1 1926, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Avant-propos (décembre 1926)
1 e 1926)a b Une mauvaise humeur qui flotte dans l’ air nous proposerait de débuter par l’inévitable discours sur les diff
2 flotte dans l’air nous proposerait de débuter par l’ inévitable discours sur les difficultés du temps, en général, et sur c
3 poserait de débuter par l’inévitable discours sur les difficultés du temps, en général, et sur celles en particulier qu’imp
4 général, et sur celles en particulier qu’implique la publication de notre revue. Mais nous savons, tout comme M. Coué, que
5 oué, nous nous persuadons que tout ira très bien. Les circonstances l’exigent, d’ailleurs, plus que jamais, et plus que jam
6 suadons que tout ira très bien. Les circonstances l’ exigent, d’ailleurs, plus que jamais, et plus que jamais, nous semble-
7 nous semble-t-il, notre revue a sa raison d’être. La vie d’aujourd’hui, on le sait, nous oblige à nous affirmer ou à refus
8 evue a sa raison d’être. La vie d’aujourd’hui, on le sait, nous oblige à nous affirmer ou à refuser de nous affirmer avec
9 i a pu paraître parfois quelque peu impertinente. Le fait est que nous éprouvons irrésistiblement l’obligation d’être nous
10 . Le fait est que nous éprouvons irrésistiblement l’ obligation d’être nous-mêmes. Et, disons-le tout de suite, c’est en ce
11 lement l’obligation d’être nous-mêmes. Et, disons- le tout de suite, c’est en cela uniquement — être nous-mêmes — que consi
12 mes — que consistera notre programme. Sans doute, les différences s’accusent : mais n’est-ce pas la meilleure raison pour n
13 e, les différences s’accusent : mais n’est-ce pas la meilleure raison pour nos aînés de chercher plus patiemment encore à
14 elle nous ne saurions aller, et qui, nous voulons l’ espérer, ne sera pas sans leur donner quelque bénéfice en retour. Cert
15 nt d’autres, avant tant d’autres. « Amis, ce sont les jeunes qui passent… » Pas question de les saluer ni d’emboîter le pas
16 ce sont les jeunes qui passent… » Pas question de les saluer ni d’emboîter le pas, mais seulement de retenir sa place au sp
17 ssent… » Pas question de les saluer ni d’emboîter le pas, mais seulement de retenir sa place au spectacle qu’ils offrent e
18 etenir sa place au spectacle qu’ils offrent et de les considérer avec sympathie. Il est bien facile de s’écrier : « Après m
19 ie. Il est bien facile de s’écrier : « Après moi, le déluge ! », et de se détourner de ce qu’on a coutume d’appeler notre
20 ’appeler notre « désordre ». Mais on est toujours le fils de quelqu’un… Et, peut-être, la considération du « déluge » peut
21 est toujours le fils de quelqu’un… Et, peut-être, la considération du « déluge » peut-elle faire réfléchir utilement sur s
22 Par contre, nous nous empressons de vous laisser le soin de juger si nous avons de quoi faire les modestes…   Être nous-m
23 sser le soin de juger si nous avons de quoi faire les modestes…   Être nous-mêmes, avons-nous dit, c’est à la fois notre bu
24 littéraire de plus » ; nous ne voulons pas être «  l’ expression de la jeunesse romande ». Nous sommes autre chose. (Belles-
25 us » ; nous ne voulons pas être « l’expression de la jeunesse romande ». Nous sommes autre chose. (Belles-Lettres est touj
26 nemment peu bellettrienne. Que sommes-nous donc ? Le plus qu’on puisse dire, c’est que vous le saurez un peu mieux quand v
27 donc ? Le plus qu’on puisse dire, c’est que vous le saurez un peu mieux quand vous aurez lu nos huit numéros. Il faut que
28 vergentes, mais qu’un ruban rouge et vert lie par la grâce d’une volonté sans doute divine… a. Rougemont Denis de, « Av
29 nève-Fribourg, décembre 1926, p. 3-5. b. Signé : Le Comité central.
2 1926, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Paradoxe de la sincérité (décembre 1926)
30 Paradoxe de la sincérité (décembre 1926)c Nous voyons un mythe prendre corps parm
31 926)c Nous voyons un mythe prendre corps parmi les ruines de ce temps. Il fallait bien tirer quelque vertu d’une anarchi
32 essaire — provisoirement — que satisfaisante pour l’ esprit. C’est ainsi que nous trompant nous-mêmes, sous le prétexte tou
33 t. C’est ainsi que nous trompant nous-mêmes, sous le prétexte toujours de probité intellectuelle ou de courage moral, nous
34 lectuelle ou de courage moral, nous avons élevé à la hauteur d’une vertu première — et qui légitime tous les dénis de mora
35 uteur d’une vertu première — et qui légitime tous les dénis de morale à quoi nous obligeaient en réalité on sait quel dégoû
36 et certains désirs de grabuge moins avouables, —  la sincérité, masque fier et un peu douloureux des défaitismes les plus
37 masque fier et un peu douloureux des défaitismes les plus subtils comme des plus pures et loyales inquiétudes. Sincérité,
38 des plus pures et loyales inquiétudes. Sincérité, le mal du siècle. Tout le monde en parle, et chacun s’en autorise pour e
39 excuser sa petite faiblesse originale : tant qu’à la fin la notion concrète de sincérité s’évanouit en mille définitions t
40 sa petite faiblesse originale : tant qu’à la fin la notion concrète de sincérité s’évanouit en mille définitions tendanci
41 doctrine acceptée ; envers votre idéal ou envers les fluctuations de votre moi ? Votre sincérité est-elle consentement imm
42 fois curieuse et désintéressée, de naturaliste de l’ âme ? Heureusement que M. Brémond ne s’est pas encore mêlé de l’affair
43 sement que M. Brémond ne s’est pas encore mêlé de l’ affaire. Au reste, on n’a pas attendu les éclaircissements du subtil a
44 e mêlé de l’affaire. Au reste, on n’a pas attendu les éclaircissements du subtil abbé pour n’y plus rien comprendre. ⁂ Qu’o
45 mettre à décrire ce qu’il voit autour de lui — et l’ étonnement indigné du spectateur. Pour parler avec un peu de clairvoya
46 déduction passablement sèche pourrait nous donner l’ illusion et peut-être certains bénéfices de cette opération idéale. En
47 néfices de cette opération idéale. En même temps, la froideur d’une telle méthode atténuerait dans une certaine mesure — p
48 que nécessaire — ce qu’il y a de déplaisant dans l’ effort d’un esprit pour se dégager de confusions aussi perfides et si
49 ntures. Sincérité et spontanéité « Nos actes les plus sincères sont aussi les moins calculés », écrit Gide. D’où l’on
50 néité « Nos actes les plus sincères sont aussi les moins calculés », écrit Gide. D’où l’on peut tirer par une sorte de p
51 sont aussi les moins calculés », écrit Gide. D’où l’ on peut tirer par une sorte de passage à la limite que les faits justi
52 . D’où l’on peut tirer par une sorte de passage à la limite que les faits justifient : sincérité = spontanéité. Mais la mo
53 ut tirer par une sorte de passage à la limite que les faits justifient : sincérité = spontanéité. Mais la morale est ce qui
54 faits justifient : sincérité = spontanéité. Mais la morale est ce qui s’oppose en premier lieu à la spontanéité. C’est po
55 s la morale est ce qui s’oppose en premier lieu à la spontanéité. C’est pourquoi Gide écrit ailleurs : « En chaque être, l
56 pourquoi Gide écrit ailleurs : « En chaque être, le pire instinct me paraissait le plus sincère. » La sincérité spontanée
57 « En chaque être, le pire instinct me paraissait le plus sincère. » La sincérité spontanée, vertu moderne en qui renaît u
58 le pire instinct me paraissait le plus sincère. » La sincérité spontanée, vertu moderne en qui renaît un mythe rousseauist
59 usseauiste, inspire, explique un vaste domaine de la littérature contemporaine. Cette sorte-là de sincérité, on la nomme g
60 re contemporaine. Cette sorte-là de sincérité, on la nomme gratuité. Lafcadio poussant Fleurissoire « pour rien » ne songe
61 rien » ne songeait pas qu’il allait faire école. Le fait est que ce geste symbolique a déclenché tout un mouvement littér
62 -là même qui aboutit naguère au surréalisme. Tous les héros de roman se sont mis à gesticuler « gratuitement ». Et les crit
63 man se sont mis à gesticuler « gratuitement ». Et les critiques d’abord de s’indigner. Aujourd’hui, on les voit assez encha
64 critiques d’abord de s’indigner. Aujourd’hui, on les voit assez enchantés de l’affaire : « Gratuit ! », déclarent-ils chaq
65 gner. Aujourd’hui, on les voit assez enchantés de l’ affaire : « Gratuit ! », déclarent-ils chaque fois qu’ils ne comprenne
66 endre. Et, ici encore, prenons garde de confondre le plan littéraire avec le plan moral. Telle action peut paraître gratui
67 renons garde de confondre le plan littéraire avec le plan moral. Telle action peut paraître gratuite au lecteur parce qu’i
68 tuite au lecteur parce qu’il ne sait pas tout sur le personnage. Mais quant à l’auteur, il n’y a pas de gratuité. Le geste
69 ne sait pas tout sur le personnage. Mais quant à l’ auteur, il n’y a pas de gratuité. Le geste le plus incongru du héros n
70 Mais quant à l’auteur, il n’y a pas de gratuité. Le geste le plus incongru du héros n’est jamais que le résultat d’un méc
71 nt à l’auteur, il n’y a pas de gratuité. Le geste le plus incongru du héros n’est jamais que le résultat d’un mécanisme in
72 geste le plus incongru du héros n’est jamais que le résultat d’un mécanisme inconscient, aussi révélateur du personnage q
73 t, aussi révélateur du personnage que ses actions les mieux concertées. Rien n’est gratuit que relativement à un système re
74 s. Il résulte de semblables considérations, dans le domaine de la morale, que le meilleur moyen de se livrer à ses déterm
75 de semblables considérations, dans le domaine de la morale, que le meilleur moyen de se livrer à ses déterminants, c’est
76 considérations, dans le domaine de la morale, que le meilleur moyen de se livrer à ses déterminants, c’est de mener la vie
77 n de se livrer à ses déterminants, c’est de mener la vie gratuite que réclament les surréalistes. Le contraire de la liber
78 nts, c’est de mener la vie gratuite que réclament les surréalistes. Le contraire de la liberté. D’autre part, on veut donne
79 r la vie gratuite que réclament les surréalistes. Le contraire de la liberté. D’autre part, on veut donner à l’acte gratui
80 e que réclament les surréalistes. Le contraire de la liberté. D’autre part, on veut donner à l’acte gratuit une valeur mor
81 ire de la liberté. D’autre part, on veut donner à l’ acte gratuit une valeur morale en disant qu’il révèle ce qu’il y a de
82 ant qu’il révèle ce qu’il y a de plus secret dans la personnalité. Ce serait un moyen de connaissance plus intégrale de so
83 pittoresque et plus « entachée d’utilitarisme », la décision réfléchie, aussi peu gratuite que possible, d’un Julien Sore
84 ins révélatrice du fond de l’âme humaine ? Que si l’ on s’étonne de me voir donner ici la préférence à l’acte volontaire, o
85 aine ? Que si l’on s’étonne de me voir donner ici la préférence à l’acte volontaire, ou mieux : intéressé, tandis qu’en li
86 on s’étonne de me voir donner ici la préférence à l’ acte volontaire, ou mieux : intéressé, tandis qu’en littérature je déf
87  : intéressé, tandis qu’en littérature je défends l’ acte gratuit, je réponds que la littérature remplirait déjà suffisamme
88 érature je défends l’acte gratuit, je réponds que la littérature remplirait déjà suffisamment son rôle en se bornant à nou
89 onnaissance plus intense et plus émouvante ; mais la morale, plutôt que de nous constater, doit nous construire — selon le
90 e de nous constater, doit nous construire — selon le mode le plus libre, le plus conscient à la fois et le plus voluptueux
91 s constater, doit nous construire — selon le mode le plus libre, le plus conscient à la fois et le plus voluptueux. Sin
92 it nous construire — selon le mode le plus libre, le plus conscient à la fois et le plus voluptueux. Sincérité envers s
93 ode le plus libre, le plus conscient à la fois et le plus voluptueux. Sincérité envers soi-même Noli me tangere.
94 vers certain but précis. Ou bien j’aurais juste le temps de le noter avant de partir. Ou bien je me mettrai à l’analyser
95 n but précis. Ou bien j’aurais juste le temps de le noter avant de partir. Ou bien je me mettrai à l’analyser plus longue
96 le noter avant de partir. Ou bien je me mettrai à l’ analyser plus longuement. Mais alors je le fausse, puisque je le prive
97 ttrai à l’analyser plus longuement. Mais alors je le fausse, puisque je le prive de la puissance de se délivrer en gestes,
98 s longuement. Mais alors je le fausse, puisque je le prive de la puissance de se délivrer en gestes, en conséquences matér
99 . Mais alors je le fausse, puisque je le prive de la puissance de se délivrer en gestes, en conséquences matérielles. Ce n
100 estes, en conséquences matérielles. Ce n’est plus l’ élan pur que je décris : c’est un élan freiné dans mon esprit, c’est l
101 ris : c’est un élan freiné dans mon esprit, c’est le frein lui-même, bientôt — par un mouvement normal de l’attention — et
102 in lui-même, bientôt — par un mouvement normal de l’ attention — et fatalement c’est à la découverte d’une faiblesse que j’
103 ent normal de l’attention — et fatalement c’est à la découverte d’une faiblesse que j’aboutis : ce quelque chose qui m’a r
104 e quelque chose qui m’a retenu d’accomplir ce que l’ élan appelait.   Second exemple. — J’éprouve le besoin de faire le po
105 e l’élan appelait.   Second exemple. — J’éprouve le besoin de faire le point : à quoi en suis-je, qui suis-je ? Je revois
106   Second exemple. — J’éprouve le besoin de faire le point : à quoi en suis-je, qui suis-je ? Je revois des actes accompli
107 cher du soleil, des phares d’automobiles étoilent le brouillard, les visages se cachent dans des fourrures, personne ne sa
108 des phares d’automobiles étoilent le brouillard, les visages se cachent dans des fourrures, personne ne sait la richesse d
109 s se cachent dans des fourrures, personne ne sait la richesse de ta vie…). J’écris ces choses. Puis, dans un ancien carnet
110 arnet de notes, je retrouve un être si différent. Les gestes et les sentiments qui se proposaient à mon souvenir ont été pa
111 , je retrouve un être si différent. Les gestes et les sentiments qui se proposaient à mon souvenir ont été passés au crible
112 saient à mon souvenir ont été passés au crible de la minute où je me penchais sur mon passé. Ou, pour user d’une image plu
113 ueur de tristesse ou de sérénité qui métamorphose le paysage du passé. Ainsi de certains décors modernes : vous changez l’
114 Ainsi de certains décors modernes : vous changez l’ éclairage, et la chaumière devient palais. C’est l’objection classique
115 ns décors modernes : vous changez l’éclairage, et la chaumière devient palais. C’est l’objection classique et irréfutable
116 ’éclairage, et la chaumière devient palais. C’est l’ objection classique et irréfutable à toute introspection : ce daltonis
117 m’apprendre quelque chose, c’est bien le second. La qualité des souvenirs qu’il me livre me renseigne assez exactement, n
118 gne assez exactement, non sur mon passé, mais sur le moment que je vis1. Il est bien clair qu’on ne saurait atteindre « la
119 1. Il est bien clair qu’on ne saurait atteindre «  la vérité sur soi » en se servant de la méthode indiquée dans le premier
120 atteindre « la vérité sur soi » en se servant de la méthode indiquée dans le premier exemple. C’est un cas-limite, j’en c
121 cas-limite, j’en conviens. Pourtant, n’est-ce pas le schéma de tout un genre littéraire moderne, cette espèce de confessio
122 moderne, cette espèce de confession romancée dont les livres de Bopp, d’Arland, de Soupault et surtout de René Crevel ont d
123 , de Soupault et surtout de René Crevel ont donné les exemples les plus récents et significatifs ? Tous ces livres évoquent
124 et surtout de René Crevel ont donné les exemples les plus récents et significatifs ? Tous ces livres évoquent assez précis
125 tifs ? Tous ces livres évoquent assez précisément la forme d’un entonnoir. La vie serait le liquide tourbillonnant à l’int
126 oquent assez précisément la forme d’un entonnoir. La vie serait le liquide tourbillonnant à l’intérieur. Un arrêt (l’auteu
127 récisément la forme d’un entonnoir. La vie serait le liquide tourbillonnant à l’intérieur. Un arrêt (l’auteur se met à se
128 onnoir. La vie serait le liquide tourbillonnant à l’ intérieur. Un arrêt (l’auteur se met à se regarder vivre, le personnag
129 e liquide tourbillonnant à l’intérieur. Un arrêt ( l’ auteur se met à se regarder vivre, le personnage à douter du sens de s
130 r. Un arrêt (l’auteur se met à se regarder vivre, le personnage à douter du sens de sa vie) et les forces centripètes l’em
131 vre, le personnage à douter du sens de sa vie) et les forces centripètes l’emportent peu à peu, une aspiration vers le bas
132 uter du sens de sa vie) et les forces centripètes l’ emportent peu à peu, une aspiration vers le bas produit une agitation
133 ipètes l’emportent peu à peu, une aspiration vers le bas produit une agitation accélérée et folle, puis tout finit dans un
134 , puis tout finit dans un râle, brusquement c’est le vide. Centre de soi, l’aspiration du néant. J’ai revu à l’envers le f
135 n râle, brusquement c’est le vide. Centre de soi, l’ aspiration du néant. J’ai revu à l’envers le film de mon passé : ce qu
136 Centre de soi, l’aspiration du néant. J’ai revu à l’ envers le film de mon passé : ce qui était élan devient recul, et l’év
137 soi, l’aspiration du néant. J’ai revu à l’envers le film de mon passé : ce qui était élan devient recul, et l’évocation d
138 e mon passé : ce qui était élan devient recul, et l’ évocation de mes désirs anciens ne me restitue qu’un dégoût. J’ai cru
139 . En réalité, je n’assiste pas à moi-même, mais à la destruction de moi-même. Par les fissures, un instant, j’ai pu soupço
140 moi-même, mais à la destruction de moi-même. Par les fissures, un instant, j’ai pu soupçonner des profondeurs ; mais déjà
141 i pu soupçonner des profondeurs ; mais déjà c’est le chaos. Mon corps et moi, le livre si poignant de René Crevel, est la
142 rs ; mais déjà c’est le chaos. Mon corps et moi, le livre si poignant de René Crevel, est la démonstration la plus cyniqu
143 et moi, le livre si poignant de René Crevel, est la démonstration la plus cynique que je connaisse de ces ravages du sinc
144 si poignant de René Crevel, est la démonstration la plus cynique que je connaisse de ces ravages du sincérisme. Dans la s
145 e je connaisse de ces ravages du sincérisme. Dans la solitude qu’il s’acharne à approfondir — il était venu y chercher que
146 rcher quelque raison de vivre, il voulait se voir le plus purement (« cette curiosité donnée comme raison d’une perpétuell
147 mme raison d’une perpétuelle attente »), — ce que l’ auteur découvre c’est ce « merveilleux contraire » de l’élan vital qu’
148 ur découvre c’est ce « merveilleux contraire » de l’ élan vital qu’il nomme élan mortel — générateur de l’incurable tristes
149 lan vital qu’il nomme élan mortel — générateur de l’ incurable tristesse qui rôde dans certaine littérature d’aujourd’hui.
150 é de faire mon autoportrait moral : je bouge tout le temps. Danger de faire mon autoportrait moral : je me compose plus la
151 s laid que nature. Faut-il conclure avec Gide : «  L’ analyse psychologique a perdu pour moi tout intérêt du jour où je me s
152 moi tout intérêt du jour où je me suis avisé que l’ homme éprouve ce qu’il imagine d’éprouver. » Non. Car à supposer que l
153 ’il imagine d’éprouver. » Non. Car à supposer que l’ analyse nous crée, elle ne nous crée pas n’importe comment, mais selon
154 u des remarques précédentes). Rivière définissait la sincérité comme « un perpétuel effort pour créer son âme telle qu’ell
155 qu’elle est ». Il voyait dans cet effort sur soi le gage d’un enrichissement, d’une consolidation de l’individu mais avan
156 gage d’un enrichissement, d’une consolidation de l’ individu mais avant tout un moyen de se connaître. Cependant, n’est-ce
157 Cependant, n’est-ce pas lui-même qui ajoutait que l’ homme sincère « en vient à ne plus pouvoir même souhaiter d’être diffé
158 oir même souhaiter d’être différent », ce qui est la négation de tout progrès moral. De la sincérité envisagée comme moyen
159 ce qui est la négation de tout progrès moral. De la sincérité envisagée comme moyen de connaissance, le cas extrême d’un
160 sincérité envisagée comme moyen de connaissance, le cas extrême d’un Crevel nous montre assez ce qu’il faut penser2. Il n
161 limites assez étroites empiriquement fournies par le sens de son intérêt propre, une analyse sincère ne puisse faire décou
162 es et ne serve parfois de contrôle efficace. Mais les bénéfices sont maigres en regard des dangers que la sincérité du noli
163 bénéfices sont maigres en regard des dangers que la sincérité du noli me tangere fait courir, tant dans le domaine littér
164 ncérité du noli me tangere fait courir, tant dans le domaine littéraire que dans celui de l’action. En littérature : refus
165 tant dans le domaine littéraire que dans celui de l’ action. En littérature : refus de construire, de composer ; impuissanc
166 sance à inventer. Car inventer, c’est se porter à l’ extrême pointe de soi, et, d’un élan, se dépasser ; c’est créer une di
167 e dépasser ; c’est créer une différence. Pourquoi les romanciers modernes ont-ils tant de mal à créer des personnages ? C’e
168 rsonnages ? C’est parce qu’une sorte de sincérité les retient d’imposer aux héros ce rythme volontaire par lequel un Balzac
169 x héros ce rythme volontaire par lequel un Balzac les fait vivre. Ce serait fausser quelque chose à leurs yeux. Le cas des
170 re. Ce serait fausser quelque chose à leurs yeux. Le cas des Faux-Monnayeurs le montre clairement. En morale : défaitisme
171 ue chose à leurs yeux. Le cas des Faux-Monnayeurs le montre clairement. En morale : défaitisme quand il s’agit de gestes q
172 cement. (Il faut, pour sauter, une confiance dans l’ élan qui échappe à toute analyse préalable et sans quoi le saut paraît
173 ui échappe à toute analyse préalable et sans quoi le saut paraît impossible, absurde.) Enfin, désagrégation de la personna
174 aît impossible, absurde.) Enfin, désagrégation de la personnalité, car l’analyse la plus savante, comme l’a fort bien dit
175 de.) Enfin, désagrégation de la personnalité, car l’ analyse la plus savante, comme l’a fort bien dit Ramon Fernandez, « re
176 , désagrégation de la personnalité, car l’analyse la plus savante, comme l’a fort bien dit Ramon Fernandez, « retient tous
177 ersonnalité, car l’analyse la plus savante, comme l’ a fort bien dit Ramon Fernandez, « retient tous les éléments du moi, m
178 l’a fort bien dit Ramon Fernandez, « retient tous les éléments du moi, moins le principe unificateur ». De quelques soph
179 nandez, « retient tous les éléments du moi, moins le principe unificateur ». De quelques sophismes libérateurs La fo
180 cateur ». De quelques sophismes libérateurs La fonction de l’homme est aussi bien de croire que de constater. F. Ra
181 quelques sophismes libérateurs La fonction de l’ homme est aussi bien de croire que de constater. F. Raub. La sincér
182 ussi bien de croire que de constater. F. Raub. La sincérité obstinée d’un Rivière n’a plus rien de spontané. En quoi es
183 a plus rien de spontané. En quoi est-ce encore de la sincérité ? Trop sincère, pas sincère. Ou bien si l’on prétend que la
184 sincérité ? Trop sincère, pas sincère. Ou bien si l’ on prétend que la sincérité est la recherche, puis l’acceptation de to
185 sincère, pas sincère. Ou bien si l’on prétend que la sincérité est la recherche, puis l’acceptation de toute tendance du m
186 ère. Ou bien si l’on prétend que la sincérité est la recherche, puis l’acceptation de toute tendance du moi, je réponds qu
187 n prétend que la sincérité est la recherche, puis l’ acceptation de toute tendance du moi, je réponds que le mensonge est s
188 eptation de toute tendance du moi, je réponds que le mensonge est sincère aussi, qui révèle mon besoin de mentir. Il devie
189 ils vous aident3 — mais jamais au point d’oublier la vérité qu’on désirait qu’ils cachent pour un moment. « L’art est un m
190 é qu’on désirait qu’ils cachent pour un moment. «  L’ art est un mensonge, mais un bon artiste n’est pas menteur », dit Max
191 dit Max Jacob. « Être sincère, c’est avoir toutes les pensées » (Rivière). Mais on ne peut se maintenir dans cet état. Ce «
192  mensonge », ce choix faux mais bon, nécessaire à la vie, n’est-ce pas être sincère aussi que de s’y prêter ? Or, il vous
193 que de s’y prêter ? Or, il vous tire aussitôt de l’ indétermination violente qu’est la sincérité selon Rivière. La sincéri
194 ire aussitôt de l’indétermination violente qu’est la sincérité selon Rivière. La sincérité véritable vous pousse à faire l
195 ation violente qu’est la sincérité selon Rivière. La sincérité véritable vous pousse à faire le saut dans le vide qu’exige
196 vière. La sincérité véritable vous pousse à faire le saut dans le vide qu’exige toute foi ; c’est la volonté de sincérité,
197 cérité véritable vous pousse à faire le saut dans le vide qu’exige toute foi ; c’est la volonté de sincérité, c’est-à-dire
198 e le saut dans le vide qu’exige toute foi ; c’est la volonté de sincérité, c’est-à-dire une sincérité tournée au vice, inv
199 ncérité tournée au vice, invertie, qui retient de l’ oser. Petite anthologie ou que le « style » est de l’homme même
200 ui retient de l’oser. Petite anthologie ou que le « style » est de l’homme même J’en étais à peu près à ce point de
201 . Petite anthologie ou que le « style » est de l’ homme même J’en étais à peu près à ce point de mes notes — à ce poi
202 ues lectures, je pris note des passages suivants ( les paraphraser serait d’une ingratitude insigne — ils marquent au reste
203 atitude insigne — ils marquent au reste fort bien les jalons de cette recherche) : Puissiez-vous avouer moins de sincérité
204 ropre témoin, intelligent mais immobile : ce sont les mêmes qui s’ignorent en tant que personnes. Comment se trouveraient-i
205 eraient-ils, n’existant pas ? (François Mauriac.) La valeur morale de M. Godeau serait définie par l’aspect seul qu’il sou
206 La valeur morale de M. Godeau serait définie par l’ aspect seul qu’il souffrirait de garder lui-même à son propre regard.
207 ait de garder lui-même à son propre regard. Ainsi la valeur morale d’un homme équivalait-elle à l’illusion qu’il était cap
208 nsi la valeur morale d’un homme équivalait-elle à l’ illusion qu’il était capable d’entretenir sur lui-même. (Marcel Jouhan
209 lle qui est douée d’assez de force pour donner de la réalité à l’illusion. (Max Jacob.) Un rôle ? Oui. Mais si le personna
210 ouée d’assez de force pour donner de la réalité à l’ illusion. (Max Jacob.) Un rôle ? Oui. Mais si le personnage est mainte
211 à l’illusion. (Max Jacob.) Un rôle ? Oui. Mais si le personnage est maintenu jusqu’à la mort, il se confond avec l’homme m
212 ? Oui. Mais si le personnage est maintenu jusqu’à la mort, il se confond avec l’homme même. (André Maurois.) (Quel effro
213 est maintenu jusqu’à la mort, il se confond avec l’ homme même. (André Maurois.) (Quel effroi, ce jour de l’adolescence
214 même. (André Maurois.) (Quel effroi, ce jour de l’ adolescence où l’on soupçonne pour la première fois que certains, peut
215 ois.) (Quel effroi, ce jour de l’adolescence où l’ on soupçonne pour la première fois que certains, peut-être, jouent leu
216 , jouent leur vie. Rien ne paraît plus sinistre à la sincérité presque pure de cet âge. Mais il le faut dépasser.)   Si j’
217 e à la sincérité presque pure de cet âge. Mais il le faut dépasser.)   Si j’en crois l’intensité d’un sentiment intime, ce
218 t âge. Mais il le faut dépasser.)   Si j’en crois l’ intensité d’un sentiment intime, ce moi idéal que j’appelle en chaque
219 ’imaginait retenir. Dès lors, ce n’est pas lâcher la proie pour l’ombre que de tendre vers ce modèle. Dirais-je que c’est
220 enir. Dès lors, ce n’est pas lâcher la proie pour l’ ombre que de tendre vers ce modèle. Dirais-je que c’est ma sincérité d
221 e. Dirais-je que c’est ma sincérité d’y aller par les moyens les plus efficaces ? Mais on nommera cela de l’hypocrisie. Soi
222 e que c’est ma sincérité d’y aller par les moyens les plus efficaces ? Mais on nommera cela de l’hypocrisie. Soit, j’accept
223 yens les plus efficaces ? Mais on nommera cela de l’ hypocrisie. Soit, j’accepte. Et aussitôt j’annonce : Éloge de l’hyp
224 t, j’accepte. Et aussitôt j’annonce : Éloge de l’ hypocrisie Non, non !… Debout dans l’ère successive ! Brisez, mon c
225 Éloge de l’hypocrisie Non, non !… Debout dans l’ ère successive ! Brisez, mon corps, brisez cette forme pensive ! .....
226 ................................................. Le vent se lève, il faut tenter de vivre. Paul Valéry. Certes, du sein
227 is bien quelques voiles à mon dégoût d’un moi que la vie me montrait si désespérément vrai, tyrannique, insuffisant. Mais
228 , un peu sceptique, quand mon esprit partait dans le rêve d’un idéal de fortune, idole naïve de ma jeune angoisse… Je t’ai
229 alors qu’une symphonie de joies émanait de toute la vie : chaque chose proposait une ferveur nouvelle, et chaque être un
230 en pût être privée. Alors, acquiesçant vivement à l’ invite que je soupçonnais la plus riche d’inconnu, je m’élançais sur l
231 cquiesçant vivement à l’invite que je soupçonnais la plus riche d’inconnu, je m’élançais sur la voie qu’elle m’ouvrait, av
232 onnais la plus riche d’inconnu, je m’élançais sur la voie qu’elle m’ouvrait, avec tant de rires amis, vers tout ce que mom
233 je choisissais de laisser — et des baisers à tous les vents — qu’il eût été loisible d’attribuer comme objet à ma jubilatio
234 st ainsi que fidèle à soi-même au plus profond de l’ être, on entretient comme une arrière-pensée sagace et obstinée l’assu
235 tient comme une arrière-pensée sagace et obstinée l’ assurance d’une continuité entre ses actions et ses désirs, un quant-à
236 ui ne gêne aucun geste, mais incline discrètement les décisions et les rend complices d’un dessein logique, peut-être loint
237 geste, mais incline discrètement les décisions et les rend complices d’un dessein logique, peut-être lointain, en quoi cons
238 ein logique, peut-être lointain, en quoi consiste l’ unité la plus réelle de l’individu — en dehors du corps. Et ce ne sont
239 que, peut-être lointain, en quoi consiste l’unité la plus réelle de l’individu — en dehors du corps. Et ce ne sont point l
240 ntain, en quoi consiste l’unité la plus réelle de l’ individu — en dehors du corps. Et ce ne sont point là jeux d’idées et
241 dées et jongleries verbales. Regards au-dessus de l’ amour ! Voir l’heure à la pendule pendant l’étreinte d’un adieu et cal
242 ies verbales. Regards au-dessus de l’amour ! Voir l’ heure à la pendule pendant l’étreinte d’un adieu et calculer rapidemen
243 es. Regards au-dessus de l’amour ! Voir l’heure à la pendule pendant l’étreinte d’un adieu et calculer rapidement le retou
244 us de l’amour ! Voir l’heure à la pendule pendant l’ étreinte d’un adieu et calculer rapidement le retour à une fidélité pl
245 dant l’étreinte d’un adieu et calculer rapidement le retour à une fidélité plus profonde. Fidélité à sa loi individuelle,
246 e honnêteté peut-être plus réelle que l’autre. Et l’ on conçoit que ce constant et secret assujettissement au moi idéal exi
247 re que cette agilité offensive qu’on appelle dans la vie publique arrivisme, et séduction dans les salons. Constater une
248 dans la vie publique arrivisme, et séduction dans les salons. Constater une faiblesse, c’est toujours un peu en prendre so
249 esse, c’est toujours un peu en prendre son parti. La sincérité crée en nous un fait accompli. J’appelle hypocrisie envers
250 ais ce que de toute mon âme je veux être !… 1. La véritable description de l’élan supposé dans le premier exemple, ce s
251 je veux être !… 1. La véritable description de l’ élan supposé dans le premier exemple, ce serait le récit des gestes qu
252 l’élan supposé dans le premier exemple, ce serait le récit des gestes qu’il m’aurait fait commettre. Manifester est plus s
253 st plus sincère qu’analyser. 2. D’ailleurs toute la psychologie moderne souligne la quasi-impossibilité de traduire un dy
254 D’ailleurs toute la psychologie moderne souligne la quasi-impossibilité de traduire un dynamisme directement dans notre l
255 t certes quand il s’agit de parole ou d’écriture, l’ affirmation prouve moins une certitude qu’un désir de certitude né de
256 né Crevel) c. Rougemont Denis de, « Paradoxe de la sincérité », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribo
3 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Billets aigres-doux (janvier 1927)
257 riet V. A.-W. Poste aux amours perdues Sur le mont gris pâlissants Des bouquets de vagues brumes. Insulter ta beaut
258 sses, ô col roide, En souffrance mes baisers. L’ amour est un alibi Nos lèvres sitôt que jointes, Ô dernier mensong
259 vers d’autres rêves Où sourient quels anges fous. L’ horaire dicte un adieu, La mode qu’on rie des pleurs, Lors je baise vo
260 rient quels anges fous. L’horaire dicte un adieu, La mode qu’on rie des pleurs, Lors je baise votre main Comme on signe d’
4 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Conte métaphysique : L’individu atteint de strabisme (janvier 1927)
261 Conte métaphysique : L’ individu atteint de strabisme (janvier 1927)f g Comme le démiurge v
262 u atteint de strabisme (janvier 1927)f g Comme le démiurge venait de peser sur le commutateur des étoiles… l’une, se dé
263 1927)f g Comme le démiurge venait de peser sur le commutateur des étoiles… l’une, se décrochant sans plus d’hésitation,
264 sans plus d’hésitation, se mit à pérégriner dans les régions de chasse gardée du ci-devant soleil. C’est là qu’Urbain, pre
265 par qui ? elle était anticléricale, on ne saurait le taire, — Urbain dormait. L’étoile, jeune fille, roulait gentiment sur
266 ricale, on ne saurait le taire, — Urbain dormait. L’ étoile, jeune fille, roulait gentiment sur ses pointes, tout scintille
267 heure, elle éclaira d’une rose caresse lumineuse la chevelure rouge d’Urbain, et son nez, lequel, par ses dimensions rema
268 dimensions remarquablement exagérées, lui valait le surnom de Bin-Bin. Urbain ouvrit les yeux et ne vit rien. On rappelle
269 s, lui valait le surnom de Bin-Bin. Urbain ouvrit les yeux et ne vit rien. On rappelle que les étoiles s’étaient décrochées
270 n ouvrit les yeux et ne vit rien. On rappelle que les étoiles s’étaient décrochées de leur poste dans l’éternité. « Éternit
271 s étoiles s’étaient décrochées de leur poste dans l’ éternité. « Éternité désaffectée, c’est bien dommage, dit-il en s’étir
272 fectée, c’est bien dommage, dit-il en s’étirant ; le printemps désormais rendra le ciel plus pâle, et nous irons chercher
273 t-il en s’étirant ; le printemps désormais rendra le ciel plus pâle, et nous irons chercher dans le souvenir les vent-coul
274 ra le ciel plus pâle, et nous irons chercher dans le souvenir les vent-coulis de la mort. Garçon, un café, un ! » Mais l’é
275 lus pâle, et nous irons chercher dans le souvenir les vent-coulis de la mort. Garçon, un café, un ! » Mais l’étoile chantai
276 rons chercher dans le souvenir les vent-coulis de la mort. Garçon, un café, un ! » Mais l’étoile chantait dans l’axe de sa
277 t-coulis de la mort. Garçon, un café, un ! » Mais l’ étoile chantait dans l’axe de sa vie normale et s’approchait en faisan
278 rçon, un café, un ! » Mais l’étoile chantait dans l’ axe de sa vie normale et s’approchait en faisant la roue — celle à qui
279 ’axe de sa vie normale et s’approchait en faisant la roue — celle à qui sourit la Fortune. Urbain, fort d’une hérédité jud
280 pprochait en faisant la roue — celle à qui sourit la Fortune. Urbain, fort d’une hérédité judiciaire et française, dédaign
281 judiciaire et française, dédaigna des avances que la perte de son sens de l’éternel rendait pourtant considérables, au sen
282 dédaigna des avances que la perte de son sens de l’ éternel rendait pourtant considérables, au sens étymologique du terme.
283 es, au sens étymologique du terme. Il loucha vers le néant, retourna ses poches, ôta ses gants qu’il jeta, puis, après un
284 u’il jeta, puis, après un grand coup de pied dans le vide symbolique des systèmes, sortit, c’est-à-dire qu’il fit un pas d
285 e qu’il fit un pas dans une direction quelconque. L’ étoile pleurait, sentimentale. f. Rougemont Denis de, « L’individu
286 eurait, sentimentale. f. Rougemont Denis de, «  L’ individu atteint de strabisme. Conte métaphysique », Revue de Belles-L
5 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Dans le Style (janvier 1927)
287 Dans le Style (janvier 1927)h Nous recevons d’un bellettrien facétieux cet
288 pour Paul Morand, auteur de « Lewis et Irène » L’ auteur de maint roman de caractère gras quitte Charing-Cross, songeant
289 au cerveau du poète qui meurt de sommeil naturel. Le tunnel sous la Manche escamoté, le train dépose des complets rigides
290 oète qui meurt de sommeil naturel. Le tunnel sous la Manche escamoté, le train dépose des complets rigides contenant des A
291 mmeil naturel. Le tunnel sous la Manche escamoté, le train dépose des complets rigides contenant des Anglais fragiles. L’a
292 complets rigides contenant des Anglais fragiles. L’ aube tire un écran de pluies sur le paysage commercial. Terminus : Mor
293 lais fragiles. L’aube tire un écran de pluies sur le paysage commercial. Terminus : Morand, s’éveillant en français, termi
294 s, termine : … Irène. (Grasset, 1924… … y compris la Suède et la Norvège.) On lit dans les Nouvelles littéraires , du 8
295 … Irène. (Grasset, 1924… … y compris la Suède et la Norvège.) On lit dans les Nouvelles littéraires , du 8 janvier 192
296 y compris la Suède et la Norvège.) On lit dans les Nouvelles littéraires , du 8 janvier 1927, l’information suivante :
297 s les Nouvelles littéraires , du 8 janvier 1927, l’ information suivante : Mardi dernier a été célébré en l’église grecque
298 rmation suivante : Mardi dernier a été célébré en l’ église grecque de la rue Georges Bizet le mariage de M. Paul Morand av
299 ardi dernier a été célébré en l’église grecque de la rue Georges Bizet le mariage de M. Paul Morand avec la princesse Hélè
300 lébré en l’église grecque de la rue Georges Bizet le mariage de M. Paul Morand avec la princesse Hélène-C. Soutzo. Les tém
301 e Georges Bizet le mariage de M. Paul Morand avec la princesse Hélène-C. Soutzo. Les témoins étaient pour le marié : M. Ph
302 . Paul Morand avec la princesse Hélène-C. Soutzo. Les témoins étaient pour le marié : M. Philippe Berthelot, secrétaire gén
303 ncesse Hélène-C. Soutzo. Les témoins étaient pour le marié : M. Philippe Berthelot, secrétaire général du ministre des Aff
304 ral du ministre des Affaires étrangères ; et pour la mariée : Son Excellence M. Diamanty, ministre de Roumanie à Paris. C’
305 stre de Roumanie à Paris. C’est encore mieux dans le style. h. Rougemont Denis de, « Dans le style », Revue de Belles-L
306 x dans le style. h. Rougemont Denis de, « Dans le style », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg,
6 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Lettre du survivant (février 1927)
307 ant (février 1927)i j « Triste, mais vrai. » ( Les journaux.) Mademoiselle, Il faut d’abord que je m’excuse : c’est un
308 vous dise qu’il fait très froid dans ma chambre : le feu n’a pas pris, et d’ailleurs cela n’en vaut plus la peine. (Veuill
309 u n’a pas pris, et d’ailleurs cela n’en vaut plus la peine. (Veuillez ne pas voir dans cette phrase quelque allusion de ma
310 dit, sans doute parce que c’est là que se nouent les douleurs les plus atrocement inutiles. La première fois, au théâtre.
311 ute parce que c’est là que se nouent les douleurs les plus atrocement inutiles. La première fois, au théâtre. Dans l’ombre,
312 ment inutiles. La première fois, au théâtre. Dans l’ ombre, j’ai suivi le drame sur vos traits seulement ; l’écho n’en fut
313 emière fois, au théâtre. Dans l’ombre, j’ai suivi le drame sur vos traits seulement ; l’écho n’en fut que plus douloureux
314 e, j’ai suivi le drame sur vos traits seulement ; l’ écho n’en fut que plus douloureux dans mon cœur. Puis je vous ai oubli
315 ous voir si entourée… D’autres fois… je n’ai plus le courage de les dire. Enfin, avant-hier, à ce bal. J’avais demandé à
316 tourée… D’autres fois… je n’ai plus le courage de les dire. Enfin, avant-hier, à ce bal. J’avais demandé à un de mes amis,
317 us connaît4, de me présenter. Il m’en avait donné la promesse. Vos regards rencontrèrent les miens plus d’une fois pendant
318 pendant une danse qu’il fit avec vous, mais vous les détourniez soudain comme pour vous arracher à une obsession secrèteme
319 session secrètement attirante ; et je pensais que la force de mon désir était telle que vous en éprouviez vaguement la men
320 désir était telle que vous en éprouviez vaguement la menace. Je dis menace, parce que mes airs sombres vous effrayaient sa
321 seule leur prêtait quelque intention. Quand enfin l’ orchestre s’arrêta, je me trouvais tout près de vous. Mon ami me fit u
322 mon du malheur me paralysa. Je venais d’entrevoir l’ image d’un couple heureux et banal, votre sourire répondant au mien, c
323 aires et sur des cartes postales illustrées. Déjà la foule des danseurs nous séparait, mon ami se détournait, un peu vexé 
324 s une invincible lassitude me saisir et m’assis à l’ écart. On me demandait, en passant, si j’étais malade. Je désignais d’
325 s bouteilles de champagne vides ; car on pardonne l’ ivresse, mais non certaines douleurs. Même, je fus obligé de confier à
326 bligé de confier à un ami que j’en avais repris … Les archets jouaient sur mes nerfs. Le jazz martelait mon désespoir. Dése
327 vais repris … Les archets jouaient sur mes nerfs. Le jazz martelait mon désespoir. Désespoir étroit, ces œillères géantes
328 sespoir étroit, ces œillères géantes aux pensées, le ciel trop bas d’un rêve sans issue, pesant comme l’envie d’un sommeil
329 ciel trop bas d’un rêve sans issue, pesant comme l’ envie d’un sommeil sans fin… J’avais soif, mais la seule vue d’un liqu
330 l’envie d’un sommeil sans fin… J’avais soif, mais la seule vue d’un liquide me soulevait le cœur. L’aube parut. On éteigni
331 soif, mais la seule vue d’un liquide me soulevait le cœur. L’aube parut. On éteignit toutes les lampes, et les couples cha
332 s la seule vue d’un liquide me soulevait le cœur. L’ aube parut. On éteignit toutes les lampes, et les couples charlestonna
333 ulevait le cœur. L’aube parut. On éteignit toutes les lampes, et les couples charlestonnaient plus furieusement dans l’ombr
334 . L’aube parut. On éteignit toutes les lampes, et les couples charlestonnaient plus furieusement dans l’ombre livide, aux c
335 s couples charlestonnaient plus furieusement dans l’ ombre livide, aux cris fêlés et déchirants des saxophones. Sortie dans
336 s. Sortie dans un matin sourd, frileux, qui avait la nausée. Je rentrai seul. Voici quelques mots que j’écrivis à ma table
337 œillet, pauvre gentillesse d’une autre femme dont le seul défaut fut de m’aimer… (Froid aux genoux, odeur de vieille fumée
338 umée, et ce refus au sommeil qui meurtrit jusqu’à l’ âme.) Convulsions d’oriflammes sur l’orchestre pensif. Ton regard est
339 trit jusqu’à l’âme.) Convulsions d’oriflammes sur l’ orchestre pensif. Ton regard est plus grand que le chant des violons.
340 l’orchestre pensif. Ton regard est plus grand que le chant des violons. Aube dure ! En ma tête rôde ton souvenir, comme un
341 es heures, d’un sommeil triste, tout enfiévré par la crainte du réveil. Puis je suis revenu dans ces rues où je vous renco
342 n rendez-vous au thé du Printemps. J’ai rôdé dans la joie féminine des grands magasins, n’osant pas repasser trop souvent
343 agasins, n’osant pas repasser trop souvent devant les ascenseurs. « Vers 4 heures, me disais-je elle y entrera, et, me glis
344 tage… » Je délirais, bien sûr. Je m’imaginais que les vendeuses me dévisageaient de plus en plus impudemment : je devais pa
345 qu’un paquet de dix personnes s’engouffrait dans la cage rouge et or et s’élevait, j’éprouvais un petit arrachement, comm
346 ais encore : Si je prends cet ascenseur et que je la croise en route dans l’ascenseur descendant… Il aurait fallu monter,
347 s cet ascenseur et que je la croise en route dans l’ ascenseur descendant… Il aurait fallu monter, mais l’idée de vous trou
348 scenseur descendant… Il aurait fallu monter, mais l’ idée de vous trouver peut-être assise en face de votre bel ami laqué,
349 je suis sorti. Il y avait beaucoup de monde dans les rues, sous la pluie. Les autobus passaient par groupes. Plusieurs foi
350 Il y avait beaucoup de monde dans les rues, sous la pluie. Les autobus passaient par groupes. Plusieurs fois, j’ai cru vo
351 t beaucoup de monde dans les rues, sous la pluie. Les autobus passaient par groupes. Plusieurs fois, j’ai cru vous reconnaî
352 s. Plusieurs fois, j’ai cru vous reconnaître dans la foule qui se précipitait, mais je n’avais pas pris de numéro, je ne p
353 llu courir après celle-là qui venait de tourner à l’ angle de cette rue et qui avait votre démarche. Mais, pendant ce temps
354 désir surmené vous appelait encore, haletant. Et le temps passait, à la fois si lent — jusqu’à l’arrivée du prochain métr
355 Et le temps passait, à la fois si lent — jusqu’à l’ arrivée du prochain métro, du prochain autobus, — si rapide : déjà les
356 in métro, du prochain autobus, — si rapide : déjà les lumières des boulevards glissaient des reflets sur l’asphalte mouillé
357 umières des boulevards glissaient des reflets sur l’ asphalte mouillé. Les pieds dans l’eau, les jambes fatiguées, les paup
358 ds glissaient des reflets sur l’asphalte mouillé. Les pieds dans l’eau, les jambes fatiguées, les paupières lourdes, et ce
359 es reflets sur l’asphalte mouillé. Les pieds dans l’ eau, les jambes fatiguées, les paupières lourdes, et ce chant désespér
360 ets sur l’asphalte mouillé. Les pieds dans l’eau, les jambes fatiguées, les paupières lourdes, et ce chant désespéré qui vo
361 illé. Les pieds dans l’eau, les jambes fatiguées, les paupières lourdes, et ce chant désespéré qui vous appelait, assourdis
362 était arrêté tout près de moi. Je vis un visage à l’ intérieur se pencher vers la vitre… Je montai. Il n’y avait que des da
363 i. Je vis un visage à l’intérieur se pencher vers la vitre… Je montai. Il n’y avait que des dames. Personne ne parlait. La
364 Il n’y avait que des dames. Personne ne parlait. La jeune femme qui s’était penchée vous ressemblait tant. Mais je n’osai
365 ous ressemblait tant. Mais je n’osais presque pas la regarder, à cause d’une incertitude qui redonnait tout son empire à m
366 . Peut-être était-ce vous. Je ne saurai jamais. À l’ arrêt de la Place Saint-Michel, elle sortit, en me frôlant, sans me re
367 était-ce vous. Je ne saurai jamais. À l’arrêt de la Place Saint-Michel, elle sortit, en me frôlant, sans me regarder. Je
368 derrière elle. Mais tout de suite des parapluies la dérobèrent à mes yeux. Une bouche de métro m’attira. Les rames s’arrê
369 obèrent à mes yeux. Une bouche de métro m’attira. Les rames s’arrêtaient avec un sifflement particulièrement doux pour ma f
370 gue, et ces gens pressés et songeurs respectaient la folie douloureuse qui devait contracter mon visage. Je promenais sur
371 egards angoissés, avides, implorants. Oh ! toutes les femmes que j’ai fait souffrir cette nuit d’un long regard de damné. À
372 je mêlais à mes pensées des fragments de rêves et les personnages des affiches, tout en marchant sans fin dans les couloirs
373 ages des affiches, tout en marchant sans fin dans les couloirs implacablement brillants, je me pris à parler à haute voix,
374 ases incohérentes. Je voyais avec une sombre joie les employés et les voyageurs s’inquiéter. Bientôt on m’entraîna de force
375 s. Je voyais avec une sombre joie les employés et les voyageurs s’inquiéter. Bientôt on m’entraîna de force sur un trottoir
376 force sur un trottoir roulant qui me remonta dans la rue. La fraîcheur de la brume m’apaisa. Sur la promesse que je fis qu
377 r un trottoir roulant qui me remonta dans la rue. La fraîcheur de la brume m’apaisa. Sur la promesse que je fis que je me
378 ulant qui me remonta dans la rue. La fraîcheur de la brume m’apaisa. Sur la promesse que je fis que je me sentais mieux, o
379 ns la rue. La fraîcheur de la brume m’apaisa. Sur la promesse que je fis que je me sentais mieux, on me laissa rentrer seu
380 t 5 heures du matin. Premiers appels d’autos dans la ville, mais il me semble que toutes choses s’éloignent de moi vertigi
381 à rien dans mon esprit. Peut-être que j’ai perdu la notion du temps. Je ne me souviens plus que de cette déception insupp
382 tout ce qui me navre au plus intime de mon être… Le revolver est chargé, sur cette table. (Je le caresse, entre deux phra
383 tre… Le revolver est chargé, sur cette table. (Je le caresse, entre deux phrases.) Mais voici que ce geste de ma mort auss
384 ais voici que ce geste de ma mort aussi me lasse, l’ image que je m’en forme… Je ne comprends plus pourquoi je devrais me t
385 is me tuer, pourquoi je souffre, ce que c’est que la souffrance, ce que c’est que ma vie, ma mort. Mon Dieu, il n’y a plus
7 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Orphée sans charme (février 1927)
386 février 1927)k « Cet âge est sans pitié. » «  Le véritable symbole n’est jamais prévu par l’auteur », écrivait Cocteau
387  » « Le véritable symbole n’est jamais prévu par l’ auteur », écrivait Cocteau dans la préface des Mariés de la tour Eiffe
388 amais prévu par l’auteur », écrivait Cocteau dans la préface des Mariés de la tour Eiffel. Et une note d’Orphée précise :
389 », écrivait Cocteau dans la préface des Mariés de la tour Eiffel. Et une note d’Orphée précise : « Inutile de dire qu’il n
390 tile de dire qu’il n’y a pas un seul symbole dans la pièce. » Ce qui me gêne pourtant, c’est d’y découvrir possibles deux
391 au d’en avoir plus ou moins consciemment concerté la possibilité. Orphée, par exemple, serait un poète surréaliste. « Il f
392 dale. Il faut un de ces orages qui rafraîchissent l’ air. » Il prétend « traquer l’inconnu ». Sa femme l’accuse de « vouloi
393 qui rafraîchissent l’air. » Il prétend « traquer l’ inconnu ». Sa femme l’accuse de « vouloir faire admettre que la poésie
394 air. » Il prétend « traquer l’inconnu ». Sa femme l’ accuse de « vouloir faire admettre que la poésie consiste à écrire une
395 Sa femme l’accuse de « vouloir faire admettre que la poésie consiste à écrire une phrase ». Et cette phrase, c’est un chev
396 se ». Et cette phrase, c’est un cheval savant qui la lui a dictée : « Madame Eurydice Reviendra Des Enfers. » — « Ce n’est
397 un poème, un poème du rêve, une fleur du fond de la mort. » Or, on découvre à la fin de la pièce que c’est une anagramme
398 une fleur du fond de la mort. » Or, on découvre à la fin de la pièce que c’est une anagramme un peu ordurière. Ainsi les r
399 du fond de la mort. » Or, on découvre à la fin de la pièce que c’est une anagramme un peu ordurière. Ainsi les rêves publi
400 e que c’est une anagramme un peu ordurière. Ainsi les rêves publiés par les surréalistes, donnés à la fois comme poèmes et
401 mme un peu ordurière. Ainsi les rêves publiés par les surréalistes, donnés à la fois comme poèmes et comme dictées de l’inc
402 donnés à la fois comme poèmes et comme dictées de l’ inconscient, au fond desquels on a si vite fait de distinguer les quel
403 au fond desquels on a si vite fait de distinguer les quelques préoccupations assez simples dont l’étude charme le psychana
404 er les quelques préoccupations assez simples dont l’ étude charme le psychanalyste. Je pourrais poursuivre le jeu. Et puis,
405 préoccupations assez simples dont l’étude charme le psychanalyste. Je pourrais poursuivre le jeu. Et puis, il y a aussi d
406 e charme le psychanalyste. Je pourrais poursuivre le jeu. Et puis, il y a aussi des sortes de calembours… Art chrétien, a
407 crivit certains vers qu’on peut lire plus haut : Les anges véritables qui connaissent les signes Sont moins bons acrobates
408 plus haut : Les anges véritables qui connaissent les signes Sont moins bons acrobates… (etc.)… Cocteau s’est trop exercé
409 Cocteau s’est trop exercé avant de se lancer sur la corde raide. Je suis sûr qu’il ne tombera pas. J’admire sans émoi. ⁂
410 ’il ne tombera pas. J’admire sans émoi. ⁂ Certes, les qualités scéniques de cette pièce sont grandes. Je ne saurais même in
411 e indiquer aucun endroit par où elle pèche contre les principes chers à l’auteur du Secret professionnel et de la préface d
412 it par où elle pèche contre les principes chers à l’ auteur du Secret professionnel et de la préface des Mariés — principes
413 es chers à l’auteur du Secret professionnel et de la préface des Mariés — principes dont l’énoncé brillant et définitif re
414 nnel et de la préface des Mariés — principes dont l’ énoncé brillant et définitif restera l’un des titres les plus authenti
415 ncé brillant et définitif restera l’un des titres les plus authentiques de Cocteau. Précision et relief du dialogue, ingéni
416 liques ; enfin, un style parfaitement pauvre dans le détail, un vrai style de théâtre, d’une netteté qui pourtant n’est pa
417 as maigre, d’une familiarité dramatique qui cerne le mystère d’un trait pur. Il semble que Cocteau ait réalisé là exacteme
418 ble machine ne m’inquiète guère : je sais qu’elle le conduira où il veut, sans surprises. « Puisque ces mystères me dépass
419 que ces mystères me dépassent, feignons d’en être l’ organisateur », disait le photographe des Mariés. Dans Orphée, le myst
420 sent, feignons d’en être l’organisateur », disait le photographe des Mariés. Dans Orphée, le mystère ne peut plus dépasser
421 », disait le photographe des Mariés. Dans Orphée, le mystère ne peut plus dépasser l’auteur : il l’a trop bien organisé. E
422 és. Dans Orphée, le mystère ne peut plus dépasser l’ auteur : il l’a trop bien organisé. En somme, ce qu’il faut reprocher
423 e, le mystère ne peut plus dépasser l’auteur : il l’ a trop bien organisé. En somme, ce qu’il faut reprocher à Cocteau, c’e
424 lètement une pièce, prouvant une fois de plus que l’ atmosphère de l’« art pur » n’est pas respirable. Il ne manque rien à
425 ce, prouvant une fois de plus que l’atmosphère de l’ « art pur » n’est pas respirable. Il ne manque rien à Orphée, sinon pe
426 art de Dieu » — comme dit Gide — qui serait aussi la part de l’humain, l’imperfection secrète qui fait naître l’amour. Par
427  » — comme dit Gide — qui serait aussi la part de l’ humain, l’imperfection secrète qui fait naître l’amour. Parce que la c
428 dit Gide — qui serait aussi la part de l’humain, l’ imperfection secrète qui fait naître l’amour. Parce que la création es
429 l’humain, l’imperfection secrète qui fait naître l’ amour. Parce que la création est venue après la théorie. Parce qu’une
430 ection secrète qui fait naître l’amour. Parce que la création est venue après la théorie. Parce qu’une fois de plus, Cocte
431 re l’amour. Parce que la création est venue après la théorie. Parce qu’une fois de plus, Cocteau a comprimé des pétales de
432 les de roses dans du cristal taillé, selon toutes les règles de l’art, mais que l’essence obtenue, si elle est de rose, est
433 ans du cristal taillé, selon toutes les règles de l’ art, mais que l’essence obtenue, si elle est de rose, est sans parfum.
434 aillé, selon toutes les règles de l’art, mais que l’ essence obtenue, si elle est de rose, est sans parfum.   (Tout de même
435  : j’en verrais une preuve, pour mon compte, dans le fait que je ne sais parler de lui autrement que par métaphores.) 5.
436 trement que par métaphores.) 5. M. Zimmer, dans la Gazette de Lausanne . Et même il appelait Orphée « une tragédie de l
437 ne . Et même il appelait Orphée « une tragédie de l’ amour conjugal ». Vraiment, nous n’en demandions pas tant… k. Rougem
8 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). L’autre œil (février 1927)
438 L’autre œil (février 1927)l m Décembre L’ époque s’ouvre où l’on attend un miracle pour la fin de la semaine. « 
439 ier 1927)l m Décembre L’époque s’ouvre où l’ on attend un miracle pour la fin de la semaine. « Messieurs, disait Da
440 L’époque s’ouvre où l’on attend un miracle pour la fin de la semaine. « Messieurs, disait Dardel, y a pas à tortiller, i
441 s’ouvre où l’on attend un miracle pour la fin de la semaine. « Messieurs, disait Dardel, y a pas à tortiller, il faut fai
442 ça semble idiot. Il y a des soirs où une idée de la responsabilité s’empare de nous. Et nous calculons qu’il s’agit de dé
443 de déranger 5000 personnes en huit soirées, et de les occuper quatre heures durant… Mais la vision, rapidement entrevue par
444 ées, et de les occuper quatre heures durant… Mais la vision, rapidement entrevue par chacun dans son for le plus intérieur
445 sion, rapidement entrevue par chacun dans son for le plus intérieur, d’une fuite en auto, nous rassure provisoirement…
446 ment… Prosopopée, à propos d’une apparition La vieille Monture 6 un soir nous apparut, lugubrement fardée, l’haleine
447 nture 6 un soir nous apparut, lugubrement fardée, l’ haleine mauvaise, édentée et tâchant à prendre un accent anglais d’un
448 nt d’un doigt impitoyable son flanc déjà meurtri, la suivaient en hurlant : « Bas-toi là, bas-toi là ! »… Est-il plus atro
449 onçant de séniles calembours… Pénétrés d’horreur, les bellettriens avaient fui. Au détour d’une ivresse, ils rencontrèrent
450 t une créature évadée d’anciens rêves qui hantait les limbes depuis un an déjà. Ils ne tardèrent pas à reconnaître Cinémato
451 tre. Ils se réunissent parfois autour d’un feu et le contemplent un certain temps en silence. « Well ! », dit enfin Dardel
452 n temps en silence. « Well ! », dit enfin Dardel. Les autres n’en pensent pas moins. Quelquefois, Mossoul amène un scénario
453 et à deux faces. Lugin, qui est théologien, et de la Tchaux, n’a pas la foi. Topin, Mahomet désabusé, constate que jamais
454 gin, qui est théologien, et de la Tchaux, n’a pas la foi. Topin, Mahomet désabusé, constate que jamais « la Montagne » ne
455 i. Topin, Mahomet désabusé, constate que jamais «  la Montagne » ne saura venir au prophète, même s’il se nomme Mossoul. Po
456 énie vint s’asseoir certaine nuit. Elle parla par la bouche de Lugin, sa langue dans la langue de Lugin : « Le rideau se l
457 Elle parla par la bouche de Lugin, sa langue dans la langue de Lugin : « Le rideau se lève sur un miroir qui occupe toute
458 e de Lugin, sa langue dans la langue de Lugin : «  Le rideau se lève sur un miroir qui occupe toute la largeur de la scène.
459  Le rideau se lève sur un miroir qui occupe toute la largeur de la scène. Titre : Socrate et Narcisse, un acte à grande fi
460 lève sur un miroir qui occupe toute la largeur de la scène. Titre : Socrate et Narcisse, un acte à grande figuration. » En
461 et Narcisse, un acte à grande figuration. » Enfin l’ on joua aux petits dés le sort de notre parade — et l’on gagna. Enthou
462 ande figuration. » Enfin l’on joua aux petits dés le sort de notre parade — et l’on gagna. Enthousiasmé, « Mimosa » partit
463 joua aux petits dés le sort de notre parade — et l’ on gagna. Enthousiasmé, « Mimosa » partit pour la Riviera afin de négo
464 l’on gagna. Enthousiasmé, « Mimosa » partit pour la Riviera afin de négocier la vente de cette martingale avec des surréa
465  Mimosa » partit pour la Riviera afin de négocier la vente de cette martingale avec des surréalistes hétérodoxes. Il revin
466 érodoxes. Il revint juste à temps pour assister à la cérémonie de la pose du point final de « Cinématoma ou les épanchemen
467 int juste à temps pour assister à la cérémonie de la pose du point final de « Cinématoma ou les épanchements de la jeune S
468 onie de la pose du point final de « Cinématoma ou les épanchements de la jeune Synovie », parade « née du mariage de nos ve
469 oint final de « Cinématoma ou les épanchements de la jeune Synovie », parade « née du mariage de nos veilles et de nos rêv
470 riage de nos veilles et de nos rêves », ainsi que le disait si poétiquement le programme. Un peu d’histoire (erratum de la
471 nos rêves », ainsi que le disait si poétiquement le programme. Un peu d’histoire (erratum de la chronique de Mossoul). Be
472 ement le programme. Un peu d’histoire (erratum de la chronique de Mossoul). Belles-Lettres joua l’Inspecteur de Gogol à l’
473 de la chronique de Mossoul). Belles-Lettres joua l’ Inspecteur de Gogol à l’époque où le Cuirassé Potemkine était interdit
474 oul). Belles-Lettres joua l’Inspecteur de Gogol à l’ époque où le Cuirassé Potemkine était interdit à l’écran. Pitoëff avai
475 -Lettres joua l’Inspecteur de Gogol à l’époque où le Cuirassé Potemkine était interdit à l’écran. Pitoëff avait prêté un a
476 ’époque où le Cuirassé Potemkine était interdit à l’ écran. Pitoëff avait prêté un accent, Mme d’Assilva deux actrices, M.
477 re dans des jupons autrement que par métaphore. À La Chaux-de-Fonds, il y eut trente membres et cent doigts dans deux lits
478 cela fait-il de pieds et d’oreillles ? À signaler la fuite de Bec-de-Gaz, lequel s’éteignit dans les neiges. Un jour, on s
479 er la fuite de Bec-de-Gaz, lequel s’éteignit dans les neiges. Un jour, on s’aperçut que cette chose avait recommencé, qu’on
480 mmencé, qu’on appelle, sans doute par antiphrase, la vie. 6. Revue ou prologue. l. Rougemont Denis de, « L’autre œil 
9 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Entr’acte de René Clair, ou L’éloge du Miracle (mars 1927)
481 Entr’acte de René Clair, ou L’ éloge du Miracle (mars 1927)n Surprendre est peu de chose, il faut
482 se, il faut transplanter. Max Jacob. Ce soir-là, le programme comprenait : un film d’avant-guerre ; un film japonais ; En
483 d’avant-guerre ; un film japonais ; Entr’acte et le Voyage imaginaire, de René Clair. La Mort de Phèdre (environ 1905) :
484 ntr’acte et le Voyage imaginaire, de René Clair. La Mort de Phèdre (environ 1905) : quelques acteurs d’une troupe de prov
485 ent dans un décor très pauvre, légèrement coloré. Le principe est simple : « Je vous aime » se traduit par trois ou quatre
486 aime » se traduit par trois ou quatre claques sur la poitrine ; et une crise intérieure par un court accès de danse de Sai
487 ourt accès de danse de Saint-Guy. Art classique : la mort d’Hyppolite se passe en coulisse. Mais Phèdre avoue tout « devan
488 asse en coulisse. Mais Phèdre avoue tout « devant le cadavre encore tout chaud ». Affreux. Aussi : « Elle mourut. » On voi
489 ourut. » On voit que cette bande est antérieure à l’ époque du long baiser de conclusion. Le film japonais : une historiett
490 térieure à l’époque du long baiser de conclusion. Le film japonais : une historiette un peu plus banale que nature, très b
491 banale que nature, très bien photographiée. C’est le film du type « Jeux de soleil dans les jardins, complets variés, ça f
492 hiée. C’est le film du type « Jeux de soleil dans les jardins, complets variés, ça fait toujours plaisir de voir des gens b
493 Soudain éclate Entr’acte (1925). « Une étude sur le Monde des Rêves ». Rondes de cheminées dans le ciel où des pressentim
494 ur le Monde des Rêves ». Rondes de cheminées dans le ciel où des pressentiments clignent de l’œil. Des poupées en baudruch
495 es dans le ciel où des pressentiments clignent de l’ œil. Des poupées en baudruche gonflent leur tête jusqu’à éclater, tand
496 ne colonnade, puis un jeu d’échec serré, mais sur la corniche d’un gratte-ciel, d’où se met à descendre un petit bateau de
497 bateau de papier, sur fond de boulevards et parmi les toits flottants, c’est assez tragique. Mitrailleuse de phares d’auto,
498 st assez tragique. Mitrailleuse de phares d’auto, les 100 000 yeux de la nuit. Des imprécisions rapides. Un chasseur, toujo
499 itrailleuse de phares d’auto, les 100 000 yeux de la nuit. Des imprécisions rapides. Un chasseur, toujours sur son toit ;
500 Un chasseur, toujours sur son toit ; il tire sur l’ œuf d’où naît une colombe. Chasse. Mais un papillon éclatant qui batta
501 Chasse. Mais un papillon éclatant qui battait de l’ aile un dixième de seconde, par intermittences, se pose enfin sur l’éc
502 de seconde, par intermittences, se pose enfin sur l’ écran : une danseuse sur une plaque de verre, vue par-dessous. Quelque
503 s qui suivent sont embrumés dans mon souvenir par le rayonnement de la robe, fleur qui s’ouvre pour dégager le mouvement o
504 embrumés dans mon souvenir par le rayonnement de la robe, fleur qui s’ouvre pour dégager le mouvement obsédant de deux ja
505 nement de la robe, fleur qui s’ouvre pour dégager le mouvement obsédant de deux jambes, l’harmonie de leurs arabesques à t
506 our dégager le mouvement obsédant de deux jambes, l’ harmonie de leurs arabesques à trois dimensions mêlées avec une lenteu
507 une perfection dont une brève vue verticale donne la clé… Un enterrement bourgeois, mais le corbillard est traîné par un d
508 cale donne la clé… Un enterrement bourgeois, mais le corbillard est traîné par un dromadaire, d’ailleurs dételé. Les amis
509 est traîné par un dromadaire, d’ailleurs dételé. Les amis affligés mangent les couronnes et suivent à grands sauts lents,
510 ire, d’ailleurs dételé. Les amis affligés mangent les couronnes et suivent à grands sauts lents, solennels. Ils revoient la
511 ent à grands sauts lents, solennels. Ils revoient la danseuse, font une ronde autour d’une tour Eiffel de bois de la taill
512 ont une ronde autour d’une tour Eiffel de bois de la taille de l’Obélisque de la Concorde, puis enfilent les Champs-Élysée
513 autour d’une tour Eiffel de bois de la taille de l’ Obélisque de la Concorde, puis enfilent les Champs-Élysées à une allur
514 our Eiffel de bois de la taille de l’Obélisque de la Concorde, puis enfilent les Champs-Élysées à une allure grandissante,
515 ille de l’Obélisque de la Concorde, puis enfilent les Champs-Élysées à une allure grandissante, bientôt vertigineuse, pours
516 e grandissante, bientôt vertigineuse, poursuivant le corbillard. Aspects du paysage urbain vu par les poursuivants, arbres
517 t le corbillard. Aspects du paysage urbain vu par les poursuivants, arbres au ciel renversé, maisons obliques, montagnes ru
518 . (J’ai regretté que René Clair ne nous donne pas la vision du mort.) Enfin le cercueil roule dans les marguerites, il en
519 Clair ne nous donne pas la vision du mort.) Enfin le cercueil roule dans les marguerites, il en sort un chef d’orchestre d
520 la vision du mort.) Enfin le cercueil roule dans les marguerites, il en sort un chef d’orchestre dont la baguette éteint t
521 marguerites, il en sort un chef d’orchestre dont la baguette éteint tous les personnages et lui-même. ⁂ Le tout ne dure p
522 un chef d’orchestre dont la baguette éteint tous les personnages et lui-même. ⁂ Le tout ne dure pas 20 minutes. Et c’est h
523 guette éteint tous les personnages et lui-même. ⁂ Le tout ne dure pas 20 minutes. Et c’est heureux. Nous manquons d’entraî
524 c’est heureux. Nous manquons d’entraînement dans le domaine du merveilleux moderne. Un peu plus et nous demandions grâce
525 e de trop de plaisir. Mais je ne suis pas sûr que le plaisir du public fût de même essence que le nôtre. Les gens rient à
526 aisir du public fût de même essence que le nôtre. Les gens rient à l’enterrement au ralenti, à l’éclatement des têtes de po
527 ût de même essence que le nôtre. Les gens rient à l’ enterrement au ralenti, à l’éclatement des têtes de poupées, à la conc
528 tre. Les gens rient à l’enterrement au ralenti, à l’ éclatement des têtes de poupées, à la conclusion. Ce n’est pas le bon
529 u ralenti, à l’éclatement des têtes de poupées, à la conclusion. Ce n’est pas le bon rire de cinéma. Quand la danseuse par
530 s têtes de poupées, à la conclusion. Ce n’est pas le bon rire de cinéma. Quand la danseuse paraît, ils n’attendent que le
531 lusion. Ce n’est pas le bon rire de cinéma. Quand la danseuse paraît, ils n’attendent que le moment où ils pourront se pou
532 ma. Quand la danseuse paraît, ils n’attendent que le moment où ils pourront se pousser en disant : « C’que c’est cochon ! 
533 pousser en disant : « C’que c’est cochon ! » Mais le moment ne vient pas, ils sont déçus. Enfin, mon voisin, un agent, mur
534 emple, où nous ne pouvons nous empêcher d’admirer l’ utilisation artistique ingénieuse et précise de certaines théories sur
535 e ingénieuse et précise de certaines théories sur le rêve, le peuple, qui n’a pas vu ces dessous mais accueille le résulta
536 use et précise de certaines théories sur le rêve, le peuple, qui n’a pas vu ces dessous mais accueille le résultat avec la
537 peuple, qui n’a pas vu ces dessous mais accueille le résultat avec la naïveté qu’il faut, approuve et dit : « C’est bien ç
538 as vu ces dessous mais accueille le résultat avec la naïveté qu’il faut, approuve et dit : « C’est bien ça, c’est comme qu
539 uand on rêve. » Un des défauts d’Entr’acte, c’est la fantaisie recherchée de certaines scènes (l’enterrement). Cela fait b
540 ’est la fantaisie recherchée de certaines scènes ( l’ enterrement). Cela fait bizarre. Or, dans le monde où le cinéma doit n
541 ènes (l’enterrement). Cela fait bizarre. Or, dans le monde où le cinéma doit nous « transplanter », un certain naturel est
542 rrement). Cela fait bizarre. Or, dans le monde où le cinéma doit nous « transplanter », un certain naturel est de rigueur 
543 nsi qualifié : c’est peut-être le premier film où l’ on a fait du ciné avec des moyens proprement cinégraphiques. Ici le ge
544 né avec des moyens proprement cinégraphiques. Ici le geste pictural remplace le geste de l’acteur. Un mouvement ne soulign
545 nt cinégraphiques. Ici le geste pictural remplace le geste de l’acteur. Un mouvement ne souligne pas, il exprime, et se su
546 iques. Ici le geste pictural remplace le geste de l’ acteur. Un mouvement ne souligne pas, il exprime, et se suffit. Mais c
547 ne pas, il exprime, et se suffit. Mais comme pour le film 1905, on a sans cesse envie de crier : « Trop de gestes ! » C’es
548 C’est une question d’épuration des moyens. Rendre le plus par le moins, c’est le fait d’un art à sa maturité. Mais ce sont
549 estion d’épuration des moyens. Rendre le plus par le moins, c’est le fait d’un art à sa maturité. Mais ce sont là critique
550 on des moyens. Rendre le plus par le moins, c’est le fait d’un art à sa maturité. Mais ce sont là critiques de style. D’or
551 es de style. D’ores et déjà, il faut admirer dans les films de René Clair un sens du miracle assez bouleversant. Et je ne p
552 ne parle pas du miracle genre conte de fée, comme le Voyage imaginaire en montre (beaucoup trop à mon gré). Qu’une sorcièr
553 chien, cela n’a rien d’étonnant au cinéma. C’est la photographie d’une chose qui ne serait étonnante que dans le réel ; c
554 phie d’une chose qui ne serait étonnante que dans le réel ; ce n’est pas encore un miracle de ciné. Et les fées paraissent
555 réel ; ce n’est pas encore un miracle de ciné. Et les fées paraissent vieux jeu avec leur baguette, pour moi qui chaque soi
556 soir crée ma chambre en tournant un commutateur. Le vrai miracle du cinéma, c’est, par exemple, l’éclosion d’une rose, un
557 r. Le vrai miracle du cinéma, c’est, par exemple, l’ éclosion d’une rose, un homme qui court au ralenti, certaines coïncide
558 ’est une réalité quotidienne dans une lumière qui la métamorphose ; c’est un temps nouveau, et l’espace en relation se mod
559 qui la métamorphose ; c’est un temps nouveau, et l’ espace en relation se modifie pour maintenir je ne sais quelle harmoni
560 elle dont nous avons convenu et que nous pensions la seule possible. Le monde « normal » nous apparaît alors comme l’une s
561 s convenu et que nous pensions la seule possible. Le monde « normal » nous apparaît alors comme l’une seulement des mille
562 nécessités sociales — nous empêchent de découvrir la richesse immédiate. Surréel qui n’est pas synonyme d’incompréhensible
563 on Madame, car alors quoi de plus surréaliste que le film 1905. Ce n’est peut-être qu’une question d’imagination ; il rest
564 gineuses, et nous en sommes encore à nous frotter les yeux… Peut-être, quand nos regards plus assurés sauront enfin gagner
565 ards plus assurés sauront enfin gagner de vitesse les prodiges que déclenche René Clair, verrons-nous, pris par surprise da
566 René Clair, verrons-nous, pris par surprise dans l’ exploration ivre d’un projecteur, des signes fatidiques, le visage d’u
567 tion ivre d’un projecteur, des signes fatidiques, le visage d’un ange. n. Rougemont Denis de, «  Entr’acte de René Clai
568 ougemont Denis de, «  Entr’acte de René Clair, ou L’ éloge du Miracle », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève
10 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Louis Aragon, le beau prétexte (avril 1927)
569 Louis Aragon, le beau prétexte (avril 1927)o Ah ! je sens qu’une puissance étrangè
570 ce étrangère s’est emparée de mon être et a saisi les cordes les plus secrètes de mon âme, qu’elle peut faire désormais vib
571 e s’est emparée de mon être et a saisi les cordes les plus secrètes de mon âme, qu’elle peut faire désormais vibrer à sa fa
572 en décembre 1925, au sortir d’une conférence sur le Salut de l’humanité.)   Ce soir en moi trépigne une rage. Sur quelles
573 1925, au sortir d’une conférence sur le Salut de l’ humanité.)   Ce soir en moi trépigne une rage. Sur quelles épaules jet
574 es jeter ce manteau de flammes, puis à qui dédier l’ ennui de ma révolte ? Aragon sarcastique se tient là-bas dans un rayon
575 — auxquels je crois encore, et pas seulement pour le pittoresque. — Attrape !   Il n’existe pas de théorie du salut. Il n’
576 ’existe que des systèmes pour faire taire en nous l’ appel vertigineux du Silence. On nous montre des Dieux, mais c’est pou
577 ourner nos regards de cela qu’il faut bien nommer le Vide. Tant de séductions nous ont en vain tentés, ô tortures fascinan
578 ous ont en vain tentés, ô tortures fascinantes de la sainteté, seules vous nous appelez encore hors de cette voix de l’inf
579 es vous nous appelez encore hors de cette voix de l’ infini où chancellent parmi les éclairs nos premiers pas. Aragon, dans
580 rs de cette voix de l’infini où chancellent parmi les éclairs nos premiers pas. Aragon, dans ces tempêtes de nuits filantes
581 ilantes où s’enfuient, souffles à peine parfumés, les vices enlacés aux vertus, c’est un ricanement splendide comme un écla
582 de comme un éclat de rire de condamné à mort et à l’ éternité. Le diable avait pris des avocats dont les plaidoyers, tissus
583 éclat de rire de condamné à mort et à l’éternité. Le diable avait pris des avocats dont les plaidoyers, tissus des mensong
584 l’éternité. Le diable avait pris des avocats dont les plaidoyers, tissus des mensonges les plus beaux et des plus mélodieus
585 avocats dont les plaidoyers, tissus des mensonges les plus beaux et des plus mélodieuses palinodies, font encore rêver les
586 es plus mélodieuses palinodies, font encore rêver les anges écœurés d’azur. Alors un juron mélodramatique, d’une voix tortu
587 ble un anathème sanglant. Louis Aragon, avocat de l’ infini, annonce l’entrée de l’éternelle anarchiste, la Poésie.   On di
588 nglant. Louis Aragon, avocat de l’infini, annonce l’ entrée de l’éternelle anarchiste, la Poésie.   On dit : « Des mots ! »
589 s Aragon, avocat de l’infini, annonce l’entrée de l’ éternelle anarchiste, la Poésie.   On dit : « Des mots ! » au lieu de
590 fini, annonce l’entrée de l’éternelle anarchiste, la Poésie.   On dit : « Des mots ! » au lieu de « Je ne comprends pas ».
591 rends pas ». On dit : « Je ne comprends pas », et l’ on pense : « C’est donc incompréhensible ». On dit : « C’est incompréh
592 ble ». On dit : « C’est incompréhensible ! » — et l’ on est enfin rassuré. C’est incompréhensible !, trois mots dont l’un
593 vos glandes salivaires, pourtant si éprouvées par le repas dont vous sortez, que ces trois mots où se résume la défense de
594 dont vous sortez, que ces trois mots où se résume la défense de la loi sociale, patriotique, religieuse (?) et ci-devant m
595 ez, que ces trois mots où se résume la défense de la loi sociale, patriotique, religieuse (?) et ci-devant morale qui prot
596 rallumez votre cigare. Vous vous êtes assuré que la porte ferme bien sur l’infini. Rien à craindre de ce côté. Retournez
597 Vous vous êtes assuré que la porte ferme bien sur l’ infini. Rien à craindre de ce côté. Retournez à vos amours. ..........
598 ........ Solitude, antichambre du ciel. À travers l’ amour ou la poésie — et d’autres, à travers les déserts de la sainteté
599 litude, antichambre du ciel. À travers l’amour ou la poésie — et d’autres, à travers les déserts de la sainteté que hanten
600 ers l’amour ou la poésie — et d’autres, à travers les déserts de la sainteté que hantent les fantômes adorables du désir, —
601 la poésie — et d’autres, à travers les déserts de la sainteté que hantent les fantômes adorables du désir, — quelques homm
602 à travers les déserts de la sainteté que hantent les fantômes adorables du désir, — quelques hommes y pénètrent, et le goû
603 ables du désir, — quelques hommes y pénètrent, et le goût de s’amuser ne renaîtra plus en eux. Ni même celui de souffrir.
604 elui de souffrir. Le dernier rire d’Aragon, c’est l’ éclat de sa joie brusque d’être seul sur un faux sommet vers quoi des
605 s’efforcent — mais déjà c’est de plus loin qu’il les nargue. Il connaît enfin une solitude défendue de tous côtés par ses
606 quelques « goujateries » affectées par mépris de l’ honneur, le mot de Cambronne prodigué et des phrases d’un fascinant éc
607  goujateries » affectées par mépris de l’honneur, le mot de Cambronne prodigué et des phrases d’un fascinant éclat : « Ô g
608 quitte plus, attiré par les premiers sophismes de l’ aurore, ces corniches de craie où t’accoudant tu mêles tes traits purs
609 t’accoudant tu mêles tes traits purs et labiles à l’ immobilité miraculeuse des statues7. » Il s’agit bien de critique litt
610 ci en présence d’une des tentatives de libération les plus violentes et belles — malgré tant de maladresses dédaigneuses, d
611 ravades et de faciles tricheries8 — qu’ait connue l’ esprit humain. Sens de l’Absolu, sens de la pureté ou fanatisme de l’e
612 cheries8 — qu’ait connue l’esprit humain. Sens de l’ Absolu, sens de la pureté ou fanatisme de l’esprit. Jusqu’au-boutisme
613 connue l’esprit humain. Sens de l’Absolu, sens de la pureté ou fanatisme de l’esprit. Jusqu’au-boutisme désespéré. « Il s’
614 ns de l’Absolu, sens de la pureté ou fanatisme de l’ esprit. Jusqu’au-boutisme désespéré. « Il s’agit de rendre impraticabl
615 rtie » ou compromis :   « Nous étions dominés par le sens d’une réalité morale absolue que certains d’entre nous eussent a
616 martyre… Nos jugements se rendaient sans cesse à l’ échelle de l’infini, et cet infini nous écrasait. Comment aurions-nous
617 jugements se rendaient sans cesse à l’échelle de l’ infini, et cet infini nous écrasait. Comment aurions-nous accepté le s
618 nfini nous écrasait. Comment aurions-nous accepté le sort communément heureux de nos contemporains qui ont puisé dans Augu
619 omte cette tranquillité de rejeter définitivement les problèmes métaphysiques ? »   Nous naissons à quelque chose qui imite
620 ues ? »   Nous naissons à quelque chose qui imite la vie dans une époque d’inconcevables compromissions où triomphe sous t
621 nconcevables compromissions où triomphe sous tous les déguisements, de Ford à Clément Vautel, le matérialisme le plus pauvr
622 tous les déguisements, de Ford à Clément Vautel, le matérialisme le plus pauvre auquel se soit jamais abaissée une civili
623 ements, de Ford à Clément Vautel, le matérialisme le plus pauvre auquel se soit jamais abaissée une civilisation. Mais nou
624 rniers atouts sur notre salut. Nous courons enfin l’ Aventure. « Le salut pour nous n’est nulle part9 ». Ultime affirmation
625 sur notre salut. Nous courons enfin l’Aventure. «  Le salut pour nous n’est nulle part9 ». Ultime affirmation d’une foi que
626 rien ne peut duper. Depuis certaines paroles sur la Croix, il n’y a peut-être pas eu d’expression plus haute de l’angoiss
627 n’y a peut-être pas eu d’expression plus haute de l’ angoisse humaine, et vous aurez beau rire, pharisiens, et dire qu’elle
628 et vous, dubitatives barbes. Je viens d’entendre la voix d’un mystique. Que si l’on vient nous empêtrer de dogmes basseme
629 Je viens d’entendre la voix d’un mystique. Que si l’ on vient nous empêtrer de dogmes bassement ingénieux : « Si j’essaie u
630 ngénieux : « Si j’essaie un instant de m’élever à la notion de Dieu, répond Aragon, je me révolte qu’elle puisse en aucun
631 nts ! Jouant tout sur une révélation possible, ou la naissance d’un prophète qui rapprenne comment aimer un Dieu. Ce n’est
632 eût un sens, il faudrait être sûr de n’avoir pas la tête en bas par rapport au soleil. Quelques gestes encore, intercepta
633 t au soleil. Quelques gestes encore, interceptant les messages égarés de l’infini… Un tel homme, — est-ce encore Aragon, s
634 estes encore, interceptant les messages égarés de l’ infini… Un tel homme, — est-ce encore Aragon, sinon qui ? — sa grande
635 pages écrites il y a un an, tel soir de colère où le thermomètre eût indiqué 39° selon toute vraisemblance. Et voici Arago
636 erait sans doute un peu ridicule. C’est ainsi que l’ on arrive à croire, pour un autre, que c’est arrivé, ajoutant foi, dan
637 autre, que c’est arrivé, ajoutant foi, dans tous les sens qu’admet ce terme, à des exaltations que leur lyrisme rendait se
638 ules contagieuses. Comment, en effet, ne pas voir la part de littérature que renferme cette œuvre, et qui fait, en dépit d
639 fait, en dépit des prétentions désobligeantes de l’ auteur, son incontestable « séduction ». Pour un peu, je découvrais un
640 un brin janséniste chez ce poète. Aujourd’hui, je le verrais plutôt comme un Musset10 plus véritablement désespéré. Un Mus
641 ynisme verbeux 1830, une théorie du scandale pour le scandale qui a le mérite de n’être pas qu’un jeu littéraire. Mais enf
642 0, une théorie du scandale pour le scandale qui a le mérite de n’être pas qu’un jeu littéraire. Mais enfin, c’est encore u
643 ment vif, insolent et ombrageux. « J’appartiens à la grande race des torrents. » Une belle phrase, n’est-ce pas ? Je ne sa
644 e pas ? Je ne sais qu’un Montherlant qui pourrait l’ oser dire comme Aragon sans ridicule. Et ce que je prenais pour le ton
645 e Aragon sans ridicule. Et ce que je prenais pour le ton prophétique, ne serait-ce pas plutôt une sorte de donquichottisme
646 une sorte de donquichottisme assez fréquent dans les cafés littéraires et dont il serait le premier à s’amuser ?   Février
647 user ?   Février 1927. Relu Une vague de rêves et la préface de Libertinage. Sous une certaine rhétorique — mais la plus b
648 Libertinage. Sous une certaine rhétorique — mais la plus belle, — ce qui tressaille et m’atteint au vif, c’est tout de mê
649 en quoi je ne vais pas m’empêcher de reconnaître la voix secrète de notre mal de vivre. Désespoir métaphysique. Je me sou
650 de Vinet — laissons s’esclaffer du rapprochement les auteurs de manuels de littérature — : « Un mysticisme creux et affamé
651 ttérature — : « Un mysticisme creux et affamé est le contrecoup du christianisme dans les âmes profondes ou délicates qui
652 et affamé est le contrecoup du christianisme dans les âmes profondes ou délicates qui ne sont pas devenues chrétiennes. » «
653 licates qui ne sont pas devenues chrétiennes. » «  Le salut pour nous n’est nulle part. » Nulle part, pensais-je : le salut
654 nous n’est nulle part. » Nulle part, pensais-je : le salut n’est pas là, ou là, à Rome, à Athènes, à Moscou, dans cette do
655 droite, à gauche, — nulle part sur cette terre où l’ orgueil des hommes croit pouvoir nous le désigner, veut nous l’imposer
656 terre où l’orgueil des hommes croit pouvoir nous le désigner, veut nous l’imposer pour quelles fins assez basses, nous le
657 hommes croit pouvoir nous le désigner, veut nous l’ imposer pour quelles fins assez basses, nous le savons… Mais pour Arag
658 us l’imposer pour quelles fins assez basses, nous le savons… Mais pour Aragon, ce n’est point façon de parler. Son « nulle
659 e « globe d’attente » comme dit Crevel. Pourtant, le plus irrévocable désespoir n’est encore qu’un appel à la foi la plus
660 irrévocable désespoir n’est encore qu’un appel à la foi la plus haute.   1er mai 1927. Mieux vaut pécher par ridicule qu
661 cable désespoir n’est encore qu’un appel à la foi la plus haute.   1er mai 1927. Mieux vaut pécher par ridicule que par s
662 e que par scepticisme ; par excès que par défaut. L’ enthousiasme trompe moins que le bon sens. Don Quichotte est tout de m
663 s que par défaut. L’enthousiasme trompe moins que le bon sens. Don Quichotte est tout de même moins misérable que Clément
664 lle n’a pas mérité du premier coup qu’on se donne la peine de l’écraser, — c’est qu’il symbolise tout cet état d’esprit « 
665 mérité du premier coup qu’on se donne la peine de l’ écraser, — c’est qu’il symbolise tout cet état d’esprit « bien Parisie
666 de récentes statistiques de librairie montrèrent les ravages bien plus étendus qu’on n’osait le craindre11. Si dans un ess
667 èrent les ravages bien plus étendus qu’on n’osait le craindre11. Si dans un essai sur la sincérité j’ai soutenu qu’une int
668 qu’on n’osait le craindre11. Si dans un essai sur la sincérité j’ai soutenu qu’une introspection immobile ne retient rien
669 qu’une introspection immobile ne retient rien de la réalité vivante ; si je dénie à des incrédules le droit à parler des
670 la réalité vivante ; si je dénie à des incrédules le droit à parler des choses de la foi comme étant d’un ordre qui leur é
671 à des incrédules le droit à parler des choses de la foi comme étant d’un ordre qui leur échappe ; de même je récuse ici c
672 critique dont on voudrait que soient justiciables les œuvres d’un écrivain, les démarches de sa pensée, ses délires, ses vi
673 que soient justiciables les œuvres d’un écrivain, les démarches de sa pensée, ses délires, ses visions. Un critique qui n’é
674 élires, ses visions. Un critique qui n’épouse pas le rythme d’une œuvre, mais s’avance à sa rencontre armé de l’appareil à
675 d’une œuvre, mais s’avance à sa rencontre armé de l’ appareil à frigorifier de sa raison, est destiné à dire des bêtises. C
676 présenter… d’ailleurs une ancienne connaissance… le Sens Critique. Moi (gêné)… Rougemont. Le Sens Critique. — Il y a un
677 sance… le Sens Critique. Moi (gêné)… Rougemont. Le Sens Critique. — Il y a un certain temps déjà que nous ne nous sommes
678 t. Seulement, mon cher Monsieur, nous n’avons pas le temps ces jours-ci, beaucoup trop à faire, beaucoup trop d’êtres et d
679 suppose. Comprenez-moi : submergés, absolument… Le Sens Critique. — Justement j’aurais en quelque manière la prétention…
680 Critique. — Justement j’aurais en quelque manière la prétention… Moi. — Que voilà un singulier impertinent de votre part.
681 ue voilà un singulier impertinent de votre part. ( Le reconduisant :) Croyez, Monsieur, à mon estime la plus vive. Mais déc
682 Le reconduisant :) Croyez, Monsieur, à mon estime la plus vive. Mais décidément nous sommes débordés, voyez vous-même, pas
683 ut rien faire sans vous. Mais n’oubliez pas que «  l’ artiste serait peu de chose s’il ne spéculait sur l’incertain », c’est
684 artiste serait peu de chose s’il ne spéculait sur l’ incertain », c’est un académicien qui l’a dit. Voulez-vous me faire qu
685 ulait sur l’incertain », c’est un académicien qui l’ a dit. Voulez-vous me faire quelque chose là-dessus pour la Revue ? Ma
686 Voulez-vous me faire quelque chose là-dessus pour la Revue ? Mais plus tard, plus tard. Tenez, voici un traité de métaphys
687 ndant. Très bien fait. Excellente méthode ! (Sort le Sens Critique, un peu bousculé.) Moi. — Vous disiez, ma vie ? La Mu
688 un peu bousculé.) Moi. — Vous disiez, ma vie ? La Muse (mais oui, la Muse, sortant de derrière un rideau). — J’attends
689 Moi. — Vous disiez, ma vie ? La Muse (mais oui, la Muse, sortant de derrière un rideau). — J’attends votre plaisir… I
690 qui croient avoir tout dit quand ils ont montré à l’ origine de telle doctrine mystique une exaltation nerveuse ou des trou
691 oubles organiques. Ils opposent à ces « délires » les thèses rassurantes de la « saine raison », sans se demander jamais si
692 osent à ces « délires » les thèses rassurantes de la « saine raison », sans se demander jamais si cela ne condamne pas et
693 ans se demander jamais si cela ne condamne pas et la santé et la raison. Il s’est trouvé des Maurras et autres « héritiers
694 der jamais si cela ne condamne pas et la santé et la raison. Il s’est trouvé des Maurras et autres « héritiers de la grand
695 s’est trouvé des Maurras et autres « héritiers de la grande tradition gréco-latine » pour assigner à Minerve le bassin de
696 tradition gréco-latine » pour assigner à Minerve le bassin de la Méditerranée comme promenoir, avec défense sous peine de
697 éco-latine » pour assigner à Minerve le bassin de la Méditerranée comme promenoir, avec défense sous peine de mort de s’en
698 naire. Vous tracez des frontières géographiques à la raison ? Eh bien, c’est vous qui l’aurez voulu, mais tant pis, nous s
699 ographiques à la raison ? Eh bien, c’est vous qui l’ aurez voulu, mais tant pis, nous serons du Nord. Nous serons romantiqu
700 rdonnés, brumeux, absurdes, vivants, libres. Avec la poésie contre vos principes. Avec l’esprit contre votre raison. Et av
701 libres. Avec la poésie contre vos principes. Avec l’ esprit contre votre raison. Et avec Aragon lorsqu’il vous crie : « À b
702 son. Et avec Aragon lorsqu’il vous crie : « À bas le clair génie français. » Alors la voix de Rimbardp à la cantonade : Q
703 s crie : « À bas le clair génie français. » Alors la voix de Rimbardp à la cantonade : Qu’il vienne, qu’il vienne Le temp
704 air génie français. » Alors la voix de Rimbardp à la cantonade : Qu’il vienne, qu’il vienne Le temps dont on s’éprenne !
705 ardp à la cantonade : Qu’il vienne, qu’il vienne Le temps dont on s’éprenne ! Les œuvres les plus significatives de ce
706 enne, qu’il vienne Le temps dont on s’éprenne ! Les œuvres les plus significatives de ce siècle sont écrites en haine de
707 vienne Le temps dont on s’éprenne ! Les œuvres les plus significatives de ce siècle sont écrites en haine de l’époque12.
708 nificatives de ce siècle sont écrites en haine de l’ époque12. Le reproche d’obscurité que l’on fait à la littérature moder
709 de ce siècle sont écrites en haine de l’époque12. Le reproche d’obscurité que l’on fait à la littérature moderne n’est qu’
710 haine de l’époque12. Le reproche d’obscurité que l’ on fait à la littérature moderne n’est qu’une manifestation de ce divo
711 époque12. Le reproche d’obscurité que l’on fait à la littérature moderne n’est qu’une manifestation de ce divorce radical
712 qu’une manifestation de ce divorce radical entre l’ époque et les quelques centaines (?) d’individus pour qui l’esprit est
713 festation de ce divorce radical entre l’époque et les quelques centaines (?) d’individus pour qui l’esprit est la seule réa
714 t les quelques centaines (?) d’individus pour qui l’ esprit est la seule réalité. C’est pourquoi nous ne pourrons plus sépa
715 s centaines (?) d’individus pour qui l’esprit est la seule réalité. C’est pourquoi nous ne pourrons plus séparer du concep
716 rquoi nous ne pourrons plus séparer du concept de l’ esprit celui de Révolution. Et j’entends ce mot dans son sens le plus
717 de Révolution. Et j’entends ce mot dans son sens le plus vaste. Il y a eu quatre-vingt-treize, la Réforme, Karl Marx, la
718 ens le plus vaste. Il y a eu quatre-vingt-treize, la Réforme, Karl Marx, la préface de Cromwell. Mais il ne s’agit pas de
719 a eu quatre-vingt-treize, la Réforme, Karl Marx, la préface de Cromwell. Mais il ne s’agit pas de refaire notre petite ré
720 ltaire, etc., et tout ce qui leur correspond dans l’ ordre politique par exemple. Parce que c’est très beau, ridiculement,
721 ne dites pas aussi merde pour Marx ou Lénine, je le dirai pour vous. Quand on a entrepris la Révolution au nom de l’espri
722 nine, je le dirai pour vous. Quand on a entrepris la Révolution au nom de l’esprit, on ne va pas s’acoquiner avec des gens
723 ous. Quand on a entrepris la Révolution au nom de l’ esprit, on ne va pas s’acoquiner avec des gens qui ont fait, il y a 10
724 ne pouvez vous libérer de cette manie française, la politique, et ne voyez-vous pas que c’est faire le jeu de vos ennemis
725 a politique, et ne voyez-vous pas que c’est faire le jeu de vos ennemis de discuter avec eux dans leur langue et de crier
726 avec eux dans leur langue et de crier rouge pour la simple raison qu’ils ont dit blanc ? Pensez-vous combattre cet esprit
727 socie à tant d’objets de votre mépris, en prenant le contre-pied de tout ce qu’il inspire ? Alors que cette réaction même
728 leurs… Mais non, il y aurait trop à dire, et puis l’ on croirait encore que je suis avec ceux qui traitent Aragon, Breton e
729 arceurs, de chacals, de déments. Et puis surtout, l’ heure est venue de clore des discussions énervantes où s’épuise vainem
730 vantes où s’épuise vainement une dialectique dont l’ objet fuit sans cesse par la quatrième dimension. Aragon et les surréa
731 sans cesse par la quatrième dimension. Aragon et les surréalistes auront raison même encore s’ils ont tort, envers et cont
732 me encore s’ils ont tort, envers et contre toutes les critiques qu’on pourrait leur adresser, parce que ces « maudits » ont
733 rait leur adresser, parce que ces « maudits » ont la grâce, parce qu’ils sont la vie, même quand ils appellent la mort, pa
734 e ces « maudits » ont la grâce, parce qu’ils sont la vie, même quand ils appellent la mort, parce qu’ils ont la passion et
735 arce qu’ils sont la vie, même quand ils appellent la mort, parce qu’ils ont la passion et l’incommunicable secret de l’inv
736 ême quand ils appellent la mort, parce qu’ils ont la passion et l’incommunicable secret de l’invention.   Il nous faut des
737 appellent la mort, parce qu’ils ont la passion et l’ incommunicable secret de l’invention.   Il nous faut des entrepreneurs
738 ’ils ont la passion et l’incommunicable secret de l’ invention.   Il nous faut des entrepreneurs de tempêtes. Un grand pri
739 à nos mœurs. … et nous portant dans nos actions à la limite de nos forces, notre joie parmi vous fut une très grande joie.
740 ons acquises, sièges faits, autorités fondées sur la gloire et la sénilité, etc., etc. Et certes ce n’étaient pas des être
741 sièges faits, autorités fondées sur la gloire et la sénilité, etc., etc. Et certes ce n’étaient pas des êtres, mais leurs
742 ine morale ne venait-elle pas de ce qu’en son nom l’ on mesurait odieusement une sympathie humaine pour nous sans prix ? Ma
743 lus grandes que nous. Nous nous connaissions dans les coins et nous mourions d’ennui avec les aspects irrévocablement prévu
744 ions dans les coins et nous mourions d’ennui avec les aspects irrévocablement prévus de nous-mêmes que faisaient paraître l
745 ement prévus de nous-mêmes que faisaient paraître les petits faits de nos longues journées. Nous aimions la révolution comm
746 etits faits de nos longues journées. Nous aimions la révolution comme on aime l’amour. Nous n’aimions pas telle révolution
747 ournées. Nous aimions la révolution comme on aime l’ amour. Nous n’aimions pas telle révolution — la russe, par exemple — p
748 me l’amour. Nous n’aimions pas telle révolution — la russe, par exemple — parce que ce n’est pas encore assez révolution ;
749 asseoir et que son siège était fait. Nous aimions la Révolution qui nous perdrait corps et biens dans sa grandeur comme un
750 emme merveilleuse nous perdrait corps et âme dans l’ ivresse amoureuse ; nous cherchions cette Révolution de toutes nos for
751 ns, comme on cherche cette femme à travers toutes les femmes. C’était un vice, la révolution-vice. Mais on ne vit, on ne me
752 mme à travers toutes les femmes. C’était un vice, la révolution-vice. Mais on ne vit, on ne meurt que de vices. ⁂ Ici le
753 Mais on ne vit, on ne meurt que de vices. ⁂ Ici le lecteur se rassure. « Il s’y retrouve. » Il pense que c’est bien jeun
754 que c’est bien jeune. Et : encore un qui rue dans les brancards, c’est très bellettrien. Un disque de gramo comme par hasar
755 us fait ça Plus ou moins, n’est-ce pas ? Et puis l’ aiguille divague vers des souvenirs, quand nous allions tous deux, ces
756 ort des suites. Quand cesserez-vous de nous faire la jambe, pardon escuses, avec ce thème à condamnations par contumace. I
757 ns par contumace. Il y a encore des gens pour qui les limites de l’anarchie sont : chanter l’Internationale dans les rues,
758 e. Il y a encore des gens pour qui les limites de l’ anarchie sont : chanter l’Internationale dans les rues, faire la noce,
759 pour qui les limites de l’anarchie sont : chanter l’ Internationale dans les rues, faire la noce, écrire un livre de tendan
760 e l’anarchie sont : chanter l’Internationale dans les rues, faire la noce, écrire un livre de tendances très modernes. Et d
761 t : chanter l’Internationale dans les rues, faire la noce, écrire un livre de tendances très modernes. Et des gens pour se
762 i nous en voulons, et finalement nous écraser par l’ évidence définitive de notre absurdité. Car l’homme « s’est fait une v
763 par l’évidence définitive de notre absurdité. Car l’ homme « s’est fait une vérité changeante et toujours évidente, de laqu
764 est plus détruire, ce n’est plus combattre, c’est l’ épanouissement violent d’une immense fleur palpitante au parfum de pas
765 es dangereux. Un orage de tendresse va crever sur le monde. Aigles d’amours, oiseaux doux et cruels, nous parlerons vos la
766 ue des valeurs de passion. Balayez ces douanes de l’ esprit, proclamez le grand Libre-Échange, voici déjà s’avancer des pro
767 ssion. Balayez ces douanes de l’esprit, proclamez le grand Libre-Échange, voici déjà s’avancer des prodiges à cette invite
768 voici déjà s’avancer des prodiges à cette invite la plus persuasive : nous sommes prêts à les accueillir. 7. Une vague
769 e invite la plus persuasive : nous sommes prêts à les accueillir. 7. Une vague de rêves (dans Commerce). 8. Et malgré c
770 perficielles et hâtives, comme cette prétention à la libération par le Rêve. « La liberté commence où naît le merveilleux.
771 tives, comme cette prétention à la libération par le Rêve. « La liberté commence où naît le merveilleux. » Au vrai, et sur
772 e cette prétention à la libération par le Rêve. «  La liberté commence où naît le merveilleux. » Au vrai, et surtout pour u
773 ration par le Rêve. « La liberté commence où naît le merveilleux. » Au vrai, et surtout pour un homme qui élit Freud « pré
774 rtout pour un homme qui élit Freud « président de la République du Rêve » – c’est presque un non-sens de chercher l’absolu
775 du Rêve » – c’est presque un non-sens de chercher l’ absolue liberté dans le rêve. Le rêve, c’est la tyrannie des souvenirs
776 ue un non-sens de chercher l’absolue liberté dans le rêve. Le rêve, c’est la tyrannie des souvenirs ; et ce n’est pas se l
777 -sens de chercher l’absolue liberté dans le rêve. Le rêve, c’est la tyrannie des souvenirs ; et ce n’est pas se libérer qu
778 er l’absolue liberté dans le rêve. Le rêve, c’est la tyrannie des souvenirs ; et ce n’est pas se libérer que de brasser ce
779 onores. 9. Lettre à Paul Claudel. 10. Musset de La coupe et les lèvres. Mais oui, c’est paradoxal. 11. Les livres les p
780 Lettre à Paul Claudel. 10. Musset de La coupe et les lèvres. Mais oui, c’est paradoxal. 11. Les livres les plus répandus
781 pe et les lèvres. Mais oui, c’est paradoxal. 11. Les livres les plus répandus à Genève sont Ma vie et mon œuvre de Ford et
782 èvres. Mais oui, c’est paradoxal. 11. Les livres les plus répandus à Genève sont Ma vie et mon œuvre de Ford et Mon curé c
783 sont Ma vie et mon œuvre de Ford et Mon curé chez les riches. Très loin derrière viennent des France et des Bordeaux. 12.
784 lus étroit, quelques esthètes du machinisme. 13. Le Paysan de Paris. o. Rougemont Denis de, « Louis Aragon, le beau pré
785 e Paris. o. Rougemont Denis de, « Louis Aragon, le beau prétexte », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-F
786 ibourg, avril 1927, p. 131-144. p. On a conservé la graphie de l’original, sans doute voulue par l’auteur.
787 1927, p. 131-144. p. On a conservé la graphie de l’ original, sans doute voulue par l’auteur.
788 é la graphie de l’original, sans doute voulue par l’ auteur.
11 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Quatre incidents (avril 1927)
789 Quatre incidents (avril 1927)q r La maîtresse d’École Au printemps pur comme une joue, École errait, É
790 joue, École errait, École suivait une femme dans les rues tant soit peu métaphysiques d’une capitale de mes songes. On exi
791 t évanouis des arcs-en-ciel de névroses dans tous les poèmes où détresse rimait avec maîtresse. École savait le mythe du vo
792 s où détresse rimait avec maîtresse. École savait le mythe du voyage, et qu’on ne manque pas le train bleu d’un désir. Ell
793 savait le mythe du voyage, et qu’on ne manque pas le train bleu d’un désir. Elle était donc venue. Il la suivait entre les
794 train bleu d’un désir. Elle était donc venue. Il la suivait entre les devantures qui se passaient de l’une à l’autre deux
795 désir. Elle était donc venue. Il la suivait entre les devantures qui se passaient de l’une à l’autre deux séries de profils
796 qu’au soleil toujours de face. Il ne vit plus que la foule des yeux bleus, son éblouissement. Soudain la voici, elle desce
797 foule des yeux bleus, son éblouissement. Soudain la voici, elle descend à sa rencontre parmi les éclairs d’un luxe mécani
798 udain la voici, elle descend à sa rencontre parmi les éclairs d’un luxe mécanique, le visage dans sa fourrure. Elle découvr
799 rencontre parmi les éclairs d’un luxe mécanique, le visage dans sa fourrure. Elle découvre en passant près de lui le sour
800 sa fourrure. Elle découvre en passant près de lui le sourire d’amitié mortel de tout ce qui n’arrive jamais. Il s’est trom
801 Il pensa que c’était un ange, de ceux qui vont à la recherche des âmes. Aussitôt il téléphone à ceux du paradis : « Qui v
802 sitôt il téléphone à ceux du paradis : « Qui va à la chasse perd sa place, nous nous comprenons. » On lui offrit immédiate
803 À Max-Marc-Jean Jacob Reymond. Une étoile à la boutonnière, le marquis pénétra dans le salon de la duchesse, lui bai
804 ean Jacob Reymond. Une étoile à la boutonnière, le marquis pénétra dans le salon de la duchesse, lui baisa la main et l’
805 étoile à la boutonnière, le marquis pénétra dans le salon de la duchesse, lui baisa la main et l’abattit d’un coup de rev
806 boutonnière, le marquis pénétra dans le salon de la duchesse, lui baisa la main et l’abattit d’un coup de revolver. Puis
807 s pénétra dans le salon de la duchesse, lui baisa la main et l’abattit d’un coup de revolver. Puis s’en fut avec un tact e
808 ans le salon de la duchesse, lui baisa la main et l’ abattit d’un coup de revolver. Puis s’en fut avec un tact exquis, qui
809 n fut avec un tact exquis, qui fut très remarqué. Le duc riait sous une table, complètement ivre, et Bettina lui disait à
810 table, complètement ivre, et Bettina lui disait à l’ oreille : « Mon chéri, si j’aime la comtesse ? Mais tu es si laid que
811 a lui disait à l’oreille : « Mon chéri, si j’aime la comtesse ? Mais tu es si laid que cela me donne encore plus de plaisi
812 laid que cela me donne encore plus de plaisir. » Le duc paya et s’enfuit en disant que ce n’était pas lui. L’enterrement
813 aya et s’enfuit en disant que ce n’était pas lui. L’ enterrement aura lieu sans suite. Suicide du Marquis Salomon le
814 lieu sans suite. Suicide du Marquis Salomon le danseur triste baisa cette main cruelle… et quitta le bal au matin. I
815 anseur triste baisa cette main cruelle… et quitta le bal au matin. Il neigeait dans les rues sourdes comme un songe de son
816 elle… et quitta le bal au matin. Il neigeait dans les rues sourdes comme un songe de son enfance. Aux fenêtres du palais s’
817 e. Aux fenêtres du palais s’étoilèrent des halos. Le jour tendre paraissait sous l’égide de la mort. Il vit des fleurs de
818 ilèrent des halos. Le jour tendre paraissait sous l’ égide de la mort. Il vit des fleurs de son enfance, une églantine, que
819 halos. Le jour tendre paraissait sous l’égide de la mort. Il vit des fleurs de son enfance, une églantine, quelques roses
820 e églantine, quelques roses, un sourire qui perce le cœur sur les glaces du passé. Cet abandon aux fuyantes chansons, et d
821 quelques roses, un sourire qui perce le cœur sur les glaces du passé. Cet abandon aux fuyantes chansons, et des violons dé
822 ons, et des violons déchirants dans sa tête… Mais le sommeil s’évaporait aux caresses des flocons, plus perfides que des m
823 perfides que des murmures d’adieu. Il tomba parmi les statues, dans l’amitié pensive des jardins. Une fenêtre s’était ouver
824 urmures d’adieu. Il tomba parmi les statues, dans l’ amitié pensive des jardins. Une fenêtre s’était ouverte et des accords
825 ’était ouverte et des accords échappés tombaient, les ailes coupées. Puis le silence se reprit à ses songes désolés. Aut
826 cords échappés tombaient, les ailes coupées. Puis le silence se reprit à ses songes désolés. Autre suicide ou la promen
827 reprit à ses songes désolés. Autre suicide ou la promenade en bateau À Grego More. Il disait : « Je suis né pour
828 À Grego More. Il disait : « Je suis né pour la mort. » Il fait assez beau pour que s’ouvre ce cœur de l’après-midi,
829  » Il fait assez beau pour que s’ouvre ce cœur de l’ après-midi, comme un camélia de tendre orgueil. Il respire déjà l’odeu
830 mme un camélia de tendre orgueil. Il respire déjà l’ odeur merveilleuse des objets et des êtres véritables. Un bateau ne gl
831 bles. Un bateau ne glisse pas plus doucement vers le soleil du haut-lac. Justement, voici que tout va s’ouvrir, qu’un mond
832 s’ouvrir, qu’un monde s’est ouvert devant lui. Et l’ eau n’est pas moins somptueuse. Et bien sûr, je n’ai pas bougé. C’est
833 me rendre seul et sans argent. Je ne voulais pas le retenir, Je ne pouvais pas le suivre. On dit de ces phrases. Même, on
834 . Je ne voulais pas le retenir, Je ne pouvais pas le suivre. On dit de ces phrases. Même, on en pleure. q. Rougemont D
12 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Récit du pickpocket (fragment) (mai 1927)
835 mmerce, qu’on m’a appris à voler. Aristophane («  Les Chevaliers »). Dès qu’on eut déposé devant Isidore un malaga et une
836 inérale devant son étrange convive, celui-ci prit la parole sans plus de cérémonie : « La jeunesse, Monsieur…, la jeunesse
837 elui-ci prit la parole sans plus de cérémonie : «  La jeunesse, Monsieur…, la jeunesse est l’âge où l’on atteint la vie. On
838 ans plus de cérémonie : « La jeunesse, Monsieur…, la jeunesse est l’âge où l’on atteint la vie. On s’y maintient cinq ans,
839 monie : « La jeunesse, Monsieur…, la jeunesse est l’ âge où l’on atteint la vie. On s’y maintient cinq ans, dix ans au plus
840  La jeunesse, Monsieur…, la jeunesse est l’âge où l’ on atteint la vie. On s’y maintient cinq ans, dix ans au plus. Après,
841 Monsieur…, la jeunesse est l’âge où l’on atteint la vie. On s’y maintient cinq ans, dix ans au plus. Après, c’est un long
842 s, dix ans au plus. Après, c’est un long adieu et le corps se fige à mesure que l’esprit s’établit sur ses positions. Or d
843 st un long adieu et le corps se fige à mesure que l’ esprit s’établit sur ses positions. Or donc, j’avais vingt ans. Je viv
844 diverti. J’étais bon, Monsieur, normalement bon. L’ idée, par exemple, d’étrangler un chat pour le plaisir me répugnait. J
845 on. L’idée, par exemple, d’étrangler un chat pour le plaisir me répugnait. Je détestais de peiner quelque être, même ennem
846 iner quelque être, même ennemi, — car celui-là je le méprisais trop sincèrement. » Vers cette époque, une femme me regarda
847 ment. » Mes parents me savaient vierge et c’était la joie de leur vie, car ils aimaient en moi par-dessus tout la vertu qu
848 leur vie, car ils aimaient en moi par-dessus tout la vertu que je leur devais. Pourtant, je ne détournai pas mes yeux des
849 frît à cause de moi. Un soir qu’elle pleurait, je l’ embrassai si fort… En un quart d’heure, je connaissais l’amour dans ce
850 ssai si fort… En un quart d’heure, je connaissais l’ amour dans ce qu’il a de plus étrangement prosaïque à la fois et bêtem
851 angement prosaïque à la fois et bêtement heureux. Le lendemain était le premier jour du printemps. Les rues riaient. Le ci
852 Le lendemain était le premier jour du printemps. Les rues riaient. Le ciel descendait dans la ville, on marchait dans le b
853 t le premier jour du printemps. Les rues riaient. Le ciel descendait dans la ville, on marchait dans le bleu. Je sortis av
854 ntemps. Les rues riaient. Le ciel descendait dans la ville, on marchait dans le bleu. Je sortis avec cette femme, qui m’ai
855 e ciel descendait dans la ville, on marchait dans le bleu. Je sortis avec cette femme, qui m’aimait, et nous étions très j
856 tions très jolis de bonheur et d’insouciance dans le bonheur de la saison. — Au soir, mon père savait tout. Il effleura mo
857 is de bonheur et d’insouciance dans le bonheur de la saison. — Au soir, mon père savait tout. Il effleura mon front de ses
858 èvres sans une parole quand je vins lui souhaiter le bonsoir. Le lendemain, ses cheveux avaient légèrement blanchi. Il me
859 ne parole quand je vins lui souhaiter le bonsoir. Le lendemain, ses cheveux avaient légèrement blanchi. Il me regardait av
860 un sourire de mon amie quand il voulut m’adresser la parole après un silence vertigineux. Il vit mon sourire et pleura. Al
861 mon corps tout entier, je criai un juron, claquai la porte et courus dans ma chambre. Une demi-heure plus tard, j’étais à
862 s ma chambre. Une demi-heure plus tard, j’étais à la gare, j’écrivais un mot d’adieu à ma maîtresse d’une nuit et je parta
863 rection quelconque. Il advint que ce fut celle de l’ Italie. La lumière, mon pays natal ! — Je vécus d’articles sur la mode
864 elconque. Il advint que ce fut celle de l’Italie. La lumière, mon pays natal ! — Je vécus d’articles sur la mode et la pol
865 mière, mon pays natal ! — Je vécus d’articles sur la mode et la politique, que j’envoyais à divers journaux. Un jour, parc
866 pays natal ! — Je vécus d’articles sur la mode et la politique, que j’envoyais à divers journaux. Un jour, parcourant un q
867 pier, je lus mon nom en grosses lettres : c’était l’ annonce du décès de mon père. » J’étais assis à la terrasse ensoleillé
868 l’annonce du décès de mon père. » J’étais assis à la terrasse ensoleillée d’un café ; une brise passa, et une femme en rob
869 doucement… Je me levai sans payer, je partis par les rues, une joie violente commençait à m’envahir, contre laquelle je lu
870 chaque tour du tambour des bouffées de musique. » La femme en bleu dansait en regardant au plafond. Après deux tangos, nou
871 ous montions ensemble dans une chambre d’hôtel où l’ on ne voyait d’abord qu’un bouquet transfiguré par la lumière et que r
872 n ne voyait d’abord qu’un bouquet transfiguré par la lumière et que reflétaient de nombreuses glaces. Les fenêtres que j’o
873 lumière et que reflétaient de nombreuses glaces. Les fenêtres que j’ouvris firent tourner des soleils sur les parois clair
874 êtres que j’ouvris firent tourner des soleils sur les parois claires. Du balcon, on voyait la mer, des bateaux, des nuages,
875 eils sur les parois claires. Du balcon, on voyait la mer, des bateaux, des nuages, une avenue et ses autos rouges, tout un
876 s autos rouges, tout un couchant de grand port de la Méditerranée. Nous nous aimâmes en sifflotant encore par instants l’a
877 us nous aimâmes en sifflotant encore par instants l’ air de la dernière danse, mais nous avions aussi envie de pleurer, à c
878 thousiasme juvénile, c’est-à-dire cynique, toutes les offres du hasard, ce poète immoral et malicieux. » Je ne sais dans qu
879 al et malicieux. » Je ne sais dans quel rapide de l’ Europe centrale — région où l’on est forcé de prendre conscience de so
880 dans quel rapide de l’Europe centrale — région où l’ on est forcé de prendre conscience de soi-même — je découvris une nuit
881 t en moi reniait obscurément. Je sentais bien que le ressort secret de la vertu dans laquelle on m’avait emprisonné c’étai
882 urément. Je sentais bien que le ressort secret de la vertu dans laquelle on m’avait emprisonné c’était un bas opportunisme
883 ocial, résultante des paresses accumulées de tous les cerveaux bourgeois incapables de concevoir un monde sans vieilles fil
884 ns gendarmes. Je sais bien ce que vous me direz : Les millions que je pourrais leur soustraire ne compenseront jamais cette
885 eront jamais cette escroquerie morale dont je fus la victime, ce vol de quelques joies parfaites de ma jeunesse… Mais il e
886 … Mais il est trop tard, Monsieur, pour critiquer les modalités de ma vengeance. Veuillez ne voir dans la confusion où je p
887 modalités de ma vengeance. Veuillez ne voir dans la confusion où je parais être engagé, du plan moral avec l’économique,
888 sion où je parais être engagé, du plan moral avec l’ économique, qu’une expression nouvelle, et non dénuée d’ironie, de mon
889 on mépris pour ce qu’ils appellent, ridiculement, les fondements mêmes de la société. » C’est avec le produit du vol d’un t
890 appellent, ridiculement, les fondements mêmes de la société. » C’est avec le produit du vol d’un tronc de chapelle que j’
891 les fondements mêmes de la société. » C’est avec le produit du vol d’un tronc de chapelle que j’édifiai à mes parents un
892 au sur lequel je fis graver : Prêté — rendu, pour la gloire de l’Église. (Ici, il but une gorgée et prit un temps.) » Je v
893 je fis graver : Prêté — rendu, pour la gloire de l’ Église. (Ici, il but une gorgée et prit un temps.) » Je vous fais grâc
894 n temps.) » Je vous fais grâce, poursuivit-il, de la chronique de ma vie de rat d’hôtel et de sleepings ; encore que… Bref
895 e… Bref, depuis quelques mois, je m’amuse à jouer le pickpocket. Cela permet, avec un minimum d’adresse, de découvrir cert
896 s auparavant, et pas toujours défavorable, croyez- le bien… Le goût de la propriété étant à mon sens l’un des plus vulgaire
897 ant, et pas toujours défavorable, croyez-le bien… Le goût de la propriété étant à mon sens l’un des plus vulgaires et des
898 toujours défavorable, croyez-le bien… Le goût de la propriété étant à mon sens l’un des plus vulgaires et des plus généra
899 ndus, j’ai vite fait de classer mon monde d’après les quelques réactions élémentaires qui ne manquent jamais de succéder au
900 au moindre vol. » J’ajouterai, cher Monsieur, que l’ analyse psychologique n’est pas mon fort. Je me contente de quelques o
901 oriques que je tiens pour vraies, et j’en vérifie les manifestations vivantes avec une prodigalité d’épreuves, contre-épreu
902 tre-épreuves, variantes et enjolivures où je vois le véritable intérêt de ma vie. C’est vous dire que seule une certaine c
903 C’est vous dire que seule une certaine caresse de l’ événement naissant peut encore m’émouvoir. C’est un plaisir de chaque
904 sir de chaque minute auquel succède immédiatement le sommeil. Je rêve beaucoup. Cela explique, m’a-t-on dit, le peu de goû
905 l. Je rêve beaucoup. Cela explique, m’a-t-on dit, le peu de goût que j’ai pour la poésie imprimée. » J’allais oublier de v
906 lique, m’a-t-on dit, le peu de goût que j’ai pour la poésie imprimée. » J’allais oublier de vous dire qu’on me nomme Saint
907 n me nomme Saint-Julien. Vous n’ignorez point que l’ on considère ce saint comme le patron des voyageurs… » Saint-Julien pa
908 n’ignorez point que l’on considère ce saint comme le patron des voyageurs… » Saint-Julien parut satisfait de cette dernièr
909 gorgées d’eau minérale. Isidore sentit alors que la bienséance l’obligeait à émettre une opinion, même la plus générale e
910 minérale. Isidore sentit alors que la bienséance l’ obligeait à émettre une opinion, même la plus générale et la moins com
911 ienséance l’obligeait à émettre une opinion, même la plus générale et la moins compromettante, sur cette vie dont le récit
912 t à émettre une opinion, même la plus générale et la moins compromettante, sur cette vie dont le récit n’avait pas laissé
913 le et la moins compromettante, sur cette vie dont le récit n’avait pas laissé que de l’agacer en maint endroit. « Une chos
914 cette vie dont le récit n’avait pas laissé que de l’ agacer en maint endroit. « Une chose avant tout me frappe — dit-il, lâ
915 iments, ce qui est de mauvaise politique, — c’est l’ extraordinaire netteté de votre vie. Elle est sans bavures, sans rétic
916 herche ce qu’on est convenu d’appeler — pardonnez la lourdeur de l’expression — une règle de vie. Mais, je vous l’avouerai
917 est convenu d’appeler — pardonnez la lourdeur de l’ expression — une règle de vie. Mais, je vous l’avouerai, ce qui me ret
918 de l’expression — une règle de vie. Mais, je vous l’ avouerai, ce qui me retient de tirer de votre conduite les conclusions
919 rai, ce qui me retient de tirer de votre conduite les conclusions morales qu’elle paraît impliquer, c’est ce caractère de,
920 conscience ! qui s’attache à vos faits et gestes. L’ on croirait ouïr parfois le récit de quelqu’une de ces farces d’étudia
921 à vos faits et gestes. L’on croirait ouïr parfois le récit de quelqu’une de ces farces d’étudiants qui ne sont que la trad
922 lqu’une de ces farces d’étudiants qui ne sont que la traduction en actes de jeux de mots plus ou moins cruels… » — Je vous
923 rrompit Saint-Julien, par pitié pour Isidore dont la sincérité tournait vite à l’agressif — effet d’une timidité naturelle
924 ié pour Isidore dont la sincérité tournait vite à l’ agressif — effet d’une timidité naturelle dont il paraissait lui-même
925 né. En deux mots, vous ne me trouvez pas sérieux. Le reproche est grave. Je ne saurais y répondre. Je pourrais vous dire q
926 ez un peu potache, il n’est pas prouvé par là que le potache n’ait point raison. Mais justement je n’éprouve aucun désir d
927 conque est aussi profondément persuadé que moi de l’ absurdité radicale de notre vie, la moindre farce, le moindre geste co
928 adé que moi de l’absurdité radicale de notre vie, la moindre farce, le moindre geste convenu dans le genre « révolté » pre
929 bsurdité radicale de notre vie, la moindre farce, le moindre geste convenu dans le genre « révolté » prend une saveur de r
930 , la moindre farce, le moindre geste convenu dans le genre « révolté » prend une saveur de raillerie assez amère. Et peut-
931 découvrir derrière certaines de mes plaisanteries la dérision secrète qu’elles masquent par caprice. .....................
932  180-185. t. Une note de bas de page indique : «  La rédaction rappelle que les idées émises dans la Revue de Belles-Lettr
933 bas de page indique : « La rédaction rappelle que les idées émises dans la Revue de Belles-Lettres sont propres à leur aute
934 « La rédaction rappelle que les idées émises dans la Revue de Belles-Lettres sont propres à leur auteur et qu’elles n’enga
13 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Conseils à la jeunesse (mai 1927)
935 Conseils à la jeunesse (mai 1927)u « On a reproché bien des choses aux romantiqu
936 « On a reproché bien des choses aux romantiques : le goût du suicide, l’habitude de boire et de fumer excessivement, leurs
937 des choses aux romantiques : le goût du suicide, l’ habitude de boire et de fumer excessivement, leurs amours, l’égoïsme,
938 de boire et de fumer excessivement, leurs amours, l’ égoïsme, le mépris de la réalité, l’exaltation maladive de l’imaginati
939 de fumer excessivement, leurs amours, l’égoïsme, le mépris de la réalité, l’exaltation maladive de l’imagination et de la
940 essivement, leurs amours, l’égoïsme, le mépris de la réalité, l’exaltation maladive de l’imagination et de la sensibilité,
941 leurs amours, l’égoïsme, le mépris de la réalité, l’ exaltation maladive de l’imagination et de la sensibilité, l’atrophie
942 le mépris de la réalité, l’exaltation maladive de l’ imagination et de la sensibilité, l’atrophie du sens critique sous tou
943 ité, l’exaltation maladive de l’imagination et de la sensibilité, l’atrophie du sens critique sous toutes ses formes : rai
944 n maladive de l’imagination et de la sensibilité, l’ atrophie du sens critique sous toutes ses formes : raison, jugement, s
945 es formes : raison, jugement, simple bon sens, et l’ ignorance systématique, le mépris enfin de tous les principes qui sont
946 nt, simple bon sens, et l’ignorance systématique, le mépris enfin de tous les principes qui sont à la base de la société m
947 l’ignorance systématique, le mépris enfin de tous les principes qui sont à la base de la société même. »   Ceci est tiré d’
948 le mépris enfin de tous les principes qui sont à la base de la société même. »   Ceci est tiré d’un livre récent sur Aloy
949 enfin de tous les principes qui sont à la base de la société même. »   Ceci est tiré d’un livre récent sur Aloysius Bertra
950 proches s’adressent, ou bien plutôt — vous alliez le dire — aux surréalistes ?   Si le mal du siècle consistait véritablem
951 t — vous alliez le dire — aux surréalistes ?   Si le mal du siècle consistait véritablement dans ces quelques effets, nous
952 ans un petit article du Journal de Genève sur «  La maladie du siècle », écrit : « Plante des pommes de terre, jeune homm
953 de terre, jeune homme ! Quand tu seras au bout de la 20e ligne de 200 mètres, ce qui représente quatre kilomètres de plant
954 e qui représente quatre kilomètres de plantation, le siècle ne sera plus malade, les temps seront guéris de leur crise, le
955 res de plantation, le siècle ne sera plus malade, les temps seront guéris de leur crise, les valeurs auront retrouvé leur s
956 us malade, les temps seront guéris de leur crise, les valeurs auront retrouvé leur stabilité, et comme M. Albert Muret dont
957 uvé leur stabilité, et comme M. Albert Muret dont le Journal de Genève parlait naguère, tu mangeras avec appétit une pou
958 ent chez des jeunes « et qui pensent » ce goût de l’ évasion caractéristique de tous les « vices romantiques ». — Citez-m’e
959 nt » ce goût de l’évasion caractéristique de tous les « vices romantiques ». — Citez-m’en de ces phénomènes ! — Mon Dieu, q
960 Il y aurait, par exemple, ce fait du triomphe de la Machine ; ce fait de la révolution russe… cet autre fait de la guerre
961 e, ce fait du triomphe de la Machine ; ce fait de la révolution russe… cet autre fait de la guerre… et puis, tenez ! ce fa
962 ce fait de la révolution russe… cet autre fait de la guerre… et puis, tenez ! ce fait surtout de la sacro-sainte Raison ut
963 de la guerre… et puis, tenez ! ce fait surtout de la sacro-sainte Raison utilitaire au service des sacro-saints Principes
964 desquels tout se ligue aujourd’hui pour anéantir la seule chose qui reste à nos yeux sacro-sainte : la liberté. Alors n’e
965 a seule chose qui reste à nos yeux sacro-sainte : la liberté. Alors n’est-ce pas, merci du conseil, Monsieur Y. Z., de ce
966 ches pour enseigner cette méthode à leurs petits. Le « satisfait » est un être inadmissible aujourd’hui. À plus forte rais
967 re inadmissible aujourd’hui. À plus forte raison, le satisfait artificiel. u. Rougemont Denis de, « Conseils à la jeune
968 rtificiel. u. Rougemont Denis de, « Conseils à la jeunesse », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribou
14 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). La part du feu. Lettres sur le mépris de la littérature (juillet 1927)
969 La part du feu. Lettres sur le mépris de la littérature (juillet 1927)v
970 La part du feu. Lettres sur le mépris de la littérature (juillet 1927)v I Parler littérature
971 La part du feu. Lettres sur le mépris de la littérature (juillet 1927)v I Parler littérature Si je pronon
972 927)v I Parler littérature Si je prononce le nom de tel de vos confrères, si je dis : « Avez-vous lu… », vous voil
973 « Avez-vous lu… », vous voilà rouge ; et sur moi les foudres de votre paradis poétique. Si je cite tel auteur dont nous fî
974 mes notre nourriture une saison de naguère, voilà le rictus de votre bouche, une injure de pythie. Vous dites de ce conte 
975 n goût qu’on aurait pour Nietzsche : que c’est de la littérature. Alors, quelque paysan du Danube survenant : — Je vous cr
976 écrivain ? — Hélas ! soupirez-vous. Mais j’ai tué la littérature en moi, n’en parlez plus, j’en sors, je l’abandonne… Mais
977 ttérature en moi, n’en parlez plus, j’en sors, je l’ abandonne… Mais notre paysan, rusé : — Vous l’abandonnez ? Pour quoi ?
978 je l’abandonne… Mais notre paysan, rusé : — Vous l’ abandonnez ? Pour quoi ? — Pour la vie ! Or je pense, à part moi : j’a
979 , rusé : — Vous l’abandonnez ? Pour quoi ? — Pour la vie ! Or je pense, à part moi : j’ai lu ça quelque part. Voyez ma fra
980 ennent soin que leurs sincérités gardent au moins l’ excuse d’une audace qu’ils escomptent scandaleuse. Mais voici un bar o
981 in de mépris pour Paul Morand par qui découvrîtes le charme de ces lieux. Vous composez un cocktail en guise de métaphore,
982 jour au Grand Écart… », dit quelqu’un. À ce coup, l’ évocation de Cocteau fait fleurir sur vos lèvres le mot de Cambronne :
983 ’évocation de Cocteau fait fleurir sur vos lèvres le mot de Cambronne : hommage à Louis Aragon. Ce cristal est une citatio
984 Et des phrases, des cris, des mots. Au défaut de l’ ivresse naissante se glisse un poème où vous aimiez à la folie votre d
985 sse naissante se glisse un poème où vous aimiez à la folie votre douleur. Narcisse se contemple au miroir de son monocle.
986 il se noie dans un verre à liqueur. Poisson dans l’ eau, plumes dans le vent, poète au bar, le paradis n’est pas si cher.
987 verre à liqueur. Poisson dans l’eau, plumes dans le vent, poète au bar, le paradis n’est pas si cher. Il y en a aussi qui
988 on dans l’eau, plumes dans le vent, poète au bar, le paradis n’est pas si cher. Il y en a aussi qui posent pour le diable
989 ’est pas si cher. Il y en a aussi qui posent pour le diable et ne se baignent que dans des bénitiers : on voit trop qu’ils
990 : on voit trop qu’ils trouvent ça pittoresque. Et le plaisir d’être nu devant un public supposé dévot, et qui n’ose en cro
991 n’ose en croire sa pudeur, et qui doute enfin de l’ impossibilité des miracles ! Quelles voluptés plus subtiles et plus ai
992 e bois pour en faire des poèmes. Alors je cherche les raisons de votre indignation, quand il m’échappe une citation. Seraie
993 ion, quand il m’échappe une citation. Seraient-ce les guillemets qui vous choquent ?   La vie ! — proclamiez-vous… Soit. Ma
994 Seraient-ce les guillemets qui vous choquent ?   La vie ! — proclamiez-vous… Soit. Mais maintenant je vais me fâcher chaq
995 « hallucinant » ou « purement gratuit ». C’est de la littérature. À force d’avoir mérité ces épithètes, pour nous laudati
996 nous laudatives, vous vous étonnez aujourd’hui de la simplicité. Littérateur, va ! qui ne pouvez pas même admettre que la
997 érateur, va ! qui ne pouvez pas même admettre que la simplicité est simple simplement. La bouche brûlée d’alcools, vous dé
998 admettre que la simplicité est simple simplement. La bouche brûlée d’alcools, vous découvrez à l’eau un goût étrange. L’ea
999 ent. La bouche brûlée d’alcools, vous découvrez à l’ eau un goût étrange. L’eau est incolore, inodore et sans saveur. Mais
1000 ’alcools, vous découvrez à l’eau un goût étrange. L’ eau est incolore, inodore et sans saveur. Mais fraîche. Ainsi, jusque
1001 ais fraîche. Ainsi, jusque dans votre mépris pour le pittoresque, vous témoignez d’un goût du bizarre qui révèle le littér
1002 e, vous témoignez d’un goût du bizarre qui révèle le littérateur. Nous ne pouvons pas faire que nous n’ayons rien lu. Vous
1003 lu. Vous refusez de compter avec cette réalité de la littérature qui est en nous (dangereuse tant que vous voudrez). Mais
1004 une ingratitude salutaire, c’est refus de limiter le mal. Je vous vois envahi par des démons que vous prétendez m’interdir
1005 ensées des autres, je vous ai mis un collier avec le nom du propriétaire ; tirez un peu sur la laisse, que j’éprouve la fe
1006 er avec le nom du propriétaire ; tirez un peu sur la laisse, que j’éprouve la fermeté de ma main. Je vous tiens. Je sais o
1007 taire ; tirez un peu sur la laisse, que j’éprouve la fermeté de ma main. Je vous tiens. Je sais où vous êtes. Vous n’allez
1008 n vante, — j’ai tué un amour naissant, à force de le crier sur les toits. Ainsi, parler littérature, c’est faire la part d
1009 ai tué un amour naissant, à force de le crier sur les toits. Ainsi, parler littérature, c’est faire la part du feu. Je dis
1010 les toits. Ainsi, parler littérature, c’est faire la part du feu. Je dis ces noms, ces opinions, ces titres de livres : to
1011 choque, s’annule. Poussière. Ma vie est ailleurs. L’ addition, s’il vous plaît. Il est temps de sortir de ce café et de ces
1012 afé et de ces jeux, simulacres de vie, qui sont à la vraie vie ce que le flirt est à l’amour. II Sur l’insuffisance de
1013 simulacres de vie, qui sont à la vraie vie ce que le flirt est à l’amour. II Sur l’insuffisance de la littérature On
1014 ie, qui sont à la vraie vie ce que le flirt est à l’ amour. II Sur l’insuffisance de la littérature On reconnaît un é
1015 raie vie ce que le flirt est à l’amour. II Sur l’ insuffisance de la littérature On reconnaît un écrivain, aujourd’hu
1016 flirt est à l’amour. II Sur l’insuffisance de la littérature On reconnaît un écrivain, aujourd’hui, à ce qu’il ne t
1017 e sournoises déclarations d’amour. Tel qui raille l’ Église et les curés, c’est qu’il se fait une très haute idée de la rel
1018 déclarations d’amour. Tel qui raille l’Église et les curés, c’est qu’il se fait une très haute idée de la religion. Ainsi,
1019 curés, c’est qu’il se fait une très haute idée de la religion. Ainsi, de la littérature : votre mépris pour ses réalisatio
1020 ait une très haute idée de la religion. Ainsi, de la littérature : votre mépris pour ses réalisations actuelles donne la m
1021 otre mépris pour ses réalisations actuelles donne la mesure de ce que vous attendez d’elle. Pour dire le fond de ma pensée
1022 mesure de ce que vous attendez d’elle. Pour dire le fond de ma pensée, je crois ce mépris et cette attente également exag
1023 ous savez bien que nous cherchons autre chose que la littérature. Que la littérature nous est un moyen seulement d’atteind
1024 ous cherchons autre chose que la littérature. Que la littérature nous est un moyen seulement d’atteindre et de préparer d’
1025 . Des choses dures, amères comme un destin, comme le goût d’une pierre rêche sur ta langue et grinçante sous ta dent. Des
1026 intenses que tout se fond catastrophiquement dans l’ infini de la seconde. Des peurs sans cause, plus vides que la mort. To
1027 la seconde. Des peurs sans cause, plus vides que la mort. Toutes ces choses mystiques, c’est-à-dire réelles, c’est-à-dire
1028 nous importe véritablement n’est dicible. (Depuis le temps qu’on sait que la lettre tue ce qu’elle prétend exprimer ; depu
1029 nt n’est dicible. (Depuis le temps qu’on sait que la lettre tue ce qu’elle prétend exprimer ; depuis le temps qu’on l’oubl
1030 a lettre tue ce qu’elle prétend exprimer ; depuis le temps qu’on l’oublie.) Vous me direz que la poésie, l’état poétique,
1031 qu’elle prétend exprimer ; depuis le temps qu’on l’ oublie.) Vous me direz que la poésie, l’état poétique, est notre seul
1032 epuis le temps qu’on l’oublie.) Vous me direz que la poésie, l’état poétique, est notre seul moyen de connaissance concrèt
1033 mps qu’on l’oublie.) Vous me direz que la poésie, l’ état poétique, est notre seul moyen de connaissance concrète du monde.
1034 oncrète du monde. Mais c’est à condition qu’on ne l’ écrive pas, même en pensée. La poésie pure écrite est inconcevable : c
1035 condition qu’on ne l’écrive pas, même en pensée. La poésie pure écrite est inconcevable : cela consisterait dans l’expres
1036 écrite est inconcevable : cela consisterait dans l’ expression directe de la réalité individuelle. Elle serait tellement i
1037  : cela consisterait dans l’expression directe de la réalité individuelle. Elle serait tellement incommunicable qu’il devi
1038 ement incommunicable qu’il deviendrait inutile de la publier. Et même, en passant à la limite, on peut imaginer que si ell
1039 rait inutile de la publier. Et même, en passant à la limite, on peut imaginer que si elle était réalisée, on ne s’en aperc
1040 ercevrait pas. Je pressens encore dans vos poèmes les plus obscurs des allusions furtives à certains états de la réalité. M
1041 bscurs des allusions furtives à certains états de la réalité. Mais plus les mots se plient à des exigences sémantiques — d
1042 urtives à certains états de la réalité. Mais plus les mots se plient à des exigences sémantiques — dont on connaît la porté
1043 ent à des exigences sémantiques — dont on connaît la portée sociale, — mariant l’utile à l’agréable selon les rites d’une
1044 es — dont on connaît la portée sociale, — mariant l’ utile à l’agréable selon les rites d’une esthétique ou d’une autre, pl
1045 on connaît la portée sociale, — mariant l’utile à l’ agréable selon les rites d’une esthétique ou d’une autre, plus ils per
1046 tée sociale, — mariant l’utile à l’agréable selon les rites d’une esthétique ou d’une autre, plus ils perdent leur pouvoir
1047 autre, plus ils perdent leur pouvoir de signifier les choses qui nous importent. Vous le savez. Alors vous les lâchez en li
1048 de signifier les choses qui nous importent. Vous le savez. Alors vous les lâchez en liberté, par haine de cette esthétiqu
1049 ses qui nous importent. Vous le savez. Alors vous les lâchez en liberté, par haine de cette esthétique ou de ce sens social
1050 de ce sens social, — et voilà qu’ils perdent même la problématique utilité de liaison qui était leur excuse dernière. Avou
1051 e liaison qui était leur excuse dernière. Avouons- le  : rien de ce qu’on peut exprimer n’a d’importance véritable. Alors, c
1052 cessons de nous battre contre des moulins à vent. La littérature, considérée du point de vue de la psychologie de l’écriva
1053 nt. La littérature, considérée du point de vue de la psychologie de l’écrivain, est un besoin organique, un peu anormal, q
1054 , considérée du point de vue de la psychologie de l’ écrivain, est un besoin organique, un peu anormal, que l’on satisfait
1055 ain, est un besoin organique, un peu anormal, que l’ on satisfait dans certains états de crise afin de retrouver son équili
1056 rarement, de quoi se payer un petit voyage. C’est l’ aveu d’une faiblesse secrète. Et c’est une réaction de défense. On che
1057 he un mot, une phrase, pour tuer une réalité dont la connaissance devient douloureuse et troublante. Ainsi la conscience t
1058 aissance devient douloureuse et troublante. Ainsi la conscience tue la connaissance. (« Connaissance » étant pris avec son
1059 ouloureuse et troublante. Ainsi la conscience tue la connaissance. (« Connaissance » étant pris avec son sens le plus prof
1060 sance. (« Connaissance » étant pris avec son sens le plus profond, qui est proche du sens biblique. Il ne s’agit pas de la
1061 est proche du sens biblique. Il ne s’agit pas de la connaissance abstraite et rationnelle dont le monde moderne se conten
1062 de la connaissance abstraite et rationnelle dont le monde moderne se contente, et qui tend à remplacer, grâce à la mental
1063 rne se contente, et qui tend à remplacer, grâce à la mentalité scolaire et primaire en particulier, toute connaissance vér
1064 ice ? Peut-être. Ou une maladie ? Ce n’est pas en l’ ignorant par attitude que vous la guérirez. Au contraire, il s’agit de
1065 Ce n’est pas en l’ignorant par attitude que vous la guérirez. Au contraire, il s’agit de l’envisager sans fièvre, pour en
1066 que vous la guérirez. Au contraire, il s’agit de l’ envisager sans fièvre, pour en circonscrire les effets. J’avoue prendr
1067 de l’envisager sans fièvre, pour en circonscrire les effets. J’avoue prendre à cette étude un intérêt bien vif. Et cela fo
1068 en n’est plus facile que d’y échapper. III Sur l’ utilité de la littérature Montherlant me paraît être le moins « lit
1069 facile que d’y échapper. III Sur l’utilité de la littérature Montherlant me paraît être le moins « littératuré » de
1070 é de la littérature Montherlant me paraît être le moins « littératuré » des écrivains d’aujourd’hui. Quand il parle lit
1071 rd’hui. Quand il parle littérature, il a toujours l’ air de mettre un peu les pieds dans le plat, de dire de ces choses qu’
1072 littérature, il a toujours l’air de mettre un peu les pieds dans le plat, de dire de ces choses qu’entre gens du métier l’o
1073 a toujours l’air de mettre un peu les pieds dans le plat, de dire de ces choses qu’entre gens du métier l’on a convenu de
1074 at, de dire de ces choses qu’entre gens du métier l’ on a convenu de passer sous silence. C’est assez drôle de voir le mala
1075 de passer sous silence. C’est assez drôle de voir le malaise des chers confrères. Ils ne pardonnent pas à ce toréador ses
1076 une Muse qu’ils n’ont pas coutume d’aborder sans le mot de passe de la dernière mode ou de savantes séductions. On sait b
1077 tes séductions. On sait bien, d’ailleurs, qu’elle les entretient. Bande de gigolos de la littérature ! Qu’on puisse vivre d
1078 eurs, qu’elle les entretient. Bande de gigolos de la littérature ! Qu’on puisse vivre de ça, je ne l’ai pas encore avalé.
1079 la littérature ! Qu’on puisse vivre de ça, je ne l’ ai pas encore avalé. On m’affirme que je n’y échapperai pas plus qu’un
1080 is, pour sûr, jamais vivre pour écrire16. De tous les prétextes que l’on a pu avancer pour légitimer l’activité littéraire,
1081 is vivre pour écrire16. De tous les prétextes que l’ on a pu avancer pour légitimer l’activité littéraire, le plus satisfai
1082 es prétextes que l’on a pu avancer pour légitimer l’ activité littéraire, le plus satisfaisant, celui qui rend le mieux com
1083 pu avancer pour légitimer l’activité littéraire, le plus satisfaisant, celui qui rend le mieux compte de la réalité, c’es
1084 littéraire, le plus satisfaisant, celui qui rend le mieux compte de la réalité, c’est André Breton qui l’a exprimé : « On
1085 s satisfaisant, celui qui rend le mieux compte de la réalité, c’est André Breton qui l’a exprimé : « On publie pour cherch
1086 ieux compte de la réalité, c’est André Breton qui l’ a exprimé : « On publie pour chercher des hommes, et rien de plus. » C
1087 pas tant, n’est-ce pas, à poursuivre une quête de l’ esprit. Et vous savez ce qu’elle nous vaut : les mépris, les haines do
1088 de l’esprit. Et vous savez ce qu’elle nous vaut : les mépris, les haines douloureuses ou grossières de tous ceux qui ne peu
1089 Et vous savez ce qu’elle nous vaut : les mépris, les haines douloureuses ou grossières de tous ceux qui ne peuvent ou ne v
1090 ous voyez bien que votre attitude méprisante pour la littérature vous ferait bientôt renier le signe le plus certain par l
1091 te pour la littérature vous ferait bientôt renier le signe le plus certain par lequel ces « quelques-uns » peuvent encore
1092 a littérature vous ferait bientôt renier le signe le plus certain par lequel ces « quelques-uns » peuvent encore se reconn
1093 e elle n’aurait plus d’autre excuse que celle-là, la littérature mériterait d’exister : qu’elle soit le langage chiffré de
1094 a littérature mériterait d’exister : qu’elle soit le langage chiffré de notre inquiétude et de nos naissantes certitudes,
1095 notre inquiétude et de nos naissantes certitudes, le seul langage peut-être qui nous permette d’échanger les signaux de l’
1096 ul langage peut-être qui nous permette d’échanger les signaux de l’angoisse sur quoi se fondent, en ces temps, nos amitiés
1097 -être qui nous permette d’échanger les signaux de l’ angoisse sur quoi se fondent, en ces temps, nos amitiés miraculeuses.
1098 ces temps, nos amitiés miraculeuses.   Voici donc les seules révélations que j’attende de la littérature : que celle des au
1099 oici donc les seules révélations que j’attende de la littérature : que celle des autres m’aide à prendre conscience de moi
1100 e la mienne m’aide à découvrir quelques êtres par le monde… Il ne s’agit plus de mépris ni d’adoration. J’ai défini une « 
1101 ont je parviens à tirer quelque bien pour ma vie. Le jour où les soins qu’elle exige me coûteront des sacrifices plus gran
1102 iens à tirer quelque bien pour ma vie. Le jour où les soins qu’elle exige me coûteront des sacrifices plus grands que les b
1103 exige me coûteront des sacrifices plus grands que les bienfaits que j’en escompte, il sera temps de songer sérieusement à m
1104 . 14. Paul Morand, auteur d’Ouvert et de Fermé la nuit, titres également scandaleux. Le Grand Écart, roman de M. Coctea
1105 et de Fermé la nuit, titres également scandaleux. Le Grand Écart, roman de M. Cocteau, a donné son nom à un établissement
1106 e lettres et poètes surréalistes. Paul Valéry, de l’ Académie française. Narcisse, personnage mythologique. — Là ! [NdE] Le
1107 . Narcisse, personnage mythologique. — Là ! [NdE] Le texte publié place également un appel de note plus bas dans le paragr
1108 ié place également un appel de note plus bas dans le paragraphe, après « Narcisse », sans qu’on sache s’il s’agit d’une er
1109 ache s’il s’agit d’une erreur ou d’une volonté de l’ auteur. 15. Variante : des puissances d’action. 16. J’en vois certai
1110 et ils en sont tout fiers : « Il n’y a plus qu’à les écrire ». v. Rougemont Denis de, « La part du feu. Lettres sur le m
1111 lus qu’à les écrire ». v. Rougemont Denis de, «  La part du feu. Lettres sur le mépris de la littérature », Revue de Bell
1112 Rougemont Denis de, « La part du feu. Lettres sur le mépris de la littérature », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchât
1113 is de, « La part du feu. Lettres sur le mépris de la littérature », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fri
15 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Les derniers jours (juillet 1927)
1114 Les derniers jours (juillet 1927)w Ces « cahiers politiques et littéra
1115 r Drieu la Rochelle et Emmanuel Berl, sont — avec la Revue de Belles-Lettres — la seule revue de langue française où l’o
1116 Berl, sont — avec la Revue de Belles-Lettres — la seule revue de langue française où l’on dise la vérité librement et p
1117 -Lettres — la seule revue de langue française où l’ on dise la vérité librement et pour elle-même. Nous regrettons de n’en
1118 — la seule revue de langue française où l’on dise la vérité librement et pour elle-même. Nous regrettons de n’en pouvoir c
1119 s phrases de Drieu : « On voit déjà éclater dans les singuliers mouvements de sympathie qu’a provoqués l’infortune de l’Ac
1120 singuliers mouvements de sympathie qu’a provoqués l’ infortune de l’Action française la fraternité qui existe, en dépit des
1121 ements de sympathie qu’a provoqués l’infortune de l’ Action française la fraternité qui existe, en dépit des protestations
1122 qu’a provoqués l’infortune de l’Action française la fraternité qui existe, en dépit des protestations de haine, entre les
1123 xiste, en dépit des protestations de haine, entre les athées de l’antidémocratisme et les athées du Capitalisme quand il es
1124 t des protestations de haine, entre les athées de l’ antidémocratisme et les athées du Capitalisme quand il est conscient d
1125 haine, entre les athées de l’antidémocratisme et les athées du Capitalisme quand il est conscient de soi-même, et les athé
1126 apitalisme quand il est conscient de soi-même, et les athées du Socialisme et du Communisme. Tous ceux-là travaillent à l’a
1127 isme et du Communisme. Tous ceux-là travaillent à l’ achèvement d’un certain monde moderne, merveilleuse mécanique sévère e
1128 use mécanique sévère et dénuée de tout secours de l’ Esprit. Mais un jour viendra où les hommes se révolteront contre le jo
1129 tout secours de l’Esprit. Mais un jour viendra où les hommes se révolteront contre le joug atrocement positiviste des Maurr
1130 jour viendra où les hommes se révolteront contre le joug atrocement positiviste des Maurras et des Mussolini, des Lénine
1131 s et des Mussolini, des Lénine et des Ford. Alors les hommes hurleront un affreux besoin mystique. Vous réveillerez-vous po
1132 freux besoin mystique. Vous réveillerez-vous pour les désaltérer, dieux de l’Orient et de l’Occident ? » Certains cris qui
1133 us réveillerez-vous pour les désaltérer, dieux de l’ Orient et de l’Occident ? » Certains cris qui nous échappèrent n’avai
1134 vous pour les désaltérer, dieux de l’Orient et de l’ Occident ? » Certains cris qui nous échappèrent n’avaient pas d’autre
1135 e Chalgrin, Paris 16e. w. Rougemont Denis de, «  Les derniers jours », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-
16 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Adieu au lecteur (juillet 1927)
1136 Adieu au lecteur (juillet 1927)x Nous passons la main au central de Genève, fidèles à la tradition — en ceci au moins.
1137 s passons la main au central de Genève, fidèles à la tradition — en ceci au moins. Nous nous retirons : et ce n’est pas qu
1138 ue nous ayons brûlé toutes nos cartouches. Ni que l’ indignation provoquée sur tous les bancs par certains de nos articles
1139 rtouches. Ni que l’indignation provoquée sur tous les bancs par certains de nos articles nous épouvante. Notre retraite est
1140 nte. Notre retraite est toute « statutaire » — si l’ on ose dire. Elle nous permet donc de considérer la situation sans fiè
1141 ’on ose dire. Elle nous permet donc de considérer la situation sans fièvre, sans lamentations d’adieu.   On nous a parfois
1142 tés de fous (avec ou sans sourire). Nous sommes à l’ âge de nous en réjouir. On s’est beaucoup étonné de nous voir « si dif
1143 s voir « si différents » de nos aînés. Nous avons l’ énorme candeur de trouver ça naturel. On nous a fait des reproches con
1144 n nous a fait des reproches contradictoires. Nous les additionnons : ils s’annulent. Il reste à dire deux mots sur la parad
1145 s : ils s’annulent. Il reste à dire deux mots sur la paradoxale situation intellectuelle d’une revue d’étudiants comme la
1146 tion intellectuelle d’une revue d’étudiants comme la nôtre. D’un côté, en effet, on s’accorde pour trouver légèrement ridi
1147 ridicule un jeune homme qui recherche activement la Sagesse (« Ça n’est pas de votre âge ! ») ; de l’autre, on se scandal
1148 rces — ou bien de ces affirmations dont en vérité l’ on n’a pas à se préoccuper de prévoir les conséquences, puisqu’il n’en
1149 en vérité l’on n’a pas à se préoccuper de prévoir les conséquences, puisqu’il n’en est aucune qui ne soit connue d’avance e
1150 une qui ne soit connue d’avance et stérilisée par la loi, les mœurs et l’habitude. Nous n’avons aucun remords d’avoir déçu
1151 ne soit connue d’avance et stérilisée par la loi, les mœurs et l’habitude. Nous n’avons aucun remords d’avoir déçu cette ca
1152 e d’avance et stérilisée par la loi, les mœurs et l’ habitude. Nous n’avons aucun remords d’avoir déçu cette catégorie de l
1153 t pas encore admis que jeunesse = révolution Tous les malentendus viennent de là. Nous sommes assez sages et assez fous pou
1154 sez fous pour ne pas en gémir et pour en accepter les conséquences. Et puis, de temps à autre, voici que nous parvient un s
1155 quelques découvertes qui nous consolèrent de tout le reste.   Et maintenant voici Genève et son mystère. Car chaque année,
1156 année, renaissant des décombres où s’anéantirent l’ honneur et la fortune de ses derniers rédacteurs, notre Revue-phénix s
1157 ssant des décombres où s’anéantirent l’honneur et la fortune de ses derniers rédacteurs, notre Revue-phénix s’élance avec
1158 ction absolument imprévisible. Que nous apportera le Central de Genève ? Tout est possible : la guerre et la paix, la trad
1159 ortera le Central de Genève ? Tout est possible : la guerre et la paix, la tradition, l’anarchie, l’ironie, le sentiment,
1160 tral de Genève ? Tout est possible : la guerre et la paix, la tradition, l’anarchie, l’ironie, le sentiment, un réveil des
1161 enève ? Tout est possible : la guerre et la paix, la tradition, l’anarchie, l’ironie, le sentiment, un réveil des vieux, M
1162 st possible : la guerre et la paix, la tradition, l’ anarchie, l’ironie, le sentiment, un réveil des vieux, Maurras, Lounat
1163 : la guerre et la paix, la tradition, l’anarchie, l’ ironie, le sentiment, un réveil des vieux, Maurras, Lounatcharsky, la
1164 e et la paix, la tradition, l’anarchie, l’ironie, le sentiment, un réveil des vieux, Maurras, Lounatcharsky, la SDN, et mê
1165 ent, un réveil des vieux, Maurras, Lounatcharsky, la SDN, et même Edmond Gillard, et même, et surtout, un miracle. Et puis
1166 eureux Jean… Et puis, en voilà assez pour ranimer la curiosité des plus blasés. Lecteur, fais confiance au Central de Genè
1167 s confiance au Central de Genève. Souviens-toi de la grandeur de ses traditions et ne va pas ajouter à cette lourde charge
1168 itions et ne va pas ajouter à cette lourde charge le poids de nos péchés. Ils sont bien nôtres. Et nous y tenons, ah ! com
17 1929, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). « Belles-Lettres, c’est la clé des champs… » (janvier 1929)
1169 « Belles-Lettres, c’est la clé des champs… » (janvier 1929)y 1. Belles-Lettres, c’est la clef
1170 ps… » (janvier 1929)y 1. Belles-Lettres, c’est la clef des champs. 2. L’essence de Belles-Lettres, c’est de l’alcool à
1171 1. Belles-Lettres, c’est la clef des champs. 2. L’ essence de Belles-Lettres, c’est de l’alcool à brûler les cervelles et
1172 champs. 2. L’essence de Belles-Lettres, c’est de l’ alcool à brûler les cervelles et les réputations. 3. Belles-Lettres n
1173 nce de Belles-Lettres, c’est de l’alcool à brûler les cervelles et les réputations. 3. Belles-Lettres n’est compréhensible
1174 tres, c’est de l’alcool à brûler les cervelles et les réputations. 3. Belles-Lettres n’est compréhensible et légitime que
1175 Lettres n’est compréhensible et légitime que dans la mesure où la poésie est compréhensible et légitime. 4. Je suis de san
1176 compréhensible et légitime que dans la mesure où la poésie est compréhensible et légitime. 4. Je suis de sang-froid, je d
1177 esse ; autrement que par des cris. 5. Avec toutes les erreurs et turpitudes que cela comporte, Belles-Lettres est une liber
1178 trer en religion : rond de cuir ou poète (au sens le plus large de ces mots.) (Mais je tiens à le leur dire ici : les anci
1179 sens le plus large de ces mots.) (Mais je tiens à le leur dire ici : les anciens bellettriens qui ont perdu toute foi ne c
1180 de ces mots.) (Mais je tiens à le leur dire ici : les anciens bellettriens qui ont perdu toute foi ne connaîtront pas de pa
1181 sont foncièrement mauvais.) 6. Peu de choses dans le monde moderne ont encore une « essence ». Celle de Belles-Lettres est
1182 . Celle de Belles-Lettres est en agréable odeur à l’ Éternel et à Satan pareillement. Et ceux qu’elle enivre entrent en éta
1183 y. Rougemont Denis de, « Belles-Lettres, c’est la clef des champs… », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genèv
18 1929, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Prison. Ailleurs. Étoile de jour (mars 1929)
1184 de jour (mars 1929)z Prison Prisonnier de la nuit mais plus libre qu’un ange prisonnier dans ta tête mais libre co
1185 me avant cette naissance aux lents vertiges Quand la nuit s’effeuille et se fane prisonnier d’une saison morte au tombeau
1186 d’une saison morte au tombeau des fleurs obscures les mains de l’absence se ferment sur le vide   Tu pleurerais Mais la gr
1187 morte au tombeau des fleurs obscures les mains de l’ absence se ferment sur le vide   Tu pleurerais Mais la grâce est faci
1188 rs obscures les mains de l’absence se ferment sur le vide   Tu pleurerais Mais la grâce est facile comme un matin d’été l
1189 ence se ferment sur le vide   Tu pleurerais Mais la grâce est facile comme un matin d’été la grâce tendrement dénouée de
1190 ais Mais la grâce est facile comme un matin d’été la grâce tendrement dénouée de ta vie comme de cette nuit le jour d’un g
1191 tendrement dénouée de ta vie comme de cette nuit le jour d’un grand été   qui consent… Ailleurs Colombes lumineuse
1192 yageuses ah ! que d’aucun retour vous ne laissiez le gage aux plaintes de mon cœur il est d’autres rivages où mieux qu’ici
1193 mon cœur il est d’autres rivages où mieux qu’ici l’ on meurt. Étoile de jour Il naissait à son destin des rayons g
1194 t à son destin des rayons glissent et rient c’est la caresse des anges parmi les formes de l’ombre C’était l’aube et le
1195 lissent et rient c’est la caresse des anges parmi les formes de l’ombre C’était l’aube et le sourire adorable de savoir l
1196 nt c’est la caresse des anges parmi les formes de l’ ombre C’était l’aube et le sourire adorable de savoir la dansante li
1197 e des anges parmi les formes de l’ombre C’était l’ aube et le sourire adorable de savoir la dansante liberté d’un désir à
1198 s parmi les formes de l’ombre C’était l’aube et le sourire adorable de savoir la dansante liberté d’un désir à sa naissa
1199 C’était l’aube et le sourire adorable de savoir la dansante liberté d’un désir à sa naissance L’étoile qui l’accueille
1200 r la dansante liberté d’un désir à sa naissance L’ étoile qui l’accueille au sommet ravi d’un silence c’est le miroir d’u
1201 liberté d’un désir à sa naissance L’étoile qui l’ accueille au sommet ravi d’un silence c’est le miroir d’une absence ma
1202 qui l’accueille au sommet ravi d’un silence c’est le miroir d’une absence mais le signe de sa grâce Dans l’or vert évano
1203 i d’un silence c’est le miroir d’une absence mais le signe de sa grâce Dans l’or vert évanouie au cœur éclatant du jour
1204 ir d’une absence mais le signe de sa grâce Dans l’ or vert évanouie au cœur éclatant du jour scintillera l’invisible gage
1205 ert évanouie au cœur éclatant du jour scintillera l’ invisible gage d’un amour perdu. z. Rougemont Denis de, « Prison
19 1929, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Souvenirs d’enfance et de jeunesse, par Philippe Godet (avril 1929)
1206 aa Quand avec un air fin mais un ton convaincu l’ on a répété dans une ballade fameuse « Que voulez-vous, je suis bourge
1207 fameuse « Que voulez-vous, je suis bourgeois ! », l’ on peut se permettre quelques malices, quelques jeux d’esprit ou de mé
1208 elques jeux d’esprit ou de méchanceté, assuré que l’ on est désormais d’être absous avec le sourire par la clientèle des li
1209 assuré que l’on est désormais d’être absous avec le sourire par la clientèle des librairies romandes, en mal de cadeaux d
1210 n est désormais d’être absous avec le sourire par la clientèle des librairies romandes, en mal de cadeaux de Noël ou de pr
1211 e cadeaux de Noël ou de première communion. Parmi les compatriotes d’Amiel, Godet restera l’un des rares qui ont réussi à s
1212 peu complexe et comme réduite à deux dimensions ; la conscience ne pouvait y tuer un lyrisme quasi inexistant, mais bien y
1213 xciter un esprit critique fort alerte. Jugez-en à la façon dont il parle de « ses quelques succès, si disproportionnés ave
1214 rtionnés avec son mérite ». Il ajoute : « j’ai eu la chance de discerner très jeune, avec une clairvoyance singulière, mes
1215 yance singulière, mes propres limites, et j’ai eu la sagesse de ne rien tenter au-delà ». C’est le comble de l’économie bo
1216 eu la sagesse de ne rien tenter au-delà ». C’est le comble de l’économie bourgeoise que cette administration exacte d’un
1217 e de ne rien tenter au-delà ». C’est le comble de l’ économie bourgeoise que cette administration exacte d’un petit capital
1218 e cette administration exacte d’un petit capital. Le contraire de la poésie, bien sûr. Mais on n’en demande pas tant dans
1219 ration exacte d’un petit capital. Le contraire de la poésie, bien sûr. Mais on n’en demande pas tant dans les familles. Et
1220 sie, bien sûr. Mais on n’en demande pas tant dans les familles. Et qu’importe si la perspective manque souvent à ces récits
1221 ande pas tant dans les familles. Et qu’importe si la perspective manque souvent à ces récits : ce n’est point un paysage d
1222 ’est point un paysage d’âme qu’on y cherche, mais l’ anecdote bien tournée, des noms connus. Tout est sur le même plan ; le
1223 cdote bien tournée, des noms connus. Tout est sur le même plan ; le dessin d’ailleurs est élégant. Mais comme tout cela ma
1224 née, des noms connus. Tout est sur le même plan ; le dessin d’ailleurs est élégant. Mais comme tout cela manque de chair.
20 1929, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). L’ordre social. Le Libéralisme. L’inspiration (novembre 1929)
1225 L’ ordre social. Le Libéralisme. L’inspiration (novembre 1929)ab L’o
1226 L’ordre social. Le Libéralisme. L’inspiration (novembre 1929)ab L’ordre social I
1227 L’ordre social. Le Libéralisme. L’ inspiration (novembre 1929)ab L’ordre social Il y avait une fo
1228 Libéralisme. L’inspiration (novembre 1929)ab L’ ordre social Il y avait une fois un jeune homme comme les autres. S
1229 ocial Il y avait une fois un jeune homme comme les autres. Soudain il lui pousse des ailes, une grande paire d’ailes. Al
1230 ait-on s’émerveiller ? Mais déjà Freud expliquait le monstre, les chaires le dénonçaient, et les précieuses trouvaient cel
1231 rveiller ? Mais déjà Freud expliquait le monstre, les chaires le dénonçaient, et les précieuses trouvaient cela d’un romant
1232 ais déjà Freud expliquait le monstre, les chaires le dénonçaient, et les précieuses trouvaient cela d’un romantisme ! ma c
1233 iquait le monstre, les chaires le dénonçaient, et les précieuses trouvaient cela d’un romantisme ! ma chère, d’un mauvais g
1234 antisme ! ma chère, d’un mauvais goût ! Cependant le jeune homme agitait ses ailes non sans une ingénue fierté. Mais au co
1235 e ingénue fierté. Mais au courant d’air s’enrhuma le grand-papa. On craignit de le perdre. — « Eh ! quoi, — vinrent lui di
1236 ant d’air s’enrhuma le grand-papa. On craignit de le perdre. — « Eh ! quoi, — vinrent lui dire ses amis, — l’orgueil t’ave
1237 re. — « Eh ! quoi, — vinrent lui dire ses amis, —  l’ orgueil t’aveugle-t-il ? Veux-tu conserver, ô cruel, des ailes qui don
1238 ur, ô pervers, ô disciple de Nietzsche ! » — Sous le poids de cette accusation, comment ne point céder : il fit couper ses
1239 ment ne point céder : il fit couper ses ailes. On le félicita de son retour à l’état normal, qui est pédestre. Mais à part
1240 couper ses ailes. On le félicita de son retour à l’ état normal, qui est pédestre. Mais à partir de ce jour, on lui fit se
1241 ’en a pas sera méprisé parce qu’il n’en a pas. Le libéralisme Seigneur ! clamaient-ils, combien complexes sont les p
1242 Seigneur ! clamaient-ils, combien complexes sont les problèmes que vous proposez à notre bonne volonté gémissante ! Dieu,
1243 r d’une solution fort simple qui d’ailleurs était la bonne, car le grand Remède, c’est un Simple. Des hurlements de rage n
1244 on fort simple qui d’ailleurs était la bonne, car le grand Remède, c’est un Simple. Des hurlements de rage ne tardèrent po
1245 ge ne tardèrent point à s’élever de toutes parts. Les uns défendaient la Démocratie outragée, les autres disaient qu’il n’y
1246 t à s’élever de toutes parts. Les uns défendaient la Démocratie outragée, les autres disaient qu’il n’y a plus de morale,
1247 arts. Les uns défendaient la Démocratie outragée, les autres disaient qu’il n’y a plus de morale, et ces jeunes gens ont un
1248 ale, et ces jeunes gens ont une façon de trancher les questions qui vous désarme. Craignant qu’on ne lui fît un mauvais par
1249 rme. Craignant qu’on ne lui fît un mauvais parti, l’ ange trouva son salut dans un subterfuge : il insinua qu’il parlait au
1250 il parlait au nom d’une secte orientale. Aussitôt la discussion de reprendre, et l’on parla défense de l’Occident. L’ange
1251 rientale. Aussitôt la discussion de reprendre, et l’ on parla défense de l’Occident. L’ange s’enfuit par l’un des nombreux
1252 discussion de reprendre, et l’on parla défense de l’ Occident. L’ange s’enfuit par l’un des nombreux trous de leurs raisonn
1253 e reprendre, et l’on parla défense de l’Occident. L’ ange s’enfuit par l’un des nombreux trous de leurs raisonnements. L
1254 ’un des nombreux trous de leurs raisonnements. L’ inspiration Comme le poète terminait sa théorie sur la nature de l’
1255 de leurs raisonnements. L’inspiration Comme le poète terminait sa théorie sur la nature de l’inspiration, un doute l
1256 ration Comme le poète terminait sa théorie sur la nature de l’inspiration, un doute lui vint. Il alla au cinéma. On don
1257 me le poète terminait sa théorie sur la nature de l’ inspiration, un doute lui vint. Il alla au cinéma. On donnait un film
1258 au cinéma. On donnait un film voluptueux. Il aima l’ héroïne, mais sans espoir. Il lui écrivit, en sortant de là, dans une
1259 tant de là, dans une crèmerie pleine de couples à la mode. Mais en écrivant il pensait à une femme blonde assise près de l
1260 près de lui. Ayant demandé un timbre pour attirer l’ attention de la femme blonde — sans résultat —, il écrivit une adresse
1261 ant demandé un timbre pour attirer l’attention de la femme blonde — sans résultat —, il écrivit une adresse réelle, et mit
1262 résultat —, il écrivit une adresse réelle, et mit la lettre dans la première boîte venue. Le lendemain, il reçut une répon
1263 e, et mit la lettre dans la première boîte venue. Le lendemain, il reçut une réponse : « Vous avez commis une erreur, cher
1264 ma bénédiction, je suis votre amie Joséphine. » — Le poète reprit son manuscrit et conclut : « L’inspiration est le nom qu
1265  » — Le poète reprit son manuscrit et conclut : «  L’ inspiration est le nom qu’on donne en poésie à une suite de malentendu
1266 it son manuscrit et conclut : « L’inspiration est le nom qu’on donne en poésie à une suite de malentendus heureusement enc
1267 lui valut une Muse. ab. Rougemont Denis de, «  L’ ordre social. Le Libéralisme. L’inspiration », Revue de Belles-Lettres
1268 se. ab. Rougemont Denis de, « L’ordre social. Le Libéralisme. L’inspiration », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuch
1269 emont Denis de, « L’ordre social. Le Libéralisme. L’ inspiration », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Frib
21 1930, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Les soirées du Brambilla-club (mai 1930)
1270 Les soirées du Brambilla-club (mai 1930)ac Aux Albert Béguin en souve
1271 (mai 1930)ac Aux Albert Béguin en souvenir de l’ ombrelle rouge de Versailles. Paris la nuit oublie parfois d’être spi
1272 ouvenir de l’ombrelle rouge de Versailles. Paris la nuit oublie parfois d’être spirituelle, devient tragique ou tout simp
1273 , devient tragique ou tout simplement germanique. L’ Allemagne, c’est la Poésie, et la France c’est la Chambre des Députés,
1274 ou tout simplement germanique. L’Allemagne, c’est la Poésie, et la France c’est la Chambre des Députés, je n’en veux pas d
1275 ment germanique. L’Allemagne, c’est la Poésie, et la France c’est la Chambre des Députés, je n’en veux pas démordre, et la
1276 L’Allemagne, c’est la Poésie, et la France c’est la Chambre des Députés, je n’en veux pas démordre, et la Légion d’honneu
1277 hambre des Députés, je n’en veux pas démordre, et la Légion d’honneur — je vous la laisse, la Légion d’honneur. Quand vous
1278 ux pas démordre, et la Légion d’honneur — je vous la laisse, la Légion d’honneur. Quand vous prenez un taxi passé onze heu
1279 rdre, et la Légion d’honneur — je vous la laisse, la Légion d’honneur. Quand vous prenez un taxi passé onze heures, c’est
1280 sance, pourvu qu’on sache un peu d’allemand, — et l’ allemand littéraire y suffit. Pour moi, je ne me sens pas trop embarra
1281 e ne me sens pas trop embarrassé ; comme j’habite l’ Odéon, c’est toujours le fantôme de l’Odéon qui m’accompagne et nous n
1282 barrassé ; comme j’habite l’Odéon, c’est toujours le fantôme de l’Odéon qui m’accompagne et nous ne disons presque rien, n
1283 me j’habite l’Odéon, c’est toujours le fantôme de l’ Odéon qui m’accompagne et nous ne disons presque rien, nous savons les
1284 pagne et nous ne disons presque rien, nous savons les mêmes histoires et nous avons durant la journée bouquiné dans les mêm
1285 s savons les mêmes histoires et nous avons durant la journée bouquiné dans les mêmes boîtes sous les arcades. (Nous ne tou
1286 res et nous avons durant la journée bouquiné dans les mêmes boîtes sous les arcades. (Nous ne touchons l’un et l’autre qu’a
1287 nt la journée bouquiné dans les mêmes boîtes sous les arcades. (Nous ne touchons l’un et l’autre qu’aux traductions ; le re
1288 ne touchons l’un et l’autre qu’aux traductions ; le reste, les livres de M. Maurois par exemple, publiés par la Revue de
1289 ns l’un et l’autre qu’aux traductions ; le reste, les livres de M. Maurois par exemple, publiés par la Revue de Belles-Let
1290 les livres de M. Maurois par exemple, publiés par la Revue de Belles-Lettres …………18 La plupart des noctambules préfèrent
1291 à pied ; mais moi je me méfie ; se promener seul la nuit dans une ville étrangère, n’est-ce point la définition même de l
1292 la nuit dans une ville étrangère, n’est-ce point la définition même de la luxure ? Quand je vais à pied, j’oublie en chem
1293 e étrangère, n’est-ce point la définition même de la luxure ? Quand je vais à pied, j’oublie en chemin les meilleures phra
1294 luxure ? Quand je vais à pied, j’oublie en chemin les meilleures phrases que j’avais préparées pour subjuguer mes amies, je
1295 à petits coups une amertume acide et tiède comme l’ adolescence, un désespoir de nuit d’été sous le tilleul où elle n’est
1296 me l’adolescence, un désespoir de nuit d’été sous le tilleul où elle n’est pas venue… (C’est ici le lieu de l’avouer : je
1297 us le tilleul où elle n’est pas venue… (C’est ici le lieu de l’avouer : je ne saurais entretenir que mes rapports de polit
1298 ul où elle n’est pas venue… (C’est ici le lieu de l’ avouer : je ne saurais entretenir que mes rapports de politesse distan
1299 tenir que mes rapports de politesse distante avec les personnes qui ont dit, ne fût-ce qu’une fois en leur vie : « J’ai hor
1300 ût-ce qu’une fois en leur vie : « J’ai horreur de la sentimentalité ».) Nous voici donc en taxi, « nous deux le fantôme »
1301 entalité ».) Nous voici donc en taxi, « nous deux le fantôme » comme on disait au village où je suis né, qui n’est pas ma
1302 je suis né, qui n’est pas ma patrie. Ce soir-là, le fantôme ayant envie de manger ferme a donné au chauffeur l’adresse d’
1303 ayant envie de manger ferme a donné au chauffeur l’ adresse d’un ogre. C’est tout près parce que j’ai peur. En même temps
1304 me temps c’est très loin parce que je me réjouis. La Maison des Ogres est au 53 rue de Rennes ; je ne vous le confie pas s
1305 on des Ogres est au 53 rue de Rennes ; je ne vous le confie pas sans un secret tremblement. Nous embarquons Jean Cassou, e
1306 cret tremblement. Nous embarquons Jean Cassou, et le fantôme se fait aussi négligeable que possible, pratiquement invisibl
1307 ans cette minuscule voiture. Déjà nous traversons la nuit rose et violette de Montparnasse. Là, l’insondable lubie d’un ag
1308 ons la nuit rose et violette de Montparnasse. Là, l’ insondable lubie d’un agent nous immobilise une minute aux lisières od
1309 e décrire à Blaise Cendrars, son voisin de table, l’ arrivée des Mongols dans Paris et leurs établissements Place de la Con
1310 ngols dans Paris et leurs établissements Place de la Concorde. Notre conteur est vêtu de la gloire d’un pourpoint « plus r
1311 s Place de la Concorde. Notre conteur est vêtu de la gloire d’un pourpoint « plus rouge que rouge ». On assure qu’il possè
1312 as déplorable, s’agissant d’un poète authentique. Le pittoresque. D’abord je crains que la notion n’en soit toute relative
1313 uthentique. Le pittoresque. D’abord je crains que la notion n’en soit toute relative aux modes de « vie » bourgeois ; et p
1314 relative aux modes de « vie » bourgeois ; et puis la , comédie n’est pas mon fort, même la triste. Je n’aime plus que les c
1315 is ; et puis la, comédie n’est pas mon fort, même la triste. Je n’aime plus que les choses lentement émouvantes, monotones
1316 pas mon fort, même la triste. Je n’aime plus que les choses lentement émouvantes, monotones et aiguës, comme la pluie dans
1317 lentement émouvantes, monotones et aiguës, comme la pluie dans les campagnes au printemps. Ou encore : comme la lecture d
1318 uvantes, monotones et aiguës, comme la pluie dans les campagnes au printemps. Ou encore : comme la lecture des romans angla
1319 ans les campagnes au printemps. Ou encore : comme la lecture des romans anglais, les loisirs obsédés du jaloux, le travail
1320 Ou encore : comme la lecture des romans anglais, les loisirs obsédés du jaloux, le travail jusqu’à l’aube, la naissance d’
1321 es romans anglais, les loisirs obsédés du jaloux, le travail jusqu’à l’aube, la naissance d’un visage dans ma mémoire (d’h
1322 les loisirs obsédés du jaloux, le travail jusqu’à l’ aube, la naissance d’un visage dans ma mémoire (d’heure en heure ces y
1323 irs obsédés du jaloux, le travail jusqu’à l’aube, la naissance d’un visage dans ma mémoire (d’heure en heure ces yeux plus
1324 ’heure en heure ces yeux plus vivants…) De là, je le suppose, une certaine misanthropie en germe : les êtres changent trop
1325 le suppose, une certaine misanthropie en germe : les êtres changent trop vite, je n’ai pas le temps de me laisser envoûter
1326 germe : les êtres changent trop vite, je n’ai pas le temps de me laisser envoûter ou de les rendre esclaves, hors de quoi
1327 je n’ai pas le temps de me laisser envoûter ou de les rendre esclaves, hors de quoi je ne sais pas de commerce humain qui v
1328 quoi je ne sais pas de commerce humain qui vaille la peine, qui vaille l’amour. Durant cette méditation, nous avons gagné
1329 e commerce humain qui vaille la peine, qui vaille l’ amour. Durant cette méditation, nous avons gagné une rue pauvrement éc
1330 , nous avons gagné une rue pauvrement éclairée où l’ on s’arrête. Le fantôme derrière nous claque la portière. Il fait asse
1331 gné une rue pauvrement éclairée où l’on s’arrête. Le fantôme derrière nous claque la portière. Il fait assez froid. ⁂ Lors
1332 où l’on s’arrête. Le fantôme derrière nous claque la portière. Il fait assez froid. ⁂ Lorsque l’homme, cédant à l’évidence
1333 laque la portière. Il fait assez froid. ⁂ Lorsque l’ homme, cédant à l’évidence des choses ou de l’esprit, comprend enfin q
1334 Il fait assez froid. ⁂ Lorsque l’homme, cédant à l’ évidence des choses ou de l’esprit, comprend enfin qu’il est perdu, il
1335 que l’homme, cédant à l’évidence des choses ou de l’ esprit, comprend enfin qu’il est perdu, il découvre la liberté. (Je pe
1336 prit, comprend enfin qu’il est perdu, il découvre la liberté. (Je pense à la boussole autant qu’au sens moral.) Le goût de
1337 il est perdu, il découvre la liberté. (Je pense à la boussole autant qu’au sens moral.) Le goût de se perdre est un des pl
1338 (Je pense à la boussole autant qu’au sens moral.) Le goût de se perdre est un des plus profonds mystères de notre conditio
1339 ion, et je ne crois pas trop absurde d’y chercher l’ origine non seulement des passions amoureuses, mais de la plupart des
1340 plupart des entreprises démesurées qu’enregistre l’ Histoire, science chargée d’illustrer à ses propres yeux l’Humanité.
1341 e, science chargée d’illustrer à ses propres yeux l’ Humanité. En passant, relevons un sophisme à la mode, qui vient trébu
1342 x l’Humanité. En passant, relevons un sophisme à la mode, qui vient trébucher dans les méandres de notre chemin : « Il fa
1343 s un sophisme à la mode, qui vient trébucher dans les méandres de notre chemin : « Il faut se perdre pour se retrouver », n
1344 ne doctrine en vérité moins généreuse que ne veut le croire M. Gide, — si pareil entre les griffes de son égoïsme à la sou
1345 que ne veut le croire M. Gide, — si pareil entre les griffes de son égoïsme à la souris qu’un chat subtil et ironique fein
1346 e, — si pareil entre les griffes de son égoïsme à la souris qu’un chat subtil et ironique feint de lâcher pour mieux croqu
1347  ? S’il me reste un espoir au sein de mes erreurs les moins préméditées, c’est sans doute celui d’être trouvé. J’ai toujour
1348 doute celui d’être trouvé. J’ai toujours méprisé le geste de l’homme qui, le soir dans sa chambre d’hôtel, ferme sa porte
1349 d’être trouvé. J’ai toujours méprisé le geste de l’ homme qui, le soir dans sa chambre d’hôtel, ferme sa porte à double to
1350 é. J’ai toujours méprisé le geste de l’homme qui, le soir dans sa chambre d’hôtel, ferme sa porte à double tour. Ah ! qu’u
1351 sa porte à double tour. Ah ! qu’une nuit enfin, à la faveur de mon sommeil, on me vole à moi-même ! Que des êtres rêvés m’
1352 délibérément notre fantôme. Il avance sans bouger les jambes. Nous suivons à tâtons. Ce que je pressentais ne tarde pas à s
1353 ion de lumière basse, rougeoyante, campagnarde. ⁂ La sauce est au rôti ce que le style à la pensée. Il arrive qu’on parle,
1354 yante, campagnarde. ⁂ La sauce est au rôti ce que le style à la pensée. Il arrive qu’on parle, en art culinaire, du style
1355 agnarde. ⁂ La sauce est au rôti ce que le style à la pensée. Il arrive qu’on parle, en art culinaire, du style d’un rôti,
1356 mis à toutes sauces. Si M. Thibaudet connaissait l’ hôte de céans, il proposerait cette formule du plat idéal : Du Bos en
1357 ux pour parler qu’en face d’une assiette pleine : l’ occupation agréable et essentielle qui consiste à divise ; pour mieux
1358 et essentielle qui consiste à divise ; pour mieux l’ engloutir — ainsi que le conseillait déjà René Descartes — la portion
1359 ste à divise ; pour mieux l’engloutir — ainsi que le conseillait déjà René Descartes — la portion que l’on s’est administr
1360 — ainsi que le conseillait déjà René Descartes — la portion que l’on s’est administrée accapare nos facultés les plus vul
1361 conseillait déjà René Descartes — la portion que l’ on s’est administrée accapare nos facultés les plus vulgaires, libéran
1362 que l’on s’est administrée accapare nos facultés les plus vulgaires, libérant par là cette part gratuite de nous-mêmes qui
1363 tte agape dont il m’est impossible de nommer tous les officiants visibles ou virtuels, et cela pour différentes raisons, la
1364 iomandre n’est pas là. Il a téléphoné au début de l’ après-midi qu’il commençait un roman. Son absence nous fera-t-elle cro
1365 e croire qu’il apporte un soin tout particulier à le parfaire ? — il est bientôt minuit. Mon fantôme est là. Un chien, Dic
1366 bien être là, puisqu’en ma voisine, je reconnais la Jeune fille de neige. On la sent prête à fondre de tendresse au premi
1367 voisine, je reconnais la Jeune fille de neige. On la sent prête à fondre de tendresse au premier regard. Mais non, trop bi
1368 se ressaisit, pense à Genève, reprend aussitôt de la consistance, et dans son trouble apparaît toute parcourue d’adorables
1369 ris sont là. Enfin, Jean Cassou, représentant Mgr le marquis de Carabas, absent de Paris, est là. Si vous enlevez Georges
1370 soin d’ajouter ceux que j’oublie, vous obtiendrez le chiffre exact des participants ; calculez l’âge du capitaine. Au dess
1371 drez le chiffre exact des participants ; calculez l’ âge du capitaine. Au dessert, chacun y va de son petit miracle. Jaloux
1372 en danois. Quatre anciens bellettriens célèbrent les rites du Sapin vert. À ce moment apparaît Charles Du Bos, en kimono d
1373 stan ». Il ouvre une de ces parenthèses dont il a le secret, et dans laquelle la rédaction s’empresse de faire rentrer la
1374 parenthèses dont il a le secret, et dans laquelle la rédaction s’empresse de faire rentrer la partie la plus incongrue de
1375 laquelle la rédaction s’empresse de faire rentrer la partie la plus incongrue de cette chronique. Enfin, un Étranger racon
1376 a rédaction s’empresse de faire rentrer la partie la plus incongrue de cette chronique. Enfin, un Étranger raconte l’histo
1377 ue de cette chronique. Enfin, un Étranger raconte l’ histoire suivante qui est une des plus belles du monde :   Un prince
1378 alien ayant commandé à Pergolèse un Stabat Mater, le musicien quitta Naples où il habitait alors, abandonnant sa femme, et
1379 ors, abandonnant sa femme, et se mit à errer dans les campagnes, en quête de l’inspiration qui le fuyait. Il buvait, rêvait
1380 et se mit à errer dans les campagnes, en quête de l’ inspiration qui le fuyait. Il buvait, rêvait, dormait sous les treille
1381 dans les campagnes, en quête de l’inspiration qui le fuyait. Il buvait, rêvait, dormait sous les treilles, divaguait sous
1382 on qui le fuyait. Il buvait, rêvait, dormait sous les treilles, divaguait sous la lune, hagard et fiévreux, mais comme aban
1383 rêvait, dormait sous les treilles, divaguait sous la lune, hagard et fiévreux, mais comme abandonné par la grâce. Ce vagab
1384 une, hagard et fiévreux, mais comme abandonné par la grâce. Ce vagabondage désespéré dura plusieurs semaines, au terme des
1385 retrouva aux portes de Naples, d’où il n’eut que la force de regagner son logis. Comme il allait y pénétrer, il aperçut a
1386 il s’enferma, écrivit dans une grande fièvre tout le Stabat Mater, sa plus belle œuvre, sur le thème des pleurs de la viei
1387 re tout le Stabat Mater, sa plus belle œuvre, sur le thème des pleurs de la vieille, et mourut comme il l’achevait. ⁂ Par
1388 , sa plus belle œuvre, sur le thème des pleurs de la vieille, et mourut comme il l’achevait. ⁂ Partout où il y a de la mu
1389 hème des pleurs de la vieille, et mourut comme il l’ achevait. ⁂ Partout où il y a de la musique, de l’Italie et une certa
1390 urut comme il l’achevait. ⁂ Partout où il y a de la musique, de l’Italie et une certaine qualité de désespoir, je retrouv
1391 ’achevait. ⁂ Partout où il y a de la musique, de l’ Italie et une certaine qualité de désespoir, je retrouve les contes d’
1392 et une certaine qualité de désespoir, je retrouve les contes d’Hoffmann. Mais il s’agit de les vivre plutôt que d’en parler
1393 retrouve les contes d’Hoffmann. Mais il s’agit de les vivre plutôt que d’en parler vous voyez bien que j’ai quitté cette ta
1394 z bien que j’ai quitté cette table écroulée, dans la fumée et les évocations, sous les bouteilles, — et les lampes meurent
1395 ’ai quitté cette table écroulée, dans la fumée et les évocations, sous les bouteilles, — et les lampes meurent en jetant un
1396 e écroulée, dans la fumée et les évocations, sous les bouteilles, — et les lampes meurent en jetant une longue flamme. À Ve
1397 umée et les évocations, sous les bouteilles, — et les lampes meurent en jetant une longue flamme. À Venise, sous le brouill
1398 urent en jetant une longue flamme. À Venise, sous le brouillard qui cachait le front des palais, une nuit d’hiver, je chan
1399 flamme. À Venise, sous le brouillard qui cachait le front des palais, une nuit d’hiver, je chantonnais la Barcarolle en d
1400 ront des palais, une nuit d’hiver, je chantonnais la Barcarolle en descendant le Grand Canal, — c’est une romance assez dé
1401 hiver, je chantonnais la Barcarolle en descendant le Grand Canal, — c’est une romance assez déchirante, à mi-voix… .......
1402 te fois, dérive un peu vers ces Allemagnes où, tu le sais, la tristesse la plus amère invente encore des mélodies sentimen
1403 dérive un peu vers ces Allemagnes où, tu le sais, la tristesse la plus amère invente encore des mélodies sentimentales, un
1404 vers ces Allemagnes où, tu le sais, la tristesse la plus amère invente encore des mélodies sentimentales, un peu bêtes, u
1405 tales, un peu bêtes, un peu trop lentes, comme tu les aimes — on n’a pas toujours envie de crâner. L’esplanade d’une petite
1406 les aimes — on n’a pas toujours envie de crâner. L’ esplanade d’une petite ville de l’Allemagne du Sud, un soir de mai. Il
1407 nvie de crâner. L’esplanade d’une petite ville de l’ Allemagne du Sud, un soir de mai. Il y a dans les marronniers noirs de
1408 e l’Allemagne du Sud, un soir de mai. Il y a dans les marronniers noirs des lampions et des touffes de gamins qui regardent
1409 pions et des touffes de gamins qui regardent avec la bouche ce qui se passe à l’intérieur d’une enceinte de toiles tendues
1410 ns qui regardent avec la bouche ce qui se passe à l’ intérieur d’une enceinte de toiles tendues au-devant d’un petit théâtr
1411 e de toiles tendues au-devant d’un petit théâtre. La rampe est d’un bleu stellaire, un bleu d’Aldébaran. On joue Rose de T
1412 me en 15 tableaux, un prologue et une conclusion. Le carton des armures sonne sourdement sous les coups d’un Kühnrich à la
1413 sion. Le carton des armures sonne sourdement sous les coups d’un Kühnrich à la basse rugissante, plus traître que nature av
1414 s sonne sourdement sous les coups d’un Kühnrich à la basse rugissante, plus traître que nature avec sa large face mangée p
1415 mangée par une barbe en crin de cheval du diable. L’ héroïne est belle comme une ballade de Bürger, tandis qu’elle arrose d
1416 de de Bürger, tandis qu’elle arrose de ses larmes le seuil de la prison paternelle, tout en coulant un clin d’œil assassin
1417 , tandis qu’elle arrose de ses larmes le seuil de la prison paternelle, tout en coulant un clin d’œil assassin vers le par
1418 elle, tout en coulant un clin d’œil assassin vers le parterre agité de passions contradictoires. Durant les entractes, une
1419 arterre agité de passions contradictoires. Durant les entractes, une fanfare de paysans bleu de roi joue sur un rythme impe
1420 roi joue sur un rythme impeccable, avec toujours les mêmes notes fêlées et l’accompagnement dans les feuillages de voix fa
1421 peccable, avec toujours les mêmes notes fêlées et l’ accompagnement dans les feuillages de voix fausses mais aériennes, des
1422 s les mêmes notes fêlées et l’accompagnement dans les feuillages de voix fausses mais aériennes, des chansons populaires qu
1423 ann muss sie am Rheine Geboren sein… Il faudrait la mélodie. La fanfare s’éloigne. La nuit est chaude sur les collines. U
1424 am Rheine Geboren sein… Il faudrait la mélodie. La fanfare s’éloigne. La nuit est chaude sur les collines. Un grand verr
1425 n… Il faudrait la mélodie. La fanfare s’éloigne. La nuit est chaude sur les collines. Un grand verre de bière à l’auberge
1426 die. La fanfare s’éloigne. La nuit est chaude sur les collines. Un grand verre de bière à l’auberge déserte, ma pipe et mon
1427 haude sur les collines. Un grand verre de bière à l’ auberge déserte, ma pipe et mon chien qui bougonne. La petite maison d
1428 berge déserte, ma pipe et mon chien qui bougonne. La petite maison du colonel en retraite a des fenêtres basses, mais défe
1429 iers sauvages. Laquelle des trois filles est donc la plus jolie ? Sans doute celle qui dort dans la mansarde, et qui n’a p
1430 nc la plus jolie ? Sans doute celle qui dort dans la mansarde, et qui n’a pas peur… ⁂ Le reste de la vie, c’est toujours e
1431 qui dort dans la mansarde, et qui n’a pas peur… ⁂ Le reste de la vie, c’est toujours entre deux voyages d’Allemagne. Cela
1432 s la mansarde, et qui n’a pas peur… ⁂ Le reste de la vie, c’est toujours entre deux voyages d’Allemagne. Cela se passe act
1433 ardan (xvie siècle) à certains moments.   Paris, le 28 avril. 18. ……………… (N. de la R.) 19. L’auteur nous promet pour l
1434 ris, le 28 avril. 18. ……………… (N. de la R.) 19. L’ auteur nous promet pour le numéro 6 de nouveaux détails apocryphes. (N
1435 ………… (N. de la R.) 19. L’auteur nous promet pour le numéro 6 de nouveaux détails apocryphes. (N. de la R.) ac. Rougemo
1436 yphes. (N. de la R.) ac. Rougemont Denis de, «  Les soirées du Brambilla-club », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâ
22 1930, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Le Grand Testament de Villon, illustré par Marcel North (juin 1930)
1437 Le Grand Testament de Villon, illustré par Marcel North (juin 1930)ad
1438 uvé un style qui ne ressemble qu’à sa fantaisie : la précision de son trait cerne une poésie ingénue, à la fois drue et dé
1439 délicate comme tout ce qui est vraiment « naïf ». La fleur qui croît en plein cœur de celui qui est mort d’amour, une âme
1440 ui qui est mort d’amour, une âme qui s’envole par la bouche, des formes aériennes qui volent dans les Limbes, tout cela pr
1441 r la bouche, des formes aériennes qui volent dans les Limbes, tout cela prend dans ces gravures une réalité si touchante et
1442 hante et si naturelle qu’on ne peut s’y tromper : la grâce de l’enfance anime encore cette imagination, guide encore cette
1443 naturelle qu’on ne peut s’y tromper : la grâce de l’ enfance anime encore cette imagination, guide encore cette main déjà e
1444 é et d’observation ironique, et cette netteté que les primitifs savent allier à la simplification la plus délibérée. Gros é
1445 t cette netteté que les primitifs savent allier à la simplification la plus délibérée. Gros évêques et ribaudes, pages far
1446 e les primitifs savent allier à la simplification la plus délibérée. Gros évêques et ribaudes, pages farceurs et « mélanco
1447 ncoliques » circulent dans ces compositions parmi les allégories barbares d’un ciel bon enfant, et dans ce truculent petit
1448 et dans ce truculent petit monde, Marcel North et l’ escholier François s’entendent comme larrons en foire. Certes, l’amer
1449 çois s’entendent comme larrons en foire. Certes, l’ amertume douloureuse de Villon se mue souvent dans la traduction de No
1450 mertume douloureuse de Villon se mue souvent dans la traduction de North en acidité légère de fruit vert, mais on n’ose re
1451 u’elles ont d’un peu grêle : leur jeunesse… Et si la composition s’amuse parfois à boiter — à côté de parfaites réussites
1452 orables inventions de détails qui se cachent dans les coins, bonshommes, fleurettes drôles, et ce violoneux qui tire son ar
1453 het sur des rayons de soleil… Bravo, Marcel, v’là le printemps ! ad. Rougemont Denis de, «  Le Grand Testament de Villo
1454 v’là le printemps ! ad. Rougemont Denis de, «  Le Grand Testament de Villon, illustré par Marcel North », Revue de Bell
23 1932, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). La pluie et le beau temps (Dialogue dans une tête) (1932)
1455 La pluie et le beau temps (Dialogue dans une tête) (1932)ae af Lord
1456 La pluie et le beau temps (Dialogue dans une tête) (1932)ae af Lord Artur. — Vo
1457 e je ne suis pas plus coquette qu’une autre. Mais les hommes comme vous aiment que les femmes soient coquettes à les faire
1458 ’une autre. Mais les hommes comme vous aiment que les femmes soient coquettes à les faire doucement frémir de rage ; ils ai
1459 mme vous aiment que les femmes soient coquettes à les faire doucement frémir de rage ; ils aiment s’obstiner et c’est pourq
1460 ; du reste, cela me rend plus jolie, quelqu’un me l’ a dit hier encore, vous ne saurez pas qui. Lord Artur. — Ravissante S
1461 Ravissante Sonnette, vos paroles ne sont pas pour les oreilles, mais pour les lèvres de ceux qui vous aiment. Car elles son
1462 paroles ne sont pas pour les oreilles, mais pour les lèvres de ceux qui vous aiment. Car elles sont insensées, mais comme
1463 elles sont insensées, mais comme des baisers dans l’ air. Je voudrais vous poser une question, Sonnette. Une question très
1464 able ? Et voici cette question : Aimez-vous mieux la pluie ou le beau temps ? Sonnette. — Pfi ! comme c’est drôle ! C’est
1465 ici cette question : Aimez-vous mieux la pluie ou le beau temps ? Sonnette. — Pfi ! comme c’est drôle ! C’est moi qui fai
1466 e. — Pfi ! comme c’est drôle ! C’est moi qui fais la pluie et le beau temps. Lord Artur. — Certes, la réponse serait sage
1467 omme c’est drôle ! C’est moi qui fais la pluie et le beau temps. Lord Artur. — Certes, la réponse serait sage, si seuleme
1468 la pluie et le beau temps. Lord Artur. — Certes, la réponse serait sage, si seulement vous saviez ce que vous dites. Mais
1469 dites. Mais, en vérité, que signifient pour vous le beau temps et la pluie ? Est-ce que c’est rire et pleurer ? Est-ce qu
1470 vérité, que signifient pour vous le beau temps et la pluie ? Est-ce que c’est rire et pleurer ? Est-ce que c’est le bonheu
1471 t-ce que c’est rire et pleurer ? Est-ce que c’est le bonheur et la tristesse ? Est-ce que vous préférez l’un à l’autre ?
1472 rire et pleurer ? Est-ce que c’est le bonheur et la tristesse ? Est-ce que vous préférez l’un à l’autre ? Sonnette. — Pe
1473 Lord Artur. — Je pense sérieusement que vous ne l’ avez jamais su. Pas plus que vous n’avez jamais su si vous préfériez l
1474 plus que vous n’avez jamais su si vous préfériez le bonheur ou la tristesse. Car vous ne savez pas où est votre bien. C’e
1475 n’avez jamais su si vous préfériez le bonheur ou la tristesse. Car vous ne savez pas où est votre bien. C’est pourquoi le
1476 us ne savez pas où est votre bien. C’est pourquoi les mots vous paraissent simples, évidents et indifférents. C’est pourquo
1477 est pourquoi vous admettez que « beau » temps est le contraire de « mauvais » temps, et vous n’avez jamais cherché ce que
1478 s, et vous n’avez jamais cherché ce que doit être le « bon » temps, ni si les tempêtes sont « belles ». C’est pourquoi vou
1479 cherché ce que doit être le « bon » temps, ni si les tempêtes sont « belles ». C’est pourquoi vous pensez encore que le bo
1480 « belles ». C’est pourquoi vous pensez encore que le bonheur peut exister en dehors de la souffrance, et même qu’il est le
1481 z encore que le bonheur peut exister en dehors de la souffrance, et même qu’il est le contraire de la souffrance. C’est po
1482 ter en dehors de la souffrance, et même qu’il est le contraire de la souffrance. C’est pourquoi vos rêves composent toujou
1483 la souffrance, et même qu’il est le contraire de la souffrance. C’est pourquoi vos rêves composent toujours le même paysa
1484 ance. C’est pourquoi vos rêves composent toujours le même paysage de carte postale en couleurs, idéal inévitable de ceux q
1485 vitable de ceux qui n’ont pas de point de vue sur le beau temps. Écoutez-moi bien, Sonnette : Vos actions et vos pensées,
1486 : Vos actions et vos pensées, votre conception de l’ amour se réfèrent en vérité à une carte postale en couleurs. Et non pa
1487 ité à une carte postale en couleurs. Et non pas à la réalité. Car vous n’aimez pas réfléchir à la souffrance.   (Un silenc
1488 as à la réalité. Car vous n’aimez pas réfléchir à la souffrance.   (Un silence.)   Sans doute, Sonnette, portez-vous de ce
1489 uand j’étais petite fille, j’aimais me promener à la lisière des forêts, les jambes nues sous la pluie. L’herbe était plei
1490 le, j’aimais me promener à la lisière des forêts, les jambes nues sous la pluie. L’herbe était pleine de sales limaces et d
1491 ner à la lisière des forêts, les jambes nues sous la pluie. L’herbe était pleine de sales limaces et de petits escargots,
1492 isière des forêts, les jambes nues sous la pluie. L’ herbe était pleine de sales limaces et de petits escargots, et les fra
1493 leine de sales limaces et de petits escargots, et les framboises humides avaient un délicieux goût fade. Je rentrais toute
1494 de mes genoux griffés comme ceux des garçons, et le soir quand on me faisait souhaiter dans ma prière « qu’il fasse beau
1495 emain », je pensais en dessous que j’aimais mieux les herbes mouillées. Lord Artur. — On dit souvent des femmes qu’elles s
1496 femmes qu’elles sont naturellement païennes. Mais les peuples païens sont toujours religieux, alors que les femmes de ce te
1497 peuples païens sont toujours religieux, alors que les femmes de ce temps sont seulement sournoises. Sonnette. — Lord Artur
1498 être chrétien pour comprendre quoi que ce soit à la pluie et au beau temps. Lord Artur. — J’ai toujours estimé, Sonnette
1499 s étiez chrétienne, vous sauriez ce que c’est que le beau temps. Si vous étiez païenne et que vous adoriez la lumière, le
1500 temps. Si vous étiez païenne et que vous adoriez la lumière, le beau temps vous serait un Dieu rendu visible ; et votre «
1501 ous étiez païenne et que vous adoriez la lumière, le beau temps vous serait un Dieu rendu visible ; et votre « bonheur » r
1502 us que l’un des noms de sa présence. Mais un jour la lumière est morte autour de nous, elle est morte à la surface des cho
1503 umière est morte autour de nous, elle est morte à la surface des choses pour renaître au centre de l’homme. Et, dès lors,
1504 la surface des choses pour renaître au centre de l’ homme. Et, dès lors, de tous les événements qui paraissent autour de n
1505 aître au centre de l’homme. Et, dès lors, de tous les événements qui paraissent autour de nous, aucun n’importe, sinon celu
1506 ur de nous, aucun n’importe, sinon celui qui dans le même temps se passe à l’intérieur d’un être. Ainsi tout est changé, m
1507 te, sinon celui qui dans le même temps se passe à l’ intérieur d’un être. Ainsi tout est changé, mais peu le savent. Peu sa
1508 érieur d’un être. Ainsi tout est changé, mais peu le savent. Peu savent le chemin qui va du signe à l’être. Longues pluies
1509 i tout est changé, mais peu le savent. Peu savent le chemin qui va du signe à l’être. Longues pluies de printemps sur la c
1510 le savent. Peu savent le chemin qui va du signe à l’ être. Longues pluies de printemps sur la campagne recueillie, tempêtes
1511 u signe à l’être. Longues pluies de printemps sur la campagne recueillie, tempêtes sur les pentes, — beau temps de la prés
1512 rintemps sur la campagne recueillie, tempêtes sur les pentes, — beau temps de la présence. Car tu sais pour quel « bien » d
1513 ueillie, tempêtes sur les pentes, — beau temps de la présence. Car tu sais pour quel « bien » désiré tu les aimes ; mais t
1514 résence. Car tu sais pour quel « bien » désiré tu les aimes ; mais tu sais qu’au soleil de l’aube aussi d’autres fois tu l’
1515 ésiré tu les aimes ; mais tu sais qu’au soleil de l’ aube aussi d’autres fois tu l’as possédé. Tu comprends maintenant qu’i
1516 ais qu’au soleil de l’aube aussi d’autres fois tu l’ as possédé. Tu comprends maintenant qu’il ne faut pas choisir parmi ta
1517 naîtras où se situe leur lieu, établis en ce lieu la demeure de tes pensées. Ainsi, nous dit la Fable, fit Myscille, habi
1518 lieu la demeure de tes pensées. Ainsi, nous dit la Fable, fit Myscille, habitant d’Argos. N’ayant pu débrouiller le sens
1519 yscille, habitant d’Argos. N’ayant pu débrouiller le sens de l’Oracle qui lui avait dit d’aller bâtir une ville là où il t
1520 bitant d’Argos. N’ayant pu débrouiller le sens de l’ Oracle qui lui avait dit d’aller bâtir une ville là où il trouverait l
1521 t dit d’aller bâtir une ville là où il trouverait la pluie et le beau temps, il rencontra en Italie une courtisane qui ple
1522 r bâtir une ville là où il trouverait la pluie et le beau temps, il rencontra en Italie une courtisane qui pleurait ; et e
1523 une courtisane qui pleurait ; et en ce lieu bâtit la ville de Crotone. Sonnette. — J’aime vos histoires, Lord Artur. (Un
1524 quel temps ferait-il pour vous ? Lord Artur. — … Le beau mot : courtisane… Ce n’est pas qu’elle soit belle, peut-être, ma
1525 vous n’êtes qu’une petite fille.20 20. [Note à l’ achevé d’imprimé :] « Relativement à « La pluie et le beau temps » de
1526 [Note à l’achevé d’imprimé :] « Relativement à «  La pluie et le beau temps » de Salomon de Crac, tous droits demeurent ré
1527 chevé d’imprimé :] « Relativement à « La pluie et le beau temps » de Salomon de Crac, tous droits demeurent réservés par D
1528 oits demeurent réservés par Denis de Rougemont, à la suite d’une entente formelle avec les héritiers du baron de Crac, rep
1529 Rougemont, à la suite d’une entente formelle avec les héritiers du baron de Crac, représentés par le baron W. de Münchhause
1530 c les héritiers du baron de Crac, représentés par le baron W. de Münchhausen, au bar des Vikings (Paris), fin septembre 19
1531 fin septembre 1931. » ae. Rougemont Denis de, «  La pluie et le beau temps (Dialogue dans une tête) », Revue de Belles-Le
1532 e 1931. » ae. Rougemont Denis de, « La pluie et le beau temps (Dialogue dans une tête) », Revue de Belles-Lettres, Lausa
24 1933, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Petites notes sur les vérités éternelles (1932-1933)
1533 Petites notes sur les vérités éternelles (1932-1933)ag La lecture du bel article de M. A
1534 notes sur les vérités éternelles (1932-1933)ag La lecture du bel article de M. Arnold Reymond, paru dans votre n° 1, me
1535 e M. Arnold Reymond, paru dans votre n° 1, me met la plume à la main. Voici quelques notes rapidement rédigées dans les ma
1536 Reymond, paru dans votre n° 1, me met la plume à la main. Voici quelques notes rapidement rédigées dans les marges. M. Re
1537 in. Voici quelques notes rapidement rédigées dans les marges. M. Reymond, je le crois, ne m’en voudra pas trop de leur viva
1538 pidement rédigées dans les marges. M. Reymond, je le crois, ne m’en voudra pas trop de leur vivacité : il connaît bien les
1539 oudra pas trop de leur vivacité : il connaît bien les Neuchâtelois, qui l’ont beaucoup aimé ; il sait que ces Neuchâtelois
1540 vivacité : il connaît bien les Neuchâtelois, qui l’ ont beaucoup aimé ; il sait que ces Neuchâtelois sont d’infatigables e
1541 Neuchâtelois sont d’infatigables ergoteurs. Pour la commodité du lecteur, je recopie les passages phrases auxquels s’atta
1542 goteurs. Pour la commodité du lecteur, je recopie les passages phrases auxquels s’attachent mes gloses. Je m’excuse par ava
1543 s’attachent mes gloses. Je m’excuse par avance de l’ avantage que je m’accorde en détachant ainsi des phrases du contexte.
1544 u contexte. Mais si j’adoptais une autre méthode, les dimensions de la Revue n’y suffiraient plus — ni la patience du lecte
1545 i j’adoptais une autre méthode, les dimensions de la Revue n’y suffiraient plus — ni la patience du lecteur à mon endroit,
1546 dimensions de la Revue n’y suffiraient plus — ni la patience du lecteur à mon endroit, je le crains… 1. S’il n’y a pas de
1547 lus — ni la patience du lecteur à mon endroit, je le crains… 1. S’il n’y a pas de vérité absolue, en ce sens que tout juge
1548 ent tenu pour vrai peut être modifié ou complété, les conditions de la vérité sont, elles, immuables et éternelles… (p. 12)
1549 peut être modifié ou complété, les conditions de la vérité sont, elles, immuables et éternelles… (p. 12). Les conditions
1550 é sont, elles, immuables et éternelles… (p. 12). Les conditions de la vérité sont donc éternelles (p. 13). Les philosophes
1551 uables et éternelles… (p. 12). Les conditions de la vérité sont donc éternelles (p. 13). Les philosophes, de tout temps,
1552 itions de la vérité sont donc éternelles (p. 13). Les philosophes, de tout temps, ont montré du goût pour une certaine cont
1553 ltats hautement contradictoires des philosophies. La critique postkantienne ayant fait justice de certaines prétentions, s
1554 aître d’une vérité absolue, on put se demander si la philosophie n’allait pas démissionner, purement et simplement. W. Jam
1555 mes ne disait pas non. Mais quoi ? Laisser tomber la « discipline » ? Et d’ailleurs, une démission de la philosophie eût i
1556 « discipline » ? Et d’ailleurs, une démission de la philosophie eût impliqué, au concret, la démission réelle de tous les
1557 ssion de la philosophie eût impliqué, au concret, la démission réelle de tous les professeurs de philosophie, à quoi perso
1558 impliqué, au concret, la démission réelle de tous les professeurs de philosophie, à quoi personne ne peut songer sérieuseme
1559 t. On trouva des solutions élégantes. D’une part, la philosophie se transforma en histoire comparée des systèmes ; d’autre
1560 en histoire comparée des systèmes ; d’autre part, les « chercheurs » invétérés s’appliquèrent à rétablir une permanence abs
1561 abstraite, qu’ils ne tardèrent pas à trouver dans la forme même de l’esprit créateur de systèmes. Depuis lors on nous parl
1562 ne tardèrent pas à trouver dans la forme même de l’ esprit créateur de systèmes. Depuis lors on nous parle du créé et du c
1563 ons des créateurs qui parlent.   Peu nous importe les « conditions » purement logiques d’une vérité, qui, à nos yeux, demeu
1564 emeure constamment jugée par une réalité qui juge la logique même. Ce sont les conditions actuelles de la vérité qui nous
1565 par une réalité qui juge la logique même. Ce sont les conditions actuelles de la vérité qui nous posent un problème, et no
1566 ogique même. Ce sont les conditions actuelles de la vérité qui nous posent un problème, et non pas ses conditions « étern
1567 y ait lieu pour un philosophe, d’être rassuré par la découverte de telles conditions. Elles constitueront peut-être la dog
1568 telles conditions. Elles constitueront peut-être la dogmatique laïque de la philosophie des sciences, durant quelques ann
1569 s constitueront peut-être la dogmatique laïque de la philosophie des sciences, durant quelques années encore. Mais ce n’es
1570 années encore. Mais ce n’est pas, comme certains le répètent, d’une dogmatique que nous avons besoin. Ce n’est pas d’une
1571 une méthode de correction, ou d’assurances contre les paradoxes de l’existence. Ce que nous demandons à la philosophie, c’e
1572 rrection, ou d’assurances contre les paradoxes de l’ existence. Ce que nous demandons à la philosophie, c’est de mettre en
1573 paradoxes de l’existence. Ce que nous demandons à la philosophie, c’est de mettre en forme une problématique réelle, exist
1574 en forme une problématique réelle, existentielle, la problématique de la vie de l’homme en 1933, assumée dans ses aspects
1575 atique réelle, existentielle, la problématique de la vie de l’homme en 1933, assumée dans ses aspects les plus scandaleux,
1576 lle, existentielle, la problématique de la vie de l’ homme en 1933, assumée dans ses aspects les plus scandaleux, les plus
1577 vie de l’homme en 1933, assumée dans ses aspects les plus scandaleux, les plus quotidiens, les plus angoissants. Le fameux
1578 33, assumée dans ses aspects les plus scandaleux, les plus quotidiens, les plus angoissants. Le fameux principe du tiers ex
1579 aspects les plus scandaleux, les plus quotidiens, les plus angoissants. Le fameux principe du tiers exclu est nié par l’ang
1580 aleux, les plus quotidiens, les plus angoissants. Le fameux principe du tiers exclu est nié par l’angoisse de tout homme q
1581 ts. Le fameux principe du tiers exclu est nié par l’ angoisse de tout homme qui tente d’assumer son moi contradictoire pour
1582 e qui tente d’assumer son moi contradictoire pour le mettre aux ordres de la foi. C’est une colle de scolastiques ; elle a
1583 n moi contradictoire pour le mettre aux ordres de la foi. C’est une colle de scolastiques ; elle alimentera quelque temps
1584 olastiques ; elle alimentera quelque temps encore les jeux de société des congrès de mathématiciens et de logisticiens ; et
1585 et de logisticiens ; et pendant ce temps, c’est à la théologie que nous irons demander de la pensée, c’est-à-dire de la pe
1586 , c’est à la théologie que nous irons demander de la pensée, c’est-à-dire de la pensée créatrice, c’est-à-dire de la pensé
1587 nous irons demander de la pensée, c’est-à-dire de la pensée créatrice, c’est-à-dire de la pensée obéissante : car il n’est
1588 st-à-dire de la pensée créatrice, c’est-à-dire de la pensée obéissante : car il n’est d’action véritable que celle de la f
1589 te : car il n’est d’action véritable que celle de la foi, lorsque « mettant les pouces », je me rends à son ordre. 2. On c
1590 véritable que celle de la foi, lorsque « mettant les pouces », je me rends à son ordre. 2. On comprend dès lors l’attrait
1591 je me rends à son ordre. 2. On comprend dès lors l’ attrait que le thomisme a exercé à un moment donné sur la pensée prote
1592 son ordre. 2. On comprend dès lors l’attrait que le thomisme a exercé à un moment donné sur la pensée protestante. On com
1593 it que le thomisme a exercé à un moment donné sur la pensée protestante. On comprend également le retour à Calvin, comme a
1594 sur la pensée protestante. On comprend également le retour à Calvin, comme aussi la position prise par Barth et son école
1595 omprend également le retour à Calvin, comme aussi la position prise par Barth et son école (p. 14). L’adhésion à une pensé
1596 la position prise par Barth et son école (p. 14). L’ adhésion à une pensée nouvelle est-elle suffisamment expliquée par l’i
1597 nsée nouvelle est-elle suffisamment expliquée par l’ insuffisance de la pensée ancienne ? Les historiens le croient volonti
1598 elle suffisamment expliquée par l’insuffisance de la pensée ancienne ? Les historiens le croient volontiers. Mais on ne sa
1599 liquée par l’insuffisance de la pensée ancienne ? Les historiens le croient volontiers. Mais on ne saurait dire qu’ils témo
1600 suffisance de la pensée ancienne ? Les historiens le croient volontiers. Mais on ne saurait dire qu’ils témoignent par là
1601 ils témoignent par là de beaucoup de respect pour la vérité créatrice. Non, notre adhésion à Barth n’est pas le fait de la
1602 créatrice. Non, notre adhésion à Barth n’est pas le fait de la mauvaise humeur et de la mauvaise conscience que fomentère
1603 Non, notre adhésion à Barth n’est pas le fait de la mauvaise humeur et de la mauvaise conscience que fomentèrent en nous
1604 rth n’est pas le fait de la mauvaise humeur et de la mauvaise conscience que fomentèrent en nous les démissions systématiq
1605 de la mauvaise conscience que fomentèrent en nous les démissions systématiques de l’historicisme et du psychologisme. Le se
1606 mentèrent en nous les démissions systématiques de l’ historicisme et du psychologisme. Le secret de notre adhésion à Barth
1607 tématiques de l’historicisme et du psychologisme. Le secret de notre adhésion à Barth est dans la pensée de Barth elle-mêm
1608 sme. Le secret de notre adhésion à Barth est dans la pensée de Barth elle-même, et non pas dans je ne sais quelle « réacti
1609 pourquoi nous ne pouvons pas accepter un instant le rapprochement qu’on nous invite à faire entre barthisme, thomisme et
1610 ables » (p. 14). On pourrait dire qu’il fait tout le contraire. Il nous ramène sans cesse à l’état de pauvreté (pauvreté e
1611 it tout le contraire. Il nous ramène sans cesse à l’ état de pauvreté (pauvreté en esprit, absence de toute assurance extér
1612 ent, vision absolument sobre et désillusionnée de la condition humaine) qui est l’état dans lequel la vérité ne peut opére
1613 t désillusionnée de la condition humaine) qui est l’ état dans lequel la vérité ne peut opérer dans notre existence que par
1614 la condition humaine) qui est l’état dans lequel la vérité ne peut opérer dans notre existence que par un choix, une déci
1615 un choix, une décision, — un acte d’obéissance à l’ ordre « tombé du ciel ». Comment parler de la « restauration intégrale
1616 ce à l’ordre « tombé du ciel ». Comment parler de la « restauration intégrale d’une dogmatique appartenant aux siècles pas
1617 s passés » (p. 14), à propos d’une théologie dont le travail systématique consiste précisément à rejeter toutes les assura
1618 ystématique consiste précisément à rejeter toutes les assurances humaines contre Dieu, tous les « rites » et toutes les « f
1619 toutes les assurances humaines contre Dieu, tous les « rites » et toutes les « formules », en même temps que la critique d
1620 umaines contre Dieu, tous les « rites » et toutes les « formules », en même temps que la critique de ces rites et de ces fo
1621 s » et toutes les « formules », en même temps que la critique de ces rites et de ces formules, toutes les idolâtries, que
1622 critique de ces rites et de ces formules, toutes les idolâtries, que ce soit la croyance antique et païenne à la « vertu »
1623 ces formules, toutes les idolâtries, que ce soit la croyance antique et païenne à la « vertu », à la sagesse et au bonheu
1624 ies, que ce soit la croyance antique et païenne à la « vertu », à la sagesse et au bonheur, ou la croyance moderne et non
1625 la croyance antique et païenne à la « vertu », à la sagesse et au bonheur, ou la croyance moderne et non moins païenne à
1626 ne à la « vertu », à la sagesse et au bonheur, ou la croyance moderne et non moins païenne à la valeur absolue de la logiq
1627 ur, ou la croyance moderne et non moins païenne à la valeur absolue de la logique, de l’histoire et des méthodes critiques
1628 derne et non moins païenne à la valeur absolue de la logique, de l’histoire et des méthodes critiques de M. Goguel ? 3. Si
1629 ins païenne à la valeur absolue de la logique, de l’ histoire et des méthodes critiques de M. Goguel ? 3. Si notre civilisa
1630 re civilisation chrétienne n’est pas détruite par le bolchévisme, elle reprendra sa marche en avant en approfondissant et
1631 ilisation soit chrétienne ? Peut-on dire que pour le chrétien la perspective d’un nouveau progrès, d’une « marche en avant
1632 it chrétienne ? Peut-on dire que pour le chrétien la perspective d’un nouveau progrès, d’une « marche en avant » de la civ
1633 ’un nouveau progrès, d’une « marche en avant » de la civilisation capitaliste-bourgeoise-nationaliste fournisse une raison
1634 t. Ce que cela veut dire. C’est une des leçons de la guerre. Notre refus est instinctif devant un avenir, un espoir, une a
1635 ctif devant un avenir, un espoir, une action dont les buts sont aussi vaguement définis. Car là où la pensée n’a rien osé d
1636 les buts sont aussi vaguement définis. Car là où la pensée n’a rien osé distinguer de précis, c’est là que l’action des h
1637 e n’a rien osé distinguer de précis, c’est là que l’ action des hommes devient folle et meurtrière. 4. Il me semble que la
1638 devient folle et meurtrière. 4. Il me semble que la tâche de la théologie protestante à l’heure actuelle est de dégager,
1639 le et meurtrière. 4. Il me semble que la tâche de la théologie protestante à l’heure actuelle est de dégager, dans un espr
1640 semble que la tâche de la théologie protestante à l’ heure actuelle est de dégager, dans un esprit de libre recherche et de
1641 s un esprit de libre recherche et de respect pour le passé, les invariants chrétiens tels que le développement de la pensé
1642 t de libre recherche et de respect pour le passé, les invariants chrétiens tels que le développement de la pensée moderne n
1643 pour le passé, les invariants chrétiens tels que le développement de la pensée moderne nous aide en toute loyauté à les a
1644 invariants chrétiens tels que le développement de la pensée moderne nous aide en toute loyauté à les affirmer (p. 16). Po
1645 de la pensée moderne nous aide en toute loyauté à les affirmer (p. 16). Pourquoi ai-je envie, dans une telle phrase, de re
1646 recherche » par « obéissance », — « respect pour le passé » par « respect pour les données présentes » — « développement
1647 », — « respect pour le passé » par « respect pour les données présentes » — « développement de la pensée moderne » par « ap
1648 pour les données présentes » — « développement de la pensée moderne » par « approfondissement de la pensée paulinienne, ca
1649 de la pensée moderne » par « approfondissement de la pensée paulinienne, calvinienne, luthérienne, kierkegaardienne, diale
1650 oyauté » par « humilité » ? Il me semble qu’alors les invariants chrétiens pourraient bien apparaître comme les constantes
1651 riants chrétiens pourraient bien apparaître comme les constantes de déformation de l’Évangile au contact des humains. Et pu
1652 apparaître comme les constantes de déformation de l’ Évangile au contact des humains. Et puis, que ferions-nous en attendan
1653 mains. Et puis, que ferions-nous en attendant que les théologiens aient mené à bien leur travail historique ? Et qu’arriver
1654 leur travail historique ? Et qu’arriverait-il si le résultat en était par exemple, de démontrer que tel « invariant chrét
1655 « invariant chrétien » est toute autre chose que l’ Évangile ? ou bien si, au contraire, ce n’était rien que l’Évangile ?
1656 e ? ou bien si, au contraire, ce n’était rien que l’ Évangile ? Peine perdue ? — Grosses questions, questions un peu grosse
1657 un peu grosses, dira-t-on. Dans une époque comme la nôtre, ce sont celles qu’il faut poser si l’on veut réellement se tir
1658 omme la nôtre, ce sont celles qu’il faut poser si l’ on veut réellement se tirer hors d’une confusion sans précédent — d’un
1659 e confusion sans précédent — d’une confusion dont le profit ne sera jamais pour la foi. Car l’opération de la foi ne relèv
1660 ’une confusion dont le profit ne sera jamais pour la foi. Car l’opération de la foi ne relève pas d’un « invariant », conn
1661 on dont le profit ne sera jamais pour la foi. Car l’ opération de la foi ne relève pas d’un « invariant », connu ou inconnu
1662 it ne sera jamais pour la foi. Car l’opération de la foi ne relève pas d’un « invariant », connu ou inconnu, passé ou à ve
1663 t. ag. Rougemont Denis de, « Petites notes sur les vérités éternelles », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Gen
25 1935, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). René Guisan : un clerc (1935)
1664 s cet être détaché, déraciné, de pure raison, que l’ auteur d’un pamphlet fameux voulait nous donner pour modèle du clerc q
1665 romande. Nous manquons terriblement de ce sens de la culture qu’incarnait à mes yeux René Guisan, lorsque je le voyais dan
1666 e qu’incarnait à mes yeux René Guisan, lorsque je le voyais dans sa bibliothèque immense et qu’il me parlait avec feu d’ac
1667 parlait avec feu d’actions réelles dont il était l’ âme et l’agent, non pas en « homme d’action » — cette sotte espèce amé
1668 avec feu d’actions réelles dont il était l’âme et l’ agent, non pas en « homme d’action » — cette sotte espèce américaine —
1669 pensée agissante. Nous méprisons trop facilement la culture au nom de l’action. C’est sans doute parce que nous avons con
1670 us méprisons trop facilement la culture au nom de l’ action. C’est sans doute parce que nous avons connu quelques rats de b
1671 s de bibliothèque qui méprisaient trop facilement l’ action au nom de la culture. En vérité, ni l’une ni l’autre ne valent
1672 ui méprisaient trop facilement l’action au nom de la culture. En vérité, ni l’une ni l’autre ne valent rien dès l’instant
1673 En vérité, ni l’une ni l’autre ne valent rien dès l’ instant qu’on les sépare et qu’on cesse de les mettre en tension. Il n
1674 une ni l’autre ne valent rien dès l’instant qu’on les sépare et qu’on cesse de les mettre en tension. Il n’est d’action cré
1675 dès l’instant qu’on les sépare et qu’on cesse de les mettre en tension. Il n’est d’action créatrice que soumise à la loi d
1676 ension. Il n’est d’action créatrice que soumise à la loi d’une pensée rigoureuse ; il n’est de pensée saine qu’engagée dan
1677 ntales et sans cesse oubliées de nos jours, je ne les ai vues vraiment vécues chez nous que par cet homme solide et fin, pa
1678 aux abstractions et sachant voir, toujours prêt à l’ accueil le plus ardent mais aussi le plus utilement critique si vous a
1679 ctions et sachant voir, toujours prêt à l’accueil le plus ardent mais aussi le plus utilement critique si vous alliez lui
1680 ujours prêt à l’accueil le plus ardent mais aussi le plus utilement critique si vous alliez lui parler d’un projet, d’une
1681 a « personne » en termes d’apparence paradoxale : le secret de son œuvre résidait sans doute dans l’union vibrante qu’il i
1682 : le secret de son œuvre résidait sans doute dans l’ union vibrante qu’il incarnait, de qualités qui ont coutume, ailleurs,
1683 e limitait pas aux livres : elle embrassait aussi les incidents de la moindre paroisse « libriste » du canton de Vaud. Son
1684 x livres : elle embrassait aussi les incidents de la moindre paroisse « libriste » du canton de Vaud. Son sens aigu de la
1685 « libriste » du canton de Vaud. Son sens aigu de la qualité intellectuelle, sa rigueur critique ne l’empêchaient nullemen
1686 la qualité intellectuelle, sa rigueur critique ne l’ empêchaient nullement de se passionner pour les « problèmes » souvent
1687 ne l’empêchaient nullement de se passionner pour les « problèmes » souvent si vagues qui peuplent une âme d’unioniste roma
1688 ui peuplent une âme d’unioniste romand. Vraiment, le souvenir d’une influence et d’une présence aussi directes et essentie
1689 s doit nous interdire désormais de considérer que l’ esprit est une faculté détachée, un refuge hors de la réalité médiocre
1690 sprit est une faculté détachée, un refuge hors de la réalité médiocre et basse. Pour Guisan, l’esprit c’était l’acte, l’ai
1691 ors de la réalité médiocre et basse. Pour Guisan, l’ esprit c’était l’acte, l’aide effective apportée hic et nunc à des hom
1692 médiocre et basse. Pour Guisan, l’esprit c’était l’ acte, l’aide effective apportée hic et nunc à des hommes bien réels da
1693 e et basse. Pour Guisan, l’esprit c’était l’acte, l’ aide effective apportée hic et nunc à des hommes bien réels dans leurs
1694 es reconnues et acceptées. Il me semble que c’est la leçon que nous devons prendre de sa vie : la leçon toute goethéenne d
1695 ’est la leçon que nous devons prendre de sa vie : la leçon toute goethéenne du clerc qui sert sans rien trahir de la prima
1696 goethéenne du clerc qui sert sans rien trahir de la primauté de l’esprit. Peut-être que le seul chrétien peut comprendre,
1697 clerc qui sert sans rien trahir de la primauté de l’ esprit. Peut-être que le seul chrétien peut comprendre, existentiellem
1698 trahir de la primauté de l’esprit. Peut-être que le seul chrétien peut comprendre, existentiellement, que cette exigence
1699 que cette exigence de service, cet abaissement de la pensée aux choses, cet acte de présence au monde est l’achèvement sup
1700 sée aux choses, cet acte de présence au monde est l’ achèvement suprême, et non l’humiliation du spirituel. ah. Rougemon
1701 résence au monde est l’achèvement suprême, et non l’ humiliation du spirituel. ah. Rougemont Denis de, « René Guisan : u
1702 5, p. 25-26. ai. Ce double numéro, appartenant à la série annuelle 1932-1933, a de fait paru en 1935.
26 1938, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Le Poète et le Vilain (novembre 1938)
1703 Le Poète et le Vilain (novembre 1938)aj ak Le poète disait d’une bell
1704 Le Poète et le Vilain (novembre 1938)aj ak Le poète disait d’une belle voix d’ame
1705 Le Poète et le Vilain (novembre 1938)aj ak Le poète disait d’une belle voix d’amertume : — Nous n’avons plus guère
1706 rtume : — Nous n’avons plus guère de mesures pour les choses divines et humaines, si nous savons peser d’invisibles rayons
1707 rayons d’énergie. Nos codes ne prévoient pas que l’ assassin d’un noble sera puni plus sévèrement que n’eût été ce noble a
1708 que n’eût été ce noble assassinant un serf. Même l’ indulgence pour les riches a cessé d’être bien certaine. Tout homme en
1709 noble assassinant un serf. Même l’indulgence pour les riches a cessé d’être bien certaine. Tout homme en vaut un autre, dit
1710 e bien certaine. Tout homme en vaut un autre, dit la loi ; et ce respect vulgarisé touche au mépris. De là vient que le me
1711 spect vulgarisé touche au mépris. De là vient que le meurtrier tantôt est acquitté, tantôt décapité. Vous voyez qu’on osci
1712 . Vous voyez qu’on oscille du tout au rien, selon l’ humeur d’un jury d’ailleurs désigné par le sort. Il n’en fut pas toujo
1713 , selon l’humeur d’un jury d’ailleurs désigné par le sort. Il n’en fut pas toujours ainsi. Jusqu’au viiie siècle de notre
1714 jours ainsi. Jusqu’au viiie siècle de notre ère, les bardes celtes étaient honorés chez les rois. Tenez, lisez ceci : « La
1715 notre ère, les bardes celtes étaient honorés chez les rois. Tenez, lisez ceci : « La valeur du barde du palais, c’est-à-dir
1716 ient honorés chez les rois. Tenez, lisez ceci : «  La valeur du barde du palais, c’est-à-dire le prix qu’on doit payer quan
1717 ci : « La valeur du barde du palais, c’est-à-dire le prix qu’on doit payer quand on le tue, est de 126 vaches ; et en cas
1718 s, c’est-à-dire le prix qu’on doit payer quand on le tue, est de 126 vaches ; et en cas d’insulte, on lui doit une indemni
1719 et 20 pièces d’argent. » Ailleurs, on voit que si le barde adresse une requête au roi, il doit lui chanter un poème. S’il
1720 , trois poèmes. Si c’est à un vilain, il faut que le barde chante jusqu’à ce qu’il n’en puisse plus… Je répondais à mon am
1721 st à cause d’eux qu’il y a de grandes œuvres. Car le vilain qui n’a rien à donner, c’est lui qui vous donnera la joie du c
1722 qui n’a rien à donner, c’est lui qui vous donnera la joie du chant, plus précieuse que l’objet de vos requêtes au roi. — O
1723 vous donnera la joie du chant, plus précieuse que l’ objet de vos requêtes au roi. — Oui, dit le poète, mais sans nobles, s
1724 se que l’objet de vos requêtes au roi. — Oui, dit le poète, mais sans nobles, sans rois, peut-il y avoir des vilains ? a
1725 avoir des vilains ? aj. Rougemont Denis de, «  Le Poète et le Vilain », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Gen
1726 ilains ? aj. Rougemont Denis de, « Le Poète et le Vilain », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg
1727 ak. Une note introductive précise : « Nous avons le plaisir de publier en tête de ce numéro une page inédite de Denis de
27 1968, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Hölderlin dans le souvenir des noms splendides (1968)
1728 Hölderlin dans le souvenir des noms splendides (1968)al Qu’est-ce qui persiste du po
1729 différent de tout autre désir auparavant connu de le revivre, ce poème, de le relire en sa mémoire, de le recomposer contr
1730 ésir auparavant connu de le revivre, ce poème, de le relire en sa mémoire, de le recomposer contre l’oubli comme son auteu
1731 revivre, ce poème, de le relire en sa mémoire, de le recomposer contre l’oubli comme son auteur l’avait écrit contre l’abs
1732 le relire en sa mémoire, de le recomposer contre l’ oubli comme son auteur l’avait écrit contre l’absence, — car elle seul
1733 de le recomposer contre l’oubli comme son auteur l’ avait écrit contre l’absence, — car elle seule attend l’expression et
1734 tre l’oubli comme son auteur l’avait écrit contre l’ absence, — car elle seule attend l’expression et la permet. La poésie
1735 t écrit contre l’absence, — car elle seule attend l’ expression et la permet. La poésie serait-elle ce qui subsiste quand o
1736 ’absence, — car elle seule attend l’expression et la permet. La poésie serait-elle ce qui subsiste quand on a tout perdu s
1737  car elle seule attend l’expression et la permet. La poésie serait-elle ce qui subsiste quand on a tout perdu sauf certain
1738 s, de noms grecs, d’éclats de lumière élevés dans l’ immense paysage intérieur. Ou moins encore, quelques syllabes et des t
1739 ncore, quelques syllabes et des tirets remplaçant le début ou la fin d’un verset, appels nostalgiquement privés de sens à
1740 ues syllabes et des tirets remplaçant le début ou la fin d’un verset, appels nostalgiquement privés de sens à cause de tan
1741 fragments mémorables pour essayer d’en retrouver le complément, fût-ce par la suggestion de l’arrangement graphique. Ains
1742 essayer d’en retrouver le complément, fût-ce par la suggestion de l’arrangement graphique. Ainsi quelques départs : Feie
1743 rouver le complément, fût-ce par la suggestion de l’ arrangement graphique. Ainsi quelques départs : Feiern möcht ich, abe
1744 attaques identiques de deux des grands poèmes de la folie : Nah ist Und schwer zu fassen der Gott21 Reif sind, in Feuer
1745 igme, ce qui naît d’un jaillissement pur ! Et par le chant lui-même à peine dévoilé ». Groupes de mots émergeant de la mém
1746 e à peine dévoilé ». Groupes de mots émergeant de la mémoire comme de l’Égée vineuse ces îles de l’Archipel, témoins de qu
1747 Groupes de mots émergeant de la mémoire comme de l’ Égée vineuse ces îles de l’Archipel, témoins de quelque immense Hespér
1748 de la mémoire comme de l’Égée vineuse ces îles de l’ Archipel, témoins de quelque immense Hespérie effondrée mais dont les
1749 s de quelque immense Hespérie effondrée mais dont les noms, par cette voix cités, suffisent à ranimer la gloire heureuse. E
1750 s noms, par cette voix cités, suffisent à ranimer la gloire heureuse. Et l’émotion soudaine, submergeante, emplissait tout
1751 cités, suffisent à ranimer la gloire heureuse. Et l’ émotion soudaine, submergeante, emplissait tout l’espace invoqué. D’un
1752 l’émotion soudaine, submergeante, emplissait tout l’ espace invoqué. D’un seul coup m’était restitué L’enthousiasme errant,
1753 l’espace invoqué. D’un seul coup m’était restitué L’ enthousiasme errant, fils de la belle Nuit 24. Nuit blanche, nuit d’un
1754 p m’était restitué L’enthousiasme errant, fils de la belle Nuit 24. Nuit blanche, nuit d’un bleu doré lunaire — négatif de
1755 aire — négatif de cet azur noir du plein midi sur les Cyclades. Mais Hölderlin n’a jamais vu les Îles ! Ainsi sa poésie dev
1756 di sur les Cyclades. Mais Hölderlin n’a jamais vu les Îles ! Ainsi sa poésie devenait-elle pour moi, dans la mémoire, ce qu
1757 es ! Ainsi sa poésie devenait-elle pour moi, dans la mémoire, ce que la Grèce avait été pour lui dans la distance et dans
1758 e devenait-elle pour moi, dans la mémoire, ce que la Grèce avait été pour lui dans la distance et dans le temps du rêve. M
1759 mémoire, ce que la Grèce avait été pour lui dans la distance et dans le temps du rêve. Mais au-delà des accidents remémor
1760 Grèce avait été pour lui dans la distance et dans le temps du rêve. Mais au-delà des accidents remémorés, qu’en était-il d
1761 u-delà des accidents remémorés, qu’en était-il de la substance des grands poèmes ? L’émotion rénovée par ces fragments — d
1762 u’en était-il de la substance des grands poèmes ? L’ émotion rénovée par ces fragments — départs, invocations, noms sacrés
1763 fragments — départs, invocations, noms sacrés de l’ Ionie — était-elle plus pure et plus vraie, plus efficace que le disco
1764 t-elle plus pure et plus vraie, plus efficace que le discours lui-même des grands Hymnes ? Il fallait enfin les relire. Je
1765 urs lui-même des grands Hymnes ? Il fallait enfin les relire. Je découvris alors que beaucoup des fragments qui subsistaien
1766 nt dans ma mémoire avaient toujours été tels dans le texte, émergeant comme des îles du blanc de la page, et parfois prolo
1767 ns le texte, émergeant comme des îles du blanc de la page, et parfois prolongés par une suite de tirets signalant des reli
1768 gnalant des reliefs sous-marins25. En cherchant à les compléter par ce qu’ils devaient évoquer, je ne faisais pas autre cho
1769 vaient évoquer, je ne faisais pas autre chose que le poète à partir d’un signe, d’un nom, d’une lumière de l’Hellade imagi
1770 e à partir d’un signe, d’un nom, d’une lumière de l’ Hellade imaginée. Se souvenir ainsi de Hölderlin, c’était revenir à la
1771 Se souvenir ainsi de Hölderlin, c’était revenir à la genèse du poème dans l’élan de sa nostalgie fondamentale. D’une poési
1772 derlin, c’était revenir à la genèse du poème dans l’ élan de sa nostalgie fondamentale. D’une poésie dont le mouvement prof
1773 n de sa nostalgie fondamentale. D’une poésie dont le mouvement profond de « réflexion » sur le « sentiment originel » a po
1774 ie dont le mouvement profond de « réflexion » sur le « sentiment originel » a pour fonction de « rappeler la vie perdue à
1775 entiment originel » a pour fonction de « rappeler la vie perdue à une vie magnifiée »26, on peut bien dire qu’elle naît d’
1776 on « aspiration » à exprimer, c’est-à-dire dans «  la transition d’un infini défini à un infini plus général », du « pur »
1777 lus général », du « pur » au « multiple » et « de l’ Esprit au signe », transition qui relève ici, comme chez Hegel, et bie
1778 chez Hegel, et bien plus haut, chez Héraclite et les ioniens, de la dialectique essentielle, celle de l’Un et du Divers. P
1779 bien plus haut, chez Héraclite et les ioniens, de la dialectique essentielle, celle de l’Un et du Divers. Poésie, c’est ab
1780 ritable ne peut être qu’à venir, — à revenir dans le mythe. Le Neckar sera beau quand d’une Grèce dorienne — Cap Sounion,
1781 peut être qu’à venir, — à revenir dans le mythe. Le Neckar sera beau quand d’une Grèce dorienne — Cap Sounion, Olympie, t
1782 d’Athènes, « fierté du monde qui n’est plus »27 — le poète se retournera vers sa vallée natale et sa rivière « avec ses pr
1783 natale et sa rivière « avec ses prés charmants et les saules des rives ». Neckar imaginé comme enfance perdue, mais aussi c
1784 x plaines du désert », et ce Gothard d’où partent les grands fleuves, le Rhin allemand, mais aussi l’Aigle vers l’Olympe, v
1785 », et ce Gothard d’où partent les grands fleuves, le Rhin allemand, mais aussi l’Aigle vers l’Olympe, vers les antres de L
1786 les grands fleuves, le Rhin allemand, mais aussi l’ Aigle vers l’Olympe, vers les antres de Lemnos, et vers les forêts de
1787 leuves, le Rhin allemand, mais aussi l’Aigle vers l’ Olympe, vers les antres de Lemnos, et vers les forêts de l’Indus ! Mal
1788 allemand, mais aussi l’Aigle vers l’Olympe, vers les antres de Lemnos, et vers les forêts de l’Indus ! Mallarmé fixe tout
1789 vers l’Olympe, vers les antres de Lemnos, et vers les forêts de l’Indus ! Mallarmé fixe tout dans un présent glacé, intempo
1790 vers les antres de Lemnos, et vers les forêts de l’ Indus ! Mallarmé fixe tout dans un présent glacé, intemporel (« Le tra
1791 mé fixe tout dans un présent glacé, intemporel («  Le transparent glacier des vols qui n’ont pas fui »). Rimbaud, ses momen
1792 ses moments forts sont au futur prochain (« Et à l’ aurore… nous entrerons aux splendides villes »), Apollinaire hante la
1793 erons aux splendides villes »), Apollinaire hante la marge d’émotion entre le souvenir de naguère et sa restitution dans u
1794 es »), Apollinaire hante la marge d’émotion entre le souvenir de naguère et sa restitution dans un présent d’ubiquité. Élu
1795 dans un présent d’ubiquité. Éluard ne connaît que l’ instant, le temps ponctuel. Mais Hölderlin, ses grands hymnes décriven
1796 sent d’ubiquité. Éluard ne connaît que l’instant, le temps ponctuel. Mais Hölderlin, ses grands hymnes décrivent toutes le
1797 ais Hölderlin, ses grands hymnes décrivent toutes les dimensions de l’absence, de l’éloignement dans le temps, dans l’espac
1798 grands hymnes décrivent toutes les dimensions de l’ absence, de l’éloignement dans le temps, dans l’espace, dans la transc
1799 décrivent toutes les dimensions de l’absence, de l’ éloignement dans le temps, dans l’espace, dans la transcendance, mais
1800 es dimensions de l’absence, de l’éloignement dans le temps, dans l’espace, dans la transcendance, mais d’une absence qui e
1801 e l’absence, de l’éloignement dans le temps, dans l’ espace, dans la transcendance, mais d’une absence qui est toujours app
1802 l’éloignement dans le temps, dans l’espace, dans la transcendance, mais d’une absence qui est toujours appel, nostalgie q
1803 nouveaux du Verbe qui nous meut et nous oriente : le passé de l’invocatif28 qui est un temps de la prophétie, appelant le
1804 Verbe qui nous meut et nous oriente : le passé de l’ invocatif28 qui est un temps de la prophétie, appelant le retour des d
1805 e : le passé de l’invocatif28 qui est un temps de la prophétie, appelant le retour des dieux morts ou dormants ; l’imparfa
1806 atif28 qui est un temps de la prophétie, appelant le retour des dieux morts ou dormants ; l’imparfait anticipé, qui est le
1807 appelant le retour des dieux morts ou dormants ; l’ imparfait anticipé, qui est le temps du poète voyant ; et le présent d
1808 morts ou dormants ; l’imparfait anticipé, qui est le temps du poète voyant ; et le présent d’exil, temps du poète souffran
1809 t anticipé, qui est le temps du poète voyant ; et le présent d’exil, temps du poète souffrant. Car il nous avertit que son
1810 tit que son langage n’est pas celui que parlent «  la nature et l’art tels qu’il les a connus autrefois ». Ce n’est pas un
1811 angage n’est pas celui que parlent « la nature et l’ art tels qu’il les a connus autrefois ». Ce n’est pas un langage impos
1812 celui que parlent « la nature et l’art tels qu’il les a connus autrefois ». Ce n’est pas un langage imposé par le social im
1813 s autrefois ». Ce n’est pas un langage imposé par le social impersonnel, tel que certains prétendent qu’il nous forme — « 
1814 nt qu’il nous forme — « car si quelque langage de la nature et de l’art… préexistait pour lui… le poète se placerait en de
1815 rme — « car si quelque langage de la nature et de l’ art… préexistait pour lui… le poète se placerait en dehors de son cham
1816 e de la nature et de l’art… préexistait pour lui… le poète se placerait en dehors de son champ d’efficacité, il sortirait
1817 il sortirait de sa création »29. Son langage, il le fait de noms sacrés et de signes élus, qualifiés par un « ton fondame
1818 ndamental ». C’est une sorte de code initiatique, le chiffre de sa religion. Noms de fleuves et d’îles, de cités, de hauts
1819 et leur seul énoncé suffit à qualifier et activer la nostalgie constitutive du poème : le Gothard et l’Olympe, Pister, l’I
1820 r et activer la nostalgie constitutive du poème : le Gothard et l’Olympe, Pister, l’Indus, Patmos, et Dodone, et Délos, et
1821 a nostalgie constitutive du poème : le Gothard et l’ Olympe, Pister, l’Indus, Patmos, et Dodone, et Délos, et Delphes, et l
1822 tutive du poème : le Gothard et l’Olympe, Pister, l’ Indus, Patmos, et Dodone, et Délos, et Delphes, et le matin de Salamin
1823 ndus, Patmos, et Dodone, et Délos, et Delphes, et le matin de Salamine, et l’Hespérie, « Couchant du temps ». Sous la Rous
1824 et Délos, et Delphes, et le matin de Salamine, et l’ Hespérie, « Couchant du temps ». Sous la Rousse et la Flamboyante, hau
1825 amine, et l’Hespérie, « Couchant du temps ». Sous la Rousse et la Flamboyante, hautes parois de roches nues dominant Delph
1826 espérie, « Couchant du temps ». Sous la Rousse et la Flamboyante, hautes parois de roches nues dominant Delphes (et de plu
1827 e fonce un milan sur sa proie d’ombre) au bord de la fontaine aux eaux « saintes et sobres », écoutons-le30 : Jusqu’aux p
1828 qu’aux pieds du Parnasse j’irai, et, dès que dans l’ ombre des chênes Brillera la lueur de ton flot surgissant, Castalie !
1829 rai, et, dès que dans l’ombre des chênes Brillera la lueur de ton flot surgissant, Castalie ! Ah ! je veux Dans la vasque
1830 ton flot surgissant, Castalie ! Ah ! je veux Dans la vasque puiser, à travers le parfum de tes fleurs, et répandre, Sur le
1831 e ! Ah ! je veux Dans la vasque puiser, à travers le parfum de tes fleurs, et répandre, Sur le sol où renaît la prairie, l
1832 travers le parfum de tes fleurs, et répandre, Sur le sol où renaît la prairie, l’eau sacrée et mes larmes, afin, Qu’une of
1833 de tes fleurs, et répandre, Sur le sol où renaît la prairie, l’eau sacrée et mes larmes, afin, Qu’une offrande pourtant v
1834 rs, et répandre, Sur le sol où renaît la prairie, l’ eau sacrée et mes larmes, afin, Qu’une offrande pourtant vienne encore
1835 s délaissés, vous atteindre ! Et, plus loin, dans le val qui se tait, près des rocs suspendus de Tempé, Près de vous j’éli
1836 1801-1802. 22. Mnemosyne III, 1803. 23. « Par le fait que (le poète) me nomme ce signe, il emprunte à mon monde sa mat
1837 22. Mnemosyne III, 1803. 23. « Par le fait que ( le poète) me nomme ce signe, il emprunte à mon monde sa matière, il me d
1838 , il me détermine à transférer cette matière dans le signe », écrit Hölderlin dans son grand essai sur la démarche poétiqu
1839 signe », écrit Hölderlin dans son grand essai sur la démarche poétique, au chapitre traitant du langage et de son « effica
1840 t de son « efficacité ». 24. André Chénier. 25. Le précieux Hölderlin de la Pléiade, paru en 1967, supprime par malheur
1841 rime par malheur ces tirets, que donnent toujours les éditions allemandes. 26. Cf. l’essai cité, page 268 éd. de la Pléiad
1842 onnent toujours les éditions allemandes. 26. Cf. l’ essai cité, page 268 éd. de la Pléiade. 27. Le Neckar, Pléiade, p. 4
1843 llemandes. 26. Cf. l’essai cité, page 268 éd. de la Pléiade. 27. Le Neckar, Pléiade, p. 459. 28. Une sorte de futur, e
1844 . l’essai cité, page 268 éd. de la Pléiade. 27. Le Neckar, Pléiade, p. 459. 28. Une sorte de futur, en réalité, comme l
1845 . 459. 28. Une sorte de futur, en réalité, comme le futur antérieur est une sorte de passé. 29. Essai cité, Éd. de la Pl
1846 r est une sorte de passé. 29. Essai cité, Éd. de la Pléiade, p. 630. 30. Je cite l’Archipel dans la belle adaptation ryt
1847 sai cité, Éd. de la Pléiade, p. 630. 30. Je cite l’ Archipel dans la belle adaptation rythmique de Jean Tardieu. Éd. de la
1848 la Pléiade, p. 630. 30. Je cite l’Archipel dans la belle adaptation rythmique de Jean Tardieu. Éd. de la Pléiade, p. 826
1849 elle adaptation rythmique de Jean Tardieu. Éd. de la Pléiade, p. 826. al. Rougemont Denis de, « Hölderlin dans le souven
1850 . 826. al. Rougemont Denis de, « Hölderlin dans le souvenir des noms splendides », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neu