1 1946, Réforme, articles (1946–1980). À hauteur d’homme (1er juin 1946)
1 À hauteur d’ homme (1er juin 1946)a La Politique pratique d’un idéal Qu’est
2 homme (1er juin 1946)a La Politique pratique d’ un idéal Qu’est-ce que la politique ? L’art d’aménager une cité pou
3 d’un idéal Qu’est-ce que la politique ? L’art d’ aménager une cité pour que tout homme y trouve sa chance d’être humain
4 r une cité pour que tout homme y trouve sa chance d’ être humain. Tel est le principe. Voyons les faits. La politique, en F
5 ss et des grands syndicats : on n’y joue que pour de l’argent. Ailleurs, c’est le jeu sans partenaire du parti unique au p
6 à tout coup. Nous voici loin de notre définition de la politique considérée comme la pratique d’un idéal. Il faut qu’on s
7 tion de la politique considérée comme la pratique d’ un idéal. Il faut qu’on sente cette distance. Cette différence de nive
8 faut qu’on sente cette distance. Cette différence de niveau. Qu’on la sente jusqu’à l’écœurement, jusqu’au frisson de l’ab
9 n la sente jusqu’à l’écœurement, jusqu’au frisson de l’absurdité, jusqu’à la révolte effective. Et qu’alors on fasse tout
10 on fasse tout pour la réduire, en se rapprochant, d’ un seul et même mouvement, de l’idéal et du pratique, doublement négli
11 , en se rapprochant, d’un seul et même mouvement, de l’idéal et du pratique, doublement négligés par les partis. Ce bon se
12 itique suppose, qu’on le veuille ou non, une idée de l’homme et de la condition hu­maine. Mais on dirait que la politique
13 , qu’on le veuille ou non, une idée de l’homme et de la condition hu­maine. Mais on dirait que la politique actuelle l’oub
14 ne se fonde plus, en fait, que sur les conditions de la politique en soi, c’est-à-dire sur le jeu de partis qui se voudrai
15 s de la politique en soi, c’est-à-dire sur le jeu de partis qui se voudraient chacun aussi grand que le tout, mais sans y
16 is banalités fondamentales, si totalement perdues de vue dans la lutte que leur rappel paraîtra subversif. Une politique d
17 f. Une politique digne du nom devrait se composer de deux chapitres : un idéal de l’homme d’une part, et des mesures prati
18 devrait se composer de deux chapitres : un idéal de l’homme d’une part, et des mesures pratiques d’autre part, ordonnées
19 la politique des partis se tient dans une espèce de no man’s land à mi-chemin de l’idéal et du pratique. Quand on lui rap
20 ient dans une espèce de no man’s land à mi-chemin de l’idéal et du pratique. Quand on lui rappelle le premier, elle s’en m
21 appelle le premier, elle s’en moque bien et parle de réalisme, cependant qu’elle rate le second parce qu’elle se perd dans
22 doctrinales. Elle avait pour mission très simple de relier le but et ses moyens. En fait, elle les isole l’un de l’autre.
23 e but et ses moyens. En fait, elle les isole l’un de l’autre. (Tel parti réputé libertaire vote des mesures de tyrannie. L
24 re. (Tel parti réputé libertaire vote des mesures de tyrannie. La « politique » et ses « nécessités » expliquent seules la
25 ette politique tourne à vide, dans un grand bruit d’ ismes entrechoqués, et rien n’en sort. Cette machine ne vit plus que p
26 , des promesses en oublis. Je pense aux élections de demain et je demande : de quoi s’agit-il ? Va-t-on choisir bien consc
27 Je pense aux élections de demain et je demande : de quoi s’agit-il ? Va-t-on choisir bien consciemment entre trois idéaux
28 t-on choisir bien consciemment entre trois idéaux de l’homme ? Et votera-t-on pour telle mesure précise jugée conforme à c
29 e mesure précise jugée conforme à ce qu’on attend de l’homme ? Point du tout, on votera sur les ismes, dans un état d’espr
30 sur les ismes, dans un état d’esprit assez voisin de celui du joueur qui mise sur le noir parce qu’il vient de perdre sur
31 n font pas assez, car le jeu des partis n’est pas de la politique. C’est une manière d’esquiver les problèmes en déléguant
32 rtis n’est pas de la politique. C’est une manière d’ esquiver les problèmes en déléguant le soin de les résoudre à des fact
33 ère d’esquiver les problèmes en déléguant le soin de les résoudre à des factions irréductibles dont le souci dominant est
34 factions irréductibles dont le souci dominant est de continuer le jeu, sans espoir bien sérieux de gagner la partie, c’est
35 est de continuer le jeu, sans espoir bien sérieux de gagner la partie, c’est-à-dire d’arriver à gouverner. Suis-je assez c
36 ir bien sérieux de gagner la partie, c’est-à-dire d’ arriver à gouverner. Suis-je assez clair ? Ce qui occupe toute la scèn
37 an et qui cache tout le reste, dans les élections de demain, ce sont les chances des partis, j’entends des comités de part
38 ont les chances des partis, j’entends des comités de partis, et non point des questions pratiques telles que la situation
39 telles que la situation alimentaire ou la manière de rendre la justice. Et ce sont des slogans prétendus doctrinaires, mai
40 prétendus doctrinaires, mais non des conceptions de l’homme total. Il ne s’agit ni d’idéal ni de pratique, et encore moin
41 des conceptions de l’homme total. Il ne s’agit ni d’ idéal ni de pratique, et encore moins de les relier. Donc les élection
42 ions de l’homme total. Il ne s’agit ni d’idéal ni de pratique, et encore moins de les relier. Donc les élections de demain
43 s’agit ni d’idéal ni de pratique, et encore moins de les relier. Donc les élections de demain n’ont guère de portée politi
44 et encore moins de les relier. Donc les élections de demain n’ont guère de portée politique, ou n’en ont qu’une très indir
45 relier. Donc les élections de demain n’ont guère de portée politique, ou n’en ont qu’une très indirecte, aléatoire et amb
46 cte, aléatoire et ambiguë, si l’on prend le terme de politique dans son sens fort et véritable. Le malheur serait que les
47 ayant voté pour un parti, se figurent avoir fait de la politique. Car celle-ci ne commencera qu’au lendemain de la procla
48 tique. Car celle-ci ne commencera qu’au lendemain de la proclamation des résultats. Votez donc, mais ce geste nécessaire n
49 les partis, une fois que ceux-ci se seront remis de leur crise de fièvre électorale. Comment sauver les partis Car
50 ne fois que ceux-ci se seront remis de leur crise de fièvre électorale. Comment sauver les partis Car il ne s’agit p
51 Comment sauver les partis Car il ne s’agit pas de dissoudre les partis, groupements inévitables d’intérêts de tous ordr
52 de dissoudre les partis, groupements inévitables d’ intérêts de tous ordres, ou familles de tempéraments ; mais il faut ma
53 re les partis, groupements inévitables d’intérêts de tous ordres, ou familles de tempéraments ; mais il faut malgré eux fa
54 névitables d’intérêts de tous ordres, ou familles de tempéraments ; mais il faut malgré eux faire de la politique, c’est-à
55 s de tempéraments ; mais il faut malgré eux faire de la politique, c’est-à-dire décider ce qu’est l’homme et bâtir une cit
56 sein, rapporter nos jugements à une notion totale de l’homme d’une part, et aux demandes pratiques de l’autre, en réduisan
57 de l’homme d’une part, et aux demandes pratiques de l’autre, en réduisant tous les intermédiaires et sans tenir compte de
58 rêts électoraux, byzantins, perdus dans le détail de polémiques éphémères et d’intrigues puérilement compliquées, ridicule
59 perdus dans le détail de polémiques éphémères et d’ intrigues puérilement compliquées, ridiculement inefficaces dans l’ens
60 exiger qu’ils déclarent enfin quel est leur idéal de l’homme, si c’est le requin, ou le robot, ou la personne ; si c’est l
61 obot, ou la personne ; si c’est l’individu dégagé de tous liens, ou le fonctionnaire entièrement engagé dans une machine d
62 fonctionnaire entièrement engagé dans une machine d’ État qui dicte les pensées. Ou si ce n’est pas plutôt l’homme responsa
63 es. Ou si ce n’est pas plutôt l’homme responsable d’ une vocation qui le distingue, mais aussi le relie à la communauté, lu
64 à la communauté, lui conférant ainsi les devoirs de ses droits. Quand un parti se sera défini de la sorte, les citoyens s
65 oirs de ses droits. Quand un parti se sera défini de la sorte, les citoyens seront à même de juger si son action traduit s
66 ra défini de la sorte, les citoyens seront à même de juger si son action traduit son idéal, ou si au contraire elle le tra
67 si au contraire elle le trahit. Ils seront à même d’ exiger de leur parti la démonstration convaincante que les mesures qu’
68 traire elle le trahit. Ils seront à même d’exiger de leur parti la démonstration convaincante que les mesures qu’il précon
69 artis redeviendront légitimes quand ils cesseront de se prendre ou d’être pris pour fin, et ne s’offriront plus que comme
70 nt légitimes quand ils cesseront de se prendre ou d’ être pris pour fin, et ne s’offriront plus que comme moyens d’une lutt
71 pour fin, et ne s’offriront plus que comme moyens d’ une lutte commune contre les vraies difficultés, celles que tout le mo
72 ur commencer Nous défendons ici une conception de l’homme qui déborde le cadre des partis, et surtout de la gauche et d
73 homme qui déborde le cadre des partis, et surtout de la gauche et de la droite. Nous voulons l’homme à la fois libre et en
74 e le cadre des partis, et surtout de la gauche et de la droite. Nous voulons l’homme à la fois libre et engagé, au nom d’u
75 qui a reçu vocation doit obtenir aussi la liberté de réaliser sa tâche unique, mais en même temps, et pour la même raison,
76 vis-à-vis de la communauté où l’engage l’exercice de sa tâche. Cette conception personnaliste de l’homme commande des atti
77 rcice de sa tâche. Cette conception personnaliste de l’homme commande des attitudes précises. Par exemple, elle oblige à c
78 e régime capitaliste libre, frustre le prolétaire de sa chance d’homme, et l’empêche de réaliser sa vocation. Elle nous ob
79 taliste libre, frustre le prolétaire de sa chance d’ homme, et l’empêche de réaliser sa vocation. Elle nous oblige à condam
80 le prolétaire de sa chance d’homme, et l’empêche de réaliser sa vocation. Elle nous oblige à condamner aussi dans les rég
81 nier et l’écraser. Enfin elle nous met en mesure de refuser les faux dilemmes entretenus par la lutte des partis. Prenez
82 etenus par la lutte des partis. Prenez le dilemme de la droite et de la gauche : concurrence libre ou étatisation. Nous di
83 tte des partis. Prenez le dilemme de la droite et de la gauche : concurrence libre ou étatisation. Nous disons qu’il n’y a
84 i davantage entre le mensonge du choléra et celui de la peste. Nous voulons la santé, qui est un équilibre, — et non pas l
85 é, qui est un équilibre, — et non pas l’exclusion de la moitié des organes. Nous voulons l’homme entier et non le partisan
86 rester libres. Cela ne doit pas être une querelle de partis, mais une question pratique d’aménagement, relevant de la natu
87 ne querelle de partis, mais une question pratique d’ aménagement, relevant de la nature même de l’homme, ce composé d’autom
88 ais une question pratique d’aménagement, relevant de la nature même de l’homme, ce composé d’automatismes et de libres pul
89 ratique d’aménagement, relevant de la nature même de l’homme, ce composé d’automatismes et de libres pulsions, créatrices,
90 relevant de la nature même de l’homme, ce composé d’ automatismes et de libres pulsions, créatrices, de « gauche » et de « 
91 ure même de l’homme, ce composé d’automatismes et de libres pulsions, créatrices, de « gauche » et de « droite », ou si l’
92 d’automatismes et de libres pulsions, créatrices, de « gauche » et de « droite », ou si l’on veut, de socialisme et de lib
93 de libres pulsions, créatrices, de « gauche » et de « droite », ou si l’on veut, de socialisme et de libéralisme. Nous vo
94 de « gauche » et de « droite », ou si l’on veut, de socialisme et de libéralisme. Nous voulons que les trains roulent, qu
95 de « droite », ou si l’on veut, de socialisme et de libéralisme. Nous voulons que les trains roulent, que le pain soit ve
96 idéologie confectionnée en vue de la seule prise de pouvoir, en se moquant bien des trains, du pain, de la jeunesse, et d
97 pouvoir, en se moquant bien des trains, du pain, de la jeunesse, et du sens de la vie des hommes dans la cité. Or, nous p
98 n des trains, du pain, de la jeunesse, et du sens de la vie des hommes dans la cité. Or, nous pouvons vraiment vouloir tou
99 nce d’un problème concret, nous prenons référence de l’homme et d’une certaine vision totale de l’homme, non pas de la tac
100 ème concret, nous prenons référence de l’homme et d’ une certaine vision totale de l’homme, non pas de la tactique particul
101 érence de l’homme et d’une certaine vision totale de l’homme, non pas de la tactique particulière et cyniquement électoral
102 d’une certaine vision totale de l’homme, non pas de la tactique particulière et cyniquement électorale d’un parti. Bref,
103 a tactique particulière et cyniquement électorale d’ un parti. Bref, nous voulons une politique à hauteur d’homme. Celle de
104 parti. Bref, nous voulons une politique à hauteur d’ homme. Celle des partis passe par-dessus les têtes ou vise trop bas ;
105 e première réalisation Une politique à hauteur d’ homme, axée sur la réalité de la personne à la fois libre et engagée :
106 politique à hauteur d’homme, axée sur la réalité de la personne à la fois libre et engagée : on ne manquera pas de dire q
107 e à la fois libre et engagée : on ne manquera pas de dire que c’est vague et arbitraire, parce que ce n’est pas électoral.
108 ’elle le soit. Ce serait sans doute le seul moyen d’ amener ces partis à travailler, chacun selon sa méthode, au bien commu
109 ste-personnaliste », est né dans quelques groupes de résistants inspirés de la manière la plus directe par les idées que n
110 t né dans quelques groupes de résistants inspirés de la manière la plus directe par les idées que nous venons de développe
111 Et si les Hollandais viennent de lui accorder 30 de leurs suffrages, à sa première présentation devant le corps électoral
112 corps électoral, c’est qu’il a fait en une année de leur pays, le grand gagnant européen de la course à la reconstruction
113 fait en une année de leur pays, le grand gagnant européen de la course à la reconstruction. a. Rougemont Denis de, « À haut
114 une année de leur pays, le grand gagnant européen de la course à la reconstruction. a. Rougemont Denis de, « À hauteur
115 ourse à la reconstruction. a. Rougemont Denis de , « À hauteur d’homme », Réforme, Paris, 1 juin 1946, p. 1.
116 struction. a. Rougemont Denis de, « À hauteur d’ homme », Réforme, Paris, 1 juin 1946, p. 1.
2 1946, Réforme, articles (1946–1980). Deux lettres sur la fin du monde (29 juin 1946)
117 n du monde pourrait bien se produire avant la fin de l’été prochain. Je tiens ma petite information d’un physicien des plu
118 de l’été prochain. Je tiens ma petite information d’ un physicien des plus remarquables qui, d’ailleurs, n’en fait pas de s
119 plus remarquables qui, d’ailleurs, n’en fait pas de secret, bien au contraire. Voilà. Le gouvernement américain ayant fai
120 fait annoncer, ces jours derniers, que des essais de bombe atomique allaient être tentés sur l’océan, notre savant a cru d
121 aient être tentés sur l’océan, notre savant a cru de son devoir d’avertir aussitôt Washington. D’après ses calculs, disait
122 tés sur l’océan, notre savant a cru de son devoir d’ avertir aussitôt Washington. D’après ses calculs, disait-il, cet essai
123 e Déluge, en comparaison, n’aurait été qu’un bain de pieds. Le gouvernement américain ayant également annoncé son intentio
124 t américain ayant également annoncé son intention de jeter une bombe sur la calotte polaire, pour voir ce que cela donnera
125 t simple : cela donnerait une idée fort approchée de la fin du monde. C’est à quoi nous en sommes, et c’est comique. On av
126 ’ordre universel que nous allons courir le risque d’ inonder et de brûler la terre entière. Personne ne rit. Personne non p
127 sel que nous allons courir le risque d’inonder et de brûler la terre entière. Personne ne rit. Personne non plus n’ose pro
128 urrez sans résister… En somme, j’aurais bien tort de ricaner. Tout le monde sait que le monde finira. Et qui ne voudrait f
129 le qu’il y ait là quelque consolation. L’amertume de mourir est aussi faite de l’idée qu’on manquera la suite de l’histoir
130 consolation. L’amertume de mourir est aussi faite de l’idée qu’on manquera la suite de l’histoire. C’est peut-être pourquo
131 est aussi faite de l’idée qu’on manquera la suite de l’histoire. C’est peut-être pourquoi les tout premiers chrétiens, s’i
132 t avec une grande facilité sous la main des nazis de l’époque. Saint Paul écrit aux croyants de Corinthe : « Voici, je vou
133 nazis de l’époque. Saint Paul écrit aux croyants de Corinthe : « Voici, je vous dis un mystère : nous ne mourrons pas tou
134 écrivant l’âge matérialiste où nous vivons, l’âge de l’extrême solidification des seules réalités qui nous restent sensibl
135 lum in favilla. Le Moyen Âge pensait qu’une pluie de feu suffirait à réduire la surface de la Terre et la vermine humaine
136 u’une pluie de feu suffirait à réduire la surface de la Terre et la vermine humaine qui s’y livre à ses vices. La Renaissa
137 nouveau Déluge. Léonard le figure dans une série de dessins où l’on peut voir un raz-de-marée soulever, dans ses volutes
138 qu’est-ce que cela nous ferait ? Ce serait la fin de la douleur du monde. Certains jours, il me semble que la folie des pe
139 des peuples, des gouvernants, des militaires, et de tous les irresponsables qui nous mènent, obéit secrètement au bon sen
140 i grande, avec notre Progrès, qu’il y a bien plus de gens au monde qui souhaitent d’en finir avec la vie, que de gens qui
141 ’il y a bien plus de gens au monde qui souhaitent d’ en finir avec la vie, que de gens qui voudraient qu’elle dure encore.
142 monde qui souhaitent d’en finir avec la vie, que de gens qui voudraient qu’elle dure encore. Comme si l’humanité, au scru
143 é commune… « Viens, douce mort ! » ce beau choral de Bach, n’est-ce pas le soupir enfantin que l’on croit parfois distingu
144 une voix du rêve, dans les intervalles effrayants de la cacophonie mondiale ? Je ne vous en dis pas plus ce soir. Demain,
145 re monde est sans doute perdu, et c’est la raison de Noël. Dans cette nuit la plus longue de l’année, parce qu’il n’y avai
146 la raison de Noël. Dans cette nuit la plus longue de l’année, parce qu’il n’y avait plus qu’à désespérer, l’espoir est né.
147 s qu’à désespérer, l’espoir est né. Démonstration d’ une puissance indémontrable, et dont la touche ne saurait être enregis
148 ouche ne saurait être enregistrée que par le tout de l’homme qu’elle suscite : voilà pourquoi nos instruments, et nos fonc
149 sorielles en seront toujours incapables. Ce drôle de petit cri dans la paille m’indique tout autrement que les formules d’
150 paille m’indique tout autrement que les formules d’ Einstein que notre univers est fini, et que les seuls messages d’espoi
151 notre univers est fini, et que les seuls messages d’ espoir qui passent encore sont ceux qui vont de personne à personne. M
152 es d’espoir qui passent encore sont ceux qui vont de personne à personne. Me voici libéré de mes dernières craintes, et to
153 qui vont de personne à personne. Me voici libéré de mes dernières craintes, et tout libre d’imaginer, de choisir et de m’
154 i libéré de mes dernières craintes, et tout libre d’ imaginer, de choisir et de m’orienter personnellement vers la paix ou
155 mes dernières craintes, et tout libre d’imaginer, de choisir et de m’orienter personnellement vers la paix ou la mort. Dis
156 craintes, et tout libre d’imaginer, de choisir et de m’orienter personnellement vers la paix ou la mort. Disposition favor
157 reviens donc à mes atomes. Parmi tous les projets de contrôle de la Bombe que l’on a suggérés ces derniers mois, j’en reti
158 à mes atomes. Parmi tous les projets de contrôle de la Bombe que l’on a suggérés ces derniers mois, j’en retiens deux : 1
159 es derniers fourniraient ainsi la preuve par neuf de leurs bonnes intentions. 2° Donner la Bombe au gouvernement mondial,
160 hambres universelles seraient élues, l’une formée de délégués des États, l’autre de députés des peuples. (Je prends le mod
161 lues, l’une formée de délégués des États, l’autre de députés des peuples. (Je prends le modèle courant. Il faudrait l’ajus
162 des recherches scientifiques, Défense des droits de la personne, Transports planétaires. (Rien que de raisonnable, comme
163 de la personne, Transports planétaires. (Rien que de raisonnable, comme vous le voyez. On trouverait mieux, en s’appliquan
164 s idées pratiques et raisonnables que l’on traite de folies, à l’âge où l’on prépare dans le monde entier, à la demande gé
165 a aux affaires courantes : équilibrer les budgets de guerre, etc. Ce n’est pas qu’une angoisse diffuse ne soit sensible da
166 géré. Vous pensez que j’ai cédé au goût américain de la sensation, du biggest in the world. Et de vrai, c’est dans ce pays
167 cain de la sensation, du biggest in the world. Et de vrai, c’est dans ce pays que la première Bombe vient d’être construit
168 i, c’est dans ce pays que la première Bombe vient d’ être construite. Exagérée sans doute et dépassant la mesure de ce que
169 ruite. Exagérée sans doute et dépassant la mesure de ce que l’on connaissait avant le 6 août, elle est là, parce que l’hom
170 là, parce que l’homme l’a mise là. Et votre sens de la mesure peut se rebeller comme l’esprit devant la mort… Mais admett
171 forme, donc condenser, donc augmenter la réalité de l’objet ou de la situation. C’est donc toujours « exagérer » les trai
172 ondenser, donc augmenter la réalité de l’objet ou de la situation. C’est donc toujours « exagérer » les traits ou phénomèn
173 ettons que les armées retiennent une bonne partie de leur utilité au service des nations et de leur vertu d’ordre. Admetto
174 partie de leur utilité au service des nations et de leur vertu d’ordre. Admettons qu’elles arrivent encore à se battre. A
175 r utilité au service des nations et de leur vertu d’ ordre. Admettons qu’elles arrivent encore à se battre. Admettons que l
176 risés ne l’affirment. Admettons qu’il n’y ait pas de raz de marée, ni d’autres accidents d’ampleur continentale. Admettons
177 e l’affirment. Admettons qu’il n’y ait pas de raz de marée, ni d’autres accidents d’ampleur continentale. Admettons que no
178 ’y ait pas de raz de marée, ni d’autres accidents d’ ampleur continentale. Admettons que notre globe dure longtemps encore,
179 mps encore, et que la guerre militaire y prospère d’ autant mieux qu’elle sera dotée d’une armée de plus. Admettons que l’o
180 aire y prospère d’autant mieux qu’elle sera dotée d’ une armée de plus. Admettons que l’on invente une parade à la Bombe, s
181 ntage des coups tirés… Pensez-vous que les effets de la prochaine guerre seront très différents de ceux que j’ai prévus ?
182 ets de la prochaine guerre seront très différents de ceux que j’ai prévus ? La souffrance sera pire, l’agonie de la terre
183 e j’ai prévus ? La souffrance sera pire, l’agonie de la terre un peu plus longue, la fin de l’humanité non moins certaine,
184 , l’agonie de la terre un peu plus longue, la fin de l’humanité non moins certaine, le triomphe des « éléments d’ordre » a
185 té non moins certaine, le triomphe des « éléments d’ ordre » aussi énigmatique, et sans témoins. Je reconnais volontiers qu
186 ngtemps. Les choses ne se passeront peut-être pas de la manière soudaine et dramatique qu’un certain goût de l’antithèse m
187 manière soudaine et dramatique qu’un certain goût de l’antithèse m’incline parfois à souhaiter. La tragédie n’aura pas de
188 cline parfois à souhaiter. La tragédie n’aura pas de lignes pures, parce que nos choix ne sont pas si francs et que nos ch
189 chefs savent à peine ce qu’ils jouent. Une espèce d’ organisation mondiale ouvrira des bureaux confortables d’où sortiront
190 isation mondiale ouvrira des bureaux confortables d’ où sortiront quelques vœux incolores. Il est évident que les nations s
191 que l’une d’entre elles, Bombe en main, essaiera d’ imposer sa paix à toutes les autres. (Inutile même de la nommer.) Il e
192 mposer sa paix à toutes les autres. (Inutile même de la nommer.) Il est évident que les peuples se révolteront contre cett
193 fuse à ces évidences. On nous ressasse à longueur de journée qu’elle « n’est pas prête pour un gouvernement mondial ». Est
194 ix, cela veut dire que vous d’abord, vous refusez de faire le choix de la paix, parce que ses moyens vous déplaisent (supp
195 que vous d’abord, vous refusez de faire le choix de la paix, parce que ses moyens vous déplaisent (suppression des armées
196 t des souverainetés nationales). Mais en refusant de choisir la paix, vous votez tacitement pour la mort, et vous en rende
197 t vous en rendez responsable. Tout tient à chacun de nous. Et nous en sommes au point où il devient difficile de le cacher
198 t nous en sommes au point où il devient difficile de le cacher. Nos alibis ne trompent plus que nous-mêmes. Pour moi, je p
199 ais-je pas, quand je sais que l’enjeu n’est point de ceux que la défaite, mais la désertion seule puisse me faire perdre ?
200 e ? Je me rappelle cette voix, dans Isaïe, criant de Séir au prophète : « Sentinelle, que dis-tu de la nuit ? Sentinelle,
201 nt de Séir au prophète : « Sentinelle, que dis-tu de la nuit ? Sentinelle, que dis-tu de la nuit ? » La sentinelle a répon
202 e, que dis-tu de la nuit ? Sentinelle, que dis-tu de la nuit ? » La sentinelle a répondu : « Le matin vient et la nuit aus
203 matin vient et la nuit aussi ». Je n’ai pas fini d’ aimer ce cri. Les citations de la Bible vous irritent. Et vous me dire
204 ». Je n’ai pas fini d’aimer ce cri. Les citations de la Bible vous irritent. Et vous me direz : que fait Dieu dans tout ce
205 Terre, elle sautera et ce sera très bien. Au-delà de ce « clin d’œil », Il nous attend. b. Rougemont Denis de, « Deux
206 n d’œil », Il nous attend. b. Rougemont Denis de , « Deux lettres sur la fin du monde », Réforme, Paris, 29 juin 1946,
3 1946, Réforme, articles (1946–1980). Vues générales des Églises de New York (12 octobre 1946)
207 Vues générales des Églises de New York (12 octobre 1946)c Je n’ai pas encore découvert cet autel
208 aint Paul admirait à Athènes, mais j’ai tout lieu de croire qu’il existe à New York. Serait-ce cette église du Centre Abso
209 je vois annoncée la « causerie mystique » en fin de la liste des services religieux, dans le New York Times du samedi ? R
210 New York Times du samedi ? Remontant ces colonnes d’ annonces qui tiennent une demi-page du journal, je trouve les rubrique
211 Société védantiste, Église universaliste, Église de l’Unité, unitariens, théosophes, spiritualistes, catholiques romains,
212 qui n’annoncent pas leurs cultes : les luthériens de Finlande et de Suède, les orthodoxes serbes, grecs, ukrainiens et rus
213 pas leurs cultes : les luthériens de Finlande et de Suède, les orthodoxes serbes, grecs, ukrainiens et russes, les vieux-
214 réformés hongrois, l’Église catholique nationale de Pologne. Et cinquante sectes. Approchons-nous de ces églises par l’ex
215 de Pologne. Et cinquante sectes. Approchons-nous de ces églises par l’extérieur : par leur histoire d’abord, puis par l’a
216 ar leur histoire d’abord, puis par l’architecture de leurs sanctuaires, enfin par le spectacle de leurs cultes. Séparati
217 ture de leurs sanctuaires, enfin par le spectacle de leurs cultes. Séparations et réunions Les États-Unis ont été fon
218 ts-Unis ont été fondés par des groupes successifs de colons, la plupart exilés pour cause de religion. Tous ces pionniers
219 uccessifs de colons, la plupart exilés pour cause de religion. Tous ces pionniers étaient d’abord les fanatiques d’une foi
220 Tous ces pionniers étaient d’abord les fanatiques d’ une foi, rejetés par l’Europe, et qui venaient chercher en Amérique la
221 t d’abord les fanatiques d’une foi, rejetés par l’ Europe , et qui venaient chercher en Amérique la liberté de célébrer leur cul
222 , et qui venaient chercher en Amérique la liberté de célébrer leur culte. Ils y trouvèrent aussi la possibilité de fonder
223 leur culte. Ils y trouvèrent aussi la possibilité de fonder des cités idéales, conformes à leurs doctrines morales et poli
224 onformes à leurs doctrines morales et politiques. D’ où le caractère social très accentué que pris, dès le début, leur vie
225 tué que pris, dès le début, leur vie religieuse ; d’ où aussi, le caractère religieux de leur civisme. La structure politiq
226 e religieuse ; d’où aussi, le caractère religieux de leur civisme. La structure politique des États-Unis reflète encore, d
227 tructure politique des États-Unis reflète encore, de nos jours, le jeu complexe de ces apports confessionnels, ceux-ci se
228 nis reflète encore, de nos jours, le jeu complexe de ces apports confessionnels, ceux-ci se confondant d’ailleurs, le plus
229 appartient à l’Église réformée a bien des chances d’ avoir des ancêtres hollandais, allemands ou suédois s’il est né luthér
230 taliens, polonais ou irlandais. À ces différences d’ origine sont venues s’ajouter, dès le xviiie siècle des différences d
231 s’ajouter, dès le xviiie siècle des différences de classes : l’Église baptiste est largement populaire, la méthodiste au
232 ste aussi (elles comptent chacune 9 à 10 millions de membres), tandis que l’Église presbytérienne et l’Église protestante-
233 n’a rien à voir avec la diversité des confessions d’ origine nationale. C’est au xixe siècle qu’elle a sévi, pour des rais
234 hiques au moins autant que doctrinales. La guerre de Sécession a coupé en deux groupes, Sud et Nord, la plupart des grande
235 ndance sectaire s’y faisait virulente, entraînant de nouvelles divisions, jusqu’à donner naissance à des « églises » qui n
236 ises » qui ne comptaient que quelques centaines «  d’ élus ». Avec le xxe siècle et l’achèvement de la colonisation du cont
237 s « d’élus ». Avec le xxe siècle et l’achèvement de la colonisation du continent, peut-être par l’effet d’une réaction no
238 colonisation du continent, peut-être par l’effet d’ une réaction normale, peut-être aussi parce que les communications rap
239 mmunications rapides et les fréquents changements de domicile facilitaient des contacts nouveaux et tendaient à dissoudre
240 ditionnelles se sont reconstituées en une dizaine de corps qui représentent la grande majorité des protestants. Et ces réu
241 icans étudient, depuis quelques années, un projet d’ union organique. Quelle que soit par ailleurs l’évolution interne de c
242 Quelle que soit par ailleurs l’évolution interne de cette « poussière de sectes », comme disent les étrangers (scandalisé
243 ailleurs l’évolution interne de cette « poussière de sectes », comme disent les étrangers (scandalisés par une diversité d
244 s ignorent les origines valables, pour la plupart européennes ), voici le fait qu’il convient de souligner : ces étiquettes ne corre
245 lupart européennes), voici le fait qu’il convient de souligner : ces étiquettes ne correspondent nullement à des antagonis
246 au contraire, c’est l’uniformité des conceptions de la vie chrétienne, dans les diverses dénominations, qui peut frapper
247 ervateur. Une promenade dans Manhattan commencera de nous en convaincre. Du gothique neuf On m’avait dit que je verr
248 neuf On m’avait dit que je verrais à New York de pauvres petites églises tout écrasées entre des gratte-ciel triomphan
249 nérées et fréquentées par la moitié des habitants de ces gratte-ciel, qui ne voient d’ailleurs aucun inconvénient à ce qu’
250 ent d’ailleurs aucun inconvénient à ce qu’un lieu de culte soit moins haut qu’un building, comme une hostie est moins gros
251 it pas dit non plus que New York possède, en plus de ces églises, la plus grande cathédrale du monde : St-Jean-de-Dieu, éd
252 ale du monde : St-Jean-de-Dieu, édifiée au sommet d’ une colline de granit dominant Manhattan. C’est le siège de l’évêque a
253 St-Jean-de-Dieu, édifiée au sommet d’une colline de granit dominant Manhattan. C’est le siège de l’évêque anglican de New
254 line de granit dominant Manhattan. C’est le siège de l’évêque anglican de New York. (Dommage qu’un édifice construit au xx
255 nt Manhattan. C’est le siège de l’évêque anglican de New York. (Dommage qu’un édifice construit au xxe siècle copie scrup
256 ques.) Je remonte la Cinquième Avenue, en partant de Washington Square. Voici d’abord, à deux-cents mètres l’une de l’autr
257 Square. Voici d’abord, à deux-cents mètres l’une de l’autre, deux églises au clocher oxfordien : l’une anglicane, l’autre
258 ssédant toutes les deux leur autel, leurs stalles de chœur et leur pupitre pour la Bible, d’où pend un ruban large à la co
259 s stalles de chœur et leur pupitre pour la Bible, d’ où pend un ruban large à la couleur de la saison ou de la fête liturgi
260 r la Bible, d’où pend un ruban large à la couleur de la saison ou de la fête liturgique. Plus haut, l’église collégiale ho
261 pend un ruban large à la couleur de la saison ou de la fête liturgique. Plus haut, l’église collégiale hollandaise, de st
262 ique. Plus haut, l’église collégiale hollandaise, de style baroque, en marbre blanc ; et vis-à-vis, dans un jardin, une ég
263 din, une église anglo-catholique, toute encombrée de poutres et d’images : c’est là que les acteurs vont se marier. Plus h
264 e anglo-catholique, toute encombrée de poutres et d’ images : c’est là que les acteurs vont se marier. Plus haut encore, un
265 s, aussi dissymétrique que Saint-Étienne-du-Mont, de l’extérieur, mais la nef et le chœur, fort classiques, s’ornent d’une
266 ais la nef et le chœur, fort classiques, s’ornent d’ une rosace bleue et de sculptures précieuses. Sur les pages d’un gros
267 , fort classiques, s’ornent d’une rosace bleue et de sculptures précieuses. Sur les pages d’un gros livre, ouvert dans le
268 bleue et de sculptures précieuses. Sur les pages d’ un gros livre, ouvert dans le vestibule, je lis les signatures de visi
269 , ouvert dans le vestibule, je lis les signatures de visiteurs de toutes confessions (ils les indiquent et je note beaucou
270 le vestibule, je lis les signatures de visiteurs de toutes confessions (ils les indiquent et je note beaucoup de Roman Ca
271 n mosaïque. Christ Church est méthodiste. Colonne de marbre noir, mais un autel et des retables en gothiques flamboyant, t
272 yant, trop dorés. Plus loin, l’église luthérienne de Saint-Pierre, déshonorée par des vitraux livides et plus sulpiciens q
273 utel est dominé par des boiseries sombres, ornées de branches de sapin de Noël. Et partout, dans tous ces sanctuaires, le
274 iné par des boiseries sombres, ornées de branches de sapin de Noël. Et partout, dans tous ces sanctuaires, le même parfum
275 es boiseries sombres, ornées de branches de sapin de Noël. Et partout, dans tous ces sanctuaires, le même parfum de chêne
276 artout, dans tous ces sanctuaires, le même parfum de chêne ciré, de luxe, de dignité, de dévotion correcte… Le goût de
277 us ces sanctuaires, le même parfum de chêne ciré, de luxe, de dignité, de dévotion correcte… Le goût de la cérémonie
278 nctuaires, le même parfum de chêne ciré, de luxe, de dignité, de dévotion correcte… Le goût de la cérémonie Un diman
279 e même parfum de chêne ciré, de luxe, de dignité, de dévotion correcte… Le goût de la cérémonie Un dimanche matin à
280 uxe, de dignité, de dévotion correcte… Le goût de la cérémonie Un dimanche matin à New York : voilà le temps, voilà
281 s et des principaux rites occidentaux, dépouillés de leur patine, reconstitués, discrètement archéologiques. Le peuple amé
282 u moins en veston bordé, à la boutonnière fleurie d’ un œillet blanc, s’empressent. Ils vous dirigent avec une fermeté cord
283 meté cordiale vers les sièges libres ou dépourvus de plaque au nom de leur propriétaire. Déjà le chœur fait son entrée, en
284 en robes noires, surplis blancs et bonnets, suivi de pasteurs chamarrés des insignes de leur grade académique, longs capuc
285 bonnets, suivi de pasteurs chamarrés des insignes de leur grade académique, longs capuchons rouges, jaunes, bleus ou viole
286 e discipline sans défaut. Ceci chez les baptistes de Riverside, l’église du Révérend Fosdick, comme chez les anglicans des
287 rick, observent durant les offices une correction de maintien presque presbytérienne. Entrez dans une église, au hasard, v
288 bytériens, on distribue la crème sur des plateaux d’ argent qui circulent dans les bancs, de main en main, et toute l’églis
289 s plateaux d’argent qui circulent dans les bancs, de main en main, et toute l’église apparaît transformée en une salle de
290 toute l’église apparaît transformée en une salle de banquet silencieux. Partout, des chœurs en robe, des fleurs, des croi
291 ndalisé le protestant français qui assiste à l’un de ces cultes. Mais un de mes amis, argentin, sortant de la messe à Sain
292 rançais qui assiste à l’un de ces cultes. Mais un de mes amis, argentin, sortant de la messe à Saint-Patrick, se plaignait
293 es cultes. Mais un de mes amis, argentin, sortant de la messe à Saint-Patrick, se plaignait de l’absence toute « protestan
294 sortant de la messe à Saint-Patrick, se plaignait de l’absence toute « protestante » du désordre gentil, de la distraction
295 absence toute « protestante » du désordre gentil, de la distraction ou des marques de ferveur théâtrale qu’il s’attendait
296 désordre gentil, de la distraction ou des marques de ferveur théâtrale qu’il s’attendait à retrouver dans un tel lieu… Plu
297 rites, coutumes et décors, comment les chrétiens d’ Amérique conçoivent-ils et vivent-ils leurs croyances ? J’essaierai, d
298 royances ? J’essaierai, dans un prochain article, de rassembler les éléments d’une réponse qui ménage certaines pudeurs de
299 s un prochain article, de rassembler les éléments d’ une réponse qui ménage certaines pudeurs de l’âme, et le mystère inhér
300 éments d’une réponse qui ménage certaines pudeurs de l’âme, et le mystère inhérent à ce genre de problème. c. Rougemon
301 deurs de l’âme, et le mystère inhérent à ce genre de problème. c. Rougemont Denis de, « Vues générales des Églises de
302 nt à ce genre de problème. c. Rougemont Denis de , « Vues générales des Églises de New York », Réforme, Paris, 12 octob
303 Rougemont Denis de, « Vues générales des Églises de New York », Réforme, Paris, 12 octobre 1946, p. 2. d. Le texte porte
4 1946, Réforme, articles (1946–1980). Spiritualité américaine (19 octobre 1946)
304 octobre 1946)e À l’origine et au premier rang de la lutte contre l’esclavage, de la lutte pour la prohibition, de la l
305 t au premier rang de la lutte contre l’esclavage, de la lutte pour la prohibition, de la lutte pour les droits du travail,
306 tre l’esclavage, de la lutte pour la prohibition, de la lutte pour les droits du travail, du pacifisme militant, bref, de
307 s droits du travail, du pacifisme militant, bref, de toutes les grandes causes publiques en Amérique, vous trouverez une é
308 ses ont fourni aux Pionniers les rudiments vitaux de morale civique et privée sans lesquels nulle société n’est possible.
309 ulle société n’est possible. Il ne s’agissait pas de « moralisme » (les ismes n’apparaissaient qu’une fois le combat rompu
310 ’apparaissaient qu’une fois le combat rompu) ni «  d’ évangile social ». Il s’agissait d’une lutte pour l’existence, et les
311 at rompu) ni « d’évangile social ». Il s’agissait d’ une lutte pour l’existence, et les pasteurs y tenaient une fonction di
312 t une fonction directrice. Elle leur est disputée de nos jours par la science vulgarisée, les commentateurs de radio, l’éc
313 ours par la science vulgarisée, les commentateurs de radio, l’école publique, le cinéma et les comités. Mais ils en ont ga
314 anisme est avant tout une force sociale, un moyen d’ assurer une vie décente et de l’améliorer sur tous les plans. Le chris
315 ce sociale, un moyen d’assurer une vie décente et de l’améliorer sur tous les plans. Le christianisme européen, même aux t
316 l’améliorer sur tous les plans. Le christianisme européen , même aux temps héroïques d’avant le Moyen Âge, quand il assumait lui
317 christianisme européen, même aux temps héroïques d’ avant le Moyen Âge, quand il assumait lui aussi toute la charge de la
318 Âge, quand il assumait lui aussi toute la charge de la culture et du maintien de la morale dans la cité, préparait à la m
319 ussi toute la charge de la culture et du maintien de la morale dans la cité, préparait à la mort plus qu’à la vie. La paro
320 es des relations sociales, des banquets, des jeux de loto, des comités variés, des conférences, des films, un peu de danse
321 n peu de danse, les cultes du dimanche et parfois de la semaine, bref, un milieu. Le pasteur se trouve donc à la tête d’un
322 f, un milieu. Le pasteur se trouve donc à la tête d’ un organisme assez complexe. Mais il dispose d’aides nombreuses : un s
323 te d’un organisme assez complexe. Mais il dispose d’ aides nombreuses : un suppléant souvent, un chef de chœur, les préside
324 ’aides nombreuses : un suppléant souvent, un chef de chœur, les présidents des divers comités, les diacres ou les vestryme
325 rs comités, les diacres ou les vestrymen (anciens d’ Église), et beaucoup de dames avides de donner libre cours à leur fame
326 n (anciens d’Église), et beaucoup de dames avides de donner libre cours à leur fameuse efficiency. Sa fonction principale
327 euse efficiency. Sa fonction principale sera donc de parler, et ce n’est pas le dimanche qu’il parlera le plus, car son se
328 n sermon ne dépasse pas vingt minutes : une leçon de civisme ou de morale, incitant les fidèles à adopter les maximes d’un
329 passe pas vingt minutes : une leçon de civisme ou de morale, incitant les fidèles à adopter les maximes d’une vie plus sat
330 orale, incitant les fidèles à adopter les maximes d’ une vie plus satisfaisante à tous égards. On me demandera : Qu’y a-t-i
331 ante à tous égards. On me demandera : Qu’y a-t-il de proprement religieux dans tout cela ? Tout et rien, répondrai-je, et
332 que que le christianisme est la meilleure manière de vivre, un idéal qu’il faut mettre en pratique moins pour aller au Par
333 cidaient à mener une vie « décente »… Sur quoi, l’ Européen frotté d’un peu de théologie va s’écrier que dans cet idéal, il ne vo
334 une vie « décente »… Sur quoi, l’Européen frotté d’ un peu de théologie va s’écrier que dans cet idéal, il ne voit rien de
335 e va s’écrier que dans cet idéal, il ne voit rien de chrétien que l’étiquette, couvrant d’ailleurs des marchandises de pro
336 l’étiquette, couvrant d’ailleurs des marchandises de provenance nettement païenne : la morale du bonheur, par exemple. Com
337 n mystique, un ascète, un grand spirituel, un fou de Dieu, un martyr, — un pécheur ! Cependant, ces Américains répètent le
338 ent vers l’autel fleuri par M. Smith, en souvenir de ses parents défunts. Ils communient en très grand nombre et fort souv
339 onnance du culte sans défaut. Au surplus, ce sont de braves gens, plus généreux que les Européens, plus indulgents dans le
340 us, ce sont de braves gens, plus généreux que les Européens , plus indulgents dans leurs jugements, moins menteurs et plus accueil
341 us accueillants… Mais n’allez pas leur poser trop de questions sur le sens symbolique de leurs cérémonies, sur le péché, l
342 ur poser trop de questions sur le sens symbolique de leurs cérémonies, sur le péché, la grâce, la transcendance, que sais-
343 âce, la transcendance, que sais-je. Les choristes de Christ Church (méthodiste) sont vêtus de robes et de barrettes de vel
344 horistes de Christ Church (méthodiste) sont vêtus de robes et de barrettes de velours rouge, et siègent en demi-cercle dan
345 Christ Church (méthodiste) sont vêtus de robes et de barrettes de velours rouge, et siègent en demi-cercle dans le fond du
346 (méthodiste) sont vêtus de robes et de barrettes de velours rouge, et siègent en demi-cercle dans le fond du chœur, sépar
347 ent en demi-cercle dans le fond du chœur, séparés de l’autel par des ogives en bois doré : une véritable miniature de Livr
348 des ogives en bois doré : une véritable miniature de Livres d’Heures. Pourquoi ce rouge et cette dorure ? Cela fait bien,
349 en bois doré : une véritable miniature de Livres d’ Heures. Pourquoi ce rouge et cette dorure ? Cela fait bien, et c’est «
350 inefficacité et l’inadaptation sociale, résultats d’ une mauvaise hygiène morale. Qu’est-ce que la grâce ? Un optimisme fon
351 ment réactionnaire. Et le Mal, enfin ? Un trouble de fonctionnement qu’une éducation rationnelle et la culture des sentime
352 rviendraient à éliminer. Personne n’est juge même d’ une seule âme, même de la sienne. Et je viens de parler en général de
353 r. Personne n’est juge même d’une seule âme, même de la sienne. Et je viens de parler en général de 65 millions de chrétie
354 me de la sienne. Et je viens de parler en général de 65 millions de chrétiens américains, j’entends de membres inscrits d’
355 . Et je viens de parler en général de 65 millions de chrétiens américains, j’entends de membres inscrits d’une paroisse, d
356 de 65 millions de chrétiens américains, j’entends de membres inscrits d’une paroisse, dont 40 millions de protestants. En
357 rétiens américains, j’entends de membres inscrits d’ une paroisse, dont 40 millions de protestants. En vérité, je n’ai décr
358 membres inscrits d’une paroisse, dont 40 millions de protestants. En vérité, je n’ai décrit qu’une atmosphère, et les croy
359 us loin. Mais sans prétendre à dépasser le niveau d’ une sociologie religieuse, je voudrais indiquer le dilemme que pose à
360 voudrais indiquer le dilemme que pose à un esprit européen le spectacle des églises américaines. Ou bien l’église va dans le siè
361 se face au siècle pour lui prêcher le pur message de la foi mais alors elle n’est plus dans le monde, qui s’organise sans
362 plus. Ou bien vous mettez le message à la portée de la masse et dans le style du jour, mais certains mots ne sauraient y
363 t et résurrection ; ou bien vous parlez du péché, de la grâce et du sacrifice, mais ces mots n’ont plus cours dans la pres
364 ommes un à un, comme des héros tragiques, au-delà de toutes les aides de la morale et de la religion… Il ne me reste plus
365 des héros tragiques, au-delà de toutes les aides de la morale et de la religion… Il ne me reste plus qu’à noter que Kierk
366 ques, au-delà de toutes les aides de la morale et de la religion… Il ne me reste plus qu’à noter que Kierkegaard, précisém
367 n contredit bien d’autres. e. Rougemont Denis de , « Spiritualité américaine », Réforme, Paris, 19 octobre 1946, p. 2.
5 1948, Réforme, articles (1946–1980). Roger Breuil qui vient de mourir était un grand romancier protestant (13 mars 1948)
368 , il y a quelques semaines, car nous avions parlé d’ une pièce que nous comptions écrire ensemble. Nous étions amis depuis
369 uis dix-sept ans, et sans question, pour le reste de notre vie. Il est difficile de comprendre que c’est fini. Je retrouve
370 ion, pour le reste de notre vie. Il est difficile de comprendre que c’est fini. Je retrouve sa dernière lettre : il ne m’y
371 retrouve sa dernière lettre : il ne m’y parle que de notre projet, et je n’ai pas encore répondu. Il est difficile de comp
372 , et je n’ai pas encore répondu. Il est difficile de comprendre que ce qui était tourné vers l’avenir est devenu tout d’un
373 ce qui était tourné vers l’avenir est devenu tout d’ un coup du passé, est fini. Que veut-il signifier, par ce retrait soud
374 re, et qui nous aime. ⁂ Je relis la dernière page de sa Galopine, où il dit cela, et chaque mot porte. Je voudrais que vou
375 ement je comprends que Roger Breuil n’a pas cessé de représenter pour moi l’inquiétude de la vocation, son cheminement imp
376 ’a pas cessé de représenter pour moi l’inquiétude de la vocation, son cheminement imprévisible, son mystère. En termes de
377 ermes de psychologie courante, il faudrait parler de pudeur. Mais cette pudeur cachait une étrange liberté, celle que donn
378 les plus aventureuses en apparence, la certitude d’ une vérité qui sur nous-mêmes en sait plus long que nous. Moins on en
379 mieux elle sait se faire entendre. ⁂ Ce mouvement de retrait constamment renouvelé ; cette manière de poser une question,
380 de retrait constamment renouvelé ; cette manière de poser une question, ou plutôt d’indiquer qu’elle se pose, mais de s’a
381  ; cette manière de poser une question, ou plutôt d’ indiquer qu’elle se pose, mais de s’abstenir d’y répondre parce que la
382 stion, ou plutôt d’indiquer qu’elle se pose, mais de s’abstenir d’y répondre parce que la réponse n’est pas la nôtre ; cet
383 ôt d’indiquer qu’elle se pose, mais de s’abstenir d’ y répondre parce que la réponse n’est pas la nôtre ; cet effacement de
384 ue la réponse n’est pas la nôtre ; cet effacement de l’individu, avouant (non sans humour) bien des incertitudes, comme po
385 uve des marques sensibles dans tous mes souvenirs de lui, et dans son œuvre : c’était son style, son art, et sa vraie forc
386 t que tout ce qu’on peut en dire. Voilà le secret de la liberté d’un écrivain qui se voulait fidèle en vérité. De tous les
387 qu’on peut en dire. Voilà le secret de la liberté d’ un écrivain qui se voulait fidèle en vérité. De tous les romanciers co
388 té d’un écrivain qui se voulait fidèle en vérité. De tous les romanciers contemporains, il est celui dont l’œuvre est le p
389 t pourquoi il n’en parle jamais, et se garde bien d’ utiliser ses personnages pour exposer des « idées religieuses ». Il no
390 ils le peuvent la vie contemporaine, il les suit de très près, d’une allure naturelle, avec une secrète tendresse, souven
391 t la vie contemporaine, il les suit de très près, d’ une allure naturelle, avec une secrète tendresse, souvent avec une iro
392 ne secrète tendresse, souvent avec une ironie née de l’exactitude du regard. Certains ne signifient rien et ne s’en douten
393 se refuse à la nommer pour eux comme le font trop de romanciers chrétiens — mais aussi à la nier ou la dénaturer comme le
394 le font tant de romanciers athées. Avec une sorte d’ honnêteté très rare, peut-être unique dans la littérature française, t
395 la proie ; et ce respect des âmes donne à chacun de ses livres — même à ceux où l’on n’allait voir qu’un plaisir tout gra
396 où l’on n’allait voir qu’un plaisir tout gratuit de conteur né — de grandes marges et des prolongements, une qualité d’ap
397 t voir qu’un plaisir tout gratuit de conteur né — de grandes marges et des prolongements, une qualité d’appel lancinante,
398 grandes marges et des prolongements, une qualité d’ appel lancinante, nostalgique, et finalement heureuse, comme exaucée…
399 exaucée… Il était le meilleur écrivain protestant de nos contemporains (bien que son œuvre soit indemne de toute référence
400 os contemporains (bien que son œuvre soit indemne de toute référence insistante à la foi qui l’inspire, et de tout langage
401 e référence insistante à la foi qui l’inspire, et de tout langage pieux). Il est entré dans les grandes marges de cette vi
402 gage pieux). Il est entré dans les grandes marges de cette vie, et son dernier retrait, le plus énigmatique, achève une œu
403 er retrait, le plus énigmatique, achève une œuvre d’ espérance. f. Rougemont Denis de, « Roger Breuil qui vient de mour
404 ève une œuvre d’espérance. f. Rougemont Denis de , « Roger Breuil qui vient de mourir était un grand romancier protesta
6 1948, Réforme, articles (1946–1980). L’Europe, aventure du xxe siècle (1er mai 1948)
405 L’ Europe , aventure du xxe siècle (1er mai 1948)g Il y a l’utopie de l’Euro
406 du xxe siècle (1er mai 1948)g Il y a l’utopie de l’Europe, et il y a l’aventure de l’Europe. Cette distinction fondame
407 e siècle (1er mai 1948)g Il y a l’utopie de l’ Europe , et il y a l’aventure de l’Europe. Cette distinction fondamentale cor
408 Il y a l’utopie de l’Europe, et il y a l’aventure de l’Europe. Cette distinction fondamentale correspond à deux attitudes,
409 a l’utopie de l’Europe, et il y a l’aventure de l’ Europe . Cette distinction fondamentale correspond à deux attitudes, entre le
410 pies, c’est qu’elles sont en réalité moins riches d’ avenir que le présent. Je dirais même, sans trop de paradoxe, que l’ut
411 ’avenir que le présent. Je dirais même, sans trop de paradoxe, que l’utopie peut se définir en général comme un système sa
412 e un système sans avenir. Le plus grand historien de notre temps, Arnold Toynbee, fait observer que les utopies classiques
413 ont, en réalité, et je le cite : « des programmes d’ action déguisés en descriptions sociologiques imaginaires ». Mais l’ac
414 es ». Mais l’action qu’elles proposent n’est rien d’ autre que l’arrêt artificiel, à un certain niveau, d’une société en dé
415 utre que l’arrêt artificiel, à un certain niveau, d’ une société en décadence. On isole de cette société les éléments que l
416 tain niveau, d’une société en décadence. On isole de cette société les éléments que l’on considère comme bons, et l’on en
417 l’abri des menaces grossières comme des créations de l’esprit, insensible aux défis toujours renouvelés de la réalité touj
418 ’esprit, insensible aux défis toujours renouvelés de la réalité toujours changeante, bref : hors du courant de l’Histoire.
419 alité toujours changeante, bref : hors du courant de l’Histoire. Dans ce sens, « défendre l’Europe » est aujourd’hui une u
420 courant de l’Histoire. Dans ce sens, « défendre l’ Europe  » est aujourd’hui une utopie. Telle qu’elle est, pessimiste et divisé
421 lle qu’elle est, pessimiste et divisée, encombrée de frontières qui l’empêchent de respirer, menacée à chaque instant d’un
422 divisée, encombrée de frontières qui l’empêchent de respirer, menacée à chaque instant d’une sorte d’hémiplégie, soit que
423 l’empêchent de respirer, menacée à chaque instant d’ une sorte d’hémiplégie, soit que la gauche réussisse à paralyser la dr
424 de respirer, menacée à chaque instant d’une sorte d’ hémiplégie, soit que la gauche réussisse à paralyser la droite ou l’in
425 e réussisse à paralyser la droite ou l’inverse, l’ Europe est pratiquement indéfendable. Je m’explique : Tenter d’unir en une a
426 pratiquement indéfendable. Je m’explique : Tenter d’ unir en une alliance défensive nos États-nations tels qu’ils sont, ten
427 ensive nos États-nations tels qu’ils sont, tenter de coaliser leurs souverainetés pour lutter contre les empires, ce serai
428 loir coaliser précisément les facteurs principaux de notre décadence. Une sainte alliance de nos microbes ne me paraît pas
429 rincipaux de notre décadence. Une sainte alliance de nos microbes ne me paraît pas le moyen de sauver notre santé. Une sai
430 lliance de nos microbes ne me paraît pas le moyen de sauver notre santé. Une sainte alliance des souverainetés dont nous m
431 cordons douaniers, suffisent à empêcher nos biens de circuler, mais n’arrêteront pas les armées. Je dis donc que vouloir l
432 t pas les armées. Je dis donc que vouloir l’union de l’Europe sans rien changer à sa structure économique et politique, c’
433 les armées. Je dis donc que vouloir l’union de l’ Europe sans rien changer à sa structure économique et politique, c’est prati
434 loir, c’est l’utopie. Au contraire, transformer l’ Europe conformément à son génie, qui est celui de la liberté, et dans les co
435 l’Europe conformément à son génie, qui est celui de la liberté, et dans les conditions du xxe siècle, qui sont celles de
436 ns les conditions du xxe siècle, qui sont celles de l’organisation ; rappeler à cette Europe qui se sent diminuée qu’elle
437 sont celles de l’organisation ; rappeler à cette Europe qui se sent diminuée qu’elle compte encore 250 millions d’habitants,
438 sent diminuée qu’elle compte encore 250 millions d’ habitants, les plus travailleurs et les plus inventifs de toute la ter
439 ants, les plus travailleurs et les plus inventifs de toute la terre, c’est-à-dire du seul point de vue de la quantité, plu
440 toute la terre, c’est-à-dire du seul point de vue de la quantité, plus que la Russie et deux fois plus que l’Amérique ; l’
441 fédérer dans sa diversité, en vue de maintenir et d’ illustrer une certaine notion de l’homme dont, malgré toutes ses infid
442 e de maintenir et d’illustrer une certaine notion de l’homme dont, malgré toutes ses infidélités, elle reste aux yeux du m
443 t l’aventure du xxe siècle, et c’est la vocation de cette génération. L’aventure Depuis quelques semaines, ou quelq
444 epuis quelques semaines, ou quelques mois, l’idée de l’union européenne a fait des progrès étonnants, sinon dans la réalit
445 ues semaines, ou quelques mois, l’idée de l’union européenne a fait des progrès étonnants, sinon dans la réalité, du moins dans le
446 rnements travaillent encore en fait, dans le sens de l’utopie que je viens de décrire, et que le sort de l’aventure réelle
447 l’utopie que je viens de décrire, et que le sort de l’aventure réelle n’est pas ailleurs que dans nos mains : nous, l’opi
448 ue dans nos mains : nous, l’opinion, les citoyens de l’Europe, ceux qui sont décidés à fournir l’effort d’invention à la h
449 ns nos mains : nous, l’opinion, les citoyens de l’ Europe , ceux qui sont décidés à fournir l’effort d’invention à la hauteur du
450 ’Europe, ceux qui sont décidés à fournir l’effort d’ invention à la hauteur du siècle. Je disais à Montreux en septembre de
451 à Montreux en septembre dernier, lors du congrès de l’Union européenne des fédéralistes : Si l’Europe doit durer, c’est
452 en septembre dernier, lors du congrès de l’Union européenne des fédéralistes : Si l’Europe doit durer, c’est aux fédéralistes qu
453 ès de l’Union européenne des fédéralistes : Si l’ Europe doit durer, c’est aux fédéralistes qu’elle le devra, et à eux seuls.
454 alistes qu’elle le devra, et à eux seuls. Sur qui d’ autre peut-elle compter ? Elle ne doit pas compter sur les gens au pou
455 u pouvoir. J’en connais peu qui aient l’intention de le laisser limiter, et c’est pourtant ce que nous leur demandons. Tou
456 urvivre aussi longtemps que possible avec l’appui de la police. Or l’être des gouvernements, dans le monde actuel, c’est l
457 tes ou méchants, mais leur fonction leur interdit de céder un pouce, et dans l’état présent de l’opinion et des rivalités
458 nterdit de céder un pouce, et dans l’état présent de l’opinion et des rivalités de partis, ils courraient le risque d’être
459 dans l’état présent de l’opinion et des rivalités de partis, ils courraient le risque d’être accusés de trahison s’ils tra
460 des rivalités de partis, ils courraient le risque d’ être accusés de trahison s’ils transigeaient un seul instant avec le d
461 e partis, ils courraient le risque d’être accusés de trahison s’ils transigeaient un seul instant avec le dogme de la souv
462 s’ils transigeaient un seul instant avec le dogme de la souveraineté absolue. L’union, la paix, que la plupart d’entre eux
463 la prendre dans quinze jours, aux états généraux de l’Europe, convoqués à La Haye pour le 7 mai. Où elle mène Je ne
464 rendre dans quinze jours, aux états généraux de l’ Europe , convoqués à La Haye pour le 7 mai. Où elle mène Je ne puis ant
465 ur les résolutions auxquelles aboutira ce congrès de l’Europe. Le 19 juin 1789, personne ne prévoyait le serment du Jeu de
466 s résolutions auxquelles aboutira ce congrès de l’ Europe . Le 19 juin 1789, personne ne prévoyait le serment du Jeu de Paume, q
467 uin 1789, personne ne prévoyait le serment du Jeu de Paume, qui marqua le lendemain un tournant de l’Histoire. Ce que je s
468 Jeu de Paume, qui marqua le lendemain un tournant de l’Histoire. Ce que je sais, c’est notre volonté, et c’est le but préc
469 ts, voici le tableau : Nous avons aujourd’hui une Europe divisée et cloisonnée dans l’anarchie. Nous voulons une Europe organi
470 e et cloisonnée dans l’anarchie. Nous voulons une Europe organisée. Une Europe sans barrières ni visas, rendue dans toute son
471 ’anarchie. Nous voulons une Europe organisée. Une Europe sans barrières ni visas, rendue dans toute son étendue à la libre cir
472 nt nécessaires. Nous voulons au-dessus des États, de toute urgence, un Conseil politique de l’Europe. Nous voulons que ce
473 des États, de toute urgence, un Conseil politique de l’Europe. Nous voulons que ce Conseil soit contrôlé par un Parlement
474 tats, de toute urgence, un Conseil politique de l’ Europe . Nous voulons que ce Conseil soit contrôlé par un Parlement de l’Euro
475 ons que ce Conseil soit contrôlé par un Parlement de l’Europe. Nous voulons qu’un Conseil économique entreprenne la mise e
476 ue ce Conseil soit contrôlé par un Parlement de l’ Europe . Nous voulons qu’un Conseil économique entreprenne la mise en commun
477 Conseil économique entreprenne la mise en commun de nos ressources naturelles. Et nous voulons qu’un Centre de la culture
478 ssources naturelles. Et nous voulons qu’un Centre de la culture donne un organe, une voix et une autorité, à la conscience
479 organe, une voix et une autorité, à la conscience européenne . Par-dessus tout, dominant ces Conseils qui domineraient eux-mêmes le
480 instituer une Cour suprême, qui soit la gardienne de la Charte des droits et des devoirs de la personne, et à laquelle pui
481 gardienne de la Charte des droits et des devoirs de la personne, et à laquelle puissent en appeler directement, contre l’
482 es, et les minorités. Ainsi sera garanti le droit d’ opposition, faute duquel il est dérisoire de parler de démocratie. Fin
483 droit d’opposition, faute duquel il est dérisoire de parler de démocratie. Finalement nous voulons l’Europe, parce que san
484 position, faute duquel il est dérisoire de parler de démocratie. Finalement nous voulons l’Europe, parce que sans elle le
485 e parler de démocratie. Finalement nous voulons l’ Europe , parce que sans elle le monde glisse à la guerre, et que l’alternativ
486 , et que l’alternative n’est plus, pour nous, que d’ empêcher cette guerre ou de périr en elle. Séparés, isolés, aucun de n
487 t plus, pour nous, que d’empêcher cette guerre ou de périr en elle. Séparés, isolés, aucun de nos pays n’empêchera rien. S
488 uerre ou de périr en elle. Séparés, isolés, aucun de nos pays n’empêchera rien. Séparés, isolés, nous serons colonisés l’u
489 isseront le ton, et l’on pourra parler. Chance de l’homme Telle est la vision directrice de l’aventure que nous cour
490 ance de l’homme Telle est la vision directrice de l’aventure que nous courons. Et il est clair que son enjeu n’est pas
491 e en dépendent, mais qu’il est avant tout l’enjeu de la personne, la chance de l’homme au xxe siècle. Et c’est pourquoi l
492 est avant tout l’enjeu de la personne, la chance de l’homme au xxe siècle. Et c’est pourquoi la hiérarchie des Conseils
493 st pas la puissance, ni le maintien par la police d’ une certaine idéologie, mais au contraire le règne de la loi, par où j
494 ne certaine idéologie, mais au contraire le règne de la loi, par où j’entends la garantie des droits élémentaires de l’hom
495 où j’entends la garantie des droits élémentaires de l’homme, antérieurs à l’État, supérieurs à l’État, et sans lesquels,
496 supérieurs à l’État, et sans lesquels, pour nous Européens , le bonheur même paraît inacceptable. Entre un libéralo-capitalisme e
497 italisme et un étatisme absolus, tous deux nés en Europe pour émigrer plus tard sur des terres vierges, où leurs excès sont ma
498 açants, car leur conflit se déclare sans issue, l’ Europe se doit, et doit au monde d’inaugurer la troisième voie, la voie des
499 re sans issue, l’Europe se doit, et doit au monde d’ inaugurer la troisième voie, la voie des libertés organisées. Nous viv
500 és organisées. Nous vivons aujourd’hui la « drôle de paix ». Il dépend de nous qu’elle se termine demain en paix-éclair, e
501 ivons aujourd’hui la « drôle de paix ». Il dépend de nous qu’elle se termine demain en paix-éclair, et c’est l’effet que p
502 pourra seule produire la proclamation solennelle de la fédération européenne. Il se passe quelque chose à l’Est. Il est t
503 duire la proclamation solennelle de la fédération européenne . Il se passe quelque chose à l’Est. Il est temps qu’il se passe quelq
504 Est. Il est temps qu’il se passe quelque chose en Europe  ! Il est temps de réveiller l’espoir d’une moitié séparée du continen
505 l se passe quelque chose en Europe ! Il est temps de réveiller l’espoir d’une moitié séparée du continent. Il est temps de
506 se en Europe ! Il est temps de réveiller l’espoir d’ une moitié séparée du continent. Il est temps de donner aussi à nos am
507 r d’une moitié séparée du continent. Il est temps de donner aussi à nos amis américains la certitude que nous ne sommes pa
508 e sommes pas ce qu’ils ont parfois presque raison de croire que nous sommes : des démissionnaires de l’Histoire. La vérita
509 n de croire que nous sommes : des démissionnaires de l’Histoire. La véritable troisième force, au plan mondial, ce n’est p
510 mondial, ce n’est pas je ne sais quel groupement de double négation et de demi-mesures, c’est l’Europe rejoignant le xxe
511 je ne sais quel groupement de double négation et de demi-mesures, c’est l’Europe rejoignant le xxe siècle, pour en prend
512 nt de double négation et de demi-mesures, c’est l’ Europe rejoignant le xxe siècle, pour en prendre la tête et inventer l’aven
513 e, mais cette vieille terre à rajeunir, à libérer de ses cloisons, notre Europe à reconquérir, pour tous ses peuples, pour
514 erre à rajeunir, à libérer de ses cloisons, notre Europe à reconquérir, pour tous ses peuples, pour tous ses partis, et comme
515 nie, pour tous les hommes. g. Rougemont Denis de , « L’Europe, aventure du XXe siècle », Réforme, Paris, 1 mai 1948, p.
516 r tous les hommes. g. Rougemont Denis de, « L’ Europe , aventure du XXe siècle », Réforme, Paris, 1 mai 1948, p. 1.
7 1949, Réforme, articles (1946–1980). « Êtes-vous partisan du rapprochement franco-allemand ? » (29 janvier 1949)
517 pprochements » est dépassée. Il s’agit pour nous, Européens , de construire ensemble une fédération solide. Il existe certes des p
518 s » est dépassée. Il s’agit pour nous, Européens, de construire ensemble une fédération solide. Il existe certes des probl
519 e certes des problèmes franco-allemands, mais pas de solution franco-allemande. La seule solution est l’Europe. Une exploi
520 olution franco-allemande. La seule solution est l’ Europe . Une exploitation fédérale des houillères (continentales et britanniq
521 tales et britanniques) résoudra seule le problème de la Ruhr. De même, une organisation fédérale de l’Europe est seule cap
522 me de la Ruhr. De même, une organisation fédérale de l’Europe est seule capable de répondre à la fois au désir d’unité des
523 la Ruhr. De même, une organisation fédérale de l’ Europe est seule capable de répondre à la fois au désir d’unité des Allemand
524 ganisation fédérale de l’Europe est seule capable de répondre à la fois au désir d’unité des Allemands, aux craintes qu’il
525 est seule capable de répondre à la fois au désir d’ unité des Allemands, aux craintes qu’il éveille en France, à la tentat
526 ces américaines, et à l’expansion russe. On parle d’ obstacles économiques à cette fédération. C’est oublier que la situati
527 impossible. La solution fédéraliste a l’avantage d’ être au moins concevable, et il est impossible qu’elle soit pire que c
528 où beaucoup vivent, des menaces qui pèsent sur l’ Europe . Un peu de conscience tuerait beaucoup de préjugés, datant de l’époqu
529 e conscience tuerait beaucoup de préjugés, datant de l’époque des pantalons rouges et non pas de l’occupation. h. Rouge
530 atant de l’époque des pantalons rouges et non pas de l’occupation. h. Rougemont Denis de, « [Réponse à une enquête] Ête
531 et non pas de l’occupation. h. Rougemont Denis de , « [Réponse à une enquête] Êtes-vous partisan du rapprochement franco
8 1952, Réforme, articles (1946–1980). Après l’Œuvre du xxe siècle (14 juin 1952)
532 (14 juin 1952)j k Il ne saurait être question de tirer de nos débats et de nos conférences des conclusions collectives
533 1952)j k Il ne saurait être question de tirer de nos débats et de nos conférences des conclusions collectives, unanime
534 e saurait être question de tirer de nos débats et de nos conférences des conclusions collectives, unanimes. Nous avons ent
535 ons entendu, depuis quinze jours, une quarantaine de prises de position toutes personnelles, faisant le point d’une évolut
536 u, depuis quinze jours, une quarantaine de prises de position toutes personnelles, faisant le point d’une évolution dont n
537 de position toutes personnelles, faisant le point d’ une évolution dont nous sommes à la fois les sujets et les objets. Mai
538 je voudrais relever ici un caractère très général de nos débats. Les sujets que nous avons discutés, que ce soit l’écrivai
539 que ce soit l’écrivain dans la cité, l’isolement de l’artiste au temps des « mass médias », l’opposition entre la révolte
540 a société. On nous a très bien montré les dangers de l’isolement, les excès de la révolte. On a moins insisté sur l’accept
541 bien montré les dangers de l’isolement, les excès de la révolte. On a moins insisté sur l’acceptation confiante des moyens
542 é sur l’acceptation confiante des moyens modernes de communiquer avec les masses, et personne n’a déclaré devant nous qu’i
543 nous qu’il connaissait et assumait les conditions d’ une communion nouvelle entre les hommes. Quelques mots sur ce dernier
544 s mots sur ce dernier thème, sur ce thème capital de la communion. Il est trop clair qu’aucun de nous ne se risquerait à v
545 pital de la communion. Il est trop clair qu’aucun de nous ne se risquerait à vous en donner la recette. Et c’est tant mieu
546 Et c’est tant mieux ! Car il existe des recettes de communion, et des fois synthétiques, dans ce siècle, et nous savons à
547 savons à quoi elles mènent ! Que vaut le bonheur d’ un peuple, que vaut sa communion, quand elle est établie par la police
548 ion, quand elle est établie par la police au prix d’ un homme sur dix dans les camps sibériens ? Que vaut la communion des
549 s ignorent sans doute l’étendue et la vraie visée de la tyrannie dans laquelle ils sont nés. Mais nous… Nous qui avons par
550 mi nous des témoins, des victimes toutes récentes de ces tortures, nous qui avons pu garder le droit de savoir, le droit d
551 e ces tortures, nous qui avons pu garder le droit de savoir, le droit de nous informer, de dire et de crier, nous ne somme
552 qui avons pu garder le droit de savoir, le droit de nous informer, de dire et de crier, nous ne sommes plus pardonnables
553 er le droit de savoir, le droit de nous informer, de dire et de crier, nous ne sommes plus pardonnables de nous taire ! Al
554 de savoir, le droit de nous informer, de dire et de crier, nous ne sommes plus pardonnables de nous taire ! Alors que fai
555 ire et de crier, nous ne sommes plus pardonnables de nous taire ! Alors que faire ? Tout d’abord protester publiquement et
556 d protester publiquement et avec éclat : question de salubrité publique, même si l’efficacité en reste discutable. L’Œuvre
557 protesté, dans son ensemble, contre les tyrannies de toute couleur qui nous salissent, qui salissent toute l’humanité, vic
558 me directe ou non des dictatures et des arguments de leurs complices. Elle a protesté au double sens du mot, qui est à la
559 une église, était dédié à la mémoire des victimes de toutes les tyrannies du xxe siècle. Il convenait d’ouvrir nos manife
560 toutes les tyrannies du xxe siècle. Il convenait d’ ouvrir nos manifestations par cet acte de piété et ce Magnificat à la
561 onvenait d’ouvrir nos manifestations par cet acte de piété et ce Magnificat à la mémoire des martyrs de ce siècle. Et ensu
562 e piété et ce Magnificat à la mémoire des martyrs de ce siècle. Et ensuite : tout l’ensemble éblouissant de chefs-d’œuvre
563 siècle. Et ensuite : tout l’ensemble éblouissant de chefs-d’œuvre des arts modernes, qui a rempli ce mois de mai de Paris
564 s-d’œuvre des arts modernes, qui a rempli ce mois de mai de Paris, a témoigné, a protesté pour la valeur créatrice de la l
565 re des arts modernes, qui a rempli ce mois de mai de Paris, a témoigné, a protesté pour la valeur créatrice de la liberté.
566 , a témoigné, a protesté pour la valeur créatrice de la liberté. Maintenant, qu’allons-nous conclure ? Je pense qu’il ne s
567 aire, nous approuvons tous cette belle définition de la propagande que formulait Wystan Auden : « La propagande est l’empl
568 ulait Wystan Auden : « La propagande est l’emploi de la magie par ceux qui n’y croient plus contre ceux qui y croient enco
569 re au défi des totalitaires, si nous nous privons de leurs armes ? Si nous refusons la fausse communion fomentée par la pr
570 ons tous les insignes, tous les signes extérieurs de la communion ? Si nous allons même jusqu’à éviter d’en parler — parce
571 la communion ? Si nous allons même jusqu’à éviter d’ en parler — parce que, disons-le franchement, il est gênant de parler
572 — parce que, disons-le franchement, il est gênant de parler de cela quand on y croit, dans un tel lieu, et sous les projec
573 e, disons-le franchement, il est gênant de parler de cela quand on y croit, dans un tel lieu, et sous les projecteurs de c
574 croit, dans un tel lieu, et sous les projecteurs de cinéma… Je répondrai à côté de la question apparente, je répondrai pa
575 la question apparente, je répondrai par une sorte de parabole, sans transition, en visant le cœur du problème. Que nous so
576 yons chrétiens ou non, ici nous sommes tous tenus de constater le fait historique que voici : c’est que la plus vaste comm
577 la plus profonde et la plus libre dans les modes d’ adhésion qu’elle implique, s’est faite autour non pas d’une idée, d’un
578 sion qu’elle implique, s’est faite autour non pas d’ une idée, d’une doctrine, d’un système de valeurs ni même d’une cause,
579 implique, s’est faite autour non pas d’une idée, d’ une doctrine, d’un système de valeurs ni même d’une cause, mais d’un s
580 faite autour non pas d’une idée, d’une doctrine, d’ un système de valeurs ni même d’une cause, mais d’un sacrifice individ
581 non pas d’une idée, d’une doctrine, d’un système de valeurs ni même d’une cause, mais d’un sacrifice individuel — autour
582 , d’une doctrine, d’un système de valeurs ni même d’ une cause, mais d’un sacrifice individuel — autour d’un seul, autour d
583 d’un système de valeurs ni même d’une cause, mais d’ un sacrifice individuel — autour d’un seul, autour d’un homme qui est
584 ne cause, mais d’un sacrifice individuel — autour d’ un seul, autour d’un homme qui est mort dans l’isolement total, dans l
585 n sacrifice individuel — autour d’un seul, autour d’ un homme qui est mort dans l’isolement total, dans la révolte la plus
586 abandonné des hommes, et ce serait peu, abandonné de Dieu lui-même, il l’a crié. N’oublions pas que là, le mot de communio
587 -même, il l’a crié. N’oublions pas que là, le mot de communion a pris son sens, et qu’il le perd en s’éloignant du sacrifi
588 là-dessus, pour terminer, une citation. Elle est d’ un Espagnol, et frappe une de ces notes d’éloquence à la fois sèche et
589 e citation. Elle est d’un Espagnol, et frappe une de ces notes d’éloquence à la fois sèche et profonde qui manquent trop s
590 lle est d’un Espagnol, et frappe une de ces notes d’ éloquence à la fois sèche et profonde qui manquent trop souvent aujour
591 anquent trop souvent aujourd’hui, et par la faute d’ une dictature encore, au grand concert européen. C’est une phrase de M
592 la faute d’une dictature encore, au grand concert européen . C’est une phrase de Miguel de Unamuno, dans son commentaire à Don Qu
593 core, au grand concert européen. C’est une phrase de Miguel de Unamuno, dans son commentaire à Don Quichotte : Mets-toi e
594 eul. Mais vous formerez un bataillon sacré, celui de la sainte, de l’inachevable croisade. j. Rougemont Denis de, « A
595 formerez un bataillon sacré, celui de la sainte, de l’inachevable croisade. j. Rougemont Denis de, « Après l’œuvre d
596 e l’inachevable croisade. j. Rougemont Denis de , « Après l’œuvre du XXe siècle », Réforme, Paris, 14 juin 1952, p. 7.
597 « Nous avons rendu compte ici des manifestations de L’Œuvre du xxe siècle qui sont maintenant terminées. Nous n’avons ri
598 enant terminées. Nous n’avons rien dit des débats d’ écrivains, car après les avoir entendus, il nous a semblé qu’ils étaie
599 lus par la crainte du communisme que par le souci de la liberté et qu’ainsi, ils passaient à côté des questions essentiell
600 Il reste que ces conversations, faites en réalité de monologues successifs, ont fait sentir à quel point est posé le probl
601 ont fait sentir à quel point est posé le problème de la communication entre le Créateur et la société. Problème de communi
602 ication entre le Créateur et la société. Problème de communion. C’est à celui-ci qu’est consacré le texte de Denis de Roug
603 munion. C’est à celui-ci qu’est consacré le texte de Denis de Rougemont que nous publions ci-après, qui a servi de conclus
604 Rougemont que nous publions ci-après, qui a servi de conclusion aux débats et au festival lui-même. »
9 1953, Réforme, articles (1946–1980). « Les écrivains protestants » (11 avril 1953)
605 crivains protestants » (11 avril 1953)l m Fils de pasteur comme les trois sœurs Brontë, Nietzsche, Herman Hesse, Pearl
606 erman Hesse, Pearl Buck, Curzio Malaparte et tant d’ écrivains scandinaves, américains, allemands, anglais ou hollandais, m
607 je me sens protestant non seulement par le hasard d’ une origine, mais encore par ma formation, et enfin par mon adhésion d
608 nfin par mon adhésion des plus actives, dès l’âge de 25 ans, aux doctrines orthodoxes de la Réforme, à travers Kierkegaard
609 es, dès l’âge de 25 ans, aux doctrines orthodoxes de la Réforme, à travers Kierkegaard et Barth. C’est dire que le protest
610 historique, ou à la langue française comme moyen d’ expression. Gênantes sont les données que l’on ne peut assumer, et cel
611 u’aux catholiques, aux orthodoxes, aux incroyants de toutes nuances. À l’isolement relatif du protestant en France, il y a
612 e, il y a mieux que des compensations sur le plan de la pensée de l’art et d’une vision plus large de l’humain, pour ceux
613 ux que des compensations sur le plan de la pensée de l’art et d’une vision plus large de l’humain, pour ceux qui se réfère
614 ompensations sur le plan de la pensée de l’art et d’ une vision plus large de l’humain, pour ceux qui se réfèrent à l’Écrit
615 de la pensée de l’art et d’une vision plus large de l’humain, pour ceux qui se réfèrent à l’Écriture et à ses traductions
616 ces du seul langage vraiment commun aux écrivains de toutes les langues et confessions dans le domaine occidental. l.
617 ans le domaine occidental. l. Rougemont Denis de , « [Réponse à une enquête] Les écrivains protestants », Réforme, Pari
10 1968, Réforme, articles (1946–1980). Vers l’Europe des régions ? (30 novembre 1968)
618 Vers l’ Europe des régions ? (30 novembre 1968)n o Rentrant d’Amérique après la g
619 e des régions ? (30 novembre 1968)n o Rentrant d’ Amérique après la guerre, j’avais compris qu’il était indispensable d’
620 guerre, j’avais compris qu’il était indispensable d’ unir les Européens. Non seulement nous-mêmes mais les Américains aussi
621 vais compris qu’il était indispensable d’unir les Européens . Non seulement nous-mêmes mais les Américains aussi, avions besoin de
622 us-mêmes mais les Américains aussi, avions besoin de cette union, c’est-à-dire du genre de valeurs, d’équilibre, de mesure
623 ions besoin de cette union, c’est-à-dire du genre de valeurs, d’équilibre, de mesure que représentait notre vieux continen
624 de cette union, c’est-à-dire du genre de valeurs, d’ équilibre, de mesure que représentait notre vieux continent. En août 1
625 n, c’est-à-dire du genre de valeurs, d’équilibre, de mesure que représentait notre vieux continent. En août 1947, on est v
626 continent. En août 1947, on est venu me demander de parler à un congrès de fédéralistes européens, à Montreux, où j’ai pr
627 7, on est venu me demander de parler à un congrès de fédéralistes européens, à Montreux, où j’ai prononcé un discours inau
628 e demander de parler à un congrès de fédéralistes européens , à Montreux, où j’ai prononcé un discours inaugural : j’étais engagé.
629 urs inaugural : j’étais engagé. Puis j’ai accepté de m’occuper de la partie culturelle du Mouvement européen. À partir du
630  : j’étais engagé. Puis j’ai accepté de m’occuper de la partie culturelle du Mouvement européen. À partir du congrès de La
631 de m’occuper de la partie culturelle du Mouvement européen . À partir du congrès de La Haye en 1948, je me suis beaucoup penché s
632 urelle du Mouvement européen. À partir du congrès de La Haye en 1948, je me suis beaucoup penché sur ce problème de l’unio
633 1948, je me suis beaucoup penché sur ce problème de l’union des Européens sur la base d’une unité déjà existante. Je fais
634 is beaucoup penché sur ce problème de l’union des Européens sur la base d’une unité déjà existante. Je fais une distinction entre
635 ce problème de l’union des Européens sur la base d’ une unité déjà existante. Je fais une distinction entre unité et union
636 âtir. Non pas une uniformité mais un certain mode de contacts organisés. Cette base commune de culture et de civilisation
637 in mode de contacts organisés. Cette base commune de culture et de civilisation est la condition sine qua non d’une union
638 tacts organisés. Cette base commune de culture et de civilisation est la condition sine qua non d’une union économique et
639 et de civilisation est la condition sine qua non d’ une union économique et politique. J’ai donc créé le Centre européen d
640 avons réuni pour la première fois les directeurs d’ administration d’agences atomiques des six pays avec le concours de l’
641 la première fois les directeurs d’administration d’ agences atomiques des six pays avec le concours de l’Unesco, pour crée
642 d’agences atomiques des six pays avec le concours de l’Unesco, pour créer un laboratoire européen de recherches nucléaires
643 e concours de l’Unesco, pour créer un laboratoire européen de recherches nucléaires. Le Centre d’études et de recherches nucléai
644 s de l’Unesco, pour créer un laboratoire européen de recherches nucléaires. Le Centre d’études et de recherches nucléaires
645 oire européen de recherches nucléaires. Le Centre d’ études et de recherches nucléairesp a été la réalisation de cette prem
646 n de recherches nucléaires. Le Centre d’études et de recherches nucléairesp a été la réalisation de cette première initiat
647 et de recherches nucléairesp a été la réalisation de cette première initiative de notre centre. Nous avons fondé une assoc
648 a été la réalisation de cette première initiative de notre centre. Nous avons fondé une association des festivals de musiq
649 e. Nous avons fondé une association des festivals de musique européens que je dirige, tout à fait par hasard. Nous avons c
650 ns fondé une association des festivals de musique européens que je dirige, tout à fait par hasard. Nous avons coordonné les Insti
651 it par hasard. Nous avons coordonné les Instituts d’ études européennes qui étaient en train de se constituer dans différen
652 sard. Nous avons coordonné les Instituts d’études européennes qui étaient en train de se constituer dans différentes universités. N
653 pris contact avec des historiens, des professeurs d’ enseignement secondaire, des éditeurs. Nous avons d’autre part lancé u
654 teurs. Nous avons d’autre part lancé une Campagne européenne d’éducation civique qui cherche à introduire l’angle de vision europé
655 avons d’autre part lancé une Campagne européenne d’ éducation civique qui cherche à introduire l’angle de vision européen
656 ducation civique qui cherche à introduire l’angle de vision européen dans la leçon d’histoire, de géographie, de langues.
657 ivique qui cherche à introduire l’angle de vision européen dans la leçon d’histoire, de géographie, de langues. Je souhaiterais
658 troduire l’angle de vision européen dans la leçon d’ histoire, de géographie, de langues. Je souhaiterais que tombent en dé
659 ngle de vision européen dans la leçon d’histoire, de géographie, de langues. Je souhaiterais que tombent en désuétude les
660 européen dans la leçon d’histoire, de géographie, de langues. Je souhaiterais que tombent en désuétude les grands États-na
661 fédérale, afin de faire repartir toute l’affaire européenne sur la base des régions, puisque vingt ans de tentatives de rapproche
662 péenne sur la base des régions, puisque vingt ans de tentatives de rapprochement n’ont abouti à rien sur le plan politique
663 base des régions, puisque vingt ans de tentatives de rapprochement n’ont abouti à rien sur le plan politique. Cette situat
664 evenant ainsi eux-mêmes l’obstacle à toute espèce d’ union. On ne peut bâtir une union de l’Europe sur les obstacles à tout
665 toute espèce d’union. On ne peut bâtir une union de l’Europe sur les obstacles à toute union. Notre espoir réside dans u
666 e espèce d’union. On ne peut bâtir une union de l’ Europe sur les obstacles à toute union. Notre espoir réside dans une politi
667 se dessine en France un grand mouvement qui vient d’ être appuyé par de Gaulle pour diviser le pays en un certain nombre de
668 Gaulle pour diviser le pays en un certain nombre de régions. Je pense qu’on finira par se mettre d’accord assez vite pour
669 ’accord assez vite pour la France sur une dizaine de régions, plus Paris. Notre idée de fédéralistes européens est que ces
670 ur une dizaine de régions, plus Paris. Notre idée de fédéralistes européens est que ces régions définies sur­tout par l’éc
671 e régions, plus Paris. Notre idée de fédéralistes européens est que ces régions définies sur­tout par l’économie, se définissent
672 ure et quelquefois par l’ethnie comme dans le cas de la Bretagne ou de la Catalogne. Le problème numéro un de l’Europe, c’
673 par l’ethnie comme dans le cas de la Bretagne ou de la Catalogne. Le problème numéro un de l’Europe, c’est l’union. Si l’
674 retagne ou de la Catalogne. Le problème numéro un de l’Europe, c’est l’union. Si l’union de l’Europe ne se fait pas, nous
675 ne ou de la Catalogne. Le problème numéro un de l’ Europe , c’est l’union. Si l’union de l’Europe ne se fait pas, nous serons co
676 numéro un de l’Europe, c’est l’union. Si l’union de l’Europe ne se fait pas, nous serons colonisés par le dollar et peut-
677 ro un de l’Europe, c’est l’union. Si l’union de l’ Europe ne se fait pas, nous serons colonisés par le dollar et peut-être par
678 xiste — quoique cela soit moins sûr. Mais le fait de ne plus être maîtres de notre destinée économique entraînerait une qu
679 t moins sûr. Mais le fait de ne plus être maîtres de notre destinée économique entraînerait une quantité de conséquences s
680 tre destinée économique entraînerait une quantité de conséquences sur le plan culturel. Cela entraînerait une chute de pot
681 sur le plan culturel. Cela entraînerait une chute de potentiel européen considérable, dont finalement le monde entier subi
682 ulturel. Cela entraînerait une chute de potentiel européen considérable, dont finalement le monde entier subirait les conséquenc
683 usqu’au moment où de Gaulle a annoncé sa décision de dissoudre le Sénat pour le remplacer par une assemblée élue par les r
684 plus concerné par la centralisation, grand nombre de jeunes sociologues et économistes français s’étant penchés sur ce pro
685 concevable que s’il existe une solide fédération européenne . Ce sera le point d’accrochage d’une organisation mondiale. Sans dout
686 ne solide fédération européenne. Ce sera le point d’ accrochage d’une organisation mondiale. Sans doute d’ici dix ou quinze
687 ération européenne. Ce sera le point d’accrochage d’ une organisation mondiale. Sans doute d’ici dix ou quinze ans serons-n
688 s —, qui seront de plus en plus les vrais centres de la production et de la vie intellectuelle et auront entre elles des l
689 lus en plus les vrais centres de la production et de la vie intellectuelle et auront entre elles des liens de toutes natur
690 ie intellectuelle et auront entre elles des liens de toutes natures. Elles constitueront de proche en proche un tissu plu
691 des liens de toutes natures. Elles constitueront de proche en proche un tissu plus solide que leurs liens avec les États-
692 les problèmes mondiaux dépendent en grande partie de la solution des problèmes européens c’est que l’unité du genre humain
693 ent en grande partie de la solution des problèmes européens c’est que l’unité du genre humain est une invention des Européens. C’
694 que l’unité du genre humain est une invention des Européens . C’est l’Europe chrétienne qui a imaginé l’ensemble du genre humain e
695 e humain est une invention des Européens. C’est l’ Europe chrétienne qui a imaginé l’ensemble du genre humain en découvrant les
696 le du genre humain en découvrant les possibilités de fraternité universelle : « Désormais, disait saint Paul, il n’y a plu
697 a plus ni Juifs ni Grecs ». Cette responsabilité de l’Europe s’oppose aux racismes et aux guerres d’extermination de race
698 us ni Juifs ni Grecs ». Cette responsabilité de l’ Europe s’oppose aux racismes et aux guerres d’extermination de races. Les pr
699 de l’Europe s’oppose aux racismes et aux guerres d’ extermination de races. Les problèmes les plus importants sont, à la r
700 ppose aux racismes et aux guerres d’extermination de races. Les problèmes les plus importants sont, à la racine, d’ordre p
701 problèmes les plus importants sont, à la racine, d’ ordre philosophique ou religieux. Il s’agit de transposer sur les plan
702 ne, d’ordre philosophique ou religieux. Il s’agit de transposer sur les plans économique et politique les conséquences des
703 uses que l’on croit justes. n. Rougemont Denis de , « [Entretien] Vers l’Europe des régions ? », Réforme, Paris, 30 nove
704 s. n. Rougemont Denis de, « [Entretien] Vers l’ Europe des régions ? », Réforme, Paris, 30 novembre 1968, p. 13. o. Cet art
705 s, 30 novembre 1968, p. 13. o. Cet article, issu d’ un entretien mené par Anouchka von Heuer et Christian Roux-Pétel, est
706  Les États-nations ne cessent aujourd’hui encore, de s’affronter sur notre vieux continent. Il nous a semblé intéressant d
707 tre vieux continent. Il nous a semblé intéressant de considérer avec Denis de Rougemont l’œuvre entreprise au Centre europ
708 l’organe provisoire institué en 1952 sous le nom de Conseil européen pour la recherche nucléaire. q. L’imprimé portait
709 rovisoire institué en 1952 sous le nom de Conseil européen pour la recherche nucléaire. q. L’imprimé portait « deux » länder ;
11 1976, Réforme, articles (1946–1980). À propos de Concorde (21 février 1976)
710 à participer le 14 au soir à une émission de plus de trois heures sur Concorde, j’ai commencé par refuser : dix minutes de
711 Concorde, j’ai commencé par refuser : dix minutes de parole ne valent pas le voyage, je ne suis pas technicien, et surtout
712 ela ne tienne, me dit-on, vous parlerez en duplex de Genève, c’est au philosophe que nous nous adressons, vos arguments cr
713 s critiques nous intéressent, et puisqu’il s’agit d’ un débat, vous pourrez y aller librement. Soyez aussi violent qu’il vo
714 e là ? Dès que j’ouvrirai la bouche, des millions de téléspectateurs, conditionnés pendant deux heures, vont me haïr comme
715 ur qu’on sente que je suis contre — que le meneur de jeu m’interrompt nerveusement pour m’avertir que je sors du sujet. (J
716 ’avertir que je sors du sujet. (Je parle pourtant de Concorde. Mais le sujet, c’est sa louange.) En dépit d’un feu roulant
717 jet, c’est sa louange.) En dépit d’un feu roulant d’ interruptions presque paniques — que Le Monde jugera « d’une agressi
718 ptions presque paniques — que Le Monde jugera «  d’ une agressivité insupportable » —, j’essaie de formuler mes doutes et
719 a « d’une agressivité insupportable » —, j’essaie de formuler mes doutes et objections, selon le schéma qui suit. Mais je
720 que ça sert ? ». On m’assure que cet appareil ira de Paris à New York en trois heures et demie au lieu de sept. Bon. Mais
721 au lieu de sept. Bon. Mais les quelques dizaines de PDG et de membres du « jet-set » qui en « bénéficieront », si l’on pe
722 e sept. Bon. Mais les quelques dizaines de PDG et de membres du « jet-set » qui en « bénéficieront », si l’on peut dire, q
723 énéficieront », si l’on peut dire, que feront-ils de ces heures gagnées ? Est-ce qu’elles vaudront les seize milliards déj
724 avants redoutent, l’atteinte possible à la couche d’ ozone qui protège notre vie terrestre contre les rayons ultraviolets ?
725 ultraviolets ? Votre pari — dis-je aux promoteurs de Concorde alignés devant moi, et consternés — c’est le contraire du pa
726 t moi, et consternés — c’est le contraire du pari de Pascal. Si vous perdez, vous perdez tout pour tout le monde. Si vous
727 upplémentaires au-dessus des merveilleux châteaux de nuages de l’Atlantique : ils y gagneraient (outre 20 % sur le prix du
728 ires au-dessus des merveilleux châteaux de nuages de l’Atlantique : ils y gagneraient (outre 20 % sur le prix du billet, e
729 prix du billet, et x % sur leurs impôts) le temps de se reposer, de réfléchir, ou de lire mes livres par exemple. Et s’il
730 et x % sur leurs impôts) le temps de se reposer, de réfléchir, ou de lire mes livres par exemple. Et s’il était vraiment
731 impôts) le temps de se reposer, de réfléchir, ou de lire mes livres par exemple. Et s’il était vraiment indispensable de
732 par exemple. Et s’il était vraiment indispensable de « gagner » trois heures sur ce trajet, en voici le moyen simple et qu
733 ple et qui eût déjà permis environ 15,8 milliards d’ économies : 1°) supprimer les formalités de douanes et passeports au d
734 liards d’économies : 1°) supprimer les formalités de douanes et passeports au départ et à l’arrivée ; 2°) transporter les
735 rt et à l’arrivée ; 2°) transporter les passagers de l’échelle de coupée au centre de la ville par hélicoptère ou métro. 3
736 ivée ; 2°) transporter les passagers de l’échelle de coupée au centre de la ville par hélicoptère ou métro. 3. On me dit q
737 er les passagers de l’échelle de coupée au centre de la ville par hélicoptère ou métro. 3. On me dit qu’arrêter la fabrica
738 ou métro. 3. On me dit qu’arrêter la fabrication de Concorde mettrait au chômage 40 000 ouvriers. Argument proprement sca
739 t un Premier ministre, supprimer toute limitation de vitesse sur les autoroutes pour éviter le chômage des carrossiers ? (
740 ue l’industrie des armements occupe des centaines de milliers d’ouvriers ? Je pense que si la Société est ainsi faite que
741 ie des armements occupe des centaines de milliers d’ ouvriers ? Je pense que si la Société est ainsi faite que la seule alt
742 le offre au gaspillage industriel, à la pollution de l’atmosphère, voire à la guerre, c’est le chômage, il est temps de ch
743 voire à la guerre, c’est le chômage, il est temps de changer de cap, de se fixer d’autres buts, et d’inventer d’autres moy
744 guerre, c’est le chômage, il est temps de changer de cap, de se fixer d’autres buts, et d’inventer d’autres moyens d’y all
745 c’est le chômage, il est temps de changer de cap, de se fixer d’autres buts, et d’inventer d’autres moyens d’y aller. 4. O
746 de changer de cap, de se fixer d’autres buts, et d’ inventer d’autres moyens d’y aller. 4. Outre le gain de temps, outre l
747 ixer d’autres buts, et d’inventer d’autres moyens d’ y aller. 4. Outre le gain de temps, outre l’emploi — et comme pour la
748 enter d’autres moyens d’y aller. 4. Outre le gain de temps, outre l’emploi — et comme pour la guerre du Vietnam, ici encor
749 on aurait découvert des procédés qui permettront de construire d’autres avions encore plus chers et plus problématiques,
750 et puis surtout qui permettront la mise au point d’ armements de plus en plus sophistiqués : ces « retombées » se feront d
751 » se feront donc sur nos têtes. 5. Indépendamment de ces arguments, je suis contre Concorde pour deux raisons fondamentale
752 Concorde est le symbole ou simplement l’enseigne d’ un modèle de société que je récuse radicalement. Car l’humain s’y voit
753 t le symbole ou simplement l’enseigne d’un modèle de société que je récuse radicalement. Car l’humain s’y voit sacrifié no
754 t (ici très négatif) mais à la puissance physique de l’État centralisateur et policier, au nom de quoi tout s’ordonne à la
755 ’ordonne à la guerre. Concorde résume un ensemble de calculs et de rêves, de principes et d’ambitions qu’il nous faut dépa
756 guerre. Concorde résume un ensemble de calculs et de rêves, de principes et d’ambitions qu’il nous faut dépasser si nous v
757 ncorde résume un ensemble de calculs et de rêves, de principes et d’ambitions qu’il nous faut dépasser si nous voulons sur
758 ensemble de calculs et de rêves, de principes et d’ ambitions qu’il nous faut dépasser si nous voulons survivre, qui détru
759 e et la Communauté des hommes, au nom du prestige de l’État, vanité collective et surprofits privés — absolument contraire
760 ire aux fins que je défends dans toute mon œuvre, de liberté et de responsabilité de la personne. b) Je suis convaincu que
761 ue je défends dans toute mon œuvre, de liberté et de responsabilité de la personne. b) Je suis convaincu que les promoteur
762 toute mon œuvre, de liberté et de responsabilité de la personne. b) Je suis convaincu que les promoteurs de Concorde sont
763 personne. b) Je suis convaincu que les promoteurs de Concorde sont animés par un certain idéal : c’est celui du Progrès se
764 i du Progrès selon le xixe siècle. Toujours plus d’ objets, toujours plus grands, toujours plus chers, toujours plus bruya
765 toujours plus dangereux — exigeant toujours plus de contrôle de l’État — et allant toujours plus vite vers peu importe qu
766 us dangereux — exigeant toujours plus de contrôle de l’État — et allant toujours plus vite vers peu importe quoi ! L’idée
767 luxe s’oppose radicalement à cette manie démodée de la vitesse et du fracas pour épater le monde. Ce qui commence à valoi
768 ommence à valoir des fortunes, c’est le contraire de ce que Concorde symbolise. Le luxe suprême de demain, je l’ai défini
769 ire de ce que Concorde symbolise. Le luxe suprême de demain, je l’ai défini au lendemain d’Hiroshima : la lenteur au sein
770 xe suprême de demain, je l’ai défini au lendemain d’ Hiroshima : la lenteur au sein du silence. r. Rougemont Denis de, «
771 lenteur au sein du silence. r. Rougemont Denis de , « À propos de Concorde », Réforme, Paris, 21 février 1976, p. 16.
12 1979, Réforme, articles (1946–1980). Écologie, régions, Europe fédérée : même avenir (19 mai 1979)
772 Écologie, régions, Europe fédérée : même avenir (19 mai 1979)s 1. Une cible commode : l’éc
773 de : l’écologie La définition la plus courante de l’écologie consiste à dire que c’est « une mode », ou encore « une do
774 e c’est « une mode », ou encore « une douce manie de rousseauistes épris d’idylle et entretenant la nostalgie du jardin d’
775 u encore « une douce manie de rousseauistes épris d’ idylle et entretenant la nostalgie du jardin d’Eden » (variante : « du
776 is d’idylle et entretenant la nostalgie du jardin d’ Eden » (variante : « du retour aux cavernes et de l’éclairage à la bou
777 d’Eden » (variante : « du retour aux cavernes et de l’éclairage à la bougie »). Ou au contraire ; elle serait une « névro
778 e »). Ou au contraire ; elle serait une « névrose d’ Apocalypse ». On dit aussi des écologistes adversaires du nucléaire qu
779 rien senti). Enfin, une circulaire confidentielle de l’EDF définit les écologistes comme ayant pour but véritable « d’entr
780 les écologistes comme ayant pour but véritable «  d’ entraver le fonctionnement des institutions existantes ». Ces mouvemen
781 les dissimulant. 2. Alignements : un mouvement de défense Dans les écoles primaires de Suisse romande, une compagnie
782 mouvement de défense Dans les écoles primaires de Suisse romande, une compagnie productrice d’électricité fait distribu
783 ires de Suisse romande, une compagnie productrice d’ électricité fait distribuer une brochure sur les centrales nucléaires 
784 ces brochures. Mais si l’un ou l’autre s’avisait de présenter aussi une brochure critique pour le nucléaire, la direction
785 llerait aussitôt à l’ordre, car « il est interdit de faire de la politique à l’école ». D’où cette nouvelle définition de
786 ussitôt à l’ordre, car « il est interdit de faire de la politique à l’école ». D’où cette nouvelle définition de la politi
787 st interdit de faire de la politique à l’école ». D’ où cette nouvelle définition de la politique : si l’on est pour le nuc
788 tique à l’école ». D’où cette nouvelle définition de la politique : si l’on est pour le nucléaire, on fait de l’informatio
789 olitique : si l’on est pour le nucléaire, on fait de l’information ; si l’on est contre, on fait de la politique. En fait,
790 it de l’information ; si l’on est contre, on fait de la politique. En fait, écologie est un terme créé par le biologiste E
791 iverselle ; la grande presse (grâce à l’invention de la linotype) et les agences d’État : Wolf, Reuter, Havas, Stéfani, sa
792 râce à l’invention de la linotype) et les agences d’ État : Wolf, Reuter, Havas, Stéfani, sans l’aide desquelles la guerre
793 Havas, Stéfani, sans l’aide desquelles la guerre de 1914 n’eût pas été concevable. Développements presque aussitôt suivis
794 oppements presque aussitôt suivis par l’agression européenne contre l’Afrique : la belle époque du colonialisme durera de 1878 à 1
795 ’Afrique : la belle époque du colonialisme durera de 1878 à 1938 environ. Au triple alignement des esprits par l’école, de
796 resse, répond ce terme, qui passe alors inaperçu, d’ écologie, désignant les « rapports des êtres vivants avec leur milieu
797 utte contre les avions supersoniques qui risquent d’ endommager la couche d’ozone ; parcs nationaux et dénonciation des gra
798 supersoniques qui risquent d’endommager la couche d’ ozone ; parcs nationaux et dénonciation des grands ensembles ; mesures
799 ensembles ; mesures contre la pollution des eaux de table mais aussi des océans ; relations entre les taux de délinquance
800 mais aussi des océans ; relations entre les taux de délinquance et le nombre des étages dans les HLM, etc. Aux yeux des p
801 tages dans les HLM, etc. Aux yeux des politiciens de droite, l’écologie est un complot contre « la société existante » ; a
802 la société existante » ; aux yeux des politiciens de gauche, sa fin principale paraît être « d’enlever des voix au parti s
803 iciens de gauche, sa fin principale paraît être «  d’ enlever des voix au parti socialiste » ou de défendre les privilèges e
804 tre « d’enlever des voix au parti socialiste » ou de défendre les privilèges et le confort des riches (c’est aussi ce qu’e
805 s que tout simplement l’écologie est une réaction de défense (peut-être de rejet) face à la civilisation industrielle et à
806 l’écologie est une réaction de défense (peut-être de rejet) face à la civilisation industrielle et à ses agressions de plu
807 utales contre la Nature et contre l’homme qui vit de la Nature et en elle1. 3. Une réaction nécessaire : la sécrétion d
808 le1. 3. Une réaction nécessaire : la sécrétion d’ anticorps Plutôt donc que l’écologie comme science, considérons ici
809 ique, qui s’est manifesté avec force au lendemain d’ Hiroshima et s’est constitué en mouvement de plus en plus nettement po
810 normal que ce souci se soit manifesté d’abord en Europe , première partie du monde à s’être développée industriellement, donc
811 On nous dit : « Le souci écologique est un souci de riches ! » Non. C’est le souci des premiers atteints par le mal indus
812 el, qu’ils ont d’ailleurs inventé. C’est le souci de ceux qui ont déchaîné la dénature contre la nature. De ceux qui ont i
813 ux qui ont déchaîné la dénature contre la nature. De ceux qui ont inventé et produit une civilisation qui tend à détruire
814 s humaines. L’agression s’est produite d’abord en Europe , au xixe siècle puis aux États-Unis. Elle s’étend désormais à toutes
815 Unis. Elle s’étend désormais à toutes les parties de la Terre où la civilisation occidentale apporte le « développement ».
816 up, que nous sommes ici en présence d’une révolte de l’écologie contre l’économie, ou de la volonté de vivre contre la vol
817 d’une révolte de l’écologie contre l’économie, ou de la volonté de vivre contre la volonté de profit, et que le phénomène,
818 de l’écologie contre l’économie, ou de la volonté de vivre contre la volonté de profit, et que le phénomène, au lendemain
819 omie, ou de la volonté de vivre contre la volonté de profit, et que le phénomène, au lendemain de la Deuxième Guerre mondi
820 onté de profit, et que le phénomène, au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, a pris soudain des proportions à ce poin
821 tions à ce point alarmantes que les gouvernements de nos États nationaux — si lié que soit leur sort à celui de la croissa
822 ats nationaux — si lié que soit leur sort à celui de la croissance industrielle — se sont vus contraints de créer des mini
823 croissance industrielle — se sont vus contraints de créer des ministères de l’Environnement (signes des temps plus que re
824 — se sont vus contraints de créer des ministères de l’Environnement (signes des temps plus que remèdes efficaces, les tit
825 temps plus que remèdes efficaces, les titulaires de ces ministères sont les premiers à le reconnaître). Si la croissance
826 les premiers à le reconnaître). Si la croissance de la civilisation industrielle correspond exactement au développement d
827 e souci écologique correspond, lui, à la création d’ anticorps contre les maladies de civilisation (physiques, psychiques e
828 ui, à la création d’anticorps contre les maladies de civilisation (physiques, psychiques et psychosomatiques). 4. De l’
829 physiques, psychiques et psychosomatiques). 4. De l’exigence écologique aux exigences régionales… Mais en même temps
830 pe l’État-nation, l’un aidant l’autre. L’exercice de la puissance, c’est-à-dire finalement la guerre, est au principe de l
831 ’est-à-dire finalement la guerre, est au principe de leurs développements concomitants, et demeure leur « horizon indépass
832 zon indépassable ». La civilisation industrielle, d’ essence cartésienne, a voulu se développer sur une tabula rasa — qu’el
833 sur une tabula rasa — qu’elle a créée au besoin — d’ où ses liens de complicité essen­tielle avec la désertification résult
834 rasa — qu’elle a créée au besoin — d’où ses liens de complicité essen­tielle avec la désertification résultant, sur trois
835 u « développement ». De même l’État-nation est né de la volonté d’uniformiser les humains, d’écraser leurs différences eth
836 ent ». De même l’État-nation est né de la volonté d’ uniformiser les humains, d’écraser leurs différences ethniques, cultur
837 n est né de la volonté d’uniformiser les humains, d’ écraser leurs différences ethniques, culturelles, coutumières, de régl
838 différences ethniques, culturelles, coutumières, de régler et de contraindre (non de stimuler et de convaincre). L’école
839 ethniques, culturelles, coutumières, de régler et de contraindre (non de stimuler et de convaincre). L’école primaire est
840 es, coutumières, de régler et de contraindre (non de stimuler et de convaincre). L’école primaire est l’instrument par exc
841 , de régler et de contraindre (non de stimuler et de convaincre). L’école primaire est l’instrument par excellence de l’Ét
842 L’école primaire est l’instrument par excellence de l’État-nation centralisé. Pour l’école primaire, l’esprit de l’enfant
843 ation centralisé. Pour l’école primaire, l’esprit de l’enfant est une tabula rasa ou maison vide qu’il s’agit de « meubler
844 t est une tabula rasa ou maison vide qu’il s’agit de « meubler » de certitudes simples, abstraites, géométriques, alignées
845 a rasa ou maison vide qu’il s’agit de « meubler » de certitudes simples, abstraites, géométriques, alignées et les prépara
846 crues alignables. Il existe une profonde analogie de structure entre l’agression contre la nature et l’agression stato-nat
847 ’autres. C’est au niveau régional que les mesures d’ écologie concrètes peuvent et doivent être élaborées et appliquées : r
848 élaborées et appliquées : rivières, lacs, chutes d’ eau, forêts, agriculture, architecture, énergie, transports publics… C
849 ie, transports publics… C’est bien souvent autour d’ un problème écologique : lac ou rivière polluée, projets de centrales
850 lème écologique : lac ou rivière polluée, projets de centrales nucléaires, usine d’épuration, route « pénétrante », autoro
851 e polluée, projets de centrales nucléaires, usine d’ épuration, route « pénétrante », autoroutes divisant des domaines ou d
852 visant des domaines ou des quartiers, destruction de forêts que la conscience régionaliste alertée s’organise et entre en
853 at-nation. Exemple : quand la CEE propose un plan européen de lutte contre la pollution, tel gouvernement répond : d’accord, mai
854 . Exemple : quand la CEE propose un plan européen de lutte contre la pollution, tel gouvernement répond : d’accord, mais s
855 eté nationale. Et l’on sait à quelles résistances de la capitale et de sa police se heurtent les tentatives de prises de r
856 l’on sait à quelles résistances de la capitale et de sa police se heurtent les tentatives de prises de responsabilités rég
857 pitale et de sa police se heurtent les tentatives de prises de responsabilités régionales. 5. … et aux exigences fédéra
858 de sa police se heurtent les tentatives de prises de responsabilités régionales. 5. … et aux exigences fédéralistes
859 ssent. Le Rhin amène à la mer du Nord 60 millions de tonnes de déchets par jour. Ces déchets viennent de Suisse, de France
860 Rhin amène à la mer du Nord 60 millions de tonnes de déchets par jour. Ces déchets viennent de Suisse, de France, de la RF
861 déchets par jour. Ces déchets viennent de Suisse, de France, de la RFA, de Hollande, chaque pays pollue souverainement et
862 jour. Ces déchets viennent de Suisse, de France, de la RFA, de Hollande, chaque pays pollue souverainement et s’assure qu
863 déchets viennent de Suisse, de France, de la RFA, de Hollande, chaque pays pollue souverainement et s’assure que ce sera t
864 t des mers et des océans menacés, des changements de climat, du pillage des ressources non renou­velables. Tout État-natio
865 ce qui existe ou voudrait exister indépendamment de son contrôle. Critique classique adressée dès les années 1930 de ce s
866 . Critique classique adressée dès les années 1930 de ce siècle par les personnalistes à l’État-nation : il est à la fois t
867 l’échelle des régions) pour jouer encore son rôle d’ État, — d’animateur, d’arbitre, de protecteur. L’État-nation est donc
868 des régions) pour jouer encore son rôle d’État, —  d’ animateur, d’arbitre, de protecteur. L’État-nation est donc l’obstacle
869 pour jouer encore son rôle d’État, — d’animateur, d’ arbitre, de protecteur. L’État-nation est donc l’obstacle commun aux s
870 encore son rôle d’État, — d’animateur, d’arbitre, de protecteur. L’État-nation est donc l’obstacle commun aux solutions éc
871 e commun aux solutions écologiques et régionales. D’ où l’identité d’intérêts politiques entre régionalistes et écologistes
872 utions écologiques et régionales. D’où l’identité d’ intérêts politiques entre régionalistes et écologistes, mais aussi ent
873 tes et écologistes, mais aussi entre fédéralistes européens et régionalistes. 6. La région : un espace de participation à la
874 ns et régionalistes. 6. La région : un espace de participation à la mesure du citoyen Mais il convient ici de préci
875 on à la mesure du citoyen Mais il convient ici de préciser le sens que nous donnons au mot région. — Il y a des régions
876 alchus, et qui chevauchent parfois les frontières de trois pays, des calottes du Nord (Norvège, Suède, Finlande) à l’Oresu
877 core à créer — que l’on peut définir comme espace de participation civique, régions assez petites pour permettre à la voix
878 e, régions assez petites pour permettre à la voix d’ un citoyen de s’y faire entendre et à celles des autres de lui répondr
879 sez petites pour permettre à la voix d’un citoyen de s’y faire entendre et à celles des autres de lui répondre. 7. Élog
880 oyen de s’y faire entendre et à celles des autres de lui répondre. 7. Éloge de la petite échelle Il s’agit donc, si
881 à celles des autres de lui répondre. 7. Éloge de la petite échelle Il s’agit donc, si l’on veut arriver à des solut
882 veut arriver à des solutions écologiques capables de restaurer, maintenir et développer des écosystèmes viables, de dépass
883 maintenir et développer des écosystèmes viables, de dépasser l’État-nation, c’est-à-dire d’instituer d’un même mouvement
884 viables, de dépasser l’État-nation, c’est-à-dire d’ instituer d’un même mouvement en interaction permanente, les régions e
885 dépasser l’État-nation, c’est-à-dire d’instituer d’ un même mouvement en interaction permanente, les régions et la fédérat
886 égions et la fédération continentale. Le principe de répartition des pouvoirs naguère concentrés dans la seule capitale na
887 plus simples : il consiste à situer les pouvoirs de décision au niveau communautaire le mieux accordé aux dimensions de l
888 eau communautaire le mieux accordé aux dimensions de la tâche considérée, et toujours en partant d’en bas, c’est-à-dire de
889 ns de la tâche considérée, et toujours en partant d’ en bas, c’est-à-dire des plus petites unités. C’est ce que le diplomat
890 re à propos des États-Unis, mais qu’il est facile de transposer en termes européens : Ne confiez jamais à une plus grande
891 is, mais qu’il est facile de transposer en termes européens  : Ne confiez jamais à une plus grande unité ce qui peut être fait pa
892 jourd’hui la plupart des sociologues politologues européens , et nombre d’hommes politiques responsables aux États-Unis : la décen
893 des sociologues politologues européens, et nombre d’ hommes politiques responsables aux États-Unis : la décentralisation de
894 responsables aux États-Unis : la décentralisation de l’État, de l’économie et des activités culturelles leur paraît la con
895 s aux États-Unis : la décentralisation de l’État, de l’économie et des activités culturelles leur paraît la condition même
896 tivités culturelles leur paraît la condition même d’ une renaissance civique, économique et culturelle de leur pays. À part
897 une renaissance civique, économique et culturelle de leur pays. À part les guerres d’agression et les centrales nucléaires
898 ue et culturelle de leur pays. À part les guerres d’ agression et les centrales nucléaires, qui exigent les unes et les aut
899 elle, dans les autonomies locales. « Coopératives d’ habitation, énergie solaire, petites entreprises, compost, alimentatio
900 es (neighborhoods) commencent à retrouver le sens de leur autonomie, à reprendre en main leurs destins.2 » Il est faux que
901 fficace. E. F. Schumacher a démontré le contraire d’ une manière décisive, dans son célèbre ouvrage Small is beautiful.
902 8. Écologistes, régionalistes et fédéralistes de tous pays : unissez-vous ! Les relations d’interaction systématiqu
903 es de tous pays : unissez-vous ! Les relations d’ interaction systématique que l’on vient de relever conduisent d’une ma
904 systématique que l’on vient de relever conduisent d’ une manière nécessaire à des conclusions politiques d’importance décis
905 e manière nécessaire à des conclusions politiques d’ importance décisive au seuil de la campagne pour la première élection
906 lusions politiques d’importance décisive au seuil de la campagne pour la première élection du Parlement européen. S’il est
907 a campagne pour la première élection du Parlement européen . S’il est vrai que la cause européenne, qui semblait endormie, ou qu’
908 du Parlement européen. S’il est vrai que la cause européenne , qui semblait endormie, ou qu’on croyait perdue, s’est réveillée par
909 S’il est vrai que ni la région ne se fera sans l’ Europe fédérée, ni celle-ci sans des régions à sa base ; — S’il est vrai enf
910 tous nos pays et à l’échelle continentale, en vue d’ établir un programme commun aux trois mouvements, et de prévoir des ta
911 blir un programme commun aux trois mouvements, et de prévoir des tactiques adaptées aux situations qui diffèrent d’une man
912 s tactiques adaptées aux situations qui diffèrent d’ une manière importante d’un pays à l’autre chez les Neuf3. 9. Pour
913 situations qui diffèrent d’une manière importante d’ un pays à l’autre chez les Neuf3. 9. Pour un même avenir Encore
914 enir adviendra certainement. Ce qu’il m’importait de souligner, c’est que nous n’aurons ni éco-société, ni régions, ni Eur
915 que nous n’aurons ni éco-société, ni régions, ni Europe fédérée, si nous n’obtenons pas les trois à la fois ; c’est qu’aucune
916 btenons pas les trois à la fois ; c’est qu’aucune de ces trois virtualités exigeantes ne peut se réaliser seule ; c’est qu
917 es ne peut se réaliser seule ; c’est que l’avenir de chacune d’elle est celui des deux autres, et qu’en cette trinité rési
918 se réaliser seule ; c’est que l’avenir de chacune d’ elle est celui des deux autres, et qu’en cette trinité réside l’espoir
919 utres, et qu’en cette trinité réside l’espoir des Européens et de la Paix. 1. La révolte des chiites iraniens contre la moder
920 en cette trinité réside l’espoir des Européens et de la Paix. 1. La révolte des chiites iraniens contre la modernisati
921 reprise par le Shah avec l’aide des États-Unis et de l’Europe ne serait-elle pas un premier phénomène de rejet de la techn
922 se par le Shah avec l’aide des États-Unis et de l’ Europe ne serait-elle pas un premier phénomène de rejet de la technologie ra
923 l’Europe ne serait-elle pas un premier phénomène de rejet de la technologie rationaliste et du matérialisme qu’elle favor
924 ne serait-elle pas un premier phénomène de rejet de la technologie rationaliste et du matérialisme qu’elle favorise, cont
925 Europe-Écologie » en France. s. Rougemont Denis de , « Écologie, régions, Europe fédérée : même avenir », Réforme, Paris,
926 ce. s. Rougemont Denis de, « Écologie, régions, Europe fédérée : même avenir », Réforme, Paris, 19 mai 1979, p. 6-7.
13 1980, Réforme, articles (1946–1980). Les Nations unies des animaux (13 décembre 1980)
927 peur et l’amour, la curiosité, avec cette espèce de béance anxieuse du regard devant l’impénétrable et l’indicible… Il no
928 us faut donc parler pour eux. Parler pour eux, et de leur part, aux hommes qui les méprisent, les torturent, les massacren
929 raissés dans leur cuve en ciment, nourris au tube de caoutchouc et à la seringue, qui mourront sans avoir jamais ouvert le
930 arler et surtout à comprendre un peu nos langages d’ hommes. Les merveilleux dauphins sont les vedettes de cette campagne d
931 ommes. Les merveilleux dauphins sont les vedettes de cette campagne d’alphabétisation, — mais attention ! Je salue les Nat
932 leux dauphins sont les vedettes de cette campagne d’ alphabétisation, — mais attention ! Je salue les Nations unies des ani
933 animaux mais je recule avec horreur devant l’idée d’ une Unesco des animaux ! Car les mots que nous pouvons leur apprendre
934 que nous pouvons leur apprendre n’expriment rien de leur être et de leurs émotions : ce sont des ordres que nous leur don
935 s leur apprendre n’expriment rien de leur être et de leurs émotions : ce sont des ordres que nous leur donnons, et leurs r
936 er avec le monde des animaux relève du sentiment, de l’intuition, de l’accueil aux mystères du vivant. Le fait bien établi
937 des animaux relève du sentiment, de l’intuition, de l’accueil aux mystères du vivant. Le fait bien établi que les animaux
938 que les animaux plus que nous soient susceptibles de mourir d’émotion tend à prouver qu’ils sont plus capables que nous d’
939 imaux plus que nous soient susceptibles de mourir d’ émotion tend à prouver qu’ils sont plus capables que nous d’une certai
940 tend à prouver qu’ils sont plus capables que nous d’ une certaine civilisation : celle du cœur, non du seul intellect, cell
941 ion : celle du cœur, non du seul intellect, celle de l’amitié, de la confiance, non pas celle des missiles nucléaires, du
942 u cœur, non du seul intellect, celle de l’amitié, de la confiance, non pas celle des missiles nucléaires, du chômage et de
943 pas celle des missiles nucléaires, du chômage et de la destruction irréversible des forêts, du plancton des océans et de
944 rréversible des forêts, du plancton des océans et de l’air respirable. La seule compréhension, mais alors très profonde, q
945 rofonde, qui unisse l’homme et l’animal, elle est d’ ordre émotif, affectif. Elle se passe dans le regard, qui attend tout
946 if. Elle se passe dans le regard, qui attend tout de nous ! Car c’est de l’homme, par l’homme, à travers l’homme que les g
947 ns le regard, qui attend tout de nous ! Car c’est de l’homme, par l’homme, à travers l’homme que les grands peuples d’anim
948 l’homme, à travers l’homme que les grands peuples d’ animaux attendent le salut, sans le savoir peut-être — mais que savons
949 , sans le savoir peut-être — mais que savons-nous de ce qu’ils savent ? Que l’homme soit responsable de la Nature vivante,
950 e ce qu’ils savent ? Que l’homme soit responsable de la Nature vivante, et de sa corruption ou de sa survie, l’écologie no
951 l’homme soit responsable de la Nature vivante, et de sa corruption ou de sa survie, l’écologie nous l’a rappelé au cours d
952 able de la Nature vivante, et de sa corruption ou de sa survie, l’écologie nous l’a rappelé au cours des deux dernières dé
953 avec une efficacité peut-être imperceptible, mais d’ autant plus pénétrante : on répétait qu’il s’agissait seulement d’une
954 nétrante : on répétait qu’il s’agissait seulement d’ une mode. Cette erreur a distrait la méfiance des saccageurs de la Nat
955 ette erreur a distrait la méfiance des saccageurs de la Nature, et elle nous a permis d’agir en profondeur. Mais la respon
956 es saccageurs de la Nature, et elle nous a permis d’ agir en profondeur. Mais la responsabilité de l’homme devant la Nature
957 rmis d’agir en profondeur. Mais la responsabilité de l’homme devant la Nature et les bêtes n’est pas seulement métaphoriqu
958 ue, a été donnée par saint Paul, au chapitre VIII de l’Épître aux Romains (que je vais lire dans la traduction de Calvin,
959 aux Romains (que je vais lire dans la traduction de Calvin, pour le premier verset) : La création tout entière, dans une
960 ne attente ardente, attend la révélation des fils de Dieu. Car la création a été soumise à la corruption non de son gré, m
961 Car la création a été soumise à la corruption non de son gré, mais à cause de celui qui l’y a soumise — avec l’espérance q
962 — avec l’espérance qu’elle aussi sera affranchie de la servitude de la corruption, pour avoir part à la liberté et à la g
963 nce qu’elle aussi sera affranchie de la servitude de la corruption, pour avoir part à la liberté et à la gloire des enfant
964 voir part à la liberté et à la gloire des enfants de Dieu. Or nous savons que jusqu’à ce jour la création tout entière sou
965 tout entière soupire et souffre dans les douleurs de l’enfantement. Et ce n’est pas elle seulement, mais nous aussi, qui a
966 eulement, mais nous aussi, qui avons les prémices de l’Esprit, nous aussi nous soupirons en nous-mêmes en attendant la réd
967 oupirons en nous-mêmes en attendant la rédemption de notre corps. Car c’est en espérance que nous sommes sauvés. Mais « n
968 ition biblique-évangélique confirme la continuité de la Création tout entière, dans la relation de l’animal à l’homme, j’e
969 ité de la Création tout entière, dans la relation de l’animal à l’homme, j’entends de l’homme à la Nature vivante et au Co
970 dans la relation de l’animal à l’homme, j’entends de l’homme à la Nature vivante et au Cosmos, où le règne animal est le p
971 imal est le plus proche de l’homme. Les religions de l’Asie approchent ce même mystère par leur croyance aux réincarnation
972 royance aux réincarnations et leur respect absolu de la vie sous toutes ses formes. Ici encore, nous le voyons bien : nous
973 se aujourd’hui Franz Weber. t. Rougemont Denis de , « Les Nations unies des animaux », Réforme, Paris, 13 décembre 1980,
974 cette note : « Du 27 au 29 novembre, 70 délégués de divers mouvements de protection des animaux se sont réunis en assembl
975 au 29 novembre, 70 délégués de divers mouvements de protection des animaux se sont réunis en assemblée générale de l’asso
976 des animaux se sont réunis en assemblée générale de l’association : United Animal Nations (8 rue d’Italie, CH-1214, Genèv
977 r (on se souvient tout particulièrement en France de son action en faveur du site des Baux-de-Provence, que menaçait la mi
978 Il a bien voulu nous autoriser à publier le texte de son allocution d’ouverture. Ce dont nous le remercions. »
979 us autoriser à publier le texte de son allocution d’ ouverture. Ce dont nous le remercions. »