1 1951, Preuves, articles (1951–1968). Mesurons nos forces (avril 1951)
1 te qu’on préfère, et de tourner le bouton si l’on s’ ennuie, sans être dénoncé par les voisins ; le droit d’aimer et de haï
2 st autre que l’esprit critique. On nous dit qu’il se perd et l’on en donne pour preuve le succès des publicités, propagand
3 qu’il renaît dans les plus jeunes générations. On se lamente sur l’état de la jeunesse d’Europe, on déplore ce qu’on nomme
4 ain. La foi chrétienne elle-même doit aujourd’hui se réjouir d’un tel scepticisme, voir en lui son meilleur allié contre l
5 sobrement à nos inquiétudes personnelles, qui ne se satisfont point de réponses collectives. L’Occident n’est pas une égl
6 paye » de Hollywood ! Dans l’idée de la personne s’ enracine toute liberté concrète, créatrice et vécue. Au contraire, c’e
7 Telles sont nos maladies. Telles sont nos forces. S’ il est une chose au monde pour laquelle on ne peut faire de propagande
8 ’initiative. C’est l’autre camp qui sera forcé de se mettre sur la défensive, contre le rayonnement de nos vraies libertés
9 tés ; c’est d’appeler toutes nos forces éparses à se fédérer solidement, non point à s’unifier mais à se fédérer dans leur
10 rces éparses à se fédérer solidement, non point à s’ unifier mais à se fédérer dans leurs différences essentielles. Si dema
11 fédérer solidement, non point à s’unifier mais à se fédérer dans leurs différences essentielles. Si demain notre fédérati
12 férences essentielles. Si demain notre fédération s’ établit à Strasbourg ou ailleurs, nous dotant d’instruments modernes e
2 1951, Preuves, articles (1951–1968). Neutralité et neutralisme (mai 1951)
13 tique, — à n’importe quelle politique. La culture s’ occupe des fins de la vie humaine et de son sens, la politique doit s’
14 la vie humaine et de son sens, la politique doit s’ occuper des moyens pratiques de réaliser ces fins. C’est une grave fau
15 la plus puissante d’une maladie unique, qui peut s’ appeler ailleurs fascisme ou phalangisme, ou ce qu’on voudra ; mais do
16 sance bien définie. Mais pour nous l’Amérique ne s’ identifie pas avec le bien ni avec le vrai. Même si l’Amérique se trou
17 Il espère ainsi que le loup au lieu de le manger s’ occupera d’abord du berger, ou bien que le berger attaquera le loup :
18 e loup : cela gagnera du temps pour l’agneau, qui se sent encore trop faible pour agir. C’est une politique défendable. Ma
19 me démocratique ; car dès l’instant où la culture se subordonne à une politique quelconque, cette politique tend à devenir
20 Congrès indien pour la liberté de la culture qui s’ est tenu à Bombay, du 28 au 31 mars. Au cours de cette conférence, Den
3 1951, Preuves, articles (1951–1968). Culture et famine (novembre 1951)
21 la famine », il n’y aurait point de civilisation. S’ il n’y avait point de civilisation, nous serions sans moyens technique
4 1952, Preuves, articles (1951–1968). « L’Œuvre du xxe siècle » : une réponse, ou une question ? (mai 1952)
22 de genre militaire du réalisme socialiste, qui ne se distinguent de la peinture bourgeoise d’environ 1880 que par la coule
23 nt. Qu’il soit peintre, poète ou conteur, plus il s’ avance dans ce domaine, plus il s’isole et perd le contact du public ;
24 onteur, plus il s’avance dans ce domaine, plus il s’ isole et perd le contact du public ; cependant que l’invention techniq
25 la découverte et celui de l’audience accessible, se révèlent pratiquement contradictoires. Faut-il opter, ou faut-il au c
26 ue fournit la notion nouvelle d’optimum ? Faut-il se faire soit monstre, soit vedette ou bien tenter de se faire classique
27 aire soit monstre, soit vedette ou bien tenter de se faire classique ? Autre paralogisme de ce siècle : jamais on n’avait
28 nés à contrôler les sources mêmes de la création. S’ agit-il de compensations, ou bien l’un des deux phénomènes serait-il l
29 euf en son état naissant ? L’Œuvre du xxe siècle s’ inaugure dans le vrai style de notre époque : la réponse qu’elle appor
5 1952, Preuves, articles (1951–1968). Le sens de nos vies, ou l’Europe (juin 1952)
30 mourir, et dresse chaque homme, dès son enfance à s’ y adapter et conformer. La civilisation européenne, elle aussi, donne
31 e fois sur des millions). L’Oriental ne peut donc se poser le problème d’un sens personnel de sa vie, divergeant de la voi
32 dictature totalitaire à l’accusation de sabotage. S’ ils tombent dans cette erreur et s’ils y persévèrent, l’Oriental l’exp
33 n de sabotage. S’ils tombent dans cette erreur et s’ ils y persévèrent, l’Oriental l’expiera dans ses vies ultérieures, tan
34 oûts, ses croyances qui diffèrent (ou du moins il s’ en flatte) de celles qui sont censées régner, ses talents qu’il expéri
35 ses talents qu’il expérimente, enfin sa vocation s’ il en sent une et s’il y croit. Lorsqu’il entre en conflit avec les lo
36 xpérimente, enfin sa vocation s’il en sent une et s’ il y croit. Lorsqu’il entre en conflit avec les lois, les traditions,
37 qui a compté dans la vie de l’Europe, tout ce qui s’ y est fait un nom et un visage distinct. Soulignons maintenant que ce
38 te partie de la planète où l’homme, sans relâche, se remet en question, et veut changer le monde de telle manière que sa v
39 e et distinct. Lutte contre le destin natal, pour se forger une destinée ; contre les astres et les dieux écrasants ; cont
40 notions de personne et de vocation, synthèse qui s’ opéra durant les premiers siècles de notre ère, qui s’épanouit avec la
41 éra durant les premiers siècles de notre ère, qui s’ épanouit avec la Renaissance, et dont la dialectique interne aboutit,
42 tion a le même sens que le mot conversion : c’est se retourner complètement. On peut dire que la révolution est, pour une
43 ien de personne ; les révolutionnaires ne peuvent se former que dans un monde qui tient la liberté et la vocation prophéti
44 de passion. Enfin, le citoyen du monde soviétique se doit de rejeter avec une horreur officielle l’idée non scientifique,
45 . Je ne dis pas qu’entre l’Occidental, qui tend à s’ affirmer comme individu créateur, et l’Oriental, qui tend à s’ordonner
46 omme individu créateur, et l’Oriental, qui tend à s’ ordonner au monde des dieux, nous ayons à choisir. Je dis que nous avo
47 pas que l’un vaut mieux que l’autre, mais qu’ils se donnent des buts tout à fait différents. Et je ne nie pas non plus qu
48 loin d’adorer ces tyrannies qu’il laisse parfois s’ établir dans son sein, l’Occident leur résiste en mille manières. Non
49 t contre le droit du plus fort, toutes choses qui se résument aujourd’hui dans le pouvoir anonyme de l’État. L’humour est
50 pas impunément dans les États totalitaires, où il se voit réduit à la plus stricte clandestinité. Et c’est pourquoi, enfin
51 pas que l’humour consiste aussi, sinon d’abord, à se moquer de soi-même. Mais avant de pouvoir rire de soi-même, il s’agit
52 -même. Mais avant de pouvoir rire de soi-même, il s’ agit d’exister comme une personne consciente, et de prendre distance p
53 et de prendre distance par rapport à ce que l’on se voit être. Dans l’humour, c’est donc la personne qui juge son propre
54 ve d’une vie plus libre pour chacun de nous. Elle se lie à l’idée de contrainte collective, qui est la négation même de so
55 cycles et de répétitions dont l’homme ne saurait se libérer et dont il n’est pas responsable ; elle devient une longue av
56 a vraiment un sens positif ? Dans l’ensemble, il se peut qu’il n’en ait point, qu’il n’ait aucune direction vérifiable, e
57 ifications qu’il nous apporte, en bien et en mal, s’ annule. La croyance au Progrès collectif demeure un pur et simple acte
58 des individus, des personnes, de ceux qui veulent se rendre compte de leur vie pour leur propre compte, et qui ont là-dess
59 té de puissance. Troisième remarque : l’Europe ne se borne pas à tolérer les civilisations qui diffèrent de la sienne, mai
60 au xviiie siècle un très grand mathématicien. Il s’ appelait Léonard Euler, et il vivait à Bâle, entre France et Allemagne
61 sa science abstraite ne devait pas l’empêcher de se rendre utile aux hommes. Aussi dessina-t-il, à temps perdu, les plans
62 paquebots traversent l’Océan, d’énormes capitaux s’ amassent dans le pays. Quand on me demande maintenant : quelle est don
63 ée russe peut encore nous écraser, et notre union s’ avère bien difficile. Mais l’esprit créateur reste notre apanage, l’es
6 1952, Preuves, articles (1951–1968). Le dialogue Europe-Amérique (août-septembre 1952)
64 , médiocrement soutenu par le parti. Ses vedettes se taisent ou rompent avec lui, ses hebdomadaires périclitent ou meurent
65 ebdomadaires périclitent ou meurent, son prestige s’ évanouit avec la légende de son efficacité. Or ce reflux — dont rien n
66 turel, un problème d’un autre ordre apparaît, qui se pose lui aussi à l’ensemble de la vie de l’esprit en Europe : c’est l
67  L’Œuvre du xxe siècle », à Paris, André Malraux s’ est écrié : « L’Amérique n’est qu’une partie de l’Europe ! » L’Amériqu
68 r autrement qu’il n’aurait su l’imaginer. Elle ne se définit point par rapport à lui seul, mais aussi par rapport au monde
69 les réponses à nos questions directes, occupés à se ruiner par des guerres nationales qu’on nous demande ensuite de payer
70 on, ni leur lecture imposée par Ridgway. Quand on s’ écrase aux films de Hollywood, quand toute une jeunesse s’intoxique de
71 aux films de Hollywood, quand toute une jeunesse s’ intoxique de jazz hot, il faut bien constater que c’est notre public e
72 s contrefaçons multipliées chez nous. Notre élite s’ en plaint, il est vrai. Mais l’élite des USA aussi. Personne encore n’
73 oût des lectures faciles. (Le réalisme socialiste s’ est borné à les rendre obligatoires.) Prenons un exemple précis. Dès q
74 ligatoires.) Prenons un exemple précis. Dès qu’il s’ agit de créer un institut de recherches, d’enseignement ou de culture,
75 tire d’une part un prestige suspect, d’autre part se voit accusé de n’être rien qu’un « instrument de la guerre froide ».
76 l’ambiguïté d’une pareille situation, l’Américain se met sur ses gardes et commet des fautes méthodiques. Il multiplie les
77 on, tout en gardant un contrôle raisonnable. Puis s’ étant assuré d’une documentation dont l’ampleur bien souvent dépasse s
78 il fait ses comptes et son rapport au comité, qui se décide objectivement, et qui se trompe une fois sur deux. Il en résul
79 rt au comité, qui se décide objectivement, et qui se trompe une fois sur deux. Il en résulte un gaspillage d’efforts et de
80 efuse d’en payer les frais courants ; l’Américain se demande si l’on y croit vraiment… (J’écris on à dessein : car ce ne s
81 e et ont l’argent. Mais globalement, la situation se présente ainsi aux yeux des Américains.) J’ai vu des comités, placés
82 virtuels proposent à des instituts de culture de s’ occuper de la « productivité », à des économistes d’établir des plans
83 ion, et d’une manière générale à n’importe qui de se prononcer sur n’importe quoi qui n’est pas dans la situation concrète
84 doit être restreinte et non spectaculaire ; il ne s’ agit pas d’un congrès, mais d’un séminaire de recherches. b) Les repré
85 x. Car si l’Europe et l’Amérique n’arrivent pas à s’ entendre effectivement, comment rêver une entente mondiale, comment pe
86 nts formulés contre les USA par les Européens qui se proclament (curieusement) « neutralistes ». En voici un : « Dès le dé
7 1953, Preuves, articles (1951–1968). Deux princes danois : Kierkegaard et Hamlet (février 1953)
87 évrier 1953)j La carrière de Søren Kierkegaard s’ est déroulée en une douzaine d’années comme un drame unique, intense,
88 et connut un immense succès. Mais, à mesure qu’il se fit mieux comprendre, dans la suite de ses ouvrages composés et publi
89 léré de trois ou quatre volumes par an, le public s’ écarta, effrayé. Et, lorsqu’en 1854 il attaqua de front le christianis
90 vêques, qui avaient loué ses premières œuvres, il se vit abandonné dans la plus complète solitude qu’ait jamais connue un
91 duel qu’il menait seul contre toute l’opinion, il s’ effondra dans la rue au cours d’une promenade. On le transporta dans u
92 ait la clé. Ce ne fut qu’à la fin de sa vie qu’il s’ offrit sans masque à la lutte, au cours de la polémique décisive qui d
93 e action unique et éclatante, à laquelle le héros se prépare longuement, devant laquelle il hésite et recule, jusqu’à ce q
94 t un parallèle possible. L’histoire d’Hamlet peut se résumer ainsi : un jeune homme profondément mélancolique reçoit une m
95 t passer pour un dangereux exalté. Finalement, il se voit contraint, par des circonstances fortuites, de réaliser l’acte u
96 tion éclatante d’une usurpation que tout le monde s’ accordait à passer sous silence : ce résumé d’Hamlet ne vaut-il pas id
97 de la biographie de Kierkegaard ? Il reste à voir s’ il est possible de pousser ce parallèle beaucoup plus loin dans le dét
98 e de retourner à l’Université de Wittenberg, pour s’ y livrer à la philosophie. S’il demeure à la cour, c’est uniquement pa
99 de Wittenberg, pour s’y livrer à la philosophie. S’ il demeure à la cour, c’est uniquement par obéissance aux désirs de sa
100 maintenant dans quels termes Kierkegaard lui-même s’ est décrit. Lui aussi se sent un prince. « Il y a quelque chose de roy
101 rmes Kierkegaard lui-même s’est décrit. Lui aussi se sent un prince. « Il y a quelque chose de royal dans mon être », fait
102 voudrait « retourner à Wittenberg », c’est-à-dire s’ abandonner à son génie dialectique, aux projets de poète et de philoso
103 ndant son séjour à l’Académie de Berlin ; mais il se résout à passer simplement son examen de théologie, par obéissance au
104 nce aux désirs de son père. Et surtout, lui aussi se sait la victime d’une sorte de neurasthénie : « J’ai vécu dès mes jeu
105 du drame de Shakespeare, et Kierkegaard tel qu’il se montre dans son premier ouvrage, L’Alternative : deux princes vraimen
106 sa jeunesse communication d’un secret, auquel il se réfère souvent, mais dont il n’a jamais expliqué la nature. Nous savo
107 quoi faut-il que je sois né pour la rajuster ! », s’ écrie Hamlet. Et Kierkegaard ne cesse de répéter sur tous les tons la
108 et, sinon à lui obéir, tout au moins à cesser de se dire chrétienne « à bon marché ». Tous les deux pensent qu’« il y a q
109 eux cas. Pour Hamlet, c’est très simple : il doit se taire, sinon Claudius le fera sans aucun doute assassiner. Pour Kierk
110 ssassiner. Pour Kierkegaard, c’est plus complexe. S’ il passait tout de suite à l’attaque, personne ne l’écouterait. Il fau
111 le plus favorable pour l’attaque décisive. Or on se rappelle qu’Hamlet dresse un plan analogue. Il imagine de faire jouer
112 la femme, l’amour et le mariage. Or tous les deux se voient contraints d’y renoncer, à cause de leur mission, de leur secr
113 oute reste le même dans les deux cas. Kierkegaard s’ est expliqué sur la rupture de ses fiançailles avec Régine. Il s’est e
114 sur la rupture de ses fiançailles avec Régine. Il s’ est expliqué, peut-on dire, dans toute son œuvre, et non pas seulement
115 e. Naïve et spontanée, elle tenterait simplement, s’ il le lui révélait, de ramener son fiancé à une vue plus bourgeoise de
116 ime à l’exercice de son étrange vocation. Peut-on se marier si l’on veut être un témoin de la vérité ? Un soldat à la fron
117 Un soldat à la frontière devrait-il être marié ? se demande Kierkegaard. Et lui, qui se bat aux avant-postes, aux frontiè
118 être marié ? se demande Kierkegaard. Et lui, qui se bat aux avant-postes, aux frontières de l’esprit ? D’autre part, il r
119 iancée à l’« esclavage de la mélancolie » : il ne se sent pas le droit de troubler cette enfant, de l’entraîner dans des t
120 -il, cette contradiction de la douleur : ne point se révéler et faire mourir l’amour ; se révéler et faire mourir l’aimée 
121 r : ne point se révéler et faire mourir l’amour ; se révéler et faire mourir l’aimée ? » S’il choisit d’être la victime, u
122 l’amour ; se révéler et faire mourir l’aimée ? » S’ il choisit d’être la victime, une seule issue lui reste ouverte : romp
123 e l’aime plus. On sait la comédie que Kierkegaard s’ imposa de jouer devant Régine. Il se peint à ses yeux comme une sorte
124 e Kierkegaard s’imposa de jouer devant Régine. Il se peint à ses yeux comme une sorte de roué, de séducteur cynique, qui a
125 but. » Et nous voyons Hamlet, comme Kierkegaard, se noircir aux yeux de la jeune fille, prétendre qu’il ne l’aime pas, lu
126 aime pas, lui tenir les propos les plus cyniques, s’ écrier ensuite : « Comment ferait-on pour n’être pas gai ! » Cependant
127 rétien le crime de lèse-majesté qualifié, c’était se moquer de l’Évangile, c’était reconnaître et sanctionner l’usurpation
128 onnaître et sanctionner l’usurpation. Kierkegaard se sentit provoqué. Et, là encore, ce qui aurait pu rester un simple ass
129 t un témoin de la vérité. Une polémique furieuse s’ éleva de toutes parts. L’opinion danoise et scandinave fut secouée d’u
130 avait osé l’acte ; il avait réussi : l’usurpation s’ était vue dénoncée, et il avait forcé le grand public à devenir attent
131 devenir attentif à son message. Mais, au lieu de se faire meurtrier, c’est lui qui paya de sa vie. Il devint lui-même le
132 a plénitude du temps, quand la décision éternelle se réalise dans l’inégale occasion ». Le saut, c’était le mouvement prop
133 . Il semble donc que le parallèle que j’ai risqué se soit offert à l’esprit de Kierkegaard, et qu’il ait tenu à le corrige
134 en lui ». Si l’obstacle à son acte est en lui, il s’ agit d’un scrupule religieux. Dans ce cas, le héros n’est grand que pa
135 avait sans doute la vocation d’un musicien. Il ne s’ agit ici que du don naturel et des dispositions natives. Mais il exist
136 de l’appel reçu ni de la réalité de son objet. Il s’ agit donc ici, selon Kierkegaard, d’une incertitude objective. De même
137 le chrétien en général, il en va différemment. Il s’ agit de découvrir le rôle qu’on devra jouer dans un drame infini, auss
138 que Kierkegaard, dès ses premières publications, s’ était tracé un plan d’action comportant toute une stratégie de pseudon
139 ’ai menée à chef, pas à pas, avec ma réflexion. … S’ il me fallait exprimer avec toute la rigueur et toute la précision pos
140 elle-ci : la Providence a fait mon éducation, qui se réfléchit dans le processus de ma production. Ainsi sont infirmées da
141 ais il attend patiemment que le poète ait fini de s’ épancher, tout en veillant avec des yeux d’Argus à ne pas se laisser d
142 , tout en veillant avec des yeux d’Argus à ne pas se laisser duper dans une œuvre où se proclame le poète. Enfin, aux der
143 Argus à ne pas se laisser duper dans une œuvre où se proclame le poète. Enfin, aux dernières pages du livre, il ajoute ce
144 n en exercice. Il parle de sa totale solitude. Il se dépeint non seulement privé de confident, mais seul avec un moi qu’il
145 ’est le paradoxe essentiel de toute vocation : il s’ agit de suivre un chemin qui demeure invisible tant qu’on ne se risque
146 vre un chemin qui demeure invisible tant qu’on ne se risque pas à y marcher. Cette « lumière sur mon sentier », dont nous
147 révéler que le premier pas à faire, et le sentier se crée sous les pas qui le foulent. Ici, la seule expérience humaine à
148 e poète, lui non plus, ne sait et ne saura jamais s’ il ne fait qu’épouser un rythme errant, ou s’il le crée tout en croyan
149 mais s’il ne fait qu’épouser un rythme errant, ou s’ il le crée tout en croyant le suivre. S’avancer ainsi dans la vie, c’e
150 rrant, ou s’il le crée tout en croyant le suivre. S’ avancer ainsi dans la vie, c’est pratiquement vivre dans l’improbable,
151 en est la conséquence nécessaire. Kierkegaard ne se lasse pas d’insister sur cette dernière catégorie. « Celui qui ne ren
152 ici que la notion de vocation, chez Kierkegaard, s’ oppose diamétralement à la notion courante. Car, selon cette dernière,
153 tribune élevée, et, de là, d’un saut prodigieux, se jette dans le vide, l’épée brandie, pour tomber sur le roi, qu’il tue
8 1953, Preuves, articles (1951–1968). À propos de la crise de l’Unesco (mars 1953)
154  hommes de culture », qui savent mieux de quoi il s’ agit, tout en doutant parfois qu’il s’agisse vraiment d’eux ; mais aus
155 de quoi il s’agit, tout en doutant parfois qu’il s’ agisse vraiment d’eux ; mais aussi chez les fonctionnaires de l’instit
156 ain, et les intérêts d’un ministre, les rapports, s’ il en est, ne sont qu’accidentels. Il s’agit d’ordres différents, dira
157 rapports, s’il en est, ne sont qu’accidentels. Il s’ agit d’ordres différents, dirait Pascal. Mais cette constatation, quoi
158 er la culture, et plus encore aider les peuples à se cultiver, non point d’ailleurs pour le plaisir de l’art, mais parce q
159 Il n’en obtient parfois, avec quelles peines, que s’ il peut démontrer aux Finances, au Parlement, aux présidents de ses co
160 lques fonctionnaires chargés de l’exécution. Puis se pose la question du budget. Il faut faire vivre l’Organisation, et so
161 tants problèmes périphériques qui viennent encore s’ ajouter aux problèmes harassants de la lutte des partis, de l’économie
162 sque. Au regard des tâches mondiales que l’Unesco s’ assigne, il est simplement ridicule ; pire encore si l’on ose le compa
163 rosse somme. Les hommes de culture, comme on dit, se demandent alors si pour ce prix l’on ne pourrait pas les aider mieux
164 us d’énergie qu’elle n’en transmet ? Cela devrait se calculer, semble-t-il. Mais l’a-t-on fait ? En attendant, rêvons un p
165 donc réformer, et c’est encore trop peu dire : il s’ agit de refaire à l’inverse, de fond en comble, — et non de comble en
166 le toutes les civilisations de la planète ne peut se donner qu’un but très vague, mal défini et presque vide de contenu pr
167 vide de contenu proprement culturel. (En fait, on se borne à dire qu’on travaille pour la paix.) D’autre part, le cadre na
168 respond pas aux réalités de la culture : celle-ci s’ est toujours faite par un jeu de libre-échange qui ne tenait aucun com
169 islam, l’Asie du Sud, l’Extrême-Orient. Ceci doit se traduire par des organismes régionaux (comme on dit à l’Unesco) et no
170 nseignement ; les laboratoires, etc. C’est là que se forme le langage des créateurs individuels et que leurs œuvres appara
171 est par nature fédéraliste, donc décentralisé. Il se développe par des méthodes de coordination pratique, et non pas à cou
172 peuvent et doivent être favorisées quand elles ne s’ établissent pas spontanément. Mais on ne saurait les « planifier » sur
173 n des peuples ou du groupe de nations considéré). S’ il fallait résumer encore ces remarques déjà trop condensées, on souli
174 l’initiative, le contrôle et l’exécution ! Qu’ils s’ associent directement entre eux, quand ils le trouvent utile, par-dess
175 ture, les directeurs de festivals). Cette méthode s’ est montrée la plus économique, la plus rapide et la plus efficace aus
176 ntéressés, que les gouvernements ou la fédération s’ attachent à leur rôle d’arbitrage entre les intérêts spécifiques de la
177 t nous parlions et les instances gouvernementales se révèle là encore le plus pratique, ne fût-ce qu’en évitant les retard
9 1953, Preuves, articles (1951–1968). « Nous ne sommes pas des esclaves ! » (juillet 1953)
178 lles européennes, le cri de douleur des faubourgs s’ est propagé dans les avenues lugubres de Berlin, entre leurs façades s
179 laire » ont tiré sur les ouvriers qui avaient osé se rassembler, sans armes, pour proclamer : « Nous ne sommes pas des esc
180 lez redire aux Berlinois que « la classe ouvrière se reconnaît dans les épreuves de force que le PC institue en son nom » 
181 aliste les ouvriers n’auraient plus l’occasion de s’ en servir… On savait aussi qu’il était le parti du travail forcé, celu
182 s bourgeoisies ont tué des travailleurs qui, eux, se révoltaient au nom de la liberté et de leur dignité d’hommes. C’était
183 a seconde, nous l’avons sous les yeux, consiste à s’ emparer de la cause ouvrière, à se parer de sa justice et de son nom,
184 eux, consiste à s’emparer de la cause ouvrière, à se parer de sa justice et de son nom, pour l’écraser ensuite, une fois q
185 te de Brandebourg, le vieux chant révolutionnaire s’ est fait entendre pour la première fois depuis vingt ans de silence, v
186 r et justifie sa raison d’être par des hommes qui se sacrifient au service de la liberté. l. Rougemont Denis de, « “Nou
10 1953, Preuves, articles (1951–1968). Les raisons d’être du Congrès (septembre 1953)
187 les régimes de tyrannie d’État. Il est facile de s’ en convaincre. En Asie, dans l’Antiquité, chez les Aztèques, pendant l
188 ria ! Les arts peuvent, dans une certaine mesure, se jouer de la tyrannie ; la science moderne le peut de moins en moins.
189 ns par l’idée que les peuples et leurs éducateurs se font de la science. De plus en plus, l’on accorde à cette dernière, a
190 étude et même l’angoisse du monde moderne. À cela s’ ajoute le fait que les inventions techniques, qui sont les sous-produi
191 tend à dominer la société. Mais alors la question se pose, inévitable : qui dominera la science ? Sera-ce l’État, l’idéolo
192 té ? Ces questions sont parmi les plus graves qui se posent à l’esprit moderne. Par une chance rare, elles sont aussi cell
193 ous dire, en deux mots, pourquoi cette conférence se tient ici et non ailleurs. La liberté dans la recherche et l’acceptat
194 eur dépendance mutuelle. La liberté de la science se situe, elle aussi, dans un certain contexte politique et aucun savant
195 ce détruit la science. Les savants ne doivent pas se reposer sur d’autres pour la défense de leur propre liberté de recher
11 1954, Preuves, articles (1951–1968). La table ronde de l’Europe (janvier 1954)
196 avait été décidé finalement que cette table ronde se réunirait à Rome le 13 octobre et siégerait pendant quatre jours, que
197 L’une des œuvres les plus célèbres de Gauguin s’ intitule : D’où venons-nous ? Où sommes-nous ? Où allons-nous ? Je n’i
198 lleure devise pour la table ronde de l’Europe qui s’ est tenue à Rome l’automne dernier. Pour situer rapidement cette entre
199 s l’arithmétique. Que manque-t-il à l’Europe pour se sauver, pour rejoindre un salut tout proche et comme à portée de la m
200 juste ? Comment réveiller l’opinion ? Les slogans s’ usent très vite, et la jeunesse actuelle, très sensible aux tribuns li
201 ’est pas de résumer les péripéties des débats qui se déroulèrent pendant six longues séances dans le huis clos doré d’un v
202 e vision que l’on adopte qui permet finalement de s’ accorder. J’avais donc suggéré aux rapporteurs d’envisager le problème
203 fait qu’ils succomberont demain aux mêmes périls, s’ ils ne trouvent pas ensemble leur salut. La recherche des origines com
204 d’un savant humaniste, M. Löfstedt. Nous avons vu se dessiner l’extraordinaire aventure collective de l’Occident : la nais
205 ue Valéry. Je dirai maintenant les réflexions qui se formaient en moi en écoutant les autres. Elles tournent toutes autour
206 l’on parle du destin commun de nos pays, des voix s’ élèvent pour dénoncer je ne sais quel « nationalisme européen », qui a
207 me autre chose qu’une nation monstrueuse ; et ils s’ empressent de projeter sur elle les péchés d’égoïsme, d’orgueil et d’é
208 est la racine des pires impérialismes : ceux qui se déguisent en entreprises missionnaires, comme jadis les croisades, pu
209 ntion honorable, dans le domaine des idées pures ( s’ il en est, et qui restent telles). Mais il couvre trop d’équivoques. C
210 itude fédéraliste qui peut le sauver, puisqu’elle se fonde sur la nécessité du dialogue entre égaux différents. En vérité,
211 dialogue entre égaux différents. En vérité, il ne s’ agit pour nous, Européens de la moitié du xxe siècle, ni d’orgueil, n
212 du xxe siècle, ni d’orgueil, ni d’humilité : il s’ agit de nous voir responsables d’une culture bien particulière, dont l
213 volonté ferme. « Naguère encore, l’Europe pouvait se permettre le luxe de la division ; aujourd’hui ce n’est plus possible
214 a prospérité sans plus dépendre de l’étranger, de se défendre plus de quelques heures contre les Russes ou les Américains 
215 es contre les Russes ou les Américains : bref, de se conduire en pirate ou de vivre en vase clos. Ces limites décisives à
216 voirs concrets, elle est devenue le réceptacle où se recueillent pêle-mêle nostalgies de gloires passées, orgueils déçus,
217 la difficulté, pour ceux qui en sont victimes, de s’ adapter aux réalités changeantes du siècle, et même de les apercevoir.
218 foncière de l’histoire commune des Européens que se détachent, apparaissent, et disparaissent, les nations et leurs États
219 qui tremblent, disent-ils, de voir leur patrie «  se perdre dans la masse informe d’une Europe unie ». Le second argument
220 e : il n’est pas exact que nos nations, en vue de s’ unir, doivent sacrifier ce qui subsiste de leur souveraineté nominale.
221 ir l’Allemagne ! Par une erreur inverse, d’autres s’ imaginent que les fédéralistes européens se proposent de créer un vast
222 autres s’imaginent que les fédéralistes européens se proposent de créer un vaste État centralisé. Et combien savent que la
223 uccès. Il m’apparaît urgent et vital que ceux qui s’ occupent de l’Europe fassent l’effort de s’assimiler l’ABC du fédérali
224 ux qui s’occupent de l’Europe fassent l’effort de s’ assimiler l’ABC du fédéralisme, car sans lui l’union de nos pays reste
225 seconde serait mortelle sans les premières, qu’il s’ agit donc de les composer, ou mieux, de les mettre en tension. La résu
226 ou mieux, de les mettre en tension. La résultante se nomme la paix. L’Europe étant une et diverse, composée de vingt-quatr
227 ont découvert qu’il ne devait pas nécessairement s’ appliquer à un seul objet. Cicéron a concilié sans difficulté son loya
228 e de l’Occident. (La Russie ne l’a pas résolue en se bornant à inverser le sens des mots tels que paix, liberté, ordre, ag
229 t comment réfuter l’éthique collectiviste si l’on se met hors d’état d’opposer à l’individu la personne au lieu de la mass
230 somme d’intérêts dont le reste du monde pourrait se passer.   Faire des sacrifices raisonnables. — Ayant remarqué chez l
231 ’un peu plus de coopération sans douleur, tout en se gardant d’attaquer de front les préjugés nationalistes et de mentionn
232 ant Constantinople, exigeaient un tribut avant de s’ éloigner : 10 millions de francs-or, environ. L’empereur en versa la m
233 -or, environ. L’empereur en versa la moitié, puis se mit à pleurer misère. Les riches ne l’aidèrent point, se disant ruiné
234 à pleurer misère. Les riches ne l’aidèrent point, se disant ruinés, et refusant de faire le pool patriotique des faibles s
235 . Byzance fut mise à sac. Les produits du pillage s’ élevèrent après trois jours à plus de 100 millions, sans compter le tr
236 e créé par le hasard des désignations officielles s’ est révélé heureux. 5. Cf. les articles 1, 3 et 5 de la Constitution
12 1954, Preuves, articles (1951–1968). Tragédie de l’Europe à Genève (juin 1954)
237 e européen. Pour savoir qui a gagné, il suffit de se demander lequel des adversaires est parvenu à imposer son angle de vi
238 le cauchemar du « tête-à-tête avec l’Allemagne » s’ évanouirait devant les joies d’un bon voisinage avec l’alliée naturell
239 mois plus tard, tout est déjà changé. L’Occident s’ est laissé glisser dans une « Conférence asiatique » qui s’ouvre à Gen
240 ssé glisser dans une « Conférence asiatique » qui s’ ouvre à Genève, à l’heure choisie par l’Est. Dès le premier jour, la d
241 problème allemand nous intéresse beaucoup. » Que s’ est-il donc passé depuis Berlin ? — Rien, pas un « fait » visible pour
242 ure à expliquer la grande débâcle occidentale. Il s’ est passé seulement que la Conférence a lieu, qu’elle installe au cœur
243 s jours, à Berlin, Molotov a bien vu que l’Europe s’ unirait d’autant mieux qu’il s’attaquerait de front à son union ; qu’e
244 en vu que l’Europe s’unirait d’autant mieux qu’il s’ attaquerait de front à son union ; qu’elle venait de remporter une vic
245 remporter une victoire dans ce plan ; qu’elle ne s’ en apercevrait pas ; qu’il était donc aisé de créer une diversion, et
246 n. Pendant des mois toute l’attention du monde va se concentrer sur le théâtre d’une bataille où l’Occident, désormais, jo
247 aix » dans le Sud-Est de l’Asie, puisque celle-ci se verrait ouverte à l’expansion russe et chinoise. Mais assurer la paix
248 des humiliations de Genève, l’Europe saura-t-elle se souvenir de Nicopolis, de Mohacs, et du siège de Vienne par les Turcs
249 urs » formule Bénès : on sait la suite. Tout cela se fomente à Genève, tout cela peut en sortir demain. La seule riposte e
250 l’expansion communiste.) Mais l’Europe ne pourra s’ unir en temps utile si le parlement français repousse la CED, et avec
251 , est-il concevable que vingt nations européennes se laissent entraîner dans l’abîme par une poignée de députés en sursis,
252 ule ? C’est aux Français, d’abord, qu’on voudrait s’ adresser, à ceux qui sentiront l’amitié d’un appel trop angoissé pour
13 1954, Preuves, articles (1951–1968). Il n’y a pas de « musique moderne » (juillet 1954)
253 qui veulent qu’un psychanalyste soit incapable de s’ analyser lui-même. Le style surgit de l’inconscient. Il dépend donc de
254 irs connus, on en déduit bien légèrement qu’elles se ressemblent. Mais c’est juger par le revers une tapisserie dont le de
255 rs une tapisserie dont le dessin reste inconnu, —  s’ il en est un. Ne parlons plus de « musique moderne ». Parlons seulemen
256 oraines. ⁂ Il faut pousser plus loin le paradoxe. S’ il est tout de même un caractère commun aux compositeurs d’aujourd’hui
257 ou soupçonnent même de mauvaise foi. C’est qu’ils se placent et se regardent dans l’Histoire. Il semble que leur principal
258 même de mauvaise foi. C’est qu’ils se placent et se regardent dans l’Histoire. Il semble que leur principal souci soit de
259 toire. Il semble que leur principal souci soit de s’ intégrer dans une évolution qu’ils déclarent « nécessaire » ; dans on
260 compositeur non dodécaphonique « est inutile… et se place en deçà des nécessités de son époque »7. Les « nécessités nouve
261 hèque, a cessé lui aussi d’être « moderne », pour s’ habituer à vivre dans l’histoire. Il faut enfin l’avouer : toutes les
262 « modernes », sauf la nôtre ! Notre grand public se nourrit de musiques des époques révolues. Quand il ne se contente pas
263 rit de musiques des époques révolues. Quand il ne se contente pas de Beethoven et de Brahms, il ne découvre pas les talent
264 eviendra contemporain, et plus ceux qui composent se rapprocheront de la sensibilité mieux éduquée d’une élite sans cesse
265 lite sans cesse élargie. Quand l’art et le public se créent l’un l’autre, le résultat est une « époque ». Je ne sais pas s
266 opéras et ballets, durant trente jours, sans que s’ y glisse une mesure de musique composée avant l’an 1900 : tous les soi
267 d’accords parfaits. Plaisir d’autant plus vif de se déclarer parfaitement d’accord avec les vues du musicien non professi
268 e diable, qui depuis Faust “disait toujours non”, s’ est fatigué de cette attitude ennuyeuse et a découvert qu’il était plu
269 euse et a découvert qu’il était plus stimulant de se faire musicien moderne, de toujours dissoner (fût-ce avec des accords
14 1954, Preuves, articles (1951–1968). De Gasperi l’Européen (octobre 1954)
270 re vraiment ranimé et rétabli dans son intégrité, s’ il ne s’intègre à la communauté plus vaste qui est son espace vital de
271 ent ranimé et rétabli dans son intégrité, s’il ne s’ intègre à la communauté plus vaste qui est son espace vital de civilis
272 ain chancelle, hésite, semble frappée au cœur, et se dérobe. De Gasperi est mort de la sentir mourante. Il s’est détourné
273 be. De Gasperi est mort de la sentir mourante. Il s’ est détourné du spectacle que préparaient dans une ombre fiévreuse ceu
274 u humiliés par la plus grande nation voisine, ils s’ élèveront au premier rang dans cette nation pour y prendre une revanch
275 8, ce héros de la résistance antifasciste — qu’on se rappelle son discours à la Chambre, au lendemain du meurtre de Matteo
276 ment. Et lors de la séance finale au Capitole, il se leva pour lire un magistral discours synthétisant l’ensemble des trav
277 , me parurent d’autant plus remarquables qu’il ne s’ agissait pas de politique dans tout cela, mais du « problème spirituel
278 speri savait que le réalisme veut que notre union se fonde dans les esprits, non sur des textes marchandés par les partis
279 s lendemain. Il n’était pas « grand orateur », et s’ en plaignait parfois avec humour. Mais pourquoi faudrait-il qu’un homm
280 lu parler de la « grandeur » de l’Italie, mais il s’ est contenté de restaurer sa patrie dans sa dignité — pour l’Europe. À
281 par un Adenauer, par un Schuman, et par lui-même, se voyait subitement compromise. Bien plus qu’à sa retraite de la vie po
282 formule dont les sentimentaux ont abusé, et dont se couvrent les sceptiques pour mieux refuser toute action positive, mai
283 r mieux refuser toute action positive, mais qu’il s’ agit maintenant de prendre au sérieux. 8. On sait que Guareschi paie
15 1954, Preuves, articles (1951–1968). Politique de la peur proclamée (novembre 1954)
284 te sur laquelle régnait Guillaume II. Ce qui peut s’ écrire : Peur de l’Allemagne + Guillaume II = Peur de l’Allemagne – A
285 ne disparaissait totalement et à tout jamais. Car s’ il n’en restait qu’un, je craindrais celui-là, dit en substance Franço
286 s de Staline à leur réhabilitation. On sent qu’il s’ agit là d’une nécessité organique. L’évolution économique et sociale e
287 ntervention des hommes dans ce processus évolutif se pose encore à M. Bevan. Car c’est précisément « à cet égard » (c’est-
288 t d’examiner la position de Khrouchtchev ». Et de se demander : « Khrouchtchev est-il un autre Staline ? » Et de répondre 
289 Généralement, les gens ne sont pas un autre, sauf s’ ils sont Allemands, comme vient de le montrer M. Mauriac. ⁂ Ne craigno
16 1955, Preuves, articles (1951–1968). De gauche à droite (mars 1955)
290 ionale ». Esprit ayant écarté le danger de la CED se félicite de constater que « le ciel du Pentagone » ne lui est pas tom
291 d. » Tout cela serait faux ? Rien de tout cela ne se serait produit ? Il se trouve que la suite de l’article contredit poi
292 es que la CED… Le même état-major allemand pourra se constituer… L’Allemagne aura le droit de fabriquer des armes… On a do
293 teurs ont tenté de rejoindre la ligne communiste. S’ ils ne sont jamais arrivés à la trouver, c’est qu’ils la cherchaient v
294 aient vers la gauche. Aujourd’hui, leur politique se précise. Ils s’opposèrent finalement à Mendès-France dans la mesure e
295 uche. Aujourd’hui, leur politique se précise. Ils s’ opposèrent finalement à Mendès-France dans la mesure exacte où celui-c
296 à Mendès-France dans la mesure exacte où celui-ci s’ éloignait des thèses gaullistes sur la Russie. Encore un peu de persév
17 1955, Preuves, articles (1951–1968). Le Château aventureux : passion, révolution, nation (mai 1955)
297 reux : passion, révolution, nation (mai 1955)w S’ il fallait définir l’Occident par ses maladies spécifiques, ces trois
298 ristianisme quoique désignant trois tentatives de s’ y arracher, tout chargés de prestige aux yeux de l’Européen et d’un pa
299 er les liens9. C’est au début du xiie siècle que se constituent dans le Midi de la France la poésie et la morale courtois
300 ses types de conduite, c’est-à-dire les moyens de s’ avouer, de s’entretenir jusqu’à l’exaltation, de mettre au défi la mor
301 conduite, c’est-à-dire les moyens de s’avouer, de s’ entretenir jusqu’à l’exaltation, de mettre au défi la morale et finale
302 ulgarisation au double sens du mot ; pourtant, il s’ agit du même mythe. Par le moyen de la culture et des modèles qu’elle
303 par un souverain caprice de la Minne, aussitôt ne s’ appartient plus. À peine libéré, le voilà consacré. Minne l’a distingu
304 t fac quod vis ! La passion de Tristan ne pouvait se déclarer dans sa grandeur tragique et obsédante qu’au sein d’un monde
305 ccident. C’est le cri de l’âme « exilée », qui ne s’ arrache à la matière et à la chair que pour sombrer. Mais alors la pas
306 l’Aventure occidentale, échec fatal dès que l’âme se refuse à la totale incarnation, à l’abaissement dans le monde fini, l
307 e de Tristan et d’Iseut, deux plantes en une nuit s’ élèvent et s’enlacent. Et ce symbole discret de la transmigration noue
308 et d’Iseut, deux plantes en une nuit s’élèvent et s’ enlacent. Et ce symbole discret de la transmigration noue ses racines
309 socialisée Quand le catastrophisme passionnel se répand dans le corps social, il prend le nom de Révolution. L’idée et
310 ’ai dit, sont inconnues dans tout l’Orient, qu’il s’ agisse des empires aryens ou dravidiens, khmers ou mongols, chinois ou
311 envahisse les royaumes des Rajputs et que ceux-ci se soulèvent contre lui, il ne s’agit en aucun cas de révolution, car la
312 uts et que ceux-ci se soulèvent contre lui, il ne s’ agit en aucun cas de révolution, car la subversion vient de l’extérieu
313 espace et le temps que le « monde christianisé ». S’ il n’y a pas de socialisme en Asie, écrivait en 1930 Henri de Man, cel
314 Révolution et conversion ont le même sens : c’est se retourner complètement. Dans les deux cas, se produit une crise brusq
315 est se retourner complètement. Dans les deux cas, se produit une crise brusque et rapide, un processus de mort et renaissa
316 ans les deux cas, la subversion de l’ordre ancien s’ opère par un double mouvement : le rejet violent des « choses vieilles
317 tat ». Ainsi, le type du révolutionnaire européen se détache sur le fond d’une foi qui tient la liberté et l’action prophé
318 nouvelle, comptée à neuf. Toutes nos révolutions s’ en souviendront. L’Orient n’a pas connu pareille coupure des temps — c
319 Il paraît même douteux que les premiers chrétiens se soient conduits en « révolutionnaires » au sens moderne de l’expressi
320 l’égard des pouvoirs établis. On ne les voit pas s’ en prendre au régime impérial ni à l’institution de l’esclavage, par e
321 ianisme a prouvé sa puissance de subversion, l’on s’ avise d’une contradiction flagrante entre la « révolution chrétienne »
322 son ombre « un sang impur ». L’Église, en effet, se fondait sur la réalité des hommes transformés par la foi. Elle n’avai
323 théorique qu’il faut imposer par la force, elles s’ imaginent qu’il en résultera nécessairement un « homme nouveau » plus
324 ique de la personne. Ce n’est pas la personne qui se détache d’abord du corps magique de la tribu, mais c’est l’individu p
325 ient à dominer dans la cité, et que l’individu ne se sent plus encadré ni relié, le vide social appelle un ordre autoritai
326 nger le monde d’abord et non d’abord soi-même. Il s’ agit donc, dans le cas du révolutionnaire, d’une conversion non pas de
327 imite le saut de la conversion, mais, au lieu de se retrouver une personne engagée, il est devenu le soldat politique emb
328 a pas de Juge pour ses crimes. Et dès lors qu’il se sait illégitime dans sa prétention à régner au nom de tous contre une
329 eurs de la Passion — « La liberté ou la mort ! », s’ écriaient les jacobins, et la mort était là, celle des autres d’abord,
330 ait là, celle des autres d’abord, mais la Liberté se voilait — laissant ensuite se perdre dans les bureaux de l’État l’éla
331 rd, mais la Liberté se voilait — laissant ensuite se perdre dans les bureaux de l’État l’élan premier vers la communauté,
332 isée Goethe, assistant à la bataille de Valmy, s’ écriait : « De ce lieu, de ce jour, on datera l’ère nouvelle. » C’est
333 oins depuis l’apparition du christianisme. L’État se voit donc contraint de renforcer la police, de centraliser tous les é
334 t en Prusse que la philosophie du nationalisme va se constituer. Hegel est la contrepartie réflexive de Napoléon. Hegel se
335 est la contrepartie réflexive de Napoléon. Hegel se représente la nation comme une croisade pour l’idée. « Ce ne sont pas
336 « un individu dans la marche de l’Histoire ». Il se fait par sa propre activité, s’épanouit, atteint sa pleine vigueur en
337 l’Histoire ». Il se fait par sa propre activité, s’ épanouit, atteint sa pleine vigueur en s’opposant (donc par la guerre)
338 ctivité, s’épanouit, atteint sa pleine vigueur en s’ opposant (donc par la guerre), puis fatalement décline et meurt. « Cha
339 l tend à priver les hommes réels, comment va-t-il se comporter dans le monde ? L’idéal primitif de la nation, confisqué pa
340 ussie, un messianisme despotique. Les petits pays se borneront à invoquer leurs traditions, leur folklore, ou même leur la
341 un de ces « concepts de l’Esprit » ne parvenant à s’ imposer, aucune nation ne dominera longtemps, mais aucune n’en tirera
342 qu’elle n’a plus rien à faire au monde ». Chacune se dira « souveraine », à l’imitation des rois absolus qui n’avaient de
343 lus de Dieu au-dessus des nations. Le droit divin se traduit donc par le droit de l’État le plus fort. Celui-ci ne connaît
344 ue souveraineté ». Pendant cent ans, l’Europe qui se croit rationnelle vivra sur cette absurdité fondamentale. En 1914, el
345 populaires et l’instruction publique obligatoire se chargeront d’en rédiger les hymnes et le catéchisme. Cette religion n
346 ïsme, n’attaquera même pas le christianisme, elle se contentera de l’annexer dans les occasions décisives. Certes, l’espri
347 l’individu de dépasser son horizon restreint, de s’ affranchir de ses soucis privés (en temps de guerre), de se sentir com
348 hir de ses soucis privés (en temps de guerre), de se sentir comme transporté dans une espèce de transcendance. À vrai dire
349 dans une espèce de transcendance. À vrai dire, il s’ agit encore d’un égoïsme, mais tellement élargi qu’il en devient vertu
350 et fruits. »16 (Un peu plus de souffrance et elle se dessécherait ; plus du tout, son feuillage et sa tige embelliraient,
351 ns de la saveur des fruits.) À cette même crainte se rattache celle de voir s’évanouir, avec l’Europe, la meilleure chance
352 .) À cette même crainte se rattache celle de voir s’ évanouir, avec l’Europe, la meilleure chance d’un vrai dialogue illumi
353 s de Moscou. C’est ainsi que nous voyons la Chine s’ occidentaliser dans le pire sens du terme, au lendemain d’une révoluti
354 l pour les Polynésiens. Le nationalisme en Europe s’ est trouvé partiellement neutralisé par la durable résistance des grou
355 elles. Ces réflexes de défense du corps social ne s’ exerçant pas en Orient, la maladie nationaliste peut y prendre demain
356 prendre demain une virulence inouïe. Tout cela va se retourner contre notre Occident, au moment même où il commence d’entr
357 vérités dévoyées, isolées de l’ensemble où elles se composaient dans une tension commune vers la résolution toujours fuya
358 amais être saisi que par la foi. Le christianisme se distingue de la plupart des autres religions par ce fait qu’il semble
359 tir qu’il ne pourra jamais atteindre au but final s’ il n’accepte pas en même temps que la Grâce subvienne à sa débilité et
360 et qu’ainsi le salut soit donné par Dieu seul, il se jette vers des buts plus prochains et sensibles. Mouvement essentiell
361 oute la Loi, et l’on voudrait mais on ne peut pas s’ y conformer ; pourtant le besoin subsiste de se donner sans réserve, d
362 as s’y conformer ; pourtant le besoin subsiste de se donner sans réserve, d’aimer dans la totalité de l’être, jusqu’au sac
363 aindre à l’obéissance et à l’amour. La révolte ne se lève jamais contre la force à son zénith. Mais, d’un pouvoir qu’on ti
364 e libre de pécher ou de croire au pardon. L’homme se révolte alors contre cette liberté radicale et vertigineuse, au nom d
365 insi, les hérésies jaillissent de la vraie foi et s’ en écartent, mais disséminent dans des millions d’esprits inatteints p
366 passion individuelle et collective, pourrait bien se révéler à l’analyse intime comme plus et mieux « christianisée » dans
367 nos contemporains même incroyants, et ne cesse de s’ étendre à des régions nouvelles de notre existence profane. 9. Cf.
368 nt pas admises, elle devint militante, et tout en se développant sur le plan spirituel, elle fut un facteur de liberté con
369 re au Parti, fût-elle humaine. 15. Ce personnage s’ égale aux plus grands, dans leur culte — en pleine époque de la psycha
370 alyse ! Les auteurs qu’ils admirent le savent, et se gardent bien de toucher à l’idole, même s’ils n’y croient plus. « Ne
371 nt, et se gardent bien de toucher à l’idole, même s’ ils n’y croient plus. « Ne mêlons pas, fût-ce une seconde, la personne
18 1955, Preuves, articles (1951–1968). L’aventure occidentale de l’homme : L’exploration de la matière (août 1955)
372 u christianisme grec : les grands conciles. Qu’on se figure bien moins de savantes réunions de professeurs et d’érudits qu
373 Convoqués par l’empereur de Byzance, les évêques se rassemblent de tout le Proche-Orient, d’Afrique, de Macédoine, d’Égyp
374 en force. À l’intérieur, les incidents de séance se multiplient. « On dirait un essaim de frelons », note Grégoire. On s’
375 dirait un essaim de frelons », note Grégoire. On s’ exclame et l’on s’interpelle avec violence, de la gauche et de la droi
376 de frelons », note Grégoire. On s’exclame et l’on s’ interpelle avec violence, de la gauche et de la droite de la nef où so
377 is place à la balustrade de l’autel. Des tumultes s’ élèvent et les Pères crient : « C’est la vraie Foi ! C’est la Foi des
378 stion le lendemain. Un groupe d’évêques menace de s’ en aller. On échange des députations. On a signé des listes de présenc
379 me, au lendemain de son triomphe temporel. (Nicée se place douze ans seulement après l’édit de Constantin, et beaucoup d’é
380 eine différentes des anciennes ou de celles qu’il s’ agit d’écarter — les unes comme les autres, d’ailleurs, peu compréhens
381 t nos conceptions de l’homme. En apparence, il ne s’ agit, lors de Nicée, que d’un iota18, en réalité, de la définition de
382 xixe siècle ? Cette opposition même eût-elle pu se produire en dehors d’une civilisation qui a su valoriser la matière e
383 iastole-systole, qui dissocierait la personne. Il s’ agit bel et bien de vivre leur tension. Et c’est ainsi qu’à tous les d
384 ale, le « scandale » des réalités contradictoires s’ est propagé ou transposé : dès l’instant qu’il était accepté au sommet
385 transposition n’a pas toujours été légitime : il s’ en faut de beaucoup. Au couple d’opposés vrai Dieu-vrai homme correspo
386 ais qu’en est-il des autres couples d’opposés qui se sont multipliés dans notre histoire ? La plupart mettent en jeu des r
387 éalités purement humaines, de même nature, qui ne se rapportent plus de près ni de loin, aux deux termes originaux. S’il e
388 us de près ni de loin, aux deux termes originaux. S’ il est vrai que l’opposition entre l’Église et l’Empire (guelfes et gi
389 la définition de l’Occident. Or ce type de pensée se manifeste aux étapes décisives de notre science. Certes, on ne peut d
390 inu — la tension à vrai dire « n’existe » pas. Il s’ agit simplement de l’antagonisme de deux écoles isolées et hostiles, t
391 eule l’Europe — et de plus en plus à mesure qu’on se rapproche du xxe siècle — a osé ce mouvement de l’esprit qui assume
392 aît et renaît sans fin ni cesse de cette tension. S’ il est vrai que le secret de la synthèse est de « comprendre » les inc
393 de « comprendre » les incompatibles, cela ne peut se produire que dans un seul esprit. Aussi longtemps que les aspects con
394 uscule en est l’exemple le plus pur20. Certes, il s’ agit de phénomènes de même nature, et dont l’opposition ne résulte peu
395 t de notre chair, quand Dieu lui-même a choisi de se manifester en elle ? Il est bien vrai que le but dernier de l’homme e
396 l’homme est de connaître Dieu, mais Dieu lui-même s’ est rendu connaissable dans la chair. Et il est vrai aussi que « l’Esp
397 ette existence toute charnelle22 que l’homme doit se convertir ; c’est « ici-bas », sans évasion possible, qu’est le lieu
398 ant l’immensité de l’expérience possible, le Grec s’ en tient à des images cosmiques fermées, à la beauté du cosmos tel qu’
399 gique de la totalité posée par l’esprit… Et il ne s’ agit pas là seulement d’Aristote et de Démocrite ; Thomas aussi, et mê
400 La pensée logique elle-même éprouve le besoin de se mettre sans cesse en échec, non pas en vue d’une abdication, mais au
401 s en vue d’une abdication, mais au contraire pour se retrouver ensuite élargie, enrichie, et poursuivre ce processus à l’i
402 ce moderne est née d’une rationalité qui, loin de se refermer sur elle-même, reste ouverte à l’irrationnel et réussit même
403 e à l’irrationnel et réussit même à y pénétrer en s’ y subordonnant. D’où vient cette exigence proprement insatiable, « à
404 is responsable de ce qu’est le monde et de ce qui s’ y passe ». Il y a donc un sens, et il vaut la peine de le chercher — a
405 l’homme un savoir qui cependant paraît sans cesse se tourner en réquisitoire contre lui-même. La passion de la science, à
406 Dieu… Dieu n’est pas l’objet d’une foi véritable s’ il ne peut pas supporter d’être mis en question par les faits ; et tou
407 n question par les faits ; et toute quête de Dieu se rend en même temps la tâche plus ardue en refusant les approches illu
408 depuis longtemps ; avec les encyclopédistes elle se déclare, et jusqu’aux débuts de notre siècle, la majorité des savants
409 r l’URSS. Mais tandis que dans ce pays, l’hérésie s’ organise en Église, le déclin de son prestige en Occident est précisém
410 s : mécaniste, moniste, ou « dialectique ». Qu’il s’ agisse là d’une hérésie au sens précis24, c’est bien ce que j’ai tenté
411 isme, puis le matérialisme, sont deux manières de s’ évader, l’une par en haut et l’autre par en bas. Malgré ses prétention
412 ui avait permis de valoriser chair et matière. Il se voulait moniste, mais né d’un Occident profondément marqué au signe d
413 t25, les hommes de science du xixe siècle durent se sentir d’autant plus libres de s’enfoncer dans la matière et son étud
414 siècle durent se sentir d’autant plus libres de s’ enfoncer dans la matière et son étude, qu’ils se posaient moins de que
415 e s’enfoncer dans la matière et son étude, qu’ils se posaient moins de questions quant aux motifs et aux effets de leurs r
416 ’autre côté, comme au terme d’une aride ascension s’ ouvrit aux yeux de Balboa l’autre Océan. Oportet haereses esse ! La pe
417 d’on ne sait quoi, que la frontière intelligible s’ est évanouie, mais c’est aussi entre le vivant et l’inerte, entre le s
418 certitudes » de la pensée matérialiste. Celles-ci se fondaient sur l’idée fixe que la preuve de réalité dans tous les cas
419 spèce d’«  hypothèse mystique ». Mais pendant que se vulgarisait dans les couches les plus étendues de la population occid
420 t refuge ultime de l’idée de matérialité, l’atome se résolvait en une sorte de vide animé d’on ne savait trop quoi, sauf q
421 es par les lois des ondes, que beaucoup de choses se passent comme si elles étaient des êtres substantiels et durables »27
422 n reste pas moins que ses arguments scientifiques se sont évanouis avec les caractères classiques de la matière ; car cell
423 ience envahir son domaine ? Certains philosophes, se fondant sur le principe d’indétermination de Heisenberg, ont cru pouv
424 rmination jusque dans l’esprit ? Que la frontière s’ efface entre la matière et l’énergie, puis entre l’énergie et quelque
425 e. De la science à la théologie La question se ramène à savoir qui décide, et qui détient la preuve de la réalité. L
426 tient la preuve de la réalité. L’Occidental moyen se figure qu’au Moyen Âge le sens général de la vie dépendait de la théo
427 montrés par la Science », au lieu que le médiéval se voyait obligé de « croire aveuglément » ce que lui imposaient des aut
428 ition matérialiste, constatent que les frontières s’ effacent entre le « fond » de la matière et la pensée. Ils en déduisen
429 formations venant de tous les points de l’Univers se transmettraient « à la vitesse de la pensée », c’est-à-dire sans null
430 nte extrême en notre siècle, notre image du monde s’ évanouit. Elle échappe à notre raison, comme elle avait déjà échappé à
431 avait cru pouvoir éliminer. Le Cosmos tout entier se résout en un voile tissé d’ondes animant le vide30. Le monde phénomén
432 us verrez bientôt que la question d’un au-delà ne se pose plus. Dans l’univers en expansion de l’abbé Lemaître et de Gamow
433 la plus extrême galaxie. Mais dans quoi tout cela se meut-il ? Il est vrai que la question n’a pas de sens : rien « au mon
434 e chose que « le monde » et la mathématique. Tout s’ explique et s’implique dans le cosmos des sciences, et l’invisibilité
435 le monde » et la mathématique. Tout s’explique et s’ implique dans le cosmos des sciences, et l’invisibilité même s’y conve
436 ns le cosmos des sciences, et l’invisibilité même s’ y convertit sans cesse en matière composée d’énergie qui retourne sans
437 is le Dieu que prient les chrétiens est celui qui s’ est fait connaître par cela justement que la science ne connaît pas, e
438 orer, le mot prend un sens insolite : puisse-t-il s’ en trouver purifié de ses associations pieuses et sentimentales.) 1
439 et les tenants d’Arius. 19. Le concile de Nicée se tint en 325. Les grandes disputes christologiques avaient commencé dè
440 osophes et juifs fanatiquement monothéistes, puis se poursuivent entre Grecs et Latins d’une part, gnostiques, montanistes
441 a la querelle du monophysisme, et c’est alors que se définiront « l’Orient » et « l’Occident » du christianisme. L’orthodo
442 on point de départ dans le complexe orthodoxe, et s’ est développée contre lui. 25. L’homme de science moyen du xixe sièc
443 l’Univers physique est un « nœud d’énergie » qui se produit dans un « champ » au sein duquel agissent on ne sait quels ar
19 1955, Preuves, articles (1951–1968). L’aventure technique (octobre 1955)
444 uité de nos caractères nationaux. La question qui se pose est alors de savoir si l’Occident qui pense n’a pas pris l’habit
445 les deux groupes de motifs, une remarque générale s’ impose : quoique unanime parmi nos sages et leur public, cette réactio
446 t renoncé à briser les machines, et les bourgeois s’ en sont toujours gardé. Et quant à ceux qui ont décidé de sortir du mo
447 nt à ceux qui ont décidé de sortir du monde et de se remettre à tisser leurs vêtements, etc., il n’est rien sorti de durab
448 , bien qu’elle reste impuissante, et bien qu’elle se contente en général d’arguments pathétiques mais peu sûrs, cette ango
449 ns révélatrice de notre condition occidentale. Il s’ agit, une fois de plus, de savoir si elle signale une impasse ou une c
450 machines, de la chimie et de l’électricité, pour s’ épanouir au siècle de l’électronique et de l’énergie nucléaire et sola
451 u’alors et à cet égard, c’est à peine si l’Orient se distingue de l’Occident. Les jonques chinoises sont supérieures aux c
452 o faber comme répondant au défi de la Nature : il se défend à l’aide d’objets plus durs prolongeant l’action de ses mains
453 nous a représenté une espèce d’homme de proie qui se jette sur la Nature pour la soumettre à sa « volonté de puissance ».
454 très durement dans nos climats occidentaux, pour se nourrir, se protéger du froid, des inondations, des sécheresses. Elle
455 nt dans nos climats occidentaux, pour se nourrir, se protéger du froid, des inondations, des sécheresses. Elle le tue, mai
456 jeu33. Or qui dit jeu dit règles fixes. Ce qu’il s’ agit de maintenir avec un soin jaloux, c’est le système des convention
457 re de l’imprévu des phénomènes. Loin d’essayer de se libérer de ces lois, on espère bien que les saisons, le soleil et la
458 tes religieux « joue » l’ordre naturel pour qu’il se perpétue. Les notions de magie, de mythe, de liturgie, l’idéal alchim
459 rté de circuler au loin, ou au contraire celle de s’ enraciner en dépit des changements naturels, la faculté de réaliser se
460 ), de dominer son corps, de ne pas mourir… Ce qui s’ oppose et résiste à ce Bien, ce sont alors les servitudes de la Nature
461 orps. Il ne sera jamais libre et vraiment bon que s’ il parvient à s’évader de la chair, de la matière et de la vie naturel
462 jamais libre et vraiment bon que s’il parvient à s’ évader de la chair, de la matière et de la vie naturelle, règne et cré
463 us « purs », les hommes moins spirituels pourront se donner licence d’exercer leurs arts et leurs ruses. Ils se serviront
464 licence d’exercer leurs arts et leurs ruses. Ils se serviront d’elle comme d’un objet sans âme, dont il faut découvrir le
465 télécommunications). L’homme n’est pas encore, il s’ en faut, au terme de cette entreprise, mais il a déjà le droit de le r
466 e l’homme en général. Mais quelque chose d’unique s’ est produit en Europe aux débuts de notre ère technique : la rencontre
467 par la chimie du domaine de la recherche pure, et se tournant alors vers les applications. Et cela, dans un climat social
468 ue l’on baptise « capitaines d’industrie » et qui s’ inspirent et s’autorisent des précédents de la Révolution et de l’Empi
469 « capitaines d’industrie » et qui s’inspirent et s’ autorisent des précédents de la Révolution et de l’Empire. Trois force
470 des alchimistes n’était pas de faire de l’or pour s’ enrichir, mais bien d’opérer le grand œuvre d’une transfiguration de l
471 rme moderne que l’on devait dénommer capitalisme, se soit emparée de ces données, le contraire eût été surprenant. Mais le
472 l’ambition déchaînée des Napoléons de l’industrie s’ en empare sans plus de scrupules. Le profond paradoxe de l’ère techniq
473 prochaine, la société occidentale du xixe siècle s’ est doublement trompée sur les fins de la technique et la manière de s
474 pée sur les fins de la technique et la manière de s’ en servir. Elle n’a pas su prévoir l’effroyable rançon qu’elle aurait
475 ace de la machine, l’homme tombé si bas ! Le cœur se serre quand on parcourt ces maisons fées où le fer et le cuivre, éblo
476 ieux de rééducation. Au xxe siècle, la situation s’ est retournée. Les ouvriers américains et scandinaves ont à domicile l
477 spirituelle. C’est battre la table à laquelle on s’ est heurté. Mais c’est aussi cacher ses doutes intimes derrière une op
478 ption non de son gré, mais à cause du péché38. Il s’ ensuit que l’effort de l’homme pour la soumettre aux volontés humaines
479 pour la soumettre aux volontés humaines sera bon, s’ il fait partie de l’effort divin dans l’homme, très mauvais s’il procè
480 rtie de l’effort divin dans l’homme, très mauvais s’ il procède de notre orgueil. Le mal n’est pas dans les choses, mais da
481 est l’homme. C’est lui qui a fait la Bombe et qui se prépare à l’employer. Le contrôle de la Bombe est une absurdité. On n
482 our la retenir ! C’est comme si tout d’un coup on se jetait sur une chaise pour l’empêcher d’aller casser les vases de Chi
483 tranquille, elle ne fera rien, c’est clair. Elle se tiendra coite dans sa caisse. Qu’on ne nous raconte donc pas d’histoi
484 dont il l’entoure ! Il voyage à cause d’elle, il se ruine pour elle, un beau jour à cause d’elle il se tuera ! Cependant,
485 e ruine pour elle, un beau jour à cause d’elle il se tuera ! Cependant, tel autre en fait autant pour la femme qu’il désir
486 e. Le romantisme la contemplait avec âme, mais ne s’ y baignait pas physiquement. Le goût de s’étaler au soleil sur les pla
487 mais ne s’y baignait pas physiquement. Le goût de s’ étaler au soleil sur les plages est contemporain de l’auto. La techniq
488 nique — deux grands problèmes des plus réels vont se poser à l’humanité de l’Occident. Un danger : la technocratie. Une pr
489 et de vouloir les buts derniers de son existence se met fatalement à parler des « exigences de la technique ». C’est alor
490 jacobins et des totalitaires de toute couleur. Il s’ agit pratiquement de se maintenir au pouvoir, ou de contrôler le march
491 aires de toute couleur. Il s’agit pratiquement de se maintenir au pouvoir, ou de contrôler le marché, sans plus se laisser
492 au pouvoir, ou de contrôler le marché, sans plus se laisser guider par la finalité incertaine et suspecte des souhaits hu
493 s closes nous semble d’autant plus fatale qu’elle se passe sous nos yeux, depuis près d’un demi-siècle. On vient de voir c
494 as d’être le maître des moyens, mais son prestige s’ évanouira dans la mesure même où les loisirs et leur contenu deviendro
495 s. Il peut sembler que plus on la développe, plus s’ éloigne l’espoir de satisfaire ces besoins qu’elle pousse en avant. L’
496 i est d’assurer la subsistance d’une humanité qui s’ augmente de 70 000 âmes par jour, a paru s’éloigner à mesure que l’Occ
497 té qui s’augmente de 70 000 âmes par jour, a paru s’ éloigner à mesure que l’Occident prenait une conscience plus exacte du
498 sont maintenant les moyens à trouver qui devront s’ adapter à cette fin reconnue, non l’inverse comme auparavant. Ces moye
499 de 1830, ce qu’allait produire la technique ? Il s’ agit cette fois-ci de mieux voir les problèmes au lieu de les refouler
500 ieux de la vie. (Elle l’a toujours été, mais cela se verra). Jusqu’ici, c’était le travail qui occupait l’essentiel de nos
501 vœux, nos vraies orientations, nos vraies options se manifesteront d’une manière transparente et seront suivis d’effets pr
502 t actuel. Libéré du labeur matériel, l’Occidental se tourne immédiatement vers les voyages, le sport, les jeux et l’érotis
503 amnées au loisir pendant six mois d’hiver : elles se tournent vers la culture. Or il se trouve précisément que l’Occident
504 les bibliothèques et les foyers de culture locaux se généralisent ; toute la peinture mondiale peut venir sur nos murs sou
505 enir sur nos murs sous forme de reproductions « à s’ y méprendre » ; toute la musique nous vient à domicile par la radio et
506 s conférences, causeries et discussions publiques se tiennent par dizaines de milliers dans nos pays démocratiques ; et l’
507 en deçà) du dogme formulé ; mais l’une et l’autre s’ appuyaient sur l’objet de leur renoncement et en dépendaient étroiteme
508 eur a fait son temps43. Et je ne dis pas qu’elles s’ en priveront. Mais je vois aussi que la culture répand déjà, dans un p
509 ce genre de réalités, certaines curiosités qui ne s’ arrêteront pas là. La télévision, la radio apportent le monde à domici
510 que », à l’occidentale. Beaucoup d’esprits légers s’ imaginent l’homme comme une sorte de ballon qui ne demande qu’à « s’él
511 e comme une sorte de ballon qui ne demande qu’à «  s’ élever » dès qu’il est délivré des soucis quotidiens. La preuve qu’il
512 puis new-yorkaise, et une partie de la parisienne se crurent, au xxe siècle, et furent dans une large mesure antireligieu
513 « païen », par cela même, qu’un J.-P. Sartre, qui se place au niveau de la morale, dans le prolongement des exigences exis
514 oblèmes religieux dans la littérature occidentale s’ est amorcé dès 1919, et n’a pas cessé de s’amplifier. 43. Nos sectes
515 entale s’est amorcé dès 1919, et n’a pas cessé de s’ amplifier. 43. Nos sectes orientalistes font parfois penser à quelqu’
20 1956, Preuves, articles (1951–1968). Les joyeux butors du Kremlin (août 1956)
516 de Khrouchtchev en Occident, une courbe régulière se dessine, reliant toute une série de points remarquables : mort de Sta
517 j’examinerai les trois questions suivantes : Que se passe-t-il en réalité ? Que deviennent les anti et les pro-communiste
518 s icônes Les faits les plus frappants semblent se situer sur une courbe ascendante et continue, allant de la tyrannie d
519 de démocratie, par une progression contrôlée. Il se peut qu’il n’y ait là qu’une illusion d’optique. Notre idée préformée
520 placer un peu les points remarquables pour qu’ils s’ alignent plus régulièrement. Elle nous incite surtout à ne pas tenir c
521 e d’une série de faits moins frappants (puisqu’il s’ agit d’omissions calculées et non plus de déclarations) — faits tout d
522 le nos vœux, tout concourt à l’accréditer : qu’il s’ agisse du besoin d’avoir moins peur de leurs propres chefs chez les Ru
523 ovoqué par cette illusion, pour mieux voir ce qui se passe, voyons ce qui ne se passe pas.   1. Les circonstances de la mo
524 pour mieux voir ce qui se passe, voyons ce qui ne se passe pas.   1. Les circonstances de la mort de Staline ne sont pas e
525 2. K. limite ses attaques contre Staline à ce qui s’ est passé depuis 1934, et seulement aux dépens des « bons communistes 
526 sa perfection le style d’un Vychinski, stalinien s’ il en fût jamais. Elle n’en marque pas moins la naissance du nouveau r
527 reprend au contraire leurs verdicts à son compte, s’ agissant de leurs victimes les plus spectaculaires. 5. K. n’ose pas pu
528 es. 5. K. n’ose pas publier lui-même son rapport, se réservant ainsi le droit de le démentir, en cas de besoin, selon les
529 K. dénonce le « culte de la personnalité », mais se garde bien de faire raser le Mausolée de la Place Rouge. 9. K. justif
530 e Rouge, le lieu d’un culte ? Thorez et Togliatti se seraient-ils éclipsés ? De qui se moque-t-on ? De la presse occidenta
531 ez et Togliatti se seraient-ils éclipsés ? De qui se moque-t-on ? De la presse occidentale, qui a donné dans le panneau, c
532 mêmes) de la dictature de Staline. Elle pourrait se justifier au nom du même prétexte : la dictature du Prolétariat, dogm
533 u’un dictateur est fou, car il faut être fou pour se faire dictateur, la dictature étant la forme politique de la démence
534 it aussi le temps de Staline. Et que la dictature se dise collégiale ou s’avoue personnelle n’y change rien46. K. dénonçan
535 taline. Et que la dictature se dise collégiale ou s’ avoue personnelle n’y change rien46. K. dénonçant Staline au nom de se
536 ncore de preuves que le groupe des nouveaux chefs se sente comptable envers qui que ce soit. Parler de « direction collégi
537 ’a rien vu. Voilà bien son calcul méprisant. Tout se passe comme si rien d’insolite ne venait de se passer sous nos yeux.
538 ut se passe comme si rien d’insolite ne venait de se passer sous nos yeux. Quand les complices d’un chef de bande, liquida
539 hef de bande, liquidant sa mémoire non ses gains, s’ instituent ses dénonciateurs à seule fin d’ajouter une prime de morali
540 rimes ». Un peu de morale Lorsque Mussolini, s’ étant emparé des Baléares à la faveur de la guerre civile, offrit de l
541 nt fait ? — Bien des choses, en somme, et d’abord s’ en aller. Si trente ans de pouvoir total sur les esprits, et d’entraîn
542 nditionnés pendant trente ans par un paranoïaque. S’ offrir pour une Relève des Innocents — ceux qu’ils durent condamner su
543 amps de rééducation. Mais K. et ses collègues, en se refusant en corps au châtiment prévu par leur propre régime pour les
544 se un impérieux devoir civique. Le procédé de K., s’ il demeure impuni devant le tribunal de l’opinion mondiale — seul exis
545 ênants — qui furent en vigueur sous son règne, ne se voient dénoncés que des lèvres, et à seule fin d’exonérer le groupe q
546 On ignore, on effet, son vrai point de départ. K. s’ est tu sur la mort de Staline. Or, selon qu’il s’agit d’un meurtre con
547 s’est tu sur la mort de Staline. Or, selon qu’il s’ agit d’un meurtre concerté, ou d’une disparition providentielle, obéis
548 seul le Politburo les a sondés), les perspectives se modifient radicalement ; et l’on jugera que le « stalinisme » peut en
549 et l’on jugera que le « stalinisme » peut encore se porter aussi bien que ceux qui ont liquidé Staline ; ou qu’au contrai
550 qu’au contraire, le dépassement du « stalinisme » s’ est bien réellement opéré par les soins du mouvement de l’Histoire, en
551 en conclure que ce sont d’enragés staliniens qui se léninisent sous la menace ? La vérité, c’est que le stalinisme s’est
552 us la menace ? La vérité, c’est que le stalinisme s’ est supprimé lui-même en créant, par l’industrialisation de l’URSS et
553 s étaient donc les hommes du stalinisme. Celui-ci s’ étant « supprimé lui-même », on pourrait se demander ce qu’ils font en
554 lui-ci s’étant « supprimé lui-même », on pourrait se demander ce qu’ils font encore là. Passons sur cette métamorphose — l
555 faut bien, puisque, selon Sartre, il aurait pu «  se supprimer lui-même » sans entraîner, que l’on sache, la fin du commun
556 , la fin du communisme. Reste alors à le définir. S’ il était, par exemple, la réponse « historique » du marxisme ou du com
557 nique pour l’Occident ? Pourtant, le PC de France se disait stalinien, et Sartre l’approuvait en général (« Ses positions,
558 ait-il pas plus simple de le dire ? Non, car tout se compliquerait aussitôt. Si Staline et le stalinisme n’étaient pas une
559 e Staline »). Il est hors de question que Staline se soit « supprimé lui-même ». A-t-il donc été tué par le mouvement de l
560 combrant, ce cadavre ! Et comme l’existence vient se moquer des systèmes et de leur dialectique ! Si l’on déduit du « stal
561 e, on voit mal ce qu’il peut en rester qui ait pu se livrer à l’autosuppression, sinon précisément ce qui dure encore : la
562 de ridiculiser d’avance toute demande de comptes s’ adressant non seulement aux acteurs du drame (qui s’en moquent), mais
563 adressant non seulement aux acteurs du drame (qui s’ en moquent), mais encore aux intellectuels qui ont approuvé lesdits ac
564 mes noircit la mémoire de son chef à seule fin de se blanchir lui-même ; que K. ne récuse d’ailleurs que certains des « ex
565 elles et morales dont les seuls staliniens ont pu se réjouir. Leur crise présente appelle une mise au point des positions
566 u’un anticommuniste militant ? C’est un homme qui s’ oppose à toutes les tyrannies quel qu’en soit le prétexte allégué. Cet
567 des adversaires de toutes les tyrannies sauf une. S’ il est aussi contre celle-là, disent-ils, c’est qu’il est pour les aut
568 ne persévérance ou vigilance dans sa critique, il se verra bientôt stigmatisé sous le nom d’anticommuniste systématique. C
569 Dans un système totalitaire, par définition tout se tient. Il est parfaitement stupide, ou d’une insigne mauvaise foi, ou
570 istoire ! D’où l’on voit qu’un anticommuniste qui se veut « non systématique » n’est finalement qu’un anticommuniste incon
571 mieux dire, incohérent. On conçoit qu’il préfère se nommer progressiste. Ajoutons un dernier trait à la description forme
572 position qui n’implique une certaine position, on s’ en tire en disant : celui qui est toujours contre, il faut bien qu’il
573 ticommuniste systématique estime qu’un homme peut se tromper sans être à cela matériellement déterminé par l’argent de la
574 unistes étaient gouvernés depuis trente ans soit ( s’ il fallait en croire Staline) par une majorité de traîtres et d’espion
575 stes et socialistes, dont pourtant les régimes ne se justifiaient pas au seul nom de l’émancipation prolétarienne ; et que
576 payées par les Américains, etc. ; ni à l’écrire, s’ ils ne le croyaient pas. Que se passe-t-il aujourd’hui ? Quel est le «
577 . ; ni à l’écrire, s’ils ne le croyaient pas. Que se passe-t-il aujourd’hui ? Quel est le « profond changement » introduit
578 écèdent, et sa confirmation héroïque et sanglante s’ inscrit dans les émeutes ouvrières et dans la Résistance intellectuell
579 aire nos PPC ? Proclamer que nous avions raison ? S’ excuser de leurs calomnies ? Se frapper la poitrine ? Avaler leur styl
580 us avions raison ? S’excuser de leurs calomnies ? Se frapper la poitrine ? Avaler leur stylo ? Rien de tout cela, jusqu’ic
581 le manière prescrite et limitée, n’est pas encore se libérer en obéissant. Cela peut être aussi bien asservir davantage. J
582 e. M. Fejtö me dira qu’il ne me visait pas, qu’il s’ étonne même que je me sois cru visé. On lui demandera des précisions,
583 e peuvent-ils faire, au lendemain du XXe congrès, s’ ils sont honnêtes ?   Ils invoquaient le bien de la classe ouvrière. C
584 rcé, ou niaient leur existence, ou les deux, cela s’ est vu. Leurs mandarins disaient : « Taisons-nous sur les camps : nous
585 obéi dans les deux cas ? De quoi donc devrait-il s’ excuser ? Nos censeurs de l’anticommunisme n’ont pas tous atteint ce d
586 d’une indéniable consistance psychologique. Ça ne se guérit pas en un jour. Tous leurs mots, groupes de mots, et tabous :
587 olonté des masses, mouvement de l’histoire, etc., se tenaient entre eux dans leur mythologie, mais ne collaient plus à rie
588 auche » et les contenus. Elle commandait ainsi de se taire sur les camps, ou de les mettre au crédit de la « vraie » démoc
589 is le contraire de ce qui est, donc de mentir. On se tromperait en croyant que j’instruis un procès : il s’agit simplement
590 omperait en croyant que j’instruis un procès : il s’ agit simplement de poser un diagnostic. L’indignation morale reste san
591 qu’ils existent, n’est pas de celles dont on peut se tirer par un raisonnement plus correct, ni par un supplément d’inform
592 -play à l’adresse d’adversaires intellectuels. Il s’ agit d’une « erreur » si longuement constituée, cohérente et condition
593  ; attribuer du jour au lendemain tout le mal qui s’ est fait sous Staline à un « culte de l’homme » qu’on se bornait à nie
594 fait sous Staline à un « culte de l’homme » qu’on se bornait à nier, mais qu’il faut à présent renier54 ; déclarer du jour
595 non pas à Paris ni à Rome, que l’on sache — pour s’ excuser de n’avoir vraiment pas pu crier au fou du vivant de Staline…
596 directe, mais on laisse aux victimes le droit de se plaindre un peu, c’est nouveau, c’est la mode à Moscou… (Togliatti a
597 , mais Thorez est encore perplexe.) Où les choses se gâtent pour de bon, c’est quand on reçoit, en plus, l’ordre d’être au
598 re au commandement. Supposez que l’on obéisse. On s’ efforce anxieusement de se montrer libre. Mais c’est perdu d’avance :
599 ez que l’on obéisse. On s’efforce anxieusement de se montrer libre. Mais c’est perdu d’avance : la liberté que l’on feint
600 ndiscuté. Supposez que l’on refuse d’obéir. On ne se libère pas pour autant. On affirme, en effet, un besoin d’esclavage q
601 critique prudente d’un argument de K. (Ce dernier s’ en déclare enchanté : « J’étais sûr de mon vieux Togliatti »)55. Mais
602 ieux Togliatti »)55. Mais Thorez, Fils du Peuple, s’ accroche au Père des peuples : il n’a pas liquidé ses complexes. Sa « 
603 propres ailes » ? Non, car l’ordre voulait qu’on se déclare autonome en reniant le nom de Staline, mais qu’on se montre o
604 autonome en reniant le nom de Staline, mais qu’on se montre obéissant, d’une manière spontanée, aux plans remodelés de Mos
605 . Soit un chef absolu qui ordonne à ses sujets de se peindre le visage en rouge. Cela dure des années, sans problèmes : on
606 rouge. Cela dure des années, sans problèmes : on se borne à liquider ceux qui refusent de se peindre. Mais voici que le m
607 mes : on se borne à liquider ceux qui refusent de se peindre. Mais voici que le même chef, un beau jour, s’avise de déclar
608 indre. Mais voici que le même chef, un beau jour, s’ avise de déclarer aux mêmes sujets : « À partir de demain, je l’ordonn
609 d’obéir comme des brutes ! » Aussitôt la panique se répand dans les cœurs. L’opinion publique, engourdie, hésite à trahir
610 onc, sans trop réfléchir, essaie comme il peut de s’ en tirer. La plupart se peignent en vert, mais plusieurs en violet ou
611 r, essaie comme il peut de s’en tirer. La plupart se peignent en vert, mais plusieurs en violet ou en rose. Quelques-uns r
612 n rose. Quelques-uns restent rouges, et l’on peut se demander s’ils n’ont rien trouvé de mieux, ou s’ils tentent de préven
613 ques-uns restent rouges, et l’on peut se demander s’ ils n’ont rien trouvé de mieux, ou s’ils tentent de prévenir les vœux
614 se demander s’ils n’ont rien trouvé de mieux, ou s’ ils tentent de prévenir les vœux secrets du chef qui les met à l’épreu
615 qui les met à l’épreuve. Cependant, deux ou trois se débarbouillent la figure et décident de quitter le pays. La question
616 e et décident de quitter le pays. La question qui se pose est celle-ci : les sujets n’ont-ils fait qu’obéir une fois de pl
617 sont-ils enfin devenus libres ? Réponse : Il faut se laver, si l’on veut être libre. Refuser toute espèce de couleur. Tell
618 des peuples était « vrai » au nom de l’Histoire, s’ exprimant par la bouche du Parti. Mais dire que le despote était fou,
619 du Parti. Mais dire que le despote était fou, en se fondant sur l’observation, c’était « faux » parce que cela desservait
620 ement de l’Histoire, qui, par définition, ne peut se tromper, puisque c’est lui qui détermine la « vérité ». Le rapport K.
621  spontanément » qu’à partir d’aujourd’hui Staline se trompait hier, en même temps qu’on suggère que K. peut se tromper. En
622 ait hier, en même temps qu’on suggère que K. peut se tromper. Entre les deux, où se place l’infaillibilité ? Qui, désormai
623 uggère que K. peut se tromper. Entre les deux, où se place l’infaillibilité ? Qui, désormais, en sera le vrai porteur ? Fa
624 le troisième blasphème…). Car l’erreur a bien dû se glisser quelque part ; elle est là et on l’a reconnue ; et pourtant,
625 elle est là et on l’a reconnue ; et pourtant, il s’ agit de limiter les dégâts… Mais que devient alors la fameuse cohérenc
626 ème, et les risques sont graves. Car ou bien tout se défait ; ou les « crimes de Staline » apparaissent comme le fait du s
627 e vaut rien dans ce cas ; mais alors à quel saint se vouer ?   Les difficultés singulières dont on vient de relever quelqu
628 e des Églises. Elles font voir à quel point le PC se distingue de tout autre parti totalitaire, limité à une seule nation
629 PC étrangers, faute d’une rapide reprise en main, se détachent bel et bien du Kremlin, nolens volens, un jour ou l’autre,
630 prévus. Or, une reprise en main ne pourrait guère s’ opérer que dans le style que le Kremlin vient de condamner, et, s’il l
631 s le style que le Kremlin vient de condamner, et, s’ il l’a condamné, c’est qu’il y était forcé. La dialectique, encore un
632 la Chine en Asie ? Supposez, au surplus, qu’elle se soit avisée que la condition prolétarienne en Occident ne sera pas su
633 rait avant tout la capitale d’un État désireux de se stabiliser, d’élever son niveau de vie, de rattraper l’Amérique et de
634 commerce comme les autres. Un tel État tendrait à se débarrasser des entraves dogmatiques et de ceux qui les vénèrent… À s
635 qu’il dit ? Un jour viendra, sans doute, où l’on s’ apercevra que l’adjectif « communiste », en URSS, ne signifie plus aut
636 stoire », — comme le sont dès maintenant ceux qui s’ accrochent encore à l’utopie marxiste, plus lente que la technique… Ma
637 personnes, d’idées, d’informations et de produits se multiplient déjà et ne s’arrêteront plus. Qu’adviendra-t-il de ces éc
638 rmations et de produits se multiplient déjà et ne s’ arrêteront plus. Qu’adviendra-t-il de ces échanges d’idées, si les Rus
639 -t-il de ces échanges d’idées, si les Russes, qui se forment aux sciences, croient de moins en moins au Diamat, dans le mê
640 à la lettre. A et B, tous deux hommes politiques, se rencontrent au club pour un échange d’idées. Au terme de la discussio
641 B, tandis que B a convaincu A. Le moment délicat se présente à mi-chemin : A (ou B) à moitié convaincu, que peut-il oppos
642 nsemble d’un Occident auquel l’URSS, par là même, se verrait intégrée. Encore faut-il vouloir une paix vraiment vivante, j
643 s qui exigent des hécatombes de vies humaines, et s’ accommodent d’un niveau d’existence matérielle si bas, qu’il provoque
644 la personne. 46. « Plus on est de fous, moins ça se voit », pourrait au mieux me répondre K. 47. « Avec la démocratie in
645 dans ces amas le choix du bon et du mauvais, mais se renierait s’il prétendait les accepter ou rejeter en bloc. L’inverse
646 le choix du bon et du mauvais, mais se renierait s’ il prétendait les accepter ou rejeter en bloc. L’inverse est vrai dans
647 se est vrai dans le cas du bolchévisme russe, qui se veut essentiellement « monolithique », ainsi que K. ne cesse de le ré
648 le laisse gagner sa vie comme il peut. » Mais il se plaint, dans le même article, des procédés dont use à son égard L’Obs
649 qui j’ai eu de l’amitié, et ce n’est pas ma faute s’ il suffit de le citer pour faire mesurer les ravages, dans un esprit q
650 our faire mesurer les ravages, dans un esprit qui se veut honnête, de l’anti-anticommunisme. 51. François Fejtö, article
651 s Soviétiques, alors que le contraire serait vrai s’ il s’agissait de l’orthodoxie religieuse des Russes. z. Rougemont De
652 iétiques, alors que le contraire serait vrai s’il s’ agissait de l’orthodoxie religieuse des Russes. z. Rougemont Denis d
21 1956, Preuves, articles (1951–1968). Sur Suez et ses environs historiques (octobre 1956)
653 de vous mêler de mes affaires B. Je croyais qu’il s’ agissait d’un barrage, que c’était une affaire, et votre affaire d’abo
654 tale exige qu’on riposte à Hitler quand elle voit se dresser Nasser. Au vrai, ces hommes n’ont en commun que les réactions
655 le route des Indes par le cap de Bonne-Espérance, s’ étonnera de rencontrer à Calicut les Égyptiens et les Chinois « unis c
656 ent maritime domine le monde. Mais que l’Occident se divise et que l’islam relève la tête, aussitôt le canal de Suez se vo
657 l’islam relève la tête, aussitôt le canal de Suez se voit de nouveau menacé d’ensablement. Telles sont les données milléna
658 RSS entre deux politiques Quand la Russie veut se rapprocher de l’Occident, elle déplace sa capitale vers la mer. Quand
659 itante. Depuis la mort de Staline, elle tendait à s’ ouvrir au commerce, à la liberté des échanges, au progrès dont le Cana
660 Certes, le « monde arabe » est encore faible, s’ il crie fort. Mais il peut couper les pipe-lines : il tient donc sous
661 s d’énergie de l’Occident. Si le verrou islamique se referme, l’Occident pourra-t-il réagir comme fit l’Europe de la Renai
22 1956, Preuves, articles (1951–1968). Sur l’Europe à faire (novembre 1956)
662 pêche que nous sommes seuls à relever un défi qui s’ adresse à tout l’Occident. B. Vous êtes seuls — et l’on sait pourquoi
663 — à proclamer que vous faites ainsi, mais rien ne se passe. C et D. C’est qu’il y a tous les autres ! Il fallait bien, Mon
664 t vous ? merci. Tout germe et tout bourgeonne. On se croirait au printemps ! Voici les faits. Adenauer, à Bruxelles, a dit
665 elles, a dit tout l’essentiel : que l’Europe peut se faire demain et qu’elle le doit, non point pour éviter certains désag
666 aragat… S. C’est donc sérieux ? Les grands partis s’ en mêlent ? Mais dites-moi, c’est intéressant ! B. Plus ou moins. S. M
667 curieusement inaperçue, c’est celle qui vient de se tenir à Genève sur l’esclavage. Elle a pris connaissance du fait dive
668 r la capacité d’indignation des intellectuels qui se croient du côté du cœur. Ce demi-million d’esclaves n’est rien au reg
669 dont nul profane n’oserait encore douter qu’elle se place dans le sens de l’Histoire, moyennant le changement de signe di
670 e autant de morales fermées qu’il y a de nations, s’ instituant les seuls juges du sens des quelques mots naguère encore un
671 iques à cause des deux. La sottise et la jalousie s’ allient avec le masochisme, maladie spécifique des élites dans nos dém
672 évaut dans ce siècle. Bartók ne gagne pas de quoi se payer la clinique et il en meurt, mais les virtuoses qui jouent ses c
673 tout cela. On voulait dire sans doute que « cela s’ explique » ? Mais expliquer un phénomène social n’est pas encore le ju
23 1956, Preuves, articles (1951–1968). Sur le rêve des sciences (décembre 1956)
674 oir où il allait », mû par des songes insensés et se trompant dans ses calculs de la largeur d’un océan, mais nos moralist
675 ui n’est qu’un rêve encore pour cette génération, se réalise au xxe siècle, quels motifs bien précis, bassement utilitair
676 quitte à les affamer ou à subir leur révolte. Il se peut qu’il en crée d’autant plus qu’il est moins sûr de leur fidélité
677 tes astronomiques. Et quant à la coexistence, qui se révèle malaisée dans le siècle, on ira la chercher dans un temps qui
678 ante, concrétisée en forme de ballon de football. S’ il revient sur la Terre dans vingt ans, il n’y trouvera plus de rideau
679 d fondamental du rêve et du réel. Qui n’a rêvé de se transporter en un clin d’œil aux antipodes, ou simplement aux lieux d
680 Fin du Monde. En fait, on nous assure59 que cela se passe bien ainsi, à chaque instant depuis que le monde est monde, c’e
681 us vieilles cosmogonies religieuses : le monde ne s’ est manifesté dans ses apparences matérielles qu’à la faveur de son re
682 pendance d’un peuple ou d’un groupe de nations ne se défendra plus sur ses frontières, comme l’imaginent encore tous nos p
683 x en retraite, mais bien dans les laboratoires où s’ inventent de nouvelles sources d’énergie. Le vrai problème nouveau se
24 1957, Preuves, articles (1951–1968). Sur la honte et l’espoir de l’Europe (janvier 1957)
684 nous tous Européens ! Et pas seulement à ceux qui se trompaient et voulaient à tout prix nous tromper depuis dix ans : il
685 ’espoir, au-delà de nous-mêmes et de nos fautes ! S’ ils mentent encore — et pourquoi cesseraient-ils ? — la révolte n’est
686 s triomphes du juste et du vrai ? Pourtant Hitler s’ est suicidé dans la débâcle, Mussolini a été fusillé, Staline et Beria
687 t pour l’Europe. » Cette Europe qui aurait pu, en s’ unissant plus tôt, cette Europe qui pouvait, en rassemblant ses forces
688 les paroles ne suffisent pas contre les tanks, on s’ en doutait, mais les tanks ne s’ébranlent pas d’eux-mêmes, ils obéisse
689 tre les tanks, on s’en doutait, mais les tanks ne s’ ébranlent pas d’eux-mêmes, ils obéissent à des paroles. Et cette révol
690 les esprits, provoquer quelque sens de l’honneur, s’ il en subsiste encore chez ceux qui approuvent ce crime. Quelle est l’
691 leur faire prendre conscience de ce qui vient de se passer, et de l’infernale logique du régime qu’ils approuvent. Ce n’e
692 l’obliger à sentir qu’une limite est atteinte, à se demander, fût-ce un instant, s’il ne l’aurait pas dépassée. (Traduit
693 e est atteinte, à se demander, fût-ce un instant, s’ il ne l’aurait pas dépassée. (Traduit l’appel des écrivains hongrois e
694 urd’hui ? Cela paraît dément, ou stupide. Mais il s’ agit plutôt des contorsions de leur mythomanie politique, subitement c
695 aise conscience qui a trouvé cette astuce dont on se demande si elle est plus indécente que pitoyable. A-t-on jamais « le
696 ente que pitoyable. A-t-on jamais « le droit » de s’ indigner d’un crime ? Oui, disent-ils, à la seule condition d’avoir ét
697 é toute description du phénomène. Ce qui vient de se produire dans la conscience européenne — et dans elle seule, car l’Am
698 . Quand la vague retombera, on verra l’Europe nue se lever lentement, mesurer le péril à la grandeur de notre humiliation,
699 ’unité. Dimanche 11 novembre 1956 L’Europe se tait… Honte à cette Europe silencieuse Et qui n’a pas conquis sa libe
700 ul continues à combattre… Liberté, que ton regard s’ abaisse sur nous, Reconnais-nous ! Reconnais ton peuple ! Alors que d’
701 sage qu’aux dépens des démocraties. Sa machinerie s’ enraye dès qu’il faudrait se tourner non plus contre l’Europe mais con
702 raties. Sa machinerie s’enraye dès qu’il faudrait se tourner non plus contre l’Europe mais contre ses ennemis. Elle n’a mê
703 l’énergie magyare passe dans notre sang ! J’ai vu se lever, depuis quelques semaines, une génération qui a compris. C’est
25 1957, Preuves, articles (1951–1968). Sur Voltaire (février 1957)
704 Sur Voltaire (février 1957)ae S’ il m’arrive, à Paris, d’appeler mon domicile, qui est à Ferney-Voltair
705 épartement ? », etc. Cela prend du temps, et cela se répète depuis neuf ans que je me suis arrêté dans cette ferme, au pie
706 y faisait ses Pâques, non sans ostentation, et ne se privait pas de haranguer le bon peuple à la sortie de la messe, en vi
707 es œufs, du lait, des fruits. Une jeune fille qui se tient au milieu d’eux, porteuse d’une corbeille fleurie, figure « le
708 de New York, de l’Inde ou de l’Afrique. Ils vont se poser derrière le bois tout proche, qui assourdit tout d’un coup leur
709 tiques. Tout est démodé dans ce pamphlet, si l’on s’ en tient à son prétexte et à sa lettre. Tout redevient actuel si l’on
710 jésuite et aux deux missionnaires protestants qui se sont disputés devant lui : « Si vous voulez qu’on tolère ici votre do
711 e — commenceront-ils à redevenir des fascistes et se verront-ils exclus du mouvement de l’Histoire ?) Voici enfin sur le S
712 tut est contraire aux lois du Royaume, on ne peut s’ empêcher de dissoudre leur Compagnie, et d’abolir les jésuites pour en
713 et que l’on recherche, en tous les cas divers qui se présentent, non seulement si le PC pâtirait réellement de l’interdict
714 uverait de réels avantages, outre celui de ne pas se faire massacrer quand elle demande du pain, la paix, la liberté, et s
26 1957, Preuves, articles (1951–1968). Sur la neutralité européenne (mars 1957)
715 isse. Et voici qu’on en parle même en France. Que se passe-t-il donc ? Dans la confusion générale, qui est celle où s’élab
716 nc ? Dans la confusion générale, qui est celle où s’ élaborent habituellement les notions vagues et puissantes, comme « neu
717 , donc à choisir la politique de l’URSS. Celle-ci s’ étant déshonorée, sans que les États-Unis s’honorent d’autant, une vra
718 le-ci s’étant déshonorée, sans que les États-Unis s’ honorent d’autant, une vraie neutralité devient concevable, aux yeux d
719 inces occupées. Beaucoup de Suisses et de Suédois s’ imaginent que leur neutralité les protégerait encore contre les Russes
720 -être refoulé, un motif d’un autre ordre hésite à se définir : c’est celui de certains « Européistes » qui se demandent si
721 nir : c’est celui de certains « Européistes » qui se demandent si l’union nécessaire n’exigera pas un jour pour se réalise
722 si l’union nécessaire n’exigera pas un jour pour se réaliser, c’est-à-dire pour rallier d’un seul coup toutes les forces
723 tions à ces faits, qui expliquent pourquoi l’idée se répand d’une neutralité de l’Europe. Mais ceux qui en parlent sont le
724 bles sans doute de la guerre froide. C’était pour se déclarer neutre entre un parti mondial soutenu par un énorme État, et
725 et le diagnostic ! Cette espèce-là de neutralité s’ est traduite par les abstentions du délégué de l’Inde lors des votes d
726 victimes. On a vu ce jour-là que cette neutralité se réduit à la mauvaise foi. Mais s’agit-il vraiment de neutralité ? Guè
727 ette neutralité se réduit à la mauvaise foi. Mais s’ agit-il vraiment de neutralité ? Guère plus que de paix dans le cas de
728 a Menon abusent du mot, non de la chose, dont ils se moquent. Il n’en va pas ainsi de la Suisse. Ce pays court le risque d
729 s intérêts d’un État composite, qui risquerait de se disloquer s’il prenait parti dans les luttes opposant des voisins imm
730 un État composite, qui risquerait de se disloquer s’ il prenait parti dans les luttes opposant des voisins immédiats comme
731 ou, la conduirait en pleine absurdité : la Suisse se dirait neutre entre l’Europe, dont elle est une partie centrale, et l
732 esprit même de ses institutions. Au surplus, elle se suiciderait, d’une manière à vrai dire inédite : le suicide par sages
733 n État ou un groupe d’États peut avoir avantage à se déclarer neutre : 1°) s’il juge que la cause ou l’enjeu d’un conflit
734 ts peut avoir avantage à se déclarer neutre : 1°) s’ il juge que la cause ou l’enjeu d’un conflit existant ou à prévoir n’i
735 o-allemandes, en ce qui concernait la Suisse) 2°) s’ il juge que des raisons vitales d’ordre intérieur lui interdisent de p
736 arti militairement (l’union fédérale de la Suisse se serait disloquée en 1914, par exemple, les Romands tenant pour la Fra
737 pas en 1939 : tous d’accord contre Hitler) ; 3°) s’ il se réserve de jouer en marge du conflit un rôle humanitaire, ou d’o
738 en 1939 : tous d’accord contre Hitler) ; 3°) s’il se réserve de jouer en marge du conflit un rôle humanitaire, ou d’offrir
739 es en Suisse en 1916-1917 et dès 1942) 4°) enfin, s’ il a renoncé à tout esprit de conquête, parce qu’il est satisfait de s
740 st satisfait de son sort. Dans ce dernier cas, il se refuse à toute alliance militaire, craignant de se voir entraîné dans
741 e refuse à toute alliance militaire, craignant de se voir entraîné dans le jeu d’ambitions étrangères, au détriment de son
742 , au détriment de son indépendance. Il doit alors se mettre en mesure d’assurer tout seul sa défense. Au total : une neutr
743 oute agression par la volonté inconditionnelle de se défendre. Quant aux opinions, elles restent libres (en principe). Les
744 nt libres (en principe). Les échanges économiques se poursuivent dans la mesure du possible avec les deux camps. On échapp
745 te et limitée. En tant qu’attitude générale, elle se situerait à peu près entre l’égoïsme cynique et l’indifférence de l’a
746 e à toute l’Europe une neutralité « à la Suisse » se nourrit à la fois du désir défaitiste de tirer son épingle du jeu, et
747 des autres peuples, l’URSS et les USA pourraient se payer le luxe de se déclarer neutres et de se conduire comme tels. Ma
748 l’URSS et les USA pourraient se payer le luxe de se déclarer neutres et de se conduire comme tels. Mais, au fait, ne le s
749 ent se payer le luxe de se déclarer neutres et de se conduire comme tels. Mais, au fait, ne le sont-il pas ? Ils le sont,
750 et ne l’ayant pas en échec, ne peut le jouer sans se mettre en prise ». Littré ajoute, non sans sévérité : « Cette positio
751 ts, faute de pouvoir jouer62. Ce serait fort bien s’ ils étaient seuls, s’il n’y avait plus sur l’échiquier que les deux ro
752 jouer62. Ce serait fort bien s’ils étaient seuls, s’ il n’y avait plus sur l’échiquier que les deux rois, dès lors invulnér
753 pables de nous laisser prendre par simple peur de s’ affronter. Il faudra réfléchir, pendant les semaines qui viennent, aux
754 ux suites possibles ou non de ce jeu délirant. Il s’ agirait en somme d’imaginer les règles d’une partie d’échecs à trois r
755 imagine qu’une situation de double pat ne saurait se produire aux échecs sans l’aide de Lewis Carroll. af. Rougemont Den
27 1957, Preuves, articles (1951–1968). Sur la neutralité européenne (II) (avril 1957)
756 s, réside dans l’existence des PC en Europe. Mais se déclarer neutres à cause d’un tel danger équivaudrait à escompter la
757 ité ne tient plus. 3. Le groupe d’États considéré se réserve un rôle humanitaire, ou d’intermédiaire bénévole entre les ca
758 n ne l’a pas attendu. La CECA et le Marché commun se contentent fort bien d’exister, même si Bevan persiste à les croire n
759 ces pays « pourront d’ailleurs rester communistes s’ ils le veulent », ajoute-t-il sans rougir au lendemain de Budapest !)
760 de l’espoir d’une indépendance reconquise. Et qui se laissera convaincre de « désengager » les États satellites et l’Allem
761 ntion russe. Les troupes russes peuvent très bien se retirer de Varsovie, de Budapest, de Bucarest et de Leipzig, comme el
762 Budapest, de Bucarest et de Leipzig, comme elles se sont déjà retirées de Prague, sûres qu’elles sont de pouvoir y rentre
763 uvoir y rentrer sitôt que les régimes communistes s’ y trouveraient gravement menacés. Selon le plan Bevan, il n’y aurait p
764 rmées (européenne, américaine ou nationales) pour s’ opposer à ces remises au pas. Il n’y aurait que les bombes H américain
765 Quant aux « neutres » de l’Ouest, la question ne se pose pas. Imagine-t-on les USA venant « mettre au pas » une France, u
766 , les Six ne sont rien ; sans les Six, l’union ne se fera pas. Le vrai problème Si l’on revient au sérieux de la cho
767 ème Si l’on revient au sérieux de la chose, on s’ aperçoit que la seule question concrète est l’indépendance de l’Europe
768 ut être indépendant pour rester neutre ou pouvoir se déclarer tel. Mais nous ne serons jamais indépendants si nous refuson
769 sons de nous fédérer. Ici, deux grandes questions se posent : 1° L’union faite, cette neutralité serait-elle « dans les vr
770 verraient dans une vraie neutralité l’occasion de se refaire une vertu sans changer trop visiblement de vocabulaire. Preno
771 ttirante que le service militaire national. (Même s’ il est vrai que les jeunes sont facilement dupés, pourra-t-on leur cac
772 problèmes d’une partie d’échecs à trois rois. Il s’ agit maintenant d’en prévoir les principales combinaisons et ouverture
28 1957, Preuves, articles (1951–1968). Sur la neutralité européenne (fin) (mai 1957)
773 cité massive, d’une évidence : l’Europe ne pourra se dire neutre, un jour à venir, que si d’abord elle a fait son union, c
774 — comme toute neutralité moralement acceptable — se devrait et devrait au monde d’être doublement limitée dans sa nature
775 ourraient survenir dans d’autres continents, et à se disposer en conséquence. 2. Si la trêve est rompue entre les deux blo
776 ité garantie par les USA. La coalition atlantique se reforme automatiquement. Elle englobe alors toute l’Europe, dont l’OT
777 is Rois garantit la neutralité des deux autres et se range automatiquement aux côtés de celui qui est attaqué. Ceci produi
778 Rois de l’Occident restant « cloués », le jeu ne s’ en poursuit pas moins en Asie, en Afrique et dans le Moyen-Orient. Que
779 ivoque dont j’avais quelque idée qu’elle pourrait se dégager de l’exercice, une fois tirées au clair certaines données de
780 on, si les difficultés qu’elle a mises en lumière se voyaient au moins reconnues tant par les partisans que par les advers
781 e neutre et unie serait en meilleure posture pour se défendre contre l’URSS. b) Le véritable sens du mot neutralité, appli
782 et aux États-Unis. Elle signifierait un refus de se laisser manœuvrer par ces puissances, soit en marge de leur jeu bloqu
783 oit en marge de leur jeu bloqué, soit dans ce jeu s’ il devait repartir. d) L’Europe neutre et unie devrait payer le prix d
784 , elle aurait retrouvé la puissance d’en user. Il s’ agit là d’une situation typique de maxima contradictoires. L’optimum s
785 e maxima contradictoires. L’optimum serait en vue s’ il était reconnu que cette limitation de l’esprit d’aventure correspon
786 teur oublié peut devenir décisif, telle hypothèse se révéler fausse. Ce qu’en revanche on ne voit pas du tout, c’est l’int
29 1957, Preuves, articles (1951–1968). Sur deux écrivains politiques (juin 1957)
787 part lui. L’histoire récente de notre philosophe se résumerait alors en une série de propositions aussi simples en soi qu
788 uds qui affirmaient sans nul droit qu’elle devait s’ exprimer par quelque chose comme Budapest, ce qu’elle a fait. En résum
789 e a tort, sauf un qui, n’écoutant que son devoir, se met à faire la leçon à tous. Les communistes ont tort parce qu’ils on
790 on d’avoir dit que la politique communiste devait s’ exprimer normalement par Budapest — comme elle s’était « exprimée » pa
791 s’exprimer normalement par Budapest — comme elle s’ était « exprimée » par Berlin et Poznań — ils ne sont pas dans le sens
792 de suivre Sartre depuis quelques années devaient s’ attendre soit à ce qu’il justifiât Budapest, soit à ce qu’il fit précé
793 t du tort à la cause du Socialisme. Le Socialisme se voit donc substitué à toute autre fin politique, sociale, morale ou r
794 Mais qui incarne cette essence ? Sartre seul, qui s’ est mis en situation de n’être reconnu comme camarade valable par aucu
795 aucun des partis, groupements ou groupuscules qui se réclament en fait du Socialisme. La seule victime des polémiques inte
796 s majeures de notre temps. » De plus fins que moi s’ y sont laissé prendre, il est vrai. Mais mes deux censeurs se rejoigne
797 issé prendre, il est vrai. Mais mes deux censeurs se rejoignent dans une inquiétante découverte. « Je connais M. de Rougem
798 en général. Quant au premier, je crains qu’il ne s’ inspire de Machiavel, qui écrivait au xvie siècle : Svizzeri, armatis
799 ècle : Svizzeri, armatissimi e liberissimi. Qu’il se rassure : le mouvement de l’Histoire nous a réduits à l’état de neutr
800 le Suisse Rougemont ne serait qu’un pléonasme. On se contentera du nom d’Européen. Tolérer l’intolérance ? Si l’on j
801 le communiste déclarait en 1920 : « Le Communisme se donne pour but l’abolition du parlementarisme. Il ne peut être questi
802 faut-il continuer la partie ? Le Parti communiste s’ est toujours réclamé du socialisme, doctrine soucieuse de la défense d
803 le seul auquel on laisse le droit de tricher, en se réclamant du fair-play. Nous ne pouvons rien contre l’imposture gigan
804 uzanne Labin, Les Entretiens de Saint-Germain. On se tromperait en répétant que cet ouvrage demande l’interdiction du Part
805 lauses est fournie par les cris d’indignation qui s’ élèvent de la presse communiste, au seul énoncé du projet. Il serait p
806 es sont plus forts que tout, le cri part, et l’on s’ est trahi… Fort brillamment écrit d’un bout à l’autre, ce livre accroc
807 re en relief toutes les objections naturelles qui se présentent à l’esprit d’un libéral, et je crois bien qu’il n’est pas
808 ais il est visible que non ; et d’ailleurs, on ne se souciera de les appliquer que si l’idée d’un Code vraiment « gênant »
809 nd corps. C’est à quoi ce livre doit servir, même s’ il irrite d’excellents libéraux. À ceux-ci l’on peut faire observer :
30 1957, Preuves, articles (1951–1968). Sur le pouvoir des intellectuels (juillet 1957)
810 re corporation. Ils ont bien tort, d’ailleurs, et se trompent sur leur pouvoir au moins autant que l’homme de la rue. En e
811 lectuels mal famés. Mais logiquement la phrase ne se défend pas, comme on le voit en la transposant de cette manière : « L
812 s données et ne contribue guère à le résoudre. On se retourne alors vers les réalités qui sont censées intéresser les mass
813 commun entre cette volonté impérialiste d’un État s’ imposant à tous les autres, et la volonté fédérale surgie spontanément
814 ’Europe, il l’aurait dit avant Sainte-Hélène. Et, s’ il l’avait dit, il aurait eu tort car de son temps rien ne menaçait l’
815 ements de résistance de tous nos pays envahis que s’ est nouée l’idée d’une fédération libre, mettant fin tout d’abord aux
816 dé sportif du handicap. Partout où le libéralisme s’ y refuse, appliquant ses principes aveuglément, il joue le jeu de l’en
817 ins, des statues sur un fond de ruines antiques ; s’ il s’agit de la Suisse, des yodleurs. Le tourisme prétend « promouvoir
818 des statues sur un fond de ruines antiques ; s’il s’ agit de la Suisse, des yodleurs. Le tourisme prétend « promouvoir une
819 Et je doute, une fois de plus, qu’il soit bon de se connaître, que les échanges entre les peuples aident les hommes à se
820 es échanges entre les peuples aident les hommes à se mieux comprendre, que la compréhension crée l’amitié, et que l’amitié
821 inutes d’un canton à un autre. Leurs habitants ne se connaissent guère entre eux. S’aimeraient-ils davantage en se mêlant 
822 eurs habitants ne se connaissent guère entre eux. S’ aimeraient-ils davantage en se mêlant ? Le pâtre yodleur d’Appenzell n
823 nt guère entre eux. S’aimeraient-ils davantage en se mêlant ? Le pâtre yodleur d’Appenzell n’a jamais vu l’industriel racé
824 eine imaginable, ils n’auraient pas grand-chose à se dire, à supposer qu’ils trouvent une langue commune. Cela n’empêche p
31 1957, Preuves, articles (1951–1968). L’échéance de septembre (septembre 1957)
825 araît certaine : ce ne sont pas les plus gais qui s’ en vont. Mais chercher si ce sont les plus durs, les plus mous, les pl
826 en de gouverner sans résoudre la crise et même en s’ appuyant sur elle. Mais ce n’est pas du devenir soviétique que dépend
827 sort de l’Europe, la menace d’une guerre générale se trouvant désormais neutralisée par la terreur de mettre en œuvre ses
828 n’en est plus la peur. Qu’elle réussisse ou non à se démocratiser par les moyens de la tyrannie, qu’elle prospère ou se ru
829 ar les moyens de la tyrannie, qu’elle prospère ou se ruine à force de corriger ses gaffes par des massacres, ses crimes pa
830 des slogans, et ses déficits par des purges, elle s’ est mise étrangement en marge du grand jeu. Ou disons plutôt que le vr
831 rtielle seulement, de la nôtre. Car l’Europe a su se défendre, depuis un siècle et demi, tant bien que mal il est vrai, co
832 ils préfèrent qualifier d’adaptation sociale. Ils se sont mis hors d’état de sentir ou même d’identifier les éléments du d
833 Mais l’affaire a mûri, dans les esprits, tout en se détériorant dans les rues et les douars, et dans l’opinion vague qu’o
834 ation de la France. Il est temps que les Français se regroupent, face à la convergence de ces attaques, et qu’ils cessent
835 colonialiste » que d’autres que le drame algérien s’ est noué. Ce n’est pas une politique de gauche ou de droite ou de nouv
836 re et du nom même des réalités en présence. Il ne s’ agit donc pas d’internationaliser (comme on dit) l’affaire algérienne,
837 erait la France injustement et vainement. Mais il s’ agit de reconnaître que l’affaire algérienne n’est plus (si elle le fu
838 e, fût-il de « l’opinion mondiale ». Qui pourrait se charger d’élaborer cette politique de civilisation ? Elle demande un
839 et de l’Afrique du Nord, politique et religieuse, se réunissent pour définir et confronter leurs buts de paix, leurs possi
840 que de ses défauts traditionnels, pouvait laisser se poser et comme s’exemplifier dans toutes ses vraies complexités humai
841 traditionnels, pouvait laisser se poser et comme s’ exemplifier dans toutes ses vraies complexités humaines. L’Amérique sa
32 1957, Preuves, articles (1951–1968). Pourquoi je suis Européen (octobre 1957)
842 uoi je suis Européen (octobre 1957)ak L’Europe se fait. La petite Europe des Six qui, d’ailleurs, compte autant d’habit
843 jà peur. Bon début, disent les autres, si l’on ne s’ arrête pas là. Il est clair que l’Europe des Six n’est qu’un moyen. La
844 n, c’est l’union fédérale de tous les peuples qui se reconnaîtront les héritiers d’une même culture embarqués dans la même
845 que l’Europe existe pour eux, que la nécessité de s’ unir les concerne et que l’avenir de cette union s’inscrit dans les do
846 ’unir les concerne et que l’avenir de cette union s’ inscrit dans les données de leur dessein personnel. Deux Français parl
33 1957, Preuves, articles (1951–1968). Sur le crépuscule d’un régime (octobre 1957)
847 dame. Ces hordes de barbares aux mollets nus qui se promènent sur Saint-Marc un regard ébaubi et des jugements réprobateu
848 rd ébaubi et des jugements réprobateurs devraient se voir retirer leur permis de voyager. Ils salissent tout. Mais notez q
849 hoque l’esthète, je la trouve si touchante ! Elle s’ amuse, elle s’instruit, elle se fait des souvenirs, elle apprend à con
850 e, je la trouve si touchante ! Elle s’amuse, elle s’ instruit, elle se fait des souvenirs, elle apprend à connaître l’étran
851 i touchante ! Elle s’amuse, elle s’instruit, elle se fait des souvenirs, elle apprend à connaître l’étranger… R. — Je dema
852 asse, notez-le bien. Presque toutes les mondaines se verront recalées. A. — La prétention révèle un manque d’éducation, c’
853 duquer, c’est donner au jeune homme les moyens de se libérer du conformisme, du nombre et de ses lois, de l’égalitarisme e
854 u’il est seul au monde à juger bon pour lui (même s’ il se trompe) et cela contre l’avis de la majorité ; elle est incompét
855 est seul au monde à juger bon pour lui (même s’il se trompe) et cela contre l’avis de la majorité ; elle est incompétente
856 la majorité ; elle est incompétente dans son cas, s’ il est vraiment quelqu’un et s’il veut le prouver. Éduquer, c’est appr
857 ente dans son cas, s’il est vraiment quelqu’un et s’ il veut le prouver. Éduquer, c’est apprendre à distinguer. C’est appre
858 , c’est apprendre à distinguer. C’est apprendre à se distinguer. C’est donc un acte antidémocratique. A. — Vous faites du
859 e, le droit d’opposition, etc. A. — Mais les gens se moquent de l’étymologie. Ils entendent par démocratie tout autre chos
860 lle il suffit qu’un régime apparaisse périmé pour s’ y rallier. Mais on ne retiendra de notre système actuel que quelques p
861 . Tout le pouvoir aux élites véritables ! Mais il s’ agit de les former, non de les élire. A. — Je persiste à penser que l’
862 du procédé. Il me paraît fort expédient quand il s’ agit de se prononcer sur une personne, entre hommes d’une qualité sens
863 é. Il me paraît fort expédient quand il s’agit de se prononcer sur une personne, entre hommes d’une qualité sensiblement é
864 une élite ; on ne peut que la former, la laisser se dégager, la reconnaître et puis la respecter. En revanche, l’élite se
865 rates eux-mêmes en limitent les dégâts. Dès qu’il s’ agit de quelque chose de sérieux, j’entends qui les passionne ou que l
866 sur deux, proportion jusqu’ici tolérable. Mais il se peut que la société de demain exige une précision plus grande. On ne
867 n’y puis rien, ni vous non plus. D’ailleurs, cela se pratique déjà. Un gallup poll perpétuel donnera l’image exacte de l’o
868 du « Guillaume Tell » de Rossini. Les rois déchus s’ attablent chez « Quadri », et les régimes de tous les temps promènent
34 1957, Preuves, articles (1951–1968). Sur un certain cynisme (septembre 1957)
869 française fait ses délices. À les en croire, tout se décompose : la société, le régime, l’homme lui-même. Les uns dénoncen
870 prix. C’est le pont aux ânes de l’avant-garde qui se donne pour telle, la seule sans doute que vous lisiez. Je ne vois rie
871 u Mitterrand, qui ne vont pas voir ces pièces ou, s’ ils allaient, les trouveraient révoltantes ou en tout cas pointless. N
872 aise en Amérique… R. — J’en déduis que votre pays se franciserait plus facilement que la France ne s’américanise. Vous nou
873 se franciserait plus facilement que la France ne s’ américanise. Vous nous donnez des recettes de bonheur digéré qui nous
874 aisse, mais je vous conseille de laisser cela qui se voit et se discute à Paris, et que l’on y « présente » aux visiteurs.
875 je vous conseille de laisser cela qui se voit et se discute à Paris, et que l’on y « présente » aux visiteurs. La vraie v
876 , qui auraient leur place dans toutes les listes, s’ il s’agissait d’un palmarès. J’ai choisi quelques noms qui vous décriv
877 auraient leur place dans toutes les listes, s’il s’ agissait d’un palmarès. J’ai choisi quelques noms qui vous décrivent u
878 ement de ces écrivains français qui vaut que l’on s’ étonne. Voyez Paulhan, rien n’est plus jeune que sa manière de provoqu
879 ns, par un paradoxe au carré. Voyez Breton qui ne se lassera jamais de découvrir mages et mystiques de tous les temps mis
880 traire du cynisme. Voyez Morand, voyez Giono, qui s’ étaient illustrés en créant leur manière, la quitter subitement pour r
35 1957, Preuves, articles (1951–1968). Sur l’Europe à faire (novembre 1957)
881 sont fondées que sur un refus de principe, qu’ils se gardent bien d’exprimer. Théâtral et crispé, un communiste français a
882 néral ? Une progressiste, appuyant le communiste, se plaint que l’Europe ne se fasse que « par en haut », ce qui n’est pas
883 appuyant le communiste, se plaint que l’Europe ne se fasse que « par en haut », ce qui n’est pas démocratique. — C’est vou
884 les droits aux antilibéraux et à eux seuls, même s’ ils défendent les libertés. (Car il peut arriver que la dialectique le
885 ère année qui commettrait une erreur si grossière se verrait recalé sans merci. Mais la passion de ne pas sauver l’Europe
886 que nos divisions nous empêchent de résoudre ? 2°  S’ il y a problème, et si vous refusez les mesures concrètes que les « Eu
887 ié de ces nations ont moins de cent ans et toutes se proclament éternelles. C’est peu croyable. Les maladies aussi existen
888 la droite, la droite dit que c’est la gauche qui s’ y opposerait, selon les pays. Facteur commun : lâcheté devant l’opinio
889 la consulter. 4. — Non, car l’Europe ne peut pas se faire sans les Anglais. (Cas particulier du précédent.) Mais les Angl
890 une Europe qui ne serait pas déjà faite, quitte à se plaindre, alors, qu’on les en a exclus. 5. — Non, car l’Europe est co
891 pas l’Europe, disent les fédéralistes. Et chacun se renfrogne, et le problème subsiste, mais tous ont leur raison de refu
892 s ont leur raison de refuser leur concours, comme s’ ils n’étaient pas embarqués… II. — « Pourquoi je suis Européen »
893 européistes ont passé par ces stades et beaucoup se sont arrêtés à l’un ou à l’autre. D’où trois ou quatre écoles, dont v
894 e, si les Français et les Allemands décidaient de se battre demain, ils ne pourraient plus le faire qu’à coups de bâton. D
895 l’échelle mondiale. Et trois tendances maîtresses se sont diversifiées au cours de ces dernières années. 2. Il faut des in
896 ogiques, traditionnels ou soi-disant économiques, s’ opposent à l’union nécessaire. Pour les tourner (seule solution pratiq
897 est de longue haleine et le temps presse. Rien ne se fera sans l’esprit, mais sera-t-il assez prompt dans son effort pour
898 ne peut faire tout à la fois. Je voudrais qu’ils se demandent un instant ce qu’on peut faire de sérieux sans fédérer d’ab
36 1957, Preuves, articles (1951–1968). Sur la pluralité des satellites (II) (décembre 1957)
899 ébahissement : l’un des plus grands du siècle qui se voit le mieux servi de toute l’histoire à cet égard. On a beau dire q
900 facteur important de l’histoire, mais quand elle s’ appuie sur « la Science », elle devient proprement irrépressible et ba
901 ’élimination terrestre du régime, auquel on verra se convertir aussitôt les derniers bourgeois indécis.   Sur l’absence d
902 ès méritée pour le spoutnik, de même que celui-ci s’ est séparé des éléments de sa fusée de lancement. Il eût fallu multipl
903 e savent pas et ne veulent pas former.   Eppur, se muove  ! — Des amis me retiennent par la manche : — Avouez, disent-il
904 nt-ils, que l’anticommunisme a trompé le monde et s’ est trompé lui-même, en répétant que le régime soviétique stérilisait
905 n ; là, le rêve compensateur. De quoi faudrait-il s’ étonner ? Lorsque je vins déranger Marcel Duchamp, tout absorbé par un
906 iminations moins visibles mais plus fondamentales s’ opèrent : le régime des kolkhozes s’esquive sans bruit (254 000 en 195
907 fondamentales s’opèrent : le régime des kolkhozes s’ esquive sans bruit (254 000 en 1950, 87 000 en mars 1956) ; la central
908 Dans le même temps, les satellites mis au pillage se révoltent. Leurs ouvriers et leurs paysans se dressent contre Moscou
909 age se révoltent. Leurs ouvriers et leurs paysans se dressent contre Moscou au nom du socialisme. Leurs étudiants, leurs é
910 générations qu’il avait seul formées. Le Kremlin se rattrape au ciel : ses spoutniks sont les seuls satellites qui ne men
911 sont les seuls satellites qui ne menacent pas de se révolter. « Pie in the sky, bye and bye », voilà ce que le régime pro
37 1958, Preuves, articles (1951–1968). Sur la fabrication des nouvelles et des faits (février 1958)
912 é, cette fois-ci, la trêve des confiseurs : il ne se passe jamais rien dans le monde entre le 24 décembre et le 2 janvier,
913 elles, et qu’aux yeux de l’homme de la rue, il ne se passerait plus rien dans le monde. En termes très voisins, un peu plu
914 r, il devient difficile de le réfuter.   Comment se fait une nouvelle ? — Car il se passe à chaque seconde d’un temps thé
915 futer.   Comment se fait une nouvelle ? — Car il se passe à chaque seconde d’un temps théoriquement simultané sur toute l
916 e les faits (au point qu’il n’y en a plus si elle se met en grève) mais encore elle les influence ou parfois même les déte
917 e pratiquement la presse et la radio, à quoi tout se réduit au bout du compte. Car c’est bien compte tenu de ces informati
918 ar c’est bien compte tenu de ces informations que se décide la politique de nos États ; que votent les parlements et même
919 s et même parfois les peuples ; et que l’Histoire s’ écrira demain. L’irréalité de ce siècle provient de ceci que la « réal
920 ours de Churchill, à Zurich. En vérité, Churchill s’ était borné à conseiller l’union de la France et de l’Allemagne, l’Ang
921 Une année plus tard, à Montreux, les fédéralistes se rassemblent, répondant à l’appel de groupes de résistants de droite e
922 , Montreux ne devint pas un « fait ». En mai 1948 s’ ouvre à La Haye le premier Congrès de l’Europe. Seize Premiers ministr
923 elle « construit » à l’avance un autre fait, qui se produit enfin sous la forme d’un échec. Les conclusions que le monde
924 sérieuse, de ce qui sera vendable ou non. Elle ne se trompe qu’une fois sur deux. À ce taux, elle pourrait aussi bien s’of
925 ois sur deux. À ce taux, elle pourrait aussi bien s’ offrir une politique, sans rien y perdre. Mais le masochisme incline r
926 ce serait rassurer le lecteur. Mais les journaux se vendent mieux en temps de crise.   Apprendre à lire. — Les correspon
927 ion toute naturelle d’ailleurs, si l’on veut bien se rappeler qu’apprendre à lire à tous ne sert qu’à préparer des lecteur
928 trop souvent légers ou sans scrupules, dès qu’il s’ agit de quelque problème brûlant que leur journal veut qu’ils tranchen
929 uelle, qu’on prétend surtout financière ? M. Berl se plaint d’une étrange absence d’éléments d’appréciation, faute desquel
930 er la lutte ? J’attends le commentateur qui osera se taire jusqu’à ce qu’il soit certain de savoir ce qu’il en est. Mais j
931 e si les faits ne comptaient pas, ou pire : comme s’ il était suspect de s’en soucier. — Quoi ? nous parler de chiffres qua
932 taient pas, ou pire : comme s’il était suspect de s’ en soucier. — Quoi ? nous parler de chiffres quand il s’agit de morale
933 oucier. — Quoi ? nous parler de chiffres quand il s’ agit de morale ? On voit bien votre jeu, monsieur. Vous essayez de dét
934 ne sont pas éloquentes. Et ceux qui les cultivent se voient bientôt conduits dans un ordre d’action où ce n’est plus la de
38 1958, Preuves, articles (1951–1968). Sur un patriotisme de la terre (mars 1958)
935 sons, collines, perdent le seul relief où pouvait s’ attacher l’amour. Notre émotion devant les paysages de la Terre, qu’es
936 uelques minutes tant de destinées minutieuses qui s’ entrecroisent au ras du sol, nous passons lentement dans la nuit des h
937 parmi des milliards d’autres points éphémères qui s’ animent un instant et s’annulent dans ce recoin perdu de l’univers. To
938 tres points éphémères qui s’animent un instant et s’ annulent dans ce recoin perdu de l’univers. Tout s’est tu dans notre c
939 ’annulent dans ce recoin perdu de l’univers. Tout s’ est tu dans notre cabine. Si l’avion continuait vers l’espace infini ?
940 rveilles de l’âge cosmique. Plusieurs expéditions se sont rendues sur Mars et sur Vénus. Les voyages dans la Lune sont dev
941 évision est la plus optimiste. On me dira qu’elle se fonde sur du wishful thinking. Mais si nous ne sommes pas « découvert
942 celle des Européens : celui qui vient d’ailleurs s’ assure immédiatement un avantage qu’il gardera longtemps, sinon toujou
943 ne patrie. Ce sentiment d’appartenance passionnée se manifeste d’ordinaire au moment où l’individu s’écarte de son groupe
944 se manifeste d’ordinaire au moment où l’individu s’ écarte de son groupe natal, ou le voit attaqué et spolié. Comme la con
945 moins de pudeur à rompre certains liens, et cela se comprend. D’où leur « avance technique » incontestée. Mais la science
946 ir que le présent. On peut même dire que l’Utopie se définit comme un système sans avenir. Car ainsi que l’a bien vu Toynb
947  L’art de voler ne fait encore que de naître ; il se perfectionnera, et quelque jour on ira jusqu’à la Lune. » Il prévoit
948 déjà nous ne sommes plus en Utopie : la prévision se veut scientifique, comme elle le sera chez un Jules Verne, si la psyc
949 dbury, un Sturgeon, c’est une métapsychologie qui s’ institue, dans la terreur et la pitié. L’humanisme n’est plus cette ch
950 ’éducation seront radicalement différentes. Elles se fonderont beaucoup moins sur la communication verbale. Le savoir accu
951 identité native, le sujet même de tous nos drames s’ évanouira. Nos descendants « tranquillisés » et modifiés, ou devenus c
952 ront nos ouvrages de science-fiction, et ceux qui se fondent sur nos doctrines sociologiques ; puis les écrits qui exprime
953 ancienne, touchante, qui prévoyait le pire… Mais s’ il est arrivé, c’est toujours autrement. 69. Lettres sur la bombe
39 1958, Preuves, articles (1951–1968). Sur la prétendue décadence de l’Occident (avril 1958)
954 culture en plein essor. Elle a toutes chances de se manifester chez ceux qui en sont réduits à commenter leur temps sans
955 n. Elle naît aussi, probablement, chez celui qui, s’ étant risqué, a perdu ou ne croit plus à l’enjeu pour lequel il luttai
956 ccès des autres. Enfin, elle hante une classe qui se sent dépassée par des moyens de puissance qui la déposséderont : pess
957 e à quoi l’on tenait plus qu’à toute autre, qu’il s’ agisse d’une culture, d’une cause ou d’une vie individuelle. Je ne dis
958 es chiens. La seule vraie décadence est celle qui se termine par une chute sans remontée possible. Qui peut donc savoir au
959 oise du matérialisme scientiste. Mais la tendance s’ est renversée dès le second tiers de ce siècle, en Europe, puis en Amé
960 de nous unir, tandis qu’à cause de lui les Arabes se fédèrent. Différents ou contraires selon l’âge des nations, tous ses
961 ginaires. Mais avant d’attaquer ce problème, pour se qualifier à le faire, voici l’épreuve élémentaire qu’on fera bien de
962 e, voici l’épreuve élémentaire qu’on fera bien de s’ imposer. On se demandera si les valeurs occidentales sont réellement u
963 euve élémentaire qu’on fera bien de s’imposer. On se demandera si les valeurs occidentales sont réellement universelles, c
964 r l’Occident est la seule civilisation connue qui se soit posé la question critique de sa fonction universelle, appuyant d
965 e sérieuse à cette fonction. Une civilisation qui se prendrait naïvement pour universelle — comme elles le firent toutes j
966 mais, puisqu’elle ignore le bien des autres et ne se prépare donc point à l’intégrer. La Volonté. — D’une part, le christ
967 . — D’une part, le christianisme dès sa naissance se veut salut pour tous et pour chacun. Son idée de la personne en puiss
968 essence. D’autre part, la science née de l’Europe se veut exacte en tous lieux et tous temps et fonde mieux que la raison
969 mparaison élaboré depuis des siècles par l’Europe se révèle aujourd’hui capable, virtuellement, de digérer, d’intégrer, d’
970 uffira : même les valeurs « révélées » auxquelles se réfèrent les Occidentaux les renvoient à l’universel et les ouvrent à
40 1958, Preuves, articles (1951–1968). Sur un centre qui doit être partout (mai 1958)
971 a presse du soir. Cependant, d’excellents esprits s’ enflamment. Coudenhove-Kalergi propose Paris, Salvador de Madariaga lu
972 pense automatiquement que l’Europe de demain doit s’ ordonner autour d’un centre prestigieux, c’est d’abord qu’on transpose
973 ait fondé les États‑Unis ; et le gouvernement ne s’ y transporta qu’en 1800. Pourquoi veut‑on que le choix de notre capita
974 nion, sans vouloir en payer le prix ? Ou que l’on s’ amuse à discuter la reliure de cette Constitution, qui est seule urgen
975 ertains besoins de l’âme (au sens de Jung), qu’il s’ agit de prendre au sérieux. Le mythe de Centre appartient au trésor de
976 une ville, voire une simple maison. Le lieu doit se révéler « Centre du monde », intersection d’axes cosmiques, lieu « vi
977 ation de l’espace et par le rite de construction, se voit transformée en un centre. De sorte que toutes les maisons — comm
978 et même point commun, le Centre de l’univers. Il s’ agit là, on s’en rend compte, d’un espace transcendant, d’une tout aut
979 commun, le Centre de l’univers. Il s’agit là, on s’ en rend compte, d’un espace transcendant, d’une tout autre structure q
980 t quand nous les trouvons par chance, et qu’elles se tiennent, elles jouent alors dans notre âge scientifique le rôle que
981 tat constitué. Le problème d’un district européen se repose en termes concrets. On revient à l’idée du Centre de l’hémisph
982 sages et des stratèges. En revanche, et comme il se doit, le pays de Gex présente des avantages uniques aux yeux du géogr
983 e et Rome à deux ou trois heures, aujourd’hui. Et s’ il faut une armée pour veiller sur la sécurité du district fédéral, n’
41 1958, Preuves, articles (1951–1968). Sur le régime fédéraliste (I) (août 1958)
984 Le drame français Le mot-clé du débat qui s’ instaure sur la nouvelle Constitution est peut-être le mot le plus mal
985 celui de la fonction que l’ensemble français doit se mettre en mesure d’exercer dans une union européenne. Si différents q
986 mandera pourquoi et je répondrai d’abord que cela se sent avant de s’expliquer, mais qu’il est bien typique qu’on ne le se
987 et je répondrai d’abord que cela se sent avant de s’ expliquer, mais qu’il est bien typique qu’on ne le sente pas, dans un
988 t le fanatisme de l’intégration. Gauche et droite s’ uniraient pour rejeter au nom de leurs traditions sacrées toute tentat
989 États qui tout en gardant une certaine autonomie, s’ associent pour former un seul État à l’égard des puissances étrangères
990 raliste et le nationaliste invétéré qui essaie de se mettre à la page. Un système bon pour les sauvages Mais Littré
991 ui montre assez bien pourquoi le Français cultivé se méfie du fédéralisme. Voici comment Littré présente ce mot : Fédéral
992 à savoir ce que parler veut dire, le fédéralisme se réduit à un régime fort bon pour les sauvages, par exemple les Suisse
993 ntradiction n’est pas seulement dans les mots. Il s’ agit de deux attitudes d’esprit inconciliables, dictant des solutions
994 utres : qu’une nation-bloc, rigide et intégriste, s’ intègre mal dans un ensemble fédéral conditionné par sa souplesse. Ell
42 1958, Preuves, articles (1951–1968). Sur le régime fédéraliste (II) (septembre 1958)
995 n en commun, sauf le nom, avec les formations qui se partagent le pouvoir dans les démocraties latines. Le fait qu’il y ai
996 virtualités, qui sont totalitaires. Chaque parti, s’ il est né d’une idéologie, non d’une réalité bien définie et d’intérêt
997 onde laïque. Au niveau de l’intérêt, la lutte qui s’ institue entre l’offre et la demande, par exemple, finit toujours par
998 re et la demande, par exemple, finit toujours par se résoudre dans le compromis concret qu’on nomme un prix. Mais deux rel
999 un prix. Mais deux religions, deux idéologies, ne se contenteront jamais d’une vérité moyenne. C’est tout ou rien. Que la
1000 t scandaleuse nécessité, à laquelle les partis ne se plieront qu’à la dernière extrémité. C’est dire qu’ils ont horreur de
1001 urs nouvelles. Cette espèce d’idéalisme politique se manifestait parfois d’une manière extrême et quasi délirante, lorsqu’
1002 er, voilà qui démontrait que « la vie politique » s’ épuisait au niveau du discours, non de l’action ; au niveau des réflex
1003 aucune chose, à neutraliser tout vouloir, donc à se livrer à la première pression même modérée que l’on subit de l’extéri
1004 en résulte pour chacun la nécessité biologique de s’ adapter au bien du corps dont il est membre. La nation centraliste, « 
1005 ans une fédération, un parti de doctrine générale se verrait condamné à rester faible, manquant de racines dans chaque rég
1006 peuvent imposer leurs décrets. Force est donc de s’ entendre sur quelque compromis. — Mais alors, il n’y a plus de politiq
1007 mpromis. — Mais alors, il n’y a plus de politique s’ écria ce député consterné. — Je crains bien, répliquai-je, que votre c
1008 cœur ne définisse l’idée de la politique que l’on se fait trop généralement en France. Et en effet : le grand moment de la
1009 e cette drogue sans cesse édulcorée, on essaie de se rattraper en multipliant les piqûres. Jusqu’au jour où ce « régime »
1010 piqûres. Jusqu’au jour où ce « régime » épuisant, se reconnaissant épuisé, s’abandonne au médecin paternel — image du Roi
1011 ce « régime » épuisant, se reconnaissant épuisé, s’ abandonne au médecin paternel — image du Roi dans l’inconscient — qui
1012 conscient — qui l’envoie d’un ton ferme et gentil se détendre les nerfs et se taire pour un temps. Post-scriptum À l
1013 d’un ton ferme et gentil se détendre les nerfs et se taire pour un temps. Post-scriptum À l’heure où j’écris, ce 10
1014 tum À l’heure où j’écris, ce 10 août, le débat se déchaîne, comme je l’avais prévu dans ma chronique du mois dernier, s
1015 r la première formule contre la seconde, quand il s’ agit du régime de la France, mais renversent leur position quand il s’
1016 la France, mais renversent leur position quand il s’ agit de l’avenir européen. Rien de plus logique, malgré les apparences
43 1958, Preuves, articles (1951–1968). Sur le vocabulaire politique des Français (novembre 1958)
1017 r égaré et même, on le précise, « terrorisé ». Il s’ ensuit que le vrai Peuple — celui qui gronde — et que les vraies « mas
1018 l’apparition de la mauvaise foi. On devrait donc se l’interdire, car au fait, il ne sert à rien dès l’instant que chacun
1019 fait, il ne sert à rien dès l’instant que chacun se déclare démocrate et que seul l’adversaire (ou l’autre) ne l’est pas,
1020 infime minorité, pourvu qu’elle ait pris soin de se nommer le « vrai peuple ». Ainsi Khrouchtchev peut déclarer sans rire
1021 , le peuple entier) quand une majorité trop forte se dégage. C’est un paradoxe étymologique, mais il y a plus. Nonobstant
1022 un régime de parti unique, si toutefois ce parti se dit de gauche et réussit à liquider l’opposition. Cependant, le fasci
1023 té au nom de la liberté. Tous les deux pourraient se dire démocratiques. Mais que se passerait-il dans le cas, fort improb
1024 s deux pourraient se dire démocratiques. Mais que se passerait-il dans le cas, fort improbable, où l’on renoncerait à invo
1025 gnifie plus rien puisqu’on l’applique à tout ? On se verrait contraint de définir les oppositions véritables et de remplac
1026 e est adulte, qu’a-t-elle besoin d’un père ? » on se demande sérieusement ce qu’il veut dire. Croit-il, comme celui qu’il
1027 ale maturité depuis 150 ans, la sagesse des pères se prolongeant dans celle des fils, et le plébiscite de 1852 dans celui
1028 une longue diatribe contre la monarchie nouvelle, s’ en prenne d’abord à la croyance en Dieu ? « Il est normal, écrit-il, q
1029 qu’il est d’abord contre Dieu : de Gaulle et Dieu se confondent avec l’image du Père. Voilà l’ennemi. Je suis adulte, ou q
1030 s les trois pays scandinaves, la monarchie paraît s’ accommoder d’un sens civique qu’on est en droit de dire « adulte » cet
1031 s, orgueilleux et frivoles. Le grand problème qui se pose au général de Gaulle n’est-il pas celui d’instaurer dans une Fra
1032 é non, plus les gaullistes. L’anti-Europe de 1954 s’ est regroupée contre le Général, qui l’appuyait alors, mais que fera-t
44 1959, Preuves, articles (1951–1968). Nouvelles métamorphoses de Tristan (février 1959)
1033 ut la distance et l’invente au besoin, pour mieux se ressentir et s’exalter. Cette définition rend compte de la plupart de
1034 t l’invente au besoin, pour mieux se ressentir et s’ exalter. Cette définition rend compte de la plupart des vrais romans,
1035 ntal n’a jamais décrit, jusqu’ici, de passion qui s’ enflamme pour un objet tout proche, aisément accessible et moralement
1036 par leurs tabous : ainsi, la bourgeoisie du xixe s’ interdisant de parler de l’argent et du sexe, d’où le choc révélateur
1037 umier, voire politique) à tel point qu’on le voit se confondre à la limite avec la Société elle-même, encore qu’il soit le
1038 t par suite assez fascinants, pour que son délire se déclare ? J’entends parler de la société occidentale, c’est-à-dire de
1039 is un demi-siècle. D’autres tabous subsistent, ou se sont reformés, sur lesquels la passion se jette pour y trouver de nou
1040 ent, ou se sont reformés, sur lesquels la passion se jette pour y trouver de nouveaux prétextes à se consumer glorieusemen
1041 n se jette pour y trouver de nouveaux prétextes à se consumer glorieusement, à défier la morale du Jour au nom de la mysti
1042 l Trilling consacre à Lolita de Vladimir Nabokov, s’ intitule « Le dernier amant ». Et l’héroïne de L’Homme sans qualités d
1043 que du lecteur et révolte son sens moral… Mais il se peut aussi que l’incongruité d’une telle comparaison fasse tout son p
1044 d’autant plus significative l’action du mythe qui s’ y trahit, et qui est leur seule commune mesure. Je ne m’attacherai don
1045 que leurs auteurs mêmes auraient pu l’établir, en se plaçant par hypothèse sous l’angle de vision que je propose :   Vlad
1046 insi mieux que personne, dans le même temps qu’il se voit rejeté par le milieu social, ses lois et ses coutumes. Abandonné
1047 ’une tête humaine. C’est le phénomène inverse qui se produit à la lecture des trois romans : vous regardez longuement ce v
1048 , c’est une société tout entière qui transparaît, se recompose, et envahit tout le tableau. Vous reprenez votre lecture et
1049 e que nous voyons là, sans doute, et plus encore. S’ il avait pu le dire autrement, il l’aurait fait (et nous ne le lirions
1050 l’autre des États-Unis73. Jusqu’au jour où Lolita s’ échappe, séduite par un autre homme d’âge mûr qu’Humbert tuera. À 17 a
1051 nécessaire pour que l’attrait mutuel, au lieu de s’ apaiser ou de s’épuiser par la satisfaction des sens, se métamorphose
1052 que l’attrait mutuel, au lieu de s’apaiser ou de s’ épuiser par la satisfaction des sens, se métamorphose en passion. C’es
1053 ser ou de s’épuiser par la satisfaction des sens, se métamorphose en passion. C’est d’abord et surtout le scandale évident
1054 bre épopée, simple et drue, d’un Béroul. Qu’on ne s’ y trompe pas : le roman de Tristan n’était pas moins choquant au xiie
1055 ltère, de nos jours, ne conduit qu’au divorce, ou s’ épuise en liaisons banales. Il n’offre pas de support sérieux à ce que
1056 onçut à 12 ans pour une petite fille de 9 ans qui s’ appelait Annabel, et qui mourut bientôt — rappel de Poe. Ainsi, l’Éros
1057 de cet adulte, par ailleurs sexuellement normal, s’ est trouvé fixé sur la femme-enfant, rendue doublement inaccessible pa
1058 ique-nique, éclair) quand j’avais 3 ans. » (Qu’on se rappelle le ton lugubre de destin, la « vieille et grave mélodie » qu
1059 t de la mère dans Tristan !) Le nom de l’hôtel où se passe la nuit de la séduction, les Chasseurs enchantés, rappelle visi
1060 st présent, mais ridiculisé par son échec : il ne s’ agit que d’un somnifère que H. H. fait prendre par ruse à Lolita, et q
1061 que H. H. fait prendre par ruse à Lolita, et qui se révèle d’ailleurs trop faible, le médecin qui l’a procuré s’étant tro
1062 ’ailleurs trop faible, le médecin qui l’a procuré s’ étant trompé d’étiquette ou ayant trompé son client. (Inversion point
1063 raire, car c’est précisément ainsi que les choses se passent dans le grand livre de Musil, comme on le verra tout à l’heur
1064 ns un contexte qu’il dépasse, d’autant plus qu’il s’ agit ici d’aborder son livre sans fin sous le seul angle de l’amour-pa
1065 e très jeune ou frère aîné. Sa façon d’entrer, de s’ asseoir, de tendre négligemment au contrôleur l’argent de deux parcour
1066 er passionnément, mortellement amoureux, sans que s’ y mêle la moindre convoitise. Je me souviens d’avoir regardé timidemen
1067 eurent la sexualité et la camaraderie ? — Cela ne s’ accorde pas du tout ! s’écria Ulrich en riant. On voit que l’amour-pa
1068 a camaraderie ? — Cela ne s’accorde pas du tout ! s’ écria Ulrich en riant. On voit que l’amour-passion est seul en jeu, e
1069 mpossibles, refuse les expériences possibles ! Il se peut que l’imagination soit une fuite devant la vie, un refuge pour l
1070 d’amour ! L’expérience impossible dans laquelle s’ engage Ulrich se présente d’abord à sa méditation sous la forme d’un b
1071 périence impossible dans laquelle s’engage Ulrich se présente d’abord à sa méditation sous la forme d’un besoin d’amour « 
1072 ûlent à l’extrême de la passion. À cette rêverie se mêle l’image de sa sœur Agathe, retrouvée après de longues années, et
1073 soin d’amour qui, plus tard, les rêves refroidis, se contentera d’un oiseau, d’un animal quelconque, ou se tournera vers l
1074 ontentera d’un oiseau, d’un animal quelconque, ou se tournera vers l’humanité et le prochain. De Chateaubriand à d’Annunz
1075 l serait curieux de chercher pourquoi l’époque où se passe le roman de Musil — veille de la guerre de 1914 — connut peut-ê
1076 t pas Byron, ce n’est pas décadent ni scandaleux. S’ agirait-il moins d’un inceste que des relations entre Animus et Anima,
1077 Anima, comme l’avancent des commentateurs ? Il ne s’ agit, pour moi, que de la passion, c’est-à-dire d’un secret fondamenta
1078 toute société. Avec une objectivité relative, il s’ avoua que les relations entre Agathe et lui avaient comporté dès le dé
1079 est plus religieuse que sexuelle, juge puéril de se préoccuper encore d’amour, mais voue tous ses efforts au mariage, don
1080 et l’on baptise « problème sexuel » l’ennui qu’il s’ agit de bannir de leurs rapports par toute espèce de variantes physiqu
1081 chasteté entre les corps : Lorsque leurs regards se croisèrent, il n’y eut plus entre eux qu’une seule certitude : c’est
1082 bissaient, en bravant autrui, ce besoin commun de se délivrer enfin de la tristesse du désir, mais le subir avait déjà tan
1083 images de l’accomplissement étaient bien près de se détacher d’eux et les unissaient déjà dans leur imagination, comme la
1084 commandait le calme, et ils furent incapables de se toucher de nouveau. L’équivoque essentielle entre l’amour projeté su
1085 mythe platonicien des deux moitiés de l’être qui se cherchent : Ce désir d’un double de l’autre sexe qui nous ressemble
1086 s amoureuses sont toutes liées au fait qu’un être s’ imagine voir son moi le plus secret l’épier derrière le rideau des yeu
1087 des yeux d’un autre. D’où l’illusion que le Moi s’ abolit dans cette Nuit de l’indistinction que chante le deuxième acte
1088 oment, nous sépare ? Mais ici, le roman de Musil s’ engage dans deux Voies divergentes : il nous en reste des fragments in
1089 dicible comme deux amants qui, l’instant d’après, se précipiteront dans le vide. Ils se précipitèrent. Et le vide les port
1090 stant d’après, se précipiteront dans le vide. Ils se précipitèrent. Et le vide les porta. L’instant demeura immobile, sans
1091 retint leurs larmes… Avec les formes limitatives s’ étaient perdues toutes les limites et, comme ils ne percevaient plus a
1092 ation pure. Sous une forme intellectualisée — il s’ agit de simples notes pour une suite à écrire — Musil transpose ici l’
1093 partie ! » Mais il y a plus. La lucidité de Musil s’ attaque ici à la formule même du Roman et la détruit. Si la passion ne
1094 ette fin-là, conforme à la logique du Mythe, pour s’ engager dans la voie difficile d’une recherche de l’amour mystique : c
1095 chapitre intitulé Souffles d’un jour d’été. Il ne s’ y passe rien qu’une longue conversation entre le frère et la sœur qui
1096 longue conversation entre le frère et la sœur qui s’ aiment, dans leur jardin où choit sans fin du haut des arbres sur le v
1097 nt apparus et ont grandi l’un après l’autre, pour s’ évanouir ensuite comme des îles dépassées, ce Jardin clos serait l’Ith
1098 erre inconnue pour la littérature occidentale. Il se peut que Musil, à son insu, l’ait approchée plus que nul autre. Je si
1099 , l’autre l’ignorant parfaitement ; tous les deux s’ achevant sur un échec tragique, et condamnant implicitement la société
1100 iste des best-sellers américains, ces deux romans se disputent depuis des mois la première place. Il peut sembler d’ailleu
1101 c deux romans de l’amour-passion. Dira-t-on qu’il s’ agit d’un refoulement ? Ou simplement que les questions posées suggéra
1102 jet d’une polémique mondiale où l’URSS et l’Ouest s’ affrontent une fois de plus, pour des raisons, d’ailleurs, qui ne sont
1103 insultes officielles. Dans le concert mondial qui s’ ensuit, hommages en Occident, outrages en URSS et lettres de cosaques
1104 t premières pages du roman, je me disais : — Tout se passe comme si cet homme était retenu dans son pays par une passion s
1105 e passion secrète et sans doute interdite ; comme s’ il préférait tout, y compris le reniement, à se voir séparé de l’objet
1106 me s’il préférait tout, y compris le reniement, à se voir séparé de l’objet de son amour, dût-il vivre auprès de lui dans
1107 Jivago la retrouve beaucoup plus tard. Leur amour se déclare. Liaison clandestine. Ils sont de nouveau séparés par les pér
1108 dans une maison perdue au fond des bois où Jivago se cache, traqué par la nouvelle police d’un régime qu’il a pourtant ser
1109 t caché. Il épouse sans amour une jeune fille qui s’ occupait de son ménage, puis la quitte et meurt dans la foule. Inexpli
1110 tous les moments de la Légende transparaissent et se recomposent l’un après l’autre, avec une mystérieuse précision. Iseut
1111 mélodie » renouvelée du Tristan de Wagner. Jivago s’ adresse à Lara, dans leur retraite forestière : … Disons adieu à nos
1112 ais jeté dans mon âme, à ce rayon qui, peu à peu, s’ obscurcissait, à cette musique qui s’estompait, qui s’est fondue avec
1113 , peu à peu, s’obscurcissait, à cette musique qui s’ estompait, qui s’est fondue avec mon existence même, qui est devenue l
1114 scurcissait, à cette musique qui s’estompait, qui s’ est fondue avec mon existence même, qui est devenue la clé de toutes l
1115 ormé en politique ». Une fois de plus, la passion se révèle d’abord comme une protestation contre la société : Plus encor
1116 Ils faisaient exception… le souffle de la passion se posait sur leur existence condamnée… Mais qui est Lara ? En la perda
1117 société, d’un paysage de l’âme, ou d’une femme ?) se fond dans une identité lyrique : Au fait, qu’était-elle donc pour lu
1118 te mère glorieuse, incomparable, dont la renommée s’ étend au-delà des mers, cette martyre, têtue, extravagante, exaltée, a
1119 a et de la Russie est expressément déclarée, tout s’ éclaire de ce qui vient de se passer dans la vie de Boris Pasternak. S
1120 ément déclarée, tout s’éclaire de ce qui vient de se passer dans la vie de Boris Pasternak. Sa lettre au Maître du Kremlin
1121 médie… V. Passion et Société Toute passion se nourrit de négation, parce qu’elle assume et souffre l’exception, au
1122 oler le sacré féodal, devient traître et félon et se voit exilé de la communauté des preux, non point parce qu’il approuve
1123 mants, poètes, mystiques et créateurs, voudraient se maintenir une fois qu’ils l’ont connu, tout en sachant que l’on ne pe
1124 x. La passion amoureuse est, de toutes, celle qui se prête le mieux au récit. La sexualité pure et l’amour du prochain ne
1125 roman trouve les meilleures chances à la fois de se déclarer et de propager sa contagion. Il y a plus. La nature des inte
1126 bérale ou relâchée, ou décadente : là, l’obstacle s’ intériorise, l’action devient introspection, et l’intrigue aventure sp
1127 sociaux. J’y ai fait allusion à propos de Musil. S’ il est vrai que la passion cherche l’inaccessible, et s’il est vrai qu
1128 st vrai que la passion cherche l’inaccessible, et s’ il est vrai que l’Autre en tant que tel reste aux yeux d’un amour exig
1129 e et agressive dans Gottfried de Strasbourg, dont s’ inspira Wagner. 75. « Je ne suis nullement intéressé par ce qu’on app
1130 hilippe Jaccottet (4 volumes, Éditions du Seuil), s’ intitule : L’Homme sans qualités. 77. Ailleurs, Musil revient sur ce
45 1959, Preuves, articles (1951–1968). Sur une phrase du « Bloc-notes » (mars 1959)
1131 ier m’apprend que de Gaulle « à ce qu’il paraît » s’ est bien conduit pendant la Résistance, quoi qu’il ne fût pas communis
1132 rs wagons et leurs avions, si elles décidaient de se battre, elles ne pourraient plus le faire qu’à coups de bâtons et de
1133 is de vos lecteurs ? À supposer que cette réunion s’ opère un jour, en dépit de vos craintes et de celles de Khrouchtchev,
1134 nt d’en croire ses yeux, souffrant visiblement de se sentir « exclu » de cet univers merveilleux, il gémit : « Que ne donn
1135 ont « couvert » — comme ils disent curieusement, s’ agissant au contraire de faire voir, d’exhiber — les exécutions qui on
1136 nt une forêt de micros. Autour de la clairière où se tiennent les prisonniers, aveuglés par les flashes, rôdent les chasse
1137 és humaines obéissant chacun à sa logique propre, se croisent en ce point de scandale absolu. Il y a d’une part la lutte d
1138 rs les plus paisibles. Mais à l’instant précis où se croisent les deux séries, tout devient d’un seul coup absurde et révo
1139 , par la coïncidence absurde de deux « sens » qui se détruisent en se touchant. Fidel Castro ni l’honneur de Cuba ne sont
1140 nce absurde de deux « sens » qui se détruisent en se touchant. Fidel Castro ni l’honneur de Cuba ne sont en cause. Mais bi
46 1959, Preuves, articles (1951–1968). Rudolf Kassner et la grandeur (juin 1959)
1141 r, la seule littérature digne du nom ; et l’on ne s’ étonnera pas que Kassner soit resté, jusqu’ici, le moins connu d’entre
1142 ances « artistes » ou des clichés philosophiques, s’ exerçaient en vertu d’une réflexion passionnément originale. Et je ten
1143 ité. J’écrivais : Dans la mesure même où Kassner se montre disciple de Kierkegaard, sa pensée paraît réfractaire à toute
1144 valeurs vitales (problème que notre xviie siècle se devait de ne pas poser). L’homme antique peut atteindre la grandeur p
1145 d. Grand pour la loi, grand pour le Tout. » Il ne se recherche pas soi-même, il vise à la plénitude élémentaire, définie p
1146 t lorsqu’il « veut prendre mesure de lui-même, il se sent aussitôt incomplet et coupable. Il est donc possible de dire que
1147 l’homme moderne, l’homme sans mesure naturelle : s’ il ne retrouve pas de loi interne et de tension par le péché, il n’est
1148 itaire. Entendons que, pour lui, penser n’est pas se débattre dans ses contradictions personnelles, parlementarisme intéri
1149 rivée, est tourmentée.) Penser n’est pas non plus s’ ingénier sur des idées et des combinaisons d’idées : mais créer de tou
1150 ascinante ? De cela sans doute que Rudolf Kassner se garde bien de poser les problèmes dans nos catégories psychologiques.
1151 pourrait dire aussi que l’indiscret est celui qui se préoccupe de défendre plutôt que d’illustrer. Ainsi, selon Kierkegaar
1152 r. Ainsi, selon Kierkegaard, le premier homme qui s’ avisa de défendre la religion mériterait-il d’être appelé Judas numéro
1153 ait-il d’être appelé Judas numéro deux. Car il ne s’ agit pas de professer une chose mais d’être la chose. Le rare, c’est q
1154 z Kassner, comme chez Kierkegaard, cette présence s’ accommode d’une ironie qui chez d’autres serait plutôt le fait du déta
1155 ils profèrent ; ils les reçoivent des prophètes ; s’ il n’y avait pas de prophètes, les bavards seraient peut-être des créa
1156 , qu’une intention profondément délibérée. Car il s’ agit ici d’une maïeutique, s’exerçant sur les mythes de l’âme. Je parl
1157 nt délibérée. Car il s’agit ici d’une maïeutique, s’ exerçant sur les mythes de l’âme. Je parlais tout à l’heure d’ellipses
1158 rsonne, générateur de l’Occident. Problème ambigu s’ il en fut, et qui échappe par définition à la pensée systématique et d
1159 oésie, c’est-à-dire d’âme, inadéquats sans doute, s’ agissant de l’Esprit… « La faculté principale de l’âme est de comparer
1160 vions espérer qu’après une grande lecture. Ainsi s’ opposent et se comparent, dans ses dialogues, mesure antique et démesu
1161 qu’après une grande lecture. Ainsi s’opposent et se comparent, dans ses dialogues, mesure antique et démesure moderne, ou
1162 oncepts ; sans conclusion. Mais l’angle de vision s’ est imposé. Et l’imagination, irrésistiblement, s’oriente vers le myst
1163 s’est imposé. Et l’imagination, irrésistiblement, s’ oriente vers le mystère crucial. S’agirait-il d’une théologie ? Kassne
1164 ésistiblement, s’oriente vers le mystère crucial. S’ agirait-il d’une théologie ? Kassner veut voir. D’une gnose, alors ? O
1165 ésie ? Très certainement. Mais encore faudrait-il s’ entendre sur le sens authentique de ce mot. Disons, pour couper court
1166 à de longs développements, que ceux-là seuls qui se font de la poésie une idée finalement plus favorable au Livre de Job
1167 t comporter quelque cérémonial : seul devant lui, se taire longtemps après une seule question qu’il eût posée, une seule s
1168 s sont toujours en tension dialectique — du moins s’ ils comptent ? Nos trop rares entretiens m’ont appris sur Kassner cela
1169 gures touchantes, excentriques ou typiques, qu’il se divertissait à évoquer d’un seul trait fortement appuyé — et l’on dev
1170 ttise ou, même en bavardant, une platitude. Qu’il s’ agisse de ses pages les plus denses ou des anecdotes qu’il contait ave
1171 e le temps passe, auxquelles Kassner recourt pour se différencier de celui que, pourtant, il ne cesse de tenir pour l’un d
1172 ans ses papiers posthumes bien d’autres notes qui s’ y rapportent. L’essai porte un titre curieux : Rilke, le zen et moi 85
1173 i, sans le voir, l’atteint. Dans les deux cas, il s’ agit du concept, de l’idée et de l’existence de l’Infini, dès que la p
1174 e la parole cesse d’être une simple coque ; et il s’ agit aussi de l’union ultime du But et du Sens. Si je m’en tiens à cet
1175 amais voulu donner un enseignement bouddhiste, ni se présenter après coup « comme un extravagant maître du zen » ! Il n’a
1176 ensée physiognomonique, c’est que l’un et l’autre se soucient davantage de limites que de causes. Et cette notion de limit
1177 r, deviens Vin. Ici, dit-il, plus de théâtre… Il s’ agit de limites, d’abîme, de centre et d’absence de centre. Il s’agit
1178 es, d’abîme, de centre et d’absence de centre. Il s’ agit également de la limite entre existence et poésie, ou de la poésie
1179 puéril Qu’enfin, submergé par son gain Celui qui s’ est approché des lointains Sera ce que son vol solitaire a conquis.
1180 vement immobile, danse sans danse, le tir à l’arc se fond dans le zen. Mais voici le plus remarquable. Il semble que Kass
1181 ici le plus remarquable. Il semble que Kassner ne se soit pas souvenu d’avoir écrit lui-même dans ses Proverbes du yogi 89
1182 ce philosophe allemand qui est allé au Japon pour s’ initier au zen en s’entraînant au tir à l’arc. Vos flèches manquent d
1183 nd qui est allé au Japon pour s’initier au zen en s’ entraînant au tir à l’arc. Vos flèches manquent de portée (fait remar
1184 e déterminée ; elle ne connaît que le but, qui ne s’ atteint d’aucune manière technique, et si elle lui donne un nom, ce se
1185 ni l’autre ? Toutes ces choses, arc, flèche, moi, s’ amalgament tellement que je ne suis plus capable de les séparer… Le Ma
1186 toujours ailleurs, au tout unique, à l’infini, où se rejoignent d’un seul coup, dans l’illumination de la vision (dirait K
1187 eus de lui, et dans laquelle il semble bien qu’il se soit finalement reconnu. J’ai dit que l’image d’un maître zen m’était
1188 n’admettait au monde que les boucles : Mon oncle s’ agitait tout particulièrement et s’abandonnait à de sombres pensées lo
1189 s : Mon oncle s’agitait tout particulièrement et s’ abandonnait à de sombres pensées lorsqu’il lui arrivait de parler de q
1190 el, pas de cérémonies ! » Il aime qu’on arrive et s’ en aille à l’improviste, que les récits soient brefs — surtout pas d’a
1191 monies » ; de saluer, de parler, d’écouter, et de s’ en aller sans bavures. 83. Kassner s’obligeait à marcher sur ses cann
1192 uter, et de s’en aller sans bavures. 83. Kassner s’ obligeait à marcher sur ses cannes plusieurs heures par jour : « Depui
1193 nbildungskraft par imagination : chez Kassner, il s’ agit d’une force, de la vraie force créatrice, de l’acte même qui reli
47 1959, Preuves, articles (1951–1968). Sur un chassé-croisé d’idéaux et de faits (novembre 1959)
1194 ue l’Occident », il voulut étudier nos secrets et s’ engagea comme ouvrier aux chantiers maritimes de Saardam. Aujourd’hui,
1195 st pas en apprenti mais bien en chef d’État qu’il s’ en va discourir devant les grands seigneurs du capitalisme yankee. Ce
1196 ands seigneurs du capitalisme yankee. Ce tsar qui se fait ouvrier, cet ouvrier qui s’est fait tsar poursuivent la même pol
1197 kee. Ce tsar qui se fait ouvrier, cet ouvrier qui s’ est fait tsar poursuivent la même politique russe, par des moyens qu’i
1198 rand admirait l’Occident. En voulant l’imiter, il se haussait vers lui et souhaitait le dépasser dans son sens. Voilà qui
1199 ose que les Russes vont mieux faire, mais de quoi s’ agit-il au fait ? De la puissance politique planétaire ? Mais les État
1200 est dans le sens de l’Histoire, doive aujourd’hui se donner pour but de le rattraper ? En d’autres termes, comment expliqu
1201 d’autres termes, comment expliquer que le Progrès se donne pour but de rattraper la Réaction ? De « faire mieux » que cett
1202 uropéenne, voire du « capitalisme » américain. K. se contente d’affirmer que le communisme atteindra mieux que le capitali
1203 e et scandinave, ou de l’american way of life. K. se borne à proclamer que les Russes atteindront ces buts plus vite que l
1204 e au même but ! Avouez qu’il n’y a pas là de quoi se battre… À ceux qui croyaient voir quelque contradiction entre la poli
1205 rférence dans les affaires intérieures du voisin, s’ en remettre à la « compétition pacifique » pour résoudre tous les conf
1206 c’est de cesser de nous demander avec inquiétude s’ il va nous séduire… et de redevenir enfin le peuple confiant et résolu
1207 Lippmann, comme la plupart de nos intellectuels, se dit en somme : — Nous n’avons plus de grande idée, eux en ont une. No
1208 méricains, de l’espèce de victoire que les Russes se promettent ? Puisque leur grande idée se réduit aujourd’hui à « faire
1209 s Russes se promettent ? Puisque leur grande idée se réduit aujourd’hui à « faire mieux » que vous et à vous dépasser dans
1210 mmaire de la Loi qui régira l’ennui futur et fera s’ endormir l’Histoire ? Ni Khrouchtchev ni Lippmann n’ont parlé de liber
1211 yage de K. en Amérique, on pouvait et l’on devait s’ attendre à ce qui s’est passé en effet : la rencontre de deux groupes
1212 ue, on pouvait et l’on devait s’attendre à ce qui s’ est passé en effet : la rencontre de deux groupes de complexes qui d’a
1213 encontre de deux groupes de complexes qui d’abord se repoussent, se provoquent et se cherchent, puis s’accrochent brutalem
1214 x groupes de complexes qui d’abord se repoussent, se provoquent et se cherchent, puis s’accrochent brutalement à deux ou t
1215 lexes qui d’abord se repoussent, se provoquent et se cherchent, puis s’accrochent brutalement à deux ou trois reprises, ma
1216 e repoussent, se provoquent et se cherchent, puis s’ accrochent brutalement à deux ou trois reprises, mais aussitôt après c
1217 trois reprises, mais aussitôt après commencent à se détendre, à se dénouer sans que l’on sache trop ce qui arrive, laissa
1218 , mais aussitôt après commencent à se détendre, à se dénouer sans que l’on sache trop ce qui arrive, laissant poindre une
1219 , les fermiers l’écoutent, lui serrent la main ou se font taper sur le ventre, on dirait qu’ils s’inquiètent de ne plus sa
1220 ou se font taper sur le ventre, on dirait qu’ils s’ inquiètent de ne plus savoir pourquoi c’était tout à l’heure impensabl
1221 ourquoi c’était tout à l’heure impensable… Que K. se soit assez bien entendu avec les grands capitalistes, mais au plus ma
1222 n du paysan qui revient de la ville et raconte en se tapant sur la cuisse comment « ils » sont là-bas, étonnants et risibl
1223 eux contradictions flagrantes et polaires peuvent se ramener à deux égalités, par une sorte de court-circuit ; que l’Idéal
1224 ature, bien que provisoirement en concurrence. Il se peut que les Américains tiennent davantage à conformer leur politique
1225 est certain que ces deux peuples sont destinés à se ressembler de plus en plus, dans toute la mesure où ils se rapprocher
1226 bler de plus en plus, dans toute la mesure où ils se rapprocheront de leurs buts, dans la mesure donc où l’URSS rattrapera
1227 e Terre, non dans la Lune.)   Les grandes masses se dessinent. — Le voyage de Khrouchtchev a certainement donné des résul
1228 es images concrètes de la Russie et de l’Amérique se sont rapprochées, plus puissantes et plus efficaces que les oppositio
1229 des grandes masses qui font l’histoire du siècle s’ est précisée. Amérique du Nord, Russie, Chine, sans cesse nommées, num
1230 osait ici même la question que tout Européen doit se poser désormais, la question de l’absence de l’Europe aux lieux où se
1231 la question de l’absence de l’Europe aux lieux où se discute son sort et le sort d’un monde né de ses œuvres. J’enchaînera
48 1960, Preuves, articles (1951–1968). Sur la détente et les intellectuels (mars 1960)
1232 étente politique, une détente intellectuelle doit s’ ensuivre. Il faut avouer que le voyage de Khrouchtchev en Amérique a p
1233 vant », il y a dix ans, la liberté, mais qui doit se replier aujourd’hui « sur le terrain de la vie intérieure ». Au contr
1234 ependant, selon l’auteur du Dégel, il convient de s’ opposer à la publication en URSS d’ouvrages de caractère « idéologique
1235 e aient changé. J’essaierai patiemment, pesamment s’ il le faut, de définir en termes clairs et simples ce qu’étaient ces d
1236 une volonté de guerre chaude. Inutile de demander s’ ils y croyaient : ils avaient à le dire et c’est tout. Or, si nous nou
1237 dans leur langage et leurs catégories. Pour eux, s’ écriait alors Guido Piovene93, « l’homme de culture a sa place dans la
1238 te idéologique n’est plus la guerre, si celui qui s’ oppose n’est plus un belliciste, la première donnée du dialogue est re
1239 on. La lutte idéologique, à l’en croire, cesse de s’ opposer à la paix dans la mesure où elle cesse d’être une lutte. Ehren
1240 lutte. Ehrenbourg est pour les échanges, comme il se doit. Mais au lieu de traduire Pasternak, nous dit-il (hélas ! interd
49 1960, Preuves, articles (1951–1968). Les incidences du progrès sur les libertés (août 1960)
1241 ulture. Vous verrez à quel point ces trois termes s’ appellent et s’impliquent mutuellement. Nous sommes donc d’abord un Co
1242 rrez à quel point ces trois termes s’appellent et s’ impliquent mutuellement. Nous sommes donc d’abord un Congrès — un cong
1243 s un simple rassemblement d’hommes de culture qui se veulent à la fois libres et responsables devant eux-mêmes et devant l
1244 rence à Berlin, il y a dix ans, ils décidèrent de se grouper afin de créer ainsi, en cas d’urgence et au service des liber
1245 fficace. Mais aussi, ils éprouvèrent le besoin de se grouper pour dialoguer et réfléchir ensemble sur les immenses problèm
1246 oints de vue, et à l’échelle mondiale. Le Congrès s’ est donc adressé aux intellectuels du monde entier et il leur a dit :
1247 té perd un de ses points d’appui, et la dictature s’ avance aussitôt pour l’occuper. C’est ici qu’intervient la Culture, ou
1248 ées et les actes, maintenir une tradition où l’on se sente chez soi. C’est donc d’abord permettre à l’homme de se situer à
1249 ez soi. C’est donc d’abord permettre à l’homme de se situer à sa place dans le monde, et dans un monde qu’il approuve et d
1250 e révolte sont aussi des besoins vitaux. Et alors se révèle l’autre aspect de la culture, qui n’est plus seulement transmi
1251 s seulement transmission mais critique et rupture s’ il le faut ; qui n’est plus seulement initiation mais invention. Ces d
1252 dangereux pour l’homme et pour sa liberté réelle, s’ ils restent séparés, isolés l’un de l’autre. En revanche, équilibrées
1253 quées, la pensée et l’action en somme, cessent de se ridiculiser mutuellement, comme c’est le cas dans trop de nos vies, e
1254 corps et de l’intellect (d’où la technique) dont s’ occupe surtout l’Occident ; — celles de l’âme vitale que l’Afrique a l
1255 tre Congrès, tel qu’il est devenu depuis dix ans, s’ élargissant progressivement aux dimensions du monde entier, est désorm
1256 u’un jour il n’y a plus rien d’autre à faire qu’à se jeter à mains nues contre les tanks, symboles écrasants de la politiq
1257 lle seule nous conduit à nos fins. Car la liberté se concrétise dans l’augmentation continuelle des possibilités, pour cha
1258 s résultats d’un régime ou d’une institution, que se mesure en fin de compte le degré de liberté atteint par l’homme dans
50 1961, Preuves, articles (1951–1968). Dialectique des mythes : Le carrefour fabuleux (I) (avril 1961)
1259 e ne fréquente ce lieu, sauf un petit insecte qui se hâte, lente festinans… Nul ne hante ces routes, hormis le vent dont o
1260 on Juan de la connaissance », jusqu’au jour où il s’ arrête, « cloué », sur le seuil d’une Éternité en laquelle il découvre
1261 enclos fatal » n’est pas loin, mais en même temps s’ ouvrent des avenues… Ces carrefours « qu’aucune carte n’indique » sont
1262 ’après-midi, tantôt cette allée assombrie, et qui s’ anime au gré d’un vent soudain, dont on ne sait ni d’où il vient ni où
1263 eland, un soir d’été, que les convives du Banquet se réunissent devant le seuil d’un pavillon de chasse. Les portes s’ouv
1264 ant le seuil d’un pavillon de chasse. Les portes s’ ouvrirent à deux battants ; l’éclairage étincelant, la fraîcheur se dé
1265 x battants ; l’éclairage étincelant, la fraîcheur se déversant à flots, la séduction fascinante des parfums, et le goût im
1266 e attaquait la musique du ballet de Don Juan, ils se sentirent transfigurés, et comme frappés de respect pour un esprit in
1267 frappés de respect pour un esprit invisible, ils s’ arrêtèrent un instant, semblables à celui que l’enthousiasme a réveill
1268 trier de mon bonheur ! Car en vérité, cette pièce s’ est emparée de moi d’une façon si diabolique que je ne pourrai plus ja
1269 alité existentielle. La vie réelle de Kierkegaard s’ est qualifiée par son refus du mythe de Don Juan, tentation permanente
1270 e de traduire sa spontanéité. La musique seule va s’ y prêter. Car elle est un langage des sens, mais le sens de l’ouïe plu
1271 lu de ce désir, triomphe auquel il serait vain de s’ opposer. Si d’aventure la pensée s’attarde à l’obstacle, celui-ci tire
1272 serait vain de s’opposer. Si d’aventure la pensée s’ attarde à l’obstacle, celui-ci tire son importance d’exciter la passio
1273 son importance d’exciter la passion plutôt que de s’ y opposer réellement ; la jouissance en est accrue, la victoire est ce
1274 une pierre qui ricoche à la surface de l’eau, il s’ enfonce instantanément dans l’abîme du néant, après le dernier ricoche
1275 sa volonté d’être séduite… C’est pourquoi elle ne se fâche jamais contre son séducteur, du moins s’il l’a vraiment séduite
1276 ne se fâche jamais contre son séducteur, du moins s’ il l’a vraiment séduite ».97 L’érotisme de Don Juan s’oppose à l’Éros
1277 l’a vraiment séduite ».97 L’érotisme de Don Juan s’ oppose à l’Éros antique, qui était psychique et non sensuel, « et c’es
1278 te pudeur qui caractérise tout amour grec »98. Il s’ oppose plus encore à l’amour courtois, essentiellement fidèle. « L’amo
1279 seule chose… et aussitôt tout est fini, puis cela se répète à l’infini. » Sans passé, sans mémoire (il lui faut le Catalog
1280 ns lendemain et sans nostalgie, il court, vole et se réjouit, jusqu’à ce qu’il butte contre « la pierre d’achoppement », l
1281 proprement musicale est stupéfiante, Kierkegaard se disant lui-même un « amateur » sans aucune compétence technique)101 r
1282 t le définit mieux que personne ; du même coup il se définit, contre lui mais non pas sans lui. Il ne conçoit que deux man
1283 este son secret dernier. Le mariage étant écarté, s’ il choisit d’être anachorète, le séducteur devient son mythe. Don Juan
1284 . Elle est ce qu’il saurait être, exemplairement, s’ il n’était pas ce qu’il subit et souffre, et s’efforce de dépasser ver
1285 t, s’il n’était pas ce qu’il subit et souffre, et s’ efforce de dépasser vers l’absolu, vers ce qu’il veut devenir selon l’
1286 spontanés, le mariage est une décision ; vouloir se marier, cela veut dire que ce qu’il y a de plus spontané doit être en
1287 evient énigmatique dans la mesure même où il a su se rendre perceptible… Ce qui se passe entre Kierkegaard et sa fiancée s
1288 ure même où il a su se rendre perceptible… Ce qui se passe entre Kierkegaard et sa fiancée semble relever d’une structure
1289 x le mariage. Par amour pour Régine, il doit donc s’ éloigner, bien qu’il ne cesse de s’adresser à elle sous le couvert de
1290 , il doit donc s’éloigner, bien qu’il ne cesse de s’ adresser à elle sous le couvert de ses pseudonymes, et de lui dédier t
1291 ndra cette contradiction de la douleur : ne point se révéler, et faire mourir l’amour ; se révéler, et faire mourir l’aimé
1292  : ne point se révéler, et faire mourir l’amour ; se révéler, et faire mourir l’aimée ? »104 Tenter d’établir, en ce poin
1293 inclination amoureuse ne la méprise et ne préfère se fier à elle-même plutôt que de se livrer aux directives d’un tel faux
1294 e et ne préfère se fier à elle-même plutôt que de se livrer aux directives d’un tel faux savant. La spontanéité de l’incli
1295 que la personne de Kierkegaard est ce système qui se définit par la mise en tension et l’interdépendance de trois réalités
1296 i monte la garde aux frontières, est-il permis de se marier ? Un tel soldat ose-t-il — ceci soit dit dans un sens spiritue
1297 ose-t-il — ceci soit dit dans un sens spirituel — se marier, s’il doit jour et nuit se battre non pas contre les Tartares
1298 ceci soit dit dans un sens spirituel — se marier, s’ il doit jour et nuit se battre non pas contre les Tartares et les Scyt
1299 ens spirituel — se marier, s’il doit jour et nuit se battre non pas contre les Tartares et les Scythes, mais contre les ho
1300 qui l’a ainsi enthousiasmé, il aurait dû pourtant s’ unir pour la vie. Mais l’existence l’énonce autrement. Tout cela signi
1301 puisse penser. Et plus loin : Regardons ce qui se passe dans l’amour, quoiqu’il ne rende qu’imparfaitement la situation
1302 que veut aussi l’amour, ainsi ces deux puissances s’ entendent dans la passion de l’instant, et cette puissance est justeme
1303 nne. Elle est d’abord une forme d’existence. Elle s’ illustre dans les relations malheureuses — mais spirituellement créatr
1304 t déjà, durant les fiançailles, il lui écrit pour s’ excuser d’un rendez-vous manqué : il est allé tout seul à la campagne,
1305 jour-là, « à Fredensborg où souvenir et nostalgie s’ embrassent. C’est ce moment que j’aime tant ». Et il ajoute que lorsqu
1306 t alors seulement que nous sommes unis ».) Régine s’ est mariée ailleurs. Le dernier appel qu’il ait tenté de lui adresser
1307 i ! — ne l’a pas atteinte. Une dernière fois, ils se sont rencontrés, mais par hasard, dans la rue. Elle l’a salué, et il
1308 t il a répondu à son salut, mais ils n’ont pas pu se parler. C’était le 17 mars 1855, à la veille du départ de Régine pour
1309 le », mais dans l’égalité de tous devant Dieu. On s’ étonne : cet amour général, impersonnel, et qu’on pourrait confondre a
1310 on de l’esprit en tout homme. Seul donc celui qui s’ est connu et accepté en tant qu’esprit, celui qui de la sorte se trouv
1311 c’était Régine ! Plus tard, le concept d’individu s’ universalise (paradoxalement !) et s’approfondit. Il est la signature
1312 t d’individu s’universalise (paradoxalement !) et s’ approfondit. Il est la signature de l’homme spirituel, distingué dans
1313 e j’appelle la personne. Finalement, cet Individu s’ exemplifie dans le destin, ou pour mieux dire la vocation exceptionnel
1314 le furent point ; bien plus, on ne pourrait même se les imaginer mariés. Un philosophe marié a sa place dans la comédie,
1315 t Socrate, seule exception, le malicieux Socrate, s’ est semble-t-il marié par ironie, précisément pour démontrer la vérité
1316 tu le regretteras », disait Socrate. « Celui qui se marie fait bien, mais celui qui ne se marie pas fait mieux », disait
1317 « Celui qui se marie fait bien, mais celui qui ne se marie pas fait mieux », disait saint Paul, parlant en tant que Spirit
1318 e c’est par la femme aimée de passion que l’homme s’ élève, à condition cependant qu’il ne l’épouse pas. Dans ses moments d
1319 rise des instincts : La civilisation d’un peuple se manifeste dans l’unité disciplinée des instincts de ce peuple : la ph
1320 e honte, dissocier et disperser ses forces, enfin s’ affaiblir et se déprimer physiquement et psychiquement !) Nietzsche en
1321 ier et disperser ses forces, enfin s’affaiblir et se déprimer physiquement et psychiquement !) Nietzsche en vient à découv
1322 ence d’un instinct, c’est au fond un instinct qui se plaint d’un autre instinct. »114 Passage capital pour mon propos ! C
1323 ! Ce que Nietzsche y appelle « instincts rivaux » se ramène en fait à deux possibilités ou puissances rivales en l’homme :
1324 e mythe en général « le but réel de la science », s’ il est vrai que « la cause finale de la science est de rendre l’existe
1325 allures aux rythmes des danses dithyrambiques, de s’ abandonner impunément à un sentiment orgiastique de liberté auquel, en
1326 que musique en soi, il lui serait interdit d’oser se livrer avec une telle licence, sans la sauvegarde de cette illusion.
1327 ous afin de pouvoir vivre avec nous-mêmes ! » Que s’ est-il passé entre-temps ? Sur la scène tout au moins — et l’on veut d
1328 ce que Nietzsche exprime consciemment —, Tristan s’ est évanoui et Don Juan domine tout. Wagner n’est plus « mon noble com
1329 hilosophe, en tant qu’amant de la « Sagesse » qui se croit devenu Don Juan, et qui se définit comme tel ! Les philosophes
1330 « Sagesse » qui se croit devenu Don Juan, et qui se définit comme tel ! Les philosophes de l’avenir réclameront le titre
1331 comme tout ce qu’il a connu ! Alors il lui faudra s’ arrêter pour toute l’éternité, cloué à la déception et devenu lui-même
1332 ore, il arrive que le Don Juan de la connaissance s’ interroge, et cela n’est pas dans le droit fil du personnage. Ou bien
1333 ous aussi, des amants malheureux. La connaissance s’ est transformée chez nous en passion qui ne s’effraie d’aucun sacrific
1334 nce s’est transformée chez nous en passion qui ne s’ effraie d’aucun sacrifice et n’a, au fond, qu’une seule crainte, celle
1335 e et n’a, au fond, qu’une seule crainte, celle de s’ éteindre elle-même… Mais la passion de la connaissance peut faire pér
1336 si, est sans puissance sur nous. Le christianisme s’ est-il donc effrayé d’idées semblables ? La passion et la mort ne sont
1337 a vérité secrète de son pire Adversaire. Qui sait s’ il ne va pas l’aimer ?   Dans la seconde partie d’Ainsi parlait Zarath
1338 ns la seconde partie d’Ainsi parlait Zarathoustra se produit le coup de théâtre préparé par ces quelques accords dissonant
1339 ietzsche lui-même. Le dernier aphorisme d’Aurore se termine ainsi : Où voulons-nous aller ? Voulons-nous donc franchir l
1340 ù jusqu’à présent tous les soleils déclinèrent et s’ éteignirent ? Dira-t-on peut-être un jour de nous que, nous aussi, gou
1341 — Dans Ecce Homo, Nietzsche commente : Ce livre se termine par un « Ou bien ? » — c’est le seul livre au monde qui finis
1342 à l’esbrouffe mais très superstitieux. Enfin, il se contente de conquêtes faciles. (Mais je ne sais où l’on prend que Don
1343 rchent tous deux l’absolu, et que le héros unique s’ appelle Faust quand il demande cet absolu à la science, Don Juan quand
51 1961, Preuves, articles (1951–1968). Dialectique des mythes : Le carrefour fabuleux (II) (mai 1961)
1344 dis que dans un être unique et possédé à l’infini se concentre le monde entier. Tristan n’a plus besoin du monde — parce q
1345 emportée la victoire, il abandonne le terrain, et s’ enfuit. Or la règle de l’amour courtois faisait du viol précisément le
1346 l’hommage un engagement jusqu’à la mort. Don Juan se rend donc tributaire de la morale dont il abuse. Il a grand besoin qu
1347 iste pour trouver goût à la violer. Tristan, lui, se voit libéré du jeu des règles, des péchés et des vertus, par la grâce
1348 rtu qui transcende le monde de la Loi. Enfin tout se ramène à cette opposition : Don Juan est le démon de l’immanence pure
1349 our et de la nuit, le martyr d’un ravissement qui se mue en joie pure à la mort. On peut noter encore ceci : Don Juan plai
1350 our. Mais ce lien de genèse réciproque ne saurait s’ exprimer de la même manière en termes d’histoire, d’éthique, ou de psy
1351 Juan ne remonte guère qu’à la Renaissance, et ne s’ est vraiment constituée qu’à la faveur du refoulement temporaire de la
1352 mopolite au féodal. Si Tristan quitte ses terres, s’ éloigne de la Cour, son « errance » traduit dans l’espace la Quête ou
1353 r de la passion mortelle vers le milieu du xixe , s’ il est d’abord le fait du romantisme, ne coïncide point par hasard ave
1354 nt, dit le mot, révèle, et disparaît. Don Ottavio s’ indigne au nom de la morale, mais le paysan Mazetto semble savoir un p
1355 quement adolescent, et comme indépendant du sexe. S’ il réussit à se fixer sur un seul être, sans obstacles insurmontables,
1356 ent, et comme indépendant du sexe. S’il réussit à se fixer sur un seul être, sans obstacles insurmontables, il conduit nor
1357 ental. Supposons que la synthèse des trois termes s’ opère, et qu’il en résulte un vrai couple. Cela signifie qu’au sein de
1358 sont généralement de nature sociale : ou bien il s’ exalte et les nie — ou bien il renonce et les hait. Bientôt aimanté pa
1359 une nouvelle énergie, ou des raisons nouvelles de se renier. C’est alors que les mythes s’emparent de lui. Dans les deux c
1360 ouvelles de se renier. C’est alors que les mythes s’ emparent de lui. Dans les deux cas, le mariage est condamné : puisqu’i
1361 ale et la société prononcent alors leurs décrets. S’ ils suffisent à maintenir l’équilibre du couple, le mythanalyste se ta
1362 maintenir l’équilibre du couple, le mythanalyste se tait. S’ils conduisent au divorce ou à l’électrochoc, il demande à êt
1363 r l’équilibre du couple, le mythanalyste se tait. S’ ils conduisent au divorce ou à l’électrochoc, il demande à être écouté
1364 invisibles du drame toujours latent qui vient de se déclarer.   Il fallait donc d’abord préciser le contraste des deux my
1365 n, tout pronostic sur son évolution, devront donc s’ établir sur cette base. Il en va de même pour une vie personnelle cons
1366 ’est sous la forme d’une alternative que le drame s’ impose, qu’il est vécu, et que la morale formule ses exigences. Or, on
1367 aissance des fins auxquelles chacun de ses termes s’ ordonne et nous incline, selon sa loi. Mais il se peut aussi qu’une fo
1368 s’ordonne et nous incline, selon sa loi. Mais il se peut aussi qu’une fois ces fins reconnues, on les découvre essentiell
1369 e serait plus alors d’un dilemme à trancher qu’il s’ agirait, mais d’une tension à restaurer dans son équilibre vital… S
1370 u plutôt deux tempéraments qui ne pourront jamais s’ y accommoder. L’un exige l’intensité toujours accrue, l’autre l’excita
1371 a transcender la durée, l’autre en faire fi. L’un se voudra Tristan, l’autre Don Juan. Don Juan nous chante qu’il n’est he
1372 mortellement à celui qui ne l’aura pas « prise », s’ étant contenté de la « goûter ». Dona Anna poursuit Don Juan de sa hai
1373 e — c’est Tristan qui a raison contre le mariage. S’ il n’est pas d’autre vie ni d’autre réalité qu’historique, matérielle
1374 ’activité dont ses chromosomes sont porteurs) qui se met à fabriquer le virus disparu — jusqu’à ce qu’elle meure par éclat
1375 clatement, infectant les cellules voisines. Ainsi se propage la contagion dans un organe. Mais après tout, qu’est-ce qu’un
1376 e sa nocivité. (Notons aussi que le virus ne peut se propager et se reproduire qu’aux dépens de cellules vivantes : sans e
1377 (Notons aussi que le virus ne peut se propager et se reproduire qu’aux dépens de cellules vivantes : sans elles, il ne peu
1378 tif. Cette analogie biologique n’explique pas, on s’ en doute, la nature en soi de nos mythes, qui sont phénomènes de l’âme
1379 i refuser l’hypothèse que les agents « morbides » se comportent eux aussi d’une manière formellement analogue, quel que so
1380 sation universelle. Le fédéralisme, au contraire, se définit comme la synthèse perpétuelle de deux tendances antagonistes 
1381 intérieur du palais —, les trois Masques vengeurs s’ avancent en pleine lumière, et Don Juan les invite, provoquant le dest
1382 mmes maintenant dans le palais.) Brusquement tout s’ arrête à l’entrée du Trio. Quelques accords puissants, un échange de s
1383 oise l’épée, toutes forces en alerte, et Don Juan s’ écrie d’une voix forte : « Que ce lieu s’ouvre à tous ! Vive la libert
1384 Don Juan s’écrie d’une voix forte : « Que ce lieu s’ ouvre à tous ! Vive la liberté ! » Et voici l’étonnant : toutes les vo
1385 gistre ! Les trois Masques, Zerline et son fiancé se joignent à Don Juan et à Leporello. Viva la libertà éclate à douze re
1386 asques, c’est de tuer le traître séducteur, et de se faire les exécutants d’un destin qui les terrifie ; pour le valet, c’
1387 revendiquent leur liberté, et toutes ces libertés se contredisent, et toutes, à des degrés divers, ne font que servir l’or
1388 vrai, nécessaire et sacré ? Lorsque les croisés se heurtèrent en Orient à l’invincible ordre des Assassins — écrivait Ni
1389 estres, — elle veut ce ciel où l’amant et l’aimée se confondent en un seul être, dans le règne sans fin de l’Amour sans ré
1390 ore Dans la tourmente infinie Du souffle du Monde S’ engloutir — S’abîmer — Inconscient — Joie suprême !132 Mais si le m
1391 urmente infinie Du souffle du Monde S’engloutir — S’ abîmer — Inconscient — Joie suprême !132 Mais si le moi est dépassé
1392   L’amour. — Ici la dialectique des deux mythes se resserre. Elle atteint sa formulation la plus abstraite au moment de
1393 ssion est dans le moi distinct, et si ce moi doit s’ abîmer dans l’inconscient tout englobant, il n’y a plus d’objet, ni de
1394 our de l’amour dans un sujet qui, lui aussi, doit s’ évanouir. Que reste-t-il ? Comme d’autres perdent pour sauver leur vie
1395 personnes, mais des puissances, ils ne sauraient s’ aimer eux-mêmes, ce qui est la condition de l’amour d’un autre, et don
1396 réel : car sans prochain, l’amour ne sait plus où se prendre. Tout amour véritable est relation réciproque. Cette relation
1397 véritable est relation réciproque. Cette relation s’ établit tout d’abord à l’intérieur de chaque personne, entre l’individ
1398 t nouveau, — et tel est l’amour de soi-même. Elle s’ établit ensuite à l’intérieur du couple, entre les deux sujets-objets
1399 que constituent les deux personnes mariées. Elle s’ établit enfin entre le couple et la communauté humaine. Telle est la p
1400 ils sont nés de lui, contre lui, et ne pourraient se perpétuer sans lui. Mais ici se révèle en même temps leur fonction pr
1401 et ne pourraient se perpétuer sans lui. Mais ici se révèle en même temps leur fonction proprement vitale, ou devenue tell
1402 majeures, mais des signes chargés de sens. Qu’ils se lèvent soudain devant nous, fascinants comme un rêve d’autres nuits,
1403 s les deux ont raison contre l’amour, sitôt qu’il se ramène en soi, cessant d’être un échange vivant. Enfin tous les deux
1404 s, et sans style ni virtù. Dès qu’un déséquilibre se trahit en nous, ou provoque une crise dans le couple, ils s’y jettent
1405 n nous, ou provoque une crise dans le couple, ils s’ y jettent et l’aggravent à plaisir. Que l’un des deux gagne à la main,
1406 es gens. (Minotaure-Morholt-Hitler.) Puis il a dû s’ éloigner de nouveau, écœuré par l’intrigue des barons félons. Certes,
1407 u à son appel. Mais la vraie passion tristanienne se nourrit de retraits et d’obstacles, quitte à les susciter s’ils sembl
1408 de retraits et d’obstacles, quitte à les susciter s’ ils semblent faire défaut. Entre la France et lui, quand il était le p
1409 son père, au moment où elle sent Don Juan prêt à s’ enfuir, un peu trop vite. Je ne vois pas Casanova « trahi » de la sort
1410 é ses conquêtes et elles l’ont mieux conquis : on se sépare heureux, dans les Mémoires. Notons aussi que Dona Anna, si ell
1411 mation physique. Il faut croire que mon hypothèse se lisait entre les lignes, néanmoins, puisque Eugène Ionesco a pu dire
52 1961, Preuves, articles (1951–1968). Pour Berlin (septembre 1961)
1412 Pour Berlin (septembre 1961)bf Le monde entier se demande pourquoi M. Khrouchtchev estime urgent de signer un traité de
1413 jeu les droits de l’homme. Le problème de Berlin se ramène à ceci qu’un régime qui se dit populaire veut empêcher son peu
1414 blème de Berlin se ramène à ceci qu’un régime qui se dit populaire veut empêcher son peuple de le fuir. À travers Berlin,
1415 ions d’hommes pour deux millions de Berlinois ? » s’ écriait récemment M. Khrouchtchev. Nous lui demandons en retour, avec
1416 nfiance à l’Histoire, conformément à sa doctrine. S’ il déclarait demain que les Allemands de l’Est ont, eux aussi, le droi
1417 es Allemands de l’Est ont, eux aussi, le droit de s’ autodéterminer, ces Allemands cesseraient aussitôt de fuir à l’Ouest e
1418 lemands cesseraient aussitôt de fuir à l’Ouest et se mettraient au travail, dans l’espoir. Ceux qui retrouvent l’espoir ne
1419 planétaire provoquée par la crise présente. Mais s’ il risque la guerre pour que Pankow maintienne son peuple prisonnier,
53 1963, Preuves, articles (1951–1968). Le mur de Berlin vu par Esprit (février 1963)
1420 ie ? Quelques lignes en fin de numéro, comme cela se fait dans le monde entier, sauf à Paris, à une ou deux exceptions prè
1421 me existant, il le bâtissait déjà. » Cependant, «  s’ il en fut l’un des plus infatigables édificateurs, il ne fut pas seul 
1422 pas confronter aux réalités l’image commode qu’on s’ en faisait ; on voulait pouvoir s’imaginer au-delà de la ligne de déma
1423 e commode qu’on s’en faisait ; on voulait pouvoir s’ imaginer au-delà de la ligne de démarcation un monde tellement inferna
1424 ’Axel Springer a créé son mur à coups d’insignes. S’ il est vrai que ce mur, aujourd’hui, « est gardé d’un côté par des sen
1425 no ? Mais j’allais oublier le plus beau. M. Dehem se plaint : « On m’a littéralement proscrit pour avoir écrit que le mur
54 1963, Preuves, articles (1951–1968). Une journée des dupes et un nouveau départ (mars 1963)
1426 s l’esprit de ses promoteurs. Tous les gaullistes se sont posés en défenseurs du traité de Rome, qui exclut leur « Europe
1427 dés gaulliens, que tous décrient, deux politiques s’ affrontaient à Bruxelles. L’une voulait que le Marché commun soit l’am
1428 e le Marché commun, à mi-chemin de son évolution, s’ ouvre sur une union économique étendue à l’échelle atlantique. La prem
1429 ion » américaine. L’opinion publique occidentale, s’ imaginait que la première était celle de M. Spaak et des Communautés ;
1430 es mondialistes et des neutres, ces trois groupes se trouvant renforcés par l’opposition des gaullistes à la supranational
1431 i qui invoque maintenant le traité de Rome, qu’il se bornait à tolérer en fait, dans le temps même où l’Angleterre le refu
1432 s le temps même où l’Angleterre le refusait, puis s’ y opposait de toutes ses forces. En revanche, dès le 11 mai 1962, Paul
1433 ’il a bien disposé les esprits, hors de France, à se faire complices de ses desseins cachés. En vérité, c’est aux mouvemen
1434 e vision de l’Europe politiquement unie. Mais ils se taisent, ou se contentent de proposer une Constituante, déléguant le
1435 urope politiquement unie. Mais ils se taisent, ou se contentent de proposer une Constituante, déléguant le travail créateu
1436 ale doit assumer. Encore faut-il que quelques-uns se mettent au travail, qu’ils élaborent un plan, en déduisent une tactiq
1437 lle, a rendu claire. La vraie lutte pour l’Europe se relâchait. Je ne sens plus, pour ma part, aucune raison de douter de
1438 ue, lorsque des forces divergentes commenceront à se manifester parmi les Six, nous trouverons là l’occasion de nous assur
1439 quel m’écrivait en 1953 que les Six ne seraient — s’ ils existaient jamais, ce dont il doutait — qu’une trahison de la gran
55 1964, Preuves, articles (1951–1968). Un district fédéral pour l’Europe (août 1964)
1440 ’est parler un langage européen. Or l’Europe doit s’ unir pour durer, j’entends pour continuer à exercer demain sa vocation
1441 es au regard des empires neufs. Toute la question se ramène alors à savoir quelles formes d’union les Européens vont chois
1442 On en passera par là, probablement, mais pourquoi s’ y arrêter ? Car l’Histoire n’en fera rien. L’Europe a sécrété le natio
1443 ses seuls atouts. Le monde entier en pâtirait et se sentirait appauvri. Au reste, Napoléon n’a réussi qu’à provoquer des
1444 s Grisons devait compter deux ou trois jours pour se rendre à la Diète fédérale, alors qu’un député de Stockholm ou d’Athè
1445 s petite que n’était la Suisse à l’époque où elle s’ est fédérée. Et les disparités de coutumes ou de richesse, de langue,
1446 in quelle solution a la moindre chance de succès, s’ agissant d’unir nos pays, hors une solution fédérale. Ici, l’exemple d
1447 olution fédérale. Ici, l’exemple de la Suisse… On s’ écrie aussitôt qu’il ne saurait être question d’imiter ce modèle, ridi
1448 ’en ont pas d’autres.) Même si l’Europe refuse de s’ inspirer de la Suisse, il reste que la Suisse dépend de l’Europe, et q
1449 est l’idée fédéraliste. Entre-temps, les nations se constituent, se multiplient, s’absolutisent, et prouvent leur souvera
1450 raliste. Entre-temps, les nations se constituent, se multiplient, s’absolutisent, et prouvent leur souveraineté par de glo
1451 emps, les nations se constituent, se multiplient, s’ absolutisent, et prouvent leur souveraineté par de glorieux massacres,
1452 nt à partir du xixe siècle. Les voix suisses qui s’ élèvent au plan européen ne cessent de dénoncer ces démences collectiv
1453 r d’aujourd’hui. Comme dans Le Contrat social, il s’ y fait l’avocat d’une confédération de nos pays inspirée du « corps ge
1454 ormée de très petits États « où tous les citoyens se connaissent mutuellement », mais qu’unissent les liens d’une « commun
1455 où les meilleurs esprits de nos diverses nations se lient d’amitié, soit par des livres comme De l’Allemagne, qui rétabli
1456 utralité de la Suisse indépendante. Et tandis que se forment dans le reste de l’Europe des nations unitaires sur le modèle
1457 impériale de l’union dans la diversité. Proudhon s’ est peut-être souvenu de son passage à Neuchâtel (où il fut un temps t
1458 . C. Bluntschli, célèbre professeur à Heidelberg, s’ est inspiré directement de l’expérience suisse en rédigeant son projet
1459 r la paix de l’Europe. « Si cet idéal de l’avenir se réalise un jour, écrit-il en 1875, la nationalité suisse devra s’inco
1460 ur, écrit-il en 1875, la nationalité suisse devra s’ incorporer à la communauté de la Grande Europe. De cette façon, elle n
1461 duit à la convocation du congrès de l’Europe, qui se tient à La Haye au mois de mai 1948. De La Haye naît le Mouvement eur
1462 il de l’Europe. L’impulsion est donnée, l’opinion se réveille, les hommes d’État le sentent, et le reste va s’ensuivre : p
1463 lle, les hommes d’État le sentent, et le reste va s’ ensuivre : plan Schuman, Communauté du charbon et de l’acier, tentativ
1464 tion d’un Centre européen de la culture, celui-ci s’ organise à Genève et convoque aussitôt une grande conférence qui se ti
1465 ve et convoque aussitôt une grande conférence qui se tient à Lausanne en décembre 1949. De cette conférence et de l’action
1466 a culture, sur le thème « l’Europe et le monde », se tient à Bâle en septembre 1964, sous le haut patronage du Conseil féd
1467 et que notre peuple l’est sans doute plus encore, s’ agissant du projet européen. Le scepticisme dominait, et comme on tien
1468 on de nos vieilles coutumes ! Temps perdu ! Ça ne se fera jamais ! » Je me souviens d’un débat devant le micro, en février
1469 qui faisaient notre opinion. L’union de l’Europe s’ avérait bel et bien réalisable, puisqu’elle devenait réalité, mais ell
1470 gouvernants pour rejoindre l’histoire en train de se faire semblait prématurée aux yeux de nos sages et de nos experts, qu
1471 de la seconde objection que je citais : « Si cela se fait par impossible, ce sera néfaste pour la Suisse » ? Quatre groupe
1472 otre indépendance et « l’étoile fixe sur laquelle se règle la politique étrangère de la Confédération139 ». Adhérer à l’un
1473 , et c’en serait fait du rôle particulier qu’elle se réserve d’invoquer plus souvent encore que d’autres nations, au nom d
1474 ances politiques intérieures les ont contraints à se retirer du jeu des puissances militaires. Autrement, ils courraient l
1475 n à sa fin. Comme l’auraient fait les Waldstätten s’ ils avaient décidé d’interdire à tout le monde l’accès du Saint-Gothar
1476 édification de l’Europe unie. Sinon, l’Europe qui se fera sans elle risque bien de se faire contre elle — c’est-à-dire con
1477 on, l’Europe qui se fera sans elle risque bien de se faire contre elle — c’est-à-dire contre son essence fédéraliste ; mai
1478 plaindre. À quoi l’on pourrait ajouter : 1°) que s’ il est vrai que notre neutralité a permis les interventions de la Croi
1479 ur à l’avenir ; 2°) que la neutralité suisse, en s’ absolutisant jusqu’à devenir tabou — traître est celui qui ose la disc
1480 tractuelles. Déclarer, par exemple, que la Suisse se devrait de rester neutre, même en cas de conflit entre l’Europe d’une
1481 e la Constitution actuelle. Si, dit-il, la Suisse se refuse à entrer sans réserve dans le Marché commun, elle ne saurait j
1482 es échanges avec le monde au-delà de l’Europe. En s’ associant au Marché commun, par exemple, elle perdrait de nombreux ava
1483 ez nous qu’ailleurs, n’en affirment pas moins que s’ il le faut, un jour, la Suisse farà da se et saura bien se défendre ?
1484 oins que s’il le faut, un jour, la Suisse farà da se et saura bien se défendre ? Nous ne sommes plus au défilé de Morgarte
1485 faut, un jour, la Suisse farà da se et saura bien se défendre ? Nous ne sommes plus au défilé de Morgarten. Ce n’est pas a
1486 ectueuse de ses diversités comme nous des nôtres, s’ accorderait avec la vocation traditionnelle de la Suisse. Mais se fera
1487 vec la vocation traditionnelle de la Suisse. Mais se fera-t-elle ? Voilà qui dépend de nous aussi. C’est à nous de faire v
1488 on que j’ai citée n’est pas tout à fait étranger. S’ il croit vraiment que le mélange des peuples est un danger majeur pour
1489 ou du xviiie siècle, ni même celle de 1848 qu’il s’ agit de sauver aujourd’hui, mais bien la Suisse réelle du xxe siècle.
1490 e au bout des arguments, au fond des choses. Elle s’ explique peut-être en partie par nos coutumes précisément fédéralistes
1491 qu’on ne pousse pas sa pointe à fond et qu’on ne se laisse pas entraîner par une verve logique ou polémique qui risquerai
1492 autres motifs à cette espèce d’embarras. Ceux qui se réclament très haut de nos traditions savent bien que chacun sait qu’
1493 nos traditions savent bien que chacun sait qu’il s’ agit d’intérêts et de maintenir ou d’augmenter le chiffre d’affaires,
1494 ils n’ont aucune espèce de chances d’être écoutés s’ ils proposent de renoncer à la neutralité : c’est devenu, dans la Suis
1495 se. Je diffère dans ce domaine de la majorité. Il s’ agit de savoir et de dire ce que nous avons à donner, et non pas seule
1496 goïsmes qu’on déguise en patriotismes — la Suisse se doit d’en opposer une troisième, la solution fédéraliste, qui maintie
1497 c’est à quoi le gouvernement de notre fédération se refuse avec vigilance, non parce qu’il est mauvais, mais au contraire
1498 qu’il est mauvais, mais au contraire parce qu’il s’ en tient scrupuleusement à l’empirisme qui, jusqu’ici, a présidé avec
1499 e dans ses grandes lignes et dans son ensemble », se voit répondre par le Collège exécutif : 1°) « Dans un pays comme le n
1500 difficultés que rencontrerait le Conseil fédéral s’ il voulait tracer, même à grands traits, un programme d’action pour l’
1501 ière guerre : À l’heure actuelle, notre destinée se révèle. Le sort nous a confié une conception de l’État dont la portée
1502 atanique, au moment où les civilisations opposées s’ entredéchirent, notre petit État revendique l’honneur d’un idéal natio
1503 teuse. Parce qu’il ne dispose pas d’un empire, il s’ alimente à l’univers. Ainsi lui est-il rendu plus facile d’admettre ce
1504 ndes chances d’être confirmées — et sans doute de s’ étendre du plan moral, civique et politique, aux domaines de l’adminis
1505 de societas véritable quand les socii cessent de se sentir tels. Seules l’idéologie et la police d’État les encadrent alo
1506 r ni vraiment les organiser. 3°) La planification se révèle plus efficace dans un milieu où les relais d’exécution sont no
1507 s « dans les intérêts de l’Europe entière. » Même s’ il n’était pas accepté en fin de compte, il aurait pour effets inévita
1508 profiter des guerres qui ruinent les autres, pour se retirer ensuite dans sa prospérité en invoquant sa situation particul
1509 n qu’historiquement explicables elle croit devoir s’ y refuser. Pendant longtemps encore, et sans doute trop longtemps pour
1510 doute trop longtemps pour qu’un revirement puisse s’ opérer en temps utile — avant que les jeux européens ne soient faits —
1511 jeux européens ne soient faits — elle choisira de se réserver. 2°) Ce dernier terme évoque irrésistiblement l’idée de tran
1512 gardée, de parc national de l’Europe. Refusant de se faire les missionnaires de leur propre fédéralisme, les Suisses en de
1513 certain. Mais il est de la nature d’un malaise de se terminer plus ou moins vite par un retour à la santé, une maladie déc
1514 un tranquillisant ? Il est certain que l’Europe «  se fera » un jour ou l’autre. Il est probable qu’elle sera faite d’ici 1
1515 d’ici 1980. Et l’on n’imagine pas qu’elle puisse se faire sur d’autres bases et selon d’autres règles que celles d’un féd
1516 tant qu’État, à l’écart des luttes politiques qui se jouent à l’échelle du continent. Ces conditions idéales se trouvent r
1517 du Saint-Empire, de même la Confédération suisse se voit dotée d’un statut spécial, d’une sorte d’immédiateté fédérale, e
1518 ropéennes146. La Suisse, qui n’inquiète personne, se voit ainsi réinstallée et confirmée dans son statut traditionnel : sa
1519 i de raisonnable dans aucun de ces arguments, qui se contredisent d’ailleurs deux à deux. Mon dessein, ne l’oublions pas,
1520 on double refus de participer et d’initier, et ne se prépare pas pour un tiers terme. Examinons d’un peu plus près les pou
1521 e voulaient rien être dans l’union, les voilà qui se proposent comme pays-capitale ! Leurs hôteliers n’y perdraient rien.
1522 n’y perdraient rien. Les fonctionnaires européens s’ ennuieraient vite dans la patrie du Ranz des vaches… Mais après tout,
1523 Je vais donc le faire à sa place. Nos dirigeants se refusent expressément à toute espèce de programme politique, autant d
1524 e politique, autant dire à toute politique qui ne se résume pas à faire valoir nos bonnes raisons de n’en avoir aucune — e
1525 ’en avoir aucune — et c’est ce que l’on appelle «  se réserver », à Berne. Il se peut que cette attitude soit la seule qui
1526 ce que l’on appelle « se réserver », à Berne. Il se peut que cette attitude soit la seule qui convienne à un petit pays,
1527 ne sont plus nationaux, mais mondiaux : rêver de s’ y soustraire ne serait ni réaliste ni défendable moralement. Et mainte
1528 ner mes réactions devant un projet comme le mien, s’ il émanait d’un étranger. Supposons la chose faite. Que devient mon pa
1529 relations cantonales et communales coexistent et se superposent sans interférences gênantes. À Genève, depuis le temps de
1530 temps de la SDN, vie internationale et vie locale se croisent et se traversent sans fusion ni mélange, les longueurs d’ond
1531 , vie internationale et vie locale se croisent et se traversent sans fusion ni mélange, les longueurs d’onde étant netteme
1532 s longueurs d’onde étant nettement distinctes. Et s’ il y a contamination, ce n’est pas dans le sens qu’un vieux Genevois p
1533 envahissants » que le tourisme et l’industrie ne s’ efforçaient naguère d’en attirer, les uns payants et les autres payés.
1534 s. Les quais de gare où toutes les races du monde se mêlent à nos derniers paysans dans une odeur de bouillon Maggi et de
1535 oir contraint de l’admettre. Saura-t-elle un jour s’ exprimer par le verbe, l’œuvre ou l’action, sinon le cri qu’on attend
1536 cœur de l’Europe. C’est ici que l’Europe devrait se déclarer, jurer son pacte et se constituer. La Suisse fondrait alors
1537 l’Europe devrait se déclarer, jurer son pacte et se constituer. La Suisse fondrait alors en elle sa destinée, fidèle à so
56 1966, Preuves, articles (1951–1968). André Breton (novembre 1966)
1538 promission avec tous les snobismes à l’affût.) Il se plaignit, très gentiment, de ce que durant nos années parisiennes nou
1539 un cordonnier, dans le Morvan, les deux portraits se faisant face de la mère Angélique Arnaud et de Marat : l’accord du ja
1540 éjetée, insultée jusqu’à l’âme. D’autres fois, il se contentait d’un ou deux coups d’épingle très courtois, ou d’une épith
1541 ier encore au-delà de ses plus folles espérances, s’ en allait subitement dégonflé. (Combien de poètes, et plus encore de p
1542 plus encore de peintres, n’ont jamais pu vraiment s’ approuver dans leur cœur, parce que Breton ne les avait pas admis et c
1543 u’on eût dit nées des comédies de Shakespeare. On se rencontrait chez l’un ou l’autre, faute de terrasses de café, une ou
1544 de café, une ou deux soirées par semaine, et l’on se livrait avec beaucoup de sérieux à des jeux d’écriture ou de télépath
1545 néfice de l’extrême fraîcheur. » Jamais Breton ne s’ est mieux défini. Je pense au soir où il déclara qu’il était temps d’a
1546 ».   Je crois avoir été, de ses amis, le seul qui s’ avouât et se voulût « chrétien ». Cette inconcevable anomalie l’inquié
1547 s avoir été, de ses amis, le seul qui s’avouât et se voulût « chrétien ». Cette inconcevable anomalie l’inquiétait fort et
1548 s que ponctuel et parfaitement serein. Je ne sais s’ il a lu mon litigieux ouvrage. « Je crois que vous croyez ? », me dit-
1549 en retard, comme prévu, et comprend vite que tout s’ est arrangé. Puisque Marcel, infaillible à ses yeux, semble m’absoudre
57 1968, Preuves, articles (1951–1968). Marcel Duchamp mine de rien (février 1968)
1550 ive par la forêt en pente, a dix-huit chambres et s’ ouvre vers le lac par une galerie de bois montée sur de hauts pilotis,
1551 auts pilotis, si vaste que vingt fauteuils cannés s’ y perdent, et quelques chevalets de peinture. Luxe inouï de la solitud
1552 ou les lacs italiens. — C’est un lac, quoi, tout se ressemble. C’est très bien. » Il va donc rester quelques jours. Nos v
1553 eraient volontiers. Ce sont les imbéciles qui, en se liguant contre les individus libres et inventifs, solidifient ce qu’i
1554 e l’avenir sera d’inventer, par réaction à ce qui se passe maintenant, le silence, la lenteur, et la solitude. Aujourd’hui
1555 pend des vrais désirs des hommes : c’est ce qu’il s’ agit de bien voir et surtout d’accepter. Le reste est beaucoup plus fa
1556 e que nous pouvons imaginer de lui… Avant d’aller se coucher, je lui donne le Nouvel Esprit scientifique de Bachelard. J’a
1557 e Millikan sur les rayons cosmiques, le mouvement se produit dans des conditions de vide matériel, d’inanité telles qu’on
1558 llait une masse préexistante pour qu’un mouvement s’ y appliquât. — Je l’ai bien lu, m’a-t-il dit ce matin en me rendant le
1559 . Qu’est-ce qu’il appelle mouvement, votre type ? S’ il le définit par opposition au repos, ça ne marche pas, rien n’est en
1560 En fait, dit-il au déjeuner sur la galerie, tout se passe anarchiquement dans le monde. Les lois ne servent que de prétex
1561 de prétextes. On ne les respecte pas, on pourrait s’ en passer. Si l’on supprimait l’argent, je suis sûr que tout irait aus
1562 u pain, parce que c’est son plaisir et qu’il faut s’ occuper. On prendrait chez lui sans payer un ou deux pains par jour, o
1563 ’y a pas d’achat ni de transactions légales. Tout se passe librement, entre père et fils, on s’arrange, il y en a pour tou
1564 . Tout se passe librement, entre père et fils, on s’ arrange, il y en a pour tout le monde… La famille est le modèle d’une
1565 l’âge adulte… À propos d’âge : — La grande crise se produit vers quarante ans, chez un artiste. C’est à ce moment qu’il d
1566 ns, chez un artiste. C’est à ce moment qu’il doit se renouveler entièrement, ou se résigner à s’imiter lui-même. Vous alle
1567 e moment qu’il doit se renouveler entièrement, ou se résigner à s’imiter lui-même. Vous allez sentir cela bientôt, vous ve
1568 doit se renouveler entièrement, ou se résigner à s’ imiter lui-même. Vous allez sentir cela bientôt, vous verrez… — En som
1569 ue ici, c’est un jeu d’échecs. Celui dont Duchamp se sert pour ses problèmes est trop petit pour jouer à deux : c’est un «
1570 fumant sa pipe, et levé avant tous les autres. Il se passe volontiers de breakfast, et pense qu’il suffirait de manger une
1571 s destinées à sa « boîte-en-valise » — et puis il s’ étend, ne fait rien, fume un peu, reprend ses échecs. Pensant à la con
1572 nt à la conversation de la veille, je lui demande s’ il est vrai qu’il a décidé un beau jour d’abandonner définitivement la
1573 lus grands triomphes en Amérique. — Pas du tout ! s’ écrie-t-il avec une nuance d’indignation amusée. Je n’ai pas renoncé p
1574 t même pas des tableaux, ils font des chèques. Il se lève, va chercher quelque chose dans la boîte-en-valise en constructi
1575 ous êtes sans doute le premier artiste qui ait su se mettre en boîte lui-même. Il rit soudain : — La seule chose ennuyeuse
1576 aussi de la bouche qui l’exhale, les deux odeurs s’ épousent par infra-mince. » Voudriez-vous nous donner d’autres exemple
1577 e physique inexplicable. Au contraire, les myopes s’ accommodent des villes, mais se sentent perdus et vaguement étourdis d
1578 traire, les myopes s’accommodent des villes, mais se sentent perdus et vaguement étourdis devant un paysage comme celui-ci
1579 la méditation. (Cette réaction, je le crains, va se généraliser.) Et chacun s’efforçait de montrer que l’événement ne le
1580 tion, je le crains, va se généraliser.) Et chacun s’ efforçait de montrer que l’événement ne le prenait pas au dépourvu. —
1581 obile atomique dans un magazine du genre Look. C. s’ écria que l’idée que nous mourrons tous dans une grande explosion la h
1582 a piqué le mystère en plein plexus solaire… Il va se venger ! » Enfin Duchamp voulut bien s’interrompre dans un problème d
1583 re… Il va se venger ! » Enfin Duchamp voulut bien s’ interrompre dans un problème d’échecs, pour remarquer que la bombe con
1584 andes dates de la terre : ce n’est qu’un rien qui s’ est défait.   « L’impossibilité du faire », j’y reviens. Marcel confes
1585 des œuvres, côté pratique des inventions. Duchamp se manifeste par retraits ironiques, agit par ses absences un peu sourno
1586 bagage, sa propre mise en boîte et en valise, il se glissera très librement vers le xxie siècle et la suite, en tant qu’
58 1968, Preuves, articles (1951–1968). Vingt ans après, ou la campagne des congrès (1947-1949) (octobre 1968)
1587 er que le mouvement personnaliste des années 1930 s’ est continué dans la pensée et dans l’action d’un grand nombre de rési
1588 l. Les gens d’une même profession y viennent pour s’ ennuyer durant les séances et s’amuser d’autant mieux après. Mais une
1589 n y viennent pour s’ennuyer durant les séances et s’ amuser d’autant mieux après. Mais une sorte de passion très singulière
1590 ravail nocturne des commissions. C’est elle qu’il s’ agirait de rendre sensible si l’on voulait décrire la réalité psycholo
1591 ler de vraies révolutions. La période des congrès s’ ouvre en août 1947 à Montreux et se termine en décembre 1949 à Lausann
1592 de des congrès s’ouvre en août 1947 à Montreux et se termine en décembre 1949 à Lausanne. Son histoire n’est pas encore éc
1593 d’une manière insuffisante ou fausse, si l’on ne s’ y met sans retard : les documents imprimés, peu nombreux150, ne donnen
1594 0, ne donnent pas l’essentiel de l’événement, qui se passa dans les têtes et dans les cœurs. Les documents manuscrits ou p
1595 is », n’ont pas été systématiquement réunis et ne se conserveront pas longtemps (mauvais papier de l’après-guerre) ; enfin
1596 rès-guerre) ; enfin, les acteurs de cette période s’ en vont : sur une photo prise à La Haye, autour de Churchill qui se ra
1597 ne photo prise à La Haye, autour de Churchill qui se rassied après son discours inaugural, en essuyant une larme de l’inde
1598 se, si les calculs d’une prudence « réaliste » ne s’ y étaient mis comme le ver dans le fruit. Oui, c’est la naïveté de que
1599 tard, le soir, c’est un journaliste français qui se présente, Raymond Silva, secrétaire général de l’UEF, et il vient me
1600 Je n’étais pas encore engagé dans l’affaire. Tout se passait comme si j’avais jugé que le fait de prononcer un keynote spe
1601 ntrée de jeu que l’action pour unir l’Europe doit s’ appuyer sur le plan Marshall, et qu’une intégration économique conduir
1602 l’intégration militaire. Le réalisme commande de se borner à des mesures modestes de coopération, résultant de consultati
1603 tes et la tactique des unionistes. « Rien ne peut se faire sans les gouvernements », disaient les uns… « Mais les gouverne
1604 on cherchera les voies qui peuvent y mener. » Il se peut que ce soit au fait d’avoir été jeté à brûle-pourpoint et publiq
1605 us, dans la perspective historique qui commence à se dégager après vingt ans, le congrès de Montreux me paraît tenir une p
1606 tenir une place décisive et axiale : c’est là que s’ opéra la rencontre de la plupart des courants « européistes » jusqu’al
1607 une démonstration spectaculaire, celle qui devait se réaliser quelques mois plus tard à La Haye. Une convergence mémora
1608 camaraderie retrouvée et d’une grande aventure où s’ engager, j’étais loin de mesurer l’importance objective de ce qui vena
1609 esurer l’importance objective de ce qui venait de se passer dans ce palace énorme et désuet. Pour l’historien futur, j’ind
1610 trois composantes principales de l’affaire. Elles s’ étaient déclarées un an auparavant, par une curieuse coïncidence à la
1611 action européenne154. Et plusieurs de leurs chefs se retrouvaient à Montreux, Italiens et Allemands, Français, Bénéluxiens
1612 andys représentait à Montreux. À tout cela venait s’ ajouter une quatrième composante : il y avait eu à Londres, entre les
1613 ons et de nommer leurs délégués. Ceux-ci devaient se réunir en de vastes assises délibératives et peu à peu constituantes,
1614 et peu à peu constituantes, à mesure qu’un accord se dégagerait sur les formes nouvelles d’une Europe fédérale. Des comité
1615 les d’une Europe fédérale. Des comités permanents s’ occuperaient des problèmes politiques, sociaux, économiques, coloniaux
1616 de coopération économique (van Zeeland, Serruys) se rencontraient avec ceux de l’UEF (Brugmans, Silva, Voisin) et constit
1617 trois. « Pourtant, si nous refusons, que va-t-il se passer ? Il me paraît difficile de faire les états généraux contre le
1618 généraux contre le congrès de La Haye. Les autres se couvriront largement sur leur gauche et nous aurons à envisager bient
1619 ui compte, non seulement parce que les événements se précipitent, mais encore parce que nos propres mouvements se désagrég
1620 ent, mais encore parce que nos propres mouvements se désagrégeront si nous ne leur donnons pas un but précis. Nous risquer
1621 te connaît un renouveau inespéré, les communistes se sont isolés volontairement, et la “troisième force” classique ou bien
1622 rement, et la “troisième force” classique ou bien se retirera sous sa tente, ou bien se liera aux “grands noms” de l’“Euro
1623 ssique ou bien se retirera sous sa tente, ou bien se liera aux “grands noms” de l’“Europe unie” et de la Ligue. Nous pourr
1624 plet, mais nous ne réussirons pas non plus, et on se sera paralysé mutuellement. » Brugmans propose donc de ratifier l’acc
1625 chacun des dix-huit membres du comité central qui s’ expriment (sur vingt présents), s’affrontent les mêmes craintes et vol
1626 ité central qui s’expriment (sur vingt présents), s’ affrontent les mêmes craintes et volontés contradictoires, quoique iné
1627 ent.) Dilemme classique on le voit, que celui qui s’ énonce en termes de maxima contradictoires dont il s’agit d’optimiser
1628 nonce en termes de maxima contradictoires dont il s’ agit d’optimiser la coexistence en tension. L’UEF choisit ce jour-là l
1629 qui contribuèrent à cette décision fatidique. Il se peut que le sort de l’Europe fédérale se soit joué à ce moment-là pou
1630 ique. Il se peut que le sort de l’Europe fédérale se soit joué à ce moment-là pour trois ou quatre décennies. On peut très
1631 s « assagir » ou à les berner plus tard), ou bien se voyaient contraints de renchérir sur les conditions réelles d’union e
1632 était le souci primordial ou unique. (Les autres s’ appelaient « unionistes »…) De Montreux à La Haye : qui formulera l
1633 fs unionistes. Dira-t-on que le comité de liaison se rapprochait du « possible », c’est-à-dire de ce que l’on prévoyait qu
1634 ing organisé par un de nos groupes affiliés devra se terminer par une collecte de signatures (et peut-être de quelques sou
1635 in matin, et je devais repartir le soir même), on se bornerait à proposer au Congrès, mais sans préavis du comité de liais
1636 Qui sont ces gens autour de moi, dont les visages s’ illuminent dans le faisceau des projecteurs de cinéma ? Je suis assis
1637 Où suis-je ? À quelle époque ? Dans un rêve ? Que se passe-t-il ? « Churchill, tout près de moi, parle dans un micro, et l
1638 t continuellement découverte. D’autres continents se vantent de leur efficacité, mais c’est le climat européen seul qui re
1639 ans précédent. » Dès le 8 mai, les congressistes se répartirent en trois sections. Je ne pus en suivre qu’une, celle dont
1640 la culture et d’une Charte des droits de l’homme) se déroulèrent dans l’habituelle confusion des congrès, bien illustrée p
1641 des membres de la seule délégation nationale qui se présentait comme telle au Congrès, la Britannique. Le romancier Charl
1642 itannique. Le romancier Charles Morgan veut qu’on s’ en remette pour la culture aux gouvernements (ceux du Pacte de Bruxell
1643 rt, ses tenants surent empêcher que le Congrès ne se prolonge en un vaste mouvement populaire, d’autre part les fédéralist
1644 alistes ne surent pas imposer leur tactique : ils se laissèrent berner par des promesses de « résultats modestes, mais con
1645 « Council of Europe », dont on ne savait pas bien s’ il était plus et mieux qu’une alliance de souverainetés nationales abs
1646 Par moments, un orage déchaîné faisait baisser et s’ éteindre pour quelques secondes toutes les lumières. Au fond de la sal
1647 ssage. Or je connais trente délégués au moins qui s’ y opposeront, à cause de la phrase : “Nous voulons une défense commune
1648 vous, enverra cinquante délégués ! Et l’Europe ne se fera pas ! » J’avais un peu crié, je crois. Des huissiers nous prière
1649 n signe impérieux de la main afin que personne ne se lève dans la salle. J’eus une faible revanche (mais seulement d’amour
1650 istes, et surtout d’André Philip, vient désormais s’ ajouter à celle des libéraux, principaux auteurs des analyses et proje
1651 ’économie avec l’idée que l’union politique devra s’ ensuivre, en vertu des mécanismes supranationaux institués dans certai
1652 in de subir toutes nos nations, trop pauvres pour s’ offrir un si grand appareil. Ainsi les unionistes (la droite continent
1653 déal politique par excellence. Beaucoup de choses se faisaient en Europe, on l’a vu, mais sans liens organiques, sans poli
1654 utée qui indigne l’opinion. Mais les fédéralistes s’ étaient montrés incapables de concevoir et surtout d’imposer une visio
1655 ou tenus pour tels) n’empêcha pas le Mouvement de s’ épuiser assez vite en querelles de factions et de personnes, ou en ini
1656 ynaud fut le seul tempérament révolutionnaire qui se manifesta à La Haye. À Macmillan qui conseillait de n’avancer que ste
1657 clair, désormais, que la fédération européenne ne se fera jamais sur la base « réaliste » des États-nations souverains, fo
1658 négative, quoiqu’aussi coriace que désuète. Elle se fera, elle peut et doit se faire à partir des régions, formule neuve
1659 iace que désuète. Elle se fera, elle peut et doit se faire à partir des régions, formule neuve qui réalise exactement ce q
1660 stique manifeste, dont je n’ai pas souvenir qu’il se soit jamais plaint. 149. J’amorce ainsi la suite du Journal d’une é
1661 es délégués mandatés des Résistances de neuf pays s’ étaient réunis clandestinement à trois reprises dans une villa de Genè
1662 a plupart des mots-clés de Montreux et de La Haye s’ y trouvent déjà. 155. Sur l’extraordinaire carrière de J. H. Retinger
1663 ur le même thème. 162. « Mais quoi ! Il faudrait se lever pour cela ! Nous devrions tous nous lever ! » 163. Sforza, min
59 1970, Preuves, articles (1951–1968). Dépasser l’État-nation (1970)
1664 core, les idéologies ou les religions, sommées de s’ arrêter sur une ligne de barbelés électrifiés. C’est livrer sans recou
1665 u sincère, que cet État-nation qui, par ailleurs, se révèle incapable de répondre aux exigences concrètes de notre temps,
1666 se de cet obstacle radical à toute union que l’on s’ efforce depuis vingt-cinq ans d’unir l’Europe ! Voilà qui explique suf
1667 Pour la première fois dans son histoire, l’homme se voit aujourd’hui en situation de choisir librement son avenir. Jusqu’
1668 nt délibérés, concertés à long terme : il fallait se battre pour survivre. Aujourd’hui que le nécessaire est assuré, on se
1669 vre. Aujourd’hui que le nécessaire est assuré, on se bat pour le contrôle de zones d’influence plus idéologiques que comme
1670 e prix d’un confort toujours accru ? Ces dilemmes se posent aujourd’hui à tous les peuples avancés sous le rapport de l’in
1671 de formation de l’État-nation dès ses débuts. Il s’ agit donc d’une utopie catastrophique, mais dont la réalisation ne sau
1672 réduire l’obstruction des stato-nationalismes, et se consacrer sérieusement à la tâche de construire des modèles neufs pou
1673 ons Nos États-nations, obsédés par l’idée de «  se faire respecter », oublient qu’ils n’y arriveraient qu’en se rendant
1674 specter », oublient qu’ils n’y arriveraient qu’en se rendant utiles. Ils exigent, depuis Louis XIV, que l’on s’incline dev
1675 t utiles. Ils exigent, depuis Louis XIV, que l’on s’ incline devant la « majesté de l’État ». Mais non ! l’État n’est pas u
1676 omment cette “unité de culture non unitaire” doit se traduire en termes de structures politiques grâce au fédéralisme. » U