1 Paysans de l’Ouest (15 juin 1937)a b 10 décembre 1933 Un discours de l’insti

2 15 juin 1937)a b 10 décembre 1933 Un discours de l’instituteur. — Hier soir, séance de Pathé-Baby organisée par l’inst

3 Un discours de l’instituteur. — Hier soir, séance de Pathé-Baby organisée par l’instituteur dans la salle de l’école des g

4 hé-Baby organisée par l’instituteur dans la salle de l’école des garçons. Il me tardait de voir une fois les habitants du

5 ns la salle de l’école des garçons. Il me tardait de voir une fois les habitants du village réunis, leur façon d’être ense

6 fois les habitants du village réunis, leur façon d’ être ensemble, et surtout la jeunesse, d’ordinaire invisible, au point

7 ur façon d’être ensemble, et surtout la jeunesse, d’ ordinaire invisible, au point que je doutais même qu’elle existât. Ell

8 ncs rangés en chevrons derrière le petit appareil de projection, placé à trois ou quatre mètres de l’écran. (Un drap de li

9 eil de projection, placé à trois ou quatre mètres de l’écran. (Un drap de lit sur le tableau noir.) Une quarantaine de fil

10 acé à trois ou quatre mètres de l’écran. (Un drap de lit sur le tableau noir.) Une quarantaine de filles et de gars peu br

11 drap de lit sur le tableau noir.) Une quarantaine de filles et de gars peu bruyants, presque tous laids de visage et très

12 ur le tableau noir.) Une quarantaine de filles et de gars peu bruyants, presque tous laids de visage et très épais de corp

13 illes et de gars peu bruyants, presque tous laids de visage et très épais de corps. Nous étions assis derrière eux. Au fon

14 yants, presque tous laids de visage et très épais de corps. Nous étions assis derrière eux. Au fond, sur deux armoires bas

15 , sur deux armoires basses siégeaient une dizaine d’ hommes. Deux ou trois coiffes de paysannes seulement. Et des enfants a

16 aient une dizaine d’hommes. Deux ou trois coiffes de paysannes seulement. Et des enfants autour du trépied de l’appareil,

17 annes seulement. Et des enfants autour du trépied de l’appareil, empressés à tendre les bobines de film à l’instituteur. I

18 ied de l’appareil, empressés à tendre les bobines de film à l’instituteur. Il fallut un certain temps pour mettre au point

19 silence, et la projection commence. C’est un film d’ avant-guerre, la Course au flambeau, tiré de la pièce de Paul Hervieu.

20 film d’avant-guerre, la Course au flambeau, tiré de la pièce de Paul Hervieu. Entre chaque épisode reparaissent les mêmes

21 t-guerre, la Course au flambeau, tiré de la pièce de Paul Hervieu. Entre chaque épisode reparaissent les mêmes éphèbes gre

22 de reparaissent les mêmes éphèbes grecs, porteurs de torches qu’ils se passent avec des gestes lents, hallucinants, à gran

23 iscours. « Je serai bref ! » C’est un jeune homme d’ allure énergique et de visage intelligent, la chevelure noire en batai

24 ef ! » C’est un jeune homme d’allure énergique et de visage intelligent, la chevelure noire en bataille qu’il saisit à ple

25 dans les moments pathétiques. Il annonce le sujet de ce soir : Qu’est-ce qu’être laïque ? — « Messieurs, chers amis ! Je v

26 e saurai me défendre ! Et malgré les persécutions de ceux qui ont intérêt à étouffer la vérité, etc. » La chevelure s’agit

27 congrès, il a été stipulé qu’à l’avenir… » La fin de la phrase étant particulièrement sonore, des applaudissements éclaten

28 ent sonore, des applaudissements éclatent au fond de la salle. Le jeune orateur électrisé se lance dans une définition vib

29 r électrisé se lance dans une définition vibrante de la laïcité. « Être laïque, c’est vouloir la justice et l’égalité pour

30 ion libre et gratuite pour tous, sans distinction de fortune ou de religion ! Être laïque… » Ah ! surtout, être laïque, ce

31 ratuite pour tous, sans distinction de fortune ou de religion ! Être laïque… » Ah ! surtout, être laïque, ce n’est pas com

32 religieux au vrai sens du mot, selon les paroles de Gambetta, d’Ernest Lavisse et de quelques autres. Être laïque, c’est

33 vrai sens du mot, selon les paroles de Gambetta, d’ Ernest Lavisse et de quelques autres. Être laïque, c’est finalement « 

34 elon les paroles de Gambetta, d’Ernest Lavisse et de quelques autres. Être laïque, c’est finalement « aimer son prochain »

35 ochain » ! Je n’ai pas plutôt soufflé à l’oreille de ma femme : « C’est un sermon ! » que l’orateur, au comble de son éloq

36  : « C’est un sermon ! » que l’orateur, au comble de son éloquence, s’écrie : « Et, mes frères ! si l’on vient encore vous

37 salle du curé, qui donne aussi ce soir une séance de cinéma. On entend rire des enfants. — J’ai rencontré le curé ce matin

38 s. — J’ai rencontré le curé ce matin, suivi comme d’ habitude d’une bande de petits garçons. Il n’a pas répondu à mon salut

39 encontré le curé ce matin, suivi comme d’habitude d’ une bande de petits garçons. Il n’a pas répondu à mon salut. 12 décemb

40 curé ce matin, suivi comme d’habitude d’une bande de petits garçons. Il n’a pas répondu à mon salut. 12 décembre 1933 Tout

41 mbre 1933 Tout à l’heure, en déchirant le journal de l’île pour allumer le feu, j’ai vu l’annonce d’une conférence contrad

42 l de l’île pour allumer le feu, j’ai vu l’annonce d’ une conférence contradictoire à A… : « La Bible et les travailleurs. »

43 e endroit, il y a quinze jours, sous les auspices d’ une ligue « antifasciste », et qui avait pour sujet : « L’Église contr

44 rendre à la première conférence. Mais le village d’ A… est à huit kilomètres et la tempête m’avait empêché d’y aller à bic

45 t à huit kilomètres et la tempête m’avait empêché d’ y aller à bicyclette. J’essaierai d’aller demain soir entendre la répo

46 avait empêché d’y aller à bicyclette. J’essaierai d’ aller demain soir entendre la réponse. La mère Renaud vient de m’appre

47 ut le monde au village, à part la petite minorité de mauvaises têtes qui suit les prêches laïques de l’instituteur. Le seu

48 é de mauvaises têtes qui suit les prêches laïques de l’instituteur. Le seul protestant est mort l’été dernier, âgé de 93 a

49 r. Le seul protestant est mort l’été dernier, âgé de 93 ans. Il s’était converti à soixante-dix ans « et il avait toujours

50 stant, — tous ces mots prennent ici quelque chose de joliment absurde. Les paysans du village ne sont pas même tous capabl

51 paysans du village ne sont pas même tous capables de lire le journal, et j’ai remarqué qu’ils achètent absolument au hasar

52 le des républicains. Il est à peu près impossible de savoir s’ils font une distinction quelconque entre les opinions, pour

53 re que la discussion annoncée après la conférence d’ A… me fera modifier ce jugement. J’en suis bien curieux. 15 décembre 1

54 ’autre soir sur la conférence à A… … Grande salle de la mairie, voûtée, peinte en bleu clair. Une table et trois chaises s

55 ises sur la scène surélevée. Environ une centaine d’ auditeurs : paysans et pêcheurs, cela se voit. Au premier rang, deux «

56 cène : un homme jeune encore, un peu gros et lent d’ allure, physionomie ouverte et sérieuse. « Eh bien, messieurs et chers

57 rence est contradictoire. Je vous demanderai donc de bien vouloir proposer des noms. » Silence. Chuchotements. — Vas-y ! —

58 se lèvent en haussant les épaules pour s’excuser de se mettre en avant. Ils gravissent la scène, enlèvent leur casquette

59 est le président, derrière la table, embarrassés de leurs mains, de leurs pieds, de leur casquette. Coups d’œil malicieux

60 t, derrière la table, embarrassés de leurs mains, de leurs pieds, de leur casquette. Coups d’œil malicieux aux copains de

61 able, embarrassés de leurs mains, de leurs pieds, de leur casquette. Coups d’œil malicieux aux copains de la salle. Le pré

62 s mains, de leurs pieds, de leur casquette. Coups d’ œil malicieux aux copains de la salle. Le président se lève : « Messie

63 leur casquette. Coups d’œil malicieux aux copains de la salle. Le président se lève : « Messieurs et dames, vous m’excuser

64 se lève : « Messieurs et dames, vous m’excuserez de ne pas vous présenter l’orateur qui va vous faire un intéressant disc

65 s gens pauvres. Depuis lors il y a eu des églises de riches. Elles ont trahi l’Évangile. Un philosophe français, M. Julien

66 Mais le vrai chrétien est avec les petits. Résumé de ce que la Bible dit des travailleurs : Jérémie exigeait que le roi pa

67 rs. L’Ancien Testament nous montre que le système de propriété chez les Juifs est presque communiste ! Jésus est l’ami des

68 les hommes étaient chrétiens, il n’y aurait plus d’ exploitation ni de guerre !… La péroraison a été éloquente, un peu tro

69 t chrétiens, il n’y aurait plus d’exploitation ni de guerre !… La péroraison a été éloquente, un peu trop à mon goût. On a

70 silence embarrassé. Enfin un type se lève au fond de la salle et demande « s’il n’y a pas des contradictions dans la Bible

71 et sans aucun rapport avec le sujet. Il n’y a pas d’ autre question. Le président fait alors un bref remerciement à l’orate

72 bref remerciement à l’orateur. Il s’excuse encore de ne pas s’y connaître assez en religion, mais assure qu’il a été bien

73 à un chrétien ou même à un protestant ? J’essaie de le faire parler. Je lui dis : « Oui, c’est la vérité pour les chrétie

74 ça que c’est écrit dans la Bible, il n’a pas dit de mensonges, quoi ! Mais ici ils ne savent pas discuter. Si vous alliez

75 nfin il veut lui demander « si ce serait possible de se procurer une Bible pour étudier un peu tout ça. On sent bien que c

76 un peu tout ça. On sent bien que c’est important de s’y connaître dans ces questions ». Il s’exprime avec tant de prudenc

77 sis pas bien si ce curé lui a interdit la lecture de la Bible, ou si, au contraire, il pourrait lui en prêter une. Quoi qu

78 le pasteur note le nom du « président » et promet de lui envoyer un Nouveau Testament. Nous faisons les cent pas sur la pl

79 e. M. Palut sait que je suis écrivain. Il a lu un de mes articles. Je le sens inquiet de mon opinion d’« intellectuel » su

80 n. Il a lu un de mes articles. Je le sens inquiet de mon opinion d’« intellectuel » sur son discours. « C’était sûrement b

81 e mes articles. Je le sens inquiet de mon opinion d’ « intellectuel » sur son discours. « C’était sûrement beaucoup trop si

82 ment. Ce n’est pas moi qui lui reprocherai jamais d’ être trop simple. On ne l’est jamais assez ! — Oh ! vous savez, — dit-

83 z ! — Oh ! vous savez, — dit-il — je n’y mets pas d’ amour-propre, vous pouvez me dire franchement ce que vous pensez, de c

84 us pouvez me dire franchement ce que vous pensez, de cette soirée… Je le regarde. C’est un homme simple et solide, on peut

85 es autres qui disaient le contraire, et pas moyen de savoir avec qui ils sont d’accord. Il ne faut pas oublier que nous vi

86 ne faut pas oublier que nous vivons à une époque de propagande forcenée, et je vous assure qu’un communiste, par exemple,

87 n oratoire. Pourquoi ne pas saisir cette occasion de leur prêcher l’Évangile, là, tout droit, dans leur langage de tous le

88 her l’Évangile, là, tout droit, dans leur langage de tous les jours, comme le faisaient les réformateurs, les forcer à pre

89 t déjà un énorme succès. Pensez donc, il y a plus de six ans que je suis dans l’île, et je n’avais jamais pu parler à A…,

90 ne faut pas les brusquer ! Ce soir, il s’agissait de gagner leur confiance, et ensuite on verra si on peut aller plus loin

91 ce en leur parlant plus familièrement, sans faire d’ éloquence ? Cela trancherait au moins sur la propagande électorale. —

92 urtant il faut bien continuer, même si on a envie de tout plaquer, certains jours… Il faudra reparler de tout cela. M. Pal

93 tout plaquer, certains jours… Il faudra reparler de tout cela. M. Palut n’a jamais l’occasion de discuter, il se sent ter

94 rler de tout cela. M. Palut n’a jamais l’occasion de discuter, il se sent terriblement isolé au milieu de cette population

95 pellent le peuple… » ; je revoyais cette centaine d’ hommes dans la salle nue. Leur méfiance ou leur timidité, ou aussi leu

96 é, ou aussi leur fatigue après une longue journée de travail. Mais beaucoup ne font plus rien en hiver ? Ils sont venus po

97 au café. Cette inertie, dès qu’il ne s’agit plus d’ argent ! À moins que ce ne soit le langage, la difficulté de s’exprime

98 À moins que ce ne soit le langage, la difficulté de s’exprimer ? Tout est mystère en eux, et pour eux-mêmes sans doute. E

99 jamais vus ou jamais aimés ! Là-dessus, quantité de pensées et de conclusions qui m’ont paru évidentes et importantes. On

100 jamais aimés ! Là-dessus, quantité de pensées et de conclusions qui m’ont paru évidentes et importantes. On se sent réflé

101 es jambes. 16 décembre 1933 Derrière la même pile d’ assiettes où je crois avoir déjà dit que j’avais trouvé deux ouvrages

102 éjà dit que j’avais trouvé deux ouvrages traitant de mon île, j’ai déniché ce matin une édition populaire de La Naissance

103 île, j’ai déniché ce matin une édition populaire de La Naissance du jour, de Colette. Je n’avais pas encore lu ce livre.

104 in une édition populaire de La Naissance du jour, de Colette. Je n’avais pas encore lu ce livre. Il est exactement de l’es

105 n’avais pas encore lu ce livre. Il est exactement de l’espèce que j’aime, et l’un des plus charmants dans cette espèce, ma

106 à voir avec la critique littéraire. À la page 43 de l’édition que j’ai sous les yeux, je lis ceci : « … ils déménagent… c

107 je lis ceci : « … ils déménagent… comme les puces d’ un hérisson mort. » Cette phrase a fait dans mon esprit ce qu’on appel

108 a fait dans mon esprit ce qu’on appelle un trait de lumière. Lundi dernier, au petit matin, nous nous sommes réveillés co

109 petit matin, nous nous sommes réveillés couverts de puces. J’exagère à peine : pour mon compte, j’en ai pris sept sur mon

110 e, j’en ai pris sept sur mon pyjama dans l’espace de deux minutes, ce qui doit constituer une sorte de record. D’autres sa

111 de deux minutes, ce qui doit constituer une sorte de record. D’autres sautaient sur le couvre-pied. D’autres sur le planch

112 l est vrai qu’on a beau porter un nombre excessif de jupons, cela ne devrait pas suffire à rendre vraisemblable une hypoth

113 ’explique sans peine désormais, grâce à la phrase de Colette. Je rapporte cette anecdote parce qu’elle comporte une conclu

114 : pour la première fois depuis je ne sais combien d’ années, je viens de trouver dans un ouvrage littéraire la solution d’u

115 de trouver dans un ouvrage littéraire la solution d’ une question précise. Grâce à Colette, je sais maintenant pourquoi not

116 is maintenant pourquoi notre chambre était pleine de puces. Cela n’a l’air de rien, mais je vois là comme un symbole. Les

117 tre chambre était pleine de puces. Cela n’a l’air de rien, mais je vois là comme un symbole. Les livres devraient être uti

118 exactes, des explications vérifiables, des modes d’ emploi, des descriptions objectives et utilisables ; et ceci à tous le

119 ctives et utilisables ; et ceci à tous les degrés de la réalité, dans les grandes choses comme dans les choses de rien. Au

120 té, dans les grandes choses comme dans les choses de rien. Au lieu de cela, les modernes nous servent des états d’âme impr

121 lieu de cela, les modernes nous servent des états d’ âme improbables ou excessifs, des inquiétudes dont ils n’ont même pas

122 fs, des inquiétudes dont ils n’ont même pas l’air d’ être vraiment inquiets, des indiscrétions gênantes et dont on ne sait

123 op que faire, ou des doctrines dont ils négligent de nous dire s’ils les ont essayées sur le vif, dans le détail de la vie

124 s’ils les ont essayées sur le vif, dans le détail de la vie quotidienne. Ils nous donnent très rarement des réponses, ou a

125 réponses à des questions qu’on n’avait pas l’idée de se poser ; et c’est là qu’ils croient voir leur astuce. Astuces, peti

126 ns, toute cette littérature est sans doute pleine de talent, elle est même littéralement sensationnelle, mais que veulent-

127 ils qu’on en fasse ? Nous avons tout à rapprendre de Goethe. Non seulement des révélations du second Faust, mais aussi de

128 ement des révélations du second Faust, mais aussi de ces pages du Journal de voyage en Italie où, par exemple, il rapporte

129 second Faust, mais aussi de ces pages du Journal de voyage en Italie où, par exemple, il rapporte à madame de Stein comme

130 rapporte à madame de Stein comment les habitants de Ferrare utilisent les vieilles tuiles concassées pour recouvrir les r

131 oncassées pour recouvrir les routes et les allées de leurs jardins. Et il ajoute : « Dès mon retour à la maison, j’essaier

132  » Commentons : la noblesse est dans l’usage. Pas de noblesse sans usage, sans application précise aux choses, etc. Ne mon

133 s plus au ciel du second Faust que par ces allées de Ferrare ! 18 décembre 1933 Je ne cesse de repenser à la conférence d’

134 allées de Ferrare ! 18 décembre 1933 Je ne cesse de repenser à la conférence d’avant-hier à A… Il me semble qu’elle m’app

135 mbre 1933 Je ne cesse de repenser à la conférence d’ avant-hier à A… Il me semble qu’elle m’apprend sur « le peuple » davan

136 m’a fait voir « le peuple » pour la première fois de ma vie. Première constatation : l’apathie générale, aussi bien à A… q

137 ’apathie générale, aussi bien à A… qu’à la séance de cinéma. Il n’y aurait là rien d’étonnant, si l’on ne nous rebattait l

138 … qu’à la séance de cinéma. Il n’y aurait là rien d’ étonnant, si l’on ne nous rebattait les oreilles de phrases sur la vol

139 ’étonnant, si l’on ne nous rebattait les oreilles de phrases sur la volonté et la mission du peuple. On a beau se méfier d

140 ssi pourquoi elles mentent, et quel immense désir de réveiller le peuple elles traduisent chez certains qui les prononcent

141 elles traduisent chez certains qui les prononcent de bonne foi. Elles le trahissent d’ailleurs, ce désir, en essayant de l

142 s le trahissent d’ailleurs, ce désir, en essayant de le faire passer d’ores et déjà pour une réalité. Deuxième constatatio

143 té. Deuxième constatation : il est très difficile d’ aimer des hommes qui ne nous sont rien, qui ne nous demandent rien, qu

144 andent rien, qui peut-être ne voudraient pas même de notre aide (nous égalent les intellectuels bourgeois). Il est très di

145 s intellectuels bourgeois). Il est très difficile d’ aimer ces hommes, et cependant ils sont la réalité vivante et présente

146 nte du « peuple ». Par contre, il est très facile de haïr et de condamner un certain ordre de choses qui nous vexe et dont

147 uple ». Par contre, il est très facile de haïr et de condamner un certain ordre de choses qui nous vexe et dont nous souff

148 s facile de haïr et de condamner un certain ordre de choses qui nous vexe et dont nous souffrons. Et il est très tentant d

149 xe et dont nous souffrons. Et il est très tentant d’ appeler cette haine : amour du peuple. Troisième constatation : la plu

150 éhensibles ; mais ceux qui les écoutent ont l’air de trouver cela tout naturel. Je fus certainement le seul ici à m’étonne

151 e des noms qu’on ne connaît pas. Cela fait partie de l’éloquence. Et l’éloquence est le but du discours, dont le sujet n’e

152 u des mensonges, on n’applaudira guère que le son de leur voix, ou le parti qui les délègue. Il resterait à expliquer cet

153 nt il ne sera pas le dernier à pâtir. Impuissance de l’« esprit », bêtise de l’action : ces deux misères n’auraient-elles

154 nier à pâtir. Impuissance de l’« esprit », bêtise de l’action : ces deux misères n’auraient-elles pas une origine commune 

155 é que j’entrevoyais cette origine dans les propos de mon voisin au sortir de la conférence. Cet homme trouvait qu’il n’y a

156 il n’y avait rien à « discuter » dans les paroles de l’orateur, parce que c’était « la vérité ». Autrement dit, parce que

157 lque chose qui peut être réalisé. Et qu’il s’agit de prendre position effectivement. S’il s’était senti interpellé personn

158 terpellé personnellement, invité à choisir, sommé d’ approuver ou de refuser en fait ce que venait de dire le conférencier,

159 nellement, invité à choisir, sommé d’approuver ou de refuser en fait ce que venait de dire le conférencier, alors, alors i

160 remarqué qu’aucun des auditeurs ait pris la chose de cette manière. Je sais bien qu’il y a la difficulté de s’exprimer, la

161 tte manière. Je sais bien qu’il y a la difficulté de s’exprimer, la timidité, la fatigue, et que tout cela peut bien suffi

162 out cela peut bien suffire à expliquer le silence de ces cultivateurs. Mais le type qui m’a parlé avait la langue bien pen

163 je m’avise que la majorité des « intellectuels » d’ aujourd’hui ne pense pas très différemment. Peuple ou « clercs », ils

164 a « vérité » n’engage à rien. Ils bornent le rôle de l’esprit à la constatation de l’exactitude objective et formelle des

165 Ils bornent le rôle de l’esprit à la constatation de l’exactitude objective et formelle des faits ou des raisonnements que

166 t sont des égoïstes, des orgueilleux, des espèces d’ aristos qui ne vont qu’avec les riches. Il y en a certes qui font prog

167 tout à fait autre chose. C’est un certain nombre de phrases qu’on lit dans les journaux et qu’on entend dans les assemblé

168 u avec les gros. D’autre part, c’est une question de travail, de salaires, de prix de la vie, et là les intellectuels ne s

169 ros. D’autre part, c’est une question de travail, de salaires, de prix de la vie, et là les intellectuels ne servent à rie

170 part, c’est une question de travail, de salaires, de prix de la vie, et là les intellectuels ne servent à rien. Enfin, les

171 est une question de travail, de salaires, de prix de la vie, et là les intellectuels ne servent à rien. Enfin, les questio

172 llectuels ne servent à rien. Enfin, les questions de personnes jouent un rôle : on aime avoir un député instruit. Mais ce

173 s. C’est surtout parce qu’un homme instruit jouit d’ une certaine considération sociale, sait se débrouiller à Paris et peu

174 ociale, sait se débrouiller à Paris et peut faire de beaux discours. Dans ces conditions, qu’un intellectuel aille parler

175 a l’air « sincère », mais on n’aura jamais l’idée de mettre en pratique ce qu’il dit. Il reste dans son rôle en s’agitant

176 culture se trompent sur la nature et sur le rôle de la culture. Mais il est inquiétant que les hommes cultivés, au lieu d

177 ivés, au lieu de s’efforcer, comme ils devraient, de combattre activement cette erreur, en tirent au contraire leur confor

178 uent agréablement, ils la réduisent à un ensemble de phrases correctes, quelquefois ingénieuses, et par définition ineffic

179 nieuses, et par définition inefficaces. L’opinion de mon voisin après la conférence, j’ai pu croire que c’était l’opinion

180 conférence, j’ai pu croire que c’était l’opinion d’ un nigaud ; mais non, c’est celle d’un clerc parfait. Je n’ai pas fini

181 ait l’opinion d’un nigaud ; mais non, c’est celle d’ un clerc parfait. Je n’ai pas fini de m’étonner de cette rencontre. 19

182 c’est celle d’un clerc parfait. Je n’ai pas fini de m’étonner de cette rencontre. 19 décembre 1933 Si l’on veut réelleme

183 d’un clerc parfait. Je n’ai pas fini de m’étonner de cette rencontre. 19 décembre 1933 Si l’on veut réellement conduire u

184 à un but défini, il faut avant tout se préoccuper de le prendre là où il est, et commencer là. Voilà le secret de tout sec

185 re là où il est, et commencer là. Voilà le secret de tout secours… Pour aider réellement un homme, il faut que j’en sache

186 l sait. Sinon mon savoir supérieur ne lui servira de rien. Si je persiste cependant à faire valoir ma science, ce n’est pl

187 eu d’aider l’homme, je cherche à me faire admirer de lui. Cette remarque de Kierkegaard me frappe aujourd’hui comme si el

188 herche à me faire admirer de lui. Cette remarque de Kierkegaard me frappe aujourd’hui comme si elle avait été écrite expr

189 ceux qui m’entourent, ce « peuple » qu’il s’agit d’ aider, et que je vois encore si mal. (Ce qui ne m’a pas empêché jusqu’

190 core si mal. (Ce qui ne m’a pas empêché jusqu’ici de m’occuper de politique, par exemple… Mais déjà, je me sens moins assu

191 (Ce qui ne m’a pas empêché jusqu’ici de m’occuper de politique, par exemple… Mais déjà, je me sens moins assuré dans ma bo

192 je me sens moins assuré dans ma bonne conscience de « doctrinaire », à cet égard.) D’autre part, elle m’aide à distinguer

193 elle m’aide à distinguer l’un des motifs au moins de ma gêne, quand je constate qu’ils ne comprennent pas de quoi je m’occ

194 gêne, quand je constate qu’ils ne comprennent pas de quoi je m’occupe. C’est peut-être un secret désir, un inconscient dés

195 re un secret désir, un inconscient désir que j’ai d’ être reconnu par eux à ma juste valeur. Exactement ce que Kierkegaard

196 n chacun, mon amour-propre, je ne puis m’empêcher de le juger assez justifié dans l’occurrence. On n’aime pas à être tenu

197 n est dans ma situation, ou mieux, dans ce défaut de « situation » qui fait de moi, pour parler comme la presse, un « inte

198 u mieux, dans ce défaut de « situation » qui fait de moi, pour parler comme la presse, un « intellectuel en chômage. » (Éc

199 s conditions morales et économiques des habitants de l’île. 1° Division des terres. — J’ai pu vérifier à plusieurs reprise

200 tion du cadastre en lisant affichées sur les murs de l’église les annonces de ventes immobilières. Les propriétés se compo

201 t affichées sur les murs de l’église les annonces de ventes immobilières. Les propriétés se composent généralement d’une v

202 ilières. Les propriétés se composent généralement d’ une vingtaine ou d’une trentaine de parcelles, dont beaucoup n’ont que

203 étés se composent généralement d’une vingtaine ou d’ une trentaine de parcelles, dont beaucoup n’ont que quelques centiares

204 t généralement d’une vingtaine ou d’une trentaine de parcelles, dont beaucoup n’ont que quelques centiares, les plus grand

205 la géographie locale assez pour me rendre compte de la dispersion ridicule des parcelles tout autour du village : l’homme

206 tour du village : l’homme qui travaille ces bouts de champ, grands comme ma chambre, doit passer une partie de la journée

207 , grands comme ma chambre, doit passer une partie de la journée à marcher de l’un à l’autre. Disposition encore plus gênan

208 e, doit passer une partie de la journée à marcher de l’un à l’autre. Disposition encore plus gênante au moment de la récol

209 la guerre. Mais cela n’a pas marché. La tradition de l’île veut que chaque champ soit partagé à la mort du propriétaire en

210 soit partagé à la mort du propriétaire en autant de parcelles qu’il y a d’héritiers. Ceci pour éviter que l’un hérite d’u

211 du propriétaire en autant de parcelles qu’il y a d’ héritiers. Ceci pour éviter que l’un hérite d’un champ un peu meilleur

212 y a d’héritiers. Ceci pour éviter que l’un hérite d’ un champ un peu meilleur que les autres. Égalité contre solidarité. Le

213 s. Égalité contre solidarité. Le résultat évident de cette tradition sacro-sainte, c’est que les paysans travaillent beauc

214 ue. Comment espérer un développement « culturel » de cette population abrutie de fatigue ? Il faudrait d’abord réformer le

215 oppement « culturel » de cette population abrutie de fatigue ? Il faudrait d’abord réformer les conditions matérielles. Ma

216 Mais si personne ne fait rien par le moyen normal de l’éducation, il n’y a plus d’autre solution que la contrainte. La dic

217 par le moyen normal de l’éducation, il n’y a plus d’ autre solution que la contrainte. La dictature est un moyen grossier,

218 r ceux qui la subissent, mais c’est le seul moyen de transformer et d’animer un peuple auquel on n’a pas su donner le sens

219 ssent, mais c’est le seul moyen de transformer et d’ animer un peuple auquel on n’a pas su donner le sens civique, le sens

220 uel on n’a pas su donner le sens civique, le sens de la communauté. Qui est-ce qui se préoccupe en France de donner au peu

221 communauté. Qui est-ce qui se préoccupe en France de donner au peuple une éducation solidariste ? On cherche à enrôler ces

222 , c’est l’évidence, parce qu’elles n’exigent rien de positif, ne construisent rien, n’animent rien, s’épuisent en excitati

223 u sens précis, limité et terre à terre des usages de l’île. Dès la quarantaine déjà, les hommes et les femmes ont tous le

224 ps plus ou moins déjeté. Cela provient évidemment de leur position quand ils travaillent aux champs. Et cette position pro

225 ravaillent aux champs. Et cette position provient de la forme de leurs outils. Ils n’utilisent guère que des « bouelles »

226 ux champs. Et cette position provient de la forme de leurs outils. Ils n’utilisent guère que des « bouelles » au manche tr

227 s » au manche très court, recourbé à l’extrémité, de telle sorte que la lame fait avec le manche un angle d’environ 45 deg

228 le sorte que la lame fait avec le manche un angle d’ environ 45 degrés. Cet instrument, d’une part les oblige à baisser le

229 er la terre sablonneuse, d’autre part les empêche de labourer cette terre à plus de quinze ou vingt centimètres de profond

230 e part les empêche de labourer cette terre à plus de quinze ou vingt centimètres de profondeur. Trente centimètres de rall

231 cette terre à plus de quinze ou vingt centimètres de profondeur. Trente centimètres de rallonge au manche, un angle plus g

232 ngt centimètres de profondeur. Trente centimètres de rallonge au manche, un angle plus grand avec la lame, cela suffirait

233 redresser leur corps et augmenterait le rendement de leurs champs. Intrigué dès les premiers jours par l’allure et les faç

234 dès les premiers jours par l’allure et les façons de travailler si spéciales des gens d’ici, j’ai hésité longtemps à croir

235 le particularité locale motivait l’usage exclusif de cette bouelle. Je les ai questionnés : ils ont eu l’air plutôt surpri

236 , le père Renaud étant venu retourner une planche d’ oignons, je lui ai offert les outils à long manche qui sont dans le ch

237 t de suite obtenu des résultats supérieurs à ceux de ses voisins, et à moindre fatigue. Il y a peut-être d’innombrables pe

238 s voisins, et à moindre fatigue. Il y a peut-être d’ innombrables petits faits de ce genre en France. Il y aurait peut-être

239 gue. Il y a peut-être d’innombrables petits faits de ce genre en France. Il y aurait peut-être d’innombrables réformes aus

240 aits de ce genre en France. Il y aurait peut-être d’ innombrables réformes aussi simples à opérer. Je n’en sais rien4. Je m

241 availlent trop, se plaignent du mauvais rendement de la terre, et refusent cependant de rien changer à des habitudes dont

242 vais rendement de la terre, et refusent cependant de rien changer à des habitudes dont les défauts sautent aux yeux du pre

243 . 13 février 1934 La presse. — Je note à l’usage d’ un futur historien des mœurs que la presse « de droite » reflète assez

244 ge d’un futur historien des mœurs que la presse «  de droite » reflète assez exactement la mentalité et les conversations d

245 ssez exactement la mentalité et les conversations de la bourgeoisie conservatrice, alors que la presse de gauche ne reflèt

246 la bourgeoisie conservatrice, alors que la presse de gauche ne reflète nullement la mentalité ni les conversations populai

247 s qui recherchent la « considération » du peuple. D’ où le ton haineux typiquement petit-bourgeois de certaines de ces feui

248 . D’où le ton haineux typiquement petit-bourgeois de certaines de ces feuilles. Je n’ai jamais retrouvé ce ton dans le peu

249 haineux typiquement petit-bourgeois de certaines de ces feuilles. Je n’ai jamais retrouvé ce ton dans le peuple. S’il en

250 i ou là, c’est que le peuple, en France, lit trop de journaux, ne lit que cela, et finit par se croire « le Peuple », tel

251 nnes. Les correspondances villageoises (accidents de bicyclette, arrivée d’un bateau, prix du sel, causeries du curé ou de

252 es villageoises (accidents de bicyclette, arrivée d’ un bateau, prix du sel, causeries du curé ou de l’instituteur, mariage

253 ée d’un bateau, prix du sel, causeries du curé ou de l’instituteur, mariages, décès et naissances) tiennent presque toute

254 ien ne le rend plus sensible que cette différence de ton entre tel organe socialiste ou communiste de Paris, et l’un de ce

255 de ton entre tel organe socialiste ou communiste de Paris, et l’un de ces petits journaux de campagne. 15 février 1934 L

256 organe socialiste ou communiste de Paris, et l’un de ces petits journaux de campagne. 15 février 1934 Les gens. — Si j’av

257 mmuniste de Paris, et l’un de ces petits journaux de campagne. 15 février 1934 Les gens. — Si j’avais une âme de philanth

258 . 15 février 1934 Les gens. — Si j’avais une âme de philanthrope, je chercherais à répandre mes idées dans la population 

259 s consignées, et mettre en discussion mes projets de réforme. Mais je sais bien ce qui m’arrêterait dès les premiers pas.

260 s pas. Ces hommes n’ont pas ou n’ont plus coutume de se réunir, d’être ensemble pour causer. Le dimanche, ils « font la pa

261 mes n’ont pas ou n’ont plus coutume de se réunir, d’ être ensemble pour causer. Le dimanche, ils « font la partie » chez l’

262 plorent parmi les vieux. Mais personne n’a l’idée de rien entreprendre. Le village comptait autrefois, paraît-il, cinq ou

263 mptait autrefois, paraît-il, cinq ou six Sociétés de caractère utilitaire ou récréatif. La plus fameuse était la Clique de

264 if. La plus fameuse était la Clique des retraités de la Marine, qui animait de ses concerts de nombreuses fêtes villageois

265 la Clique des retraités de la Marine, qui animait de ses concerts de nombreuses fêtes villageoises. Tout cela s’est dissou

266 traités de la Marine, qui animait de ses concerts de nombreuses fêtes villageoises. Tout cela s’est dissous quand les homm

267 zz du chef-lieu : il arrive dans un somptueux car d’ excursion capitonné de velours violet, horriblement moderne. Cependant

268 rrive dans un somptueux car d’excursion capitonné de velours violet, horriblement moderne. Cependant deux associations se

269 este lors des enterrements : elle assure à chacun de ses membres une nombreuse suite pour leur dernier voyage. L’autre, c’

270 ier voyage. L’autre, c’est la Société coopérative de panification, réunissant dans une sorte de corporation boulangers, mi

271 rative de panification, réunissant dans une sorte de corporation boulangers, minotiers et consommateurs. Le pain, la tombe

272 fondamentales. Voilà qui est bien dans l’harmonie de cette lande où l’homme et ses maisons mettent les seules verticales.

273 u’ils grattent lentement pour en tirer tout juste de quoi vivre, j’hésite à reconnaître dans leur existence le beau mythe

274 À la fois aux limites du continent et aux limites de l’humanité. Ils n’attaquent plus, ils se cramponnent. Ce ne sont pas

275 Ce ne sont pas des colons, des défricheurs, mais de petits propriétaires qui se défendent avec la seule obstination de l’

276 taires qui se défendent avec la seule obstination de l’instinct, au niveau le plus bas où l’homme puisse vivre sans misère

277 , sans tristesse. Chacun pour soi sur sa parcelle de terre ingrate, dans sa courette pleine de fleurs. Qu’ils n’aient pas

278 arcelle de terre ingrate, dans sa courette pleine de fleurs. Qu’ils n’aient pas de vie communautaire, cela ne signifie pas

279 sa courette pleine de fleurs. Qu’ils n’aient pas de vie communautaire, cela ne signifie pas nécessairement qu’ils aient p

280 as nécessairement qu’ils aient perdu le sentiment de leur commune condition. Ils sont peut-être trop pareils pour éprouver

281 nt peut-être trop pareils pour éprouver le besoin de s’unir. Ils n’ont pas à faire face à des menaces extérieures. Et surt

282 ces extérieures. Et surtout ils n’ont nulle envie d’ entreprendre une conquête quelconque, matérielle ou spirituelle. Or, c

283 peuples et les pousse à créer des signes visibles de leur union : assemblées, fêtes, cortèges, uniformes ou chefs, — kolkh

284 rmes ou chefs, — kolkhozes, corporations ou camps de travail. Mais ici que feraient-ils de tout cela ? Ils ont la liberté,

285 ns ou camps de travail. Mais ici que feraient-ils de tout cela ? Ils ont la liberté, et cela leur suffit, depuis cent-cinq

286 . Ils se nourrissent mal (légumes, soupes, fruits de mer, seiches, et poissons, je crois que c’est à peu près tout) ; mais

287 sont morts ou vont mourir couchés sur une fortune de 100 000 ou de 200 000 francs, que leurs fils iront perdre à la ville 

288 vont mourir couchés sur une fortune de 100 000 ou de 200 000 francs, que leurs fils iront perdre à la ville : je crois cep

289 cins ne font pas fortune. Quelle conclusion tirer de tout cela ? Quand on voit les choses et les êtres de trop près, on pe

290 tout cela ? Quand on voit les choses et les êtres de trop près, on perd le peu de foi que l’on pouvait accorder aux idéolo

291 e. Réveillez ce peuple, il sera peut-être capable de grandes choses — c’est son mystère — mais ne dites pas que vous le fa

292 t le bonheur, pour oser bouleverser la petite vie de notre île. À noter et à souligner : seules les guerres de religion on

293 île. À noter et à souligner : seules les guerres de religion ont tiré de l’héroïsme de ce peuple. Mais combien se feraien

294 uligner : seules les guerres de religion ont tiré de l’héroïsme de ce peuple. Mais combien se feraient tuer aujourd’hui po

295 es les guerres de religion ont tiré de l’héroïsme de ce peuple. Mais combien se feraient tuer aujourd’hui pour sauver leur

296 roit à rien, et qui par suite ne peut rien exiger de sérieux. Mais il y a d’autres aspects de la question. Le sel ne se ve

297 n exiger de sérieux. Mais il y a d’autres aspects de la question. Le sel ne se vend plus depuis un an, et c’était la resso

298 est en train de devenir la proie des politiciens de Paris. Un dimanche, ce sont les enfants communistes de la colonie de

299 ris. Un dimanche, ce sont les enfants communistes de la colonie de vacances qui défilent en maillots rouges et l’on pousse

300 he, ce sont les enfants communistes de la colonie de vacances qui défilent en maillots rouges et l’on pousse des « cris sé

301 ieux » ; le dimanche suivant, ce sont les enfants de la fondation « de droite » et on les applaudit : la fondation fait vi

302 he suivant, ce sont les enfants de la fondation «  de droite » et on les applaudit : la fondation fait vivre beaucoup de pe

303 t : la fondation fait vivre beaucoup de personnes de l’île. La moitié des maisons sont vides, et quelques-unes déjà tomben

304 unes déjà tombent en ruines. Et surtout ce régime d’ inertie laisse trop de forces grandir contre lui : et alors, qui va ve

305 uines. Et surtout ce régime d’inertie laisse trop de forces grandir contre lui : et alors, qui va venir un beau jour, de P

306 contre lui : et alors, qui va venir un beau jour, de Paris, faire la loi dans notre village ? 15 mars 1934 Je rentre de Ve

307 a loi dans notre village ? 15 mars 1934 Je rentre de Vendée. On m’avait demandé d’y aller faire quelques causeries. J’en r

308 mars 1934 Je rentre de Vendée. On m’avait demandé d’ y aller faire quelques causeries. J’en rapporte deux séries d’observat

309 ire quelques causeries. J’en rapporte deux séries d’ observations nouvelles sur la province, et je crois d’autant plus util

310 servations nouvelles sur la province, et je crois d’ autant plus utile de les consigner qu’elles modifient sensiblement cer

311 sur la province, et je crois d’autant plus utile de les consigner qu’elles modifient sensiblement certains jugements auxq

312 jugements auxquels m’avait amené la considération de mon île. Il faut parler d’abord des autocars. Je ne sais si l’on se d

313 des autocars. Je ne sais si l’on se doute à Paris de l’importance des autocars et des transformations qu’ils sont en train

314 la vie provinciale. Je n’ai pas compté le nombre de lignes actuellement exploitées. Mais j’ai pu constater, dans plusieur

315 is j’ai pu constater, dans plusieurs départements de l’Ouest, qu’il n’est plus guère de « pays » qui ne soit desservi par

316 s départements de l’Ouest, qu’il n’est plus guère de « pays » qui ne soit desservi par une ou deux ou même trois Compagnie

317 desservi par une ou deux ou même trois Compagnies de transports locaux. Depuis que j’ai quitté Paris, j’ai bien utilisé un

318 ’ai quitté Paris, j’ai bien utilisé une vingtaine de ces lignes. Je commence à connaître leurs coutumes : rien ne pouvait

319 r plus rapidement et plus profondément la coutume de la France rurale. Mais ce n’est pas encore assez dire : l’autocar mod

320 sez dire : l’autocar modifie complètement le mode de contact entre le voyageur et la province. Naguère encore, quand on n’

321 out convergeait vers Paris, non seulement du fait d’ une organisation ferroviaire centralisée, mais encore sentimentalement

322 s à l’heure, où l’on se sentait relégué à l’écart de la « vraie » circulation. Et l’on ne voyait guère que des gares, ce q

323 nt dans chaque village. Aujourd’hui, les stations d’ autocars sont sur la place principale. C’est de là qu’on part au milie

324 ns d’autocars sont sur la place principale. C’est de là qu’on part au milieu d’une grande affluence de badauds, c’est là q

325 de là qu’on part au milieu d’une grande affluence de badauds, c’est là qu’on arrive à grand son de trompe, c’est enfin ce

326 nce de badauds, c’est là qu’on arrive à grand son de trompe, c’est enfin ce que l’on voit le mieux de chaque pays. La voie

327 de trompe, c’est enfin ce que l’on voit le mieux de chaque pays. La voie ferrée était une sorte d’insulte à la vie locale

328 ux de chaque pays. La voie ferrée était une sorte d’ insulte à la vie locale : elle la traversait abstraitement, sans la vo

329 it abstraitement, sans la voir, sans tenir compte de ses circonstances. Sur ses bords ne vivait qu’une population nomade,

330 qu’une population nomade, qui portait l’uniforme de l’État, partout, la même. Vous pouviez parcourir vingt fois la France

331 même. Vous pouviez parcourir vingt fois la France de part en part, sans remarquer que les gens qui l’habitent ne sont pas

332 quer que les gens qui l’habitent ne sont pas tous de la même sorte, et que d’une province à une autre, ce n’est pas seulem

333 abitent ne sont pas tous de la même sorte, et que d’ une province à une autre, ce n’est pas seulement le paysage qui change

334 » dans la nation abstraitement unifiée ? La ligne d’ autocar fait partie du pays. Elle en épouse la géographie physique, ma

335 voiture. Mais aussi elle tient compte des rythmes de la vie locale, du calendrier des marées, de l’heure matinale des foir

336 thmes de la vie locale, du calendrier des marées, de l’heure matinale des foires, dans les districts ruraux, et ailleurs d

337 es foires, dans les districts ruraux, et ailleurs de l’entrée et de la sortie des usines ou des écoles. La simple intentio

338 les districts ruraux, et ailleurs de l’entrée et de la sortie des usines ou des écoles. La simple intention d’utiliser ce

339 tie des usines ou des écoles. La simple intention d’ utiliser ce moyen de transport vous met en contact avec toutes sortes

340 s écoles. La simple intention d’utiliser ce moyen de transport vous met en contact avec toutes sortes d’habitudes locales.

341 transport vous met en contact avec toutes sortes d’ habitudes locales. D’abord il faut aller dans deux ou trois cafés pour

342 dans deux ou trois cafés pour obtenir un minimum de précisions concernant l’heure du prochain départ et la destination de

343 ur la place. C’est que chaque compagnie a sa tête de ligne chez un bistro différent, et il est rare qu’on puisse trouver l

344 e curiosité on ne tarde pas à y apprendre pas mal d’ histoires, dont j’indiquerai ici l’enchaînement à peu près immuable. C

345 ommence par quelques anecdotes sur l’installation de la ligne et sur la concurrente qui a fait baisser les prix. Car il es

346 ncurrente qui a fait baisser les prix. Car il est de règle qu’au début deux Compagnies se disputent le parcours, jusqu’à c

347 cer aussitôt le petit jeu sur un autre parcours5. De là à des potins sur les personnalités de l’endroit, sur le rôle qu’on

348 rcours5. De là à des potins sur les personnalités de l’endroit, sur le rôle qu’ont joué dans l’affaire le sous-préfet, ou

349 etc. Si l’on a le temps, il n’est pas impossible de pousser la « discussion » sur un plan supérieur, d’aborder par exempl

350 pousser la « discussion » sur un plan supérieur, d’ aborder par exemple la question du capitalisme en général. Bref, lorsq

351 enant du voyage lui-même ? C’est une résurrection de ce que Vigny pleurait, la poésie des diligences, mais aérée. C’est fa

352 la poésie des diligences, mais aérée. C’est fait d’ une foule d’incidents entrevus que tout dispose à romancer ; de conver

353 es diligences, mais aérée. C’est fait d’une foule d’ incidents entrevus que tout dispose à romancer ; de conversations absu

354 ’incidents entrevus que tout dispose à romancer ; de conversations absurdes et rapidement intimes, avec ce personnage enfo

355 ge enfoui à côté de vous dans un luxueux fauteuil de cuir rouge ou bleu vif et qui change de tête plusieurs fois pendant l

356 fauteuil de cuir rouge ou bleu vif et qui change de tête plusieurs fois pendant le trajet, de coups de main aux voyageurs

357 change de tête plusieurs fois pendant le trajet, de coups de main aux voyageurs chargés de paquets ou d’un jeune veau, ou

358 le trajet, de coups de main aux voyageurs chargés de paquets ou d’un jeune veau, ou d’un enfant hurlant et admiré, d’arrêt

359 coups de main aux voyageurs chargés de paquets ou d’ un jeune veau, ou d’un enfant hurlant et admiré, d’arrêts et de détour

360 yageurs chargés de paquets ou d’un jeune veau, ou d’ un enfant hurlant et admiré, d’arrêts et de détours imprévus — car les

361 ’un jeune veau, ou d’un enfant hurlant et admiré, d’ arrêts et de détours imprévus — car les chauffeurs acceptent volontier

362 au, ou d’un enfant hurlant et admiré, d’arrêts et de détours imprévus — car les chauffeurs acceptent volontiers toutes sor

363 les chauffeurs acceptent volontiers toutes sortes de petites commissions que de vieilles dames leur confient au départ ave

364 lontiers toutes sortes de petites commissions que de vieilles dames leur confient au départ avec force recommandations ; e

365 par la portière entrouverte un instant à la fille de l’auberge écartée qui attend le passage du car, les cheveux au vent,

366 passage du car, les cheveux au vent, sur le bord de la route. Rien de plus sympathique que les conducteurs de car. Cela t

367 ute. Rien de plus sympathique que les conducteurs de car. Cela tient évidemment à leur métier. Ce sont, en général de jeun

368 ent évidemment à leur métier. Ce sont, en général de jeunes gaillards solides et gais, et qui ont toutes les raisons d’aim

369 ds solides et gais, et qui ont toutes les raisons d’ aimer le travail et de le faire bien : c’est moderne, c’est sportif, c

370 qui ont toutes les raisons d’aimer le travail et de le faire bien : c’est moderne, c’est sportif, cela vous pose dans l’e

371 à bord de sa puissante machine, et l’on bénéficie de ces petites faveurs que les femmes ont toujours accordées à ceux qui

372 ndent et disposent, ne fût-ce que pour une heure, de leur vie. Oui, voilà bien les hommes avec lesquels je rêverais d’entr

373 , voilà bien les hommes avec lesquels je rêverais d’ entreprendre une belle révolution, qui rajeunisse la France : ils ont

374 ur, le dynamisme, le sens pratique et la rapidité d’ esprit que les bourgeois, qui en sont dépourvus, attribuent par erreur

375 dont ils disposent et qui seraient décisifs lors d’ une action rapide. Mais loin de moi ces ambitions : ceux qui les ont n

376 ne suis qu’un écrivain. Ceci me rappelle un bout de conversation que j’aurais dû noter plus tôt. Le monsieur rencontré da

377 er plus tôt. Le monsieur rencontré dans l’autocar de Taillefer voulait savoir quel était mon métier. Et quand j’eus dit qu

378 fique à jouer dans la société. Vous avez le temps de réfléchir, et de nous faire part de vos lumières, et sans vous, où ir

379 s la société. Vous avez le temps de réfléchir, et de nous faire part de vos lumières, et sans vous, où irions-nous donc, n

380 avez le temps de réfléchir, et de nous faire part de vos lumières, et sans vous, où irions-nous donc, nous qui ne croyons

381 ui dis-je, — qu’un écrivain a bien deux fois plus de peine à vivre qu’un homme normal, mettons qu’un fonctionnaire (c’étai

382 aux circonstances mêmes qui l’ont mis dans le cas d’ écrire. Car, ou bien l’on écrit ce que l’on ne peut pas faire, et c’es

383 it ce que l’on ne peut pas faire, et c’est l’aveu d’ une faiblesse ou d’une ambition excessive, deux choses qui compliquent

384 eut pas faire, et c’est l’aveu d’une faiblesse ou d’ une ambition excessive, deux choses qui compliquent fort la vie, je cr

385 des choses intelligentes, et c’est encore l’aveu d’ une inadaptation cruelle aux mœurs et coutumes de ce temps ; ou bien o

386 d’une inadaptation cruelle aux mœurs et coutumes de ce temps ; ou bien on écrit simplement pour gagner sa chienne de vie

387 u bien on écrit simplement pour gagner sa chienne de vie et c’est le bon moyen de traîner la misère la plus honteuse qui s

388 ur gagner sa chienne de vie et c’est le bon moyen de traîner la misère la plus honteuse qui se puisse imaginer, dans les a

389 dans les antres rédactionnels. Je dis les antres. De toute façon, un écrivain est par nature un empêtré. Et voilà le parad

390 ’injustice : c’est qu’on attend, qu’on exige même de ces gens-là des vertus au-dessus du commun, la révélation de secrets

391 -là des vertus au-dessus du commun, la révélation de secrets qui suffiraient à rendre heureux les plus indignes, et ingéni

392 je ne sais quelle supériorité humaine, quel luxe d’ énergie ou d’invention qui, s’ils les possédaient vraiment, feraient d

393 uelle supériorité humaine, quel luxe d’énergie ou d’ invention qui, s’ils les possédaient vraiment, feraient de leurs déten

394 ion qui, s’ils les possédaient vraiment, feraient de leurs détenteurs non point des écrivains, mais des Don Juan, des dict

395 aurez compris cela, vous cesserez, je le crains, d’ envier ma condition… 16 mars 1934 D’un autre « peuple ». — Il faut en

396 e le crains, d’envier ma condition… 16 mars 1934 D’ un autre « peuple ». — Il faut encore que je revienne sur mon séjour v

397 donner trois « causeries » devant des auditoires de jeunes cultivateurs. Eux-mêmes avaient fixé la liste des sujets qu’il

398 siraient étudier au cours de l’hiver, avec l’aide de plusieurs orateurs bénévoles, pasteurs, instituteurs ou autres « pers

399 , instituteurs ou autres « personnes instruites » de la région. On m’avait prié de parler des révolutions russes de 1905 e

400 sonnes instruites » de la région. On m’avait prié de parler des révolutions russes de 1905 et de 1917, et de l’état actuel

401 On m’avait prié de parler des révolutions russes de 1905 et de 1917, et de l’état actuel de l’URSS. Ils étaient venus pa

402 prié de parler des révolutions russes de 1905 et de 1917, et de l’état actuel de l’URSS. Ils étaient venus par groupes,

403 ler des révolutions russes de 1905 et de 1917, et de l’état actuel de l’URSS. Ils étaient venus par groupes, à bicyclette

404 ns russes de 1905 et de 1917, et de l’état actuel de l’URSS. Ils étaient venus par groupes, à bicyclette ou en charrettes

405 venus par groupes, à bicyclette ou en charrettes, de tous les villages voisins. Du haut de la colline où nous étions tous

406 charrettes, de tous les villages voisins. Du haut de la colline où nous étions tous réunis pour déjeuner, on dominait tout

407 réunis pour déjeuner, on dominait tout un canton de marécages mélancoliques ; et parfois l’on voyait scintiller, dans un

408 ller, dans un lointain nuageux et sous une trouée d’ or, la mer. La petite salle des cours ruraux peut contenir une centain

409 salle des cours ruraux peut contenir une centaine d’ auditeurs. L’orateur doit se tenir debout au milieu d’eux, de manière

410 mité physique. Je leur parlai pendant deux heures d’ un pays d’énormes plaines, sans barrières ni haies, sans chemins creux

411 que. Je leur parlai pendant deux heures d’un pays d’ énormes plaines, sans barrières ni haies, sans chemins creux et sans s

412 , bons et fous. Je décrivis les révoltes obscures de ces masses opprimées et naïves, conduites par des équipes d’hommes du

413 es opprimées et naïves, conduites par des équipes d’ hommes durs, intellectuels bannis ou petits nobles déclassés, le triom

414 u petits nobles déclassés, le triomphe implacable de Lénine, l’enthousiasme du plan de cinq ans. Et je m’étonnais tout en

415 mphe implacable de Lénine, l’enthousiasme du plan de cinq ans. Et je m’étonnais tout en parlant de raconter une épopée con

416 lan de cinq ans. Et je m’étonnais tout en parlant de raconter une épopée contemporaine : tout cela se dégageait ici de la

417 épopée contemporaine : tout cela se dégageait ici de la mesquinerie hargneuse des polémiques et des partis pris, devenait

418 le rythme et les couleurs grandioses et irréelles de la page d’histoire. Mensonge de la distance et de la simplification,

419 t les couleurs grandioses et irréelles de la page d’ histoire. Mensonge de la distance et de la simplification, vérité de l

420 oses et irréelles de la page d’histoire. Mensonge de la distance et de la simplification, vérité de la fable qui donne une

421 de la page d’histoire. Mensonge de la distance et de la simplification, vérité de la fable qui donne une forme grande à no

422 ge de la distance et de la simplification, vérité de la fable qui donne une forme grande à nos obscurs et grands désirs in

423 s informulés. En finissant, je craignis un moment de les avoir trompés, de les avoir rendus jaloux d’une espèce d’imagerie

424 sant, je craignis un moment de les avoir trompés, de les avoir rendus jaloux d’une espèce d’imagerie d’Épinal, malgré moi

425 de les avoir trompés, de les avoir rendus jaloux d’ une espèce d’imagerie d’Épinal, malgré moi trop pareille aux innocente

426 trompés, de les avoir rendus jaloux d’une espèce d’ imagerie d’Épinal, malgré moi trop pareille aux innocentes peintures d

427 e les avoir rendus jaloux d’une espèce d’imagerie d’ Épinal, malgré moi trop pareille aux innocentes peintures de paradis m

428 malgré moi trop pareille aux innocentes peintures de paradis modernisé que vulgarise la propagande communiste. Mais leurs

429 u le laisser croire ; si ce n’était pas encore un de ces régimes de dictature ; si les paysans avaient plus de liberté qu’

430 oire ; si ce n’était pas encore un de ces régimes de dictature ; si les paysans avaient plus de liberté qu’auparavant, etc

431 égimes de dictature ; si les paysans avaient plus de liberté qu’auparavant, etc. Mais ce qui me surprit davantage, ce fut

432 me surprit davantage, ce fut la question franche d’ un garçon de vingt ans, costaud, l’air intelligent et ouvert : « Pense

433 davantage, ce fut la question franche d’un garçon de vingt ans, costaud, l’air intelligent et ouvert : « Pensez-vous qu’on

434 eunes Russes, aux jeunes Allemands, comme un type de jeune Français. » Je retiens de cette journée deux impressions (je n’

435 ds, comme un type de jeune Français. » Je retiens de cette journée deux impressions (je n’ose pas en dire davantage : tout

436 résumé). Quand j’ai projeté sur la paroi blanche de la salle la photo de Kalinine, président de l’URSS, debout dans un ch

437 projeté sur la paroi blanche de la salle la photo de Kalinine, président de l’URSS, debout dans un champ, en costume de mo

438 anche de la salle la photo de Kalinine, président de l’URSS, debout dans un champ, en costume de moujik, il y a eu un prof

439 ident de l’URSS, debout dans un champ, en costume de moujik, il y a eu un profond silence au lieu des rires que je craigna

440 peut donc gouverner sans être un monsieur en haut de forme ? Il a l’air d’un brave type comme nous autres. Rêverie des jeu

441 ns être un monsieur en haut de forme ? Il a l’air d’ un brave type comme nous autres. Rêverie des jeunes cultivateurs.) Et

442 urs.) Et quand j’eus terminé ma causerie, évitant de prononcer mon jugement sur les faits que je venais d’exposer, afin de

443 rononcer mon jugement sur les faits que je venais d’ exposer, afin de voir si mes auditeurs étaient de la même espèce que c

444 d’exposer, afin de voir si mes auditeurs étaient de la même espèce que ceux de l’île : cette série de questions précises

445 mes auditeurs étaient de la même espèce que ceux de l’île : cette série de questions précises et ce désir de rapporter ce

446 de la même espèce que ceux de l’île : cette série de questions précises et ce désir de rapporter ce que j’avais dit à leur

447 e : cette série de questions précises et ce désir de rapporter ce que j’avais dit à leur situation concrète. Esprit critiq

448 ue, méfiance intelligente des paysans, conscience de leur autonomie… Je ne bifferai pas les conclusions que j’avais tirées

449 e bifferai pas les conclusions que j’avais tirées de la conférence à A… Elles sont également vraies. Ce qui est faux, c’es

450 les sont également vraies. Ce qui est faux, c’est de parler du peuple en général. « On le savait depuis longtemps ». On sa

451 ait tant de choses qu’on n’a jamais pris la peine de connaître, chez les « intellectuels ». 17 mars 1934 L’instituteur ve

452 avec sa femme et ses deux enfants. C’est un homme de quarante ans, aux traits réguliers et sérieux, un peu lent de geste e

453 ans, aux traits réguliers et sérieux, un peu lent de geste et de parole ; prudent. Il se plaint de son isolement. « On nou

454 its réguliers et sérieux, un peu lent de geste et de parole ; prudent. Il se plaint de son isolement. « On nous laisse seu

455 ent de geste et de parole ; prudent. Il se plaint de son isolement. « On nous laisse seuls, sans direction. Nous ne savons

456 lutter contre les parents, contre la concurrence de l’école libre qui nous a pris les deux tiers de nos élèves. On aurait

457 e de l’école libre qui nous a pris les deux tiers de nos élèves. On aurait besoin de nourriture intellectuelle pour se sou

458 is les deux tiers de nos élèves. On aurait besoin de nourriture intellectuelle pour se soutenir. Quelquefois on nous envoi

459 naux ou des revues à l’essai, mais c’est toujours de la politique. Quand j’étais jeune, j’ai beaucoup lu Anatole France, c

460  ? Vous ne pourriez pas me dire ce qu’il y aurait d’ intéressant à lire ? — Ne lisez-vous pas de journaux politiques ? — Ce

461 aurait d’intéressant à lire ? — Ne lisez-vous pas de journaux politiques ? — Ce n’est pas ce qu’on cherche. Il faudrait en

462 de cette centralisation : qu’est-ce qu’ils savent de notre situation à Paris ? Est-ce qu’il n’y aurait pas moyen de faire

463 ation à Paris ? Est-ce qu’il n’y aurait pas moyen de faire un mouvement politique en dehors des partis, et de voir une foi

464 e un mouvement politique en dehors des partis, et de voir une fois ce qu’il y aurait à changer pratiquement dans chaque pr

465 on peut, tout seuls dans ce coin ?… » J’ai essayé de faire une liste de livres à lire pour l’instituteur de M… Je ne trouv

466 dans ce coin ?… » J’ai essayé de faire une liste de livres à lire pour l’instituteur de M… Je ne trouve à lui recommander

467 ire une liste de livres à lire pour l’instituteur de M… Je ne trouve à lui recommander que des traductions. La littérature

468 en France n’a guère à donner à ceux qui ont faim de nourriture solide, élémentaire. Défaut de naïveté, de force ou de con

469 nt faim de nourriture solide, élémentaire. Défaut de naïveté, de force ou de conviction. On dirait que tout son effort est

470 ourriture solide, élémentaire. Défaut de naïveté, de force ou de conviction. On dirait que tout son effort est de s’écarte

471 lide, élémentaire. Défaut de naïveté, de force ou de conviction. On dirait que tout son effort est de s’écarter le plus po

472 de conviction. On dirait que tout son effort est de s’écarter le plus possible de ce qui est simplement vrai. Je comprend

473 tout son effort est de s’écarter le plus possible de ce qui est simplement vrai. Je comprends assez bien qu’un certain nom

474 rai. Je comprends assez bien qu’un certain nombre d’ écrivains français aient passé au communisme : il leur fallait cela sa

475 l a fallu un nouveau conformisme pour les libérer de l’ancien ; — et l’alibi d’une action politique à laquelle ils n’enten

476 misme pour les libérer de l’ancien ; — et l’alibi d’ une action politique à laquelle ils n’entendent goutte. 1. Deux peti

477 ournaux paraissent dans l’île. L’un est aux mains de M. T…, député de droite, et des « curés ». L’autre est « républicain

478 t dans l’île. L’un est aux mains de M. T…, député de droite, et des « curés ». L’autre est « républicain et antifasciste »

479 t antifasciste ». 2. Village à l’autre extrémité de l’île. 3. Combien d’ailleurs savent que ce mot peut désigner autre c

480 e qu’un « je m’en fichiste » ? 4. J’avais raison de marquer ce doute. Un agriculteur auquel je viens de raconter ce petit

481 t dans un terrain sablonneux ». Reste la question de savoir s’il est normal de se déformer le corps pour gagner un peu plu

482 ux ». Reste la question de savoir s’il est normal de se déformer le corps pour gagner un peu plus. Or ils y sont, pour la

483 J’ai appris que, dans certaines régions du Midi, de véritables « écumeurs de lignes » exploitent systématiquement ce filo

484 rtaines régions du Midi, de véritables « écumeurs de lignes » exploitent systématiquement ce filon. Ils arrivent à se fair

485 ystématiquement ce filon. Ils arrivent à se faire de grosses fortunes en très peu de temps, parfois sans dépenser un seul

486 peu de temps, parfois sans dépenser un seul bidon d’ essence. Simplement, ils vendent la menace d’utiliser le parcours d’un

487 idon d’essence. Simplement, ils vendent la menace d’ utiliser le parcours d’une Compagnie en exercice. a. Rougemont Denis

488 ent, ils vendent la menace d’utiliser le parcours d’ une Compagnie en exercice. a. Rougemont Denis de, « Paysans de l’Oue

489 d’une Compagnie en exercice. a. Rougemont Denis de , « Paysans de l’Ouest », La Revue de Paris, Paris, juin 1937, p. 826-

490 e en exercice. a. Rougemont Denis de, « Paysans de l’Ouest », La Revue de Paris, Paris, juin 1937, p. 826-851. b. Intro

491 gemont Denis de, « Paysans de l’Ouest », La Revue de Paris, Paris, juin 1937, p. 826-851. b. Introduit par la note suivan

492 ns , a noté, dans un journal intime tenu au cours d’ un long séjour dans l’île de Ré et en Vendée, ses impressions sur la v

493 ine politiques. Les pages qu’on va lire, nourries d’ observations précises, en apportent des preuves frappantes. Ces pages

494 frappantes. Ces pages sont extraites du Journal d’ un intellectuel en chômage , qui doit paraître prochainement. »

495 des collectivités, c’est l’un des traits typiques de notre siècle. Or l’inconscient est la grande découverte — ou l’invent

496 ion — des romantiques allemands. C’est donc l’une de nos origines les plus profondes que nous révèle M. Albert Béguin, en

497 eurs jamais sévère ; au point que l’on craindrait d’ en détourner certains lecteurs en remarquant que c’est aussi un ouvrag

498 lecteurs en remarquant que c’est aussi un ouvrage d’ actualité, au sens le plus pénétrant de ce terme. Et pourtant, il faut

499 un ouvrage d’actualité, au sens le plus pénétrant de ce terme. Et pourtant, il faut bien le dire : cette révélation du rom

500 vélation du romantisme allemand dans ce qu’il eut d’ audacieux et de tragique ne présente pas seulement un intérêt littérai

501 antisme allemand dans ce qu’il eut d’audacieux et de tragique ne présente pas seulement un intérêt littéraire de tout prem

502 e ne présente pas seulement un intérêt littéraire de tout premier ordre ; elle revêt une portée proprement religieuse. Et

503 gieuse. Et par là même — car nous vivons au seuil de l’ère des mystiques collectives — cette lecture nous introduit aux ve

504 te lecture nous introduit aux vertiges spirituels d’ où sont nés des mouvements politiques tels que le national-socialisme.

505 sme. Peu à peu, elle dévoile à nos yeux une sorte d’ unité profonde sous-jacente aux tourments du siècle. Une vague de rêve

506 e sous-jacente aux tourments du siècle. Une vague de rêves a submergé notre littérature, depuis la guerre ; et voici que r

507 térature, depuis la guerre ; et voici que renaît, d’ une manière bien frappante, l’intérêt de beaucoup pour les études myst

508 e renaît, d’une manière bien frappante, l’intérêt de beaucoup pour les études mystiques ; voici que se répand l’usage, et

509 i que se répand l’usage, et même l’abus, du terme de « mystique » dans l’ordre politique ; voici enfin qu’un grand empire

510 i enfin qu’un grand empire réalise au milieu de l’ Europe la plus inquiétante synthèse de religiosité, de politique, de rêve et

511 u milieu de l’Europe la plus inquiétante synthèse de religiosité, de politique, de rêve et de mystique élémentaire. Or, ce

512 rope la plus inquiétante synthèse de religiosité, de politique, de rêve et de mystique élémentaire. Or, ces faits ne sont

513 nquiétante synthèse de religiosité, de politique, de rêve et de mystique élémentaire. Or, ces faits ne sont pas seulement

514 synthèse de religiosité, de politique, de rêve et de mystique élémentaire. Or, ces faits ne sont pas seulement coïncidents

515 complicité, rien n’est plus propre que l’ouvrage d’ Albert Béguin à nous guider dans la pénombre où s’émeut leur commune o

516 e spirituelle des hommes angoissés par le mystère d’ une nature hostile et mouvante. La parole de raison, qui distingue les

517 stère d’une nature hostile et mouvante. La parole de raison, qui distingue les choses, les arrête et les identifie, appara

518 cienne et facile, laisse l’homme sur un sentiment de déception et d’indicible appauvrissement. Le monde rationnel est rass

519 , laisse l’homme sur un sentiment de déception et d’ indicible appauvrissement. Le monde rationnel est rassurant, mais beau

520 ns réponse, et des faims ancestrales sans pâture. D’ où renaît, peu à peu, une angoisse nouvelle, une attraction, comparabl

521 traction, comparable au vertige, vers ces régions de l’être obscur que le bon sens et la philosophie prétendaient mettre a

522 sens et la philosophie prétendaient mettre au ban de l’humanité. Et tandis que dans sa panique l’homme primitif s’était to

523 ison libératrice, au terme des époques appauvries de mystère l’homme sceptique se rejette avec passion vers les « aspects

524 jette avec passion vers les « aspects nocturnes » de sa nature. Ainsi naquit le romantisme allemand après le siècle des Lu

525 nos soifs mystiques élémentaires après un siècle de science positiviste. Est-il vrai que la nuit et le rêve n’ont rien à

526 ntraire, nous propose des paradis et des terreurs d’ une intensité séduisante. Serait-il le signe, ou l’entrée, d’une Vérit

527 sité séduisante. Serait-il le signe, ou l’entrée, d’ une Vérité supérieure ? Telle est la question que posèrent les premier

528 s choses qui sont hors de nous, ou bien seulement de choses qui, en nous, étaient restées secrètes pour la conscience ? Ti

529 Quand nous rêvons, « est-ce nous qui nous jouons de nous-mêmes, ou bien une main d’en haut brasse-t-elle les cartes ? » D

530 s qui nous jouons de nous-mêmes, ou bien une main d’ en haut brasse-t-elle les cartes ? » Déjà E. T. A. Hoffmann insinue la

531 e spirituel étranger à nous-mêmes était le mobile de ces irruptions soudaines d’images inconnues qui se jettent à la trave

532 mêmes était le mobile de ces irruptions soudaines d’ images inconnues qui se jettent à la traverse de nos idées d’une maniè

533 s d’images inconnues qui se jettent à la traverse de nos idées d’une manière si brusque et si saisissante ? » De là à pens

534 connues qui se jettent à la traverse de nos idées d’ une manière si brusque et si saisissante ? » De là à penser que le rêv

535 es d’une manière si brusque et si saisissante ? » De là à penser que le rêve est « un vestige du divin », il n’y a que l’é

536 « un vestige du divin », il n’y a que l’épaisseur d’ un scrupule d’orthodoxie, d’une dernière crainte de confondre l’homme

537 u divin », il n’y a que l’épaisseur d’un scrupule d’ orthodoxie, d’une dernière crainte de confondre l’homme et Dieu. Troxl

538 n’y a que l’épaisseur d’un scrupule d’orthodoxie, d’ une dernière crainte de confondre l’homme et Dieu. Troxler esquive non

539 ’un scrupule d’orthodoxie, d’une dernière crainte de confondre l’homme et Dieu. Troxler esquive non sans adresse la diffic

540 moi sombre et son néant, que l’on atteint au fond de l’inconscient, ils formulent le problème crucial qui se pose à tous l

541 lèle pour que nous puissions l’esquiver. Essayons d’ en relever quelques points. Au départ, cette même attention prêtée aux

542 s’empare avec avidité des plus furtives promesses de bonheur, surtout si elles sont assez obscures et ambiguës pour échapp

543 cures et ambiguës pour échapper au froid contrôle de la raison. Toute la poésie romantique, de même que la surréaliste, es

544 urréaliste, est à l’affût des « surprises pleines de sens » dont nous parlent aussi les mystiques. Une autre analogie, ass

545 ne autre analogie, assez frappante, c’est le rôle de la rhétorique chez les poètes du rêve et les mystiques. Le philosophe

546 s constantes que celles qui le régissent à l’état de veille. D’autre part, l’on sait bien que les mystiques, fussent-ils d

547 rt, l’on sait bien que les mystiques, fussent-ils de religions différentes — hindous, musulmans ou chrétiens — ont de tout

548 fférentes — hindous, musulmans ou chrétiens — ont de tout temps réinventé les mêmes figures de langage pour traduire l’ine

549 s — ont de tout temps réinventé les mêmes figures de langage pour traduire l’ineffable qu’ils vivaient. Et ceci nous amène

550 t. Et ceci nous amène au problème central : celui de l’expression d’un indicible. Il nous faut dépasser ici le domaine cir

551 amène au problème central : celui de l’expression d’ un indicible. Il nous faut dépasser ici le domaine circonscrit du rêve

552 eurs, ont été bien au-delà, dans leur exploration de l’inconscient. Le songe, pour eux, n’est que la « porte » ouvrant sur

553 nce mystique ou romantique présuppose l’existence d’ un centre ou d’un tréfonds divin de l’âme (c’est l’Un-grund de Jakob B

554 romantique présuppose l’existence d’un centre ou d’ un tréfonds divin de l’âme (c’est l’Un-grund de Jakob Boehme), dont on

555 se l’existence d’un centre ou d’un tréfonds divin de l’âme (c’est l’Un-grund de Jakob Boehme), dont on ne peut rien dire,

556 ne peut rien dire, et qui cependant est la source de tout ce que l’on dit. C’est l’ineffable, l’indicible, le royaume du S

557 ssent leur vie à en parler, à en écrire, à tenter de le cerner par des figures qui, n’étant jamais suffisantes, doivent êt

558 ique allemand. Car l’un et l’autre ont l’ambition de communiquer par l’écrit ce qu’ils ne cessent de définir comme l’indic

559 n de communiquer par l’écrit ce qu’ils ne cessent de définir comme l’indicible. Dès lors, la plainte sera la même, qu’il s

560 Dès lors, la plainte sera la même, qu’il s’agisse d’ une Thérèse d’Avila ou simplement du bonhomme Tieck : Donnez-moi des «

561 ots pour dépeindre, même faiblement, la merveille de la vision qui s’offrit à moi et qui, transformant mon âme, m’entraîna

562 t qui, transformant mon âme, m’entraîna au-devant d’ une réalité invisible, divine, d’une ineffable splendeur ? Un indicibl

563 traîna au-devant d’une réalité invisible, divine, d’ une ineffable splendeur ? Un indicible ravissement me souleva tout ent

564 ource inépuisable, le point originel et fascinant de tout jaillissement du langage, de toute expression littéraire. « Où t

565 el et fascinant de tout jaillissement du langage, de toute expression littéraire. « Où trouver des mots ? », gémissent-ils

566 La plainte est sincère et tragique. Mais combien de mots leur fera-t-elle accumuler pour dire que rien ne saurait être di

567 it une découverte importante, écrit Ritter, celle d’ une conscience passive de l’involontaire. » Et sur cette base, la seco

568 nte, écrit Ritter, celle d’une conscience passive de l’involontaire. » Et sur cette base, la seconde génération du romanti

569 tion du romantisme va formuler sa fameuse théorie de l’inspiration — tellement vulgarisée de nos jours qu’on en oublie l’o

570 e théorie de l’inspiration — tellement vulgarisée de nos jours qu’on en oublie l’origine mystique : « Le poète et le rêveu

571 le rêveur sont passifs ; ils écoutent le langage d’ une voix qui leur est intérieure et pourtant étrangère, qui s’élève da

572 rtant étrangère, qui s’élève dans les profondeurs d’ eux-mêmes sans qu’ils puissent faire autre chose que de saluer là l’éc

573 -mêmes sans qu’ils puissent faire autre chose que de saluer là l’écho d’un discours divin. » Alors le doute n’est plus per

574 uissent faire autre chose que de saluer là l’écho d’ un discours divin. » Alors le doute n’est plus permis : l’analogie pur

575 ici devient une profonde identité. L’intervention de la catégorie « passivité » nous fait comprendre la nature du Silence

576 té » nous fait comprendre la nature du Silence et de l’indicible dont nous parlaient mystiques et romantiques : c’est la n

577 i distinct et agissant. C’est la Nuit des sens et de l’esprit que décrit un Jean de la Croix, et dont la nuit des songes,

578 symbole et le signe physique6. C’est « le royaume de l’Être qui se confond avec le royaume du Néant, l’éternité enfin conq

579 de ne peut humainement s’exprimer que par l’image de l’absence de toute créature, de toute forme. » Car nous ne percevons

580 mainement s’exprimer que par l’image de l’absence de toute créature, de toute forme. » Car nous ne percevons et n’exprimon

581 r que par l’image de l’absence de toute créature, de toute forme. » Car nous ne percevons et n’exprimons que le divers et

582 u Tout. Et c’est cela qui constitue notre réalité de tous les jours. Pour rejoindre le Tout et l’Unité, il s’agit donc de

583 Pour rejoindre le Tout et l’Unité, il s’agit donc de perdre le Divers, de perdre le réel, de se perdre soi-même, pour se c

584 t et l’Unité, il s’agit donc de perdre le Divers, de perdre le réel, de se perdre soi-même, pour se confondre avec cet Ind

585 agit donc de perdre le Divers, de perdre le réel, de se perdre soi-même, pour se confondre avec cet Indicible qui reste, a

586 x yeux de la chair, le pur Néant. Ainsi, le terme de la quête romantique, à travers les images du rêve, s’identifie avec l

587 ers les images du rêve, s’identifie avec le terme de toute expérience mystique : c’est la « pure présence ineffable », la

588 on sans objet ». Je pense donc qu’il est légitime de suivre Albert Béguin dans cette conclusion : « La grandeur du romanti

589 conclusion : « La grandeur du romantisme restera d’ avoir reconnu et affirmé la profonde ressemblance des états poétiques

590 ssemblance des états poétiques et des révélations d’ ordre religieux, d’avoir ajouté foi aux pouvoirs irrationnels et de s’

591 s poétiques et des révélations d’ordre religieux, d’ avoir ajouté foi aux pouvoirs irrationnels et de s’être dévoué, corps

592 , d’avoir ajouté foi aux pouvoirs irrationnels et de s’être dévoué, corps et âme, à la grande nostalgie de l’être en exil.

593 ’être dévoué, corps et âme, à la grande nostalgie de l’être en exil. » II. L’Être en exil Ce sentiment d’exil que no

594 en exil. » II. L’Être en exil Ce sentiment d’ exil que nous trouvons à l’origine des expériences mystiques les plus

595 gine des expériences mystiques les plus diverses, d’ où naît-il, dans quel souvenir d’une patrie heureuse et perdue ? On au

596 s plus diverses, d’où naît-il, dans quel souvenir d’ une patrie heureuse et perdue ? On aura bientôt fait de répondre en al

597 patrie heureuse et perdue ? On aura bientôt fait de répondre en alléguant notre double nature, corporelle et spirituelle.

598 re double nature, corporelle et spirituelle. Mais d’ une constatation si générale, comment passer à l’élucidation de ce fai

599 ation si générale, comment passer à l’élucidation de ce fait le plus singulier dans la vie de l’esprit humain, qui est l’e

600 cidation de ce fait le plus singulier dans la vie de l’esprit humain, qui est l’engagement sur la via mystica ? S’il est p

601 permis — comme on l’admet un peu trop facilement de nos jours — de tirer de l’étude des maladies une vue nouvelle sur les

602 on l’admet un peu trop facilement de nos jours — de tirer de l’étude des maladies une vue nouvelle sur les structures de

603 et un peu trop facilement de nos jours — de tirer de l’étude des maladies une vue nouvelle sur les structures de l’homme,

604 des maladies une vue nouvelle sur les structures de l’homme, peut-être pouvons-nous demander à la biographie des romantiq

605 out au moins sur les causes humaines du sentiment d’ exil où leur passion s’éveille. Le chapitre important consacré par Bég

606 rêves. Il s’y trouvait prédisposé par l’habitude de l’examen de conscience en profondeur tel que le pratiquaient autour d

607 ’y trouvait prédisposé par l’habitude de l’examen de conscience en profondeur tel que le pratiquaient autour de lui les di

608 l que le pratiquaient autour de lui les disciples de madame Guyon7. Non content de publier une revue entièrement consacrée

609 er une revue entièrement consacrée à des analyses de rêves, Moritz écrivit deux romans autobiographiques qui nous permette

610 deux romans autobiographiques qui nous permettent de pénétrer l’intimité d’une expérience prémystique (ou faut-il dire d’u

611 hiques qui nous permettent de pénétrer l’intimité d’ une expérience prémystique (ou faut-il dire d’une expérience mystique

612 ité d’une expérience prémystique (ou faut-il dire d’ une expérience mystique privée de la grâce, réduite à ses aspects pure

613 (ou faut-il dire d’une expérience mystique privée de la grâce, réduite à ses aspects purement humains ?) Le point de dépar

614 éduite à ses aspects purement humains ?) Le point de départ paraît bien être une blessure qu’il reçut de la vie, un choc q

615 départ paraît bien être une blessure qu’il reçut de la vie, un choc qui l’a laissé béant sur une contradiction irrémédiab

616 vite le souvenir (ou le refoule comme dira Freud) de telle manière que la cause secrète de sa douleur en vient à se confon

617 dira Freud) de telle manière que la cause secrète de sa douleur en vient à se confondre avec le fait de vivre en général.

618 e sa douleur en vient à se confondre avec le fait de vivre en général. D’où l’idée qu’il doit « expier la faute qu’il n’a

619 à se confondre avec le fait de vivre en général. D’ où l’idée qu’il doit « expier la faute qu’il n’a commise que par son e

620 » Non sans lucidité, Moritz a su dépeindre l’état de conscience qui naît de cet obscur déchirement : « C’était comme si le

621 ritz a su dépeindre l’état de conscience qui naît de cet obscur déchirement : « C’était comme si le poids de son existence

622 obscur déchirement : « C’était comme si le poids de son existence l’eût accablé. Qu’il dût, jour pour jour, se lever avec

623 enons-y garde : ce moi détesté, c’est la fatalité de l’être individuel, charnel, créé, et lié à toute la création. C’est p

624 étester revient à détester le monde. L’incapacité d’ accepter le monde réel est signe d’une incapacité de s’accepter soi-mê

625 . L’incapacité d’accepter le monde réel est signe d’ une incapacité de s’accepter soi-même — à cause de cette blessure qu’i

626 accepter le monde réel est signe d’une incapacité de s’accepter soi-même — à cause de cette blessure qu’il s’agit d’oublie

627 soi-même — à cause de cette blessure qu’il s’agit d’ oublier si l’on ne parvient pas à l’expier. Et en effet, à la faveur d

628 parvient pas à l’expier. Et en effet, à la faveur de cet oubli, de ce refus, le moi perd peu à peu de sa réalité : d’où le

629 l’expier. Et en effet, à la faveur de cet oubli, de ce refus, le moi perd peu à peu de sa réalité : d’où le sentiment si

630 de cet oubli, de ce refus, le moi perd peu à peu de sa réalité : d’où le sentiment si fréquent chez la plupart des romant

631 e ce refus, le moi perd peu à peu de sa réalité : d’ où le sentiment si fréquent chez la plupart des romantiques d’être mal

632 iment si fréquent chez la plupart des romantiques d’ être mal assuré de sa propre identité, et d’avoir à la rechercher préc

633 chez la plupart des romantiques d’être mal assuré de sa propre identité, et d’avoir à la rechercher précisément dans le pa

634 iques d’être mal assuré de sa propre identité, et d’ avoir à la rechercher précisément dans le passé. Moritz décrit ainsi l

635 ément dans le passé. Moritz décrit ainsi le héros d’ un de ses romans : « Il lui parut qu’il s’était échappé entièrement à

636 dans le passé. Moritz décrit ainsi le héros d’un de ses romans : « Il lui parut qu’il s’était échappé entièrement à lui-m

637 ute démarche se rechercher lui-même dans la série de ses souvenirs. Il sentait que l’existence n’a d’appui ferme que dans

638 de ses souvenirs. Il sentait que l’existence n’a d’ appui ferme que dans la chaîne ininterrompue des souvenirs8 ». Mais, c

639 droit, « tourne court, incapable une fois de plus de saisir la pensée salvatrice ». C’est qu’il est un souvenir interdit,

640 à se ressaisir dans la mémoire, puisque la cause de sa maladie est justement ce qu’il ne peut se remémorer, cette lacune

641 ut se remémorer, cette lacune qui est à l’origine de la conscience divisée. Comment alors sortir du cercle, comment guérir

642 nous avons vu que le rêve, ou la descente au fond de l’inconscient, représentent pour les romantiques les voies d’un retou

643 ient, représentent pour les romantiques les voies d’ un retour au monde perdu, à la « vraie vie » qui est « ailleurs », com

644 ie » qui est « ailleurs », comme dit Rimbaud. Vie d’ expansion indéfinie dans l’univers ou la divinité. Vie d’innocence ret

645 sion indéfinie dans l’univers ou la divinité. Vie d’ innocence retrouvée : car le moi qui s’y perd, perd aussi le sentiment

646 car le moi qui s’y perd, perd aussi le sentiment de sa culpabilité. Mais d’une autre manière encore, et plus précise, le

647 , perd aussi le sentiment de sa culpabilité. Mais d’ une autre manière encore, et plus précise, le rêve ou la via mystica s

648 récise, le rêve ou la via mystica sont des moyens de récupérer le monde perdu. Ce qu’il faut souligner ici, c’est que la t

649 a tendance à la dilatation panthéiste ou mystique de l’être revêt presque toujours la forme d’un vœu de mort. Le sommeil p

650 ystique de l’être revêt presque toujours la forme d’ un vœu de mort. Le sommeil préfigure la mort pour le poète romantique 

651 e l’être revêt presque toujours la forme d’un vœu de mort. Le sommeil préfigure la mort pour le poète romantique ; et la m

652 et la mort progressive à soi-même est l’ambition de tous les vrais mystiques. Mais pourquoi voudrait-on mourir ? La biogr

653 Mais pourquoi voudrait-on mourir ? La biographie de plusieurs des poètes étudiés par Béguin nous indique une réponse. En

654 rent est presque toujours symbolisée par la perte d’ un être aimé. Passer dans l’autre monde, c’est retrouver la morte ! « 

655 la morte ! « L’expérience typique, qui est celle de Jean-Paul à la mort de ses amis, de Novalis perdant Sophie von Kühn o

656 nce typique, qui est celle de Jean-Paul à la mort de ses amis, de Novalis perdant Sophie von Kühn ou de Nerval poursuivant

657 qui est celle de Jean-Paul à la mort de ses amis, de Novalis perdant Sophie von Kühn ou de Nerval poursuivant l’image d’Au

658 Sophie von Kühn ou de Nerval poursuivant l’image d’ Aurélia, Anton Reiser (le héros de Moritz) la fait dès l’enfance, lors

659 suivant l’image d’Aurélia, Anton Reiser (le héros de Moritz) la fait dès l’enfance, lorsqu’il s’interroge sur ce qu’est de

660 oge sur ce qu’est devenue sa petite sœur : le vœu de retrouver la morte, de communier avec un autre univers, lui fait mépr

661 ue sa petite sœur : le vœu de retrouver la morte, de communier avec un autre univers, lui fait mépriser cette vie, sentir

662 imites, mettre tout son espoir dans une existence d’ outre-tombe ». Le rêve ou la via mystica seront cette existence d’outr

663 Le rêve ou la via mystica seront cette existence d’ outre-tombe vécue dès ici-bas, d’une manière indicible. Et peut-être p

664 cette existence d’outre-tombe vécue dès ici-bas, d’ une manière indicible. Et peut-être pourrait-on dire que l’expérience

665 e, qui guérisse, et qui leur rende alors la force d’ accepter leur moi coupable et le monde réel. La « contemplation sans o

666 lation sans objet » à laquelle ils parviennent en de très rares instants n’est plus alors qu’un moyen de jouir d’une « sen

667 très rares instants n’est plus alors qu’un moyen de jouir d’une « sensation voluptueuse » (comme dit Moritz) de sa propre

668 es instants n’est plus alors qu’un moyen de jouir d’ une « sensation voluptueuse » (comme dit Moritz) de sa propre dissolut

669 ’une « sensation voluptueuse » (comme dit Moritz) de sa propre dissolution, un moyen détourné de revivre sa blessure, ou p

670 ritz) de sa propre dissolution, un moyen détourné de revivre sa blessure, ou plutôt l’élan même qu’elle a brisé, mais sans

671 tre ou l’exprimer… C’est le mouvement fondamental de toute passion, le mouvement d’un amour qui préfère le néant aux limit

672 vement fondamental de toute passion, le mouvement d’ un amour qui préfère le néant aux limitations de la vie — la joie deva

673 t d’un amour qui préfère le néant aux limitations de la vie — la joie devant la mort de Tristan et d’Isolde. III. Mysti

674 ux limitations de la vie — la joie devant la mort de Tristan et d’Isolde. III. Mystique et Personne L’exemple des ro

675 de la vie — la joie devant la mort de Tristan et d’ Isolde. III. Mystique et Personne L’exemple des romantiques alle

676 , c’est entretenir une équivoque dont il y a lieu de craindre qu’elle soit intéressée. Au contraire, s’exprimer, c’est tou

677 ujours s’avouer, c’est se donner pour responsable de sa pensée et de ses actes. Mais voilà justement ce qui répugne aux ro

678 c’est se donner pour responsable de sa pensée et de ses actes. Mais voilà justement ce qui répugne aux romantiques ! D’où

679 voilà justement ce qui répugne aux romantiques ! D’ où leur fuite dans un monde dont on ne peut rien dire. D’où encore le

680 ur fuite dans un monde dont on ne peut rien dire. D’ où encore le besoin qu’ils éprouvent d’affirmer surabondamment que l’o

681 rien dire. D’où encore le besoin qu’ils éprouvent d’ affirmer surabondamment que l’on n’en peut rien dire que par des allus

682 faut reconnaître aussi que s’y révèle une maladie de la personne. Le paradoxe de l’expression d’un Indicible est tellement

683 ’y révèle une maladie de la personne. Le paradoxe de l’expression d’un Indicible est tellement essentiel au romantisme que

684 ladie de la personne. Le paradoxe de l’expression d’ un Indicible est tellement essentiel au romantisme que je n’hésite pas

685 sme que je n’hésite pas à y trouver l’explication d’ un fait connu de tous les historiens : c’est l’incapacité des romantiq

686 ite pas à y trouver l’explication d’un fait connu de tous les historiens : c’est l’incapacité des romantiques à donner des

687 onner des œuvres achevées. En effet, le mouvement de ces poètes est inversé de celui du Créateur. Créer, c’est donner form

688 En effet, le mouvement de ces poètes est inversé de celui du Créateur. Créer, c’est donner forme, et ils voudraient nier

689 itifs ou « illuminations », pareils aux souvenirs d’ un rêve qui s’efface. Cela dont ils voulaient parler, cet Indicible ou

690 ble ou ce discours sans mots entendu dans la nuit de la passivité, comment l’eussent-ils pu rendre au jour sans le trahir,

691 ir, et se trahir ? Ainsi leur œuvre est à l’image de la contradiction vitale dont ils souffraient et d’où naissait leur dé

692 e la contradiction vitale dont ils souffraient et d’ où naissait leur désir angoissé de perdre leur moi personnel. Je préci

693 souffraient et d’où naissait leur désir angoissé de perdre leur moi personnel. Je préciserai ici le sens que je donne au

694 el. Je préciserai ici le sens que je donne au mot de personne, pour éviter certains malentendus courants. La personne est

695 ersonne est en nous l’être spirituel, responsable d’ une vocation, et trouvant là son unité en dépit des contradictions don

696 erait à y échapper par des sublimations : au fond de la nuit et de l’inconscient, c’est encore lui qu’il retrouvera sous d

697 pper par des sublimations : au fond de la nuit et de l’inconscient, c’est encore lui qu’il retrouvera sous des espèces méc

698 s des espèces méconnaissables et qu’il sera tenté de croire divines. Et il est juste que les premières touches de l’esprit

699 ivines. Et il est juste que les premières touches de l’esprit rendent le moi sensible à ses limitations, et lui inspirent

700 à ses limitations, et lui inspirent la nostalgie de les dépasser. Mais seule une vocation lui en donnera la force. Qu’il

701 n apparences une évolution fort semblable à celle de ces pseudo ou prémystiques que furent les poètes du rêve : il se dévo

702 e à une réalité qui, souvent, ne tient pas compte de nos raisons, il s’impose une sorte d’ascèse qui le libère des servitu

703 pas compte de nos raisons, il s’impose une sorte d’ ascèse qui le libère des servitudes naturelles. Mais cette ascèse n’ab

704 . Elle transforme et oriente à nouveau les forces de l’individu, plutôt qu’elle ne veut les détruire. Elle engage dans le

705 c’est à quoi l’on peut reconnaître la légitimité d’ une vocation. Thérèse d’Avila ne voulait accepter que les révélations

706  ascèse personnaliste » se distingue radicalement de la « dissolution du moi » des romantiques. C’est une « activité » qui

707 C’est une « activité » qui ne commence qu’au-delà de la mort à soi-même, c’est-à-dire du renoncement au moi tourmenté par

708 . Seule une telle vocation peut donner le courage de s’avouer en toute lucidité, de s’exprimer sans réticences et d’assume

709 donner le courage de s’avouer en toute lucidité, de s’exprimer sans réticences et d’assumer son moi coupable — parce que

710 toute lucidité, de s’exprimer sans réticences et d’ assumer son moi coupable — parce que dorénavant ce n’est pas cela qui

711 Alors le moi coupable et détesté ne cherche plus de vaine échappatoire dans l’indicible et l’inconscient. Il ose enfin pa

712 s croyants, mais au contraire il leur est demandé d’ agir et d’annoncer leur foi. « C’est en confessant de la bouche qu’on

713 , mais au contraire il leur est demandé d’agir et d’ annoncer leur foi. « C’est en confessant de la bouche qu’on parvient a

714 gir et d’annoncer leur foi. « C’est en confessant de la bouche qu’on parvient au salut », dit saint Paul. IV. Romantism

715 t national-socialisme De même que l’expérience d’ un au-delà ne prend son sens et sa vertu que lorsqu’elle nous ramène a

716 s et sa vertu que lorsqu’elle nous ramène au jour de l’activité quotidienne — de même nos incursions dans la psychologie d

717 s vivons et agissons. Que signifie cette invasion de la politique et de la vie sociale par ce qu’on nomme les « mystiques 

718 s. Que signifie cette invasion de la politique et de la vie sociale par ce qu’on nomme les « mystiques » collectives ? Cer

719 olitique. Et je ne dis pas du tout que les écrits d’ un Novalis ou d’un Jean-Paul soient à sa source ; ce serait absurde. M

720 ne dis pas du tout que les écrits d’un Novalis ou d’ un Jean-Paul soient à sa source ; ce serait absurde. Mais je dis que n

721 ouvons retrouver au niveau inférieur et collectif de la psychologie nazie des processus fort analogues à ceux que nous avo

722 s à ceux que nous avons décrits. Il ne s’agit pas d’ influences, il ne s’agit que de reviviscences — vulgaires et simpliste

723 . Il ne s’agit pas d’influences, il ne s’agit que de reviviscences — vulgaires et simplistes, bien sûr — de certaines atti

724 viviscences — vulgaires et simplistes, bien sûr — de certaines attitudes de l’homme en face de son destin et de sa personn

725 et simplistes, bien sûr — de certaines attitudes de l’homme en face de son destin et de sa personne. Le national-socialis

726 nes attitudes de l’homme en face de son destin et de sa personne. Le national-socialisme apparut comme une réaction de déf

727 Le national-socialisme apparut comme une réaction de défense à l’humiliation collective infligée aux Allemands par Versail

728 out entière dans ses rapports avec le monde réel. D’ où l’impression de culpabilité, inacceptable et inavouable (à cause de

729 es rapports avec le monde réel. D’où l’impression de culpabilité, inacceptable et inavouable (à cause de l’orgueil nationa

730 urtant sommes les fils des vertueux Germains ! Et de ce sentiment de culpabilité, refoulé avec force et bruyamment nié (to

731 s fils des vertueux Germains ! Et de ce sentiment de culpabilité, refoulé avec force et bruyamment nié (tous les discours

732 é avec force et bruyamment nié (tous les discours d’ Hitler proclament, dès le début, que les Allemands n’ont pas perdu la

733 t pas perdu la guerre) doit résulter un sentiment de manque d’assurance nationale. La vraie Allemagne ne peut pas être cel

734 u la guerre) doit résulter un sentiment de manque d’ assurance nationale. La vraie Allemagne ne peut pas être celle qui a s

735 Il faut donc la chercher ailleurs : dans un rêve de puissance et de libération, dans l’avenir, cet ersatz de l’au-delà. N

736 chercher ailleurs : dans un rêve de puissance et de libération, dans l’avenir, cet ersatz de l’au-delà. Nions donc cette

737 sance et de libération, dans l’avenir, cet ersatz de l’au-delà. Nions donc cette réalité qui nous opprime si méticuleuseme

738 nd moyen oubliera ses misères et les humiliations de sa patrie en se perdant dans l’âme collective, dans l’hypnose des fêt

739 que sa vraie vie était entre les mains du parti, d’ un démiurge anonyme et obscur dont il n’a plus qu’à recevoir les ordre

740 es comprendre, comme « passif ». Le voilà délivré de la terrible charge de sa conscience et de ses doutes. La discipline c

741  passif ». Le voilà délivré de la terrible charge de sa conscience et de ses doutes. La discipline collective joue le rôle

742 délivré de la terrible charge de sa conscience et de ses doutes. La discipline collective joue le rôle d’une ascèse du moi

743 ses doutes. La discipline collective joue le rôle d’ une ascèse du moi : les renoncements mêmes qu’elle impose deviennent l

744 ments mêmes qu’elle impose deviennent les preuves de sa transcendante vérité. Et c’est ainsi que la masse allemande, imita

745 nt, où la passion peut s’épanouir, où l’intensité de l’émotion remplace la vérité mesquine des juristes. Et cela nous fait

746 obligations, le culte des morts rétabli, le rêve d’ expansion indéfinie, mais aussi le goût de la guerre (préfiguration de

747 le rêve d’expansion indéfinie, mais aussi le goût de la guerre (préfiguration de la mort, toujours rêvée par les grands pa

748 e, mais aussi le goût de la guerre (préfiguration de la mort, toujours rêvée par les grands passionnés), et la volonté de

749 s rêvée par les grands passionnés), et la volonté de s’enfermer dans une réalité impénétrable, indicible, incommunicable,

750 able, indicible, incommunicable, et qui n’a point de « raisons » à donner : l’autarcie matérielle et morale. On ne dira ja

751 pouvoir hypnotique sur les masses. Les apparences de Realpolitik maintenues par les cyniques et les habiles ne dissimulent

752 Nous ne sommes plus en présence de Bismarck, mais d’ un peuple envoûté par son rêve. Un peuple qui renonce à la raison, qui

753 de, parce qu’il trouve dans sa passion une espèce d’ innocence exaltante, une occasion de sacrifier le moi coupable et déte

754 on une espèce d’innocence exaltante, une occasion de sacrifier le moi coupable et détesté à quelque chose de plus vrai que

755 te… D’ailleurs, notre politique est une politique d’ artistes. Le Führer est un artiste de la politique. Les autres hommes

756 ne politique d’artistes. Le Führer est un artiste de la politique. Les autres hommes d’État sont seulement des manœuvres.

757 ment des manœuvres. Son État à lui est le produit d’ une imagination géniale9. » Une politique d’artistes, une politique de

758 oduit d’une imagination géniale9. » Une politique d’ artistes, une politique de romantisme collectif, voilà le cauchemar qu

759 niale9. » Une politique d’artistes, une politique de romantisme collectif, voilà le cauchemar que rêve à côté de nous le I

760 usque ? Cette maladie demande un long traitement, de nature spirituelle, à mon avis, au moins autant qu’économique. Car la

761 la lutte qui se livre aujourd’hui dans le secret de la conscience allemande, c’est une lutte de nature religieuse. C’est

762 ecret de la conscience allemande, c’est une lutte de nature religieuse. C’est l’affrontement d’une religion de l’inconscie

763 lutte de nature religieuse. C’est l’affrontement d’ une religion de l’inconscience collective et d’une foi qui veut témoig

764 e religieuse. C’est l’affrontement d’une religion de l’inconscience collective et d’une foi qui veut témoigner par la Paro

765 nt d’une religion de l’inconscience collective et d’ une foi qui veut témoigner par la Parole et l’acte personnel. 6. En

766 s romantiques, « le sommeil est une préfiguration de la mort », et c’est uniquement dans la mort que nous pouvons rejoindr

767 e sur l’importance du quiétisme pour la formation de la psychologie moderne, et en particulier de la psychologie de l’inco

768 tion de la psychologie moderne, et en particulier de la psychologie de l’inconscient. 8. C’est la Recherche du temps perd

769 ogie moderne, et en particulier de la psychologie de l’inconscient. 8. C’est la Recherche du temps perdu, de Proust. 9.

770 conscient. 8. C’est la Recherche du temps perdu, de Proust. 9. Discours du 18 juin 1939, à Dantzig. c. Rougemont Denis

771 du 18 juin 1939, à Dantzig. c. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] L’Âme romantique et le rêve », La Revue de Paris, P

772 te rendu] L’Âme romantique et le rêve », La Revue de Paris, Paris, août 1939, p. 915-928.

773 du monde. Douze avenues parallèles, dans le sens de la longueur, qui est de vingt-cinq kilomètres environ — elles figuren

774 parallèles, dans le sens de la longueur, qui est de vingt-cinq kilomètres environ — elles figurent assez bien les ascense

775 nviron — elles figurent assez bien les ascenseurs d’ un grand building — et deux-cent-cinquante rues coupant les avenues à

776 e rues coupant les avenues à angle droit : autant d’ étages. Au milieu, Central Park, rectangulaire. C’est tout, c’est la c

777 al Park, rectangulaire. C’est tout, c’est la cité de Manhattan. Mais les faubourgs, au-delà de l’Hudson et de l’East River

778 la cité de Manhattan. Mais les faubourgs, au-delà de l’Hudson et de l’East River qui entourent l’île, s’étendent sur des e

779 attan. Mais les faubourgs, au-delà de l’Hudson et de l’East River qui entourent l’île, s’étendent sur des espaces bien plu

780 es, îles et plaines reliées par un immense réseau de ponts, de tunnels et d’autostrades surélevées. Personne ne m’avait di

781 t plaines reliées par un immense réseau de ponts, de tunnels et d’autostrades surélevées. Personne ne m’avait dit, non plu

782 ées par un immense réseau de ponts, de tunnels et d’ autostrades surélevées. Personne ne m’avait dit, non plus, que New Yor

783 ne ville alpestre ! Je l’ai senti le premier soir d’ octobre, quand le soleil couchant flambait les hauteurs des gratte-cie

784 l couchant flambait les hauteurs des gratte-ciel, de cette couleur orangée aérienne qu’on voit aux crêtes des parois roche

785 es parois rocheuses, alors que la vallée s’emplit d’ une ombre froide. Et j’étais bien au fond d’une gorge, dans cette rue

786 mplit d’une ombre froide. Et j’étais bien au fond d’ une gorge, dans cette rue de briques noircies où circulait un vent âpr

787 j’étais bien au fond d’une gorge, dans cette rue de briques noircies où circulait un vent âpre et salubre. La mer et la m

788 e mêlent. Les grands souffles océaniques, chargés de sel et d’aventure, viennent frapper les « faces » argentées de l’Empi

789 Les grands souffles océaniques, chargés de sel et d’ aventure, viennent frapper les « faces » argentées de l’Empire State,

790 venture, viennent frapper les « faces » argentées de l’Empire State, du Chrysler, du Centre Rockefeller, de vingt autres d

791 Empire State, du Chrysler, du Centre Rockefeller, de vingt autres de ces sommités célèbres que les New-Yorkais vous désign

792 Chrysler, du Centre Rockefeller, de vingt autres de ces sommités célèbres que les New-Yorkais vous désignent comme les Su

793 ark, au milieu des prairies, vous voyez affleurer de larges dalles de granit. Autrefois, les glaciers sont venus jusqu’ici

794 s prairies, vous voyez affleurer de larges dalles de granit. Autrefois, les glaciers sont venus jusqu’ici ! Ils couvraient

795 s sont venus jusqu’ici ! Ils couvraient la moitié de l’île, et la moraine s’étendait bien plus avant. Voici l’un des secre

796 ’étendait bien plus avant. Voici l’un des secrets de la démesure de Manhattan : seules, ces assises de granit étaient capa

797 plus avant. Voici l’un des secrets de la démesure de Manhattan : seules, ces assises de granit étaient capables de support

798 de la démesure de Manhattan : seules, ces assises de granit étaient capables de supporter le formidable poids d’un gratte-

799  : seules, ces assises de granit étaient capables de supporter le formidable poids d’un gratte-ciel de cent étages. Et les

800 étaient capables de supporter le formidable poids d’ un gratte-ciel de cent étages. Et les blocs erratiques, débités en tra

801 de supporter le formidable poids d’un gratte-ciel de cent étages. Et les blocs erratiques, débités en tranches, polis et l

802 ules des plus riches bâtiments, reliques scellées d’ une antiquité souterraine. À Chicago et Saint-Louis, au contraire, su

803 ago et Saint-Louis, au contraire, sur les plaines d’ alluvions ou dans les marécages, les gratte-ciel déjà, me dit-on, mena

804 écages, les gratte-ciel déjà, me dit-on, menacent de suivre l’inquiétant exemple de la célèbre tour de Pise. Bien des aspe

805 e dit-on, menacent de suivre l’inquiétant exemple de la célèbre tour de Pise. Bien des aspects physiques et moraux de la c

806 de suivre l’inquiétant exemple de la célèbre tour de Pise. Bien des aspects physiques et moraux de la cité de Manhattan s’

807 our de Pise. Bien des aspects physiques et moraux de la cité de Manhattan s’expliquent par ce sol et ce climat. Entre la P

808 . Bien des aspects physiques et moraux de la cité de Manhattan s’expliquent par ce sol et ce climat. Entre la Prairie proc

809 imat. Entre la Prairie proche et l’Océan, ce lieu d’ extrême civilisation matérielle demeure hanté par on ne sait quelle sa

810 sait quelle sauvagerie des hauteurs ; et ce lieu d’ extrême densité humaine demeure baigné dans une atmosphère irrémédiabl

811 diablement désertique. Les Américains des plaines de l’Ouest, venant à New York, ont coutume de se plaindre de l’inhumanit

812 laines de l’Ouest, venant à New York, ont coutume de se plaindre de l’inhumanité que revêtent ici les rapports quotidiens.

813 st, venant à New York, ont coutume de se plaindre de l’inhumanité que revêtent ici les rapports quotidiens. Ils pensent, d

814 , dans leur ignorance, que c’est une ville « trop européenne  »… Mais, moi, je m’y sens contemporain de la préhistoire de quelque a

815 européenne »… Mais, moi, je m’y sens contemporain de la préhistoire de quelque avenir démesuré. Sortie de Manhattan

816 , moi, je m’y sens contemporain de la préhistoire de quelque avenir démesuré. Sortie de Manhattan Sur un quai souter

817 préhistoire de quelque avenir démesuré. Sortie de Manhattan Sur un quai souterrain, après avoir traversé les parvis

818 près avoir traversé les parvis populeux surmontés d’ une coupole astronomique de la gare de Pennsylvanie, j’ai pris mon pre

819 vis populeux surmontés d’une coupole astronomique de la gare de Pennsylvanie, j’ai pris mon premier train américain. Comme

820 x surmontés d’une coupole astronomique de la gare de Pennsylvanie, j’ai pris mon premier train américain. Comme tout le mo

821 ut le monde, j’ai glissé mon billet dans le ruban de mon chapeau, où le contrôleur l’a pris et replacé sans me déranger da

822 pris et replacé sans me déranger dans la lecture de mon journal. Il n’y a que deux classes en Amérique : l’une où les fau

823 s fauteuils au dossier très haut sont fixes (deux de chaque côté du couloir central), l’autre où les fauteuils sont espacé

824 ù les fauteuils sont espacés et pivotent ; classe de luxe et classe de grand luxe, coaches et pullman cars. J’ai pris un c

825 nt espacés et pivotent ; classe de luxe et classe de grand luxe, coaches et pullman cars. J’ai pris un coach. Je me suis e

826 el. Dans l’ensemble, les femmes m’ont paru dignes de ce que le cinéma nous en promet — mais il suffit de trois ou quatre b

827 ce que le cinéma nous en promet — mais il suffit de trois ou quatre beautés saines ou frappantes, sur cinquante femmes qu

828 ns. Le train surgissait du tunnel dans une plaine de marécages et de roseaux géants, coupée de canaux et de digues, enjamb

829 gissait du tunnel dans une plaine de marécages et de roseaux géants, coupée de canaux et de digues, enjambée par les arche

830 plaine de marécages et de roseaux géants, coupée de canaux et de digues, enjambée par les arches de fer d’un pont à n’en

831 récages et de roseaux géants, coupée de canaux et de digues, enjambée par les arches de fer d’un pont à n’en pas croire se

832 e de canaux et de digues, enjambée par les arches de fer d’un pont à n’en pas croire ses yeux, qui porte l’autostrade pend

833 naux et de digues, enjambée par les arches de fer d’ un pont à n’en pas croire ses yeux, qui porte l’autostrade pendant des

834 dessus des usines, des feux rouges et des hangars d’ avions aux coupoles surbaissées. Paysage de déluge où s’enlisent, fuma

835 angars d’avions aux coupoles surbaissées. Paysage de déluge où s’enlisent, fumants, des monstres antédiluviens. Une falais

836 fumants, des monstres antédiluviens. Une falaise de granit se dresse près de la voie. Nous la passons. Sur son autre vers

837 ssons. Sur son autre versant s’étale un cimetière d’ autos décarcassées, déchets du grand délire de construction qui enfièv

838 ère d’autos décarcassées, déchets du grand délire de construction qui enfièvre tout le continent et dont le pont de l’auto

839 on qui enfièvre tout le continent et dont le pont de l’autostrade au long de l’horizon porte la gloire. Manhattan — Sui

840 continent et dont le pont de l’autostrade au long de l’horizon porte la gloire. Manhattan — Suite Le bel hiver. — J

841 J’ai retrouvé New York glaciale et belle, ce bleu de poudre claire et rose au lointain des avenues trop larges le matin, c

842 ointain des avenues trop larges le matin, ce bleu d’ ombre de brique au puits des rues luisantes, dos longs d’autos jaunes

843 des avenues trop larges le matin, ce bleu d’ombre de brique au puits des rues luisantes, dos longs d’autos jaunes ou noire

844 de brique au puits des rues luisantes, dos longs d’ autos jaunes ou noires, harmonie fauve des façades, circulation vibran

845 ime. Il n’a qu’à s’oublier dans l’énergie fusante de cette capitale du matin. Ville pure. — Entre la Trente-troisième et

846 a Trente-troisième et la Soixantième rue, le cœur de Manhattan c’est la ville pure. Ici, tout ce que le regard touche et m

847 regard touche et mesure dans les trois dimensions de l’espace, sauf un découpage de ciel mat, tout est fait de main d’homm

848 s trois dimensions de l’espace, sauf un découpage de ciel mat, tout est fait de main d’homme sur table rase, imbriqué, con

849 ace, sauf un découpage de ciel mat, tout est fait de main d’homme sur table rase, imbriqué, condensé, superposé, pour un u

850 f un découpage de ciel mat, tout est fait de main d’ homme sur table rase, imbriqué, condensé, superposé, pour un usage mas

851 un usage massif, exactement prévu. Plus une trace de campagne primitive ne subsiste, plus un seul coin de terre à nu, et p

852 campagne primitive ne subsiste, plus un seul coin de terre à nu, et plus une ligne indécise, ni d’eau qui court, ni de feu

853 oin de terre à nu, et plus une ligne indécise, ni d’ eau qui court, ni de feuillages. Tout est pans de brique peinte et de

854 t plus une ligne indécise, ni d’eau qui court, ni de feuillages. Tout est pans de brique peinte et de ciment armé diversem

855 d’eau qui court, ni de feuillages. Tout est pans de brique peinte et de ciment armé diversement coupés et étagés, asphalt

856 de feuillages. Tout est pans de brique peinte et de ciment armé diversement coupés et étagés, asphalte plane, parois de v

857 ersement coupés et étagés, asphalte plane, parois de verre et angles droits, circulation horizontale et verticale, intensi

858 ation horizontale et verticale, intensité suprême de la présence humaine jusqu’à trois-cents mètres du sol. Pour la premiè

859 a première fois, je vois une ville aussi purifiée de nature que l’est de prose un groupe de mots de Mallarmé. Paris, Rome,

860 vois une ville aussi purifiée de nature que l’est de prose un groupe de mots de Mallarmé. Paris, Rome, en comparaison, son

861 i purifiée de nature que l’est de prose un groupe de mots de Mallarmé. Paris, Rome, en comparaison, sont d’immenses parcs

862 ée de nature que l’est de prose un groupe de mots de Mallarmé. Paris, Rome, en comparaison, sont d’immenses parcs semés de

863 ts de Mallarmé. Paris, Rome, en comparaison, sont d’ immenses parcs semés de monuments. Le site et le paysage y sont partou

864 Rome, en comparaison, sont d’immenses parcs semés de monuments. Le site et le paysage y sont partout sensibles. Les rues m

865 iaux, aux esplanades, aux terrains vagues envahis d’ herbes. Les arbres cachent les façades, moutonnent à la hauteur des to

866 mmet des buildings, se perd dans un dernier éclat d’ avion fuyant, et c’est la ville alors qui s’empare du ciel, s’en fait

867 ait un dôme à sa mesure et le referme sur sa nuit de ville. Appartements. — Les grandes maisons les mettent mal à l’aise

868 uite à l’usage physique, non point à ces symboles de l’âme que forment les châteaux au fond de nos mémoires. L’idéal de l’

869 ymboles de l’âme que forment les châteaux au fond de nos mémoires. L’idéal de l’Américain serait sans doute la maison d’un

870 ent les châteaux au fond de nos mémoires. L’idéal de l’Américain serait sans doute la maison d’une seule pièce, avec au ce

871 ’idéal de l’Américain serait sans doute la maison d’ une seule pièce, avec au centre un grand fauteuil tournant et basculan

872 asculant, qui se transformerait le soir en lit et d’ où, sans se lever, l’on atteindrait le téléphone, la poignée du frigid

873 gidaire, les boutons du fourneau électrique, ceux de la radio et les robinets de la baignoire. Désespoir à Times Square.

874 neau électrique, ceux de la radio et les robinets de la baignoire. Désespoir à Times Square. — Errer dans la foule, rega

875 , Times Square, après un dîner solitaire, un soir de pluie, c’est le contraire d’un exercice spirituel : une véritable cen

876 r solitaire, un soir de pluie, c’est le contraire d’ un exercice spirituel : une véritable centrifugation de l’être. Mais p

877 exercice spirituel : une véritable centrifugation de l’être. Mais peut-être, me dis-je après coup, mais peut-être, en pous

878 re, en poussant à l’extrême cette « distraction » de l’âme et de la volonté, rejoindrait-on quelque réalité valable, et pa

879 ant à l’extrême cette « distraction » de l’âme et de la volonté, rejoindrait-on quelque réalité valable, et par la sensati

880 on directe du monde tel que le crée l’homme privé de l’Esprit, l’une des entrées de la Voie négative et du Désert dont par

881 crée l’homme privé de l’Esprit, l’une des entrées de la Voie négative et du Désert dont parlent les mystiques ? Homéopathi

882 e désespoir, s’il est conscient, un dernier signe de la vie… Non, j’ai surtout senti le désespoir tout court dans cette pr

883 enti le désespoir tout court dans cette promenade de plusieurs heures, et c’est ici seulement, sur le papier, que je compr

884 quare avec une acuité crispante : l’état du monde d’ où l’Esprit s’est retiré. Ce n’étaient pas « les péchés » de ces homme

885 rit s’est retiré. Ce n’étaient pas « les péchés » de ces hommes et de ces femmes, ni les miens, dont nul ne peut juger et

886 Ce n’étaient pas « les péchés » de ces hommes et de ces femmes, ni les miens, dont nul ne peut juger et qui peut-être n’e

887 pas le froid, la pluie, la poisse aux pieds mêlée d’ essence sur l’asphalte des avenues, c’était ce vide. C’était le sens a

888 rallèle à l’East River, dont la sépare une rangée d’ hôtels particuliers à cinq étages, cette rue très courte est l’une des

889 s dans Manhattan — qui, à la fois, ne portent pas de numéro et ne coupent point les avenues à angle droit. Hors série, mod

890 int les avenues à angle droit. Hors série, modèle de grand luxe, elle s’orne d’arbres, de silence et de grands portiers ga

891 it. Hors série, modèle de grand luxe, elle s’orne d’ arbres, de silence et de grands portiers galonnés. Une buée bleue, pen

892 érie, modèle de grand luxe, elle s’orne d’arbres, de silence et de grands portiers galonnés. Une buée bleue, pendant l’été

893 e grand luxe, elle s’orne d’arbres, de silence et de grands portiers galonnés. Une buée bleue, pendant l’été, emplit cet e

894 , emplit cet espace fermé par les hauts bâtiments de la Cinquante-et-unième rue, en brique vernie, tout luisants de fenêtr

895 te-et-unième rue, en brique vernie, tout luisants de fenêtres dépourvues d’ornements. Beekman Place est un de ces lieux où

896 ique vernie, tout luisants de fenêtres dépourvues d’ ornements. Beekman Place est un de ces lieux où l’exilé s’écrie : « Ma

897 tres dépourvues d’ornements. Beekman Place est un de ces lieux où l’exilé s’écrie : « Mais c’est l’Europe ! » parce qu’il

898 de ces lieux où l’exilé s’écrie : « Mais c’est l’ Europe  ! » parce qu’il y trouve un charme, simplement. Mais quand je la vois

899 charme, simplement. Mais quand je la vois du haut de mon douzième étage, en enfilade, petite tranchée d’asphalte et de bri

900 mon douzième étage, en enfilade, petite tranchée d’ asphalte et de brique jaune et rose dans un chaos géométrique, c’est b

901 étage, en enfilade, petite tranchée d’asphalte et de brique jaune et rose dans un chaos géométrique, c’est bien New York…

902 urne un peu sur ma terrasse, voici la perspective de l’East River jusqu’à Brooklyn. Un paysage immense de minéral et d’eau

903 l’East River jusqu’à Brooklyn. Un paysage immense de minéral et d’eau. La rivière, sillonnée de remorqueurs toussotants, l

904 usqu’à Brooklyn. Un paysage immense de minéral et d’ eau. La rivière, sillonnée de remorqueurs toussotants, luit d’un éclat

905 mmense de minéral et d’eau. La rivière, sillonnée de remorqueurs toussotants, luit d’un éclat d’étain pâli. Les ponts imme

906 vière, sillonnée de remorqueurs toussotants, luit d’ un éclat d’étain pâli. Les ponts immenses, vers Brooklyn, font une den

907 onnée de remorqueurs toussotants, luit d’un éclat d’ étain pâli. Les ponts immenses, vers Brooklyn, font une dentelle d’un

908 ponts immenses, vers Brooklyn, font une dentelle d’ un kilomètre, toute menue dans la distance. Cheminées, mâts, clochers,

909 éclames lumineuses en plein jour. Le seul vestige de nature — car l’eau même est canalisée — ce sont ces trois îlots de gr

910 ’eau même est canalisée — ce sont ces trois îlots de granit noir couverts de mouettes, et signalés par deux petits phares

911 — ce sont ces trois îlots de granit noir couverts de mouettes, et signalés par deux petits phares dont clignotent irréguli

912 otent irrégulièrement le feu vert — cinq secondes de révolution — et le feu rouge — six ou sept secondes. Tout ce qu’embra

913 es. Tout ce qu’embrasse mon regard, tout est fait de main d’homme, sauf les mouettes. Qu’on ne me parle plus des lois écon

914 ce qu’embrasse mon regard, tout est fait de main d’ homme, sauf les mouettes. Qu’on ne me parle plus des lois économiques

915 s. Qu’on ne me parle plus des lois économiques et de leurs fatales réalités : car ce sont les réalités d’un monde tout art

916 leurs fatales réalités : car ce sont les réalités d’ un monde tout artificiel que nous, les hommes, avons bâti selon nos ca

917 et nos raisons folles. Si nous changions un jour de goûts et d’ambition, ce paysage se transformerait. Si je me tourne ve

918 ons folles. Si nous changions un jour de goûts et d’ ambition, ce paysage se transformerait. Si je me tourne vers le nord,

919 t. Si je me tourne vers le nord, je vois un monde de terrasses, du dixième au trentième étage du River Club, où vivent les

920 Et tout près, ces jardins suspendus où circulent de jeunes femmes en maillot de bain. Elles se penchent sur leurs géraniu

921 uspendus où circulent de jeunes femmes en maillot de bain. Elles se penchent sur leurs géraniums, elles ajustent des lunet

922 qu’on entend siffler dans la rue… Je me souviens de ce que j’ai sous les yeux : je le vois déjà comme je me le rappellera

923 le vois déjà comme je me le rappellerai, une fois de retour en Europe. J’en connais par avance la nostalgie. Le soir vient

924 comme je me le rappellerai, une fois de retour en Europe . J’en connais par avance la nostalgie. Le soir vient dans un luxe amé

925 a nostalgie. Le soir vient dans un luxe américain d’ ocres, de roses, d’argents et d’éclats d’or sur les fenêtres des usine

926 ie. Le soir vient dans un luxe américain d’ocres, de roses, d’argents et d’éclats d’or sur les fenêtres des usines. Des fu

927 r vient dans un luxe américain d’ocres, de roses, d’ argents et d’éclats d’or sur les fenêtres des usines. Des fumées traîn

928 un luxe américain d’ocres, de roses, d’argents et d’ éclats d’or sur les fenêtres des usines. Des fumées traînent, les pont

929 méricain d’ocres, de roses, d’argents et d’éclats d’ or sur les fenêtres des usines. Des fumées traînent, les ponts s’éteig

930 ges. Une grande nuit s’ouvre au travail paisible. D’ heure en heure, je me lève et sors. Je me promène sur cette terrasse q

931 Je me promène sur cette terrasse qui fait le tour de mes chambres blanches, posées sur le onzième étage et festonnées de t

932 anches, posées sur le onzième étage et festonnées de tuiles provençales. La brique est chaude encore sous mes pieds nus. À

933 coup plus bas, dans les buildings voisins séparés de ma terrasse par un gouffre profond mais étroit, je vois des couples e

934 tinée en peignoir rose ouvre son frigidaire, sort de la glace, ôte enfin le peignoir, il fait trop chaud. Des rires vienne

935 peignoir, il fait trop chaud. Des rires viennent d’ une terrasse obscure, un cliquetis de tiges de verre dans les highball

936 res viennent d’une terrasse obscure, un cliquetis de tiges de verre dans les highballs. Je rentre et j’aligne mes mots. Pe

937 ent d’une terrasse obscure, un cliquetis de tiges de verre dans les highballs. Je rentre et j’aligne mes mots. Petits mati

938 s déjà doux des terrasses, moments les plus aigus de la vie, au jour qui point, quand toutes choses et les souvenirs d’hie

939 r qui point, quand toutes choses et les souvenirs d’ hier changent de poids et de millésime, quand les mouettes éclosent du

940 nd toutes choses et les souvenirs d’hier changent de poids et de millésime, quand les mouettes éclosent du rocher, quand l

941 oses et les souvenirs d’hier changent de poids et de millésime, quand les mouettes éclosent du rocher, quand les premiers

942 orqueurs se mettent à souffler fort dans la brume d’ été flottant sur la rivière… Une langue de lumière orangée vient râper

943 a brume d’été flottant sur la rivière… Une langue de lumière orangée vient râper doucement le crépi des murs bas, sur la t

944 r le grand fond sonore à bouche fermée des usines de l’autre rive, les sirènes des ferry-boats poussaient leur solo de dés

945 les sirènes des ferry-boats poussaient leur solo de désastre, de faux désastre et d’appel commercial, dans le matin strid

946 des ferry-boats poussaient leur solo de désastre, de faux désastre et d’appel commercial, dans le matin strident de l’East

947 saient leur solo de désastre, de faux désastre et d’ appel commercial, dans le matin strident de l’East River. Un quadrimot

948 tre et d’appel commercial, dans le matin strident de l’East River. Un quadrimoteur argenté passait très haut entre deux to

949 u ses arbustes. Soudain, passant la tranche ocrée d’ un bâtiment de trente étages, à mi-hauteur, sur la rivière, une proue

950 . Soudain, passant la tranche ocrée d’un bâtiment de trente étages, à mi-hauteur, sur la rivière, une proue grise et ses c

951 éfilait, tout l’équipage en fête saluant New York d’ adieux, filant pavois au vent vers l’Europe… Slums La Soixante-q

952 t New York d’adieux, filant pavois au vent vers l’ Europe … Slums La Soixante-quinzième rue n’a rien de particulier. Elle

953 e… Slums La Soixante-quinzième rue n’a rien de particulier. Elle part luxueusement de la Cinquième avenue et de Cent

954 e n’a rien de particulier. Elle part luxueusement de la Cinquième avenue et de Central Park, traverse en direction de l’es

955 Elle part luxueusement de la Cinquième avenue et de Central Park, traverse en direction de l’est de beaux quartiers gris

956 avenue et de Central Park, traverse en direction de l’est de beaux quartiers gris clair d’un gothique sobre et astiqué, c

957 t de Central Park, traverse en direction de l’est de beaux quartiers gris clair d’un gothique sobre et astiqué, change sub

958 direction de l’est de beaux quartiers gris clair d’ un gothique sobre et astiqué, change subitement d’aspect et tourne au

959 d’un gothique sobre et astiqué, change subitement d’ aspect et tourne au populaire un demi-block après Lexington avenue, pe

960 la Troisième avenue, s’anime alors dangereusement d’ enfants s’exerçant au base-ball parmi des seaux d’ordures plus hauts q

961 d’enfants s’exerçant au base-ball parmi des seaux d’ ordures plus hauts qu’eux et des tourbillons fous de papiers sales, po

962 ordures plus hauts qu’eux et des tourbillons fous de papiers sales, pour s’ouvrir enfin toute béante sur les fumées de l’E

963 , pour s’ouvrir enfin toute béante sur les fumées de l’East River, au terme d’un parcours rectiligne d’un kilomètre et dem

964 e béante sur les fumées de l’East River, au terme d’ un parcours rectiligne d’un kilomètre et demi, sans changer de largeur

965 e l’East River, au terme d’un parcours rectiligne d’ un kilomètre et demi, sans changer de largeur. (Seuls, les trottoirs s

966 s rectiligne d’un kilomètre et demi, sans changer de largeur. (Seuls, les trottoirs se rétrécissent.) Cette rue, comme cen

967 ne. C’est une coupe mégaloscopique — le contraire de microscopique — permettant l’examen à l’œil nu. Décrivons sa partie,

968 sa partie, inférieure. La rue huileuse, parsemée de vieilles lettres, de bouts de bois et d’éclats de verre. Des tas de n

969 e. La rue huileuse, parsemée de vieilles lettres, de bouts de bois et d’éclats de verre. Des tas de neige noircissent au r

970 huileuse, parsemée de vieilles lettres, de bouts de bois et d’éclats de verre. Des tas de neige noircissent au rebord des

971 parsemée de vieilles lettres, de bouts de bois et d’ éclats de verre. Des tas de neige noircissent au rebord des trottoirs.

972 de vieilles lettres, de bouts de bois et d’éclats de verre. Des tas de neige noircissent au rebord des trottoirs. Les enfa

973 s, de bouts de bois et d’éclats de verre. Des tas de neige noircissent au rebord des trottoirs. Les enfants qui ne jouent

974 cette ville, je n’ai jamais été touché ; ils sont d’ une folle brutalité, mais surpassée par leur adresse — allument des fe

975 leur adresse — allument des feux avec des arbres de Noël roussis, des morceaux de caisses, d’immenses cartonnages goudron

976 eux avec des arbres de Noël roussis, des morceaux de caisses, d’immenses cartonnages goudronnés. Flammes gaies sur le couc

977 arbres de Noël roussis, des morceaux de caisses, d’ immenses cartonnages goudronnés. Flammes gaies sur le couchant rose et

978 rdu sur les bords par la silhouette des escaliers de sauvetage. Ces grands seaux à ordures en métal, rarement ou mal vidés

979 rtier, débordent sur la neige entre les escaliers de quatre marches qui conduisent aux portes d’entrée. Portes étroites, o

980 liers de quatre marches qui conduisent aux portes d’ entrée. Portes étroites, ouvrant sur des couloirs hauts et profonds où

981 chaque fois que j’y pénètre. (Rappel inconscient de la naissance, me dirait un psychanalyste.) Les boîtes à lettres porte

982 qui est censé chauffer l’appartement, une espèce de baignoire couverte et fort étroite se dresse sur quatre pieds de font

983 uverte et fort étroite se dresse sur quatre pieds de fonte : il faudrait monter sur une chaise pour y entrer. De la cuisin

984 il faudrait monter sur une chaise pour y entrer. De la cuisine, on passe par une baie sans porte dans le frontroom, qui d

985 ns porte dans le frontroom, qui donne sur la rue. De l’autre côté de la cuisine, deux petites chambres sans fenêtres ni po

986 frontroom, qui donne sur la rue. De l’autre côté de la cuisine, deux petites chambres sans fenêtres ni portes. Au fond, u

987 bain. » Il en existe dans Manhattan des centaines de milliers construits sur ce même type : deux pièces claires sur cour e

988 ’East Side populaire est ainsi, sur une vingtaine de kilomètres. Je me penche à la fenêtre, au-dessus de la cour. Le sol e

989 kilomètres. Je me penche à la fenêtre, au-dessus de la cour. Le sol en est jonché de plâtras, de journaux, de chiffons qu

990 nêtre, au-dessus de la cour. Le sol en est jonché de plâtras, de journaux, de chiffons qui bougent, ou ce sont peut-être d

991 ssus de la cour. Le sol en est jonché de plâtras, de journaux, de chiffons qui bougent, ou ce sont peut-être des chats. De

992 ur. Le sol en est jonché de plâtras, de journaux, de chiffons qui bougent, ou ce sont peut-être des chats. Des cordes tend

993 es tendues sur l’abîme supportent des lessives et de grands draps claquants. Du haut en bas des façades de brique zigzague

994 rands draps claquants. Du haut en bas des façades de brique zigzaguent les noirs escaliers de sauvetage. Dans un sous-sol

995 façades de brique zigzaguent les noirs escaliers de sauvetage. Dans un sous-sol violemment éclairé, je vois quelques Chin

996 t les chats. Les façades, hauts rectangles troués de lumières et de scènes du soir, s’étagent en silhouettes sur le ciel r

997 s façades, hauts rectangles troués de lumières et de scènes du soir, s’étagent en silhouettes sur le ciel rouge. Une radio

998 que tout, dans la cour où les draps au vent font de grands gestes frénétiques. New York possède aussi deux-cents gratte-c

999 -ciel pour les bureaux et quelques belles avenues de résidences pour les directeurs de bureaux. C’est ce qu’on en voit de

1000 belles avenues de résidences pour les directeurs de bureaux. C’est ce qu’on en voit de l’étranger. Cohoes Ayant rem

1001 les directeurs de bureaux. C’est ce qu’on en voit de l’étranger. Cohoes Ayant remarqué qu’on me refusait du beurre à

1002 ’on me refusait du beurre à l’épicerie du village de Lake George10, et que j’en paraissais fort ennuyé, nos voisins vinren

1003 nsi que nous avons fait connaissance. Deux femmes d’ âge moyen et leurs maris se partagent une maison que les pins nous cac

1004 mmode et plus confortable à leur sens. (Seuls les Européens de mon espèce aiment les maisons trop grandes, en Amérique.) L’un des

1005 lus confortable à leur sens. (Seuls les Européens de mon espèce aiment les maisons trop grandes, en Amérique.) L’un des ma

1006 vieille mère est une Allemande du Sud. La famille de l’autre mari est de ce pays depuis plusieurs générations ; et leurs é

1007 Allemande du Sud. La famille de l’autre mari est de ce pays depuis plusieurs générations ; et leurs épouses, fort plantur

1008 s ; et leurs épouses, fort plantureuses, viennent d’ Irlande. « True average-Americans all ! de vrais Américains moyens »,

1009 iennent d’Irlande. « True average-Americans all ! de vrais Américains moyens », concluent-ils en souriant. Nous leur avons

1010 prénoms, sans avoir jamais bien compris nos noms de famille. Hier, Robert m’a conduit à Albany, pour m’éviter la moitié d

1011 ié du trajet jusqu’à New York dans un train bondé de soldats. (Le nombre de ces petits services que vous rendent ici les v

1012 w York dans un train bondé de soldats. (Le nombre de ces petits services que vous rendent ici les voisins ! En Europe, le

1013 ts services que vous rendent ici les voisins ! En Europe , le voisin n’est que l’ennemi virtuel.) J’ai cru poli de m’arrêter po

1014 voisin n’est que l’ennemi virtuel.) J’ai cru poli de m’arrêter pour une heure dans la ville natale de Robert, à quelques k

1015 de m’arrêter pour une heure dans la ville natale de Robert, à quelques kilomètres d’Albany. Vingt-cinq-mille habitants. L

1016 la ville natale de Robert, à quelques kilomètres d’ Albany. Vingt-cinq-mille habitants. Le nom, très difficile à prononcer

1017 ès difficile à prononcer : Cohoes, est sans doute d’ origine indienne. « Personne ne connaît notre ville, me dit Robert, et

1018 villes américaines qui ne réussissent à se vanter de quelque chose d’unique au monde, compensant ainsi l’impression qu’ell

1019 s qui ne réussissent à se vanter de quelque chose d’ unique au monde, compensant ainsi l’impression qu’elles sont interchan

1020 t d’autres égards.) Le paysage pourrait bien être européen  : collines douces, bois et prairies, une rivière lente et les longs b

1021 g. Et, justement, nous arrivons devant une maison de bois peinte en jaune clair, ornée de géraniums aux fenêtres. C’est là

1022 t une maison de bois peinte en jaune clair, ornée de géraniums aux fenêtres. C’est là qu’habite la mère de Robert, une vie

1023 8, parce qu’ils étaient républicains. Cette vague d’ émigration germanique, libérale et plus ou moins morave, a modifié l’a

1024 moins morave, a modifié l’aspect et les coutumes de maint État du Middle West et de la partie nord de la Pennsylvanie. No

1025 t et les coutumes de maint État du Middle West et de la partie nord de la Pennsylvanie. Nous traversons maintenant la vill

1026 de maint État du Middle West et de la partie nord de la Pennsylvanie. Nous traversons maintenant la ville pour aller au bu

1027 aversons maintenant la ville pour aller au bureau de Robert. Plusieurs églises dominent de leur masse rouge les maisons de

1028 r au bureau de Robert. Plusieurs églises dominent de leur masse rouge les maisons de bois ou de brique d’un seul étage. Je

1029 églises dominent de leur masse rouge les maisons de bois ou de brique d’un seul étage. Je remarque un groupe de clocheton

1030 minent de leur masse rouge les maisons de bois ou de brique d’un seul étage. Je remarque un groupe de clochetons à bulbe d

1031 leur masse rouge les maisons de bois ou de brique d’ un seul étage. Je remarque un groupe de clochetons à bulbe d’or. Serai

1032 de brique d’un seul étage. Je remarque un groupe de clochetons à bulbe d’or. Serait-ce une usine orthodoxe ? « Oui, dit R

1033 tage. Je remarque un groupe de clochetons à bulbe d’ or. Serait-ce une usine orthodoxe ? « Oui, dit Robert, c’est l’une de

1034 usine orthodoxe ? « Oui, dit Robert, c’est l’une de nos deux églises ukrainiennes. » La moitié de la population de Cohoes

1035 une de nos deux églises ukrainiennes. » La moitié de la population de Cohoes est slave, polonaise ou russe d’origine. L’au

1036 glises ukrainiennes. » La moitié de la population de Cohoes est slave, polonaise ou russe d’origine. L’autre moitié se com

1037 opulation de Cohoes est slave, polonaise ou russe d’ origine. L’autre moitié se compose de Canadiens français, d’Allemands,

1038 ise ou russe d’origine. L’autre moitié se compose de Canadiens français, d’Allemands, d’Italiens et d’une minorité d’Anglo

1039 L’autre moitié se compose de Canadiens français, d’ Allemands, d’Italiens et d’une minorité d’Anglo-Saxons, laquelle d’ail

1040 ié se compose de Canadiens français, d’Allemands, d’ Italiens et d’une minorité d’Anglo-Saxons, laquelle d’ailleurs conduit

1041 de Canadiens français, d’Allemands, d’Italiens et d’ une minorité d’Anglo-Saxons, laquelle d’ailleurs conduit tout le reste

1042 ançais, d’Allemands, d’Italiens et d’une minorité d’ Anglo-Saxons, laquelle d’ailleurs conduit tout le reste. Une petite vi

1043 it tout le reste. Une petite ville internationale de province, sans grand avenir, qui vit déjà sur son passé d’un siècle…

1044 ce, sans grand avenir, qui vit déjà sur son passé d’ un siècle… Robert me dépose devant l’entrée de son agence de locations

1045 ssé d’un siècle… Robert me dépose devant l’entrée de son agence de locations, dans l’une des rues principales. Le bureau d

1046 e… Robert me dépose devant l’entrée de son agence de locations, dans l’une des rues principales. Le bureau donne sur le tr

1047 assants me paraissent aussi laids que ces maisons de bois grisâtres ou vert olive, mauves ou goudron, aux parois renflées

1048 . Seule, la Banque est en pierres blanches, ornée de colonnes et d’un fronton de temple grec. Je compte beaucoup de barbes

1049 que est en pierres blanches, ornée de colonnes et d’ un fronton de temple grec. Je compte beaucoup de barbes longues et bou

1050 erres blanches, ornée de colonnes et d’un fronton de temple grec. Je compte beaucoup de barbes longues et bouclées. La rue

1051 ue est sale. Suis-je en Russie ? Non, il y a trop d’ autos. Robert revient et nous roulons vers Albany. À la sortie de la v

1052 À la sortie de la ville, il me montre un terrain d’ aviation : — C’est moi qui ai fondé notre Air Club, il y a quinze ans,

1053 ne. J’ai eu jusqu’à trente appareils et une école de pilotage. Mais, coup sur coup, quatre accidents mortels en une semain

1054 puis lors. Aujourd’hui, je suis président du club de golf. Si les affaires vont bien, après la guerre, j’espère m’acheter

1055 ert n’aime pas conduire l’auto… J’essaie en vain de comparer Cohoes à une ville du même nombre d’habitants chez nous ; de

1056 ain de comparer Cohoes à une ville du même nombre d’ habitants chez nous ; de comparer Robert à un Robert d’Europe, de même

1057 une ville du même nombre d’habitants chez nous ; de comparer Robert à un Robert d’Europe, de même niveau social et de mêm

1058 social et de même éducation. Nous ne manquons pas de petits bourgeois pieux et honnêtes, mais ils n’ont pas le sens du ris

1059 honnêtes, mais ils n’ont pas le sens du risque et de la vitesse. Nous avons bien des fanatiques de l’aviation, mais ce ne

1060 et de la vitesse. Nous avons bien des fanatiques de l’aviation, mais ce ne sont pas des agents de location, d’autre part

1061 ues de l’aviation, mais ce ne sont pas des agents de location, d’autre part amateurs de golf, de géraniums et de week-ends

1062 pas des agents de location, d’autre part amateurs de golf, de géraniums et de week-ends paisibles au bord d’un lac. Mais i

1063 gents de location, d’autre part amateurs de golf, de géraniums et de week-ends paisibles au bord d’un lac. Mais il ne sera

1064 n, d’autre part amateurs de golf, de géraniums et de week-ends paisibles au bord d’un lac. Mais il ne serait guère plus fa

1065 ord d’un lac. Mais il ne serait guère plus facile de comparer cette vie, cette ville aux images que, par Hollywood, l’Amér

1066 mages que, par Hollywood, l’Amérique nous propose d’ elle-même et qu’elle s’efforce d’imiter. Souvenir d’un orage en Vir

1067 que nous propose d’elle-même et qu’elle s’efforce d’ imiter. Souvenir d’un orage en Virginie Grands plateaux onduleux

1068 e-même et qu’elle s’efforce d’imiter. Souvenir d’ un orage en Virginie Grands plateaux onduleux et livrés aux chevaux

1069 ppalaches. Pendant que nous roulons sur une route de campagne, au creux des haies, le ciel se couvre. « C’est là-haut, me

1070 us verrez ce qu’elle en a fait ! C’est sa manière de se venger de W…, car c’était la maison de ses ancêtres, à lui. Elle l

1071 qu’elle en a fait ! C’est sa manière de se venger de W…, car c’était la maison de ses ancêtres, à lui. Elle la déteste. El

1072 manière de se venger de W…, car c’était la maison de ses ancêtres, à lui. Elle la déteste. Elle n’aime vraiment que ses ch

1073 nts, comme des ailes noires. Je n’en ai jamais vu d’ aussi grands, ils montent jusqu’aux fenêtres du deuxième étage. Une od

1074 bas, et l’un vient vomir à nos pieds des morceaux de cire mal mâchés. Une servante les poursuit armée d’une cravache. Elle

1075 cire mal mâchés. Une servante les poursuit armée d’ une cravache. Elle crie qu’ils viennent encore de manger les bougies d

1076 d’une cravache. Elle crie qu’ils viennent encore de manger les bougies du carrosse de George Washington. (C’est une pièce

1077 viennent encore de manger les bougies du carrosse de George Washington. (C’est une pièce de musée que nous allons voir, re

1078 u carrosse de George Washington. (C’est une pièce de musée que nous allons voir, remisée sous la colonnade des écuries.) N

1079 oir, à droite, en contrebas, deux hommes en veste de chasse et deux jeunes femmes très blondes boivent des whiskys, sans s

1080 maison, puis une large galerie ouverte, encombrée de vieux meubles et de pièces de bois sculptées, stalles d’églises, aigl

1081 ge galerie ouverte, encombrée de vieux meubles et de pièces de bois sculptées, stalles d’églises, aigles de lutrin. De nou

1082 ouverte, encombrée de vieux meubles et de pièces de bois sculptées, stalles d’églises, aigles de lutrin. De nouveau, des

1083 x meubles et de pièces de bois sculptées, stalles d’ églises, aigles de lutrin. De nouveau, des ifs non taillés sur un pré

1084 èces de bois sculptées, stalles d’églises, aigles de lutrin. De nouveau, des ifs non taillés sur un pré d’un vert sombre e

1085 utrin. De nouveau, des ifs non taillés sur un pré d’ un vert sombre enclos de murs. Du lierre partout. Çà et là, des statue

1086 fs non taillés sur un pré d’un vert sombre enclos de murs. Du lierre partout. Çà et là, des statues de faunes et de chiens

1087 de murs. Du lierre partout. Çà et là, des statues de faunes et de chiens gisent le nez dans l’herbe, près d’un socle brisé

1088 ierre partout. Çà et là, des statues de faunes et de chiens gisent le nez dans l’herbe, près d’un socle brisé. Le pré s’él

1089 nes et de chiens gisent le nez dans l’herbe, près d’ un socle brisé. Le pré s’élève et s’ouvre sur la cour sablée des écuri

1090 es. Celles-ci se déploient en demi-cercle, ornées d’ une colonnade et d’un clocheton de brique portant l’œil blanc d’un éno

1091 ploient en demi-cercle, ornées d’une colonnade et d’ un clocheton de brique portant l’œil blanc d’un énorme cadran. Voici l

1092 -cercle, ornées d’une colonnade et d’un clocheton de brique portant l’œil blanc d’un énorme cadran. Voici le carrosse de W

1093 e et d’un clocheton de brique portant l’œil blanc d’ un énorme cadran. Voici le carrosse de Washington, à l’abandon. La pei

1094 l’œil blanc d’un énorme cadran. Voici le carrosse de Washington, à l’abandon. La peinture craquelée tombe par morceaux, le

1095 inture craquelée tombe par morceaux, les coussins de velours rouge sont moisis. Nous redescendons. Le ciel est devenu noir

1096 ches et ces ifs dramatiques, on domine un paysage de pluies lointaines et de prairies dorées. Soudain, un coup de vent vio

1097 ues, on domine un paysage de pluies lointaines et de prairies dorées. Soudain, un coup de vent violent a jeté contre la fa

1098 eté contre la façade et nos visages un tourbillon de feuilles et de grosses gouttes obliques. Entrée de l’automne ! The Fa

1099 açade et nos visages un tourbillon de feuilles et de grosses gouttes obliques. Entrée de l’automne ! The Fall, la Chute, c

1100 e feuilles et de grosses gouttes obliques. Entrée de l’automne ! The Fall, la Chute, comme ils l’appellent… Premiers éclai

1101 rsées dans les branchages — nous arrivons au coin d’ un bâtiment de ferme. C’est le chenil. Le parc s’arrête ici et s’ouvre

1102 branchages — nous arrivons au coin d’un bâtiment de ferme. C’est le chenil. Le parc s’arrête ici et s’ouvrent les espaces

1103 il. Le parc s’arrête ici et s’ouvrent les espaces de pâturages nus, en pente douce. Très loin, en silhouette sur la crête

1104 ente douce. Très loin, en silhouette sur la crête d’ une colline, nous voyons deux chevaux au galop. Ils disparaissent dans

1105 rs nous sans ralentir. Une femme en jaune, suivie d’ un homme. Comme ils s’approchent, on voit qu’elle tient la bride d’une

1106 ils s’approchent, on voit qu’elle tient la bride d’ une main, et de l’autre porte à sa bouche une pomme qu’elle mord en ga

1107 nt, on voit qu’elle tient la bride d’une main, et de l’autre porte à sa bouche une pomme qu’elle mord en galopant. Nouveau

1108 s à hurler ensemble. Est-ce l’orage ou l’approche de leur maîtresse ? Les cavaliers ralentissent et s’arrêtent devant la b

1109 ter jaune. Elle rit, jette la pomme et nous salue de la main. Le jeune homme mince, immobile sur son cheval, nous considèr

1110 val, nous considère avec hostilité. Il a les yeux d’ un bleu très pâle et dur. Il n’a pas salué. Son silence nous supprime.

1111 hée sur l’encolure, elle disparaît dans le tunnel de la charmille, tandis qu’une meute de chiens de toutes les tailles s’é

1112 ns le tunnel de la charmille, tandis qu’une meute de chiens de toutes les tailles s’élance sur ses traces en aboyant. Au f

1113 el de la charmille, tandis qu’une meute de chiens de toutes les tailles s’élance sur ses traces en aboyant. Au fond d’une

1114 illes s’élance sur ses traces en aboyant. Au fond d’ une pièce vaste et noire, une petite lampe fait une flaque rose. « Je

1115 s ? Vous êtes muets. Vous avez soif ? » Les coups de tonnerre se succèdent sans répit, et parfois les lumières vacillent,

1116 t… Paraît dans la porte du fond un homme en veste de chasse, qui tient des verres de whisky à la main. Deux femmes blondes

1117 un homme en veste de chasse, qui tient des verres de whisky à la main. Deux femmes blondes entrent et vont s’asseoir un pe

1118 londes entrent et vont s’asseoir un peu à l’écart de notre groupe. Un autre homme apporte un plateau. On le renvoie cherch

1119 depuis deux ou trois jours et se disent les amis de Jim. — Mais où est Jim ? — Je ne sais pas. Il est parti. Jim était l’

1120 s. Il est parti. Jim était l’intendant, une sorte de géant toujours en bottes qu’elle emmenait partout avec elle. Je pense

1121 le emmenait partout avec elle. Je pense au regard d’ acier du jeune homme silencieux de tout à l’heure. Des chiens se gliss

1122 pense au regard d’acier du jeune homme silencieux de tout à l’heure. Des chiens se glissent entre les meubles, humides et

1123 qu’en pensez-vous ? — Well… pour la première fois de ma vie, je me sens tenté d’écrire la suite du roman. La route amér

1124 pour la première fois de ma vie, je me sens tenté d’ écrire la suite du roman. La route américaine L’Européen parle p

1125 re la suite du roman. La route américaine L’ Européen parle parfois de sa conception de la vie. Aux États-Unis, on parle to

1126 La route américaine L’Européen parle parfois de sa conception de la vie. Aux États-Unis, on parle tous les jours de l

1127 aine L’Européen parle parfois de sa conception de la vie. Aux États-Unis, on parle tous les jours de l’american way of

1128 e la vie. Aux États-Unis, on parle tous les jours de l’american way of life, littéralement : de la route américaine de la

1129 jours de l’american way of life, littéralement : de la route américaine de la vie. Ce qui est pour nous concept, forme ar

1130 y of life, littéralement : de la route américaine de la vie. Ce qui est pour nous concept, forme arrêtée, devient chez eux

1131 t indéfini. C’est pourquoi je prendrai les routes d’ Amérique comme un symbole du rêve et de la volonté du Nouveau Monde. O

1132 les routes d’Amérique comme un symbole du rêve et de la volonté du Nouveau Monde. On croyait close l’ère des pionniers, l’

1133 close l’ère des pionniers, l’ère des défricheurs de savanes qui firent reculer la frontière de décade en décade, à traver

1134 cheurs de savanes qui firent reculer la frontière de décade en décade, à travers le Far West, jusqu’à ce qu’ils eussent re

1135 vait plus rien ajouter aux plus hauts gratte-ciel de New York, à ces grandiloquents témoins de la crise de 1929, où les af

1136 te-ciel de New York, à ces grandiloquents témoins de la crise de 1929, où les affaires périssent et les bureaux se vident

1137 ew York, à ces grandiloquents témoins de la crise de 1929, où les affaires périssent et les bureaux se vident au-dessus du

1138 grand malaise étreignait l’âme américaine, prise de nausée dès qu’elle ressent l’approche d’une limite infranchissable. O

1139 e, prise de nausée dès qu’elle ressent l’approche d’ une limite infranchissable. Où s’élancer encore ? Comment sortir de ce

1140 anchissable. Où s’élancer encore ? Comment sortir de cet embouteillage de richesses matérielles ? Il restait à construire

1141 ncer encore ? Comment sortir de cet embouteillage de richesses matérielles ? Il restait à construire des routes. Depuis di

1142 rades américaines allongent sans répit leur ruban de béton, semblables à la trace d’un grand fer à repasser au travers des

1143 répit leur ruban de béton, semblables à la trace d’ un grand fer à repasser au travers des savanes, des cultures et des te

1144 tinent. Personne n’en parle. On n’a pas eu besoin de changer de régime pour le réaliser. Les autostrades américaines ne so

1145 sonne n’en parle. On n’a pas eu besoin de changer de régime pour le réaliser. Les autostrades américaines ne sont pas une

1146 ntre le chômage. Elles sont le produit du rêve et de la vitalité inépuisable d’un peuple libre, et qui voit grand sans se

1147 le produit du rêve et de la vitalité inépuisable d’ un peuple libre, et qui voit grand sans se forcer. Voici enfin un spec

1148 onserver, ici ou là, un grand arbre isolé, témoin de la prairie. Trois pistes blanches délimitées par des lignes jaunes et

1149 noires, entre lesquelles se déplacent lentement, de droite à gauche, de gauche à droite, entre cent et cent-trente à l’he

1150 elles se déplacent lentement, de droite à gauche, de gauche à droite, entre cent et cent-trente à l’heure, des millions de

1151 entre cent et cent-trente à l’heure, des millions de larges voitures. Une telle aisance dans la vitesse, l’absence de seco

1152 res. Une telle aisance dans la vitesse, l’absence de secousses et d’obstacles, l’enivrante continuité du déferlement génér

1153 isance dans la vitesse, l’absence de secousses et d’ obstacles, l’enivrante continuité du déferlement général, tout cela vo

1154 la vous donne, après quelques minutes, l’illusion d’ une puissance immobile qui vaincrait la distance par le charme, attira

1155 le charme, attirant les villes à soi et déplaçant de vastes paysages au gré d’une curiosité rêveuse. Mais, soudain, le reg

1156 lles à soi et déplaçant de vastes paysages au gré d’ une curiosité rêveuse. Mais, soudain, le regard est pris par un pannea

1157 aillé à bout portant par cent, par mille panneaux de toutes formes et couleurs. Sans relâche, ils croissent en gros plan e

1158 il s’éduque et se mette à déchiffrer cette espèce de manuel de conduite et de morale élémentaire (avec publicité dans le t

1159 e et se mette à déchiffrer cette espèce de manuel de conduite et de morale élémentaire (avec publicité dans le texte) dont

1160 déchiffrer cette espèce de manuel de conduite et de morale élémentaire (avec publicité dans le texte) dont les phrases fr

1161 passez à gauche… Avez-vous pensé à l’anniversaire de votre femme ?… Donnez-lui un aspirateur Smith… Des bonbons Johnson… I

1162 Ici, trois tués par jour… Lisez la Bible… Cabines de touristes à cent yards… Ferryboat du Delaware en grève… Faites un dét

1163 êtez-vous à l’hôtel Franklin… Ralentissez, région de daims… Les partis se réconcilient… autour d’un verre de champagne Ren

1164 gion de daims… Les partis se réconcilient… autour d’ un verre de champagne Renault !… Avez-vous vérifié votre niveau d’huil

1165 ms… Les partis se réconcilient… autour d’un verre de champagne Renault !… Avez-vous vérifié votre niveau d’huile ?… L’État

1166 ampagne Renault !… Avez-vous vérifié votre niveau d’ huile ?… L’État de Pennsylvania vous souhaite la bienvenue… Et limite

1167 tre vitesse à cinquante miles… cinq-cents dollars d’ amende ou un an de prison… ou les deux ensemble… Dieu bénisse l’Amériq

1168 uante miles… cinq-cents dollars d’amende ou un an de prison… ou les deux ensemble… Dieu bénisse l’Amérique… » Je ferme les

1169 es quatre-cents kilomètres qui séparent le centre de New York de Washington, en traversant deux villes énormes : Philadelp

1170 a vitesse rétrécit l’espace américain, les routes de la vitesse lui créent enfin des cadres. Quand la surface sera suffisa

1171 nt organisée, vers quoi se tourneront les efforts de ce peuple ? Peut-être vers la profondeur, vers la culture, vers ces p

1172 véritable : celui que chacun porte en soi, celui de l’âme inépuisable. Ce jour-là, les glorieux highways aboutiront enfin

1173 . 10. Au bord du lac du même nom, dans le nord de l’État de New York. d. Rougemont Denis de, « Tableaux américains »,

1174 nord de l’État de New York. d. Rougemont Denis de , « Tableaux américains », La Revue de Paris, Paris, décembre 1946, p.

1175 emont Denis de, « Tableaux américains », La Revue de Paris, Paris, décembre 1946, p. 51-62.

1176 Le Mouvement européen (avril 1949)e Nécessité et urgence de l’union Quand un Améric

1177 européen (avril 1949)e Nécessité et urgence de l’union Quand un Américain déclare que votre idée est généreuse, c

1178 c’est qu’il est ému : il va vous aider. Quand un Européen vous dit : l’Europe unie, oui, c’est une belle idée, une idée généreu

1179 il va vous aider. Quand un Européen vous dit : l’ Europe unie, oui, c’est une belle idée, une idée généreuse…, c’est qu’il n’a

1180 e, une idée généreuse…, c’est qu’il n’a pas envie d’ y croire, qu’il ne fera rien, qu’il pense qu’il est sérieux et que vou

1181 s réflexes, imite à sa manière le cynisme frivole de la noblesse à la veille de la Révolution. Mais le grand style se perd

1182 ère le cynisme frivole de la noblesse à la veille de la Révolution. Mais le grand style se perd et Staline est aux portes.

1183 d et Staline est aux portes. Il s’agit en réalité de la vie ou de la mort d’une civilisation. Fédérer nos petits peuples i

1184 est aux portes. Il s’agit en réalité de la vie ou de la mort d’une civilisation. Fédérer nos petits peuples in extremis es

1185 tes. Il s’agit en réalité de la vie ou de la mort d’ une civilisation. Fédérer nos petits peuples in extremis est notre seu

1186 petits peuples in extremis est notre seule chance de salut. On se demande en vain ce qu’il peut y avoir de « généreux » da

1187 alut. On se demande en vain ce qu’il peut y avoir de « généreux » dans une opération de ce genre. Qu’il suffise de rappele

1188 l peut y avoir de « généreux » dans une opération de ce genre. Qu’il suffise de rappeler les données qui en déterminent ex

1189 x » dans une opération de ce genre. Qu’il suffise de rappeler les données qui en déterminent exactement l’urgence. La guer

1190 séquences principales, d’une part, l’affaissement de l’Europe et, d’autre part, le surgissement au plan mondial de la Russ

1191 nces principales, d’une part, l’affaissement de l’ Europe et, d’autre part, le surgissement au plan mondial de la Russie et de

1192 et, d’autre part, le surgissement au plan mondial de la Russie et de l’Amérique. Ces deux colosses sont en train de s’obse

1193 , le surgissement au plan mondial de la Russie et de l’Amérique. Ces deux colosses sont en train de s’observer par-dessus

1194 bserver par-dessus nos têtes. Ils n’ont pas envie de se battre, affirment-ils. Ils proclament au contraire leur amour de l

1195 rment-ils. Ils proclament au contraire leur amour de la paix, et ils le prouvent, l’un en relevant nos ruines, et l’autre

1196 et l’autre en annexant 700 000 kilomètres carrés de nos terres. Si bien qu’on ne voit plus très clairement s’il s’agit de

1197 en qu’on ne voit plus très clairement s’il s’agit de poser les bases de la paix ou de s’assurer des bases pour faire la gu

1198 us très clairement s’il s’agit de poser les bases de la paix ou de s’assurer des bases pour faire la guerre, mais il reste

1199 ment s’il s’agit de poser les bases de la paix ou de s’assurer des bases pour faire la guerre, mais il reste évident que s

1200 cer au compromis, je veux dire à la paix, c’est l’ Europe . Mais l’Europe n’est plus une puissance, parce qu’elle est divisée en

1201 s, je veux dire à la paix, c’est l’Europe. Mais l’ Europe n’est plus une puissance, parce qu’elle est divisée en vingt nations

1202 é par les deux grands empires. Et non seulement l’ Europe n’est plus une puissance qui pourrait exiger la paix, mais chacune de

1203 cune des nations qui la composent se voit menacée d’ annexion politique ou de colonisation économique. Voici le fait fondam

1204 composent se voit menacée d’annexion politique ou de colonisation économique. Voici le fait fondamental qu’énonçait au con

1205 Voici le fait fondamental qu’énonçait au congrès de La Haye le Message aux Européens  : Aucun de nos pays ne peut préte

1206 qu’énonçait au congrès de La Haye le Message aux Européens  : Aucun de nos pays ne peut prétendre, seul, à une défense sérieuse

1207 ès de La Haye le Message aux Européens  : Aucun de nos pays ne peut prétendre, seul, à une défense sérieuse de son indép

1208 s ne peut prétendre, seul, à une défense sérieuse de son indépendance. Aucun de nos pays ne peut résoudre, seul, les probl

1209 à une défense sérieuse de son indépendance. Aucun de nos pays ne peut résoudre, seul, les problèmes que lui pose l’économi

1210 mie moderne. Les conclusions que l’on doit tirer de cette double constatation sont d’une tragique simplicité. Si les chos

1211 l’on doit tirer de cette double constatation sont d’ une tragique simplicité. Si les choses continuent comme elles vont : 1

1212 tinuent comme elles vont : 1° les différents pays de l’Europe seront annexés ou colonisés l’un après l’autre ; 2° la quest

1213 nt comme elles vont : 1° les différents pays de l’ Europe seront annexés ou colonisés l’un après l’autre ; 2° la question allem

1214 ui sortira vaincue. Si nous voulons sauver chacun de nos pays, il faut donc commencer par les unir. Et si nous voulons sau

1215 faire la paix, il nous faut commencer par faire l’ Europe , c’est-à-dire cette troisième puissance capable d’imposer un compromi

1216 e, c’est-à-dire cette troisième puissance capable d’ imposer un compromis, de l’inventer pour les deux autres. Que si l’on

1217 oisième puissance capable d’imposer un compromis, de l’inventer pour les deux autres. Que si l’on me dit alors que l’Europ

1218 r les deux autres. Que si l’on me dit alors que l’ Europe même unie serait encore trop faible pour tenir en respect les deux Gr

1219 je répondrai par un seul chiffre : la population de l’Europe occidentale, à l’ouest du rideau de fer, est d’environ 320 m

1220 épondrai par un seul chiffre : la population de l’ Europe occidentale, à l’ouest du rideau de fer, est d’environ 320 millions d

1221 tion de l’Europe occidentale, à l’ouest du rideau de fer, est d’environ 320 millions d’habitants : c’est deux fois plus qu

1222 rope occidentale, à l’ouest du rideau de fer, est d’ environ 320 millions d’habitants : c’est deux fois plus que l’Amérique

1223 uest du rideau de fer, est d’environ 320 millions d’ habitants : c’est deux fois plus que l’Amérique, autant que la Russie

1224 ussie et tous ses satellites. Si ces 320 millions d’ habitants faisaient bloc, soit qu’ils se déclarent neutres, soit qu’il

1225 qu’ils se déclarent neutres, soit qu’ils menacent de porter tout leur poids d’un seul côté, ils seraient en mesure d’agir,

1226 s, soit qu’ils menacent de porter tout leur poids d’ un seul côté, ils seraient en mesure d’agir, de faire réfléchir l’agre

1227 leur poids d’un seul côté, ils seraient en mesure d’ agir, de faire réfléchir l’agresseur, et de sauver la paix du monde. S

1228 ds d’un seul côté, ils seraient en mesure d’agir, de faire réfléchir l’agresseur, et de sauver la paix du monde. Sur quoi

1229 mesure d’agir, de faire réfléchir l’agresseur, et de sauver la paix du monde. Sur quoi j’imagine bien que personne n’osera

1230 es staliniens, ou pas comme cela) : « Je veux une Europe désunie… » En revanche, beaucoup pensent : « Tout cela est bel et bon

1231 e pourra-t-on faire en temps utile ? » La paix, l’ Europe unie, d’accord, c’est un beau rêve. En attendant, voici le cauchemar.

1232 e s’ajoute à la nécessité. J’essaierai maintenant de répondre à ceux qui demandent ce qu’on a fait déjà, et ce qu’on peut

1233 jà, et ce qu’on peut faire à temps pour fédérer l’ Europe . Origines du mouvement fédéraliste Il y eut Sully, qu’aime à ci

1234 eut Sully, qu’aime à citer Churchill : il rêvait d’ une coalition. Il y eut Montesquieu, premier critique du nationalisme

1235 rations, ou l’humanité recommencera un purgatoire de mille ans. » C’était vers 1860. Mais ces rêves et ces prophéties ne p

1236 ilieu du xixe siècle, quand la réalité politique de l’Europe était l’essor des grands nationalismes. Il y eut enfin, aprè

1237 du xixe siècle, quand la réalité politique de l’ Europe était l’essor des grands nationalismes. Il y eut enfin, après la Prem

1238 iand, qui prêta sa grande voix traînarde à l’idée d’ une union continentale. Mais ces premières ferveurs devaient bientôt s

1239 se perdre dans la rumeur polyglotte des couloirs de la SDN. On en était aux constructions diplomatiques. Elles s’écroulèr

1240 t à la première épreuve. Aux yeux des jeunes gens de l’époque, il fallait quelque chose de plus profond, de plus prégnant,

1241 es assises morales et doctrinales à la fédération européenne . C’est alors qu’apparurent en France les premiers groupes personnalis

1242 personnalistes. Ils réunirent quelques centaines d’ adhérents, quelques milliers de lecteurs pour leurs revues. Ces derniè

1243 quelques centaines d’adhérents, quelques milliers de lecteurs pour leurs revues. Ces dernières n’étaient pas d’une lecture

1244 rs pour leurs revues. Ces dernières n’étaient pas d’ une lecture très facile. On y parlait beaucoup de l’engagement — un mo

1245 epuis dans d’autres bouches. On y faisait surtout de la doctrine. On s’attachait à définir cette conception fondamentale d

1246 attachait à définir cette conception fondamentale de l’homme que l’on baptisait la personne — l’homme « à la fois libre et

1247 politique sans droits. Mais puisqu’il s’agissait de s’engager, on s’appliquait à tirer de la doctrine ses conséquences po

1248 s’agissait de s’engager, on s’appliquait à tirer de la doctrine ses conséquences politiques et sociales, et c’est ainsi q

1249 us formions ce qu’on appelle avec un peu de pitié de « petits groupes d’intellectuels ». Survint la Seconde Guerre mondial

1250 appelle avec un peu de pitié de « petits groupes d’ intellectuels ». Survint la Seconde Guerre mondiale et l’occupation de

1251 urvint la Seconde Guerre mondiale et l’occupation de l’Europe. On put croire un moment que tout notre travail allait être

1252 t la Seconde Guerre mondiale et l’occupation de l’ Europe . On put croire un moment que tout notre travail allait être effacé po

1253 our toujours. C’était compter sans les mouvements de Résistance. Dans les réseaux clandestins, dans les camps, dans les jo

1254 opularisaient, nos livres et nos revues passaient de main en main. Les événements que nous avions prévus parlaient pour no

1255 nous, en dépit de toutes les censures. Et l’idée d’ un avenir fédéraliste de l’Europe devenait, pour beaucoup, le symbole

1256 s les censures. Et l’idée d’un avenir fédéraliste de l’Europe devenait, pour beaucoup, le symbole de l’espoir à l’horizon

1257 censures. Et l’idée d’un avenir fédéraliste de l’ Europe devenait, pour beaucoup, le symbole de l’espoir à l’horizon de la Lib

1258 e de l’Europe devenait, pour beaucoup, le symbole de l’espoir à l’horizon de la Libération11. C’est pourquoi, dès l’année

1259 pour beaucoup, le symbole de l’espoir à l’horizon de la Libération11. C’est pourquoi, dès l’année 1945, on vit surgir dans

1260 uoi, dès l’année 1945, on vit surgir dans toute l’ Europe un pullulement de petits groupes fédéralistes. On y retrouvait toutes

1261 on vit surgir dans toute l’Europe un pullulement de petits groupes fédéralistes. On y retrouvait toutes les nuances polit

1262 s, nationales et religieuses qui font la richesse de l’Europe, et qui la rendent si difficile à gouverner. La première tâ

1263 tionales et religieuses qui font la richesse de l’ Europe , et qui la rendent si difficile à gouverner. La première tâche qui s

1264 erner. La première tâche qui s’imposait, c’était de fédérer tous ces fédéralistes dispersés. Dès 1946, ce fut chose faite

1265 dispersés. Dès 1946, ce fut chose faite : l’Union européenne des fédéralistes se constituait et pouvait convoquer pour le mois d’a

1266 se constituait et pouvait convoquer pour le mois d’ août 1947, à Montreux, son premier congrès. Qu’étions-nous à l’époque,

1267 demi ? Cent-cinquante à deux-cents délégués venus d’ une dizaine de pays, et représentant une cinquantaine d’associations d

1268 nquante à deux-cents délégués venus d’une dizaine de pays, et représentant une cinquantaine d’associations de toutes les t

1269 dizaine de pays, et représentant une cinquantaine d’ associations de toutes les tailles, dont plusieurs n’étaient guère qu’

1270 , et représentant une cinquantaine d’associations de toutes les tailles, dont plusieurs n’étaient guère qu’un nom abstrait

1271 bitieux, comme par exemple : Comité international d’ amitié, ou Front humain des citoyens du Monde… Nous nous sentions ento

1272 s du Monde… Nous nous sentions entourés à la fois de sympathies faciles et d’un scepticisme profond. Devant la tâche urgen

1273 tions entourés à la fois de sympathies faciles et d’ un scepticisme profond. Devant la tâche urgente, mais qui pouvait para

1274 he urgente, mais qui pouvait paraître surhumaine, de fédérer l’Europe, c’est-à-dire de mettre sur pied, contre vents et ma

1275 ais qui pouvait paraître surhumaine, de fédérer l’ Europe , c’est-à-dire de mettre sur pied, contre vents et marées, des institu

1276 tre surhumaine, de fédérer l’Europe, c’est-à-dire de mettre sur pied, contre vents et marées, des institutions continental

1277 ents et marées, des institutions continentales et de les faire admettre par les États, nous n’étions qu’une poignée d’homm

1278 ettre par les États, nous n’étions qu’une poignée d’ hommes de bonne volonté, remarquablement dépourvus de moyens matériels

1279 les États, nous n’étions qu’une poignée d’hommes de bonne volonté, remarquablement dépourvus de moyens matériels, presque

1280 ommes de bonne volonté, remarquablement dépourvus de moyens matériels, presque sans troupes derrière nous, et sans aucun a

1281 s sommes partis — nous sommes partis pour faire l’ Europe , tout simplement. On s’étonnera de la part que je viens de faire à la

1282 ur faire l’Europe, tout simplement. On s’étonnera de la part que je viens de faire à la doctrine personnaliste dans la gen

1283 faire à la doctrine personnaliste dans la genèse de nos mouvements. Il est vrai que beaucoup de petits groupes qui se for

1284 ents qui jalonnent les étapes du mouvement vers l’ Europe unie, à partir du congrès de Montreux jusqu’à ceux de La Haye, de Rom

1285 mouvement vers l’Europe unie, à partir du congrès de Montreux jusqu’à ceux de La Haye, de Rome et, tout récemment, de Brux

1286 nie, à partir du congrès de Montreux jusqu’à ceux de La Haye, de Rome et, tout récemment, de Bruxelles. Parmi bien d’autre

1287 r du congrès de Montreux jusqu’à ceux de La Haye, de Rome et, tout récemment, de Bruxelles. Parmi bien d’autres influences

1288 qu’à ceux de La Haye, de Rome et, tout récemment, de Bruxelles. Parmi bien d’autres influences conjuguées, celle-ci demeur

1289 lus constante et la plus aisément discernable. De Montreux à Bruxelles Le congrès de Montreux n’était pas terminé qu

1290 ernable. De Montreux à Bruxelles Le congrès de Montreux n’était pas terminé que l’idée naissait parmi nous d’en élar

1291 ’était pas terminé que l’idée naissait parmi nous d’ en élargir l’action en convoquant, pour le printemps de l’année suivan

1292 élargir l’action en convoquant, pour le printemps de l’année suivante, des états généraux de l’Europe. Sur-le-champ, des a

1293 printemps de l’année suivante, des états généraux de l’Europe. Sur-le-champ, des accords furent esquissés avec les représe

1294 emps de l’année suivante, des états généraux de l’ Europe . Sur-le-champ, des accords furent esquissés avec les représentants d’

1295 eprésentants d’autres mouvements venus en qualité d’ observateurs. Les envoyés du United Europe Committee nous informèrent

1296 urope Committee nous informèrent que le président de ce groupement, Winston Churchill, avait également l’intention de conv

1297 t, Winston Churchill, avait également l’intention de convoquer un « Congrès de l’Europe ». Il ne s’agissait pas, dans son

1298 t également l’intention de convoquer un « Congrès de l’Europe ». Il ne s’agissait pas, dans son esprit, d’une entreprise «

1299 lement l’intention de convoquer un « Congrès de l’ Europe  ». Il ne s’agissait pas, dans son esprit, d’une entreprise « fédérali

1300 ’Europe ». Il ne s’agissait pas, dans son esprit, d’ une entreprise « fédéraliste » au sens précis, mais plutôt d’une actio

1301 prise « fédéraliste » au sens précis, mais plutôt d’ une action de propagande destinée à faciliter cette « union » des État

1302 aliste » au sens précis, mais plutôt d’une action de propagande destinée à faciliter cette « union » des États de l’Europe

1303 Churchill avait réclamée dans son grand discours de Zurich. C’est de ces deux initiatives indépendantes, et de leur renco

1304 réclamée dans son grand discours de Zurich. C’est de ces deux initiatives indépendantes, et de leur rencontre à Montreux,

1305 . C’est de ces deux initiatives indépendantes, et de leur rencontre à Montreux, que devait sortir le congrès de La Haye. D

1306 encontre à Montreux, que devait sortir le congrès de La Haye. Dès l’automne 1947, un Comité de coordination des mouvements

1307 congrès de La Haye. Dès l’automne 1947, un Comité de coordination des mouvements pour l’union de l’Europe dressait les pla

1308 omité de coordination des mouvements pour l’union de l’Europe dressait les plans de travail pour La Haye. Il groupait les

1309 de coordination des mouvements pour l’union de l’ Europe dressait les plans de travail pour La Haye. Il groupait les quatre or

1310 ments pour l’union de l’Europe dressait les plans de travail pour La Haye. Il groupait les quatre organisations suivantes 

1311 oupait les quatre organisations suivantes : Union européenne des fédéralistes (présidents H. Brugmans et Ignazio Silone) ; United

1312 ope Committee (W. Churchill) ; Ligue indépendante de coopération économique (Paul van Zeeland) ; Comité français pour l’Eu

1313 mique (Paul van Zeeland) ; Comité français pour l’ Europe unie (E. Herriot et R. Dautry). Les Nouvelles équipes internationales

1314 tionales (Robert Bichet) et l’Union parlementaire européenne (Coudenhove-Kalergi) adhérèrent quelques mois plus tard, suivies, apr

1315 rs du Parlement néerlandais, s’ouvrait le Congrès de l’Europe. Nous étions cette fois-ci plus de huit-cents délégués, parm

1316 Parlement néerlandais, s’ouvrait le Congrès de l’ Europe . Nous étions cette fois-ci plus de huit-cents délégués, parmi lesquel

1317 ngrès de l’Europe. Nous étions cette fois-ci plus de huit-cents délégués, parmi lesquels des ex-Premiers ministres tels qu

1318 près de deux-cents députés aux divers parlements européens , des syndicalistes et des grands patrons, des socialistes et des cons

1319 ivains, des professeurs et des évêques, ainsi que de nombreux représentants des mouvements féminins et universitaires. Tro

1320 prévoyait, comme prochaine étape, la convocation d’ une Assemblée européenne, dont les membres seraient élus « dans leur s

1321 e prochaine étape, la convocation d’une Assemblée européenne , dont les membres seraient élus « dans leur sein ou au-dehors » par l

1322 au point très rapidement, au lendemain du congrès de La Haye. Par l’intermédiaire de M. Bidault, il fut présenté à la réun

1323 res étrangères des cinq pays signataires du pacte de Bruxelles. Le 18 août notre Mémorandum sur l’Assemblée européenne se

1324 lles. Le 18 août notre Mémorandum sur l’Assemblée européenne se voyait accepté sans réserve par le gouvernement français, bientôt

1325 nt belge. Quelques semaines plus tard, à la suite d’ une décision des Cinq et sur la demande réitérée de nos mouvements, un

1326 ’une décision des Cinq et sur la demande réitérée de nos mouvements, une conférence restreinte de dix-huit ministres et ex

1327 érée de nos mouvements, une conférence restreinte de dix-huit ministres et experts était convoquée à Paris, aux fins d’étu

1328 tres et experts était convoquée à Paris, aux fins d’ étudier la constitution d’un Parlement et d’un Conseil des ministres e

1329 oquée à Paris, aux fins d’étudier la constitution d’ un Parlement et d’un Conseil des ministres européens. Le 28 janvier 19

1330 fins d’étudier la constitution d’un Parlement et d’ un Conseil des ministres européens. Le 28 janvier 1949, la conférence

1331 tion d’un Parlement et d’un Conseil des ministres européens . Le 28 janvier 1949, la conférence aboutissait à un premier accord, e

1332 accord, et pouvait annoncer la création prochaine d’ un Conseil de l’Europe, comprenant d’une part un Comité de ministres,

1333 seil de l’Europe, comprenant d’une part un Comité de ministres, d’autre part un Corps consultatif, dont les attributions r

1334 ursuivions bien d’autres tâches : l’élargissement de nos mouvements et leur liaison, l’étude juridique des institutions à

1335 juridique des institutions à créer, la formation d’ un Centre européen de la culture et de nombreux travaux économiques. A

1336 a formation d’un Centre européen de la culture et de nombreux travaux économiques. Au début de novembre 1948, l’Union euro

1337 ture et de nombreux travaux économiques. Au début de novembre 1948, l’Union européenne des fédéralistes réunissait à Rome

1338 x économiques. Au début de novembre 1948, l’Union européenne des fédéralistes réunissait à Rome son deuxième congrès annuel. À Mon

1339 us avions tenu nos séances dans une modeste salle d’ hôtel. À Rome, on nous offrit le palais de Venise et toutes ses salles

1340 e salle d’hôtel. À Rome, on nous offrit le palais de Venise et toutes ses salles immenses, restées vides depuis la fuite d

1341 vides depuis la fuite du dernier locataire. L’une de nos commissions siégeait dans le cabinet de travail du dictateur, et

1342 L’une de nos commissions siégeait dans le cabinet de travail du dictateur, et les séances plénières eurent lieu dans la sa

1343 alle même du Grand Conseil fasciste, sur les murs de laquelle on avait substitué aux faisceaux de licteur les grandes lett

1344 murs de laquelle on avait substitué aux faisceaux de licteur les grandes lettres du mot Europe. Le congrès fut inauguré en

1345 x faisceaux de licteur les grandes lettres du mot Europe . Le congrès fut inauguré en présence de tous les ministres par un dis

1346 e tous les ministres par un discours du président de la République, lui-même fédéraliste convaincu. Le comte Sforza vint à

1347 nduite par les fédéralistes. Peu avant le congrès de Rome, le Comité de coordination des groupements militant pour l’union

1348 ralistes. Peu avant le congrès de Rome, le Comité de coordination des groupements militant pour l’union de l’Europe avait

1349 oordination des groupements militant pour l’union de l’Europe avait pris le nom de Mouvement européen, ses quatre présiden

1350 nation des groupements militant pour l’union de l’ Europe avait pris le nom de Mouvement européen, ses quatre présidents d’honn

1351 litant pour l’union de l’Europe avait pris le nom de Mouvement européen, ses quatre présidents d’honneur étant Léon Blum,

1352 ’union de l’Europe avait pris le nom de Mouvement européen , ses quatre présidents d’honneur étant Léon Blum, Winston Churchill,

1353 nom de Mouvement européen, ses quatre présidents d’ honneur étant Léon Blum, Winston Churchill, Alcide de Gasperi et Paul-

1354 n : « Qu’a-t-on fait jusqu’ici pour la fédération de l’Europe ? » cet historique succinct permet donc de répondre : nous a

1355  Qu’a-t-on fait jusqu’ici pour la fédération de l’ Europe  ? » cet historique succinct permet donc de répondre : nous avons lanc

1356 l’Europe ? » cet historique succinct permet donc de répondre : nous avons lancé un mouvement, nous avons conjugué les eff

1357 vement, nous avons conjugué les efforts entrepris de tous côtés par des tendances diverses, et nous sommes parvenus, plus

1358 ener sur les rouages les principaux gouvernements européens . Ce qui n’était qu’un rêve il y a un siècle, qu’une théorie il y a qu

1359 nistères, comme quelque chose qu’il faut réaliser d’ urgence, et qui a les plus grandes chances de se réaliser. Nous sommes

1360 iser d’urgence, et qui a les plus grandes chances de se réaliser. Nous sommes donc arrivés à pied d’œuvre. Ici commence la

1361 s de se réaliser. Nous sommes donc arrivés à pied d’ œuvre. Ici commence la bataille décisive. Objectifs immédiats L’

1362 . Objectifs immédiats L’effort du Mouvement européen , appuyé par la propagande ou les travaux spécialisés des six mouvemen

1363 es droits de l’homme, mesures économiques, Centre de la culture. Décrivons rapidement les forces en présence : nos plans,

1364 listes ayant fait triompher à La Haye le principe d’ une représentation aussi large que possible non seulement des parlemen

1365 rtis politiques), mais aussi des « forces vives » de chaque nation (syndicats, religions, universités, etc.), le Mouvement

1366 cats, religions, universités, etc.), le Mouvement européen défendit ce point de vue dans son mémorandum du 18 août 1948. C’est c

1367 accepté par les Cinq : à l’Assemblée constituante de l’Europe, qui pourra seule contraindre les États à s’incliner devant

1368 té par les Cinq : à l’Assemblée constituante de l’ Europe , qui pourra seule contraindre les États à s’incliner devant un pouvoi

1369 ues. La position dite britannique (en fait, celle de M. Bevin) tend, au contraire, à réduire l’Assemblée au rôle purement

1370 réduire l’Assemblée au rôle purement consultatif d’ un petit Congrès d’experts nommés par les gouvernements. Tout le pouvo

1371 e au rôle purement consultatif d’un petit Congrès d’ experts nommés par les gouvernements. Tout le pouvoir, dans ce cas, re

1372 dans ce cas, reviendrait aux ministres. Essayons de comprendre une attitude qui risque de se confondre, aux yeux de nos m

1373 s. Essayons de comprendre une attitude qui risque de se confondre, aux yeux de nos militants, avec une volonté sournoise d

1374 yeux de nos militants, avec une volonté sournoise de sabotage. Les Britanniques respectent leur gouvernement. Ils pensent

1375 tins. Ils pensent donc, tout naturellement, que l’ Europe sera faite par des ministres. Et cela ne va pas à une fédération, mai

1376 On sait qu’une Charte des droits de l’homme vient d’ être adoptée par l’ONU. Elle restera malheureusement inopérante tant q

1377 nt souverains. Car c’est la protection des droits de la personne et des droits des minorités contre l’État qu’il s’agit de

1378 s droits des minorités contre l’État qu’il s’agit de sauvegarder aujourd’hui. Et cela suppose l’institution d’une Cour sup

1379 garder aujourd’hui. Et cela suppose l’institution d’ une Cour suprême, c’est-à-dire d’une instance supérieure aux États, do

1380 se l’institution d’une Cour suprême, c’est-à-dire d’ une instance supérieure aux États, dotée des pouvoirs nécessaires pour

1381 st pourquoi le Conseil international du Mouvement européen , dans sa réunion de Bruxelles, a recommandé que soit créée, par conve

1382 ernational du Mouvement européen, dans sa réunion de Bruxelles, a recommandé que soit créée, par convention entre les État

1383 oit créée, par convention entre les États membres de l’union européenne, une Cour des droits de l’homme et une Commission

1384 par convention entre les États membres de l’union européenne , une Cour des droits de l’homme et une Commission d’enquête indépenda

1385 une Cour des droits de l’homme et une Commission d’ enquête indépendante des gouvernements. Ces deux organes formeraient l

1386 vernements. Ces deux organes formeraient le noyau d’ un véritable pouvoir fédéral. Il me paraît clair qu’ils impliquent la

1387 Il me paraît clair qu’ils impliquent la création d’ une force de police fédérale. Car enfin, de quoi s’agit-il, sinon de c

1388 t clair qu’ils impliquent la création d’une force de police fédérale. Car enfin, de quoi s’agit-il, sinon de créer un trib

1389 éation d’une force de police fédérale. Car enfin, de quoi s’agit-il, sinon de créer un tribunal devant lequel puisse être

1390 ice fédérale. Car enfin, de quoi s’agit-il, sinon de créer un tribunal devant lequel puisse être déféré, le cas échéant, t

1391 t pas abouti. La sagesse des experts, dans chacun de nos pays, se réduit au conseil classique : augmenter les exportations

1392 l classique : augmenter les exportations. L’homme de la rue s’étonne de voir cette farce rééditée chaque jour avec tant de

1393 nter les exportations. L’homme de la rue s’étonne de voir cette farce rééditée chaque jour avec tant de gravité. Il se dit

1394 evient importation chez le voisin. Une conférence d’ économistes européens, convoquée pour le mois d’avril à Westminster, e

1395 tion chez le voisin. Une conférence d’économistes européens , convoquée pour le mois d’avril à Westminster, essaiera de dépasser l

1396 e d’économistes européens, convoquée pour le mois d’ avril à Westminster, essaiera de dépasser le plan des absurdités offic

1397 quée pour le mois d’avril à Westminster, essaiera de dépasser le plan des absurdités officielles. Parmi les mesures que dé

1398 ogressif des barrières douanières, l’instauration d’ une monnaie européenne, la création d’une régie fédérale des houillère

1399 arrières douanières, l’instauration d’une monnaie européenne , la création d’une régie fédérale des houillères (solution du problèm

1400 nstauration d’une monnaie européenne, la création d’ une régie fédérale des houillères (solution du problème de la Ruhr). O

1401 gie fédérale des houillères (solution du problème de la Ruhr). On doit attendre avec curiosité le résultat des discussions

1402 tendre avec curiosité le résultat des discussions de notre section économique, si l’on songe qu’elle a pu réunir, sous le

1403 si l’on songe qu’elle a pu réunir, sous le signe de l’Europe, des hommes aussi divers que le dirigiste André Philip, le l

1404 ’on songe qu’elle a pu réunir, sous le signe de l’ Europe , des hommes aussi divers que le dirigiste André Philip, le libéral Gi

1405 et politiques que pourrait proposer le Mouvement européen resteraient lettre morte, s’il n’existait, en deçà et au-delà des div

1406 s divisions qu’il nous faut surmonter, une entité européenne bien vivante, un sentiment commun auquel il soit possible de faire ap

1407 ante, un sentiment commun auquel il soit possible de faire appel dès maintenant, une civilisation occidentale. Réveiller,

1408 e. Réveiller, exprimer, informer cette conscience de notre unité dans la richesse de nos diversités, telle doit être, avan

1409 cette conscience de notre unité dans la richesse de nos diversités, telle doit être, avant tout comme après tout, la voca

1410 it être, avant tout comme après tout, la vocation de notre Mouvement européen. S’il ne mettait la culture à sa place, qui

1411 comme après tout, la vocation de notre Mouvement européen . S’il ne mettait la culture à sa place, qui est à la fois primordiale

1412 est à la fois primordiale et finale, il cesserait de mériter l’adjectif de son titre. C’est pourquoi le congrès de La Haye

1413 ale et finale, il cesserait de mériter l’adjectif de son titre. C’est pourquoi le congrès de La Haye a réclamé l’instituti

1414 ’adjectif de son titre. C’est pourquoi le congrès de La Haye a réclamé l’institution rapide d’un Centre européen de la cul

1415 congrès de La Haye a réclamé l’institution rapide d’ un Centre européen de la culture, capable de « donner une voix à la co

1416 apide d’un Centre européen de la culture, capable de « donner une voix à la conscience de l’Europe et des peuples qui lui

1417 ure, capable de « donner une voix à la conscience de l’Europe et des peuples qui lui sont associés ». Il ne s’agit nulleme

1418 capable de « donner une voix à la conscience de l’ Europe et des peuples qui lui sont associés ». Il ne s’agit nullement de fom

1419 s qui lui sont associés ». Il ne s’agit nullement de fomenter on ne sait quel nationalisme européen, mais au contraire de

1420 ullement de fomenter on ne sait quel nationalisme européen , mais au contraire de restaurer le rayonnement des valeurs que l’Euro

1421 ire de restaurer le rayonnement des valeurs que l’ Europe , malgré tout, illustre encore aux yeux du monde entier : une certaine

1422 ux yeux du monde entier : une certaine conception de la personne humaine et de ses libertés fondamentales, antérieures et

1423 une certaine conception de la personne humaine et de ses libertés fondamentales, antérieures et supérieures à l’État ; un

1424 ieures et supérieures à l’État ; un certain refus de l’uniformité, un certain sens du dialogue permanent, condition de not

1425 un certain sens du dialogue permanent, condition de notre liberté ; une manière de « chercher à comprendre » qui est notr

1426 rmanent, condition de notre liberté ; une manière de « chercher à comprendre » qui est notre forme intime de résistance au

1427 hercher à comprendre » qui est notre forme intime de résistance aux mises au pas totalitaires… De tous côtés surgissent, d

1428 time de résistance aux mises au pas totalitaires… De tous côtés surgissent, dans nos divers pays, des instituts qui veulen

1429 pays, des instituts qui veulent travailler pour l’ Europe . Coordonner toutes ces initiatives dans le cadre d’un grand mouvement

1430 . Coordonner toutes ces initiatives dans le cadre d’ un grand mouvement qui leur donnera le moyen de concourir à l’édificat

1431 re d’un grand mouvement qui leur donnera le moyen de concourir à l’édification d’un ordre libre ; former une opinion europ

1432 eur donnera le moyen de concourir à l’édification d’ un ordre libre ; former une opinion européenne ; offrir un lieu de ren

1433 édification d’un ordre libre ; former une opinion européenne  ; offrir un lieu de rencontres à nos meilleurs esprits, ce sont là qu

1434  ; former une opinion européenne ; offrir un lieu de rencontres à nos meilleurs esprits, ce sont là quelques-unes des ambi

1435 qui s’ouvrira bientôt en Suisse. ⁂ Il n’est point d’ ordre économique possible sans une volonté préalable de mise en ordre

1436 re économique possible sans une volonté préalable de mise en ordre politique. Il n’est point d’ordre politique qui serve l

1437 alable de mise en ordre politique. Il n’est point d’ ordre politique qui serve l’homme, s’il n’est orienté dès le départ pa

1438 épart par une vision libératrice et fascinante. L’ Europe se fera, en dépit des experts (qui savent toujours que c’est Dewey qu

1439 ue c’est Dewey qui sera élu), parce qu’une équipe de véritables résistants — ceux qui résistent à la fatalité — l’auront v

1440 . Contre vents et marées, contre tous les experts de son équipe, il se mit en route pour la joindre. Mais nous, quel conti

1441 el continent nouveau, tout imprévu, risquons-nous d’ aborder ? Et quel bonheur, auquel il suffirait peut-être d’oser croire

1442  ? Et quel bonheur, auquel il suffirait peut-être d’ oser croire ? Se peut-il que ce soit tout simplement l’Europe, redécou

1443 croire ? Se peut-il que ce soit tout simplement l’ Europe , redécouverte à la faveur de son union ? Une Europe rajeunie qui devi

1444 out simplement l’Europe, redécouverte à la faveur de son union ? Une Europe rajeunie qui deviendrait soudain, pour nos yeu

1445 rope, redécouverte à la faveur de son union ? Une Europe rajeunie qui deviendrait soudain, pour nos yeux étonnés, la Terre pro

1446 étonnés, la Terre promise. 11. Voir le recueil de documents intitulés L’Europe de demain (La Baconnière) qui groupe les

1447 . 11. Voir le recueil de documents intitulés L’ Europe de demain (La Baconnière) qui groupe les déclarations fédéralistes de

1448 . Voir le recueil de documents intitulés L’Europe de demain (La Baconnière) qui groupe les déclarations fédéralistes des m

1449 oupe les déclarations fédéralistes des mouvements de la Résistance dans neuf pays. e. Rougemont Denis de, « Le Mouvement

1450 a Résistance dans neuf pays. e. Rougemont Denis de , « Le Mouvement européen », La Revue de Paris, Paris, avril 1949, p. 

1451 euf pays. e. Rougemont Denis de, « Le Mouvement européen  », La Revue de Paris, Paris, avril 1949, p. 76-84.

1452 ont Denis de, « Le Mouvement européen », La Revue de Paris, Paris, avril 1949, p. 76-84.

1453 Découverte de l’Europe (octobre 1949)f Il n’est pas facile d’être actuel. Il y f

1454 Découverte de l’ Europe (octobre 1949)f Il n’est pas facile d’être actuel. Il y faut parfo

1455 e l’Europe (octobre 1949)f Il n’est pas facile d’ être actuel. Il y faut parfois du génie. Goethe écrit à Valmy : « De c

1456 y faut parfois du génie. Goethe écrit à Valmy : «  De ce lieu, de ce jour, sera datée une ère nouvelle. » Mais ce jour-là,

1457 is du génie. Goethe écrit à Valmy : « De ce lieu, de ce jour, sera datée une ère nouvelle. » Mais ce jour-là, il est le se

1458 près de deux-mille ans qu’on la connaît : la mort d’ un Juif obscur, près de Jérusalem, a fait moins de bruit, en son temps

1459 d’un Juif obscur, près de Jérusalem, a fait moins de bruit, en son temps, que la visite de Bartali, coureur cycliste, au V

1460 fait moins de bruit, en son temps, que la visite de Bartali, coureur cycliste, au Vatican. Il serait donc vain de s’étonn

1461 coureur cycliste, au Vatican. Il serait donc vain de s’étonner que le Tour de France ait damé le pion de l’« actualité » à

1462 can. Il serait donc vain de s’étonner que le Tour de France ait damé le pion de l’« actualité » à la première Assemblée de

1463 s’étonner que le Tour de France ait damé le pion de l’« actualité » à la première Assemblée de l’Europe, qui s’ouvrit à S

1464 vrit à Strasbourg le 10 août, en pleines vacances de l’opinion publique. Pourtant les journalistes étaient présents. On di

1465 étaient présents. On dit même qu’ils furent plus de cinq-cents. Et bien d’autres ont jugé Strasbourg dans les éditoriaux

1466 é Strasbourg dans les éditoriaux du monde entier, d’ autant plus librement qu’ils n’y étaient pas allés. L’événement s’est

1467 és. L’événement s’est donc vu noyé sous un déluge de clichés contradictoires. Assembleurs de nuées ou mesures terre à terr

1468 un déluge de clichés contradictoires. Assembleurs de nuées ou mesures terre à terre, festival oratoire ou ternes discussio

1469 prématurée, c’est ce que personne ne sera capable de déduire des milliers de coupures de presse où figure le nom de Strasb

1470 personne ne sera capable de déduire des milliers de coupures de presse où figure le nom de Strasbourg. Une seule opinion

1471 sera capable de déduire des milliers de coupures de presse où figure le nom de Strasbourg. Une seule opinion générale se

1472 s milliers de coupures de presse où figure le nom de Strasbourg. Une seule opinion générale se dégage de ce flot d’imprimé

1473 Strasbourg. Une seule opinion générale se dégage de ce flot d’imprimés : et c’est que l’opinion, précisément, serait deme

1474 . Une seule opinion générale se dégage de ce flot d’ imprimés : et c’est que l’opinion, précisément, serait demeurée indiff

1475 . Que s’est-il passé à Strasbourg ? Quelque chose d’ assez neuf, il faut le croire, pour que la presse n’ait pas su l’enreg

1476 on par les oscillations que je viens de rappeler, d’ un bout à l’autre du champ des clichés. ⁂ La réunion de cent-un député

1477 bout à l’autre du champ des clichés. ⁂ La réunion de cent-un députés, régulièrement élus par les parlements de douze pays,

1478 un députés, régulièrement élus par les parlements de douze pays, matérialisa le 10 août les efforts développés depuis quel

1479 ts fédéralistes, et depuis un an par le Mouvement européen . Mais cet aboutissement spectaculaire devait marquer — comme je l’ai

1480 e devait marquer — comme je l’ai dit ici, au mois d’ avril — le vrai début de la bataille décisive. Il était raisonnable de

1481 je l’ai dit ici, au mois d’avril — le vrai début de la bataille décisive. Il était raisonnable de prévoir que la première

1482 but de la bataille décisive. Il était raisonnable de prévoir que la première session serait consacrée à des questions de p

1483 première session serait consacrée à des questions de procédure, car les statuts du Conseil de l’Europe étaient loin d’assu

1484 r les statuts du Conseil de l’Europe étaient loin d’ assurer au Corps consultatif son minimum vital d’autonomie. Avant d’ag

1485 d’assurer au Corps consultatif son minimum vital d’ autonomie. Avant d’agir, il fallait mettre en place un dispositif de c

1486 consultatif son minimum vital d’autonomie. Avant d’ agir, il fallait mettre en place un dispositif de combat, tout d’abord

1487 d’agir, il fallait mettre en place un dispositif de combat, tout d’abord obtenir que le Comité des ministres ne dicte pas

1488 Comité des ministres ne dicte pas l’ordre du jour de l’Assemblée ; constituer des commissions permanentes ; délimiter une

1489 oder la machine et vérifier le jeu des commandes. De fait, une semaine a suffi pour réussir ces différentes opérations, et

1490 aux, conservateurs et libéraux d’une part, Labour de l’autre (à deux ou trois exceptions près). Mais cette manière d’évite

1491 eux ou trois exceptions près). Mais cette manière d’ éviter le danger « national » risquait d’en créer un nouveau : le cliv

1492 manière d’éviter le danger « national » risquait d’ en créer un nouveau : le clivage horizontal de l’Assemblée selon les a

1493 ait d’en créer un nouveau : le clivage horizontal de l’Assemblée selon les affinités des partis, par-dessus les frontières

1494 us à former un front uni des gauches, sur le plan de l’Europe. Dès les premières interventions sur le fond du débat, c’est

1495 former un front uni des gauches, sur le plan de l’ Europe . Dès les premières interventions sur le fond du débat, c’est-à-dire s

1496 nt une gauche et une droite nouvelles, proprement européennes , et qui ne recouvrent pas les anciennes divisions. (Ces dernières ne

1497 nuées, que dans le plan économique, sous les noms de libéralisme et de dirigisme.) Que veulent les unionistes ? L’Europe u

1498 plan économique, sous les noms de libéralisme et de dirigisme.) Que veulent les unionistes ? L’Europe unie, bien sûr. Mai

1499 et de dirigisme.) Que veulent les unionistes ? L’ Europe unie, bien sûr. Mais pas trop vite, ni trop précisément… Ils parlent

1500 s pas trop vite, ni trop précisément… Ils parlent de prudence, d’étapes préparatoires. Step by step reste leur devise. À l

1501 te, ni trop précisément… Ils parlent de prudence, d’ étapes préparatoires. Step by step reste leur devise. À les en croire,

1502 sont encore indifférents ou hostiles aux travaux de Strasbourg, il faut éviter à tout prix de se porter en avant sans leu

1503 travaux de Strasbourg, il faut éviter à tout prix de se porter en avant sans leur soutien. On serait tenté d’accuser ces p

1504 orter en avant sans leur soutien. On serait tenté d’ accuser ces prudents de scepticisme impénitent. En vérité, ils me semb

1505 r soutien. On serait tenté d’accuser ces prudents de scepticisme impénitent. En vérité, ils me semblent pécher, bien au co

1506 , par optimisme. Et les fédéralistes ont beau jeu de leur répondre : où prendrez-vous le temps d’être prudents ? Si nous c

1507 jeu de leur répondre : où prendrez-vous le temps d’ être prudents ? Si nous craignons d’aller trop vite, aux yeux de l’exp

1508 vous le temps d’être prudents ? Si nous craignons d’ aller trop vite, aux yeux de l’expérience d’autres époques et d’une sa

1509 ite, aux yeux de l’expérience d’autres époques et d’ une sagesse bien éprouvée (dans tous les sens de l’adjectif), on ne no

1510 t d’une sagesse bien éprouvée (dans tous les sens de l’adjectif), on ne nous laissera pas même le temps de partir. Le plan

1511 ’adjectif), on ne nous laissera pas même le temps de partir. Le plan Marshall se termine dans deux ans. La crise économiqu

1512 ave très rapidement (sans nulle prudence !) faute d’ unité dans nos programmes de redressement. Et les menaces de guerre so

1513 lle prudence !) faute d’unité dans nos programmes de redressement. Et les menaces de guerre sont là. Demandez à l’opinion

1514 ns nos programmes de redressement. Et les menaces de guerre sont là. Demandez à l’opinion si elle est mûre pour la guerre 

1515 on vrai nom : fédération. Les progrès surprenants de l’idée fédéraliste parmi les députés européens sont attestés par un f

1516 rprenants de l’idée fédéraliste parmi les députés européens sont attestés par un fait capital : la Commission des affaires généra

1517 e des structures politiques nécessaires à l’union de l’Europe. C’est dire que la question centrale posée par les fédéralis

1518 structures politiques nécessaires à l’union de l’ Europe . C’est dire que la question centrale posée par les fédéralistes, cell

1519 estion centrale posée par les fédéralistes, celle d’ un gouvernement au-dessus des États, n’a pas pu être refoulée plus de

1520 u-dessus des États, n’a pas pu être refoulée plus de dix jours, malgré les efforts conjugués des unionistes nordiques et d

1521 s nordiques et des ministres, malgré les conseils de lenteur, de sagesse, de prudence, etc., prodigués (en anglais général

1522 et des ministres, malgré les conseils de lenteur, de sagesse, de prudence, etc., prodigués (en anglais généralement) aux d

1523 tres, malgré les conseils de lenteur, de sagesse, de prudence, etc., prodigués (en anglais généralement) aux députés europ

1524 , prodigués (en anglais généralement) aux députés européens . Dès sa prochaine session, l’Assemblée sera saisie d’un plan dont le

1525 Dès sa prochaine session, l’Assemblée sera saisie d’ un plan dont le président de la Commission, M. Bidault, peut déjà décl

1526 Assemblée sera saisie d’un plan dont le président de la Commission, M. Bidault, peut déjà déclarer qu’il s’orientera nette

1527 t M. Churchill peut à la fois lutter pour l’union de l’Europe et déclarer qu’on ne touchera pas à ces sacro-saintes souver

1528 Churchill peut à la fois lutter pour l’union de l’ Europe et déclarer qu’on ne touchera pas à ces sacro-saintes souverainetés.)

1529 lème qui passe ainsi au premier rang, c’est celui de la source et des fondements du pouvoir fédéral de demain. Dans les co

1530 de la source et des fondements du pouvoir fédéral de demain. Dans les couloirs et les clubs de Strasbourg, on a pu voir se

1531 fédéral de demain. Dans les couloirs et les clubs de Strasbourg, on a pu voir se former deux écoles. La première tient le

1532 des ministres pour le germe du futur gouvernement de l’Europe. Car les ministres, observe-t-on, sont les seuls à détenir u

1533 inistres pour le germe du futur gouvernement de l’ Europe . Car les ministres, observe-t-on, sont les seuls à détenir un pouvoir

1534 parce que certains pionniers ont ignoré ce genre de raisonnements, qui voudraient faire passer pour réalisme la soumissio

1535 xtaposition n’irait-elle point créer, sur le plan de l’Europe, un danger pire que l’absence de pouvoir, une sorte de frein

1536 sition n’irait-elle point créer, sur le plan de l’ Europe , un danger pire que l’absence de pouvoir, une sorte de frein automati

1537 le plan de l’Europe, un danger pire que l’absence de pouvoir, une sorte de frein automatique, un véritable anti-pouvoir, q

1538 n danger pire que l’absence de pouvoir, une sorte de frein automatique, un véritable anti-pouvoir, qu’il s’agirait alors d

1539 un véritable anti-pouvoir, qu’il s’agirait alors de renverser pour établir l’union réelle ? La seconde école, celle des f

1540 devrait former la Chambre haute (Sénat ou Conseil d’ États). La Commission permanente de vingt-huit membres, élue par cette

1541 nat ou Conseil d’États). La Commission permanente de vingt-huit membres, élue par cette double Assemblée, pourrait alors p

1542 lée, pourrait alors préfigurer le Cabinet fédéral de l’Union. Sans préjuger de l’issue d’un tel débat, l’on peut voir dès

1543 urer le Cabinet fédéral de l’Union. Sans préjuger de l’issue d’un tel débat, l’on peut voir dès maintenant dans le seul fa

1544 inet fédéral de l’Union. Sans préjuger de l’issue d’ un tel débat, l’on peut voir dès maintenant dans le seul fait qu’il ai

1545 enant dans le seul fait qu’il ait lieu, la preuve d’ une très rapide évolution. Les dirigeants de notre Mouvement européen

1546 reuve d’une très rapide évolution. Les dirigeants de notre Mouvement européen n’osaient pas espérer que la question capita

1547 pide évolution. Les dirigeants de notre Mouvement européen n’osaient pas espérer que la question capitale s’imposerait tout natu

1548 nt, dans un délai aussi réduit. Ils sont en droit de montrer quelque fierté, lorsqu’ils passent en revue les objectifs qu’

1549 confrontent avec les résultats atteints au terme de la première session de l’Assemblée. Celle-ci a conquis tout d’abord l

1550 ésultats atteints au terme de la première session de l’Assemblée. Celle-ci a conquis tout d’abord la liberté de fixer ses

1551 mblée. Celle-ci a conquis tout d’abord la liberté de fixer ses ordres du jour. Elle a voté, malgré l’opposition du Comité

1552 ré l’opposition du Comité ministériel la création d’ une Cour européenne des droits de l’homme, pouvoir supérieur aux États

1553 tion du Comité ministériel la création d’une Cour européenne des droits de l’homme, pouvoir supérieur aux États. Elle a créé plusi

1554 ns permanentes pour étudier l’instauration rapide d’ une autorité politique supranationale, d’un Conseil économique et soci

1555 n rapide d’une autorité politique supranationale, d’ un Conseil économique et social, d’un passeport européen, d’un Centre

1556 upranationale, d’un Conseil économique et social, d’ un passeport européen, d’un Centre européen de la culture (déjà en voi

1557 d’un Conseil économique et social, d’un passeport européen , d’un Centre européen de la culture (déjà en voie de formation à Genè

1558 il économique et social, d’un passeport européen, d’ un Centre européen de la culture (déjà en voie de formation à Genève).

1559 d’un Centre européen de la culture (déjà en voie de formation à Genève). Ces décisions couronnent le travail obstiné de q

1560 ève). Ces décisions couronnent le travail obstiné de quelques petites équipes au sein du Mouvement européen. Bien plus, l’

1561 de quelques petites équipes au sein du Mouvement européen . Bien plus, l’existence même de l’Assemblée et la rapidité de ses pre

1562 u Mouvement européen. Bien plus, l’existence même de l’Assemblée et la rapidité de ses premières opérations doivent être a

1563 s, l’existence même de l’Assemblée et la rapidité de ses premières opérations doivent être attribuées en premier lieu à l’

1564 u Mouvement : Churchill et Spaak n’ont pas manqué de le souligner, pour s’en féliciter, bien entendu, M. Hugh Dalton, pour

1565 tiennent à notre Mouvement et ont pris l’habitude d’ y travailler ensemble. On s’est demandé si ces premiers succès laissai

1566 ces premiers succès laissaient encore une raison d’ être suffisante au Mouvement européen, ou s’il devait passer la main à

1567 encore une raison d’être suffisante au Mouvement européen , ou s’il devait passer la main à l’Assemblée. C’est peut-être chanter

1568 cipal : la Constitution fédérale. Les commissions de l’Assemblée la proposeront, mais les gouvernements et parlements nati

1569 rlements nationaux en disposeront. Et qui dispose de ces divers pouvoirs, sinon l’opinion générale, qu’il s’agit maintenan

1570 sinon l’opinion générale, qu’il s’agit maintenant d’ alerter, d’informer, et de faire peser de tout son poids sur ses élus 

1571 nion générale, qu’il s’agit maintenant d’alerter, d’ informer, et de faire peser de tout son poids sur ses élus ? Montrer c

1572 qu’il s’agit maintenant d’alerter, d’informer, et de faire peser de tout son poids sur ses élus ? Montrer ce but et prépar

1573 intenant d’alerter, d’informer, et de faire peser de tout son poids sur ses élus ? Montrer ce but et préparer les voies re

1574 les voies reste la mission décisive du Mouvement européen . Car l’essentiel n’est plus de changer le nom de l’Assemblée consulta

1575 du Mouvement européen. Car l’essentiel n’est plus de changer le nom de l’Assemblée consultative pour qu’elle devienne en f

1576 éen. Car l’essentiel n’est plus de changer le nom de l’Assemblée consultative pour qu’elle devienne en fait constituante,

1577 qu’elle devienne en fait constituante, mais bien d’ agir en sorte que ses vœux et avis soient régulièrement acceptés par l

1578 n pleine action, et il est clair qu’il s’est fait de l’Histoire à Strasbourg, mais nous n’en connaissons encore que le dyn

1579 observateurs américains qui assistait aux travaux de l’Assemblée, et qui a pu voir notre Mouvement à l’œuvre, s’écriait à

1580 écriait à Strasbourg : « J’ai été le témoin, ici, de choses stupéfiantes, amazing things for us, Americans !… Car elles se

1581 ankee, et par la seule action, presque invisible, d’ un très petit nombre d’hommes qui ont su voir juste… » Il venait de dé

1582 action, presque invisible, d’un très petit nombre d’ hommes qui ont su voir juste… » Il venait de découvrir l’Europe, ses l

1583 qui ont su voir juste… » Il venait de découvrir l’ Europe , ses limitations, son génie. f. Rougemont Denis de, « Découverte d

1584 ses limitations, son génie. f. Rougemont Denis de , « Découverte de l’Europe », La Revue de Paris, Paris, octobre 1949,

1585 son génie. f. Rougemont Denis de, « Découverte de l’Europe », La Revue de Paris, Paris, octobre 1949, p. 147-151.

1586 énie. f. Rougemont Denis de, « Découverte de l’ Europe  », La Revue de Paris, Paris, octobre 1949, p. 147-151.

1587 nt Denis de, « Découverte de l’Europe », La Revue de Paris, Paris, octobre 1949, p. 147-151.

1588 L’ Europe et sa culture (novembre 1950)g Ce titre appelle deux séries d’obje

1589 (novembre 1950)g Ce titre appelle deux séries d’ objections, les unes portant sur le mot Europe, les autres sur le mot

1590 séries d’objections, les unes portant sur le mot Europe , les autres sur le mot culture ; et ce n’est pas tout : les mots « et

1591 Certes, on peut ergoter à l’infini sur les termes d’ Europe et de culture. Où commencent, où finissent ces deux réalités ?

1592 rtes, on peut ergoter à l’infini sur les termes d’ Europe et de culture. Où commencent, où finissent ces deux réalités ? À la f

1593 eut ergoter à l’infini sur les termes d’Europe et de culture. Où commencent, où finissent ces deux réalités ? À la fois da

1594 es permanents. Elles apparaissent, surtout, liées de telle manière que l’on ne peut définir l’une sans supposer l’existenc

1595 n ne peut définir l’une sans supposer l’existence de l’autre. Le premier caractère permanent de l’Europe est de nature géo