1
ois les habitants du village réunis, leur façon d’
être
ensemble, et surtout la jeunesse, d’ordinaire invisible, au point que
2
u point que je doutais même qu’elle existât. Elle
était
là. Elle occupait les longs bancs rangés en chevrons derrière le peti
3
tous laids de visage et très épais de corps. Nous
étions
assis derrière eux. Au fond, sur deux armoires basses siégeaient une
4
à grands sauts ralentis — le courant électrique n’
étant
sans doute pas réglé pour faire tourner l’appareil au rythme normal.
5
chaque semaine désormais, un petit discours. « Je
serai
bref ! » C’est un jeune homme d’allure énergique et de visage intelli
6
pathétiques. Il annonce le sujet de ce soir : Qu’
est
-ce qu’être laïque ? — « Messieurs, chers amis ! Je vous rappellerai t
7
es. Il annonce le sujet de ce soir : Qu’est-ce qu’
être
laïque ? — « Messieurs, chers amis ! Je vous rappellerai tout d’abord
8
y a, dis-je, quelqu’un qui a osé prétendre que je
suis
un empoisonneur des consciences ! » Récit détaillé des calomnies que
9
s’agite, les bras s’agitent, la voix s’enfle. « J’
étais
au dernier congrès des instituteurs qui s’est tenu à Paris. Eh bien !
10
J’étais au dernier congrès des instituteurs qui s’
est
tenu à Paris. Eh bien ! citoyens, lors de ce congrès, il a été stipul
11
ris. Eh bien ! citoyens, lors de ce congrès, il a
été
stipulé qu’à l’avenir… » La fin de la phrase étant particulièrement s
12
été stipulé qu’à l’avenir… » La fin de la phrase
étant
particulièrement sonore, des applaudissements éclatent au fond de la
13
nce dans une définition vibrante de la laïcité. «
Être
laïque, c’est vouloir la justice et l’égalité pour tous ! Être laïque
14
c’est vouloir la justice et l’égalité pour tous !
Être
laïque, c’est vouloir l’instruction libre et gratuite pour tous, sans
15
ous, sans distinction de fortune ou de religion !
Être
laïque… » Ah ! surtout, être laïque, ce n’est pas combattre les relig
16
une ou de religion ! Être laïque… » Ah ! surtout,
être
laïque, ce n’est pas combattre les religions, comme le prétend le voi
17
! Être laïque… » Ah ! surtout, être laïque, ce n’
est
pas combattre les religions, comme le prétend le voisin, « car je les
18
elle, que je considère comme sacrée ! » En somme,
être
laïque, c’est être religieux au vrai sens du mot, selon les paroles d
19
ère comme sacrée ! » En somme, être laïque, c’est
être
religieux au vrai sens du mot, selon les paroles de Gambetta, d’Ernes
20
Gambetta, d’Ernest Lavisse et de quelques autres.
Être
laïque, c’est finalement « aimer son prochain » ! Je n’ai pas plutôt
21
es frères ! si l’on vient encore vous dire que je
suis
un empoisonneur des consciences, vous saurez maintenant me défendre !
22
re à la première conférence. Mais le village d’A…
est
à huit kilomètres et la tempête m’avait empêché d’y aller à bicyclett
23
La mère Renaud vient de m’apprendre que l’orateur
est
le pasteur du chef-lieu. Il paraît qu’il cause très bien — lui aussi
24
lui aussi — mais elle ne l’a jamais entendu. Elle
est
catholique, en effet, comme d’ailleurs tout le monde au village, à pa
25
ches laïques de l’instituteur. Le seul protestant
est
mort l’été dernier, âgé de 93 ans. Il s’était converti à soixante-dix
26
s de l’instituteur. Le seul protestant est mort l’
été
dernier, âgé de 93 ans. Il s’était converti à soixante-dix ans « et i
27
stant est mort l’été dernier, âgé de 93 ans. Il s’
était
converti à soixante-dix ans « et il avait toujours tenu ! » Catholiqu
28
se de joliment absurde. Les paysans du village ne
sont
pas même tous capables de lire le journal, et j’ai remarqué qu’ils ac
29
le locale des curés ou celle des républicains. Il
est
à peu près impossible de savoir s’ils font une distinction quelconque
30
onférence d’A… me fera modifier ce jugement. J’en
suis
bien curieux. 15 décembre 1933 Je relève les notes prises l’autre soi
31
mier rang, deux « dames », l’une très vieille. Ce
sont
les seules femmes. Mauvais éclairage. L’orateur se hisse sur la scène
32
reau, puisque, comme vous le savez, la conférence
est
contradictoire. Je vous demanderai donc de bien vouloir proposer des
33
out à droite, un tout à gauche, le troisième, qui
est
le président, derrière la table, embarrassés de leurs mains, de leurs
34
le sujet… Je ne connais pas beaucoup M. Palut, n’
est
-ce pas, c’est la première fois qu’il vient à A…, mais certainement qu
35
ment, et parle : — On a dit ici même que l’Église
est
contre les travailleurs. Est-ce vrai ? Il y a plusieurs églises, et m
36
ci même que l’Église est contre les travailleurs.
Est
-ce vrai ? Il y a plusieurs églises, et malheureusement elles ne s’ent
37
ne s’entendent pas toujours. La primitive église
était
constituée par des esclaves et des gens pauvres. Depuis lors il y a e
38
da, a dit que les clercs ont trahi. Les clercs, n’
est
-ce pas, ce sont les intellectuels, les écrivains, les professeurs, de
39
es clercs ont trahi. Les clercs, n’est-ce pas, ce
sont
les intellectuels, les écrivains, les professeurs, des hommes disting
40
ourgeoisie égoïste, guerre. Mais le vrai chrétien
est
avec les petits. Résumé de ce que la Bible dit des travailleurs : Jér
41
montre que le système de propriété chez les Juifs
est
presque communiste ! Jésus est l’ami des pauvres, des péagers. Malheu
42
été chez les Juifs est presque communiste ! Jésus
est
l’ami des pauvres, des péagers. Malheureusement il y a le cléricalism
43
eureusement il y a le cléricalisme. C’est lui qui
est
mauvais, non pas la Bible. Être chrétien, c’est aimer son prochain co
44
sme. C’est lui qui est mauvais, non pas la Bible.
Être
chrétien, c’est aimer son prochain comme Jésus nous aime. Si tous les
45
rochain comme Jésus nous aime. Si tous les hommes
étaient
chrétiens, il n’y aurait plus d’exploitation ni de guerre !… La péror
46
us d’exploitation ni de guerre !… La péroraison a
été
éloquente, un peu trop à mon goût. On applaudit. Le président demande
47
connaître assez en religion, mais assure qu’il a
été
bien intéressé. On se lève, et les langues se délient. « Il a bien pa
48
’approuve et m’étonne que la discussion n’ait pas
été
plus longue : il y avait pourtant bien des auditeurs qui ne devaient
49
t pourtant bien des auditeurs qui ne devaient pas
être
d’accord ? « Ben quoi, fait-il, convaincu, c’est la vérité ce qu’il a
50
? » Il me regarde un peu étonné à son tour : « Qu’
est
-ce que vous voulez, il n’y a rien à répondre, c’est juste, ce qu’il a
51
e. Là ça barde, après les réunions ! Mais ici, qu’
est
-ce que vous voulez ? Ils sont comme ça… » Je vais me présenter au con
52
nions ! Mais ici, qu’est-ce que vous voulez ? Ils
sont
comme ça… » Je vais me présenter au conférencier, et nous sortons ens
53
cier M. Palut. Enfin il veut lui demander « si ce
serait
possible de se procurer une Bible pour étudier un peu tout ça. On sen
54
ne à comprendre ses intentions. Il a un oncle qui
est
curé, mais je ne saisis pas bien si ce curé lui a interdit la lecture
55
ire, il pourrait lui en prêter une. Quoi qu’il en
soit
, le pasteur note le nom du « président » et promet de lui envoyer un
56
s les cent pas sur la place. M. Palut sait que je
suis
écrivain. Il a lu un de mes articles. Je le sens inquiet de mon opini
57
us ennuyer, hein ? » Je le rassure vivement. Ce n’
est
pas moi qui lui reprocherai jamais d’être trop simple. On ne l’est ja
58
nt. Ce n’est pas moi qui lui reprocherai jamais d’
être
trop simple. On ne l’est jamais assez ! — Oh ! vous savez, — dit-il —
59
ui reprocherai jamais d’être trop simple. On ne l’
est
jamais assez ! — Oh ! vous savez, — dit-il — je n’y mets pas d’amour-
60
si vous voulez mon opinion, ou si elle peut vous
être
utile… je crois que vous êtes encore trop compliqué pour ce public. I
61
u si elle peut vous être utile… je crois que vous
êtes
encore trop compliqué pour ce public. Il me semble qu’on pourrait leu
62
interpeller, enfin quoi, les secouer un peu ! Ils
sont
là à vous écouter sans bouger, comme ils ont écouté les autres qui di
63
le contraire, et pas moyen de savoir avec qui ils
sont
d’accord. Il ne faut pas oublier que nous vivons à une époque de prop
64
uccès. Pensez donc, il y a plus de six ans que je
suis
dans l’île, et je n’avais jamais pu parler à A…, à cause du curé qui
65
du curé qui s’y opposait par tous les moyens. Ils
sont
difficiles à prendre, ici. Surtout il ne faut pas les brusquer ! Ce s
66
. Bien sûr, il faudrait parler autrement. Mais qu’
est
-ce qu’ils comprennent ? Allez le savoir, avec eux. On prêche pendant
67
anche prochain, au chef-lieu, après son culte. Je
suis
rentré à bicyclette, sans lumière, distinguant à peine la route aspha
68
l. Mais beaucoup ne font plus rien en hiver ? Ils
sont
venus pour tuer le temps, au lieu d’aller au café. Cette inertie, dès
69
qu’il ne s’agit plus d’argent ! À moins que ce ne
soit
le langage, la difficulté de s’exprimer ? Tout est mystère en eux, et
70
it le langage, la difficulté de s’exprimer ? Tout
est
mystère en eux, et pour eux-mêmes sans doute. Et on dit « le peuple »
71
de Colette. Je n’avais pas encore lu ce livre. Il
est
exactement de l’espèce que j’aime, et l’un des plus charmants dans ce
72
n des plus charmants dans cette espèce, mais ce n’
est
point pour cela que j’en parle ici. C’est pour une raison très précis
73
lumière. Lundi dernier, au petit matin, nous nous
sommes
réveillés couverts de puces. J’exagère à peine : pour mon compte, j’e
74
r. Je n’en menais pas large. Comme la mère Renaud
était
venue nous voir la veille, nous ne cherchâmes pas plus loin la cause
75
herchâmes pas plus loin la cause du phénomène. Il
est
vrai qu’on a beau porter un nombre excessif de jupons, cela ne devrai
76
s. Or, peu de jours auparavant, un petit hérisson
était
venu se mettre en boule dans la plate-bande qui borde la maison, sous
77
olette, je sais maintenant pourquoi notre chambre
était
pleine de puces. Cela n’a l’air de rien, mais je vois là comme un sym
78
je vois là comme un symbole. Les livres devraient
être
utiles. On devrait y trouver des renseignements concrets, des recette
79
, des inquiétudes dont ils n’ont même pas l’air d’
être
vraiment inquiets, des indiscrétions gênantes et dont on ne sait trop
80
arement des réponses, ou alors, par malchance, ce
sont
justement des réponses à des questions qu’on n’avait pas l’idée de se
81
secousses, indiscrétions, toute cette littérature
est
sans doute pleine de talent, elle est même littéralement sensationnel
82
littérature est sans doute pleine de talent, elle
est
même littéralement sensationnelle, mais que veulent-ils qu’on en fass
83
tiné à un noble usage… » Commentons : la noblesse
est
dans l’usage. Pas de noblesse sans usage, sans application précise au
84
ases, il faut se trouver placé soudain devant les
êtres
en chair et en os dont elles parlent, pour comprendre à quel point el
85
déjà pour une réalité. Deuxième constatation : il
est
très difficile d’aimer des hommes qui ne nous sont rien, qui ne nous
86
est très difficile d’aimer des hommes qui ne nous
sont
rien, qui ne nous demandent rien, qui peut-être ne voudraient pas mêm
87
de (nous égalent les intellectuels bourgeois). Il
est
très difficile d’aimer ces hommes, et cependant ils sont la réalité v
88
ès difficile d’aimer ces hommes, et cependant ils
sont
la réalité vivante et présente du « peuple ». Par contre, il est très
89
vivante et présente du « peuple ». Par contre, il
est
très facile de haïr et de condamner un certain ordre de choses qui no
90
hoses qui nous vexe et dont nous souffrons. Et il
est
très tentant d’appeler cette haine : amour du peuple. Troisième const
91
plupart des discours que l’on tient au peuple lui
sont
incompréhensibles ; mais ceux qui les écoutent ont l’air de trouver c
92
outent ont l’air de trouver cela tout naturel. Je
fus
certainement le seul ici à m’étonner que l’instituteur citât Ernest L
93
citât Ernest Lavisse, ou le pasteur M. Benda. Il
est
généralement admis en France qu’un orateur dit un tas de choses qu’on
94
. Cela fait partie de l’éloquence. Et l’éloquence
est
le but du discours, dont le sujet n’est que le prétexte. Je constate.
95
éloquence est le but du discours, dont le sujet n’
est
que le prétexte. Je constate. Je conclus que les intellectuels sont e
96
te. Je constate. Je conclus que les intellectuels
sont
en mauvaise posture pour agir sur le peuple. Qu’ils disent des vérité
97
e les « clercs » à s’agiter dans le vide — ce qui
est
malsain — et le peuple à ne pouvoir se libérer des charlataneries pol
98
ent que par des violences maladroites, dont il ne
sera
pas le dernier à pâtir. Impuissance de l’« esprit », bêtise de l’acti
99
soi, et qu’au surplus c’était bien dit. Il ne lui
est
pas venu à l’esprit que la vérité est quelque chose qui peut être réa
100
. Il ne lui est pas venu à l’esprit que la vérité
est
quelque chose qui peut être réalisé. Et qu’il s’agit de prendre posit
101
l’esprit que la vérité est quelque chose qui peut
être
réalisé. Et qu’il s’agit de prendre position effectivement. S’il s’ét
102
s’agit de prendre position effectivement. S’il s’
était
senti interpellé personnellement, invité à choisir, sommé d’approuver
103
conduite sur ce qu’il dit », mais simplement : «
Étant
donné ses prémisses ou ses préjugés, sa déduction est correcte. » Ain
104
donné ses prémisses ou ses préjugés, sa déduction
est
correcte. » Ainsi l’intelligence devient irresponsable. Les clercs s’
105
qu’on doit penser des gens instruits. La plupart
sont
des égoïstes, des orgueilleux, des espèces d’aristos qui ne vont qu’a
106
auxquelles on reconnaît tout de suite si un type
est
avec les petits ou avec les gros. D’autre part, c’est une question de
107
ôle : on aime avoir un député instruit. Mais ce n’
est
pas pour qu’il dise des choses intelligentes, ou nouvelles. C’est sur
108
irigeant d’après mes intérêts. Cela va de soi. Il
est
probable qu’aucun homme du peuple ne s’est jamais dit cela comme je l
109
oi. Il est probable qu’aucun homme du peuple ne s’
est
jamais dit cela comme je le dis ici. Mais il me paraît clair que la p
110
t font comme s’ils le pensaient. D’autre part, il
est
trop certain que les intellectuels professent depuis longtemps en tou
111
mps en toute conscience une doctrine analogue. Il
est
normal que les hommes sans culture se trompent sur la nature et sur l
112
r la nature et sur le rôle de la culture. Mais il
est
inquiétant que les hommes cultivés, au lieu de s’efforcer, comme ils
113
t avant tout se préoccuper de le prendre là où il
est
, et commencer là. Voilà le secret de tout secours… Pour aider réellem
114
ersiste cependant à faire valoir ma science, ce n’
est
plus alors que par vanité ou par orgueil, de sorte qu’au fond, au lie
115
kegaard me frappe aujourd’hui comme si elle avait
été
écrite exprès pour moi, dans ma situation actuelle. Elle contient un
116
un secret désir, un inconscient désir que j’ai d’
être
reconnu par eux à ma juste valeur. Exactement ce que Kierkegaard appe
117
e que Kierkegaard appelle vanité. Cependant, s’il
est
des plus probables que j’ai, comme un chacun, mon amour-propre, je ne
118
assez justifié dans l’occurrence. On n’aime pas à
être
tenu pour un fainéant ou un rentier, quand on est dans ma situation,
119
tre tenu pour un fainéant ou un rentier, quand on
est
dans ma situation, ou mieux, dans ce défaut de « situation » qui fait
120
s pas entre eux pour grouper leurs lopins ? Je me
suis
renseigné. Il paraît bien qu’un maire avait proposé la réforme, avant
121
rché. La tradition de l’île veut que chaque champ
soit
partagé à la mort du propriétaire en autant de parcelles qu’il y a d’
122
ue les paysans travaillent beaucoup plus qu’il ne
serait
nécessaire à leur subsistance si la répartition des terres était conç
123
e à leur subsistance si la répartition des terres
était
conçue, non point selon les principes égalitaires, mais selon le bon
124
mais communautaire, beaucoup de choses pourraient
être
changées. Mais si personne ne fait rien par le moyen normal de l’éduc
125
d’autre solution que la contrainte. La dictature
est
un moyen grossier, souvent barbare et toujours déshonorant pour ceux
126
er le sens civique, le sens de la communauté. Qui
est
-ce qui se préoccupe en France de donner au peuple une éducation solid
127
, j’ai hésité longtemps à croire que la raison en
était
réellement aussi simple. Je connais tout de même assez la terre pour
128
ssez la terre pour savoir que les mêmes outils ne
sont
pas bons en tous pays, et je cherchais quelle particularité locale mo
129
toujours fait comme ça. » Un jour, le père Renaud
étant
venu retourner une planche d’oignons, je lui ai offert les outils à l
130
ns, je lui ai offert les outils à long manche qui
sont
dans le chai, et il a refusé. « On n’a pas l’habitude. » Contre-épreu
131
C’est que les journaux socialistes et communistes
sont
rédigés par des bourgeois, ou par des candidats à la bourgeoisie, en
132
aginent les bourgeois et leurs journalistes. Ce n’
est
pas dans notre île, d’ailleurs, que j’ai pu constater cette contagion
133
vec des maladresses et des grosses astuces, qui n’
est
pas exactement celui des « discussions » qu’on peut entendre dans les
134
s n’ont pas ou n’ont plus coutume de se réunir, d’
être
ensemble pour causer. Le dimanche, ils « font la partie » chez l’un o
135
aractère utilitaire ou récréatif. La plus fameuse
était
la Clique des retraités de la Marine, qui animait de ses concerts de
136
rts de nombreuses fêtes villageoises. Tout cela s’
est
dissous quand les hommes sont partis pour la guerre, et rien ne s’est
137
s hommes sont partis pour la guerre, et rien ne s’
est
refait depuis. Quand on veut danser, on fait venir l’orchestre-jazz d
138
la tombe. Deux réalités fondamentales. Voilà qui
est
bien dans l’harmonie de cette lande où l’homme et ses maisons mettent
139
. Ils n’attaquent plus, ils se cramponnent. Ce ne
sont
pas des colons, des défricheurs, mais de petits propriétaires qui se
140
perdu le sentiment de leur commune condition. Ils
sont
peut-être trop pareils pour éprouver le besoin de s’unir. Ils n’ont p
141
ls autrement ? Bien entendu, certains d’entre eux
sont
morts ou vont mourir couchés sur une fortune de 100 000 ou de 200 000
142
e : je crois cependant que la proportion des fous
est
moindre ici que sur le continent. Et l’on meurt vieux, et les médecin
143
er de tout cela ? Quand on voit les choses et les
êtres
de trop près, on perd le peu de foi que l’on pouvait accorder aux idé
144
re à Paris pour y croire. Réveillez ce peuple, il
sera
peut-être capable de grandes choses — c’est son mystère — mais ne dit
145
s pas que vous le faites pour son bonheur, car il
est
plus « heureux » que vous. Il faudrait croire fanatiquement à une vér
146
sième République : un État faible, dont le centre
est
lointain, qui ne croit à rien, et qui par suite ne peut rien exiger d
147
a ressource principale des villages. Le chef-lieu
est
en train de devenir la proie des politiciens de Paris. Un dimanche, c
148
a proie des politiciens de Paris. Un dimanche, ce
sont
les enfants communistes de la colonie de vacances qui défilent en mai
149
des « cris séditieux » ; le dimanche suivant, ce
sont
les enfants de la fondation « de droite » et on les applaudit : la fo
150
coup de personnes de l’île. La moitié des maisons
sont
vides, et quelques-unes déjà tombent en ruines. Et surtout ce régime
151
rtance des autocars et des transformations qu’ils
sont
en train de causer dans la vie provinciale. Je n’ai pas compté le nom
152
, dans plusieurs départements de l’Ouest, qu’il n’
est
plus guère de « pays » qui ne soit desservi par une ou deux ou même t
153
’Ouest, qu’il n’est plus guère de « pays » qui ne
soit
desservi par une ou deux ou même trois Compagnies de transports locau
154
ndément la coutume de la France rurale. Mais ce n’
est
pas encore assez dire : l’autocar modifie complètement le mode de con
155
llait à Paris ou qu’on en venait. Tout le reste n’
était
que tortillards cahotants, jamais à l’heure, où l’on se sentait relég
156
que village. Aujourd’hui, les stations d’autocars
sont
sur la place principale. C’est de là qu’on part au milieu d’une grand
157
l’on voit le mieux de chaque pays. La voie ferrée
était
une sorte d’insulte à la vie locale : elle la traversait abstraitemen
158
rt, sans remarquer que les gens qui l’habitent ne
sont
pas tous de la même sorte, et que d’une province à une autre, ce n’es
159
me sorte, et que d’une province à une autre, ce n’
est
pas seulement le paysage qui change. N’était-ce pas là l’une des rais
160
, ce n’est pas seulement le paysage qui change. N’
était
-ce pas là l’une des raisons qui faisait si facilement nier la subsist
161
sa tête de ligne chez un bistro différent, et il
est
rare qu’on puisse trouver l’horaire ailleurs. Parfois le bistro vend
162
a concurrente qui a fait baisser les prix. Car il
est
de règle qu’au début deux Compagnies se disputent le parcours, jusqu’
163
argoulins, topazes, etc. Si l’on a le temps, il n’
est
pas impossible de pousser la « discussion » sur un plan supérieur, d’
164
l. Bref, lorsque vous montez dans l’autocar, vous
êtes
renseigné, vaille que vaille, sur les facteurs économiques du pays, s
165
ent au départ avec force recommandations ; et ils
sont
rares, ceux qui n’ont pas deux mots à dire par la portière entrouvert
166
s de car. Cela tient évidemment à leur métier. Ce
sont
, en général de jeunes gaillards solides et gais, et qui ont toutes le
167
accordées à ceux qui commandent et disposent, ne
fût
-ce que pour une heure, de leur vie. Oui, voilà bien les hommes avec l
168
et la rapidité d’esprit que les bourgeois, qui en
sont
dépourvus, attribuent par erreur au « peuple » en général. Sans compt
169
r les moyens techniques dont ils disposent et qui
seraient
décisifs lors d’une action rapide. Mais loin de moi ces ambitions : c
170
ux qui les ont n’en parlent pas, dit-on. Et je ne
suis
qu’un écrivain. Ceci me rappelle un bout de conversation que j’aurais
171
é dans l’autocar de Taillefer voulait savoir quel
était
mon métier. Et quand j’eus dit que je n’en avais aucun, et que je n’é
172
nd j’eus dit que je n’en avais aucun, et que je n’
étais
qu’un écrivain, et chômeur par-dessus le marché, il s’écria : — Ah !
173
s. Je dis les antres. De toute façon, un écrivain
est
par nature un empêtré. Et voilà le paradoxe et l’injustice : c’est qu
174
5 et de 1917, et de l’état actuel de l’URSS. Ils
étaient
venus par groupes, à bicyclette ou en charrettes, de tous les village
175
s villages voisins. Du haut de la colline où nous
étions
tous réunis pour déjeuner, on dominait tout un canton de marécages mé
176
i bien que j’avais pu le laisser croire ; si ce n’
était
pas encore un de ces régimes de dictature ; si les paysans avaient pl
177
ravant, etc. Mais ce qui me surprit davantage, ce
fut
la question franche d’un garçon de vingt ans, costaud, l’air intellig
178
rait faire la même chose ici ? » Pour sa part, il
était
sceptique. Il pensait qu’en Vendée les choses ne seraient pas si simp
179
sceptique. Il pensait qu’en Vendée les choses ne
seraient
pas si simples, que la situation matérielle était meilleure et demand
180
aient pas si simples, que la situation matérielle
était
meilleure et demandait un développement tout différent ; qu’on voulai
181
sions (je n’ose pas en dire davantage : tout cela
est
encore moins clair dans la réalité que dans ce résumé). Quand j’ai pr
182
es que je craignais. (On peut donc gouverner sans
être
un monsieur en haut de forme ? Il a l’air d’un brave type comme nous
183
e venais d’exposer, afin de voir si mes auditeurs
étaient
de la même espèce que ceux de l’île : cette série de questions précis
184
ns que j’avais tirées de la conférence à A… Elles
sont
également vraies. Ce qui est faux, c’est de parler du peuple en génér
185
nférence à A… Elles sont également vraies. Ce qui
est
faux, c’est de parler du peuple en général. « On le savait depuis lon
186
ls ». 17 mars 1934 L’instituteur vendéen. — Nous
étions
assis dans sa cuisine avec sa femme et ses deux enfants. C’est un hom
187
irection. Nous ne savons pas que lire. Le travail
est
dur, ici. Il faut lutter contre les parents, contre la concurrence de
188
sai, mais c’est toujours de la politique. Quand j’
étais
jeune, j’ai beaucoup lu Anatole France, c’est à cause de lui que j’ai
189
j’ai perdu la foi. J’aimais aussi Romain Rolland.
Est
-ce qu’il est mort ? Vous ne pourriez pas me dire ce qu’il y aurait d’
190
foi. J’aimais aussi Romain Rolland. Est-ce qu’il
est
mort ? Vous ne pourriez pas me dire ce qu’il y aurait d’intéressant à
191
Ne lisez-vous pas de journaux politiques ? — Ce n’
est
pas ce qu’on cherche. Il faudrait en lire deux au moins pour corriger
192
C’est aussi à cause de cette centralisation : qu’
est
-ce qu’ils savent de notre situation à Paris ? Est-ce qu’il n’y aurait
193
est-ce qu’ils savent de notre situation à Paris ?
Est
-ce qu’il n’y aurait pas moyen de faire un mouvement politique en deho
194
commune ? On sent bien ce qu’il faudrait. Mais qu’
est
-ce qu’on peut, tout seuls dans ce coin ?… » J’ai essayé de faire une
195
e ou de conviction. On dirait que tout son effort
est
de s’écarter le plus possible de ce qui est simplement vrai. Je compr
196
ffort est de s’écarter le plus possible de ce qui
est
simplement vrai. Je comprends assez bien qu’un certain nombre d’écriv
197
mme les autres que c’était plutôt ridicule. Telle
est
la pauvre chance des « intellectuels » : il a fallu un nouveau confor
198
Deux petits journaux paraissent dans l’île. L’un
est
aux mains de M. T…, député de droite, et des « curés ». L’autre est «
199
. T…, député de droite, et des « curés ». L’autre
est
« républicain et antifasciste ». 2. Village à l’autre extrémité de l
200
in sablonneux ». Reste la question de savoir s’il
est
normal de se déformer le corps pour gagner un peu plus. Or ils y sont
201
former le corps pour gagner un peu plus. Or ils y
sont
, pour la plupart, contraints. 5. J’ai appris que, dans certaines rég
202
ues en particulier. Ces aspirations, à la vérité,
sont
extrêmement imprécises. Il y a, en France, un divorce angoissant entr
203
s, en apportent des preuves frappantes. Ces pages
sont
extraites du Journal d’un intellectuel en chômage , qui doit paraîtr
204
traits typiques de notre siècle. Or l’inconscient
est
la grande découverte — ou l’invention — des romantiques allemands. C’
205
cture nous introduit aux vertiges spirituels d’où
sont
nés des mouvements politiques tels que le national-socialisme. Peu à
206
rêve et de mystique élémentaire. Or, ces faits ne
sont
pas seulement coïncidents. Ce n’est point du hasard qu’ils sont nés.
207
ces faits ne sont pas seulement coïncidents. Ce n’
est
point du hasard qu’ils sont nés. Et si tout nous invite à rechercher
208
ment coïncidents. Ce n’est point du hasard qu’ils
sont
nés. Et si tout nous invite à rechercher leur secrète complicité, rie
209
vite à rechercher leur secrète complicité, rien n’
est
plus propre que l’ouvrage d’Albert Béguin à nous guider dans la pénom
210
I. Le Rêve et la Mystique La conscience claire
est
la première conquête spirituelle des hommes angoissés par le mystère
211
e chaos panique. Mais cette victoire, lorsqu’elle
est
trop complète, lorsqu’elle est devenue trop ancienne et facile, laiss
212
toire, lorsqu’elle est trop complète, lorsqu’elle
est
devenue trop ancienne et facile, laisse l’homme sur un sentiment de d
213
t d’indicible appauvrissement. Le monde rationnel
est
rassurant, mais beaucoup de questions y demeurent sans réponse, et de
214
ion, comparable au vertige, vers ces régions de l’
être
obscur que le bon sens et la philosophie prétendaient mettre au ban d
215
Et tandis que dans sa panique l’homme primitif s’
était
tourné vers la raison libératrice, au terme des époques appauvries de
216
mentaires après un siècle de science positiviste.
Est
-il vrai que la nuit et le rêve n’ont rien à révéler qui importe au jo
217
e rêve n’ont rien à révéler qui importe au jour ?
Est
-il vrai que la passion, l’angoisse et la folie sont moins réelles que
218
st-il vrai que la passion, l’angoisse et la folie
sont
moins réelles que nos sagesses tyranniques ? « Songe est mensonge »,
219
ns réelles que nos sagesses tyranniques ? « Songe
est
mensonge », décrétait la raison. Mais elle nous a laissés sur notre f
220
radis et des terreurs d’une intensité séduisante.
Serait
-il le signe, ou l’entrée, d’une Vérité supérieure ? Telle est la ques
221
gne, ou l’entrée, d’une Vérité supérieure ? Telle
est
la question que posèrent les premiers romantiques allemands. « Ils ad
222
mettent tous, écrit M. Béguin, que la vie obscure
est
en incessante communication avec une autre réalité, plus vaste, antér
223
t supérieure à la vie individuelle. » Mais quelle
est
cette réalité ? Notre nature profonde ou la divinité ? « Plus nous no
224
plus nous pénétrons dans la nature des choses qui
sont
hors de nous », affirme un des théoriciens du premier romantisme, Ign
225
. Mais encore : s’agit-il vraiment des choses qui
sont
hors de nous, ou bien seulement de choses qui, en nous, étaient resté
226
e nous, ou bien seulement de choses qui, en nous,
étaient
restées secrètes pour la conscience ? Tieck pose très nettement la qu
227
songes nous appartiennent. » Quand nous rêvons, «
est
-ce nous qui nous jouons de nous-mêmes, ou bien une main d’en haut bra
228
Et si un principe spirituel étranger à nous-mêmes
était
le mobile de ces irruptions soudaines d’images inconnues qui se jette
229
et si saisissante ? » De là à penser que le rêve
est
« un vestige du divin », il n’y a que l’épaisseur d’un scrupule d’ort
230
sse la difficulté et le choix : pour lui, le rêve
est
« tantôt un écho du supraterrestre dans le terrestre, tantôt un refle
231
re que le rêve ne révèle rien que nos secrets, ce
serait
tomber dans la psychanalyse. Croire qu’il révèle aussi un monde supér
232
s cités par Béguin nous inclinent à penser qu’ils
sont
plus proches des mystiques que des psychanalystes. Au fond, lorsqu’il
233
stes. Au fond, lorsqu’ils se demandent si le rêve
est
connaissance ou illusion, et si c’est « l’Autre », ou le moi sombre e
234
s furtives promesses de bonheur, surtout si elles
sont
assez obscures et ambiguës pour échapper au froid contrôle de la rais
235
la poésie romantique, de même que la surréaliste,
est
à l’affût des « surprises pleines de sens » dont nous parlent aussi l
236
s un langage métaphorique et régulier, comme s’il
était
soumis, en ce domaine, à des lois plus précises et plus constantes qu
237
. D’autre part, l’on sait bien que les mystiques,
fussent
-ils de religions différentes — hindous, musulmans ou chrétiens — ont
238
onscrit du rêve. Les romantiques, d’ailleurs, ont
été
bien au-delà, dans leur exploration de l’inconscient. Le songe, pour
239
ploration de l’inconscient. Le songe, pour eux, n’
est
que la « porte » ouvrant sur le monde ineffable, qui est proprement l
240
la « porte » ouvrant sur le monde ineffable, qui
est
proprement le domaine des mystiques. Toute expérience mystique ou rom
241
hme), dont on ne peut rien dire, et qui cependant
est
la source de tout ce que l’on dit. C’est l’ineffable, l’indicible, le
242
ire, à tenter de le cerner par des figures qui, n’
étant
jamais suffisantes, doivent être inépuisablement multipliées. Disons-
243
figures qui, n’étant jamais suffisantes, doivent
être
inépuisablement multipliées. Disons-le sans la moindre irrévérence :
244
es. Disons-le sans la moindre irrévérence : nul n’
est
plus verbeux qu’un mystique, si ce n’est un romantique allemand. Car
245
: nul n’est plus verbeux qu’un mystique, si ce n’
est
un romantique allemand. Car l’un et l’autre ont l’ambition de communi
246
e définir comme l’indicible. Dès lors, la plainte
sera
la même, qu’il s’agisse d’une Thérèse d’Avila ou simplement du bonhom
247
ù trouver des mots ? », gémissent-ils. La plainte
est
sincère et tragique. Mais combien de mots leur fera-t-elle accumuler
248
ra-t-elle accumuler pour dire que rien ne saurait
être
dit… Et pourtant si, romantiques et mystiques sont persuadés que, non
249
tre dit… Et pourtant si, romantiques et mystiques
sont
persuadés que, nonobstant leur impuissance à traduire l’inconscient o
250
blie l’origine mystique : « Le poète et le rêveur
sont
passifs ; ils écoutent le langage d’une voix qui leur est intérieure
251
ifs ; ils écoutent le langage d’une voix qui leur
est
intérieure et pourtant étrangère, qui s’élève dans les profondeurs d’
252
là l’écho d’un discours divin. » Alors le doute n’
est
plus permis : l’analogie purement formelle que nous décrivions jusqu’
253
ont la nuit des songes, chantée par les poètes, n’
était
que le symbole et le signe physique6. C’est « le royaume de l’Être qu
254
le et le signe physique6. C’est « le royaume de l’
Être
qui se confond avec le royaume du Néant, l’éternité enfin conquise et
255
« contemplation sans objet ». Je pense donc qu’il
est
légitime de suivre Albert Béguin dans cette conclusion : « La grandeu
256
voir ajouté foi aux pouvoirs irrationnels et de s’
être
dévoué, corps et âme, à la grande nostalgie de l’être en exil. » I
257
dévoué, corps et âme, à la grande nostalgie de l’
être
en exil. » II. L’Être en exil Ce sentiment d’exil que nous trou
258
la grande nostalgie de l’être en exil. » II. L’
Être
en exil Ce sentiment d’exil que nous trouvons à l’origine des expé
259
lus singulier dans la vie de l’esprit humain, qui
est
l’engagement sur la via mystica ? S’il est permis — comme on l’admet
260
n, qui est l’engagement sur la via mystica ? S’il
est
permis — comme on l’admet un peu trop facilement de nos jours — de ti
261
ste, en plein xviiie siècle rationaliste, Moritz
fut
l’un des tout premiers à se tourner vers l’étude des rêves. Il s’y tr
262
urement humains ?) Le point de départ paraît bien
être
une blessure qu’il reçut de la vie, un choc qui l’a laissé béant sur
263
oi détesté…, qu’il dût désormais, inexorablement,
être
lui-même… cette idée le plongea peu à peu dans un désespoir qui l’ame
264
-y garde : ce moi détesté, c’est la fatalité de l’
être
individuel, charnel, créé, et lié à toute la création. C’est par lui
265
r le monde. L’incapacité d’accepter le monde réel
est
signe d’une incapacité de s’accepter soi-même — à cause de cette bles
266
ent si fréquent chez la plupart des romantiques d’
être
mal assuré de sa propre identité, et d’avoir à la rechercher précisém
267
héros d’un de ses romans : « Il lui parut qu’il s’
était
échappé entièrement à lui-même et qu’il lui fallait avant toute démar
268
lus de saisir la pensée salvatrice ». C’est qu’il
est
un souvenir interdit, trop douloureux pour être revécu. Le moi malade
269
il est un souvenir interdit, trop douloureux pour
être
revécu. Le moi malade échoue à se ressaisir dans la mémoire, puisque
270
r dans la mémoire, puisque la cause de sa maladie
est
justement ce qu’il ne peut se remémorer, cette lacune qui est à l’ori
271
t ce qu’il ne peut se remémorer, cette lacune qui
est
à l’origine de la conscience divisée. Comment alors sortir du cercle,
272
r la vie totale dans sa bienheureuse unité ? Ce n’
est
plus possible ici-bas, dans la prison du moi coupable et douloureux.
273
’un retour au monde perdu, à la « vraie vie » qui
est
« ailleurs », comme dit Rimbaud. Vie d’expansion indéfinie dans l’uni
274
ncore, et plus précise, le rêve ou la via mystica
sont
des moyens de récupérer le monde perdu. Ce qu’il faut souligner ici,
275
dance à la dilatation panthéiste ou mystique de l’
être
revêt presque toujours la forme d’un vœu de mort. Le sommeil préfigur
276
te romantique ; et la mort progressive à soi-même
est
l’ambition de tous les vrais mystiques. Mais pourquoi voudrait-on mou
277
réponse. En effet, la blessure dont ils souffrent
est
presque toujours symbolisée par la perte d’un être aimé. Passer dans
278
est presque toujours symbolisée par la perte d’un
être
aimé. Passer dans l’autre monde, c’est retrouver la morte ! « L’expér
279
retrouver la morte ! « L’expérience typique, qui
est
celle de Jean-Paul à la mort de ses amis, de Novalis perdant Sophie v
280
it dès l’enfance, lorsqu’il s’interroge sur ce qu’
est
devenue sa petite sœur : le vœu de retrouver la morte, de communier a
281
stence d’outre-tombe ». Le rêve ou la via mystica
seront
cette existence d’outre-tombe vécue dès ici-bas, d’une manière indici
282
evient proprement chrétienne que dans le cas où l’
être
aimé, sur la mort duquel on médite, est la personne du Christ crucifi
283
cas où l’être aimé, sur la mort duquel on médite,
est
la personne du Christ crucifié — ou se confond avec elle indiscernabl
284
elle indiscernablement. Les romantiques n’ont pas
été
si loin dans la voie des sublimations — sauf peut-être Jean-Paul et N
285
uelle ils parviennent en de très rares instants n’
est
plus alors qu’un moyen de jouir d’une « sensation voluptueuse » (comm
286
ne équivoque dont il y a lieu de craindre qu’elle
soit
intéressée. Au contraire, s’exprimer, c’est toujours s’avouer, c’est
287
sonne. Le paradoxe de l’expression d’un Indicible
est
tellement essentiel au romantisme que je n’hésite pas à y trouver l’e
288
es achevées. En effet, le mouvement de ces poètes
est
inversé de celui du Créateur. Créer, c’est donner forme, et ils voudr
289
r sans le trahir, et se trahir ? Ainsi leur œuvre
est
à l’image de la contradiction vitale dont ils souffraient et d’où nai
290
éviter certains malentendus courants. La personne
est
en nous l’être spirituel, responsable d’une vocation, et trouvant là
291
s malentendus courants. La personne est en nous l’
être
spirituel, responsable d’une vocation, et trouvant là son unité en dé
292
ons dont peut souffrir l’individu (c’est-à-dire l’
être
naturel). L’individu est entièrement déterminé par l’espèce, le milie
293
ndividu (c’est-à-dire l’être naturel). L’individu
est
entièrement déterminé par l’espèce, le milieu, l’histoire, les riches
294
il a héritées et les blessures qu’il a subies. Il
est
emprisonné dans ces données, et c’est en vain qu’il chercherait à y é
295
rouvera sous des espèces méconnaissables et qu’il
sera
tenté de croire divines. Et il est juste que les premières touches de
296
bles et qu’il sera tenté de croire divines. Et il
est
juste que les premières touches de l’esprit rendent le moi sensible à
297
il la reçoive et qu’il l’accepte consciemment, ce
sera
pour lui l’introduction à une liberté toute nouvelle. Dès ce moment,
298
mblable à celle de ces pseudo ou prémystiques que
furent
les poètes du rêve : il se dévoue à quelque chose qui le dépasse, il
299
umer son moi coupable — parce que dorénavant ce n’
est
pas cela qui compte, mais l’œuvre à faire et Celui qui l’ordonne. Alo
300
on rejoint ici l’enseignement évangélique : ce ne
sont
pas des extases indicibles qui sont promises aux vrais croyants, mais
301
lique : ce ne sont pas des extases indicibles qui
sont
promises aux vrais croyants, mais au contraire il leur est demandé d’
302
ses aux vrais croyants, mais au contraire il leur
est
demandé d’agir et d’annoncer leur foi. « C’est en confessant de la bo
303
out que les écrits d’un Novalis ou d’un Jean-Paul
soient
à sa source ; ce serait absurde. Mais je dis que nous pouvons retrouv
304
Novalis ou d’un Jean-Paul soient à sa source ; ce
serait
absurde. Mais je dis que nous pouvons retrouver au niveau inférieur e
305
e de l’orgueil national). C’est le monde qui doit
être
mal fait ! Car nous y sommes brimés, nous qui pourtant sommes les fil
306
’est le monde qui doit être mal fait ! Car nous y
sommes
brimés, nous qui pourtant sommes les fils des vertueux Germains ! Et
307
ait ! Car nous y sommes brimés, nous qui pourtant
sommes
les fils des vertueux Germains ! Et de ce sentiment de culpabilité, r
308
surance nationale. La vraie Allemagne ne peut pas
être
celle qui a subi la « blessure ». Il faut donc la chercher ailleurs :
309
ndividu conscient ; on lui a dit que sa vraie vie
était
entre les mains du parti, d’un démiurge anonyme et obscur dont il n’a
310
t les vrais ressorts du régime hitlérien. Nous ne
sommes
plus en présence de Bismarck, mais d’un peuple envoûté par son rêve.
311
é à quelque chose de plus vrai que la vie, et qui
est
sa mission millénaire. « Chez nous, proclamait récemment M. Goebbels,
312
te une opinion juste… D’ailleurs, notre politique
est
une politique d’artistes. Le Führer est un artiste de la politique. L
313
politique est une politique d’artistes. Le Führer
est
un artiste de la politique. Les autres hommes d’État sont seulement d
314
artiste de la politique. Les autres hommes d’État
sont
seulement des manœuvres. Son État à lui est le produit d’une imaginat
315
État sont seulement des manœuvres. Son État à lui
est
le produit d’une imagination géniale9. » Une politique d’artistes, un
316
6. En effet, pour les romantiques, « le sommeil
est
une préfiguration de la mort », et c’est uniquement dans la mort que
317
alpestre Personne ne m’avait dit que New York
est
une île en forme de gratte-ciel couché. C’est la ville la plus simple
318
nues parallèles, dans le sens de la longueur, qui
est
de vingt-cinq kilomètres environ — elles figurent assez bien les asce
319
. Personne ne m’avait dit, non plus, que New York
est
une ville alpestre ! Je l’ai senti le premier soir d’octobre, quand l
320
s que la vallée s’emplit d’une ombre froide. Et j’
étais
bien au fond d’une gorge, dans cette rue de briques noircies où circu
321
e je connais… Mais il y a plus. Il y a le sol qui
est
alpestre dans sa profondeur. À Central Park, au milieu des prairies,
322
larges dalles de granit. Autrefois, les glaciers
sont
venus jusqu’ici ! Ils couvraient la moitié de l’île, et la moraine s’
323
sure de Manhattan : seules, ces assises de granit
étaient
capables de supporter le formidable poids d’un gratte-ciel de cent ét
324
tranches, polis et luisants comme du marbre, ont
été
plaqués sur les façades et dans les vestibules des plus riches bâtime
325
que : l’une où les fauteuils au dossier très haut
sont
fixes (deux de chaque côté du couloir central), l’autre où les fauteu
326
ôté du couloir central), l’autre où les fauteuils
sont
espacés et pivotent ; classe de luxe et classe de grand luxe, coaches
327
oaches et pullman cars. J’ai pris un coach. Je me
suis
enfoncé dans le velours bleu sombre et j’ai regardé mes voisins, car
328
remarque pas, pour qu’on s’écrie : « Comme elles
sont
belles dans ce pays ! » Soudain, je n’ai plus vu les gens. Le train s
329
u ras de l’asphalte et le vent fou ! Si le détail
est
laid, voyez l’ensemble. Pour un homme qui est seul, Manhattan est sub
330
ail est laid, voyez l’ensemble. Pour un homme qui
est
seul, Manhattan est sublime. Il n’a qu’à s’oublier dans l’énergie fus
331
l’ensemble. Pour un homme qui est seul, Manhattan
est
sublime. Il n’a qu’à s’oublier dans l’énergie fusante de cette capita
332
de l’espace, sauf un découpage de ciel mat, tout
est
fait de main d’homme sur table rase, imbriqué, condensé, superposé, p
333
écise, ni d’eau qui court, ni de feuillages. Tout
est
pans de brique peinte et de ciment armé diversement coupés et étagés,
334
je vois une ville aussi purifiée de nature que l’
est
de prose un groupe de mots de Mallarmé. Paris, Rome, en comparaison,
335
de mots de Mallarmé. Paris, Rome, en comparaison,
sont
d’immenses parcs semés de monuments. Le site et le paysage y sont par
336
parcs semés de monuments. Le site et le paysage y
sont
partout sensibles. Les rues montent et tournent, épousant les colline
337
x au fond de nos mémoires. L’idéal de l’Américain
serait
sans doute la maison d’une seule pièce, avec au centre un grand faute
338
ice spirituel : une véritable centrifugation de l’
être
. Mais peut-être, me dis-je après coup, mais peut-être, en poussant à
339
r l’absence-de-quelque-chose-qui-y-était, qui n’y
est
plus, mais dont la progressive évacuation a laissé le milieu actif… P
340
laissé le milieu actif… Plus simplement, ce vide
est
encore un appel ; ce désespoir, s’il est conscient, un dernier signe
341
ce vide est encore un appel ; ce désespoir, s’il
est
conscient, un dernier signe de la vie… Non, j’ai surtout senti le dés
342
aut pousser plus loin. On se demande parfois : qu’
est
-ce, en somme, que le péché ? C’est cela, c’était ce que j’éprouvais à
343
cuité crispante : l’état du monde d’où l’Esprit s’
est
retiré. Ce n’étaient pas « les péchés » de ces hommes et de ces femme
344
l’état du monde d’où l’Esprit s’est retiré. Ce n’
étaient
pas « les péchés » de ces hommes et de ces femmes, ni les miens, dont
345
ens, dont nul ne peut juger et qui peut-être n’en
sont
point. Ce n’était pas le froid, la pluie, la poisse aux pieds mêlée d
346
peut juger et qui peut-être n’en sont point. Ce n’
était
pas le froid, la pluie, la poisse aux pieds mêlée d’essence sur l’asp
347
particuliers à cinq étages, cette rue très courte
est
l’une des rares — j’en connais trois dans Manhattan — qui, à la fois,
348
ands portiers galonnés. Une buée bleue, pendant l’
été
, emplit cet espace fermé par les hauts bâtiments de la Cinquante-et-u
349
de fenêtres dépourvues d’ornements. Beekman Place
est
un de ces lieux où l’exilé s’écrie : « Mais c’est l’Europe ! » parce
350
jour. Le seul vestige de nature — car l’eau même
est
canalisée — ce sont ces trois îlots de granit noir couverts de mouett
351
ige de nature — car l’eau même est canalisée — ce
sont
ces trois îlots de granit noir couverts de mouettes, et signalés par
352
pt secondes. Tout ce qu’embrasse mon regard, tout
est
fait de main d’homme, sauf les mouettes. Qu’on ne me parle plus des l
353
économiques et de leurs fatales réalités : car ce
sont
les réalités d’un monde tout artificiel que nous, les hommes, avons b
354
ge et festonnées de tuiles provençales. La brique
est
chaude encore sous mes pieds nus. À ma hauteur, et un peu plus bas, e
355
queurs se mettent à souffler fort dans la brume d’
été
flottant sur la rivière… Une langue de lumière orangée vient râper do
356
our, le même amour, mais le cœur s’ouvre — l’aube
est
l’heure du pardon délivrant — et je me donne au jour américain ! Sur
357
ue et de Central Park, traverse en direction de l’
est
de beaux quartiers gris clair d’un gothique sobre et astiqué, change
358
s que je circule dans cette ville, je n’ai jamais
été
touché ; ils sont d’une folle brutalité, mais surpassée par leur adre
359
dans cette ville, je n’ai jamais été touché ; ils
sont
d’une folle brutalité, mais surpassée par leur adresse — allument des
360
es boîtes à lettres portent des noms en cek, nous
sommes
dans le quartier slovaque. Je gravis l’escalier jusqu’au troisième. L
361
ns la cuisine. En face du fourneau à charbon, qui
est
censé chauffer l’appartement, une espèce de baignoire couverte et for
362
e pièce plus claire, sur la cour. Ce logis, qui n’
est
guère qu’un corridor légèrement cloisonné, s’annonce dans les journau
363
ois alvéoles aveugles. Tout l’East Side populaire
est
ainsi, sur une vingtaine de kilomètres. Je me penche à la fenêtre, au
364
che à la fenêtre, au-dessus de la cour. Le sol en
est
jonché de plâtras, de journaux, de chiffons qui bougent, ou ce sont p
365
tras, de journaux, de chiffons qui bougent, ou ce
sont
peut-être des chats. Des cordes tendues sur l’abîme supportent des le
366
ctement rectangulaire. Tous les objets qu’on voit
sont
des rectangles, à part les chiffons et les chats. Les façades, hauts
367
rique.) L’un des maris se nomme Robert ; son père
était
un Canadien français et sa vieille mère est une Allemande du Sud. La
368
ère était un Canadien français et sa vieille mère
est
une Allemande du Sud. La famille de l’autre mari est de ce pays depui
369
une Allemande du Sud. La famille de l’autre mari
est
de ce pays depuis plusieurs générations ; et leurs épouses, fort plan
370
rendent ici les voisins ! En Europe, le voisin n’
est
que l’ennemi virtuel.) J’ai cru poli de m’arrêter pour une heure dans
371
nts. Le nom, très difficile à prononcer : Cohoes,
est
sans doute d’origine indienne. « Personne ne connaît notre ville, me
372
, j’entends pour la longueur des bâtiments. » (Il
est
peu de villes américaines qui ne réussissent à se vanter de quelque c
373
au monde, compensant ainsi l’impression qu’elles
sont
interchangeables à tant d’autres égards.) Le paysage pourrait bien êt
374
à tant d’autres égards.) Le paysage pourrait bien
être
européen : collines douces, bois et prairies, une rivière lente et le
375
tres quittèrent l’Allemagne en 1848, parce qu’ils
étaient
républicains. Cette vague d’émigration germanique, libérale et plus o
376
Je remarque un groupe de clochetons à bulbe d’or.
Serait
-ce une usine orthodoxe ? « Oui, dit Robert, c’est l’une de nos deux é
377
ainiennes. » La moitié de la population de Cohoes
est
slave, polonaise ou russe d’origine. L’autre moitié se compose de Can
378
renflées ou légèrement obliques. Seule, la Banque
est
en pierres blanches, ornée de colonnes et d’un fronton de temple grec
379
te beaucoup de barbes longues et bouclées. La rue
est
sale. Suis-je en Russie ? Non, il y a trop d’autos. Robert revient et
380
p de barbes longues et bouclées. La rue est sale.
Suis
-je en Russie ? Non, il y a trop d’autos. Robert revient et nous roulo
381
qui ai fondé notre Air Club, il y a quinze ans, j’
étais
tout jeune. J’ai eu jusqu’à trente appareils et une école de pilotage
382
je n’ai plus piloté depuis lors. Aujourd’hui, je
suis
président du club de golf. Si les affaires vont bien, après la guerre
383
j’espère m’acheter de nouveau un petit avion. Ce
sera
plus commode pour les week-ends, surtout que madame Robert n’aime pas
384
ons bien des fanatiques de l’aviation, mais ce ne
sont
pas des agents de location, d’autre part amateurs de golf, de géraniu
385
week-ends paisibles au bord d’un lac. Mais il ne
serait
guère plus facile de comparer cette vie, cette ville aux images que,
386
dans un vestibule sombre. La maîtresse de maison
est
sortie à cheval. Promenons-nous en l’attendant. L’odeur des chiens im
387
tombe par morceaux, les coussins de velours rouge
sont
moisis. Nous redescendons. Le ciel est devenu noir. Du portique, entr
388
urs rouge sont moisis. Nous redescendons. Le ciel
est
devenu noir. Du portique, entre les hautes colonnes blanches et ces i
389
t. Nouveaux éclairs. Tous les chiens du chenil se
sont
mis à hurler ensemble. Est-ce l’orage ou l’approche de leur maîtresse
390
s chiens du chenil se sont mis à hurler ensemble.
Est
-ce l’orage ou l’approche de leur maîtresse ? Les cavaliers ralentisse
391
endent folle, j’ai tellement peur. Et vous ? Vous
êtes
muets. Vous avez soif ? » Les coups de tonnerre se succèdent sans rép
392
envoie chercher des verres et des bouteilles. Qui
sont
ces gens ? Elle dit : — Je ne le sais pas plus que vous. Ils sont da
393
lle dit : — Je ne le sais pas plus que vous. Ils
sont
dans la maison depuis deux ou trois jours et se disent les amis de Ji
394
ois jours et se disent les amis de Jim. — Mais où
est
Jim ? — Je ne sais pas. Il est parti. Jim était l’intendant, une sort
395
où est Jim ? — Je ne sais pas. Il est parti. Jim
était
l’intendant, une sorte de géant toujours en bottes qu’elle emmenait p
396
lement : de la route américaine de la vie. Ce qui
est
pour nous concept, forme arrêtée, devient chez eux chemin, mouvement
397
pour le réaliser. Les autostrades américaines ne
sont
pas une réclame politique, ni même un expédient pour lutter contre le
398
un expédient pour lutter contre le chômage. Elles
sont
le produit du rêve et de la vitalité inépuisable d’un peuple libre, e
399
, séparées par une large bande gazonnée où l’on s’
est
ingénié à conserver, ici ou là, un grand arbre isolé, témoin de la pr
400
d’une curiosité rêveuse. Mais, soudain, le regard
est
pris par un panneau rutilant sur la droite, puis mitraillé à bout por
401
sse lui créent enfin des cadres. Quand la surface
sera
suffisamment organisée, vers quoi se tourneront les efforts de ce peu
402
les masses elles-mêmes comprendront-elles qu’il n’
est
qu’un seul infini véritable : celui que chacun porte en soi, celui de
403
nion Quand un Américain déclare que votre idée
est
généreuse, c’est qu’il est ému : il va vous aider. Quand un Européen
404
déclare que votre idée est généreuse, c’est qu’il
est
ému : il va vous aider. Quand un Européen vous dit : l’Europe unie, o
405
d’y croire, qu’il ne fera rien, qu’il pense qu’il
est
sérieux et que vous rêvez. C’est ainsi qu’une certaine bourgeoisie oc
406
évolution. Mais le grand style se perd et Staline
est
aux portes. Il s’agit en réalité de la vie ou de la mort d’une civili
407
ilisation. Fédérer nos petits peuples in extremis
est
notre seule chance de salut. On se demande en vain ce qu’il peut y av
408
de la Russie et de l’Amérique. Ces deux colosses
sont
en train de s’observer par-dessus nos têtes. Ils n’ont pas envie de s
409
x dire à la paix, c’est l’Europe. Mais l’Europe n’
est
plus une puissance, parce qu’elle est divisée en vingt nations dont a
410
l’Europe n’est plus une puissance, parce qu’elle
est
divisée en vingt nations dont aucune, isolée, n’a plus la taille qu’i
411
deux grands empires. Et non seulement l’Europe n’
est
plus une puissance qui pourrait exiger la paix, mais chacune des nati
412
que l’on doit tirer de cette double constatation
sont
d’une tragique simplicité. Si les choses continuent comme elles vont
413
e elles vont : 1° les différents pays de l’Europe
seront
annexés ou colonisés l’un après l’autre ; 2° la question allemande ne
414
l’un après l’autre ; 2° la question allemande ne
sera
pas réglée, fournissant un prétexte permanent à la guerre entre les d
415
ne pourra s’opposer à cette guerre, dont quel que
soit
le vainqueur — s’il en est un — c’est l’humanité tout entière qui sor
416
guerre, dont quel que soit le vainqueur — s’il en
est
un — c’est l’humanité tout entière qui sortira vaincue. Si nous voulo
417
. Que si l’on me dit alors que l’Europe même unie
serait
encore trop faible pour tenir en respect les deux Grands, je répondra
418
l’Europe occidentale, à l’ouest du rideau de fer,
est
d’environ 320 millions d’habitants : c’est deux fois plus que l’Améri
419
. Si ces 320 millions d’habitants faisaient bloc,
soit
qu’ils se déclarent neutres, soit qu’ils menacent de porter tout leur
420
faisaient bloc, soit qu’ils se déclarent neutres,
soit
qu’ils menacent de porter tout leur poids d’un seul côté, ils seraien
421
ent de porter tout leur poids d’un seul côté, ils
seraient
en mesure d’agir, de faire réfléchir l’agresseur, et de sauver la pai
422
ie… » En revanche, beaucoup pensent : « Tout cela
est
bel et bon, mais que fait-on et que pourra-t-on faire en temps utile
423
e siècle, quand la réalité politique de l’Europe
était
l’essor des grands nationalismes. Il y eut enfin, après la Première G
424
a rumeur polyglotte des couloirs de la SDN. On en
était
aux constructions diplomatiques. Elles s’écroulèrent à la première ép
425
rs de lecteurs pour leurs revues. Ces dernières n’
étaient
pas d’une lecture très facile. On y parlait beaucoup de l’engagement
426
ut croire un moment que tout notre travail allait
être
effacé pour toujours. C’était compter sans les mouvements de Résistan
427
rer tous ces fédéralistes dispersés. Dès 1946, ce
fut
chose faite : l’Union européenne des fédéralistes se constituait et p
428
d’août 1947, à Montreux, son premier congrès. Qu’
étions
-nous à l’époque, il y a un an et demi ? Cent-cinquante à deux-cents d
429
ociations de toutes les tailles, dont plusieurs n’
étaient
guère qu’un nom abstrait, touchant ou ambitieux, comme par exemple :
430
es et de les faire admettre par les États, nous n’
étions
qu’une poignée d’hommes de bonne volonté, remarquablement dépourvus d
431
ersonnaliste dans la genèse de nos mouvements. Il
est
vrai que beaucoup de petits groupes qui se formèrent spontanément dan
432
maquis ne devaient rien à cette doctrine. Mais il
est
non moins vrai que les grands thèmes et le vocabulaire personnalistes
433
Montreux à Bruxelles Le congrès de Montreux n’
était
pas terminé que l’idée naissait parmi nous d’en élargir l’action en c
434
s généraux de l’Europe. Sur-le-champ, des accords
furent
esquissés avec les représentants d’autres mouvements venus en qualité
435
erlandais, s’ouvrait le Congrès de l’Europe. Nous
étions
cette fois-ci plus de huit-cents délégués, parmi lesquels des ex-Prem
436
nts féminins et universitaires. Trois résolutions
furent
votées : économique, politique et culturelle. La résolution politique
437
tion d’une Assemblée européenne, dont les membres
seraient
élus « dans leur sein ou au-dehors » par les parlements des nations p
438
s parlements des nations participantes. Ce projet
fut
mis au point très rapidement, au lendemain du congrès de La Haye. Par
439
de La Haye. Par l’intermédiaire de M. Bidault, il
fut
présenté à la réunion des ministres des Affaires étrangères des cinq
440
rence restreinte de dix-huit ministres et experts
était
convoquée à Paris, aux fins d’étudier la constitution d’un Parlement
441
eur les grandes lettres du mot Europe. Le congrès
fut
inauguré en présence de tous les ministres par un discours du préside
442
s et des rêveurs ! s’écria-t-il. En réalité, vous
êtes
, nous sommes, la vérité en marche. » Et finalement, les congressistes
443
veurs ! s’écria-t-il. En réalité, vous êtes, nous
sommes
, la vérité en marche. » Et finalement, les congressistes furent reçus
444
ité en marche. » Et finalement, les congressistes
furent
reçus par le pape Pie XII, qui leur dit en français « sa plus vivante
445
uvement européen, ses quatre présidents d’honneur
étant
Léon Blum, Winston Churchill, Alcide de Gasperi et Paul-Henri Spaak.
446
de tous côtés par des tendances diverses, et nous
sommes
parvenus, plus rapidement que nous n’osions l’imaginer, à engrener su
447
les principaux gouvernements européens. Ce qui n’
était
qu’un rêve il y a un siècle, qu’une théorie il y a quinze ans, qu’une
448
a quinze ans, qu’une espérance pendant la guerre,
est
aujourd’hui discuté par la presse, les parlements, les ministères, co
449
i a les plus grandes chances de se réaliser. Nous
sommes
donc arrivés à pied d’œuvre. Ici commence la bataille décisive. Ob
450
ion fédéraliste. Car si l’on veut que les peuples
soient
représentés, c’est que l’on veut aboutir à autre chose qu’au « Corps
451
leur gouvernement. Ils pensent que les ministres
sont
là pour gouverner, ce qui paraît étrange à beaucoup de Latins. Ils pe
452
ls pensent donc, tout naturellement, que l’Europe
sera
faite par des ministres. Et cela ne va pas à une fédération, mais à q
453
sait qu’une Charte des droits de l’homme vient d’
être
adoptée par l’ONU. Elle restera malheureusement inopérante tant que l
454
n, dans sa réunion de Bruxelles, a recommandé que
soit
créée, par convention entre les États membres de l’union européenne,
455
, sinon de créer un tribunal devant lequel puisse
être
déféré, le cas échéant, tout État qui céderait au totalitarisme ? Me
456
pas résolu les grands problèmes économiques. Nous
sommes
un certain nombre à penser qu’au contraire, la plupart des problèmes
457
éenne bien vivante, un sentiment commun auquel il
soit
possible de faire appel dès maintenant, une civilisation occidentale.
458
té dans la richesse de nos diversités, telle doit
être
, avant tout comme après tout, la vocation de notre Mouvement européen
459
opéen. S’il ne mettait la culture à sa place, qui
est
à la fois primordiale et finale, il cesserait de mériter l’adjectif d
460
la conscience de l’Europe et des peuples qui lui
sont
associés ». Il ne s’agit nullement de fomenter on ne sait quel nation
461
té ; une manière de « chercher à comprendre » qui
est
notre forme intime de résistance aux mises au pas totalitaires… De to
462
un lieu de rencontres à nos meilleurs esprits, ce
sont
là quelques-unes des ambitions du Centre européen de la culture qui s
463
a culture qui s’ouvrira bientôt en Suisse. ⁂ Il n’
est
point d’ordre économique possible sans une volonté préalable de mise
464
olonté préalable de mise en ordre politique. Il n’
est
point d’ordre politique qui serve l’homme, s’il n’est orienté dès le
465
point d’ordre politique qui serve l’homme, s’il n’
est
orienté dès le départ par une vision libératrice et fascinante. L’Eur
466
experts (qui savent toujours que c’est Dewey qui
sera
élu), parce qu’une équipe de véritables résistants — ceux qui résiste
467
irait peut-être d’oser croire ? Se peut-il que ce
soit
tout simplement l’Europe, redécouverte à la faveur de son union ? Une
468
Découverte de l’Europe (octobre 1949)f Il n’
est
pas facile d’être actuel. Il y faut parfois du génie. Goethe écrit à
469
l’Europe (octobre 1949)f Il n’est pas facile d’
être
actuel. Il y faut parfois du génie. Goethe écrit à Valmy : « De ce li
470
Goethe écrit à Valmy : « De ce lieu, de ce jour,
sera
datée une ère nouvelle. » Mais ce jour-là, il est le seul à s’en dout
471
era datée une ère nouvelle. » Mais ce jour-là, il
est
le seul à s’en douter. Cette histoire n’est pas bien nouvelle, il y a
472
à, il est le seul à s’en douter. Cette histoire n’
est
pas bien nouvelle, il y a près de deux-mille ans qu’on la connaît : l
473
site de Bartali, coureur cycliste, au Vatican. Il
serait
donc vain de s’étonner que le Tour de France ait damé le pion de l’«
474
de l’opinion publique. Pourtant les journalistes
étaient
présents. On dit même qu’ils furent plus de cinq-cents. Et bien d’aut
475
journalistes étaient présents. On dit même qu’ils
furent
plus de cinq-cents. Et bien d’autres ont jugé Strasbourg dans les édi
476
monde entier, d’autant plus librement qu’ils n’y
étaient
pas allés. L’événement s’est donc vu noyé sous un déluge de clichés c
477
ement qu’ils n’y étaient pas allés. L’événement s’
est
donc vu noyé sous un déluge de clichés contradictoires. Assembleurs d
478
souvent dans le même article. Que l’Assemblée se
soit
montrée timide ou au contraire téméraire, que l’expérience soit trop
479
imide ou au contraire téméraire, que l’expérience
soit
trop tardive, ou au contraire prématurée, c’est ce que personne ne se
480
au contraire prématurée, c’est ce que personne ne
sera
capable de déduire des milliers de coupures de presse où figure le no
481
d’imprimés : et c’est que l’opinion, précisément,
serait
demeurée indifférente. Ce paradoxe couvre un sophisme. Car les journa
482
sauraient décrire l’opinion sans la modifier : ce
sont
eux qui la déterminent en bonne partie. S’il leur faut tant de mots p
483
re jugement doit chercher d’autres sources. Que s’
est
-il passé à Strasbourg ? Quelque chose d’assez neuf, il faut le croire
484
avril — le vrai début de la bataille décisive. Il
était
raisonnable de prévoir que la première session serait consacrée à des
485
it raisonnable de prévoir que la première session
serait
consacrée à des questions de procédure, car les statuts du Conseil de
486
procédure, car les statuts du Conseil de l’Europe
étaient
loin d’assurer au Corps consultatif son minimum vital d’autonomie. Av
487
pas remarqué qu’un mot d’ordre national — s’il en
fut
jamais donné — ait été suivi même par les Britanniques. Ces derniers
488
d’ordre national — s’il en fut jamais donné — ait
été
suivi même par les Britanniques. Ces derniers se sont, au contraire,
489
suivi même par les Britanniques. Ces derniers se
sont
, au contraire, divisés publiquement en deux groupes à peu près égaux,
490
travaillistes et les socialistes continentaux ne
sont
pas parvenus à former un front uni des gauches, sur le plan de l’Euro
491
Conseil de l’Europe, les deux conceptions qui se
sont
affrontées n’ont pas été la gauche et la droite traditionnelles, mais
492
deux conceptions qui se sont affrontées n’ont pas
été
la gauche et la droite traditionnelles, mais bien le fédéralisme et l
493
p reste leur devise. À les en croire, l’opinion n’
est
pas mûre, les peuples sont encore indifférents ou hostiles aux travau
494
en croire, l’opinion n’est pas mûre, les peuples
sont
encore indifférents ou hostiles aux travaux de Strasbourg, il faut év
495
prix de se porter en avant sans leur soutien. On
serait
tenté d’accuser ces prudents de scepticisme impénitent. En vérité, il
496
eu de leur répondre : où prendrez-vous le temps d’
être
prudents ? Si nous craignons d’aller trop vite, aux yeux de l’expérie
497
grammes de redressement. Et les menaces de guerre
sont
là. Demandez à l’opinion si elle est mûre pour la guerre ! Elle hésit
498
s de guerre sont là. Demandez à l’opinion si elle
est
mûre pour la guerre ! Elle hésite à vous suivre à cause de vos pruden
499
de l’idée fédéraliste parmi les députés européens
sont
attestés par un fait capital : la Commission des affaires générales,
500
générales, élue par l’Assemblée dès le 20 août, s’
est
engagée sans le moindre délai, dans l’étude des structures politiques
501
d’un gouvernement au-dessus des États, n’a pas pu
être
refoulée plus de dix jours, malgré les efforts conjugués des unionist
502
européens. Dès sa prochaine session, l’Assemblée
sera
saisie d’un plan dont le président de la Commission, M. Bidault, peut
503
rientera nettement vers une fédération finale. Il
est
clair qu’une formule fédérale implique certaines limitations précises
504
féodaux des États, l’Assemblée, fort sagement, s’
est
tournée vers les créations nécessaires. Le grand problème qui passe a
505
ent de l’Europe. Car les ministres, observe-t-on,
sont
les seuls à détenir un pouvoir bien réel, dans le Conseil de l’Europe
506
’il existe. Certes. Mais, si le Conseil existe, n’
est
-ce point précisément parce que certains pionniers ont ignoré ce genre
507
e part, les pouvoirs que détiennent les ministres
étant
strictement nationaux, leur addition ou juxtaposition n’irait-elle po
508
ut naturellement, dans un délai aussi réduit. Ils
sont
en droit de montrer quelque fierté, lorsqu’ils passent en revue les o
509
t la rapidité de ses premières opérations doivent
être
attribuées en premier lieu à l’action décisive du Mouvement : Churchi
510
lton, pour s’en plaindre (et cette confirmation n’
est
pas la moins valable). On ne s’en étonnera pas, si l’on sait que les
511
ont pris l’habitude d’y travailler ensemble. On s’
est
demandé si ces premiers succès laissaient encore une raison d’être su
512
es premiers succès laissaient encore une raison d’
être
suffisante au Mouvement européen, ou s’il devait passer la main à l’A
513
décisive du Mouvement européen. Car l’essentiel n’
est
plus de changer le nom de l’Assemblée consultative pour qu’elle devie
514
e, mais bien d’agir en sorte que ses vœux et avis
soient
régulièrement acceptés par les gouvernements et parlements, en attend
515
ements, en attendant le verdict populaire. ⁂ Nous
sommes
en pleine action, et il est clair qu’il s’est fait de l’Histoire à St
516
populaire. ⁂ Nous sommes en pleine action, et il
est
clair qu’il s’est fait de l’Histoire à Strasbourg, mais nous n’en con
517
sommes en pleine action, et il est clair qu’il s’
est
fait de l’Histoire à Strasbourg, mais nous n’en connaissons encore qu
518
ue le dynamisme intérieur. Les résultats pourront
être
jugés d’ici deux ans. S’il n’y en a pas à ce moment-là, nous serons R
519
deux ans. S’il n’y en a pas à ce moment-là, nous
serons
Russes ou colonisés, ou simplement nous ne serons plus. Mais ce qui v
520
serons Russes ou colonisés, ou simplement nous ne
serons
plus. Mais ce qui vient de se passer nourrit l’espoir. L’un des obser
521
vement à l’œuvre, s’écriait à Strasbourg : « J’ai
été
le témoin, ici, de choses stupéfiantes, amazing things for us, Americ
522
t Europe, les autres sur le mot culture ; et ce n’
est
pas tout : les mots « et sa », qui les unissent, ne vont pas de soi,
523
? À la fois dans l’espace et dans le temps, elles
sont
mouvantes et complexes. (Ce qui peut signifier d’ailleurs qu’elles so
524
lexes. (Ce qui peut signifier d’ailleurs qu’elles
sont
vivantes.) Elles apparaissent en partie problématiques, en partie déf
525
autre. Le premier caractère permanent de l’Europe
est
de nature géographique : l’Europe est une presqu’île de l’Asie. Secon
526
de l’Europe est de nature géographique : l’Europe
est
une presqu’île de l’Asie. Second caractère permanent : elle est nette
527
’île de l’Asie. Second caractère permanent : elle
est
nettement divisée en compartiments par des chaînes de montagnes et de
528
ien marquée vers le nord, l’Europe s’ouvre vers l’
est
par des plaines indéfinies. Ce n’est pas un fait géographique qui mar
529
ouvre vers l’est par des plaines indéfinies. Ce n’
est
pas un fait géographique qui marque ses limites vers l’Asie, mais seu
530
un rapport de forces humaines. La frontière de l’
Est
sera donc toujours mouvante. Et c’est dans l’affrontement perpétuel a
531
rapport de forces humaines. La frontière de l’Est
sera
donc toujours mouvante. Et c’est dans l’affrontement perpétuel avec l
532
de fer. Relevons que les poussées de l’Asie par l’
est
ont été suivies généralement de périodes sombres, d’épuisement ou de
533
Relevons que les poussées de l’Asie par l’est ont
été
suivies généralement de périodes sombres, d’épuisement ou de destruct
534
nt par la Méditerranée, l’Italie ou l’Afrique ont
été
assimilées et ont fécondé nos civilisations. Au fait géographique de
535
ment exceptionnelles pouvons-nous distinguer ? Il
serait
superflu de chercher ici autre chose que ce que tout le monde sait :
536
ait : la tension fondamentale du monde occidental
est
, à l’origine, ternaire et non pas bipolaire, de même que la théologie
537
polaire, de même que la théologie de l’Occident n’
est
pas dualiste, mais trinitaire. Et de fait, l’Europe n’a pas pris nais
538
pe n’a pas pris naissance dans le conflit entre l’
Est
et l’Ouest, conflit qui lui a seulement donné conscience d’elle-même
539
nsions entrecroisées dont les trois pôles peuvent
être
appelés symboliquement Athènes, Rome et Jérusalem. Athènes, c’est la
540
e, non mesurable. À partir de ces trois pôles, il
est
possible d’interpréter les principales structures dynamiques de l’Occ
541
ndes doctrines de l’homme et de la société qui se
sont
dégagées peu à peu de ce complexe, d’une manière comparable à celle d
542
e comparable à celle dont les grandes hérésies se
sont
définies à partir de la doctrine trinitaire. Après vingt siècles de c
543
iété et jusque dans nos vies privées, cette lutte
est
si violente et douloureuse, si concrète qu’on se voit dispensé de tou
544
ous les résultats et de toutes les valeurs. Or ce
sont
là les conditions par excellence qui provoquent à la création. Voilà
545
la création. Voilà pourquoi cet homme européen s’
est
révélé, au cours du dernier millénaire, plus créateur qu’aucune espèc
546
que l’homme du ive siècle, par exemple, en qui s’
était
déjà formée la synthèse hautement instable et créatrice d’Athènes, de
547
’aurais oublié quelques éléments décisifs, qui ne
sont
nés ni d’Athènes, ni de Rome, ni de Jérusalem, ni de leurs combinaiso
548
eurs, nées de nos trois éléments fondamentaux, se
sont
nouées, combinées et mariées, ont divorcé, ont conclu des alliances.
549
, ont divorcé, ont conclu des alliances. Elles se
sont
combinées au sens chimique, et non pas seulement mécanique. Ainsi, da
550
boratoire européen, certains produits nouveaux ne
sont
apparus qu’après des siècles de macération. Trois idées, devenues de
551
aître que du complexe que je viens de décrire. Ce
sont
les idées de révolution, de passion et de progrès. Elles sont nées to
552
es de révolution, de passion et de progrès. Elles
sont
nées toutes les trois de la révélation chrétienne, analysée et déform
553
e prisme gréco-judéo-romain. L’idée de révolution
est
inconcevable pour un Asiatique ou un Noir, s’ils n’ont pas eu de cont
554
ec notre civilisation. Car cette idée, en vérité,
est
la transposition dans le plan collectif de la conversion chrétienne,
555
, de droit nouveau. De même, la passion en amour
est
une transposition de la conversion dans le plan des relations individ
556
atténuer ou disparaître. Enfin, l’idée de progrès
est
de toute évidence d’origine évangélique, ou plus exactement paulinien
557
outes ces définitions, et vingt autres possibles,
sont
à la fois justes et contestables, trop faciles ou trop difficiles. Je
558
qui a fait de l’Europe autre chose que ce qu’elle
est
physiquement, autre chose qu’un petit cap de l’Asie, pour reprendre l
559
parlons de l’Europe ou de la culture. Notre tâche
est
moins, aujourd’hui, de les définir que de les sauver. Aussi bien n’ai
560
914, et même jusqu’au dernier conflit, l’Europe s’
est
vue brusquement détrônée, il y a cinq ans, en même temps qu’elle étai
561
détrônée, il y a cinq ans, en même temps qu’elle
était
libérée dans ses ruines. Elle avait représenté un quart, puis un cinq
562
un cinquième de la population du globe. Elle n’en
sera
dans cinquante ans plus qu’un dixième probablement. Elle ne sait pas
563
. Mais ce qu’elle voit très bien, c’est qu’elle n’
est
plus le centre du monde, sur le plan de la puissance politique. Elle
564
uleux ne sauraient plus prétendre un seul instant
être
à l’échelle des réalités modernes ; encombrée de frontières intérieur
565
, pour le moment, d’un quart de sa population à l’
Est
, et de la péninsule ibérique à l’Ouest. Le reste ne vit encore qu’en
566
corps d’occupation anticipée. La crise économique
est
imminente. La crise sociale est endémique. Au point de vue de la puis
567
crise économique est imminente. La crise sociale
est
endémique. Au point de vue de la puissance matérielle, rappelons que
568
de cette somme. L’idée de progrès a émigré ; elle
est
devenue américaine et russe. Mais ici, nous touchons déjà au drame de
569
lture. D’une part, dans les pays totalitaires qui
sont
à nos portes et qui ont chez nous leurs répondants, la liberté fondam
570
ns nos pays, cette même liberté qu’on nous laisse
est
devenue presque vide et sans effets. À l’Est, nous voyons se former u
571
isse est devenue presque vide et sans effets. À l’
Est
, nous voyons se former une véritable culture censoriale. Le critère p
572
éritable culture censoriale. Le critère politique
est
seul admis. Et l’on s’y réfère avec une rigueur telle que le style mê
573
le style même d’un écrivain ou d’un peintre peut
être
attaqué par les fonctionnaires de l’État et qualifié de sabotage. La
574
tat et qualifié de sabotage. La censure politique
est
si parfaitement préventive qu’elle peut s’offrir le luxe de disparaît
575
en tant qu’activité distincte de répression. Elle
est
partout et nulle part. C’est ainsi qu’un ancien ministre bulgare en e
576
des sources d’information ; or cette indépendance
est
exclue à priori dans les démocraties dites populaires. Cependant, qu’
577
es démocraties dites populaires. Cependant, qu’en
est
-il chez nous de la liberté et de la censure ? Allons tout de suite à
578
résultats d’une incroyable portée intellectuelle
sont
actuellement maintenus secrets et ne donnent pas lieu, comme avant la
579
celle d’il y a dix ans, où certaines découvertes
étaient
annoncées par télégramme dans les périodiques à diffusion mondiale… »
580
as de la physique nucléaire, ceux qui s’y livrent
sont
aussitôt privés des libertés élémentaires : liberté de recherche, d’é
581
mondial de l’Europe, on pourrait croire qu’elle n’
est
plus aujourd’hui qu’un appendice aux déclarations officielles, un orn
582
quier. Jadis centrale, la situation de la culture
est
devenue périphérique. Comment expliquer autrement qu’il soit admis sa
583
e périphérique. Comment expliquer autrement qu’il
soit
admis sans question, de nos jours, que l’esprit subordonne ses intérê
584
ellement dépendante de l’État, plus qu’elle ne le
fut
jamais du mécénat privé, notre culture se voit contrainte d’obéir à d
585
t contrainte d’obéir à des « nécessités » qui lui
sont
étrangères et la dégradent. Elle perd ainsi sa fonction directrice. E
586
ensée et l’action, entre une pensée qui accepte d’
être
inefficace, et une action par conséquent désorientée, à courtes vues,
587
à courtes vues, privée de cohérence profonde. Tel
est
le mal profond dont souffre l’Occident. À l’inverse, les régimes tota
588
ident. À l’inverse, les régimes totalitaires de l’
Est
ont si bien vu l’importance primordiale de la culture qu’ils l’ont im
589
e centrale, et ils l’y tiennent emprisonnée. Elle
est
reine de nouveau, mais elle ne reconnaît plus sa propre voix proféran
590
ur tous les modes l’éloge de ses bourreaux : elle
est
devenue la Propagande. Les conditions morales de la vie de l’esprit a
591
n font peu de cas pratiquement ; et ceux qui, à l’
Est
, lui reconnaissent un rôle central, la dénaturent et l’asservissent.
592
central, la dénaturent et l’asservissent. Or, il
est
évident que ces conditions sont particulièrement graves pour l’Europe
593
servissent. Or, il est évident que ces conditions
sont
particulièrement graves pour l’Europe, puisqu’elles brisent dans un c
594
utre, détendent les ressorts de la créativité qui
était
depuis des siècles la vraie cause de notre puissance et donc de notre
595
re indépendance. De plus, si la culture accepte d’
être
privée théoriquement et pratiquement de la primauté dans nos vies nat
596
iquement de la primauté dans nos vies nationales,
soit
qu’elle se laisse subordonner aux intérêts économiques ou politiques,
597
bordonner aux intérêts économiques ou politiques,
soit
qu’elle se contente d’une liberté honoraire, sans responsabilité, et
598
la culture. Si je pensais, comme certains, qu’il
est
trop tard, je me tairais, ou je me ferais Américain. Mais il est impo
599
je me tairais, ou je me ferais Américain. Mais il
est
impossible de sauver l’Europe si l’on ne sauve pas en même temps sa c
600
’accomplir dans une libre communauté. Si l’Europe
est
réduite à l’impuissance politique, si elle est colonisée par l’Amériq
601
pe est réduite à l’impuissance politique, si elle
est
colonisée par l’Amérique — ce qu’elle désire parfois — ou envahie par
602
par la Russie, certains pensent que notre culture
serait
alors notre dernier refuge, qu’on ferait de l’Europe un musée dans le
603
stakhanovistes en troupeaux. Mais un musée, ce n’
est
pas de la culture. Je ne vois pas d’exemple historique d’une culture
604
s une nation privée de son indépendance. L’Europe
est
encore le foyer de la civilisation occidentale, la seule qui ait su c
605
r fatalement s’éteindra si la puissance doit nous
être
interdite, car la puissance est mère des utopies exaltées, de la conf
606
ssance doit nous être interdite, car la puissance
est
mère des utopies exaltées, de la confiance en soi, du gaspillage des
607
’aventure ; et la science s’arrête quand l’audace
est
un crime. Si l’Europe disparaît du jeu des forces mondiales, personne
608
tes les autres. Le secret de ses mesures vivantes
sera
perdu. Mais en retour, sans une culture active rendue à l’efficacité,
609
té, l’Europe ne peut recouvrer la puissance. Elle
sera
peut-être unie, c’est même plus que probable, par les soins d’experts
610
rvirait à l’Europe de recevoir une unité, si ce n’
était
pas celle de son choix ? Et si cette unité signifiait sa défaite, non
611
? L’Europe sans sa culture, réduite à ce qu’elle
est
, ne serait plus qu’un cap de l’Asie — et l’Asie n’a jamais passé pour
612
ope sans sa culture, réduite à ce qu’elle est, ne
serait
plus qu’un cap de l’Asie — et l’Asie n’a jamais passé pour la terre d
613
rope et la culture universelle qu’elle a produite
sont
deux réalités coextensives. Elles naissent et meurent du même mouveme
614
lles naissent et meurent du même mouvement. Qu’en
est
-il de ce mouvement, au milieu de notre siècle ? Va-t-il vers la renai
615
blime réponse à la question des lendemains nous a
été
donnée une fois pour toutes par la sentinelle d’Isaïe : « Le matin vi
616
ement à notre affaire. Et notre affaire me paraît
être
ici d’apprécier tout d’abord l’état de nos forces, en vue d’agir. Ent
617
ses et cent-cinquante-millions d’Américains, nous
sommes
ici, à l’ouest du rideau de fer, près de trois-cents-millions d’Europ
618
tre et sculpture : presque tous leurs grands noms
sont
des noms de l’Europe, et les très rares qui n’en sont pas ont appris
619
des noms de l’Europe, et les très rares qui n’en
sont
pas ont appris leur métier de nos maîtres, dans nos écoles, aux terra
620
Je dirai plus. Le monde moderne tout entier peut
être
appelé une création européenne. Pour le bien comme pour le mal, il im
621
quelques rythmes de leurs danses. Finalement, que
sont
les empires qui prétendent partager le monde à nos dépens ? L’Amériqu
622
pens ? L’Amérique du Nord et la Russie de Staline
sont
des produits de notre culture, l’une dès ses origines, et l’autre en
623
s degrés, la cellophane et le zipper partout, qui
sont
des inventions européennes ; et de l’autre côté, Marx et notre indust
624
grands-pères. Caricatures évidemment ; mais ce n’
est
point par hasard que ces deux grands pays semblent appeler ce procédé
625
plus frappants, et qu’ils croient spécifiques, ne
sont
souvent que des emprunts à notre fonds, mais développés là-bas sans m
626
, parfois jusqu’à la monstruosité12. Mais s’il en
est
ainsi, si tels sont nos atouts, d’où vient notre faiblesse et notre a
627
a monstruosité12. Mais s’il en est ainsi, si tels
sont
nos atouts, d’où vient notre faiblesse et notre angoisse ? D’où vient
628
de parfums, ou de vins du cru ? J’ai dit que nous
sommes
trois-cents-millions à l’ouest du rideau de fer. C’est vrai en fait,
629
s Danois ou des Grecs, c’est-à-dire comme s’ils n’
étaient
que quarante millions, soixante millions ou trois millions. Nous parl
630
t fixé le visage du monde moderne. Et cette liste
est
impressionnante. Mais pour qu’elle rassure un Français, un Allemand,
631
s. Divisés, enfermés dans nos États-nations, nous
sommes
tous trop petits et nous avons, par conséquent, de bonnes raisons d’ê
632
t nous avons, par conséquent, de bonnes raisons d’
être
angoissés pour notre avenir immédiat. Presque toutes ces raisons tomb
633
tant à sous-estimer l’importance. Ces conflits ne
seront
pas résolus par la seule grâce de notre union. Mais sans elle sera su
634
par la seule grâce de notre union. Mais sans elle
sera
supprimée la possibilité de les résoudre un jour. Je ne dirai pas que
635
nous prive de la puissance dont tous les éléments
sont
pourtant parmi nous, mais dispersés. La division de l’Europe paralyse
636
’Europe paralyse notre culture aussi, puisqu’il n’
est
pas de culture sans libre échange des idées, des personnes et des œuv
637
personnes et des œuvres, et l’on sait ce qu’il en
est
aujourd’hui à cet égard. La condition nécessaire, sinon suffisante, d
638
ng des grandes puissances, c’est son union. Telle
est
aussi la condition du maintien de ce foyer de création et de liberté
639
le domaine politique, nous avons Strasbourg. Ce n’
est
pas beaucoup plus qu’une promesse, mais c’en est une. Nous verrons ce
640
’est pas beaucoup plus qu’une promesse, mais c’en
est
une. Nous verrons ce qu’elle vaut, avant la fin de l’année. Dans le d
641
économique, nous avons le plan Schuman, qui peut
être
un début de mise en commun de nos ressources matérielles. Et maintena
642
e culture dont on ne saurait trop répéter qu’elle
est
le vrai, le seul secret de notre puissance, il est temps de proposer
643
st le vrai, le seul secret de notre puissance, il
est
temps de proposer un autre Plan, qui consisterait dans la mise en com
644
House européen, mais certainement plus militant,
étant
donné l’urgence des problèmes à résoudre. Troisièmement, l’on constat
645
fait donc sentir d’un organisme dont la raison d’
être
principale soit de pouvoir prendre certaines initiatives et de parler
646
r d’un organisme dont la raison d’être principale
soit
de pouvoir prendre certaines initiatives et de parler au nom de l’Eur
647
e que seule une Autorité politique supranationale
sera
capable de traiter au nom de trois-cents-millions d’Européens avec le
648
d’esquisser les trois chapitres principaux, ce n’
est
rien d’autre, en fait, que le programme du Centre européen de la cult
649
programme du Centre européen de la culture, qui s’
est
ouvert à Genève au mois de septembre sur l’initiative du Mouvement eu
650
création d’une armée de l’Europe. Que cette armée
soit
nécessaire, c’est la déplorable évidence. Mais elle ne sera pas suffi
651
saire, c’est la déplorable évidence. Mais elle ne
sera
pas suffisante. Une mitrailleuse ne sert à rien, si l’homme qui la re
652
refuse de s’en servir, parce qu’il ignore ce qui
est
en jeu, ce qui vaut d’être défendu. La défense effective de l’Europe
653
rce qu’il ignore ce qui est en jeu, ce qui vaut d’
être
défendu. La défense effective de l’Europe doit commencer dans les cer
654
s « réalistes ». La première, c’est que l’Europe
est
une culture (civilisation si l’on préfère) ou n’est qu’un appendice i
655
t une culture (civilisation si l’on préfère) ou n’
est
qu’un appendice insignifiant de l’Asie. Et cela veut dire que la vrai
656
re que la vraie source de la puissance européenne
est
sa culture, et qu’il serait absurde et vain d’essayer de sauver l’une
657
la puissance européenne est sa culture, et qu’il
serait
absurde et vain d’essayer de sauver l’une sans l’autre. La seconde, c
658
al sans cesse élargi de la liberté de pensée, qui
est
une garantie des autres libertés. Entre les stalinistes et nous, Euro
659
dictature. Pour nous, liberté politique. Nous ne
sommes
donc point en situation de neutralité. Nous savons où sont nos allian
660
point en situation de neutralité. Nous savons où
sont
nos alliances. 13. Tels que le Collège d’Autriche, la Deutsche Europ
661
lture. — Qui l’organise ? — La revue Thought, qui
est
publiée à New Dehli. — Alors, pourquoi le Congrès se tient-il à Bomba
662
qui patronne le Congrès, alors qu’en vérité, il s’
est
borné à le déplacer, par un décret, de la capitale à Bombay.) L’offic
663
un décret, de la capitale à Bombay.) L’officier n’
est
pas bien convaincu : il voudrait obtenir des réponses qu’il connaît.
664
, devant une tenture sombre, sans nul bruit. Il m’
est
arrivé de sonner à nouveau n’entendant rien venir, et de m’apercevoir
665
ant rien venir, et de m’apercevoir ensuite qu’ils
étaient
là déjà depuis un long moment. Pourquoi trois ? Je me dis que le prem
666
ches naissent dans l’ombre. Je me rendors. Le thé
est
là, et de nouveau trois hommes en blanc près de la table. Je leur dem
667
hent l’étranger, le dépaysement pour lui-même, et
sont
déçus de ne le point trouver aussi pur et déconcertant qu’ils le rêva
668
ndien, le Chinois, l’Arabe, l’étranger n’a jamais
été
un sujet de littérature, de nostalgie consciente et cultivée. Il peut
669
de nostalgie consciente et cultivée. Il peut bien
être
le plus fort, il le fut en effet pendant des siècles, mais il a tort,
670
t cultivée. Il peut bien être le plus fort, il le
fut
en effet pendant des siècles, mais il a tort, essentiellement. Cette
671
mpagnes et derrière les rideaux de nos provinces,
est
répudiée depuis longtemps par nos élites voyageuses, chez lesquelles
672
ns leur ordre et sans autres problèmes, la faim n’
étant
qu’un ennemi. L’Occidental, qui ne se connaît plus, va voir ailleurs
673
ent sauver d’abord la liberté, sans laquelle il n’
est
pas question de réformes humainement valables ; ceux enfin qui se fra
674
ir parler de culture dans un pays où des millions
sont
affamés. Ce dernier argument, lancé d’abord par l’un des délégués occ
675
tion ; s’il n’y avait point de civilisation, nous
serions
sans moyens techniques pour remédier à la famine. J’en trouve une pre
676
i. « Ventre affamé n’a point d’oreilles », et qui
suis
-je pour lutter ici contre la force d’un proverbe, si convaincu que je
677
ontre la force d’un proverbe, si convaincu que je
sois
qu’il dit faux, que ce sont les repus qui n’écoutent pas, et que la d
678
, si convaincu que je sois qu’il dit faux, que ce
sont
les repus qui n’écoutent pas, et que la disette est mère des civilisa
679
t les repus qui n’écoutent pas, et que la disette
est
mère des civilisations, comme l’angoisse l’est de la pensée. ⁂ — Que
680
te est mère des civilisations, comme l’angoisse l’
est
de la pensée. ⁂ — Que cherchez-vous ? me dit Raja Rao, que je rencont
681
Il a l’air d’un Gitan avec ses boucles noires, il
est
brahmine, et par un choix délibéré, très orthodoxe, donc très libre d
682
urchargées d’anneaux et de grelots, mais le décor
est
italien. (Et ce même rose très pâle et un peu mauve des cotonnades, q
683
de pierre noire, hérissées de demi-soucoupes : ce
sont
des lampes, et tout s’allume les soirs de fête. Nous entrons dans une
684
ir de leurs yeux fixes et ardents. Nous croise un
être
demi-nu, très vieux, le crâne tondu, deux mamelles pendant jusqu’au v
685
use, qui tient du rêve et de la vie animale. Tout
est
menu, félin, misérable et précieux à la fois. Dans mes vêtements euro
686
a croisés. Comme je l’apercevais de loin : — Qui
est
-ce ? ai-je demandé à mon ami. — Un holy man, a-t-il répondu distraite
687
nt. ⁂ Le prêtre, le swami, le holy man : plus ils
sont
saints, plus ils sont nus, et non pas chamarrés de robes et surplis à
688
ami, le holy man : plus ils sont saints, plus ils
sont
nus, et non pas chamarrés de robes et surplis à l’instar des princes
689
s à l’instar des princes ou des rois, et comme le
sont
nos dignitaires ecclésiastiques, toujours plus lourdement revêtus à m
690
ent monotones, ou parfois curieusement affectées,
sont
des figures de la danse de Shiva, langage rituel absolument exact, in
691
ve du « goût », mais chaque forme et chaque geste
sont
dictés par le rite et revêtus de son autorité. Pourtant ce qui a suiv
692
ent et s’en vont s’asseoir parmi les musiciens. «
Est
-ce beau, ou grotesque, ou les deux ? », me souffle à l’oreille mon vo
693
’inhumanité (à notre sens occidental) de ces deux
êtres
absolument pareils et dénués de toute expression, leur naïveté inquié
694
uiétante de l’Asie. Comment dire ce que l’on sent
être
à ce point étranger aux concepts formulés par l’Europe ? Et comment s
695
e Moi, l’ego central, n’existe pas ? Ces danseurs
sont
des rôles, des acteurs absolus, des fonctions symboliques, sans consc
696
ymboliques, sans conscience propre et séparée. Je
serais
tenté d’imaginer à la limite qu’ils ne sont rien que chair opaque, vi
697
Je serais tenté d’imaginer à la limite qu’ils ne
sont
rien que chair opaque, virilité à l’état pur. Aussi tyranniquement dé
698
donc sans aucune espèce de liberté possible, s’il
est
vrai que toute liberté suppose quelque hiatus intime entre le Moi et
699
a mer. Les corridors et les galeries de boutiques
sont
jonchés de corps endormis. (Quand je passe devant eux, mes serviteurs
700
à trente-trois degrés, à deux heures du matin : l’
été
approche. ⁂ Accroupis au bord du chemin, on ne sait jamais, me disait
701
du chemin, on ne sait jamais, me disait M…, s’ils
sont
dans la posture de l’adoration ou celle de la défécation. Il y a bien
702
chère une cour ombreuse, où mon premier mouvement
serait
d’entrer. Mon guide me retient par la manche : lieu sacré. Un homme,
703
muant les lèvres vers l’autre côté de la cour. Je
suis
son regard et découvre en retrait, au-delà de l’abreuvoir, un bâtimen
704
fs rococo, qui évoque un pavillon de foire et qui
est
un temple. En réalité toute cette cour, avec les vaches et leur mine
705
das, surtout par les écoles de Maîtres. Les rites
sont
familiaux, ou même individuels. Dans ce pays où les rues grouillent j
706
semble voué au collectif, la dévotion et le culte
sont
individualistes. Et bien plus encore le salut. Je revois ces femmes s
707
d’eux seuls dans la foule infinie, car eux seuls
sont
vraiment distincts, marchant vers autre chose que leur nature, quand
708
autre chose que leur nature, quand tout le reste
est
déterminé par la fonction, l’espèce, la caste… ⁂ Grand dîner chez le
709
sait par mille complexes, sexuels surtout. Qu’en
est
-il en Inde ? Les Indiens échangent un sourire, hésitent un peu, par p
710
j’écrivais sur l’absence de contradiction dans l’
être
intime de l’Asiatique : c’est une autre manière d’exprimer qu’il n’a
711
elui de l’humour, ni même celui de l’originalité,
étant
l’homme du Karma, et d’une caste. La suppression des castes, admise e
712
aisonnable pour l’Asiatique en tant que tel14. Il
est
d’une caste, d’une secte religieuse, d’une voie spirituelle définie,
713
ssion. La variation, l’innovation individuelle ne
sont
pas vues, ou bien ne sont qu’erreurs. Le besoin d’être original, et d
714
ovation individuelle ne sont pas vues, ou bien ne
sont
qu’erreurs. Le besoin d’être original, et dans un autre ordre l’humou
715
pas vues, ou bien ne sont qu’erreurs. Le besoin d’
être
original, et dans un autre ordre l’humour, expriment notre notion de
716
aturer, il résiste en collant à son identité, qui
est
celle d’un ordre et non pas d’un ego, d’un être différent qui ne vivr
717
ui est celle d’un ordre et non pas d’un ego, d’un
être
différent qui ne vivra qu’une fois. Il résiste sans contre-attaque, s
718
norité, seule responsable et progressiste, et qui
est
hindoue. N’oubliez pas que le Pandit est du Kashmir. Prenez enfin l’a
719
, et qui est hindoue. N’oubliez pas que le Pandit
est
du Kashmir. Prenez enfin l’affaire du blé. La famine menace au Bihar.
720
Chine. Et cinq des grands ambassadeurs de l’Inde
sont
communistes ou fellow-travellers… » Un diplomate : « Nul ne sait ce q
721
tre jour, au banquet des grands industriels, il s’
est
lancé dans un discours fort irrité contre le machinisme, inutile selo
722
ceux qui l’aiment et qui l’admirent : « Ah ! s’il
était
resté notre leader moral, au lieu de devenir Premier ministre… » Tell
723
al, au lieu de devenir Premier ministre… » Telles
sont
les opinions que l’on m’a confiées depuis que je suis dans ce pays —
724
les opinions que l’on m’a confiées depuis que je
suis
dans ce pays — douze jours seulement — et je n’en prends aucune à mon
725
le salon où je l’attendais, avant le repas, je n’
étais
pas sans inquiétude. J’arrivais à l’instant de Bombay, où notre Congr
726
rrivais à l’instant de Bombay, où notre Congrès s’
était
clos sur une résolution condamnant le neutralisme. J’avais lu dans l’
727
ne nuit de voyage. On le disait fort irritable. J’
étais
en train d’admirer des jonquilles, rapportées toutes fraîches de son
728
rapportées toutes fraîches de son pays natal. Il
est
entré sans bruit, d’un pas rapide. Un peu voûté, l’air sérieux et dis
729
n coussin, sans réagir. Je ne sais pourquoi je me
suis
demandé, à ce moment-là, s’il pensait en hindi ou en anglais.) Mais à
730
adariaga, dans la séance de clôture du congrès, s’
est
écrié : « Votre Nehru, c’est l’un des six ou sept qui dirigent aujour
731
er ma citation : « Six ou sept ? me dit-il. Quels
sont
les autres ? » — No others ! tranche la nièce avec simplicité. (Nous
732
ans réponse la question de savoir s’ils devraient
être
des Staline ou des Einstein, des Nehrus politiques ou des Nehrus pand
733
ulturel Inde-Europe ? Nos plus grands indianistes
sont
allemands ou français, mais l’Inde ne connaît guère l’Europe que par
734
e par les collèges anglais, et d’autre part, elle
est
tentée de juger l’Occident tout entier à travers l’Amérique ; or l’Eu
735
nt tout entier à travers l’Amérique ; or l’Europe
est
plus près de l’Inde… Il s’est donné une petite tape sur le genou. « C
736
rique ; or l’Europe est plus près de l’Inde… Il s’
est
donné une petite tape sur le genou. « C’est vrai, cela ! me dit-il, i
737
une entrevue « banale », et c’est son prix. Nehru
est
un brahmine éduqué à Cambridge, un aristocrate libéral inclinant vers
738
que de ses idées, a fait un prince. Que ce pandit
soit
devenu Premier ministre, il s’agit là d’un caprice de l’Histoire. Il
739
n dédain mal dissimulé pour la culture américaine
est
celui d’un brahmine pour une caste inférieure (il l’a écrit), non pas
740
presse, au nom d’un idéal de « propreté morale »,
sont
en fait ressenties comme traduisant sa colère personnelle contre l’op
741
sonnelle. Tout le monde parle de sa beauté. Et il
est
vrai que son visage et son maintien expriment une harmonie de l’âme h
742
l’âme affleure et vient en surface. Mais dans son
être
intime, le regard de l’esprit trouverait-il encore ce mystère primiti
743
, au corps magique d’une race ? L’individualité n’
est
jamais née qu’en rupture de magie. Cette crise profonde de l’Inde se
744
crise profonde de l’Inde se résume en Nehru. J’en
suis
sûr maintenant : ce grand Indien, qui libéra son peuple des Anglais,
745
oudrait bien se rendormir. Mais l’image du réveil
est
trompeuse. Je n’ai pas senti là-bas l’essor d’un peuple jeune, sa con
746
ie serrée, l’Inde se voit sommée de jouer. Elle n’
est
pas équipée, ni entraînée. Elle ne sait pas quel camp choisir. Comme
747
« jouer » pour elle sur le plan international, ne
soit
tenté que par le rôle d’arbitre ! Admettons que l’Amérique représente
748
omène des « masses », ni l’individualisme dont il
est
la rançon. Cependant l’Inde, en tant qu’État, doit voter pour ou cont
749
es, chez les paysans et artisans, mais le pouvoir
est
aux « sécularistes » qui se détachent d’elle ou la renient. L’évoluti
750
de consistance. Nous avons des problèmes, l’Inde
est
problèmes. Je n’ai guère parlé que du plus intime d’entre eux, tel qu
751
l’homme entre le mythe et la personne. Les autres
sont
assez connus. Des milliers de vaches sacrées, d’ailleurs malades, emb
752
aines de personnes à Bombay.) Neuf hommes sur dix
sont
illettrés, dans un régime officiellement démocratique. Les fonctionna
753
e officiellement démocratique. Les fonctionnaires
sont
corrompus, dit-on, du haut en bas des hiérarchies improvisées après l
754
improvisées après le départ des Anglais. L’armée
serait
impuissante devant une invasion. Et ainsi de suite… Presque tous ces
755
(Qui, d’ailleurs, l’eût fait en son nom ?) Elle s’
est
bornée à se retirer politiquement. Elle doit trouver maintenant les f
756
te » s’il n’a passé d’abord par l’individualisme,
soit
chrétien, rationaliste. h. Rougemont Denis de, « Inde 1951 », La Re
757
)j k Portrait du Suisse moyen Les Suisses
sont
plus réellement moyens que « l’homme moyen » des autres peuples, supp
758
e qui semble les nier ? Réponse : cette moyenne n’
est
pas née de la fusion des diversités, encore moins de leur mélange dan
759
ales et leurs compartimentages. La moyenne suisse
est
l’expression d’un contentement presque unanime, d’une longue absence
760
e nation « une et diverse ». Il faut voir qu’elle
est
une parce qu’elle est diverse. Le goût du juste milieu, le sens du co
761
rse ». Il faut voir qu’elle est une parce qu’elle
est
diverse. Le goût du juste milieu, le sens du compromis, l’attrait de
762
promis, l’attrait de la moyenne et son revers qui
est
la peur de différer, le conformisme, sont les vertus et les défauts t
763
vers qui est la peur de différer, le conformisme,
sont
les vertus et les défauts typiques qu’appelle la tolérance fédéralist
764
uisables de la comparaison des niveaux de vie. Ce
sont
des réalistes sans cynisme. Ils acceptent leur condition, parce qu’il
765
enquête conduite par l’institut Gallup pendant l’
été
de 1963, dans six pays d’Europe et aux États-Unis, montre qu’ils sont
766
ix pays d’Europe et aux États-Unis, montre qu’ils
sont
« en tête des gens heureux », comme l’écrit un journal français. Alor
767
: « D’une manière générale, diriez-vous que vous
êtes
très heureux, plutôt heureux, pas très heureux ? » 42 % répondent trè
768
érés ou ceux que la question laisse froids.) Ce n’
est
pas que tout soit parfait dans la meilleure des Suisses possibles, ma
769
la question laisse froids.) Ce n’est pas que tout
soit
parfait dans la meilleure des Suisses possibles, mais le monde a chan
770
’est le goût du travail dont on a pu écrire qu’il
est
« le mode existentiel des Suisses », la base de leurs rapports sociau
771
lace de l’habituel verset biblique : « Le travail
fut
sa vie. » C’est aussi « leur seul mode de promotion »17, dit-on et sa
772
Dire d’un homme qu’il a fait beaucoup de métiers
est
un éloge banal en Amérique (ou versatile veut dire habile, doué de no
773
aleur morale du personnage. Les loisirs eux-mêmes
sont
marqués par l’esprit d’efficacité qui fait du Suisse un type extrême
774
. Lire, aller au théâtre, écouter des conférences
est
un devoir avant d’être un plaisir : devoir envers soi-même, car « il
775
re, écouter des conférences est un devoir avant d’
être
un plaisir : devoir envers soi-même, car « il faut se cultiver », com
776
C’est « Culture et loisirs » en France, la nuance
est
significative. Quant au goût de la simplicité, affiché jusqu’à la man
777
tilitaire, et même bien avant la Réforme, mais il
est
en symbiose avec elles, et s’en nourrit autant qu’il explique leur su
778
« C’est plus simple ainsi », « Rassurez-vous, ce
sera
très simple » sont des mots de passe de la vie quotidienne du bourgeo
779
e ainsi », « Rassurez-vous, ce sera très simple »
sont
des mots de passe de la vie quotidienne du bourgeois et surtout de so
780
u bourgeois et surtout de son épouse. Tout ce qui
est
compliqué est vaguement immoral : l’art baroque en particulier, dont
781
surtout de son épouse. Tout ce qui est compliqué
est
vaguement immoral : l’art baroque en particulier, dont tant de chefs-
782
omplètement dépaysée dans ces sanctuaires où l’or
est
gaspillé sur des stucs boursouflés et qui manquent de sérieux… Et cel
783
la question des critères moraux du Suisse moyen.
Sont
-ils encore ceux de sa religion, ou déjà ceux de l’utilitarisme que ce
784
e siècle multiplie les questions de ce genre. Il
est
peut-être encore plus difficile d’y répondre dans le cas de la Suisse
785
qu’au seul désir de gagner davantage. La paresse
est
une déficience, et non le signe éventuel d’une sagesse libérée des co
786
lée Un jour en Suisse : « Estimez-vous qu’on peut
être
un bon Suisse et se lever à 9 heures ? » À l’origine du devoir et du
787
se lève tôt, mais il se réveille tard. Mais qu’en
est
-il d’autres domaines critiques de l’existence morale en Occident : la
788
age ? Les anciens Suisses, au temps des Ligues, n’
étaient
pas moins connus pour la licence de leurs mœurs que pour l’austérité
789
traire, pour l’épouser, la preuve qu’elle pouvait
être
mère), cent témoignages concordants décrivent une Suisse gaillarde, r
790
pe, pendant le xixe siècle, la notion de péché s’
est
vue assimilée avant tout à celle de luxure, ou, pour rester conforme
791
te assombrit la prédication pendant un siècle. Il
est
d’autant plus remarquable que le Suisse moyen formé à cette école ne
792
quable que le Suisse moyen formé à cette école ne
soit
pas devenu le révolté qu’on serait tenté d’imaginer, et que les Églis
793
à cette école ne soit pas devenu le révolté qu’on
serait
tenté d’imaginer, et que les Églises soient aujourd’hui plus vivantes
794
qu’on serait tenté d’imaginer, et que les Églises
soient
aujourd’hui plus vivantes qu’hier. Les nouvelles générations me parai
795
déduire d’une part que les exigences de la chair
étaient
bien fortes en ce pays pour que la religion dût consacrer tant d’effo
796
en puissant pour que ses disciplines et jugements
fussent
acceptés aussi communément et sans plus de rébellion que de désaffect
797
mariage en Suisse. La censure des publications n’
est
officiellement exercée qu’aux frontières du pays. La pudeur de la jeu
798
ontières du pays. La pudeur de la jeunesse suisse
est
ainsi protégée par les douaniers, fonctionnaires subalternes et milit
799
es subalternes et militarisés. Quels peuvent bien
être
leurs critères du moral et de l’immoral ? Je n’en ai découvert qu’un
800
épasse. Ce qui dépasse aux yeux de la censure, ce
sont
les œuvres mises à l’index par le ministère public fédéral, et dont c
801
ublic fédéral, et dont chaque employé des douanes
est
censé connaître la liste (Sade, Henry Miller, etc.). Or, les critères
802
.). Or, les critères d’un tel office ne sauraient
être
, évidemment, que ceux de la banalité morale la plus plate et la plus
803
approbations ; on les considère pour ce qu’elles
sont
: résidus de préjugés sociaux ou religieux qui n’ont plus beaucoup d’
804
qui n’ont plus beaucoup d’importance, la jeunesse
étant
suffisamment avertie pour excuser, voire pour « comprendre » ce genre
805
progrès… » Quant aux conceptions du mariage, quel
est
le sens général de leur évolution ? Autrefois, on se mariait dans la
806
grands efforts pour traiter sa bru ‟comme si elle
était
l’une des nôtres”, tout en sachant fort bien que ‟ces mariages mixtes
807
orce s’explique surtout par d’autres causes. Il n’
est
pas le signe d’un quelconque « relâchement moral » (comparé à la Suis
808
structurées ou les grands ensembles urbains. Ce n’
est
pas l’anarchie des mœurs qui menace la Suisse, c’est plutôt une espèc
809
ralement assumé. Le niveau de vie, une fois qu’il
est
bien assuré, c’est la vie elle-même qui devient le danger, ses surpri
810
ience quotidienne, montre les Suisses tels qu’ils
sont
et se veulent. Ceux qui refuseront de s’y reconnaître ne seront sans
811
eulent. Ceux qui refuseront de s’y reconnaître ne
seront
sans doute pas les derniers à y reconnaître leurs voisins. C’est un p
812
econnaître leurs voisins. C’est un portrait, ce n’
est
pas un éloge, ni une critique. Dire que le Suisse moyen est sérieux m
813
éloge, ni une critique. Dire que le Suisse moyen
est
sérieux mais heureux (j’ajoute qu’il rit beaucoup et facilement), qu’
814
j’ajoute qu’il rit beaucoup et facilement), qu’il
est
réaliste sans cynisme, qu’il accepte sa condition comme il approuve s
815
lame son niveau de vie neuf fois sur dix, qu’il n’
est
pas révolutionnaire mais résolument réformiste, et qu’il n’aime pas l
816
péculation dans aucun ordre, enfin que le travail
est
sa vie, est-ce le vanter ou le dénigrer ? Il est clair que c’est l’un
817
ans aucun ordre, enfin que le travail est sa vie,
est
-ce le vanter ou le dénigrer ? Il est clair que c’est l’un et l’autre,
818
est sa vie, est-ce le vanter ou le dénigrer ? Il
est
clair que c’est l’un et l’autre, selon le signe dont on affecte les n
819
ignent des contrats de « paix de travail ». (Il n’
est
pas interdit de se former des jugements plus nuancés ou dialectiques.
820
qu’on pense de ce portrait du Suisse moyen, ce n’
est
pas encore un portrait de la Suisse. L’enquête la plus intelligente e
821
ozart, un Descartes, un Kipling n’auraient jamais
été
décelés par quelque sondage d’opinion sur les « attitudes culturelles
822
l’Autrichien, du Français ou de l’Anglais, et ce
sont
pourtant de tels hommes qui donnent à un pays ce qu’on appelle son vi
823
ut-il dire précisément parce qu’il en vit ? Et ce
sont
des hommes d’exception qui les révèlent dans leurs œuvres, même s’ils
824
précisément parce que ces forces et ces réalités
étaient
pour eux problèmes, contestations, conceptions idéales ou nostalgies.
825
vanche, les hommes importants qu’on lui indiquera
sont
inconnus hors du canton. La Suisse résulte, l’ai-je assez dit, de l’a
826
les compartiments. Si bien que l’homme de poids y
sera
surtout local. Il sera le grand homme d’une vallée, d’une cité, plus
827
ien que l’homme de poids y sera surtout local. Il
sera
le grand homme d’une vallée, d’une cité, plus rarement d’un canton, p
828
ui ferait mine de dépasser la mesure commune et d’
être
un chef. Un Führer suisse est impensable, et même l’essai d’instituer
829
esure commune et d’être un chef. Un Führer suisse
est
impensable, et même l’essai d’instituer un Landammann de Suisse échou
830
t-être certains traits communs aux Suisses qui se
sont
illustrés dans les domaines les plus divers. Sans prétendre à compose
831
aître que leur identité native et naturelle. Ce n’
est
pas se dissimuler, en vérité : simplement le génie qui leur advient p
832
ient prend les couleurs du milieu. Albert Bitzius
était
un jeune Bernois, épris de littérature et d’idées libertaires. Il dev
833
les familles l’ont lu, en Suisse alémanique. Il s’
était
occupé sa vie durant de l’administration locale, du secours des pauvr
834
») et des cours de philosophie dont l’ennui seul
est
resté mémorable ont camouflé le passage parmi nous du génie de l’intr
835
l’introspection. Dix-sept-mille pages de Journal
furent
écrites dans l’ombre d’une carrière assez terne pour être acceptée sa
836
ites dans l’ombre d’une carrière assez terne pour
être
acceptée sans histoires. « En épousant Genève, j’ai épousé la mort —
837
que « Paris en eût fait un dieu ». Mais ce n’eût
été
qu’un dieu de salons, un dieu causeur. Jacob Burckhardt à sa manière
838
, un dieu causeur. Jacob Burckhardt à sa manière
fut
aussi un grand homme invisible ; refusant de succéder à Ranke dans la
839
a même conduite à Genève comme par instinct, s’il
est
un instinct patricien. (L’intellectuel du xxe siècle cherche au cont
840
t elle qui se voit dorénavant « admise », comme l’
était
la conduite inverse au dernier siècle.) Se rendre utile. — Pays pau
841
ays pauvre au départ et dont les seules richesses
furent
fabriquées par un travail humain bien concerté, la Suisse est née de
842
es par un travail humain bien concerté, la Suisse
est
née de la coopération. Un pour tous, tous pour un, c’est moins un idé
843
un. Et c’est pourquoi les Suisses qui ont excellé
furent
presque tous, à des titres divers, hommes utiles au sens le plus nobl
844
ques, éducatifs ou spirituels, comme si le fait d’
être
utiles excusait leurs grands dons aux yeux de leur conscience helvéti
845
ue et de leur peuple. Point de spéculation sur l’
Être
en soi, mais seulement sur les relations entre Dieu et l’individu, en
846
e plus grand psychologue de ce siècle, jusqu’ici,
soient
deux Suisses : Karl Barth et C. G. Jung. En eux la Suisse excelle et
847
udisme ou du léninisme dans d’autres domaines. Il
est
nommé professeur en Allemagne. Devant les prétentions nationales-soci
848
à Bâle, il édifie une Dogmatique de l’Église qui
est
le monument théologique le plus hardi et dur d’arêtes de l’ère modern
849
et dur d’arêtes de l’ère moderne. On n’avait pas
été
moins conformiste depuis Luther dans la réinvention de l’orthodoxie.
850
iècle de formalisme puritain et sentimental, ne s’
était
élevée dans les Églises en retraite devant le « monde moderne ». En v
851
de l’Église initiée par le pape Jean XXIII. Ce n’
est
pas le moindre paradoxe de sa carrière, pleine de surprises pour ses
852
n que cela » (qu’il a puisée dans saint Paul), il
est
le seul théologien depuis Calvin qui ait influencé l’ensemble des Égl
853
e dogmatique. Alors que Barth veut définir ce qui
est
vrai « en Dieu » selon la Parole de Dieu, Jung recherche ce qui se pa
854
écouvre la valeur des rites et des symboles et il
est
tout le contraire d’un iconoclaste — mais quand il déclare, dans sa R
855
pas lieu de s’en réjouir : car l’hommage de Jung
est
rendu à la Sophia æterna de la mythologie gnostique. Barth se veut st
856
éminin des mystiques hérétiques. Pour Barth, Dieu
est
le vis-à-vis de l’homme, le Tout Autre. Pour Jung, Dieu est une réali
857
-à-vis de l’homme, le Tout Autre. Pour Jung, Dieu
est
une réalité psychique. Le théologien n’a que faire de la psychologie.
858
psychologue n’a que faire des dogmes, sauf s’ils
sont
l’expression cristallisée d’un mythe, d’une situation archétypique, d
859
âme, — et c’est précisément dans la mesure où ils
seraient
un mythe fixé que Barth les rejetterait. Le dialogue entre ces deux h
860
rejetterait. Le dialogue entre ces deux hommes n’
était
même pas concevable, et de fait il n’a pas eu lieu. Leurs disciples (
861
ntégration ou de synthèse même très partielle n’a
été
entreprise jusqu’ici, que je sache. (Un jour, peut-être, j’essaierai
862
ine, Mozart ou Rubens, Shakespeare ou Dostoïevski
seraient
impensables en tant que Suisses. Une certaine démesure, un grand théâ
863
tout souci d’application « morale », leur eussent
été
formellement refusés par nos coutumes les plus invétérées. En revanch
864
revanche, les grands noms cités dans ces pages ne
seraient
guère pensables hors du complexe suisse. Et c’est à eux que la Suisse
865
e plus grand dôme du monde, Saint-Pierre de Rome,
fut
achevé par des architectes venus de Suisse ; qu’un autre Suisse bâtit
866
ne, Karl Barth. Son canton — ou l’Europe. » Et il
est
vrai que nos meilleurs esprits, hors de l’étroit compartiment natal,
867
mensions qui leur manquent en Suisse25. Mais ce n’
est
pas en grimpant sur nos Alpes comme Horace-Bénédict de Saussure que c
868
ait le principal de leur carrière en Suisse, ce n’
est
pas la Suisse qui a découvert et propagé leur nom dans le monde ; c’e
869
oisins ou de l’Amérique, que leur réputation nous
est
revenue, comme importée. « Son canton — ou l’Europe », c’est la formu
870
mme de culture en tant que tel, le stade national
est
sauté. Cas unique, dans l’Europe moderne. J’ose y voir le plus grand
871
le plus grand privilège des Suisses : quelle que
soit
leur petite patrie locale, s’ils la dépassent c’est pour rejoindre im
872
, 1964. 18. 300 000 Suisses vivent à l’étranger,
soit
5 % de la population. Cette proportion est décroissante : 10 % avant
873
nger, soit 5 % de la population. Cette proportion
est
décroissante : 10 % avant 1914, 7,5 % en 1945. 19. Je pense à des ou
874
pourtant les parents et trois des grands-parents
étaient
de Neuchâtel, je trouve 32 Neuchâtelois et 32 Européens surtout Franç
875
e des sociétés humaines, dont le Contrat social n’
est
qu’un fragment : Rousseau. « Considérations sur l’Histoire du Monde »
876
ra un purgatoire de mille ans. » Dans quelle voie
sommes
-nous engagés après un siècle ? Celle des fédérations et de l’harmonie
877
Je répondrai : dans les deux à la fois, et cela n’
est
pas contradictoire. Un phénomène très général de convergence inspire
878
nt contradictoire, c’est l’État-nation, tel qu’il
est
né de la Révolution et du Premier Empire, produit de la confiscation
879
s l’ont laissé, à la fois trop petit et grand. Il
est
trop petit pour assurer ce qu’on persiste à nommer son indépendance e
880
eraineté absolue : car nul pays de notre Europe n’
est
plus en mesure de jouer un rôle mondial, d’assurer seul sa défense, d
881
os États centralisés — dans la mesure même où ils
sont
centralisés — se révèlent trop grands pour animer la vie économique c
882
sa capitale, et les accusent de colonialisme. Il
est
certain que la prétention à une politique indépendante, au plein sens
883
indépendante, au plein sens du terme, ne saurait
être
soutenue à la rigueur que par la Chine, l’URSS et surtout les USA, s’
884
acceptaient toutefois d’en payer le prix, lequel
serait
celui d’une autarcie presque totale ou d’une sorte d’isolation parano
885
enne, voici donc une première réponse : oui, nous
sommes
bel et bien au seuil d’une ère potentiellement fédéraliste. Peut-on d
886
regroupent 40 % de la population du globe, et il
est
frappant de constater qu’on trouve parmi eux les plus grands États de
887
rope de l’Ouest et la Yougoslavie pour celle de l’
Est
, et au-delà, l’URSS, l’Inde et l’Australie. Voilà qui réfute le clich
888
ique de la convergence et de la diversification n’
est
pas tellement mieux satisfaite dans ces trois États officiellement fé
889
tifs que dans les nations unitaires : en URSS, ce
sont
les autonomies régionales et les diversités religieuses et politiques
890
s et les diversités religieuses et politiques qui
sont
opprimées par l’État central dont un Parti unique s’est emparé ; au N
891
primées par l’État central dont un Parti unique s’
est
emparé ; au Nigéria, c’est au contraire une des régions fédérées qui
892
exemple de la fédération des cantons suisses ! Il
est
certain que dans ces trois cas, c’est moins le fédéralisme qu’on est
893
s ces trois cas, c’est moins le fédéralisme qu’on
est
en droit d’incriminer que sa trahison pure et simple, ou son usage ma
894
ralisme, mais d’un défaut de fédéralisme. Et l’on
est
en droit de penser que l’application correcte de la méthode fédéralis
895
plus locales et vers des unions plus vastes, qui
est
le battement même du cœur d’un régime sain, j’entends immunisé contre
896
-nationalisme, il faudrait avant de le prescrire,
être
très sûr de sa formule. Or je ne vois pas terme du langage politique
897
ne nous apprend rien, d’autant que « fédératif »
est
défini plus loin comme ce « qui a rapport à une confédération ». Quan
898
vers, cela fait cinq syllabes). Cette définition
est
assurément moins éclairante que les deux citations qui l’illustrent :
899
citations qui l’illustrent : 1) « Le fédéralisme
était
une des formes politiques les plus communes employées par les sauvage
900
États. » Pour le Français cultivé, donc, la cause
est
jugée. Il s’agit d’un système qui est bon pour les sauvages, et qui s
901
c, la cause est jugée. Il s’agit d’un système qui
est
bon pour les sauvages, et qui semble n’avoir été préconisé que par de
902
est bon pour les sauvages, et qui semble n’avoir
été
préconisé que par des traîtres à la République… Il est vrai que mon L
903
réconisé que par des traîtres à la République… Il
est
vrai que mon Littré date de 1865 : « fédéralisme » y est encore quali
904
i que mon Littré date de 1865 : « fédéralisme » y
est
encore qualifié de « néologisme ». C’était deux ans après le livre de
905
ut : le malheur congénital du fédéralisme reste d’
être
un concept dialectique, ambigu, et qui autorise — ou incite en tout c
906
té directeur d’un congrès européen qu’une journée
fût
réservée à des travaux sur le fédéralisme. Le représentant du Conseil
907
t à déclarer aussitôt que le terme de fédéralisme
étant
tabou à Strasbourg, il se verrait obligé de quitter le comité si l’on
908
t-à-dire très exactement le contraire de ce qu’il
est
. À l’inverse, le fédéralisme est assimilé par beaucoup à une attitude
909
aire de ce qu’il est. À l’inverse, le fédéralisme
est
assimilé par beaucoup à une attitude de suspicion envers tout pouvoir
910
e, et grand Européen, écrivait récemment : « Ce n’
est
pas dans le fédéralisme, ce n’est pas en se repliant sur elle-même qu
911
emment : « Ce n’est pas dans le fédéralisme, ce n’
est
pas en se repliant sur elle-même que la Wallonie trouvera son salut.
912
bvention fédérale « parce qu’ici, disait-il, nous
sommes
fédéralistes ! » Si pareils malentendus sont le fait d’Européens pro
913
s sommes fédéralistes ! » Si pareils malentendus
sont
le fait d’Européens professionnels ou de gardiens jaloux des traditio
914
u de gardiens jaloux des traditions helvètes, que
sera
-ce ailleurs ? Le fédéralisme n’étant ni ceci, ni cela, mais la coexis
915
helvètes, que sera-ce ailleurs ? Le fédéralisme n’
étant
ni ceci, ni cela, mais la coexistence en tension de ceci et de cela,
916
ions partielles, donc ruineuses dans son cas, lui
soit
pour ainsi dire congénital. Or s’il est vrai que l’union de l’Europe
917
cas, lui soit pour ainsi dire congénital. Or s’il
est
vrai que l’union de l’Europe est l’entreprise capitale de siècle, et
918
génital. Or s’il est vrai que l’union de l’Europe
est
l’entreprise capitale de siècle, et s’il est vraisemblable que cette
919
rope est l’entreprise capitale de siècle, et s’il
est
vraisemblable que cette union sera fédérale ou ne sera pas, on sent t
920
siècle, et s’il est vraisemblable que cette union
sera
fédérale ou ne sera pas, on sent tous les dangers qu’entraînent en fa
921
vraisemblable que cette union sera fédérale ou ne
sera
pas, on sent tous les dangers qu’entraînent en fait les malentendus q
922
vitales, de telle sorte que la solution ne puisse
être
cherchée, ni dans la réduction de l’un des termes, ni dans la subordi
923
e telle manière que la résultante de leur tension
soit
positive. (On dirait, dans le langage de la théorie des jeux de von N
924
e de relations bipolaires dont le « modèle » nous
est
connu : c’est celui qu’ont élaboré les fondateurs de la philosophie o
925
lule de base des ligues et fédérations. Voilà qui
est
proprement occidental : devant ce même problème de l’Un et du divers,
926
nte. Pour le brahmane, pour le bouddhiste, le but
est
d’effacer l’individu, la différence, de tout fondre dans l’Un sans di
927
ue. De même que le modèle trinitaire des conciles
sera
utilisé par Kepler dans ses spéculations sur le cercle et leurs appli
928
érence des natures sauvegarde leurs propriétés 26
sera
repris par tous les penseurs occidentaux respectueux du réel et des c
929
pectueux du réel et des conditions de la vie, qui
sont
: antinomies, oppositions, lutte des contraires « d’où procède la plu
930
éfinis comme exclusifs l’un de l’autre, a cessé d’
être
un scandale, est même devenu principe fondamental d’interprétation du
931
sifs l’un de l’autre, a cessé d’être un scandale,
est
même devenu principe fondamental d’interprétation du réel. (Je pense
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utres hommes, ses semblables. Ces groupes devront
être
, à leur tour, à la fois autonomes et solidaires : pour eux aussi, l’u
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sans l’autre, bien mieux : l’un — la solidarité —
sera
la garantie de l’autre — l’autonomie. Quelques exemples : 1. Le probl
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i veut à la fois sa vie privée et une vie sociale
est
homologue à la situation de la région qui veut à la fois son autonomi
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. 4. Enfin, le problème général de l’œcuménisme n’
est
-il pas le même en sa forme que ceux que nous venons d’évoquer, puisqu
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analyse, des vocations particulières au sein de l’
Être
même de l’Universel, source et fin de toute communauté. Dans tous ces
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unauté. Dans tous ces domaines d’existence, quels
seront
les principes de méthode dictés par le souci fédéraliste de respect d
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ne reste qu’à désigner le niveau de compétence où
seront
prises les décisions relatives à cette tâche. Il peut y avoir d’aille
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du possible par la technique moderne. (Ce débat n’
est
pas d’aujourd’hui. Aux projets de découpage géométrique de la France
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par cette grande phrase : Le but de la société n’
est
pas que l’administration soit facile, mais qu’elle soit juste et écla
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but de la société n’est pas que l’administration
soit
facile, mais qu’elle soit juste et éclairée.) Nous allons voir, enfin
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as que l’administration soit facile, mais qu’elle
soit
juste et éclairée.) Nous allons voir, enfin, que nos critères d’évalu
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cipation, l’efficacité et l’économie des moyens —
sont
en interdépendance générale. Prenons l’exemple de l’habitat : le giga
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rop serré avec d’autres chez soi, et qui voudrait
être
enfin seul, sort et se mêle à la foule anonyme… Mais c’est une mauvai
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unication avec ceux que l’on côtoie comme s’ils n’
étaient
pas là. La solution consisterait à recréer les conditions de communau
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aménagements. Les dimensions, d’ailleurs, peuvent
être
numériques aussi bien qu’architecturales : prenez les conflits actuel
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rofessionnel souvent d’autant plus rentable qu’il
est
plus étroitement spécialisé ; mais la révolte actuelle des étudiants,
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étudiants, sorte de tourbillon dans l’égarement,
est
aussi le résultat mécanique de l’explosion des effectifs. Multipliez
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gen aux recteurs européens en 1964m. L’université
fut
une commune libre au Moyen âge. Toute vie civique, depuis la cité gre
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n âge. Toute vie civique, depuis la cité grecque,
est
communale d’abord, municipale. C’est au niveau de la vie civique et p
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unités de base ? Comment devenir assez grand pour
être
fort, tout en restant assez petit pour être libre ? Ce n’est pas le v
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pour être fort, tout en restant assez petit pour
être
libre ? Ce n’est pas le vote d’une constitution, de type plus ou moin
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out en restant assez petit pour être libre ? Ce n’
est
pas le vote d’une constitution, de type plus ou moins fédéral qui peu
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ivisme, c’est dans cette dialectique concrète que
sont
en train de se former sous nos yeux, en Europe, plus d’une centaine d
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is en considération par les auteurs classiques, n’
était
en réalité qu’un cas particulier d’une conception beaucoup plus large
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re à épuiser »… Et il ajoutait : « Le fédéralisme
est
autre chose qu’une simple recette juridique ou politique : il est un
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qu’une simple recette juridique ou politique : il
est
un des grands types d’aménagement du rapport politique et peut-être p
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i tenté de le définir ne fait que commencer. Il n’
est
pas matière historique, mais prospective. Il a plus d’avenir que de p
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ns Le Fédéralisme contemporain : « Le fédéralisme
est
présence au pouvoir global des éléments particuliers — demeurant dist
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connaissables — dont se compose la fédération. Il
est
une symbiose sans confusion ni disparition des spécificités. » 27. H
961
ris, Paris, septembre 1969, p. 1-10. m. Le texte
est
paru dans La Revue de Paris de novembre 1965. Nous donnons en ligne l