1 1926, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Avant-propos (décembre 1926)
1 tera notre programme. Sans doute, les différences s’ accusent : mais n’est-ce pas la meilleure raison pour nos aînés de che
2 considérer avec sympathie. Il est bien facile de s’ écrier : « Après moi, le déluge ! », et de se détourner de ce qu’on a
3 e de s’écrier : « Après moi, le déluge ! », et de se détourner de ce qu’on a coutume d’appeler notre « désordre ». Mais on
2 1926, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Paradoxe de la sincérité (décembre 1926)
4 mal du siècle. Tout le monde en parle, et chacun s’ en autorise pour excuser sa petite faiblesse originale : tant qu’à la
5 tant qu’à la fin la notion concrète de sincérité s’ évanouit en mille définitions tendancieuses et contradictoires. Êtes-v
6 raliste de l’âme ? Heureusement que M. Brémond ne s’ est pas encore mêlé de l’affaire. Au reste, on n’a pas attendu les écl
7 prendre. ⁂ Qu’on imagine un personnage de tableau se mettre à décrire ce qu’il voit autour de lui — et l’étonnement indign
8 y a de déplaisant dans l’effort d’un esprit pour se dégager de confusions aussi perfides et si profondément mêlées à ses
9 incérité = spontanéité. Mais la morale est ce qui s’ oppose en premier lieu à la spontanéité. C’est pourquoi Gide écrit ail
10 t naguère au surréalisme. Tous les héros de roman se sont mis à gesticuler « gratuitement ». Et les critiques d’abord de s
11 ler « gratuitement ». Et les critiques d’abord de s’ indigner. Aujourd’hui, on les voit assez enchantés de l’affaire : « Gr
12 haque fois qu’ils ne comprennent pas. Il faudrait s’ entendre. Et, ici encore, prenons garde de confondre le plan littérair
13 le domaine de la morale, que le meilleur moyen de se livrer à ses déterminants, c’est de mener la vie gratuite que réclame
14 évélatrice du fond de l’âme humaine ? Que si l’on s’ étonne de me voir donner ici la préférence à l’acte volontaire, ou mie
15 térature remplirait déjà suffisamment son rôle en se bornant à nous donner de nous-mêmes une connaissance plus intense et
16 le fausse, puisque je le prive de la puissance de se délivrer en gestes, en conséquences matérielles. Ce n’est plus l’élan
17 d’automobiles étoilent le brouillard, les visages se cachent dans des fourrures, personne ne sait la richesse de ta vie…).
18 re si différent. Les gestes et les sentiments qui se proposaient à mon souvenir ont été passés au crible de la minute où j
19 ’on ne saurait atteindre « la vérité sur soi » en se servant de la méthode indiquée dans le premier exemple. C’est un cas-
20 tourbillonnant à l’intérieur. Un arrêt (l’auteur se met à se regarder vivre, le personnage à douter du sens de sa vie) et
21 onnant à l’intérieur. Un arrêt (l’auteur se met à se regarder vivre, le personnage à douter du sens de sa vie) et les forc
22 ces ravages du sincérisme. Dans la solitude qu’il s’ acharne à approfondir — il était venu y chercher quelque raison de viv
23 nu y chercher quelque raison de vivre, il voulait se voir le plus purement (« cette curiosité donnée comme raison d’une pe
24 s n’importe comment, mais selon certaines lois où se retrouve notre individualité. Elle nous crée tels que nous tendons à
25 idation de l’individu mais avant tout un moyen de se connaître. Cependant, n’est-ce pas lui-même qui ajoutait que l’homme
26 el nous montre assez ce qu’il faut penser2. Il ne s’ en suit pas que contenue dans des limites assez étroites empiriquement
27 ser ; impuissance à inventer. Car inventer, c’est se porter à l’extrême pointe de soi, et, d’un élan, se dépasser ; c’est
28 porter à l’extrême pointe de soi, et, d’un élan, se dépasser ; c’est créer une différence. Pourquoi les romanciers modern
29 ontre clairement. En morale : défaitisme quand il s’ agit de gestes qui pourraient entraîner des effets imprévisibles, « ré
30 e rien qui ne soit sincère. Peut-on véritablement se mentir à soi-même, et surtout se prendre à ses propres mensonges ? Pe
31 on véritablement se mentir à soi-même, et surtout se prendre à ses propres mensonges ? Peut-être juste assez pour qu’ils v
32 r toutes les pensées » (Rivière). Mais on ne peut se maintenir dans cet état. Ce « mensonge », ce choix faux mais bon, néc
33 à la vie, n’est-ce pas être sincère aussi que de s’ y prêter ? Or, il vous tire aussitôt de l’indétermination violente qu’
34 … Nous ne sommes pas, nous nous créons. Certains se refusent à toute intervention qui altérerait leur moi ; ils ne souhai
35 intelligent mais immobile : ce sont les mêmes qui s’ ignorent en tant que personnes. Comment se trouveraient-ils, n’existan
36 si le personnage est maintenu jusqu’à la mort, il se confond avec l’homme même. (André Maurois.) (Quel effroi, ce jour d
37 ie est plus réel que celui qu’une analyse désolée s’ imaginait retenir. Dès lors, ce n’est pas lâcher la proie pour l’ombre
38 ......................................... Le vent se lève, il faut tenter de vivre. Paul Valéry. Certes, du sein de ma t
39 ma joie — un état de grâce, un amour — ne pouvait se satisfaire de telle possession particulière, ne pouvait non plus s’im
40 elle possession particulière, ne pouvait non plus s’ imaginer qu’elle en pût être privée. Alors, acquiesçant vivement à l’i
41 e volonté — si profonde qu’elle n’a pas besoin de s’ expliciter pour être efficace — qui m’interdit de nommer ce dont je ne
42 notre langage statique. 3. « Et certes quand il s’ agit de parole ou d’écriture, l’affirmation prouve moins une certitude
3 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Billets aigres-doux (janvier 1927)
43 umes. Insulter ta beauté froide ? Oui, mais à qui s’ adresser. Automne au sourire absent, Or luisant, terreau qui fume… Et
4 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Conte métaphysique : L’individu atteint de strabisme (janvier 1927)
44 t de peser sur le commutateur des étoiles… l’une, se décrochant sans plus d’hésitation, se mit à pérégriner dans les régio
45 les… l’une, se décrochant sans plus d’hésitation, se mit à pérégriner dans les régions de chasse gardée du ci-devant solei
46 d’authentiques avocats et un chapelier dont tous s’ accordaient à dire qu’il ne péchait que par excès de bonne humeur prin
47 yeux et ne vit rien. On rappelle que les étoiles s’ étaient décrochées de leur poste dans l’éternité. « Éternité désaffect
48 ernité désaffectée, c’est bien dommage, dit-il en s’ étirant ; le printemps désormais rendra le ciel plus pâle, et nous iro
49 l’étoile chantait dans l’axe de sa vie normale et s’ approchait en faisant la roue — celle à qui sourit la Fortune. Urbain,
5 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Dans le Style (janvier 1927)
50 ies sur le paysage commercial. Terminus : Morand, s’ éveillant en français, termine : … Irène. (Grasset, 1924… … y compris
6 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Lettre du survivant (février 1927)
51 , comme on dit, sans doute parce que c’est là que se nouent les douleurs les plus atrocement inutiles. La première fois, a
52 rêtait quelque intention. Quand enfin l’orchestre s’ arrêta, je me trouvais tout près de vous. Mon ami me fit un signe disc
53 vous. Mon ami me fit un signe discret, et déjà il se préparait à vous rendre attentive à ma présence… Mais, alors, je ne s
54 Déjà la foule des danseurs nous séparait, mon ami se détournait, un peu vexé ; vous disparaissiez au milieu d’un cortège d
55 perdu. Chaque fois qu’un paquet de dix personnes s’ engouffrait dans la cage rouge et or et s’élevait, j’éprouvais un peti
56 rsonnes s’engouffrait dans la cage rouge et or et s’ élevait, j’éprouvais un petit arrachement, comme précisément un enfant
57 fois, j’ai cru vous reconnaître dans la foule qui se précipitait, mais je n’avais pas pris de numéro, je ne pouvais pas mo
58 , maladroits, contradictoires… Un autobus de luxe s’ était arrêté tout près de moi. Je vis un visage à l’intérieur se pench
59 tout près de moi. Je vis un visage à l’intérieur se pencher vers la vitre… Je montai. Il n’y avait que des dames. Personn
60 es dames. Personne ne parlait. La jeune femme qui s’ était penchée vous ressemblait tant. Mais je n’osais presque pas la re
61 mes yeux. Une bouche de métro m’attira. Les rames s’ arrêtaient avec un sifflement particulièrement doux pour ma fatigue, e
62 vec une sombre joie les employés et les voyageurs s’ inquiéter. Bientôt on m’entraîna de force sur un trottoir roulant qui
63 ans la ville, mais il me semble que toutes choses s’ éloignent de moi vertigineusement, par cette aube incolore. Il y a vin
7 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Orphée sans charme (février 1927)
64 iendra Des Enfers. » — « Ce n’est pas une phrase, s’ écrie-t-il, c’est un poème, un poème du rêve, une fleur du fond de la
65 ignes Sont moins bons acrobates… (etc.)… Cocteau s’ est trop exercé avant de se lancer sur la corde raide. Je suis sûr qu’
66 ates… (etc.)… Cocteau s’est trop exercé avant de se lancer sur la corde raide. Je suis sûr qu’il ne tombera pas. J’admire
8 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). L’autre œil (février 1927)
67 e œil (février 1927)l m Décembre L’époque s’ ouvre où l’on attend un miracle pour la fin de la semaine. « Messieurs
68 Il y a des soirs où une idée de la responsabilité s’ empare de nous. Et nous calculons qu’il s’agit de déranger 5000 person
69 abilité s’empare de nous. Et nous calculons qu’il s’ agit de déranger 5000 personnes en huit soirées, et de les occuper qua
70 mis au soin d’engendrer cet adorable monstre. Ils se réunissent parfois autour d’un feu et le contemplent un certain temps
71 né entre deux cafés-nature, et presque sans qu’il s’ en soit rendu compte. Clerc entrevoit un projet à deux faces. Lugin, q
72 « la Montagne » ne saura venir au prophète, même s’ il se nomme Mossoul. Pourtant, au milieu de ce paludesque et stérile c
73 Montagne » ne saura venir au prophète, même s’il se nomme Mossoul. Pourtant, au milieu de ce paludesque et stérile consis
74 ue et stérile consistoire, une idée de génie vint s’ asseoir certaine nuit. Elle parla par la bouche de Lugin, sa langue da
75 , sa langue dans la langue de Lugin : « Le rideau se lève sur un miroir qui occupe toute la largeur de la scène. Titre : S
76 en scène fort ingénieuse qui permit à Mossoul de se perdre dans des jupons autrement que par métaphore. À La Chaux-de-Fon
77 llles ? À signaler la fuite de Bec-de-Gaz, lequel s’ éteignit dans les neiges. Un jour, on s’aperçut que cette chose avait
78 z, lequel s’éteignit dans les neiges. Un jour, on s’ aperçut que cette chose avait recommencé, qu’on appelle, sans doute pa
9 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Entr’acte de René Clair, ou L’éloge du Miracle (mars 1927)
79 1905) : quelques acteurs d’une troupe de province s’ agitent incompréhensiblement dans un décor très pauvre, légèrement col
80 coloré. Le principe est simple : « Je vous aime » se traduit par trois ou quatre claques sur la poitrine ; et une crise in
81 de Saint-Guy. Art classique : la mort d’Hyppolite se passe en coulisse. Mais Phèdre avoue tout « devant le cadavre encore
82 erré, mais sur la corniche d’un gratte-ciel, d’où se met à descendre un petit bateau de papier, sur fond de boulevards et
83 l’aile un dixième de seconde, par intermittences, se pose enfin sur l’écran : une danseuse sur une plaque de verre, vue pa
84 souvenir par le rayonnement de la robe, fleur qui s’ ouvre pour dégager le mouvement obsédant de deux jambes, l’harmonie de
85 ît, ils n’attendent que le moment où ils pourront se pousser en disant : « C’que c’est cochon ! » Mais le moment ne vient
86 eur. Un mouvement ne souligne pas, il exprime, et se suffit. Mais comme pour le film 1905, on a sans cesse envie de crier 
87 ; c’est un temps nouveau, et l’espace en relation se modifie pour maintenir je ne sais quelle harmonie… C’est une réalité
10 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Louis Aragon, le beau prétexte (avril 1927)
88 927)o Ah ! je sens qu’une puissance étrangère s’ est emparée de mon être et a saisi les cordes les plus secrètes de mon
89 dédier l’ennui de ma révolte ? Aragon sarcastique se tient là-bas dans un rayon échappé des Enfers — auxquels je crois enc
90 s. Aragon, dans ces tempêtes de nuits filantes où s’ enfuient, souffles à peine parfumés, les vices enlacés aux vertus, c’e
91 le repas dont vous sortez, que ces trois mots où se résume la défense de la loi sociale, patriotique, religieuse (?) et c
92 sir, — quelques hommes y pénètrent, et le goût de s’ amuser ne renaîtra plus en eux. Ni même celui de souffrir. Le dernier
93 tre seul sur un faux sommet vers quoi des faibles s’ efforcent — mais déjà c’est de plus loin qu’il les nargue. Il connaît
94 les à l’immobilité miraculeuse des statues7. » Il s’ agit bien de critique littéraire ! Nous sommes ici en présence d’une d
95 me de l’esprit. Jusqu’au-boutisme désespéré. « Il s’ agit de rendre impraticables quelques portes de sortie » ou compromis 
96 ussent acheté au prix d’un martyre… Nos jugements se rendaient sans cesse à l’échelle de l’infini, et cet infini nous écra
97 ent Vautel, le matérialisme le plus pauvre auquel se soit jamais abaissée une civilisation. Mais nous sommes encore quelqu
98 cafés littéraires et dont il serait le premier à s’ amuser ?   Février 1927. Relu Une vague de rêves et la préface de Libe
99 . Je me souviens d’une phrase de Vinet — laissons s’ esclaffer du rapprochement les auteurs de manuels de littérature — : «
100 arce qu’elle n’a pas mérité du premier coup qu’on se donne la peine de l’écraser, — c’est qu’il symbolise tout cet état d’
101 ique qui n’épouse pas le rythme d’une œuvre, mais s’ avance à sa rencontre armé de l’appareil à frigorifier de sa raison, e
102 n’oubliez pas que « l’artiste serait peu de chose s’ il ne spéculait sur l’incertain », c’est un académicien qui l’a dit. V
103 s thèses rassurantes de la « saine raison », sans se demander jamais si cela ne condamne pas et la santé et la raison. Il
104 cela ne condamne pas et la santé et la raison. Il s’ est trouvé des Maurras et autres « héritiers de la grande tradition gr
105 mme promenoir, avec défense sous peine de mort de s’ en écarter. Voilà bien leur désinvolture, car enfin, elle est déesse.
106 de : Qu’il vienne, qu’il vienne Le temps dont on s’ éprenne ! Les œuvres les plus significatives de ce siècle sont écrit
107 me, Karl Marx, la préface de Cromwell. Mais il ne s’ agit pas de refaire notre petite révolution à nous, dans tel domaine.
108 s pardonner aux surréalistes : qu’ils aient voulu s’ allier aux dogmatiques d’extrême gauche. Je ne dirai pas, comme on a f
109 ontestablement beau. Mais alors, Aragon, pourquoi se faire marchand des œuvres complètes de Karl Marx ? Si vous ne dites p
110 is la Révolution au nom de l’esprit, on ne va pas s’ acoquiner avec des gens qui ont fait, il y a 10 ans, une révolution en
111 z-vous combattre cet esprit « bien français » qui s’ associe à tant d’objets de votre mépris, en prenant le contre-pied de
112 est venue de clore des discussions énervantes où s’ épuise vainement une dialectique dont l’objet fuit sans cesse par la q
113 gon et les surréalistes auront raison même encore s’ ils ont tort, envers et contre toutes les critiques qu’on pourrait leu
114 on ; parce que cette révolution ne demandait qu’à s’ asseoir et que son siège était fait. Nous aimions la Révolution qui no
115 vit, on ne meurt que de vices. ⁂ Ici le lecteur se rassure. « Il s’y retrouve. » Il pense que c’est bien jeune. Et : enc
116 que de vices. ⁂ Ici le lecteur se rassure. « Il s’ y retrouve. » Il pense que c’est bien jeune. Et : encore un qui rue da
117 ivre de tendances très modernes. Et des gens pour se gausser quand nous écrivons Révolution, et nous offrir un billet (sim
118 ence définitive de notre absurdité. Car l’homme «  s’ est fait une vérité changeante et toujours évidente, de laquelle il se
119 é changeante et toujours évidente, de laquelle il se demande vainement pourquoi il n’arrive pas à se contenter13 ». Acculé
120 l se demande vainement pourquoi il n’arrive pas à se contenter13 ». Acculés à ce choix : inconscience de ruminants ou neur
121 rit, proclamez le grand Libre-Échange, voici déjà s’ avancer des prodiges à cette invite la plus persuasive : nous sommes p
122 c’est la tyrannie des souvenirs ; et ce n’est pas se libérer que de brasser ces chaînes sonores. 9. Lettre à Paul Claudel
11 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Quatre incidents (avril 1927)
123 , d’ailleurs invraisemblables, qu’à leurs reflets se fussent évanouis des arcs-en-ciel de névroses dans tous les poèmes où
124 onc venue. Il la suivait entre les devantures qui se passaient de l’une à l’autre deux séries de profils jusqu’au soleil t
125 ’amitié mortel de tout ce qui n’arrive jamais. Il s’ est trompé, ce n’est pas elle. Il pensa que c’était un ange, de ceux q
126 l et un violon, pour qu’il en joue, au printemps, s’ il savait … R.S.V.P. À Max-Marc-Jean Jacob Reymond. Une étoile
127 la main et l’abattit d’un coup de revolver. Puis s’ en fut avec un tact exquis, qui fut très remarqué. Le duc riait sous u
128 me donne encore plus de plaisir. » Le duc paya et s’ enfuit en disant que ce n’était pas lui. L’enterrement aura lieu sans
129 e un songe de son enfance. Aux fenêtres du palais s’ étoilèrent des halos. Le jour tendre paraissait sous l’égide de la mor
130 violons déchirants dans sa tête… Mais le sommeil s’ évaporait aux caresses des flocons, plus perfides que des murmures d’a
131 s, dans l’amitié pensive des jardins. Une fenêtre s’ était ouverte et des accords échappés tombaient, les ailes coupées. Pu
132 pés tombaient, les ailes coupées. Puis le silence se reprit à ses songes désolés. Autre suicide ou la promenade en bate
133 is né pour la mort. » Il fait assez beau pour que s’ ouvre ce cœur de l’après-midi, comme un camélia de tendre orgueil. Il
134 soleil du haut-lac. Justement, voici que tout va s’ ouvrir, qu’un monde s’est ouvert devant lui. Et l’eau n’est pas moins
135 ustement, voici que tout va s’ouvrir, qu’un monde s’ est ouvert devant lui. Et l’eau n’est pas moins somptueuse. Et bien sû
12 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Récit du pickpocket (fragment) (mai 1927)
136 la jeunesse est l’âge où l’on atteint la vie. On s’ y maintient cinq ans, dix ans au plus. Après, c’est un long adieu et l
137 s au plus. Après, c’est un long adieu et le corps se fige à mesure que l’esprit s’établit sur ses positions. Or donc, j’av
138 g adieu et le corps se fige à mesure que l’esprit s’ établit sur ses positions. Or donc, j’avais vingt ans. Je vivais chez
139 erdu. Mais il souffrait d’autre chose encore : il se savait vieux, maintenant. » Je songeais justement à un sourire de mon
140 eux. Il vit mon sourire et pleura. Alors une rage s’ empara de mon corps tout entier, je criai un juron, claquai la porte e
141 — celui justement que j’entrevoyais. » Quand elle se fut endormie, je me rhabillai. Je ne trouvai que 100 francs dans son
142 insouciance, pour ne pas dire inconscience ! qui s’ attache à vos faits et gestes. L’on croirait ouïr parfois le récit de
13 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Conseils à la jeunesse (mai 1927)
143 raiment aux romantiques de 1830 que ces reproches s’ adressent, ou bien plutôt — vous alliez le dire — aux surréalistes ?  
144 e des sacro-saints Principes au nom desquels tout se ligue aujourd’hui pour anéantir la seule chose qui reste à nos yeux s
14 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). La part du feu. Lettres sur le mépris de la littérature (juillet 1927)
145 cristal est une citation de Valéry, cette œillade se souvient d’un vers d’Éluard14. Et des phrases, des cris, des mots. Au
146 cris, des mots. Au défaut de l’ivresse naissante se glisse un poème où vous aimiez à la folie votre douleur. Narcisse se
147 où vous aimiez à la folie votre douleur. Narcisse se contemple au miroir de son monocle. Au petit matin, il se noie dans u
148 mple au miroir de son monocle. Au petit matin, il se noie dans un verre à liqueur. Poisson dans l’eau, plumes dans le vent
149 . Il y en a aussi qui posent pour le diable et ne se baignent que dans des bénitiers : on voit trop qu’ils trouvent ça pit
150 inions, ces titres de livres : tout cela jaillit, s’ entrechoque, s’annule. Poussière. Ma vie est ailleurs. L’addition, s’i
151 res de livres : tout cela jaillit, s’entrechoque, s’ annule. Poussière. Ma vie est ailleurs. L’addition, s’il vous plaît. I
152 nule. Poussière. Ma vie est ailleurs. L’addition, s’ il vous plaît. Il est temps de sortir de ce café et de ces jeux, simul
153 Tel qui raille l’Église et les curés, c’est qu’il se fait une très haute idée de la religion. Ainsi, de la littérature : v
154 gue et grinçante sous ta dent. Des souplesses qui se retournent brusquement et vous renversent. Des présences tellement in
155 ersent. Des présences tellement intenses que tout se fond catastrophiquement dans l’infini de la seconde. Des peurs sans c
156 n peut imaginer que si elle était réalisée, on ne s’ en apercevrait pas. Je pressens encore dans vos poèmes les plus obscur
157 certains états de la réalité. Mais plus les mots se plient à des exigences sémantiques — dont on connaît la portée social
158 e parfois quelque plaisir, plus rarement, de quoi se payer un petit voyage. C’est l’aveu d’une faiblesse secrète. Et c’est
159 s profond, qui est proche du sens biblique. Il ne s’ agit pas de la connaissance abstraite et rationnelle dont le monde mod
160 ce abstraite et rationnelle dont le monde moderne se contente, et qui tend à remplacer, grâce à la mentalité scolaire et p
161 r attitude que vous la guérirez. Au contraire, il s’ agit de l’envisager sans fièvre, pour en circonscrire les effets. J’av
162 in par lequel ces « quelques-uns » peuvent encore se reconnaître. Quand bien même elle n’aurait plus d’autre excuse que ce
163 tte d’échanger les signaux de l’angoisse sur quoi se fondent, en ces temps, nos amitiés miraculeuses.   Voici donc les seu
164 de à découvrir quelques êtres par le monde… Il ne s’ agit plus de mépris ni d’adoration. J’ai défini une « maladie » dont j
165 paragraphe, après « Narcisse », sans qu’on sache s’ il s’agit d’une erreur ou d’une volonté de l’auteur. 15. Variante : d
166 graphe, après « Narcisse », sans qu’on sache s’il s’ agit d’une erreur ou d’une volonté de l’auteur. 15. Variante : des pu
15 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Les derniers jours (juillet 1927)
167 s de l’Esprit. Mais un jour viendra où les hommes se révolteront contre le joug atrocement positiviste des Maurras et des
16 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Adieu au lecteur (juillet 1927)
168 rire). Nous sommes à l’âge de nous en réjouir. On s’ est beaucoup étonné de nous voir « si différents » de nos aînés. Nous
169 ches contradictoires. Nous les additionnons : ils s’ annulent. Il reste à dire deux mots sur la paradoxale situation intell
170 étudiants comme la nôtre. D’un côté, en effet, on s’ accorde pour trouver légèrement ridicule un jeune homme qui recherche
171 « Ça n’est pas de votre âge ! ») ; de l’autre, on se scandalise des « énormités » qui peuvent échapper à un jeune homme mo
172 de ces affirmations dont en vérité l’on n’a pas à se préoccuper de prévoir les conséquences, puisqu’il n’en est aucune qui
173 ’amitié qui ne trompe pas. Deux ou trois mots, on s’ est compris. Que pouvions-nous espérer d’autre ? Il y eut quelques déc
174 re. Car chaque année, renaissant des décombres où s’ anéantirent l’honneur et la fortune de ses derniers rédacteurs, notre
175 ne de ses derniers rédacteurs, notre Revue-phénix s’ élance avec une ardeur rajeunie d’un an dans une direction absolument
17 1929, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). « Belles-Lettres, c’est la clé des champs… » (janvier 1929)
176 froid, je ne puis dire grand-chose de plus. On ne se comprend bien qu’entre jeunes hommes ivres. Mais alors point n’est be
177 ne connaîtront pas de pardon. Car ils ont vu, et s’ ils n’ont pas cru, c’est qu’ils sont foncièrement mauvais.) 6. Peu de
178 n. Mais ce qui importe d’abord, n’est-ce point de se livrer, purement et simplement. 7. (Secret). y. Rougemont Denis de
18 1929, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Prison. Ailleurs. Étoile de jour (mars 1929)
179 cette naissance aux lents vertiges Quand la nuit s’ effeuille et se fane prisonnier d’une saison morte au tombeau des fleu
180 e aux lents vertiges Quand la nuit s’effeuille et se fane prisonnier d’une saison morte au tombeau des fleurs obscures les
181 ombeau des fleurs obscures les mains de l’absence se ferment sur le vide   Tu pleurerais Mais la grâce est facile comme u
19 1929, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Souvenirs d’enfance et de jeunesse, par Philippe Godet (avril 1929)
182 Que voulez-vous, je suis bourgeois ! », l’on peut se permettre quelques malices, quelques jeux d’esprit ou de méchanceté,
183 el, Godet restera l’un des rares qui ont réussi à se connaître et que cela n’a point stérilisé : sa nature, il est vrai, s
184 ela n’a point stérilisé : sa nature, il est vrai, s’ y prêtait, peu complexe et comme réduite à deux dimensions ; la consci
185 chair. Et de rêve. Est-ce qu’en ce temps-là on ne se nourrissait vraiment que de petits mots d’esprit et de malices ? Nois
20 1929, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). L’ordre social. Le Libéralisme. L’inspiration (novembre 1929)
186 se des ailes, une grande paire d’ailes. Allait-on s’ émerveiller ? Mais déjà Freud expliquait le monstre, les chaires le dé
187 on sans une ingénue fierté. Mais au courant d’air s’ enrhuma le grand-papa. On craignit de le perdre. — « Eh ! quoi, — vinr
188 mple. Des hurlements de rage ne tardèrent point à s’ élever de toutes parts. Les uns défendaient la Démocratie outragée, le
189 ndre, et l’on parla défense de l’Occident. L’ange s’ enfuit par l’un des nombreux trous de leurs raisonnements. L’inspir
21 1930, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Les soirées du Brambilla-club (mai 1930)
190 préfèrent d’aller à pied ; mais moi je me méfie ; se promener seul la nuit dans une ville étrangère, n’est-ce point la déf
191 resse aux cravates, enfin, je sens mon esprit qui se dégrade assez rapidement et se dissout dans une sentimentalité exquis
192 ens mon esprit qui se dégrade assez rapidement et se dissout dans une sentimentalité exquise, navrante. Il reste de s’asse
193 une sentimentalité exquise, navrante. Il reste de s’ asseoir à quelque terrasse de café pour y boire à petits coups une ame
194 ement. Nous embarquons Jean Cassou, et le fantôme se fait aussi négligeable que possible, pratiquement invisible, dans cet
195 es, et qu’il est « pittoresque », cas déplorable, s’ agissant d’un poète authentique. Le pittoresque. D’abord je crains que
196 s avons gagné une rue pauvrement éclairée où l’on s’ arrête. Le fantôme derrière nous claque la portière. Il fait assez fro
197 la boussole autant qu’au sens moral.) Le goût de se perdre est un des plus profonds mystères de notre condition, et je ne
198 her dans les méandres de notre chemin : « Il faut se perdre pour se retrouver », nous enseigne une doctrine en vérité moin
199 andres de notre chemin : « Il faut se perdre pour se retrouver », nous enseigne une doctrine en vérité moins généreuse que
200 int de lâcher pour mieux croquer. Pourquoi ne pas se perdre sans arrière-pensée ? S’il me reste un espoir au sein de mes e
201 . Pourquoi ne pas se perdre sans arrière-pensée ? S’ il me reste un espoir au sein de mes erreurs les moins préméditées, c’
202 dominent des baraques éparses dans une brousse où s’ engage délibérément notre fantôme. Il avance sans bouger les jambes. N
203 ns à tâtons. Ce que je pressentais ne tarde pas à se produire : des aboiements fous et une effusion de lumière basse, roug
204 eillait déjà René Descartes — la portion que l’on s’ est administrée accapare nos facultés les plus vulgaires, libérant par
205 rant par là cette part gratuite de nous-mêmes qui se plaît à disserter de poésie pure. Edmond Jaloux préside à cette agape
206 premier regard. Mais non, trop bien élevée, elle se ressaisit, pense à Genève, reprend aussitôt de la consistance, et dan
207 ont il a le secret, et dans laquelle la rédaction s’ empresse de faire rentrer la partie la plus incongrue de cette chroniq
208 es où il habitait alors, abandonnant sa femme, et se mit à errer dans les campagnes, en quête de l’inspiration qui le fuya
209 et d’âme, et n’ayant pas écrit une seule note, il se retrouva aux portes de Naples, d’où il n’eut que la force de regagner
210 ta sa mélopée. Puis envahi par un dernier feu, il se précipita dans sa chambre où il s’enferma, écrivit dans une grande fi
211 ernier feu, il se précipita dans sa chambre où il s’ enferma, écrivit dans une grande fièvre tout le Stabat Mater, sa plus
212 spoir, je retrouve les contes d’Hoffmann. Mais il s’ agit de les vivre plutôt que d’en parler vous voyez bien que j’ai quit
213 fes de gamins qui regardent avec la bouche ce qui se passe à l’intérieur d’une enceinte de toiles tendues au-devant d’un p
214 Geboren sein… Il faudrait la mélodie. La fanfare s’ éloigne. La nuit est chaude sur les collines. Un grand verre de bière
215 est toujours entre deux voyages d’Allemagne. Cela se passe actuellement dans un hôtel tragi-comique en cinq étages et un p
22 1930, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Le Grand Testament de Villon, illustré par Marcel North (juin 1930)
216 n cœur de celui qui est mort d’amour, une âme qui s’ envole par la bouche, des formes aériennes qui volent dans les Limbes,
217 éalité si touchante et si naturelle qu’on ne peut s’ y tromper : la grâce de l’enfance anime encore cette imagination, guid
218 petit monde, Marcel North et l’escholier François s’ entendent comme larrons en foire. Certes, l’amertume douloureuse de V
219 foire. Certes, l’amertume douloureuse de Villon se mue souvent dans la traduction de North en acidité légère de fruit ve
220 n peu grêle : leur jeunesse… Et si la composition s’ amuse parfois à boiter — à côté de parfaites réussites — , voici, part
221 ci, partout d’adorables inventions de détails qui se cachent dans les coins, bonshommes, fleurettes drôles, et ce violoneu
23 1932, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). La pluie et le beau temps (Dialogue dans une tête) (1932)
222 à les faire doucement frémir de rage ; ils aiment s’ obstiner et c’est pourquoi nous aimons leur échapper. Vous êtes bien i
223 nt, dans cinq minutes je ne saurai plus même voir s’ il fait beau ou s’il fait vilain. Lord Artur. — Je pense sérieusement
224 tes je ne saurai plus même voir s’il fait beau ou s’ il fait vilain. Lord Artur. — Je pense sérieusement que vous ne l’ave
225 tions et vos pensées, votre conception de l’amour se réfèrent en vérité à une carte postale en couleurs. Et non pas à la r
226 cun n’importe, sinon celui qui dans le même temps se passe à l’intérieur d’un être. Ainsi tout est changé, mais peu le sav
227 e leur convenable sens. Et quand tu connaîtras où se situe leur lieu, établis en ce lieu la demeure de tes pensées. Ainsi
228 s qu’elle pleure, qui me réchauffe. Parce qu’elle se tient là « vêtue de son péché », — comme une courtisane. Mais vous n’
24 1933, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Petites notes sur les vérités éternelles (1932-1933)
229 lecteur, je recopie les passages phrases auxquels s’ attachent mes gloses. Je m’excuse par avance de l’avantage que je m’ac
230 tience du lecteur à mon endroit, je le crains… 1. S’ il n’y a pas de vérité absolue, en ce sens que tout jugement tenu pour
231 enseurs, à connaître d’une vérité absolue, on put se demander si la philosophie n’allait pas démissionner, purement et sim
232 s solutions élégantes. D’une part, la philosophie se transforma en histoire comparée des systèmes ; d’autre part, les « ch
233 èmes ; d’autre part, les « chercheurs » invétérés s’ appliquèrent à rétablir une permanence abstraite, qu’ils ne tardèrent
234 e-bourgeoise-nationaliste fournisse une raison de se montrer optimiste ? Devant des mots comme « approfondissement » ou « 
235 t celles qu’il faut poser si l’on veut réellement se tirer hors d’une confusion sans précédent — d’une confusion dont le p
25 1935, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). René Guisan : un clerc (1935)
236 arnait, de qualités qui ont coutume, ailleurs, de se gêner mutuellement. Son érudition magnifique ne se limitait pas aux l
237 e gêner mutuellement. Son érudition magnifique ne se limitait pas aux livres : elle embrassait aussi les incidents de la m
238 sa rigueur critique ne l’empêchaient nullement de se passionner pour les « problèmes » souvent si vagues qui peuplent une
26 1938, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Le Poète et le Vilain (novembre 1938)
239 une requête au roi, il doit lui chanter un poème. S’ il s’adresse à un noble, trois poèmes. Si c’est à un vilain, il faut q
240 equête au roi, il doit lui chanter un poème. S’il s’ adresse à un noble, trois poèmes. Si c’est à un vilain, il faut que le
27 1968, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Hölderlin dans le souvenir des noms splendides (1968)
241 e, d’un nom, d’une lumière de l’Hellade imaginée. Se souvenir ainsi de Hölderlin, c’était revenir à la genèse du poème dan
242 stalgie d’elle-même. Hölderlin, lui, dira qu’elle se constitue dans son « aspiration » à exprimer, c’est-à-dire dans « la
243 , « fierté du monde qui n’est plus »27 — le poète se retournera vers sa vallée natale et sa rivière « avec ses prés charma
244 une absence qui est toujours appel, nostalgie qui se mue en prophétie ! Hölderlin a créé des temps nouveaux du Verbe qui n
245 ature et de l’art… préexistait pour lui… le poète se placerait en dehors de son champ d’efficacité, il sortirait de sa cré
246 , vous atteindre ! Et, plus loin, dans le val qui se tait, près des rocs suspendus de Tempé, Près de vous j’élirai ma deme