1
ois les habitants du village réunis, leur façon d’
être
ensemble, et surtout la jeunesse, d’ordinaire invisible, au point que
2
u point que je doutais même qu’elle existât. Elle
était
là. Elle occupait les longs bancs rangés en chevrons derrière le peti
3
tous laids de visage et très épais de corps. Nous
étions
assis derrière eux. Au fond, sur deux armoires basses siégeaient une
4
à grands sauts ralentis — le courant électrique n’
étant
sans doute pas réglé pour faire tourner l’appareil au rythme normal.
5
chaque semaine désormais, un petit discours. « Je
serai
bref ! » C’est un jeune homme d’allure énergique et de visage intelli
6
pathétiques. Il annonce le sujet de ce soir : Qu’
est
-ce qu’être laïque ? — « Messieurs, chers amis ! Je vous rappellerai t
7
es. Il annonce le sujet de ce soir : Qu’est-ce qu’
être
laïque ? — « Messieurs, chers amis ! Je vous rappellerai tout d’abord
8
y a, dis-je, quelqu’un qui a osé prétendre que je
suis
un empoisonneur des consciences ! » Récit détaillé des calomnies que
9
s’agite, les bras s’agitent, la voix s’enfle. « J’
étais
au dernier congrès des instituteurs qui s’est tenu à Paris. Eh bien !
10
J’étais au dernier congrès des instituteurs qui s’
est
tenu à Paris. Eh bien ! citoyens, lors de ce congrès, il a été stipul
11
ais au dernier congrès des instituteurs qui s’est
tenu
à Paris. Eh bien ! citoyens, lors de ce congrès, il a été stipulé qu’
12
ris. Eh bien ! citoyens, lors de ce congrès, il a
été
stipulé qu’à l’avenir… » La fin de la phrase étant particulièrement s
13
été stipulé qu’à l’avenir… » La fin de la phrase
étant
particulièrement sonore, des applaudissements éclatent au fond de la
14
nce dans une définition vibrante de la laïcité. «
Être
laïque, c’est vouloir la justice et l’égalité pour tous ! Être laïque
15
c’est vouloir la justice et l’égalité pour tous !
Être
laïque, c’est vouloir l’instruction libre et gratuite pour tous, sans
16
ous, sans distinction de fortune ou de religion !
Être
laïque… » Ah ! surtout, être laïque, ce n’est pas combattre les relig
17
une ou de religion ! Être laïque… » Ah ! surtout,
être
laïque, ce n’est pas combattre les religions, comme le prétend le voi
18
! Être laïque… » Ah ! surtout, être laïque, ce n’
est
pas combattre les religions, comme le prétend le voisin, « car je les
19
elle, que je considère comme sacrée ! » En somme,
être
laïque, c’est être religieux au vrai sens du mot, selon les paroles d
20
ère comme sacrée ! » En somme, être laïque, c’est
être
religieux au vrai sens du mot, selon les paroles de Gambetta, d’Ernes
21
Gambetta, d’Ernest Lavisse et de quelques autres.
Être
laïque, c’est finalement « aimer son prochain » ! Je n’ai pas plutôt
22
es frères ! si l’on vient encore vous dire que je
suis
un empoisonneur des consciences, vous saurez maintenant me défendre !
23
re à la première conférence. Mais le village d’A…
est
à huit kilomètres et la tempête m’avait empêché d’y aller à bicyclett
24
La mère Renaud vient de m’apprendre que l’orateur
est
le pasteur du chef-lieu. Il paraît qu’il cause très bien — lui aussi
25
lui aussi — mais elle ne l’a jamais entendu. Elle
est
catholique, en effet, comme d’ailleurs tout le monde au village, à pa
26
ches laïques de l’instituteur. Le seul protestant
est
mort l’été dernier, âgé de 93 ans. Il s’était converti à soixante-dix
27
s de l’instituteur. Le seul protestant est mort l’
été
dernier, âgé de 93 ans. Il s’était converti à soixante-dix ans « et i
28
stant est mort l’été dernier, âgé de 93 ans. Il s’
était
converti à soixante-dix ans « et il avait toujours tenu ! » Catholiqu
29
onverti à soixante-dix ans « et il avait toujours
tenu
! » Catholique, antifasciste, laïque, protestant, — tous ces mots pre
30
se de joliment absurde. Les paysans du village ne
sont
pas même tous capables de lire le journal, et j’ai remarqué qu’ils ac
31
le locale des curés ou celle des républicains. Il
est
à peu près impossible de savoir s’ils font une distinction quelconque
32
onférence d’A… me fera modifier ce jugement. J’en
suis
bien curieux. 15 décembre 1933 Je relève les notes prises l’autre soi
33
mier rang, deux « dames », l’une très vieille. Ce
sont
les seules femmes. Mauvais éclairage. L’orateur se hisse sur la scène
34
reau, puisque, comme vous le savez, la conférence
est
contradictoire. Je vous demanderai donc de bien vouloir proposer des
35
out à droite, un tout à gauche, le troisième, qui
est
le président, derrière la table, embarrassés de leurs mains, de leurs
36
le sujet… Je ne connais pas beaucoup M. Palut, n’
est
-ce pas, c’est la première fois qu’il vient à A…, mais certainement qu
37
ment, et parle : — On a dit ici même que l’Église
est
contre les travailleurs. Est-ce vrai ? Il y a plusieurs églises, et m
38
ci même que l’Église est contre les travailleurs.
Est
-ce vrai ? Il y a plusieurs églises, et malheureusement elles ne s’ent
39
ne s’entendent pas toujours. La primitive église
était
constituée par des esclaves et des gens pauvres. Depuis lors il y a e
40
da, a dit que les clercs ont trahi. Les clercs, n’
est
-ce pas, ce sont les intellectuels, les écrivains, les professeurs, de
41
es clercs ont trahi. Les clercs, n’est-ce pas, ce
sont
les intellectuels, les écrivains, les professeurs, des hommes disting
42
ourgeoisie égoïste, guerre. Mais le vrai chrétien
est
avec les petits. Résumé de ce que la Bible dit des travailleurs : Jér
43
montre que le système de propriété chez les Juifs
est
presque communiste ! Jésus est l’ami des pauvres, des péagers. Malheu
44
été chez les Juifs est presque communiste ! Jésus
est
l’ami des pauvres, des péagers. Malheureusement il y a le cléricalism
45
eureusement il y a le cléricalisme. C’est lui qui
est
mauvais, non pas la Bible. Être chrétien, c’est aimer son prochain co
46
sme. C’est lui qui est mauvais, non pas la Bible.
Être
chrétien, c’est aimer son prochain comme Jésus nous aime. Si tous les
47
rochain comme Jésus nous aime. Si tous les hommes
étaient
chrétiens, il n’y aurait plus d’exploitation ni de guerre !… La péror
48
us d’exploitation ni de guerre !… La péroraison a
été
éloquente, un peu trop à mon goût. On applaudit. Le président demande
49
connaître assez en religion, mais assure qu’il a
été
bien intéressé. On se lève, et les langues se délient. « Il a bien pa
50
’approuve et m’étonne que la discussion n’ait pas
été
plus longue : il y avait pourtant bien des auditeurs qui ne devaient
51
t pourtant bien des auditeurs qui ne devaient pas
être
d’accord ? « Ben quoi, fait-il, convaincu, c’est la vérité ce qu’il a
52
? » Il me regarde un peu étonné à son tour : « Qu’
est
-ce que vous voulez, il n’y a rien à répondre, c’est juste, ce qu’il a
53
e. Là ça barde, après les réunions ! Mais ici, qu’
est
-ce que vous voulez ? Ils sont comme ça… » Je vais me présenter au con
54
nions ! Mais ici, qu’est-ce que vous voulez ? Ils
sont
comme ça… » Je vais me présenter au conférencier, et nous sortons ens
55
cier M. Palut. Enfin il veut lui demander « si ce
serait
possible de se procurer une Bible pour étudier un peu tout ça. On sen
56
ne à comprendre ses intentions. Il a un oncle qui
est
curé, mais je ne saisis pas bien si ce curé lui a interdit la lecture
57
ire, il pourrait lui en prêter une. Quoi qu’il en
soit
, le pasteur note le nom du « président » et promet de lui envoyer un
58
s les cent pas sur la place. M. Palut sait que je
suis
écrivain. Il a lu un de mes articles. Je le sens inquiet de mon opini
59
us ennuyer, hein ? » Je le rassure vivement. Ce n’
est
pas moi qui lui reprocherai jamais d’être trop simple. On ne l’est ja
60
nt. Ce n’est pas moi qui lui reprocherai jamais d’
être
trop simple. On ne l’est jamais assez ! — Oh ! vous savez, — dit-il —
61
ui reprocherai jamais d’être trop simple. On ne l’
est
jamais assez ! — Oh ! vous savez, — dit-il — je n’y mets pas d’amour-
62
si vous voulez mon opinion, ou si elle peut vous
être
utile… je crois que vous êtes encore trop compliqué pour ce public. I
63
u si elle peut vous être utile… je crois que vous
êtes
encore trop compliqué pour ce public. Il me semble qu’on pourrait leu
64
interpeller, enfin quoi, les secouer un peu ! Ils
sont
là à vous écouter sans bouger, comme ils ont écouté les autres qui di
65
le contraire, et pas moyen de savoir avec qui ils
sont
d’accord. Il ne faut pas oublier que nous vivons à une époque de prop
66
oi… Le pasteur sourit : — Vous me faites plaisir,
tenez
! Bien sûr, vous avez raison, mon cher monsieur. Mais c’est plus diff
67
uccès. Pensez donc, il y a plus de six ans que je
suis
dans l’île, et je n’avais jamais pu parler à A…, à cause du curé qui
68
du curé qui s’y opposait par tous les moyens. Ils
sont
difficiles à prendre, ici. Surtout il ne faut pas les brusquer ! Ce s
69
. Bien sûr, il faudrait parler autrement. Mais qu’
est
-ce qu’ils comprennent ? Allez le savoir, avec eux. On prêche pendant
70
anche prochain, au chef-lieu, après son culte. Je
suis
rentré à bicyclette, sans lumière, distinguant à peine la route aspha
71
l. Mais beaucoup ne font plus rien en hiver ? Ils
sont
venus pour tuer le temps, au lieu d’aller au café. Cette inertie, dès
72
qu’il ne s’agit plus d’argent ! À moins que ce ne
soit
le langage, la difficulté de s’exprimer ? Tout est mystère en eux, et
73
it le langage, la difficulté de s’exprimer ? Tout
est
mystère en eux, et pour eux-mêmes sans doute. Et on dit « le peuple »
74
de Colette. Je n’avais pas encore lu ce livre. Il
est
exactement de l’espèce que j’aime, et l’un des plus charmants dans ce
75
n des plus charmants dans cette espèce, mais ce n’
est
point pour cela que j’en parle ici. C’est pour une raison très précis
76
lumière. Lundi dernier, au petit matin, nous nous
sommes
réveillés couverts de puces. J’exagère à peine : pour mon compte, j’e
77
r. Je n’en menais pas large. Comme la mère Renaud
était
venue nous voir la veille, nous ne cherchâmes pas plus loin la cause
78
herchâmes pas plus loin la cause du phénomène. Il
est
vrai qu’on a beau porter un nombre excessif de jupons, cela ne devrai
79
s. Or, peu de jours auparavant, un petit hérisson
était
venu se mettre en boule dans la plate-bande qui borde la maison, sous
80
olette, je sais maintenant pourquoi notre chambre
était
pleine de puces. Cela n’a l’air de rien, mais je vois là comme un sym
81
je vois là comme un symbole. Les livres devraient
être
utiles. On devrait y trouver des renseignements concrets, des recette
82
, des inquiétudes dont ils n’ont même pas l’air d’
être
vraiment inquiets, des indiscrétions gênantes et dont on ne sait trop
83
arement des réponses, ou alors, par malchance, ce
sont
justement des réponses à des questions qu’on n’avait pas l’idée de se
84
secousses, indiscrétions, toute cette littérature
est
sans doute pleine de talent, elle est même littéralement sensationnel
85
littérature est sans doute pleine de talent, elle
est
même littéralement sensationnelle, mais que veulent-ils qu’on en fass
86
tiné à un noble usage… » Commentons : la noblesse
est
dans l’usage. Pas de noblesse sans usage, sans application précise au
87
ases, il faut se trouver placé soudain devant les
êtres
en chair et en os dont elles parlent, pour comprendre à quel point el
88
déjà pour une réalité. Deuxième constatation : il
est
très difficile d’aimer des hommes qui ne nous sont rien, qui ne nous
89
est très difficile d’aimer des hommes qui ne nous
sont
rien, qui ne nous demandent rien, qui peut-être ne voudraient pas mêm
90
de (nous égalent les intellectuels bourgeois). Il
est
très difficile d’aimer ces hommes, et cependant ils sont la réalité v
91
ès difficile d’aimer ces hommes, et cependant ils
sont
la réalité vivante et présente du « peuple ». Par contre, il est très
92
vivante et présente du « peuple ». Par contre, il
est
très facile de haïr et de condamner un certain ordre de choses qui no
93
hoses qui nous vexe et dont nous souffrons. Et il
est
très tentant d’appeler cette haine : amour du peuple. Troisième const
94
e constatation : la plupart des discours que l’on
tient
au peuple lui sont incompréhensibles ; mais ceux qui les écoutent ont
95
plupart des discours que l’on tient au peuple lui
sont
incompréhensibles ; mais ceux qui les écoutent ont l’air de trouver c
96
outent ont l’air de trouver cela tout naturel. Je
fus
certainement le seul ici à m’étonner que l’instituteur citât Ernest L
97
citât Ernest Lavisse, ou le pasteur M. Benda. Il
est
généralement admis en France qu’un orateur dit un tas de choses qu’on
98
. Cela fait partie de l’éloquence. Et l’éloquence
est
le but du discours, dont le sujet n’est que le prétexte. Je constate.
99
éloquence est le but du discours, dont le sujet n’
est
que le prétexte. Je constate. Je conclus que les intellectuels sont e
100
te. Je constate. Je conclus que les intellectuels
sont
en mauvaise posture pour agir sur le peuple. Qu’ils disent des vérité
101
e les « clercs » à s’agiter dans le vide — ce qui
est
malsain — et le peuple à ne pouvoir se libérer des charlataneries pol
102
ent que par des violences maladroites, dont il ne
sera
pas le dernier à pâtir. Impuissance de l’« esprit », bêtise de l’acti
103
t dit, parce que c’était correct, parce que ça se
tenait
en soi, et qu’au surplus c’était bien dit. Il ne lui est pas venu à l
104
soi, et qu’au surplus c’était bien dit. Il ne lui
est
pas venu à l’esprit que la vérité est quelque chose qui peut être réa
105
. Il ne lui est pas venu à l’esprit que la vérité
est
quelque chose qui peut être réalisé. Et qu’il s’agit de prendre posit
106
l’esprit que la vérité est quelque chose qui peut
être
réalisé. Et qu’il s’agit de prendre position effectivement. S’il s’ét
107
s’agit de prendre position effectivement. S’il s’
était
senti interpellé personnellement, invité à choisir, sommé d’approuver
108
conduite sur ce qu’il dit », mais simplement : «
Étant
donné ses prémisses ou ses préjugés, sa déduction est correcte. » Ain
109
donné ses prémisses ou ses préjugés, sa déduction
est
correcte. » Ainsi l’intelligence devient irresponsable. Les clercs s’
110
qu’on doit penser des gens instruits. La plupart
sont
des égoïstes, des orgueilleux, des espèces d’aristos qui ne vont qu’a
111
auxquelles on reconnaît tout de suite si un type
est
avec les petits ou avec les gros. D’autre part, c’est une question de
112
ôle : on aime avoir un député instruit. Mais ce n’
est
pas pour qu’il dise des choses intelligentes, ou nouvelles. C’est sur
113
irigeant d’après mes intérêts. Cela va de soi. Il
est
probable qu’aucun homme du peuple ne s’est jamais dit cela comme je l
114
oi. Il est probable qu’aucun homme du peuple ne s’
est
jamais dit cela comme je le dis ici. Mais il me paraît clair que la p
115
t font comme s’ils le pensaient. D’autre part, il
est
trop certain que les intellectuels professent depuis longtemps en tou
116
mps en toute conscience une doctrine analogue. Il
est
normal que les hommes sans culture se trompent sur la nature et sur l
117
r la nature et sur le rôle de la culture. Mais il
est
inquiétant que les hommes cultivés, au lieu de s’efforcer, comme ils
118
t avant tout se préoccuper de le prendre là où il
est
, et commencer là. Voilà le secret de tout secours… Pour aider réellem
119
ersiste cependant à faire valoir ma science, ce n’
est
plus alors que par vanité ou par orgueil, de sorte qu’au fond, au lie
120
kegaard me frappe aujourd’hui comme si elle avait
été
écrite exprès pour moi, dans ma situation actuelle. Elle contient un
121
un secret désir, un inconscient désir que j’ai d’
être
reconnu par eux à ma juste valeur. Exactement ce que Kierkegaard appe
122
e que Kierkegaard appelle vanité. Cependant, s’il
est
des plus probables que j’ai, comme un chacun, mon amour-propre, je ne
123
assez justifié dans l’occurrence. On n’aime pas à
être
tenu pour un fainéant ou un rentier, quand on est dans ma situation,
124
justifié dans l’occurrence. On n’aime pas à être
tenu
pour un fainéant ou un rentier, quand on est dans ma situation, ou mi
125
tre tenu pour un fainéant ou un rentier, quand on
est
dans ma situation, ou mieux, dans ce défaut de « situation » qui fait
126
s pas entre eux pour grouper leurs lopins ? Je me
suis
renseigné. Il paraît bien qu’un maire avait proposé la réforme, avant
127
rché. La tradition de l’île veut que chaque champ
soit
partagé à la mort du propriétaire en autant de parcelles qu’il y a d’
128
ue les paysans travaillent beaucoup plus qu’il ne
serait
nécessaire à leur subsistance si la répartition des terres était conç
129
e à leur subsistance si la répartition des terres
était
conçue, non point selon les principes égalitaires, mais selon le bon
130
mais communautaire, beaucoup de choses pourraient
être
changées. Mais si personne ne fait rien par le moyen normal de l’éduc
131
d’autre solution que la contrainte. La dictature
est
un moyen grossier, souvent barbare et toujours déshonorant pour ceux
132
er le sens civique, le sens de la communauté. Qui
est
-ce qui se préoccupe en France de donner au peuple une éducation solid
133
, j’ai hésité longtemps à croire que la raison en
était
réellement aussi simple. Je connais tout de même assez la terre pour
134
ssez la terre pour savoir que les mêmes outils ne
sont
pas bons en tous pays, et je cherchais quelle particularité locale mo
135
toujours fait comme ça. » Un jour, le père Renaud
étant
venu retourner une planche d’oignons, je lui ai offert les outils à l
136
ns, je lui ai offert les outils à long manche qui
sont
dans le chai, et il a refusé. « On n’a pas l’habitude. » Contre-épreu
137
C’est que les journaux socialistes et communistes
sont
rédigés par des bourgeois, ou par des candidats à la bourgeoisie, en
138
aginent les bourgeois et leurs journalistes. Ce n’
est
pas dans notre île, d’ailleurs, que j’ai pu constater cette contagion
139
vec des maladresses et des grosses astuces, qui n’
est
pas exactement celui des « discussions » qu’on peut entendre dans les
140
de l’instituteur, mariages, décès et naissances)
tiennent
presque toute la place. Abîme entre la politique des amis du peuple e
141
s n’ont pas ou n’ont plus coutume de se réunir, d’
être
ensemble pour causer. Le dimanche, ils « font la partie » chez l’un o
142
aractère utilitaire ou récréatif. La plus fameuse
était
la Clique des retraités de la Marine, qui animait de ses concerts de
143
rts de nombreuses fêtes villageoises. Tout cela s’
est
dissous quand les hommes sont partis pour la guerre, et rien ne s’est
144
s hommes sont partis pour la guerre, et rien ne s’
est
refait depuis. Quand on veut danser, on fait venir l’orchestre-jazz d
145
la tombe. Deux réalités fondamentales. Voilà qui
est
bien dans l’harmonie de cette lande où l’homme et ses maisons mettent
146
. Ils n’attaquent plus, ils se cramponnent. Ce ne
sont
pas des colons, des défricheurs, mais de petits propriétaires qui se
147
perdu le sentiment de leur commune condition. Ils
sont
peut-être trop pareils pour éprouver le besoin de s’unir. Ils n’ont p
148
ls autrement ? Bien entendu, certains d’entre eux
sont
morts ou vont mourir couchés sur une fortune de 100 000 ou de 200 000
149
e : je crois cependant que la proportion des fous
est
moindre ici que sur le continent. Et l’on meurt vieux, et les médecin
150
er de tout cela ? Quand on voit les choses et les
êtres
de trop près, on perd le peu de foi que l’on pouvait accorder aux idé
151
re à Paris pour y croire. Réveillez ce peuple, il
sera
peut-être capable de grandes choses — c’est son mystère — mais ne dit
152
s pas que vous le faites pour son bonheur, car il
est
plus « heureux » que vous. Il faudrait croire fanatiquement à une vér
153
sième République : un État faible, dont le centre
est
lointain, qui ne croit à rien, et qui par suite ne peut rien exiger d
154
a ressource principale des villages. Le chef-lieu
est
en train de devenir la proie des politiciens de Paris. Un dimanche, c
155
a proie des politiciens de Paris. Un dimanche, ce
sont
les enfants communistes de la colonie de vacances qui défilent en mai
156
des « cris séditieux » ; le dimanche suivant, ce
sont
les enfants de la fondation « de droite » et on les applaudit : la fo
157
coup de personnes de l’île. La moitié des maisons
sont
vides, et quelques-unes déjà tombent en ruines. Et surtout ce régime
158
rtance des autocars et des transformations qu’ils
sont
en train de causer dans la vie provinciale. Je n’ai pas compté le nom
159
, dans plusieurs départements de l’Ouest, qu’il n’
est
plus guère de « pays » qui ne soit desservi par une ou deux ou même t
160
’Ouest, qu’il n’est plus guère de « pays » qui ne
soit
desservi par une ou deux ou même trois Compagnies de transports locau
161
ndément la coutume de la France rurale. Mais ce n’
est
pas encore assez dire : l’autocar modifie complètement le mode de con
162
llait à Paris ou qu’on en venait. Tout le reste n’
était
que tortillards cahotants, jamais à l’heure, où l’on se sentait relég
163
que village. Aujourd’hui, les stations d’autocars
sont
sur la place principale. C’est de là qu’on part au milieu d’une grand
164
l’on voit le mieux de chaque pays. La voie ferrée
était
une sorte d’insulte à la vie locale : elle la traversait abstraitemen
165
rt, sans remarquer que les gens qui l’habitent ne
sont
pas tous de la même sorte, et que d’une province à une autre, ce n’es
166
me sorte, et que d’une province à une autre, ce n’
est
pas seulement le paysage qui change. N’était-ce pas là l’une des rais
167
, ce n’est pas seulement le paysage qui change. N’
était
-ce pas là l’une des raisons qui faisait si facilement nier la subsist
168
sa tête de ligne chez un bistro différent, et il
est
rare qu’on puisse trouver l’horaire ailleurs. Parfois le bistro vend
169
a concurrente qui a fait baisser les prix. Car il
est
de règle qu’au début deux Compagnies se disputent le parcours, jusqu’
170
argoulins, topazes, etc. Si l’on a le temps, il n’
est
pas impossible de pousser la « discussion » sur un plan supérieur, d’
171
l. Bref, lorsque vous montez dans l’autocar, vous
êtes
renseigné, vaille que vaille, sur les facteurs économiques du pays, s
172
ent au départ avec force recommandations ; et ils
sont
rares, ceux qui n’ont pas deux mots à dire par la portière entrouvert
173
plus sympathique que les conducteurs de car. Cela
tient
évidemment à leur métier. Ce sont, en général de jeunes gaillards sol
174
s de car. Cela tient évidemment à leur métier. Ce
sont
, en général de jeunes gaillards solides et gais, et qui ont toutes le
175
accordées à ceux qui commandent et disposent, ne
fût
-ce que pour une heure, de leur vie. Oui, voilà bien les hommes avec l
176
et la rapidité d’esprit que les bourgeois, qui en
sont
dépourvus, attribuent par erreur au « peuple » en général. Sans compt
177
r les moyens techniques dont ils disposent et qui
seraient
décisifs lors d’une action rapide. Mais loin de moi ces ambitions : c
178
ux qui les ont n’en parlent pas, dit-on. Et je ne
suis
qu’un écrivain. Ceci me rappelle un bout de conversation que j’aurais
179
é dans l’autocar de Taillefer voulait savoir quel
était
mon métier. Et quand j’eus dit que je n’en avais aucun, et que je n’é
180
nd j’eus dit que je n’en avais aucun, et que je n’
étais
qu’un écrivain, et chômeur par-dessus le marché, il s’écria : — Ah !
181
fonctionnaire (c’était pour le flatter), et cela
tient
aux circonstances mêmes qui l’ont mis dans le cas d’écrire. Car, ou b
182
s. Je dis les antres. De toute façon, un écrivain
est
par nature un empêtré. Et voilà le paradoxe et l’injustice : c’est qu
183
5 et de 1917, et de l’état actuel de l’URSS. Ils
étaient
venus par groupes, à bicyclette ou en charrettes, de tous les village
184
s villages voisins. Du haut de la colline où nous
étions
tous réunis pour déjeuner, on dominait tout un canton de marécages mé
185
tenir une centaine d’auditeurs. L’orateur doit se
tenir
debout au milieu d’eux, de manière à pouvoir, tout en parlant, passer
186
i bien que j’avais pu le laisser croire ; si ce n’
était
pas encore un de ces régimes de dictature ; si les paysans avaient pl
187
ravant, etc. Mais ce qui me surprit davantage, ce
fut
la question franche d’un garçon de vingt ans, costaud, l’air intellig
188
rait faire la même chose ici ? » Pour sa part, il
était
sceptique. Il pensait qu’en Vendée les choses ne seraient pas si simp
189
sceptique. Il pensait qu’en Vendée les choses ne
seraient
pas si simples, que la situation matérielle était meilleure et demand
190
aient pas si simples, que la situation matérielle
était
meilleure et demandait un développement tout différent ; qu’on voulai
191
sions (je n’ose pas en dire davantage : tout cela
est
encore moins clair dans la réalité que dans ce résumé). Quand j’ai pr
192
es que je craignais. (On peut donc gouverner sans
être
un monsieur en haut de forme ? Il a l’air d’un brave type comme nous
193
e venais d’exposer, afin de voir si mes auditeurs
étaient
de la même espèce que ceux de l’île : cette série de questions précis
194
ns que j’avais tirées de la conférence à A… Elles
sont
également vraies. Ce qui est faux, c’est de parler du peuple en génér
195
nférence à A… Elles sont également vraies. Ce qui
est
faux, c’est de parler du peuple en général. « On le savait depuis lon
196
ls ». 17 mars 1934 L’instituteur vendéen. — Nous
étions
assis dans sa cuisine avec sa femme et ses deux enfants. C’est un hom
197
irection. Nous ne savons pas que lire. Le travail
est
dur, ici. Il faut lutter contre les parents, contre la concurrence de
198
sai, mais c’est toujours de la politique. Quand j’
étais
jeune, j’ai beaucoup lu Anatole France, c’est à cause de lui que j’ai
199
j’ai perdu la foi. J’aimais aussi Romain Rolland.
Est
-ce qu’il est mort ? Vous ne pourriez pas me dire ce qu’il y aurait d’
200
foi. J’aimais aussi Romain Rolland. Est-ce qu’il
est
mort ? Vous ne pourriez pas me dire ce qu’il y aurait d’intéressant à
201
Ne lisez-vous pas de journaux politiques ? — Ce n’
est
pas ce qu’on cherche. Il faudrait en lire deux au moins pour corriger
202
C’est aussi à cause de cette centralisation : qu’
est
-ce qu’ils savent de notre situation à Paris ? Est-ce qu’il n’y aurait
203
est-ce qu’ils savent de notre situation à Paris ?
Est
-ce qu’il n’y aurait pas moyen de faire un mouvement politique en deho
204
commune ? On sent bien ce qu’il faudrait. Mais qu’
est
-ce qu’on peut, tout seuls dans ce coin ?… » J’ai essayé de faire une
205
e ou de conviction. On dirait que tout son effort
est
de s’écarter le plus possible de ce qui est simplement vrai. Je compr
206
ffort est de s’écarter le plus possible de ce qui
est
simplement vrai. Je comprends assez bien qu’un certain nombre d’écriv
207
mme les autres que c’était plutôt ridicule. Telle
est
la pauvre chance des « intellectuels » : il a fallu un nouveau confor
208
Deux petits journaux paraissent dans l’île. L’un
est
aux mains de M. T…, député de droite, et des « curés ». L’autre est «
209
. T…, député de droite, et des « curés ». L’autre
est
« républicain et antifasciste ». 2. Village à l’autre extrémité de l
210
in sablonneux ». Reste la question de savoir s’il
est
normal de se déformer le corps pour gagner un peu plus. Or ils y sont
211
former le corps pour gagner un peu plus. Or ils y
sont
, pour la plupart, contraints. 5. J’ai appris que, dans certaines rég
212
r avec les mains , a noté, dans un journal intime
tenu
au cours d’un long séjour dans l’île de Ré et en Vendée, ses impressi
213
ues en particulier. Ces aspirations, à la vérité,
sont
extrêmement imprécises. Il y a, en France, un divorce angoissant entr
214
s, en apportent des preuves frappantes. Ces pages
sont
extraites du Journal d’un intellectuel en chômage , qui doit paraîtr
215
traits typiques de notre siècle. Or l’inconscient
est
la grande découverte — ou l’invention — des romantiques allemands. C’
216
cture nous introduit aux vertiges spirituels d’où
sont
nés des mouvements politiques tels que le national-socialisme. Peu à
217
rêve et de mystique élémentaire. Or, ces faits ne
sont
pas seulement coïncidents. Ce n’est point du hasard qu’ils sont nés.
218
ces faits ne sont pas seulement coïncidents. Ce n’
est
point du hasard qu’ils sont nés. Et si tout nous invite à rechercher
219
ment coïncidents. Ce n’est point du hasard qu’ils
sont
nés. Et si tout nous invite à rechercher leur secrète complicité, rie
220
vite à rechercher leur secrète complicité, rien n’
est
plus propre que l’ouvrage d’Albert Béguin à nous guider dans la pénom
221
I. Le Rêve et la Mystique La conscience claire
est
la première conquête spirituelle des hommes angoissés par le mystère
222
e chaos panique. Mais cette victoire, lorsqu’elle
est
trop complète, lorsqu’elle est devenue trop ancienne et facile, laiss
223
toire, lorsqu’elle est trop complète, lorsqu’elle
est
devenue trop ancienne et facile, laisse l’homme sur un sentiment de d
224
t d’indicible appauvrissement. Le monde rationnel
est
rassurant, mais beaucoup de questions y demeurent sans réponse, et de
225
ion, comparable au vertige, vers ces régions de l’
être
obscur que le bon sens et la philosophie prétendaient mettre au ban d
226
Et tandis que dans sa panique l’homme primitif s’
était
tourné vers la raison libératrice, au terme des époques appauvries de
227
mentaires après un siècle de science positiviste.
Est
-il vrai que la nuit et le rêve n’ont rien à révéler qui importe au jo
228
e rêve n’ont rien à révéler qui importe au jour ?
Est
-il vrai que la passion, l’angoisse et la folie sont moins réelles que
229
st-il vrai que la passion, l’angoisse et la folie
sont
moins réelles que nos sagesses tyranniques ? « Songe est mensonge »,
230
ns réelles que nos sagesses tyranniques ? « Songe
est
mensonge », décrétait la raison. Mais elle nous a laissés sur notre f
231
radis et des terreurs d’une intensité séduisante.
Serait
-il le signe, ou l’entrée, d’une Vérité supérieure ? Telle est la ques
232
gne, ou l’entrée, d’une Vérité supérieure ? Telle
est
la question que posèrent les premiers romantiques allemands. « Ils ad
233
mettent tous, écrit M. Béguin, que la vie obscure
est
en incessante communication avec une autre réalité, plus vaste, antér
234
t supérieure à la vie individuelle. » Mais quelle
est
cette réalité ? Notre nature profonde ou la divinité ? « Plus nous no
235
plus nous pénétrons dans la nature des choses qui
sont
hors de nous », affirme un des théoriciens du premier romantisme, Ign
236
. Mais encore : s’agit-il vraiment des choses qui
sont
hors de nous, ou bien seulement de choses qui, en nous, étaient resté
237
e nous, ou bien seulement de choses qui, en nous,
étaient
restées secrètes pour la conscience ? Tieck pose très nettement la qu
238
songes nous appartiennent. » Quand nous rêvons, «
est
-ce nous qui nous jouons de nous-mêmes, ou bien une main d’en haut bra
239
Et si un principe spirituel étranger à nous-mêmes
était
le mobile de ces irruptions soudaines d’images inconnues qui se jette
240
et si saisissante ? » De là à penser que le rêve
est
« un vestige du divin », il n’y a que l’épaisseur d’un scrupule d’ort
241
sse la difficulté et le choix : pour lui, le rêve
est
« tantôt un écho du supraterrestre dans le terrestre, tantôt un refle
242
re que le rêve ne révèle rien que nos secrets, ce
serait
tomber dans la psychanalyse. Croire qu’il révèle aussi un monde supér
243
s cités par Béguin nous inclinent à penser qu’ils
sont
plus proches des mystiques que des psychanalystes. Au fond, lorsqu’il
244
stes. Au fond, lorsqu’ils se demandent si le rêve
est
connaissance ou illusion, et si c’est « l’Autre », ou le moi sombre e
245
s furtives promesses de bonheur, surtout si elles
sont
assez obscures et ambiguës pour échapper au froid contrôle de la rais
246
la poésie romantique, de même que la surréaliste,
est
à l’affût des « surprises pleines de sens » dont nous parlent aussi l
247
s un langage métaphorique et régulier, comme s’il
était
soumis, en ce domaine, à des lois plus précises et plus constantes qu
248
. D’autre part, l’on sait bien que les mystiques,
fussent
-ils de religions différentes — hindous, musulmans ou chrétiens — ont
249
onscrit du rêve. Les romantiques, d’ailleurs, ont
été
bien au-delà, dans leur exploration de l’inconscient. Le songe, pour
250
ploration de l’inconscient. Le songe, pour eux, n’
est
que la « porte » ouvrant sur le monde ineffable, qui est proprement l
251
la « porte » ouvrant sur le monde ineffable, qui
est
proprement le domaine des mystiques. Toute expérience mystique ou rom
252
hme), dont on ne peut rien dire, et qui cependant
est
la source de tout ce que l’on dit. C’est l’ineffable, l’indicible, le
253
ire, à tenter de le cerner par des figures qui, n’
étant
jamais suffisantes, doivent être inépuisablement multipliées. Disons-
254
figures qui, n’étant jamais suffisantes, doivent
être
inépuisablement multipliées. Disons-le sans la moindre irrévérence :
255
es. Disons-le sans la moindre irrévérence : nul n’
est
plus verbeux qu’un mystique, si ce n’est un romantique allemand. Car
256
: nul n’est plus verbeux qu’un mystique, si ce n’
est
un romantique allemand. Car l’un et l’autre ont l’ambition de communi
257
e définir comme l’indicible. Dès lors, la plainte
sera
la même, qu’il s’agisse d’une Thérèse d’Avila ou simplement du bonhom
258
ù trouver des mots ? », gémissent-ils. La plainte
est
sincère et tragique. Mais combien de mots leur fera-t-elle accumuler
259
ra-t-elle accumuler pour dire que rien ne saurait
être
dit… Et pourtant si, romantiques et mystiques sont persuadés que, non
260
tre dit… Et pourtant si, romantiques et mystiques
sont
persuadés que, nonobstant leur impuissance à traduire l’inconscient o
261
blie l’origine mystique : « Le poète et le rêveur
sont
passifs ; ils écoutent le langage d’une voix qui leur est intérieure
262
ifs ; ils écoutent le langage d’une voix qui leur
est
intérieure et pourtant étrangère, qui s’élève dans les profondeurs d’
263
là l’écho d’un discours divin. » Alors le doute n’
est
plus permis : l’analogie purement formelle que nous décrivions jusqu’
264
ont la nuit des songes, chantée par les poètes, n’
était
que le symbole et le signe physique6. C’est « le royaume de l’Être qu
265
le et le signe physique6. C’est « le royaume de l’
Être
qui se confond avec le royaume du Néant, l’éternité enfin conquise et
266
« contemplation sans objet ». Je pense donc qu’il
est
légitime de suivre Albert Béguin dans cette conclusion : « La grandeu
267
voir ajouté foi aux pouvoirs irrationnels et de s’
être
dévoué, corps et âme, à la grande nostalgie de l’être en exil. » I
268
dévoué, corps et âme, à la grande nostalgie de l’
être
en exil. » II. L’Être en exil Ce sentiment d’exil que nous trou
269
la grande nostalgie de l’être en exil. » II. L’
Être
en exil Ce sentiment d’exil que nous trouvons à l’origine des expé
270
lus singulier dans la vie de l’esprit humain, qui
est
l’engagement sur la via mystica ? S’il est permis — comme on l’admet
271
n, qui est l’engagement sur la via mystica ? S’il
est
permis — comme on l’admet un peu trop facilement de nos jours — de ti
272
ste, en plein xviiie siècle rationaliste, Moritz
fut
l’un des tout premiers à se tourner vers l’étude des rêves. Il s’y tr
273
urement humains ?) Le point de départ paraît bien
être
une blessure qu’il reçut de la vie, un choc qui l’a laissé béant sur
274
oi détesté…, qu’il dût désormais, inexorablement,
être
lui-même… cette idée le plongea peu à peu dans un désespoir qui l’ame
275
-y garde : ce moi détesté, c’est la fatalité de l’
être
individuel, charnel, créé, et lié à toute la création. C’est par lui
276
r le monde. L’incapacité d’accepter le monde réel
est
signe d’une incapacité de s’accepter soi-même — à cause de cette bles
277
ent si fréquent chez la plupart des romantiques d’
être
mal assuré de sa propre identité, et d’avoir à la rechercher précisém
278
héros d’un de ses romans : « Il lui parut qu’il s’
était
échappé entièrement à lui-même et qu’il lui fallait avant toute démar
279
lus de saisir la pensée salvatrice ». C’est qu’il
est
un souvenir interdit, trop douloureux pour être revécu. Le moi malade
280
il est un souvenir interdit, trop douloureux pour
être
revécu. Le moi malade échoue à se ressaisir dans la mémoire, puisque
281
r dans la mémoire, puisque la cause de sa maladie
est
justement ce qu’il ne peut se remémorer, cette lacune qui est à l’ori
282
t ce qu’il ne peut se remémorer, cette lacune qui
est
à l’origine de la conscience divisée. Comment alors sortir du cercle,
283
r la vie totale dans sa bienheureuse unité ? Ce n’
est
plus possible ici-bas, dans la prison du moi coupable et douloureux.
284
’un retour au monde perdu, à la « vraie vie » qui
est
« ailleurs », comme dit Rimbaud. Vie d’expansion indéfinie dans l’uni
285
ncore, et plus précise, le rêve ou la via mystica
sont
des moyens de récupérer le monde perdu. Ce qu’il faut souligner ici,
286
dance à la dilatation panthéiste ou mystique de l’
être
revêt presque toujours la forme d’un vœu de mort. Le sommeil préfigur
287
te romantique ; et la mort progressive à soi-même
est
l’ambition de tous les vrais mystiques. Mais pourquoi voudrait-on mou
288
réponse. En effet, la blessure dont ils souffrent
est
presque toujours symbolisée par la perte d’un être aimé. Passer dans
289
est presque toujours symbolisée par la perte d’un
être
aimé. Passer dans l’autre monde, c’est retrouver la morte ! « L’expér
290
retrouver la morte ! « L’expérience typique, qui
est
celle de Jean-Paul à la mort de ses amis, de Novalis perdant Sophie v
291
it dès l’enfance, lorsqu’il s’interroge sur ce qu’
est
devenue sa petite sœur : le vœu de retrouver la morte, de communier a
292
stence d’outre-tombe ». Le rêve ou la via mystica
seront
cette existence d’outre-tombe vécue dès ici-bas, d’une manière indici
293
evient proprement chrétienne que dans le cas où l’
être
aimé, sur la mort duquel on médite, est la personne du Christ crucifi
294
cas où l’être aimé, sur la mort duquel on médite,
est
la personne du Christ crucifié — ou se confond avec elle indiscernabl
295
elle indiscernablement. Les romantiques n’ont pas
été
si loin dans la voie des sublimations — sauf peut-être Jean-Paul et N
296
uelle ils parviennent en de très rares instants n’
est
plus alors qu’un moyen de jouir d’une « sensation voluptueuse » (comm
297
ne équivoque dont il y a lieu de craindre qu’elle
soit
intéressée. Au contraire, s’exprimer, c’est toujours s’avouer, c’est
298
sonne. Le paradoxe de l’expression d’un Indicible
est
tellement essentiel au romantisme que je n’hésite pas à y trouver l’e
299
es achevées. En effet, le mouvement de ces poètes
est
inversé de celui du Créateur. Créer, c’est donner forme, et ils voudr
300
r sans le trahir, et se trahir ? Ainsi leur œuvre
est
à l’image de la contradiction vitale dont ils souffraient et d’où nai
301
éviter certains malentendus courants. La personne
est
en nous l’être spirituel, responsable d’une vocation, et trouvant là
302
s malentendus courants. La personne est en nous l’
être
spirituel, responsable d’une vocation, et trouvant là son unité en dé
303
ons dont peut souffrir l’individu (c’est-à-dire l’
être
naturel). L’individu est entièrement déterminé par l’espèce, le milie
304
ndividu (c’est-à-dire l’être naturel). L’individu
est
entièrement déterminé par l’espèce, le milieu, l’histoire, les riches
305
il a héritées et les blessures qu’il a subies. Il
est
emprisonné dans ces données, et c’est en vain qu’il chercherait à y é
306
rouvera sous des espèces méconnaissables et qu’il
sera
tenté de croire divines. Et il est juste que les premières touches de
307
bles et qu’il sera tenté de croire divines. Et il
est
juste que les premières touches de l’esprit rendent le moi sensible à
308
il la reçoive et qu’il l’accepte consciemment, ce
sera
pour lui l’introduction à une liberté toute nouvelle. Dès ce moment,
309
mblable à celle de ces pseudo ou prémystiques que
furent
les poètes du rêve : il se dévoue à quelque chose qui le dépasse, il
310
umer son moi coupable — parce que dorénavant ce n’
est
pas cela qui compte, mais l’œuvre à faire et Celui qui l’ordonne. Alo
311
on rejoint ici l’enseignement évangélique : ce ne
sont
pas des extases indicibles qui sont promises aux vrais croyants, mais
312
lique : ce ne sont pas des extases indicibles qui
sont
promises aux vrais croyants, mais au contraire il leur est demandé d’
313
ses aux vrais croyants, mais au contraire il leur
est
demandé d’agir et d’annoncer leur foi. « C’est en confessant de la bo
314
out que les écrits d’un Novalis ou d’un Jean-Paul
soient
à sa source ; ce serait absurde. Mais je dis que nous pouvons retrouv
315
Novalis ou d’un Jean-Paul soient à sa source ; ce
serait
absurde. Mais je dis que nous pouvons retrouver au niveau inférieur e
316
e de l’orgueil national). C’est le monde qui doit
être
mal fait ! Car nous y sommes brimés, nous qui pourtant sommes les fil
317
’est le monde qui doit être mal fait ! Car nous y
sommes
brimés, nous qui pourtant sommes les fils des vertueux Germains ! Et
318
ait ! Car nous y sommes brimés, nous qui pourtant
sommes
les fils des vertueux Germains ! Et de ce sentiment de culpabilité, r
319
surance nationale. La vraie Allemagne ne peut pas
être
celle qui a subi la « blessure ». Il faut donc la chercher ailleurs :
320
ndividu conscient ; on lui a dit que sa vraie vie
était
entre les mains du parti, d’un démiurge anonyme et obscur dont il n’a
321
t les vrais ressorts du régime hitlérien. Nous ne
sommes
plus en présence de Bismarck, mais d’un peuple envoûté par son rêve.
322
é à quelque chose de plus vrai que la vie, et qui
est
sa mission millénaire. « Chez nous, proclamait récemment M. Goebbels,
323
te une opinion juste… D’ailleurs, notre politique
est
une politique d’artistes. Le Führer est un artiste de la politique. L
324
politique est une politique d’artistes. Le Führer
est
un artiste de la politique. Les autres hommes d’État sont seulement d
325
artiste de la politique. Les autres hommes d’État
sont
seulement des manœuvres. Son État à lui est le produit d’une imaginat
326
État sont seulement des manœuvres. Son État à lui
est
le produit d’une imagination géniale9. » Une politique d’artistes, un
327
6. En effet, pour les romantiques, « le sommeil
est
une préfiguration de la mort », et c’est uniquement dans la mort que
328
alpestre Personne ne m’avait dit que New York
est
une île en forme de gratte-ciel couché. C’est la ville la plus simple
329
nues parallèles, dans le sens de la longueur, qui
est
de vingt-cinq kilomètres environ — elles figurent assez bien les asce
330
. Personne ne m’avait dit, non plus, que New York
est
une ville alpestre ! Je l’ai senti le premier soir d’octobre, quand l
331
s que la vallée s’emplit d’une ombre froide. Et j’
étais
bien au fond d’une gorge, dans cette rue de briques noircies où circu
332
e je connais… Mais il y a plus. Il y a le sol qui
est
alpestre dans sa profondeur. À Central Park, au milieu des prairies,
333
larges dalles de granit. Autrefois, les glaciers
sont
venus jusqu’ici ! Ils couvraient la moitié de l’île, et la moraine s’
334
sure de Manhattan : seules, ces assises de granit
étaient
capables de supporter le formidable poids d’un gratte-ciel de cent ét
335
tranches, polis et luisants comme du marbre, ont
été
plaqués sur les façades et dans les vestibules des plus riches bâtime
336
que : l’une où les fauteuils au dossier très haut
sont
fixes (deux de chaque côté du couloir central), l’autre où les fauteu
337
ôté du couloir central), l’autre où les fauteuils
sont
espacés et pivotent ; classe de luxe et classe de grand luxe, coaches
338
oaches et pullman cars. J’ai pris un coach. Je me
suis
enfoncé dans le velours bleu sombre et j’ai regardé mes voisins, car
339
remarque pas, pour qu’on s’écrie : « Comme elles
sont
belles dans ce pays ! » Soudain, je n’ai plus vu les gens. Le train s
340
u ras de l’asphalte et le vent fou ! Si le détail
est
laid, voyez l’ensemble. Pour un homme qui est seul, Manhattan est sub
341
ail est laid, voyez l’ensemble. Pour un homme qui
est
seul, Manhattan est sublime. Il n’a qu’à s’oublier dans l’énergie fus
342
l’ensemble. Pour un homme qui est seul, Manhattan
est
sublime. Il n’a qu’à s’oublier dans l’énergie fusante de cette capita
343
de l’espace, sauf un découpage de ciel mat, tout
est
fait de main d’homme sur table rase, imbriqué, condensé, superposé, p
344
écise, ni d’eau qui court, ni de feuillages. Tout
est
pans de brique peinte et de ciment armé diversement coupés et étagés,
345
je vois une ville aussi purifiée de nature que l’
est
de prose un groupe de mots de Mallarmé. Paris, Rome, en comparaison,
346
de mots de Mallarmé. Paris, Rome, en comparaison,
sont
d’immenses parcs semés de monuments. Le site et le paysage y sont par
347
parcs semés de monuments. Le site et le paysage y
sont
partout sensibles. Les rues montent et tournent, épousant les colline
348
x au fond de nos mémoires. L’idéal de l’Américain
serait
sans doute la maison d’une seule pièce, avec au centre un grand faute
349
ice spirituel : une véritable centrifugation de l’
être
. Mais peut-être, me dis-je après coup, mais peut-être, en poussant à
350
r l’absence-de-quelque-chose-qui-y-était, qui n’y
est
plus, mais dont la progressive évacuation a laissé le milieu actif… P
351
laissé le milieu actif… Plus simplement, ce vide
est
encore un appel ; ce désespoir, s’il est conscient, un dernier signe
352
ce vide est encore un appel ; ce désespoir, s’il
est
conscient, un dernier signe de la vie… Non, j’ai surtout senti le dés
353
aut pousser plus loin. On se demande parfois : qu’
est
-ce, en somme, que le péché ? C’est cela, c’était ce que j’éprouvais à
354
cuité crispante : l’état du monde d’où l’Esprit s’
est
retiré. Ce n’étaient pas « les péchés » de ces hommes et de ces femme
355
l’état du monde d’où l’Esprit s’est retiré. Ce n’
étaient
pas « les péchés » de ces hommes et de ces femmes, ni les miens, dont
356
ens, dont nul ne peut juger et qui peut-être n’en
sont
point. Ce n’était pas le froid, la pluie, la poisse aux pieds mêlée d
357
peut juger et qui peut-être n’en sont point. Ce n’
était
pas le froid, la pluie, la poisse aux pieds mêlée d’essence sur l’asp
358
particuliers à cinq étages, cette rue très courte
est
l’une des rares — j’en connais trois dans Manhattan — qui, à la fois,
359
ands portiers galonnés. Une buée bleue, pendant l’
été
, emplit cet espace fermé par les hauts bâtiments de la Cinquante-et-u
360
de fenêtres dépourvues d’ornements. Beekman Place
est
un de ces lieux où l’exilé s’écrie : « Mais c’est l’Europe ! » parce
361
jour. Le seul vestige de nature — car l’eau même
est
canalisée — ce sont ces trois îlots de granit noir couverts de mouett
362
ige de nature — car l’eau même est canalisée — ce
sont
ces trois îlots de granit noir couverts de mouettes, et signalés par
363
pt secondes. Tout ce qu’embrasse mon regard, tout
est
fait de main d’homme, sauf les mouettes. Qu’on ne me parle plus des l
364
économiques et de leurs fatales réalités : car ce
sont
les réalités d’un monde tout artificiel que nous, les hommes, avons b
365
ge et festonnées de tuiles provençales. La brique
est
chaude encore sous mes pieds nus. À ma hauteur, et un peu plus bas, e
366
queurs se mettent à souffler fort dans la brume d’
été
flottant sur la rivière… Une langue de lumière orangée vient râper do
367
our, le même amour, mais le cœur s’ouvre — l’aube
est
l’heure du pardon délivrant — et je me donne au jour américain ! Sur
368
ue et de Central Park, traverse en direction de l’
est
de beaux quartiers gris clair d’un gothique sobre et astiqué, change
369
s que je circule dans cette ville, je n’ai jamais
été
touché ; ils sont d’une folle brutalité, mais surpassée par leur adre
370
dans cette ville, je n’ai jamais été touché ; ils
sont
d’une folle brutalité, mais surpassée par leur adresse — allument des
371
es boîtes à lettres portent des noms en cek, nous
sommes
dans le quartier slovaque. Je gravis l’escalier jusqu’au troisième. L
372
ns la cuisine. En face du fourneau à charbon, qui
est
censé chauffer l’appartement, une espèce de baignoire couverte et for
373
e pièce plus claire, sur la cour. Ce logis, qui n’
est
guère qu’un corridor légèrement cloisonné, s’annonce dans les journau
374
ois alvéoles aveugles. Tout l’East Side populaire
est
ainsi, sur une vingtaine de kilomètres. Je me penche à la fenêtre, au
375
che à la fenêtre, au-dessus de la cour. Le sol en
est
jonché de plâtras, de journaux, de chiffons qui bougent, ou ce sont p
376
tras, de journaux, de chiffons qui bougent, ou ce
sont
peut-être des chats. Des cordes tendues sur l’abîme supportent des le
377
ctement rectangulaire. Tous les objets qu’on voit
sont
des rectangles, à part les chiffons et les chats. Les façades, hauts
378
rique.) L’un des maris se nomme Robert ; son père
était
un Canadien français et sa vieille mère est une Allemande du Sud. La
379
ère était un Canadien français et sa vieille mère
est
une Allemande du Sud. La famille de l’autre mari est de ce pays depui
380
une Allemande du Sud. La famille de l’autre mari
est
de ce pays depuis plusieurs générations ; et leurs épouses, fort plan
381
rendent ici les voisins ! En Europe, le voisin n’
est
que l’ennemi virtuel.) J’ai cru poli de m’arrêter pour une heure dans
382
nts. Le nom, très difficile à prononcer : Cohoes,
est
sans doute d’origine indienne. « Personne ne connaît notre ville, me
383
, j’entends pour la longueur des bâtiments. » (Il
est
peu de villes américaines qui ne réussissent à se vanter de quelque c
384
au monde, compensant ainsi l’impression qu’elles
sont
interchangeables à tant d’autres égards.) Le paysage pourrait bien êt
385
à tant d’autres égards.) Le paysage pourrait bien
être
européen : collines douces, bois et prairies, une rivière lente et le
386
tres quittèrent l’Allemagne en 1848, parce qu’ils
étaient
républicains. Cette vague d’émigration germanique, libérale et plus o
387
Je remarque un groupe de clochetons à bulbe d’or.
Serait
-ce une usine orthodoxe ? « Oui, dit Robert, c’est l’une de nos deux é
388
ainiennes. » La moitié de la population de Cohoes
est
slave, polonaise ou russe d’origine. L’autre moitié se compose de Can
389
renflées ou légèrement obliques. Seule, la Banque
est
en pierres blanches, ornée de colonnes et d’un fronton de temple grec
390
te beaucoup de barbes longues et bouclées. La rue
est
sale. Suis-je en Russie ? Non, il y a trop d’autos. Robert revient et
391
p de barbes longues et bouclées. La rue est sale.
Suis
-je en Russie ? Non, il y a trop d’autos. Robert revient et nous roulo
392
qui ai fondé notre Air Club, il y a quinze ans, j’
étais
tout jeune. J’ai eu jusqu’à trente appareils et une école de pilotage
393
je n’ai plus piloté depuis lors. Aujourd’hui, je
suis
président du club de golf. Si les affaires vont bien, après la guerre
394
j’espère m’acheter de nouveau un petit avion. Ce
sera
plus commode pour les week-ends, surtout que madame Robert n’aime pas
395
ons bien des fanatiques de l’aviation, mais ce ne
sont
pas des agents de location, d’autre part amateurs de golf, de géraniu
396
week-ends paisibles au bord d’un lac. Mais il ne
serait
guère plus facile de comparer cette vie, cette ville aux images que,
397
dans un vestibule sombre. La maîtresse de maison
est
sortie à cheval. Promenons-nous en l’attendant. L’odeur des chiens im
398
tombe par morceaux, les coussins de velours rouge
sont
moisis. Nous redescendons. Le ciel est devenu noir. Du portique, entr
399
urs rouge sont moisis. Nous redescendons. Le ciel
est
devenu noir. Du portique, entre les hautes colonnes blanches et ces i
400
un homme. Comme ils s’approchent, on voit qu’elle
tient
la bride d’une main, et de l’autre porte à sa bouche une pomme qu’ell
401
t. Nouveaux éclairs. Tous les chiens du chenil se
sont
mis à hurler ensemble. Est-ce l’orage ou l’approche de leur maîtresse
402
s chiens du chenil se sont mis à hurler ensemble.
Est
-ce l’orage ou l’approche de leur maîtresse ? Les cavaliers ralentisse
403
endent folle, j’ai tellement peur. Et vous ? Vous
êtes
muets. Vous avez soif ? » Les coups de tonnerre se succèdent sans rép
404
la porte du fond un homme en veste de chasse, qui
tient
des verres de whisky à la main. Deux femmes blondes entrent et vont s
405
envoie chercher des verres et des bouteilles. Qui
sont
ces gens ? Elle dit : — Je ne le sais pas plus que vous. Ils sont da
406
lle dit : — Je ne le sais pas plus que vous. Ils
sont
dans la maison depuis deux ou trois jours et se disent les amis de Ji
407
ois jours et se disent les amis de Jim. — Mais où
est
Jim ? — Je ne sais pas. Il est parti. Jim était l’intendant, une sort
408
où est Jim ? — Je ne sais pas. Il est parti. Jim
était
l’intendant, une sorte de géant toujours en bottes qu’elle emmenait p
409
lement : de la route américaine de la vie. Ce qui
est
pour nous concept, forme arrêtée, devient chez eux chemin, mouvement
410
pour le réaliser. Les autostrades américaines ne
sont
pas une réclame politique, ni même un expédient pour lutter contre le
411
un expédient pour lutter contre le chômage. Elles
sont
le produit du rêve et de la vitalité inépuisable d’un peuple libre, e
412
, séparées par une large bande gazonnée où l’on s’
est
ingénié à conserver, ici ou là, un grand arbre isolé, témoin de la pr
413
d’une curiosité rêveuse. Mais, soudain, le regard
est
pris par un panneau rutilant sur la droite, puis mitraillé à bout por
414
sse lui créent enfin des cadres. Quand la surface
sera
suffisamment organisée, vers quoi se tourneront les efforts de ce peu
415
les masses elles-mêmes comprendront-elles qu’il n’
est
qu’un seul infini véritable : celui que chacun porte en soi, celui de
416
nion Quand un Américain déclare que votre idée
est
généreuse, c’est qu’il est ému : il va vous aider. Quand un Européen
417
déclare que votre idée est généreuse, c’est qu’il
est
ému : il va vous aider. Quand un Européen vous dit : l’Europe unie, o
418
d’y croire, qu’il ne fera rien, qu’il pense qu’il
est
sérieux et que vous rêvez. C’est ainsi qu’une certaine bourgeoisie oc
419
évolution. Mais le grand style se perd et Staline
est
aux portes. Il s’agit en réalité de la vie ou de la mort d’une civili
420
ilisation. Fédérer nos petits peuples in extremis
est
notre seule chance de salut. On se demande en vain ce qu’il peut y av
421
de la Russie et de l’Amérique. Ces deux colosses
sont
en train de s’observer par-dessus nos têtes. Ils n’ont pas envie de s
422
x dire à la paix, c’est l’Europe. Mais l’Europe n’
est
plus une puissance, parce qu’elle est divisée en vingt nations dont a
423
l’Europe n’est plus une puissance, parce qu’elle
est
divisée en vingt nations dont aucune, isolée, n’a plus la taille qu’i
424
deux grands empires. Et non seulement l’Europe n’
est
plus une puissance qui pourrait exiger la paix, mais chacune des nati
425
que l’on doit tirer de cette double constatation
sont
d’une tragique simplicité. Si les choses continuent comme elles vont
426
e elles vont : 1° les différents pays de l’Europe
seront
annexés ou colonisés l’un après l’autre ; 2° la question allemande ne
427
l’un après l’autre ; 2° la question allemande ne
sera
pas réglée, fournissant un prétexte permanent à la guerre entre les d
428
ne pourra s’opposer à cette guerre, dont quel que
soit
le vainqueur — s’il en est un — c’est l’humanité tout entière qui sor
429
guerre, dont quel que soit le vainqueur — s’il en
est
un — c’est l’humanité tout entière qui sortira vaincue. Si nous voulo
430
. Que si l’on me dit alors que l’Europe même unie
serait
encore trop faible pour tenir en respect les deux Grands, je répondra
431
l’Europe même unie serait encore trop faible pour
tenir
en respect les deux Grands, je répondrai par un seul chiffre : la pop
432
l’Europe occidentale, à l’ouest du rideau de fer,
est
d’environ 320 millions d’habitants : c’est deux fois plus que l’Améri
433
. Si ces 320 millions d’habitants faisaient bloc,
soit
qu’ils se déclarent neutres, soit qu’ils menacent de porter tout leur
434
faisaient bloc, soit qu’ils se déclarent neutres,
soit
qu’ils menacent de porter tout leur poids d’un seul côté, ils seraien
435
ent de porter tout leur poids d’un seul côté, ils
seraient
en mesure d’agir, de faire réfléchir l’agresseur, et de sauver la pai
436
ie… » En revanche, beaucoup pensent : « Tout cela
est
bel et bon, mais que fait-on et que pourra-t-on faire en temps utile
437
e siècle, quand la réalité politique de l’Europe
était
l’essor des grands nationalismes. Il y eut enfin, après la Première G
438
a rumeur polyglotte des couloirs de la SDN. On en
était
aux constructions diplomatiques. Elles s’écroulèrent à la première ép
439
rs de lecteurs pour leurs revues. Ces dernières n’
étaient
pas d’une lecture très facile. On y parlait beaucoup de l’engagement
440
ut croire un moment que tout notre travail allait
être
effacé pour toujours. C’était compter sans les mouvements de Résistan
441
rer tous ces fédéralistes dispersés. Dès 1946, ce
fut
chose faite : l’Union européenne des fédéralistes se constituait et p
442
d’août 1947, à Montreux, son premier congrès. Qu’
étions
-nous à l’époque, il y a un an et demi ? Cent-cinquante à deux-cents d
443
ociations de toutes les tailles, dont plusieurs n’
étaient
guère qu’un nom abstrait, touchant ou ambitieux, comme par exemple :
444
es et de les faire admettre par les États, nous n’
étions
qu’une poignée d’hommes de bonne volonté, remarquablement dépourvus d
445
ersonnaliste dans la genèse de nos mouvements. Il
est
vrai que beaucoup de petits groupes qui se formèrent spontanément dan
446
maquis ne devaient rien à cette doctrine. Mais il
est
non moins vrai que les grands thèmes et le vocabulaire personnalistes
447
Montreux à Bruxelles Le congrès de Montreux n’
était
pas terminé que l’idée naissait parmi nous d’en élargir l’action en c
448
s généraux de l’Europe. Sur-le-champ, des accords
furent
esquissés avec les représentants d’autres mouvements venus en qualité
449
erlandais, s’ouvrait le Congrès de l’Europe. Nous
étions
cette fois-ci plus de huit-cents délégués, parmi lesquels des ex-Prem
450
nts féminins et universitaires. Trois résolutions
furent
votées : économique, politique et culturelle. La résolution politique
451
tion d’une Assemblée européenne, dont les membres
seraient
élus « dans leur sein ou au-dehors » par les parlements des nations p
452
s parlements des nations participantes. Ce projet
fut
mis au point très rapidement, au lendemain du congrès de La Haye. Par
453
de La Haye. Par l’intermédiaire de M. Bidault, il
fut
présenté à la réunion des ministres des Affaires étrangères des cinq
454
rence restreinte de dix-huit ministres et experts
était
convoquée à Paris, aux fins d’étudier la constitution d’un Parlement
455
deuxième congrès annuel. À Montreux, nous avions
tenu
nos séances dans une modeste salle d’hôtel. À Rome, on nous offrit le
456
eur les grandes lettres du mot Europe. Le congrès
fut
inauguré en présence de tous les ministres par un discours du préside
457
s et des rêveurs ! s’écria-t-il. En réalité, vous
êtes
, nous sommes, la vérité en marche. » Et finalement, les congressistes
458
veurs ! s’écria-t-il. En réalité, vous êtes, nous
sommes
, la vérité en marche. » Et finalement, les congressistes furent reçus
459
ité en marche. » Et finalement, les congressistes
furent
reçus par le pape Pie XII, qui leur dit en français « sa plus vivante
460
uvement européen, ses quatre présidents d’honneur
étant
Léon Blum, Winston Churchill, Alcide de Gasperi et Paul-Henri Spaak.
461
de tous côtés par des tendances diverses, et nous
sommes
parvenus, plus rapidement que nous n’osions l’imaginer, à engrener su
462
les principaux gouvernements européens. Ce qui n’
était
qu’un rêve il y a un siècle, qu’une théorie il y a quinze ans, qu’une
463
a quinze ans, qu’une espérance pendant la guerre,
est
aujourd’hui discuté par la presse, les parlements, les ministères, co
464
i a les plus grandes chances de se réaliser. Nous
sommes
donc arrivés à pied d’œuvre. Ici commence la bataille décisive. Ob
465
ion fédéraliste. Car si l’on veut que les peuples
soient
représentés, c’est que l’on veut aboutir à autre chose qu’au « Corps
466
leur gouvernement. Ils pensent que les ministres
sont
là pour gouverner, ce qui paraît étrange à beaucoup de Latins. Ils pe
467
ls pensent donc, tout naturellement, que l’Europe
sera
faite par des ministres. Et cela ne va pas à une fédération, mais à q
468
sait qu’une Charte des droits de l’homme vient d’
être
adoptée par l’ONU. Elle restera malheureusement inopérante tant que l
469
n, dans sa réunion de Bruxelles, a recommandé que
soit
créée, par convention entre les États membres de l’union européenne,
470
, sinon de créer un tribunal devant lequel puisse
être
déféré, le cas échéant, tout État qui céderait au totalitarisme ? Me
471
pas résolu les grands problèmes économiques. Nous
sommes
un certain nombre à penser qu’au contraire, la plupart des problèmes
472
éenne bien vivante, un sentiment commun auquel il
soit
possible de faire appel dès maintenant, une civilisation occidentale.
473
té dans la richesse de nos diversités, telle doit
être
, avant tout comme après tout, la vocation de notre Mouvement européen
474
opéen. S’il ne mettait la culture à sa place, qui
est
à la fois primordiale et finale, il cesserait de mériter l’adjectif d
475
la conscience de l’Europe et des peuples qui lui
sont
associés ». Il ne s’agit nullement de fomenter on ne sait quel nation
476
té ; une manière de « chercher à comprendre » qui
est
notre forme intime de résistance aux mises au pas totalitaires… De to
477
un lieu de rencontres à nos meilleurs esprits, ce
sont
là quelques-unes des ambitions du Centre européen de la culture qui s
478
a culture qui s’ouvrira bientôt en Suisse. ⁂ Il n’
est
point d’ordre économique possible sans une volonté préalable de mise
479
olonté préalable de mise en ordre politique. Il n’
est
point d’ordre politique qui serve l’homme, s’il n’est orienté dès le
480
point d’ordre politique qui serve l’homme, s’il n’
est
orienté dès le départ par une vision libératrice et fascinante. L’Eur
481
experts (qui savent toujours que c’est Dewey qui
sera
élu), parce qu’une équipe de véritables résistants — ceux qui résiste
482
irait peut-être d’oser croire ? Se peut-il que ce
soit
tout simplement l’Europe, redécouverte à la faveur de son union ? Une
483
Découverte de l’Europe (octobre 1949)f Il n’
est
pas facile d’être actuel. Il y faut parfois du génie. Goethe écrit à
484
l’Europe (octobre 1949)f Il n’est pas facile d’
être
actuel. Il y faut parfois du génie. Goethe écrit à Valmy : « De ce li
485
Goethe écrit à Valmy : « De ce lieu, de ce jour,
sera
datée une ère nouvelle. » Mais ce jour-là, il est le seul à s’en dout
486
era datée une ère nouvelle. » Mais ce jour-là, il
est
le seul à s’en douter. Cette histoire n’est pas bien nouvelle, il y a
487
à, il est le seul à s’en douter. Cette histoire n’
est
pas bien nouvelle, il y a près de deux-mille ans qu’on la connaît : l
488
site de Bartali, coureur cycliste, au Vatican. Il
serait
donc vain de s’étonner que le Tour de France ait damé le pion de l’«
489
de l’opinion publique. Pourtant les journalistes
étaient
présents. On dit même qu’ils furent plus de cinq-cents. Et bien d’aut
490
journalistes étaient présents. On dit même qu’ils
furent
plus de cinq-cents. Et bien d’autres ont jugé Strasbourg dans les édi
491
monde entier, d’autant plus librement qu’ils n’y
étaient
pas allés. L’événement s’est donc vu noyé sous un déluge de clichés c
492
ement qu’ils n’y étaient pas allés. L’événement s’
est
donc vu noyé sous un déluge de clichés contradictoires. Assembleurs d
493
souvent dans le même article. Que l’Assemblée se
soit
montrée timide ou au contraire téméraire, que l’expérience soit trop
494
imide ou au contraire téméraire, que l’expérience
soit
trop tardive, ou au contraire prématurée, c’est ce que personne ne se
495
au contraire prématurée, c’est ce que personne ne
sera
capable de déduire des milliers de coupures de presse où figure le no
496
d’imprimés : et c’est que l’opinion, précisément,
serait
demeurée indifférente. Ce paradoxe couvre un sophisme. Car les journa
497
sauraient décrire l’opinion sans la modifier : ce
sont
eux qui la déterminent en bonne partie. S’il leur faut tant de mots p
498
re jugement doit chercher d’autres sources. Que s’
est
-il passé à Strasbourg ? Quelque chose d’assez neuf, il faut le croire
499
avril — le vrai début de la bataille décisive. Il
était
raisonnable de prévoir que la première session serait consacrée à des
500
it raisonnable de prévoir que la première session
serait
consacrée à des questions de procédure, car les statuts du Conseil de
501
procédure, car les statuts du Conseil de l’Europe
étaient
loin d’assurer au Corps consultatif son minimum vital d’autonomie. Av
502
pas remarqué qu’un mot d’ordre national — s’il en
fut
jamais donné — ait été suivi même par les Britanniques. Ces derniers
503
d’ordre national — s’il en fut jamais donné — ait
été
suivi même par les Britanniques. Ces derniers se sont, au contraire,
504
suivi même par les Britanniques. Ces derniers se
sont
, au contraire, divisés publiquement en deux groupes à peu près égaux,
505
travaillistes et les socialistes continentaux ne
sont
pas parvenus à former un front uni des gauches, sur le plan de l’Euro
506
Conseil de l’Europe, les deux conceptions qui se
sont
affrontées n’ont pas été la gauche et la droite traditionnelles, mais
507
deux conceptions qui se sont affrontées n’ont pas
été
la gauche et la droite traditionnelles, mais bien le fédéralisme et l
508
p reste leur devise. À les en croire, l’opinion n’
est
pas mûre, les peuples sont encore indifférents ou hostiles aux travau
509
en croire, l’opinion n’est pas mûre, les peuples
sont
encore indifférents ou hostiles aux travaux de Strasbourg, il faut év
510
prix de se porter en avant sans leur soutien. On
serait
tenté d’accuser ces prudents de scepticisme impénitent. En vérité, il
511
eu de leur répondre : où prendrez-vous le temps d’
être
prudents ? Si nous craignons d’aller trop vite, aux yeux de l’expérie
512
grammes de redressement. Et les menaces de guerre
sont
là. Demandez à l’opinion si elle est mûre pour la guerre ! Elle hésit
513
s de guerre sont là. Demandez à l’opinion si elle
est
mûre pour la guerre ! Elle hésite à vous suivre à cause de vos pruden
514
de l’idée fédéraliste parmi les députés européens
sont
attestés par un fait capital : la Commission des affaires générales,
515
générales, élue par l’Assemblée dès le 20 août, s’
est
engagée sans le moindre délai, dans l’étude des structures politiques
516
d’un gouvernement au-dessus des États, n’a pas pu
être
refoulée plus de dix jours, malgré les efforts conjugués des unionist
517
européens. Dès sa prochaine session, l’Assemblée
sera
saisie d’un plan dont le président de la Commission, M. Bidault, peut
518
rientera nettement vers une fédération finale. Il
est
clair qu’une formule fédérale implique certaines limitations précises
519
féodaux des États, l’Assemblée, fort sagement, s’
est
tournée vers les créations nécessaires. Le grand problème qui passe a
520
, on a pu voir se former deux écoles. La première
tient
le Comité des ministres pour le germe du futur gouvernement de l’Euro
521
ent de l’Europe. Car les ministres, observe-t-on,
sont
les seuls à détenir un pouvoir bien réel, dans le Conseil de l’Europe
522
’il existe. Certes. Mais, si le Conseil existe, n’
est
-ce point précisément parce que certains pionniers ont ignoré ce genre
523
e part, les pouvoirs que détiennent les ministres
étant
strictement nationaux, leur addition ou juxtaposition n’irait-elle po
524
éelle ? La seconde école, celle des fédéralistes,
tient
que l’origine normale du pouvoir à créer réside dans l’Assemblée elle
525
ut naturellement, dans un délai aussi réduit. Ils
sont
en droit de montrer quelque fierté, lorsqu’ils passent en revue les o
526
t la rapidité de ses premières opérations doivent
être
attribuées en premier lieu à l’action décisive du Mouvement : Churchi
527
lton, pour s’en plaindre (et cette confirmation n’
est
pas la moins valable). On ne s’en étonnera pas, si l’on sait que les
528
ont pris l’habitude d’y travailler ensemble. On s’
est
demandé si ces premiers succès laissaient encore une raison d’être su
529
es premiers succès laissaient encore une raison d’
être
suffisante au Mouvement européen, ou s’il devait passer la main à l’A
530
décisive du Mouvement européen. Car l’essentiel n’
est
plus de changer le nom de l’Assemblée consultative pour qu’elle devie
531
e, mais bien d’agir en sorte que ses vœux et avis
soient
régulièrement acceptés par les gouvernements et parlements, en attend
532
ements, en attendant le verdict populaire. ⁂ Nous
sommes
en pleine action, et il est clair qu’il s’est fait de l’Histoire à St
533
populaire. ⁂ Nous sommes en pleine action, et il
est
clair qu’il s’est fait de l’Histoire à Strasbourg, mais nous n’en con
534
sommes en pleine action, et il est clair qu’il s’
est
fait de l’Histoire à Strasbourg, mais nous n’en connaissons encore qu
535
ue le dynamisme intérieur. Les résultats pourront
être
jugés d’ici deux ans. S’il n’y en a pas à ce moment-là, nous serons R
536
deux ans. S’il n’y en a pas à ce moment-là, nous
serons
Russes ou colonisés, ou simplement nous ne serons plus. Mais ce qui v
537
serons Russes ou colonisés, ou simplement nous ne
serons
plus. Mais ce qui vient de se passer nourrit l’espoir. L’un des obser
538
vement à l’œuvre, s’écriait à Strasbourg : « J’ai
été
le témoin, ici, de choses stupéfiantes, amazing things for us, Americ
539
t Europe, les autres sur le mot culture ; et ce n’
est
pas tout : les mots « et sa », qui les unissent, ne vont pas de soi,
540
? À la fois dans l’espace et dans le temps, elles
sont
mouvantes et complexes. (Ce qui peut signifier d’ailleurs qu’elles so
541
lexes. (Ce qui peut signifier d’ailleurs qu’elles
sont
vivantes.) Elles apparaissent en partie problématiques, en partie déf
542
autre. Le premier caractère permanent de l’Europe
est
de nature géographique : l’Europe est une presqu’île de l’Asie. Secon
543
de l’Europe est de nature géographique : l’Europe
est
une presqu’île de l’Asie. Second caractère permanent : elle est nette
544
’île de l’Asie. Second caractère permanent : elle
est
nettement divisée en compartiments par des chaînes de montagnes et de
545
ien marquée vers le nord, l’Europe s’ouvre vers l’
est
par des plaines indéfinies. Ce n’est pas un fait géographique qui mar
546
ouvre vers l’est par des plaines indéfinies. Ce n’
est
pas un fait géographique qui marque ses limites vers l’Asie, mais seu
547
un rapport de forces humaines. La frontière de l’
Est
sera donc toujours mouvante. Et c’est dans l’affrontement perpétuel a
548
rapport de forces humaines. La frontière de l’Est
sera
donc toujours mouvante. Et c’est dans l’affrontement perpétuel avec l
549
de fer. Relevons que les poussées de l’Asie par l’
est
ont été suivies généralement de périodes sombres, d’épuisement ou de
550
Relevons que les poussées de l’Asie par l’est ont
été
suivies généralement de périodes sombres, d’épuisement ou de destruct
551
nt par la Méditerranée, l’Italie ou l’Afrique ont
été
assimilées et ont fécondé nos civilisations. Au fait géographique de
552
ment exceptionnelles pouvons-nous distinguer ? Il
serait
superflu de chercher ici autre chose que ce que tout le monde sait :
553
ait : la tension fondamentale du monde occidental
est
, à l’origine, ternaire et non pas bipolaire, de même que la théologie
554
polaire, de même que la théologie de l’Occident n’
est
pas dualiste, mais trinitaire. Et de fait, l’Europe n’a pas pris nais
555
pe n’a pas pris naissance dans le conflit entre l’
Est
et l’Ouest, conflit qui lui a seulement donné conscience d’elle-même
556
nsions entrecroisées dont les trois pôles peuvent
être
appelés symboliquement Athènes, Rome et Jérusalem. Athènes, c’est la
557
e, non mesurable. À partir de ces trois pôles, il
est
possible d’interpréter les principales structures dynamiques de l’Occ
558
ndes doctrines de l’homme et de la société qui se
sont
dégagées peu à peu de ce complexe, d’une manière comparable à celle d
559
e comparable à celle dont les grandes hérésies se
sont
définies à partir de la doctrine trinitaire. Après vingt siècles de c
560
iété et jusque dans nos vies privées, cette lutte
est
si violente et douloureuse, si concrète qu’on se voit dispensé de tou
561
ous les résultats et de toutes les valeurs. Or ce
sont
là les conditions par excellence qui provoquent à la création. Voilà
562
la création. Voilà pourquoi cet homme européen s’
est
révélé, au cours du dernier millénaire, plus créateur qu’aucune espèc
563
que l’homme du ive siècle, par exemple, en qui s’
était
déjà formée la synthèse hautement instable et créatrice d’Athènes, de
564
’aurais oublié quelques éléments décisifs, qui ne
sont
nés ni d’Athènes, ni de Rome, ni de Jérusalem, ni de leurs combinaiso
565
eurs, nées de nos trois éléments fondamentaux, se
sont
nouées, combinées et mariées, ont divorcé, ont conclu des alliances.
566
, ont divorcé, ont conclu des alliances. Elles se
sont
combinées au sens chimique, et non pas seulement mécanique. Ainsi, da
567
boratoire européen, certains produits nouveaux ne
sont
apparus qu’après des siècles de macération. Trois idées, devenues de
568
aître que du complexe que je viens de décrire. Ce
sont
les idées de révolution, de passion et de progrès. Elles sont nées to
569
es de révolution, de passion et de progrès. Elles
sont
nées toutes les trois de la révélation chrétienne, analysée et déform
570
e prisme gréco-judéo-romain. L’idée de révolution
est
inconcevable pour un Asiatique ou un Noir, s’ils n’ont pas eu de cont
571
ec notre civilisation. Car cette idée, en vérité,
est
la transposition dans le plan collectif de la conversion chrétienne,
572
, de droit nouveau. De même, la passion en amour
est
une transposition de la conversion dans le plan des relations individ
573
atténuer ou disparaître. Enfin, l’idée de progrès
est
de toute évidence d’origine évangélique, ou plus exactement paulinien
574
outes ces définitions, et vingt autres possibles,
sont
à la fois justes et contestables, trop faciles ou trop difficiles. Je
575
qui a fait de l’Europe autre chose que ce qu’elle
est
physiquement, autre chose qu’un petit cap de l’Asie, pour reprendre l
576
parlons de l’Europe ou de la culture. Notre tâche
est
moins, aujourd’hui, de les définir que de les sauver. Aussi bien n’ai
577
914, et même jusqu’au dernier conflit, l’Europe s’
est
vue brusquement détrônée, il y a cinq ans, en même temps qu’elle étai
578
détrônée, il y a cinq ans, en même temps qu’elle
était
libérée dans ses ruines. Elle avait représenté un quart, puis un cinq
579
un cinquième de la population du globe. Elle n’en
sera
dans cinquante ans plus qu’un dixième probablement. Elle ne sait pas
580
. Mais ce qu’elle voit très bien, c’est qu’elle n’
est
plus le centre du monde, sur le plan de la puissance politique. Elle
581
uleux ne sauraient plus prétendre un seul instant
être
à l’échelle des réalités modernes ; encombrée de frontières intérieur
582
, pour le moment, d’un quart de sa population à l’
Est
, et de la péninsule ibérique à l’Ouest. Le reste ne vit encore qu’en
583
corps d’occupation anticipée. La crise économique
est
imminente. La crise sociale est endémique. Au point de vue de la puis
584
crise économique est imminente. La crise sociale
est
endémique. Au point de vue de la puissance matérielle, rappelons que
585
de cette somme. L’idée de progrès a émigré ; elle
est
devenue américaine et russe. Mais ici, nous touchons déjà au drame de
586
lture. D’une part, dans les pays totalitaires qui
sont
à nos portes et qui ont chez nous leurs répondants, la liberté fondam
587
ns nos pays, cette même liberté qu’on nous laisse
est
devenue presque vide et sans effets. À l’Est, nous voyons se former u
588
isse est devenue presque vide et sans effets. À l’
Est
, nous voyons se former une véritable culture censoriale. Le critère p
589
éritable culture censoriale. Le critère politique
est
seul admis. Et l’on s’y réfère avec une rigueur telle que le style mê
590
le style même d’un écrivain ou d’un peintre peut
être
attaqué par les fonctionnaires de l’État et qualifié de sabotage. La
591
tat et qualifié de sabotage. La censure politique
est
si parfaitement préventive qu’elle peut s’offrir le luxe de disparaît
592
en tant qu’activité distincte de répression. Elle
est
partout et nulle part. C’est ainsi qu’un ancien ministre bulgare en e
593
des sources d’information ; or cette indépendance
est
exclue à priori dans les démocraties dites populaires. Cependant, qu’
594
es démocraties dites populaires. Cependant, qu’en
est
-il chez nous de la liberté et de la censure ? Allons tout de suite à
595
résultats d’une incroyable portée intellectuelle
sont
actuellement maintenus secrets et ne donnent pas lieu, comme avant la
596
celle d’il y a dix ans, où certaines découvertes
étaient
annoncées par télégramme dans les périodiques à diffusion mondiale… »
597
as de la physique nucléaire, ceux qui s’y livrent
sont
aussitôt privés des libertés élémentaires : liberté de recherche, d’é
598
mondial de l’Europe, on pourrait croire qu’elle n’
est
plus aujourd’hui qu’un appendice aux déclarations officielles, un orn
599
quier. Jadis centrale, la situation de la culture
est
devenue périphérique. Comment expliquer autrement qu’il soit admis sa
600
e périphérique. Comment expliquer autrement qu’il
soit
admis sans question, de nos jours, que l’esprit subordonne ses intérê
601
ellement dépendante de l’État, plus qu’elle ne le
fut
jamais du mécénat privé, notre culture se voit contrainte d’obéir à d
602
t contrainte d’obéir à des « nécessités » qui lui
sont
étrangères et la dégradent. Elle perd ainsi sa fonction directrice. E
603
ensée et l’action, entre une pensée qui accepte d’
être
inefficace, et une action par conséquent désorientée, à courtes vues,
604
à courtes vues, privée de cohérence profonde. Tel
est
le mal profond dont souffre l’Occident. À l’inverse, les régimes tota
605
ident. À l’inverse, les régimes totalitaires de l’
Est
ont si bien vu l’importance primordiale de la culture qu’ils l’ont im
606
endu officiellement sa place centrale, et ils l’y
tiennent
emprisonnée. Elle est reine de nouveau, mais elle ne reconnaît plus s
607
e centrale, et ils l’y tiennent emprisonnée. Elle
est
reine de nouveau, mais elle ne reconnaît plus sa propre voix proféran
608
ur tous les modes l’éloge de ses bourreaux : elle
est
devenue la Propagande. Les conditions morales de la vie de l’esprit a
609
n font peu de cas pratiquement ; et ceux qui, à l’
Est
, lui reconnaissent un rôle central, la dénaturent et l’asservissent.
610
central, la dénaturent et l’asservissent. Or, il
est
évident que ces conditions sont particulièrement graves pour l’Europe
611
servissent. Or, il est évident que ces conditions
sont
particulièrement graves pour l’Europe, puisqu’elles brisent dans un c
612
utre, détendent les ressorts de la créativité qui
était
depuis des siècles la vraie cause de notre puissance et donc de notre
613
re indépendance. De plus, si la culture accepte d’
être
privée théoriquement et pratiquement de la primauté dans nos vies nat
614
iquement de la primauté dans nos vies nationales,
soit
qu’elle se laisse subordonner aux intérêts économiques ou politiques,
615
bordonner aux intérêts économiques ou politiques,
soit
qu’elle se contente d’une liberté honoraire, sans responsabilité, et
616
la culture. Si je pensais, comme certains, qu’il
est
trop tard, je me tairais, ou je me ferais Américain. Mais il est impo
617
je me tairais, ou je me ferais Américain. Mais il
est
impossible de sauver l’Europe si l’on ne sauve pas en même temps sa c
618
’accomplir dans une libre communauté. Si l’Europe
est
réduite à l’impuissance politique, si elle est colonisée par l’Amériq
619
pe est réduite à l’impuissance politique, si elle
est
colonisée par l’Amérique — ce qu’elle désire parfois — ou envahie par
620
par la Russie, certains pensent que notre culture
serait
alors notre dernier refuge, qu’on ferait de l’Europe un musée dans le
621
stakhanovistes en troupeaux. Mais un musée, ce n’
est
pas de la culture. Je ne vois pas d’exemple historique d’une culture
622
s une nation privée de son indépendance. L’Europe
est
encore le foyer de la civilisation occidentale, la seule qui ait su c
623
r fatalement s’éteindra si la puissance doit nous
être
interdite, car la puissance est mère des utopies exaltées, de la conf
624
ssance doit nous être interdite, car la puissance
est
mère des utopies exaltées, de la confiance en soi, du gaspillage des
625
’aventure ; et la science s’arrête quand l’audace
est
un crime. Si l’Europe disparaît du jeu des forces mondiales, personne
626
tes les autres. Le secret de ses mesures vivantes
sera
perdu. Mais en retour, sans une culture active rendue à l’efficacité,
627
té, l’Europe ne peut recouvrer la puissance. Elle
sera
peut-être unie, c’est même plus que probable, par les soins d’experts
628
rvirait à l’Europe de recevoir une unité, si ce n’
était
pas celle de son choix ? Et si cette unité signifiait sa défaite, non
629
? L’Europe sans sa culture, réduite à ce qu’elle
est
, ne serait plus qu’un cap de l’Asie — et l’Asie n’a jamais passé pour
630
ope sans sa culture, réduite à ce qu’elle est, ne
serait
plus qu’un cap de l’Asie — et l’Asie n’a jamais passé pour la terre d
631
rope et la culture universelle qu’elle a produite
sont
deux réalités coextensives. Elles naissent et meurent du même mouveme
632
lles naissent et meurent du même mouvement. Qu’en
est
-il de ce mouvement, au milieu de notre siècle ? Va-t-il vers la renai
633
blime réponse à la question des lendemains nous a
été
donnée une fois pour toutes par la sentinelle d’Isaïe : « Le matin vi
634
ement à notre affaire. Et notre affaire me paraît
être
ici d’apprécier tout d’abord l’état de nos forces, en vue d’agir. Ent
635
ses et cent-cinquante-millions d’Américains, nous
sommes
ici, à l’ouest du rideau de fer, près de trois-cents-millions d’Europ
636
tre et sculpture : presque tous leurs grands noms
sont
des noms de l’Europe, et les très rares qui n’en sont pas ont appris
637
des noms de l’Europe, et les très rares qui n’en
sont
pas ont appris leur métier de nos maîtres, dans nos écoles, aux terra
638
Je dirai plus. Le monde moderne tout entier peut
être
appelé une création européenne. Pour le bien comme pour le mal, il im
639
quelques rythmes de leurs danses. Finalement, que
sont
les empires qui prétendent partager le monde à nos dépens ? L’Amériqu
640
pens ? L’Amérique du Nord et la Russie de Staline
sont
des produits de notre culture, l’une dès ses origines, et l’autre en
641
s degrés, la cellophane et le zipper partout, qui
sont
des inventions européennes ; et de l’autre côté, Marx et notre indust
642
grands-pères. Caricatures évidemment ; mais ce n’
est
point par hasard que ces deux grands pays semblent appeler ce procédé
643
plus frappants, et qu’ils croient spécifiques, ne
sont
souvent que des emprunts à notre fonds, mais développés là-bas sans m
644
, parfois jusqu’à la monstruosité12. Mais s’il en
est
ainsi, si tels sont nos atouts, d’où vient notre faiblesse et notre a
645
a monstruosité12. Mais s’il en est ainsi, si tels
sont
nos atouts, d’où vient notre faiblesse et notre angoisse ? D’où vient
646
de parfums, ou de vins du cru ? J’ai dit que nous
sommes
trois-cents-millions à l’ouest du rideau de fer. C’est vrai en fait,
647
s Danois ou des Grecs, c’est-à-dire comme s’ils n’
étaient
que quarante millions, soixante millions ou trois millions. Nous parl
648
t fixé le visage du monde moderne. Et cette liste
est
impressionnante. Mais pour qu’elle rassure un Français, un Allemand,
649
s. Divisés, enfermés dans nos États-nations, nous
sommes
tous trop petits et nous avons, par conséquent, de bonnes raisons d’ê
650
t nous avons, par conséquent, de bonnes raisons d’
être
angoissés pour notre avenir immédiat. Presque toutes ces raisons tomb
651
tant à sous-estimer l’importance. Ces conflits ne
seront
pas résolus par la seule grâce de notre union. Mais sans elle sera su
652
par la seule grâce de notre union. Mais sans elle
sera
supprimée la possibilité de les résoudre un jour. Je ne dirai pas que
653
nous prive de la puissance dont tous les éléments
sont
pourtant parmi nous, mais dispersés. La division de l’Europe paralyse
654
’Europe paralyse notre culture aussi, puisqu’il n’
est
pas de culture sans libre échange des idées, des personnes et des œuv
655
personnes et des œuvres, et l’on sait ce qu’il en
est
aujourd’hui à cet égard. La condition nécessaire, sinon suffisante, d
656
ng des grandes puissances, c’est son union. Telle
est
aussi la condition du maintien de ce foyer de création et de liberté
657
le domaine politique, nous avons Strasbourg. Ce n’
est
pas beaucoup plus qu’une promesse, mais c’en est une. Nous verrons ce
658
’est pas beaucoup plus qu’une promesse, mais c’en
est
une. Nous verrons ce qu’elle vaut, avant la fin de l’année. Dans le d
659
économique, nous avons le plan Schuman, qui peut
être
un début de mise en commun de nos ressources matérielles. Et maintena
660
e culture dont on ne saurait trop répéter qu’elle
est
le vrai, le seul secret de notre puissance, il est temps de proposer
661
st le vrai, le seul secret de notre puissance, il
est
temps de proposer un autre Plan, qui consisterait dans la mise en com
662
House européen, mais certainement plus militant,
étant
donné l’urgence des problèmes à résoudre. Troisièmement, l’on constat
663
fait donc sentir d’un organisme dont la raison d’
être
principale soit de pouvoir prendre certaines initiatives et de parler
664
r d’un organisme dont la raison d’être principale
soit
de pouvoir prendre certaines initiatives et de parler au nom de l’Eur
665
e que seule une Autorité politique supranationale
sera
capable de traiter au nom de trois-cents-millions d’Européens avec le
666
d’esquisser les trois chapitres principaux, ce n’
est
rien d’autre, en fait, que le programme du Centre européen de la cult
667
programme du Centre européen de la culture, qui s’
est
ouvert à Genève au mois de septembre sur l’initiative du Mouvement eu
668
création d’une armée de l’Europe. Que cette armée
soit
nécessaire, c’est la déplorable évidence. Mais elle ne sera pas suffi
669
saire, c’est la déplorable évidence. Mais elle ne
sera
pas suffisante. Une mitrailleuse ne sert à rien, si l’homme qui la re
670
refuse de s’en servir, parce qu’il ignore ce qui
est
en jeu, ce qui vaut d’être défendu. La défense effective de l’Europe
671
rce qu’il ignore ce qui est en jeu, ce qui vaut d’
être
défendu. La défense effective de l’Europe doit commencer dans les cer
672
s « réalistes ». La première, c’est que l’Europe
est
une culture (civilisation si l’on préfère) ou n’est qu’un appendice i
673
t une culture (civilisation si l’on préfère) ou n’
est
qu’un appendice insignifiant de l’Asie. Et cela veut dire que la vrai
674
re que la vraie source de la puissance européenne
est
sa culture, et qu’il serait absurde et vain d’essayer de sauver l’une
675
la puissance européenne est sa culture, et qu’il
serait
absurde et vain d’essayer de sauver l’une sans l’autre. La seconde, c
676
al sans cesse élargi de la liberté de pensée, qui
est
une garantie des autres libertés. Entre les stalinistes et nous, Euro
677
dictature. Pour nous, liberté politique. Nous ne
sommes
donc point en situation de neutralité. Nous savons où sont nos allian
678
point en situation de neutralité. Nous savons où
sont
nos alliances. 13. Tels que le Collège d’Autriche, la Deutsche Europ
679
lture. — Qui l’organise ? — La revue Thought, qui
est
publiée à New Dehli. — Alors, pourquoi le Congrès se tient-il à Bomba
680
liée à New Dehli. — Alors, pourquoi le Congrès se
tient
-il à Bombay ? — Parce que M. Nehru le veut ainsi. (Réponse propre à f
681
qui patronne le Congrès, alors qu’en vérité, il s’
est
borné à le déplacer, par un décret, de la capitale à Bombay.) L’offic
682
un décret, de la capitale à Bombay.) L’officier n’
est
pas bien convaincu : il voudrait obtenir des réponses qu’il connaît.
683
, devant une tenture sombre, sans nul bruit. Il m’
est
arrivé de sonner à nouveau n’entendant rien venir, et de m’apercevoir
684
ant rien venir, et de m’apercevoir ensuite qu’ils
étaient
là déjà depuis un long moment. Pourquoi trois ? Je me dis que le prem
685
ches naissent dans l’ombre. Je me rendors. Le thé
est
là, et de nouveau trois hommes en blanc près de la table. Je leur dem
686
hent l’étranger, le dépaysement pour lui-même, et
sont
déçus de ne le point trouver aussi pur et déconcertant qu’ils le rêva
687
ndien, le Chinois, l’Arabe, l’étranger n’a jamais
été
un sujet de littérature, de nostalgie consciente et cultivée. Il peut
688
de nostalgie consciente et cultivée. Il peut bien
être
le plus fort, il le fut en effet pendant des siècles, mais il a tort,
689
t cultivée. Il peut bien être le plus fort, il le
fut
en effet pendant des siècles, mais il a tort, essentiellement. Cette
690
mpagnes et derrière les rideaux de nos provinces,
est
répudiée depuis longtemps par nos élites voyageuses, chez lesquelles
691
ns leur ordre et sans autres problèmes, la faim n’
étant
qu’un ennemi. L’Occidental, qui ne se connaît plus, va voir ailleurs
692
Gandhi pour justifier le neutralisme, et ceux qui
tiennent
à distinguer neutralisme et neutralité ; ceux qui demandent que les d
693
ent sauver d’abord la liberté, sans laquelle il n’
est
pas question de réformes humainement valables ; ceux enfin qui se fra
694
ir parler de culture dans un pays où des millions
sont
affamés. Ce dernier argument, lancé d’abord par l’un des délégués occ
695
tion ; s’il n’y avait point de civilisation, nous
serions
sans moyens techniques pour remédier à la famine. J’en trouve une pre
696
i. « Ventre affamé n’a point d’oreilles », et qui
suis
-je pour lutter ici contre la force d’un proverbe, si convaincu que je
697
ontre la force d’un proverbe, si convaincu que je
sois
qu’il dit faux, que ce sont les repus qui n’écoutent pas, et que la d
698
, si convaincu que je sois qu’il dit faux, que ce
sont
les repus qui n’écoutent pas, et que la disette est mère des civilisa
699
t les repus qui n’écoutent pas, et que la disette
est
mère des civilisations, comme l’angoisse l’est de la pensée. ⁂ — Que
700
te est mère des civilisations, comme l’angoisse l’
est
de la pensée. ⁂ — Que cherchez-vous ? me dit Raja Rao, que je rencont
701
Il a l’air d’un Gitan avec ses boucles noires, il
est
brahmine, et par un choix délibéré, très orthodoxe, donc très libre d
702
urchargées d’anneaux et de grelots, mais le décor
est
italien. (Et ce même rose très pâle et un peu mauve des cotonnades, q
703
de pierre noire, hérissées de demi-soucoupes : ce
sont
des lampes, et tout s’allume les soirs de fête. Nous entrons dans une
704
ir de leurs yeux fixes et ardents. Nous croise un
être
demi-nu, très vieux, le crâne tondu, deux mamelles pendant jusqu’au v
705
spèce de solennité énigmatique et insidieuse, qui
tient
du rêve et de la vie animale. Tout est menu, félin, misérable et préc
706
use, qui tient du rêve et de la vie animale. Tout
est
menu, félin, misérable et précieux à la fois. Dans mes vêtements euro
707
re à haute voix. Accroupi sur un banc, le lecteur
tient
ouvert sur ses genoux un gros in-quarto relié. Homme encore jeune, ma
708
a croisés. Comme je l’apercevais de loin : — Qui
est
-ce ? ai-je demandé à mon ami. — Un holy man, a-t-il répondu distraite
709
nt. ⁂ Le prêtre, le swami, le holy man : plus ils
sont
saints, plus ils sont nus, et non pas chamarrés de robes et surplis à
710
ami, le holy man : plus ils sont saints, plus ils
sont
nus, et non pas chamarrés de robes et surplis à l’instar des princes
711
s à l’instar des princes ou des rois, et comme le
sont
nos dignitaires ecclésiastiques, toujours plus lourdement revêtus à m
712
ent monotones, ou parfois curieusement affectées,
sont
des figures de la danse de Shiva, langage rituel absolument exact, in
713
ve du « goût », mais chaque forme et chaque geste
sont
dictés par le rite et revêtus de son autorité. Pourtant ce qui a suiv
714
ent et s’en vont s’asseoir parmi les musiciens. «
Est
-ce beau, ou grotesque, ou les deux ? », me souffle à l’oreille mon vo
715
’inhumanité (à notre sens occidental) de ces deux
êtres
absolument pareils et dénués de toute expression, leur naïveté inquié
716
uiétante de l’Asie. Comment dire ce que l’on sent
être
à ce point étranger aux concepts formulés par l’Europe ? Et comment s
717
e Moi, l’ego central, n’existe pas ? Ces danseurs
sont
des rôles, des acteurs absolus, des fonctions symboliques, sans consc
718
ymboliques, sans conscience propre et séparée. Je
serais
tenté d’imaginer à la limite qu’ils ne sont rien que chair opaque, vi
719
Je serais tenté d’imaginer à la limite qu’ils ne
sont
rien que chair opaque, virilité à l’état pur. Aussi tyranniquement dé
720
donc sans aucune espèce de liberté possible, s’il
est
vrai que toute liberté suppose quelque hiatus intime entre le Moi et
721
a mer. Les corridors et les galeries de boutiques
sont
jonchés de corps endormis. (Quand je passe devant eux, mes serviteurs
722
à trente-trois degrés, à deux heures du matin : l’
été
approche. ⁂ Accroupis au bord du chemin, on ne sait jamais, me disait
723
du chemin, on ne sait jamais, me disait M…, s’ils
sont
dans la posture de l’adoration ou celle de la défécation. Il y a bien
724
chère une cour ombreuse, où mon premier mouvement
serait
d’entrer. Mon guide me retient par la manche : lieu sacré. Un homme,
725
vue, pendant les brefs instants où je pourrai me
tenir
là, observé, surveillé, repoussé par tous ces yeux hostiles et insist
726
muant les lèvres vers l’autre côté de la cour. Je
suis
son regard et découvre en retrait, au-delà de l’abreuvoir, un bâtimen
727
fs rococo, qui évoque un pavillon de foire et qui
est
un temple. En réalité toute cette cour, avec les vaches et leur mine
728
das, surtout par les écoles de Maîtres. Les rites
sont
familiaux, ou même individuels. Dans ce pays où les rues grouillent j
729
semble voué au collectif, la dévotion et le culte
sont
individualistes. Et bien plus encore le salut. Je revois ces femmes s
730
d’eux seuls dans la foule infinie, car eux seuls
sont
vraiment distincts, marchant vers autre chose que leur nature, quand
731
autre chose que leur nature, quand tout le reste
est
déterminé par la fonction, l’espèce, la caste… ⁂ Grand dîner chez le
732
sait par mille complexes, sexuels surtout. Qu’en
est
-il en Inde ? Les Indiens échangent un sourire, hésitent un peu, par p
733
j’écrivais sur l’absence de contradiction dans l’
être
intime de l’Asiatique : c’est une autre manière d’exprimer qu’il n’a
734
elui de l’humour, ni même celui de l’originalité,
étant
l’homme du Karma, et d’une caste. La suppression des castes, admise e
735
aisonnable pour l’Asiatique en tant que tel14. Il
est
d’une caste, d’une secte religieuse, d’une voie spirituelle définie,
736
ssion. La variation, l’innovation individuelle ne
sont
pas vues, ou bien ne sont qu’erreurs. Le besoin d’être original, et d
737
ovation individuelle ne sont pas vues, ou bien ne
sont
qu’erreurs. Le besoin d’être original, et dans un autre ordre l’humou
738
pas vues, ou bien ne sont qu’erreurs. Le besoin d’
être
original, et dans un autre ordre l’humour, expriment notre notion de
739
aturer, il résiste en collant à son identité, qui
est
celle d’un ordre et non pas d’un ego, d’un être différent qui ne vivr
740
ui est celle d’un ordre et non pas d’un ego, d’un
être
différent qui ne vivra qu’une fois. Il résiste sans contre-attaque, s
741
norité, seule responsable et progressiste, et qui
est
hindoue. N’oubliez pas que le Pandit est du Kashmir. Prenez enfin l’a
742
, et qui est hindoue. N’oubliez pas que le Pandit
est
du Kashmir. Prenez enfin l’affaire du blé. La famine menace au Bihar.
743
visité la Russie soviétique il y a vingt ans, la
tient
pour le pays de l’avenir. Cependant il déteste les communistes indien
744
Chine. Et cinq des grands ambassadeurs de l’Inde
sont
communistes ou fellow-travellers… » Un diplomate : « Nul ne sait ce q
745
tre jour, au banquet des grands industriels, il s’
est
lancé dans un discours fort irrité contre le machinisme, inutile selo
746
ceux qui l’aiment et qui l’admirent : « Ah ! s’il
était
resté notre leader moral, au lieu de devenir Premier ministre… » Tell
747
al, au lieu de devenir Premier ministre… » Telles
sont
les opinions que l’on m’a confiées depuis que je suis dans ce pays —
748
les opinions que l’on m’a confiées depuis que je
suis
dans ce pays — douze jours seulement — et je n’en prends aucune à mon
749
le salon où je l’attendais, avant le repas, je n’
étais
pas sans inquiétude. J’arrivais à l’instant de Bombay, où notre Congr
750
rrivais à l’instant de Bombay, où notre Congrès s’
était
clos sur une résolution condamnant le neutralisme. J’avais lu dans l’
751
ne nuit de voyage. On le disait fort irritable. J’
étais
en train d’admirer des jonquilles, rapportées toutes fraîches de son
752
rapportées toutes fraîches de son pays natal. Il
est
entré sans bruit, d’un pas rapide. Un peu voûté, l’air sérieux et dis
753
n coussin, sans réagir. Je ne sais pourquoi je me
suis
demandé, à ce moment-là, s’il pensait en hindi ou en anglais.) Mais à
754
adariaga, dans la séance de clôture du congrès, s’
est
écrié : « Votre Nehru, c’est l’un des six ou sept qui dirigent aujour
755
er ma citation : « Six ou sept ? me dit-il. Quels
sont
les autres ? » — No others ! tranche la nièce avec simplicité. (Nous
756
ans réponse la question de savoir s’ils devraient
être
des Staline ou des Einstein, des Nehrus politiques ou des Nehrus pand
757
ulturel Inde-Europe ? Nos plus grands indianistes
sont
allemands ou français, mais l’Inde ne connaît guère l’Europe que par
758
e par les collèges anglais, et d’autre part, elle
est
tentée de juger l’Occident tout entier à travers l’Amérique ; or l’Eu
759
nt tout entier à travers l’Amérique ; or l’Europe
est
plus près de l’Inde… Il s’est donné une petite tape sur le genou. « C
760
rique ; or l’Europe est plus près de l’Inde… Il s’
est
donné une petite tape sur le genou. « C’est vrai, cela ! me dit-il, i
761
une entrevue « banale », et c’est son prix. Nehru
est
un brahmine éduqué à Cambridge, un aristocrate libéral inclinant vers
762
que de ses idées, a fait un prince. Que ce pandit
soit
devenu Premier ministre, il s’agit là d’un caprice de l’Histoire. Il
763
n dédain mal dissimulé pour la culture américaine
est
celui d’un brahmine pour une caste inférieure (il l’a écrit), non pas
764
presse, au nom d’un idéal de « propreté morale »,
sont
en fait ressenties comme traduisant sa colère personnelle contre l’op
765
i reconnaissent, entouré du respect général. Cela
tient
à son rôle de chef libérateur, mais non moins à sa grande séduction p
766
sonnelle. Tout le monde parle de sa beauté. Et il
est
vrai que son visage et son maintien expriment une harmonie de l’âme h
767
l’âme affleure et vient en surface. Mais dans son
être
intime, le regard de l’esprit trouverait-il encore ce mystère primiti
768
, au corps magique d’une race ? L’individualité n’
est
jamais née qu’en rupture de magie. Cette crise profonde de l’Inde se
769
crise profonde de l’Inde se résume en Nehru. J’en
suis
sûr maintenant : ce grand Indien, qui libéra son peuple des Anglais,
770
oudrait bien se rendormir. Mais l’image du réveil
est
trompeuse. Je n’ai pas senti là-bas l’essor d’un peuple jeune, sa con
771
ie serrée, l’Inde se voit sommée de jouer. Elle n’
est
pas équipée, ni entraînée. Elle ne sait pas quel camp choisir. Comme
772
« jouer » pour elle sur le plan international, ne
soit
tenté que par le rôle d’arbitre ! Admettons que l’Amérique représente
773
omène des « masses », ni l’individualisme dont il
est
la rançon. Cependant l’Inde, en tant qu’État, doit voter pour ou cont
774
es, chez les paysans et artisans, mais le pouvoir
est
aux « sécularistes » qui se détachent d’elle ou la renient. L’évoluti
775
de consistance. Nous avons des problèmes, l’Inde
est
problèmes. Je n’ai guère parlé que du plus intime d’entre eux, tel qu
776
l’homme entre le mythe et la personne. Les autres
sont
assez connus. Des milliers de vaches sacrées, d’ailleurs malades, emb
777
aines de personnes à Bombay.) Neuf hommes sur dix
sont
illettrés, dans un régime officiellement démocratique. Les fonctionna
778
e officiellement démocratique. Les fonctionnaires
sont
corrompus, dit-on, du haut en bas des hiérarchies improvisées après l
779
improvisées après le départ des Anglais. L’armée
serait
impuissante devant une invasion. Et ainsi de suite… Presque tous ces
780
(Qui, d’ailleurs, l’eût fait en son nom ?) Elle s’
est
bornée à se retirer politiquement. Elle doit trouver maintenant les f
781
te » s’il n’a passé d’abord par l’individualisme,
soit
chrétien, rationaliste. h. Rougemont Denis de, « Inde 1951 », La Re
782
)j k Portrait du Suisse moyen Les Suisses
sont
plus réellement moyens que « l’homme moyen » des autres peuples, supp
783
e qui semble les nier ? Réponse : cette moyenne n’
est
pas née de la fusion des diversités, encore moins de leur mélange dan
784
ales et leurs compartimentages. La moyenne suisse
est
l’expression d’un contentement presque unanime, d’une longue absence
785
e nation « une et diverse ». Il faut voir qu’elle
est
une parce qu’elle est diverse. Le goût du juste milieu, le sens du co
786
rse ». Il faut voir qu’elle est une parce qu’elle
est
diverse. Le goût du juste milieu, le sens du compromis, l’attrait de
787
promis, l’attrait de la moyenne et son revers qui
est
la peur de différer, le conformisme, sont les vertus et les défauts t
788
vers qui est la peur de différer, le conformisme,
sont
les vertus et les défauts typiques qu’appelle la tolérance fédéralist
789
uisables de la comparaison des niveaux de vie. Ce
sont
des réalistes sans cynisme. Ils acceptent leur condition, parce qu’il
790
enquête conduite par l’institut Gallup pendant l’
été
de 1963, dans six pays d’Europe et aux États-Unis, montre qu’ils sont
791
ix pays d’Europe et aux États-Unis, montre qu’ils
sont
« en tête des gens heureux », comme l’écrit un journal français. Alor
792
: « D’une manière générale, diriez-vous que vous
êtes
très heureux, plutôt heureux, pas très heureux ? » 42 % répondent trè
793
érés ou ceux que la question laisse froids.) Ce n’
est
pas que tout soit parfait dans la meilleure des Suisses possibles, ma
794
la question laisse froids.) Ce n’est pas que tout
soit
parfait dans la meilleure des Suisses possibles, mais le monde a chan
795
’est le goût du travail dont on a pu écrire qu’il
est
« le mode existentiel des Suisses », la base de leurs rapports sociau
796
lace de l’habituel verset biblique : « Le travail
fut
sa vie. » C’est aussi « leur seul mode de promotion »17, dit-on et sa
797
Dire d’un homme qu’il a fait beaucoup de métiers
est
un éloge banal en Amérique (ou versatile veut dire habile, doué de no
798
aleur morale du personnage. Les loisirs eux-mêmes
sont
marqués par l’esprit d’efficacité qui fait du Suisse un type extrême
799
. Lire, aller au théâtre, écouter des conférences
est
un devoir avant d’être un plaisir : devoir envers soi-même, car « il
800
re, écouter des conférences est un devoir avant d’
être
un plaisir : devoir envers soi-même, car « il faut se cultiver », com
801
C’est « Culture et loisirs » en France, la nuance
est
significative. Quant au goût de la simplicité, affiché jusqu’à la man
802
tilitaire, et même bien avant la Réforme, mais il
est
en symbiose avec elles, et s’en nourrit autant qu’il explique leur su
803
« C’est plus simple ainsi », « Rassurez-vous, ce
sera
très simple » sont des mots de passe de la vie quotidienne du bourgeo
804
e ainsi », « Rassurez-vous, ce sera très simple »
sont
des mots de passe de la vie quotidienne du bourgeois et surtout de so
805
u bourgeois et surtout de son épouse. Tout ce qui
est
compliqué est vaguement immoral : l’art baroque en particulier, dont
806
surtout de son épouse. Tout ce qui est compliqué
est
vaguement immoral : l’art baroque en particulier, dont tant de chefs-
807
omplètement dépaysée dans ces sanctuaires où l’or
est
gaspillé sur des stucs boursouflés et qui manquent de sérieux… Et cel
808
la question des critères moraux du Suisse moyen.
Sont
-ils encore ceux de sa religion, ou déjà ceux de l’utilitarisme que ce
809
e siècle multiplie les questions de ce genre. Il
est
peut-être encore plus difficile d’y répondre dans le cas de la Suisse
810
qu’au seul désir de gagner davantage. La paresse
est
une déficience, et non le signe éventuel d’une sagesse libérée des co
811
lée Un jour en Suisse : « Estimez-vous qu’on peut
être
un bon Suisse et se lever à 9 heures ? » À l’origine du devoir et du
812
se lève tôt, mais il se réveille tard. Mais qu’en
est
-il d’autres domaines critiques de l’existence morale en Occident : la
813
age ? Les anciens Suisses, au temps des Ligues, n’
étaient
pas moins connus pour la licence de leurs mœurs que pour l’austérité
814
traire, pour l’épouser, la preuve qu’elle pouvait
être
mère), cent témoignages concordants décrivent une Suisse gaillarde, r
815
pe, pendant le xixe siècle, la notion de péché s’
est
vue assimilée avant tout à celle de luxure, ou, pour rester conforme
816
te assombrit la prédication pendant un siècle. Il
est
d’autant plus remarquable que le Suisse moyen formé à cette école ne
817
quable que le Suisse moyen formé à cette école ne
soit
pas devenu le révolté qu’on serait tenté d’imaginer, et que les Églis
818
à cette école ne soit pas devenu le révolté qu’on
serait
tenté d’imaginer, et que les Églises soient aujourd’hui plus vivantes
819
qu’on serait tenté d’imaginer, et que les Églises
soient
aujourd’hui plus vivantes qu’hier. Les nouvelles générations me parai
820
déduire d’une part que les exigences de la chair
étaient
bien fortes en ce pays pour que la religion dût consacrer tant d’effo
821
en puissant pour que ses disciplines et jugements
fussent
acceptés aussi communément et sans plus de rébellion que de désaffect
822
mariage en Suisse. La censure des publications n’
est
officiellement exercée qu’aux frontières du pays. La pudeur de la jeu
823
ontières du pays. La pudeur de la jeunesse suisse
est
ainsi protégée par les douaniers, fonctionnaires subalternes et milit
824
es subalternes et militarisés. Quels peuvent bien
être
leurs critères du moral et de l’immoral ? Je n’en ai découvert qu’un
825
épasse. Ce qui dépasse aux yeux de la censure, ce
sont
les œuvres mises à l’index par le ministère public fédéral, et dont c
826
ublic fédéral, et dont chaque employé des douanes
est
censé connaître la liste (Sade, Henry Miller, etc.). Or, les critères
827
.). Or, les critères d’un tel office ne sauraient
être
, évidemment, que ceux de la banalité morale la plus plate et la plus
828
approbations ; on les considère pour ce qu’elles
sont
: résidus de préjugés sociaux ou religieux qui n’ont plus beaucoup d’
829
qui n’ont plus beaucoup d’importance, la jeunesse
étant
suffisamment avertie pour excuser, voire pour « comprendre » ce genre
830
progrès… » Quant aux conceptions du mariage, quel
est
le sens général de leur évolution ? Autrefois, on se mariait dans la
831
grands efforts pour traiter sa bru ‟comme si elle
était
l’une des nôtres”, tout en sachant fort bien que ‟ces mariages mixtes
832
mbleraient donner raison à cette dame : la Suisse
tient
l’un des premiers rangs (derrière les États-Unis, le Danemark, la Suè
833
orce s’explique surtout par d’autres causes. Il n’
est
pas le signe d’un quelconque « relâchement moral » (comparé à la Suis
834
structurées ou les grands ensembles urbains. Ce n’
est
pas l’anarchie des mœurs qui menace la Suisse, c’est plutôt une espèc
835
ralement assumé. Le niveau de vie, une fois qu’il
est
bien assuré, c’est la vie elle-même qui devient le danger, ses surpri
836
ience quotidienne, montre les Suisses tels qu’ils
sont
et se veulent. Ceux qui refuseront de s’y reconnaître ne seront sans
837
eulent. Ceux qui refuseront de s’y reconnaître ne
seront
sans doute pas les derniers à y reconnaître leurs voisins. C’est un p
838
econnaître leurs voisins. C’est un portrait, ce n’
est
pas un éloge, ni une critique. Dire que le Suisse moyen est sérieux m
839
éloge, ni une critique. Dire que le Suisse moyen
est
sérieux mais heureux (j’ajoute qu’il rit beaucoup et facilement), qu’
840
j’ajoute qu’il rit beaucoup et facilement), qu’il
est
réaliste sans cynisme, qu’il accepte sa condition comme il approuve s
841
lame son niveau de vie neuf fois sur dix, qu’il n’
est
pas révolutionnaire mais résolument réformiste, et qu’il n’aime pas l
842
péculation dans aucun ordre, enfin que le travail
est
sa vie, est-ce le vanter ou le dénigrer ? Il est clair que c’est l’un
843
ans aucun ordre, enfin que le travail est sa vie,
est
-ce le vanter ou le dénigrer ? Il est clair que c’est l’un et l’autre,
844
est sa vie, est-ce le vanter ou le dénigrer ? Il
est
clair que c’est l’un et l’autre, selon le signe dont on affecte les n
845
ignent des contrats de « paix de travail ». (Il n’
est
pas interdit de se former des jugements plus nuancés ou dialectiques.
846
qu’on pense de ce portrait du Suisse moyen, ce n’
est
pas encore un portrait de la Suisse. L’enquête la plus intelligente e
847
ozart, un Descartes, un Kipling n’auraient jamais
été
décelés par quelque sondage d’opinion sur les « attitudes culturelles
848
l’Autrichien, du Français ou de l’Anglais, et ce
sont
pourtant de tels hommes qui donnent à un pays ce qu’on appelle son vi
849
ut-il dire précisément parce qu’il en vit ? Et ce
sont
des hommes d’exception qui les révèlent dans leurs œuvres, même s’ils
850
précisément parce que ces forces et ces réalités
étaient
pour eux problèmes, contestations, conceptions idéales ou nostalgies.
851
vanche, les hommes importants qu’on lui indiquera
sont
inconnus hors du canton. La Suisse résulte, l’ai-je assez dit, de l’a
852
les compartiments. Si bien que l’homme de poids y
sera
surtout local. Il sera le grand homme d’une vallée, d’une cité, plus
853
ien que l’homme de poids y sera surtout local. Il
sera
le grand homme d’une vallée, d’une cité, plus rarement d’un canton, p
854
ui ferait mine de dépasser la mesure commune et d’
être
un chef. Un Führer suisse est impensable, et même l’essai d’instituer
855
esure commune et d’être un chef. Un Führer suisse
est
impensable, et même l’essai d’instituer un Landammann de Suisse échou
856
t-être certains traits communs aux Suisses qui se
sont
illustrés dans les domaines les plus divers. Sans prétendre à compose
857
aître que leur identité native et naturelle. Ce n’
est
pas se dissimuler, en vérité : simplement le génie qui leur advient p
858
ient prend les couleurs du milieu. Albert Bitzius
était
un jeune Bernois, épris de littérature et d’idées libertaires. Il dev
859
les familles l’ont lu, en Suisse alémanique. Il s’
était
occupé sa vie durant de l’administration locale, du secours des pauvr
860
») et des cours de philosophie dont l’ennui seul
est
resté mémorable ont camouflé le passage parmi nous du génie de l’intr
861
l’introspection. Dix-sept-mille pages de Journal
furent
écrites dans l’ombre d’une carrière assez terne pour être acceptée sa
862
ites dans l’ombre d’une carrière assez terne pour
être
acceptée sans histoires. « En épousant Genève, j’ai épousé la mort —
863
que « Paris en eût fait un dieu ». Mais ce n’eût
été
qu’un dieu de salons, un dieu causeur. Jacob Burckhardt à sa manière
864
, un dieu causeur. Jacob Burckhardt à sa manière
fut
aussi un grand homme invisible ; refusant de succéder à Ranke dans la
865
a même conduite à Genève comme par instinct, s’il
est
un instinct patricien. (L’intellectuel du xxe siècle cherche au cont
866
t elle qui se voit dorénavant « admise », comme l’
était
la conduite inverse au dernier siècle.) Se rendre utile. — Pays pau
867
ays pauvre au départ et dont les seules richesses
furent
fabriquées par un travail humain bien concerté, la Suisse est née de
868
es par un travail humain bien concerté, la Suisse
est
née de la coopération. Un pour tous, tous pour un, c’est moins un idé
869
un. Et c’est pourquoi les Suisses qui ont excellé
furent
presque tous, à des titres divers, hommes utiles au sens le plus nobl
870
ques, éducatifs ou spirituels, comme si le fait d’
être
utiles excusait leurs grands dons aux yeux de leur conscience helvéti
871
ue et de leur peuple. Point de spéculation sur l’
Être
en soi, mais seulement sur les relations entre Dieu et l’individu, en
872
e plus grand psychologue de ce siècle, jusqu’ici,
soient
deux Suisses : Karl Barth et C. G. Jung. En eux la Suisse excelle et
873
udisme ou du léninisme dans d’autres domaines. Il
est
nommé professeur en Allemagne. Devant les prétentions nationales-soci
874
à Bâle, il édifie une Dogmatique de l’Église qui
est
le monument théologique le plus hardi et dur d’arêtes de l’ère modern
875
et dur d’arêtes de l’ère moderne. On n’avait pas
été
moins conformiste depuis Luther dans la réinvention de l’orthodoxie.
876
iècle de formalisme puritain et sentimental, ne s’
était
élevée dans les Églises en retraite devant le « monde moderne ». En v
877
de l’Église initiée par le pape Jean XXIII. Ce n’
est
pas le moindre paradoxe de sa carrière, pleine de surprises pour ses
878
n que cela » (qu’il a puisée dans saint Paul), il
est
le seul théologien depuis Calvin qui ait influencé l’ensemble des Égl
879
e dogmatique. Alors que Barth veut définir ce qui
est
vrai « en Dieu » selon la Parole de Dieu, Jung recherche ce qui se pa
880
écouvre la valeur des rites et des symboles et il
est
tout le contraire d’un iconoclaste — mais quand il déclare, dans sa R
881
pas lieu de s’en réjouir : car l’hommage de Jung
est
rendu à la Sophia æterna de la mythologie gnostique. Barth se veut st
882
éminin des mystiques hérétiques. Pour Barth, Dieu
est
le vis-à-vis de l’homme, le Tout Autre. Pour Jung, Dieu est une réali
883
-à-vis de l’homme, le Tout Autre. Pour Jung, Dieu
est
une réalité psychique. Le théologien n’a que faire de la psychologie.
884
psychologue n’a que faire des dogmes, sauf s’ils
sont
l’expression cristallisée d’un mythe, d’une situation archétypique, d
885
âme, — et c’est précisément dans la mesure où ils
seraient
un mythe fixé que Barth les rejetterait. Le dialogue entre ces deux h
886
rejetterait. Le dialogue entre ces deux hommes n’
était
même pas concevable, et de fait il n’a pas eu lieu. Leurs disciples (
887
ntégration ou de synthèse même très partielle n’a
été
entreprise jusqu’ici, que je sache. (Un jour, peut-être, j’essaierai
888
ine, Mozart ou Rubens, Shakespeare ou Dostoïevski
seraient
impensables en tant que Suisses. Une certaine démesure, un grand théâ
889
tout souci d’application « morale », leur eussent
été
formellement refusés par nos coutumes les plus invétérées. En revanch
890
revanche, les grands noms cités dans ces pages ne
seraient
guère pensables hors du complexe suisse. Et c’est à eux que la Suisse
891
e plus grand dôme du monde, Saint-Pierre de Rome,
fut
achevé par des architectes venus de Suisse ; qu’un autre Suisse bâtit
892
ne, Karl Barth. Son canton — ou l’Europe. » Et il
est
vrai que nos meilleurs esprits, hors de l’étroit compartiment natal,
893
mensions qui leur manquent en Suisse25. Mais ce n’
est
pas en grimpant sur nos Alpes comme Horace-Bénédict de Saussure que c
894
ait le principal de leur carrière en Suisse, ce n’
est
pas la Suisse qui a découvert et propagé leur nom dans le monde ; c’e
895
oisins ou de l’Amérique, que leur réputation nous
est
revenue, comme importée. « Son canton — ou l’Europe », c’est la formu
896
mme de culture en tant que tel, le stade national
est
sauté. Cas unique, dans l’Europe moderne. J’ose y voir le plus grand
897
le plus grand privilège des Suisses : quelle que
soit
leur petite patrie locale, s’ils la dépassent c’est pour rejoindre im
898
, 1964. 18. 300 000 Suisses vivent à l’étranger,
soit
5 % de la population. Cette proportion est décroissante : 10 % avant
899
nger, soit 5 % de la population. Cette proportion
est
décroissante : 10 % avant 1914, 7,5 % en 1945. 19. Je pense à des ou
900
pourtant les parents et trois des grands-parents
étaient
de Neuchâtel, je trouve 32 Neuchâtelois et 32 Européens surtout Franç
901
e des sociétés humaines, dont le Contrat social n’
est
qu’un fragment : Rousseau. « Considérations sur l’Histoire du Monde »
902
ra un purgatoire de mille ans. » Dans quelle voie
sommes
-nous engagés après un siècle ? Celle des fédérations et de l’harmonie
903
Je répondrai : dans les deux à la fois, et cela n’
est
pas contradictoire. Un phénomène très général de convergence inspire
904
nt contradictoire, c’est l’État-nation, tel qu’il
est
né de la Révolution et du Premier Empire, produit de la confiscation
905
s l’ont laissé, à la fois trop petit et grand. Il
est
trop petit pour assurer ce qu’on persiste à nommer son indépendance e
906
eraineté absolue : car nul pays de notre Europe n’
est
plus en mesure de jouer un rôle mondial, d’assurer seul sa défense, d
907
os États centralisés — dans la mesure même où ils
sont
centralisés — se révèlent trop grands pour animer la vie économique c
908
sa capitale, et les accusent de colonialisme. Il
est
certain que la prétention à une politique indépendante, au plein sens
909
indépendante, au plein sens du terme, ne saurait
être
soutenue à la rigueur que par la Chine, l’URSS et surtout les USA, s’
910
acceptaient toutefois d’en payer le prix, lequel
serait
celui d’une autarcie presque totale ou d’une sorte d’isolation parano
911
enne, voici donc une première réponse : oui, nous
sommes
bel et bien au seuil d’une ère potentiellement fédéraliste. Peut-on d
912
regroupent 40 % de la population du globe, et il
est
frappant de constater qu’on trouve parmi eux les plus grands États de
913
rope de l’Ouest et la Yougoslavie pour celle de l’
Est
, et au-delà, l’URSS, l’Inde et l’Australie. Voilà qui réfute le clich
914
ique de la convergence et de la diversification n’
est
pas tellement mieux satisfaite dans ces trois États officiellement fé
915
tifs que dans les nations unitaires : en URSS, ce
sont
les autonomies régionales et les diversités religieuses et politiques
916
s et les diversités religieuses et politiques qui
sont
opprimées par l’État central dont un Parti unique s’est emparé ; au N
917
primées par l’État central dont un Parti unique s’
est
emparé ; au Nigéria, c’est au contraire une des régions fédérées qui
918
exemple de la fédération des cantons suisses ! Il
est
certain que dans ces trois cas, c’est moins le fédéralisme qu’on est
919
s ces trois cas, c’est moins le fédéralisme qu’on
est
en droit d’incriminer que sa trahison pure et simple, ou son usage ma
920
ralisme, mais d’un défaut de fédéralisme. Et l’on
est
en droit de penser que l’application correcte de la méthode fédéralis
921
plus locales et vers des unions plus vastes, qui
est
le battement même du cœur d’un régime sain, j’entends immunisé contre
922
-nationalisme, il faudrait avant de le prescrire,
être
très sûr de sa formule. Or je ne vois pas terme du langage politique
923
ne nous apprend rien, d’autant que « fédératif »
est
défini plus loin comme ce « qui a rapport à une confédération ». Quan
924
vers, cela fait cinq syllabes). Cette définition
est
assurément moins éclairante que les deux citations qui l’illustrent :
925
citations qui l’illustrent : 1) « Le fédéralisme
était
une des formes politiques les plus communes employées par les sauvage
926
États. » Pour le Français cultivé, donc, la cause
est
jugée. Il s’agit d’un système qui est bon pour les sauvages, et qui s
927
c, la cause est jugée. Il s’agit d’un système qui
est
bon pour les sauvages, et qui semble n’avoir été préconisé que par de
928
est bon pour les sauvages, et qui semble n’avoir
été
préconisé que par des traîtres à la République… Il est vrai que mon L
929
réconisé que par des traîtres à la République… Il
est
vrai que mon Littré date de 1865 : « fédéralisme » y est encore quali
930
i que mon Littré date de 1865 : « fédéralisme » y
est
encore qualifié de « néologisme ». C’était deux ans après le livre de
931
ut : le malheur congénital du fédéralisme reste d’
être
un concept dialectique, ambigu, et qui autorise — ou incite en tout c
932
té directeur d’un congrès européen qu’une journée
fût
réservée à des travaux sur le fédéralisme. Le représentant du Conseil
933
déralisme. Le représentant du Conseil de l’Europe
tint
à déclarer aussitôt que le terme de fédéralisme étant tabou à Strasbo
934
t à déclarer aussitôt que le terme de fédéralisme
étant
tabou à Strasbourg, il se verrait obligé de quitter le comité si l’on
935
Je compris par la suite que ce haut fonctionnaire
tenait
le fédéralisme pour un système d’unification intégrale, sans respect
936
t-à-dire très exactement le contraire de ce qu’il
est
. À l’inverse, le fédéralisme est assimilé par beaucoup à une attitude
937
aire de ce qu’il est. À l’inverse, le fédéralisme
est
assimilé par beaucoup à une attitude de suspicion envers tout pouvoir
938
e, et grand Européen, écrivait récemment : « Ce n’
est
pas dans le fédéralisme, ce n’est pas en se repliant sur elle-même qu
939
emment : « Ce n’est pas dans le fédéralisme, ce n’
est
pas en se repliant sur elle-même que la Wallonie trouvera son salut.
940
bvention fédérale « parce qu’ici, disait-il, nous
sommes
fédéralistes ! » Si pareils malentendus sont le fait d’Européens pro
941
s sommes fédéralistes ! » Si pareils malentendus
sont
le fait d’Européens professionnels ou de gardiens jaloux des traditio
942
u de gardiens jaloux des traditions helvètes, que
sera
-ce ailleurs ? Le fédéralisme n’étant ni ceci, ni cela, mais la coexis
943
helvètes, que sera-ce ailleurs ? Le fédéralisme n’
étant
ni ceci, ni cela, mais la coexistence en tension de ceci et de cela,
944
ions partielles, donc ruineuses dans son cas, lui
soit
pour ainsi dire congénital. Or s’il est vrai que l’union de l’Europe
945
cas, lui soit pour ainsi dire congénital. Or s’il
est
vrai que l’union de l’Europe est l’entreprise capitale de siècle, et
946
génital. Or s’il est vrai que l’union de l’Europe
est
l’entreprise capitale de siècle, et s’il est vraisemblable que cette
947
rope est l’entreprise capitale de siècle, et s’il
est
vraisemblable que cette union sera fédérale ou ne sera pas, on sent t
948
siècle, et s’il est vraisemblable que cette union
sera
fédérale ou ne sera pas, on sent tous les dangers qu’entraînent en fa
949
vraisemblable que cette union sera fédérale ou ne
sera
pas, on sent tous les dangers qu’entraînent en fait les malentendus q
950
vitales, de telle sorte que la solution ne puisse
être
cherchée, ni dans la réduction de l’un des termes, ni dans la subordi
951
e telle manière que la résultante de leur tension
soit
positive. (On dirait, dans le langage de la théorie des jeux de von N
952
e de relations bipolaires dont le « modèle » nous
est
connu : c’est celui qu’ont élaboré les fondateurs de la philosophie o
953
lule de base des ligues et fédérations. Voilà qui
est
proprement occidental : devant ce même problème de l’Un et du divers,
954
nte. Pour le brahmane, pour le bouddhiste, le but
est
d’effacer l’individu, la différence, de tout fondre dans l’Un sans di
955
ue. De même que le modèle trinitaire des conciles
sera
utilisé par Kepler dans ses spéculations sur le cercle et leurs appli
956
érence des natures sauvegarde leurs propriétés 26
sera
repris par tous les penseurs occidentaux respectueux du réel et des c
957
pectueux du réel et des conditions de la vie, qui
sont
: antinomies, oppositions, lutte des contraires « d’où procède la plu
958
éfinis comme exclusifs l’un de l’autre, a cessé d’
être
un scandale, est même devenu principe fondamental d’interprétation du
959
sifs l’un de l’autre, a cessé d’être un scandale,
est
même devenu principe fondamental d’interprétation du réel. (Je pense
960
utres hommes, ses semblables. Ces groupes devront
être
, à leur tour, à la fois autonomes et solidaires : pour eux aussi, l’u
961
sans l’autre, bien mieux : l’un — la solidarité —
sera
la garantie de l’autre — l’autonomie. Quelques exemples : 1. Le probl
962
i veut à la fois sa vie privée et une vie sociale
est
homologue à la situation de la région qui veut à la fois son autonomi
963
. 4. Enfin, le problème général de l’œcuménisme n’
est
-il pas le même en sa forme que ceux que nous venons d’évoquer, puisqu
964
analyse, des vocations particulières au sein de l’
Être
même de l’Universel, source et fin de toute communauté. Dans tous ces
965
unauté. Dans tous ces domaines d’existence, quels
seront
les principes de méthode dictés par le souci fédéraliste de respect d
966
ne reste qu’à désigner le niveau de compétence où
seront
prises les décisions relatives à cette tâche. Il peut y avoir d’aille
967
du possible par la technique moderne. (Ce débat n’
est
pas d’aujourd’hui. Aux projets de découpage géométrique de la France
968
par cette grande phrase : Le but de la société n’
est
pas que l’administration soit facile, mais qu’elle soit juste et écla
969
but de la société n’est pas que l’administration
soit
facile, mais qu’elle soit juste et éclairée.) Nous allons voir, enfin
970
as que l’administration soit facile, mais qu’elle
soit
juste et éclairée.) Nous allons voir, enfin, que nos critères d’évalu
971
cipation, l’efficacité et l’économie des moyens —
sont
en interdépendance générale. Prenons l’exemple de l’habitat : le giga
972
rop serré avec d’autres chez soi, et qui voudrait
être
enfin seul, sort et se mêle à la foule anonyme… Mais c’est une mauvai
973
unication avec ceux que l’on côtoie comme s’ils n’
étaient
pas là. La solution consisterait à recréer les conditions de communau
974
aménagements. Les dimensions, d’ailleurs, peuvent
être
numériques aussi bien qu’architecturales : prenez les conflits actuel
975
rofessionnel souvent d’autant plus rentable qu’il
est
plus étroitement spécialisé ; mais la révolte actuelle des étudiants,
976
étudiants, sorte de tourbillon dans l’égarement,
est
aussi le résultat mécanique de l’explosion des effectifs. Multipliez
977
gen aux recteurs européens en 1964m. L’université
fut
une commune libre au Moyen âge. Toute vie civique, depuis la cité gre
978
n âge. Toute vie civique, depuis la cité grecque,
est
communale d’abord, municipale. C’est au niveau de la vie civique et p
979
unités de base ? Comment devenir assez grand pour
être
fort, tout en restant assez petit pour être libre ? Ce n’est pas le v
980
pour être fort, tout en restant assez petit pour
être
libre ? Ce n’est pas le vote d’une constitution, de type plus ou moin
981
out en restant assez petit pour être libre ? Ce n’
est
pas le vote d’une constitution, de type plus ou moins fédéral qui peu
982
ivisme, c’est dans cette dialectique concrète que
sont
en train de se former sous nos yeux, en Europe, plus d’une centaine d
983
is en considération par les auteurs classiques, n’
était
en réalité qu’un cas particulier d’une conception beaucoup plus large
984
re à épuiser »… Et il ajoutait : « Le fédéralisme
est
autre chose qu’une simple recette juridique ou politique : il est un
985
qu’une simple recette juridique ou politique : il
est
un des grands types d’aménagement du rapport politique et peut-être p
986
i tenté de le définir ne fait que commencer. Il n’
est
pas matière historique, mais prospective. Il a plus d’avenir que de p
987
ns Le Fédéralisme contemporain : « Le fédéralisme
est
présence au pouvoir global des éléments particuliers — demeurant dist
988
connaissables — dont se compose la fédération. Il
est
une symbiose sans confusion ni disparition des spécificités. » 27. H
989
ris, Paris, septembre 1969, p. 1-10. m. Le texte
est
paru dans La Revue de Paris de novembre 1965. Nous donnons en ligne l