1
Avant-propos (décembre 1926)a b
Une
mauvaise humeur qui flotte dans l’air nous proposerait de débuter par
2
nous affirmer ou à refuser de nous affirmer avec
une
netteté qui a pu paraître parfois quelque peu impertinente. Le fait e
3
ment encore à nous comprendre et de nous accorder
une
confiance sans laquelle nous ne saurions aller, et qui, nous voulons
4
ndons pas qu’on prenne toutes nos obscurités pour
des
profondeurs. Et nous n’allons pas procéder à quelque sensationnelle r
5
ns pas procéder à quelque sensationnelle révision
des
valeurs. Nous savons bien que nous ne faisons que passer, après tant
6
ses… Nous ne proposerons pas, lecteur bénévole,
un
exercice mensuel à votre faculté d’indulgence. Par contre, nous nous
7
use en publiant cette revue. Nous ne sommes pas «
une
revue littéraire de plus » ; nous ne voulons pas être « l’expression
8
plus qu’on puisse dire, c’est que vous le saurez
un
peu mieux quand vous aurez lu nos huit numéros. Il faut que notre rev
9
fleurs disparates, aux tiges divergentes, mais qu’
un
ruban rouge et vert lie par la grâce d’une volonté sans doute divine…
10
mais qu’un ruban rouge et vert lie par la grâce d’
une
volonté sans doute divine… a. Rougemont Denis de, « Avant-propos »
11
e de la sincérité (décembre 1926)c Nous voyons
un
mythe prendre corps parmi les ruines de ce temps. Il fallait bien tir
12
e ce temps. Il fallait bien tirer quelque vertu d’
une
anarchie dont on ne veut pas avouer qu’elle est plus nécessaire — pro
13
de courage moral, nous avons élevé à la hauteur d’
une
vertu première — et qui légitime tous les dénis de morale à quoi nous
14
e moins avouables, — la sincérité, masque fier et
un
peu douloureux des défaitismes les plus subtils comme des plus pures
15
— la sincérité, masque fier et un peu douloureux
des
défaitismes les plus subtils comme des plus pures et loyales inquiétu
16
douloureux des défaitismes les plus subtils comme
des
plus pures et loyales inquiétudes. Sincérité, le mal du siècle. Tout
17
oisir, volonté de tout conserver en soi ? Ou bien
une
attitude en quelque sorte scientifique, à la fois curieuse et désinté
18
bé pour n’y plus rien comprendre. ⁂ Qu’on imagine
un
personnage de tableau se mettre à décrire ce qu’il voit autour de lui
19
e, il faudrait pouvoir sauter hors de soi. Seule,
une
méthode d’observation et de déduction passablement sèche pourrait nou
20
te opération idéale. En même temps, la froideur d’
une
telle méthode atténuerait dans une certaine mesure — parce que nécess
21
aire — ce qu’il y a de déplaisant dans l’effort d’
un
esprit pour se dégager de confusions aussi perfides et si profondémen
22
calculés », écrit Gide. D’où l’on peut tirer par
une
sorte de passage à la limite que les faits justifient : sincérité = s
23
sincérité spontanée, vertu moderne en qui renaît
un
mythe rousseauiste, inspire, explique un vaste domaine de la littérat
24
i renaît un mythe rousseauiste, inspire, explique
un
vaste domaine de la littérature contemporaine. Cette sorte-là de sinc
25
fait est que ce geste symbolique a déclenché tout
un
mouvement littéraire, celui-là même qui aboutit naguère au surréalism
26
incongru du héros n’est jamais que le résultat d’
un
mécanisme inconscient, aussi révélateur du personnage que ses actions
27
concertées. Rien n’est gratuit que relativement à
un
système restreint de références. Il résulte de semblables considérat
28
té. D’autre part, on veut donner à l’acte gratuit
une
valeur morale en disant qu’il révèle ce qu’il y a de plus secret dans
29
a de plus secret dans la personnalité. Ce serait
un
moyen de connaissance plus intégrale de soi. Mais pour être moins pit
30
ion réfléchie, aussi peu gratuite que possible, d’
un
Julien Sorel, est-elle moins révélatrice du fond de l’âme humaine ? Q
31
on rôle en se bornant à nous donner de nous-mêmes
une
connaissance plus intense et plus émouvante ; mais la morale, plutôt
32
r exemple. — Je m’assieds à mon bureau, je prends
une
feuille blanche, je vais écrire ce que je trouve en moi (sentiments,
33
tions, obscurités, etc.). Supposons que j’éprouve
un
désir d’action vive, un élan vers certain but précis. Ou bien j’aura
34
. Supposons que j’éprouve un désir d’action vive,
un
élan vers certain but précis. Ou bien j’aurais juste le temps de le
35
s. Ce n’est plus l’élan pur que je décris : c’est
un
élan freiné dans mon esprit, c’est le frein lui-même, bientôt — par u
36
on esprit, c’est le frein lui-même, bientôt — par
un
mouvement normal de l’attention — et fatalement c’est à la découverte
37
attention — et fatalement c’est à la découverte d’
une
faiblesse que j’aboutis : ce quelque chose qui m’a retenu d’accomplir
38
oint : à quoi en suis-je, qui suis-je ? Je revois
des
actes accomplis, je revis plus ou moins fortement des sentiments que
39
actes accomplis, je revis plus ou moins fortement
des
sentiments que je crois avoir éprouvés à tel moment de mon passé. Par
40
finies (telle sensation physique de bonheur, dans
une
rue au coucher du soleil, des phares d’automobiles étoilent le brouil
41
ue de bonheur, dans une rue au coucher du soleil,
des
phares d’automobiles étoilent le brouillard, les visages se cachent d
42
oilent le brouillard, les visages se cachent dans
des
fourrures, personne ne sait la richesse de ta vie…). J’écris ces chos
43
hesse de ta vie…). J’écris ces choses. Puis, dans
un
ancien carnet de notes, je retrouve un être si différent. Les gestes
44
Puis, dans un ancien carnet de notes, je retrouve
un
être si différent. Les gestes et les sentiments qui se proposaient à
45
où je me penchais sur mon passé. Ou, pour user d’
une
image plus précise, cette minute est baignée d’une lueur de tristesse
46
ne image plus précise, cette minute est baignée d’
une
lueur de tristesse ou de sérénité qui métamorphose le paysage du pass
47
e quelque chose, c’est bien le second. La qualité
des
souvenirs qu’il me livre me renseigne assez exactement, non sur mon p
48
a méthode indiquée dans le premier exemple. C’est
un
cas-limite, j’en conviens. Pourtant, n’est-ce pas le schéma de tout u
49
onviens. Pourtant, n’est-ce pas le schéma de tout
un
genre littéraire moderne, cette espèce de confession romancée dont le
50
ces livres évoquent assez précisément la forme d’
un
entonnoir. La vie serait le liquide tourbillonnant à l’intérieur. Un
51
e serait le liquide tourbillonnant à l’intérieur.
Un
arrêt (l’auteur se met à se regarder vivre, le personnage à douter du
52
et les forces centripètes l’emportent peu à peu,
une
aspiration vers le bas produit une agitation accélérée et folle, puis
53
ent peu à peu, une aspiration vers le bas produit
une
agitation accélérée et folle, puis tout finit dans un râle, brusqueme
54
gitation accélérée et folle, puis tout finit dans
un
râle, brusquement c’est le vide. Centre de soi, l’aspiration du néant
55
évocation de mes désirs anciens ne me restitue qu’
un
dégoût. J’ai cru que je pourrais me regarder sans rien toucher en moi
56
s à la destruction de moi-même. Par les fissures,
un
instant, j’ai pu soupçonner des profondeurs ; mais déjà c’est le chao
57
Par les fissures, un instant, j’ai pu soupçonner
des
profondeurs ; mais déjà c’est le chaos. Mon corps et moi, le livre s
58
purement (« cette curiosité donnée comme raison d’
une
perpétuelle attente »), — ce que l’auteur découvre c’est ce « merveil
59
dentes). Rivière définissait la sincérité comme «
un
perpétuel effort pour créer son âme telle qu’elle est ». Il voyait da
60
st ». Il voyait dans cet effort sur soi le gage d’
un
enrichissement, d’une consolidation de l’individu mais avant tout un
61
cet effort sur soi le gage d’un enrichissement, d’
une
consolidation de l’individu mais avant tout un moyen de se connaître.
62
d’une consolidation de l’individu mais avant tout
un
moyen de se connaître. Cependant, n’est-ce pas lui-même qui ajoutait
63
gée comme moyen de connaissance, le cas extrême d’
un
Crevel nous montre assez ce qu’il faut penser2. Il ne s’en suit pas q
64
ut penser2. Il ne s’en suit pas que contenue dans
des
limites assez étroites empiriquement fournies par le sens de son inté
65
ement fournies par le sens de son intérêt propre,
une
analyse sincère ne puisse faire découvrir quelques richesses et ne se
66
ficace. Mais les bénéfices sont maigres en regard
des
dangers que la sincérité du noli me tangere fait courir, tant dans le
67
c’est se porter à l’extrême pointe de soi, et, d’
un
élan, se dépasser ; c’est créer une différence. Pourquoi les romancie
68
de soi, et, d’un élan, se dépasser ; c’est créer
une
différence. Pourquoi les romanciers modernes ont-ils tant de mal à cr
69
s romanciers modernes ont-ils tant de mal à créer
des
personnages ? C’est parce qu’une sorte de sincérité les retient d’imp
70
t de mal à créer des personnages ? C’est parce qu’
une
sorte de sincérité les retient d’imposer aux héros ce rythme volontai
71
imposer aux héros ce rythme volontaire par lequel
un
Balzac les fait vivre. Ce serait fausser quelque chose à leurs yeux.
72
serait fausser quelque chose à leurs yeux. Le cas
des
Faux-Monnayeurs le montre clairement. En morale : défaitisme quand il
73
uand il s’agit de gestes qui pourraient entraîner
des
effets imprévisibles, « réalisme » décourageant, et, bientôt, incapac
74
acité d’agir efficacement. (Il faut, pour sauter,
une
confiance dans l’élan qui échappe à toute analyse préalable et sans q
75
de constater. F. Raub. La sincérité obstinée d’
un
Rivière n’a plus rien de spontané. En quoi est-ce encore de la sincér
76
lier la vérité qu’on désirait qu’ils cachent pour
un
moment. « L’art est un mensonge, mais un bon artiste n’est pas menteu
77
sirait qu’ils cachent pour un moment. « L’art est
un
mensonge, mais un bon artiste n’est pas menteur », dit Max Jacob. « Ê
78
ent pour un moment. « L’art est un mensonge, mais
un
bon artiste n’est pas menteur », dit Max Jacob. « Être sincère, c’est
79
foi ; c’est la volonté de sincérité, c’est-à-dire
une
sincérité tournée au vice, invertie, qui retient de l’oser. Petite
80
eux. Au hasard de quelques lectures, je pris note
des
passages suivants (les paraphraser serait d’une ingratitude insigne —
81
e des passages suivants (les paraphraser serait d’
une
ingratitude insigne — ils marquent au reste fort bien les jalons de c
82
ême à son propre regard. Ainsi la valeur morale d’
un
homme équivalait-elle à l’illusion qu’il était capable d’entretenir s
83
r lui-même. (Marcel Jouhandeau.) Ce qu’on appelle
une
œuvre sincère est celle qui est douée d’assez de force pour donner de
84
r donner de la réalité à l’illusion. (Max Jacob.)
Un
rôle ? Oui. Mais si le personnage est maintenu jusqu’à la mort, il se
85
le faut dépasser.) Si j’en crois l’intensité d’
un
sentiment intime, ce moi idéal que j’appelle en chaque minute de ma j
86
aque minute de ma joie est plus réel que celui qu’
une
analyse désolée s’imaginait retenir. Dès lors, ce n’est pas lâcher la
87
isie consolante et libératrice. Mais tu m’offrais
un
visage un peu crispé, signe d’une ironie secrète et pour moi douloure
88
lante et libératrice. Mais tu m’offrais un visage
un
peu crispé, signe d’une ironie secrète et pour moi douloureuse encore
89
ais tu m’offrais un visage un peu crispé, signe d’
une
ironie secrète et pour moi douloureuse encore. Pitoyable, trop visibl
90
t, tu prêtais bien quelques voiles à mon dégoût d’
un
moi que la vie me montrait si désespérément vrai, tyrannique, insuffi
91
désespérément vrai, tyrannique, insuffisant. Mais
un
pli de ta lèvre, un peu sceptique, quand mon esprit partait dans le r
92
tyrannique, insuffisant. Mais un pli de ta lèvre,
un
peu sceptique, quand mon esprit partait dans le rêve d’un idéal de fo
93
ceptique, quand mon esprit partait dans le rêve d’
un
idéal de fortune, idole naïve de ma jeune angoisse… Je t’ai mieux aim
94
e… Je t’ai mieux aimée ; d’autres soirs, alors qu’
une
symphonie de joies émanait de toute la vie : chaque chose proposait u
95
émanait de toute la vie : chaque chose proposait
une
ferveur nouvelle, et chaque être un plus prenant sourire. Cependant q
96
se proposait une ferveur nouvelle, et chaque être
un
plus prenant sourire. Cependant que ma joie — un état de grâce, un am
97
un plus prenant sourire. Cependant que ma joie —
un
état de grâce, un amour — ne pouvait se satisfaire de telle possessio
98
ourire. Cependant que ma joie — un état de grâce,
un
amour — ne pouvait se satisfaire de telle possession particulière, ne
99
que momentanément je choisissais de laisser — et
des
baisers à tous les vents — qu’il eût été loisible d’attribuer comme o
100
igurants de mon bonheur que je me conciliais pour
des
retours possibles. C’est ainsi que fidèle à soi-même au plus profond
101
me au plus profond de l’être, on entretient comme
une
arrière-pensée sagace et obstinée l’assurance d’une continuité entre
102
e arrière-pensée sagace et obstinée l’assurance d’
une
continuité entre ses actions et ses désirs, un quant-à-soi qui ne gên
103
d’une continuité entre ses actions et ses désirs,
un
quant-à-soi qui ne gêne aucun geste, mais incline discrètement les dé
104
iscrètement les décisions et les rend complices d’
un
dessein logique, peut-être lointain, en quoi consiste l’unité la plus
105
! Voir l’heure à la pendule pendant l’étreinte d’
un
adieu et calculer rapidement le retour à une fidélité plus profonde.
106
nte d’un adieu et calculer rapidement le retour à
une
fidélité plus profonde. Fidélité à sa loi individuelle, quelles merve
107
s merveilleuses duperies cela suppose. Mais c’est
une
honnêteté peut-être plus réelle que l’autre. Et l’on conçoit que ce c
108
ant et secret assujettissement au moi idéal exige
une
politique des sentiments plus subtile et, je pense, moins vulgaire qu
109
assujettissement au moi idéal exige une politique
des
sentiments plus subtile et, je pense, moins vulgaire que cette agilit
110
rivisme, et séduction dans les salons. Constater
une
faiblesse, c’est toujours un peu en prendre son parti. La sincérité c
111
salons. Constater une faiblesse, c’est toujours
un
peu en prendre son parti. La sincérité crée en nous un fait accompli.
112
u en prendre son parti. La sincérité crée en nous
un
fait accompli. J’appelle hypocrisie envers soi-même une volonté — si
113
it accompli. J’appelle hypocrisie envers soi-même
une
volonté — si profonde qu’elle n’a pas besoin de s’expliciter pour êtr
114
ne veux plus souffrir. (Car il n’est peut-être qu’
une
espèce de souffrance véritablement insupportable, c’est celle qu’on t
115
e qu’on tire de soi-même.) Hypocrisie, ce sourire
des
sphinx ; hypocrisie, masque ambigu d’une liberté plus précieuse que t
116
sourire des sphinx ; hypocrisie, masque ambigu d’
une
liberté plus précieuse que toute certitude… Ô vérité, ma vérité, non
117
pposé dans le premier exemple, ce serait le récit
des
gestes qu’il m’aurait fait commettre. Manifester est plus sincère qu’
118
derne souligne la quasi-impossibilité de traduire
un
dynamisme directement dans notre langage statique. 3. « Et certes qu
119
parole ou d’écriture, l’affirmation prouve moins
une
certitude qu’un désir de certitude né de quelque doute au fond. » (Re
120
ture, l’affirmation prouve moins une certitude qu’
un
désir de certitude né de quelque doute au fond. » (René Crevel) c.
121
ux amours perdues Sur le mont gris pâlissants
Des
bouquets de vagues brumes. Insulter ta beauté froide ? Oui, mais à qu
122
roide, En souffrance mes baisers. L’amour est
un
alibi Nos lèvres sitôt que jointes, Ô dernier mensonge tu, Je m’e
123
ves Où sourient quels anges fous. L’horaire dicte
un
adieu, La mode qu’on rie des pleurs, Lors je baise votre main Comme o
124
fous. L’horaire dicte un adieu, La mode qu’on rie
des
pleurs, Lors je baise votre main Comme on signe d’un faux nom. d.
125
pleurs, Lors je baise votre main Comme on signe d’
un
faux nom. d. Rougemont Denis de, « Billets aigres-doux », Revue
126
me le démiurge venait de peser sur le commutateur
des
étoiles… l’une, se décrochant sans plus d’hésitation, se mit à pérégr
127
compté jusqu’alors que d’authentiques avocats et
un
chapelier dont tous s’accordaient à dire qu’il ne péchait que par exc
128
rintanière, Urbain donc, premier mauvais garçon d’
une
race entre toutes bénie — par qui ? elle était anticléricale, on ne s
129
diquement dissimulé. Vers 1 heure, elle éclaira d’
une
rose caresse lumineuse la chevelure rouge d’Urbain, et son nez, leque
130
s le souvenir les vent-coulis de la mort. Garçon,
un
café, un ! » Mais l’étoile chantait dans l’axe de sa vie normale et s
131
enir les vent-coulis de la mort. Garçon, un café,
un
! » Mais l’étoile chantait dans l’axe de sa vie normale et s’approcha
132
e — celle à qui sourit la Fortune. Urbain, fort d’
une
hérédité judiciaire et française, dédaigna des avances que la perte d
133
d’une hérédité judiciaire et française, dédaigna
des
avances que la perte de son sens de l’éternel rendait pourtant consid
134
ses poches, ôta ses gants qu’il jeta, puis, après
un
grand coup de pied dans le vide symbolique des systèmes, sortit, c’es
135
rès un grand coup de pied dans le vide symbolique
des
systèmes, sortit, c’est-à-dire qu’il fit un pas dans une direction qu
136
ique des systèmes, sortit, c’est-à-dire qu’il fit
un
pas dans une direction quelconque. L’étoile pleurait, sentimentale.
137
tèmes, sortit, c’est-à-dire qu’il fit un pas dans
une
direction quelconque. L’étoile pleurait, sentimentale. f. Rougemon
138
Dans le Style (janvier 1927)h Nous recevons d’
un
bellettrien facétieux cet « Hommage à Paul Morand » : Billet circul
139
res, aux tire-l’œil. Lors : Lewis, sifflant comme
un
fusil automatique, fait balle au cerveau du poète qui meurt de sommei
140
e tunnel sous la Manche escamoté, le train dépose
des
complets rigides contenant des Anglais fragiles. L’aube tire un écran
141
é, le train dépose des complets rigides contenant
des
Anglais fragiles. L’aube tire un écran de pluies sur le paysage comme
142
gides contenant des Anglais fragiles. L’aube tire
un
écran de pluies sur le paysage commercial. Terminus : Morand, s’éveil
143
moiselle, Il faut d’abord que je m’excuse : c’est
un
peu prétentieux de vous écrire au moment où je vais me suicider, d’au
144
.) Je vous ai rencontrée quatre ou cinq fois dans
des
lieux de plaisir, comme on dit, sans doute parce que c’est là que se
145
. Enfin, avant-hier, à ce bal. J’avais demandé à
un
de mes amis, qui vous connaît4, de me présenter. Il m’en avait donné
146
s rencontrèrent les miens plus d’une fois pendant
une
danse qu’il fit avec vous, mais vous les détourniez soudain comme pou
147
les détourniez soudain comme pour vous arracher à
une
obsession secrètement attirante ; et je pensais que la force de mon d
148
je me trouvais tout près de vous. Mon ami me fit
un
signe discret, et déjà il se préparait à vous rendre attentive à ma p
149
heur me paralysa. Je venais d’entrevoir l’image d’
un
couple heureux et banal, votre sourire répondant au mien, comme on vo
150
re répondant au mien, comme on voit au dénouement
des
films populaires et sur des cartes postales illustrées. Déjà la foule
151
on voit au dénouement des films populaires et sur
des
cartes postales illustrées. Déjà la foule des danseurs nous séparait,
152
sur des cartes postales illustrées. Déjà la foule
des
danseurs nous séparait, mon ami se détournait, un peu vexé ; vous dis
153
es danseurs nous séparait, mon ami se détournait,
un
peu vexé ; vous disparaissiez au milieu d’un cortège de rires empress
154
ait, un peu vexé ; vous disparaissiez au milieu d’
un
cortège de rires empressés. Une autre danse reprenait. Je sentis une
155
issiez au milieu d’un cortège de rires empressés.
Une
autre danse reprenait. Je sentis une invincible lassitude me saisir e
156
s empressés. Une autre danse reprenait. Je sentis
une
invincible lassitude me saisir et m’assis à l’écart. On me demandait,
157
it, en passant, si j’étais malade. Je désignais d’
un
geste incertain quelques bouteilles de champagne vides ; car on pardo
158
taines douleurs. Même, je fus obligé de confier à
un
ami que j’en avais repris … Les archets jouaient sur mes nerfs. Le ja
159
œillères géantes aux pensées, le ciel trop bas d’
un
rêve sans issue, pesant comme l’envie d’un sommeil sans fin… J’avais
160
bas d’un rêve sans issue, pesant comme l’envie d’
un
sommeil sans fin… J’avais soif, mais la seule vue d’un liquide me sou
161
mmeil sans fin… J’avais soif, mais la seule vue d’
un
liquide me soulevait le cœur. L’aube parut. On éteignit toutes les la
162
dans l’ombre livide, aux cris fêlés et déchirants
des
saxophones. Sortie dans un matin sourd, frileux, qui avait la nausée.
163
s fêlés et déchirants des saxophones. Sortie dans
un
matin sourd, frileux, qui avait la nausée. Je rentrai seul. Voici que
164
ordre où je venais de jeter mon col de smoking et
un
œillet, pauvre gentillesse d’une autre femme dont le seul défaut fut
165
col de smoking et un œillet, pauvre gentillesse d’
une
autre femme dont le seul défaut fut de m’aimer… (Froid aux genoux, od
166
re pensif. Ton regard est plus grand que le chant
des
violons. Aube dure ! En ma tête rôde ton souvenir, comme une femme nu
167
. Aube dure ! En ma tête rôde ton souvenir, comme
une
femme nue dans une chambre étroite… J’ai dormi quelques heures, d’un
168
tête rôde ton souvenir, comme une femme nue dans
une
chambre étroite… J’ai dormi quelques heures, d’un sommeil triste, tou
169
ne chambre étroite… J’ai dormi quelques heures, d’
un
sommeil triste, tout enfiévré par la crainte du réveil. Puis je suis
170
bal, au vestiaire, je vous avais entendue donner
un
rendez-vous au thé du Printemps. J’ai rôdé dans la joie féminine des
171
thé du Printemps. J’ai rôdé dans la joie féminine
des
grands magasins, n’osant pas repasser trop souvent devant les ascense
172
ent : je devais paraître si perdu. Chaque fois qu’
un
paquet de dix personnes s’engouffrait dans la cage rouge et or et s’é
173
ans la cage rouge et or et s’élevait, j’éprouvais
un
petit arrachement, comme précisément un enfant qui monte pour la prem
174
éprouvais un petit arrachement, comme précisément
un
enfant qui monte pour la première fois… Je me disais encore : Si je p
175
en face de votre bel ami laqué, souriante… Enfin,
un
peu après 6 heures, je suis sorti. Il y avait beaucoup de monde dans
176
partout. Chaque visage de femme révélait soudain
un
trait de votre visage. Il aurait fallu courir après celle-là qui vena
177
prochain autobus, — si rapide : déjà les lumières
des
boulevards glissaient des reflets sur l’asphalte mouillé. Les pieds d
178
ide : déjà les lumières des boulevards glissaient
des
reflets sur l’asphalte mouillé. Les pieds dans l’eau, les jambes fati
179
ces élans réticents, maladroits, contradictoires…
Un
autobus de luxe s’était arrêté tout près de moi. Je vis un visage à l
180
s de luxe s’était arrêté tout près de moi. Je vis
un
visage à l’intérieur se pencher vers la vitre… Je montai. Il n’y avai
181
encher vers la vitre… Je montai. Il n’y avait que
des
dames. Personne ne parlait. La jeune femme qui s’était penchée vous r
182
ais je n’osais presque pas la regarder, à cause d’
une
incertitude qui redonnait tout son empire à ma timidité. Peut-être ét
183
r. Je descendis derrière elle. Mais tout de suite
des
parapluies la dérobèrent à mes yeux. Une bouche de métro m’attira. Le
184
de suite des parapluies la dérobèrent à mes yeux.
Une
bouche de métro m’attira. Les rames s’arrêtaient avec un sifflement p
185
he de métro m’attira. Les rames s’arrêtaient avec
un
sifflement particulièrement doux pour ma fatigue, et ces gens pressés
186
vait contracter mon visage. Je promenais sur tous
des
regards angoissés, avides, implorants. Oh ! toutes les femmes que j’a
187
es les femmes que j’ai fait souffrir cette nuit d’
un
long regard de damné. À minuit, tellement épuisé que je mêlais à mes
188
uit, tellement épuisé que je mêlais à mes pensées
des
fragments de rêves et les personnages des affiches, tout en marchant
189
pensées des fragments de rêves et les personnages
des
affiches, tout en marchant sans fin dans les couloirs implacablement
190
ar bribes de phrases incohérentes. Je voyais avec
une
sombre joie les employés et les voyageurs s’inquiéter. Bientôt on m’e
191
s s’inquiéter. Bientôt on m’entraîna de force sur
un
trottoir roulant qui me remonta dans la rue. La fraîcheur de la brume
192
t que ma vie, ma mort. Mon Dieu, il n’y a plus qu’
un
glissement gris, sans fin… Il faudrait que je dorme : il n’y aurait p
193
e je dorme : il n’y aurait plus rien. 4. Encore
un
qui vous aime, je ne vous dirai pas son nom. i. Rougemont Denis de,
194
par l’auteur », écrivait Cocteau dans la préface
des
Mariés de la tour Eiffel. Et une note d’Orphée précise : « Inutile de
195
dans la préface des Mariés de la tour Eiffel. Et
une
note d’Orphée précise : « Inutile de dire qu’il n’y a pas un seul sym
196
rphée précise : « Inutile de dire qu’il n’y a pas
un
seul symbole dans la pièce. » Ce qui me gêne pourtant, c’est d’y déco
197
certé la possibilité. Orphée, par exemple, serait
un
poète surréaliste. « Il faut jeter une bombe, dit-il, il faut obtenir
198
ple, serait un poète surréaliste. « Il faut jeter
une
bombe, dit-il, il faut obtenir un scandale. Il faut un de ces orages
199
Il faut jeter une bombe, dit-il, il faut obtenir
un
scandale. Il faut un de ces orages qui rafraîchissent l’air. » Il pré
200
mbe, dit-il, il faut obtenir un scandale. Il faut
un
de ces orages qui rafraîchissent l’air. » Il prétend « traquer l’inco
201
ir faire admettre que la poésie consiste à écrire
une
phrase ». Et cette phrase, c’est un cheval savant qui la lui a dictée
202
ste à écrire une phrase ». Et cette phrase, c’est
un
cheval savant qui la lui a dictée : « Madame Eurydice Reviendra Des E
203
Eurydice Reviendra Des Enfers. » — « Ce n’est pas
une
phrase, s’écrie-t-il, c’est un poème, un poème du rêve, une fleur du
204
— « Ce n’est pas une phrase, s’écrie-t-il, c’est
un
poème, un poème du rêve, une fleur du fond de la mort. » Or, on décou
205
est pas une phrase, s’écrie-t-il, c’est un poème,
un
poème du rêve, une fleur du fond de la mort. » Or, on découvre à la f
206
, s’écrie-t-il, c’est un poème, un poème du rêve,
une
fleur du fond de la mort. » Or, on découvre à la fin de la pièce que
207
» Or, on découvre à la fin de la pièce que c’est
une
anagramme un peu ordurière. Ainsi les rêves publiés par les surréalis
208
uvre à la fin de la pièce que c’est une anagramme
un
peu ordurière. Ainsi les rêves publiés par les surréalistes, donnés à
209
pourrais poursuivre le jeu. Et puis, il y a aussi
des
sortes de calembours… Art chrétien, a-t-on dit5. Certes, cette pièce
210
tes, cette pièce n’est pas dépourvue de certaines
des
qualités qui, selon Max Jacob, permettraient seules de taxer de chrét
211
acob, permettraient seules de taxer de chrétienne
une
œuvre d’art. Mais, d’autre part, cette équivoque des symboles, cette
212
œuvre d’art. Mais, d’autre part, cette équivoque
des
symboles, cette simplicité à chausse-trappes, cette habileté surtout.
213
l’auteur du Secret professionnel et de la préface
des
Mariés — principes dont l’énoncé brillant et définitif restera l’un d
214
dont l’énoncé brillant et définitif restera l’un
des
titres les plus authentiques de Cocteau. Précision et relief du dialo
215
ion et relief du dialogue, ingénieuse utilisation
des
expressions courantes, maximum de « situation » des personnages obten
216
s expressions courantes, maximum de « situation »
des
personnages obtenu avec un minimum de répliques ; enfin, un style par
217
imum de « situation » des personnages obtenu avec
un
minimum de répliques ; enfin, un style parfaitement pauvre dans le dé
218
ages obtenu avec un minimum de répliques ; enfin,
un
style parfaitement pauvre dans le détail, un vrai style de théâtre, d
219
fin, un style parfaitement pauvre dans le détail,
un
vrai style de théâtre, d’une netteté qui pourtant n’est pas maigre, d
220
auvre dans le détail, un vrai style de théâtre, d’
une
netteté qui pourtant n’est pas maigre, d’une familiarité dramatique q
221
e, d’une netteté qui pourtant n’est pas maigre, d’
une
familiarité dramatique qui cerne le mystère d’un trait pur. Il semble
222
une familiarité dramatique qui cerne le mystère d’
un
trait pur. Il semble que Cocteau ait réalisé là exactement ce qu’il v
223
d’en être l’organisateur », disait le photographe
des
Mariés. Dans Orphée, le mystère ne peut plus dépasser l’auteur : il l
224
cher à Cocteau, c’est d’avoir réussi complètement
une
pièce, prouvant une fois de plus que l’atmosphère de l’« art pur » n’
225
ie. Parce qu’une fois de plus, Cocteau a comprimé
des
pétales de roses dans du cristal taillé, selon toutes les règles de l
226
se, est sans parfum. (Tout de même, Cocteau est
un
poète : j’en verrais une preuve, pour mon compte, dans le fait que je
227
Tout de même, Cocteau est un poète : j’en verrais
une
preuve, pour mon compte, dans le fait que je ne sais parler de lui au
228
azette de Lausanne . Et même il appelait Orphée «
une
tragédie de l’amour conjugal ». Vraiment, nous n’en demandions pas ta
229
Décembre L’époque s’ouvre où l’on attend
un
miracle pour la fin de la semaine. « Messieurs, disait Dardel, y a pa
230
re quelque chose. Que diable ! nous ne sommes pas
des
imbéciles, nous ne sommes pas de ces gens qui croient que 2 et 2 font
231
qui confondent Jérôme et Jean Tharaud ! » Il y a
des
soirs où tout ça semble idiot. Il y a des soirs où une idée de la res
232
Il y a des soirs où tout ça semble idiot. Il y a
des
soirs où une idée de la responsabilité s’empare de nous. Et nous calc
233
oirs où tout ça semble idiot. Il y a des soirs où
une
idée de la responsabilité s’empare de nous. Et nous calculons qu’il s
234
evue par chacun dans son for le plus intérieur, d’
une
fuite en auto, nous rassure provisoirement… Prosopopée, à propos d
235
rassure provisoirement… Prosopopée, à propos d’
une
apparition La vieille Monture 6 un soir nous apparut, lugubrement
236
à propos d’une apparition La vieille Monture 6
un
soir nous apparut, lugubrement fardée, l’haleine mauvaise, édentée et
237
l’haleine mauvaise, édentée et tâchant à prendre
un
accent anglais d’un comique assez macabre. Ses derniers sectateurs, d
238
édentée et tâchant à prendre un accent anglais d’
un
comique assez macabre. Ses derniers sectateurs, désignant d’un doigt
239
sez macabre. Ses derniers sectateurs, désignant d’
un
doigt impitoyable son flanc déjà meurtri, la suivaient en hurlant : «
240
là ! »… Est-il plus atroce spectacle que celui d’
une
maîtresse jadis belle et diserte qui tombe au ruisseau en prononçant
241
orreur, les bellettriens avaient fui. Au détour d’
une
ivresse, ils rencontrèrent une créature évadée d’anciens rêves qui ha
242
t fui. Au détour d’une ivresse, ils rencontrèrent
une
créature évadée d’anciens rêves qui hantait les limbes depuis un an d
243
dée d’anciens rêves qui hantait les limbes depuis
un
an déjà. Ils ne tardèrent pas à reconnaître Cinématoma. Naissance
244
rable monstre. Ils se réunissent parfois autour d’
un
feu et le contemplent un certain temps en silence. « Well ! », dit en
245
nissent parfois autour d’un feu et le contemplent
un
certain temps en silence. « Well ! », dit enfin Dardel. Les autres n’
246
’en pensent pas moins. Quelquefois, Mossoul amène
un
scénario né entre deux cafés-nature, et presque sans qu’il s’en soit
247
ans qu’il s’en soit rendu compte. Clerc entrevoit
un
projet à deux faces. Lugin, qui est théologien, et de la Tchaux, n’a
248
u milieu de ce paludesque et stérile consistoire,
une
idée de génie vint s’asseoir certaine nuit. Elle parla par la bouche
249
dans la langue de Lugin : « Le rideau se lève sur
un
miroir qui occupe toute la largeur de la scène. Titre : Socrate et Na
250
largeur de la scène. Titre : Socrate et Narcisse,
un
acte à grande figuration. » Enfin l’on joua aux petits dés le sort de
251
fin de négocier la vente de cette martingale avec
des
surréalistes hétérodoxes. Il revint juste à temps pour assister à la
252
ainsi que le disait si poétiquement le programme.
Un
peu d’histoire (erratum de la chronique de Mossoul). Belles-Lettres j
253
ine était interdit à l’écran. Pitoëff avait prêté
un
accent, Mme d’Assilva deux actrices, M. Grosclaude son fils Lucas Lou
254
ctrices, M. Grosclaude son fils Lucas Loukitch et
une
mise en scène fort ingénieuse qui permit à Mossoul de se perdre dans
255
ingénieuse qui permit à Mossoul de se perdre dans
des
jupons autrement que par métaphore. À La Chaux-de-Fonds, il y eut tre
256
de Bec-de-Gaz, lequel s’éteignit dans les neiges.
Un
jour, on s’aperçut que cette chose avait recommencé, qu’on appelle, s
257
Max Jacob. Ce soir-là, le programme comprenait :
un
film d’avant-guerre ; un film japonais ; Entr’acte et le Voyage imagi
258
e programme comprenait : un film d’avant-guerre ;
un
film japonais ; Entr’acte et le Voyage imaginaire, de René Clair. La
259
ort de Phèdre (environ 1905) : quelques acteurs d’
une
troupe de province s’agitent incompréhensiblement dans un décor très
260
e de province s’agitent incompréhensiblement dans
un
décor très pauvre, légèrement coloré. Le principe est simple : « Je v
261
par trois ou quatre claques sur la poitrine ; et
une
crise intérieure par un court accès de danse de Saint-Guy. Art classi
262
ues sur la poitrine ; et une crise intérieure par
un
court accès de danse de Saint-Guy. Art classique : la mort d’Hyppolit
263
du long baiser de conclusion. Le film japonais :
une
historiette un peu plus banale que nature, très bien photographiée. C
264
de conclusion. Le film japonais : une historiette
un
peu plus banale que nature, très bien photographiée. C’est le film du
265
complets variés, ça fait toujours plaisir de voir
des
gens bien habillés. » Soudain éclate Entr’acte (1925). « Une étude su
266
en habillés. » Soudain éclate Entr’acte (1925). «
Une
étude sur le Monde des Rêves ». Rondes de cheminées dans le ciel où d
267
éclate Entr’acte (1925). « Une étude sur le Monde
des
Rêves ». Rondes de cheminées dans le ciel où des pressentiments clign
268
des Rêves ». Rondes de cheminées dans le ciel où
des
pressentiments clignent de l’œil. Des poupées en baudruche gonflent l
269
le ciel où des pressentiments clignent de l’œil.
Des
poupées en baudruche gonflent leur tête jusqu’à éclater, tandis que d
270
he gonflent leur tête jusqu’à éclater, tandis que
des
villes passent au fond à toute vitesse. Rigueur voluptueuse d’une col
271
nt au fond à toute vitesse. Rigueur voluptueuse d’
une
colonnade, puis un jeu d’échec serré, mais sur la corniche d’un gratt
272
itesse. Rigueur voluptueuse d’une colonnade, puis
un
jeu d’échec serré, mais sur la corniche d’un gratte-ciel, d’où se met
273
puis un jeu d’échec serré, mais sur la corniche d’
un
gratte-ciel, d’où se met à descendre un petit bateau de papier, sur f
274
orniche d’un gratte-ciel, d’où se met à descendre
un
petit bateau de papier, sur fond de boulevards et parmi les toits flo
275
se de phares d’auto, les 100 000 yeux de la nuit.
Des
imprécisions rapides. Un chasseur, toujours sur son toit ; il tire su
276
00 000 yeux de la nuit. Des imprécisions rapides.
Un
chasseur, toujours sur son toit ; il tire sur l’œuf d’où naît une col
277
ujours sur son toit ; il tire sur l’œuf d’où naît
une
colombe. Chasse. Mais un papillon éclatant qui battait de l’aile un d
278
ire sur l’œuf d’où naît une colombe. Chasse. Mais
un
papillon éclatant qui battait de l’aile un dixième de seconde, par in
279
, par intermittences, se pose enfin sur l’écran :
une
danseuse sur une plaque de verre, vue par-dessous. Quelques miracles
280
ces, se pose enfin sur l’écran : une danseuse sur
une
plaque de verre, vue par-dessous. Quelques miracles qui suivent sont
281
e leurs arabesques à trois dimensions mêlées avec
une
lenteur et une perfection dont une brève vue verticale donne la clé…
282
ues à trois dimensions mêlées avec une lenteur et
une
perfection dont une brève vue verticale donne la clé… Un enterrement
283
ns mêlées avec une lenteur et une perfection dont
une
brève vue verticale donne la clé… Un enterrement bourgeois, mais le c
284
ection dont une brève vue verticale donne la clé…
Un
enterrement bourgeois, mais le corbillard est traîné par un dromadair
285
ment bourgeois, mais le corbillard est traîné par
un
dromadaire, d’ailleurs dételé. Les amis affligés mangent les couronne
286
lents, solennels. Ils revoient la danseuse, font
une
ronde autour d’une tour Eiffel de bois de la taille de l’Obélisque de
287
Ils revoient la danseuse, font une ronde autour d’
une
tour Eiffel de bois de la taille de l’Obélisque de la Concorde, puis
288
e la Concorde, puis enfilent les Champs-Élysées à
une
allure grandissante, bientôt vertigineuse, poursuivant le corbillard.
289
e cercueil roule dans les marguerites, il en sort
un
chef d’orchestre dont la baguette éteint tous les personnages et lui-
290
raînement dans le domaine du merveilleux moderne.
Un
peu plus et nous demandions grâce de trop de plaisir. Mais je ne suis
291
rient à l’enterrement au ralenti, à l’éclatement
des
têtes de poupées, à la conclusion. Ce n’est pas le bon rire de cinéma
292
ne vient pas, ils sont déçus. Enfin, mon voisin,
un
agent, murmure : « On va tous devenir fous ! » — « Hé ! lui dis-je, s
293
t : « C’est bien ça, c’est comme quand on rêve. »
Un
des défauts d’Entr’acte, c’est la fantaisie recherchée de certaines s
294
« C’est bien ça, c’est comme quand on rêve. » Un
des
défauts d’Entr’acte, c’est la fantaisie recherchée de certaines scène
295
le monde où le cinéma doit nous « transplanter »,
un
certain naturel est de rigueur ; toute bizarrerie détourne du véritab
296
de pareils défauts sont presque inévitables dans
une
production de début, et Entr’acte mérite d’être ainsi qualifié : c’es
297
-être le premier film où l’on a fait du ciné avec
des
moyens proprement cinégraphiques. Ici le geste pictural remplace le g
298
le geste pictural remplace le geste de l’acteur.
Un
mouvement ne souligne pas, il exprime, et se suffit. Mais comme pour
299
cesse envie de crier : « Trop de gestes ! » C’est
une
question d’épuration des moyens. Rendre le plus par le moins, c’est l
300
Trop de gestes ! » C’est une question d’épuration
des
moyens. Rendre le plus par le moins, c’est le fait d’un art à sa matu
301
ens. Rendre le plus par le moins, c’est le fait d’
un
art à sa maturité. Mais ce sont là critiques de style. D’ores et déjà
302
éjà, il faut admirer dans les films de René Clair
un
sens du miracle assez bouleversant. Et je ne parle pas du miracle gen
303
maginaire en montre (beaucoup trop à mon gré). Qu’
une
sorcière transforme un homme en chien, cela n’a rien d’étonnant au ci
304
ucoup trop à mon gré). Qu’une sorcière transforme
un
homme en chien, cela n’a rien d’étonnant au cinéma. C’est la photogra
305
ien d’étonnant au cinéma. C’est la photographie d’
une
chose qui ne serait étonnante que dans le réel ; ce n’est pas encore
306
étonnante que dans le réel ; ce n’est pas encore
un
miracle de ciné. Et les fées paraissent vieux jeu avec leur baguette,
307
r moi qui chaque soir crée ma chambre en tournant
un
commutateur. Le vrai miracle du cinéma, c’est, par exemple, l’éclosio
308
racle du cinéma, c’est, par exemple, l’éclosion d’
une
rose, un homme qui court au ralenti, certaines coïncidences de mouvem
309
inéma, c’est, par exemple, l’éclosion d’une rose,
un
homme qui court au ralenti, certaines coïncidences de mouvements… C’e
310
enti, certaines coïncidences de mouvements… C’est
une
réalité quotidienne dans une lumière qui la métamorphose ; c’est un t
311
de mouvements… C’est une réalité quotidienne dans
une
lumière qui la métamorphose ; c’est un temps nouveau, et l’espace en
312
enne dans une lumière qui la métamorphose ; c’est
un
temps nouveau, et l’espace en relation se modifie pour maintenir je n
313
pour maintenir je ne sais quelle harmonie… C’est
une
réalité aussi réelle que celle dont nous avons convenu et que nous pe
314
ormal » nous apparaît alors comme l’une seulement
des
mille figures que peut revêtir une substantia dont nos sens trop faib
315
’une seulement des mille figures que peut revêtir
une
substantia dont nos sens trop faibles — bornés encore par des habitud
316
ia dont nos sens trop faibles — bornés encore par
des
habitudes nées des nécessités sociales — nous empêchent de découvrir
317
op faibles — bornés encore par des habitudes nées
des
nécessités sociales — nous empêchent de découvrir la richesse immédia
318
rréaliste que le film 1905. Ce n’est peut-être qu’
une
question d’imagination ; il reste qu’un film comme Entr’acte est une
319
-être qu’une question d’imagination ; il reste qu’
un
film comme Entr’acte est une aide puissante. Nous faisons nos premier
320
ination ; il reste qu’un film comme Entr’acte est
une
aide puissante. Nous faisons nos premiers pas, étourdis, dans un pays
321
te. Nous faisons nos premiers pas, étourdis, dans
un
pays d’illuminations vertigineuses, et nous en sommes encore à nous f
322
nous, pris par surprise dans l’exploration ivre d’
un
projecteur, des signes fatidiques, le visage d’un ange. n. Rougemo
323
surprise dans l’exploration ivre d’un projecteur,
des
signes fatidiques, le visage d’un ange. n. Rougemont Denis de, «
324
un projecteur, des signes fatidiques, le visage d’
un
ange. n. Rougemont Denis de, « Entr’acte de René Clair, ou L’élog
325
e beau prétexte (avril 1927)o Ah ! je sens qu’
une
puissance étrangère s’est emparée de mon être et a saisi les cordes l
326
I (Notes écrites en décembre 1925, au sortir d’
une
conférence sur le Salut de l’humanité.) Ce soir en moi trépigne une
327
e Salut de l’humanité.) Ce soir en moi trépigne
une
rage. Sur quelles épaules jeter ce manteau de flammes, puis à qui déd
328
révolte ? Aragon sarcastique se tient là-bas dans
un
rayon échappé des Enfers — auxquels je crois encore, et pas seulement
329
sarcastique se tient là-bas dans un rayon échappé
des
Enfers — auxquels je crois encore, et pas seulement pour le pittoresq
330
n’existe pas de théorie du salut. Il n’existe que
des
systèmes pour faire taire en nous l’appel vertigineux du Silence. On
331
us l’appel vertigineux du Silence. On nous montre
des
Dieux, mais c’est pour détourner nos regards de cela qu’il faut bien
332
ine parfumés, les vices enlacés aux vertus, c’est
un
ricanement splendide comme un éclat de rire de condamné à mort et à l
333
s aux vertus, c’est un ricanement splendide comme
un
éclat de rire de condamné à mort et à l’éternité. Le diable avait pri
334
amné à mort et à l’éternité. Le diable avait pris
des
avocats dont les plaidoyers, tissus des mensonges les plus beaux et d
335
vait pris des avocats dont les plaidoyers, tissus
des
mensonges les plus beaux et des plus mélodieuses palinodies, font enc
336
laidoyers, tissus des mensonges les plus beaux et
des
plus mélodieuses palinodies, font encore rêver les anges écœurés d’az
337
font encore rêver les anges écœurés d’azur. Alors
un
juron mélodramatique, d’une voix torturée, hurle au pape et au diable
338
écœurés d’azur. Alors un juron mélodramatique, d’
une
voix torturée, hurle au pape et au diable un anathème sanglant. Louis
339
, d’une voix torturée, hurle au pape et au diable
un
anathème sanglant. Louis Aragon, avocat de l’infini, annonce l’entrée
340
e l’éternelle anarchiste, la Poésie. On dit : «
Des
mots ! » au lieu de « Je ne comprends pas ». On dit : « Je ne compren
341
us avez dit : « C’est incompréhensible ! » — avec
une
indignation où j’admire une pointe d’ironie vraiment supérieure. Car
342
réhensible ! » — avec une indignation où j’admire
une
pointe d’ironie vraiment supérieure. Car rien ne pouvait mieux excite
343
c’est l’éclat de sa joie brusque d’être seul sur
un
faux sommet vers quoi des faibles s’efforcent — mais déjà c’est de pl
344
brusque d’être seul sur un faux sommet vers quoi
des
faibles s’efforcent — mais déjà c’est de plus loin qu’il les nargue.
345
t de plus loin qu’il les nargue. Il connaît enfin
une
solitude défendue de tous côtés par ses rires scandaleux, quelques «
346
ris de l’honneur, le mot de Cambronne prodigué et
des
phrases d’un fascinant éclat : « Ô grand Rêve, au matin pâle des édif
347
ur, le mot de Cambronne prodigué et des phrases d’
un
fascinant éclat : « Ô grand Rêve, au matin pâle des édifices, ne quit
348
n fascinant éclat : « Ô grand Rêve, au matin pâle
des
édifices, ne quitte plus, attiré par les premiers sophismes de l’auro
349
traits purs et labiles à l’immobilité miraculeuse
des
statues7. » Il s’agit bien de critique littéraire ! Nous sommes ici e
350
itique littéraire ! Nous sommes ici en présence d’
une
des tentatives de libération les plus violentes et belles — malgré ta
351
ue littéraire ! Nous sommes ici en présence d’une
des
tentatives de libération les plus violentes et belles — malgré tant d
352
compromis : « Nous étions dominés par le sens d’
une
réalité morale absolue que certains d’entre nous eussent acheté au pr
353
ue certains d’entre nous eussent acheté au prix d’
un
martyre… Nos jugements se rendaient sans cesse à l’échelle de l’infin
354
us naissons à quelque chose qui imite la vie dans
une
époque d’inconcevables compromissions où triomphe sous tous les dégui
355
sme le plus pauvre auquel se soit jamais abaissée
une
civilisation. Mais nous sommes encore quelques-uns à jouer nos dernie
356
ur nous n’est nulle part9 ». Ultime affirmation d’
une
foi que plus rien ne peut duper. Depuis certaines paroles sur la Croi
357
au rire, pharisiens, et dire qu’elle est née dans
un
café de Paris. « Je n’attends rien du monde, je n’attends rien de rie
358
dubitatives barbes. Je viens d’entendre la voix d’
un
mystique. Que si l’on vient nous empêtrer de dogmes bassement ingénie
359
rer de dogmes bassement ingénieux : « Si j’essaie
un
instant de m’élever à la notion de Dieu, répond Aragon, je me révolte
360
e qu’elle puisse en aucun cas servir d’argument à
un
homme. » Voilà qui nous fait oublier certaines morales d’extrême moye
361
qu’on veut nommer renoncements ! Jouant tout sur
une
révélation possible, ou la naissance d’un prophète qui rapprenne comm
362
ut sur une révélation possible, ou la naissance d’
un
prophète qui rapprenne comment aimer un Dieu. Ce n’est pas à genoux q
363
issance d’un prophète qui rapprenne comment aimer
un
Dieu. Ce n’est pas à genoux qu’on attendra : pour que cela eût un sen
364
t pas à genoux qu’on attendra : pour que cela eût
un
sens, il faudrait être sûr de n’avoir pas la tête en bas par rapport
365
e, interceptant les messages égarés de l’infini…
Un
tel homme, — est-ce encore Aragon, sinon qui ? — sa grandeur, c’est q
366
viens de retrouver quelques pages écrites il y a
un
an, tel soir de colère où le thermomètre eût indiqué 39° selon toute
367
lon toute vraisemblance. Et voici Aragon revêtu d’
une
dignité tragique qu’il trouverait sans doute un peu ridicule. C’est a
368
’une dignité tragique qu’il trouverait sans doute
un
peu ridicule. C’est ainsi que l’on arrive à croire, pour un autre, qu
369
icule. C’est ainsi que l’on arrive à croire, pour
un
autre, que c’est arrivé, ajoutant foi, dans tous les sens qu’admet ce
370
tant foi, dans tous les sens qu’admet ce terme, à
des
exaltations que leur lyrisme rendait seules contagieuses. Comment, en
371
estable « séduction ». Pour un peu, je découvrais
une
manière de prophète un brin janséniste chez ce poète. Aujourd’hui, je
372
our un peu, je découvrais une manière de prophète
un
brin janséniste chez ce poète. Aujourd’hui, je le verrais plutôt comm
373
ce poète. Aujourd’hui, je le verrais plutôt comme
un
Musset10 plus véritablement désespéré. Un Musset moins frivole et plu
374
t comme un Musset10 plus véritablement désespéré.
Un
Musset moins frivole et plus pervers, moins sentimental et plus sensu
375
plus cinglant. Au lieu de vin doux, on nous sert
des
cocktails (un Musset triple-sec). Au lieu du cynisme verbeux 1830, un
376
Au lieu de vin doux, on nous sert des cocktails (
un
Musset triple-sec). Au lieu du cynisme verbeux 1830, une théorie du s
377
set triple-sec). Au lieu du cynisme verbeux 1830,
une
théorie du scandale pour le scandale qui a le mérite de n’être pas qu
378
pour le scandale qui a le mérite de n’être pas qu’
un
jeu littéraire. Mais enfin, c’est encore un Musset, seulement transpo
379
as qu’un jeu littéraire. Mais enfin, c’est encore
un
Musset, seulement transposé dans notre siècle et chez qui tout est de
380
us acerbe, plus profond. En somme, et avant tout,
un
écrivain, un bel écrivain, comme on dit. Et qui sait tirer un admirab
381
us profond. En somme, et avant tout, un écrivain,
un
bel écrivain, comme on dit. Et qui sait tirer un admirable parti litt
382
un bel écrivain, comme on dit. Et qui sait tirer
un
admirable parti littéraire de son tempérament vif, insolent et ombrag
383
ent et ombrageux. « J’appartiens à la grande race
des
torrents. » Une belle phrase, n’est-ce pas ? Je ne sais qu’un Monther
384
. « J’appartiens à la grande race des torrents. »
Une
belle phrase, n’est-ce pas ? Je ne sais qu’un Montherlant qui pourrai
385
» Une belle phrase, n’est-ce pas ? Je ne sais qu’
un
Montherlant qui pourrait l’oser dire comme Aragon sans ridicule. Et c
386
pour le ton prophétique, ne serait-ce pas plutôt
une
sorte de donquichottisme assez fréquent dans les cafés littéraires et
387
rait le premier à s’amuser ? Février 1927. Relu
Une
vague de rêves et la préface de Libertinage. Sous une certaine rhétor
388
vague de rêves et la préface de Libertinage. Sous
une
certaine rhétorique — mais la plus belle, — ce qui tressaille et m’at
389
ressaille et m’atteint au vif, c’est tout de même
un
désespoir en quoi je ne vais pas m’empêcher de reconnaître la voix se
390
e vivre. Désespoir métaphysique. Je me souviens d’
une
phrase de Vinet — laissons s’esclaffer du rapprochement les auteurs d
391
ement les auteurs de manuels de littérature — : «
Un
mysticisme creux et affamé est le contrecoup du christianisme dans le
392
gauche, — nulle part sur cette terre où l’orgueil
des
hommes croit pouvoir nous le désigner, veut nous l’imposer pour quell
393
nt, le plus irrévocable désespoir n’est encore qu’
un
appel à la foi la plus haute. 1er mai 1927. Mieux vaut pécher par
394
autel — et si ce nom revient sous ma plume, comme
une
mouche qu’on n’a jamais fini de chasser parce qu’elle n’a pas mérité
395
plus étendus qu’on n’osait le craindre11. Si dans
un
essai sur la sincérité j’ai soutenu qu’une introspection immobile ne
396
Si dans un essai sur la sincérité j’ai soutenu qu’
une
introspection immobile ne retient rien de la réalité vivante ; si je
397
etient rien de la réalité vivante ; si je dénie à
des
incrédules le droit à parler des choses de la foi comme étant d’un or
398
; si je dénie à des incrédules le droit à parler
des
choses de la foi comme étant d’un ordre qui leur échappe ; de même je
399
droit à parler des choses de la foi comme étant d’
un
ordre qui leur échappe ; de même je récuse ici certain sens critique
400
on voudrait que soient justiciables les œuvres d’
un
écrivain, les démarches de sa pensée, ses délires, ses visions. Un cr
401
démarches de sa pensée, ses délires, ses visions.
Un
critique qui n’épouse pas le rythme d’une œuvre, mais s’avance à sa r
402
visions. Un critique qui n’épouse pas le rythme d’
une
œuvre, mais s’avance à sa rencontre armé de l’appareil à frigorifier
403
il à frigorifier de sa raison, est destiné à dire
des
bêtises. Cf. certaines remarques — pas toutes — de novembre 1926. 2
404
uère à ce devoir sacré. » (Edmond Jaloux.) Entre
un
monsieur en noir : Permettez-moi de me présenter… d’ailleurs une anci
405
noir : Permettez-moi de me présenter… d’ailleurs
une
ancienne connaissance… le Sens Critique. Moi (gêné)… Rougemont. Le
406
oi (gêné)… Rougemont. Le Sens Critique. — Il y a
un
certain temps déjà que nous ne nous sommes revus. Mais je suis vos tr
407
quelque manière la prétention… Moi. — Que voilà
un
singulier impertinent de votre part. (Le reconduisant :) Croyez, Mons
408
chose s’il ne spéculait sur l’incertain », c’est
un
académicien qui l’a dit. Voulez-vous me faire quelque chose là-dessus
409
a Revue ? Mais plus tard, plus tard. Tenez, voici
un
traité de métaphysique, vous lirez ça en attendant. Très bien fait. E
410
ait. Excellente méthode ! (Sort le Sens Critique,
un
peu bousculé.) Moi. — Vous disiez, ma vie ? La Muse (mais oui, la M
411
La Muse (mais oui, la Muse, sortant de derrière
un
rideau). — J’attends votre plaisir… III Il y a des gens qui cro
412
eau). — J’attends votre plaisir… III Il y a
des
gens qui croient avoir tout dit quand ils ont montré à l’origine de t
413
ont montré à l’origine de telle doctrine mystique
une
exaltation nerveuse ou des troubles organiques. Ils opposent à ces «
414
elle doctrine mystique une exaltation nerveuse ou
des
troubles organiques. Ils opposent à ces « délires » les thèses rassur
415
mne pas et la santé et la raison. Il s’est trouvé
des
Maurras et autres « héritiers de la grande tradition gréco-latine » p
416
eur faute si elle nous apparaît aujourd’hui comme
une
vieille courtisane assagie, parfois dévote, phraseuse, sèche, d’humeu
417
d’humeur acariâtre et réactionnaire. Vous tracez
des
frontières géographiques à la raison ? Eh bien, c’est vous qui l’aure
418
é que l’on fait à la littérature moderne n’est qu’
une
manifestation de ce divorce radical entre l’époque et les quelques ce
419
u. Mais alors, Aragon, pourquoi se faire marchand
des
œuvres complètes de Karl Marx ? Si vous ne dites pas aussi merde pour
420
au nom de l’esprit, on ne va pas s’acoquiner avec
des
gens qui ont fait, il y a 10 ans, une révolution en fonction du capit
421
quiner avec des gens qui ont fait, il y a 10 ans,
une
révolution en fonction du capitalisme. Est-ce que vraiment vous ne po
422
ents. Et puis surtout, l’heure est venue de clore
des
discussions énervantes où s’épuise vainement une dialectique dont l’o
423
des discussions énervantes où s’épuise vainement
une
dialectique dont l’objet fuit sans cesse par la quatrième dimension.
424
ommunicable secret de l’invention. Il nous faut
des
entrepreneurs de tempêtes. Un grand principe de violence commandait
425
n. Il nous faut des entrepreneurs de tempêtes.
Un
grand principe de violence commandait à nos mœurs. … et nous portant
426
a limite de nos forces, notre joie parmi vous fut
une
très grande joie. Saint-John Perse. Nous appelions une Révolution pe
427
ès grande joie. Saint-John Perse. Nous appelions
une
Révolution perpétuelle une perpétuelle insurrection contre tout ce qu
428
Perse. Nous appelions une Révolution perpétuelle
une
perpétuelle insurrection contre tout ce qui prétendait nous empêcher
429
a sénilité, etc., etc. Et certes ce n’étaient pas
des
êtres, mais leurs abstractions que nous haïssions. Notre haine de cer
430
pas de ce qu’en son nom l’on mesurait odieusement
une
sympathie humaine pour nous sans prix ? Mais nous avions besoin de ré
431
tait devenu synonyme de magnifique perdition dans
des
choses plus grandes que nous. Nous nous connaissions dans les coins e
432
us perdrait corps et biens dans sa grandeur comme
une
femme merveilleuse nous perdrait corps et âme dans l’ivresse amoureus
433
cette femme à travers toutes les femmes. C’était
un
vice, la révolution-vice. Mais on ne vit, on ne meurt que de vices. ⁂
434
uve. » Il pense que c’est bien jeune. Et : encore
un
qui rue dans les brancards, c’est très bellettrien. Un disque de gram
435
i rue dans les brancards, c’est très bellettrien.
Un
disque de gramo comme par hasard nasille : Nous avons tous fait ça P
436
, n’est-ce pas ? Et puis l’aiguille divague vers
des
souvenirs, quand nous allions tous deux, ces bonnes farces, et aussi
437
s tous deux, ces bonnes farces, et aussi pourtant
des
histoires de copains qui ont mal tourné, on pensait bien, ah ! cette
438
on pensait bien, ah ! cette jeunesse, mais voyons
des
affaires plus sérieuses. Et tout est dit. Ah ! c’est vrai, il allait
439
alisme ? — Baptisé il y a cinq ou six ans et mort
des
suites. Quand cesserez-vous de nous faire la jambe, pardon escuses, a
440
hème à condamnations par contumace. Il y a encore
des
gens pour qui les limites de l’anarchie sont : chanter l’Internationa
441
ternationale dans les rues, faire la noce, écrire
un
livre de tendances très modernes. Et des gens pour se gausser quand n
442
e, écrire un livre de tendances très modernes. Et
des
gens pour se gausser quand nous écrivons Révolution, et nous offrir u
443
er quand nous écrivons Révolution, et nous offrir
un
billet (simple course) pour Moscou, ou encore pour demander à qui, en
444
tive de notre absurdité. Car l’homme « s’est fait
une
vérité changeante et toujours évidente, de laquelle il se demande vai
445
plus combattre, c’est l’épanouissement violent d’
une
immense fleur palpitante au parfum de passions, c’est une atmosphère
446
nse fleur palpitante au parfum de passions, c’est
une
atmosphère toute chargée d’éclairs qui nous atteignent sans cesse au
447
n’allez pas nous toucher, nous sommes dangereux.
Un
orage de tendresse va crever sur le monde. Aigles d’amours, oiseaux d
448
ns vos langues aériennes. On n’acceptera plus que
des
valeurs de passion. Balayez ces douanes de l’esprit, proclamez le gra
449
amez le grand Libre-Échange, voici déjà s’avancer
des
prodiges à cette invite la plus persuasive : nous sommes prêts à les
450
asive : nous sommes prêts à les accueillir. 7.
Une
vague de rêves (dans Commerce). 8. Et malgré certaines théories bien
451
ù naît le merveilleux. » Au vrai, et surtout pour
un
homme qui élit Freud « président de la République du Rêve » – c’est p
452
sident de la République du Rêve » – c’est presque
un
non-sens de chercher l’absolue liberté dans le rêve. Le rêve, c’est l
453
liberté dans le rêve. Le rêve, c’est la tyrannie
des
souvenirs ; et ce n’est pas se libérer que de brasser ces chaînes son
454
curé chez les riches. Très loin derrière viennent
des
France et des Bordeaux. 12. Proust excepté, et dans un domaine plus
455
riches. Très loin derrière viennent des France et
des
Bordeaux. 12. Proust excepté, et dans un domaine plus étroit, quelqu
456
nce et des Bordeaux. 12. Proust excepté, et dans
un
domaine plus étroit, quelques esthètes du machinisme. 13. Le Paysan
457
La maîtresse d’École Au printemps pur comme
une
joue, École errait, École suivait une femme dans les rues tant soit p
458
s pur comme une joue, École errait, École suivait
une
femme dans les rues tant soit peu métaphysiques d’une capitale de mes
459
femme dans les rues tant soit peu métaphysiques d’
une
capitale de mes songes. On exigeait d’une saison de marque de tels so
460
iques d’une capitale de mes songes. On exigeait d’
une
saison de marque de tels soupirs, d’ailleurs invraisemblables, qu’à l
461
emblables, qu’à leurs reflets se fussent évanouis
des
arcs-en-ciel de névroses dans tous les poèmes où détresse rimait avec
462
du voyage, et qu’on ne manque pas le train bleu d’
un
désir. Elle était donc venue. Il la suivait entre les devantures qui
463
eil toujours de face. Il ne vit plus que la foule
des
yeux bleus, son éblouissement. Soudain la voici, elle descend à sa re
464
, elle descend à sa rencontre parmi les éclairs d’
un
luxe mécanique, le visage dans sa fourrure. Elle découvre en passant
465
t trompé, ce n’est pas elle. Il pensa que c’était
un
ange, de ceux qui vont à la recherche des âmes. Aussitôt il téléphone
466
c’était un ange, de ceux qui vont à la recherche
des
âmes. Aussitôt il téléphone à ceux du paradis : « Qui va à la chasse
467
us nous comprenons. » On lui offrit immédiatement
un
fauteuil et un violon, pour qu’il en joue, au printemps, s’il savait
468
ons. » On lui offrit immédiatement un fauteuil et
un
violon, pour qu’il en joue, au printemps, s’il savait … R.S.V.P.
469
… R.S.V.P. À Max-Marc-Jean Jacob Reymond.
Une
étoile à la boutonnière, le marquis pénétra dans le salon de la duche
470
de la duchesse, lui baisa la main et l’abattit d’
un
coup de revolver. Puis s’en fut avec un tact exquis, qui fut très rem
471
abattit d’un coup de revolver. Puis s’en fut avec
un
tact exquis, qui fut très remarqué. Le duc riait sous une table, comp
472
exquis, qui fut très remarqué. Le duc riait sous
une
table, complètement ivre, et Bettina lui disait à l’oreille : « Mon c
473
au matin. Il neigeait dans les rues sourdes comme
un
songe de son enfance. Aux fenêtres du palais s’étoilèrent des halos.
474
son enfance. Aux fenêtres du palais s’étoilèrent
des
halos. Le jour tendre paraissait sous l’égide de la mort. Il vit des
475
tendre paraissait sous l’égide de la mort. Il vit
des
fleurs de son enfance, une églantine, quelques roses, un sourire qui
476
ide de la mort. Il vit des fleurs de son enfance,
une
églantine, quelques roses, un sourire qui perce le cœur sur les glace
477
rs de son enfance, une églantine, quelques roses,
un
sourire qui perce le cœur sur les glaces du passé. Cet abandon aux fu
478
s du passé. Cet abandon aux fuyantes chansons, et
des
violons déchirants dans sa tête… Mais le sommeil s’évaporait aux care
479
sa tête… Mais le sommeil s’évaporait aux caresses
des
flocons, plus perfides que des murmures d’adieu. Il tomba parmi les s
480
orait aux caresses des flocons, plus perfides que
des
murmures d’adieu. Il tomba parmi les statues, dans l’amitié pensive d
481
Il tomba parmi les statues, dans l’amitié pensive
des
jardins. Une fenêtre s’était ouverte et des accords échappés tombaien
482
i les statues, dans l’amitié pensive des jardins.
Une
fenêtre s’était ouverte et des accords échappés tombaient, les ailes
483
nsive des jardins. Une fenêtre s’était ouverte et
des
accords échappés tombaient, les ailes coupées. Puis le silence se rep
484
u pour que s’ouvre ce cœur de l’après-midi, comme
un
camélia de tendre orgueil. Il respire déjà l’odeur merveilleuse des o
485
dre orgueil. Il respire déjà l’odeur merveilleuse
des
objets et des êtres véritables. Un bateau ne glisse pas plus doucemen
486
l respire déjà l’odeur merveilleuse des objets et
des
êtres véritables. Un bateau ne glisse pas plus doucement vers le sole
487
merveilleuse des objets et des êtres véritables.
Un
bateau ne glisse pas plus doucement vers le soleil du haut-lac. Juste
488
ut-lac. Justement, voici que tout va s’ouvrir, qu’
un
monde s’est ouvert devant lui. Et l’eau n’est pas moins somptueuse. E
489
somptueuse. Et bien sûr, je n’ai pas bougé. C’est
une
question d’amitié. Pourtant je suis seul dès cette heure, et mes amis
490
je suis seul dès cette heure, et mes amis fuiront
un
lâche. Parce que je reviens seul. Mais moi, qui regarde comme de l’au
491
regarde comme de l’autre bord, je songe qu’il est
des
visites à de certaines grandes dames où je préférais — et lui aussi —
492
evaliers »). Dès qu’on eut déposé devant Isidore
un
malaga et une eau minérale devant son étrange convive, celui-ci prit
493
Dès qu’on eut déposé devant Isidore un malaga et
une
eau minérale devant son étrange convive, celui-ci prit la parole sans
494
maintient cinq ans, dix ans au plus. Après, c’est
un
long adieu et le corps se fige à mesure que l’esprit s’établit sur se
495
normalement bon. L’idée, par exemple, d’étrangler
un
chat pour le plaisir me répugnait. Je détestais de peiner quelque êtr
496
méprisais trop sincèrement. » Vers cette époque,
une
femme me regarda longuement. » Mes parents me savaient vierge et c’ét
497
ur devais. Pourtant, je ne détournai pas mes yeux
des
yeux de cette femme, de peur qu’elle ne souffrît à cause de moi. Un s
498
emme, de peur qu’elle ne souffrît à cause de moi.
Un
soir qu’elle pleurait, je l’embrassai si fort… En un quart d’heure, j
499
soir qu’elle pleurait, je l’embrassai si fort… En
un
quart d’heure, je connaissais l’amour dans ce qu’il a de plus étrange
500
it tout. Il effleura mon front de ses lèvres sans
une
parole quand je vins lui souhaiter le bonsoir. Le lendemain, ses chev
501
avaient légèrement blanchi. Il me regardait avec
une
terreur ou je crus distinguer je ne sais quelle déchirante nostalgie.
502
vait vieux, maintenant. » Je songeais justement à
un
sourire de mon amie quand il voulut m’adresser la parole après un sil
503
n amie quand il voulut m’adresser la parole après
un
silence vertigineux. Il vit mon sourire et pleura. Alors une rage s’e
504
vertigineux. Il vit mon sourire et pleura. Alors
une
rage s’empara de mon corps tout entier, je criai un juron, claquai la
505
rage s’empara de mon corps tout entier, je criai
un
juron, claquai la porte et courus dans ma chambre. Une demi-heure plu
506
uron, claquai la porte et courus dans ma chambre.
Une
demi-heure plus tard, j’étais à la gare, j’écrivais un mot d’adieu à
507
mi-heure plus tard, j’étais à la gare, j’écrivais
un
mot d’adieu à ma maîtresse d’une nuit et je partais dans une directio
508
gare, j’écrivais un mot d’adieu à ma maîtresse d’
une
nuit et je partais dans une direction quelconque. Il advint que ce fu
509
dieu à ma maîtresse d’une nuit et je partais dans
une
direction quelconque. Il advint que ce fut celle de l’Italie. La lumi
510
t la politique, que j’envoyais à divers journaux.
Un
jour, parcourant un quotidien de mon pays où je cherchais mon dernier
511
j’envoyais à divers journaux. Un jour, parcourant
un
quotidien de mon pays où je cherchais mon dernier papier, je lus mon
512
père. » J’étais assis à la terrasse ensoleillée d’
un
café ; une brise passa, et une femme en robe bleue légère qui me rega
513
étais assis à la terrasse ensoleillée d’un café ;
une
brise passa, et une femme en robe bleue légère qui me regarda un inst
514
rasse ensoleillée d’un café ; une brise passa, et
une
femme en robe bleue légère qui me regarda un instant, si doucement… J
515
et une femme en robe bleue légère qui me regarda
un
instant, si doucement… Je me levai sans payer, je partis par les rues
516
… Je me levai sans payer, je partis par les rues,
une
joie violente commençait à m’envahir, contre laquelle je luttais obsc
517
t je ne pus me tenir de chantonner. J’entrai dans
un
établissement luxueux d’où sortaient à chaque tour du tambour des bou
518
t luxueux d’où sortaient à chaque tour du tambour
des
bouffées de musique. » La femme en bleu dansait en regardant au plafo
519
d. Après deux tangos, nous montions ensemble dans
une
chambre d’hôtel où l’on ne voyait d’abord qu’un bouquet transfiguré p
520
une chambre d’hôtel où l’on ne voyait d’abord qu’
un
bouquet transfiguré par la lumière et que reflétaient de nombreuses g
521
glaces. Les fenêtres que j’ouvris firent tourner
des
soleils sur les parois claires. Du balcon, on voyait la mer, des bate
522
les parois claires. Du balcon, on voyait la mer,
des
bateaux, des nuages, une avenue et ses autos rouges, tout un couchant
523
laires. Du balcon, on voyait la mer, des bateaux,
des
nuages, une avenue et ses autos rouges, tout un couchant de grand por
524
alcon, on voyait la mer, des bateaux, des nuages,
une
avenue et ses autos rouges, tout un couchant de grand port de la Médi
525
des nuages, une avenue et ses autos rouges, tout
un
couchant de grand port de la Méditerranée. Nous nous aimâmes en siffl
526
à cause du soir trop limpide et trop vaste, comme
un
avenir de bonheur fiévreux — celui justement que j’entrevoyais. » Qua
527
je vécus, comme vous me voyez vivre encore, dans
un
état de sincérité perpétuelle envers tous mes élans, accueillant avec
528
rpétuelle envers tous mes élans, accueillant avec
un
enthousiasme juvénile, c’est-à-dire cynique, toutes les offres du has
529
de prendre conscience de soi-même — je découvris
une
nuit, au moment de m’endormir, que ma passion du vol n’était qu’une l
530
t de m’endormir, que ma passion du vol n’était qu’
une
longue vengeance. Ne m’avait-on pas dérobé des années de joie au prof
531
qu’une longue vengeance. Ne m’avait-on pas dérobé
des
années de joie au profit d’une vertu que tout en moi reniait obscurém
532
vait-on pas dérobé des années de joie au profit d’
une
vertu que tout en moi reniait obscurément. Je sentais bien que le res
533
vertu dans laquelle on m’avait emprisonné c’était
un
bas opportunisme social, résultante des paresses accumulées de tous l
534
né c’était un bas opportunisme social, résultante
des
paresses accumulées de tous les cerveaux bourgeois incapables de conc
535
us les cerveaux bourgeois incapables de concevoir
un
monde sans vieilles filles, sans capitalistes et sans gendarmes. Je s
536
être engagé, du plan moral avec l’économique, qu’
une
expression nouvelle, et non dénuée d’ironie, de mon mépris pour ce qu
537
s de la société. » C’est avec le produit du vol d’
un
tronc de chapelle que j’édifiai à mes parents un tombeau sur lequel j
538
’un tronc de chapelle que j’édifiai à mes parents
un
tombeau sur lequel je fis graver : Prêté — rendu, pour la gloire de l
539
— rendu, pour la gloire de l’Église. (Ici, il but
une
gorgée et prit un temps.) » Je vous fais grâce, poursuivit-il, de la
540
oire de l’Église. (Ici, il but une gorgée et prit
un
temps.) » Je vous fais grâce, poursuivit-il, de la chronique de ma vi
541
m’amuse à jouer le pickpocket. Cela permet, avec
un
minimum d’adresse, de découvrir certaines personnalités sous un jour
542
dresse, de découvrir certaines personnalités sous
un
jour assez particulier, très souvent ignoré d’elles-mêmes auparavant,
543
en… Le goût de la propriété étant à mon sens l’un
des
plus vulgaires et des plus généralement répandus, j’ai vite fait de c
544
riété étant à mon sens l’un des plus vulgaires et
des
plus généralement répandus, j’ai vite fait de classer mon monde d’apr
545
et j’en vérifie les manifestations vivantes avec
une
prodigalité d’épreuves, contre-épreuves, variantes et enjolivures où
546
able intérêt de ma vie. C’est vous dire que seule
une
certaine caresse de l’événement naissant peut encore m’émouvoir. C’es
547
’événement naissant peut encore m’émouvoir. C’est
un
plaisir de chaque minute auquel succède immédiatement le sommeil. Je
548
point que l’on considère ce saint comme le patron
des
voyageurs… » Saint-Julien parut satisfait de cette dernière plaisante
549
tit alors que la bienséance l’obligeait à émettre
une
opinion, même la plus générale et la moins compromettante, sur cette
550
it pas laissé que de l’agacer en maint endroit. «
Une
chose avant tout me frappe — dit-il, lâchant tout de suite ses compli
551
bavures, sans réticences ; elle m’apparaît comme
un
divertissement perpétuel et dénué d’inquiétude. Et cela n’est pas san
552
appeler — pardonnez la lourdeur de l’expression —
une
règle de vie. Mais, je vous l’avouerai, ce qui me retient de tirer de
553
la sincérité tournait vite à l’agressif — effet d’
une
timidité naturelle dont il paraissait lui-même gêné. En deux mots, vo
554
dre. Je pourrais vous dire que si vous me trouvez
un
peu potache, il n’est pas prouvé par là que le potache n’ait point ra
555
dre geste convenu dans le genre « révolté » prend
une
saveur de raillerie assez amère. Et peut-être apprendrez-vous à décou
556
châtel-Genève-Fribourg, mai 1927, p. 180-185. t.
Une
note de bas de page indique : « La rédaction rappelle que les idées é
557
à la jeunesse (mai 1927)u « On a reproché bien
des
choses aux romantiques : le goût du suicide, l’habitude de boire et d
558
à la base de la société même. » Ceci est tiré d’
un
livre récent sur Aloysius Bertrand. Est-ce vraiment aux romantiques d
559
donnerions peut-être raison à M. Y. Z., qui, dans
un
petit article du Journal de Genève sur « La maladie du siècle », éc
560
e sur « La maladie du siècle », écrit : « Plante
des
pommes de terre, jeune homme ! Quand tu seras au bout de la 20e ligne
561
Genève parlait naguère, tu mangeras avec appétit
une
poule au riz arrosée d’un savoureux “demi” de Lavaux. » Seulement, il
562
mangeras avec appétit une poule au riz arrosée d’
un
savoureux “demi” de Lavaux. » Seulement, il y a tout de même un ou de
563
demi” de Lavaux. » Seulement, il y a tout de même
un
ou deux petits phénomènes sociaux de notre temps que cette méthode ne
564
ous paraissent entraîner assez naturellement chez
des
jeunes « et qui pensent » ce goût de l’évasion caractéristique de tou
565
t de la sacro-sainte Raison utilitaire au service
des
sacro-saints Principes au nom desquels tout se ligue aujourd’hui pour
566
: nous pensons que bien avant Voltaire il y avait
des
autruches pour enseigner cette méthode à leurs petits. Le « satisfait
567
ette méthode à leurs petits. Le « satisfait » est
un
être inadmissible aujourd’hui. À plus forte raison, le satisfait arti
568
cite tel auteur dont nous fîmes notre nourriture
une
saison de naguère, voilà le rictus de votre bouche, une injure de pyt
569
ison de naguère, voilà le rictus de votre bouche,
une
injure de pythie. Vous dites de ce conte : c’est trop écrit. Vous dit
570
s de ce roman : c’est trop agréable. Vous dites d’
un
goût qu’on aurait pour Nietzsche : que c’est de la littérature. Alors
571
oi : j’ai lu ça quelque part. Voyez ma franchise.
Un
peu grosse, n’est-ce pas ? D’autres prennent soin que leurs sincérité
572
que leurs sincérités gardent au moins l’excuse d’
une
audace qu’ils escomptent scandaleuse. Mais voici un bar où je vous su
573
audace qu’ils escomptent scandaleuse. Mais voici
un
bar où je vous suis. Vous y entrez plein de mépris pour Paul Morand p
574
découvrîtes le charme de ces lieux. Vous composez
un
cocktail en guise de métaphore, avec une pensée tendre pour un ami po
575
composez un cocktail en guise de métaphore, avec
une
pensée tendre pour un ami poète. « L’autre jour au Grand Écart… », di
576
n guise de métaphore, avec une pensée tendre pour
un
ami poète. « L’autre jour au Grand Écart… », dit quelqu’un. À ce coup
577
ambronne : hommage à Louis Aragon. Ce cristal est
une
citation de Valéry, cette œillade se souvient d’un vers d’Éluard14. E
578
e citation de Valéry, cette œillade se souvient d’
un
vers d’Éluard14. Et des phrases, des cris, des mots. Au défaut de l’i
579
ette œillade se souvient d’un vers d’Éluard14. Et
des
phrases, des cris, des mots. Au défaut de l’ivresse naissante se glis
580
se souvient d’un vers d’Éluard14. Et des phrases,
des
cris, des mots. Au défaut de l’ivresse naissante se glisse un poème o
581
t d’un vers d’Éluard14. Et des phrases, des cris,
des
mots. Au défaut de l’ivresse naissante se glisse un poème où vous aim
582
mots. Au défaut de l’ivresse naissante se glisse
un
poème où vous aimiez à la folie votre douleur. Narcisse se contemple
583
r de son monocle. Au petit matin, il se noie dans
un
verre à liqueur. Poisson dans l’eau, plumes dans le vent, poète au ba
584
posent pour le diable et ne se baignent que dans
des
bénitiers : on voit trop qu’ils trouvent ça pittoresque. Et le plaisi
585
nt ça pittoresque. Et le plaisir d’être nu devant
un
public supposé dévot, et qui n’ose en croire sa pudeur, et qui doute
586
sa pudeur, et qui doute enfin de l’impossibilité
des
miracles ! Quelles voluptés plus subtiles et plus aiguës ? On vaincra
587
n vaincra jusqu’à sa gueule de bois pour en faire
des
poèmes. Alors je cherche les raisons de votre indignation, quand il m
588
raisons de votre indignation, quand il m’échappe
une
citation. Seraient-ce les guillemets qui vous choquent ? La vie ! —
589
a bouche brûlée d’alcools, vous découvrez à l’eau
un
goût étrange. L’eau est incolore, inodore et sans saveur. Mais fraîch
590
otre mépris pour le pittoresque, vous témoignez d’
un
goût du bizarre qui révèle le littérateur. Nous ne pouvons pas faire
591
ce refus n’est pas seulement comme vous pensez, d’
une
ingratitude salutaire, c’est refus de limiter le mal. Je vous vois en
592
refus de limiter le mal. Je vous vois envahi par
des
démons que vous prétendez m’interdire de nommer. Mais moi je partage
593
e avec certains Orientaux cette croyance : nommer
une
chose, c’est avoir puissance sur elle. Images, pensées des autres, je
594
, c’est avoir puissance sur elle. Images, pensées
des
autres, je vous ai mis un collier avec le nom du propriétaire ; tirez
595
elle. Images, pensées des autres, je vous ai mis
un
collier avec le nom du propriétaire ; tirez un peu sur la laisse, que
596
is un collier avec le nom du propriétaire ; tirez
un
peu sur la laisse, que j’éprouve la fermeté de ma main. Je vous tiens
597
s — et ce n’est pas que je m’en vante, — j’ai tué
un
amour naissant, à force de le crier sur les toits. Ainsi, parler litt
598
l’insuffisance de la littérature On reconnaît
un
écrivain, aujourd’hui, à ce qu’il ne tolère pas qu’on lui parle litté
599
lère pas qu’on lui parle littérature. Mais il y a
des
mépris qui sont de sournoises déclarations d’amour. Tel qui raille l’
600
raille l’Église et les curés, c’est qu’il se fait
une
très haute idée de la religion. Ainsi, de la littérature : votre mépr
601
e que la littérature. Que la littérature nous est
un
moyen seulement d’atteindre et de préparer d’autres choses, d’autres
602
de préparer d’autres choses, d’autres actions, ou
des
états intérieurs qui sont parfois des actions en puissance15. Il faud
603
actions, ou des états intérieurs qui sont parfois
des
actions en puissance15. Il faudrait des choses plus lourdes et plus i
604
t parfois des actions en puissance15. Il faudrait
des
choses plus lourdes et plus irrésistibles, percutantes. Qui vous écha
605
percutantes. Qui vous échappent en vous blessant.
Des
choses dures, amères comme un destin, comme le goût d’une pierre rêch
606
en vous blessant. Des choses dures, amères comme
un
destin, comme le goût d’une pierre rêche sur ta langue et grinçante s
607
es dures, amères comme un destin, comme le goût d’
une
pierre rêche sur ta langue et grinçante sous ta dent. Des souplesses
608
re rêche sur ta langue et grinçante sous ta dent.
Des
souplesses qui se retournent brusquement et vous renversent. Des prés
609
qui se retournent brusquement et vous renversent.
Des
présences tellement intenses que tout se fond catastrophiquement dans
610
d catastrophiquement dans l’infini de la seconde.
Des
peurs sans cause, plus vides que la mort. Toutes ces choses mystiques
611
pressens encore dans vos poèmes les plus obscurs
des
allusions furtives à certains états de la réalité. Mais plus les mots
612
ats de la réalité. Mais plus les mots se plient à
des
exigences sémantiques — dont on connaît la portée sociale, — mariant
613
— mariant l’utile à l’agréable selon les rites d’
une
esthétique ou d’une autre, plus ils perdent leur pouvoir de signifier
614
l’agréable selon les rites d’une esthétique ou d’
une
autre, plus ils perdent leur pouvoir de signifier les choses qui nous
615
e véritable. Alors, cessons de nous battre contre
des
moulins à vent. La littérature, considérée du point de vue de la psyc
616
point de vue de la psychologie de l’écrivain, est
un
besoin organique, un peu anormal, que l’on satisfait dans certains ét
617
ychologie de l’écrivain, est un besoin organique,
un
peu anormal, que l’on satisfait dans certains états de crise afin de
618
quelque plaisir, plus rarement, de quoi se payer
un
petit voyage. C’est l’aveu d’une faiblesse secrète. Et c’est une réac
619
de quoi se payer un petit voyage. C’est l’aveu d’
une
faiblesse secrète. Et c’est une réaction de défense. On cherche un mo
620
e. C’est l’aveu d’une faiblesse secrète. Et c’est
une
réaction de défense. On cherche un mot, une phrase, pour tuer une réa
621
ète. Et c’est une réaction de défense. On cherche
un
mot, une phrase, pour tuer une réalité dont la connaissance devient d
622
c’est une réaction de défense. On cherche un mot,
une
phrase, pour tuer une réalité dont la connaissance devient douloureus
623
défense. On cherche un mot, une phrase, pour tuer
une
réalité dont la connaissance devient douloureuse et troublante. Ainsi
624
e connaissance véritable du monde.) Littérature :
un
vice ? Peut-être. Ou une maladie ? Ce n’est pas en l’ignorant par att
625
du monde.) Littérature : un vice ? Peut-être. Ou
une
maladie ? Ce n’est pas en l’ignorant par attitude que vous la guérire
626
nscrire les effets. J’avoue prendre à cette étude
un
intérêt bien vif. Et cela fournit un merveilleux sujet de conversatio
627
cette étude un intérêt bien vif. Et cela fournit
un
merveilleux sujet de conversation, au café. Dans un salon, par contre
628
merveilleux sujet de conversation, au café. Dans
un
salon, par contre, c’est d’un ridicule écrasant : mais rien n’est plu
629
tion, au café. Dans un salon, par contre, c’est d’
un
ridicule écrasant : mais rien n’est plus facile que d’y échapper.
630
ntherlant me paraît être le moins « littératuré »
des
écrivains d’aujourd’hui. Quand il parle littérature, il a toujours l’
631
parle littérature, il a toujours l’air de mettre
un
peu les pieds dans le plat, de dire de ces choses qu’entre gens du mé
632
ous silence. C’est assez drôle de voir le malaise
des
chers confrères. Ils ne pardonnent pas à ce toréador ses familiarités
633
ardonnent pas à ce toréador ses familiarités avec
une
Muse qu’ils n’ont pas coutume d’aborder sans le mot de passe de la de
634
é. On m’affirme que je n’y échapperai pas plus qu’
un
autre : et qu’un beau soir il faille écrire pour vivre, possible ; ma
635
ue je n’y échapperai pas plus qu’un autre : et qu’
un
beau soir il faille écrire pour vivre, possible ; mais, pour sûr, jam
636
reton qui l’a exprimé : « On publie pour chercher
des
hommes, et rien de plus. » Chercher des hommes ! Ah ! cher ami, nous
637
chercher des hommes, et rien de plus. » Chercher
des
hommes ! Ah ! cher ami, nous ne sommes pas tant, n’est-ce pas, à pour
638
us ne sommes pas tant, n’est-ce pas, à poursuivre
une
quête de l’esprit. Et vous savez ce qu’elle nous vaut : les mépris, l
639
pour leurs instables certitudes, et qui nous font
un
péché de notre acceptation des réalités spirituelles parce qu’elles t
640
s, et qui nous font un péché de notre acceptation
des
réalités spirituelles parce qu’elles troublent leurs bureaucratiques
641
tions que j’attende de la littérature : que celle
des
autres m’aide à prendre conscience de moi-même ; que la mienne m’aide
642
s’agit plus de mépris ni d’adoration. J’ai défini
une
« maladie » dont je parviens à tirer quelque bien pour ma vie. Le jou
643
. Le jour où les soins qu’elle exige me coûteront
des
sacrifices plus grands que les bienfaits que j’en escompte, il sera t
644
sympathique Philippe Soupault, que « ceci, c’est
une
autre histoire, une autre belle histoire, une autre très belle histoi
645
e Soupault, que « ceci, c’est une autre histoire,
une
autre belle histoire, une autre très belle histoire ». (Et vous verri
646
est une autre histoire, une autre belle histoire,
une
autre très belle histoire ». (Et vous verriez à quoi cela peut servir
647
oire ». (Et vous verriez à quoi cela peut servir,
une
citation.) Mais non, cher ami, voici qu’une envie me prend de vous co
648
rvir, une citation.) Mais non, cher ami, voici qu’
une
envie me prend de vous conter un peu cette histoire. Seulement, allon
649
r ami, voici qu’une envie me prend de vous conter
un
peu cette histoire. Seulement, allons ailleurs ; il y a trop de monde
650
and Écart, roman de M. Cocteau, a donné son nom à
un
établissement de nuit très en vogue à Paris. Cambronne (général), 177
651
que. — Là ! [NdE] Le texte publié place également
un
appel de note plus bas dans le paragraphe, après « Narcisse », sans q
652
près « Narcisse », sans qu’on sache s’il s’agit d’
une
erreur ou d’une volonté de l’auteur. 15. Variante : des puissances d
653
», sans qu’on sache s’il s’agit d’une erreur ou d’
une
volonté de l’auteur. 15. Variante : des puissances d’action. 16. J’
654
eur ou d’une volonté de l’auteur. 15. Variante :
des
puissances d’action. 16. J’en vois certains qui arrangent leur vie d
655
leur vie de telle sorte que leurs mémoires seront
des
romans « bien modernes ». Leurs amours sont des pastiches de Morand,
656
t des romans « bien modernes ». Leurs amours sont
des
pastiches de Morand, et ils en sont tout fiers : « Il n’y a plus qu’à
657
unisme. Tous ceux-là travaillent à l’achèvement d’
un
certain monde moderne, merveilleuse mécanique sévère et dénuée de tou
658
évère et dénuée de tout secours de l’Esprit. Mais
un
jour viendra où les hommes se révolteront contre le joug atrocement p
659
révolteront contre le joug atrocement positiviste
des
Maurras et des Mussolini, des Lénine et des Ford. Alors les hommes hu
660
tre le joug atrocement positiviste des Maurras et
des
Mussolini, des Lénine et des Ford. Alors les hommes hurleront un affr
661
ocement positiviste des Maurras et des Mussolini,
des
Lénine et des Ford. Alors les hommes hurleront un affreux besoin myst
662
viste des Maurras et des Mussolini, des Lénine et
des
Ford. Alors les hommes hurleront un affreux besoin mystique. Vous rév
663
es Lénine et des Ford. Alors les hommes hurleront
un
affreux besoin mystique. Vous réveillerez-vous pour les désaltérer, d
664
rme candeur de trouver ça naturel. On nous a fait
des
reproches contradictoires. Nous les additionnons : ils s’annulent. Il
665
mots sur la paradoxale situation intellectuelle d’
une
revue d’étudiants comme la nôtre. D’un côté, en effet, on s’accorde p
666
ctuelle d’une revue d’étudiants comme la nôtre. D’
un
côté, en effet, on s’accorde pour trouver légèrement ridicule un jeun
667
et, on s’accorde pour trouver légèrement ridicule
un
jeune homme qui recherche activement la Sagesse (« Ça n’est pas de vo
668
de votre âge ! ») ; de l’autre, on se scandalise
des
« énormités » qui peuvent échapper à un jeune homme moins grave et qu
669
andalise des « énormités » qui peuvent échapper à
un
jeune homme moins grave et qui manifeste franchement sa jeunesse. («
670
jeunesse. (« Vous vous souciez vraiment trop peu
des
conséquences de ce que vous écrivez ! ») En définitive, il semble qu
671
r troublé quelques bonnes petites somnolences par
des
cris intempestifs. Il y a des gens qui n’ont pas encore admis que jeu
672
tes somnolences par des cris intempestifs. Il y a
des
gens qui n’ont pas encore admis que jeunesse = révolution Tous les ma
673
t puis, de temps à autre, voici que nous parvient
un
signe d’amitié qui ne trompe pas. Deux ou trois mots, on s’est compri
674
nève et son mystère. Car chaque année, renaissant
des
décombres où s’anéantirent l’honneur et la fortune de ses derniers ré
675
iers rédacteurs, notre Revue-phénix s’élance avec
une
ardeur rajeunie d’un an dans une direction absolument imprévisible. Q
676
Revue-phénix s’élance avec une ardeur rajeunie d’
un
an dans une direction absolument imprévisible. Que nous apportera le
677
ix s’élance avec une ardeur rajeunie d’un an dans
une
direction absolument imprévisible. Que nous apportera le Central de G
678
la tradition, l’anarchie, l’ironie, le sentiment,
un
réveil des vieux, Maurras, Lounatcharsky, la SDN, et même Edmond Gill
679
on, l’anarchie, l’ironie, le sentiment, un réveil
des
vieux, Maurras, Lounatcharsky, la SDN, et même Edmond Gillard, et mêm
680
SDN, et même Edmond Gillard, et même, et surtout,
un
miracle. Et puis, ils ont des vieux un peu là, du grand Arthur-Alfred
681
et même, et surtout, un miracle. Et puis, ils ont
des
vieux un peu là, du grand Arthur-Alfred-Albert au non moins grand Tan
682
t surtout, un miracle. Et puis, ils ont des vieux
un
peu là, du grand Arthur-Alfred-Albert au non moins grand Tanner. (On
683
Et puis, en voilà assez pour ranimer la curiosité
des
plus blasés. Lecteur, fais confiance au Central de Genève. Souviens-t
684
« Belles-Lettres, c’est la clé
des
champs… » (janvier 1929)y 1. Belles-Lettres, c’est la clef des cha
685
anvier 1929)y 1. Belles-Lettres, c’est la clef
des
champs. 2. L’essence de Belles-Lettres, c’est de l’alcool à brûler le
686
roid, je dis : Belles-Lettres est essentiellement
une
mystique. Mais parce que je suis de sang-froid, je ne puis dire grand
687
oin de formuler cette ivresse ; autrement que par
des
cris. 5. Avec toutes les erreurs et turpitudes que cela comporte, Bel
688
turpitudes que cela comporte, Belles-Lettres est
une
liberté. Une rude épreuve : on n’en sort que pour mourir ou pour entr
689
ue cela comporte, Belles-Lettres est une liberté.
Une
rude épreuve : on n’en sort que pour mourir ou pour entrer en religio
690
6. Peu de choses dans le monde moderne ont encore
une
« essence ». Celle de Belles-Lettres est en agréable odeur à l’Éterne
691
ugemont Denis de, « Belles-Lettres, c’est la clef
des
champs… », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribour
692
rison Prisonnier de la nuit mais plus libre qu’
un
ange prisonnier dans ta tête mais libre comme avant cette naissance a
693
Quand la nuit s’effeuille et se fane prisonnier d’
une
saison morte au tombeau des fleurs obscures les mains de l’absence se
694
se fane prisonnier d’une saison morte au tombeau
des
fleurs obscures les mains de l’absence se ferment sur le vide Tu p
695
e Tu pleurerais Mais la grâce est facile comme
un
matin d’été la grâce tendrement dénouée de ta vie comme de cette nuit
696
t dénouée de ta vie comme de cette nuit le jour d’
un
grand été qui consent… Ailleurs Colombes lumineuses des main
697
qui consent… Ailleurs Colombes lumineuses
des
mains de mon amour écloses voyageuses ah ! que d’aucun retour vous ne
698
. Étoile de jour Il naissait à son destin
des
rayons glissent et rient c’est la caresse des anges parmi les formes
699
tin des rayons glissent et rient c’est la caresse
des
anges parmi les formes de l’ombre C’était l’aube et le sourire ador
700
sourire adorable de savoir la dansante liberté d’
un
désir à sa naissance L’étoile qui l’accueille au sommet ravi d’un s
701
sance L’étoile qui l’accueille au sommet ravi d’
un
silence c’est le miroir d’une absence mais le signe de sa grâce Dan
702
lle au sommet ravi d’un silence c’est le miroir d’
une
absence mais le signe de sa grâce Dans l’or vert évanouie au cœur é
703
r éclatant du jour scintillera l’invisible gage d’
un
amour perdu. z. Rougemont Denis de, « Prison. Ailleurs. Étoile
704
, par Philippe Godet (avril 1929)aa Quand avec
un
air fin mais un ton convaincu l’on a répété dans une ballade fameuse
705
odet (avril 1929)aa Quand avec un air fin mais
un
ton convaincu l’on a répété dans une ballade fameuse « Que voulez-vou
706
air fin mais un ton convaincu l’on a répété dans
une
ballade fameuse « Que voulez-vous, je suis bourgeois ! », l’on peut s
707
is d’être absous avec le sourire par la clientèle
des
librairies romandes, en mal de cadeaux de Noël ou de première communi
708
armi les compatriotes d’Amiel, Godet restera l’un
des
rares qui ont réussi à se connaître et que cela n’a point stérilisé :
709
deux dimensions ; la conscience ne pouvait y tuer
un
lyrisme quasi inexistant, mais bien y exciter un esprit critique fort
710
un lyrisme quasi inexistant, mais bien y exciter
un
esprit critique fort alerte. Jugez-en à la façon dont il parle de « s
711
« j’ai eu la chance de discerner très jeune, avec
une
clairvoyance singulière, mes propres limites, et j’ai eu la sagesse d
712
omie bourgeoise que cette administration exacte d’
un
petit capital. Le contraire de la poésie, bien sûr. Mais on n’en dema
713
tive manque souvent à ces récits : ce n’est point
un
paysage d’âme qu’on y cherche, mais l’anecdote bien tournée, des noms
714
me qu’on y cherche, mais l’anecdote bien tournée,
des
noms connus. Tout est sur le même plan ; le dessin d’ailleurs est élé
715
929)ab L’ordre social Il y avait une fois
un
jeune homme comme les autres. Soudain il lui pousse des ailes, une gr
716
une homme comme les autres. Soudain il lui pousse
des
ailes, une grande paire d’ailes. Allait-on s’émerveiller ? Mais déjà
717
omme les autres. Soudain il lui pousse des ailes,
une
grande paire d’ailes. Allait-on s’émerveiller ? Mais déjà Freud expli
718
dénonçaient, et les précieuses trouvaient cela d’
un
romantisme ! ma chère, d’un mauvais goût ! Cependant le jeune homme a
719
ses trouvaient cela d’un romantisme ! ma chère, d’
un
mauvais goût ! Cependant le jeune homme agitait ses ailes non sans un
720
pendant le jeune homme agitait ses ailes non sans
une
ingénue fierté. Mais au courant d’air s’enrhuma le grand-papa. On cra
721
ueil t’aveugle-t-il ? Veux-tu conserver, ô cruel,
des
ailes qui donnent des rhumes à ton grand-père et sont en scandale aux
722
Veux-tu conserver, ô cruel, des ailes qui donnent
des
rhumes à ton grand-père et sont en scandale aux meilleurs esprits ? V
723
e tu t’apprêtes visiblement à t’envoler, laissant
des
parents inconsolables, ô sans cœur, ô pervers, ô disciple de Nietzsch
724
devenu beaucoup moins intéressant. ⁂ Celui qui a
des
ailes sera persécuté à cause de ses ailes, mais celui qui n’en a pas
725
nté gémissante ! Dieu, dans sa pitié, leur envoya
un
ange porteur d’une solution fort simple qui d’ailleurs était la bonne
726
ieu, dans sa pitié, leur envoya un ange porteur d’
une
solution fort simple qui d’ailleurs était la bonne, car le grand Remè
727
lleurs était la bonne, car le grand Remède, c’est
un
Simple. Des hurlements de rage ne tardèrent point à s’élever de toute
728
t la bonne, car le grand Remède, c’est un Simple.
Des
hurlements de rage ne tardèrent point à s’élever de toutes parts. Les
729
u’il n’y a plus de morale, et ces jeunes gens ont
une
façon de trancher les questions qui vous désarme. Craignant qu’on ne
730
ions qui vous désarme. Craignant qu’on ne lui fît
un
mauvais parti, l’ange trouva son salut dans un subterfuge : il insinu
731
ît un mauvais parti, l’ange trouva son salut dans
un
subterfuge : il insinua qu’il parlait au nom d’une secte orientale. A
732
un subterfuge : il insinua qu’il parlait au nom d’
une
secte orientale. Aussitôt la discussion de reprendre, et l’on parla d
733
a défense de l’Occident. L’ange s’enfuit par l’un
des
nombreux trous de leurs raisonnements. L’inspiration Comme le p
734
minait sa théorie sur la nature de l’inspiration,
un
doute lui vint. Il alla au cinéma. On donnait un film voluptueux. Il
735
un doute lui vint. Il alla au cinéma. On donnait
un
film voluptueux. Il aima l’héroïne, mais sans espoir. Il lui écrivit,
736
ns espoir. Il lui écrivit, en sortant de là, dans
une
crèmerie pleine de couples à la mode. Mais en écrivant il pensait à u
737
couples à la mode. Mais en écrivant il pensait à
une
femme blonde assise près de lui. Ayant demandé un timbre pour attirer
738
ne femme blonde assise près de lui. Ayant demandé
un
timbre pour attirer l’attention de la femme blonde — sans résultat —,
739
de la femme blonde — sans résultat —, il écrivit
une
adresse réelle, et mit la lettre dans la première boîte venue. Le len
740
s la première boîte venue. Le lendemain, il reçut
une
réponse : « Vous avez commis une erreur, cher ami, mais bien excusabl
741
demain, il reçut une réponse : « Vous avez commis
une
erreur, cher ami, mais bien excusable de la part d’un poète en état,
742
rreur, cher ami, mais bien excusable de la part d’
un
poète en état, sans doute, d’inspiration. Je trouve dans une envelopp
743
n état, sans doute, d’inspiration. Je trouve dans
une
enveloppe qu’hier vous m’adressâtes une déclaration d’amour destinée
744
ouve dans une enveloppe qu’hier vous m’adressâtes
une
déclaration d’amour destinée à une femme blonde. Je suis noire. Mais
745
s m’adressâtes une déclaration d’amour destinée à
une
femme blonde. Je suis noire. Mais je sais qui c’est. J’ai fait suivre
746
je sais qui c’est. J’ai fait suivre. Alexandrine
un
jour m’a laissé entendre qu’elle vous aime. Elle attend votre lettre
747
u’elle vous aime. Elle attend votre lettre depuis
des
mois. Je pense que ces lignes vous trouveront réunis. Avec ma bénédic
748
L’inspiration est le nom qu’on donne en poésie à
une
suite de malentendus heureusement enchaînés. » Cette histoire, en eff
749
enchaînés. » Cette histoire, en effet, lui valut
une
Muse. ab. Rougemont Denis de, « L’ordre social. Le Libéralisme. L
750
e, c’est la Poésie, et la France c’est la Chambre
des
Députés, je n’en veux pas démordre, et la Légion d’honneur — je vous
751
la laisse, la Légion d’honneur. Quand vous prenez
un
taxi passé onze heures, c’est double tarif, et pourquoi ? Regardez :
752
i ? Regardez : à côté de vous, si vous êtes seul,
un
fantôme, d’office, a pris place. On lie bien vite connaissance, pourv
753
On lie bien vite connaissance, pourvu qu’on sache
un
peu d’allemand, — et l’allemand littéraire y suffit. Pour moi, je ne
754
s moi je me méfie ; se promener seul la nuit dans
une
ville étrangère, n’est-ce point la définition même de la luxure ? Qua
755
ui se dégrade assez rapidement et se dissout dans
une
sentimentalité exquise, navrante. Il reste de s’asseoir à quelque ter
756
lque terrasse de café pour y boire à petits coups
une
amertume acide et tiède comme l’adolescence, un désespoir de nuit d’é
757
une amertume acide et tiède comme l’adolescence,
un
désespoir de nuit d’été sous le tilleul où elle n’est pas venue… (C’e
758
de manger ferme a donné au chauffeur l’adresse d’
un
ogre. C’est tout près parce que j’ai peur. En même temps c’est très l
759
’est très loin parce que je me réjouis. La Maison
des
Ogres est au 53 rue de Rennes ; je ne vous le confie pas sans un secr
760
53 rue de Rennes ; je ne vous le confie pas sans
un
secret tremblement. Nous embarquons Jean Cassou, et le fantôme se fai
761
iolette de Montparnasse. Là, l’insondable lubie d’
un
agent nous immobilise une minute aux lisières odorantes d’une terrass
762
Là, l’insondable lubie d’un agent nous immobilise
une
minute aux lisières odorantes d’une terrasse où nous voyons Charles-A
763
us immobilise une minute aux lisières odorantes d’
une
terrasse où nous voyons Charles-Albert Cingria, transfiguré par un so
764
us voyons Charles-Albert Cingria, transfiguré par
un
souffle épique, en train de décrire à Blaise Cendrars, son voisin de
765
à Blaise Cendrars, son voisin de table, l’arrivée
des
Mongols dans Paris et leurs établissements Place de la Concorde. Notr
766
a Concorde. Notre conteur est vêtu de la gloire d’
un
pourpoint « plus rouge que rouge ». On assure qu’il possède encore un
767
rouge que rouge ». On assure qu’il possède encore
une
harpe et un piano près des étoiles, et qu’il est « pittoresque », cas
768
ge ». On assure qu’il possède encore une harpe et
un
piano près des étoiles, et qu’il est « pittoresque », cas déplorable,
769
e qu’il possède encore une harpe et un piano près
des
étoiles, et qu’il est « pittoresque », cas déplorable, s’agissant d’u
770
est « pittoresque », cas déplorable, s’agissant d’
un
poète authentique. Le pittoresque. D’abord je crains que la notion n’
771
pagnes au printemps. Ou encore : comme la lecture
des
romans anglais, les loisirs obsédés du jaloux, le travail jusqu’à l’a
772
jaloux, le travail jusqu’à l’aube, la naissance d’
un
visage dans ma mémoire (d’heure en heure ces yeux plus vivants…) De l
773
ure ces yeux plus vivants…) De là, je le suppose,
une
certaine misanthropie en germe : les êtres changent trop vite, je n’a
774
’amour. Durant cette méditation, nous avons gagné
une
rue pauvrement éclairée où l’on s’arrête. Le fantôme derrière nous cl
775
sez froid. ⁂ Lorsque l’homme, cédant à l’évidence
des
choses ou de l’esprit, comprend enfin qu’il est perdu, il découvre la
776
utant qu’au sens moral.) Le goût de se perdre est
un
des plus profonds mystères de notre condition, et je ne crois pas tro
777
nt qu’au sens moral.) Le goût de se perdre est un
des
plus profonds mystères de notre condition, et je ne crois pas trop ab
778
trop absurde d’y chercher l’origine non seulement
des
passions amoureuses, mais de la plupart des entreprises démesurées qu
779
es propres yeux l’Humanité. En passant, relevons
un
sophisme à la mode, qui vient trébucher dans les méandres de notre ch
780
faut se perdre pour se retrouver », nous enseigne
une
doctrine en vérité moins généreuse que ne veut le croire M. Gide, — s
781
l entre les griffes de son égoïsme à la souris qu’
un
chat subtil et ironique feint de lâcher pour mieux croquer. Pourquoi
782
pas se perdre sans arrière-pensée ? S’il me reste
un
espoir au sein de mes erreurs les moins préméditées, c’est sans doute
783
re d’hôtel, ferme sa porte à double tour. Ah ! qu’
une
nuit enfin, à la faveur de mon sommeil, on me vole à moi-même ! Que d
784
aveur de mon sommeil, on me vole à moi-même ! Que
des
êtres rêvés m’emportent ! — Ils me conduiraient là où je ne sais pas
785
d’aller… Est-ce ici ? Je regarde autour de moi :
des
murs sans yeux dominent des baraques éparses dans une brousse où s’en
786
garde autour de moi : des murs sans yeux dominent
des
baraques éparses dans une brousse où s’engage délibérément notre fant
787
murs sans yeux dominent des baraques éparses dans
une
brousse où s’engage délibérément notre fantôme. Il avance sans bouger
788
e que je pressentais ne tarde pas à se produire :
des
aboiements fous et une effusion de lumière basse, rougeoyante, campag
789
tarde pas à se produire : des aboiements fous et
une
effusion de lumière basse, rougeoyante, campagnarde. ⁂ La sauce est a
790
arrive qu’on parle, en art culinaire, du style d’
un
rôti, et en cuisine littéraire, de pensers mis à toutes sauces. Si M.
791
qu’on n’est jamais mieux pour parler qu’en face d’
une
assiette pleine : l’occupation agréable et essentielle qui consiste à
792
léphoné au début de l’après-midi qu’il commençait
un
roman. Son absence nous fera-t-elle croire qu’il apporte un soin tout
793
Son absence nous fera-t-elle croire qu’il apporte
un
soin tout particulier à le parfaire ? — il est bientôt minuit. Mon fa
794
re ? — il est bientôt minuit. Mon fantôme est là.
Un
chien, Dick, est là. Pierre Girard n’est pas là, ni Othon ; mais bien
795
s là, mais bien Dollonne, ce qui revient au même.
Une
femme fatale et un grand incompris sont là. Enfin, Jean Cassou, repré
796
onne, ce qui revient au même. Une femme fatale et
un
grand incompris sont là. Enfin, Jean Cassou, représentant Mgr le marq
797
ux que j’oublie, vous obtiendrez le chiffre exact
des
participants ; calculez l’âge du capitaine. Au dessert, chacun y va d
798
s Du Bos, en kimono de soie « capstan ». Il ouvre
une
de ces parenthèses dont il a le secret, et dans laquelle la rédaction
799
rtie la plus incongrue de cette chronique. Enfin,
un
Étranger raconte l’histoire suivante qui est une des plus belles du m
800
, un Étranger raconte l’histoire suivante qui est
une
des plus belles du monde : Un prince italien ayant commandé à Perg
801
Étranger raconte l’histoire suivante qui est une
des
plus belles du monde : Un prince italien ayant commandé à Pergolès
802
uivante qui est une des plus belles du monde :
Un
prince italien ayant commandé à Pergolèse un Stabat Mater, le musicie
803
: Un prince italien ayant commandé à Pergolèse
un
Stabat Mater, le musicien quitta Naples où il habitait alors, abandon
804
s, épuisé de corps et d’âme, et n’ayant pas écrit
une
seule note, il se retrouva aux portes de Naples, d’où il n’eut que la
805
il allait y pénétrer, il aperçut auprès du seuil
une
mendiante qui pleurait très doucement. Un moment, il écouta sa mélopé
806
seuil une mendiante qui pleurait très doucement.
Un
moment, il écouta sa mélopée. Puis envahi par un dernier feu, il se p
807
Un moment, il écouta sa mélopée. Puis envahi par
un
dernier feu, il se précipita dans sa chambre où il s’enferma, écrivit
808
ita dans sa chambre où il s’enferma, écrivit dans
une
grande fièvre tout le Stabat Mater, sa plus belle œuvre, sur le thème
809
e Stabat Mater, sa plus belle œuvre, sur le thème
des
pleurs de la vieille, et mourut comme il l’achevait. ⁂ Partout où il
810
⁂ Partout où il y a de la musique, de l’Italie et
une
certaine qualité de désespoir, je retrouve les contes d’Hoffmann. Mai
811
les bouteilles, — et les lampes meurent en jetant
une
longue flamme. À Venise, sous le brouillard qui cachait le front des
812
À Venise, sous le brouillard qui cachait le front
des
palais, une nuit d’hiver, je chantonnais la Barcarolle en descendant
813
us le brouillard qui cachait le front des palais,
une
nuit d’hiver, je chantonnais la Barcarolle en descendant le Grand Can
814
Barcarolle en descendant le Grand Canal, — c’est
une
romance assez déchirante, à mi-voix… ................................
815
s, puisque te voilà bien perdu cette fois, dérive
un
peu vers ces Allemagnes où, tu le sais, la tristesse la plus amère in
816
e sais, la tristesse la plus amère invente encore
des
mélodies sentimentales, un peu bêtes, un peu trop lentes, comme tu le
817
amère invente encore des mélodies sentimentales,
un
peu bêtes, un peu trop lentes, comme tu les aimes — on n’a pas toujou
818
encore des mélodies sentimentales, un peu bêtes,
un
peu trop lentes, comme tu les aimes — on n’a pas toujours envie de cr
819
n n’a pas toujours envie de crâner. L’esplanade d’
une
petite ville de l’Allemagne du Sud, un soir de mai. Il y a dans les m
820
planade d’une petite ville de l’Allemagne du Sud,
un
soir de mai. Il y a dans les marronniers noirs des lampions et des to
821
un soir de mai. Il y a dans les marronniers noirs
des
lampions et des touffes de gamins qui regardent avec la bouche ce qui
822
Il y a dans les marronniers noirs des lampions et
des
touffes de gamins qui regardent avec la bouche ce qui se passe à l’in
823
nt avec la bouche ce qui se passe à l’intérieur d’
une
enceinte de toiles tendues au-devant d’un petit théâtre. La rampe est
824
ieur d’une enceinte de toiles tendues au-devant d’
un
petit théâtre. La rampe est d’un bleu stellaire, un bleu d’Aldébaran.
825
dues au-devant d’un petit théâtre. La rampe est d’
un
bleu stellaire, un bleu d’Aldébaran. On joue Rose de Tannenbourg, dra
826
petit théâtre. La rampe est d’un bleu stellaire,
un
bleu d’Aldébaran. On joue Rose de Tannenbourg, drame en 15 tableaux,
827
n joue Rose de Tannenbourg, drame en 15 tableaux,
un
prologue et une conclusion. Le carton des armures sonne sourdement so
828
Tannenbourg, drame en 15 tableaux, un prologue et
une
conclusion. Le carton des armures sonne sourdement sous les coups d’u
829
ableaux, un prologue et une conclusion. Le carton
des
armures sonne sourdement sous les coups d’un Kühnrich à la basse rugi
830
ton des armures sonne sourdement sous les coups d’
un
Kühnrich à la basse rugissante, plus traître que nature avec sa large
831
traître que nature avec sa large face mangée par
une
barbe en crin de cheval du diable. L’héroïne est belle comme une ball
832
in de cheval du diable. L’héroïne est belle comme
une
ballade de Bürger, tandis qu’elle arrose de ses larmes le seuil de la
833
le seuil de la prison paternelle, tout en coulant
un
clin d’œil assassin vers le parterre agité de passions contradictoire
834
e passions contradictoires. Durant les entractes,
une
fanfare de paysans bleu de roi joue sur un rythme impeccable, avec to
835
ctes, une fanfare de paysans bleu de roi joue sur
un
rythme impeccable, avec toujours les mêmes notes fêlées et l’accompag
836
ns les feuillages de voix fausses mais aériennes,
des
chansons populaires qui sont ce que je connais de plus indiciblement
837
e s’éloigne. La nuit est chaude sur les collines.
Un
grand verre de bière à l’auberge déserte, ma pipe et mon chien qui bo
838
ugonne. La petite maison du colonel en retraite a
des
fenêtres basses, mais défendues par des rosiers sauvages. Laquelle de
839
etraite a des fenêtres basses, mais défendues par
des
rosiers sauvages. Laquelle des trois filles est donc la plus jolie ?
840
mais défendues par des rosiers sauvages. Laquelle
des
trois filles est donc la plus jolie ? Sans doute celle qui dort dans
841
ages d’Allemagne. Cela se passe actuellement dans
un
hôtel tragi-comique en cinq étages et un prologue ou vestibule, plein
842
ent dans un hôtel tragi-comique en cinq étages et
un
prologue ou vestibule, plein de bruits de lavabos et de coups de cloc
843
tôt… Mais il est temps de mettre à ces fariboles
un
terme19. J’ai du solide à équarrir. Et auparavant, j’aimerais lire un
844
solide à équarrir. Et auparavant, j’aimerais lire
un
peu. Mes auteurs ? Goethe en tout temps ; Rodolphe Toepffer (admiré p
845
rcel North (juin 1930)ad Marcel North a trouvé
un
style qui ne ressemble qu’à sa fantaisie : la précision de son trait
846
’à sa fantaisie : la précision de son trait cerne
une
poésie ingénue, à la fois drue et délicate comme tout ce qui est vrai
847
roît en plein cœur de celui qui est mort d’amour,
une
âme qui s’envole par la bouche, des formes aériennes qui volent dans
848
mort d’amour, une âme qui s’envole par la bouche,
des
formes aériennes qui volent dans les Limbes, tout cela prend dans ces
849
ans les Limbes, tout cela prend dans ces gravures
une
réalité si touchante et si naturelle qu’on ne peut s’y tromper : la g
850
à experte et malicieuse. Ce que j’aime ici, c’est
un
ravissant concours d’ingénuité et d’observation ironique, et cette ne
851
ces compositions parmi les allégories barbares d’
un
ciel bon enfant, et dans ce truculent petit monde, Marcel North et l’
852
on n’ose reprocher à ces images ce qu’elles ont d’
un
peu grêle : leur jeunesse… Et si la composition s’amuse parfois à boi
853
s drôles, et ce violoneux qui tire son archet sur
des
rayons de soleil… Bravo, Marcel, v’là le printemps ! ad. Rougemont
854
La pluie et le beau temps (Dialogue dans
une
tête) (1932)ae af Lord Artur. — Vous êtes terriblement jolie auj
855
échante ? Sonnette. — Lord Artur, je ne suis pas
une
mauvaise femme, et si vous n’étiez pas si retors, vous verriez bien q
856
verriez bien que je ne suis pas plus coquette qu’
une
autre. Mais les hommes comme vous aiment que les femmes soient coquet
857
je suis à peine coquette, et vous savez que c’est
un
plaisir qu’on ne peut pas nous refuser ; du reste, cela me rend plus
858
vous aiment. Car elles sont insensées, mais comme
des
baisers dans l’air. Je voudrais vous poser une question, Sonnette. Un
859
r. Je voudrais vous poser une question, Sonnette.
Une
question très grave. Une question qui revient à peu près à ceci : Ête
860
une question, Sonnette. Une question très grave.
Une
question qui revient à peu près à ceci : Êtes-vous un être capable d’
861
uestion qui revient à peu près à ceci : Êtes-vous
un
être capable d’aimer, ou seulement une apparence adorable ? Et voici
862
: Êtes-vous un être capable d’aimer, ou seulement
une
apparence adorable ? Et voici cette question : Aimez-vous mieux la pl
863
çon de météorologie sentimentale. Comme vous êtes
un
profond pédant, dans cinq minutes je ne saurai plus même voir s’il fa
864
tre conception de l’amour se réfèrent en vérité à
une
carte postale en couleurs. Et non pas à la réalité. Car vous n’aimez
865
ar vous n’aimez pas réfléchir à la souffrance. (
Un
silence.) Sans doute, Sonnette, portez-vous de ces courtes bottes v
866
s petite fille, j’aimais me promener à la lisière
des
forêts, les jambes nues sous la pluie. L’herbe était pleine de sales
867
tits escargots, et les framboises humides avaient
un
délicieux goût fade. Je rentrais toute fière de mes genoux griffés co
868
rais toute fière de mes genoux griffés comme ceux
des
garçons, et le soir quand on me faisait souhaiter dans ma prière « qu
869
s herbes mouillées. Lord Artur. — On dit souvent
des
femmes qu’elles sont naturellement païennes. Mais les peuples païens
870
ce soir. Quand vous cédez à votre manie de remuer
des
métaphysiques à propos de petits riens, c’est toujours par dépit amou
871
vous laisse aller, ou si peut-être je vous pousse
un
peu, vous finirez par démontrer qu’il faut être chrétien pour compren
872
profondément que vous n’ayez pas plus de sens qu’
un
oiseau. Sonnette, si vous étiez païenne ou si vous étiez chrétienne,
873
ous adoriez la lumière, le beau temps vous serait
un
Dieu rendu visible ; et votre « bonheur » rien de plus que l’un des n
874
ible ; et votre « bonheur » rien de plus que l’un
des
noms de sa présence. Mais un jour la lumière est morte autour de nous
875
en de plus que l’un des noms de sa présence. Mais
un
jour la lumière est morte autour de nous, elle est morte à la surface
876
morte autour de nous, elle est morte à la surface
des
choses pour renaître au centre de l’homme. Et, dès lors, de tous les
877
i qui dans le même temps se passe à l’intérieur d’
un
être. Ainsi tout est changé, mais peu le savent. Peu savent le chemin
878
sens de l’Oracle qui lui avait dit d’aller bâtir
une
ville là où il trouverait la pluie et le beau temps, il rencontra en
879
la pluie et le beau temps, il rencontra en Italie
une
courtisane qui pleurait ; et en ce lieu bâtit la ville de Crotone.
880
Sonnette. — J’aime vos histoires, Lord Artur. (
Un
temps.) — Dites-moi, Lord Artur, si je pleurais, quel temps ferait-il
881
’elle se tient là « vêtue de son péché », — comme
une
courtisane. Mais vous n’êtes qu’une petite fille.20 20. [Note à l’
882
hé », — comme une courtisane. Mais vous n’êtes qu’
une
petite fille.20 20. [Note à l’achevé d’imprimé :] « Relativement à
883
ent réservés par Denis de Rougemont, à la suite d’
une
entente formelle avec les héritiers du baron de Crac, représentés par
884
eprésentés par le baron W. de Münchhausen, au bar
des
Vikings (Paris), fin septembre 1931. » ae. Rougemont Denis de, « La
885
is de, « La pluie et le beau temps (Dialogue dans
une
tête) », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg,
886
de l’avantage que je m’accorde en détachant ainsi
des
phrases du contexte. Mais si j’adoptais une autre méthode, les dimens
887
ainsi des phrases du contexte. Mais si j’adoptais
une
autre méthode, les dimensions de la Revue n’y suffiraient plus — ni l
888
ilosophes, de tout temps, ont montré du goût pour
une
certaine continuité, une certaine permanence qui planerait au-dessus
889
ont montré du goût pour une certaine continuité,
une
certaine permanence qui planerait au-dessus des vicissitudes du monde
890
, une certaine permanence qui planerait au-dessus
des
vicissitudes du monde et des résultats hautement contradictoires des
891
planerait au-dessus des vicissitudes du monde et
des
résultats hautement contradictoires des philosophies. La critique pos
892
monde et des résultats hautement contradictoires
des
philosophies. La critique postkantienne ayant fait justice de certain
893
survivantes chez certains penseurs, à connaître d’
une
vérité absolue, on put se demander si la philosophie n’allait pas dém
894
Laisser tomber la « discipline » ? Et d’ailleurs,
une
démission de la philosophie eût impliqué, au concret, la démission ré
895
i personne ne peut songer sérieusement. On trouva
des
solutions élégantes. D’une part, la philosophie se transforma en hist
896
la philosophie se transforma en histoire comparée
des
systèmes ; d’autre part, les « chercheurs » invétérés s’appliquèrent
897
chercheurs » invétérés s’appliquèrent à rétablir
une
permanence abstraite, qu’ils ne tardèrent pas à trouver dans la forme
898
s parle du créé et du créant. Mais nous voudrions
des
créateurs qui parlent. Peu nous importe les « conditions » purement
899
us importe les « conditions » purement logiques d’
une
vérité, qui, à nos yeux, demeure constamment jugée par une réalité qu
900
é, qui, à nos yeux, demeure constamment jugée par
une
réalité qui juge la logique même. Ce sont les conditions actuelles d
901
onditions actuelles de la vérité qui nous posent
un
problème, et non pas ses conditions « éternelles ». Nous ne pensons p
902
lles ». Nous ne pensons pas qu’il y ait lieu pour
un
philosophe, d’être rassuré par la découverte de telles conditions. El
903
peut-être la dogmatique laïque de la philosophie
des
sciences, durant quelques années encore. Mais ce n’est pas, comme cer
904
Mais ce n’est pas, comme certains le répètent, d’
une
dogmatique que nous avons besoin. Ce n’est pas d’une systématique, d’
905
dogmatique que nous avons besoin. Ce n’est pas d’
une
systématique, d’ailleurs déduite a posteriori. Ce n’est pas d’une mét
906
, d’ailleurs déduite a posteriori. Ce n’est pas d’
une
méthode de correction, ou d’assurances contre les paradoxes de l’exis
907
andons à la philosophie, c’est de mettre en forme
une
problématique réelle, existentielle, la problématique de la vie de l’
908
ctoire pour le mettre aux ordres de la foi. C’est
une
colle de scolastiques ; elle alimentera quelque temps encore les jeux
909
imentera quelque temps encore les jeux de société
des
congrès de mathématiciens et de logisticiens ; et pendant ce temps, c
910
end dès lors l’attrait que le thomisme a exercé à
un
moment donné sur la pensée protestante. On comprend également le reto
911
rise par Barth et son école (p. 14). L’adhésion à
une
pensée nouvelle est-elle suffisamment expliquée par l’insuffisance de
912
». Et c’est pourquoi nous ne pouvons pas accepter
un
instant le rapprochement qu’on nous invite à faire entre barthisme, t
913
érité ne peut opérer dans notre existence que par
un
choix, une décision, — un acte d’obéissance à l’ordre « tombé du ciel
914
eut opérer dans notre existence que par un choix,
une
décision, — un acte d’obéissance à l’ordre « tombé du ciel ». Comment
915
notre existence que par un choix, une décision, —
un
acte d’obéissance à l’ordre « tombé du ciel ». Comment parler de la «
916
. Comment parler de la « restauration intégrale d’
une
dogmatique appartenant aux siècles passés » (p. 14), à propos d’une t
917
artenant aux siècles passés » (p. 14), à propos d’
une
théologie dont le travail systématique consiste précisément à rejeter
918
la valeur absolue de la logique, de l’histoire et
des
méthodes critiques de M. Goguel ? 3. Si notre civilisation chrétienne
919
eut-on dire que pour le chrétien la perspective d’
un
nouveau progrès, d’une « marche en avant » de la civilisation capital
920
e chrétien la perspective d’un nouveau progrès, d’
une
« marche en avant » de la civilisation capitaliste-bourgeoise-nationa
921
ion capitaliste-bourgeoise-nationaliste fournisse
une
raison de se montrer optimiste ? Devant des mots comme « approfondiss
922
nisse une raison de se montrer optimiste ? Devant
des
mots comme « approfondissement » ou « élargissement » de notre horizo
923
ignifier au concret. Ce que cela veut dire. C’est
une
des leçons de la guerre. Notre refus est instinctif devant un avenir,
924
fier au concret. Ce que cela veut dire. C’est une
des
leçons de la guerre. Notre refus est instinctif devant un avenir, un
925
s de la guerre. Notre refus est instinctif devant
un
avenir, un espoir, une action dont les buts sont aussi vaguement défi
926
rre. Notre refus est instinctif devant un avenir,
un
espoir, une action dont les buts sont aussi vaguement définis. Car là
927
refus est instinctif devant un avenir, un espoir,
une
action dont les buts sont aussi vaguement définis. Car là où la pensé
928
n osé distinguer de précis, c’est là que l’action
des
hommes devient folle et meurtrière. 4. Il me semble que la tâche de l
929
otestante à l’heure actuelle est de dégager, dans
un
esprit de libre recherche et de respect pour le passé, les invariants
930
les affirmer (p. 16). Pourquoi ai-je envie, dans
une
telle phrase, de remplacer « libre recherche » par « obéissance », —
931
onstantes de déformation de l’Évangile au contact
des
humains. Et puis, que ferions-nous en attendant que les théologiens a
932
e ? Peine perdue ? — Grosses questions, questions
un
peu grosses, dira-t-on. Dans une époque comme la nôtre, ce sont celle
933
stions, questions un peu grosses, dira-t-on. Dans
une
époque comme la nôtre, ce sont celles qu’il faut poser si l’on veut r
934
aut poser si l’on veut réellement se tirer hors d’
une
confusion sans précédent — d’une confusion dont le profit ne sera jam
935
se tirer hors d’une confusion sans précédent — d’
une
confusion dont le profit ne sera jamais pour la foi. Car l’opération
936
la foi. Car l’opération de la foi ne relève pas d’
un
« invariant », connu ou inconnu, passé ou à venir, mais bien d’un ord
937
, connu ou inconnu, passé ou à venir, mais bien d’
un
ordre, reçu hic et nunc, et d’une présence, qui juge tout. ag. Rou
938
nir, mais bien d’un ordre, reçu hic et nunc, et d’
une
présence, qui juge tout. ag. Rougemont Denis de, « Petites notes s
939
René Guisan :
un
clerc (1935)ah ai Un clerc, un vrai clerc. Non pas cet être détach
940
René Guisan : un clerc (1935)ah ai
Un
clerc, un vrai clerc. Non pas cet être détaché, déraciné, de pure rai
941
René Guisan : un clerc (1935)ah ai Un clerc,
un
vrai clerc. Non pas cet être détaché, déraciné, de pure raison, que l
942
détaché, déraciné, de pure raison, que l’auteur d’
un
pamphlet fameux voulait nous donner pour modèle du clerc qui ne trahi
943
nner pour modèle du clerc qui ne trahit pas. Mais
une
figure presque parfaite d’intellectuel en action, d’homme qui pense c
944
l n’est d’action créatrice que soumise à la loi d’
une
pensée rigoureuse ; il n’est de pensée saine qu’engagée dans une œuvr
945
ureuse ; il n’est de pensée saine qu’engagée dans
une
œuvre efficace, au sein de contingences quotidiennes. Ces lieux commu
946
us utilement critique si vous alliez lui parler d’
un
projet, d’une œuvre en cours, des circonstances d’une humble vie. Il
947
critique si vous alliez lui parler d’un projet, d’
une
œuvre en cours, des circonstances d’une humble vie. Il faut décrire c
948
iez lui parler d’un projet, d’une œuvre en cours,
des
circonstances d’une humble vie. Il faut décrire ces éléments de sa «
949
projet, d’une œuvre en cours, des circonstances d’
une
humble vie. Il faut décrire ces éléments de sa « personne » en termes
950
les « problèmes » souvent si vagues qui peuplent
une
âme d’unioniste romand. Vraiment, le souvenir d’une influence et d’un
951
e âme d’unioniste romand. Vraiment, le souvenir d’
une
influence et d’une présence aussi directes et essentielles doit nous
952
omand. Vraiment, le souvenir d’une influence et d’
une
présence aussi directes et essentielles doit nous interdire désormais
953
nterdire désormais de considérer que l’esprit est
une
faculté détachée, un refuge hors de la réalité médiocre et basse. Pou
954
considérer que l’esprit est une faculté détachée,
un
refuge hors de la réalité médiocre et basse. Pour Guisan, l’esprit c’
955
t l’acte, l’aide effective apportée hic et nunc à
des
hommes bien réels dans leurs limites reconnues et acceptées. Il me se
956
ituel. ah. Rougemont Denis de, « René Guisan :
un
clerc », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg,
957
Vilain (novembre 1938)aj ak Le poète disait d’
une
belle voix d’amertume : — Nous n’avons plus guère de mesures pour les
958
rgie. Nos codes ne prévoient pas que l’assassin d’
un
noble sera puni plus sévèrement que n’eût été ce noble assassinant un
959
lus sévèrement que n’eût été ce noble assassinant
un
serf. Même l’indulgence pour les riches a cessé d’être bien certaine.
960
a cessé d’être bien certaine. Tout homme en vaut
un
autre, dit la loi ; et ce respect vulgarisé touche au mépris. De là v
961
z qu’on oscille du tout au rien, selon l’humeur d’
un
jury d’ailleurs désigné par le sort. Il n’en fut pas toujours ainsi.
962
de 126 vaches ; et en cas d’insulte, on lui doit
une
indemnité de 6 vaches et 20 pièces d’argent. » Ailleurs, on voit que
963
gent. » Ailleurs, on voit que si le barde adresse
une
requête au roi, il doit lui chanter un poème. S’il s’adresse à un nob
964
e adresse une requête au roi, il doit lui chanter
un
poème. S’il s’adresse à un noble, trois poèmes. Si c’est à un vilain,
965
i, il doit lui chanter un poème. S’il s’adresse à
un
noble, trois poèmes. Si c’est à un vilain, il faut que le barde chant
966
il s’adresse à un noble, trois poèmes. Si c’est à
un
vilain, il faut que le barde chante jusqu’à ce qu’il n’en puisse plus
967
: — À chacun selon sa faim. Heureux ceux qui ont
une
grande faim, c’est à cause d’eux qu’il y a de grandes œuvres. Car le
968
ète, mais sans nobles, sans rois, peut-il y avoir
des
vilains ? aj. Rougemont Denis de, « Le Poète et le Vilain », Revue
969
châtel-Genève-Fribourg, novembre 1938, p. 2. ak.
Une
note introductive précise : « Nous avons le plaisir de publier en têt
970
avons le plaisir de publier en tête de ce numéro
une
page inédite de Denis de Rougemont, qu’il a bien voulu extraire pour
971
ougemont, qu’il a bien voulu extraire pour nous d’
un
ouvrage qu’il prépare et qu’il intitulera Doctrine fabuleuse . »
972
Hölderlin dans le souvenir
des
noms splendides (1968)al Qu’est-ce qui persiste du poème qu’un jou
973
es (1968)al Qu’est-ce qui persiste du poème qu’
un
jour ou l’autre nuit nous avons lu puis oublié ? Un « ton fondamental
974
jour ou l’autre nuit nous avons lu puis oublié ?
Un
« ton fondamental » ? Des mouvements de mots ? ou seulement un désir
975
s avons lu puis oublié ? Un « ton fondamental » ?
Des
mouvements de mots ? ou seulement un désir différent de tout autre dé
976
amental » ? Des mouvements de mots ? ou seulement
un
désir différent de tout autre désir auparavant connu de le revivre, c
977
us rien n’est là ? Je ne gardais de Hölderlin que
des
souvenirs d’élans ou d’amples chutes, de rythmes brisés, de noms grec
978
intérieur. Ou moins encore, quelques syllabes et
des
tirets remplaçant le début ou la fin d’un verset, appels nostalgiquem
979
bes et des tirets remplaçant le début ou la fin d’
un
verset, appels nostalgiquement privés de sens à cause de tant d’année
980
Oder Die Weisheit... ou parfois, plus rarement,
une
large fin sereine : Und von neuem ein Jahr unserer Seele beginnt.
981
retrouvais sans trop de lacunes deux quatrains d’
une
déchirante simplicité, que j’avais traduits à vingt ans : Die Linien
982
té, que j’avais traduits à vingt ans : Die Linien
des
Lebens sind verschieden et Das Angenehme dieser Welt hab ich genossen
983
coupes du verset, ces attaques identiques de deux
des
grands poèmes de la folie : Nah ist Und schwer zu fassen der Gott21
984
rythme, pouvoirs du signe23, tirets qui jalonnent
un
silence, et ce n’est pas seulement absence du son, du sens, mais sour
985
absence du son, du sens, mais sourde pulsation d’
un
blanc, d’un vide. « Énigme, ce qui naît d’un jaillissement pur ! Et p
986
son, du sens, mais sourde pulsation d’un blanc, d’
un
vide. « Énigme, ce qui naît d’un jaillissement pur ! Et par le chant
987
on d’un blanc, d’un vide. « Énigme, ce qui naît d’
un
jaillissement pur ! Et par le chant lui-même à peine dévoilé ». Group
988
t, fils de la belle Nuit 24. Nuit blanche, nuit d’
un
bleu doré lunaire — négatif de cet azur noir du plein midi sur les Cy
989
a distance et dans le temps du rêve. Mais au-delà
des
accidents remémorés, qu’en était-il de la substance des grands poèmes
990
cidents remémorés, qu’en était-il de la substance
des
grands poèmes ? L’émotion rénovée par ces fragments — départs, invoca
991
lus vraie, plus efficace que le discours lui-même
des
grands Hymnes ? Il fallait enfin les relire. Je découvris alors que b
992
enfin les relire. Je découvris alors que beaucoup
des
fragments qui subsistaient dans ma mémoire avaient toujours été tels
993
toujours été tels dans le texte, émergeant comme
des
îles du blanc de la page, et parfois prolongés par une suite de tiret
994
les du blanc de la page, et parfois prolongés par
une
suite de tirets signalant des reliefs sous-marins25. En cherchant à l
995
rfois prolongés par une suite de tirets signalant
des
reliefs sous-marins25. En cherchant à les compléter par ce qu’ils dev
996
e faisais pas autre chose que le poète à partir d’
un
signe, d’un nom, d’une lumière de l’Hellade imaginée. Se souvenir ain
997
s autre chose que le poète à partir d’un signe, d’
un
nom, d’une lumière de l’Hellade imaginée. Se souvenir ainsi de Hölder
998
ose que le poète à partir d’un signe, d’un nom, d’
une
lumière de l’Hellade imaginée. Se souvenir ainsi de Hölderlin, c’étai
999
poème dans l’élan de sa nostalgie fondamentale. D’
une
poésie dont le mouvement profond de « réflexion » sur le « sentiment
1000
l » a pour fonction de « rappeler la vie perdue à
une
vie magnifiée »26, on peut bien dire qu’elle naît d’une nostalgie d’e
1001
e magnifiée »26, on peut bien dire qu’elle naît d’
une
nostalgie d’elle-même. Hölderlin, lui, dira qu’elle se constitue dans
1002
» à exprimer, c’est-à-dire dans « la transition d’
un
infini défini à un infini plus général », du « pur » au « multiple »
1003
-à-dire dans « la transition d’un infini défini à
un
infini plus général », du « pur » au « multiple » et « de l’Esprit au
1004
evenir dans le mythe. Le Neckar sera beau quand d’
une
Grèce dorienne — Cap Sounion, Olympie, temples ruinés d’Athènes, « fi
1005
a rivière « avec ses prés charmants et les saules
des
rives ». Neckar imaginé comme enfance perdue, mais aussi comme aimé d
1006
fance perdue, mais aussi comme aimé de loin, dans
un
futur anticipé qui fera de lui un passé. Ionie de rêve, où jamais il
1007
é de loin, dans un futur anticipé qui fera de lui
un
passé. Ionie de rêve, où jamais il n’ira, car elle n’est plus. Paysag
1008
on décrits et pour cause — par quelques épithètes
des
plus générales : belle, jeune, riante, native, sainte — éclatant, ver
1009
s les forêts de l’Indus ! Mallarmé fixe tout dans
un
présent glacé, intemporel (« Le transparent glacier des vols qui n’on
1010
ésent glacé, intemporel (« Le transparent glacier
des
vols qui n’ont pas fui »). Rimbaud, ses moments forts sont au futur p
1011
tre le souvenir de naguère et sa restitution dans
un
présent d’ubiquité. Éluard ne connaît que l’instant, le temps ponctue
1012
mps, dans l’espace, dans la transcendance, mais d’
une
absence qui est toujours appel, nostalgie qui se mue en prophétie ! H
1013
talgie qui se mue en prophétie ! Hölderlin a créé
des
temps nouveaux du Verbe qui nous meut et nous oriente : le passé de l
1014
nous oriente : le passé de l’invocatif28 qui est
un
temps de la prophétie, appelant le retour des dieux morts ou dormants
1015
est un temps de la prophétie, appelant le retour
des
dieux morts ou dormants ; l’imparfait anticipé, qui est le temps du p
1016
tels qu’il les a connus autrefois ». Ce n’est pas
un
langage imposé par le social impersonnel, tel que certains prétendent
1017
t de noms sacrés et de signes élus, qualifiés par
un
« ton fondamental ». C’est une sorte de code initiatique, le chiffre
1018
élus, qualifiés par un « ton fondamental ». C’est
une
sorte de code initiatique, le chiffre de sa religion. Noms de fleuves
1019
es dominant Delphes (et de plus haut encore fonce
un
milan sur sa proie d’ombre) au bord de la fontaine aux eaux « saintes
1020
ieds du Parnasse j’irai, et, dès que dans l’ombre
des
chênes Brillera la lueur de ton flot surgissant, Castalie ! Ah ! je v
1021
la prairie, l’eau sacrée et mes larmes, afin, Qu’
une
offrande pourtant vienne encore, ô Dormants délaissés, vous atteindre
1022
re ! Et, plus loin, dans le val qui se tait, près
des
rocs suspendus de Tempé, Près de vous j’élirai ma demeure à jamais, p
1023
a Pléiade. 27. Le Neckar, Pléiade, p. 459. 28.
Une
sorte de futur, en réalité, comme le futur antérieur est une sorte de
1024
e futur, en réalité, comme le futur antérieur est
une
sorte de passé. 29. Essai cité, Éd. de la Pléiade, p. 630. 30. Je c
1025
Rougemont Denis de, « Hölderlin dans le souvenir
des
noms splendides », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève