1 1926, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Avant-propos (décembre 1926)
1 u temps, en général, et sur celles en particulier qu’ implique la publication de notre revue. Mais nous savons, tout comme M
2 otre revue. Mais nous savons, tout comme M. Coué, que ce serait de mauvaise méthode. Et, comme M. Coué, nous nous persuadon
3 méthode. Et, comme M. Coué, nous nous persuadons que tout ira très bien. Les circonstances l’exigent, d’ailleurs, plus que
4 en. Les circonstances l’exigent, d’ailleurs, plus que jamais, et plus que jamais, nous semble-t-il, notre revue a sa raison
5 s l’exigent, d’ailleurs, plus que jamais, et plus que jamais, nous semble-t-il, notre revue a sa raison d’être. La vie d’au
6 tre parfois quelque peu impertinente. Le fait est que nous éprouvons irrésistiblement l’obligation d’être nous-mêmes. Et, d
7 ite, c’est en cela uniquement — être nous-mêmes — que consistera notre programme. Sans doute, les différences s’accusent :
8 bénéfice en retour. Certes, nous ne demandons pas qu’ on prenne toutes nos obscurités pour des profondeurs. Et nous n’allons
9 ationnelle révision des valeurs. Nous savons bien que nous ne faisons que passer, après tant d’autres, avant tant d’autres.
10 des valeurs. Nous savons bien que nous ne faisons que passer, après tant d’autres, avant tant d’autres. « Amis, ce sont les
11 , mais seulement de retenir sa place au spectacle qu’ ils offrent et de les considérer avec sympathie. Il est bien facile de
12 près moi, le déluge ! », et de se détourner de ce qu’ on a coutume d’appeler notre « désordre ». Mais on est toujours le fil
13 iens » — prétention éminemment peu bellettrienne. Que sommes-nous donc ? Le plus qu’on puisse dire, c’est que vous le saure
14 peu bellettrienne. Que sommes-nous donc ? Le plus qu’ on puisse dire, c’est que vous le saurez un peu mieux quand vous aurez
15 mmes-nous donc ? Le plus qu’on puisse dire, c’est que vous le saurez un peu mieux quand vous aurez lu nos huit numéros. Il
16 eux quand vous aurez lu nos huit numéros. Il faut que notre revue reste cette chose unique et indéfinissable, comme toute c
17 de fleurs disparates, aux tiges divergentes, mais qu’ un ruban rouge et vert lie par la grâce d’une volonté sans doute divin
2 1926, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Paradoxe de la sincérité (décembre 1926)
18 e vertu d’une anarchie dont on ne veut pas avouer qu’ elle est plus nécessaire — provisoirement — que satisfaisante pour l’e
19 er qu’elle est plus nécessaire — provisoirement — que satisfaisante pour l’esprit. C’est ainsi que nous trompant nous-mêmes
20 nt — que satisfaisante pour l’esprit. C’est ainsi que nous trompant nous-mêmes, sous le prétexte toujours de probité intell
21 pour excuser sa petite faiblesse originale : tant qu’ à la fin la notion concrète de sincérité s’évanouit en mille définitio
22 ), ou « perpétuel effort pour créer son âme telle qu’ elle est » (Rivière), ou encore refus de choisir, volonté de tout cons
23 ntéressée, de naturaliste de l’âme ? Heureusement que M. Brémond ne s’est pas encore mêlé de l’affaire. Au reste, on n’a pa
24 s du subtil abbé pour n’y plus rien comprendre. ⁂ Qu’ on imagine un personnage de tableau se mettre à décrire ce qu’il voit
25 e un personnage de tableau se mettre à décrire ce qu’ il voit autour de lui — et l’étonnement indigné du spectateur. Pour pa
26 s une certaine mesure — parce que nécessaire — ce qu’ il y a de déplaisant dans l’effort d’un esprit pour se dégager de conf
27 n peut tirer par une sorte de passage à la limite que les faits justifient : sincérité = spontanéité. Mais la morale est ce
28 ussant Fleurissoire « pour rien » ne songeait pas qu’ il allait faire école. Le fait est que ce geste symbolique a déclenché
29 ongeait pas qu’il allait faire école. Le fait est que ce geste symbolique a déclenché tout un mouvement littéraire, celui-l
30 . Le geste le plus incongru du héros n’est jamais que le résultat d’un mécanisme inconscient, aussi révélateur du personnag
31 nisme inconscient, aussi révélateur du personnage que ses actions les mieux concertées. Rien n’est gratuit que relativement
32 actions les mieux concertées. Rien n’est gratuit que relativement à un système restreint de références. Il résulte de sem
33 les considérations, dans le domaine de la morale, que le meilleur moyen de se livrer à ses déterminants, c’est de mener la
34 ses déterminants, c’est de mener la vie gratuite que réclament les surréalistes. Le contraire de la liberté. D’autre part,
35 nner à l’acte gratuit une valeur morale en disant qu’ il révèle ce qu’il y a de plus secret dans la personnalité. Ce serait
36 atuit une valeur morale en disant qu’il révèle ce qu’ il y a de plus secret dans la personnalité. Ce serait un moyen de conn
37 isme », la décision réfléchie, aussi peu gratuite que possible, d’un Julien Sorel, est-elle moins révélatrice du fond de l’
38 elle moins révélatrice du fond de l’âme humaine ? Que si l’on s’étonne de me voir donner ici la préférence à l’acte volonta
39 littérature je défends l’acte gratuit, je réponds que la littérature remplirait déjà suffisamment son rôle en se bornant à
40 ntense et plus émouvante ; mais la morale, plutôt que de nous constater, doit nous construire — selon le mode le plus libre
41 je prends une feuille blanche, je vais écrire ce que je trouve en moi (sentiments, idées, souvenirs, désirs, élans, hésita
42 élans, hésitations, obscurités, etc.). Supposons que j’éprouve un désir d’action vive, un élan vers certain but précis. O
43 onséquences matérielles. Ce n’est plus l’élan pur que je décris : c’est un élan freiné dans mon esprit, c’est le frein lui-
44 fatalement c’est à la découverte d’une faiblesse que j’aboutis : ce quelque chose qui m’a retenu d’accomplir ce que l’élan
45  : ce quelque chose qui m’a retenu d’accomplir ce que l’élan appelait.   Second exemple. — J’éprouve le besoin de faire le
46 , je revis plus ou moins fortement des sentiments que je crois avoir éprouvés à tel moment de mon passé. Parfois — rarement
47 e, c’est bien le second. La qualité des souvenirs qu’ il me livre me renseigne assez exactement, non sur mon passé, mais sur
48 exactement, non sur mon passé, mais sur le moment que je vis1. Il est bien clair qu’on ne saurait atteindre « la vérité sur
49 mais sur le moment que je vis1. Il est bien clair qu’ on ne saurait atteindre « la vérité sur soi » en se servant de la méth
50 l’évocation de mes désirs anciens ne me restitue qu’ un dégoût. J’ai cru que je pourrais me regarder sans rien toucher en m
51 irs anciens ne me restitue qu’un dégoût. J’ai cru que je pourrais me regarder sans rien toucher en moi. En réalité, je n’as
52 René Crevel, est la démonstration la plus cynique que je connaisse de ces ravages du sincérisme. Dans la solitude qu’il s’a
53 se de ces ravages du sincérisme. Dans la solitude qu’ il s’acharne à approfondir — il était venu y chercher quelque raison d
54 e comme raison d’une perpétuelle attente »), — ce que l’auteur découvre c’est ce « merveilleux contraire » de l’élan vital
55 ’est ce « merveilleux contraire » de l’élan vital qu’ il nomme élan mortel — générateur de l’incurable tristesse qui rôde da
56 ges du sincérisme. C’est plus exactement faillite qu’ il faudrait. Faillite de toute introspection, en littérature et en mor
57 mon autoportrait moral : je me compose plus laid que nature. Faut-il conclure avec Gide : « L’analyse psychologique a perd
58 pour moi tout intérêt du jour où je me suis avisé que l’homme éprouve ce qu’il imagine d’éprouver. » Non. Car à supposer qu
59 u jour où je me suis avisé que l’homme éprouve ce qu’ il imagine d’éprouver. » Non. Car à supposer que l’analyse nous crée,
60 e qu’il imagine d’éprouver. » Non. Car à supposer que l’analyse nous crée, elle ne nous crée pas n’importe comment, mais se
61 retrouve notre individualité. Elle nous crée tels que nous tendons à être (plutôt inférieurs, en vertu des remarques précéd
62 me « un perpétuel effort pour créer son âme telle qu’ elle est ». Il voyait dans cet effort sur soi le gage d’un enrichissem
63 re. Cependant, n’est-ce pas lui-même qui ajoutait que l’homme sincère « en vient à ne plus pouvoir même souhaiter d’être di
64 , le cas extrême d’un Crevel nous montre assez ce qu’ il faut penser2. Il ne s’en suit pas que contenue dans des limites ass
65 assez ce qu’il faut penser2. Il ne s’en suit pas que contenue dans des limites assez étroites empiriquement fournies par l
66 les bénéfices sont maigres en regard des dangers que la sincérité du noli me tangere fait courir, tant dans le domaine lit
67 gere fait courir, tant dans le domaine littéraire que dans celui de l’action. En littérature : refus de construire, de comp
68 La fonction de l’homme est aussi bien de croire que de constater. F. Raub. La sincérité obstinée d’un Rivière n’a plus
69 rop sincère, pas sincère. Ou bien si l’on prétend que la sincérité est la recherche, puis l’acceptation de toute tendance d
70 ’acceptation de toute tendance du moi, je réponds que le mensonge est sincère aussi, qui révèle mon besoin de mentir. Il de
71 ident3 — mais jamais au point d’oublier la vérité qu’ on désirait qu’ils cachent pour un moment. « L’art est un mensonge, ma
72 amais au point d’oublier la vérité qu’on désirait qu’ ils cachent pour un moment. « L’art est un mensonge, mais un bon artis
73 essaire à la vie, n’est-ce pas être sincère aussi que de s’y prêter ? Or, il vous tire aussitôt de l’indétermination violen
74 vous tire aussitôt de l’indétermination violente qu’ est la sincérité selon Rivière. La sincérité véritable vous pousse à f
75 éritable vous pousse à faire le saut dans le vide qu’ exige toute foi ; c’est la volonté de sincérité, c’est-à-dire une sinc
76 e, qui retient de l’oser. Petite anthologie ou que le « style » est de l’homme même J’en étais à peu près à ce point
77 t de mes notes — à ce point de mon dégoût pour ce que beaucoup continuaient d’appeler sincérité et qui me devenait inintell
78 ntion qui altérerait leur moi ; ils ne souhaitent que d’être leur propre témoin, intelligent mais immobile : ce sont les mê
79 ale de M. Godeau serait définie par l’aspect seul qu’ il souffrirait de garder lui-même à son propre regard. Ainsi la valeur
80 ur morale d’un homme équivalait-elle à l’illusion qu’ il était capable d’entretenir sur lui-même. (Marcel Jouhandeau.) Ce qu
81 ’entretenir sur lui-même. (Marcel Jouhandeau.) Ce qu’ on appelle une œuvre sincère est celle qui est douée d’assez de force
82 olescence où l’on soupçonne pour la première fois que certains, peut-être, jouent leur vie. Rien ne paraît plus sinistre à
83 s l’intensité d’un sentiment intime, ce moi idéal que j’appelle en chaque minute de ma joie est plus réel que celui qu’une
84 appelle en chaque minute de ma joie est plus réel que celui qu’une analyse désolée s’imaginait retenir. Dès lors, ce n’est
85 chaque minute de ma joie est plus réel que celui qu’ une analyse désolée s’imaginait retenir. Dès lors, ce n’est pas lâcher
86 s lors, ce n’est pas lâcher la proie pour l’ombre que de tendre vers ce modèle. Dirais-je que c’est ma sincérité d’y aller
87 r l’ombre que de tendre vers ce modèle. Dirais-je que c’est ma sincérité d’y aller par les moyens les plus efficaces ? Mais
88 rêtais bien quelques voiles à mon dégoût d’un moi que la vie me montrait si désespérément vrai, tyrannique, insuffisant. Ma
89 sion particulière, ne pouvait non plus s’imaginer qu’ elle en pût être privée. Alors, acquiesçant vivement à l’invite que je
90 re privée. Alors, acquiesçant vivement à l’invite que je soupçonnais la plus riche d’inconnu, je m’élançais sur la voie qu’
91 a plus riche d’inconnu, je m’élançais sur la voie qu’ elle m’ouvrait, avec tant de rires amis, vers tout ce que momentanémen
92 m’ouvrait, avec tant de rires amis, vers tout ce que momentanément je choisissais de laisser — et des baisers à tous les v
93 is de laisser — et des baisers à tous les vents — qu’ il eût été loisible d’attribuer comme objet à ma jubilation, non pas c
94 e portais, mais bien ces figurants de mon bonheur que je me conciliais pour des retours possibles. C’est ainsi que fidèle à
95 onciliais pour des retours possibles. C’est ainsi que fidèle à soi-même au plus profond de l’être, on entretient comme une
96 e. Mais c’est une honnêteté peut-être plus réelle que l’autre. Et l’on conçoit que ce constant et secret assujettissement a
97 eut-être plus réelle que l’autre. Et l’on conçoit que ce constant et secret assujettissement au moi idéal exige une politiq
98 timents plus subtile et, je pense, moins vulgaire que cette agilité offensive qu’on appelle dans la vie publique arrivisme,
99 pense, moins vulgaire que cette agilité offensive qu’ on appelle dans la vie publique arrivisme, et séduction dans les salon
100 ocrisie envers soi-même une volonté — si profonde qu’ elle n’a pas besoin de s’expliciter pour être efficace — qui m’interdi
101 je ne veux plus souffrir. (Car il n’est peut-être qu’ une espèce de souffrance véritablement insupportable, c’est celle qu’o
102 uffrance véritablement insupportable, c’est celle qu’ on tire de soi-même.) Hypocrisie, ce sourire des sphinx ; hypocrisie,
103 risie, masque ambigu d’une liberté plus précieuse que toute certitude… Ô vérité, ma vérité, non pas ce que je suis, mais ce
104 toute certitude… Ô vérité, ma vérité, non pas ce que je suis, mais ce que de toute mon âme je veux être !… 1. La vérita
105 érité, ma vérité, non pas ce que je suis, mais ce que de toute mon âme je veux être !… 1. La véritable description de l’
106 le premier exemple, ce serait le récit des gestes qu’ il m’aurait fait commettre. Manifester est plus sincère qu’analyser.
107 urait fait commettre. Manifester est plus sincère qu’ analyser. 2. D’ailleurs toute la psychologie moderne souligne la quas
108 criture, l’affirmation prouve moins une certitude qu’ un désir de certitude né de quelque doute au fond. » (René Crevel) c.
3 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Billets aigres-doux (janvier 1927)
109 rs. L’amour est un alibi Nos lèvres sitôt que jointes, Ô dernier mensonge tu, Je m’enfuis vers d’autres rêves Où so
110 els anges fous. L’horaire dicte un adieu, La mode qu’ on rie des pleurs, Lors je baise votre main Comme on signe d’un faux n
4 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Conte métaphysique : L’individu atteint de strabisme (janvier 1927)
111 ns de chasse gardée du ci-devant soleil. C’est là qu’ Urbain, premier du nom dans sa famille, laquelle n’avait compté jusqu’
112 ts et un chapelier dont tous s’accordaient à dire qu’ il ne péchait que par excès de bonne humeur printanière, Urbain donc,
113 r dont tous s’accordaient à dire qu’il ne péchait que par excès de bonne humeur printanière, Urbain donc, premier mauvais g
114 rbain ouvrit les yeux et ne vit rien. On rappelle que les étoiles s’étaient décrochées de leur poste dans l’éternité. « Éte
115 ité judiciaire et française, dédaigna des avances que la perte de son sens de l’éternel rendait pourtant considérables, au
116 vers le néant, retourna ses poches, ôta ses gants qu’ il jeta, puis, après un grand coup de pied dans le vide symbolique des
117 ide symbolique des systèmes, sortit, c’est-à-dire qu’ il fit un pas dans une direction quelconque. L’étoile pleurait, sentim
5 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Lettre du survivant (février 1927)
118  » (Les journaux.) Mademoiselle, Il faut d’abord que je m’excuse : c’est un peu prétentieux de vous écrire au moment où je
119 e au moment où je vais me suicider, d’autant plus que vous n’y croirez pas — et pourtant… Il faut aussi que je vous dise qu
120 vous n’y croirez pas — et pourtant… Il faut aussi que je vous dise qu’il fait très froid dans ma chambre : le feu n’a pas p
121 pas — et pourtant… Il faut aussi que je vous dise qu’ il fait très froid dans ma chambre : le feu n’a pas pris, et d’ailleur
122 isir, comme on dit, sans doute parce que c’est là que se nouent les douleurs les plus atrocement inutiles. La première fois
123 drame sur vos traits seulement ; l’écho n’en fut que plus douloureux dans mon cœur. Puis je vous ai oubliée. Puis je vous
124 . Puis je vous ai revue, aux courses, et c’est là que j’ai découvert que vous existiez en moi, à certain désagrément que j’
125 evue, aux courses, et c’est là que j’ai découvert que vous existiez en moi, à certain désagrément que j’eus de vous voir si
126 t que vous existiez en moi, à certain désagrément que j’eus de vous voir si entourée… D’autres fois… je n’ai plus le courag
127 èrent les miens plus d’une fois pendant une danse qu’ il fit avec vous, mais vous les détourniez soudain comme pour vous arr
128 e obsession secrètement attirante ; et je pensais que la force de mon désir était telle que vous en éprouviez vaguement la
129 je pensais que la force de mon désir était telle que vous en éprouviez vaguement la menace. Je dis menace, parce que mes a
130 mes airs sombres vous effrayaient sans doute plus qu’ ils ne vous attiraient. Mais, maintenant, je pense que ces regards cro
131 ls ne vous attiraient. Mais, maintenant, je pense que ces regards croisés n’avaient aucune signification et que mon anxiété
132 regards croisés n’avaient aucune signification et que mon anxiété seule leur prêtait quelque intention. Quand enfin l’orche
133 douleurs. Même, je fus obligé de confier à un ami que j’en avais repris … Les archets jouaient sur mes nerfs. Le jazz marte
134 t la nausée. Je rentrai seul. Voici quelques mots que j’écrivis à ma table en désordre où je venais de jeter mon col de smo
135 sur l’orchestre pensif. Ton regard est plus grand que le chant des violons. Aube dure ! En ma tête rôde ton souvenir, comme
136 lui dire très vite quelques mots si bouleversants qu’ avant le dernier étage… » Je délirais, bien sûr. Je m’imaginais que le
137 er étage… » Je délirais, bien sûr. Je m’imaginais que les vendeuses me dévisageaient de plus en plus impudemment : je devai
138 me disais encore : Si je prends cet ascenseur et que je la croise en route dans l’ascenseur descendant… Il aurait fallu mo
139 se pencher vers la vitre… Je montai. Il n’y avait que des dames. Personne ne parlait. La jeune femme qui s’était penchée vo
140 issés, avides, implorants. Oh ! toutes les femmes que j’ai fait souffrir cette nuit d’un long regard de damné. À minuit, te
141 long regard de damné. À minuit, tellement épuisé que je mêlais à mes pensées des fragments de rêves et les personnages des
142 a fraîcheur de la brume m’apaisa. Sur la promesse que je fis que je me sentais mieux, on me laissa rentrer seul. Je ne sais
143 de la brume m’apaisa. Sur la promesse que je fis que je me sentais mieux, on me laissa rentrer seul. Je ne sais comment j’
144 er seul. Je ne sais comment j’y parvins. Je crois que j’ai marché plusieurs heures avant de retrouver ma rue. Il doit être
145 s appels d’autos dans la ville, mais il me semble que toutes choses s’éloignent de moi vertigineusement, par cette aube inc
146 e ne correspond à rien dans mon esprit. Peut-être que j’ai perdu la notion du temps. Je ne me souviens plus que de cette dé
147 perdu la notion du temps. Je ne me souviens plus que de cette déception insupportable et définitive de mon désir. Je ne vo
148 . (Je le caresse, entre deux phrases.) Mais voici que ce geste de ma mort aussi me lasse, l’image que je m’en forme… Je ne
149 i que ce geste de ma mort aussi me lasse, l’image que je m’en forme… Je ne comprends plus pourquoi je devrais me tuer, pour
150 rquoi je devrais me tuer, pourquoi je souffre, ce que c’est que la souffrance, ce que c’est que ma vie, ma mort. Mon Dieu,
151 evrais me tuer, pourquoi je souffre, ce que c’est que la souffrance, ce que c’est que ma vie, ma mort. Mon Dieu, il n’y a p
152 oi je souffre, ce que c’est que la souffrance, ce que c’est que ma vie, ma mort. Mon Dieu, il n’y a plus qu’un glissement g
153 fre, ce que c’est que la souffrance, ce que c’est que ma vie, ma mort. Mon Dieu, il n’y a plus qu’un glissement gris, sans
154 ’est que ma vie, ma mort. Mon Dieu, il n’y a plus qu’ un glissement gris, sans fin… Il faudrait que je dorme : il n’y aurait
155 plus qu’un glissement gris, sans fin… Il faudrait que je dorme : il n’y aurait plus rien. 4. Encore un qui vous aime, je
6 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Orphée sans charme (février 1927)
156 Et une note d’Orphée précise : « Inutile de dire qu’ il n’y a pas un seul symbole dans la pièce. » Ce qui me gêne pourtant,
157  ». Sa femme l’accuse de « vouloir faire admettre que la poésie consiste à écrire une phrase ». Et cette phrase, c’est un c
158 e la mort. » Or, on découvre à la fin de la pièce que c’est une anagramme un peu ordurière. Ainsi les rêves publiés par les
159 nsait à quelqu’un lorsqu’il écrivit certains vers qu’ on peut lire plus haut : Les anges véritables qui connaissent les sig
160 vant de se lancer sur la corde raide. Je suis sûr qu’ il ne tombera pas. J’admire sans émoi. ⁂ Certes, les qualités scénique
161 ue qui cerne le mystère d’un trait pur. Il semble que Cocteau ait réalisé là exactement ce qu’il voulait. Et pourtant cette
162 l semble que Cocteau ait réalisé là exactement ce qu’ il voulait. Et pourtant cette admirable machine ne m’inquiète guère :
163 e admirable machine ne m’inquiète guère : je sais qu’ elle le conduira où il veut, sans surprises. « Puisque ces mystères me
164 ’auteur : il l’a trop bien organisé. En somme, ce qu’ il faut reprocher à Cocteau, c’est d’avoir réussi complètement une piè
165 complètement une pièce, prouvant une fois de plus que l’atmosphère de l’« art pur » n’est pas respirable. Il ne manque rien
166 al taillé, selon toutes les règles de l’art, mais que l’essence obtenue, si elle est de rose, est sans parfum.   (Tout de m
167 verrais une preuve, pour mon compte, dans le fait que je ne sais parler de lui autrement que par métaphores.) 5. M. Zimme
168 ns le fait que je ne sais parler de lui autrement que par métaphores.) 5. M. Zimmer, dans la Gazette de Lausanne . Et mê
7 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). L’autre œil (février 1927)
169 e. Nous devons, nous pouvons faire quelque chose. Que diable ! nous ne sommes pas des imbéciles, nous ne sommes pas de ces
170 ciles, nous ne sommes pas de ces gens qui croient que 2 et 2 font 22, et qui confondent Jérôme et Jean Tharaud ! » Il y a d
171 esponsabilité s’empare de nous. Et nous calculons qu’ il s’agit de déranger 5000 personnes en huit soirées, et de les occupe
172 là, bas-toi là ! »… Est-il plus atroce spectacle que celui d’une maîtresse jadis belle et diserte qui tombe au ruisseau en
173 n’a pas la foi. Topin, Mahomet désabusé, constate que jamais « la Montagne » ne saura venir au prophète, même s’il se nomme
174 u mariage de nos veilles et de nos rêves », ainsi que le disait si poétiquement le programme. Un peu d’histoire (erratum de
175 à Mossoul de se perdre dans des jupons autrement que par métaphore. À La Chaux-de-Fonds, il y eut trente membres et cent d
176 s’éteignit dans les neiges. Un jour, on s’aperçut que cette chose avait recommencé, qu’on appelle, sans doute par antiphras
177 r, on s’aperçut que cette chose avait recommencé, qu’ on appelle, sans doute par antiphrase, la vie. 6. Revue ou prologue
8 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Entr’acte de René Clair, ou L’éloge du Miracle (mars 1927)
178 haud ». Affreux. Aussi : « Elle mourut. » On voit que cette bande est antérieure à l’époque du long baiser de conclusion. L
179 ilm japonais : une historiette un peu plus banale que nature, très bien photographiée. C’est le film du type « Jeux de sole
180 aisons obliques, montagnes russes. (J’ai regretté que René Clair ne nous donne pas la vision du mort.) Enfin le cercueil ro
181 grâce de trop de plaisir. Mais je ne suis pas sûr que le plaisir du public fût de même essence que le nôtre. Les gens rient
182 sûr que le plaisir du public fût de même essence que le nôtre. Les gens rient à l’enterrement au ralenti, à l’éclatement d
183 cinéma. Quand la danseuse paraît, ils n’attendent que le moment où ils pourront se pousser en disant : « C’que c’est cochon
184 essous mais accueille le résultat avec la naïveté qu’ il faut, approuve et dit : « C’est bien ça, c’est comme quand on rêve.
185 e imaginaire en montre (beaucoup trop à mon gré). Qu’ une sorcière transforme un homme en chien, cela n’a rien d’étonnant au
186 photographie d’une chose qui ne serait étonnante que dans le réel ; ce n’est pas encore un miracle de ciné. Et les fées pa
187 s quelle harmonie… C’est une réalité aussi réelle que celle dont nous avons convenu et que nous pensions la seule possible.
188 aussi réelle que celle dont nous avons convenu et que nous pensions la seule possible. Le monde « normal » nous apparaît al
189 aît alors comme l’une seulement des mille figures que peut revêtir une substantia dont nos sens trop faibles — bornés encor
190 e, non Madame, car alors quoi de plus surréaliste que le film 1905. Ce n’est peut-être qu’une question d’imagination ; il r
191 surréaliste que le film 1905. Ce n’est peut-être qu’ une question d’imagination ; il reste qu’un film comme Entr’acte est u
192 eut-être qu’une question d’imagination ; il reste qu’ un film comme Entr’acte est une aide puissante. Nous faisons nos premi
193 urés sauront enfin gagner de vitesse les prodiges que déclenche René Clair, verrons-nous, pris par surprise dans l’explorat
9 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Louis Aragon, le beau prétexte (avril 1927)
194 , le beau prétexte (avril 1927)o Ah ! je sens qu’ une puissance étrangère s’est emparée de mon être et a saisi les corde
195 a saisi les cordes les plus secrètes de mon âme, qu’ elle peut faire désormais vibrer à sa fantaisie, même si cela doit m’a
196 Il n’existe pas de théorie du salut. Il n’existe que des systèmes pour faire taire en nous l’appel vertigineux du Silence.
197 ux, mais c’est pour détourner nos regards de cela qu’ il faut bien nommer le Vide. Tant de séductions nous ont en vain tenté
198 rtant si éprouvées par le repas dont vous sortez, que ces trois mots où se résume la défense de la loi sociale, patriotique
199 vous rallumez votre cigare. Vous vous êtes assuré que la porte ferme bien sur l’infini. Rien à craindre de ce côté. Retourn
200 et d’autres, à travers les déserts de la sainteté que hantent les fantômes adorables du désir, — quelques hommes y pénètren
201 aibles s’efforcent — mais déjà c’est de plus loin qu’ il les nargue. Il connaît enfin une solitude défendue de tous côtés pa
202 igneuses, de bravades et de faciles tricheries8 — qu’ ait connue l’esprit humain. Sens de l’Absolu, sens de la pureté ou fan
203 dominés par le sens d’une réalité morale absolue que certains d’entre nous eussent acheté au prix d’un martyre… Nos jugeme
204 n’est nulle part9 ». Ultime affirmation d’une foi que plus rien ne peut duper. Depuis certaines paroles sur la Croix, il n’
205 ine, et vous aurez beau rire, pharisiens, et dire qu’ elle est née dans un café de Paris. « Je n’attends rien du monde, je n
206 arbes. Je viens d’entendre la voix d’un mystique. Que si l’on vient nous empêtrer de dogmes bassement ingénieux : « Si j’es
207 à la notion de Dieu, répond Aragon, je me révolte qu’ elle puisse en aucun cas servir d’argument à un homme. » Voilà qui nou
208 clues toutes grandeurs au profit de fuites lâches qu’ on veut nommer renoncements ! Jouant tout sur une révélation possible,
209 enne comment aimer un Dieu. Ce n’est pas à genoux qu’ on attendra : pour que cela eût un sens, il faudrait être sûr de n’avo
210 e encore Aragon, sinon qui ? — sa grandeur, c’est qu’ il lui faut atteindre Dieu ou n’espérer plus aucun pardon. II No
211 ce. Et voici Aragon revêtu d’une dignité tragique qu’ il trouverait sans doute un peu ridicule. C’est ainsi que l’on arrive
212 rouverait sans doute un peu ridicule. C’est ainsi que l’on arrive à croire, pour un autre, que c’est arrivé, ajoutant foi,
213 st ainsi que l’on arrive à croire, pour un autre, que c’est arrivé, ajoutant foi, dans tous les sens qu’admet ce terme, à d
214 ue c’est arrivé, ajoutant foi, dans tous les sens qu’ admet ce terme, à des exaltations que leur lyrisme rendait seules cont
215 ous les sens qu’admet ce terme, à des exaltations que leur lyrisme rendait seules contagieuses. Comment, en effet, ne pas v
216 ent, en effet, ne pas voir la part de littérature que renferme cette œuvre, et qui fait, en dépit des prétentions désoblige
217 le pour le scandale qui a le mérite de n’être pas qu’ un jeu littéraire. Mais enfin, c’est encore un Musset, seulement trans
218 ts. » Une belle phrase, n’est-ce pas ? Je ne sais qu’ un Montherlant qui pourrait l’oser dire comme Aragon sans ridicule. Et
219 ait l’oser dire comme Aragon sans ridicule. Et ce que je prenais pour le ton prophétique, ne serait-ce pas plutôt une sorte
220 possible par sous-entendu. Pas plus « ailleurs » que sur ce « globe d’attente » comme dit Crevel. Pourtant, le plus irrévo
221 rtant, le plus irrévocable désespoir n’est encore qu’ un appel à la foi la plus haute.   1er mai 1927. Mieux vaut pécher pa
222 .   1er mai 1927. Mieux vaut pécher par ridicule que par scepticisme ; par excès que par défaut. L’enthousiasme trompe moi
223 cher par ridicule que par scepticisme ; par excès que par défaut. L’enthousiasme trompe moins que le bon sens. Don Quichott
224 excès que par défaut. L’enthousiasme trompe moins que le bon sens. Don Quichotte est tout de même moins misérable que Cléme
225 s. Don Quichotte est tout de même moins misérable que Clément Vautel — et si ce nom revient sous ma plume, comme une mouche
226 si ce nom revient sous ma plume, comme une mouche qu’ on n’a jamais fini de chasser parce qu’elle n’a pas mérité du premier
227 sser parce qu’elle n’a pas mérité du premier coup qu’ on se donne la peine de l’écraser, — c’est qu’il symbolise tout cet ét
228 oup qu’on se donne la peine de l’écraser, — c’est qu’ il symbolise tout cet état d’esprit « bien Parisien » dont de récentes
229 ibrairie montrèrent les ravages bien plus étendus qu’ on n’osait le craindre11. Si dans un essai sur la sincérité j’ai soute
230 1. Si dans un essai sur la sincérité j’ai soutenu qu’ une introspection immobile ne retient rien de la réalité vivante ; si
231 récuse ici certain sens critique dont on voudrait que soient justiciables les œuvres d’un écrivain, les démarches de sa pen
232 é notre orgueilleuse raison à nous tromper sur ce qu’ il y a de profond en nous, et elle ne manque guère à ce devoir sacré. 
233 Le Sens Critique. — Il y a un certain temps déjà que nous ne nous sommes revus. Mais je suis vos travaux avec intérêt, et
234 je suis vos travaux avec intérêt, et il m’a paru que depuis quelque temps… enfin, comment dirais-je… je me suis dit que je
235 e temps… enfin, comment dirais-je… je me suis dit que je pourrais, en quelque sorte, vous être de quelque utilité… Moi. — 
236 op d’êtres et de choses à aimer, et vous savez ce que cela suppose. Comprenez-moi : submergés, absolument… Le Sens Critiqu
237 ’aurais en quelque manière la prétention… Moi. —  Que voilà un singulier impertinent de votre part. (Le reconduisant :) Cro
238 ne peut rien faire sans vous. Mais n’oubliez pas que « l’artiste serait peu de chose s’il ne spéculait sur l’incertain »,
239 ar enfin, elle est déesse. Mais entre leurs mains qu’ est-elle devenue ? C’est bien leur faute si elle nous apparaît aujourd
240 is. » Alors la voix de Rimbardp à la cantonade : Qu’ il vienne, qu’il vienne Le temps dont on s’éprenne ! Les œuvres les
241 voix de Rimbardp à la cantonade : Qu’il vienne, qu’ il vienne Le temps dont on s’éprenne ! Les œuvres les plus significa
242 s en haine de l’époque12. Le reproche d’obscurité que l’on fait à la littérature moderne n’est qu’une manifestation de ce d
243 rité que l’on fait à la littérature moderne n’est qu’ une manifestation de ce divorce radical entre l’époque et les quelques
244 tion à nous, dans tel domaine. Et c’est même ceci que je ne puis pardonner aux surréalistes : qu’ils aient voulu s’allier a
245 ceci que je ne puis pardonner aux surréalistes : qu’ ils aient voulu s’allier aux dogmatiques d’extrême gauche. Je ne dirai
246 extrême gauche. Je ne dirai pas, comme on a fait, que c’est très joli de crier merde pour Horace, Montaigne, Descartes, Sch
247 une révolution en fonction du capitalisme. Est-ce que vraiment vous ne pouvez vous libérer de cette manie française, la pol
248 nie française, la politique, et ne voyez-vous pas que c’est faire le jeu de vos ennemis de discuter avec eux dans leur lang
249 ur langue et de crier rouge pour la simple raison qu’ ils ont dit blanc ? Pensez-vous combattre cet esprit « bien français »
250 otre mépris, en prenant le contre-pied de tout ce qu’ il inspire ? Alors que cette réaction même est ce qu’il y a de plus fr
251 il inspire ? Alors que cette réaction même est ce qu’ il y a de plus français ; que c’est elle qui donne au surréalisme ce p
252 réaction même est ce qu’il y a de plus français ; que c’est elle qui donne au surréalisme ce petit côté jacobin si authenti
253 aurait trop à dire, et puis l’on croirait encore que je suis avec ceux qui traitent Aragon, Breton et leurs amis alternati
254 s ont tort, envers et contre toutes les critiques qu’ on pourrait leur adresser, parce que ces « maudits » ont la grâce, par
255 n’étaient pas des êtres, mais leurs abstractions que nous haïssions. Notre haine de certaine morale ne venait-elle pas de
256 haine de certaine morale ne venait-elle pas de ce qu’ en son nom l’on mesurait odieusement une sympathie humaine pour nous s
257 magnifique perdition dans des choses plus grandes que nous. Nous nous connaissions dans les coins et nous mourions d’ennui
258 les aspects irrévocablement prévus de nous-mêmes que faisaient paraître les petits faits de nos longues journées. Nous aim
259 olution ; parce que cette révolution ne demandait qu’ à s’asseoir et que son siège était fait. Nous aimions la Révolution qu
260 e cette révolution ne demandait qu’à s’asseoir et que son siège était fait. Nous aimions la Révolution qui nous perdrait co
261 , la révolution-vice. Mais on ne vit, on ne meurt que de vices. ⁂ Ici le lecteur se rassure. « Il s’y retrouve. » Il pense
262 lecteur se rassure. « Il s’y retrouve. » Il pense que c’est bien jeune. Et : encore un qui rue dans les brancards, c’est tr
263 inconscience de ruminants ou neurasthénie, est-ce que vraiment vous vous êtes tellement amusés avec vos chers principes. R
264 lerons vos langues aériennes. On n’acceptera plus que des valeurs de passion. Balayez ces douanes de l’esprit, proclamez le
265 rannie des souvenirs ; et ce n’est pas se libérer que de brasser ces chaînes sonores. 9. Lettre à Paul Claudel. 10. Musse
10 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Quatre incidents (avril 1927)
266 que de tels soupirs, d’ailleurs invraisemblables, qu’ à leurs reflets se fussent évanouis des arcs-en-ciel de névroses dans
267 ec maîtresse. École savait le mythe du voyage, et qu’ on ne manque pas le train bleu d’un désir. Elle était donc venue. Il l
268 jusqu’au soleil toujours de face. Il ne vit plus que la foule des yeux bleus, son éblouissement. Soudain la voici, elle de
269 ais. Il s’est trompé, ce n’est pas elle. Il pensa que c’était un ange, de ceux qui vont à la recherche des âmes. Aussitôt i
270 chéri, si j’aime la comtesse ? Mais tu es si laid que cela me donne encore plus de plaisir. » Le duc paya et s’enfuit en di
271 s de plaisir. » Le duc paya et s’enfuit en disant que ce n’était pas lui. L’enterrement aura lieu sans suite. Suicide du
272 évaporait aux caresses des flocons, plus perfides que des murmures d’adieu. Il tomba parmi les statues, dans l’amitié pensi
273 ment vers le soleil du haut-lac. Justement, voici que tout va s’ouvrir, qu’un monde s’est ouvert devant lui. Et l’eau n’est
274 haut-lac. Justement, voici que tout va s’ouvrir, qu’ un monde s’est ouvert devant lui. Et l’eau n’est pas moins somptueuse.
275 moi, qui regarde comme de l’autre bord, je songe qu’ il est des visites à de certaines grandes dames où je préférais — et l
11 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Récit du pickpocket (fragment) (mai 1927)
276 t … et je jure par Mercure, dieu du commerce, qu’ on m’a appris à voler. Aristophane (« Les Chevaliers »). Dès qu’on e
277 c’est un long adieu et le corps se fige à mesure que l’esprit s’établit sur ses positions. Or donc, j’avais vingt ans. Je
278 car ils aimaient en moi par-dessus tout la vertu que je leur devais. Pourtant, je ne détournai pas mes yeux des yeux de ce
279 nai pas mes yeux des yeux de cette femme, de peur qu’ elle ne souffrît à cause de moi. Un soir qu’elle pleurait, je l’embras
280 peur qu’elle ne souffrît à cause de moi. Un soir qu’ elle pleurait, je l’embrassai si fort… En un quart d’heure, je connais
281 un quart d’heure, je connaissais l’amour dans ce qu’ il a de plus étrangement prosaïque à la fois et bêtement heureux. Le l
282 partais dans une direction quelconque. Il advint que ce fut celle de l’Italie. La lumière, mon pays natal ! — Je vécus d’a
283  Je vécus d’articles sur la mode et la politique, que j’envoyais à divers journaux. Un jour, parcourant un quotidien de mon
284 ans une chambre d’hôtel où l’on ne voyait d’abord qu’ un bouquet transfiguré par la lumière et que reflétaient de nombreuses
285 abord qu’un bouquet transfiguré par la lumière et que reflétaient de nombreuses glaces. Les fenêtres que j’ouvris firent to
286 ue reflétaient de nombreuses glaces. Les fenêtres que j’ouvris firent tourner des soleils sur les parois claires. Du balcon
287 e un avenir de bonheur fiévreux — celui justement que j’entrevoyais. » Quand elle se fut endormie, je me rhabillai. Je ne t
288 e se fut endormie, je me rhabillai. Je ne trouvai que 100 francs dans son sac à main : c’était assez pour me permettre d’en
289 — je découvris une nuit, au moment de m’endormir, que ma passion du vol n’était qu’une longue vengeance. Ne m’avait-on pas
290 ment de m’endormir, que ma passion du vol n’était qu’ une longue vengeance. Ne m’avait-on pas dérobé des années de joie au p
291 s dérobé des années de joie au profit d’une vertu que tout en moi reniait obscurément. Je sentais bien que le ressort secre
292 s capitalistes et sans gendarmes. Je sais bien ce que vous me direz : Les millions que je pourrais leur soustraire ne compe
293 Je sais bien ce que vous me direz : Les millions que je pourrais leur soustraire ne compenseront jamais cette escroquerie
294 ais être engagé, du plan moral avec l’économique, qu’ une expression nouvelle, et non dénuée d’ironie, de mon mépris pour ce
295 le, et non dénuée d’ironie, de mon mépris pour ce qu’ ils appellent, ridiculement, les fondements mêmes de la société. » C’e
296 est avec le produit du vol d’un tronc de chapelle que j’édifiai à mes parents un tombeau sur lequel je fis graver : Prêté —
297 de ma vie de rat d’hôtel et de sleepings ; encore que … Bref, depuis quelques mois, je m’amuse à jouer le pickpocket. Cela p
298 der au moindre vol. » J’ajouterai, cher Monsieur, que l’analyse psychologique n’est pas mon fort. Je me contente de quelque
299 e me contente de quelques observations théoriques que je tiens pour vraies, et j’en vérifie les manifestations vivantes ave
300 s le véritable intérêt de ma vie. C’est vous dire que seule une certaine caresse de l’événement naissant peut encore m’émou
301 coup. Cela explique, m’a-t-on dit, le peu de goût que j’ai pour la poésie imprimée. » J’allais oublier de vous dire qu’on m
302 poésie imprimée. » J’allais oublier de vous dire qu’ on me nomme Saint-Julien. Vous n’ignorez point que l’on considère ce s
303 qu’on me nomme Saint-Julien. Vous n’ignorez point que l’on considère ce saint comme le patron des voyageurs… » Saint-Julien
304 e, sur cette vie dont le récit n’avait pas laissé que de l’agacer en maint endroit. « Une chose avant tout me frappe — dit-
305 Car, enfin, si je suis ici à vous écouter, c’est que je cherche ce qu’on est convenu d’appeler — pardonnez la lourdeur de
306 suis ici à vous écouter, c’est que je cherche ce qu’ on est convenu d’appeler — pardonnez la lourdeur de l’expression — une
307 e tirer de votre conduite les conclusions morales qu’ elle paraît impliquer, c’est ce caractère de, comment dirai-je…, de ju
308 quelqu’une de ces farces d’étudiants qui ne sont que la traduction en actes de jeux de mots plus ou moins cruels… » — Je v
309 . Je ne saurais y répondre. Je pourrais vous dire que si vous me trouvez un peu potache, il n’est pas prouvé par là que le
310 rouvez un peu potache, il n’est pas prouvé par là que le potache n’ait point raison. Mais justement je n’éprouve aucun dési
311 ir d’avoir raison. Je sens aussi bien que vous ce que mes principes peuvent avoir de « bien jeune », de banal presque, et,
312 t, pour quiconque est aussi profondément persuadé que moi de l’absurdité radicale de notre vie, la moindre farce, le moindr
313 ertaines de mes plaisanteries la dérision secrète qu’ elles masquent par caprice. ..........................................
314 de bas de page indique : « La rédaction rappelle que les idées émises dans la Revue de Belles-Lettres sont propres à leur
315 e de Belles-Lettres sont propres à leur auteur et qu’ elles n’engagent pas sa responsabilité. (N. de la R.) »
12 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Conseils à la jeunesse (mai 1927)
316 Bertrand. Est-ce vraiment aux romantiques de 1830 que ces reproches s’adressent, ou bien plutôt — vous alliez le dire — aux
317 ou deux petits phénomènes sociaux de notre temps que cette méthode ne suffirait pas à supprimer. Or, ils nous paraissent e
318 s ». — Citez-m’en de ces phénomènes ! — Mon Dieu, que dire… Il y aurait, par exemple, ce fait du triomphe de la Machine ; c
319 , merci du conseil, Monsieur Y. Z., de ce conseil que vous avouez modestement n’être pas inédit. Mais point n’est besoin de
320 t n’est besoin de rappeler Candide : nous pensons que bien avant Voltaire il y avait des autruches pour enseigner cette mét
13 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). La part du feu. Lettres sur le mépris de la littérature (juillet 1927)
321 roman : c’est trop agréable. Vous dites d’un goût qu’ on aurait pour Nietzsche : que c’est de la littérature. Alors, quelque
322 ous dites d’un goût qu’on aurait pour Nietzsche : que c’est de la littérature. Alors, quelque paysan du Danube survenant :
323 peu grosse, n’est-ce pas ? D’autres prennent soin que leurs sincérités gardent au moins l’excuse d’une audace qu’ils escomp
324 sincérités gardent au moins l’excuse d’une audace qu’ ils escomptent scandaleuse. Mais voici un bar où je vous suis. Vous y
325 aussi qui posent pour le diable et ne se baignent que dans des bénitiers : on voit trop qu’ils trouvent ça pittoresque. Et
326 se baignent que dans des bénitiers : on voit trop qu’ ils trouvent ça pittoresque. Et le plaisir d’être nu devant un public
327 Littérateur, va ! qui ne pouvez pas même admettre que la simplicité est simple simplement. La bouche brûlée d’alcools, vous
328 révèle le littérateur. Nous ne pouvons pas faire que nous n’ayons rien lu. Vous refusez de compter avec cette réalité de l
329 e la littérature qui est en nous (dangereuse tant que vous voudrez). Mais ce refus n’est pas seulement comme vous pensez, d
330 imiter le mal. Je vous vois envahi par des démons que vous prétendez m’interdire de nommer. Mais moi je partage avec certai
331 nom du propriétaire ; tirez un peu sur la laisse, que j’éprouve la fermeté de ma main. Je vous tiens. Je sais où vous êtes.
332 rprendre par-derrière. Une fois — et ce n’est pas que je m’en vante, — j’ai tué un amour naissant, à force de le crier sur
333 ux, simulacres de vie, qui sont à la vraie vie ce que le flirt est à l’amour. II Sur l’insuffisance de la littérature
334 re On reconnaît un écrivain, aujourd’hui, à ce qu’ il ne tolère pas qu’on lui parle littérature. Mais il y a des mépris q
335 n écrivain, aujourd’hui, à ce qu’il ne tolère pas qu’ on lui parle littérature. Mais il y a des mépris qui sont de sournoise
336 mour. Tel qui raille l’Église et les curés, c’est qu’ il se fait une très haute idée de la religion. Ainsi, de la littératur
337 ses réalisations actuelles donne la mesure de ce que vous attendez d’elle. Pour dire le fond de ma pensée, je crois ce mép
338 cette attente également exagérés. Vous savez bien que nous cherchons autre chose que la littérature. Que la littérature nou
339 s. Vous savez bien que nous cherchons autre chose que la littérature. Que la littérature nous est un moyen seulement d’atte
340 ue nous cherchons autre chose que la littérature. Que la littérature nous est un moyen seulement d’atteindre et de préparer
341 vous renversent. Des présences tellement intenses que tout se fond catastrophiquement dans l’infini de la seconde. Des peur
342 i de la seconde. Des peurs sans cause, plus vides que la mort. Toutes ces choses mystiques, c’est-à-dire réelles, c’est-à-d
343 s, c’est-à-dire réelles, c’est-à-dire agissantes, que nulle poésie même ne peut dire, parce que rien de ce qui nous importe
344 rte véritablement n’est dicible. (Depuis le temps qu’ on sait que la lettre tue ce qu’elle prétend exprimer ; depuis le temp
345 lement n’est dicible. (Depuis le temps qu’on sait que la lettre tue ce qu’elle prétend exprimer ; depuis le temps qu’on l’o
346 (Depuis le temps qu’on sait que la lettre tue ce qu’ elle prétend exprimer ; depuis le temps qu’on l’oublie.) Vous me direz
347 tue ce qu’elle prétend exprimer ; depuis le temps qu’ on l’oublie.) Vous me direz que la poésie, l’état poétique, est notre
348  ; depuis le temps qu’on l’oublie.) Vous me direz que la poésie, l’état poétique, est notre seul moyen de connaissance conc
349 issance concrète du monde. Mais c’est à condition qu’ on ne l’écrive pas, même en pensée. La poésie pure écrite est inconcev
350 ndividuelle. Elle serait tellement incommunicable qu’ il deviendrait inutile de la publier. Et même, en passant à la limite,
351 Et même, en passant à la limite, on peut imaginer que si elle était réalisée, on ne s’en apercevrait pas. Je pressens encor
352 cette esthétique ou de ce sens social, — et voilà qu’ ils perdent même la problématique utilité de liaison qui était leur ex
353 ait leur excuse dernière. Avouons-le : rien de ce qu’ on peut exprimer n’a d’importance véritable. Alors, cessons de nous ba
354 crivain, est un besoin organique, un peu anormal, que l’on satisfait dans certains états de crise afin de retrouver son équ
355 maladie ? Ce n’est pas en l’ignorant par attitude que vous la guérirez. Au contraire, il s’agit de l’envisager sans fièvre,
356 n ridicule écrasant : mais rien n’est plus facile que d’y échapper. III Sur l’utilité de la littérature Montherlant m
357 peu les pieds dans le plat, de dire de ces choses qu’ entre gens du métier l’on a convenu de passer sous silence. C’est asse
358 pas à ce toréador ses familiarités avec une Muse qu’ ils n’ont pas coutume d’aborder sans le mot de passe de la dernière mo
359 de savantes séductions. On sait bien, d’ailleurs, qu’ elle les entretient. Bande de gigolos de la littérature ! Qu’on puisse
360 entretient. Bande de gigolos de la littérature ! Qu’ on puisse vivre de ça, je ne l’ai pas encore avalé. On m’affirme que j
361 de ça, je ne l’ai pas encore avalé. On m’affirme que je n’y échapperai pas plus qu’un autre : et qu’un beau soir il faille
362 e que je n’y échapperai pas plus qu’un autre : et qu’ un beau soir il faille écrire pour vivre, possible ; mais, pour sûr, j
363 jamais vivre pour écrire16. De tous les prétextes que l’on a pu avancer pour légitimer l’activité littéraire, le plus satis
364 oursuivre une quête de l’esprit. Et vous savez ce qu’ elle nous vaut : les mépris, les haines douloureuses ou grossières de
365 de tous ceux qui ne peuvent ou ne veulent y voir que révoltes contre leurs morales, ou menaces pour leurs instables certit
366 Quand bien même elle n’aurait plus d’autre excuse que celle-là, la littérature mériterait d’exister : qu’elle soit le langa
367 e celle-là, la littérature mériterait d’exister : qu’ elle soit le langage chiffré de notre inquiétude et de nos naissantes
368 miraculeuses.   Voici donc les seules révélations que j’attende de la littérature : que celle des autres m’aide à prendre c
369 les révélations que j’attende de la littérature : que celle des autres m’aide à prendre conscience de moi-même ; que la mie
370 autres m’aide à prendre conscience de moi-même ; que la mienne m’aide à découvrir quelques êtres par le monde… Il ne s’agi
371 er quelque bien pour ma vie. Le jour où les soins qu’ elle exige me coûteront des sacrifices plus grands que les bienfaits q
372 lle exige me coûteront des sacrifices plus grands que les bienfaits que j’en escompte, il sera temps de songer sérieusement
373 ront des sacrifices plus grands que les bienfaits que j’en escompte, il sera temps de songer sérieusement à m’en guérir. Vo
374 nt à m’en guérir. Vous me demanderez « alors » ce que j’attends de ma vie. Je serais tenté de vous répondre, comme ce sympa
375 répondre, comme ce sympathique Philippe Soupault, que « ceci, c’est une autre histoire, une autre belle histoire, une autre
376 servir, une citation.) Mais non, cher ami, voici qu’ une envie me prend de vous conter un peu cette histoire. Seulement, al
377 is certains qui arrangent leur vie de telle sorte que leurs mémoires seront des romans « bien modernes ». Leurs amours sont
378 rand, et ils en sont tout fiers : « Il n’y a plus qu’ à les écrire ». v. Rougemont Denis de, « La part du feu. Lettres sur
14 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Les derniers jours (juillet 1927)
379 regrettons de n’en pouvoir citer, faute de place, que ces quelques phrases de Drieu : « On voit déjà éclater dans les sing
380 later dans les singuliers mouvements de sympathie qu’ a provoqués l’infortune de l’Action française la fraternité qui existe
15 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Adieu au lecteur (juillet 1927)
381 ci au moins. Nous nous retirons : et ce n’est pas que nous ayons brûlé toutes nos cartouches. Ni que l’indignation provoqué
382 as que nous ayons brûlé toutes nos cartouches. Ni que l’indignation provoquée sur tous les bancs par certains de nos articl
383 souciez vraiment trop peu des conséquences de ce que vous écrivez ! ») En définitive, il semble que certains n’attendent
384 e que vous écrivez ! ») En définitive, il semble que certains n’attendent de nous que d’innocentes farces — ou bien de ces
385 itive, il semble que certains n’attendent de nous que d’innocentes farces — ou bien de ces affirmations dont en vérité l’on
386 stifs. Il y a des gens qui n’ont pas encore admis que jeunesse = révolution Tous les malentendus viennent de là. Nous somme
387 es conséquences. Et puis, de temps à autre, voici que nous parvient un signe d’amitié qui ne trompe pas. Deux ou trois mots
388 trompe pas. Deux ou trois mots, on s’est compris. Que pouvions-nous espérer d’autre ? Il y eut quelques découvertes qui nou
389 un an dans une direction absolument imprévisible. Que nous apportera le Central de Genève ? Tout est possible : la guerre e
16 1929, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). « Belles-Lettres, c’est la clé des champs… » (janvier 1929)
390 . Belles-Lettres n’est compréhensible et légitime que dans la mesure où la poésie est compréhensible et légitime. 4. Je sui
391 ’est besoin de formuler cette ivresse ; autrement que par des cris. 5. Avec toutes les erreurs et turpitudes que cela compo
392 es cris. 5. Avec toutes les erreurs et turpitudes que cela comporte, Belles-Lettres est une liberté. Une rude épreuve : on
393 est une liberté. Une rude épreuve : on n’en sort que pour mourir ou pour entrer en religion : rond de cuir ou poète (au se
394 on. Car ils ont vu, et s’ils n’ont pas cru, c’est qu’ ils sont foncièrement mauvais.) 6. Peu de choses dans le monde moderne
395 deur à l’Éternel et à Satan pareillement. Et ceux qu’ elle enivre entrent en état de grâce ou de blasphème, selon. Mais ce q
17 1929, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Prison. Ailleurs. Étoile de jour (mars 1929)
396 Prison Prisonnier de la nuit mais plus libre qu’ un ange prisonnier dans ta tête mais libre comme avant cette naissance
397 es des mains de mon amour écloses voyageuses ah ! que d’aucun retour vous ne laissiez le gage aux plaintes de mon cœur il e
398 ntes de mon cœur il est d’autres rivages où mieux qu’ ici l’on meurt. Étoile de jour Il naissait à son destin des ra
18 1929, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Souvenirs d’enfance et de jeunesse, par Philippe Godet (avril 1929)
399 onvaincu l’on a répété dans une ballade fameuse «  Que voulez-vous, je suis bourgeois ! », l’on peut se permettre quelques m
400 , quelques jeux d’esprit ou de méchanceté, assuré que l’on est désormais d’être absous avec le sourire par la clientèle des
401 a l’un des rares qui ont réussi à se connaître et que cela n’a point stérilisé : sa nature, il est vrai, s’y prêtait, peu c
402 -delà ». C’est le comble de l’économie bourgeoise que cette administration exacte d’un petit capital. Le contraire de la po
403 is on n’en demande pas tant dans les familles. Et qu’ importe si la perspective manque souvent à ces récits : ce n’est point
404 nt à ces récits : ce n’est point un paysage d’âme qu’ on y cherche, mais l’anecdote bien tournée, des noms connus. Tout est
405 mme tout cela manque de chair. Et de rêve. Est-ce qu’ en ce temps-là on ne se nourrissait vraiment que de petits mots d’espr
406 e qu’en ce temps-là on ne se nourrissait vraiment que de petits mots d’esprit et de malices ? Noisettes et cornichons ? a
19 1929, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). L’ordre social. Le Libéralisme. L’inspiration (novembre 1929)
407 et sont en scandale aux meilleurs esprits ? Voici que tu t’apprêtes visiblement à t’envoler, laissant des parents inconsola
408 stre. Mais à partir de ce jour, on lui fit sentir qu’ il était devenu beaucoup moins intéressant. ⁂ Celui qui a des ailes se
409 amaient-ils, combien complexes sont les problèmes que vous proposez à notre bonne volonté gémissante ! Dieu, dans sa pitié,
410 aient la Démocratie outragée, les autres disaient qu’ il n’y a plus de morale, et ces jeunes gens ont une façon de trancher
411 rancher les questions qui vous désarme. Craignant qu’ on ne lui fît un mauvais parti, l’ange trouva son salut dans un subter
412 trouva son salut dans un subterfuge : il insinua qu’ il parlait au nom d’une secte orientale. Aussitôt la discussion de rep
413 oute, d’inspiration. Je trouve dans une enveloppe qu’ hier vous m’adressâtes une déclaration d’amour destinée à une femme bl
414 t suivre. Alexandrine un jour m’a laissé entendre qu’ elle vous aime. Elle attend votre lettre depuis des mois. Je pense que
415 lle attend votre lettre depuis des mois. Je pense que ces lignes vous trouveront réunis. Avec ma bénédiction, je suis votre
416 manuscrit et conclut : « L’inspiration est le nom qu’ on donne en poésie à une suite de malentendus heureusement enchaînés. 
20 1930, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Les soirées du Brambilla-club (mai 1930)
417 pris place. On lie bien vite connaissance, pourvu qu’ on sache un peu d’allemand, — et l’allemand littéraire y suffit. Pour
418 us les arcades. (Nous ne touchons l’un et l’autre qu’ aux traductions ; le reste, les livres de M. Maurois par exemple, publ
419 à pied, j’oublie en chemin les meilleures phrases que j’avais préparées pour subjuguer mes amies, je m’intéresse aux cravat
420 ci le lieu de l’avouer : je ne saurais entretenir que mes rapports de politesse distante avec les personnes qui ont dit, ne
421 istante avec les personnes qui ont dit, ne fût-ce qu’ une fois en leur vie : « J’ai horreur de la sentimentalité ».) Nous vo
422 n Cassou, et le fantôme se fait aussi négligeable que possible, pratiquement invisible, dans cette minuscule voiture. Déjà
423 est vêtu de la gloire d’un pourpoint « plus rouge que rouge ». On assure qu’il possède encore une harpe et un piano près de
424 ’un pourpoint « plus rouge que rouge ». On assure qu’ il possède encore une harpe et un piano près des étoiles, et qu’il est
425 encore une harpe et un piano près des étoiles, et qu’ il est « pittoresque », cas déplorable, s’agissant d’un poète authenti
426 te authentique. Le pittoresque. D’abord je crains que la notion n’en soit toute relative aux modes de « vie » bourgeois ; e
427 ’est pas mon fort, même la triste. Je n’aime plus que les choses lentement émouvantes, monotones et aiguës, comme la pluie
428 vidence des choses ou de l’esprit, comprend enfin qu’ il est perdu, il découvre la liberté. (Je pense à la boussole autant q
429 couvre la liberté. (Je pense à la boussole autant qu’ au sens moral.) Le goût de se perdre est un des plus profonds mystères
430 es, mais de la plupart des entreprises démesurées qu’ enregistre l’Histoire, science chargée d’illustrer à ses propres yeux
431 s enseigne une doctrine en vérité moins généreuse que ne veut le croire M. Gide, — si pareil entre les griffes de son égoïs
432 reil entre les griffes de son égoïsme à la souris qu’ un chat subtil et ironique feint de lâcher pour mieux croquer. Pourquo
433 ambre d’hôtel, ferme sa porte à double tour. Ah ! qu’ une nuit enfin, à la faveur de mon sommeil, on me vole à moi-même ! Qu
434 la faveur de mon sommeil, on me vole à moi-même ! Que des êtres rêvés m’emportent ! — Ils me conduiraient là où je ne sais
435 tent ! — Ils me conduiraient là où je ne sais pas que j’ai si grand désir d’aller… Est-ce ici ? Je regarde autour de moi :
436 sans bouger les jambes. Nous suivons à tâtons. Ce que je pressentais ne tarde pas à se produire : des aboiements fous et un
437 ugeoyante, campagnarde. ⁂ La sauce est au rôti ce que le style à la pensée. Il arrive qu’on parle, en art culinaire, du sty
438 st au rôti ce que le style à la pensée. Il arrive qu’ on parle, en art culinaire, du style d’un rôti, et en cuisine littérai
439 nt sans faire d’histoires. Je remarque simplement qu’ on n’est jamais mieux pour parler qu’en face d’une assiette pleine : l
440 e simplement qu’on n’est jamais mieux pour parler qu’ en face d’une assiette pleine : l’occupation agréable et essentielle q
441 onsiste à divise ; pour mieux l’engloutir — ainsi que le conseillait déjà René Descartes — la portion que l’on s’est admini
442 e le conseillait déjà René Descartes — la portion que l’on s’est administrée accapare nos facultés les plus vulgaires, libé
443 t pas là. Il a téléphoné au début de l’après-midi qu’ il commençait un roman. Son absence nous fera-t-elle croire qu’il appo
444 ait un roman. Son absence nous fera-t-elle croire qu’ il apporte un soin tout particulier à le parfaire ? — il est bientôt m
445 eorges Petit, égaré, en ayant soin d’ajouter ceux que j’oublie, vous obtiendrez le chiffre exact des participants ; calcule
446 l se retrouva aux portes de Naples, d’où il n’eut que la force de regagner son logis. Comme il allait y pénétrer, il aperçu
447 es d’Hoffmann. Mais il s’agit de les vivre plutôt que d’en parler vous voyez bien que j’ai quitté cette table écroulée, dan
448 d’un Kühnrich à la basse rugissante, plus traître que nature avec sa large face mangée par une barbe en crin de cheval du d
449 is aériennes, des chansons populaires qui sont ce que je connais de plus indiciblement nostalgique. Und solltest du im Leb
21 1930, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Le Grand Testament de Villon, illustré par Marcel North (juin 1930)
450 Marcel North a trouvé un style qui ne ressemble qu’ à sa fantaisie : la précision de son trait cerne une poésie ingénue, à
451 gravures une réalité si touchante et si naturelle qu’ on ne peut s’y tromper : la grâce de l’enfance anime encore cette imag
452 encore cette main déjà experte et malicieuse. Ce que j’aime ici, c’est un ravissant concours d’ingénuité et d’observation
453 nuité et d’observation ironique, et cette netteté que les primitifs savent allier à la simplification la plus délibérée. Gr
454 uit vert, mais on n’ose reprocher à ces images ce qu’ elles ont d’un peu grêle : leur jeunesse… Et si la composition s’amuse
22 1932, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). La pluie et le beau temps (Dialogue dans une tête) (1932)
455 ous verriez bien que je ne suis pas plus coquette qu’ une autre. Mais les hommes comme vous aiment que les femmes soient coq
456 e qu’une autre. Mais les hommes comme vous aiment que les femmes soient coquettes à les faire doucement frémir de rage ; il
457 échante : je suis à peine coquette, et vous savez que c’est un plaisir qu’on ne peut pas nous refuser ; du reste, cela me r
458 eine coquette, et vous savez que c’est un plaisir qu’ on ne peut pas nous refuser ; du reste, cela me rend plus jolie, quelq
459 réponse serait sage, si seulement vous saviez ce que vous dites. Mais, en vérité, que signifient pour vous le beau temps e
460 t vous saviez ce que vous dites. Mais, en vérité, que signifient pour vous le beau temps et la pluie ? Est-ce que c’est rir
461 ient pour vous le beau temps et la pluie ? Est-ce que c’est rire et pleurer ? Est-ce que c’est le bonheur et la tristesse ?
462 pluie ? Est-ce que c’est rire et pleurer ? Est-ce que c’est le bonheur et la tristesse ? Est-ce que vous préférez l’un à l’
463 -ce que c’est le bonheur et la tristesse ? Est-ce que vous préférez l’un à l’autre ? Sonnette. — Petite leçon de météorolo
464 fait vilain. Lord Artur. — Je pense sérieusement que vous ne l’avez jamais su. Pas plus que vous n’avez jamais su si vous
465 nts et indifférents. C’est pourquoi vous admettez que « beau » temps est le contraire de « mauvais » temps, et vous n’avez
466 mauvais » temps, et vous n’avez jamais cherché ce que doit être le « bon » temps, ni si les tempêtes sont « belles ». C’est
467 ont « belles ». C’est pourquoi vous pensez encore que le bonheur peut exister en dehors de la souffrance, et même qu’il est
468 peut exister en dehors de la souffrance, et même qu’ il est le contraire de la souffrance. C’est pourquoi vos rêves compose
469 ir quand on me faisait souhaiter dans ma prière «  qu’ il fasse beau demain », je pensais en dessous que j’aimais mieux les h
470  qu’il fasse beau demain », je pensais en dessous que j’aimais mieux les herbes mouillées. Lord Artur. — On dit souvent de
471 uillées. Lord Artur. — On dit souvent des femmes qu’ elles sont naturellement païennes. Mais les peuples païens sont toujou
472 je vous pousse un peu, vous finirez par démontrer qu’ il faut être chrétien pour comprendre quoi que ce soit à la pluie et a
473 s. Lord Artur. — J’ai toujours estimé, Sonnette, que vous extrêmement intelligente. Je regrette profondément que vous n’ay
474 xtrêmement intelligente. Je regrette profondément que vous n’ayez pas plus de sens qu’un oiseau. Sonnette, si vous étiez pa
475 tte profondément que vous n’ayez pas plus de sens qu’ un oiseau. Sonnette, si vous étiez païenne ou si vous étiez chrétienne
476 enne ou si vous étiez chrétienne, vous sauriez ce que c’est que le beau temps. Si vous étiez païenne et que vous adoriez la
477 vous étiez chrétienne, vous sauriez ce que c’est que le beau temps. Si vous étiez païenne et que vous adoriez la lumière,
478 c’est que le beau temps. Si vous étiez païenne et que vous adoriez la lumière, le beau temps vous serait un Dieu rendu visi
479 rendu visible ; et votre « bonheur » rien de plus que l’un des noms de sa présence. Mais un jour la lumière est morte autou
480 quel « bien » désiré tu les aimes ; mais tu sais qu’ au soleil de l’aube aussi d’autres fois tu l’as possédé. Tu comprends
481 res fois tu l’as possédé. Tu comprends maintenant qu’ il ne faut pas choisir parmi tant de choses créées, mais seulement dis
482 Artur. — … Le beau mot : courtisane… Ce n’est pas qu’ elle soit belle, peut-être, mais qu’elle pleure, qui me réchauffe. Par
483 Ce n’est pas qu’elle soit belle, peut-être, mais qu’ elle pleure, qui me réchauffe. Parce qu’elle se tient là « vêtue de so
484 péché », — comme une courtisane. Mais vous n’êtes qu’ une petite fille.20 20. [Note à l’achevé d’imprimé :] « Relativemen
23 1933, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Petites notes sur les vérités éternelles (1932-1933)
485 s Neuchâtelois, qui l’ont beaucoup aimé ; il sait que ces Neuchâtelois sont d’infatigables ergoteurs. Pour la commodité du
486 mes gloses. Je m’excuse par avance de l’avantage que je m’accorde en détachant ainsi des phrases du contexte. Mais si j’ad
487 … 1. S’il n’y a pas de vérité absolue, en ce sens que tout jugement tenu pour vrai peut être modifié ou complété, les condi
488 appliquèrent à rétablir une permanence abstraite, qu’ ils ne tardèrent pas à trouver dans la forme même de l’esprit créateur
489 es conditions « éternelles ». Nous ne pensons pas qu’ il y ait lieu pour un philosophe, d’être rassuré par la découverte de
490 pas, comme certains le répètent, d’une dogmatique que nous avons besoin. Ce n’est pas d’une systématique, d’ailleurs déduit
491 ssurances contre les paradoxes de l’existence. Ce que nous demandons à la philosophie, c’est de mettre en forme une problém
492 ciens ; et pendant ce temps, c’est à la théologie que nous irons demander de la pensée, c’est-à-dire de la pensée créatrice
493 nsée obéissante : car il n’est d’action véritable que celle de la foi, lorsque « mettant les pouces », je me rends à son or
494 ds à son ordre. 2. On comprend dès lors l’attrait que le thomisme a exercé à un moment donné sur la pensée protestante. On
495 ns le croient volontiers. Mais on ne saurait dire qu’ ils témoignent par là de beaucoup de respect pour la vérité créatrice.
496 e la mauvaise humeur et de la mauvaise conscience que fomentèrent en nous les démissions systématiques de l’historicisme et
497 pouvons pas accepter un instant le rapprochement qu’ on nous invite à faire entre barthisme, thomisme et réaction. Barth, c
498 si possible immuables » (p. 14). On pourrait dire qu’ il fait tout le contraire. Il nous ramène sans cesse à l’état de pauvr
499 uel la vérité ne peut opérer dans notre existence que par un choix, une décision, — un acte d’obéissance à l’ordre « tombé
500 rites et de ces formules, toutes les idolâtries, que ce soit la croyance antique et païenne à la « vertu », à la sagesse e
501 élargissant son horizon de pensée. Peut-on dire que notre civilisation soit chrétienne ? Peut-on dire que pour le chrétie
502 notre civilisation soit chrétienne ? Peut-on dire que pour le chrétien la perspective d’un nouveau progrès, d’une « marche
503 ée, nous demandons passionnément et lourdement ce que cela peut bien signifier au concret. Ce que cela veut dire. C’est une
504 nt ce que cela peut bien signifier au concret. Ce que cela veut dire. C’est une des leçons de la guerre. Notre refus est in
505 ensée n’a rien osé distinguer de précis, c’est là que l’action des hommes devient folle et meurtrière. 4. Il me semble que
506 mmes devient folle et meurtrière. 4. Il me semble que la tâche de la théologie protestante à l’heure actuelle est de dégage
507 pect pour le passé, les invariants chrétiens tels que le développement de la pensée moderne nous aide en toute loyauté à le
508 — et « loyauté » par « humilité » ? Il me semble qu’ alors les invariants chrétiens pourraient bien apparaître comme les co
509 on de l’Évangile au contact des humains. Et puis, que ferions-nous en attendant que les théologiens aient mené à bien leur
510 s humains. Et puis, que ferions-nous en attendant que les théologiens aient mené à bien leur travail historique ? Et qu’arr
511 ns aient mené à bien leur travail historique ? Et qu’ arriverait-il si le résultat en était par exemple, de démontrer que te
512 si le résultat en était par exemple, de démontrer que tel « invariant chrétien » est toute autre chose que l’Évangile ? ou
513 tel « invariant chrétien » est toute autre chose que l’Évangile ? ou bien si, au contraire, ce n’était rien que l’Évangile
514 ngile ? ou bien si, au contraire, ce n’était rien que l’Évangile ? Peine perdue ? — Grosses questions, questions un peu gro
515 n. Dans une époque comme la nôtre, ce sont celles qu’ il faut poser si l’on veut réellement se tirer hors d’une confusion sa
24 1935, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). René Guisan : un clerc (1935)
516 n pas cet être détaché, déraciné, de pure raison, que l’auteur d’un pamphlet fameux voulait nous donner pour modèle du cler
517 te d’intellectuel en action, d’homme qui pense ce qu’ il fait, qui fait ce qu’il pense. Nous manquons terriblement de tels h
518 ion, d’homme qui pense ce qu’il fait, qui fait ce qu’ il pense. Nous manquons terriblement de tels hommes, en Suisse romande
519 us manquons terriblement de ce sens de la culture qu’ incarnait à mes yeux René Guisan, lorsque je le voyais dans sa bibliot
520 sque je le voyais dans sa bibliothèque immense et qu’ il me parlait avec feu d’actions réelles dont il était l’âme et l’agen
521 ni l’une ni l’autre ne valent rien dès l’instant qu’ on les sépare et qu’on cesse de les mettre en tension. Il n’est d’acti
522 ne valent rien dès l’instant qu’on les sépare et qu’ on cesse de les mettre en tension. Il n’est d’action créatrice que sou
523 es mettre en tension. Il n’est d’action créatrice que soumise à la loi d’une pensée rigoureuse ; il n’est de pensée saine q
524 ’une pensée rigoureuse ; il n’est de pensée saine qu’ engagée dans une œuvre efficace, au sein de contingences quotidiennes.
525 ours, je ne les ai vues vraiment vécues chez nous que par cet homme solide et fin, passionné et précis, au parler vif et sa
526 n œuvre résidait sans doute dans l’union vibrante qu’ il incarnait, de qualités qui ont coutume, ailleurs, de se gêner mutue
527 elles doit nous interdire désormais de considérer que l’esprit est une faculté détachée, un refuge hors de la réalité médio
528 eurs limites reconnues et acceptées. Il me semble que c’est la leçon que nous devons prendre de sa vie : la leçon toute goe
529 ues et acceptées. Il me semble que c’est la leçon que nous devons prendre de sa vie : la leçon toute goethéenne du clerc qu
530 rien trahir de la primauté de l’esprit. Peut-être que le seul chrétien peut comprendre, existentiellement, que cette exigen
531 seul chrétien peut comprendre, existentiellement, que cette exigence de service, cet abaissement de la pensée aux choses, c
25 1938, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Le Poète et le Vilain (novembre 1938)
532 bles rayons d’énergie. Nos codes ne prévoient pas que l’assassin d’un noble sera puni plus sévèrement que n’eût été ce nobl
533 e l’assassin d’un noble sera puni plus sévèrement que n’eût été ce noble assassinant un serf. Même l’indulgence pour les ri
534 e respect vulgarisé touche au mépris. De là vient que le meurtrier tantôt est acquitté, tantôt décapité. Vous voyez qu’on o
535 tantôt est acquitté, tantôt décapité. Vous voyez qu’ on oscille du tout au rien, selon l’humeur d’un jury d’ailleurs désign
536 a valeur du barde du palais, c’est-à-dire le prix qu’ on doit payer quand on le tue, est de 126 vaches ; et en cas d’insulte
537 vaches et 20 pièces d’argent. » Ailleurs, on voit que si le barde adresse une requête au roi, il doit lui chanter un poème.
538 oble, trois poèmes. Si c’est à un vilain, il faut que le barde chante jusqu’à ce qu’il n’en puisse plus… Je répondais à mon
539 un vilain, il faut que le barde chante jusqu’à ce qu’ il n’en puisse plus… Je répondais à mon ami : — À chacun selon sa faim
540 ceux qui ont une grande faim, c’est à cause d’eux qu’ il y a de grandes œuvres. Car le vilain qui n’a rien à donner, c’est l
541 qui vous donnera la joie du chant, plus précieuse que l’objet de vos requêtes au roi. — Oui, dit le poète, mais sans nobles
542 ce numéro une page inédite de Denis de Rougemont, qu’ il a bien voulu extraire pour nous d’un ouvrage qu’il prépare et qu’il
543 u’il a bien voulu extraire pour nous d’un ouvrage qu’ il prépare et qu’il intitulera Doctrine fabuleuse . »
544 extraire pour nous d’un ouvrage qu’il prépare et qu’ il intitulera Doctrine fabuleuse . »
26 1968, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Hölderlin dans le souvenir des noms splendides (1968)
545 dans le souvenir des noms splendides (1968)al Qu’ est-ce qui persiste du poème qu’un jour ou l’autre nuit nous avons lu
546 dides (1968)al Qu’est-ce qui persiste du poème qu’ un jour ou l’autre nuit nous avons lu puis oublié ? Un « ton fondament
547 d plus rien n’est là ? Je ne gardais de Hölderlin que des souvenirs d’élans ou d’amples chutes, de rythmes brisés, de noms
548 cunes deux quatrains d’une déchirante simplicité, que j’avais traduits à vingt ans : Die Linien des Lebens sind verschieden
549 oésie devenait-elle pour moi, dans la mémoire, ce que la Grèce avait été pour lui dans la distance et dans le temps du rêve
550 ps du rêve. Mais au-delà des accidents remémorés, qu’ en était-il de la substance des grands poèmes ? L’émotion rénovée par
551 était-elle plus pure et plus vraie, plus efficace que le discours lui-même des grands Hymnes ? Il fallait enfin les relire.
552 ous-marins25. En cherchant à les compléter par ce qu’ ils devaient évoquer, je ne faisais pas autre chose que le poète à par
553 s devaient évoquer, je ne faisais pas autre chose que le poète à partir d’un signe, d’un nom, d’une lumière de l’Hellade im
554 perdue à une vie magnifiée »26, on peut bien dire qu’ elle naît d’une nostalgie d’elle-même. Hölderlin, lui, dira qu’elle se
555 d’une nostalgie d’elle-même. Hölderlin, lui, dira qu’ elle se constitue dans son « aspiration » à exprimer, c’est-à-dire dan
556 nt est exil, et toute joie véritable ne peut être qu’ à venir, — à revenir dans le mythe. Le Neckar sera beau quand d’une Gr
557 ion dans un présent d’ubiquité. Éluard ne connaît que l’instant, le temps ponctuel. Mais Hölderlin, ses grands hymnes décri
558 il, temps du poète souffrant. Car il nous avertit que son langage n’est pas celui que parlent « la nature et l’art tels qu’
559 r il nous avertit que son langage n’est pas celui que parlent « la nature et l’art tels qu’il les a connus autrefois ». Ce
560 t pas celui que parlent « la nature et l’art tels qu’ il les a connus autrefois ». Ce n’est pas un langage imposé par le soc
561 un langage imposé par le social impersonnel, tel que certains prétendent qu’il nous forme — « car si quelque langage de la
562 e social impersonnel, tel que certains prétendent qu’ il nous forme — « car si quelque langage de la nature et de l’art… pré
563 aît la prairie, l’eau sacrée et mes larmes, afin, Qu’ une offrande pourtant vienne encore, ô Dormants délaissés, vous attein
564 02. 22. Mnemosyne III, 1803. 23. « Par le fait que (le poète) me nomme ce signe, il emprunte à mon monde sa matière, il
565 e, paru en 1967, supprime par malheur ces tirets, que donnent toujours les éditions allemandes. 26. Cf. l’essai cité, page