1 1937, La Revue de Paris, articles (1937–1969). Paysans de l’Ouest (15 juin 1937)
1 ur réclame le silence, et la projection commence. C’est un film d’avant-guerre, la Course au flambeau, tiré de la pièce de Pa
2 désormais, un petit discours. « Je serai bref ! » C’est un jeune homme d’allure énergique et de visage intelligent, la chevel
3 définition vibrante de la laïcité. « Être laïque, c’est vouloir la justice et l’égalité pour tous ! Être laïque, c’est vouloi
4 la justice et l’égalité pour tous ! Être laïque, c’est vouloir l’instruction libre et gratuite pour tous, sans distinction d
5 considère comme sacrée ! » En somme, être laïque, c’est être religieux au vrai sens du mot, selon les paroles de Gambetta, d’
6 rnest Lavisse et de quelques autres. Être laïque, c’est finalement « aimer son prochain » ! Je n’ai pas plutôt soufflé à l’or
7 ai pas plutôt soufflé à l’oreille de ma femme : «  C’est un sermon ! » que l’orateur, au comble de son éloquence, s’écrie : « 
8 nces, vous saurez maintenant me défendre ! etc. » C’est fini. L’instituteur s’éponge. Les hommes du fond ont applaudi brièvem
9 dictoire à A… : « La Bible et les travailleurs. » C’est sans doute une réponse à la conférence donnée au même endroit, il y a
10 e ne connais pas beaucoup M. Palut, n’est-ce pas, c’est la première fois qu’il vient à A…, mais certainement qu’il va nous in
11 péagers. Malheureusement il y a le cléricalisme. C’est lui qui est mauvais, non pas la Bible. Être chrétien, c’est aimer son
12 qui est mauvais, non pas la Bible. Être chrétien, c’est aimer son prochain comme Jésus nous aime. Si tous les hommes étaient
13 dit mon voisin, pendant que je lui donne du feu. C’est un petit maigre en casquette, environ 35 ans, l’air intelligent. Je l
14 s être d’accord ? « Ben quoi, fait-il, convaincu, c’est la vérité ce qu’il a dit ! » Comment donc ? Ai-je affaire à un chréti
15 J’essaie de le faire parler. Je lui dis : « Oui, c’est la vérité pour les chrétiens, mais tout le monde ne pense pas comme ç
16 est-ce que vous voulez, il n’y a rien à répondre, c’est juste, ce qu’il a dit ! Il connaît bien son affaire. C’est bien comme
17 te, ce qu’il a dit ! Il connaît bien son affaire. C’est bien comme ça que c’est écrit dans la Bible, il n’a pas dit de menson
18 connaît bien son affaire. C’est bien comme ça que c’est écrit dans la Bible, il n’a pas dit de mensonges, quoi ! Mais ici ils
19 savent pas discuter. Si vous alliez à F…2 alors, c’est autre chose. Là ça barde, après les réunions ! Mais ici, qu’est-ce qu
20 emble. Dans la rue noire, un homme nous rejoint : c’est celui qui a présidé la réunion. Il veut encore remercier M. Palut. En
21 ble pour étudier un peu tout ça. On sent bien que c’est important de s’y connaître dans ces questions ». Il s’exprime avec ta
22 que vous pensez, de cette soirée… Je le regarde. C’est un homme simple et solide, on peut lui parler en camarade : — Eh bien
23 en sûr, vous avez raison, mon cher monsieur. Mais c’est plus difficile que vous ne croyez. Il faut que je vous dise que c’est
24 que vous ne croyez. Il faut que je vous dise que c’est la première fois que je parle ici, c’est déjà un énorme succès. Pense
25 dise que c’est la première fois que je parle ici, c’est déjà un énorme succès. Pensez donc, il y a plus de six ans que je sui
26 ls aiment qu’on leur fasse un beau discours. Ah ! c’est terrible, je vous assure. Bien sûr, il faudrait parler autrement. Mai
27 mais ce n’est point pour cela que j’en parle ici. C’est pour une raison très précise et qui n’a rien à voir avec la critique
28 estions qu’on n’avait pas l’idée de se poser ; et c’est là qu’ils croient voir leur astuce. Astuces, petites secousses, grand
29 . Les clercs s’y résignent et même s’en vantent : c’est plus commode. Quant au peuple, il y a belle lurette qu’il sait ce qu’
30 a certes qui font progresser la science, et cela c’est bien. On va les écouter avec plaisir quand ils viennent faire une con
31 leurs, on n’en a jamais vu. Quant à la politique, c’est tout à fait autre chose. C’est un certain nombre de phrases qu’on lit
32 nt à la politique, c’est tout à fait autre chose. C’est un certain nombre de phrases qu’on lit dans les journaux et qu’on ent
33 t avec les petits ou avec les gros. D’autre part, c’est une question de travail, de salaires, de prix de la vie, et là les in
34 u’il dise des choses intelligentes, ou nouvelles. C’est surtout parce qu’un homme instruit jouit d’une certaine considération
35 ire que c’était l’opinion d’un nigaud ; mais non, c’est celle d’un clerc parfait. Je n’ai pas fini de m’étonner de cette renc
36 te qu’ils ne comprennent pas de quoi je m’occupe. C’est peut-être un secret désir, un inconscient désir que j’ai d’être recon
37 ement rien. S’ils ont un peu de respect pour moi, c’est parce qu’on raconte dans le pays que je possède une machine à écrire…
38 résultat évident de cette tradition sacro-sainte, c’est que les paysans travaillent beaucoup plus qu’il ne serait nécessaire
39 matérielles. Mais précisément ce qui s’y oppose, c’est l’idéologie rudimentaire qu’on leur a inculquée, et qui n’a que trop
40 ul homme ici pourrait influencer cette mentalité, c’est l’instituteur. S’il leur donnait une éducation non plus égalitaire, m
41 ours déshonorant pour ceux qui la subissent, mais c’est le seul moyen de transformer et d’animer un peuple auquel on n’a pas
42 jours anti-quelque chose, qui n’empêcheront rien, c’est l’évidence, parce qu’elles n’exigent rien de positif, ne construisent
43 ent la mentalité ni les conversations populaires. C’est que les journaux socialistes et communistes sont rédigés par des bour
44 parfois, par accident, quelques traces ici ou là, c’est que le peuple, en France, lit trop de journaux, ne lit que cela, et f
45 it et on tape le carton sans beaucoup de paroles. C’est à cela que se réduit la vie commune. Quelques-uns le déplorent parmi
46 ant deux associations se survivent encore. L’une, c’est la Mutuelle, dont l’activité principale se manifeste lors des enterre
47 ombreuse suite pour leur dernier voyage. L’autre, c’est la Société coopérative de panification, réunissant dans une sorte de
48 nquête quelconque, matérielle ou spirituelle. Or, c’est cela seul, menace ou entreprise commune, qui rassemble les peuples et
49 fruits de mer, seiches, et poissons, je crois que c’est à peu près tout) ; mais pourquoi vivraient-ils autrement ? Bien enten
50 le, il sera peut-être capable de grandes choses — c’est son mystère — mais ne dites pas que vous le faites pour son bonheur,
51 la contente le mieux à défaut de la développer —,  c’est encore la Troisième République : un État faible, dont le centre est l
52 stations d’autocars sont sur la place principale. C’est de là qu’on part au milieu d’une grande affluence de badauds, c’est l
53 part au milieu d’une grande affluence de badauds, c’est là qu’on arrive à grand son de trompe, c’est enfin ce que l’on voit l
54 uds, c’est là qu’on arrive à grand son de trompe, c’est enfin ce que l’on voit le mieux de chaque pays. La voie ferrée était
55 s diverses voitures qui stationnent sur la place. C’est que chaque compagnie a sa tête de ligne chez un bistro différent, et
56 rs. Parfois le bistro vend aussi les billets ; et c’est chez lui qu’on attend le départ. Pour peu que l’on manifeste la moind
57 ques. Et que dire maintenant du voyage lui-même ? C’est une résurrection de ce que Vigny pleurait, la poésie des diligences,
58 y pleurait, la poésie des diligences, mais aérée. C’est fait d’une foule d’incidents entrevus que tout dispose à romancer ; d
59 raisons d’aimer le travail et de le faire bien : c’est moderne, c’est sportif, cela vous pose dans l’esprit des populations,
60 r le travail et de le faire bien : c’est moderne, c’est sportif, cela vous pose dans l’esprit des populations, on se sent maî
61 bien l’on écrit ce que l’on ne peut pas faire, et c’est l’aveu d’une faiblesse ou d’une ambition excessive, deux choses qui c
62 ; ou bien l’on écrit des choses intelligentes, et c’est encore l’aveu d’une inadaptation cruelle aux mœurs et coutumes de ce
63 écrit simplement pour gagner sa chienne de vie et c’est le bon moyen de traîner la misère la plus honteuse qui se puisse imag
64 un empêtré. Et voilà le paradoxe et l’injustice : c’est qu’on attend, qu’on exige même de ces gens-là des vertus au-dessus du
65 des saints. Croyez-moi, ce que nous vous donnons, c’est justement ce qui nous manque, et quand vous aurez compris cela, vous
66 A… Elles sont également vraies. Ce qui est faux, c’est de parler du peuple en général. « On le savait depuis longtemps ». On
67 ans sa cuisine avec sa femme et ses deux enfants. C’est un homme de quarante ans, aux traits réguliers et sérieux, un peu len
68 envoie des journaux ou des revues à l’essai, mais c’est toujours de la politique. Quand j’étais jeune, j’ai beaucoup lu Anato
69 d j’étais jeune, j’ai beaucoup lu Anatole France, c’est à cause de lui que j’ai perdu la foi. J’aimais aussi Romain Rolland.
70 On ne peut plus avoir confiance dans les partis. C’est aussi à cause de cette centralisation : qu’est-ce qu’ils savent de no
2 1939, La Revue de Paris, articles (1937–1969). L’Âme romantique et le rêve (15 août 1939)
71 r la conduite des individus ou des collectivités, c’est l’un des traits typiques de notre siècle. Or l’inconscient est la gra
72 rte — ou l’invention — des romantiques allemands. C’est donc l’une de nos origines les plus profondes que nous révèle M. Albe
73 ’en détourner certains lecteurs en remarquant que c’est aussi un ouvrage d’actualité, au sens le plus pénétrant de ce terme.
74 aterrestre » ; ou encore : « Ce qui rêve en nous, c’est l’Esprit à l’instant où il descend dans la matière », mais c’est auss
75 à l’instant où il descend dans la matière », mais c’est aussi « la Matière, à l’instant où elle s’élève jusqu’à l’Esprit ». V
76 se. Croire qu’il révèle aussi un monde supérieur, c’est entrer dans la voie mystique. Si la plupart des romantiques n’ont pas
77 nt si le rêve est connaissance ou illusion, et si c’est « l’Autre », ou le moi sombre et son néant, que l’on atteint au fond
78 s mystiques. Une autre analogie, assez frappante, c’est le rôle de la rhétorique chez les poètes du rêve et les mystiques. Le
79 sur un fait que Freud utilisera jusqu’à l’abus : c’est que l’esprit abandonné au rêve s’exprime ordinairement dans un langag
80 ence d’un centre ou d’un tréfonds divin de l’âme ( c’est l’Un-grund de Jakob Boehme), dont on ne peut rien dire, et qui cepend
81 cependant est la source de tout ce que l’on dit. C’est l’ineffable, l’indicible, le royaume du Silence absolu ; et pourtant
82 le dont nous parlaient mystiques et romantiques : c’est la négation et la mort du monde des formes et du langage humain, la n
83 t la mort du divers, du moi distinct et agissant. C’est la Nuit des sens et de l’esprit que décrit un Jean de la Croix, et do
84 es, n’était que le symbole et le signe physique6. C’est « le royaume de l’Être qui se confond avec le royaume du Néant, l’éte
85 tout ce que notre conscience a séparé du Tout. Et c’est cela qui constitue notre réalité de tous les jours. Pour rejoindre le
86 ifie avec le terme de toute expérience mystique : c’est la « pure présence ineffable », la « contemplation sans objet ». Je p
87 e la rivière… » Prenons-y garde : ce moi détesté, c’est la fatalité de l’être individuel, charnel, créé, et lié à toute la cr
88 iduel, charnel, créé, et lié à toute la création. C’est par lui et à travers lui que la conscience perçoit la réalité extérie
89 ne fois de plus de saisir la pensée salvatrice ». C’est qu’il est un souvenir interdit, trop douloureux pour être revécu. Le
90 érer le monde perdu. Ce qu’il faut souligner ici, c’est que la tendance à la dilatation panthéiste ou mystique de l’être revê
91 perte d’un être aimé. Passer dans l’autre monde, c’est retrouver la morte ! « L’expérience typique, qui est celle de Jean-Pa
92 uer et sans pouvoir la reconnaître ou l’exprimer… C’est le mouvement fondamental de toute passion, le mouvement d’un amour qu
93 t le moi personnel. Se réfugier dans l’indicible, c’est entretenir une équivoque dont il y a lieu de craindre qu’elle soit in
94 u’elle soit intéressée. Au contraire, s’exprimer, c’est toujours s’avouer, c’est se donner pour responsable de sa pensée et d
95 u contraire, s’exprimer, c’est toujours s’avouer, c’est se donner pour responsable de sa pensée et de ses actes. Mais voilà j
96 lication d’un fait connu de tous les historiens : c’est l’incapacité des romantiques à donner des œuvres achevées. En effet,
97 s poètes est inversé de celui du Créateur. Créer, c’est donner forme, et ils voudraient nier les formes ; c’est limiter, et i
98 donner forme, et ils voudraient nier les formes ; c’est limiter, et ils aspirent à l’expansion indéfinie ; c’est définir par
99 imiter, et ils aspirent à l’expansion indéfinie ; c’est définir par la parole et l’acte, et ils recherchent le silence passif
100 a subies. Il est emprisonné dans ces données, et c’est en vain qu’il chercherait à y échapper par des sublimations : au fond
101 mations : au fond de la nuit et de l’inconscient, c’est encore lui qu’il retrouvera sous des espèces méconnaissables et qu’il
102 nfin responsables vis-à-vis de notre prochain, et c’est à quoi l’on peut reconnaître la légitimité d’une vocation. Thérèse d’
103 ent de la « dissolution du moi » des romantiques. C’est une « activité » qui ne commence qu’au-delà de la mort à soi-même, c’
104 leur est demandé d’agir et d’annoncer leur foi. «  C’est en confessant de la bouche qu’on parvient au salut », dit saint Paul.
105 le et inavouable (à cause de l’orgueil national). C’est le monde qui doit être mal fait ! Car nous y sommes brimés, nous qui
106 ennent les preuves de sa transcendante vérité. Et c’est ainsi que la masse allemande, imitant au niveau le plus bas l’évoluti
107 rd’hui dans le secret de la conscience allemande, c’est une lutte de nature religieuse. C’est l’affrontement d’une religion d
108 allemande, c’est une lutte de nature religieuse. C’est l’affrontement d’une religion de l’inconscience collective et d’une f
109 le sommeil est une préfiguration de la mort », et c’est uniquement dans la mort que nous pouvons rejoindre l’Autre, l’indicib
110 rticulier de la psychologie de l’inconscient. 8. C’est la Recherche du temps perdu, de Proust. 9. Discours du 18 juin 1939,
3 1946, La Revue de Paris, articles (1937–1969). Tableaux américains (décembre 1946)
111 York est une île en forme de gratte-ciel couché. C’est la ville la plus simple du monde. Douze avenues parallèles, dans le s
112 d’étages. Au milieu, Central Park, rectangulaire. C’est tout, c’est la cité de Manhattan. Mais les faubourgs, au-delà de l’Hu
113 milieu, Central Park, rectangulaire. C’est tout, c’est la cité de Manhattan. Mais les faubourgs, au-delà de l’Hudson et de l
114 dans le ciel sur des parois violemment découpées, c’est un climat que je connais… Mais il y a plus. Il y a le sol qui est alp
115 quotidiens. Ils pensent, dans leur ignorance, que c’est une ville « trop européenne »… Mais, moi, je m’y sens contemporain de
116 sième et la Soixantième rue, le cœur de Manhattan c’est la ville pure. Ici, tout ce que le regard touche et mesure dans les t
117 se perd dans un dernier éclat d’avion fuyant, et c’est la ville alors qui s’empare du ciel, s’en fait un dôme à sa mesure et
118 uare, après un dîner solitaire, un soir de pluie, c’est le contraire d’un exercice spirituel : une véritable centrifugation d
119 ourt dans cette promenade de plusieurs heures, et c’est ici seulement, sur le papier, que je comprends qu’il faut pousser plu
120 nde parfois : qu’est-ce, en somme, que le péché ? C’est cela, c’était ce que j’éprouvais à Times Square avec une acuité crisp
121 e est un de ces lieux où l’exilé s’écrie : « Mais c’est l’Europe ! » parce qu’il y trouve un charme, simplement. Mais quand j
122 e brique jaune et rose dans un chaos géométrique, c’est bien New York… Si je me retourne un peu sur ma terrasse, voici la per
123 eilles, fait voir en coupe la société américaine. C’est une coupe mégaloscopique — le contraire de microscopique — permettant
124 ues de résidences pour les directeurs de bureaux. C’est ce qu’on en voit de l’étranger. Cohoes Ayant remarqué qu’on me
125 é, nos voisins vinrent un soir nous en offrir, et c’est ainsi que nous avons fait connaissance. Deux femmes d’âge moyen et le
126 en jaune clair, ornée de géraniums aux fenêtres. C’est là qu’habite la mère de Robert, une vieille dame maigre et digne, don
127 erait-ce une usine orthodoxe ? « Oui, dit Robert, c’est l’une de nos deux églises ukrainiennes. » La moitié de la population
128 la ville, il me montre un terrain d’aviation : — C’est moi qui ai fondé notre Air Club, il y a quinze ans, j’étais tout jeun
129 ampagne, au creux des haies, le ciel se couvre. «  C’est là-haut, me dit-on, à mi-pente des coteaux. » On ne distingue pas enc
130 blanches. — Et vous verrez ce qu’elle en a fait ! C’est sa manière de se venger de W…, car c’était la maison de ses ancêtres,
131 er les bougies du carrosse de George Washington. ( C’est une pièce de musée que nous allons voir, remisée sous la colonnade de
132 s — nous arrivons au coin d’un bâtiment de ferme. C’est le chenil. Le parc s’arrête ici et s’ouvrent les espaces de pâturages
133 son cheval, le portail cède et lui livre passage. C’est une grande femme bottée, sauvage et belle, qui mord une pomme, et son
134 dur. Il n’a pas salué. Son silence nous supprime. C’est sans doute le nouvel intendant. « Je vous retrouve à la maison ! », c
135 tée, devient chez eux chemin, mouvement indéfini. C’est pourquoi je prendrai les routes d’Amérique comme un symbole du rêve e
4 1949, La Revue de Paris, articles (1937–1969). Le Mouvement européen (avril 1949)
136 n Américain déclare que votre idée est généreuse, c’est qu’il est ému : il va vous aider. Quand un Européen vous dit : l’Euro
137 Quand un Européen vous dit : l’Europe unie, oui, c’est une belle idée, une idée généreuse…, c’est qu’il n’a pas envie d’y cr
138 , oui, c’est une belle idée, une idée généreuse…, c’est qu’il n’a pas envie d’y croire, qu’il ne fera rien, qu’il pense qu’il
139 qu’il pense qu’il est sérieux et que vous rêvez. C’est ainsi qu’une certaine bourgeoisie occidentale, politiquement analphab
140 les forcer au compromis, je veux dire à la paix, c’est l’Europe. Mais l’Europe n’est plus une puissance, parce qu’elle est d
141 ont quel que soit le vainqueur — s’il en est un — c’est l’humanité tout entière qui sortira vaincue. Si nous voulons sauver c
142 de fer, est d’environ 320 millions d’habitants : c’est deux fois plus que l’Amérique, autant que la Russie et tous ses satel
143 temps utile ? » La paix, l’Europe unie, d’accord, c’est un beau rêve. En attendant, voici le cauchemar. Déjà les maréchaux s’
144 orales et doctrinales à la fédération européenne. C’est alors qu’apparurent en France les premiers groupes personnalistes. Il
145 trine ses conséquences politiques et sociales, et c’est ainsi que l’on aboutissait à un programme communautaire, fédéraliste,
146 mbole de l’espoir à l’horizon de la Libération11. C’est pourquoi, dès l’année 1945, on vit surgir dans toute l’Europe un pull
147 et sans aucun appui de la part des gouvernements. C’est ainsi qu’à Montreux nous sommes partis — nous sommes partis pour fair
148 avait réclamée dans son grand discours de Zurich. C’est de ces deux initiatives indépendantes, et de leur rencontre à Montreu
149 point de vue dans son mémorandum du 18 août 1948. C’est ce que la presse nomme aujourd’hui, en simplifiant un peu, la positio
150 si l’on veut que les peuples soient représentés, c’est que l’on veut aboutir à autre chose qu’au « Corps consultatif » accep
151 ante tant que les États resteront souverains. Car c’est la protection des droits de la personne et des droits des minorités c
152 écuter ses arrêts à leurs dépens, s’il y a lieu. C’est pourquoi le Conseil international du Mouvement européen, dans sa réun
153 il cesserait de mériter l’adjectif de son titre. C’est pourquoi le congrès de La Haye a réclamé l’institution rapide d’un Ce
154 ra, en dépit des experts (qui savent toujours que c’est Dewey qui sera élu), parce qu’une équipe de véritables résistants — c
5 1949, La Revue de Paris, articles (1937–1969). Découverte de l’Europe (octobre 1949)
155 ce soit trop tardive, ou au contraire prématurée, c’est ce que personne ne sera capable de déduire des milliers de coupures d
156 ion générale se dégage de ce flot d’imprimés : et c’est que l’opinion, précisément, serait demeurée indifférente. Ce paradoxe
157 res politiques nécessaires à l’union de l’Europe. C’est dire que la question centrale posée par les fédéralistes, celle d’un
158 e grand problème qui passe ainsi au premier rang, c’est celui de la source et des fondements du pouvoir fédéral de demain. Da
159 éen, ou s’il devait passer la main à l’Assemblée. C’est peut-être chanter victoire un peu trop tôt. Il reste encore à faire e
6 1950, La Revue de Paris, articles (1937–1969). L’Europe et sa culture (novembre 1950)
160 rontière de l’Est sera donc toujours mouvante. Et c’est dans l’affrontement perpétuel avec l’Asie, dans l’effort pour s’en di
161 e génération doit concentrer sa réflexion vitale. C’est un fait que la péninsule Europe ne représente qu’à peine 5 % des terr
162 mboliquement Athènes, Rome et Jérusalem. Athènes, c’est la découverte de l’individu, de l’homme distingué du troupeau, et pre
163 ce, mais aussi profanatrice, avec le sacré. Rome, c’est la création du citoyen, c’est-à-dire de l’individu réintégré dans une
164 , mais sur la loi et le contrat. Jérusalem enfin, c’est la révélation de la personne, c’est-à-dire de la vocation transcendan
165 us trouvons le grand secret de l’homme européen : c’est un homme dialectique, dialogique, ne pouvant espérer d’atteindre à l’
166 on simple mais décisive : la culture occidentale, c’est ce qui a fait de l’Europe autre chose que ce qu’elle est physiquement
167 sait pas encore. Mais ce qu’elle voit très bien, c’est qu’elle n’est plus le centre du monde, sur le plan de la puissance po
168 te de répression. Elle est partout et nulle part. C’est ainsi qu’un ancien ministre bulgare en exil pouvait affirmer, récemme
169 que si la culture reste encore libre en Occident, c’est peut-être dans la mesure où les pouvoirs ne la prennent pas au sérieu
170 nt utilisable » au service de la politique, comme c’est le cas de la physique nucléaire, ceux qui s’y livrent sont aussitôt p
171 nsabilité, et d’un rôle de produit de luxe, alors c’est le sens même de notre civilisation occidentale qui se trouve dénaturé
172 recouvrer la puissance. Elle sera peut-être unie, c’est même plus que probable, par les soins d’experts étrangers ou d’une po
173 trois-cents-millions à l’ouest du rideau de fer. C’est vrai en fait, mais nous ne le sentons pas. Car je parlais en tant qu’
174 ntien de l’Europe au rang des grandes puissances, c’est son union. Telle est aussi la condition du maintien de ce foyer de cr
175 t, au nom de l’Europe dans son ensemble alors que c’est l’ensemble de l’Europe qui se voit attaqué par les propagandes que l’
176 mée de l’Europe. Que cette armée soit nécessaire, c’est la déplorable évidence. Mais elle ne sera pas suffisante. Une mitrail
177 ent généralement nos « réalistes ». La première, c’est que l’Europe est une culture (civilisation si l’on préfère) ou n’est
178 essayer de sauver l’une sans l’autre. La seconde, c’est que le ressort intime, mais aussi le but final de la culture occident
179 nfondent aujourd’hui avec les chances de l’homme. C’est pourquoi nous voulons sauver l’Europe. Non point pour l’opposer aux g
7 1951, La Revue de Paris, articles (1937–1969). Inde 1951 (décembre 1951)
180 éponse propre à faire croire au fonctionnaire que c’est M. Nehru qui patronne le Congrès, alors qu’en vérité, il s’est borné
181 OK. OK ? On le dirait à moins. Plus qu’un hôtel, c’est un quartier de ville en un seul bâtiment surmonté d’une coupole. À l’
182 s blocs de papier. Ils attendent. Je leur dis que c’est tout ce que je désire. Mais eux voudraient me poser quelques question
183 der l’Inde par Bombay, ou par son intelligentsia, c’est retrouver d’abord ce que nous connaissions, avec la seule surprise de
184 qu’en Europe. Il y a ceux qui pensent que l’URSS c’est la justice, les USA la liberté ; ceux qui scrupuleusement se refusent
185 e une preuve de plus dans le journal de ce matin. C’est un savant indien, D. R. Sethi, qui inventa le procédé pour détruire l
186 rieux et lent. Raja Rao lui demande ce qu’il lit. C’est un chant du Mahabharata. Ils écoutent sans bouger, jeunes et vieux, l
187 nées n’eût pas manqué de l’évoquer dans nos pays. C’est qu’ici, rien ne relève du « goût », mais chaque forme et chaque geste
188 l’oreille mon voisin. Ce qui m’a le plus surpris, c’est l’inhumanité (à notre sens occidental) de ces deux êtres absolument p
189 bord d’un abreuvoir. À gauche, un énorme pipal — c’est l’arbre sacré de Vishnu — dont le feuillage couvre la cour entière. D
190 contradiction dans l’être intime de l’Asiatique : c’est une autre manière d’exprimer qu’il n’a pas le sens du péché ; et par
191 il pensait en hindi ou en anglais.) Mais à table, c’est un autre homme. Souriant et détendu, curieux de tout, connaissant bie
192 plus en plus l’anglais jusque dans l’université, c’est regrettable mais inévitable ; parlant des fruits confits de vingt sor
193 clôture du congrès, s’est écrié : « Votre Nehru, c’est l’un des six ou sept qui dirigent aujourd’hui le monde et qui forment
194 e… Il s’est donné une petite tape sur le genou. «  C’est vrai, cela ! me dit-il, il y a du vrai là-dedans… » J’ai pris congé a
195 u de l’homme, pendant une entrevue « banale », et c’est son prix. Nehru est un brahmine éduqué à Cambridge, un aristocrate li
196 épendante eût changé elle aussi. Le fait certain, c’est qu’elle n’a pu le faire au rythme accéléré de notre histoire. Elle a
197 eu comme notre « docteur » mais sans brevet. 16. C’est dans cette intelligentsia de formation occidentale que se recrutent l
8 1965, La Revue de Paris, articles (1937–1969). Le Suisse moyen et quelques autres (mai 1965)
198 nt compter syndicalistes, patrons et gouvernants, c’est le goût du travail dont on a pu écrire qu’il est « le mode existentie
199 tuel verset biblique : « Le travail fut sa vie. » C’est aussi « leur seul mode de promotion »17, dit-on et sans doute en va-t
200 e trouve ce poste : « Instruction, distraction. » C’est « Culture et loisirs » en France, la nuance est significative. Quant
201 ns la majorité de nos cantons. « Simplifions », «  C’est plus simple ainsi », « Rassurez-vous, ce sera très simple » sont des
202 iswil et Sursee, font une des gloires de ce pays. C’est la Suisse primitive qui a produit tout cela, pendant l’époque patrici
203 découvert qu’un seul : « La discipline, un point c’est tout ! », me criait hier encore un de ces « gardiens du seuil », parc
204 st pas l’anarchie des mœurs qui menace la Suisse, c’est plutôt une espèce particulière de conformisme raisonné, adopté après
205 Le niveau de vie, une fois qu’il est bien assuré, c’est la vie elle-même qui devient le danger, ses surprises que le poste « 
206 e pas les derniers à y reconnaître leurs voisins. C’est un portrait, ce n’est pas un éloge, ni une critique. Dire que le Suis
207 st-ce le vanter ou le dénigrer ? Il est clair que c’est l’un et l’autre, selon le signe dont on affecte les notions de révolt
208 on ne saurait dire qu’il gouverne les Suisses, et c’est très bien. Mais dans le domaine de la culture, cet égalitarisme jalou
209 bisme, les libéralités d’un mécène ou d’une cour. C’est tout cela qu’interdisent moralement nos principes, et physiquement no
210 celle de mon talent et de ma joie. » Je crois que c’est Paul Bourget qui a dit que « Paris en eût fait un dieu ». Mais ce n’e
211 cher cette nouvelle tactique conformiste, puisque c’est elle qui se voit dorénavant « admise », comme l’était la conduite inv
212 ée de la coopération. Un pour tous, tous pour un, c’est moins un idéal qu’une vitale obligation de solidarité pratique. Quand
213 ant qu’il fait une œuvre utile au bien commun. Et c’est pourquoi les Suisses qui ont excellé furent presque tous, à des titre
214 n archétypique, donc d’une réalité de l’âme, — et c’est précisément dans la mesure où ils seraient un mythe fixé que Barth le
215 aient guère pensables hors du complexe suisse. Et c’est à eux que la Suisse, en retour, doit une densité de conscience commun
216 hommes s’illustrèrent et apprirent à voir grand, c’est en s’expatriant pour se réaliser au sein d’une unité beaucoup plus va
217 i a découvert et propagé leur nom dans le monde ; c’est au contraire de l’étranger, des grands pays voisins ou de l’Amérique,
218 ue, comme importée. « Son canton — ou l’Europe », c’est la formule parfaite. Ainsi, pour l’homme de culture en tant que tel,
219 oit leur petite patrie locale, s’ils la dépassent c’est pour rejoindre immédiatement les grands courants continentaux ; parfo
9 1969, La Revue de Paris, articles (1937–1969). L’avenir du fédéralisme (septembre 1969)
220 La victime de ce double mouvement contradictoire, c’est l’État-nation, tel qu’il est né de la Révolution et du Premier Empire
221 ant dévaloriser les frontières… À tous les coups, c’est donc l’État-nation qui perd. Il ne correspond plus ni aux conditions
222 l dont un Parti unique s’est emparé ; au Nigéria, c’est au contraire une des régions fédérées qui s’érige en État unitaire ;
223 édérées qui s’érige en État unitaire ; en Suisse, c’est le régime fédératif lui-même qui se voit invoqué (non sans paradoxe d
224 suisses ! Il est certain que dans ces trois cas, c’est moins le fédéralisme qu’on est en droit d’incriminer que sa trahison
225 rt à une confédération ». Quant à « fédération », c’est simplement « union politique d’États » (mais on a soin de préciser qu
226 ombrageuse des autonomies locales ou régionales. C’est ainsi qu’un illustre homme d’État belge, et grand Européen, écrivait
227 ns bipolaires dont le « modèle » nous est connu : c’est celui qu’ont élaboré les fondateurs de la philosophie occidentale dan
228 ilibre neutre, mais bien en tension créatrice, et c’est le succès de cet effort toujours renouvelé toujours menacé, qui dénot
229 e, va nous servir de module. La personne humaine, c’est l’homme considéré dans sa double réalité d’individu distinct et de ci
230 ets plus l’électricité. Pour moi, le fédéralisme, c’est l’autonomie des régions plus les ordinateurs, c’est-à-dire le respect
231 in seul, sort et se mêle à la foule anonyme… Mais c’est une mauvaise solitude, née de l’absence de communication avec ceux qu
232 cité grecque, est communale d’abord, municipale. C’est au niveau de la vie civique et politique — c’est le même mot, selon l
233 C’est au niveau de la vie civique et politique — c’est le même mot, selon l’étymologie — que nous allons enfin retrouver le
234 cipation civiques, intellectuelles et affectives. C’est dans ce double dynamisme créateur d’unions plus vastes à proportion d
235 ormation des esprits et de l’exercice du civisme, c’est dans cette dialectique concrète que sont en train de se former sous n
236 dans la cité, des relations publiques en général. C’est ce qu’avait bien vu le regretté Pierre Duclos, lorsqu’il relevait que