1 1926, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Avant-propos (décembre 1926)
1 ise humeur qui flotte dans l’air nous proposerait de débuter par l’inévitable discours sur les difficultés du temps, en gé
2 celles en particulier qu’implique la publication de notre revue. Mais nous savons, tout comme M. Coué, que ce serait de m
3 n particulier qu’implique la publication de notre revue . Mais nous savons, tout comme M. Coué, que ce serait de mauvaise méth
4 is nous savons, tout comme M. Coué, que ce serait de mauvaise méthode. Et, comme M. Coué, nous nous persuadons que tout ir
5 mais, et plus que jamais, nous semble-t-il, notre revue a sa raison d’être. La vie d’aujourd’hui, on le sait, nous oblige à n
6 jamais, nous semble-t-il, notre revue a sa raison d’ être. La vie d’aujourd’hui, on le sait, nous oblige à nous affirmer ou
7 mble-t-il, notre revue a sa raison d’être. La vie d’ aujourd’hui, on le sait, nous oblige à nous affirmer ou à refuser de n
8 le sait, nous oblige à nous affirmer ou à refuser de nous affirmer avec une netteté qui a pu paraître parfois quelque peu
9 que nous éprouvons irrésistiblement l’obligation d’ être nous-mêmes. Et, disons-le tout de suite, c’est en cela uniquement
10 s n’est-ce pas la meilleure raison pour nos aînés de chercher plus patiemment encore à nous comprendre et de nous accorder
11 rcher plus patiemment encore à nous comprendre et de nous accorder une confiance sans laquelle nous ne saurions aller, et
12 s, ce sont les jeunes qui passent… » Pas question de les saluer ni d’emboîter le pas, mais seulement de retenir sa place a
13 unes qui passent… » Pas question de les saluer ni d’ emboîter le pas, mais seulement de retenir sa place au spectacle qu’il
14 e les saluer ni d’emboîter le pas, mais seulement de retenir sa place au spectacle qu’ils offrent et de les considérer ave
15 e retenir sa place au spectacle qu’ils offrent et de les considérer avec sympathie. Il est bien facile de s’écrier : « Apr
16 les considérer avec sympathie. Il est bien facile de s’écrier : « Après moi, le déluge ! », et de se détourner de ce qu’on
17 cile de s’écrier : « Après moi, le déluge ! », et de se détourner de ce qu’on a coutume d’appeler notre « désordre ». Mais
18  : « Après moi, le déluge ! », et de se détourner de ce qu’on a coutume d’appeler notre « désordre ». Mais on est toujours
19 uge ! », et de se détourner de ce qu’on a coutume d’ appeler notre « désordre ». Mais on est toujours le fils de quelqu’un…
20 notre « désordre ». Mais on est toujours le fils de quelqu’un… Et, peut-être, la considération du « déluge » peut-elle fa
21 eur bénévole, un exercice mensuel à votre faculté d’ indulgence. Par contre, nous nous empressons de vous laisser le soin d
22 té d’indulgence. Par contre, nous nous empressons de vous laisser le soin de juger si nous avons de quoi faire les modeste
23 tre, nous nous empressons de vous laisser le soin de juger si nous avons de quoi faire les modestes…   Être nous-mêmes, av
24 ns de vous laisser le soin de juger si nous avons de quoi faire les modestes…   Être nous-mêmes, avons-nous dit, c’est à l
25 fois notre but et notre excuse en publiant cette revue . Nous ne sommes pas « une revue littéraire de plus » ; nous ne voulon
26 en publiant cette revue. Nous ne sommes pas « une revue littéraire de plus » ; nous ne voulons pas être « l’expression de la
27 plus » ; nous ne voulons pas être « l’expression de la jeunesse romande ». Nous sommes autre chose. (Belles-Lettres est t
28 vous aurez lu nos huit numéros. Il faut que notre revue reste cette chose unique et indéfinissable, comme toute chose vivante
29 indéfinissable, comme toute chose vivante… Gerbe de fleurs disparates, aux tiges divergentes, mais qu’un ruban rouge et v
30 , mais qu’un ruban rouge et vert lie par la grâce d’ une volonté sans doute divine… a. Rougemont Denis de, « Avant-propo
31 volonté sans doute divine… a. Rougemont Denis de , « Avant-propos », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève
32 vine… a. Rougemont Denis de, « Avant-propos », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, décembre 1926,
33 a. Rougemont Denis de, « Avant-propos », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, décembre 1926, p.
2 1926, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Paradoxe de la sincérité (décembre 1926)
34 Paradoxe de la sincérité (décembre 1926)c Nous voyons un mythe prendre corps p
35 us voyons un mythe prendre corps parmi les ruines de ce temps. Il fallait bien tirer quelque vertu d’une anarchie dont on
36 de ce temps. Il fallait bien tirer quelque vertu d’ une anarchie dont on ne veut pas avouer qu’elle est plus nécessaire —
37 us trompant nous-mêmes, sous le prétexte toujours de probité intellectuelle ou de courage moral, nous avons élevé à la hau
38 le prétexte toujours de probité intellectuelle ou de courage moral, nous avons élevé à la hauteur d’une vertu première — e
39 u de courage moral, nous avons élevé à la hauteur d’ une vertu première — et qui légitime tous les dénis de morale à quoi n
40 e vertu première — et qui légitime tous les dénis de morale à quoi nous obligeaient en réalité on sait quel dégoût, et cer
41 n réalité on sait quel dégoût, et certains désirs de grabuge moins avouables, — la sincérité, masque fier et un peu doulou
42 e originale : tant qu’à la fin la notion concrète de sincérité s’évanouit en mille définitions tendancieuses et contradict
43 e ; envers votre idéal ou envers les fluctuations de votre moi ? Votre sincérité est-elle consentement immédiat à toute im
44 me telle qu’elle est » (Rivière), ou encore refus de choisir, volonté de tout conserver en soi ? Ou bien une attitude en q
45  » (Rivière), ou encore refus de choisir, volonté de tout conserver en soi ? Ou bien une attitude en quelque sorte scienti
46 cientifique, à la fois curieuse et désintéressée, de naturaliste de l’âme ? Heureusement que M. Brémond ne s’est pas encor
47 la fois curieuse et désintéressée, de naturaliste de l’âme ? Heureusement que M. Brémond ne s’est pas encore mêlé de l’aff
48 reusement que M. Brémond ne s’est pas encore mêlé de l’affaire. Au reste, on n’a pas attendu les éclaircissements du subti
49 us rien comprendre. ⁂ Qu’on imagine un personnage de tableau se mettre à décrire ce qu’il voit autour de lui — et l’étonne
50 ectateur. Pour parler avec un peu de clairvoyance de ce dont nous avons vécu jusqu’à tel jour de notre jeunesse, il faudra
51 yance de ce dont nous avons vécu jusqu’à tel jour de notre jeunesse, il faudrait pouvoir sauter hors de soi. Seule, une mé
52 it pouvoir sauter hors de soi. Seule, une méthode d’ observation et de déduction passablement sèche pourrait nous donner l’
53 hors de soi. Seule, une méthode d’observation et de déduction passablement sèche pourrait nous donner l’illusion et peut-
54 donner l’illusion et peut-être certains bénéfices de cette opération idéale. En même temps, la froideur d’une telle méthod
55 ette opération idéale. En même temps, la froideur d’ une telle méthode atténuerait dans une certaine mesure — parce que néc
56 aine mesure — parce que nécessaire — ce qu’il y a de déplaisant dans l’effort d’un esprit pour se dégager de confusions au
57 ssaire — ce qu’il y a de déplaisant dans l’effort d’ un esprit pour se dégager de confusions aussi perfides et si profondém
58 laisant dans l’effort d’un esprit pour se dégager de confusions aussi perfides et si profondément mêlées à ses plus chères
59 ères sont aussi les moins calculés », écrit Gide. D’ où l’on peut tirer par une sorte de passage à la limite que les faits
60 », écrit Gide. D’où l’on peut tirer par une sorte de passage à la limite que les faits justifient : sincérité = spontanéit
61 rousseauiste, inspire, explique un vaste domaine de la littérature contemporaine. Cette sorte-là de sincérité, on la nomm
62 e de la littérature contemporaine. Cette sorte-là de sincérité, on la nomme gratuité. Lafcadio poussant Fleurissoire « pou
63 ui aboutit naguère au surréalisme. Tous les héros de roman se sont mis à gesticuler « gratuitement ». Et les critiques d’a
64 iculer « gratuitement ». Et les critiques d’abord de s’indigner. Aujourd’hui, on les voit assez enchantés de l’affaire : «
65 ndigner. Aujourd’hui, on les voit assez enchantés de l’affaire : « Gratuit ! », déclarent-ils chaque fois qu’ils ne compre
66 audrait s’entendre. Et, ici encore, prenons garde de confondre le plan littéraire avec le plan moral. Telle action peut pa
67 e personnage. Mais quant à l’auteur, il n’y a pas de gratuité. Le geste le plus incongru du héros n’est jamais que le résu
68 us incongru du héros n’est jamais que le résultat d’ un mécanisme inconscient, aussi révélateur du personnage que ses actio
69 t gratuit que relativement à un système restreint de références. Il résulte de semblables considérations, dans le domaine
70 à un système restreint de références. Il résulte de semblables considérations, dans le domaine de la morale, que le meill
71 lte de semblables considérations, dans le domaine de la morale, que le meilleur moyen de se livrer à ses déterminants, c’e
72 ns le domaine de la morale, que le meilleur moyen de se livrer à ses déterminants, c’est de mener la vie gratuite que récl
73 leur moyen de se livrer à ses déterminants, c’est de mener la vie gratuite que réclament les surréalistes. Le contraire de
74 uite que réclament les surréalistes. Le contraire de la liberté. D’autre part, on veut donner à l’acte gratuit une valeur
75 s secret dans la personnalité. Ce serait un moyen de connaissance plus intégrale de soi. Mais pour être moins pittoresque
76 Ce serait un moyen de connaissance plus intégrale de soi. Mais pour être moins pittoresque et plus « entachée d’utilitaris
77 is pour être moins pittoresque et plus « entachée d’ utilitarisme », la décision réfléchie, aussi peu gratuite que possible
78 ision réfléchie, aussi peu gratuite que possible, d’ un Julien Sorel, est-elle moins révélatrice du fond de l’âme humaine ?
79 e du fond de l’âme humaine ? Que si l’on s’étonne de me voir donner ici la préférence à l’acte volontaire, ou mieux : inté
80 suffisamment son rôle en se bornant à nous donner de nous-mêmes une connaissance plus intense et plus émouvante ; mais la
81 se et plus émouvante ; mais la morale, plutôt que de nous constater, doit nous construire — selon le mode le plus libre, l
82 scurités, etc.). Supposons que j’éprouve un désir d’ action vive, un élan vers certain but précis. Ou bien j’aurais juste
83 tain but précis. Ou bien j’aurais juste le temps de le noter avant de partir. Ou bien je me mettrai à l’analyser plus lon
84 ent. Mais alors je le fausse, puisque je le prive de la puissance de se délivrer en gestes, en conséquences matérielles. C
85 je le fausse, puisque je le prive de la puissance de se délivrer en gestes, en conséquences matérielles. Ce n’est plus l’é
86 frein lui-même, bientôt — par un mouvement normal de l’attention — et fatalement c’est à la découverte d’une faiblesse que
87 l’attention — et fatalement c’est à la découverte d’ une faiblesse que j’aboutis : ce quelque chose qui m’a retenu d’accomp
88 e que j’aboutis : ce quelque chose qui m’a retenu d’ accomplir ce que l’élan appelait.   Second exemple. — J’éprouve le be
89 ppelait.   Second exemple. — J’éprouve le besoin de faire le point : à quoi en suis-je, qui suis-je ? Je revois des actes
90 ntiments que je crois avoir éprouvés à tel moment de mon passé. Parfois — rarement —, je parviens à me souvenir de certain
91 . Parfois — rarement —, je parviens à me souvenir de certaines sensations profondes et indéfinies (telle sensation physiqu
92 profondes et indéfinies (telle sensation physique de bonheur, dans une rue au coucher du soleil, des phares d’automobiles
93 ur, dans une rue au coucher du soleil, des phares d’ automobiles étoilent le brouillard, les visages se cachent dans des fo
94 dans des fourrures, personne ne sait la richesse de ta vie…). J’écris ces choses. Puis, dans un ancien carnet de notes, j
95 . J’écris ces choses. Puis, dans un ancien carnet de notes, je retrouve un être si différent. Les gestes et les sentiments
96 oposaient à mon souvenir ont été passés au crible de la minute où je me penchais sur mon passé. Ou, pour user d’une image
97 te où je me penchais sur mon passé. Ou, pour user d’ une image plus précise, cette minute est baignée d’une lueur de triste
98 ’une image plus précise, cette minute est baignée d’ une lueur de tristesse ou de sérénité qui métamorphose le paysage du p
99 lus précise, cette minute est baignée d’une lueur de tristesse ou de sérénité qui métamorphose le paysage du passé. Ainsi
100 te minute est baignée d’une lueur de tristesse ou de sérénité qui métamorphose le paysage du passé. Ainsi de certains déco
101 énité qui métamorphose le paysage du passé. Ainsi de certains décors modernes : vous changez l’éclairage, et la chaumière
102 trospection : ce daltonisme du souvenir. Si l’un de ces deux procédés peut m’apprendre quelque chose, c’est bien le secon
103 ait atteindre « la vérité sur soi » en se servant de la méthode indiquée dans le premier exemple. C’est un cas-limite, j’e
104 , j’en conviens. Pourtant, n’est-ce pas le schéma de tout un genre littéraire moderne, cette espèce de confession romancée
105 de tout un genre littéraire moderne, cette espèce de confession romancée dont les livres de Bopp, d’Arland, de Soupault et
106 tte espèce de confession romancée dont les livres de Bopp, d’Arland, de Soupault et surtout de René Crevel ont donné les e
107 e de confession romancée dont les livres de Bopp, d’ Arland, de Soupault et surtout de René Crevel ont donné les exemples l
108 ssion romancée dont les livres de Bopp, d’Arland, de Soupault et surtout de René Crevel ont donné les exemples les plus ré
109 livres de Bopp, d’Arland, de Soupault et surtout de René Crevel ont donné les exemples les plus récents et significatifs 
110 us ces livres évoquent assez précisément la forme d’ un entonnoir. La vie serait le liquide tourbillonnant à l’intérieur. U
111 se regarder vivre, le personnage à douter du sens de sa vie) et les forces centripètes l’emportent peu à peu, une aspirati
112 t dans un râle, brusquement c’est le vide. Centre de soi, l’aspiration du néant. J’ai revu à l’envers le film de mon passé
113 aspiration du néant. J’ai revu à l’envers le film de mon passé : ce qui était élan devient recul, et l’évocation de mes dé
114 : ce qui était élan devient recul, et l’évocation de mes désirs anciens ne me restitue qu’un dégoût. J’ai cru que je pourr
115 e n’assiste pas à moi-même, mais à la destruction de moi-même. Par les fissures, un instant, j’ai pu soupçonner des profon
116 le chaos. Mon corps et moi, le livre si poignant de René Crevel, est la démonstration la plus cynique que je connaisse de
117 la démonstration la plus cynique que je connaisse de ces ravages du sincérisme. Dans la solitude qu’il s’acharne à approfo
118 ofondir — il était venu y chercher quelque raison de vivre, il voulait se voir le plus purement (« cette curiosité donnée
119 s purement (« cette curiosité donnée comme raison d’ une perpétuelle attente »), — ce que l’auteur découvre c’est ce « merv
120 uteur découvre c’est ce « merveilleux contraire » de l’élan vital qu’il nomme élan mortel — générateur de l’incurable tris
121 l’élan vital qu’il nomme élan mortel — générateur de l’incurable tristesse qui rôde dans certaine littérature d’aujourd’hu
122 able tristesse qui rôde dans certaine littérature d’ aujourd’hui. J’ai dit : ravages du sincérisme. C’est plus exactement f
123 plus exactement faillite qu’il faudrait. Faillite de toute introspection, en littérature et en morale. Impossibilité de fa
124 ction, en littérature et en morale. Impossibilité de faire mon autoportrait moral : je bouge tout le temps. Danger de fair
125 toportrait moral : je bouge tout le temps. Danger de faire mon autoportrait moral : je me compose plus laid que nature. Fa
126 e suis avisé que l’homme éprouve ce qu’il imagine d’ éprouver. » Non. Car à supposer que l’analyse nous crée, elle ne nous
127 est ». Il voyait dans cet effort sur soi le gage d’ un enrichissement, d’une consolidation de l’individu mais avant tout u
128 s cet effort sur soi le gage d’un enrichissement, d’ une consolidation de l’individu mais avant tout un moyen de se connaît
129 le gage d’un enrichissement, d’une consolidation de l’individu mais avant tout un moyen de se connaître. Cependant, n’est
130 solidation de l’individu mais avant tout un moyen de se connaître. Cependant, n’est-ce pas lui-même qui ajoutait que l’hom
131 ncère « en vient à ne plus pouvoir même souhaiter d’ être différent », ce qui est la négation de tout progrès moral. De la
132 haiter d’être différent », ce qui est la négation de tout progrès moral. De la sincérité envisagée comme moyen de connaiss
133  », ce qui est la négation de tout progrès moral. De la sincérité envisagée comme moyen de connaissance, le cas extrême d’
134 grès moral. De la sincérité envisagée comme moyen de connaissance, le cas extrême d’un Crevel nous montre assez ce qu’il f
135 sagée comme moyen de connaissance, le cas extrême d’ un Crevel nous montre assez ce qu’il faut penser2. Il ne s’en suit pas
136 assez étroites empiriquement fournies par le sens de son intérêt propre, une analyse sincère ne puisse faire découvrir que
137 découvrir quelques richesses et ne serve parfois de contrôle efficace. Mais les bénéfices sont maigres en regard des dang
138 r, tant dans le domaine littéraire que dans celui de l’action. En littérature : refus de construire, de composer ; impuiss
139 ue dans celui de l’action. En littérature : refus de construire, de composer ; impuissance à inventer. Car inventer, c’est
140 e l’action. En littérature : refus de construire, de composer ; impuissance à inventer. Car inventer, c’est se porter à l’
141 Car inventer, c’est se porter à l’extrême pointe de soi, et, d’un élan, se dépasser ; c’est créer une différence. Pourquo
142 r, c’est se porter à l’extrême pointe de soi, et, d’ un élan, se dépasser ; c’est créer une différence. Pourquoi les romanc
143 créer des personnages ? C’est parce qu’une sorte de sincérité les retient d’imposer aux héros ce rythme volontaire par le
144 C’est parce qu’une sorte de sincérité les retient d’ imposer aux héros ce rythme volontaire par lequel un Balzac les fait v
145 lairement. En morale : défaitisme quand il s’agit de gestes qui pourraient entraîner des effets imprévisibles, « réalisme 
146  réalisme » décourageant, et, bientôt, incapacité d’ agir efficacement. (Il faut, pour sauter, une confiance dans l’élan qu
147 paraît impossible, absurde.) Enfin, désagrégation de la personnalité, car l’analyse la plus savante, comme l’a fort bien d
148 ments du moi, moins le principe unificateur ». De quelques sophismes libérateurs La fonction de l’homme est aussi bi
149 De quelques sophismes libérateurs La fonction de l’homme est aussi bien de croire que de constater. F. Raub. La sin
150 érateurs La fonction de l’homme est aussi bien de croire que de constater. F. Raub. La sincérité obstinée d’un Riviè
151 fonction de l’homme est aussi bien de croire que de constater. F. Raub. La sincérité obstinée d’un Rivière n’a plus ri
152 e de constater. F. Raub. La sincérité obstinée d’ un Rivière n’a plus rien de spontané. En quoi est-ce encore de la sinc
153 La sincérité obstinée d’un Rivière n’a plus rien de spontané. En quoi est-ce encore de la sincérité ? Trop sincère, pas s
154 n’a plus rien de spontané. En quoi est-ce encore de la sincérité ? Trop sincère, pas sincère. Ou bien si l’on prétend que
155 la sincérité est la recherche, puis l’acceptation de toute tendance du moi, je réponds que le mensonge est sincère aussi,
156 mensonge est sincère aussi, qui révèle mon besoin de mentir. Il devient dès lors impossible de faire rien qui ne soit sinc
157 besoin de mentir. Il devient dès lors impossible de faire rien qui ne soit sincère. Peut-on véritablement se mentir à soi
158 z pour qu’ils vous aident3 — mais jamais au point d’ oublier la vérité qu’on désirait qu’ils cachent pour un moment. « L’ar
159 ire à la vie, n’est-ce pas être sincère aussi que de s’y prêter ? Or, il vous tire aussitôt de l’indétermination violente
160 ssi que de s’y prêter ? Or, il vous tire aussitôt de l’indétermination violente qu’est la sincérité selon Rivière. La sinc
161 ans le vide qu’exige toute foi ; c’est la volonté de sincérité, c’est-à-dire une sincérité tournée au vice, invertie, qui
162 sincérité tournée au vice, invertie, qui retient de l’oser. Petite anthologie ou que le « style » est de l’homme même
163 ser. Petite anthologie ou que le « style » est de l’homme même J’en étais à peu près à ce point de mes notes — à ce
164 l’homme même J’en étais à peu près à ce point de mes notes — à ce point de mon dégoût pour ce que beaucoup continuaien
165 s à peu près à ce point de mes notes — à ce point de mon dégoût pour ce que beaucoup continuaient d’appeler sincérité et q
166 t de mon dégoût pour ce que beaucoup continuaient d’ appeler sincérité et qui me devenait inintelligible en même temps qu’o
167 inintelligible en même temps qu’odieux. Au hasard de quelques lectures, je pris note des passages suivants (les paraphrase
168 ote des passages suivants (les paraphraser serait d’ une ingratitude insigne — ils marquent au reste fort bien les jalons d
169 igne — ils marquent au reste fort bien les jalons de cette recherche) : Puissiez-vous avouer moins de sincérité et montre
170 de cette recherche) : Puissiez-vous avouer moins de sincérité et montrer plus de style. (Georges Duhamel.) … Nous ne somm
171 ez-vous avouer moins de sincérité et montrer plus de style. (Georges Duhamel.) … Nous ne sommes pas, nous nous créons. Cer
172 n qui altérerait leur moi ; ils ne souhaitent que d’ être leur propre témoin, intelligent mais immobile : ce sont les mêmes
173 istant pas ? (François Mauriac.) La valeur morale de M. Godeau serait définie par l’aspect seul qu’il souffrirait de garde
174 erait définie par l’aspect seul qu’il souffrirait de garder lui-même à son propre regard. Ainsi la valeur morale d’un homm
175 -même à son propre regard. Ainsi la valeur morale d’ un homme équivalait-elle à l’illusion qu’il était capable d’entretenir
176 équivalait-elle à l’illusion qu’il était capable d’ entretenir sur lui-même. (Marcel Jouhandeau.) Ce qu’on appelle une œuv
177 appelle une œuvre sincère est celle qui est douée d’ assez de force pour donner de la réalité à l’illusion. (Max Jacob.) Un
178 une œuvre sincère est celle qui est douée d’assez de force pour donner de la réalité à l’illusion. (Max Jacob.) Un rôle ?
179 celle qui est douée d’assez de force pour donner de la réalité à l’illusion. (Max Jacob.) Un rôle ? Oui. Mais si le perso
180 me même. (André Maurois.) (Quel effroi, ce jour de l’adolescence où l’on soupçonne pour la première fois que certains, p
181 paraît plus sinistre à la sincérité presque pure de cet âge. Mais il le faut dépasser.)   Si j’en crois l’intensité d’un
182 il le faut dépasser.)   Si j’en crois l’intensité d’ un sentiment intime, ce moi idéal que j’appelle en chaque minute de ma
183 time, ce moi idéal que j’appelle en chaque minute de ma joie est plus réel que celui qu’une analyse désolée s’imaginait re
184 rs, ce n’est pas lâcher la proie pour l’ombre que de tendre vers ce modèle. Dirais-je que c’est ma sincérité d’y aller par
185 vers ce modèle. Dirais-je que c’est ma sincérité d’ y aller par les moyens les plus efficaces ? Mais on nommera cela de l’
186 moyens les plus efficaces ? Mais on nommera cela de l’hypocrisie. Soit, j’accepte. Et aussitôt j’annonce : Éloge de l’
187 Soit, j’accepte. Et aussitôt j’annonce : Éloge de l’hypocrisie Non, non !… Debout dans l’ère successive ! Brisez, mo
188 ................. Le vent se lève, il faut tenter de vivre. Paul Valéry. Certes, du sein de ma triste lucidité, je t’ava
189 t tenter de vivre. Paul Valéry. Certes, du sein de ma triste lucidité, je t’avais déjà invoquée, hypocrisie consolante e
190 Mais tu m’offrais un visage un peu crispé, signe d’ une ironie secrète et pour moi douloureuse encore. Pitoyable, trop vis
191 ent, tu prêtais bien quelques voiles à mon dégoût d’ un moi que la vie me montrait si désespérément vrai, tyrannique, insuf
192 rément vrai, tyrannique, insuffisant. Mais un pli de ta lèvre, un peu sceptique, quand mon esprit partait dans le rêve d’u
193 sceptique, quand mon esprit partait dans le rêve d’ un idéal de fortune, idole naïve de ma jeune angoisse… Je t’ai mieux a
194 quand mon esprit partait dans le rêve d’un idéal de fortune, idole naïve de ma jeune angoisse… Je t’ai mieux aimée ; d’au
195 t dans le rêve d’un idéal de fortune, idole naïve de ma jeune angoisse… Je t’ai mieux aimée ; d’autres soirs, alors qu’une
196 ux aimée ; d’autres soirs, alors qu’une symphonie de joies émanait de toute la vie : chaque chose proposait une ferveur no
197 es soirs, alors qu’une symphonie de joies émanait de toute la vie : chaque chose proposait une ferveur nouvelle, et chaque
198 tat de grâce, un amour — ne pouvait se satisfaire de telle possession particulière, ne pouvait non plus s’imaginer qu’elle
199 ement à l’invite que je soupçonnais la plus riche d’ inconnu, je m’élançais sur la voie qu’elle m’ouvrait, avec tant de rir
200 is, vers tout ce que momentanément je choisissais de laisser — et des baisers à tous les vents — qu’il eût été loisible d’
201 baisers à tous les vents — qu’il eût été loisible d’ attribuer comme objet à ma jubilation, non pas ce but peut-être dériso
202 vers quoi je me portais, mais bien ces figurants de mon bonheur que je me conciliais pour des retours possibles. C’est ai
203 C’est ainsi que fidèle à soi-même au plus profond de l’être, on entretient comme une arrière-pensée sagace et obstinée l’a
204 une arrière-pensée sagace et obstinée l’assurance d’ une continuité entre ses actions et ses désirs, un quant-à-soi qui ne
205 discrètement les décisions et les rend complices d’ un dessein logique, peut-être lointain, en quoi consiste l’unité la pl
206 lointain, en quoi consiste l’unité la plus réelle de l’individu — en dehors du corps. Et ce ne sont point là jeux d’idées
207 — en dehors du corps. Et ce ne sont point là jeux d’ idées et jongleries verbales. Regards au-dessus de l’amour ! Voir l’he
208 d’idées et jongleries verbales. Regards au-dessus de l’amour ! Voir l’heure à la pendule pendant l’étreinte d’un adieu et
209 ur ! Voir l’heure à la pendule pendant l’étreinte d’ un adieu et calculer rapidement le retour à une fidélité plus profonde
210 une volonté — si profonde qu’elle n’a pas besoin de s’expliciter pour être efficace — qui m’interdit de nommer ce dont je
211 s’expliciter pour être efficace — qui m’interdit de nommer ce dont je ne veux plus souffrir. (Car il n’est peut-être qu’u
212 s souffrir. (Car il n’est peut-être qu’une espèce de souffrance véritablement insupportable, c’est celle qu’on tire de soi
213 ritablement insupportable, c’est celle qu’on tire de soi-même.) Hypocrisie, ce sourire des sphinx ; hypocrisie, masque amb
214 ce sourire des sphinx ; hypocrisie, masque ambigu d’ une liberté plus précieuse que toute certitude… Ô vérité, ma vérité, n
215 é, ma vérité, non pas ce que je suis, mais ce que de toute mon âme je veux être !… 1. La véritable description de l’éla
216 me je veux être !… 1. La véritable description de l’élan supposé dans le premier exemple, ce serait le récit des gestes
217 ychologie moderne souligne la quasi-impossibilité de traduire un dynamisme directement dans notre langage statique. 3. « 
218 langage statique. 3. « Et certes quand il s’agit de parole ou d’écriture, l’affirmation prouve moins une certitude qu’un
219 que. 3. « Et certes quand il s’agit de parole ou d’ écriture, l’affirmation prouve moins une certitude qu’un désir de cert
220 ffirmation prouve moins une certitude qu’un désir de certitude né de quelque doute au fond. » (René Crevel) c. Rougemont
221 e moins une certitude qu’un désir de certitude né de quelque doute au fond. » (René Crevel) c. Rougemont Denis de, « Par
222 ute au fond. » (René Crevel) c. Rougemont Denis de , « Paradoxe de la sincérité », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuc
223 (René Crevel) c. Rougemont Denis de, « Paradoxe de la sincérité », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fr
224 Rougemont Denis de, « Paradoxe de la sincérité », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, décembre 1926,
225 ont Denis de, « Paradoxe de la sincérité », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, décembre 1926, p.
3 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Billets aigres-doux (janvier 1927)
226 dues Sur le mont gris pâlissants Des bouquets de vagues brumes. Insulter ta beauté froide ? Oui, mais à qui s’adresser
227 s pleurs, Lors je baise votre main Comme on signe d’ un faux nom. d. Rougemont Denis de, « Billets aigres-doux », Revu
228 e on signe d’un faux nom. d. Rougemont Denis de , « Billets aigres-doux », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel
229 d. Rougemont Denis de, « Billets aigres-doux », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, janvier 1927,
230 ougemont Denis de, « Billets aigres-doux », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, janvier 1927, p. 
4 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Conte métaphysique : L’individu atteint de strabisme (janvier 1927)
231 Conte métaphysique : L’individu atteint de strabisme (janvier 1927)f g Comme le démiurge venait de peser sur
232 ateur des étoiles… l’une, se décrochant sans plus d’ hésitation, se mit à pérégriner dans les régions de chasse gardée du c
233 ’hésitation, se mit à pérégriner dans les régions de chasse gardée du ci-devant soleil. C’est là qu’Urbain, premier du nom
234 famille, laquelle n’avait compté jusqu’alors que d’ authentiques avocats et un chapelier dont tous s’accordaient à dire qu
235 accordaient à dire qu’il ne péchait que par excès de bonne humeur printanière, Urbain donc, premier mauvais garçon d’une r
236 printanière, Urbain donc, premier mauvais garçon d’ une race entre toutes bénie — par qui ? elle était anticléricale, on n
237 pudiquement dissimulé. Vers 1 heure, elle éclaira d’ une rose caresse lumineuse la chevelure rouge d’Urbain, et son nez, le
238 a d’une rose caresse lumineuse la chevelure rouge d’ Urbain, et son nez, lequel, par ses dimensions remarquablement exagéré
239 s remarquablement exagérées, lui valait le surnom de Bin-Bin. Urbain ouvrit les yeux et ne vit rien. On rappelle que les é
240 On rappelle que les étoiles s’étaient décrochées de leur poste dans l’éternité. « Éternité désaffectée, c’est bien dommag
241 s irons chercher dans le souvenir les vent-coulis de la mort. Garçon, un café, un ! » Mais l’étoile chantait dans l’axe de
242 un café, un ! » Mais l’étoile chantait dans l’axe de sa vie normale et s’approchait en faisant la roue — celle à qui souri
243 oue — celle à qui sourit la Fortune. Urbain, fort d’ une hérédité judiciaire et française, dédaigna des avances que la pert
244 e et française, dédaigna des avances que la perte de son sens de l’éternel rendait pourtant considérables, au sens étymolo
245 se, dédaigna des avances que la perte de son sens de l’éternel rendait pourtant considérables, au sens étymologique du ter
246 ile pleurait, sentimentale. f. Rougemont Denis de , « L’individu atteint de strabisme. Conte métaphysique », Revue de Be
247 e. f. Rougemont Denis de, « L’individu atteint de strabisme. Conte métaphysique », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Ne
248 ividu atteint de strabisme. Conte métaphysique », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, janvier 1927,
249 atteint de strabisme. Conte métaphysique », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, janvier 1927, p. 
5 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Dans le Style (janvier 1927)
250 Dans le Style (janvier 1927)h Nous recevons d’ un bellettrien facétieux cet « Hommage à Paul Morand » : Billet circ
251  : Billet circulaire pour Paul Morand, auteur de « Lewis et Irène » L’auteur de maint roman de caractère gras quitte
252 ul Morand, auteur de « Lewis et Irène » L’auteur de maint roman de caractère gras quitte Charing-Cross, songeant aux titr
253 ur de « Lewis et Irène » L’auteur de maint roman de caractère gras quitte Charing-Cross, songeant aux titres, aux tire-l’
254 matique, fait balle au cerveau du poète qui meurt de sommeil naturel. Le tunnel sous la Manche escamoté, le train dépose d
255 tenant des Anglais fragiles. L’aube tire un écran de pluies sur le paysage commercial. Terminus : Morand, s’éveillant en f
256 : Mardi dernier a été célébré en l’église grecque de la rue Georges Bizet le mariage de M. Paul Morand avec la princesse H
257 église grecque de la rue Georges Bizet le mariage de M. Paul Morand avec la princesse Hélène-C. Soutzo. Les témoins étaien
258 la mariée : Son Excellence M. Diamanty, ministre de Roumanie à Paris. C’est encore mieux dans le style. h. Rougemont D
259 encore mieux dans le style. h. Rougemont Denis de , « Dans le style », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genèv
260 yle. h. Rougemont Denis de, « Dans le style », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, janvier 1927,
261 h. Rougemont Denis de, « Dans le style », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, janvier 1927, p. 
6 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Lettre du survivant (février 1927)
262 ’abord que je m’excuse : c’est un peu prétentieux de vous écrire au moment où je vais me suicider, d’autant plus que vous
263 de vous écrire au moment où je vais me suicider, d’ autant plus que vous n’y croirez pas — et pourtant… Il faut aussi que
264 ez ne pas voir dans cette phrase quelque allusion de mauvais goût.) Je vous ai rencontrée quatre ou cinq fois dans des lie
265 ai rencontrée quatre ou cinq fois dans des lieux de plaisir, comme on dit, sans doute parce que c’est là que se nouent le
266 on cœur. Puis je vous ai oubliée. Puis je vous ai revue , aux courses, et c’est là que j’ai découvert que vous existiez en moi
267 existiez en moi, à certain désagrément que j’eus de vous voir si entourée… D’autres fois… je n’ai plus le courage de les
268 entourée… D’autres fois… je n’ai plus le courage de les dire. Enfin, avant-hier, à ce bal. J’avais demandé à un de mes a
269 nfin, avant-hier, à ce bal. J’avais demandé à un de mes amis, qui vous connaît4, de me présenter. Il m’en avait donné la
270 vais demandé à un de mes amis, qui vous connaît4, de me présenter. Il m’en avait donné la promesse. Vos regards rencontrèr
271 romesse. Vos regards rencontrèrent les miens plus d’ une fois pendant une danse qu’il fit avec vous, mais vous les détourni
272 ecrètement attirante ; et je pensais que la force de mon désir était telle que vous en éprouviez vaguement la menace. Je d
273 sais quel démon du malheur me paralysa. Je venais d’ entrevoir l’image d’un couple heureux et banal, votre sourire répondan
274 alheur me paralysa. Je venais d’entrevoir l’image d’ un couple heureux et banal, votre sourire répondant au mien, comme on
275 vexé ; vous disparaissiez au milieu d’un cortège de rires empressés. Une autre danse reprenait. Je sentis une invincible
276 dait, en passant, si j’étais malade. Je désignais d’ un geste incertain quelques bouteilles de champagne vides ; car on par
277 ésignais d’un geste incertain quelques bouteilles de champagne vides ; car on pardonne l’ivresse, mais non certaines doule
278 mais non certaines douleurs. Même, je fus obligé de confier à un ami que j’en avais repris … Les archets jouaient sur mes
279 es œillères géantes aux pensées, le ciel trop bas d’ un rêve sans issue, pesant comme l’envie d’un sommeil sans fin… J’avai
280 op bas d’un rêve sans issue, pesant comme l’envie d’ un sommeil sans fin… J’avais soif, mais la seule vue d’un liquide me s
281 sommeil sans fin… J’avais soif, mais la seule vue d’ un liquide me soulevait le cœur. L’aube parut. On éteignit toutes les
282 a table en désordre où je venais de jeter mon col de smoking et un œillet, pauvre gentillesse d’une autre femme dont le se
283 n col de smoking et un œillet, pauvre gentillesse d’ une autre femme dont le seul défaut fut de m’aimer… (Froid aux genoux,
284 illesse d’une autre femme dont le seul défaut fut de m’aimer… (Froid aux genoux, odeur de vieille fumée, et ce refus au so
285 l défaut fut de m’aimer… (Froid aux genoux, odeur de vieille fumée, et ce refus au sommeil qui meurtrit jusqu’à l’âme.) Co
286 sommeil qui meurtrit jusqu’à l’âme.) Convulsions d’ oriflammes sur l’orchestre pensif. Ton regard est plus grand que le ch
287 une chambre étroite… J’ai dormi quelques heures, d’ un sommeil triste, tout enfiévré par la crainte du réveil. Puis je sui
288 disais-je elle y entrera, et, me glissant auprès d’ elle, je pourrai lui dire très vite quelques mots si bouleversants qu’
289 evais paraître si perdu. Chaque fois qu’un paquet de dix personnes s’engouffrait dans la cage rouge et or et s’élevait, j’
290 r descendant… Il aurait fallu monter, mais l’idée de vous trouver peut-être assise en face de votre bel ami laqué, sourian
291 oule qui se précipitait, mais je n’avais pas pris de numéro, je ne pouvais pas monter. Je finissais par vous voir partout.
292 Je finissais par vous voir partout. Chaque visage de femme révélait soudain un trait de votre visage. Il aurait fallu cour
293 Chaque visage de femme révélait soudain un trait de votre visage. Il aurait fallu courir après celle-là qui venait de tou
294 ir après celle-là qui venait de tourner à l’angle de cette rue et qui avait votre démarche. Mais, pendant ce temps, vous p
295 éticents, maladroits, contradictoires… Un autobus de luxe s’était arrêté tout près de moi. Je vis un visage à l’intérieur
296 Mais je n’osais presque pas la regarder, à cause d’ une incertitude qui redonnait tout son empire à ma timidité. Peut-être
297 tre était-ce vous. Je ne saurai jamais. À l’arrêt de la Place Saint-Michel, elle sortit, en me frôlant, sans me regarder.
298 s parapluies la dérobèrent à mes yeux. Une bouche de métro m’attira. Les rames s’arrêtaient avec un sifflement particulièr
299 utes les femmes que j’ai fait souffrir cette nuit d’ un long regard de damné. À minuit, tellement épuisé que je mêlais à me
300 ue j’ai fait souffrir cette nuit d’un long regard de damné. À minuit, tellement épuisé que je mêlais à mes pensées des fra
301 épuisé que je mêlais à mes pensées des fragments de rêves et les personnages des affiches, tout en marchant sans fin dans
302 nts, je me pris à parler à haute voix, par bribes de phrases incohérentes. Je voyais avec une sombre joie les employés et
303 les voyageurs s’inquiéter. Bientôt on m’entraîna de force sur un trottoir roulant qui me remonta dans la rue. La fraîcheu
304 roulant qui me remonta dans la rue. La fraîcheur de la brume m’apaisa. Sur la promesse que je fis que je me sentais mieux
305 tre maintenant 5 heures du matin. Premiers appels d’ autos dans la ville, mais il me semble que toutes choses s’éloignent d
306 , mais il me semble que toutes choses s’éloignent de moi vertigineusement, par cette aube incolore. Il y a vingt-quatre he
307 du la notion du temps. Je ne me souviens plus que de cette déception insupportable et définitive de mon désir. Je ne vous
308 ue de cette déception insupportable et définitive de mon désir. Je ne vous en accuse pas. À peine si je puis encore évoque
309 -je pas vraiment aimée, mais bien ce goût profond de ma destruction, ce rongement, cette sournoise recherche de tout ce qu
310 truction, ce rongement, cette sournoise recherche de tout ce qui me navre au plus intime de mon être… Le revolver est char
311 recherche de tout ce qui me navre au plus intime de mon être… Le revolver est chargé, sur cette table. (Je le caresse, en
312 sse, entre deux phrases.) Mais voici que ce geste de ma mort aussi me lasse, l’image que je m’en forme… Je ne comprends pl
313 e ne vous dirai pas son nom. i. Rougemont Denis de , « Lettre du survivant », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel
314 i. Rougemont Denis de, « Lettre du survivant », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, février 1927,
315 ougemont Denis de, « Lettre du survivant », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, février 1927, p. 
7 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Orphée sans charme (février 1927)
316 ur », écrivait Cocteau dans la préface des Mariés de la tour Eiffel. Et une note d’Orphée précise : « Inutile de dire qu’i
317 préface des Mariés de la tour Eiffel. Et une note d’ Orphée précise : « Inutile de dire qu’il n’y a pas un seul symbole dan
318 Eiffel. Et une note d’Orphée précise : « Inutile de dire qu’il n’y a pas un seul symbole dans la pièce. » Ce qui me gêne
319 e dans la pièce. » Ce qui me gêne pourtant, c’est d’ y découvrir possibles deux interprétations symboliques au moins ; de n
320 ibles deux interprétations symboliques au moins ; de ne pouvoir m’empêcher d’y songer sans cesse en lisant cette « tragédi
321 s symboliques au moins ; de ne pouvoir m’empêcher d’ y songer sans cesse en lisant cette « tragédie » ; de ne pouvoir m’emp
322 songer sans cesse en lisant cette « tragédie » ; de ne pouvoir m’empêcher non plus de soupçonner Cocteau d’en avoir plus
323 « tragédie » ; de ne pouvoir m’empêcher non plus de soupçonner Cocteau d’en avoir plus ou moins consciemment concerté la
324 pouvoir m’empêcher non plus de soupçonner Cocteau d’ en avoir plus ou moins consciemment concerté la possibilité. Orphée, p
325 , dit-il, il faut obtenir un scandale. Il faut un de ces orages qui rafraîchissent l’air. » Il prétend « traquer l’inconnu
326 prétend « traquer l’inconnu ». Sa femme l’accuse de « vouloir faire admettre que la poésie consiste à écrire une phrase »
327 est un poème, un poème du rêve, une fleur du fond de la mort. » Or, on découvre à la fin de la pièce que c’est une anagram
328 ur du fond de la mort. » Or, on découvre à la fin de la pièce que c’est une anagramme un peu ordurière. Ainsi les rêves pu
329 s, donnés à la fois comme poèmes et comme dictées de l’inconscient, au fond desquels on a si vite fait de distinguer les q
330 l’inconscient, au fond desquels on a si vite fait de distinguer les quelques préoccupations assez simples dont l’étude cha
331 ursuivre le jeu. Et puis, il y a aussi des sortes de calembours… Art chrétien, a-t-on dit5. Certes, cette pièce n’est pas
332 -on dit5. Certes, cette pièce n’est pas dépourvue de certaines des qualités qui, selon Max Jacob, permettraient seules de
333 alités qui, selon Max Jacob, permettraient seules de taxer de chrétienne une œuvre d’art. Mais, d’autre part, cette équivo
334 i, selon Max Jacob, permettraient seules de taxer de chrétienne une œuvre d’art. Mais, d’autre part, cette équivoque des s
335 ettraient seules de taxer de chrétienne une œuvre d’ art. Mais, d’autre part, cette équivoque des symboles, cette simplicit
336 dmire sans émoi. ⁂ Certes, les qualités scéniques de cette pièce sont grandes. Je ne saurais même indiquer aucun endroit p
337 cipes chers à l’auteur du Secret professionnel et de la préface des Mariés — principes dont l’énoncé brillant et définitif
338 tif restera l’un des titres les plus authentiques de Cocteau. Précision et relief du dialogue, ingénieuse utilisation des
339 se utilisation des expressions courantes, maximum de « situation » des personnages obtenu avec un minimum de répliques ; e
340 ituation » des personnages obtenu avec un minimum de répliques ; enfin, un style parfaitement pauvre dans le détail, un vr
341 parfaitement pauvre dans le détail, un vrai style de théâtre, d’une netteté qui pourtant n’est pas maigre, d’une familiari
342 pauvre dans le détail, un vrai style de théâtre, d’ une netteté qui pourtant n’est pas maigre, d’une familiarité dramatiqu
343 tre, d’une netteté qui pourtant n’est pas maigre, d’ une familiarité dramatique qui cerne le mystère d’un trait pur. Il sem
344 d’une familiarité dramatique qui cerne le mystère d’ un trait pur. Il semble que Cocteau ait réalisé là exactement ce qu’il
345 es. « Puisque ces mystères me dépassent, feignons d’ en être l’organisateur », disait le photographe des Mariés. Dans Orphé
346 n somme, ce qu’il faut reprocher à Cocteau, c’est d’ avoir réussi complètement une pièce, prouvant une fois de plus que l’a
347 pièce, prouvant une fois de plus que l’atmosphère de l’« art pur » n’est pas respirable. Il ne manque rien à Orphée, sinon
348 rphée, sinon peut-être cette indispensable « part de Dieu » — comme dit Gide — qui serait aussi la part de l’humain, l’imp
349 ieu » — comme dit Gide — qui serait aussi la part de l’humain, l’imperfection secrète qui fait naître l’amour. Parce que l
350 ’une fois de plus, Cocteau a comprimé des pétales de roses dans du cristal taillé, selon toutes les règles de l’art, mais
351 s dans du cristal taillé, selon toutes les règles de l’art, mais que l’essence obtenue, si elle est de rose, est sans parf
352 de l’art, mais que l’essence obtenue, si elle est de rose, est sans parfum.   (Tout de même, Cocteau est un poète : j’en v
353 ur mon compte, dans le fait que je ne sais parler de lui autrement que par métaphores.) 5. M. Zimmer, dans la Gazette d
354 par métaphores.) 5. M. Zimmer, dans la Gazette de Lausanne . Et même il appelait Orphée « une tragédie de l’amour conju
355 sanne . Et même il appelait Orphée « une tragédie de l’amour conjugal ». Vraiment, nous n’en demandions pas tant… k. Rou
356 us n’en demandions pas tant… k. Rougemont Denis de , « Orphée sans charme », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-
357 k. Rougemont Denis de, « Orphée sans charme », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, février 1927,
358 Rougemont Denis de, « Orphée sans charme », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, février 1927, p. 
8 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). L’autre œil (février 1927)
359 que s’ouvre où l’on attend un miracle pour la fin de la semaine. « Messieurs, disait Dardel, y a pas à tortiller, il faut
360 s ne sommes pas des imbéciles, nous ne sommes pas de ces gens qui croient que 2 et 2 font 22, et qui confondent Jérôme et
361 out ça semble idiot. Il y a des soirs où une idée de la responsabilité s’empare de nous. Et nous calculons qu’il s’agit de
362 s soirs où une idée de la responsabilité s’empare de nous. Et nous calculons qu’il s’agit de déranger 5000 personnes en hu
363 s’empare de nous. Et nous calculons qu’il s’agit de déranger 5000 personnes en huit soirées, et de les occuper quatre heu
364 it de déranger 5000 personnes en huit soirées, et de les occuper quatre heures durant… Mais la vision, rapidement entrevue
365 trevue par chacun dans son for le plus intérieur, d’ une fuite en auto, nous rassure provisoirement… Prosopopée, à propo
366 e, édentée et tâchant à prendre un accent anglais d’ un comique assez macabre. Ses derniers sectateurs, désignant d’un doig
367 assez macabre. Ses derniers sectateurs, désignant d’ un doigt impitoyable son flanc déjà meurtri, la suivaient en hurlant :
368 oi là ! »… Est-il plus atroce spectacle que celui d’ une maîtresse jadis belle et diserte qui tombe au ruisseau en prononça
369 le et diserte qui tombe au ruisseau en prononçant de séniles calembours… Pénétrés d’horreur, les bellettriens avaient fui.
370 eau en prononçant de séniles calembours… Pénétrés d’ horreur, les bellettriens avaient fui. Au détour d’une ivresse, ils re
371 ’horreur, les bellettriens avaient fui. Au détour d’ une ivresse, ils rencontrèrent une créature évadée d’anciens rêves qui
372 ne ivresse, ils rencontrèrent une créature évadée d’ anciens rêves qui hantait les limbes depuis un an déjà. Ils ne tardère
373 dèrent pas à reconnaître Cinématoma. Naissance de Cinématoma Cinq bellettriens furent commis au soin d’engendrer cet
374 matoma Cinq bellettriens furent commis au soin d’ engendrer cet adorable monstre. Ils se réunissent parfois autour d’un
375 dorable monstre. Ils se réunissent parfois autour d’ un feu et le contemplent un certain temps en silence. « Well ! », dit
376 rojet à deux faces. Lugin, qui est théologien, et de la Tchaux, n’a pas la foi. Topin, Mahomet désabusé, constate que jama
377 de ce paludesque et stérile consistoire, une idée de génie vint s’asseoir certaine nuit. Elle parla par la bouche de Lugin
378 s’asseoir certaine nuit. Elle parla par la bouche de Lugin, sa langue dans la langue de Lugin : « Le rideau se lève sur un
379 par la bouche de Lugin, sa langue dans la langue de Lugin : « Le rideau se lève sur un miroir qui occupe toute la largeur
380 se lève sur un miroir qui occupe toute la largeur de la scène. Titre : Socrate et Narcisse, un acte à grande figuration. »
381 uration. » Enfin l’on joua aux petits dés le sort de notre parade — et l’on gagna. Enthousiasmé, « Mimosa » partit pour la
382 partit pour la Riviera afin de négocier la vente de cette martingale avec des surréalistes hétérodoxes. Il revint juste à
383 revint juste à temps pour assister à la cérémonie de la pose du point final de « Cinématoma ou les épanchements de la jeun
384 assister à la cérémonie de la pose du point final de « Cinématoma ou les épanchements de la jeune Synovie », parade « née
385 u point final de « Cinématoma ou les épanchements de la jeune Synovie », parade « née du mariage de nos veilles et de nos
386 ts de la jeune Synovie », parade « née du mariage de nos veilles et de nos rêves », ainsi que le disait si poétiquement le
387 ovie », parade « née du mariage de nos veilles et de nos rêves », ainsi que le disait si poétiquement le programme. Un peu
388 ue le disait si poétiquement le programme. Un peu d’ histoire (erratum de la chronique de Mossoul). Belles-Lettres joua l’I
389 iquement le programme. Un peu d’histoire (erratum de la chronique de Mossoul). Belles-Lettres joua l’Inspecteur de Gogol à
390 ramme. Un peu d’histoire (erratum de la chronique de Mossoul). Belles-Lettres joua l’Inspecteur de Gogol à l’époque où le
391 que de Mossoul). Belles-Lettres joua l’Inspecteur de Gogol à l’époque où le Cuirassé Potemkine était interdit à l’écran. P
392 ise en scène fort ingénieuse qui permit à Mossoul de se perdre dans des jupons autrement que par métaphore. À La Chaux-de-
393 cent doigts dans deux lits. Combien cela fait-il de pieds et d’oreillles ? À signaler la fuite de Bec-de-Gaz, lequel s’ét
394 dans deux lits. Combien cela fait-il de pieds et d’ oreillles ? À signaler la fuite de Bec-de-Gaz, lequel s’éteignit dans
395 -il de pieds et d’oreillles ? À signaler la fuite de Bec-de-Gaz, lequel s’éteignit dans les neiges. Un jour, on s’aperçut
396 appelle, sans doute par antiphrase, la vie. 6. Revue ou prologue. l. Rougemont Denis de, « L’autre œil », Revue de Belle
397 ie. 6. Revue ou prologue. l. Rougemont Denis de , « L’autre œil », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-
398 ologue. l. Rougemont Denis de, « L’autre œil », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, février 1927,
399 . l. Rougemont Denis de, « L’autre œil », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, février 1927, p. 
9 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Entr’acte de René Clair, ou L’éloge du Miracle (mars 1927)
400 Entr’acte de René Clair, ou L’éloge du Miracle (mars 1927)n Surprendre est peu
401 b. Ce soir-là, le programme comprenait : un film d’ avant-guerre ; un film japonais ; Entr’acte et le Voyage imaginaire, d
402 ilm japonais ; Entr’acte et le Voyage imaginaire, de René Clair. La Mort de Phèdre (environ 1905) : quelques acteurs d’un
403 et le Voyage imaginaire, de René Clair. La Mort de Phèdre (environ 1905) : quelques acteurs d’une troupe de province s’a
404 Mort de Phèdre (environ 1905) : quelques acteurs d’ une troupe de province s’agitent incompréhensiblement dans un décor tr
405 re (environ 1905) : quelques acteurs d’une troupe de province s’agitent incompréhensiblement dans un décor très pauvre, lé
406 rine ; et une crise intérieure par un court accès de danse de Saint-Guy. Art classique : la mort d’Hyppolite se passe en c
407 une crise intérieure par un court accès de danse de Saint-Guy. Art classique : la mort d’Hyppolite se passe en coulisse.
408 ès de danse de Saint-Guy. Art classique : la mort d’ Hyppolite se passe en coulisse. Mais Phèdre avoue tout « devant le cad
409 te bande est antérieure à l’époque du long baiser de conclusion. Le film japonais : une historiette un peu plus banale que
410 bien photographiée. C’est le film du type « Jeux de soleil dans les jardins, complets variés, ça fait toujours plaisir de
411 ardins, complets variés, ça fait toujours plaisir de voir des gens bien habillés. » Soudain éclate Entr’acte (1925). « Une
412 25). « Une étude sur le Monde des Rêves ». Rondes de cheminées dans le ciel où des pressentiments clignent de l’œil. Des p
413 inées dans le ciel où des pressentiments clignent de l’œil. Des poupées en baudruche gonflent leur tête jusqu’à éclater, t
414 sent au fond à toute vitesse. Rigueur voluptueuse d’ une colonnade, puis un jeu d’échec serré, mais sur la corniche d’un gr
415 Rigueur voluptueuse d’une colonnade, puis un jeu d’ échec serré, mais sur la corniche d’un gratte-ciel, d’où se met à desc
416 , puis un jeu d’échec serré, mais sur la corniche d’ un gratte-ciel, d’où se met à descendre un petit bateau de papier, sur
417 hec serré, mais sur la corniche d’un gratte-ciel, d’ où se met à descendre un petit bateau de papier, sur fond de boulevard
418 tte-ciel, d’où se met à descendre un petit bateau de papier, sur fond de boulevards et parmi les toits flottants, c’est as
419 t à descendre un petit bateau de papier, sur fond de boulevards et parmi les toits flottants, c’est assez tragique. Mitrai
420 its flottants, c’est assez tragique. Mitrailleuse de phares d’auto, les 100 000 yeux de la nuit. Des imprécisions rapides.
421 nts, c’est assez tragique. Mitrailleuse de phares d’ auto, les 100 000 yeux de la nuit. Des imprécisions rapides. Un chasse
422 . Mitrailleuse de phares d’auto, les 100 000 yeux de la nuit. Des imprécisions rapides. Un chasseur, toujours sur son toit
423 asseur, toujours sur son toit ; il tire sur l’œuf d’ où naît une colombe. Chasse. Mais un papillon éclatant qui battait de
424 be. Chasse. Mais un papillon éclatant qui battait de l’aile un dixième de seconde, par intermittences, se pose enfin sur l
425 apillon éclatant qui battait de l’aile un dixième de seconde, par intermittences, se pose enfin sur l’écran : une danseuse
426 e enfin sur l’écran : une danseuse sur une plaque de verre, vue par-dessous. Quelques miracles qui suivent sont embrumés d
427 ont embrumés dans mon souvenir par le rayonnement de la robe, fleur qui s’ouvre pour dégager le mouvement obsédant de deux
428 ur qui s’ouvre pour dégager le mouvement obsédant de deux jambes, l’harmonie de leurs arabesques à trois dimensions mêlées
429 le mouvement obsédant de deux jambes, l’harmonie de leurs arabesques à trois dimensions mêlées avec une lenteur et une pe
430 . Ils revoient la danseuse, font une ronde autour d’ une tour Eiffel de bois de la taille de l’Obélisque de la Concorde, pu
431 danseuse, font une ronde autour d’une tour Eiffel de bois de la taille de l’Obélisque de la Concorde, puis enfilent les Ch
432 , font une ronde autour d’une tour Eiffel de bois de la taille de l’Obélisque de la Concorde, puis enfilent les Champs-Ély
433 nde autour d’une tour Eiffel de bois de la taille de l’Obélisque de la Concorde, puis enfilent les Champs-Élysées à une al
434 e tour Eiffel de bois de la taille de l’Obélisque de la Concorde, puis enfilent les Champs-Élysées à une allure grandissan
435 il roule dans les marguerites, il en sort un chef d’ orchestre dont la baguette éteint tous les personnages et lui-même. ⁂
436 e pas 20 minutes. Et c’est heureux. Nous manquons d’ entraînement dans le domaine du merveilleux moderne. Un peu plus et no
437 eux moderne. Un peu plus et nous demandions grâce de trop de plaisir. Mais je ne suis pas sûr que le plaisir du public fût
438 rne. Un peu plus et nous demandions grâce de trop de plaisir. Mais je ne suis pas sûr que le plaisir du public fût de même
439 ’enterrement au ralenti, à l’éclatement des têtes de poupées, à la conclusion. Ce n’est pas le bon rire de cinéma. Quand l
440 oupées, à la conclusion. Ce n’est pas le bon rire de cinéma. Quand la danseuse paraît, ils n’attendent que le moment où il
441 là par exemple, où nous ne pouvons nous empêcher d’ admirer l’utilisation artistique ingénieuse et précise de certaines th
442 er l’utilisation artistique ingénieuse et précise de certaines théories sur le rêve, le peuple, qui n’a pas vu ces dessous
443 n ça, c’est comme quand on rêve. » Un des défauts d’ Entr’acte, c’est la fantaisie recherchée de certaines scènes (l’enterr
444 éfauts d’Entr’acte, c’est la fantaisie recherchée de certaines scènes (l’enterrement). Cela fait bizarre. Or, dans le mond
445 oit nous « transplanter », un certain naturel est de rigueur ; toute bizarrerie détourne du véritable miracle auquel nous
446 du véritable miracle auquel nous assistons. Mais de pareils défauts sont presque inévitables dans une production de début
447 auts sont presque inévitables dans une production de début, et Entr’acte mérite d’être ainsi qualifié : c’est peut-être le
448 dans une production de début, et Entr’acte mérite d’ être ainsi qualifié : c’est peut-être le premier film où l’on a fait d
449 aphiques. Ici le geste pictural remplace le geste de l’acteur. Un mouvement ne souligne pas, il exprime, et se suffit. Mai
450 is comme pour le film 1905, on a sans cesse envie de crier : « Trop de gestes ! » C’est une question d’épuration des moyen
451 ilm 1905, on a sans cesse envie de crier : « Trop de gestes ! » C’est une question d’épuration des moyens. Rendre le plus
452 e crier : « Trop de gestes ! » C’est une question d’ épuration des moyens. Rendre le plus par le moins, c’est le fait d’un
453 oyens. Rendre le plus par le moins, c’est le fait d’ un art à sa maturité. Mais ce sont là critiques de style. D’ores et dé
454 d’un art à sa maturité. Mais ce sont là critiques de style. D’ores et déjà, il faut admirer dans les films de René Clair u
455 e. D’ores et déjà, il faut admirer dans les films de René Clair un sens du miracle assez bouleversant. Et je ne parle pas
456 ersant. Et je ne parle pas du miracle genre conte de fée, comme le Voyage imaginaire en montre (beaucoup trop à mon gré).
457 cière transforme un homme en chien, cela n’a rien d’ étonnant au cinéma. C’est la photographie d’une chose qui ne serait ét
458 rien d’étonnant au cinéma. C’est la photographie d’ une chose qui ne serait étonnante que dans le réel ; ce n’est pas enco
459 que dans le réel ; ce n’est pas encore un miracle de ciné. Et les fées paraissent vieux jeu avec leur baguette, pour moi q
460 miracle du cinéma, c’est, par exemple, l’éclosion d’ une rose, un homme qui court au ralenti, certaines coïncidences de mou
461 omme qui court au ralenti, certaines coïncidences de mouvements… C’est une réalité quotidienne dans une lumière qui la mét
462 des nées des nécessités sociales — nous empêchent de découvrir la richesse immédiate. Surréel qui n’est pas synonyme d’inc
463 ichesse immédiate. Surréel qui n’est pas synonyme d’ incompréhensible, non Madame, car alors quoi de plus surréaliste que l
464 le film 1905. Ce n’est peut-être qu’une question d’ imagination ; il reste qu’un film comme Entr’acte est une aide puissan
465 faisons nos premiers pas, étourdis, dans un pays d’ illuminations vertigineuses, et nous en sommes encore à nous frotter l
466 and nos regards plus assurés sauront enfin gagner de vitesse les prodiges que déclenche René Clair, verrons-nous, pris par
467 s-nous, pris par surprise dans l’exploration ivre d’ un projecteur, des signes fatidiques, le visage d’un ange. n. Rouge
468 d’un projecteur, des signes fatidiques, le visage d’ un ange. n. Rougemont Denis de, «  Entr’acte de René Clair, ou L’él
469 iques, le visage d’un ange. n. Rougemont Denis de , «  Entr’acte de René Clair, ou L’éloge du Miracle », Revue de Belles
470 d’un ange. n. Rougemont Denis de, «  Entr’acte de René Clair, ou L’éloge du Miracle », Revue de Belles-Lettres, Lausann
471 Entr’acte de René Clair, ou L’éloge du Miracle », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, mars 1927, p. 
472 cte de René Clair, ou L’éloge du Miracle », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, mars 1927, p. 124
10 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Louis Aragon, le beau prétexte (avril 1927)
473 je sens qu’une puissance étrangère s’est emparée de mon être et a saisi les cordes les plus secrètes de mon âme, qu’elle
474 mon être et a saisi les cordes les plus secrètes de mon âme, qu’elle peut faire désormais vibrer à sa fantaisie, même si
475 I (Notes écrites en décembre 1925, au sortir d’ une conférence sur le Salut de l’humanité.)   Ce soir en moi trépigne
476 bre 1925, au sortir d’une conférence sur le Salut de l’humanité.)   Ce soir en moi trépigne une rage. Sur quelles épaules
477 ne une rage. Sur quelles épaules jeter ce manteau de flammes, puis à qui dédier l’ennui de ma révolte ? Aragon sarcastique
478 ce manteau de flammes, puis à qui dédier l’ennui de ma révolte ? Aragon sarcastique se tient là-bas dans un rayon échappé
479 our le pittoresque. — Attrape !   Il n’existe pas de théorie du salut. Il n’existe que des systèmes pour faire taire en no
480 des Dieux, mais c’est pour détourner nos regards de cela qu’il faut bien nommer le Vide. Tant de séductions nous ont en v
481 s nous ont en vain tentés, ô tortures fascinantes de la sainteté, seules vous nous appelez encore hors de cette voix de l’
482 eules vous nous appelez encore hors de cette voix de l’infini où chancellent parmi les éclairs nos premiers pas. Aragon, d
483 lairs nos premiers pas. Aragon, dans ces tempêtes de nuits filantes où s’enfuient, souffles à peine parfumés, les vices en
484 st un ricanement splendide comme un éclat de rire de condamné à mort et à l’éternité. Le diable avait pris des avocats don
485 s palinodies, font encore rêver les anges écœurés d’ azur. Alors un juron mélodramatique, d’une voix torturée, hurle au pap
486 es écœurés d’azur. Alors un juron mélodramatique, d’ une voix torturée, hurle au pape et au diable un anathème sanglant. Lo
487 diable un anathème sanglant. Louis Aragon, avocat de l’infini, annonce l’entrée de l’éternelle anarchiste, la Poésie.   On
488 ouis Aragon, avocat de l’infini, annonce l’entrée de l’éternelle anarchiste, la Poésie.   On dit : « Des mots ! » au lieu
489 !, trois mots dont l’un savant. Je ne connais pas de meilleur remède contre Dieu. Monsieur, vous avez dit : « C’est incomp
490 ! » — avec une indignation où j’admire une pointe d’ ironie vraiment supérieure. Car rien ne pouvait mieux exciter, signe d
491 érieure. Car rien ne pouvait mieux exciter, signe d’ aise extrême, vos glandes salivaires, pourtant si éprouvées par le rep
492 la porte ferme bien sur l’infini. Rien à craindre de ce côté. Retournez à vos amours. ....................................
493 ou la poésie — et d’autres, à travers les déserts de la sainteté que hantent les fantômes adorables du désir, — quelques h
494 désir, — quelques hommes y pénètrent, et le goût de s’amuser ne renaîtra plus en eux. Ni même celui de souffrir. Le derni
495 e s’amuser ne renaîtra plus en eux. Ni même celui de souffrir. Le dernier rire d’Aragon, c’est l’éclat de sa joie brusque
496 n eux. Ni même celui de souffrir. Le dernier rire d’ Aragon, c’est l’éclat de sa joie brusque d’être seul sur un faux somme
497 souffrir. Le dernier rire d’Aragon, c’est l’éclat de sa joie brusque d’être seul sur un faux sommet vers quoi des faibles
498 r rire d’Aragon, c’est l’éclat de sa joie brusque d’ être seul sur un faux sommet vers quoi des faibles s’efforcent — mais
499 es nargue. Il connaît enfin une solitude défendue de tous côtés par ses rires scandaleux, quelques « goujateries » affecté
500 ux, quelques « goujateries » affectées par mépris de l’honneur, le mot de Cambronne prodigué et des phrases d’un fascinant
501 eries » affectées par mépris de l’honneur, le mot de Cambronne prodigué et des phrases d’un fascinant éclat : « Ô grand Rê
502 neur, le mot de Cambronne prodigué et des phrases d’ un fascinant éclat : « Ô grand Rêve, au matin pâle des édifices, ne qu
503 ne quitte plus, attiré par les premiers sophismes de l’aurore, ces corniches de craie où t’accoudant tu mêles tes traits p
504 les premiers sophismes de l’aurore, ces corniches de craie où t’accoudant tu mêles tes traits purs et labiles à l’immobili
505 bilité miraculeuse des statues7. » Il s’agit bien de critique littéraire ! Nous sommes ici en présence d’une des tentative
506 Nous sommes ici en présence d’une des tentatives de libération les plus violentes et belles — malgré tant de maladresses
507 belles — malgré tant de maladresses dédaigneuses, de bravades et de faciles tricheries8 — qu’ait connue l’esprit humain. S
508 tant de maladresses dédaigneuses, de bravades et de faciles tricheries8 — qu’ait connue l’esprit humain. Sens de l’Absolu
509 tricheries8 — qu’ait connue l’esprit humain. Sens de l’Absolu, sens de la pureté ou fanatisme de l’esprit. Jusqu’au-boutis
510 it connue l’esprit humain. Sens de l’Absolu, sens de la pureté ou fanatisme de l’esprit. Jusqu’au-boutisme désespéré. « Il
511 Sens de l’Absolu, sens de la pureté ou fanatisme de l’esprit. Jusqu’au-boutisme désespéré. « Il s’agit de rendre impratic
512 ’esprit. Jusqu’au-boutisme désespéré. « Il s’agit de rendre impraticables quelques portes de sortie » ou compromis :   « N
513 Il s’agit de rendre impraticables quelques portes de sortie » ou compromis :   « Nous étions dominés par le sens d’une réa
514 u compromis :   « Nous étions dominés par le sens d’ une réalité morale absolue que certains d’entre nous eussent acheté au
515 que certains d’entre nous eussent acheté au prix d’ un martyre… Nos jugements se rendaient sans cesse à l’échelle de l’inf
516 Nos jugements se rendaient sans cesse à l’échelle de l’infini, et cet infini nous écrasait. Comment aurions-nous accepté l
517 aurions-nous accepté le sort communément heureux de nos contemporains qui ont puisé dans Auguste Comte cette tranquillité
518 i ont puisé dans Auguste Comte cette tranquillité de rejeter définitivement les problèmes métaphysiques ? »   Nous naisson
519 à quelque chose qui imite la vie dans une époque d’ inconcevables compromissions où triomphe sous tous les déguisements, d
520 omissions où triomphe sous tous les déguisements, de Ford à Clément Vautel, le matérialisme le plus pauvre auquel se soit
521 pour nous n’est nulle part9 ». Ultime affirmation d’ une foi que plus rien ne peut duper. Depuis certaines paroles sur la C
522 s paroles sur la Croix, il n’y a peut-être pas eu d’ expression plus haute de l’angoisse humaine, et vous aurez beau rire,
523 il n’y a peut-être pas eu d’expression plus haute de l’angoisse humaine, et vous aurez beau rire, pharisiens, et dire qu’e
524 pharisiens, et dire qu’elle est née dans un café de Paris. « Je n’attends rien du monde, je n’attends rien de rien. » Rie
525 . « Je n’attends rien du monde, je n’attends rien de rien. » Riez-en donc, pantins officiels, et vous repus, et vous, dubi
526 vous repus, et vous, dubitatives barbes. Je viens d’ entendre la voix d’un mystique. Que si l’on vient nous empêtrer de dog
527 , dubitatives barbes. Je viens d’entendre la voix d’ un mystique. Que si l’on vient nous empêtrer de dogmes bassement ingén
528 ix d’un mystique. Que si l’on vient nous empêtrer de dogmes bassement ingénieux : « Si j’essaie un instant de m’élever à l
529 es bassement ingénieux : « Si j’essaie un instant de m’élever à la notion de Dieu, répond Aragon, je me révolte qu’elle pu
530 « Si j’essaie un instant de m’élever à la notion de Dieu, répond Aragon, je me révolte qu’elle puisse en aucun cas servir
531 je me révolte qu’elle puisse en aucun cas servir d’ argument à un homme. » Voilà qui nous fait oublier certaines morales d
532 . » Voilà qui nous fait oublier certaines morales d’ extrême moyenne d’où sont exclues toutes grandeurs au profit de fuites
533 fait oublier certaines morales d’extrême moyenne d’ où sont exclues toutes grandeurs au profit de fuites lâches qu’on veut
534 enne d’où sont exclues toutes grandeurs au profit de fuites lâches qu’on veut nommer renoncements ! Jouant tout sur une ré
535 tout sur une révélation possible, ou la naissance d’ un prophète qui rapprenne comment aimer un Dieu. Ce n’est pas à genoux
536 : pour que cela eût un sens, il faudrait être sûr de n’avoir pas la tête en bas par rapport au soleil. Quelques gestes enc
537 s gestes encore, interceptant les messages égarés de l’infini… Un tel homme, — est-ce encore Aragon, sinon qui ? — sa gra
538 ver quelques pages écrites il y a un an, tel soir de colère où le thermomètre eût indiqué 39° selon toute vraisemblance. E
539 selon toute vraisemblance. Et voici Aragon revêtu d’ une dignité tragique qu’il trouverait sans doute un peu ridicule. C’es
540 tagieuses. Comment, en effet, ne pas voir la part de littérature que renferme cette œuvre, et qui fait, en dépit des préte
541 qui fait, en dépit des prétentions désobligeantes de l’auteur, son incontestable « séduction ». Pour un peu, je découvrais
542 duction ». Pour un peu, je découvrais une manière de prophète un brin janséniste chez ce poète. Aujourd’hui, je le verrais
543 orie du scandale pour le scandale qui a le mérite de n’être pas qu’un jeu littéraire. Mais enfin, c’est encore un Musset,
544 osé dans notre siècle et chez qui tout est devenu de quelques degrés plus violent, plus acerbe, plus profond. En somme, et
545 . Et qui sait tirer un admirable parti littéraire de son tempérament vif, insolent et ombrageux. « J’appartiens à la grand
546 on prophétique, ne serait-ce pas plutôt une sorte de donquichottisme assez fréquent dans les cafés littéraires et dont il
547 emier à s’amuser ?   Février 1927. Relu Une vague de rêves et la préface de Libertinage. Sous une certaine rhétorique — ma
548 vrier 1927. Relu Une vague de rêves et la préface de Libertinage. Sous une certaine rhétorique — mais la plus belle, — ce
549 me un désespoir en quoi je ne vais pas m’empêcher de reconnaître la voix secrète de notre mal de vivre. Désespoir métaphys
550 ais pas m’empêcher de reconnaître la voix secrète de notre mal de vivre. Désespoir métaphysique. Je me souviens d’une phra
551 êcher de reconnaître la voix secrète de notre mal de vivre. Désespoir métaphysique. Je me souviens d’une phrase de Vinet —
552 de vivre. Désespoir métaphysique. Je me souviens d’ une phrase de Vinet — laissons s’esclaffer du rapprochement les auteur
553 sespoir métaphysique. Je me souviens d’une phrase de Vinet — laissons s’esclaffer du rapprochement les auteurs de manuels
554 laissons s’esclaffer du rapprochement les auteurs de manuels de littérature — : « Un mysticisme creux et affamé est le con
555 esclaffer du rapprochement les auteurs de manuels de littérature — : « Un mysticisme creux et affamé est le contrecoup du
556 le savons… Mais pour Aragon, ce n’est point façon de parler. Son « nulle part » est sans dérobade possible par sous-entend
557 entendu. Pas plus « ailleurs » que sur ce « globe d’ attente » comme dit Crevel. Pourtant, le plus irrévocable désespoir n’
558 ma plume, comme une mouche qu’on n’a jamais fini de chasser parce qu’elle n’a pas mérité du premier coup qu’on se donne l
559 as mérité du premier coup qu’on se donne la peine de l’écraser, — c’est qu’il symbolise tout cet état d’esprit « bien Pari
560 ise tout cet état d’esprit « bien Parisien » dont de récentes statistiques de librairie montrèrent les ravages bien plus é
561 t « bien Parisien » dont de récentes statistiques de librairie montrèrent les ravages bien plus étendus qu’on n’osait le c
562 enu qu’une introspection immobile ne retient rien de la réalité vivante ; si je dénie à des incrédules le droit à parler d
563 nie à des incrédules le droit à parler des choses de la foi comme étant d’un ordre qui leur échappe ; de même je récuse ic
564 e droit à parler des choses de la foi comme étant d’ un ordre qui leur échappe ; de même je récuse ici certain sens critiqu
565 nt on voudrait que soient justiciables les œuvres d’ un écrivain, les démarches de sa pensée, ses délires, ses visions. Un
566 ticiables les œuvres d’un écrivain, les démarches de sa pensée, ses délires, ses visions. Un critique qui n’épouse pas le
567 s visions. Un critique qui n’épouse pas le rythme d’ une œuvre, mais s’avance à sa rencontre armé de l’appareil à frigorifi
568 me d’une œuvre, mais s’avance à sa rencontre armé de l’appareil à frigorifier de sa raison, est destiné à dire des bêtises
569 e à sa rencontre armé de l’appareil à frigorifier de sa raison, est destiné à dire des bêtises. Cf. certaines remarques —
570 s bêtises. Cf. certaines remarques — pas toutes — de novembre 1926.   2 mai 1927. « Nous avons dressé notre orgueilleuse r
571 gueilleuse raison à nous tromper sur ce qu’il y a de profond en nous, et elle ne manque guère à ce devoir sacré. » (Edmond
572 loux.) Entre un monsieur en noir : Permettez-moi de me présenter… d’ailleurs une ancienne connaissance… le Sens Critique.
573 dit que je pourrais, en quelque sorte, vous être de quelque utilité… Moi. — Ah ! oui, oui… c’est cela, utilité,… en effe
574 es jours-ci, beaucoup trop à faire, beaucoup trop d’ êtres et de choses à aimer, et vous savez ce que cela suppose. Compren
575 , beaucoup trop à faire, beaucoup trop d’êtres et de choses à aimer, et vous savez ce que cela suppose. Comprenez-moi : su
576 ntion… Moi. — Que voilà un singulier impertinent de votre part. (Le reconduisant :) Croyez, Monsieur, à mon estime la plu
577 nous sommes débordés, voyez vous-même, pas moyen de causer aujourd’hui… Quoi ?… Bon, bon, c’est entendu, on ne peut rien
578 lez-vous me faire quelque chose là-dessus pour la Revue  ? Mais plus tard, plus tard. Tenez, voici un traité de métaphysique,
579 Mais plus tard, plus tard. Tenez, voici un traité de métaphysique, vous lirez ça en attendant. Très bien fait. Excellente
580 ez, ma vie ? La Muse (mais oui, la Muse, sortant de derrière un rideau). — J’attends votre plaisir… III Il y a des
581 t avoir tout dit quand ils ont montré à l’origine de telle doctrine mystique une exaltation nerveuse ou des troubles organ
582 opposent à ces « délires » les thèses rassurantes de la « saine raison », sans se demander jamais si cela ne condamne pas
583 Il s’est trouvé des Maurras et autres « héritiers de la grande tradition gréco-latine » pour assigner à Minerve le bassin
584 gréco-latine » pour assigner à Minerve le bassin de la Méditerranée comme promenoir, avec défense sous peine de mort de s
585 comme promenoir, avec défense sous peine de mort de s’en écarter. Voilà bien leur désinvolture, car enfin, elle est déess
586 tisane assagie, parfois dévote, phraseuse, sèche, d’ humeur acariâtre et réactionnaire. Vous tracez des frontières géograph
587 « À bas le clair génie français. » Alors la voix de Rimbardp à la cantonade : Qu’il vienne, qu’il vienne Le temps dont o
588 s’éprenne ! Les œuvres les plus significatives de ce siècle sont écrites en haine de l’époque12. Le reproche d’obscurit
589 significatives de ce siècle sont écrites en haine de l’époque12. Le reproche d’obscurité que l’on fait à la littérature mo
590 sont écrites en haine de l’époque12. Le reproche d’ obscurité que l’on fait à la littérature moderne n’est qu’une manifest
591 la littérature moderne n’est qu’une manifestation de ce divorce radical entre l’époque et les quelques centaines (?) d’ind
592 ical entre l’époque et les quelques centaines (?) d’ individus pour qui l’esprit est la seule réalité. C’est pourquoi nous
593 pourquoi nous ne pourrons plus séparer du concept de l’esprit celui de Révolution. Et j’entends ce mot dans son sens le pl
594 ourrons plus séparer du concept de l’esprit celui de Révolution. Et j’entends ce mot dans son sens le plus vaste. Il y a e
595 e-vingt-treize, la Réforme, Karl Marx, la préface de Cromwell. Mais il ne s’agit pas de refaire notre petite révolution à
596 rx, la préface de Cromwell. Mais il ne s’agit pas de refaire notre petite révolution à nous, dans tel domaine. Et c’est mê
597 tes : qu’ils aient voulu s’allier aux dogmatiques d’ extrême gauche. Je ne dirai pas, comme on a fait, que c’est très joli
598 e dirai pas, comme on a fait, que c’est très joli de crier merde pour Horace, Montaigne, Descartes, Schiller, Voltaire, et
599 , pourquoi se faire marchand des œuvres complètes de Karl Marx ? Si vous ne dites pas aussi merde pour Marx ou Lénine, je
600 . Est-ce que vraiment vous ne pouvez vous libérer de cette manie française, la politique, et ne voyez-vous pas que c’est f
601 ique, et ne voyez-vous pas que c’est faire le jeu de vos ennemis de discuter avec eux dans leur langue et de crier rouge p
602 ez-vous pas que c’est faire le jeu de vos ennemis de discuter avec eux dans leur langue et de crier rouge pour la simple r
603 ennemis de discuter avec eux dans leur langue et de crier rouge pour la simple raison qu’ils ont dit blanc ? Pensez-vous
604 cet esprit « bien français » qui s’associe à tant d’ objets de votre mépris, en prenant le contre-pied de tout ce qu’il ins
605 t « bien français » qui s’associe à tant d’objets de votre mépris, en prenant le contre-pied de tout ce qu’il inspire ? Al
606 objets de votre mépris, en prenant le contre-pied de tout ce qu’il inspire ? Alors que cette réaction même est ce qu’il y
607 tent Aragon, Breton et leurs amis alternativement de dévoyés, de farceurs, de chacals, de déments. Et puis surtout, l’heur
608 Breton et leurs amis alternativement de dévoyés, de farceurs, de chacals, de déments. Et puis surtout, l’heure est venue
609 urs amis alternativement de dévoyés, de farceurs, de chacals, de déments. Et puis surtout, l’heure est venue de clore des
610 ernativement de dévoyés, de farceurs, de chacals, de déments. Et puis surtout, l’heure est venue de clore des discussions
611 qu’ils ont la passion et l’incommunicable secret de l’invention.   Il nous faut des entrepreneurs de tempêtes. Un grand
612 de l’invention.   Il nous faut des entrepreneurs de tempêtes. Un grand principe de violence commandait à nos mœurs. … et
613 des entrepreneurs de tempêtes. Un grand principe de violence commandait à nos mœurs. … et nous portant dans nos actions à
614 s. … et nous portant dans nos actions à la limite de nos forces, notre joie parmi vous fut une très grande joie. Saint-Joh
615 ction contre tout ce qui prétendait nous empêcher de vivre, de rêver et de souffrir : culte du moi avec ses recettes garan
616 re tout ce qui prétendait nous empêcher de vivre, de rêver et de souffrir : culte du moi avec ses recettes garanties, chap
617 ui prétendait nous empêcher de vivre, de rêver et de souffrir : culte du moi avec ses recettes garanties, chapelets d’opti
618 lte du moi avec ses recettes garanties, chapelets d’ optimisme, tyranniques évidences, ordre et désordre, principes de Desc
619 ranniques évidences, ordre et désordre, principes de Descartes, mathématiques aux pinces de crabe, examens de conscience t
620 principes de Descartes, mathématiques aux pinces de crabe, examens de conscience toujours ratés — on ne m’y prendra plus 
621 artes, mathématiques aux pinces de crabe, examens de conscience toujours ratés — on ne m’y prendra plus ! — morales améric
622 eurs abstractions que nous haïssions. Notre haine de certaine morale ne venait-elle pas de ce qu’en son nom l’on mesurait
623 Notre haine de certaine morale ne venait-elle pas de ce qu’en son nom l’on mesurait odieusement une sympathie humaine pour
624 ine pour nous sans prix ? Mais nous avions besoin de révolution pour vivre, pour nous perdre. Vivre était devenu synonyme
625 re, pour nous perdre. Vivre était devenu synonyme de magnifique perdition dans des choses plus grandes que nous. Nous nous
626 nous connaissions dans les coins et nous mourions d’ ennui avec les aspects irrévocablement prévus de nous-mêmes que faisai
627 s d’ennui avec les aspects irrévocablement prévus de nous-mêmes que faisaient paraître les petits faits de nos longues jou
628 ous-mêmes que faisaient paraître les petits faits de nos longues journées. Nous aimions la révolution comme on aime l’amou
629 esse amoureuse ; nous cherchions cette Révolution de toutes nos forces et séductions, comme on cherche cette femme à trave
630 révolution-vice. Mais on ne vit, on ne meurt que de vices. ⁂ Ici le lecteur se rassure. « Il s’y retrouve. » Il pense qu
631 les brancards, c’est très bellettrien. Un disque de gramo comme par hasard nasille : Nous avons tous fait ça Plus ou moi
632 es bonnes farces, et aussi pourtant des histoires de copains qui ont mal tourné, on pensait bien, ah ! cette jeunesse, mai
633 u six ans et mort des suites. Quand cesserez-vous de nous faire la jambe, pardon escuses, avec ce thème à condamnations pa
634 mace. Il y a encore des gens pour qui les limites de l’anarchie sont : chanter l’Internationale dans les rues, faire la no
635 ale dans les rues, faire la noce, écrire un livre de tendances très modernes. Et des gens pour se gausser quand nous écriv
636 finalement nous écraser par l’évidence définitive de notre absurdité. Car l’homme « s’est fait une vérité changeante et to
637 fait une vérité changeante et toujours évidente, de laquelle il se demande vainement pourquoi il n’arrive pas à se conten
638 contenter13 ». Acculés à ce choix : inconscience de ruminants ou neurasthénie, est-ce que vraiment vous vous êtes telleme
639 st plus combattre, c’est l’épanouissement violent d’ une immense fleur palpitante au parfum de passions, c’est une atmosphè
640 violent d’une immense fleur palpitante au parfum de passions, c’est une atmosphère toute chargée d’éclairs qui nous attei
641 m de passions, c’est une atmosphère toute chargée d’ éclairs qui nous atteignent sans cesse au cœur et nous revêtent miracu
642 ns cesse au cœur et nous revêtent miraculeusement d’ aigrettes de folies et de joies ; n’allez pas nous toucher, nous somme
643 cœur et nous revêtent miraculeusement d’aigrettes de folies et de joies ; n’allez pas nous toucher, nous sommes dangereux.
644 revêtent miraculeusement d’aigrettes de folies et de joies ; n’allez pas nous toucher, nous sommes dangereux. Un orage de
645 pas nous toucher, nous sommes dangereux. Un orage de tendresse va crever sur le monde. Aigles d’amours, oiseaux doux et cr
646 orage de tendresse va crever sur le monde. Aigles d’ amours, oiseaux doux et cruels, nous parlerons vos langues aériennes.
647 es aériennes. On n’acceptera plus que des valeurs de passion. Balayez ces douanes de l’esprit, proclamez le grand Libre-Éc
648 s que des valeurs de passion. Balayez ces douanes de l’esprit, proclamez le grand Libre-Échange, voici déjà s’avancer des
649 us sommes prêts à les accueillir. 7. Une vague de rêves (dans Commerce). 8. Et malgré certaines théories bien superfic
650 surtout pour un homme qui élit Freud « président de la République du Rêve » – c’est presque un non-sens de chercher l’abs
651 République du Rêve » – c’est presque un non-sens de chercher l’absolue liberté dans le rêve. Le rêve, c’est la tyrannie d
652 ie des souvenirs ; et ce n’est pas se libérer que de brasser ces chaînes sonores. 9. Lettre à Paul Claudel. 10. Musset d
653 s sonores. 9. Lettre à Paul Claudel. 10. Musset de La coupe et les lèvres. Mais oui, c’est paradoxal. 11. Les livres le
654 s plus répandus à Genève sont Ma vie et mon œuvre de Ford et Mon curé chez les riches. Très loin derrière viennent des Fra
655 , quelques esthètes du machinisme. 13. Le Paysan de Paris. o. Rougemont Denis de, « Louis Aragon, le beau prétexte », R
656 me. 13. Le Paysan de Paris. o. Rougemont Denis de , « Louis Aragon, le beau prétexte », Revue de Belles-Lettres, Lausann
657 ont Denis de, « Louis Aragon, le beau prétexte », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, avril 1927, p.
658 nis de, « Louis Aragon, le beau prétexte », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, avril 1927, p. 13
659 il 1927, p. 131-144. p. On a conservé la graphie de l’original, sans doute voulue par l’auteur.
11 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Quatre incidents (avril 1927)
660 e femme dans les rues tant soit peu métaphysiques d’ une capitale de mes songes. On exigeait d’une saison de marque de tels
661 s rues tant soit peu métaphysiques d’une capitale de mes songes. On exigeait d’une saison de marque de tels soupirs, d’ail
662 ysiques d’une capitale de mes songes. On exigeait d’ une saison de marque de tels soupirs, d’ailleurs invraisemblables, qu’
663 capitale de mes songes. On exigeait d’une saison de marque de tels soupirs, d’ailleurs invraisemblables, qu’à leurs refle
664 de mes songes. On exigeait d’une saison de marque de tels soupirs, d’ailleurs invraisemblables, qu’à leurs reflets se fuss
665 eurs reflets se fussent évanouis des arcs-en-ciel de névroses dans tous les poèmes où détresse rimait avec maîtresse. Écol
666 e du voyage, et qu’on ne manque pas le train bleu d’ un désir. Elle était donc venue. Il la suivait entre les devantures qu
667 la suivait entre les devantures qui se passaient de l’une à l’autre deux séries de profils jusqu’au soleil toujours de fa
668 s qui se passaient de l’une à l’autre deux séries de profils jusqu’au soleil toujours de face. Il ne vit plus que la foule
669 e deux séries de profils jusqu’au soleil toujours de face. Il ne vit plus que la foule des yeux bleus, son éblouissement.
670 ci, elle descend à sa rencontre parmi les éclairs d’ un luxe mécanique, le visage dans sa fourrure. Elle découvre en passan
671 . Elle découvre en passant près de lui le sourire d’ amitié mortel de tout ce qui n’arrive jamais. Il s’est trompé, ce n’es
672 en passant près de lui le sourire d’amitié mortel de tout ce qui n’arrive jamais. Il s’est trompé, ce n’est pas elle. Il p
673 ce n’est pas elle. Il pensa que c’était un ange, de ceux qui vont à la recherche des âmes. Aussitôt il téléphone à ceux d
674 la boutonnière, le marquis pénétra dans le salon de la duchesse, lui baisa la main et l’abattit d’un coup de revolver. Pu
675 on de la duchesse, lui baisa la main et l’abattit d’ un coup de revolver. Puis s’en fut avec un tact exquis, qui fut très r
676 uchesse, lui baisa la main et l’abattit d’un coup de revolver. Puis s’en fut avec un tact exquis, qui fut très remarqué. L
677 Mais tu es si laid que cela me donne encore plus de plaisir. » Le duc paya et s’enfuit en disant que ce n’était pas lui.
678 Il neigeait dans les rues sourdes comme un songe de son enfance. Aux fenêtres du palais s’étoilèrent des halos. Le jour t
679 des halos. Le jour tendre paraissait sous l’égide de la mort. Il vit des fleurs de son enfance, une églantine, quelques ro
680 issait sous l’égide de la mort. Il vit des fleurs de son enfance, une églantine, quelques roses, un sourire qui perce le c
681 esses des flocons, plus perfides que des murmures d’ adieu. Il tomba parmi les statues, dans l’amitié pensive des jardins.
682 rt. » Il fait assez beau pour que s’ouvre ce cœur de l’après-midi, comme un camélia de tendre orgueil. Il respire déjà l’o
683 s’ouvre ce cœur de l’après-midi, comme un camélia de tendre orgueil. Il respire déjà l’odeur merveilleuse des objets et de
684 t bien sûr, je n’ai pas bougé. C’est une question d’ amitié. Pourtant je suis seul dès cette heure, et mes amis fuiront un
685 que je reviens seul. Mais moi, qui regarde comme de l’autre bord, je songe qu’il est des visites à de certaines grandes d
686 de l’autre bord, je songe qu’il est des visites à de certaines grandes dames où je préférais — et lui aussi — me rendre se
687 s le retenir, Je ne pouvais pas le suivre. On dit de ces phrases. Même, on en pleure. q. Rougemont Denis de, « Quatre
688 rases. Même, on en pleure. q. Rougemont Denis de , « Quatre incidents », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Ge
689 q. Rougemont Denis de, « Quatre incidents », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, avril 1927, p.
690 Rougemont Denis de, « Quatre incidents », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, avril 1927, p. 15
12 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Récit du pickpocket (fragment) (mai 1927)
691 , Monsieur, normalement bon. L’idée, par exemple, d’ étrangler un chat pour le plaisir me répugnait. Je détestais de peiner
692 n chat pour le plaisir me répugnait. Je détestais de peiner quelque être, même ennemi, — car celui-là je le méprisais trop
693 Mes parents me savaient vierge et c’était la joie de leur vie, car ils aimaient en moi par-dessus tout la vertu que je leu
694 . Pourtant, je ne détournai pas mes yeux des yeux de cette femme, de peur qu’elle ne souffrît à cause de moi. Un soir qu’e
695 e détournai pas mes yeux des yeux de cette femme, de peur qu’elle ne souffrît à cause de moi. Un soir qu’elle pleurait, je
696 te femme, qui m’aimait, et nous étions très jolis de bonheur et d’insouciance dans le bonheur de la saison. — Au soir, mon
697 m’aimait, et nous étions très jolis de bonheur et d’ insouciance dans le bonheur de la saison. — Au soir, mon père savait t
698 jolis de bonheur et d’insouciance dans le bonheur de la saison. — Au soir, mon père savait tout. Il effleura mon front de
699 soir, mon père savait tout. Il effleura mon front de ses lèvres sans une parole quand je vins lui souhaiter le bonsoir. Le
700 lui, sans doute, j’étais perdu. Mais il souffrait d’ autre chose encore : il se savait vieux, maintenant. » Je songeais jus
701 maintenant. » Je songeais justement à un sourire de mon amie quand il voulut m’adresser la parole après un silence vertig
702 it mon sourire et pleura. Alors une rage s’empara de mon corps tout entier, je criai un juron, claquai la porte et courus
703 e plus tard, j’étais à la gare, j’écrivais un mot d’ adieu à ma maîtresse d’une nuit et je partais dans une direction quelc
704 la gare, j’écrivais un mot d’adieu à ma maîtresse d’ une nuit et je partais dans une direction quelconque. Il advint que ce
705 direction quelconque. Il advint que ce fut celle de l’Italie. La lumière, mon pays natal ! — Je vécus d’articles sur la m
706 l’Italie. La lumière, mon pays natal ! — Je vécus d’ articles sur la mode et la politique, que j’envoyais à divers journaux
707 divers journaux. Un jour, parcourant un quotidien de mon pays où je cherchais mon dernier papier, je lus mon nom en grosse
708 m en grosses lettres : c’était l’annonce du décès de mon père. » J’étais assis à la terrasse ensoleillée d’un café ; une b
709 n père. » J’étais assis à la terrasse ensoleillée d’ un café ; une brise passa, et une femme en robe bleue légère qui me re
710 augmenter ma volupté. Bientôt je ne pus me tenir de chantonner. J’entrai dans un établissement luxueux d’où sortaient à c
711 hantonner. J’entrai dans un établissement luxueux d’ où sortaient à chaque tour du tambour des bouffées de musique. » La fe
712 ù sortaient à chaque tour du tambour des bouffées de musique. » La femme en bleu dansait en regardant au plafond. Après de
713 x tangos, nous montions ensemble dans une chambre d’ hôtel où l’on ne voyait d’abord qu’un bouquet transfiguré par la lumiè
714 uet transfiguré par la lumière et que reflétaient de nombreuses glaces. Les fenêtres que j’ouvris firent tourner des solei
715 une avenue et ses autos rouges, tout un couchant de grand port de la Méditerranée. Nous nous aimâmes en sifflotant encore
716 ses autos rouges, tout un couchant de grand port de la Méditerranée. Nous nous aimâmes en sifflotant encore par instants
717 s aimâmes en sifflotant encore par instants l’air de la dernière danse, mais nous avions aussi envie de pleurer, à cause d
718 e la dernière danse, mais nous avions aussi envie de pleurer, à cause du soir trop limpide et trop vaste, comme un avenir
719 soir trop limpide et trop vaste, comme un avenir de bonheur fiévreux — celui justement que j’entrevoyais. » Quand elle se
720 son sac à main : c’était assez pour me permettre d’ entreprendre quelques beaux vols… » Dès lors, je vécus, comme vous me
721 s, comme vous me voyez vivre encore, dans un état de sincérité perpétuelle envers tous mes élans, accueillant avec un enth
722 moral et malicieux. » Je ne sais dans quel rapide de l’Europe centrale — région où l’on est forcé de prendre conscience de
723 e de l’Europe centrale — région où l’on est forcé de prendre conscience de soi-même — je découvris une nuit, au moment de
724 — région où l’on est forcé de prendre conscience de soi-même — je découvris une nuit, au moment de m’endormir, que ma pas
725 ue vengeance. Ne m’avait-on pas dérobé des années de joie au profit d’une vertu que tout en moi reniait obscurément. Je se
726 ’avait-on pas dérobé des années de joie au profit d’ une vertu que tout en moi reniait obscurément. Je sentais bien que le
727 bscurément. Je sentais bien que le ressort secret de la vertu dans laquelle on m’avait emprisonné c’était un bas opportuni
728 unisme social, résultante des paresses accumulées de tous les cerveaux bourgeois incapables de concevoir un monde sans vie
729 umulées de tous les cerveaux bourgeois incapables de concevoir un monde sans vieilles filles, sans capitalistes et sans ge
730 escroquerie morale dont je fus la victime, ce vol de quelques joies parfaites de ma jeunesse… Mais il est trop tard, Monsi
731 us la victime, ce vol de quelques joies parfaites de ma jeunesse… Mais il est trop tard, Monsieur, pour critiquer les moda
732 trop tard, Monsieur, pour critiquer les modalités de ma vengeance. Veuillez ne voir dans la confusion où je parais être en
733 omique, qu’une expression nouvelle, et non dénuée d’ ironie, de mon mépris pour ce qu’ils appellent, ridiculement, les fond
734 ’une expression nouvelle, et non dénuée d’ironie, de mon mépris pour ce qu’ils appellent, ridiculement, les fondements mêm
735 ils appellent, ridiculement, les fondements mêmes de la société. » C’est avec le produit du vol d’un tronc de chapelle que
736 mes de la société. » C’est avec le produit du vol d’ un tronc de chapelle que j’édifiai à mes parents un tombeau sur lequel
737 ociété. » C’est avec le produit du vol d’un tronc de chapelle que j’édifiai à mes parents un tombeau sur lequel je fis gra
738 uel je fis graver : Prêté — rendu, pour la gloire de l’Église. (Ici, il but une gorgée et prit un temps.) » Je vous fais g
739 t un temps.) » Je vous fais grâce, poursuivit-il, de la chronique de ma vie de rat d’hôtel et de sleepings ; encore que… B
740 e vous fais grâce, poursuivit-il, de la chronique de ma vie de rat d’hôtel et de sleepings ; encore que… Bref, depuis quel
741 s grâce, poursuivit-il, de la chronique de ma vie de rat d’hôtel et de sleepings ; encore que… Bref, depuis quelques mois,
742 , poursuivit-il, de la chronique de ma vie de rat d’ hôtel et de sleepings ; encore que… Bref, depuis quelques mois, je m’a
743 t-il, de la chronique de ma vie de rat d’hôtel et de sleepings ; encore que… Bref, depuis quelques mois, je m’amuse à joue
744 jouer le pickpocket. Cela permet, avec un minimum d’ adresse, de découvrir certaines personnalités sous un jour assez parti
745 ckpocket. Cela permet, avec un minimum d’adresse, de découvrir certaines personnalités sous un jour assez particulier, trè
746 us un jour assez particulier, très souvent ignoré d’ elles-mêmes auparavant, et pas toujours défavorable, croyez-le bien… L
747 pas toujours défavorable, croyez-le bien… Le goût de la propriété étant à mon sens l’un des plus vulgaires et des plus gén
748 et des plus généralement répandus, j’ai vite fait de classer mon monde d’après les quelques réactions élémentaires qui ne
749 ues réactions élémentaires qui ne manquent jamais de succéder au moindre vol. » J’ajouterai, cher Monsieur, que l’analyse
750 psychologique n’est pas mon fort. Je me contente de quelques observations théoriques que je tiens pour vraies, et j’en vé
751 les manifestations vivantes avec une prodigalité d’ épreuves, contre-épreuves, variantes et enjolivures où je vois le véri
752 es et enjolivures où je vois le véritable intérêt de ma vie. C’est vous dire que seule une certaine caresse de l’événement
753 e. C’est vous dire que seule une certaine caresse de l’événement naissant peut encore m’émouvoir. C’est un plaisir de chaq
754 naissant peut encore m’émouvoir. C’est un plaisir de chaque minute auquel succède immédiatement le sommeil. Je rêve beauco
755 j’ai pour la poésie imprimée. » J’allais oublier de vous dire qu’on me nomme Saint-Julien. Vous n’ignorez point que l’on
756 ron des voyageurs… » Saint-Julien parut satisfait de cette dernière plaisanterie. Il but avec beaucoup de délicatesse quel
757 but avec beaucoup de délicatesse quelques gorgées d’ eau minérale. Isidore sentit alors que la bienséance l’obligeait à éme
758 ur cette vie dont le récit n’avait pas laissé que de l’agacer en maint endroit. « Une chose avant tout me frappe — dit-il,
759 lâchant tout de suite ses compliments, ce qui est de mauvaise politique, — c’est l’extraordinaire netteté de votre vie. El
760 vaise politique, — c’est l’extraordinaire netteté de votre vie. Elle est sans bavures, sans réticences ; elle m’apparaît c
761 paraît comme un divertissement perpétuel et dénué d’ inquiétude. Et cela n’est pas sans me charmer, croyez-moi. Car, enfin,
762 couter, c’est que je cherche ce qu’on est convenu d’ appeler — pardonnez la lourdeur de l’expression — une règle de vie. Ma
763 ’on est convenu d’appeler — pardonnez la lourdeur de l’expression — une règle de vie. Mais, je vous l’avouerai, ce qui me
764 pardonnez la lourdeur de l’expression — une règle de vie. Mais, je vous l’avouerai, ce qui me retient de tirer de votre co
765 vie. Mais, je vous l’avouerai, ce qui me retient de tirer de votre conduite les conclusions morales qu’elle paraît impliq
766 s, je vous l’avouerai, ce qui me retient de tirer de votre conduite les conclusions morales qu’elle paraît impliquer, c’es
767 ales qu’elle paraît impliquer, c’est ce caractère de , comment dirai-je…, de juvénile insouciance, pour ne pas dire inconsc
768 liquer, c’est ce caractère de, comment dirai-je…, de juvénile insouciance, pour ne pas dire inconscience ! qui s’attache à
769 ts et gestes. L’on croirait ouïr parfois le récit de quelqu’une de ces farces d’étudiants qui ne sont que la traduction en
770 L’on croirait ouïr parfois le récit de quelqu’une de ces farces d’étudiants qui ne sont que la traduction en actes de jeux
771 ouïr parfois le récit de quelqu’une de ces farces d’ étudiants qui ne sont que la traduction en actes de jeux de mots plus
772 ’étudiants qui ne sont que la traduction en actes de jeux de mots plus ou moins cruels… » — Je vous entends, interrompit S
773 ts qui ne sont que la traduction en actes de jeux de mots plus ou moins cruels… » — Je vous entends, interrompit Saint-Jul
774 t la sincérité tournait vite à l’agressif — effet d’ une timidité naturelle dont il paraissait lui-même gêné. En deux mots,
775 t raison. Mais justement je n’éprouve aucun désir d’ avoir raison. Je sens aussi bien que vous ce que mes principes peuvent
776 bien que vous ce que mes principes peuvent avoir de « bien jeune », de banal presque, et, pis, d’agréablement paradoxal.
777 ue mes principes peuvent avoir de « bien jeune », de banal presque, et, pis, d’agréablement paradoxal. Seulement, pour qui
778 oir de « bien jeune », de banal presque, et, pis, d’ agréablement paradoxal. Seulement, pour quiconque est aussi profondéme
779 quiconque est aussi profondément persuadé que moi de l’absurdité radicale de notre vie, la moindre farce, le moindre geste
780 ondément persuadé que moi de l’absurdité radicale de notre vie, la moindre farce, le moindre geste convenu dans le genre «
781 onvenu dans le genre « révolté » prend une saveur de raillerie assez amère. Et peut-être apprendrez-vous à découvrir derri
782 re apprendrez-vous à découvrir derrière certaines de mes plaisanteries la dérision secrète qu’elles masquent par caprice.
783 ......................... ⁂ s. Rougemont Denis de , « Récit du pickpocket (fragment) », Revue de Belles-Lettres, Lausann
784 ont Denis de, « Récit du pickpocket (fragment) », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, mai 1927, p. 1
785 nis de, « Récit du pickpocket (fragment) », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, mai 1927, p. 180-
786 nève-Fribourg, mai 1927, p. 180-185. t. Une note de bas de page indique : « La rédaction rappelle que les idées émises da
787 a rédaction rappelle que les idées émises dans la Revue de Belles-Lettres sont propres à leur auteur et qu’elles n’engagent p
788 ction rappelle que les idées émises dans la Revue de Belles-Lettres sont propres à leur auteur et qu’elles n’engagent pas
13 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Conseils à la jeunesse (mai 1927)
789 aux romantiques : le goût du suicide, l’habitude de boire et de fumer excessivement, leurs amours, l’égoïsme, le mépris d
790 ques : le goût du suicide, l’habitude de boire et de fumer excessivement, leurs amours, l’égoïsme, le mépris de la réalité
791 excessivement, leurs amours, l’égoïsme, le mépris de la réalité, l’exaltation maladive de l’imagination et de la sensibili
792 e, le mépris de la réalité, l’exaltation maladive de l’imagination et de la sensibilité, l’atrophie du sens critique sous
793 éalité, l’exaltation maladive de l’imagination et de la sensibilité, l’atrophie du sens critique sous toutes ses formes :
794 ens, et l’ignorance systématique, le mépris enfin de tous les principes qui sont à la base de la société même. »   Ceci es
795 is enfin de tous les principes qui sont à la base de la société même. »   Ceci est tiré d’un livre récent sur Aloysius Ber
796 t à la base de la société même. »   Ceci est tiré d’ un livre récent sur Aloysius Bertrand. Est-ce vraiment aux romantiques
797 loysius Bertrand. Est-ce vraiment aux romantiques de 1830 que ces reproches s’adressent, ou bien plutôt — vous alliez le d
798 M. Y. Z., qui, dans un petit article du Journal de Genève sur « La maladie du siècle », écrit : « Plante des pommes de
799 ne homme ! Quand tu seras au bout de la 20e ligne de 200 mètres, ce qui représente quatre kilomètres de plantation, le siè
800 e 200 mètres, ce qui représente quatre kilomètres de plantation, le siècle ne sera plus malade, les temps seront guéris de
801 ècle ne sera plus malade, les temps seront guéris de leur crise, les valeurs auront retrouvé leur stabilité, et comme M. A
802 bilité, et comme M. Albert Muret dont le Journal de Genève parlait naguère, tu mangeras avec appétit une poule au riz ar
803 tu mangeras avec appétit une poule au riz arrosée d’ un savoureux “demi” de Lavaux. » Seulement, il y a tout de même un ou
804 it une poule au riz arrosée d’un savoureux “demi” de Lavaux. » Seulement, il y a tout de même un ou deux petits phénomènes
805 tout de même un ou deux petits phénomènes sociaux de notre temps que cette méthode ne suffirait pas à supprimer. Or, ils n
806 lement chez des jeunes « et qui pensent » ce goût de l’évasion caractéristique de tous les « vices romantiques ». — Citez-
807 ui pensent » ce goût de l’évasion caractéristique de tous les « vices romantiques ». — Citez-m’en de ces phénomènes ! — Mo
808 e de tous les « vices romantiques ». — Citez-m’en de ces phénomènes ! — Mon Dieu, que dire… Il y aurait, par exemple, ce f
809 re… Il y aurait, par exemple, ce fait du triomphe de la Machine ; ce fait de la révolution russe… cet autre fait de la gue
810 mple, ce fait du triomphe de la Machine ; ce fait de la révolution russe… cet autre fait de la guerre… et puis, tenez ! ce
811  ; ce fait de la révolution russe… cet autre fait de la guerre… et puis, tenez ! ce fait surtout de la sacro-sainte Raison
812 it de la guerre… et puis, tenez ! ce fait surtout de la sacro-sainte Raison utilitaire au service des sacro-saints Princip
813 s n’est-ce pas, merci du conseil, Monsieur Y. Z., de ce conseil que vous avouez modestement n’être pas inédit. Mais point
814 tement n’être pas inédit. Mais point n’est besoin de rappeler Candide : nous pensons que bien avant Voltaire il y avait de
815 n, le satisfait artificiel. u. Rougemont Denis de , « Conseils à la jeunesse », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâ
816 Rougemont Denis de, « Conseils à la jeunesse », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, mai 1927, p. 1
817 emont Denis de, « Conseils à la jeunesse », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, mai 1927, p. 186-
14 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). La part du feu. Lettres sur le mépris de la littérature (juillet 1927)
818 La part du feu. Lettres sur le mépris de la littérature (juillet 1927)v I Parler littérature Si je pro
819 I Parler littérature Si je prononce le nom de tel de vos confrères, si je dis : « Avez-vous lu… », vous voilà rouge
820 arler littérature Si je prononce le nom de tel de vos confrères, si je dis : « Avez-vous lu… », vous voilà rouge ; et s
821 lu… », vous voilà rouge ; et sur moi les foudres de votre paradis poétique. Si je cite tel auteur dont nous fîmes notre n
822 uteur dont nous fîmes notre nourriture une saison de naguère, voilà le rictus de votre bouche, une injure de pythie. Vous
823 nourriture une saison de naguère, voilà le rictus de votre bouche, une injure de pythie. Vous dites de ce conte : c’est tr
824 uère, voilà le rictus de votre bouche, une injure de pythie. Vous dites de ce conte : c’est trop écrit. Vous dites de ce r
825 de votre bouche, une injure de pythie. Vous dites de ce conte : c’est trop écrit. Vous dites de ce roman : c’est trop agré
826 dites de ce conte : c’est trop écrit. Vous dites de ce roman : c’est trop agréable. Vous dites d’un goût qu’on aurait pou
827 tes de ce roman : c’est trop agréable. Vous dites d’ un goût qu’on aurait pour Nietzsche : que c’est de la littérature. Alo
828 d’un goût qu’on aurait pour Nietzsche : que c’est de la littérature. Alors, quelque paysan du Danube survenant : — Je vous
829 in que leurs sincérités gardent au moins l’excuse d’ une audace qu’ils escomptent scandaleuse. Mais voici un bar où je vous
830 voici un bar où je vous suis. Vous y entrez plein de mépris pour Paul Morand par qui découvrîtes le charme de ces lieux. V
831 is pour Paul Morand par qui découvrîtes le charme de ces lieux. Vous composez un cocktail en guise de métaphore, avec une
832 d Écart… », dit quelqu’un. À ce coup, l’évocation de Cocteau fait fleurir sur vos lèvres le mot de Cambronne : hommage à L
833 ion de Cocteau fait fleurir sur vos lèvres le mot de Cambronne : hommage à Louis Aragon. Ce cristal est une citation de Va
834 mmage à Louis Aragon. Ce cristal est une citation de Valéry, cette œillade se souvient d’un vers d’Éluard14. Et des phrase
835 une citation de Valéry, cette œillade se souvient d’ un vers d’Éluard14. Et des phrases, des cris, des mots. Au défaut de l
836 on de Valéry, cette œillade se souvient d’un vers d’ Éluard14. Et des phrases, des cris, des mots. Au défaut de l’ivresse n
837 14. Et des phrases, des cris, des mots. Au défaut de l’ivresse naissante se glisse un poème où vous aimiez à la folie votr
838 ie votre douleur. Narcisse se contemple au miroir de son monocle. Au petit matin, il se noie dans un verre à liqueur. Pois
839 rop qu’ils trouvent ça pittoresque. Et le plaisir d’ être nu devant un public supposé dévot, et qui n’ose en croire sa pude
840 qui n’ose en croire sa pudeur, et qui doute enfin de l’impossibilité des miracles ! Quelles voluptés plus subtiles et plus
841 les et plus aiguës ? On vaincra jusqu’à sa gueule de bois pour en faire des poèmes. Alors je cherche les raisons de votre
842 en faire des poèmes. Alors je cherche les raisons de votre indignation, quand il m’échappe une citation. Seraient-ce les g
843 », « hallucinant » ou « purement gratuit ». C’est de la littérature. À force d’avoir mérité ces épithètes, pour nous laud
844 ment gratuit ». C’est de la littérature. À force d’ avoir mérité ces épithètes, pour nous laudatives, vous vous étonnez au
845 ur nous laudatives, vous vous étonnez aujourd’hui de la simplicité. Littérateur, va ! qui ne pouvez pas même admettre que
846 implicité est simple simplement. La bouche brûlée d’ alcools, vous découvrez à l’eau un goût étrange. L’eau est incolore, i
847 votre mépris pour le pittoresque, vous témoignez d’ un goût du bizarre qui révèle le littérateur. Nous ne pouvons pas fair
848 pas faire que nous n’ayons rien lu. Vous refusez de compter avec cette réalité de la littérature qui est en nous (dangere
849 en lu. Vous refusez de compter avec cette réalité de la littérature qui est en nous (dangereuse tant que vous voudrez). Ma
850 s ce refus n’est pas seulement comme vous pensez, d’ une ingratitude salutaire, c’est refus de limiter le mal. Je vous vois
851 pensez, d’une ingratitude salutaire, c’est refus de limiter le mal. Je vous vois envahi par des démons que vous prétendez
852 ahi par des démons que vous prétendez m’interdire de nommer. Mais moi je partage avec certains Orientaux cette croyance :
853 ez un peu sur la laisse, que j’éprouve la fermeté de ma main. Je vous tiens. Je sais où vous êtes. Vous n’allez pas me sur
854 du feu. Je dis ces noms, ces opinions, ces titres de livres : tout cela jaillit, s’entrechoque, s’annule. Poussière. Ma vi
855 lleurs. L’addition, s’il vous plaît. Il est temps de sortir de ce café et de ces jeux, simulacres de vie, qui sont à la vr
856 addition, s’il vous plaît. Il est temps de sortir de ce café et de ces jeux, simulacres de vie, qui sont à la vraie vie ce
857 vous plaît. Il est temps de sortir de ce café et de ces jeux, simulacres de vie, qui sont à la vraie vie ce que le flirt
858 s de sortir de ce café et de ces jeux, simulacres de vie, qui sont à la vraie vie ce que le flirt est à l’amour. II Sur
859 le flirt est à l’amour. II Sur l’insuffisance de la littérature On reconnaît un écrivain, aujourd’hui, à ce qu’il n
860 arle littérature. Mais il y a des mépris qui sont de sournoises déclarations d’amour. Tel qui raille l’Église et les curés
861 a des mépris qui sont de sournoises déclarations d’ amour. Tel qui raille l’Église et les curés, c’est qu’il se fait une t
862 es curés, c’est qu’il se fait une très haute idée de la religion. Ainsi, de la littérature : votre mépris pour ses réalisa
863 e fait une très haute idée de la religion. Ainsi, de la littérature : votre mépris pour ses réalisations actuelles donne l
864 s pour ses réalisations actuelles donne la mesure de ce que vous attendez d’elle. Pour dire le fond de ma pensée, je crois
865 actuelles donne la mesure de ce que vous attendez d’ elle. Pour dire le fond de ma pensée, je crois ce mépris et cette atte
866 de ce que vous attendez d’elle. Pour dire le fond de ma pensée, je crois ce mépris et cette attente également exagérés. Vo
867 e. Que la littérature nous est un moyen seulement d’ atteindre et de préparer d’autres choses, d’autres actions, ou des éta
868 rature nous est un moyen seulement d’atteindre et de préparer d’autres choses, d’autres actions, ou des états intérieurs q
869 oses dures, amères comme un destin, comme le goût d’ une pierre rêche sur ta langue et grinçante sous ta dent. Des soupless
870 que tout se fond catastrophiquement dans l’infini de la seconde. Des peurs sans cause, plus vides que la mort. Toutes ces
871 ue nulle poésie même ne peut dire, parce que rien de ce qui nous importe véritablement n’est dicible. (Depuis le temps qu’
872 la poésie, l’état poétique, est notre seul moyen de connaissance concrète du monde. Mais c’est à condition qu’on ne l’écr
873 ble : cela consisterait dans l’expression directe de la réalité individuelle. Elle serait tellement incommunicable qu’il d
874 ellement incommunicable qu’il deviendrait inutile de la publier. Et même, en passant à la limite, on peut imaginer que si
875 s obscurs des allusions furtives à certains états de la réalité. Mais plus les mots se plient à des exigences sémantiques
876 e, — mariant l’utile à l’agréable selon les rites d’ une esthétique ou d’une autre, plus ils perdent leur pouvoir de signif
877 à l’agréable selon les rites d’une esthétique ou d’ une autre, plus ils perdent leur pouvoir de signifier les choses qui n
878 que ou d’une autre, plus ils perdent leur pouvoir de signifier les choses qui nous importent. Vous le savez. Alors vous le
879 avez. Alors vous les lâchez en liberté, par haine de cette esthétique ou de ce sens social, — et voilà qu’ils perdent même
880 chez en liberté, par haine de cette esthétique ou de ce sens social, — et voilà qu’ils perdent même la problématique utili
881 oilà qu’ils perdent même la problématique utilité de liaison qui était leur excuse dernière. Avouons-le : rien de ce qu’on
882 qui était leur excuse dernière. Avouons-le : rien de ce qu’on peut exprimer n’a d’importance véritable. Alors, cessons de
883 . Avouons-le : rien de ce qu’on peut exprimer n’a d’ importance véritable. Alors, cessons de nous battre contre des moulins
884 primer n’a d’importance véritable. Alors, cessons de nous battre contre des moulins à vent. La littérature, considérée du
885 vent. La littérature, considérée du point de vue de la psychologie de l’écrivain, est un besoin organique, un peu anormal
886 ure, considérée du point de vue de la psychologie de l’écrivain, est un besoin organique, un peu anormal, que l’on satisfa
887 u anormal, que l’on satisfait dans certains états de crise afin de retrouver son équilibre — et dont on tire parfois quelq
888 t on tire parfois quelque plaisir, plus rarement, de quoi se payer un petit voyage. C’est l’aveu d’une faiblesse secrète.
889 t, de quoi se payer un petit voyage. C’est l’aveu d’ une faiblesse secrète. Et c’est une réaction de défense. On cherche un
890 eu d’une faiblesse secrète. Et c’est une réaction de défense. On cherche un mot, une phrase, pour tuer une réalité dont la
891 qui est proche du sens biblique. Il ne s’agit pas de la connaissance abstraite et rationnelle dont le monde moderne se con
892 ude que vous la guérirez. Au contraire, il s’agit de l’envisager sans fièvre, pour en circonscrire les effets. J’avoue pre
893 êt bien vif. Et cela fournit un merveilleux sujet de conversation, au café. Dans un salon, par contre, c’est d’un ridicule
894 sation, au café. Dans un salon, par contre, c’est d’ un ridicule écrasant : mais rien n’est plus facile que d’y échapper.
895 dicule écrasant : mais rien n’est plus facile que d’ y échapper. III Sur l’utilité de la littérature Montherlant me p
896 lus facile que d’y échapper. III Sur l’utilité de la littérature Montherlant me paraît être le moins « littératuré »
897 araît être le moins « littératuré » des écrivains d’ aujourd’hui. Quand il parle littérature, il a toujours l’air de mettre
898 . Quand il parle littérature, il a toujours l’air de mettre un peu les pieds dans le plat, de dire de ces choses qu’entre
899 rs l’air de mettre un peu les pieds dans le plat, de dire de ces choses qu’entre gens du métier l’on a convenu de passer s
900 de mettre un peu les pieds dans le plat, de dire de ces choses qu’entre gens du métier l’on a convenu de passer sous sile
901 ces choses qu’entre gens du métier l’on a convenu de passer sous silence. C’est assez drôle de voir le malaise des chers c
902 convenu de passer sous silence. C’est assez drôle de voir le malaise des chers confrères. Ils ne pardonnent pas à ce toréa
903 miliarités avec une Muse qu’ils n’ont pas coutume d’ aborder sans le mot de passe de la dernière mode ou de savantes séduct
904 se qu’ils n’ont pas coutume d’aborder sans le mot de passe de la dernière mode ou de savantes séductions. On sait bien, d’
905 n’ont pas coutume d’aborder sans le mot de passe de la dernière mode ou de savantes séductions. On sait bien, d’ailleurs,
906 order sans le mot de passe de la dernière mode ou de savantes séductions. On sait bien, d’ailleurs, qu’elle les entretient
907 t bien, d’ailleurs, qu’elle les entretient. Bande de gigolos de la littérature ! Qu’on puisse vivre de ça, je ne l’ai pas
908 illeurs, qu’elle les entretient. Bande de gigolos de la littérature ! Qu’on puisse vivre de ça, je ne l’ai pas encore aval
909 de gigolos de la littérature ! Qu’on puisse vivre de ça, je ne l’ai pas encore avalé. On m’affirme que je n’y échapperai p
910 ble ; mais, pour sûr, jamais vivre pour écrire16. De tous les prétextes que l’on a pu avancer pour légitimer l’activité li
911 plus satisfaisant, celui qui rend le mieux compte de la réalité, c’est André Breton qui l’a exprimé : « On publie pour che
912 es pas tant, n’est-ce pas, à poursuivre une quête de l’esprit. Et vous savez ce qu’elle nous vaut : les mépris, les haines
913 les mépris, les haines douloureuses ou grossières de tous ceux qui ne peuvent ou ne veulent y voir que révoltes contre leu
914 s instables certitudes, et qui nous font un péché de notre acceptation des réalités spirituelles parce qu’elles troublent
915 e reconnaître. Quand bien même elle n’aurait plus d’ autre excuse que celle-là, la littérature mériterait d’exister : qu’el
916 re excuse que celle-là, la littérature mériterait d’ exister : qu’elle soit le langage chiffré de notre inquiétude et de no
917 erait d’exister : qu’elle soit le langage chiffré de notre inquiétude et de nos naissantes certitudes, le seul langage peu
918 le soit le langage chiffré de notre inquiétude et de nos naissantes certitudes, le seul langage peut-être qui nous permett
919 udes, le seul langage peut-être qui nous permette d’ échanger les signaux de l’angoisse sur quoi se fondent, en ces temps,
920 eut-être qui nous permette d’échanger les signaux de l’angoisse sur quoi se fondent, en ces temps, nos amitiés miraculeuse
921   Voici donc les seules révélations que j’attende de la littérature : que celle des autres m’aide à prendre conscience de
922 que celle des autres m’aide à prendre conscience de moi-même ; que la mienne m’aide à découvrir quelques êtres par le mon
923 ir quelques êtres par le monde… Il ne s’agit plus de mépris ni d’adoration. J’ai défini une « maladie » dont je parviens à
924 tres par le monde… Il ne s’agit plus de mépris ni d’ adoration. J’ai défini une « maladie » dont je parviens à tirer quelqu
925 ue les bienfaits que j’en escompte, il sera temps de songer sérieusement à m’en guérir. Vous me demanderez « alors » ce qu
926 ir. Vous me demanderez « alors » ce que j’attends de ma vie. Je serais tenté de vous répondre, comme ce sympathique Philip
927 ors » ce que j’attends de ma vie. Je serais tenté de vous répondre, comme ce sympathique Philippe Soupault, que « ceci, c’
928 ) Mais non, cher ami, voici qu’une envie me prend de vous conter un peu cette histoire. Seulement, allons ailleurs ; il y
929 istoire. Seulement, allons ailleurs ; il y a trop de monde ici. 14. Paul Morand, auteur d’Ouvert et de Fermé la nuit, t
930 y a trop de monde ici. 14. Paul Morand, auteur d’ Ouvert et de Fermé la nuit, titres également scandaleux. Le Grand Écar
931 monde ici. 14. Paul Morand, auteur d’Ouvert et de Fermé la nuit, titres également scandaleux. Le Grand Écart, roman de
932 itres également scandaleux. Le Grand Écart, roman de M. Cocteau, a donné son nom à un établissement de nuit très en vogue
933 de M. Cocteau, a donné son nom à un établissement de nuit très en vogue à Paris. Cambronne (général), 1770-1842. Louis Ara
934 ), 1770-1842. Louis Aragon et Paul Éluard, hommes de lettres et poètes surréalistes. Paul Valéry, de l’Académie française.
935 s de lettres et poètes surréalistes. Paul Valéry, de l’Académie française. Narcisse, personnage mythologique. — Là ! [NdE]
936  ! [NdE] Le texte publié place également un appel de note plus bas dans le paragraphe, après « Narcisse », sans qu’on sach
937 après « Narcisse », sans qu’on sache s’il s’agit d’ une erreur ou d’une volonté de l’auteur. 15. Variante : des puissance
938 e », sans qu’on sache s’il s’agit d’une erreur ou d’ une volonté de l’auteur. 15. Variante : des puissances d’action. 16.
939 n sache s’il s’agit d’une erreur ou d’une volonté de l’auteur. 15. Variante : des puissances d’action. 16. J’en vois cer
940 lonté de l’auteur. 15. Variante : des puissances d’ action. 16. J’en vois certains qui arrangent leur vie de telle sorte
941 n. 16. J’en vois certains qui arrangent leur vie de telle sorte que leurs mémoires seront des romans « bien modernes ». L
942  bien modernes ». Leurs amours sont des pastiches de Morand, et ils en sont tout fiers : « Il n’y a plus qu’à les écrire »
943 ’y a plus qu’à les écrire ». v. Rougemont Denis de , « La part du feu. Lettres sur le mépris de la littérature », Revue d
944 Denis de, « La part du feu. Lettres sur le mépris de la littérature », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-
945 u feu. Lettres sur le mépris de la littérature », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, juillet 1927,
946 Lettres sur le mépris de la littérature », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, juillet 1927, p. 
15 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Les derniers jours (juillet 1927)
947 ieu la Rochelle et Emmanuel Berl, sont — avec la Revue de Belles-Lettres — la seule revue de langue française où l’on dise
948 Rochelle et Emmanuel Berl, sont — avec la Revue de Belles-Lettres — la seule revue de langue française où l’on dise la
949 nt — avec la Revue de Belles-Lettres — la seule revue de langue française où l’on dise la vérité librement et pour elle-mêm
950 vec la Revue de Belles-Lettres — la seule revue de langue française où l’on dise la vérité librement et pour elle-même.
951 rité librement et pour elle-même. Nous regrettons de n’en pouvoir citer, faute de place, que ces quelques phrases de Drieu
952 r citer, faute de place, que ces quelques phrases de Drieu : « On voit déjà éclater dans les singuliers mouvements de sym
953 voit déjà éclater dans les singuliers mouvements de sympathie qu’a provoqués l’infortune de l’Action française la fratern
954 ouvements de sympathie qu’a provoqués l’infortune de l’Action française la fraternité qui existe, en dépit des protestatio
955 fraternité qui existe, en dépit des protestations de haine, entre les athées de l’antidémocratisme et les athées du Capita
956 épit des protestations de haine, entre les athées de l’antidémocratisme et les athées du Capitalisme quand il est conscien
957 les athées du Capitalisme quand il est conscient de soi-même, et les athées du Socialisme et du Communisme. Tous ceux-là
958 mmunisme. Tous ceux-là travaillent à l’achèvement d’ un certain monde moderne, merveilleuse mécanique sévère et dénuée de t
959 moderne, merveilleuse mécanique sévère et dénuée de tout secours de l’Esprit. Mais un jour viendra où les hommes se révol
960 lleuse mécanique sévère et dénuée de tout secours de l’Esprit. Mais un jour viendra où les hommes se révolteront contre le
961 Vous réveillerez-vous pour les désaltérer, dieux de l’Orient et de l’Occident ? » Certains cris qui nous échappèrent n’a
962 ez-vous pour les désaltérer, dieux de l’Orient et de l’Occident ? » Certains cris qui nous échappèrent n’avaient pas d’au
963 Certains cris qui nous échappèrent n’avaient pas d’ autre sens. 17. 20, rue Chalgrin, Paris 16e. w. Rougemont Denis de
964 20, rue Chalgrin, Paris 16e. w. Rougemont Denis de , « Les derniers jours », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-
965 w. Rougemont Denis de, « Les derniers jours », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, juillet 1927,
966 Rougemont Denis de, « Les derniers jours », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, juillet 1927, p. 
16 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Adieu au lecteur (juillet 1927)
967 juillet 1927)x Nous passons la main au central de Genève, fidèles à la tradition — en ceci au moins. Nous nous retirons
968 gnation provoquée sur tous les bancs par certains de nos articles nous épouvante. Notre retraite est toute « statutaire »
969 taire » — si l’on ose dire. Elle nous permet donc de considérer la situation sans fièvre, sans lamentations d’adieu.   On
970 dérer la situation sans fièvre, sans lamentations d’ adieu.   On nous a parfois traités de fous (avec ou sans sourire). Nou
971 lamentations d’adieu.   On nous a parfois traités de fous (avec ou sans sourire). Nous sommes à l’âge de nous en réjouir.
972 fous (avec ou sans sourire). Nous sommes à l’âge de nous en réjouir. On s’est beaucoup étonné de nous voir « si différent
973 ’âge de nous en réjouir. On s’est beaucoup étonné de nous voir « si différents » de nos aînés. Nous avons l’énorme candeur
974 st beaucoup étonné de nous voir « si différents » de nos aînés. Nous avons l’énorme candeur de trouver ça naturel. On nous
975 rents » de nos aînés. Nous avons l’énorme candeur de trouver ça naturel. On nous a fait des reproches contradictoires. Nou
976 x mots sur la paradoxale situation intellectuelle d’ une revue d’étudiants comme la nôtre. D’un côté, en effet, on s’accord
977 sur la paradoxale situation intellectuelle d’une revue d’étudiants comme la nôtre. D’un côté, en effet, on s’accorde pour tr
978 a paradoxale situation intellectuelle d’une revue d’ étudiants comme la nôtre. D’un côté, en effet, on s’accorde pour trouv
979 lectuelle d’une revue d’étudiants comme la nôtre. D’ un côté, en effet, on s’accorde pour trouver légèrement ridicule un je
980 i recherche activement la Sagesse (« Ça n’est pas de votre âge ! ») ; de l’autre, on se scandalise des « énormités » qui p
981 nt la Sagesse (« Ça n’est pas de votre âge ! ») ; de l’autre, on se scandalise des « énormités » qui peuvent échapper à un
982 s vous souciez vraiment trop peu des conséquences de ce que vous écrivez ! ») En définitive, il semble que certains n’att
983 En définitive, il semble que certains n’attendent de nous que d’innocentes farces — ou bien de ces affirmations dont en vé
984 e, il semble que certains n’attendent de nous que d’ innocentes farces — ou bien de ces affirmations dont en vérité l’on n’
985 tendent de nous que d’innocentes farces — ou bien de ces affirmations dont en vérité l’on n’a pas à se préoccuper de prévo
986 tions dont en vérité l’on n’a pas à se préoccuper de prévoir les conséquences, puisqu’il n’en est aucune qui ne soit connu
987 ces, puisqu’il n’en est aucune qui ne soit connue d’ avance et stérilisée par la loi, les mœurs et l’habitude. Nous n’avons
988 s mœurs et l’habitude. Nous n’avons aucun remords d’ avoir déçu cette catégorie de lecteurs. Aucun remord non plus d’avoir
989 ’avons aucun remords d’avoir déçu cette catégorie de lecteurs. Aucun remord non plus d’avoir troublé quelques bonnes petit
990 ette catégorie de lecteurs. Aucun remord non plus d’ avoir troublé quelques bonnes petites somnolences par des cris intempe
991 ir et pour en accepter les conséquences. Et puis, de temps à autre, voici que nous parvient un signe d’amitié qui ne tromp
992 e temps à autre, voici que nous parvient un signe d’ amitié qui ne trompe pas. Deux ou trois mots, on s’est compris. Que po
993 mots, on s’est compris. Que pouvions-nous espérer d’ autre ? Il y eut quelques découvertes qui nous consolèrent de tout le
994 l y eut quelques découvertes qui nous consolèrent de tout le reste.   Et maintenant voici Genève et son mystère. Car chaqu
995 écombres où s’anéantirent l’honneur et la fortune de ses derniers rédacteurs, notre Revue-phénix s’élance avec une ardeur
996 re Revue-phénix s’élance avec une ardeur rajeunie d’ un an dans une direction absolument imprévisible. Que nous apportera l
997 ument imprévisible. Que nous apportera le Central de Genève ? Tout est possible : la guerre et la paix, la tradition, l’an
998 s plus blasés. Lecteur, fais confiance au Central de Genève. Souviens-toi de la grandeur de ses traditions et ne va pas aj
999 fais confiance au Central de Genève. Souviens-toi de la grandeur de ses traditions et ne va pas ajouter à cette lourde cha
1000 au Central de Genève. Souviens-toi de la grandeur de ses traditions et ne va pas ajouter à cette lourde charge le poids de
1001 ne va pas ajouter à cette lourde charge le poids de nos péchés. Ils sont bien nôtres. Et nous y tenons, ah ! comme nous y
1002 ah ! comme nous y tenons ! x. Rougemont Denis de , « Adieu au lecteur », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Ge
1003 ! x. Rougemont Denis de, « Adieu au lecteur », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, juillet 1927,
1004 Rougemont Denis de, « Adieu au lecteur », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, juillet 1927, p. 
17 1929, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). « Belles-Lettres, c’est la clé des champs… » (janvier 1929)
1005 s-Lettres, c’est la clef des champs. 2. L’essence de Belles-Lettres, c’est de l’alcool à brûler les cervelles et les réput
1006 des champs. 2. L’essence de Belles-Lettres, c’est de l’alcool à brûler les cervelles et les réputations. 3. Belles-Lettre
1007 poésie est compréhensible et légitime. 4. Je suis de sang-froid, je dis : Belles-Lettres est essentiellement une mystique.
1008 entiellement une mystique. Mais parce que je suis de sang-froid, je ne puis dire grand-chose de plus. On ne se comprend bi
1009 eunes hommes ivres. Mais alors point n’est besoin de formuler cette ivresse ; autrement que par des cris. 5. Avec toutes l
1010 que pour mourir ou pour entrer en religion : rond de cuir ou poète (au sens le plus large de ces mots.) (Mais je tiens à l
1011 on : rond de cuir ou poète (au sens le plus large de ces mots.) (Mais je tiens à le leur dire ici : les anciens bellettrie
1012 triens qui ont perdu toute foi ne connaîtront pas de pardon. Car ils ont vu, et s’ils n’ont pas cru, c’est qu’ils sont fon
1013 e monde moderne ont encore une « essence ». Celle de Belles-Lettres est en agréable odeur à l’Éternel et à Satan pareillem
1014 t ceux qu’elle enivre entrent en état de grâce ou de blasphème, selon. Mais ce qui importe d’abord, n’est-ce point de se l
1015 elon. Mais ce qui importe d’abord, n’est-ce point de se livrer, purement et simplement. 7. (Secret). y. Rougemont Denis
1016 et simplement. 7. (Secret). y. Rougemont Denis de , « Belles-Lettres, c’est la clef des champs… », Revue de Belles-Lettr
1017 e, « Belles-Lettres, c’est la clef des champs… », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, janvier 1929,
1018 elles-Lettres, c’est la clef des champs… », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, janvier 1929, p. 
18 1929, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Prison. Ailleurs. Étoile de jour (mars 1929)
1019 Prison. Ailleurs. Étoile de jour (mars 1929)z Prison Prisonnier de la nuit mais plus libr
1020 le de jour (mars 1929)z Prison Prisonnier de la nuit mais plus libre qu’un ange prisonnier dans ta tête mais libre
1021 s Quand la nuit s’effeuille et se fane prisonnier d’ une saison morte au tombeau des fleurs obscures les mains de l’absence
1022 on morte au tombeau des fleurs obscures les mains de l’absence se ferment sur le vide   Tu pleurerais Mais la grâce est f
1023 leurerais Mais la grâce est facile comme un matin d’ été la grâce tendrement dénouée de ta vie comme de cette nuit le jour
1024 comme un matin d’été la grâce tendrement dénouée de ta vie comme de cette nuit le jour d’un grand été   qui consent…
1025 d’été la grâce tendrement dénouée de ta vie comme de cette nuit le jour d’un grand été   qui consent… Ailleurs Colo
1026 ent dénouée de ta vie comme de cette nuit le jour d’ un grand été   qui consent… Ailleurs Colombes lumineuses des ma
1027 ent… Ailleurs Colombes lumineuses des mains de mon amour écloses voyageuses ah ! que d’aucun retour vous ne laissiez
1028 es mains de mon amour écloses voyageuses ah ! que d’ aucun retour vous ne laissiez le gage aux plaintes de mon cœur il est
1029 ucun retour vous ne laissiez le gage aux plaintes de mon cœur il est d’autres rivages où mieux qu’ici l’on meurt. Étoil
1030 res rivages où mieux qu’ici l’on meurt. Étoile de jour Il naissait à son destin des rayons glissent et rient c’est
1031 rient c’est la caresse des anges parmi les formes de l’ombre C’était l’aube et le sourire adorable de savoir la dansante
1032 e l’ombre C’était l’aube et le sourire adorable de savoir la dansante liberté d’un désir à sa naissance L’étoile qui l
1033 le sourire adorable de savoir la dansante liberté d’ un désir à sa naissance L’étoile qui l’accueille au sommet ravi d’un
1034 issance L’étoile qui l’accueille au sommet ravi d’ un silence c’est le miroir d’une absence mais le signe de sa grâce D
1035 eille au sommet ravi d’un silence c’est le miroir d’ une absence mais le signe de sa grâce Dans l’or vert évanouie au cœu
1036 lence c’est le miroir d’une absence mais le signe de sa grâce Dans l’or vert évanouie au cœur éclatant du jour scintille
1037 œur éclatant du jour scintillera l’invisible gage d’ un amour perdu. z. Rougemont Denis de, « Prison. Ailleurs. Étoil
1038 e gage d’un amour perdu. z. Rougemont Denis de , « Prison. Ailleurs. Étoile de jour », Revue de Belles-Lettres, Lausa
1039 . Rougemont Denis de, « Prison. Ailleurs. Étoile de jour », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg,
1040 t Denis de, « Prison. Ailleurs. Étoile de jour », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, mars 1929, p. 
1041 s de, « Prison. Ailleurs. Étoile de jour », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, mars 1929, p. 168
19 1929, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Souvenirs d’enfance et de jeunesse, par Philippe Godet (avril 1929)
1042 Souvenirs d’ enfance et de jeunesse, par Philippe Godet (avril 1929)aa Quand ave
1043 Souvenirs d’enfance et de jeunesse, par Philippe Godet (avril 1929)aa Quand avec un air fin
1044 peut se permettre quelques malices, quelques jeux d’ esprit ou de méchanceté, assuré que l’on est désormais d’être absous a
1045 ettre quelques malices, quelques jeux d’esprit ou de méchanceté, assuré que l’on est désormais d’être absous avec le souri
1046 t ou de méchanceté, assuré que l’on est désormais d’ être absous avec le sourire par la clientèle des librairies romandes,
1047 par la clientèle des librairies romandes, en mal de cadeaux de Noël ou de première communion. Parmi les compatriotes d’Am
1048 entèle des librairies romandes, en mal de cadeaux de Noël ou de première communion. Parmi les compatriotes d’Amiel, Godet
1049 librairies romandes, en mal de cadeaux de Noël ou de première communion. Parmi les compatriotes d’Amiel, Godet restera l’u
1050 ou de première communion. Parmi les compatriotes d’ Amiel, Godet restera l’un des rares qui ont réussi à se connaître et q
1051 ue fort alerte. Jugez-en à la façon dont il parle de « ses quelques succès, si disproportionnés avec son mérite ». Il ajou
1052 vec son mérite ». Il ajoute : « j’ai eu la chance de discerner très jeune, avec une clairvoyance singulière, mes propres l
1053 lière, mes propres limites, et j’ai eu la sagesse de ne rien tenter au-delà ». C’est le comble de l’économie bourgeoise qu
1054 esse de ne rien tenter au-delà ». C’est le comble de l’économie bourgeoise que cette administration exacte d’un petit capi
1055 onomie bourgeoise que cette administration exacte d’ un petit capital. Le contraire de la poésie, bien sûr. Mais on n’en de
1056 istration exacte d’un petit capital. Le contraire de la poésie, bien sûr. Mais on n’en demande pas tant dans les familles.
1057 souvent à ces récits : ce n’est point un paysage d’ âme qu’on y cherche, mais l’anecdote bien tournée, des noms connus. To
1058 ailleurs est élégant. Mais comme tout cela manque de chair. Et de rêve. Est-ce qu’en ce temps-là on ne se nourrissait vrai
1059 élégant. Mais comme tout cela manque de chair. Et de rêve. Est-ce qu’en ce temps-là on ne se nourrissait vraiment que de p
1060 ’en ce temps-là on ne se nourrissait vraiment que de petits mots d’esprit et de malices ? Noisettes et cornichons ? aa.
1061 on ne se nourrissait vraiment que de petits mots d’ esprit et de malices ? Noisettes et cornichons ? aa. Rougemont Deni
1062 urrissait vraiment que de petits mots d’esprit et de malices ? Noisettes et cornichons ? aa. Rougemont Denis de, « [Com
1063 Noisettes et cornichons ? aa. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Philippe Godet, Souvenirs d’enfance et de jeunesse
1064 is de, « [Compte rendu] Philippe Godet, Souvenirs d’ enfance et de jeunesse  », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel
1065 pte rendu] Philippe Godet, Souvenirs d’enfance et de jeunesse  », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribo
1066 ppe Godet, Souvenirs d’enfance et de jeunesse  », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, avril 1929, p.
1067 det, Souvenirs d’enfance et de jeunesse  », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, avril 1929, p. 19
20 1929, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). L’ordre social. Le Libéralisme. L’inspiration (novembre 1929)
1068 Soudain il lui pousse des ailes, une grande paire d’ ailes. Allait-on s’émerveiller ? Mais déjà Freud expliquait le monstre
1069 le dénonçaient, et les précieuses trouvaient cela d’ un romantisme ! ma chère, d’un mauvais goût ! Cependant le jeune homme
1070 euses trouvaient cela d’un romantisme ! ma chère, d’ un mauvais goût ! Cependant le jeune homme agitait ses ailes non sans
1071 iles non sans une ingénue fierté. Mais au courant d’ air s’enrhuma le grand-papa. On craignit de le perdre. — « Eh ! quoi,
1072 ourant d’air s’enrhuma le grand-papa. On craignit de le perdre. — « Eh ! quoi, — vinrent lui dire ses amis, — l’orgueil t’
1073 inconsolables, ô sans cœur, ô pervers, ô disciple de Nietzsche ! » — Sous le poids de cette accusation, comment ne point c
1074 vers, ô disciple de Nietzsche ! » — Sous le poids de cette accusation, comment ne point céder : il fit couper ses ailes. O
1075 t céder : il fit couper ses ailes. On le félicita de son retour à l’état normal, qui est pédestre. Mais à partir de ce jou
1076 Dieu, dans sa pitié, leur envoya un ange porteur d’ une solution fort simple qui d’ailleurs était la bonne, car le grand R
1077 le grand Remède, c’est un Simple. Des hurlements de rage ne tardèrent point à s’élever de toutes parts. Les uns défendaie
1078 ie outragée, les autres disaient qu’il n’y a plus de morale, et ces jeunes gens ont une façon de trancher les questions qu
1079 plus de morale, et ces jeunes gens ont une façon de trancher les questions qui vous désarme. Craignant qu’on ne lui fît u
1080 nom d’une secte orientale. Aussitôt la discussion de reprendre, et l’on parla défense de l’Occident. L’ange s’enfuit par l
1081 dent. L’ange s’enfuit par l’un des nombreux trous de leurs raisonnements. L’inspiration Comme le poète terminait sa
1082 Comme le poète terminait sa théorie sur la nature de l’inspiration, un doute lui vint. Il alla au cinéma. On donnait un fi
1083 ïne, mais sans espoir. Il lui écrivit, en sortant de là, dans une crèmerie pleine de couples à la mode. Mais en écrivant i
1084 rivit, en sortant de là, dans une crèmerie pleine de couples à la mode. Mais en écrivant il pensait à une femme blonde ass
1085 Ayant demandé un timbre pour attirer l’attention de la femme blonde — sans résultat —, il écrivit une adresse réelle, et
1086 usable de la part d’un poète en état, sans doute, d’ inspiration. Je trouve dans une enveloppe qu’hier vous m’adressâtes un
1087 veloppe qu’hier vous m’adressâtes une déclaration d’ amour destinée à une femme blonde. Je suis noire. Mais je sais qui c’e
1088 tion est le nom qu’on donne en poésie à une suite de malentendus heureusement enchaînés. » Cette histoire, en effet, lui v
1089 ffet, lui valut une Muse. ab. Rougemont Denis de , « L’ordre social. Le Libéralisme. L’inspiration », Revue de Belles-L
1090  L’ordre social. Le Libéralisme. L’inspiration », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, novembre 1929,
1091 re social. Le Libéralisme. L’inspiration », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, novembre 1929, p.
21 1930, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Les soirées du Brambilla-club (mai 1930)
1092 ub (mai 1930)ac Aux Albert Béguin en souvenir de l’ombrelle rouge de Versailles. Paris la nuit oublie parfois d’être
1093 Aux Albert Béguin en souvenir de l’ombrelle rouge de Versailles. Paris la nuit oublie parfois d’être spirituelle, devient
1094 ouge de Versailles. Paris la nuit oublie parfois d’ être spirituelle, devient tragique ou tout simplement germanique. L’Al
1095 Députés, je n’en veux pas démordre, et la Légion d’ honneur — je vous la laisse, la Légion d’honneur. Quand vous prenez un
1096 a Légion d’honneur — je vous la laisse, la Légion d’ honneur. Quand vous prenez un taxi passé onze heures, c’est double tar
1097  : à côté de vous, si vous êtes seul, un fantôme, d’ office, a pris place. On lie bien vite connaissance, pourvu qu’on sach
1098 bien vite connaissance, pourvu qu’on sache un peu d’ allemand, — et l’allemand littéraire y suffit. Pour moi, je ne me sens
1099 comme j’habite l’Odéon, c’est toujours le fantôme de l’Odéon qui m’accompagne et nous ne disons presque rien, nous savons
1100 l’autre qu’aux traductions ; le reste, les livres de M. Maurois par exemple, publiés par la Revue de Belles-Lettres …………1
1101 livres de M. Maurois par exemple, publiés par la Revue de Belles-Lettres …………18 La plupart des noctambules préfèrent d’alle
1102 de M. Maurois par exemple, publiés par la Revue de Belles-Lettres …………18 La plupart des noctambules préfèrent d’aller à
1103 tres …………18 La plupart des noctambules préfèrent d’ aller à pied ; mais moi je me méfie ; se promener seul la nuit dans un
1104 ille étrangère, n’est-ce point la définition même de la luxure ? Quand je vais à pied, j’oublie en chemin les meilleures p
1105 ns une sentimentalité exquise, navrante. Il reste de s’asseoir à quelque terrasse de café pour y boire à petits coups une
1106 avrante. Il reste de s’asseoir à quelque terrasse de café pour y boire à petits coups une amertume acide et tiède comme l’
1107 acide et tiède comme l’adolescence, un désespoir de nuit d’été sous le tilleul où elle n’est pas venue… (C’est ici le lie
1108 t tiède comme l’adolescence, un désespoir de nuit d’ été sous le tilleul où elle n’est pas venue… (C’est ici le lieu de l’a
1109 lleul où elle n’est pas venue… (C’est ici le lieu de l’avouer : je ne saurais entretenir que mes rapports de politesse dis
1110 vouer : je ne saurais entretenir que mes rapports de politesse distante avec les personnes qui ont dit, ne fût-ce qu’une f
1111 e fût-ce qu’une fois en leur vie : « J’ai horreur de la sentimentalité ».) Nous voici donc en taxi, « nous deux le fantôme
1112 pas ma patrie. Ce soir-là, le fantôme ayant envie de manger ferme a donné au chauffeur l’adresse d’un ogre. C’est tout prè
1113 ie de manger ferme a donné au chauffeur l’adresse d’ un ogre. C’est tout près parce que j’ai peur. En même temps c’est très
1114 re. Déjà nous traversons la nuit rose et violette de Montparnasse. Là, l’insondable lubie d’un agent nous immobilise une m
1115 violette de Montparnasse. Là, l’insondable lubie d’ un agent nous immobilise une minute aux lisières odorantes d’une terra
1116 nous immobilise une minute aux lisières odorantes d’ une terrasse où nous voyons Charles-Albert Cingria, transfiguré par un
1117 en train de décrire à Blaise Cendrars, son voisin de table, l’arrivée des Mongols dans Paris et leurs établissements Place
1118 Mongols dans Paris et leurs établissements Place de la Concorde. Notre conteur est vêtu de la gloire d’un pourpoint « plu
1119 ents Place de la Concorde. Notre conteur est vêtu de la gloire d’un pourpoint « plus rouge que rouge ». On assure qu’il po
1120 la Concorde. Notre conteur est vêtu de la gloire d’ un pourpoint « plus rouge que rouge ». On assure qu’il possède encore
1121 l est « pittoresque », cas déplorable, s’agissant d’ un poète authentique. Le pittoresque. D’abord je crains que la notion
1122 que la notion n’en soit toute relative aux modes de « vie » bourgeois ; et puis la, comédie n’est pas mon fort, même la t
1123 u jaloux, le travail jusqu’à l’aube, la naissance d’ un visage dans ma mémoire (d’heure en heure ces yeux plus vivants…) De
1124 l’aube, la naissance d’un visage dans ma mémoire ( d’ heure en heure ces yeux plus vivants…) De là, je le suppose, une certa
1125 mémoire (d’heure en heure ces yeux plus vivants…) De là, je le suppose, une certaine misanthropie en germe : les êtres cha
1126 es êtres changent trop vite, je n’ai pas le temps de me laisser envoûter ou de les rendre esclaves, hors de quoi je ne sai
1127 e, je n’ai pas le temps de me laisser envoûter ou de les rendre esclaves, hors de quoi je ne sais pas de commerce humain q
1128 les rendre esclaves, hors de quoi je ne sais pas de commerce humain qui vaille la peine, qui vaille l’amour. Durant cette
1129 orsque l’homme, cédant à l’évidence des choses ou de l’esprit, comprend enfin qu’il est perdu, il découvre la liberté. (Je
1130 e à la boussole autant qu’au sens moral.) Le goût de se perdre est un des plus profonds mystères de notre condition, et je
1131 ût de se perdre est un des plus profonds mystères de notre condition, et je ne crois pas trop absurde d’y chercher l’origi
1132 notre condition, et je ne crois pas trop absurde d’ y chercher l’origine non seulement des passions amoureuses, mais de la
1133 igine non seulement des passions amoureuses, mais de la plupart des entreprises démesurées qu’enregistre l’Histoire, scien
1134 esurées qu’enregistre l’Histoire, science chargée d’ illustrer à ses propres yeux l’Humanité. En passant, relevons un soph
1135 à la mode, qui vient trébucher dans les méandres de notre chemin : « Il faut se perdre pour se retrouver », nous enseigne
1136 le croire M. Gide, — si pareil entre les griffes de son égoïsme à la souris qu’un chat subtil et ironique feint de lâcher
1137 e à la souris qu’un chat subtil et ironique feint de lâcher pour mieux croquer. Pourquoi ne pas se perdre sans arrière-pen
1138 urs les moins préméditées, c’est sans doute celui d’ être trouvé. J’ai toujours méprisé le geste de l’homme qui, le soir da
1139 lui d’être trouvé. J’ai toujours méprisé le geste de l’homme qui, le soir dans sa chambre d’hôtel, ferme sa porte à double
1140 le geste de l’homme qui, le soir dans sa chambre d’ hôtel, ferme sa porte à double tour. Ah ! qu’une nuit enfin, à la fave
1141 double tour. Ah ! qu’une nuit enfin, à la faveur de mon sommeil, on me vole à moi-même ! Que des êtres rêvés m’emportent 
1142 ient là où je ne sais pas que j’ai si grand désir d’ aller… Est-ce ici ? Je regarde autour de moi : des murs sans yeux domi
1143 se produire : des aboiements fous et une effusion de lumière basse, rougeoyante, campagnarde. ⁂ La sauce est au rôti ce qu
1144 Il arrive qu’on parle, en art culinaire, du style d’ un rôti, et en cuisine littéraire, de pensers mis à toutes sauces. Si
1145 re, du style d’un rôti, et en cuisine littéraire, de pensers mis à toutes sauces. Si M. Thibaudet connaissait l’hôte de cé
1146 toutes sauces. Si M. Thibaudet connaissait l’hôte de céans, il proposerait cette formule du plat idéal : Du Bos en sauce M
1147  : Du Bos en sauce Marthaler. Mais ne parlons pas de mangeaille : c’est tout de suite écœurant et prétentieux. Je suis de
1148 st tout de suite écœurant et prétentieux. Je suis de ceux qui mangent sans faire d’histoires. Je remarque simplement qu’on
1149 étentieux. Je suis de ceux qui mangent sans faire d’ histoires. Je remarque simplement qu’on n’est jamais mieux pour parler
1150 us vulgaires, libérant par là cette part gratuite de nous-mêmes qui se plaît à disserter de poésie pure. Edmond Jaloux pré
1151 t gratuite de nous-mêmes qui se plaît à disserter de poésie pure. Edmond Jaloux préside à cette agape dont il m’est imposs
1152 ux préside à cette agape dont il m’est impossible de nommer tous les officiants visibles ou virtuels, et cela pour différe
1153 e Miomandre n’est pas là. Il a téléphoné au début de l’après-midi qu’il commençait un roman. Son absence nous fera-t-elle
1154 puisqu’en ma voisine, je reconnais la Jeune fille de neige. On la sent prête à fondre de tendresse au premier regard. Mais
1155 a Jeune fille de neige. On la sent prête à fondre de tendresse au premier regard. Mais non, trop bien élevée, elle se ress
1156 le se ressaisit, pense à Genève, reprend aussitôt de la consistance, et dans son trouble apparaît toute parcourue d’adorab
1157 nce, et dans son trouble apparaît toute parcourue d’ adorables roseurs boréales. Hoffmann n’est pas là, mais bien Dollonne,
1158 . Enfin, Jean Cassou, représentant Mgr le marquis de Carabas, absent de Paris, est là. Si vous enlevez Georges Petit, égar
1159 u, représentant Mgr le marquis de Carabas, absent de Paris, est là. Si vous enlevez Georges Petit, égaré, en ayant soin d’
1160 vous enlevez Georges Petit, égaré, en ayant soin d’ ajouter ceux que j’oublie, vous obtiendrez le chiffre exact des partic
1161 culez l’âge du capitaine. Au dessert, chacun y va de son petit miracle. Jaloux et Dick conversent en danois. Quatre ancien
1162 t. À ce moment apparaît Charles Du Bos, en kimono de soie « capstan ». Il ouvre une de ces parenthèses dont il a le secret
1163 Bos, en kimono de soie « capstan ». Il ouvre une de ces parenthèses dont il a le secret, et dans laquelle la rédaction s’
1164 secret, et dans laquelle la rédaction s’empresse de faire rentrer la partie la plus incongrue de cette chronique. Enfin,
1165 esse de faire rentrer la partie la plus incongrue de cette chronique. Enfin, un Étranger raconte l’histoire suivante qui e
1166 e, et se mit à errer dans les campagnes, en quête de l’inspiration qui le fuyait. Il buvait, rêvait, dormait sous les trei
1167 a plusieurs semaines, au terme desquelles, épuisé de corps et d’âme, et n’ayant pas écrit une seule note, il se retrouva a
1168 semaines, au terme desquelles, épuisé de corps et d’ âme, et n’ayant pas écrit une seule note, il se retrouva aux portes de
1169 seule note, il se retrouva aux portes de Naples, d’ où il n’eut que la force de regagner son logis. Comme il allait y péné
1170 aux portes de Naples, d’où il n’eut que la force de regagner son logis. Comme il allait y pénétrer, il aperçut auprès du
1171 ter, sa plus belle œuvre, sur le thème des pleurs de la vieille, et mourut comme il l’achevait. ⁂ Partout où il y a de la
1172 mourut comme il l’achevait. ⁂ Partout où il y a de la musique, de l’Italie et une certaine qualité de désespoir, je retr
1173 l l’achevait. ⁂ Partout où il y a de la musique, de l’Italie et une certaine qualité de désespoir, je retrouve les contes
1174 e la musique, de l’Italie et une certaine qualité de désespoir, je retrouve les contes d’Hoffmann. Mais il s’agit de les v
1175 aine qualité de désespoir, je retrouve les contes d’ Hoffmann. Mais il s’agit de les vivre plutôt que d’en parler vous voye
1176 je retrouve les contes d’Hoffmann. Mais il s’agit de les vivre plutôt que d’en parler vous voyez bien que j’ai quitté cett
1177 ’Hoffmann. Mais il s’agit de les vivre plutôt que d’ en parler vous voyez bien que j’ai quitté cette table écroulée, dans l
1178 uillard qui cachait le front des palais, une nuit d’ hiver, je chantonnais la Barcarolle en descendant le Grand Canal, — c’
1179 s, comme tu les aimes — on n’a pas toujours envie de crâner. L’esplanade d’une petite ville de l’Allemagne du Sud, un soir
1180 on n’a pas toujours envie de crâner. L’esplanade d’ une petite ville de l’Allemagne du Sud, un soir de mai. Il y a dans le
1181 s envie de crâner. L’esplanade d’une petite ville de l’Allemagne du Sud, un soir de mai. Il y a dans les marronniers noirs
1182 d’une petite ville de l’Allemagne du Sud, un soir de mai. Il y a dans les marronniers noirs des lampions et des touffes de
1183 les marronniers noirs des lampions et des touffes de gamins qui regardent avec la bouche ce qui se passe à l’intérieur d’u
1184 dent avec la bouche ce qui se passe à l’intérieur d’ une enceinte de toiles tendues au-devant d’un petit théâtre. La rampe
1185 uche ce qui se passe à l’intérieur d’une enceinte de toiles tendues au-devant d’un petit théâtre. La rampe est d’un bleu s
1186 érieur d’une enceinte de toiles tendues au-devant d’ un petit théâtre. La rampe est d’un bleu stellaire, un bleu d’Aldébara
1187 endues au-devant d’un petit théâtre. La rampe est d’ un bleu stellaire, un bleu d’Aldébaran. On joue Rose de Tannenbourg, d
1188 héâtre. La rampe est d’un bleu stellaire, un bleu d’ Aldébaran. On joue Rose de Tannenbourg, drame en 15 tableaux, un prolo
1189 arton des armures sonne sourdement sous les coups d’ un Kühnrich à la basse rugissante, plus traître que nature avec sa lar
1190 e avec sa large face mangée par une barbe en crin de cheval du diable. L’héroïne est belle comme une ballade de Bürger, ta
1191 du diable. L’héroïne est belle comme une ballade de Bürger, tandis qu’elle arrose de ses larmes le seuil de la prison pat
1192 omme une ballade de Bürger, tandis qu’elle arrose de ses larmes le seuil de la prison paternelle, tout en coulant un clin
1193 ger, tandis qu’elle arrose de ses larmes le seuil de la prison paternelle, tout en coulant un clin d’œil assassin vers le
1194 ant un clin d’œil assassin vers le parterre agité de passions contradictoires. Durant les entractes, une fanfare de paysan
1195 ontradictoires. Durant les entractes, une fanfare de paysans bleu de roi joue sur un rythme impeccable, avec toujours les
1196 Durant les entractes, une fanfare de paysans bleu de roi joue sur un rythme impeccable, avec toujours les mêmes notes fêlé
1197 es fêlées et l’accompagnement dans les feuillages de voix fausses mais aériennes, des chansons populaires qui sont ce que
1198 nuit est chaude sur les collines. Un grand verre de bière à l’auberge déserte, ma pipe et mon chien qui bougonne. La peti
1199 dans la mansarde, et qui n’a pas peur… ⁂ Le reste de la vie, c’est toujours entre deux voyages d’Allemagne. Cela se passe
1200 este de la vie, c’est toujours entre deux voyages d’ Allemagne. Cela se passe actuellement dans un hôtel tragi-comique en c
1201 en cinq étages et un prologue ou vestibule, plein de bruits de lavabos et de coups de cloche débile au corridor, — à Paris
1202 ages et un prologue ou vestibule, plein de bruits de lavabos et de coups de cloche débile au corridor, — à Paris. Bientôt…
1203 logue ou vestibule, plein de bruits de lavabos et de coups de cloche débile au corridor, — à Paris. Bientôt… Mais il est
1204 vestibule, plein de bruits de lavabos et de coups de cloche débile au corridor, — à Paris. Bientôt… Mais il est temps de
1205 corridor, — à Paris. Bientôt… Mais il est temps de mettre à ces fariboles un terme19. J’ai du solide à équarrir. Et aupa
1206 la R.) 19. L’auteur nous promet pour le numéro 6 de nouveaux détails apocryphes. (N. de la R.) ac. Rougemont Denis de,
1207 apocryphes. (N. de la R.) ac. Rougemont Denis de , « Les soirées du Brambilla-club », Revue de Belles-Lettres, Lausanne
1208 mont Denis de, « Les soirées du Brambilla-club », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, mai 1930, p. 1
1209 enis de, « Les soirées du Brambilla-club », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, mai 1930, p. 160-
22 1930, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Le Grand Testament de Villon, illustré par Marcel North (juin 1930)
1210 Le Grand Testament de Villon, illustré par Marcel North (juin 1930)ad Marcel North a tro
1211 qui ne ressemble qu’à sa fantaisie : la précision de son trait cerne une poésie ingénue, à la fois drue et délicate comme
1212 aiment « naïf ». La fleur qui croît en plein cœur de celui qui est mort d’amour, une âme qui s’envole par la bouche, des f
1213 eur qui croît en plein cœur de celui qui est mort d’ amour, une âme qui s’envole par la bouche, des formes aériennes qui vo
1214 si naturelle qu’on ne peut s’y tromper : la grâce de l’enfance anime encore cette imagination, guide encore cette main déj
1215 e. Ce que j’aime ici, c’est un ravissant concours d’ ingénuité et d’observation ironique, et cette netteté que les primitif
1216 e ici, c’est un ravissant concours d’ingénuité et d’ observation ironique, et cette netteté que les primitifs savent allier
1217 ns ces compositions parmi les allégories barbares d’ un ciel bon enfant, et dans ce truculent petit monde, Marcel North et
1218 larrons en foire. Certes, l’amertume douloureuse de Villon se mue souvent dans la traduction de North en acidité légère d
1219 reuse de Villon se mue souvent dans la traduction de North en acidité légère de fruit vert, mais on n’ose reprocher à ces
1220 ent dans la traduction de North en acidité légère de fruit vert, mais on n’ose reprocher à ces images ce qu’elles ont d’un
1221 s on n’ose reprocher à ces images ce qu’elles ont d’ un peu grêle : leur jeunesse… Et si la composition s’amuse parfois à b
1222  à côté de parfaites réussites — , voici, partout d’ adorables inventions de détails qui se cachent dans les coins, bonshom
1223 ussites — , voici, partout d’adorables inventions de détails qui se cachent dans les coins, bonshommes, fleurettes drôles,
1224 t ce violoneux qui tire son archet sur des rayons de soleil… Bravo, Marcel, v’là le printemps ! ad. Rougemont Denis de,
1225 arcel, v’là le printemps ! ad. Rougemont Denis de , «  Le Grand Testament de Villon, illustré par Marcel North », Revue
1226 ad. Rougemont Denis de, «  Le Grand Testament de Villon, illustré par Marcel North », Revue de Belles-Lettres, Lausann
1227 Testament de Villon, illustré par Marcel North », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, juin 1930, p. 
1228 ent de Villon, illustré par Marcel North », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, juin 1930, p. 204
23 1932, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). La pluie et le beau temps (Dialogue dans une tête) (1932)
1229 mes soient coquettes à les faire doucement frémir de rage ; ils aiment s’obstiner et c’est pourquoi nous aimons leur échap
1230 tes bien injuste avec moi quand vous me reprochez d’ être méchante : je suis à peine coquette, et vous savez que c’est un p
1231 sont pas pour les oreilles, mais pour les lèvres de ceux qui vous aiment. Car elles sont insensées, mais comme des baiser
1232 ent à peu près à ceci : Êtes-vous un être capable d’ aimer, ou seulement une apparence adorable ? Et voici cette question :
1233 éférez l’un à l’autre ? Sonnette. — Petite leçon de météorologie sentimentale. Comme vous êtes un profond pédant, dans ci
1234 vous admettez que « beau » temps est le contraire de « mauvais » temps, et vous n’avez jamais cherché ce que doit être le
1235 de la souffrance, et même qu’il est le contraire de la souffrance. C’est pourquoi vos rêves composent toujours le même pa
1236 quoi vos rêves composent toujours le même paysage de carte postale en couleurs, idéal inévitable de ceux qui n’ont pas de
1237 ge de carte postale en couleurs, idéal inévitable de ceux qui n’ont pas de point de vue sur le beau temps. Écoutez-moi bie
1238 couleurs, idéal inévitable de ceux qui n’ont pas de point de vue sur le beau temps. Écoutez-moi bien, Sonnette : Vos acti
1239 te : Vos actions et vos pensées, votre conception de l’amour se réfèrent en vérité à une carte postale en couleurs. Et non
1240 (Un silence.)   Sans doute, Sonnette, portez-vous de ces courtes bottes vernies, quand il pleut ? Sonnette. — Quand j’éta
1241 s jambes nues sous la pluie. L’herbe était pleine de sales limaces et de petits escargots, et les framboises humides avaie
1242 a pluie. L’herbe était pleine de sales limaces et de petits escargots, et les framboises humides avaient un délicieux goût
1243 t un délicieux goût fade. Je rentrais toute fière de mes genoux griffés comme ceux des garçons, et le soir quand on me fai
1244 ens sont toujours religieux, alors que les femmes de ce temps sont seulement sournoises. Sonnette. — Lord Artur, vous m’a
1245 re jaloux ce soir. Quand vous cédez à votre manie de remuer des métaphysiques à propos de petits riens, c’est toujours par
1246 Je regrette profondément que vous n’ayez pas plus de sens qu’un oiseau. Sonnette, si vous étiez païenne ou si vous étiez c
1247 votre « bonheur » rien de plus que l’un des noms de sa présence. Mais un jour la lumière est morte autour de nous, elle e
1248 e à la surface des choses pour renaître au centre de l’homme. Et, dès lors, de tous les événements qui paraissent autour d
1249 pour renaître au centre de l’homme. Et, dès lors, de tous les événements qui paraissent autour de nous, aucun n’importe, s
1250 lui qui dans le même temps se passe à l’intérieur d’ un être. Ainsi tout est changé, mais peu le savent. Peu savent le chem
1251 e chemin qui va du signe à l’être. Longues pluies de printemps sur la campagne recueillie, tempêtes sur les pentes, — beau
1252 recueillie, tempêtes sur les pentes, — beau temps de la présence. Car tu sais pour quel « bien » désiré tu les aimes ; mai
1253 » désiré tu les aimes ; mais tu sais qu’au soleil de l’aube aussi d’autres fois tu l’as possédé. Tu comprends maintenant q
1254 se situe leur lieu, établis en ce lieu la demeure de tes pensées. Ainsi, nous dit la Fable, fit Myscille, habitant d’Argo
1255 Ainsi, nous dit la Fable, fit Myscille, habitant d’ Argos. N’ayant pu débrouiller le sens de l’Oracle qui lui avait dit d’
1256 habitant d’Argos. N’ayant pu débrouiller le sens de l’Oracle qui lui avait dit d’aller bâtir une ville là où il trouverai
1257 débrouiller le sens de l’Oracle qui lui avait dit d’ aller bâtir une ville là où il trouverait la pluie et le beau temps, i
1258 isane qui pleurait ; et en ce lieu bâtit la ville de Crotone. Sonnette. — J’aime vos histoires, Lord Artur. (Un temps.)
1259 i me réchauffe. Parce qu’elle se tient là « vêtue de son péché », — comme une courtisane. Mais vous n’êtes qu’une petite f
1260 es qu’une petite fille.20 20. [Note à l’achevé d’ imprimé :] « Relativement à « La pluie et le beau temps » de Salomon d
1261 :] « Relativement à « La pluie et le beau temps » de Salomon de Crac, tous droits demeurent réservés par Denis de Rougemon
1262 urent réservés par Denis de Rougemont, à la suite d’ une entente formelle avec les héritiers du baron de Crac, représentés
1263 ris), fin septembre 1931. » ae. Rougemont Denis de , « La pluie et le beau temps (Dialogue dans une tête) », Revue de Bel
1264 luie et le beau temps (Dialogue dans une tête) », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, 1932, p. 56-59
1265 t le beau temps (Dialogue dans une tête) », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, 1932, p. 56-59.
24 1933, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Petites notes sur les vérités éternelles (1932-1933)
1266 nelles (1932-1933)ag La lecture du bel article de M. Arnold Reymond, paru dans votre n° 1, me met la plume à la main. V
1267 M. Reymond, je le crois, ne m’en voudra pas trop de leur vivacité : il connaît bien les Neuchâtelois, qui l’ont beaucoup
1268 beaucoup aimé ; il sait que ces Neuchâtelois sont d’ infatigables ergoteurs. Pour la commodité du lecteur, je recopie les p
1269 ls s’attachent mes gloses. Je m’excuse par avance de l’avantage que je m’accorde en détachant ainsi des phrases du context
1270 s si j’adoptais une autre méthode, les dimensions de la Revue n’y suffiraient plus — ni la patience du lecteur à mon endro
1271 ’adoptais une autre méthode, les dimensions de la Revue n’y suffiraient plus — ni la patience du lecteur à mon endroit, je le
1272 ur à mon endroit, je le crains… 1. S’il n’y a pas de vérité absolue, en ce sens que tout jugement tenu pour vrai peut être
1273 rai peut être modifié ou complété, les conditions de la vérité sont, elles, immuables et éternelles… (p. 12). Les conditi
1274 immuables et éternelles… (p. 12). Les conditions de la vérité sont donc éternelles (p. 13). Les philosophes, de tout temp
1275 té sont donc éternelles (p. 13). Les philosophes, de tout temps, ont montré du goût pour une certaine continuité, une cert
1276 ies. La critique postkantienne ayant fait justice de certaines prétentions, survivantes chez certains penseurs, à connaîtr
1277 , survivantes chez certains penseurs, à connaître d’ une vérité absolue, on put se demander si la philosophie n’allait pas
1278 la « discipline » ? Et d’ailleurs, une démission de la philosophie eût impliqué, au concret, la démission réelle de tous
1279 hie eût impliqué, au concret, la démission réelle de tous les professeurs de philosophie, à quoi personne ne peut songer s
1280 cret, la démission réelle de tous les professeurs de philosophie, à quoi personne ne peut songer sérieusement. On trouva d
1281 ils ne tardèrent pas à trouver dans la forme même de l’esprit créateur de systèmes. Depuis lors on nous parle du créé et d
1282 à trouver dans la forme même de l’esprit créateur de systèmes. Depuis lors on nous parle du créé et du créant. Mais nous v
1283 nous importe les « conditions » purement logiques d’ une vérité, qui, à nos yeux, demeure constamment jugée par une réalité
1284 a logique même. Ce sont les conditions actuelles de la vérité qui nous posent un problème, et non pas ses conditions « ét
1285 pensons pas qu’il y ait lieu pour un philosophe, d’ être rassuré par la découverte de telles conditions. Elles constituero
1286 r un philosophe, d’être rassuré par la découverte de telles conditions. Elles constitueront peut-être la dogmatique laïque
1287 lles constitueront peut-être la dogmatique laïque de la philosophie des sciences, durant quelques années encore. Mais ce n
1288 e. Mais ce n’est pas, comme certains le répètent, d’ une dogmatique que nous avons besoin. Ce n’est pas d’une systématique,
1289 ne dogmatique que nous avons besoin. Ce n’est pas d’ une systématique, d’ailleurs déduite a posteriori. Ce n’est pas d’une
1290 ue, d’ailleurs déduite a posteriori. Ce n’est pas d’ une méthode de correction, ou d’assurances contre les paradoxes de l’e
1291 déduite a posteriori. Ce n’est pas d’une méthode de correction, ou d’assurances contre les paradoxes de l’existence. Ce q
1292 ori. Ce n’est pas d’une méthode de correction, ou d’ assurances contre les paradoxes de l’existence. Ce que nous demandons
1293 correction, ou d’assurances contre les paradoxes de l’existence. Ce que nous demandons à la philosophie, c’est de mettre
1294 ce. Ce que nous demandons à la philosophie, c’est de mettre en forme une problématique réelle, existentielle, la problémat
1295 lématique réelle, existentielle, la problématique de la vie de l’homme en 1933, assumée dans ses aspects les plus scandale
1296 réelle, existentielle, la problématique de la vie de l’homme en 1933, assumée dans ses aspects les plus scandaleux, les pl
1297 ux principe du tiers exclu est nié par l’angoisse de tout homme qui tente d’assumer son moi contradictoire pour le mettre
1298 lu est nié par l’angoisse de tout homme qui tente d’ assumer son moi contradictoire pour le mettre aux ordres de la foi. C’
1299 son moi contradictoire pour le mettre aux ordres de la foi. C’est une colle de scolastiques ; elle alimentera quelque tem
1300 r le mettre aux ordres de la foi. C’est une colle de scolastiques ; elle alimentera quelque temps encore les jeux de socié
1301 s ; elle alimentera quelque temps encore les jeux de société des congrès de mathématiciens et de logisticiens ; et pendant
1302 lque temps encore les jeux de société des congrès de mathématiciens et de logisticiens ; et pendant ce temps, c’est à la t
1303 jeux de société des congrès de mathématiciens et de logisticiens ; et pendant ce temps, c’est à la théologie que nous iro
1304 mps, c’est à la théologie que nous irons demander de la pensée, c’est-à-dire de la pensée créatrice, c’est-à-dire de la pe
1305 ue nous irons demander de la pensée, c’est-à-dire de la pensée créatrice, c’est-à-dire de la pensée obéissante : car il n’
1306 c’est-à-dire de la pensée créatrice, c’est-à-dire de la pensée obéissante : car il n’est d’action véritable que celle de l
1307 est-à-dire de la pensée obéissante : car il n’est d’ action véritable que celle de la foi, lorsque « mettant les pouces »,
1308 sante : car il n’est d’action véritable que celle de la foi, lorsque « mettant les pouces », je me rends à son ordre. 2. O
1309 st-elle suffisamment expliquée par l’insuffisance de la pensée ancienne ? Les historiens le croient volontiers. Mais on ne
1310 Mais on ne saurait dire qu’ils témoignent par là de beaucoup de respect pour la vérité créatrice. Non, notre adhésion à B
1311 ce. Non, notre adhésion à Barth n’est pas le fait de la mauvaise humeur et de la mauvaise conscience que fomentèrent en no
1312 Barth n’est pas le fait de la mauvaise humeur et de la mauvaise conscience que fomentèrent en nous les démissions systéma
1313 fomentèrent en nous les démissions systématiques de l’historicisme et du psychologisme. Le secret de notre adhésion à Bar
1314 de l’historicisme et du psychologisme. Le secret de notre adhésion à Barth est dans la pensée de Barth elle-même, et non
1315 cret de notre adhésion à Barth est dans la pensée de Barth elle-même, et non pas dans je ne sais quelle « réaction ». Et c
1316 Barth, croyons-nous, n’a jamais proposé ni prôné de dogmes « si possible immuables » (p. 14). On pourrait dire qu’il fait
1317 le contraire. Il nous ramène sans cesse à l’état de pauvreté (pauvreté en esprit, absence de toute assurance extérieure,
1318 à l’état de pauvreté (pauvreté en esprit, absence de toute assurance extérieure, dénuement, vision absolument sobre et dés
1319 uement, vision absolument sobre et désillusionnée de la condition humaine) qui est l’état dans lequel la vérité ne peut op
1320 istence que par un choix, une décision, — un acte d’ obéissance à l’ordre « tombé du ciel ». Comment parler de la « restaur
1321 sance à l’ordre « tombé du ciel ». Comment parler de la « restauration intégrale d’une dogmatique appartenant aux siècles
1322  ». Comment parler de la « restauration intégrale d’ une dogmatique appartenant aux siècles passés » (p. 14), à propos d’un
1323 s les « formules », en même temps que la critique de ces rites et de ces formules, toutes les idolâtries, que ce soit la c
1324  », en même temps que la critique de ces rites et de ces formules, toutes les idolâtries, que ce soit la croyance antique
1325 moderne et non moins païenne à la valeur absolue de la logique, de l’histoire et des méthodes critiques de M. Goguel ? 3.
1326 moins païenne à la valeur absolue de la logique, de l’histoire et des méthodes critiques de M. Goguel ? 3. Si notre civil
1327 logique, de l’histoire et des méthodes critiques de M. Goguel ? 3. Si notre civilisation chrétienne n’est pas détruite pa
1328 en approfondissant et en élargissant son horizon de pensée. Peut-on dire que notre civilisation soit chrétienne ? Peut-o
1329 Peut-on dire que pour le chrétien la perspective d’ un nouveau progrès, d’une « marche en avant » de la civilisation capit
1330 le chrétien la perspective d’un nouveau progrès, d’ une « marche en avant » de la civilisation capitaliste-bourgeoise-nati
1331 e d’un nouveau progrès, d’une « marche en avant » de la civilisation capitaliste-bourgeoise-nationaliste fournisse une rai
1332 iste-bourgeoise-nationaliste fournisse une raison de se montrer optimiste ? Devant des mots comme « approfondissement » ou
1333 comme « approfondissement » ou « élargissement » de notre horizon de pensée, nous demandons passionnément et lourdement c
1334 dissement » ou « élargissement » de notre horizon de pensée, nous demandons passionnément et lourdement ce que cela peut b
1335 cret. Ce que cela veut dire. C’est une des leçons de la guerre. Notre refus est instinctif devant un avenir, un espoir, un
1336 inis. Car là où la pensée n’a rien osé distinguer de précis, c’est là que l’action des hommes devient folle et meurtrière.
1337 folle et meurtrière. 4. Il me semble que la tâche de la théologie protestante à l’heure actuelle est de dégager, dans un e
1338 e la théologie protestante à l’heure actuelle est de dégager, dans un esprit de libre recherche et de respect pour le pass
1339 à l’heure actuelle est de dégager, dans un esprit de libre recherche et de respect pour le passé, les invariants chrétiens
1340 de dégager, dans un esprit de libre recherche et de respect pour le passé, les invariants chrétiens tels que le développe
1341 es invariants chrétiens tels que le développement de la pensée moderne nous aide en toute loyauté à les affirmer (p. 16).
1342 6). Pourquoi ai-je envie, dans une telle phrase, de remplacer « libre recherche » par « obéissance », — « respect pour le
1343 ct pour les données présentes » — « développement de la pensée moderne » par « approfondissement de la pensée paulinienne,
1344 nt de la pensée moderne » par « approfondissement de la pensée paulinienne, calvinienne, luthérienne, kierkegaardienne, di
1345 s pourraient bien apparaître comme les constantes de déformation de l’Évangile au contact des humains. Et puis, que ferion
1346 en apparaître comme les constantes de déformation de l’Évangile au contact des humains. Et puis, que ferions-nous en atten
1347 rriverait-il si le résultat en était par exemple, de démontrer que tel « invariant chrétien » est toute autre chose que l’
1348 faut poser si l’on veut réellement se tirer hors d’ une confusion sans précédent — d’une confusion dont le profit ne sera
1349 nt se tirer hors d’une confusion sans précédent — d’ une confusion dont le profit ne sera jamais pour la foi. Car l’opérati
1350 rofit ne sera jamais pour la foi. Car l’opération de la foi ne relève pas d’un « invariant », connu ou inconnu, passé ou à
1351 r la foi. Car l’opération de la foi ne relève pas d’ un « invariant », connu ou inconnu, passé ou à venir, mais bien d’un o
1352  », connu ou inconnu, passé ou à venir, mais bien d’ un ordre, reçu hic et nunc, et d’une présence, qui juge tout. ag. R
1353 venir, mais bien d’un ordre, reçu hic et nunc, et d’ une présence, qui juge tout. ag. Rougemont Denis de, « Petites note
1354 e présence, qui juge tout. ag. Rougemont Denis de , « Petites notes sur les vérités éternelles », Revue de Belles-Lettre
1355 de, « Petites notes sur les vérités éternelles », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, 1932–1933, p. 
1356 Petites notes sur les vérités éternelles », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, 1932–1933, p. 55-
25 1935, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). René Guisan : un clerc (1935)
1357 n vrai clerc. Non pas cet être détaché, déraciné, de pure raison, que l’auteur d’un pamphlet fameux voulait nous donner po
1358 e détaché, déraciné, de pure raison, que l’auteur d’ un pamphlet fameux voulait nous donner pour modèle du clerc qui ne tra
1359 i ne trahit pas. Mais une figure presque parfaite d’ intellectuel en action, d’homme qui pense ce qu’il fait, qui fait ce q
1360 figure presque parfaite d’intellectuel en action, d’ homme qui pense ce qu’il fait, qui fait ce qu’il pense. Nous manquons
1361 i fait ce qu’il pense. Nous manquons terriblement de tels hommes, en Suisse romande. Nous manquons terriblement de ce sens
1362 es, en Suisse romande. Nous manquons terriblement de ce sens de la culture qu’incarnait à mes yeux René Guisan, lorsque je
1363 se romande. Nous manquons terriblement de ce sens de la culture qu’incarnait à mes yeux René Guisan, lorsque je le voyais
1364 bibliothèque immense et qu’il me parlait avec feu d’ actions réelles dont il était l’âme et l’agent, non pas en « homme d’a
1365 ont il était l’âme et l’agent, non pas en « homme d’ action » — cette sotte espèce américaine — mais en homme de pensée agi
1366 » — cette sotte espèce américaine — mais en homme de pensée agissante. Nous méprisons trop facilement la culture au nom de
1367 ns doute parce que nous avons connu quelques rats de bibliothèque qui méprisaient trop facilement l’action au nom de la cu
1368 ien dès l’instant qu’on les sépare et qu’on cesse de les mettre en tension. Il n’est d’action créatrice que soumise à la l
1369 et qu’on cesse de les mettre en tension. Il n’est d’ action créatrice que soumise à la loi d’une pensée rigoureuse ; il n’e
1370 Il n’est d’action créatrice que soumise à la loi d’ une pensée rigoureuse ; il n’est de pensée saine qu’engagée dans une œ
1371 umise à la loi d’une pensée rigoureuse ; il n’est de pensée saine qu’engagée dans une œuvre efficace, au sein de contingen
1372 es évidences fondamentales et sans cesse oubliées de nos jours, je ne les ai vues vraiment vécues chez nous que par cet ho
1373 plus utilement critique si vous alliez lui parler d’ un projet, d’une œuvre en cours, des circonstances d’une humble vie. I
1374 t critique si vous alliez lui parler d’un projet, d’ une œuvre en cours, des circonstances d’une humble vie. Il faut décrir
1375 n projet, d’une œuvre en cours, des circonstances d’ une humble vie. Il faut décrire ces éléments de sa « personne » en ter
1376 es d’une humble vie. Il faut décrire ces éléments de sa « personne » en termes d’apparence paradoxale : le secret de son œ
1377 ne » en termes d’apparence paradoxale : le secret de son œuvre résidait sans doute dans l’union vibrante qu’il incarnait,
1378 sans doute dans l’union vibrante qu’il incarnait, de qualités qui ont coutume, ailleurs, de se gêner mutuellement. Son éru
1379 incarnait, de qualités qui ont coutume, ailleurs, de se gêner mutuellement. Son érudition magnifique ne se limitait pas au
1380 aux livres : elle embrassait aussi les incidents de la moindre paroisse « libriste » du canton de Vaud. Son sens aigu de
1381 nts de la moindre paroisse « libriste » du canton de Vaud. Son sens aigu de la qualité intellectuelle, sa rigueur critique
1382 sse « libriste » du canton de Vaud. Son sens aigu de la qualité intellectuelle, sa rigueur critique ne l’empêchaient nulle
1383 e, sa rigueur critique ne l’empêchaient nullement de se passionner pour les « problèmes » souvent si vagues qui peuplent u
1384 roblèmes » souvent si vagues qui peuplent une âme d’ unioniste romand. Vraiment, le souvenir d’une influence et d’une prése
1385 une âme d’unioniste romand. Vraiment, le souvenir d’ une influence et d’une présence aussi directes et essentielles doit no
1386 romand. Vraiment, le souvenir d’une influence et d’ une présence aussi directes et essentielles doit nous interdire désorm
1387 tes et essentielles doit nous interdire désormais de considérer que l’esprit est une faculté détachée, un refuge hors de l
1388 semble que c’est la leçon que nous devons prendre de sa vie : la leçon toute goethéenne du clerc qui sert sans rien trahir
1389 ute goethéenne du clerc qui sert sans rien trahir de la primauté de l’esprit. Peut-être que le seul chrétien peut comprend
1390 du clerc qui sert sans rien trahir de la primauté de l’esprit. Peut-être que le seul chrétien peut comprendre, existentiel
1391 comprendre, existentiellement, que cette exigence de service, cet abaissement de la pensée aux choses, cet acte de présenc
1392 t, que cette exigence de service, cet abaissement de la pensée aux choses, cet acte de présence au monde est l’achèvement
1393 cet abaissement de la pensée aux choses, cet acte de présence au monde est l’achèvement suprême, et non l’humiliation du s
1394 ’humiliation du spirituel. ah. Rougemont Denis de , « René Guisan : un clerc », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâ
1395 Rougemont Denis de, « René Guisan : un clerc », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, 1935, p. 25-26
1396 emont Denis de, « René Guisan : un clerc », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, 1935, p. 25-26.
1397 éro, appartenant à la série annuelle 1932-1933, a de fait paru en 1935.
26 1938, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Le Poète et le Vilain (novembre 1938)
1398 le Vilain (novembre 1938)aj ak Le poète disait d’ une belle voix d’amertume : — Nous n’avons plus guère de mesures pour
1399 re 1938)aj ak Le poète disait d’une belle voix d’ amertume : — Nous n’avons plus guère de mesures pour les choses divine
1400 belle voix d’amertume : — Nous n’avons plus guère de mesures pour les choses divines et humaines, si nous savons peser d’i
1401 choses divines et humaines, si nous savons peser d’ invisibles rayons d’énergie. Nos codes ne prévoient pas que l’assassin
1402 umaines, si nous savons peser d’invisibles rayons d’ énergie. Nos codes ne prévoient pas que l’assassin d’un noble sera pun
1403 nergie. Nos codes ne prévoient pas que l’assassin d’ un noble sera puni plus sévèrement que n’eût été ce noble assassinant
1404 n serf. Même l’indulgence pour les riches a cessé d’ être bien certaine. Tout homme en vaut un autre, dit la loi ; et ce re
1405 a loi ; et ce respect vulgarisé touche au mépris. De là vient que le meurtrier tantôt est acquitté, tantôt décapité. Vous
1406 yez qu’on oscille du tout au rien, selon l’humeur d’ un jury d’ailleurs désigné par le sort. Il n’en fut pas toujours ainsi
1407 en fut pas toujours ainsi. Jusqu’au viiie siècle de notre ère, les bardes celtes étaient honorés chez les rois. Tenez, li
1408 ire le prix qu’on doit payer quand on le tue, est de 126 vaches ; et en cas d’insulte, on lui doit une indemnité de 6 vach
1409 er quand on le tue, est de 126 vaches ; et en cas d’ insulte, on lui doit une indemnité de 6 vaches et 20 pièces d’argent. 
1410  ; et en cas d’insulte, on lui doit une indemnité de 6 vaches et 20 pièces d’argent. » Ailleurs, on voit que si le barde a
1411 n lui doit une indemnité de 6 vaches et 20 pièces d’ argent. » Ailleurs, on voit que si le barde adresse une requête au roi
1412 ureux ceux qui ont une grande faim, c’est à cause d’ eux qu’il y a de grandes œuvres. Car le vilain qui n’a rien à donner,
1413 nt une grande faim, c’est à cause d’eux qu’il y a de grandes œuvres. Car le vilain qui n’a rien à donner, c’est lui qui vo
1414 nera la joie du chant, plus précieuse que l’objet de vos requêtes au roi. — Oui, dit le poète, mais sans nobles, sans rois
1415 t-il y avoir des vilains ? aj. Rougemont Denis de , « Le Poète et le Vilain », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchât
1416 . Rougemont Denis de, « Le Poète et le Vilain », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, novembre 1938,
1417 gemont Denis de, « Le Poète et le Vilain », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, novembre 1938, p.
1418 te introductive précise : « Nous avons le plaisir de publier en tête de ce numéro une page inédite de Denis de Rougemont,
1419 cise : « Nous avons le plaisir de publier en tête de ce numéro une page inédite de Denis de Rougemont, qu’il a bien voulu
1420 de publier en tête de ce numéro une page inédite de Denis de Rougemont, qu’il a bien voulu extraire pour nous d’un ouvrag
1421 Rougemont, qu’il a bien voulu extraire pour nous d’ un ouvrage qu’il prépare et qu’il intitulera Doctrine fabuleuse . »
27 1968, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Hölderlin dans le souvenir des noms splendides (1968)
1422 oublié ? Un « ton fondamental » ? Des mouvements de mots ? ou seulement un désir différent de tout autre désir auparavant
1423 vements de mots ? ou seulement un désir différent de tout autre désir auparavant connu de le revivre, ce poème, de le reli
1424 ir différent de tout autre désir auparavant connu de le revivre, ce poème, de le relire en sa mémoire, de le recomposer co
1425 e désir auparavant connu de le revivre, ce poème, de le relire en sa mémoire, de le recomposer contre l’oubli comme son au
1426 le revivre, ce poème, de le relire en sa mémoire, de le recomposer contre l’oubli comme son auteur l’avait écrit contre l’
1427 ui émeut quand plus rien n’est là ? Je ne gardais de Hölderlin que des souvenirs d’élans ou d’amples chutes, de rythmes br
1428 là ? Je ne gardais de Hölderlin que des souvenirs d’ élans ou d’amples chutes, de rythmes brisés, de noms grecs, d’éclats d
1429 gardais de Hölderlin que des souvenirs d’élans ou d’ amples chutes, de rythmes brisés, de noms grecs, d’éclats de lumière é
1430 lin que des souvenirs d’élans ou d’amples chutes, de rythmes brisés, de noms grecs, d’éclats de lumière élevés dans l’imme
1431 rs d’élans ou d’amples chutes, de rythmes brisés, de noms grecs, d’éclats de lumière élevés dans l’immense paysage intérie
1432 ’amples chutes, de rythmes brisés, de noms grecs, d’ éclats de lumière élevés dans l’immense paysage intérieur. Ou moins en
1433 hutes, de rythmes brisés, de noms grecs, d’éclats de lumière élevés dans l’immense paysage intérieur. Ou moins encore, que
1434 labes et des tirets remplaçant le début ou la fin d’ un verset, appels nostalgiquement privés de sens à cause de tant d’ann
1435 la fin d’un verset, appels nostalgiquement privés de sens à cause de tant d’années d’oubli, pensais-je. Je notais quelquef
1436 ls nostalgiquement privés de sens à cause de tant d’ années d’oubli, pensais-je. Je notais quelquefois ces fragments mémora
1437 giquement privés de sens à cause de tant d’années d’ oubli, pensais-je. Je notais quelquefois ces fragments mémorables pour
1438 quelquefois ces fragments mémorables pour essayer d’ en retrouver le complément, fût-ce par la suggestion de l’arrangement
1439 retrouver le complément, fût-ce par la suggestion de l’arrangement graphique. Ainsi quelques départs : Feiern möcht ich,
1440 r unserer Seele beginnt. Je retrouvais sans trop de lacunes deux quatrains d’une déchirante simplicité, que j’avais tradu
1441 Je retrouvais sans trop de lacunes deux quatrains d’ une déchirante simplicité, que j’avais traduits à vingt ans : Die Lini
1442 rtaines coupes du verset, ces attaques identiques de deux des grands poèmes de la folie : Nah ist Und schwer zu fassen de
1443 ces attaques identiques de deux des grands poèmes de la folie : Nah ist Und schwer zu fassen der Gott21 Reif sind, in Fe
1444 nt absence du son, du sens, mais sourde pulsation d’ un blanc, d’un vide. « Énigme, ce qui naît d’un jaillissement pur ! Et
1445 u son, du sens, mais sourde pulsation d’un blanc, d’ un vide. « Énigme, ce qui naît d’un jaillissement pur ! Et par le chan
1446 tion d’un blanc, d’un vide. « Énigme, ce qui naît d’ un jaillissement pur ! Et par le chant lui-même à peine dévoilé ». Gro
1447 par le chant lui-même à peine dévoilé ». Groupes de mots émergeant de la mémoire comme de l’Égée vineuse ces îles de l’Ar
1448 même à peine dévoilé ». Groupes de mots émergeant de la mémoire comme de l’Égée vineuse ces îles de l’Archipel, témoins de
1449  ». Groupes de mots émergeant de la mémoire comme de l’Égée vineuse ces îles de l’Archipel, témoins de quelque immense Hes
1450 nt de la mémoire comme de l’Égée vineuse ces îles de l’Archipel, témoins de quelque immense Hespérie effondrée mais dont l
1451 de l’Égée vineuse ces îles de l’Archipel, témoins de quelque immense Hespérie effondrée mais dont les noms, par cette voix
1452 coup m’était restitué L’enthousiasme errant, fils de la belle Nuit 24. Nuit blanche, nuit d’un bleu doré lunaire — négatif
1453 ant, fils de la belle Nuit 24. Nuit blanche, nuit d’ un bleu doré lunaire — négatif de cet azur noir du plein midi sur les
1454 it blanche, nuit d’un bleu doré lunaire — négatif de cet azur noir du plein midi sur les Cyclades. Mais Hölderlin n’a jama
1455 s au-delà des accidents remémorés, qu’en était-il de la substance des grands poèmes ? L’émotion rénovée par ces fragments
1456 ces fragments — départs, invocations, noms sacrés de l’Ionie — était-elle plus pure et plus vraie, plus efficace que le di
1457 dans le texte, émergeant comme des îles du blanc de la page, et parfois prolongés par une suite de tirets signalant des r
1458 nc de la page, et parfois prolongés par une suite de tirets signalant des reliefs sous-marins25. En cherchant à les complé
1459 ne faisais pas autre chose que le poète à partir d’ un signe, d’un nom, d’une lumière de l’Hellade imaginée. Se souvenir a
1460 pas autre chose que le poète à partir d’un signe, d’ un nom, d’une lumière de l’Hellade imaginée. Se souvenir ainsi de Höld
1461 chose que le poète à partir d’un signe, d’un nom, d’ une lumière de l’Hellade imaginée. Se souvenir ainsi de Hölderlin, c’é
1462 oète à partir d’un signe, d’un nom, d’une lumière de l’Hellade imaginée. Se souvenir ainsi de Hölderlin, c’était revenir à
1463 lumière de l’Hellade imaginée. Se souvenir ainsi de Hölderlin, c’était revenir à la genèse du poème dans l’élan de sa nos
1464 c’était revenir à la genèse du poème dans l’élan de sa nostalgie fondamentale. D’une poésie dont le mouvement profond de
1465 u poème dans l’élan de sa nostalgie fondamentale. D’ une poésie dont le mouvement profond de « réflexion » sur le « sentime
1466 damentale. D’une poésie dont le mouvement profond de « réflexion » sur le « sentiment originel » a pour fonction de « rapp
1467 n » sur le « sentiment originel » a pour fonction de « rappeler la vie perdue à une vie magnifiée »26, on peut bien dire q
1468 vie magnifiée »26, on peut bien dire qu’elle naît d’ une nostalgie d’elle-même. Hölderlin, lui, dira qu’elle se constitue d
1469 6, on peut bien dire qu’elle naît d’une nostalgie d’ elle-même. Hölderlin, lui, dira qu’elle se constitue dans son « aspira
1470 n » à exprimer, c’est-à-dire dans « la transition d’ un infini défini à un infini plus général », du « pur » au « multiple 
1471 i plus général », du « pur » au « multiple » et «  de l’Esprit au signe », transition qui relève ici, comme chez Hegel, et
1472 et bien plus haut, chez Héraclite et les ioniens, de la dialectique essentielle, celle de l’Un et du Divers. Poésie, c’est
1473 les ioniens, de la dialectique essentielle, celle de l’Un et du Divers. Poésie, c’est absence, appel, invocation. Tout bon
1474 revenir dans le mythe. Le Neckar sera beau quand d’ une Grèce dorienne — Cap Sounion, Olympie, temples ruinés d’Athènes, «
1475 e dorienne — Cap Sounion, Olympie, temples ruinés d’ Athènes, « fierté du monde qui n’est plus »27 — le poète se retournera
1476 aginé comme enfance perdue, mais aussi comme aimé de loin, dans un futur anticipé qui fera de lui un passé. Ionie de rêve,
1477 mme aimé de loin, dans un futur anticipé qui fera de lui un passé. Ionie de rêve, où jamais il n’ira, car elle n’est plus.
1478 un futur anticipé qui fera de lui un passé. Ionie de rêve, où jamais il n’ira, car elle n’est plus. Paysages évoqués — non
1479 ant, verdoyant, lumineux ou en fête —, purs états d’ âmes ! Ces « jardins de Bordeaux, là-bas », cette Palmyre en ruine « a
1480 x ou en fête —, purs états d’âmes ! Ces « jardins de Bordeaux, là-bas », cette Palmyre en ruine « aux plaines du désert »,
1481 en ruine « aux plaines du désert », et ce Gothard d’ où partent les grands fleuves, le Rhin allemand, mais aussi l’Aigle ve
1482 mais aussi l’Aigle vers l’Olympe, vers les antres de Lemnos, et vers les forêts de l’Indus ! Mallarmé fixe tout dans un pr
1483 pe, vers les antres de Lemnos, et vers les forêts de l’Indus ! Mallarmé fixe tout dans un présent glacé, intemporel (« Le
1484 splendides villes »), Apollinaire hante la marge d’ émotion entre le souvenir de naguère et sa restitution dans un présent
1485 inaire hante la marge d’émotion entre le souvenir de naguère et sa restitution dans un présent d’ubiquité. Éluard ne conna
1486 enir de naguère et sa restitution dans un présent d’ ubiquité. Éluard ne connaît que l’instant, le temps ponctuel. Mais Höl
1487 ses grands hymnes décrivent toutes les dimensions de l’absence, de l’éloignement dans le temps, dans l’espace, dans la tra
1488 nes décrivent toutes les dimensions de l’absence, de l’éloignement dans le temps, dans l’espace, dans la transcendance, ma
1489 temps, dans l’espace, dans la transcendance, mais d’ une absence qui est toujours appel, nostalgie qui se mue en prophétie 
1490 du Verbe qui nous meut et nous oriente : le passé de l’invocatif28 qui est un temps de la prophétie, appelant le retour de
1491 ente : le passé de l’invocatif28 qui est un temps de la prophétie, appelant le retour des dieux morts ou dormants ; l’impa
1492 qui est le temps du poète voyant ; et le présent d’ exil, temps du poète souffrant. Car il nous avertit que son langage n’
1493 ndent qu’il nous forme — « car si quelque langage de la nature et de l’art… préexistait pour lui… le poète se placerait en
1494 forme — « car si quelque langage de la nature et de l’art… préexistait pour lui… le poète se placerait en dehors de son c
1495 lui… le poète se placerait en dehors de son champ d’ efficacité, il sortirait de sa création »29. Son langage, il le fait d
1496 en dehors de son champ d’efficacité, il sortirait de sa création »29. Son langage, il le fait de noms sacrés et de signes
1497 irait de sa création »29. Son langage, il le fait de noms sacrés et de signes élus, qualifiés par un « ton fondamental ».
1498 on »29. Son langage, il le fait de noms sacrés et de signes élus, qualifiés par un « ton fondamental ». C’est une sorte de
1499 ifiés par un « ton fondamental ». C’est une sorte de code initiatique, le chiffre de sa religion. Noms de fleuves et d’île
1500 . C’est une sorte de code initiatique, le chiffre de sa religion. Noms de fleuves et d’îles, de cités, de hauts lieux ; et
1501 code initiatique, le chiffre de sa religion. Noms de fleuves et d’îles, de cités, de hauts lieux ; et leur seul énoncé suf
1502 ue, le chiffre de sa religion. Noms de fleuves et d’ îles, de cités, de hauts lieux ; et leur seul énoncé suffit à qualifie
1503 hiffre de sa religion. Noms de fleuves et d’îles, de cités, de hauts lieux ; et leur seul énoncé suffit à qualifier et act
1504 sa religion. Noms de fleuves et d’îles, de cités, de hauts lieux ; et leur seul énoncé suffit à qualifier et activer la no
1505 mos, et Dodone, et Délos, et Delphes, et le matin de Salamine, et l’Hespérie, « Couchant du temps ». Sous la Rousse et la
1506 . Sous la Rousse et la Flamboyante, hautes parois de roches nues dominant Delphes (et de plus haut encore fonce un milan s
1507 t de plus haut encore fonce un milan sur sa proie d’ ombre) au bord de la fontaine aux eaux « saintes et sobres », écoutons
1508 dès que dans l’ombre des chênes Brillera la lueur de ton flot surgissant, Castalie ! Ah ! je veux Dans la vasque puiser, à
1509 e veux Dans la vasque puiser, à travers le parfum de tes fleurs, et répandre, Sur le sol où renaît la prairie, l’eau sacré
1510 dans le val qui se tait, près des rocs suspendus de Tempé, Près de vous j’élirai ma demeure à jamais, près de vous, noms
1511 rche poétique, au chapitre traitant du langage et de son « efficacité ». 24. André Chénier. 25. Le précieux Hölderlin de
1512 s allemandes. 26. Cf. l’essai cité, page 268 éd. de la Pléiade. 27. Le Neckar, Pléiade, p. 459. 28. Une sorte de futur
1513 27. Le Neckar, Pléiade, p. 459. 28. Une sorte de futur, en réalité, comme le futur antérieur est une sorte de passé.
1514 n réalité, comme le futur antérieur est une sorte de passé. 29. Essai cité, Éd. de la Pléiade, p. 630. 30. Je cite l’Arc
1515 ieur est une sorte de passé. 29. Essai cité, Éd. de la Pléiade, p. 630. 30. Je cite l’Archipel dans la belle adaptation
1516 ite l’Archipel dans la belle adaptation rythmique de Jean Tardieu. Éd. de la Pléiade, p. 826. al. Rougemont Denis de, « 
1517 a belle adaptation rythmique de Jean Tardieu. Éd. de la Pléiade, p. 826. al. Rougemont Denis de, « Hölderlin dans le sou
1518 Éd. de la Pléiade, p. 826. al. Rougemont Denis de , « Hölderlin dans le souvenir des noms splendides », Revue de Belles-
1519 Hölderlin dans le souvenir des noms splendides », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, 1968, p. 15-19
1520 lin dans le souvenir des noms splendides », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, 1968, p. 15-19.