1 1951, Preuves, articles (1951–1968). Mesurons nos forces (avril 1951)
1 aucoup, angoissés par des possibilités théoriques qui excèdent leurs pouvoirs réels, cherchent obscurément des disciplines
2 e « mystiques puissantes » de simples propagandes qui nous promettent le paradis et la grandeur, la justice et la vraie lib
3 nous n’avons rien à opposer à ces « mystiques », qui sont au vrai des mystifications. Laissons les « mystiques » synthétiq
4 issons les « mystiques » synthétiques aux peuples qui en ont grand besoin, parce qu’ils n’ont pas nos réalités — et leurs c
5 ; le droit d’aimer et de haïr, le droit d’épouser qui l’on veut… Il n’est pas un seul de ces droits que les dictatures n’a
6 ait conquis l’immense majorité des peuples libres qui vivent à l’ouest du rideau de fer : parmi lesquels près de 300 millio
7 enté plutôt de l’en féliciter. Si cette jeunesse, qui a vu les camps comme résultat des idéologies, et qui a vu les pires t
8 a vu les camps comme résultat des idéologies, et qui a vu les pires tyrannies comme traduction des mystiques libertaires,
9 renvoie sobrement à nos inquiétudes personnelles, qui ne se satisfont point de réponses collectives. L’Occident n’est pas u
10 d’elle que l’Occident demeure l’espoir de l’homme qui pense, qui juge et qui sent par lui-même. Et cet homme est le but du
11 l’Occident demeure l’espoir de l’homme qui pense, qui juge et qui sent par lui-même. Et cet homme est le but du progrès, le
12 emeure l’espoir de l’homme qui pense, qui juge et qui sent par lui-même. Et cet homme est le but du progrès, le but de tout
13 personne, c’est l’individu chargé d’une vocation qui le distingue de la masse mais le relie pratiquement à la communauté.
14 pécifique de la personne, c’est l’individualisme, qui a fait tant de ravages chez nos intellectuels depuis un siècle ou deu
15 ue le collectivisme sibérien, ou que la « sottise qui paye » de Hollywood ! Dans l’idée de la personne s’enracine toute lib
16 mplir ainsi, en secret bien souvent, une vocation qui n’a pas de comptes à rendre aux hommes, et encore bien moins à l’État
17 même coup repris l’initiative. C’est l’autre camp qui sera forcé de se mettre sur la défensive, contre le rayonnement de no
2 1951, Preuves, articles (1951–1968). Neutralité et neutralisme (mai 1951)
18 une préparation mentale à l’esclavage. Le danger qui menace aujourd’hui la culture, sans précédent dans toute l’histoire d
19 , variété la plus puissante d’une maladie unique, qui peut s’appeler ailleurs fascisme ou phalangisme, ou ce qu’on voudra ;
20 utralisme. La neutralité est une mesure politique qui peut être très bonne, très utile, et même très nécessaire dans certai
21 uger. …Mais si je rentre dans mon domaine propre, qui est celui de la culture, je constate que la neutralité simplement n’y
22 r. L’agneau décide de rester neutre entre le loup qui menace et le berger qui le protège. Je le comprends fort bien. Il esp
23 ster neutre entre le loup qui menace et le berger qui le protège. Je le comprends fort bien. Il espère ainsi que le loup au
24 ra le loup : cela gagnera du temps pour l’agneau, qui se sent encore trop faible pour agir. C’est une politique défendable.
25 r. C’est une politique défendable. Mais alors, ce qui ne serait pas défendable, ce qui serait une tricherie évidente, ce se
26 . Mais alors, ce qui ne serait pas défendable, ce qui serait une tricherie évidente, ce serait que l’agneau prétende justif
27 , du Congrès indien pour la liberté de la culture qui s’est tenu à Bombay, du 28 au 31 mars. Au cours de cette conférence,
28 Au cours de cette conférence, Denis de Rougemont, qui représentait le Congrès international pour la liberté de la culture,
3 1951, Preuves, articles (1951–1968). Culture et famine (novembre 1951)
29 égné sur la Terre depuis qu’il y a des hommes, et qui n’en pensent pas moins. Culture est un mot plus récent, mais ce qu’il
30 nthrope, c’est un savant indien nommé D. R. Sethi qui a trouvé le procédé pour détruire les racines d’une herbe nommée kans
31 de centrale. Avec l’aide des tracteurs américains qui avaient construit pendant la guerre la route birmane, il vient de ren
32 ue je citais plus haut — et dans l’esprit de ceux qui l’applaudirent — il n’y a pas l’ombre d’une raison. Mais chacun voit
33 nstances atténuantes : un proverbe et un préjugé, qui relèvent à la fois de la sagesse des peuples et d’une erreur courante
34 que le contraire est vrai, que ce sont les repus qui n’écoutent pas, que la disette fut mère des civilisations, comme l’an
35 . Et cela vaut aussi, bien entendu, pour les pays qui ont surtout faim de liberté. e. Rougemont Denis de, « Culture et f
4 1952, Preuves, articles (1951–1968). « L’Œuvre du xxe siècle » : une réponse, ou une question ? (mai 1952)
36 nombreux qu’ils ne voudraient le croire sont ceux qui nous répètent, depuis vingt ans, que l’état de nos arts est la preuve
37 à leur empire, qu’ils fondaient pour mille ans et qui mourut en douze. Mais, aussitôt, une autre dictature relève l’accusat
38 e péché originel naquit le formalisme occidental, qui devait conduire à Picasso, lequel, tout communiste qu’il soit, sert W
39 bleaux de genre militaire du réalisme socialiste, qui ne se distinguent de la peinture bourgeoise d’environ 1880 que par la
40 scende le défi. Elle le réduit au rôle épisodique qui , précisément, fut toujours celui des pouvoirs politiques, de leurs go
41 d’une époque non par ses héritiers, mais par ceux qui la vivent. On ne voit pas de précédent à l’entreprise, dans l’ère mod
5 1952, Preuves, articles (1951–1968). Le sens de nos vies, ou l’Europe (juin 1952)
42 ngues latines, comme en anglais, vient d’educere, qui est « conduire au-dehors ». Donc libérer, non plus forcer dans le mou
43 ver, l’idée d’être soi-même « à son idée », voilà qui pour l’Oriental suggère une inconvenance profonde ; tandis que toute
44 s chercher sa voie selon ses goûts, ses croyances qui diffèrent (ou du moins il s’en flatte) de celles qui sont censées rég
45 diffèrent (ou du moins il s’en flatte) de celles qui sont censées régner, ses talents qu’il expérimente, enfin sa vocation
46 u tout, et d’attribuer l’absurdité non pas au moi qui la ressent, mais au monde ou à la société, voilà qui est proprement o
47 la ressent, mais au monde ou à la société, voilà qui est proprement occidental. Cela donne le révolté, l’objecteur de cons
48 et l’innovateur dans les arts. Cela donne tout ce qui a compté dans la vie de l’Europe, tout ce qui s’y est fait un nom et
49 ce qui a compté dans la vie de l’Europe, tout ce qui s’y est fait un nom et un visage distinct. Soulignons maintenant que
50 atalité, ne serait pas concevable hors d’un monde qui date ses années de la Crucifixion, hors d’un monde né avec cette reli
51 ucifixion, hors d’un monde né avec cette religion qui fit dépendre le salut de l’homme non point de l’observance des rites
52 a conscience humaine contre toutes les puissances qui oppriment ou qui nient le moi responsable et distinct. Lutte contre l
53 ine contre toutes les puissances qui oppriment ou qui nient le moi responsable et distinct. Lutte contre le destin natal, p
54 et les dieux écrasants ; contre la masse informe qui annule les personnes, mais aussi contre l’arbitraire et l’anarchie, q
55 es, mais aussi contre l’arbitraire et l’anarchie, qui vident de sens l’effort de toute une vie ; lutte enfin contre les ser
56 résultante de trois grandes civilisations : celle qui permit la découverte philosophique de l’individu et de l’atome, la Gr
57 que de l’individu et de l’atome, la Grèce ; celle qui conçut les droits du citoyen, Rome ; celle, enfin, qui a donné au mon
58 onçut les droits du citoyen, Rome ; celle, enfin, qui a donné au monde la notion totalement nouvelle de l’incarnation de l’
59 les notions de personne et de vocation, synthèse qui s’opéra durant les premiers siècles de notre ère, qui s’épanouit avec
60 s’opéra durant les premiers siècles de notre ère, qui s’épanouit avec la Renaissance, et dont la dialectique interne abouti
61 el ni sens : voilà bien dans sa réalité la menace qui pèse aujourd’hui sur l’Europe, disons plus : sur l’espoir humain. Ma
62 able, libre parce qu’il est chargé d’une vocation qui le distingue de la masse, lui donne une direction et un visage ; mais
63 ante par rapport à l’ordre établi — toutes choses qui ont permis l’apparition du concept chrétien de personne ; les révolut
64 tionnaires ne peuvent se former que dans un monde qui tient la liberté et la vocation prophétique pour plus vraies que l’Or
65 u-delà de l’instinct même et du plaisir. C’est ce qui jette Tristan et Iseut dans la mort, souhaitée comme un suprême accom
66 nales, c’est elle — bien plus que le sex-appeal — qui inspire le cinéma, les magazines féminins, et leurs courriers du cœur
67 cœur. Je constaterai maintenant que cette passion qui tient une telle place dans nos vies, ou tout au moins dans nos secrèt
68 à son sens littéral cette maxime de la démocratie qui dit qu’un homme en vaut un autre, et donc qu’une femme en vaut une au
69 n droit que la passion est une force antisociale, qui ne pourrait que gêner le rendement du stakhanoviste modèle. Cette pas
70 ent du stakhanoviste modèle. Cette passion, donc, qui nous paraît si « naturelle », est en réalité exceptionnelle dans le m
71 œuvre d’art. Je ne dis pas qu’entre l’Occidental, qui tend à s’affirmer comme individu créateur, et l’Oriental, qui tend à
72 ’affirmer comme individu créateur, et l’Oriental, qui tend à s’ordonner au monde des dieux, nous ayons à choisir. Je dis qu
73 nos pays, il existe une majorité de conformistes, qui redoutent l’épithète « d’original » et préfèrent imiter les voisins.
74 connaît d’ailleurs un être intermédiaire : celui qui a le sens de l’humour. L’Occident a créé l’étatisme, lequel tend à re
75 et armée mais par des attitudes et des conduites qui affirment la liberté de jugement des individus. Ainsi l’humour, forme
76 es et contre le droit du plus fort, toutes choses qui se résument aujourd’hui dans le pouvoir anonyme de l’État. L’humour e
77 ession du sense of humour : ils pensent que celui qui ne l’a pas, n’a pas non plus le vrai sens de la vie. Je n’oublie pas
78 voit être. Dans l’humour, c’est donc la personne qui juge son propre individu… J’en viens à un dernier exemple, le Progrès
79 emple, l’idée de progrès perdra nécessairement ce qui fait, à nos yeux, tout son prix : elle cesse d’être liée à l’idée de
80 s. Elle se lie à l’idée de contrainte collective, qui est la négation même de son mouvement originel. D’où nous vient, en e
81 nde évolue d’une manière cyclique, comme une roue qui tourne sur son axe et n’avance pas, la destruction succédant fataleme
82 res, mais ainsi font les bombardiers géants. Etc. Qui peut savoir si le Progrès, au total, a vraiment un sens positif ? Dan
83 ugmentation continuelle des possibilités de choix qui sont offertes, tant matérielles que culturelles, à un nombre sans ces
84 s-mêmes, donc d’être libres. Car la seule liberté qui compte pour moi — dira tout véritable Européen — c’est celle de me ré
85 i distinct, des individus, des personnes, de ceux qui veulent se rendre compte de leur vie pour leur propre compte, et qui
86 re compte de leur vie pour leur propre compte, et qui ont là-dessus leurs idées bien à eux — donc en définitive des hommes
87 peut-être inédites. Première remarque : l’Europe, qui ne représente en fait que 4 à 5 % des terres du globe, a découvert le
88 rse. Je ne parle pas seulement des grands voyages qui ont permis de relever la carte des continents et de dénombrer toutes
89 les Aztèques ni les Bantous, ni même les Hindous qui nous ont découverts. C’est nous qui avons été y voir. Mais il y a plu
90 e les Hindous qui nous ont découverts. C’est nous qui avons été y voir. Mais il y a plus. Nous avons en Europe des sinologu
91 ve, le Centre européen de la culture, institution qui a pour but principal de fédérer nos forces culturelles afin de réveil
92 dité sur les mystères de toutes les civilisations qui précédèrent les nôtres et sur celles qui subsistent au xxe siècle. N
93 isations qui précédèrent les nôtres et sur celles qui subsistent au xxe siècle. Nous avons déchiffré leurs hiéroglyphes, r
94 urope ne se borne pas à tolérer les civilisations qui diffèrent de la sienne, mais c’est elle qui dans bien des cas retrouv
95 tions qui diffèrent de la sienne, mais c’est elle qui dans bien des cas retrouve leurs traditions perdues, et favorise leur
96 en Afrique, tel philosophe et théologien en Iran, qui savent bien mieux que les natifs, quels furent les grands moments de
97 cherche et de l’essor spirituel dans ces pays, et qui vont découvrir au fond de leur retraite les derniers représentants d’
98 indispensable au monde — mais cette Europe aussi qui peut périr demain. La situation paraît tragiquement claire, encore qu
99 de vivre. Il y a la menace de ruines économiques qui entraîneraient une tutelle étrangère et ses conséquences culturelles.
100 entreprise culturelle. J’allai voir un industriel qui fabrique d’énormes turbines. Il m’écouta, distrait d’abord, puis impa
101 e de la turbine, mais après tout ce n’est pas lui qui l’inventa. Qui donc ? J’ouvris une encyclopédie, et trouvai ceci : —
102 , mais après tout ce n’est pas lui qui l’inventa. Qui donc ? J’ouvris une encyclopédie, et trouvai ceci : — Il y avait au x
103 s l’esprit créateur reste notre apanage, l’esprit qui voit au-delà des faits et peut les transformer puisqu’il les a produi
104 es transformer puisqu’il les a produits, l’esprit qui sans relâche vient remettre en question et modifier les résultats acq
105 es résultats acquis. Et c’est l’esprit des hommes qui ont toujours préféré le droit de poser passionnément quelques questio
106 réciter toutes les réponses — l’esprit de liberté qui peut encore sauver d’un même mouvement et l’Europe et le sens de nos
6 1952, Preuves, articles (1951–1968). Le dialogue Europe-Amérique (août-septembre 1952)
107 culturel, un problème d’un autre ordre apparaît, qui se pose lui aussi à l’ensemble de la vie de l’esprit en Europe : c’es
108 omme de sa politique — d’une puissance matérielle qui fascine les esprits de la plupart des Européens. Toute fascination, c
109 t bien constater que c’est notre public européen, qui , librement, propage ces succès américains et leurs contrefaçons multi
110 moins officielle ou privée.) Ceci dans une Europe qui proclame sans relâche sa méfiance ou son hostilité à l’endroit de la
111 Il multiplie les enquêtes minutieuses pour savoir qui fait quoi, et où, et comment aider tel ou tel sans avoir l’air de fai
112 et, il fait ses comptes et son rapport au comité, qui se décide objectivement, et qui se trompe une fois sur deux. Il en ré
113 apport au comité, qui se décide objectivement, et qui se trompe une fois sur deux. Il en résulte un gaspillage d’efforts et
114 en résulte un gaspillage d’efforts et de capitaux qui d’une part compromet l’efficacité de l’aide américaine, et d’autre pa
115 écris on à dessein : car ce ne sont pas les mêmes qui , en Europe, font la culture et ont l’argent. Mais globalement, la sit
116 oix de plusieurs thèmes d’activité, retenir celui qui semblait avoir des chances d’intéresser l’argent américain, et renonc
117 intéresser l’argent américain, et renoncer à ceux qui intéresseraient l’Europe et les vrais moyens de l’unir. Inversement,
118 ’éducation, et d’une manière générale à n’importe qui de se prononcer sur n’importe quoi qui n’est pas dans la situation co
119 n’importe qui de se prononcer sur n’importe quoi qui n’est pas dans la situation concrète de l’Europe, mais dans le progra
120 le CEC prépare le plan d’une rencontre de travail qui aura pour objet principal d’éclaircir les malentendus entre l’Europe
121 gements formulés contre les USA par les Européens qui se proclament (curieusement) « neutralistes ». En voici un : « Dès le
122 r à la santé de notre pays une culture américaine qui attaque à leurs racines l’originalité et la cohésion mentale et moral
7 1953, Preuves, articles (1951–1968). Deux princes danois : Kierkegaard et Hamlet (février 1953)
123 e front le christianisme officiel et les évêques, qui avaient loué ses premières œuvres, il se vit abandonné dans la plus c
124 ses fiançailles avec Régine Olsen, crise initiale qui libéra le jaillissement de toute son œuvre. Mais l’acte que cette œuv
125 que à la lutte, au cours de la polémique décisive qui devait le mener à la mort. Ainsi le drame de Kierkegaard fut typiquem
126 analogies. Sans nous attarder sur la coïncidence qui fait d’Hamlet un prince danois — et l’on peut rêver là-dessus — rappe
127 saillants du drame inventé par Shakespeare, ceux qui évoquent à première vue le drame vécu par Kierkegaard et nous suggère
128 e ironique. Et voici que ces deux individus, pour qui la vie en soi est déjà un problème, reçoivent en outre une mission re
129 ème, reçoivent en outre une mission redoutable et qui les condamnera, bien plus encore que leur nature psychologique, à dev
130 ’exception. Hamlet reçoit sa mission de son père, qui lui apparaît sous la forme d’un spectre. Assassiné, dit-il, par le ro
131 un spectre. Assassiné, dit-il, par le roi actuel, qui n’est donc qu’un usurpateur, le père ordonne au fils de le venger. Ha
132 de le venger. Hamlet revient vers ses compagnons, qui assistaient de loin à la scène, et leur fait jurer par trois fois de
133 ère (auquel il dédiera tous ses écrits religieux) qui ouvrit les yeux de Kierkegaard sur l’absolu du christianisme véritabl
134 légitimité. Et Kierkegaard pressent sa vocation, qui sera de dénoncer l’usurpation religieuse, afin de rétablir dans sa pu
135 Et nous voyons les deux héros gémir sous le faix qui leur est imposé : « L’époque est détraquée, hélas ! pourquoi faut-il
136 ignés de divers pseudonymes. Le message chrétien, qui lui importe seul, y sera toujours présent, mais soigneusement dissimu
137 dans des ouvrages tels que Coupable-Non coupable, qui sont en réalité le récit à peine déguisé de ses fiançailles et l’anal
138 Ophélia. Ici, c’est l’exemple vécu de Kierkegaard qui nous aide à comprendre Hamlet. Kierkegaard aime Régine, jeune fille d
139 t-il être marié ? se demande Kierkegaard. Et lui, qui se bat aux avant-postes, aux frontières de l’esprit ? D’autre part, i
140 auxquels lui-même risque parfois de succomber. «  Qui peut comprendre, écrit-il, cette contradiction de la douleur : ne poi
141 ux comme une sorte de roué, de séducteur cynique, qui a peut-être de graves méfaits sur la conscience et qui renonce au mar
142 peut-être de graves méfaits sur la conscience et qui renonce au mariage pour mieux jouir de sa vie de garçon. Il a des mot
143 gique ? Un incident minime, une simple phrase, et qui pouvait passer pour un cliché dans un discours très officiel. L’évêqu
144 Kierkegaard se sentit provoqué. Et, là encore, ce qui aurait pu rester un simple assaut de fleuret, une polémique comme une
145 exagérée » que peut l’être l’élan d’un combattant qui joue sa vie sur un seul coup. Voici un extrait de cet article : Un t
146 le monde. Un témoin de la vérité, c’est un homme qui témoigne dans le dénuement, dans la misère, dans l’abaissement et l’h
147 étesté, insulté, outragé, bafoué ; c’est un homme qui est flagellé, torturé, traîné de prison en prison, et puis enfin — ca
148 e. Mais, au lieu de se faire meurtrier, c’est lui qui paya de sa vie. Il devint lui-même le martyr que son œuvre avait appe
149   Plongé comme je l’étais, en écrivant les lignes qui précèdent, dans la lecture alternée de Kierkegaard et de Shakespeare,
150 e note de Kierkegaard lui-même au sujet d’Hamlet, qui rétablit les différences. Chose curieuse, cette note de deux pages es
151 r ou qu’il tient des propos fantaisistes. Mozart, qui composait des menuets à sept ans, avait sans doute la vocation d’un m
152 u’un enfant. Car tu iras vers tous ceux auprès de qui je t’enverrai, et tu diras tout ce que je t’ordonnerai… » Voici, je m
153 ui une nature d’exception. Mais l’appel religieux qui vient l’atteindre au début de sa carrière d’écrivain, et qui le charg
154 ’atteindre au début de sa carrière d’écrivain, et qui le charge d’une mission unique, le rend une exception au second degré
155 le met à part une seconde fois, pour des raisons qui sont celles de l’esprit — bien que, dans ce cas particulier, la natur
156 otre idée courante de la vocation n’est pas celle qui retient Kierkegaard. Il en a distingué une autre, plus intime, qui ne
157 egaard. Il en a distingué une autre, plus intime, qui ne tient plus au double sens du mot, mais à l’existence même d’une vo
158 nce même d’une vocation reçue. L’homme, en effet, qui reçoit vocation, se trouve jeté dans une incertitude inévitable par l
159 , nous ajouterons l’incertitude subjective, celle qui concerne les motifs qui peuvent pousser l’individu à faire ceci ou ce
160 rtitude subjective, celle qui concerne les motifs qui peuvent pousser l’individu à faire ceci ou cela : « Est-ce ma nature
161 ou cela : « Est-ce ma nature secrète ou l’esprit qui a parlé ? » En fait, l’homme de la vocation se trouve plongé dans une
162 n’est pas de méthode éprouvée ni de raisonnement qui puisse l’aider. L’homme engage son action et parie tout sur quelque c
163 engage son action et parie tout sur quelque chose qui lui demeure mystérieux, dans lui-même autant qu’hors de lui. Reprenon
164 e mon œuvre… Non, je dois le dire franchement, ce qui m’échappe, c’est que je puis maintenant avoir l’intelligence de l’ens
165 e avec cette netteté : et pourtant c’est bien moi qui ai accompli cette œuvre et l’ai menée à chef, pas à pas, avec ma réfl
166 ue celle-ci : la Providence a fait mon éducation, qui se réfléchit dans le processus de ma production. Ainsi sont infirmées
167 quand je suivais les impulsions de ma nature, ce qui avait ainsi pour moi une valeur strictement personnelle, tenant presq
168 tances en apparence toutes fortuites de ma vie et qui , mon imagination aidant, prenaient d’immenses proportions, me mettaie
169 de toute vocation : il s’agit de suivre un chemin qui demeure invisible tant qu’on ne se risque pas à y marcher. Cette « lu
170 r pas à faire, et le sentier se crée sous les pas qui le foulent. Ici, la seule expérience humaine à laquelle on puisse en
171 d’insister sur cette dernière catégorie. « Celui qui ne renonce pas à la vraisemblance n’entre jamais en relation avec Die
172 phrase lourde de sens : « Ce n’est pas le chemin qui est difficile, mais c’est le difficile qui est le chemin. » On voit i
173 chemin qui est difficile, mais c’est le difficile qui est le chemin. » On voit ici que la notion de vocation, chez Kierkega
8 1953, Preuves, articles (1951–1968). À propos de la crise de l’Unesco (mars 1953)
174 t ; non seulement chez les « hommes de culture », qui savent mieux de quoi il s’agit, tout en doutant parfois qu’il s’agiss
175 t une aide à la culture. Quel est le gouvernement qui peut aider ainsi ? Servitudes de la culture organisée Il y eut
176 tat, donc de directives politiques. Si le produit qui émerge de leurs débats a par miracle forme humaine et valeur propreme
177 aire, un de ces irritants problèmes périphériques qui viennent encore s’ajouter aux problèmes harassants de la lutte des pa
178 oints. 1. Trop vaste. Une organisation culturelle qui survole toutes les civilisations de la planète ne peut se donner qu’u
179 s’est toujours faite par un jeu de libre-échange qui ne tenait aucun compte de nos récentes divisions administratives et d
180 s on ne saurait les « planifier » sur une échelle qui n’est plus celle du rayonnement normal et sensible des foyers de base
181 se. 3. Initiative et contrôle gouvernementaux. Ce qui précède suffit à établir que l’initiative véritable, dans le domaine
182 rètes de la culture dans son état naissant. Et ce qui vaut pour les initiatives devrait valoir aussi pour le contrôle des t
9 1953, Preuves, articles (1951–1968). « Nous ne sommes pas des esclaves ! » (juillet 1953)
183 la police « populaire » ont tiré sur les ouvriers qui avaient osé se rassembler, sans armes, pour proclamer : « Nous ne som
184 e rouge de 1905 où le tzar fit tirer sur la foule qui marchait vers le Palais d’Hiver. Ce sont les descendants des ouvriers
185 -fils en uniformes, passés aux ordres du Kremlin, qui ont tiré sur leurs camarades, les ouvriers sans armes de la Stalinall
186 rque la fin d’une ère : celle du mythe communiste qui , pendant trente-six ans, domina la conscience prolétarienne (de Franc
187 monstrueux sophisme. Allez redire, ô philosophes qui vantiez la violence ouvrière, « substance et force du PC », allez red
188 des travailleurs ! On savait qu’il était le parti qui avait supprimé le droit de grève, sous l’impudent prétexte qu’en régi
189 ussi qu’il était le parti du travail forcé, celui qui venait de « réaliser », par les mains de cent-mille esclaves, le cana
190 toutes nos bourgeoisies ont tué des travailleurs qui , eux, se révoltaient au nom de la liberté et de leur dignité d’hommes
191 de haine contre le fascisme et les provocateurs. Qui ne voit aujourd’hui quels furent à Berlin-Est ces « provocateurs étra
192 vérité profonde de toute la situation, une vérité qui vaut pour tous leurs camarades des pays satellites et de l’URSS ; et
193 clat de rire de la foule devant les haut-parleurs qui proclament les bonnes intentions du gouvernement communiste. Il leur
194 n’est pas l’Europe des marchandages entre nations qui entendent chacune recevoir le plus et croiraient trahir en donnant. C
195 s et croiraient trahir en donnant. C’est l’Europe qui crée son avenir et justifie sa raison d’être par des hommes qui se sa
196 venir et justifie sa raison d’être par des hommes qui se sacrifient au service de la liberté. l. Rougemont Denis de, « “
10 1953, Preuves, articles (1951–1968). Les raisons d’être du Congrès (septembre 1953)
197 pellerai tout d’abord les quelques grandes étapes qui nous ont conduits jusqu’ici. À Berlin, au début de la guerre de Corée
198 de reprendre confiance dans une culture, que ceux qui en sont indignes, et qui le prouvent par là même, ont voulu qualifier
199 ns une culture, que ceux qui en sont indignes, et qui le prouvent par là même, ont voulu qualifier de décadente ». L’année
200 certainement plus enviable que celui d’un savant qui doit apprendre et professer la génétique selon Lyssenko, la linguisti
201 a sans tuer en lui l’élan intime de la recherche, qui est par essence une aventure dans l’inconnu. Notre deuxième raison de
202 ne recule pas. Je citerai deux de ces problèmes, qui d’ailleurs concernent moins l’essence même de la science que ses impl
203 perstition nouvelle pour les masses, la science «  qui guérit et qui tue » joue-t-elle dans le monde présent en faveur de la
204 velle pour les masses, la science « qui guérit et qui tue » joue-t-elle dans le monde présent en faveur de la liberté, ou c
205 a s’ajoute le fait que les inventions techniques, qui sont les sous-produits de la science, aboutissent de nos jours à des
206 été. Mais alors la question se pose, inévitable : qui dominera la science ? Sera-ce l’État, l’idéologie du parti politique
207 e une sorte de sagesse nouvelle, encore à naître, qui imposerait une harmonie préétablie entre la science, la liberté, la s
208 iberté ? Ces questions sont parmi les plus graves qui se posent à l’esprit moderne. Par une chance rare, elles sont aussi c
209 rne. Par une chance rare, elles sont aussi celles qui passionnent le grand public. On comprend que le Congrès pour la Liber
210 ouvé, dans cette Europe inquiète, une grande cité qui offrait l’exemple du dynamisme créateur — un étonnant pouvoir de relè
211 rants du monde, bref cet esprit de la Renaissance qui fut aussi celui de l’essor scientifique. C’était votre cité libre et
212 ue, dont le génie nous semblait incarné par celui qui a la charge de l’administrer, ce grand Bürgermeister qui est aussi un
213 a charge de l’administrer, ce grand Bürgermeister qui est aussi un grand Weltbürger. Voilà pourquoi nous sommes ici. Merci 
214 n parlement des intellectuels de nombreux peuples qui ont reconnu leur dépendance mutuelle. La liberté de la science se sit
215 icipantes. Représentant l’Université de Hambourg, qui avait, elle aussi, accordé son patronage à ce Congrès, le recteur Bru
216 bre physicien nucléaire James Franck, prix Nobel, qui a été l’un des premiers à appliquer en physique les théorèmes d’Einst
217 t une manifestation de cet esprit de libre examen qui fait partie du meilleur héritage américain et qui manquait, pour son
218 qui fait partie du meilleur héritage américain et qui manquait, pour son malheur, à l’Allemagne, au temps où j’y fis mes ét
11 1954, Preuves, articles (1951–1968). La table ronde de l’Europe (janvier 1954)
219 les débats, et enfin que le gouvernement italien, qui avait accepté de patronner la réunion, mettrait à la disposition de l
220 r favoriser la rencontre. Voici les personnalités qui ont participé aux discussions de la table ronde de l’Europe : M. de G
221 meilleure devise pour la table ronde de l’Europe qui s’est tenue à Rome l’automne dernier. Pour situer rapidement cette en
222 rale. Et certes, nous perdrons tout cela, tout ce qui fait le sens même de nos vies, si nous persistons à demeurer une ving
223 contraire, nous pouvons tout sauver par une union qui ferait de l’Europe, dans la réalité vivante, ce qu’elle n’est aujourd
224 — et la conscience aussi des ressources immenses qui sont là, dont elle peut disposer, à la seule condition de les mettre
225 in n’est pas de résumer les péripéties des débats qui se déroulèrent pendant six longues séances dans le huis clos doré d’u
226 sont nos peuples et les familles intellectuelles qui les composent. Mis aux prises avec un problème, l’esprit latin exige
227 ependant, c’est l’angle de vision que l’on adopte qui permet finalement de s’accorder. J’avais donc suggéré aux rapporteurs
228 visions nationales, linguistiques et idéologiques qui nous fascinent aujourd’hui, apparaissent transitoires et relatives. À
229 u temps. Quelles sont donc les causes intérieures qui paralysent nos efforts vers l’union ? L’examen de notre crise spiritu
230 par M. de Gasperi dans son discours introductif, qui nous a présenté le tableau cohérent des mesures institutionnelles cap
231 rigines, mais les buts qu’ils regardent ensemble, qui peuvent rendre les hommes fraternels. Devant l’antagonisme en apparen
232 nos pays, et celle de sauvegarder les diversités qui ont fait la richesse de l’Europe, elle a posé la nécessité de structu
233 upranationales, permettant de mettre en commun ce qui doit l’être normalement, afin de garantir et de faire vivre mieux ce
234 ment, afin de garantir et de faire vivre mieux ce qui doit normalement demeurer autonome, distinct, privé, original. Enfin,
235 marque Valéry. Je dirai maintenant les réflexions qui se formaient en moi en écoutant les autres. Elles tournent toutes aut
236 noncer je ne sais quel « nationalisme européen », qui aurait pour effet de nous « séparer du monde ». Je note que cette rés
237 ations comme telles, c’est le délire nationaliste qui a fait tout cela. Et voyez : c’est au nom du même nationalisme — appu
238 communistes — que vous attaquez aujourd’hui ceux qui veulent mettre fin à la cause de ces maux, ceux qui entendent sauver
239 i veulent mettre fin à la cause de ces maux, ceux qui entendent sauver par la fédération le meilleur de notre culture : non
240 ire, est la racine des pires impérialismes : ceux qui se déguisent en entreprises missionnaires, comme jadis les croisades,
241 dans le domaine des idées pures (s’il en est, et qui restent telles). Mais il couvre trop d’équivoques. Ce qu’il a de bon,
242 de la connaissance, c’est l’attitude fédéraliste qui peut le sauver, puisqu’elle se fonde sur la nécessité du dialogue ent
243 les. Cette culture est le cœur d’une civilisation qui , elle, est devenue vraiment universelle, pour le meilleur et pour le
244 les internes que dans le jeu des forces mondiales qui nous pressent. Et certes, il faudra bien liquider nos querelles : mai
245 u grand péril que tous nos pays courent ensemble, qui nous en donnera les moyens, c’est-à-dire la volonté ferme. « Naguère
246 domaine ». Or on ne voit plus aucun État européen qui ait conservé la faculté d’agir à sa guise à l’extérieur, c’est-à-dire
247 lté d’agir à sa guise à l’extérieur, c’est-à-dire qui soit capable de déclarer la guerre ou de conclure la paix comme il l’
248 ques d’un complexe. D’où la difficulté, pour ceux qui en sont victimes, de s’adapter aux réalités changeantes du siècle, et
249 rême confusion et les éclats de passion saugrenus qui caractérisent les débats sur la souveraineté nationale. Tout cela dem
250 oire à toutes les générations de petits Européens qui ont passé par l’école, depuis un siècle. La table ronde ne pouvait ma
251 énomènes de nature et de durée très variables, et qui ne sont devenus mortels qu’à partir du moment où l’on a prétendu les
252 , et nourriront les plus fatales erreurs : celles qui permettent l’acceptation de nos guerres intérieures par nos peuples.
253 ictive. » C’est ainsi que l’on doit rassurer ceux qui tremblent, disent-ils, de voir leur patrie « se perdre dans la masse
254 s nations, en vue de s’unir, doivent sacrifier ce qui subsiste de leur souveraineté nominale. Quant à l’essentiel de cette
255 couvre, entre les grands empires, la souveraineté qui échappe à ses nations.   Sentir le fédéralisme. — Plus j’écoute ce q
256 hétorique. Il doit rester incompréhensible à ceux qui , n’apercevant pas de différence sérieuse entre une contradiction dans
257 asco vient de formuler dans des ouvrages savants, qui renvoie dos à dos jacobins rationalistes et dialecticiens marxistes,
258 le succès. Il m’apparaît urgent et vital que ceux qui s’occupent de l’Europe fassent l’effort de s’assimiler l’ABC du fédér
259 raintes d’imposer à leurs différentes régions, ce qui mène à un centralisme excessif et à une limitation anormale de l’auto
260 fondamentale de la liberté : M. Toynbee. — En ce qui concerne le loyalisme, les Romains ont découvert qu’il ne devait pas
261 urope ne peut être florissante que si les nations qui la composent conservent leur identité. M. van Kleffens approuve les
262 r à la civilisation. Elle devra trouver l’optimum qui combine un minimum d’unité avec un maximum de diversité. 3. Le fédéra
263 édéralisme n’oppose que le bon sens aux sophistes qui abusent des définitions pour empêcher toute réalisation : M. de Gasp
264 rsiste à tout mêler, et à confondre les mots-clés qui déterminent notre existence concrète ? Comment répondre, par exemple,
265 communistes l’individu vidé, égoïste, impuissant, qui est justement la cause, autant que la victime, des réactions collecti
266 are volontiers notre Europe à Byzance. Cet empire qui sombra pour toujours il y a cinq siècles exactement, avait cessé de v
267 t de faire le pool patriotique des faibles sommes qui devaient assurer leur salut. L’assaut fut décidé après des mois d’att
12 1954, Preuves, articles (1951–1968). Tragédie de l’Europe à Genève (juin 1954)
268 s mystérieux moments d’accélération de l’Histoire qui peuvent provoquer, selon les cas, soit une confusion générale, soit u
269 affrontées sur le problème européen. Pour savoir qui a gagné, il suffit de se demander lequel des adversaires est parvenu
270 ralistes et leurs alliés nationalistes en France, qui dénoncent à grands cris la disproportion de forces entre quarante-tro
271 ls avaient pour une fois quelque chose à défendre qui n’était pas seulement le statu quo, mais l’avenir commun de leurs peu
272 laissé glisser dans une « Conférence asiatique » qui s’ouvre à Genève, à l’heure choisie par l’Est. Dès le premier jour, l
273 tupéfiants de l’Histoire. Tourné vers l’Occident, qui restera muet, Zhou Enlai déclare en substance : « Bas les pattes en A
274 port des forces ; pas un seul événement politique qui soit de nature à expliquer la grande débâcle occidentale. Il s’est pa
275 t l’Asie. Il suffisait de viser le point crucial, qui se trouvait être le plus vulnérable : c’était la France, dont le sang
276 la France, dont le sang coulait en Indochine, et qui allait décider du sort de toute l’Europe en ratifiant ou non la CED.
277 — d’inspirer quelque crainte à l’URSS. Pour ceux qui doutent encore que le vrai but de Genève, dans l’esprit de Molotov, e
278 e saboter l’Europe, je citerai la Radio de Moscou qui proclamait dans toutes les langues, au soir même de la chute de Diên
279 péenne capable d’opposer aux Russes une puissance qui les tienne en respect. (Et tout le Sud-Est de l’Asie devrait comprend
280 ans l’abîme par une poignée de députés en sursis, qui ont donc à peine le droit de parler au nom d’une seule ? C’est aux Fr
281 nçais, d’abord, qu’on voudrait s’adresser, à ceux qui sentiront l’amitié d’un appel trop angoissé pour ménager ses termes.
13 1954, Preuves, articles (1951–1968). Il n’y a pas de « musique moderne » (juillet 1954)
282 ’une manière de parler. C’est l’invention de ceux qui ont décidé qu’après Wagner, il n’y avait plus que des bruits désagréa
283 bal d’entendre et d’essayer de comprendre tout ce qui fut composé dans notre siècle. Bref, la « musique moderne » est celle
284 il ne fut qu’une amitié : je ne vois rien d’autre qui rapproche un Honegger et un Poulenc. Il y eut les dodécaphonistes, ma
285 autres musiciens de l’époque. La célèbre querelle qui opposa jadis les piccinistes aux gluckistes paraît bien innocente et
286 s différences de style aussi radicales que celles qui séparent nos « modernes », Hindemith et Berg, par exemple, ou Bartók
287 s de leurs auteurs, ce n’est pas cette génération qui le verra. Car le style d’une époque est très rarement sensible aux ge
288 d’une époque est très rarement sensible aux gens qui vivent cette époque, et ceci pour les mêmes raisons qui veulent qu’un
289 vent cette époque, et ceci pour les mêmes raisons qui veulent qu’un psychanalyste soit incapable de s’analyser lui-même. Le
290 s savoir comment le dire autrement que le dernier qui a parlé et que ceux qui l’ont précédé. Mais les grands ont tous comme
291 autrement que le dernier qui a parlé et que ceux qui l’ont précédé. Mais les grands ont tous commencé par parler le langag
292 sous la pression de ce qu’ils avaient à dire, et qui était un peu différent. Aujourd’hui, l’on voudrait commencer par le s
293 nt le goût. ⁂ Comment remédier à cette situation, qui est aussi celle de la peinture et de la poésie au xxe siècle ? Il me
294 la poésie au xxe siècle ? Il me semble que ceux qui tiennent la clé de ce problème vital pour la culture sont bien moins
295 culture sont bien moins les compositeurs que ceux qui font les programmes des concerts et qui décident du choix des enregis
296 que ceux qui font les programmes des concerts et qui décident du choix des enregistrements. Plus on jouera de musique nouv
297 le public en deviendra contemporain, et plus ceux qui composent se rapprocheront de la sensibilité mieux éduquée d’une élit
298 l encouragement pour ceux des festivals européens qui tentent de donner du « nouveau », c’est-à-dire de rejoindre le siècle
299 un vif commerce avec le diable. Et que le diable, qui depuis Faust “disait toujours non”, s’est fatigué de cette attitude e
14 1954, Preuves, articles (1951–1968). De Gasperi l’Européen (octobre 1954)
300 e pendant huit ans — le temps de mériter ce titre qui figure sur sa pierre tombale : Reconstructeur de la patrie. Mais il s
301 ité, s’il ne s’intègre à la communauté plus vaste qui est son espace vital de civilisation. Ayant redressé l’Italie, il vou
302 e européen la seule issue aux conflits douloureux qui déchirent l’Italie croyante et libérale, et qui ne peuvent être résol
303 x qui déchirent l’Italie croyante et libérale, et qui ne peuvent être résolus qu’au-delà du tête-à-tête de frères ennemis.
304 ces questions et réponses sur des bouts de papier qui sont l’agrément des congrès, mais qui permettent surtout de vérifier
305 s de papier qui sont l’agrément des congrès, mais qui permettent surtout de vérifier rapidement le degré d’accord spontané
306 ts et font en conséquence la pire des politiques. Qui dira le mal fait à l’Europe par ces « grandes voix » débitant avec âm
307 x, de tout faire pour sauver la CED. Il savait ce qui était en jeu : non seulement le sentiment ombrageux de certains Franç
15 1954, Preuves, articles (1951–1968). Politique de la peur proclamée (novembre 1954)
308 oclamée (novembre 1954)u D’un Premier Allemand qui joue sur une entente avec la France, un écrivain français a dit ceci 
309 e ne nous apparaît pas moins redoutable que celle qui exigeait la démission de Delcassé. » Paraphrasons : une Allemagne vai
310 et intacte sur laquelle régnait Guillaume II. Ce qui peut s’écrire : Peur de l’Allemagne + Guillaume II = Peur de l’Allem
311 e l’Allemagne – Adenauer ou P + 100 = P – 125. Ce qui est faux, manifestement, sauf dans le seul cas où l’on attribuerait à
312 u. L’aveu de la peur n’était permis qu’à l’esprit qui la maîtrisait : « Tu trembles, carcasse ! » Les Russes ont réellement
313 es problèmes opposant la Russie au reste du monde qui ne puisse être résolu par voie de négociations. » Relisez ces deux ph
314 ans les autres nations » — le vrai Pouvoir. Voilà qui évoque l’idée de constantes nationales, comme par exemple ce mouvemen
315 ales, comme par exemple ce mouvement irrésistible qui porte tant de Russes à émigrer vers la Sibérie. Cependant, le problèm
16 1955, Preuves, articles (1951–1968). De gauche à droite (mars 1955)
316 de notre action, il convient de nous demander ce qui a été ainsi (par le rejet de la CED) gagné ou perdu, et comment nous
317 capitulation son raisonnement et son instinct. » Qui parle ainsi ? Au nom de quelle puissante « action » qui a « contribué
318 rle ainsi ? Au nom de quelle puissante « action » qui a « contribué à l’échec de la CED » et qui marque son point « pour l’
319 tion » qui a « contribué à l’échec de la CED » et qui marque son point « pour l’histoire ? » Ce n’est qu’Esprit, revue fran
320 s témoignages d’anciens résistants à l’hitlérisme qui cherchent à émigrer ou qui, eux aussi, préfèrent le climat, pourtant
321 istants à l’hitlérisme qui cherchent à émigrer ou qui , eux aussi, préfèrent le climat, pourtant contraint, de la République
17 1955, Preuves, articles (1951–1968). Le Château aventureux : passion, révolution, nation (mai 1955)
322 de prestige aux yeux de l’Européen et d’un pathos qui ne saurait tromper, ils représentent dans notre Quête du Graal l’épis
323 c’est la grotte de Circé dans l’Odyssée). Et pour qui serait tenté de mettre en doute leur valeur religieuse et sacrée, je
324 re et bornée, mais simplement comme d’une formule qui a fait son temps, voilà qui sera ressenti comme sacrilège par l’intel
325 t comme d’une formule qui a fait son temps, voilà qui sera ressenti comme sacrilège par l’intelligentsia occidentale, d’aut
326 tre bien tout cela.) Mais c’est la forme du mythe qui provoque ce contenu et qui l’amène au jour de l’existence, comme les
327 ’est la forme du mythe qui provoque ce contenu et qui l’amène au jour de l’existence, comme les règles d’un jeu suffisent à
328 ste et profanateur, au sein même du monde féodal, qui est le monde des « fidélités ». Tristan, pris de passion, viole tous
329 ndeur tragique et obsédante qu’au sein d’un monde qui avait appris à croire à la valeur irremplaçable d’un seul être. « Je
330 sait partie de la religion de tous. Son élan fou, qui mime le saut de la foi, ne jette pas l’homme dans son salut vivant ni
331 mer d’Occident. C’est le cri de l’âme « exilée », qui ne s’arrache à la matière et à la chair que pour sombrer. Mais alors
332 n, car l’Orient ne connaît pas ce tragique absolu qui naît de l’acte irréversible, engageant sans retour la personne. Et po
333 profondeurs de la passion. Il fleurit sur l’abîme qui sépare l’Orient magique de l’Occident tragique, et cet abîme n’est au
334 e et rapide, un processus de mort et renaissance, qui revêt la violence d’une catharsis : « Les choses vieilles sont passée
335 us. Le christianisme apporte au monde les valeurs qui animeront plus tard l’idéal révolutionnaire (lequel va les changer en
336 soit son rang ; le conflit de ces deux exigences, qui est la source à la fois de l’instabilité de nos régimes politiques et
337 onnaire européen se détache sur le fond d’une foi qui tient la liberté et l’action prophétique pour plus vraies que l’Ordre
338 des temps — cette coupure de l’histoire en deux, qui a fait l’Histoire. L’Asie du Sud a duré jusqu’à nous dans la continui
339 l dans l’Empire a créé pour l’Europe un précédent qui ne cesse de hanter son histoire. Conversions, valeurs « subversives »
340 entre les hommes. Elle instituait un nouvel ordre qui bientôt prendrait la relève de l’Empire défaillant. Mais les premiers
341  » des premiers siècles et les autres révolutions qui ont versé dans son ombre « un sang impur ». L’Église, en effet, se fo
342 lectique de la personne. Ce n’est pas la personne qui se détache d’abord du corps magique de la tribu, mais c’est l’individ
343 ique. C’est l’ambition théocratique, non l’Agapè, qui hante les doctrinaires de la révolution, et les conduit au césaropapi
344 te et par le recours direct de l’âme à Dieu. Mais qui peut en appeler des arrêts d’un Parti qui incarne la Révolution ? Il
345 u. Mais qui peut en appeler des arrêts d’un Parti qui incarne la Révolution ? Il n’y a rien au-dessus de lui14. Il n’y a pa
346 es « ennemis de la liberté », appelant ainsi ceux qui diffèrent et pourraient donc devenir ses juges. D’où la Terreur inévi
347 ychose de persécution, la paranoïa de l’Occident. Qui voudrait condamner l’élan communautaire générateur de nos révolutions
348 erait dans l’irréel, j’ai dit pourquoi. Mais ceux qui croient encore que ces révolutions auraient « objectivement » servi l
349 si on la compare à celles des disciplines d’État qui leur ont succédé, fut maintes fois baptisée « douceur de vivre » non
350 la vouloir vraiment, faisant leurs dieux de ceux qui en dictaient les formules dans les termes sadiques et hautains qui on
351 les formules dans les termes sadiques et hautains qui ont toujours exalté les masochistes. L’éloquence crispée d’un Saint-J
352 r des nationalismes rivaux. Et c’est dans le pays qui aura subi le plus durement l’agression napoléonienne, c’est en Prusse
353 nt pas les déterminations naturelles de la nation qui lui donnent son caractère, mais c’est son esprit national. » (On voit
354  » Et encore : « À chaque époque domine le peuple qui incarne le plus haut concept de l’Esprit. » Voici donc les peuples él
355 Celles-ci ont fait surgir d’autres nationalismes, qui vont revendiquer à leur tour le droit de dominer l’époque. À cette fi
356 ra « souveraine », à l’imitation des rois absolus qui n’avaient de comptes à rendre qu’à Dieu seul — mais il n’y a plus de
357 bsolue souveraineté ». Pendant cent ans, l’Europe qui se croit rationnelle vivra sur cette absurdité fondamentale. En 1914,
358 vies ? Une certaine communion vague et puissante, qui permet à l’individu de dépasser son horizon restreint, de s’affranchi
359 rque Simone Weil. La nation est un dieu lointain, qui demande beaucoup plus qu’il ne donne, infiniment plus, à l’absurde. P
360 lui de la souveraineté sans limites, par exemple, qui est un des attributs de Dieu ; ou celui de l’éternité, au mépris de t
361 re. Cette rhétorique émeut des millions d’hommes, qui en oublient du même coup leurs rudiments d’histoire. J’ai dit que la
362 tional et la foi chrétienne, etc., contradictions qui ont éclaté dès 1914, affaiblissent non seulement l’Europe démoralisée
363 e demande pourquoi, je répondrai par cette phrase qui est la parabole biologique d’une vérité fondamentale de l’esprit : « 
364 vérité fondamentale de l’esprit : « Toute plante qui souffre a tendance à produire fleurs et fruits. »16 (Un peu plus de s
365 t : ne serait-ce pas nous vider d’une affectivité qui est devenue la saveur et le sens même de la vie pour des millions de
366 même révolte contre le But dernier de l’Aventure, qui ne peut jamais être saisi que par la foi. Le christianisme se disting
367 de satisfaire pleinement ses exigences. Voilà ce qui a mis en marche l’Occident et allumé sa soif inextinguible. Mais quan
368 ues de la légende, avec ce philtre enthousiasmant qui annule le Temps, il a « bu sa destruction et sa mort ». Sacraliser de
369 sa destruction et sa mort ». Sacraliser des buts qui ne sont pas le But, c’est la formule de la révolte occidentale. Révol
370 la révolte occidentale. Révolte contre l’Église, qui avait offert le type d’une société d’amour et de fraternité, mais n’a
371 le. Il en reste cette soif d’une vraie communauté qui déclenche les révolutions et qui entretient le culte de l’idole natio
372 vraie communauté qui déclenche les révolutions et qui entretient le culte de l’idole nationale. Révolte contre l’Amour de D
373 e. Révolte contre l’Amour de Dieu et du prochain, qui était le commandement remplaçant toute la Loi, et l’on voudrait mais
374 ans cet appel intime. Il pense alors : c’est Dieu qui doit être trop faible pour me contraindre à l’obéissance et à l’amour
375 imitent, même sans le savoir, le dépit de l’amour qui dresse contre le Père les enfants qu’il n’a pas contraints à la vertu
376 olu réalisé dans cette vie limitée, dans ce temps qui nous fuit, dans cette chair impérieuse et débile, n’a pas cessé de tr
377 rience spirituelle que la foi seule a pu créer et qui l’attendront désormais de toute la force d’une inconsciente nostalgie
18 1955, Preuves, articles (1951–1968). L’aventure occidentale de l’homme : L’exploration de la matière (août 1955)
378 ! C’est la Foi des Apôtres ! » « Anathème à celui qui ne croit pas ainsi ! Chassez Eusèbe, qu’on le coupe en morceaux ! Il
379 es députations. On a signé des listes de présence qui seront plus tard contestées : sont-elles complètes, sont-elles exacte
380 après l’édit de Constantin, et beaucoup d’évêques qui dominent le concile portent les traces de la persécution et des tortu
381 u à l’homme révélées par la venue du Christ, Dieu qui est le Père en tant que Créateur, le Fils en tant que Rédempteur, le
382 ent théologique aux yeux des Pères de Nicée, mais qui devait apparaître, après coup, comme le fait spécifique et capital de
383 ence que produirait l’Europe christianisée, voilà qui paraît indéniable, et c’est le contraire qui aurait de quoi surprendr
384 oilà qui paraît indéniable, et c’est le contraire qui aurait de quoi surprendre. Comment pourrait-on rendre compte du fait
385 -elle pu se produire en dehors d’une civilisation qui a su valoriser la matière et le corps, objets de la science, en même
386 type de pensée en tension, ou mieux par tensions, qui sera jusqu’à nous la marque et le ressort de l’esprit de recherche oc
387 à la magie, aux mythes, aux religions naturelles, qui tenaient lieu de science aux sociétés antiques. Ces structures et ces
388 èle suprême de la polarité impensable mais vraie, qui exige, dès qu’on l’admet, une réforme profonde de nos catégories inte
389 ni dans une alternance du type diastole-systole, qui dissocierait la personne. Il s’agit bel et bien de vivre leur tension
390 e. Mais qu’en est-il des autres couples d’opposés qui se sont multipliés dans notre histoire ? La plupart mettent en jeu de
391 u des réalités purement humaines, de même nature, qui ne se rapportent plus de près ni de loin, aux deux termes originaux.
392 la découverte des antinomies du réel : le conflit qui opposa les éléates et les tenants de Pythagore remonte au ve siècle
393 e du xxe siècle — a osé ce mouvement de l’esprit qui assume les incompatibles. La passion de la synthèse, ressort de nos r
394 iens ne peuvent manquer d’observer. Cette lumière qui consiste à la fois en « vraies ondes » et « vrais corpuscules », n’a-
395 « humains » un type de dialectique à trois termes qui , finalement détaché de son objet primitif, est devenu une forme de no
396 n monde dont la réalité est attestée par Dieu, et qui attend son salut de l’homme sauvé. Il est très important que Kepler a
397 ce, d’être à son tour interprété et révélé… Celui qui estime vraiment que le monde est absurde, on sent qu’il peut en faire
398 ce. Einstein confirmera l’intuition de Descartes, qui fut aussi celle de Newton et de Kepler.   c) Les vertus scientifique
399 premier, a su décrire la différence fondamentale qui sépare la science grecque de notre science moderne, laquelle ne pouva
400 sée nietzschéenne Karl Jaspers23 : Si les Grecs, qui fondèrent la science, ont pourtant ignoré la science universelle prop
401 t même Descartes cèdent à cette impulsion grecque qui veut à tout prix établir une forme close, paralysant ainsi la science
402 . Entièrement différente est l’impulsion moderne, qui veut que l’on reste ouvert sans réserve au tout de la réalité créée.
403 ssance, alors, vise précisément, dans le réel, ce qui ne cadre pas avec les ordonnances et les lois établies précédemment.
404 ais. La science moderne est née d’une rationalité qui , loin de se refermer sur elle-même, reste ouverte à l’irrationnel et
405 ’où vient le courage qu’elle suppose ? De la foi, qui est confiance en Dieu. Car « si Dieu est le créateur du monde, il est
406 ormais responsable de ce qu’est le monde et de ce qui s’y passe ». Il y a donc un sens, et il vaut la peine de le chercher
407 eine connaissance de la réalité du monde. Ce Dieu qui exige la vérité absolue ne veut pas qu’on le saisisse à l’aide d’illu
408 à l’aide d’illusions. Il rejette les théologiens qui tentent de consoler et de réconforter Job par des pensées spécieuses.
409 pensées spécieuses. Il exige de l’homme un savoir qui cependant paraît sans cesse se tourner en réquisitoire contre lui-mêm
410 idée de Dieu jusque dans la connaissance du réel, qui pourtant vient de Dieu… Dieu n’est pas l’objet d’une foi véritable s’
411 du savant que de tenir pour suspecte toute pensée qui d’avance le satisfait et le convainc. Ainsi, c’est dans la mesure où
412 ant le matérialisme, comme position métaphysique, qui devait faire éclater en Europe le conflit de la science et de la reli
413 ie toute contraire : je veux parler du docétisme, qui tenait le corps du Christ pour une simple apparence, et l’Esprit pour
414 rs siècles sont très nettement spiritualistes, ce qui indique bien que l’orthodoxie chrétienne était ressentie comme trop m
415 ance, et consommée dès l’aube de l’ère technique, qui a donné libre cours à l’extrémisme occidental que fut le matérialisme
416 uement polémique, consistant à nier l’Esprit même qui avait permis de valoriser chair et matière. Il se voulait moniste, ma
417 par l’exemple de Marx. Pourtant, chez les savants qui acceptèrent son credo, il semble bien que l’élément polémique ait été
418 des êtres substantiels et durables »27. Voilà ce qui reste de la matière aux yeux de la science d’aujourd’hui. Si la base
419 lte que le matérialisme vulgarisé, survivant à ce qui fut sa base, n’est plus guère qu’une superstition. Il entretient reli
420 l’énergie, puis entre l’énergie et quelque chose qui n’est plus exprimable qu’en formules mathématiques, et qui semble app
421 plus exprimable qu’en formules mathématiques, et qui semble appartenir, par suite, à la pensée et à ses lois, voilà qui te
422 enir, par suite, à la pensée et à ses lois, voilà qui tendrait à prouver l’existence d’une continuité entre la matière brut
423 à la théologie La question se ramène à savoir qui décide, et qui détient la preuve de la réalité. L’Occidental moyen se
424 La question se ramène à savoir qui décide, et qui détient la preuve de la réalité. L’Occidental moyen se figure qu’au M
425 désormais, peut fonder son jugement sur des faits qui sont « démontrés par la Science », au lieu que le médiéval se voyait
426 ait déjà échappé à nos sens. Dépassée la matière, qui était pourtant devenue l’objet principal de la science, nous butons c
427 tre et de Gamow, né d’une explosion primitive, et qui reviendra peut-être à son point initial, vous n’irez pas plus loin ni
428 onvertit sans cesse en matière composée d’énergie qui retourne sans cesse au non-manifesté31. À ce cycle infini, l’homme op
429 te Question : elle nous juge et pose nos limites, qui sont celles du savoir humain, mais elle pose en même temps l’existenc
430 . Mais le Dieu que prient les chrétiens est celui qui s’est fait connaître par cela justement que la science ne connaît pas
431 s conciles : comment ne pas songer aux épurations qui seront pratiquées 1500 ans plus tard dans une Russie dont l’esprit « 
432 de l’histoire et court après la science… 26. Ce qui équivaut à dire que l’état spirituel, le projet subjectif, le motif p
433 de la physique des quantas ne le sont du moderne qui ne croit qu’à la science. 29. Cf. O. L. Reiser, « The Field theory o
434 t de l’Univers physique est un « nœud d’énergie » qui se produit dans un « champ » au sein duquel agissent on ne sait quels
19 1955, Preuves, articles (1951–1968). L’aventure technique (octobre 1955)
435 ntinuité de nos caractères nationaux. La question qui se pose est alors de savoir si l’Occident qui pense n’a pas pris l’ha
436 ion qui se pose est alors de savoir si l’Occident qui pense n’a pas pris l’habitude, depuis une cinquantaine d’années, d’ex
437 gson. On dénonce la dépersonnalisation de l’homme qui serait liée à la production en série. On prédit le règne des robots.
438 l’esprit (mind), contre les forces impersonnelles qui nient l’homme et sa dignité, et qui menacent de stériliser ses facult
439 mpersonnelles qui nient l’homme et sa dignité, et qui menacent de stériliser ses facultés les plus humaines : jugement, cho
440 eux, et du contact avec la terre, contre un monde qui devient artificiel et laid, uniforme et abstrait, haletant et minuté,
441 urgeois s’en sont toujours gardé. Et quant à ceux qui ont décidé de sortir du monde et de se remettre à tisser leurs vêteme
442 moderne, faute de changer ce monde, modifie ceux qui le jugent : elle augmente l’insécurité et le pessimisme des masses ;
443 ntribue de la sorte à entretenir cette « crise », qui est le thème préféré de nos meilleurs esprits. Et pourtant, bien qu’e
444 ou ignoré jusqu’au xixe siècle : le type d’homme qui précisément rédigea nos manuels scolaires, et qui n’a jamais rien inv
445 qui précisément rédigea nos manuels scolaires, et qui n’a jamais rien inventé32. Finalement, de Nietzsche à Spengler, en pa
446 on nous a représenté une espèce d’homme de proie qui se jette sur la Nature pour la soumettre à sa « volonté de puissance 
447 On invoque Prométhée, mais c’est la seule figure qui permette d’illustrer cette théorie tragique, reflétant le goût du tem
448 du temps plus que la réalité. L’homme primitif — qui vit encore en chacun de nous — a-t-il vraiment rêvé de dominer la Nat
449 as pour attaquer cette Nature animée d’intentions qui sont loin d’être toutes malveillantes : c’est pour négocier avec elle
450 er avec ses démons. Traiter avec le dieu du feu — qui apparaît sur deux points de la planète au Caucase et en Chine, semble
451 hommes. Bien plus qu’une « volonté de puissance » qui serait une relation de force à sens unique, inimaginable à ce stade,
452 là le besoin de jouer, mais au sens fort du mot, qui est un sens religieux. La civilisation apparaît en même temps que les
453 n peu plus fortes ou plus solides que l’homme, et qui le mettent en mesure de jouer sa partie en compensant les faiblesses
454 e de jouer sa partie en compensant les faiblesses qui le distinguent. Mais l’utilité de ces objets n’épuise nullement l’int
455 lité de ces objets n’épuise nullement l’intention qui les crée, et même, le plus souvent, n’en rend pas compte : tout est m
456 istoire des inventions n’est pas celle de besoins qui auraient existé avant elles. Sa logique n’est pas celle de l’utile, m
457 que n’est pas celle de l’utile, mais du jeu33. Or qui dit jeu dit règles fixes. Ce qu’il s’agit de maintenir avec un soin j
458 herchait à construire une « locomotive routière » qui ne fût pas astreinte à suivre la loi rigide des voies ferrées et ses
459 tuel), de dominer son corps, de ne pas mourir… Ce qui s’oppose et résiste à ce Bien, ce sont alors les servitudes de la Nat
460 un Autre. On a reconnu cette attitude manichéenne qui accompagne régulièrement l’ascension des religions du Dieu bon, et qu
461 èrement l’ascension des religions du Dieu bon, et qui leur oppose en sourdine un « spiritualisme épuré », c’est-à-dire en f
462 ge. D’où l’ascétisme, le monachisme, l’angélisme, qui méprisant matière, chair et Nature, ne peuvent conduire qu’à la conda
463 mais beaucoup ne répondent à rien : la technique qui les donne doit les faire accepter et créer leur besoin dans la masse.
464 ’est pas de nos besoins matériels et utilitaires, qui n’entrent en jeu qu’après coup ? Le problème revient à savoir comment
465 de chercher le pourquoi de la passion d’inventer, qui est d’ordre poétique (au sens premier du terme) et qui est de l’homme
466 st d’ordre poétique (au sens premier du terme) et qui est de l’homme en général. Mais quelque chose d’unique s’est produit
467 ux que l’on baptise « capitaines d’industrie » et qui s’inspirent et s’autorisent des précédents de la Révolution et de l’E
468 urs savants, et surtout une autre visée que celle qui orientait leurs travaux. Nous savons aujourd’hui que le rêve des alch
469 nce à la vie sociale, favorisées par une mystique qui tendait au salut conjoint du cosmos et de l’âme humaine, brusquement
470 ent pas attendus. Prise de court par un phénomène qui l’étonnait merveilleusement, et dont elle ne pouvait mesurer l’ampleu
471 t le sont encore — par le prolétariat industriel, qui a subi tous les « frais humains » de l’opération dès ses débuts37. Po
472 ains » de l’opération dès ses débuts37. Pour ceux qui en ont tiré bénéfice matériel, ils l’ont payé d’un prix moins visible
473 Philosophy of Manufactures, célèbre les usines «  qui surpassent en nombre, en valeur, en utilité et en noblesse architectu
474 ra les camps. Pourtant, le nombre des prolétaires qui ont crevé de misère autour de leurs usines pendant tout le siècle der
475 is cinquante ans, au développement d’une attitude qui rappelle le manichéisme, encore que les valeurs se trouvent inversées
476 s se trouvent inversées : ce n’est plus la Nature qui représente le Mal, mais c’est l’œuvre de l’homme, l’implacable Techni
477 ’implacable Technique, personnifiée et mythifiée, qui nous domine et nous « déshumanise ». Cette projection du Mal sur la m
478 festé de la Nature. La doctrine de l’Incarnation, qui est son fondement toujours actuel, le lui interdirait à elle seule. L
479 rt vers le salut. Cessons donc de projeter le mal qui est en nous sur les choses, machines ou Nature, douées d’intentions a
480 oit plus nous tromper. Les penseurs d’aujourd’hui qui adoptent cependant à l’égard du progrès technique la position néo-man
481 n’est pas dangereuse du tout. C’est un objet. Ce qui est horriblement dangereux, c’est l’homme. C’est lui qui a fait la Bo
482 horriblement dangereux, c’est l’homme. C’est lui qui a fait la Bombe et qui se prépare à l’employer. Le contrôle de la Bom
483 , c’est l’homme. C’est lui qui a fait la Bombe et qui se prépare à l’employer. Le contrôle de la Bombe est une absurdité. O
484 en fait par lui-même, et c’est toujours quelqu’un qui vous appelle par le moyen de ce porte-voix. Si vous courez répondre,
485 anisme mort ». Or, ce n’est pas ce mécanisme mort qui peut en être responsable. Ce n’est pas la machine qui rend un homme e
486 peut en être responsable. Ce n’est pas la machine qui rend un homme esclave : ce sont certains comportements que d’autres h
487 que l’homme est esclave, quel que soit le régime qui l’exige, capitaliste ou communiste. Taylor a conçu l’ouvrier comme un
488 nt calculable. C’est son système, non la machine, qui asservit l’homme. Mais Taylor a créé ce système selon les conceptions
489 que veut-on dire ? Imagine-t-on quelque invention qui ne pourrait être utilisée que pour le bien ? Je dis que ce serait une
490 ue les Polynésiens de Gauguin. C’est le Moyen Âge qui était loin de la Nature : il la craignait40. L’âge classique la jugea
491 le prolétariat industriel, mais c’est elle seule qui peut le sauver de sa condition et du décor hideux de son existence. C
492 eux de son existence. Ce n’est pas la scolastique qui a supprimé l’institution de l’esclavage en Europe, mais l’amélioratio
493 s nos protestations contre le travail à la chaîne qui libéreront le prolétariat, mais le remplacement des travailleurs serv
494 effarante : le loisir. La technocratie. L’homme qui cesse de sentir et de vouloir les buts derniers de son existence se m
495 ritable ; non pas elle, il est vrai, mais l’homme qui parle ainsi. Ernst Jünger a bien vu que la technique tend alors vers
496 l’obsession du mouvement pour le mouvement même, qui définit la politique des jacobins et des totalitaires de toute couleu
497 devant les perspectives vertigineuses du loisir, qui poseraient d’une manière immédiate et concrète la grande question des
498 e individuelle reste sans prises sur un phénomène qui évolue au niveau des mythes collectifs : le profit dépend toujours pl
499 aventure humaine conduit alors à la Technocratie, qui est le gouvernement des moyens sur les fins. (Les « exigences de la t
500 quinze fois mieux que nos ancêtres ?) Mais voici qui présente un sens très net : de 1890 à 1954, la semaine de travail dan
501 n tiers pendant ce laps de temps. Un deuxième but qui est d’assurer la subsistance d’une humanité qui s’augmente de 70 000
502 t qui est d’assurer la subsistance d’une humanité qui s’augmente de 70 000 âmes par jour, a paru s’éloigner à mesure que l’
503 echnique. Ce sont maintenant les moyens à trouver qui devront s’adapter à cette fin reconnue, non l’inverse comme auparavan
504 ais cela se verra). Jusqu’ici, c’était le travail qui occupait l’essentiel de nos jours, et dont dépendait notre sort : sal
505 à nu. Je n’entends pas peindre ici quelque utopie qui pourrait amuser nos descendants. Tout peut changer radicalement et d’
506 s décisions. (Ce n’est pas l’invention de la roue qui compte en soi, mais bien l’usage qu’un peuple a décidé d’en faire : c
507 ident, jouets et ornements chez les Aztèques.) Ce qui est certain, c’est que le progrès technique va faire un saut sans pré
508 lée par des centaines d’ouvrages de vulgarisation qui permettent aux Occidentaux, pour la première fois dans l’Histoire, de
509 ous multiplions déjà — comme en vue de lendemains qui auront le temps de chanter — les occasions de mieux comprendre nos vi
510 exemple —, puisque c’est la technique précisément qui nous permet ce retour en créant du loisir. Et quant à la mystique, el
511 main la première condition des hérésies et gnoses qui vont paraître : elles ne feraient autrement que répéter de l’ancien q
512 les ne feraient autrement que répéter de l’ancien qui n’a pas disparu sans raison, ou ressusciter des doctrines dont le sty
513 ant de ce genre de réalités, certaines curiosités qui ne s’arrêteront pas là. La télévision, la radio apportent le monde à
514  divertissement » au sens pascalien de ce terme — qui englobe ici les grandes parades totalitaires — en bénéficieront très
515 ers s’imaginent l’homme comme une sorte de ballon qui ne demande qu’à « s’élever » dès qu’il est délivré des soucis quotidi
516 présentera un progrès ou un risque nouveau, voilà qui nous conduit à reconsidérer le sens et la nature finale du Progrès. C
517 tation du risque de l’homme en tant que personne, qui est le risque de la liberté ? 32. L’examen des circonstances qui o
518 de la liberté ? 32. L’examen des circonstances qui ont produit les grandes inventions, jusqu’à nos jours, prouve que l’a
519 délirants », dont le mysticisme fut décisif en ce qui concerne la plupart de nos progrès techniques. Notons qu’en retour, l
520 des mines : Swedenborg et Novalis. 36. Le modèle qui servit à Goethe pour écrire la fin du second Faust fut l’ingénieur an
521 lus « païen », par cela même, qu’un J.-P. Sartre, qui se place au niveau de la morale, dans le prolongement des exigences e
522 tes orientalistes font parfois penser à quelqu’un qui inventerait une machine à monter les escaliers, au lieu de prendre l’
20 1956, Preuves, articles (1951–1968). Les joyeux butors du Kremlin (août 1956)
523 commencé dès la mort de Staline44 ou par elle. Ce qui est indiscutable, c’est l’importance psychologique du phénomène ; mai
524 fin, quelles sont les « contradictions » majeures qui menacent d’éclatement l’univers communiste ? I. Le changement des i
525 t non plus de déclarations) — faits tout de même, qui , reliés à leur tour, définiraient une courbe d’allure bien différente
526 e provoqué par cette illusion, pour mieux voir ce qui se passe, voyons ce qui ne se passe pas.   1. Les circonstances de la
527 usion, pour mieux voir ce qui se passe, voyons ce qui ne se passe pas.   1. Les circonstances de la mort de Staline ne sont
528 pas encore éclaircies. K. n’ignore pas les bruits qui circulent à ce propos ; mais il omet de les réfuter dans son rapport.
529 rt. 2. K. limite ses attaques contre Staline à ce qui s’est passé depuis 1934, et seulement aux dépens des « bons communist
530 istes ». Que penserait-on d’un nazi d’aujourd’hui qui n’attaquerait Hitler que pour avoir pendu de « bons Allemands » après
531 nde ». Mais il refuse d’envisager la seule mesure qui donnerait un contenu concret à cette promesse : la reconnaissance du
532 Thorez et Togliatti se seraient-ils éclipsés ? De qui se moque-t-on ? De la presse occidentale, qui a donné dans le panneau
533 De qui se moque-t-on ? De la presse occidentale, qui a donné dans le panneau, comme toujours ? Mais l’heure n’est pas aux
534 ’est pas tel ou tel trait de folie d’un dictateur qui doit retenir l’attention, mais le fait de la dictature. Ce n’est poin
535 « Toute collectivité régie par un chef souverain qui n’est comptable à personne se trouve entre les mains d’un malade », é
536 malade », écrivait Simone Weil au temps d’Hitler, qui était aussi le temps de Staline. Et que la dictature se dise collégia
537 re figure de langage. Mais comment fait-on cela ? Qui fait cela ? Le mouvement de l’Histoire ? Ou certains hommes ? Résumon
538 écrivis : « Aujourd’hui, c’est le voleur lui-même qui rapporte contre récompense. » Mais les gens du Kremlin font mieux : i
539 vertu. Elle est devenue la vertu même, pour ceux qui jugent au nom du « mouvement de l’Histoire ». Ces réalistes me diront
540 res, n’ont pas formé les trois douzaines de chefs qui permettraient aux rescapés de la vieille équipe d’aller vivre en paix
541 de Cantorbéry. « Le crime seul doit placer l’être qui l’a commis hors de la considération sociale, et le châtiment doit l’y
542 iment doit l’y réintégrer. » (Simone Weil.) Voilà qui eût justifié, en théorie du moins, les fameux camps de rééducation. M
543 orale politique et sociale, on l’entend, la seule qui non seulement nous donne le droit de juger, mais nous en fasse un imp
544 ant, hélas ! au-dessus des despotes — est de ceux qui dégradent non seulement un régime et les idéaux qu’il proclame, mais
545 ’œil intéressé des masses du monde entier, — pour qui sonne-t-il le glas ? Pour le seul « stalinisme » ? Non, pour tout ce
546 ? Pour le seul « stalinisme » ? Non, pour tout ce qui permet de le condamner. Qui a tué Staline ? Tout cela tendrait-
547 Non, pour tout ce qui permet de le condamner. Qui a tué Staline ? Tout cela tendrait-il à prouver qu’il n’y a pas eu
548 sés « staliniens » quand ils deviennent gênants — qui furent en vigueur sous son règne, ne se voient dénoncés que des lèvre
549 e des lèvres, et à seule fin d’exonérer le groupe qui entend bien rester libre de les appliquer. Quant au sens général du p
550 nisme » peut encore se porter aussi bien que ceux qui ont liquidé Staline ; ou qu’au contraire, le dépassement du « stalini
551 nt au moment voulu la mort naturelle d’un Staline qui se trouvait avoir fait son temps. La seconde hypothèse est celle d’Is
552 nes d’une clarté limpide, mais trompeuse : « Ceux qui gouvernent en URSS, je reconnais qu’ils ont eu des postes et des char
553 t-il en conclure que ce sont d’enragés staliniens qui se léninisent sous la menace ? La vérité, c’est que le stalinisme s’e
554 non pas simplement dépassé — par ceux-là mêmes en qui Sartre veut voir les meneurs du mouvement de l’Histoire qui les mène.
555 veut voir les meneurs du mouvement de l’Histoire qui les mène. (« … ils la font, et ils sont faits par elle. ») Quelle éta
556 par elle. ») Quelle était donc cette autre chose qui est condamnée, et que Sartre n’approuvait pas ? L’action personnelle
557 en URSS même, on voit mal ce qu’il peut en rester qui ait pu se livrer à l’autosuppression, sinon précisément ce qui dure e
558 livrer à l’autosuppression, sinon précisément ce qui dure encore : la dictature, le personnel stalinien, le mythe de l’inf
559 s s’adressant non seulement aux acteurs du drame ( qui s’en moquent), mais encore aux intellectuels qui ont approuvé lesdits
560 (qui s’en moquent), mais encore aux intellectuels qui ont approuvé lesdits acteurs quand ils faisaient le jeu de Staline, e
561 ersible. J’examinerai maintenant les conséquences qui peuvent ou doivent découler, dans l’immédiat, de cette situation en p
562 ce qu’un anticommuniste militant ? C’est un homme qui s’oppose à toutes les tyrannies quel qu’en soit le prétexte allégué.
563 lté) suppose la dictature, et K. suppose Staline, qui l’a fait. Dans un système totalitaire, par définition tout se tient.
564 liquer à un pareil système des critères sélectifs qui valent à plein pour nos régimes démocratiques, mais sont exclus par l
565 l’Histoire ! D’où l’on voit qu’un anticommuniste qui se veut « non systématique » n’est finalement qu’un anticommuniste in
566 ait et en logique, on ne connaît pas d’opposition qui n’implique une certaine position, on s’en tire en disant : celui qui
567 certaine position, on s’en tire en disant : celui qui est toujours contre, il faut bien qu’il soit payé pour…50 L’anticomm
568 revanche, n’est pas tenu de croire que les hommes qui l’attaquent sont payés par Moscou, pour si peu. N’étant pas marxiste-
569 honnêtement ses revenus de la classe bourgeoise, qui achète ses livres et applaudit ses pièces bien qu’il n’ait pas cessé
570 t étant fournie par les procommunistes eux-mêmes, qui justifiaient tout cela par le Diamat. Parce que nous disions cela, l
571 sens marxiste de l’expression. Quant au point 10, qui résume tout, sa vérité résulte des points qui le précèdent, et sa con
572 10, qui résume tout, sa vérité résulte des points qui le précèdent, et sa confirmation héroïque et sanglante s’inscrit dans
573 . Mitrailler dans les rues de Poznań les ouvriers qui souffrent de cette dictature, bien qu’elle soit en principe la leur,
574 hismes de K. Second argument : « La métamorphose qui porte les maîtres du Kremlin… à l’avant-garde de l’antistalinisme sou
575 anticommunistes vulgaires seraient-ils donc ceux qui n’ont pas de nom ? Il faut pourtant bien qu’ils existent : où serait,
576 cation erronée : les moyens employés par Staline, qui fut pendant tout le temps de notre débat l’incarnation incontestée du
577 oute, la liberté, et de ne tenir pour vrai que ce qui était dit « de gauche » ; bref, dans tous ces exemples choisis à la v
578 de leur faire dire chaque fois le contraire de ce qui est, donc de mentir. On se tromperait en croyant que j’instruis un pr
579 eurs ; attribuer du jour au lendemain tout le mal qui s’est fait sous Staline à un « culte de l’homme » qu’on se bornait à
580 yeux, déjà, ce procédé de K. invoquant la terreur qui régnait au Kremlin — mais non pas à Paris ni à Rome, que l’on sache —
581 tant. On affirme, en effet, un besoin d’esclavage qui transcende l’obéissance technique, et ne peut récuser qu’un seul ordr
582 te va nous y aider peut-être. Soit un chef absolu qui ordonne à ses sujets de se peindre le visage en rouge. Cela dure des
583 ées, sans problèmes : on se borne à liquider ceux qui refusent de se peindre. Mais voici que le même chef, un beau jour, s’
584 ’ils tentent de prévenir les vœux secrets du chef qui les met à l’épreuve. Cependant, deux ou trois se débarbouillent la fi
585 igure et décident de quitter le pays. La question qui se pose est celle-ci : les sujets n’ont-ils fait qu’obéir une fois de
586 espèce de couleur. Telle est la seule révolution qui compte, la seule qui ne conduise pas, inévitablement, à plus de tyran
587 elle est la seule révolution qui compte, la seule qui ne conduise pas, inévitablement, à plus de tyrannie qu’avant. Compren
588 dit vrai (selon l’observation), mais au nom de ce qui sert le Parti. Que la « vérité du Kremlin », adoptée par tous les PC,
589 ncide actuellement avec le vrai tout court, voilà qui est loin de prouver que K. et les PC aient rejoint le parti de la vér
590 qu’ils persistent dans leur erreur fondamentale, qui est de croire que la vérité doit être dictée, non cherchée, et dépend
591 t l’erreur y est frappée de sanctions immédiates, qui ne sont point morales, mais physiques. On ne fait pas de découvertes
592 , et de celui-ci avec le mouvement de l’Histoire, qui , par définition, ne peut se tromper, puisque c’est lui qui détermine
593 définition, ne peut se tromper, puisque c’est lui qui détermine la « vérité ». Le rapport K. remet tout en question. En eff
594 r. Entre les deux, où se place l’infaillibilité ? Qui , désormais, en sera le vrai porteur ? Faudra-t-il dissocier les chefs
595 mission stupéfiante de la part d’un marxiste pour qui toute déviation, opposition ou trahison, ne saurait être motivée que
596 ie. Ce n’est pourtant pas l’individu, on le sait, qui fait l’Histoire. En voici un, pourtant, qui l’a mal faite. C’est donc
597 sait, qui fait l’Histoire. En voici un, pourtant, qui l’a mal faite. C’est donc qu’il faisait le jeu d’une force bien réell
598 ue Staline n’a jamais rien fait par lui-même — ce qui aurait pour effet de le réhabiliter, mais d’incriminer tout le systèm
599 e débarrasser des entraves dogmatiques et de ceux qui les vénèrent… À supposer que l’arrière-pensée d’un K. soit quelque ch
600 r que l’arrière-pensée d’un K. soit quelque chose qui ressemble à ce qu’on pourrait appeler « le dépassement du communisme
601 l’Histoire », — comme le sont dès maintenant ceux qui s’accrochent encore à l’utopie marxiste, plus lente que la technique…
602 ndra-t-il de ces échanges d’idées, si les Russes, qui se forment aux sciences, croient de moins en moins au Diamat, dans le
603 vaincu, que peut-il opposer encore à l’adversaire qui le fasse basculer dans le camp que lui-même quitte ? Voilà le danger.
604 oir une paix vraiment vivante, j’entends une paix qui ne résulte pas du contact de deux apathies et de l’échange de deux dé
605 s partenaires détient le secret de la générosité, qui n’est rien d’autre que la force, la vraie force, celle qui naît de la
606 rien d’autre que la force, la vraie force, celle qui naît de la confiance en ce que l’on croit. J’en conclus qu’il faut fa
607 eilleurs à l’Est, nous le savons désormais, voilà qui oblige. On nous met au défi de donner un peu plus que nous ne possédo
608 123, p. 1524. 45. N’est-ce pas l’avis de Sartre, qui écrit : « Le culte de la personne… coûtait cher en vies humaines et e
609 st-ce que la « justesse » de positions politiques qui exigent des hécatombes de vies humaines, et s’accommodent d’un niveau
610 ait, ce n’est pas le « culte de la personnalité » qui a motivé le génocide des koulaks, etc. C’est la terreur policière, la
611 48. Les Temps modernes, n° 123, p. 1524. 49. Ce qui est injustifiable, c’est l’anticapitalisme systématique des communist
612 isme systématique de l’intelligentsia européenne, qui relève de la mentalité prélogique. Le capitalisme au xxe siècle et l
613 nverse est vrai dans le cas du bolchévisme russe, qui se veut essentiellement « monolithique », ainsi que K. ne cesse de le
614 va priver les anticommunistes « vulgaires » de ce qui « constitue la base de leurs convictions et souvent aussi de leurs re
615 i pas la moindre envie de calomnier un homme pour qui j’ai eu de l’amitié, et ce n’est pas ma faute s’il suffit de le citer
616 er pour faire mesurer les ravages, dans un esprit qui se veut honnête, de l’anti-anticommunisme. 51. François Fejtö, artic
617 ur semblent déterminées par le tempérament de K., qui le pousse à corriger une paire de claques sur les joues par une claqu
21 1956, Preuves, articles (1951–1968). Sur Suez et ses environs historiques (octobre 1956)
618 e jetterai dans les bras de Moscou, et c’est vous qui m’y aurez poussé ! J’ai besoin d’un barrage. B. Entendu. Vous aurez d
619 sous-développé ? B. Je vous prends pour quelqu’un qui a besoin d’un barrage, mais qui n’en a pas les moyens. A. Je les aura
620 ds pour quelqu’un qui a besoin d’un barrage, mais qui n’en a pas les moyens. A. Je les aurai demain, à Moscou, si je le veu
621 quoi vous ferais-je ce don sans garanties, à vous qui m’insultez en me le demandant ? A. Pour éviter que je me jette dans l
622 . B. Pourquoi vous jeter dans les bras de Moscou, qui ne vous aidera jamais sans condition ? A. Parce que Moscou vous emm…
623 é pendant des millénaires l’immense espace ouvert qui va de l’Est européen jusqu’aux confins de la Sibérie et jusqu’au dése
624 Telles sont les données millénaires d’un conflit qui dépasse largement les intérêts d’une compagnie capitaliste et d’un di
22 1956, Preuves, articles (1951–1968). Sur l’Europe à faire (novembre 1956)
625 temps ? Et où finit-elle dans l’espace ? B. Ceux qui l’attaquent savent assez ce qu’elle est. A. L’Albanie musulmane en fe
626 où vous êtes né comme moi, si je ne me trompe, et qui meurt de vos doutes, plus que de la foi des autres.   C et D (ensembl
627 t-elle pu si elle n’était pas née ? Et c’est vous qui en avez décidé, vous les Anglais en sabotant Strasbourg, vous les Fra
628 N’empêche que nous sommes seuls à relever un défi qui s’adresse à tout l’Occident. B. Vous êtes seuls — et l’on sait pourqu
629 sions les consulter. B. Votre belle souveraineté, qui a su refuser l’Europe, reste impuissante en fait contre l’Égypte. Si
630 place dans le monde de demain, entre les empires qui l’affrontent. S. Mais l’Europe vaticane a vécu, si le Chancelier lui
631 ité que l’idée européenne était bien morte. Voilà qui ne changeait rien aux données de fait, qui ne cessaient pour si peu d
632 Voilà qui ne changeait rien aux données de fait, qui ne cessaient pour si peu de réclamer l’union. Désormais la Relance es
633 aineté nationale Une conférence internationale qui a passé curieusement inaperçue, c’est celle qui vient de se tenir à G
634 e qui a passé curieusement inaperçue, c’est celle qui vient de se tenir à Genève sur l’esclavage. Elle a pris connaissance
635 l’Angleterre ont proposé un contrôle des bateaux qui emmènent ces malheureux à travers la mer Rouge et le golfe Persique.
636 uiser la capacité d’indignation des intellectuels qui se croient du côté du cœur. Ce demi-million d’esclaves n’est rien au
637 des Koulaks, des Kasaks et autres Cosaques, voilà qui n’empêche pas qu’elle « représente » l’adversaire principal d’un syst
638  représente » l’adversaire principal d’un système qui , selon M. Joliot-Curie, « exige l’exploitation et l’esclavage d’innom
639 ire, moyennant le changement de signe dialectique qui est le réflexe normal de tout bon communiste. « Je vous assure, do
640 beaucoup d’intellectuels des appels, des invites qui parfois sont insultantes : « Libérez-vous ! dit-on aux intellectuels
641 fascisme, pourvu qu’il serve l’URSS. D’ailleurs, qui oserait juger le régime de Nasser ? « Le caractère démocratique ou no
642 d’écrire sur commande une œuvre austère et dure, qui ne concède rien ni à l’attente du public ni à celle des critiques, ni
643 elle des valeurs un peu plus défendable que celle qui prévaut dans ce siècle. Bartók ne gagne pas de quoi se payer la clini
644 er la clinique et il en meurt, mais les virtuoses qui jouent ses concertos en vivent très bien : 3000 dollars pour une soir
645 ison. « C’est tout naturel » m’assure-t-on. Voilà qui juge une société. Car il n’y a rien de naturel ni de raisonnable en t
23 1956, Preuves, articles (1951–1968). Sur le rêve des sciences (décembre 1956)
646 le seul dessein de satisfaire les viles passions qui caractérisent notre race. Les entreprises colonialistes de Colomb, an
647 tes, calomniant à longueur de journée l’Occident ( qui semble aimer cela) feraient mieux d’aller rapprendre leur Histoire. C
648 i que l’on croit, mais un juif espagnol converti, qui avait conçu l’idée d’obtenir du Mogol l’or nécessaire pour conquérir
649 les. Il comptait rapporter la subvention spéciale qui eût permis aux rois catholiques de lancer la dernière Croisade, mais
650 te de la Lune et la navigation vers les planètes, qui n’est qu’un rêve encore pour cette génération, se réalise au xxe siè
651 la date où je l’écris, nous ne savons rien de ce qui peut nous attendre ou non sur d’autres astres. Nous avons simplement
652 n’est point d’action créatrice sans quelque rêve qui la dirige, et qu’elle trahit. « Celui qui vend des bœufs, rêve de bœu
653 ue rêve qui la dirige, et qu’elle trahit. « Celui qui vend des bœufs, rêve de bœufs », dit le proverbe. L’inverse est aussi
654 e. L’inverse est aussi vrai, naturellement. Celui qui rêve de satellites en crée, quitte à les affamer ou à subir leur révo
655 ait ou colonisait. C’était trop clair. La Russie, qui descend de Byzance mais aussi de la Horde d’Or, a toujours préféré la
656 écédé de peu l’ouverture de « l’Année Cosmique », qui doit mettre au point la formule des satellites astronomiques. Et quan
657 ellites astronomiques. Et quant à la coexistence, qui se révèle malaisée dans le siècle, on ira la chercher dans un temps q
658 dans le siècle, on ira la chercher dans un temps qui n’est plus celui de l’Histoire : il est question que l’URSS et les Ét
659 s archétypes du rêve nous préparent aux surprises qui viennent un jour récompenser le délire cohérent des sciences exactes.
660 imaginé ? Parce que tu m’as rêvé, je suis. Voilà qui est moins idéaliste que le cogito cartésien : il suffit de poser comm
661 e axiome l’accord fondamental du rêve et du réel. Qui n’a rêvé de se transporter en un clin d’œil aux antipodes, ou simplem
662 ntipodes, ou simplement aux lieux de son bonheur, qui sont presque toujours lointains ? En février 1946, vivant à New York
24 1957, Preuves, articles (1951–1968). Sur la honte et l’espoir de l’Europe (janvier 1957)
663 e à nous tous Européens ! Et pas seulement à ceux qui se trompaient et voulaient à tout prix nous tromper depuis dix ans :
664 sayer de comprendre le désir de justice sociale » qui animait non seulement les staliniens mais, disaient-ils sans honte, r
665 e si c’était le même désir d’une même « justice » qui animait les brutes au pouvoir et leurs victimes ! Honte aux politicie
666 eurs victimes ! Honte aux politiciens européistes qui ont accepté depuis dix ans tant de préalables saugrenus multipliés pa
667 vrose nationaliste, au lieu de faire cette Europe qui aurait seule pu répondre. Je partage cette honte pour avoir toléré tr
668 pour la Hongrie et pour l’Europe. » Cette Europe qui aurait pu, en s’unissant plus tôt, cette Europe qui pouvait, en rasse
669 i aurait pu, en s’unissant plus tôt, cette Europe qui pouvait, en rassemblant ses forces à l’appel angoissé de la liberté,
670 angoissé de la liberté, éviter la honte éternelle qui accable désormais toute cette génération, la Hongrie massacrée sous l
671 aire m’avaient au moins prouvé qu’il est des mots qui portent. Mais les Russes sont si loin, et c’est pire.) Nuit du 5 a
672 volution, ce n’est pas le mouvement de l’Histoire qui a déclenché sa marche à jamais bouleversante, et ce ne sont pas des h
673 uleversante, et ce ne sont pas des hommes de main qui l’ont conduite, mais des hommes de parole : des poètes. Comment, d’ic
674 s de l’honneur, s’il en subsiste encore chez ceux qui approuvent ce crime. Quelle est l’arme des hommes qui n’en ont point 
675 approuvent ce crime. Quelle est l’arme des hommes qui n’en ont point ? La grève. Déclarons donc la grève des relations cult
676 des relations humaines élémentaires, contre ceux qui chez nous, librement, approuvent le crime de Budapest, et contre les
677 utre moyen de leur faire prendre conscience de ce qui vient de se passer, et de l’infernale logique du régime qu’ils approu
678 de marquer, sans autre commentaire, la solidarité qui nous contraint à rompre avec ceux qui les tuent.) Mardi 6 novembre
679 solidarité qui nous contraint à rompre avec ceux qui les tuent.) Mardi 6 novembre 1956 Manifestes partout, de gauche
680 ite. C’est une insurrection morale sans précédent qui répond à l’appel de Budapest. Qu’elle soit presque unanime suffit pre
681 u’il ne l’est pas. C’est leur mauvaise conscience qui a trouvé cette astuce dont on se demande si elle est plus indécente q
682 a seule condition d’avoir été complice de tout ce qui le préparait. Jeudi 8 novembre 1956, à Ferney Rentré hier de Pa
683 se n’ait guère parlé, ce matin, que des incidents qui ont suivi (chahuts devant un journal du parti communiste et devant un
684 us ait empêché toute description du phénomène. Ce qui vient de se produire dans la conscience européenne — et dans elle seu
685 rope se tait… Honte à cette Europe silencieuse Et qui n’a pas conquis sa liberté ! Lâches, les peuples t’ont abandonné ô Ma
686 re : faites l’Europe ! Pour qu’il y ait quelqu’un qui réponde, qui soit capable de réponse, ou responsable, lorsque d’autre
687 ’Europe ! Pour qu’il y ait quelqu’un qui réponde, qui soit capable de réponse, ou responsable, lorsque d’autres appels vien
688 utres appels viendront. Pour qu’il y ait une voix qui réponde, parlant au nom d’une force en tous temps alertée, et d’une f
689 e force indépendante. Pour qu’il y ait une Europe qui puisse voler au secours de ses peuples colonisés sans demander d’abor
690 cri. Lundi 3 décembre 1956 C’est la Hongrie qui fera l’Europe. Nos chefs politiques ne feront rien. Le sacrifice de l
691 e lever, depuis quelques semaines, une génération qui a compris. C’est avec elle, maintenant, qu’il faut parler ; qu’on peu
25 1957, Preuves, articles (1951–1968). Sur Voltaire (février 1957)
692 S’il m’arrive, à Paris, d’appeler mon domicile, qui est à Ferney-Voltaire, dans l’Ain : « Veuillez épeler », dit la télép
693 plus beaux aspects de l’Europe », écrit Voltaire, qui y a vécu de 1758 jusqu’à l’année de sa mort, vingt ans plus tard. Je
694 siste un tapis de brume. Aux bords de ce ruisseau qui longe mon jardin, qui l’inonde aux crues de printemps, Chateaubriand
695 e. Aux bords de ce ruisseau qui longe mon jardin, qui l’inonde aux crues de printemps, Chateaubriand passa des heures d’heu
696 ps maigre et ce rire édenté de vieillard polisson qui le rendent présent parmi nous. Plutôt ces inscriptions, que je copie
697 ort riche et souvent généreux, pourvu d’une plume qui valait une armée, et d’un mauvais esprit qui valait cent vertus. « Ma
698 lume qui valait une armée, et d’un mauvais esprit qui valait cent vertus. « Marchez toujours en ricanant dans le chemin de
699 réussir que vingt arbres, c’est toujours un bien qui ne sera pas perdu. » Les cèdres du Caucase, envoyés par la Grande Cat
700 ’horlogers, de céramistes, tous protestants, mais qui vécurent en paix avec ceux qu’ils enrichissaient. En même temps, il f
701 , une seule fois, et montrez ensuite vos jambes à qui vous voudrez. » À ses amis de Paris : « On fabrique ici beaucoup mieu
702 se de cinquante foyers à plus de mille habitants, qui deviennent propriétaires par un système que l’on nommerait de nos jou
703 nt des œufs, du lait, des fruits. Une jeune fille qui se tient au milieu d’eux, porteuse d’une corbeille fleurie, figure « 
704 ide et cette Bourse des valeurs de toute l’Europe qui fait sa rumeur à Genève. Le tout survolé trente fois par jour par des
705 . Ils vont se poser derrière le bois tout proche, qui assourdit tout d’un coup leur grondement. Vous voyez que ce pays est
706 au jésuite et aux deux missionnaires protestants qui se sont disputés devant lui : « Si vous voulez qu’on tolère ici votre
707 tôt n’en voulant pas souffrir d’autre, on sait ce qui en résulta ; une guerre civile, non moins affreuse que celle de la L
708 nt de l’Histoire ?) Voici enfin sur le Socialisme qui excuse tout, y compris le massacre des ouvriers : « Vous répondez que
709 olir les jésuites pour en faire des citoyens : ce qui au fond est un mal imaginaire, et un bien réel pour eux ; car où est
710  » Là-dessus, l’on discutera sur l’opportunité — qui varie selon les nations — d’une mesure que le droit justifie sans nul
711 nt, et que l’on recherche, en tous les cas divers qui se présentent, non seulement si le PC pâtirait réellement de l’interd
712 irait réellement de l’interdiction prononcée — ce qui est loin d’être toujours sûr — mais encore si la classe ouvrière (que
26 1957, Preuves, articles (1951–1968). Sur la neutralité européenne (mars 1957)
713 se passe-t-il donc ? Dans la confusion générale, qui est celle où s’élaborent habituellement les notions vagues et puissan
714 ns et d’intérêts, de phobies et de raisonnements, qui sont peut-être à l’origine du courant que je crois sentir vers la neu
715 re aux Soviets et de plaire aux Américains, voilà qui revient en fait à supprimer l’Europe en tant que facteur indépendant,
716 ralité de la Hongrie, l’indication d’une attitude qui serait commune aux actuels États satellites dès l’instant de leur lib
717 rguments ne manquent pas d’être invoqués par ceux qui trouvent dans la neutralité un alibi décent de « l’apaisement » mal f
718 définir : c’est celui de certains « Européistes » qui se demandent si l’union nécessaire n’exigera pas un jour pour se réal
719 les faits récents, et les réactions à ces faits, qui expliquent pourquoi l’idée se répand d’une neutralité de l’Europe. Ma
720 se répand d’une neutralité de l’Europe. Mais ceux qui en parlent sont les mêmes qui me disaient hier encore : « Qu’est-ce q
721 l’Europe. Mais ceux qui en parlent sont les mêmes qui me disaient hier encore : « Qu’est-ce que l’Europe ? » À mon tour de
722 norme État, et la poignée d’intellectuels indiens qui avaient le courage de dénoncer ce parti ; donc neutre entre une armée
723 e en même temps les intérêts d’un État composite, qui risquerait de se disloquer s’il prenait parti dans les luttes opposan
724 notion d’équilibre européen a vécu. Les conflits qui menacent d’éclater ne peuvent plus opposer les voisins de la Suisse,
725 ins de la Suisse, mais l’Europe tout entière à ce qui n’est pas l’Europe. Si la Suisse, prétextant de sa neutralité, refusa
726 trois dernières guerres franco-allemandes, en ce qui concernait la Suisse) 2°) s’il juge que des raisons vitales d’ordre i
727 d’un besoin plus fier d’indépendance. Je ne sais qui a pu écrire que « seul un État neutre est vraiment indépendant »61. I
728 re absolument neutre. Je n’en vois guère que deux qui soient dans ce cas. Quasiment autarciques, plus puissamment armés que
729 ronter. Il faudra réfléchir, pendant les semaines qui viennent, aux suites possibles ou non de ce jeu délirant. Il s’agirai
27 1957, Preuves, articles (1951–1968). Sur la neutralité européenne (II) (avril 1957)
730 États considéré. Ce n’est pas le cas de l’Europe, qui ne serait pas intégrale sans les pays de l’Est colonisés par l’URSS.
731 le serait pratiquement impossible sans un Pouvoir qui la déclare et qui l’assume, et elle ne saurait donc être considérée c
732 ment impossible sans un Pouvoir qui la déclare et qui l’assume, et elle ne saurait donc être considérée comme un objectif s
733 e française et de l’arrière-garde antieuropéenne. Qui défendra l’Europe, réduite aux côtes de l’Ouest ? L’Amérique, cela va
734 ait de l’espoir d’une indépendance reconquise. Et qui se laissera convaincre de « désengager » les États satellites et l’Al
735 ont pas si bêtes que de nous décourager : tout ce qui peut faire obstacle à notre union les sert. Mais on ne peut espérer q
736 Or ce n’est pas seulement leur présence militaire qui assure les régimes « populaires » : il n’y a plus de troupes russes e
737 y a plus de troupes russes en Tchécoslovaquie. Ce qui maintient le système dans les pays de l’Est, c’est la simple menace d
738 ys neutres de l’Europe ; adhérer à une fédération qui serait neutre aussitôt que faite, n’entraînerait plus pour eux nul ch
739 discussion possible. Prenons les pays satellites ( qui n’aiment pas qu’on les nomme ainsi, et c’est bon signe !) : la neutra
28 1957, Preuves, articles (1951–1968). Sur la neutralité européenne (fin) (mai 1957)
740 utralité européenne (fin) (mai 1957)ah Tout ce qui précède64 a consisté, en somme, dans une approche sans parti pris, da
741 à venir, que si d’abord elle a fait son union, ce qui implique : que les pays de l’Est l’aient librement rejointe, qu’elle
742 à prévoir d’ailleurs les déséquilibres éventuels qui pourraient survenir dans d’autres continents, et à se disposer en con
743 e ; — ou bien, contre toute attente, c’est l’URSS qui gagne, non sans avoir reçu des coups très rudes, et alors l’Europe pe
744 es et se range automatiquement aux côtés de celui qui est attaqué. Ceci produit l’arrêt du jeu entre les Trois (paix occide
745 le) ou l’explosion générale en cas d’accident (ce qui nous renvoie à l’éventualité prévue sous 3). 6. Les Trois Rois de l’O
746 emment restreinte par la volonté de ne rien faire qui puisse causer l’explosion générale en Occident ; mais il en va de mêm
747 rantie triangulaire. 7. La neutralité européenne, qui suppose une stabilisation des rapports entre la dictature soviétique
748 au contraire, faute de toute analyse des concepts qui se trouvent en jeu neutralisme, neutralité, indépendance et interdépe
749 garantie par les deux blocs. Le meilleur argument qui subsiste en faveur de l’idée de neutralité, c’est qu’elle peut, du se
29 1957, Preuves, articles (1951–1968). Sur deux écrivains politiques (juin 1957)
750 e jusqu’au dernier moment contre tous les salauds qui affirmaient sans nul droit qu’elle devait s’exprimer par quelque chos
751 a fait. En résumé, tout le monde a tort, sauf un qui , n’écoutant que son devoir, se met à faire la leçon à tous. Les commu
752 — ils ne sont pas dans le sens de l’Histoire ; ce qui leur ôte le droit de faire reproche à Sartre d’avoir approuvé hier ce
753 uels il donne tort aujourd’hui. Les dialecticiens qui avaient eu la patience de suivre Sartre depuis quelques années devaie
754 ique derrière un rideau d’insultes lancées à ceux qui osent condamner le crime sans avoir été les complices de la politique
755 ce n’est surtout pas au nom de quelque « morale » qui dénoncerait le crime comme tel ; mais parce que cette erreur « impard
756 !) un autre : seuls peuvent et doivent juger ceux qui participent, à l’Est et à l’Ouest, au mouvement du Socialisme ». Trad
757 seul point de vue transcendant qu’il accepte, et qui est « le Socialisme lui-même ». Mais qui incarne cette essence ? Sart
758 epte, et qui est « le Socialisme lui-même ». Mais qui incarne cette essence ? Sartre seul, qui s’est mis en situation de n’
759  ». Mais qui incarne cette essence ? Sartre seul, qui s’est mis en situation de n’être reconnu comme camarade valable par a
760 par aucun des partis, groupements ou groupuscules qui se réclament en fait du Socialisme. La seule victime des polémiques i
761 abondamment expliqué sur Budapest ». Or c’est lui qui a fait cela et non pas moi. On m’a lu sur Suez ici même, et je n’ai p
762 ’ai publié sur Budapest que trois petits articles qui font douze pages en tout. Si c’est être abondant, il n’y a pas de mot
763 st être abondant, il n’y a pas de mot pour Sartre qui a donné trois-cents pages sur Budapest, tandis que je ne connais rien
764 emier, je crains qu’il ne s’inspire de Machiavel, qui écrivait au xvie siècle : Svizzeri, armatissimi e liberissimi. Qu’il
765 l’explication ? Ferney rappelle un écrivain connu qui signait volontiers : « le Suisse Voltaire ». De la part d’un Français
766 ui que donne à l’adversaire plus faible le joueur qui accepte un handicap. Mais si cet adversaire annonce expressément que
767 es clauses est fournie par les cris d’indignation qui s’élèvent de la presse communiste, au seul énoncé du projet. Il serai
768 mettre en relief toutes les objections naturelles qui se présentent à l’esprit d’un libéral, et je crois bien qu’il n’est p
30 1957, Preuves, articles (1951–1968). Sur le pouvoir des intellectuels (juillet 1957)
769 ectuels. » Et je sens aussitôt que l’intellectuel qui écrit cela défend une certaine politique, et en attaque une autre qu’
770 tifique, n’existe, en tant que tel, que pour ceux qui le formulent. Il est donc impossible, par définition, qu’il détienne
771 moins de « netteté » intrinsèque dans une réalité qui serait indépendante soit des idéologues, soit des savants qui l’ont p
772 ndépendante soit des idéologues, soit des savants qui l’ont posé et qui en débattent. Il est vain de reculer devant ces deu
773 es idéologues, soit des savants qui l’ont posé et qui en débattent. Il est vain de reculer devant ces deux évidences : les
774 je lis ceci : « L’Europe unie, c’est un problème qui intéresse avant tout les intellectuels, et laisse les masses indiffér
775 résoudre. On se retourne alors vers les réalités qui sont censées intéresser les masses, mais c’est encore pour essayer de
776 son ensemble sinon lui. Même jeu pour un Hitler, qui a presque fait l’Europe, mais contre lui. C’est en effet dans les mou
777 s je ne vois pas un seul mouvement né de la masse qui ait réussi au xxe siècle. Tout ce qui a marqué, pour le meilleur et
778 e la masse qui ait réussi au xxe siècle. Tout ce qui a marqué, pour le meilleur et pour le pire, est sorti de petits group
779 béraux Refuser l’usage de la force contre ceux qui ont juré d’en abuser, ce n’est pas laisser des chances égales à tous,
780 principes aveuglément, il joue le jeu de l’ennemi qui le supprime. Et, par la suite, ce ne sont jamais les libéraux qui rét
781 Et, par la suite, ce ne sont jamais les libéraux qui rétablissent la liberté, mais la force brutale des armées étrangères.
782 nt les privilèges qu’entraîne cette étiquette. Ce qui prouve qu’on ne croit pas au reproche qu’on lui fait. Car il est clai
783 traite les idées préconçues. Or ce sont ces idées qui mettent les gens en route, et non pas la soif d’inconnu. Le touriste
784 r qu’elle ne le trompait pas. Rien dans tout cela qui rapproche les peuples : tout confirme, au contraire, les préjugés sym
785 l’un d’eux invitait tel des autres à sa table, ce qui est à peine imaginable, ils n’auraient pas grand-chose à se dire, à s
786 titutions. Et nous, Européens de diverses nations qui allons, une fois de plus, nous rencontrer à Londres, à La Haye, à Gen
787 ustifiant la thèse du livre aux yeux de l’auteur, qui a dit à peu près le contraire. On juge ses vues « superficielles », n
788 t-on, on ne répond pas à cela. Je pense à cet ami qui soupirait : « Ah je n’ai plus le temps d’écrire, même aux amis, je ne
31 1957, Preuves, articles (1951–1968). L’échéance de septembre (septembre 1957)
789 me paraît certaine : ce ne sont pas les plus gais qui s’en vont. Mais chercher si ce sont les plus durs, les plus mous, les
790 ique et le dépasse très largement. C’est le drame qui surgit de l’affrontement brutal du monde occidental, fauteur de la te
791 primitives » par rapport à ce mode de vie, celles qui se trouvent sans défense contre lui. Ce sont peut-être toutes les soc
792 ième acte annoncé : c’est la France comme un tout qui va voir son procès intenté par les Nations unies. Bandung, Moscou et
793 es vont emprunter aux polémiques françaises, mais qui ne touchent pas le vrai problème. Ni les colonialistes attardés ni le
794 droite ou de nouvelle gauche ou de technocratie, qui aurait pu modifier les données de ce drame. Ce n’est pas la France co
795 pas la France comme entité nationale et politique qui peut être ici mise en cause, mais bien la civilisation européenne tou
796 les non préparés à l’absorber. Le cessez-le-feu, qui doit intervenir absolument, ne résoudra rien. Ni aucune décision poli
797 me on dit) l’affaire algérienne, par une décision qui condamnerait la France injustement et vainement. Mais il s’agit de re
798 nal quelconque, fût-il de « l’opinion mondiale ». Qui pourrait se charger d’élaborer cette politique de civilisation ? Elle
32 1957, Preuves, articles (1951–1968). Pourquoi je suis Européen (octobre 1957)
799 )ak L’Europe se fait. La petite Europe des Six qui , d’ailleurs, compte autant d’habitants que les États-Unis d’Amérique,
800 ive et prudente. Trop petite ! vont répétant ceux qui en ont déjà peur. Bon début, disent les autres, si l’on ne s’arrête p
801 a fin, c’est l’union fédérale de tous les peuples qui se reconnaîtront les héritiers d’une même culture embarqués dans la m
33 1957, Preuves, articles (1951–1968). Sur le crépuscule d’un régime (octobre 1957)
802 ranquille dans son petit milieu « naturel ». Ceux qui n’aiment pas l’artificiel n’ont qu’à brouter. A. — Vous êtes bien dur
803 est sublime. Il faut en interdire l’accès à ceux qui pensent et qui parlent comme cette dame. Ces hordes de barbares aux m
804 l faut en interdire l’accès à ceux qui pensent et qui parlent comme cette dame. Ces hordes de barbares aux mollets nus qui
805 ette dame. Ces hordes de barbares aux mollets nus qui se promènent sur Saint-Marc un regard ébaubi et des jugements réproba
806 eut fonctionner qu’à cette condition. Cette foule qui choque l’esthète, je la trouve si touchante ! Elle s’amuse, elle s’in
807 Voyez-vous, c’est l’immense Problème des Loisirs qui défile devant nous sur cette place. L’éducation des masses exige tout
808 permis de voyager, et qu’on ne le donne qu’à ceux qui auront passé une série d’examens un peu subtils, prouvant au moins le
809 précisément, et de ses conditions au xxe siècle qui m’a fait voir le mieux que la Démocratie n’est pas le dernier mot de
810 r éviter de faire face aux réalités. Quant à ceux qui viennent nous parler de « démocratie populaire », ils font un mensong
811 ire, il faut dénoncer les illusions démocratiques qui conduisent logiquement aux dictatures. A. — Je ne vois pas à quoi vou
812 soit exact. Ce sera peut-être encore Démocratie, qui sait ? car ce genre de mot sert à tout, et cela peut rassurer les vie
813 voriser la promotion au pouvoir des meilleurs, ce qui est contraire à l’égalitarisme, au moins autant qu’aux privilèges hér
814 amentales en renouvelant fréquemment les pouvoirs qui deviennent tous abusifs quand ils durent. R. — Puis-je vous faire obs
815 ous les hommes sont égaux, alors prenez n’importe qui , ou bien certains semblent meilleurs, alors vous élisez une aristocra
816 ’il s’agit de quelque chose de sérieux, j’entends qui les passionne ou que l’on peut vérifier, il n’est plus question de vo
817 étition plus sportive que proprement politique et qui finit par des échanges de courtoisie, c’est le seul cas, peut-être, o
818 les que nous défendons sous le nom de démocratie, qui est une fausse étiquette, sans nul doute. Le malheur veut qu’elles ab
819 vend d’occasion aux peuples dits sous-développés, qui l’useront vite, ignorant les soins hypocrites dont nous avons su l’en
34 1957, Preuves, articles (1951–1968). Sur un certain cynisme (septembre 1957)
820 succès auprès des jeunes et du public bourgeois, qui est seul grand public. Tous détestent les conventions. Ils n’approuve
821 ce prix. C’est le pont aux ânes de l’avant-garde qui se donne pour telle, la seule sans doute que vous lisiez. Je ne vois
822 rts entre elles et sans rapports non plus avec ce qui est actif dans la réalité française. Prenez le théâtre « expérimental
823 pport avec Mollet, Bourgès, Duchet ou Mitterrand, qui ne vont pas voir ces pièces ou, s’ils allaient, les trouveraient révo
824 . Vous nous donnez des recettes de bonheur digéré qui nous déplaisent, soit à cause des recettes, soit à cause du bonheur.
825 bonheur. Nous vous rendons « Bonjour tristesse » qui vous ravit. Mais ce n’est pas cela qui compte en France. A. Oui, je s
826 ristesse » qui vous ravit. Mais ce n’est pas cela qui compte en France. A. Oui, je sais, c’est toujours autre chose, et cha
827 e française, mais les pièces d’Anouilh et d’Aymé, qui ne sont pas d’avant-garde et que tout le monde a vues, je ne les trou
828 es laisse, mais je vous conseille de laisser cela qui se voit et se discute à Paris, et que l’on y « présente » aux visiteu
829 nouveau livre ? R. — Non, c’est une petite liste qui compte huit à dix noms. A. — Faites voir : « Simone Weil, Teilhard de
830 l n’est un cynique, notez-le bien, et ce sont eux qui représentent le mieux une France de volonté, de rigueur, d’allure viv
831 larges. Ma liste exprime un parti pris très net, qui est l’inverse de celui qui vous déprime. Or je crois qu’elle recouvre
832 n parti pris très net, qui est l’inverse de celui qui vous déprime. Or je crois qu’elle recouvre à peu près la liste des me
833 sse ? Céline est le modèle de votre Henry Miller, qui ne le vaut pas toujours, sauf dans Sexus peut-être, en ôtant les « id
834 Je n’ai pas cité bien d’autres écrivains fameux, qui auraient leur place dans toutes les listes, s’il s’agissait d’un palm
835 agissait d’un palmarès. J’ai choisi quelques noms qui vous décrivent une France tout dans la critique morale et l’invention
836 la chronique incisive et les vastes systèmes, et qui a le sens de la grandeur réelle, parce qu’elle prend une mesure assez
837 uvoir de renouvellement de ces écrivains français qui vaut que l’on s’étonne. Voyez Paulhan, rien n’est plus jeune que sa m
838 vrai sens, par un paradoxe au carré. Voyez Breton qui ne se lassera jamais de découvrir mages et mystiques de tous les temp
839 tique, tout frémissant de juvéniles indignations, qui sont le contraire du cynisme. Voyez Morand, voyez Giono, qui s’étaien
840 contraire du cynisme. Voyez Morand, voyez Giono, qui s’étaient illustrés en créant leur manière, la quitter subitement pou
35 1957, Preuves, articles (1951–1968). Sur l’Europe à faire (novembre 1957)
841 a convaincu tout le monde sauf les intellectuels, qui l’attaquent ce matin sur tous les tons. Direct, adroit, bonhomme, ému
842 , si elle peut faciliter son entrée en vigueur. À qui le point ? Un étudiant m’a dit à la sortie qu’il a trouvé ce communis
843 que l’Europe ne se fasse que « par en haut », ce qui n’est pas démocratique. — C’est vous qui avez tout fait pour empêcher
844 ut », ce qui n’est pas démocratique. — C’est vous qui avez tout fait pour empêcher les masses d’y participer ! répond Spaak
845 des libres élections et du mouvement « d’en bas » qui ont porté Lénine au pouvoir. Et Kadar, donc ! Mais les interruptions
846 t pas de politique dans cette enceinte ». Le seul qui enfreint la consigne, en condamnant l’action des Russes à Budapest, c
847 politiques, est d’autant plus frappante que ceux qui les attaquent sont des clercs patentés dont on pourrait penser que la
848 place à la Suisse ». L’étudiant de première année qui commettrait une erreur si grossière se verrait recalé sans merci. Mai
849 donc pour y aller ? Et qu’offrent-elles de mieux qui ne soit né chez nous ? 3. — Non, car l’Europe unie n’intéresse pas le
850 ’est la droite, la droite dit que c’est la gauche qui s’y opposerait, selon les pays. Facteur commun : lâcheté devant l’opi
851 ais n’accepteront jamais d’entrer dans une Europe qui ne serait pas déjà faite, quitte à se plaindre, alors, qu’on les en a
852 te des motifs et des méthodes pour faire l’Europe qui furent préconisés depuis six ans. Tous les européistes ont passé par
853 arlements les votent bien vite, sans trop voir ce qui est engagé. — Oui, mais la France a rejeté la CED, et depuis lors les
854 sation ? C’est cela qu’il faut sauver. C’est cela qui la sauvera… — Oui, mais l’œuvre est de longue haleine et le temps pre
855 asion et la technique ne sont rien sans la force, qui n’est pas rationnelle. Les parlements peuvent tout, y compris décréte
856 tés ne bougeront pas sans une pression des masses qui les élisent. Et les institutions européennes seront bloquées par les
857 e imposant l’élection d’une Assemblée de l’Europe qui créerait un pouvoir supérieur aux États. — Voilà qui est sûr encore,
858 créerait un pouvoir supérieur aux États. — Voilà qui est sûr encore, mais suffit-il vraiment d’avoir bien vu l’urgence pou
36 1957, Preuves, articles (1951–1968). Sur la pluralité des satellites (II) (décembre 1957)
859 l y a tout juste un an68. C’est votre inattention qui m’a surpris, et l’ampleur de l’ébahissement : l’un des plus grands du
860 e l’ébahissement : l’un des plus grands du siècle qui se voit le mieux servi de toute l’histoire à cet égard. On a beau dir
861 ite bavard déclencherait en faveur du même régime qui , un an plus tôt exactement, comme par hasard, réduisait au silence de
862 opinion et d’estimer correctement son âge mental, qui est celui des garçons jouant aux billes, justement. L’Amérique peut l
863 es des programmes de fusées américains et russes, qui peuvent permettre accessoirement de lancer quelques satellites, détou
864 t fait pour nous aveugler depuis un an. Les voici qui nous jettent d’un coup en plein délire de masochisme occidental et d’
865 placé l’Éternel féminin : c’est elle, dorénavant, qui « nous entraîne vers les hauteurs ». Les Russes ont fait enfin quelqu
866 lement »… Chacun récolte donc ce qu’il a semé, et qui n’était pas ce qu’il disait. (C’était même le contraire, dans ce cas.
867 Sur l’avenir de l’URSS. — Depuis le XXe Congrès, qui a « déclaré » sa crise, le régime soviétique accumule les échecs et m
868 aveur de ces spectaculaires changements d’icônes, qui occupent la première page de nos journaux (mais quelques lignes en de
869 au ciel : ses spoutniks sont les seuls satellites qui ne menacent pas de se révolter. « Pie in the sky, bye and bye », voil
870 bras la Russie. Ce n’est pas la guerre des blocs qui me paraît fatale, mais le retour de l’Est à l’Europe rénovée par l’él
37 1958, Preuves, articles (1951–1968). Sur la fabrication des nouvelles et des faits (février 1958)
871 nier speaker de la Radio française avant la grève qui a doublé, cette fois-ci, la trêve des confiseurs : il ne se passe jam
872 fait lui-même ne devenant tel que par la nouvelle qui le baptise, et ne revêtant que l’importance exacte que la nouvelle, l
873 en tirent telle conclusion probable et opportune, qui peut agir sur l’électeur américain ou réagir à la dernière déclaratio
874 précis, conformément aux vœux discrets des Russes qui , eux, ont bien senti l’importance de La Haye. Troisième exemple. Les
875 ite. Le fait est là. On lui donne toute sa place, qui pour une fois n’est pas volée. La presse américaine réplique sans hés
876 er : elle « construit » à l’avance un autre fait, qui se produit enfin sous la forme d’un échec. Les conclusions que le mon
877 ide elle-même, sans nulle enquête sérieuse, de ce qui sera vendable ou non. Elle ne se trompe qu’une fois sur deux. À ce ta
878 général ce qu’ils ont entendu. C’est leur agence qui truque en premier lieu ; puis c’est surtout le rédacteur en chef, le
879 n chef, le metteur en pages d’un journal et celui qui choisit les nouvelles à passer, les « corps », les emplacements, les
880 et les titres. Ceux-là vraiment feront les faits qui vont gouverner nos humeurs, les votes des députés et les cotes de la
881 te démenties par les agences rivales : ce procédé qui obsède encore les foules est périmé. Ce n’est plus l’exactitude des n
882 Ce n’est plus l’exactitude des nouvelles publiées qui est en question, mais leur choix, leur présentation, et ce que l’on a
883 qu’on ne l’a choisie qu’en vue de la vente. Mais qui peut actuellement, et qui pourrait demain, imposer à la presse une mé
884 n vue de la vente. Mais qui peut actuellement, et qui pourrait demain, imposer à la presse une méthode scientifique de choi
885 méthode scientifique de choix et de présentation, qui permettrait de donner une image plus conforme de la réalité globale ?
886 dégager certaines résultantes plus valables. Mais qui donnerait à ces cerveaux le programme sans lequel ils ne savent que p
887 programme sans lequel ils ne savent que penser ? Qui leur donnerait le code des hiérarchies à observer dans le choix fabri
888 e exacte, c’en serait fait des dernières libertés qui nous restent — celle de ne pas croire ou de croire ce qui nous plaît,
889 restent — celle de ne pas croire ou de croire ce qui nous plaît, celle de douter, ou de soupçonner un piège. En bref, la l
890 oins juger de la situation. Il cite Mendès-France qui aurait dit que la guerre d’Algérie coûte 700 milliards par an ; et Ga
891 ’Algérie coûte 700 milliards par an ; et Gaillard qui aurait répondu : 350 seulement. J’ouvre une autre publication, dans l
892 férents — à tout le moins cités différemment — et qui peut me dire d’abord lesquels sont vrais, ensuite ce qu’il serait jus
893 ou de cesser la lutte ? J’attends le commentateur qui osera se taire jusqu’à ce qu’il soit certain de savoir ce qu’il en es
894 ssayez de détourner l’attention de la seule chose qui nous intéresse dans la politique d’aujourd’hui : les scandales qui dé
895 e dans la politique d’aujourd’hui : les scandales qui déchirent notre France et que nous sommes là pour dénoncer. On peut a
896 tus, par malheur, ne sont pas éloquentes. Et ceux qui les cultivent se voient bientôt conduits dans un ordre d’action où ce
897 dent dure mais la vision lucide et la main ferme qui assurent parfois quelque succès. aq. Rougemont Denis de, « Sur la
38 1958, Preuves, articles (1951–1968). Sur un patriotisme de la terre (mars 1958)
898  ! la vraie vie n’est que sur notre Terre ! Et ce qui est « ailleurs » n’a pas encore de sens, mais rend déjà le sens de l’
899 en quelques minutes tant de destinées minutieuses qui s’entrecroisent au ras du sol, nous passons lentement dans la nuit de
900 int parmi des milliards d’autres points éphémères qui s’animent un instant et s’annulent dans ce recoin perdu de l’univers.
901 des Terriens comme de celle des Européens : celui qui vient d’ailleurs s’assure immédiatement un avantage qu’il gardera lon
902 rancune, comme une famille, comme une communauté qui donne seule une saveur et un sens à l’existence de ses individus. Com
903 nd, prévoyant la venue d’une société universelle, qui ne lui dit rien, conçoit l’idée d’une fuite hors de ce monde : « Comm
904 — Nietzsche l’avait fort bien vu — comme tout ce qui la supplie de ne pas lancer trop vite vers d’improbables Vénusiens de
905 obables Vénusiens des hommes presque réduits à ce qui n’est pas l’Homme. Utopies, science-fiction, prévisions de savants
906 Bradbury, un Sturgeon, c’est une métapsychologie qui s’institue, dans la terreur et la pitié. L’humanisme n’est plus cette
907 osse, en avion ou même en fusée, c’est son destin qui nous fascine, c’est sa personne, et le drame qui les met aux prises.
908 qui nous fascine, c’est sa personne, et le drame qui les met aux prises. Mais si le siècle qui vient retire à l’homme son
909 e drame qui les met aux prises. Mais si le siècle qui vient retire à l’homme son droit d’identité native, le sujet même de
910 e seront nos ouvrages de science-fiction, et ceux qui se fondent sur nos doctrines sociologiques ; puis les écrits qui expr
911 sur nos doctrines sociologiques ; puis les écrits qui expriment notre étonnement devant les nouveautés techniques. Enfin de
912 on journal intime telle page ancienne, touchante, qui prévoyait le pire… Mais s’il est arrivé, c’est toujours autrement.
39 1958, Preuves, articles (1951–1968). Sur la prétendue décadence de l’Occident (avril 1958)
913 pas sentie ni repérée par le groupe ou l’individu qui la subit. Mais l’inverse n’est pas moins vrai : l’idée de décadence p
914 Elle a toutes chances de se manifester chez ceux qui en sont réduits à commenter leur temps sans y être engagés par un ris
915 humain. Elle naît aussi, probablement, chez celui qui , s’étant risqué, a perdu ou ne croit plus à l’enjeu pour lequel il lu
916 e succès des autres. Enfin, elle hante une classe qui se sent dépassée par des moyens de puissance qui la déposséderont : p
917 qui se sent dépassée par des moyens de puissance qui la déposséderont : pessimisme bourgeois devant la technique. (Mais le
918 sentir en soi-même, et pour faire la leçon à ceux qui n’y croient plus, mais qu’on n’oserait pas attaquer si elles étaient
919 re, la décadence de la chevalerie dans les romans qui fondent son prestige. Et combien de passions sont nées à l’instant pr
920 ie des chiens. La seule vraie décadence est celle qui se termine par une chute sans remontée possible. Qui peut donc savoir
921 se termine par une chute sans remontée possible. Qui peut donc savoir aujourd’hui vers quoi transite l’Occident ? Posons q
922 os diverses confessions que les modes littéraires qui occupent tant notre presse. Les auteurs et les peintres que l’on cite
923 ensée, les hiérarchies et les croyances d’Églises qui groupent dans le monde entier des centaines de millions de fidèles. F
924 un mal plus profond. Le grand délire nationaliste qui a provoqué les guerres mondiales n’a pas seulement compromis ou perdu
925 e temps même qu’il excite contre nous les peuples qui l’ont « attrapé ». À cause de lui, nous refusons de nous unir, tandis
926 urs occidentales sont réellement universelles, ce qui veut dire : — peuvent-elles être adoptées par tous les peuples, et ma
927 quer un progrès pour tout homme d’où qu’il vienne qui les prend pour guides ou repères ? Je fonderais pour ma part une répo
928 — Car l’Occident est la seule civilisation connue qui se soit posé la question critique de sa fonction universelle, appuyan
929 ature sérieuse à cette fonction. Une civilisation qui se prendrait naïvement pour universelle — comme elles le firent toute
930 lique. Quelle est l’autre culture ou civilisation qui propose aujourd’hui plus et mieux, avec quelques chances d’être crue 
931 andung une version grossièrement simplifiée de ce qui précède, mais c’est encore de l’Occident, dont il est né, qu’il tire
40 1958, Preuves, articles (1951–1968). Sur un centre qui doit être partout (mai 1958)
932 Sur un centre qui doit être partout (mai 1958)at Capitale de l’Europe Voilà qui
933 t (mai 1958)at Capitale de l’Europe Voilà qui accroche. Si ce n’est de vedettes, de princesses, de jeunesse, parlon
934 mène nation à l’échelle d’une Europe continentale qui serait moins unie qu’unifiée. Or c’est précisément l’analogie entre l
935 s démodés, l’absence d’aérodromes. C’est Brasilia qui nous donnerait l’équivalent de Washington, D.C., dans notre siècle. U
936 muse à discuter la reliure de cette Constitution, qui est seule urgente, mais dont le premier mot n’est pas encore écrit ?
937 au suprême degré » en vertu de quelque événement qui le consacre : apparition d’un dieu ou d’un héros, sacrifice, miracle,
938 me avec une infinité de centres. » Comme tout ce qui tient au sacré, le Centre ainsi déterminé doit satisfaire à deux séri
939 aditionnels : il doit être accessible à tous ceux qui le désirent, mais entouré d’obstacles et d’épreuves redoutables. Au n
940 ge et familier. Attirant et redoutable. En un mot qui dit tout : prestigieux. Sur le centre géométrique de l’humanité
941 rgos, n’ayant pu débrouiller le sens de l’Oracle, qui lui avait dit d’aller bâtir une ville là où il trouverait la pluie et
942 beau temps, il rencontra en Italie une courtisane qui pleurait et, en ce lieu, bâtit la ville de Crotone. Calcul. Parmi l’
943 ue l’on peut tracer sur notre globe, il en est un qui se trouve contenir 90 % des terres libres de glace, 94 % de la popula
944 ué de vanter seulement la facilité de leur accès, qui se trouve les disqualifier aux yeux des sages et des stratèges. En re
945 sée par le col de la Faucille et la Route Blanche qui va vers l’Italie. Le tunnel du Mont-Blanc, sous le sommet de l’Europe
946 ives des plus brillantes constellations d’esprits qui influencèrent notre horoscope occidental. Enfin, le lac Léman et la c
947 proximité des principales institutions mondiales, qui effraie certains, me paraît au contraire des plus conformes au génie
948 ravier. at. Rougemont Denis de, « Sur un centre qui doit être partout (Le point de vue de Ferney) », Preuves, Paris, mai
41 1958, Preuves, articles (1951–1968). Sur le régime fédéraliste (I) (août 1958)
949 )au Le drame français Le mot-clé du débat qui s’instaure sur la nouvelle Constitution est peut-être le mot le plus
950 es toute tentative de libérer la République de ce qui la tue, après l’avoir fait naître. Ce n’est pas en quelques semaines
951 fois de plus, c’est que le plaisir d’un écrivain qui ne brigue rien consiste à dire le vrai en temps et hors de temps, dan
952 s le secret espoir d’être saisi par quelques-uns, qui en feront un jour quelque chose. Fédération ou confédération ?
953 chose. Fédération ou confédération ? À ceux qui ont coutume de poser cette question préalable, et qu’ils croient insi
954 nfédération comme « l’union entre plusieurs États qui tout en gardant une certaine autonomie, s’associent pour former un se
955 l’union et ne dit rien de l’autonomie. Une union qui ne respecterait pas l’autonomie des parties constituantes n’aurait pa
956 itution) sont appelés fédéraux. À vrai dire, ceux qui insistent pour préférer à la fédération (« cette utopie ») une conféd
957 hit l’antifédéraliste et le nationaliste invétéré qui essaie de se mettre à la page. Un système bon pour les sauvages
958 prend autre chose, sur ce chapitre. Quelque chose qui montre assez bien pourquoi le Français cultivé se méfie du fédéralism
959 e petits États. » Aux yeux du Français cultivé et qui tient à savoir ce que parler veut dire, le fédéralisme se réduit à un
960 nion de nos peuples, et que c’est le nationalisme qui a pour projet de rompre l’unité continentale et de transformer l’Euro
961 Ambiguïté de l’intégration Laissons Littré, qui sur ce mot n’a rien d’actuel, et voyons ce que l’époque entend ou mal
962 t-à-dire le refus de tenir compte des différences qui existent en fait, le refus de toute solution fédéraliste interne, enf
963 reconnaissance d’une vaste communauté d’intérêts qui ne sauraient plus être assurés par les seules entités nationales, la
964 nationales, la volonté de tenir compte des faits qui commandent à la fois l’union de nos pays et le respect de leurs diffé
965 sens, mais il paraît clair que la seule solution qui soit commune aux deux problèmes, celui de l’Algérie et celui de l’Eur
966 gne une doctrine réaliste. Elle affirme que celui qui ne peut pas le moins ne peut pas le plus. Elle constate que l’attitud
967 sme, cause de sa décadence et cause de la révolte qui dresse contre elle le monde entier. La doctrine officielle d’Alger es
42 1958, Preuves, articles (1951–1968). Sur le régime fédéraliste (II) (septembre 1958)
968 ète. Car l’un et l’autre sont issus des jacobins, qui fournirent à l’histoire occidentale le type même du parti unique. C’e
969 rien en commun, sauf le nom, avec les formations qui se partagent le pouvoir dans les démocraties latines. Le fait qu’il y
970 êche en effet de déployer toutes ses virtualités, qui sont totalitaires. Chaque parti, s’il est né d’une idéologie, non d’u
971 non les religions, ni les doctrines et idéologies qui sont leurs substituts dans notre monde laïque. Au niveau de l’intérêt
972 re monde laïque. Au niveau de l’intérêt, la lutte qui s’institue entre l’offre et la demande, par exemple, finit toujours p
973 décise, comme il advient neuf fois sur dix, voilà qui relève des circonstances adverses, mais ne saurait affecter la vérité
974 st dire qu’ils ont horreur de la vraie politique, qui est l’art des compromis heureux. Il en résulte que la différence entr
975 e d’un parti. On rencontrait chaque jour des gens qui vous disaient : « En tant qu’homme de gauche, je ne puis admettre cec
976 était une sorte d’activité abstraite, rhétorique, qui ne trouvait pas dans les réalités autant de problèmes à résoudre (apr
977 use divergence sur la manière de gouverner, voilà qui démontrait que « la vie politique » s’épuisait au niveau du discours,
978 n’est pas imaginable dans un régime fédéraliste, qui est politique et non politicien. Le Parlement, dans une fédération, t
979 nature, pour imposer à tous la loi du seul parti qui sait faire triompher sa « vérité » ; mais il doit au contraire concil
980 appelle et suscite des partis à l’image de celui qui d’abord l’unifia. La tolérance mutuelle entre de tels partis est donc
981 ne civique » aux partis d’une nation centralisée, qui n’y voient guère qu’un pis-aller en temps de crise, tandis qu’on n’au
982 aura pas à l’imposer aux partis d’une fédération, qui voient en elle la condition de leur succès. L’exécutif exécuté
983 , je lui rappelai que ce collège de sept membres, qui est à la fois le chef de l’État et le cabinet, prépare des lois et le
984 ecin paternel — image du Roi dans l’inconscient — qui l’envoie d’un ton ferme et gentil se détendre les nerfs et se taire p
43 1958, Preuves, articles (1951–1968). Sur le vocabulaire politique des Français (novembre 1958)
985 de la minorité et les éditoriaux de L’Express. Ce qui est peut-être moins absurde en fait que ne le font croire les étymolo
986 don des flics, très loin, le grondement du peuple qui dit Non. » Voyons les faits. Sans grondement, le peuple a dit Oui. C’
987 donc qu’il n’était pas le véritable Peuple, celui qui aura toujours raison, et qui ne peut être défini par une trompeuse ma
988 itable Peuple, celui qui aura toujours raison, et qui ne peut être défini par une trompeuse majorité71. Car le vrai Peuple
989 rrorisé ». Il s’ensuit que le vrai Peuple — celui qui gronde — et que les vraies « masses », qui sont une part de ce 20 % d
990 celui qui gronde — et que les vraies « masses », qui sont une part de ce 20 % dont on ne veut à aucun prix être coupé, son
991 u d’appeler démocraties les régimes où le peuple, qui ne saurait l’exercer, délègue la souveraineté à qui lui plaît. À part
992 i ne saurait l’exercer, délègue la souveraineté à qui lui plaît. À partir de là, ce qui règne, c’est la confusion sémantiqu
993 souveraineté à qui lui plaît. À partir de là, ce qui règne, c’est la confusion sémantique. On appelle démocratie populaire
994 à liquider l’opposition. Cependant, le fascisme, qui a tous les caractères d’une telle « démocratie réelle », est générale
995 défini comme le contraire de la démocratie. Ceux qui demandent pourquoi sont traités de fascistes. Si un peuple décide à u
996 robable, où l’on renoncerait à invoquer ce terme, qui ne signifie plus rien puisqu’on l’applique à tout ? On se verrait con
997 du leur ressentiment à l’espèce entière : tout ce qui est humain leur fait horreur, elles aiment les chiens et les surhomme
998 ici que des projections publiques d’une attitude qui échappe à tout jugement moral. C’est la politique œdipienne qui tombe
999 tout jugement moral. C’est la politique œdipienne qui tombe seule sous le coup de la critique. Elle procède d’une révolte a
1000 lastie. Elle n’arrive pas à la notion de respect, qui est une attitude réfléchie, librement consentie, tout bien pesé… « Je
1001 existe pas, le monarque n’a rien au-dessus de lui qui le juge et limite son pouvoir : il sera donc dictateur absolu. Tout p
1002 ni loi — tandis que dans le monde où Dieu existe, qui est celui du général de Gaulle, la tyrannie totalitaire est impensabl
1003 proclamaient ces hommes, et que beaucoup de ceux qui ont voté non, aux deux extrêmes, approuvent encore.   Problème parti
1004 tants, orgueilleux et frivoles. Le grand problème qui se pose au général de Gaulle n’est-il pas celui d’instaurer dans une
1005 anticléricale et catholique un type de monarchie qui , jusqu’ici, n’a fait ses preuves que chez les hérétiques ? 71. Les
1006 lus homogène et plus valable ? Elle comptait ceux qui , hier, ont voté non, plus les gaullistes. L’anti-Europe de 1954 s’est
1007 Europe de 1954 s’est regroupée contre le Général, qui l’appuyait alors, mais que fera-t-il demain ? aw. Rougemont Denis d
44 1959, Preuves, articles (1951–1968). Nouvelles métamorphoses de Tristan (février 1959)
1008 1959)ax La passion est cette forme de l’amour qui refuse l’immédiat, fuit le prochain, veut la distance et l’invente au
1009 la passion naît de la distance, ou l’inverse. Ce qui est certain, c’est que le roman occidental n’a jamais décrit, jusqu’i
1010 cidental n’a jamais décrit, jusqu’ici, de passion qui s’enflamme pour un objet tout proche, aisément accessible et moraleme
1011 e et le nombre de ces tolérances et des interdits qui subsistent varient selon les sociétés (qu’on a pu caractériser par le
1012 révélateur produit par Marx et Freud), la passion qui est toujours antisociale reçoit cependant de la société même — et d’e
1013 ose toujours, entre le sujet et l’objet, un tiers qui fait obstacle à leur étreinte, — un roi Marc qui sépare Tristan d’Ise
1014 qui fait obstacle à leur étreinte, — un roi Marc qui sépare Tristan d’Iseut — l’obstacle étant généralement social (moral
1015 tre le sacré, créateur des tabous, et le profane, qui naît de leur violation, mais aussi entre la sagesse et la politique,
1016 de la sociologie — tout nous semble permis de ce qui ne nuirait pas à la santé et à la productivité ? (Tout le reste étant
1017 se, et aux succès des analystes et des marxistes, qui vivent à leurs dépens depuis un demi-siècle. D’autres tabous subsiste
1018 és, d’autant plus significative l’action du mythe qui s’y trahit, et qui est leur seule commune mesure. Je ne m’attacherai
1019 ignificative l’action du mythe qui s’y trahit, et qui est leur seule commune mesure. Je ne m’attacherai donc, dans ces troi
1020 Le lecteur devinera que je l’aime, malgré tout ce qui m’irrite en elle, et en dépit de ce qu’elle veut être et croit qu’ell
1021 et culturel à la fois décadent et conventionnel, qui devait la livrer à la guerre, puis à pire. Je l’ai dit dans un vaste
1022 roman dont le personnage central, Ulrich von X., qui me ressemble comme un frère, reporte sa passion, déçue par la réalité
1023 ut toucher l’interdit et posséder l’inaccessible, qui est le plus vrai, puisqu’il ouvre l’accès à la vie d’extase, mais qui
1024 , puisqu’il ouvre l’accès à la vie d’extase, mais qui le sépare en fait de la vie sociale. Mon héros devient moralement un
1025 a Russie a dû suivre un Maître cynique et brutal, qui l’a séduite et humiliée. Il m’interdit de lui parler. Je lui dis pour
1026 er vivre encore un peu dans le voisinage de celle qui doit me rejeter, car loin d’elle ma vie n’a pas de sens, c’est près d
1027 éparés d’une Iseut « interdite » par un roi Marc, qui est la Morale commune, la Société ou le Régime — ces trois romans tra
1028 nnaît ces paysages fantastiques de la Renaissance qui , tournés d’une certaine manière, révèlent soudain les traits d’une tê
1029 ts d’une tête humaine. C’est le phénomène inverse qui se produit à la lecture des trois romans : vous regardez longuement c
1030 ge, c’est un pays, c’est une société tout entière qui transparaît, se recompose, et envahit tout le tableau. Vous reprenez
1031 s d’âge de 9 et 14 ans apparaissent des fillettes qui , aux yeux de certains voyageurs médusés, deux fois ou plusieurs fois
1032 t, l’impudeur innocente et la pointe de vulgarité qui caractérisent la nymphet. Humbert Humbert, Européen, la quarantaine,
1033 pas profiter de son sommeil. Au matin, c’est elle qui le séduit ! Commence la longue fuite du beau-père et de la fille, tra
1034 s, de nos jours, l’un des derniers tabous sexuels qui tiennent encore (avec l’inceste), il n’y aurait ni passion ni roman v
1035 ctère profanateur de l’amour de H. H. pour Lolita qui trahit la présence du Mythe. Négligeons pour l’instant les différence
1036 gligeons pour l’instant les différences profondes qui séparent ce roman sarcastique et pétulant de la sombre épopée, simple
1037 se alors que ne le sont aujourd’hui les frénésies qui affectent une partie de la jeunesse, modes passagères dont l’édition
1038 de Sophie von Kuhn, morte à 11 ans, un Edgar Poe qui épouse une fille de 14 ans, et le génial Lewis Carroll : Alice au pay
1039 « Mon sort a été de grandir dans une civilisation qui autorise un homme de 25 ans à courtiser une fille de 16 ans, mais non
1040 il conçut à 12 ans pour une petite fille de 9 ans qui s’appelait Annabel, et qui mourut bientôt — rappel de Poe. Ainsi, l’É
1041 petite fille de 9 ans qui s’appelait Annabel, et qui mourut bientôt — rappel de Poe. Ainsi, l’Éros de cet adulte, par aill
1042 de l’amour-passion, c’est-à-dire du désir infini qui échappe aux rythmes naturels et joue le rôle d’un absolu préférable à
1043 chste Lust » d’Isolde agonisante. Cependant, ceux qui ont lu Lolita avec plus d’amusement pervers que d’émotion, seront en
1044 s amants séparés, conséquence d’un amour interdit qui les exile de la communauté et les consume sans les unir vraiment, on
1045 ugubre de destin, la « vieille et grave mélodie » qui marque la mort de la mère dans Tristan !) Le nom de l’hôtel où se pas
1046 fère que H. H. fait prendre par ruse à Lolita, et qui se révèle d’ailleurs trop faible, le médecin qui l’a procuré s’étant
1047 qui se révèle d’ailleurs trop faible, le médecin qui l’a procuré s’étant trompé d’étiquette ou ayant trompé son client. (I
1048 comique dévastant, la lucidité calme, le lyrisme qui sourd en dépit de l’acuité d’un regard constamment critique, l’infini
1049 veut y voir une préfiguration de l’amour interdit qui unira ses héros : Ulrich et Agathe, frère et sœur. Admirable coïncide
1050 ique du Mythe, en l’absence de tout autre élément qui autorise la comparaison de deux œuvres à ce point inégales par le cli
1051 sa sœur des formes de l’amour « insaisissables » qui lui semblent d’ailleurs traduire « des relations déficientes et tendu
1052 te serait contre nature, répondit Ulrich. L’homme qui en serait capable engagerait la créature désarmée et inachevée encore
1053 te de Lolita, mais elles introduisent un dialogue qui mène au cœur du drame de la passion : L’amour fraternel ? demande Ag
1054 ions les plus fortes sont liées à des expériences qui sont toutes d’une manière ou d’une autre impossibles, refuse les expé
1055 œur Agathe, retrouvée après de longues années, et qui , fuyant son mari, vient habiter le petit hôtel rococo qu’il possède a
1056 orme juvénile, insaisissable, d’un besoin d’amour qui , plus tard, les rêves refroidis, se contentera d’un oiseau, d’un anim
1057 lectique d’Éros et d’Agapè, la lutte entre l’élan qui porte l’homme vers l’ange, et le devoir d’aimer le prochain, fondemen
1058 ’un des chapitres non terminés, ajoute : L’homme qui tend à Dieu, selon Adler, est celui qui est privé de sens communautai
1059 L’homme qui tend à Dieu, selon Adler, est celui qui est privé de sens communautaire — selon Schleiermacher, celui qui est
1060 sens communautaire — selon Schleiermacher, celui qui est indifférent à la morale… Je dois t’aimer (pense Agathe) parce que
1061 fférentes, que c’est l’état présent de la société qui condamne la passion, et rabat au mariage. Notre temps, qui a probabl
1062 ne la passion, et rabat au mariage. Notre temps, qui a probablement perdu la notion de passion amoureuse, parce que celle-
1063 ur. Déjà alors étaient parus nombre de ces livres qui parlent, avec la candeur loyale d’un maître de gymnastique, des « rév
1064 ais le besoin de passion, rencontrant l’interdit, qui est l’antisocial par excellence, projette immédiatement sur lui sa no
1065 rs la dialectique de la pure passion tristanienne qui prend son essor : thèmes du regard, de la tempête, et de l’épée de ch
1066 projeté sur l’autre et le refus de la possession qui mettrait un terme au désir, explique le choix d’un objet interdit, re
1067 une confusion. On croit aimer toi, cette personne qui a provoqué la passion, et qu’on peut prendre dans ses bras, alors que
1068 ne provoquée par la passion, cette idole barbare, qui n’est pas la même ! — À t’entendre, dit Agathe, il faudrait croire qu
1069 qu’un avec elle. D’où les innombrables confusions qui donnent au naïf commerce de l’amour un caractère spectral si fascinan
1070 r le mythe platonicien des deux moitiés de l’être qui se cherchent : Ce désir d’un double de l’autre sexe qui nous ressemb
1071 cherchent : Ce désir d’un double de l’autre sexe qui nous ressemble absolument tout en étant un autre, d’une créature magi
1072 nt tout en étant un autre, d’une créature magique qui soit nous tout en possédant l’avantage, sur toutes nos imaginations,
1073 Pourquoi ne connais-tu pas un philtre contre ce qui , au dernier moment, nous sépare ? Mais ici, le roman de Musil s’enga
1074  : C’est notre destin : peut-être aimons-nous ce qui est interdit. Mais nous ne nous tuerons pas avant d’avoir fait une te
1075 elacés et enlacés à l’indicible comme deux amants qui , l’instant d’après, se précipiteront dans le vide. Ils se précipitère
1076 mmet, cesser simplement d’être. » Cette attitude, qui rejoint le détachement bouddhique, mais qui pourrait aussi manifester
1077 tude, qui rejoint le détachement bouddhique, mais qui pourrait aussi manifester la rédemption de la passion par l’amour vra
1078 une longue conversation entre le frère et la sœur qui s’aiment, dans leur jardin où choit sans fin du haut des arbres sur l
1079 s avant sa mort, Musil travaillait à ce chapitre, qui eût été, selon certains, le couronnement de l’œuvre. Ainsi le Jardin
1080 chacun sait cela depuis qu’on écrit des romans et qui passionnent. Mais cette convention littéraire, condamnant le mariage
1081 tragique, et condamnant implicitement la société qui écrase le personnage central. Or, dans la liste des best-sellers amér
1082 doute. Pourquoi l’enquête est-elle muette sur ce qui fait depuis des siècles (depuis le xiie siècle exactement) qu’un rom
1083 t des réponses conformes aux préjugés du magazine qui a fait l’enquête ? Ce qui est sûr, c’est que l’amour-passion demeure
1084 ux préjugés du magazine qui a fait l’enquête ? Ce qui est sûr, c’est que l’amour-passion demeure mal vu, mais n’en fascine
1085 t une fois de plus, pour des raisons, d’ailleurs, qui ne sont pas dans ce livre, plus d’un lecteur sera sincèrement choqué
1086 t d’insultes officielles. Dans le concert mondial qui s’ensuit, hommages en Occident, outrages en URSS et lettres de cosaqu
1087 aient aucun obstacle au départ de l’écrivain — ce qui laissait prévoir un décret d’expulsion — Boris Pasternak adresse au M
1088 e. » Il a refusé le prix, il est prêt à renier ce qui déplaît au régime dans son livre, pourvu qu’on le laisse, lui, Paster
1089 rentrer dans la faveur publique, n’est-ce pas lui qui trahit le peuple ? Ce serait le cas, en effet, si Le Docteur Jivago é
1090 chée d’une logique totalement différente de celle qui dicte normalement les prises de position et gestes politiques, mais n
1091 semble être le Tristan ? Et quel est le roi Marc qui l’en sépare ? Je me mis à lire plus avant. Une jeune fille, Lara, éve
1092 . Lara lui est enlevée par un puissant politicien qui l’avait séduite quand elle était encore « une gamine ». Le docteur ré
1093 le et caché. Il épouse sans amour une jeune fille qui s’occupait de son ménage, puis la quitte et meurt dans la foule. Inex
1094 destine, interdite, enlevée à Tristan par l’homme qui symbolise le Pouvoir régnant, — la fuite dans la forêt, le second mar
1095 mineux que tu avais jeté dans mon âme, à ce rayon qui , peu à peu, s’obscurcissait, à cette musique qui s’estompait, qui s’e
1096 qui, peu à peu, s’obscurcissait, à cette musique qui s’estompait, qui s’est fondue avec mon existence même, qui est devenu
1097 s’obscurcissait, à cette musique qui s’estompait, qui s’est fondue avec mon existence même, qui est devenue la clé de toute
1098 ompait, qui s’est fondue avec mon existence même, qui est devenue la clé de toutes les portes du monde, grâce à toi. Une f
1099 : Plus encore que leur communauté d’âme, l’abîme qui les séparait du monde les unissait. Tous deux avaient la même aversio
1100 ion se posait sur leur existence condamnée… Mais qui est Lara ? En la perdant, dit Jivago, « il perdrait sa raison de vivr
1101 a forêt de ses derniers rayons. C’est cette image qui lui fait voir « dans la nature, dans le couchant, dans tout le monde
1102 ». Mais voici l’aveu décisif ; et cette ambiguïté qui m’arrêtait (parlent-ils donc, ces romanciers, d’une société, d’un pay
1103 ’air est tout piqué de sons. Les voix des enfants qui jouent sont éparpillées un peu partout comme pour montrer que l’espac
1104 e est expressément déclarée, tout s’éclaire de ce qui vient de se passer dans la vie de Boris Pasternak. Sa lettre au Maîtr
1105 nticipés dans la scène où Komarovski (l’intrigant qui a su détourner à son profit le Pouvoir né de la révolution et qui va
1106 er à son profit le Pouvoir né de la révolution et qui va confisquer Lara) offre l’exil à Jivago. Ce dernier lui répond, san
1107 z m’abasourdit. Je suis écrasé par une souffrance qui m’enlève la capacité de juger… La seule chose que je puisse faire mai
1108 au sens kierkegaardien du terme. Elle exile celui qui la vit. Elle le destine à contester comme il respire tout ce qui règl
1109 e le destine à contester comme il respire tout ce qui règle officiellement la vie sociale. D’où la présence continuelle, da
1110 eux tous comme indicible. Tantôt, il plonge ceux qui le subissent dans un mutisme gémissant, tantôt il les excite à une lo
1111 mune, parce que la mieux communicable, soit celle qui fait écrire des romans, celle dont la contagion rarement mortelle mai
1112 rement mortelle mais délicieuse atteint tous ceux qui ont ressenti, un jour ou l’autre, la différence entre un désir sexuel
1113 ureux. La passion amoureuse est, de toutes, celle qui se prête le mieux au récit. La sexualité pure et l’amour du prochain
1114 endant de cette société qu’il récuse : c’est elle qui lui a fourni, jusqu’à nos jours, les obstacles indispensables. Sur ce
1115 manesque et nous fait entrevoir un genre nouveau, qui pourrait intégrer dans la littérature les démarches de la science et
1116 irréversible ? Fait-il prévoir la fin d’un genre, qui serait aussi la fin de cette forme de passion dont la littérature ent
1117 pourraient faire prononcer par l’État. La passion qui voudrait les violer ne serait plus condamnée, mais simplement soignée
1118 ier, l’essence même de l’obstacle excitant, celui qui ne dépendra jamais que de l’être même : l’autonomie de la personne ai
1119 r ce qu’on appelle “sex” (en Amérique). N’importe qui peut imaginer ces éléments d’animalité. C’est une plus grande entrepr
1120 nts d’animalité. C’est une plus grande entreprise qui me tente : fixer une fois pour toutes la périlleuse magie des nymphet
1121 bien souvent, c’est un déséquilibre du sentiment qui entraîne le choix d’un tel objet. » Voir ma remarque sur le cercle vi
45 1959, Preuves, articles (1951–1968). Sur une phrase du « Bloc-notes » (mars 1959)
1122 ’Algérie, où il avait aussi vu des croix gammées) qui fut Goering : elle ne connaissait pas ce nom-là. Plus fort : un bache
1123 us ne l’accuserez pas d’hypocrisie. Mais alors de qui parlez-vous ? De quels « Européens » qui méritent mieux ce nom ? Cett
1124 alors de qui parlez-vous ? De quels « Européens » qui méritent mieux ce nom ? Cette union de l’Europe que réclamaient Churc
1125 ase écrite en passant ? Mais c’est cela justement qui m’inquiète, cette attaque en passant, gratuite… Et qu’elle vienne apr
1126 ntraire de faire voir, d’exhiber — les exécutions qui ont suivi la prise du pouvoir par Fidel Castro. Je lis dans l’un d’en
1127 asseurs d’images, genoux pliés. Jungle modernisée qui ne connaît d’autres lois que celles de la photographie. République de
1128 rois heures, à la demande des opérateurs de la TV qui avaient besoin de la pleine lumière de l’aube. » Le résultat n’est pa
1129 t ce que l’on nomme les exigences de l’actualité, qui sont celles des studios d’abord, mais aussi de l’opinion publique qui
1130 studios d’abord, mais aussi de l’opinion publique qui a le droit d’être informée de tout. Admettons que ces exigences expli
1131 ient ignoble parce que sérieuse comme la mort. Ce qui devait rester sacré est profané par cette mise en scène, ce qui devai
1132 ter sacré est profané par cette mise en scène, ce qui devait rester profane est sacralisé par l’horreur. Tout est faux, ins
1133 emar, par la coïncidence absurde de deux « sens » qui se détruisent en se touchant. Fidel Castro ni l’honneur de Cuba ne so
1134 Mais bien les auditeurs, spectateurs et lecteurs qui tolèrent qu’on les traite ainsi, qui paient pour ces divertissements
1135 et lecteurs qui tolèrent qu’on les traite ainsi, qui paient pour ces divertissements et qui en redemandent. Ceux d’Amériqu
1136 ite ainsi, qui paient pour ces divertissements et qui en redemandent. Ceux d’Amérique comme naguère ceux d’Europe (souvenez
46 1959, Preuves, articles (1951–1968). Rudolf Kassner et la grandeur (juin 1959)
1137 l’âge de 86 ans, au comble de sa gloire secrète. Qui l’a mis à son rang dans notre siècle ? Les meilleurs, certes, mais pr
1138 rance l’ignore encore, malgré trois traductions78 qui suffiraient à résumer son œuvre, laquelle compte environ quarante vol
1139 t à l’esprit : autorité. Avant d’avoir compris ce qui était dit — j’entends compris à la manière intellectuelle et discursi
1140 r soudain par une cascade d’ellipses saisissantes qui laissaient le lecteur pantois, comme l’antique injonction du Sphinx :
1141 pitié humaine, la retenue presque solennelle mais qui sans cesse frôle l’humour, et parfois tourne en sournoise malice » qu
1142 l’humour, et parfois tourne en sournoise malice » qui composaient, au sens magique du mot, les charmes de cette prose et so
1143 son essai le plus discursif, relativement, celui qui donne son titre au recueil, les mots-clés : mesure, forme, grandeur,
1144 son astre. L’homme chrétien au contraire, l’homme qui doit être surpassé, vit dans la démesure, et lorsqu’il « veut prendre
1145 é que pour le converti ; c’est donc la conversion qui figure l’acte par excellence du chrétien, hors duquel il n’est pour l
1146 du Beau objectif et de l’intéressant sentimental qui pour Schiller et surtout pour Schlegel symbolisait celle de l’antique
1147 iscrétion journalistique81. La férocité réfléchie qui préside à son analyse de l’indiscret nous vaut une description inégal
1148 le privilège d’avoir parlé sans complicité de ce qui nous détruit : Rudolf Kassner donne la sensation à peu près unique en
1149 adictions personnelles, parlementarisme intérieur qui nous mène lentement à l’impuissance. (Si Kassner exprime un tourment,
1150 forme, hors de quoi il n’est qu’indiscrétion, et qui livre la clé de la pensée de Kassner, comme aussi de son apparente ob
1151 ories psychologiques. Il prend tout par des biais qui nous sont peu familiers. Et puis enfin, voilà une philosophie qui pos
1152 u familiers. Et puis enfin, voilà une philosophie qui postule la vision, c’est-à-dire l’appréhension poétique du monde. Rie
1153 du monde. Rien n’est plus étranger au nominalisme qui envahit la critique sous l’influence du journal. Il faut savoir être
1154 our penser avec autorité. Il faut savoir taire ce qui permettrait aux indiscrets de comprendre intellectuellement sans « ré
1155 t comme à l’état sauvage, non par une explication qui les réduise et qui les domestique. Une pensée neuve ne saurait être c
1156 uvage, non par une explication qui les réduise et qui les domestique. Une pensée neuve ne saurait être comprise à moins d’ê
1157 On pourrait dire aussi que l’indiscret est celui qui se préoccupe de défendre plutôt que d’illustrer. Ainsi, selon Kierkeg
1158 strer. Ainsi, selon Kierkegaard, le premier homme qui s’avisa de défendre la religion mériterait-il d’être appelé Judas num
1159 rkegaard, cette présence s’accommode d’une ironie qui chez d’autres serait plutôt le fait du détachement. Une ironie à l’in
1160 détachement. Une ironie à l’intérieur des choses, qui les fouille et les purifie, une ironie née de la rigueur et non du sc
1161 ception de l’« existence » et que leur ironie, ce qui rapproche Kassner et son maître, c’est leur vision tragique du péché.
1162 de méditations sur le thème du tout-ou-rien moral qui caractérise Kierkegaard. On ne peut dire précisément de Kassner qu’il
1163 ur de l’Occident. Problème ambigu s’il en fut, et qui échappe par définition à la pensée systématique et discursive : point
1164 paraisons. De quels autres moyens disposons-nous, qui soient ordonnés à cette fin ? Ce sont moyens de poésie, c’est-à-dire
1165 parer », remarque Montesquieu, et il ajoute : Ce qui fait ordinairement une grande pensée, c’est lorsqu’on dit une chose q
1166 une grande pensée, c’est lorsqu’on dit une chose qui en fait voir un grand nombre d’autres, et qu’on nous fait découvrir t
1167 ourt à de longs développements, que ceux-là seuls qui se font de la poésie une idée finalement plus favorable au Livre de J
1168 ans en arrière une relation de maître à disciple qui avait été réelle dans mon esprit seulement et qui ne pouvait ni ne de
1169 qui avait été réelle dans mon esprit seulement et qui ne pouvait ni ne devait l’être autrement, je le voyais bien, je jouai
1170 rets ! Et n’avais-je pas cédé à l’illusion banale qui veut que l’auteur et l’œuvre soient pareils, alors qu’ils sont toujou
1171 mythologie évoquant le grouillement des créatures qui décorent l’extérieur des grands temples de l’Inde. Je relève encore c
1172 urelle que revêt la sociabilité chez le solitaire qui garde ses distances… » Finalement, je crois bien que Kassner est à pe
1173 maîtrise achevée, comme infaillible. D’où l’image qui me vint à l’esprit, pendant notre première rencontre, de cet archer q
1174 , pendant notre première rencontre, de cet archer qui tire les yeux fermés et atteint à chaque coup le centre de la cible.
1175 er et Rainer Maria Rilke. Elle remonte aux années qui précédèrent la guerre de 1914, et plusieurs témoignages importants no
1176 usé l’idée fondamentale du sacrifice, seul chemin qui permet de passer de l’intériorité fervente à la grandeur. Relisons le
1177 orité fervente à la grandeur. Relisons les essais qui suivent : nous y voyons que pour Kassner, Rilke appartient décidément
1178 t non de l’esprit, profondément antipaulinien, et qui permet seul de comprendre chez Rilke « son hostilité au Christ, qui b
1179 comprendre chez Rilke « son hostilité au Christ, qui blesse les uns, paraît folle aux autres »… Je ne fais ici qu’énumérer
1180 au contraire, est le monde du Fils, de la Parole qui tranche et institue le drame, le monde ouvert par la tragédie grecque
1181 . Monde viril où ne peut régner que « cette prose qui exclut les vers : Blaise Pascal, Laurence Sterne et Søren Kierkegaard
1182 on dans ses papiers posthumes bien d’autres notes qui s’y rapportent. L’essai porte un titre curieux : Rilke, le zen et moi
1183 assant un parallèle entre Kierkegaard et Hamlet «  qui tous les deux luttèrent pour la grandeur, non point à partir du Mythe
1184 e. Beaucoup plus tard, il entendit parler du zen, qui n’est resté qu’un nom pour lui. Mais dans le recueil d’hommages publi
1185 dans quel rapport il pouvait être avec mon œuvre, qui comptait à ce moment-là plus d’un demi-siècle. Atteindre le but sans
1186 cle. Atteindre le but sans le voir (blind), celui qui peut cela ne doit-il pas avoir le but en lui-même ?… Le zen, le tir a
1187 ux bandés est le point zéro de la cible, le Néant qui est en même temps le Tout… Que signifie encore le zen, sinon l’élimin
1188 hance, du hasard, et celui-là seul peut y arriver qui ne sépare plus l’acte de l’ascèse. Ceci est absolument hindou, ajout
1189 à dire là-dessus : sur la flèche du vieux Zénon, qui n’atteint pas le but, et sur le tireur aveugle qui l’atteint, qui, sa
1190 ui n’atteint pas le but, et sur le tireur aveugle qui l’atteint, qui, sans le voir, l’atteint. Dans les deux cas, il s’agit
1191 s le but, et sur le tireur aveugle qui l’atteint, qui , sans le voir, l’atteint. Dans les deux cas, il s’agit du concept, de
1192 s, à commencer par cette « Morale de la musique » qui aujourd’hui, à cause de cela, remonte vers moi dans mon grand âge, so
1193 nconcevable, en vertu de l’Imagination créatrice, qui est pour lui la seule forme possible de la foi. Et certes, il m’est
1194 nt venu à l’esprit que cette Einbildungskraft 87, qui joue dans toute son œuvre un rôle aussi fondamental que la libido che
1195 er d’abord la seule forme possible de la foi — ce qui est plus gnostique qu’orthodoxe… Ne tire-t-il pas le zen de son côté 
1196 ancienne Asie à celles de l’Occident chrétien. Ce qui lui semble, en fin de compte, relier au zen sa propre pensée physiogn
1197 ce et poésie, ou de la poésie comme existence, ce qui donne une parfaite question zen, la question dernière, peut-être, pou
1198 ueil puéril Qu’enfin, submergé par son gain Celui qui s’est approché des lointains Sera ce que son vol solitaire a conquis
1199 Sera ce que son vol solitaire a conquis. « Voilà qui est zen, conclut Kassner, ou solution d’un problème zen par le poète,
1200 suprême dépassement des concepts, au nom du Sens qui est le But à l’infini. Le But, la Flèche et l’Homme Kassner ava
1201 roles d’un maître zen sur le tir à l’arc : Celui qui est capable de tirer avec l’écaille du lièvre et le poil de la tortue
1202 isons maintenant Herrigel, ce philosophe allemand qui est allé au Japon pour s’initier au zen en s’entraînant au tir à l’ar
1203 distance déterminée ; elle ne connaît que le but, qui ne s’atteint d’aucune manière technique, et si elle lui donne un nom,
1204 lui donne un nom, ce sera : Bouddha. Enfin ceci, qui devait combler chez Kassner le penseur existentiel autant que le phys
1205 Je crains de ne plus rien comprendre… Est-ce moi qui touche le but ou bien le but qui m’atteint ? Ce que vous appelez le «
1206 ndre… Est-ce moi qui touche le but ou bien le but qui m’atteint ? Ce que vous appelez le « quelque chose » (qui tire) est-i
1207 teint ? Ce que vous appelez le « quelque chose » ( qui tire) est-il de nature spirituelle aux yeux du corps, ou corporelle a
1208 alors et dit : Voilà justement la corde de l’arc qui vient de vous traverser ! Mais je n’en finirais pas de citer tantôt
1209 , pourquoi ne pas penser ici au bios d’Héraclite, qui signifie Vie et Arc, vie qui appelle et produit, et arc qui donne la
1210 au bios d’Héraclite, qui signifie Vie et Arc, vie qui appelle et produit, et arc qui donne la mort ? Mais il ajoute aussit
1211 ie Vie et Arc, vie qui appelle et produit, et arc qui donne la mort ? Mais il ajoute aussitôt que le silence est pour lui
1212 r de votre œuvre est de libérer ce moi conscient ( qui est la personne) du moi factice, du personnage et de son masque, lais
1213 sage. Entre les deux « abîmes » du monde magique, qui est le monde sans mesure d’avant le drame, d’avant l’idée et la Parol
1214 vant l’idée et la Parole — et du monde collectif, qui est sa contrepartie plate et abstraite, et que vous nommez souvent « 
1215 nne, le passage vers l’esprit et vers la liberté, qui est souffrance et vision, tension et sacrifice, incarnation de la Par
1216 oire. Maintenant, comment passer de cette réalité qui est liberté de la personne, à celle du zen qui est négation du person
1217 té qui est liberté de la personne, à celle du zen qui est négation du personnel ? Ou plutôt, saurez-vous nous faire voir l’
1218 ntends par sa relation récemment entrevue avec ce qui semblait le plus éloigné d’elle, j’ai tenté d’épouser son style et so
1219 ue de Kassner92, l’oncle Hammond Sterne, de Bath, qui haïssait les boutons et n’admettait au monde que les boucles : Mon o
1220 er — au journaliste anonyme, mais bien à l’auteur qui écrit des drames, des romans, des systèmes. Ce journaliste-là, préocc
1221 erselle, malgré mes cannes ou à cause d’elles. Ce qui ne signifie pas grand-chose pour la littérature, mais beaucoup pour m
1222 orce, de la vraie force créatrice, de l’acte même qui relie l’homme à sa vision, à l’infini ; donc du « pouvoir de transfor
1223 uvoir de transformer » par excellence. C’est elle qui nous permet de passer du monde magico-mythique à celui de la personne
1224 . 88. C’est là qu’on trouvera la scène du Maître qui tire, dans l’obscurité, une première flèche au centre de la cible, pu
1225 re flèche au centre de la cible, puis une seconde qui perce la première. Il dit ensuite : « “Quelque chose” a tiré et touch
47 1959, Preuves, articles (1951–1968). Sur un chassé-croisé d’idéaux et de faits (novembre 1959)
1226 s grands seigneurs du capitalisme yankee. Ce tsar qui se fait ouvrier, cet ouvrier qui s’est fait tsar poursuivent la même
1227 yankee. Ce tsar qui se fait ouvrier, cet ouvrier qui s’est fait tsar poursuivent la même politique russe, par des moyens q
1228 ui et souhaitait le dépasser dans son sens. Voilà qui est clair et naturel. Khrouchtchev, au contraire, professe que l’Occi
1229 permis de tels résultats que l’Union soviétique, qui est dans le sens de l’Histoire, doive aujourd’hui se donner pour but
1230 s on chercherait en vain une phrase ou un exemple qui distingueraient ses buts ou ses méthodes de ceux de n’importe quelle
1231 ue les Américains, puisque l’économie soviétique, qui n’a que 42 ans, est déjà capable de défier l’économie capitaliste amé
1232 âgée selon lui de cent-cinquante ans. « N’importe qui , observant le déroulement de cette compétition, peut donc juger quel
1233 , et le « meilleur système » est simplement celui qui va mener le plus vite au même but ! Avouez qu’il n’y a pas là de quoi
1234 ouez qu’il n’y a pas là de quoi se battre… À ceux qui croyaient voir quelque contradiction entre la politique de coexistenc
1235 mphe rapide du communisme, K. répond : « Les gens qui argumentent de cette manière créent de la confusion, volontairement o
1236 ue américain — non pas celui du State Department, qui est politique, mais celui de l’opinion réfléchie et anxieuse — je le
1237 arlons de nous-mêmes comme d’une société achevée, qui a atteint ses buts et qui n’a plus de grands problèmes à résoudre. La
1238 d’une société achevée, qui a atteint ses buts et qui n’a plus de grands problèmes à résoudre. La force du régime soviétiqu
1239 es uns les autres serait-il le sommaire de la Loi qui régira l’ennui futur et fera s’endormir l’Histoire ? Ni Khrouchtchev
1240 érique, on pouvait et l’on devait s’attendre à ce qui s’est passé en effet : la rencontre de deux groupes de complexes qui
1241 effet : la rencontre de deux groupes de complexes qui d’abord se repoussent, se provoquent et se cherchent, puis s’accroche
1242 étendre, à se dénouer sans que l’on sache trop ce qui arrive, laissant poindre une espèce de sentiment mêlé de soulagement
1243 fait au bon peuple de Moscou sur le ton du paysan qui revient de la ville et raconte en se tapant sur la cuisse comment « i
1244 dépassé le stade d’exploitation des travailleurs qui correspond au capitalisme des années 1880 ; mais il est certain que c
1245 ples du monde entier, la carte des grandes masses qui font l’histoire du siècle s’est précisée. Amérique du Nord, Russie, C
1246 on voie l’Europe, qu’on y pense même ! Mais nous, qui sommes d’Europe, nous allons y penser. Le mois dernier, François Bond
48 1960, Preuves, articles (1951–1968). Sur la détente et les intellectuels (mars 1960)
1247 s même pas sûr qu’il y ait lieu de le poser, mais qui paraît troubler certains de nos amis, et qu’une masse d’étourdis tran
1248 s problèmes sont posés désormais, « en des termes qui dépassent tous les conflits antérieurs ». D’où le désarroi du « Congr
1249 roi du « Congrès pour la liberté de la culture », qui avait « mis en avant », il y a dix ans, la liberté, mais qui doit se
1250  mis en avant », il y a dix ans, la liberté, mais qui doit se replier aujourd’hui « sur le terrain de la vie intérieure ».
1251 une telle demande ne peut être faite que par ceux qui n’ont rien compris au processus historique. » Au reste, on n’a pas ou
1252 stes, avant la détente. — Ils servaient un régime qui n’admet pas que l’intellectuel ou l’artiste diffère. La liberté de ju
1253 e dialogue eût été temps perdu avec des officieux qui ne pouvaient pas nous écouter et n’insultaient que nos caricatures. (
1254 lutte idéologique n’est plus la guerre, si celui qui s’oppose n’est plus un belliciste, la première donnée du dialogue est
1255 estituée : ne pas considérer comme criminel celui qui est d’un avis différent. Mais la seconde donnée manque encore, et c’e
49 1960, Preuves, articles (1951–1968). Les incidences du progrès sur les libertés (août 1960)
1256 ature, la fonction de notre Congrès et les idéaux qui l’inspirent. Le plus simple sera de reprendre les trois termes forman
1257 mais un simple rassemblement d’hommes de culture qui se veulent à la fois libres et responsables devant eux-mêmes et devan
1258 souhaiteriez le croire : responsables d’un avenir qui vous dépasse et vous appelle, et qui a besoin de vous, tant pis pour
1259 d’un avenir qui vous dépasse et vous appelle, et qui a besoin de vous, tant pis pour vous ! Unissez vos intelligences, mai
1260 laient imposer, et contre le défaitisme fataliste qui préparait leur lit dans nos démocraties. Il nous fallait courir au pl
1261 entale propage aveuglément sur toute la terre, et qui , sous les meilleurs prétextes, comme celui de nourrir les corps et de
1262 loppés) des centaines de millions d’êtres humains qui souffrent avant tout de ne pas trouver un sens à leur vie individuell
1263 duelle. L’absence de sens, dans une vie, voilà ce qui ôte le goût de la liberté, voilà ce qui ruine le plus insidieusement
1264 voilà ce qui ôte le goût de la liberté, voilà ce qui ruine le plus insidieusement la dignité d’un homme et sa passion de l
1265 ment l’ensemble des activités proprement humaines qui donnent un sens à notre vie. Car la culture, c’est tout d’abord : tra
1266 Et alors se révèle l’autre aspect de la culture, qui n’est plus seulement transmission mais critique et rupture s’il le fa
1267 nsmission mais critique et rupture s’il le faut ; qui n’est plus seulement initiation mais invention. Ces deux aspects de l
1268 n représentent ensemble la culture vivante, celle qui peut rendre un sens à l’existence humaine. Or il se trouve que la plu
1269 résentants des cinq ou six cultures continentales qui vivent dans le monde d’aujourd’hui : leurs confrontations amicales le
1270 ’une sagesse globale. Voilà pour les trois termes qui forment notre titre. J’en déduis que la fonction de notre Congrès, te
1271 es deux Amériques ; mais ceci dans la perspective qui nous est propre : celle des incidences du progrès sur les vraies libe
1272 a politique proprement dite, mais au niveau de ce qui la prépare et la pré-forme, en contribuant à orienter les esprits et
1273 orienter les esprits et leurs choix vers des fins qui dépassent la politique et qui seules lui donnent son vrai sens, son s
1274 choix vers des fins qui dépassent la politique et qui seules lui donnent son vrai sens, son sens humain, pour chaque person
1275 dernière de toute communauté, et la seule mesure qui permette de juger qu’une forme de vie ou un système d’institutions n’
50 1961, Preuves, articles (1951–1968). Dialectique des mythes : Le carrefour fabuleux (I) (avril 1961)
1276  le Coin des Huit Chemins ». Seul le trouve celui qui le cherche avec beaucoup de soins et de finesse, car aucune carte ne
1277 sonne ne fréquente ce lieu, sauf un petit insecte qui se hâte, lente festinans… Nul ne hante ces routes, hormis le vent don
1278 u’il n’a pu que rêver, que sa personne refuse, et qui est son Ombre. J’ai cherché bien longtemps le point de perspective d’
1279 et pénétrante du regard, situant en vérité celui qui voit, il arrive qu’on pressente l’invite d’une étape significative, —
1280 e » sont les lieux les plus émouvants, pour celui qui chevauche à l’aventure au profond des forêts de l’âme occidentale. Ar
1281 de l’après-midi, tantôt cette allée assombrie, et qui s’anime au gré d’un vent soudain, dont on ne sait ni d’où il vient ni
1282 goût impeccable du service saisirent les convives qui entraient, et tandis que l’orchestre attaquait la musique du ballet d
1283 mblables à celui que l’enthousiasme a réveillé et qui ressuscite en plein enthousiasme. Cette page introduisant les discou
1284 Cette page introduisant les discours sur l’amour qui composent « In Vino Veritas », donne le ton de la passion de Kierkega
1285 e je ne pourrai plus jamais l’oublier. C’est elle qui m’a poussé, comme Elvire, hors de la nuit tranquille du cloître. Enf
1286 pure, ou n’est plus rien. Lancé comme une pierre qui ricoche à la surface de l’eau, il s’enfonce instantanément dans l’abî
1287 sir. Je ne l’imagine pas du tout comme quelqu’un qui forme ses projets sournoisement, et calcule avec ruse ses intrigues…
1288 e étrange, c’est là ce qu’elles veulent, et celle qui ne rêverait pas de devenir malheureuse pour avoir été une fois heureu
1289 L’érotisme de Don Juan s’oppose à l’Éros antique, qui était psychique et non sensuel, « et c’est ce qui inspire cette pudeu
1290 qui était psychique et non sensuel, « et c’est ce qui inspire cette pudeur qui caractérise tout amour grec »98. Il s’oppose
1291 n sensuel, « et c’est ce qui inspire cette pudeur qui caractérise tout amour grec »98. Il s’oppose plus encore à l’amour co
1292 c « absolument musical », les autres personnages, qui ne sont que passions déterminées par Don Juan, sont dans cette mesure
1293 est immédiatement au centre, parce que ce centre, qui est la vitalité de Don Juan, se trouve partout. » Le seul personnage
1294 Don Juan, se trouve partout. » Le seul personnage qui semble faire exception est naturellement le Commandeur, mais d’une ce
1295 mutisme, et cette luxuriance verbale, est de ceux qui expriment à coup sûr les données essentielles d’une personne. Qu’est-
1296 donne un corps ! », gémit-il dans son Journal) et qui pressent son génie d’écrivain et sa vocation religieuse ? Don Juan es
1297 Juan est de toute évidence la figure de lui-même qui le tente le plus : c’est son moi potentiel, prestigieux, désiré, mais
1298 ur », à laquelle il a dû renoncer pour une raison qui reste son secret dernier. Le mariage étant écarté, s’il choisit d’êtr
1299 alvatrice. L’amour humain repose sur un instinct qui , élevé au rang d’inclination, trouve son expression suprême, unique e
1300 3 Certes, le Jeune Homme d’« In Vino Veritas », qui n’a jamais encore aimé, a beau jeu de faire éclater l’absurdité tragi
1301 agi-comique de ce choix sans appel de la passion, qui est d’une importance capitale et qu’on ne peut faire « qu’à l’aveugle
1302 qu’il aime, et dans chaque femme réelle, c’est ce qui veut être séduit et qui ne peut l’être qu’une fois. Au contraire, le
1303 ue femme réelle, c’est ce qui veut être séduit et qui ne peut l’être qu’une fois. Au contraire, le Mari qui prendra la paro
1304 ne peut l’être qu’une fois. Au contraire, le Mari qui prendra la parole dans la seconde partie des Étapes choisit d’aimer u
1305 t de l’épouser, car le mariage est cette décision qui « traduit l’exaltation en réalité ». Loin d’appauvrir l’expérience de
1306 introduire. Elle est la décision par excellence, qui rend l’existence concrète. Par elle, la vie dans le mariage devient «
1307 iage devient « la plénitude du temps » — ce temps qui toujours « manque » à Don Juan. Cependant, le Mari n’entend pas élude
1308 eudonymes exaltant un Don Juan qu’il refuse, mais qui demeure sa possibilité ; il n’est pas derrière le Mari. Car celui-ci
1309 ence qualitative infinie entre Dieu et l’homme », qui fait, des relations entre l’homme et Dieu, un amour essentiellement m
1310 e de la vérité. C’est donc l’amour divin lui-même qui exige la communication indirecte, voilée, rejoignant l’homme là où il
1311 mesure même où il a su se rendre perceptible… Ce qui se passe entre Kierkegaard et sa fiancée semble relever d’une structu
1312 s de la rupture et d’assurances de sa fidélité. «  Qui comprendra cette contradiction de la douleur : ne point se révéler, e
1313 départ religieux ; si elle n’est pas cela, celui qui décide n’a été rendu fini que dans sa réflexion, il n’a pas pris de v
1314 fin que la personne de Kierkegaard est ce système qui se définit par la mise en tension et l’interdépendance de trois réali
1315 l’unicité de l’amour humain ; — la « mélancolie » qui l’accable et lui rend ce mariage impossible ; — enfin sa vocation exc
1316 n exceptionnelle. Le mariage est interdit à celui qui doit être l’Exception : Au soldat qui monte la garde aux frontières,
1317 it à celui qui doit être l’Exception : Au soldat qui monte la garde aux frontières, est-il permis de se marier ? Un tel so
1318 veillé l’enthousiasme chez l’homme, à cette femme qui l’a ainsi enthousiasmé, il aurait dû pourtant s’unir pour la vie. Mai
1319 se, la femme entraîne vers la hauteur. Cet amour qui « entraîne » et transfigure dans la mesure où il est par essence malh
1320 l’Éros, avec la vie. Et c’est le mythe de Tristan qui reparaît enfin ! On sait assez que le paradoxe est la catégorie fonda
1321 doxe, cette passion de la pensée, et les penseurs qui en manquent sont comme des amants sans passion, c’est-à-dire de piètr
1322 e ne puisse penser. Et plus loin : Regardons ce qui se passe dans l’amour, quoiqu’il ne rende qu’imparfaitement la situat
1323 ntable, entre l’amour-passion (ou amour poétique) qui élit un seul être bien-aimé, et l’amour du prochain (amour chrétien),
1324 la conception kierkegaardienne ? Le développement qui suit rétablit l’exigence existentielle. Le sujet du « Tu dois aimer »
1325 ’homme isolé par l’esprit, — isolé de la foule, «  qui est mensonge ». Et l’objet, le prochain — celui qu’il faut aider, sel
1326 ession de l’esprit en tout homme. Seul donc celui qui s’est connu et accepté en tant qu’esprit, celui qui de la sorte se tr
1327 i s’est connu et accepté en tant qu’esprit, celui qui de la sorte se trouve séparé de la communauté naturelle, — comme ayan
1328 ut discerner, appeler, aimer en l’autre, l’esprit qui crée « l’Individu ». Tel est le paradoxe proprement kierkegaardien. L
1329 nt kierkegaardien. L’amour ne va pas de n’importe qui à tout le monde, mais d’un seul, distingué par l’esprit, à chacun de
1330 ionnelle, de Søren Kierkegaard lui-même. Vocation qui devait le mener à sa perte, puisqu’il mourut d’une longue passion uni
1331 ent un raccourci fidèle de celles de Kierkegaard, qui à leur tour répétaient celles de saint Paul lui-même ! Sur le mariage
1332 Sur le mariage, par exemple, voici chez Nietzsche qui rappelle à la fois la « difficulté » initiale et la réponse du Mari d
1333 si fréquentes qu’elles sont presque la règle, et qui en font par conséquent une pia fraus, l’institution a conféré à l’amo
1334 une noblesse supérieure. Toutes les institutions qui ont concédé à une passion la croyance en la durée de celle-ci, et la
1335 ang nouveau…109 Comme pour le Mari des Étapes, qui voulait voir dans la synthèse d’une décision et d’une inclination le
1336 aux yeux de Nietzsche « une conception surhumaine qui élève l’homme ». Mais combien plus précisément kierkegaardienne, tant
1337 Le philosophe a horreur du mariage, et de tout ce qui pourrait l’y conduire, — du mariage en tant qu’obstacle fatal sur sa
1338 cas tu le regretteras », disait Socrate. « Celui qui se marie fait bien, mais celui qui ne se marie pas fait mieux », disa
1339 crate. « Celui qui se marie fait bien, mais celui qui ne se marie pas fait mieux », disait saint Paul, parlant en tant que
1340 gyne que Kierkegaard : Toutes les grandes choses qui ont été faites par l’humanité antique tiraient leur force du fait que
1341 tzsche, elle désigne déjà cette passion « noble » qui dès le xiie siècle a fait porter au premier rang les valeurs d’art e
1342 tôt que la revendication d’une liberté des mœurs, qui appartient à la « morale des esclaves ». Maintenant, l’on comprendra
1343 es hommes magnifiques et ingénieux du gai saber à qui l’Europe est redevable de tant de choses et presque d’elle-même.113
1344 est que l’instrument aveugle d’un autre instinct, qui est le rival de celui dont la violence nous tourmente, que ce soit le
1345 violence d’un instinct, c’est au fond un instinct qui se plaint d’un autre instinct. »114 Passage capital pour mon propos 
1346 aussitôt le mythe tragique, et le héros tragique qui , pareil à un formidable Titan, prend sur ses épaules le fardeau du mo
1347 croit entendre la voix la plus secrète des choses qui , du fond de l’abîme, lui parle intelligiblement.116 Sans les parol
1348 ue philosophe, en tant qu’amant de la « Sagesse » qui se croit devenu Don Juan, et qui se définit comme tel ! Les philosoph
1349 e la « Sagesse » qui se croit devenu Don Juan, et qui se définit comme tel ! Les philosophes de l’avenir réclameront le tit
1350 douloureux dans la connaissance, comme l’ivrogne qui finit par boire de l’absinthe et de l’eau-forte. C’est pourquoi il fi
1351 désirer l’enfer, — c’est la dernière connaissance qui le séduit. Peut-être qu’elle aussi le désappointera comme tout ce qu’
1352 a le désir d’un repas du soir de la connaissance, qui jamais plus ne lui tombera en partage ! — Car le monde des choses tou
1353 pas. — Mais c’est notre instinct de connaissance qui est trop développé pour que nous puissions encore apprécier le bonheu
1354 nnaissance s’est transformée chez nous en passion qui ne s’effraie d’aucun sacrifice et n’a, au fond, qu’une seule crainte,
1355 prendre la vérité secrète de son pire Adversaire. Qui sait s’il ne va pas l’aimer ?   Dans la seconde partie d’Ainsi parlai
1356 élivrance du Temps et de l’Extase. Subitement, ce qui parle, c’est l’Ombre, c’est son ombre : Ô homme, prends garde ! Que
1357 rore : c’est le retour du mythe mortel de l’Amour qui transfixe et transfigure. C’est le Chant de Minuit saluant l’Éternité
1358 on des moments. C’est la vision du Retour éternel qui subitement « cloue » le Don Juan de la connaissance. C’est Nietzsche
1359 uan de la connaissance. C’est Nietzsche lui-même, qui tend la main au Commandeur — à l’Éternel Revenant, au Père ! — dans u
1360 je t’aime ! signé : Dionysos. » Le Cas Wagner — qui est un dernier Anti-Tristan — venait d’être envoyé à l’impression. Da
1361 l’impression. Dans Aurore, je relis : « Que celui qui veut tuer son adversaire considère si ce ne serait pas là une façon d
1362 a mer ? Où nous entraîne cette passion puissante, qui prime pour nous sur toute autre passion ? Pourquoi ce vol éperdu dans
1363 r un « Ou bien ? » — c’est le seul livre au monde qui finisse par : « Ou bien ? — » Il ignorait sans doute que trente-huit
1364 it ans plus tôt, un livre avait paru au Danemark, qui avait pour titre Ou bien… ou bien (Enten – Eller) et qu’on peut résum
1365 tres séducteurs machiavéliques du xviiie siècle, qui ne laissent derrière eux que colère, honte et mépris. Casanova aime l
1366 Don Giovanni, qu’il suffise de rappeler l’amitié qui liait Da Ponte et Casanova au moment où l’abbé écrivit son livret, la
1367 entendu : — Dans le véritable amour, c’est l’âme qui enveloppe le corps. » (Par-delà le bien et le mal, 142.) 99. Ou bie
1368 enchantée) par F. A. Breydert, je ne trouve rien qui ne confirme les analyses de Kierkegaard. À coup de citations musicale
51 1961, Preuves, articles (1951–1968). Dialectique des mythes : Le carrefour fabuleux (II) (mai 1961)
1369 autre une seule femme. Mais c’est la multiplicité qui est pauvre, tandis que dans un être unique et possédé à l’infini se c
1370 es péchés et des vertus, par la grâce d’une vertu qui transcende le monde de la Loi. Enfin tout se ramène à cette oppositio
1371 du jour et de la nuit, le martyr d’un ravissement qui se mue en joie pure à la mort. On peut noter encore ceci : Don Juan p
1372 ozart, rachetant par cet ultime défi des lâchetés qui eussent déshonoré un véritable chevalier. Tristan, mélancolique et co
1373 réation, dans la doctrine manichéenne : c’est lui qui a donné sa figure au Burlador de Molina, et qui lui a imprimé pour to
1374 i qui a donné sa figure au Burlador de Molina, et qui lui a imprimé pour toujours ces deux traits si typiques de l’époque :
1375 r hasard avec l’essor de la passion nationaliste, qui est sa transposition au niveau politique125. Mais le nomadisme de Don
1376 une femme qu’il veut séduire : « Ah ciel ! Homme, qui es-tu ? » le Don Juan de Tirso de Molina répond : « Qui je suis ? Un
1377 -tu ? » le Don Juan de Tirso de Molina répond : «  Qui je suis ? Un homme sans nom. » Cet homme sans nom, sans passé ni lend
1378 dans les religions antiques et primitives : celui qui est assez saint ou assez fort pour oser assumer les périls supposés d
1379 bientôt soumise à l’épreuve imprévue de la durée, qui modifie nécessairement l’importance relative de chacun des trois term
1380 age, est arrêté par des obstacles insurmontables, qui sont généralement de nature sociale : ou bien il s’exalte et les nie
1381 timental126. Mais comme il n’est guère de mariage qui parvienne à maintenir sans crise une synthèse dans la durée des éléme
1382 protagonistes invisibles du drame toujours latent qui vient de se déclarer.   Il fallait donc d’abord préciser le contraste
1383 fonction civilisatrice, ordonnatrice et dynamique qui pourrait aussi bien être la leur, exige une prise de conscience objec
1384 èse, ontogenèse —, c’est l’alternance des mythes qui est manifeste — leur interdépendance génétique et leur coexistence di
1385 là de survivre, travailler et gagner de l’argent, qui ne sont au vrai que des moyens ? Limitons-nous aux quatre que voici :
1386 r, la liberté, l’amour.   La durée. — Tout homme qui obtient ce qu’il désire, ou qui va l’obtenir, veut la durée : rien de
1387 rée. — Tout homme qui obtient ce qu’il désire, ou qui va l’obtenir, veut la durée : rien de plus naturel que les serments p
1388 er la durée normale ; ou plutôt deux tempéraments qui ne pourront jamais s’y accommoder. L’un exige l’intensité toujours ac
1389 poursuit pas », écrit l’un de ses apologistes127, qui ajoute aussitôt : « Il est heureux jusque dans les échecs de sa chass
1390 pomme. Et qu’elle en voudra mortellement à celui qui ne l’aura pas « prise », s’étant contenté de la « goûter ». Dona Anna
1391 n Juan, équivaut au refus de la vraie possession, qui implique échange et don, entre humains tout au moins, et l’on n’en fi
1392 un peu court. Il n’accédera jamais à l’érotisme, qui est dépassement de l’instinct et des faims animales. Il n’intéresse p
1393 et la souffrance est liée au temps et à l’espace, qui modifient, distinguent et séparent — « mais toute joie veut l’éternit
1394 de l’illusion, dit le bouddhisme — c’est Tristan qui a raison contre le mariage. S’il n’est pas d’autre vie ni d’autre réa
1395 de l’instant, de la durée et de l’éternité. Celui qui a résolu ce problème dans sa vie est seul en mesure de condamner Don
1396 me d’activité dont ses chromosomes sont porteurs) qui se met à fabriquer le virus disparu — jusqu’à ce qu’elle meure par éc
1397 s, on s’en doute, la nature en soi de nos mythes, qui sont phénomènes de l’âme. Mais elle nous aide à mieux imaginer le pro
1398 ique formelle étant commune à tous les phénomènes qui relèvent de la vie en général, pourquoi refuser l’hypothèse que les a
1399 s de composer avec aucune espèce d’opposition. Ce qui le distingue de tout autre régime — quelles que soient ses ressemblan
1400 cteur de français) j’avais coutume de dire à ceux qui me questionnaient sur les motifs de l’adhésion réelle de tant d’Allem
1401 teint pâle, cette lourdeur dans le bas du visage, qui permet de reconnaître au premier regard un chef nazi. Si peu sérieux
1402 ucteur, et de se faire les exécutants d’un destin qui les terrifie ; pour le valet, c’est de servir son maître tant qu’il l
1403 tes : Vive la Loi ! Seule la liberté de Don Juan, qui d’ailleurs mène le chœur, fait exception : elle veut braver le destin
1404 était là de la vraie liberté d’esprit, une parole qui mettait en question la foi même de la vérité.130 On ne peut aller p
1405 ’esprit, contre la liberté chrétienne d’une part, qui est obéissance au Révélé, et d’autre part contre l’ascèse scientifiqu
1406 lé, et d’autre part contre l’ascèse scientifique, qui est elle aussi, à sa manière, une foi dans le vrai objectif, une obéi
1407 Joie suprême !132 Mais si le moi est dépassé, qui est libre ? Et qui peut encore aimer qui ? C’est dans l’énigme jamais
1408 Mais si le moi est dépassé, qui est libre ? Et qui peut encore aimer qui ? C’est dans l’énigme jamais résolue de ce nirv
1409 dépassé, qui est libre ? Et qui peut encore aimer qui  ? C’est dans l’énigme jamais résolue de ce nirvana romantique (où le
1410 nfin ce que l’on croyait son origine concrète, et qui lui échappe. Point d’amour pour Don Juan, le désir seul ; ni de proch
1411 objets. Mais pour Tristan, si le dernier obstacle qui nourrit sa passion est dans le moi distinct, et si ce moi doit s’abîm
1412 l n’y a plus que l’amour de l’amour dans un sujet qui , lui aussi, doit s’évanouir. Que reste-t-il ? Comme d’autres perdent
1413 uissances, ils ne sauraient s’aimer eux-mêmes, ce qui est la condition de l’amour d’un autre, et donc de tout amour réel :
1414 l’intérieur de chaque personne, entre l’individu, qui est l’objet naturel, et la vocation qu’il reçoit, sujet nouveau, — et
1415 ir délivrée de haute lutte en terrassant le géant qui la tenait captive et qui exigeait son tribut de jeunes gens. (Minotau
1416 e en terrassant le géant qui la tenait captive et qui exigeait son tribut de jeunes gens. (Minotaure-Morholt-Hitler.) Puis
1417 vienne déjouer la logique du mythe. 126. « Celui qui ne sait pas trouver le chemin qui conduit à son idéal, vit de façon p
1418 . 126. « Celui qui ne sait pas trouver le chemin qui conduit à son idéal, vit de façon plus frivole, plus insolente, que l
1419 à la faveur de l’obscurité. Mais c’est Dona Anna qui appelle son père, au moment où elle sent Don Juan prêt à s’enfuir, un
52 1961, Preuves, articles (1951–1968). Pour Berlin (septembre 1961)
1420 igner un traité de paix avec le régime de Pankow, qui n’a jamais été en guerre avec les Russes et qui n’existe que par eux.
1421 , qui n’a jamais été en guerre avec les Russes et qui n’existe que par eux. Les motifs politiques qui animent M. Khrouchtch
1422 t qui n’existe que par eux. Les motifs politiques qui animent M. Khrouchtchev doivent être à ses yeux bien puissants pour j
1423 ose l’Occident. Nous sommes en présence d’un fait qui dépasse les calculs politiques et met en jeu les droits de l’homme. L
1424 problème de Berlin se ramène à ceci qu’un régime qui se dit populaire veut empêcher son peuple de le fuir. À travers Berli
1425 hev. Nous lui demandons en retour, avec tous ceux qui veulent la paix : « Pourquoi tuer deux-cents-millions d’hommes et dét
1426 ontinue à perdre chaque jour un millier de sujets qui ne l’aiment pas ? » Nous demandons pour ces sujets le droit de redeve
1427 et se mettraient au travail, dans l’espoir. Ceux qui retrouvent l’espoir ne veulent plus que la paix, et cette volonté pop
1428 intéressés. Ce serait la fin de la peur mutuelle qui nourrit la guerre froide, dans les deux camps, la fin de l’angoisse p
1429 arbelés de la porte de Brandebourg, — au chantage qui fait leur seule force, au mépris de l’homme qu’ils symbolisent. C’est
53 1963, Preuves, articles (1951–1968). Le mur de Berlin vu par Esprit (février 1963)
1430 sprit (février 1963)bg On ne sait pas toujours qui sont ceux que l’on lit dans les revues françaises, qui, très générale
1431 ont ceux que l’on lit dans les revues françaises, qui , très généralement, donnent les noms d’auteurs, et c’est tout. (À la
1432 . (À la Cour, on ne rencontrait que des personnes qui avaient été « présentées », et que tout le monde était censé connaîtr
1433 éraire de Paris.) Pourquoi ne pas dire au lecteur qui sont les gens que l’on publie ? Quelques lignes en fin de numéro, com
1434 e 1962 nous laisse tout ignorer de M. Paul Dehem, qui écrit longuement sur le mur de Berlin. D’où vient ce très curieux esp
1435 r de Berlin est l’œuvre des Allemands de l’Ouest, qui l’ont bâti pour abriter leur bonne conscience et pour effacer leurs p
1436 ance par la bonne conscience de toute une société qui chérissait ce mur avant qu’il existât et qui lui voue à présent un cu
1437 iété qui chérissait ce mur avant qu’il existât et qui lui voue à présent un culte confinant à l’idolâtrie ». En effet, le m
1438 remier point du raisonnement : ce n’est pas l’Est qui a fait le mur, c’est l’Ouest — pour empêcher qu’on joue du Brecht. 2°
1439 ficielle monotone et stupide », celle d’Ulbricht, qui rend « malaisée la tâche de convaincre ». (Convaincre de quoi ? On l’
1440 lant à la misère ou à une révolte désespérée ceux qui n’avaient pas les moyens de partir…, ou trop de ce sens des responsab
1441 e partir…, ou trop de ce sens des responsabilités qui manquait aux fugitifs ». L’auteur affirme d’ailleurs qu’« une large p
1442 ains en dédommagement de la formation d’Einstein, qui ne leur avait rien coûté ?) 4°) « Le mur rend plus nécessaire que ja
1443 nécessaire que jamais une discussion avec le pays qui l’a construit. » Ce dernier argument explique enfin l’article et perm
1444 était trop souvent démenti par la sottise de ceux qui croient servir une cause. Dans Le Figaro littéraire du 15 décembre 19
1445 ur à Berlin, ce mur n’est rien. Seul compte celui qui se trouve dans le cœur des Allemands de l’Ouest, qui abandonnent leur
1446 se trouve dans le cœur des Allemands de l’Ouest, qui abandonnent leurs frères. » Cette fois-ci, on présente l’auteur : il
1447 s peur. » De quel côté du mur a-t-il écrit cela ? Qui l’a « proscrit » ? On eût mieux fait de l’obliger à sauter le mur pou
54 1963, Preuves, articles (1951–1968). Une journée des dupes et un nouveau départ (mars 1963)
1448 chés de sacrifier les buts proprement politiques, qui étaient la cause finale du Marché commun dans l’esprit de ses promote
1449 es se sont posés en défenseurs du traité de Rome, qui exclut leur « Europe des patries » et prépare une supra-nation. Tous
1450 son parti, et à plus d’une reprise par lui-même… Qui a perdu, qui a gagné dans cette affaire ? Question oiseuse ainsi posé
1451 t à plus d’une reprise par lui-même… Qui a perdu, qui a gagné dans cette affaire ? Question oiseuse ainsi posée en termes d
1452 ar toute la presse, et par cette opinion publique qui n’est rien d’autre que ce qu’en dit la presse sans tenir compte des s
1453 nues. Ce chassé-croisé n’a pu surprendre que ceux qui croient ce qu’il leur convient d’imaginer que l’autre feint de feindr
1454 lus que d’une « Algérie française ». Et c’est lui qui invoque maintenant le traité de Rome, qu’il se bornait à tolérer en f
1455 référable d’avoir l’Angleterre avec nous »135. Ce qui revient en fait, sinon en intention, à sacrifier le traité de Rome (q
1456 inon en intention, à sacrifier le traité de Rome ( qui fut son œuvre) en tant que proprement européen. Les raisons subjectiv
1457 vient de le voir, l’abandon de l’union politique, qui est supranationale ou n’est rien. Le veto brutal de la France impliqu
1458 , ni Spaak lui-même. Logiquement, c’est de Gaulle qui devrait jouer maintenant. Mais il serait excessif de dire qu’il a bie
1459 drait qu’à la renaissance des nationalismes obtus qui ont fait leurs preuves en 1914. Reste la solution fédéraliste, l’unio
1460 que l’Angleterre humaine, sensible, intelligente, qui parle ainsi, fait partie de l’Europe autant que la France, la Pologne
55 1964, Preuves, articles (1951–1968). Un district fédéral pour l’Europe (août 1964)
1461 ions de notre planète en mutation. C’est l’Europe qui a tout déclenché, et son rôle reste décisif. C’est elle qui a créé la
1462 déclenché, et son rôle reste décisif. C’est elle qui a créé la notion de genre humain — ignorée ou niée en Orient — par sa
1463 a, Suárez, Grotius, Vattel et Kant. Et c’est elle qui a fourni les instruments techniques de communication entre les peuple
1464 le statut des nations dites « souveraines », mais qui ne le sont plus qu’au niveau des discours, cette Europe minima ne sau
1465 ’en fera rien. L’Europe a sécrété le nationalisme qui infecte aujourd’hui la terre entière. On attend qu’elle produise les
1466 attend qu’elle produise les anticorps de ce virus qui , par deux fois, a bien failli causer sa fin. Au surplus, ce qui demeu
1467 fois, a bien failli causer sa fin. Au surplus, ce qui demeure profondément valable dans l’intention avouée des partisans de
1468 de sauvegarder les diversités de l’Europe, voilà qui ne saurait être réalisé que par l’union de type fédéraliste. L’exempl
1469 hute de potentiel, un accroissement de l’entropie qui ferait perdre à l’Europe ses seuls atouts. Le monde entier en pâtirai
1470 des éclats d’anarchie névrotique. Et quant à ceux qui déclarent que le Marché commun vise en réalité à ce type d’unité, ils
1471 e du modèle que l’on dit ne pouvoir imiter. (Ceux qui invoquent des raisons de prestige, c’est quelquefois parce qu’ils n’e
1472 le, seule possible pour nous comme pour l’Europe, qui la propose ? Les Suisses devant le projet d’union de l’Europe La
1473 de l’Empire d’Occident, l’union sans unification, qui est l’idée fédéraliste. Entre-temps, les nations se constituent, se m
1474 vent leur souveraineté par de glorieux massacres, qui sont le principal de l’histoire qu’elles enseignent à partir du xixe
1475 ignent à partir du xixe siècle. Les voix suisses qui s’élèvent au plan européen ne cessent de dénoncer ces démences collec
1476 amitié, soit par des livres comme De l’Allemagne, qui rétablissent la circulation internationale des idées, malgré les jaco
1477 émonie et de centralisme national, mais c’est lui qui rédige, pendant les Cent-Jours, le projet de fédération européenne137
1478  Napoléon. Et son fédéralisme préfigure le régime qui va triompher à l’échelle suisse : « La variété, c’est l’organisation 
1479 ernational », et c’est ce type d’union pluraliste qui peut seul assurer la paix de l’Europe. « Si cet idéal de l’avenir se
1480 stance de plusieurs pays rédigent une déclaration qui va servir de base à la création de l’Union européenne des fédéraliste
1481 conduit à la convocation du congrès de l’Europe, qui se tient à La Haye au mois de mai 1948. De La Haye naît le Mouvement
1482 mai 1948. De La Haye naît le Mouvement européen, qui propose et obtient en neuf mois la création du Conseil de l’Europe. L
1483 Genève et convoque aussitôt une grande conférence qui se tient à Lausanne en décembre 1949. De cette conférence et de l’act
1484 rope », et ce sont quelques Suisses entreprenants qui l’ont permis. Qu’a fait, pendant ce même temps, la Suisse légale ? Et
1485 ticisme invétéré (ou faut-il dire traditionnel ?) qui tendait à paralyser non seulement toute initiative de la Suisse, mais
1486 l’imagination et la faculté de prévision de ceux qui faisaient notre opinion. L’union de l’Europe s’avérait bel et bien ré
1487 restige international, et cette réserve originale qui fait qu’on la distingue encore parmi les cent-vingt-sept nations du m
1488 intérêts de l’Europe entière ». Or c’est l’union qui est aujourd’hui dans l’intérêt de tous les peuples de l’Europe. Si la
1489 à l’édification de l’Europe unie. Sinon, l’Europe qui se fera sans elle risque bien de se faire contre elle — c’est-à-dire
1490 utisant jusqu’à devenir tabou — traître est celui qui ose la discuter — a changé de nature et de finalité. Sortie de l’Hist
1491 r fédéral serait amené à promulguer des décisions qui sont actuellement du ressort des cantons. Le droit d’établissement, l
1492 elle conjoncture, les rêveries d’experts fédéraux qui , sans oser prôner une autarcie plus impossible encore chez nous qu’ai
1493 ojets d’Europe unie une « politique d’unification qui vise à mêler les peuples d’Europe pour éliminer peu à peu les caracté
1494 onnelle de la Suisse. Mais se fera-t-elle ? Voilà qui dépend de nous aussi. C’est à nous de faire valoir, dans les conseils
1495 . C’est à nous de faire valoir, dans les conseils qui élaborent l’Europe future, les avantages de la formule fédéraliste. P
1496 s, Grecs et Turcs). Ce n’est pas le Marché commun qui les amène. C’est l’expansion de l’industrie suisse, aux destinées de
1497 nitivement interrompu pour ceux de la Mégalopolis qui menace de couvrir le Plateau, de Genève à Romanshorn, avant la fin du
1498 édéralistes de tolérance calculée et d’empirisme, qui supposent qu’on ne pousse pas sa pointe à fond et qu’on ne se laisse
1499 pas entraîner par une verve logique ou polémique qui risquerait de paraître peu réaliste, voire peu suisse. Mais je sens d
1500 eux autres motifs à cette espèce d’embarras. Ceux qui se réclament très haut de nos traditions savent bien que chacun sait
1501 e maintenir ou d’augmenter le chiffre d’affaires, qui définit le sens de la vie pour nos industriels « sérieux ». Et quant
1502 re mieux ainsi. Mais notre peuple comprend mal ce qui est en jeu. Je ne suis d’accord, pour ma part, ni avec ceux qui refus
1503 . Je ne suis d’accord, pour ma part, ni avec ceux qui refusent l’Europe en prétextant notre neutralité ni avec ceux (beauco
1504 ité ni avec ceux (beaucoup plus rares d’ailleurs) qui voudraient que la Suisse renonce sans condition à toute idée de neutr
1505 nion européenne de type expressément fédéraliste, qui renoncerait à la guerre comme moyen politique. Une telle Europe repre
1506 que. Une telle Europe reprendrait à son compte ce qui demeure valable et même indispensable dans la neutralité d’une fédéra
1507 que l’Europe est en droit d’attendre d’une Suisse qui fait partie de sa communauté et qui en est largement bénéficiaire, et
1508 d’une Suisse qui fait partie de sa communauté et qui en est largement bénéficiaire, et pas seulement ce que nous redoutons
1509 n opposer une troisième, la solution fédéraliste, qui maintient les patries et l’union. Mais je réitère : si la Suisse ne l
1510 is je réitère : si la Suisse ne la préconise pas, qui le fera ? Notre fédéralisme est peu connu, ou très mal connu hors de
1511 p connue. Pourquoi parler toujours de cette vertu qui ennuie, de cette pratique négative, quand nous avons cette expérience
1512 imidité ? L’histoire n’est pas faite par des gens qui défendent leur position, mais bien par ceux qui créent des positions
1513 s qui défendent leur position, mais bien par ceux qui créent des positions nouvelles. Ce que les Européens peuvent attendre
1514 que d’autres entreprennent, mais un plan d’union qui nous convienne enfin et auquel nous puissions adhérer « sans réserve
1515 ce qu’il s’en tient scrupuleusement à l’empirisme qui , jusqu’ici, a présidé avec succès aux destinées de notre pays. J’en d
1516 jugé sur ses actes, non sur ses intentions. » (Ce qui revient à justifier l’opportunisme et le régime du fait accompli, c’e
1517 du pays. » Sur quoi l’un des journalistes romands qui commentent cette déclaration presque incroyable demande avec une sort
1518 uisse ne craint personne ! Voici quelques raisons qui me portent à croire à l’avenir de ses formules. 1°) Le monde de demai
1519 e et topographique, sans frontières territoriales qui les séparent, mais sans confusion et sans nivellement. L’identité d’u
1520 itale, mais par des propriétés analogues à celles qui distinguent les corps et les combinaisons chimiques, et par des types
1521 étés politiques « a souvent un caractère imposant qui manque à celle des empires. Elle est davantage l’histoire de la liber
1522 éclate aux yeux qu’aujourd’hui, un idéal national qui n’a pas de valeur pour nous seulement, mais pour l’Europe entière. Au
1523 Ainsi lui est-il rendu plus facile d’admettre ce qui ne lui ressemble pas. Dans le monde de demain, qui exigera un degré
1524 i ne lui ressemble pas. Dans le monde de demain, qui exigera un degré beaucoup plus élevé d’organisation de la vie publiqu
1525 baptisait « plan » l’ensemble de ces décrets, ce qui entraînait une confusion (qui dure encore dans beaucoup d’esprits) en
1526 de ces décrets, ce qui entraînait une confusion ( qui dure encore dans beaucoup d’esprits) entre étatisme, centralisation e
1527 le principe déterminant de l’analyse dichotomique qui opère continuellement la distinction entre les possibilités d’existen
1528 ie d’évaluer l’optimum de population d’une région qui serait capable de fonctionner d’une manière autonome, et l’on propose
1529 l’avenir européen. 1°) Dépositaire de la formule qui paraît la mieux adaptée aux conditions du monde de demain, elle serai
1530 ats ni même par l’opinion publique mal éclairée. ( Qui sait vraiment ce que signifie le fédéralisme ?) — d’exonérer la Suiss
1531 sse du reproche perpétuel de profiter des guerres qui ruinent les autres, pour se retirer ensuite dans sa prospérité en inv
1532 à juste titre être invoquée comme faisant au pays qui en bénéficie une particulière obligation d’intervenir en faveur du bi
1533 s cru aux conseils les plus simples. À une Suisse qui ne veut ou ne peut assumer ni son avenir ni son passé, que peut-on co
1534 i son avenir ni son passé, que peut-on conseiller qui ne soit à la fois prématuré et périmé, ou simplement trompeur comme u
1535 voici le principe très simple. Les mêmes raisons qui veulent qu’une fédération soit gouvernée par un collège, et non par u
1536 en tant qu’État, à l’écart des luttes politiques qui se jouent à l’échelle du continent. Ces conditions idéales se trouven
1537 les affaires fédérales européennes146. La Suisse, qui n’inquiète personne, se voit ainsi réinstallée et confirmée dans son
1538 nt ni de raisonnable dans aucun de ces arguments, qui se contredisent d’ailleurs deux à deux. Mon dessein, ne l’oublions pa
1539 ise par la Suisse et une absence totale de projet qui ferait de ce pays un musée. Il est modeste, sans excès. Je vois en re
1540 ls ne voulaient rien être dans l’union, les voilà qui se proposent comme pays-capitale ! Leurs hôteliers n’y perdraient rie
1541 rogramme politique, autant dire à toute politique qui ne se résume pas à faire valoir nos bonnes raisons de n’en avoir aucu
1542 erne. Il se peut que cette attitude soit la seule qui convienne à un petit pays, pluraliste, et neutre au surplus. Nul proj
1543 ! Il ne suppose en somme qu’une seule initiative, qui mettrait fin à toute nécessité d’en prendre d’autres plus risquées, s
1544 age. Et nous y trouvons en revanche les garanties qui faisaient de plus en plus défaut à une neutralité menacée de désuétud
1545 e entre nos grands voisins. Les risques de guerre qui subsistent ne sont plus nationaux, mais mondiaux : rêver de s’y soust
1546 deur de bouillon Maggi et de cigares de Brissago, qui étaient ce que Joyce préférait en Suisse. Et cette façon de vous dire
1547 z une carte postale, un timbre, cette gentillesse qui étonne même les Américains, et qui est la preuve exquise d’une civili
1548 te gentillesse qui étonne même les Américains, et qui est la preuve exquise d’une civilisation. Et puis au-delà des apparen
1549 Et beaucoup de lourdeur, de brusquerie, d’accents qui ont fait rire toute la France (mais par Grock et Michel Simon), et so
1550 scrutateurs, ce regard maîtrisé, sans illusions, qui taxe le réel à sa juste valeur. J’ai parlé de plus d’un peuple dans m
1551 -il jamais si nous restons muets ? Malgré tout ce qui nous retient, mais nous pousse en même temps et nous oblige, je veux
1552 u CERN est le plus évident. Aucun des treize pays qui ont financé sa construction et qui bénéficient de ses recherches n’au
1553 es treize pays qui ont financé sa construction et qui bénéficient de ses recherches n’aurait l’idée de voir dans cette mise
1554 il 1961, a rapporté cette sage mesure symbolique, qui reprendrait toute sa force dans le cas que j’examine. bi. Rougemont
56 1966, Preuves, articles (1951–1968). André Breton (novembre 1966)
1555 ntre. Je n’ai pas connu d’autre écrivain français qui ait eu, de loin, pareil sentiment de la nature. Pourtant, on l’imagin
1556 nt renouvelé, qu’il avait baptisé surréalisme, et qui était son idée de la poésie et de « l’intelligence poétique de l’univ
1557 libératrice, il a fallu tout cela pour que celui qui avait été l’un des « phares » baudelairiens de notre adolescence loin
1558 nçais », et j’avais deux équipes d’« announcers » qui les lisaient en alternant les voix devant le micro : parmi eux, le pe
1559 devant le micro : parmi eux, le peintre Ozenfant ( qui vient de mourir), Lévi-Strauss, un des fils Pitoëff, et Breton. (Il a
1560 telle femme dont tout me sépare en fait, ou avec qui j’ai rompu sans retour. Ce soir-là, au Village, mon rêve est devenu v
1561 rêve est devenu vrai : nous parlons certes de ce qui peut nous rapprocher, l’amour-passion, les troubadours, la psychanaly
1562 psychanalyse, Saint-John Perse, mais aussi de ce qui semblerait devoir nous opposer de front : nos options politiques, mor
1563 que nous rêvons d’organiser. « Celle par exemple qui devrait durer trois jours dans une vaste demeure aux portes condamnée
1564 sées, fatigue, paniques locales entre des groupes qui bavardent… »   Dès notre première vraie rencontre, j’avais découvert
1565 ui, bien entendu, une rigueur folle dans le défi, qui rejoignait l’Inquisition… Il me dit ce soir-là qu’il avait découvert
1566 doctrines hors le grand ton de rigueur fanatique qui était l’un des aspects de la poésie selon Breton, autrement dit, de s
1567 ligion. Il en tirait une morale ombrageuse, celle qui réglait absolument sa vie, et des décrets d’excommunication peu prévi
1568 à New York. Il avait pour noyau quelques peintres qui allaient changer là-bas le cours des arts : Max Ernst, Matta, Tanguy,
1569 hie. Parfois, on arrangeait une fête (comme celle qui fut dédiée au Nombre 21) ou une exposition, ou une vitrine (Breton, S
1570 ine (Breton, Seligmann et Duchamp signèrent celle qui annonçait ma Part du diable ). J’allais chez lui, il me lisait de la
1571 poursuit : « À travers leurs outrances et tout ce qui procède chez eux de la griserie imaginative, on ne peut refuser d’acc
1572 sme ».   Je crois avoir été, de ses amis, le seul qui s’avouât et se voulût « chrétien ». Cette inconcevable anomalie l’inq
1573 er ?) et c’est tout dire. La grande contradiction qui a tendu l’arc d’une existence poétique si hautement exemplaire à tant
1574 rigueur il n’a jamais cessé d’inventer un chemin qui ne pouvait exister que pour lui seul. De personne je ne suis à ce poi
57 1968, Preuves, articles (1951–1968). Marcel Duchamp mine de rien (février 1968)
1575 bl Lake George (N. Y.), 3 août 1945. La maison qui ne paraît pas grande de l’extérieur, quand on arrive par la forêt en
1576 te de cheval à la craie sur fond rouge, maigre et qui rit, plutôt sourit… Il arrive hier matin, plus ressemblant que jamais
1577 nous tueraient volontiers. Ce sont les imbéciles qui , en se liguant contre les individus libres et inventifs, solidifient
1578 rt de l’avenir sera d’inventer, par réaction à ce qui se passe maintenant, le silence, la lenteur, et la solitude. Aujourd’
1579 nteur et du silence ? Mais notre ami le Dr M. V., qui passe l’été près d’ici avec deux jeunes amies nous écrase d’un souria
1580 on peut bien dire que c’est le mouvement lui-même qui crée la masse corpusculaire, alors que naguère le physicien matériali
1581 ent anarchique. Il a l’air content d’un bourgeois qui vient de réaffirmer une fois de plus quelques évidences rassurantes.
1582 ans, il faut devenir son propre père ? 6 août. Ce qui nous manque ici, c’est un jeu d’échecs. Celui dont Duchamp se sert po
1583 n entendu) de la pensée de l’adversaire, souvent, qui permet de gagner. Cela ne l’empêche pas, d’ailleurs, de lire des livr
1584 là. C’est manifester la vie de sa main. Voilà ce qui fait un peintre. Depuis la création d’un marché de la peinture, tout
1585 e tableaux, verres, ready mades, croquis et idées qui composent l’œuvre complète de Marcel Duchamp, ainsi prête à être empo
1586 — Marcel, vous êtes sans doute le premier artiste qui ait su se mettre en boîte lui-même. Il rit soudain : — La seule chose
1587 « Quand la fumée du tabac sent aussi de la bouche qui l’exhale, les deux odeurs s’épousent par infra-mince. » Voudriez-vous
1588 e en donner que des exemples. C’est quelque chose qui échappe encore à nos définitions scientifiques. J’ai pris à dessein l
1589 s scientifiques. J’ai pris à dessein le mot mince qui est un mot humain, affectif, et non pas une mesure précise de laborat
1590 r en revenir à l’infra-mince, c’est une catégorie qui m’a beaucoup occupé depuis dix ans. Je crois que par l’infra-mince on
1591 donne celle-là toute fraîche, une théorie-minute qui me vient à l’instant : les presbytes sont malheureux dans les villes,
1592 regard y bute constamment contre une muraille, ce qui crée un malaise physique inexplicable. Au contraire, les myopes s’acc
1593 marchant, malgré les petites mouches harcelantes qui volent devant vos yeux par des jours de chaleur. Tout le monde est ac
1594 s grandes dates de la terre : ce n’est qu’un rien qui s’est défait.   « L’impossibilité du faire », j’y reviens. Marcel con
58 1968, Preuves, articles (1951–1968). Vingt ans après, ou la campagne des congrès (1947-1949) (octobre 1968)
1595 -guerre où le mot fit la fortune soudaine de ceux qui nous laissaient la chose148. Et je voudrais enfin rappeler que le mou
1596 ns l’action d’un grand nombre de résistants, ceux qui précisément vont animer le fédéralisme européen de l’après-guerre149.
1597 149. Comme il y eut une « campagne des banquets » qui prépara la révolution de 1848, la révolution européenne, cent ans plu
1598 ion, donc par les parlements et les gouvernements qui en dépendaient alors dans nos pays. Des historiens pourront soutenir
1599 après. Mais une sorte de passion très singulière, qui n’existe plus aujourd’hui, était le seul mobile qui rassemblait les m
1600 i n’existe plus aujourd’hui, était le seul mobile qui rassemblait les militants européens, et elle leur faisait préférer au
1601 omparer cette action non pas à celle d’un général qui conquiert une position, ni d’un législateur qui impose une structure,
1602 l qui conquiert une position, ni d’un législateur qui impose une structure, ni même d’un remède qui guérit, mais bien à cel
1603 eur qui impose une structure, ni même d’un remède qui guérit, mais bien à celle d’une concentration concertée de facteurs p
1604 oncertée de facteurs psychiques et psychologiques qui modifient le terrain et préparent l’organisme à résorber certaines to
1605 ux150, ne donnent pas l’essentiel de l’événement, qui se passa dans les têtes et dans les cœurs. Les documents manuscrits o
1606 ur une photo prise à La Haye, autour de Churchill qui se rassied après son discours inaugural, en essuyant une larme de l’i
1607 ul Ramadier, anciens ministres ; Joseph Retinger, qui fut l’éminence grise du congrès ; le sénateur hollandais Kerstens, qu
1608 ise du congrès ; le sénateur hollandais Kerstens, qui présidait la séance ; et l’un des trois rapporteurs, qui est aujourd’
1609 sidait la séance ; et l’un des trois rapporteurs, qui est aujourd’hui le seul survivant du groupe et qui est en train d’écr
1610 ui est aujourd’hui le seul survivant du groupe et qui est en train d’écrire ces pages. Ce ne seront pas des pages d’histoir
1611 eurs de thèses ; une certaine fraîcheur créatrice qui animait l’entreprise et l’eût peut-être fait réussir par surprise, si
1612 t. Oui, c’est la naïveté de quelques fédéralistes qui a presque « fait l’Europe » en 1948, et c’est l’habileté politicienne
1613 mbrassant notre cause comme pour mieux l’étouffer qui a ramené toutes choses au niveau du « possible », où l’on peut être s
1614 des fédéralistes, dont le siège était à Genève et qui allait tenir un congrès à Montreux. Au nom de notre ancienne camarade
1615 plus tard, le soir, c’est un journaliste français qui se présente, Raymond Silva, secrétaire général de l’UEF, et il vient
1616 troduire un débat de table ronde. Henri Brugmans, qui préside, me présente comme l’un des auteurs qu’on lisait dans son cam
1617 e ne peut encore insérer son effort dans le cadre qui serait seul adéquat, d’une Europe fédérée, fédéraliste… Je n’ai plus
1618 onais d’une soixantaine d’années, le Dr Retinger, qui a des vues sur le rassemblement des très nombreux groupements issus d
1619 Duncan Sandys, jeune ancien ministre conservateur qui représente ici le mouvement de Churchill. Il déclare d’entrée de jeu
1620 rer le but, et après cela, on cherchera les voies qui peuvent y mener. » Il se peut que ce soit au fait d’avoir été jeté à
1621 pression bien forte. Je viens de relire le volume qui réunit les principaux discours et les conclusions du congrès152. Il y
1622 emple. Au surplus, dans la perspective historique qui commence à se dégager après vingt ans, le congrès de Montreux me para
1623 forces en une démonstration spectaculaire, celle qui devait se réaliser quelques mois plus tard à La Haye. Une converge
1624 tais loin de mesurer l’importance objective de ce qui venait de se passer dans ce palace énorme et désuet. Pour l’historien
1625 août, à Hertenstein, près de Lucerne, un colloque qui groupait sous l’égide du mouvement Europa-Union (fondé en 1925) des r
1626 llait sortir l’Union européenne des fédéralistes, qui convoquerait le congrès de Montreux, après deux réunions constitutive
1627 et aux nationalismes totalitaires : c’étaient eux qui prolongeaient leur élan dans cette volonté d’action européenne154. Et
1628 e 1932 (autour d’Esprit et de L’Ordre nouveau) et qui avait essaimé dans le reste de l’Europe, y compris l’Allemagne (group
1629 r des hommes comme Robert Aron et Alexandre Marc ( qui avaient été, comme moi, de L’Ordre nouveau et d’Esprit), par Eugen Ko
1630 ’Esprit), par Eugen Kogon, et par Henri Brugmans, qui a dit ce qu’il devait à Mounier et à Dandieu notamment. Il y avait eu
1631 a, par bribes, au cours de ce congrès et des mois qui le suivirent, mais je ne m’en forme qu’aujourd’hui un tableau clair,
1632 uoi qu’elle fît. Brugmans rappelle d’abord l’idée qui a germé à Montreux de « convoquer l’Europe » au terme d’une vaste cam
1633 ite paralysée dans l’immédiat et c’est l’immédiat qui compte, non seulement parce que les événements se précipitent, mais e
1634 de veto du Comité de liaison. Dans la discussion qui suit, on sent fort bien qu’en chacun des dix-huit membres du comité c
1635 ’en chacun des dix-huit membres du comité central qui s’expriment (sur vingt présents), s’affrontent les mêmes craintes et
1636 nt dosées. Rompre avec le parti des « sommités », qui dispose des moyens financiers et de la presse, c’est risquer de couri
1637 vraient.) Dilemme classique on le voit, que celui qui s’énonce en termes de maxima contradictoires dont il s’agit d’optimis
1638 tiques et psychologiques, conscients ou inavoués, qui contribuèrent à cette décision fatidique. Il se peut que le sort de l
1639 ouvement socialiste pour les États-Unis d’Europe ( qui refusait de collaborer avec Churchill), et l’Union parlementaire de C
1640 urchill), et l’Union parlementaire de Coudenhove ( qui avait tenu un important congrès du 8 au 11 septembre à Gstaad, avec d
1641 s. Certes, on pourrait aussi imaginer l’inverse, qui était ce que redoutaient en cas de rupture les fédéralistes hollandai
1642 e vue des fédéralistes, c’est-à-dire de ceux pour qui l’union de l’Europe était le souci primordial ou unique. (Les autres
1643 aient « unionistes »…) De Montreux à La Haye : qui formulera le sens ? L’UEF attendait des états généraux la naissanc
1644 ient renoncé du même coup à créer du possible, ce qui est l’acte essentiel de toute révolution politique ou spirituelle. Je
1645 ong et à court terme du congrès et des mouvements qui le prolongeraient par une action commune. 3° Ce préambule devait cont
1646 s j’avais soumis une première esquisse du rapport qui devait faire l’objet des débats de la section culturelle, à La Haye :
1647 consacrerai volontiers (à la Commission) un temps qui , à dire vrai, me manque. » Retinger m’avait appuyé fort habilement. I
1648 pie à quelques-uns de nos collègues ») une lettre qui donnait au préambule sa pleine valeur, telle que je l’avais souhaitée
1649 tait à quoi je tenais surtout. Ce point marqué et qui pouvait être important, restait à obtenir l’imprimatur du comité pour
1650 résence d’un groupe presque purement britannique, qui feignit le plus grand embarras : comment imprimer mon rapport, puisqu
1651 re les plis d’un lourd rideau de velours pourpre. Qui sont ces gens autour de moi, dont les visages s’illuminent dans le fa
1652 rrière deux rangs de dos et de nuques fascinantes qui dépassent le dossier des fauteuils. Cette nuque très large et rouge,
1653 urire voltairien de Lord Layton, un homme en noir qui porte une longue chaîne en sautoir… Où suis-je ? À quelle époque ? Da
1654 de nous, dans cette grande salle des Chevaliers, qui est celle d’un très vieux Parlement, mille personnes, mille Européens
1655 nglais que nature : Charles Morgan, un archevêque qui représente le Vatican, un Lord Bishop qui représente Canterbury, des
1656 hevêque qui représente le Vatican, un Lord Bishop qui représente Canterbury, des députés socialistes anglais, un joyeux ana
1657 ur efficacité, mais c’est le climat européen seul qui rend la vie dangereuse, aventureuse, magnifique et tragique — et, par
1658 (C’est mon ami Brugmans, travailliste hollandais, qui parle ainsi devant douze anciens présidents du Conseil, soixante mini
1659 m’a soufflé mon voisin, Lord Layton. « Mariage de qui  ? Non certes de Churchill et du Labour, mais peut-être des vieux homm
1660 par des membres de la seule délégation nationale qui se présentait comme telle au Congrès, la Britannique. Le romancier Ch
1661 nionisme, doctrine (ou refus de doctrine) de ceux qui espéraient faire l’Europe sans casser des œufs, resta seul maître d’e
1662 qu’on ignore, c’est l’incident minime et décisif qui devait couper les ailes à tout espoir d’action « révolutionnaire » du
1663 l’unanimité du Congrès sur le texte d’engagement qui termine votre Message. Or je connais trente délégués au moins qui s’y
1664 e Message. Or je connais trente délégués au moins qui s’y opposeront, à cause de la phrase : “Nous voulons une défense comm
1665  OK ! Lors du prochain Congrès européen, Staline, qui est plus fort que vous, enverra cinquante délégués ! Et l’Europe ne s
1666 r. J’envoyai quérir Retinger et Paul van Zeeland, qui étaient à la tribune. Dans une petite salle près de l’entrée, nous no
1667 ce journaliste irresponsable », Paul van Zeeland, qui devait présider la séance de clôture du Congrès fit accepter un compr
1668 ma place à la tribune, juste derrière Churchill, qui faisait basculer son fauteuil, et je l’entendais dire à haute voix :
1669 n congrès politique à Bruxelles, en février 1949, qui n’ajouta rien à La Haye, à part l’adhésion de P.-H. Spaak ; puis un c
1670 congrès économique à Westminster, en avril 1949, qui précisa qu’« une Autorité européenne permanente devrait être institué
1671 l’acier inaugurera une stratégie nouvelle : celle qui consiste à organiser d’abord l’économie avec l’idée que l’union polit
1672 oratoire européen de recherches nucléaires (CERN) qui a construit l’un des plus grands synchrocyclotrons du monde et a pu,
1673 ns liens organiques, sans politique d’ensemble. À qui la faute ? Les unionistes avaient mieux travaillé que les fédéraliste
1674 font les refus systématiques d’une réaction butée qui indigne l’opinion. Mais les fédéralistes s’étaient montrés incapables
1675 ) Reynaud fut le seul tempérament révolutionnaire qui se manifesta à La Haye. À Macmillan qui conseillait de n’avancer que
1676 tionnaire qui se manifesta à La Haye. À Macmillan qui conseillait de n’avancer que step by step, il répliquait : « On peut
1677 e rendre fécondes les grandes antinomies valables qui tissent la réalité occidentale : autorité et liberté, plan continenta
1678 doit se faire à partir des régions, formule neuve qui réalise exactement ce que demandaient et définissaient le « groupuscu
1679 t une autre histoire. Ce sera celle des vingt ans qui viennent. Et certains, que je connais, la préparent. 148. La notio
1680 ns les archives du CEC à Genève. 158. « La tâche qui nous attend dans ce congrès n’est pas seulement de faire entendre la
59 1970, Preuves, articles (1951–1968). Dépasser l’État-nation (1970)
1681 la patrie », des réalités absolument hétérogènes, qui n’ont aucune raison d’avoir les mêmes frontières, comme la langue et
1682 soit peu sérieuse ou sincère, que cet État-nation qui , par ailleurs, se révèle incapable de répondre aux exigences concrète
1683 rce depuis vingt-cinq ans d’unir l’Europe ! Voilà qui explique suffisamment, je crois, pourquoi l’on n’a pas avancé d’un mè
1684 oir le Vietnam) et l’on travaille pour le profit, qui est en somme du superflu. Mais dès lors que ce choix de notre avenir
1685 ans nul doute de créer une Europe très forte mais qui serait très peu européenne. Sans compter qu’un super État-nation ne p
1686 commun à l’échelle fédérale continentale, tout ce qui est nécessaire pour garantir les autonomies de tous ordres, régionale
1687 fédération » qu’évoquait le général de Gaulle, et qui serait formée d’États-nations conservant jalousement leurs prétention
1688 lles ne servent absolument à rien pour arrêter ce qui devrait l’être : les tempêtes et les épidémies, la pollution de l’air
1689 blement déficient, est caractéristique de tout ce qui touche à l’État-nation : néfaste dans la mesure où il est encore réel
1690 de la seule fiction d’économies dites nationales, qui ne correspondent à rien d’économique. Mais ce que je sais de science
1691 que et une aile ritualiste ; dans chaque personne qui réfléchit une droite et une gauche… La renaissance des régions
1692 , ce n’est qu’un appareil plus ou moins efficace, qui doit être mis au service des citoyens et de leurs cités ; et non l’in
1693 ériels : ils sont presque comblés à cet égard. Ce qui leur manque le plus durement, c’est un but transcendant, c’est un sen
1694 litique de notre temps. Précisons : des vingt ans qui viennent. Car à ce prix seulement nous ferons l’Europe, et nous la fe
1695 ute l’humanité, nous lui devons cela ! Une Europe qui ne sera pas nécessairement la plus puissante ou la plus riche, mais b
1696 es Européens participent d’une “unité de culture” qui englobe, dans une communauté devenue de plus en plus complexe au cour
1697 ur reprend dans sa Lettre ouverte aux Européens qui paraîtra prochainement aux Éditions Albin Michel. »