1 1926, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Avant-propos (décembre 1926)
1 -propos (décembre 1926)a b Une mauvaise humeur qui flotte dans l’air nous proposerait de débuter par l’inévitable discou
2 er ou à refuser de nous affirmer avec une netteté qui a pu paraître parfois quelque peu impertinente. Le fait est que nous
3 onfiance sans laquelle nous ne saurions aller, et qui , nous voulons l’espérer, ne sera pas sans leur donner quelque bénéfic
4 , avant tant d’autres. « Amis, ce sont les jeunes qui passent… » Pas question de les saluer ni d’emboîter le pas, mais seul
2 1926, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Paradoxe de la sincérité (décembre 1926)
5 vons élevé à la hauteur d’une vertu première — et qui légitime tous les dénis de morale à quoi nous obligeaient en réalité
6  : sincérité = spontanéité. Mais la morale est ce qui s’oppose en premier lieu à la spontanéité. C’est pourquoi Gide écrit
7 ncère. » La sincérité spontanée, vertu moderne en qui renaît un mythe rousseauiste, inspire, explique un vaste domaine de l
8 enché tout un mouvement littéraire, celui-là même qui aboutit naguère au surréalisme. Tous les héros de roman se sont mis à
9 d’une faiblesse que j’aboutis : ce quelque chose qui m’a retenu d’accomplir ce que l’élan appelait.   Second exemple. — J
10 le besoin de faire le point : à quoi en suis-je, qui suis-je ? Je revois des actes accomplis, je revis plus ou moins forte
11 n être si différent. Les gestes et les sentiments qui se proposaient à mon souvenir ont été passés au crible de la minute o
12 t baignée d’une lueur de tristesse ou de sérénité qui métamorphose le paysage du passé. Ainsi de certains décors modernes :
13 t. J’ai revu à l’envers le film de mon passé : ce qui était élan devient recul, et l’évocation de mes désirs anciens ne me
14 élan mortel — générateur de l’incurable tristesse qui rôde dans certaine littérature d’aujourd’hui. J’ai dit : ravages du s
15 de se connaître. Cependant, n’est-ce pas lui-même qui ajoutait que l’homme sincère « en vient à ne plus pouvoir même souhai
16 lus pouvoir même souhaiter d’être différent », ce qui est la négation de tout progrès moral. De la sincérité envisagée comm
17 En morale : défaitisme quand il s’agit de gestes qui pourraient entraîner des effets imprévisibles, « réalisme » décourage
18 (Il faut, pour sauter, une confiance dans l’élan qui échappe à toute analyse préalable et sans quoi le saut paraît impossi
19 oi, je réponds que le mensonge est sincère aussi, qui révèle mon besoin de mentir. Il devient dès lors impossible de faire
20 tir. Il devient dès lors impossible de faire rien qui ne soit sincère. Peut-on véritablement se mentir à soi-même, et surto
21 t-à-dire une sincérité tournée au vice, invertie, qui retient de l’oser. Petite anthologie ou que le « style » est de l’
22 que beaucoup continuaient d’appeler sincérité et qui me devenait inintelligible en même temps qu’odieux. Au hasard de quel
23 créons. Certains se refusent à toute intervention qui altérerait leur moi ; ils ne souhaitent que d’être leur propre témoin
24 in, intelligent mais immobile : ce sont les mêmes qui s’ignorent en tant que personnes. Comment se trouveraient-ils, n’exis
25 au.) Ce qu’on appelle une œuvre sincère est celle qui est douée d’assez de force pour donner de la réalité à l’illusion. (M
26 é entre ses actions et ses désirs, un quant-à-soi qui ne gêne aucun geste, mais incline discrètement les décisions et les r
27 a pas besoin de s’expliciter pour être efficace — qui m’interdit de nommer ce dont je ne veux plus souffrir. (Car il n’est
3 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Billets aigres-doux (janvier 1927)
28 s brumes. Insulter ta beauté froide ? Oui, mais à qui s’adresser. Automne au sourire absent, Or luisant, terreau qui fume…
29 r. Automne au sourire absent, Or luisant, terreau qui fume… Et tu laisses, ô col roide, En souffrance mes baisers. L’am
4 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Conte métaphysique : L’individu atteint de strabisme (janvier 1927)
30 auvais garçon d’une race entre toutes bénie — par qui  ? elle était anticléricale, on ne saurait le taire, — Urbain dormait.
31 male et s’approchait en faisant la roue — celle à qui sourit la Fortune. Urbain, fort d’une hérédité judiciaire et français
5 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Dans le Style (janvier 1927)
32 fusil automatique, fait balle au cerveau du poète qui meurt de sommeil naturel. Le tunnel sous la Manche escamoté, le train
6 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Lettre du survivant (février 1927)
33 ier, à ce bal. J’avais demandé à un de mes amis, qui vous connaît4, de me présenter. Il m’en avait donné la promesse. Vos
34 saxophones. Sortie dans un matin sourd, frileux, qui avait la nausée. Je rentrai seul. Voici quelques mots que j’écrivis à
35 x, odeur de vieille fumée, et ce refus au sommeil qui meurtrit jusqu’à l’âme.) Convulsions d’oriflammes sur l’orchestre pen
36 un petit arrachement, comme précisément un enfant qui monte pour la première fois… Je me disais encore : Si je prends cet a
37 urs fois, j’ai cru vous reconnaître dans la foule qui se précipitait, mais je n’avais pas pris de numéro, je ne pouvais pas
38 tre visage. Il aurait fallu courir après celle-là qui venait de tourner à l’angle de cette rue et qui avait votre démarche.
39 à qui venait de tourner à l’angle de cette rue et qui avait votre démarche. Mais, pendant ce temps, vous pouviez paraître e
40 ées, les paupières lourdes, et ce chant désespéré qui vous appelait, assourdissant mes pensées ; et ces élans réticents, ma
41 ue des dames. Personne ne parlait. La jeune femme qui s’était penchée vous ressemblait tant. Mais je n’osais presque pas la
42 resque pas la regarder, à cause d’une incertitude qui redonnait tout son empire à ma timidité. Peut-être était-ce vous. Je
43 sés et songeurs respectaient la folie douloureuse qui devait contracter mon visage. Je promenais sur tous des regards angoi
44 ôt on m’entraîna de force sur un trottoir roulant qui me remonta dans la rue. La fraîcheur de la brume m’apaisa. Sur la pro
45 e rongement, cette sournoise recherche de tout ce qui me navre au plus intime de mon être… Le revolver est chargé, sur cett
46 e dorme : il n’y aurait plus rien. 4. Encore un qui vous aime, je ne vous dirai pas son nom. i. Rougemont Denis de, « L
7 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Orphée sans charme (février 1927)
47 ’il n’y a pas un seul symbole dans la pièce. » Ce qui me gêne pourtant, c’est d’y découvrir possibles deux interprétations
48 aut obtenir un scandale. Il faut un de ces orages qui rafraîchissent l’air. » Il prétend « traquer l’inconnu ». Sa femme l’
49 phrase ». Et cette phrase, c’est un cheval savant qui la lui a dictée : « Madame Eurydice Reviendra Des Enfers. » — « Ce n’
50 èce n’est pas dépourvue de certaines des qualités qui , selon Max Jacob, permettraient seules de taxer de chrétienne une œuv
51 qu’on peut lire plus haut : Les anges véritables qui connaissent les signes Sont moins bons acrobates… (etc.)… Cocteau s’
52 e détail, un vrai style de théâtre, d’une netteté qui pourtant n’est pas maigre, d’une familiarité dramatique qui cerne le
53 nt n’est pas maigre, d’une familiarité dramatique qui cerne le mystère d’un trait pur. Il semble que Cocteau ait réalisé là
54 indispensable « part de Dieu » — comme dit Gide — qui serait aussi la part de l’humain, l’imperfection secrète qui fait naî
55 aussi la part de l’humain, l’imperfection secrète qui fait naître l’amour. Parce que la création est venue après la théorie
8 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). L’autre œil (février 1927)
56 pas des imbéciles, nous ne sommes pas de ces gens qui croient que 2 et 2 font 22, et qui confondent Jérôme et Jean Tharaud 
57 as de ces gens qui croient que 2 et 2 font 22, et qui confondent Jérôme et Jean Tharaud ! » Il y a des soirs où tout ça sem
58 que celui d’une maîtresse jadis belle et diserte qui tombe au ruisseau en prononçant de séniles calembours… Pénétrés d’hor
59 rencontrèrent une créature évadée d’anciens rêves qui hantait les limbes depuis un an déjà. Ils ne tardèrent pas à reconnaî
60 e. Clerc entrevoit un projet à deux faces. Lugin, qui est théologien, et de la Tchaux, n’a pas la foi. Topin, Mahomet désab
61 ngue de Lugin : « Le rideau se lève sur un miroir qui occupe toute la largeur de la scène. Titre : Socrate et Narcisse, un
62 cas Loukitch et une mise en scène fort ingénieuse qui permit à Mossoul de se perdre dans des jupons autrement que par métap
9 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Entr’acte de René Clair, ou L’éloge du Miracle (mars 1927)
63 ît une colombe. Chasse. Mais un papillon éclatant qui battait de l’aile un dixième de seconde, par intermittences, se pose
64 aque de verre, vue par-dessous. Quelques miracles qui suivent sont embrumés dans mon souvenir par le rayonnement de la robe
65 mon souvenir par le rayonnement de la robe, fleur qui s’ouvre pour dégager le mouvement obsédant de deux jambes, l’harmonie
66 ise de certaines théories sur le rêve, le peuple, qui n’a pas vu ces dessous mais accueille le résultat avec la naïveté qu’
67 nant au cinéma. C’est la photographie d’une chose qui ne serait étonnante que dans le réel ; ce n’est pas encore un miracle
68 paraissent vieux jeu avec leur baguette, pour moi qui chaque soir crée ma chambre en tournant un commutateur. Le vrai mirac
69 est, par exemple, l’éclosion d’une rose, un homme qui court au ralenti, certaines coïncidences de mouvements… C’est une réa
70 s… C’est une réalité quotidienne dans une lumière qui la métamorphose ; c’est un temps nouveau, et l’espace en relation se
71 chent de découvrir la richesse immédiate. Surréel qui n’est pas synonyme d’incompréhensible, non Madame, car alors quoi de
10 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Louis Aragon, le beau prétexte (avril 1927)
72 elles épaules jeter ce manteau de flammes, puis à qui dédier l’ennui de ma révolte ? Aragon sarcastique se tient là-bas dan
73 , patriotique, religieuse (?) et ci-devant morale qui protège votre paresse à concevoir en esprit. Ces trois mots vous ont
74 le sort communément heureux de nos contemporains qui ont puisé dans Auguste Comte cette tranquillité de rejeter définitive
75 métaphysiques ? »   Nous naissons à quelque chose qui imite la vie dans une époque d’inconcevables compromissions où triomp
76 n aucun cas servir d’argument à un homme. » Voilà qui nous fait oublier certaines morales d’extrême moyenne d’où sont exclu
77 évélation possible, ou la naissance d’un prophète qui rapprenne comment aimer un Dieu. Ce n’est pas à genoux qu’on attendra
78 ini… Un tel homme, — est-ce encore Aragon, sinon qui  ? — sa grandeur, c’est qu’il lui faut atteindre Dieu ou n’espérer plu
79 part de littérature que renferme cette œuvre, et qui fait, en dépit des prétentions désobligeantes de l’auteur, son incont
80 ux 1830, une théorie du scandale pour le scandale qui a le mérite de n’être pas qu’un jeu littéraire. Mais enfin, c’est enc
81 et, seulement transposé dans notre siècle et chez qui tout est devenu de quelques degrés plus violent, plus acerbe, plus pr
82 t, un écrivain, un bel écrivain, comme on dit. Et qui sait tirer un admirable parti littéraire de son tempérament vif, inso
83 rase, n’est-ce pas ? Je ne sais qu’un Montherlant qui pourrait l’oser dire comme Aragon sans ridicule. Et ce que je prenais
84 ne certaine rhétorique — mais la plus belle, — ce qui tressaille et m’atteint au vif, c’est tout de même un désespoir en qu
85 hristianisme dans les âmes profondes ou délicates qui ne sont pas devenues chrétiennes. » « Le salut pour nous n’est nulle
86 arler des choses de la foi comme étant d’un ordre qui leur échappe ; de même je récuse ici certain sens critique dont on vo
87 sa pensée, ses délires, ses visions. Un critique qui n’épouse pas le rythme d’une œuvre, mais s’avance à sa rencontre armé
88 spéculait sur l’incertain », c’est un académicien qui l’a dit. Voulez-vous me faire quelque chose là-dessus pour la Revue ?
89 ’attends votre plaisir… III Il y a des gens qui croient avoir tout dit quand ils ont montré à l’origine de telle doct
90 s géographiques à la raison ? Eh bien, c’est vous qui l’aurez voulu, mais tant pis, nous serons du Nord. Nous serons romant
91 ue et les quelques centaines (?) d’individus pour qui l’esprit est la seule réalité. C’est pourquoi nous ne pourrons plus s
92 , Descartes, Schiller, Voltaire, etc., et tout ce qui leur correspond dans l’ordre politique par exemple. Parce que c’est t
93 l’esprit, on ne va pas s’acoquiner avec des gens qui ont fait, il y a 10 ans, une révolution en fonction du capitalisme. E
94 ensez-vous combattre cet esprit « bien français » qui s’associe à tant d’objets de votre mépris, en prenant le contre-pied
95 st ce qu’il y a de plus français ; que c’est elle qui donne au surréalisme ce petit côté jacobin si authentiquement, si dép
96 ous en sommes au surréalisme, ce produit parisien qui , comme tout ce qui est parisien, hait Paris mais ne saurait vivre ail
97 rréalisme, ce produit parisien qui, comme tout ce qui est parisien, hait Paris mais ne saurait vivre ailleurs… Mais non, il
98 t puis l’on croirait encore que je suis avec ceux qui traitent Aragon, Breton et leurs amis alternativement de dévoyés, de
99 uelle une perpétuelle insurrection contre tout ce qui prétendait nous empêcher de vivre, de rêver et de souffrir : culte du
100 son siège était fait. Nous aimions la Révolution qui nous perdrait corps et biens dans sa grandeur comme une femme merveil
101 . » Il pense que c’est bien jeune. Et : encore un qui rue dans les brancards, c’est très bellettrien. Un disque de gramo co
102 arces, et aussi pourtant des histoires de copains qui ont mal tourné, on pensait bien, ah ! cette jeunesse, mais voyons des
103 ations par contumace. Il y a encore des gens pour qui les limites de l’anarchie sont : chanter l’Internationale dans les ru
104 le course) pour Moscou, ou encore pour demander à qui , enfin, à quoi nous en voulons, et finalement nous écraser par l’évid
105 ons, c’est une atmosphère toute chargée d’éclairs qui nous atteignent sans cesse au cœur et nous revêtent miraculeusement d
106 merveilleux. » Au vrai, et surtout pour un homme qui élit Freud « président de la République du Rêve » – c’est presque un
11 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Quatre incidents (avril 1927)
107 it donc venue. Il la suivait entre les devantures qui se passaient de l’une à l’autre deux séries de profils jusqu’au solei
108 près de lui le sourire d’amitié mortel de tout ce qui n’arrive jamais. Il s’est trompé, ce n’est pas elle. Il pensa que c’é
109 t pas elle. Il pensa que c’était un ange, de ceux qui vont à la recherche des âmes. Aussitôt il téléphone à ceux du paradis
110 âmes. Aussitôt il téléphone à ceux du paradis : «  Qui va à la chasse perd sa place, nous nous comprenons. » On lui offrit i
111 p de revolver. Puis s’en fut avec un tact exquis, qui fut très remarqué. Le duc riait sous une table, complètement ivre, et
112 nfance, une églantine, quelques roses, un sourire qui perce le cœur sur les glaces du passé. Cet abandon aux fuyantes chans
113 nt un lâche. Parce que je reviens seul. Mais moi, qui regarde comme de l’autre bord, je songe qu’il est des visites à de ce
12 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Récit du pickpocket (fragment) (mai 1927)
114 archait dans le bleu. Je sortis avec cette femme, qui m’aimait, et nous étions très jolis de bonheur et d’insouciance dans
115 ne brise passa, et une femme en robe bleue légère qui me regarda un instant, si doucement… Je me levai sans payer, je parti
116 monde d’après les quelques réactions élémentaires qui ne manquent jamais de succéder au moindre vol. » J’ajouterai, cher Mo
117 dit-il, lâchant tout de suite ses compliments, ce qui est de mauvaise politique, — c’est l’extraordinaire netteté de votre
118 — une règle de vie. Mais, je vous l’avouerai, ce qui me retient de tirer de votre conduite les conclusions morales qu’elle
119 nile insouciance, pour ne pas dire inconscience ! qui s’attache à vos faits et gestes. L’on croirait ouïr parfois le récit
120 le récit de quelqu’une de ces farces d’étudiants qui ne sont que la traduction en actes de jeux de mots plus ou moins crue
13 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Conseils à la jeunesse (mai 1927)
121 stématique, le mépris enfin de tous les principes qui sont à la base de la société même. »   Ceci est tiré d’un livre récen
122 ets, nous donnerions peut-être raison à M. Y. Z., qui , dans un petit article du Journal de Genève sur « La maladie du siè
123 u seras au bout de la 20e ligne de 200 mètres, ce qui représente quatre kilomètres de plantation, le siècle ne sera plus ma
124 ntraîner assez naturellement chez des jeunes « et qui pensent » ce goût de l’évasion caractéristique de tous les « vices ro
125 se ligue aujourd’hui pour anéantir la seule chose qui reste à nos yeux sacro-sainte : la liberté. Alors n’est-ce pas, merci
14 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). La part du feu. Lettres sur le mépris de la littérature (juillet 1927)
126 ous y entrez plein de mépris pour Paul Morand par qui découvrîtes le charme de ces lieux. Vous composez un cocktail en guis
127 ar, le paradis n’est pas si cher. Il y en a aussi qui posent pour le diable et ne se baignent que dans des bénitiers : on v
128 isir d’être nu devant un public supposé dévot, et qui n’ose en croire sa pudeur, et qui doute enfin de l’impossibilité des
129 pposé dévot, et qui n’ose en croire sa pudeur, et qui doute enfin de l’impossibilité des miracles ! Quelles voluptés plus s
130 ’échappe une citation. Seraient-ce les guillemets qui vous choquent ?   La vie ! — proclamiez-vous… Soit. Mais maintenant j
131 z aujourd’hui de la simplicité. Littérateur, va ! qui ne pouvez pas même admettre que la simplicité est simple simplement.
132 pittoresque, vous témoignez d’un goût du bizarre qui révèle le littérateur. Nous ne pouvons pas faire que nous n’ayons rie
133 z de compter avec cette réalité de la littérature qui est en nous (dangereuse tant que vous voudrez). Mais ce refus n’est p
134 tir de ce café et de ces jeux, simulacres de vie, qui sont à la vraie vie ce que le flirt est à l’amour. II Sur l’insuff
135 ’on lui parle littérature. Mais il y a des mépris qui sont de sournoises déclarations d’amour. Tel qui raille l’Église et l
136 qui sont de sournoises déclarations d’amour. Tel qui raille l’Église et les curés, c’est qu’il se fait une très haute idée
137 choses, d’autres actions, ou des états intérieurs qui sont parfois des actions en puissance15. Il faudrait des choses plus
138 plus lourdes et plus irrésistibles, percutantes. Qui vous échappent en vous blessant. Des choses dures, amères comme un de
139 langue et grinçante sous ta dent. Des souplesses qui se retournent brusquement et vous renversent. Des présences tellement
140 le poésie même ne peut dire, parce que rien de ce qui nous importe véritablement n’est dicible. (Depuis le temps qu’on sait
141 ils perdent leur pouvoir de signifier les choses qui nous importent. Vous le savez. Alors vous les lâchez en liberté, par
142 perdent même la problématique utilité de liaison qui était leur excuse dernière. Avouons-le : rien de ce qu’on peut exprim
143 sance » étant pris avec son sens le plus profond, qui est proche du sens biblique. Il ne s’agit pas de la connaissance abst
144 rationnelle dont le monde moderne se contente, et qui tend à remplacer, grâce à la mentalité scolaire et primaire en partic
145 ’activité littéraire, le plus satisfaisant, celui qui rend le mieux compte de la réalité, c’est André Breton qui l’a exprim
146 le mieux compte de la réalité, c’est André Breton qui l’a exprimé : « On publie pour chercher des hommes, et rien de plus. 
147 es haines douloureuses ou grossières de tous ceux qui ne peuvent ou ne veulent y voir que révoltes contre leurs morales, ou
148 s, ou menaces pour leurs instables certitudes, et qui nous font un péché de notre acceptation des réalités spirituelles par
149 naissantes certitudes, le seul langage peut-être qui nous permette d’échanger les signaux de l’angoisse sur quoi se fonden
150 des puissances d’action. 16. J’en vois certains qui arrangent leur vie de telle sorte que leurs mémoires seront des roman
15 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Les derniers jours (juillet 1927)
151 s l’infortune de l’Action française la fraternité qui existe, en dépit des protestations de haine, entre les athées de l’an
152 x de l’Orient et de l’Occident ? » Certains cris qui nous échappèrent n’avaient pas d’autre sens. 17. 20, rue Chalgrin,
16 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Adieu au lecteur (juillet 1927)
153 e pour trouver légèrement ridicule un jeune homme qui recherche activement la Sagesse (« Ça n’est pas de votre âge ! ») ; d
154  ; de l’autre, on se scandalise des « énormités » qui peuvent échapper à un jeune homme moins grave et qui manifeste franch
155 peuvent échapper à un jeune homme moins grave et qui manifeste franchement sa jeunesse. (« Vous vous souciez vraiment trop
156 évoir les conséquences, puisqu’il n’en est aucune qui ne soit connue d’avance et stérilisée par la loi, les mœurs et l’habi
157 lences par des cris intempestifs. Il y a des gens qui n’ont pas encore admis que jeunesse = révolution Tous les malentendus
158 autre, voici que nous parvient un signe d’amitié qui ne trompe pas. Deux ou trois mots, on s’est compris. Que pouvions-nou
159 s espérer d’autre ? Il y eut quelques découvertes qui nous consolèrent de tout le reste.   Et maintenant voici Genève et so
160 Tanner. (On a fait ses preuves, quoi !) Et puis, qui sait, peut-être sauront-ils rallier le dernier disciple du Bienheureu
17 1929, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). « Belles-Lettres, c’est la clé des champs… » (janvier 1929)
161 ens à le leur dire ici : les anciens bellettriens qui ont perdu toute foi ne connaîtront pas de pardon. Car ils ont vu, et
162 en état de grâce ou de blasphème, selon. Mais ce qui importe d’abord, n’est-ce point de se livrer, purement et simplement.
18 1929, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Prison. Ailleurs. Étoile de jour (mars 1929)
163 vie comme de cette nuit le jour d’un grand été   qui consent… Ailleurs Colombes lumineuses des mains de mon amour éc
164 ante liberté d’un désir à sa naissance L’étoile qui l’accueille au sommet ravi d’un silence c’est le miroir d’une absence
19 1929, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Souvenirs d’enfance et de jeunesse, par Philippe Godet (avril 1929)
165 ompatriotes d’Amiel, Godet restera l’un des rares qui ont réussi à se connaître et que cela n’a point stérilisé : sa nature
20 1929, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). L’ordre social. Le Libéralisme. L’inspiration (novembre 1929)
166 ugle-t-il ? Veux-tu conserver, ô cruel, des ailes qui donnent des rhumes à ton grand-père et sont en scandale aux meilleurs
167 es. On le félicita de son retour à l’état normal, qui est pédestre. Mais à partir de ce jour, on lui fit sentir qu’il était
168 était devenu beaucoup moins intéressant. ⁂ Celui qui a des ailes sera persécuté à cause de ses ailes, mais celui qui n’en
169 s sera persécuté à cause de ses ailes, mais celui qui n’en a pas sera méprisé parce qu’il n’en a pas. Le libéralisme
170 envoya un ange porteur d’une solution fort simple qui d’ailleurs était la bonne, car le grand Remède, c’est un Simple. Des
171 unes gens ont une façon de trancher les questions qui vous désarme. Craignant qu’on ne lui fît un mauvais parti, l’ange tro
172 e à une femme blonde. Je suis noire. Mais je sais qui c’est. J’ai fait suivre. Alexandrine un jour m’a laissé entendre qu’e
21 1930, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Les soirées du Brambilla-club (mai 1930)
173 ite l’Odéon, c’est toujours le fantôme de l’Odéon qui m’accompagne et nous ne disons presque rien, nous savons les mêmes hi
174 intéresse aux cravates, enfin, je sens mon esprit qui se dégrade assez rapidement et se dissout dans une sentimentalité exq
175 rapports de politesse distante avec les personnes qui ont dit, ne fût-ce qu’une fois en leur vie : « J’ai horreur de la sen
176 ntôme » comme on disait au village où je suis né, qui n’est pas ma patrie. Ce soir-là, le fantôme ayant envie de manger fer
177 s, hors de quoi je ne sais pas de commerce humain qui vaille la peine, qui vaille l’amour. Durant cette méditation, nous av
178 sais pas de commerce humain qui vaille la peine, qui vaille l’amour. Durant cette méditation, nous avons gagné une rue pau
179 ité. En passant, relevons un sophisme à la mode, qui vient trébucher dans les méandres de notre chemin : « Il faut se perd
180 trouvé. J’ai toujours méprisé le geste de l’homme qui , le soir dans sa chambre d’hôtel, ferme sa porte à double tour. Ah !
181 de suite écœurant et prétentieux. Je suis de ceux qui mangent sans faire d’histoires. Je remarque simplement qu’on n’est ja
182 tte pleine : l’occupation agréable et essentielle qui consiste à divise ; pour mieux l’engloutir — ainsi que le conseillait
183 libérant par là cette part gratuite de nous-mêmes qui se plaît à disserter de poésie pure. Edmond Jaloux préside à cette ag
184 es. Hoffmann n’est pas là, mais bien Dollonne, ce qui revient au même. Une femme fatale et un grand incompris sont là. Enfi
185 e. Enfin, un Étranger raconte l’histoire suivante qui est une des plus belles du monde :   Un prince italien ayant command
186 rer dans les campagnes, en quête de l’inspiration qui le fuyait. Il buvait, rêvait, dormait sous les treilles, divaguait so
187 énétrer, il aperçut auprès du seuil une mendiante qui pleurait très doucement. Un moment, il écouta sa mélopée. Puis envahi
188 t une longue flamme. À Venise, sous le brouillard qui cachait le front des palais, une nuit d’hiver, je chantonnais la Barc
189 niers noirs des lampions et des touffes de gamins qui regardent avec la bouche ce qui se passe à l’intérieur d’une enceinte
190 touffes de gamins qui regardent avec la bouche ce qui se passe à l’intérieur d’une enceinte de toiles tendues au-devant d’u
191 x fausses mais aériennes, des chansons populaires qui sont ce que je connais de plus indiciblement nostalgique. Und sollte
192 e bière à l’auberge déserte, ma pipe et mon chien qui bougonne. La petite maison du colonel en retraite a des fenêtres bass
193 filles est donc la plus jolie ? Sans doute celle qui dort dans la mansarde, et qui n’a pas peur… ⁂ Le reste de la vie, c’e
194  ? Sans doute celle qui dort dans la mansarde, et qui n’a pas peur… ⁂ Le reste de la vie, c’est toujours entre deux voyages
22 1930, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Le Grand Testament de Villon, illustré par Marcel North (juin 1930)
195 h (juin 1930)ad Marcel North a trouvé un style qui ne ressemble qu’à sa fantaisie : la précision de son trait cerne une
196 ingénue, à la fois drue et délicate comme tout ce qui est vraiment « naïf ». La fleur qui croît en plein cœur de celui qui
197 comme tout ce qui est vraiment « naïf ». La fleur qui croît en plein cœur de celui qui est mort d’amour, une âme qui s’envo
198 naïf ». La fleur qui croît en plein cœur de celui qui est mort d’amour, une âme qui s’envole par la bouche, des formes aéri
199 plein cœur de celui qui est mort d’amour, une âme qui s’envole par la bouche, des formes aériennes qui volent dans les Limb
200 qui s’envole par la bouche, des formes aériennes qui volent dans les Limbes, tout cela prend dans ces gravures une réalité
201 voici, partout d’adorables inventions de détails qui se cachent dans les coins, bonshommes, fleurettes drôles, et ce violo
202 s, bonshommes, fleurettes drôles, et ce violoneux qui tire son archet sur des rayons de soleil… Bravo, Marcel, v’là le prin
23 1932, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). La pluie et le beau temps (Dialogue dans une tête) (1932)
203 nt jolie aujourd’hui, Mademoiselle Sonnette, avec qui avez-vous été méchante ? Sonnette. — Lord Artur, je ne suis pas une
204 lqu’un me l’a dit hier encore, vous ne saurez pas qui . Lord Artur. — Ravissante Sonnette, vos paroles ne sont pas pour les
205 s pour les oreilles, mais pour les lèvres de ceux qui vous aiment. Car elles sont insensées, mais comme des baisers dans l’
206 , Sonnette. Une question très grave. Une question qui revient à peu près à ceci : Êtes-vous un être capable d’aimer, ou seu
207 Sonnette. — Pfi ! comme c’est drôle ! C’est moi qui fais la pluie et le beau temps. Lord Artur. — Certes, la réponse ser
208 rte postale en couleurs, idéal inévitable de ceux qui n’ont pas de point de vue sur le beau temps. Écoutez-moi bien, Sonnet
209 de l’homme. Et, dès lors, de tous les événements qui paraissent autour de nous, aucun n’importe, sinon celui qui dans le m
210 sent autour de nous, aucun n’importe, sinon celui qui dans le même temps se passe à l’intérieur d’un être. Ainsi tout est c
211 changé, mais peu le savent. Peu savent le chemin qui va du signe à l’être. Longues pluies de printemps sur la campagne rec
212 Argos. N’ayant pu débrouiller le sens de l’Oracle qui lui avait dit d’aller bâtir une ville là où il trouverait la pluie et
213 beau temps, il rencontra en Italie une courtisane qui pleurait ; et en ce lieu bâtit la ville de Crotone. Sonnette. — J’a
214 ’elle soit belle, peut-être, mais qu’elle pleure, qui me réchauffe. Parce qu’elle se tient là « vêtue de son péché », — com
24 1933, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Petites notes sur les vérités éternelles (1932-1933)
215 leur vivacité : il connaît bien les Neuchâtelois, qui l’ont beaucoup aimé ; il sait que ces Neuchâtelois sont d’infatigable
216 une certaine continuité, une certaine permanence qui planerait au-dessus des vicissitudes du monde et des résultats hautem
217 é et du créant. Mais nous voudrions des créateurs qui parlent.   Peu nous importe les « conditions » purement logiques d’un
218 es « conditions » purement logiques d’une vérité, qui , à nos yeux, demeure constamment jugée par une réalité qui juge la lo
219 s yeux, demeure constamment jugée par une réalité qui juge la logique même. Ce sont les conditions actuelles de la vérité
220 e. Ce sont les conditions actuelles de la vérité qui nous posent un problème, et non pas ses conditions « éternelles ». No
221 tiers exclu est nié par l’angoisse de tout homme qui tente d’assumer son moi contradictoire pour le mettre aux ordres de l
222 sobre et désillusionnée de la condition humaine) qui est l’état dans lequel la vérité ne peut opérer dans notre existence
223 d’un ordre, reçu hic et nunc, et d’une présence, qui juge tout. ag. Rougemont Denis de, « Petites notes sur les vérités
25 1935, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). René Guisan : un clerc (1935)
224 t fameux voulait nous donner pour modèle du clerc qui ne trahit pas. Mais une figure presque parfaite d’intellectuel en act
225 resque parfaite d’intellectuel en action, d’homme qui pense ce qu’il fait, qui fait ce qu’il pense. Nous manquons terriblem
226 ctuel en action, d’homme qui pense ce qu’il fait, qui fait ce qu’il pense. Nous manquons terriblement de tels hommes, en Su
227 ue nous avons connu quelques rats de bibliothèque qui méprisaient trop facilement l’action au nom de la culture. En vérité,
228 ans l’union vibrante qu’il incarnait, de qualités qui ont coutume, ailleurs, de se gêner mutuellement. Son érudition magnif
229 ssionner pour les « problèmes » souvent si vagues qui peuplent une âme d’unioniste romand. Vraiment, le souvenir d’une infl
230 re de sa vie : la leçon toute goethéenne du clerc qui sert sans rien trahir de la primauté de l’esprit. Peut-être que le se
26 1938, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Le Poète et le Vilain (novembre 1938)
231 mon ami : — À chacun selon sa faim. Heureux ceux qui ont une grande faim, c’est à cause d’eux qu’il y a de grandes œuvres.
232 d’eux qu’il y a de grandes œuvres. Car le vilain qui n’a rien à donner, c’est lui qui vous donnera la joie du chant, plus
233 s. Car le vilain qui n’a rien à donner, c’est lui qui vous donnera la joie du chant, plus précieuse que l’objet de vos requ
27 1968, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Hölderlin dans le souvenir des noms splendides (1968)
234 ouvenir des noms splendides (1968)al Qu’est-ce qui persiste du poème qu’un jour ou l’autre nuit nous avons lu puis oubli
235 expression et la permet. La poésie serait-elle ce qui subsiste quand on a tout perdu sauf certains mots ? Ce qui émeut quan
236 ste quand on a tout perdu sauf certains mots ? Ce qui émeut quand plus rien n’est là ? Je ne gardais de Hölderlin que des s
237 Invocation du rythme, pouvoirs du signe23, tirets qui jalonnent un silence, et ce n’est pas seulement absence du son, du se
238 rde pulsation d’un blanc, d’un vide. « Énigme, ce qui naît d’un jaillissement pur ! Et par le chant lui-même à peine dévoil
239 re. Je découvris alors que beaucoup des fragments qui subsistaient dans ma mémoire avaient toujours été tels dans le texte,
240 ultiple » et « de l’Esprit au signe », transition qui relève ici, comme chez Hegel, et bien plus haut, chez Héraclite et le
241 mpie, temples ruinés d’Athènes, « fierté du monde qui n’est plus »27 — le poète se retournera vers sa vallée natale et sa r
242 aussi comme aimé de loin, dans un futur anticipé qui fera de lui un passé. Ionie de rêve, où jamais il n’ira, car elle n’e
243 cé, intemporel (« Le transparent glacier des vols qui n’ont pas fui »). Rimbaud, ses moments forts sont au futur prochain (
244 espace, dans la transcendance, mais d’une absence qui est toujours appel, nostalgie qui se mue en prophétie ! Hölderlin a c
245 s d’une absence qui est toujours appel, nostalgie qui se mue en prophétie ! Hölderlin a créé des temps nouveaux du Verbe qu
246 ie ! Hölderlin a créé des temps nouveaux du Verbe qui nous meut et nous oriente : le passé de l’invocatif28 qui est un temp
247 meut et nous oriente : le passé de l’invocatif28 qui est un temps de la prophétie, appelant le retour des dieux morts ou d
248 s dieux morts ou dormants ; l’imparfait anticipé, qui est le temps du poète voyant ; et le présent d’exil, temps du poète s
249 ssés, vous atteindre ! Et, plus loin, dans le val qui se tait, près des rocs suspendus de Tempé, Près de vous j’élirai ma d