1 a propagande totalitaire. Beaucoup, angoissés par des possibilités théoriques qui excèdent leurs pouvoirs réels, cherchent

2 èdent leurs pouvoirs réels, cherchent obscurément des disciplines aveugles, dont ils disent qu’elles les délivreraient de l

3 n à opposer à ces « mystiques », qui sont au vrai des mystifications. Laissons les « mystiques » synthétiques aux peuples q

4 et leurs chefs doivent masquer cette absence par des slogans. Nous n’avons nul besoin d’une mystique « aussi puissante » o

5 bsence par des slogans. Nous n’avons nul besoin d’ une mystique « aussi puissante » ou « plus puissante » que les leurs. Car

6 ont immenses. La première, c’est le trésor vivant des droits de toute nature conquis par notre Histoire et par toutes nos h

7 humain, dans tous les temps, n’ait point imaginé une seule liberté que les Européens n’aient voulu vivre. À des degrés div

8 liberté que les Européens n’aient voulu vivre. À des degrés divers, parfois jusqu’à l’excès, nous avons tous les droits qu

9 tous les droits que nous mentionnons plus haut et des douzaines d’autres en plus : droit de circuler, de travailler, de fai

10 culer, de travailler, de faire la grève, de créer des coopératives, des syndicats, des sociétés d’entraide ; de changer d’h

11 er, de faire la grève, de créer des coopératives, des syndicats, des sociétés d’entraide ; de changer d’habitation, de cond

12 grève, de créer des coopératives, des syndicats, des sociétés d’entraide ; de changer d’habitation, de condition sociale,

13 traire ; droit d’exiger que les douaniers mettent des gants blancs avant de fouiller nos valises ; droit d’entrer dans n’im

14 , le droit d’épouser qui l’on veut… Il n’est pas un seul de ces droits que les dictatures n’aient attaqué ou supprimé, n’

15 t déclaré antisocial ou criminel. Il n’en est pas un seul que n’ait conquis l’immense majorité des peuples libres qui vive

16 pas un seul que n’ait conquis l’immense majorité des peuples libres qui vivent à l’ouest du rideau de fer : parmi lesquels

17 mérique. Tous ces droits bien vivants ne sont pas un passé, mais un présent ; bien plus, ils sont le gage d’un grand aveni

18 es droits bien vivants ne sont pas un passé, mais un présent ; bien plus, ils sont le gage d’un grand avenir. Voilà l’espo

19 , mais un présent ; bien plus, ils sont le gage d’ un grand avenir. Voilà l’espoir des hommes. Il est chez nous. La seconde

20 ls sont le gage d’un grand avenir. Voilà l’espoir des hommes. Il est chez nous. La seconde force dont nous disposons, et l’

21 s. La seconde force dont nous disposons, et l’une des plus typiques de l’Occident, n’est autre que l’esprit critique. On no

22 il se perd et l’on en donne pour preuve le succès des publicités, propagandes et mystiques politiques. Mais il me semble au

23 cette jeunesse, qui a vu les camps comme résultat des idéologies, et qui a vu les pires tyrannies comme traduction des myst

24 et qui a vu les pires tyrannies comme traduction des mystiques libertaires, n’avait pas décidé de ne plus croire à rien qu

25 de. Il me semble au contraire qu’elle réagit avec un réalisme impitoyable et sain. La foi chrétienne elle-même doit aujour

26 hrétienne elle-même doit aujourd’hui se réjouir d’ un tel scepticisme, voir en lui son meilleur allié contre les mystificat

27 s mystifications totalitaires, contre la religion des idoles. Un lecteur m’écrivait récemment : « Quelle réponse l’Occident

28 ions totalitaires, contre la religion des idoles. Un lecteur m’écrivait récemment : « Quelle réponse l’Occident prétend-il

29 int de réponses collectives. L’Occident n’est pas une église, n’est pas une doctrine du salut, comme les partis totalitaire

30 tives. L’Occident n’est pas une église, n’est pas une doctrine du salut, comme les partis totalitaires voudraient le deveni

31 oudraient le devenir à bon marché. L’Occident est une somme immense de réalités, de réponses, de questions, de contradictio

32 re Europe. La personne, c’est l’individu chargé d’ une vocation qui le distingue de la masse mais le relie pratiquement à la

33 ait tant de ravages chez nos intellectuels depuis un siècle ou deux. Mais combien cette maladie même est-elle plus proche

34 vu, et d’accomplir ainsi, en secret bien souvent, une vocation qui n’a pas de comptes à rendre aux hommes, et encore bien m

35 re humain. Dans cette passion de différer les uns des autres, nous trouvons tous, nous les Européens, notre commune dignité

36 nt nos maladies. Telles sont nos forces. S’il est une chose au monde pour laquelle on ne peut faire de propagande sens mode

37 le mal est d’ordre psychique ; c’est d’autre part une source de confiance en soi, quand les faits objectifs sont meilleurs

38 notre lassitude ne le pensait. Rendus conscients des forces véritables de l’Europe et de l’Occident, nous serons en mesure

39 faire rayonner, c’est de les faire passer du plan des faits à celui de nos consciences et de nos volontés ; c’est d’appeler

40 e a pris sur les autres toute l’avance que permet un plus grand passé. Si vous demandez : quelles sont nos chances ? Je di

41 épendent de chacun de nous, — beaucoup plus que d’ un général américain. Chaque personne fait obstacle à la fatalité. a.

42 forces », Preuves, Paris, avril 1951, p. 1-3. b. Une note précise : « Ce texte est extrait d’une brochure de Denis de Roug

43 . b. Une note précise : « Ce texte est extrait d’ une brochure de Denis de Rougemont, intitulée Les Libertés que nous pouv

44 sommes contre toute espèce de totalitarisme, pour une raison très simple, d’ordre intellectuel et moral : parce que nous re

45 à n’importe quelle politique. La culture s’occupe des fins de la vie humaine et de son sens, la politique doit s’occuper de

46 maine et de son sens, la politique doit s’occuper des moyens pratiques de réaliser ces fins. C’est une grave faute de logiq

47 des moyens pratiques de réaliser ces fins. C’est une grave faute de logique que de subordonner les fins aux moyens. C’est

48 que que de subordonner les fins aux moyens. C’est une grave faute pratique aussi, parce que cela fait autant de mal aux fin

49 e, prise pour fin absolue devient la plus cruelle des religions, en même temps qu’elle perd ses vertus de science pratique.

50 est subordonnée à la politique, elle cesse d’être une méthode de libération humaine pour devenir une préparation mentale à

51 re une méthode de libération humaine pour devenir une préparation mentale à l’esclavage. Le danger qui menace aujourd’hui l

52 eut-être plus qu’en Inde, la culture n’avait fait un plus grand effort vers la maîtrise par l’homme de sa propre pensée. N

53 rs est le stalinisme, variété la plus puissante d’ une maladie unique, qui peut s’appeler ailleurs fascisme ou phalangisme,

54 liniens. …On a dit que nous sommes ici au service des Américains. Soyons bien clairs : nous ne serons jamais « pour l’Améri

55 confondu une fois pour toutes avec les intérêts d’ une grande puissance bien définie. Mais pour nous l’Amérique ne s’identi

56 s, à tout ce que l’Amérique peut décider de faire un jour ou l’autre, ni à assimiler une fois pour toutes la liberté avec

57 té avec les intérêts américains. Nous sommes amis des Américains, mais plus encore amis de la vérité. …On a prétendu que no

58 ticulier. Personnellement, je tiens à prendre ici une position extrêmement claire. Il me paraît capital d’établir une disti

59 xtrêmement claire. Il me paraît capital d’établir une distinction nette entre la neutralité et le neutralisme. La neutralit

60 a neutralité et le neutralisme. La neutralité est une mesure politique qui peut être très bonne, très utile, et même très n

61 ire de rester neutre, puisque créer, c’est opérer des choix perpétuellement, entre le vrai et le faux, le beau et le laid,

62 entifique, ou morale. …J’illustrerai ce point par une petite fable. Imaginez un loup, un agneau, et un berger. L’agneau déc

63 lustrerai ce point par une petite fable. Imaginez un loup, un agneau, et un berger. L’agneau décide de rester neutre entre

64 ce point par une petite fable. Imaginez un loup, un agneau, et un berger. L’agneau décide de rester neutre entre le loup

65 une petite fable. Imaginez un loup, un agneau, et un berger. L’agneau décide de rester neutre entre le loup qui menace et

66 , qui se sent encore trop faible pour agir. C’est une politique défendable. Mais alors, ce qui ne serait pas défendable, ce

67 s, ce qui ne serait pas défendable, ce qui serait une tricherie évidente, ce serait que l’agneau prétende justifier sa poli

68 que l’agneau prétende justifier sa politique par des raisons morales ou doctrinales, et qu’il dise par exemple : — « Après

69 n de la paix” ; d’autre part, ce berger n’est pas un homme parfait, il boit souvent trop, et il ne lit que le Reader’s Dig

70 ; car dès l’instant où la culture se subordonne à une politique quelconque, cette politique tend à devenir totalitaire, par

71 , cette politique tend à devenir totalitaire, par un penchant inexorable. c. Rougemont Denis de, « Neutralité et neutra

72 ternational pour la liberté de la culture, a fait une importante intervention, dont nous donnons ci-dessous quelques extrai

73 Culture et famine (novembre 1951)e Allez dans un pays comme l’Inde, où, dans la seule province du Bihar, vingt million

74 ’habitants meurent de faim. Montez à la tribune d’ un congrès d’écrivains et proclamez « qu’il y a de l’indécence à parler

75 , en effet, a régné sur la Terre depuis qu’il y a des hommes, et qui n’en pensent pas moins. Culture est un mot plus récent

76 ommes, et qui n’en pensent pas moins. Culture est un mot plus récent, mais ce qu’il désigne est très vieux. Si les anciens

77 techniques de remédier à la famine. Ce n’est pas un démagogue, ni même un philanthrope, c’est un savant indien nommé D. R

78 r à la famine. Ce n’est pas un démagogue, ni même un philanthrope, c’est un savant indien nommé D. R. Sethi qui a trouvé l

79 pas un démagogue, ni même un philanthrope, c’est un savant indien nommé D. R. Sethi qui a trouvé le procédé pour détruire

80 i a trouvé le procédé pour détruire les racines d’ une herbe nommée kans, fléau de riches vallées à blé de l’Inde centrale.

81 hes vallées à blé de l’Inde centrale. Avec l’aide des tracteurs américains qui avaient construit pendant la guerre la route

82 é et seules capables de la surmonter. À l’appui d’ une déclaration de mauvaise conscience culturelle, comme celle que je cit

83 ceux qui l’applaudirent — il n’y a pas l’ombre d’ une raison. Mais chacun voit qu’il y a deux circonstances atténuantes : u

84 n voit qu’il y a deux circonstances atténuantes : un proverbe et un préjugé, qui relèvent à la fois de la sagesse des peup

85 a deux circonstances atténuantes : un proverbe et un préjugé, qui relèvent à la fois de la sagesse des peuples et d’une er

86 un préjugé, qui relèvent à la fois de la sagesse des peuples et d’une erreur courante sur la culture. Ventre affamé n’a po

87 relèvent à la fois de la sagesse des peuples et d’ une erreur courante sur la culture. Ventre affamé n’a point d’oreilles, d

88 repus qui n’écoutent pas, que la disette fut mère des civilisations, comme l’angoisse l’est de la pensée. Quant à l’erreur

89 ulture, elle consiste à tenir cette dernière pour un luxe, à la confondre avec la lecture des romans, c’est-à-dire avec ce

90 ière pour un luxe, à la confondre avec la lecture des romans, c’est-à-dire avec ces brioches que la reine Marie-Antoinette

91 oches que la reine Marie-Antoinette conseillait à un peuple sans pain. Culture n’est pas consommation, mais production. C’

92 e, non point de politique, qu’on doit parler dans un pays comme l’Inde, sans cesse menacé de famine. Et cela vaut aussi, b

93 « L’Œuvre du xxe siècle » : une réponse, ou une question ? (mai 1952)f Plus nombreux qu’ils ne vou

94 « L’Œuvre du xxe siècle » : une réponse, ou une question ? (mai 1952)f Plus nombreux qu’ils ne voudraient le croir

95 vingt ans, que l’état de nos arts est la preuve d’ une décadence de l’Occident. Cette mystification date des nazis. Notre ar

96 décadence de l’Occident. Cette mystification date des nazis. Notre art « dégénéré » survit à leur empire, qu’ils fondaient

97 mille ans et qui mourut en douze. Mais, aussitôt, une autre dictature relève l’accusation, et l’appuie cette fois-ci sur un

98 elève l’accusation, et l’appuie cette fois-ci sur une doctrine. Le mal serait entré dans la peinture, dit-elle, avec les po

99 ture bourgeoise d’environ 1880 que par la couleur des parements. Nous attendons encore, nous attendrons longtemps, l’aveu p

100 sme et du stalinisme, nous avons choisi d’opposer des chefs-d’œuvre de l’art et de la pensée libre apparus depuis cinquante

101 e épisodique qui, précisément, fut toujours celui des pouvoirs politiques, de leurs goûts et de leurs censures, dans le dév

102 me paraît être celui de la prise de conscience d’ une époque non par ses héritiers, mais par ceux qui la vivent. On ne voit

103 restaurer ou de maintenir la cité dans sa gloire. Une telle concentration d’œuvres fameuses, qu’on les juge monstres ou mer

104 dernité — voulue, créée et ressentie comme telle. Une passion d’expérimenter à tous risques peut la définir. Combien de seu

105 ons… ? Chacune de ces victoires nous a jetés dans un complexe nouveau de paradoxes. Prenons l’exemple de l’artiste pénétra

106 technique, dans le même temps, vient lui proposer des moyens de communiquer avec des masses immenses. Mais ces deux maxima,

107 vient lui proposer des moyens de communiquer avec des masses immenses. Mais ces deux maxima, celui de la découverte et celu

108 réation. S’agit-il de compensations, ou bien l’un des deux phénomènes serait-il la rançon de l’autre ? Sommes-nous dans une

109 serait-il la rançon de l’autre ? Sommes-nous dans une situation globale de disjonctions irrémédiables, de divorce, allant v

110 vers le chaos et vers la décadence ? Ou bien dans un système de tensions créatrices sans cesse accrues, orienté vers la re

111 sans cesse accrues, orienté vers la restitution d’ un classicisme vif, d’une commune mesure élargie ? Ces problèmes et bien

112 ienté vers la restitution d’un classicisme vif, d’ une commune mesure élargie ? Ces problèmes et bien d’autres se trouvent p

113 ire, ballets de Diaghilev, École de Paris, groupe des Six, surréalisme, Proust, Gide et Valéry, et leurs commentateurs, et

114 e. Cette aventure va-t-elle nous apparaître comme un passé déjà, ou comme l’effervescence d’un ordre neuf en son état nais

115 e comme un passé déjà, ou comme l’effervescence d’ un ordre neuf en son état naissant ? L’Œuvre du xxe siècle s’inaugure d

116 nse qu’elle apporte, d’une part, est, de l’autre, une remise en question. 1. « Picasso ne crée pas ses œuvres morbides et

117 radictions de la réalité et de réveiller la haine des spectateurs pour les forces de la réaction, mais dans le but de faire

118 l’époque président de la VOKS, c’est-à-dire chef des relations culturelles de l’URSS avec l’étranger. Sa brochure est un t

119 relles de l’URSS avec l’étranger. Sa brochure est un texte officiel, répandu à des millions d’exemplaires en URSS. f. Ro

120 ger. Sa brochure est un texte officiel, répandu à des millions d’exemplaires en URSS. f. Rougemont Denis de, « L’Œuvre du

121 f. Rougemont Denis de, « L’Œuvre du XXe siècle : une réponse, ou une question ? », Preuves, Paris, mai 1952, p. 1-2.

122 nis de, « L’Œuvre du XXe siècle : une réponse, ou une question ? », Preuves, Paris, mai 1952, p. 1-2.

123 civilisation consiste, en fin de compte, à donner un sens à la vie. Par les règles qu’elle institue, religieuses, morales,

124 itue, religieuses, morales, juridiques, elle pose un ordre, distingue le bien du mal, définit les raisons de vivre et de m

125 er. La civilisation européenne, elle aussi, donne des normes générales. Mais au dressage elle substitue l’éducation. Chez l

126 re amener le jeune homme à son autonomie, au-delà des modèles tout faits, le rendre apte à juger par lui-même, l’émanciper.

127 (je pense aux Hindous plus qu’aux Chinois), est d’ une caste, d’un ordre, d’un Karma, dont personne n’est jamais sorti que p

128 Hindous plus qu’aux Chinois), est d’une caste, d’ un ordre, d’un Karma, dont personne n’est jamais sorti que par la mort (

129 s qu’aux Chinois), est d’une caste, d’un ordre, d’ un Karma, dont personne n’est jamais sorti que par la mort (ou par la sa

130 que par la mort (ou par la sainteté, une fois sur des millions). L’Oriental ne peut donc se poser le problème d’un sens per

131 ). L’Oriental ne peut donc se poser le problème d’ un sens personnel de sa vie, divergeant de la voie tracée pour sa catégo

132 acée pour sa catégorie native. Quant au citoyen d’ un pays totalitaire, le parti sait pour lui quel est son bien, et lui pr

133 « à son idée », voilà qui pour l’Oriental suggère une inconvenance profonde ; tandis que toute initiative expose le sujet d

134 e ; tandis que toute initiative expose le sujet d’ une dictature totalitaire à l’accusation de sabotage. S’ils tombent dans

135 qu’il expérimente, enfin sa vocation s’il en sent une et s’il y croit. Lorsqu’il entre en conflit avec les lois, les tradit

136 dans la vie de l’Europe, tout ce qui s’y est fait un nom et un visage distinct. Soulignons maintenant que ce drame permane

137 e de l’Europe, tout ce qui s’y est fait un nom et un visage distinct. Soulignons maintenant que ce drame permanent entre l

138 e et la fatalité, ne serait pas concevable hors d’ un monde qui date ses années de la Crucifixion, hors d’un monde né avec

139 nde qui date ses années de la Crucifixion, hors d’ un monde né avec cette religion qui fit dépendre le salut de l’homme non

140 dre le salut de l’homme non point de l’observance des rites collectifs, mais de la conversion personnelle. La question du

141 de telle manière que sa vie personnelle y prenne un sens. L’étrange exception Ainsi donc, comparée et contrastée av

142 prises totalitaires, l’Europe nous apparaît comme une espèce de révolution permanente, révolution menée par la conscience h

143 nct. Lutte contre le destin natal, pour se forger une destinée ; contre les astres et les dieux écrasants ; contre la masse

144 l’anarchie, qui vident de sens l’effort de toute une vie ; lutte enfin contre les servitudes intimes du moi, afin de domin

145 moi, afin de dominer ses mécanismes et d’en tirer une liberté plus haute. Or le fondement de cette révolution, son ressort

146 lement nouvelle de l’incarnation de l’esprit dans un homme particulier, la Judée. Toute l’histoire de l’Europe peut être i

147 l’Europe — forme nos vies, permet qu’elles aient un sens, et donne leur intérêt même affectif à la plupart de nos activit

148 activités. Ôtez le moi distinct, le droit d’être une personne, et du même coup nos vies n’auraient plus sel ni sens : voil

149 proprement chrétien, au sens courant, de membre d’ une Église, de l’homme pieux et moral. Je parle d’une manière plus généra

150 une Église, de l’homme pieux et moral. Je parle d’ une manière plus générale du type d’homme (croyant ou non) que seul le ch

151 de concevoir, et que je nomme la personne. C’est un homme à la fois libre et responsable, libre parce qu’il est chargé d’

152 re et responsable, libre parce qu’il est chargé d’ une vocation qui le distingue de la masse, lui donne une direction et un

153 vocation qui le distingue de la masse, lui donne une direction et un visage ; mais aussi responsable de cette vocation vis

154 distingue de la masse, lui donne une direction et un visage ; mais aussi responsable de cette vocation vis-à-vis de ses pr

155 is de ses prochains et de la société ; c’est donc un homme engagé dans une aventure bien réelle, mais qu’il est seul à pou

156 t de la société ; c’est donc un homme engagé dans une aventure bien réelle, mais qu’il est seul à pouvoir courir. Cette val

157 te notion de l’homme, en dérivent, en tout cas, d’ une manière démontrable, fût-ce par une suite de laïcisations ou même de

158 n tout cas, d’une manière démontrable, fût-ce par une suite de laïcisations ou même de dégradations, parfois aussi par exte

159 ètement. On peut dire que la révolution est, pour une collectivité, l’équivalent exact d’une conversion. Or la conversion s

160 est, pour une collectivité, l’équivalent exact d’ une conversion. Or la conversion soudaine, radicale, changeant tout — le

161 dicale, changeant tout — le Chemin de Damas — est un phénomène caractéristique du christianisme. De même, nous constatons

162 ossible, il faut avoir sucé avec le lait (celui d’ une Alma Mater tout au moins) les conceptions primitivement chrétiennes d

163 es révolutionnaires ne peuvent se former que dans un monde qui tient la liberté et la vocation prophétique pour plus vraie

164 te Tristan et Iseut dans la mort, souhaitée comme un suprême accomplissement. La passion dans l’amour nourrit toutes nos l

165 ns l’amour nourrit toutes nos littératures depuis des siècles — depuis les troubadours — et grâce à la littérature, elle ob

166 à la littérature, elle obsède nos rêves, elle met un « tourment délicieux » dans nos vies. Sous des formes à vrai dire dég

167 met un « tourment délicieux » dans nos vies. Sous des formes à vrai dire dégradées, de plus en plus anodines et banales, c’

168 onstaterai maintenant que cette passion qui tient une telle place dans nos vies, ou tout au moins dans nos secrètes nostalg

169 ue la passion, dans sa pureté originelle, suppose une croyance innée dans la valeur unique de l’être aimé, irremplaçable, i

170 littéral cette maxime de la démocratie qui dit qu’ un homme en vaut un autre, et donc qu’une femme en vaut une autre. Dispo

171 xime de la démocratie qui dit qu’un homme en vaut un autre, et donc qu’une femme en vaut une autre. Disposition peu favora

172 qui dit qu’un homme en vaut un autre, et donc qu’ une femme en vaut une autre. Disposition peu favorable, il faut l’avouer,

173 me en vaut un autre, et donc qu’une femme en vaut une autre. Disposition peu favorable, il faut l’avouer, au développement

174 u favorable, il faut l’avouer, au développement d’ une grande passion. Enfin, le citoyen du monde soviétique se doit de reje

175 toyen du monde soviétique se doit de rejeter avec une horreur officielle l’idée non scientifique, bourgeoise et individuali

176 anesque. Il estime à bon droit que la passion est une force antisociale, qui ne pourrait que gêner le rendement du stakhano

177 ion chrétienne et qu’elle est inconcevable hors d’ un monde où Pascal peut placer dans la bouche même du Christ cette phras

178 général, ni pour maintenir par la vertu magique d’ un acte sacrificiel les rythmes du Cosmos et les lois de la fécondité —

179 ur toi, que vient distinguer, dans toute la masse des hommes de tous les temps, mon amour personnel. Ces deux exemples sont

180 x exemples sont extrêmes. Nous ne sommes pas tous des révolutionnaires, ni les héros d’une grande passion mortelle, mais la

181 mes pas tous des révolutionnaires, ni les héros d’ une grande passion mortelle, mais la révolution et la passion sont pour n

182 s la révolution et la passion sont pour nous tous des repères décisifs. Nos vies sont orientées par rapport à ces pôles. Vo

183 primer son « vrai moi », comme on dit. À partir d’ un certain niveau de culture, en Europe, le non-conformiste est bien vu,

184 ifie. Tout l’effort de l’artiste européen, depuis un siècle, tend à « faire du neuf » d’une manière personnelle. C’est mêm

185 éen, depuis un siècle, tend à « faire du neuf » d’ une manière personnelle. C’est même cela que nous nommons « créer ». Mais

186 ion individuelle ne peuvent être à leurs yeux que des erreurs. Elles risqueraient de faire rater l’opération magique de l’œ

187 ur, et l’Oriental, qui tend à s’ordonner au monde des dieux, nous ayons à choisir. Je dis que nous avons choisi. Je ne dis

188 un vaut mieux que l’autre, mais qu’ils se donnent des buts tout à fait différents. Et je ne nie pas non plus que dans tous

189 ie pas non plus que dans tous nos pays, il existe une majorité de conformistes, qui redoutent l’épithète « d’original » et

190 e et dans les arts, demeurent en dernière analyse des créations individuelles, et non des conventions sacrées. Ils imitent

191 nière analyse des créations individuelles, et non des conventions sacrées. Ils imitent moins des rites millénaires que des

192 et non des conventions sacrées. Ils imitent moins des rites millénaires que des révolutions d’hier ou d’avant-hier. Entre l

193 rées. Ils imitent moins des rites millénaires que des révolutions d’hier ou d’avant-hier. Entre le conformiste et le révolt

194 rmiste et le révolté, l’Europe connaît d’ailleurs un être intermédiaire : celui qui a le sens de l’humour. L’Occident a cr

195 u de l’Antiquité, au point de vue de l’oppression des individus. Cependant, loin d’adorer ces tyrannies qu’il laisse parfoi

196 lement par la rébellion ouverte et armée mais par des attitudes et des conduites qui affirment la liberté de jugement des i

197 ellion ouverte et armée mais par des attitudes et des conduites qui affirment la liberté de jugement des individus. Ainsi l

198 es conduites qui affirment la liberté de jugement des individus. Ainsi l’humour, forme larvée, sournoise, prudente, de la r

199 t. L’humour est la combustion lente de la révolte des individus. C’est pourquoi vous le chercherez en vain dans toute l’Asi

200 a démocratie moderne, les Anglo-Saxons, attachent une pareille importance à la possession du sense of humour : ils pensent

201 uvoir rire de soi-même, il s’agit d’exister comme une personne consciente, et de prendre distance par rapport à ce que l’on

202 rsonne qui juge son propre individu… J’en viens à un dernier exemple, le Progrès, et notre attitude envers lui. Il est de

203 Progrès. Les plus grands esprits de notre siècle, un Paul Valéry, un Eliot, un Toynbee, un Bergson l’ont fait ; et la majo

204 s grands esprits de notre siècle, un Paul Valéry, un Eliot, un Toynbee, un Bergson l’ont fait ; et la majorité de nos élit

205 sprits de notre siècle, un Paul Valéry, un Eliot, un Toynbee, un Bergson l’ont fait ; et la majorité de nos élites les a s

206 tre siècle, un Paul Valéry, un Eliot, un Toynbee, un Bergson l’ont fait ; et la majorité de nos élites les a suivis. Certe

207 tes, nous pouvons railler les illusions du siècle des Lumières et du siècle bourgeois-capitaliste ; nous pouvons répéter qu

208 ’est donc nullement fatal ; qu’il n’est plus même un idéal européen, mais bien russe et américain, et tout cela semble en

209 rai. Mais il n’est pas moins vrai que l’horizon d’ un progrès possible reste vital pour l’homme européen ; et que nos vies

210 leur sens, si vraiment nous cessions de croire qu’ un lendemain plus vaste et plus libre reste ouvert. De plus, il serait f

211 masses, diffère profondément de notre idéal. Dans une dictature, par exemple, l’idée de progrès perdra nécessairement ce qu

212 ’idée de liberté, c’est-à-dire à la perspective d’ une vie plus libre pour chacun de nous. Elle se lie à l’idée de contraint

213 s religions antiques et celles de l’Asie, étaient des religions an-historiques, en ce sens qu’elles croyaient et enseignaie

214 s croyaient et enseignaient que le monde évolue d’ une manière cyclique, comme une roue qui tourne sur son axe et n’avance p

215 que le monde évolue d’une manière cyclique, comme une roue qui tourne sur son axe et n’avance pas, la destruction succédant

216 it pas dans l’avenir, mais dans le temps mythique des origines ; le Paradis datait d’avant l’évolution. L’idée que le lende

217 volution. L’idée que le lendemain puisse apporter des innovations imprévues, que les petits-fils puissent être plus heureux

218 ieu incarné une fois pour toutes dans le temps, à un certain moment donné, daté, unique, — « sous Ponce Pilate », insiste

219 nt possible. L’évolution de l’humanité n’est plus une suite indéfinie de cycles et de répétitions dont l’homme ne saurait s

220 r et dont il n’est pas responsable ; elle devient une longue aventure, où tout reste imprévu sauf la fin : le retour du Sei

221 s jours, notre foi dans le Progrès a cessé d’être une foi naïve. Nous nous posons à son sujet des questions parfois angoiss

222 ’être une foi naïve. Nous nous posons à son sujet des questions parfois angoissantes. Par exemple : comment mesurer le Prog

223 u xxe siècle. L’essor de l’industrie nous a valu un certain confort matériel, mais aussi les problèmes sociaux. Nous trav

224 i peut savoir si le Progrès, au total, a vraiment un sens positif ? Dans l’ensemble, il se peut qu’il n’en ait point, qu’i

225 ’ait aucune direction vérifiable, et que la somme des modifications qu’il nous apporte, en bien et en mal, s’annule. La cro

226 ’annule. La croyance au Progrès collectif demeure un pur et simple acte de foi, devant lequel il est permis de rester scep

227 e… En vérité, l’idée de Progrès ne peut reprendre un sens certain que par rapport à notre vie individuelle. Car le Progrès

228 dividuelle. Car le Progrès à l’origine signifiait une libération, et de nos jours encore la liberté ne peut avoir de sens q

229 eut avoir de sens que pour l’individu (que serait une liberté en masse ?). Je définirai donc le Progrès véritable comme l’a

230 rogrès véritable comme l’augmentation continuelle des possibilités de choix qui sont offertes, tant matérielles que culture

231 ont offertes, tant matérielles que culturelles, à un nombre sans cesse croissant d’individus. Et la mesure de ce Progrès,

232 ut-être surtout, celle de nos risques personnels, des occasions et des moyens de nous décider nous-mêmes, donc d’être libre

233 celle de nos risques personnels, des occasions et des moyens de nous décider nous-mêmes, donc d’être libres. Car la seule l

234 cher, de trouver et de vivre ma vérité, non celle des autres, et non celle que l’État ou le Parti a décidé de m’imposer tou

235 ypiques — l’Europe est la patrie du moi distinct, des individus, des personnes, de ceux qui veulent se rendre compte de leu

236 ope est la patrie du moi distinct, des individus, des personnes, de ceux qui veulent se rendre compte de leur vie pour leur

237 essus leurs idées bien à eux — donc en définitive des hommes conscients. Voilà pourquoi je disais en débutant, que l’Europe

238 : l’Europe, qui ne représente en fait que 4 à 5 % des terres du globe, a découvert le reste du monde — et non l’inverse. Je

239 nde — et non l’inverse. Je ne parle pas seulement des grands voyages qui ont permis de relever la carte des continents et d

240 grands voyages qui ont permis de relever la carte des continents et de dénombrer toutes nos races de Marco Polo à Vasco de

241 té y voir. Mais il y a plus. Nous avons en Europe des sinologues, des hindouistes, des arabisants, et même des spécialistes

242 il y a plus. Nous avons en Europe des sinologues, des hindouistes, des arabisants, et même des spécialistes du monde soviét

243 avons en Europe des sinologues, des hindouistes, des arabisants, et même des spécialistes du monde soviétique. En revanche

244 ologues, des hindouistes, des arabisants, et même des spécialistes du monde soviétique. En revanche, je ne connais pas « d’

245 re — alors que c’est en vain que l’on chercherait un musée de l’Europe, même aux États-Unis… (Il y en avait un seul, à Len

246 de l’Europe, même aux États-Unis… (Il y en avait un seul, à Leningrad : il est fermé depuis bien des années, les Soviets

247 t un seul, à Leningrad : il est fermé depuis bien des années, les Soviets ayant décidé, en plein accord avec Goebbels, que

248 èrent de la sienne, mais c’est elle qui dans bien des cas retrouve leurs traditions perdues, et favorise leur réveil. Je co

249 ond de leur retraite les derniers représentants d’ une tradition grandiose, pour les aider, les admirer, les éditer — c’est-

250 siècle, où la marée mongole battait les portes d’ une Europe encore moins défendue qu’aujourd’hui. Il y a la menace de guer

251 a menace de ruines économiques qui entraîneraient une tutelle étrangère et ses conséquences culturelles. Il y a surtout la

252 ettre à propos de l’Europe. Ici, je devrais faire une autre conférence pour démontrer que notre culture fut bel et bien, da

253 doit le redevenir demain. Je vous conterai plutôt une petite histoire vraie. C’était il y a deux ou trois ans. Je cherchais

254 . Je cherchais de l’argent, comme il arrive, pour une entreprise culturelle. J’allai voir un industriel qui fabrique d’énor

255 ive, pour une entreprise culturelle. J’allai voir un industriel qui fabrique d’énormes turbines. Il m’écouta, distrait d’a

256 impatient ; m’expliqua finalement que dans l’état des choses, les turbines, c’est sérieux, la culture n’est qu’un luxe, et

257 les turbines, c’est sérieux, la culture n’est qu’ un luxe, et que l’important, c’était de lutter d’abord contre le communi

258 n’est pas lui qui l’inventa. Qui donc ? J’ouvris une encyclopédie, et trouvai ceci : — Il y avait au xviiie siècle un trè

259 et trouvai ceci : — Il y avait au xviiie siècle un très grand mathématicien. Il s’appelait Léonard Euler, et il vivait à

260 il vivait à Bâle, entre France et Allemagne, dans une atmosphère très savante mais pénétrée de spiritualité. Influencé par

261 s. Aussi dessina-t-il, à temps perdu, les plans d’ une machine d’un type nouveau, qu’il baptisa turbine. Aussi grâce au géni

262 na-t-il, à temps perdu, les plans d’une machine d’ un type nouveau, qu’il baptisa turbine. Aussi grâce au génie d’Euler, au

263 Euler, au milieu culturel de Bâle et au piétisme, des milliers d’ouvriers et d’ingénieurs gagnent leur vie, des paquebots t

264 iers d’ouvriers et d’ingénieurs gagnent leur vie, des paquebots traversent l’Océan, d’énormes capitaux s’amassent dans le p

265 our la sauver ? Je réponds que ce n’est pas celle des turbines, mais celle de l’inventeur de la turbine ; non pas l’Europe

266 e de l’inventeur de la turbine ; non pas l’Europe des faits, mais celle des actes. Sur le plan des faits bruts, l’Amérique

267 turbine ; non pas l’Europe des faits, mais celle des actes. Sur le plan des faits bruts, l’Amérique nous dépasse, l’armée

268 rope des faits, mais celle des actes. Sur le plan des faits bruts, l’Amérique nous dépasse, l’armée russe peut encore nous

269 ur reste notre apanage, l’esprit qui voit au-delà des faits et peut les transformer puisqu’il les a produits, l’esprit qui

270 modifier les résultats acquis. Et c’est l’esprit des hommes qui ont toujours préféré le droit de poser passionnément quelq

271 es — l’esprit de liberté qui peut encore sauver d’ un même mouvement et l’Europe et le sens de nos vies. g. Rougemont D

272 dique qu’il soit simplement temporaire — découvre une situation nouvelle. Dès l’instant où la menace du stalinisme perd son

273 inisme perd son urgence dans le domaine culturel, un problème d’un autre ordre apparaît, qui se pose lui aussi à l’ensembl

274 n urgence dans le domaine culturel, un problème d’ un autre ordre apparaît, qui se pose lui aussi à l’ensemble de la vie de

275 André Malraux s’est écrié : « L’Amérique n’est qu’ une partie de l’Europe ! » L’Amérique n’est-elle pas plutôt la fille de l

276 uriers et puritains, les « Pères pèlerins », et d’ une vaste contrée vierge. Une fille n’est pas une partie de son père. Ell

277  Pères pèlerins », et d’une vaste contrée vierge. Une fille n’est pas une partie de son père. Elle peut tenir de lui mais a

278 t d’une vaste contrée vierge. Une fille n’est pas une partie de son père. Elle peut tenir de lui mais agir autrement qu’il

279 it, l’Amérique du Nord est en train de développer une civilisation certes proche parente de la nôtre, mais autonome ; la pl

280 lutôt pas de malaise, ou en tout cas, le problème des rapports entre ces deux cultures en filiation n’aurait rien d’irritan

281 à l’appui de sa culture comme de sa politique — d’ une puissance matérielle qui fascine les esprits de la plupart des Europé

282  : la peur et l’attrait combinés. Il est clair qu’ une partie sans cesse croissante de l’intelligentsia européenne redoute (

283 mme l’américanisme, ou même (selon le vocabulaire des staliniens) la marshallisation de nos cultures. À l’en croire, l’inva

284 vasion de l’américanisme représenterait pour nous un aussi grand danger que l’invasion du stalinisme russe. On sait les mo

285 sme russe. On sait les motifs invoqués : richesse des USA, conformisme souriant mais implacable, matérialisme, dollar-dieu,

286 « l’impérialisme de Wall Street » et le danger d’ une guerre menée sur notre sol contre les Russes. (Mais l’attitude antiam

287 a culture, la cause est entendue, vous n’êtes que des barbares : digests, Collier’s, Coca-Cola, Hollywood, comics et whisky

288 ce que pense de son côté l’Américain, rentrant d’ un voyage en Europe : des Balkaniques inefficaces, bons cuisiniers, affr

289 ôté l’Américain, rentrant d’un voyage en Europe : des Balkaniques inefficaces, bons cuisiniers, affreusement compliqués et

290 à nos questions directes, occupés à se ruiner par des guerres nationales qu’on nous demande ensuite de payer, parlant de mé

291 à peine les traits, pour aller vite. Je rappelle des jugements grossiers, mais très courants2. Que les Américains devienne

292 ous, ce sera notre faute encore, autant que celle des USA. Les digests, que nous lisons par millions, ne sont tout de même

293 d on s’écrase aux films de Hollywood, quand toute une jeunesse s’intoxique de jazz hot, il faut bien constater que c’est no

294 otre élite s’en plaint, il est vrai. Mais l’élite des USA aussi. Personne encore n’a proposé de remède au mauvais goût, ni

295 n’a proposé de remède au mauvais goût, ni au goût des lectures faciles. (Le réalisme socialiste s’est borné à les rendre ob

296 e s’est borné à les rendre obligatoires.) Prenons un exemple précis. Dès qu’il s’agit de créer un institut de recherches,

297 nons un exemple précis. Dès qu’il s’agit de créer un institut de recherches, d’enseignement ou de culture, en Europe, quel

298 pour les finances, « à l’Amérique ». (On entend : des mécènes, une fondation, un comité, une organisation plus ou moins off

299 nces, « à l’Amérique ». (On entend : des mécènes, une fondation, un comité, une organisation plus ou moins officielle ou pr

300 rique ». (On entend : des mécènes, une fondation, un comité, une organisation plus ou moins officielle ou privée.) Ceci da

301 n entend : des mécènes, une fondation, un comité, une organisation plus ou moins officielle ou privée.) Ceci dans une Europ

302 on plus ou moins officielle ou privée.) Ceci dans une Europe qui proclame sans relâche sa méfiance ou son hostilité à l’end

303 « soutenu par les Américains » en tire d’une part un prestige suspect, d’autre part se voit accusé de n’être rien qu’un « 

304 ct, d’autre part se voit accusé de n’être rien qu’ un « instrument de la guerre froide ». Devant l’ambiguïté d’une pareille

305 ument de la guerre froide ». Devant l’ambiguïté d’ une pareille situation, l’Américain se met sur ses gardes et commet des f

306 tion, l’Américain se met sur ses gardes et commet des fautes méthodiques. Il multiplie les enquêtes minutieuses pour savoir

307 ns avoir l’air de faire pression, tout en gardant un contrôle raisonnable. Puis s’étant assuré d’une documentation dont l’

308 nt un contrôle raisonnable. Puis s’étant assuré d’ une documentation dont l’ampleur bien souvent dépasse son objet, il fait

309 et qui se trompe une fois sur deux. Il en résulte un gaspillage d’efforts et de capitaux qui d’une part compromet l’effica

310 caine, et d’autre part donne à certains Européens des habitudes de parasites. On veut bien faire état d’une culture supérie

311 habitudes de parasites. On veut bien faire état d’ une culture supérieure et de ses antiques traditions, mais on refuse d’en

312 balement, la situation se présente ainsi aux yeux des Américains.) J’ai vu des comités, placés devant le choix de plusieurs

313 présente ainsi aux yeux des Américains.) J’ai vu des comités, placés devant le choix de plusieurs thèmes d’activité, reten

314 èmes d’activité, retenir celui qui semblait avoir des chances d’intéresser l’argent américain, et renoncer à ceux qui intér

315 . Inversement, les donateurs virtuels proposent à des instituts de culture de s’occuper de la « productivité », à des écono

316 de culture de s’occuper de la « productivité », à des économistes d’établir des plans politiques, à des politiciens d’inspi

317 la « productivité », à des économistes d’établir des plans politiques, à des politiciens d’inspirer des entreprises d’éduc

318 des économistes d’établir des plans politiques, à des politiciens d’inspirer des entreprises d’éducation, et d’une manière

319 es plans politiques, à des politiciens d’inspirer des entreprises d’éducation, et d’une manière générale à n’importe qui de

320 iens d’inspirer des entreprises d’éducation, et d’ une manière générale à n’importe qui de se prononcer sur n’importe quoi q

321 on concrète de l’Europe, mais dans le programme d’ une enquête « scientifiquement établie » outre-mer. Comment sortir de cet

322 t là, très souvent, elle n’a rien empêché. Depuis un certain temps, le CEC prépare le plan d’une rencontre de travail qui

323 Depuis un certain temps, le CEC prépare le plan d’ une rencontre de travail qui aura pour objet principal d’éclaircir les ma

324 malentendus entre l’Europe et l’Amérique. Pour qu’ un dialogue de cette nature soit juste, et pour qu’il puisse créer une a

325 tte nature soit juste, et pour qu’il puisse créer une atmosphère plus saine, quelques conditions simples nous ont paru requ

326 treinte et non spectaculaire ; il ne s’agit pas d’ un congrès, mais d’un séminaire de recherches. b) Les représentants de l

327 taculaire ; il ne s’agit pas d’un congrès, mais d’ un séminaire de recherches. b) Les représentants de l’Amérique et ceux d

328 mme on le fait couramment, ce qu’il y a de pire d’ un côté à ce qu’il y a de meilleur de l’autre, et Pascal aux digests ou

329 hanger de mauvaises notes, mais de trouver, après une analyse des erreurs, les principes et les modes d’une collaboration m

330 uvaises notes, mais de trouver, après une analyse des erreurs, les principes et les modes d’une collaboration meilleure. Di

331 analyse des erreurs, les principes et les modes d’ une collaboration meilleure. Diminuer la méfiance, augmenter non pas le m

332 e non seulement en paroles mais en actes, — voilà des objectifs concrets. Ils sont vitaux. Car si l’Europe et l’Amérique n’

333 ent pas à s’entendre effectivement, comment rêver une entente mondiale, comment penser la paix ? 2. Peu d’Américains « di

334 qu’ils pensent. Mais j’atténue plutôt la violence des jugements formulés contre les USA par les Européens qui se proclament

335 clament (curieusement) « neutralistes ». En voici un  : « Dès le début, nous avons ici dénoncé… les dangers que faisait cou

336 ngers que faisait courir à la santé de notre pays une culture américaine qui attaque à leurs racines l’originalité et la co

337 es l’originalité et la cohésion mentale et morale des peuples européens. » (Esprit, juin 52.) h. Rougemont Denis de, « Le

338 reuves, Paris, août–septembre 1952, p. 68-70. i. Une note de la rédaction précise : « Ce texte a paru dans le Bulletin du

339 a carrière de Søren Kierkegaard s’est déroulée en une douzaine d’années comme un drame unique, intense, inexorablement moti

340 ard s’est déroulée en une douzaine d’années comme un drame unique, intense, inexorablement motivé à chaque instant de son

341 ut en 1843, lorsqu’il avait trente ans, et connut un immense succès. Mais, à mesure qu’il se fit mieux comprendre, dans la

342 ns la plus complète solitude qu’ait jamais connue un grand esprit. Un an plus tard, épuisé par ce duel qu’il menait seul c

343 te solitude qu’ait jamais connue un grand esprit. Un an plus tard, épuisé par ce duel qu’il menait seul contre toute l’opi

344 e l’opinion, il s’effondra dans la rue au cours d’ une promenade. On le transporta dans un hôpital où il mourut en quelques

345 e au cours d’une promenade. On le transporta dans un hôpital où il mourut en quelques semaines, âgé de 42 ans. Le seul évé

346 » ; et ces pseudonymes figuraient les personnes d’ un drame dont lui seul détenait la clé. Ce ne fut qu’à la fin de sa vie

347 i le drame de Kierkegaard fut typiquement celui d’ une vocation. Toute son intrigue consiste dans le dévoilement progressif

348 ocation, secrètement orientée, dès le début, vers une action unique et éclatante, à laquelle le héros se prépare longuement

349 evant laquelle il hésite et recule, jusqu’à ce qu’ un incident secondaire en apparence provoque le saut final, l’accompliss

350 e. Or il existe, dans la littérature occidentale, un prototype de cette action tragique, une pièce célèbre dont il nous ap

351 cidentale, un prototype de cette action tragique, une pièce célèbre dont il nous apparaît que la forme et le progrès même p

352 ous attarder sur la coïncidence qui fait d’Hamlet un prince danois — et l’on peut rêver là-dessus — rappelons d’abord les

353 e le drame vécu par Kierkegaard et nous suggèrent un parallèle possible. L’histoire d’Hamlet peut se résumer ainsi : un je

354 ible. L’histoire d’Hamlet peut se résumer ainsi : un jeune homme profondément mélancolique reçoit une mission effrayante,

355 : un jeune homme profondément mélancolique reçoit une mission effrayante, devant laquelle il hésite longtemps. Cette missio

356 avec la très jeune Ophélia et le fait passer pour un dangereux exalté. Finalement, il se voit contraint, par des circonsta

357 eux exalté. Finalement, il se voit contraint, par des circonstances fortuites, de réaliser l’acte unique devant lequel il b

358 der tout en essayant de le faire deviner, rupture des fiançailles, enfin dénonciation éclatante d’une usurpation que tout l

359 e des fiançailles, enfin dénonciation éclatante d’ une usurpation que tout le monde s’accordait à passer sous silence : ce r

360 oup plus loin dans le détail. Ce serait peut-être un bon moyen d’illustrer à la fois la pensée et la vie de Kierkegaard et

361 la fois la pensée et la vie de Kierkegaard et, d’ une manière générale, ce que l’on pourrait nommer les lois ou la psycholo

362 l’on pourrait nommer les lois ou la psychologie d’ une vocation. Considérons d’abord le caractère des deux héros, l’un ficti

363 d’une vocation. Considérons d’abord le caractère des deux héros, l’un fictif et l’autre réel. Hamlet, jeune prince royal,

364 et l’autre réel. Hamlet, jeune prince royal, est un intellectuel. Il n’a d’autre désir que de retourner à l’Université de

365 rendre son parti de la commune condition humaine. Une incurable mélancolie le possède et lui fait trouver les biens de ce m

366 . Mais il réussit à masquer cette mélancolie sous des dehors d’une gaieté sarcastique, d’un esprit pétulant, prompt à l’iro

367 ssit à masquer cette mélancolie sous des dehors d’ une gaieté sarcastique, d’un esprit pétulant, prompt à l’ironie et aux mé

368 colie sous des dehors d’une gaieté sarcastique, d’ un esprit pétulant, prompt à l’ironie et aux métaphores baroques. Voyons

369 rkegaard lui-même s’est décrit. Lui aussi se sent un prince. « Il y a quelque chose de royal dans mon être », fait-il dire

370 père. Et surtout, lui aussi se sait la victime d’ une sorte de neurasthénie : « J’ai vécu dès mes jeunes années sous l’empi

371 « J’ai vécu dès mes jeunes années sous l’empire d’ une immense mélancolie, dont la profondeur n’a d’égale que ma faculté de

372 n’a d’égale que ma faculté de la dissimuler sous des apparences de gaieté. » Ou encore : « J’étais armé d’une foi presque

373 arences de gaieté. » Ou encore : « J’étais armé d’ une foi presque téméraire en ma capacité de pouvoir toutes choses, sauf u

374 ire en ma capacité de pouvoir toutes choses, sauf une  : devenir un oiseau libre, ne fût-ce qu’un seul jour, rompre les chaî

375 cité de pouvoir toutes choses, sauf une : devenir un oiseau libre, ne fût-ce qu’un seul jour, rompre les chaînes de la mél

376 sauf une : devenir un oiseau libre, ne fût-ce qu’ un seul jour, rompre les chaînes de la mélancolie, où une autre puissanc

377 eul jour, rompre les chaînes de la mélancolie, où une autre puissance me retenait. » Cette disposition, ajoute-t-il, l’a co

378 fierté, mais inaptes à la vie commune, à cause d’ une mystérieuse mélancolie qu’ils dissimulent sous un masque ironique. Et

379 ne mystérieuse mélancolie qu’ils dissimulent sous un masque ironique. Et voici que ces deux individus, pour qui la vie en

380 s deux individus, pour qui la vie en soi est déjà un problème, reçoivent en outre une mission redoutable et qui les condam

381 e en soi est déjà un problème, reçoivent en outre une mission redoutable et qui les condamnera, bien plus encore que leur n

382 s encore que leur nature psychologique, à devenir des êtres d’exception. Hamlet reçoit sa mission de son père, qui lui appa

383 ion de son père, qui lui apparaît sous la forme d’ un spectre. Assassiné, dit-il, par le roi actuel, qui n’est donc qu’un u

384 iné, dit-il, par le roi actuel, qui n’est donc qu’ un usurpateur, le père ordonne au fils de le venger. Hamlet revient vers

385 lui aussi, reçut dès sa jeunesse communication d’ un secret, auquel il se réfère souvent, mais dont il n’a jamais expliqué

386 tte vérité terrible : le soi-disant christianisme des temps modernes est une tromperie, une immense illusion. Il ne ressemb

387 e soi-disant christianisme des temps modernes est une tromperie, une immense illusion. Il ne ressemble pas davantage à celu

388 ristianisme des temps modernes est une tromperie, une immense illusion. Il ne ressemble pas davantage à celui du Nouveau Te

389 ue le salon du petit-bourgeois ou la salle de jeu des enfants aux décisions les plus terribles de la réalité la plus cruell

390 d’en payer le prix. C’est là, dit Kierkegaard, «  un crime de lèse-majesté qualifié ». Il y a donc usurpation. Le christia

391 sse ses plans en conséquence. Il publiera d’abord des ouvrages esthétiques, brillants, paradoxaux, apparemment cyniques, et

392 aque décisive. Or on se rappelle qu’Hamlet dresse un plan analogue. Il imagine de faire jouer devant la cour une pantomime

393 nalogue. Il imagine de faire jouer devant la cour une pantomime représentant l’assassinat de son père et l’usurpation. « Ce

394 nscience du roi. » Tous les deux choisissent donc des moyens indirects — Hamlet des comédiens, Kierkegaard des pseudonymes

395 ux choisissent donc des moyens indirects — Hamlet des comédiens, Kierkegaard des pseudonymes — pour intéresser tout en inqu

396 ens indirects — Hamlet des comédiens, Kierkegaard des pseudonymes — pour intéresser tout en inquiétant dans le sens voulu,

397 , dans toute son œuvre, et non pas seulement dans des ouvrages tels que Coupable-Non coupable, qui sont en réalité le récit

398 uisé de ses fiançailles et l’analyse interminable des motifs de la rupture. Shakespeare, au contraire, ne motive guère l’at

399 nt, s’il le lui révélait, de ramener son fiancé à une vue plus bourgeoise de l’existence et de la religion. Elle minerait s

400 nge vocation. Peut-on se marier si l’on veut être un témoin de la vérité ? Un soldat à la frontière devrait-il être marié 

401 marier si l’on veut être un témoin de la vérité ? Un soldat à la frontière devrait-il être marié ? se demande Kierkegaard.

402 oit de troubler cette enfant, de l’entraîner dans des tourments auxquels lui-même risque parfois de succomber. « Qui peut c

403 ourir l’aimée ? » S’il choisit d’être la victime, une seule issue lui reste ouverte : rompre avec la jeune fille qu’il aime

404 ille qu’il aime, mais sans lui laisser soupçonner un instant la nature de son double secret ; et pour cela faire croire à

405 jouer devant Régine. Il se peint à ses yeux comme une sorte de roué, de séducteur cynique, qui a peut-être de graves méfait

406 ariage pour mieux jouir de sa vie de garçon. Il a des mots atroces lors de leur séparation : « Elle me demanda : Ne veux-tu

407 d le feu de la jeunesse sera passé : il me faudra une demoiselle au sang frais pour me rajeunir. » Et Kierkegaard ajoute, e

408 écit : « Cruauté nécessaire ! » Il la quitte avec une froideur affectée, puis court au théâtre et, rentré chez lui, pleure

409 d en écrivant ces lignes, attribuées d’ailleurs à un héros tout théorique qu’il imagine : « Je vois que l’idée de mon exis

410 oit disparaître. Sur sa perte passe ma route vers un grand but. » Et nous voyons Hamlet, comme Kierkegaard, se noircir aux

411 … » Il convient de marquer ici, en toute justice, une différence profonde entre Kierkegaard et Hamlet : c’est que le premie

412 désastre… Mais venons-en au dénouement du drame. Un incident banal déclenche la catastrophe dans Hamlet : c’est un simple

413 anal déclenche la catastrophe dans Hamlet : c’est un simple assaut de fleuret. Seulement, le fleuret de Laerte est empoiso

414 sommet du drame, ou de cette « chute » tragique ? Un incident minime, une simple phrase, et qui pouvait passer pour un cli

415 de cette « chute » tragique ? Un incident minime, une simple phrase, et qui pouvait passer pour un cliché dans un discours

416 me, une simple phrase, et qui pouvait passer pour un cliché dans un discours très officiel. L’évêque Mynster, primat de l’

417 phrase, et qui pouvait passer pour un cliché dans un discours très officiel. L’évêque Mynster, primat de l’Église danoise,

418 èbre, crut devoir saluer sa mémoire comme celle d’ un « vrai témoin de la vérité ». Dans cette phrase était le poison, pour

419 iquement de martyr. Or l’évêque Mynster avait été un grand prélat, chargé de titres et d’honneurs, un fin lettré, un human

420 un grand prélat, chargé de titres et d’honneurs, un fin lettré, un humaniste, un homme comblé des biens de ce monde. L’ap

421 t, chargé de titres et d’honneurs, un fin lettré, un humaniste, un homme comblé des biens de ce monde. L’appeler témoin de

422 itres et d’honneurs, un fin lettré, un humaniste, un homme comblé des biens de ce monde. L’appeler témoin de la vérité, c’

423 urs, un fin lettré, un humaniste, un homme comblé des biens de ce monde. L’appeler témoin de la vérité, c’était commettre à

424 provoqué. Et, là encore, ce qui aurait pu rester un simple assaut de fleuret, une polémique comme une autre, tourna souda

425 qui aurait pu rester un simple assaut de fleuret, une polémique comme une autre, tourna soudain au duel à mort. Kierkegaard

426 un simple assaut de fleuret, une polémique comme une autre, tourna soudain au duel à mort. Kierkegaard écrivit immédiateme

427 au duel à mort. Kierkegaard écrivit immédiatement un article d’une extrême violence. Il attendit des mois avant de le publ

428 t. Kierkegaard écrivit immédiatement un article d’ une extrême violence. Il attendit des mois avant de le publier, il attend

429 nt un article d’une extrême violence. Il attendit des mois avant de le publier, il attendit que le professeur Martensen fût

430 elle, aussi « exagérée » que peut l’être l’élan d’ un combattant qui joue sa vie sur un seul coup. Voici un extrait de cet

431 l’être l’élan d’un combattant qui joue sa vie sur un seul coup. Voici un extrait de cet article : Un témoin de la vérité,

432 ombattant qui joue sa vie sur un seul coup. Voici un extrait de cet article : Un témoin de la vérité, c’est un homme dont

433 un seul coup. Voici un extrait de cet article : Un témoin de la vérité, c’est un homme dont la vie est, du commencement

434 t de cet article : Un témoin de la vérité, c’est un homme dont la vie est, du commencement à la fin, familière avec toute

435 frances dont on parle généralement dans le monde. Un témoin de la vérité, c’est un homme qui témoigne dans le dénuement, d

436 ment dans le monde. Un témoin de la vérité, c’est un homme qui témoigne dans le dénuement, dans la misère, dans l’abaissem

437 u, haï, détesté, insulté, outragé, bafoué ; c’est un homme qui est flagellé, torturé, traîné de prison en prison, et puis

438 rison en prison, et puis enfin — car c’est bien d’ un véritable témoin de la vérité que nous parle le professeur Martensen

439 puis enfin crucifié, décapité, brûlé ou rôti sur un gril, jeté par le bourreau dans un endroit écarté, sans être enterré.

440 lé ou rôti sur un gril, jeté par le bourreau dans un endroit écarté, sans être enterré. Voilà un témoin de la vérité, sa v

441 dans un endroit écarté, sans être enterré. Voilà un témoin de la vérité, sa vie et son existence, sa mort et son enterrem

442 ’évêque Mynster, dit le professeur Martensen, fut un des vrais témoins de la vérité. En vérité, il y a quelque chose de pl

443 êque Mynster, dit le professeur Martensen, fut un des vrais témoins de la vérité. En vérité, il y a quelque chose de plus c

444 e jouer ensuite au jeu que l’évêque Mynster était un témoin de la vérité. Une polémique furieuse s’éleva de toutes parts.

445 e l’évêque Mynster était un témoin de la vérité. Une polémique furieuse s’éleva de toutes parts. L’opinion danoise et scan

446 ts. L’opinion danoise et scandinave fut secouée d’ une vertueuse indignation. Kierkegaard luttait seul contre tous. Il lança

447 n. Kierkegaard luttait seul contre tous. Il lança un pamphlet périodique, intitulé L’Instant, pour élargir et pour intensi

448 élargir et pour intensifier son offensive. Après un an de bataille, il succomba. Il avait osé l’acte ; il avait réussi :

449 ivé plus d’une fois de ne plus bien savoir lequel des deux parlait et de m’imaginer qu’Hamlet avait été écrit par Kierkegaa

450 it à l’illusion… Jusqu’au moment où je tombai sur une note de Kierkegaard lui-même au sujet d’Hamlet, qui rétablit les diff

451 proche à Shakespeare de n’avoir pas fait d’Hamlet un drame religieux. Car, si les scrupules d’Hamlet ne sont pas d’ordre r

452 Si l’obstacle à son acte est en lui, il s’agit d’ un scrupule religieux. Dans ce cas, le héros n’est grand que par sa souf

453 tre. Il a été vécu et souffert consciemment (avec une conscience folle, pourrait-on dire), comme le drame pur d’une vocatio

454 ce folle, pourrait-on dire), comme le drame pur d’ une vocation chrétienne. Ici prend fin, ici « échoue sur l’existence » le

455 les de Shakespeare, certains moments mystérieux d’ une dialectique tout intérieure. On sent le risque de l’entreprise : celu

456 direct », à l’examen de la nature ou du mystère d’ une vocation historiquement vécue.   Le premier caractère d’une vocation

457 on historiquement vécue.   Le premier caractère d’ une vocation réelle consiste en son ambiguïté. Celle-ci paraît immédiatem

458 ge courant du terme de vocation. L’on dit ainsi d’ un jeune garçon qu’il a une vocation d’avocat, ou de poète ; c’est qu’il

459 ocation. L’on dit ainsi d’un jeune garçon qu’il a une vocation d’avocat, ou de poète ; c’est qu’il aime à discuter ou qu’il

460 oète ; c’est qu’il aime à discuter ou qu’il tient des propos fantaisistes. Mozart, qui composait des menuets à sept ans, av

461 nt des propos fantaisistes. Mozart, qui composait des menuets à sept ans, avait sans doute la vocation d’un musicien. Il ne

462 enuets à sept ans, avait sans doute la vocation d’ un musicien. Il ne s’agit ici que du don naturel et des dispositions nat

463 musicien. Il ne s’agit ici que du don naturel et des dispositions natives. Mais il existe un sens bien différent du terme.

464 turel et des dispositions natives. Mais il existe un sens bien différent du terme. Quand Jérémie reçoit de l’Éternel l’ord

465 e parler aux nations, il répond : « Je ne suis qu’ un enfant, voici, je ne sais point parler. » Nous dirions qu’il n’a pas

466  Et l’Éternel me dit : Ne dis pas : Je ne suis qu’ un enfant. Car tu iras vers tous ceux auprès de qui je t’enverrai, et tu

467 ous avons vu que sa mélancolie profonde le sépare des autres et, dès l’enfance, fait de lui une nature d’exception. Mais l’

468 sépare des autres et, dès l’enfance, fait de lui une nature d’exception. Mais l’appel religieux qui vient l’atteindre au d

469 but de sa carrière d’écrivain, et qui le charge d’ une mission unique, le rend une exception au second degré, le met à part

470 n, et qui le charge d’une mission unique, le rend une exception au second degré, le met à part une seconde fois, pour des r

471 rend une exception au second degré, le met à part une seconde fois, pour des raisons qui sont celles de l’esprit — bien que

472 econd degré, le met à part une seconde fois, pour des raisons qui sont celles de l’esprit — bien que, dans ce cas particuli

473 ourra toujours dire de Kierkegaard soit qu’il fut un neurasthénique, et que son cas relève de la psychanalyse, soit qu’il

474 son cas relève de la psychanalyse, soit qu’il fut un prophète, né pour être poète et philosophe, mais contraint, par l’app

475 is contraint, par l’appel transcendant, à devenir un témoin de la vérité. Cependant, cette ambiguïté dans notre idée coura

476 celle qui retient Kierkegaard. Il en a distingué une autre, plus intime, qui ne tient plus au double sens du mot, mais à l

477 au double sens du mot, mais à l’existence même d’ une vocation reçue. L’homme, en effet, qui reçoit vocation, se trouve jet

478 n effet, qui reçoit vocation, se trouve jeté dans une incertitude inévitable par l’appel qu’il a cru entendre. Et son incer

479 entendre. Et son incertitude n’est pas le fait d’ un manque d’information, d’une conscience vague ou d’une volonté vacilla

480 de n’est pas le fait d’un manque d’information, d’ une conscience vague ou d’une volonté vacillante, mais elle provient de c

481 manque d’information, d’une conscience vague ou d’ une volonté vacillante, mais elle provient de ce qu’il n’y a pas de preuv

482 n objet. Il s’agit donc ici, selon Kierkegaard, d’ une incertitude objective. De même qu’on ne saurait prouver l’existence d

483 u, on ne peut démontrer la nature transcendante d’ une vocation. Devant Jésus-Christ, l’un dira : « C’est un nommé Jésus, le

484 ocation. Devant Jésus-Christ, l’un dira : « C’est un nommé Jésus, le fils d’un charpentier de Nazareth » et l’autre confes

485 st, l’un dira : « C’est un nommé Jésus, le fils d’ un charpentier de Nazareth » et l’autre confessera : « C’est le Christ,

486 ctive, telle que la définit Kierkegaard, est donc une périphrase philosophique pour désigner la foi et sa nécessité. On ne

487  croire » en Dieu, et l’on ne peut que « croire » une vocation, celle d’un autre, mais aussi et d’abord celle que l’on « cr

488 l’on ne peut que « croire » une vocation, celle d’ un autre, mais aussi et d’abord celle que l’on « croit » avoir reçue soi

489 ait, l’homme de la vocation se trouve plongé dans une double incertitude et dans un risque permanent. Il n’est pas de métho

490 trouve plongé dans une double incertitude et dans un risque permanent. Il n’est pas de méthode éprouvée ni de raisonnement

491 x, dans lui-même autant qu’hors de lui. Reprenons une dernière fois notre parallèle dramatique. Il nous faut reconnaître, e

492 enfin, que la mission reçue par Hamlet n’est pas une véritable vocation, en ce sens qu’elle ne présente pas le caractère d

493 ’agit de découvrir le rôle qu’on devra jouer dans un drame infini, aussi vaste que l’histoire humaine, dont nul ne peut co

494 rd, dès ses premières publications, s’était tracé un plan d’action comportant toute une stratégie de pseudonymes et de « t

495 , s’était tracé un plan d’action comportant toute une stratégie de pseudonymes et de « tromperies » — comme il tient à le r

496 vent, que nos actions apparaissent organisées par une intention générale. Celle-ci, certes, agissait dès le départ obscurém

497 nvers Dieu si je prétendais avoir eu dès le début une vue d’ensemble de toute la structure dialectique de mon œuvre… Non, j

498 , à savoir que toute ma production esthétique est une fraude ; car cette formule concède un peu trop à la conscience. Mais

499 étique est une fraude ; car cette formule concède un peu trop à la conscience. Mais elle n’est pas tout à fait fausse non

500 ète ait fini de s’épancher, tout en veillant avec des yeux d’Argus à ne pas se laisser duper dans une œuvre où se proclame

501 c des yeux d’Argus à ne pas se laisser duper dans une œuvre où se proclame le poète. Enfin, aux dernières pages du livre,

502 pris conscience de mon idée, de ma tâche. » Dans un autre passage du même livre, il nous décrit ce que l’on pourrait appe

503 rit ce que l’on pourrait appeler la psychologie d’ une vocation en exercice. Il parle de sa totale solitude. Il se dépeint n

504 non seulement privé de confident, mais seul avec un moi qu’il ne comprend même plus : Vainement essaierais-je de racont

505 es occasions où Dieu m’a fait sentir son secours. Une chose m’est bien souvent arrivée que je ne puis m’expliquer : quand j

506 ulsions de ma nature, ce qui avait ainsi pour moi une valeur strictement personnelle, tenant presque au hasard, révélait un

507 t personnelle, tenant presque au hasard, révélait une signification tout autre et purement idéale lorsque ensuite cela para

508 que ensuite cela paraissait dans mon œuvre ; bien des choses que j’ai faites à titre privé se trouvaient être justement cel

509 enaient d’immenses proportions, me mettaient dans une disposition précise ; je ne comprenais pas, je tombais dans la mélanc

510 tion nécessaire au travail dont je m’occupais. En un sens, j’ai produit toute mon œuvre comme si je n’avais rien fait d’au

511 avais rien fait d’autre que de copier chaque jour des fragments déterminés d’un livre déjà imprimé. Ainsi la vocation orga

512 de copier chaque jour des fragments déterminés d’ un livre déjà imprimé. Ainsi la vocation organise les hasards et fait f

513 essentiel de toute vocation : il s’agit de suivre un chemin qui demeure invisible tant qu’on ne se risque pas à y marcher.

514 ette « lumière sur mon sentier », dont nous parle un psaume de David, n’éclaire pas au loin une voie tracée d’avance : non

515 s parle un psaume de David, n’éclaire pas au loin une voie tracée d’avance : non, elle est « à mes pieds » seulement, elle

516 e sait et ne saura jamais s’il ne fait qu’épouser un rythme errant, ou s’il le crée tout en croyant le suivre. S’avancer a

517 ’incertitude objective est le premier caractère d’ une vocation réelle, l’acceptation de l’invraisemblable en est la conséqu

518 l’invraisemblable, il ne serait jamais parti pour un pays dont il ne savait rien. Mais accepter l’invraisemblable, il faut

519 ême, dans certains cas, à la morale. C’est courir un risque absolu. Quelles aides, quels repères, quels principes directeu

520 Hamlet blessé, enfin résolu à l’action, monte sur une sorte de tribune élevée, et, de là, d’un saut prodigieux, se jette da

521 nte sur une sorte de tribune élevée, et, de là, d’ un saut prodigieux, se jette dans le vide, l’épée brandie, pour tomber s

522 le roi, qu’il tue. Parfaite traduction plastique des concepts favoris de Kierkegaard. j. Rougemont Denis de, « Kierkegaa

523 La démission de M. Trygve Lie a fait parler d’ une crise des Nations unies, par conséquent de la politique mondiale. Sur

524 ission de M. Trygve Lie a fait parler d’une crise des Nations unies, par conséquent de la politique mondiale. Survenant peu

525 recteur général de l’Unesco, ne révèle certes pas une crise de la culture, mais bien du principe même des organismes cultur

526 e crise de la culture, mais bien du principe même des organismes culturels dépendants de la politique. À ce titre, elle mér

527 pendants de la politique. À ce titre, elle mérite un examen, que presque toutes les revues ont négligé de faire, en vertu

528 où vient le malaise ? Chacun sait qu’il existe un malaise général à l’endroit de l’Unesco, et cela non seulement dans l

529 le prouve le départ de leur chef. Il doit y avoir un vice constitutif dans toute l’affaire. Et peut-être facile à trouver.

530 trouver. Car, en somme, qu’est-ce que l’Unesco ? Un organisme qualifié de « culturel », mis sur pied par les gouvernement

531 her plus loin. Il est clair qu’entre l’activité d’ un peintre, d’un savant, d’un écrivain, et les intérêts d’un ministre, l

532 Il est clair qu’entre l’activité d’un peintre, d’ un savant, d’un écrivain, et les intérêts d’un ministre, les rapports, s

533 qu’entre l’activité d’un peintre, d’un savant, d’ un écrivain, et les intérêts d’un ministre, les rapports, s’il en est, n

534 re, d’un savant, d’un écrivain, et les intérêts d’ un ministre, les rapports, s’il en est, ne sont qu’accidentels. Il s’agi

535 on pense qu’ainsi l’on servira la paix. Or, seule une aide toute désintéressée, n’ayant en vue que la qualité des œuvres d’

536 oute désintéressée, n’ayant en vue que la qualité des œuvres d’art, de littérature ou de science, et leur diffusion dans le

537 t leur diffusion dans les masses, serait vraiment une aide à la culture. Quel est le gouvernement qui peut aider ainsi ?

538 vitudes de la culture organisée Il y eut jadis des princes et dictateurs mécènes. Il y eut Laurent le Magnifique. Temps

539 l y eut Laurent le Magnifique. Temps bien passés. Un gouvernement, aujourd’hui, c’est pratiquement un ministère plus ou mo

540 Un gouvernement, aujourd’hui, c’est pratiquement un ministère plus ou moins dépendant d’un autre ministère (celui des fin

541 atiquement un ministère plus ou moins dépendant d’ un autre ministère (celui des finances, par exemple) et contrôlé par la

542 us ou moins dépendant d’un autre ministère (celui des finances, par exemple) et contrôlé par la majorité d’un parlement. Co

543 ances, par exemple) et contrôlé par la majorité d’ un parlement. Comment un ministère pourrait-il donc (quels que soient le

544 contrôlé par la majorité d’un parlement. Comment un ministère pourrait-il donc (quels que soient les désirs de ses hauts

545 t les désirs de ses hauts fonctionnaires) obtenir un crédit pour la beauté d’une œuvre, et sur la seule démonstration de s

546 onctionnaires) obtenir un crédit pour la beauté d’ une œuvre, et sur la seule démonstration de son excellence ? Il n’en obti

547 yeux de nos gouvernements — et c’est normal — qu’ une espèce de mal nécessaire, un de ces irritants problèmes périphériques

548 t c’est normal — qu’une espèce de mal nécessaire, un de ces irritants problèmes périphériques qui viennent encore s’ajoute

549 re s’ajouter aux problèmes harassants de la lutte des partis, de l’économie, de la défense, et de la politique générale, — 

550 ours le moins possible. Aux yeux du grand public, un budget annuel de neuf millions de dollars, comme celui de l’Unesco, e

551 mme celui de l’Unesco, est gigantesque. Au regard des tâches mondiales que l’Unesco s’assigne, il est simplement ridicule ;

552 à la culture comme on croit au pouvoir électoral des bouilleurs de cru, par exemple, on lui donnerait cent fois ou mille f

553 n moyenne, 9 000 000 de dollars font tout de même une grosse somme. Les hommes de culture, comme on dit, se demandent alors

554 n ne pourrait pas les aider mieux qu’en finançant une grande machine pour les aider. La machine n’absorbe-t-elle pas plus d

555 e-t-il. Mais l’a-t-on fait ? En attendant, rêvons un peu sur ces 9 millions de dollars consentis par les gouvernements. Av

556 t entretenir 130 centres européens de la culture ( un vrai cauchemar) ; ou décerner 3000 grands prix de littérature, d’art

557 e la culture comme but en soi, non comme annexe d’ une politique. Et nous venons de voir pourquoi c’est impossible : non poi

558 r pourquoi c’est impossible : non point à cause d’ une mauvaise volonté ou d’une insuffisance quelconque des hommes chargés

559 e : non point à cause d’une mauvaise volonté ou d’ une insuffisance quelconque des hommes chargés de la tâche, bien au contr

560 mauvaise volonté ou d’une insuffisance quelconque des hommes chargés de la tâche, bien au contraire, mais à cause du systèm

561 enons brièvement ces trois points. 1. Trop vaste. Une organisation culturelle qui survole toutes les civilisations de la pl

562 civilisations de la planète ne peut se donner qu’ un but très vague, mal défini et presque vide de contenu proprement cult

563 de la culture : celle-ci s’est toujours faite par un jeu de libre-échange qui ne tenait aucun compte de nos récentes divis

564 atives et douanières. Le champ d’action optimum d’ une œuvre de coopération culturelle correspond concrètement au « champ d’

565 que intelligible » tel que l’a délimité Toynbee : une société, une civilisation bien définie, comme l’Europe, l’islam, l’As

566 ble » tel que l’a délimité Toynbee : une société, une civilisation bien définie, comme l’Europe, l’islam, l’Asie du Sud, l’

567 Sud, l’Extrême-Orient. Ceci doit se traduire par des organismes régionaux (comme on dit à l’Unesco) et non point mondiaux.

568 boratoires, etc. C’est là que se forme le langage des créateurs individuels et que leurs œuvres apparaissent. C’est donc de

569 qu’il faut partir, de cette base-là, non point d’ une organisation abstraite parce que mondiale, et condamnée par ses dimen

570 déraliste, donc décentralisé. Il se développe par des méthodes de coordination pratique, et non pas à coups de directives é

571 ique, et non pas à coups de directives émises par un office lointain, soumis lui-même à des pressions d’un ordre différent

572 émises par un office lointain, soumis lui-même à des pressions d’un ordre différent de celui de la culture. Il suppose cer

573 ffice lointain, soumis lui-même à des pressions d’ un ordre différent de celui de la culture. Il suppose certes des liaison

574 fférent de celui de la culture. Il suppose certes des liaisons multipliées entre foyers de création. Ces liaisons peuvent e

575 anément. Mais on ne saurait les « planifier » sur une échelle qui n’est plus celle du rayonnement normal et sensible des fo

576 ’est plus celle du rayonnement normal et sensible des foyers de base. 3. Initiative et contrôle gouvernementaux. Ce qui pré

577 cette réalité de base. Partir d’en bas, non pas d’ un centre trop élevé, et trop abstrait des conditions concrètes de la cu

578 non pas d’un centre trop élevé, et trop abstrait des conditions concrètes de la culture dans son état naissant. Et ce qui

579 initiatives devrait valoir aussi pour le contrôle des tâches exécutées en collaboration. Que resterait-il alors à l’organis

580 constituée par les gouvernements soit à l’échelle des Nations unies, soit comme nous le pensons préférable, à celle du Cons

581 e distribution (comprenant la libération pratique des échanges culturels dans une aire donnée), de subvention (après examen

582 a libération pratique des échanges culturels dans une aire donnée), de subvention (après examen des propositions étudiées e

583 ans une aire donnée), de subvention (après examen des propositions étudiées et soumises par les intéressés directs) et parf

584 certaines activités culturelles et le bien commun des peuples ou du groupe de nations considéré). S’il fallait résumer enco

585 ture de toute ingérence politique. 2. Sur la base des initiatives émanant des intéressés, que les gouvernements ou la fédér

586 politique. 2. Sur la base des initiatives émanant des intéressés, que les gouvernements ou la fédération s’attachent à leur

587 pécifiques de la culture et les intérêts généraux des populations. Un régime de consultations directes entre les petits exé

588 culture et les intérêts généraux des populations. Un régime de consultations directes entre les petits exécutifs spécialis

589 ne fût-ce qu’en évitant les retards et les frais des grandes machines bureaucratiques. k. Rougemont Denis de, « À prop

590 « Nous ne sommes pas des esclaves ! » (juillet 1953)l « Ils ont tiré ! Ils tirent sur les o

591 rent sur les ouvriers ! » Le vieux cri de douleur des villes européennes, le cri de douleur des faubourgs s’est propagé dan

592 douleur des villes européennes, le cri de douleur des faubourgs s’est propagé dans les avenues lugubres de Berlin, entre le

593 e, les blocs blanchis aux petites fenêtres myopes des privilégiés du régime, le palais de marbre rose de l’ambassade de l’U

594 sans armes, pour proclamer : « Nous ne sommes pas des esclaves ! » Ainsi les Soviétiques viennent de renouveler ce Dimanche

595 t vers le Palais d’Hiver. Ce sont les descendants des ouvriers d’alors, ce sont leurs petits-fils en uniformes, passés aux

596 es. Elle n’est pas mensongère, elle est gagée sur des centaines de morts et de blessés. Étant dite, et de cette manière, no

597 ette manière, non par certains pour les besoins d’ une polémique, non par la presse d’un seul pays, d’un seul parti, non par

598 les besoins d’une polémique, non par la presse d’ un seul pays, d’un seul parti, non par erreur ou exagération, ni par rie

599 ne polémique, non par la presse d’un seul pays, d’ un seul parti, non par erreur ou exagération, ni par rien que l’on puiss

600 , par la révolte et les blessures et les cadavres des ouvriers de Berlin-Est, cette phrase crie sur la terre entière une vé

601 erlin-Est, cette phrase crie sur la terre entière une vérité que l’on n’éteindra plus : le système totalitaire est un crime

602 l’on n’éteindra plus : le système totalitaire est un crime contre l’homme et ses jours désormais sont comptés. L’insurrect

603 st, bien qu’écrasée dans le sang, marque la fin d’ une ère : celle du mythe communiste qui, pendant trente-six ans, domina l

604 et l’inconscient de millions de bourgeois. Fin d’ un mythe, mais aussi d’un monstrueux sophisme. Allez redire, ô philosoph

605 llions de bourgeois. Fin d’un mythe, mais aussi d’ un monstrueux sophisme. Allez redire, ô philosophes qui vantiez la viole

606 uniste a forcément raison, puisqu’il est le parti des travailleurs ! On savait qu’il était le parti qui avait supprimé le d

607 répression sanglante et de la déportation massive des travailleurs. C’est ici le lieu et le temps de le répéter, ou jamais 

608  : d’autres que les Soviets ont tiré sur la foule des prolétaires revendiquant leur droit de vivre. D’autres massacres d’ou

609 siècle. Au nom de l’ordre, et de la loi, au nom des droits sacrés de la propriété, au nom des intérêts de la production,

610 au nom des droits sacrés de la propriété, au nom des intérêts de la production, les policiers de toutes nos bourgeoisies o

611 les policiers de toutes nos bourgeoisies ont tué des travailleurs qui, eux, se révoltaient au nom de la liberté et de leur

612 au régime communiste de faire ce métier-là au nom des ouvriers — d’ajouter l’imposture au crime. C’est en quoi Grotewohl es

613 l était réservé au régime communiste d’aggraver d’ un contrôle policier la condition de l’ouvrier d’usine, de l’appeler dès

614 u lieu d’augmentations de salaire, l’augmentation des « normes de travail », 10 % cette fois-ci, pour le même prix. Quand l

615 ant ces intérêts ; jamais au nom de la justice et des libertés populaires. J’imagine deux choses pires que la pire injustic

616 injustice : la première serait d’excuser le péché des bourgeois par celui des Soviets ; mais la seconde, nous l’avons sous

617 serait d’excuser le péché des bourgeois par celui des Soviets ; mais la seconde, nous l’avons sous les yeux, consiste à s’e

618 le dix-sept juin ! En criant « nous ne sommes pas des esclaves ! », les ouvriers de Berlin ont rétabli d’un coup la vérité

619 sclaves ! », les ouvriers de Berlin ont rétabli d’ un coup la vérité profonde de toute la situation, une vérité qui vaut po

620 un coup la vérité profonde de toute la situation, une vérité qui vaut pour tous leurs camarades des pays satellites et de l

621 on, une vérité qui vaut pour tous leurs camarades des pays satellites et de l’URSS ; et les tyrans l’ont confirmée, en ouvr

622 lle, on vient de le sentir à Berlin, surgissant d’ un peuple écrasé. Et ce n’est pas l’Europe des marchandages entre nation

623 sant d’un peuple écrasé. Et ce n’est pas l’Europe des marchandages entre nations qui entendent chacune recevoir le plus et

624 crée son avenir et justifie sa raison d’être par des hommes qui se sacrifient au service de la liberté. l. Rougemont De

625 . l. Rougemont Denis de, « “Nous ne sommes pas des esclaves !” », Preuves, Paris, juillet 1953, p. 3-4.

626 du Congrès (septembre 1953)m n Notre tâche est une action mondiale pour la liberté de la culture, c’est-à-dire : pour la

627 ’est-à-dire : pour la liberté dont la culture est une des principales conditions ; et pour la culture, dont la liberté est

628 -à-dire : pour la liberté dont la culture est une des principales conditions ; et pour la culture, dont la liberté est le r

629 début de la guerre de Corée, nous avons été dire un seul mot : Liberté ! et le sens de ce mot, ce sens que les plus grand

630 u seul fait qu’il était prononcé à portée de voix des tyrans. À la suite du meeting mémorable de Berlin, nous nous sommes o

631 rlin, nous nous sommes organisés. Nous avons créé des secrétariats en Allemagne, en France, en Italie, en Grande-Bretagne,

632 iècle montrait avec éclat la vitalité insurpassée des Arts dans le monde libre. « Voilà ce que peut produire la liberté ! »

633 t « voilà nos raisons de reprendre confiance dans une culture, que ceux qui en sont indignes, et qui le prouvent par là mêm

634 lifier de décadente ». L’année prochaine, à Rome, une autre conférence groupant les plus grands compositeurs modernes, avec

635 critiques, poursuivra cet effort dans le domaine des Arts. Mais la science ? nous a-t-on dit de tous côtés, qu’en faites-v

636 de tous côtés, qu’en faites-vous ? N’est-elle pas une partie décisive de la culture au sens moderne ? Certes, la question d

637 la culture au sens moderne ? Certes, la question des rapports entre la science et la liberté a fait partie, dès le début,

638 au plus bas en Russie soviétique ; mais le sort d’ une ballerine de l’Opéra de Moscou est certainement plus enviable que cel

639 Moscou est certainement plus enviable que celui d’ un savant qui doit apprendre et professer la génétique selon Lyssenko, l

640 a science moderne le peut de moins en moins. Pour des raisons pratiques d’abord, des raisons financières par exemple, mais

641 ins en moins. Pour des raisons pratiques d’abord, des raisons financières par exemple, mais aussi et surtout, parce que per

642 ’élan intime de la recherche, qui est par essence une aventure dans l’inconnu. Notre deuxième raison de nous tourner vers l

643 nouvelle dans l’histoire de l’humanité. Elle pose des problèmes difficiles, devant lesquels je souhaite que votre conférenc

644 devenue aux yeux de l’homme moyen du xxe siècle une réalité étrangement ambivalente : à la fois systématique dans ses int

645 ission libératrice ? Ensuite, je vois le problème des applications de la science. Lorsque Einstein écrivit la célèbre équat

646 euf ans plus tard, sur la base de cette équation, une bombe nouvelle tuerait en une seconde plus de cent-vingt-mille Japona

647 de cette équation, une bombe nouvelle tuerait en une seconde plus de cent-vingt-mille Japonais ? Il est inévitable que cet

648 t essentiellement imprévisible, voire anarchique, des conséquences de la recherche scientifique fasse l’inquiétude et même

649 roduits de la science, aboutissent de nos jours à des applications accélérées presque immédiates. Il a fallu plus de trois

650 e et la grande presse. Mais prenez, de nos jours, une petite invention comme celle de la télévision ; en quelques années, e

651 du cinéma, et qu’elle bouleverse les conditions d’ une campagne présidentielle aux États-Unis, avec tout ce que cela peut co

652 idéologie du parti politique au pouvoir ? Sera-ce une sorte de sagesse nouvelle, encore à naître, qui imposerait une harmon

653 sagesse nouvelle, encore à naître, qui imposerait une harmonie préétablie entre la science, la liberté, la spiritualité et

654 cience, la liberté, la spiritualité et le bonheur des masses ? Ou bien sommes-nous prêts à courir les risques de la liberté

655 plus graves qui se posent à l’esprit moderne. Par une chance rare, elles sont aussi celles qui passionnent le grand public.

656 cherche et l’acceptation de ses risques supposent une belle confiance dans les pouvoirs de l’homme et dans l’issue de l’ave

657 ns l’issue de l’aventure humaine. Nous cherchions un lieu propice à cette atmosphère souhaitée. Et nous avons trouvé, dans

658 Et nous avons trouvé, dans cette Europe inquiète, une grande cité qui offrait l’exemple du dynamisme créateur — un étonnant

659 ité qui offrait l’exemple du dynamisme créateur — un étonnant pouvoir de relèvement, un modèle de reconstruction, une ouve

660 sme créateur — un étonnant pouvoir de relèvement, un modèle de reconstruction, une ouverture très large aux grands courant

661 uvoir de relèvement, un modèle de reconstruction, une ouverture très large aux grands courants du monde, bref cet esprit de

662 administrer, ce grand Bürgermeister qui est aussi un grand Weltbürger. Voilà pourquoi nous sommes ici. Merci ! m. Rouge

663 st précédé du chapeau suivant : « “Ce Congrès est un parlement des intellectuels de nombreux peuples qui ont reconnu leur

664 chapeau suivant : « “Ce Congrès est un parlement des intellectuels de nombreux peuples qui ont reconnu leur dépendance mut

665 liberté de la science se situe, elle aussi, dans un certain contexte politique et aucun savant ne peut plus l’ignorer. L’

666 ucléaire James Franck, prix Nobel, qui a été l’un des premiers à appliquer en physique les théorèmes d’Einstein, déclara qu

667 les théorèmes d’Einstein, déclara que la défense des sociétés démocratiques contre les dangers totalitaires imposait certa

668 ons inévitables, mais servait aussi de prétexte à des restrictions que la communauté des savants pouvait estimer injustifié

669 de prétexte à des restrictions que la communauté des savants pouvait estimer injustifiées et nuisibles : “Aucun système de

670 ritique que nous autres, chercheurs, appliquons à des mesures administratives est une manifestation de cet esprit de libre

671 urs, appliquons à des mesures administratives est une manifestation de cet esprit de libre examen qui fait partie du meille

672 de la culture. Preuves publiera ultérieurement un compte rendu des séances au cours desquelles vingt rapports concernan

673 Preuves publiera ultérieurement un compte rendu des séances au cours desquelles vingt rapports concernant la liberté de l

674 entés et discutés par les représentants qualifiés des disciplines les plus variées. »

675 er 1954)o Le texte est précédé de l’extrait d’ un communiqué du Conseil de l’Europe : «  En 1952, la délégation britann

676 : «  En 1952, la délégation britannique au Comité des experts culturels du Conseil de l’Europe présentait un mémorandum sug

677 perts culturels du Conseil de l’Europe présentait un mémorandum suggérant qu’une réunion restreinte d’écrivains, de public

678 de l’Europe présentait un mémorandum suggérant qu’ une réunion restreinte d’écrivains, de publicistes et de journalistes émi

679 alistes éminents soit consacrée à la discussion d’ un programme de diffusion de l’idée européenne en Europe et dans le mond

680 . Cette initiative fut approuvée par les délégués des ministres. Au cours d’une session ultérieure, le Comité des experts c

681 rouvée par les délégués des ministres. Au cours d’ une session ultérieure, le Comité des experts culturels a décidé d’étendr

682 res. Au cours d’une session ultérieure, le Comité des experts culturels a décidé d’étendre la portée de ces discussions en

683 en invitant six Européens distingués à instituer un débat sur « le problème spirituel et culturel de l’Europe considérée

684 une de ces personnalités serait invitée à traiter un aspect différent de ce problème. En même temps, quinze publicistes, u

685 e ce problème. En même temps, quinze publicistes, un par pays membre, devraient prendre part à la discussion, leur tâche p

686 Kleffens, ancien ministre des Affaires étrangères des Pays-Bas et ancien ambassadeur à Washington, actuellement ministre à

687 istre à Lisbonne ; le professeur Kogon, directeur des Frankfurter Hefte et président d’Europa-Union ; le professeur Löfsted

688 France ; le professeur Arnold Toynbee, directeur des études au « Royal Institute of International Affairs » et professeur

689 ersité de Londres ; et M. de Rougemont, directeur des débats. Publicistes : MM. Hommel (Belgique), Ross (Danemark), de Carm

690 r (Suède), Yalman (Turquie), Clark (Royaume-Uni). Des observateurs de l’Assemblée consultative, du Comité des délégués des

691 servateurs de l’Assemblée consultative, du Comité des délégués des ministres, du Comité des experts culturels, de l’Unesco

692 l’Assemblée consultative, du Comité des délégués des ministres, du Comité des experts culturels, de l’Unesco et de l’Organ

693 , du Comité des délégués des ministres, du Comité des experts culturels, de l’Unesco et de l’Organisation du traité de Brux

694 ris fin officiellement le vendredi 16 octobre par une réunion solennelle au Capitole. » I. Pour une prise de conscience

695 une réunion solennelle au Capitole. » I. Pour une prise de conscience européenne L’une des œuvres les plus célèbres

696 Pour une prise de conscience européenne L’une des œuvres les plus célèbres de Gauguin s’intitule : D’où venons-nous ? O

697 es-nous, Européens, en ce milieu du xxe siècle ? Une phrase déjà fameuse, prononcée l’an dernier par le premier président

698 semblée de Strasbourg, Paul-Henri Spaak, répond d’ une manière dramatique : « Nous autres Européens, nous vivons, depuis la

699 s vivons, depuis la dernière guerre, dans la peur des Russes et de la charité des Américains. » Je traduis maintenant les m

700 guerre, dans la peur des Russes et de la charité des Américains. » Je traduis maintenant les mots en chiffres, et cela don

701 é de 155 millions. » La raison de ce paradoxe est des plus simples. Nous ne nous sentons pas, en réalité, 325 millions d’Eu

702 ns et sentons par nations cloisonnées, dans l’ère des grands empires continentaux, des grands marchés, et de la stratégie m

703 nées, dans l’ère des grands empires continentaux, des grands marchés, et de la stratégie mondiale. Nous nous sentons, en co

704 s même de nos vies, si nous persistons à demeurer une vingtaine de nations, de cantons désunis. Mais au contraire, nous pou

705 . Mais au contraire, nous pouvons tout sauver par une union qui ferait de l’Europe, dans la réalité vivante, ce qu’elle n’e

706 ue-t-il à l’Europe pour se sauver, pour rejoindre un salut tout proche et comme à portée de la main ? Il ne lui manque peu

707 portée de la main ? Il ne lui manque peut-être qu’ une seule chose : la conscience des périls qu’elle encourt, que tous nos

708 nque peut-être qu’une seule chose : la conscience des périls qu’elle encourt, que tous nos pays courent ensemble, — et la c

709 s pays courent ensemble, — et la conscience aussi des ressources immenses qui sont là, dont elle peut disposer, à la seule

710 er, à la seule condition de les mettre en commun. Une prise de conscience. Un réveil. Telle paraît donc la condition premiè

711 de les mettre en commun. Une prise de conscience. Un réveil. Telle paraît donc la condition première de toute action concr

712 l’Europe où germa, voici quelques mois, l’idée d’ une table ronde européenne. La construction de l’Europe avançait, mais le

713 taire. Et les résistances croissaient à la mesure des gains déjà réalisés. Comment réduire ces résistances là où elles sont

714 sensible aux tribuns littéraires, accueille avec un scepticisme amer nos plus éloquents hommes d’État. Il fallait donc d’

715 art approfondir l’idée même de l’Europe unie, par une sérieuse méditation ; d’autre part nourrir l’opinion par un sérieux e

716 e méditation ; d’autre part nourrir l’opinion par un sérieux effort d’information. La tâche de méditer sur nos destins fut

717 La tâche de méditer sur nos destins fut confiée à un petit groupe de six Sages, dont la composition me paraît tout à fait

718 emarquable4. L’on y trouvait en effet côte à côte des hommes d’État du premier rang, mais rompus aux disciplines de l’espri

719 ang, mais rompus aux disciplines de l’esprit ; et des hommes de pensée dans la rigueur du terme, mais riches d’une expérien

720 de pensée dans la rigueur du terme, mais riches d’ une expérience intime des nécessités de l’action. Autour de ce mariage tr

721 eur du terme, mais riches d’une expérience intime des nécessités de l’action. Autour de ce mariage très significatif de la

722 sphère d’influence, les résultats de la réflexion des Six. II. De l’unité culturelle à la communauté politique Mon de

723 Mon dessein n’est pas de résumer les péripéties des débats qui se déroulèrent pendant six longues séances dans le huis cl

724 dant six longues séances dans le huis clos doré d’ un vieux palais de Rome, mais bien d’en commenter certains thèmes domina

725 je n’en pensais guère moins et notais au passage des points de départ d’interventions virtuelles… Je m’en voudrais pourtan

726 i sans avoir retracé d’abord la courbe générale d’ une réflexion commune, bien que menée par des esprits aussi divers que le

727 érale d’une réflexion commune, bien que menée par des esprits aussi divers que le sont nos peuples et les familles intellec

728 lectuelles qui les composent. Mis aux prises avec un problème, l’esprit latin exige quelques définitions, l’esprit germani

729 n exige quelques définitions, l’esprit germanique une méthode, tandis que l’Anglo-Saxon cherche une « approche » convenable

730 que une méthode, tandis que l’Anglo-Saxon cherche une « approche » convenable. Il faut tenir compte de ce malentendu toujou

731 rapporteurs d’envisager le problème européen dans une perspective telle que les graves divisions nationales, linguistiques

732 introduit, dans les six thèmes proposés, l’idée d’ un destin commun de tous les peuples de l’Europe, défini par leur unité

733 ne trouvent pas ensemble leur salut. La recherche des origines communes à tous les peuples de l’Europe, nous l’avons faite

734 faite sous la conduite magistrale et souriante d’ un des plus grands historiens de notre temps, M. Toynbee, appuyé par l’a

735 ite sous la conduite magistrale et souriante d’un des plus grands historiens de notre temps, M. Toynbee, appuyé par l’autor

736 notre temps, M. Toynbee, appuyé par l’autorité d’ un savant humaniste, M. Löfstedt. Nous avons vu se dessiner l’extraordin

737 : la naissance de notre civilisation au confluent des courants issus d’Athènes, de Rome et du Proche-Orient ; son expansion

738 igieux, de nos formes politiques, aussi, et enfin des secrets techniques de notre puissance chez tous les peuples de la ter

739 mplet de notre position dans le monde ; la montée des empires unifiés, devant nos divisions sanglantes ; la crise de nos id

740 crise de nos idéaux, devant la propagande massive des dictatures ; les moyens matériels et intellectuels de notre dominatio

741 l conclut à la nécessité d’instaurer tout d’abord une union politique, condition préalable à toute restauration des cadres

742 litique, condition préalable à toute restauration des cadres d’une culture nouvelle et des bases d’un langage commun. Puis

743 ition préalable à toute restauration des cadres d’ une culture nouvelle et des bases d’un langage commun. Puis M. van Kleffe

744 restauration des cadres d’une culture nouvelle et des bases d’un langage commun. Puis M. van Kleffens, en juriste rompu aux

745 des cadres d’une culture nouvelle et des bases d’ un langage commun. Puis M. van Kleffens, en juriste rompu aux négociatio

746 mentales, exposa sans passion le problème brûlant des relations entre la souveraineté nationale (ou ce qu’il en reste) et l

747 roductif, qui nous a présenté le tableau cohérent des mesures institutionnelles capables d’assurer la renaissance de notre

748 ses pour supprimer le mal et assurer le bien dans un délai garanti. Mais elle a déterminé clairement nos responsabilités d

749 en apparence irréductible de la foi religieuse et des certitudes relatives fondées sur la science, la table ronde a affirmé

750 stion réciproque dans la tolérance mutuelle, et d’ une morale civique européenne, commune aux deux familles d’esprits. Devan

751 la table ronde a conclu à la nécessité « d’opérer un changement radical dans nos rapports avec le monde extraeuropéen et d

752 rieurs. La table ronde n’a pas dressé les plans d’ une civilisation modèle. Mais elle a déclaré que le devoir et le salut de

753 le. Mais elle a déclaré que le devoir et le salut des Européens consistaient aujourd’hui à édifier des modèles neufs de soc

754 des Européens consistaient aujourd’hui à édifier des modèles neufs de société — valables pour eux-mêmes d’abord, mais auss

755 mêmes d’abord, mais aussi pour le reste du monde. Un seul exemple : le nationalisme a été notre invention collective. Nous

756 c d’inventer l’antidote de ce toxique et de créer un type nouveau de Communauté fédérale. III. Éléments d’une pensée eu

757 ouveau de Communauté fédérale. III. Éléments d’ une pensée européenne Tout résumé fait tort à son objet, autant qu’à s

758 outant les autres. Elles tournent toutes autour d’ un même problème, celui de l’attitude d’esprit nécessaire pour penser l’

759 Dès que l’on parle du destin commun de nos pays, des voix s’élèvent pour dénoncer je ne sais quel « nationalisme européen 

760 éparer du monde ». Je note que cette résistance à un nationalisme européen encore imaginaire est très généralement le fait

761 rdés mais honteux de la souveraineté sans limites des nations. En vérité, c’est la fédération qu’ils craignent, incapables

762 es qu’ils sont de l’imaginer comme autre chose qu’ une nation monstrueuse ; et ils s’empressent de projeter sur elle les péc

763 a coulpe de l’Europe colonialiste sur la poitrine des fédéralistes. « Vous nous vantez l’Europe, il n’y a pas de quoi ! Ell

764  ! Elle a réduit en servitude et parfois massacré des peuples entiers, en Amérique, en Asie, en Afrique. Elle a produit Hit

765 non point la tolérance indifférente, mais le sens des tensions fécondes et de l’union dans la diversité. Or ce génie fédéra

766 Europe et d’unité culturelle de l’Europe au nom d’ un idéal d’universalité. Ils semblent ignorer que la croyance en la vale

767 es politiques est typique de l’Européen, héritier des Grecs, des Romains, de l’Église catholique, et des clubs jacobins. Ce

768 es est typique de l’Européen, héritier des Grecs, des Romains, de l’Église catholique, et des clubs jacobins. Cette croyanc

769 es Grecs, des Romains, de l’Église catholique, et des clubs jacobins. Cette croyance, en fait illusoire, est la racine des

770 Cette croyance, en fait illusoire, est la racine des pires impérialismes : ceux qui se déguisent en entreprises missionnai

771 communisme. Il est vrai que l’universalisme reste une prétention honorable, dans le domaine des idées pures (s’il en est, e

772 e reste une prétention honorable, dans le domaine des idées pures (s’il en est, et qui restent telles). Mais il couvre trop

773 ’humilité : il s’agit de nous voir responsables d’ une culture bien particulière, dont les principes nous sont communs depui

774 ière, dont les principes nous sont communs depuis des siècles. Cette culture est le cœur d’une civilisation qui, elle, est

775 s depuis des siècles. Cette culture est le cœur d’ une civilisation qui, elle, est devenue vraiment universelle, pour le mei

776 r cette culture menacée par les chocs en retour d’ une civilisation qu’elle a fondée, puis exportée sans nul discernement, à

777 e, il faut maintenant que les Européens reforment une Europe vivante au-dessus de leurs nations mortelles. La première et l

778 moins dans nos querelles internes que dans le jeu des forces mondiales qui nous pressent. Et certes, il faudra bien liquide

779 veut faire l’Europe ? Est-il vrai qu’il y ait là un obstacle à l’union ? Ces souverainetés ont-elles quelque réalité et c

780 van Kleffens l’a définie comme « la faculté, pour un État, d’agir à sa guise, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur, dans le

781 e ? Non pas dans les faits mais dans les discours des députés adversaires de la CED. Elle atteint son degré de virulence ex

782 e lettres cravachantes qu’envoient aux rédactions des colonels en retraite. Refoulée du domaine des forces réelles et des p

783 ons des colonels en retraite. Refoulée du domaine des forces réelles et des pouvoirs concrets, elle est devenue le réceptac

784 traite. Refoulée du domaine des forces réelles et des pouvoirs concrets, elle est devenue le réceptacle où se recueillent p

785 s, orgueils déçus, rancunes et préjugés hérités d’ une Histoire faussée par l’école, agressivité frustrée, et surtout angois

786 tité. Elle a donc pris les caractères cliniques d’ un complexe. D’où la difficulté, pour ceux qui en sont victimes, de s’ad

787 sur la souveraineté nationale. Tout cela demande une thérapeutique appropriée. Le moyen le plus simple, régulièrement prop

788 s les congrès depuis trente ans, c’est la réforme des manuels d’histoire : chacun sait qu’ils ont inculqué le nationalisme

789 etits Européens qui ont passé par l’école, depuis un siècle. La table ronde ne pouvait manquer d’en parler à son tour. Par

790 traire sur l’unité foncière de l’histoire commune des Européens que se détachent, apparaissent, et disparaissent, les natio

791 l’on a prétendu les absolutiser. Bien plus que d’ une réforme des manuels nationaux, c’est de l’introduction d’une histoire

792 endu les absolutiser. Bien plus que d’une réforme des manuels nationaux, c’est de l’introduction d’une histoire de l’Europe

793 des manuels nationaux, c’est de l’introduction d’ une histoire de l’Europe, à tous les degrés de l’enseignement, qu’il est

794 r leur patrie « se perdre dans la masse informe d’ une Europe unie ». Le second argument est dû à M. Cotsaridas, publiciste

795 f », et le décrit, d’après Chateaubriand, comme «  une des formes politiques les plus communes employées par les sauvages ».

796 et le décrit, d’après Chateaubriand, comme « une des formes politiques les plus communes employées par les sauvages ». (Ce

797 ot fédéral, que « la Suisse et les États-Unis ont des gouvernements fédéraux ».) Le même Littré ajoute que le fédéralisme f

798 e même Littré ajoute que le fédéralisme fut aussi un « projet attribué aux girondins de rompre l’unité nationale ». Rien d

799 croyaient naguère encore que le fédéralisme était une méthode pour affaiblir l’Allemagne ! Par une erreur inverse, d’autres

800 tait une méthode pour affaiblir l’Allemagne ! Par une erreur inverse, d’autres s’imaginent que les fédéralistes européens s

801 les fédéralistes européens se proposent de créer un vaste État centralisé. Et combien savent que la Constitution suisse d

802 rement fédéraliste, loin d’abolir la souveraineté des cantons, la garantit expressément ?5 Ces méprises expliquent assez bi

803 éprises expliquent assez bien l’extrême confusion des débats sur la fédération de l’Europe. Le fédéralisme est beaucoup moi

804 on de l’Europe. Le fédéralisme est beaucoup moins une doctrine qu’une pratique. Il suppose un instinct politique opposé à l

805 Le fédéralisme est beaucoup moins une doctrine qu’ une pratique. Il suppose un instinct politique opposé à l’esprit de systè

806 up moins une doctrine qu’une pratique. Il suppose un instinct politique opposé à l’esprit de système et au rationalisme rh

807 ui, n’apercevant pas de différence sérieuse entre une contradiction dans les termes et une tension féconde dans les réalité

808 rieuse entre une contradiction dans les termes et une tension féconde dans les réalités, veulent supprimer la seconde parce

809  » que M. Stéphane Lupasco vient de formuler dans des ouvrages savants, qui renvoie dos à dos jacobins rationalistes et dia

810 t de mon pays ont pratiquée sans le savoir depuis des siècles, avec un paisible succès. Il m’apparaît urgent et vital que c

811 pratiquée sans le savoir depuis des siècles, avec un paisible succès. Il m’apparaît urgent et vital que ceux qui s’occupen

812 s deux mots. Le fédéralisme n’est rien d’autre qu’ une manière de saisir à la fois l’Un et le Divers en politique ; de compr

813 n. La résultante se nomme la paix. L’Europe étant une et diverse, composée de vingt-quatre nations qu’englobe et vivifie un

814 sée de vingt-quatre nations qu’englobe et vivifie une culture millénaire, on tuerait cette Europe en l’unifiant, mais elle

815 oir l’union dans les catégories de l’État-nation, des administrations centralisées, ou au contraire de la coalition, le fau

816 ou au contraire de la coalition, le faux problème des souverainetés aigrira ou bloquera les débats. L’éducation fédéraliste

817 ine mais l’attitude fédéraliste. 1. La fédération des nations de l’Europe doit entraîner leur fédéralisation interne : M.

818 ne : M. Schlichting (Pays-Bas) fait ressortir qu’ un système supranational pourra contribuer à desserrer les liens étroits

819 mposer à leurs différentes régions, ce qui mène à un centralisme excessif et à une limitation anormale de l’autonomie loca

820 gions, ce qui mène à un centralisme excessif et à une limitation anormale de l’autonomie locale et de la vie régionale. Le

821 la vie régionale. Le supranationalisme offre donc des perspectives très favorables pour de larges secteurs de la population

822 s secteurs de la population européenne en ouvrant des possibilités d’expansion aux manifestations locales et régionales de

823 ne, la Sarre et le Luxembourg pourront constituer une zone unique dont l’autonomie sera presque complète, encore qu’elle do

824 tuelles. 2. Le fédéralisme implique la légitimité des allégeances multiples, condition fondamentale de la liberté : M. Toy

825 qu’il ne devait pas nécessairement s’appliquer à un seul objet. Cicéron a concilié sans difficulté son loyalisme envers l

826 Arpino, Paul son loyalisme envers Rome et Tarse. Un conflit de loyalismes n’a pas plus de raison d’être dans l’Europe d’a

827 smes multiples — « allégeances » serait peut-être un terme plus juste — et il insiste pour que cette notion trouve sa plac

828 usions de la table ronde. M. Kogon. — L’Europe a une contribution particulière à donner à la civilisation. Elle devra trou

829 isation. Elle devra trouver l’optimum qui combine un minimum d’unité avec un maximum de diversité. 3. Le fédéralisme n’opp

830 ver l’optimum qui combine un minimum d’unité avec un maximum de diversité. 3. Le fédéralisme n’oppose que le bon sens aux

831 ’oppose que le bon sens aux sophistes qui abusent des définitions pour empêcher toute réalisation : M. de Gasperi. — Seuls

832 êcher toute réalisation : M. de Gasperi. — Seuls des sophistes peuvent nous demander pourquoi nous nous bornons à certains

833 r d’exclure le reste de l’humanité. Quand on aime une femme et qu’on l’épouse, stipule-t-on par là une déclaration de haine

834 une femme et qu’on l’épouse, stipule-t-on par là une déclaration de haine à toutes les autres femmes ?   Distinguer l’ind

835 re vocabulaire, relevée par Eugen Kogon, est l’un des signes les plus graves de la crise spirituelle de l’Occident. (La Rus

836 l’a pas résolue en se bornant à inverser le sens des mots tels que paix, liberté, ordre, agression.) Je me souviens d’avoi

837 dans l’un de mes premiers livres, « la décadence des lieux communs ». Cette analyse, devenue à son tour lieu commun, a pro

838 ue à son tour lieu commun, a prospéré depuis, par une ironie noire, mais sans porter remède au mal. Je lui ajoute ici un ex

839 mais sans porter remède au mal. Je lui ajoute ici un exemple topique. Presque tout le monde, aujourd’hui, paraît confondre

840 ité, de personnalité et de personne6. Ceci dénote un abaissement catastrophique de la culture théologique dans notre monde

841 philosophie, de l’étymologie et de la sémantique. Des siècles de disputes savantes et passionnées, les travaux des conciles

842 de disputes savantes et passionnées, les travaux des conciles fondateurs de notre conception occidentale de l’homme, Athan

843 ui est justement la cause, autant que la victime, des réactions collectivistes du corps social ? Si nous avons perdu le sen

844 e Europe nous défendrons. Celle dont je parle est une notion de l’homme, et non pas une somme d’intérêts dont le reste du m

845 nt je parle est une notion de l’homme, et non pas une somme d’intérêts dont le reste du monde pourrait se passer.   Faire

846 nt le reste du monde pourrait se passer.   Faire des sacrifices raisonnables. — Ayant remarqué chez les meilleurs esprits

847 e aux États, à n’insister que sur les avantages d’ un peu plus de coopération sans douleur, tout en se gardant d’attaquer d

848 n grand rôle historique dès l’an 1204, où l’armée des croisés pilla sa capitale et viola son sanctuaire. Chute immense, don

849 ute immense, dont la cause directe fut le refus d’ un sacrifice minime. Les croisés, débarqués devant Constantinople, exige

850 isés, débarqués devant Constantinople, exigeaient un tribut avant de s’éloigner : 10 millions de francs-or, environ. L’emp

851 ruinés, et refusant de faire le pool patriotique des faibles sommes qui devaient assurer leur salut. L’assaut fut décidé a

852 ent assurer leur salut. L’assaut fut décidé après des mois d’attente. Byzance fut mise à sac. Les produits du pillage s’éle

853 100 millions, sans compter le trésor inestimable des œuvres d’art et des objets sacrés, dilapidés ou « réquisitionnés ». L

854 compter le trésor inestimable des œuvres d’art et des objets sacrés, dilapidés ou « réquisitionnés ». Les richesses de Byza

855 ôtre, il dépend de nous tous, Européens, d’écrire une autre Histoire pour une Europe nouvelle. 4. Je le dis d’autant pl

856 tous, Européens, d’écrire une autre Histoire pour une Europe nouvelle. 4. Je le dis d’autant plus librement qu’invité p

857 personnalités déjà nommées par les gouvernements des États membres, et ne suis donc responsable que du choix des thèmes et

858 membres, et ne suis donc responsable que du choix des thèmes et de leur répartition aux rapporteurs. On pouvait certes imag

859 ables au total. Mais le dosage créé par le hasard des désignations officielles s’est révélé heureux. 5. Cf. les articles 1

860 endus de notre table ronde, encore que, dans bien des cas, les rédacteurs soient les seuls responsables de confusions que l

861 (juin 1954)q Genève nous offre le spectacle d’ un de ces mystérieux moments d’accélération de l’Histoire qui peuvent pr

862 stoire qui peuvent provoquer, selon les cas, soit une confusion générale, soit une prise de conscience, subite et dramatiqu

863 selon les cas, soit une confusion générale, soit une prise de conscience, subite et dramatique. Sur la confusion générale,

864 s, celle de Berlin et celle de Genève. Berlin fut un échec sur les principaux points à son ordre du jour — l’unification d

865 voir qui a gagné, il suffit de se demander lequel des adversaires est parvenu à imposer son angle de vision. Rappelons ici

866 l’extravagante intervention de Molotov, proposant une « Europe des Trente-Deux » pour y noyer l’Europe des Six. Pensait-il

867 e intervention de Molotov, proposant une « Europe des Trente-Deux » pour y noyer l’Europe des Six. Pensait-il que nos neutr

868 « Europe des Trente-Deux » pour y noyer l’Europe des Six. Pensait-il que nos neutralistes et leurs alliés nationalistes en

869 millions d’Allemands seraient rassurés à l’idée d’ un bloc de deux-cents-millions de Russes rétablissant d’un seul coup la

870 ec l’Allemagne » s’évanouirait devant les joies d’ un bon voisinage avec l’alliée naturelle des steppes ? Était-il trompé p

871 joies d’un bon voisinage avec l’alliée naturelle des steppes ? Était-il trompé par Le Monde , où l’on estime que si la ma

872 pé par Le Monde , où l’on estime que si la masse des USA déséquilibre l’Alliance atlantique, la masse de l’URSS ne manquer

873 la masse de l’URSS ne manquerait pas d’équilibrer une bonne alliance eurasiatique ? La vérité, c’est que l’idée européenne

874 epter d’abord, — quitte à tenter de l’écraser par une surenchère insensée. La vérité — c’est qu’à Berlin l’idée de l’Europe

875 t qu’à Berlin l’idée de l’Europe unie, affirmée d’ une seule voix par les représentants de l’Occident rendait l’initiative a

876 déjà changé. L’Occident s’est laissé glisser dans une « Conférence asiatique » qui s’ouvre à Genève, à l’heure choisie par

877 l’Est. Dès le premier jour, la désunion profonde des nations libres est proclamée par toute la presse. Et le second jour a

878 r toute la presse. Et le second jour atteste l’un des renversements les plus stupéfiants de l’Histoire. Tourné vers l’Occid

879 e s’est-il donc passé depuis Berlin ? — Rien, pas un « fait » visible pour la presse, pas une crise et pas une bataille mo

880 Rien, pas un « fait » visible pour la presse, pas une crise et pas une bataille modifiant le rapport des forces ; pas un se

881 it » visible pour la presse, pas une crise et pas une bataille modifiant le rapport des forces ; pas un seul événement poli

882 ne crise et pas une bataille modifiant le rapport des forces ; pas un seul événement politique qui soit de nature à expliqu

883 ne bataille modifiant le rapport des forces ; pas un seul événement politique qui soit de nature à expliquer la grande déb

884 problèmes, et nous impose ainsi, sans coup férir, un angle de vision choisi par Molotov. Du côté russe, l’idée de la manœu

885 e front à son union ; qu’elle venait de remporter une victoire dans ce plan ; qu’elle ne s’en apercevrait pas ; qu’il était

886 apercevrait pas ; qu’il était donc aisé de créer une diversion, et que la meilleure possible était l’Asie. Il suffisait de

887 a France d’abord, puis ses alliés sur l’imbroglio des guerres locales d’Extrême-Orient, afin de la détourner du problème pr

888 acceptée : première victoire du Kremlin. Pendant des mois toute l’attention du monde va se concentrer sur le théâtre d’une

889 ention du monde va se concentrer sur le théâtre d’ une bataille où l’Occident, désormais, joue perdant. Le monde entier verr

890 tier verra nos défaites militaires et l’insolence des envoyés de l’Asie rouge. Et voici la deuxième victoire : pendant des

891 ie rouge. Et voici la deuxième victoire : pendant des mois, l’Europe ne fera plus rien pour accélérer son union ; bien plus

892 nt va servir de slogan à la campagne neutraliste. Un revers français en Asie deviendra le nouveau prétexte à la démission

893 Annexer l’Indochine à l’empire communiste serait un moyen de rétablir la « paix » dans le Sud-Est de l’Asie, puisque cell

894 x armées rouges. Au lendemain de Diên Biên Phu et des humiliations de Genève, l’Europe saura-t-elle se souvenir de Nicopoli

895 ? C’est à quoi nous en sommes, et c’est pire. Car une absurde conjoncture veut que les décisions vitales du pays dont dépen

896 s par leurs querelles locales pour mesurer l’état des forces dans le monde présent. Sous la double poussée de la révolte as

897 révolte asiatique et du colonialisme soviétique, une Europe persistant à rester désunie doit rapidement périr par asphyxie

898 suite, dynamisme créateur déprimé, repliement sur une misère et des rancunes croissantes, décomposition des résistances à l

899 me créateur déprimé, repliement sur une misère et des rancunes croissantes, décomposition des résistances à la propagande t

900 misère et des rancunes croissantes, décomposition des résistances à la propagande totalitaire, et démission finale entre le

901 otalitaire, et démission finale entre les mains d’ un petit groupe « d’apaiseurs » formule Bénès : on sait la suite. Tout c

902 s l’union européenne capable d’opposer aux Russes une puissance qui les tienne en respect. (Et tout le Sud-Est de l’Asie de

903 ra plus arrêté par l’Europe, mais qu’au contraire une Europe forte, restant alliée de l’Amérique, pourrait seule arrêter l’

904 nties » réclamées par tel groupe ou demi-groupe d’ un Parlement pulvérulent, apparaît simplement démente, si l’on a vu la s

905 mondiale — et si l’on n’est pas communiste. Seule une profonde révolte de l’Europe rendue consciente de sa vraie position p

906 sauver de Genève — ce Diên Biên Phu diplomatique. Un tel sursaut vital est-il inconcevable ? Mais, plutôt, est-il concevab

907 uropéennes se laissent entraîner dans l’abîme par une poignée de députés en sursis, qui ont donc à peine le droit de parler

908 qui ont donc à peine le droit de parler au nom d’ une seule ? C’est aux Français, d’abord, qu’on voudrait s’adresser, à ceu

909 drait s’adresser, à ceux qui sentiront l’amitié d’ un appel trop angoissé pour ménager ses termes. q. Rougemont Denis de

910  musique moderne », en effet, n’est guère plus qu’ une manière de parler. C’est l’invention de ceux qui ont décidé qu’après

911 ont décidé qu’après Wagner, il n’y avait plus que des bruits désagréables. L’expression ne désigne pas une unité définissab

912 bruits désagréables. L’expression ne désigne pas une unité définissable, sinon celle d’un refus global d’entendre et d’ess

913 désigne pas une unité définissable, sinon celle d’ un refus global d’entendre et d’essayer de comprendre tout ce qui fut co

914 ges concluants au xxe siècle. Il y eut le groupe des Six, mais il ne fut qu’une amitié : je ne vois rien d’autre qui rappr

915 le. Il y eut le groupe des Six, mais il ne fut qu’ une amitié : je ne vois rien d’autre qui rapproche un Honegger et un Poul

916 ne amitié : je ne vois rien d’autre qui rapproche un Honegger et un Poulenc. Il y eut les dodécaphonistes, mais justement

917 ne vois rien d’autre qui rapproche un Honegger et un Poulenc. Il y eut les dodécaphonistes, mais justement ils n’ont rien

918 kistes paraît bien innocente et amicale au regard des exclusives catégoriques que prononcent les disciples de Schönberg con

919 iie ou du romantisme, dont les œuvres présentent des différences de style aussi radicales que celles qui séparent nos « mo

920 ue la nôtre. Aucune en tout cas n’a fait montre d’ une volonté aussi délibérée de fuir toute apparence d’unité, non seulemen

921 pas cette génération qui le verra. Car le style d’ une époque est très rarement sensible aux gens qui vivent cette époque, e

922 ue, et ceci pour les mêmes raisons qui veulent qu’ un psychanalyste soit incapable de s’analyser lui-même. Le style surgit

923 é dans l’inconscient. Et c’est ainsi que le choix des règles détermine le contenu de nos rêves, — et notre style : négative

924 gativement. La seule unité que confère aux œuvres des contemporains le refus où beaucoup les englobent, ne peut donc procéd

925 aucoup les englobent, ne peut donc procéder que d’ une méconnaissance de ces œuvres. Parce qu’elles diffèrent du déjà entend

926 du déjà entendu, parce qu’elles ne rappellent pas des airs connus, on en déduit bien légèrement qu’elles se ressemblent. Ma

927 es se ressemblent. Mais c’est juger par le revers une tapisserie dont le dessin reste inconnu, — s’il en est un. Ne parlons

928 serie dont le dessin reste inconnu, — s’il en est un . Ne parlons plus de « musique moderne ». Parlons seulement d’œuvres c

929 sser plus loin le paradoxe. S’il est tout de même un caractère commun aux compositeurs d’aujourd’hui, c’est qu’ils sont ju

930 t moins naïvement de leur temps, que ne le furent un Rameau, un Haydn ou un Mozart. Pourquoi cela ? Parce qu’ils écrivent

931 vement de leur temps, que ne le furent un Rameau, un Haydn ou un Mozart. Pourquoi cela ? Parce qu’ils écrivent de la musiq

932 ur temps, que ne le furent un Rameau, un Haydn ou un Mozart. Pourquoi cela ? Parce qu’ils écrivent de la musique en connai

933 ourquoi nous les voyons chercher la naïveté comme une vertu de l’art. Combien de fois n’ai-je pas entendu un jeune peintre

934 rtu de l’art. Combien de fois n’ai-je pas entendu un jeune peintre ou un jeune compositeur soupirer : « Après X ou Y on ne

935 n de fois n’ai-je pas entendu un jeune peintre ou un jeune compositeur soupirer : « Après X ou Y on ne sait plus que faire

936 ou Y on ne sait plus que faire. Nous sommes dans une impasse… » Cette impasse est purement « historique », créée par l’esp

937 ression de ce qu’ils avaient à dire, et qui était un peu différent. Aujourd’hui, l’on voudrait commencer par le stade de m

938 que leur principal souci soit de s’intégrer dans une évolution qu’ils déclarent « nécessaire » ; dans on ne sait quelle lo

939 ue hégélienne de l’Histoire. Ils parlent beaucoup des « nécessités de l’époque » empruntant au vocabulaire économique et po

940 . Or si l’on peut prouver que l’auto produite par une petite usine est invendable, pour des raisons précises de prix de rev

941 roduite par une petite usine est invendable, pour des raisons précises de prix de revient, et ne correspond donc plus aux «

942 marchés, il n’est nullement prouvé que l’œuvre d’ un compositeur non dodécaphonique « est inutile… et se place en deçà des

943 dodécaphonique « est inutile… et se place en deçà des nécessités de son époque »7. Les « nécessités nouvelles de la musique

944 ont telles que pour l’oreille et l’intelligence d’ un très petit groupe d’hommes connaissant toute l’histoire des technique

945 etit groupe d’hommes connaissant toute l’histoire des techniques musicales. Mais il y a plus. Le public d’aujourd’hui, imme

946 ment élargi par la radio, dirigé par les managers des concerts, formé par sa discothèque, a cessé lui aussi d’être « modern

947 nôtre ! Notre grand public se nourrit de musiques des époques révolues. Quand il ne se contente pas de Beethoven et de Brah

948 nteverde. Du temps de Haydn, on n’eût jamais joué des auteurs du xviie siècle, ni même les œuvres anciennes de Haydn : on

949 peut-être aussi chez nos compositeurs, séparés d’ un public devenu trop vaste, et privés de la chaleur des réactions direc

950 public devenu trop vaste, et privés de la chaleur des réactions directes, une tendance générale à faire passer la technique

951 , et privés de la chaleur des réactions directes, une tendance générale à faire passer la technique et la théorie avant cet

952 u’est l’accord spontané du novateur et du plaisir des auditeurs. Cette chose qu’on nomme tout simplement le goût. ⁂ Comment

953 les compositeurs que ceux qui font les programmes des concerts et qui décident du choix des enregistrements. Plus on jouera

954 programmes des concerts et qui décident du choix des enregistrements. Plus on jouera de musique nouvelle, plus le public e

955 e rapprocheront de la sensibilité mieux éduquée d’ une élite sans cesse élargie. Quand l’art et le public se créent l’un l’a

956 le public se créent l’un l’autre, le résultat est une « époque ». Je ne sais pas si nous en vivons une… Mais peut-être somm

957 une « époque ». Je ne sais pas si nous en vivons une … Mais peut-être sommes-nous sur le seuil. Au mois de mai 1952, L’Œuvr

958 ballets, durant trente jours, sans que s’y glisse une mesure de musique composée avant l’an 1900 : tous les soirs, les sall

959 s salles étaient pleines. Il y a là, semble-t-il, un bel encouragement pour ceux des festivals européens qui tentent de do

960 a là, semble-t-il, un bel encouragement pour ceux des festivals européens qui tentent de donner du « nouveau », c’est-à-dir

961 ue de vivre en son temps soit devenu de nos jours une exception notable, une aventure, un risque financier ? ⁂ À la questio

962 s soit devenu de nos jours une exception notable, une aventure, un risque financier ? ⁂ À la question que je citais au débu

963 de nos jours une exception notable, une aventure, un risque financier ? ⁂ À la question que je citais au début, je répondr

964 illet 1954, p. 75-77. s. Le texte est précédé d’ une introduction de Fred Goldbeck : « Le musicien d’aujourd’hui, lorsqu’i

965 ie siècle, et mis, comme on dit en anglais, dans une coque de noix. Nos compositeurs auraient sans doute avantage à placer

966 u lieu n’y est donc pour rien. (Ce n’est pas pour des raisons musicales que Voltaire ne prisait pas Rousseau.) Mais il y a

967 Rougemont, dans ses ouvrages, veux-je dire, a eu un vif commerce avec le diable. Et que le diable, qui depuis Faust “disa

968 sicien moderne, de toujours dissoner (fût-ce avec des accords de do majeur) et d’essayer sur nos contemporains “cette chose

969 mort d’Alcide de Gasperi inscrivent sur l’Europe un signe fatidique. Il importe de le déchiffrer. Il venait d’achever sa

970 ière politique, en déposant sa charge de leader d’ un parti qu’il avait su conduire à la victoire, et à la tête duquel il a

971 s’est détourné du spectacle que préparaient dans une ombre fiévreuse ceux qu’il venait de désigner (dans une lettre encore

972 bre fiévreuse ceux qu’il venait de désigner (dans une lettre encore inédite) comme les « saboteurs de l’Europe ». Cet homme

973 et homme, symbole de l’Italie nouvelle renaissant des ruines du fascisme, était né aux confins disputés de son pays, en la

974 poléon à Staline, en passant par Hitler, viennent des confins de la patrie qu’ils domineront : de la Corse, de l’Autriche o

975 au premier rang dans cette nation pour y prendre une revanche éclatante, pour la punir en la forçant à d’autres conquêtes

976 iente et sadomasochiste. Mais les hommes nés dans des régions séparées pour un temps de la mère patrie, un de Gasperi, un S

977 ais les hommes nés dans des régions séparées pour un temps de la mère patrie, un de Gasperi, un Schuman, quand ils rejoign

978 régions séparées pour un temps de la mère patrie, un de Gasperi, un Schuman, quand ils rejoignent leur communauté après av

979 s pour un temps de la mère patrie, un de Gasperi, un Schuman, quand ils rejoignent leur communauté après avoir lutté pour

980 ’Europe unie parce qu’en elle il voyait le gage d’ une paix féconde entre la foi, la liberté, et le civisme militant. « Univ

981 e, de « progressisme » par la droite, dénoncé par un Togliatti comme « assassin » et par quelques faussaires à gages comme

982 demain du meurtre de Matteotti — était en réalité un « tory de gauche », selon le mot de M. Eden, un catholique laïque et

983 é un « tory de gauche », selon le mot de M. Eden, un catholique laïque et démocrate, et bien sûr un homme de parti, mais p

984 n, un catholique laïque et démocrate, et bien sûr un homme de parti, mais par esprit de dévouement, non par fanatisme sect

985 sez bien pour que sa mort m’éprouve comme celle d’ un ami. Ce fut à l’occasion de la table ronde convoquée l’an dernier à R

986 rques à voix basse, ces questions et réponses sur des bouts de papier qui sont l’agrément des congrès, mais qui permettent

987 onses sur des bouts de papier qui sont l’agrément des congrès, mais qui permettent surtout de vérifier rapidement le degré

988 a séance finale au Capitole, il se leva pour lire un magistral discours synthétisant l’ensemble des travaux : c’étaient se

989 ire un magistral discours synthétisant l’ensemble des travaux : c’étaient ses notes, à peine retouchées. Cette efficacité s

990 , cette extrême attention portée à nos débats par un homme d’État du premier plan, me parurent d’autant plus remarquables

991 ue notre union se fonde dans les esprits, non sur des textes marchandés par les partis dans les parlements excités. Il ne c

992 on réelle avec les grands éclats de voix secouant des meetings informes et sans lendemain. Il n’était pas « grand orateur »

993 parfois avec humour. Mais pourquoi faudrait-il qu’ un homme d’État fût d’abord un brillant rhéteur ? Le jugement politique

994 urquoi faudrait-il qu’un homme d’État fût d’abord un brillant rhéteur ? Le jugement politique et l’art du trémolo ne devra

995 les plus éloquents et font en conséquence la pire des politiques. Qui dira le mal fait à l’Europe par ces « grandes voix »

996 Europe par ces « grandes voix » débitant avec âme des sophismes vulgaires. De Gasperi parlait d’une voix sévère et fraterne

997 âme des sophismes vulgaires. De Gasperi parlait d’ une voix sévère et fraternelle, avec une force peu commune. C’était la vo

998 ri parlait d’une voix sévère et fraternelle, avec une force peu commune. C’était la voix d’un homme, austère et bon. L’art

999 le, avec une force peu commune. C’était la voix d’ un homme, austère et bon. L’art de simplifier les problèmes était le gag

1000 fier les problèmes était le gage de son autorité, un certain humour très direct, celui de son honnêteté. (Les dictateurs s

1001 ne connaissent que le sarcasme.) Je me souviens d’ un mot qu’il eut dans son discours inaugural, à propos de la Communauté

1002 son discours inaugural, à propos de la Communauté des Six : « Seuls des sophistes peuvent nous demander pourquoi nous nous

1003 ural, à propos de la Communauté des Six : « Seuls des sophistes peuvent nous demander pourquoi nous nous bornons à certains

1004 r d’exclure le reste de l’humanité. Quand on aime une femme et qu’on l’épouse, stipule-t-on par là une déclaration de haine

1005 une femme et qu’on l’épouse, stipule-t-on par là une déclaration de haine à toutes les autres femmes ? » Jamais il n’a vou

1006 que probable de Bruxelles fut la cause directe d’ une attaque dont il devait mourir le surlendemain. L’œuvre entreprise par

1007 it mourir le surlendemain. L’œuvre entreprise par un Adenauer, par un Schuman, et par lui-même, se voyait subitement compr

1008 endemain. L’œuvre entreprise par un Adenauer, par un Schuman, et par lui-même, se voyait subitement compromise. Bien plus

1009 e, c’est à cette trahison soudaine de la cause et des réalités européennes qu’il faut attribuer sa mort prématurée. Nous re

1010 Nous restons pour reprendre sa lutte en faveur d’ une Europe « des esprits et des cœurs », formule dont les sentimentaux on

1011 pour reprendre sa lutte en faveur d’une Europe «  des esprits et des cœurs », formule dont les sentimentaux ont abusé, et d

1012 sa lutte en faveur d’une Europe « des esprits et des cœurs », formule dont les sentimentaux ont abusé, et dont se couvrent

1013 dre au sérieux. 8. On sait que Guareschi paie d’ une année de prison cette calomnie forgée par des néo-fascistes (voir Pr

1014 e d’une année de prison cette calomnie forgée par des néo-fascistes (voir Preuves , n° 39, p. 64). t. Rougemont Denis de

1015 mbre 1954)u D’un Premier Allemand qui joue sur une entente avec la France, un écrivain français a dit ceci : « L’Allemag

1016 Allemand qui joue sur une entente avec la France, un écrivain français a dit ceci : « L’Allemagne qu’il incarne ne nous ap

1017 igeait la démission de Delcassé. » Paraphrasons : une Allemagne vaincue, désarmée, occupée, amputée d’un quart de sa popula

1018 e Allemagne vaincue, désarmée, occupée, amputée d’ un quart de sa population et d’un tiers de son territoire, au surplus go

1019 occupée, amputée d’un quart de sa population et d’ un tiers de son territoire, au surplus gouvernée par un ami de la France

1020 tiers de son territoire, au surplus gouvernée par un ami de la France, n’est « pas moins redoutable » que l’Allemagne arro

1021 as où l’on attribuerait à « Peur de l’Allemagne » une valeur infinie. Ce que l’on fait, en réalité. La peur de l’Allemagne

1022 lement et à tout jamais. Car s’il n’en restait qu’ un , je craindrais celui-là, dit en substance François Mauriac (dans L’Ex

1023 ur qu’inspire l’Allemagne a été l’arme principale des anticédistes. N’est-il pas très nouveau qu’un grand pays proclame sa

1024 le des anticédistes. N’est-il pas très nouveau qu’ un grand pays proclame sa peur dans l’instant qu’il règle sur elle sa po

1025 t personne. Les Américains n’ont pas du tout peur des Russes, mais leur gouvernement ne cherche qu’à prévenir ou contenir l

1026 ilibre si gravement menacé par l’égalité proposée des armements de la France et de l’Allemagne. Encore une fois, seule la P

1027 , seule la Peur, affectée du signe ∞, peut rendre un sens quelconque à ces divagations. ⁂ Quelqu’un n’a pas peur : M. Beva

1028 la traduction ne l’ont pas empêché de manifester un profond sens de l’humour. Il m’a affirmé énergiquement qu’il n’y avai

1029 l m’a affirmé énergiquement qu’il n’y avait aucun des problèmes opposant la Russie au reste du monde qui ne puisse être rés

1030 ux phrases et ne riez pas. Leur juxtaposition est un simple accident. L’allusion au sens de l’humour malenkovien est sans

1031 ue, après la mort de Staline, elle a cessé d’être une vraie dictature. Ce fait est établi par les conversations qu’a eues M

1032 iétiques. La Russie est gouvernée aujourd’hui par un pouvoir collégial. Il est normal d’admettre que les institutions poli

1033 de la Russie doivent être adaptées, comme celles des autres nations, à l’évolution économique et sociale du pays. Il est d

1034 de l’URSS commandait de passer de la dictature d’ un seul à celle de plusieurs ; de la liquidation des koulaks à celle des

1035 ’un seul à celle de plusieurs ; de la liquidation des koulaks à celle des kolkhozes ; de l’accusation contre les médecins d

1036 plusieurs ; de la liquidation des koulaks à celle des kolkhozes ; de l’accusation contre les médecins de Staline à leur réh

1037 à leur réhabilitation. On sent qu’il s’agit là d’ une nécessité organique. L’évolution économique et sociale est en Russie

1038 Sibérie. Cependant, le problème de l’intervention des hommes dans ce processus évolutif se pose encore à M. Bevan. Car c’es

1039 chev ». Et de se demander : « Khrouchtchev est-il un autre Staline ? » Et de répondre : « Très évidemment non. C’est un pe

1040 ? » Et de répondre : « Très évidemment non. C’est un personnage agressif, dynamique, et tout à fait extraverti. » Tout le

1041 rivait dans son journal intime : « Staline est-il un autre Lénine ? Très évidemment non. » Et il avait raison. Hitler ne f

1042  » Et il avait raison. Hitler ne fut pas non plus un autre Bismarck. Généralement, les gens ne sont pas un autre, sauf s’i

1043 utre Bismarck. Généralement, les gens ne sont pas un autre, sauf s’ils sont Allemands, comme vient de le montrer M. Mauria

1044 Russes, nous dit L’Express. Le vrai danger vient des Allemands. Un Anglais prouve le premier point, un Français le second.

1045 it L’Express. Le vrai danger vient des Allemands. Un Anglais prouve le premier point, un Français le second. La collaborat

1046 es Allemands. Un Anglais prouve le premier point, un Français le second. La collaboration européenne n’est pas un vain mot

1047 le second. La collaboration européenne n’est pas un vain mot. Elle joue à plein contre l’Europe. ⁂ Mais si 43 millions de

1048 tuation. « Le dernier recensement fait apparaître une population de 620 millions de Chinois. On estime que ce chiffre augme

1049 n. » Or « le communisme, en Chine, n’a jamais été un mouvement de masse », déclare M. Bevan. « Notre tâche, m’a dit un dir

1050 masse », déclare M. Bevan. « Notre tâche, m’a dit un dirigeant chinois, est maintenant d’atteindre le peuple. » Seule, une

1051 s, est maintenant d’atteindre le peuple. » Seule, une « petite fraction de la société chinoise » est communiste. u. Roug

1052 néfice nous est acquis pour l’histoire : soumis à une formidable pression politique, morale, financière, venant des États-U

1053 le pression politique, morale, financière, venant des États-Unis […] la majorité de l’opinion française […] a préféré aux f

1054 P et de la droite était donc faux : leur menace d’ un retrait des crédits américains, leur fameux dilemme “CED ou Wehrmacht

1055 droite était donc faux : leur menace d’un retrait des crédits américains, leur fameux dilemme “CED ou Wehrmacht”, leur chan

1056 llègre impunité. Citons. Sur la menace du retrait des crédits américains : « Les autorités américaines annulèrent leurs com

1057 onstituer… L’Allemagne aura le droit de fabriquer des armes… On a donc des raisons au moins égales de redouter que la corpo

1058 e aura le droit de fabriquer des armes… On a donc des raisons au moins égales de redouter que la corporation militaire alle

1059 la corporation militaire allemande fasse sentir à une démocratie incertaine le poids de sa force nouvelle… » (p. 667). Ceci

1060 ds de sa force nouvelle… » (p. 667). Ceci demande une correction : la CED excluait un état-major allemand. Les accords de L

1061 7). Ceci demande une correction : la CED excluait un état-major allemand. Les accords de Londres l’autorisent. Les « raiso

1062 de la CED a bel et bien entraîné la recréation d’ une Wehrmacht, comme le disaient les gens du MRP, etc. Sur le chantage au

1063 d’ordinaire sous silence » ( ?), « la création d’ une force équivalente à l’Est ». Le schéma logique de cet article révèle

1064 l’Est ». Le schéma logique de cet article révèle une rigueur proprement masochiste : Esprit ayant contribué par son acti

1065 îné les accords de Londres ; ceux-ci rétablissant une Wehrmacht, et la Wehrmacht (de demain) étant destinée à provoquer la

1066 ain) étant destinée à provoquer la « création » d’ une armée russe (que l’on croyait depuis longtemps glorieuse) — si cela m

1067 nce dans la mesure exacte où celui-ci s’éloignait des thèses gaullistes sur la Russie. Encore un peu de persévérance, ils v

1068 ient depuis le début : c’était à droite. (Et même un peu plus loin.) v. Rougemont Denis de, « De gauche à droite », Pre

1069 t chargés de prestige aux yeux de l’Européen et d’ un pathos qui ne saurait tromper, ils représentent dans notre Quête du G

1070 rté ; enfin parler de la nation non point comme d’ une idole sanguinaire et bornée, mais simplement comme d’une formule qui

1071 le sanguinaire et bornée, mais simplement comme d’ une formule qui a fait son temps, voilà qui sera ressenti comme sacrilège

1072 tement qu’elle sera moins chrétienne. Il y a donc un sacré moderne. Et ces trois noms révèlent ses puissances d’envoûtemen

1073 ts, il n’en demeure pas moins inconcevable hors d’ un monde investi et structuré par la réalité de la personne et de ses « 

1074 passion ou la conversion au néant « L’amour ? une invention du xiie siècle », a dit un historien sérieux. À l’appui de

1075  L’amour ? une invention du xiie siècle », a dit un historien sérieux. À l’appui de cette remarque fameuse, rappelons une

1076 x. À l’appui de cette remarque fameuse, rappelons une série de faits incontestables — dont j’ai tenté ailleurs d’interpréte

1077 ulte de la Vierge. Et Notre-Dame répond à la Dame des pensées, comme à la cortezia des troubadours la mystique de l’amour d

1078 répond à la Dame des pensées, comme à la cortezia des troubadours la mystique de l’amour divin d’un saint Bernard, et comme

1079 ia des troubadours la mystique de l’amour divin d’ un saint Bernard, et comme à l’histoire exemplaire vécue par Héloïse et

1080 me siècle : le Roman de Tristan et Iseut. Du Midi des troubadours, inventeurs de notre lyrisme, au Nord des Trouvères, inve

1081 troubadours, inventeurs de notre lyrisme, au Nord des Trouvères, inventeurs du roman, puis à toute l’Europe littéraire, la

1082 puis à toute l’Europe littéraire, la transmission des thèmes, sujets et procédés peut être suivie pas à pas : nos plus gran

1083 romantisme, et nous vivons encore dans la tiédeur des cendres d’un interminable incendie. Et je sais bien que de la passion

1084 nous vivons encore dans la tiédeur des cendres d’ un interminable incendie. Et je sais bien que de la passion mortelle à l

1085 citing et de la mystique d’Amour au love interest des films de Hollywood, on ne verra qu’une longue décadence, une vulgaris

1086 e interest des films de Hollywood, on ne verra qu’ une longue décadence, une vulgarisation au double sens du mot ; pourtant,

1087 e Hollywood, on ne verra qu’une longue décadence, une vulgarisation au double sens du mot ; pourtant, il s’agit du même myt

1088 agit du même mythe. Par le moyen de la culture et des modèles qu’elle offre au sentiment, ce mythe a pénétré nos vies, et m

1089 algies. Et c’est ainsi qu’il a conditionné depuis des siècles les relations des deux sexes en Occident, encore que le jeune

1090 il a conditionné depuis des siècles les relations des deux sexes en Occident, encore que le jeune Européen moyen ne ressemb

1091 ntenu du mythe ne peut être décrit qu’en opposant des termes eux-mêmes ambivalents : il est exaltation de la vie vers la mo

1092 vie et la mort changent de signe dans le langage des passionnés et des mystiques), il est impérialisme et abandon du moi (

1093 angent de signe dans le langage des passionnés et des mystiques), il est impérialisme et abandon du moi (avec la même sincé

1094 ’amène au jour de l’existence, comme les règles d’ un jeu suffisent à provoquer une ardeur insensée à propos de bouts de bo

1095 , comme les règles d’un jeu suffisent à provoquer une ardeur insensée à propos de bouts de bois. Cette forme, cette structu

1096 r, au sein même du monde féodal, qui est le monde des « fidélités ». Tristan, pris de passion, viole tous les interdits mor

1097 siècle, où la passion « naquit » avec la poésie des troubadours, voit un premier retour de l’individualisme dans l’Occide

1098 cœur sauvage de l’homme enfermé dans les liens d’ un mariage de raison avec l’orthodoxie. Quant au mariage lui-même, civil

1099 lui-même, civil et religieux, forme personnaliste des rapports des deux sexes, puisqu’il suppose l’union au sein de la dist

1100 il et religieux, forme personnaliste des rapports des deux sexes, puisqu’il suppose l’union au sein de la distinction, il e

1101 espondent aux « touches » de l’Esprit, l’étreinte des corps ouvre la Voie mystique, et l’abandon total à la passion est déc

1102 et l’abandon total à la passion est décrit comme une conversion : Alors la vraie Minne, la fougueuse déesse, le pénétra d

1103 ardeurs. Et son cœur brûlant lui révéla la source des peines dont il souffrait. Alors commença pour lui une autre vie. Il e

1104 peines dont il souffrait. Alors commença pour lui une autre vie. Il entra dans une vie nouvelle où tout son être fut changé

1105 rs commença pour lui une autre vie. Il entra dans une vie nouvelle où tout son être fut changé. Il devint un autre homme…10

1106 e nouvelle où tout son être fut changé. Il devint un autre homme…10 Cette « vie nouvelle » — dans le monde comme n’étant

1107 à l’homme pour son plaisir : elle le saisit comme une grâce exigeante, et le revêt d’une vocation. L’individu arraché du co

1108 e saisit comme une grâce exigeante, et le revêt d’ une vocation. L’individu arraché du commun par un souverain caprice de la

1109 d’une vocation. L’individu arraché du commun par un souverain caprice de la Minne, aussitôt ne s’appartient plus. À peine

1110 et de fidélité jusqu’à la mort divinisante, mais un seul être a pris la place de tous, et du monde, et de Dieu lui-même.

1111 te sa forme et reproduit son paradoxe, bien qu’en un reflet inversé. Cet amour déifié n’est pas le Dieu d’Amour. Il n’élit

1112 r déifié n’est pas le Dieu d’Amour. Il n’élit pas un homme pour le sauver, mais pour l’exalter vers sa perte. Il ne lui do

1113 pour l’exalter vers sa perte. Il ne lui donne pas un prochain, mais un objet de fascination mortelle. Cependant il l’élit,

1114 s sa perte. Il ne lui donne pas un prochain, mais un objet de fascination mortelle. Cependant il l’élit, l’isole et le rel

1115 ns sa grandeur tragique et obsédante qu’au sein d’ un monde qui avait appris à croire à la valeur irremplaçable d’un seul ê

1116 avait appris à croire à la valeur irremplaçable d’ un seul être. « Je pensais à toi dans mon agonie. J’ai versé telles gout

1117 e jette pas l’homme dans son salut vivant ni dans un martyre salutaire, mais dans la catastrophe de la mort des amants. « 

1118 re salutaire, mais dans la catastrophe de la mort des amants. « Viens, douce mort », chante l’âme apaisée au plus pur des c

1119 s, douce mort », chante l’âme apaisée au plus pur des chorals de Bach. La « Joie suprême » d’Isolde agonisante n’est qu’un

1120 La « Joie suprême » d’Isolde agonisante n’est qu’ un dernier défi au Soleil disparu derrière l’horizon jaune de la mer d’O

1121 périence salutaire ? Certes, mais il faut voir qu’ un tel échec demeure spécifiquement occidental, encore qu’il soit causé

1122 fiquement occidental, encore qu’il soit causé par un refus des options principales de l’Occident. Il ne ramène pas l’âme à

1123 occidental, encore qu’il soit causé par un refus des options principales de l’Occident. Il ne ramène pas l’âme à l’Orient

1124 ramène pas l’âme à l’Orient symbolique, comme par une double négation, car l’Orient ne connaît pas ce tragique absolu qui n

1125 ur la personne. Et pourtant, la passion réinvente un des profonds secrets de l’évasion spirituelle imaginée par l’Inde et

1126 la personne. Et pourtant, la passion réinvente un des profonds secrets de l’évasion spirituelle imaginée par l’Inde et le b

1127 r la tombe de Tristan et d’Iseut, deux plantes en une nuit s’élèvent et s’enlacent. Et ce symbole discret de la transmigrat

1128 sont inconnues dans tout l’Orient, qu’il s’agisse des empires aryens ou dravidiens, khmers ou mongols, chinois ou japonais.

1129 ou japonais. L’idée ne peut apparaître aux yeux d’ un Asiatique indemne d’influences occidentales, que sous l’aspect d’une

1130 ne d’influences occidentales, que sous l’aspect d’ une indécence profonde, d’une blessure à l’ordre cosmique, d’un crime abs

1131 es, que sous l’aspect d’une indécence profonde, d’ une blessure à l’ordre cosmique, d’un crime absurde. Quant à la réalité,

1132 ce profonde, d’une blessure à l’ordre cosmique, d’ un crime absurde. Quant à la réalité, l’Oriental a connu les grands boul

1133 ltes. Pourtant, que le Grand Khan balaye la Chine des Song, puis que les Ming chassent les Mongols, qu’un Chandragupta usur

1134 Song, puis que les Ming chassent les Mongols, qu’ un Chandragupta usurpe le trône, qu’un Mahmud envahisse les royaumes des

1135 s Mongols, qu’un Chandragupta usurpe le trône, qu’ un Mahmud envahisse les royaumes des Rajputs et que ceux-ci se soulèvent

1136 rpe le trône, qu’un Mahmud envahisse les royaumes des Rajputs et que ceux-ci se soulèvent contre lui, il ne s’agit en aucun

1137 , car la subversion vient de l’extérieur, ou vise un pouvoir étranger. La notion propre de révolution, impliquant un chang

1138 anger. La notion propre de révolution, impliquant un changement soudain, un renouvellement par l’intérieur de toutes chose

1139 de révolution, impliquant un changement soudain, un renouvellement par l’intérieur de toutes choses et de l’Ordre lui-mêm

1140 ence du christianisme. Dès ce moment, d’ailleurs, un Japonais fondait le mouvement syndicaliste dans son pays : mais c’éta

1141 urner complètement. Dans les deux cas, se produit une crise brusque et rapide, un processus de mort et renaissance, qui rev

1142 deux cas, se produit une crise brusque et rapide, un processus de mort et renaissance, qui revêt la violence d’une cathars

1143 s de mort et renaissance, qui revêt la violence d’ une catharsis : « Les choses vieilles sont passées, dit saint Paul ; voic

1144 les. » Et les chefs de nos révolutions promettent des « choses nouvelles » par un brusque avènement. Dans les deux cas, la

1145 volutions promettent des « choses nouvelles » par un brusque avènement. Dans les deux cas, la subversion de l’ordre ancien

1146 cas, la subversion de l’ordre ancien s’opère par un double mouvement : le rejet violent des « choses vieilles », l’instit

1147 ’opère par un double mouvement : le rejet violent des « choses vieilles », l’institution d’un ordre neuf. Le converti rejet

1148 violent des « choses vieilles », l’institution d’ un ordre neuf. Le converti rejette la Loi, morte pour lui — c’est le mom

1149 ituant, communautaire. L’irruption de la foi dans une vie figure donc le modèle spirituel de toute révolution occidentale.

1150 va les changer en revendications) : l’exigence d’ une justice universelle et non plus relative à la caste ou à la classe ;

1151 abilité de nos régimes politiques et sociaux et d’ une recherche perpétuelle du vrai civisme, inconnue dans les sociétés clo

1152 révolutionnaire européen se détache sur le fond d’ une foi qui tient la liberté et l’action prophétique pour plus vraies que

1153 ccident ont provoqué dans l’évolution occidentale une discontinuité, un traumatisme exemplaire : on dit « avant J.-C. » et

1154 é dans l’évolution occidentale une discontinuité, un traumatisme exemplaire : on dit « avant J.-C. » et c’est l’Antiquité,

1155  » et c’est l’Antiquité, « après J.-C. » et c’est une ère nouvelle, comptée à neuf. Toutes nos révolutions s’en souviendron

1156 iendront. L’Orient n’a pas connu pareille coupure des temps — cette coupure de l’histoire en deux, qui a fait l’Histoire. L

1157 oli ni privé de ses temples. Elle évoque l’idée d’ une Europe où vivraient encore sous nos yeux, dans nos villes et dans nos

1158 la Grande Déesse, les cultes initiatiques, l’Odin des Scandinaves et le Dispater des Celtes, les courants de pensée judaïqu

1159 itiatiques, l’Odin des Scandinaves et le Dispater des Celtes, les courants de pensée judaïques et arabes, iraniens et manic

1160 ement officiel dans l’Empire a créé pour l’Europe un précédent qui ne cesse de hanter son histoire. Conversions, valeurs «

1161 Église organisant les groupes de convertis créait un type nouveau de relations entre les hommes. Elle instituait un nouvel

1162 au de relations entre les hommes. Elle instituait un nouvel ordre qui bientôt prendrait la relève de l’Empire défaillant.

1163 par exemple11, lesquels ne seront pas abolis pour des raisons théologiques, mais militaires dans le premier cas, techniques

1164 prouvé sa puissance de subversion, l’on s’avise d’ une contradiction flagrante entre la « révolution chrétienne » des premie

1165 tion flagrante entre la « révolution chrétienne » des premiers siècles et les autres révolutions qui ont versé dans son omb

1166 autres révolutions qui ont versé dans son ombre «  un sang impur ». L’Église, en effet, se fondait sur la réalité des homme

1167  ». L’Église, en effet, se fondait sur la réalité des hommes transformés par la foi. Elle n’avait pas pour but de convertir

1168 pour but de convertir la société, mais d’unir en un corps les convertis. Et c’est accessoirement qu’elle a pu contribuer

1169 lutions tentent l’inverse : partant de l’utopie d’ un ordre théorique qu’il faut imposer par la force, elles s’imaginent qu

1170 les s’imaginent qu’il en résultera nécessairement un « homme nouveau » plus libre ou plus heureux. Si l’on veut rendre com

1171 mais c’est l’individu profanateur. Celui-ci fonde une cité dont il édicte les lois et les contrats. Mais lorsque la tricher

1172 ent plus encadré ni relié, le vide social appelle un ordre autoritaire. Ici peut naître la révolution. Deux formules d’ord

1173 mais présent dans la foi, cette « ferme assurance des choses qu’on ne voit pas ». Le Parti au contraire est aux ordres d’un

1174 oit pas ». Le Parti au contraire est aux ordres d’ un chef dont la présence visible et matérielle est confirmée sur tous le

1175 e sur tous les murs ; il réclame lui aussi la foi des militants dans un monde idéal et futur, mais cette foi n’est gagée qu

1176  ; il réclame lui aussi la foi des militants dans un monde idéal et futur, mais cette foi n’est gagée que sur le sacrifice

1177 Il s’agit donc, dans le cas du révolutionnaire, d’ une conversion non pas de l’être mais du faire ; et, de plus, déléguée à

1178 t de la conversion, mais, au lieu de se retrouver une personne engagée, il est devenu le soldat politique embrigadé. Que le

1179 ique embrigadé. Que le Parti révolutionnaire soit une exacte parodie (consciente ou non) de l’Église chrétienne, voilà ce q

1180 aux derniers replis du cervelet. Saint-Just était un enfant de chœur, comparé à ces Philanthropes, sinon par l’intention d

1181 ention du moins par le succès. Il n’a pas disposé des mêmes télécommandes et ses missi dominici n’allaient qu’à cheval. Mai

1182 ’Église que ce qu’elle a de moins chrétien. Aucun des traits communs qu’on vient d’énumérer n’est proprement évangélique. C

1183 direct de l’âme à Dieu. Mais qui peut en appeler des arrêts d’un Parti qui incarne la Révolution ? Il n’y a rien au-dessus

1184 âme à Dieu. Mais qui peut en appeler des arrêts d’ un Parti qui incarne la Révolution ? Il n’y a rien au-dessus de lui14. I

1185 dans sa prétention à régner au nom de tous contre une moitié du peuple, le Parti vit dans l’obsession des « ennemis de la l

1186 e moitié du peuple, le Parti vit dans l’obsession des « ennemis de la liberté », appelant ainsi ceux qui diffèrent et pourr

1187 aire et non accidentel — en dépit de l’hypocrisie des historiographes partisans — que la Révolution, mythe libertaire, est

1188 tisans — que la Révolution, mythe libertaire, est une réalité close et lugubre, une psychose de persécution, la paranoïa de

1189 the libertaire, est une réalité close et lugubre, une psychose de persécution, la paranoïa de l’Occident. Qui voudrait cond

1190 tivement » servi la liberté, ne font preuve que d’ une belle ignorance de l’histoire. Les grandes révolutions européennes n’

1191 t dont la « tyrannie », si on la compare à celles des disciplines d’État qui leur ont succédé, fut maintes fois baptisée « 

1192 e. J’attaque en fait leur religion. Non pas comme un parti adverse, mais comme une erreur pathétique. Ils rêvaient d’une c

1193 igion. Non pas comme un parti adverse, mais comme une erreur pathétique. Ils rêvaient d’une communauté, sans oser la vouloi

1194 mais comme une erreur pathétique. Ils rêvaient d’ une communauté, sans oser la vouloir vraiment, faisant leurs dieux de ceu

1195 urs exalté les masochistes. L’éloquence crispée d’ un Saint-Just15 était leur idée de la « pureté », les sentences brutales

1196 r idée de la « pureté », les sentences brutales d’ un Lénine leur idée de la rigueur efficace. Un certain extrémisme littér

1197 les d’un Lénine leur idée de la rigueur efficace. Un certain extrémisme littéraire leur a longtemps tenu lieu de spiritual

1198 ps soviétiques font partie de la bonne conscience des sectateurs du Mythe de la Révolution. « Il faut ce qu’il faut ! », di

1199 lution. « Il faut ce qu’il faut ! », disent-ils d’ un air de dure sagesse. Il leur faut cela, sans doute. Mais pour quelles

1200 ables ? Rappelons-nous qu’il « fallait » ouvrir d’ un coup de poignard d’obsidienne la poitrine des jeunes gens aztèques, e

1201 ir d’un coup de poignard d’obsidienne la poitrine des jeunes gens aztèques, en arracher le cœur encore tout palpitant et l’

1202 — pour qu’il pleuve. En vérité, le sacré n’a cure des résultats : il trouve sa preuve dans le sang. Mais si, profanant le m

1203 otable, ont abouti à renforcer la tyrannie soit d’ un homme, soit d’une classe, et toujours de l’État. Adoptant les valeurs

1204 i à renforcer la tyrannie soit d’un homme, soit d’ une classe, et toujours de l’État. Adoptant les valeurs de la Passion — «

1205 criaient les jacobins, et la mort était là, celle des autres d’abord, mais la Liberté se voilait — laissant ensuite se perd

1206 e : « Vive la Nation ! », clamé sur tout le front des troupes, que les Français durent la victoire. Remarquons que ce cri,

1207 ifiera sous Lénine : Vive la Russie ! Il proclame un nouveau mythe. Il est comme une invocation à un dieu nouveau, une sor

1208 ssie ! Il proclame un nouveau mythe. Il est comme une invocation à un dieu nouveau, une sorte de Gott mit uns aussitôt exau

1209 e un nouveau mythe. Il est comme une invocation à un dieu nouveau, une sorte de Gott mit uns aussitôt exaucé, puisque par

1210 e. Il est comme une invocation à un dieu nouveau, une sorte de Gott mit uns aussitôt exaucé, puisque par ce seul cri la bat

1211 ssant, comme nous la trouvons à Valmy, c’est donc un idéal, une idéologie, le principe d’une nouvelle communauté non de na

1212 me nous la trouvons à Valmy, c’est donc un idéal, une idéologie, le principe d’une nouvelle communauté non de naissance, ma

1213 c’est donc un idéal, une idéologie, le principe d’ une nouvelle communauté non de naissance, mais d’avenir et de volonté. To

1214 ologie n’est pas le fait du peuple entier, mais d’ un parti ; et ce parti agit par le moyen de l’État. À l’intérieur du pay

1215 ’idée de nation devient entre les mains de l’État un instrument d’oppression et de guerre civile larvée, à l’extérieur ell

1216 erre civile larvée, à l’extérieur elle va devenir un instrument de guerre déclarée. Pourquoi la nation doit-elle faire la

1217 la Liberté aux autres peuples, sous la contrainte des baïonnettes. Mais voici que la guerre nationale, menée par les soldat

1218 riompher dans toute l’Europe l’idéologie unitaire des jacobins, va susciter des nationalismes rivaux. Et c’est dans le pays

1219 pe l’idéologie unitaire des jacobins, va susciter des nationalismes rivaux. Et c’est dans le pays qui aura subi le plus dur

1220 de Napoléon. Hegel se représente la nation comme une croisade pour l’idée. « Ce ne sont pas les déterminations naturelles

1221 omme esprit et nature.) Cet esprit national est «  un individu dans la marche de l’Histoire ». Il se fait par sa propre act

1222 atalement décline et meurt. « Chaque peuple mûrit un fruit ; son activité consiste à accomplir son principe, non à en joui

1223 transfert décisif de l’idée de vocation, passant des personnes aux nations. ⁂ Mais cet État-nation, une fois doué de toute

1224 ation, confisqué par l’État français, a conduit à des guerres d’agression. Celles-ci ont fait surgir d’autres nationalismes

1225 l’idée de l’État. Pour l’Angleterre, la maîtrise des mers. Pour la Russie, un messianisme despotique. Les petits pays se b

1226 Angleterre, la maîtrise des mers. Pour la Russie, un messianisme despotique. Les petits pays se borneront à invoquer leurs

1227 e, l’Irlande et Israël restaurer artificiellement une « langue nationale » parfaitement oubliée depuis longtemps, afin de m

1228 mais tout aussi jaloux et même hargneux que celui des grands voisins. Aucun de ces « concepts de l’Esprit » ne parvenant à

1229  ». Chacune se dira « souveraine », à l’imitation des rois absolus qui n’avaient de comptes à rendre qu’à Dieu seul — mais

1230 Dieu seul — mais il n’y a plus de Dieu au-dessus des nations. Le droit divin se traduit donc par le droit de l’État le plu

1231 évoqués dès qu’ils ne payent plus. C’est ainsi qu’ une demi-douzaine d’États gangsters, follement susceptibles, dépourvus de

1232 a loi en Europe. On parlera beaucoup de « concert des nations », et de « droit international », mais il est clair que ces É

1233 ent cette absurdité a-t-elle pu triompher pendant un siècle et plus ? En singeant la religion et son enseignement, en deve

1234 ligion et son enseignement, en devenant elle-même une source de sacré. L’Aigle, les Trois Couleurs et le Petit Chapeau joue

1235 ccasions décisives. Certes, l’esprit national est un dieu bien réel, et que l’on croit vraiment, puisqu’il peut exiger le

1236 puisqu’il peut exiger le sacrifice de la vie même des citoyens. Mais que nous offre-t-il en échange de nos vies ? Une certa

1237 Mais que nous offre-t-il en échange de nos vies ? Une certaine communion vague et puissante, qui permet à l’individu de dép

1238 ps de guerre), de se sentir comme transporté dans une espèce de transcendance. À vrai dire, il s’agit encore d’un égoïsme,

1239 de transcendance. À vrai dire, il s’agit encore d’ un égoïsme, mais tellement élargi qu’il en devient vertu. On l’enseigne

1240 uotidienne », remarque Simone Weil. La nation est un dieu lointain, qui demande beaucoup plus qu’il ne donne, infiniment p

1241 e de haine plus que d’amour, la nation revendique des absolus dont il est manifeste qu’elle est spirituellement indigne et

1242 a souveraineté sans limites, par exemple, qui est un des attributs de Dieu ; ou celui de l’éternité, au mépris de toute vr

1243 ouveraineté sans limites, par exemple, qui est un des attributs de Dieu ; ou celui de l’éternité, au mépris de toute vraise

1244 ance éternelle », « l’Allemagne immortelle » sont des expressions courantes en temps de guerre. Cette rhétorique émeut des

1245 rantes en temps de guerre. Cette rhétorique émeut des millions d’hommes, qui en oublient du même coup leurs rudiments d’his

1246 menace de livrer la moitié du monde à l’hégémonie des États-Unis. Ceux-ci n’ont pas souhaité cette responsabilité, et ne so

1247 te Grèce agrandie que figure assez bien l’Europe. Une Europe américanisée gagnerait en stabilité mais perdrait le sens prof

1248 par cette phrase qui est la parabole biologique d’ une vérité fondamentale de l’esprit : « Toute plante qui souffre a tendan

1249 ffre a tendance à produire fleurs et fruits. »16 ( Un peu plus de souffrance et elle se dessécherait ; plus du tout, son fe

1250 tige embelliraient, mais aux dépens de la saveur des fruits.) À cette même crainte se rattache celle de voir s’évanouir, a

1251 s’évanouir, avec l’Europe, la meilleure chance d’ un vrai dialogue illuminant entre l’Occident et l’Orient. Or, voici just

1252 notre fièvre nationaliste. Certains pays en font une crise, encore bénigne, contrecoup du départ des Blancs. D’autres cède

1253 t une crise, encore bénigne, contrecoup du départ des Blancs. D’autres cèdent au virus méthodiquement disséminé par les pro

1254 aliser dans le pire sens du terme, au lendemain d’ une révolution certes réelle mais importée. Il en va du nationalisme occi

1255 artiellement neutralisé par la durable résistance des groupes locaux et des diverses internationales politiques et professi

1256 é par la durable résistance des groupes locaux et des diverses internationales politiques et professionnelles. Ces réflexes

1257 nt, la maladie nationaliste peut y prendre demain une virulence inouïe. Tout cela va se retourner contre notre Occident, au

1258 sier de l’Histoire. Mais ce ne sont pas seulement des maladies fiévreuses, ce sont aussi des hérésies : vérités dévoyées, i

1259 seulement des maladies fiévreuses, ce sont aussi des hérésies : vérités dévoyées, isolées de l’ensemble où elles se compos

1260 solées de l’ensemble où elles se composaient dans une tension commune vers la résolution toujours fuyante. Toutes les trois

1261 ours fuyante. Toutes les trois sont le résultat d’ une transposition abusive de réalités spirituelles soit sur l’individu, s

1262 s les trois sont mortelles et liées à la mort par une complicité originelle. Nous le savons, ou du moins nous le pressenton

1263 devant l’imagination de leur guérison soudaine d’ un coup de baguette magique. Couper ces fièvres aurait un effet dévastan

1264 up de baguette magique. Couper ces fièvres aurait un effet dévastant : ne serait-ce pas nous vider d’une affectivité qui e

1265 n effet dévastant : ne serait-ce pas nous vider d’ une affectivité qui est devenue la saveur et le sens même de la vie pour

1266 devenue la saveur et le sens même de la vie pour des millions de nos contemporains, et des meilleurs ? Elles menacent notr

1267 la vie pour des millions de nos contemporains, et des meilleurs ? Elles menacent notre paix, et plus encore : l’existence m

1268 odyssée dans laquelle nous sommes nés embarqués. Un dernier trait commun à toutes les trois achèvera de mettre en lumière

1269 rcher à l’étoile. Elles illustrent trois formes d’ une seule et même révolte contre le But dernier de l’Aventure, qui ne peu

1270 salut soit donné par Dieu seul, il se jette vers des buts plus prochains et sensibles. Mouvement essentiellement intempest

1271 t impatiemment à l’objet de son espérance celui d’ une immédiate jouissance. La même ardeur l’anime, le même élan de foi, ma

1272 il a « bu sa destruction et sa mort ». Sacraliser des buts qui ne sont pas le But, c’est la formule de la révolte occidenta

1273 volte contre l’Église, qui avait offert le type d’ une société d’amour et de fraternité, mais n’a pas pu l’actualiser — c’es

1274 ser — c’est le Scandale. Il en reste cette soif d’ une vraie communauté qui déclenche les révolutions et qui entretient le c

1275 ’Iseut l’absolu du désir, et elle le sera tant qu’ un obstacle réel ou non entre elle et moi, même embrassés, empêchera l’A

1276 lève jamais contre la force à son zénith. Mais, d’ un pouvoir qu’on tient pour affaibli, toute exigence est ressentie comme

1277 pour affaibli, toute exigence est ressentie comme un « abus ». Ainsi toutes nos révoltes imitent, même sans le savoir, le

1278 cette liberté radicale et vertigineuse, au nom d’ une liberté qu’il rêve à sa mesure ; et ce rêve incarné devient une tyran

1279 ’il rêve à sa mesure ; et ce rêve incarné devient une tyrannie. Passion, révolution, nation : certains ont cru que leur emp

1280 t l’être, en vérité, du seul fait qu’il n’est pas une personne. Mais le ferment du christianisme originel, son exigence de

1281 qu’elles procèdent de son élan et le propagent en des régions nouvelles de l’âme, même lorsqu’elles en oublient le vrai but

1282 vraie foi et s’en écartent, mais disséminent dans des millions d’esprits inatteints par l’orthodoxie certaines formes menta

1283 et qui l’attendront désormais de toute la force d’ une inconsciente nostalgie. Et c’est pourquoi notre Psyché occidentale, a

1284 rquoi notre Psyché occidentale, ayant subi durant des siècles les atteintes toujours plus pénétrantes de la passion individ

1285 derne est plus « chrétien » que ne pouvait l’être un paroissien naïf du Moyen Âge, mais seulement que la dialectique forme

1286 rains même incroyants, et ne cesse de s’étendre à des régions nouvelles de notre existence profane. 9. Cf. L’Amour et l

1287 profane. 9. Cf. L’Amour et l’Occident , 1939. Une version révisée de cet ouvrage doit paraître à la fin de cette année.

1288 autre de leur contenu sacré en refusant de rendre un culte à César et en épousant des esclaves. 12. On pourrait même sout

1289 efusant de rendre un culte à César et en épousant des esclaves. 12. On pourrait même soutenir que le christianisme n’a été

1290 qu’en dépit des prétentions de l’Église à imposer un ordre permanent, une immobilité sacrée, à l’orientale. Karl Jaspers l

1291 entions de l’Église à imposer un ordre permanent, une immobilité sacrée, à l’orientale. Karl Jaspers le souligne avec raiso

1292 ouligne avec raison : « L’Empire de Byzance était un État plus ou moins théocratique. En Occident, il en allait tout autre

1293 en se développant sur le plan spirituel, elle fut un facteur de liberté contre les abus du pouvoir temporel. Ainsi le chri

1294 été jusqu’à encourager les aspirations libérales des adversaires de l’Église. » (Origine et sens de l’Histoire, p. 79.) 1

1295 e s’ils n’y croient plus. « Ne mêlons pas, fût-ce une seconde, la personne grandiose de Saint-Just, au triste Marat… », écr

1296 nèse théologique de la personne Les mémoires d’ un Grégoire de Nazianze, les chroniques de l’époque et les textes votés

1297 et les textes votés nous permettent de nous faire une image vivante de ces assises du christianisme grec : les grands conci

1298 savantes réunions de professeurs et d’érudits que des séances houleuses de parlements modernes, ou même des conventions de

1299 séances houleuses de parlements modernes, ou même des conventions de partis en Amérique. Convoqués par l’empereur de Byzanc

1300 l’empereur et du pape, font dans la ville choisie des entrées solennelles : la discussion commence par ces démonstrations d

1301 par ces démonstrations de la force et du prestige des partis en présence. Des troupes de moines fanatiques parcourent les r

1302 e la force et du prestige des partis en présence. Des troupes de moines fanatiques parcourent les rues. Parfois, comme à Ép

1303 ues. Parfois, comme à Éphèse et Chalcédoine, tout un monde de laïques ambitieux, de soldats, de matelots égyptiens et d’ho

1304 s incidents de séance se multiplient. « On dirait un essaim de frelons », note Grégoire. On s’exclame et l’on s’interpelle

1305 Empire ont pris place à la balustrade de l’autel. Des tumultes s’élèvent et les Pères crient : « C’est la vraie Foi ! C’est

1306 ères crient : « C’est la vraie Foi ! C’est la Foi des Apôtres ! » « Anathème à celui qui ne croit pas ainsi ! Chassez Eusèb

1307 a divisé le Sauveur, qu’on le divise lui-même ! » Des rédactions improvisées à la dernière minute sont mises aux voix. Le v

1308 te sont mises aux voix. Le vote est emporté, mais des négociations de couloirs le remettent en question le lendemain. Un gr

1309 e couloirs le remettent en question le lendemain. Un groupe d’évêques menace de s’en aller. On échange des députations. On

1310 groupe d’évêques menace de s’en aller. On échange des députations. On a signé des listes de présence qui seront plus tard c

1311 ’en aller. On échange des députations. On a signé des listes de présence qui seront plus tard contestées : sont-elles compl

1312 mplètes, sont-elles exactes ? N’a-t-on pas ajouté des noms d’absents ? Il faut maintenant souscrire aux formules adoptées,

1313 dversaire hérétique17, excommunier, rétablir dans un siège, tenir compte des pressions opposées de l’empereur ou du pape d

1314 excommunier, rétablir dans un siège, tenir compte des pressions opposées de l’empereur ou du pape de Rome, déposer ou non l

1315 on le patriarche de Byzance, et soudain la tourbe des moines et des nervis fait irruption, Hilaire ne doit son salut qu’à l

1316 he de Byzance, et soudain la tourbe des moines et des nervis fait irruption, Hilaire ne doit son salut qu’à la fuite, Flavi

1317 iers, reconduit les évêques en cortège à la lueur des torches et dans l’encens des cassolettes à parfum. Tel est donc le sp

1318 n cortège à la lueur des torches et dans l’encens des cassolettes à parfum. Tel est donc le spectacle offert par les premiè

1319 e concile portent les traces de la persécution et des tortures qu’ils ont subies.) Spectacle à vrai dire confondant. Tout c

1320 e, accuse de blasphème ou en est accusé, organise des guets-apens ou y tombe, mélange indiscernablement la politique d’Égli

1321 ysique la plus subtile, pour n’aboutir enfin qu’à des définitions à peine différentes des anciennes ou de celles qu’il s’ag

1322 ir enfin qu’à des définitions à peine différentes des anciennes ou de celles qu’il s’agit d’écarter — les unes comme les au

1323 elligent, bien plus sage et bien plus réaliste qu’ un Athanase lui-même n’a pu le concevoir, faute d’avoir pu le juger avec

1324 En apparence, il ne s’agit, lors de Nicée, que d’ un iota18, en réalité, de la définition de la personne, à partir des Per

1325 éalité, de la définition de la personne, à partir des Personnes divines, et particulièrement de celle du Christ, vrai Dieu

1326 liaison de ces aspects ? Comment éviter à la fois un monothéisme indifférencié, évacuant le fait central de l’Incarnation,

1327 ié, évacuant le fait central de l’Incarnation, et un trithéisme mythologique ou rationalisé ? Pour résoudre en doctrine ce

1328 ce débat séculaire19, sous la pression croissante des hérésies et de la Gnose en pleine effervescence, les Pères grecs et l

1329 droits dans la cité : le citoyen. Tout homme est un individu, du simple fait qu’il est un corps distinct, mais il ne devi

1330 t homme est un individu, du simple fait qu’il est un corps distinct, mais il ne devient une « personne » qu’en vertu des r

1331 t qu’il est un corps distinct, mais il ne devient une « personne » qu’en vertu des relations civiques ou juridiques dont il

1332 inie par sa valeur juridique, l’esclave n’est pas une personne). Ainsi l’individu n’était qu’atome, et la persona que valen

1333 i, l’autre dans ses relations. L’acte de création des grands conciles consista donc à opérer la transmutation périlleuse d’

1334 sista donc à opérer la transmutation périlleuse d’ un mot latin et de contenus helléniques en un dogme exprimant la nature

1335 euse d’un mot latin et de contenus helléniques en un dogme exprimant la nature triple et une de la Divinité révélée en Jés

1336 éniques en un dogme exprimant la nature triple et une de la Divinité révélée en Jésus. Ainsi naquit l’idée de Personne, ter

1337 de Personne, terme purement théologique aux yeux des Pères de Nicée, mais qui devait apparaître, après coup, comme le fait

1338 position même eût-elle pu se produire en dehors d’ une civilisation qui a su valoriser la matière et le corps, objets de la

1339 nière la science, agissant dans nos vies, procède des options de Nicée. Le rapport est-il positif, dialectique, ou purement

1340 e choquants) pour les esprits encore mal nettoyés des routines d’un passé récent, et plus féconds pour introduire une discu

1341 ur les esprits encore mal nettoyés des routines d’ un passé récent, et plus féconds pour introduire une discussion des aspe

1342 ’un passé récent, et plus féconds pour introduire une discussion des aspects dialectiques du problème. La doctrine de l’Inc

1343 t, et plus féconds pour introduire une discussion des aspects dialectiques du problème. La doctrine de l’Incarnation, préci

1344 à l’extrême par les Pères grecs, et maintenue par des soins jaloux au plus haut point du paradoxe, a créé un type de pensée

1345 ins jaloux au plus haut point du paradoxe, a créé un type de pensée en tension, ou mieux par tensions, qui sera jusqu’à no

1346 echerche occidental, en contraste avec le monisme des ultimes sagesses orientales. Cette même doctrine, implicitement, conf

1347 objets de nos sciences physiques et naturelles — une dignité et une réalité que l’Orient leur dénie par principe. Enfin, n

1348 sciences physiques et naturelles — une dignité et une réalité que l’Orient leur dénie par principe. Enfin, nous avons vu qu

1349 par principe. Enfin, nous avons vu que la foi met un terme à la magie, aux mythes, aux religions naturelles, qui tenaient

1350 rétienne ne pouvaient pas manquer de conditionner une certaine approche du réel. Formées et formulées par la théologie d’où

1351 u-homme fut le problème crucial de la spéculation des Pères et de leurs conciles. Il fut aussi le modèle suprême de la pola

1352 ensable mais vraie, qui exige, dès qu’on l’admet, une réforme profonde de nos catégories intellectuelles. Si Jésus-Christ e

1353 est à la fois « vrai Dieu » et « vrai homme » en une seule et même Personne, et si cette Personne à son tour est à la fois

1354 sprit croyant l’obligation de « penser ensemble » des termes vraiment opposés mais en même temps vraiment valables. On ne s

1355 chercher la solution ni dans la réduction de l’un des termes, ni dans une alternance du type diastole-systole, qui dissocie

1356 ni dans la réduction de l’un des termes, ni dans une alternance du type diastole-systole, qui dissocierait la personne. Il

1357 lans de notre pensée occidentale, le « scandale » des réalités contradictoires s’est propagé ou transposé : dès l’instant q

1358 le d’opposés vrai Dieu-vrai homme correspondent d’ une manière immédiate, terme à terme, la transcendance et l’immanence dan

1359 , la transcendance et l’immanence dans le langage des philosophes, la vocation et l’individu dans l’anthropologie chrétienn

1360 a foi et la religion naturelle. Mais qu’en est-il des autres couples d’opposés qui se sont multipliés dans notre histoire ?

1361 s dans notre histoire ? La plupart mettent en jeu des réalités purement humaines, de même nature, qui ne se rapportent plus

1362 ète encore celle du divin et de l’humain (au prix des équivoques et des abus que l’on sait) il n’en va plus de même des cou

1363 u divin et de l’humain (au prix des équivoques et des abus que l’on sait) il n’en va plus de même des couples gauche et dro

1364 t des abus que l’on sait) il n’en va plus de même des couples gauche et droite, liberté et autorité, ordre et mouvement, ré

1365 ré en partant de la Révélation. Elles procèdent d’ une commune origine, dont le grand modèle historique fut montré comme obj

1366 res du concile de Nicée, mais devint par la suite une « manière de penser », un archétype mental de l’Occident. Je ne dis p

1367 is devint par la suite une « manière de penser », un archétype mental de l’Occident. Je ne dis pas que ce passage de la ch

1368 e le modèle théologique ait précédé la découverte des antinomies du réel : le conflit qui opposa les éléates et les tenants

1369 incompatibles, cela ne peut se produire que dans un seul esprit. Aussi longtemps que les aspects contradictoires sont vus

1370 s aspects contradictoires sont vus séparément par des esprits divers, il n’y a, dans l’ensemble d’une culture, qu’oscillati

1371 r des esprits divers, il n’y a, dans l’ensemble d’ une culture, qu’oscillations et alternances sans progrès, monismes séques

1372 ’on pose, comme les sagesses d’Orient, l’identité des contraires apparents : tout est dans tout, bien sûr, mais la science

1373 re, et dont l’opposition ne résulte peut-être que des méthodes d’analyse employées. Mais la forme du problème est typique ;

1374 is la forme du problème est typique ; elle évoque une analogie dont les savants, sans doute, ont perdu la conscience, mais

1375 et ce jeu n’est peut-être pas vain — l’équivalent des hérésies les plus connues, dualistes ou monophysites, arianistes ou d

1376 Broglie, non moins acharnés qu’Athanase à trouver une synthèse « catholique »… Une démonstration analogue à celle que je vi

1377 u’Athanase à trouver une synthèse « catholique »… Une démonstration analogue à celle que je viens d’esquisser en partant de

1378 ger dans les domaines de plus en plus « humains » un type de dialectique à trois termes qui, finalement détaché de son obj

1379 alement détaché de son objet primitif, est devenu une forme de notre esprit21.   b) La valorisation du monde manifesté. — 

1380 édéterminé, circonscrit et valorisé le champ même des recherches à venir. Comment nier la réalité de la matière et de notr

1381 ai enfin que « la chair n’héritera pas du Royaume des cieux », et qu’elle est aujourd’hui sous le règne de la Loi, donc du

1382 lectique violente et tourmentée, cette insistance des évangiles et des épîtres sur la réalité mortelle de la chair, et sur

1383 et tourmentée, cette insistance des évangiles et des épîtres sur la réalité mortelle de la chair, et sur toutes ses contra

1384 leurs de l’enfantement » et qu’elle attend « dans un ardent désir la révélation des fils de Dieu… avec l’espérance qu’elle

1385 ’elle attend « dans un ardent désir la révélation des fils de Dieu… avec l’espérance qu’elle aussi sera affranchie de la se

1386 tion, pour avoir part à la liberté et à la gloire des enfants de Dieu ». Voici donc l’homme chargé d’une mission cosmique,

1387 es enfants de Dieu ». Voici donc l’homme chargé d’ une mission cosmique, armé par elle pour affronter un monde dont la réali

1388 ne mission cosmique, armé par elle pour affronter un monde dont la réalité est attestée par Dieu, et qui attend son salut

1389 u sont dignes d’être contemplées. » Ne voir là qu’ une phrase « édifiante » interdirait de comprendre le motif primordial de

1390 entale, et la raison pourquoi Descartes estime qu’ un athée ne pourrait pas faire de physique. Certes, beaucoup d’athées on

1391 de la science — comme il est avéré par l’histoire des génies — procède d’une confiance intuitive dans l’accord de l’homme e

1392 l est avéré par l’histoire des génies — procède d’ une confiance intuitive dans l’accord de l’homme et du monde — accord réa

1393 use, n’est plus illusion ; et le cosmos n’est pas une fantasmagorie privée de cohérence, d’ordre et de sens, mais il attend

1394 d’ordre et de sens, mais il attend de nous, dans une profonde complicité de l’espérance, d’être à son tour interprété et r

1395 eut vraiment devenir la totalité du réel que dans un monde créé par Dieu. Là, toute chose, belle ou laide à notre idée, im

1396 oute chose, belle ou laide à notre idée, implique une intention, trahit un sens, est intéressante et valable : « Dieu est a

1397 aide à notre idée, implique une intention, trahit un sens, est intéressante et valable : « Dieu est aussi présent dans l’i

1398 able : « Dieu est aussi présent dans l’intestin d’ un pou », déclare Luther — inaugurant ainsi la poésie moderne, sœur des

1399 Luther — inaugurant ainsi la poésie moderne, sœur des sciences. Les « adversaires » du Christ ont souvent mieux compris que

1400 , laquelle ne pouvait naître, selon lui, que dans un monde christianisé. Suivons ici l’exégèse magistrale qu’a donnée de l

1401 ontre son christianisme — du moins contre chacune des formes objectives que celui-ci a pu revêtir… Devant l’immensité de l’

1402 té de l’expérience possible, le Grec s’en tient à des images cosmiques fermées, à la beauté du cosmos tel qu’il le conçoit,

1403 te impulsion grecque qui veut à tout prix établir une forme close, paralysant ainsi la science. Entièrement différente est

1404 e se mettre sans cesse en échec, non pas en vue d’ une abdication, mais au contraire pour se retrouver ensuite élargie, enri

1405 être comblée jamais. La science moderne est née d’ une rationalité qui, loin de se refermer sur elle-même, reste ouverte à l

1406 st le monde et de ce qui s’y passe ». Il y a donc un sens, et il vaut la peine de le chercher — advienne que pourra ! Voil

1407 icée, de la justification de Dieu… provoque alors un effort passionné pour atteindre la vraie réalité divine, en pleine co

1408 qui tentent de consoler et de réconforter Job par des pensées spécieuses. Il exige de l’homme un savoir qui cependant paraî

1409 b par des pensées spécieuses. Il exige de l’homme un savoir qui cependant paraît sans cesse se tourner en réquisitoire con

1410 pourtant vient de Dieu… Dieu n’est pas l’objet d’ une foi véritable s’il ne peut pas supporter d’être mis en question par l

1411 s propres souhaits, ses propres prévisions. C’est un trait particulier du savant que de tenir pour suspecte toute pensée q

1412 s la mesure où le christianisme a signifié la fin des religions et des magies, nées de la peur, qu’il a permis le développe

1413 christianisme a signifié la fin des religions et des magies, nées de la peur, qu’il a permis le développement de la Scienc

1414 et jusqu’aux débuts de notre siècle, la majorité des savants tiendra pour l’attitude matérialiste contre l’ensemble des cr

1415 ra pour l’attitude matérialiste contre l’ensemble des croyants. Finalement, le matérialisme devenu système général de pensé

1416 Occident est précisément amorcé par la défection des savants. Il est remarquable que le christianisme ait été menacé d’abo

1417 e que le christianisme ait été menacé d’abord par une hérésie toute contraire : je veux parler du docétisme, qui tenait le

1418 du docétisme, qui tenait le corps du Christ pour une simple apparence, et l’Esprit pour la seule et vraie réalité. La plup

1419 et vraie réalité. La plupart des grandes hérésies des premiers siècles sont très nettement spiritualistes, ce qui indique b

1420 nne était ressentie comme trop matérialiste, dans un monde encore tout pénétré de conceptions du type oriental. C’est la r

1421 moniste, ou « dialectique ». Qu’il s’agisse là d’ une hérésie au sens précis24, c’est bien ce que j’ai tenté plus haut de m

1422 lisme est demeuré, du moins chez ses théoriciens, un point de vue typiquement polémique, consistant à nier l’Esprit même q

1423 hair et matière. Il se voulait moniste, mais né d’ un Occident profondément marqué au signe de la croix, il ne pouvait être

1424 oix, il ne pouvait être senti que sous la forme d’ un manichéisme inversé, comme on le voit par l’exemple de Marx. Pourtant

1425 de poussée aveugle, cet enfoncement de taupe dans une galerie où le Soleil ne parvient plus — et l’on finit par l’oublier o

1426 l, pour que le fond de la matière fût percé et qu’ une nouvelle lumière encore diffuse apparût de l’autre côté, comme au ter

1427 diffuse apparût de l’autre côté, comme au terme d’ une aride ascension s’ouvrit aux yeux de Balboa l’autre Océan. Oportet ha

1428 tet haereses esse ! La percée commença vers 1900. Un demi-siècle plus tard, Schrödinger écrivait : « Le physicien d’aujour

1429 aine propre de sa recherche, ne peut plus établir une distinction sensée entre la matière et quelque autre chose. » Et ce n

1430 ntale ce « gros bon sens matérialiste » fondé sur un respect quasi religieux de la Science, la science réelle allait aille

1431 de l’idée de matérialité, l’atome se résolvait en une sorte de vide animé d’on ne savait trop quoi, sauf que « cela » resta

1432 rop quoi, sauf que « cela » restait calculable. «  Une figure passagère à l’intérieur d’un champ ondulatoire, mais dont la f

1433 alculable. « Une figure passagère à l’intérieur d’ un champ ondulatoire, mais dont la forme et la complexité structurelle s

1434 cturelle sont si clairement définies par les lois des ondes, que beaucoup de choses se passent comme si elles étaient des ê

1435 ucoup de choses se passent comme si elles étaient des êtres substantiels et durables »27. Voilà ce qui reste de la matière

1436 re ceux de l’Esprit : l’ubiquité, l’invisibilité, une certaine indétermination — enfin l’immatérialité ! Il en résulte que

1437 rvivant à ce qui fut sa base, n’est plus guère qu’ une superstition. Il entretient religieusement des attitudes garanties pa

1438 qu’une superstition. Il entretient religieusement des attitudes garanties par une science périmée, tout comme les rites des

1439 etient religieusement des attitudes garanties par une science périmée, tout comme les rites des « primitifs » continuent de

1440 ies par une science périmée, tout comme les rites des « primitifs » continuent des gestes sacrés dont le secret semble perd

1441 tout comme les rites des « primitifs » continuent des gestes sacrés dont le secret semble perdu, ou comme certaines de nos

1442 lois, voilà qui tendrait à prouver l’existence d’ une continuité entre la matière brute et la pensée la plus abstraite. Il

1443 ris la place. Ce changement représente à ses yeux un indiscutable progrès. Quand on lui demande pourquoi, il répond que la

1444 e chacun, désormais, peut fonder son jugement sur des faits qui sont « démontrés par la Science », au lieu que le médiéval

1445 é de « croire aveuglément » ce que lui imposaient des autorités usurpées et d’ailleurs fondées dans l’erreur. Mais comme ce

1446 l’hérésie que j’ai décrite. Qu’en est-il du choix des savants ? Beaucoup d’entre eux, et non des moindres, ayant été condui

1447 choix des savants ? Beaucoup d’entre eux, et non des moindres, ayant été conduits par leurs travaux bien au-delà de la sup

1448 de la matière et la pensée. Ils en déduisent tout un système du monde qu’ils qualifient de panthéiste. Car si le cosmos es

1449 stein, il en résulte que ce cosmos revêt certains des attributs de Dieu. Le divin prend alors les noms les plus bizarres :

1450 erdispersive field » ou « sub-ether » dans lequel des informations venant de tous les points de l’Univers se transmettraien

1451 que la première est conçue comme le système total des lois d’un Univers par ailleurs inimaginable. (D’où la tentation natur

1452 ière est conçue comme le système total des lois d’ un Univers par ailleurs inimaginable. (D’où la tentation naturelle de l’

1453 voir éliminer. Le Cosmos tout entier se résout en un voile tissé d’ondes animant le vide30. Le monde phénoménal n’est plus

1454 mant le vide30. Le monde phénoménal n’est plus qu’ une apparence flottant sur l’océan sans rivages et sans fond de l’immatér

1455 mmatérielle Énergie. Voici donc retrouvée la Maya des hindous, au terme d’un voyage dont l’impulsion première avait pris po

1456 ci donc retrouvée la Maya des hindous, au terme d’ un voyage dont l’impulsion première avait pris pour tremplin la très fer

1457 er cela, et vous verrez bientôt que la question d’ un au-delà ne se pose plus. Dans l’univers en expansion de l’abbé Lemaît

1458 en expansion de l’abbé Lemaître et de Gamow, né d’ une explosion primitive, et qui reviendra peut-être à son point initial,

1459 fus qu’on oppose à ma question dernière dissimule un refus d’être mis en question par autre chose que « le monde » et la m

1460 que. Tout s’explique et s’implique dans le cosmos des sciences, et l’invisibilité même s’y convertit sans cesse en matière

1461 s elle pose en même temps l’existence de l’idée d’ un Ailleurs absolu, d’un totaliter aliter. Et rien ne peut faire qu’une

1462 mps l’existence de l’idée d’un Ailleurs absolu, d’ un totaliter aliter. Et rien ne peut faire qu’une telle idée provienne d

1463 , d’un totaliter aliter. Et rien ne peut faire qu’ une telle idée provienne d’un monde suffisant et fermé sur soi. Cette « v

1464 rien ne peut faire qu’une telle idée provienne d’ un monde suffisant et fermé sur soi. Cette « voie négative » de la scien

1465 exte ardu que l’on vient d’explorer, le mot prend un sens insolite : puisse-t-il s’en trouver purifié de ses associations

1466 ons qui seront pratiquées 1500 ans plus tard dans une Russie dont l’esprit « byzantin » explique beaucoup plus qu’on ne le

1467 u’apparents : ainsi le fait que la masse combinée des neutrons et des protons composant le noyau atomique est toujours infé

1468 nsi le fait que la masse combinée des neutrons et des protons composant le noyau atomique est toujours inférieure à la mass

1469 nt représenté, croit-on, par l’énergie de liaison des particules). D’autres incompatibles ne tiennent peut-être qu’à l’insu

1470 hrétienne, car ils ne représentent en réalité que des variantes de l’argument trinitaire d’Augustin. » Concluons sommaireme

1471 das Christentum. 24. Hérésie : choix exclusif d’ une opinion isolée de ses complémentaires et poussée jusqu’à l’absolu. Un

1472 ses complémentaires et poussée jusqu’à l’absolu. Une doctrine ne peut être qualifiée d’hérétique que si elle a pris son po

1473 la théologie du temps — je pense surtout à celle des pays protestants, les plus féconds, alors, du point de vue scientifiq

1474 à lui offrir ? Elle n’a jamais été plus éloignée des grandes affirmations de Nicée. Elle fait de l’histoire et court après

1475 ’à l’intérieur de son domaine, Schrödinger adopte une attitude docétiste. 28. En un sens, la superstition scientifique est

1476 chrödinger adopte une attitude docétiste. 28. En un sens, la superstition scientifique est plus aveugle que celle qu’on r

1477 ies de la mécanique ondulatoire ou de la physique des quantas ne le sont du moderne qui ne croit qu’à la science. 29. Cf.

1478 artir de l’hydrogène. Le noyau de l’hydrogène est un proton. Cet ultime substrat de l’Univers physique est un « nœud d’éne

1479 on. Cet ultime substrat de l’Univers physique est un « nœud d’énergie » qui se produit dans un « champ » au sein duquel ag

1480 que est un « nœud d’énergie » qui se produit dans un « champ » au sein duquel agissent on ne sait quels archétypes formate

1481 hétypes formateurs… 31. J’anticipe à dessein sur un succès total de la science actuelle et de son orientation. Cette dern

1482 Cette dernière peut changer : elle changera donc un jour. x. Rougemont Denis de, « L’exploration de la matière », Preuv

1483 ergh avait exalté l’Occident. Elle nous apportait un héros, sur une machine encore insuffisante : d’où la gloire. La premi

1484 lté l’Occident. Elle nous apportait un héros, sur une machine encore insuffisante : d’où la gloire. La première traversée d

1485 gloire. La première traversée de l’Atlantique par un bombardier sans pilote, réussie vingt-cinq ans plus tard, apportait u

1486 lote, réussie vingt-cinq ans plus tard, apportait une démonstration spectaculaire du machinisme pur, opérant loin des homme

1487 ion spectaculaire du machinisme pur, opérant loin des hommes par une extension souveraine de leurs pouvoirs sur la matière

1488 re du machinisme pur, opérant loin des hommes par une extension souveraine de leurs pouvoirs sur la matière et la Nature. E

1489 naperçue. Qu’a-t-elle changé aux habitudes de vie des peuples et des individus ? Si peu que rien. On voit très bien que l’i

1490 t-elle changé aux habitudes de vie des peuples et des individus ? Si peu que rien. On voit très bien que l’introduction de

1491 ccident qui pense n’a pas pris l’habitude, depuis une cinquantaine d’années, d’exagérer sans mesure ni vérifications l’impo

1492 evant le monde moderne livré aux lois inexorables des machines : tous les penseurs du siècle, avec une sombre ardeur, l’ont

1493 des machines : tous les penseurs du siècle, avec une sombre ardeur, l’ont modulé l’un après l’autre après Tolstoï, et tout

1494 âce aux machines dont elles disposent. On demande un supplément d’âme, selon la métaphore indéfendable (mais facile à cite

1495 liée à la production en série. On prédit le règne des robots. On va jusqu’à l’excès — devenu courant — d’opposer la bombe H

1496 s majestueux, et du contact avec la terre, contre un monde qui devient artificiel et laid, uniforme et abstrait, haletant

1497 , uniforme et abstrait, haletant et minuté, coupé des cycles naturels et de la poésie des Géorgiques. Ou bien encore on pui

1498 minuté, coupé des cycles naturels et de la poésie des Géorgiques. Ou bien encore on puise aux deux sources à la fois, récon

1499 ois, réconciliant spiritualisme et naturisme dans une alliance imprévue, mais lyrique. Avant d’analyser les deux groupes de

1500 que. Avant d’analyser les deux groupes de motifs, une remarque générale s’impose : quoique unanime parmi nos sages et leur

1501 ntions, mais n’a pas retardé sérieusement l’essor des recherches techniques. « L’envahissement de nos vies par les machines

1502 os vies par les machines » est freiné par le prix des appareils, non par la plainte des écrivains. Il y a beau temps que le

1503 iné par le prix des appareils, non par la plainte des écrivains. Il y a beau temps que les ouvriers ont renoncé à briser le

1504 ent : elle augmente l’insécurité et le pessimisme des masses ; elle contribue de la sorte à entretenir cette « crise », qui

1505 tiques mais peu sûrs, cette angoisse devant l’ère des machines et de la Bombe n’en est pas moins révélatrice de notre condi

1506 agit, une fois de plus, de savoir si elle signale une impasse ou une crise de croissance, l’échec de l’Aventure ou un risqu

1507 de plus, de savoir si elle signale une impasse ou une crise de croissance, l’échec de l’Aventure ou un risque nouveau. Pr

1508 une crise de croissance, l’échec de l’Aventure ou un risque nouveau. Préhistoire La préhistoire de la technique va de

1509 Préhistoire La préhistoire de la technique va des débuts de l’humanité à la fin du xviiie siècle. L’histoire de la tec

1510 ité distincte ne commence guère qu’avec le siècle des machines, de la chimie et de l’électricité, pour s’épanouir au siècle

1511 assent guère celles de l’Asie jusqu’à l’invention des machines. Vers 1800, tout va changer très brusquement. Mais remontons

1512 au paléolithique. Pourquoi l’homme fabrique-t-il des outils ? Autant de réponses que de conceptions de l’homme. Les uns dé

1513 ette théorie « économique » ou utilitaire suppose un type d’homme peu connu ou ignoré jusqu’au xixe siècle : le type d’ho

1514 ant par Scheler et Schubert, on nous a représenté une espèce d’homme de proie qui se jette sur la Nature pour la soumettre

1515 cidentaux, pour se nourrir, se protéger du froid, des inondations, des sécheresses. Elle le tue, mais c’est d’elle qu’il vi

1516 e nourrir, se protéger du froid, des inondations, des sécheresses. Elle le tue, mais c’est d’elle qu’il vit. Tout cela est

1517 lui pour l’apaiser et le concilier : on lui offre un quartier de la même viande dont on mange. (D’où « l’invention » de la

1518 ont on mange. (D’où « l’invention » de la cuisson des aliments ?) Dès lors, il est lié, pour avoir partagé un même repas ri

1519 ments ?) Dès lors, il est lié, pour avoir partagé un même repas rituel avec les hommes. Bien plus qu’une « volonté de puis

1520 n même repas rituel avec les hommes. Bien plus qu’ une « volonté de puissance » qui serait une relation de force à sens uniq

1521 n plus qu’une « volonté de puissance » qui serait une relation de force à sens unique, inimaginable à ce stade, sentons là

1522 esoin de jouer, mais au sens fort du mot, qui est un sens religieux. La civilisation apparaît en même temps que les outils

1523 pots, les vêtements et les maisons, toutes choses un peu plus fortes ou plus solides que l’homme, et qui le mettent en mes

1524  technique » chez les peuples anciens. L’histoire des inventions n’est pas celle de besoins qui auraient existé avant elles

1525 t règles fixes. Ce qu’il s’agit de maintenir avec un soin jaloux, c’est le système des conventions sacrées entre l’homme e

1526 e maintenir avec un soin jaloux, c’est le système des conventions sacrées entre l’homme et les forces naturelles. Ce n’est

1527 homme et les forces naturelles. Ce n’est donc pas des lois de la Nature qu’on a peur, mais au contraire de l’imprévu des ph

1528 ture qu’on a peur, mais au contraire de l’imprévu des phénomènes. Loin d’essayer de se libérer de ces lois, on espère bien

1529 mique et le panthéisme actif de la Renaissance, d’ une manière générale les motifs religieux, apparaissent beaucoup plus féc

1530 r le pourquoi et le but réel de l’énorme majorité des inventions, jusqu’à notre ère. L’homme crée des outils parce qu’il jo

1531 é des inventions, jusqu’à notre ère. L’homme crée des outils parce qu’il joue avec les démons cachés dans le feu ou la pier

1532 eur sans culture ni génie, cherchait à construire une « locomotive routière » qui ne fût pas astreinte à suivre la loi rigi

1533 » qui ne fût pas astreinte à suivre la loi rigide des voies ferrées et ses horaires, mais pût aller à l’aventure : rêve typ

1534 explosion interne. On n’ignore pas d’ailleurs que des douzaines d’inventeurs — en France surtout — avaient construit des au

1535 nventeurs — en France surtout — avaient construit des autos bien avant Ford. Son invention, ou sa ré-invention, n’en reste

1536 tion, n’en reste pas moins exemplaire. L’histoire des inventions non faites, ou non « utilisées » à notre idée, conduirait

1537 Aztèques n’utilisèrent-ils la roue que pour faire des jouets ? Et pourquoi l’or fut-il pur ornement chez tant de peuples ?

1538 ause de leur magie, de leurs rêves différents, et des règles particulières de leur jeu avec la Nature.   Jusqu’ici, la Natu

1539 re qu’il n’y voit que ses songes, et que les âmes des choses sont les reflets de son âme. Plongé dans la Nature, il la sent

1540 l lui-même. Suivons ce procès. Lorsque l’ensemble des rites, des croyances codifiées, des instruments d’une civilisation na

1541 Suivons ce procès. Lorsque l’ensemble des rites, des croyances codifiées, des instruments d’une civilisation naissante per

1542 ue l’ensemble des rites, des croyances codifiées, des instruments d’une civilisation naissante permettent à l’homme de mett

1543 rites, des croyances codifiées, des instruments d’ une civilisation naissante permettent à l’homme de mettre une sorte de di

1544 lisation naissante permettent à l’homme de mettre une sorte de distance entre la Nature et sa vie — cette distance est le «

1545 ilieu » dans lequel il existe —, l’esprit conçoit un Bien distinct de la Nature, et qu’elle seule semble rendre inaccessib

1546 être auteur du Mal. La Nature est donc l’œuvre d’ un Autre. On a reconnu cette attitude manichéenne qui accompagne réguliè

1547 ichéenne qui accompagne régulièrement l’ascension des religions du Dieu bon, et qui leur oppose en sourdine un « spirituali

1548 gions du Dieu bon, et qui leur oppose en sourdine un « spiritualisme épuré », c’est-à-dire en fait un dualisme. Car l’homm

1549 un « spiritualisme épuré », c’est-à-dire en fait un dualisme. Car l’homme est conçu désormais comme une âme enfermée dans

1550 n dualisme. Car l’homme est conçu désormais comme une âme enfermée dans un corps. Il ne sera jamais libre et vraiment bon q

1551 e est conçu désormais comme une âme enfermée dans un corps. Il ne sera jamais libre et vraiment bon que s’il parvient à s’

1552 e même Nature désormais réprouvée par l’hostilité des plus « purs », les hommes moins spirituels pourront se donner licence

1553 s et leurs ruses. Ils se serviront d’elle comme d’ un objet sans âme, dont il faut découvrir le mode d’emploi. Cette second

1554 mière fois dans l’histoire. Déjà, l’homme dispose des moyens de maîtriser plusieurs des aspects de « l’inhumanité » de la N

1555 l’homme dispose des moyens de maîtriser plusieurs des aspects de « l’inhumanité » de la Nature. Il peut virtuellement domin

1556 , vêtement rationnel) ; la sécheresse (irrigation des déserts, pluie artificielle) ; les épidémies et un très grand nombre

1557 s déserts, pluie artificielle) ; les épidémies et un très grand nombre de maladies (antibiotiques, vaccinations, asepsie,

1558 grand nombre jusqu’à la Première Guerre mondiale. Une proportion infime de nos populations eut l’occasion, durant ce laps d

1559 é moins de voyageurs que ne le font nos avions en une année. L’auto, le tank, l’avion et le métro, les machines agricoles e

1560 ent en général les hommes occidentaux ? La santé, un meilleur salaire, une meilleure protection contre l’imprévisible, voi

1561 mmes occidentaux ? La santé, un meilleur salaire, une meilleure protection contre l’imprévisible, voir du pays, cultiver li

1562 tème de ses « lois ». Elle prétend « satisfaire » des besoins que personne n’éprouvait du tout. On n’a pas inventé l’auto p

1563 es, marques, salons, dividendes et records, donne une telle consistance à l’industrie de l’auto qu’on oublie qu’elle est né

1564 ndustrie de l’auto qu’on oublie qu’elle est née d’ un fantasme (au sens précis de la psychanalyse). D’où vient donc la tech

1565 à savoir comment et pourquoi la technique a pris un brusque essor à tel moment donné de l’Aventure occidentale. Il serait

1566 la rencontre de la science, enfin constituée sur des bases autonomes et précises, et du rêve alchimique chassé par la chim

1567 urnant alors vers les applications. Et cela, dans un climat social et politique devenu très favorable aux entreprises brut

1568 d’industrie » et qui s’inspirent et s’autorisent des précédents de la Révolution et de l’Empire. Trois forces, donc, dont

1569 ques, physique, chimie sont à l’origine immédiate des inventions majeures de la technique. Mais elles n’y conduisent pas or

1570 tres hommes que les meilleurs savants, et surtout une autre visée que celle qui orientait leurs travaux. Nous savons aujour

1571 eurs travaux. Nous savons aujourd’hui que le rêve des alchimistes n’était pas de faire de l’or pour s’enrichir, mais bien d

1572 r s’enrichir, mais bien d’opérer le grand œuvre d’ une transfiguration de la matière par l’homme, lui-même démiurge délégué

1573 ui-même démiurge délégué par Dieu35. La filiation des alchimistes aux chimistes paraît moins importante, du point de vue de

1574 tante, du point de vue de la technique, que celle des alchimistes aux piétistes allemands, et de ces derniers aux fondateur

1575 nsformante (par la transmutation de la matière et des âmes) : ces deux sources de l’essor technique confluent dans le grand

1576 pur, de la puissance et du salut) dans le rôle d’ un ingénieur créant un pays neuf36. Que l’avidité naturelle, la soif du

1577 e et du salut) dans le rôle d’un ingénieur créant un pays neuf36. Que l’avidité naturelle, la soif du gain sous sa forme m

1578 ns de la science à la vie sociale, favorisées par une mystique qui tendait au salut conjoint du cosmos et de l’âme humaine,

1579 éant le prolétariat, lorsque l’ambition déchaînée des Napoléons de l’industrie s’en empare sans plus de scrupules. Le profo

1580 s dons n’étaient pas attendus. Prise de court par un phénomène qui l’étonnait merveilleusement, et dont elle ne pouvait me

1581 i en ont tiré bénéfice matériel, ils l’ont payé d’ un prix moins visible et tangible car on ne mesure pas les valeurs spiri

1582 xe siècle, l’essor technique crée dans le peuple une misère inhumaine, mais dans la grande majorité des élites bourgeoises

1583 ne misère inhumaine, mais dans la grande majorité des élites bourgeoises un optimisme débordant. Au xxe siècle, c’est l’in

1584 is dans la grande majorité des élites bourgeoises un optimisme débordant. Au xxe siècle, c’est l’inverse : les masses ont

1585 asses ont accepté le progrès technique et en font un article de foi, tandis que les élites le considèrent avec un croissan