1 1926, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Avant-propos (décembre 1926)
1 ise humeur qui flotte dans l’air nous proposerait de débuter par l’inévitable discours sur les difficultés du temps, en gé
2 celles en particulier qu’implique la publication de notre revue. Mais nous savons, tout comme M. Coué, que ce serait de m
3 is nous savons, tout comme M. Coué, que ce serait de mauvaise méthode. Et, comme M. Coué, nous nous persuadons que tout ir
4 jamais, nous semble-t-il, notre revue a sa raison d’ être. La vie d’aujourd’hui, on le sait, nous oblige à nous affirmer ou
5 mble-t-il, notre revue a sa raison d’être. La vie d’ aujourd’hui, on le sait, nous oblige à nous affirmer ou à refuser de n
6 le sait, nous oblige à nous affirmer ou à refuser de nous affirmer avec une netteté qui a pu paraître parfois quelque peu
7 que nous éprouvons irrésistiblement l’obligation d’ être nous-mêmes. Et, disons-le tout de suite, c’est en cela uniquement
8 s n’est-ce pas la meilleure raison pour nos aînés de chercher plus patiemment encore à nous comprendre et de nous accorder
9 rcher plus patiemment encore à nous comprendre et de nous accorder une confiance sans laquelle nous ne saurions aller, et
10 s, ce sont les jeunes qui passent… » Pas question de les saluer ni d’emboîter le pas, mais seulement de retenir sa place a
11 unes qui passent… » Pas question de les saluer ni d’ emboîter le pas, mais seulement de retenir sa place au spectacle qu’il
12 e les saluer ni d’emboîter le pas, mais seulement de retenir sa place au spectacle qu’ils offrent et de les considérer ave
13 e retenir sa place au spectacle qu’ils offrent et de les considérer avec sympathie. Il est bien facile de s’écrier : « Apr
14 les considérer avec sympathie. Il est bien facile de s’écrier : « Après moi, le déluge ! », et de se détourner de ce qu’on
15 cile de s’écrier : « Après moi, le déluge ! », et de se détourner de ce qu’on a coutume d’appeler notre « désordre ». Mais
16  : « Après moi, le déluge ! », et de se détourner de ce qu’on a coutume d’appeler notre « désordre ». Mais on est toujours
17 uge ! », et de se détourner de ce qu’on a coutume d’ appeler notre « désordre ». Mais on est toujours le fils de quelqu’un…
18 notre « désordre ». Mais on est toujours le fils de quelqu’un… Et, peut-être, la considération du « déluge » peut-elle fa
19 eur bénévole, un exercice mensuel à votre faculté d’ indulgence. Par contre, nous nous empressons de vous laisser le soin d
20 té d’indulgence. Par contre, nous nous empressons de vous laisser le soin de juger si nous avons de quoi faire les modeste
21 tre, nous nous empressons de vous laisser le soin de juger si nous avons de quoi faire les modestes…   Être nous-mêmes, av
22 ns de vous laisser le soin de juger si nous avons de quoi faire les modestes…   Être nous-mêmes, avons-nous dit, c’est à l
23 plus » ; nous ne voulons pas être « l’expression de la jeunesse romande ». Nous sommes autre chose. (Belles-Lettres est t
24 indéfinissable, comme toute chose vivante… Gerbe de fleurs disparates, aux tiges divergentes, mais qu’un ruban rouge et v
25 , mais qu’un ruban rouge et vert lie par la grâce d’ une volonté sans doute divine… a. Rougemont Denis de, « Avant-propo
26 volonté sans doute divine… a. Rougemont Denis de , « Avant-propos », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève
27 a. Rougemont Denis de, « Avant-propos », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, décembre 1926, p.
2 1926, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Paradoxe de la sincérité (décembre 1926)
28 Paradoxe de la sincérité (décembre 1926)c Nous voyons un mythe prendre corps p
29 us voyons un mythe prendre corps parmi les ruines de ce temps. Il fallait bien tirer quelque vertu d’une anarchie dont on
30 de ce temps. Il fallait bien tirer quelque vertu d’ une anarchie dont on ne veut pas avouer qu’elle est plus nécessaire —
31 us trompant nous-mêmes, sous le prétexte toujours de probité intellectuelle ou de courage moral, nous avons élevé à la hau
32 le prétexte toujours de probité intellectuelle ou de courage moral, nous avons élevé à la hauteur d’une vertu première — e
33 u de courage moral, nous avons élevé à la hauteur d’ une vertu première — et qui légitime tous les dénis de morale à quoi n
34 e vertu première — et qui légitime tous les dénis de morale à quoi nous obligeaient en réalité on sait quel dégoût, et cer
35 n réalité on sait quel dégoût, et certains désirs de grabuge moins avouables, — la sincérité, masque fier et un peu doulou
36 e originale : tant qu’à la fin la notion concrète de sincérité s’évanouit en mille définitions tendancieuses et contradict
37 e ; envers votre idéal ou envers les fluctuations de votre moi ? Votre sincérité est-elle consentement immédiat à toute im
38 me telle qu’elle est » (Rivière), ou encore refus de choisir, volonté de tout conserver en soi ? Ou bien une attitude en q
39  » (Rivière), ou encore refus de choisir, volonté de tout conserver en soi ? Ou bien une attitude en quelque sorte scienti
40 cientifique, à la fois curieuse et désintéressée, de naturaliste de l’âme ? Heureusement que M. Brémond ne s’est pas encor
41 la fois curieuse et désintéressée, de naturaliste de l’âme ? Heureusement que M. Brémond ne s’est pas encore mêlé de l’aff
42 reusement que M. Brémond ne s’est pas encore mêlé de l’affaire. Au reste, on n’a pas attendu les éclaircissements du subti
43 us rien comprendre. ⁂ Qu’on imagine un personnage de tableau se mettre à décrire ce qu’il voit autour de lui — et l’étonne
44 ectateur. Pour parler avec un peu de clairvoyance de ce dont nous avons vécu jusqu’à tel jour de notre jeunesse, il faudra
45 yance de ce dont nous avons vécu jusqu’à tel jour de notre jeunesse, il faudrait pouvoir sauter hors de soi. Seule, une mé
46 it pouvoir sauter hors de soi. Seule, une méthode d’ observation et de déduction passablement sèche pourrait nous donner l’
47 hors de soi. Seule, une méthode d’observation et de déduction passablement sèche pourrait nous donner l’illusion et peut-
48 donner l’illusion et peut-être certains bénéfices de cette opération idéale. En même temps, la froideur d’une telle méthod
49 ette opération idéale. En même temps, la froideur d’ une telle méthode atténuerait dans une certaine mesure — parce que néc
50 aine mesure — parce que nécessaire — ce qu’il y a de déplaisant dans l’effort d’un esprit pour se dégager de confusions au
51 ssaire — ce qu’il y a de déplaisant dans l’effort d’ un esprit pour se dégager de confusions aussi perfides et si profondém
52 laisant dans l’effort d’un esprit pour se dégager de confusions aussi perfides et si profondément mêlées à ses plus chères
53 ères sont aussi les moins calculés », écrit Gide. D’ où l’on peut tirer par une sorte de passage à la limite que les faits
54 », écrit Gide. D’où l’on peut tirer par une sorte de passage à la limite que les faits justifient : sincérité = spontanéit
55 rousseauiste, inspire, explique un vaste domaine de la littérature contemporaine. Cette sorte-là de sincérité, on la nomm
56 e de la littérature contemporaine. Cette sorte-là de sincérité, on la nomme gratuité. Lafcadio poussant Fleurissoire « pou
57 ui aboutit naguère au surréalisme. Tous les héros de roman se sont mis à gesticuler « gratuitement ». Et les critiques d’a
58 iculer « gratuitement ». Et les critiques d’abord de s’indigner. Aujourd’hui, on les voit assez enchantés de l’affaire : «
59 ndigner. Aujourd’hui, on les voit assez enchantés de l’affaire : « Gratuit ! », déclarent-ils chaque fois qu’ils ne compre
60 audrait s’entendre. Et, ici encore, prenons garde de confondre le plan littéraire avec le plan moral. Telle action peut pa
61 e personnage. Mais quant à l’auteur, il n’y a pas de gratuité. Le geste le plus incongru du héros n’est jamais que le résu
62 us incongru du héros n’est jamais que le résultat d’ un mécanisme inconscient, aussi révélateur du personnage que ses actio
63 t gratuit que relativement à un système restreint de références. Il résulte de semblables considérations, dans le domaine
64 à un système restreint de références. Il résulte de semblables considérations, dans le domaine de la morale, que le meill
65 lte de semblables considérations, dans le domaine de la morale, que le meilleur moyen de se livrer à ses déterminants, c’e
66 ns le domaine de la morale, que le meilleur moyen de se livrer à ses déterminants, c’est de mener la vie gratuite que récl
67 leur moyen de se livrer à ses déterminants, c’est de mener la vie gratuite que réclament les surréalistes. Le contraire de
68 uite que réclament les surréalistes. Le contraire de la liberté. D’autre part, on veut donner à l’acte gratuit une valeur
69 s secret dans la personnalité. Ce serait un moyen de connaissance plus intégrale de soi. Mais pour être moins pittoresque
70 Ce serait un moyen de connaissance plus intégrale de soi. Mais pour être moins pittoresque et plus « entachée d’utilitaris
71 is pour être moins pittoresque et plus « entachée d’ utilitarisme », la décision réfléchie, aussi peu gratuite que possible
72 ision réfléchie, aussi peu gratuite que possible, d’ un Julien Sorel, est-elle moins révélatrice du fond de l’âme humaine ?
73 e du fond de l’âme humaine ? Que si l’on s’étonne de me voir donner ici la préférence à l’acte volontaire, ou mieux : inté
74 suffisamment son rôle en se bornant à nous donner de nous-mêmes une connaissance plus intense et plus émouvante ; mais la
75 se et plus émouvante ; mais la morale, plutôt que de nous constater, doit nous construire — selon le mode le plus libre, l
76 scurités, etc.). Supposons que j’éprouve un désir d’ action vive, un élan vers certain but précis. Ou bien j’aurais juste
77 tain but précis. Ou bien j’aurais juste le temps de le noter avant de partir. Ou bien je me mettrai à l’analyser plus lon
78 ent. Mais alors je le fausse, puisque je le prive de la puissance de se délivrer en gestes, en conséquences matérielles. C
79 je le fausse, puisque je le prive de la puissance de se délivrer en gestes, en conséquences matérielles. Ce n’est plus l’é
80 frein lui-même, bientôt — par un mouvement normal de l’attention — et fatalement c’est à la découverte d’une faiblesse que
81 l’attention — et fatalement c’est à la découverte d’ une faiblesse que j’aboutis : ce quelque chose qui m’a retenu d’accomp
82 e que j’aboutis : ce quelque chose qui m’a retenu d’ accomplir ce que l’élan appelait.   Second exemple. — J’éprouve le be
83 ppelait.   Second exemple. — J’éprouve le besoin de faire le point : à quoi en suis-je, qui suis-je ? Je revois des actes
84 ntiments que je crois avoir éprouvés à tel moment de mon passé. Parfois — rarement —, je parviens à me souvenir de certain
85 . Parfois — rarement —, je parviens à me souvenir de certaines sensations profondes et indéfinies (telle sensation physiqu
86 profondes et indéfinies (telle sensation physique de bonheur, dans une rue au coucher du soleil, des phares d’automobiles
87 ur, dans une rue au coucher du soleil, des phares d’ automobiles étoilent le brouillard, les visages se cachent dans des fo
88 dans des fourrures, personne ne sait la richesse de ta vie…). J’écris ces choses. Puis, dans un ancien carnet de notes, j
89 . J’écris ces choses. Puis, dans un ancien carnet de notes, je retrouve un être si différent. Les gestes et les sentiments
90 oposaient à mon souvenir ont été passés au crible de la minute où je me penchais sur mon passé. Ou, pour user d’une image
91 te où je me penchais sur mon passé. Ou, pour user d’ une image plus précise, cette minute est baignée d’une lueur de triste
92 ’une image plus précise, cette minute est baignée d’ une lueur de tristesse ou de sérénité qui métamorphose le paysage du p
93 lus précise, cette minute est baignée d’une lueur de tristesse ou de sérénité qui métamorphose le paysage du passé. Ainsi
94 te minute est baignée d’une lueur de tristesse ou de sérénité qui métamorphose le paysage du passé. Ainsi de certains déco
95 énité qui métamorphose le paysage du passé. Ainsi de certains décors modernes : vous changez l’éclairage, et la chaumière
96 trospection : ce daltonisme du souvenir. Si l’un de ces deux procédés peut m’apprendre quelque chose, c’est bien le secon
97 ait atteindre « la vérité sur soi » en se servant de la méthode indiquée dans le premier exemple. C’est un cas-limite, j’e
98 , j’en conviens. Pourtant, n’est-ce pas le schéma de tout un genre littéraire moderne, cette espèce de confession romancée
99 de tout un genre littéraire moderne, cette espèce de confession romancée dont les livres de Bopp, d’Arland, de Soupault et
100 tte espèce de confession romancée dont les livres de Bopp, d’Arland, de Soupault et surtout de René Crevel ont donné les e
101 e de confession romancée dont les livres de Bopp, d’ Arland, de Soupault et surtout de René Crevel ont donné les exemples l
102 ssion romancée dont les livres de Bopp, d’Arland, de Soupault et surtout de René Crevel ont donné les exemples les plus ré
103 livres de Bopp, d’Arland, de Soupault et surtout de René Crevel ont donné les exemples les plus récents et significatifs 
104 us ces livres évoquent assez précisément la forme d’ un entonnoir. La vie serait le liquide tourbillonnant à l’intérieur. U
105 se regarder vivre, le personnage à douter du sens de sa vie) et les forces centripètes l’emportent peu à peu, une aspirati
106 t dans un râle, brusquement c’est le vide. Centre de soi, l’aspiration du néant. J’ai revu à l’envers le film de mon passé
107 aspiration du néant. J’ai revu à l’envers le film de mon passé : ce qui était élan devient recul, et l’évocation de mes dé
108 : ce qui était élan devient recul, et l’évocation de mes désirs anciens ne me restitue qu’un dégoût. J’ai cru que je pourr
109 e n’assiste pas à moi-même, mais à la destruction de moi-même. Par les fissures, un instant, j’ai pu soupçonner des profon
110 le chaos. Mon corps et moi, le livre si poignant de René Crevel, est la démonstration la plus cynique que je connaisse de
111 la démonstration la plus cynique que je connaisse de ces ravages du sincérisme. Dans la solitude qu’il s’acharne à approfo
112 ofondir — il était venu y chercher quelque raison de vivre, il voulait se voir le plus purement (« cette curiosité donnée
113 s purement (« cette curiosité donnée comme raison d’ une perpétuelle attente »), — ce que l’auteur découvre c’est ce « merv
114 uteur découvre c’est ce « merveilleux contraire » de l’élan vital qu’il nomme élan mortel — générateur de l’incurable tris
115 l’élan vital qu’il nomme élan mortel — générateur de l’incurable tristesse qui rôde dans certaine littérature d’aujourd’hu
116 able tristesse qui rôde dans certaine littérature d’ aujourd’hui. J’ai dit : ravages du sincérisme. C’est plus exactement f
117 plus exactement faillite qu’il faudrait. Faillite de toute introspection, en littérature et en morale. Impossibilité de fa
118 ction, en littérature et en morale. Impossibilité de faire mon autoportrait moral : je bouge tout le temps. Danger de fair
119 toportrait moral : je bouge tout le temps. Danger de faire mon autoportrait moral : je me compose plus laid que nature. Fa
120 e suis avisé que l’homme éprouve ce qu’il imagine d’ éprouver. » Non. Car à supposer que l’analyse nous crée, elle ne nous
121 est ». Il voyait dans cet effort sur soi le gage d’ un enrichissement, d’une consolidation de l’individu mais avant tout u
122 s cet effort sur soi le gage d’un enrichissement, d’ une consolidation de l’individu mais avant tout un moyen de se connaît
123 le gage d’un enrichissement, d’une consolidation de l’individu mais avant tout un moyen de se connaître. Cependant, n’est
124 solidation de l’individu mais avant tout un moyen de se connaître. Cependant, n’est-ce pas lui-même qui ajoutait que l’hom
125 ncère « en vient à ne plus pouvoir même souhaiter d’ être différent », ce qui est la négation de tout progrès moral. De la
126 haiter d’être différent », ce qui est la négation de tout progrès moral. De la sincérité envisagée comme moyen de connaiss
127  », ce qui est la négation de tout progrès moral. De la sincérité envisagée comme moyen de connaissance, le cas extrême d’
128 grès moral. De la sincérité envisagée comme moyen de connaissance, le cas extrême d’un Crevel nous montre assez ce qu’il f
129 sagée comme moyen de connaissance, le cas extrême d’ un Crevel nous montre assez ce qu’il faut penser2. Il ne s’en suit pas
130 assez étroites empiriquement fournies par le sens de son intérêt propre, une analyse sincère ne puisse faire découvrir que
131 découvrir quelques richesses et ne serve parfois de contrôle efficace. Mais les bénéfices sont maigres en regard des dang
132 r, tant dans le domaine littéraire que dans celui de l’action. En littérature : refus de construire, de composer ; impuiss
133 ue dans celui de l’action. En littérature : refus de construire, de composer ; impuissance à inventer. Car inventer, c’est
134 e l’action. En littérature : refus de construire, de composer ; impuissance à inventer. Car inventer, c’est se porter à l’
135 Car inventer, c’est se porter à l’extrême pointe de soi, et, d’un élan, se dépasser ; c’est créer une différence. Pourquo
136 r, c’est se porter à l’extrême pointe de soi, et, d’ un élan, se dépasser ; c’est créer une différence. Pourquoi les romanc
137 créer des personnages ? C’est parce qu’une sorte de sincérité les retient d’imposer aux héros ce rythme volontaire par le
138 C’est parce qu’une sorte de sincérité les retient d’ imposer aux héros ce rythme volontaire par lequel un Balzac les fait v
139 lairement. En morale : défaitisme quand il s’agit de gestes qui pourraient entraîner des effets imprévisibles, « réalisme 
140  réalisme » décourageant, et, bientôt, incapacité d’ agir efficacement. (Il faut, pour sauter, une confiance dans l’élan qu
141 paraît impossible, absurde.) Enfin, désagrégation de la personnalité, car l’analyse la plus savante, comme l’a fort bien d
142 ments du moi, moins le principe unificateur ». De quelques sophismes libérateurs La fonction de l’homme est aussi bi
143 De quelques sophismes libérateurs La fonction de l’homme est aussi bien de croire que de constater. F. Raub. La sin
144 érateurs La fonction de l’homme est aussi bien de croire que de constater. F. Raub. La sincérité obstinée d’un Riviè
145 fonction de l’homme est aussi bien de croire que de constater. F. Raub. La sincérité obstinée d’un Rivière n’a plus ri
146 e de constater. F. Raub. La sincérité obstinée d’ un Rivière n’a plus rien de spontané. En quoi est-ce encore de la sinc
147 La sincérité obstinée d’un Rivière n’a plus rien de spontané. En quoi est-ce encore de la sincérité ? Trop sincère, pas s
148 n’a plus rien de spontané. En quoi est-ce encore de la sincérité ? Trop sincère, pas sincère. Ou bien si l’on prétend que
149 la sincérité est la recherche, puis l’acceptation de toute tendance du moi, je réponds que le mensonge est sincère aussi,
150 mensonge est sincère aussi, qui révèle mon besoin de mentir. Il devient dès lors impossible de faire rien qui ne soit sinc
151 besoin de mentir. Il devient dès lors impossible de faire rien qui ne soit sincère. Peut-on véritablement se mentir à soi
152 z pour qu’ils vous aident3 — mais jamais au point d’ oublier la vérité qu’on désirait qu’ils cachent pour un moment. « L’ar
153 ire à la vie, n’est-ce pas être sincère aussi que de s’y prêter ? Or, il vous tire aussitôt de l’indétermination violente
154 ssi que de s’y prêter ? Or, il vous tire aussitôt de l’indétermination violente qu’est la sincérité selon Rivière. La sinc
155 ans le vide qu’exige toute foi ; c’est la volonté de sincérité, c’est-à-dire une sincérité tournée au vice, invertie, qui
156 sincérité tournée au vice, invertie, qui retient de l’oser. Petite anthologie ou que le « style » est de l’homme même
157 ser. Petite anthologie ou que le « style » est de l’homme même J’en étais à peu près à ce point de mes notes — à ce
158 l’homme même J’en étais à peu près à ce point de mes notes — à ce point de mon dégoût pour ce que beaucoup continuaien
159 s à peu près à ce point de mes notes — à ce point de mon dégoût pour ce que beaucoup continuaient d’appeler sincérité et q
160 t de mon dégoût pour ce que beaucoup continuaient d’ appeler sincérité et qui me devenait inintelligible en même temps qu’o
161 inintelligible en même temps qu’odieux. Au hasard de quelques lectures, je pris note des passages suivants (les paraphrase
162 ote des passages suivants (les paraphraser serait d’ une ingratitude insigne — ils marquent au reste fort bien les jalons d
163 igne — ils marquent au reste fort bien les jalons de cette recherche) : Puissiez-vous avouer moins de sincérité et montre
164 de cette recherche) : Puissiez-vous avouer moins de sincérité et montrer plus de style. (Georges Duhamel.) … Nous ne somm
165 ez-vous avouer moins de sincérité et montrer plus de style. (Georges Duhamel.) … Nous ne sommes pas, nous nous créons. Cer
166 n qui altérerait leur moi ; ils ne souhaitent que d’ être leur propre témoin, intelligent mais immobile : ce sont les mêmes
167 istant pas ? (François Mauriac.) La valeur morale de M. Godeau serait définie par l’aspect seul qu’il souffrirait de garde
168 erait définie par l’aspect seul qu’il souffrirait de garder lui-même à son propre regard. Ainsi la valeur morale d’un homm
169 -même à son propre regard. Ainsi la valeur morale d’ un homme équivalait-elle à l’illusion qu’il était capable d’entretenir
170 équivalait-elle à l’illusion qu’il était capable d’ entretenir sur lui-même. (Marcel Jouhandeau.) Ce qu’on appelle une œuv
171 appelle une œuvre sincère est celle qui est douée d’ assez de force pour donner de la réalité à l’illusion. (Max Jacob.) Un
172 une œuvre sincère est celle qui est douée d’assez de force pour donner de la réalité à l’illusion. (Max Jacob.) Un rôle ?
173 celle qui est douée d’assez de force pour donner de la réalité à l’illusion. (Max Jacob.) Un rôle ? Oui. Mais si le perso
174 me même. (André Maurois.) (Quel effroi, ce jour de l’adolescence où l’on soupçonne pour la première fois que certains, p
175 paraît plus sinistre à la sincérité presque pure de cet âge. Mais il le faut dépasser.)   Si j’en crois l’intensité d’un
176 il le faut dépasser.)   Si j’en crois l’intensité d’ un sentiment intime, ce moi idéal que j’appelle en chaque minute de ma
177 time, ce moi idéal que j’appelle en chaque minute de ma joie est plus réel que celui qu’une analyse désolée s’imaginait re
178 rs, ce n’est pas lâcher la proie pour l’ombre que de tendre vers ce modèle. Dirais-je que c’est ma sincérité d’y aller par
179 vers ce modèle. Dirais-je que c’est ma sincérité d’ y aller par les moyens les plus efficaces ? Mais on nommera cela de l’
180 moyens les plus efficaces ? Mais on nommera cela de l’hypocrisie. Soit, j’accepte. Et aussitôt j’annonce : Éloge de l’
181 Soit, j’accepte. Et aussitôt j’annonce : Éloge de l’hypocrisie Non, non !… Debout dans l’ère successive ! Brisez, mo
182 ................. Le vent se lève, il faut tenter de vivre. Paul Valéry. Certes, du sein de ma triste lucidité, je t’ava
183 t tenter de vivre. Paul Valéry. Certes, du sein de ma triste lucidité, je t’avais déjà invoquée, hypocrisie consolante e
184 Mais tu m’offrais un visage un peu crispé, signe d’ une ironie secrète et pour moi douloureuse encore. Pitoyable, trop vis
185 ent, tu prêtais bien quelques voiles à mon dégoût d’ un moi que la vie me montrait si désespérément vrai, tyrannique, insuf
186 rément vrai, tyrannique, insuffisant. Mais un pli de ta lèvre, un peu sceptique, quand mon esprit partait dans le rêve d’u
187 sceptique, quand mon esprit partait dans le rêve d’ un idéal de fortune, idole naïve de ma jeune angoisse… Je t’ai mieux a
188 quand mon esprit partait dans le rêve d’un idéal de fortune, idole naïve de ma jeune angoisse… Je t’ai mieux aimée ; d’au
189 t dans le rêve d’un idéal de fortune, idole naïve de ma jeune angoisse… Je t’ai mieux aimée ; d’autres soirs, alors qu’une
190 ux aimée ; d’autres soirs, alors qu’une symphonie de joies émanait de toute la vie : chaque chose proposait une ferveur no
191 es soirs, alors qu’une symphonie de joies émanait de toute la vie : chaque chose proposait une ferveur nouvelle, et chaque
192 tat de grâce, un amour — ne pouvait se satisfaire de telle possession particulière, ne pouvait non plus s’imaginer qu’elle
193 ement à l’invite que je soupçonnais la plus riche d’ inconnu, je m’élançais sur la voie qu’elle m’ouvrait, avec tant de rir
194 is, vers tout ce que momentanément je choisissais de laisser — et des baisers à tous les vents — qu’il eût été loisible d’
195 baisers à tous les vents — qu’il eût été loisible d’ attribuer comme objet à ma jubilation, non pas ce but peut-être dériso
196 vers quoi je me portais, mais bien ces figurants de mon bonheur que je me conciliais pour des retours possibles. C’est ai
197 C’est ainsi que fidèle à soi-même au plus profond de l’être, on entretient comme une arrière-pensée sagace et obstinée l’a
198 une arrière-pensée sagace et obstinée l’assurance d’ une continuité entre ses actions et ses désirs, un quant-à-soi qui ne
199 discrètement les décisions et les rend complices d’ un dessein logique, peut-être lointain, en quoi consiste l’unité la pl
200 lointain, en quoi consiste l’unité la plus réelle de l’individu — en dehors du corps. Et ce ne sont point là jeux d’idées
201 — en dehors du corps. Et ce ne sont point là jeux d’ idées et jongleries verbales. Regards au-dessus de l’amour ! Voir l’he
202 d’idées et jongleries verbales. Regards au-dessus de l’amour ! Voir l’heure à la pendule pendant l’étreinte d’un adieu et
203 ur ! Voir l’heure à la pendule pendant l’étreinte d’ un adieu et calculer rapidement le retour à une fidélité plus profonde
204 une volonté — si profonde qu’elle n’a pas besoin de s’expliciter pour être efficace — qui m’interdit de nommer ce dont je
205 s’expliciter pour être efficace — qui m’interdit de nommer ce dont je ne veux plus souffrir. (Car il n’est peut-être qu’u
206 s souffrir. (Car il n’est peut-être qu’une espèce de souffrance véritablement insupportable, c’est celle qu’on tire de soi
207 ritablement insupportable, c’est celle qu’on tire de soi-même.) Hypocrisie, ce sourire des sphinx ; hypocrisie, masque amb
208 ce sourire des sphinx ; hypocrisie, masque ambigu d’ une liberté plus précieuse que toute certitude… Ô vérité, ma vérité, n
209 é, ma vérité, non pas ce que je suis, mais ce que de toute mon âme je veux être !… 1. La véritable description de l’éla
210 me je veux être !… 1. La véritable description de l’élan supposé dans le premier exemple, ce serait le récit des gestes
211 ychologie moderne souligne la quasi-impossibilité de traduire un dynamisme directement dans notre langage statique. 3. « 
212 langage statique. 3. « Et certes quand il s’agit de parole ou d’écriture, l’affirmation prouve moins une certitude qu’un
213 que. 3. « Et certes quand il s’agit de parole ou d’ écriture, l’affirmation prouve moins une certitude qu’un désir de cert
214 ffirmation prouve moins une certitude qu’un désir de certitude né de quelque doute au fond. » (René Crevel) c. Rougemont
215 e moins une certitude qu’un désir de certitude né de quelque doute au fond. » (René Crevel) c. Rougemont Denis de, « Par
216 ute au fond. » (René Crevel) c. Rougemont Denis de , « Paradoxe de la sincérité », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuc
217 (René Crevel) c. Rougemont Denis de, « Paradoxe de la sincérité », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fr
218 ont Denis de, « Paradoxe de la sincérité », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, décembre 1926, p.
3 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Billets aigres-doux (janvier 1927)
219 dues Sur le mont gris pâlissants Des bouquets de vagues brumes. Insulter ta beauté froide ? Oui, mais à qui s’adresser
220 s pleurs, Lors je baise votre main Comme on signe d’ un faux nom. d. Rougemont Denis de, « Billets aigres-doux », Revu
221 e on signe d’un faux nom. d. Rougemont Denis de , « Billets aigres-doux », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel
222 ougemont Denis de, « Billets aigres-doux », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, janvier 1927, p. 
4 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Conte métaphysique : L’individu atteint de strabisme (janvier 1927)
223 Conte métaphysique : L’individu atteint de strabisme (janvier 1927)f g Comme le démiurge venait de peser sur
224 ateur des étoiles… l’une, se décrochant sans plus d’ hésitation, se mit à pérégriner dans les régions de chasse gardée du c
225 ’hésitation, se mit à pérégriner dans les régions de chasse gardée du ci-devant soleil. C’est là qu’Urbain, premier du nom
226 famille, laquelle n’avait compté jusqu’alors que d’ authentiques avocats et un chapelier dont tous s’accordaient à dire qu
227 accordaient à dire qu’il ne péchait que par excès de bonne humeur printanière, Urbain donc, premier mauvais garçon d’une r
228 printanière, Urbain donc, premier mauvais garçon d’ une race entre toutes bénie — par qui ? elle était anticléricale, on n
229 pudiquement dissimulé. Vers 1 heure, elle éclaira d’ une rose caresse lumineuse la chevelure rouge d’Urbain, et son nez, le
230 a d’une rose caresse lumineuse la chevelure rouge d’ Urbain, et son nez, lequel, par ses dimensions remarquablement exagéré
231 s remarquablement exagérées, lui valait le surnom de Bin-Bin. Urbain ouvrit les yeux et ne vit rien. On rappelle que les é
232 On rappelle que les étoiles s’étaient décrochées de leur poste dans l’éternité. « Éternité désaffectée, c’est bien dommag
233 s irons chercher dans le souvenir les vent-coulis de la mort. Garçon, un café, un ! » Mais l’étoile chantait dans l’axe de
234 un café, un ! » Mais l’étoile chantait dans l’axe de sa vie normale et s’approchait en faisant la roue — celle à qui souri
235 oue — celle à qui sourit la Fortune. Urbain, fort d’ une hérédité judiciaire et française, dédaigna des avances que la pert
236 e et française, dédaigna des avances que la perte de son sens de l’éternel rendait pourtant considérables, au sens étymolo
237 se, dédaigna des avances que la perte de son sens de l’éternel rendait pourtant considérables, au sens étymologique du ter
238 ile pleurait, sentimentale. f. Rougemont Denis de , « L’individu atteint de strabisme. Conte métaphysique », Revue de Be
239 e. f. Rougemont Denis de, « L’individu atteint de strabisme. Conte métaphysique », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Ne
240 atteint de strabisme. Conte métaphysique », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, janvier 1927, p. 
5 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Dans le Style (janvier 1927)
241 Dans le Style (janvier 1927)h Nous recevons d’ un bellettrien facétieux cet « Hommage à Paul Morand » : Billet circ
242  : Billet circulaire pour Paul Morand, auteur de « Lewis et Irène » L’auteur de maint roman de caractère gras quitte
243 ul Morand, auteur de « Lewis et Irène » L’auteur de maint roman de caractère gras quitte Charing-Cross, songeant aux titr
244 ur de « Lewis et Irène » L’auteur de maint roman de caractère gras quitte Charing-Cross, songeant aux titres, aux tire-l’
245 matique, fait balle au cerveau du poète qui meurt de sommeil naturel. Le tunnel sous la Manche escamoté, le train dépose d
246 tenant des Anglais fragiles. L’aube tire un écran de pluies sur le paysage commercial. Terminus : Morand, s’éveillant en f
247 : Mardi dernier a été célébré en l’église grecque de la rue Georges Bizet le mariage de M. Paul Morand avec la princesse H
248 église grecque de la rue Georges Bizet le mariage de M. Paul Morand avec la princesse Hélène-C. Soutzo. Les témoins étaien
249 la mariée : Son Excellence M. Diamanty, ministre de Roumanie à Paris. C’est encore mieux dans le style. h. Rougemont D
250 encore mieux dans le style. h. Rougemont Denis de , « Dans le style », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genèv
251 h. Rougemont Denis de, « Dans le style », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, janvier 1927, p. 
6 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Lettre du survivant (février 1927)
252 ’abord que je m’excuse : c’est un peu prétentieux de vous écrire au moment où je vais me suicider, d’autant plus que vous
253 de vous écrire au moment où je vais me suicider, d’ autant plus que vous n’y croirez pas — et pourtant… Il faut aussi que
254 ez ne pas voir dans cette phrase quelque allusion de mauvais goût.) Je vous ai rencontrée quatre ou cinq fois dans des lie
255 ai rencontrée quatre ou cinq fois dans des lieux de plaisir, comme on dit, sans doute parce que c’est là que se nouent le
256 existiez en moi, à certain désagrément que j’eus de vous voir si entourée… D’autres fois… je n’ai plus le courage de les
257 entourée… D’autres fois… je n’ai plus le courage de les dire. Enfin, avant-hier, à ce bal. J’avais demandé à un de mes a
258 nfin, avant-hier, à ce bal. J’avais demandé à un de mes amis, qui vous connaît4, de me présenter. Il m’en avait donné la
259 vais demandé à un de mes amis, qui vous connaît4, de me présenter. Il m’en avait donné la promesse. Vos regards rencontrèr
260 romesse. Vos regards rencontrèrent les miens plus d’ une fois pendant une danse qu’il fit avec vous, mais vous les détourni
261 ecrètement attirante ; et je pensais que la force de mon désir était telle que vous en éprouviez vaguement la menace. Je d
262 sais quel démon du malheur me paralysa. Je venais d’ entrevoir l’image d’un couple heureux et banal, votre sourire répondan
263 alheur me paralysa. Je venais d’entrevoir l’image d’ un couple heureux et banal, votre sourire répondant au mien, comme on
264 vexé ; vous disparaissiez au milieu d’un cortège de rires empressés. Une autre danse reprenait. Je sentis une invincible
265 dait, en passant, si j’étais malade. Je désignais d’ un geste incertain quelques bouteilles de champagne vides ; car on par
266 ésignais d’un geste incertain quelques bouteilles de champagne vides ; car on pardonne l’ivresse, mais non certaines doule
267 mais non certaines douleurs. Même, je fus obligé de confier à un ami que j’en avais repris … Les archets jouaient sur mes
268 es œillères géantes aux pensées, le ciel trop bas d’ un rêve sans issue, pesant comme l’envie d’un sommeil sans fin… J’avai
269 op bas d’un rêve sans issue, pesant comme l’envie d’ un sommeil sans fin… J’avais soif, mais la seule vue d’un liquide me s
270 sommeil sans fin… J’avais soif, mais la seule vue d’ un liquide me soulevait le cœur. L’aube parut. On éteignit toutes les
271 a table en désordre où je venais de jeter mon col de smoking et un œillet, pauvre gentillesse d’une autre femme dont le se
272 n col de smoking et un œillet, pauvre gentillesse d’ une autre femme dont le seul défaut fut de m’aimer… (Froid aux genoux,
273 illesse d’une autre femme dont le seul défaut fut de m’aimer… (Froid aux genoux, odeur de vieille fumée, et ce refus au so
274 l défaut fut de m’aimer… (Froid aux genoux, odeur de vieille fumée, et ce refus au sommeil qui meurtrit jusqu’à l’âme.) Co
275 sommeil qui meurtrit jusqu’à l’âme.) Convulsions d’ oriflammes sur l’orchestre pensif. Ton regard est plus grand que le ch
276 une chambre étroite… J’ai dormi quelques heures, d’ un sommeil triste, tout enfiévré par la crainte du réveil. Puis je sui
277 disais-je elle y entrera, et, me glissant auprès d’ elle, je pourrai lui dire très vite quelques mots si bouleversants qu’
278 evais paraître si perdu. Chaque fois qu’un paquet de dix personnes s’engouffrait dans la cage rouge et or et s’élevait, j’
279 r descendant… Il aurait fallu monter, mais l’idée de vous trouver peut-être assise en face de votre bel ami laqué, sourian
280 oule qui se précipitait, mais je n’avais pas pris de numéro, je ne pouvais pas monter. Je finissais par vous voir partout.
281 Je finissais par vous voir partout. Chaque visage de femme révélait soudain un trait de votre visage. Il aurait fallu cour
282 Chaque visage de femme révélait soudain un trait de votre visage. Il aurait fallu courir après celle-là qui venait de tou
283 ir après celle-là qui venait de tourner à l’angle de cette rue et qui avait votre démarche. Mais, pendant ce temps, vous p
284 éticents, maladroits, contradictoires… Un autobus de luxe s’était arrêté tout près de moi. Je vis un visage à l’intérieur
285 Mais je n’osais presque pas la regarder, à cause d’ une incertitude qui redonnait tout son empire à ma timidité. Peut-être
286 tre était-ce vous. Je ne saurai jamais. À l’arrêt de la Place Saint-Michel, elle sortit, en me frôlant, sans me regarder.
287 s parapluies la dérobèrent à mes yeux. Une bouche de métro m’attira. Les rames s’arrêtaient avec un sifflement particulièr
288 utes les femmes que j’ai fait souffrir cette nuit d’ un long regard de damné. À minuit, tellement épuisé que je mêlais à me
289 ue j’ai fait souffrir cette nuit d’un long regard de damné. À minuit, tellement épuisé que je mêlais à mes pensées des fra
290 épuisé que je mêlais à mes pensées des fragments de rêves et les personnages des affiches, tout en marchant sans fin dans
291 nts, je me pris à parler à haute voix, par bribes de phrases incohérentes. Je voyais avec une sombre joie les employés et
292 les voyageurs s’inquiéter. Bientôt on m’entraîna de force sur un trottoir roulant qui me remonta dans la rue. La fraîcheu
293 roulant qui me remonta dans la rue. La fraîcheur de la brume m’apaisa. Sur la promesse que je fis que je me sentais mieux
294 tre maintenant 5 heures du matin. Premiers appels d’ autos dans la ville, mais il me semble que toutes choses s’éloignent d
295 , mais il me semble que toutes choses s’éloignent de moi vertigineusement, par cette aube incolore. Il y a vingt-quatre he
296 du la notion du temps. Je ne me souviens plus que de cette déception insupportable et définitive de mon désir. Je ne vous
297 ue de cette déception insupportable et définitive de mon désir. Je ne vous en accuse pas. À peine si je puis encore évoque
298 -je pas vraiment aimée, mais bien ce goût profond de ma destruction, ce rongement, cette sournoise recherche de tout ce qu
299 truction, ce rongement, cette sournoise recherche de tout ce qui me navre au plus intime de mon être… Le revolver est char
300 recherche de tout ce qui me navre au plus intime de mon être… Le revolver est chargé, sur cette table. (Je le caresse, en
301 sse, entre deux phrases.) Mais voici que ce geste de ma mort aussi me lasse, l’image que je m’en forme… Je ne comprends pl
302 e ne vous dirai pas son nom. i. Rougemont Denis de , « Lettre du survivant », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel
303 ougemont Denis de, « Lettre du survivant », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, février 1927, p. 
7 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Orphée sans charme (février 1927)
304 ur », écrivait Cocteau dans la préface des Mariés de la tour Eiffel. Et une note d’Orphée précise : « Inutile de dire qu’i
305 préface des Mariés de la tour Eiffel. Et une note d’ Orphée précise : « Inutile de dire qu’il n’y a pas un seul symbole dan
306 Eiffel. Et une note d’Orphée précise : « Inutile de dire qu’il n’y a pas un seul symbole dans la pièce. » Ce qui me gêne
307 e dans la pièce. » Ce qui me gêne pourtant, c’est d’ y découvrir possibles deux interprétations symboliques au moins ; de n
308 ibles deux interprétations symboliques au moins ; de ne pouvoir m’empêcher d’y songer sans cesse en lisant cette « tragédi
309 s symboliques au moins ; de ne pouvoir m’empêcher d’ y songer sans cesse en lisant cette « tragédie » ; de ne pouvoir m’emp
310 songer sans cesse en lisant cette « tragédie » ; de ne pouvoir m’empêcher non plus de soupçonner Cocteau d’en avoir plus
311 « tragédie » ; de ne pouvoir m’empêcher non plus de soupçonner Cocteau d’en avoir plus ou moins consciemment concerté la
312 pouvoir m’empêcher non plus de soupçonner Cocteau d’ en avoir plus ou moins consciemment concerté la possibilité. Orphée, p
313 , dit-il, il faut obtenir un scandale. Il faut un de ces orages qui rafraîchissent l’air. » Il prétend « traquer l’inconnu
314 prétend « traquer l’inconnu ». Sa femme l’accuse de « vouloir faire admettre que la poésie consiste à écrire une phrase »
315 est un poème, un poème du rêve, une fleur du fond de la mort. » Or, on découvre à la fin de la pièce que c’est une anagram
316 ur du fond de la mort. » Or, on découvre à la fin de la pièce que c’est une anagramme un peu ordurière. Ainsi les rêves pu
317 s, donnés à la fois comme poèmes et comme dictées de l’inconscient, au fond desquels on a si vite fait de distinguer les q
318 l’inconscient, au fond desquels on a si vite fait de distinguer les quelques préoccupations assez simples dont l’étude cha
319 ursuivre le jeu. Et puis, il y a aussi des sortes de calembours… Art chrétien, a-t-on dit5. Certes, cette pièce n’est pas
320 -on dit5. Certes, cette pièce n’est pas dépourvue de certaines des qualités qui, selon Max Jacob, permettraient seules de
321 alités qui, selon Max Jacob, permettraient seules de taxer de chrétienne une œuvre d’art. Mais, d’autre part, cette équivo
322 i, selon Max Jacob, permettraient seules de taxer de chrétienne une œuvre d’art. Mais, d’autre part, cette équivoque des s
323 ettraient seules de taxer de chrétienne une œuvre d’ art. Mais, d’autre part, cette équivoque des symboles, cette simplicit
324 dmire sans émoi. ⁂ Certes, les qualités scéniques de cette pièce sont grandes. Je ne saurais même indiquer aucun endroit p
325 cipes chers à l’auteur du Secret professionnel et de la préface des Mariés — principes dont l’énoncé brillant et définitif
326 tif restera l’un des titres les plus authentiques de Cocteau. Précision et relief du dialogue, ingénieuse utilisation des
327 se utilisation des expressions courantes, maximum de « situation » des personnages obtenu avec un minimum de répliques ; e
328 ituation » des personnages obtenu avec un minimum de répliques ; enfin, un style parfaitement pauvre dans le détail, un vr
329 parfaitement pauvre dans le détail, un vrai style de théâtre, d’une netteté qui pourtant n’est pas maigre, d’une familiari
330 pauvre dans le détail, un vrai style de théâtre, d’ une netteté qui pourtant n’est pas maigre, d’une familiarité dramatiqu
331 tre, d’une netteté qui pourtant n’est pas maigre, d’ une familiarité dramatique qui cerne le mystère d’un trait pur. Il sem
332 d’une familiarité dramatique qui cerne le mystère d’ un trait pur. Il semble que Cocteau ait réalisé là exactement ce qu’il
333 es. « Puisque ces mystères me dépassent, feignons d’ en être l’organisateur », disait le photographe des Mariés. Dans Orphé
334 n somme, ce qu’il faut reprocher à Cocteau, c’est d’ avoir réussi complètement une pièce, prouvant une fois de plus que l’a
335 pièce, prouvant une fois de plus que l’atmosphère de l’« art pur » n’est pas respirable. Il ne manque rien à Orphée, sinon
336 rphée, sinon peut-être cette indispensable « part de Dieu » — comme dit Gide — qui serait aussi la part de l’humain, l’imp
337 ieu » — comme dit Gide — qui serait aussi la part de l’humain, l’imperfection secrète qui fait naître l’amour. Parce que l
338 ’une fois de plus, Cocteau a comprimé des pétales de roses dans du cristal taillé, selon toutes les règles de l’art, mais
339 s dans du cristal taillé, selon toutes les règles de l’art, mais que l’essence obtenue, si elle est de rose, est sans parf
340 de l’art, mais que l’essence obtenue, si elle est de rose, est sans parfum.   (Tout de même, Cocteau est un poète : j’en v
341 ur mon compte, dans le fait que je ne sais parler de lui autrement que par métaphores.) 5. M. Zimmer, dans la Gazette d
342 par métaphores.) 5. M. Zimmer, dans la Gazette de Lausanne . Et même il appelait Orphée « une tragédie de l’amour conju
343 sanne . Et même il appelait Orphée « une tragédie de l’amour conjugal ». Vraiment, nous n’en demandions pas tant… k. Rou
344 us n’en demandions pas tant… k. Rougemont Denis de , « Orphée sans charme », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-
345 Rougemont Denis de, « Orphée sans charme », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, février 1927, p. 
8 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). L’autre œil (février 1927)
346 que s’ouvre où l’on attend un miracle pour la fin de la semaine. « Messieurs, disait Dardel, y a pas à tortiller, il faut
347 s ne sommes pas des imbéciles, nous ne sommes pas de ces gens qui croient que 2 et 2 font 22, et qui confondent Jérôme et
348 out ça semble idiot. Il y a des soirs où une idée de la responsabilité s’empare de nous. Et nous calculons qu’il s’agit de
349 s soirs où une idée de la responsabilité s’empare de nous. Et nous calculons qu’il s’agit de déranger 5000 personnes en hu
350 s’empare de nous. Et nous calculons qu’il s’agit de déranger 5000 personnes en huit soirées, et de les occuper quatre heu
351 it de déranger 5000 personnes en huit soirées, et de les occuper quatre heures durant… Mais la vision, rapidement entrevue
352 trevue par chacun dans son for le plus intérieur, d’ une fuite en auto, nous rassure provisoirement… Prosopopée, à propo
353 e, édentée et tâchant à prendre un accent anglais d’ un comique assez macabre. Ses derniers sectateurs, désignant d’un doig
354 assez macabre. Ses derniers sectateurs, désignant d’ un doigt impitoyable son flanc déjà meurtri, la suivaient en hurlant :
355 oi là ! »… Est-il plus atroce spectacle que celui d’ une maîtresse jadis belle et diserte qui tombe au ruisseau en prononça
356 le et diserte qui tombe au ruisseau en prononçant de séniles calembours… Pénétrés d’horreur, les bellettriens avaient fui.
357 eau en prononçant de séniles calembours… Pénétrés d’ horreur, les bellettriens avaient fui. Au détour d’une ivresse, ils re
358 ’horreur, les bellettriens avaient fui. Au détour d’ une ivresse, ils rencontrèrent une créature évadée d’anciens rêves qui
359 ne ivresse, ils rencontrèrent une créature évadée d’ anciens rêves qui hantait les limbes depuis un an déjà. Ils ne tardère
360 dèrent pas à reconnaître Cinématoma. Naissance de Cinématoma Cinq bellettriens furent commis au soin d’engendrer cet
361 matoma Cinq bellettriens furent commis au soin d’ engendrer cet adorable monstre. Ils se réunissent parfois autour d’un
362 dorable monstre. Ils se réunissent parfois autour d’ un feu et le contemplent un certain temps en silence. « Well ! », dit
363 rojet à deux faces. Lugin, qui est théologien, et de la Tchaux, n’a pas la foi. Topin, Mahomet désabusé, constate que jama
364 de ce paludesque et stérile consistoire, une idée de génie vint s’asseoir certaine nuit. Elle parla par la bouche de Lugin
365 s’asseoir certaine nuit. Elle parla par la bouche de Lugin, sa langue dans la langue de Lugin : « Le rideau se lève sur un
366 par la bouche de Lugin, sa langue dans la langue de Lugin : « Le rideau se lève sur un miroir qui occupe toute la largeur
367 se lève sur un miroir qui occupe toute la largeur de la scène. Titre : Socrate et Narcisse, un acte à grande figuration. »
368 uration. » Enfin l’on joua aux petits dés le sort de notre parade — et l’on gagna. Enthousiasmé, « Mimosa » partit pour la
369 partit pour la Riviera afin de négocier la vente de cette martingale avec des surréalistes hétérodoxes. Il revint juste à
370 revint juste à temps pour assister à la cérémonie de la pose du point final de « Cinématoma ou les épanchements de la jeun
371 assister à la cérémonie de la pose du point final de « Cinématoma ou les épanchements de la jeune Synovie », parade « née
372 u point final de « Cinématoma ou les épanchements de la jeune Synovie », parade « née du mariage de nos veilles et de nos
373 ts de la jeune Synovie », parade « née du mariage de nos veilles et de nos rêves », ainsi que le disait si poétiquement le
374 ovie », parade « née du mariage de nos veilles et de nos rêves », ainsi que le disait si poétiquement le programme. Un peu
375 ue le disait si poétiquement le programme. Un peu d’ histoire (erratum de la chronique de Mossoul). Belles-Lettres joua l’I
376 iquement le programme. Un peu d’histoire (erratum de la chronique de Mossoul). Belles-Lettres joua l’Inspecteur de Gogol à
377 ramme. Un peu d’histoire (erratum de la chronique de Mossoul). Belles-Lettres joua l’Inspecteur de Gogol à l’époque où le
378 que de Mossoul). Belles-Lettres joua l’Inspecteur de Gogol à l’époque où le Cuirassé Potemkine était interdit à l’écran. P
379 ise en scène fort ingénieuse qui permit à Mossoul de se perdre dans des jupons autrement que par métaphore. À La Chaux-de-
380 cent doigts dans deux lits. Combien cela fait-il de pieds et d’oreillles ? À signaler la fuite de Bec-de-Gaz, lequel s’ét
381 dans deux lits. Combien cela fait-il de pieds et d’ oreillles ? À signaler la fuite de Bec-de-Gaz, lequel s’éteignit dans
382 -il de pieds et d’oreillles ? À signaler la fuite de Bec-de-Gaz, lequel s’éteignit dans les neiges. Un jour, on s’aperçut
383 ie. 6. Revue ou prologue. l. Rougemont Denis de , « L’autre œil », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-
384 . l. Rougemont Denis de, « L’autre œil », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, février 1927, p. 
9 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Entr’acte de René Clair, ou L’éloge du Miracle (mars 1927)
385 Entr’acte de René Clair, ou L’éloge du Miracle (mars 1927)n Surprendre est peu
386 b. Ce soir-là, le programme comprenait : un film d’ avant-guerre ; un film japonais ; Entr’acte et le Voyage imaginaire, d
387 ilm japonais ; Entr’acte et le Voyage imaginaire, de René Clair. La Mort de Phèdre (environ 1905) : quelques acteurs d’un
388 et le Voyage imaginaire, de René Clair. La Mort de Phèdre (environ 1905) : quelques acteurs d’une troupe de province s’a
389 Mort de Phèdre (environ 1905) : quelques acteurs d’ une troupe de province s’agitent incompréhensiblement dans un décor tr
390 re (environ 1905) : quelques acteurs d’une troupe de province s’agitent incompréhensiblement dans un décor très pauvre, lé
391 rine ; et une crise intérieure par un court accès de danse de Saint-Guy. Art classique : la mort d’Hyppolite se passe en c
392 une crise intérieure par un court accès de danse de Saint-Guy. Art classique : la mort d’Hyppolite se passe en coulisse.
393 ès de danse de Saint-Guy. Art classique : la mort d’ Hyppolite se passe en coulisse. Mais Phèdre avoue tout « devant le cad
394 te bande est antérieure à l’époque du long baiser de conclusion. Le film japonais : une historiette un peu plus banale que
395 bien photographiée. C’est le film du type « Jeux de soleil dans les jardins, complets variés, ça fait toujours plaisir de
396 ardins, complets variés, ça fait toujours plaisir de voir des gens bien habillés. » Soudain éclate Entr’acte (1925). « Une
397 25). « Une étude sur le Monde des Rêves ». Rondes de cheminées dans le ciel où des pressentiments clignent de l’œil. Des p
398 inées dans le ciel où des pressentiments clignent de l’œil. Des poupées en baudruche gonflent leur tête jusqu’à éclater, t
399 sent au fond à toute vitesse. Rigueur voluptueuse d’ une colonnade, puis un jeu d’échec serré, mais sur la corniche d’un gr
400 Rigueur voluptueuse d’une colonnade, puis un jeu d’ échec serré, mais sur la corniche d’un gratte-ciel, d’où se met à desc
401 , puis un jeu d’échec serré, mais sur la corniche d’ un gratte-ciel, d’où se met à descendre un petit bateau de papier, sur
402 hec serré, mais sur la corniche d’un gratte-ciel, d’ où se met à descendre un petit bateau de papier, sur fond de boulevard
403 tte-ciel, d’où se met à descendre un petit bateau de papier, sur fond de boulevards et parmi les toits flottants, c’est as
404 t à descendre un petit bateau de papier, sur fond de boulevards et parmi les toits flottants, c’est assez tragique. Mitrai
405 its flottants, c’est assez tragique. Mitrailleuse de phares d’auto, les 100 000 yeux de la nuit. Des imprécisions rapides.
406 nts, c’est assez tragique. Mitrailleuse de phares d’ auto, les 100 000 yeux de la nuit. Des imprécisions rapides. Un chasse
407 . Mitrailleuse de phares d’auto, les 100 000 yeux de la nuit. Des imprécisions rapides. Un chasseur, toujours sur son toit
408 asseur, toujours sur son toit ; il tire sur l’œuf d’ où naît une colombe. Chasse. Mais un papillon éclatant qui battait de
409 be. Chasse. Mais un papillon éclatant qui battait de l’aile un dixième de seconde, par intermittences, se pose enfin sur l
410 apillon éclatant qui battait de l’aile un dixième de seconde, par intermittences, se pose enfin sur l’écran : une danseuse
411 e enfin sur l’écran : une danseuse sur une plaque de verre, vue par-dessous. Quelques miracles qui suivent sont embrumés d
412 ont embrumés dans mon souvenir par le rayonnement de la robe, fleur qui s’ouvre pour dégager le mouvement obsédant de deux
413 ur qui s’ouvre pour dégager le mouvement obsédant de deux jambes, l’harmonie de leurs arabesques à trois dimensions mêlées
414 le mouvement obsédant de deux jambes, l’harmonie de leurs arabesques à trois dimensions mêlées avec une lenteur et une pe
415 . Ils revoient la danseuse, font une ronde autour d’ une tour Eiffel de bois de la taille de l’Obélisque de la Concorde, pu
416 danseuse, font une ronde autour d’une tour Eiffel de bois de la taille de l’Obélisque de la Concorde, puis enfilent les Ch
417 , font une ronde autour d’une tour Eiffel de bois de la taille de l’Obélisque de la Concorde, puis enfilent les Champs-Ély
418 nde autour d’une tour Eiffel de bois de la taille de l’Obélisque de la Concorde, puis enfilent les Champs-Élysées à une al
419 e tour Eiffel de bois de la taille de l’Obélisque de la Concorde, puis enfilent les Champs-Élysées à une allure grandissan
420 il roule dans les marguerites, il en sort un chef d’ orchestre dont la baguette éteint tous les personnages et lui-même. ⁂
421 e pas 20 minutes. Et c’est heureux. Nous manquons d’ entraînement dans le domaine du merveilleux moderne. Un peu plus et no
422 eux moderne. Un peu plus et nous demandions grâce de trop de plaisir. Mais je ne suis pas sûr que le plaisir du public fût
423 rne. Un peu plus et nous demandions grâce de trop de plaisir. Mais je ne suis pas sûr que le plaisir du public fût de même
424 ’enterrement au ralenti, à l’éclatement des têtes de poupées, à la conclusion. Ce n’est pas le bon rire de cinéma. Quand l
425 oupées, à la conclusion. Ce n’est pas le bon rire de cinéma. Quand la danseuse paraît, ils n’attendent que le moment où il
426 là par exemple, où nous ne pouvons nous empêcher d’ admirer l’utilisation artistique ingénieuse et précise de certaines th
427 er l’utilisation artistique ingénieuse et précise de certaines théories sur le rêve, le peuple, qui n’a pas vu ces dessous
428 n ça, c’est comme quand on rêve. » Un des défauts d’ Entr’acte, c’est la fantaisie recherchée de certaines scènes (l’enterr
429 éfauts d’Entr’acte, c’est la fantaisie recherchée de certaines scènes (l’enterrement). Cela fait bizarre. Or, dans le mond
430 oit nous « transplanter », un certain naturel est de rigueur ; toute bizarrerie détourne du véritable miracle auquel nous
431 du véritable miracle auquel nous assistons. Mais de pareils défauts sont presque inévitables dans une production de début
432 auts sont presque inévitables dans une production de début, et Entr’acte mérite d’être ainsi qualifié : c’est peut-être le
433 dans une production de début, et Entr’acte mérite d’ être ainsi qualifié : c’est peut-être le premier film où l’on a fait d
434 aphiques. Ici le geste pictural remplace le geste de l’acteur. Un mouvement ne souligne pas, il exprime, et se suffit. Mai
435 is comme pour le film 1905, on a sans cesse envie de crier : « Trop de gestes ! » C’est une question d’épuration des moyen
436 ilm 1905, on a sans cesse envie de crier : « Trop de gestes ! » C’est une question d’épuration des moyens. Rendre le plus
437 e crier : « Trop de gestes ! » C’est une question d’ épuration des moyens. Rendre le plus par le moins, c’est le fait d’un
438 oyens. Rendre le plus par le moins, c’est le fait d’ un art à sa maturité. Mais ce sont là critiques de style. D’ores et dé
439 d’un art à sa maturité. Mais ce sont là critiques de style. D’ores et déjà, il faut admirer dans les films de René Clair u
440 e. D’ores et déjà, il faut admirer dans les films de René Clair un sens du miracle assez bouleversant. Et je ne parle pas
441 ersant. Et je ne parle pas du miracle genre conte de fée, comme le Voyage imaginaire en montre (beaucoup trop à mon gré).
442 cière transforme un homme en chien, cela n’a rien d’ étonnant au cinéma. C’est la photographie d’une chose qui ne serait ét
443 rien d’étonnant au cinéma. C’est la photographie d’ une chose qui ne serait étonnante que dans le réel ; ce n’est pas enco
444 que dans le réel ; ce n’est pas encore un miracle de ciné. Et les fées paraissent vieux jeu avec leur baguette, pour moi q
445 miracle du cinéma, c’est, par exemple, l’éclosion d’ une rose, un homme qui court au ralenti, certaines coïncidences de mou
446 omme qui court au ralenti, certaines coïncidences de mouvements… C’est une réalité quotidienne dans une lumière qui la mét
447 des nées des nécessités sociales — nous empêchent de découvrir la richesse immédiate. Surréel qui n’est pas synonyme d’inc
448 ichesse immédiate. Surréel qui n’est pas synonyme d’ incompréhensible, non Madame, car alors quoi de plus surréaliste que l
449 le film 1905. Ce n’est peut-être qu’une question d’ imagination ; il reste qu’un film comme Entr’acte est une aide puissan
450 faisons nos premiers pas, étourdis, dans un pays d’ illuminations vertigineuses, et nous en sommes encore à nous frotter l
451 and nos regards plus assurés sauront enfin gagner de vitesse les prodiges que déclenche René Clair, verrons-nous, pris par
452 s-nous, pris par surprise dans l’exploration ivre d’ un projecteur, des signes fatidiques, le visage d’un ange. n. Rouge
453 d’un projecteur, des signes fatidiques, le visage d’ un ange. n. Rougemont Denis de, «  Entr’acte de René Clair, ou L’él
454 iques, le visage d’un ange. n. Rougemont Denis de , «  Entr’acte de René Clair, ou L’éloge du Miracle », Revue de Belles
455 d’un ange. n. Rougemont Denis de, «  Entr’acte de René Clair, ou L’éloge du Miracle », Revue de Belles-Lettres, Lausann
456 cte de René Clair, ou L’éloge du Miracle », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, mars 1927, p. 124
10 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Louis Aragon, le beau prétexte (avril 1927)
457 je sens qu’une puissance étrangère s’est emparée de mon être et a saisi les cordes les plus secrètes de mon âme, qu’elle
458 mon être et a saisi les cordes les plus secrètes de mon âme, qu’elle peut faire désormais vibrer à sa fantaisie, même si
459 I (Notes écrites en décembre 1925, au sortir d’ une conférence sur le Salut de l’humanité.)   Ce soir en moi trépigne
460 bre 1925, au sortir d’une conférence sur le Salut de l’humanité.)   Ce soir en moi trépigne une rage. Sur quelles épaules
461 ne une rage. Sur quelles épaules jeter ce manteau de flammes, puis à qui dédier l’ennui de ma révolte ? Aragon sarcastique
462 ce manteau de flammes, puis à qui dédier l’ennui de ma révolte ? Aragon sarcastique se tient là-bas dans un rayon échappé
463 our le pittoresque. — Attrape !   Il n’existe pas de théorie du salut. Il n’existe que des systèmes pour faire taire en no
464 des Dieux, mais c’est pour détourner nos regards de cela qu’il faut bien nommer le Vide. Tant de séductions nous ont en v
465 s nous ont en vain tentés, ô tortures fascinantes de la sainteté, seules vous nous appelez encore hors de cette voix de l’
466 eules vous nous appelez encore hors de cette voix de l’infini où chancellent parmi les éclairs nos premiers pas. Aragon, d
467 lairs nos premiers pas. Aragon, dans ces tempêtes de nuits filantes où s’enfuient, souffles à peine parfumés, les vices en
468 st un ricanement splendide comme un éclat de rire de condamné à mort et à l’éternité. Le diable avait pris des avocats don
469 s palinodies, font encore rêver les anges écœurés d’ azur. Alors un juron mélodramatique, d’une voix torturée, hurle au pap
470 es écœurés d’azur. Alors un juron mélodramatique, d’ une voix torturée, hurle au pape et au diable un anathème sanglant. Lo
471 diable un anathème sanglant. Louis Aragon, avocat de l’infini, annonce l’entrée de l’éternelle anarchiste, la Poésie.   On
472 ouis Aragon, avocat de l’infini, annonce l’entrée de l’éternelle anarchiste, la Poésie.   On dit : « Des mots ! » au lieu
473 !, trois mots dont l’un savant. Je ne connais pas de meilleur remède contre Dieu. Monsieur, vous avez dit : « C’est incomp
474 ! » — avec une indignation où j’admire une pointe d’ ironie vraiment supérieure. Car rien ne pouvait mieux exciter, signe d
475 érieure. Car rien ne pouvait mieux exciter, signe d’ aise extrême, vos glandes salivaires, pourtant si éprouvées par le rep
476 la porte ferme bien sur l’infini. Rien à craindre de ce côté. Retournez à vos amours. ....................................
477 ou la poésie — et d’autres, à travers les déserts de la sainteté que hantent les fantômes adorables du désir, — quelques h
478 désir, — quelques hommes y pénètrent, et le goût de s’amuser ne renaîtra plus en eux. Ni même celui de souffrir. Le derni
479 e s’amuser ne renaîtra plus en eux. Ni même celui de souffrir. Le dernier rire d’Aragon, c’est l’éclat de sa joie brusque
480 n eux. Ni même celui de souffrir. Le dernier rire d’ Aragon, c’est l’éclat de sa joie brusque d’être seul sur un faux somme
481 souffrir. Le dernier rire d’Aragon, c’est l’éclat de sa joie brusque d’être seul sur un faux sommet vers quoi des faibles
482 r rire d’Aragon, c’est l’éclat de sa joie brusque d’ être seul sur un faux sommet vers quoi des faibles s’efforcent — mais
483 es nargue. Il connaît enfin une solitude défendue de tous côtés par ses rires scandaleux, quelques « goujateries » affecté
484 ux, quelques « goujateries » affectées par mépris de l’honneur, le mot de Cambronne prodigué et des phrases d’un fascinant
485 eries » affectées par mépris de l’honneur, le mot de Cambronne prodigué et des phrases d’un fascinant éclat : « Ô grand Rê
486 neur, le mot de Cambronne prodigué et des phrases d’ un fascinant éclat : « Ô grand Rêve, au matin pâle des édifices, ne qu
487 ne quitte plus, attiré par les premiers sophismes de l’aurore, ces corniches de craie où t’accoudant tu mêles tes traits p
488 les premiers sophismes de l’aurore, ces corniches de craie où t’accoudant tu mêles tes traits purs et labiles à l’immobili
489 bilité miraculeuse des statues7. » Il s’agit bien de critique littéraire ! Nous sommes ici en présence d’une des tentative
490 Nous sommes ici en présence d’une des tentatives de libération les plus violentes et belles — malgré tant de maladresses
491 belles — malgré tant de maladresses dédaigneuses, de bravades et de faciles tricheries8 — qu’ait connue l’esprit humain. S
492 tant de maladresses dédaigneuses, de bravades et de faciles tricheries8 — qu’ait connue l’esprit humain. Sens de l’Absolu
493 tricheries8 — qu’ait connue l’esprit humain. Sens de l’Absolu, sens de la pureté ou fanatisme de l’esprit. Jusqu’au-boutis
494 it connue l’esprit humain. Sens de l’Absolu, sens de la pureté ou fanatisme de l’esprit. Jusqu’au-boutisme désespéré. « Il
495 Sens de l’Absolu, sens de la pureté ou fanatisme de l’esprit. Jusqu’au-boutisme désespéré. « Il s’agit de rendre impratic
496 ’esprit. Jusqu’au-boutisme désespéré. « Il s’agit de rendre impraticables quelques portes de sortie » ou compromis :   « N
497 Il s’agit de rendre impraticables quelques portes de sortie » ou compromis :   « Nous étions dominés par le sens d’une réa
498 u compromis :   « Nous étions dominés par le sens d’ une réalité morale absolue que certains d’entre nous eussent acheté au
499 que certains d’entre nous eussent acheté au prix d’ un martyre… Nos jugements se rendaient sans cesse à l’échelle de l’inf
500 Nos jugements se rendaient sans cesse à l’échelle de l’infini, et cet infini nous écrasait. Comment aurions-nous accepté l
501 aurions-nous accepté le sort communément heureux de nos contemporains qui ont puisé dans Auguste Comte cette tranquillité
502 i ont puisé dans Auguste Comte cette tranquillité de rejeter définitivement les problèmes métaphysiques ? »   Nous naisson
503 à quelque chose qui imite la vie dans une époque d’ inconcevables compromissions où triomphe sous tous les déguisements, d
504 omissions où triomphe sous tous les déguisements, de Ford à Clément Vautel, le matérialisme le plus pauvre auquel se soit
505 pour nous n’est nulle part9 ». Ultime affirmation d’ une foi que plus rien ne peut duper. Depuis certaines paroles sur la C
506 s paroles sur la Croix, il n’y a peut-être pas eu d’ expression plus haute de l’angoisse humaine, et vous aurez beau rire,
507 il n’y a peut-être pas eu d’expression plus haute de l’angoisse humaine, et vous aurez beau rire, pharisiens, et dire qu’e
508 pharisiens, et dire qu’elle est née dans un café de Paris. « Je n’attends rien du monde, je n’attends rien de rien. » Rie
509 . « Je n’attends rien du monde, je n’attends rien de rien. » Riez-en donc, pantins officiels, et vous repus, et vous, dubi
510 vous repus, et vous, dubitatives barbes. Je viens d’ entendre la voix d’un mystique. Que si l’on vient nous empêtrer de dog
511 , dubitatives barbes. Je viens d’entendre la voix d’ un mystique. Que si l’on vient nous empêtrer de dogmes bassement ingén
512 ix d’un mystique. Que si l’on vient nous empêtrer de dogmes bassement ingénieux : « Si j’essaie un instant de m’élever à l
513 es bassement ingénieux : « Si j’essaie un instant de m’élever à la notion de Dieu, répond Aragon, je me révolte qu’elle pu
514 « Si j’essaie un instant de m’élever à la notion de Dieu, répond Aragon, je me révolte qu’elle puisse en aucun cas servir
515 je me révolte qu’elle puisse en aucun cas servir d’ argument à un homme. » Voilà qui nous fait oublier certaines morales d
516 . » Voilà qui nous fait oublier certaines morales d’ extrême moyenne d’où sont exclues toutes grandeurs au profit de fuites
517 fait oublier certaines morales d’extrême moyenne d’ où sont exclues toutes grandeurs au profit de fuites lâches qu’on veut
518 enne d’où sont exclues toutes grandeurs au profit de fuites lâches qu’on veut nommer renoncements ! Jouant tout sur une ré
519 tout sur une révélation possible, ou la naissance d’ un prophète qui rapprenne comment aimer un Dieu. Ce n’est pas à genoux
520 : pour que cela eût un sens, il faudrait être sûr de n’avoir pas la tête en bas par rapport au soleil. Quelques gestes enc
521 s gestes encore, interceptant les messages égarés de l’infini… Un tel homme, — est-ce encore Aragon, sinon qui ? — sa gra
522 ver quelques pages écrites il y a un an, tel soir de colère où le thermomètre eût indiqué 39° selon toute vraisemblance. E
523 selon toute vraisemblance. Et voici Aragon revêtu d’ une dignité tragique qu’il trouverait sans doute un peu ridicule. C’es
524 tagieuses. Comment, en effet, ne pas voir la part de littérature que renferme cette œuvre, et qui fait, en dépit des préte
525 qui fait, en dépit des prétentions désobligeantes de l’auteur, son incontestable « séduction ». Pour un peu, je découvrais
526 duction ». Pour un peu, je découvrais une manière de prophète un brin janséniste chez ce poète. Aujourd’hui, je le verrais
527 orie du scandale pour le scandale qui a le mérite de n’être pas qu’un jeu littéraire. Mais enfin, c’est encore un Musset,
528 osé dans notre siècle et chez qui tout est devenu de quelques degrés plus violent, plus acerbe, plus profond. En somme, et
529 . Et qui sait tirer un admirable parti littéraire de son tempérament vif, insolent et ombrageux. « J’appartiens à la grand
530 on prophétique, ne serait-ce pas plutôt une sorte de donquichottisme assez fréquent dans les cafés littéraires et dont il
531 emier à s’amuser ?   Février 1927. Relu Une vague de rêves et la préface de Libertinage. Sous une certaine rhétorique — ma
532 vrier 1927. Relu Une vague de rêves et la préface de Libertinage. Sous une certaine rhétorique — mais la plus belle, — ce
533 me un désespoir en quoi je ne vais pas m’empêcher de reconnaître la voix secrète de notre mal de vivre. Désespoir métaphys
534 ais pas m’empêcher de reconnaître la voix secrète de notre mal de vivre. Désespoir métaphysique. Je me souviens d’une phra
535 êcher de reconnaître la voix secrète de notre mal de vivre. Désespoir métaphysique. Je me souviens d’une phrase de Vinet —
536 de vivre. Désespoir métaphysique. Je me souviens d’ une phrase de Vinet — laissons s’esclaffer du rapprochement les auteur
537 sespoir métaphysique. Je me souviens d’une phrase de Vinet — laissons s’esclaffer du rapprochement les auteurs de manuels
538 laissons s’esclaffer du rapprochement les auteurs de manuels de littérature — : « Un mysticisme creux et affamé est le con
539 esclaffer du rapprochement les auteurs de manuels de littérature — : « Un mysticisme creux et affamé est le contrecoup du
540 le savons… Mais pour Aragon, ce n’est point façon de parler. Son « nulle part » est sans dérobade possible par sous-entend
541 entendu. Pas plus « ailleurs » que sur ce « globe d’ attente » comme dit Crevel. Pourtant, le plus irrévocable désespoir n’
542 ma plume, comme une mouche qu’on n’a jamais fini de chasser parce qu’elle n’a pas mérité du premier coup qu’on se donne l
543 as mérité du premier coup qu’on se donne la peine de l’écraser, — c’est qu’il symbolise tout cet état d’esprit « bien Pari
544 ise tout cet état d’esprit « bien Parisien » dont de récentes statistiques de librairie montrèrent les ravages bien plus é
545 t « bien Parisien » dont de récentes statistiques de librairie montrèrent les ravages bien plus étendus qu’on n’osait le c
546 enu qu’une introspection immobile ne retient rien de la réalité vivante ; si je dénie à des incrédules le droit à parler d
547 nie à des incrédules le droit à parler des choses de la foi comme étant d’un ordre qui leur échappe ; de même je récuse ic
548 e droit à parler des choses de la foi comme étant d’ un ordre qui leur échappe ; de même je récuse ici certain sens critiqu
549 nt on voudrait que soient justiciables les œuvres d’ un écrivain, les démarches de sa pensée, ses délires, ses visions. Un
550 ticiables les œuvres d’un écrivain, les démarches de sa pensée, ses délires, ses visions. Un critique qui n’épouse pas le
551 s visions. Un critique qui n’épouse pas le rythme d’ une œuvre, mais s’avance à sa rencontre armé de l’appareil à frigorifi
552 me d’une œuvre, mais s’avance à sa rencontre armé de l’appareil à frigorifier de sa raison, est destiné à dire des bêtises
553 e à sa rencontre armé de l’appareil à frigorifier de sa raison, est destiné à dire des bêtises. Cf. certaines remarques —
554 s bêtises. Cf. certaines remarques — pas toutes — de novembre 1926.   2 mai 1927. « Nous avons dressé notre orgueilleuse r
555 gueilleuse raison à nous tromper sur ce qu’il y a de profond en nous, et elle ne manque guère à ce devoir sacré. » (Edmond
556 loux.) Entre un monsieur en noir : Permettez-moi de me présenter… d’ailleurs une ancienne connaissance… le Sens Critique.
557 dit que je pourrais, en quelque sorte, vous être de quelque utilité… Moi. — Ah ! oui, oui… c’est cela, utilité,… en effe
558 es jours-ci, beaucoup trop à faire, beaucoup trop d’ êtres et de choses à aimer, et vous savez ce que cela suppose. Compren
559 , beaucoup trop à faire, beaucoup trop d’êtres et de choses à aimer, et vous savez ce que cela suppose. Comprenez-moi : su
560 ntion… Moi. — Que voilà un singulier impertinent de votre part. (Le reconduisant :) Croyez, Monsieur, à mon estime la plu
561 nous sommes débordés, voyez vous-même, pas moyen de causer aujourd’hui… Quoi ?… Bon, bon, c’est entendu, on ne peut rien
562 Mais plus tard, plus tard. Tenez, voici un traité de métaphysique, vous lirez ça en attendant. Très bien fait. Excellente
563 ez, ma vie ? La Muse (mais oui, la Muse, sortant de derrière un rideau). — J’attends votre plaisir… III Il y a des
564 t avoir tout dit quand ils ont montré à l’origine de telle doctrine mystique une exaltation nerveuse ou des troubles organ
565 opposent à ces « délires » les thèses rassurantes de la « saine raison », sans se demander jamais si cela ne condamne pas
566 Il s’est trouvé des Maurras et autres « héritiers de la grande tradition gréco-latine » pour assigner à Minerve le bassin
567 gréco-latine » pour assigner à Minerve le bassin de la Méditerranée comme promenoir, avec défense sous peine de mort de s
568 comme promenoir, avec défense sous peine de mort de s’en écarter. Voilà bien leur désinvolture, car enfin, elle est déess
569 tisane assagie, parfois dévote, phraseuse, sèche, d’ humeur acariâtre et réactionnaire. Vous tracez des frontières géograph
570 « À bas le clair génie français. » Alors la voix de Rimbardp à la cantonade : Qu’il vienne, qu’il vienne Le temps dont o
571 s’éprenne ! Les œuvres les plus significatives de ce siècle sont écrites en haine de l’époque12. Le reproche d’obscurit
572 significatives de ce siècle sont écrites en haine de l’époque12. Le reproche d’obscurité que l’on fait à la littérature mo
573 sont écrites en haine de l’époque12. Le reproche d’ obscurité que l’on fait à la littérature moderne n’est qu’une manifest
574 la littérature moderne n’est qu’une manifestation de ce divorce radical entre l’époque et les quelques centaines (?) d’ind
575 ical entre l’époque et les quelques centaines (?) d’ individus pour qui l’esprit est la seule réalité. C’est pourquoi nous
576 pourquoi nous ne pourrons plus séparer du concept de l’esprit celui de Révolution. Et j’entends ce mot dans son sens le pl
577 ourrons plus séparer du concept de l’esprit celui de Révolution. Et j’entends ce mot dans son sens le plus vaste. Il y a e
578 e-vingt-treize, la Réforme, Karl Marx, la préface de Cromwell. Mais il ne s’agit pas de refaire notre petite révolution à
579 rx, la préface de Cromwell. Mais il ne s’agit pas de refaire notre petite révolution à nous, dans tel domaine. Et c’est mê
580 tes : qu’ils aient voulu s’allier aux dogmatiques d’ extrême gauche. Je ne dirai pas, comme on a fait, que c’est très joli
581 e dirai pas, comme on a fait, que c’est très joli de crier merde pour Horace, Montaigne, Descartes, Schiller, Voltaire, et
582 , pourquoi se faire marchand des œuvres complètes de Karl Marx ? Si vous ne dites pas aussi merde pour Marx ou Lénine, je
583 . Est-ce que vraiment vous ne pouvez vous libérer de cette manie française, la politique, et ne voyez-vous pas que c’est f
584 ique, et ne voyez-vous pas que c’est faire le jeu de vos ennemis de discuter avec eux dans leur langue et de crier rouge p
585 ez-vous pas que c’est faire le jeu de vos ennemis de discuter avec eux dans leur langue et de crier rouge pour la simple r
586 ennemis de discuter avec eux dans leur langue et de crier rouge pour la simple raison qu’ils ont dit blanc ? Pensez-vous
587 cet esprit « bien français » qui s’associe à tant d’ objets de votre mépris, en prenant le contre-pied de tout ce qu’il ins
588 t « bien français » qui s’associe à tant d’objets de votre mépris, en prenant le contre-pied de tout ce qu’il inspire ? Al
589 objets de votre mépris, en prenant le contre-pied de tout ce qu’il inspire ? Alors que cette réaction même est ce qu’il y
590 tent Aragon, Breton et leurs amis alternativement de dévoyés, de farceurs, de chacals, de déments. Et puis surtout, l’heur
591 Breton et leurs amis alternativement de dévoyés, de farceurs, de chacals, de déments. Et puis surtout, l’heure est venue
592 urs amis alternativement de dévoyés, de farceurs, de chacals, de déments. Et puis surtout, l’heure est venue de clore des
593 ernativement de dévoyés, de farceurs, de chacals, de déments. Et puis surtout, l’heure est venue de clore des discussions
594 qu’ils ont la passion et l’incommunicable secret de l’invention.   Il nous faut des entrepreneurs de tempêtes. Un grand
595 de l’invention.   Il nous faut des entrepreneurs de tempêtes. Un grand principe de violence commandait à nos mœurs. … et
596 des entrepreneurs de tempêtes. Un grand principe de violence commandait à nos mœurs. … et nous portant dans nos actions à
597 s. … et nous portant dans nos actions à la limite de nos forces, notre joie parmi vous fut une très grande joie. Saint-Joh
598 ction contre tout ce qui prétendait nous empêcher de vivre, de rêver et de souffrir : culte du moi avec ses recettes garan
599 re tout ce qui prétendait nous empêcher de vivre, de rêver et de souffrir : culte du moi avec ses recettes garanties, chap
600 ui prétendait nous empêcher de vivre, de rêver et de souffrir : culte du moi avec ses recettes garanties, chapelets d’opti
601 lte du moi avec ses recettes garanties, chapelets d’ optimisme, tyranniques évidences, ordre et désordre, principes de Desc
602 ranniques évidences, ordre et désordre, principes de Descartes, mathématiques aux pinces de crabe, examens de conscience t
603 principes de Descartes, mathématiques aux pinces de crabe, examens de conscience toujours ratés — on ne m’y prendra plus 
604 artes, mathématiques aux pinces de crabe, examens de conscience toujours ratés — on ne m’y prendra plus ! — morales améric
605 eurs abstractions que nous haïssions. Notre haine de certaine morale ne venait-elle pas de ce qu’en son nom l’on mesurait
606 Notre haine de certaine morale ne venait-elle pas de ce qu’en son nom l’on mesurait odieusement une sympathie humaine pour
607 ine pour nous sans prix ? Mais nous avions besoin de révolution pour vivre, pour nous perdre. Vivre était devenu synonyme
608 re, pour nous perdre. Vivre était devenu synonyme de magnifique perdition dans des choses plus grandes que nous. Nous nous
609 nous connaissions dans les coins et nous mourions d’ ennui avec les aspects irrévocablement prévus de nous-mêmes que faisai
610 s d’ennui avec les aspects irrévocablement prévus de nous-mêmes que faisaient paraître les petits faits de nos longues jou
611 ous-mêmes que faisaient paraître les petits faits de nos longues journées. Nous aimions la révolution comme on aime l’amou
612 esse amoureuse ; nous cherchions cette Révolution de toutes nos forces et séductions, comme on cherche cette femme à trave
613 révolution-vice. Mais on ne vit, on ne meurt que de vices. ⁂ Ici le lecteur se rassure. « Il s’y retrouve. » Il pense qu
614 les brancards, c’est très bellettrien. Un disque de gramo comme par hasard nasille : Nous avons tous fait ça Plus ou moi
615 es bonnes farces, et aussi pourtant des histoires de copains qui ont mal tourné, on pensait bien, ah ! cette jeunesse, mai
616 u six ans et mort des suites. Quand cesserez-vous de nous faire la jambe, pardon escuses, avec ce thème à condamnations pa
617 mace. Il y a encore des gens pour qui les limites de l’anarchie sont : chanter l’Internationale dans les rues, faire la no
618 ale dans les rues, faire la noce, écrire un livre de tendances très modernes. Et des gens pour se gausser quand nous écriv
619 finalement nous écraser par l’évidence définitive de notre absurdité. Car l’homme « s’est fait une vérité changeante et to
620 fait une vérité changeante et toujours évidente, de laquelle il se demande vainement pourquoi il n’arrive pas à se conten
621 contenter13 ». Acculés à ce choix : inconscience de ruminants ou neurasthénie, est-ce que vraiment vous vous êtes telleme
622 st plus combattre, c’est l’épanouissement violent d’ une immense fleur palpitante au parfum de passions, c’est une atmosphè
623 violent d’une immense fleur palpitante au parfum de passions, c’est une atmosphère toute chargée d’éclairs qui nous attei
624 m de passions, c’est une atmosphère toute chargée d’ éclairs qui nous atteignent sans cesse au cœur et nous revêtent miracu
625 ns cesse au cœur et nous revêtent miraculeusement d’ aigrettes de folies et de joies ; n’allez pas nous toucher, nous somme
626 cœur et nous revêtent miraculeusement d’aigrettes de folies et de joies ; n’allez pas nous toucher, nous sommes dangereux.
627 revêtent miraculeusement d’aigrettes de folies et de joies ; n’allez pas nous toucher, nous sommes dangereux. Un orage de
628 pas nous toucher, nous sommes dangereux. Un orage de tendresse va crever sur le monde. Aigles d’amours, oiseaux doux et cr
629 orage de tendresse va crever sur le monde. Aigles d’ amours, oiseaux doux et cruels, nous parlerons vos langues aériennes.
630 es aériennes. On n’acceptera plus que des valeurs de passion. Balayez ces douanes de l’esprit, proclamez le grand Libre-Éc
631 s que des valeurs de passion. Balayez ces douanes de l’esprit, proclamez le grand Libre-Échange, voici déjà s’avancer des
632 us sommes prêts à les accueillir. 7. Une vague de rêves (dans Commerce). 8. Et malgré certaines théories bien superfic
633 surtout pour un homme qui élit Freud « président de la République du Rêve » – c’est presque un non-sens de chercher l’abs
634 République du Rêve » – c’est presque un non-sens de chercher l’absolue liberté dans le rêve. Le rêve, c’est la tyrannie d
635 ie des souvenirs ; et ce n’est pas se libérer que de brasser ces chaînes sonores. 9. Lettre à Paul Claudel. 10. Musset d
636 s sonores. 9. Lettre à Paul Claudel. 10. Musset de La coupe et les lèvres. Mais oui, c’est paradoxal. 11. Les livres le
637 s plus répandus à Genève sont Ma vie et mon œuvre de Ford et Mon curé chez les riches. Très loin derrière viennent des Fra
638 , quelques esthètes du machinisme. 13. Le Paysan de Paris. o. Rougemont Denis de, « Louis Aragon, le beau prétexte », R
639 me. 13. Le Paysan de Paris. o. Rougemont Denis de , « Louis Aragon, le beau prétexte », Revue de Belles-Lettres, Lausann
640 nis de, « Louis Aragon, le beau prétexte », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, avril 1927, p. 13
641 il 1927, p. 131-144. p. On a conservé la graphie de l’original, sans doute voulue par l’auteur.
11 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Quatre incidents (avril 1927)
642 e femme dans les rues tant soit peu métaphysiques d’ une capitale de mes songes. On exigeait d’une saison de marque de tels
643 s rues tant soit peu métaphysiques d’une capitale de mes songes. On exigeait d’une saison de marque de tels soupirs, d’ail
644 ysiques d’une capitale de mes songes. On exigeait d’ une saison de marque de tels soupirs, d’ailleurs invraisemblables, qu’
645 capitale de mes songes. On exigeait d’une saison de marque de tels soupirs, d’ailleurs invraisemblables, qu’à leurs refle
646 de mes songes. On exigeait d’une saison de marque de tels soupirs, d’ailleurs invraisemblables, qu’à leurs reflets se fuss
647 eurs reflets se fussent évanouis des arcs-en-ciel de névroses dans tous les poèmes où détresse rimait avec maîtresse. Écol
648 e du voyage, et qu’on ne manque pas le train bleu d’ un désir. Elle était donc venue. Il la suivait entre les devantures qu
649 la suivait entre les devantures qui se passaient de l’une à l’autre deux séries de profils jusqu’au soleil toujours de fa
650 s qui se passaient de l’une à l’autre deux séries de profils jusqu’au soleil toujours de face. Il ne vit plus que la foule
651 e deux séries de profils jusqu’au soleil toujours de face. Il ne vit plus que la foule des yeux bleus, son éblouissement.
652 ci, elle descend à sa rencontre parmi les éclairs d’ un luxe mécanique, le visage dans sa fourrure. Elle découvre en passan
653 . Elle découvre en passant près de lui le sourire d’ amitié mortel de tout ce qui n’arrive jamais. Il s’est trompé, ce n’es
654 en passant près de lui le sourire d’amitié mortel de tout ce qui n’arrive jamais. Il s’est trompé, ce n’est pas elle. Il p
655 ce n’est pas elle. Il pensa que c’était un ange, de ceux qui vont à la recherche des âmes. Aussitôt il téléphone à ceux d
656 la boutonnière, le marquis pénétra dans le salon de la duchesse, lui baisa la main et l’abattit d’un coup de revolver. Pu
657 on de la duchesse, lui baisa la main et l’abattit d’ un coup de revolver. Puis s’en fut avec un tact exquis, qui fut très r
658 uchesse, lui baisa la main et l’abattit d’un coup de revolver. Puis s’en fut avec un tact exquis, qui fut très remarqué. L
659 Mais tu es si laid que cela me donne encore plus de plaisir. » Le duc paya et s’enfuit en disant que ce n’était pas lui.
660 nt aura lieu sans suite. Suicide du Marquis Salomon le danseur triste baisa cette main cruelle… et quitta le bal au matin
661 Il neigeait dans les rues sourdes comme un songe de son enfance. Aux fenêtres du palais s’étoilèrent des halos. Le jour t
662 des halos. Le jour tendre paraissait sous l’égide de la mort. Il vit des fleurs de son enfance, une églantine, quelques ro
663 issait sous l’égide de la mort. Il vit des fleurs de son enfance, une églantine, quelques roses, un sourire qui perce le c
664 esses des flocons, plus perfides que des murmures d’ adieu. Il tomba parmi les statues, dans l’amitié pensive des jardins.
665 rt. » Il fait assez beau pour que s’ouvre ce cœur de l’après-midi, comme un camélia de tendre orgueil. Il respire déjà l’o
666 s’ouvre ce cœur de l’après-midi, comme un camélia de tendre orgueil. Il respire déjà l’odeur merveilleuse des objets et de
667 t bien sûr, je n’ai pas bougé. C’est une question d’ amitié. Pourtant je suis seul dès cette heure, et mes amis fuiront un
668 que je reviens seul. Mais moi, qui regarde comme de l’autre bord, je songe qu’il est des visites à de certaines grandes d
669 de l’autre bord, je songe qu’il est des visites à de certaines grandes dames où je préférais — et lui aussi — me rendre se
670 s le retenir, Je ne pouvais pas le suivre. On dit de ces phrases. Même, on en pleure. q. Rougemont Denis de, « Quatre
671 rases. Même, on en pleure. q. Rougemont Denis de , « Quatre incidents », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Ge
672 Rougemont Denis de, « Quatre incidents », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, avril 1927, p. 15
12 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Récit du pickpocket (fragment) (mai 1927)
673 , Monsieur, normalement bon. L’idée, par exemple, d’ étrangler un chat pour le plaisir me répugnait. Je détestais de peiner
674 n chat pour le plaisir me répugnait. Je détestais de peiner quelque être, même ennemi, — car celui-là je le méprisais trop
675 Mes parents me savaient vierge et c’était la joie de leur vie, car ils aimaient en moi par-dessus tout la vertu que je leu
676 . Pourtant, je ne détournai pas mes yeux des yeux de cette femme, de peur qu’elle ne souffrît à cause de moi. Un soir qu’e
677 e détournai pas mes yeux des yeux de cette femme, de peur qu’elle ne souffrît à cause de moi. Un soir qu’elle pleurait, je
678 te femme, qui m’aimait, et nous étions très jolis de bonheur et d’insouciance dans le bonheur de la saison. — Au soir, mon
679 m’aimait, et nous étions très jolis de bonheur et d’ insouciance dans le bonheur de la saison. — Au soir, mon père savait t
680 jolis de bonheur et d’insouciance dans le bonheur de la saison. — Au soir, mon père savait tout. Il effleura mon front de
681 soir, mon père savait tout. Il effleura mon front de ses lèvres sans une parole quand je vins lui souhaiter le bonsoir. Le
682 lui, sans doute, j’étais perdu. Mais il souffrait d’ autre chose encore : il se savait vieux, maintenant. » Je songeais jus
683 maintenant. » Je songeais justement à un sourire de mon amie quand il voulut m’adresser la parole après un silence vertig
684 it mon sourire et pleura. Alors une rage s’empara de mon corps tout entier, je criai un juron, claquai la porte et courus
685 e plus tard, j’étais à la gare, j’écrivais un mot d’ adieu à ma maîtresse d’une nuit et je partais dans une direction quelc
686 la gare, j’écrivais un mot d’adieu à ma maîtresse d’ une nuit et je partais dans une direction quelconque. Il advint que ce
687 direction quelconque. Il advint que ce fut celle de l’Italie. La lumière, mon pays natal ! — Je vécus d’articles sur la m
688 l’Italie. La lumière, mon pays natal ! — Je vécus d’ articles sur la mode et la politique, que j’envoyais à divers journaux
689 divers journaux. Un jour, parcourant un quotidien de mon pays où je cherchais mon dernier papier, je lus mon nom en grosse
690 m en grosses lettres : c’était l’annonce du décès de mon père. » J’étais assis à la terrasse ensoleillée d’un café ; une b
691 n père. » J’étais assis à la terrasse ensoleillée d’ un café ; une brise passa, et une femme en robe bleue légère qui me re
692 augmenter ma volupté. Bientôt je ne pus me tenir de chantonner. J’entrai dans un établissement luxueux d’où sortaient à c
693 hantonner. J’entrai dans un établissement luxueux d’ où sortaient à chaque tour du tambour des bouffées de musique. » La fe
694 ù sortaient à chaque tour du tambour des bouffées de musique. » La femme en bleu dansait en regardant au plafond. Après de
695 x tangos, nous montions ensemble dans une chambre d’ hôtel où l’on ne voyait d’abord qu’un bouquet transfiguré par la lumiè
696 uet transfiguré par la lumière et que reflétaient de nombreuses glaces. Les fenêtres que j’ouvris firent tourner des solei
697 une avenue et ses autos rouges, tout un couchant de grand port de la Méditerranée. Nous nous aimâmes en sifflotant encore
698 ses autos rouges, tout un couchant de grand port de la Méditerranée. Nous nous aimâmes en sifflotant encore par instants
699 s aimâmes en sifflotant encore par instants l’air de la dernière danse, mais nous avions aussi envie de pleurer, à cause d
700 e la dernière danse, mais nous avions aussi envie de pleurer, à cause du soir trop limpide et trop vaste, comme un avenir
701 soir trop limpide et trop vaste, comme un avenir de bonheur fiévreux — celui justement que j’entrevoyais. » Quand elle se
702 son sac à main : c’était assez pour me permettre d’ entreprendre quelques beaux vols… » Dès lors, je vécus, comme vous me
703 s, comme vous me voyez vivre encore, dans un état de sincérité perpétuelle envers tous mes élans, accueillant avec un enth
704 moral et malicieux. » Je ne sais dans quel rapide de l’Europe centrale — région où l’on est forcé de prendre conscience de
705 e de l’Europe centrale — région où l’on est forcé de prendre conscience de soi-même — je découvris une nuit, au moment de
706 — région où l’on est forcé de prendre conscience de soi-même — je découvris une nuit, au moment de m’endormir, que ma pas
707 ue vengeance. Ne m’avait-on pas dérobé des années de joie au profit d’une vertu que tout en moi reniait obscurément. Je se
708 ’avait-on pas dérobé des années de joie au profit d’ une vertu que tout en moi reniait obscurément. Je sentais bien que le
709 bscurément. Je sentais bien que le ressort secret de la vertu dans laquelle on m’avait emprisonné c’était un bas opportuni
710 unisme social, résultante des paresses accumulées de tous les cerveaux bourgeois incapables de concevoir un monde sans vie
711 umulées de tous les cerveaux bourgeois incapables de concevoir un monde sans vieilles filles, sans capitalistes et sans ge
712 escroquerie morale dont je fus la victime, ce vol de quelques joies parfaites de ma jeunesse… Mais il est trop tard, Monsi
713 us la victime, ce vol de quelques joies parfaites de ma jeunesse… Mais il est trop tard, Monsieur, pour critiquer les moda
714 trop tard, Monsieur, pour critiquer les modalités de ma vengeance. Veuillez ne voir dans la confusion où je parais être en
715 omique, qu’une expression nouvelle, et non dénuée d’ ironie, de mon mépris pour ce qu’ils appellent, ridiculement, les fond
716 ’une expression nouvelle, et non dénuée d’ironie, de mon mépris pour ce qu’ils appellent, ridiculement, les fondements mêm
717 ils appellent, ridiculement, les fondements mêmes de la société. » C’est avec le produit du vol d’un tronc de chapelle que
718 mes de la société. » C’est avec le produit du vol d’ un tronc de chapelle que j’édifiai à mes parents un tombeau sur lequel
719 ociété. » C’est avec le produit du vol d’un tronc de chapelle que j’édifiai à mes parents un tombeau sur lequel je fis gra
720 uel je fis graver : Prêté — rendu, pour la gloire de l’Église. (Ici, il but une gorgée et prit un temps.) » Je vous fais g
721 t un temps.) » Je vous fais grâce, poursuivit-il, de la chronique de ma vie de rat d’hôtel et de sleepings ; encore que… B
722 e vous fais grâce, poursuivit-il, de la chronique de ma vie de rat d’hôtel et de sleepings ; encore que… Bref, depuis quel
723 s grâce, poursuivit-il, de la chronique de ma vie de rat d’hôtel et de sleepings ; encore que… Bref, depuis quelques mois,
724 , poursuivit-il, de la chronique de ma vie de rat d’ hôtel et de sleepings ; encore que… Bref, depuis quelques mois, je m’a
725 t-il, de la chronique de ma vie de rat d’hôtel et de sleepings ; encore que… Bref, depuis quelques mois, je m’amuse à joue
726 jouer le pickpocket. Cela permet, avec un minimum d’ adresse, de découvrir certaines personnalités sous un jour assez parti
727 ckpocket. Cela permet, avec un minimum d’adresse, de découvrir certaines personnalités sous un jour assez particulier, trè
728 us un jour assez particulier, très souvent ignoré d’ elles-mêmes auparavant, et pas toujours défavorable, croyez-le bien… L
729 pas toujours défavorable, croyez-le bien… Le goût de la propriété étant à mon sens l’un des plus vulgaires et des plus gén
730 et des plus généralement répandus, j’ai vite fait de classer mon monde d’après les quelques réactions élémentaires qui ne
731 ues réactions élémentaires qui ne manquent jamais de succéder au moindre vol. » J’ajouterai, cher Monsieur, que l’analyse
732 psychologique n’est pas mon fort. Je me contente de quelques observations théoriques que je tiens pour vraies, et j’en vé
733 les manifestations vivantes avec une prodigalité d’ épreuves, contre-épreuves, variantes et enjolivures où je vois le véri
734 es et enjolivures où je vois le véritable intérêt de ma vie. C’est vous dire que seule une certaine caresse de l’événement
735 e. C’est vous dire que seule une certaine caresse de l’événement naissant peut encore m’émouvoir. C’est un plaisir de chaq
736 naissant peut encore m’émouvoir. C’est un plaisir de chaque minute auquel succède immédiatement le sommeil. Je rêve beauco
737 j’ai pour la poésie imprimée. » J’allais oublier de vous dire qu’on me nomme Saint-Julien. Vous n’ignorez point que l’on
738 ron des voyageurs… » Saint-Julien parut satisfait de cette dernière plaisanterie. Il but avec beaucoup de délicatesse quel
739 but avec beaucoup de délicatesse quelques gorgées d’ eau minérale. Isidore sentit alors que la bienséance l’obligeait à éme
740 ur cette vie dont le récit n’avait pas laissé que de l’agacer en maint endroit. « Une chose avant tout me frappe — dit-il,
741 lâchant tout de suite ses compliments, ce qui est de mauvaise politique, — c’est l’extraordinaire netteté de votre vie. El
742 vaise politique, — c’est l’extraordinaire netteté de votre vie. Elle est sans bavures, sans réticences ; elle m’apparaît c
743 paraît comme un divertissement perpétuel et dénué d’ inquiétude. Et cela n’est pas sans me charmer, croyez-moi. Car, enfin,
744 couter, c’est que je cherche ce qu’on est convenu d’ appeler — pardonnez la lourdeur de l’expression — une règle de vie. Ma
745 ’on est convenu d’appeler — pardonnez la lourdeur de l’expression — une règle de vie. Mais, je vous l’avouerai, ce qui me
746 pardonnez la lourdeur de l’expression — une règle de vie. Mais, je vous l’avouerai, ce qui me retient de tirer de votre co
747 vie. Mais, je vous l’avouerai, ce qui me retient de tirer de votre conduite les conclusions morales qu’elle paraît impliq
748 s, je vous l’avouerai, ce qui me retient de tirer de votre conduite les conclusions morales qu’elle paraît impliquer, c’es
749 ales qu’elle paraît impliquer, c’est ce caractère de , comment dirai-je…, de juvénile insouciance, pour ne pas dire inconsc
750 liquer, c’est ce caractère de, comment dirai-je…, de juvénile insouciance, pour ne pas dire inconscience ! qui s’attache à
751 ts et gestes. L’on croirait ouïr parfois le récit de quelqu’une de ces farces d’étudiants qui ne sont que la traduction en
752 L’on croirait ouïr parfois le récit de quelqu’une de ces farces d’étudiants qui ne sont que la traduction en actes de jeux
753 ouïr parfois le récit de quelqu’une de ces farces d’ étudiants qui ne sont que la traduction en actes de jeux de mots plus
754 ’étudiants qui ne sont que la traduction en actes de jeux de mots plus ou moins cruels… » — Je vous entends, interrompit S
755 ts qui ne sont que la traduction en actes de jeux de mots plus ou moins cruels… » — Je vous entends, interrompit Saint-Jul
756 t la sincérité tournait vite à l’agressif — effet d’ une timidité naturelle dont il paraissait lui-même gêné. En deux mots,
757 t raison. Mais justement je n’éprouve aucun désir d’ avoir raison. Je sens aussi bien que vous ce que mes principes peuvent
758 bien que vous ce que mes principes peuvent avoir de « bien jeune », de banal presque, et, pis, d’agréablement paradoxal.
759 ue mes principes peuvent avoir de « bien jeune », de banal presque, et, pis, d’agréablement paradoxal. Seulement, pour qui
760 oir de « bien jeune », de banal presque, et, pis, d’ agréablement paradoxal. Seulement, pour quiconque est aussi profondéme
761 quiconque est aussi profondément persuadé que moi de l’absurdité radicale de notre vie, la moindre farce, le moindre geste
762 ondément persuadé que moi de l’absurdité radicale de notre vie, la moindre farce, le moindre geste convenu dans le genre «
763 onvenu dans le genre « révolté » prend une saveur de raillerie assez amère. Et peut-être apprendrez-vous à découvrir derri
764 re apprendrez-vous à découvrir derrière certaines de mes plaisanteries la dérision secrète qu’elles masquent par caprice.
765 ......................... ⁂ s. Rougemont Denis de , « Récit du pickpocket (fragment) », Revue de Belles-Lettres, Lausann
766 nis de, « Récit du pickpocket (fragment) », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, mai 1927, p. 180-
767 nève-Fribourg, mai 1927, p. 180-185. t. Une note de bas de page indique : « La rédaction rappelle que les idées émises da
768 ction rappelle que les idées émises dans la Revue de Belles-Lettres sont propres à leur auteur et qu’elles n’engagent pas
13 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Conseils à la jeunesse (mai 1927)
769 aux romantiques : le goût du suicide, l’habitude de boire et de fumer excessivement, leurs amours, l’égoïsme, le mépris d
770 ques : le goût du suicide, l’habitude de boire et de fumer excessivement, leurs amours, l’égoïsme, le mépris de la réalité
771 excessivement, leurs amours, l’égoïsme, le mépris de la réalité, l’exaltation maladive de l’imagination et de la sensibili
772 e, le mépris de la réalité, l’exaltation maladive de l’imagination et de la sensibilité, l’atrophie du sens critique sous
773 éalité, l’exaltation maladive de l’imagination et de la sensibilité, l’atrophie du sens critique sous toutes ses formes :
774 ens, et l’ignorance systématique, le mépris enfin de tous les principes qui sont à la base de la société même. »   Ceci es
775 is enfin de tous les principes qui sont à la base de la société même. »   Ceci est tiré d’un livre récent sur Aloysius Ber
776 t à la base de la société même. »   Ceci est tiré d’ un livre récent sur Aloysius Bertrand. Est-ce vraiment aux romantiques
777 loysius Bertrand. Est-ce vraiment aux romantiques de 1830 que ces reproches s’adressent, ou bien plutôt — vous alliez le d
778 M. Y. Z., qui, dans un petit article du Journal de Genève sur « La maladie du siècle », écrit : « Plante des pommes de
779 ne homme ! Quand tu seras au bout de la 20e ligne de 200 mètres, ce qui représente quatre kilomètres de plantation, le siè
780 e 200 mètres, ce qui représente quatre kilomètres de plantation, le siècle ne sera plus malade, les temps seront guéris de
781 ècle ne sera plus malade, les temps seront guéris de leur crise, les valeurs auront retrouvé leur stabilité, et comme M. A
782 bilité, et comme M. Albert Muret dont le Journal de Genève parlait naguère, tu mangeras avec appétit une poule au riz ar
783 tu mangeras avec appétit une poule au riz arrosée d’ un savoureux “demi” de Lavaux. » Seulement, il y a tout de même un ou
784 it une poule au riz arrosée d’un savoureux “demi” de Lavaux. » Seulement, il y a tout de même un ou deux petits phénomènes
785 tout de même un ou deux petits phénomènes sociaux de notre temps que cette méthode ne suffirait pas à supprimer. Or, ils n
786 lement chez des jeunes « et qui pensent » ce goût de l’évasion caractéristique de tous les « vices romantiques ». — Citez-
787 ui pensent » ce goût de l’évasion caractéristique de tous les « vices romantiques ». — Citez-m’en de ces phénomènes ! — Mo
788 e de tous les « vices romantiques ». — Citez-m’en de ces phénomènes ! — Mon Dieu, que dire… Il y aurait, par exemple, ce f
789 re… Il y aurait, par exemple, ce fait du triomphe de la Machine ; ce fait de la révolution russe… cet autre fait de la gue
790 mple, ce fait du triomphe de la Machine ; ce fait de la révolution russe… cet autre fait de la guerre… et puis, tenez ! ce
791  ; ce fait de la révolution russe… cet autre fait de la guerre… et puis, tenez ! ce fait surtout de la sacro-sainte Raison
792 it de la guerre… et puis, tenez ! ce fait surtout de la sacro-sainte Raison utilitaire au service des sacro-saints Princip
793 s n’est-ce pas, merci du conseil, Monsieur Y. Z., de ce conseil que vous avouez modestement n’être pas inédit. Mais point
794 tement n’être pas inédit. Mais point n’est besoin de rappeler Candide : nous pensons que bien avant Voltaire il y avait de
795 n, le satisfait artificiel. u. Rougemont Denis de , « Conseils à la jeunesse », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâ
796 emont Denis de, « Conseils à la jeunesse », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, mai 1927, p. 186-
14 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). La part du feu. Lettres sur le mépris de la littérature (juillet 1927)
797 La part du feu. Lettres sur le mépris de la littérature (juillet 1927)v I Parler littérature Si je pro
798 I Parler littérature Si je prononce le nom de tel de vos confrères, si je dis : « Avez-vous lu… », vous voilà rouge
799 arler littérature Si je prononce le nom de tel de vos confrères, si je dis : « Avez-vous lu… », vous voilà rouge ; et s
800 lu… », vous voilà rouge ; et sur moi les foudres de votre paradis poétique. Si je cite tel auteur dont nous fîmes notre n
801 uteur dont nous fîmes notre nourriture une saison de naguère, voilà le rictus de votre bouche, une injure de pythie. Vous
802 nourriture une saison de naguère, voilà le rictus de votre bouche, une injure de pythie. Vous dites de ce conte : c’est tr
803 uère, voilà le rictus de votre bouche, une injure de pythie. Vous dites de ce conte : c’est trop écrit. Vous dites de ce r
804 de votre bouche, une injure de pythie. Vous dites de ce conte : c’est trop écrit. Vous dites de ce roman : c’est trop agré
805 dites de ce conte : c’est trop écrit. Vous dites de ce roman : c’est trop agréable. Vous dites d’un goût qu’on aurait pou
806 tes de ce roman : c’est trop agréable. Vous dites d’ un goût qu’on aurait pour Nietzsche : que c’est de la littérature. Alo
807 d’un goût qu’on aurait pour Nietzsche : que c’est de la littérature. Alors, quelque paysan du Danube survenant : — Je vous
808 in que leurs sincérités gardent au moins l’excuse d’ une audace qu’ils escomptent scandaleuse. Mais voici un bar où je vous
809 voici un bar où je vous suis. Vous y entrez plein de mépris pour Paul Morand par qui découvrîtes le charme de ces lieux. V
810 is pour Paul Morand par qui découvrîtes le charme de ces lieux. Vous composez un cocktail en guise de métaphore, avec une
811 d Écart… », dit quelqu’un. À ce coup, l’évocation de Cocteau fait fleurir sur vos lèvres le mot de Cambronne : hommage à L
812 ion de Cocteau fait fleurir sur vos lèvres le mot de Cambronne : hommage à Louis Aragon. Ce cristal est une citation de Va
813 mmage à Louis Aragon. Ce cristal est une citation de Valéry, cette œillade se souvient d’un vers d’Éluard14. Et des phrase
814 une citation de Valéry, cette œillade se souvient d’ un vers d’Éluard14. Et des phrases, des cris, des mots. Au défaut de l
815 on de Valéry, cette œillade se souvient d’un vers d’ Éluard14. Et des phrases, des cris, des mots. Au défaut de l’ivresse n
816 14. Et des phrases, des cris, des mots. Au défaut de l’ivresse naissante se glisse un poème où vous aimiez à la folie votr
817 ie votre douleur. Narcisse se contemple au miroir de son monocle. Au petit matin, il se noie dans un verre à liqueur. Pois
818 rop qu’ils trouvent ça pittoresque. Et le plaisir d’ être nu devant un public supposé dévot, et qui n’ose en croire sa pude
819 qui n’ose en croire sa pudeur, et qui doute enfin de l’impossibilité des miracles ! Quelles voluptés plus subtiles et plus
820 les et plus aiguës ? On vaincra jusqu’à sa gueule de bois pour en faire des poèmes. Alors je cherche les raisons de votre
821 en faire des poèmes. Alors je cherche les raisons de votre indignation, quand il m’échappe une citation. Seraient-ce les g
822 », « hallucinant » ou « purement gratuit ». C’est de la littérature. À force d’avoir mérité ces épithètes, pour nous laud
823 ment gratuit ». C’est de la littérature. À force d’ avoir mérité ces épithètes, pour nous laudatives, vous vous étonnez au
824 ur nous laudatives, vous vous étonnez aujourd’hui de la simplicité. Littérateur, va ! qui ne pouvez pas même admettre que
825 implicité est simple simplement. La bouche brûlée d’ alcools, vous découvrez à l’eau un goût étrange. L’eau est incolore, i
826 votre mépris pour le pittoresque, vous témoignez d’ un goût du bizarre qui révèle le littérateur. Nous ne pouvons pas fair
827 pas faire que nous n’ayons rien lu. Vous refusez de compter avec cette réalité de la littérature qui est en nous (dangere
828 en lu. Vous refusez de compter avec cette réalité de la littérature qui est en nous (dangereuse tant que vous voudrez). Ma
829 s ce refus n’est pas seulement comme vous pensez, d’ une ingratitude salutaire, c’est refus de limiter le mal. Je vous vois
830 pensez, d’une ingratitude salutaire, c’est refus de limiter le mal. Je vous vois envahi par des démons que vous prétendez
831 ahi par des démons que vous prétendez m’interdire de nommer. Mais moi je partage avec certains Orientaux cette croyance :
832 ez un peu sur la laisse, que j’éprouve la fermeté de ma main. Je vous tiens. Je sais où vous êtes. Vous n’allez pas me sur
833 du feu. Je dis ces noms, ces opinions, ces titres de livres : tout cela jaillit, s’entrechoque, s’annule. Poussière. Ma vi
834 lleurs. L’addition, s’il vous plaît. Il est temps de sortir de ce café et de ces jeux, simulacres de vie, qui sont à la vr
835 addition, s’il vous plaît. Il est temps de sortir de ce café et de ces jeux, simulacres de vie, qui sont à la vraie vie ce
836 vous plaît. Il est temps de sortir de ce café et de ces jeux, simulacres de vie, qui sont à la vraie vie ce que le flirt
837 s de sortir de ce café et de ces jeux, simulacres de vie, qui sont à la vraie vie ce que le flirt est à l’amour. II Sur
838 le flirt est à l’amour. II Sur l’insuffisance de la littérature On reconnaît un écrivain, aujourd’hui, à ce qu’il n
839 arle littérature. Mais il y a des mépris qui sont de sournoises déclarations d’amour. Tel qui raille l’Église et les curés
840 a des mépris qui sont de sournoises déclarations d’ amour. Tel qui raille l’Église et les curés, c’est qu’il se fait une t
841 es curés, c’est qu’il se fait une très haute idée de la religion. Ainsi, de la littérature : votre mépris pour ses réalisa
842 e fait une très haute idée de la religion. Ainsi, de la littérature : votre mépris pour ses réalisations actuelles donne l
843 s pour ses réalisations actuelles donne la mesure de ce que vous attendez d’elle. Pour dire le fond de ma pensée, je crois
844 actuelles donne la mesure de ce que vous attendez d’ elle. Pour dire le fond de ma pensée, je crois ce mépris et cette atte
845 de ce que vous attendez d’elle. Pour dire le fond de ma pensée, je crois ce mépris et cette attente également exagérés. Vo
846 e. Que la littérature nous est un moyen seulement d’ atteindre et de préparer d’autres choses, d’autres actions, ou des éta
847 rature nous est un moyen seulement d’atteindre et de préparer d’autres choses, d’autres actions, ou des états intérieurs q
848 oses dures, amères comme un destin, comme le goût d’ une pierre rêche sur ta langue et grinçante sous ta dent. Des soupless
849 que tout se fond catastrophiquement dans l’infini de la seconde. Des peurs sans cause, plus vides que la mort. Toutes ces
850 ue nulle poésie même ne peut dire, parce que rien de ce qui nous importe véritablement n’est dicible. (Depuis le temps qu’
851 la poésie, l’état poétique, est notre seul moyen de connaissance concrète du monde. Mais c’est à condition qu’on ne l’écr
852 ble : cela consisterait dans l’expression directe de la réalité individuelle. Elle serait tellement incommunicable qu’il d
853 ellement incommunicable qu’il deviendrait inutile de la publier. Et même, en passant à la limite, on peut imaginer que si
854 s obscurs des allusions furtives à certains états de la réalité. Mais plus les mots se plient à des exigences sémantiques
855 e, — mariant l’utile à l’agréable selon les rites d’ une esthétique ou d’une autre, plus ils perdent leur pouvoir de signif
856 à l’agréable selon les rites d’une esthétique ou d’ une autre, plus ils perdent leur pouvoir de signifier les choses qui n
857 que ou d’une autre, plus ils perdent leur pouvoir de signifier les choses qui nous importent. Vous le savez. Alors vous le
858 avez. Alors vous les lâchez en liberté, par haine de cette esthétique ou de ce sens social, — et voilà qu’ils perdent même
859 chez en liberté, par haine de cette esthétique ou de ce sens social, — et voilà qu’ils perdent même la problématique utili
860 oilà qu’ils perdent même la problématique utilité de liaison qui était leur excuse dernière. Avouons-le : rien de ce qu’on
861 qui était leur excuse dernière. Avouons-le : rien de ce qu’on peut exprimer n’a d’importance véritable. Alors, cessons de
862 . Avouons-le : rien de ce qu’on peut exprimer n’a d’ importance véritable. Alors, cessons de nous battre contre des moulins
863 primer n’a d’importance véritable. Alors, cessons de nous battre contre des moulins à vent. La littérature, considérée du
864 vent. La littérature, considérée du point de vue de la psychologie de l’écrivain, est un besoin organique, un peu anormal
865 ure, considérée du point de vue de la psychologie de l’écrivain, est un besoin organique, un peu anormal, que l’on satisfa
866 u anormal, que l’on satisfait dans certains états de crise afin de retrouver son équilibre — et dont on tire parfois quelq
867 t on tire parfois quelque plaisir, plus rarement, de quoi se payer un petit voyage. C’est l’aveu d’une faiblesse secrète.
868 t, de quoi se payer un petit voyage. C’est l’aveu d’ une faiblesse secrète. Et c’est une réaction de défense. On cherche un
869 eu d’une faiblesse secrète. Et c’est une réaction de défense. On cherche un mot, une phrase, pour tuer une réalité dont la
870 qui est proche du sens biblique. Il ne s’agit pas de la connaissance abstraite et rationnelle dont le monde moderne se con
871 ude que vous la guérirez. Au contraire, il s’agit de l’envisager sans fièvre, pour en circonscrire les effets. J’avoue pre
872 êt bien vif. Et cela fournit un merveilleux sujet de conversation, au café. Dans un salon, par contre, c’est d’un ridicule
873 sation, au café. Dans un salon, par contre, c’est d’ un ridicule écrasant : mais rien n’est plus facile que d’y échapper.
874 dicule écrasant : mais rien n’est plus facile que d’ y échapper. III Sur l’utilité de la littérature Montherlant me p
875 lus facile que d’y échapper. III Sur l’utilité de la littérature Montherlant me paraît être le moins « littératuré »
876 araît être le moins « littératuré » des écrivains d’ aujourd’hui. Quand il parle littérature, il a toujours l’air de mettre
877 . Quand il parle littérature, il a toujours l’air de mettre un peu les pieds dans le plat, de dire de ces choses qu’entre
878 rs l’air de mettre un peu les pieds dans le plat, de dire de ces choses qu’entre gens du métier l’on a convenu de passer s
879 de mettre un peu les pieds dans le plat, de dire de ces choses qu’entre gens du métier l’on a convenu de passer sous sile
880 ces choses qu’entre gens du métier l’on a convenu de passer sous silence. C’est assez drôle de voir le malaise des chers c
881 convenu de passer sous silence. C’est assez drôle de voir le malaise des chers confrères. Ils ne pardonnent pas à ce toréa
882 miliarités avec une Muse qu’ils n’ont pas coutume d’ aborder sans le mot de passe de la dernière mode ou de savantes séduct
883 se qu’ils n’ont pas coutume d’aborder sans le mot de passe de la dernière mode ou de savantes séductions. On sait bien, d’
884 n’ont pas coutume d’aborder sans le mot de passe de la dernière mode ou de savantes séductions. On sait bien, d’ailleurs,
885 order sans le mot de passe de la dernière mode ou de savantes séductions. On sait bien, d’ailleurs, qu’elle les entretient
886 t bien, d’ailleurs, qu’elle les entretient. Bande de gigolos de la littérature ! Qu’on puisse vivre de ça, je ne l’ai pas
887 illeurs, qu’elle les entretient. Bande de gigolos de la littérature ! Qu’on puisse vivre de ça, je ne l’ai pas encore aval
888 de gigolos de la littérature ! Qu’on puisse vivre de ça, je ne l’ai pas encore avalé. On m’affirme que je n’y échapperai p
889 ble ; mais, pour sûr, jamais vivre pour écrire16. De tous les prétextes que l’on a pu avancer pour légitimer l’activité li
890 plus satisfaisant, celui qui rend le mieux compte de la réalité, c’est André Breton qui l’a exprimé : « On publie pour che
891 es pas tant, n’est-ce pas, à poursuivre une quête de l’esprit. Et vous savez ce qu’elle nous vaut : les mépris, les haines
892 les mépris, les haines douloureuses ou grossières de tous ceux qui ne peuvent ou ne veulent y voir que révoltes contre leu
893 s instables certitudes, et qui nous font un péché de notre acceptation des réalités spirituelles parce qu’elles troublent
894 e reconnaître. Quand bien même elle n’aurait plus d’ autre excuse que celle-là, la littérature mériterait d’exister : qu’el
895 re excuse que celle-là, la littérature mériterait d’ exister : qu’elle soit le langage chiffré de notre inquiétude et de no
896 erait d’exister : qu’elle soit le langage chiffré de notre inquiétude et de nos naissantes certitudes, le seul langage peu
897 le soit le langage chiffré de notre inquiétude et de nos naissantes certitudes, le seul langage peut-être qui nous permett
898 udes, le seul langage peut-être qui nous permette d’ échanger les signaux de l’angoisse sur quoi se fondent, en ces temps,
899 eut-être qui nous permette d’échanger les signaux de l’angoisse sur quoi se fondent, en ces temps, nos amitiés miraculeuse
900   Voici donc les seules révélations que j’attende de la littérature : que celle des autres m’aide à prendre conscience de
901 que celle des autres m’aide à prendre conscience de moi-même ; que la mienne m’aide à découvrir quelques êtres par le mon
902 ir quelques êtres par le monde… Il ne s’agit plus de mépris ni d’adoration. J’ai défini une « maladie » dont je parviens à
903 tres par le monde… Il ne s’agit plus de mépris ni d’ adoration. J’ai défini une « maladie » dont je parviens à tirer quelqu
904 ue les bienfaits que j’en escompte, il sera temps de songer sérieusement à m’en guérir. Vous me demanderez « alors » ce qu
905 ir. Vous me demanderez « alors » ce que j’attends de ma vie. Je serais tenté de vous répondre, comme ce sympathique Philip
906 ors » ce que j’attends de ma vie. Je serais tenté de vous répondre, comme ce sympathique Philippe Soupault, que « ceci, c’
907 ) Mais non, cher ami, voici qu’une envie me prend de vous conter un peu cette histoire. Seulement, allons ailleurs ; il y
908 istoire. Seulement, allons ailleurs ; il y a trop de monde ici. 14. Paul Morand, auteur d’Ouvert et de Fermé la nuit, t
909 y a trop de monde ici. 14. Paul Morand, auteur d’ Ouvert et de Fermé la nuit, titres également scandaleux. Le Grand Écar
910 monde ici. 14. Paul Morand, auteur d’Ouvert et de Fermé la nuit, titres également scandaleux. Le Grand Écart, roman de
911 itres également scandaleux. Le Grand Écart, roman de M. Cocteau, a donné son nom à un établissement de nuit très en vogue
912 de M. Cocteau, a donné son nom à un établissement de nuit très en vogue à Paris. Cambronne (général), 1770-1842. Louis Ara
913 ), 1770-1842. Louis Aragon et Paul Éluard, hommes de lettres et poètes surréalistes. Paul Valéry, de l’Académie française.
914 s de lettres et poètes surréalistes. Paul Valéry, de l’Académie française. Narcisse, personnage mythologique. — Là ! [NdE]
915  ! [NdE] Le texte publié place également un appel de note plus bas dans le paragraphe, après « Narcisse », sans qu’on sach
916 après « Narcisse », sans qu’on sache s’il s’agit d’ une erreur ou d’une volonté de l’auteur. 15. Variante : des puissance
917 e », sans qu’on sache s’il s’agit d’une erreur ou d’ une volonté de l’auteur. 15. Variante : des puissances d’action. 16.
918 n sache s’il s’agit d’une erreur ou d’une volonté de l’auteur. 15. Variante : des puissances d’action. 16. J’en vois cer
919 lonté de l’auteur. 15. Variante : des puissances d’ action. 16. J’en vois certains qui arrangent leur vie de telle sorte
920 n. 16. J’en vois certains qui arrangent leur vie de telle sorte que leurs mémoires seront des romans « bien modernes ». L
921  bien modernes ». Leurs amours sont des pastiches de Morand, et ils en sont tout fiers : « Il n’y a plus qu’à les écrire »
922 ’y a plus qu’à les écrire ». v. Rougemont Denis de , « La part du feu. Lettres sur le mépris de la littérature », Revue d
923 Denis de, « La part du feu. Lettres sur le mépris de la littérature », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-
924 Lettres sur le mépris de la littérature », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, juillet 1927, p. 
15 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Les derniers jours (juillet 1927)
925 Rochelle et Emmanuel Berl, sont — avec la Revue de Belles-Lettres — la seule revue de langue française où l’on dise la
926 vec la Revue de Belles-Lettres — la seule revue de langue française où l’on dise la vérité librement et pour elle-même.
927 rité librement et pour elle-même. Nous regrettons de n’en pouvoir citer, faute de place, que ces quelques phrases de Drieu
928 r citer, faute de place, que ces quelques phrases de Drieu : « On voit déjà éclater dans les singuliers mouvements de sym
929 voit déjà éclater dans les singuliers mouvements de sympathie qu’a provoqués l’infortune de l’Action française la fratern
930 ouvements de sympathie qu’a provoqués l’infortune de l’Action française la fraternité qui existe, en dépit des protestatio
931 fraternité qui existe, en dépit des protestations de haine, entre les athées de l’antidémocratisme et les athées du Capita
932 épit des protestations de haine, entre les athées de l’antidémocratisme et les athées du Capitalisme quand il est conscien
933 les athées du Capitalisme quand il est conscient de soi-même, et les athées du Socialisme et du Communisme. Tous ceux-là
934 mmunisme. Tous ceux-là travaillent à l’achèvement d’ un certain monde moderne, merveilleuse mécanique sévère et dénuée de t
935 moderne, merveilleuse mécanique sévère et dénuée de tout secours de l’Esprit. Mais un jour viendra où les hommes se révol
936 lleuse mécanique sévère et dénuée de tout secours de l’Esprit. Mais un jour viendra où les hommes se révolteront contre le
937 Vous réveillerez-vous pour les désaltérer, dieux de l’Orient et de l’Occident ? » Certains cris qui nous échappèrent n’a
938 ez-vous pour les désaltérer, dieux de l’Orient et de l’Occident ? » Certains cris qui nous échappèrent n’avaient pas d’au
939 Certains cris qui nous échappèrent n’avaient pas d’ autre sens. 17. 20, rue Chalgrin, Paris 16e. w. Rougemont Denis de
940 20, rue Chalgrin, Paris 16e. w. Rougemont Denis de , « Les derniers jours », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-
941 Rougemont Denis de, « Les derniers jours », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, juillet 1927, p. 
16 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Adieu au lecteur (juillet 1927)
942 juillet 1927)x Nous passons la main au central de Genève, fidèles à la tradition — en ceci au moins. Nous nous retirons
943 gnation provoquée sur tous les bancs par certains de nos articles nous épouvante. Notre retraite est toute « statutaire »
944 taire » — si l’on ose dire. Elle nous permet donc de considérer la situation sans fièvre, sans lamentations d’adieu.   On
945 dérer la situation sans fièvre, sans lamentations d’ adieu.   On nous a parfois traités de fous (avec ou sans sourire). Nou
946 lamentations d’adieu.   On nous a parfois traités de fous (avec ou sans sourire). Nous sommes à l’âge de nous en réjouir.
947 fous (avec ou sans sourire). Nous sommes à l’âge de nous en réjouir. On s’est beaucoup étonné de nous voir « si différent
948 ’âge de nous en réjouir. On s’est beaucoup étonné de nous voir « si différents » de nos aînés. Nous avons l’énorme candeur
949 st beaucoup étonné de nous voir « si différents » de nos aînés. Nous avons l’énorme candeur de trouver ça naturel. On nous
950 rents » de nos aînés. Nous avons l’énorme candeur de trouver ça naturel. On nous a fait des reproches contradictoires. Nou
951 x mots sur la paradoxale situation intellectuelle d’ une revue d’étudiants comme la nôtre. D’un côté, en effet, on s’accord
952 a paradoxale situation intellectuelle d’une revue d’ étudiants comme la nôtre. D’un côté, en effet, on s’accorde pour trouv
953 lectuelle d’une revue d’étudiants comme la nôtre. D’ un côté, en effet, on s’accorde pour trouver légèrement ridicule un je
954 i recherche activement la Sagesse (« Ça n’est pas de votre âge ! ») ; de l’autre, on se scandalise des « énormités » qui p
955 nt la Sagesse (« Ça n’est pas de votre âge ! ») ; de l’autre, on se scandalise des « énormités » qui peuvent échapper à un
956 s vous souciez vraiment trop peu des conséquences de ce que vous écrivez ! ») En définitive, il semble que certains n’att
957 En définitive, il semble que certains n’attendent de nous que d’innocentes farces — ou bien de ces affirmations dont en vé
958 e, il semble que certains n’attendent de nous que d’ innocentes farces — ou bien de ces affirmations dont en vérité l’on n’
959 tendent de nous que d’innocentes farces — ou bien de ces affirmations dont en vérité l’on n’a pas à se préoccuper de prévo
960 tions dont en vérité l’on n’a pas à se préoccuper de prévoir les conséquences, puisqu’il n’en est aucune qui ne soit connu
961 ces, puisqu’il n’en est aucune qui ne soit connue d’ avance et stérilisée par la loi, les mœurs et l’habitude. Nous n’avons
962 s mœurs et l’habitude. Nous n’avons aucun remords d’ avoir déçu cette catégorie de lecteurs. Aucun remord non plus d’avoir
963 ’avons aucun remords d’avoir déçu cette catégorie de lecteurs. Aucun remord non plus d’avoir troublé quelques bonnes petit
964 ette catégorie de lecteurs. Aucun remord non plus d’ avoir troublé quelques bonnes petites somnolences par des cris intempe
965 ir et pour en accepter les conséquences. Et puis, de temps à autre, voici que nous parvient un signe d’amitié qui ne tromp
966 e temps à autre, voici que nous parvient un signe d’ amitié qui ne trompe pas. Deux ou trois mots, on s’est compris. Que po
967 mots, on s’est compris. Que pouvions-nous espérer d’ autre ? Il y eut quelques découvertes qui nous consolèrent de tout le
968 l y eut quelques découvertes qui nous consolèrent de tout le reste.   Et maintenant voici Genève et son mystère. Car chaqu
969 écombres où s’anéantirent l’honneur et la fortune de ses derniers rédacteurs, notre Revue-phénix s’élance avec une ardeur
970 re Revue-phénix s’élance avec une ardeur rajeunie d’ un an dans une direction absolument imprévisible. Que nous apportera l
971 ument imprévisible. Que nous apportera le Central de Genève ? Tout est possible : la guerre et la paix, la tradition, l’an
972 s plus blasés. Lecteur, fais confiance au Central de Genève. Souviens-toi de la grandeur de ses traditions et ne va pas aj
973 fais confiance au Central de Genève. Souviens-toi de la grandeur de ses traditions et ne va pas ajouter à cette lourde cha
974 au Central de Genève. Souviens-toi de la grandeur de ses traditions et ne va pas ajouter à cette lourde charge le poids de
975 ne va pas ajouter à cette lourde charge le poids de nos péchés. Ils sont bien nôtres. Et nous y tenons, ah ! comme nous y
976 ah ! comme nous y tenons ! x. Rougemont Denis de , « Adieu au lecteur », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Ge
977 Rougemont Denis de, « Adieu au lecteur », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, juillet 1927, p. 
17 1929, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). « Belles-Lettres, c’est la clé des champs… » (janvier 1929)
978 s-Lettres, c’est la clef des champs. 2. L’essence de Belles-Lettres, c’est de l’alcool à brûler les cervelles et les réput
979 des champs. 2. L’essence de Belles-Lettres, c’est de l’alcool à brûler les cervelles et les réputations. 3. Belles-Lettre
980 poésie est compréhensible et légitime. 4. Je suis de sang-froid, je dis : Belles-Lettres est essentiellement une mystique.
981 entiellement une mystique. Mais parce que je suis de sang-froid, je ne puis dire grand-chose de plus. On ne se comprend bi
982 eunes hommes ivres. Mais alors point n’est besoin de formuler cette ivresse ; autrement que par des cris. 5. Avec toutes l
983 que pour mourir ou pour entrer en religion : rond de cuir ou poète (au sens le plus large de ces mots.) (Mais je tiens à l
984 on : rond de cuir ou poète (au sens le plus large de ces mots.) (Mais je tiens à le leur dire ici : les anciens bellettrie
985 triens qui ont perdu toute foi ne connaîtront pas de pardon. Car ils ont vu, et s’ils n’ont pas cru, c’est qu’ils sont fon
986 e monde moderne ont encore une « essence ». Celle de Belles-Lettres est en agréable odeur à l’Éternel et à Satan pareillem
987 t ceux qu’elle enivre entrent en état de grâce ou de blasphème, selon. Mais ce qui importe d’abord, n’est-ce point de se l
988 elon. Mais ce qui importe d’abord, n’est-ce point de se livrer, purement et simplement. 7. (Secret). y. Rougemont Denis
989 et simplement. 7. (Secret). y. Rougemont Denis de , « Belles-Lettres, c’est la clef des champs… », Revue de Belles-Lettr
990 elles-Lettres, c’est la clef des champs… », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, janvier 1929, p. 
18 1929, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Prison. Ailleurs. Étoile de jour (mars 1929)
991 Prison. Ailleurs. Étoile de jour (mars 1929)z Prison Prisonnier de la nuit mais plus libr
992 le de jour (mars 1929)z Prison Prisonnier de la nuit mais plus libre qu’un ange prisonnier dans ta tête mais libre
993 s Quand la nuit s’effeuille et se fane prisonnier d’ une saison morte au tombeau des fleurs obscures les mains de l’absence
994 on morte au tombeau des fleurs obscures les mains de l’absence se ferment sur le vide   Tu pleurerais Mais la grâce est f
995 leurerais Mais la grâce est facile comme un matin d’ été la grâce tendrement dénouée de ta vie comme de cette nuit le jour
996 comme un matin d’été la grâce tendrement dénouée de ta vie comme de cette nuit le jour d’un grand été   qui consent…
997 d’été la grâce tendrement dénouée de ta vie comme de cette nuit le jour d’un grand été   qui consent… Ailleurs Colo
998 ent dénouée de ta vie comme de cette nuit le jour d’ un grand été   qui consent… Ailleurs Colombes lumineuses des ma
999 ent… Ailleurs Colombes lumineuses des mains de mon amour écloses voyageuses ah ! que d’aucun retour vous ne laissiez
1000 es mains de mon amour écloses voyageuses ah ! que d’ aucun retour vous ne laissiez le gage aux plaintes de mon cœur il est
1001 ucun retour vous ne laissiez le gage aux plaintes de mon cœur il est d’autres rivages où mieux qu’ici l’on meurt. Étoil
1002 res rivages où mieux qu’ici l’on meurt. Étoile de jour Il naissait à son destin des rayons glissent et rient c’est
1003 rient c’est la caresse des anges parmi les formes de l’ombre C’était l’aube et le sourire adorable de savoir la dansante
1004 e l’ombre C’était l’aube et le sourire adorable de savoir la dansante liberté d’un désir à sa naissance L’étoile qui l
1005 le sourire adorable de savoir la dansante liberté d’ un désir à sa naissance L’étoile qui l’accueille au sommet ravi d’un
1006 issance L’étoile qui l’accueille au sommet ravi d’ un silence c’est le miroir d’une absence mais le signe de sa grâce D
1007 eille au sommet ravi d’un silence c’est le miroir d’ une absence mais le signe de sa grâce Dans l’or vert évanouie au cœu
1008 lence c’est le miroir d’une absence mais le signe de sa grâce Dans l’or vert évanouie au cœur éclatant du jour scintille
1009 œur éclatant du jour scintillera l’invisible gage d’ un amour perdu. z. Rougemont Denis de, « Prison. Ailleurs. Étoil
1010 e gage d’un amour perdu. z. Rougemont Denis de , « Prison. Ailleurs. Étoile de jour », Revue de Belles-Lettres, Lausa
1011 . Rougemont Denis de, « Prison. Ailleurs. Étoile de jour », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg,
1012 s de, « Prison. Ailleurs. Étoile de jour », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, mars 1929, p. 168
19 1929, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Souvenirs d’enfance et de jeunesse, par Philippe Godet (avril 1929)
1013 Souvenirs d’ enfance et de jeunesse, par Philippe Godet (avril 1929)aa Quand ave
1014 Souvenirs d’enfance et de jeunesse, par Philippe Godet (avril 1929)aa Quand avec un air fin
1015 peut se permettre quelques malices, quelques jeux d’ esprit ou de méchanceté, assuré que l’on est désormais d’être absous a
1016 ettre quelques malices, quelques jeux d’esprit ou de méchanceté, assuré que l’on est désormais d’être absous avec le souri
1017 t ou de méchanceté, assuré que l’on est désormais d’ être absous avec le sourire par la clientèle des librairies romandes,
1018 par la clientèle des librairies romandes, en mal de cadeaux de Noël ou de première communion. Parmi les compatriotes d’Am
1019 entèle des librairies romandes, en mal de cadeaux de Noël ou de première communion. Parmi les compatriotes d’Amiel, Godet
1020 librairies romandes, en mal de cadeaux de Noël ou de première communion. Parmi les compatriotes d’Amiel, Godet restera l’u
1021 ou de première communion. Parmi les compatriotes d’ Amiel, Godet restera l’un des rares qui ont réussi à se connaître et q
1022 ue fort alerte. Jugez-en à la façon dont il parle de « ses quelques succès, si disproportionnés avec son mérite ». Il ajou
1023 vec son mérite ». Il ajoute : « j’ai eu la chance de discerner très jeune, avec une clairvoyance singulière, mes propres l
1024 lière, mes propres limites, et j’ai eu la sagesse de ne rien tenter au-delà ». C’est le comble de l’économie bourgeoise qu
1025 esse de ne rien tenter au-delà ». C’est le comble de l’économie bourgeoise que cette administration exacte d’un petit capi
1026 onomie bourgeoise que cette administration exacte d’ un petit capital. Le contraire de la poésie, bien sûr. Mais on n’en de
1027 istration exacte d’un petit capital. Le contraire de la poésie, bien sûr. Mais on n’en demande pas tant dans les familles.
1028 souvent à ces récits : ce n’est point un paysage d’ âme qu’on y cherche, mais l’anecdote bien tournée, des noms connus. To
1029 ailleurs est élégant. Mais comme tout cela manque de chair. Et de rêve. Est-ce qu’en ce temps-là on ne se nourrissait vrai
1030 élégant. Mais comme tout cela manque de chair. Et de rêve. Est-ce qu’en ce temps-là on ne se nourrissait vraiment que de p
1031 ’en ce temps-là on ne se nourrissait vraiment que de petits mots d’esprit et de malices ? Noisettes et cornichons ? aa.
1032 on ne se nourrissait vraiment que de petits mots d’ esprit et de malices ? Noisettes et cornichons ? aa. Rougemont Deni
1033 urrissait vraiment que de petits mots d’esprit et de malices ? Noisettes et cornichons ? aa. Rougemont Denis de, « [Com
1034 Noisettes et cornichons ? aa. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Philippe Godet, Souvenirs d’enfance et de jeunesse
1035 is de, « [Compte rendu] Philippe Godet, Souvenirs d’ enfance et de jeunesse  », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel
1036 pte rendu] Philippe Godet, Souvenirs d’enfance et de jeunesse  », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribo
1037 det, Souvenirs d’enfance et de jeunesse  », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, avril 1929, p. 19
20 1929, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). L’ordre social. Le Libéralisme. L’inspiration (novembre 1929)
1038 Soudain il lui pousse des ailes, une grande paire d’ ailes. Allait-on s’émerveiller ? Mais déjà Freud expliquait le monstre
1039 le dénonçaient, et les précieuses trouvaient cela d’ un romantisme ! ma chère, d’un mauvais goût ! Cependant le jeune homme
1040 euses trouvaient cela d’un romantisme ! ma chère, d’ un mauvais goût ! Cependant le jeune homme agitait ses ailes non sans
1041 iles non sans une ingénue fierté. Mais au courant d’ air s’enrhuma le grand-papa. On craignit de le perdre. — « Eh ! quoi,
1042 ourant d’air s’enrhuma le grand-papa. On craignit de le perdre. — « Eh ! quoi, — vinrent lui dire ses amis, — l’orgueil t’
1043 inconsolables, ô sans cœur, ô pervers, ô disciple de Nietzsche ! » — Sous le poids de cette accusation, comment ne point c
1044 vers, ô disciple de Nietzsche ! » — Sous le poids de cette accusation, comment ne point céder : il fit couper ses ailes. O
1045 t céder : il fit couper ses ailes. On le félicita de son retour à l’état normal, qui est pédestre. Mais à partir de ce jou
1046 Dieu, dans sa pitié, leur envoya un ange porteur d’ une solution fort simple qui d’ailleurs était la bonne, car le grand R
1047 le grand Remède, c’est un Simple. Des hurlements de rage ne tardèrent point à s’élever de toutes parts. Les uns défendaie
1048 ie outragée, les autres disaient qu’il n’y a plus de morale, et ces jeunes gens ont une façon de trancher les questions qu
1049 plus de morale, et ces jeunes gens ont une façon de trancher les questions qui vous désarme. Craignant qu’on ne lui fît u
1050 nom d’une secte orientale. Aussitôt la discussion de reprendre, et l’on parla défense de l’Occident. L’ange s’enfuit par l
1051 dent. L’ange s’enfuit par l’un des nombreux trous de leurs raisonnements. L’inspiration Comme le poète terminait sa
1052 Comme le poète terminait sa théorie sur la nature de l’inspiration, un doute lui vint. Il alla au cinéma. On donnait un fi
1053 ïne, mais sans espoir. Il lui écrivit, en sortant de là, dans une crèmerie pleine de couples à la mode. Mais en écrivant i
1054 rivit, en sortant de là, dans une crèmerie pleine de couples à la mode. Mais en écrivant il pensait à une femme blonde ass
1055 Ayant demandé un timbre pour attirer l’attention de la femme blonde — sans résultat —, il écrivit une adresse réelle, et
1056 usable de la part d’un poète en état, sans doute, d’ inspiration. Je trouve dans une enveloppe qu’hier vous m’adressâtes un
1057 veloppe qu’hier vous m’adressâtes une déclaration d’ amour destinée à une femme blonde. Je suis noire. Mais je sais qui c’e
1058 tion est le nom qu’on donne en poésie à une suite de malentendus heureusement enchaînés. » Cette histoire, en effet, lui v
1059 ffet, lui valut une Muse. ab. Rougemont Denis de , « L’ordre social. Le Libéralisme. L’inspiration », Revue de Belles-L
1060 re social. Le Libéralisme. L’inspiration », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, novembre 1929, p.
21 1930, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Les soirées du Brambilla-club (mai 1930)
1061 ub (mai 1930)ac Aux Albert Béguin en souvenir de l’ombrelle rouge de Versailles. Paris la nuit oublie parfois d’être
1062 Aux Albert Béguin en souvenir de l’ombrelle rouge de Versailles. Paris la nuit oublie parfois d’être spirituelle, devient
1063 ouge de Versailles. Paris la nuit oublie parfois d’ être spirituelle, devient tragique ou tout simplement germanique. L’Al
1064 Députés, je n’en veux pas démordre, et la Légion d’ honneur — je vous la laisse, la Légion d’honneur. Quand vous prenez un
1065 a Légion d’honneur — je vous la laisse, la Légion d’ honneur. Quand vous prenez un taxi passé onze heures, c’est double tar
1066  : à côté de vous, si vous êtes seul, un fantôme, d’ office, a pris place. On lie bien vite connaissance, pourvu qu’on sach
1067 bien vite connaissance, pourvu qu’on sache un peu d’ allemand, — et l’allemand littéraire y suffit. Pour moi, je ne me sens
1068 comme j’habite l’Odéon, c’est toujours le fantôme de l’Odéon qui m’accompagne et nous ne disons presque rien, nous savons
1069 l’autre qu’aux traductions ; le reste, les livres de M. Maurois par exemple, publiés par la Revue de Belles-Lettres …………1
1070 de M. Maurois par exemple, publiés par la Revue de Belles-Lettres …………18 La plupart des noctambules préfèrent d’aller à
1071 tres …………18 La plupart des noctambules préfèrent d’ aller à pied ; mais moi je me méfie ; se promener seul la nuit dans un
1072 ille étrangère, n’est-ce point la définition même de la luxure ? Quand je vais à pied, j’oublie en chemin les meilleures p
1073 ns une sentimentalité exquise, navrante. Il reste de s’asseoir à quelque terrasse de café pour y boire à petits coups une
1074 avrante. Il reste de s’asseoir à quelque terrasse de café pour y boire à petits coups une amertume acide et tiède comme l’
1075 acide et tiède comme l’adolescence, un désespoir de nuit d’été sous le tilleul où elle n’est pas venue… (C’est ici le lie
1076 t tiède comme l’adolescence, un désespoir de nuit d’ été sous le tilleul où elle n’est pas venue… (C’est ici le lieu de l’a
1077 lleul où elle n’est pas venue… (C’est ici le lieu de l’avouer : je ne saurais entretenir que mes rapports de politesse dis
1078 vouer : je ne saurais entretenir que mes rapports de politesse distante avec les personnes qui ont dit, ne fût-ce qu’une f
1079 e fût-ce qu’une fois en leur vie : « J’ai horreur de la sentimentalité ».) Nous voici donc en taxi, « nous deux le fantôme
1080 pas ma patrie. Ce soir-là, le fantôme ayant envie de manger ferme a donné au chauffeur l’adresse d’un ogre. C’est tout prè
1081 ie de manger ferme a donné au chauffeur l’adresse d’ un ogre. C’est tout près parce que j’ai peur. En même temps c’est très
1082 re. Déjà nous traversons la nuit rose et violette de Montparnasse. Là, l’insondable lubie d’un agent nous immobilise une m
1083 violette de Montparnasse. Là, l’insondable lubie d’ un agent nous immobilise une minute aux lisières odorantes d’une terra
1084 nous immobilise une minute aux lisières odorantes d’ une terrasse où nous voyons Charles-Albert Cingria, transfiguré par un
1085 en train de décrire à Blaise Cendrars, son voisin de table, l’arrivée des Mongols dans Paris et leurs établissements Place
1086 Mongols dans Paris et leurs établissements Place de la Concorde. Notre conteur est vêtu de la gloire d’un pourpoint « plu
1087 ents Place de la Concorde. Notre conteur est vêtu de la gloire d’un pourpoint « plus rouge que rouge ». On assure qu’il po
1088 la Concorde. Notre conteur est vêtu de la gloire d’ un pourpoint « plus rouge que rouge ». On assure qu’il possède encore
1089 l est « pittoresque », cas déplorable, s’agissant d’ un poète authentique. Le pittoresque. D’abord je crains que la notion
1090 que la notion n’en soit toute relative aux modes de « vie » bourgeois ; et puis la, comédie n’est pas mon fort, même la t
1091 u jaloux, le travail jusqu’à l’aube, la naissance d’ un visage dans ma mémoire (d’heure en heure ces yeux plus vivants…) De
1092 l’aube, la naissance d’un visage dans ma mémoire ( d’ heure en heure ces yeux plus vivants…) De là, je le suppose, une certa
1093 mémoire (d’heure en heure ces yeux plus vivants…) De là, je le suppose, une certaine misanthropie en germe : les êtres cha
1094 es êtres changent trop vite, je n’ai pas le temps de me laisser envoûter ou de les rendre esclaves, hors de quoi je ne sai
1095 e, je n’ai pas le temps de me laisser envoûter ou de les rendre esclaves, hors de quoi je ne sais pas de commerce humain q
1096 les rendre esclaves, hors de quoi je ne sais pas de commerce humain qui vaille la peine, qui vaille l’amour. Durant cette
1097 orsque l’homme, cédant à l’évidence des choses ou de l’esprit, comprend enfin qu’il est perdu, il découvre la liberté. (Je
1098 e à la boussole autant qu’au sens moral.) Le goût de se perdre est un des plus profonds mystères de notre condition, et je
1099 ût de se perdre est un des plus profonds mystères de notre condition, et je ne crois pas trop absurde d’y chercher l’origi
1100 notre condition, et je ne crois pas trop absurde d’ y chercher l’origine non seulement des passions amoureuses, mais de la
1101 igine non seulement des passions amoureuses, mais de la plupart des entreprises démesurées qu’enregistre l’Histoire, scien
1102 esurées qu’enregistre l’Histoire, science chargée d’ illustrer à ses propres yeux l’Humanité. En passant, relevons un soph
1103 à la mode, qui vient trébucher dans les méandres de notre chemin : « Il faut se perdre pour se retrouver », nous enseigne
1104 le croire M. Gide, — si pareil entre les griffes de son égoïsme à la souris qu’un chat subtil et ironique feint de lâcher
1105 e à la souris qu’un chat subtil et ironique feint de lâcher pour mieux croquer. Pourquoi ne pas se perdre sans arrière-pen
1106 urs les moins préméditées, c’est sans doute celui d’ être trouvé. J’ai toujours méprisé le geste de l’homme qui, le soir da
1107 lui d’être trouvé. J’ai toujours méprisé le geste de l’homme qui, le soir dans sa chambre d’hôtel, ferme sa porte à double
1108 le geste de l’homme qui, le soir dans sa chambre d’ hôtel, ferme sa porte à double tour. Ah ! qu’une nuit enfin, à la fave
1109 double tour. Ah ! qu’une nuit enfin, à la faveur de mon sommeil, on me vole à moi-même ! Que des êtres rêvés m’emportent 
1110 ient là où je ne sais pas que j’ai si grand désir d’ aller… Est-ce ici ? Je regarde autour de moi : des murs sans yeux domi
1111 se produire : des aboiements fous et une effusion de lumière basse, rougeoyante, campagnarde. ⁂ La sauce est au rôti ce qu
1112 Il arrive qu’on parle, en art culinaire, du style d’ un rôti, et en cuisine littéraire, de pensers mis à toutes sauces. Si
1113 re, du style d’un rôti, et en cuisine littéraire, de pensers mis à toutes sauces. Si M. Thibaudet connaissait l’hôte de cé
1114 toutes sauces. Si M. Thibaudet connaissait l’hôte de céans, il proposerait cette formule du plat idéal : Du Bos en sauce M
1115  : Du Bos en sauce Marthaler. Mais ne parlons pas de mangeaille : c’est tout de suite écœurant et prétentieux. Je suis de
1116 st tout de suite écœurant et prétentieux. Je suis de ceux qui mangent sans faire d’histoires. Je remarque simplement qu’on
1117 étentieux. Je suis de ceux qui mangent sans faire d’ histoires. Je remarque simplement qu’on n’est jamais mieux pour parler
1118 us vulgaires, libérant par là cette part gratuite de nous-mêmes qui se plaît à disserter de poésie pure. Edmond Jaloux pré
1119 t gratuite de nous-mêmes qui se plaît à disserter de poésie pure. Edmond Jaloux préside à cette agape dont il m’est imposs
1120 ux préside à cette agape dont il m’est impossible de nommer tous les officiants visibles ou virtuels, et cela pour différe
1121 e Miomandre n’est pas là. Il a téléphoné au début de l’après-midi qu’il commençait un roman. Son absence nous fera-t-elle
1122 puisqu’en ma voisine, je reconnais la Jeune fille de neige. On la sent prête à fondre de tendresse au premier regard. Mais
1123 a Jeune fille de neige. On la sent prête à fondre de tendresse au premier regard. Mais non, trop bien élevée, elle se ress
1124 le se ressaisit, pense à Genève, reprend aussitôt de la consistance, et dans son trouble apparaît toute parcourue d’adorab
1125 nce, et dans son trouble apparaît toute parcourue d’ adorables roseurs boréales. Hoffmann n’est pas là, mais bien Dollonne,
1126 . Enfin, Jean Cassou, représentant Mgr le marquis de Carabas, absent de Paris, est là. Si vous enlevez Georges Petit, égar
1127 u, représentant Mgr le marquis de Carabas, absent de Paris, est là. Si vous enlevez Georges Petit, égaré, en ayant soin d’
1128 vous enlevez Georges Petit, égaré, en ayant soin d’ ajouter ceux que j’oublie, vous obtiendrez le chiffre exact des partic
1129 culez l’âge du capitaine. Au dessert, chacun y va de son petit miracle. Jaloux et Dick conversent en danois. Quatre ancien
1130 t. À ce moment apparaît Charles Du Bos, en kimono de soie « capstan ». Il ouvre une de ces parenthèses dont il a le secret
1131 Bos, en kimono de soie « capstan ». Il ouvre une de ces parenthèses dont il a le secret, et dans laquelle la rédaction s’
1132 secret, et dans laquelle la rédaction s’empresse de faire rentrer la partie la plus incongrue de cette chronique. Enfin,
1133 esse de faire rentrer la partie la plus incongrue de cette chronique. Enfin, un Étranger raconte l’histoire suivante qui e
1134 e, et se mit à errer dans les campagnes, en quête de l’inspiration qui le fuyait. Il buvait, rêvait, dormait sous les trei
1135 a plusieurs semaines, au terme desquelles, épuisé de corps et d’âme, et n’ayant pas écrit une seule note, il se retrouva a
1136 semaines, au terme desquelles, épuisé de corps et d’ âme, et n’ayant pas écrit une seule note, il se retrouva aux portes de
1137 seule note, il se retrouva aux portes de Naples, d’ où il n’eut que la force de regagner son logis. Comme il allait y péné
1138 aux portes de Naples, d’où il n’eut que la force de regagner son logis. Comme il allait y pénétrer, il aperçut auprès du
1139 ter, sa plus belle œuvre, sur le thème des pleurs de la vieille, et mourut comme il l’achevait. ⁂ Partout où il y a de la
1140 mourut comme il l’achevait. ⁂ Partout où il y a de la musique, de l’Italie et une certaine qualité de désespoir, je retr
1141 l l’achevait. ⁂ Partout où il y a de la musique, de l’Italie et une certaine qualité de désespoir, je retrouve les contes
1142 e la musique, de l’Italie et une certaine qualité de désespoir, je retrouve les contes d’Hoffmann. Mais il s’agit de les v
1143 aine qualité de désespoir, je retrouve les contes d’ Hoffmann. Mais il s’agit de les vivre plutôt que d’en parler vous voye
1144 je retrouve les contes d’Hoffmann. Mais il s’agit de les vivre plutôt que d’en parler vous voyez bien que j’ai quitté cett
1145 ’Hoffmann. Mais il s’agit de les vivre plutôt que d’ en parler vous voyez bien que j’ai quitté cette table écroulée, dans l
1146 uillard qui cachait le front des palais, une nuit d’ hiver, je chantonnais la Barcarolle en descendant le Grand Canal, — c’
1147 s, comme tu les aimes — on n’a pas toujours envie de crâner. L’esplanade d’une petite ville de l’Allemagne du Sud, un soir
1148 on n’a pas toujours envie de crâner. L’esplanade d’ une petite ville de l’Allemagne du Sud, un soir de mai. Il y a dans le
1149 s envie de crâner. L’esplanade d’une petite ville de l’Allemagne du Sud, un soir de mai. Il y a dans les marronniers noirs
1150 d’une petite ville de l’Allemagne du Sud, un soir de mai. Il y a dans les marronniers noirs des lampions et des touffes de
1151 les marronniers noirs des lampions et des touffes de gamins qui regardent avec la bouche ce qui se passe à l’intérieur d’u
1152 dent avec la bouche ce qui se passe à l’intérieur d’ une enceinte de toiles tendues au-devant d’un petit théâtre. La rampe
1153 uche ce qui se passe à l’intérieur d’une enceinte de toiles tendues au-devant d’un petit théâtre. La rampe est d’un bleu s
1154 érieur d’une enceinte de toiles tendues au-devant d’ un petit théâtre. La rampe est d’un bleu stellaire, un bleu d’Aldébara
1155 endues au-devant d’un petit théâtre. La rampe est d’ un bleu stellaire, un bleu d’Aldébaran. On joue Rose de Tannenbourg, d
1156 héâtre. La rampe est d’un bleu stellaire, un bleu d’ Aldébaran. On joue Rose de Tannenbourg, drame en 15 tableaux, un prolo
1157 arton des armures sonne sourdement sous les coups d’ un Kühnrich à la basse rugissante, plus traître que nature avec sa lar
1158 e avec sa large face mangée par une barbe en crin de cheval du diable. L’héroïne est belle comme une ballade de Bürger, ta
1159 du diable. L’héroïne est belle comme une ballade de Bürger, tandis qu’elle arrose de ses larmes le seuil de la prison pat
1160 omme une ballade de Bürger, tandis qu’elle arrose de ses larmes le seuil de la prison paternelle, tout en coulant un clin
1161 ger, tandis qu’elle arrose de ses larmes le seuil de la prison paternelle, tout en coulant un clin d’œil assassin vers le
1162 ant un clin d’œil assassin vers le parterre agité de passions contradictoires. Durant les entractes, une fanfare de paysan
1163 ontradictoires. Durant les entractes, une fanfare de paysans bleu de roi joue sur un rythme impeccable, avec toujours les
1164 Durant les entractes, une fanfare de paysans bleu de roi joue sur un rythme impeccable, avec toujours les mêmes notes fêlé
1165 es fêlées et l’accompagnement dans les feuillages de voix fausses mais aériennes, des chansons populaires qui sont ce que
1166 nuit est chaude sur les collines. Un grand verre de bière à l’auberge déserte, ma pipe et mon chien qui bougonne. La peti
1167 dans la mansarde, et qui n’a pas peur… ⁂ Le reste de la vie, c’est toujours entre deux voyages d’Allemagne. Cela se passe
1168 este de la vie, c’est toujours entre deux voyages d’ Allemagne. Cela se passe actuellement dans un hôtel tragi-comique en c
1169 en cinq étages et un prologue ou vestibule, plein de bruits de lavabos et de coups de cloche débile au corridor, — à Paris
1170 ages et un prologue ou vestibule, plein de bruits de lavabos et de coups de cloche débile au corridor, — à Paris. Bientôt…
1171 logue ou vestibule, plein de bruits de lavabos et de coups de cloche débile au corridor, — à Paris. Bientôt… Mais il est
1172 vestibule, plein de bruits de lavabos et de coups de cloche débile au corridor, — à Paris. Bientôt… Mais il est temps de
1173 corridor, — à Paris. Bientôt… Mais il est temps de mettre à ces fariboles un terme19. J’ai du solide à équarrir. Et aupa
1174 la R.) 19. L’auteur nous promet pour le numéro 6 de nouveaux détails apocryphes. (N. de la R.) ac. Rougemont Denis de,
1175 apocryphes. (N. de la R.) ac. Rougemont Denis de , « Les soirées du Brambilla-club », Revue de Belles-Lettres, Lausanne
1176 enis de, « Les soirées du Brambilla-club », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, mai 1930, p. 160-
22 1930, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Le Grand Testament de Villon, illustré par Marcel North (juin 1930)
1177 Le Grand Testament de Villon, illustré par Marcel North (juin 1930)ad Marcel North a tro
1178 qui ne ressemble qu’à sa fantaisie : la précision de son trait cerne une poésie ingénue, à la fois drue et délicate comme
1179 aiment « naïf ». La fleur qui croît en plein cœur de celui qui est mort d’amour, une âme qui s’envole par la bouche, des f
1180 eur qui croît en plein cœur de celui qui est mort d’ amour, une âme qui s’envole par la bouche, des formes aériennes qui vo
1181 si naturelle qu’on ne peut s’y tromper : la grâce de l’enfance anime encore cette imagination, guide encore cette main déj
1182 e. Ce que j’aime ici, c’est un ravissant concours d’ ingénuité et d’observation ironique, et cette netteté que les primitif
1183 e ici, c’est un ravissant concours d’ingénuité et d’ observation ironique, et cette netteté que les primitifs savent allier
1184 ns ces compositions parmi les allégories barbares d’ un ciel bon enfant, et dans ce truculent petit monde, Marcel North et
1185 larrons en foire. Certes, l’amertume douloureuse de Villon se mue souvent dans la traduction de North en acidité légère d
1186 reuse de Villon se mue souvent dans la traduction de North en acidité légère de fruit vert, mais on n’ose reprocher à ces
1187 ent dans la traduction de North en acidité légère de fruit vert, mais on n’ose reprocher à ces images ce qu’elles ont d’un
1188 s on n’ose reprocher à ces images ce qu’elles ont d’ un peu grêle : leur jeunesse… Et si la composition s’amuse parfois à b
1189  à côté de parfaites réussites — , voici, partout d’ adorables inventions de détails qui se cachent dans les coins, bonshom
1190 ussites — , voici, partout d’adorables inventions de détails qui se cachent dans les coins, bonshommes, fleurettes drôles,
1191 t ce violoneux qui tire son archet sur des rayons de soleil… Bravo, Marcel, v’là le printemps ! ad. Rougemont Denis de,
1192 arcel, v’là le printemps ! ad. Rougemont Denis de , «  Le Grand Testament de Villon, illustré par Marcel North », Revue
1193 ad. Rougemont Denis de, «  Le Grand Testament de Villon, illustré par Marcel North », Revue de Belles-Lettres, Lausann
1194 ent de Villon, illustré par Marcel North », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, juin 1930, p. 204
23 1932, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). La pluie et le beau temps (Dialogue dans une tête) (1932)
1195 mes soient coquettes à les faire doucement frémir de rage ; ils aiment s’obstiner et c’est pourquoi nous aimons leur échap
1196 tes bien injuste avec moi quand vous me reprochez d’ être méchante : je suis à peine coquette, et vous savez que c’est un p
1197 sont pas pour les oreilles, mais pour les lèvres de ceux qui vous aiment. Car elles sont insensées, mais comme des baiser
1198 ent à peu près à ceci : Êtes-vous un être capable d’ aimer, ou seulement une apparence adorable ? Et voici cette question :
1199 éférez l’un à l’autre ? Sonnette. — Petite leçon de météorologie sentimentale. Comme vous êtes un profond pédant, dans ci
1200 vous admettez que « beau » temps est le contraire de « mauvais » temps, et vous n’avez jamais cherché ce que doit être le
1201 de la souffrance, et même qu’il est le contraire de la souffrance. C’est pourquoi vos rêves composent toujours le même pa
1202 quoi vos rêves composent toujours le même paysage de carte postale en couleurs, idéal inévitable de ceux qui n’ont pas de
1203 ge de carte postale en couleurs, idéal inévitable de ceux qui n’ont pas de point de vue sur le beau temps. Écoutez-moi bie
1204 couleurs, idéal inévitable de ceux qui n’ont pas de point de vue sur le beau temps. Écoutez-moi bien, Sonnette : Vos acti
1205 te : Vos actions et vos pensées, votre conception de l’amour se réfèrent en vérité à une carte postale en couleurs. Et non
1206 (Un silence.)   Sans doute, Sonnette, portez-vous de ces courtes bottes vernies, quand il pleut ? Sonnette. — Quand j’éta
1207 s jambes nues sous la pluie. L’herbe était pleine de sales limaces et de petits escargots, et les framboises humides avaie
1208 a pluie. L’herbe était pleine de sales limaces et de petits escargots, et les framboises humides avaient un délicieux goût
1209 t un délicieux goût fade. Je rentrais toute fière de mes genoux griffés comme ceux des garçons, et le soir quand on me fai
1210 ens sont toujours religieux, alors que les femmes de ce temps sont seulement sournoises. Sonnette. — Lord Artur, vous m’a
1211 re jaloux ce soir. Quand vous cédez à votre manie de remuer des métaphysiques à propos de petits riens, c’est toujours par
1212 Je regrette profondément que vous n’ayez pas plus de sens qu’un oiseau. Sonnette, si vous étiez païenne ou si vous étiez c
1213 votre « bonheur » rien de plus que l’un des noms de sa présence. Mais un jour la lumière est morte autour de nous, elle e
1214 e à la surface des choses pour renaître au centre de l’homme. Et, dès lors, de tous les événements qui paraissent autour d
1215 pour renaître au centre de l’homme. Et, dès lors, de tous les événements qui paraissent autour de nous, aucun n’importe, s
1216 lui qui dans le même temps se passe à l’intérieur d’ un être. Ainsi tout est changé, mais peu le savent. Peu savent le chem
1217 e chemin qui va du signe à l’être. Longues pluies de printemps sur la campagne recueillie, tempêtes sur les pentes, — beau
1218 recueillie, tempêtes sur les pentes, — beau temps de la présence. Car tu sais pour quel « bien » désiré tu les aimes ; mai
1219 » désiré tu les aimes ; mais tu sais qu’au soleil de l’aube aussi d’autres fois tu l’as possédé. Tu comprends maintenant q
1220 se situe leur lieu, établis en ce lieu la demeure de tes pensées. Ainsi, nous dit la Fable, fit Myscille, habitant d’Argo
1221 Ainsi, nous dit la Fable, fit Myscille, habitant d’ Argos. N’ayant pu débrouiller le sens de l’Oracle qui lui avait dit d’
1222 habitant d’Argos. N’ayant pu débrouiller le sens de l’Oracle qui lui avait dit d’aller bâtir une ville là où il trouverai
1223 débrouiller le sens de l’Oracle qui lui avait dit d’ aller bâtir une ville là où il trouverait la pluie et le beau temps, i
1224 isane qui pleurait ; et en ce lieu bâtit la ville de Crotone. Sonnette. — J’aime vos histoires, Lord Artur. (Un temps.)
1225 i me réchauffe. Parce qu’elle se tient là « vêtue de son péché », — comme une courtisane. Mais vous n’êtes qu’une petite f
1226 es qu’une petite fille.20 20. [Note à l’achevé d’ imprimé :] « Relativement à « La pluie et le beau temps » de Salomon d
1227 :] « Relativement à « La pluie et le beau temps » de Salomon de Crac, tous droits demeurent réservés par Denis de Rougemon
1228 urent réservés par Denis de Rougemont, à la suite d’ une entente formelle avec les héritiers du baron de Crac, représentés
1229 ris), fin septembre 1931. » ae. Rougemont Denis de , « La pluie et le beau temps (Dialogue dans une tête) », Revue de Bel
1230 t le beau temps (Dialogue dans une tête) », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, 1932, p. 56-59.
24 1933, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Petites notes sur les vérités éternelles (1932-1933)
1231 nelles (1932-1933)ag La lecture du bel article de M. Arnold Reymond, paru dans votre n° 1, me met la plume à la main. V
1232 M. Reymond, je le crois, ne m’en voudra pas trop de leur vivacité : il connaît bien les Neuchâtelois, qui l’ont beaucoup
1233 beaucoup aimé ; il sait que ces Neuchâtelois sont d’ infatigables ergoteurs. Pour la commodité du lecteur, je recopie les p
1234 ls s’attachent mes gloses. Je m’excuse par avance de l’avantage que je m’accorde en détachant ainsi des phrases du context
1235 s si j’adoptais une autre méthode, les dimensions de la Revue n’y suffiraient plus — ni la patience du lecteur à mon endro
1236 ur à mon endroit, je le crains… 1. S’il n’y a pas de vérité absolue, en ce sens que tout jugement tenu pour vrai peut être
1237 rai peut être modifié ou complété, les conditions de la vérité sont, elles, immuables et éternelles… (p. 12). Les conditi
1238 immuables et éternelles… (p. 12). Les conditions de la vérité sont donc éternelles (p. 13). Les philosophes, de tout temp
1239 té sont donc éternelles (p. 13). Les philosophes, de tout temps, ont montré du goût pour une certaine continuité, une cert
1240 ies. La critique postkantienne ayant fait justice de certaines prétentions, survivantes chez certains penseurs, à connaîtr
1241 , survivantes chez certains penseurs, à connaître d’ une vérité absolue, on put se demander si la philosophie n’allait pas
1242 la « discipline » ? Et d’ailleurs, une démission de la philosophie eût impliqué, au concret, la démission réelle de tous
1243 hie eût impliqué, au concret, la démission réelle de tous les professeurs de philosophie, à quoi personne ne peut songer s
1244 cret, la démission réelle de tous les professeurs de philosophie, à quoi personne ne peut songer sérieusement. On trouva d
1245 ils ne tardèrent pas à trouver dans la forme même de l’esprit créateur de systèmes. Depuis lors on nous parle du créé et d
1246 à trouver dans la forme même de l’esprit créateur de systèmes. Depuis lors on nous parle du créé et du créant. Mais nous v
1247 nous importe les « conditions » purement logiques d’ une vérité, qui, à nos yeux, demeure constamment jugée par une réalité
1248 a logique même. Ce sont les conditions actuelles de la vérité qui nous posent un problème, et non pas ses conditions « ét
1249 pensons pas qu’il y ait lieu pour un philosophe, d’ être rassuré par la découverte de telles conditions. Elles constituero
1250 r un philosophe, d’être rassuré par la découverte de telles conditions. Elles constitueront peut-être la dogmatique laïque
1251 lles constitueront peut-être la dogmatique laïque de la philosophie des sciences, durant quelques années encore. Mais ce n
1252 e. Mais ce n’est pas, comme certains le répètent, d’ une dogmatique que nous avons besoin. Ce n’est pas d’une systématique,
1253 ne dogmatique que nous avons besoin. Ce n’est pas d’ une systématique, d’ailleurs déduite a posteriori. Ce n’est pas d’une
1254 ue, d’ailleurs déduite a posteriori. Ce n’est pas d’ une méthode de correction, ou d’assurances contre les paradoxes de l’e
1255 déduite a posteriori. Ce n’est pas d’une méthode de correction, ou d’assurances contre les paradoxes de l’existence. Ce q
1256 ori. Ce n’est pas d’une méthode de correction, ou d’ assurances contre les paradoxes de l’existence. Ce que nous demandons
1257 correction, ou d’assurances contre les paradoxes de l’existence. Ce que nous demandons à la philosophie, c’est de mettre
1258 ce. Ce que nous demandons à la philosophie, c’est de mettre en forme une problématique réelle, existentielle, la problémat
1259 lématique réelle, existentielle, la problématique de la vie de l’homme en 1933, assumée dans ses aspects les plus scandale
1260 réelle, existentielle, la problématique de la vie de l’homme en 1933, assumée dans ses aspects les plus scandaleux, les pl
1261 ux principe du tiers exclu est nié par l’angoisse de tout homme qui tente d’assumer son moi contradictoire pour le mettre
1262 lu est nié par l’angoisse de tout homme qui tente d’ assumer son moi contradictoire pour le mettre aux ordres de la foi. C’
1263 son moi contradictoire pour le mettre aux ordres de la foi. C’est une colle de scolastiques ; elle alimentera quelque tem
1264 r le mettre aux ordres de la foi. C’est une colle de scolastiques ; elle alimentera quelque temps encore les jeux de socié
1265 s ; elle alimentera quelque temps encore les jeux de société des congrès de mathématiciens et de logisticiens ; et pendant
1266 lque temps encore les jeux de société des congrès de mathématiciens et de logisticiens ; et pendant ce temps, c’est à la t
1267 jeux de société des congrès de mathématiciens et de logisticiens ; et pendant ce temps, c’est à la théologie que nous iro
1268 mps, c’est à la théologie que nous irons demander de la pensée, c’est-à-dire de la pensée créatrice, c’est-à-dire de la pe
1269 ue nous irons demander de la pensée, c’est-à-dire de la pensée créatrice, c’est-à-dire de la pensée obéissante : car il n’
1270 c’est-à-dire de la pensée créatrice, c’est-à-dire de la pensée obéissante : car il n’est d’action véritable que celle de l
1271 est-à-dire de la pensée obéissante : car il n’est d’ action véritable que celle de la foi, lorsque « mettant les pouces »,
1272 sante : car il n’est d’action véritable que celle de la foi, lorsque « mettant les pouces », je me rends à son ordre. 2. O
1273 st-elle suffisamment expliquée par l’insuffisance de la pensée ancienne ? Les historiens le croient volontiers. Mais on ne
1274 Mais on ne saurait dire qu’ils témoignent par là de beaucoup de respect pour la vérité créatrice. Non, notre adhésion à B
1275 ce. Non, notre adhésion à Barth n’est pas le fait de la mauvaise humeur et de la mauvaise conscience que fomentèrent en no
1276 Barth n’est pas le fait de la mauvaise humeur et de la mauvaise conscience que fomentèrent en nous les démissions systéma
1277 fomentèrent en nous les démissions systématiques de l’historicisme et du psychologisme. Le secret de notre adhésion à Bar
1278 de l’historicisme et du psychologisme. Le secret de notre adhésion à Barth est dans la pensée de Barth elle-même, et non
1279 cret de notre adhésion à Barth est dans la pensée de Barth elle-même, et non pas dans je ne sais quelle « réaction ». Et c
1280 Barth, croyons-nous, n’a jamais proposé ni prôné de dogmes « si possible immuables » (p. 14). On pourrait dire qu’il fait
1281 le contraire. Il nous ramène sans cesse à l’état de pauvreté (pauvreté en esprit, absence de toute assurance extérieure,
1282 à l’état de pauvreté (pauvreté en esprit, absence de toute assurance extérieure, dénuement, vision absolument sobre et dés
1283 uement, vision absolument sobre et désillusionnée de la condition humaine) qui est l’état dans lequel la vérité ne peut op
1284 istence que par un choix, une décision, — un acte d’ obéissance à l’ordre « tombé du ciel ». Comment parler de la « restaur
1285 sance à l’ordre « tombé du ciel ». Comment parler de la « restauration intégrale d’une dogmatique appartenant aux siècles
1286  ». Comment parler de la « restauration intégrale d’ une dogmatique appartenant aux siècles passés » (p. 14), à propos d’un
1287 s les « formules », en même temps que la critique de ces rites et de ces formules, toutes les idolâtries, que ce soit la c
1288  », en même temps que la critique de ces rites et de ces formules, toutes les idolâtries, que ce soit la croyance antique
1289 moderne et non moins païenne à la valeur absolue de la logique, de l’histoire et des méthodes critiques de M. Goguel ? 3.
1290 moins païenne à la valeur absolue de la logique, de l’histoire et des méthodes critiques de M. Goguel ? 3. Si notre civil
1291 logique, de l’histoire et des méthodes critiques de M. Goguel ? 3. Si notre civilisation chrétienne n’est pas détruite pa
1292 en approfondissant et en élargissant son horizon de pensée. Peut-on dire que notre civilisation soit chrétienne ? Peut-o
1293 Peut-on dire que pour le chrétien la perspective d’ un nouveau progrès, d’une « marche en avant » de la civilisation capit
1294 le chrétien la perspective d’un nouveau progrès, d’ une « marche en avant » de la civilisation capitaliste-bourgeoise-nati
1295 e d’un nouveau progrès, d’une « marche en avant » de la civilisation capitaliste-bourgeoise-nationaliste fournisse une rai
1296 iste-bourgeoise-nationaliste fournisse une raison de se montrer optimiste ? Devant des mots comme « approfondissement » ou
1297 comme « approfondissement » ou « élargissement » de notre horizon de pensée, nous demandons passionnément et lourdement c
1298 dissement » ou « élargissement » de notre horizon de pensée, nous demandons passionnément et lourdement ce que cela peut b
1299 cret. Ce que cela veut dire. C’est une des leçons de la guerre. Notre refus est instinctif devant un avenir, un espoir, un
1300 inis. Car là où la pensée n’a rien osé distinguer de précis, c’est là que l’action des hommes devient folle et meurtrière.
1301 folle et meurtrière. 4. Il me semble que la tâche de la théologie protestante à l’heure actuelle est de dégager, dans un e
1302 e la théologie protestante à l’heure actuelle est de dégager, dans un esprit de libre recherche et de respect pour le pass
1303 à l’heure actuelle est de dégager, dans un esprit de libre recherche et de respect pour le passé, les invariants chrétiens
1304 de dégager, dans un esprit de libre recherche et de respect pour le passé, les invariants chrétiens tels que le développe
1305 es invariants chrétiens tels que le développement de la pensée moderne nous aide en toute loyauté à les affirmer (p. 16).
1306 6). Pourquoi ai-je envie, dans une telle phrase, de remplacer « libre recherche » par « obéissance », — « respect pour le
1307 ct pour les données présentes » — « développement de la pensée moderne » par « approfondissement de la pensée paulinienne,
1308 nt de la pensée moderne » par « approfondissement de la pensée paulinienne, calvinienne, luthérienne, kierkegaardienne, di
1309 s pourraient bien apparaître comme les constantes de déformation de l’Évangile au contact des humains. Et puis, que ferion
1310 en apparaître comme les constantes de déformation de l’Évangile au contact des humains. Et puis, que ferions-nous en atten
1311 rriverait-il si le résultat en était par exemple, de démontrer que tel « invariant chrétien » est toute autre chose que l’
1312 faut poser si l’on veut réellement se tirer hors d’ une confusion sans précédent — d’une confusion dont le profit ne sera
1313 nt se tirer hors d’une confusion sans précédent — d’ une confusion dont le profit ne sera jamais pour la foi. Car l’opérati
1314 rofit ne sera jamais pour la foi. Car l’opération de la foi ne relève pas d’un « invariant », connu ou inconnu, passé ou à
1315 r la foi. Car l’opération de la foi ne relève pas d’ un « invariant », connu ou inconnu, passé ou à venir, mais bien d’un o
1316  », connu ou inconnu, passé ou à venir, mais bien d’ un ordre, reçu hic et nunc, et d’une présence, qui juge tout. ag. R
1317 venir, mais bien d’un ordre, reçu hic et nunc, et d’ une présence, qui juge tout. ag. Rougemont Denis de, « Petites note
1318 e présence, qui juge tout. ag. Rougemont Denis de , « Petites notes sur les vérités éternelles », Revue de Belles-Lettre
1319 Petites notes sur les vérités éternelles », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, 1932–1933, p. 55-
25 1935, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). René Guisan : un clerc (1935)
1320 n vrai clerc. Non pas cet être détaché, déraciné, de pure raison, que l’auteur d’un pamphlet fameux voulait nous donner po
1321 e détaché, déraciné, de pure raison, que l’auteur d’ un pamphlet fameux voulait nous donner pour modèle du clerc qui ne tra
1322 i ne trahit pas. Mais une figure presque parfaite d’ intellectuel en action, d’homme qui pense ce qu’il fait, qui fait ce q
1323 figure presque parfaite d’intellectuel en action, d’ homme qui pense ce qu’il fait, qui fait ce qu’il pense. Nous manquons
1324 i fait ce qu’il pense. Nous manquons terriblement de tels hommes, en Suisse romande. Nous manquons terriblement de ce sens
1325 es, en Suisse romande. Nous manquons terriblement de ce sens de la culture qu’incarnait à mes yeux René Guisan, lorsque je
1326 se romande. Nous manquons terriblement de ce sens de la culture qu’incarnait à mes yeux René Guisan, lorsque je le voyais
1327 bibliothèque immense et qu’il me parlait avec feu d’ actions réelles dont il était l’âme et l’agent, non pas en « homme d’a
1328 ont il était l’âme et l’agent, non pas en « homme d’ action » — cette sotte espèce américaine — mais en homme de pensée agi
1329 » — cette sotte espèce américaine — mais en homme de pensée agissante. Nous méprisons trop facilement la culture au nom de
1330 ns doute parce que nous avons connu quelques rats de bibliothèque qui méprisaient trop facilement l’action au nom de la cu
1331 ien dès l’instant qu’on les sépare et qu’on cesse de les mettre en tension. Il n’est d’action créatrice que soumise à la l
1332 et qu’on cesse de les mettre en tension. Il n’est d’ action créatrice que soumise à la loi d’une pensée rigoureuse ; il n’e
1333 Il n’est d’action créatrice que soumise à la loi d’ une pensée rigoureuse ; il n’est de pensée saine qu’engagée dans une œ
1334 umise à la loi d’une pensée rigoureuse ; il n’est de pensée saine qu’engagée dans une œuvre efficace, au sein de contingen
1335 es évidences fondamentales et sans cesse oubliées de nos jours, je ne les ai vues vraiment vécues chez nous que par cet ho
1336 plus utilement critique si vous alliez lui parler d’ un projet, d’une œuvre en cours, des circonstances d’une humble vie. I
1337 t critique si vous alliez lui parler d’un projet, d’ une œuvre en cours, des circonstances d’une humble vie. Il faut décrir
1338 n projet, d’une œuvre en cours, des circonstances d’ une humble vie. Il faut décrire ces éléments de sa « personne » en ter
1339 es d’une humble vie. Il faut décrire ces éléments de sa « personne » en termes d’apparence paradoxale : le secret de son œ
1340 ne » en termes d’apparence paradoxale : le secret de son œuvre résidait sans doute dans l’union vibrante qu’il incarnait,
1341 sans doute dans l’union vibrante qu’il incarnait, de qualités qui ont coutume, ailleurs, de se gêner mutuellement. Son éru
1342 incarnait, de qualités qui ont coutume, ailleurs, de se gêner mutuellement. Son érudition magnifique ne se limitait pas au
1343 aux livres : elle embrassait aussi les incidents de la moindre paroisse « libriste » du canton de Vaud. Son sens aigu de
1344 nts de la moindre paroisse « libriste » du canton de Vaud. Son sens aigu de la qualité intellectuelle, sa rigueur critique
1345 sse « libriste » du canton de Vaud. Son sens aigu de la qualité intellectuelle, sa rigueur critique ne l’empêchaient nulle
1346 e, sa rigueur critique ne l’empêchaient nullement de se passionner pour les « problèmes » souvent si vagues qui peuplent u
1347 roblèmes » souvent si vagues qui peuplent une âme d’ unioniste romand. Vraiment, le souvenir d’une influence et d’une prése
1348 une âme d’unioniste romand. Vraiment, le souvenir d’ une influence et d’une présence aussi directes et essentielles doit no
1349 romand. Vraiment, le souvenir d’une influence et d’ une présence aussi directes et essentielles doit nous interdire désorm
1350 tes et essentielles doit nous interdire désormais de considérer que l’esprit est une faculté détachée, un refuge hors de l
1351 semble que c’est la leçon que nous devons prendre de sa vie : la leçon toute goethéenne du clerc qui sert sans rien trahir
1352 ute goethéenne du clerc qui sert sans rien trahir de la primauté de l’esprit. Peut-être que le seul chrétien peut comprend
1353 du clerc qui sert sans rien trahir de la primauté de l’esprit. Peut-être que le seul chrétien peut comprendre, existentiel
1354 comprendre, existentiellement, que cette exigence de service, cet abaissement de la pensée aux choses, cet acte de présenc
1355 t, que cette exigence de service, cet abaissement de la pensée aux choses, cet acte de présence au monde est l’achèvement
1356 cet abaissement de la pensée aux choses, cet acte de présence au monde est l’achèvement suprême, et non l’humiliation du s
1357 ’humiliation du spirituel. ah. Rougemont Denis de , « René Guisan : un clerc », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâ
1358 emont Denis de, « René Guisan : un clerc », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, 1935, p. 25-26.
1359 éro, appartenant à la série annuelle 1932-1933, a de fait paru en 1935.
26 1938, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Le Poète et le Vilain (novembre 1938)
1360 le Vilain (novembre 1938)aj ak Le poète disait d’ une belle voix d’amertume : — Nous n’avons plus guère de mesures pour
1361 re 1938)aj ak Le poète disait d’une belle voix d’ amertume : — Nous n’avons plus guère de mesures pour les choses divine
1362 belle voix d’amertume : — Nous n’avons plus guère de mesures pour les choses divines et humaines, si nous savons peser d’i
1363 choses divines et humaines, si nous savons peser d’ invisibles rayons d’énergie. Nos codes ne prévoient pas que l’assassin
1364 umaines, si nous savons peser d’invisibles rayons d’ énergie. Nos codes ne prévoient pas que l’assassin d’un noble sera pun
1365 nergie. Nos codes ne prévoient pas que l’assassin d’ un noble sera puni plus sévèrement que n’eût été ce noble assassinant
1366 n serf. Même l’indulgence pour les riches a cessé d’ être bien certaine. Tout homme en vaut un autre, dit la loi ; et ce re
1367 a loi ; et ce respect vulgarisé touche au mépris. De là vient que le meurtrier tantôt est acquitté, tantôt décapité. Vous
1368 yez qu’on oscille du tout au rien, selon l’humeur d’ un jury d’ailleurs désigné par le sort. Il n’en fut pas toujours ainsi
1369 en fut pas toujours ainsi. Jusqu’au viiie siècle de notre ère, les bardes celtes étaient honorés chez les rois. Tenez, li
1370 ire le prix qu’on doit payer quand on le tue, est de 126 vaches ; et en cas d’insulte, on lui doit une indemnité de 6 vach
1371 er quand on le tue, est de 126 vaches ; et en cas d’ insulte, on lui doit une indemnité de 6 vaches et 20 pièces d’argent. 
1372  ; et en cas d’insulte, on lui doit une indemnité de 6 vaches et 20 pièces d’argent. » Ailleurs, on voit que si le barde a
1373 n lui doit une indemnité de 6 vaches et 20 pièces d’ argent. » Ailleurs, on voit que si le barde adresse une requête au roi
1374 ureux ceux qui ont une grande faim, c’est à cause d’ eux qu’il y a de grandes œuvres. Car le vilain qui n’a rien à donner,
1375 nt une grande faim, c’est à cause d’eux qu’il y a de grandes œuvres. Car le vilain qui n’a rien à donner, c’est lui qui vo
1376 nera la joie du chant, plus précieuse que l’objet de vos requêtes au roi. — Oui, dit le poète, mais sans nobles, sans rois
1377 t-il y avoir des vilains ? aj. Rougemont Denis de , « Le Poète et le Vilain », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchât
1378 gemont Denis de, « Le Poète et le Vilain », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, novembre 1938, p.
1379 te introductive précise : « Nous avons le plaisir de publier en tête de ce numéro une page inédite de Denis de Rougemont,
1380 cise : « Nous avons le plaisir de publier en tête de ce numéro une page inédite de Denis de Rougemont, qu’il a bien voulu
1381 de publier en tête de ce numéro une page inédite de Denis de Rougemont, qu’il a bien voulu extraire pour nous d’un ouvrag
1382 Rougemont, qu’il a bien voulu extraire pour nous d’ un ouvrage qu’il prépare et qu’il intitulera Doctrine fabuleuse . »
27 1968, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Hölderlin dans le souvenir des noms splendides (1968)
1383 oublié ? Un « ton fondamental » ? Des mouvements de mots ? ou seulement un désir différent de tout autre désir auparavant
1384 vements de mots ? ou seulement un désir différent de tout autre désir auparavant connu de le revivre, ce poème, de le reli
1385 ir différent de tout autre désir auparavant connu de le revivre, ce poème, de le relire en sa mémoire, de le recomposer co
1386 e désir auparavant connu de le revivre, ce poème, de le relire en sa mémoire, de le recomposer contre l’oubli comme son au
1387 le revivre, ce poème, de le relire en sa mémoire, de le recomposer contre l’oubli comme son auteur l’avait écrit contre l’
1388 ui émeut quand plus rien n’est là ? Je ne gardais de Hölderlin que des souvenirs d’élans ou d’amples chutes, de rythmes br
1389 là ? Je ne gardais de Hölderlin que des souvenirs d’ élans ou d’amples chutes, de rythmes brisés, de noms grecs, d’éclats d
1390 gardais de Hölderlin que des souvenirs d’élans ou d’ amples chutes, de rythmes brisés, de noms grecs, d’éclats de lumière é
1391 lin que des souvenirs d’élans ou d’amples chutes, de rythmes brisés, de noms grecs, d’éclats de lumière élevés dans l’imme
1392 rs d’élans ou d’amples chutes, de rythmes brisés, de noms grecs, d’éclats de lumière élevés dans l’immense paysage intérie
1393 ’amples chutes, de rythmes brisés, de noms grecs, d’ éclats de lumière élevés dans l’immense paysage intérieur. Ou moins en
1394 hutes, de rythmes brisés, de noms grecs, d’éclats de lumière élevés dans l’immense paysage intérieur. Ou moins encore, que
1395 labes et des tirets remplaçant le début ou la fin d’ un verset, appels nostalgiquement privés de sens à cause de tant d’ann
1396 la fin d’un verset, appels nostalgiquement privés de sens à cause de tant d’années d’oubli, pensais-je. Je notais quelquef
1397 ls nostalgiquement privés de sens à cause de tant d’ années d’oubli, pensais-je. Je notais quelquefois ces fragments mémora
1398 giquement privés de sens à cause de tant d’années d’ oubli, pensais-je. Je notais quelquefois ces fragments mémorables pour
1399 quelquefois ces fragments mémorables pour essayer d’ en retrouver le complément, fût-ce par la suggestion de l’arrangement
1400 retrouver le complément, fût-ce par la suggestion de l’arrangement graphique. Ainsi quelques départs : Feiern möcht ich,
1401 r unserer Seele beginnt. Je retrouvais sans trop de lacunes deux quatrains d’une déchirante simplicité, que j’avais tradu
1402 Je retrouvais sans trop de lacunes deux quatrains d’ une déchirante simplicité, que j’avais traduits à vingt ans : Die Lini
1403 rtaines coupes du verset, ces attaques identiques de deux des grands poèmes de la folie : Nah ist Und schwer zu fassen de
1404 ces attaques identiques de deux des grands poèmes de la folie : Nah ist Und schwer zu fassen der Gott21 Reif sind, in Fe
1405 nt absence du son, du sens, mais sourde pulsation d’ un blanc, d’un vide. « Énigme, ce qui naît d’un jaillissement pur ! Et
1406 u son, du sens, mais sourde pulsation d’un blanc, d’ un vide. « Énigme, ce qui naît d’un jaillissement pur ! Et par le chan
1407 tion d’un blanc, d’un vide. « Énigme, ce qui naît d’ un jaillissement pur ! Et par le chant lui-même à peine dévoilé ». Gro
1408 par le chant lui-même à peine dévoilé ». Groupes de mots émergeant de la mémoire comme de l’Égée vineuse ces îles de l’Ar
1409 même à peine dévoilé ». Groupes de mots émergeant de la mémoire comme de l’Égée vineuse ces îles de l’Archipel, témoins de
1410  ». Groupes de mots émergeant de la mémoire comme de l’Égée vineuse ces îles de l’Archipel, témoins de quelque immense Hes
1411 nt de la mémoire comme de l’Égée vineuse ces îles de l’Archipel, témoins de quelque immense Hespérie effondrée mais dont l
1412 de l’Égée vineuse ces îles de l’Archipel, témoins de quelque immense Hespérie effondrée mais dont les noms, par cette voix
1413 coup m’était restitué L’enthousiasme errant, fils de la belle Nuit 24. Nuit blanche, nuit d’un bleu doré lunaire — négatif
1414 ant, fils de la belle Nuit 24. Nuit blanche, nuit d’ un bleu doré lunaire — négatif de cet azur noir du plein midi sur les
1415 it blanche, nuit d’un bleu doré lunaire — négatif de cet azur noir du plein midi sur les Cyclades. Mais Hölderlin n’a jama
1416 s au-delà des accidents remémorés, qu’en était-il de la substance des grands poèmes ? L’émotion rénovée par ces fragments
1417 ces fragments — départs, invocations, noms sacrés de l’Ionie — était-elle plus pure et plus vraie, plus efficace que le di
1418 dans le texte, émergeant comme des îles du blanc de la page, et parfois prolongés par une suite de tirets signalant des r
1419 nc de la page, et parfois prolongés par une suite de tirets signalant des reliefs sous-marins25. En cherchant à les complé
1420 ne faisais pas autre chose que le poète à partir d’ un signe, d’un nom, d’une lumière de l’Hellade imaginée. Se souvenir a
1421 pas autre chose que le poète à partir d’un signe, d’ un nom, d’une lumière de l’Hellade imaginée. Se souvenir ainsi de Höld
1422 chose que le poète à partir d’un signe, d’un nom, d’ une lumière de l’Hellade imaginée. Se souvenir ainsi de Hölderlin, c’é
1423 oète à partir d’un signe, d’un nom, d’une lumière de l’Hellade imaginée. Se souvenir ainsi de Hölderlin, c’était revenir à
1424 lumière de l’Hellade imaginée. Se souvenir ainsi de Hölderlin, c’était revenir à la genèse du poème dans l’élan de sa nos
1425 c’était revenir à la genèse du poème dans l’élan de sa nostalgie fondamentale. D’une poésie dont le mouvement profond de
1426 u poème dans l’élan de sa nostalgie fondamentale. D’ une poésie dont le mouvement profond de « réflexion » sur le « sentime
1427 damentale. D’une poésie dont le mouvement profond de « réflexion » sur le « sentiment originel » a pour fonction de « rapp
1428 n » sur le « sentiment originel » a pour fonction de « rappeler la vie perdue à une vie magnifiée »26, on peut bien dire q
1429 vie magnifiée »26, on peut bien dire qu’elle naît d’ une nostalgie d’elle-même. Hölderlin, lui, dira qu’elle se constitue d
1430 6, on peut bien dire qu’elle naît d’une nostalgie d’ elle-même. Hölderlin, lui, dira qu’elle se constitue dans son « aspira
1431 n » à exprimer, c’est-à-dire dans « la transition d’ un infini défini à un infini plus général », du « pur » au « multiple 
1432 i plus général », du « pur » au « multiple » et «  de l’Esprit au signe », transition qui relève ici, comme chez Hegel, et
1433 et bien plus haut, chez Héraclite et les ioniens, de la dialectique essentielle, celle de l’Un et du Divers. Poésie, c’est
1434 les ioniens, de la dialectique essentielle, celle de l’Un et du Divers. Poésie, c’est absence, appel, invocation. Tout bon
1435 revenir dans le mythe. Le Neckar sera beau quand d’ une Grèce dorienne — Cap Sounion, Olympie, temples ruinés d’Athènes, «
1436 e dorienne — Cap Sounion, Olympie, temples ruinés d’ Athènes, « fierté du monde qui n’est plus »27 — le poète se retournera
1437 aginé comme enfance perdue, mais aussi comme aimé de loin, dans un futur anticipé qui fera de lui un passé. Ionie de rêve,
1438 mme aimé de loin, dans un futur anticipé qui fera de lui un passé. Ionie de rêve, où jamais il n’ira, car elle n’est plus.
1439 un futur anticipé qui fera de lui un passé. Ionie de rêve, où jamais il n’ira, car elle n’est plus. Paysages évoqués — non
1440 ant, verdoyant, lumineux ou en fête —, purs états d’ âmes ! Ces « jardins de Bordeaux, là-bas », cette Palmyre en ruine « a
1441 x ou en fête —, purs états d’âmes ! Ces « jardins de Bordeaux, là-bas », cette Palmyre en ruine « aux plaines du désert »,
1442 en ruine « aux plaines du désert », et ce Gothard d’ où partent les grands fleuves, le Rhin allemand, mais aussi l’Aigle ve
1443 mais aussi l’Aigle vers l’Olympe, vers les antres de Lemnos, et vers les forêts de l’Indus ! Mallarmé fixe tout dans un pr
1444 pe, vers les antres de Lemnos, et vers les forêts de l’Indus ! Mallarmé fixe tout dans un présent glacé, intemporel (« Le
1445 splendides villes »), Apollinaire hante la marge d’ émotion entre le souvenir de naguère et sa restitution dans un présent
1446 inaire hante la marge d’émotion entre le souvenir de naguère et sa restitution dans un présent d’ubiquité. Éluard ne conna
1447 enir de naguère et sa restitution dans un présent d’ ubiquité. Éluard ne connaît que l’instant, le temps ponctuel. Mais Höl
1448 ses grands hymnes décrivent toutes les dimensions de l’absence, de l’éloignement dans le temps, dans l’espace, dans la tra
1449 nes décrivent toutes les dimensions de l’absence, de l’éloignement dans le temps, dans l’espace, dans la transcendance, ma
1450 temps, dans l’espace, dans la transcendance, mais d’ une absence qui est toujours appel, nostalgie qui se mue en prophétie 
1451 du Verbe qui nous meut et nous oriente : le passé de l’invocatif28 qui est un temps de la prophétie, appelant le retour de
1452 ente : le passé de l’invocatif28 qui est un temps de la prophétie, appelant le retour des dieux morts ou dormants ; l’impa
1453 qui est le temps du poète voyant ; et le présent d’ exil, temps du poète souffrant. Car il nous avertit que son langage n’
1454 ndent qu’il nous forme — « car si quelque langage de la nature et de l’art… préexistait pour lui… le poète se placerait en
1455 forme — « car si quelque langage de la nature et de l’art… préexistait pour lui… le poète se placerait en dehors de son c
1456 lui… le poète se placerait en dehors de son champ d’ efficacité, il sortirait de sa création »29. Son langage, il le fait d
1457 en dehors de son champ d’efficacité, il sortirait de sa création »29. Son langage, il le fait de noms sacrés et de signes
1458 irait de sa création »29. Son langage, il le fait de noms sacrés et de signes élus, qualifiés par un « ton fondamental ».
1459 on »29. Son langage, il le fait de noms sacrés et de signes élus, qualifiés par un « ton fondamental ». C’est une sorte de
1460 ifiés par un « ton fondamental ». C’est une sorte de code initiatique, le chiffre de sa religion. Noms de fleuves et d’île
1461 . C’est une sorte de code initiatique, le chiffre de sa religion. Noms de fleuves et d’îles, de cités, de hauts lieux ; et
1462 code initiatique, le chiffre de sa religion. Noms de fleuves et d’îles, de cités, de hauts lieux ; et leur seul énoncé suf
1463 ue, le chiffre de sa religion. Noms de fleuves et d’ îles, de cités, de hauts lieux ; et leur seul énoncé suffit à qualifie
1464 hiffre de sa religion. Noms de fleuves et d’îles, de cités, de hauts lieux ; et leur seul énoncé suffit à qualifier et act
1465 sa religion. Noms de fleuves et d’îles, de cités, de hauts lieux ; et leur seul énoncé suffit à qualifier et activer la no
1466 mos, et Dodone, et Délos, et Delphes, et le matin de Salamine, et l’Hespérie, « Couchant du temps ». Sous la Rousse et la
1467 . Sous la Rousse et la Flamboyante, hautes parois de roches nues dominant Delphes (et de plus haut encore fonce un milan s
1468 t de plus haut encore fonce un milan sur sa proie d’ ombre) au bord de la fontaine aux eaux « saintes et sobres », écoutons
1469 dès que dans l’ombre des chênes Brillera la lueur de ton flot surgissant, Castalie ! Ah ! je veux Dans la vasque puiser, à
1470 e veux Dans la vasque puiser, à travers le parfum de tes fleurs, et répandre, Sur le sol où renaît la prairie, l’eau sacré
1471 dans le val qui se tait, près des rocs suspendus de Tempé, Près de vous j’élirai ma demeure à jamais, près de vous, noms
1472 rche poétique, au chapitre traitant du langage et de son « efficacité ». 24. André Chénier. 25. Le précieux Hölderlin de
1473 s allemandes. 26. Cf. l’essai cité, page 268 éd. de la Pléiade. 27. Le Neckar, Pléiade, p. 459. 28. Une sorte de futur
1474 27. Le Neckar, Pléiade, p. 459. 28. Une sorte de futur, en réalité, comme le futur antérieur est une sorte de passé.
1475 n réalité, comme le futur antérieur est une sorte de passé. 29. Essai cité, Éd. de la Pléiade, p. 630. 30. Je cite l’Arc
1476 ieur est une sorte de passé. 29. Essai cité, Éd. de la Pléiade, p. 630. 30. Je cite l’Archipel dans la belle adaptation
1477 ite l’Archipel dans la belle adaptation rythmique de Jean Tardieu. Éd. de la Pléiade, p. 826. al. Rougemont Denis de, « 
1478 a belle adaptation rythmique de Jean Tardieu. Éd. de la Pléiade, p. 826. al. Rougemont Denis de, « Hölderlin dans le sou
1479 Éd. de la Pléiade, p. 826. al. Rougemont Denis de , « Hölderlin dans le souvenir des noms splendides », Revue de Belles-
1480 lin dans le souvenir des noms splendides », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, 1968, p. 15-19.