1 1946, Réforme, articles (1946–1980). À hauteur d’homme (1er juin 1946)
1 s belle. En Amérique, c’est le jeu des pressions, du business et des grands syndicats : on n’y joue que pour de l’argent.
2 l’argent. Ailleurs, c’est le jeu sans partenaire du parti unique au pouvoir : un jeu truqué où le citoyen perd à tout cou
3 chant, d’un seul et même mouvement, de l’idéal et du pratique, doublement négligés par les partis. Ce bon sens m’apparaît
4 ur rappel paraîtra subversif. Une politique digne du nom devrait se composer de deux chapitres : un idéal de l’homme d’une
5 espèce de no man’s land à mi-chemin de l’idéal et du pratique. Quand on lui rappelle le premier, elle s’en moque bien et p
6 gée conforme à ce qu’on attend de l’homme ? Point du tout, on votera sur les ismes, dans un état d’esprit assez voisin de
7 smes, dans un état d’esprit assez voisin de celui du joueur qui mise sur le noir parce qu’il vient de perdre sur le rouge
8 de même qu’il n’y a pas à choisir entre la vérité du foie et celle du cœur, ni davantage entre le mensonge du choléra et c
9 a pas à choisir entre la vérité du foie et celle du cœur, ni davantage entre le mensonge du choléra et celui de la peste.
10 et celle du cœur, ni davantage entre le mensonge du choléra et celui de la peste. Nous voulons la santé, qui est un équil
11 prise de pouvoir, en se moquant bien des trains, du pain, de la jeunesse, et du sens de la vie des hommes dans la cité. O
12 uant bien des trains, du pain, de la jeunesse, et du sens de la vie des hommes dans la cité. Or, nous pouvons vraiment vou
2 1946, Réforme, articles (1946–1980). Deux lettres sur la fin du monde (29 juin 1946)
13 Deux lettres sur la fin du monde (29 juin 1946)b I — Dies iræ Princeton, 24 décembre 19
14 Dies iræ Princeton, 24 décembre 1945. La fin du monde pourrait bien se produire avant la fin de l’été prochain. Je ti
15 cela donnerait une idée fort approchée de la fin du monde. C’est à quoi nous en sommes, et c’est comique. On avait tout p
16 t tout prévu, sauf le comique, à propos de la fin du monde. Car c’est pour protéger la paix et pour faire régner l’ordre u
17 but militaire ». Nous sommes donc dans le domaine du sacré. Glissez mortels, mourrez sans résister… En somme, j’aurais bie
18 ne voudrait finir sa vie en même temps que celle du monde ? Il semble qu’il y ait là quelque consolation. L’amertume de m
19 ités qui nous restent sensibles, prévoient la fin du monde par désintégration, dissolution et réduction en fine poussière.
20 nt sur les villes. Nous voici ramenés aux calculs du savant dont je vous parlais tout à l’heure : la fin du monde se calcu
21 vant dont je vous parlais tout à l’heure : la fin du monde se calcule désormais. Ses données immédiates sont dans tous nos
22 cela nous ferait ? Ce serait la fin de la douleur du monde. Certains jours, il me semble que la folie des peuples, des gou
23 s distinguer, très bas, très doux, comme une voix du rêve, dans les intervalles effrayants de la cacophonie mondiale ? Je
24 ochaine et irrévocablement dernière guerre civile du genre humain. Que va-t-il se passer ? Ces projets échoueront. On en r
25 que j’ai cédé au goût américain de la sensation, du biggest in the world. Et de vrai, c’est dans ce pays que la première
26 sur les choses politiques, j’ai posé le principe du pessimisme actif. Et comment ne m’y tiendrais-je pas, quand je sais q
27 b. Rougemont Denis de, « Deux lettres sur la fin du monde », Réforme, Paris, 29 juin 1946, p. 1.
3 1946, Réforme, articles (1946–1980). Vues générales des Églises de New York (12 octobre 1946)
28 e qu’il existe à New York. Serait-ce cette église du Centre Absolu, dont je vois annoncée la « causerie mystique » en fin
29 te des services religieux, dans le New York Times du samedi ? Remontant ces colonnes d’annonces qui tiennent une demi-page
30 es colonnes d’annonces qui tiennent une demi-page du journal, je trouve les rubriques suivantes : Société védantiste, Égli
31 le xxe siècle et l’achèvement de la colonisation du continent, peut-être par l’effet d’une réaction normale, peut-être au
32 ns Manhattan commencera de nous en convaincre. Du gothique neuf On m’avait dit que je verrais à New York de pauvres
33 en plus de ces églises, la plus grande cathédrale du monde : St-Jean-de-Dieu, édifiée au sommet d’une colline de granit do
34 t. Ceci chez les baptistes de Riverside, l’église du Révérend Fosdick, comme chez les anglicans des beaux quartiers, et ch
35 , se plaignait de l’absence toute « protestante » du désordre gentil, de la distraction ou des marques de ferveur théâtral
4 1946, Réforme, articles (1946–1980). Spiritualité américaine (19 octobre 1946)
36 pour la prohibition, de la lutte pour les droits du travail, du pacifisme militant, bref, de toutes les grandes causes pu
37 hibition, de la lutte pour les droits du travail, du pacifisme militant, bref, de toutes les grandes causes publiques en A
38 m de leur Bible qu’un démagogue au nom des droits du peuple. Pendant trois siècles, les « dénominations » diverses ont fou
39 sumait lui aussi toute la charge de la culture et du maintien de la morale dans la cité, préparait à la mort plus qu’à la
40 nférences, des films, un peu de danse, les cultes du dimanche et parfois de la semaine, bref, un milieu. Le pasteur se tro
41 t et rien, répondrai-je, et voilà bien le mystère du christianisme américain. Tout acte civique, moral, jugé conforme au b
42 . Tout acte civique, moral, jugé conforme au bien du plus grand nombre et aux coutumes reconnues par l’Église possède une
43 atique moins pour aller au Paradis que pour jouir du paradis terrestre que pourrait être l’Amérique, si seulement tous ses
44 dises de provenance nettement païenne : la morale du bonheur, par exemple. Comment imaginer, parmi ces gens « décents », u
45 que est belle, et les voix justes et l’ordonnance du culte sans défaut. Au surplus, ce sont de braves gens, plus généreux
46 urs rouge, et siègent en demi-cercle dans le fond du chœur, séparés de l’autel par des ogives en bois doré : une véritable
47 e n’ai décrit qu’une atmosphère, et les croyances du « chrétien moyen », quand tout chrétien réel est par définition une p
48 s alors la foi tend à se confondre avec la morale du bourg ; ou bien l’église se dresse face au siècle pour lui prêcher le
49 message à la portée de la masse et dans le style du jour, mais certains mots ne sauraient y passer, comme péché, grâce, m
50 grâce, mort et résurrection ; ou bien vous parlez du péché, de la grâce et du sacrifice, mais ces mots n’ont plus cours da
51 on ; ou bien vous parlez du péché, de la grâce et du sacrifice, mais ces mots n’ont plus cours dans la presse, à la radio
5 1948, Réforme, articles (1946–1980). Roger Breuil qui vient de mourir était un grand romancier protestant (13 mars 1948)
52 it tourné vers l’avenir est devenu tout d’un coup du passé, est fini. Que veut-il signifier, par ce retrait soudain ? Mais
53 esse, souvent avec une ironie née de l’exactitude du regard. Certains ne signifient rien et ne s’en doutent pas : certains
6 1948, Réforme, articles (1946–1980). L’Europe, aventure du xxe siècle (1er mai 1948)
54 L’Europe, aventure du xxe siècle (1er mai 1948)g Il y a l’utopie de l’Europe, et il y a
55 s aurons à choisir dans un délai que la situation du monde rend très court. L’utopie La faiblesse générale des utopie
56 és de la réalité toujours changeante, bref : hors du courant de l’Histoire. Dans ce sens, « défendre l’Europe » est aujour
57 i est celui de la liberté, et dans les conditions du xxe siècle, qui sont celles de l’organisation ; rappeler à cette Eur
58 es plus inventifs de toute la terre, c’est-à-dire du seul point de vue de la quantité, plus que la Russie et deux fois plu
59 algré toutes ses infidélités, elle reste aux yeux du monde entier, le grand témoin — c’est la tâche dans laquelle nous nou
60 quelle nous nous sommes engagés, c’est l’aventure du xxe siècle, et c’est la vocation de cette génération. L’aventure
61 ait des progrès étonnants, sinon dans la réalité, du moins dans les déclarations des gouvernants, et dans la presse. Certa
62 cidés à fournir l’effort d’invention à la hauteur du siècle. Je disais à Montreux en septembre dernier, lors du congrès de
63 . Je disais à Montreux en septembre dernier, lors du congrès de l’Union européenne des fédéralistes : Si l’Europe doit du
64 euples, à l’opinion qui se réveille, aux citoyens du continent. Ils vont la prendre dans quinze jours, aux états généraux
65 Le 19 juin 1789, personne ne prévoyait le serment du Jeu de Paume, qui marqua le lendemain un tournant de l’Histoire. Ce q
66 temps de réveiller l’espoir d’une moitié séparée du continent. Il est temps de donner aussi à nos amis américains la cert
67 . g. Rougemont Denis de, « L’Europe, aventure du XXe siècle », Réforme, Paris, 1 mai 1948, p. 1.
7 1949, Réforme, articles (1946–1980). « Êtes-vous partisan du rapprochement franco-allemand ? » (29 janvier 1949)
68 « Êtes-vous partisan du rapprochement franco-allemand ? » (29 janvier 1949)h i L’ère des «
69 de, « [Réponse à une enquête] Êtes-vous partisan du rapprochement franco-allemand ? », Réforme, Paris, 29 janvier 1949, p
8 1952, Réforme, articles (1946–1980). Après l’Œuvre du xxe siècle (14 juin 1952)
70 Après l’Œuvre du xxe siècle (14 juin 1952)j k Il ne saurait être question de tirer
71 même si l’efficacité en reste discutable. L’Œuvre du xxe siècle a protesté, dans son ensemble, contre les tyrannies de to
72 e leurs complices. Elle a protesté au double sens du mot, qui est à la fois refus et témoignage. Notre concert inaugural,
73 à la mémoire des victimes de toutes les tyrannies du xxe siècle. Il convenait d’ouvrir nos manifestations par cet acte de
74 e de parabole, sans transition, en visant le cœur du problème. Que nous soyons chrétiens ou non, ici nous sommes tous tenu
75 a pris son sens, et qu’il le perd en s’éloignant du sacrifice individuel. Et là-dessus, pour terminer, une citation. Elle
76 sade. j. Rougemont Denis de, « Après l’œuvre du XXe siècle », Réforme, Paris, 14 juin 1952, p. 7. k. Ce texte est pr
77 ris, 14 juin 1952, p. 7. k. Ce texte est précédé du chapeau suivant : « Nous avons rendu compte ici des manifestations de
78 ns rendu compte ici des manifestations de L’Œuvre du xxe siècle qui sont maintenant terminées. Nous n’avons rien dit des
79 semblé qu’ils étaient dirigés plus par la crainte du communisme que par le souci de la liberté et qu’ainsi, ils passaient
9 1953, Réforme, articles (1946–1980). « Les écrivains protestants » (11 avril 1953)
80 croyants de toutes nuances. À l’isolement relatif du protestant en France, il y a mieux que des compensations sur le plan
81 criture et à ses traductions liturgiques, sources du seul langage vraiment commun aux écrivains de toutes les langues et c
10 1968, Réforme, articles (1946–1980). Vers l’Europe des régions ? (30 novembre 1968)
82 aussi, avions besoin de cette union, c’est-à-dire du genre de valeurs, d’équilibre, de mesure que représentait notre vieux
83 j’ai accepté de m’occuper de la partie culturelle du Mouvement européen. À partir du congrès de La Haye en 1948, je me sui
84 partie culturelle du Mouvement européen. À partir du congrès de La Haye en 1948, je me suis beaucoup penché sur ce problèm
85 olution des problèmes européens c’est que l’unité du genre humain est une invention des Européens. C’est l’Europe chrétien
86 ’est l’Europe chrétienne qui a imaginé l’ensemble du genre humain en découvrant les possibilités de fraternité universelle
87 ka von Heuer et Christian Roux-Pétel, est précédé du chapeau suivant : « Les États-nations ne cessent aujourd’hui encore,
88 our nous, sur ce ‟thème imposé”. » p. L’acronyme du Cern, dont il est question ici, renvoie à l’organe provisoire institu
11 1976, Réforme, articles (1946–1980). À propos de Concorde (21 février 1976)
89 de Concorde (21 février 1976)r Invité au matin du 13 janvier, par téléphone, à participer le 14 au soir à une émission
90 nterrompt nerveusement pour m’avertir que je sors du sujet. (Je parle pourtant de Concorde. Mais le sujet, c’est sa louang
91 . Mais les quelques dizaines de PDG et de membres du « jet-set » qui en « bénéficieront », si l’on peut dire, que feront-i
92 és devant moi, et consternés — c’est le contraire du pari de Pascal. Si vous perdez, vous perdez tout pour tout le monde.
93 tique : ils y gagneraient (outre 20 % sur le prix du billet, et x % sur leurs impôts) le temps de se reposer, de réfléchir
94 e temps, outre l’emploi — et comme pour la guerre du Vietnam, ici encore —, on invoque les « retombées technologiques » (C
95 de sont animés par un certain idéal : c’est celui du Progrès selon le xixe siècle. Toujours plus d’objets, toujours plus
96 e vers peu importe quoi ! L’idée vraiment moderne du progrès et du luxe s’oppose radicalement à cette manie démodée de la
97 orte quoi ! L’idée vraiment moderne du progrès et du luxe s’oppose radicalement à cette manie démodée de la vitesse et du
98 dicalement à cette manie démodée de la vitesse et du fracas pour épater le monde. Ce qui commence à valoir des fortunes, c
12 1979, Réforme, articles (1946–1980). Écologie, régions, Europe fédérée : même avenir (19 mai 1979)
99 uistes épris d’idylle et entretenant la nostalgie du jardin d’Eden » (variante : « du retour aux cavernes et de l’éclairag
100 ant la nostalgie du jardin d’Eden » (variante : «  du retour aux cavernes et de l’éclairage à la bougie »). Ou au contraire
101 lypse ». On dit aussi des écologistes adversaires du nucléaire qu’ils ont été « traumatisés par Hiroshima » (les partisans
102 été « traumatisés par Hiroshima » (les partisans du nucléaire, eux, n’ont apparemment rien senti). Enfin, une circulaire
103 ion européenne contre l’Afrique : la belle époque du colonialisme durera de 1878 à 1938 environ. Au triple alignement des
104 e plus en plus nettement politique après la crise du pétrole (1973) et la politique du « tout nucléaire » préconisée dès l
105 après la crise du pétrole (1973) et la politique du « tout nucléaire » préconisée dès lors par plusieurs gouvernements. I
106 soit manifesté d’abord en Europe, première partie du monde à s’être développée industriellement, donc à avoir subi l’agres
107 é et produit une civilisation qui tend à détruire du même mouvement à la fois les écosystèmes naturels et les communautés
108 dustrielle correspond exactement au développement du cancer, le souci écologique correspond, lui, à la création d’anticorp
109 désertification résultant, sur trois continents, du « progrès » industriel, du « développement ». De même l’État-nation e
110 sur trois continents, du « progrès » industriel, du « développement ». De même l’État-nation est né de la volonté d’unifo
111 eur qu’elles le dépassent. Le Rhin amène à la mer du Nord 60 millions de tonnes de déchets par jour. Ces déchets viennent
112 et des océans menacés, des changements de climat, du pillage des ressources non renou­velables. Tout État-nation, par natu
113 a région : un espace de participation à la mesure du citoyen Mais il convient ici de préciser le sens que nous donnons
114 arfois les frontières de trois pays, des calottes du Nord (Norvège, Suède, Finlande) à l’Oresund (Danemark et Suède) à l’E
115 au seuil de la campagne pour la première élection du Parlement européen. S’il est vrai que la cause européenne, qui sembla
116 nomène de rejet de la technologie rationaliste et du matérialisme qu’elle favorise, contraire au Coran ? 2. The Ecologis
13 1980, Réforme, articles (1946–1980). Les Nations unies des animaux (13 décembre 1980)
117 a curiosité, avec cette espèce de béance anxieuse du regard devant l’impénétrable et l’indicible… Il nous faut donc parler
118 les massacrent, qu’il s’agisse des bébés phoques, du Labrador ou, dans les campagnes toutes proches d’ici, des petits veau
119 as ! Communiquer avec le monde des animaux relève du sentiment, de l’intuition, de l’accueil aux mystères du vivant. Le fa
120 timent, de l’intuition, de l’accueil aux mystères du vivant. Le fait bien établi que les animaux plus que nous soient susc
121 bles que nous d’une certaine civilisation : celle du cœur, non du seul intellect, celle de l’amitié, de la confiance, non
122 d’une certaine civilisation : celle du cœur, non du seul intellect, celle de l’amitié, de la confiance, non pas celle des
123 confiance, non pas celle des missiles nucléaires, du chômage et de la destruction irréversible des forêts, du plancton des
124 age et de la destruction irréversible des forêts, du plancton des océans et de l’air respirable. La seule compréhension, m
125 rès largement commune aux trois grandes religions du Livre, la juive, la chrétienne et l’islamique, a été donnée par saint
126 1980, p. 1 et 2. u. Présenté par cette note : «  Du 27 au 29 novembre, 70 délégués de divers mouvements de protection des