1 1946, Réforme, articles (1946–1980). À hauteur d’homme (1er juin 1946)
1 Amérique, c’est le jeu des pressions, du business et des grands syndicats : on n’y joue que pour de l’argent. Ailleurs, c’
2 son de l’absurdité, jusqu’à la révolte effective. Et qu’alors on fasse tout pour la réduire, en se rapprochant, d’un seul
3 out pour la réduire, en se rapprochant, d’un seul et même mouvement, de l’idéal et du pratique, doublement négligés par le
4 prochant, d’un seul et même mouvement, de l’idéal et du pratique, doublement négligés par les partis. Ce bon sens m’appara
5 ose, qu’on le veuille ou non, une idée de l’homme et de la condition hu­maine. Mais on dirait que la politique actuelle l’
6 ais on dirait que la politique actuelle l’oublie, et qu’elle ne se fonde plus, en fait, que sur les conditions de la polit
7 hacun aussi grand que le tout, mais sans y croire et sans s’y préparer vraiment. Insistons donc sur deux ou trois banalité
8 deux chapitres : un idéal de l’homme d’une part, et des mesures pratiques d’autre part, ordonnées à cet idéal et contribu
9 res pratiques d’autre part, ordonnées à cet idéal et contribuant à le réaliser. Mais la politique des partis se tient dans
10 ne espèce de no man’s land à mi-chemin de l’idéal et du pratique. Quand on lui rappelle le premier, elle s’en moque bien e
11 on lui rappelle le premier, elle s’en moque bien et parle de réalisme, cependant qu’elle rate le second parce qu’elle se
12 e avait pour mission très simple de relier le but et ses moyens. En fait, elle les isole l’un de l’autre. (Tel parti réput
13 re vote des mesures de tyrannie. La « politique » et ses « nécessités » expliquent seules la contradiction. Je ne vois pas
14 à vide, dans un grand bruit d’ismes entrechoqués, et rien n’en sort. Cette machine ne vit plus que pour elle-même et sur e
15 ort. Cette machine ne vit plus que pour elle-même et sur elle-même. Elle coûte cher et n’arrange rien. Au lieu de transfor
16 pour elle-même et sur elle-même. Elle coûte cher et n’arrange rien. Au lieu de transformer des idéaux en fait, elle trans
17 esses en oublis. Je pense aux élections de demain et je demande : de quoi s’agit-il ? Va-t-on choisir bien consciemment en
18 bien consciemment entre trois idéaux de l’homme ? Et votera-t-on pour telle mesure précise jugée conforme à ce qu’on atten
19 tranger que les Français aiment trop la politique et en font trop. Je pense qu’ils n’en font pas assez, car le jeu des par
20 occupe toute la scène, ce qui est au premier plan et qui cache tout le reste, dans les élections de demain, ce sont les ch
21 nces des partis, j’entends des comités de partis, et non point des questions pratiques telles que la situation alimentaire
22 n alimentaire ou la manière de rendre la justice. Et ce sont des slogans prétendus doctrinaires, mais non des conceptions
23 me total. Il ne s’agit ni d’idéal ni de pratique, et encore moins de les relier. Donc les élections de demain n’ont guère
24 que, ou n’en ont qu’une très indirecte, aléatoire et ambiguë, si l’on prend le terme de politique dans son sens fort et vé
25 on prend le terme de politique dans son sens fort et véritable. Le malheur serait que les électeurs, ayant voté pour un pa
26 politique, c’est-à-dire décider ce qu’est l’homme et bâtir une cité à sa mesure. Il ne faut pas dissoudre les partis ni en
27 les partis ni en sortir, mais il faut, malgré eux et dans leur sein, rapporter nos jugements à une notion totale de l’homm
28 ements à une notion totale de l’homme d’une part, et aux demandes pratiques de l’autre, en réduisant tous les intermédiair
29 de l’autre, en réduisant tous les intermédiaires et sans tenir compte des intérêts électoraux, byzantins, perdus dans le
30 ns, perdus dans le détail de polémiques éphémères et d’intrigues puérilement compliquées, ridiculement inefficaces dans l’
31 lare. Toute la vie politique en sera transformée. Et les partis redeviendront légitimes quand ils cesseront de se prendre
32 cesseront de se prendre ou d’être pris pour fin, et ne s’offriront plus que comme moyens d’une lutte commune contre les v
33 ies difficultés, celles que tout le monde connaît et retrouve chaque matin. Déclarons nos valeurs, pour commencer No
34 ption de l’homme qui déborde le cadre des partis, et surtout de la gauche et de la droite. Nous voulons l’homme à la fois
35 orde le cadre des partis, et surtout de la gauche et de la droite. Nous voulons l’homme à la fois libre et engagé, au nom
36 e la droite. Nous voulons l’homme à la fois libre et engagé, au nom d’une seule et même réalité que nous nommons la vocati
37 mme à la fois libre et engagé, au nom d’une seule et même réalité que nous nommons la vocation. Celui qui a reçu vocation
38 de réaliser sa tâche unique, mais en même temps, et pour la même raison, cet homme-là devient responsable vis-à-vis de la
39 ibre, frustre le prolétaire de sa chance d’homme, et l’empêche de réaliser sa vocation. Elle nous oblige à condamner aussi
40 l’homme sa vocation, — ce qui est encore la nier et l’écraser. Enfin elle nous met en mesure de refuser les faux dilemmes
41 lutte des partis. Prenez le dilemme de la droite et de la gauche : concurrence libre ou étatisation. Nous disons qu’il n’
42 qu’il n’y a pas à choisir entre la vérité du foie et celle du cœur, ni davantage entre le mensonge du choléra et celui de
43 u cœur, ni davantage entre le mensonge du choléra et celui de la peste. Nous voulons la santé, qui est un équilibre, — et
44 e. Nous voulons la santé, qui est un équilibre, —  et non pas l’exclusion de la moitié des organes. Nous voulons l’homme en
45 a moitié des organes. Nous voulons l’homme entier et non le partisan. Et c’est pourquoi nous demandons à distinguer, selon
46 . Nous voulons l’homme entier et non le partisan. Et c’est pourquoi nous demandons à distinguer, selon les cas, quelles so
47 s humaines qui marcheront mieux en les étatisant, et quelles sont celles qu’il faut aider à rester libres. Cela ne doit pa
48 nature même de l’homme, ce composé d’automatismes et de libres pulsions, créatrices, de « gauche » et de « droite », ou si
49 et de libres pulsions, créatrices, de « gauche » et de « droite », ou si l’on veut, de socialisme et de libéralisme. Nous
50 et de « droite », ou si l’on veut, de socialisme et de libéralisme. Nous voulons que les trains roulent, que le pain soit
51 in soit vendu, que la jeunesse retrouve l’espoir, et non pas que tel parti prenne le pouvoir au nom d’une idéologie confec
52 moquant bien des trains, du pain, de la jeunesse, et du sens de la vie des hommes dans la cité. Or, nous pouvons vraiment
53 oblème concret, nous prenons référence de l’homme et d’une certaine vision totale de l’homme, non pas de la tactique parti
54 e de l’homme, non pas de la tactique particulière et cyniquement électorale d’un parti. Bref, nous voulons une politique à
55 p bas ; se perd dans des principes grandiloquents et ne se retrouve que dans des intérêts inavouables. Qui le niera ? U
56 xée sur la réalité de la personne à la fois libre et engagée : on ne manquera pas de dire que c’est vague et arbitraire, p
57 agée : on ne manquera pas de dire que c’est vague et arbitraire, parce que ce n’est pas électoral. Et, en effet, ce n’est
58 et arbitraire, parce que ce n’est pas électoral. Et , en effet, ce n’est pas électoral, dans ce sens qu’une telle politiqu
59 peut être pratiquée au sein de plusieurs partis, et il est même très souhaitable qu’elle le soit. Ce serait sans doute le
60 . Il est sorti des camps pour prendre le pouvoir. Et si les Hollandais viennent de lui accorder 30 de leurs suffrages, à s
2 1946, Réforme, articles (1946–1980). Deux lettres sur la fin du monde (29 juin 1946)
61 de la fin du monde. C’est à quoi nous en sommes, et c’est comique. On avait tout prévu, sauf le comique, à propos de la f
62 la fin du monde. Car c’est pour protéger la paix et pour faire régner l’ordre universel que nous allons courir le risque
63 versel que nous allons courir le risque d’inonder et de brûler la terre entière. Personne ne rit. Personne non plus n’ose
64 ricaner. Tout le monde sait que le monde finira. Et qui ne voudrait finir sa vie en même temps que celle du monde ? Il se
65 un instant » ? Il dit en atomo — dans un atome ! Et les grandes traditions occultistes, décrivant l’âge matérialiste où n
66 t la fin du monde par désintégration, dissolution et réduction en fine poussière. Dies irae, dies ilia, solvet saeclum in
67 de feu suffirait à réduire la surface de la Terre et la vermine humaine qui s’y livre à ses vices. La Renaissance croyait
68 lie des peuples, des gouvernants, des militaires, et de tous les irresponsables qui nous mènent, obéit secrètement au bon
69 ès secret, avait voté que l’on arrête les frais ; et tous ces fous ne feraient en somme qu’exécuter la volonté commune… « 
70 décembre 1945. Notre monde est sans doute perdu, et c’est la raison de Noël. Dans cette nuit la plus longue de l’année, p
71 né. Démonstration d’une puissance indémontrable, et dont la touche ne saurait être enregistrée que par le tout de l’homme
72 qu’elle suscite : voilà pourquoi nos instruments, et nos fonctions mentales et sensorielles en seront toujours incapables.
73 urquoi nos instruments, et nos fonctions mentales et sensorielles en seront toujours incapables. Ce drôle de petit cri dan
74 s formules d’Einstein que notre univers est fini, et que les seuls messages d’espoir qui passent encore sont ceux qui vont
75 sonne. Me voici libéré de mes dernières craintes, et tout libre d’imaginer, de choisir et de m’orienter personnellement ve
76 es craintes, et tout libre d’imaginer, de choisir et de m’orienter personnellement vers la paix ou la mort. Disposition fa
77 raient compterait les ministères suivants : Bombe et Répression des États, Échange des matières premières, Sens général de
78 ppliquant.) Mais il n’y a que les idées pratiques et raisonnables que l’on traite de folies, à l’âge où l’on prépare dans
79 monde entier, à la demande générale, la prochaine et irrévocablement dernière guerre civile du genre humain. Que va-t-il s
80 sse diffuse ne soit sensible dans les populations et chez beaucoup de bons esprits, mais une paralysie sans précédent s’es
81 éricain de la sensation, du biggest in the world. Et de vrai, c’est dans ce pays que la première Bombe vient d’être constr
82 ombe vient d’être construite. Exagérée sans doute et dépassant la mesure de ce que l’on connaissait avant le 6 août, elle
83 août, elle est là, parce que l’homme l’a mise là. Et votre sens de la mesure peut se rebeller comme l’esprit devant la mor
84 nne partie de leur utilité au service des nations et de leur vertu d’ordre. Admettons qu’elles arrivent encore à se battre
85 Admettons que notre globe dure longtemps encore, et que la guerre militaire y prospère d’autant mieux qu’elle sera dotée
86 omphe des « éléments d’ordre » aussi énigmatique, et sans témoins. Je reconnais volontiers que ce processus peut se poursu
87 se passeront peut-être pas de la manière soudaine et dramatique qu’un certain goût de l’antithèse m’incline parfois à souh
88 pures, parce que nos choix ne sont pas si francs et que nos chefs savent à peine ce qu’ils jouent. Une espèce d’organisat
89 ue les peuples se révolteront contre cette nation et son régime, tôt ou tard. Il est évident que si l’on continue à penser
90 aujourd’hui, cela finira dans l’explosion totale. Et il est évident que la grande majorité des hommes se refuse à ces évid
91 la mort ? L’humanité, ce sont des gens comme vous et moi. Quand vous me dites qu’elle n’est pas prête pour la paix, cela v
92 es moyens vous déplaisent (suppression des armées et des souverainetés nationales). Mais en refusant de choisir la paix, v
93 isir la paix, vous votez tacitement pour la mort, et vous en rendez responsable. Tout tient à chacun de nous. Et nous en s
94 rendez responsable. Tout tient à chacun de nous. Et nous en sommes au point où il devient difficile de le cacher. Nos ali
95 iques, j’ai posé le principe du pessimisme actif. Et comment ne m’y tiendrais-je pas, quand je sais que l’enjeu n’est poin
96 it ? » La sentinelle a répondu : « Le matin vient et la nuit aussi ». Je n’ai pas fini d’aimer ce cri. Les citations de la
97 ce cri. Les citations de la Bible vous irritent. Et vous me direz : que fait Dieu dans tout cela ? Dangereuse question. S
98 t que nous fassions sauter la Terre, elle sautera et ce sera très bien. Au-delà de ce « clin d’œil », Il nous attend. b
3 1946, Réforme, articles (1946–1980). Vues générales des Églises de New York (12 octobre 1946)
99 ent pas leurs cultes : les luthériens de Finlande et de Suède, les orthodoxes serbes, grecs, ukrainiens et russes, les vie
100 e Suède, les orthodoxes serbes, grecs, ukrainiens et russes, les vieux-catholiques, les réformés hongrois, l’Église cathol
101 ngrois, l’Église catholique nationale de Pologne. Et cinquante sectes. Approchons-nous de ces églises par l’extérieur : pa
102 n par le spectacle de leurs cultes. Séparations et réunions Les États-Unis ont été fondés par des groupes successifs
103 d les fanatiques d’une foi, rejetés par l’Europe, et qui venaient chercher en Amérique la liberté de célébrer leur culte.
104 ités idéales, conformes à leurs doctrines morales et politiques. D’où le caractère social très accentué que pris, dès le d
105 st né luthérien ; anglais s’il est presbytérien ; et s’il est catholique, italiens, polonais ou irlandais. À ces différenc
106 s de membres), tandis que l’Église presbytérienne et l’Église protestante-épiscopale (bien moins nombreuses) sont surtout
107 le (bien moins nombreuses) sont surtout citadines et fashionable. Quant à la fameuse multiplication des sectes, elle n’a r
108 guerre de Sécession a coupé en deux groupes, Sud et Nord, la plupart des grandes confessions. Ces groupes à leur tour se
109 leur tour se sont morcelés sur leurs ailes gauche et droite, en « libéraux » et « fondamentalistes ». Et plus ces groupusc
110 sur leurs ailes gauche et droite, en « libéraux » et « fondamentalistes ». Et plus ces groupuscules étaient restreints, pl
111 droite, en « libéraux » et « fondamentalistes ». Et plus ces groupuscules étaient restreints, plus la tendance sectaire s
112 uelques centaines « d’élus ». Avec le xxe siècle et l’achèvement de la colonisation du continent, peut-être par l’effet d
113 t-être aussi parce que les communications rapides et les fréquents changements de domicile facilitaient des contacts nouve
114 ts de domicile facilitaient des contacts nouveaux et tendaient à dissoudre les sectesd purement locales, le processus s’es
115 représentent la grande majorité des protestants. Et ces réunions préalables ouvrent des voies jadis insoupçonnées : presb
116 ent des voies jadis insoupçonnées : presbytériens et anglicans étudient, depuis quelques années, un projet d’union organiq
117 ’ailleurs immenses pour la plupart, sont vénérées et fréquentées par la moitié des habitants de ces gratte-ciel, qui ne vo
118 outes les deux leur autel, leurs stalles de chœur et leur pupitre pour la Bible, d’où pend un ruban large à la couleur de
119 hollandaise, de style baroque, en marbre blanc ; et vis-à-vis, dans un jardin, une église anglo-catholique, toute encombr
120 lise anglo-catholique, toute encombrée de poutres et d’images : c’est là que les acteurs vont se marier. Plus haut encore,
121 aint-Étienne-du-Mont, de l’extérieur, mais la nef et le chœur, fort classiques, s’ornent d’une rosace bleue et de sculptur
122 œur, fort classiques, s’ornent d’une rosace bleue et de sculptures précieuses. Sur les pages d’un gros livre, ouvert dans
123 isiteurs de toutes confessions (ils les indiquent et je note beaucoup de Roman Catholics). Passons maintenant dans Park Av
124 lemy, l’église des riches, avec son chœur immense et froid, en mosaïque. Christ Church est méthodiste. Colonne de marbre n
125 méthodiste. Colonne de marbre noir, mais un autel et des retables en gothiques flamboyant, trop dorés. Plus loin, l’église
126 Saint-Pierre, déshonorée par des vitraux livides et plus sulpiciens que nature. L’autel est dominé par des boiseries somb
127 ies sombres, ornées de branches de sapin de Noël. Et partout, dans tous ces sanctuaires, le même parfum de chêne ciré, de
128 ilà le lieu pour une étude comparée des liturgies et des principaux rites occidentaux, dépouillés de leur patine, reconsti
129 sain ? — adore plus que tout autre les costumes, et la belle ordonnance des cortèges et des processions. Dès l’entrée, de
130 les costumes, et la belle ordonnance des cortèges et des processions. Dès l’entrée, des messieurs en jaquette, ou au moins
131 fait son entrée, en robes noires, surplis blancs et bonnets, suivi de pasteurs chamarrés des insignes de leur grade acadé
132 jaunes, bleus ou violets, attachés sous le rabat et pendant sur le dos. Tout le monde se lève, puis tout le monde se rass
133 le monde se lève, puis tout le monde se rassoit, et s’agenouille, se relève encore et s’assoit de nouveau avec une discip
134 nde se rassoit, et s’agenouille, se relève encore et s’assoit de nouveau avec une discipline sans défaut. Ceci chez les ba
135 ck, comme chez les anglicans des beaux quartiers, et chez les méthodistes comme chez les luthériens. Les catholiques eux-m
136 nt qui circulent dans les bancs, de main en main, et toute l’église apparaît transformée en une salle de banquet silencieu
137 ussi les uns des autres par leurs rites, coutumes et décors, comment les chrétiens d’Amérique conçoivent-ils et vivent-ils
138 , comment les chrétiens d’Amérique conçoivent-ils et vivent-ils leurs croyances ? J’essaierai, dans un prochain article, d
139 ne réponse qui ménage certaines pudeurs de l’âme, et le mystère inhérent à ce genre de problème. c. Rougemont Denis de
4 1946, Réforme, articles (1946–1980). Spiritualité américaine (19 octobre 1946)
140 lité américaine (19 octobre 1946)e À l’origine et au premier rang de la lutte contre l’esclavage, de la lutte pour la p
141 Pionniers les rudiments vitaux de morale civique et privée sans lesquels nulle société n’est possible. Il ne s’agissait p
142 al ». Il s’agissait d’une lutte pour l’existence, et les pasteurs y tenaient une fonction directrice. Elle leur est disput
143 mmentateurs de radio, l’école publique, le cinéma et les comités. Mais ils en ont gardé le pli : leur christianisme est av
144 force sociale, un moyen d’assurer une vie décente et de l’améliorer sur tous les plans. Le christianisme européen, même au
145 assumait lui aussi toute la charge de la culture et du maintien de la morale dans la cité, préparait à la mort plus qu’à
146 village compte deux ou trois églises différentes, et les paroisses sont devenues des clubs. Elles offrent à leurs membres
147 es films, un peu de danse, les cultes du dimanche et parfois de la semaine, bref, un milieu. Le pasteur se trouve donc à l
148 les diacres ou les vestrymen (anciens d’Église), et beaucoup de dames avides de donner libre cours à leur fameuse efficie
149 ency. Sa fonction principale sera donc de parler, et ce n’est pas le dimanche qu’il parlera le plus, car son sermon ne dép
150 -il de proprement religieux dans tout cela ? Tout et rien, répondrai-je, et voilà bien le mystère du christianisme américa
151 ieux dans tout cela ? Tout et rien, répondrai-je, et voilà bien le mystère du christianisme américain. Tout acte civique,
152 moral, jugé conforme au bien du plus grand nombre et aux coutumes reconnues par l’Église possède une valeur religieuse, es
153 Credo chaque dimanche, à haute voix tous ensemble et debout, tandis que le chœur et le pasteur se tournent vers l’autel fl
154 voix tous ensemble et debout, tandis que le chœur et le pasteur se tournent vers l’autel fleuri par M. Smith, en souvenir
155 ents défunts. Ils communient en très grand nombre et fort souvent, avec une visible ferveur. Et la musique est belle, et l
156 nombre et fort souvent, avec une visible ferveur. Et la musique est belle, et les voix justes et l’ordonnance du culte san
157 vec une visible ferveur. Et la musique est belle, et les voix justes et l’ordonnance du culte sans défaut. Au surplus, ce
158 veur. Et la musique est belle, et les voix justes et l’ordonnance du culte sans défaut. Au surplus, ce sont de braves gens
159 s indulgents dans leurs jugements, moins menteurs et plus accueillants… Mais n’allez pas leur poser trop de questions sur
160 de Christ Church (méthodiste) sont vêtus de robes et de barrettes de velours rouge, et siègent en demi-cercle dans le fond
161 vêtus de robes et de barrettes de velours rouge, et siègent en demi-cercle dans le fond du chœur, séparés de l’autel par
162 e miniature de Livres d’Heures. Pourquoi ce rouge et cette dorure ? Cela fait bien, et c’est « traditionnel ». Ils n’ont p
163 urquoi ce rouge et cette dorure ? Cela fait bien, et c’est « traditionnel ». Ils n’ont pas le sens proprement « religieux 
164 sens proprement « religieux » des correspondances et des signes. Qu’est-ce que le péché, pour eux ? L’inefficacité et l’in
165 Qu’est-ce que le péché, pour eux ? L’inefficacité et l’inadaptation sociale, résultats d’une mauvaise hygiène morale. Qu’e
166 Un terme théologique, probablement réactionnaire. Et le Mal, enfin ? Un trouble de fonctionnement qu’une éducation rationn
167 le de fonctionnement qu’une éducation rationnelle et la culture des sentiments élevés parviendraient à éliminer. Personne
168 est juge même d’une seule âme, même de la sienne. Et je viens de parler en général de 65 millions de chrétiens américains,
169 nts. En vérité, je n’ai décrit qu’une atmosphère, et les croyances du « chrétien moyen », quand tout chrétien réel est par
170 . Ou bien l’église va dans le siècle, l’organise, et tend à se confondre avec la société terrestre, mais alors la foi tend
171 ’est plus dans le monde, qui s’organise sans elle et ne l’entend plus. Ou bien vous mettez le message à la portée de la ma
172 en vous mettez le message à la portée de la masse et dans le style du jour, mais certains mots ne sauraient y passer, comm
173 s ne sauraient y passer, comme péché, grâce, mort et résurrection ; ou bien vous parlez du péché, de la grâce et du sacrif
174 ction ; ou bien vous parlez du péché, de la grâce et du sacrifice, mais ces mots n’ont plus cours dans la presse, à la rad
175 dans la presse, à la radio ni dans les magazines, et vous perdez toute influence sur les masses. À quoi Kierkegaard répond
176 masses comme telles ne seront jamais chrétiennes, et que la grâce prend les hommes un à un, comme des héros tragiques, au-
177 agiques, au-delà de toutes les aides de la morale et de la religion… Il ne me reste plus qu’à noter que Kierkegaard, préci
178 précisément, est entièrement traduit en Amérique, et que j’ai trouvé partout des étudiants — non seulement chez les théolo
179 on seulement chez les théologiens — qui le lisent et commentent avec passion. Ce petit signe en contredit bien d’autres.
5 1948, Réforme, articles (1946–1980). Roger Breuil qui vient de mourir était un grand romancier protestant (13 mars 1948)
180 e ensemble. Nous étions amis depuis dix-sept ans, et sans question, pour le reste de notre vie. Il est difficile de compre
181 ère lettre : il ne m’y parle que de notre projet, et je n’ai pas encore répondu. Il est difficile de comprendre que ce qui
182 seule cette autre chose est vraie, à travers nous et malgré nous, cette autre chose contre laquelle il n’y a rien à faire,
183 utre chose contre laquelle il n’y a rien à faire, et qui nous aime. ⁂ Je relis la dernière page de sa Galopine, où il dit
184 la dernière page de sa Galopine, où il dit cela, et chaque mot porte. Je voudrais que vous preniez ce roman, et que vous
185 mot porte. Je voudrais que vous preniez ce roman, et que vous aussi vous relisiez cette dernière page (280 et 281). Je pen
186 vous aussi vous relisiez cette dernière page (280 et 281). Je pense que vous ne l’oublierez plus. Et ce sera l’hommage le
187 0 et 281). Je pense que vous ne l’oublierez plus. Et ce sera l’hommage le plus vrai. Subitement je comprends que Roger Bre
188 mes en sait plus long que nous. Moins on en parle et mieux elle sait se faire entendre. ⁂ Ce mouvement de retrait constamm
189 marques sensibles dans tous mes souvenirs de lui, et dans son œuvre : c’était son style, son art, et sa vraie force. Certa
190 , et dans son œuvre : c’était son style, son art, et sa vraie force. Certains lui demandaient un « message ». Il n’aimait
191 n’aimait guère ce mot, pour des raisons profondes et non seulement par pudeur naturelle ou discrétion spirituelle. Le Mess
192 discrétion spirituelle. Le Message est ailleurs, et autrement troublant, autrement consolant que tout ce qu’on peut en di
193 théologie : c’est pourquoi il n’en parle jamais, et se garde bien d’utiliser ses personnages pour exposer des « idées rel
194 « idées religieuses ». Il nous montre des hommes et des femmes qui vivent comme ils le peuvent la vie contemporaine, il l
195 exactitude du regard. Certains ne signifient rien et ne s’en doutent pas : certains s’en doutent, et s’inquiètent sourdeme
196 n et ne s’en doutent pas : certains s’en doutent, et s’inquiètent sourdement, mais ne savent pas toujours nommer leur inqu
197 la littérature française, tout à la fois curieuse et intrépide, il laisse en blanc la solution que ses personnages n’ont p
198 stion dont ils étaient les porteurs ou la proie ; et ce respect des âmes donne à chacun de ses livres — même à ceux où l’o
199 ir tout gratuit de conteur né — de grandes marges et des prolongements, une qualité d’appel lancinante, nostalgique, et fi
200 nts, une qualité d’appel lancinante, nostalgique, et finalement heureuse, comme exaucée… Il était le meilleur écrivain pro
201 oute référence insistante à la foi qui l’inspire, et de tout langage pieux). Il est entré dans les grandes marges de cette
202 l est entré dans les grandes marges de cette vie, et son dernier retrait, le plus énigmatique, achève une œuvre d’espéranc
6 1948, Réforme, articles (1946–1980). L’Europe, aventure du xxe siècle (1er mai 1948)
203 e (1er mai 1948)g Il y a l’utopie de l’Europe, et il y a l’aventure de l’Europe. Cette distinction fondamentale corresp
204 rver que les utopies classiques sont, en réalité, et je le cite : « des programmes d’action déguisés en descriptions socio
205 ciété les éléments que l’on considère comme bons, et l’on en compose un système qui serait en équilibre permanent, à l’abr
206 urd’hui une utopie. Telle qu’elle est, pessimiste et divisée, encombrée de frontières qui l’empêchent de respirer, menacée
207 urope sans rien changer à sa structure économique et politique, c’est pratiquement ne rien vouloir, c’est l’utopie. Au con
208 rmément à son génie, qui est celui de la liberté, et dans les conditions du xxe siècle, qui sont celles de l’organisation
209 e 250 millions d’habitants, les plus travailleurs et les plus inventifs de toute la terre, c’est-à-dire du seul point de v
210 l point de vue de la quantité, plus que la Russie et deux fois plus que l’Amérique ; l’organiser au-delà des États en une
211 r au-delà des États en une grande unité politique et en un vaste espace économique ; la fédérer dans sa diversité, en vue
212 la fédérer dans sa diversité, en vue de maintenir et d’illustrer une certaine notion de l’homme dont, malgré toutes ses in
213 sommes engagés, c’est l’aventure du xxe siècle, et c’est la vocation de cette génération. L’aventure Depuis quelqu
214 , du moins dans les déclarations des gouvernants, et dans la presse. Certains pensent que l’union est en bonne voie, et qu
215 . Certains pensent que l’union est en bonne voie, et que notre agitation fédéraliste est par conséquent superflue. Je pers
216 dans le sens de l’utopie que je viens de décrire, et que le sort de l’aventure réelle n’est pas ailleurs que dans nos main
217 t durer, c’est aux fédéralistes qu’elle le devra, et à eux seuls. Sur qui d’autre peut-elle compter ? Elle ne doit pas com
218 peu qui aient l’intention de le laisser limiter, et c’est pourtant ce que nous leur demandons. Tous les gouvernements ont
219 t un penchant marqué à persévérer dans leur être, et même à lui survivre aussi longtemps que possible avec l’appui de la p
220 un penchant irrésistible à devenir totalitaires. Et ce n’est point que leurs hommes d’État soient particulièrement bêtes
221 is leur fonction leur interdit de céder un pouce, et dans l’état présent de l’opinion et des rivalités de partis, ils cour
222 der un pouce, et dans l’état présent de l’opinion et des rivalités de partis, ils courraient le risque d’être accusés de t
223 s mois plus tard, parlant au nom des gouvernants, et décrivant leur situation embarrassée, le Premier ministre belge, Mons
224 l’Histoire. Ce que je sais, c’est notre volonté, et c’est le but précis que nous visons tous, à plus ou moins brève échéa
225 bleau : Nous avons aujourd’hui une Europe divisée et cloisonnée dans l’anarchie. Nous voulons une Europe organisée. Une Eu
226 due à la libre circulation des hommes, des idées, et des biens. Pour assurer ces libertés organisées, certaines institutio
227 e la mise en commun de nos ressources naturelles. Et nous voulons qu’un Centre de la culture donne un organe, une voix et
228 un Centre de la culture donne un organe, une voix et une autorité, à la conscience européenne. Par-dessus tout, dominant c
229 me, qui soit la gardienne de la Charte des droits et des devoirs de la personne, et à laquelle puissent en appeler directe
230 Charte des droits et des devoirs de la personne, et à laquelle puissent en appeler directement, contre l’État ou le parti
231 parti qui s’en empare, les citoyens, les groupes, et les minorités. Ainsi sera garanti le droit d’opposition, faute duquel
232 parce que sans elle le monde glisse à la guerre, et que l’alternative n’est plus, pour nous, que d’empêcher cette guerre
233 un après l’autre en toute souveraineté nationale, et vous voyez peut-être à quoi je pense. Fédérés, au contraire, nous rem
234 puissance des deux grands. Ils baisseront le ton, et l’on pourra parler. Chance de l’homme Telle est la vision direc
235 vision directrice de l’aventure que nous courons. Et il est clair que son enjeu n’est pas d’abord notre sécurité, n’est pa
236 ’est pas d’abord notre prospérité, bien que l’une et l’autre en dépendent, mais qu’il est avant tout l’enjeu de la personn
237 la personne, la chance de l’homme au xxe siècle. Et c’est pourquoi la hiérarchie des Conseils que nous proposons aboutit
238 ’homme, antérieurs à l’État, supérieurs à l’État, et sans lesquels, pour nous Européens, le bonheur même paraît inacceptab
239 araît inacceptable. Entre un libéralo-capitalisme et un étatisme absolus, tous deux nés en Europe pour émigrer plus tard s
240 es terres vierges, où leurs excès sont manifestes et menaçants, car leur conflit se déclare sans issue, l’Europe se doit,
241 conflit se déclare sans issue, l’Europe se doit, et doit au monde d’inaugurer la troisième voie, la voie des libertés org
242 de nous qu’elle se termine demain en paix-éclair, et c’est l’effet que pourra seule produire la proclamation solennelle de
243 pas je ne sais quel groupement de double négation et de demi-mesures, c’est l’Europe rejoignant le xxe siècle, pour en pr
244 ejoignant le xxe siècle, pour en prendre la tête et inventer l’avenir. C’est le fédéralisme qui veut que la Terre promise
245 rir, pour tous ses peuples, pour tous ses partis, et comme le veut son vrai génie, pour tous les hommes. g. Rougemont
7 1949, Réforme, articles (1946–1980). « Êtes-vous partisan du rapprochement franco-allemand ? » (29 janvier 1949)
246 ploitation fédérale des houillères (continentales et britanniques) résoudra seule le problème de la Ruhr. De même, une org
247 agne, aux brusqueries ou impatiences américaines, et à l’expansion russe. On parle d’obstacles économiques à cette fédérat
248 éraliste a l’avantage d’être au moins concevable, et il est impossible qu’elle soit pire que ce qui est. Le seul obstacle
249 préjugés, datant de l’époque des pantalons rouges et non pas de l’occupation. h. Rougemont Denis de, « [Réponse à une e
8 1952, Réforme, articles (1946–1980). Après l’Œuvre du xxe siècle (14 juin 1952)
250 l ne saurait être question de tirer de nos débats et de nos conférences des conclusions collectives, unanimes. Nous avons
251 e évolution dont nous sommes à la fois les sujets et les objets. Mais je voudrais relever ici un caractère très général de
252 as », l’opposition entre la révolte irrépressible et la communion nécessaire, tous ces sujets se ramènent à un seul : l’in
253 ujets se ramènent à un seul : l’individu créateur et la société. On nous a très bien montré les dangers de l’isolement, le
254 s moyens modernes de communiquer avec les masses, et personne n’a déclaré devant nous qu’il connaissait et assumait les co
255 ersonne n’a déclaré devant nous qu’il connaissait et assumait les conditions d’une communion nouvelle entre les hommes. Qu
256 ous ne se risquerait à vous en donner la recette. Et c’est tant mieux ! Car il existe des recettes de communion, et des fo
257 mieux ! Car il existe des recettes de communion, et des fois synthétiques, dans ce siècle, et nous savons à quoi elles mè
258 munion, et des fois synthétiques, dans ce siècle, et nous savons à quoi elles mènent ! Que vaut le bonheur d’un peuple, qu
259 eux d’entre eux sont probablement des mouchards — et que le dixième homme est dans un camp ? Pitié pour eux, car ils ignor
260 é pour eux, car ils ignorent sans doute l’étendue et la vraie visée de la tyrannie dans laquelle ils sont nés. Mais nous…
261 oit de savoir, le droit de nous informer, de dire et de crier, nous ne sommes plus pardonnables de nous taire ! Alors que
262 s que faire ? Tout d’abord protester publiquement et avec éclat : question de salubrité publique, même si l’efficacité en
263 l’humanité, victime directe ou non des dictatures et des arguments de leurs complices. Elle a protesté au double sens du m
264 té au double sens du mot, qui est à la fois refus et témoignage. Notre concert inaugural, dans une église, était dédié à l
265 d’ouvrir nos manifestations par cet acte de piété et ce Magnificat à la mémoire des martyrs de ce siècle. Et ensuite : tou
266 Magnificat à la mémoire des martyrs de ce siècle. Et ensuite : tout l’ensemble éblouissant de chefs-d’œuvre des arts moder
267 sont ici présents, poètes, romanciers, critiques et philosophes qui ont pris part à nos entretiens, pour nous dire : et m
268 ont pris part à nos entretiens, pour nous dire : et maintenant allons-y, serrons les rangs, opposons à la discipline tota
269 sons à la discipline totalitaire un front commun, et à leur propagande une propagande au moins aussi brutale ou insinuante
270 ns la fausse communion fomentée par la propagande et maintenue par la terreur ? Si nous refusons la calomnie ? Si nous ref
271 arler de cela quand on y croit, dans un tel lieu, et sous les projecteurs de cinéma… Je répondrai à côté de la question ap
272 jamais instituée dans le monde, la plus profonde et la plus libre dans les modes d’adhésion qu’elle implique, s’est faite
273 s la révolte la plus intransigeante contre le mal et l’injustice, abandonné des hommes, et ce serait peu, abandonné de Die
274 ntre le mal et l’injustice, abandonné des hommes, et ce serait peu, abandonné de Dieu lui-même, il l’a crié. N’oublions pa
275 pas que là, le mot de communion a pris son sens, et qu’il le perd en s’éloignant du sacrifice individuel. Et là-dessus, p
276 l le perd en s’éloignant du sacrifice individuel. Et là-dessus, pour terminer, une citation. Elle est d’un Espagnol, et fr
277 r terminer, une citation. Elle est d’un Espagnol, et frappe une de ces notes d’éloquence à la fois sèche et profonde qui m
278 appe une de ces notes d’éloquence à la fois sèche et profonde qui manquent trop souvent aujourd’hui, et par la faute d’une
279 t profonde qui manquent trop souvent aujourd’hui, et par la faute d’une dictature encore, au grand concert européen. C’est
280 indront à toi, à tes côtés sans que tu les voies. Et chacun pensera qu’il va seul. Mais vous formerez un bataillon sacré,
281 inte du communisme que par le souci de la liberté et qu’ainsi, ils passaient à côté des questions essentielles qui leur ét
282 le problème de la communication entre le Créateur et la société. Problème de communion. C’est à celui-ci qu’est consacré l
283 ns ci-après, qui a servi de conclusion aux débats et au festival lui-même. »
9 1953, Réforme, articles (1946–1980). « Les écrivains protestants » (11 avril 1953)
284 zsche, Herman Hesse, Pearl Buck, Curzio Malaparte et tant d’écrivains scandinaves, américains, allemands, anglais ou holla
285 sard d’une origine, mais encore par ma formation, et enfin par mon adhésion des plus actives, dès l’âge de 25 ans, aux doc
286 s orthodoxes de la Réforme, à travers Kierkegaard et Barth. C’est dire que le protestantisme ne saurait me « gêner » comme
287 nantes sont les données que l’on ne peut assumer, et celles-là seules. Il est vrai, par ailleurs, que rien ne facilite un
288 re » en France pour un protestant qui se veut tel et qui, au surplus, n’est pas Français (Rousseau et Benjamin Constant vé
289 et qui, au surplus, n’est pas Français (Rousseau et Benjamin Constant vécurent avant le nationalisme). Mais la littératur
290 s compensations sur le plan de la pensée de l’art et d’une vision plus large de l’humain, pour ceux qui se réfèrent à l’Éc
291 l’humain, pour ceux qui se réfèrent à l’Écriture et à ses traductions liturgiques, sources du seul langage vraiment commu
292 aiment commun aux écrivains de toutes les langues et confessions dans le domaine occidental. l. Rougemont Denis de, « 
10 1968, Réforme, articles (1946–1980). Vers l’Europe des régions ? (30 novembre 1968)
293 jà existante. Je fais une distinction entre unité et union. L’unité existe ou n’existe pas. L’union est ce que l’on peut b
294 contacts organisés. Cette base commune de culture et de civilisation est la condition sine qua non d’une union économique
295 la condition sine qua non d’une union économique et politique. J’ai donc créé le Centre européen de la culture que je dir
296 péen de recherches nucléaires. Le Centre d’études et de recherches nucléairesp a été la réalisation de cette première init
297 mme la France, l’Espagne, l’Angle­terre, l’Italie et même l’Allemagne fédérale, afin de faire repartir toute l’affaire eur
298 par sa Constitution ; l’Allemagne en onzeq Länder et maintenant se dessine en France un grand mouvement qui vient d’être a
299 r l’économie, se définissent aussi par la culture et quelquefois par l’ethnie comme dans le cas de la Bretagne ou de la Ca
300 se fait pas, nous serons colonisés par le dollar et peut-être par une certaine idéologie marxiste — quoique cela soit moi
301 entralisation, grand nombre de jeunes sociologues et économistes français s’étant penchés sur ce problème. L’union mondial
302 e plus en plus les vrais centres de la production et de la vie intellectuelle et auront entre elles des liens de toutes na
303 tres de la production et de la vie intellectuelle et auront entre elles des liens de toutes natures. Elles constitueront
304 responsabilité de l’Europe s’oppose aux racismes et aux guerres d’extermination de races. Les problèmes les plus importan
305 Il s’agit de transposer sur les plans économique et politique les conséquences des options philosophiques et religieuses
306 tique les conséquences des options philosophiques et religieuses que l’on croit justes. n. Rougemont Denis de, « [Entre
307 , issu d’un entretien mené par Anouchka von Heuer et Christian Roux-Pétel, est précédé du chapeau suivant : « Les États-na
11 1976, Réforme, articles (1946–1980). À propos de Concorde (21 février 1976)
308 valent pas le voyage, je ne suis pas technicien, et surtout « je suis contre »… — « Qu’à cela ne tienne, me dit-on, vous
309 essons, vos arguments critiques nous intéressent, et puisqu’il s’agit d’un débat, vous pourrez y aller librement. Soyez au
310 nt deux heures, vont me haïr comme un seul homme. Et en effet, je n’ai pas fini ma première phrase — mais c’est assez pour
311 nsupportable » —, j’essaie de formuler mes doutes et objections, selon le schéma qui suit. Mais je n’ai pu faire passer qu
312 it. Mais je n’ai pu faire passer que les points 1 et 5 à travers le barrage serré que l’on m’opposait. 1. Le philosophe ét
313 osophe étant celui qui pose des questions simples et naïves, je demande : « Concorde, à quoi est-ce que ça sert ? ». On m’
314 appareil ira de Paris à New York en trois heures et demie au lieu de sept. Bon. Mais les quelques dizaines de PDG et de m
315 u de sept. Bon. Mais les quelques dizaines de PDG et de membres du « jet-set » qui en « bénéficieront », si l’on peut dire
316 s par l’État, donc par les contribuables français et anglais ? Est-ce qu’elles justifieront le risque planétaire que des s
317 je aux promoteurs de Concorde alignés devant moi, et consternés — c’est le contraire du pari de Pascal. Si vous perdez, vo
318 y gagneraient (outre 20 % sur le prix du billet, et x % sur leurs impôts) le temps de se reposer, de réfléchir, ou de lir
319 de réfléchir, ou de lire mes livres par exemple. Et s’il était vraiment indispensable de « gagner » trois heures sur ce t
320 is heures sur ce trajet, en voici le moyen simple et qui eût déjà permis environ 15,8 milliards d’économies : 1°) supprime
321 onomies : 1°) supprimer les formalités de douanes et passeports au départ et à l’arrivée ; 2°) transporter les passagers d
322 les formalités de douanes et passeports au départ et à l’arrivée ; 2°) transporter les passagers de l’échelle de coupée au
323 mps de changer de cap, de se fixer d’autres buts, et d’inventer d’autres moyens d’y aller. 4. Outre le gain de temps, outr
324 ller. 4. Outre le gain de temps, outre l’emploi — et comme pour la guerre du Vietnam, ici encore —, on invoque les « retom
325 t de construire d’autres avions encore plus chers et plus problématiques, et puis surtout qui permettront la mise au point
326 avions encore plus chers et plus problématiques, et puis surtout qui permettront la mise au point d’armements de plus en
327 à la puissance physique de l’État centralisateur et policier, au nom de quoi tout s’ordonne à la guerre. Concorde résume
328 la guerre. Concorde résume un ensemble de calculs et de rêves, de principes et d’ambitions qu’il nous faut dépasser si nou
329 un ensemble de calculs et de rêves, de principes et d’ambitions qu’il nous faut dépasser si nous voulons survivre, qui dé
330 lons survivre, qui détruisent à la fois la Nature et la Communauté des hommes, au nom du prestige de l’État, vanité collec
331 , au nom du prestige de l’État, vanité collective et surprofits privés — absolument contraire aux fins que je défends dans
332 s que je défends dans toute mon œuvre, de liberté et de responsabilité de la personne. b) Je suis convaincu que les promot
333 ands, toujours plus chers, toujours plus bruyants et toujours plus dangereux — exigeant toujours plus de contrôle de l’Éta
334 — exigeant toujours plus de contrôle de l’État — et allant toujours plus vite vers peu importe quoi ! L’idée vraiment mod
335 importe quoi ! L’idée vraiment moderne du progrès et du luxe s’oppose radicalement à cette manie démodée de la vitesse et
336 radicalement à cette manie démodée de la vitesse et du fracas pour épater le monde. Ce qui commence à valoir des fortunes
12 1979, Réforme, articles (1946–1980). Écologie, régions, Europe fédérée : même avenir (19 mai 1979)
337 « une douce manie de rousseauistes épris d’idylle et entretenant la nostalgie du jardin d’Eden » (variante : « du retour a
338 din d’Eden » (variante : « du retour aux cavernes et de l’éclairage à la bougie »). Ou au contraire ; elle serait une « né
339 la fois l’agression industrielle contre la Nature et l’agression étatique contre la société coutumière. C’est le moment où
340 t dans nos pays les écoles primaires obligatoires et universelles ; la conscription obligatoire et universelle ; la grande
341 res et universelles ; la conscription obligatoire et universelle ; la grande presse (grâce à l’invention de la linotype) e
342 rande presse (grâce à l’invention de la linotype) et les agences d’État : Wolf, Reuter, Havas, Stéfani, sans l’aide desque
343 oclites : à la fois protection des petits oiseaux et lutte contre les avions supersoniques qui risquent d’endommager la co
344 d’endommager la couche d’ozone ; parcs nationaux et dénonciation des grands ensembles ; mesures contre la pollution des e
345 océans ; relations entre les taux de délinquance et le nombre des étages dans les HLM, etc. Aux yeux des politiciens de d
346 parti socialiste » ou de défendre les privilèges et le confort des riches (c’est aussi ce qu’en pense le tiers-monde). Ma
347 tre de rejet) face à la civilisation industrielle et à ses agressions de plus en plus brutales contre la Nature et contre
348 essions de plus en plus brutales contre la Nature et contre l’homme qui vit de la Nature et en elle1. 3. Une réaction n
349 la Nature et contre l’homme qui vit de la Nature et en elle1. 3. Une réaction nécessaire : la sécrétion d’anticorps
350 est manifesté avec force au lendemain d’Hiroshima et s’est constitué en mouvement de plus en plus nettement politique aprè
351 tement politique après la crise du pétrole (1973) et la politique du « tout nucléaire » préconisée dès lors par plusieurs
352 énature contre la nature. De ceux qui ont inventé et produit une civilisation qui tend à détruire du même mouvement à la f
353 même mouvement à la fois les écosystèmes naturels et les communautés humaines. L’agression s’est produite d’abord en Europ
354 la volonté de vivre contre la volonté de profit, et que le phénomène, au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, a pris
355 s maladies de civilisation (physiques, psychiques et psychosomatiques). 4. De l’exigence écologique aux exigences régio
356 au principe de leurs développements concomitants, et demeure leur « horizon indépassable ». La civilisation industrielle,
357 es ethniques, culturelles, coutumières, de régler et de contraindre (non de stimuler et de convaincre). L’école primaire e
358 res, de régler et de contraindre (non de stimuler et de convaincre). L’école primaire est l’instrument par excellence de l
359 tudes simples, abstraites, géométriques, alignées et les préparant à devenir des recrues alignables. Il existe une profond
360 e de structure entre l’agression contre la nature et l’agression stato-nationale contre les communautés locales ou ethniqu
361 onal que les mesures d’écologie concrètes peuvent et doivent être élaborées et appliquées : rivières, lacs, chutes d’eau,
362 logie concrètes peuvent et doivent être élaborées et appliquées : rivières, lacs, chutes d’eau, forêts, agriculture, archi
363 que la conscience régionaliste alertée s’organise et entre en action. Voilà donc le premier temps : l’exigence écologique
364 mesure compatible avec ma souveraineté nationale. Et l’on sait à quelles résistances de la capitale et de sa police se heu
365 Et l’on sait à quelles résistances de la capitale et de sa police se heurtent les tentatives de prises de responsabilités
366 de prises de responsabilités régionales. 5. … et aux exigences fédéralistes Or, au-delà des exigences écologiques r
367 A, de Hollande, chaque pays pollue souverainement et s’assure que ce sera toujours moins que les trois autres additionnés…
368 es additionnés… Même jeu quand il s’agit des mers et des océans menacés, des changements de climat, du pillage des ressour
369 l est à la fois trop petit (à l’échelle mondiale) et trop grand (à l’échelle des régions) pour jouer encore son rôle d’Éta
370 donc l’obstacle commun aux solutions écologiques et régionales. D’où l’identité d’intérêts politiques entre régionalistes
371 dentité d’intérêts politiques entre régionalistes et écologistes, mais aussi entre fédéralistes européens et régionalistes
372 logistes, mais aussi entre fédéralistes européens et régionalistes. 6. La région : un espace de participation à la mes
373 au Conseil de l’Europe, en 1972, V. von Malchus, et qui chevauchent parfois les frontières de trois pays, des calottes du
374 (Norvège, Suède, Finlande) à l’Oresund (Danemark et Suède) à l’Euregio (Rhin-Ems et Gueldre), à la Regio basiliensis (Sui
375 Oresund (Danemark et Suède) à l’Euregio (Rhin-Ems et Gueldre), à la Regio basiliensis (Suisse, France, RFA), et sur l’arc
376 e), à la Regio basiliensis (Suisse, France, RFA), et sur l’arc alpin, aux régions Alpes-Adriatique (Italie, Autriche, Slov
377 utriche, Slovénie), lémano-alpine (Suisse-France) et Alpazur (France-Italie). — Mais il y a surtout les régions — déjà exi
378 ttre à la voix d’un citoyen de s’y faire entendre et à celles des autres de lui répondre. 7. Éloge de la petite échelle
379 ions écologiques capables de restaurer, maintenir et développer des écosystèmes viables, de dépasser l’État-nation, c’est-
380 mouvement en interaction permanente, les régions et la fédération continentale. Le principe de répartition des pouvoirs n
381 ux accordé aux dimensions de la tâche considérée, et toujours en partant d’en bas, c’est-à-dire des plus petites unités. C
382 té peut faire, les États ne doivent pas le faire. Et ce que les États peuvent faire, le gouvernement fédéral ne doit pas l
383 a plupart des sociologues politologues européens, et nombre d’hommes politiques responsables aux États-Unis : la décentral
384 is : la décentralisation de l’État, de l’économie et des activités culturelles leur paraît la condition même d’une renaiss
385 dition même d’une renaissance civique, économique et culturelle de leur pays. À part les guerres d’agression et les centra
386 elle de leur pays. À part les guerres d’agression et les centrales nucléaires, qui exigent les unes et les autres une cent
387 et les centrales nucléaires, qui exigent les unes et les autres une centralisation ombrageuse, tout marche mieux, sur une
388 ll is beautiful. 8. Écologistes, régionalistes et fédéralistes de tous pays : unissez-vous ! Les relations d’interac
389 lée par l’intervention imprévue des régionalistes et des écologistes ; — S’il est vrai que ni la région ne se fera sans l’
390 en relation avec les organisations régionalistes et fédéralistes dans tous nos pays et à l’échelle continentale, en vue d
391 régionalistes et fédéralistes dans tous nos pays et à l’échelle continentale, en vue d’établir un programme commun aux tr
392 établir un programme commun aux trois mouvements, et de prévoir des tactiques adaptées aux situations qui diffèrent d’une
393 mais bien même avenir. Un combat peut être perdu et c’est fini. Un avenir adviendra certainement. Ce qu’il m’importait de
394 enir de chacune d’elle est celui des deux autres, et qu’en cette trinité réside l’espoir des Européens et de la Paix.
395 qu’en cette trinité réside l’espoir des Européens et de la Paix. 1. La révolte des chiites iraniens contre la modernis
396 entreprise par le Shah avec l’aide des États-Unis et de l’Europe ne serait-elle pas un premier phénomène de rejet de la te
397 phénomène de rejet de la technologie rationaliste et du matérialisme qu’elle favorise, contraire au Coran ? 2. The Ecolo
13 1980, Réforme, articles (1946–1980). Les Nations unies des animaux (13 décembre 1980)
398 décembre 1980)t u Les animaux ne parlent pas, et c’est pourquoi nous sommes ici. Les animaux ne parlent pas comme nous
399 c des mots. Mais ils vivent comme nous la douleur et la joie, la peur et l’amour, la curiosité, avec cette espèce de béanc
400 vivent comme nous la douleur et la joie, la peur et l’amour, la curiosité, avec cette espèce de béance anxieuse du regard
401 e béance anxieuse du regard devant l’impénétrable et l’indicible… Il nous faut donc parler pour eux. Parler pour eux, et d
402 nous faut donc parler pour eux. Parler pour eux, et de leur part, aux hommes qui les méprisent, les torturent, les massac
403 eur cuve en ciment, nourris au tube de caoutchouc et à la seringue, qui mourront sans avoir jamais ouvert les yeux sur une
404 taient rendues telles, à vrai dire, par la bêtise et la brutalité des hommes. On fait grand cas, dans les magazines scient
405 cientifiques, des animaux qui apprennent à parler et surtout à comprendre un peu nos langages d’hommes. Les merveilleux da
406 vons leur apprendre n’expriment rien de leur être et de leurs émotions : ce sont des ordres que nous leur donnons, et leur
407 tions : ce sont des ordres que nous leur donnons, et leurs réponses disent « À vos ordres ! » et rien de plus. Nous les co
408 nons, et leurs réponses disent « À vos ordres ! » et rien de plus. Nous les conditionnons, nous ne communiquons pas ! Comm
409 non pas celle des missiles nucléaires, du chômage et de la destruction irréversible des forêts, du plancton des océans et
410 n irréversible des forêts, du plancton des océans et de l’air respirable. La seule compréhension, mais alors très profonde
411 ion, mais alors très profonde, qui unisse l’homme et l’animal, elle est d’ordre émotif, affectif. Elle se passe dans le re
412 ue l’homme soit responsable de la Nature vivante, et de sa corruption ou de sa survie, l’écologie nous l’a rappelé au cour
413 distrait la méfiance des saccageurs de la Nature, et elle nous a permis d’agir en profondeur. Mais la responsabilité de l’
414 ais la responsabilité de l’homme devant la Nature et les bêtes n’est pas seulement métaphorique et poétique : elle est tou
415 ure et les bêtes n’est pas seulement métaphorique et poétique : elle est tout à la fois matérielle et morale, tout à la fo
416 et poétique : elle est tout à la fois matérielle et morale, tout à la fois scientifique et religieuse. Et son expression
417 matérielle et morale, tout à la fois scientifique et religieuse. Et son expression la plus haute dans la tradition bibliqu
418 orale, tout à la fois scientifique et religieuse. Et son expression la plus haute dans la tradition biblique très largemen
419 andes religions du Livre, la juive, la chrétienne et l’islamique, a été donnée par saint Paul, au chapitre VIII de l’Épîtr
420 de de la corruption, pour avoir part à la liberté et à la gloire des enfants de Dieu. Or nous savons que jusqu’à ce jour l
421 jusqu’à ce jour la création tout entière soupire et souffre dans les douleurs de l’enfantement. Et ce n’est pas elle seul
422 re et souffre dans les douleurs de l’enfantement. Et ce n’est pas elle seulement, mais nous aussi, qui avons les prémices
423 l’homme, j’entends de l’homme à la Nature vivante et au Cosmos, où le règne animal est le plus proche de l’homme. Les reli
424 même mystère par leur croyance aux réincarnations et leur respect absolu de la vie sous toutes ses formes. Ici encore, nou
425 ner désormais par des actes à la fois symboliques et concrets, poétiques et politiques, tels que celui que propose aujourd
426 ctes à la fois symboliques et concrets, poétiques et politiques, tels que celui que propose aujourd’hui Franz Weber. t.
427 animaux », Réforme, Paris, 13 décembre 1980, p. 1 et 2. u. Présenté par cette note : « Du 27 au 29 novembre, 70 délégués