’écrit, ce
n’
est point qu’il ait cédé à un réflexe irrépressible d’écœurement, et c
1039
dé à un réflexe irrépressible d’écœurement, et ce
n’
est surtout pas au nom de quelque « morale » qui dénoncerait le crime
1040
phiques, etc. Que reste-t-il ? Comment juger ? On
ne
le peut, précise Sartre, qu’au nom du seul point de vue transcendant
1041
ence ? Sartre seul, qui s’est mis en situation de
n’
être reconnu comme camarade valable par aucun des partis, groupements
1042
t non pas moi. On m’a lu sur Suez ici même, et je
n’
ai publié sur Budapest que trois petits articles qui font douze pages
1043
t douze pages en tout. Si c’est être abondant, il
n’
y a pas de mot pour Sartre qui a donné trois-cents pages sur Budapest,
1044
nné trois-cents pages sur Budapest, tandis que je
ne
connais rien de lui sur Suez à part ce qu’il en dit à propos de Guy M
1045
hé un Suisse : le prestige militaire de la France
ne
l’éblouit pas. » De son côté, Aspects de la France croit savoir que j
1046
ue, d’ailleurs écrit pour un éditeur de New York,
ne
parlait que de l’Occident en général. Quant au premier, je crains qu’
1047
ent en général. Quant au premier, je crains qu’il
ne
s’inspire de Machiavel, qui écrivait au xvie siècle : Svizzeri, arma
1048
idées sur le vu d’un passeport ? Mon point de vue
n’
est pas national, comme le suggère le titre même de cette chronique. A
1049
uggère le titre même de cette chronique. Au fait,
ne
serait-ce pas là l’explication ? Ferney rappelle un écrivain connu qu
1050
’était un manifeste. Signer : le Suisse Rougemont
ne
serait qu’un pléonasme. On se contentera du nom d’Européen. Tolére
1051
donne pour but l’abolition du parlementarisme. Il
ne
peut être question de l’utilisation des institutions gouvernementales
1052
les pays où il détient le pouvoir. En France, il
n’
est encore que le parti privilégié, le seul auquel on laisse le droit
1053
it de tricher, en se réclamant du fair-play. Nous
ne
pouvons rien contre l’imposture gigantesque du « socialisme » soviéti
1054
que. Mais, dans nos pays socialistes ou libéraux,
ne
serait-il pas temps de faire respecter les règles et de mettre fin au
1055
Il serait plus habile de feindre que ces mesures
n’
ont rien de gênant pour le Parti, mais un point trop sensible vient d’
1056
t à l’esprit d’un libéral, et je crois bien qu’il
n’
est pas une de celles qu’on lui opposera, que Suzanne Labin n’ait déjà
1057
e de celles qu’on lui opposera, que Suzanne Labin
n’
ait déjà placée dans la bouche de son contradicteur, pour la réfuter a
1058
de l’opportunité et de la stratégie politique, je
ne
suis nullement partisan d’une interdiction du PC, encore qu’il soit n
1059
, mais il est visible que non ; et d’ailleurs, on
ne
se souciera de les appliquer que si l’idée d’un Code vraiment « gênan
1060
e dans la presse et les revues. L’homme de la rue
ne
l’emploie jamais, et cela pour la raison bien simple qu’il ne saurait
1061
jamais, et cela pour la raison bien simple qu’il
ne
saurait imaginer un seul instant que les intellectuels exercent une a
1062
dont on estime que c’est le métier. L’expression
ne
semble donc utilisée que par les seuls intellectuels pour ridiculiser
1063
tère idéologique du conflit (guerre de 1939-1945)
n’
a peut-être pas eu la netteté que lui prêtent les intellectuels. » Et
1064
tellectuels mal famés. Mais logiquement la phrase
ne
se défend pas, comme on le voit en la transposant de cette manière :
1065
théorie ondulatoire et la théorie corpusculaire)
n’
a peut-être pas la netteté que lui prêtent les savants. » Dans les deu
1066
le conflit désigné, idéologique ou scientifique,
n’
existe, en tant que tel, que pour ceux qui le formulent. Il est donc i
1067
est une chimère, un faux problème. Quel problème
ne
serait faux, à ce compte ? Attribuer celui-ci aux seuls intellectuels
1068
intellectuels (les masses restant indifférentes)
ne
suffit pas, hélas ! à changer ses données et ne contribue guère à le
1069
) ne suffit pas, hélas ! à changer ses données et
ne
contribue guère à le résoudre. On se retourne alors vers les réalités
1070
vait dit, il aurait eu tort car de son temps rien
ne
menaçait l’Europe dans son ensemble sinon lui. Même jeu pour un Hitle
1071
ent pathétiquement leurs vrais problèmes. Mais je
ne
vois pas un seul mouvement né de la masse qui ait réussi au xxe sièc
1072
la force contre ceux qui ont juré d’en abuser, ce
n’
est pas laisser des chances égales à tous, comme le prétend la théorie
1073
de l’ennemi qui le supprime. Et, par la suite, ce
ne
sont jamais les libéraux qui rétablissent la liberté, mais la force b
1074
tout le monde le sait, mais je vois que personne
n’
y croit chez les soi-disant libéraux, puisqu’ils jettent les hauts cri
1075
qu’entraîne cette étiquette. Ce qui prouve qu’on
ne
croit pas au reproche qu’on lui fait. Car il est clair qu’un vrai par
1076
, et non pas la soif d’inconnu. Le touriste moyen
ne
veut pas découvrir, mais seulement rejoindre une image et vérifier qu
1077
seulement rejoindre une image et vérifier qu’elle
ne
le trompait pas. Rien dans tout cela qui rapproche les peuples : tout
1078
q minutes d’un canton à un autre. Leurs habitants
ne
se connaissent guère entre eux. S’aimeraient-ils davantage en se mêla
1079
ntage en se mêlant ? Le pâtre yodleur d’Appenzell
n’
a jamais vu l’industriel racé de Winterthur, ni le banquier anglomane
1080
es à sa table, ce qui est à peine imaginable, ils
n’
auraient pas grand-chose à se dire, à supposer qu’ils trouvent une lan
1081
supposer qu’ils trouvent une langue commune. Cela
n’
empêche pas la fédération suisse de tourner rond : elle n’est pas une
1082
e pas la fédération suisse de tourner rond : elle
n’
est pas une affaire de sentiment, ni même de connaissance mutuelle, ma
1083
sein de fédérer l’Europe, si nous y parvenons, ce
ne
sera qu’en surmontant les irritations évidentes qu’il nous arrive de
1084
(guillemets et italique) une phrase que l’auteur
n’
a pas écrite : « De Nicée à la bombe atomique, l’homme européen, somme
1085
et véritable de son livre… Ce faux, bien entendu,
n’
est pas signé. Mœurs courantes, me dit-on, on ne répond pas à cela. Je
1086
, n’est pas signé. Mœurs courantes, me dit-on, on
ne
répond pas à cela. Je pense à cet ami qui soupirait : « Ah je n’ai pl
1087
cela. Je pense à cet ami qui soupirait : « Ah je
n’
ai plus le temps d’écrire, même aux amis, je ne réponds plus qu’aux le
1088
je n’ai plus le temps d’écrire, même aux amis, je
ne
réponds plus qu’aux lettres anonymes ! » aj. Rougemont Denis de,
1089
un gain ? Une seule chose me paraît certaine : ce
ne
sont pas les plus gais qui s’en vont. Mais chercher si ce sont les pl
1090
la crise et même en s’appuyant sur elle. Mais ce
n’
est pas du devenir soviétique que dépend le sort de l’Europe, la menac
1091
e a cessé d’être l’espoir du monde depuis qu’elle
n’
en est plus la peur. Qu’elle réussisse ou non à se démocratiser par le
1092
nt dire la Lune pour tous et pour tout de suite —
n’
ont certainement pas contribué à la solution du problème, n’ont pas mo
1093
ainement pas contribué à la solution du problème,
n’
ont pas mordu sur la réalité. Mais nos démocraties étant ce qu’elles s
1094
éparer les prises de conscience nécessaires. Rien
ne
serait plus injuste que de dire aux Français qu’ils ont mis beaucoup
1095
ont emprunter aux polémiques françaises, mais qui
ne
touchent pas le vrai problème. Ni les colonialistes attardés ni les a
1096
e toutes tendances (idéalistes ou revendicateurs)
n’
ont vraiment abordé, jusqu’ici, ce problème. Il dépasse leurs catégori
1097
s catégories. Il dépasse également la France. Ce
n’
est point parce que la France aurait été plus « colonialiste » que d’a
1098
que d’autres que le drame algérien s’est noué. Ce
n’
est pas une politique de gauche ou de droite ou de nouvelle gauche ou
1099
ui aurait pu modifier les données de ce drame. Ce
n’
est pas la France comme entité nationale et politique qui peut être ic
1100
Le cessez-le-feu, qui doit intervenir absolument,
ne
résoudra rien. Ni aucune décision politique imposée par la majorité a
1101
s Nations unies, dont le seul dénominateur commun
ne
saurait être que l’ignorance de la nature et du nom même des réalités
1102
ature et du nom même des réalités en présence. Il
ne
s’agit donc pas d’internationaliser (comme on dit) l’affaire algérien
1103
il s’agit de reconnaître que l’affaire algérienne
n’
est plus (si elle le fut jamais) une affaire nationale, ni même intern
1104
oblème intéressant l’humanité entière, et qu’elle
ne
peut résoudre seule, mais qu’elle seule, tant à cause de ses vertus q
1105
autres pays de l’Europe verront-ils que la France
n’
est ici que leur avant-garde exposée ? L’échéance de septembre sera ce
1106
déjà peur. Bon début, disent les autres, si l’on
ne
s’arrête pas là. Il est clair que l’Europe des Six n’est qu’un moyen.
1107
’arrête pas là. Il est clair que l’Europe des Six
n’
est qu’un moyen. La fin, c’est l’union fédérale de tous les peuples qu
1108
me culture embarqués dans la même aventure. Qu’on
ne
chicane pas sur les frontières à venir de cette union : nul ne sera c
1109
s sur les frontières à venir de cette union : nul
ne
sera contraint d’entrer, et nul exclu. Tout dépendra des libres décis
1110
méthodes propres à fomenter l’union. Les traités
ne
feront rien sans nous et les fonctionnaires gâteront tout si l’idée f
1111
s fonctionnaires gâteront tout si l’idée fédérale
ne
devient pas vivante dans nos existences personnelles. Les vraies chan
1112
s pourrons les supputer. D’où cette enquête. Elle
ne
portera pas sur les moyens politiques ou économiques d’obtenir l’unio
1113
eut dire. R. — Moi je m’y refuse absolument. Elle
n’
avait qu’à rester tranquille dans son petit milieu « naturel ». Ceux q
1114
uille dans son petit milieu « naturel ». Ceux qui
n’
aiment pas l’artificiel n’ont qu’à brouter. A. — Vous êtes bien dur et
1115
u « naturel ». Ceux qui n’aiment pas l’artificiel
n’
ont qu’à brouter. A. — Vous êtes bien dur et bien maussade. R. — C’est
1116
n maussade. R. — C’est qu’il y a de quoi ! Venise
n’
a rien de plus artificiel qu’une villa de banlieue, mais la Place est
1117
notez que les pigeons qu’ils aiment photographier
ne
laissent pas une crotte sur la place. C’est un mystère. Ils ont le se
1118
). Ce que vous dites-là, ce permis de voyager, ce
n’
est pas très… démocratique ? R. — Ce ne l’est pas le moins du monde, e
1119
oyager, ce n’est pas très… démocratique ? R. — Ce
ne
l’est pas le moins du monde, et après ? Vous croyez à la Démocratie ?
1120
e des masses, et je crois qu’une démocratie saine
ne
peut fonctionner qu’à cette condition. Cette foule qui choque l’esthè
1121
R. — Je demande une expertise de ces clichés. Je
n’
entends ici, dans les ruelles et aux terrasses, que des jugements triv
1122
ît que les canaux sentent mauvais et que la Place
n’
est pas bien régulière. Voyez-vous, c’est l’immense Problème des Loisi
1123
nde qu’on institue le permis de voyager, et qu’on
ne
le donne qu’à ceux qui auront passé une série d’examens un peu subtil
1124
peu subtils, prouvant au moins leur innocence. Ce
n’
est pas une affaire de classe, notez-le bien. Presque toutes les monda
1125
c’est entendu. Mais sous le nom de démocratie, ce
n’
est qu’une démocratie mal éduquée, insuffisamment éduquée, que vous se
1126
que vous semblez vouloir condamner. R. — Oh ! je
ne
la condamne pas ! Je la crois dépassée. On va me couper la tête, mais
1127
rois dépassée. On va me couper la tête, mais cela
ne
résoudra rien. Voulez-vous que je devienne bien sérieux ? Je vous con
1128
ècle qui m’a fait voir le mieux que la Démocratie
n’
est pas le dernier mot de la sagesse politique. Éduquer, c’est conduir
1129
idémocratique. A. — Vous faites du paradoxe, vous
n’
êtes pas « bien sérieux ». R. — Je suis aussi sérieux que l’étymologie
1130
logie. Démocratie veut dire pouvoir du peuple. Ça
n’
existe nulle part au monde. C’est un mensonge que de l’invoquer à tout
1131
pour insister clairement. La démocratie populaire
n’
est en fait que la suppression de certains procédés qu’on dit démocrat
1132
dictateurs prétendaient attaquer. Mais une erreur
ne
se trouve pas justifiée parce que des criminels l’ont dénoncée, surto
1133
orter cette erreur au pire. Or, Hitler et Staline
n’
ont fait en réalité que pousser l’utopie démocratique à ses conséquenc
1134
ui conduisent logiquement aux dictatures. A. — Je
ne
vois pas à quoi vous tendez et quelle sorte de régime vous paraît bon
1135
gnore son nom, on le trouvera bien un jour, et je
n’
ose espérer qu’il soit exact. Ce sera peut-être encore Démocratie, qui
1136
égime apparaisse périmé pour s’y rallier. Mais on
ne
retiendra de notre système actuel que quelques procédés que vous appr
1137
. R. — Puis-je vous faire observer que l’élection
n’
est pas un procédé démocratique, si la démocratie repose sur le princi
1138
incipe que tous les hommes sont égaux ? Mais vous
n’
y croyez pas, à ce principe de base. La preuve en est que vous approuv
1139
en est que vous approuvez les élections. A. — Je
ne
vous suis plus. R. — C’est pourtant simple. Si les démocraties égalit
1140
litaires croyaient vraiment les hommes égaux, ils
ne
feraient jamais d’élections, car celles-ci visent au choix des meille
1141
Ou bien tous les hommes sont égaux, alors prenez
n’
importe qui, ou bien certains semblent meilleurs, alors vous élisez un
1142
que procédé antidémocratique ? R. — Cette raison
ne
serait pas suffisante. Voyons plutôt le mérite du procédé. Il me para
1143
me il arrive dans certains groupes restreints. On
ne
saurait élire une élite ; on ne peut que la former, la laisser se dég
1144
es restreints. On ne saurait élire une élite ; on
ne
peut que la former, la laisser se dégager, la reconnaître et puis la
1145
s qui les passionne ou que l’on peut vérifier, il
n’
est plus question de voter. Personne ne veut élire au suffrage univers
1146
rifier, il n’est plus question de voter. Personne
ne
veut élire au suffrage universel un joueur de football, un cycliste o
1147
football, un cycliste ou une star, de même qu’on
n’
élit pas un inventeur, un poète, un pilote de canal. Le procédé n’est
1148
venteur, un poète, un pilote de canal. Le procédé
n’
est bon que pour les députés. A. — Vous oubliez le président américain
1149
été de demain exige une précision plus grande. On
ne
saurait mettre aux voix la vérité, quand la moindre erreur de calcul
1150
siècle et le cauchemar du xxe siècle. L’Occident
n’
y croit plus. Il la revend d’occasion aux peuples dits sous-développés
1151
s de digérer les données innombrables du réel. Je
n’
y puis rien, ni vous non plus. D’ailleurs, cela se pratique déjà. Un g
1152
ournies sur bande, et sur lesquelles ces cerveaux
ne
fonctionnent pas, soient dictées par un petit groupe de savants, d’es
1153
tuelle irritation contre le train du monde, qu’on
ne
peut plus changer. Je suis ami de la France. Je me sens déprimé. R. —
1154
s ami de la France. Je me sens déprimé. R. — Vous
ne
l’avez pas volé, et cela vous apprendra à croire tout ce qu’on vous d
1155
une enfilade de situations « sans issue » dont on
ne
peut sortir que ministre. Sachez que cela ne change rien à la réalité
1156
t on ne peut sortir que ministre. Sachez que cela
ne
change rien à la réalité des choses, et ne l’exprime presque jamais.
1157
e cela ne change rien à la réalité des choses, et
ne
l’exprime presque jamais. Et tâchez de lire d’autres livres. A. — Jus
1158
grand public. Tous détestent les conventions. Ils
n’
approuvent que le pessimisme, l’amertume et le ricanement. R. — C’est
1159
cord pour trouver que notre café fout le camp, et
ne
sont pris au sérieux qu’à ce prix. C’est le pont aux ânes de l’avant-
1160
ur telle, la seule sans doute que vous lisiez. Je
ne
vois rien là de particulier à la France, ni même à Paris. Vos romanci
1161
rance, ni même à Paris. Vos romanciers américains
ne
disent pas mieux, ni la nouvelle génération anglaise, voir « Look bac
1162
t avec Mollet, Bourgès, Duchet ou Mitterrand, qui
ne
vont pas voir ces pièces ou, s’ils allaient, les trouveraient révolta
1163
rouveraient révoltantes ou en tout cas pointless.
N’
allez pas me parler surtout d’une querelle de générations ! Car il se
1164
e ans en moyenne — voilà votre avant-garde. Et je
ne
vois pas grand-chose à signaler au-dessous, Françoise Sagan n’étant j
1165
rand-chose à signaler au-dessous, Françoise Sagan
n’
étant jusqu’ici qu’un succès. A. — Mais justement, votre Sagan est un
1166
ays se franciserait plus facilement que la France
ne
s’américanise. Vous nous donnez des recettes de bonheur digéré qui no
1167
ons « Bonjour tristesse » qui vous ravit. Mais ce
n’
est pas cela qui compte en France. A. Oui, je sais, c’est toujours aut
1168
d’autres. Vous me disiez que « mon » avant-garde
n’
est guère française, mais les pièces d’Anouilh et d’Aymé, qui ne sont
1169
ançaise, mais les pièces d’Anouilh et d’Aymé, qui
ne
sont pas d’avant-garde et que tout le monde a vues, je ne les trouve
1170
pas d’avant-garde et que tout le monde a vues, je
ne
les trouve pas du tout moins cyniques dans leur genre. Et Monsieur Ou
1171
Jean Genet, dont Sartre essaya de faire un saint,
n’
est-ce pas français, n’est-ce pas cynique, et n’est-ce pas déprimant,
1172
essaya de faire un saint, n’est-ce pas français,
n’
est-ce pas cynique, et n’est-ce pas déprimant, pour les amis de la Fra
1173
, n’est-ce pas français, n’est-ce pas cynique, et
n’
est-ce pas déprimant, pour les amis de la France ? R. — Je vous les la
1174
ueur François Mauriac… » Eh bien ? J’avoue que je
ne
comprends pas. Je connais ces auteurs. Je ne leur vois rien de commun
1175
e je ne comprends pas. Je connais ces auteurs. Je
ne
leur vois rien de commun. Deux sont morts et pas un n’est un « jeune
1176
ur vois rien de commun. Deux sont morts et pas un
n’
est un « jeune »… R. — Mais pas un seul n’est un cynique, notez-le bie
1177
pas un n’est un « jeune »… R. — Mais pas un seul
n’
est un cynique, notez-le bien, et ce sont eux qui représentent le mieu
1178
? Céline est le modèle de votre Henry Miller, qui
ne
le vaut pas toujours, sauf dans Sexus peut-être, en ôtant les « idées
1179
implifions par Céline et Miller, voulez-vous ? Je
n’
ai pas cité bien d’autres écrivains fameux, qui auraient leur place da
1180
ivent-ils à Paris ? R. — Quelques-uns, mais comme
n’
y étant pas. Les autres en province ou à l’étranger, à Manosque, à Vev
1181
— 64 ans et demi, et saluez, je vous prie, car ce
n’
est pas seulement le pouvoir d’invention, mais le pouvoir de renouvell
1182
s qui vaut que l’on s’étonne. Voyez Paulhan, rien
n’
est plus jeune que sa manière de provoquer les lieux communs, fût-ce d
1183
sens, par un paradoxe au carré. Voyez Breton qui
ne
se lassera jamais de découvrir mages et mystiques de tous les temps m
1184
uêtes impériales, devenir le poète de l’amour. Je
ne
trouve pas ailleurs tant d’éclatants exemples de carrières intellectu
1185
li ou la répétition. La faculté de renouvellement
n’
est-elle pas aussi remarquable que celle d’innovation ou d’invention ?
1186
r son terrain. Mais à quoi bon ? Leurs objections
ne
sont fondées que sur un refus de principe, qu’ils se gardent bien d’e
1187
On lui répond très sobrement que cette opération
n’
est pas un crime, mais une nécessité reconnue de longue date, et qu’el
1188
une nécessité reconnue de longue date, et qu’elle
ne
dépend pas du Marché à créer, si elle peut faciliter son entrée en vi
1189
e, appuyant le communiste, se plaint que l’Europe
ne
se fasse que « par en haut », ce qui n’est pas démocratique. — C’est
1190
l’Europe ne se fasse que « par en haut », ce qui
n’
est pas démocratique. — C’est vous qui avez tout fait pour empêcher le
1191
pouvoir. Et Kadar, donc ! Mais les interruptions
ne
sont pas admises, car « on ne fait pas de politique dans cette encein
1192
s les interruptions ne sont pas admises, car « on
ne
fait pas de politique dans cette enceinte ». Le seul qui enfreint la
1193
e incident typique. Spaak dit avec chaleur : — Je
ne
crois pas à la guerre et chacun sait qu’aucun de nos pays ne la veut.
1194
s à la guerre et chacun sait qu’aucun de nos pays
ne
la veut. — Je suis heureux de vous l’entendre dire ! interrompt le co
1195
communiste Pierre Abraham. Et cela signifie : Je
ne
croyais pas cela de vous, connaissant votre goût pour les carnages ma
1196
ous fabrique est si petite, si minuscule, qu’elle
n’
a même pas su faire une place à la Suisse ». L’étudiant de première an
1197
se verrait recalé sans merci. Mais la passion de
ne
pas sauver l’Europe est aveuglante. Ce masochisme appelle une étude s
1198
qu’êtes-vous disposés à faire ? En résumé : vous
n’
aimez pas notre Europe, celle pour laquelle nous luttons depuis dix an
1199
-vous ? Et qu’êtes-vous prêts à faire pour elle ?
N’
êtes-vous pas des Européens ? Si vous souhaitez une Europe soviétique,
1200
En marge d’une enquête I. — « Pourquoi je
ne
suis pas Européen » Je me disais, en suivant les Rencontres genevo
1201
le. Les maladies aussi existent bel et bien et ce
n’
est pas une raison pour refuser les remèdes. Quelle nation de l’Europe
1202
c pour y aller ? Et qu’offrent-elles de mieux qui
ne
soit né chez nous ? 3. — Non, car l’Europe unie n’intéresse pas les a
1203
e soit né chez nous ? 3. — Non, car l’Europe unie
n’
intéresse pas les autres. Ainsi, l’industriel prétend qu’elle n’intére
1204
s les autres. Ainsi, l’industriel prétend qu’elle
n’
intéresse pas les syndicats, ceux-ci disent que les trusts l’utilisera
1205
raient ; les intellectuels affirment que la masse
ne
les suivrait pas, celle-ci veut attendre qu’ils bougent ; la gauche d
1206
u d’abord de la consulter. 4. — Non, car l’Europe
ne
peut pas se faire sans les Anglais. (Cas particulier du précédent.) M
1207
(Cas particulier du précédent.) Mais les Anglais
n’
accepteront jamais d’entrer dans une Europe qui ne serait pas déjà fai
1208
n’accepteront jamais d’entrer dans une Europe qui
ne
serait pas déjà faite, quitte à se plaindre, alors, qu’on les en a ex
1209
chisme occidental. 6. — Non, car l’Europe à faire
n’
est pas celle qu’on nous fait. Car on fait une Europe vaticane, dit la
1210
fait une Europe dirigiste, dit la droite. Car on
ne
fait pas l’Europe, disent les fédéralistes. Et chacun se renfrogne, e
1211
leur raison de refuser leur concours, comme s’ils
n’
étaient pas embarqués… II. — « Pourquoi je suis Européen » C’est
1212
s ou quatre écoles, dont voici les maximes. 1. Il
ne
faut plus de guerres franco-allemandes. Cette conviction fit les prem
1213
les Allemands décidaient de se battre demain, ils
ne
pourraient plus le faire qu’à coups de bâton. D’autres raisons d’unir
1214
s par les intellectuels. L’Europe que nous aimons
n’
est-elle pas avant tout un grand fait de culture, une civilisation ? C
1215
re est de longue haleine et le temps presse. Rien
ne
se fera sans l’esprit, mais sera-t-il assez prompt dans son effort po
1216
que. Car la raison, la persuasion et la technique
ne
sont rien sans la force, qui n’est pas rationnelle. Les parlements pe
1217
n et la technique ne sont rien sans la force, qui
n’
est pas rationnelle. Les parlements peuvent tout, y compris décréter q
1218
ats-nations ont fait leur temps. Mais les députés
ne
bougeront pas sans une pression des masses qui les élisent. Et les in
1219
nes seront bloquées par les parlements si ceux-ci
ne
subissent pas une pression populaire imposant l’élection d’une Assemb
1220
ue les méthodes technique, éducative et politique
ne
mèneront à rien l’une sans l’autre. Le grand public pensera que cela
1221
Les animateurs de chaque branche répondront qu’on
ne
peut faire tout à la fois. Je voudrais qu’ils se demandent un instant
1222
’art de compenser. — Si vous avez été surpris, ce
n’
est pas ma faute : j’en parlais ici même il y a tout juste un an68. C’
1223
fait de devancer les États-Unis de quelques mois
n’
a d’importance qu’aux yeux des ignorants et des enfants : c’est vrai,
1224
e principale de l’opinion publique. Rien au monde
ne
peut plus vous empêcher de penser que les Soviets ne sont pas si mal,
1225
peut plus vous empêcher de penser que les Soviets
ne
sont pas si mal, puisqu’ils ont lancé leur Spoutnik. Si les États-Uni
1226
. Si les États-Unis l’avaient lancé d’abord, vous
n’
en auriez nullement conclu que le capitalisme est bon. Et vous auriez
1227
r Winchell et Billy Graham comme reporters : elle
ne
rattrapera rien, le mal est fait. J’ai parlé de bêtise. Entendons-nou
1228
ent à coup sûr de chaque sensation renouvelée. On
ne
peut plus arrêter cette bêtise déchaînée. Mais un peu d’esprit politi
1229
frustrer notre besoin de sensations. Or ce besoin
ne
pouvant être avoué comme tel, on dira que mon plan n’eût visé qu’à fr
1230
ouvant être avoué comme tel, on dira que mon plan
n’
eût visé qu’à frustrer les Soviets d’une gloire très légitime. En véri
1231
ondamné. Le Kremlin payerait notre presse qu’elle
n’
écrirait pas autrement. Mais il sait bien qu’il peut lui faire confian
1232
l’ignorance et la puérilité d’une opinion qu’ils
ne
savent pas et ne veulent pas former. Eppur, se muove ! — Des ami
1233
a puérilité d’une opinion qu’ils ne savent pas et
ne
veulent pas former. Eppur, se muove ! — Des amis me retiennent p
1234
la part du jeu. Le programme militaire des fusées
n’
explique pas tout. La science-fiction, poème du siècle, a remplacé l’É
1235
S préférant frapper l’esprit des foules, « car on
ne
vit pas de pain seulement »… Chacun récolte donc ce qu’il a semé, et
1236
nt »… Chacun récolte donc ce qu’il a semé, et qui
n’
était pas ce qu’il disait. (C’était même le contraire, dans ce cas.) L
1237
esse ayant épuisé sa provision de grosses lettres
n’
en dit rien. Dans le même temps, les satellites mis au pillage se révo
1238
iel : ses spoutniks sont les seuls satellites qui
ne
menacent pas de se révolter. « Pie in the sky, bye and bye », voilà c
1239
du communisme soviétique par ses dirigeants mêmes
n’
est pas de nature à endormir la vigilance des partisans de la liberté.
1240
vigilance des partisans de la liberté. Le système
n’
en devient pas moins faux, pour être trahi par les siens. Mais presque
1241
éliminé nous laissera sur les bras la Russie. Ce
n’
est pas la guerre des blocs qui me paraît fatale, mais le retour de l’
1242
ublé, cette fois-ci, la trêve des confiseurs : il
ne
se passe jamais rien dans le monde entre le 24 décembre et le 2 janvi
1243
tique, les nouvelles sont les événements, ceux-ci
n’
ayant pas d’existence hors de celles-là. Une nouvelle, ce serait donc
1244
sion d’un fait réel ou fabriqué, le fait lui-même
ne
devenant tel que par la nouvelle qui le baptise, et ne revêtant que l
1245
venant tel que par la nouvelle qui le baptise, et
ne
revêtant que l’importance exacte que la nouvelle, littéralement, lui
1246
lui donne. D’où l’on déduit que, sans agences, il
n’
y aurait pas non plus de nouvelles, et qu’aux yeux de l’homme de la ru
1247
ouvelles, et qu’aux yeux de l’homme de la rue, il
ne
se passerait plus rien dans le monde. En termes très voisins, un peu
1248
ment elle nous fabrique les faits (au point qu’il
n’
y en a plus si elle se met en grève) mais encore elle les influence ou
1249
me les détermine avant la lettre : Ike, en effet,
ne
dit pas ce qu’il pense des offres soviétiques ou du désarmement, mais
1250
« réalité » à laquelle nous croyons chaque matin
n’
est faite que par la presse et la radio, et n’est souvent faite que po
1251
tin n’est faite que par la presse et la radio, et
n’
est souvent faite que pour elles. Les agences seraient donc nos vrais
1252
nion de la France et de l’Allemagne, l’Angleterre
n’
étant pas nommée ni impliquée. Sensation dans la presse, mais aucune s
1253
, ou presque rien dans la presse. Ainsi, Montreux
ne
devint pas un « fait ». En mai 1948 s’ouvre à La Haye le premier Cong
1254
à. On lui donne toute sa place, qui pour une fois
n’
est pas volée. La presse américaine réplique sans hésiter : elle « con
1255
leur presse excitée. (Quand les Russes ratent, on
n’
en sait rien, pas fous.) Mais les agences n’ont rien perdu. Le maso
1256
t, on n’en sait rien, pas fous.) Mais les agences
n’
ont rien perdu. Le masochisme occidental. — Je ne soupçonne pas la
1257
ont rien perdu. Le masochisme occidental. — Je
ne
soupçonne pas la presse occidentale de suivre une politique quelconqu
1258
uivre une politique quelconque, loin de là ! Elle
n’
a d’autre souci que celui de son tirage. Mais elle décide elle-même, s
1259
te sérieuse, de ce qui sera vendable ou non. Elle
ne
se trompe qu’une fois sur deux. À ce taux, elle pourrait aussi bien s
1260
Genève a 200 mètres de diamètre. Mais le journal
n’
en a rien dit. Pourquoi ? C’est que la construction de l’appareil de G
1261
omment mettre un peu d’ordre en ces matières ? Je
ne
parle pas ici des fausses nouvelles, très rares et trop vite démentie
1262
océdé qui obsède encore les foules est périmé. Ce
n’
est plus l’exactitude des nouvelles publiées qui est en question, mais
1263
s omissions qu’elle suppose, et par le fait qu’on
ne
l’a choisie qu’en vue de la vente. Mais qui peut actuellement, et qui
1264
erait à ces cerveaux le programme sans lequel ils
ne
savent que penser ? Qui leur donnerait le code des hiérarchies à obse
1265
es dernières libertés qui nous restent — celle de
ne
pas croire ou de croire ce qui nous plaît, celle de douter, ou de sou
1266
sistance critique des esprits exposés à la presse
n’
est pas seulement possible mais indispensable. Je demande qu’on instit
1267
veut bien se rappeler qu’apprendre à lire à tous
ne
sert qu’à préparer des lecteurs aux journaux, dans quatre-vingt-dix c
1268
ts d’appréciation, faute desquels il estime qu’on
ne
peut pas gouverner et encore moins juger de la situation. Il cite Men
1269
affirme au surplus que « la rébellion algérienne
n’
a aucune répercussion sur le déficit du budget français ». Voilà cinq
1270
ger selon leurs « croyances », comme si les faits
ne
comptaient pas, ou pire : comme s’il était suspect de s’en soucier. —
1271
tres vertus que l’indignation chronique, laquelle
n’
a jamais rien construit. Ces vertus, par malheur, ne sont pas éloquent
1272
a jamais rien construit. Ces vertus, par malheur,
ne
sont pas éloquentes. Et ceux qui les cultivent se voient bientôt cond
1273
ent bientôt conduits dans un ordre d’action où ce
n’
est plus la dent dure mais la vision lucide et la main ferme qui assur
1274
dimensions insensées du cosmos. Ah ! la vraie vie
n’
est que sur notre Terre ! Et ce qui est « ailleurs » n’a pas encore de
1275
que sur notre Terre ! Et ce qui est « ailleurs »
n’
a pas encore de sens, mais rend déjà le sens de l’ici-bas étrange. Cin
1276
le se fonde sur du wishful thinking. Mais si nous
ne
sommes pas « découverts » par des êtres pensants d’autres planètes av
1277
prévoyant la venue d’une société universelle, qui
ne
lui dit rien, conçoit l’idée d’une fuite hors de ce monde : « Comment
1278
tites proportions d’un globe souillé partout ? Il
ne
resterait qu’à demander à la science de changer de planète. » Dern
1279
son importance. Oui, mais la découverte du Cosmos
n’
en sera pas moins son fait, au bout de compte, tout comme le fut la dé
1280
it fort bien vu — comme tout ce qui la supplie de
ne
pas lancer trop vite vers d’improbables Vénusiens des hommes presque
1281
les Vénusiens des hommes presque réduits à ce qui
n’
est pas l’Homme. Utopies, science-fiction, prévisions de savants
1282
ent.) Fontenelle écrit en 1686 : « L’art de voler
ne
fait encore que de naître ; il se perfectionnera, et quelque jour on
1283
ut qu’ils soient tous fous à force de vivacité et
n’
aient pas plus de mémoire que la plupart des nègres ». Mais déjà nous
1284
moire que la plupart des nègres ». Mais déjà nous
ne
sommes plus en Utopie : la prévision se veut scientifique, comme elle
1285
ne, si la psychologie reste à la mode du temps et
ne
semble pas prévoir un changement de l’homme même. Avec la science-fic
1286
nstitue, dans la terreur et la pitié. L’humanisme
n’
est plus cette chose molle qu’on obtient en évaporant l’essence chréti
1287
ple fait d’être homme, mis au défi et dépassé. Ce
n’
est plus drôle du tout. Il faut faire attention. Car la science a déjà
1288
ce, de son côté, la fabrication des surhommes. On
ne
voit guère de motifs d’en douter. Appréhension Dans l’univers d
1289
par la technique dans le cadre de nos existences
n’
empêchent nullement la Bible et l’Odyssée, la Divine Comédie, Shakespe
1290
le monde d’une manière beaucoup plus radicale que
ne
l’a fait jusqu’ici la technique, car elle changera le mode d’appréhen
1291
rtains, mais de cela seul, si par définition nous
ne
pouvons pas prévoir ce qu’un sens nouveau sentirait. J’imagine cepend
1292
n des chroniques comme celle-ci, à moins qu’elles
n’
amusent nos petits-fils, comme on aime à retrouver dans son journal in
1293
D’où vient l’idée ? Une décadence réelle peut
n’
être pas sentie ni repérée par le groupe ou l’individu qui la subit. M
1294
groupe ou l’individu qui la subit. Mais l’inverse
n’
est pas moins vrai : l’idée de décadence peut être cultivée avec une s
1295
ement, chez celui qui, s’étant risqué, a perdu ou
ne
croit plus à l’enjeu pour lequel il luttait en fanatique : pessimisme
1296
ulture, d’une cause ou d’une vie individuelle. Je
ne
dis rien des délices clandestines qu’entretient l’amateur de crépuscu
1297
éthée des conquêtes culturelles de l’Occident, il
ne
pouvait manquer de produire la jérémiade la plus amplement modulée su
1298
suite nous l’ont répété sans relâche : l’Occident
n’
en a plus pour longtemps, ses vieilles vertus sont épuisées, les barba
1299
l’aurez bien mérité. Ces déplorations polémiques
ne
sont cependant pas le fait d’une société vraiment acculée à la ruine
1300
ir en soi-même, et pour faire la leçon à ceux qui
n’
y croient plus, mais qu’on n’oserait pas attaquer si elles étaient mor
1301
la leçon à ceux qui n’y croient plus, mais qu’on
n’
oserait pas attaquer si elles étaient mortellement menacées. Ainsi par
1302
culture décadente ? Rien de certain tant qu’elle
n’
a pas été réduite au silence définitif, recouverte par une « barbarie
1303
valeurs étranger. Regardons alors l’Occident. Il
ne
cesse de renouveler ses styles et les hypothèses de ses sciences, tou
1304
nement ? C’est tout le contraire. Car si l’Europe
n’
imite aucune autre culture, même pas le passé de la sienne, nous voyon
1305
à l’appui de la « désintégration de nos valeurs »
n’
exerceront jamais une action comparable en étendue et profondeur à l’i
1306
vous bien les yeux devant cette évidence que vous
n’
aviez jamais enregistrée. L’affaiblissement du support matériel reste
1307
nationaliste qui a provoqué les guerres mondiales
n’
a pas seulement compromis ou perdu nos positions de puissance politiqu
1308
il nous engage et nous provoque, quand celles-ci
ne
tendaient qu’à nous convaincre de la vanité de toute intervention, en
1309
onse positive sur quelques motifs généraux que je
ne
puis qu’énumérer ici. Il m’apparaît que l’Occident, seul dans le mond
1310
rent toutes jusqu’ici — prouverait par là qu’elle
ne
l’est pas et qu’elle a très peu de chances de le devenir jamais, puis
1311
jamais, puisqu’elle ignore le bien des autres et
ne
se prépare donc point à l’intégrer. La Volonté. — D’une part, le chr
1312
Capitale de l’Europe Voilà qui accroche. Si ce
n’
est de vedettes, de princesses, de jeunesse, parlons d’une capitale, l
1313
on de vie ou de mort pour toute une civilisation,
n’
intéresse le Souverain moyen que si quelque anecdote rend la question
1314
ode en vit, mais les provinces en meurent70. Nous
ne
mangerons pas de ce sacré‑là. D’ailleurs, le phénomène est à peu près
1315
Suisse, ni l’Espagne, ni même la Grande‑Bretagne
n’
ont une capitale comparable à Paris pour le prestige et la nocivité. L
1316
On prend alors l’analogie américaine : Washington
n’
est en somme qu’un complexe de bureaux, ville de nulle part, sans prét
1317
conomique ou culturel. Bonn, ou Berne, ou La Haye
ne
gênent pas les vrais centres de la vie créatrice de leur pays : ce se
1318
raditions locales. Avantage : le district fédéral
ne
dépendrait d’aucun État. Désavantage : il serait pour tous « à l’étra
1319
ulture, la cour de justice et la mode. Or si l’on
ne
veut penser qu’un « Paris » transposé, qu’on aille donc au vrai, car
1320
ris » transposé, qu’on aille donc au vrai, car on
n’
en fera pas d’autre. Mais si l’on veut vraiment un district fédéral à
1321
rope d’abord, j’entends l’Europe entière et qu’on
ne
lui cherche pas un centre vide tant qu’on n’a pas de vrais pouvoirs à
1322
u’on ne lui cherche pas un centre vide tant qu’on
n’
a pas de vrais pouvoirs à y loger. La création de Washington, D.C., ne
1323
voirs à y loger. La création de Washington, D.C.,
ne
fut décidée qu’en 1790, trois ans après que la Constitution ait fondé
1324
ion ait fondé les États‑Unis ; et le gouvernement
ne
s’y transporta qu’en 1800. Pourquoi veut‑on que le choix de notre cap
1325
, qui est seule urgente, mais dont le premier mot
n’
est pas encore écrit ? Sur la fondation d’une ville Mais montrer
1326
Mais montrer une erreur est sans profit si l’on
n’
en montre aussi les causes ou la « raison ». Le débat sur la Capitale
1327
ens, mais dans la vie publique de notre temps, on
n’
ose guère invoquer que des calculs à l’appui des projets que l’on rêve
1328
able nous apprend que Myscille, habitant d’Argos,
n’
ayant pu débrouiller le sens de l’Oracle, qui lui avait dit d’aller bâ
1329
idée d’une capitale centralisante, et pourquoi je
ne
sens pas l’urgence de créer un district fédéral tant que nous restons
1330
misphère principal. Mais au sud‑est de Nantes, on
ne
voit rien, et autour de Berlin, des Russes. On cherche donc, plus prè
1331
pour veiller sur la sécurité du district fédéral,
n’
oublions pas que la vocation plusieurs fois séculaire des troupes suis
1332
r vous rappeler que le choix d’un lieu privilégié
ne
relève pas seulement de la géométrie, mais d’une science des mythes,
1333
ai sous les yeux, mais je tiens à sa paix : qu’on
n’
y vienne pas trop vite avec des bulldozers et des palais préfabriqués.
1334
pour aboutir dans les bureaux ! C’est normal, ce
n’
est pas enchanteur. 70. Voir Paris et le désert français, livre fam
1335
atre grands problèmes ont en commun ceci : qu’ils
ne
pourraient trouver de solutions tout à la fois durables et compatible
1336
de s’expliquer, mais qu’il est bien typique qu’on
ne
le sente pas, dans un pays de traditions louis-quatorziennes et de ré
1337
si l’on peut deviner que le chef du gouvernement
n’
est pas sans en avoir conscience, on doute que les auteurs de la Const
1338
e de ce qui la tue, après l’avoir fait naître. Ce
n’
est pas en quelques semaines qu’on peut espérer modifier dans une mesu
1339
siècle, et si elle passe, ce sera que l’électeur
n’
y aura rien vu, dans l’ignorance où il est des premiers rudiments de l
1340
s de plus, c’est que le plaisir d’un écrivain qui
ne
brigue rien consiste à dire le vrai en temps et hors de temps, dans l
1341
finition de fédération soit inexacte, puisqu’elle
ne
mentionne que l’union et ne dit rien de l’autonomie. Une union qui ne
1342
inexacte, puisqu’elle ne mentionne que l’union et
ne
dit rien de l’autonomie. Une union qui ne respecterait pas l’autonomi
1343
nion et ne dit rien de l’autonomie. Une union qui
ne
respecterait pas l’autonomie des parties constituantes n’aurait pas l
1344
cterait pas l’autonomie des parties constituantes
n’
aurait pas lieu d’être appelée fédération. Ce serait simplement une un
1345
r exemple les Suisses et les Américains, quand ce
n’
est pas un complot contre la République une et indivisible de Saint-Ju
1346
l’intégration Laissons Littré, qui sur ce mot
n’
a rien d’actuel, et voyons ce que l’époque entend ou malentend par le
1347
onnaissance d’une vaste communauté d’intérêts qui
ne
sauraient plus être assurés par les seules entités nationales, la vol
1348
liste d’union continentale. Ici, la contradiction
n’
est pas seulement dans les mots. Il s’agit de deux attitudes d’esprit
1349
olutions concrètes radicalement incompatibles. On
ne
peut vouloir à la fois l’absolu national et la fédération supranation
1350
solu national et la fédération supranationale. On
ne
peut vouloir à la fois l’intégration de l’Algérie à la France et l’in
1351
oblèmes, celui de l’Algérie et celui de l’Europe,
n’
est autre que la solution du fédéralisme intégral. Cette expression d
1352
une doctrine réaliste. Elle affirme que celui qui
ne
peut pas le moins ne peut pas le plus. Elle constate que l’attitude n
1353
. Elle affirme que celui qui ne peut pas le moins
ne
peut pas le plus. Elle constate que l’attitude nationaliste unitaire
1354
xterne, supranational. Si nos deux sous de raison
ne
sont pas finis, c’est de cela qu’il nous faut parler et disputer, car
1355
er, car ce que le monde entier attend de nous, ce
n’
est pas une résolution de la fraction radicale valoisienne « réunie en
1356
use même des troubles qu’elle prétend arrêter. Je
n’
ai pas encore parlé du statut des partis, de la stabilité de l’exécuti
1357
av Tous uniques Le régime du Parti unique
n’
est pas vraiment le contraire du régime des partis : il en est plutôt
1358
éricains, dont l’origine, les buts et la fonction
n’
ont rien en commun, sauf le nom, avec les formations qui se partagent
1359
s latines. Le fait qu’il y ait beaucoup de partis
ne
suffit pas à changer leur nature, mais la masque aux yeux de la masse
1360
me un prix. Mais deux religions, deux idéologies,
ne
se contenteront jamais d’une vérité moyenne. C’est tout ou rien. Que
1361
voilà qui relève des circonstances adverses, mais
ne
saurait affecter la vérité. Qu’il faille composer avec les circonstan
1362
e et scandaleuse nécessité, à laquelle les partis
ne
se plieront qu’à la dernière extrémité. C’est dire qu’ils ont horreur
1363
gime totalitaire et un régime de partis multiples
ne
tient pas au libéralisme de ces partis, mais seulement à leur impuiss
1364
leur impuissance. Cette « garantie des libertés »
n’
est pas durable, outre qu’elle manque de dignité. Souvenirs de la Q
1365
vous disaient : « En tant qu’homme de gauche, je
ne
puis admettre ceci ou cela », ou au contraire : « Si vous admettez av
1366
t une sorte d’activité abstraite, rhétorique, qui
ne
trouvait pas dans les réalités autant de problèmes à résoudre (après
1367
ais une politique : c’est que la politique réelle
n’
existait plus pour eux ; ou si parfois elle insistait durement, elle é
1368
stère Pflimlin. Elle savait bien que ce ministère
ne
représentait pas une politique : car dans ce cas elle l’eût aussitôt
1369
ar dans ce cas elle l’eût aussitôt renversé. Elle
ne
voyait en lui que le dernier refuge contre toute décision proprement
1370
l’énergie psychologique : la volonté pratique de
ne
pas faire quelque chose équivaut pratiquement à ne vouloir aucune cho
1371
e pas faire quelque chose équivaut pratiquement à
ne
vouloir aucune chose, à neutraliser tout vouloir, donc à se livrer à
1372
. Les partis dans une fédération Tout cela
n’
est pas imaginable dans un régime fédéraliste, qui est politique et no
1373
partis représentant des intérêts bien définis. Il
n’
a donc pas à confronter des opinions connues d’avance sur chaque objet
1374
que les partis régionaux savent d’instinct qu’ils
ne
resteront forts qu’autant qu’ils limiteront leur ambition à composer
1375
ivique » aux partis d’une nation centralisée, qui
n’
y voient guère qu’un pis-aller en temps de crise, tandis qu’on n’aura
1376
e qu’un pis-aller en temps de crise, tandis qu’on
n’
aura pas à l’imposer aux partis d’une fédération, qui voient en elle l
1377
rlement mais si ce dernier les refuse, le Conseil
ne
démissionne pas : il propose simplement des textes modifiés. En cas d
1378
référendum. — Que me dites-vous là ? Le Parlement
ne
pourrait donc pas renverser les ministres élus par lui ? — Il ne le
1379
pas renverser les ministres élus par lui ? — Il
ne
le peut pas davantage que les ministres ne peuvent imposer leurs décr
1380
— Il ne le peut pas davantage que les ministres
ne
peuvent imposer leurs décrets. Force est donc de s’entendre sur quelq
1381
’entendre sur quelque compromis. — Mais alors, il
n’
y a plus de politique s’écria ce député consterné. — Je crains bien, r
1382
crains bien, répliquai-je, que votre cri du cœur
ne
définisse l’idée de la politique que l’on se fait trop généralement e
1383
matique mais négative de la conduite des affaires
ne
manquait pas de surprendre ou de scandaliser les étrangers. C’est qu’
1384
fois moins excitant, moins efficace, et comme on
ne
peut forcer la dose de cette drogue sans cesse édulcorée, on essaie d
1385
mprendra-t-il ? Je suis bien sûr que non, et cela
n’
importe guère. La plupart des constitutions ont été rédigées et adopté
1386
gées et adoptées dans la confusion générale, mais
ne
préjugeaient pas de l’avenir du régime. Car la vie politique n’a jama
1387
t pas de l’avenir du régime. Car la vie politique
n’
a jamais dépendu des articles et paragraphes. Elle dépend de l’angle d
1388
ançais (novembre 1958)aw Quand les « masses »
ne
sont plus la masse. — Les chiffres du référendum me paraissent comman
1389
admettre alors que ni le peuple ni la démocratie
ne
sont ce que l’on croyait, que le « vrai » peuple n’est pas valablemen
1390
sont ce que l’on croyait, que le « vrai » peuple
n’
est pas valablement représenté par la majorité des électeurs, et que l
1391
ité des électeurs, et que la « vraie » démocratie
ne
saurait être définie que par les vœux de la minorité et les éditoriau
1392
s. Ce qui est peut-être moins absurde en fait que
ne
le font croire les étymologies : je n’en jugerai pas dans cette chron
1393
n fait que ne le font croire les étymologies : je
n’
en jugerai pas dans cette chronique. Je voudrais seulement signaler de
1394
me à la Cinquième, si l’on estime que ce résultat
n’
exprime pas l’opinion du vrai peuple et sonne le glas de la vraie démo
1395
grondement, le peuple a dit Oui. C’est donc qu’il
n’
était pas le véritable Peuple, celui qui aura toujours raison, et qui
1396
le Peuple, celui qui aura toujours raison, et qui
ne
peut être défini par une trompeuse majorité71. Car le vrai Peuple vot
1397
ant athée ou catholique, un ouvrier même syndiqué
n’
est pas le Peuple, dès l’instant qu’il vote pour de Gaulle : c’est un
1398
« masses », qui sont une part de ce 20 % dont on
ne
veut à aucun prix être coupé, sont les électeurs communistes, soutenu
1399
re qu’une vraie démocratie, celle du vrai Peuple,
ne
saurait être gouvernée que par une élite éclairée, sachant mieux que
1400
. On devrait donc se l’interdire, car au fait, il
ne
sert à rien dès l’instant que chacun se déclare démocrate et que seul
1401
e démocrate et que seul l’adversaire (ou l’autre)
ne
l’est pas, cependant que nulle définition claire et distincte ne peut
1402
ependant que nulle définition claire et distincte
ne
peut tenir lieu d’étalon et permettre en bonne foi de trancher le déb
1403
régime où le peuple exerce la souveraineté, elle
n’
a jamais été réalisée et ne saurait l’être. On a donc tacitement conve
1404
la souveraineté, elle n’a jamais été réalisée et
ne
saurait l’être. On a donc tacitement convenu d’appeler démocraties le
1405
appeler démocraties les régimes où le peuple, qui
ne
saurait l’exercer, délègue la souveraineté à qui lui plaît. À partir
1406
eut déclarer sans rire que le référendum français
n’
est pas plus populaire qu’il est démocratique. On parle de plébiscite
1407
est démocratique, ou bien que la vraie démocratie
n’
est pas le régime élu par la majorité, mais au contraire celui que pré
1408
ble, où l’on renoncerait à invoquer ce terme, qui
ne
signifie plus rien puisqu’on l’applique à tout ? On se verrait contra
1409
rement non. Penserait-il qu’une nation « adulte »
n’
a plus besoin d’être gouvernée ? On peut l’imaginer, mais non pas le v
1410
des 26 ministères de la Quatrième, et j’en passe,
n’
apparaît guère dans son ensemble plus « adulte » que la Nouvelle Vague
1411
« adulte » que la Nouvelle Vague. La phrase citée
n’
a aucun sens, mais elle n’en est pas moins révélatrice. Politiquement
1412
Vague. La phrase citée n’a aucun sens, mais elle
n’
en est pas moins révélatrice. Politiquement absurde, elle donne la cle
1413
psychologique intéressante. L’image du père. —
N’
est-il pas remarquable que Sartre, introduisant une longue diatribe co
1414
À chacun ses complexes et ses débats intimes. Je
n’
entends parler ici que des projections publiques d’une attitude qui éc
1415
torité personnifiée. Devant l’image du Père, elle
ne
peut concevoir que l’adoration lâche ou la révolte, l’idolâtrie ou l’
1416
u la révolte, l’idolâtrie ou l’iconoclastie. Elle
n’
arrive pas à la notion de respect, qui est une attitude réfléchie, lib
1417
léchie, librement consentie, tout bien pesé… « Je
ne
crois pas en Dieu, insiste Sartre — mais si dans ce plébiscite je dev
1418
uisse une distinction — rhétorique ou sincère, je
ne
sais — entre Dieu et le Général ; mais elle échoue dans un sophisme.
1419
istence de Dieu, non celle du Général. Or si Dieu
n’
existe pas, le monarque n’a rien au-dessus de lui qui le juge et limit
1420
du Général. Or si Dieu n’existe pas, le monarque
n’
a rien au-dessus de lui qui le juge et limite son pouvoir : il sera do
1421
lement abusif. En fait, de Gaulle étant chrétien,
ne
saurait être un dictateur à la Staline, seul porteur du Sens de l’His
1422
particulier d’une monarchie française. — Personne
ne
peut douter que la Ve République soit une forme de monarchie très voi
1423
t égard.) C’est que la royauté, dans ces nations,
n’
est plus sacrée mais respectable et respectée. Elle ne peut exciter ce
1424
t plus sacrée mais respectable et respectée. Elle
ne
peut exciter ces fureurs œdipiennes que réveille au cœur d’un Françai
1425
e grand problème qui se pose au général de Gaulle
n’
est-il pas celui d’instaurer dans une France anticléricale et catholiq
1426
t catholique un type de monarchie qui, jusqu’ici,
n’
a fait ses preuves que chez les hérétiques ? 71. Les oui ne signifie
1427
s preuves que chez les hérétiques ? 71. Les oui
ne
signifient rien, dit-on, n’étant pas homogènes quant aux motifs. Mais
1428
iques ? 71. Les oui ne signifient rien, dit-on,
n’
étant pas homogènes quant aux motifs. Mais a-t-on bien vu que les non
1429
quant aux motifs. Mais a-t-on bien vu que les non
ne
pouvaient l’être davantage ? Isorni, Mendès et Duclos n’ont pas les m
1430
aient l’être davantage ? Isorni, Mendès et Duclos
n’
ont pas les mêmes idées sur la démocratie et ne poursuivent pas les mê
1431
os n’ont pas les mêmes idées sur la démocratie et
ne
poursuivent pas les mêmes buts. La majorité des non contre la CED éta
1432
, dominateur, l’archétype médiéval de Tristan. Je
ne
sais à vrai dire si la passion naît de la distance, ou l’inverse. Ce
1433
Ce qui est certain, c’est que le roman occidental
n’
a jamais décrit, jusqu’ici, de passion qui s’enflamme pour un objet to
1434
raisonnable, enfin l’amour-passion et le mariage.
N’
en sommes-nous pas au point de notre évolution où, tout étant réduit,
1435
la sociologie — tout nous semble permis de ce qui
ne
nuirait pas à la santé et à la productivité ? (Tout le reste étant, d
1436
s fins et moyens, c’est-à-dire trop sociologique,
ne
laisserait plus de place à l’amour passionné, tel qu’il fut inventé a
1437
occidentale. Le Docteur Jivago de Boris Pasternak
n’
est pas un acte politique, selon Camus, mais au contraire « un grand l
1438
s une sorte de Derniers Mohicans de l’amour. » Je
ne
fais pas ici de critique littéraire, n’ayant d’autre propos que d’ill
1439
our. » Je ne fais pas ici de critique littéraire,
n’
ayant d’autre propos que d’illustrer un thème dont on verra bientôt qu
1440
d’illustrer un thème dont on verra bientôt que je
ne
suis pas le dernier à subir les prestiges et le charme fatal. Est-il
1441
s œuvres que je considère dans ces pages. Et l’on
ne
sent que trop les bonnes et graves raisons que j’ai de redouter que l
1442
trahit, et qui est leur seule commune mesure. Je
ne
m’attacherai donc, dans ces trois œuvres, qu’à l’apparition de Trista
1443
ase) de mon roman (éduqué en Europe, j’y insiste)
n’
épouse l’american way of life, en la personne d’une bourgeoise accompl
1444
fille. Mais cet amour est impossible, car Lolita
n’
a pas 13 ans. Cependant, mon héros l’enlève et il fuit avec elle, de m
1445
celle qui doit me rejeter, car loin d’elle ma vie
n’
a pas de sens, c’est près d’elle que je veux me taire. Ainsi réduits
1446
t pu le dire autrement, il l’aurait fait (et nous
ne
le lirions pas). Mais la réponse de l’écrivain ne suffit pas, bien qu
1447
ne le lirions pas). Mais la réponse de l’écrivain
ne
suffit pas, bien que sincère. Car il faut voir que cette ambiguïté, q
1448
e cette ambiguïté, qu’il nous propose malgré lui,
n’
est pas du tout accidentelle. Elle ne résulte pas, j’y insiste, de que
1449
malgré lui, n’est pas du tout accidentelle. Elle
ne
résulte pas, j’y insiste, de quelque hésitation prolongée de l’auteur
1450
u social par un litige permanent hors duquel elle
n’
existerait point, et dont ce milieu même circonscrit l’occasion, dicte
1451
és qu’elles, révèlent leur vraie nature, laquelle
n’
est pas humaine mais nymphique (entendons : démoniaque) ; et, pour ces
1452
s enchantés. Il lui fait boire un somnifère, mais
n’
ose pas profiter de son sommeil. Au matin, c’est elle qui le séduit !
1453
une crise cardiaque épargne la peine capitale. Je
n’
entends pas voiler ni excuser le caractère scandaleux du roman, car il
1454
du roman, car il apparaît essentiel, et l’auteur
ne
manque pas une occasion de le souligner et de l’accentuer, soit en ac
1455
oires de Humbert Humbert. Si l’amour des nymphets
n’
était pas, de nos jours, l’un des derniers tabous sexuels qui tiennent
1456
sexuels qui tiennent encore (avec l’inceste), il
n’
y aurait ni passion ni roman véritables, au sens « tristanien » de ces
1457
sombre épopée, simple et drue, d’un Béroul. Qu’on
ne
s’y trompe pas : le roman de Tristan n’était pas moins choquant au xi
1458
ul. Qu’on ne s’y trompe pas : le roman de Tristan
n’
était pas moins choquant au xiie siècle que ne l’est aujourd’hui Loli
1459
an n’était pas moins choquant au xiie siècle que
ne
l’est aujourd’hui Lolita. Ce que l’habitude et l’illusion anachroniqu
1460
me d’amour non seulement opposée au mariage, mais
ne
pouvant exister que hors de lui. Elles « justifiaient »74 au nom de c
1461
un fond d’hérésie bien plus dangereuse alors que
ne
le sont aujourd’hui les frénésies qui affectent une partie de la jeun
1462
a me paraissent profiter davantage que la société
n’
en pâtit. En revanche, l’amour passionné pour une fille encore impubèr
1463
l’amour passionné pour une fille encore impubère
n’
aurait guère pu surprendre au Moyen Âge. On a coutume de vénérer l’amo
1464
s à des petites filles. L’adultère, de nos jours,
ne
conduit qu’au divorce, ou s’épuise en liaisons banales. Il n’offre pa
1465
u’au divorce, ou s’épuise en liaisons banales. Il
n’
offre pas de support sérieux à ce que Freud a nommé un jour l’élan mor
1466
e est présent, mais ridiculisé par son échec : il
ne
s’agit que d’un somnifère que H. H. fait prendre par ruse à Lolita, e
1467
récit. Comme dans Tristan, l’on sent que l’auteur
n’
est pas intéressé par le côté sexuel de son histoire, mais uniquement
1468
légendaires. C’est qu’en réalité, H. H. et Lolita
n’
ont jamais connu ce que j’appelle « l’amour réciproque malheureux ». L
1469
appelle « l’amour réciproque malheureux ». Lolita
n’
a jamais répondu à la passion tendre et sauvage de son aîné. De là l’é
1470
satire sociale au lyrisme intérieur. L’hypothèse
n’
est pas arbitraire, car c’est précisément ainsi que les choses se pass
1471
sa syntaxe et son vocabulaire, on rit souvent, on
n’
est jamais ému. Tel qu’il est, cet ouvrage parfait reste, aussi, un Tr
1472
point de passion… Peut-être le livre, après tout,
n’
est-il vraiment vicieux que par ce cercle. III. Robert Musil et le
1473
s en Amérique — et son œuvre, en partie posthume,
ne
cessera de monter à l’horizon mondial de la littérature européenne. L
1474
grand livre76 une puissance d’envoûtement que je
n’
avais pas subie depuis l’œuvre de Proust, mieux achevée sans doute et
1475
des-tu cela, dit Agathe, avec le fait que l’amour
n’
existe plus, que seules demeurent la sexualité et la camaraderie ? — C
1476
demeurent la sexualité et la camaraderie ? — Cela
ne
s’accorde pas du tout ! s’écria Ulrich en riant. On voit que l’amour
1477
ions sont chargées d’un bonheur encore inconnu… —
N’
est-il pas contre nature de rapporter de telles émotions à une enfant
1478
achevée encore, dans des histoires pour quoi elle
n’
est pas faite. Il devrait faire abstraction de l’immaturité de ce corp
1479
chargé pour lui d’une nostalgie vague, bien qu’il
n’
eût jamais songé alors qu’il possédait une sœur réelle et vivante… Inc
1480
ts. Dans plus d’une existence, la sœur imaginaire
n’
est que la forme juvénile, insaisissable, d’un besoin d’amour qui, plu
1481
té inégalée dans la littérature contemporaine. Ce
n’
est pas René et ce n’est pas Byron, ce n’est pas décadent ni scandaleu
1482
ittérature contemporaine. Ce n’est pas René et ce
n’
est pas Byron, ce n’est pas décadent ni scandaleux. S’agirait-il moins
1483
aine. Ce n’est pas René et ce n’est pas Byron, ce
n’
est pas décadent ni scandaleux. S’agirait-il moins d’un inceste que de
1484
et Anima, comme l’avancent des commentateurs ? Il
ne
s’agit, pour moi, que de la passion, c’est-à-dire d’un secret fondame
1485
et fondamental de la psyché européenne. L’inceste
n’
est ici que la condition même de la « dernière histoire d’amour possib
1486
rale… Je dois t’aimer (pense Agathe) parce que je
ne
puis aimer les autres. Dieu et l’antisocial. Dès le début, son amour
1487
nde et du social, inhérent à toute vraie passion,
n’
apparaît cependant, aux yeux des passionnés, que comme un contrecoup a
1488
ariés, et néanmoins contents. L’homme et la femme
n’
y sont plus que « porteurs de germe mâle ou femelle » ou encore « part
1489
corps : Lorsque leurs regards se croisèrent, il
n’
y eut plus entre eux qu’une seule certitude : c’est que tout était déc
1490
rovoquée par la passion, cette idole barbare, qui
n’
est pas la même ! — À t’entendre, dit Agathe, il faudrait croire qu’on
1491
t’entendre, dit Agathe, il faudrait croire qu’on
n’
aime pas réellement la personne réelle et qu’on aime réellement une pe
1492
réelle doit représenter la personne rêvée et même
ne
faire qu’un avec elle. D’où les innombrables confusions qui donnent a
1493
ls toutes les contradictions, et sur son cœur, il
n’
est plus de parole vraie ou fausse, chacune étant, hors de l’obscur, l
1494
invention d’une pensée… Dans ces nuits-là, le Moi
ne
retient rien en lui-même… le Soi-même exalté rayonne dans un oubli in
1495
me… Mais Agathe dit un peu plus tard : Pourquoi
ne
connais-tu pas un philtre contre ce qui, au dernier moment, nous sépa
1496
t-être aimons-nous ce qui est interdit. Mais nous
ne
nous tuerons pas avant d’avoir fait une tentative extrême. Le monde e
1497
e est fugace, fluide : fais ce que veux… Un homme
ne
va jamais si loin que lorsqu’il ne sait pas où il va… Ils étaient deb
1498
veux… Un homme ne va jamais si loin que lorsqu’il
ne
sait pas où il va… Ils étaient debout maintenant sur un haut balcon,
1499
Agathe et Ulrich ressentirent un bonheur dont ils
ne
savaient pas si c’était de la tristesse ; seule la conviction d’être
1500
’étaient perdues toutes les limites et, comme ils
ne
percevaient plus aucune séparation, ni en eux ni dans les choses, ils
1501
une séparation, ni en eux ni dans les choses, ils
ne
formaient plus qu’un seul être. Mais cet accomplissement dans l’Île,
1502
l de toute passion : Entre deux êtres isolés, il
n’
y a pas d’amour possible, reconnaît Ulrich. Un amour peut naître par d
1503
connaît Ulrich. Un amour peut naître par défi, il
ne
peut être fait de défi. Il faut qu’il soit inséré dans une société. I
1504
i. Il faut qu’il soit inséré dans une société. Il
n’
est pas un contenu de vie, mais une négation, une exception faite à to
1505
tion quelque chose dont elle soit l’exception. On
ne
peut vivre d’une négation pure. Sous une forme intellectualisée — il
1506
ormule même du Roman et la détruit. Si la passion
ne
conduit pas à la mort, si le Jour peut reprendre ses droits, l’expéri
1507
on plus égocentrique, mais bien allocentrique : «
N’
avoir plus de centre du tout, participer au monde sans réserve, sans r
1508
ux chapitre intitulé Souffles d’un jour d’été. Il
ne
s’y passe rien qu’une longue conversation entre le frère et la sœur q
1509
Mais cette présence heureuse dans l’amour partagé
n’
évoque-t-elle pas aussi un mystère plus prochain, une autre rédemption
1510
l’Agapè ? L’interdit fascinant de l’amour sororal
n’
aurait-il pas été le travesti — tout à fait inconscient, j’en suis sûr
1511
oser dire son nom dans un roman ? L’amour heureux
n’
a pas d’histoire, chacun sait cela depuis qu’on écrit des romans et qu
1512
ntion littéraire, condamnant le mariage accompli,
n’
est-elle pas un tabou bien autrement redoutable, aux yeux de l’écrivai
1513
olitique dans le cas du Docteur Jivago. Mais cela
n’
explique pas tout, même si c’est vrai, ce dont je doute. Pourquoi l’en
1514
r, c’est que l’amour-passion demeure mal vu, mais
n’
en fascine que mieux l’homme et la femme du xxe siècle américain, non
1515
e fois de plus, pour des raisons, d’ailleurs, qui
ne
sont pas dans ce livre, plus d’un lecteur sera sincèrement choqué de
1516
mne ce livre. Il est normal que le roman condamné
ne
puisse paraître qu’en Europe. Il est normal que le jury du prix Nobel
1517
les autorités soviétiques ayant annoncé qu’elles
ne
mettraient aucun obstacle au départ de l’écrivain — ce qui laissait p
1518
i à la mort, et c’est pourquoi je vous supplie de
ne
pas prendre à mon égard cette mesure extrême… J’insiste, la main sur
1519
omprendre cette démarche, venant d’un homme qu’on
ne
peut soupçonner de lâcheté ? Le peuple russe condamne Pasternak pour
1520
approuve afin de rentrer dans la faveur publique,
n’
est-ce pas lui qui trahit le peuple ? Ce serait le cas, en effet, si L
1521
les prises de position et gestes politiques, mais
n’
ayant encore lu, lorsqu’éclata la crise, que les cent premières pages
1522
, la dernière réunion des amants dans la mort… Il
n’
y a qu’un seul roman dans nos littératures ! Une seule passion dictant
1523
e et pacifique comme le nom de l’océan d’Asie. Ce
n’
est pas un hasard si tu es là, au terme de ma vie, mon ange secret, mo
1524
et en face. Oui, Lara, c’est tout cela. Puisqu’on
ne
peut communiquer par la parole avec ces forces cachées, Lara est leur
1525
ond, sans motiver son refus : « De mon départ, il
ne
saurait être question. » Mais il ajoute un peu plus tard : Tout est
1526
la justification de la passion, bien plus qu’elle
ne
relève d’un système politique ou social différent ; en d’autres terme
1527
annonciatrice de subversions sociales — comme il
n’
en manquait pas au xiie siècle — mais parce qu’il est devenu la proie
1528
fois qu’ils l’ont connu, tout en sachant que l’on
ne
peut y vivre, est décrit par eux tous comme indicible. Tantôt, il plo
1529
généralement par antithèses et paradoxes. Car on
n’
aura jamais assez de mots et de métaphores, et de clichés réinventés,
1530
de cerner cet indicible qu’on voudrait mais qu’on
ne
peut communiquer. De là que la forme de passion la plus commune, parc
1531
u récit. La sexualité pure et l’amour du prochain
ne
sont vrais qu’en acte, et leur description ennuie vite. La passion de
1532
a passion de l’Éros est vraie d’abord en rêve, et
n’
existe peut-être jamais mieux que dans l’élan lyrique de son récit. Li
1533
e et d’essence, l’amour-passion, nous l’avons vu,
n’
est guère moins dépendant de cette société qu’il récuse : c’est elle q
1534
vations encore. Il est remarquable que la passion
n’
utilise interdits et tabous qu’au moment où ceux-ci commencent à faibl
1535
faiblir, où les violer est encore scandaleux mais
n’
entraîne pas la mise à mort instantanée, physique ou sociale, du faute
1536
tandis que la censure hésite. Le Roman de Tristan
n’
apparut dans l’histoire qu’au temps où la réforme grégorienne et les a
1537
turelle de l’Europe. Ainsi, le roman de Pasternak
ne
vint au jour qu’au lendemain du « dégel » soviétique : rien n’est enc
1538
ur qu’au lendemain du « dégel » soviétique : rien
n’
est encore gagné, mais quelques-uns déjà peuvent avouer quelque chose
1539
extérieure, plus primitive en quelque sorte, elle
ne
met pas en jeu les mêmes ressources que dans une société plus libéral
1540
isme des mœurs dans les démocraties de l’Occident
ne
sont plus défendus sans scrupules par les élites des deux partis. Je
1541
sans scrupules par les élites des deux partis. Je
ne
vois guère d’autres interdits vraiment redoutables, aux yeux de l’hom
1542
er par l’État. La passion qui voudrait les violer
ne
serait plus condamnée, mais simplement soignée, aux frais de la Sécur
1543
eant le mystère le mieux défendu, — Éros et Agapè
ne
pourraient-ils nouer une alliance paradoxale au sein même du mariage
1544
xale au sein même du mariage accepté ? Tout Autre
n’
est-il pas l’inaccessible, et toute femme aimée une Iseut, même si nul
1545
ne Iseut, même si nul interdit moral ou nul tabou
ne
vient symboliser, pour les besoins de la fable et la commodité du rom
1546
l’essence même de l’obstacle excitant, celui qui
ne
dépendra jamais que de l’être même : l’autonomie de la personne aimée
1547
d de Strasbourg, dont s’inspira Wagner. 75. « Je
ne
suis nullement intéressé par ce qu’on appelle “sex” (en Amérique). N’
1548
téressé par ce qu’on appelle “sex” (en Amérique).
N’
importe qui peut imaginer ces éléments d’animalité. C’est une plus gra
1549
tous cas, c’en est trop. Ce qu’on vous a raconté
n’
est simplement pas vrai. 56 % des Allemands d’aujourd’hui souhaitent a
1550
politique, 1 % souhaite un général. Comparez. Je
ne
dis pas : concluez, mais suspendez peut-être un peu votre jugement. V
1551
t oublié ses devanciers bottés. Mais songez qu’on
n’
enseigne pas l’histoire toute récente dans les écoles. J’ai dû expliqu
1552
ussi vu des croix gammées) qui fut Goering : elle
ne
connaissait pas ce nom-là. Plus fort : un bachelier m’apprend que de
1553
st bien conduit pendant la Résistance, quoi qu’il
ne
fût pas communiste. Il en déduit que de Gaulle n’est pas un dictateur
1554
ne fût pas communiste. Il en déduit que de Gaulle
n’
est pas un dictateur et je l’encourage dans cette idée, tout en le pou
1555
audi votre article au début de 1933, malgré ce je
ne
sais quoi d’anachronique, un peu 1913 dans le ton. Mais en 1959, quel
1556
s avions, si elles décidaient de se battre, elles
ne
pourraient plus le faire qu’à coups de bâtons et de pages de rhétoriq
1557
es de rhétorique. Déroulède est bien mort, Aragon
ne
suffit pas. Jean Monnet fait tout de même plus sérieux : je ne le cro
1558
. Jean Monnet fait tout de même plus sérieux : je
ne
le crois pas du tout naïf et vous ne l’accuserez pas d’hypocrisie. Ma
1559
sérieux : je ne le crois pas du tout naïf et vous
ne
l’accuserez pas d’hypocrisie. Mais alors de qui parlez-vous ? De quel
1560
e d’évaluer ses problèmes. Vous me direz que vous
ne
pensiez qu’à l’unification des deux Allemagnes, dont la seule perspec
1561
ce plus l’Algérie plus un bon tiers de l’Afrique,
ne
saurait plus rêver de les affronter seul. Direz-vous que je fais bien
1562
s tant de silence, après tant de phrases que vous
n’
aurez jamais écrites — et dont je vous rends l’hommage de vous tenir c
1563
ussi, tout en demandant au Ciel « que ces erreurs
ne
fassent point nos calamités », comme on lit au Traité sur la toléranc
1564
lu » de cet univers merveilleux, il gémit : « Que
ne
donnerais-je pas pour devenir un non-conformiste comme tous ces autre
1565
urs d’images, genoux pliés. Jungle modernisée qui
ne
connaît d’autres lois que celles de la photographie. République des c
1566
oin de la pleine lumière de l’aube. » Le résultat
n’
est pas mauvais, si l’on en juge par les photos extraites du film et q
1567
en se touchant. Fidel Castro ni l’honneur de Cuba
ne
sont en cause. Mais bien les auditeurs, spectateurs et lecteurs qui t
1568
sner, la seule littérature digne du nom ; et l’on
ne
s’étonnera pas que Kassner soit resté, jusqu’ici, le moins connu d’en
1569
liques, d’imposer une allure bien « rassemblée »,
n’
admettant que des gestes nets et maîtrisés, puis de la briser soudain
1570
oir, limite, sacrifice, chance, drame et tension,
ne
sont guère définis que par leurs rapports mutuels et tirent de cette
1571
es (problème que notre xviie siècle se devait de
ne
pas poser). L’homme antique peut atteindre la grandeur parce qu’il po
1572
rand. Grand pour la loi, grand pour le Tout. » Il
ne
se recherche pas soi-même, il vise à la plénitude élémentaire, défini
1573
la mesure du démesuré, et que pour le chrétien il
n’
est pas d’autre grandeur ». Ainsi le chrétien existe en tant que le pé
1574
crée une tension entre lui et Dieu. Mais le péché
ne
devient réalité que pour le converti ; c’est donc la conversion qui f
1575
l’acte par excellence du chrétien, hors duquel il
n’
est pour lui ni mesure, ni grandeur, ni forme, mais seulement chimères
1576
mme moderne, l’homme sans mesure naturelle : s’il
ne
retrouve pas de loi interne et de tension par le péché, il n’est plus
1577
pas de loi interne et de tension par le péché, il
n’
est plus qu’un être sans destinée, un Indiscret. « Sa substance intern
1578
forme et sans but, peut bien nous stimuler, mais
ne
nous détermine jamais… Cet homme indiscret est distrait, et sa distra
1579
trait, et sa distraction vient de l’intérieur… Il
ne
peut jamais sortir de son moi sans trahison et chaque manifestation d
1580
ption inégalable du mal du siècle. Ici, le mépris
ne
porte aucune atteinte à la perspicacité parce qu’il est vraiment souv
1581
nsée autoritaire. Entendons que, pour lui, penser
n’
est pas se débattre dans ses contradictions personnelles, parlementari
1582
ne, non sa pensée privée, est tourmentée.) Penser
n’
est pas non plus s’ingénier sur des idées et des combinaisons d’idées
1583
nouveaux et vrais, dans un certain style. Car il
n’
est point de vérité sans forme. Quelques pages étranges et puissantes
1584
lustrent ce réalisme de la forme, hors de quoi il
n’
est qu’indiscrétion, et qui livre la clé de la pensée de Kassner, comm
1585
est-à-dire l’appréhension poétique du monde. Rien
n’
est plus étranger au nominalisme qui envahit la critique sous l’influe
1586
sans « réaliser ». Il faut que les pensées créées
ne
soient concevables qu’en elles-mêmes, et comme à l’état sauvage, non
1587
s réduise et qui les domestique. Une pensée neuve
ne
saurait être comprise à moins d’être recréée dans sa forme — ce dont
1588
terait-il d’être appelé Judas numéro deux. Car il
ne
s’agit pas de professer une chose mais d’être la chose. Le rare, c’es
1589
articulièrement riche et complexe : « Les bavards
ne
tirent pas d’eux-mêmes toutes les paroles qu’ils profèrent ; ils les
1590
rofèrent ; ils les reçoivent des prophètes ; s’il
n’
y avait pas de prophètes, les bavards seraient peut-être des créatures
1591
apocryphe de l’empereur Alexandre Ier de Russie,
n’
est qu’une suite de méditations sur le thème du tout-ou-rien moral qui
1592
out-ou-rien moral qui caractérise Kierkegaard. On
ne
peut dire précisément de Kassner qu’il réfute ses adversaires — Freud
1593
irulente de sa vérité — si bien que la conclusion
ne
peut être qu’implicite et fonction d’une hiérarchie de valeurs, non d
1594
u avec une œuvre dont la difficulté, précisément,
n’
a pas cessé de me séduire et inciter. Je suppose qu’il est devenu bana
1595
Elle est pourtant la garantie de leur pouvoir, et
ne
saurait traduire, à mon avis, qu’une intention profondément délibérée
1596
on pathétique, de l’adjectif. L’ellipse de pensée
n’
est nullement, chez Kassner, un procédé de rhétorique, une manière de
1597
on nous fait découvrir tout d’un coup ce que nous
ne
pouvions espérer qu’après une grande lecture. Ainsi s’opposent et se
1598
eurs venus des quatre coins de l’Europe. Pourquoi
n’
y ai-je été que si rarement ? Sans doute à cause de la réserve qu’insp
1599
avait été réelle dans mon esprit seulement et qui
ne
pouvait ni ne devait l’être autrement, je le voyais bien, je jouais e
1600
le dans mon esprit seulement et qui ne pouvait ni
ne
devait l’être autrement, je le voyais bien, je jouais encore avec l’i
1601
lysé des jambes dès le berceau — mais sa maîtrise
n’
exerçait d’autres sanctions, sur les trop nombreux visiteurs, que cell
1602
ue ou d’un subit changement de sujet. Après tout,
n’
était-ce pas ce que j’attendais ? Il parlait à bâtons rompus sur le do
1603
ns rompus sur le dos des fervents indiscrets ! Et
n’
avais-je pas cédé à l’illusion banale qui veut que l’auteur et l’œuvre
1604
amusée pour tous ceux que l’on pouvait connaître,
ne
fût-ce que de réputation, qu’il avait bien connus lui-même ou rencont
1605
es innombrables en Europe, en Russie, en Inde. Il
ne
cessait de mettre et de remettre à jour son tableau d’une certaine so
1606
à peu près le seul homme que j’aie connu dont je
ne
puisse imaginer qu’il ait dit ou écrit une sottise ou, même en bavard
1607
et le zen Une amitié des plus complexes, pour
ne
pas dire ambivalente, a lié longtemps Rudolf Kassner et Rainer Maria
1608
qui blesse les uns, paraît folle aux autres »… Je
ne
fais ici qu’énumérer les expressions souvent répétées, mais de plus e
1609
t pour se différencier de celui que, pourtant, il
ne
cesse de tenir pour l’un des plus grands depuis Dante. Le monde de Ka
1610
, de la Personne et de la Liberté. Monde viril où
ne
peut régner que « cette prose qui exclut les vers : Blaise Pascal, La
1611
eaucoup plus tard, il entendit parler du zen, qui
n’
est resté qu’un nom pour lui. Mais dans le recueil d’hommages publié p
1612
le but sans le voir (blind), celui qui peut cela
ne
doit-il pas avoir le but en lui-même ?… Le zen, le tir aveugle, est a
1613
e, du hasard, et celui-là seul peut y arriver qui
ne
sépare plus l’acte de l’ascèse. Ceci est absolument hindou, ajoute K
1614
t hindou, ajoute Kassner, appartient à l’Asie, et
n’
eût été compris que par peu de Grecs, par les éléates, et par aucun Ro
1615
ire là-dessus : sur la flèche du vieux Zénon, qui
n’
atteint pas le but, et sur le tireur aveugle qui l’atteint, qui, sans
1616
t il poursuit : Le zen nie le Dieu personnel, il
ne
le nie pas au nom du rationalisme, oh ! pas du tout, mais en vertu de
1617
la foi — ce qui est plus gnostique qu’orthodoxe…
Ne
tire-t-il pas le zen de son côté ? Il ajoute d’ailleurs aussitôt qu’o
1618
de son côté ? Il ajoute d’ailleurs aussitôt qu’on
ne
saurait croire un seul instant qu’il ait jamais voulu donner un ensei
1619
coup « comme un extravagant maître du zen » ! Il
n’
a que faire d’une doctrine ou d’un système ; mais peut-être, dans cert
1620
nce.) D’autres correspondances ont pu le frapper.
N’
a-t-il pas reconnu le style même, et sinon le son de sa voix, qu’on es
1621
ême, et sinon le son de sa voix, qu’on est seul à
ne
pas reconnaître, du moins le mouvement de pensée de ses Dialogues et
1622
voici le plus remarquable. Il semble que Kassner
ne
se soit pas souvenu d’avoir écrit lui-même dans ses Proverbes du yogi
1623
aître au débutant) parce que spirituellement vous
ne
portez pas assez loin. Comportez-vous comme si le but était l’infini…
1624
her sans âme avec l’arc le plus fort. Le résultat
ne
dépend pas de l’arc mais de la « présence d’esprit », du dynamisme et
1625
e cible dressée, à une distance déterminée ; elle
ne
connaît que le but, qui ne s’atteint d’aucune manière technique, et s
1626
ance déterminée ; elle ne connaît que le but, qui
ne
s’atteint d’aucune manière technique, et si elle lui donne un nom, ce
1627
niste : le disciple dit au maître : Je crains de
ne
plus rien comprendre… Est-ce moi qui touche le but ou bien le but qui
1628
, arc, flèche, moi, s’amalgament tellement que je
ne
suis plus capable de les séparer… Le Maître m’interrompit alors et di
1629
e de l’arc qui vient de vous traverser ! Mais je
n’
en finirais pas de citer tantôt Kassner, tantôt les maîtres du zen, au
1630
rc est toujours tendu. Et oui, bien sûr, pourquoi
ne
pas penser ici au bios d’Héraclite, qui signifie Vie et Arc, vie qui
1631
ul autre mieux que vous, vous seul sans doute… Il
n’
est plus là. Mais j’imagine que ses Propos, que l’on commence à publie
1632
ce des valeurs de l’Orient et de l’Occident. Je
ne
pouvais présenter Kassner à des lecteurs dont la plupart ne l’ont pas
1633
présenter Kassner à des lecteurs dont la plupart
ne
l’ont pas lu, en suivant la méthode usuelle : car on ne le trouverait
1634
nt pas lu, en suivant la méthode usuelle : car on
ne
le trouverait pas, on ne toucherait rien de lui en partant de général
1635
méthode usuelle : car on ne le trouverait pas, on
ne
toucherait rien de lui en partant de généralités. Il est par excellen
1636
mond Sterne, de Bath, qui haïssait les boutons et
n’
admettait au monde que les boucles : Mon oncle s’agitait tout particu
1637
l’oncle Hammond étaient absolument originales et
ne
tarissaient pas. L’oncle Hammond pouvait, à partir de ces boutons, pe
1638
uysen et de Jean Paulhan. 80. En 1931. 81. « Je
ne
songe pas ici — écrit Kassner — au journaliste anonyme, mais bien à l
1639
té tout à fait impossible, est indiscret, l’autre
ne
fait que son devoir. » 82. Je viens de lire des propos de Kassner (r
1640
hiffre considérable. À défaut d’une autre gloire,
n’
est-ce pas, je garderai peut-être celle d’avoir été le plus grand prom
1641
lle, malgré mes cannes ou à cause d’elles. Ce qui
ne
signifie pas grand-chose pour la littérature, mais beaucoup pour moi…
1642
et avaient paru en revue. Je rappelle que Kassner
n’
a découvert le zen qu’à partir de 1954 ! 90. Traduction française par
1643
-même comment on pourrait faire mieux qu’elle, ce
n’
est pas en apprenti mais bien en chef d’État qu’il s’en va discourir d
1644
ssance politique planétaire ? Mais les États-Unis
n’
y ont accédé qu’à la faveur de la Seconde Guerre mondiale, c’est-à-dir
1645
Réaction ? De « faire mieux » que cette dernière
ne
saurait faire, en bonne doctrine marxiste-léniniste, et n’a fait en p
1646
t faire, en bonne doctrine marxiste-léniniste, et
n’
a fait en pratique, selon K ? Voyons ce que disent là-dessus Américain
1647
stingueraient ses buts ou ses méthodes de ceux de
n’
importe quelle nation moderne, ou de la social-démocratie européenne,
1648
eau d’idéal, il est clair qu’aucune contradiction
ne
saurait plus exister entre les buts des systèmes en présence. On ne v
1649
ister entre les buts des systèmes en présence. On
ne
voit plus en quoi la victoire idéologique du communisme différerait d
1650
es Américains, puisque l’économie soviétique, qui
n’
a que 42 ans, est déjà capable de défier l’économie capitaliste améric
1651
éricaine, âgée selon lui de cent-cinquante ans. «
N’
importe qui, observant le déroulement de cette compétition, peut donc
1652
r la « lutte idéologique » entre l’Est et l’Ouest
n’
est donc plus à ses yeux qu’une lutte de vitesse, et le « meilleur sys
1653
va mener le plus vite au même but ! Avouez qu’il
n’
y a pas là de quoi se battre… À ceux qui croyaient voir quelque contra
1654
se la plus grave de notre société, c’est que nous
ne
sommes unis dans la poursuite d’aucun objectif fondamental… Nous parl
1655
ne société achevée, qui a atteint ses buts et qui
n’
a plus de grands problèmes à résoudre. La force du régime soviétique…
1656
onfiant et résolu que nous sommes en réalité. Je
ne
vois guère moins de sophisme dans cet argument que dans ceux de K. ;
1657
rt de nos intellectuels, se dit en somme : — Nous
n’
avons plus de grande idée, eux en ont une. Nous sommes riches, heureux
1658
s, sinon de devenir le but des pauvres ? Lippmann
ne
voit rien au-delà, n’a rien à proposer (qu’une reprise de confiance d
1659
but des pauvres ? Lippmann ne voit rien au-delà,
n’
a rien à proposer (qu’une reprise de confiance dont il n’indique pas l
1660
n à proposer (qu’une reprise de confiance dont il
n’
indique pas les motifs) et nous laisse sur l’idée que les Russes doive
1661
endormir l’Histoire ? Ni Khrouchtchev ni Lippmann
n’
ont parlé de liberté, de sagesse, de sens de la vie. Comme si la riche
1662
out fait né de l’abondance des biens produits. On
ne
voit là ni grande idée ni possibilité de « lutte idéologique ». Le
1663
mêlé de soulagement et d’anxiété nouvelle : nous
ne
sommes pas si différents, mais alors ? Où sont nos certitudes, nos re
1664
r sur le ventre, on dirait qu’ils s’inquiètent de
ne
plus savoir pourquoi c’était tout à l’heure impensable… Que K. se soi
1665
dictateur et l’homme. Plus près de l’homme qu’on
ne
le croyait. Le grand chassé-croisé du siècle. — L’entrevue dans la
1666
au mieux la portée de ce voyage fabuleux, dont on
n’
a pas encore bien mesuré jusqu’à quelles profondeurs il déconcerte les
1667
n économique ; il est probable que les Américains
ne
sont pas loin de réaliser les buts concrets du socialisme, sous l’éti
1668
oup plus importants que la comptabilité politique
n’
en dégage. (Elle ne révélerait qu’un léger gain pour l’Occident dans l
1669
que la comptabilité politique n’en dégage. (Elle
ne
révélerait qu’un léger gain pour l’Occident dans l’affaire de Berlin,
1670
yer de comprendre un problème très confus dont je
ne
suis même pas sûr qu’il y ait lieu de le poser, mais qui paraît troub
1671
oexistence est impossible et que la guerre froide
ne
cessera de voisiner avec la guerre chaude, et que c’est là l’ordre na
1672
t-garde est une séquelle de la guerre froide » et
ne
saurait survivre à la détente. À l’inverse, Alberto Moravia, dans les
1673
Je tiens à affirmer ma profonde conviction qu’il
n’
existe pas “d’art bourgeois” écrit-il. Balzac, Stendhal, Flaubert, etc
1674
eois” écrit-il. Balzac, Stendhal, Flaubert, etc.,
n’
ont jamais exprimé l’idéologie bourgeoise, et il serait absurde de pré
1675
est parfaitement irréaliste, et une telle demande
ne
peut être faite que par ceux qui n’ont rien compris au processus hist
1676
telle demande ne peut être faite que par ceux qui
n’
ont rien compris au processus historique. » Au reste, on n’a pas oubli
1677
n compris au processus historique. » Au reste, on
n’
a pas oublié l’avertissement de K. dans son fameux article de la revue
1678
anger, les vieux problèmes sont dépassés. Mais je
ne
vois encore qu’une vaste confusion. Admettons que je voie mal, et que
1679
, avant la détente. — Ils servaient un régime qui
n’
admet pas que l’intellectuel ou l’artiste diffère. La liberté de jugem
1680
che personnelle, la critique des idées régnantes,
ne
pouvaient signifier pour eux, « objectivement », que l’opposition pol
1681
objectivement », que l’opposition politique : ce
n’
était pas quelque chose qu’on discute, mais seulement quelque chose qu
1682
nos yeux, la vocation de l’écrivain dans la cité
ne
pouvait être interprétée un seul instant dans leur langage et leurs c
1683
n est de montrer par son œuvre que l’organisation
ne
constitue pas la totalité. Le rôle de l’écrivain est de penser à autr
1684
nge en service commandé pour le douteux profit de
n’
importe quel système, fût-il celui de nos États, c’est dans cette mesu
1685
choses ». Mais comme ces autres choses, pour eux,
n’
existaient pas, ils ne voyaient en nous que leur image inversée, inexp
1686
es autres choses, pour eux, n’existaient pas, ils
ne
voyaient en nous que leur image inversée, inexplicablement perverse e
1687
alogue eût été temps perdu avec des officieux qui
ne
pouvaient pas nous écouter et n’insultaient que nos caricatures. (C’e
1688
es officieux qui ne pouvaient pas nous écouter et
n’
insultaient que nos caricatures. (C’est irritant de redire tout cela,
1689
caricatures. (C’est irritant de redire tout cela,
n’
est-ce pas ? Ceux de ma génération en ont assez. Les plus jeunes ne co
1690
ux de ma génération en ont assez. Les plus jeunes
ne
connaissent de l’URSS que Lunik III. Mais si l’on veut aller plus loi
1691
et la lutte idéologique. Si la lutte idéologique
n’
est plus la guerre, si celui qui s’oppose n’est plus un belliciste, la
1692
gique n’est plus la guerre, si celui qui s’oppose
n’
est plus un belliciste, la première donnée du dialogue est restituée :
1693
e, la première donnée du dialogue est restituée :
ne
pas considérer comme criminel celui qui est d’un avis différent. Mais
1694
te de guerre froide. Nous reprochions à l’URSS de
ne
pas distinguer entre les intérêts d’un parti au pouvoir et la recherc
1695
et Spender doivent être bannis du dialogue et ce
n’
est pas, bien au contraire, qu’ils soient de faux Occidentaux… Cette f
1696
e, selon les sociologues. Mais notre mère à tous,
n’
est-ce pas l’Europe ? 93. Allocution à la Salle Gaveau pendant une r
1697
que la grande majorité de l’auditoire ici présent
n’
a pu écouter, je pense répondre à l’attente de tous en essayant de rec
1698
ents — mais voici le point important : ce Congrès
n’
est pas un parti, n’est pas un front discipliné mais un simple rassemb
1699
point important : ce Congrès n’est pas un parti,
n’
est pas un front discipliné mais un simple rassemblement d’hommes de c
1700
ntellect, sel de la terre, et, bien plus que vous
ne
souhaiteriez le croire : responsables d’un avenir qui vous dépasse et
1701
it le mot capital. Car la liberté, voyez-vous, ce
n’
est pas quelque chose dont nous devons parler, mais quelque chose que
1702
aujourd’hui, que les menaces contre les libertés
ne
viennent pas seulement des régimes que vous savez. Elles viennent de
1703
lions d’êtres humains qui souffrent avant tout de
ne
pas trouver un sens à leur vie individuelle. L’absence de sens, dans
1704
femme en vient à constater que sa vie personnelle
n’
a pas de sens, la liberté perd un de ses points d’appui, et la dictatu
1705
t dont il comprend les symboles. Mais la sécurité
n’
est que la moitié de l’affaire : l’aventure personnelle, la nouveauté,
1706
alors se révèle l’autre aspect de la culture, qui
n’
est plus seulement transmission mais critique et rupture s’il le faut
1707
ssion mais critique et rupture s’il le faut ; qui
n’
est plus seulement initiation mais invention. Ces deux aspects de la c
1708
viens de le faire, j’ai voulu vous montrer qu’il
n’
agit pas au niveau de la politique proprement dite, mais au niveau de
1709
humain, pour chaque personne. La politique, nous
n’
y échapperons pas, et il est inutile d’insister sur ce fait, ici, dans
1710
lui donnent les totalitaires — tant qu’un jour il
n’
y a plus rien d’autre à faire qu’à se jeter à mains nues contre les ta
1711
de loisir, et tant d’action que de méditation. Ce
n’
est point par des statistiques, portant sur les résultats d’un régime
1712
qu’une forme de vie ou un système d’institutions
n’
apportent pas seulement un Progrès, mais un Bien. bc. Rougemont Den
1713
beaucoup de soins et de finesse, car aucune carte
ne
l’indique. Son nom même est une contradiction, car comment le croisem
1714
d’« Enclos fatal »… L’animation des huit chemins
n’
est qu’une pure possibilité, — possibilité pour l’esprit. Car personne
1715
bilité, — possibilité pour l’esprit. Car personne
ne
fréquente ce lieu, sauf un petit insecte qui se hâte, lente festinans
1716
n petit insecte qui se hâte, lente festinans… Nul
ne
hante ces routes, hormis le vent dont on ne sait ni d’où il vient ni
1717
… Nul ne hante ces routes, hormis le vent dont on
ne
sait ni d’où il vient ni où il va. Kierkegaard, « In Vino Veritas ».
1718
une passion, et l’expression totale de la passion
ne
peut être que musicale. « Par la musique, les passions jouissent d’el
1719
l’autre par Wagner accède au cœur du mythe qu’il
n’
a pu que rêver, que sa personne refuse, et qui est son Ombre. J’ai che
1720
’une étape significative, — et « l’enclos fatal »
n’
est pas loin, mais en même temps s’ouvrent des avenues… Ces carrefours
1721
ent des avenues… Ces carrefours « qu’aucune carte
n’
indique » sont les lieux les plus émouvants, pour celui qui chevauche
1722
et qui s’anime au gré d’un vent soudain, dont on
ne
sait ni d’où il vient ni où il va. Kierkegaard et Don Juan C’est
1723
t emparée de moi d’une façon si diabolique que je
ne
pourrai plus jamais l’oublier. C’est elle qui m’a poussé, comme Elvir
1724
il plus tard — dans les Étapes — qu’il aura dû de
n’
avoir pas vécu sans aimer, « quoique d’un amour malheureux ». Reliée p
1725
oujours refoulée. C’est pourquoi personne d’autre
n’
a mieux jugé ce mythe. La thèse de Kierkegaard sur Don Juan rejoint Mo
1726
ole, le médium le moins matériel de l’idée : elle
n’
existe que dans le temps, dans une succession de moments, puis dispara
1727
e que l’esprit exclut », l’expression de Don Juan
ne
peut être que musicale. Et c’est pourquoi le seul Don Juan conforme a
1728
puissance infinie de la passion, à laquelle rien
ne
peut résister ; j’entends la convoitise effrénée du désir, mais aussi
1729
st accrue, la victoire est certaine et l’obstacle
n’
est qu’un stimulant. Je trouve en Don Juan une vie ainsi animée d’un d
1730
s me réjouir tranquillement, parce que la musique
ne
me le représente pas comme personne ou individu, mais comme puissance
1731
Don Juan est un mouvement, une tension pure, ou
n’
est plus rien. Lancé comme une pierre qui ricoche à la surface de l’ea
1732
ral. Il séduit par la seule énergie du désir. Je
ne
l’imagine pas du tout comme quelqu’un qui forme ses projets sournoise
1733
e ses intrigues… La réflexion lui fait défaut… Il
n’
a besoin d’aucun préparatif, d’aucun plan, d’aucun temps, car il est t
1734
onstamment présente en lui et le désir aussi. Il
n’
étourdit pas Zerline de belles paroles, il l’invite à entrer, fait un
1735
aroles, il l’invite à entrer, fait un geste. « Il
ne
séduit pas mais il désire, et ce désir a un effet séducteur. » Non s
1736
range, c’est là ce qu’elles veulent, et celle qui
ne
rêverait pas de devenir malheureuse pour avoir été une fois heureuse
1737
en sa volonté d’être séduite… C’est pourquoi elle
ne
se fâche jamais contre son séducteur, du moins s’il l’a vraiment sédu
1738
fait abstraite est l’essentiel », l’individualité
n’
existe pas : il n’y aura jamais à ses yeux infidélité ni tromperie, ma
1739
l’essentiel », l’individualité n’existe pas : il
n’
y aura jamais à ses yeux infidélité ni tromperie, mais seulement répét
1740
mais seulement répétition et multiplicité. Sa vie
n’
étant ainsi qu’« une somme de moments distincts…, une addition d’insta
1741
s distincts…, une addition d’instants », Don Juan
ne
saurait avoir de biographie : le doter d’une enfance et d’une jeuness
1742
ble de dompter Don Juan, nulle puissance du monde
n’
en ayant eu raison. Cette description du mythe par Kierkegaard n’est p
1743
aison. Cette description du mythe par Kierkegaard
n’
est pas seulement inspirée de Mozart : elle a pour but de démontrer qu
1744
es en mouvement. Elle résonne partout. » Don Juan
n’
étant pas caractère, mais puissance et vie, donc « absolument musical
1745
absolument musical », les autres personnages, qui
ne
sont que passions déterminées par Don Juan, sont dans cette mesure mê
1746
eureux pour Régine, il fut Tristan. Cependant, je
n’
ai trouvé dans toute son œuvre que de rares allusions à l’Hamlet de Sh
1747
on moi potentiel, prestigieux, désiré, mais qu’il
ne
peut et qu’il ne veut actualiser. En l’écartant de soi, en le refusan
1748
prestigieux, désiré, mais qu’il ne peut et qu’il
ne
veut actualiser. En l’écartant de soi, en le refusant, il le voit et
1749
se définit, contre lui mais non pas sans lui. Il
ne
conçoit que deux manières de vivre dignes de l’absolu et possibles po
1750
e est ce qu’il saurait être, exemplairement, s’il
n’
était pas ce qu’il subit et souffre, et s’efforce de dépasser vers l’a
1751
absolue, poétiquement absolue, dans le fait qu’il
n’
y a au monde qu’un seul être bien-aimé, et que cette « seule fois » de
1752
e l’amour est l’amour, et que la « seconde fois »
n’
est rien… Une fois est le tout absolu, et la seconde fois la ruine abs
1753
Certes, le Jeune Homme d’« In Vino Veritas », qui
n’
a jamais encore aimé, a beau jeu de faire éclater l’absurdité tragi-co
1754
ssion, qui est d’une importance capitale et qu’on
ne
peut faire « qu’à l’aveuglette ». Comment expliquer « un acte aussi m
1755
? L’amoureux passionné, dans son choix exclusif,
n’
est-il pas « un pantin dont quelque chose d’inexplicable tire les fice
1756
« notre jeune ami reste au-dehors », c’est-à-dire
n’
entretient encore que des rapports abstraits avec la vie, car « la rés
1757
emme réelle, c’est ce qui veut être séduit et qui
ne
peut l’être qu’une fois. Au contraire, le Mari qui prendra la parole
1758
oujours « manque » à Don Juan. Cependant, le Mari
n’
entend pas éluder la difficulté fondamentale du mariage, et même il la
1759
ision la plus libre… En outre l’une de ces choses
ne
doit pas suivre l’autre, la décision ne doit pas arriver par-derrière
1760
es choses ne doit pas suivre l’autre, la décision
ne
doit pas arriver par-derrière à pas de loup : le tout doit avoir lieu
1761
à coup d’arguments philosophiques que la décision
ne
saurait être fondée dans l’argumentation. Rien d’étonnant si cet ouvr
1762
s l’argumentation. Rien d’étonnant si cet ouvrage
ne
convainc guère : Kierkegaard est derrière les pseudonymes exaltant un
1763
u’il refuse, mais qui demeure sa possibilité ; il
n’
est pas derrière le Mari. Car celui-ci représente et défend l’impossib
1764
pour Régine, il doit donc s’éloigner, bien qu’il
ne
cesse de s’adresser à elle sous le couvert de ses pseudonymes, et de
1765
ui comprendra cette contradiction de la douleur :
ne
point se révéler, et faire mourir l’amour ; se révéler, et faire mour
1766
aard « explique » sa conduite amoureuse, ou si ce
n’
est pas plutôt l’inverse, — ne correspond à rien dans notre perspectiv
1767
amoureuse, ou si ce n’est pas plutôt l’inverse, —
ne
correspond à rien dans notre perspective, et n’aiderait à déceler auc
1768
— ne correspond à rien dans notre perspective, et
n’
aiderait à déceler aucun sens vérifiable. En effet, tout homme pensant
1769
rmes. Ce système définit son individualité. Or je
ne
regarde ici et n’essaie de saisir qu’une certaine structure dynamique
1770
éfinit son individualité. Or je ne regarde ici et
n’
essaie de saisir qu’une certaine structure dynamique : Kierkegaard dan
1771
à l’éthique temporelle et autonome : La décision
n’
est pas la force de l’homme, ni son courage, ni son habileté… mais ell
1772
s elle est un point de départ religieux ; si elle
n’
est pas cela, celui qui décide n’a été rendu fini que dans sa réflexio
1773
igieux ; si elle n’est pas cela, celui qui décide
n’
a été rendu fini que dans sa réflexion, il n’a pas pris de vitesse l’i
1774
cide n’a été rendu fini que dans sa réflexion, il
n’
a pas pris de vitesse l’inclination amoureuse, mais est resté en cours
1775
t trop misérable pour que l’inclination amoureuse
ne
la méprise et ne préfère se fier à elle-même plutôt que de se livrer
1776
pour que l’inclination amoureuse ne la méprise et
ne
préfère se fier à elle-même plutôt que de se livrer aux directives d’
1777
savant. La spontanéité de l’inclination amoureuse
ne
reconnaît qu’une seule spontanéité comme lui étant ebenbürtig, c’est
1778
u sentiment religieux ». Mais on comprend qu’elle
n’
y arrivera jamais avec une morale sans passion. Je vois enfin que la p
1779
de brigands d’une mélancolie innée ?106 L’amour
n’
en est pas moins l’agent privilégié du progrès spirituel de « l’homme
1780
« l’homme supérieur » — toutefois à condition de
n’
être pas « heureux » : Grâce à une jeune fille, bien des hommes sont
1781
oup des poètes, beaucoup des saints — mais pas un
ne
fut un génie par la jeune fille qu’il posséda, car par elle il ne dev
1782
par la jeune fille qu’il posséda, car par elle il
ne
devint que conseiller d’État ; pas un ne fut un héros par la jeune fi
1783
elle il ne devint que conseiller d’État ; pas un
ne
fut un héros par la jeune fille qu’il posséda, car par elle il ne dev
1784
par la jeune fille qu’il posséda, car par elle il
ne
devint que général ; pas un ne fut poète par la jeune fille qu’il pos
1785
a, car par elle il ne devint que général ; pas un
ne
fut poète par la jeune fille qu’il posséda, car par elle il ne devint
1786
par la jeune fille qu’il posséda, car par elle il
ne
devint que père ; et pas un ne fut un saint par la jeune fille qu’il
1787
a, car par elle il ne devint que père ; et pas un
ne
fut un saint par la jeune fille qu’il posséda, car il n’en posséda au
1788
un saint par la jeune fille qu’il posséda, car il
n’
en posséda aucune, et ne voulut en posséder qu’une seule, qu’il n’obti
1789
lle qu’il posséda, car il n’en posséda aucune, et
ne
voulut en posséder qu’une seule, qu’il n’obtint pas, de même que tous
1790
une, et ne voulut en posséder qu’une seule, qu’il
n’
obtint pas, de même que tous les autres devinrent des génies, des héro
1791
s héros, des poètes grâce à la jeune fille qu’ils
ne
possédèrent pas. Si l’idéalité que la femme porte en elle a éveillé l
1792
ns la mesure où il est par essence malheureux, ce
n’
est pas l’Éternel féminin mystique du Second Faust. C’est la passion d
1793
plus achevés, les Riens philosophiques 107 : Il
ne
faut pas penser de mal du paradoxe, cette passion de la pensée, et le
1794
e de vouloir découvrir quelque chose qu’elle-même
ne
puisse penser. Et plus loin : Regardons ce qui se passe dans l’amou
1795
Regardons ce qui se passe dans l’amour, quoiqu’il
ne
rende qu’imparfaitement la situation. L’égoïsme est à l’origine du se
1796
ment créatrices — entre Kierkegaard et Régine. Il
n’
a pu l’aimer que de loin, dans la perte, choisie par lui, de toute pré
1797
de lui adresser — par l’intermédiaire du mari ! —
ne
l’a pas atteinte. Une dernière fois, ils se sont rencontrés, mais par
1798
l’a salué, et il a répondu à son salut, mais ils
n’
ont pas pu se parler. C’était le 17 mars 1855, à la veille du départ d
1799
a pensée proprement religieuse de Kierkegaard, ce
n’
est pas ici le lieu de l’expliciter. J’en donnerai tout de même un exe
1800
ence existentielle. Le sujet du « Tu dois aimer »
ne
saurait être, en effet, que « l’Individu ». Or on sait que cette caté
1801
qu’il faut aider, selon la parabole évangélique —
ne
saurait être à son tour que l’expression de l’esprit en tout homme. S
1802
st le paradoxe proprement kierkegaardien. L’amour
ne
va pas de n’importe qui à tout le monde, mais d’un seul, distingué pa
1803
e proprement kierkegaardien. L’amour ne va pas de
n’
importe qui à tout le monde, mais d’un seul, distingué par l’esprit, à
1804
alement existants par l’esprit. Mais ici, comment
ne
pas rappeler que la première mention de « l’Individu » figure dans la
1805
d’années leur œuvre difficile et foisonnante, et
n’
ont forcé qu’in extremis, par le scandale, l’attention de quelques-uns
1806
longuement écrit que Kierkegaard, mais son œuvre
n’
est pas moins riche en jugements brefs, d’ailleurs effrontément contra
1807
artes, Spinoza, Leibniz, Kant, Schopenhauer — ils
ne
le furent point ; bien plus, on ne pourrait même se les imaginer mari
1808
penhauer — ils ne le furent point ; bien plus, on
ne
pourrait même se les imaginer mariés. Un philosophe marié a sa place
1809
ntrer la vérité de cette thèse.110 « Marie-toi,
ne
te marie pas, dans les deux cas tu le regretteras », disait Socrate.
1810
e. « Celui qui se marie fait bien, mais celui qui
ne
se marie pas fait mieux », disait saint Paul, parlant en tant que Spi
1811
se trouvait à côté de l’homme et qu’aucune femme
ne
pouvait élever la prétention d’être pour l’homme l’objet de l’amour l
1812
que l’homme s’élève, à condition cependant qu’il
ne
l’épouse pas. Dans ses moments d’« équilibre doré » et d’évaluation c
1813
’Éros, etc.112 L’Agapè dont il est ici question
n’
est encore pour les Grecs que l’amour désintéressé ; mais dans l’espri
1814
e procès de maîtrise d’un instinct, « l’intellect
n’
est que l’instrument aveugle d’un autre instinct, qui est le rival de
1815
cités peu avant —, ni l’amour qu’on invoque ici,
ne
sont à parler proprement, des instincts. L’érotisme commence précisém
1816
excellence. La lutte entre les deux « instincts »
n’
est donc pas autre chose que la lutte entre les deux puissances de l’É
1817
e et unique de la spontanéité passionnée, l’autre
ne
veut prendre à témoin que le seul Tristan de Wagner, comme expression
1818
e suscite chez celui-là l’illusion que la musique
ne
soit qu’un admirable procédé, un inégalable moyen de donner la vie au
1819
oles et l’image scénique, Nietzsche imagine qu’il
ne
pourrait supporter l’audition du troisième acte de Tristan « à moins
1820
tan s’est évanoui et Don Juan domine tout. Wagner
n’
est plus « mon noble compagnon d’armes » mais « l’asphyxie par le rabâ
1821
sagesse. Elle est femme… » Que dit Aurore ? « Il
n’
y a encore d’efficace contre l’amour que ce vieux remède radical : l’a
1822
la Don Juan. Il y a plus. Le donjuanisme érotique
n’
est guère pour Nietzsche qu’une image, voire un argument polémique, ma
1823
es doigts audacieux pour l’insaisissable… prêts à
n’
importe quelle aventure grâce à un excès de libre jugement… Cachés sou
1824
e la connaissance : aucun philosophe, aucun poète
ne
l’a encore découvert. Il lui manque l’amour des choses qu’il découvre
1825
et les plus lointaines ! — jusqu’à ce qu’enfin il
ne
lui reste plus rien à chasser, si ce n’est ce qu’il y a d’absolument
1826
’enfin il ne lui reste plus rien à chasser, si ce
n’
est ce qu’il y a d’absolument douloureux dans la connaissance, comme l
1827
repas du soir de la connaissance, qui jamais plus
ne
lui tombera en partage ! — Car le monde des choses tout entier ne tro
1828
n partage ! — Car le monde des choses tout entier
ne
trouvera plus une bouchée à donner à cet affamé.121 Le rythme allèg
1829
Don Juan de la connaissance s’interroge, et cela
n’
est pas dans le droit fil du personnage. Ou bien veut-il aller plus ou
1830
rbarie rendrait les hommes plus malheureux qu’ils
ne
le sont ? Hélas, non ! Les barbares de tous les temps avaient plus de
1831
bares de tous les temps avaient plus de bonheur :
ne
nous y trompons pas. — Mais c’est notre instinct de connaissance qui
1832
et nous est devenue tout aussi indispensable que
ne
l’est, pour l’amoureux, l’amour malheureux : à aucun prix il n’aimera
1833
l’amoureux, l’amour malheureux : à aucun prix il
n’
aimerait l’abandonner pour l’état d’indifférence ; — oui, peut-être so
1834
ssance s’est transformée chez nous en passion qui
ne
s’effraie d’aucun sacrifice et n’a, au fond, qu’une seule crainte, ce
1835
en passion qui ne s’effraie d’aucun sacrifice et
n’
a, au fond, qu’une seule crainte, celle de s’éteindre elle-même… Mais
1836
naissance peut faire périr l’humanité ? Qu’à cela
ne
tienne ! « Cette pensée, elle aussi, est sans puissance sur nous. Le
1837
ffrayé d’idées semblables ? La passion et la mort
ne
sont-elles pas sœurs ? »122 Au comble du défi, Don Juan vient de sur
1838
ité secrète de son pire Adversaire. Qui sait s’il
ne
va pas l’aimer ? Dans la seconde partie d’Ainsi parlait Zarathoustr
1839
accords dissonants, dont la sourde interrogation
n’
a pu manquer de réveiller dans la mémoire musicale de Nietzsche les mo
1840
Profond est le monde Et plus profond que le jour
ne
l’a vu. Profonde est sa douleur — Mais la joie plus profonde encore q
1841
elui qui veut tuer son adversaire considère si ce
ne
serait pas là une façon de l’éterniser en soi-même. » Le « cas Niet
1842
l’éterniser en soi-même. » Le « cas Nietzsche »
n’
a pas été tranché par la folie. Et personne n’en a mieux formulé les d
1843
e » n’a pas été tranché par la folie. Et personne
n’
en a mieux formulé les données que Nietzsche lui-même. Le dernier aph
1844
e à l’idée pure, à l’idéalité, à la catégorie. Il
n’
a pas de peine à démontrer que les Don Juan de Molière, de Heiberg, de
1845
séducteurs machiavéliques du xviiie siècle, qui
ne
laissent derrière eux que colère, honte et mépris. Casanova aime les
1846
onte et mépris. Casanova aime les femmes, Valmont
ne
cherche qu’à gagner des parties. C’est un des lieux communs de la cri
1847
esque du personnage de Casanova. Certes, Casanova
n’
est pas impie, n’est pas démon, ne provoque ni Dieu ni les hommes. Il
1848
ge de Casanova. Certes, Casanova n’est pas impie,
n’
est pas démon, ne provoque ni Dieu ni les hommes. Il n’est pas révolut
1849
ertes, Casanova n’est pas impie, n’est pas démon,
ne
provoque ni Dieu ni les hommes. Il n’est pas révolutionnaire, et n’es
1850
pas démon, ne provoque ni Dieu ni les hommes. Il
n’
est pas révolutionnaire, et n’est pas non plus grand seigneur. Il est
1851
u ni les hommes. Il n’est pas révolutionnaire, et
n’
est pas non plus grand seigneur. Il est tricheur, vulgaire, catholique
1852
in, il se contente de conquêtes faciles. (Mais je
ne
sais où l’on prend que Don Juan les dédaigne ? N’aurait-on jamais lu
1853
ne sais où l’on prend que Don Juan les dédaigne ?
N’
aurait-on jamais lu le Catalogue ?) Entendu, accordé pour l’essentiel.
1854
u, accordé pour l’essentiel. Mais quoi ! Don Juan
n’
a jamais existé, il est un mythe ; et la plus grande différence entre
1855
ne seule lacune, presque incroyable : Kierkegaard
n’
y est pas même nommé), je trouve ces formules adroitement balancées :
1856
Juan, La Flûte enchantée) par F. A. Breydert, je
ne
trouve rien qui ne confirme les analyses de Kierkegaard. À coup de ci
1857
hantée) par F. A. Breydert, je ne trouve rien qui
ne
confirme les analyses de Kierkegaard. À coup de citations musicales e
1858
celui qu’hypnotise un objet merveilleux, dont il
n’
aura jamais épuisé la richesse. L’un posséda mille et trois femmes, l’
1859
à l’infini se concentre le monde entier. Tristan
n’
a plus besoin du monde — parce qu’il aime ! Tandis que Don Juan, toujo
1860
qu’il aime ! Tandis que Don Juan, toujours aimé,
ne
peut pas aimer en retour. D’où son angoisse et sa course éperdue. L’u
1861
le chevalier. Tristan, mélancolique et courageux,
n’
abdique au contraire son orgueil qu’à l’approche de la mort lumineuse.
1862
orgueil qu’à l’approche de la mort lumineuse. Je
ne
leur vois qu’un trait commun : tous deux ont l’épée à la main.123 O
1863
entaire au sens de la physique actuelle. Don Juan
n’
est pas concevable sans Tristan, et sans lui n’eût pas vu le jour. Mai
1864
an n’est pas concevable sans Tristan, et sans lui
n’
eût pas vu le jour. Mais ce lien de genèse réciproque ne saurait s’exp
1865
pas vu le jour. Mais ce lien de genèse réciproque
ne
saurait s’exprimer de la même manière en termes d’histoire, d’éthique
1866
les, Tristan telle autre. La filiation des mythes
ne
pose guère de problèmes. La légende de Tristan date du xiie siècle,
1867
e Tristan date du xiie siècle, celle de Don Juan
ne
remonte guère qu’à la Renaissance, et ne s’est vraiment constituée qu
1868
Don Juan ne remonte guère qu’à la Renaissance, et
ne
s’est vraiment constituée qu’à la faveur du refoulement temporaire de
1869
re apparaître l’antithèse de Tristan. Si Don Juan
n’
est pas, historiquement, une invention du xviiie , du moins ce siècle
1870
il spirituel. Mais l’humeur voyageuse de Don Juan
ne
relève que du nomadisme ; elle traduit l’infidélité systématique du r
1871
du xixe , s’il est d’abord le fait du romantisme,
ne
coïncide point par hasard avec l’essor de la passion nationaliste, qu
1872
iveau politique125. Mais le nomadisme de Don Juan
n’
est pas seulement cosmopolite et donc moderne. Les succès du héros, co
1873
rne. Les succès du héros, comme ceux de Casanova,
ne
sont pas seulement le fait d’un charme individuel. Des coutumes ances
1874
n me paraît encore plus évidente. L’amour-passion
n’
est ressenti dans sa pureté animique que par la prime adolescence. Il
1875
Il est alors sentiment pur, douleur-joie pure, et
ne
sera plus jamais aussi nettement distinct de tout autre douleur ou jo
1876
synthèse peut devenir plus ou moins stable, mais
ne
saurait être en aucun cas statique, au sens où la supposent la morale
1877
s combinaisons et des permutations possibles : ce
n’
est pas ici mon sujet, mais celui d’un traité du mariage.) Si au contr
1878
re prétend que le sexe lui suffit : à la durée il
n’
oppose que l’instant des brèves rencontres érotiques. De ce point de v
1879
ant le social et le sentimental126. Mais comme il
n’
est guère de mariage qui parvienne à maintenir sans crise une synthèse
1880
u, et que la morale formule ses exigences. Or, on
ne
saurait trancher l’alternative qu’en connaissance des fins auxquelles
1881
les découvre essentiellement complémentaires. Ce
ne
serait plus alors d’un dilemme à trancher qu’il s’agirait, mais d’une
1882
e survivre, travailler et gagner de l’argent, qui
ne
sont au vrai que des moyens ? Limitons-nous aux quatre que voici : la
1883
a durée normale ; ou plutôt deux tempéraments qui
ne
pourront jamais s’y accommoder. L’un exige l’intensité toujours accru
1884
tan, l’autre Don Juan. Don Juan nous chante qu’il
n’
est heureux que dans l’instant, la nouveauté et le changement, et qu’i
1885
’instant, la nouveauté et le changement, et qu’il
n’
a jamais souhaité mieux. « Le croire malheureux parce qu’il va de l’un
1886
à l’autre, c’est le croire malheureux parce qu’il
n’
atteint pas un but qu’il ne poursuit pas », écrit l’un de ses apologis
1887
malheureux parce qu’il n’atteint pas un but qu’il
ne
poursuit pas », écrit l’un de ses apologistes127, qui ajoute aussitôt
1888
ous à ses heures. C’est qu’il oublie qu’une femme
n’
est pas une pomme. Et qu’elle en voudra mortellement à celui qui ne l’
1889
me. Et qu’elle en voudra mortellement à celui qui
ne
l’aura pas « prise », s’étant contenté de la « goûter ». Dona Anna po
1890
e — que nous rappelle un analyste freudien — « il
ne
lui a pas donné l’âme qu’il lui devait… Il a trompé la femme en elle,
1891
à part, le « divin » ramené à l’humain, et l’âme
n’
étant plus confondue avec l’esprit ou la personne, le sens est clair :
1892
ange et don, entre humains tout au moins, et l’on
n’
en finit pas si vite ! Il n’est que juste d’observer d’ailleurs que le
1893
out au moins, et l’on n’en finit pas si vite ! Il
n’
est que juste d’observer d’ailleurs que le Don Juan mangeur de pommes
1894
ommes qu’on vient de citer reste un peu court. Il
n’
accédera jamais à l’érotisme, qui est dépassement de l’instinct et des
1895
passement de l’instinct et des faims animales. Il
n’
intéresse pas plus que les pariades des autres, et n’a pas de prestige
1896
ntéresse pas plus que les pariades des autres, et
n’
a pas de prestige pour l’imagination. Mozart n’en eût rien fait, ni mê
1897
et n’a pas de prestige pour l’imagination. Mozart
n’
en eût rien fait, ni même Da Ponte. Il sert ici d’exemple extrême, pou
1898
our l’esprit. Il nous rappelle aussi que la durée
n’
est pas seulement la réalité du couple, mais celle de l’objet désiré.
1899
mesure de répondre. Si notre incarnation présente
n’
est que souffrance et illusion — souffrance à cause de l’illusion, dit
1900
’est Tristan qui a raison contre le mariage. S’il
n’
est pas d’autre vie ni d’autre réalité qu’historique, matérielle et bi
1901
condamner Don Juan et Tristan à la fois ; mais il
n’
a plus de raison de le faire… Le bonheur. — Moments de grand plaisi
1902
assion : l’argument du bonheur sert à tous. Et ce
n’
est pas une raison pour qu’il soit faux. Il n’en fait pas moins ricane
1903
ce n’est pas une raison pour qu’il soit faux. Il
n’
en fait pas moins ricaner ceux que l’ennui, la satiété, la jalousie, l
1904
taine dualité est normale, dans la mesure où elle
ne
fait que traduire la formule même de la vie sur tous les plans : spir
1905
ique, biologique et physique. En effet, nulle vie
n’
est concevable hors de la tension permanente, voire de la lutte (laten
1906
elle le digère, le désintègre et l’assimile, — il
n’
est plus là, matériellement. Et puis, quelques minutes ou quelques heu
1907
logues à celles de la cellule, sauf en ceci qu’il
ne
renferme qu’un seul des acides nucléiques. À cela tient toute sa noci
1908
ent toute sa nocivité. (Notons aussi que le virus
ne
peut se propager et se reproduire qu’aux dépens de cellules vivantes
1909
’aux dépens de cellules vivantes : sans elles, il
ne
peut subsister.) Imaginons maintenant une âme individuelle, ou même u
1910
effet d’un choc émotif. Cette analogie biologique
n’
explique pas, on s’en doute, la nature en soi de nos mythes, qui sont
1911
l que soit le niveau de la « vie » considéré ? Je
ne
citerai — et en passant — qu’un seul exemple d’application de cette m
1912
d’entre eux — c’est, d’une manière précise, qu’il
n’
admet qu’une tendance, la centralisation universelle. Le fédéralisme,
1913
tarisme est un virus, et si vous l’attrapez, vous
n’
y pourrez plus rien. » Je ne croyais pas si bien dire129. La libert
1914
vous l’attrapez, vous n’y pourrez plus rien. » Je
ne
croyais pas si bien dire129. La liberté. — Sur les premières mesur
1915
se contredisent, et toutes, à des degrés divers,
ne
font que servir l’ordre assigné à chacun ! En somme, elles crient tou
1916
r cette liberté seule nous intéresse ; les autres
ne
sont guère que revendications déterminées dans l’homme par son « empl
1917
son « emploi » social ou son éthique utilitaire.
N’
y a-t-il donc pas de liberté ? Ou bien la seule vraie liberté serait-e
1918
zsche en humeur donjuanesque —, ils obtinrent, je
ne
sais par quelle voie, quelques indications sur le fameux symbole, le
1919
s, seuls dépositaires de cet ultime secret : Rien
n’
est vrai, tout est permis. C’était là de la vraie liberté d’esprit, un
1920
ait en question la foi même de la vérité.130 On
ne
peut aller plus loin, on ne peut aller plus haut — mais peut-être est
1921
de la vérité.130 On ne peut aller plus loin, on
ne
peut aller plus haut — mais peut-être est-ce aller trop haut — dans l
1922
le « petit faitalisme » scientifique — le « Rien
n’
est vrai, tout est permis » est une connaissance réservée, un savoir r
1923
, dit Augustin. L’Orient hindouiste et bouddhiste
n’
a pas dit autre chose avant eux, ni les mystiques de l’islam après eux
1924
ystiques de l’islam après eux. Cette connaissance
ne
peut être obtenue par un défi à la morale courante, ni même par une r
1925
on la lettre. »131. Cette liberté seule « vraie »
ne
peut être le terme d’aucune espèce de revendication, nécessairement t
1926
eur, vers les vérités constituées : car celles-ci
ne
sont pas « vraies » (si elles sont souvent utiles), et leur renversem
1927
elles sont souvent utiles), et leur renversement
ne
suffirait pas à révéler la Vérité, moins encore à la réfuter. Atteind
1928
e règne sans fin de l’Amour sans réveil. Là, rien
n’
est plus ni vrai ni faux, ni tien ni mien, ni séparé ni interdit, dans
1929
it s’abîmer dans l’inconscient tout englobant, il
n’
y a plus d’objet, ni de prochain. Il n’y a plus que l’amour de l’amour
1930
lobant, il n’y a plus d’objet, ni de prochain. Il
n’
y a plus que l’amour de l’amour dans un sujet qui, lui aussi, doit s’é
1931
prochain. Don Juan et Tristan, symboles de l’âme,
ne
sont en fait que deux manières d’aimer sans aimer le prochain. N’étan
1932
que deux manières d’aimer sans aimer le prochain.
N’
étant pas des personnes, mais des puissances, ils ne sauraient s’aimer
1933
étant pas des personnes, mais des puissances, ils
ne
sauraient s’aimer eux-mêmes, ce qui est la condition de l’amour d’un
1934
c de tout amour réel : car sans prochain, l’amour
ne
sait plus où se prendre. Tout amour véritable est relation réciproque
1935
méditation au carrefour fabuleux qu’aucune carte
n’
indique, une conclusion que l’on n’était pas sans pressentir dévoile e
1936
u’aucune carte n’indique, une conclusion que l’on
n’
était pas sans pressentir dévoile enfin son visage ambigu. Les deux my
1937
nséparables : ils sont nés de lui, contre lui, et
ne
pourraient se perpétuer sans lui. Mais ici se révèle en même temps le
1938
itale, ou devenue telle dans notre évolution. Ils
ne
sont pas seulement nos tentations majeures, mais des signes chargés d
1939
plus fort — Tristan plus fort que le roi Marc —,
n’
a-t-il pas déposé une épée symbolique ? Pour qu’une passion de cette n
1940
symbolique ? Pour qu’une passion de cette nature
n’
aboutisse point à quelque « malheur exemplaire », il faudrait qu’un he
1941
ne déjouer la logique du mythe. 126. « Celui qui
ne
sait pas trouver le chemin qui conduit à son idéal, vit de façon plus
1942
hes de Mozart nous assurent que ses contemporains
ne
doutaient pas un instant que Dona Anna ait cédé à Don Juan, prenant (
1943
nt Don Juan prêt à s’enfuir, un peu trop vite. Je
ne
vois pas Casanova « trahi » de la sorte. Il a mieux aimé ses conquête
1944
ona Anna, si elle déclare sa haine pour Don Juan,
n’
est pas pressée d’épouser Don Ottavio… 129. Mon Journal d’Allemagne
1945
ser Don Ottavio… 129. Mon Journal d’Allemagne
ne
fait qu’une ou deux allusions très voilées à cette transformation phy
1946
r un traité de paix avec le régime de Pankow, qui
n’
a jamais été en guerre avec les Russes et qui n’existe que par eux. Le
1947
i n’a jamais été en guerre avec les Russes et qui
n’
existe que par eux. Les motifs politiques qui animent M. Khrouchtchev
1948
ce rend la guerre atomique soudain possible. Nous
ne
discuterons pas ses raisons, ni celles que lui oppose l’Occident. Nou
1949
nue à perdre chaque jour un millier de sujets qui
ne
l’aiment pas ? » Nous demandons pour ces sujets le droit de redevenir
1950
lare que « le régime socioéconomique de tout État
ne
regarde que son peuple et personne d’autre ». Cette déclaration solen
1951
nduit à opter pour la démocratie. M. Khrouchtchev
ne
cesse de répéter que la marche fatale de l’Histoire mènera sans guerr
1952
millions et demi d’hommes et de femmes sans armes
ne
menacent pas la paix du peuple russe. Nous demandons à M. Khrouchtche
1953
peuple russe. Nous demandons à M. Khrouchtchev de
ne
pas pousser à bout les Allemands de l’Est en fermant la dernière issu
1954
lus libre. Priver un peuple entier de tout espoir
n’
est pas « consolider la paix ». Nous demandons à M. Khrouchtchev de ne
1955
er la paix ». Nous demandons à M. Khrouchtchev de
ne
pas déclencher le massacre universel pour sauver un régime décrié. Et
1956
vail, dans l’espoir. Ceux qui retrouvent l’espoir
ne
veulent plus que la paix, et cette volonté populaire, mieux que tous
1957
le sort des dictatures et de l’empire communiste
ne
tient qu’aux barbelés de la porte de Brandebourg, — au chantage qui f
1958
ur de Berlin vu par Esprit (février 1963)bg On
ne
sait pas toujours qui sont ceux que l’on lit dans les revues français
1959
les noms d’auteurs, et c’est tout. (À la Cour, on
ne
rencontrait que des personnes qui avaient été « présentées », et que
1960
traces dans la vie littéraire de Paris.) Pourquoi
ne
pas dire au lecteur qui sont les gens que l’on publie ? Quelques lign
1961
n fut l’un des plus infatigables édificateurs, il
ne
fut pas seul : des milliers d’Allemands (de l’Ouest) arborèrent son i
1962
vre nationale ». L’Allemagne de l’Est, jusqu’ici,
n’
est donc pas pour une brique dans ce mur. Mais quels furent les motifs
1963
rent les motifs de l’Ouest ? « On avait besoin de
ne
pas connaître l’autre Berlin, de ne pas confronter aux réalités l’ima
1964
ait besoin de ne pas connaître l’autre Berlin, de
ne
pas confronter aux réalités l’image commode qu’on s’en faisait ; on v
1965
du théâtre révolutionnaire en Allemagne ». (Rien
n’
est plus faux : la République fédérale joue Brecht autant qu’on le jou
1966
rale joue Brecht autant qu’on le joue à Paris, ce
n’
est pas peu dire.) Donc, premier point du raisonnement : ce n’est pas
1967
u dire.) Donc, premier point du raisonnement : ce
n’
est pas l’Est qui a fait le mur, c’est l’Ouest — pour empêcher qu’on j
1968
à la misère ou à une révolte désespérée ceux qui
n’
avaient pas les moyens de partir…, ou trop de ce sens des responsabili
1969
ifs, « achetait des techniciens dont la formation
ne
lui avait rien coûté… alors que cette formation avait lourdement grev
1970
en dédommagement de la formation d’Einstein, qui
ne
leur avait rien coûté ?) 4°) « Le mur rend plus nécessaire que jamai
1971
la source, si le proverbe : is fecit cui prodest
n’
était trop souvent démenti par la sottise de ceux qui croient servir u
1972
are : « Ils ont construit un mur à Berlin, ce mur
n’
est rien. Seul compte celui qui se trouve dans le cœur des Allemands d
1973
Première Guerre. « Les Allemands, ajoute Salomon,
n’
ont pris des Prussiens que les défauts… L’Allemagne sans l’Est n’est p
1974
Prussiens que les défauts… L’Allemagne sans l’Est
n’
est pas l’Allemagne. » C’est en effet une Allemagne sans Prusse. Et un
1975
est le fait des Allemands de l’Ouest. Le procédé
n’
est pas nouveau. Il consiste à poser en principe et d’une manière syst
1976
ittéralement proscrit pour avoir écrit que le mur
ne
me faisait pas peur. » De quel côté du mur a-t-il écrit cela ? Qui l’
1977
t de l’obliger à sauter le mur pour prouver qu’il
n’
en a pas peur. bg. Rougemont Denis de, « Le mur de Berlin vu par Es
1978
fusait quelque chose dont la majorité d’entre eux
ne
voulaient pas ou pas encore… selon les derniers sondages d’opinion133
1979
oute la presse, et par cette opinion publique qui
n’
est rien d’autre que ce qu’en dit la presse sans tenir compte des sond
1980
tiens aux décisions intervenues. Ce chassé-croisé
n’
a pu surprendre que ceux qui croient ce qu’il leur convient d’imaginer
1981
veut une Europe forte et autonome, donc unie. Il
n’
a jamais parlé d’une « Europe des patries »134, pas plus que d’une « A
1982
onale. » Or, dit-il aujourd’hui, comme « personne
ne
me propose l’Europe intégrée, je crois préférable d’avoir l’Angleterr
1983
n de l’union politique, qui est supranationale ou
n’
est rien. Le veto brutal de la France implique au contraire une relanc
1984
aire une relance de la construction politique, ou
n’
a pas de sens. Or, jusqu’ici — début de février 1963 — il faut bien qu
1985
il faut bien qu’on l’admette avec Spaak, personne
n’
a proposé un plan d’union tant soit peu imaginatif, voire sérieux. Ni
1986
l’improvisation. Le Marché commun, par lui-même,
ne
conduit pas nécessairement à une Europe fédérée. La logique de ses rè
1987
ans doute une union politique et la suppose, mais
ne
la préfigure pas du tout. Prolongée sur le plan politique, sans inter
1988
tôt à une Europe uniforme et centralisée dont nul
ne
veut. À l’inverse, l’Europe des patries ne tendrait qu’à la renaissan
1989
nt nul ne veut. À l’inverse, l’Europe des patries
ne
tendrait qu’à la renaissance des nationalismes obtus qui ont fait leu
1990
re. La vraie lutte pour l’Europe se relâchait. Je
ne
sens plus, pour ma part, aucune raison de douter de sa rénovation.
1991
ttement refusée dans les années 1950, alors qu’il
ne
tenait qu’à nous de la saisir. » On ne saurait dire plus clairement q
1992
lors qu’il ne tenait qu’à nous de la saisir. » On
ne
saurait dire plus clairement que l’intérêt de l’Angleterre serait d’e
1993
chel Debré, lequel m’écrivait en 1953 que les Six
ne
seraient — s’ils existaient jamais, ce dont il doutait — qu’une trahi
1994
dialisante : pas une seule de ses petites nations
n’
y peut suffire, et les plus grandes — en termes d’autrefois — sont pet
1995
tatut des nations dites « souveraines », mais qui
ne
le sont plus qu’au niveau des discours, cette Europe minima ne saurai
1996
us qu’au niveau des discours, cette Europe minima
ne
saurait être qu’une forme de transition tactique vers une union plus
1997
ement, mais pourquoi s’y arrêter ? Car l’Histoire
n’
en fera rien. L’Europe a sécrété le nationalisme qui infecte aujourd’h
1998
sauvegarder les diversités de l’Europe, voilà qui
ne
saurait être réalisé que par l’union de type fédéraliste. L’exemple d
1999
’Hitler ont avorté, au prix qu’on sait, mais rien
ne
prouve que les moyens modernes, manipulés par le Kremlin ou par la Ma
2000
Kremlin ou par la Maison-Blanche et le Pentagone,
n’
arriveraient pas à imposer cette unification tout extérieure aux dépen
2001
e telle puissance matérielle que, justement, l’on
ne
peut imaginer que l’un des deux « Grands » la souhaite. Et personne e
2002
eux « Grands » la souhaite. Et personne en Europe
ne
la propose : il est trop clair que cette formule totalitaire mais san
2003
e mais sans doctrine millénariste et sans passion
ne
sauverait le corps qu’au prix de l’âme, autant dire pour bien peu de
2004
rait et se sentirait appauvri. Au reste, Napoléon
n’
a réussi qu’à provoquer des réactions nationalistes, et Hitler des mou
2005
mouvements de résistance. Une troisième tentative
ne
manquerait pas de provoquer d’autres formes de refus, allant de la to
2006
ement, l’Europe d’aujourd’hui est plus petite que
n’
était la Suisse à l’époque où elle s’est fédérée. Et les disparités de
2007
hesse, de langue, de confession, voire de régime,
ne
sont guère plus marquées ou plus frappantes entre les États de l’Euro
2008
s frappantes entre les États de l’Europe qu’elles
ne
l’étaient entre les cantons suisses avant 1848 ; à tout le moins ne s
2009
les cantons suisses avant 1848 ; à tout le moins
ne
sont-elles pas d’une autre essence. Si l’on admet que l’anarchie des
2010
e. Si l’on admet que l’anarchie des souverainetés
ne
peut durer, mais qu’en revanche les diversités réelles ne peuvent êtr
2011
durer, mais qu’en revanche les diversités réelles
ne
peuvent être nivelées par décrets, on cherche en vain quelle solution
2012
l’exemple de la Suisse… On s’écrie aussitôt qu’il
ne
saurait être question d’imiter ce modèle, ridiculement réduit, à l’éc
2013
ds en connaissance précise du modèle que l’on dit
ne
pouvoir imiter. (Ceux qui invoquent des raisons de prestige, c’est qu
2014
isons de prestige, c’est quelquefois parce qu’ils
n’
en ont pas d’autres.) Même si l’Europe refuse de s’inspirer de la Suis
2015
. Les voix suisses qui s’élèvent au plan européen
ne
cessent de dénoncer ces démences collectives. C’est comme « citoyen d
2016
tique136. L’Europe unie qu’il appelle de ses vœux
ne
serait nullement unifiée par un despote ou par une idéologie : elle d
2017
il préconise, et son modèle, en dernière analyse,
n’
est rien d’autre que la cité de Genève ! Un peu plus tard, le Schaffho
2018
jacobins et le Premier Empire. Benjamin Constant
n’
est pas seulement l’auteur de L’Esprit de conquête, pamphlet classique
2019
connaît les mécanismes de notre vie civique : il
n’
hésite pas à les proposer en modèle pour l’édification de l’Europe. Se
2020
munauté de la Grande Europe. De cette façon, elle
n’
aura pas vécu en vain ni sans gloire138. » Pratiquement ignoré de nos
2021
rsion de nos vieilles coutumes ! Temps perdu ! Ça
ne
se fera jamais ! » Je me souviens d’un débat devant le micro, en févr
2022
on appelait à l’époque la CECA : 1°) que ce pool
n’
était pas réalisable ; 2°) qu’il serait néfaste pour la Suisse, à caus
2023
. Et notre arrivée tardive au Conseil de l’Europe
n’
a jamais été justifiée — comme disaient mes instituteurs. Qu’en est-il
2024
re d’Algérie, permettant les accords d’Évian). Il
n’
est donc pas question que la Suisse prenne la moindre initiative visan
2025
sant à l’union européenne au plan politique. Elle
ne
pourrait qu’y perdre son prestige international, et cette réserve ori
2026
taient chargés de le garder. La neutralité suisse
n’
est pas un dogme. Elle n’a jamais été qu’un moyen politique mis au ser
2027
er. La neutralité suisse n’est pas un dogme. Elle
n’
a jamais été qu’un moyen politique mis au service de notre indépendanc
2028
tique mis au service de notre indépendance ; elle
n’
est pas affirmée par la Constitution ; « elle ne fait pas partie de l’
2029
e n’est pas affirmée par la Constitution ; « elle
ne
fait pas partie de l’essence de la Confédération ». Adhérer au Marché
2030
ité. Sortie de l’Histoire, en quelque sorte, elle
n’
est plus du tout celle que les puissances garantirent en 1815, elle a
2031
t l’incendie, entre le microbe et la maladie ! On
ne
voit guère quelles considérations philanthropiques pourraient être op
2032
la législation du travail, le régime fiscal, pour
ne
citer que ces exemples, devraient être uniformisés selon des directiv
2033
n, et ce serait même la fin de notre fédéralisme,
n’
hésitent pas à déclarer de nombreux politiciens et journalistes. Répo
2034
e à une Europe unie, et d’abord au Marché commun,
n’
entraînerait aucune violation de la Constitution actuelle. Si, dit-il,
2035
à entrer sans réserve dans le Marché commun, elle
ne
saurait justifier ce refus par des motifs juridiques et des prétextes
2036
it gravement menacée. L’adhésion au Marché commun
ne
serait donc pas payante. Réponse : La Suisse est située au cœur du M
2037
La Suisse est située au cœur du Marché commun. Ce
n’
est évidemment pas avec le reste du monde (sans cesse invoqué par les
2038
l’outre-mer. Mais il faut avouer que ces chiffres
ne
suffisent pas à justifier notre refus de participer au Marché commun,
2039
cie plus impossible encore chez nous qu’ailleurs,
n’
en affirment pas moins que s’il le faut, un jour, la Suisse farà da se
2040
uisse farà da se et saura bien se défendre ? Nous
ne
sommes plus au défilé de Morgarten. Ce n’est pas avec des longues piq
2041
? Nous ne sommes plus au défilé de Morgarten. Ce
n’
est pas avec des longues piques, des crampons de fer aux pieds et une
2042
ait une catastrophe pour la Suisse. Mais personne
ne
la préconise en réalité. Il est clair en revanche qu’une Europe fédér
2043
seuls serait le plus sûr moyen de les perdre. Il
n’
est pas vrai, d’ailleurs, que l’union de l’Europe menace d’effacer nos
2044
es nationales. L’union de la Suisse, depuis 1848,
n’
a pas effacé nos caractéristiques cantonales. Et il est pour le moins
2045
aliens, Allemands, Espagnols, Grecs et Turcs). Ce
n’
est pas le Marché commun qui les amène. C’est l’expansion de l’industr
2046
aquelle l’auteur de la déclaration que j’ai citée
n’
est pas tout à fait étranger. S’il croit vraiment que le mélange des p
2047
es peuples est un danger majeur pour son pays, il
n’
a pas le droit d’en conclure qu’il faut refuser de rejoindre le Marché
2048
et surtout par l’effet de la technique, laquelle
n’
a pas été créée par le mouvement d’union européenne. De nos jours enco
2049
ges. En fait, cette « caractéristique nationale »
n’
en est plus une depuis longtemps. Vers 1900 déjà, les Suisses vivant d
2050
rs 1900 déjà, les Suisses vivant de l’agriculture
ne
représentaient plus qu’un tiers de la population totale. En 1964, c’e
2051
que la Suisse entre ou non dans le Marché commun
n’
y changera rien. (À moins que notre isolement n’entraîne un retour à l
2052
n n’y changera rien. (À moins que notre isolement
n’
entraîne un retour à la misère naturelle du pays ?) Bref, ce n’est pas
2053
retour à la misère naturelle du pays ?) Bref, ce
n’
est pas la Suisse de Morgarten, de Marignan ou du xviiie siècle, ni m
2054
le prétexte d’une indépendance dont notre peuple
n’
est pas disposé plus qu’un autre à payer le prix exorbitant. Autofr
2055
ance calculée et d’empirisme, qui supposent qu’on
ne
pousse pas sa pointe à fond et qu’on ne se laisse pas entraîner par u
2056
ent qu’on ne pousse pas sa pointe à fond et qu’on
ne
se laisse pas entraîner par une verve logique ou polémique qui risque
2057
aux enthousiastes de l’Europe, ils savent qu’ils
n’
ont aucune espèce de chances d’être écoutés s’ils proposent de renonce
2058
uisse moderne, un crime de lèse-majesté. Personne
n’
ose donc crier trop fort, et c’est peut-être mieux ainsi. Mais notre p
2059
s notre peuple comprend mal ce qui est en jeu. Je
ne
suis d’accord, pour ma part, ni avec ceux qui refusent l’Europe en pr
2060
spensable dans la neutralité d’une fédération. Il
n’
y a pas une chance qu’on nous offre cela, si nous, Suisses, ne le prop
2061
e chance qu’on nous offre cela, si nous, Suisses,
ne
le proposons pas. Mais quant aux chances que nous le proposions… Tout
2062
atries et l’union. Mais je réitère : si la Suisse
ne
la préconise pas, qui le fera ? Notre fédéralisme est peu connu, ou t
2063
très mal connu hors de Suisse ; notre neutralité
n’
y est que trop connue. Pourquoi parler toujours de cette vertu qui enn
2064
e mondiale ? Pourquoi cette timidité ? L’histoire
n’
est pas faite par des gens qui défendent leur position, mais bien par
2065
Ce que les Européens peuvent attendre de nous, ce
n’
est pas l’exposé lassant des raisons de notre réserve devant tout ce q
2066
ait accompli, c’est-à-dire du « trop tard mais je
n’
y puis rien, et tâchez de comprendre mes soucis… ») 2°) « L’on peut me
2067
ssifs. En revanche, pour la complexité, la Suisse
ne
craint personne ! Voici quelques raisons qui me portent à croire à l’
2068
ement. L’identité d’un peuple ou d’une communauté
ne
sera plus définie par des arpenteurs, des cordons douaniers et des dé
2069
é de citoyens, au vrai sens du mot… Le petit État
ne
possède rien d’autre que la véritable et réelle liberté par laquelle
2070
ne conception de l’État dont la portée historique
n’
éclate aux yeux qu’aujourd’hui, un idéal national qui n’a pas de valeu
2071
te aux yeux qu’aujourd’hui, un idéal national qui
n’
a pas de valeur pour nous seulement, mais pour l’Europe entière. Au mo
2072
tisme borné, à l’ignorance vaniteuse. Parce qu’il
ne
dispose pas d’un empire, il s’alimente à l’univers. Ainsi lui est-il
2073
si lui est-il rendu plus facile d’admettre ce qui
ne
lui ressemble pas. Dans le monde de demain, qui exigera un degré bea
2074
fait pour de petites sociétés. Je dirai plus : il
n’
y a pas de grandes sociétés possibles, car il n’y a plus de societas v
2075
l n’y a pas de grandes sociétés possibles, car il
n’
y a plus de societas véritable quand les socii cessent de se sentir te
2076
celui de notre population. Question : la Suisse
ne
sera-t-elle pas, d’ici vingt ans, trop grande pour ses institutions ?
2077
rop grande pour ses institutions ? Je pense qu’il
n’
y a pas lieu de le redouter si elle continue d’appliquer les principes
2078
e peuvent assurer l’indépendance relative (car il
n’
en existe pas d’autres) d’une communauté politique, et procurer à ses
2079
ans les intérêts de l’Europe entière. » Même s’il
n’
était pas accepté en fin de compte, il aurait pour effets inévitables
2080
rer en temps utile — avant que les jeux européens
ne
soient faits — elle choisira de se réserver. 2°) Ce dernier terme évo
2081
pacifique, ce petit peuple égalitaire où la femme
n’
a pas le droit de vote mais « cuit à l’électricité », six siècles de f
2082
t l’heure au monde entier, et pour la modestie on
ne
craindrait plus personne. Cette image convenue de la Suisse de naguèr
2083
nne. Cette image convenue de la Suisse de naguère
ne
ferait sourire ou ricaner qu’une infime minorité formée d’intellectue
2084
à la santé, une maladie déclarée, ou la mort. Je
n’
oublie pas que le discours est d’une logique plus exigeante que l’hist
2085
emmes sont plus clairs, mais rarement résolus. Il
n’
en arrive pas moins que les nations, comme les individus, meurent d’ac
2086
En général, c’est par manque d’attention, et pour
n’
avoir pas cru aux conseils les plus simples. À une Suisse qui ne veut
2087
u aux conseils les plus simples. À une Suisse qui
ne
veut ou ne peut assumer ni son avenir ni son passé, que peut-on conse
2088
ils les plus simples. À une Suisse qui ne veut ou
ne
peut assumer ni son avenir ni son passé, que peut-on conseiller qui n
2089
n avenir ni son passé, que peut-on conseiller qui
ne
soit à la fois prématuré et périmé, ou simplement trompeur comme un t
2090
t probable qu’elle sera faite d’ici 1980. Et l’on
n’
imagine pas qu’elle puisse se faire sur d’autres bases et selon d’autr
2091
que l’on voudra, mais indéniable — ou c’est qu’il
n’
y aura plus d’Europe. À mi-chemin entre le temps où j’écrivais le Mess
2092
et non par un seul homme, veulent que son centre
ne
soit pas une capitale, mais bien un District fédéral. La fédération e
2093
ien un District fédéral. La fédération européenne
n’
étant pas une création sur table rase, mais l’aboutissement d’un très
2094
les diversités que l’on sait, le District fédéral
ne
saurait être, lui non plus, une création synthétique édifiée sur un t
2095
ion synthétique édifiée sur un terrain vague — il
n’
y en a d’ailleurs plus d’assez vaste, dans l’Europe de 1980. Le Distri
2096
roubles, mais d’accès facile en temps de paix. Il
ne
peut être qu’un petit pays, cependant très diversifié et si possible
2097
affaires fédérales européennes146. La Suisse, qui
n’
inquiète personne, se voit ainsi réinstallée et confirmée dans son sta
2098
en parler à Berne, vous serez bien reçu ! Etc. Je
ne
vois rien de consistant ni de raisonnable dans aucun de ces arguments
2099
contredisent d’ailleurs deux à deux. Mon dessein,
ne
l’oublions pas, est à mi-chemin entre une initiative prise par la Sui
2100
n son double refus de participer et d’initier, et
ne
se prépare pas pour un tiers terme. Examinons d’un peu plus près les
2101
mon « utopie » que c’est bien joli, mais que nous
ne
sommes pas faits pour le rôle, et que le reste de l’Europe va peut-êt
2102
leçons. Mais ils vont peut-être un peu fort. Ils
ne
voulaient rien être dans l’union, les voilà qui se proposent comme pa
2103
e proposent comme pays-capitale ! Leurs hôteliers
n’
y perdraient rien. Les fonctionnaires européens s’ennuieraient vite da
2104
nz des vaches… Mais après tout, si notre capitale
n’
est pas retenue, au bout du compte, plutôt que d’en choisir une autre,
2105
e première, étant seconde sur chaque bulletin. Je
ne
m’attends pas à voir mon dessein raisonnable discuté sérieusement par
2106
amme politique, autant dire à toute politique qui
ne
se résume pas à faire valoir nos bonnes raisons de n’en avoir aucune
2107
e résume pas à faire valoir nos bonnes raisons de
n’
en avoir aucune — et c’est ce que l’on appelle « se réserver », à Bern
2108
t neutre au surplus. Nul projet mieux que le mien
ne
saurait la servir ! Il ne suppose en somme qu’une seule initiative, q
2109
rojet mieux que le mien ne saurait la servir ! Il
ne
suppose en somme qu’une seule initiative, qui mettrait fin à toute né
2110
nds voisins. Les risques de guerre qui subsistent
ne
sont plus nationaux, mais mondiaux : rêver de s’y soustraire ne serai
2111
ationaux, mais mondiaux : rêver de s’y soustraire
ne
serait ni réaliste ni défendable moralement. Et maintenant, en tant q
2112
ays ? Ma première impression, c’est que la Suisse
n’
est plus à l’écart de l’Europe et qu’elle participe sans arrière-pensé
2113
ttement distinctes. Et s’il y a contamination, ce
n’
est pas dans le sens qu’un vieux Genevois pouvait redouter. « Molotov,
2114
d’Europe, comme elle fut jadis terre d’Empire, je
ne
vois pas de motifs de craindre qu’il y ait plus d’« étrangers envahis
2115
ers envahissants » que le tourisme et l’industrie
ne
s’efforçaient naguère d’en attirer, les uns payants et les autres pay
2116
ire de la neutralité suisse, 1946, p. 9. L’auteur
n’
hésite pas à parler d’« introversion politique » (p. 7) à propos de l’
2117
construction et qui bénéficient de ses recherches
n’
aurait l’idée de voir dans cette mise en commun une diminution quelcon
2118
citoyens du District fédéral de Washington, D.C.,
n’
avaient pas le droit de participer à l’élection du président des États
2119
comme si j’étais sorti ce soir à sa rencontre. Je
n’
ai pas connu d’autre écrivain français qui ait eu, de loin, pareil sen
2120
ent, de ce que durant nos années parisiennes nous
n’
ayons pu, ou cru pouvoir, nous rencontrer. « Ce sont de ces conneries
2121
er dans une atmosphère orageuse ! Mais l’Amérique
n’
est pas son fort. Il y tient le succès à distance, laissant à Salvador
2122
ert quelque chose dont je pense bien que personne
ne
parlera dans les centaines d’articles à paraître ces prochains jours.
2123
t que Breton, pour toute la haine vigilante qu’il
n’
a cessé de vouer, sa vie durant, aux manifestations visibles et offici
2124
l’artisan lui semblait des plus exaltants. Or il
n’
est rien de commun aux deux doctrines hors le grand ton de rigueur fan
2125
. (Combien de poètes, et plus encore de peintres,
n’
ont jamais pu vraiment s’approuver dans leur cœur, parce que Breton ne
2126
ment s’approuver dans leur cœur, parce que Breton
ne
les avait pas admis et célébrés !) J’ai vu plus d’une scène de ce gen
2127
ie X ! », criait-il en déclamant Zone. Ce pape-là
ne
le gênait pas : c’était un vers d’Apollinaire. (Mais tout de même, la
2128
i procède chez eux de la griserie imaginative, on
ne
peut refuser d’accorder aux écrivains réformateurs de la première moi
2129
bénéfice de l’extrême fraîcheur. » Jamais Breton
ne
s’est mieux défini. Je pense au soir où il déclara qu’il était temps
2130
l était temps d’aller regarder de plus près qu’on
ne
l’avait fait saint Augustin, qu’il tenait pour l’ancêtre des jansénis
2131
mes qu’il y avait là-dessus des bibliothèques, il
n’
en crut rien, visiblement, et avec raison : son Augustin à lui était s
2132
e livre était « dangereux ». Comme je feignais de
ne
pas comprendre, il précisa qu’il pouvait accepter beaucoup de Pascal,
2133
-être même impardonnable. Et lorsqu’il vit que je
ne
me défendais pas, je suis certain que l’idée le traversa de me faire
2134
devant le tribunal du Groupe. Mais après tout, je
n’
avais jamais été surréaliste d’observance, comment m’exclure ? Et il n
2135
rréaliste d’observance, comment m’exclure ? Et il
n’
avait aucune envie de rompre. Il trouva une espèce d’échappatoire : Ma
2136
là, plus que ponctuel et parfaitement serein. Je
ne
sais s’il a lu mon litigieux ouvrage. « Je crois que vous croyez ? »,
2137
tion passionnelle (« La beauté sera convulsive ou
ne
sera pas ») et la régler jusqu’au moindre soupir. Autoritaire et libe
2138
bibelots, entre le délire et l’extrême rigueur il
n’
a jamais cessé d’inventer un chemin qui ne pouvait exister que pour lu
2139
ueur il n’a jamais cessé d’inventer un chemin qui
ne
pouvait exister que pour lui seul. De personne je ne suis à ce point
2140
pouvait exister que pour lui seul. De personne je
ne
suis à ce point sûr qu’il a toujours suivi — avec autant d’audace que
2141
Lake George (N. Y.), 3 août 1945. La maison qui
ne
paraît pas grande de l’extérieur, quand on arrive par la forêt en pen
2142
Marcel, charmant et poli jusqu’à l’invisibilité,
n’
a pris qu’un doigt de vermouth. — Les masses sont inéducables, dit-il
2143
vos fées ! » Je lui réponds que jamais un moteur
n’
a pu produire la moindre fée. Quant à Duchamp, il balaie toute la scie
2144
u, considéré comme modèle de toute cause. Si l’on
ne
croit pas en Dieu, l’idée de cause n’a plus de sens. Je m’excuse, je
2145
se. Si l’on ne croit pas en Dieu, l’idée de cause
n’
a plus de sens. Je m’excuse, je crois que vous croyez en Dieu… — Je cr
2146
cause. Indémontrable, évidemment… D’ailleurs, ce
n’
est pas cela. Je crois que Dieu est fou selon nos normes rationnelles,
2147
coup. Mais il y a cependant une expression que je
ne
comprends pas du tout, c’est mouvement. Qu’est-ce qu’il appelle mouve
2148
ype ? S’il le définit par opposition au repos, ça
ne
marche pas, rien n’est en repos dans l’univers. Alors ? Son mouvement
2149
t par opposition au repos, ça ne marche pas, rien
n’
est en repos dans l’univers. Alors ? Son mouvement n’est qu’un mythe.
2150
st en repos dans l’univers. Alors ? Son mouvement
n’
est qu’un mythe. En fait, dit-il au déjeuner sur la galerie, tout se p
2151
t se passe anarchiquement dans le monde. Les lois
ne
servent que de prétextes. On ne les respecte pas, on pourrait s’en pa
2152
e monde. Les lois ne servent que de prétextes. On
ne
les respecte pas, on pourrait s’en passer. Si l’on supprimait l’argen
2153
chez lui sans payer un ou deux pains par jour, on
ne
peut pas en manger davantage, et il serait inutile d’accumuler des mi
2154
l serait inutile d’accumuler des miches puisqu’on
ne
pourrait pas les vendre. Ainsi de suite. Enfin, ce soir : — Vous me d
2155
de suite. Enfin, ce soir : — Vous me disiez qu’on
n’
a jamais vu vivre un groupe humain dans l’anarchie telle que je la pré
2156
oupe où cela marche très bien : c’est la famille…
N’
est-ce pas ? Les enfants prennent à table ou à la cuisine ce dont ils
2157
table ou à la cuisine ce dont ils ont besoin. Il
n’
y a pas d’achat ni de transactions légales. Tout se passe librement, e
2158
je me sens privé de repères. Pères et repères… Je
n’
arrive plus à prendre de responsabilités. Il me semble que je devrais
2159
à mon père son opinion — son OK. Probablement, je
n’
ai jamais atteint l’âge adulte… À propos d’âge : — La grande crise se
2160
l’adversaire, souvent, qui permet de gagner. Cela
ne
l’empêche pas, d’ailleurs, de lire des livres de problèmes et de les
2161
— la plupart de nos aliments, surtout la viande,
n’
étant pas assimilés et ne servant qu’à nous bourrer l’estomac d’une so
2162
ents, surtout la viande, n’étant pas assimilés et
ne
servant qu’à nous bourrer l’estomac d’une sorte de caoutchouc « Et to
2163
es à sa « boîte-en-valise » — et puis il s’étend,
ne
fait rien, fume un peu, reprend ses échecs. Pensant à la conversation
2164
rie-t-il avec une nuance d’indignation amusée. Je
n’
ai pas renoncé par attitude. Je n’ai rien décidé du tout ! J’attends s
2165
tion amusée. Je n’ai pas renoncé par attitude. Je
n’
ai rien décidé du tout ! J’attends simplement d’avoir des idées… J’ai
2166
-trois idées, j’ai fait trente-trois tableaux. Je
ne
veux pas me copier, comme tous les autres. Vous comprenez, être peint
2167
fois, cent fois la même chose ? Pas du tout, ils
ne
font même pas des tableaux, ils font des chèques. Il se lève, va cher
2168
ntiste a accepté ce paiement ? — Comment donc, ce
n’
est pas un faux chèque, puisqu’il est entièrement fait par moi ! Et si
2169
né ! Rien de plus authentique ! Et au moins, cela
ne
pouvait pas passer pour artistique… Il remet le chèque avec les soixa
2170
us nous donner d’autres exemples ? — En effet, on
ne
peut guère en donner que des exemples. C’est quelque chose qui échapp
2171
s vous voir regarder, vous voir voir, mais que je
ne
puis pas vous entendre entendre, ni vous goûter goûtant, et ainsi de
2172
mps nous faudra-t-il pour le comprendre ? Si nous
n’
y arrivons pas très vite, nous n’y arriverons sans doute jamais : nous
2173
rendre ? Si nous n’y arrivons pas très vite, nous
n’
y arriverons sans doute jamais : nous sauterons comme des imbéciles. I
2174
e jamais : nous sauterons comme des imbéciles. Il
ne
nous reste qu’une alternative : le Monde uni ou l’Autre monde. Le dir
2175
Et chacun s’efforçait de montrer que l’événement
ne
le prenait pas au dépourvu. — Rien de neuf en somme, disait le docteu
2176
la bombe confirmait son point de vue : la science
n’
est qu’une mythologie, ses lois et sa matière elle-même sont de purs m
2177
s et sa matière elle-même sont de purs mythes, et
n’
ont ni plus ni moins de réalité que les conventions d’un jeu quelconqu
2178
éalité que les conventions d’un jeu quelconque. —
N’
empêche que la bombe a éclaté au moment prévu ! remarqua le docteur. —
2179
ut d’une heure, pâle et défait, disant que sa vie
n’
avait plus de sens. Les girls, enfin, parurent émues. C’est le moment
2180
admire que la plus grande explosion de l’Histoire
n’
ait pas été provoquée tout bêtement par la plus grande masse d’explosi
2181
auté, et l’une des grandes dates de la terre : ce
n’
est qu’un rien qui s’est défait. « L’impossibilité du faire », j’y r
2182
end son temps simplement. Ce Jules Verne des arts
ne
serait-il pas plus proche de Léonard que n’en sont les essais de Valé
2183
arts ne serait-il pas plus proche de Léonard que
n’
en sont les essais de Valéry ? Mais ce serait un Léonard homéopathe, l
2184
plaque de verre : mesure objective du hasard. On
ne
trouve guère ses œuvres peintes qu’en Californie, dans une collection
2185
historiens pourront soutenir que tous ces congrès
n’
ont rien fait, et en effet, il est normal que des congrès ne fassent r
2186
fait, et en effet, il est normal que des congrès
ne
fassent rien, ce n’est pas ce que l’on attend d’eux, en général. Les
2187
il est normal que des congrès ne fassent rien, ce
n’
est pas ce que l’on attend d’eux, en général. Les gens d’une même prof
2188
s. Mais une sorte de passion très singulière, qui
n’
existe plus aujourd’hui, était le seul mobile qui rassemblait les mili
2189
termine en décembre 1949 à Lausanne. Son histoire
n’
est pas encore écrite, et il faut craindre qu’elle ne puisse l’être qu
2190
st pas encore écrite, et il faut craindre qu’elle
ne
puisse l’être que d’une manière insuffisante ou fausse, si l’on ne s’
2191
que d’une manière insuffisante ou fausse, si l’on
ne
s’y met sans retard : les documents imprimés, peu nombreux150, ne don
2192
retard : les documents imprimés, peu nombreux150,
ne
donnent pas l’essentiel de l’événement, qui se passa dans les têtes e
2193
ts manuscrits ou polycopiés, déjà plus « vrais »,
n’
ont pas été systématiquement réunis et ne se conserveront pas longtemp
2194
vrais », n’ont pas été systématiquement réunis et
ne
se conserveront pas longtemps (mauvais papier de l’après-guerre) ; en
2195
groupe et qui est en train d’écrire ces pages. Ce
ne
seront pas des pages d’histoire, mais un essai de restituer l’atmosph
2196
ongrès. Personne, sauf Joseph Retinger peut-être,
ne
prit part à tous. Je serai donc forcément incomplet et délibérément s
2197
l’étude objective des rapports et des résolutions
ne
pourra révéler aux auteurs de thèses ; une certaine fraîcheur créatri
2198
prise, si les calculs d’une prudence « réaliste »
ne
s’y étaient mis comme le ver dans le fruit. Oui, c’est la naïveté de
2199
veau du « possible », où l’on peut être sûr qu’il
n’
y aura pas de miracle. Le congrès de Montreux Je venais de rentre
2200
urs. Et certes, durant mes années américaines, je
n’
avais cessé d’imaginer une action pour unir l’Europe, si jamais il dev
2201
entrer. Pourtant, je me sentais pris de court. Je
n’
avais pas encore défait toutes mes valises… Avant de me donner la paro
2202
ccasion de prendre contact avec un groupe où vous
ne
trouverez que des amis et des disciples. » notes de journal, 6 août
2203
ur une scène, et face à une salle archicomble. Je
n’
ai en main qu’un texte encore plus condensé qu’à mon ordinaire, prévu
2204
d’otages en Hollande. Si la jeunesse de nos pays
n’
a pu faire passer dans l’action les idées que je représente, c’est qu’
2205
action les idées que je représente, c’est qu’elle
ne
peut encore insérer son effort dans le cadre qui serait seul adéquat,
2206
ul adéquat, d’une Europe fédérée, fédéraliste… Je
n’
ai plus qu’à m’exécuter. notes de journal : « Parlé très vite en me d
2207
ennuyer. Surpris par des applaudissements pour je
ne
sais quoi, après une dizaine de minutes, puis d’autres, à de nombreus
2208
pour retrouver à Sion des amis venus de Paris. Je
n’
étais pas encore engagé dans l’affaire. Tout se passait comme si j’ava
2209
ants, bouscule les prudences gouvernementales, et
ne
revendique rien de moins qu’une fédération politique, sans laquelle n
2210
itique, sans laquelle ni l’économie ni la défense
ne
sauraient être concertées valablement. Le désaccord est si flagrant q
2211
édéralistes et la tactique des unionistes. « Rien
ne
peut se faire sans les gouvernements », disaient les uns… « Mais les
2212
nts », disaient les uns… « Mais les gouvernements
ne
veulent rien faire, répliquaient les autres. À nous de montrer le but
2213
moment-là, au service du fédéralisme européen. Je
n’
oserais affirmer, en revanche, que le contenu des discussions et des r
2214
l’économie mondiale ». Avouons que depuis lors on
n’
a pas ajouté grand-chose à ce programme ; on lui a plutôt soustrait qu
2215
ce congrès et des mois qui le suivirent, mais je
ne
m’en forme qu’aujourd’hui un tableau clair, aux grandes lignes bien m
2216
misme neuf. En cet automne d’il y a vingt ans, je
n’
étais guère préoccupé de connaître les origines si complexes d’une org
2217
origines si complexes d’une organisation dont je
n’
étais pas encore membre et d’un mouvement aux contours assez vagues ma
2218
e nos propres mouvements se désagrégeront si nous
ne
leur donnons pas un but précis. Nous risquerions de devenir une secte
2219
d’obtenir à La Haye un succès complet, mais nous
ne
réussirons pas non plus, et on se sera paralysé mutuellement. » Brugm
2220
evenir une secte », comme l’a dit Brugmans. (Mais
n’
est-ce pas pour avoir accepté ce risque-là que Lénine a gagné finaleme
2221
urchill, au lieu de convoquer les états généraux,
n’
est-ce pas risquer de perdre à la fois le bénéfice du nombre (l’UEF gr
2222
ées par l’attrait que le « congrès de Churchill »
ne
manquerait pas d’exercer sur beaucoup de responsables impatients de «
2223
es avant et pendant le congrès de La Haye et l’on
ne
peut juger que c’eût été le cas si l’UEF avait rompu avec Sandys, Ret
2224
de la sorte un puissant mouvement populaire… Cela
ne
manquerait pas d’exercer une pression supplémentaire sur les gouverne
2225
le travaillait depuis deux mois sur mon texte, et
n’
avait jamais entendu parler de ces deux autres. On me répondit que mon
2226
rop long, qu’il parlait de fédéralisme et qu’on «
ne
pouvait pas me suivre jusque-là… ». En conséquence, et faute de temps
2227
de retrouver Joseph Conrad. Nous convînmes que je
ne
quitterais Londres que par l’avion du lendemain matin, et qu’un secré
2228
profil du chapelier fou d’Alice in Wonderland (ce
ne
peut être que Bertrand Russell), le crâne poli de Prieto, les boucles
2229
avec eux-mêmes, c’est le lieu où aucune certitude
n’
est acceptée comme vérité si elle n’est continuellement découverte. D’
2230
une certitude n’est acceptée comme vérité si elle
n’
est continuellement découverte. D’autres continents se vantent de leur
2231
s, Tchèques, Hongrois et Yougoslaves ici présents
ne
sont encore, hélas ! que des “observateurs”. « Attendons : le congrès
2232
ongressistes se répartirent en trois sections. Je
ne
pus en suivre qu’une, celle dont j’avais la charge. Les débats sur mo
2233
Enfin, Bertrand Russell, tout en relevant qu’« il
n’
y a pas de raison de proclamer la supériorité de l’héritage de l’Europ
2234
er le langage des rapports et des résolutions, il
ne
triompha que dans les textes. L’unionisme, doctrine (ou refus de doct
2235
part, ses tenants surent empêcher que le Congrès
ne
se prolonge en un vaste mouvement populaire, d’autre part les fédéral
2236
ouvement populaire, d’autre part les fédéralistes
ne
surent pas imposer leur tactique : ils se laissèrent berner par des p
2237
? — à un noyau de gouvernement européen, dont on
ne
décrivait pas les compétences. Churchill avait parlé d’un « Council o
2238
l avait parlé d’un « Council of Europe », dont on
ne
savait pas bien s’il était plus et mieux qu’une alliance de souverain
2239
tion politique (votée aussi par les fédéralistes)
ne
parlait que d’une assemblée « élue, dans leur sein ou au-dehors par l
2240
éfense commune”. » Sandys ajouta : « Cette phrase
n’
a pas été discutée par le Congrès. Désolé, mais il faut renoncer au Me
2241
ue vous, enverra cinquante délégués ! Et l’Europe
ne
se fera pas ! » J’avais un peu crié, je crois. Des huissiers nous pri
2242
nnable et bénin. Cela signifiait en réalité qu’on
ne
pourrait plus faire signer le Message déjà imprimé, puisque la petite
2243
t un signe impérieux de la main afin que personne
ne
se lève dans la salle. J’eus une faible revanche (mais seulement d’am
2244
at that ! We should all stand up ! »162 Personne
ne
bougea cependant. Et le Congrès prit fin dans l’enthousiasme, mais il
2245
ngrès politique à Bruxelles, en février 1949, qui
n’
ajouta rien à La Haye, à part l’adhésion de P.-H. Spaak ; puis un cong
2246
echerches. Mais les fédéralistes en tant que tels
n’
avaient rien obtenu de concret, car leur but spécifique était, précisé
2247
t terme coupent mieux l’élan d’une révolution que
ne
le font les refus systématiques d’une réaction butée qui indigne l’op
2248
re à la Pyrrhus des radicaux (ou tenus pour tels)
n’
empêcha pas le Mouvement de s’épuiser assez vite en querelles de facti
2249
suffrage universel d’une Assemblée européenne. Il
n’
avait recueilli que six voix. (Le général de Gaulle allait proposer le
2250
nifesta à La Haye. À Macmillan qui conseillait de
n’
avancer que step by step, il répliquait : « On peut tout faire en deux
2251
nt constituante. Or il est clair qu’une Assemblée
ne
saurait innover, imaginer ni vraiment créer quoi que ce soit. Un tel
2252
ni vraiment créer quoi que ce soit. Un tel projet
ne
serait-il pas une manière d’esquiver la vraie tâche de l’aile marchan
2253
ès clair, désormais, que la fédération européenne
ne
se fera jamais sur la base « réaliste » des États-nations souverains,
2254
par une erreur journalistique manifeste, dont je
n’
ai pas souvenir qu’il se soit jamais plaint. 149. J’amorce ainsi la s
2255
158. « La tâche qui nous attend dans ce congrès
n’
est pas seulement de faire entendre la voix de l’Europe comme celle d’
2256
ndaient une défense commune, mais les résolutions
n’
en parlaient plus. Je note que le motif de la sécurité ne joua donc au
2257
rlaient plus. Je note que le motif de la sécurité
ne
joua donc aucun rôle à La Haye (contrairement à ce que répètent journ
2258
lent de leur ancien chef, disent : “Le pauvre, il
n’
a pas réussi !” Mais nous, quand nous parlons du nôtre, nous disons :
2259
admet qu’il faut faire — et que pourtant personne
ne
fait ? Eh bien ! chacun le sait, rien n’est moins mystérieux : l’obst
2260
personne ne fait ? Eh bien ! chacun le sait, rien
n’
est moins mystérieux : l’obstacle à toute union possible de l’Europe (
2261
ossible de l’Europe (donc à toute union fédérale)
n’
est autre que l’État-nation, tel que Napoléon en a posé le modèle, int
2262
atrie », des réalités absolument hétérogènes, qui
n’
ont aucune raison d’avoir les mêmes frontières, comme la langue et l’é
2263
aturelles contre toute évidence164, l’État-nation
n’
admet aucune autonomie, aucune diversité réelle. À l’extérieur, il ref
2264
ui explique suffisamment, je crois, pourquoi l’on
n’
a pas avancé d’un mètre en direction de notre union politique. Entre l
2265
oyens, ils risquent bien de vous conduire où vous
ne
vouliez pas aller… Voici donc le dilemme présent : si nous attribuons
2266
européenne. Sans compter qu’un super État-nation
ne
pourrait être imposé à tous nos peuples qu’à la faveur d’une guerre g
2267
e utopie catastrophique, mais dont la réalisation
ne
saurait être exclue pour autant. Un modèle périmé Au contraire,
2268
nomie des communautés (la production industrielle
n’
étant qu’un des moyens de ces libertés), alors il faut reconnaître que
2269
tés), alors il faut reconnaître que l’État-nation
n’
est pas seulement un modèle périmé, mais qu’il est en fait aujourd’hui
2270
eux politiques d’union, dont je crains bien qu’on
ne
puisse pas impunément continuer à mêler les moyens. On ne manquera pa
2271
e pas impunément continuer à mêler les moyens. On
ne
manquera pas de m’objecter en ce point que la politique a toujours eu
2272
ce ou Liberté comme finalités de l’union. Mais je
ne
crois pas qu’il y ait un tiers parti tenable. Je ne crois pas à cette
2273
crois pas qu’il y ait un tiers parti tenable. Je
ne
crois pas à cette « imposante Confédération » qu’évoquait le général
2274
t leurs prétentions à la souveraineté absolue. Je
ne
crois pas à cette amicale des misanthropes. Je crois à la nécessité d
2275
res sur terre, sous terre et dans les airs, et de
ne
pas perdre une occasion de faire voir à quel point elles sont absurde
2276
roductions industrielles et agricoles. Mais elles
ne
servent absolument à rien pour arrêter ce qui devrait l’être : les te
2277
inexistant quand on voudrait compter sur lui. Je
ne
sais, n’étant pas économiste, si nos États-nations délimités pour la
2278
nt quand on voudrait compter sur lui. Je ne sais,
n’
étant pas économiste, si nos États-nations délimités pour la plupart a
2279
iracle, des entités économiques intelligibles. Je
ne
sais si les problèmes profonds que pose leur balance commerciale (laq
2280
fonds que pose leur balance commerciale (laquelle
ne
saurait être positive, me semble-t-il, dans tous les pays à la fois…)
2281
e, me semble-t-il, dans tous les pays à la fois…)
ne
sont pas le type même de faux problèmes, résultant de la seule fictio
2282
a seule fiction d’économies dites nationales, qui
ne
correspondent à rien d’économique. Mais ce que je sais de science cer
2283
de science certaine, c’est que les États-nations
n’
existent pas dans l’histoire de la culture, et que les « cheminements
2284
ntières sans les apercevoir : dans ce plan, elles
n’
existent pas. Il n’y a pas de « cultures nationales », en dépit des ma
2285
ercevoir : dans ce plan, elles n’existent pas. Il
n’
y a pas de « cultures nationales », en dépit des manuels scolaires, il
2286
nationales », en dépit des manuels scolaires, il
n’
y a que des divisions tout arbitraires opérées après coup dans l’ensem
2287
enne. Et les diversités que nous devons respecter
ne
sont pas celles de ces États-nations nés d’hier : elles les traversen
2288
les traversent et les divisent tous également, et
ne
coïncident jamais avec aucune frontière. Elles traversent aussi nos p
2289
l’idée de « se faire respecter », oublient qu’ils
n’
y arriveraient qu’en se rendant utiles. Ils exigent, depuis Louis XIV,
2290
evant la « majesté de l’État ». Mais non ! l’État
n’
est pas un dieu, ce n’est qu’un appareil plus ou moins efficace, qui d
2291
l’État ». Mais non ! l’État n’est pas un dieu, ce
n’
est qu’un appareil plus ou moins efficace, qui doit être mis au servic
2292
yer d’apaiser les ennemis de l’union en jurant de
ne
jamais toucher aux droits sacrés de vos États-nations ! Vous savez bi
2293
s de vos États-nations ! Vous savez bien que vous
ne
pourrez pas unir l’Europe en proclamant votre attachement aux causes
2294
hement aux causes mêmes de sa division ! Pourquoi
ne
pas le dire ouvertement ? Tous les sondages d’opinion le montrent : o
2295
égatif de ses travaux, elle ajouterait l’étude on
ne
peut plus positive de la renaissance des régions. Il faut défaire et
2296
fédérations continentales. Et vous noterez que je
ne
parle pas de relations ou d’affaires « étrangères » : c’est un mot qu
2297
mme est révolutionnaire ? Il l’est, bien sûr : on
ne
fera pas l’Europe sans casser des œufs, nous le voyons depuis vingt-c
2298
Europe des marchandages entre économies étatiques
ne
peut pas entraîner d’adhésions enthousiastes. Les jeunes gens d’aujou
2299
ions enthousiastes. Les jeunes gens d’aujourd’hui
ne
seront pas convaincus par des avantages matériels : ils sont presque
2300
c’est un sens de la vie, maintenant que la guerre
n’
est plus leur exutoire, l’alibi des raisons de vivre inexistantes. La
2301
ontestation de la jeunesse, dans le monde entier,
ne
relève pas de l’économie, et encore moins de la politique au sens étr
2302
l’humanité, nous lui devons cela ! Une Europe qui
ne
sera pas nécessairement la plus puissante ou la plus riche, mais bien
2303
Ouest, les Catalans de Perpignan et de Barcelone,
ne
sont pas séparés par les Pyrénées mais par les décrets de Paris et de