1 1946, Réforme, articles (1946–1980). À hauteur d’homme (1er juin 1946)
1 À hauteur d’ homme (1er juin 1946)a La Politique pratique d’un idéal Qu’est
2 homme (1er juin 1946)a La Politique pratique d’ un idéal Qu’est-ce que la politique ? L’art d’aménager une cité pou
3 d’un idéal Qu’est-ce que la politique ? L’art d’ aménager une cité pour que tout homme y trouve sa chance d’être humain
4 r une cité pour que tout homme y trouve sa chance d’ être humain. Tel est le principe. Voyons les faits. La politique, en F
5 ss et des grands syndicats : on n’y joue que pour de l’argent. Ailleurs, c’est le jeu sans partenaire du parti unique au p
6 à tout coup. Nous voici loin de notre définition de la politique considérée comme la pratique d’un idéal. Il faut qu’on s
7 tion de la politique considérée comme la pratique d’ un idéal. Il faut qu’on sente cette distance. Cette différence de nive
8 faut qu’on sente cette distance. Cette différence de niveau. Qu’on la sente jusqu’à l’écœurement, jusqu’au frisson de l’ab
9 n la sente jusqu’à l’écœurement, jusqu’au frisson de l’absurdité, jusqu’à la révolte effective. Et qu’alors on fasse tout
10 on fasse tout pour la réduire, en se rapprochant, d’ un seul et même mouvement, de l’idéal et du pratique, doublement négli
11 , en se rapprochant, d’un seul et même mouvement, de l’idéal et du pratique, doublement négligés par les partis. Ce bon se
12 itique suppose, qu’on le veuille ou non, une idée de l’homme et de la condition hu­maine. Mais on dirait que la politique
13 , qu’on le veuille ou non, une idée de l’homme et de la condition hu­maine. Mais on dirait que la politique actuelle l’oub
14 ne se fonde plus, en fait, que sur les conditions de la politique en soi, c’est-à-dire sur le jeu de partis qui se voudrai
15 s de la politique en soi, c’est-à-dire sur le jeu de partis qui se voudraient chacun aussi grand que le tout, mais sans y
16 is banalités fondamentales, si totalement perdues de vue dans la lutte que leur rappel paraîtra subversif. Une politique d
17 f. Une politique digne du nom devrait se composer de deux chapitres : un idéal de l’homme d’une part, et des mesures prati
18 devrait se composer de deux chapitres : un idéal de l’homme d’une part, et des mesures pratiques d’autre part, ordonnées
19 la politique des partis se tient dans une espèce de no man’s land à mi-chemin de l’idéal et du pratique. Quand on lui rap
20 ient dans une espèce de no man’s land à mi-chemin de l’idéal et du pratique. Quand on lui rappelle le premier, elle s’en m
21 appelle le premier, elle s’en moque bien et parle de réalisme, cependant qu’elle rate le second parce qu’elle se perd dans
22 doctrinales. Elle avait pour mission très simple de relier le but et ses moyens. En fait, elle les isole l’un de l’autre.
23 e but et ses moyens. En fait, elle les isole l’un de l’autre. (Tel parti réputé libertaire vote des mesures de tyrannie. L
24 re. (Tel parti réputé libertaire vote des mesures de tyrannie. La « politique » et ses « nécessités » expliquent seules la
25 ette politique tourne à vide, dans un grand bruit d’ ismes entrechoqués, et rien n’en sort. Cette machine ne vit plus que p
26 , des promesses en oublis. Je pense aux élections de demain et je demande : de quoi s’agit-il ? Va-t-on choisir bien consc
27 Je pense aux élections de demain et je demande : de quoi s’agit-il ? Va-t-on choisir bien consciemment entre trois idéaux
28 t-on choisir bien consciemment entre trois idéaux de l’homme ? Et votera-t-on pour telle mesure précise jugée conforme à c
29 e mesure précise jugée conforme à ce qu’on attend de l’homme ? Point du tout, on votera sur les ismes, dans un état d’espr
30 sur les ismes, dans un état d’esprit assez voisin de celui du joueur qui mise sur le noir parce qu’il vient de perdre sur
31 n font pas assez, car le jeu des partis n’est pas de la politique. C’est une manière d’esquiver les problèmes en déléguant
32 rtis n’est pas de la politique. C’est une manière d’ esquiver les problèmes en déléguant le soin de les résoudre à des fact
33 ère d’esquiver les problèmes en déléguant le soin de les résoudre à des factions irréductibles dont le souci dominant est
34 factions irréductibles dont le souci dominant est de continuer le jeu, sans espoir bien sérieux de gagner la partie, c’est
35 est de continuer le jeu, sans espoir bien sérieux de gagner la partie, c’est-à-dire d’arriver à gouverner. Suis-je assez c
36 ir bien sérieux de gagner la partie, c’est-à-dire d’ arriver à gouverner. Suis-je assez clair ? Ce qui occupe toute la scèn
37 an et qui cache tout le reste, dans les élections de demain, ce sont les chances des partis, j’entends des comités de part
38 ont les chances des partis, j’entends des comités de partis, et non point des questions pratiques telles que la situation
39 telles que la situation alimentaire ou la manière de rendre la justice. Et ce sont des slogans prétendus doctrinaires, mai
40 prétendus doctrinaires, mais non des conceptions de l’homme total. Il ne s’agit ni d’idéal ni de pratique, et encore moin
41 des conceptions de l’homme total. Il ne s’agit ni d’ idéal ni de pratique, et encore moins de les relier. Donc les élection
42 ions de l’homme total. Il ne s’agit ni d’idéal ni de pratique, et encore moins de les relier. Donc les élections de demain
43 s’agit ni d’idéal ni de pratique, et encore moins de les relier. Donc les élections de demain n’ont guère de portée politi
44 et encore moins de les relier. Donc les élections de demain n’ont guère de portée politique, ou n’en ont qu’une très indir
45 relier. Donc les élections de demain n’ont guère de portée politique, ou n’en ont qu’une très indirecte, aléatoire et amb
46 cte, aléatoire et ambiguë, si l’on prend le terme de politique dans son sens fort et véritable. Le malheur serait que les
47 ayant voté pour un parti, se figurent avoir fait de la politique. Car celle-ci ne commencera qu’au lendemain de la procla
48 tique. Car celle-ci ne commencera qu’au lendemain de la proclamation des résultats. Votez donc, mais ce geste nécessaire n
49 les partis, une fois que ceux-ci se seront remis de leur crise de fièvre électorale. Comment sauver les partis Car
50 ne fois que ceux-ci se seront remis de leur crise de fièvre électorale. Comment sauver les partis Car il ne s’agit p
51 Comment sauver les partis Car il ne s’agit pas de dissoudre les partis, groupements inévitables d’intérêts de tous ordr
52 de dissoudre les partis, groupements inévitables d’ intérêts de tous ordres, ou familles de tempéraments ; mais il faut ma
53 re les partis, groupements inévitables d’intérêts de tous ordres, ou familles de tempéraments ; mais il faut malgré eux fa
54 névitables d’intérêts de tous ordres, ou familles de tempéraments ; mais il faut malgré eux faire de la politique, c’est-à
55 s de tempéraments ; mais il faut malgré eux faire de la politique, c’est-à-dire décider ce qu’est l’homme et bâtir une cit
56 sein, rapporter nos jugements à une notion totale de l’homme d’une part, et aux demandes pratiques de l’autre, en réduisan
57 de l’homme d’une part, et aux demandes pratiques de l’autre, en réduisant tous les intermédiaires et sans tenir compte de
58 rêts électoraux, byzantins, perdus dans le détail de polémiques éphémères et d’intrigues puérilement compliquées, ridicule
59 perdus dans le détail de polémiques éphémères et d’ intrigues puérilement compliquées, ridiculement inefficaces dans l’ens
60 exiger qu’ils déclarent enfin quel est leur idéal de l’homme, si c’est le requin, ou le robot, ou la personne ; si c’est l
61 obot, ou la personne ; si c’est l’individu dégagé de tous liens, ou le fonctionnaire entièrement engagé dans une machine d
62 fonctionnaire entièrement engagé dans une machine d’ État qui dicte les pensées. Ou si ce n’est pas plutôt l’homme responsa
63 es. Ou si ce n’est pas plutôt l’homme responsable d’ une vocation qui le distingue, mais aussi le relie à la communauté, lu
64 à la communauté, lui conférant ainsi les devoirs de ses droits. Quand un parti se sera défini de la sorte, les citoyens s
65 oirs de ses droits. Quand un parti se sera défini de la sorte, les citoyens seront à même de juger si son action traduit s
66 ra défini de la sorte, les citoyens seront à même de juger si son action traduit son idéal, ou si au contraire elle le tra
67 si au contraire elle le trahit. Ils seront à même d’ exiger de leur parti la démonstration convaincante que les mesures qu’
68 traire elle le trahit. Ils seront à même d’exiger de leur parti la démonstration convaincante que les mesures qu’il précon
69 servent vraiment l’idéal qu’il déclare. Toute la vie politique en sera transformée. Et les partis redeviendront légitimes
70 artis redeviendront légitimes quand ils cesseront de se prendre ou d’être pris pour fin, et ne s’offriront plus que comme
71 nt légitimes quand ils cesseront de se prendre ou d’ être pris pour fin, et ne s’offriront plus que comme moyens d’une lutt
72 pour fin, et ne s’offriront plus que comme moyens d’ une lutte commune contre les vraies difficultés, celles que tout le mo
73 ur commencer Nous défendons ici une conception de l’homme qui déborde le cadre des partis, et surtout de la gauche et d
74 homme qui déborde le cadre des partis, et surtout de la gauche et de la droite. Nous voulons l’homme à la fois libre et en
75 e le cadre des partis, et surtout de la gauche et de la droite. Nous voulons l’homme à la fois libre et engagé, au nom d’u
76 qui a reçu vocation doit obtenir aussi la liberté de réaliser sa tâche unique, mais en même temps, et pour la même raison,
77 vis-à-vis de la communauté où l’engage l’exercice de sa tâche. Cette conception personnaliste de l’homme commande des atti
78 rcice de sa tâche. Cette conception personnaliste de l’homme commande des attitudes précises. Par exemple, elle oblige à c
79 e régime capitaliste libre, frustre le prolétaire de sa chance d’homme, et l’empêche de réaliser sa vocation. Elle nous ob
80 taliste libre, frustre le prolétaire de sa chance d’ homme, et l’empêche de réaliser sa vocation. Elle nous oblige à condam
81 le prolétaire de sa chance d’homme, et l’empêche de réaliser sa vocation. Elle nous oblige à condamner aussi dans les rég
82 nier et l’écraser. Enfin elle nous met en mesure de refuser les faux dilemmes entretenus par la lutte des partis. Prenez
83 etenus par la lutte des partis. Prenez le dilemme de la droite et de la gauche : concurrence libre ou étatisation. Nous di
84 tte des partis. Prenez le dilemme de la droite et de la gauche : concurrence libre ou étatisation. Nous disons qu’il n’y a
85 i davantage entre le mensonge du choléra et celui de la peste. Nous voulons la santé, qui est un équilibre, — et non pas l
86 é, qui est un équilibre, — et non pas l’exclusion de la moitié des organes. Nous voulons l’homme entier et non le partisan
87 rester libres. Cela ne doit pas être une querelle de partis, mais une question pratique d’aménagement, relevant de la natu
88 ne querelle de partis, mais une question pratique d’ aménagement, relevant de la nature même de l’homme, ce composé d’autom
89 ais une question pratique d’aménagement, relevant de la nature même de l’homme, ce composé d’automatismes et de libres pul
90 ratique d’aménagement, relevant de la nature même de l’homme, ce composé d’automatismes et de libres pulsions, créatrices,
91 relevant de la nature même de l’homme, ce composé d’ automatismes et de libres pulsions, créatrices, de « gauche » et de « 
92 ure même de l’homme, ce composé d’automatismes et de libres pulsions, créatrices, de « gauche » et de « droite », ou si l’
93 d’automatismes et de libres pulsions, créatrices, de « gauche » et de « droite », ou si l’on veut, de socialisme et de lib
94 de libres pulsions, créatrices, de « gauche » et de « droite », ou si l’on veut, de socialisme et de libéralisme. Nous vo
95 de « gauche » et de « droite », ou si l’on veut, de socialisme et de libéralisme. Nous voulons que les trains roulent, qu
96 de « droite », ou si l’on veut, de socialisme et de libéralisme. Nous voulons que les trains roulent, que le pain soit ve
97 idéologie confectionnée en vue de la seule prise de pouvoir, en se moquant bien des trains, du pain, de la jeunesse, et d
98 pouvoir, en se moquant bien des trains, du pain, de la jeunesse, et du sens de la vie des hommes dans la cité. Or, nous p
99 n des trains, du pain, de la jeunesse, et du sens de la vie des hommes dans la cité. Or, nous pouvons vraiment vouloir tou
100 trains, du pain, de la jeunesse, et du sens de la vie des hommes dans la cité. Or, nous pouvons vraiment vouloir tout cela,
101 nce d’un problème concret, nous prenons référence de l’homme et d’une certaine vision totale de l’homme, non pas de la tac
102 ème concret, nous prenons référence de l’homme et d’ une certaine vision totale de l’homme, non pas de la tactique particul
103 érence de l’homme et d’une certaine vision totale de l’homme, non pas de la tactique particulière et cyniquement électoral
104 d’une certaine vision totale de l’homme, non pas de la tactique particulière et cyniquement électorale d’un parti. Bref,
105 a tactique particulière et cyniquement électorale d’ un parti. Bref, nous voulons une politique à hauteur d’homme. Celle de
106 parti. Bref, nous voulons une politique à hauteur d’ homme. Celle des partis passe par-dessus les têtes ou vise trop bas ;
107 e première réalisation Une politique à hauteur d’ homme, axée sur la réalité de la personne à la fois libre et engagée :
108 politique à hauteur d’homme, axée sur la réalité de la personne à la fois libre et engagée : on ne manquera pas de dire q
109 e à la fois libre et engagée : on ne manquera pas de dire que c’est vague et arbitraire, parce que ce n’est pas électoral.
110 ’elle le soit. Ce serait sans doute le seul moyen d’ amener ces partis à travailler, chacun selon sa méthode, au bien commu
111 ste-personnaliste », est né dans quelques groupes de résistants inspirés de la manière la plus directe par les idées que n
112 t né dans quelques groupes de résistants inspirés de la manière la plus directe par les idées que nous venons de développe
113 Et si les Hollandais viennent de lui accorder 30 de leurs suffrages, à sa première présentation devant le corps électoral
114 corps électoral, c’est qu’il a fait en une année de leur pays, le grand gagnant européen de la course à la reconstruction
115 une année de leur pays, le grand gagnant européen de la course à la reconstruction. a. Rougemont Denis de, « À hauteur
116 ourse à la reconstruction. a. Rougemont Denis de , « À hauteur d’homme », Réforme, Paris, 1 juin 1946, p. 1.
117 struction. a. Rougemont Denis de, « À hauteur d’ homme », Réforme, Paris, 1 juin 1946, p. 1.
2 1946, Réforme, articles (1946–1980). Deux lettres sur la fin du monde (29 juin 1946)
118 n du monde pourrait bien se produire avant la fin de l’été prochain. Je tiens ma petite information d’un physicien des plu
119 de l’été prochain. Je tiens ma petite information d’ un physicien des plus remarquables qui, d’ailleurs, n’en fait pas de s
120 plus remarquables qui, d’ailleurs, n’en fait pas de secret, bien au contraire. Voilà. Le gouvernement américain ayant fai
121 fait annoncer, ces jours derniers, que des essais de bombe atomique allaient être tentés sur l’océan, notre savant a cru d
122 aient être tentés sur l’océan, notre savant a cru de son devoir d’avertir aussitôt Washington. D’après ses calculs, disait
123 tés sur l’océan, notre savant a cru de son devoir d’ avertir aussitôt Washington. D’après ses calculs, disait-il, cet essai
124 e Déluge, en comparaison, n’aurait été qu’un bain de pieds. Le gouvernement américain ayant également annoncé son intentio
125 t américain ayant également annoncé son intention de jeter une bombe sur la calotte polaire, pour voir ce que cela donnera
126 t simple : cela donnerait une idée fort approchée de la fin du monde. C’est à quoi nous en sommes, et c’est comique. On av
127 ’ordre universel que nous allons courir le risque d’ inonder et de brûler la terre entière. Personne ne rit. Personne non p
128 sel que nous allons courir le risque d’inonder et de brûler la terre entière. Personne ne rit. Personne non plus n’ose pro
129 urrez sans résister… En somme, j’aurais bien tort de ricaner. Tout le monde sait que le monde finira. Et qui ne voudrait f
130 que le monde finira. Et qui ne voudrait finir sa vie en même temps que celle du monde ? Il semble qu’il y ait là quelque c
131 le qu’il y ait là quelque consolation. L’amertume de mourir est aussi faite de l’idée qu’on manquera la suite de l’histoir
132 consolation. L’amertume de mourir est aussi faite de l’idée qu’on manquera la suite de l’histoire. C’est peut-être pourquo
133 est aussi faite de l’idée qu’on manquera la suite de l’histoire. C’est peut-être pourquoi les tout premiers chrétiens, s’i
134 t avec une grande facilité sous la main des nazis de l’époque. Saint Paul écrit aux croyants de Corinthe : « Voici, je vou
135 nazis de l’époque. Saint Paul écrit aux croyants de Corinthe : « Voici, je vous dis un mystère : nous ne mourrons pas tou
136 écrivant l’âge matérialiste où nous vivons, l’âge de l’extrême solidification des seules réalités qui nous restent sensibl
137 lum in favilla. Le Moyen Âge pensait qu’une pluie de feu suffirait à réduire la surface de la Terre et la vermine humaine
138 u’une pluie de feu suffirait à réduire la surface de la Terre et la vermine humaine qui s’y livre à ses vices. La Renaissa
139 nouveau Déluge. Léonard le figure dans une série de dessins où l’on peut voir un raz-de-marée soulever, dans ses volutes
140 qu’est-ce que cela nous ferait ? Ce serait la fin de la douleur du monde. Certains jours, il me semble que la folie des pe
141 des peuples, des gouvernants, des militaires, et de tous les irresponsables qui nous mènent, obéit secrètement au bon sen
142 i grande, avec notre Progrès, qu’il y a bien plus de gens au monde qui souhaitent d’en finir avec la vie, que de gens qui
143 ’il y a bien plus de gens au monde qui souhaitent d’ en finir avec la vie, que de gens qui voudraient qu’elle dure encore.
144 e gens au monde qui souhaitent d’en finir avec la vie , que de gens qui voudraient qu’elle dure encore. Comme si l’humanité,
145 monde qui souhaitent d’en finir avec la vie, que de gens qui voudraient qu’elle dure encore. Comme si l’humanité, au scru
146 é commune… « Viens, douce mort ! » ce beau choral de Bach, n’est-ce pas le soupir enfantin que l’on croit parfois distingu
147 une voix du rêve, dans les intervalles effrayants de la cacophonie mondiale ? Je ne vous en dis pas plus ce soir. Demain,
148 re monde est sans doute perdu, et c’est la raison de Noël. Dans cette nuit la plus longue de l’année, parce qu’il n’y avai
149 la raison de Noël. Dans cette nuit la plus longue de l’année, parce qu’il n’y avait plus qu’à désespérer, l’espoir est né.
150 s qu’à désespérer, l’espoir est né. Démonstration d’ une puissance indémontrable, et dont la touche ne saurait être enregis
151 ouche ne saurait être enregistrée que par le tout de l’homme qu’elle suscite : voilà pourquoi nos instruments, et nos fonc
152 sorielles en seront toujours incapables. Ce drôle de petit cri dans la paille m’indique tout autrement que les formules d’
153 paille m’indique tout autrement que les formules d’ Einstein que notre univers est fini, et que les seuls messages d’espoi
154 notre univers est fini, et que les seuls messages d’ espoir qui passent encore sont ceux qui vont de personne à personne. M
155 es d’espoir qui passent encore sont ceux qui vont de personne à personne. Me voici libéré de mes dernières craintes, et to
156 qui vont de personne à personne. Me voici libéré de mes dernières craintes, et tout libre d’imaginer, de choisir et de m’
157 i libéré de mes dernières craintes, et tout libre d’ imaginer, de choisir et de m’orienter personnellement vers la paix ou
158 mes dernières craintes, et tout libre d’imaginer, de choisir et de m’orienter personnellement vers la paix ou la mort. Dis
159 craintes, et tout libre d’imaginer, de choisir et de m’orienter personnellement vers la paix ou la mort. Disposition favor
160 reviens donc à mes atomes. Parmi tous les projets de contrôle de la Bombe que l’on a suggérés ces derniers mois, j’en reti
161 à mes atomes. Parmi tous les projets de contrôle de la Bombe que l’on a suggérés ces derniers mois, j’en retiens deux : 1
162 es derniers fourniraient ainsi la preuve par neuf de leurs bonnes intentions. 2° Donner la Bombe au gouvernement mondial,
163 hambres universelles seraient élues, l’une formée de délégués des États, l’autre de députés des peuples. (Je prends le mod
164 lues, l’une formée de délégués des États, l’autre de députés des peuples. (Je prends le modèle courant. Il faudrait l’ajus
165 des recherches scientifiques, Défense des droits de la personne, Transports planétaires. (Rien que de raisonnable, comme
166 de la personne, Transports planétaires. (Rien que de raisonnable, comme vous le voyez. On trouverait mieux, en s’appliquan
167 s idées pratiques et raisonnables que l’on traite de folies, à l’âge où l’on prépare dans le monde entier, à la demande gé
168 a aux affaires courantes : équilibrer les budgets de guerre, etc. Ce n’est pas qu’une angoisse diffuse ne soit sensible da
169 géré. Vous pensez que j’ai cédé au goût américain de la sensation, du biggest in the world. Et de vrai, c’est dans ce pays
170 cain de la sensation, du biggest in the world. Et de vrai, c’est dans ce pays que la première Bombe vient d’être construit
171 i, c’est dans ce pays que la première Bombe vient d’ être construite. Exagérée sans doute et dépassant la mesure de ce que
172 ruite. Exagérée sans doute et dépassant la mesure de ce que l’on connaissait avant le 6 août, elle est là, parce que l’hom
173 là, parce que l’homme l’a mise là. Et votre sens de la mesure peut se rebeller comme l’esprit devant la mort… Mais admett
174 forme, donc condenser, donc augmenter la réalité de l’objet ou de la situation. C’est donc toujours « exagérer » les trai
175 ondenser, donc augmenter la réalité de l’objet ou de la situation. C’est donc toujours « exagérer » les traits ou phénomèn
176 ettons que les armées retiennent une bonne partie de leur utilité au service des nations et de leur vertu d’ordre. Admetto
177 partie de leur utilité au service des nations et de leur vertu d’ordre. Admettons qu’elles arrivent encore à se battre. A
178 r utilité au service des nations et de leur vertu d’ ordre. Admettons qu’elles arrivent encore à se battre. Admettons que l
179 risés ne l’affirment. Admettons qu’il n’y ait pas de raz de marée, ni d’autres accidents d’ampleur continentale. Admettons
180 e l’affirment. Admettons qu’il n’y ait pas de raz de marée, ni d’autres accidents d’ampleur continentale. Admettons que no
181 ’y ait pas de raz de marée, ni d’autres accidents d’ ampleur continentale. Admettons que notre globe dure longtemps encore,
182 mps encore, et que la guerre militaire y prospère d’ autant mieux qu’elle sera dotée d’une armée de plus. Admettons que l’o
183 aire y prospère d’autant mieux qu’elle sera dotée d’ une armée de plus. Admettons que l’on invente une parade à la Bombe, s
184 ntage des coups tirés… Pensez-vous que les effets de la prochaine guerre seront très différents de ceux que j’ai prévus ?
185 ets de la prochaine guerre seront très différents de ceux que j’ai prévus ? La souffrance sera pire, l’agonie de la terre
186 e j’ai prévus ? La souffrance sera pire, l’agonie de la terre un peu plus longue, la fin de l’humanité non moins certaine,
187 , l’agonie de la terre un peu plus longue, la fin de l’humanité non moins certaine, le triomphe des « éléments d’ordre » a
188 té non moins certaine, le triomphe des « éléments d’ ordre » aussi énigmatique, et sans témoins. Je reconnais volontiers qu
189 ngtemps. Les choses ne se passeront peut-être pas de la manière soudaine et dramatique qu’un certain goût de l’antithèse m
190 manière soudaine et dramatique qu’un certain goût de l’antithèse m’incline parfois à souhaiter. La tragédie n’aura pas de
191 cline parfois à souhaiter. La tragédie n’aura pas de lignes pures, parce que nos choix ne sont pas si francs et que nos ch
192 chefs savent à peine ce qu’ils jouent. Une espèce d’ organisation mondiale ouvrira des bureaux confortables d’où sortiront
193 isation mondiale ouvrira des bureaux confortables d’ où sortiront quelques vœux incolores. Il est évident que les nations s
194 que l’une d’entre elles, Bombe en main, essaiera d’ imposer sa paix à toutes les autres. (Inutile même de la nommer.) Il e
195 mposer sa paix à toutes les autres. (Inutile même de la nommer.) Il est évident que les peuples se révolteront contre cett
196 fuse à ces évidences. On nous ressasse à longueur de journée qu’elle « n’est pas prête pour un gouvernement mondial ». Est
197 ix, cela veut dire que vous d’abord, vous refusez de faire le choix de la paix, parce que ses moyens vous déplaisent (supp
198 que vous d’abord, vous refusez de faire le choix de la paix, parce que ses moyens vous déplaisent (suppression des armées
199 t des souverainetés nationales). Mais en refusant de choisir la paix, vous votez tacitement pour la mort, et vous en rende
200 t vous en rendez responsable. Tout tient à chacun de nous. Et nous en sommes au point où il devient difficile de le cacher
201 t nous en sommes au point où il devient difficile de le cacher. Nos alibis ne trompent plus que nous-mêmes. Pour moi, je p
202 ais-je pas, quand je sais que l’enjeu n’est point de ceux que la défaite, mais la désertion seule puisse me faire perdre ?
203 e ? Je me rappelle cette voix, dans Isaïe, criant de Séir au prophète : « Sentinelle, que dis-tu de la nuit ? Sentinelle,
204 nt de Séir au prophète : « Sentinelle, que dis-tu de la nuit ? Sentinelle, que dis-tu de la nuit ? » La sentinelle a répon
205 e, que dis-tu de la nuit ? Sentinelle, que dis-tu de la nuit ? » La sentinelle a répondu : « Le matin vient et la nuit aus
206 matin vient et la nuit aussi ». Je n’ai pas fini d’ aimer ce cri. Les citations de la Bible vous irritent. Et vous me dire
207 ». Je n’ai pas fini d’aimer ce cri. Les citations de la Bible vous irritent. Et vous me direz : que fait Dieu dans tout ce
208 Terre, elle sautera et ce sera très bien. Au-delà de ce « clin d’œil », Il nous attend. b. Rougemont Denis de, « Deux
209 n d’œil », Il nous attend. b. Rougemont Denis de , « Deux lettres sur la fin du monde », Réforme, Paris, 29 juin 1946,
3 1946, Réforme, articles (1946–1980). Vues générales des Églises de New York (12 octobre 1946)
210 Vues générales des Églises de New York (12 octobre 1946)c Je n’ai pas encore découvert cet autel
211 aint Paul admirait à Athènes, mais j’ai tout lieu de croire qu’il existe à New York. Serait-ce cette église du Centre Abso
212 je vois annoncée la « causerie mystique » en fin de la liste des services religieux, dans le New York Times du samedi ? R
213 New York Times du samedi ? Remontant ces colonnes d’ annonces qui tiennent une demi-page du journal, je trouve les rubrique
214 Société védantiste, Église universaliste, Église de l’Unité, unitariens, théosophes, spiritualistes, catholiques romains,
215 qui n’annoncent pas leurs cultes : les luthériens de Finlande et de Suède, les orthodoxes serbes, grecs, ukrainiens et rus
216 pas leurs cultes : les luthériens de Finlande et de Suède, les orthodoxes serbes, grecs, ukrainiens et russes, les vieux-
217 réformés hongrois, l’Église catholique nationale de Pologne. Et cinquante sectes. Approchons-nous de ces églises par l’ex
218 de Pologne. Et cinquante sectes. Approchons-nous de ces églises par l’extérieur : par leur histoire d’abord, puis par l’a
219 ar leur histoire d’abord, puis par l’architecture de leurs sanctuaires, enfin par le spectacle de leurs cultes. Séparati
220 ture de leurs sanctuaires, enfin par le spectacle de leurs cultes. Séparations et réunions Les États-Unis ont été fon
221 ts-Unis ont été fondés par des groupes successifs de colons, la plupart exilés pour cause de religion. Tous ces pionniers
222 uccessifs de colons, la plupart exilés pour cause de religion. Tous ces pionniers étaient d’abord les fanatiques d’une foi
223 Tous ces pionniers étaient d’abord les fanatiques d’ une foi, rejetés par l’Europe, et qui venaient chercher en Amérique la
224 , et qui venaient chercher en Amérique la liberté de célébrer leur culte. Ils y trouvèrent aussi la possibilité de fonder
225 leur culte. Ils y trouvèrent aussi la possibilité de fonder des cités idéales, conformes à leurs doctrines morales et poli
226 onformes à leurs doctrines morales et politiques. D’ où le caractère social très accentué que pris, dès le début, leur vie
227 social très accentué que pris, dès le début, leur vie religieuse ; d’où aussi, le caractère religieux de leur civisme. La s
228 tué que pris, dès le début, leur vie religieuse ; d’ où aussi, le caractère religieux de leur civisme. La structure politiq
229 e religieuse ; d’où aussi, le caractère religieux de leur civisme. La structure politique des États-Unis reflète encore, d
230 tructure politique des États-Unis reflète encore, de nos jours, le jeu complexe de ces apports confessionnels, ceux-ci se
231 nis reflète encore, de nos jours, le jeu complexe de ces apports confessionnels, ceux-ci se confondant d’ailleurs, le plus
232 appartient à l’Église réformée a bien des chances d’ avoir des ancêtres hollandais, allemands ou suédois s’il est né luthér
233 taliens, polonais ou irlandais. À ces différences d’ origine sont venues s’ajouter, dès le xviiie siècle des différences d
234 s’ajouter, dès le xviiie siècle des différences de classes : l’Église baptiste est largement populaire, la méthodiste au
235 ste aussi (elles comptent chacune 9 à 10 millions de membres), tandis que l’Église presbytérienne et l’Église protestante-
236 n’a rien à voir avec la diversité des confessions d’ origine nationale. C’est au xixe siècle qu’elle a sévi, pour des rais
237 hiques au moins autant que doctrinales. La guerre de Sécession a coupé en deux groupes, Sud et Nord, la plupart des grande
238 ndance sectaire s’y faisait virulente, entraînant de nouvelles divisions, jusqu’à donner naissance à des « églises » qui n
239 ises » qui ne comptaient que quelques centaines «  d’ élus ». Avec le xxe siècle et l’achèvement de la colonisation du cont
240 s « d’élus ». Avec le xxe siècle et l’achèvement de la colonisation du continent, peut-être par l’effet d’une réaction no
241 colonisation du continent, peut-être par l’effet d’ une réaction normale, peut-être aussi parce que les communications rap
242 mmunications rapides et les fréquents changements de domicile facilitaient des contacts nouveaux et tendaient à dissoudre
243 ditionnelles se sont reconstituées en une dizaine de corps qui représentent la grande majorité des protestants. Et ces réu
244 icans étudient, depuis quelques années, un projet d’ union organique. Quelle que soit par ailleurs l’évolution interne de c
245 Quelle que soit par ailleurs l’évolution interne de cette « poussière de sectes », comme disent les étrangers (scandalisé
246 ailleurs l’évolution interne de cette « poussière de sectes », comme disent les étrangers (scandalisés par une diversité d
247 lupart européennes), voici le fait qu’il convient de souligner : ces étiquettes ne correspondent nullement à des antagonis
248 au contraire, c’est l’uniformité des conceptions de la vie chrétienne, dans les diverses dénominations, qui peut frapper
249 ntraire, c’est l’uniformité des conceptions de la vie chrétienne, dans les diverses dénominations, qui peut frapper l’obser
250 ervateur. Une promenade dans Manhattan commencera de nous en convaincre. Du gothique neuf On m’avait dit que je verr
251 neuf On m’avait dit que je verrais à New York de pauvres petites églises tout écrasées entre des gratte-ciel triomphan
252 nérées et fréquentées par la moitié des habitants de ces gratte-ciel, qui ne voient d’ailleurs aucun inconvénient à ce qu’
253 ent d’ailleurs aucun inconvénient à ce qu’un lieu de culte soit moins haut qu’un building, comme une hostie est moins gros
254 it pas dit non plus que New York possède, en plus de ces églises, la plus grande cathédrale du monde : St-Jean-de-Dieu, éd
255 ale du monde : St-Jean-de-Dieu, édifiée au sommet d’ une colline de granit dominant Manhattan. C’est le siège de l’évêque a
256 St-Jean-de-Dieu, édifiée au sommet d’une colline de granit dominant Manhattan. C’est le siège de l’évêque anglican de New
257 line de granit dominant Manhattan. C’est le siège de l’évêque anglican de New York. (Dommage qu’un édifice construit au xx
258 nt Manhattan. C’est le siège de l’évêque anglican de New York. (Dommage qu’un édifice construit au xxe siècle copie scrup
259 ques.) Je remonte la Cinquième Avenue, en partant de Washington Square. Voici d’abord, à deux-cents mètres l’une de l’autr
260 Square. Voici d’abord, à deux-cents mètres l’une de l’autre, deux églises au clocher oxfordien : l’une anglicane, l’autre
261 ssédant toutes les deux leur autel, leurs stalles de chœur et leur pupitre pour la Bible, d’où pend un ruban large à la co
262 s stalles de chœur et leur pupitre pour la Bible, d’ où pend un ruban large à la couleur de la saison ou de la fête liturgi
263 r la Bible, d’où pend un ruban large à la couleur de la saison ou de la fête liturgique. Plus haut, l’église collégiale ho
264 pend un ruban large à la couleur de la saison ou de la fête liturgique. Plus haut, l’église collégiale hollandaise, de st
265 ique. Plus haut, l’église collégiale hollandaise, de style baroque, en marbre blanc ; et vis-à-vis, dans un jardin, une ég
266 din, une église anglo-catholique, toute encombrée de poutres et d’images : c’est là que les acteurs vont se marier. Plus h
267 e anglo-catholique, toute encombrée de poutres et d’ images : c’est là que les acteurs vont se marier. Plus haut encore, un
268 s, aussi dissymétrique que Saint-Étienne-du-Mont, de l’extérieur, mais la nef et le chœur, fort classiques, s’ornent d’une
269 ais la nef et le chœur, fort classiques, s’ornent d’ une rosace bleue et de sculptures précieuses. Sur les pages d’un gros
270 , fort classiques, s’ornent d’une rosace bleue et de sculptures précieuses. Sur les pages d’un gros livre, ouvert dans le
271 bleue et de sculptures précieuses. Sur les pages d’ un gros livre, ouvert dans le vestibule, je lis les signatures de visi
272 , ouvert dans le vestibule, je lis les signatures de visiteurs de toutes confessions (ils les indiquent et je note beaucou
273 le vestibule, je lis les signatures de visiteurs de toutes confessions (ils les indiquent et je note beaucoup de Roman Ca
274 n mosaïque. Christ Church est méthodiste. Colonne de marbre noir, mais un autel et des retables en gothiques flamboyant, t
275 yant, trop dorés. Plus loin, l’église luthérienne de Saint-Pierre, déshonorée par des vitraux livides et plus sulpiciens q
276 utel est dominé par des boiseries sombres, ornées de branches de sapin de Noël. Et partout, dans tous ces sanctuaires, le
277 iné par des boiseries sombres, ornées de branches de sapin de Noël. Et partout, dans tous ces sanctuaires, le même parfum
278 es boiseries sombres, ornées de branches de sapin de Noël. Et partout, dans tous ces sanctuaires, le même parfum de chêne
279 artout, dans tous ces sanctuaires, le même parfum de chêne ciré, de luxe, de dignité, de dévotion correcte… Le goût de
280 us ces sanctuaires, le même parfum de chêne ciré, de luxe, de dignité, de dévotion correcte… Le goût de la cérémonie
281 nctuaires, le même parfum de chêne ciré, de luxe, de dignité, de dévotion correcte… Le goût de la cérémonie Un diman
282 e même parfum de chêne ciré, de luxe, de dignité, de dévotion correcte… Le goût de la cérémonie Un dimanche matin à
283 uxe, de dignité, de dévotion correcte… Le goût de la cérémonie Un dimanche matin à New York : voilà le temps, voilà
284 s et des principaux rites occidentaux, dépouillés de leur patine, reconstitués, discrètement archéologiques. Le peuple amé
285 u moins en veston bordé, à la boutonnière fleurie d’ un œillet blanc, s’empressent. Ils vous dirigent avec une fermeté cord
286 meté cordiale vers les sièges libres ou dépourvus de plaque au nom de leur propriétaire. Déjà le chœur fait son entrée, en
287 en robes noires, surplis blancs et bonnets, suivi de pasteurs chamarrés des insignes de leur grade académique, longs capuc
288 bonnets, suivi de pasteurs chamarrés des insignes de leur grade académique, longs capuchons rouges, jaunes, bleus ou viole
289 e discipline sans défaut. Ceci chez les baptistes de Riverside, l’église du Révérend Fosdick, comme chez les anglicans des
290 rick, observent durant les offices une correction de maintien presque presbytérienne. Entrez dans une église, au hasard, v
291 bytériens, on distribue la crème sur des plateaux d’ argent qui circulent dans les bancs, de main en main, et toute l’églis
292 s plateaux d’argent qui circulent dans les bancs, de main en main, et toute l’église apparaît transformée en une salle de
293 toute l’église apparaît transformée en une salle de banquet silencieux. Partout, des chœurs en robe, des fleurs, des croi
294 ndalisé le protestant français qui assiste à l’un de ces cultes. Mais un de mes amis, argentin, sortant de la messe à Sain
295 rançais qui assiste à l’un de ces cultes. Mais un de mes amis, argentin, sortant de la messe à Saint-Patrick, se plaignait
296 es cultes. Mais un de mes amis, argentin, sortant de la messe à Saint-Patrick, se plaignait de l’absence toute « protestan
297 sortant de la messe à Saint-Patrick, se plaignait de l’absence toute « protestante » du désordre gentil, de la distraction
298 absence toute « protestante » du désordre gentil, de la distraction ou des marques de ferveur théâtrale qu’il s’attendait
299 désordre gentil, de la distraction ou des marques de ferveur théâtrale qu’il s’attendait à retrouver dans un tel lieu… Plu
300 rites, coutumes et décors, comment les chrétiens d’ Amérique conçoivent-ils et vivent-ils leurs croyances ? J’essaierai, d
301 royances ? J’essaierai, dans un prochain article, de rassembler les éléments d’une réponse qui ménage certaines pudeurs de
302 s un prochain article, de rassembler les éléments d’ une réponse qui ménage certaines pudeurs de l’âme, et le mystère inhér
303 éments d’une réponse qui ménage certaines pudeurs de l’âme, et le mystère inhérent à ce genre de problème. c. Rougemon
304 deurs de l’âme, et le mystère inhérent à ce genre de problème. c. Rougemont Denis de, « Vues générales des Églises de
305 nt à ce genre de problème. c. Rougemont Denis de , « Vues générales des Églises de New York », Réforme, Paris, 12 octob
306 Rougemont Denis de, « Vues générales des Églises de New York », Réforme, Paris, 12 octobre 1946, p. 2. d. Le texte porte
4 1946, Réforme, articles (1946–1980). Spiritualité américaine (19 octobre 1946)
307 octobre 1946)e À l’origine et au premier rang de la lutte contre l’esclavage, de la lutte pour la prohibition, de la l
308 t au premier rang de la lutte contre l’esclavage, de la lutte pour la prohibition, de la lutte pour les droits du travail,
309 tre l’esclavage, de la lutte pour la prohibition, de la lutte pour les droits du travail, du pacifisme militant, bref, de
310 s droits du travail, du pacifisme militant, bref, de toutes les grandes causes publiques en Amérique, vous trouverez une é
311 ses ont fourni aux Pionniers les rudiments vitaux de morale civique et privée sans lesquels nulle société n’est possible.
312 ulle société n’est possible. Il ne s’agissait pas de « moralisme » (les ismes n’apparaissaient qu’une fois le combat rompu
313 ’apparaissaient qu’une fois le combat rompu) ni «  d’ évangile social ». Il s’agissait d’une lutte pour l’existence, et les
314 at rompu) ni « d’évangile social ». Il s’agissait d’ une lutte pour l’existence, et les pasteurs y tenaient une fonction di
315 t une fonction directrice. Elle leur est disputée de nos jours par la science vulgarisée, les commentateurs de radio, l’éc
316 ours par la science vulgarisée, les commentateurs de radio, l’école publique, le cinéma et les comités. Mais ils en ont ga
317 anisme est avant tout une force sociale, un moyen d’ assurer une vie décente et de l’améliorer sur tous les plans. Le chris
318 nt tout une force sociale, un moyen d’assurer une vie décente et de l’améliorer sur tous les plans. Le christianisme europé
319 ce sociale, un moyen d’assurer une vie décente et de l’améliorer sur tous les plans. Le christianisme européen, même aux t
320 christianisme européen, même aux temps héroïques d’ avant le Moyen Âge, quand il assumait lui aussi toute la charge de la
321 Âge, quand il assumait lui aussi toute la charge de la culture et du maintien de la morale dans la cité, préparait à la m
322 ussi toute la charge de la culture et du maintien de la morale dans la cité, préparait à la mort plus qu’à la vie. La paro
323 le dans la cité, préparait à la mort plus qu’à la vie . La paroisse était la commune. Aujourd’hui, le plus petit village com
324 es des relations sociales, des banquets, des jeux de loto, des comités variés, des conférences, des films, un peu de danse
325 n peu de danse, les cultes du dimanche et parfois de la semaine, bref, un milieu. Le pasteur se trouve donc à la tête d’un
326 f, un milieu. Le pasteur se trouve donc à la tête d’ un organisme assez complexe. Mais il dispose d’aides nombreuses : un s
327 te d’un organisme assez complexe. Mais il dispose d’ aides nombreuses : un suppléant souvent, un chef de chœur, les préside
328 ’aides nombreuses : un suppléant souvent, un chef de chœur, les présidents des divers comités, les diacres ou les vestryme
329 rs comités, les diacres ou les vestrymen (anciens d’ Église), et beaucoup de dames avides de donner libre cours à leur fame
330 n (anciens d’Église), et beaucoup de dames avides de donner libre cours à leur fameuse efficiency. Sa fonction principale
331 euse efficiency. Sa fonction principale sera donc de parler, et ce n’est pas le dimanche qu’il parlera le plus, car son se
332 n sermon ne dépasse pas vingt minutes : une leçon de civisme ou de morale, incitant les fidèles à adopter les maximes d’un
333 passe pas vingt minutes : une leçon de civisme ou de morale, incitant les fidèles à adopter les maximes d’une vie plus sat
334 orale, incitant les fidèles à adopter les maximes d’ une vie plus satisfaisante à tous égards. On me demandera : Qu’y a-t-i
335 incitant les fidèles à adopter les maximes d’une vie plus satisfaisante à tous égards. On me demandera : Qu’y a-t-il de pr
336 ante à tous égards. On me demandera : Qu’y a-t-il de proprement religieux dans tout cela ? Tout et rien, répondrai-je, et
337 que que le christianisme est la meilleure manière de vivre, un idéal qu’il faut mettre en pratique moins pour aller au Par
338 ment tous ses habitants se décidaient à mener une vie « décente »… Sur quoi, l’Européen frotté d’un peu de théologie va s’é
339 une vie « décente »… Sur quoi, l’Européen frotté d’ un peu de théologie va s’écrier que dans cet idéal, il ne voit rien de
340 e va s’écrier que dans cet idéal, il ne voit rien de chrétien que l’étiquette, couvrant d’ailleurs des marchandises de pro
341 l’étiquette, couvrant d’ailleurs des marchandises de provenance nettement païenne : la morale du bonheur, par exemple. Com
342 n mystique, un ascète, un grand spirituel, un fou de Dieu, un martyr, — un pécheur ! Cependant, ces Américains répètent le
343 ent vers l’autel fleuri par M. Smith, en souvenir de ses parents défunts. Ils communient en très grand nombre et fort souv
344 onnance du culte sans défaut. Au surplus, ce sont de braves gens, plus généreux que les Européens, plus indulgents dans le
345 us accueillants… Mais n’allez pas leur poser trop de questions sur le sens symbolique de leurs cérémonies, sur le péché, l
346 ur poser trop de questions sur le sens symbolique de leurs cérémonies, sur le péché, la grâce, la transcendance, que sais-
347 âce, la transcendance, que sais-je. Les choristes de Christ Church (méthodiste) sont vêtus de robes et de barrettes de vel
348 horistes de Christ Church (méthodiste) sont vêtus de robes et de barrettes de velours rouge, et siègent en demi-cercle dan
349 Christ Church (méthodiste) sont vêtus de robes et de barrettes de velours rouge, et siègent en demi-cercle dans le fond du
350 (méthodiste) sont vêtus de robes et de barrettes de velours rouge, et siègent en demi-cercle dans le fond du chœur, sépar
351 ent en demi-cercle dans le fond du chœur, séparés de l’autel par des ogives en bois doré : une véritable miniature de Livr
352 des ogives en bois doré : une véritable miniature de Livres d’Heures. Pourquoi ce rouge et cette dorure ? Cela fait bien,
353 en bois doré : une véritable miniature de Livres d’ Heures. Pourquoi ce rouge et cette dorure ? Cela fait bien, et c’est «
354 inefficacité et l’inadaptation sociale, résultats d’ une mauvaise hygiène morale. Qu’est-ce que la grâce ? Un optimisme fon
355 ment réactionnaire. Et le Mal, enfin ? Un trouble de fonctionnement qu’une éducation rationnelle et la culture des sentime
356 rviendraient à éliminer. Personne n’est juge même d’ une seule âme, même de la sienne. Et je viens de parler en général de
357 r. Personne n’est juge même d’une seule âme, même de la sienne. Et je viens de parler en général de 65 millions de chrétie
358 me de la sienne. Et je viens de parler en général de 65 millions de chrétiens américains, j’entends de membres inscrits d’
359 . Et je viens de parler en général de 65 millions de chrétiens américains, j’entends de membres inscrits d’une paroisse, d
360 de 65 millions de chrétiens américains, j’entends de membres inscrits d’une paroisse, dont 40 millions de protestants. En
361 rétiens américains, j’entends de membres inscrits d’ une paroisse, dont 40 millions de protestants. En vérité, je n’ai décr
362 membres inscrits d’une paroisse, dont 40 millions de protestants. En vérité, je n’ai décrit qu’une atmosphère, et les croy
363 us loin. Mais sans prétendre à dépasser le niveau d’ une sociologie religieuse, je voudrais indiquer le dilemme que pose à
364 se face au siècle pour lui prêcher le pur message de la foi mais alors elle n’est plus dans le monde, qui s’organise sans
365 plus. Ou bien vous mettez le message à la portée de la masse et dans le style du jour, mais certains mots ne sauraient y
366 t et résurrection ; ou bien vous parlez du péché, de la grâce et du sacrifice, mais ces mots n’ont plus cours dans la pres
367 ommes un à un, comme des héros tragiques, au-delà de toutes les aides de la morale et de la religion… Il ne me reste plus
368 des héros tragiques, au-delà de toutes les aides de la morale et de la religion… Il ne me reste plus qu’à noter que Kierk
369 ques, au-delà de toutes les aides de la morale et de la religion… Il ne me reste plus qu’à noter que Kierkegaard, précisém
370 n contredit bien d’autres. e. Rougemont Denis de , « Spiritualité américaine », Réforme, Paris, 19 octobre 1946, p. 2.
5 1948, Réforme, articles (1946–1980). Roger Breuil qui vient de mourir était un grand romancier protestant (13 mars 1948)
371 , il y a quelques semaines, car nous avions parlé d’ une pièce que nous comptions écrire ensemble. Nous étions amis depuis
372 uis dix-sept ans, et sans question, pour le reste de notre vie. Il est difficile de comprendre que c’est fini. Je retrouve
373 ept ans, et sans question, pour le reste de notre vie . Il est difficile de comprendre que c’est fini. Je retrouve sa derniè
374 ion, pour le reste de notre vie. Il est difficile de comprendre que c’est fini. Je retrouve sa dernière lettre : il ne m’y
375 retrouve sa dernière lettre : il ne m’y parle que de notre projet, et je n’ai pas encore répondu. Il est difficile de comp
376 , et je n’ai pas encore répondu. Il est difficile de comprendre que ce qui était tourné vers l’avenir est devenu tout d’un
377 ce qui était tourné vers l’avenir est devenu tout d’ un coup du passé, est fini. Que veut-il signifier, par ce retrait soud
378 re, et qui nous aime. ⁂ Je relis la dernière page de sa Galopine, où il dit cela, et chaque mot porte. Je voudrais que vou
379 ement je comprends que Roger Breuil n’a pas cessé de représenter pour moi l’inquiétude de la vocation, son cheminement imp
380 ’a pas cessé de représenter pour moi l’inquiétude de la vocation, son cheminement imprévisible, son mystère. En termes de
381 ermes de psychologie courante, il faudrait parler de pudeur. Mais cette pudeur cachait une étrange liberté, celle que donn
382 les plus aventureuses en apparence, la certitude d’ une vérité qui sur nous-mêmes en sait plus long que nous. Moins on en
383 mieux elle sait se faire entendre. ⁂ Ce mouvement de retrait constamment renouvelé ; cette manière de poser une question,
384 de retrait constamment renouvelé ; cette manière de poser une question, ou plutôt d’indiquer qu’elle se pose, mais de s’a
385  ; cette manière de poser une question, ou plutôt d’ indiquer qu’elle se pose, mais de s’abstenir d’y répondre parce que la
386 stion, ou plutôt d’indiquer qu’elle se pose, mais de s’abstenir d’y répondre parce que la réponse n’est pas la nôtre ; cet
387 ôt d’indiquer qu’elle se pose, mais de s’abstenir d’ y répondre parce que la réponse n’est pas la nôtre ; cet effacement de
388 ue la réponse n’est pas la nôtre ; cet effacement de l’individu, avouant (non sans humour) bien des incertitudes, comme po
389 uve des marques sensibles dans tous mes souvenirs de lui, et dans son œuvre : c’était son style, son art, et sa vraie forc
390 t que tout ce qu’on peut en dire. Voilà le secret de la liberté d’un écrivain qui se voulait fidèle en vérité. De tous les
391 qu’on peut en dire. Voilà le secret de la liberté d’ un écrivain qui se voulait fidèle en vérité. De tous les romanciers co
392 té d’un écrivain qui se voulait fidèle en vérité. De tous les romanciers contemporains, il est celui dont l’œuvre est le p
393 t pourquoi il n’en parle jamais, et se garde bien d’ utiliser ses personnages pour exposer des « idées religieuses ». Il no
394 et des femmes qui vivent comme ils le peuvent la vie contemporaine, il les suit de très près, d’une allure naturelle, avec
395 ils le peuvent la vie contemporaine, il les suit de très près, d’une allure naturelle, avec une secrète tendresse, souven
396 t la vie contemporaine, il les suit de très près, d’ une allure naturelle, avec une secrète tendresse, souvent avec une iro
397 ne secrète tendresse, souvent avec une ironie née de l’exactitude du regard. Certains ne signifient rien et ne s’en douten
398 se refuse à la nommer pour eux comme le font trop de romanciers chrétiens — mais aussi à la nier ou la dénaturer comme le
399 le font tant de romanciers athées. Avec une sorte d’ honnêteté très rare, peut-être unique dans la littérature française, t
400 la proie ; et ce respect des âmes donne à chacun de ses livres — même à ceux où l’on n’allait voir qu’un plaisir tout gra
401 où l’on n’allait voir qu’un plaisir tout gratuit de conteur né — de grandes marges et des prolongements, une qualité d’ap
402 t voir qu’un plaisir tout gratuit de conteur né — de grandes marges et des prolongements, une qualité d’appel lancinante,
403 grandes marges et des prolongements, une qualité d’ appel lancinante, nostalgique, et finalement heureuse, comme exaucée…
404 exaucée… Il était le meilleur écrivain protestant de nos contemporains (bien que son œuvre soit indemne de toute référence
405 os contemporains (bien que son œuvre soit indemne de toute référence insistante à la foi qui l’inspire, et de tout langage
406 e référence insistante à la foi qui l’inspire, et de tout langage pieux). Il est entré dans les grandes marges de cette vi
407 gage pieux). Il est entré dans les grandes marges de cette vie, et son dernier retrait, le plus énigmatique, achève une œu
408 x). Il est entré dans les grandes marges de cette vie , et son dernier retrait, le plus énigmatique, achève une œuvre d’espé
409 er retrait, le plus énigmatique, achève une œuvre d’ espérance. f. Rougemont Denis de, « Roger Breuil qui vient de mour
410 ève une œuvre d’espérance. f. Rougemont Denis de , « Roger Breuil qui vient de mourir était un grand romancier protesta
6 1948, Réforme, articles (1946–1980). L’Europe, aventure du xxe siècle (1er mai 1948)
411 du xxe siècle (1er mai 1948)g Il y a l’utopie de l’Europe, et il y a l’aventure de l’Europe. Cette distinction fondame
412 Il y a l’utopie de l’Europe, et il y a l’aventure de l’Europe. Cette distinction fondamentale correspond à deux attitudes,
413 pies, c’est qu’elles sont en réalité moins riches d’ avenir que le présent. Je dirais même, sans trop de paradoxe, que l’ut
414 ’avenir que le présent. Je dirais même, sans trop de paradoxe, que l’utopie peut se définir en général comme un système sa
415 e un système sans avenir. Le plus grand historien de notre temps, Arnold Toynbee, fait observer que les utopies classiques
416 ont, en réalité, et je le cite : « des programmes d’ action déguisés en descriptions sociologiques imaginaires ». Mais l’ac
417 es ». Mais l’action qu’elles proposent n’est rien d’ autre que l’arrêt artificiel, à un certain niveau, d’une société en dé
418 utre que l’arrêt artificiel, à un certain niveau, d’ une société en décadence. On isole de cette société les éléments que l
419 tain niveau, d’une société en décadence. On isole de cette société les éléments que l’on considère comme bons, et l’on en
420 l’abri des menaces grossières comme des créations de l’esprit, insensible aux défis toujours renouvelés de la réalité touj
421 ’esprit, insensible aux défis toujours renouvelés de la réalité toujours changeante, bref : hors du courant de l’Histoire.
422 alité toujours changeante, bref : hors du courant de l’Histoire. Dans ce sens, « défendre l’Europe » est aujourd’hui une u
423 lle qu’elle est, pessimiste et divisée, encombrée de frontières qui l’empêchent de respirer, menacée à chaque instant d’un
424 divisée, encombrée de frontières qui l’empêchent de respirer, menacée à chaque instant d’une sorte d’hémiplégie, soit que
425 l’empêchent de respirer, menacée à chaque instant d’ une sorte d’hémiplégie, soit que la gauche réussisse à paralyser la dr
426 de respirer, menacée à chaque instant d’une sorte d’ hémiplégie, soit que la gauche réussisse à paralyser la droite ou l’in
427 pratiquement indéfendable. Je m’explique : Tenter d’ unir en une alliance défensive nos États-nations tels qu’ils sont, ten
428 ensive nos États-nations tels qu’ils sont, tenter de coaliser leurs souverainetés pour lutter contre les empires, ce serai
429 loir coaliser précisément les facteurs principaux de notre décadence. Une sainte alliance de nos microbes ne me paraît pas
430 rincipaux de notre décadence. Une sainte alliance de nos microbes ne me paraît pas le moyen de sauver notre santé. Une sai
431 lliance de nos microbes ne me paraît pas le moyen de sauver notre santé. Une sainte alliance des souverainetés dont nous m
432 nt nous mourons ne nous rendrait pas davantage la vie . Nos frontières, nos cordons douaniers, suffisent à empêcher nos bien
433 cordons douaniers, suffisent à empêcher nos biens de circuler, mais n’arrêteront pas les armées. Je dis donc que vouloir l
434 t pas les armées. Je dis donc que vouloir l’union de l’Europe sans rien changer à sa structure économique et politique, c’
435 l’Europe conformément à son génie, qui est celui de la liberté, et dans les conditions du xxe siècle, qui sont celles de
436 ns les conditions du xxe siècle, qui sont celles de l’organisation ; rappeler à cette Europe qui se sent diminuée qu’elle
437 sent diminuée qu’elle compte encore 250 millions d’ habitants, les plus travailleurs et les plus inventifs de toute la ter
438 ants, les plus travailleurs et les plus inventifs de toute la terre, c’est-à-dire du seul point de vue de la quantité, plu
439 toute la terre, c’est-à-dire du seul point de vue de la quantité, plus que la Russie et deux fois plus que l’Amérique ; l’
440 fédérer dans sa diversité, en vue de maintenir et d’ illustrer une certaine notion de l’homme dont, malgré toutes ses infid
441 e de maintenir et d’illustrer une certaine notion de l’homme dont, malgré toutes ses infidélités, elle reste aux yeux du m
442 t l’aventure du xxe siècle, et c’est la vocation de cette génération. L’aventure Depuis quelques semaines, ou quelq
443 epuis quelques semaines, ou quelques mois, l’idée de l’union européenne a fait des progrès étonnants, sinon dans la réalit
444 rnements travaillent encore en fait, dans le sens de l’utopie que je viens de décrire, et que le sort de l’aventure réelle
445 l’utopie que je viens de décrire, et que le sort de l’aventure réelle n’est pas ailleurs que dans nos mains : nous, l’opi
446 ue dans nos mains : nous, l’opinion, les citoyens de l’Europe, ceux qui sont décidés à fournir l’effort d’invention à la h
447 ’Europe, ceux qui sont décidés à fournir l’effort d’ invention à la hauteur du siècle. Je disais à Montreux en septembre de
448 à Montreux en septembre dernier, lors du congrès de l’Union européenne des fédéralistes : Si l’Europe doit durer, c’est
449 alistes qu’elle le devra, et à eux seuls. Sur qui d’ autre peut-elle compter ? Elle ne doit pas compter sur les gens au pou
450 u pouvoir. J’en connais peu qui aient l’intention de le laisser limiter, et c’est pourtant ce que nous leur demandons. Tou
451 urvivre aussi longtemps que possible avec l’appui de la police. Or l’être des gouvernements, dans le monde actuel, c’est l
452 tes ou méchants, mais leur fonction leur interdit de céder un pouce, et dans l’état présent de l’opinion et des rivalités
453 nterdit de céder un pouce, et dans l’état présent de l’opinion et des rivalités de partis, ils courraient le risque d’être
454 dans l’état présent de l’opinion et des rivalités de partis, ils courraient le risque d’être accusés de trahison s’ils tra
455 des rivalités de partis, ils courraient le risque d’ être accusés de trahison s’ils transigeaient un seul instant avec le d
456 e partis, ils courraient le risque d’être accusés de trahison s’ils transigeaient un seul instant avec le dogme de la souv
457 s’ils transigeaient un seul instant avec le dogme de la souveraineté absolue. L’union, la paix, que la plupart d’entre eux
458 la prendre dans quinze jours, aux états généraux de l’Europe, convoqués à La Haye pour le 7 mai. Où elle mène Je ne
459 ur les résolutions auxquelles aboutira ce congrès de l’Europe. Le 19 juin 1789, personne ne prévoyait le serment du Jeu de
460 uin 1789, personne ne prévoyait le serment du Jeu de Paume, qui marqua le lendemain un tournant de l’Histoire. Ce que je s
461 Jeu de Paume, qui marqua le lendemain un tournant de l’Histoire. Ce que je sais, c’est notre volonté, et c’est le but préc
462 nt nécessaires. Nous voulons au-dessus des États, de toute urgence, un Conseil politique de l’Europe. Nous voulons que ce
463 des États, de toute urgence, un Conseil politique de l’Europe. Nous voulons que ce Conseil soit contrôlé par un Parlement
464 ons que ce Conseil soit contrôlé par un Parlement de l’Europe. Nous voulons qu’un Conseil économique entreprenne la mise e
465 Conseil économique entreprenne la mise en commun de nos ressources naturelles. Et nous voulons qu’un Centre de la culture
466 ssources naturelles. Et nous voulons qu’un Centre de la culture donne un organe, une voix et une autorité, à la conscience
467 instituer une Cour suprême, qui soit la gardienne de la Charte des droits et des devoirs de la personne, et à laquelle pui
468 gardienne de la Charte des droits et des devoirs de la personne, et à laquelle puissent en appeler directement, contre l’
469 es, et les minorités. Ainsi sera garanti le droit d’ opposition, faute duquel il est dérisoire de parler de démocratie. Fin
470 droit d’opposition, faute duquel il est dérisoire de parler de démocratie. Finalement nous voulons l’Europe, parce que san
471 position, faute duquel il est dérisoire de parler de démocratie. Finalement nous voulons l’Europe, parce que sans elle le
472 , et que l’alternative n’est plus, pour nous, que d’ empêcher cette guerre ou de périr en elle. Séparés, isolés, aucun de n
473 t plus, pour nous, que d’empêcher cette guerre ou de périr en elle. Séparés, isolés, aucun de nos pays n’empêchera rien. S
474 uerre ou de périr en elle. Séparés, isolés, aucun de nos pays n’empêchera rien. Séparés, isolés, nous serons colonisés l’u
475 isseront le ton, et l’on pourra parler. Chance de l’homme Telle est la vision directrice de l’aventure que nous cour
476 ance de l’homme Telle est la vision directrice de l’aventure que nous courons. Et il est clair que son enjeu n’est pas
477 e en dépendent, mais qu’il est avant tout l’enjeu de la personne, la chance de l’homme au xxe siècle. Et c’est pourquoi l
478 est avant tout l’enjeu de la personne, la chance de l’homme au xxe siècle. Et c’est pourquoi la hiérarchie des Conseils
479 st pas la puissance, ni le maintien par la police d’ une certaine idéologie, mais au contraire le règne de la loi, par où j
480 ne certaine idéologie, mais au contraire le règne de la loi, par où j’entends la garantie des droits élémentaires de l’hom
481 où j’entends la garantie des droits élémentaires de l’homme, antérieurs à l’État, supérieurs à l’État, et sans lesquels,
482 re sans issue, l’Europe se doit, et doit au monde d’ inaugurer la troisième voie, la voie des libertés organisées. Nous viv
483 és organisées. Nous vivons aujourd’hui la « drôle de paix ». Il dépend de nous qu’elle se termine demain en paix-éclair, e
484 ivons aujourd’hui la « drôle de paix ». Il dépend de nous qu’elle se termine demain en paix-éclair, et c’est l’effet que p
485 pourra seule produire la proclamation solennelle de la fédération européenne. Il se passe quelque chose à l’Est. Il est t
486 l se passe quelque chose en Europe ! Il est temps de réveiller l’espoir d’une moitié séparée du continent. Il est temps de
487 se en Europe ! Il est temps de réveiller l’espoir d’ une moitié séparée du continent. Il est temps de donner aussi à nos am
488 r d’une moitié séparée du continent. Il est temps de donner aussi à nos amis américains la certitude que nous ne sommes pa
489 e sommes pas ce qu’ils ont parfois presque raison de croire que nous sommes : des démissionnaires de l’Histoire. La vérita
490 n de croire que nous sommes : des démissionnaires de l’Histoire. La véritable troisième force, au plan mondial, ce n’est p
491 mondial, ce n’est pas je ne sais quel groupement de double négation et de demi-mesures, c’est l’Europe rejoignant le xxe
492 je ne sais quel groupement de double négation et de demi-mesures, c’est l’Europe rejoignant le xxe siècle, pour en prend
493 e, mais cette vieille terre à rajeunir, à libérer de ses cloisons, notre Europe à reconquérir, pour tous ses peuples, pour
494 nie, pour tous les hommes. g. Rougemont Denis de , « L’Europe, aventure du XXe siècle », Réforme, Paris, 1 mai 1948, p.
7 1949, Réforme, articles (1946–1980). « Êtes-vous partisan du rapprochement franco-allemand ? » (29 janvier 1949)
495 s » est dépassée. Il s’agit pour nous, Européens, de construire ensemble une fédération solide. Il existe certes des probl
496 e certes des problèmes franco-allemands, mais pas de solution franco-allemande. La seule solution est l’Europe. Une exploi
497 tales et britanniques) résoudra seule le problème de la Ruhr. De même, une organisation fédérale de l’Europe est seule cap
498 me de la Ruhr. De même, une organisation fédérale de l’Europe est seule capable de répondre à la fois au désir d’unité des
499 ganisation fédérale de l’Europe est seule capable de répondre à la fois au désir d’unité des Allemands, aux craintes qu’il
500 est seule capable de répondre à la fois au désir d’ unité des Allemands, aux craintes qu’il éveille en France, à la tentat
501 ces américaines, et à l’expansion russe. On parle d’ obstacles économiques à cette fédération. C’est oublier que la situati
502 impossible. La solution fédéraliste a l’avantage d’ être au moins concevable, et il est impossible qu’elle soit pire que c
503 e conscience tuerait beaucoup de préjugés, datant de l’époque des pantalons rouges et non pas de l’occupation. h. Rouge
504 atant de l’époque des pantalons rouges et non pas de l’occupation. h. Rougemont Denis de, « [Réponse à une enquête] Ête
505 et non pas de l’occupation. h. Rougemont Denis de , « [Réponse à une enquête] Êtes-vous partisan du rapprochement franco
8 1952, Réforme, articles (1946–1980). Après l’Œuvre du xxe siècle (14 juin 1952)
506 (14 juin 1952)j k Il ne saurait être question de tirer de nos débats et de nos conférences des conclusions collectives
507 1952)j k Il ne saurait être question de tirer de nos débats et de nos conférences des conclusions collectives, unanime
508 e saurait être question de tirer de nos débats et de nos conférences des conclusions collectives, unanimes. Nous avons ent
509 ons entendu, depuis quinze jours, une quarantaine de prises de position toutes personnelles, faisant le point d’une évolut
510 u, depuis quinze jours, une quarantaine de prises de position toutes personnelles, faisant le point d’une évolution dont n
511 de position toutes personnelles, faisant le point d’ une évolution dont nous sommes à la fois les sujets et les objets. Mai
512 je voudrais relever ici un caractère très général de nos débats. Les sujets que nous avons discutés, que ce soit l’écrivai
513 que ce soit l’écrivain dans la cité, l’isolement de l’artiste au temps des « mass médias », l’opposition entre la révolte
514 a société. On nous a très bien montré les dangers de l’isolement, les excès de la révolte. On a moins insisté sur l’accept
515 bien montré les dangers de l’isolement, les excès de la révolte. On a moins insisté sur l’acceptation confiante des moyens
516 é sur l’acceptation confiante des moyens modernes de communiquer avec les masses, et personne n’a déclaré devant nous qu’i
517 nous qu’il connaissait et assumait les conditions d’ une communion nouvelle entre les hommes. Quelques mots sur ce dernier
518 s mots sur ce dernier thème, sur ce thème capital de la communion. Il est trop clair qu’aucun de nous ne se risquerait à v
519 pital de la communion. Il est trop clair qu’aucun de nous ne se risquerait à vous en donner la recette. Et c’est tant mieu
520 Et c’est tant mieux ! Car il existe des recettes de communion, et des fois synthétiques, dans ce siècle, et nous savons à
521 savons à quoi elles mènent ! Que vaut le bonheur d’ un peuple, que vaut sa communion, quand elle est établie par la police
522 ion, quand elle est établie par la police au prix d’ un homme sur dix dans les camps sibériens ? Que vaut la communion des
523 s ignorent sans doute l’étendue et la vraie visée de la tyrannie dans laquelle ils sont nés. Mais nous… Nous qui avons par
524 mi nous des témoins, des victimes toutes récentes de ces tortures, nous qui avons pu garder le droit de savoir, le droit d
525 e ces tortures, nous qui avons pu garder le droit de savoir, le droit de nous informer, de dire et de crier, nous ne somme
526 qui avons pu garder le droit de savoir, le droit de nous informer, de dire et de crier, nous ne sommes plus pardonnables
527 er le droit de savoir, le droit de nous informer, de dire et de crier, nous ne sommes plus pardonnables de nous taire ! Al
528 de savoir, le droit de nous informer, de dire et de crier, nous ne sommes plus pardonnables de nous taire ! Alors que fai
529 ire et de crier, nous ne sommes plus pardonnables de nous taire ! Alors que faire ? Tout d’abord protester publiquement et
530 d protester publiquement et avec éclat : question de salubrité publique, même si l’efficacité en reste discutable. L’Œuvre
531 protesté, dans son ensemble, contre les tyrannies de toute couleur qui nous salissent, qui salissent toute l’humanité, vic
532 me directe ou non des dictatures et des arguments de leurs complices. Elle a protesté au double sens du mot, qui est à la
533 une église, était dédié à la mémoire des victimes de toutes les tyrannies du xxe siècle. Il convenait d’ouvrir nos manife
534 toutes les tyrannies du xxe siècle. Il convenait d’ ouvrir nos manifestations par cet acte de piété et ce Magnificat à la
535 onvenait d’ouvrir nos manifestations par cet acte de piété et ce Magnificat à la mémoire des martyrs de ce siècle. Et ensu
536 e piété et ce Magnificat à la mémoire des martyrs de ce siècle. Et ensuite : tout l’ensemble éblouissant de chefs-d’œuvre
537 siècle. Et ensuite : tout l’ensemble éblouissant de chefs-d’œuvre des arts modernes, qui a rempli ce mois de mai de Paris
538 s-d’œuvre des arts modernes, qui a rempli ce mois de mai de Paris, a témoigné, a protesté pour la valeur créatrice de la l
539 re des arts modernes, qui a rempli ce mois de mai de Paris, a témoigné, a protesté pour la valeur créatrice de la liberté.
540 , a témoigné, a protesté pour la valeur créatrice de la liberté. Maintenant, qu’allons-nous conclure ? Je pense qu’il ne s
541 aire, nous approuvons tous cette belle définition de la propagande que formulait Wystan Auden : « La propagande est l’empl
542 ulait Wystan Auden : « La propagande est l’emploi de la magie par ceux qui n’y croient plus contre ceux qui y croient enco
543 re au défi des totalitaires, si nous nous privons de leurs armes ? Si nous refusons la fausse communion fomentée par la pr
544 ons tous les insignes, tous les signes extérieurs de la communion ? Si nous allons même jusqu’à éviter d’en parler — parce
545 la communion ? Si nous allons même jusqu’à éviter d’ en parler — parce que, disons-le franchement, il est gênant de parler
546 — parce que, disons-le franchement, il est gênant de parler de cela quand on y croit, dans un tel lieu, et sous les projec
547 e, disons-le franchement, il est gênant de parler de cela quand on y croit, dans un tel lieu, et sous les projecteurs de c
548 croit, dans un tel lieu, et sous les projecteurs de cinéma… Je répondrai à côté de la question apparente, je répondrai pa
549 la question apparente, je répondrai par une sorte de parabole, sans transition, en visant le cœur du problème. Que nous so
550 yons chrétiens ou non, ici nous sommes tous tenus de constater le fait historique que voici : c’est que la plus vaste comm
551 monde, la plus profonde et la plus libre dans les modes d’adhésion qu’elle implique, s’est faite autour non pas d’une idée, d
552 la plus profonde et la plus libre dans les modes d’ adhésion qu’elle implique, s’est faite autour non pas d’une idée, d’un
553 sion qu’elle implique, s’est faite autour non pas d’ une idée, d’une doctrine, d’un système de valeurs ni même d’une cause,
554 implique, s’est faite autour non pas d’une idée, d’ une doctrine, d’un système de valeurs ni même d’une cause, mais d’un s
555 faite autour non pas d’une idée, d’une doctrine, d’ un système de valeurs ni même d’une cause, mais d’un sacrifice individ
556 non pas d’une idée, d’une doctrine, d’un système de valeurs ni même d’une cause, mais d’un sacrifice individuel — autour
557 , d’une doctrine, d’un système de valeurs ni même d’ une cause, mais d’un sacrifice individuel — autour d’un seul, autour d
558 d’un système de valeurs ni même d’une cause, mais d’ un sacrifice individuel — autour d’un seul, autour d’un homme qui est
559 ne cause, mais d’un sacrifice individuel — autour d’ un seul, autour d’un homme qui est mort dans l’isolement total, dans l
560 n sacrifice individuel — autour d’un seul, autour d’ un homme qui est mort dans l’isolement total, dans la révolte la plus
561 abandonné des hommes, et ce serait peu, abandonné de Dieu lui-même, il l’a crié. N’oublions pas que là, le mot de communio
562 -même, il l’a crié. N’oublions pas que là, le mot de communion a pris son sens, et qu’il le perd en s’éloignant du sacrifi
563 là-dessus, pour terminer, une citation. Elle est d’ un Espagnol, et frappe une de ces notes d’éloquence à la fois sèche et
564 e citation. Elle est d’un Espagnol, et frappe une de ces notes d’éloquence à la fois sèche et profonde qui manquent trop s
565 lle est d’un Espagnol, et frappe une de ces notes d’ éloquence à la fois sèche et profonde qui manquent trop souvent aujour
566 anquent trop souvent aujourd’hui, et par la faute d’ une dictature encore, au grand concert européen. C’est une phrase de M
567 core, au grand concert européen. C’est une phrase de Miguel de Unamuno, dans son commentaire à Don Quichotte : Mets-toi e
568 eul. Mais vous formerez un bataillon sacré, celui de la sainte, de l’inachevable croisade. j. Rougemont Denis de, « A
569 formerez un bataillon sacré, celui de la sainte, de l’inachevable croisade. j. Rougemont Denis de, « Après l’œuvre d
570 e l’inachevable croisade. j. Rougemont Denis de , « Après l’œuvre du XXe siècle », Réforme, Paris, 14 juin 1952, p. 7.
571 « Nous avons rendu compte ici des manifestations de L’Œuvre du xxe siècle qui sont maintenant terminées. Nous n’avons ri
572 enant terminées. Nous n’avons rien dit des débats d’ écrivains, car après les avoir entendus, il nous a semblé qu’ils étaie
573 lus par la crainte du communisme que par le souci de la liberté et qu’ainsi, ils passaient à côté des questions essentiell
574 Il reste que ces conversations, faites en réalité de monologues successifs, ont fait sentir à quel point est posé le probl
575 ont fait sentir à quel point est posé le problème de la communication entre le Créateur et la société. Problème de communi
576 ication entre le Créateur et la société. Problème de communion. C’est à celui-ci qu’est consacré le texte de Denis de Roug
577 munion. C’est à celui-ci qu’est consacré le texte de Denis de Rougemont que nous publions ci-après, qui a servi de conclus
578 Rougemont que nous publions ci-après, qui a servi de conclusion aux débats et au festival lui-même. »
9 1953, Réforme, articles (1946–1980). « Les écrivains protestants » (11 avril 1953)
579 crivains protestants » (11 avril 1953)l m Fils de pasteur comme les trois sœurs Brontë, Nietzsche, Herman Hesse, Pearl
580 erman Hesse, Pearl Buck, Curzio Malaparte et tant d’ écrivains scandinaves, américains, allemands, anglais ou hollandais, m
581 je me sens protestant non seulement par le hasard d’ une origine, mais encore par ma formation, et enfin par mon adhésion d
582 nfin par mon adhésion des plus actives, dès l’âge de 25 ans, aux doctrines orthodoxes de la Réforme, à travers Kierkegaard
583 es, dès l’âge de 25 ans, aux doctrines orthodoxes de la Réforme, à travers Kierkegaard et Barth. C’est dire que le protest
584 historique, ou à la langue française comme moyen d’ expression. Gênantes sont les données que l’on ne peut assumer, et cel
585 u’aux catholiques, aux orthodoxes, aux incroyants de toutes nuances. À l’isolement relatif du protestant en France, il y a
586 e, il y a mieux que des compensations sur le plan de la pensée de l’art et d’une vision plus large de l’humain, pour ceux
587 ux que des compensations sur le plan de la pensée de l’art et d’une vision plus large de l’humain, pour ceux qui se réfère
588 ompensations sur le plan de la pensée de l’art et d’ une vision plus large de l’humain, pour ceux qui se réfèrent à l’Écrit
589 de la pensée de l’art et d’une vision plus large de l’humain, pour ceux qui se réfèrent à l’Écriture et à ses traductions
590 ces du seul langage vraiment commun aux écrivains de toutes les langues et confessions dans le domaine occidental. l.
591 ans le domaine occidental. l. Rougemont Denis de , « [Réponse à une enquête] Les écrivains protestants », Réforme, Pari
10 1968, Réforme, articles (1946–1980). Vers l’Europe des régions ? (30 novembre 1968)
592 e des régions ? (30 novembre 1968)n o Rentrant d’ Amérique après la guerre, j’avais compris qu’il était indispensable d’
593 guerre, j’avais compris qu’il était indispensable d’ unir les Européens. Non seulement nous-mêmes mais les Américains aussi
594 us-mêmes mais les Américains aussi, avions besoin de cette union, c’est-à-dire du genre de valeurs, d’équilibre, de mesure
595 ions besoin de cette union, c’est-à-dire du genre de valeurs, d’équilibre, de mesure que représentait notre vieux continen
596 de cette union, c’est-à-dire du genre de valeurs, d’ équilibre, de mesure que représentait notre vieux continent. En août 1
597 n, c’est-à-dire du genre de valeurs, d’équilibre, de mesure que représentait notre vieux continent. En août 1947, on est v
598 continent. En août 1947, on est venu me demander de parler à un congrès de fédéralistes européens, à Montreux, où j’ai pr
599 7, on est venu me demander de parler à un congrès de fédéralistes européens, à Montreux, où j’ai prononcé un discours inau
600 urs inaugural : j’étais engagé. Puis j’ai accepté de m’occuper de la partie culturelle du Mouvement européen. À partir du
601  : j’étais engagé. Puis j’ai accepté de m’occuper de la partie culturelle du Mouvement européen. À partir du congrès de La
602 urelle du Mouvement européen. À partir du congrès de La Haye en 1948, je me suis beaucoup penché sur ce problème de l’unio
603 1948, je me suis beaucoup penché sur ce problème de l’union des Européens sur la base d’une unité déjà existante. Je fais
604 ce problème de l’union des Européens sur la base d’ une unité déjà existante. Je fais une distinction entre unité et union
605 eut bâtir. Non pas une uniformité mais un certain mode de contacts organisés. Cette base commune de culture et de civilisati
606 âtir. Non pas une uniformité mais un certain mode de contacts organisés. Cette base commune de culture et de civilisation
607 in mode de contacts organisés. Cette base commune de culture et de civilisation est la condition sine qua non d’une union
608 tacts organisés. Cette base commune de culture et de civilisation est la condition sine qua non d’une union économique et
609 et de civilisation est la condition sine qua non d’ une union économique et politique. J’ai donc créé le Centre européen d
610 avons réuni pour la première fois les directeurs d’ administration d’agences atomiques des six pays avec le concours de l’
611 la première fois les directeurs d’administration d’ agences atomiques des six pays avec le concours de l’Unesco, pour crée
612 d’agences atomiques des six pays avec le concours de l’Unesco, pour créer un laboratoire européen de recherches nucléaires
613 s de l’Unesco, pour créer un laboratoire européen de recherches nucléaires. Le Centre d’études et de recherches nucléaires
614 oire européen de recherches nucléaires. Le Centre d’ études et de recherches nucléairesp a été la réalisation de cette prem
615 n de recherches nucléaires. Le Centre d’études et de recherches nucléairesp a été la réalisation de cette première initiat
616 et de recherches nucléairesp a été la réalisation de cette première initiative de notre centre. Nous avons fondé une assoc
617 a été la réalisation de cette première initiative de notre centre. Nous avons fondé une association des festivals de musiq
618 e. Nous avons fondé une association des festivals de musique européens que je dirige, tout à fait par hasard. Nous avons c
619 it par hasard. Nous avons coordonné les Instituts d’ études européennes qui étaient en train de se constituer dans différen
620 pris contact avec des historiens, des professeurs d’ enseignement secondaire, des éditeurs. Nous avons d’autre part lancé u
621 avons d’autre part lancé une Campagne européenne d’ éducation civique qui cherche à introduire l’angle de vision européen
622 ducation civique qui cherche à introduire l’angle de vision européen dans la leçon d’histoire, de géographie, de langues.
623 troduire l’angle de vision européen dans la leçon d’ histoire, de géographie, de langues. Je souhaiterais que tombent en dé
624 ngle de vision européen dans la leçon d’histoire, de géographie, de langues. Je souhaiterais que tombent en désuétude les
625 européen dans la leçon d’histoire, de géographie, de langues. Je souhaiterais que tombent en désuétude les grands États-na
626 péenne sur la base des régions, puisque vingt ans de tentatives de rapprochement n’ont abouti à rien sur le plan politique
627 base des régions, puisque vingt ans de tentatives de rapprochement n’ont abouti à rien sur le plan politique. Cette situat
628 evenant ainsi eux-mêmes l’obstacle à toute espèce d’ union. On ne peut bâtir une union de l’Europe sur les obstacles à tout
629 toute espèce d’union. On ne peut bâtir une union de l’Europe sur les obstacles à toute union. Notre espoir réside dans u
630 se dessine en France un grand mouvement qui vient d’ être appuyé par de Gaulle pour diviser le pays en un certain nombre de
631 Gaulle pour diviser le pays en un certain nombre de régions. Je pense qu’on finira par se mettre d’accord assez vite pour
632 ’accord assez vite pour la France sur une dizaine de régions, plus Paris. Notre idée de fédéralistes européens est que ces
633 ur une dizaine de régions, plus Paris. Notre idée de fédéralistes européens est que ces régions définies sur­tout par l’éc
634 ure et quelquefois par l’ethnie comme dans le cas de la Bretagne ou de la Catalogne. Le problème numéro un de l’Europe, c’
635 par l’ethnie comme dans le cas de la Bretagne ou de la Catalogne. Le problème numéro un de l’Europe, c’est l’union. Si l’
636 retagne ou de la Catalogne. Le problème numéro un de l’Europe, c’est l’union. Si l’union de l’Europe ne se fait pas, nous
637 numéro un de l’Europe, c’est l’union. Si l’union de l’Europe ne se fait pas, nous serons colonisés par le dollar et peut-
638 xiste — quoique cela soit moins sûr. Mais le fait de ne plus être maîtres de notre destinée économique entraînerait une qu
639 t moins sûr. Mais le fait de ne plus être maîtres de notre destinée économique entraînerait une quantité de conséquences s
640 tre destinée économique entraînerait une quantité de conséquences sur le plan culturel. Cela entraînerait une chute de pot
641 sur le plan culturel. Cela entraînerait une chute de potentiel européen considérable, dont finalement le monde entier subi
642 usqu’au moment où de Gaulle a annoncé sa décision de dissoudre le Sénat pour le remplacer par une assemblée élue par les r
643 plus concerné par la centralisation, grand nombre de jeunes sociologues et économistes français s’étant penchés sur ce pro
644 ne solide fédération européenne. Ce sera le point d’ accrochage d’une organisation mondiale. Sans doute d’ici dix ou quinze
645 ération européenne. Ce sera le point d’accrochage d’ une organisation mondiale. Sans doute d’ici dix ou quinze ans serons-n
646 s —, qui seront de plus en plus les vrais centres de la production et de la vie intellectuelle et auront entre elles des l
647 lus en plus les vrais centres de la production et de la vie intellectuelle et auront entre elles des liens de toutes natur
648 plus les vrais centres de la production et de la vie intellectuelle et auront entre elles des liens de toutes natures. El
649 ie intellectuelle et auront entre elles des liens de toutes natures. Elles constitueront de proche en proche un tissu plu
650 des liens de toutes natures. Elles constitueront de proche en proche un tissu plus solide que leurs liens avec les États-
651 les problèmes mondiaux dépendent en grande partie de la solution des problèmes européens c’est que l’unité du genre humain
652 le du genre humain en découvrant les possibilités de fraternité universelle : « Désormais, disait saint Paul, il n’y a plu
653 a plus ni Juifs ni Grecs ». Cette responsabilité de l’Europe s’oppose aux racismes et aux guerres d’extermination de race
654 de l’Europe s’oppose aux racismes et aux guerres d’ extermination de races. Les problèmes les plus importants sont, à la r
655 ppose aux racismes et aux guerres d’extermination de races. Les problèmes les plus importants sont, à la racine, d’ordre p
656 problèmes les plus importants sont, à la racine, d’ ordre philosophique ou religieux. Il s’agit de transposer sur les plan
657 ne, d’ordre philosophique ou religieux. Il s’agit de transposer sur les plans économique et politique les conséquences des
658 uses que l’on croit justes. n. Rougemont Denis de , « [Entretien] Vers l’Europe des régions ? », Réforme, Paris, 30 nove
659 s, 30 novembre 1968, p. 13. o. Cet article, issu d’ un entretien mené par Anouchka von Heuer et Christian Roux-Pétel, est
660  Les États-nations ne cessent aujourd’hui encore, de s’affronter sur notre vieux continent. Il nous a semblé intéressant d
661 tre vieux continent. Il nous a semblé intéressant de considérer avec Denis de Rougemont l’œuvre entreprise au Centre europ
662 l’organe provisoire institué en 1952 sous le nom de Conseil européen pour la recherche nucléaire. q. L’imprimé portait
11 1976, Réforme, articles (1946–1980). À propos de Concorde (21 février 1976)
663 à participer le 14 au soir à une émission de plus de trois heures sur Concorde, j’ai commencé par refuser : dix minutes de
664 Concorde, j’ai commencé par refuser : dix minutes de parole ne valent pas le voyage, je ne suis pas technicien, et surtout
665 ela ne tienne, me dit-on, vous parlerez en duplex de Genève, c’est au philosophe que nous nous adressons, vos arguments cr
666 s critiques nous intéressent, et puisqu’il s’agit d’ un débat, vous pourrez y aller librement. Soyez aussi violent qu’il vo
667 e là ? Dès que j’ouvrirai la bouche, des millions de téléspectateurs, conditionnés pendant deux heures, vont me haïr comme
668 ur qu’on sente que je suis contre — que le meneur de jeu m’interrompt nerveusement pour m’avertir que je sors du sujet. (J
669 ’avertir que je sors du sujet. (Je parle pourtant de Concorde. Mais le sujet, c’est sa louange.) En dépit d’un feu roulant
670 jet, c’est sa louange.) En dépit d’un feu roulant d’ interruptions presque paniques — que Le Monde jugera « d’une agressi
671 ptions presque paniques — que Le Monde jugera «  d’ une agressivité insupportable » —, j’essaie de formuler mes doutes et
672 a « d’une agressivité insupportable » —, j’essaie de formuler mes doutes et objections, selon le schéma qui suit. Mais je
673 que ça sert ? ». On m’assure que cet appareil ira de Paris à New York en trois heures et demie au lieu de sept. Bon. Mais
674 au lieu de sept. Bon. Mais les quelques dizaines de PDG et de membres du « jet-set » qui en « bénéficieront », si l’on pe
675 e sept. Bon. Mais les quelques dizaines de PDG et de membres du « jet-set » qui en « bénéficieront », si l’on peut dire, q
676 énéficieront », si l’on peut dire, que feront-ils de ces heures gagnées ? Est-ce qu’elles vaudront les seize milliards déj
677 avants redoutent, l’atteinte possible à la couche d’ ozone qui protège notre vie terrestre contre les rayons ultraviolets ?
678 te possible à la couche d’ozone qui protège notre vie terrestre contre les rayons ultraviolets ? Votre pari — dis-je aux pr
679 ultraviolets ? Votre pari — dis-je aux promoteurs de Concorde alignés devant moi, et consternés — c’est le contraire du pa
680 t moi, et consternés — c’est le contraire du pari de Pascal. Si vous perdez, vous perdez tout pour tout le monde. Si vous
681 upplémentaires au-dessus des merveilleux châteaux de nuages de l’Atlantique : ils y gagneraient (outre 20 % sur le prix du
682 ires au-dessus des merveilleux châteaux de nuages de l’Atlantique : ils y gagneraient (outre 20 % sur le prix du billet, e
683 prix du billet, et x % sur leurs impôts) le temps de se reposer, de réfléchir, ou de lire mes livres par exemple. Et s’il
684 et x % sur leurs impôts) le temps de se reposer, de réfléchir, ou de lire mes livres par exemple. Et s’il était vraiment
685 impôts) le temps de se reposer, de réfléchir, ou de lire mes livres par exemple. Et s’il était vraiment indispensable de
686 par exemple. Et s’il était vraiment indispensable de « gagner » trois heures sur ce trajet, en voici le moyen simple et qu
687 ple et qui eût déjà permis environ 15,8 milliards d’ économies : 1°) supprimer les formalités de douanes et passeports au d
688 liards d’économies : 1°) supprimer les formalités de douanes et passeports au départ et à l’arrivée ; 2°) transporter les
689 rt et à l’arrivée ; 2°) transporter les passagers de l’échelle de coupée au centre de la ville par hélicoptère ou métro. 3
690 ivée ; 2°) transporter les passagers de l’échelle de coupée au centre de la ville par hélicoptère ou métro. 3. On me dit q
691 er les passagers de l’échelle de coupée au centre de la ville par hélicoptère ou métro. 3. On me dit qu’arrêter la fabrica
692 ou métro. 3. On me dit qu’arrêter la fabrication de Concorde mettrait au chômage 40 000 ouvriers. Argument proprement sca
693 t un Premier ministre, supprimer toute limitation de vitesse sur les autoroutes pour éviter le chômage des carrossiers ? (
694 ue l’industrie des armements occupe des centaines de milliers d’ouvriers ? Je pense que si la Société est ainsi faite que
695 ie des armements occupe des centaines de milliers d’ ouvriers ? Je pense que si la Société est ainsi faite que la seule alt
696 le offre au gaspillage industriel, à la pollution de l’atmosphère, voire à la guerre, c’est le chômage, il est temps de ch
697 voire à la guerre, c’est le chômage, il est temps de changer de cap, de se fixer d’autres buts, et d’inventer d’autres moy
698 guerre, c’est le chômage, il est temps de changer de cap, de se fixer d’autres buts, et d’inventer d’autres moyens d’y all
699 c’est le chômage, il est temps de changer de cap, de se fixer d’autres buts, et d’inventer d’autres moyens d’y aller. 4. O
700 de changer de cap, de se fixer d’autres buts, et d’ inventer d’autres moyens d’y aller. 4. Outre le gain de temps, outre l
701 ixer d’autres buts, et d’inventer d’autres moyens d’ y aller. 4. Outre le gain de temps, outre l’emploi — et comme pour la
702 enter d’autres moyens d’y aller. 4. Outre le gain de temps, outre l’emploi — et comme pour la guerre du Vietnam, ici encor
703 on aurait découvert des procédés qui permettront de construire d’autres avions encore plus chers et plus problématiques,
704 et puis surtout qui permettront la mise au point d’ armements de plus en plus sophistiqués : ces « retombées » se feront d
705 » se feront donc sur nos têtes. 5. Indépendamment de ces arguments, je suis contre Concorde pour deux raisons fondamentale
706 Concorde est le symbole ou simplement l’enseigne d’ un modèle de société que je récuse radicalement. Car l’humain s’y voit
707 t le symbole ou simplement l’enseigne d’un modèle de société que je récuse radicalement. Car l’humain s’y voit sacrifié no
708 t (ici très négatif) mais à la puissance physique de l’État centralisateur et policier, au nom de quoi tout s’ordonne à la
709 ’ordonne à la guerre. Concorde résume un ensemble de calculs et de rêves, de principes et d’ambitions qu’il nous faut dépa
710 guerre. Concorde résume un ensemble de calculs et de rêves, de principes et d’ambitions qu’il nous faut dépasser si nous v
711 ncorde résume un ensemble de calculs et de rêves, de principes et d’ambitions qu’il nous faut dépasser si nous voulons sur
712 ensemble de calculs et de rêves, de principes et d’ ambitions qu’il nous faut dépasser si nous voulons survivre, qui détru
713 e et la Communauté des hommes, au nom du prestige de l’État, vanité collective et surprofits privés — absolument contraire
714 ire aux fins que je défends dans toute mon œuvre, de liberté et de responsabilité de la personne. b) Je suis convaincu que
715 ue je défends dans toute mon œuvre, de liberté et de responsabilité de la personne. b) Je suis convaincu que les promoteur
716 toute mon œuvre, de liberté et de responsabilité de la personne. b) Je suis convaincu que les promoteurs de Concorde sont
717 personne. b) Je suis convaincu que les promoteurs de Concorde sont animés par un certain idéal : c’est celui du Progrès se
718 i du Progrès selon le xixe siècle. Toujours plus d’ objets, toujours plus grands, toujours plus chers, toujours plus bruya
719 toujours plus dangereux — exigeant toujours plus de contrôle de l’État — et allant toujours plus vite vers peu importe qu
720 us dangereux — exigeant toujours plus de contrôle de l’État — et allant toujours plus vite vers peu importe quoi ! L’idée
721 luxe s’oppose radicalement à cette manie démodée de la vitesse et du fracas pour épater le monde. Ce qui commence à valoi
722 ommence à valoir des fortunes, c’est le contraire de ce que Concorde symbolise. Le luxe suprême de demain, je l’ai défini
723 ire de ce que Concorde symbolise. Le luxe suprême de demain, je l’ai défini au lendemain d’Hiroshima : la lenteur au sein
724 xe suprême de demain, je l’ai défini au lendemain d’ Hiroshima : la lenteur au sein du silence. r. Rougemont Denis de, «
725 lenteur au sein du silence. r. Rougemont Denis de , « À propos de Concorde », Réforme, Paris, 21 février 1976, p. 16.
12 1979, Réforme, articles (1946–1980). Écologie, régions, Europe fédérée : même avenir (19 mai 1979)
726 de : l’écologie La définition la plus courante de l’écologie consiste à dire que c’est « une mode », ou encore « une do
727 nte de l’écologie consiste à dire que c’est « une mode  », ou encore « une douce manie de rousseauistes épris d’idylle et ent
728 e c’est « une mode », ou encore « une douce manie de rousseauistes épris d’idylle et entretenant la nostalgie du jardin d’
729 u encore « une douce manie de rousseauistes épris d’ idylle et entretenant la nostalgie du jardin d’Eden » (variante : « du
730 is d’idylle et entretenant la nostalgie du jardin d’ Eden » (variante : « du retour aux cavernes et de l’éclairage à la bou
731 d’Eden » (variante : « du retour aux cavernes et de l’éclairage à la bougie »). Ou au contraire ; elle serait une « névro
732 e »). Ou au contraire ; elle serait une « névrose d’ Apocalypse ». On dit aussi des écologistes adversaires du nucléaire qu
733 rien senti). Enfin, une circulaire confidentielle de l’EDF définit les écologistes comme ayant pour but véritable « d’entr
734 les écologistes comme ayant pour but véritable «  d’ entraver le fonctionnement des institutions existantes ». Ces mouvemen
735 les dissimulant. 2. Alignements : un mouvement de défense Dans les écoles primaires de Suisse romande, une compagnie
736 mouvement de défense Dans les écoles primaires de Suisse romande, une compagnie productrice d’électricité fait distribu
737 ires de Suisse romande, une compagnie productrice d’ électricité fait distribuer une brochure sur les centrales nucléaires 
738 ces brochures. Mais si l’un ou l’autre s’avisait de présenter aussi une brochure critique pour le nucléaire, la direction
739 llerait aussitôt à l’ordre, car « il est interdit de faire de la politique à l’école ». D’où cette nouvelle définition de
740 ussitôt à l’ordre, car « il est interdit de faire de la politique à l’école ». D’où cette nouvelle définition de la politi
741 st interdit de faire de la politique à l’école ». D’ où cette nouvelle définition de la politique : si l’on est pour le nuc
742 tique à l’école ». D’où cette nouvelle définition de la politique : si l’on est pour le nucléaire, on fait de l’informatio
743 olitique : si l’on est pour le nucléaire, on fait de l’information ; si l’on est contre, on fait de la politique. En fait,
744 it de l’information ; si l’on est contre, on fait de la politique. En fait, écologie est un terme créé par le biologiste E
745 iverselle ; la grande presse (grâce à l’invention de la linotype) et les agences d’État : Wolf, Reuter, Havas, Stéfani, sa
746 râce à l’invention de la linotype) et les agences d’ État : Wolf, Reuter, Havas, Stéfani, sans l’aide desquelles la guerre
747 Havas, Stéfani, sans l’aide desquelles la guerre de 1914 n’eût pas été concevable. Développements presque aussitôt suivis
748 ’Afrique : la belle époque du colonialisme durera de 1878 à 1938 environ. Au triple alignement des esprits par l’école, de
749 resse, répond ce terme, qui passe alors inaperçu, d’ écologie, désignant les « rapports des êtres vivants avec leur milieu
750 utte contre les avions supersoniques qui risquent d’ endommager la couche d’ozone ; parcs nationaux et dénonciation des gra
751 supersoniques qui risquent d’endommager la couche d’ ozone ; parcs nationaux et dénonciation des grands ensembles ; mesures
752 ensembles ; mesures contre la pollution des eaux de table mais aussi des océans ; relations entre les taux de délinquance
753 mais aussi des océans ; relations entre les taux de délinquance et le nombre des étages dans les HLM, etc. Aux yeux des p
754 tages dans les HLM, etc. Aux yeux des politiciens de droite, l’écologie est un complot contre « la société existante » ; a
755 la société existante » ; aux yeux des politiciens de gauche, sa fin principale paraît être « d’enlever des voix au parti s
756 iciens de gauche, sa fin principale paraît être «  d’ enlever des voix au parti socialiste » ou de défendre les privilèges e
757 tre « d’enlever des voix au parti socialiste » ou de défendre les privilèges et le confort des riches (c’est aussi ce qu’e
758 s que tout simplement l’écologie est une réaction de défense (peut-être de rejet) face à la civilisation industrielle et à
759 l’écologie est une réaction de défense (peut-être de rejet) face à la civilisation industrielle et à ses agressions de plu
760 utales contre la Nature et contre l’homme qui vit de la Nature et en elle1. 3. Une réaction nécessaire : la sécrétion d
761 le1. 3. Une réaction nécessaire : la sécrétion d’ anticorps Plutôt donc que l’écologie comme science, considérons ici
762 ique, qui s’est manifesté avec force au lendemain d’ Hiroshima et s’est constitué en mouvement de plus en plus nettement po
763 On nous dit : « Le souci écologique est un souci de riches ! » Non. C’est le souci des premiers atteints par le mal indus
764 el, qu’ils ont d’ailleurs inventé. C’est le souci de ceux qui ont déchaîné la dénature contre la nature. De ceux qui ont i
765 ux qui ont déchaîné la dénature contre la nature. De ceux qui ont inventé et produit une civilisation qui tend à détruire
766 Unis. Elle s’étend désormais à toutes les parties de la Terre où la civilisation occidentale apporte le « développement ».
767 up, que nous sommes ici en présence d’une révolte de l’écologie contre l’économie, ou de la volonté de vivre contre la vol
768 d’une révolte de l’écologie contre l’économie, ou de la volonté de vivre contre la volonté de profit, et que le phénomène,
769 de l’écologie contre l’économie, ou de la volonté de vivre contre la volonté de profit, et que le phénomène, au lendemain
770 omie, ou de la volonté de vivre contre la volonté de profit, et que le phénomène, au lendemain de la Deuxième Guerre mondi
771 onté de profit, et que le phénomène, au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, a pris soudain des proportions à ce poin
772 tions à ce point alarmantes que les gouvernements de nos États nationaux — si lié que soit leur sort à celui de la croissa
773 ats nationaux — si lié que soit leur sort à celui de la croissance industrielle — se sont vus contraints de créer des mini
774 croissance industrielle — se sont vus contraints de créer des ministères de l’Environnement (signes des temps plus que re
775 — se sont vus contraints de créer des ministères de l’Environnement (signes des temps plus que remèdes efficaces, les tit
776 temps plus que remèdes efficaces, les titulaires de ces ministères sont les premiers à le reconnaître). Si la croissance
777 les premiers à le reconnaître). Si la croissance de la civilisation industrielle correspond exactement au développement d
778 e souci écologique correspond, lui, à la création d’ anticorps contre les maladies de civilisation (physiques, psychiques e
779 ui, à la création d’anticorps contre les maladies de civilisation (physiques, psychiques et psychosomatiques). 4. De l’
780 physiques, psychiques et psychosomatiques). 4. De l’exigence écologique aux exigences régionales… Mais en même temps
781 pe l’État-nation, l’un aidant l’autre. L’exercice de la puissance, c’est-à-dire finalement la guerre, est au principe de l
782 ’est-à-dire finalement la guerre, est au principe de leurs développements concomitants, et demeure leur « horizon indépass
783 zon indépassable ». La civilisation industrielle, d’ essence cartésienne, a voulu se développer sur une tabula rasa — qu’el
784 sur une tabula rasa — qu’elle a créée au besoin — d’ où ses liens de complicité essen­tielle avec la désertification résult
785 rasa — qu’elle a créée au besoin — d’où ses liens de complicité essen­tielle avec la désertification résultant, sur trois
786 u « développement ». De même l’État-nation est né de la volonté d’uniformiser les humains, d’écraser leurs différences eth
787 ent ». De même l’État-nation est né de la volonté d’ uniformiser les humains, d’écraser leurs différences ethniques, cultur
788 n est né de la volonté d’uniformiser les humains, d’ écraser leurs différences ethniques, culturelles, coutumières, de régl
789 différences ethniques, culturelles, coutumières, de régler et de contraindre (non de stimuler et de convaincre). L’école
790 ethniques, culturelles, coutumières, de régler et de contraindre (non de stimuler et de convaincre). L’école primaire est
791 es, coutumières, de régler et de contraindre (non de stimuler et de convaincre). L’école primaire est l’instrument par exc
792 , de régler et de contraindre (non de stimuler et de convaincre). L’école primaire est l’instrument par excellence de l’Ét
793 L’école primaire est l’instrument par excellence de l’État-nation centralisé. Pour l’école primaire, l’esprit de l’enfant
794 ation centralisé. Pour l’école primaire, l’esprit de l’enfant est une tabula rasa ou maison vide qu’il s’agit de « meubler
795 t est une tabula rasa ou maison vide qu’il s’agit de « meubler » de certitudes simples, abstraites, géométriques, alignées
796 a rasa ou maison vide qu’il s’agit de « meubler » de certitudes simples, abstraites, géométriques, alignées et les prépara
797 crues alignables. Il existe une profonde analogie de structure entre l’agression contre la nature et l’agression stato-nat
798 ’autres. C’est au niveau régional que les mesures d’ écologie concrètes peuvent et doivent être élaborées et appliquées : r
799 élaborées et appliquées : rivières, lacs, chutes d’ eau, forêts, agriculture, architecture, énergie, transports publics… C
800 ie, transports publics… C’est bien souvent autour d’ un problème écologique : lac ou rivière polluée, projets de centrales
801 lème écologique : lac ou rivière polluée, projets de centrales nucléaires, usine d’épuration, route « pénétrante », autoro
802 e polluée, projets de centrales nucléaires, usine d’ épuration, route « pénétrante », autoroutes divisant des domaines ou d
803 visant des domaines ou des quartiers, destruction de forêts que la conscience régionaliste alertée s’organise et entre en
804 . Exemple : quand la CEE propose un plan européen de lutte contre la pollution, tel gouvernement répond : d’accord, mais s
805 eté nationale. Et l’on sait à quelles résistances de la capitale et de sa police se heurtent les tentatives de prises de r
806 l’on sait à quelles résistances de la capitale et de sa police se heurtent les tentatives de prises de responsabilités rég
807 pitale et de sa police se heurtent les tentatives de prises de responsabilités régionales. 5. … et aux exigences fédéra
808 de sa police se heurtent les tentatives de prises de responsabilités régionales. 5. … et aux exigences fédéralistes
809 ssent. Le Rhin amène à la mer du Nord 60 millions de tonnes de déchets par jour. Ces déchets viennent de Suisse, de France
810 Rhin amène à la mer du Nord 60 millions de tonnes de déchets par jour. Ces déchets viennent de Suisse, de France, de la RF
811 déchets par jour. Ces déchets viennent de Suisse, de France, de la RFA, de Hollande, chaque pays pollue souverainement et
812 jour. Ces déchets viennent de Suisse, de France, de la RFA, de Hollande, chaque pays pollue souverainement et s’assure qu
813 déchets viennent de Suisse, de France, de la RFA, de Hollande, chaque pays pollue souverainement et s’assure que ce sera t
814 t des mers et des océans menacés, des changements de climat, du pillage des ressources non renou­velables. Tout État-natio
815 ce qui existe ou voudrait exister indépendamment de son contrôle. Critique classique adressée dès les années 1930 de ce s
816 . Critique classique adressée dès les années 1930 de ce siècle par les personnalistes à l’État-nation : il est à la fois t
817 l’échelle des régions) pour jouer encore son rôle d’ État, — d’animateur, d’arbitre, de protecteur. L’État-nation est donc
818 des régions) pour jouer encore son rôle d’État, —  d’ animateur, d’arbitre, de protecteur. L’État-nation est donc l’obstacle
819 pour jouer encore son rôle d’État, — d’animateur, d’ arbitre, de protecteur. L’État-nation est donc l’obstacle commun aux s
820 encore son rôle d’État, — d’animateur, d’arbitre, de protecteur. L’État-nation est donc l’obstacle commun aux solutions éc
821 e commun aux solutions écologiques et régionales. D’ où l’identité d’intérêts politiques entre régionalistes et écologistes
822 utions écologiques et régionales. D’où l’identité d’ intérêts politiques entre régionalistes et écologistes, mais aussi ent
823 ns et régionalistes. 6. La région : un espace de participation à la mesure du citoyen Mais il convient ici de préci
824 on à la mesure du citoyen Mais il convient ici de préciser le sens que nous donnons au mot région. — Il y a des régions
825 alchus, et qui chevauchent parfois les frontières de trois pays, des calottes du Nord (Norvège, Suède, Finlande) à l’Oresu
826 core à créer — que l’on peut définir comme espace de participation civique, régions assez petites pour permettre à la voix
827 e, régions assez petites pour permettre à la voix d’ un citoyen de s’y faire entendre et à celles des autres de lui répondr
828 sez petites pour permettre à la voix d’un citoyen de s’y faire entendre et à celles des autres de lui répondre. 7. Élog
829 oyen de s’y faire entendre et à celles des autres de lui répondre. 7. Éloge de la petite échelle Il s’agit donc, si
830 à celles des autres de lui répondre. 7. Éloge de la petite échelle Il s’agit donc, si l’on veut arriver à des solut
831 veut arriver à des solutions écologiques capables de restaurer, maintenir et développer des écosystèmes viables, de dépass
832 maintenir et développer des écosystèmes viables, de dépasser l’État-nation, c’est-à-dire d’instituer d’un même mouvement
833 viables, de dépasser l’État-nation, c’est-à-dire d’ instituer d’un même mouvement en interaction permanente, les régions e
834 dépasser l’État-nation, c’est-à-dire d’instituer d’ un même mouvement en interaction permanente, les régions et la fédérat
835 égions et la fédération continentale. Le principe de répartition des pouvoirs naguère concentrés dans la seule capitale na
836 plus simples : il consiste à situer les pouvoirs de décision au niveau communautaire le mieux accordé aux dimensions de l
837 eau communautaire le mieux accordé aux dimensions de la tâche considérée, et toujours en partant d’en bas, c’est-à-dire de
838 ns de la tâche considérée, et toujours en partant d’ en bas, c’est-à-dire des plus petites unités. C’est ce que le diplomat
839 re à propos des États-Unis, mais qu’il est facile de transposer en termes européens : Ne confiez jamais à une plus grande
840 des sociologues politologues européens, et nombre d’ hommes politiques responsables aux États-Unis : la décentralisation de
841 responsables aux États-Unis : la décentralisation de l’État, de l’économie et des activités culturelles leur paraît la con
842 s aux États-Unis : la décentralisation de l’État, de l’économie et des activités culturelles leur paraît la condition même
843 tivités culturelles leur paraît la condition même d’ une renaissance civique, économique et culturelle de leur pays. À part
844 une renaissance civique, économique et culturelle de leur pays. À part les guerres d’agression et les centrales nucléaires
845 ue et culturelle de leur pays. À part les guerres d’ agression et les centrales nucléaires, qui exigent les unes et les aut
846 elle, dans les autonomies locales. « Coopératives d’ habitation, énergie solaire, petites entreprises, compost, alimentatio
847 es (neighborhoods) commencent à retrouver le sens de leur autonomie, à reprendre en main leurs destins.2 » Il est faux que
848 fficace. E. F. Schumacher a démontré le contraire d’ une manière décisive, dans son célèbre ouvrage Small is beautiful.
849 8. Écologistes, régionalistes et fédéralistes de tous pays : unissez-vous ! Les relations d’interaction systématiqu
850 es de tous pays : unissez-vous ! Les relations d’ interaction systématique que l’on vient de relever conduisent d’une ma
851 systématique que l’on vient de relever conduisent d’ une manière nécessaire à des conclusions politiques d’importance décis
852 e manière nécessaire à des conclusions politiques d’ importance décisive au seuil de la campagne pour la première élection
853 lusions politiques d’importance décisive au seuil de la campagne pour la première élection du Parlement européen. S’il est
854 tous nos pays et à l’échelle continentale, en vue d’ établir un programme commun aux trois mouvements, et de prévoir des ta
855 blir un programme commun aux trois mouvements, et de prévoir des tactiques adaptées aux situations qui diffèrent d’une man
856 s tactiques adaptées aux situations qui diffèrent d’ une manière importante d’un pays à l’autre chez les Neuf3. 9. Pour
857 situations qui diffèrent d’une manière importante d’ un pays à l’autre chez les Neuf3. 9. Pour un même avenir Encore
858 enir adviendra certainement. Ce qu’il m’importait de souligner, c’est que nous n’aurons ni éco-société, ni régions, ni Eur
859 btenons pas les trois à la fois ; c’est qu’aucune de ces trois virtualités exigeantes ne peut se réaliser seule ; c’est qu
860 es ne peut se réaliser seule ; c’est que l’avenir de chacune d’elle est celui des deux autres, et qu’en cette trinité rési
861 se réaliser seule ; c’est que l’avenir de chacune d’ elle est celui des deux autres, et qu’en cette trinité réside l’espoir
862 en cette trinité réside l’espoir des Européens et de la Paix. 1. La révolte des chiites iraniens contre la modernisati
863 reprise par le Shah avec l’aide des États-Unis et de l’Europe ne serait-elle pas un premier phénomène de rejet de la techn
864 l’Europe ne serait-elle pas un premier phénomène de rejet de la technologie rationaliste et du matérialisme qu’elle favor
865 ne serait-elle pas un premier phénomène de rejet de la technologie rationaliste et du matérialisme qu’elle favorise, cont
866 Europe-Écologie » en France. s. Rougemont Denis de , « Écologie, régions, Europe fédérée : même avenir », Réforme, Paris,
13 1980, Réforme, articles (1946–1980). Les Nations unies des animaux (13 décembre 1980)
867 peur et l’amour, la curiosité, avec cette espèce de béance anxieuse du regard devant l’impénétrable et l’indicible… Il no
868 us faut donc parler pour eux. Parler pour eux, et de leur part, aux hommes qui les méprisent, les torturent, les massacren
869 raissés dans leur cuve en ciment, nourris au tube de caoutchouc et à la seringue, qui mourront sans avoir jamais ouvert le
870 arler et surtout à comprendre un peu nos langages d’ hommes. Les merveilleux dauphins sont les vedettes de cette campagne d
871 ommes. Les merveilleux dauphins sont les vedettes de cette campagne d’alphabétisation, — mais attention ! Je salue les Nat
872 leux dauphins sont les vedettes de cette campagne d’ alphabétisation, — mais attention ! Je salue les Nations unies des ani
873 animaux mais je recule avec horreur devant l’idée d’ une Unesco des animaux ! Car les mots que nous pouvons leur apprendre
874 que nous pouvons leur apprendre n’expriment rien de leur être et de leurs émotions : ce sont des ordres que nous leur don
875 s leur apprendre n’expriment rien de leur être et de leurs émotions : ce sont des ordres que nous leur donnons, et leurs r
876 er avec le monde des animaux relève du sentiment, de l’intuition, de l’accueil aux mystères du vivant. Le fait bien établi
877 des animaux relève du sentiment, de l’intuition, de l’accueil aux mystères du vivant. Le fait bien établi que les animaux
878 que les animaux plus que nous soient susceptibles de mourir d’émotion tend à prouver qu’ils sont plus capables que nous d’
879 imaux plus que nous soient susceptibles de mourir d’ émotion tend à prouver qu’ils sont plus capables que nous d’une certai
880 tend à prouver qu’ils sont plus capables que nous d’ une certaine civilisation : celle du cœur, non du seul intellect, cell
881 ion : celle du cœur, non du seul intellect, celle de l’amitié, de la confiance, non pas celle des missiles nucléaires, du
882 u cœur, non du seul intellect, celle de l’amitié, de la confiance, non pas celle des missiles nucléaires, du chômage et de
883 pas celle des missiles nucléaires, du chômage et de la destruction irréversible des forêts, du plancton des océans et de
884 rréversible des forêts, du plancton des océans et de l’air respirable. La seule compréhension, mais alors très profonde, q
885 rofonde, qui unisse l’homme et l’animal, elle est d’ ordre émotif, affectif. Elle se passe dans le regard, qui attend tout
886 if. Elle se passe dans le regard, qui attend tout de nous ! Car c’est de l’homme, par l’homme, à travers l’homme que les g
887 ns le regard, qui attend tout de nous ! Car c’est de l’homme, par l’homme, à travers l’homme que les grands peuples d’anim
888 l’homme, à travers l’homme que les grands peuples d’ animaux attendent le salut, sans le savoir peut-être — mais que savons
889 , sans le savoir peut-être — mais que savons-nous de ce qu’ils savent ? Que l’homme soit responsable de la Nature vivante,
890 e ce qu’ils savent ? Que l’homme soit responsable de la Nature vivante, et de sa corruption ou de sa survie, l’écologie no
891 l’homme soit responsable de la Nature vivante, et de sa corruption ou de sa survie, l’écologie nous l’a rappelé au cours d
892 able de la Nature vivante, et de sa corruption ou de sa survie, l’écologie nous l’a rappelé au cours des deux dernières dé
893 avec une efficacité peut-être imperceptible, mais d’ autant plus pénétrante : on répétait qu’il s’agissait seulement d’une
894 nétrante : on répétait qu’il s’agissait seulement d’ une mode. Cette erreur a distrait la méfiance des saccageurs de la Nat
895 te : on répétait qu’il s’agissait seulement d’une mode . Cette erreur a distrait la méfiance des saccageurs de la Nature, et
896 ette erreur a distrait la méfiance des saccageurs de la Nature, et elle nous a permis d’agir en profondeur. Mais la respon
897 es saccageurs de la Nature, et elle nous a permis d’ agir en profondeur. Mais la responsabilité de l’homme devant la Nature
898 rmis d’agir en profondeur. Mais la responsabilité de l’homme devant la Nature et les bêtes n’est pas seulement métaphoriqu
899 ue, a été donnée par saint Paul, au chapitre VIII de l’Épître aux Romains (que je vais lire dans la traduction de Calvin,
900 aux Romains (que je vais lire dans la traduction de Calvin, pour le premier verset) : La création tout entière, dans une
901 ne attente ardente, attend la révélation des fils de Dieu. Car la création a été soumise à la corruption non de son gré, m
902 Car la création a été soumise à la corruption non de son gré, mais à cause de celui qui l’y a soumise — avec l’espérance q
903 — avec l’espérance qu’elle aussi sera affranchie de la servitude de la corruption, pour avoir part à la liberté et à la g
904 nce qu’elle aussi sera affranchie de la servitude de la corruption, pour avoir part à la liberté et à la gloire des enfant
905 voir part à la liberté et à la gloire des enfants de Dieu. Or nous savons que jusqu’à ce jour la création tout entière sou
906 tout entière soupire et souffre dans les douleurs de l’enfantement. Et ce n’est pas elle seulement, mais nous aussi, qui a
907 eulement, mais nous aussi, qui avons les prémices de l’Esprit, nous aussi nous soupirons en nous-mêmes en attendant la réd
908 oupirons en nous-mêmes en attendant la rédemption de notre corps. Car c’est en espérance que nous sommes sauvés. Mais « n
909 ition biblique-évangélique confirme la continuité de la Création tout entière, dans la relation de l’animal à l’homme, j’e
910 ité de la Création tout entière, dans la relation de l’animal à l’homme, j’entends de l’homme à la Nature vivante et au Co
911 dans la relation de l’animal à l’homme, j’entends de l’homme à la Nature vivante et au Cosmos, où le règne animal est le p
912 imal est le plus proche de l’homme. Les religions de l’Asie approchent ce même mystère par leur croyance aux réincarnation
913 royance aux réincarnations et leur respect absolu de la vie sous toutes ses formes. Ici encore, nous le voyons bien : nous
914 e aux réincarnations et leur respect absolu de la vie sous toutes ses formes. Ici encore, nous le voyons bien : nous ne ser
915 se aujourd’hui Franz Weber. t. Rougemont Denis de , « Les Nations unies des animaux », Réforme, Paris, 13 décembre 1980,
916 cette note : « Du 27 au 29 novembre, 70 délégués de divers mouvements de protection des animaux se sont réunis en assembl
917 au 29 novembre, 70 délégués de divers mouvements de protection des animaux se sont réunis en assemblée générale de l’asso
918 des animaux se sont réunis en assemblée générale de l’association : United Animal Nations (8 rue d’Italie, CH-1214, Genèv
919 r (on se souvient tout particulièrement en France de son action en faveur du site des Baux-de-Provence, que menaçait la mi
920 Il a bien voulu nous autoriser à publier le texte de son allocution d’ouverture. Ce dont nous le remercions. »
921 us autoriser à publier le texte de son allocution d’ ouverture. Ce dont nous le remercions. »