1 1926, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Avant-propos (décembre 1926)
1 Avant-propos (décembre 1926)a b Une mauvaise humeur qui flotte dans l’air nous proposerait de débuter par
2 nous affirmer ou à refuser de nous affirmer avec une netteté qui a pu paraître parfois quelque peu impertinente. Le fait e
3 ment encore à nous comprendre et de nous accorder une confiance sans laquelle nous ne saurions aller, et qui, nous voulons
4 ndons pas qu’on prenne toutes nos obscurités pour des profondeurs. Et nous n’allons pas procéder à quelque sensationnelle r
5 ns pas procéder à quelque sensationnelle révision des valeurs. Nous savons bien que nous ne faisons que passer, après tant
6 ses…   Nous ne proposerons pas, lecteur bénévole, un exercice mensuel à votre faculté d’indulgence. Par contre, nous nous
7 use en publiant cette revue. Nous ne sommes pas «  une revue littéraire de plus » ; nous ne voulons pas être « l’expression
8 plus qu’on puisse dire, c’est que vous le saurez un peu mieux quand vous aurez lu nos huit numéros. Il faut que notre rev
9 fleurs disparates, aux tiges divergentes, mais qu’ un ruban rouge et vert lie par la grâce d’une volonté sans doute divine…
10 mais qu’un ruban rouge et vert lie par la grâce d’ une volonté sans doute divine… a. Rougemont Denis de, « Avant-propos »
2 1926, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Paradoxe de la sincérité (décembre 1926)
11 e de la sincérité (décembre 1926)c Nous voyons un mythe prendre corps parmi les ruines de ce temps. Il fallait bien tir
12 e ce temps. Il fallait bien tirer quelque vertu d’ une anarchie dont on ne veut pas avouer qu’elle est plus nécessaire — pro
13 de courage moral, nous avons élevé à la hauteur d’ une vertu première — et qui légitime tous les dénis de morale à quoi nous
14 e moins avouables, — la sincérité, masque fier et un peu douloureux des défaitismes les plus subtils comme des plus pures
15 — la sincérité, masque fier et un peu douloureux des défaitismes les plus subtils comme des plus pures et loyales inquiétu
16 douloureux des défaitismes les plus subtils comme des plus pures et loyales inquiétudes. Sincérité, le mal du siècle. Tout
17 oisir, volonté de tout conserver en soi ? Ou bien une attitude en quelque sorte scientifique, à la fois curieuse et désinté
18 bé pour n’y plus rien comprendre. ⁂ Qu’on imagine un personnage de tableau se mettre à décrire ce qu’il voit autour de lui
19 e, il faudrait pouvoir sauter hors de soi. Seule, une méthode d’observation et de déduction passablement sèche pourrait nou
20 te opération idéale. En même temps, la froideur d’ une telle méthode atténuerait dans une certaine mesure — parce que nécess
21 aire — ce qu’il y a de déplaisant dans l’effort d’ un esprit pour se dégager de confusions aussi perfides et si profondémen
22 calculés », écrit Gide. D’où l’on peut tirer par une sorte de passage à la limite que les faits justifient : sincérité = s
23 sincérité spontanée, vertu moderne en qui renaît un mythe rousseauiste, inspire, explique un vaste domaine de la littérat
24 i renaît un mythe rousseauiste, inspire, explique un vaste domaine de la littérature contemporaine. Cette sorte-là de sinc
25 fait est que ce geste symbolique a déclenché tout un mouvement littéraire, celui-là même qui aboutit naguère au surréalism
26 incongru du héros n’est jamais que le résultat d’ un mécanisme inconscient, aussi révélateur du personnage que ses actions
27 concertées. Rien n’est gratuit que relativement à un système restreint de références. Il résulte de semblables considérat
28 té. D’autre part, on veut donner à l’acte gratuit une valeur morale en disant qu’il révèle ce qu’il y a de plus secret dans
29 a de plus secret dans la personnalité. Ce serait un moyen de connaissance plus intégrale de soi. Mais pour être moins pit
30 ion réfléchie, aussi peu gratuite que possible, d’ un Julien Sorel, est-elle moins révélatrice du fond de l’âme humaine ? Q
31 on rôle en se bornant à nous donner de nous-mêmes une connaissance plus intense et plus émouvante ; mais la morale, plutôt
32 r exemple. — Je m’assieds à mon bureau, je prends une feuille blanche, je vais écrire ce que je trouve en moi (sentiments,
33 tions, obscurités, etc.). Supposons que j’éprouve un désir d’action vive, un élan vers certain but précis. Ou bien j’aura
34 . Supposons que j’éprouve un désir d’action vive, un élan vers certain but précis. Ou bien j’aurais juste le temps de le
35 s. Ce n’est plus l’élan pur que je décris : c’est un élan freiné dans mon esprit, c’est le frein lui-même, bientôt — par u
36 on esprit, c’est le frein lui-même, bientôt — par un mouvement normal de l’attention — et fatalement c’est à la découverte
37 attention — et fatalement c’est à la découverte d’ une faiblesse que j’aboutis : ce quelque chose qui m’a retenu d’accomplir
38 oint : à quoi en suis-je, qui suis-je ? Je revois des actes accomplis, je revis plus ou moins fortement des sentiments que
39 actes accomplis, je revis plus ou moins fortement des sentiments que je crois avoir éprouvés à tel moment de mon passé. Par
40 finies (telle sensation physique de bonheur, dans une rue au coucher du soleil, des phares d’automobiles étoilent le brouil
41 ue de bonheur, dans une rue au coucher du soleil, des phares d’automobiles étoilent le brouillard, les visages se cachent d
42 oilent le brouillard, les visages se cachent dans des fourrures, personne ne sait la richesse de ta vie…). J’écris ces chos
43 hesse de ta vie…). J’écris ces choses. Puis, dans un ancien carnet de notes, je retrouve un être si différent. Les gestes
44 Puis, dans un ancien carnet de notes, je retrouve un être si différent. Les gestes et les sentiments qui se proposaient à
45 où je me penchais sur mon passé. Ou, pour user d’ une image plus précise, cette minute est baignée d’une lueur de tristesse
46 ne image plus précise, cette minute est baignée d’ une lueur de tristesse ou de sérénité qui métamorphose le paysage du pass
47 e quelque chose, c’est bien le second. La qualité des souvenirs qu’il me livre me renseigne assez exactement, non sur mon p
48 a méthode indiquée dans le premier exemple. C’est un cas-limite, j’en conviens. Pourtant, n’est-ce pas le schéma de tout u
49 onviens. Pourtant, n’est-ce pas le schéma de tout un genre littéraire moderne, cette espèce de confession romancée dont le
50 ces livres évoquent assez précisément la forme d’ un entonnoir. La vie serait le liquide tourbillonnant à l’intérieur. Un
51 e serait le liquide tourbillonnant à l’intérieur. Un arrêt (l’auteur se met à se regarder vivre, le personnage à douter du
52 et les forces centripètes l’emportent peu à peu, une aspiration vers le bas produit une agitation accélérée et folle, puis
53 ent peu à peu, une aspiration vers le bas produit une agitation accélérée et folle, puis tout finit dans un râle, brusqueme
54 gitation accélérée et folle, puis tout finit dans un râle, brusquement c’est le vide. Centre de soi, l’aspiration du néant
55 évocation de mes désirs anciens ne me restitue qu’ un dégoût. J’ai cru que je pourrais me regarder sans rien toucher en moi
56 s à la destruction de moi-même. Par les fissures, un instant, j’ai pu soupçonner des profondeurs ; mais déjà c’est le chao
57 Par les fissures, un instant, j’ai pu soupçonner des profondeurs ; mais déjà c’est le chaos. Mon corps et moi, le livre s
58 purement (« cette curiosité donnée comme raison d’ une perpétuelle attente »), — ce que l’auteur découvre c’est ce « merveil
59 dentes). Rivière définissait la sincérité comme «  un perpétuel effort pour créer son âme telle qu’elle est ». Il voyait da
60 st ». Il voyait dans cet effort sur soi le gage d’ un enrichissement, d’une consolidation de l’individu mais avant tout un
61 cet effort sur soi le gage d’un enrichissement, d’ une consolidation de l’individu mais avant tout un moyen de se connaître.
62 d’une consolidation de l’individu mais avant tout un moyen de se connaître. Cependant, n’est-ce pas lui-même qui ajoutait
63 gée comme moyen de connaissance, le cas extrême d’ un Crevel nous montre assez ce qu’il faut penser2. Il ne s’en suit pas q
64 ut penser2. Il ne s’en suit pas que contenue dans des limites assez étroites empiriquement fournies par le sens de son inté
65 ement fournies par le sens de son intérêt propre, une analyse sincère ne puisse faire découvrir quelques richesses et ne se
66 ficace. Mais les bénéfices sont maigres en regard des dangers que la sincérité du noli me tangere fait courir, tant dans le
67 c’est se porter à l’extrême pointe de soi, et, d’ un élan, se dépasser ; c’est créer une différence. Pourquoi les romancie
68 de soi, et, d’un élan, se dépasser ; c’est créer une différence. Pourquoi les romanciers modernes ont-ils tant de mal à cr
69 s romanciers modernes ont-ils tant de mal à créer des personnages ? C’est parce qu’une sorte de sincérité les retient d’imp
70 t de mal à créer des personnages ? C’est parce qu’ une sorte de sincérité les retient d’imposer aux héros ce rythme volontai
71 imposer aux héros ce rythme volontaire par lequel un Balzac les fait vivre. Ce serait fausser quelque chose à leurs yeux.
72 serait fausser quelque chose à leurs yeux. Le cas des Faux-Monnayeurs le montre clairement. En morale : défaitisme quand il
73 uand il s’agit de gestes qui pourraient entraîner des effets imprévisibles, « réalisme » décourageant, et, bientôt, incapac
74 acité d’agir efficacement. (Il faut, pour sauter, une confiance dans l’élan qui échappe à toute analyse préalable et sans q
75 de constater. F. Raub. La sincérité obstinée d’ un Rivière n’a plus rien de spontané. En quoi est-ce encore de la sincér
76 lier la vérité qu’on désirait qu’ils cachent pour un moment. « L’art est un mensonge, mais un bon artiste n’est pas menteu
77 sirait qu’ils cachent pour un moment. « L’art est un mensonge, mais un bon artiste n’est pas menteur », dit Max Jacob. « Ê
78 ent pour un moment. « L’art est un mensonge, mais un bon artiste n’est pas menteur », dit Max Jacob. « Être sincère, c’est
79 foi ; c’est la volonté de sincérité, c’est-à-dire une sincérité tournée au vice, invertie, qui retient de l’oser. Petite
80 eux. Au hasard de quelques lectures, je pris note des passages suivants (les paraphraser serait d’une ingratitude insigne —
81 e des passages suivants (les paraphraser serait d’ une ingratitude insigne — ils marquent au reste fort bien les jalons de c
82 ême à son propre regard. Ainsi la valeur morale d’ un homme équivalait-elle à l’illusion qu’il était capable d’entretenir s
83 r lui-même. (Marcel Jouhandeau.) Ce qu’on appelle une œuvre sincère est celle qui est douée d’assez de force pour donner de
84 r donner de la réalité à l’illusion. (Max Jacob.) Un rôle ? Oui. Mais si le personnage est maintenu jusqu’à la mort, il se
85 le faut dépasser.)   Si j’en crois l’intensité d’ un sentiment intime, ce moi idéal que j’appelle en chaque minute de ma j
86 aque minute de ma joie est plus réel que celui qu’ une analyse désolée s’imaginait retenir. Dès lors, ce n’est pas lâcher la
87 isie consolante et libératrice. Mais tu m’offrais un visage un peu crispé, signe d’une ironie secrète et pour moi douloure
88 lante et libératrice. Mais tu m’offrais un visage un peu crispé, signe d’une ironie secrète et pour moi douloureuse encore
89 ais tu m’offrais un visage un peu crispé, signe d’ une ironie secrète et pour moi douloureuse encore. Pitoyable, trop visibl
90 t, tu prêtais bien quelques voiles à mon dégoût d’ un moi que la vie me montrait si désespérément vrai, tyrannique, insuffi
91 désespérément vrai, tyrannique, insuffisant. Mais un pli de ta lèvre, un peu sceptique, quand mon esprit partait dans le r
92 tyrannique, insuffisant. Mais un pli de ta lèvre, un peu sceptique, quand mon esprit partait dans le rêve d’un idéal de fo
93 ceptique, quand mon esprit partait dans le rêve d’ un idéal de fortune, idole naïve de ma jeune angoisse… Je t’ai mieux aim
94 e… Je t’ai mieux aimée ; d’autres soirs, alors qu’ une symphonie de joies émanait de toute la vie : chaque chose proposait u
95 émanait de toute la vie : chaque chose proposait une ferveur nouvelle, et chaque être un plus prenant sourire. Cependant q
96 se proposait une ferveur nouvelle, et chaque être un plus prenant sourire. Cependant que ma joie — un état de grâce, un am
97 un plus prenant sourire. Cependant que ma joie — un état de grâce, un amour — ne pouvait se satisfaire de telle possessio
98 ourire. Cependant que ma joie — un état de grâce, un amour — ne pouvait se satisfaire de telle possession particulière, ne
99 que momentanément je choisissais de laisser — et des baisers à tous les vents — qu’il eût été loisible d’attribuer comme o
100 igurants de mon bonheur que je me conciliais pour des retours possibles. C’est ainsi que fidèle à soi-même au plus profond
101 me au plus profond de l’être, on entretient comme une arrière-pensée sagace et obstinée l’assurance d’une continuité entre
102 e arrière-pensée sagace et obstinée l’assurance d’ une continuité entre ses actions et ses désirs, un quant-à-soi qui ne gên
103 d’une continuité entre ses actions et ses désirs, un quant-à-soi qui ne gêne aucun geste, mais incline discrètement les dé
104 iscrètement les décisions et les rend complices d’ un dessein logique, peut-être lointain, en quoi consiste l’unité la plus
105  ! Voir l’heure à la pendule pendant l’étreinte d’ un adieu et calculer rapidement le retour à une fidélité plus profonde.
106 nte d’un adieu et calculer rapidement le retour à une fidélité plus profonde. Fidélité à sa loi individuelle, quelles merve
107 s merveilleuses duperies cela suppose. Mais c’est une honnêteté peut-être plus réelle que l’autre. Et l’on conçoit que ce c
108 ant et secret assujettissement au moi idéal exige une politique des sentiments plus subtile et, je pense, moins vulgaire qu
109 assujettissement au moi idéal exige une politique des sentiments plus subtile et, je pense, moins vulgaire que cette agilit
110 rivisme, et séduction dans les salons. Constater une faiblesse, c’est toujours un peu en prendre son parti. La sincérité c
111 salons. Constater une faiblesse, c’est toujours un peu en prendre son parti. La sincérité crée en nous un fait accompli.
112 u en prendre son parti. La sincérité crée en nous un fait accompli. J’appelle hypocrisie envers soi-même une volonté — si
113 it accompli. J’appelle hypocrisie envers soi-même une volonté — si profonde qu’elle n’a pas besoin de s’expliciter pour êtr
114 ne veux plus souffrir. (Car il n’est peut-être qu’ une espèce de souffrance véritablement insupportable, c’est celle qu’on t
115 e qu’on tire de soi-même.) Hypocrisie, ce sourire des sphinx ; hypocrisie, masque ambigu d’une liberté plus précieuse que t
116 sourire des sphinx ; hypocrisie, masque ambigu d’ une liberté plus précieuse que toute certitude… Ô vérité, ma vérité, non
117 pposé dans le premier exemple, ce serait le récit des gestes qu’il m’aurait fait commettre. Manifester est plus sincère qu’
118 derne souligne la quasi-impossibilité de traduire un dynamisme directement dans notre langage statique. 3. « Et certes qu
119 parole ou d’écriture, l’affirmation prouve moins une certitude qu’un désir de certitude né de quelque doute au fond. » (Re
120 ture, l’affirmation prouve moins une certitude qu’ un désir de certitude né de quelque doute au fond. » (René Crevel) c.
3 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Billets aigres-doux (janvier 1927)
121 ux amours perdues Sur le mont gris pâlissants Des bouquets de vagues brumes. Insulter ta beauté froide ? Oui, mais à qu
122 roide, En souffrance mes baisers. L’amour est un alibi Nos lèvres sitôt que jointes, Ô dernier mensonge tu, Je m’e
123 ves Où sourient quels anges fous. L’horaire dicte un adieu, La mode qu’on rie des pleurs, Lors je baise votre main Comme o
124 fous. L’horaire dicte un adieu, La mode qu’on rie des pleurs, Lors je baise votre main Comme on signe d’un faux nom. d.
125 pleurs, Lors je baise votre main Comme on signe d’ un faux nom. d. Rougemont Denis de, « Billets aigres-doux », Revue
4 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Conte métaphysique : L’individu atteint de strabisme (janvier 1927)
126 me le démiurge venait de peser sur le commutateur des étoiles… l’une, se décrochant sans plus d’hésitation, se mit à pérégr
127 compté jusqu’alors que d’authentiques avocats et un chapelier dont tous s’accordaient à dire qu’il ne péchait que par exc
128 rintanière, Urbain donc, premier mauvais garçon d’ une race entre toutes bénie — par qui ? elle était anticléricale, on ne s
129 diquement dissimulé. Vers 1 heure, elle éclaira d’ une rose caresse lumineuse la chevelure rouge d’Urbain, et son nez, leque
130 s le souvenir les vent-coulis de la mort. Garçon, un café, un ! » Mais l’étoile chantait dans l’axe de sa vie normale et s
131 enir les vent-coulis de la mort. Garçon, un café, un  ! » Mais l’étoile chantait dans l’axe de sa vie normale et s’approcha
132 e — celle à qui sourit la Fortune. Urbain, fort d’ une hérédité judiciaire et française, dédaigna des avances que la perte d
133 d’une hérédité judiciaire et française, dédaigna des avances que la perte de son sens de l’éternel rendait pourtant consid
134 ses poches, ôta ses gants qu’il jeta, puis, après un grand coup de pied dans le vide symbolique des systèmes, sortit, c’es
135 rès un grand coup de pied dans le vide symbolique des systèmes, sortit, c’est-à-dire qu’il fit un pas dans une direction qu
136 ique des systèmes, sortit, c’est-à-dire qu’il fit un pas dans une direction quelconque. L’étoile pleurait, sentimentale.
137 tèmes, sortit, c’est-à-dire qu’il fit un pas dans une direction quelconque. L’étoile pleurait, sentimentale. f. Rougemon
5 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Dans le Style (janvier 1927)
138 Dans le Style (janvier 1927)h Nous recevons d’ un bellettrien facétieux cet « Hommage à Paul Morand » : Billet circul
139 res, aux tire-l’œil. Lors : Lewis, sifflant comme un fusil automatique, fait balle au cerveau du poète qui meurt de sommei
140 e tunnel sous la Manche escamoté, le train dépose des complets rigides contenant des Anglais fragiles. L’aube tire un écran
141 é, le train dépose des complets rigides contenant des Anglais fragiles. L’aube tire un écran de pluies sur le paysage comme
142 gides contenant des Anglais fragiles. L’aube tire un écran de pluies sur le paysage commercial. Terminus : Morand, s’éveil
6 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Lettre du survivant (février 1927)
143 moiselle, Il faut d’abord que je m’excuse : c’est un peu prétentieux de vous écrire au moment où je vais me suicider, d’au
144 .) Je vous ai rencontrée quatre ou cinq fois dans des lieux de plaisir, comme on dit, sans doute parce que c’est là que se
145 . Enfin, avant-hier, à ce bal. J’avais demandé à un de mes amis, qui vous connaît4, de me présenter. Il m’en avait donné
146 s rencontrèrent les miens plus d’une fois pendant une danse qu’il fit avec vous, mais vous les détourniez soudain comme pou
147 les détourniez soudain comme pour vous arracher à une obsession secrètement attirante ; et je pensais que la force de mon d
148 je me trouvais tout près de vous. Mon ami me fit un signe discret, et déjà il se préparait à vous rendre attentive à ma p
149 heur me paralysa. Je venais d’entrevoir l’image d’ un couple heureux et banal, votre sourire répondant au mien, comme on vo
150 re répondant au mien, comme on voit au dénouement des films populaires et sur des cartes postales illustrées. Déjà la foule
151 on voit au dénouement des films populaires et sur des cartes postales illustrées. Déjà la foule des danseurs nous séparait,
152 sur des cartes postales illustrées. Déjà la foule des danseurs nous séparait, mon ami se détournait, un peu vexé ; vous dis
153 es danseurs nous séparait, mon ami se détournait, un peu vexé ; vous disparaissiez au milieu d’un cortège de rires empress
154 ait, un peu vexé ; vous disparaissiez au milieu d’ un cortège de rires empressés. Une autre danse reprenait. Je sentis une
155 issiez au milieu d’un cortège de rires empressés. Une autre danse reprenait. Je sentis une invincible lassitude me saisir e
156 s empressés. Une autre danse reprenait. Je sentis une invincible lassitude me saisir et m’assis à l’écart. On me demandait,
157 it, en passant, si j’étais malade. Je désignais d’ un geste incertain quelques bouteilles de champagne vides ; car on pardo
158 taines douleurs. Même, je fus obligé de confier à un ami que j’en avais repris … Les archets jouaient sur mes nerfs. Le ja
159 œillères géantes aux pensées, le ciel trop bas d’ un rêve sans issue, pesant comme l’envie d’un sommeil sans fin… J’avais
160 bas d’un rêve sans issue, pesant comme l’envie d’ un sommeil sans fin… J’avais soif, mais la seule vue d’un liquide me sou
161 mmeil sans fin… J’avais soif, mais la seule vue d’ un liquide me soulevait le cœur. L’aube parut. On éteignit toutes les la
162 dans l’ombre livide, aux cris fêlés et déchirants des saxophones. Sortie dans un matin sourd, frileux, qui avait la nausée.
163 s fêlés et déchirants des saxophones. Sortie dans un matin sourd, frileux, qui avait la nausée. Je rentrai seul. Voici que
164 ordre où je venais de jeter mon col de smoking et un œillet, pauvre gentillesse d’une autre femme dont le seul défaut fut
165 col de smoking et un œillet, pauvre gentillesse d’ une autre femme dont le seul défaut fut de m’aimer… (Froid aux genoux, od
166 re pensif. Ton regard est plus grand que le chant des violons. Aube dure ! En ma tête rôde ton souvenir, comme une femme nu
167 . Aube dure ! En ma tête rôde ton souvenir, comme une femme nue dans une chambre étroite… J’ai dormi quelques heures, d’un
168 tête rôde ton souvenir, comme une femme nue dans une chambre étroite… J’ai dormi quelques heures, d’un sommeil triste, tou
169 ne chambre étroite… J’ai dormi quelques heures, d’ un sommeil triste, tout enfiévré par la crainte du réveil. Puis je suis
170 bal, au vestiaire, je vous avais entendue donner un rendez-vous au thé du Printemps. J’ai rôdé dans la joie féminine des
171 thé du Printemps. J’ai rôdé dans la joie féminine des grands magasins, n’osant pas repasser trop souvent devant les ascense
172 ent : je devais paraître si perdu. Chaque fois qu’ un paquet de dix personnes s’engouffrait dans la cage rouge et or et s’é
173 ans la cage rouge et or et s’élevait, j’éprouvais un petit arrachement, comme précisément un enfant qui monte pour la prem
174 éprouvais un petit arrachement, comme précisément un enfant qui monte pour la première fois… Je me disais encore : Si je p
175 en face de votre bel ami laqué, souriante… Enfin, un peu après 6 heures, je suis sorti. Il y avait beaucoup de monde dans
176 partout. Chaque visage de femme révélait soudain un trait de votre visage. Il aurait fallu courir après celle-là qui vena
177 prochain autobus, — si rapide : déjà les lumières des boulevards glissaient des reflets sur l’asphalte mouillé. Les pieds d
178 ide : déjà les lumières des boulevards glissaient des reflets sur l’asphalte mouillé. Les pieds dans l’eau, les jambes fati
179 ces élans réticents, maladroits, contradictoires… Un autobus de luxe s’était arrêté tout près de moi. Je vis un visage à l
180 s de luxe s’était arrêté tout près de moi. Je vis un visage à l’intérieur se pencher vers la vitre… Je montai. Il n’y avai
181 encher vers la vitre… Je montai. Il n’y avait que des dames. Personne ne parlait. La jeune femme qui s’était penchée vous r
182 ais je n’osais presque pas la regarder, à cause d’ une incertitude qui redonnait tout son empire à ma timidité. Peut-être ét
183 r. Je descendis derrière elle. Mais tout de suite des parapluies la dérobèrent à mes yeux. Une bouche de métro m’attira. Le
184 de suite des parapluies la dérobèrent à mes yeux. Une bouche de métro m’attira. Les rames s’arrêtaient avec un sifflement p
185 he de métro m’attira. Les rames s’arrêtaient avec un sifflement particulièrement doux pour ma fatigue, et ces gens pressés
186 vait contracter mon visage. Je promenais sur tous des regards angoissés, avides, implorants. Oh ! toutes les femmes que j’a
187 es les femmes que j’ai fait souffrir cette nuit d’ un long regard de damné. À minuit, tellement épuisé que je mêlais à mes
188 uit, tellement épuisé que je mêlais à mes pensées des fragments de rêves et les personnages des affiches, tout en marchant
189 pensées des fragments de rêves et les personnages des affiches, tout en marchant sans fin dans les couloirs implacablement
190 ar bribes de phrases incohérentes. Je voyais avec une sombre joie les employés et les voyageurs s’inquiéter. Bientôt on m’e
191 s s’inquiéter. Bientôt on m’entraîna de force sur un trottoir roulant qui me remonta dans la rue. La fraîcheur de la brume
192 t que ma vie, ma mort. Mon Dieu, il n’y a plus qu’ un glissement gris, sans fin… Il faudrait que je dorme : il n’y aurait p
193 e je dorme : il n’y aurait plus rien. 4. Encore un qui vous aime, je ne vous dirai pas son nom. i. Rougemont Denis de,
7 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Orphée sans charme (février 1927)
194 par l’auteur », écrivait Cocteau dans la préface des Mariés de la tour Eiffel. Et une note d’Orphée précise : « Inutile de
195 dans la préface des Mariés de la tour Eiffel. Et une note d’Orphée précise : « Inutile de dire qu’il n’y a pas un seul sym
196 rphée précise : « Inutile de dire qu’il n’y a pas un seul symbole dans la pièce. » Ce qui me gêne pourtant, c’est d’y déco
197 certé la possibilité. Orphée, par exemple, serait un poète surréaliste. « Il faut jeter une bombe, dit-il, il faut obtenir
198 ple, serait un poète surréaliste. « Il faut jeter une bombe, dit-il, il faut obtenir un scandale. Il faut un de ces orages
199  Il faut jeter une bombe, dit-il, il faut obtenir un scandale. Il faut un de ces orages qui rafraîchissent l’air. » Il pré
200 mbe, dit-il, il faut obtenir un scandale. Il faut un de ces orages qui rafraîchissent l’air. » Il prétend « traquer l’inco
201 ir faire admettre que la poésie consiste à écrire une phrase ». Et cette phrase, c’est un cheval savant qui la lui a dictée
202 ste à écrire une phrase ». Et cette phrase, c’est un cheval savant qui la lui a dictée : « Madame Eurydice Reviendra Des E
203 Eurydice Reviendra Des Enfers. » — « Ce n’est pas une phrase, s’écrie-t-il, c’est un poème, un poème du rêve, une fleur du
204 — « Ce n’est pas une phrase, s’écrie-t-il, c’est un poème, un poème du rêve, une fleur du fond de la mort. » Or, on décou
205 est pas une phrase, s’écrie-t-il, c’est un poème, un poème du rêve, une fleur du fond de la mort. » Or, on découvre à la f
206 , s’écrie-t-il, c’est un poème, un poème du rêve, une fleur du fond de la mort. » Or, on découvre à la fin de la pièce que
207  » Or, on découvre à la fin de la pièce que c’est une anagramme un peu ordurière. Ainsi les rêves publiés par les surréalis
208 uvre à la fin de la pièce que c’est une anagramme un peu ordurière. Ainsi les rêves publiés par les surréalistes, donnés à
209 pourrais poursuivre le jeu. Et puis, il y a aussi des sortes de calembours… Art chrétien, a-t-on dit5. Certes, cette pièce
210 tes, cette pièce n’est pas dépourvue de certaines des qualités qui, selon Max Jacob, permettraient seules de taxer de chrét
211 acob, permettraient seules de taxer de chrétienne une œuvre d’art. Mais, d’autre part, cette équivoque des symboles, cette
212 œuvre d’art. Mais, d’autre part, cette équivoque des symboles, cette simplicité à chausse-trappes, cette habileté surtout.
213 l’auteur du Secret professionnel et de la préface des Mariés — principes dont l’énoncé brillant et définitif restera l’un d
214 dont l’énoncé brillant et définitif restera l’un des titres les plus authentiques de Cocteau. Précision et relief du dialo
215 ion et relief du dialogue, ingénieuse utilisation des expressions courantes, maximum de « situation » des personnages obten
216 s expressions courantes, maximum de « situation » des personnages obtenu avec un minimum de répliques ; enfin, un style par
217 imum de « situation » des personnages obtenu avec un minimum de répliques ; enfin, un style parfaitement pauvre dans le dé
218 ages obtenu avec un minimum de répliques ; enfin, un style parfaitement pauvre dans le détail, un vrai style de théâtre, d
219 fin, un style parfaitement pauvre dans le détail, un vrai style de théâtre, d’une netteté qui pourtant n’est pas maigre, d
220 auvre dans le détail, un vrai style de théâtre, d’ une netteté qui pourtant n’est pas maigre, d’une familiarité dramatique q
221 e, d’une netteté qui pourtant n’est pas maigre, d’ une familiarité dramatique qui cerne le mystère d’un trait pur. Il semble
222 une familiarité dramatique qui cerne le mystère d’ un trait pur. Il semble que Cocteau ait réalisé là exactement ce qu’il v
223 d’en être l’organisateur », disait le photographe des Mariés. Dans Orphée, le mystère ne peut plus dépasser l’auteur : il l
224 cher à Cocteau, c’est d’avoir réussi complètement une pièce, prouvant une fois de plus que l’atmosphère de l’« art pur » n’
225 ie. Parce qu’une fois de plus, Cocteau a comprimé des pétales de roses dans du cristal taillé, selon toutes les règles de l
226 se, est sans parfum.   (Tout de même, Cocteau est un poète : j’en verrais une preuve, pour mon compte, dans le fait que je
227 Tout de même, Cocteau est un poète : j’en verrais une preuve, pour mon compte, dans le fait que je ne sais parler de lui au
228 azette de Lausanne . Et même il appelait Orphée «  une tragédie de l’amour conjugal ». Vraiment, nous n’en demandions pas ta
8 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). L’autre œil (février 1927)
229 Décembre L’époque s’ouvre où l’on attend un miracle pour la fin de la semaine. « Messieurs, disait Dardel, y a pa
230 re quelque chose. Que diable ! nous ne sommes pas des imbéciles, nous ne sommes pas de ces gens qui croient que 2 et 2 font
231 qui confondent Jérôme et Jean Tharaud ! » Il y a des soirs où tout ça semble idiot. Il y a des soirs où une idée de la res
232 Il y a des soirs où tout ça semble idiot. Il y a des soirs où une idée de la responsabilité s’empare de nous. Et nous calc
233 oirs où tout ça semble idiot. Il y a des soirs où une idée de la responsabilité s’empare de nous. Et nous calculons qu’il s
234 evue par chacun dans son for le plus intérieur, d’ une fuite en auto, nous rassure provisoirement… Prosopopée, à propos d
235 rassure provisoirement… Prosopopée, à propos d’ une apparition La vieille Monture 6 un soir nous apparut, lugubrement
236 à propos d’une apparition La vieille Monture 6 un soir nous apparut, lugubrement fardée, l’haleine mauvaise, édentée et
237 l’haleine mauvaise, édentée et tâchant à prendre un accent anglais d’un comique assez macabre. Ses derniers sectateurs, d
238 édentée et tâchant à prendre un accent anglais d’ un comique assez macabre. Ses derniers sectateurs, désignant d’un doigt
239 sez macabre. Ses derniers sectateurs, désignant d’ un doigt impitoyable son flanc déjà meurtri, la suivaient en hurlant : «
240 là ! »… Est-il plus atroce spectacle que celui d’ une maîtresse jadis belle et diserte qui tombe au ruisseau en prononçant
241 orreur, les bellettriens avaient fui. Au détour d’ une ivresse, ils rencontrèrent une créature évadée d’anciens rêves qui ha
242 t fui. Au détour d’une ivresse, ils rencontrèrent une créature évadée d’anciens rêves qui hantait les limbes depuis un an d
243 dée d’anciens rêves qui hantait les limbes depuis un an déjà. Ils ne tardèrent pas à reconnaître Cinématoma. Naissance
244 rable monstre. Ils se réunissent parfois autour d’ un feu et le contemplent un certain temps en silence. « Well ! », dit en
245 nissent parfois autour d’un feu et le contemplent un certain temps en silence. « Well ! », dit enfin Dardel. Les autres n’
246 ’en pensent pas moins. Quelquefois, Mossoul amène un scénario né entre deux cafés-nature, et presque sans qu’il s’en soit
247 ans qu’il s’en soit rendu compte. Clerc entrevoit un projet à deux faces. Lugin, qui est théologien, et de la Tchaux, n’a
248 u milieu de ce paludesque et stérile consistoire, une idée de génie vint s’asseoir certaine nuit. Elle parla par la bouche
249 dans la langue de Lugin : « Le rideau se lève sur un miroir qui occupe toute la largeur de la scène. Titre : Socrate et Na
250 largeur de la scène. Titre : Socrate et Narcisse, un acte à grande figuration. » Enfin l’on joua aux petits dés le sort de
251 fin de négocier la vente de cette martingale avec des surréalistes hétérodoxes. Il revint juste à temps pour assister à la
252 ainsi que le disait si poétiquement le programme. Un peu d’histoire (erratum de la chronique de Mossoul). Belles-Lettres j
253 ine était interdit à l’écran. Pitoëff avait prêté un accent, Mme d’Assilva deux actrices, M. Grosclaude son fils Lucas Lou
254 ctrices, M. Grosclaude son fils Lucas Loukitch et une mise en scène fort ingénieuse qui permit à Mossoul de se perdre dans
255 ingénieuse qui permit à Mossoul de se perdre dans des jupons autrement que par métaphore. À La Chaux-de-Fonds, il y eut tre
256 de Bec-de-Gaz, lequel s’éteignit dans les neiges. Un jour, on s’aperçut que cette chose avait recommencé, qu’on appelle, s
9 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Entr’acte de René Clair, ou L’éloge du Miracle (mars 1927)
257 Max Jacob. Ce soir-là, le programme comprenait : un film d’avant-guerre ; un film japonais ; Entr’acte et le Voyage imagi
258 e programme comprenait : un film d’avant-guerre ; un film japonais ; Entr’acte et le Voyage imaginaire, de René Clair. La
259 ort de Phèdre (environ 1905) : quelques acteurs d’ une troupe de province s’agitent incompréhensiblement dans un décor très
260 e de province s’agitent incompréhensiblement dans un décor très pauvre, légèrement coloré. Le principe est simple : « Je v
261 par trois ou quatre claques sur la poitrine ; et une crise intérieure par un court accès de danse de Saint-Guy. Art classi
262 ues sur la poitrine ; et une crise intérieure par un court accès de danse de Saint-Guy. Art classique : la mort d’Hyppolit
263 du long baiser de conclusion. Le film japonais : une historiette un peu plus banale que nature, très bien photographiée. C
264 de conclusion. Le film japonais : une historiette un peu plus banale que nature, très bien photographiée. C’est le film du
265 complets variés, ça fait toujours plaisir de voir des gens bien habillés. » Soudain éclate Entr’acte (1925). « Une étude su
266 en habillés. » Soudain éclate Entr’acte (1925). «  Une étude sur le Monde des Rêves ». Rondes de cheminées dans le ciel où d
267 éclate Entr’acte (1925). « Une étude sur le Monde des Rêves ». Rondes de cheminées dans le ciel où des pressentiments clign
268 des Rêves ». Rondes de cheminées dans le ciel où des pressentiments clignent de l’œil. Des poupées en baudruche gonflent l
269 le ciel où des pressentiments clignent de l’œil. Des poupées en baudruche gonflent leur tête jusqu’à éclater, tandis que d
270 he gonflent leur tête jusqu’à éclater, tandis que des villes passent au fond à toute vitesse. Rigueur voluptueuse d’une col
271 nt au fond à toute vitesse. Rigueur voluptueuse d’ une colonnade, puis un jeu d’échec serré, mais sur la corniche d’un gratt
272 itesse. Rigueur voluptueuse d’une colonnade, puis un jeu d’échec serré, mais sur la corniche d’un gratte-ciel, d’où se met
273 puis un jeu d’échec serré, mais sur la corniche d’ un gratte-ciel, d’où se met à descendre un petit bateau de papier, sur f
274 orniche d’un gratte-ciel, d’où se met à descendre un petit bateau de papier, sur fond de boulevards et parmi les toits flo
275 se de phares d’auto, les 100 000 yeux de la nuit. Des imprécisions rapides. Un chasseur, toujours sur son toit ; il tire su
276 00 000 yeux de la nuit. Des imprécisions rapides. Un chasseur, toujours sur son toit ; il tire sur l’œuf d’où naît une col
277 ujours sur son toit ; il tire sur l’œuf d’où naît une colombe. Chasse. Mais un papillon éclatant qui battait de l’aile un d
278 ire sur l’œuf d’où naît une colombe. Chasse. Mais un papillon éclatant qui battait de l’aile un dixième de seconde, par in
279 , par intermittences, se pose enfin sur l’écran : une danseuse sur une plaque de verre, vue par-dessous. Quelques miracles
280 ces, se pose enfin sur l’écran : une danseuse sur une plaque de verre, vue par-dessous. Quelques miracles qui suivent sont
281 e leurs arabesques à trois dimensions mêlées avec une lenteur et une perfection dont une brève vue verticale donne la clé…
282 ues à trois dimensions mêlées avec une lenteur et une perfection dont une brève vue verticale donne la clé… Un enterrement
283 ns mêlées avec une lenteur et une perfection dont une brève vue verticale donne la clé… Un enterrement bourgeois, mais le c
284 ection dont une brève vue verticale donne la clé… Un enterrement bourgeois, mais le corbillard est traîné par un dromadair
285 ment bourgeois, mais le corbillard est traîné par un dromadaire, d’ailleurs dételé. Les amis affligés mangent les couronne
286 lents, solennels. Ils revoient la danseuse, font une ronde autour d’une tour Eiffel de bois de la taille de l’Obélisque de
287 Ils revoient la danseuse, font une ronde autour d’ une tour Eiffel de bois de la taille de l’Obélisque de la Concorde, puis
288 e la Concorde, puis enfilent les Champs-Élysées à une allure grandissante, bientôt vertigineuse, poursuivant le corbillard.
289 e cercueil roule dans les marguerites, il en sort un chef d’orchestre dont la baguette éteint tous les personnages et lui-
290 raînement dans le domaine du merveilleux moderne. Un peu plus et nous demandions grâce de trop de plaisir. Mais je ne suis
291 rient à l’enterrement au ralenti, à l’éclatement des têtes de poupées, à la conclusion. Ce n’est pas le bon rire de cinéma
292 ne vient pas, ils sont déçus. Enfin, mon voisin, un agent, murmure : « On va tous devenir fous ! » — « Hé ! lui dis-je, s
293 t : « C’est bien ça, c’est comme quand on rêve. » Un des défauts d’Entr’acte, c’est la fantaisie recherchée de certaines s
294 « C’est bien ça, c’est comme quand on rêve. » Un des défauts d’Entr’acte, c’est la fantaisie recherchée de certaines scène
295 le monde où le cinéma doit nous « transplanter », un certain naturel est de rigueur ; toute bizarrerie détourne du véritab
296 de pareils défauts sont presque inévitables dans une production de début, et Entr’acte mérite d’être ainsi qualifié : c’es
297 -être le premier film où l’on a fait du ciné avec des moyens proprement cinégraphiques. Ici le geste pictural remplace le g
298 le geste pictural remplace le geste de l’acteur. Un mouvement ne souligne pas, il exprime, et se suffit. Mais comme pour
299 cesse envie de crier : « Trop de gestes ! » C’est une question d’épuration des moyens. Rendre le plus par le moins, c’est l
300 Trop de gestes ! » C’est une question d’épuration des moyens. Rendre le plus par le moins, c’est le fait d’un art à sa matu
301 ens. Rendre le plus par le moins, c’est le fait d’ un art à sa maturité. Mais ce sont là critiques de style. D’ores et déjà
302 éjà, il faut admirer dans les films de René Clair un sens du miracle assez bouleversant. Et je ne parle pas du miracle gen
303 maginaire en montre (beaucoup trop à mon gré). Qu’ une sorcière transforme un homme en chien, cela n’a rien d’étonnant au ci
304 ucoup trop à mon gré). Qu’une sorcière transforme un homme en chien, cela n’a rien d’étonnant au cinéma. C’est la photogra
305 ien d’étonnant au cinéma. C’est la photographie d’ une chose qui ne serait étonnante que dans le réel ; ce n’est pas encore
306 étonnante que dans le réel ; ce n’est pas encore un miracle de ciné. Et les fées paraissent vieux jeu avec leur baguette,
307 r moi qui chaque soir crée ma chambre en tournant un commutateur. Le vrai miracle du cinéma, c’est, par exemple, l’éclosio
308 racle du cinéma, c’est, par exemple, l’éclosion d’ une rose, un homme qui court au ralenti, certaines coïncidences de mouvem
309 inéma, c’est, par exemple, l’éclosion d’une rose, un homme qui court au ralenti, certaines coïncidences de mouvements… C’e
310 enti, certaines coïncidences de mouvements… C’est une réalité quotidienne dans une lumière qui la métamorphose ; c’est un t
311 de mouvements… C’est une réalité quotidienne dans une lumière qui la métamorphose ; c’est un temps nouveau, et l’espace en
312 enne dans une lumière qui la métamorphose ; c’est un temps nouveau, et l’espace en relation se modifie pour maintenir je n
313 pour maintenir je ne sais quelle harmonie… C’est une réalité aussi réelle que celle dont nous avons convenu et que nous pe
314 ormal » nous apparaît alors comme l’une seulement des mille figures que peut revêtir une substantia dont nos sens trop faib
315 ’une seulement des mille figures que peut revêtir une substantia dont nos sens trop faibles — bornés encore par des habitud
316 ia dont nos sens trop faibles — bornés encore par des habitudes nées des nécessités sociales — nous empêchent de découvrir
317 op faibles — bornés encore par des habitudes nées des nécessités sociales — nous empêchent de découvrir la richesse immédia
318 rréaliste que le film 1905. Ce n’est peut-être qu’ une question d’imagination ; il reste qu’un film comme Entr’acte est une
319 -être qu’une question d’imagination ; il reste qu’ un film comme Entr’acte est une aide puissante. Nous faisons nos premier
320 ination ; il reste qu’un film comme Entr’acte est une aide puissante. Nous faisons nos premiers pas, étourdis, dans un pays
321 te. Nous faisons nos premiers pas, étourdis, dans un pays d’illuminations vertigineuses, et nous en sommes encore à nous f
322 nous, pris par surprise dans l’exploration ivre d’ un projecteur, des signes fatidiques, le visage d’un ange. n. Rougemo
323 surprise dans l’exploration ivre d’un projecteur, des signes fatidiques, le visage d’un ange. n. Rougemont Denis de, « 
324 un projecteur, des signes fatidiques, le visage d’ un ange. n. Rougemont Denis de, «  Entr’acte de René Clair, ou L’élog
10 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Louis Aragon, le beau prétexte (avril 1927)
325 e beau prétexte (avril 1927)o Ah ! je sens qu’ une puissance étrangère s’est emparée de mon être et a saisi les cordes l
326 I (Notes écrites en décembre 1925, au sortir d’ une conférence sur le Salut de l’humanité.)   Ce soir en moi trépigne une
327 e Salut de l’humanité.)   Ce soir en moi trépigne une rage. Sur quelles épaules jeter ce manteau de flammes, puis à qui déd
328 révolte ? Aragon sarcastique se tient là-bas dans un rayon échappé des Enfers — auxquels je crois encore, et pas seulement
329 sarcastique se tient là-bas dans un rayon échappé des Enfers — auxquels je crois encore, et pas seulement pour le pittoresq
330 n’existe pas de théorie du salut. Il n’existe que des systèmes pour faire taire en nous l’appel vertigineux du Silence. On
331 us l’appel vertigineux du Silence. On nous montre des Dieux, mais c’est pour détourner nos regards de cela qu’il faut bien
332 ine parfumés, les vices enlacés aux vertus, c’est un ricanement splendide comme un éclat de rire de condamné à mort et à l
333 s aux vertus, c’est un ricanement splendide comme un éclat de rire de condamné à mort et à l’éternité. Le diable avait pri
334 amné à mort et à l’éternité. Le diable avait pris des avocats dont les plaidoyers, tissus des mensonges les plus beaux et d
335 vait pris des avocats dont les plaidoyers, tissus des mensonges les plus beaux et des plus mélodieuses palinodies, font enc
336 laidoyers, tissus des mensonges les plus beaux et des plus mélodieuses palinodies, font encore rêver les anges écœurés d’az
337 font encore rêver les anges écœurés d’azur. Alors un juron mélodramatique, d’une voix torturée, hurle au pape et au diable
338 écœurés d’azur. Alors un juron mélodramatique, d’ une voix torturée, hurle au pape et au diable un anathème sanglant. Louis
339 , d’une voix torturée, hurle au pape et au diable un anathème sanglant. Louis Aragon, avocat de l’infini, annonce l’entrée
340 e l’éternelle anarchiste, la Poésie.   On dit : «  Des mots ! » au lieu de « Je ne comprends pas ». On dit : « Je ne compren
341 us avez dit : « C’est incompréhensible ! » — avec une indignation où j’admire une pointe d’ironie vraiment supérieure. Car
342 réhensible ! » — avec une indignation où j’admire une pointe d’ironie vraiment supérieure. Car rien ne pouvait mieux excite
343 c’est l’éclat de sa joie brusque d’être seul sur un faux sommet vers quoi des faibles s’efforcent — mais déjà c’est de pl
344 brusque d’être seul sur un faux sommet vers quoi des faibles s’efforcent — mais déjà c’est de plus loin qu’il les nargue.
345 t de plus loin qu’il les nargue. Il connaît enfin une solitude défendue de tous côtés par ses rires scandaleux, quelques « 
346 ris de l’honneur, le mot de Cambronne prodigué et des phrases d’un fascinant éclat : « Ô grand Rêve, au matin pâle des édif
347 ur, le mot de Cambronne prodigué et des phrases d’ un fascinant éclat : « Ô grand Rêve, au matin pâle des édifices, ne quit
348 n fascinant éclat : « Ô grand Rêve, au matin pâle des édifices, ne quitte plus, attiré par les premiers sophismes de l’auro
349 traits purs et labiles à l’immobilité miraculeuse des statues7. » Il s’agit bien de critique littéraire ! Nous sommes ici e
350 itique littéraire ! Nous sommes ici en présence d’ une des tentatives de libération les plus violentes et belles — malgré ta
351 ue littéraire ! Nous sommes ici en présence d’une des tentatives de libération les plus violentes et belles — malgré tant d
352 compromis :   « Nous étions dominés par le sens d’ une réalité morale absolue que certains d’entre nous eussent acheté au pr
353 ue certains d’entre nous eussent acheté au prix d’ un martyre… Nos jugements se rendaient sans cesse à l’échelle de l’infin
354 us naissons à quelque chose qui imite la vie dans une époque d’inconcevables compromissions où triomphe sous tous les dégui
355 sme le plus pauvre auquel se soit jamais abaissée une civilisation. Mais nous sommes encore quelques-uns à jouer nos dernie
356 ur nous n’est nulle part9 ». Ultime affirmation d’ une foi que plus rien ne peut duper. Depuis certaines paroles sur la Croi
357 au rire, pharisiens, et dire qu’elle est née dans un café de Paris. « Je n’attends rien du monde, je n’attends rien de rie
358 dubitatives barbes. Je viens d’entendre la voix d’ un mystique. Que si l’on vient nous empêtrer de dogmes bassement ingénie
359 rer de dogmes bassement ingénieux : « Si j’essaie un instant de m’élever à la notion de Dieu, répond Aragon, je me révolte
360 e qu’elle puisse en aucun cas servir d’argument à un homme. » Voilà qui nous fait oublier certaines morales d’extrême moye
361 qu’on veut nommer renoncements ! Jouant tout sur une révélation possible, ou la naissance d’un prophète qui rapprenne comm
362 ut sur une révélation possible, ou la naissance d’ un prophète qui rapprenne comment aimer un Dieu. Ce n’est pas à genoux q
363 issance d’un prophète qui rapprenne comment aimer un Dieu. Ce n’est pas à genoux qu’on attendra : pour que cela eût un sen
364 t pas à genoux qu’on attendra : pour que cela eût un sens, il faudrait être sûr de n’avoir pas la tête en bas par rapport
365 e, interceptant les messages égarés de l’infini… Un tel homme, — est-ce encore Aragon, sinon qui ? — sa grandeur, c’est q
366 viens de retrouver quelques pages écrites il y a un an, tel soir de colère où le thermomètre eût indiqué 39° selon toute
367 lon toute vraisemblance. Et voici Aragon revêtu d’ une dignité tragique qu’il trouverait sans doute un peu ridicule. C’est a
368 ’une dignité tragique qu’il trouverait sans doute un peu ridicule. C’est ainsi que l’on arrive à croire, pour un autre, qu
369 icule. C’est ainsi que l’on arrive à croire, pour un autre, que c’est arrivé, ajoutant foi, dans tous les sens qu’admet ce
370 tant foi, dans tous les sens qu’admet ce terme, à des exaltations que leur lyrisme rendait seules contagieuses. Comment, en
371 estable « séduction ». Pour un peu, je découvrais une manière de prophète un brin janséniste chez ce poète. Aujourd’hui, je
372 our un peu, je découvrais une manière de prophète un brin janséniste chez ce poète. Aujourd’hui, je le verrais plutôt comm
373 ce poète. Aujourd’hui, je le verrais plutôt comme un Musset10 plus véritablement désespéré. Un Musset moins frivole et plu
374 t comme un Musset10 plus véritablement désespéré. Un Musset moins frivole et plus pervers, moins sentimental et plus sensu
375 plus cinglant. Au lieu de vin doux, on nous sert des cocktails (un Musset triple-sec). Au lieu du cynisme verbeux 1830, un
376 Au lieu de vin doux, on nous sert des cocktails ( un Musset triple-sec). Au lieu du cynisme verbeux 1830, une théorie du s
377 set triple-sec). Au lieu du cynisme verbeux 1830, une théorie du scandale pour le scandale qui a le mérite de n’être pas qu
378 pour le scandale qui a le mérite de n’être pas qu’ un jeu littéraire. Mais enfin, c’est encore un Musset, seulement transpo
379 as qu’un jeu littéraire. Mais enfin, c’est encore un Musset, seulement transposé dans notre siècle et chez qui tout est de
380 us acerbe, plus profond. En somme, et avant tout, un écrivain, un bel écrivain, comme on dit. Et qui sait tirer un admirab
381 us profond. En somme, et avant tout, un écrivain, un bel écrivain, comme on dit. Et qui sait tirer un admirable parti litt
382 un bel écrivain, comme on dit. Et qui sait tirer un admirable parti littéraire de son tempérament vif, insolent et ombrag
383 ent et ombrageux. « J’appartiens à la grande race des torrents. » Une belle phrase, n’est-ce pas ? Je ne sais qu’un Monther
384 . « J’appartiens à la grande race des torrents. » Une belle phrase, n’est-ce pas ? Je ne sais qu’un Montherlant qui pourrai
385  » Une belle phrase, n’est-ce pas ? Je ne sais qu’ un Montherlant qui pourrait l’oser dire comme Aragon sans ridicule. Et c
386 pour le ton prophétique, ne serait-ce pas plutôt une sorte de donquichottisme assez fréquent dans les cafés littéraires et
387 rait le premier à s’amuser ?   Février 1927. Relu Une vague de rêves et la préface de Libertinage. Sous une certaine rhétor
388 vague de rêves et la préface de Libertinage. Sous une certaine rhétorique — mais la plus belle, — ce qui tressaille et m’at
389 ressaille et m’atteint au vif, c’est tout de même un désespoir en quoi je ne vais pas m’empêcher de reconnaître la voix se
390 e vivre. Désespoir métaphysique. Je me souviens d’ une phrase de Vinet — laissons s’esclaffer du rapprochement les auteurs d
391 ement les auteurs de manuels de littérature — : «  Un mysticisme creux et affamé est le contrecoup du christianisme dans le
392 gauche, — nulle part sur cette terre où l’orgueil des hommes croit pouvoir nous le désigner, veut nous l’imposer pour quell
393 nt, le plus irrévocable désespoir n’est encore qu’ un appel à la foi la plus haute.   1er mai 1927. Mieux vaut pécher par
394 autel — et si ce nom revient sous ma plume, comme une mouche qu’on n’a jamais fini de chasser parce qu’elle n’a pas mérité
395 plus étendus qu’on n’osait le craindre11. Si dans un essai sur la sincérité j’ai soutenu qu’une introspection immobile ne
396 Si dans un essai sur la sincérité j’ai soutenu qu’ une introspection immobile ne retient rien de la réalité vivante ; si je
397 etient rien de la réalité vivante ; si je dénie à des incrédules le droit à parler des choses de la foi comme étant d’un or
398  ; si je dénie à des incrédules le droit à parler des choses de la foi comme étant d’un ordre qui leur échappe ; de même je
399 droit à parler des choses de la foi comme étant d’ un ordre qui leur échappe ; de même je récuse ici certain sens critique
400 on voudrait que soient justiciables les œuvres d’ un écrivain, les démarches de sa pensée, ses délires, ses visions. Un cr
401 démarches de sa pensée, ses délires, ses visions. Un critique qui n’épouse pas le rythme d’une œuvre, mais s’avance à sa r
402 visions. Un critique qui n’épouse pas le rythme d’ une œuvre, mais s’avance à sa rencontre armé de l’appareil à frigorifier
403 il à frigorifier de sa raison, est destiné à dire des bêtises. Cf. certaines remarques — pas toutes — de novembre 1926.   2
404 uère à ce devoir sacré. » (Edmond Jaloux.) Entre un monsieur en noir : Permettez-moi de me présenter… d’ailleurs une anci
405 noir : Permettez-moi de me présenter… d’ailleurs une ancienne connaissance… le Sens Critique. Moi (gêné)… Rougemont. Le
406 oi (gêné)… Rougemont. Le Sens Critique. — Il y a un certain temps déjà que nous ne nous sommes revus. Mais je suis vos tr
407 quelque manière la prétention… Moi. — Que voilà un singulier impertinent de votre part. (Le reconduisant :) Croyez, Mons
408 chose s’il ne spéculait sur l’incertain », c’est un académicien qui l’a dit. Voulez-vous me faire quelque chose là-dessus
409 a Revue ? Mais plus tard, plus tard. Tenez, voici un traité de métaphysique, vous lirez ça en attendant. Très bien fait. E
410 ait. Excellente méthode ! (Sort le Sens Critique, un peu bousculé.) Moi. — Vous disiez, ma vie ? La Muse (mais oui, la M
411 La Muse (mais oui, la Muse, sortant de derrière un rideau). — J’attends votre plaisir… III Il y a des gens qui cro
412 eau). — J’attends votre plaisir… III Il y a des gens qui croient avoir tout dit quand ils ont montré à l’origine de t
413 ont montré à l’origine de telle doctrine mystique une exaltation nerveuse ou des troubles organiques. Ils opposent à ces « 
414 elle doctrine mystique une exaltation nerveuse ou des troubles organiques. Ils opposent à ces « délires » les thèses rassur
415 mne pas et la santé et la raison. Il s’est trouvé des Maurras et autres « héritiers de la grande tradition gréco-latine » p
416 eur faute si elle nous apparaît aujourd’hui comme une vieille courtisane assagie, parfois dévote, phraseuse, sèche, d’humeu
417 d’humeur acariâtre et réactionnaire. Vous tracez des frontières géographiques à la raison ? Eh bien, c’est vous qui l’aure
418 é que l’on fait à la littérature moderne n’est qu’ une manifestation de ce divorce radical entre l’époque et les quelques ce
419 u. Mais alors, Aragon, pourquoi se faire marchand des œuvres complètes de Karl Marx ? Si vous ne dites pas aussi merde pour
420 au nom de l’esprit, on ne va pas s’acoquiner avec des gens qui ont fait, il y a 10 ans, une révolution en fonction du capit
421 quiner avec des gens qui ont fait, il y a 10 ans, une révolution en fonction du capitalisme. Est-ce que vraiment vous ne po
422 ents. Et puis surtout, l’heure est venue de clore des discussions énervantes où s’épuise vainement une dialectique dont l’o
423 des discussions énervantes où s’épuise vainement une dialectique dont l’objet fuit sans cesse par la quatrième dimension.
424 ommunicable secret de l’invention.   Il nous faut des entrepreneurs de tempêtes. Un grand principe de violence commandait
425 n.   Il nous faut des entrepreneurs de tempêtes. Un grand principe de violence commandait à nos mœurs. … et nous portant
426 a limite de nos forces, notre joie parmi vous fut une très grande joie. Saint-John Perse. Nous appelions une Révolution pe
427 ès grande joie. Saint-John Perse. Nous appelions une Révolution perpétuelle une perpétuelle insurrection contre tout ce qu
428 Perse. Nous appelions une Révolution perpétuelle une perpétuelle insurrection contre tout ce qui prétendait nous empêcher
429 a sénilité, etc., etc. Et certes ce n’étaient pas des êtres, mais leurs abstractions que nous haïssions. Notre haine de cer
430 pas de ce qu’en son nom l’on mesurait odieusement une sympathie humaine pour nous sans prix ? Mais nous avions besoin de ré
431 tait devenu synonyme de magnifique perdition dans des choses plus grandes que nous. Nous nous connaissions dans les coins e
432 us perdrait corps et biens dans sa grandeur comme une femme merveilleuse nous perdrait corps et âme dans l’ivresse amoureus
433 cette femme à travers toutes les femmes. C’était un vice, la révolution-vice. Mais on ne vit, on ne meurt que de vices. ⁂
434 uve. » Il pense que c’est bien jeune. Et : encore un qui rue dans les brancards, c’est très bellettrien. Un disque de gram
435 i rue dans les brancards, c’est très bellettrien. Un disque de gramo comme par hasard nasille : Nous avons tous fait ça P
436 , n’est-ce pas ? Et puis l’aiguille divague vers des souvenirs, quand nous allions tous deux, ces bonnes farces, et aussi
437 s tous deux, ces bonnes farces, et aussi pourtant des histoires de copains qui ont mal tourné, on pensait bien, ah ! cette
438 on pensait bien, ah ! cette jeunesse, mais voyons des affaires plus sérieuses. Et tout est dit. Ah ! c’est vrai, il allait
439 alisme ? — Baptisé il y a cinq ou six ans et mort des suites. Quand cesserez-vous de nous faire la jambe, pardon escuses, a
440 hème à condamnations par contumace. Il y a encore des gens pour qui les limites de l’anarchie sont : chanter l’Internationa
441 ternationale dans les rues, faire la noce, écrire un livre de tendances très modernes. Et des gens pour se gausser quand n
442 e, écrire un livre de tendances très modernes. Et des gens pour se gausser quand nous écrivons Révolution, et nous offrir u
443 er quand nous écrivons Révolution, et nous offrir un billet (simple course) pour Moscou, ou encore pour demander à qui, en
444 tive de notre absurdité. Car l’homme « s’est fait une vérité changeante et toujours évidente, de laquelle il se demande vai
445 plus combattre, c’est l’épanouissement violent d’ une immense fleur palpitante au parfum de passions, c’est une atmosphère
446 nse fleur palpitante au parfum de passions, c’est une atmosphère toute chargée d’éclairs qui nous atteignent sans cesse au
447 n’allez pas nous toucher, nous sommes dangereux. Un orage de tendresse va crever sur le monde. Aigles d’amours, oiseaux d
448 ns vos langues aériennes. On n’acceptera plus que des valeurs de passion. Balayez ces douanes de l’esprit, proclamez le gra
449 amez le grand Libre-Échange, voici déjà s’avancer des prodiges à cette invite la plus persuasive : nous sommes prêts à les
450 asive : nous sommes prêts à les accueillir. 7. Une vague de rêves (dans Commerce). 8. Et malgré certaines théories bien
451 ù naît le merveilleux. » Au vrai, et surtout pour un homme qui élit Freud « président de la République du Rêve » – c’est p
452 sident de la République du Rêve » – c’est presque un non-sens de chercher l’absolue liberté dans le rêve. Le rêve, c’est l
453 liberté dans le rêve. Le rêve, c’est la tyrannie des souvenirs ; et ce n’est pas se libérer que de brasser ces chaînes son
454 curé chez les riches. Très loin derrière viennent des France et des Bordeaux. 12. Proust excepté, et dans un domaine plus
455 riches. Très loin derrière viennent des France et des Bordeaux. 12. Proust excepté, et dans un domaine plus étroit, quelqu
456 nce et des Bordeaux. 12. Proust excepté, et dans un domaine plus étroit, quelques esthètes du machinisme. 13. Le Paysan
11 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Quatre incidents (avril 1927)
457 La maîtresse d’École Au printemps pur comme une joue, École errait, École suivait une femme dans les rues tant soit p
458 s pur comme une joue, École errait, École suivait une femme dans les rues tant soit peu métaphysiques d’une capitale de mes
459 femme dans les rues tant soit peu métaphysiques d’ une capitale de mes songes. On exigeait d’une saison de marque de tels so
460 iques d’une capitale de mes songes. On exigeait d’ une saison de marque de tels soupirs, d’ailleurs invraisemblables, qu’à l
461 emblables, qu’à leurs reflets se fussent évanouis des arcs-en-ciel de névroses dans tous les poèmes où détresse rimait avec
462 du voyage, et qu’on ne manque pas le train bleu d’ un désir. Elle était donc venue. Il la suivait entre les devantures qui
463 eil toujours de face. Il ne vit plus que la foule des yeux bleus, son éblouissement. Soudain la voici, elle descend à sa re
464 , elle descend à sa rencontre parmi les éclairs d’ un luxe mécanique, le visage dans sa fourrure. Elle découvre en passant
465 t trompé, ce n’est pas elle. Il pensa que c’était un ange, de ceux qui vont à la recherche des âmes. Aussitôt il téléphone
466 c’était un ange, de ceux qui vont à la recherche des âmes. Aussitôt il téléphone à ceux du paradis : « Qui va à la chasse
467 us nous comprenons. » On lui offrit immédiatement un fauteuil et un violon, pour qu’il en joue, au printemps, s’il savait
468 ons. » On lui offrit immédiatement un fauteuil et un violon, pour qu’il en joue, au printemps, s’il savait … R.S.V.P.
469 … R.S.V.P. À Max-Marc-Jean Jacob Reymond. Une étoile à la boutonnière, le marquis pénétra dans le salon de la duche
470 de la duchesse, lui baisa la main et l’abattit d’ un coup de revolver. Puis s’en fut avec un tact exquis, qui fut très rem
471 abattit d’un coup de revolver. Puis s’en fut avec un tact exquis, qui fut très remarqué. Le duc riait sous une table, comp
472 exquis, qui fut très remarqué. Le duc riait sous une table, complètement ivre, et Bettina lui disait à l’oreille : « Mon c
473 au matin. Il neigeait dans les rues sourdes comme un songe de son enfance. Aux fenêtres du palais s’étoilèrent des halos.
474 son enfance. Aux fenêtres du palais s’étoilèrent des halos. Le jour tendre paraissait sous l’égide de la mort. Il vit des
475 tendre paraissait sous l’égide de la mort. Il vit des fleurs de son enfance, une églantine, quelques roses, un sourire qui
476 ide de la mort. Il vit des fleurs de son enfance, une églantine, quelques roses, un sourire qui perce le cœur sur les glace
477 rs de son enfance, une églantine, quelques roses, un sourire qui perce le cœur sur les glaces du passé. Cet abandon aux fu
478 s du passé. Cet abandon aux fuyantes chansons, et des violons déchirants dans sa tête… Mais le sommeil s’évaporait aux care
479 sa tête… Mais le sommeil s’évaporait aux caresses des flocons, plus perfides que des murmures d’adieu. Il tomba parmi les s
480 orait aux caresses des flocons, plus perfides que des murmures d’adieu. Il tomba parmi les statues, dans l’amitié pensive d
481 Il tomba parmi les statues, dans l’amitié pensive des jardins. Une fenêtre s’était ouverte et des accords échappés tombaien
482 i les statues, dans l’amitié pensive des jardins. Une fenêtre s’était ouverte et des accords échappés tombaient, les ailes
483 nsive des jardins. Une fenêtre s’était ouverte et des accords échappés tombaient, les ailes coupées. Puis le silence se rep
484 u pour que s’ouvre ce cœur de l’après-midi, comme un camélia de tendre orgueil. Il respire déjà l’odeur merveilleuse des o
485 dre orgueil. Il respire déjà l’odeur merveilleuse des objets et des êtres véritables. Un bateau ne glisse pas plus doucemen
486 l respire déjà l’odeur merveilleuse des objets et des êtres véritables. Un bateau ne glisse pas plus doucement vers le sole
487 merveilleuse des objets et des êtres véritables. Un bateau ne glisse pas plus doucement vers le soleil du haut-lac. Juste
488 ut-lac. Justement, voici que tout va s’ouvrir, qu’ un monde s’est ouvert devant lui. Et l’eau n’est pas moins somptueuse. E
489 somptueuse. Et bien sûr, je n’ai pas bougé. C’est une question d’amitié. Pourtant je suis seul dès cette heure, et mes amis
490 je suis seul dès cette heure, et mes amis fuiront un lâche. Parce que je reviens seul. Mais moi, qui regarde comme de l’au
491 regarde comme de l’autre bord, je songe qu’il est des visites à de certaines grandes dames où je préférais — et lui aussi —
12 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Récit du pickpocket (fragment) (mai 1927)
492 evaliers »). Dès qu’on eut déposé devant Isidore un malaga et une eau minérale devant son étrange convive, celui-ci prit
493 Dès qu’on eut déposé devant Isidore un malaga et une eau minérale devant son étrange convive, celui-ci prit la parole sans
494 maintient cinq ans, dix ans au plus. Après, c’est un long adieu et le corps se fige à mesure que l’esprit s’établit sur se
495 normalement bon. L’idée, par exemple, d’étrangler un chat pour le plaisir me répugnait. Je détestais de peiner quelque êtr
496 méprisais trop sincèrement. » Vers cette époque, une femme me regarda longuement. » Mes parents me savaient vierge et c’ét
497 ur devais. Pourtant, je ne détournai pas mes yeux des yeux de cette femme, de peur qu’elle ne souffrît à cause de moi. Un s
498 emme, de peur qu’elle ne souffrît à cause de moi. Un soir qu’elle pleurait, je l’embrassai si fort… En un quart d’heure, j
499 soir qu’elle pleurait, je l’embrassai si fort… En un quart d’heure, je connaissais l’amour dans ce qu’il a de plus étrange
500 it tout. Il effleura mon front de ses lèvres sans une parole quand je vins lui souhaiter le bonsoir. Le lendemain, ses chev
501 avaient légèrement blanchi. Il me regardait avec une terreur ou je crus distinguer je ne sais quelle déchirante nostalgie.
502 vait vieux, maintenant. » Je songeais justement à un sourire de mon amie quand il voulut m’adresser la parole après un sil
503 n amie quand il voulut m’adresser la parole après un silence vertigineux. Il vit mon sourire et pleura. Alors une rage s’e
504 vertigineux. Il vit mon sourire et pleura. Alors une rage s’empara de mon corps tout entier, je criai un juron, claquai la
505 rage s’empara de mon corps tout entier, je criai un juron, claquai la porte et courus dans ma chambre. Une demi-heure plu
506 uron, claquai la porte et courus dans ma chambre. Une demi-heure plus tard, j’étais à la gare, j’écrivais un mot d’adieu à
507 mi-heure plus tard, j’étais à la gare, j’écrivais un mot d’adieu à ma maîtresse d’une nuit et je partais dans une directio
508 gare, j’écrivais un mot d’adieu à ma maîtresse d’ une nuit et je partais dans une direction quelconque. Il advint que ce fu
509 dieu à ma maîtresse d’une nuit et je partais dans une direction quelconque. Il advint que ce fut celle de l’Italie. La lumi
510 t la politique, que j’envoyais à divers journaux. Un jour, parcourant un quotidien de mon pays où je cherchais mon dernier
511 j’envoyais à divers journaux. Un jour, parcourant un quotidien de mon pays où je cherchais mon dernier papier, je lus mon
512 père. » J’étais assis à la terrasse ensoleillée d’ un café ; une brise passa, et une femme en robe bleue légère qui me rega
513 étais assis à la terrasse ensoleillée d’un café ; une brise passa, et une femme en robe bleue légère qui me regarda un inst
514 rasse ensoleillée d’un café ; une brise passa, et une femme en robe bleue légère qui me regarda un instant, si doucement… J
515 et une femme en robe bleue légère qui me regarda un instant, si doucement… Je me levai sans payer, je partis par les rues
516 … Je me levai sans payer, je partis par les rues, une joie violente commençait à m’envahir, contre laquelle je luttais obsc
517 t je ne pus me tenir de chantonner. J’entrai dans un établissement luxueux d’où sortaient à chaque tour du tambour des bou
518 t luxueux d’où sortaient à chaque tour du tambour des bouffées de musique. » La femme en bleu dansait en regardant au plafo
519 d. Après deux tangos, nous montions ensemble dans une chambre d’hôtel où l’on ne voyait d’abord qu’un bouquet transfiguré p
520 une chambre d’hôtel où l’on ne voyait d’abord qu’ un bouquet transfiguré par la lumière et que reflétaient de nombreuses g
521 glaces. Les fenêtres que j’ouvris firent tourner des soleils sur les parois claires. Du balcon, on voyait la mer, des bate
522 les parois claires. Du balcon, on voyait la mer, des bateaux, des nuages, une avenue et ses autos rouges, tout un couchant
523 laires. Du balcon, on voyait la mer, des bateaux, des nuages, une avenue et ses autos rouges, tout un couchant de grand por
524 alcon, on voyait la mer, des bateaux, des nuages, une avenue et ses autos rouges, tout un couchant de grand port de la Médi
525 des nuages, une avenue et ses autos rouges, tout un couchant de grand port de la Méditerranée. Nous nous aimâmes en siffl
526 à cause du soir trop limpide et trop vaste, comme un avenir de bonheur fiévreux — celui justement que j’entrevoyais. » Qua
527 je vécus, comme vous me voyez vivre encore, dans un état de sincérité perpétuelle envers tous mes élans, accueillant avec
528 rpétuelle envers tous mes élans, accueillant avec un enthousiasme juvénile, c’est-à-dire cynique, toutes les offres du has
529 de prendre conscience de soi-même — je découvris une nuit, au moment de m’endormir, que ma passion du vol n’était qu’une l
530 t de m’endormir, que ma passion du vol n’était qu’ une longue vengeance. Ne m’avait-on pas dérobé des années de joie au prof
531 qu’une longue vengeance. Ne m’avait-on pas dérobé des années de joie au profit d’une vertu que tout en moi reniait obscurém
532 vait-on pas dérobé des années de joie au profit d’ une vertu que tout en moi reniait obscurément. Je sentais bien que le res
533 vertu dans laquelle on m’avait emprisonné c’était un bas opportunisme social, résultante des paresses accumulées de tous l
534 né c’était un bas opportunisme social, résultante des paresses accumulées de tous les cerveaux bourgeois incapables de conc
535 us les cerveaux bourgeois incapables de concevoir un monde sans vieilles filles, sans capitalistes et sans gendarmes. Je s
536 être engagé, du plan moral avec l’économique, qu’ une expression nouvelle, et non dénuée d’ironie, de mon mépris pour ce qu
537 s de la société. » C’est avec le produit du vol d’ un tronc de chapelle que j’édifiai à mes parents un tombeau sur lequel j
538 ’un tronc de chapelle que j’édifiai à mes parents un tombeau sur lequel je fis graver : Prêté — rendu, pour la gloire de l
539 — rendu, pour la gloire de l’Église. (Ici, il but une gorgée et prit un temps.) » Je vous fais grâce, poursuivit-il, de la
540 oire de l’Église. (Ici, il but une gorgée et prit un temps.) » Je vous fais grâce, poursuivit-il, de la chronique de ma vi
541 m’amuse à jouer le pickpocket. Cela permet, avec un minimum d’adresse, de découvrir certaines personnalités sous un jour
542 dresse, de découvrir certaines personnalités sous un jour assez particulier, très souvent ignoré d’elles-mêmes auparavant,
543 en… Le goût de la propriété étant à mon sens l’un des plus vulgaires et des plus généralement répandus, j’ai vite fait de c
544 riété étant à mon sens l’un des plus vulgaires et des plus généralement répandus, j’ai vite fait de classer mon monde d’apr
545 et j’en vérifie les manifestations vivantes avec une prodigalité d’épreuves, contre-épreuves, variantes et enjolivures où
546 able intérêt de ma vie. C’est vous dire que seule une certaine caresse de l’événement naissant peut encore m’émouvoir. C’es
547 ’événement naissant peut encore m’émouvoir. C’est un plaisir de chaque minute auquel succède immédiatement le sommeil. Je
548 point que l’on considère ce saint comme le patron des voyageurs… » Saint-Julien parut satisfait de cette dernière plaisante
549 tit alors que la bienséance l’obligeait à émettre une opinion, même la plus générale et la moins compromettante, sur cette
550 it pas laissé que de l’agacer en maint endroit. «  Une chose avant tout me frappe — dit-il, lâchant tout de suite ses compli
551 bavures, sans réticences ; elle m’apparaît comme un divertissement perpétuel et dénué d’inquiétude. Et cela n’est pas san
552 appeler — pardonnez la lourdeur de l’expression — une règle de vie. Mais, je vous l’avouerai, ce qui me retient de tirer de
553 la sincérité tournait vite à l’agressif — effet d’ une timidité naturelle dont il paraissait lui-même gêné. En deux mots, vo
554 dre. Je pourrais vous dire que si vous me trouvez un peu potache, il n’est pas prouvé par là que le potache n’ait point ra
555 dre geste convenu dans le genre « révolté » prend une saveur de raillerie assez amère. Et peut-être apprendrez-vous à décou
556 châtel-Genève-Fribourg, mai 1927, p. 180-185. t. Une note de bas de page indique : « La rédaction rappelle que les idées é
13 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Conseils à la jeunesse (mai 1927)
557 à la jeunesse (mai 1927)u « On a reproché bien des choses aux romantiques : le goût du suicide, l’habitude de boire et d
558 à la base de la société même. »   Ceci est tiré d’ un livre récent sur Aloysius Bertrand. Est-ce vraiment aux romantiques d
559 donnerions peut-être raison à M. Y. Z., qui, dans un petit article du Journal de Genève sur « La maladie du siècle », éc
560 e sur « La maladie du siècle », écrit : « Plante des pommes de terre, jeune homme ! Quand tu seras au bout de la 20e ligne
561 Genève parlait naguère, tu mangeras avec appétit une poule au riz arrosée d’un savoureux “demi” de Lavaux. » Seulement, il
562 mangeras avec appétit une poule au riz arrosée d’ un savoureux “demi” de Lavaux. » Seulement, il y a tout de même un ou de
563 demi” de Lavaux. » Seulement, il y a tout de même un ou deux petits phénomènes sociaux de notre temps que cette méthode ne
564 ous paraissent entraîner assez naturellement chez des jeunes « et qui pensent » ce goût de l’évasion caractéristique de tou
565 t de la sacro-sainte Raison utilitaire au service des sacro-saints Principes au nom desquels tout se ligue aujourd’hui pour
566 : nous pensons que bien avant Voltaire il y avait des autruches pour enseigner cette méthode à leurs petits. Le « satisfait
567 ette méthode à leurs petits. Le « satisfait » est un être inadmissible aujourd’hui. À plus forte raison, le satisfait arti
14 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). La part du feu. Lettres sur le mépris de la littérature (juillet 1927)
568 cite tel auteur dont nous fîmes notre nourriture une saison de naguère, voilà le rictus de votre bouche, une injure de pyt
569 ison de naguère, voilà le rictus de votre bouche, une injure de pythie. Vous dites de ce conte : c’est trop écrit. Vous dit
570 s de ce roman : c’est trop agréable. Vous dites d’ un goût qu’on aurait pour Nietzsche : que c’est de la littérature. Alors
571 oi : j’ai lu ça quelque part. Voyez ma franchise. Un peu grosse, n’est-ce pas ? D’autres prennent soin que leurs sincérité
572 que leurs sincérités gardent au moins l’excuse d’ une audace qu’ils escomptent scandaleuse. Mais voici un bar où je vous su
573 audace qu’ils escomptent scandaleuse. Mais voici un bar où je vous suis. Vous y entrez plein de mépris pour Paul Morand p
574 découvrîtes le charme de ces lieux. Vous composez un cocktail en guise de métaphore, avec une pensée tendre pour un ami po
575 composez un cocktail en guise de métaphore, avec une pensée tendre pour un ami poète. « L’autre jour au Grand Écart… », di
576 n guise de métaphore, avec une pensée tendre pour un ami poète. « L’autre jour au Grand Écart… », dit quelqu’un. À ce coup
577 ambronne : hommage à Louis Aragon. Ce cristal est une citation de Valéry, cette œillade se souvient d’un vers d’Éluard14. E
578 e citation de Valéry, cette œillade se souvient d’ un vers d’Éluard14. Et des phrases, des cris, des mots. Au défaut de l’i
579 ette œillade se souvient d’un vers d’Éluard14. Et des phrases, des cris, des mots. Au défaut de l’ivresse naissante se glis
580 se souvient d’un vers d’Éluard14. Et des phrases, des cris, des mots. Au défaut de l’ivresse naissante se glisse un poème o
581 t d’un vers d’Éluard14. Et des phrases, des cris, des mots. Au défaut de l’ivresse naissante se glisse un poème où vous aim
582 mots. Au défaut de l’ivresse naissante se glisse un poème où vous aimiez à la folie votre douleur. Narcisse se contemple
583 r de son monocle. Au petit matin, il se noie dans un verre à liqueur. Poisson dans l’eau, plumes dans le vent, poète au ba
584 posent pour le diable et ne se baignent que dans des bénitiers : on voit trop qu’ils trouvent ça pittoresque. Et le plaisi
585 nt ça pittoresque. Et le plaisir d’être nu devant un public supposé dévot, et qui n’ose en croire sa pudeur, et qui doute
586 sa pudeur, et qui doute enfin de l’impossibilité des miracles ! Quelles voluptés plus subtiles et plus aiguës ? On vaincra
587 n vaincra jusqu’à sa gueule de bois pour en faire des poèmes. Alors je cherche les raisons de votre indignation, quand il m
588 raisons de votre indignation, quand il m’échappe une citation. Seraient-ce les guillemets qui vous choquent ?   La vie ! —
589 a bouche brûlée d’alcools, vous découvrez à l’eau un goût étrange. L’eau est incolore, inodore et sans saveur. Mais fraîch
590 otre mépris pour le pittoresque, vous témoignez d’ un goût du bizarre qui révèle le littérateur. Nous ne pouvons pas faire
591 ce refus n’est pas seulement comme vous pensez, d’ une ingratitude salutaire, c’est refus de limiter le mal. Je vous vois en
592 refus de limiter le mal. Je vous vois envahi par des démons que vous prétendez m’interdire de nommer. Mais moi je partage
593 e avec certains Orientaux cette croyance : nommer une chose, c’est avoir puissance sur elle. Images, pensées des autres, je
594 , c’est avoir puissance sur elle. Images, pensées des autres, je vous ai mis un collier avec le nom du propriétaire ; tirez
595 elle. Images, pensées des autres, je vous ai mis un collier avec le nom du propriétaire ; tirez un peu sur la laisse, que
596 is un collier avec le nom du propriétaire ; tirez un peu sur la laisse, que j’éprouve la fermeté de ma main. Je vous tiens
597 s — et ce n’est pas que je m’en vante, — j’ai tué un amour naissant, à force de le crier sur les toits. Ainsi, parler litt
598 l’insuffisance de la littérature On reconnaît un écrivain, aujourd’hui, à ce qu’il ne tolère pas qu’on lui parle litté
599 lère pas qu’on lui parle littérature. Mais il y a des mépris qui sont de sournoises déclarations d’amour. Tel qui raille l’
600 raille l’Église et les curés, c’est qu’il se fait une très haute idée de la religion. Ainsi, de la littérature : votre mépr
601 e que la littérature. Que la littérature nous est un moyen seulement d’atteindre et de préparer d’autres choses, d’autres
602 de préparer d’autres choses, d’autres actions, ou des états intérieurs qui sont parfois des actions en puissance15. Il faud
603 actions, ou des états intérieurs qui sont parfois des actions en puissance15. Il faudrait des choses plus lourdes et plus i
604 t parfois des actions en puissance15. Il faudrait des choses plus lourdes et plus irrésistibles, percutantes. Qui vous écha
605 percutantes. Qui vous échappent en vous blessant. Des choses dures, amères comme un destin, comme le goût d’une pierre rêch
606 en vous blessant. Des choses dures, amères comme un destin, comme le goût d’une pierre rêche sur ta langue et grinçante s
607 es dures, amères comme un destin, comme le goût d’ une pierre rêche sur ta langue et grinçante sous ta dent. Des souplesses
608 re rêche sur ta langue et grinçante sous ta dent. Des souplesses qui se retournent brusquement et vous renversent. Des prés
609 qui se retournent brusquement et vous renversent. Des présences tellement intenses que tout se fond catastrophiquement dans
610 d catastrophiquement dans l’infini de la seconde. Des peurs sans cause, plus vides que la mort. Toutes ces choses mystiques
611 pressens encore dans vos poèmes les plus obscurs des allusions furtives à certains états de la réalité. Mais plus les mots
612 ats de la réalité. Mais plus les mots se plient à des exigences sémantiques — dont on connaît la portée sociale, — mariant
613 — mariant l’utile à l’agréable selon les rites d’ une esthétique ou d’une autre, plus ils perdent leur pouvoir de signifier
614 l’agréable selon les rites d’une esthétique ou d’ une autre, plus ils perdent leur pouvoir de signifier les choses qui nous
615 e véritable. Alors, cessons de nous battre contre des moulins à vent. La littérature, considérée du point de vue de la psyc
616 point de vue de la psychologie de l’écrivain, est un besoin organique, un peu anormal, que l’on satisfait dans certains ét
617 ychologie de l’écrivain, est un besoin organique, un peu anormal, que l’on satisfait dans certains états de crise afin de
618 quelque plaisir, plus rarement, de quoi se payer un petit voyage. C’est l’aveu d’une faiblesse secrète. Et c’est une réac
619 de quoi se payer un petit voyage. C’est l’aveu d’ une faiblesse secrète. Et c’est une réaction de défense. On cherche un mo
620 e. C’est l’aveu d’une faiblesse secrète. Et c’est une réaction de défense. On cherche un mot, une phrase, pour tuer une réa
621 ète. Et c’est une réaction de défense. On cherche un mot, une phrase, pour tuer une réalité dont la connaissance devient d
622 c’est une réaction de défense. On cherche un mot, une phrase, pour tuer une réalité dont la connaissance devient douloureus
623 défense. On cherche un mot, une phrase, pour tuer une réalité dont la connaissance devient douloureuse et troublante. Ainsi
624 e connaissance véritable du monde.) Littérature : un vice ? Peut-être. Ou une maladie ? Ce n’est pas en l’ignorant par att
625 du monde.) Littérature : un vice ? Peut-être. Ou une maladie ? Ce n’est pas en l’ignorant par attitude que vous la guérire
626 nscrire les effets. J’avoue prendre à cette étude un intérêt bien vif. Et cela fournit un merveilleux sujet de conversatio
627 cette étude un intérêt bien vif. Et cela fournit un merveilleux sujet de conversation, au café. Dans un salon, par contre
628 merveilleux sujet de conversation, au café. Dans un salon, par contre, c’est d’un ridicule écrasant : mais rien n’est plu
629 tion, au café. Dans un salon, par contre, c’est d’ un ridicule écrasant : mais rien n’est plus facile que d’y échapper.
630 ntherlant me paraît être le moins « littératuré » des écrivains d’aujourd’hui. Quand il parle littérature, il a toujours l’
631 parle littérature, il a toujours l’air de mettre un peu les pieds dans le plat, de dire de ces choses qu’entre gens du mé
632 ous silence. C’est assez drôle de voir le malaise des chers confrères. Ils ne pardonnent pas à ce toréador ses familiarités
633 ardonnent pas à ce toréador ses familiarités avec une Muse qu’ils n’ont pas coutume d’aborder sans le mot de passe de la de
634 é. On m’affirme que je n’y échapperai pas plus qu’ un autre : et qu’un beau soir il faille écrire pour vivre, possible ; ma
635 ue je n’y échapperai pas plus qu’un autre : et qu’ un beau soir il faille écrire pour vivre, possible ; mais, pour sûr, jam
636 reton qui l’a exprimé : « On publie pour chercher des hommes, et rien de plus. » Chercher des hommes ! Ah ! cher ami, nous
637 chercher des hommes, et rien de plus. » Chercher des hommes ! Ah ! cher ami, nous ne sommes pas tant, n’est-ce pas, à pour
638 us ne sommes pas tant, n’est-ce pas, à poursuivre une quête de l’esprit. Et vous savez ce qu’elle nous vaut : les mépris, l
639 pour leurs instables certitudes, et qui nous font un péché de notre acceptation des réalités spirituelles parce qu’elles t
640 s, et qui nous font un péché de notre acceptation des réalités spirituelles parce qu’elles troublent leurs bureaucratiques
641 tions que j’attende de la littérature : que celle des autres m’aide à prendre conscience de moi-même ; que la mienne m’aide
642 s’agit plus de mépris ni d’adoration. J’ai défini une « maladie » dont je parviens à tirer quelque bien pour ma vie. Le jou
643 . Le jour où les soins qu’elle exige me coûteront des sacrifices plus grands que les bienfaits que j’en escompte, il sera t
644 sympathique Philippe Soupault, que « ceci, c’est une autre histoire, une autre belle histoire, une autre très belle histoi
645 e Soupault, que « ceci, c’est une autre histoire, une autre belle histoire, une autre très belle histoire ». (Et vous verri
646 est une autre histoire, une autre belle histoire, une autre très belle histoire ». (Et vous verriez à quoi cela peut servir
647 oire ». (Et vous verriez à quoi cela peut servir, une citation.) Mais non, cher ami, voici qu’une envie me prend de vous co
648 rvir, une citation.) Mais non, cher ami, voici qu’ une envie me prend de vous conter un peu cette histoire. Seulement, allon
649 r ami, voici qu’une envie me prend de vous conter un peu cette histoire. Seulement, allons ailleurs ; il y a trop de monde
650 and Écart, roman de M. Cocteau, a donné son nom à un établissement de nuit très en vogue à Paris. Cambronne (général), 177
651 que. — Là ! [NdE] Le texte publié place également un appel de note plus bas dans le paragraphe, après « Narcisse », sans q
652 près « Narcisse », sans qu’on sache s’il s’agit d’ une erreur ou d’une volonté de l’auteur. 15. Variante : des puissances d
653 », sans qu’on sache s’il s’agit d’une erreur ou d’ une volonté de l’auteur. 15. Variante : des puissances d’action. 16. J’
654 eur ou d’une volonté de l’auteur. 15. Variante : des puissances d’action. 16. J’en vois certains qui arrangent leur vie d
655 leur vie de telle sorte que leurs mémoires seront des romans « bien modernes ». Leurs amours sont des pastiches de Morand,
656 t des romans « bien modernes ». Leurs amours sont des pastiches de Morand, et ils en sont tout fiers : « Il n’y a plus qu’à
15 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Les derniers jours (juillet 1927)
657 unisme. Tous ceux-là travaillent à l’achèvement d’ un certain monde moderne, merveilleuse mécanique sévère et dénuée de tou
658 évère et dénuée de tout secours de l’Esprit. Mais un jour viendra où les hommes se révolteront contre le joug atrocement p
659 révolteront contre le joug atrocement positiviste des Maurras et des Mussolini, des Lénine et des Ford. Alors les hommes hu
660 tre le joug atrocement positiviste des Maurras et des Mussolini, des Lénine et des Ford. Alors les hommes hurleront un affr
661 ocement positiviste des Maurras et des Mussolini, des Lénine et des Ford. Alors les hommes hurleront un affreux besoin myst
662 viste des Maurras et des Mussolini, des Lénine et des Ford. Alors les hommes hurleront un affreux besoin mystique. Vous rév
663 es Lénine et des Ford. Alors les hommes hurleront un affreux besoin mystique. Vous réveillerez-vous pour les désaltérer, d
16 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Adieu au lecteur (juillet 1927)
664 rme candeur de trouver ça naturel. On nous a fait des reproches contradictoires. Nous les additionnons : ils s’annulent. Il
665 mots sur la paradoxale situation intellectuelle d’ une revue d’étudiants comme la nôtre. D’un côté, en effet, on s’accorde p
666 ctuelle d’une revue d’étudiants comme la nôtre. D’ un côté, en effet, on s’accorde pour trouver légèrement ridicule un jeun
667 et, on s’accorde pour trouver légèrement ridicule un jeune homme qui recherche activement la Sagesse (« Ça n’est pas de vo
668 de votre âge ! ») ; de l’autre, on se scandalise des « énormités » qui peuvent échapper à un jeune homme moins grave et qu
669 andalise des « énormités » qui peuvent échapper à un jeune homme moins grave et qui manifeste franchement sa jeunesse. (« 
670 jeunesse. (« Vous vous souciez vraiment trop peu des conséquences de ce que vous écrivez ! ») En définitive, il semble qu
671 r troublé quelques bonnes petites somnolences par des cris intempestifs. Il y a des gens qui n’ont pas encore admis que jeu
672 tes somnolences par des cris intempestifs. Il y a des gens qui n’ont pas encore admis que jeunesse = révolution Tous les ma
673 t puis, de temps à autre, voici que nous parvient un signe d’amitié qui ne trompe pas. Deux ou trois mots, on s’est compri
674 nève et son mystère. Car chaque année, renaissant des décombres où s’anéantirent l’honneur et la fortune de ses derniers ré
675 iers rédacteurs, notre Revue-phénix s’élance avec une ardeur rajeunie d’un an dans une direction absolument imprévisible. Q
676 Revue-phénix s’élance avec une ardeur rajeunie d’ un an dans une direction absolument imprévisible. Que nous apportera le
677 ix s’élance avec une ardeur rajeunie d’un an dans une direction absolument imprévisible. Que nous apportera le Central de G
678 la tradition, l’anarchie, l’ironie, le sentiment, un réveil des vieux, Maurras, Lounatcharsky, la SDN, et même Edmond Gill
679 on, l’anarchie, l’ironie, le sentiment, un réveil des vieux, Maurras, Lounatcharsky, la SDN, et même Edmond Gillard, et mêm
680 SDN, et même Edmond Gillard, et même, et surtout, un miracle. Et puis, ils ont des vieux un peu là, du grand Arthur-Alfred
681 et même, et surtout, un miracle. Et puis, ils ont des vieux un peu là, du grand Arthur-Alfred-Albert au non moins grand Tan
682 t surtout, un miracle. Et puis, ils ont des vieux un peu là, du grand Arthur-Alfred-Albert au non moins grand Tanner. (On
683 Et puis, en voilà assez pour ranimer la curiosité des plus blasés. Lecteur, fais confiance au Central de Genève. Souviens-t
17 1929, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). « Belles-Lettres, c’est la clé des champs… » (janvier 1929)
684 « Belles-Lettres, c’est la clé des champs… » (janvier 1929)y 1. Belles-Lettres, c’est la clef des cha
685 anvier 1929)y 1. Belles-Lettres, c’est la clef des champs. 2. L’essence de Belles-Lettres, c’est de l’alcool à brûler le
686 roid, je dis : Belles-Lettres est essentiellement une mystique. Mais parce que je suis de sang-froid, je ne puis dire grand
687 oin de formuler cette ivresse ; autrement que par des cris. 5. Avec toutes les erreurs et turpitudes que cela comporte, Bel
688 turpitudes que cela comporte, Belles-Lettres est une liberté. Une rude épreuve : on n’en sort que pour mourir ou pour entr
689 ue cela comporte, Belles-Lettres est une liberté. Une rude épreuve : on n’en sort que pour mourir ou pour entrer en religio
690 6. Peu de choses dans le monde moderne ont encore une « essence ». Celle de Belles-Lettres est en agréable odeur à l’Éterne
691 ugemont Denis de, « Belles-Lettres, c’est la clef des champs… », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribour
18 1929, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Prison. Ailleurs. Étoile de jour (mars 1929)
692 rison Prisonnier de la nuit mais plus libre qu’ un ange prisonnier dans ta tête mais libre comme avant cette naissance a
693 Quand la nuit s’effeuille et se fane prisonnier d’ une saison morte au tombeau des fleurs obscures les mains de l’absence se
694 se fane prisonnier d’une saison morte au tombeau des fleurs obscures les mains de l’absence se ferment sur le vide   Tu p
695 e   Tu pleurerais Mais la grâce est facile comme un matin d’été la grâce tendrement dénouée de ta vie comme de cette nuit
696 t dénouée de ta vie comme de cette nuit le jour d’ un grand été   qui consent… Ailleurs Colombes lumineuses des main
697   qui consent… Ailleurs Colombes lumineuses des mains de mon amour écloses voyageuses ah ! que d’aucun retour vous ne
698 . Étoile de jour Il naissait à son destin des rayons glissent et rient c’est la caresse des anges parmi les formes
699 tin des rayons glissent et rient c’est la caresse des anges parmi les formes de l’ombre C’était l’aube et le sourire ador
700 sourire adorable de savoir la dansante liberté d’ un désir à sa naissance L’étoile qui l’accueille au sommet ravi d’un s
701 sance L’étoile qui l’accueille au sommet ravi d’ un silence c’est le miroir d’une absence mais le signe de sa grâce Dan
702 lle au sommet ravi d’un silence c’est le miroir d’ une absence mais le signe de sa grâce Dans l’or vert évanouie au cœur é
703 r éclatant du jour scintillera l’invisible gage d’ un amour perdu. z. Rougemont Denis de, « Prison. Ailleurs. Étoile
19 1929, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Souvenirs d’enfance et de jeunesse, par Philippe Godet (avril 1929)
704 , par Philippe Godet (avril 1929)aa Quand avec un air fin mais un ton convaincu l’on a répété dans une ballade fameuse
705 odet (avril 1929)aa Quand avec un air fin mais un ton convaincu l’on a répété dans une ballade fameuse « Que voulez-vou
706 air fin mais un ton convaincu l’on a répété dans une ballade fameuse « Que voulez-vous, je suis bourgeois ! », l’on peut s
707 is d’être absous avec le sourire par la clientèle des librairies romandes, en mal de cadeaux de Noël ou de première communi
708 armi les compatriotes d’Amiel, Godet restera l’un des rares qui ont réussi à se connaître et que cela n’a point stérilisé :
709 deux dimensions ; la conscience ne pouvait y tuer un lyrisme quasi inexistant, mais bien y exciter un esprit critique fort
710 un lyrisme quasi inexistant, mais bien y exciter un esprit critique fort alerte. Jugez-en à la façon dont il parle de « s
711 « j’ai eu la chance de discerner très jeune, avec une clairvoyance singulière, mes propres limites, et j’ai eu la sagesse d
712 omie bourgeoise que cette administration exacte d’ un petit capital. Le contraire de la poésie, bien sûr. Mais on n’en dema
713 tive manque souvent à ces récits : ce n’est point un paysage d’âme qu’on y cherche, mais l’anecdote bien tournée, des noms
714 me qu’on y cherche, mais l’anecdote bien tournée, des noms connus. Tout est sur le même plan ; le dessin d’ailleurs est élé
20 1929, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). L’ordre social. Le Libéralisme. L’inspiration (novembre 1929)
715 929)ab L’ordre social Il y avait une fois un jeune homme comme les autres. Soudain il lui pousse des ailes, une gr
716 une homme comme les autres. Soudain il lui pousse des ailes, une grande paire d’ailes. Allait-on s’émerveiller ? Mais déjà
717 omme les autres. Soudain il lui pousse des ailes, une grande paire d’ailes. Allait-on s’émerveiller ? Mais déjà Freud expli
718 dénonçaient, et les précieuses trouvaient cela d’ un romantisme ! ma chère, d’un mauvais goût ! Cependant le jeune homme a
719 ses trouvaient cela d’un romantisme ! ma chère, d’ un mauvais goût ! Cependant le jeune homme agitait ses ailes non sans un
720 pendant le jeune homme agitait ses ailes non sans une ingénue fierté. Mais au courant d’air s’enrhuma le grand-papa. On cra
721 ueil t’aveugle-t-il ? Veux-tu conserver, ô cruel, des ailes qui donnent des rhumes à ton grand-père et sont en scandale aux
722 Veux-tu conserver, ô cruel, des ailes qui donnent des rhumes à ton grand-père et sont en scandale aux meilleurs esprits ? V
723 e tu t’apprêtes visiblement à t’envoler, laissant des parents inconsolables, ô sans cœur, ô pervers, ô disciple de Nietzsch
724 devenu beaucoup moins intéressant. ⁂ Celui qui a des ailes sera persécuté à cause de ses ailes, mais celui qui n’en a pas
725 nté gémissante ! Dieu, dans sa pitié, leur envoya un ange porteur d’une solution fort simple qui d’ailleurs était la bonne
726 ieu, dans sa pitié, leur envoya un ange porteur d’ une solution fort simple qui d’ailleurs était la bonne, car le grand Remè
727 lleurs était la bonne, car le grand Remède, c’est un Simple. Des hurlements de rage ne tardèrent point à s’élever de toute
728 t la bonne, car le grand Remède, c’est un Simple. Des hurlements de rage ne tardèrent point à s’élever de toutes parts. Les
729 u’il n’y a plus de morale, et ces jeunes gens ont une façon de trancher les questions qui vous désarme. Craignant qu’on ne
730 ions qui vous désarme. Craignant qu’on ne lui fît un mauvais parti, l’ange trouva son salut dans un subterfuge : il insinu
731 ît un mauvais parti, l’ange trouva son salut dans un subterfuge : il insinua qu’il parlait au nom d’une secte orientale. A
732 un subterfuge : il insinua qu’il parlait au nom d’ une secte orientale. Aussitôt la discussion de reprendre, et l’on parla d
733 a défense de l’Occident. L’ange s’enfuit par l’un des nombreux trous de leurs raisonnements. L’inspiration Comme le p
734 minait sa théorie sur la nature de l’inspiration, un doute lui vint. Il alla au cinéma. On donnait un film voluptueux. Il
735 un doute lui vint. Il alla au cinéma. On donnait un film voluptueux. Il aima l’héroïne, mais sans espoir. Il lui écrivit,
736 ns espoir. Il lui écrivit, en sortant de là, dans une crèmerie pleine de couples à la mode. Mais en écrivant il pensait à u
737 couples à la mode. Mais en écrivant il pensait à une femme blonde assise près de lui. Ayant demandé un timbre pour attirer
738 ne femme blonde assise près de lui. Ayant demandé un timbre pour attirer l’attention de la femme blonde — sans résultat —,
739 de la femme blonde — sans résultat —, il écrivit une adresse réelle, et mit la lettre dans la première boîte venue. Le len
740 s la première boîte venue. Le lendemain, il reçut une réponse : « Vous avez commis une erreur, cher ami, mais bien excusabl
741 demain, il reçut une réponse : « Vous avez commis une erreur, cher ami, mais bien excusable de la part d’un poète en état,
742 rreur, cher ami, mais bien excusable de la part d’ un poète en état, sans doute, d’inspiration. Je trouve dans une envelopp
743 n état, sans doute, d’inspiration. Je trouve dans une enveloppe qu’hier vous m’adressâtes une déclaration d’amour destinée
744 ouve dans une enveloppe qu’hier vous m’adressâtes une déclaration d’amour destinée à une femme blonde. Je suis noire. Mais
745 s m’adressâtes une déclaration d’amour destinée à une femme blonde. Je suis noire. Mais je sais qui c’est. J’ai fait suivre
746 je sais qui c’est. J’ai fait suivre. Alexandrine un jour m’a laissé entendre qu’elle vous aime. Elle attend votre lettre
747 u’elle vous aime. Elle attend votre lettre depuis des mois. Je pense que ces lignes vous trouveront réunis. Avec ma bénédic
748  L’inspiration est le nom qu’on donne en poésie à une suite de malentendus heureusement enchaînés. » Cette histoire, en eff
749 enchaînés. » Cette histoire, en effet, lui valut une Muse. ab. Rougemont Denis de, « L’ordre social. Le Libéralisme. L
21 1930, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Les soirées du Brambilla-club (mai 1930)
750 e, c’est la Poésie, et la France c’est la Chambre des Députés, je n’en veux pas démordre, et la Légion d’honneur — je vous
751 la laisse, la Légion d’honneur. Quand vous prenez un taxi passé onze heures, c’est double tarif, et pourquoi ? Regardez :
752 i ? Regardez : à côté de vous, si vous êtes seul, un fantôme, d’office, a pris place. On lie bien vite connaissance, pourv
753 On lie bien vite connaissance, pourvu qu’on sache un peu d’allemand, — et l’allemand littéraire y suffit. Pour moi, je ne
754 s moi je me méfie ; se promener seul la nuit dans une ville étrangère, n’est-ce point la définition même de la luxure ? Qua
755 ui se dégrade assez rapidement et se dissout dans une sentimentalité exquise, navrante. Il reste de s’asseoir à quelque ter
756 lque terrasse de café pour y boire à petits coups une amertume acide et tiède comme l’adolescence, un désespoir de nuit d’é
757 une amertume acide et tiède comme l’adolescence, un désespoir de nuit d’été sous le tilleul où elle n’est pas venue… (C’e
758 de manger ferme a donné au chauffeur l’adresse d’ un ogre. C’est tout près parce que j’ai peur. En même temps c’est très l
759 ’est très loin parce que je me réjouis. La Maison des Ogres est au 53 rue de Rennes ; je ne vous le confie pas sans un secr
760 53 rue de Rennes ; je ne vous le confie pas sans un secret tremblement. Nous embarquons Jean Cassou, et le fantôme se fai
761 iolette de Montparnasse. Là, l’insondable lubie d’ un agent nous immobilise une minute aux lisières odorantes d’une terrass
762 Là, l’insondable lubie d’un agent nous immobilise une minute aux lisières odorantes d’une terrasse où nous voyons Charles-A
763 us immobilise une minute aux lisières odorantes d’ une terrasse où nous voyons Charles-Albert Cingria, transfiguré par un so
764 us voyons Charles-Albert Cingria, transfiguré par un souffle épique, en train de décrire à Blaise Cendrars, son voisin de
765 à Blaise Cendrars, son voisin de table, l’arrivée des Mongols dans Paris et leurs établissements Place de la Concorde. Notr
766 a Concorde. Notre conteur est vêtu de la gloire d’ un pourpoint « plus rouge que rouge ». On assure qu’il possède encore un
767 rouge que rouge ». On assure qu’il possède encore une harpe et un piano près des étoiles, et qu’il est « pittoresque », cas
768 ge ». On assure qu’il possède encore une harpe et un piano près des étoiles, et qu’il est « pittoresque », cas déplorable,
769 e qu’il possède encore une harpe et un piano près des étoiles, et qu’il est « pittoresque », cas déplorable, s’agissant d’u
770 est « pittoresque », cas déplorable, s’agissant d’ un poète authentique. Le pittoresque. D’abord je crains que la notion n’
771 pagnes au printemps. Ou encore : comme la lecture des romans anglais, les loisirs obsédés du jaloux, le travail jusqu’à l’a
772 jaloux, le travail jusqu’à l’aube, la naissance d’ un visage dans ma mémoire (d’heure en heure ces yeux plus vivants…) De l
773 ure ces yeux plus vivants…) De là, je le suppose, une certaine misanthropie en germe : les êtres changent trop vite, je n’a
774 ’amour. Durant cette méditation, nous avons gagné une rue pauvrement éclairée où l’on s’arrête. Le fantôme derrière nous cl
775 sez froid. ⁂ Lorsque l’homme, cédant à l’évidence des choses ou de l’esprit, comprend enfin qu’il est perdu, il découvre la
776 utant qu’au sens moral.) Le goût de se perdre est un des plus profonds mystères de notre condition, et je ne crois pas tro
777 nt qu’au sens moral.) Le goût de se perdre est un des plus profonds mystères de notre condition, et je ne crois pas trop ab
778 trop absurde d’y chercher l’origine non seulement des passions amoureuses, mais de la plupart des entreprises démesurées qu
779 es propres yeux l’Humanité. En passant, relevons un sophisme à la mode, qui vient trébucher dans les méandres de notre ch
780 faut se perdre pour se retrouver », nous enseigne une doctrine en vérité moins généreuse que ne veut le croire M. Gide, — s
781 l entre les griffes de son égoïsme à la souris qu’ un chat subtil et ironique feint de lâcher pour mieux croquer. Pourquoi
782 pas se perdre sans arrière-pensée ? S’il me reste un espoir au sein de mes erreurs les moins préméditées, c’est sans doute
783 re d’hôtel, ferme sa porte à double tour. Ah ! qu’ une nuit enfin, à la faveur de mon sommeil, on me vole à moi-même ! Que d
784 aveur de mon sommeil, on me vole à moi-même ! Que des êtres rêvés m’emportent ! — Ils me conduiraient là où je ne sais pas
785 d’aller… Est-ce ici ? Je regarde autour de moi : des murs sans yeux dominent des baraques éparses dans une brousse où s’en
786 garde autour de moi : des murs sans yeux dominent des baraques éparses dans une brousse où s’engage délibérément notre fant
787 murs sans yeux dominent des baraques éparses dans une brousse où s’engage délibérément notre fantôme. Il avance sans bouger
788 e que je pressentais ne tarde pas à se produire : des aboiements fous et une effusion de lumière basse, rougeoyante, campag
789 tarde pas à se produire : des aboiements fous et une effusion de lumière basse, rougeoyante, campagnarde. ⁂ La sauce est a
790 arrive qu’on parle, en art culinaire, du style d’ un rôti, et en cuisine littéraire, de pensers mis à toutes sauces. Si M.
791 qu’on n’est jamais mieux pour parler qu’en face d’ une assiette pleine : l’occupation agréable et essentielle qui consiste à
792 léphoné au début de l’après-midi qu’il commençait un roman. Son absence nous fera-t-elle croire qu’il apporte un soin tout
793 Son absence nous fera-t-elle croire qu’il apporte un soin tout particulier à le parfaire ? — il est bientôt minuit. Mon fa
794 re ? — il est bientôt minuit. Mon fantôme est là. Un chien, Dick, est là. Pierre Girard n’est pas là, ni Othon ; mais bien
795 s là, mais bien Dollonne, ce qui revient au même. Une femme fatale et un grand incompris sont là. Enfin, Jean Cassou, repré
796 onne, ce qui revient au même. Une femme fatale et un grand incompris sont là. Enfin, Jean Cassou, représentant Mgr le marq
797 ux que j’oublie, vous obtiendrez le chiffre exact des participants ; calculez l’âge du capitaine. Au dessert, chacun y va d
798 s Du Bos, en kimono de soie « capstan ». Il ouvre une de ces parenthèses dont il a le secret, et dans laquelle la rédaction
799 rtie la plus incongrue de cette chronique. Enfin, un Étranger raconte l’histoire suivante qui est une des plus belles du m
800 , un Étranger raconte l’histoire suivante qui est une des plus belles du monde :   Un prince italien ayant commandé à Perg
801 Étranger raconte l’histoire suivante qui est une des plus belles du monde :   Un prince italien ayant commandé à Pergolès
802 uivante qui est une des plus belles du monde :   Un prince italien ayant commandé à Pergolèse un Stabat Mater, le musicie
803 :   Un prince italien ayant commandé à Pergolèse un Stabat Mater, le musicien quitta Naples où il habitait alors, abandon
804 s, épuisé de corps et d’âme, et n’ayant pas écrit une seule note, il se retrouva aux portes de Naples, d’où il n’eut que la
805 il allait y pénétrer, il aperçut auprès du seuil une mendiante qui pleurait très doucement. Un moment, il écouta sa mélopé
806 seuil une mendiante qui pleurait très doucement. Un moment, il écouta sa mélopée. Puis envahi par un dernier feu, il se p
807 Un moment, il écouta sa mélopée. Puis envahi par un dernier feu, il se précipita dans sa chambre où il s’enferma, écrivit
808 ita dans sa chambre où il s’enferma, écrivit dans une grande fièvre tout le Stabat Mater, sa plus belle œuvre, sur le thème
809 e Stabat Mater, sa plus belle œuvre, sur le thème des pleurs de la vieille, et mourut comme il l’achevait. ⁂ Partout où il
810 ⁂ Partout où il y a de la musique, de l’Italie et une certaine qualité de désespoir, je retrouve les contes d’Hoffmann. Mai
811 les bouteilles, — et les lampes meurent en jetant une longue flamme. À Venise, sous le brouillard qui cachait le front des
812 À Venise, sous le brouillard qui cachait le front des palais, une nuit d’hiver, je chantonnais la Barcarolle en descendant
813 us le brouillard qui cachait le front des palais, une nuit d’hiver, je chantonnais la Barcarolle en descendant le Grand Can
814 Barcarolle en descendant le Grand Canal, — c’est une romance assez déchirante, à mi-voix… ................................
815 s, puisque te voilà bien perdu cette fois, dérive un peu vers ces Allemagnes où, tu le sais, la tristesse la plus amère in
816 e sais, la tristesse la plus amère invente encore des mélodies sentimentales, un peu bêtes, un peu trop lentes, comme tu le
817 amère invente encore des mélodies sentimentales, un peu bêtes, un peu trop lentes, comme tu les aimes — on n’a pas toujou
818 encore des mélodies sentimentales, un peu bêtes, un peu trop lentes, comme tu les aimes — on n’a pas toujours envie de cr
819 n n’a pas toujours envie de crâner. L’esplanade d’ une petite ville de l’Allemagne du Sud, un soir de mai. Il y a dans les m
820 planade d’une petite ville de l’Allemagne du Sud, un soir de mai. Il y a dans les marronniers noirs des lampions et des to
821 un soir de mai. Il y a dans les marronniers noirs des lampions et des touffes de gamins qui regardent avec la bouche ce qui
822 Il y a dans les marronniers noirs des lampions et des touffes de gamins qui regardent avec la bouche ce qui se passe à l’in
823 nt avec la bouche ce qui se passe à l’intérieur d’ une enceinte de toiles tendues au-devant d’un petit théâtre. La rampe est
824 ieur d’une enceinte de toiles tendues au-devant d’ un petit théâtre. La rampe est d’un bleu stellaire, un bleu d’Aldébaran.
825 dues au-devant d’un petit théâtre. La rampe est d’ un bleu stellaire, un bleu d’Aldébaran. On joue Rose de Tannenbourg, dra
826 petit théâtre. La rampe est d’un bleu stellaire, un bleu d’Aldébaran. On joue Rose de Tannenbourg, drame en 15 tableaux,
827 n joue Rose de Tannenbourg, drame en 15 tableaux, un prologue et une conclusion. Le carton des armures sonne sourdement so
828 Tannenbourg, drame en 15 tableaux, un prologue et une conclusion. Le carton des armures sonne sourdement sous les coups d’u
829 ableaux, un prologue et une conclusion. Le carton des armures sonne sourdement sous les coups d’un Kühnrich à la basse rugi
830 ton des armures sonne sourdement sous les coups d’ un Kühnrich à la basse rugissante, plus traître que nature avec sa large
831 traître que nature avec sa large face mangée par une barbe en crin de cheval du diable. L’héroïne est belle comme une ball
832 in de cheval du diable. L’héroïne est belle comme une ballade de Bürger, tandis qu’elle arrose de ses larmes le seuil de la
833 le seuil de la prison paternelle, tout en coulant un clin d’œil assassin vers le parterre agité de passions contradictoire
834 e passions contradictoires. Durant les entractes, une fanfare de paysans bleu de roi joue sur un rythme impeccable, avec to
835 ctes, une fanfare de paysans bleu de roi joue sur un rythme impeccable, avec toujours les mêmes notes fêlées et l’accompag
836 ns les feuillages de voix fausses mais aériennes, des chansons populaires qui sont ce que je connais de plus indiciblement
837 e s’éloigne. La nuit est chaude sur les collines. Un grand verre de bière à l’auberge déserte, ma pipe et mon chien qui bo
838 ugonne. La petite maison du colonel en retraite a des fenêtres basses, mais défendues par des rosiers sauvages. Laquelle de
839 etraite a des fenêtres basses, mais défendues par des rosiers sauvages. Laquelle des trois filles est donc la plus jolie ?
840 mais défendues par des rosiers sauvages. Laquelle des trois filles est donc la plus jolie ? Sans doute celle qui dort dans
841 ages d’Allemagne. Cela se passe actuellement dans un hôtel tragi-comique en cinq étages et un prologue ou vestibule, plein
842 ent dans un hôtel tragi-comique en cinq étages et un prologue ou vestibule, plein de bruits de lavabos et de coups de cloc
843 tôt… Mais il est temps de mettre à ces fariboles un terme19. J’ai du solide à équarrir. Et auparavant, j’aimerais lire un
844 solide à équarrir. Et auparavant, j’aimerais lire un peu. Mes auteurs ? Goethe en tout temps ; Rodolphe Toepffer (admiré p
22 1930, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Le Grand Testament de Villon, illustré par Marcel North (juin 1930)
845 rcel North (juin 1930)ad Marcel North a trouvé un style qui ne ressemble qu’à sa fantaisie : la précision de son trait
846 ’à sa fantaisie : la précision de son trait cerne une poésie ingénue, à la fois drue et délicate comme tout ce qui est vrai
847 roît en plein cœur de celui qui est mort d’amour, une âme qui s’envole par la bouche, des formes aériennes qui volent dans
848 mort d’amour, une âme qui s’envole par la bouche, des formes aériennes qui volent dans les Limbes, tout cela prend dans ces
849 ans les Limbes, tout cela prend dans ces gravures une réalité si touchante et si naturelle qu’on ne peut s’y tromper : la g
850 à experte et malicieuse. Ce que j’aime ici, c’est un ravissant concours d’ingénuité et d’observation ironique, et cette ne
851 ces compositions parmi les allégories barbares d’ un ciel bon enfant, et dans ce truculent petit monde, Marcel North et l’
852 on n’ose reprocher à ces images ce qu’elles ont d’ un peu grêle : leur jeunesse… Et si la composition s’amuse parfois à boi
853 s drôles, et ce violoneux qui tire son archet sur des rayons de soleil… Bravo, Marcel, v’là le printemps ! ad. Rougemont
23 1932, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). La pluie et le beau temps (Dialogue dans une tête) (1932)
854 La pluie et le beau temps (Dialogue dans une tête) (1932)ae af Lord Artur. — Vous êtes terriblement jolie auj
855 échante ? Sonnette. — Lord Artur, je ne suis pas une mauvaise femme, et si vous n’étiez pas si retors, vous verriez bien q
856 verriez bien que je ne suis pas plus coquette qu’ une autre. Mais les hommes comme vous aiment que les femmes soient coquet
857 je suis à peine coquette, et vous savez que c’est un plaisir qu’on ne peut pas nous refuser ; du reste, cela me rend plus
858 vous aiment. Car elles sont insensées, mais comme des baisers dans l’air. Je voudrais vous poser une question, Sonnette. Un
859 r. Je voudrais vous poser une question, Sonnette. Une question très grave. Une question qui revient à peu près à ceci : Ête
860 une question, Sonnette. Une question très grave. Une question qui revient à peu près à ceci : Êtes-vous un être capable d’
861 uestion qui revient à peu près à ceci : Êtes-vous un être capable d’aimer, ou seulement une apparence adorable ? Et voici
862 : Êtes-vous un être capable d’aimer, ou seulement une apparence adorable ? Et voici cette question : Aimez-vous mieux la pl
863 çon de météorologie sentimentale. Comme vous êtes un profond pédant, dans cinq minutes je ne saurai plus même voir s’il fa
864 tre conception de l’amour se réfèrent en vérité à une carte postale en couleurs. Et non pas à la réalité. Car vous n’aimez
865 ar vous n’aimez pas réfléchir à la souffrance.   ( Un silence.)   Sans doute, Sonnette, portez-vous de ces courtes bottes v
866 s petite fille, j’aimais me promener à la lisière des forêts, les jambes nues sous la pluie. L’herbe était pleine de sales
867 tits escargots, et les framboises humides avaient un délicieux goût fade. Je rentrais toute fière de mes genoux griffés co
868 rais toute fière de mes genoux griffés comme ceux des garçons, et le soir quand on me faisait souhaiter dans ma prière « qu
869 s herbes mouillées. Lord Artur. — On dit souvent des femmes qu’elles sont naturellement païennes. Mais les peuples païens
870 ce soir. Quand vous cédez à votre manie de remuer des métaphysiques à propos de petits riens, c’est toujours par dépit amou
871 vous laisse aller, ou si peut-être je vous pousse un peu, vous finirez par démontrer qu’il faut être chrétien pour compren
872 profondément que vous n’ayez pas plus de sens qu’ un oiseau. Sonnette, si vous étiez païenne ou si vous étiez chrétienne,
873 ous adoriez la lumière, le beau temps vous serait un Dieu rendu visible ; et votre « bonheur » rien de plus que l’un des n
874 ible ; et votre « bonheur » rien de plus que l’un des noms de sa présence. Mais un jour la lumière est morte autour de nous
875 en de plus que l’un des noms de sa présence. Mais un jour la lumière est morte autour de nous, elle est morte à la surface
876 morte autour de nous, elle est morte à la surface des choses pour renaître au centre de l’homme. Et, dès lors, de tous les
877 i qui dans le même temps se passe à l’intérieur d’ un être. Ainsi tout est changé, mais peu le savent. Peu savent le chemin
878 sens de l’Oracle qui lui avait dit d’aller bâtir une ville là où il trouverait la pluie et le beau temps, il rencontra en
879 la pluie et le beau temps, il rencontra en Italie une courtisane qui pleurait ; et en ce lieu bâtit la ville de Crotone.
880 Sonnette. — J’aime vos histoires, Lord Artur. ( Un temps.) — Dites-moi, Lord Artur, si je pleurais, quel temps ferait-il
881 ’elle se tient là « vêtue de son péché », — comme une courtisane. Mais vous n’êtes qu’une petite fille.20 20. [Note à l’
882 hé », — comme une courtisane. Mais vous n’êtes qu’ une petite fille.20 20. [Note à l’achevé d’imprimé :] « Relativement à
883 ent réservés par Denis de Rougemont, à la suite d’ une entente formelle avec les héritiers du baron de Crac, représentés par
884 eprésentés par le baron W. de Münchhausen, au bar des Vikings (Paris), fin septembre 1931. » ae. Rougemont Denis de, « La
885 is de, « La pluie et le beau temps (Dialogue dans une tête) », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg,
24 1933, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Petites notes sur les vérités éternelles (1932-1933)
886 de l’avantage que je m’accorde en détachant ainsi des phrases du contexte. Mais si j’adoptais une autre méthode, les dimens
887 ainsi des phrases du contexte. Mais si j’adoptais une autre méthode, les dimensions de la Revue n’y suffiraient plus — ni l
888 ilosophes, de tout temps, ont montré du goût pour une certaine continuité, une certaine permanence qui planerait au-dessus
889 ont montré du goût pour une certaine continuité, une certaine permanence qui planerait au-dessus des vicissitudes du monde
890 , une certaine permanence qui planerait au-dessus des vicissitudes du monde et des résultats hautement contradictoires des
891 planerait au-dessus des vicissitudes du monde et des résultats hautement contradictoires des philosophies. La critique pos
892 monde et des résultats hautement contradictoires des philosophies. La critique postkantienne ayant fait justice de certain
893 survivantes chez certains penseurs, à connaître d’ une vérité absolue, on put se demander si la philosophie n’allait pas dém
894 Laisser tomber la « discipline » ? Et d’ailleurs, une démission de la philosophie eût impliqué, au concret, la démission ré
895 i personne ne peut songer sérieusement. On trouva des solutions élégantes. D’une part, la philosophie se transforma en hist
896 la philosophie se transforma en histoire comparée des systèmes ; d’autre part, les « chercheurs » invétérés s’appliquèrent
897  chercheurs » invétérés s’appliquèrent à rétablir une permanence abstraite, qu’ils ne tardèrent pas à trouver dans la forme
898 s parle du créé et du créant. Mais nous voudrions des créateurs qui parlent.   Peu nous importe les « conditions » purement
899 us importe les « conditions » purement logiques d’ une vérité, qui, à nos yeux, demeure constamment jugée par une réalité qu
900 é, qui, à nos yeux, demeure constamment jugée par une réalité qui juge la logique même. Ce sont les conditions actuelles d
901 onditions actuelles de la vérité qui nous posent un problème, et non pas ses conditions « éternelles ». Nous ne pensons p
902 lles ». Nous ne pensons pas qu’il y ait lieu pour un philosophe, d’être rassuré par la découverte de telles conditions. El
903 peut-être la dogmatique laïque de la philosophie des sciences, durant quelques années encore. Mais ce n’est pas, comme cer
904 Mais ce n’est pas, comme certains le répètent, d’ une dogmatique que nous avons besoin. Ce n’est pas d’une systématique, d’
905 dogmatique que nous avons besoin. Ce n’est pas d’ une systématique, d’ailleurs déduite a posteriori. Ce n’est pas d’une mét
906 , d’ailleurs déduite a posteriori. Ce n’est pas d’ une méthode de correction, ou d’assurances contre les paradoxes de l’exis
907 andons à la philosophie, c’est de mettre en forme une problématique réelle, existentielle, la problématique de la vie de l’
908 ctoire pour le mettre aux ordres de la foi. C’est une colle de scolastiques ; elle alimentera quelque temps encore les jeux
909 imentera quelque temps encore les jeux de société des congrès de mathématiciens et de logisticiens ; et pendant ce temps, c
910 end dès lors l’attrait que le thomisme a exercé à un moment donné sur la pensée protestante. On comprend également le reto
911 rise par Barth et son école (p. 14). L’adhésion à une pensée nouvelle est-elle suffisamment expliquée par l’insuffisance de
912 ». Et c’est pourquoi nous ne pouvons pas accepter un instant le rapprochement qu’on nous invite à faire entre barthisme, t
913 érité ne peut opérer dans notre existence que par un choix, une décision, — un acte d’obéissance à l’ordre « tombé du ciel
914 eut opérer dans notre existence que par un choix, une décision, — un acte d’obéissance à l’ordre « tombé du ciel ». Comment
915 notre existence que par un choix, une décision, —  un acte d’obéissance à l’ordre « tombé du ciel ». Comment parler de la «
916 . Comment parler de la « restauration intégrale d’ une dogmatique appartenant aux siècles passés » (p. 14), à propos d’une t
917 artenant aux siècles passés » (p. 14), à propos d’ une théologie dont le travail systématique consiste précisément à rejeter
918 la valeur absolue de la logique, de l’histoire et des méthodes critiques de M. Goguel ? 3. Si notre civilisation chrétienne
919 eut-on dire que pour le chrétien la perspective d’ un nouveau progrès, d’une « marche en avant » de la civilisation capital
920 e chrétien la perspective d’un nouveau progrès, d’ une « marche en avant » de la civilisation capitaliste-bourgeoise-nationa
921 ion capitaliste-bourgeoise-nationaliste fournisse une raison de se montrer optimiste ? Devant des mots comme « approfondiss
922 nisse une raison de se montrer optimiste ? Devant des mots comme « approfondissement » ou « élargissement » de notre horizo
923 ignifier au concret. Ce que cela veut dire. C’est une des leçons de la guerre. Notre refus est instinctif devant un avenir,
924 fier au concret. Ce que cela veut dire. C’est une des leçons de la guerre. Notre refus est instinctif devant un avenir, un
925 s de la guerre. Notre refus est instinctif devant un avenir, un espoir, une action dont les buts sont aussi vaguement défi
926 rre. Notre refus est instinctif devant un avenir, un espoir, une action dont les buts sont aussi vaguement définis. Car là
927 refus est instinctif devant un avenir, un espoir, une action dont les buts sont aussi vaguement définis. Car là où la pensé
928 n osé distinguer de précis, c’est là que l’action des hommes devient folle et meurtrière. 4. Il me semble que la tâche de l
929 otestante à l’heure actuelle est de dégager, dans un esprit de libre recherche et de respect pour le passé, les invariants
930 les affirmer (p. 16). Pourquoi ai-je envie, dans une telle phrase, de remplacer « libre recherche » par « obéissance », — 
931 onstantes de déformation de l’Évangile au contact des humains. Et puis, que ferions-nous en attendant que les théologiens a
932 e ? Peine perdue ? — Grosses questions, questions un peu grosses, dira-t-on. Dans une époque comme la nôtre, ce sont celle
933 stions, questions un peu grosses, dira-t-on. Dans une époque comme la nôtre, ce sont celles qu’il faut poser si l’on veut r
934 aut poser si l’on veut réellement se tirer hors d’ une confusion sans précédent — d’une confusion dont le profit ne sera jam
935 se tirer hors d’une confusion sans précédent — d’ une confusion dont le profit ne sera jamais pour la foi. Car l’opération
936 la foi. Car l’opération de la foi ne relève pas d’ un « invariant », connu ou inconnu, passé ou à venir, mais bien d’un ord
937 , connu ou inconnu, passé ou à venir, mais bien d’ un ordre, reçu hic et nunc, et d’une présence, qui juge tout. ag. Rou
938 nir, mais bien d’un ordre, reçu hic et nunc, et d’ une présence, qui juge tout. ag. Rougemont Denis de, « Petites notes s
25 1935, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). René Guisan : un clerc (1935)
939 René Guisan : un clerc (1935)ah ai Un clerc, un vrai clerc. Non pas cet être détach
940 René Guisan : un clerc (1935)ah ai Un clerc, un vrai clerc. Non pas cet être détaché, déraciné, de pure rai
941 René Guisan : un clerc (1935)ah ai Un clerc, un vrai clerc. Non pas cet être détaché, déraciné, de pure raison, que l
942 détaché, déraciné, de pure raison, que l’auteur d’ un pamphlet fameux voulait nous donner pour modèle du clerc qui ne trahi
943 nner pour modèle du clerc qui ne trahit pas. Mais une figure presque parfaite d’intellectuel en action, d’homme qui pense c
944 l n’est d’action créatrice que soumise à la loi d’ une pensée rigoureuse ; il n’est de pensée saine qu’engagée dans une œuvr
945 ureuse ; il n’est de pensée saine qu’engagée dans une œuvre efficace, au sein de contingences quotidiennes. Ces lieux commu
946 us utilement critique si vous alliez lui parler d’ un projet, d’une œuvre en cours, des circonstances d’une humble vie. Il
947 critique si vous alliez lui parler d’un projet, d’ une œuvre en cours, des circonstances d’une humble vie. Il faut décrire c
948 iez lui parler d’un projet, d’une œuvre en cours, des circonstances d’une humble vie. Il faut décrire ces éléments de sa « 
949 projet, d’une œuvre en cours, des circonstances d’ une humble vie. Il faut décrire ces éléments de sa « personne » en termes
950 les « problèmes » souvent si vagues qui peuplent une âme d’unioniste romand. Vraiment, le souvenir d’une influence et d’un
951 e âme d’unioniste romand. Vraiment, le souvenir d’ une influence et d’une présence aussi directes et essentielles doit nous
952 omand. Vraiment, le souvenir d’une influence et d’ une présence aussi directes et essentielles doit nous interdire désormais
953 nterdire désormais de considérer que l’esprit est une faculté détachée, un refuge hors de la réalité médiocre et basse. Pou
954 considérer que l’esprit est une faculté détachée, un refuge hors de la réalité médiocre et basse. Pour Guisan, l’esprit c’
955 t l’acte, l’aide effective apportée hic et nunc à des hommes bien réels dans leurs limites reconnues et acceptées. Il me se
956 ituel. ah. Rougemont Denis de, « René Guisan : un clerc », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg,
26 1938, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Le Poète et le Vilain (novembre 1938)
957 Vilain (novembre 1938)aj ak Le poète disait d’ une belle voix d’amertume : — Nous n’avons plus guère de mesures pour les
958 rgie. Nos codes ne prévoient pas que l’assassin d’ un noble sera puni plus sévèrement que n’eût été ce noble assassinant un
959 lus sévèrement que n’eût été ce noble assassinant un serf. Même l’indulgence pour les riches a cessé d’être bien certaine.
960 a cessé d’être bien certaine. Tout homme en vaut un autre, dit la loi ; et ce respect vulgarisé touche au mépris. De là v
961 z qu’on oscille du tout au rien, selon l’humeur d’ un jury d’ailleurs désigné par le sort. Il n’en fut pas toujours ainsi.
962 de 126 vaches ; et en cas d’insulte, on lui doit une indemnité de 6 vaches et 20 pièces d’argent. » Ailleurs, on voit que
963 gent. » Ailleurs, on voit que si le barde adresse une requête au roi, il doit lui chanter un poème. S’il s’adresse à un nob
964 e adresse une requête au roi, il doit lui chanter un poème. S’il s’adresse à un noble, trois poèmes. Si c’est à un vilain,
965 i, il doit lui chanter un poème. S’il s’adresse à un noble, trois poèmes. Si c’est à un vilain, il faut que le barde chant
966 il s’adresse à un noble, trois poèmes. Si c’est à un vilain, il faut que le barde chante jusqu’à ce qu’il n’en puisse plus
967  : — À chacun selon sa faim. Heureux ceux qui ont une grande faim, c’est à cause d’eux qu’il y a de grandes œuvres. Car le
968 ète, mais sans nobles, sans rois, peut-il y avoir des vilains ? aj. Rougemont Denis de, « Le Poète et le Vilain », Revue
969 châtel-Genève-Fribourg, novembre 1938, p. 2. ak. Une note introductive précise : « Nous avons le plaisir de publier en têt
970 avons le plaisir de publier en tête de ce numéro une page inédite de Denis de Rougemont, qu’il a bien voulu extraire pour
971 ougemont, qu’il a bien voulu extraire pour nous d’ un ouvrage qu’il prépare et qu’il intitulera Doctrine fabuleuse . »
27 1968, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Hölderlin dans le souvenir des noms splendides (1968)
972 Hölderlin dans le souvenir des noms splendides (1968)al Qu’est-ce qui persiste du poème qu’un jou
973 es (1968)al Qu’est-ce qui persiste du poème qu’ un jour ou l’autre nuit nous avons lu puis oublié ? Un « ton fondamental
974 jour ou l’autre nuit nous avons lu puis oublié ? Un « ton fondamental » ? Des mouvements de mots ? ou seulement un désir
975 s avons lu puis oublié ? Un « ton fondamental » ? Des mouvements de mots ? ou seulement un désir différent de tout autre dé
976 amental » ? Des mouvements de mots ? ou seulement un désir différent de tout autre désir auparavant connu de le revivre, c
977 us rien n’est là ? Je ne gardais de Hölderlin que des souvenirs d’élans ou d’amples chutes, de rythmes brisés, de noms grec
978 intérieur. Ou moins encore, quelques syllabes et des tirets remplaçant le début ou la fin d’un verset, appels nostalgiquem
979 bes et des tirets remplaçant le début ou la fin d’ un verset, appels nostalgiquement privés de sens à cause de tant d’année
980 Oder Die Weisheit... ou parfois, plus rarement, une large fin sereine : Und von neuem ein Jahr unserer Seele beginnt.
981 retrouvais sans trop de lacunes deux quatrains d’ une déchirante simplicité, que j’avais traduits à vingt ans : Die Linien
982 té, que j’avais traduits à vingt ans : Die Linien des Lebens sind verschieden et Das Angenehme dieser Welt hab ich genossen
983 coupes du verset, ces attaques identiques de deux des grands poèmes de la folie : Nah ist Und schwer zu fassen der Gott21
984 rythme, pouvoirs du signe23, tirets qui jalonnent un silence, et ce n’est pas seulement absence du son, du sens, mais sour
985 absence du son, du sens, mais sourde pulsation d’ un blanc, d’un vide. « Énigme, ce qui naît d’un jaillissement pur ! Et p
986 son, du sens, mais sourde pulsation d’un blanc, d’ un vide. « Énigme, ce qui naît d’un jaillissement pur ! Et par le chant
987 on d’un blanc, d’un vide. « Énigme, ce qui naît d’ un jaillissement pur ! Et par le chant lui-même à peine dévoilé ». Group
988 t, fils de la belle Nuit 24. Nuit blanche, nuit d’ un bleu doré lunaire — négatif de cet azur noir du plein midi sur les Cy
989 a distance et dans le temps du rêve. Mais au-delà des accidents remémorés, qu’en était-il de la substance des grands poèmes
990 cidents remémorés, qu’en était-il de la substance des grands poèmes ? L’émotion rénovée par ces fragments — départs, invoca
991 lus vraie, plus efficace que le discours lui-même des grands Hymnes ? Il fallait enfin les relire. Je découvris alors que b
992 enfin les relire. Je découvris alors que beaucoup des fragments qui subsistaient dans ma mémoire avaient toujours été tels
993 toujours été tels dans le texte, émergeant comme des îles du blanc de la page, et parfois prolongés par une suite de tiret
994 les du blanc de la page, et parfois prolongés par une suite de tirets signalant des reliefs sous-marins25. En cherchant à l
995 rfois prolongés par une suite de tirets signalant des reliefs sous-marins25. En cherchant à les compléter par ce qu’ils dev
996 e faisais pas autre chose que le poète à partir d’ un signe, d’un nom, d’une lumière de l’Hellade imaginée. Se souvenir ain
997 s autre chose que le poète à partir d’un signe, d’ un nom, d’une lumière de l’Hellade imaginée. Se souvenir ainsi de Hölder
998 ose que le poète à partir d’un signe, d’un nom, d’ une lumière de l’Hellade imaginée. Se souvenir ainsi de Hölderlin, c’étai
999 poème dans l’élan de sa nostalgie fondamentale. D’ une poésie dont le mouvement profond de « réflexion » sur le « sentiment
1000 l » a pour fonction de « rappeler la vie perdue à une vie magnifiée »26, on peut bien dire qu’elle naît d’une nostalgie d’e
1001 e magnifiée »26, on peut bien dire qu’elle naît d’ une nostalgie d’elle-même. Hölderlin, lui, dira qu’elle se constitue dans
1002 » à exprimer, c’est-à-dire dans « la transition d’ un infini défini à un infini plus général », du « pur » au « multiple »
1003 -à-dire dans « la transition d’un infini défini à un infini plus général », du « pur » au « multiple » et « de l’Esprit au
1004 evenir dans le mythe. Le Neckar sera beau quand d’ une Grèce dorienne — Cap Sounion, Olympie, temples ruinés d’Athènes, « fi
1005 a rivière « avec ses prés charmants et les saules des rives ». Neckar imaginé comme enfance perdue, mais aussi comme aimé d
1006 fance perdue, mais aussi comme aimé de loin, dans un futur anticipé qui fera de lui un passé. Ionie de rêve, où jamais il
1007 é de loin, dans un futur anticipé qui fera de lui un passé. Ionie de rêve, où jamais il n’ira, car elle n’est plus. Paysag
1008 on décrits et pour cause — par quelques épithètes des plus générales : belle, jeune, riante, native, sainte — éclatant, ver
1009 s les forêts de l’Indus ! Mallarmé fixe tout dans un présent glacé, intemporel (« Le transparent glacier des vols qui n’on
1010 ésent glacé, intemporel (« Le transparent glacier des vols qui n’ont pas fui »). Rimbaud, ses moments forts sont au futur p
1011 tre le souvenir de naguère et sa restitution dans un présent d’ubiquité. Éluard ne connaît que l’instant, le temps ponctue
1012 mps, dans l’espace, dans la transcendance, mais d’ une absence qui est toujours appel, nostalgie qui se mue en prophétie ! H
1013 talgie qui se mue en prophétie ! Hölderlin a créé des temps nouveaux du Verbe qui nous meut et nous oriente : le passé de l
1014 nous oriente : le passé de l’invocatif28 qui est un temps de la prophétie, appelant le retour des dieux morts ou dormants
1015 est un temps de la prophétie, appelant le retour des dieux morts ou dormants ; l’imparfait anticipé, qui est le temps du p
1016 tels qu’il les a connus autrefois ». Ce n’est pas un langage imposé par le social impersonnel, tel que certains prétendent
1017 t de noms sacrés et de signes élus, qualifiés par un « ton fondamental ». C’est une sorte de code initiatique, le chiffre
1018 élus, qualifiés par un « ton fondamental ». C’est une sorte de code initiatique, le chiffre de sa religion. Noms de fleuves
1019 es dominant Delphes (et de plus haut encore fonce un milan sur sa proie d’ombre) au bord de la fontaine aux eaux « saintes
1020 ieds du Parnasse j’irai, et, dès que dans l’ombre des chênes Brillera la lueur de ton flot surgissant, Castalie ! Ah ! je v
1021 la prairie, l’eau sacrée et mes larmes, afin, Qu’ une offrande pourtant vienne encore, ô Dormants délaissés, vous atteindre
1022 re ! Et, plus loin, dans le val qui se tait, près des rocs suspendus de Tempé, Près de vous j’élirai ma demeure à jamais, p
1023 a Pléiade. 27. Le Neckar, Pléiade, p. 459. 28. Une sorte de futur, en réalité, comme le futur antérieur est une sorte de
1024 e futur, en réalité, comme le futur antérieur est une sorte de passé. 29. Essai cité, Éd. de la Pléiade, p. 630. 30. Je c
1025 Rougemont Denis de, « Hölderlin dans le souvenir des noms splendides », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève