1 1937, La Revue de Paris, articles (1937–1969). Paysans de l’Ouest (15 juin 1937)
1 Paysans de l’Ouest (15 juin 1937)a b 10 décembre 1933 Un discours de l’insti
2 Paysans de l’Ouest ( 15 juin 1937)a b 10 décembre 1933 Un discours de l’instituteur. — Hi
3 Paysans de l’Ouest (15 juin 1937 )a b 10 décembre 1933 Un discours de l’instituteur. — Hier soir, s
4 Paysans de l’Ouest (15 juin 1937)a b 10 décembre 1933 Un discours de l’instituteur. — Hier soir, séance de P
5 ysans de l’Ouest (15 juin 1937)a b 10 décembre 1933 Un discours de l’instituteur. — Hier soir, séance de Pathé-Baby orga
6 15 juin 1937)a b 10 décembre 1933 Un discours de l’instituteur. — Hier soir, séance de Pathé-Baby organisée par l’inst
7 Un discours de l’instituteur. — Hier soir, séance de Pathé-Baby organisée par l’instituteur dans la salle de l’école des g
8 hé-Baby organisée par l’instituteur dans la salle de l’école des garçons. Il me tardait de voir une fois les habitants du
9 ns la salle de l’école des garçons. Il me tardait de voir une fois les habitants du village réunis, leur façon d’être ense
10 fois les habitants du village réunis, leur façon d’ être ensemble, et surtout la jeunesse, d’ordinaire invisible, au point
11 ur façon d’être ensemble, et surtout la jeunesse, d’ ordinaire invisible, au point que je doutais même qu’elle existât. Ell
12 ncs rangés en chevrons derrière le petit appareil de projection, placé à trois ou quatre mètres de l’écran. (Un drap de li
13 derrière le petit appareil de projection, placé à trois ou quatre mètres de l’écran. (Un drap de lit sur le tableau noir.) Un
14 le petit appareil de projection, placé à trois ou quatre mètres de l’écran. (Un drap de lit sur le tableau noir.) Une quaranta
15 eil de projection, placé à trois ou quatre mètres de l’écran. (Un drap de lit sur le tableau noir.) Une quarantaine de fil
16 acé à trois ou quatre mètres de l’écran. (Un drap de lit sur le tableau noir.) Une quarantaine de filles et de gars peu br
17 drap de lit sur le tableau noir.) Une quarantaine de filles et de gars peu bruyants, presque tous laids de visage et très
18 ur le tableau noir.) Une quarantaine de filles et de gars peu bruyants, presque tous laids de visage et très épais de corp
19 illes et de gars peu bruyants, presque tous laids de visage et très épais de corps. Nous étions assis derrière eux. Au fon
20 yants, presque tous laids de visage et très épais de corps. Nous étions assis derrière eux. Au fond, sur deux armoires bas
21 rps. Nous étions assis derrière eux. Au fond, sur deux armoires basses siégeaient une dizaine d’hommes. Deux ou trois coiffe
22 Au fond, sur deux armoires basses siégeaient une dizaine d’hommes. Deux ou trois coiffes de paysannes seulement. Et des enfant
23 , sur deux armoires basses siégeaient une dizaine d’ hommes. Deux ou trois coiffes de paysannes seulement. Et des enfants a
24 armoires basses siégeaient une dizaine d’hommes. Deux ou trois coiffes de paysannes seulement. Et des enfants autour du tré
25 s basses siégeaient une dizaine d’hommes. Deux ou trois coiffes de paysannes seulement. Et des enfants autour du trépied de l
26 aient une dizaine d’hommes. Deux ou trois coiffes de paysannes seulement. Et des enfants autour du trépied de l’appareil,
27 annes seulement. Et des enfants autour du trépied de l’appareil, empressés à tendre les bobines de film à l’instituteur. I
28 ied de l’appareil, empressés à tendre les bobines de film à l’instituteur. Il fallut un certain temps pour mettre au point
29 silence, et la projection commence. C’est un film d’ avant-guerre, la Course au flambeau, tiré de la pièce de Paul Hervieu.
30 film d’avant-guerre, la Course au flambeau, tiré de la pièce de Paul Hervieu. Entre chaque épisode reparaissent les mêmes
31 t-guerre, la Course au flambeau, tiré de la pièce de Paul Hervieu. Entre chaque épisode reparaissent les mêmes éphèbes gre
32 de reparaissent les mêmes éphèbes grecs, porteurs de torches qu’ils se passent avec des gestes lents, hallucinants, à gran
33 iscours. « Je serai bref ! » C’est un jeune homme d’ allure énergique et de visage intelligent, la chevelure noire en batai
34 ef ! » C’est un jeune homme d’allure énergique et de visage intelligent, la chevelure noire en bataille qu’il saisit à ple
35 dans les moments pathétiques. Il annonce le sujet de ce soir : Qu’est-ce qu’être laïque ? — « Messieurs, chers amis ! Je v
36 e saurai me défendre ! Et malgré les persécutions de ceux qui ont intérêt à étouffer la vérité, etc. » La chevelure s’agit
37 congrès, il a été stipulé qu’à l’avenir… » La fin de la phrase étant particulièrement sonore, des applaudissements éclaten
38 ent sonore, des applaudissements éclatent au fond de la salle. Le jeune orateur électrisé se lance dans une définition vib
39 r électrisé se lance dans une définition vibrante de la laïcité. « Être laïque, c’est vouloir la justice et l’égalité pour
40 ion libre et gratuite pour tous, sans distinction de fortune ou de religion ! Être laïque… » Ah ! surtout, être laïque, ce
41 ratuite pour tous, sans distinction de fortune ou de religion ! Être laïque… » Ah ! surtout, être laïque, ce n’est pas com
42 religieux au vrai sens du mot, selon les paroles de Gambetta, d’Ernest Lavisse et de quelques autres. Être laïque, c’est
43 vrai sens du mot, selon les paroles de Gambetta, d’ Ernest Lavisse et de quelques autres. Être laïque, c’est finalement « 
44 elon les paroles de Gambetta, d’Ernest Lavisse et de quelques autres. Être laïque, c’est finalement « aimer son prochain »
45 ochain » ! Je n’ai pas plutôt soufflé à l’oreille de ma femme : « C’est un sermon ! » que l’orateur, au comble de son éloq
46  : « C’est un sermon ! » que l’orateur, au comble de son éloquence, s’écrie : « Et, mes frères ! si l’on vient encore vous
47 salle du curé, qui donne aussi ce soir une séance de cinéma. On entend rire des enfants. — J’ai rencontré le curé ce matin
48 s. — J’ai rencontré le curé ce matin, suivi comme d’ habitude d’une bande de petits garçons. Il n’a pas répondu à mon salut
49 encontré le curé ce matin, suivi comme d’habitude d’ une bande de petits garçons. Il n’a pas répondu à mon salut. 12 décemb
50 curé ce matin, suivi comme d’habitude d’une bande de petits garçons. Il n’a pas répondu à mon salut. 12 décembre 1933 Tout
51 e petits garçons. Il n’a pas répondu à mon salut. 12 décembre 1933 Tout à l’heure, en déchirant le journal de l’île pour a
52 çons. Il n’a pas répondu à mon salut. 12 décembre 1933 Tout à l’heure, en déchirant le journal de l’île pour allumer le feu,
53 mbre 1933 Tout à l’heure, en déchirant le journal de l’île pour allumer le feu, j’ai vu l’annonce d’une conférence contrad
54 l de l’île pour allumer le feu, j’ai vu l’annonce d’ une conférence contradictoire à A… : « La Bible et les travailleurs. »
55 se à la conférence donnée au même endroit, il y a quinze jours, sous les auspices d’une ligue « antifasciste », et qui avait p
56 e endroit, il y a quinze jours, sous les auspices d’ une ligue « antifasciste », et qui avait pour sujet : « L’Église contr
57 rendre à la première conférence. Mais le village d’ A… est à huit kilomètres et la tempête m’avait empêché d’y aller à bic
58 a première conférence. Mais le village d’A… est à huit kilomètres et la tempête m’avait empêché d’y aller à bicyclette. J’es
59 t à huit kilomètres et la tempête m’avait empêché d’ y aller à bicyclette. J’essaierai d’aller demain soir entendre la répo
60 avait empêché d’y aller à bicyclette. J’essaierai d’ aller demain soir entendre la réponse. La mère Renaud vient de m’appre
61 ut le monde au village, à part la petite minorité de mauvaises têtes qui suit les prêches laïques de l’instituteur. Le seu
62 é de mauvaises têtes qui suit les prêches laïques de l’instituteur. Le seul protestant est mort l’été dernier, âgé de 93 a
63 r. Le seul protestant est mort l’été dernier, âgé de 93 ans. Il s’était converti à soixante-dix ans « et il avait toujours
64 Le seul protestant est mort l’été dernier, âgé de 93 ans. Il s’était converti à soixante-dix ans « et il avait toujours te
65 été dernier, âgé de 93 ans. Il s’était converti à soixante-dix ans « et il avait toujours tenu ! » Catholique, antifasciste, laïque,
66 stant, — tous ces mots prennent ici quelque chose de joliment absurde. Les paysans du village ne sont pas même tous capabl
67 paysans du village ne sont pas même tous capables de lire le journal, et j’ai remarqué qu’ils achètent absolument au hasar
68 le des républicains. Il est à peu près impossible de savoir s’ils font une distinction quelconque entre les opinions, pour
69 re que la discussion annoncée après la conférence d’ A… me fera modifier ce jugement. J’en suis bien curieux. 15 décembre 1
70 era modifier ce jugement. J’en suis bien curieux. 15 décembre 1933 Je relève les notes prises l’autre soir sur la conféren
71 ce jugement. J’en suis bien curieux. 15 décembre 1933 Je relève les notes prises l’autre soir sur la conférence à A… … Gran
72 ’autre soir sur la conférence à A… … Grande salle de la mairie, voûtée, peinte en bleu clair. Une table et trois chaises s
73 airie, voûtée, peinte en bleu clair. Une table et trois chaises sur la scène surélevée. Environ une centaine d’auditeurs : pa
74 trois chaises sur la scène surélevée. Environ une centaine d’auditeurs : paysans et pêcheurs, cela se voit. Au premier rang, deu
75 ises sur la scène surélevée. Environ une centaine d’ auditeurs : paysans et pêcheurs, cela se voit. Au premier rang, deux «
76 ysans et pêcheurs, cela se voit. Au premier rang, deux « dames », l’une très vieille. Ce sont les seules femmes. Mauvais écl
77 cène : un homme jeune encore, un peu gros et lent d’ allure, physionomie ouverte et sérieuse. « Eh bien, messieurs et chers
78 rence est contradictoire. Je vous demanderai donc de bien vouloir proposer des noms. » Silence. Chuchotements. — Vas-y ! —
79 , comme l’autre fois ! Poussés par leurs voisins, trois hommes se lèvent en haussant les épaules pour s’excuser de se mettre
80 se lèvent en haussant les épaules pour s’excuser de se mettre en avant. Ils gravissent la scène, enlèvent leur casquette
81 asquette à visière cirée, et s’installent sur les trois chaises, un tout à droite, un tout à gauche, le troisième, qui est le
82 est le président, derrière la table, embarrassés de leurs mains, de leurs pieds, de leur casquette. Coups d’œil malicieux
83 t, derrière la table, embarrassés de leurs mains, de leurs pieds, de leur casquette. Coups d’œil malicieux aux copains de
84 able, embarrassés de leurs mains, de leurs pieds, de leur casquette. Coups d’œil malicieux aux copains de la salle. Le pré
85 s mains, de leurs pieds, de leur casquette. Coups d’ œil malicieux aux copains de la salle. Le président se lève : « Messie
86 leur casquette. Coups d’œil malicieux aux copains de la salle. Le président se lève : « Messieurs et dames, vous m’excuser
87 se lève : « Messieurs et dames, vous m’excuserez de ne pas vous présenter l’orateur qui va vous faire un intéressant disc
88 s gens pauvres. Depuis lors il y a eu des églises de riches. Elles ont trahi l’Évangile. Un philosophe français, M. Julien
89 Mais le vrai chrétien est avec les petits. Résumé de ce que la Bible dit des travailleurs : Jérémie exigeait que le roi pa
90 rs. L’Ancien Testament nous montre que le système de propriété chez les Juifs est presque communiste ! Jésus est l’ami des
91 les hommes étaient chrétiens, il n’y aurait plus d’ exploitation ni de guerre !… La péroraison a été éloquente, un peu tro
92 t chrétiens, il n’y aurait plus d’exploitation ni de guerre !… La péroraison a été éloquente, un peu trop à mon goût. On a
93 silence embarrassé. Enfin un type se lève au fond de la salle et demande « s’il n’y a pas des contradictions dans la Bible
94 et sans aucun rapport avec le sujet. Il n’y a pas d’ autre question. Le président fait alors un bref remerciement à l’orate
95 bref remerciement à l’orateur. Il s’excuse encore de ne pas s’y connaître assez en religion, mais assure qu’il a été bien
96 feu. C’est un petit maigre en casquette, environ 35 ans, l’air intelligent. Je l’approuve et m’étonne que la discussion n
97 à un chrétien ou même à un protestant ? J’essaie de le faire parler. Je lui dis : « Oui, c’est la vérité pour les chrétie
98 ça que c’est écrit dans la Bible, il n’a pas dit de mensonges, quoi ! Mais ici ils ne savent pas discuter. Si vous alliez
99 nfin il veut lui demander « si ce serait possible de se procurer une Bible pour étudier un peu tout ça. On sent bien que c
100 un peu tout ça. On sent bien que c’est important de s’y connaître dans ces questions ». Il s’exprime avec tant de prudenc
101 sis pas bien si ce curé lui a interdit la lecture de la Bible, ou si, au contraire, il pourrait lui en prêter une. Quoi qu
102 le pasteur note le nom du « président » et promet de lui envoyer un Nouveau Testament. Nous faisons les cent pas sur la pl
103 ui envoyer un Nouveau Testament. Nous faisons les cent pas sur la place. M. Palut sait que je suis écrivain. Il a lu un de m
104 e. M. Palut sait que je suis écrivain. Il a lu un de mes articles. Je le sens inquiet de mon opinion d’« intellectuel » su
105 n. Il a lu un de mes articles. Je le sens inquiet de mon opinion d’« intellectuel » sur son discours. « C’était sûrement b
106 e mes articles. Je le sens inquiet de mon opinion d’ « intellectuel » sur son discours. « C’était sûrement beaucoup trop si
107 ment. Ce n’est pas moi qui lui reprocherai jamais d’ être trop simple. On ne l’est jamais assez ! — Oh ! vous savez, — dit-
108 z ! — Oh ! vous savez, — dit-il — je n’y mets pas d’ amour-propre, vous pouvez me dire franchement ce que vous pensez, de c
109 us pouvez me dire franchement ce que vous pensez, de cette soirée… Je le regarde. C’est un homme simple et solide, on peut
110 es autres qui disaient le contraire, et pas moyen de savoir avec qui ils sont d’accord. Il ne faut pas oublier que nous vi
111 ne faut pas oublier que nous vivons à une époque de propagande forcenée, et je vous assure qu’un communiste, par exemple,
112 n oratoire. Pourquoi ne pas saisir cette occasion de leur prêcher l’Évangile, là, tout droit, dans leur langage de tous le
113 her l’Évangile, là, tout droit, dans leur langage de tous les jours, comme le faisaient les réformateurs, les forcer à pre
114 t déjà un énorme succès. Pensez donc, il y a plus de six ans que je suis dans l’île, et je n’avais jamais pu parler à A…,
115 éjà un énorme succès. Pensez donc, il y a plus de six ans que je suis dans l’île, et je n’avais jamais pu parler à A…, à ca
116 ne faut pas les brusquer ! Ce soir, il s’agissait de gagner leur confiance, et ensuite on verra si on peut aller plus loin
117 ce en leur parlant plus familièrement, sans faire d’ éloquence ? Cela trancherait au moins sur la propagande électorale. —
118 nt ? Allez le savoir, avec eux. On prêche pendant six ans la même chose, ils vous remercient, on croit qu’ils ont compris,
119 urtant il faut bien continuer, même si on a envie de tout plaquer, certains jours… Il faudra reparler de tout cela. M. Pal
120 tout plaquer, certains jours… Il faudra reparler de tout cela. M. Palut n’a jamais l’occasion de discuter, il se sent ter
121 rler de tout cela. M. Palut n’a jamais l’occasion de discuter, il se sent terriblement isolé au milieu de cette population
122 qu’ils appellent le peuple… » ; je revoyais cette centaine d’hommes dans la salle nue. Leur méfiance ou leur timidité, ou aussi
123 pellent le peuple… » ; je revoyais cette centaine d’ hommes dans la salle nue. Leur méfiance ou leur timidité, ou aussi leu
124 é, ou aussi leur fatigue après une longue journée de travail. Mais beaucoup ne font plus rien en hiver ? Ils sont venus po
125 au café. Cette inertie, dès qu’il ne s’agit plus d’ argent ! À moins que ce ne soit le langage, la difficulté de s’exprime
126 À moins que ce ne soit le langage, la difficulté de s’exprimer ? Tout est mystère en eux, et pour eux-mêmes sans doute. E
127 jamais vus ou jamais aimés ! Là-dessus, quantité de pensées et de conclusions qui m’ont paru évidentes et importantes. On
128 jamais aimés ! Là-dessus, quantité de pensées et de conclusions qui m’ont paru évidentes et importantes. On se sent réflé
129 ste rien qu’un peu de courbature dans les jambes. 16 décembre 1933 Derrière la même pile d’assiettes où je crois avoir déj
130 un peu de courbature dans les jambes. 16 décembre 1933 Derrière la même pile d’assiettes où je crois avoir déjà dit que j’av
131 es jambes. 16 décembre 1933 Derrière la même pile d’ assiettes où je crois avoir déjà dit que j’avais trouvé deux ouvrages
132 tes où je crois avoir déjà dit que j’avais trouvé deux ouvrages traitant de mon île, j’ai déniché ce matin une édition popul
133 éjà dit que j’avais trouvé deux ouvrages traitant de mon île, j’ai déniché ce matin une édition populaire de La Naissance
134 île, j’ai déniché ce matin une édition populaire de La Naissance du jour, de Colette. Je n’avais pas encore lu ce livre.
135 in une édition populaire de La Naissance du jour, de Colette. Je n’avais pas encore lu ce livre. Il est exactement de l’es
136 n’avais pas encore lu ce livre. Il est exactement de l’espèce que j’aime, et l’un des plus charmants dans cette espèce, ma
137 ien à voir avec la critique littéraire. À la page 43 de l’édition que j’ai sous les yeux, je lis ceci : « … ils déménagent
138 à voir avec la critique littéraire. À la page 43 de l’édition que j’ai sous les yeux, je lis ceci : « … ils déménagent… c
139 je lis ceci : « … ils déménagent… comme les puces d’ un hérisson mort. » Cette phrase a fait dans mon esprit ce qu’on appel
140 a fait dans mon esprit ce qu’on appelle un trait de lumière. Lundi dernier, au petit matin, nous nous sommes réveillés co
141 petit matin, nous nous sommes réveillés couverts de puces. J’exagère à peine : pour mon compte, j’en ai pris sept sur mon
142 e, j’en ai pris sept sur mon pyjama dans l’espace de deux minutes, ce qui doit constituer une sorte de record. D’autres sa
143 j’en ai pris sept sur mon pyjama dans l’espace de deux minutes, ce qui doit constituer une sorte de record. D’autres sautaie
144 de deux minutes, ce qui doit constituer une sorte de record. D’autres sautaient sur le couvre-pied. D’autres sur le planch
145 l est vrai qu’on a beau porter un nombre excessif de jupons, cela ne devrait pas suffire à rendre vraisemblable une hypoth
146 ’explique sans peine désormais, grâce à la phrase de Colette. Je rapporte cette anecdote parce qu’elle comporte une conclu
147 : pour la première fois depuis je ne sais combien d’ années, je viens de trouver dans un ouvrage littéraire la solution d’u
148 de trouver dans un ouvrage littéraire la solution d’ une question précise. Grâce à Colette, je sais maintenant pourquoi not
149 is maintenant pourquoi notre chambre était pleine de puces. Cela n’a l’air de rien, mais je vois là comme un symbole. Les
150 tre chambre était pleine de puces. Cela n’a l’air de rien, mais je vois là comme un symbole. Les livres devraient être uti
151 exactes, des explications vérifiables, des modes d’ emploi, des descriptions objectives et utilisables ; et ceci à tous le
152 ctives et utilisables ; et ceci à tous les degrés de la réalité, dans les grandes choses comme dans les choses de rien. Au
153 té, dans les grandes choses comme dans les choses de rien. Au lieu de cela, les modernes nous servent des états d’âme impr
154 lieu de cela, les modernes nous servent des états d’ âme improbables ou excessifs, des inquiétudes dont ils n’ont même pas
155 fs, des inquiétudes dont ils n’ont même pas l’air d’ être vraiment inquiets, des indiscrétions gênantes et dont on ne sait
156 op que faire, ou des doctrines dont ils négligent de nous dire s’ils les ont essayées sur le vif, dans le détail de la vie
157 s’ils les ont essayées sur le vif, dans le détail de la vie quotidienne. Ils nous donnent très rarement des réponses, ou a
158 réponses à des questions qu’on n’avait pas l’idée de se poser ; et c’est là qu’ils croient voir leur astuce. Astuces, peti
159 ns, toute cette littérature est sans doute pleine de talent, elle est même littéralement sensationnelle, mais que veulent-
160 ils qu’on en fasse ? Nous avons tout à rapprendre de Goethe. Non seulement des révélations du second Faust, mais aussi de
161 ement des révélations du second Faust, mais aussi de ces pages du Journal de voyage en Italie où, par exemple, il rapporte
162 second Faust, mais aussi de ces pages du Journal de voyage en Italie où, par exemple, il rapporte à madame de Stein comme
163 rapporte à madame de Stein comment les habitants de Ferrare utilisent les vieilles tuiles concassées pour recouvrir les r
164 oncassées pour recouvrir les routes et les allées de leurs jardins. Et il ajoute : « Dès mon retour à la maison, j’essaier
165  » Commentons : la noblesse est dans l’usage. Pas de noblesse sans usage, sans application précise aux choses, etc. Ne mon
166 s plus au ciel du second Faust que par ces allées de Ferrare ! 18 décembre 1933 Je ne cesse de repenser à la conférence d’
167 l du second Faust que par ces allées de Ferrare ! 18 décembre 1933 Je ne cesse de repenser à la conférence d’avant-hier à
168 Faust que par ces allées de Ferrare ! 18 décembre 1933 Je ne cesse de repenser à la conférence d’avant-hier à A… Il me sembl
169 allées de Ferrare ! 18 décembre 1933 Je ne cesse de repenser à la conférence d’avant-hier à A… Il me semble qu’elle m’app
170 mbre 1933 Je ne cesse de repenser à la conférence d’ avant-hier à A… Il me semble qu’elle m’apprend sur « le peuple » davan
171 m’a fait voir « le peuple » pour la première fois de ma vie. Première constatation : l’apathie générale, aussi bien à A… q
172 ’apathie générale, aussi bien à A… qu’à la séance de cinéma. Il n’y aurait là rien d’étonnant, si l’on ne nous rebattait l
173 … qu’à la séance de cinéma. Il n’y aurait là rien d’ étonnant, si l’on ne nous rebattait les oreilles de phrases sur la vol
174 ’étonnant, si l’on ne nous rebattait les oreilles de phrases sur la volonté et la mission du peuple. On a beau se méfier d
175 ssi pourquoi elles mentent, et quel immense désir de réveiller le peuple elles traduisent chez certains qui les prononcent
176 elles traduisent chez certains qui les prononcent de bonne foi. Elles le trahissent d’ailleurs, ce désir, en essayant de l
177 s le trahissent d’ailleurs, ce désir, en essayant de le faire passer d’ores et déjà pour une réalité. Deuxième constatatio
178 té. Deuxième constatation : il est très difficile d’ aimer des hommes qui ne nous sont rien, qui ne nous demandent rien, qu
179 andent rien, qui peut-être ne voudraient pas même de notre aide (nous égalent les intellectuels bourgeois). Il est très di
180 s intellectuels bourgeois). Il est très difficile d’ aimer ces hommes, et cependant ils sont la réalité vivante et présente
181 nte du « peuple ». Par contre, il est très facile de haïr et de condamner un certain ordre de choses qui nous vexe et dont
182 uple ». Par contre, il est très facile de haïr et de condamner un certain ordre de choses qui nous vexe et dont nous souff
183 s facile de haïr et de condamner un certain ordre de choses qui nous vexe et dont nous souffrons. Et il est très tentant d
184 xe et dont nous souffrons. Et il est très tentant d’ appeler cette haine : amour du peuple. Troisième constatation : la plu
185 éhensibles ; mais ceux qui les écoutent ont l’air de trouver cela tout naturel. Je fus certainement le seul ici à m’étonne
186 e des noms qu’on ne connaît pas. Cela fait partie de l’éloquence. Et l’éloquence est le but du discours, dont le sujet n’e
187 u des mensonges, on n’applaudira guère que le son de leur voix, ou le parti qui les délègue. Il resterait à expliquer cet
188 nt il ne sera pas le dernier à pâtir. Impuissance de l’« esprit », bêtise de l’action : ces deux misères n’auraient-elles
189 nier à pâtir. Impuissance de l’« esprit », bêtise de l’action : ces deux misères n’auraient-elles pas une origine commune 
190 issance de l’« esprit », bêtise de l’action : ces deux misères n’auraient-elles pas une origine commune ? Il m’a semblé que
191 é que j’entrevoyais cette origine dans les propos de mon voisin au sortir de la conférence. Cet homme trouvait qu’il n’y a
192 il n’y avait rien à « discuter » dans les paroles de l’orateur, parce que c’était « la vérité ». Autrement dit, parce que
193 lque chose qui peut être réalisé. Et qu’il s’agit de prendre position effectivement. S’il s’était senti interpellé personn
194 terpellé personnellement, invité à choisir, sommé d’ approuver ou de refuser en fait ce que venait de dire le conférencier,
195 nellement, invité à choisir, sommé d’approuver ou de refuser en fait ce que venait de dire le conférencier, alors, alors i
196 remarqué qu’aucun des auditeurs ait pris la chose de cette manière. Je sais bien qu’il y a la difficulté de s’exprimer, la
197 tte manière. Je sais bien qu’il y a la difficulté de s’exprimer, la timidité, la fatigue, et que tout cela peut bien suffi
198 out cela peut bien suffire à expliquer le silence de ces cultivateurs. Mais le type qui m’a parlé avait la langue bien pen
199 je m’avise que la majorité des « intellectuels » d’ aujourd’hui ne pense pas très différemment. Peuple ou « clercs », ils
200 a « vérité » n’engage à rien. Ils bornent le rôle de l’esprit à la constatation de l’exactitude objective et formelle des
201 Ils bornent le rôle de l’esprit à la constatation de l’exactitude objective et formelle des faits ou des raisonnements que
202 t sont des égoïstes, des orgueilleux, des espèces d’ aristos qui ne vont qu’avec les riches. Il y en a certes qui font prog
203 tout à fait autre chose. C’est un certain nombre de phrases qu’on lit dans les journaux et qu’on entend dans les assemblé
204 u avec les gros. D’autre part, c’est une question de travail, de salaires, de prix de la vie, et là les intellectuels ne s
205 ros. D’autre part, c’est une question de travail, de salaires, de prix de la vie, et là les intellectuels ne servent à rie
206 part, c’est une question de travail, de salaires, de prix de la vie, et là les intellectuels ne servent à rien. Enfin, les
207 est une question de travail, de salaires, de prix de la vie, et là les intellectuels ne servent à rien. Enfin, les questio
208 llectuels ne servent à rien. Enfin, les questions de personnes jouent un rôle : on aime avoir un député instruit. Mais ce
209 s. C’est surtout parce qu’un homme instruit jouit d’ une certaine considération sociale, sait se débrouiller à Paris et peu
210 ociale, sait se débrouiller à Paris et peut faire de beaux discours. Dans ces conditions, qu’un intellectuel aille parler
211 a l’air « sincère », mais on n’aura jamais l’idée de mettre en pratique ce qu’il dit. Il reste dans son rôle en s’agitant
212 culture se trompent sur la nature et sur le rôle de la culture. Mais il est inquiétant que les hommes cultivés, au lieu d
213 ivés, au lieu de s’efforcer, comme ils devraient, de combattre activement cette erreur, en tirent au contraire leur confor
214 uent agréablement, ils la réduisent à un ensemble de phrases correctes, quelquefois ingénieuses, et par définition ineffic
215 nieuses, et par définition inefficaces. L’opinion de mon voisin après la conférence, j’ai pu croire que c’était l’opinion
216 conférence, j’ai pu croire que c’était l’opinion d’ un nigaud ; mais non, c’est celle d’un clerc parfait. Je n’ai pas fini
217 ait l’opinion d’un nigaud ; mais non, c’est celle d’ un clerc parfait. Je n’ai pas fini de m’étonner de cette rencontre. 19
218 c’est celle d’un clerc parfait. Je n’ai pas fini de m’étonner de cette rencontre. 19 décembre 1933 Si l’on veut réelleme
219 d’un clerc parfait. Je n’ai pas fini de m’étonner de cette rencontre. 19 décembre 1933 Si l’on veut réellement conduire u
220 Je n’ai pas fini de m’étonner de cette rencontre. 19 décembre 1933 Si l’on veut réellement conduire un homme à un but déf
221 fini de m’étonner de cette rencontre. 19 décembre 1933 Si l’on veut réellement conduire un homme à un but défini, il faut a
222 à un but défini, il faut avant tout se préoccuper de le prendre là où il est, et commencer là. Voilà le secret de tout sec
223 re là où il est, et commencer là. Voilà le secret de tout secours… Pour aider réellement un homme, il faut que j’en sache
224 l sait. Sinon mon savoir supérieur ne lui servira de rien. Si je persiste cependant à faire valoir ma science, ce n’est pl
225 eu d’aider l’homme, je cherche à me faire admirer de lui. Cette remarque de Kierkegaard me frappe aujourd’hui comme si el
226 herche à me faire admirer de lui. Cette remarque de Kierkegaard me frappe aujourd’hui comme si elle avait été écrite expr
227 ceux qui m’entourent, ce « peuple » qu’il s’agit d’ aider, et que je vois encore si mal. (Ce qui ne m’a pas empêché jusqu’
228 core si mal. (Ce qui ne m’a pas empêché jusqu’ici de m’occuper de politique, par exemple… Mais déjà, je me sens moins assu
229 (Ce qui ne m’a pas empêché jusqu’ici de m’occuper de politique, par exemple… Mais déjà, je me sens moins assuré dans ma bo
230 je me sens moins assuré dans ma bonne conscience de « doctrinaire », à cet égard.) D’autre part, elle m’aide à distinguer
231 elle m’aide à distinguer l’un des motifs au moins de ma gêne, quand je constate qu’ils ne comprennent pas de quoi je m’occ
232 gêne, quand je constate qu’ils ne comprennent pas de quoi je m’occupe. C’est peut-être un secret désir, un inconscient dés
233 re un secret désir, un inconscient désir que j’ai d’ être reconnu par eux à ma juste valeur. Exactement ce que Kierkegaard
234 n chacun, mon amour-propre, je ne puis m’empêcher de le juger assez justifié dans l’occurrence. On n’aime pas à être tenu
235 n est dans ma situation, ou mieux, dans ce défaut de « situation » qui fait de moi, pour parler comme la presse, un « inte
236 u mieux, dans ce défaut de « situation » qui fait de moi, pour parler comme la presse, un « intellectuel en chômage. » (Éc
237 ays que je possède une machine à écrire…) Février 1934 Les gens. — Du haut des dunes, je vois les terres divisées en parcel
238 emmes travaillent, le buste parallèle au sol. Ces deux observations physiques très simples méritent chacune un commentaire.
239 éritent chacune un commentaire. Elles résument en deux images exactes les conditions morales et économiques des habitants de
240 s conditions morales et économiques des habitants de l’île. 1° Division des terres. — J’ai pu vérifier à plusieurs reprise
241 ns morales et économiques des habitants de l’île. Division des terres. — J’ai pu vérifier à plusieurs reprises l’extrao
242 tion du cadastre en lisant affichées sur les murs de l’église les annonces de ventes immobilières. Les propriétés se compo
243 t affichées sur les murs de l’église les annonces de ventes immobilières. Les propriétés se composent généralement d’une v
244 ilières. Les propriétés se composent généralement d’ une vingtaine ou d’une trentaine de parcelles, dont beaucoup n’ont que
245 étés se composent généralement d’une vingtaine ou d’ une trentaine de parcelles, dont beaucoup n’ont que quelques centiares
246 t généralement d’une vingtaine ou d’une trentaine de parcelles, dont beaucoup n’ont que quelques centiares, les plus grand
247 ont que quelques centiares, les plus grandes un à deux ares. Je connais déjà la géographie locale assez pour me rendre compt
248 la géographie locale assez pour me rendre compte de la dispersion ridicule des parcelles tout autour du village : l’homme
249 tour du village : l’homme qui travaille ces bouts de champ, grands comme ma chambre, doit passer une partie de la journée
250 , grands comme ma chambre, doit passer une partie de la journée à marcher de l’un à l’autre. Disposition encore plus gênan
251 e, doit passer une partie de la journée à marcher de l’un à l’autre. Disposition encore plus gênante au moment de la récol
252 la guerre. Mais cela n’a pas marché. La tradition de l’île veut que chaque champ soit partagé à la mort du propriétaire en
253 soit partagé à la mort du propriétaire en autant de parcelles qu’il y a d’héritiers. Ceci pour éviter que l’un hérite d’u
254 du propriétaire en autant de parcelles qu’il y a d’ héritiers. Ceci pour éviter que l’un hérite d’un champ un peu meilleur
255 y a d’héritiers. Ceci pour éviter que l’un hérite d’ un champ un peu meilleur que les autres. Égalité contre solidarité. Le
256 s. Égalité contre solidarité. Le résultat évident de cette tradition sacro-sainte, c’est que les paysans travaillent beauc
257 ue. Comment espérer un développement « culturel » de cette population abrutie de fatigue ? Il faudrait d’abord réformer le
258 oppement « culturel » de cette population abrutie de fatigue ? Il faudrait d’abord réformer les conditions matérielles. Ma
259 Mais si personne ne fait rien par le moyen normal de l’éducation, il n’y a plus d’autre solution que la contrainte. La dic
260 par le moyen normal de l’éducation, il n’y a plus d’ autre solution que la contrainte. La dictature est un moyen grossier,
261 r ceux qui la subissent, mais c’est le seul moyen de transformer et d’animer un peuple auquel on n’a pas su donner le sens
262 ssent, mais c’est le seul moyen de transformer et d’ animer un peuple auquel on n’a pas su donner le sens civique, le sens
263 uel on n’a pas su donner le sens civique, le sens de la communauté. Qui est-ce qui se préoccupe en France de donner au peu
264 communauté. Qui est-ce qui se préoccupe en France de donner au peuple une éducation solidariste ? On cherche à enrôler ces
265 , c’est l’évidence, parce qu’elles n’exigent rien de positif, ne construisent rien, n’animent rien, s’épuisent en excitati
266 rbales. Dictature ou éducation, voilà le dilemme. Mauvais outils. — Revenons au sens précis, limité et terre à terre de
267 u sens précis, limité et terre à terre des usages de l’île. Dès la quarantaine déjà, les hommes et les femmes ont tous le
268 ps plus ou moins déjeté. Cela provient évidemment de leur position quand ils travaillent aux champs. Et cette position pro
269 ravaillent aux champs. Et cette position provient de la forme de leurs outils. Ils n’utilisent guère que des « bouelles »
270 ux champs. Et cette position provient de la forme de leurs outils. Ils n’utilisent guère que des « bouelles » au manche tr
271 s » au manche très court, recourbé à l’extrémité, de telle sorte que la lame fait avec le manche un angle d’environ 45 deg
272 le sorte que la lame fait avec le manche un angle d’ environ 45 degrés. Cet instrument, d’une part les oblige à baisser le
273 ue la lame fait avec le manche un angle d’environ 45 degrés. Cet instrument, d’une part les oblige à baisser le buste au m
274 er la terre sablonneuse, d’autre part les empêche de labourer cette terre à plus de quinze ou vingt centimètres de profond
275 e part les empêche de labourer cette terre à plus de quinze ou vingt centimètres de profondeur. Trente centimètres de rall
276 art les empêche de labourer cette terre à plus de quinze ou vingt centimètres de profondeur. Trente centimètres de rallonge au
277 pêche de labourer cette terre à plus de quinze ou vingt centimètres de profondeur. Trente centimètres de rallonge au manche,
278 de labourer cette terre à plus de quinze ou vingt centimètres de profondeur. Trente centimètres de rallonge au manche, un angle plu
279 cette terre à plus de quinze ou vingt centimètres de profondeur. Trente centimètres de rallonge au manche, un angle plus g
280 lus de quinze ou vingt centimètres de profondeur. Trente centimètres de rallonge au manche, un angle plus grand avec la lame,
281 quinze ou vingt centimètres de profondeur. Trente centimètres de rallonge au manche, un angle plus grand avec la lame, cela suffira
282 ngt centimètres de profondeur. Trente centimètres de rallonge au manche, un angle plus grand avec la lame, cela suffirait
283 redresser leur corps et augmenterait le rendement de leurs champs. Intrigué dès les premiers jours par l’allure et les faç
284 dès les premiers jours par l’allure et les façons de travailler si spéciales des gens d’ici, j’ai hésité longtemps à croir
285 le particularité locale motivait l’usage exclusif de cette bouelle. Je les ai questionnés : ils ont eu l’air plutôt surpri
286 , le père Renaud étant venu retourner une planche d’ oignons, je lui ai offert les outils à long manche qui sont dans le ch
287  : un petit propriétaire venu du continent il y a trois ans et qui utilise des outils ordinaires, me dit qu’il a tout de suit
288 t de suite obtenu des résultats supérieurs à ceux de ses voisins, et à moindre fatigue. Il y a peut-être d’innombrables pe
289 s voisins, et à moindre fatigue. Il y a peut-être d’ innombrables petits faits de ce genre en France. Il y aurait peut-être
290 gue. Il y a peut-être d’innombrables petits faits de ce genre en France. Il y aurait peut-être d’innombrables réformes aus
291 aits de ce genre en France. Il y aurait peut-être d’ innombrables réformes aussi simples à opérer. Je n’en sais rien4. Je m
292 availlent trop, se plaignent du mauvais rendement de la terre, et refusent cependant de rien changer à des habitudes dont
293 vais rendement de la terre, et refusent cependant de rien changer à des habitudes dont les défauts sautent aux yeux du pre
294 ont les défauts sautent aux yeux du premier venu. 13 février 1934 La presse. — Je note à l’usage d’un futur historien des
295 auts sautent aux yeux du premier venu. 13 février 1934 La presse. — Je note à l’usage d’un futur historien des mœurs que la
296 . 13 février 1934 La presse. — Je note à l’usage d’ un futur historien des mœurs que la presse « de droite » reflète assez
297 ge d’un futur historien des mœurs que la presse «  de droite » reflète assez exactement la mentalité et les conversations d
298 ssez exactement la mentalité et les conversations de la bourgeoisie conservatrice, alors que la presse de gauche ne reflèt
299 la bourgeoisie conservatrice, alors que la presse de gauche ne reflète nullement la mentalité ni les conversations populai
300 s qui recherchent la « considération » du peuple. D’ où le ton haineux typiquement petit-bourgeois de certaines de ces feui
301 . D’où le ton haineux typiquement petit-bourgeois de certaines de ces feuilles. Je n’ai jamais retrouvé ce ton dans le peu
302 haineux typiquement petit-bourgeois de certaines de ces feuilles. Je n’ai jamais retrouvé ce ton dans le peuple. S’il en
303 i ou là, c’est que le peuple, en France, lit trop de journaux, ne lit que cela, et finit par se croire « le Peuple », tel
304 eurs, que j’ai pu constater cette contagion ! Les deux journaux locaux gardent un ton à la fois naïf et grandiloquent, avec
305 nnes. Les correspondances villageoises (accidents de bicyclette, arrivée d’un bateau, prix du sel, causeries du curé ou de
306 es villageoises (accidents de bicyclette, arrivée d’ un bateau, prix du sel, causeries du curé ou de l’instituteur, mariage
307 ée d’un bateau, prix du sel, causeries du curé ou de l’instituteur, mariages, décès et naissances) tiennent presque toute
308 ien ne le rend plus sensible que cette différence de ton entre tel organe socialiste ou communiste de Paris, et l’un de ce
309 de ton entre tel organe socialiste ou communiste de Paris, et l’un de ces petits journaux de campagne. 15 février 1934 L
310 organe socialiste ou communiste de Paris, et l’un de ces petits journaux de campagne. 15 février 1934 Les gens. — Si j’av
311 mmuniste de Paris, et l’un de ces petits journaux de campagne. 15 février 1934 Les gens. — Si j’avais une âme de philanth
312 aris, et l’un de ces petits journaux de campagne. 15 février 1934 Les gens. — Si j’avais une âme de philanthrope, je cher
313 un de ces petits journaux de campagne. 15 février 1934 Les gens. — Si j’avais une âme de philanthrope, je chercherais à rép
314 . 15 février 1934 Les gens. — Si j’avais une âme de philanthrope, je chercherais à répandre mes idées dans la population 
315 s consignées, et mettre en discussion mes projets de réforme. Mais je sais bien ce qui m’arrêterait dès les premiers pas.
316 s pas. Ces hommes n’ont pas ou n’ont plus coutume de se réunir, d’être ensemble pour causer. Le dimanche, ils « font la pa
317 mes n’ont pas ou n’ont plus coutume de se réunir, d’ être ensemble pour causer. Le dimanche, ils « font la partie » chez l’
318 e, ils « font la partie » chez l’un ou l’autre, à quatre ou cinq. On boit et on tape le carton sans beaucoup de paroles. C’est
319 ont la partie » chez l’un ou l’autre, à quatre ou cinq . On boit et on tape le carton sans beaucoup de paroles. C’est à cela
320 plorent parmi les vieux. Mais personne n’a l’idée de rien entreprendre. Le village comptait autrefois, paraît-il, cinq ou
321 rendre. Le village comptait autrefois, paraît-il, cinq ou six Sociétés de caractère utilitaire ou récréatif. La plus fameuse
322 Le village comptait autrefois, paraît-il, cinq ou six Sociétés de caractère utilitaire ou récréatif. La plus fameuse était
323 mptait autrefois, paraît-il, cinq ou six Sociétés de caractère utilitaire ou récréatif. La plus fameuse était la Clique de
324 if. La plus fameuse était la Clique des retraités de la Marine, qui animait de ses concerts de nombreuses fêtes villageois
325 la Clique des retraités de la Marine, qui animait de ses concerts de nombreuses fêtes villageoises. Tout cela s’est dissou
326 traités de la Marine, qui animait de ses concerts de nombreuses fêtes villageoises. Tout cela s’est dissous quand les homm
327 zz du chef-lieu : il arrive dans un somptueux car d’ excursion capitonné de velours violet, horriblement moderne. Cependant
328 rrive dans un somptueux car d’excursion capitonné de velours violet, horriblement moderne. Cependant deux associations se
329 e velours violet, horriblement moderne. Cependant deux associations se survivent encore. L’une, c’est la Mutuelle, dont l’ac
330 este lors des enterrements : elle assure à chacun de ses membres une nombreuse suite pour leur dernier voyage. L’autre, c’
331 ier voyage. L’autre, c’est la Société coopérative de panification, réunissant dans une sorte de corporation boulangers, mi
332 rative de panification, réunissant dans une sorte de corporation boulangers, minotiers et consommateurs. Le pain, la tombe
333 s, minotiers et consommateurs. Le pain, la tombe. Deux réalités fondamentales. Voilà qui est bien dans l’harmonie de cette l
334 fondamentales. Voilà qui est bien dans l’harmonie de cette lande où l’homme et ses maisons mettent les seules verticales.
335 nt les seules verticales. Existence ramenée à ces deux dimensions premières. Pour la vie, l’homme debout et actif, il faut l
336 u’ils grattent lentement pour en tirer tout juste de quoi vivre, j’hésite à reconnaître dans leur existence le beau mythe
337 À la fois aux limites du continent et aux limites de l’humanité. Ils n’attaquent plus, ils se cramponnent. Ce ne sont pas
338 Ce ne sont pas des colons, des défricheurs, mais de petits propriétaires qui se défendent avec la seule obstination de l’
339 taires qui se défendent avec la seule obstination de l’instinct, au niveau le plus bas où l’homme puisse vivre sans misère
340 , sans tristesse. Chacun pour soi sur sa parcelle de terre ingrate, dans sa courette pleine de fleurs. Qu’ils n’aient pas
341 arcelle de terre ingrate, dans sa courette pleine de fleurs. Qu’ils n’aient pas de vie communautaire, cela ne signifie pas
342 sa courette pleine de fleurs. Qu’ils n’aient pas de vie communautaire, cela ne signifie pas nécessairement qu’ils aient p
343 as nécessairement qu’ils aient perdu le sentiment de leur commune condition. Ils sont peut-être trop pareils pour éprouver
344 nt peut-être trop pareils pour éprouver le besoin de s’unir. Ils n’ont pas à faire face à des menaces extérieures. Et surt
345 ces extérieures. Et surtout ils n’ont nulle envie d’ entreprendre une conquête quelconque, matérielle ou spirituelle. Or, c
346 peuples et les pousse à créer des signes visibles de leur union : assemblées, fêtes, cortèges, uniformes ou chefs, — kolkh
347 rmes ou chefs, — kolkhozes, corporations ou camps de travail. Mais ici que feraient-ils de tout cela ? Ils ont la liberté,
348 ns ou camps de travail. Mais ici que feraient-ils de tout cela ? Ils ont la liberté, et cela leur suffit, depuis cent-cinq
349 . Ils se nourrissent mal (légumes, soupes, fruits de mer, seiches, et poissons, je crois que c’est à peu près tout) ; mais
350 sont morts ou vont mourir couchés sur une fortune de 100 000 ou de 200 000 francs, que leurs fils iront perdre à la ville 
351 t morts ou vont mourir couchés sur une fortune de 100  000 ou de 200 000 francs, que leurs fils iront perdre à la ville : je
352 rts ou vont mourir couchés sur une fortune de 100  000 ou de 200 000 francs, que leurs fils iront perdre à la ville : je cro
353 vont mourir couchés sur une fortune de 100 000 ou de 200 000 francs, que leurs fils iront perdre à la ville : je crois cep
354 t mourir couchés sur une fortune de 100 000 ou de 200  000 francs, que leurs fils iront perdre à la ville : je crois cependa
355 urir couchés sur une fortune de 100 000 ou de 200  000 francs, que leurs fils iront perdre à la ville : je crois cependant q
356 cins ne font pas fortune. Quelle conclusion tirer de tout cela ? Quand on voit les choses et les êtres de trop près, on pe
357 tout cela ? Quand on voit les choses et les êtres de trop près, on perd le peu de foi que l’on pouvait accorder aux idéolo
358 e. Réveillez ce peuple, il sera peut-être capable de grandes choses — c’est son mystère — mais ne dites pas que vous le fa
359 t le bonheur, pour oser bouleverser la petite vie de notre île. À noter et à souligner : seules les guerres de religion on
360 île. À noter et à souligner : seules les guerres de religion ont tiré de l’héroïsme de ce peuple. Mais combien se feraien
361 uligner : seules les guerres de religion ont tiré de l’héroïsme de ce peuple. Mais combien se feraient tuer aujourd’hui po
362 es les guerres de religion ont tiré de l’héroïsme de ce peuple. Mais combien se feraient tuer aujourd’hui pour sauver leur
363 roit à rien, et qui par suite ne peut rien exiger de sérieux. Mais il y a d’autres aspects de la question. Le sel ne se ve
364 n exiger de sérieux. Mais il y a d’autres aspects de la question. Le sel ne se vend plus depuis un an, et c’était la resso
365 est en train de devenir la proie des politiciens de Paris. Un dimanche, ce sont les enfants communistes de la colonie de
366 ris. Un dimanche, ce sont les enfants communistes de la colonie de vacances qui défilent en maillots rouges et l’on pousse
367 he, ce sont les enfants communistes de la colonie de vacances qui défilent en maillots rouges et l’on pousse des « cris sé
368 ieux » ; le dimanche suivant, ce sont les enfants de la fondation « de droite » et on les applaudit : la fondation fait vi
369 he suivant, ce sont les enfants de la fondation «  de droite » et on les applaudit : la fondation fait vivre beaucoup de pe
370 t : la fondation fait vivre beaucoup de personnes de l’île. La moitié des maisons sont vides, et quelques-unes déjà tomben
371 unes déjà tombent en ruines. Et surtout ce régime d’ inertie laisse trop de forces grandir contre lui : et alors, qui va ve
372 uines. Et surtout ce régime d’inertie laisse trop de forces grandir contre lui : et alors, qui va venir un beau jour, de P
373 contre lui : et alors, qui va venir un beau jour, de Paris, faire la loi dans notre village ? 15 mars 1934 Je rentre de Ve
374 jour, de Paris, faire la loi dans notre village ? 15 mars 1934 Je rentre de Vendée. On m’avait demandé d’y aller faire que
375 Paris, faire la loi dans notre village ? 15 mars 1934 Je rentre de Vendée. On m’avait demandé d’y aller faire quelques caus
376 a loi dans notre village ? 15 mars 1934 Je rentre de Vendée. On m’avait demandé d’y aller faire quelques causeries. J’en r
377 mars 1934 Je rentre de Vendée. On m’avait demandé d’ y aller faire quelques causeries. J’en rapporte deux séries d’observat
378 d’y aller faire quelques causeries. J’en rapporte deux séries d’observations nouvelles sur la province, et je crois d’autant
379 ire quelques causeries. J’en rapporte deux séries d’ observations nouvelles sur la province, et je crois d’autant plus util
380 servations nouvelles sur la province, et je crois d’ autant plus utile de les consigner qu’elles modifient sensiblement cer
381 sur la province, et je crois d’autant plus utile de les consigner qu’elles modifient sensiblement certains jugements auxq
382 jugements auxquels m’avait amené la considération de mon île. Il faut parler d’abord des autocars. Je ne sais si l’on se d
383 des autocars. Je ne sais si l’on se doute à Paris de l’importance des autocars et des transformations qu’ils sont en train
384 la vie provinciale. Je n’ai pas compté le nombre de lignes actuellement exploitées. Mais j’ai pu constater, dans plusieur
385 is j’ai pu constater, dans plusieurs départements de l’Ouest, qu’il n’est plus guère de « pays » qui ne soit desservi par
386 s départements de l’Ouest, qu’il n’est plus guère de « pays » qui ne soit desservi par une ou deux ou même trois Compagnie
387 guère de « pays » qui ne soit desservi par une ou deux ou même trois Compagnies de transports locaux. Depuis que j’ai quitté
388 ys » qui ne soit desservi par une ou deux ou même trois Compagnies de transports locaux. Depuis que j’ai quitté Paris, j’ai b
389 desservi par une ou deux ou même trois Compagnies de transports locaux. Depuis que j’ai quitté Paris, j’ai bien utilisé un
390 ’ai quitté Paris, j’ai bien utilisé une vingtaine de ces lignes. Je commence à connaître leurs coutumes : rien ne pouvait
391 r plus rapidement et plus profondément la coutume de la France rurale. Mais ce n’est pas encore assez dire : l’autocar mod
392 sez dire : l’autocar modifie complètement le mode de contact entre le voyageur et la province. Naguère encore, quand on n’
393 out convergeait vers Paris, non seulement du fait d’ une organisation ferroviaire centralisée, mais encore sentimentalement
394 s à l’heure, où l’on se sentait relégué à l’écart de la « vraie » circulation. Et l’on ne voyait guère que des gares, ce q
395 nt dans chaque village. Aujourd’hui, les stations d’ autocars sont sur la place principale. C’est de là qu’on part au milie
396 ns d’autocars sont sur la place principale. C’est de là qu’on part au milieu d’une grande affluence de badauds, c’est là q
397 de là qu’on part au milieu d’une grande affluence de badauds, c’est là qu’on arrive à grand son de trompe, c’est enfin ce
398 nce de badauds, c’est là qu’on arrive à grand son de trompe, c’est enfin ce que l’on voit le mieux de chaque pays. La voie
399 de trompe, c’est enfin ce que l’on voit le mieux de chaque pays. La voie ferrée était une sorte d’insulte à la vie locale
400 ux de chaque pays. La voie ferrée était une sorte d’ insulte à la vie locale : elle la traversait abstraitement, sans la vo
401 it abstraitement, sans la voir, sans tenir compte de ses circonstances. Sur ses bords ne vivait qu’une population nomade,
402 qu’une population nomade, qui portait l’uniforme de l’État, partout, la même. Vous pouviez parcourir vingt fois la France
403 l’État, partout, la même. Vous pouviez parcourir vingt fois la France de part en part, sans remarquer que les gens qui l’hab
404 même. Vous pouviez parcourir vingt fois la France de part en part, sans remarquer que les gens qui l’habitent ne sont pas
405 quer que les gens qui l’habitent ne sont pas tous de la même sorte, et que d’une province à une autre, ce n’est pas seulem
406 abitent ne sont pas tous de la même sorte, et que d’ une province à une autre, ce n’est pas seulement le paysage qui change
407 » dans la nation abstraitement unifiée ? La ligne d’ autocar fait partie du pays. Elle en épouse la géographie physique, ma
408 voiture. Mais aussi elle tient compte des rythmes de la vie locale, du calendrier des marées, de l’heure matinale des foir
409 thmes de la vie locale, du calendrier des marées, de l’heure matinale des foires, dans les districts ruraux, et ailleurs d
410 es foires, dans les districts ruraux, et ailleurs de l’entrée et de la sortie des usines ou des écoles. La simple intentio
411 les districts ruraux, et ailleurs de l’entrée et de la sortie des usines ou des écoles. La simple intention d’utiliser ce
412 tie des usines ou des écoles. La simple intention d’ utiliser ce moyen de transport vous met en contact avec toutes sortes
413 s écoles. La simple intention d’utiliser ce moyen de transport vous met en contact avec toutes sortes d’habitudes locales.
414 transport vous met en contact avec toutes sortes d’ habitudes locales. D’abord il faut aller dans deux ou trois cafés pour
415 s d’habitudes locales. D’abord il faut aller dans deux ou trois cafés pour obtenir un minimum de précisions concernant l’heu
416 tudes locales. D’abord il faut aller dans deux ou trois cafés pour obtenir un minimum de précisions concernant l’heure du pro
417 dans deux ou trois cafés pour obtenir un minimum de précisions concernant l’heure du prochain départ et la destination de
418 ur la place. C’est que chaque compagnie a sa tête de ligne chez un bistro différent, et il est rare qu’on puisse trouver l
419 e curiosité on ne tarde pas à y apprendre pas mal d’ histoires, dont j’indiquerai ici l’enchaînement à peu près immuable. C
420 ommence par quelques anecdotes sur l’installation de la ligne et sur la concurrente qui a fait baisser les prix. Car il es
421 ncurrente qui a fait baisser les prix. Car il est de règle qu’au début deux Compagnies se disputent le parcours, jusqu’à c
422 baisser les prix. Car il est de règle qu’au début deux Compagnies se disputent le parcours, jusqu’à ce que l’une des deux fa
423 e disputent le parcours, jusqu’à ce que l’une des deux fasse faillite, ou réussisse à vendre « honnêtement » sa renonciation
424 cer aussitôt le petit jeu sur un autre parcours5. De là à des potins sur les personnalités de l’endroit, sur le rôle qu’on
425 rcours5. De là à des potins sur les personnalités de l’endroit, sur le rôle qu’ont joué dans l’affaire le sous-préfet, ou
426 etc. Si l’on a le temps, il n’est pas impossible de pousser la « discussion » sur un plan supérieur, d’aborder par exempl
427 pousser la « discussion » sur un plan supérieur, d’ aborder par exemple la question du capitalisme en général. Bref, lorsq
428 enant du voyage lui-même ? C’est une résurrection de ce que Vigny pleurait, la poésie des diligences, mais aérée. C’est fa
429 la poésie des diligences, mais aérée. C’est fait d’ une foule d’incidents entrevus que tout dispose à romancer ; de conver
430 es diligences, mais aérée. C’est fait d’une foule d’ incidents entrevus que tout dispose à romancer ; de conversations absu
431 ’incidents entrevus que tout dispose à romancer ; de conversations absurdes et rapidement intimes, avec ce personnage enfo
432 ge enfoui à côté de vous dans un luxueux fauteuil de cuir rouge ou bleu vif et qui change de tête plusieurs fois pendant l
433 fauteuil de cuir rouge ou bleu vif et qui change de tête plusieurs fois pendant le trajet, de coups de main aux voyageurs
434 change de tête plusieurs fois pendant le trajet, de coups de main aux voyageurs chargés de paquets ou d’un jeune veau, ou
435 le trajet, de coups de main aux voyageurs chargés de paquets ou d’un jeune veau, ou d’un enfant hurlant et admiré, d’arrêt
436 coups de main aux voyageurs chargés de paquets ou d’ un jeune veau, ou d’un enfant hurlant et admiré, d’arrêts et de détour
437 yageurs chargés de paquets ou d’un jeune veau, ou d’ un enfant hurlant et admiré, d’arrêts et de détours imprévus — car les
438 ’un jeune veau, ou d’un enfant hurlant et admiré, d’ arrêts et de détours imprévus — car les chauffeurs acceptent volontier
439 au, ou d’un enfant hurlant et admiré, d’arrêts et de détours imprévus — car les chauffeurs acceptent volontiers toutes sor
440 les chauffeurs acceptent volontiers toutes sortes de petites commissions que de vieilles dames leur confient au départ ave
441 lontiers toutes sortes de petites commissions que de vieilles dames leur confient au départ avec force recommandations ; e
442 andations ; et ils sont rares, ceux qui n’ont pas deux mots à dire par la portière entrouverte un instant à la fille de l’au
443 par la portière entrouverte un instant à la fille de l’auberge écartée qui attend le passage du car, les cheveux au vent,
444 passage du car, les cheveux au vent, sur le bord de la route. Rien de plus sympathique que les conducteurs de car. Cela t
445 ute. Rien de plus sympathique que les conducteurs de car. Cela tient évidemment à leur métier. Ce sont, en général de jeun
446 ent évidemment à leur métier. Ce sont, en général de jeunes gaillards solides et gais, et qui ont toutes les raisons d’aim
447 ds solides et gais, et qui ont toutes les raisons d’ aimer le travail et de le faire bien : c’est moderne, c’est sportif, c
448 qui ont toutes les raisons d’aimer le travail et de le faire bien : c’est moderne, c’est sportif, cela vous pose dans l’e
449 à bord de sa puissante machine, et l’on bénéficie de ces petites faveurs que les femmes ont toujours accordées à ceux qui
450 ndent et disposent, ne fût-ce que pour une heure, de leur vie. Oui, voilà bien les hommes avec lesquels je rêverais d’entr
451 , voilà bien les hommes avec lesquels je rêverais d’ entreprendre une belle révolution, qui rajeunisse la France : ils ont
452 ur, le dynamisme, le sens pratique et la rapidité d’ esprit que les bourgeois, qui en sont dépourvus, attribuent par erreur
453 dont ils disposent et qui seraient décisifs lors d’ une action rapide. Mais loin de moi ces ambitions : ceux qui les ont n
454 ne suis qu’un écrivain. Ceci me rappelle un bout de conversation que j’aurais dû noter plus tôt. Le monsieur rencontré da
455 er plus tôt. Le monsieur rencontré dans l’autocar de Taillefer voulait savoir quel était mon métier. Et quand j’eus dit qu
456 fique à jouer dans la société. Vous avez le temps de réfléchir, et de nous faire part de vos lumières, et sans vous, où ir
457 s la société. Vous avez le temps de réfléchir, et de nous faire part de vos lumières, et sans vous, où irions-nous donc, n
458 avez le temps de réfléchir, et de nous faire part de vos lumières, et sans vous, où irions-nous donc, nous qui ne croyons
459 , monsieur, — lui dis-je, — qu’un écrivain a bien deux fois plus de peine à vivre qu’un homme normal, mettons qu’un fonction
460 ui dis-je, — qu’un écrivain a bien deux fois plus de peine à vivre qu’un homme normal, mettons qu’un fonctionnaire (c’étai
461 aux circonstances mêmes qui l’ont mis dans le cas d’ écrire. Car, ou bien l’on écrit ce que l’on ne peut pas faire, et c’es
462 it ce que l’on ne peut pas faire, et c’est l’aveu d’ une faiblesse ou d’une ambition excessive, deux choses qui compliquent
463 eut pas faire, et c’est l’aveu d’une faiblesse ou d’ une ambition excessive, deux choses qui compliquent fort la vie, je cr
464 aveu d’une faiblesse ou d’une ambition excessive, deux choses qui compliquent fort la vie, je crois ; ou bien l’on écrit des
465 des choses intelligentes, et c’est encore l’aveu d’ une inadaptation cruelle aux mœurs et coutumes de ce temps ; ou bien o
466 d’une inadaptation cruelle aux mœurs et coutumes de ce temps ; ou bien on écrit simplement pour gagner sa chienne de vie
467 u bien on écrit simplement pour gagner sa chienne de vie et c’est le bon moyen de traîner la misère la plus honteuse qui s
468 ur gagner sa chienne de vie et c’est le bon moyen de traîner la misère la plus honteuse qui se puisse imaginer, dans les a
469 dans les antres rédactionnels. Je dis les antres. De toute façon, un écrivain est par nature un empêtré. Et voilà le parad
470 ’injustice : c’est qu’on attend, qu’on exige même de ces gens-là des vertus au-dessus du commun, la révélation de secrets
471 -là des vertus au-dessus du commun, la révélation de secrets qui suffiraient à rendre heureux les plus indignes, et ingéni
472 je ne sais quelle supériorité humaine, quel luxe d’ énergie ou d’invention qui, s’ils les possédaient vraiment, feraient d
473 uelle supériorité humaine, quel luxe d’énergie ou d’ invention qui, s’ils les possédaient vraiment, feraient de leurs déten
474 ion qui, s’ils les possédaient vraiment, feraient de leurs détenteurs non point des écrivains, mais des Don Juan, des dict
475 aurez compris cela, vous cesserez, je le crains, d’ envier ma condition… 16 mars 1934 D’un autre « peuple ». — Il faut en
476 us cesserez, je le crains, d’envier ma condition… 16 mars 1934 D’un autre « peuple ». — Il faut encore que je revienne su
477 rez, je le crains, d’envier ma condition… 16 mars 1934 D’un autre « peuple ». — Il faut encore que je revienne sur mon séjo
478 e le crains, d’envier ma condition… 16 mars 1934 D’ un autre « peuple ». — Il faut encore que je revienne sur mon séjour v
479 revienne sur mon séjour vendéen. J’avais à donner trois « causeries » devant des auditoires de jeunes cultivateurs. Eux-mêmes
480 donner trois « causeries » devant des auditoires de jeunes cultivateurs. Eux-mêmes avaient fixé la liste des sujets qu’il
481 siraient étudier au cours de l’hiver, avec l’aide de plusieurs orateurs bénévoles, pasteurs, instituteurs ou autres « pers
482 , instituteurs ou autres « personnes instruites » de la région. On m’avait prié de parler des révolutions russes de 1905 e
483 sonnes instruites » de la région. On m’avait prié de parler des révolutions russes de 1905 et de 1917, et de l’état actuel
484 On m’avait prié de parler des révolutions russes de 1905 et de 1917, et de l’état actuel de l’URSS. Ils étaient venus pa
485 m’avait prié de parler des révolutions russes de 1905 et de 1917, et de l’état actuel de l’URSS. Ils étaient venus par gro
486 prié de parler des révolutions russes de 1905 et de 1917, et de l’état actuel de l’URSS. Ils étaient venus par groupes,
487 ié de parler des révolutions russes de 1905 et de 1917, et de l’état actuel de l’URSS. Ils étaient venus par groupes, à bicy
488 ler des révolutions russes de 1905 et de 1917, et de l’état actuel de l’URSS. Ils étaient venus par groupes, à bicyclette
489 ns russes de 1905 et de 1917, et de l’état actuel de l’URSS. Ils étaient venus par groupes, à bicyclette ou en charrettes
490 venus par groupes, à bicyclette ou en charrettes, de tous les villages voisins. Du haut de la colline où nous étions tous
491 charrettes, de tous les villages voisins. Du haut de la colline où nous étions tous réunis pour déjeuner, on dominait tout
492 réunis pour déjeuner, on dominait tout un canton de marécages mélancoliques ; et parfois l’on voyait scintiller, dans un
493 ller, dans un lointain nuageux et sous une trouée d’ or, la mer. La petite salle des cours ruraux peut contenir une centain
494 a petite salle des cours ruraux peut contenir une centaine d’auditeurs. L’orateur doit se tenir debout au milieu d’eux, de maniè
495 salle des cours ruraux peut contenir une centaine d’ auditeurs. L’orateur doit se tenir debout au milieu d’eux, de manière
496 cette proximité physique. Je leur parlai pendant deux heures d’un pays d’énormes plaines, sans barrières ni haies, sans che
497 mité physique. Je leur parlai pendant deux heures d’ un pays d’énormes plaines, sans barrières ni haies, sans chemins creux
498 que. Je leur parlai pendant deux heures d’un pays d’ énormes plaines, sans barrières ni haies, sans chemins creux et sans s
499 , bons et fous. Je décrivis les révoltes obscures de ces masses opprimées et naïves, conduites par des équipes d’hommes du
500 es opprimées et naïves, conduites par des équipes d’ hommes durs, intellectuels bannis ou petits nobles déclassés, le triom
501 u petits nobles déclassés, le triomphe implacable de Lénine, l’enthousiasme du plan de cinq ans. Et je m’étonnais tout en
502 mphe implacable de Lénine, l’enthousiasme du plan de cinq ans. Et je m’étonnais tout en parlant de raconter une épopée con
503 e implacable de Lénine, l’enthousiasme du plan de cinq ans. Et je m’étonnais tout en parlant de raconter une épopée contempo
504 lan de cinq ans. Et je m’étonnais tout en parlant de raconter une épopée contemporaine : tout cela se dégageait ici de la
505 épopée contemporaine : tout cela se dégageait ici de la mesquinerie hargneuse des polémiques et des partis pris, devenait
506 le rythme et les couleurs grandioses et irréelles de la page d’histoire. Mensonge de la distance et de la simplification,
507 t les couleurs grandioses et irréelles de la page d’ histoire. Mensonge de la distance et de la simplification, vérité de l
508 oses et irréelles de la page d’histoire. Mensonge de la distance et de la simplification, vérité de la fable qui donne une
509 de la page d’histoire. Mensonge de la distance et de la simplification, vérité de la fable qui donne une forme grande à no
510 ge de la distance et de la simplification, vérité de la fable qui donne une forme grande à nos obscurs et grands désirs in
511 s informulés. En finissant, je craignis un moment de les avoir trompés, de les avoir rendus jaloux d’une espèce d’imagerie
512 sant, je craignis un moment de les avoir trompés, de les avoir rendus jaloux d’une espèce d’imagerie d’Épinal, malgré moi
513 de les avoir trompés, de les avoir rendus jaloux d’ une espèce d’imagerie d’Épinal, malgré moi trop pareille aux innocente
514 trompés, de les avoir rendus jaloux d’une espèce d’ imagerie d’Épinal, malgré moi trop pareille aux innocentes peintures d
515 e les avoir rendus jaloux d’une espèce d’imagerie d’ Épinal, malgré moi trop pareille aux innocentes peintures de paradis m
516 malgré moi trop pareille aux innocentes peintures de paradis modernisé que vulgarise la propagande communiste. Mais leurs
517 u le laisser croire ; si ce n’était pas encore un de ces régimes de dictature ; si les paysans avaient plus de liberté qu’
518 oire ; si ce n’était pas encore un de ces régimes de dictature ; si les paysans avaient plus de liberté qu’auparavant, etc
519 égimes de dictature ; si les paysans avaient plus de liberté qu’auparavant, etc. Mais ce qui me surprit davantage, ce fut
520 me surprit davantage, ce fut la question franche d’ un garçon de vingt ans, costaud, l’air intelligent et ouvert : « Pense
521 davantage, ce fut la question franche d’un garçon de vingt ans, costaud, l’air intelligent et ouvert : « Pensez-vous qu’on
522 antage, ce fut la question franche d’un garçon de vingt ans, costaud, l’air intelligent et ouvert : « Pensez-vous qu’on pourr
523 eunes Russes, aux jeunes Allemands, comme un type de jeune Français. » Je retiens de cette journée deux impressions (je n’
524 ds, comme un type de jeune Français. » Je retiens de cette journée deux impressions (je n’ose pas en dire davantage : tout
525 de jeune Français. » Je retiens de cette journée deux impressions (je n’ose pas en dire davantage : tout cela est encore mo
526 résumé). Quand j’ai projeté sur la paroi blanche de la salle la photo de Kalinine, président de l’URSS, debout dans un ch
527 projeté sur la paroi blanche de la salle la photo de Kalinine, président de l’URSS, debout dans un champ, en costume de mo
528 anche de la salle la photo de Kalinine, président de l’URSS, debout dans un champ, en costume de moujik, il y a eu un prof
529 ident de l’URSS, debout dans un champ, en costume de moujik, il y a eu un profond silence au lieu des rires que je craigna
530 peut donc gouverner sans être un monsieur en haut de forme ? Il a l’air d’un brave type comme nous autres. Rêverie des jeu
531 ns être un monsieur en haut de forme ? Il a l’air d’ un brave type comme nous autres. Rêverie des jeunes cultivateurs.) Et
532 urs.) Et quand j’eus terminé ma causerie, évitant de prononcer mon jugement sur les faits que je venais d’exposer, afin de
533 rononcer mon jugement sur les faits que je venais d’ exposer, afin de voir si mes auditeurs étaient de la même espèce que c
534 d’exposer, afin de voir si mes auditeurs étaient de la même espèce que ceux de l’île : cette série de questions précises
535 mes auditeurs étaient de la même espèce que ceux de l’île : cette série de questions précises et ce désir de rapporter ce
536 de la même espèce que ceux de l’île : cette série de questions précises et ce désir de rapporter ce que j’avais dit à leur
537 e : cette série de questions précises et ce désir de rapporter ce que j’avais dit à leur situation concrète. Esprit critiq
538 ue, méfiance intelligente des paysans, conscience de leur autonomie… Je ne bifferai pas les conclusions que j’avais tirées
539 e bifferai pas les conclusions que j’avais tirées de la conférence à A… Elles sont également vraies. Ce qui est faux, c’es
540 les sont également vraies. Ce qui est faux, c’est de parler du peuple en général. « On le savait depuis longtemps ». On sa
541 ait tant de choses qu’on n’a jamais pris la peine de connaître, chez les « intellectuels ». 17 mars 1934 L’instituteur ve
542 a peine de connaître, chez les « intellectuels ». 17 mars 1934 L’instituteur vendéen. — Nous étions assis dans sa cuisine
543 de connaître, chez les « intellectuels ». 17 mars 1934 L’instituteur vendéen. — Nous étions assis dans sa cuisine avec sa f
544 étions assis dans sa cuisine avec sa femme et ses deux enfants. C’est un homme de quarante ans, aux traits réguliers et séri
545 avec sa femme et ses deux enfants. C’est un homme de quarante ans, aux traits réguliers et sérieux, un peu lent de geste e
546 c sa femme et ses deux enfants. C’est un homme de quarante ans, aux traits réguliers et sérieux, un peu lent de geste et de paro
547 ans, aux traits réguliers et sérieux, un peu lent de geste et de parole ; prudent. Il se plaint de son isolement. « On nou
548 its réguliers et sérieux, un peu lent de geste et de parole ; prudent. Il se plaint de son isolement. « On nous laisse seu
549 ent de geste et de parole ; prudent. Il se plaint de son isolement. « On nous laisse seuls, sans direction. Nous ne savons
550 lutter contre les parents, contre la concurrence de l’école libre qui nous a pris les deux tiers de nos élèves. On aurait
551 concurrence de l’école libre qui nous a pris les deux tiers de nos élèves. On aurait besoin de nourriture intellectuelle po
552 e de l’école libre qui nous a pris les deux tiers de nos élèves. On aurait besoin de nourriture intellectuelle pour se sou
553 is les deux tiers de nos élèves. On aurait besoin de nourriture intellectuelle pour se soutenir. Quelquefois on nous envoi
554 naux ou des revues à l’essai, mais c’est toujours de la politique. Quand j’étais jeune, j’ai beaucoup lu Anatole France, c
555  ? Vous ne pourriez pas me dire ce qu’il y aurait d’ intéressant à lire ? — Ne lisez-vous pas de journaux politiques ? — Ce
556 aurait d’intéressant à lire ? — Ne lisez-vous pas de journaux politiques ? — Ce n’est pas ce qu’on cherche. Il faudrait en
557 e n’est pas ce qu’on cherche. Il faudrait en lire deux au moins pour corriger les mensonges. Ce qu’ils peuvent tous mentir !
558 de cette centralisation : qu’est-ce qu’ils savent de notre situation à Paris ? Est-ce qu’il n’y aurait pas moyen de faire
559 ation à Paris ? Est-ce qu’il n’y aurait pas moyen de faire un mouvement politique en dehors des partis, et de voir une foi
560 e un mouvement politique en dehors des partis, et de voir une fois ce qu’il y aurait à changer pratiquement dans chaque pr
561 on peut, tout seuls dans ce coin ?… » J’ai essayé de faire une liste de livres à lire pour l’instituteur de M… Je ne trouv
562 dans ce coin ?… » J’ai essayé de faire une liste de livres à lire pour l’instituteur de M… Je ne trouve à lui recommander
563 ire une liste de livres à lire pour l’instituteur de M… Je ne trouve à lui recommander que des traductions. La littérature
564 une liste de livres à lire pour l’instituteur de M … Je ne trouve à lui recommander que des traductions. La littérature m
565 en France n’a guère à donner à ceux qui ont faim de nourriture solide, élémentaire. Défaut de naïveté, de force ou de con
566 nt faim de nourriture solide, élémentaire. Défaut de naïveté, de force ou de conviction. On dirait que tout son effort est
567 ourriture solide, élémentaire. Défaut de naïveté, de force ou de conviction. On dirait que tout son effort est de s’écarte
568 lide, élémentaire. Défaut de naïveté, de force ou de conviction. On dirait que tout son effort est de s’écarter le plus po
569 de conviction. On dirait que tout son effort est de s’écarter le plus possible de ce qui est simplement vrai. Je comprend
570 tout son effort est de s’écarter le plus possible de ce qui est simplement vrai. Je comprends assez bien qu’un certain nom
571 rai. Je comprends assez bien qu’un certain nombre d’ écrivains français aient passé au communisme : il leur fallait cela sa
572 l a fallu un nouveau conformisme pour les libérer de l’ancien ; — et l’alibi d’une action politique à laquelle ils n’enten
573 misme pour les libérer de l’ancien ; — et l’alibi d’ une action politique à laquelle ils n’entendent goutte. 1. Deux peti
574 on politique à laquelle ils n’entendent goutte. 1. Deux petits journaux paraissent dans l’île. L’un est aux mains de M.
575 politique à laquelle ils n’entendent goutte. 1. Deux petits journaux paraissent dans l’île. L’un est aux mains de M. T…, d
576 ournaux paraissent dans l’île. L’un est aux mains de M. T…, député de droite, et des « curés ». L’autre est « républicain
577 t dans l’île. L’un est aux mains de M. T…, député de droite, et des « curés ». L’autre est « républicain et antifasciste »
578  ». L’autre est « républicain et antifasciste ». 2. Village à l’autre extrémité de l’île. 3. Combien d’ailleurs savent q
579 t antifasciste ». 2. Village à l’autre extrémité de l’île. 3. Combien d’ailleurs savent que ce mot peut désigner autre c
580 ste ». 2. Village à l’autre extrémité de l’île. 3. Combien d’ailleurs savent que ce mot peut désigner autre chose qu’un
581 ésigner autre chose qu’un « je m’en fichiste » ? 4. J’avais raison de marquer ce doute. Un agriculteur auquel je viens de
582 e qu’un « je m’en fichiste » ? 4. J’avais raison de marquer ce doute. Un agriculteur auquel je viens de raconter ce petit
583 t dans un terrain sablonneux ». Reste la question de savoir s’il est normal de se déformer le corps pour gagner un peu plu
584 ux ». Reste la question de savoir s’il est normal de se déformer le corps pour gagner un peu plus. Or ils y sont, pour la
585 lus. Or ils y sont, pour la plupart, contraints. 5. J’ai appris que, dans certaines régions du Midi, de véritables « écum
586 J’ai appris que, dans certaines régions du Midi, de véritables « écumeurs de lignes » exploitent systématiquement ce filo
587 rtaines régions du Midi, de véritables « écumeurs de lignes » exploitent systématiquement ce filon. Ils arrivent à se fair
588 ystématiquement ce filon. Ils arrivent à se faire de grosses fortunes en très peu de temps, parfois sans dépenser un seul
589 peu de temps, parfois sans dépenser un seul bidon d’ essence. Simplement, ils vendent la menace d’utiliser le parcours d’un
590 idon d’essence. Simplement, ils vendent la menace d’ utiliser le parcours d’une Compagnie en exercice. a. Rougemont Denis
591 ent, ils vendent la menace d’utiliser le parcours d’ une Compagnie en exercice. a. Rougemont Denis de, « Paysans de l’Oue
592 d’une Compagnie en exercice. a. Rougemont Denis de , « Paysans de l’Ouest », La Revue de Paris, Paris, juin 1937, p. 826-
593 e en exercice. a. Rougemont Denis de, « Paysans de l’Ouest », La Revue de Paris, Paris, juin 1937, p. 826-851. b. Intro
594 gemont Denis de, « Paysans de l’Ouest », La Revue de Paris, Paris, juin 1937, p. 826-851. b. Introduit par la note suivan
595 sans de l’Ouest », La Revue de Paris, Paris, juin 1937, p. 826-851. b. Introduit par la note suivante : « M. Denis de Rougem
596 ns , a noté, dans un journal intime tenu au cours d’ un long séjour dans l’île de Ré et en Vendée, ses impressions sur la v
597 ine politiques. Les pages qu’on va lire, nourries d’ observations précises, en apportent des preuves frappantes. Ces pages
598 frappantes. Ces pages sont extraites du Journal d’ un intellectuel en chômage , qui doit paraître prochainement. »
2 1939, La Revue de Paris, articles (1937–1969). L’Âme romantique et le rêve (15 août 1939)
599 L’Âme romantique et le rêve ( 15 août 1939)c Le recours à l’inconscient, pour expliquer la conduite
600 L’Âme romantique et le rêve (15 août 1939 )c Le recours à l’inconscient, pour expliquer la conduite des indiv
601 des collectivités, c’est l’un des traits typiques de notre siècle. Or l’inconscient est la grande découverte — ou l’invent
602 ion — des romantiques allemands. C’est donc l’une de nos origines les plus profondes que nous révèle M. Albert Béguin, en
603 eurs jamais sévère ; au point que l’on craindrait d’ en détourner certains lecteurs en remarquant que c’est aussi un ouvrag
604 lecteurs en remarquant que c’est aussi un ouvrage d’ actualité, au sens le plus pénétrant de ce terme. Et pourtant, il faut
605 un ouvrage d’actualité, au sens le plus pénétrant de ce terme. Et pourtant, il faut bien le dire : cette révélation du rom
606 vélation du romantisme allemand dans ce qu’il eut d’ audacieux et de tragique ne présente pas seulement un intérêt littérai
607 antisme allemand dans ce qu’il eut d’audacieux et de tragique ne présente pas seulement un intérêt littéraire de tout prem
608 e ne présente pas seulement un intérêt littéraire de tout premier ordre ; elle revêt une portée proprement religieuse. Et
609 gieuse. Et par là même — car nous vivons au seuil de l’ère des mystiques collectives — cette lecture nous introduit aux ve
610 te lecture nous introduit aux vertiges spirituels d’ où sont nés des mouvements politiques tels que le national-socialisme.
611 sme. Peu à peu, elle dévoile à nos yeux une sorte d’ unité profonde sous-jacente aux tourments du siècle. Une vague de rêve
612 e sous-jacente aux tourments du siècle. Une vague de rêves a submergé notre littérature, depuis la guerre ; et voici que r
613 térature, depuis la guerre ; et voici que renaît, d’ une manière bien frappante, l’intérêt de beaucoup pour les études myst
614 e renaît, d’une manière bien frappante, l’intérêt de beaucoup pour les études mystiques ; voici que se répand l’usage, et
615 i que se répand l’usage, et même l’abus, du terme de « mystique » dans l’ordre politique ; voici enfin qu’un grand empire
616 u milieu de l’Europe la plus inquiétante synthèse de religiosité, de politique, de rêve et de mystique élémentaire. Or, ce
617 rope la plus inquiétante synthèse de religiosité, de politique, de rêve et de mystique élémentaire. Or, ces faits ne sont
618 nquiétante synthèse de religiosité, de politique, de rêve et de mystique élémentaire. Or, ces faits ne sont pas seulement
619 synthèse de religiosité, de politique, de rêve et de mystique élémentaire. Or, ces faits ne sont pas seulement coïncidents
620 complicité, rien n’est plus propre que l’ouvrage d’ Albert Béguin à nous guider dans la pénombre où s’émeut leur commune o
621 ns la pénombre où s’émeut leur commune origine. I . Le Rêve et la Mystique La conscience claire est la première conqu
622 e spirituelle des hommes angoissés par le mystère d’ une nature hostile et mouvante. La parole de raison, qui distingue les
623 stère d’une nature hostile et mouvante. La parole de raison, qui distingue les choses, les arrête et les identifie, appara
624 cienne et facile, laisse l’homme sur un sentiment de déception et d’indicible appauvrissement. Le monde rationnel est rass
625 , laisse l’homme sur un sentiment de déception et d’ indicible appauvrissement. Le monde rationnel est rassurant, mais beau
626 ns réponse, et des faims ancestrales sans pâture. D’ où renaît, peu à peu, une angoisse nouvelle, une attraction, comparabl
627 traction, comparable au vertige, vers ces régions de l’être obscur que le bon sens et la philosophie prétendaient mettre a
628 sens et la philosophie prétendaient mettre au ban de l’humanité. Et tandis que dans sa panique l’homme primitif s’était to
629 ison libératrice, au terme des époques appauvries de mystère l’homme sceptique se rejette avec passion vers les « aspects
630 jette avec passion vers les « aspects nocturnes » de sa nature. Ainsi naquit le romantisme allemand après le siècle des Lu
631 nos soifs mystiques élémentaires après un siècle de science positiviste. Est-il vrai que la nuit et le rêve n’ont rien à
632 ntraire, nous propose des paradis et des terreurs d’ une intensité séduisante. Serait-il le signe, ou l’entrée, d’une Vérit
633 sité séduisante. Serait-il le signe, ou l’entrée, d’ une Vérité supérieure ? Telle est la question que posèrent les premier
634 s choses qui sont hors de nous, ou bien seulement de choses qui, en nous, étaient restées secrètes pour la conscience ? Ti
635 Quand nous rêvons, « est-ce nous qui nous jouons de nous-mêmes, ou bien une main d’en haut brasse-t-elle les cartes ? » D
636 s qui nous jouons de nous-mêmes, ou bien une main d’ en haut brasse-t-elle les cartes ? » Déjà E. T. A. Hoffmann insinue la
637 e spirituel étranger à nous-mêmes était le mobile de ces irruptions soudaines d’images inconnues qui se jettent à la trave
638 mêmes était le mobile de ces irruptions soudaines d’ images inconnues qui se jettent à la traverse de nos idées d’une maniè
639 s d’images inconnues qui se jettent à la traverse de nos idées d’une manière si brusque et si saisissante ? » De là à pens
640 connues qui se jettent à la traverse de nos idées d’ une manière si brusque et si saisissante ? » De là à penser que le rêv
641 es d’une manière si brusque et si saisissante ? » De là à penser que le rêve est « un vestige du divin », il n’y a que l’é
642 « un vestige du divin », il n’y a que l’épaisseur d’ un scrupule d’orthodoxie, d’une dernière crainte de confondre l’homme
643 u divin », il n’y a que l’épaisseur d’un scrupule d’ orthodoxie, d’une dernière crainte de confondre l’homme et Dieu. Troxl
644 n’y a que l’épaisseur d’un scrupule d’orthodoxie, d’ une dernière crainte de confondre l’homme et Dieu. Troxler esquive non
645 ’un scrupule d’orthodoxie, d’une dernière crainte de confondre l’homme et Dieu. Troxler esquive non sans adresse la diffic
646 moi sombre et son néant, que l’on atteint au fond de l’inconscient, ils formulent le problème crucial qui se pose à tous l
647 lèle pour que nous puissions l’esquiver. Essayons d’ en relever quelques points. Au départ, cette même attention prêtée aux
648 s’empare avec avidité des plus furtives promesses de bonheur, surtout si elles sont assez obscures et ambiguës pour échapp
649 cures et ambiguës pour échapper au froid contrôle de la raison. Toute la poésie romantique, de même que la surréaliste, es
650 urréaliste, est à l’affût des « surprises pleines de sens » dont nous parlent aussi les mystiques. Une autre analogie, ass
651 ne autre analogie, assez frappante, c’est le rôle de la rhétorique chez les poètes du rêve et les mystiques. Le philosophe
652 s constantes que celles qui le régissent à l’état de veille. D’autre part, l’on sait bien que les mystiques, fussent-ils d
653 rt, l’on sait bien que les mystiques, fussent-ils de religions différentes — hindous, musulmans ou chrétiens — ont de tout
654 fférentes — hindous, musulmans ou chrétiens — ont de tout temps réinventé les mêmes figures de langage pour traduire l’ine
655 s — ont de tout temps réinventé les mêmes figures de langage pour traduire l’ineffable qu’ils vivaient. Et ceci nous amène
656 t. Et ceci nous amène au problème central : celui de l’expression d’un indicible. Il nous faut dépasser ici le domaine cir
657 amène au problème central : celui de l’expression d’ un indicible. Il nous faut dépasser ici le domaine circonscrit du rêve
658 eurs, ont été bien au-delà, dans leur exploration de l’inconscient. Le songe, pour eux, n’est que la « porte » ouvrant sur
659 nce mystique ou romantique présuppose l’existence d’ un centre ou d’un tréfonds divin de l’âme (c’est l’Un-grund de Jakob B
660 romantique présuppose l’existence d’un centre ou d’ un tréfonds divin de l’âme (c’est l’Un-grund de Jakob Boehme), dont on
661 se l’existence d’un centre ou d’un tréfonds divin de l’âme (c’est l’Un-grund de Jakob Boehme), dont on ne peut rien dire,
662 ne peut rien dire, et qui cependant est la source de tout ce que l’on dit. C’est l’ineffable, l’indicible, le royaume du S
663 ssent leur vie à en parler, à en écrire, à tenter de le cerner par des figures qui, n’étant jamais suffisantes, doivent êt
664 ique allemand. Car l’un et l’autre ont l’ambition de communiquer par l’écrit ce qu’ils ne cessent de définir comme l’indic
665 n de communiquer par l’écrit ce qu’ils ne cessent de définir comme l’indicible. Dès lors, la plainte sera la même, qu’il s
666 Dès lors, la plainte sera la même, qu’il s’agisse d’ une Thérèse d’Avila ou simplement du bonhomme Tieck : Donnez-moi des «
667 ots pour dépeindre, même faiblement, la merveille de la vision qui s’offrit à moi et qui, transformant mon âme, m’entraîna
668 t qui, transformant mon âme, m’entraîna au-devant d’ une réalité invisible, divine, d’une ineffable splendeur ? Un indicibl
669 traîna au-devant d’une réalité invisible, divine, d’ une ineffable splendeur ? Un indicible ravissement me souleva tout ent
670 ource inépuisable, le point originel et fascinant de tout jaillissement du langage, de toute expression littéraire. « Où t
671 el et fascinant de tout jaillissement du langage, de toute expression littéraire. « Où trouver des mots ? », gémissent-ils
672 La plainte est sincère et tragique. Mais combien de mots leur fera-t-elle accumuler pour dire que rien ne saurait être di
673 it une découverte importante, écrit Ritter, celle d’ une conscience passive de l’involontaire. » Et sur cette base, la seco
674 nte, écrit Ritter, celle d’une conscience passive de l’involontaire. » Et sur cette base, la seconde génération du romanti
675 tion du romantisme va formuler sa fameuse théorie de l’inspiration — tellement vulgarisée de nos jours qu’on en oublie l’o
676 e théorie de l’inspiration — tellement vulgarisée de nos jours qu’on en oublie l’origine mystique : « Le poète et le rêveu
677 le rêveur sont passifs ; ils écoutent le langage d’ une voix qui leur est intérieure et pourtant étrangère, qui s’élève da
678 rtant étrangère, qui s’élève dans les profondeurs d’ eux-mêmes sans qu’ils puissent faire autre chose que de saluer là l’éc
679 -mêmes sans qu’ils puissent faire autre chose que de saluer là l’écho d’un discours divin. » Alors le doute n’est plus per
680 uissent faire autre chose que de saluer là l’écho d’ un discours divin. » Alors le doute n’est plus permis : l’analogie pur
681 ici devient une profonde identité. L’intervention de la catégorie « passivité » nous fait comprendre la nature du Silence
682 té » nous fait comprendre la nature du Silence et de l’indicible dont nous parlaient mystiques et romantiques : c’est la n
683 i distinct et agissant. C’est la Nuit des sens et de l’esprit que décrit un Jean de la Croix, et dont la nuit des songes,
684 symbole et le signe physique6. C’est « le royaume de l’Être qui se confond avec le royaume du Néant, l’éternité enfin conq
685 de ne peut humainement s’exprimer que par l’image de l’absence de toute créature, de toute forme. » Car nous ne percevons
686 mainement s’exprimer que par l’image de l’absence de toute créature, de toute forme. » Car nous ne percevons et n’exprimon
687 r que par l’image de l’absence de toute créature, de toute forme. » Car nous ne percevons et n’exprimons que le divers et
688 u Tout. Et c’est cela qui constitue notre réalité de tous les jours. Pour rejoindre le Tout et l’Unité, il s’agit donc de
689 Pour rejoindre le Tout et l’Unité, il s’agit donc de perdre le Divers, de perdre le réel, de se perdre soi-même, pour se c
690 t et l’Unité, il s’agit donc de perdre le Divers, de perdre le réel, de se perdre soi-même, pour se confondre avec cet Ind
691 agit donc de perdre le Divers, de perdre le réel, de se perdre soi-même, pour se confondre avec cet Indicible qui reste, a
692 x yeux de la chair, le pur Néant. Ainsi, le terme de la quête romantique, à travers les images du rêve, s’identifie avec l
693 ers les images du rêve, s’identifie avec le terme de toute expérience mystique : c’est la « pure présence ineffable », la
694 on sans objet ». Je pense donc qu’il est légitime de suivre Albert Béguin dans cette conclusion : « La grandeur du romanti
695 conclusion : « La grandeur du romantisme restera d’ avoir reconnu et affirmé la profonde ressemblance des états poétiques
696 ssemblance des états poétiques et des révélations d’ ordre religieux, d’avoir ajouté foi aux pouvoirs irrationnels et de s’
697 s poétiques et des révélations d’ordre religieux, d’ avoir ajouté foi aux pouvoirs irrationnels et de s’être dévoué, corps
698 , d’avoir ajouté foi aux pouvoirs irrationnels et de s’être dévoué, corps et âme, à la grande nostalgie de l’être en exil.
699 ’être dévoué, corps et âme, à la grande nostalgie de l’être en exil. » II. L’Être en exil Ce sentiment d’exil que no
700 me, à la grande nostalgie de l’être en exil. » II . L’Être en exil Ce sentiment d’exil que nous trouvons à l’origine
701 en exil. » II. L’Être en exil Ce sentiment d’ exil que nous trouvons à l’origine des expériences mystiques les plus
702 gine des expériences mystiques les plus diverses, d’ où naît-il, dans quel souvenir d’une patrie heureuse et perdue ? On au
703 s plus diverses, d’où naît-il, dans quel souvenir d’ une patrie heureuse et perdue ? On aura bientôt fait de répondre en al
704 patrie heureuse et perdue ? On aura bientôt fait de répondre en alléguant notre double nature, corporelle et spirituelle.
705 re double nature, corporelle et spirituelle. Mais d’ une constatation si générale, comment passer à l’élucidation de ce fai
706 ation si générale, comment passer à l’élucidation de ce fait le plus singulier dans la vie de l’esprit humain, qui est l’e
707 cidation de ce fait le plus singulier dans la vie de l’esprit humain, qui est l’engagement sur la via mystica ? S’il est p
708 permis — comme on l’admet un peu trop facilement de nos jours — de tirer de l’étude des maladies une vue nouvelle sur les
709 on l’admet un peu trop facilement de nos jours — de tirer de l’étude des maladies une vue nouvelle sur les structures de
710 et un peu trop facilement de nos jours — de tirer de l’étude des maladies une vue nouvelle sur les structures de l’homme,
711 des maladies une vue nouvelle sur les structures de l’homme, peut-être pouvons-nous demander à la biographie des romantiq
712 out au moins sur les causes humaines du sentiment d’ exil où leur passion s’éveille. Le chapitre important consacré par Bég
713 rêves. Il s’y trouvait prédisposé par l’habitude de l’examen de conscience en profondeur tel que le pratiquaient autour d
714 ’y trouvait prédisposé par l’habitude de l’examen de conscience en profondeur tel que le pratiquaient autour de lui les di
715 l que le pratiquaient autour de lui les disciples de madame Guyon7. Non content de publier une revue entièrement consacrée
716 er une revue entièrement consacrée à des analyses de rêves, Moritz écrivit deux romans autobiographiques qui nous permette
717 consacrée à des analyses de rêves, Moritz écrivit deux romans autobiographiques qui nous permettent de pénétrer l’intimité d
718 deux romans autobiographiques qui nous permettent de pénétrer l’intimité d’une expérience prémystique (ou faut-il dire d’u
719 hiques qui nous permettent de pénétrer l’intimité d’ une expérience prémystique (ou faut-il dire d’une expérience mystique
720 ité d’une expérience prémystique (ou faut-il dire d’ une expérience mystique privée de la grâce, réduite à ses aspects pure
721 (ou faut-il dire d’une expérience mystique privée de la grâce, réduite à ses aspects purement humains ?) Le point de dépar
722 éduite à ses aspects purement humains ?) Le point de départ paraît bien être une blessure qu’il reçut de la vie, un choc q
723 départ paraît bien être une blessure qu’il reçut de la vie, un choc qui l’a laissé béant sur une contradiction irrémédiab
724 vite le souvenir (ou le refoule comme dira Freud) de telle manière que la cause secrète de sa douleur en vient à se confon
725 dira Freud) de telle manière que la cause secrète de sa douleur en vient à se confondre avec le fait de vivre en général.
726 e sa douleur en vient à se confondre avec le fait de vivre en général. D’où l’idée qu’il doit « expier la faute qu’il n’a
727 à se confondre avec le fait de vivre en général. D’ où l’idée qu’il doit « expier la faute qu’il n’a commise que par son e
728 » Non sans lucidité, Moritz a su dépeindre l’état de conscience qui naît de cet obscur déchirement : « C’était comme si le
729 ritz a su dépeindre l’état de conscience qui naît de cet obscur déchirement : « C’était comme si le poids de son existence
730 obscur déchirement : « C’était comme si le poids de son existence l’eût accablé. Qu’il dût, jour pour jour, se lever avec
731 enons-y garde : ce moi détesté, c’est la fatalité de l’être individuel, charnel, créé, et lié à toute la création. C’est p
732 étester revient à détester le monde. L’incapacité d’ accepter le monde réel est signe d’une incapacité de s’accepter soi-mê
733 . L’incapacité d’accepter le monde réel est signe d’ une incapacité de s’accepter soi-même — à cause de cette blessure qu’i
734 accepter le monde réel est signe d’une incapacité de s’accepter soi-même — à cause de cette blessure qu’il s’agit d’oublie
735 soi-même — à cause de cette blessure qu’il s’agit d’ oublier si l’on ne parvient pas à l’expier. Et en effet, à la faveur d
736 parvient pas à l’expier. Et en effet, à la faveur de cet oubli, de ce refus, le moi perd peu à peu de sa réalité : d’où le
737 l’expier. Et en effet, à la faveur de cet oubli, de ce refus, le moi perd peu à peu de sa réalité : d’où le sentiment si
738 de cet oubli, de ce refus, le moi perd peu à peu de sa réalité : d’où le sentiment si fréquent chez la plupart des romant
739 e ce refus, le moi perd peu à peu de sa réalité : d’ où le sentiment si fréquent chez la plupart des romantiques d’être mal
740 iment si fréquent chez la plupart des romantiques d’ être mal assuré de sa propre identité, et d’avoir à la rechercher préc
741 chez la plupart des romantiques d’être mal assuré de sa propre identité, et d’avoir à la rechercher précisément dans le pa
742 iques d’être mal assuré de sa propre identité, et d’ avoir à la rechercher précisément dans le passé. Moritz décrit ainsi l
743 ément dans le passé. Moritz décrit ainsi le héros d’ un de ses romans : « Il lui parut qu’il s’était échappé entièrement à
744 dans le passé. Moritz décrit ainsi le héros d’un de ses romans : « Il lui parut qu’il s’était échappé entièrement à lui-m
745 ute démarche se rechercher lui-même dans la série de ses souvenirs. Il sentait que l’existence n’a d’appui ferme que dans
746 de ses souvenirs. Il sentait que l’existence n’a d’ appui ferme que dans la chaîne ininterrompue des souvenirs8 ». Mais, c
747 droit, « tourne court, incapable une fois de plus de saisir la pensée salvatrice ». C’est qu’il est un souvenir interdit,
748 à se ressaisir dans la mémoire, puisque la cause de sa maladie est justement ce qu’il ne peut se remémorer, cette lacune
749 ut se remémorer, cette lacune qui est à l’origine de la conscience divisée. Comment alors sortir du cercle, comment guérir
750 nous avons vu que le rêve, ou la descente au fond de l’inconscient, représentent pour les romantiques les voies d’un retou
751 ient, représentent pour les romantiques les voies d’ un retour au monde perdu, à la « vraie vie » qui est « ailleurs », com
752 ie » qui est « ailleurs », comme dit Rimbaud. Vie d’ expansion indéfinie dans l’univers ou la divinité. Vie d’innocence ret
753 sion indéfinie dans l’univers ou la divinité. Vie d’ innocence retrouvée : car le moi qui s’y perd, perd aussi le sentiment
754 car le moi qui s’y perd, perd aussi le sentiment de sa culpabilité. Mais d’une autre manière encore, et plus précise, le
755 , perd aussi le sentiment de sa culpabilité. Mais d’ une autre manière encore, et plus précise, le rêve ou la via mystica s
756 récise, le rêve ou la via mystica sont des moyens de récupérer le monde perdu. Ce qu’il faut souligner ici, c’est que la t
757 a tendance à la dilatation panthéiste ou mystique de l’être revêt presque toujours la forme d’un vœu de mort. Le sommeil p
758 ystique de l’être revêt presque toujours la forme d’ un vœu de mort. Le sommeil préfigure la mort pour le poète romantique 
759 e l’être revêt presque toujours la forme d’un vœu de mort. Le sommeil préfigure la mort pour le poète romantique ; et la m
760 et la mort progressive à soi-même est l’ambition de tous les vrais mystiques. Mais pourquoi voudrait-on mourir ? La biogr
761 Mais pourquoi voudrait-on mourir ? La biographie de plusieurs des poètes étudiés par Béguin nous indique une réponse. En
762 rent est presque toujours symbolisée par la perte d’ un être aimé. Passer dans l’autre monde, c’est retrouver la morte ! « 
763 la morte ! « L’expérience typique, qui est celle de Jean-Paul à la mort de ses amis, de Novalis perdant Sophie von Kühn o
764 nce typique, qui est celle de Jean-Paul à la mort de ses amis, de Novalis perdant Sophie von Kühn ou de Nerval poursuivant
765 qui est celle de Jean-Paul à la mort de ses amis, de Novalis perdant Sophie von Kühn ou de Nerval poursuivant l’image d’Au
766 Sophie von Kühn ou de Nerval poursuivant l’image d’ Aurélia, Anton Reiser (le héros de Moritz) la fait dès l’enfance, lors
767 suivant l’image d’Aurélia, Anton Reiser (le héros de Moritz) la fait dès l’enfance, lorsqu’il s’interroge sur ce qu’est de
768 oge sur ce qu’est devenue sa petite sœur : le vœu de retrouver la morte, de communier avec un autre univers, lui fait mépr
769 ue sa petite sœur : le vœu de retrouver la morte, de communier avec un autre univers, lui fait mépriser cette vie, sentir
770 imites, mettre tout son espoir dans une existence d’ outre-tombe ». Le rêve ou la via mystica seront cette existence d’outr
771 Le rêve ou la via mystica seront cette existence d’ outre-tombe vécue dès ici-bas, d’une manière indicible. Et peut-être p
772 cette existence d’outre-tombe vécue dès ici-bas, d’ une manière indicible. Et peut-être pourrait-on dire que l’expérience
773 e, qui guérisse, et qui leur rende alors la force d’ accepter leur moi coupable et le monde réel. La « contemplation sans o
774 lation sans objet » à laquelle ils parviennent en de très rares instants n’est plus alors qu’un moyen de jouir d’une « sen
775 très rares instants n’est plus alors qu’un moyen de jouir d’une « sensation voluptueuse » (comme dit Moritz) de sa propre
776 es instants n’est plus alors qu’un moyen de jouir d’ une « sensation voluptueuse » (comme dit Moritz) de sa propre dissolut
777 ’une « sensation voluptueuse » (comme dit Moritz) de sa propre dissolution, un moyen détourné de revivre sa blessure, ou p
778 ritz) de sa propre dissolution, un moyen détourné de revivre sa blessure, ou plutôt l’élan même qu’elle a brisé, mais sans
779 tre ou l’exprimer… C’est le mouvement fondamental de toute passion, le mouvement d’un amour qui préfère le néant aux limit
780 vement fondamental de toute passion, le mouvement d’ un amour qui préfère le néant aux limitations de la vie — la joie deva
781 t d’un amour qui préfère le néant aux limitations de la vie — la joie devant la mort de Tristan et d’Isolde. III. Mysti
782 ux limitations de la vie — la joie devant la mort de Tristan et d’Isolde. III. Mystique et Personne L’exemple des ro
783 de la vie — la joie devant la mort de Tristan et d’ Isolde. III. Mystique et Personne L’exemple des romantiques alle
784 la joie devant la mort de Tristan et d’Isolde. III . Mystique et Personne L’exemple des romantiques allemands illustre
785 , c’est entretenir une équivoque dont il y a lieu de craindre qu’elle soit intéressée. Au contraire, s’exprimer, c’est tou
786 ujours s’avouer, c’est se donner pour responsable de sa pensée et de ses actes. Mais voilà justement ce qui répugne aux ro
787 c’est se donner pour responsable de sa pensée et de ses actes. Mais voilà justement ce qui répugne aux romantiques ! D’où
788 voilà justement ce qui répugne aux romantiques ! D’ où leur fuite dans un monde dont on ne peut rien dire. D’où encore le
789 ur fuite dans un monde dont on ne peut rien dire. D’ où encore le besoin qu’ils éprouvent d’affirmer surabondamment que l’o
790 rien dire. D’où encore le besoin qu’ils éprouvent d’ affirmer surabondamment que l’on n’en peut rien dire que par des allus
791 faut reconnaître aussi que s’y révèle une maladie de la personne. Le paradoxe de l’expression d’un Indicible est tellement
792 ’y révèle une maladie de la personne. Le paradoxe de l’expression d’un Indicible est tellement essentiel au romantisme que
793 ladie de la personne. Le paradoxe de l’expression d’ un Indicible est tellement essentiel au romantisme que je n’hésite pas
794 sme que je n’hésite pas à y trouver l’explication d’ un fait connu de tous les historiens : c’est l’incapacité des romantiq
795 ite pas à y trouver l’explication d’un fait connu de tous les historiens : c’est l’incapacité des romantiques à donner des
796 onner des œuvres achevées. En effet, le mouvement de ces poètes est inversé de celui du Créateur. Créer, c’est donner form
797 En effet, le mouvement de ces poètes est inversé de celui du Créateur. Créer, c’est donner forme, et ils voudraient nier
798 itifs ou « illuminations », pareils aux souvenirs d’ un rêve qui s’efface. Cela dont ils voulaient parler, cet Indicible ou
799 ble ou ce discours sans mots entendu dans la nuit de la passivité, comment l’eussent-ils pu rendre au jour sans le trahir,
800 ir, et se trahir ? Ainsi leur œuvre est à l’image de la contradiction vitale dont ils souffraient et d’où naissait leur dé
801 e la contradiction vitale dont ils souffraient et d’ où naissait leur désir angoissé de perdre leur moi personnel. Je préci
802 souffraient et d’où naissait leur désir angoissé de perdre leur moi personnel. Je préciserai ici le sens que je donne au
803 el. Je préciserai ici le sens que je donne au mot de personne, pour éviter certains malentendus courants. La personne est
804 ersonne est en nous l’être spirituel, responsable d’ une vocation, et trouvant là son unité en dépit des contradictions don
805 erait à y échapper par des sublimations : au fond de la nuit et de l’inconscient, c’est encore lui qu’il retrouvera sous d
806 pper par des sublimations : au fond de la nuit et de l’inconscient, c’est encore lui qu’il retrouvera sous des espèces méc
807 s des espèces méconnaissables et qu’il sera tenté de croire divines. Et il est juste que les premières touches de l’esprit
808 ivines. Et il est juste que les premières touches de l’esprit rendent le moi sensible à ses limitations, et lui inspirent
809 à ses limitations, et lui inspirent la nostalgie de les dépasser. Mais seule une vocation lui en donnera la force. Qu’il
810 n apparences une évolution fort semblable à celle de ces pseudo ou prémystiques que furent les poètes du rêve : il se dévo
811 e à une réalité qui, souvent, ne tient pas compte de nos raisons, il s’impose une sorte d’ascèse qui le libère des servitu
812 pas compte de nos raisons, il s’impose une sorte d’ ascèse qui le libère des servitudes naturelles. Mais cette ascèse n’ab
813 . Elle transforme et oriente à nouveau les forces de l’individu, plutôt qu’elle ne veut les détruire. Elle engage dans le
814 c’est à quoi l’on peut reconnaître la légitimité d’ une vocation. Thérèse d’Avila ne voulait accepter que les révélations
815  ascèse personnaliste » se distingue radicalement de la « dissolution du moi » des romantiques. C’est une « activité » qui
816 C’est une « activité » qui ne commence qu’au-delà de la mort à soi-même, c’est-à-dire du renoncement au moi tourmenté par
817 . Seule une telle vocation peut donner le courage de s’avouer en toute lucidité, de s’exprimer sans réticences et d’assume
818 donner le courage de s’avouer en toute lucidité, de s’exprimer sans réticences et d’assumer son moi coupable — parce que
819 toute lucidité, de s’exprimer sans réticences et d’ assumer son moi coupable — parce que dorénavant ce n’est pas cela qui
820 Alors le moi coupable et détesté ne cherche plus de vaine échappatoire dans l’indicible et l’inconscient. Il ose enfin pa
821 s croyants, mais au contraire il leur est demandé d’ agir et d’annoncer leur foi. « C’est en confessant de la bouche qu’on
822 , mais au contraire il leur est demandé d’agir et d’ annoncer leur foi. « C’est en confessant de la bouche qu’on parvient a
823 gir et d’annoncer leur foi. « C’est en confessant de la bouche qu’on parvient au salut », dit saint Paul. IV. Romantism
824 che qu’on parvient au salut », dit saint Paul. IV . Romantisme et national-socialisme De même que l’expérience d’un a
825 t national-socialisme De même que l’expérience d’ un au-delà ne prend son sens et sa vertu que lorsqu’elle nous ramène a
826 s et sa vertu que lorsqu’elle nous ramène au jour de l’activité quotidienne — de même nos incursions dans la psychologie d
827 s vivons et agissons. Que signifie cette invasion de la politique et de la vie sociale par ce qu’on nomme les « mystiques 
828 s. Que signifie cette invasion de la politique et de la vie sociale par ce qu’on nomme les « mystiques » collectives ? Cer
829 olitique. Et je ne dis pas du tout que les écrits d’ un Novalis ou d’un Jean-Paul soient à sa source ; ce serait absurde. M
830 ne dis pas du tout que les écrits d’un Novalis ou d’ un Jean-Paul soient à sa source ; ce serait absurde. Mais je dis que n
831 ouvons retrouver au niveau inférieur et collectif de la psychologie nazie des processus fort analogues à ceux que nous avo
832 s à ceux que nous avons décrits. Il ne s’agit pas d’ influences, il ne s’agit que de reviviscences — vulgaires et simpliste
833 . Il ne s’agit pas d’influences, il ne s’agit que de reviviscences — vulgaires et simplistes, bien sûr — de certaines atti
834 viviscences — vulgaires et simplistes, bien sûr — de certaines attitudes de l’homme en face de son destin et de sa personn
835 et simplistes, bien sûr — de certaines attitudes de l’homme en face de son destin et de sa personne. Le national-socialis
836 nes attitudes de l’homme en face de son destin et de sa personne. Le national-socialisme apparut comme une réaction de déf
837 Le national-socialisme apparut comme une réaction de défense à l’humiliation collective infligée aux Allemands par Versail
838 out entière dans ses rapports avec le monde réel. D’ où l’impression de culpabilité, inacceptable et inavouable (à cause de
839 es rapports avec le monde réel. D’où l’impression de culpabilité, inacceptable et inavouable (à cause de l’orgueil nationa
840 urtant sommes les fils des vertueux Germains ! Et de ce sentiment de culpabilité, refoulé avec force et bruyamment nié (to
841 s fils des vertueux Germains ! Et de ce sentiment de culpabilité, refoulé avec force et bruyamment nié (tous les discours
842 é avec force et bruyamment nié (tous les discours d’ Hitler proclament, dès le début, que les Allemands n’ont pas perdu la
843 t pas perdu la guerre) doit résulter un sentiment de manque d’assurance nationale. La vraie Allemagne ne peut pas être cel
844 u la guerre) doit résulter un sentiment de manque d’ assurance nationale. La vraie Allemagne ne peut pas être celle qui a s
845 Il faut donc la chercher ailleurs : dans un rêve de puissance et de libération, dans l’avenir, cet ersatz de l’au-delà. N
846 chercher ailleurs : dans un rêve de puissance et de libération, dans l’avenir, cet ersatz de l’au-delà. Nions donc cette
847 sance et de libération, dans l’avenir, cet ersatz de l’au-delà. Nions donc cette réalité qui nous opprime si méticuleuseme
848 nd moyen oubliera ses misères et les humiliations de sa patrie en se perdant dans l’âme collective, dans l’hypnose des fêt
849 que sa vraie vie était entre les mains du parti, d’ un démiurge anonyme et obscur dont il n’a plus qu’à recevoir les ordre
850 es comprendre, comme « passif ». Le voilà délivré de la terrible charge de sa conscience et de ses doutes. La discipline c
851  passif ». Le voilà délivré de la terrible charge de sa conscience et de ses doutes. La discipline collective joue le rôle
852 délivré de la terrible charge de sa conscience et de ses doutes. La discipline collective joue le rôle d’une ascèse du moi
853 ses doutes. La discipline collective joue le rôle d’ une ascèse du moi : les renoncements mêmes qu’elle impose deviennent l
854 ments mêmes qu’elle impose deviennent les preuves de sa transcendante vérité. Et c’est ainsi que la masse allemande, imita
855 nt, où la passion peut s’épanouir, où l’intensité de l’émotion remplace la vérité mesquine des juristes. Et cela nous fait
856 obligations, le culte des morts rétabli, le rêve d’ expansion indéfinie, mais aussi le goût de la guerre (préfiguration de
857 le rêve d’expansion indéfinie, mais aussi le goût de la guerre (préfiguration de la mort, toujours rêvée par les grands pa
858 e, mais aussi le goût de la guerre (préfiguration de la mort, toujours rêvée par les grands passionnés), et la volonté de
859 s rêvée par les grands passionnés), et la volonté de s’enfermer dans une réalité impénétrable, indicible, incommunicable,
860 able, indicible, incommunicable, et qui n’a point de « raisons » à donner : l’autarcie matérielle et morale. On ne dira ja
861 pouvoir hypnotique sur les masses. Les apparences de Realpolitik maintenues par les cyniques et les habiles ne dissimulent
862 Nous ne sommes plus en présence de Bismarck, mais d’ un peuple envoûté par son rêve. Un peuple qui renonce à la raison, qui
863 de, parce qu’il trouve dans sa passion une espèce d’ innocence exaltante, une occasion de sacrifier le moi coupable et déte
864 on une espèce d’innocence exaltante, une occasion de sacrifier le moi coupable et détesté à quelque chose de plus vrai que
865 te… D’ailleurs, notre politique est une politique d’ artistes. Le Führer est un artiste de la politique. Les autres hommes
866 ne politique d’artistes. Le Führer est un artiste de la politique. Les autres hommes d’État sont seulement des manœuvres.
867 ment des manœuvres. Son État à lui est le produit d’ une imagination géniale9. » Une politique d’artistes, une politique de
868 oduit d’une imagination géniale9. » Une politique d’ artistes, une politique de romantisme collectif, voilà le cauchemar qu
869 niale9. » Une politique d’artistes, une politique de romantisme collectif, voilà le cauchemar que rêve à côté de nous le I
870 usque ? Cette maladie demande un long traitement, de nature spirituelle, à mon avis, au moins autant qu’économique. Car la
871 la lutte qui se livre aujourd’hui dans le secret de la conscience allemande, c’est une lutte de nature religieuse. C’est
872 ecret de la conscience allemande, c’est une lutte de nature religieuse. C’est l’affrontement d’une religion de l’inconscie
873 lutte de nature religieuse. C’est l’affrontement d’ une religion de l’inconscience collective et d’une foi qui veut témoig
874 e religieuse. C’est l’affrontement d’une religion de l’inconscience collective et d’une foi qui veut témoigner par la Paro
875 nt d’une religion de l’inconscience collective et d’ une foi qui veut témoigner par la Parole et l’acte personnel. 6. En
876 t témoigner par la Parole et l’acte personnel. 6. En effet, pour les romantiques, « le sommeil est une préfiguration de
877 s romantiques, « le sommeil est une préfiguration de la mort », et c’est uniquement dans la mort que nous pouvons rejoindr
878 que nous pouvons rejoindre l’Autre, l’indicible. 7. On peut regretter qu’Albert Béguin n’ait pas insisté davantage sur l’
879 e sur l’importance du quiétisme pour la formation de la psychologie moderne, et en particulier de la psychologie de l’inco
880 tion de la psychologie moderne, et en particulier de la psychologie de l’inconscient. 8. C’est la Recherche du temps perd
881 ogie moderne, et en particulier de la psychologie de l’inconscient. 8. C’est la Recherche du temps perdu, de Proust. 9.
882 particulier de la psychologie de l’inconscient. 8. C’est la Recherche du temps perdu, de Proust. 9. Discours du 18 juin
883 conscient. 8. C’est la Recherche du temps perdu, de Proust. 9. Discours du 18 juin 1939, à Dantzig. c. Rougemont Denis
884 8. C’est la Recherche du temps perdu, de Proust. 9. Discours du 18 juin 1939, à Dantzig. c. Rougemont Denis de, « [Comp
885 herche du temps perdu, de Proust. 9. Discours du 18 juin 1939, à Dantzig. c. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] L’Âme
886 u temps perdu, de Proust. 9. Discours du 18 juin 1939, à Dantzig. c. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] L’Âme romantique
887 du 18 juin 1939, à Dantzig. c. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] L’Âme romantique et le rêve », La Revue de Paris, P
888 te rendu] L’Âme romantique et le rêve », La Revue de Paris, Paris, août 1939, p. 915-928.
889 ique et le rêve », La Revue de Paris, Paris, août 1939, p. 915-928.
3 1946, La Revue de Paris, articles (1937–1969). Tableaux américains (décembre 1946)
890 Tableaux américains (décembre 1946 )d New York alpestre Personne ne m’avait dit que New York est
891 l couché. C’est la ville la plus simple du monde. Douze avenues parallèles, dans le sens de la longueur, qui est de vingt-cin
892 du monde. Douze avenues parallèles, dans le sens de la longueur, qui est de vingt-cinq kilomètres environ — elles figuren
893 parallèles, dans le sens de la longueur, qui est de vingt-cinq kilomètres environ — elles figurent assez bien les ascense
894 rallèles, dans le sens de la longueur, qui est de vingt-cinq kilomètres environ — elles figurent assez bien les ascenseurs d’un gr
895 nviron — elles figurent assez bien les ascenseurs d’ un grand building — et deux-cent-cinquante rues coupant les avenues à
896 e rues coupant les avenues à angle droit : autant d’ étages. Au milieu, Central Park, rectangulaire. C’est tout, c’est la c
897 al Park, rectangulaire. C’est tout, c’est la cité de Manhattan. Mais les faubourgs, au-delà de l’Hudson et de l’East River
898 la cité de Manhattan. Mais les faubourgs, au-delà de l’Hudson et de l’East River qui entourent l’île, s’étendent sur des e
899 attan. Mais les faubourgs, au-delà de l’Hudson et de l’East River qui entourent l’île, s’étendent sur des espaces bien plu
900 es, îles et plaines reliées par un immense réseau de ponts, de tunnels et d’autostrades surélevées. Personne ne m’avait di
901 t plaines reliées par un immense réseau de ponts, de tunnels et d’autostrades surélevées. Personne ne m’avait dit, non plu
902 ées par un immense réseau de ponts, de tunnels et d’ autostrades surélevées. Personne ne m’avait dit, non plus, que New Yor
903 ne ville alpestre ! Je l’ai senti le premier soir d’ octobre, quand le soleil couchant flambait les hauteurs des gratte-cie
904 l couchant flambait les hauteurs des gratte-ciel, de cette couleur orangée aérienne qu’on voit aux crêtes des parois roche
905 es parois rocheuses, alors que la vallée s’emplit d’ une ombre froide. Et j’étais bien au fond d’une gorge, dans cette rue
906 mplit d’une ombre froide. Et j’étais bien au fond d’ une gorge, dans cette rue de briques noircies où circulait un vent âpr
907 j’étais bien au fond d’une gorge, dans cette rue de briques noircies où circulait un vent âpre et salubre. La mer et la m
908 e mêlent. Les grands souffles océaniques, chargés de sel et d’aventure, viennent frapper les « faces » argentées de l’Empi
909 Les grands souffles océaniques, chargés de sel et d’ aventure, viennent frapper les « faces » argentées de l’Empire State,
910 venture, viennent frapper les « faces » argentées de l’Empire State, du Chrysler, du Centre Rockefeller, de vingt autres d
911 Empire State, du Chrysler, du Centre Rockefeller, de vingt autres de ces sommités célèbres que les New-Yorkais vous désign
912 ire State, du Chrysler, du Centre Rockefeller, de vingt autres de ces sommités célèbres que les New-Yorkais vous désignent co
913 Chrysler, du Centre Rockefeller, de vingt autres de ces sommités célèbres que les New-Yorkais vous désignent comme les Su
914 ark, au milieu des prairies, vous voyez affleurer de larges dalles de granit. Autrefois, les glaciers sont venus jusqu’ici
915 s prairies, vous voyez affleurer de larges dalles de granit. Autrefois, les glaciers sont venus jusqu’ici ! Ils couvraient
916 s sont venus jusqu’ici ! Ils couvraient la moitié de l’île, et la moraine s’étendait bien plus avant. Voici l’un des secre
917 ’étendait bien plus avant. Voici l’un des secrets de la démesure de Manhattan : seules, ces assises de granit étaient capa
918 plus avant. Voici l’un des secrets de la démesure de Manhattan : seules, ces assises de granit étaient capables de support
919 de la démesure de Manhattan : seules, ces assises de granit étaient capables de supporter le formidable poids d’un gratte-
920  : seules, ces assises de granit étaient capables de supporter le formidable poids d’un gratte-ciel de cent étages. Et les
921 étaient capables de supporter le formidable poids d’ un gratte-ciel de cent étages. Et les blocs erratiques, débités en tra
922 de supporter le formidable poids d’un gratte-ciel de cent étages. Et les blocs erratiques, débités en tranches, polis et l
923 supporter le formidable poids d’un gratte-ciel de cent étages. Et les blocs erratiques, débités en tranches, polis et luisan
924 ules des plus riches bâtiments, reliques scellées d’ une antiquité souterraine. À Chicago et Saint-Louis, au contraire, su
925 ago et Saint-Louis, au contraire, sur les plaines d’ alluvions ou dans les marécages, les gratte-ciel déjà, me dit-on, mena
926 écages, les gratte-ciel déjà, me dit-on, menacent de suivre l’inquiétant exemple de la célèbre tour de Pise. Bien des aspe
927 e dit-on, menacent de suivre l’inquiétant exemple de la célèbre tour de Pise. Bien des aspects physiques et moraux de la c
928 de suivre l’inquiétant exemple de la célèbre tour de Pise. Bien des aspects physiques et moraux de la cité de Manhattan s’
929 our de Pise. Bien des aspects physiques et moraux de la cité de Manhattan s’expliquent par ce sol et ce climat. Entre la P
930 . Bien des aspects physiques et moraux de la cité de Manhattan s’expliquent par ce sol et ce climat. Entre la Prairie proc
931 imat. Entre la Prairie proche et l’Océan, ce lieu d’ extrême civilisation matérielle demeure hanté par on ne sait quelle sa
932 sait quelle sauvagerie des hauteurs ; et ce lieu d’ extrême densité humaine demeure baigné dans une atmosphère irrémédiabl
933 diablement désertique. Les Américains des plaines de l’Ouest, venant à New York, ont coutume de se plaindre de l’inhumanit
934 laines de l’Ouest, venant à New York, ont coutume de se plaindre de l’inhumanité que revêtent ici les rapports quotidiens.
935 st, venant à New York, ont coutume de se plaindre de l’inhumanité que revêtent ici les rapports quotidiens. Ils pensent, d
936 européenne »… Mais, moi, je m’y sens contemporain de la préhistoire de quelque avenir démesuré. Sortie de Manhattan
937 , moi, je m’y sens contemporain de la préhistoire de quelque avenir démesuré. Sortie de Manhattan Sur un quai souter
938 préhistoire de quelque avenir démesuré. Sortie de Manhattan Sur un quai souterrain, après avoir traversé les parvis
939 près avoir traversé les parvis populeux surmontés d’ une coupole astronomique de la gare de Pennsylvanie, j’ai pris mon pre
940 vis populeux surmontés d’une coupole astronomique de la gare de Pennsylvanie, j’ai pris mon premier train américain. Comme
941 x surmontés d’une coupole astronomique de la gare de Pennsylvanie, j’ai pris mon premier train américain. Comme tout le mo
942 ut le monde, j’ai glissé mon billet dans le ruban de mon chapeau, où le contrôleur l’a pris et replacé sans me déranger da
943 pris et replacé sans me déranger dans la lecture de mon journal. Il n’y a que deux classes en Amérique : l’une où les fau
944 nger dans la lecture de mon journal. Il n’y a que deux classes en Amérique : l’une où les fauteuils au dossier très haut son
945 où les fauteuils au dossier très haut sont fixes ( deux de chaque côté du couloir central), l’autre où les fauteuils sont esp
946 s fauteuils au dossier très haut sont fixes (deux de chaque côté du couloir central), l’autre où les fauteuils sont espacé
947 ù les fauteuils sont espacés et pivotent ; classe de luxe et classe de grand luxe, coaches et pullman cars. J’ai pris un c
948 nt espacés et pivotent ; classe de luxe et classe de grand luxe, coaches et pullman cars. J’ai pris un coach. Je me suis e
949 el. Dans l’ensemble, les femmes m’ont paru dignes de ce que le cinéma nous en promet — mais il suffit de trois ou quatre b
950 ce que le cinéma nous en promet — mais il suffit de trois ou quatre beautés saines ou frappantes, sur cinquante femmes qu
951 que le cinéma nous en promet — mais il suffit de trois ou quatre beautés saines ou frappantes, sur cinquante femmes qu’on ne
952 inéma nous en promet — mais il suffit de trois ou quatre beautés saines ou frappantes, sur cinquante femmes qu’on ne remarque
953 trois ou quatre beautés saines ou frappantes, sur cinquante femmes qu’on ne remarque pas, pour qu’on s’écrie : « Comme elles sont
954 ns. Le train surgissait du tunnel dans une plaine de marécages et de roseaux géants, coupée de canaux et de digues, enjamb
955 gissait du tunnel dans une plaine de marécages et de roseaux géants, coupée de canaux et de digues, enjambée par les arche
956 plaine de marécages et de roseaux géants, coupée de canaux et de digues, enjambée par les arches de fer d’un pont à n’en
957 récages et de roseaux géants, coupée de canaux et de digues, enjambée par les arches de fer d’un pont à n’en pas croire se
958 e de canaux et de digues, enjambée par les arches de fer d’un pont à n’en pas croire ses yeux, qui porte l’autostrade pend
959 naux et de digues, enjambée par les arches de fer d’ un pont à n’en pas croire ses yeux, qui porte l’autostrade pendant des
960 dessus des usines, des feux rouges et des hangars d’ avions aux coupoles surbaissées. Paysage de déluge où s’enlisent, fuma
961 angars d’avions aux coupoles surbaissées. Paysage de déluge où s’enlisent, fumants, des monstres antédiluviens. Une falais
962 fumants, des monstres antédiluviens. Une falaise de granit se dresse près de la voie. Nous la passons. Sur son autre vers
963 ssons. Sur son autre versant s’étale un cimetière d’ autos décarcassées, déchets du grand délire de construction qui enfièv
964 ère d’autos décarcassées, déchets du grand délire de construction qui enfièvre tout le continent et dont le pont de l’auto
965 on qui enfièvre tout le continent et dont le pont de l’autostrade au long de l’horizon porte la gloire. Manhattan — Sui
966 continent et dont le pont de l’autostrade au long de l’horizon porte la gloire. Manhattan — Suite Le bel hiver. — J
967 J’ai retrouvé New York glaciale et belle, ce bleu de poudre claire et rose au lointain des avenues trop larges le matin, c
968 ointain des avenues trop larges le matin, ce bleu d’ ombre de brique au puits des rues luisantes, dos longs d’autos jaunes
969 des avenues trop larges le matin, ce bleu d’ombre de brique au puits des rues luisantes, dos longs d’autos jaunes ou noire
970 de brique au puits des rues luisantes, dos longs d’ autos jaunes ou noires, harmonie fauve des façades, circulation vibran
971 ime. Il n’a qu’à s’oublier dans l’énergie fusante de cette capitale du matin. Ville pure. — Entre la Trente-troisième et
972 a Trente-troisième et la Soixantième rue, le cœur de Manhattan c’est la ville pure. Ici, tout ce que le regard touche et m
973 , tout ce que le regard touche et mesure dans les trois dimensions de l’espace, sauf un découpage de ciel mat, tout est fait
974 regard touche et mesure dans les trois dimensions de l’espace, sauf un découpage de ciel mat, tout est fait de main d’homm
975 s trois dimensions de l’espace, sauf un découpage de ciel mat, tout est fait de main d’homme sur table rase, imbriqué, con
976 ace, sauf un découpage de ciel mat, tout est fait de main d’homme sur table rase, imbriqué, condensé, superposé, pour un u
977 f un découpage de ciel mat, tout est fait de main d’ homme sur table rase, imbriqué, condensé, superposé, pour un usage mas
978 un usage massif, exactement prévu. Plus une trace de campagne primitive ne subsiste, plus un seul coin de terre à nu, et p
979 campagne primitive ne subsiste, plus un seul coin de terre à nu, et plus une ligne indécise, ni d’eau qui court, ni de feu
980 oin de terre à nu, et plus une ligne indécise, ni d’ eau qui court, ni de feuillages. Tout est pans de brique peinte et de
981 t plus une ligne indécise, ni d’eau qui court, ni de feuillages. Tout est pans de brique peinte et de ciment armé diversem
982 d’eau qui court, ni de feuillages. Tout est pans de brique peinte et de ciment armé diversement coupés et étagés, asphalt
983 de feuillages. Tout est pans de brique peinte et de ciment armé diversement coupés et étagés, asphalte plane, parois de v
984 ersement coupés et étagés, asphalte plane, parois de verre et angles droits, circulation horizontale et verticale, intensi
985 ation horizontale et verticale, intensité suprême de la présence humaine jusqu’à trois-cents mètres du sol. Pour la premiè
986 a première fois, je vois une ville aussi purifiée de nature que l’est de prose un groupe de mots de Mallarmé. Paris, Rome,
987 vois une ville aussi purifiée de nature que l’est de prose un groupe de mots de Mallarmé. Paris, Rome, en comparaison, son
988 i purifiée de nature que l’est de prose un groupe de mots de Mallarmé. Paris, Rome, en comparaison, sont d’immenses parcs
989 ée de nature que l’est de prose un groupe de mots de Mallarmé. Paris, Rome, en comparaison, sont d’immenses parcs semés de
990 ts de Mallarmé. Paris, Rome, en comparaison, sont d’ immenses parcs semés de monuments. Le site et le paysage y sont partou
991 Rome, en comparaison, sont d’immenses parcs semés de monuments. Le site et le paysage y sont partout sensibles. Les rues m
992 iaux, aux esplanades, aux terrains vagues envahis d’ herbes. Les arbres cachent les façades, moutonnent à la hauteur des to
993 mmet des buildings, se perd dans un dernier éclat d’ avion fuyant, et c’est la ville alors qui s’empare du ciel, s’en fait
994 ait un dôme à sa mesure et le referme sur sa nuit de ville. Appartements. — Les grandes maisons les mettent mal à l’aise
995 uite à l’usage physique, non point à ces symboles de l’âme que forment les châteaux au fond de nos mémoires. L’idéal de l’
996 ymboles de l’âme que forment les châteaux au fond de nos mémoires. L’idéal de l’Américain serait sans doute la maison d’un
997 ent les châteaux au fond de nos mémoires. L’idéal de l’Américain serait sans doute la maison d’une seule pièce, avec au ce
998 ’idéal de l’Américain serait sans doute la maison d’ une seule pièce, avec au centre un grand fauteuil tournant et basculan
999 asculant, qui se transformerait le soir en lit et d’ où, sans se lever, l’on atteindrait le téléphone, la poignée du frigid
1000 gidaire, les boutons du fourneau électrique, ceux de la radio et les robinets de la baignoire. Désespoir à Times Square.
1001 neau électrique, ceux de la radio et les robinets de la baignoire. Désespoir à Times Square. — Errer dans la foule, rega
1002 , Times Square, après un dîner solitaire, un soir de pluie, c’est le contraire d’un exercice spirituel : une véritable cen
1003 r solitaire, un soir de pluie, c’est le contraire d’ un exercice spirituel : une véritable centrifugation de l’être. Mais p
1004 exercice spirituel : une véritable centrifugation de l’être. Mais peut-être, me dis-je après coup, mais peut-être, en pous
1005 re, en poussant à l’extrême cette « distraction » de l’âme et de la volonté, rejoindrait-on quelque réalité valable, et pa
1006 ant à l’extrême cette « distraction » de l’âme et de la volonté, rejoindrait-on quelque réalité valable, et par la sensati
1007 on directe du monde tel que le crée l’homme privé de l’Esprit, l’une des entrées de la Voie négative et du Désert dont par
1008 crée l’homme privé de l’Esprit, l’une des entrées de la Voie négative et du Désert dont parlent les mystiques ? Homéopathi
1009 e désespoir, s’il est conscient, un dernier signe de la vie… Non, j’ai surtout senti le désespoir tout court dans cette pr
1010 enti le désespoir tout court dans cette promenade de plusieurs heures, et c’est ici seulement, sur le papier, que je compr
1011 quare avec une acuité crispante : l’état du monde d’ où l’Esprit s’est retiré. Ce n’étaient pas « les péchés » de ces homme
1012 rit s’est retiré. Ce n’étaient pas « les péchés » de ces hommes et de ces femmes, ni les miens, dont nul ne peut juger et
1013 Ce n’étaient pas « les péchés » de ces hommes et de ces femmes, ni les miens, dont nul ne peut juger et qui peut-être n’e
1014 pas le froid, la pluie, la poisse aux pieds mêlée d’ essence sur l’asphalte des avenues, c’était ce vide. C’était le sens a
1015 rallèle à l’East River, dont la sépare une rangée d’ hôtels particuliers à cinq étages, cette rue très courte est l’une des
1016 dont la sépare une rangée d’hôtels particuliers à cinq étages, cette rue très courte est l’une des rares — j’en connais troi
1017 ue très courte est l’une des rares — j’en connais trois dans Manhattan — qui, à la fois, ne portent pas de numéro et ne coupe
1018 s dans Manhattan — qui, à la fois, ne portent pas de numéro et ne coupent point les avenues à angle droit. Hors série, mod
1019 int les avenues à angle droit. Hors série, modèle de grand luxe, elle s’orne d’arbres, de silence et de grands portiers ga
1020 it. Hors série, modèle de grand luxe, elle s’orne d’ arbres, de silence et de grands portiers galonnés. Une buée bleue, pen
1021 érie, modèle de grand luxe, elle s’orne d’arbres, de silence et de grands portiers galonnés. Une buée bleue, pendant l’été
1022 e grand luxe, elle s’orne d’arbres, de silence et de grands portiers galonnés. Une buée bleue, pendant l’été, emplit cet e
1023 , emplit cet espace fermé par les hauts bâtiments de la Cinquante-et-unième rue, en brique vernie, tout luisants de fenêtr
1024 te-et-unième rue, en brique vernie, tout luisants de fenêtres dépourvues d’ornements. Beekman Place est un de ces lieux où
1025 ique vernie, tout luisants de fenêtres dépourvues d’ ornements. Beekman Place est un de ces lieux où l’exilé s’écrie : « Ma
1026 tres dépourvues d’ornements. Beekman Place est un de ces lieux où l’exilé s’écrie : « Mais c’est l’Europe ! » parce qu’il
1027 charme, simplement. Mais quand je la vois du haut de mon douzième étage, en enfilade, petite tranchée d’asphalte et de bri
1028 mon douzième étage, en enfilade, petite tranchée d’ asphalte et de brique jaune et rose dans un chaos géométrique, c’est b
1029 étage, en enfilade, petite tranchée d’asphalte et de brique jaune et rose dans un chaos géométrique, c’est bien New York…
1030 urne un peu sur ma terrasse, voici la perspective de l’East River jusqu’à Brooklyn. Un paysage immense de minéral et d’eau
1031 l’East River jusqu’à Brooklyn. Un paysage immense de minéral et d’eau. La rivière, sillonnée de remorqueurs toussotants, l
1032 usqu’à Brooklyn. Un paysage immense de minéral et d’ eau. La rivière, sillonnée de remorqueurs toussotants, luit d’un éclat
1033 mmense de minéral et d’eau. La rivière, sillonnée de remorqueurs toussotants, luit d’un éclat d’étain pâli. Les ponts imme
1034 vière, sillonnée de remorqueurs toussotants, luit d’ un éclat d’étain pâli. Les ponts immenses, vers Brooklyn, font une den
1035 onnée de remorqueurs toussotants, luit d’un éclat d’ étain pâli. Les ponts immenses, vers Brooklyn, font une dentelle d’un
1036 ponts immenses, vers Brooklyn, font une dentelle d’ un kilomètre, toute menue dans la distance. Cheminées, mâts, clochers,
1037 éclames lumineuses en plein jour. Le seul vestige de nature — car l’eau même est canalisée — ce sont ces trois îlots de gr
1038 ture — car l’eau même est canalisée — ce sont ces trois îlots de granit noir couverts de mouettes, et signalés par deux petit
1039 ’eau même est canalisée — ce sont ces trois îlots de granit noir couverts de mouettes, et signalés par deux petits phares
1040 — ce sont ces trois îlots de granit noir couverts de mouettes, et signalés par deux petits phares dont clignotent irréguli
1041 granit noir couverts de mouettes, et signalés par deux petits phares dont clignotent irrégulièrement le feu vert — cinq seco
1042 res dont clignotent irrégulièrement le feu vert — cinq secondes de révolution — et le feu rouge — six ou sept secondes. Tout
1043 otent irrégulièrement le feu vert — cinq secondes de révolution — et le feu rouge — six ou sept secondes. Tout ce qu’embra
1044 — cinq secondes de révolution — et le feu rouge — six ou sept secondes. Tout ce qu’embrasse mon regard, tout est fait de ma
1045 es. Tout ce qu’embrasse mon regard, tout est fait de main d’homme, sauf les mouettes. Qu’on ne me parle plus des lois écon
1046 ce qu’embrasse mon regard, tout est fait de main d’ homme, sauf les mouettes. Qu’on ne me parle plus des lois économiques
1047 s. Qu’on ne me parle plus des lois économiques et de leurs fatales réalités : car ce sont les réalités d’un monde tout art
1048 leurs fatales réalités : car ce sont les réalités d’ un monde tout artificiel que nous, les hommes, avons bâti selon nos ca
1049 et nos raisons folles. Si nous changions un jour de goûts et d’ambition, ce paysage se transformerait. Si je me tourne ve
1050 ons folles. Si nous changions un jour de goûts et d’ ambition, ce paysage se transformerait. Si je me tourne vers le nord,
1051 t. Si je me tourne vers le nord, je vois un monde de terrasses, du dixième au trentième étage du River Club, où vivent les
1052 Et tout près, ces jardins suspendus où circulent de jeunes femmes en maillot de bain. Elles se penchent sur leurs géraniu
1053 uspendus où circulent de jeunes femmes en maillot de bain. Elles se penchent sur leurs géraniums, elles ajustent des lunet
1054 oire un verre, le soir. Un violoniste s’escrime à vingt reprises sur le Deuxième Concerto brandebourgeois, mais deux radios m
1055 es sur le Deuxième Concerto brandebourgeois, mais deux radios martèlent ce Tchaïkovski qu’on entend siffler dans la rue… Je
1056 qu’on entend siffler dans la rue… Je me souviens de ce que j’ai sous les yeux : je le vois déjà comme je me le rappellera
1057 le vois déjà comme je me le rappellerai, une fois de retour en Europe. J’en connais par avance la nostalgie. Le soir vient
1058 a nostalgie. Le soir vient dans un luxe américain d’ ocres, de roses, d’argents et d’éclats d’or sur les fenêtres des usine
1059 ie. Le soir vient dans un luxe américain d’ocres, de roses, d’argents et d’éclats d’or sur les fenêtres des usines. Des fu
1060 r vient dans un luxe américain d’ocres, de roses, d’ argents et d’éclats d’or sur les fenêtres des usines. Des fumées traîn
1061 un luxe américain d’ocres, de roses, d’argents et d’ éclats d’or sur les fenêtres des usines. Des fumées traînent, les pont
1062 méricain d’ocres, de roses, d’argents et d’éclats d’ or sur les fenêtres des usines. Des fumées traînent, les ponts s’éteig
1063 ges. Une grande nuit s’ouvre au travail paisible. D’ heure en heure, je me lève et sors. Je me promène sur cette terrasse q
1064 Je me promène sur cette terrasse qui fait le tour de mes chambres blanches, posées sur le onzième étage et festonnées de t
1065 anches, posées sur le onzième étage et festonnées de tuiles provençales. La brique est chaude encore sous mes pieds nus. À
1066 coup plus bas, dans les buildings voisins séparés de ma terrasse par un gouffre profond mais étroit, je vois des couples e
1067 tinée en peignoir rose ouvre son frigidaire, sort de la glace, ôte enfin le peignoir, il fait trop chaud. Des rires vienne
1068 peignoir, il fait trop chaud. Des rires viennent d’ une terrasse obscure, un cliquetis de tiges de verre dans les highball
1069 res viennent d’une terrasse obscure, un cliquetis de tiges de verre dans les highballs. Je rentre et j’aligne mes mots. Pe
1070 ent d’une terrasse obscure, un cliquetis de tiges de verre dans les highballs. Je rentre et j’aligne mes mots. Petits mati
1071 s déjà doux des terrasses, moments les plus aigus de la vie, au jour qui point, quand toutes choses et les souvenirs d’hie
1072 r qui point, quand toutes choses et les souvenirs d’ hier changent de poids et de millésime, quand les mouettes éclosent du
1073 nd toutes choses et les souvenirs d’hier changent de poids et de millésime, quand les mouettes éclosent du rocher, quand l
1074 oses et les souvenirs d’hier changent de poids et de millésime, quand les mouettes éclosent du rocher, quand les premiers
1075 orqueurs se mettent à souffler fort dans la brume d’ été flottant sur la rivière… Une langue de lumière orangée vient râper
1076 a brume d’été flottant sur la rivière… Une langue de lumière orangée vient râper doucement le crépi des murs bas, sur la t
1077 r le grand fond sonore à bouche fermée des usines de l’autre rive, les sirènes des ferry-boats poussaient leur solo de dés
1078 les sirènes des ferry-boats poussaient leur solo de désastre, de faux désastre et d’appel commercial, dans le matin strid
1079 des ferry-boats poussaient leur solo de désastre, de faux désastre et d’appel commercial, dans le matin strident de l’East
1080 saient leur solo de désastre, de faux désastre et d’ appel commercial, dans le matin strident de l’East River. Un quadrimot
1081 tre et d’appel commercial, dans le matin strident de l’East River. Un quadrimoteur argenté passait très haut entre deux to
1082 . Un quadrimoteur argenté passait très haut entre deux tours babyloniennes, l’une phallique, l’autre en Moïse de Michel-Ange
1083 ïse de Michel-Ange. Et sur une terrasse dormante, deux ou trois étages plus bas, quelqu’un sortait en robe de chambre, un vi
1084 ichel-Ange. Et sur une terrasse dormante, deux ou trois étages plus bas, quelqu’un sortait en robe de chambre, un vieux monsi
1085 u ses arbustes. Soudain, passant la tranche ocrée d’ un bâtiment de trente étages, à mi-hauteur, sur la rivière, une proue
1086 . Soudain, passant la tranche ocrée d’un bâtiment de trente étages, à mi-hauteur, sur la rivière, une proue grise et ses c
1087 oudain, passant la tranche ocrée d’un bâtiment de trente étages, à mi-hauteur, sur la rivière, une proue grise et ses canons g
1088 éfilait, tout l’équipage en fête saluant New York d’ adieux, filant pavois au vent vers l’Europe… Slums La Soixante-q
1089 e… Slums La Soixante-quinzième rue n’a rien de particulier. Elle part luxueusement de la Cinquième avenue et de Cent
1090 e n’a rien de particulier. Elle part luxueusement de la Cinquième avenue et de Central Park, traverse en direction de l’es
1091 Elle part luxueusement de la Cinquième avenue et de Central Park, traverse en direction de l’est de beaux quartiers gris
1092 avenue et de Central Park, traverse en direction de l’est de beaux quartiers gris clair d’un gothique sobre et astiqué, c
1093 t de Central Park, traverse en direction de l’est de beaux quartiers gris clair d’un gothique sobre et astiqué, change sub
1094 direction de l’est de beaux quartiers gris clair d’ un gothique sobre et astiqué, change subitement d’aspect et tourne au
1095 d’un gothique sobre et astiqué, change subitement d’ aspect et tourne au populaire un demi-block après Lexington avenue, pe
1096 la Troisième avenue, s’anime alors dangereusement d’ enfants s’exerçant au base-ball parmi des seaux d’ordures plus hauts q
1097 d’enfants s’exerçant au base-ball parmi des seaux d’ ordures plus hauts qu’eux et des tourbillons fous de papiers sales, po
1098 ordures plus hauts qu’eux et des tourbillons fous de papiers sales, pour s’ouvrir enfin toute béante sur les fumées de l’E
1099 , pour s’ouvrir enfin toute béante sur les fumées de l’East River, au terme d’un parcours rectiligne d’un kilomètre et dem
1100 e béante sur les fumées de l’East River, au terme d’ un parcours rectiligne d’un kilomètre et demi, sans changer de largeur
1101 e l’East River, au terme d’un parcours rectiligne d’ un kilomètre et demi, sans changer de largeur. (Seuls, les trottoirs s
1102 s rectiligne d’un kilomètre et demi, sans changer de largeur. (Seuls, les trottoirs se rétrécissent.) Cette rue, comme cen
1103 les trottoirs se rétrécissent.) Cette rue, comme cent autres pareilles, fait voir en coupe la société américaine. C’est une
1104 ne. C’est une coupe mégaloscopique — le contraire de microscopique — permettant l’examen à l’œil nu. Décrivons sa partie,
1105 sa partie, inférieure. La rue huileuse, parsemée de vieilles lettres, de bouts de bois et d’éclats de verre. Des tas de n
1106 e. La rue huileuse, parsemée de vieilles lettres, de bouts de bois et d’éclats de verre. Des tas de neige noircissent au r
1107 huileuse, parsemée de vieilles lettres, de bouts de bois et d’éclats de verre. Des tas de neige noircissent au rebord des
1108 parsemée de vieilles lettres, de bouts de bois et d’ éclats de verre. Des tas de neige noircissent au rebord des trottoirs.
1109 de vieilles lettres, de bouts de bois et d’éclats de verre. Des tas de neige noircissent au rebord des trottoirs. Les enfa
1110 s, de bouts de bois et d’éclats de verre. Des tas de neige noircissent au rebord des trottoirs. Les enfants qui ne jouent
1111 lle parce que la nuit vient de descendre — depuis cinq ans que je circule dans cette ville, je n’ai jamais été touché ; ils
1112 cette ville, je n’ai jamais été touché ; ils sont d’ une folle brutalité, mais surpassée par leur adresse — allument des fe
1113 leur adresse — allument des feux avec des arbres de Noël roussis, des morceaux de caisses, d’immenses cartonnages goudron
1114 eux avec des arbres de Noël roussis, des morceaux de caisses, d’immenses cartonnages goudronnés. Flammes gaies sur le couc
1115 arbres de Noël roussis, des morceaux de caisses, d’ immenses cartonnages goudronnés. Flammes gaies sur le couchant rose et
1116 rdu sur les bords par la silhouette des escaliers de sauvetage. Ces grands seaux à ordures en métal, rarement ou mal vidés
1117 rtier, débordent sur la neige entre les escaliers de quatre marches qui conduisent aux portes d’entrée. Portes étroites, o
1118 er, débordent sur la neige entre les escaliers de quatre marches qui conduisent aux portes d’entrée. Portes étroites, ouvrant
1119 liers de quatre marches qui conduisent aux portes d’ entrée. Portes étroites, ouvrant sur des couloirs hauts et profonds où
1120 es, ouvrant sur des couloirs hauts et profonds où deux personnes peuvent à peine se croiser. L’angoisse me prend chaque fois
1121 chaque fois que j’y pénètre. (Rappel inconscient de la naissance, me dirait un psychanalyste.) Les boîtes à lettres porte
1122 qui est censé chauffer l’appartement, une espèce de baignoire couverte et fort étroite se dresse sur quatre pieds de font
1123 baignoire couverte et fort étroite se dresse sur quatre pieds de fonte : il faudrait monter sur une chaise pour y entrer. De
1124 uverte et fort étroite se dresse sur quatre pieds de fonte : il faudrait monter sur une chaise pour y entrer. De la cuisin
1125 il faudrait monter sur une chaise pour y entrer. De la cuisine, on passe par une baie sans porte dans le frontroom, qui d
1126 ns porte dans le frontroom, qui donne sur la rue. De l’autre côté de la cuisine, deux petites chambres sans fenêtres ni po
1127 frontroom, qui donne sur la rue. De l’autre côté de la cuisine, deux petites chambres sans fenêtres ni portes. Au fond, u
1128 donne sur la rue. De l’autre côté de la cuisine, deux petites chambres sans fenêtres ni portes. Au fond, une autre pièce pl
1129 rement cloisonné, s’annonce dans les journaux : «  Cinq pièces, eau chaude et bain. » Il en existe dans Manhattan des centain
1130 chaude et bain. » Il en existe dans Manhattan des centaines de milliers construits sur ce même type : deux pièces claires sur cou
1131 bain. » Il en existe dans Manhattan des centaines de milliers construits sur ce même type : deux pièces claires sur cour e
1132 n. » Il en existe dans Manhattan des centaines de milliers construits sur ce même type : deux pièces claires sur cour et rue, re
1133 ntaines de milliers construits sur ce même type : deux pièces claires sur cour et rue, reliées par deux ou trois alvéoles av
1134 deux pièces claires sur cour et rue, reliées par deux ou trois alvéoles aveugles. Tout l’East Side populaire est ainsi, sur
1135 èces claires sur cour et rue, reliées par deux ou trois alvéoles aveugles. Tout l’East Side populaire est ainsi, sur une ving
1136 ’East Side populaire est ainsi, sur une vingtaine de kilomètres. Je me penche à la fenêtre, au-dessus de la cour. Le sol e
1137 kilomètres. Je me penche à la fenêtre, au-dessus de la cour. Le sol en est jonché de plâtras, de journaux, de chiffons qu
1138 nêtre, au-dessus de la cour. Le sol en est jonché de plâtras, de journaux, de chiffons qui bougent, ou ce sont peut-être d
1139 ssus de la cour. Le sol en est jonché de plâtras, de journaux, de chiffons qui bougent, ou ce sont peut-être des chats. De
1140 ur. Le sol en est jonché de plâtras, de journaux, de chiffons qui bougent, ou ce sont peut-être des chats. Des cordes tend
1141 es tendues sur l’abîme supportent des lessives et de grands draps claquants. Du haut en bas des façades de brique zigzague
1142 rands draps claquants. Du haut en bas des façades de brique zigzaguent les noirs escaliers de sauvetage. Dans un sous-sol
1143 façades de brique zigzaguent les noirs escaliers de sauvetage. Dans un sous-sol violemment éclairé, je vois quelques Chin
1144 t les chats. Les façades, hauts rectangles troués de lumières et de scènes du soir, s’étagent en silhouettes sur le ciel r
1145 s façades, hauts rectangles troués de lumières et de scènes du soir, s’étagent en silhouettes sur le ciel rouge. Une radio
1146 que tout, dans la cour où les draps au vent font de grands gestes frénétiques. New York possède aussi deux-cents gratte-c
1147 -ciel pour les bureaux et quelques belles avenues de résidences pour les directeurs de bureaux. C’est ce qu’on en voit de
1148 belles avenues de résidences pour les directeurs de bureaux. C’est ce qu’on en voit de l’étranger. Cohoes Ayant rem
1149 les directeurs de bureaux. C’est ce qu’on en voit de l’étranger. Cohoes Ayant remarqué qu’on me refusait du beurre à
1150 ’on me refusait du beurre à l’épicerie du village de Lake George10, et que j’en paraissais fort ennuyé, nos voisins vinren
1151 et c’est ainsi que nous avons fait connaissance. Deux femmes d’âge moyen et leurs maris se partagent une maison que les pin
1152 nsi que nous avons fait connaissance. Deux femmes d’ âge moyen et leurs maris se partagent une maison que les pins nous cac
1153 lus confortable à leur sens. (Seuls les Européens de mon espèce aiment les maisons trop grandes, en Amérique.) L’un des ma
1154 vieille mère est une Allemande du Sud. La famille de l’autre mari est de ce pays depuis plusieurs générations ; et leurs é
1155 Allemande du Sud. La famille de l’autre mari est de ce pays depuis plusieurs générations ; et leurs épouses, fort plantur
1156 s ; et leurs épouses, fort plantureuses, viennent d’ Irlande. « True average-Americans all ! de vrais Américains moyens »,
1157 iennent d’Irlande. « True average-Americans all ! de vrais Américains moyens », concluent-ils en souriant. Nous leur avons
1158 prénoms, sans avoir jamais bien compris nos noms de famille. Hier, Robert m’a conduit à Albany, pour m’éviter la moitié d
1159 ié du trajet jusqu’à New York dans un train bondé de soldats. (Le nombre de ces petits services que vous rendent ici les v
1160 w York dans un train bondé de soldats. (Le nombre de ces petits services que vous rendent ici les voisins ! En Europe, le
1161 voisin n’est que l’ennemi virtuel.) J’ai cru poli de m’arrêter pour une heure dans la ville natale de Robert, à quelques k
1162 de m’arrêter pour une heure dans la ville natale de Robert, à quelques kilomètres d’Albany. Vingt-cinq-mille habitants. L
1163 la ville natale de Robert, à quelques kilomètres d’ Albany. Vingt-cinq-mille habitants. Le nom, très difficile à prononcer
1164 ès difficile à prononcer : Cohoes, est sans doute d’ origine indienne. « Personne ne connaît notre ville, me dit Robert, et
1165 villes américaines qui ne réussissent à se vanter de quelque chose d’unique au monde, compensant ainsi l’impression qu’ell
1166 s qui ne réussissent à se vanter de quelque chose d’ unique au monde, compensant ainsi l’impression qu’elles sont interchan
1167 g. Et, justement, nous arrivons devant une maison de bois peinte en jaune clair, ornée de géraniums aux fenêtres. C’est là
1168 t une maison de bois peinte en jaune clair, ornée de géraniums aux fenêtres. C’est là qu’habite la mère de Robert, une vie
1169 igne, dont les ancêtres quittèrent l’Allemagne en 1848, parce qu’ils étaient républicains. Cette vague d’émigration germaniqu
1170 8, parce qu’ils étaient républicains. Cette vague d’ émigration germanique, libérale et plus ou moins morave, a modifié l’a
1171 moins morave, a modifié l’aspect et les coutumes de maint État du Middle West et de la partie nord de la Pennsylvanie. No
1172 t et les coutumes de maint État du Middle West et de la partie nord de la Pennsylvanie. Nous traversons maintenant la vill
1173 de maint État du Middle West et de la partie nord de la Pennsylvanie. Nous traversons maintenant la ville pour aller au bu
1174 aversons maintenant la ville pour aller au bureau de Robert. Plusieurs églises dominent de leur masse rouge les maisons de
1175 r au bureau de Robert. Plusieurs églises dominent de leur masse rouge les maisons de bois ou de brique d’un seul étage. Je
1176 églises dominent de leur masse rouge les maisons de bois ou de brique d’un seul étage. Je remarque un groupe de clocheton
1177 minent de leur masse rouge les maisons de bois ou de brique d’un seul étage. Je remarque un groupe de clochetons à bulbe d
1178 leur masse rouge les maisons de bois ou de brique d’ un seul étage. Je remarque un groupe de clochetons à bulbe d’or. Serai
1179 de brique d’un seul étage. Je remarque un groupe de clochetons à bulbe d’or. Serait-ce une usine orthodoxe ? « Oui, dit R
1180 tage. Je remarque un groupe de clochetons à bulbe d’ or. Serait-ce une usine orthodoxe ? « Oui, dit Robert, c’est l’une de
1181 usine orthodoxe ? « Oui, dit Robert, c’est l’une de nos deux églises ukrainiennes. » La moitié de la population de Cohoes
1182 orthodoxe ? « Oui, dit Robert, c’est l’une de nos deux églises ukrainiennes. » La moitié de la population de Cohoes est slav
1183 une de nos deux églises ukrainiennes. » La moitié de la population de Cohoes est slave, polonaise ou russe d’origine. L’au
1184 glises ukrainiennes. » La moitié de la population de Cohoes est slave, polonaise ou russe d’origine. L’autre moitié se com
1185 opulation de Cohoes est slave, polonaise ou russe d’ origine. L’autre moitié se compose de Canadiens français, d’Allemands,
1186 ise ou russe d’origine. L’autre moitié se compose de Canadiens français, d’Allemands, d’Italiens et d’une minorité d’Anglo
1187 L’autre moitié se compose de Canadiens français, d’ Allemands, d’Italiens et d’une minorité d’Anglo-Saxons, laquelle d’ail
1188 ié se compose de Canadiens français, d’Allemands, d’ Italiens et d’une minorité d’Anglo-Saxons, laquelle d’ailleurs conduit
1189 de Canadiens français, d’Allemands, d’Italiens et d’ une minorité d’Anglo-Saxons, laquelle d’ailleurs conduit tout le reste
1190 ançais, d’Allemands, d’Italiens et d’une minorité d’ Anglo-Saxons, laquelle d’ailleurs conduit tout le reste. Une petite vi
1191 it tout le reste. Une petite ville internationale de province, sans grand avenir, qui vit déjà sur son passé d’un siècle…
1192 ce, sans grand avenir, qui vit déjà sur son passé d’ un siècle… Robert me dépose devant l’entrée de son agence de locations
1193 ssé d’un siècle… Robert me dépose devant l’entrée de son agence de locations, dans l’une des rues principales. Le bureau d
1194 e… Robert me dépose devant l’entrée de son agence de locations, dans l’une des rues principales. Le bureau donne sur le tr
1195 principales. Le bureau donne sur le trottoir par trois portes grandes ouvertes. Je vois Robert tomber la veste, lire quelque
1196 assants me paraissent aussi laids que ces maisons de bois grisâtres ou vert olive, mauves ou goudron, aux parois renflées
1197 . Seule, la Banque est en pierres blanches, ornée de colonnes et d’un fronton de temple grec. Je compte beaucoup de barbes
1198 que est en pierres blanches, ornée de colonnes et d’ un fronton de temple grec. Je compte beaucoup de barbes longues et bou
1199 erres blanches, ornée de colonnes et d’un fronton de temple grec. Je compte beaucoup de barbes longues et bouclées. La rue
1200 ue est sale. Suis-je en Russie ? Non, il y a trop d’ autos. Robert revient et nous roulons vers Albany. À la sortie de la v
1201 À la sortie de la ville, il me montre un terrain d’ aviation : — C’est moi qui ai fondé notre Air Club, il y a quinze ans,
1202 : — C’est moi qui ai fondé notre Air Club, il y a quinze ans, j’étais tout jeune. J’ai eu jusqu’à trente appareils et une écol
1203 a quinze ans, j’étais tout jeune. J’ai eu jusqu’à trente appareils et une école de pilotage. Mais, coup sur coup, quatre accid
1204 ne. J’ai eu jusqu’à trente appareils et une école de pilotage. Mais, coup sur coup, quatre accidents mortels en une semain
1205 ls et une école de pilotage. Mais, coup sur coup, quatre accidents mortels en une semaine… C’était le moment du grand krach, e
1206 une semaine… C’était le moment du grand krach, en 1929. Tout s’écroulait. Ma faillite a passé inaperçue. J’ai ouvert cette ag
1207 puis lors. Aujourd’hui, je suis président du club de golf. Si les affaires vont bien, après la guerre, j’espère m’acheter
1208 ert n’aime pas conduire l’auto… J’essaie en vain de comparer Cohoes à une ville du même nombre d’habitants chez nous ; de
1209 ain de comparer Cohoes à une ville du même nombre d’ habitants chez nous ; de comparer Robert à un Robert d’Europe, de même
1210 une ville du même nombre d’habitants chez nous ; de comparer Robert à un Robert d’Europe, de même niveau social et de mêm
1211 social et de même éducation. Nous ne manquons pas de petits bourgeois pieux et honnêtes, mais ils n’ont pas le sens du ris
1212 honnêtes, mais ils n’ont pas le sens du risque et de la vitesse. Nous avons bien des fanatiques de l’aviation, mais ce ne
1213 et de la vitesse. Nous avons bien des fanatiques de l’aviation, mais ce ne sont pas des agents de location, d’autre part
1214 ues de l’aviation, mais ce ne sont pas des agents de location, d’autre part amateurs de golf, de géraniums et de week-ends
1215 pas des agents de location, d’autre part amateurs de golf, de géraniums et de week-ends paisibles au bord d’un lac. Mais i
1216 gents de location, d’autre part amateurs de golf, de géraniums et de week-ends paisibles au bord d’un lac. Mais il ne sera
1217 n, d’autre part amateurs de golf, de géraniums et de week-ends paisibles au bord d’un lac. Mais il ne serait guère plus fa
1218 ord d’un lac. Mais il ne serait guère plus facile de comparer cette vie, cette ville aux images que, par Hollywood, l’Amér
1219 mages que, par Hollywood, l’Amérique nous propose d’ elle-même et qu’elle s’efforce d’imiter. Souvenir d’un orage en Vir
1220 que nous propose d’elle-même et qu’elle s’efforce d’ imiter. Souvenir d’un orage en Virginie Grands plateaux onduleux
1221 e-même et qu’elle s’efforce d’imiter. Souvenir d’ un orage en Virginie Grands plateaux onduleux et livrés aux chevaux
1222 ppalaches. Pendant que nous roulons sur une route de campagne, au creux des haies, le ciel se couvre. « C’est là-haut, me
1223 us verrez ce qu’elle en a fait ! C’est sa manière de se venger de W…, car c’était la maison de ses ancêtres, à lui. Elle l
1224 qu’elle en a fait ! C’est sa manière de se venger de W…, car c’était la maison de ses ancêtres, à lui. Elle la déteste. El
1225 manière de se venger de W…, car c’était la maison de ses ancêtres, à lui. Elle la déteste. Elle n’aime vraiment que ses ch
1226 chevaux… L’auto s’arrête devant un haut portique. Deux colonnes blanches entre des ifs géants, comme des ailes noires. Je n’
1227 nts, comme des ailes noires. Je n’en ai jamais vu d’ aussi grands, ils montent jusqu’aux fenêtres du deuxième étage. Une od
1228 la porte dont un battant s’entrouvre devant nous. Trois grands longs chiens sortent, le museau bas, et l’un vient vomir à nos
1229 bas, et l’un vient vomir à nos pieds des morceaux de cire mal mâchés. Une servante les poursuit armée d’une cravache. Elle
1230 cire mal mâchés. Une servante les poursuit armée d’ une cravache. Elle crie qu’ils viennent encore de manger les bougies d
1231 d’une cravache. Elle crie qu’ils viennent encore de manger les bougies du carrosse de George Washington. (C’est une pièce
1232 viennent encore de manger les bougies du carrosse de George Washington. (C’est une pièce de musée que nous allons voir, re
1233 u carrosse de George Washington. (C’est une pièce de musée que nous allons voir, remisée sous la colonnade des écuries.) N
1234 orridors. Dans un fumoir, à droite, en contrebas, deux hommes en veste de chasse et deux jeunes femmes très blondes boivent
1235 oir, à droite, en contrebas, deux hommes en veste de chasse et deux jeunes femmes très blondes boivent des whiskys, sans s
1236 , en contrebas, deux hommes en veste de chasse et deux jeunes femmes très blondes boivent des whiskys, sans se déranger. Nou
1237 maison, puis une large galerie ouverte, encombrée de vieux meubles et de pièces de bois sculptées, stalles d’églises, aigl
1238 ge galerie ouverte, encombrée de vieux meubles et de pièces de bois sculptées, stalles d’églises, aigles de lutrin. De nou
1239 ouverte, encombrée de vieux meubles et de pièces de bois sculptées, stalles d’églises, aigles de lutrin. De nouveau, des
1240 x meubles et de pièces de bois sculptées, stalles d’ églises, aigles de lutrin. De nouveau, des ifs non taillés sur un pré
1241 èces de bois sculptées, stalles d’églises, aigles de lutrin. De nouveau, des ifs non taillés sur un pré d’un vert sombre e
1242 utrin. De nouveau, des ifs non taillés sur un pré d’ un vert sombre enclos de murs. Du lierre partout. Çà et là, des statue
1243 fs non taillés sur un pré d’un vert sombre enclos de murs. Du lierre partout. Çà et là, des statues de faunes et de chiens
1244 de murs. Du lierre partout. Çà et là, des statues de faunes et de chiens gisent le nez dans l’herbe, près d’un socle brisé
1245 ierre partout. Çà et là, des statues de faunes et de chiens gisent le nez dans l’herbe, près d’un socle brisé. Le pré s’él
1246 nes et de chiens gisent le nez dans l’herbe, près d’ un socle brisé. Le pré s’élève et s’ouvre sur la cour sablée des écuri
1247 es. Celles-ci se déploient en demi-cercle, ornées d’ une colonnade et d’un clocheton de brique portant l’œil blanc d’un éno
1248 ploient en demi-cercle, ornées d’une colonnade et d’ un clocheton de brique portant l’œil blanc d’un énorme cadran. Voici l
1249 -cercle, ornées d’une colonnade et d’un clocheton de brique portant l’œil blanc d’un énorme cadran. Voici le carrosse de W
1250 e et d’un clocheton de brique portant l’œil blanc d’ un énorme cadran. Voici le carrosse de Washington, à l’abandon. La pei
1251 l’œil blanc d’un énorme cadran. Voici le carrosse de Washington, à l’abandon. La peinture craquelée tombe par morceaux, le
1252 inture craquelée tombe par morceaux, les coussins de velours rouge sont moisis. Nous redescendons. Le ciel est devenu noir
1253 ches et ces ifs dramatiques, on domine un paysage de pluies lointaines et de prairies dorées. Soudain, un coup de vent vio
1254 ues, on domine un paysage de pluies lointaines et de prairies dorées. Soudain, un coup de vent violent a jeté contre la fa
1255 eté contre la façade et nos visages un tourbillon de feuilles et de grosses gouttes obliques. Entrée de l’automne ! The Fa
1256 açade et nos visages un tourbillon de feuilles et de grosses gouttes obliques. Entrée de l’automne ! The Fall, la Chute, c
1257 e feuilles et de grosses gouttes obliques. Entrée de l’automne ! The Fall, la Chute, comme ils l’appellent… Premiers éclai
1258 rsées dans les branchages — nous arrivons au coin d’ un bâtiment de ferme. C’est le chenil. Le parc s’arrête ici et s’ouvre
1259 branchages — nous arrivons au coin d’un bâtiment de ferme. C’est le chenil. Le parc s’arrête ici et s’ouvrent les espaces
1260 il. Le parc s’arrête ici et s’ouvrent les espaces de pâturages nus, en pente douce. Très loin, en silhouette sur la crête
1261 ente douce. Très loin, en silhouette sur la crête d’ une colline, nous voyons deux chevaux au galop. Ils disparaissent dans
1262 ilhouette sur la crête d’une colline, nous voyons deux chevaux au galop. Ils disparaissent dans un vallonnement et maintenan
1263 rs nous sans ralentir. Une femme en jaune, suivie d’ un homme. Comme ils s’approchent, on voit qu’elle tient la bride d’une
1264 ils s’approchent, on voit qu’elle tient la bride d’ une main, et de l’autre porte à sa bouche une pomme qu’elle mord en ga
1265 nt, on voit qu’elle tient la bride d’une main, et de l’autre porte à sa bouche une pomme qu’elle mord en galopant. Nouveau
1266 s à hurler ensemble. Est-ce l’orage ou l’approche de leur maîtresse ? Les cavaliers ralentissent et s’arrêtent devant la b
1267 ter jaune. Elle rit, jette la pomme et nous salue de la main. Le jeune homme mince, immobile sur son cheval, nous considèr
1268 val, nous considère avec hostilité. Il a les yeux d’ un bleu très pâle et dur. Il n’a pas salué. Son silence nous supprime.
1269 hée sur l’encolure, elle disparaît dans le tunnel de la charmille, tandis qu’une meute de chiens de toutes les tailles s’é
1270 ns le tunnel de la charmille, tandis qu’une meute de chiens de toutes les tailles s’élance sur ses traces en aboyant. Au f
1271 el de la charmille, tandis qu’une meute de chiens de toutes les tailles s’élance sur ses traces en aboyant. Au fond d’une
1272 illes s’élance sur ses traces en aboyant. Au fond d’ une pièce vaste et noire, une petite lampe fait une flaque rose. « Je
1273 s ? Vous êtes muets. Vous avez soif ? » Les coups de tonnerre se succèdent sans répit, et parfois les lumières vacillent,
1274 t… Paraît dans la porte du fond un homme en veste de chasse, qui tient des verres de whisky à la main. Deux femmes blondes
1275 un homme en veste de chasse, qui tient des verres de whisky à la main. Deux femmes blondes entrent et vont s’asseoir un pe
1276 chasse, qui tient des verres de whisky à la main. Deux femmes blondes entrent et vont s’asseoir un peu à l’écart de notre gr
1277 londes entrent et vont s’asseoir un peu à l’écart de notre groupe. Un autre homme apporte un plateau. On le renvoie cherch
1278 pas plus que vous. Ils sont dans la maison depuis deux ou trois jours et se disent les amis de Jim. — Mais où est Jim ? — Je
1279 que vous. Ils sont dans la maison depuis deux ou trois jours et se disent les amis de Jim. — Mais où est Jim ? — Je ne sais
1280 depuis deux ou trois jours et se disent les amis de Jim. — Mais où est Jim ? — Je ne sais pas. Il est parti. Jim était l’
1281 s. Il est parti. Jim était l’intendant, une sorte de géant toujours en bottes qu’elle emmenait partout avec elle. Je pense
1282 le emmenait partout avec elle. Je pense au regard d’ acier du jeune homme silencieux de tout à l’heure. Des chiens se gliss
1283 pense au regard d’acier du jeune homme silencieux de tout à l’heure. Des chiens se glissent entre les meubles, humides et
1284 qu’en pensez-vous ? — Well… pour la première fois de ma vie, je me sens tenté d’écrire la suite du roman. La route amér
1285 pour la première fois de ma vie, je me sens tenté d’ écrire la suite du roman. La route américaine L’Européen parle p
1286 La route américaine L’Européen parle parfois de sa conception de la vie. Aux États-Unis, on parle tous les jours de l
1287 aine L’Européen parle parfois de sa conception de la vie. Aux États-Unis, on parle tous les jours de l’american way of
1288 e la vie. Aux États-Unis, on parle tous les jours de l’american way of life, littéralement : de la route américaine de la
1289 jours de l’american way of life, littéralement : de la route américaine de la vie. Ce qui est pour nous concept, forme ar
1290 y of life, littéralement : de la route américaine de la vie. Ce qui est pour nous concept, forme arrêtée, devient chez eux
1291 t indéfini. C’est pourquoi je prendrai les routes d’ Amérique comme un symbole du rêve et de la volonté du Nouveau Monde. O
1292 les routes d’Amérique comme un symbole du rêve et de la volonté du Nouveau Monde. On croyait close l’ère des pionniers, l’
1293 close l’ère des pionniers, l’ère des défricheurs de savanes qui firent reculer la frontière de décade en décade, à traver
1294 cheurs de savanes qui firent reculer la frontière de décade en décade, à travers le Far West, jusqu’à ce qu’ils eussent re
1295 vait plus rien ajouter aux plus hauts gratte-ciel de New York, à ces grandiloquents témoins de la crise de 1929, où les af
1296 te-ciel de New York, à ces grandiloquents témoins de la crise de 1929, où les affaires périssent et les bureaux se vident
1297 ew York, à ces grandiloquents témoins de la crise de 1929, où les affaires périssent et les bureaux se vident au-dessus du
1298 York, à ces grandiloquents témoins de la crise de 1929, où les affaires périssent et les bureaux se vident au-dessus du cinqu
1299 grand malaise étreignait l’âme américaine, prise de nausée dès qu’elle ressent l’approche d’une limite infranchissable. O
1300 e, prise de nausée dès qu’elle ressent l’approche d’ une limite infranchissable. Où s’élancer encore ? Comment sortir de ce
1301 anchissable. Où s’élancer encore ? Comment sortir de cet embouteillage de richesses matérielles ? Il restait à construire
1302 ncer encore ? Comment sortir de cet embouteillage de richesses matérielles ? Il restait à construire des routes. Depuis di
1303 lles ? Il restait à construire des routes. Depuis dix ans, les autostrades américaines allongent sans répit leur ruban de b
1304 rades américaines allongent sans répit leur ruban de béton, semblables à la trace d’un grand fer à repasser au travers des
1305 répit leur ruban de béton, semblables à la trace d’ un grand fer à repasser au travers des savanes, des cultures et des te
1306 tinent. Personne n’en parle. On n’a pas eu besoin de changer de régime pour le réaliser. Les autostrades américaines ne so
1307 sonne n’en parle. On n’a pas eu besoin de changer de régime pour le réaliser. Les autostrades américaines ne sont pas une
1308 ntre le chômage. Elles sont le produit du rêve et de la vitalité inépuisable d’un peuple libre, et qui voit grand sans se
1309 le produit du rêve et de la vitalité inépuisable d’ un peuple libre, et qui voit grand sans se forcer. Voici enfin un spec
1310 au contraire atteste une force paisible et utile. Trois pistes parallèles dans chaque sens, séparées par une large bande gazo
1311 onserver, ici ou là, un grand arbre isolé, témoin de la prairie. Trois pistes blanches délimitées par des lignes jaunes et
1312 u là, un grand arbre isolé, témoin de la prairie. Trois pistes blanches délimitées par des lignes jaunes et noires, entre les
1313 noires, entre lesquelles se déplacent lentement, de droite à gauche, de gauche à droite, entre cent et cent-trente à l’he
1314 elles se déplacent lentement, de droite à gauche, de gauche à droite, entre cent et cent-trente à l’heure, des millions de
1315 nt, de droite à gauche, de gauche à droite, entre cent et cent-trente à l’heure, des millions de larges voitures. Une telle
1316 droite, entre cent et cent-trente à l’heure, des millions de larges voitures. Une telle aisance dans la vitesse, l’absence de s
1317 entre cent et cent-trente à l’heure, des millions de larges voitures. Une telle aisance dans la vitesse, l’absence de seco
1318 res. Une telle aisance dans la vitesse, l’absence de secousses et d’obstacles, l’enivrante continuité du déferlement génér
1319 isance dans la vitesse, l’absence de secousses et d’ obstacles, l’enivrante continuité du déferlement général, tout cela vo
1320 la vous donne, après quelques minutes, l’illusion d’ une puissance immobile qui vaincrait la distance par le charme, attira
1321 le charme, attirant les villes à soi et déplaçant de vastes paysages au gré d’une curiosité rêveuse. Mais, soudain, le reg
1322 lles à soi et déplaçant de vastes paysages au gré d’ une curiosité rêveuse. Mais, soudain, le regard est pris par un pannea
1323 sur la droite, puis mitraillé à bout portant par cent , par mille panneaux de toutes formes et couleurs. Sans relâche, ils c
1324 oite, puis mitraillé à bout portant par cent, par mille panneaux de toutes formes et couleurs. Sans relâche, ils croissent en
1325 aillé à bout portant par cent, par mille panneaux de toutes formes et couleurs. Sans relâche, ils croissent en gros plan e
1326 il s’éduque et se mette à déchiffrer cette espèce de manuel de conduite et de morale élémentaire (avec publicité dans le t
1327 e et se mette à déchiffrer cette espèce de manuel de conduite et de morale élémentaire (avec publicité dans le texte) dont
1328 déchiffrer cette espèce de manuel de conduite et de morale élémentaire (avec publicité dans le texte) dont les phrases fr
1329 passez à gauche… Avez-vous pensé à l’anniversaire de votre femme ?… Donnez-lui un aspirateur Smith… Des bonbons Johnson… I
1330 ui un aspirateur Smith… Des bonbons Johnson… Ici, trois tués par jour… Lisez la Bible… Cabines de touristes à cent yards… Fer
1331 Ici, trois tués par jour… Lisez la Bible… Cabines de touristes à cent yards… Ferryboat du Delaware en grève… Faites un dét
1332 par jour… Lisez la Bible… Cabines de touristes à cent yards… Ferryboat du Delaware en grève… Faites un détour par Philadelp
1333 êtez-vous à l’hôtel Franklin… Ralentissez, région de daims… Les partis se réconcilient… autour d’un verre de champagne Ren
1334 gion de daims… Les partis se réconcilient… autour d’ un verre de champagne Renault !… Avez-vous vérifié votre niveau d’huil
1335 ms… Les partis se réconcilient… autour d’un verre de champagne Renault !… Avez-vous vérifié votre niveau d’huile ?… L’État
1336 ampagne Renault !… Avez-vous vérifié votre niveau d’ huile ?… L’État de Pennsylvania vous souhaite la bienvenue… Et limite
1337 souhaite la bienvenue… Et limite votre vitesse à cinquante miles… cinq-cents dollars d’amende ou un an de prison… ou les deux en
1338 tre vitesse à cinquante miles… cinq-cents dollars d’ amende ou un an de prison… ou les deux ensemble… Dieu bénisse l’Amériq
1339 uante miles… cinq-cents dollars d’amende ou un an de prison… ou les deux ensemble… Dieu bénisse l’Amérique… » Je ferme les
1340 cents dollars d’amende ou un an de prison… ou les deux ensemble… Dieu bénisse l’Amérique… » Je ferme les yeux et j’écoute le
1341 ondement sourd des pneus qui mordent le béton. En cinq heures, nous aurons couvert les quatre-cents kilomètres qui séparent
1342 es quatre-cents kilomètres qui séparent le centre de New York de Washington, en traversant deux villes énormes : Philadelp
1343 e centre de New York de Washington, en traversant deux villes énormes : Philadelphie et Baltimore. La vitesse rétrécit l’esp
1344 a vitesse rétrécit l’espace américain, les routes de la vitesse lui créent enfin des cadres. Quand la surface sera suffisa
1345 nt organisée, vers quoi se tourneront les efforts de ce peuple ? Peut-être vers la profondeur, vers la culture, vers ces p
1346 véritable : celui que chacun porte en soi, celui de l’âme inépuisable. Ce jour-là, les glorieux highways aboutiront enfin
1347 glorieux highways aboutiront enfin à l’Homme. 10. Au bord du lac du même nom, dans le nord de l’État de New York. d.
1348 . 10. Au bord du lac du même nom, dans le nord de l’État de New York. d. Rougemont Denis de, « Tableaux américains »,
1349 nord de l’État de New York. d. Rougemont Denis de , « Tableaux américains », La Revue de Paris, Paris, décembre 1946, p.
1350 emont Denis de, « Tableaux américains », La Revue de Paris, Paris, décembre 1946, p. 51-62.
1351 américains », La Revue de Paris, Paris, décembre 1946, p. 51-62.
4 1949, La Revue de Paris, articles (1937–1969). Le Mouvement européen (avril 1949)
1352 Le Mouvement européen (avril 1949 )e Nécessité et urgence de l’union Quand un Américain déclare
1353 européen (avril 1949)e Nécessité et urgence de l’union Quand un Américain déclare que votre idée est généreuse, c
1354 e, une idée généreuse…, c’est qu’il n’a pas envie d’ y croire, qu’il ne fera rien, qu’il pense qu’il est sérieux et que vou
1355 s réflexes, imite à sa manière le cynisme frivole de la noblesse à la veille de la Révolution. Mais le grand style se perd
1356 ère le cynisme frivole de la noblesse à la veille de la Révolution. Mais le grand style se perd et Staline est aux portes.
1357 d et Staline est aux portes. Il s’agit en réalité de la vie ou de la mort d’une civilisation. Fédérer nos petits peuples i
1358 est aux portes. Il s’agit en réalité de la vie ou de la mort d’une civilisation. Fédérer nos petits peuples in extremis es
1359 tes. Il s’agit en réalité de la vie ou de la mort d’ une civilisation. Fédérer nos petits peuples in extremis est notre seu
1360 petits peuples in extremis est notre seule chance de salut. On se demande en vain ce qu’il peut y avoir de « généreux » da
1361 alut. On se demande en vain ce qu’il peut y avoir de « généreux » dans une opération de ce genre. Qu’il suffise de rappele
1362 l peut y avoir de « généreux » dans une opération de ce genre. Qu’il suffise de rappeler les données qui en déterminent ex
1363 x » dans une opération de ce genre. Qu’il suffise de rappeler les données qui en déterminent exactement l’urgence. La guer
1364 séquences principales, d’une part, l’affaissement de l’Europe et, d’autre part, le surgissement au plan mondial de la Russ
1365 et, d’autre part, le surgissement au plan mondial de la Russie et de l’Amérique. Ces deux colosses sont en train de s’obse
1366 , le surgissement au plan mondial de la Russie et de l’Amérique. Ces deux colosses sont en train de s’observer par-dessus
1367 u plan mondial de la Russie et de l’Amérique. Ces deux colosses sont en train de s’observer par-dessus nos têtes. Ils n’ont
1368 bserver par-dessus nos têtes. Ils n’ont pas envie de se battre, affirment-ils. Ils proclament au contraire leur amour de l
1369 rment-ils. Ils proclament au contraire leur amour de la paix, et ils le prouvent, l’un en relevant nos ruines, et l’autre
1370 un en relevant nos ruines, et l’autre en annexant 700 000 kilomètres carrés de nos terres. Si bien qu’on ne voit plus très
1371 n relevant nos ruines, et l’autre en annexant 700 000 kilomètres carrés de nos terres. Si bien qu’on ne voit plus très clai
1372 et l’autre en annexant 700 000 kilomètres carrés de nos terres. Si bien qu’on ne voit plus très clairement s’il s’agit de
1373 en qu’on ne voit plus très clairement s’il s’agit de poser les bases de la paix ou de s’assurer des bases pour faire la gu
1374 us très clairement s’il s’agit de poser les bases de la paix ou de s’assurer des bases pour faire la guerre, mais il reste
1375 ment s’il s’agit de poser les bases de la paix ou de s’assurer des bases pour faire la guerre, mais il reste évident que s
1376 faire la guerre, mais il reste évident que si les deux Grands continuent à se déclarer la paix sur ce ton-là, cela finira pa
1377 plus une puissance, parce qu’elle est divisée en vingt nations dont aucune, isolée, n’a plus la taille qu’il faut pour parle
1378 et se faire entendre dans le monde dominé par les deux grands empires. Et non seulement l’Europe n’est plus une puissance qu
1379 cune des nations qui la composent se voit menacée d’ annexion politique ou de colonisation économique. Voici le fait fondam
1380 composent se voit menacée d’annexion politique ou de colonisation économique. Voici le fait fondamental qu’énonçait au con
1381 Voici le fait fondamental qu’énonçait au congrès de La Haye le Message aux Européens  : Aucun de nos pays ne peut préte
1382 ès de La Haye le Message aux Européens  : Aucun de nos pays ne peut prétendre, seul, à une défense sérieuse de son indép
1383 s ne peut prétendre, seul, à une défense sérieuse de son indépendance. Aucun de nos pays ne peut résoudre, seul, les probl
1384 à une défense sérieuse de son indépendance. Aucun de nos pays ne peut résoudre, seul, les problèmes que lui pose l’économi
1385 mie moderne. Les conclusions que l’on doit tirer de cette double constatation sont d’une tragique simplicité. Si les chos
1386 l’on doit tirer de cette double constatation sont d’ une tragique simplicité. Si les choses continuent comme elles vont : 1
1387 cité. Si les choses continuent comme elles vont : les différents pays de l’Europe seront annexés ou colonisés l’un aprè
1388 tinuent comme elles vont : 1° les différents pays de l’Europe seront annexés ou colonisés l’un après l’autre ; 2° la quest
1389 seront annexés ou colonisés l’un après l’autre ; la question allemande ne sera pas réglée, fournissant un prétexte per
1390 ssant un prétexte permanent à la guerre entre les deux Grands ; 3° rien ne pourra s’opposer à cette guerre, dont quel que so
1391 xte permanent à la guerre entre les deux Grands ; rien ne pourra s’opposer à cette guerre, dont quel que soit le vainqu
1392 ui sortira vaincue. Si nous voulons sauver chacun de nos pays, il faut donc commencer par les unir. Et si nous voulons sau
1393 e, c’est-à-dire cette troisième puissance capable d’ imposer un compromis, de l’inventer pour les deux autres. Que si l’on
1394 oisième puissance capable d’imposer un compromis, de l’inventer pour les deux autres. Que si l’on me dit alors que l’Europ
1395 le d’imposer un compromis, de l’inventer pour les deux autres. Que si l’on me dit alors que l’Europe même unie serait encore
1396 rait encore trop faible pour tenir en respect les deux Grands, je répondrai par un seul chiffre : la population de l’Europe
1397 je répondrai par un seul chiffre : la population de l’Europe occidentale, à l’ouest du rideau de fer, est d’environ 320 m
1398 tion de l’Europe occidentale, à l’ouest du rideau de fer, est d’environ 320 millions d’habitants : c’est deux fois plus qu
1399 rope occidentale, à l’ouest du rideau de fer, est d’ environ 320 millions d’habitants : c’est deux fois plus que l’Amérique
1400 entale, à l’ouest du rideau de fer, est d’environ 320 millions d’habitants : c’est deux fois plus que l’Amérique, autant qu
1401 le, à l’ouest du rideau de fer, est d’environ 320 millions d’habitants : c’est deux fois plus que l’Amérique, autant que la Russ
1402 uest du rideau de fer, est d’environ 320 millions d’ habitants : c’est deux fois plus que l’Amérique, autant que la Russie
1403 r, est d’environ 320 millions d’habitants : c’est deux fois plus que l’Amérique, autant que la Russie et tous ses satellites
1404 tant que la Russie et tous ses satellites. Si ces 320 millions d’habitants faisaient bloc, soit qu’ils se déclarent neutres
1405 que la Russie et tous ses satellites. Si ces 320 millions d’habitants faisaient bloc, soit qu’ils se déclarent neutres, soit qu
1406 ussie et tous ses satellites. Si ces 320 millions d’ habitants faisaient bloc, soit qu’ils se déclarent neutres, soit qu’il
1407 qu’ils se déclarent neutres, soit qu’ils menacent de porter tout leur poids d’un seul côté, ils seraient en mesure d’agir,
1408 s, soit qu’ils menacent de porter tout leur poids d’ un seul côté, ils seraient en mesure d’agir, de faire réfléchir l’agre
1409 leur poids d’un seul côté, ils seraient en mesure d’ agir, de faire réfléchir l’agresseur, et de sauver la paix du monde. S
1410 ds d’un seul côté, ils seraient en mesure d’agir, de faire réfléchir l’agresseur, et de sauver la paix du monde. Sur quoi
1411 mesure d’agir, de faire réfléchir l’agresseur, et de sauver la paix du monde. Sur quoi j’imagine bien que personne n’osera
1412 e s’ajoute à la nécessité. J’essaierai maintenant de répondre à ceux qui demandent ce qu’on a fait déjà, et ce qu’on peut
1413 eut Sully, qu’aime à citer Churchill : il rêvait d’ une coalition. Il y eut Montesquieu, premier critique du nationalisme
1414 rations, ou l’humanité recommencera un purgatoire de mille ans. » C’était vers 1860. Mais ces rêves et ces prophéties ne p
1415 ions, ou l’humanité recommencera un purgatoire de mille ans. » C’était vers 1860. Mais ces rêves et ces prophéties ne pouvaie
1416 encera un purgatoire de mille ans. » C’était vers 1860. Mais ces rêves et ces prophéties ne pouvaient concerner qu’un avenir
1417 ilieu du xixe siècle, quand la réalité politique de l’Europe était l’essor des grands nationalismes. Il y eut enfin, aprè
1418 iale, le mouvement paneuropéen, lancé à Vienne en 1923 par le comte Coudenhove-Kalergi. Ce pionnier réussit à convaincre Bri
1419 iand, qui prêta sa grande voix traînarde à l’idée d’ une union continentale. Mais ces premières ferveurs devaient bientôt s
1420 se perdre dans la rumeur polyglotte des couloirs de la SDN. On en était aux constructions diplomatiques. Elles s’écroulèr
1421 t à la première épreuve. Aux yeux des jeunes gens de l’époque, il fallait quelque chose de plus profond, de plus prégnant,
1422 rs groupes personnalistes. Ils réunirent quelques centaines d’adhérents, quelques milliers de lecteurs pour leurs revues. Ces der
1423 personnalistes. Ils réunirent quelques centaines d’ adhérents, quelques milliers de lecteurs pour leurs revues. Ces derniè
1424 éunirent quelques centaines d’adhérents, quelques milliers de lecteurs pour leurs revues. Ces dernières n’étaient pas d’une lect
1425 quelques centaines d’adhérents, quelques milliers de lecteurs pour leurs revues. Ces dernières n’étaient pas d’une lecture
1426 rs pour leurs revues. Ces dernières n’étaient pas d’ une lecture très facile. On y parlait beaucoup de l’engagement — un mo
1427 epuis dans d’autres bouches. On y faisait surtout de la doctrine. On s’attachait à définir cette conception fondamentale d
1428 attachait à définir cette conception fondamentale de l’homme que l’on baptisait la personne — l’homme « à la fois libre et
1429 politique sans droits. Mais puisqu’il s’agissait de s’engager, on s’appliquait à tirer de la doctrine ses conséquences po
1430 s’agissait de s’engager, on s’appliquait à tirer de la doctrine ses conséquences politiques et sociales, et c’est ainsi q
1431 us formions ce qu’on appelle avec un peu de pitié de « petits groupes d’intellectuels ». Survint la Seconde Guerre mondial
1432 appelle avec un peu de pitié de « petits groupes d’ intellectuels ». Survint la Seconde Guerre mondiale et l’occupation de
1433 urvint la Seconde Guerre mondiale et l’occupation de l’Europe. On put croire un moment que tout notre travail allait être
1434 our toujours. C’était compter sans les mouvements de Résistance. Dans les réseaux clandestins, dans les camps, dans les jo
1435 opularisaient, nos livres et nos revues passaient de main en main. Les événements que nous avions prévus parlaient pour no
1436 nous, en dépit de toutes les censures. Et l’idée d’ un avenir fédéraliste de l’Europe devenait, pour beaucoup, le symbole
1437 s les censures. Et l’idée d’un avenir fédéraliste de l’Europe devenait, pour beaucoup, le symbole de l’espoir à l’horizon
1438 e de l’Europe devenait, pour beaucoup, le symbole de l’espoir à l’horizon de la Libération11. C’est pourquoi, dès l’année
1439 pour beaucoup, le symbole de l’espoir à l’horizon de la Libération11. C’est pourquoi, dès l’année 1945, on vit surgir dans
1440 n de la Libération11. C’est pourquoi, dès l’année 1945, on vit surgir dans toute l’Europe un pullulement de petits groupes fé
1441 on vit surgir dans toute l’Europe un pullulement de petits groupes fédéralistes. On y retrouvait toutes les nuances polit
1442 s, nationales et religieuses qui font la richesse de l’Europe, et qui la rendent si difficile à gouverner. La première tâ
1443 erner. La première tâche qui s’imposait, c’était de fédérer tous ces fédéralistes dispersés. Dès 1946, ce fut chose faite
1444 t de fédérer tous ces fédéralistes dispersés. Dès 1946, ce fut chose faite : l’Union européenne des fédéralistes se constitua
1445 se constituait et pouvait convoquer pour le mois d’ août 1947, à Montreux, son premier congrès. Qu’étions-nous à l’époque,
1446 stituait et pouvait convoquer pour le mois d’août 1947, à Montreux, son premier congrès. Qu’étions-nous à l’époque, il y a un
1447 demi ? Cent-cinquante à deux-cents délégués venus d’ une dizaine de pays, et représentant une cinquantaine d’associations d
1448 Cent-cinquante à deux-cents délégués venus d’une dizaine de pays, et représentant une cinquantaine d’associations de toutes le
1449 nquante à deux-cents délégués venus d’une dizaine de pays, et représentant une cinquantaine d’associations de toutes les t
1450 dizaine de pays, et représentant une cinquantaine d’ associations de toutes les tailles, dont plusieurs n’étaient guère qu’
1451 , et représentant une cinquantaine d’associations de toutes les tailles, dont plusieurs n’étaient guère qu’un nom abstrait
1452 bitieux, comme par exemple : Comité international d’ amitié, ou Front humain des citoyens du Monde… Nous nous sentions ento
1453 s du Monde… Nous nous sentions entourés à la fois de sympathies faciles et d’un scepticisme profond. Devant la tâche urgen
1454 tions entourés à la fois de sympathies faciles et d’ un scepticisme profond. Devant la tâche urgente, mais qui pouvait para
1455 he urgente, mais qui pouvait paraître surhumaine, de fédérer l’Europe, c’est-à-dire de mettre sur pied, contre vents et ma
1456 tre surhumaine, de fédérer l’Europe, c’est-à-dire de mettre sur pied, contre vents et marées, des institutions continental
1457 ents et marées, des institutions continentales et de les faire admettre par les États, nous n’étions qu’une poignée d’homm
1458 ettre par les États, nous n’étions qu’une poignée d’ hommes de bonne volonté, remarquablement dépourvus de moyens matériels
1459 les États, nous n’étions qu’une poignée d’hommes de bonne volonté, remarquablement dépourvus de moyens matériels, presque
1460 ommes de bonne volonté, remarquablement dépourvus de moyens matériels, presque sans troupes derrière nous, et sans aucun a
1461 ur faire l’Europe, tout simplement. On s’étonnera de la part que je viens de faire à la doctrine personnaliste dans la gen
1462 faire à la doctrine personnaliste dans la genèse de nos mouvements. Il est vrai que beaucoup de petits groupes qui se for
1463 mouvement vers l’Europe unie, à partir du congrès de Montreux jusqu’à ceux de La Haye, de Rome et, tout récemment, de Brux
1464 nie, à partir du congrès de Montreux jusqu’à ceux de La Haye, de Rome et, tout récemment, de Bruxelles. Parmi bien d’autre
1465 r du congrès de Montreux jusqu’à ceux de La Haye, de Rome et, tout récemment, de Bruxelles. Parmi bien d’autres influences
1466 qu’à ceux de La Haye, de Rome et, tout récemment, de Bruxelles. Parmi bien d’autres influences conjuguées, celle-ci demeur
1467 lus constante et la plus aisément discernable. De Montreux à Bruxelles Le congrès de Montreux n’était pas terminé qu
1468 ernable. De Montreux à Bruxelles Le congrès de Montreux n’était pas terminé que l’idée naissait parmi nous d’en élar
1469 ’était pas terminé que l’idée naissait parmi nous d’ en élargir l’action en convoquant, pour le printemps de l’année suivan
1470 élargir l’action en convoquant, pour le printemps de l’année suivante, des états généraux de l’Europe. Sur-le-champ, des a
1471 printemps de l’année suivante, des états généraux de l’Europe. Sur-le-champ, des accords furent esquissés avec les représe
1472 eprésentants d’autres mouvements venus en qualité d’ observateurs. Les envoyés du United Europe Committee nous informèrent
1473 urope Committee nous informèrent que le président de ce groupement, Winston Churchill, avait également l’intention de conv
1474 t, Winston Churchill, avait également l’intention de convoquer un « Congrès de l’Europe ». Il ne s’agissait pas, dans son
1475 t également l’intention de convoquer un « Congrès de l’Europe ». Il ne s’agissait pas, dans son esprit, d’une entreprise «
1476 ’Europe ». Il ne s’agissait pas, dans son esprit, d’ une entreprise « fédéraliste » au sens précis, mais plutôt d’une actio
1477 prise « fédéraliste » au sens précis, mais plutôt d’ une action de propagande destinée à faciliter cette « union » des État
1478 aliste » au sens précis, mais plutôt d’une action de propagande destinée à faciliter cette « union » des États de l’Europe
1479 Churchill avait réclamée dans son grand discours de Zurich. C’est de ces deux initiatives indépendantes, et de leur renco
1480 réclamée dans son grand discours de Zurich. C’est de ces deux initiatives indépendantes, et de leur rencontre à Montreux,
1481 e dans son grand discours de Zurich. C’est de ces deux initiatives indépendantes, et de leur rencontre à Montreux, que devai
1482 . C’est de ces deux initiatives indépendantes, et de leur rencontre à Montreux, que devait sortir le congrès de La Haye. D
1483 encontre à Montreux, que devait sortir le congrès de La Haye. Dès l’automne 1947, un Comité de coordination des mouvements
1484 evait sortir le congrès de La Haye. Dès l’automne 1947, un Comité de coordination des mouvements pour l’union de l’Europe dre
1485 congrès de La Haye. Dès l’automne 1947, un Comité de coordination des mouvements pour l’union de l’Europe dressait les pla
1486 omité de coordination des mouvements pour l’union de l’Europe dressait les plans de travail pour La Haye. Il groupait les
1487 ments pour l’union de l’Europe dressait les plans de travail pour La Haye. Il groupait les quatre organisations suivantes 
1488 es plans de travail pour La Haye. Il groupait les quatre organisations suivantes : Union européenne des fédéralistes (présiden
1489 ope Committee (W. Churchill) ; Ligue indépendante de coopération économique (Paul van Zeeland) ; Comité français pour l’Eu
1490 ement socialiste pour les États-Unis d’Europe. Le 7 mai 1948, dans la Salle des chevaliers du Parlement néerlandais, s’ou
1491 socialiste pour les États-Unis d’Europe. Le 7 mai 1948, dans la Salle des chevaliers du Parlement néerlandais, s’ouvrait le C
1492 rs du Parlement néerlandais, s’ouvrait le Congrès de l’Europe. Nous étions cette fois-ci plus de huit-cents délégués, parm
1493 ngrès de l’Europe. Nous étions cette fois-ci plus de huit-cents délégués, parmi lesquels des ex-Premiers ministres tels qu
1494 que Churchill, Ramadier, Reynaud et van Zeeland, soixante ministres et anciens ministres, près de deux-cents députés aux divers
1495 ivains, des professeurs et des évêques, ainsi que de nombreux représentants des mouvements féminins et universitaires. Tro
1496 ntants des mouvements féminins et universitaires. Trois résolutions furent votées : économique, politique et culturelle. La r
1497 prévoyait, comme prochaine étape, la convocation d’ une Assemblée européenne, dont les membres seraient élus « dans leur s
1498 au point très rapidement, au lendemain du congrès de La Haye. Par l’intermédiaire de M. Bidault, il fut présenté à la réun
1499 réunion des ministres des Affaires étrangères des cinq pays signataires du pacte de Bruxelles. Le 18 août notre Mémorandum s
1500 res étrangères des cinq pays signataires du pacte de Bruxelles. Le 18 août notre Mémorandum sur l’Assemblée européenne se
1501 s cinq pays signataires du pacte de Bruxelles. Le 18 août notre Mémorandum sur l’Assemblée européenne se voyait accepté sa
1502 nt belge. Quelques semaines plus tard, à la suite d’ une décision des Cinq et sur la demande réitérée de nos mouvements, un
1503 semaines plus tard, à la suite d’une décision des Cinq et sur la demande réitérée de nos mouvements, une conférence restrein
1504 ’une décision des Cinq et sur la demande réitérée de nos mouvements, une conférence restreinte de dix-huit ministres et ex
1505 érée de nos mouvements, une conférence restreinte de dix-huit ministres et experts était convoquée à Paris, aux fins d’étu
1506 e de nos mouvements, une conférence restreinte de dix-huit ministres et experts était convoquée à Paris, aux fins d’étudier la c
1507 tres et experts était convoquée à Paris, aux fins d’ étudier la constitution d’un Parlement et d’un Conseil des ministres e
1508 oquée à Paris, aux fins d’étudier la constitution d’ un Parlement et d’un Conseil des ministres européens. Le 28 janvier 19
1509 fins d’étudier la constitution d’un Parlement et d’ un Conseil des ministres européens. Le 28 janvier 1949, la conférence
1510 ement et d’un Conseil des ministres européens. Le 28 janvier 1949, la conférence aboutissait à un premier accord, et pouva
1511 un Conseil des ministres européens. Le 28 janvier 1949, la conférence aboutissait à un premier accord, et pouvait annoncer la
1512 accord, et pouvait annoncer la création prochaine d’ un Conseil de l’Europe, comprenant d’une part un Comité de ministres,
1513 seil de l’Europe, comprenant d’une part un Comité de ministres, d’autre part un Corps consultatif, dont les attributions r
1514 ursuivions bien d’autres tâches : l’élargissement de nos mouvements et leur liaison, l’étude juridique des institutions à
1515 juridique des institutions à créer, la formation d’ un Centre européen de la culture et de nombreux travaux économiques. A
1516 a formation d’un Centre européen de la culture et de nombreux travaux économiques. Au début de novembre 1948, l’Union euro
1517 ture et de nombreux travaux économiques. Au début de novembre 1948, l’Union européenne des fédéralistes réunissait à Rome
1518 ombreux travaux économiques. Au début de novembre 1948, l’Union européenne des fédéralistes réunissait à Rome son deuxième co
1519 us avions tenu nos séances dans une modeste salle d’ hôtel. À Rome, on nous offrit le palais de Venise et toutes ses salles
1520 e salle d’hôtel. À Rome, on nous offrit le palais de Venise et toutes ses salles immenses, restées vides depuis la fuite d
1521 vides depuis la fuite du dernier locataire. L’une de nos commissions siégeait dans le cabinet de travail du dictateur, et
1522 L’une de nos commissions siégeait dans le cabinet de travail du dictateur, et les séances plénières eurent lieu dans la sa
1523 alle même du Grand Conseil fasciste, sur les murs de laquelle on avait substitué aux faisceaux de licteur les grandes lett
1524 murs de laquelle on avait substitué aux faisceaux de licteur les grandes lettres du mot Europe. Le congrès fut inauguré en
1525 e tous les ministres par un discours du président de la République, lui-même fédéraliste convaincu. Le comte Sforza vint à
1526 nduite par les fédéralistes. Peu avant le congrès de Rome, le Comité de coordination des groupements militant pour l’union
1527 ralistes. Peu avant le congrès de Rome, le Comité de coordination des groupements militant pour l’union de l’Europe avait
1528 oordination des groupements militant pour l’union de l’Europe avait pris le nom de Mouvement européen, ses quatre présiden
1529 litant pour l’union de l’Europe avait pris le nom de Mouvement européen, ses quatre présidents d’honneur étant Léon Blum,
1530 rope avait pris le nom de Mouvement européen, ses quatre présidents d’honneur étant Léon Blum, Winston Churchill, Alcide de Ga
1531 nom de Mouvement européen, ses quatre présidents d’ honneur étant Léon Blum, Winston Churchill, Alcide de Gasperi et Paul-
1532 n : « Qu’a-t-on fait jusqu’ici pour la fédération de l’Europe ? » cet historique succinct permet donc de répondre : nous a
1533 l’Europe ? » cet historique succinct permet donc de répondre : nous avons lancé un mouvement, nous avons conjugué les eff
1534 vement, nous avons conjugué les efforts entrepris de tous côtés par des tendances diverses, et nous sommes parvenus, plus
1535 u’un rêve il y a un siècle, qu’une théorie il y a quinze ans, qu’une espérance pendant la guerre, est aujourd’hui discuté par
1536 nistères, comme quelque chose qu’il faut réaliser d’ urgence, et qui a les plus grandes chances de se réaliser. Nous sommes
1537 iser d’urgence, et qui a les plus grandes chances de se réaliser. Nous sommes donc arrivés à pied d’œuvre. Ici commence la
1538 s de se réaliser. Nous sommes donc arrivés à pied d’ œuvre. Ici commence la bataille décisive. Objectifs immédiats L’
1539 par la propagande ou les travaux spécialisés des six mouvements qui le composent, va se porter au cours des mois prochains
1540 ent, va se porter au cours des mois prochains sur quatre points : Assemblée, Cour des droits de l’homme, mesures économiques,
1541 es droits de l’homme, mesures économiques, Centre de la culture. Décrivons rapidement les forces en présence : nos plans,
1542 listes ayant fait triompher à La Haye le principe d’ une représentation aussi large que possible non seulement des parlemen
1543 rtis politiques), mais aussi des « forces vives » de chaque nation (syndicats, religions, universités, etc.), le Mouvement
1544 n défendit ce point de vue dans son mémorandum du 18 août 1948. C’est ce que la presse nomme aujourd’hui, en simplifiant u
1545 it ce point de vue dans son mémorandum du 18 août 1948. C’est ce que la presse nomme aujourd’hui, en simplifiant un peu, la p
1546 chose qu’au « Corps consultatif » accepté par les Cinq  : à l’Assemblée constituante de l’Europe, qui pourra seule contraindr
1547 accepté par les Cinq : à l’Assemblée constituante de l’Europe, qui pourra seule contraindre les États à s’incliner devant
1548 ues. La position dite britannique (en fait, celle de M. Bevin) tend, au contraire, à réduire l’Assemblée au rôle purement
1549 réduire l’Assemblée au rôle purement consultatif d’ un petit Congrès d’experts nommés par les gouvernements. Tout le pouvo
1550 e au rôle purement consultatif d’un petit Congrès d’ experts nommés par les gouvernements. Tout le pouvoir, dans ce cas, re
1551 dans ce cas, reviendrait aux ministres. Essayons de comprendre une attitude qui risque de se confondre, aux yeux de nos m
1552 s. Essayons de comprendre une attitude qui risque de se confondre, aux yeux de nos militants, avec une volonté sournoise d
1553 yeux de nos militants, avec une volonté sournoise de sabotage. Les Britanniques respectent leur gouvernement. Ils pensent
1554 On sait qu’une Charte des droits de l’homme vient d’ être adoptée par l’ONU. Elle restera malheureusement inopérante tant q
1555 nt souverains. Car c’est la protection des droits de la personne et des droits des minorités contre l’État qu’il s’agit de
1556 s droits des minorités contre l’État qu’il s’agit de sauvegarder aujourd’hui. Et cela suppose l’institution d’une Cour sup
1557 garder aujourd’hui. Et cela suppose l’institution d’ une Cour suprême, c’est-à-dire d’une instance supérieure aux États, do
1558 se l’institution d’une Cour suprême, c’est-à-dire d’ une instance supérieure aux États, dotée des pouvoirs nécessaires pour
1559 ernational du Mouvement européen, dans sa réunion de Bruxelles, a recommandé que soit créée, par convention entre les État
1560 oit créée, par convention entre les États membres de l’union européenne, une Cour des droits de l’homme et une Commission
1561 une Cour des droits de l’homme et une Commission d’ enquête indépendante des gouvernements. Ces deux organes formeraient l
1562 ion d’enquête indépendante des gouvernements. Ces deux organes formeraient le noyau d’un véritable pouvoir fédéral. Il me pa
1563 vernements. Ces deux organes formeraient le noyau d’ un véritable pouvoir fédéral. Il me paraît clair qu’ils impliquent la
1564 Il me paraît clair qu’ils impliquent la création d’ une force de police fédérale. Car enfin, de quoi s’agit-il, sinon de c
1565 t clair qu’ils impliquent la création d’une force de police fédérale. Car enfin, de quoi s’agit-il, sinon de créer un trib
1566 éation d’une force de police fédérale. Car enfin, de quoi s’agit-il, sinon de créer un tribunal devant lequel puisse être
1567 ice fédérale. Car enfin, de quoi s’agit-il, sinon de créer un tribunal devant lequel puisse être déféré, le cas échéant, t
1568 t pas abouti. La sagesse des experts, dans chacun de nos pays, se réduit au conseil classique : augmenter les exportations
1569 l classique : augmenter les exportations. L’homme de la rue s’étonne de voir cette farce rééditée chaque jour avec tant de
1570 nter les exportations. L’homme de la rue s’étonne de voir cette farce rééditée chaque jour avec tant de gravité. Il se dit
1571 evient importation chez le voisin. Une conférence d’ économistes européens, convoquée pour le mois d’avril à Westminster, e
1572 e d’économistes européens, convoquée pour le mois d’ avril à Westminster, essaiera de dépasser le plan des absurdités offic
1573 quée pour le mois d’avril à Westminster, essaiera de dépasser le plan des absurdités officielles. Parmi les mesures que dé
1574 ogressif des barrières douanières, l’instauration d’ une monnaie européenne, la création d’une régie fédérale des houillère
1575 nstauration d’une monnaie européenne, la création d’ une régie fédérale des houillères (solution du problème de la Ruhr). O
1576 gie fédérale des houillères (solution du problème de la Ruhr). On doit attendre avec curiosité le résultat des discussions
1577 tendre avec curiosité le résultat des discussions de notre section économique, si l’on songe qu’elle a pu réunir, sous le
1578 si l’on songe qu’elle a pu réunir, sous le signe de l’Europe, des hommes aussi divers que le dirigiste André Philip, le l
1579 ante, un sentiment commun auquel il soit possible de faire appel dès maintenant, une civilisation occidentale. Réveiller,
1580 e. Réveiller, exprimer, informer cette conscience de notre unité dans la richesse de nos diversités, telle doit être, avan
1581 cette conscience de notre unité dans la richesse de nos diversités, telle doit être, avant tout comme après tout, la voca
1582 it être, avant tout comme après tout, la vocation de notre Mouvement européen. S’il ne mettait la culture à sa place, qui
1583 est à la fois primordiale et finale, il cesserait de mériter l’adjectif de son titre. C’est pourquoi le congrès de La Haye
1584 ale et finale, il cesserait de mériter l’adjectif de son titre. C’est pourquoi le congrès de La Haye a réclamé l’instituti
1585 ’adjectif de son titre. C’est pourquoi le congrès de La Haye a réclamé l’institution rapide d’un Centre européen de la cul
1586 congrès de La Haye a réclamé l’institution rapide d’ un Centre européen de la culture, capable de « donner une voix à la co
1587 apide d’un Centre européen de la culture, capable de « donner une voix à la conscience de l’Europe et des peuples qui lui
1588 ure, capable de « donner une voix à la conscience de l’Europe et des peuples qui lui sont associés ». Il ne s’agit nulleme
1589 s qui lui sont associés ». Il ne s’agit nullement de fomenter on ne sait quel nationalisme européen, mais au contraire de
1590 ux yeux du monde entier : une certaine conception de la personne humaine et de ses libertés fondamentales, antérieures et
1591 une certaine conception de la personne humaine et de ses libertés fondamentales, antérieures et supérieures à l’État ; un
1592 ieures et supérieures à l’État ; un certain refus de l’uniformité, un certain sens du dialogue permanent, condition de not
1593 un certain sens du dialogue permanent, condition de notre liberté ; une manière de « chercher à comprendre » qui est notr
1594 rmanent, condition de notre liberté ; une manière de « chercher à comprendre » qui est notre forme intime de résistance au
1595 hercher à comprendre » qui est notre forme intime de résistance aux mises au pas totalitaires… De tous côtés surgissent, d
1596 time de résistance aux mises au pas totalitaires… De tous côtés surgissent, dans nos divers pays, des instituts qui veulen
1597 . Coordonner toutes ces initiatives dans le cadre d’ un grand mouvement qui leur donnera le moyen de concourir à l’édificat
1598 re d’un grand mouvement qui leur donnera le moyen de concourir à l’édification d’un ordre libre ; former une opinion europ
1599 eur donnera le moyen de concourir à l’édification d’ un ordre libre ; former une opinion européenne ; offrir un lieu de ren
1600  ; former une opinion européenne ; offrir un lieu de rencontres à nos meilleurs esprits, ce sont là quelques-unes des ambi
1601 qui s’ouvrira bientôt en Suisse. ⁂ Il n’est point d’ ordre économique possible sans une volonté préalable de mise en ordre
1602 re économique possible sans une volonté préalable de mise en ordre politique. Il n’est point d’ordre politique qui serve l
1603 alable de mise en ordre politique. Il n’est point d’ ordre politique qui serve l’homme, s’il n’est orienté dès le départ pa
1604 ue c’est Dewey qui sera élu), parce qu’une équipe de véritables résistants — ceux qui résistent à la fatalité — l’auront v
1605 . Contre vents et marées, contre tous les experts de son équipe, il se mit en route pour la joindre. Mais nous, quel conti
1606 el continent nouveau, tout imprévu, risquons-nous d’ aborder ? Et quel bonheur, auquel il suffirait peut-être d’oser croire
1607  ? Et quel bonheur, auquel il suffirait peut-être d’ oser croire ? Se peut-il que ce soit tout simplement l’Europe, redécou
1608 out simplement l’Europe, redécouverte à la faveur de son union ? Une Europe rajeunie qui deviendrait soudain, pour nos yeu
1609 dain, pour nos yeux étonnés, la Terre promise. 11. Voir le recueil de documents intitulés L’Europe de demain (La Baconni
1610 étonnés, la Terre promise. 11. Voir le recueil de documents intitulés L’Europe de demain (La Baconnière) qui groupe les
1611 . Voir le recueil de documents intitulés L’Europe de demain (La Baconnière) qui groupe les déclarations fédéralistes des m
1612 oupe les déclarations fédéralistes des mouvements de la Résistance dans neuf pays. e. Rougemont Denis de, « Le Mouvement
1613 fédéralistes des mouvements de la Résistance dans neuf pays. e. Rougemont Denis de, « Le Mouvement européen », La Revue de
1614 a Résistance dans neuf pays. e. Rougemont Denis de , « Le Mouvement européen », La Revue de Paris, Paris, avril 1949, p. 
1615 ont Denis de, « Le Mouvement européen », La Revue de Paris, Paris, avril 1949, p. 76-84.
1616 ement européen », La Revue de Paris, Paris, avril 1949, p. 76-84.
5 1949, La Revue de Paris, articles (1937–1969). Découverte de l’Europe (octobre 1949)
1617 Découverte de l’Europe (octobre 1949)f Il n’est pas facile d’être actuel. Il y f
1618 Découverte de l’Europe (octobre 1949 )f Il n’est pas facile d’être actuel. Il y faut parfois du génie. G
1619 e l’Europe (octobre 1949)f Il n’est pas facile d’ être actuel. Il y faut parfois du génie. Goethe écrit à Valmy : « De c
1620 y faut parfois du génie. Goethe écrit à Valmy : «  De ce lieu, de ce jour, sera datée une ère nouvelle. » Mais ce jour-là,
1621 is du génie. Goethe écrit à Valmy : « De ce lieu, de ce jour, sera datée une ère nouvelle. » Mais ce jour-là, il est le se
1622 près de deux-mille ans qu’on la connaît : la mort d’ un Juif obscur, près de Jérusalem, a fait moins de bruit, en son temps
1623 d’un Juif obscur, près de Jérusalem, a fait moins de bruit, en son temps, que la visite de Bartali, coureur cycliste, au V
1624 fait moins de bruit, en son temps, que la visite de Bartali, coureur cycliste, au Vatican. Il serait donc vain de s’étonn
1625 coureur cycliste, au Vatican. Il serait donc vain de s’étonner que le Tour de France ait damé le pion de l’« actualité » à
1626 can. Il serait donc vain de s’étonner que le Tour de France ait damé le pion de l’« actualité » à la première Assemblée de
1627 s’étonner que le Tour de France ait damé le pion de l’« actualité » à la première Assemblée de l’Europe, qui s’ouvrit à S
1628 semblée de l’Europe, qui s’ouvrit à Strasbourg le 10 août, en pleines vacances de l’opinion publique. Pourtant les journal
1629 vrit à Strasbourg le 10 août, en pleines vacances de l’opinion publique. Pourtant les journalistes étaient présents. On di
1630 étaient présents. On dit même qu’ils furent plus de cinq-cents. Et bien d’autres ont jugé Strasbourg dans les éditoriaux
1631 é Strasbourg dans les éditoriaux du monde entier, d’ autant plus librement qu’ils n’y étaient pas allés. L’événement s’est
1632 és. L’événement s’est donc vu noyé sous un déluge de clichés contradictoires. Assembleurs de nuées ou mesures terre à terr
1633 un déluge de clichés contradictoires. Assembleurs de nuées ou mesures terre à terre, festival oratoire ou ternes discussio
1634 tion dangereuse ou lenteurs désespérantes, ou les deux à la fois, souvent dans le même article. Que l’Assemblée se soit mont
1635 prématurée, c’est ce que personne ne sera capable de déduire des milliers de coupures de presse où figure le nom de Strasb
1636 st ce que personne ne sera capable de déduire des milliers de coupures de presse où figure le nom de Strasbourg. Une seule opini
1637 personne ne sera capable de déduire des milliers de coupures de presse où figure le nom de Strasbourg. Une seule opinion
1638 sera capable de déduire des milliers de coupures de presse où figure le nom de Strasbourg. Une seule opinion générale se
1639 s milliers de coupures de presse où figure le nom de Strasbourg. Une seule opinion générale se dégage de ce flot d’imprimé
1640 Strasbourg. Une seule opinion générale se dégage de ce flot d’imprimés : et c’est que l’opinion, précisément, serait deme
1641 . Une seule opinion générale se dégage de ce flot d’ imprimés : et c’est que l’opinion, précisément, serait demeurée indiff
1642 . Que s’est-il passé à Strasbourg ? Quelque chose d’ assez neuf, il faut le croire, pour que la presse n’ait pas su l’enreg
1643 est-il passé à Strasbourg ? Quelque chose d’assez neuf , il faut le croire, pour que la presse n’ait pas su l’enregistrer, si
1644 on par les oscillations que je viens de rappeler, d’ un bout à l’autre du champ des clichés. ⁂ La réunion de cent-un député
1645 bout à l’autre du champ des clichés. ⁂ La réunion de cent-un députés, régulièrement élus par les parlements de douze pays,
1646 un députés, régulièrement élus par les parlements de douze pays, matérialisa le 10 août les efforts développés depuis quel
1647 députés, régulièrement élus par les parlements de douze pays, matérialisa le 10 août les efforts développés depuis quelques a
1648 par les parlements de douze pays, matérialisa le 10 août les efforts développés depuis quelques années par les mouvements
1649 e devait marquer — comme je l’ai dit ici, au mois d’ avril — le vrai début de la bataille décisive. Il était raisonnable de
1650 je l’ai dit ici, au mois d’avril — le vrai début de la bataille décisive. Il était raisonnable de prévoir que la première
1651 but de la bataille décisive. Il était raisonnable de prévoir que la première session serait consacrée à des questions de p
1652 première session serait consacrée à des questions de procédure, car les statuts du Conseil de l’Europe étaient loin d’assu
1653 r les statuts du Conseil de l’Europe étaient loin d’ assurer au Corps consultatif son minimum vital d’autonomie. Avant d’ag
1654 d’assurer au Corps consultatif son minimum vital d’ autonomie. Avant d’agir, il fallait mettre en place un dispositif de c
1655 consultatif son minimum vital d’autonomie. Avant d’ agir, il fallait mettre en place un dispositif de combat, tout d’abord
1656 d’agir, il fallait mettre en place un dispositif de combat, tout d’abord obtenir que le Comité des ministres ne dicte pas
1657 Comité des ministres ne dicte pas l’ordre du jour de l’Assemblée ; constituer des commissions permanentes ; délimiter une
1658 oder la machine et vérifier le jeu des commandes. De fait, une semaine a suffi pour réussir ces différentes opérations, et
1659 différentes opérations, et même pour écarter les deux dangers majeurs qui guettaient la jeune Assemblée. Le premier eût con
1660 rs se sont, au contraire, divisés publiquement en deux groupes à peu près égaux, conservateurs et libéraux d’une part, Labou
1661 aux, conservateurs et libéraux d’une part, Labour de l’autre (à deux ou trois exceptions près). Mais cette manière d’évite
1662 eurs et libéraux d’une part, Labour de l’autre (à deux ou trois exceptions près). Mais cette manière d’éviter le danger « na
1663 libéraux d’une part, Labour de l’autre (à deux ou trois exceptions près). Mais cette manière d’éviter le danger « national »
1664 eux ou trois exceptions près). Mais cette manière d’ éviter le danger « national » risquait d’en créer un nouveau : le cliv
1665 manière d’éviter le danger « national » risquait d’ en créer un nouveau : le clivage horizontal de l’Assemblée selon les a
1666 ait d’en créer un nouveau : le clivage horizontal de l’Assemblée selon les affinités des partis, par-dessus les frontières
1667 us à former un front uni des gauches, sur le plan de l’Europe. Dès les premières interventions sur le fond du débat, c’est
1668 buts et les méthodes du Conseil de l’Europe, les deux conceptions qui se sont affrontées n’ont pas été la gauche et la droi
1669 nuées, que dans le plan économique, sous les noms de libéralisme et de dirigisme.) Que veulent les unionistes ? L’Europe u
1670 plan économique, sous les noms de libéralisme et de dirigisme.) Que veulent les unionistes ? L’Europe unie, bien sûr. Mai
1671 s pas trop vite, ni trop précisément… Ils parlent de prudence, d’étapes préparatoires. Step by step reste leur devise. À l
1672 te, ni trop précisément… Ils parlent de prudence, d’ étapes préparatoires. Step by step reste leur devise. À les en croire,
1673 sont encore indifférents ou hostiles aux travaux de Strasbourg, il faut éviter à tout prix de se porter en avant sans leu
1674 travaux de Strasbourg, il faut éviter à tout prix de se porter en avant sans leur soutien. On serait tenté d’accuser ces p
1675 orter en avant sans leur soutien. On serait tenté d’ accuser ces prudents de scepticisme impénitent. En vérité, ils me semb
1676 r soutien. On serait tenté d’accuser ces prudents de scepticisme impénitent. En vérité, ils me semblent pécher, bien au co
1677 , par optimisme. Et les fédéralistes ont beau jeu de leur répondre : où prendrez-vous le temps d’être prudents ? Si nous c
1678 jeu de leur répondre : où prendrez-vous le temps d’ être prudents ? Si nous craignons d’aller trop vite, aux yeux de l’exp
1679 vous le temps d’être prudents ? Si nous craignons d’ aller trop vite, aux yeux de l’expérience d’autres époques et d’une sa
1680 ite, aux yeux de l’expérience d’autres époques et d’ une sagesse bien éprouvée (dans tous les sens de l’adjectif), on ne no
1681 t d’une sagesse bien éprouvée (dans tous les sens de l’adjectif), on ne nous laissera pas même le temps de partir. Le plan
1682 ’adjectif), on ne nous laissera pas même le temps de partir. Le plan Marshall se termine dans deux ans. La crise économiqu
1683 temps de partir. Le plan Marshall se termine dans deux ans. La crise économique s’aggrave très rapidement (sans nulle pruden
1684 ave très rapidement (sans nulle prudence !) faute d’ unité dans nos programmes de redressement. Et les menaces de guerre so
1685 lle prudence !) faute d’unité dans nos programmes de redressement. Et les menaces de guerre sont là. Demandez à l’opinion
1686 ns nos programmes de redressement. Et les menaces de guerre sont là. Demandez à l’opinion si elle est mûre pour la guerre 
1687 on vrai nom : fédération. Les progrès surprenants de l’idée fédéraliste parmi les députés européens sont attestés par un f
1688 s affaires générales, élue par l’Assemblée dès le 20 août, s’est engagée sans le moindre délai, dans l’étude des structure
1689 e des structures politiques nécessaires à l’union de l’Europe. C’est dire que la question centrale posée par les fédéralis
1690 estion centrale posée par les fédéralistes, celle d’ un gouvernement au-dessus des États, n’a pas pu être refoulée plus de
1691 u-dessus des États, n’a pas pu être refoulée plus de dix jours, malgré les efforts conjugués des unionistes nordiques et d
1692 essus des États, n’a pas pu être refoulée plus de dix jours, malgré les efforts conjugués des unionistes nordiques et des m
1693 s nordiques et des ministres, malgré les conseils de lenteur, de sagesse, de prudence, etc., prodigués (en anglais général
1694 et des ministres, malgré les conseils de lenteur, de sagesse, de prudence, etc., prodigués (en anglais généralement) aux d
1695 tres, malgré les conseils de lenteur, de sagesse, de prudence, etc., prodigués (en anglais généralement) aux députés europ
1696 Dès sa prochaine session, l’Assemblée sera saisie d’ un plan dont le président de la Commission, M. Bidault, peut déjà décl
1697 Assemblée sera saisie d’un plan dont le président de la Commission, M. Bidault, peut déjà déclarer qu’il s’orientera nette
1698 t M. Churchill peut à la fois lutter pour l’union de l’Europe et déclarer qu’on ne touchera pas à ces sacro-saintes souver
1699 lème qui passe ainsi au premier rang, c’est celui de la source et des fondements du pouvoir fédéral de demain. Dans les co
1700 de la source et des fondements du pouvoir fédéral de demain. Dans les couloirs et les clubs de Strasbourg, on a pu voir se
1701 fédéral de demain. Dans les couloirs et les clubs de Strasbourg, on a pu voir se former deux écoles. La première tient le
1702 t les clubs de Strasbourg, on a pu voir se former deux écoles. La première tient le Comité des ministres pour le germe du fu
1703 des ministres pour le germe du futur gouvernement de l’Europe. Car les ministres, observe-t-on, sont les seuls à détenir u
1704 parce que certains pionniers ont ignoré ce genre de raisonnements, qui voudraient faire passer pour réalisme la soumissio
1705 xtaposition n’irait-elle point créer, sur le plan de l’Europe, un danger pire que l’absence de pouvoir, une sorte de frein
1706 le plan de l’Europe, un danger pire que l’absence de pouvoir, une sorte de frein automatique, un véritable anti-pouvoir, q
1707 n danger pire que l’absence de pouvoir, une sorte de frein automatique, un véritable anti-pouvoir, qu’il s’agirait alors d
1708 un véritable anti-pouvoir, qu’il s’agirait alors de renverser pour établir l’union réelle ? La seconde école, celle des f
1709 devrait former la Chambre haute (Sénat ou Conseil d’ États). La Commission permanente de vingt-huit membres, élue par cette
1710 nat ou Conseil d’États). La Commission permanente de vingt-huit membres, élue par cette double Assemblée, pourrait alors p
1711 ou Conseil d’États). La Commission permanente de vingt-huit membres, élue par cette double Assemblée, pourrait alors préfigurer l
1712 lée, pourrait alors préfigurer le Cabinet fédéral de l’Union. Sans préjuger de l’issue d’un tel débat, l’on peut voir dès
1713 urer le Cabinet fédéral de l’Union. Sans préjuger de l’issue d’un tel débat, l’on peut voir dès maintenant dans le seul fa
1714 inet fédéral de l’Union. Sans préjuger de l’issue d’ un tel débat, l’on peut voir dès maintenant dans le seul fait qu’il ai
1715 enant dans le seul fait qu’il ait lieu, la preuve d’ une très rapide évolution. Les dirigeants de notre Mouvement européen
1716 reuve d’une très rapide évolution. Les dirigeants de notre Mouvement européen n’osaient pas espérer que la question capita
1717 nt, dans un délai aussi réduit. Ils sont en droit de montrer quelque fierté, lorsqu’ils passent en revue les objectifs qu’
1718 confrontent avec les résultats atteints au terme de la première session de l’Assemblée. Celle-ci a conquis tout d’abord l
1719 ésultats atteints au terme de la première session de l’Assemblée. Celle-ci a conquis tout d’abord la liberté de fixer ses
1720 mblée. Celle-ci a conquis tout d’abord la liberté de fixer ses ordres du jour. Elle a voté, malgré l’opposition du Comité
1721 ré l’opposition du Comité ministériel la création d’ une Cour européenne des droits de l’homme, pouvoir supérieur aux États
1722 ns permanentes pour étudier l’instauration rapide d’ une autorité politique supranationale, d’un Conseil économique et soci
1723 n rapide d’une autorité politique supranationale, d’ un Conseil économique et social, d’un passeport européen, d’un Centre
1724 upranationale, d’un Conseil économique et social, d’ un passeport européen, d’un Centre européen de la culture (déjà en voi
1725 il économique et social, d’un passeport européen, d’ un Centre européen de la culture (déjà en voie de formation à Genève).
1726 d’un Centre européen de la culture (déjà en voie de formation à Genève). Ces décisions couronnent le travail obstiné de q
1727 ève). Ces décisions couronnent le travail obstiné de quelques petites équipes au sein du Mouvement européen. Bien plus, l’
1728 u Mouvement européen. Bien plus, l’existence même de l’Assemblée et la rapidité de ses premières opérations doivent être a
1729 s, l’existence même de l’Assemblée et la rapidité de ses premières opérations doivent être attribuées en premier lieu à l’
1730 u Mouvement : Churchill et Spaak n’ont pas manqué de le souligner, pour s’en féliciter, bien entendu, M. Hugh Dalton, pour
1731 e). On ne s’en étonnera pas, si l’on sait que les deux tiers des députés qui siégeaient à Strasbourg appartiennent à notre M
1732 tiennent à notre Mouvement et ont pris l’habitude d’ y travailler ensemble. On s’est demandé si ces premiers succès laissai
1733 ces premiers succès laissaient encore une raison d’ être suffisante au Mouvement européen, ou s’il devait passer la main à
1734 cipal : la Constitution fédérale. Les commissions de l’Assemblée la proposeront, mais les gouvernements et parlements nati
1735 rlements nationaux en disposeront. Et qui dispose de ces divers pouvoirs, sinon l’opinion générale, qu’il s’agit maintenan
1736 sinon l’opinion générale, qu’il s’agit maintenant d’ alerter, d’informer, et de faire peser de tout son poids sur ses élus 
1737 nion générale, qu’il s’agit maintenant d’alerter, d’ informer, et de faire peser de tout son poids sur ses élus ? Montrer c
1738 qu’il s’agit maintenant d’alerter, d’informer, et de faire peser de tout son poids sur ses élus ? Montrer ce but et prépar
1739 intenant d’alerter, d’informer, et de faire peser de tout son poids sur ses élus ? Montrer ce but et préparer les voies re
1740 du Mouvement européen. Car l’essentiel n’est plus de changer le nom de l’Assemblée consultative pour qu’elle devienne en f
1741 éen. Car l’essentiel n’est plus de changer le nom de l’Assemblée consultative pour qu’elle devienne en fait constituante,
1742 qu’elle devienne en fait constituante, mais bien d’ agir en sorte que ses vœux et avis soient régulièrement acceptés par l
1743 n pleine action, et il est clair qu’il s’est fait de l’Histoire à Strasbourg, mais nous n’en connaissons encore que le dyn
1744 ntérieur. Les résultats pourront être jugés d’ici deux ans. S’il n’y en a pas à ce moment-là, nous serons Russes ou colonisé
1745 observateurs américains qui assistait aux travaux de l’Assemblée, et qui a pu voir notre Mouvement à l’œuvre, s’écriait à
1746 écriait à Strasbourg : « J’ai été le témoin, ici, de choses stupéfiantes, amazing things for us, Americans !… Car elles se
1747 ankee, et par la seule action, presque invisible, d’ un très petit nombre d’hommes qui ont su voir juste… » Il venait de dé
1748 action, presque invisible, d’un très petit nombre d’ hommes qui ont su voir juste… » Il venait de découvrir l’Europe, ses l
1749 ses limitations, son génie. f. Rougemont Denis de , « Découverte de l’Europe », La Revue de Paris, Paris, octobre 1949,
1750 son génie. f. Rougemont Denis de, « Découverte de l’Europe », La Revue de Paris, Paris, octobre 1949, p. 147-151.
1751 nt Denis de, « Découverte de l’Europe », La Revue de Paris, Paris, octobre 1949, p. 147-151.
1752 de l’Europe », La Revue de Paris, Paris, octobre 1949, p. 147-151.
6 1950, La Revue de Paris, articles (1937–1969). L’Europe et sa culture (novembre 1950)
1753 L’Europe et sa culture (novembre 1950 )g Ce titre appelle deux séries d’objections, les unes portant sur
1754 t sa culture (novembre 1950)g Ce titre appelle deux séries d’objections, les unes portant sur le mot Europe, les autres s
1755 (novembre 1950)g Ce titre appelle deux séries d’ objections, les unes portant sur le mot Europe, les autres sur le mot
1756 Certes, on peut ergoter à l’infini sur les termes d’ Europe et de culture. Où commencent, où finissent ces deux réalités ?
1757 eut ergoter à l’infini sur les termes d’Europe et de culture. Où commencent, où finissent ces deux réalités ? À la fois da
1758 pe et de culture. Où commencent, où finissent ces deux réalités ? À la fois dans l’espace et dans le temps, elles sont mouva
1759 es permanents. Elles apparaissent, surtout, liées de telle manière que l’on ne peut définir l’une sans supposer l’existenc
1760 n ne peut définir l’une sans supposer l’existence de l’autre. Le premier caractère permanent de l’Europe est de nature géo
1761 stence de l’autre. Le premier caractère permanent de l’Europe est de nature géographique : l’Europe est une presqu’île de
1762 e. Le premier caractère permanent de l’Europe est de nature géographique : l’Europe est une presqu’île de l’Asie. Second c
1763 nature géographique : l’Europe est une presqu’île de l’Asie. Second caractère permanent : elle est nettement divisée en co
1764 ettement divisée en compartiments par des chaînes de montagnes et des fleuves, nettement délimitée de trois côtés par les
1765 de montagnes et des fleuves, nettement délimitée de trois côtés par les mers et par l’Océan. Elle rappelle une Grèce agra
1766 montagnes et des fleuves, nettement délimitée de trois côtés par les mers et par l’Océan. Elle rappelle une Grèce agrandie.
1767 e agrandie. Mais voici le caractère problématique de cette presqu’île : de même que la Grèce n’a pas de frontière bien mar
1768 e cette presqu’île : de même que la Grèce n’a pas de frontière bien marquée vers le nord, l’Europe s’ouvre vers l’est par
1769 ie, mais seulement un fait historique, un rapport de forces humaines. La frontière de l’Est sera donc toujours mouvante. E
1770 ique, un rapport de forces humaines. La frontière de l’Est sera donc toujours mouvante. Et c’est dans l’affrontement perpé
1771 e Europe, au cours des siècles, a pris conscience d’ elle-même et de son unité. Marathon, Salamine, la défense du limes rom
1772 urs des siècles, a pris conscience d’elle-même et de son unité. Marathon, Salamine, la défense du limes romain, les champs
1773 igieux ! Aujourd’hui, la guerre froide, le rideau de fer. Relevons que les poussées de l’Asie par l’est ont été suivies gé
1774 oide, le rideau de fer. Relevons que les poussées de l’Asie par l’est ont été suivies généralement de périodes sombres, d’
1775 de l’Asie par l’est ont été suivies généralement de périodes sombres, d’épuisement ou de destruction, tandis que les pous
1776 ont été suivies généralement de périodes sombres, d’ épuisement ou de destruction, tandis que les poussées venues du Proche
1777 généralement de périodes sombres, d’épuisement ou de destruction, tandis que les poussées venues du Proche-Orient par la M
1778 t fécondé nos civilisations. Au fait géographique de la division de l’Europe en compartiments relativement isolés, il faut
1779 ivilisations. Au fait géographique de la division de l’Europe en compartiments relativement isolés, il faut rattacher les
1780 avons tiré si grand parti avant que le phénomène de l’étatisme ne les sclérose et ne les rende névrotiques ou même crimin
1781 que la péninsule Europe ne représente qu’à peine 5  % des terres de la planète. D’où vient alors qu’elle ait dominé le mo
1782 le Europe ne représente qu’à peine 5 % des terres de la planète. D’où vient alors qu’elle ait dominé le monde entier penda
1783 présente qu’à peine 5 % des terres de la planète. D’ où vient alors qu’elle ait dominé le monde entier pendant des siècles 
1784 le monde entier pendant des siècles ? À l’origine de toute espèce de dynamisme, il y a une tension. À l’origine de la puis
1785 pendant des siècles ? À l’origine de toute espèce de dynamisme, il y a une tension. À l’origine de la puissance européenne
1786 èce de dynamisme, il y a une tension. À l’origine de la puissance européenne, cas tout à fait exceptionnel de dynamisme co
1787 uissance européenne, cas tout à fait exceptionnel de dynamisme collectif, quelles tensions également exceptionnelles pouvo
1788 lles pouvons-nous distinguer ? Il serait superflu de chercher ici autre chose que ce que tout le monde sait : la tension f
1789 re et non pas bipolaire, de même que la théologie de l’Occident n’est pas dualiste, mais trinitaire. Et de fait, l’Europe
1790 ’Occident n’est pas dualiste, mais trinitaire. Et de fait, l’Europe n’a pas pris naissance dans le conflit entre l’Est et
1791 est, conflit qui lui a seulement donné conscience d’ elle-même une fois qu’elle existait déjà, mais bien dans le complexe d
1792 qu’elle existait déjà, mais bien dans le complexe de tensions entrecroisées dont les trois pôles peuvent être appelés symb
1793 ns le complexe de tensions entrecroisées dont les trois pôles peuvent être appelés symboliquement Athènes, Rome et Jérusalem.
1794 , Rome et Jérusalem. Athènes, c’est la découverte de l’individu, de l’homme distingué du troupeau, et prenant mesure de lu
1795 alem. Athènes, c’est la découverte de l’individu, de l’homme distingué du troupeau, et prenant mesure de lui-même par une
1796 l’homme distingué du troupeau, et prenant mesure de lui-même par une rupture libératrice, mais aussi profanatrice, avec l
1797 Rome, c’est la création du citoyen, c’est-à-dire de l’individu réintégré dans une collectivité d’un nouveau genre, la civ
1798 ire de l’individu réintégré dans une collectivité d’ un nouveau genre, la civitas fondée non plus sur le sacré, mais sur la
1799 le contrat. Jérusalem enfin, c’est la révélation de la personne, c’est-à-dire de la vocation transcendante et incondition
1800 c’est la révélation de la personne, c’est-à-dire de la vocation transcendante et inconditionnelle qui vient donner à chaq
1801 qui vient donner à chaque humain, indépendamment de toute qualité individuelle, de toute classification légale dans la ci
1802 in, indépendamment de toute qualité individuelle, de toute classification légale dans la cité, donc de tout rapport de for
1803 de toute classification légale dans la cité, donc de tout rapport de forces, une valeur absolue, non mesurable. À partir d
1804 ication légale dans la cité, donc de tout rapport de forces, une valeur absolue, non mesurable. À partir de ces trois pôle
1805 ne valeur absolue, non mesurable. À partir de ces trois pôles, il est possible d’interpréter les principales structures dynam
1806 ble. À partir de ces trois pôles, il est possible d’ interpréter les principales structures dynamiques de l’Occident, les c
1807 interpréter les principales structures dynamiques de l’Occident, les conflits fondamentaux qui les sous-tendent et les gra
1808 aux qui les sous-tendent et les grandes doctrines de l’homme et de la société qui se sont dégagées peu à peu de ce complex
1809 us-tendent et les grandes doctrines de l’homme et de la société qui se sont dégagées peu à peu de ce complexe, d’une maniè
1810 e et de la société qui se sont dégagées peu à peu de ce complexe, d’une manière comparable à celle dont les grandes hérési
1811 té qui se sont dégagées peu à peu de ce complexe, d’ une manière comparable à celle dont les grandes hérésies se sont défin
1812 éfinies à partir de la doctrine trinitaire. Après vingt siècles de combinaisons et d’analyse, Athènes, Rome, et Jérusalem, ce
1813 ir de la doctrine trinitaire. Après vingt siècles de combinaisons et d’analyse, Athènes, Rome, et Jérusalem, cela s’appell
1814 rinitaire. Après vingt siècles de combinaisons et d’ analyse, Athènes, Rome, et Jérusalem, cela s’appelle aujourd’hui l’ind
1815 nalisme. La lutte que se livrent actuellement ces trois attitudes humaines dans le monde, dans la société et jusque dans nos
1816 t douloureuse, si concrète qu’on se voit dispensé de toute autre considération philosophique ou historique tendant à prouv
1817 m, il y avait, dès le départ, un drame, ou plutôt trois drames entrecroisés, et leurs combinaisons, et leurs permutations. Da
1818 inaisons, et leurs permutations. Dans ce complexe de drames, constitutif de l’Occident, nous trouvons le grand secret de l
1819 utations. Dans ce complexe de drames, constitutif de l’Occident, nous trouvons le grand secret de l’homme européen : c’est
1820 utif de l’Occident, nous trouvons le grand secret de l’homme européen : c’est un homme dialectique, dialogique, ne pouvant
1821 homme dialectique, dialogique, ne pouvant espérer d’ atteindre à l’équilibre qu’au prix des synthèses les plus difficiles,
1822 fficiles, n’y parvenant que bien rarement, obligé de redresser ses déviations sans cesse renaissantes par des réactions to
1823 conscience, et donc d’abord à la mise en question de tous les résultats et de toutes les valeurs. Or ce sont là les condit
1824 rd à la mise en question de tous les résultats et de toutes les valeurs. Or ce sont là les conditions par excellence qui p
1825 ernier millénaire, plus créateur qu’aucune espèce d’ autre homme produite par les familles connues de la planète. Il ne pou
1826 e d’autre homme produite par les familles connues de la planète. Il ne pouvait faire autrement. Je parle des derniers mill
1827 ne pouvait faire autrement. Je parle des derniers mille ans. Mais comment expliquer que l’homme du ive siècle, par exemple,
1828 ormée la synthèse hautement instable et créatrice d’ Athènes, de Rome et de Jérusalem, n’ait cependant pas présenté certain
1829 nthèse hautement instable et créatrice d’Athènes, de Rome et de Jérusalem, n’ait cependant pas présenté certains des carac
1830 ement instable et créatrice d’Athènes, de Rome et de Jérusalem, n’ait cependant pas présenté certains des caractères les p
1831 ésenté certains des caractères les plus marquants de l’homme du xixe ou du xxe siècle ? Cela ne prouve-t-il pas que j’au
1832 ié quelques éléments décisifs, qui ne sont nés ni d’ Athènes, ni de Rome, ni de Jérusalem, ni de leurs combinaisons ? Il y
1833 éments décisifs, qui ne sont nés ni d’Athènes, ni de Rome, ni de Jérusalem, ni de leurs combinaisons ? Il y a d’abord le t
1834 ifs, qui ne sont nés ni d’Athènes, ni de Rome, ni de Jérusalem, ni de leurs combinaisons ? Il y a d’abord le temps. Un dia
1835 nés ni d’Athènes, ni de Rome, ni de Jérusalem, ni de leurs combinaisons ? Il y a d’abord le temps. Un dialogue prend du te
1836 rd le temps. Un dialogue prend du temps. Le temps de contredire, puis parfois de comprendre, de faire des expériences et d
1837 nd du temps. Le temps de contredire, puis parfois de comprendre, de faire des expériences et d’en tirer les conclusions. A
1838 temps de contredire, puis parfois de comprendre, de faire des expériences et d’en tirer les conclusions. Au cours des tem
1839 arfois de comprendre, de faire des expériences et d’ en tirer les conclusions. Au cours des temps, mille vérités et mille e
1840 t d’en tirer les conclusions. Au cours des temps, mille vérités et mille erreurs, nées de nos trois éléments fondamentaux, se
1841 conclusions. Au cours des temps, mille vérités et mille erreurs, nées de nos trois éléments fondamentaux, se sont nouées, com
1842 s des temps, mille vérités et mille erreurs, nées de nos trois éléments fondamentaux, se sont nouées, combinées et mariées
1843 emps, mille vérités et mille erreurs, nées de nos trois éléments fondamentaux, se sont nouées, combinées et mariées, ont divo
1844 its nouveaux ne sont apparus qu’après des siècles de macération. Trois idées, devenues de nos jours réalités psychologique
1845 sont apparus qu’après des siècles de macération. Trois idées, devenues de nos jours réalités psychologiques, me paraissent t
1846 des siècles de macération. Trois idées, devenues de nos jours réalités psychologiques, me paraissent typiquement d’Europe
1847 éalités psychologiques, me paraissent typiquement d’ Europe, en ce sens qu’elles ne pouvaient naître que du complexe que je
1848 mplexe que je viens de décrire. Ce sont les idées de révolution, de passion et de progrès. Elles sont nées toutes les troi
1849 iens de décrire. Ce sont les idées de révolution, de passion et de progrès. Elles sont nées toutes les trois de la révélat
1850 e. Ce sont les idées de révolution, de passion et de progrès. Elles sont nées toutes les trois de la révélation chrétienne
1851 passion et de progrès. Elles sont nées toutes les trois de la révélation chrétienne, analysée et déformée dans le prisme gréc
1852 n et de progrès. Elles sont nées toutes les trois de la révélation chrétienne, analysée et déformée dans le prisme gréco-j
1853 éformée dans le prisme gréco-judéo-romain. L’idée de révolution est inconcevable pour un Asiatique ou un Noir, s’ils n’ont
1854 pour un Asiatique ou un Noir, s’ils n’ont pas eu de contact avec notre civilisation. Car cette idée, en vérité, est la tr
1855 rité, est la transposition dans le plan collectif de la conversion chrétienne, du changement d’orientation fondamental et
1856 lectif de la conversion chrétienne, du changement d’ orientation fondamental et brusque, traduite en termes romains d’insti
1857 ondamental et brusque, traduite en termes romains d’ institutions, de droit nouveau. De même, la passion en amour est une
1858 usque, traduite en termes romains d’institutions, de droit nouveau. De même, la passion en amour est une transposition de
1859 e même, la passion en amour est une transposition de la conversion dans le plan des relations individuelles, nous disons m
1860 e n’apparaît qu’au xiie siècle, sous l’influence de l’hérésie manichéenne. Elle suppose la croyance chrétienne, personnal
1861 e chrétienne, personnaliste, en la valeur infinie d’ un individu élu, unique, irremplaçable. Là où cette croyance s’atténue
1862 passion s’atténuer ou disparaître. Enfin, l’idée de progrès est de toute évidence d’origine évangélique, ou plus exacteme
1863 nuer ou disparaître. Enfin, l’idée de progrès est de toute évidence d’origine évangélique, ou plus exactement paulinienne,
1864 e. Enfin, l’idée de progrès est de toute évidence d’ origine évangélique, ou plus exactement paulinienne, mais combinée ave
1865 is combinée avec des notions grecques et romaines de mesure individuelle et d’organisation collective. Ces trois idées-for
1866 ns grecques et romaines de mesure individuelle et d’ organisation collective. Ces trois idées-forces, ces trois ressorts de
1867 re individuelle et d’organisation collective. Ces trois idées-forces, ces trois ressorts de l’âme occidentale — on en pourrai
1868 anisation collective. Ces trois idées-forces, ces trois ressorts de l’âme occidentale — on en pourrait mentionner d’autres —
1869 ctive. Ces trois idées-forces, ces trois ressorts de l’âme occidentale — on en pourrait mentionner d’autres — suffiront à
1870 pourrait mentionner d’autres — suffiront à titre d’ exemples : elles nous font pressentir la nature et les causes d’une ca
1871 lles nous font pressentir la nature et les causes d’ une capacité spécifique de l’Européen : celle de transformer son milie
1872 la nature et les causes d’une capacité spécifique de l’Européen : celle de transformer son milieu et ses données matériell
1873 s d’une capacité spécifique de l’Européen : celle de transformer son milieu et ses données matérielles ou morales, sans se
1874 es, sans se laisser arrêter par des constatations d’ intérêt, de bon sens ou de réalisme. Volonté de conscience, créativité
1875 laisser arrêter par des constatations d’intérêt, de bon sens ou de réalisme. Volonté de conscience, créativité virulente,
1876 r par des constatations d’intérêt, de bon sens ou de réalisme. Volonté de conscience, créativité virulente, passion de la
1877 ns d’intérêt, de bon sens ou de réalisme. Volonté de conscience, créativité virulente, passion de la transformation, voilà
1878 onté de conscience, créativité virulente, passion de la transformation, voilà qui définit l’ambition proprement occidental
1879 llectuelles, sociales, artistiques et religieuses d’ une société donnée ; ou comme l’ensemble des procédés de création, et
1880 société donnée ; ou comme l’ensemble des procédés de création, et leur transmission ; ou encore comme une prise de conscie
1881 mission ; ou encore comme une prise de conscience de la vie, comme une extension progressive de la maîtrise de l’homme sur
1882 cience de la vie, comme une extension progressive de la maîtrise de l’homme sur lui-même et le monde… Toutes ces définitio
1883 e, comme une extension progressive de la maîtrise de l’homme sur lui-même et le monde… Toutes ces définitions, et vingt au
1884 lui-même et le monde… Toutes ces définitions, et vingt autres possibles, sont à la fois justes et contestables, trop faciles
1885 faciles ou trop difficiles. Je me contenterai ici d’ une vue globale et d’une constatation simple mais décisive : la cultur
1886 ciles. Je me contenterai ici d’une vue globale et d’ une constatation simple mais décisive : la culture occidentale, c’est
1887 ive : la culture occidentale, c’est ce qui a fait de l’Europe autre chose que ce qu’elle est physiquement, autre chose qu’
1888 petit cap de l’Asie, pour reprendre le mot fameux de Valéry, — le cœur et le cerveau du monde moderne. À toutes fins utile
1889 rne. À toutes fins utiles, nous savons assez bien de quoi nous parlons, quand nous parlons de l’Europe ou de la culture. N
1890 sez bien de quoi nous parlons, quand nous parlons de l’Europe ou de la culture. Notre tâche est moins, aujourd’hui, de les
1891 i nous parlons, quand nous parlons de l’Europe ou de la culture. Notre tâche est moins, aujourd’hui, de les définir que de
1892 e la culture. Notre tâche est moins, aujourd’hui, de les définir que de les sauver. Aussi bien n’ai-je voulu mentionner ce
1893 tâche est moins, aujourd’hui, de les définir que de les sauver. Aussi bien n’ai-je voulu mentionner certaines données fon
1894 re pour informer et guider une action. ⁂ Essayons de saisir maintenant ces deux réalités, l’Europe et la culture, dans leu
1895 r une action. ⁂ Essayons de saisir maintenant ces deux réalités, l’Europe et la culture, dans leur drame immédiat à nos vies
1896 nos vies. L’Europe d’abord. Naguère encore reine de la terre, jusque vers 1914, et même jusqu’au dernier conflit, l’Europ
1897 rd. Naguère encore reine de la terre, jusque vers 1914, et même jusqu’au dernier conflit, l’Europe s’est vue brusquement détr
1898 , l’Europe s’est vue brusquement détrônée, il y a cinq ans, en même temps qu’elle était libérée dans ses ruines. Elle avait
1899 Elle avait représenté un quart, puis un cinquième de la population du globe. Elle n’en sera dans cinquante ans plus qu’un
1900 me de la population du globe. Elle n’en sera dans cinquante ans plus qu’un dixième probablement. Elle ne sait pas encore. Mais ce
1901 u’elle n’est plus le centre du monde, sur le plan de la puissance politique. Elle se sent « mise à pied » par l’Histoire,
1902 se sent « mise à pied » par l’Histoire, au profit de deux empires neufs qui menacent d’engager une guerre sur son sol et à
1903 sent « mise à pied » par l’Histoire, au profit de deux empires neufs qui menacent d’engager une guerre sur son sol et à ses
1904 ire, au profit de deux empires neufs qui menacent d’ engager une guerre sur son sol et à ses dépens. Poussière de petits Ét
1905 une guerre sur son sol et à ses dépens. Poussière de petits États, dont les plus populeux ne sauraient plus prétendre un s
1906 tre à l’échelle des réalités modernes ; encombrée de frontières intérieures ; épuisant sa vieille astuce politique en riva
1907 n’offre plus aux empires américain et russe qu’un de ces vides dont l’Histoire n’a pas moins horreur que la Nature. De plu
1908 e. De plus, elle se voit amputée, pour le moment, d’ un quart de sa population à l’Est, et de la péninsule ibérique à l’Oue
1909 elle se voit amputée, pour le moment, d’un quart de sa population à l’Est, et de la péninsule ibérique à l’Ouest. Le rest
1910 e moment, d’un quart de sa population à l’Est, et de la péninsule ibérique à l’Ouest. Le reste ne vit encore qu’en vertu d
1911 vertu de l’aide intelligente que lui donne un des deux empires neufs, aide qui doit fatalement se transformer en contrôle, s
1912 trôle, si nous ne savons pas en tirer parti d’ici deux ans ; tandis que l’autre empire dispose parmi nous d’un corps d’occup
1913 ns ; tandis que l’autre empire dispose parmi nous d’ un corps d’occupation anticipée. La crise économique est imminente. La
1914 que l’autre empire dispose parmi nous d’un corps d’ occupation anticipée. La crise économique est imminente. La crise soci
1915 . La crise sociale est endémique. Au point de vue de la puissance matérielle, rappelons que l’Amérique consacre cette anné
1916 l’Amérique consacre cette année au développement de la recherche atomique 5 milliards de dollars, tandis que le crédit co
1917 e année au développement de la recherche atomique 5 milliards de dollars, tandis que le crédit correspondant en France at
1918 année au développement de la recherche atomique 5 milliards de dollars, tandis que le crédit correspondant en France atteint à pe
1919 éveloppement de la recherche atomique 5 milliards de dollars, tandis que le crédit correspondant en France atteint à peine
1920 le crédit correspondant en France atteint à peine 1 /400e de cette somme. L’idée de progrès a émigré ; elle est devenue am
1921 crédit correspondant en France atteint à peine 1/ 400e de cette somme. L’idée de progrès a émigré ; elle est devenue américa
1922 it correspondant en France atteint à peine 1/400e de cette somme. L’idée de progrès a émigré ; elle est devenue américaine
1923 nce atteint à peine 1/400e de cette somme. L’idée de progrès a émigré ; elle est devenue américaine et russe. Mais ici, no
1924 e et russe. Mais ici, nous touchons déjà au drame de notre culture. D’une part, dans les pays totalitaires qui sont à nos
1925 ez nous leurs répondants, la liberté fondamentale de la culture, son pouvoir de mettre en question les valeurs régnantes e
1926 a liberté fondamentale de la culture, son pouvoir de mettre en question les valeurs régnantes et les activités officielles
1927 vités officielles, se voit niée, punie, qualifiée d’ immorale. Mais d’autre part, dans nos pays, cette même liberté qu’on n
1928 y réfère avec une rigueur telle que le style même d’ un écrivain ou d’un peintre peut être attaqué par les fonctionnaires d
1929 rigueur telle que le style même d’un écrivain ou d’ un peintre peut être attaqué par les fonctionnaires de l’État et quali
1930 peintre peut être attaqué par les fonctionnaires de l’État et qualifié de sabotage. La censure politique est si parfaitem
1931 aqué par les fonctionnaires de l’État et qualifié de sabotage. La censure politique est si parfaitement préventive qu’elle
1932 aitement préventive qu’elle peut s’offrir le luxe de disparaître en tant qu’activité distincte de répression. Elle est par
1933 luxe de disparaître en tant qu’activité distincte de répression. Elle est partout et nulle part. C’est ainsi qu’un ancien
1934 r toute censure suppose une certaine indépendance de la production intellectuelle ou des sources d’information ; or cette
1935 ce de la production intellectuelle ou des sources d’ information ; or cette indépendance est exclue à priori dans les démoc
1936 tes populaires. Cependant, qu’en est-il chez nous de la liberté et de la censure ? Allons tout de suite à un exemple extrê
1937 ependant, qu’en est-il chez nous de la liberté et de la censure ? Allons tout de suite à un exemple extrême, et heureuseme
1938 il y a quelques mois, M. Jean Thibaud, directeur de l’Institut français de physique atomique : « Dans le domaine de la ph
1939 M. Jean Thibaud, directeur de l’Institut français de physique atomique : « Dans le domaine de la physique, des résultats d
1940 français de physique atomique : « Dans le domaine de la physique, des résultats d’une incroyable portée intellectuelle son
1941 : « Dans le domaine de la physique, des résultats d’ une incroyable portée intellectuelle sont actuellement maintenus secre
1942 lieu, comme avant la guerre, à des communications de portée internationale. Il y a loin de la situation présente à celle d
1943 ale. Il y a loin de la situation présente à celle d’ il y a dix ans, où certaines découvertes étaient annoncées par télégra
1944 a loin de la situation présente à celle d’il y a dix ans, où certaines découvertes étaient annoncées par télégramme dans l
1945 mondiale… » L’État fait peser sur les recherches de la physique nucléaire un lourd contrôle et « des suspicions quasi pol
1946 ucune « utilité pratique ». Inversement, si l’une de ses activités se révèle « pratiquement utilisable » au service de la
1947 se révèle « pratiquement utilisable » au service de la politique, comme c’est le cas de la physique nucléaire, ceux qui s
1948  » au service de la politique, comme c’est le cas de la physique nucléaire, ceux qui s’y livrent sont aussitôt privés des
1949 ssitôt privés des libertés élémentaires : liberté de recherche, d’échange et de publication. D’une manière générale, la co
1950 des libertés élémentaires : liberté de recherche, d’ échange et de publication. D’une manière générale, la condition de la
1951 élémentaires : liberté de recherche, d’échange et de publication. D’une manière générale, la condition de la culture, dans
1952 iberté de recherche, d’échange et de publication. D’ une manière générale, la condition de la culture, dans nos pays, a sub
1953 publication. D’une manière générale, la condition de la culture, dans nos pays, a subi de profondes transformations pendan
1954 la condition de la culture, dans nos pays, a subi de profondes transformations pendant l’ère des nationalismes et de la so
1955 ransformations pendant l’ère des nationalismes et de la souveraineté sans limites de l’État. Créatrice des richesses, de l
1956 nationalismes et de la souveraineté sans limites de l’État. Créatrice des richesses, de la puissance et du prestige mondi
1957 sans limites de l’État. Créatrice des richesses, de la puissance et du prestige mondial de l’Europe, on pourrait croire q
1958 richesses, de la puissance et du prestige mondial de l’Europe, on pourrait croire qu’elle n’est plus aujourd’hui qu’un app
1959 , un luxe des classes possédantes, ou un ensemble de spécialités et de techniques ésotériques qui ne concernent pas l’homm
1960 ses possédantes, ou un ensemble de spécialités et de techniques ésotériques qui ne concernent pas l’homme de la rue, ni l’
1961 hniques ésotériques qui ne concernent pas l’homme de la rue, ni l’industriel ou le banquier. Jadis centrale, la situation
1962 riel ou le banquier. Jadis centrale, la situation de la culture est devenue périphérique. Comment expliquer autrement qu’i
1963 pliquer autrement qu’il soit admis sans question, de nos jours, que l’esprit subordonne ses intérêts à ceux de l’économie,
1964 ours, que l’esprit subordonne ses intérêts à ceux de l’économie, de la politique, ou de la défense nationale ? Et que pers
1965 rit subordonne ses intérêts à ceux de l’économie, de la politique, ou de la défense nationale ? Et que personne ne s’avise
1966 ntérêts à ceux de l’économie, de la politique, ou de la défense nationale ? Et que personne ne s’avise de soutenir qu’il f
1967 la défense nationale ? Et que personne ne s’avise de soutenir qu’il faudrait inverser cette hiérarchie ? Rendue matérielle
1968 tte hiérarchie ? Rendue matériellement dépendante de l’État, plus qu’elle ne le fut jamais du mécénat privé, notre culture
1969 u mécénat privé, notre culture se voit contrainte d’ obéir à des « nécessités » qui lui sont étrangères et la dégradent. El
1970 pensée et l’action, entre une pensée qui accepte d’ être inefficace, et une action par conséquent désorientée, à courtes v
1971 ar conséquent désorientée, à courtes vues, privée de cohérence profonde. Tel est le mal profond dont souffre l’Occident. À
1972 l’Occident. À l’inverse, les régimes totalitaires de l’Est ont si bien vu l’importance primordiale de la culture qu’ils l’
1973 de l’Est ont si bien vu l’importance primordiale de la culture qu’ils l’ont immédiatement étatisée. Ils lui ont rendu off
1974 veux spontanés, criant sur tous les modes l’éloge de ses bourreaux : elle est devenue la Propagande. Les conditions morale
1975 est devenue la Propagande. Les conditions morales de la vie de l’esprit au xxe siècle, se résument donc dans le paradoxe
1976 e la Propagande. Les conditions morales de la vie de l’esprit au xxe siècle, se résument donc dans le paradoxe suivant :
1977 s un cas et, dans l’autre, détendent les ressorts de la créativité qui était depuis des siècles la vraie cause de notre pu
1978 ivité qui était depuis des siècles la vraie cause de notre puissance et donc de notre indépendance. De plus, si la culture
1979 siècles la vraie cause de notre puissance et donc de notre indépendance. De plus, si la culture accepte d’être privée théo
1980 otre indépendance. De plus, si la culture accepte d’ être privée théoriquement et pratiquement de la primauté dans nos vies
1981 cepte d’être privée théoriquement et pratiquement de la primauté dans nos vies nationales, soit qu’elle se laisse subordon
1982 onomiques ou politiques, soit qu’elle se contente d’ une liberté honoraire, sans responsabilité, et d’un rôle de produit de
1983 d’une liberté honoraire, sans responsabilité, et d’ un rôle de produit de luxe, alors c’est le sens même de notre civilisa
1984 erté honoraire, sans responsabilité, et d’un rôle de produit de luxe, alors c’est le sens même de notre civilisation occid
1985 ire, sans responsabilité, et d’un rôle de produit de luxe, alors c’est le sens même de notre civilisation occidentale qui
1986 rôle de produit de luxe, alors c’est le sens même de notre civilisation occidentale qui se trouve dénaturé. Car l’Europe e
1987 t leur justification finale dans le développement de la personne humaine, dans le libre exercice des vocations ; là enfin
1988 exercice des vocations ; là enfin où cette phrase de l’Évangile rendait le son le plus authentique : « Que servirait à un
1989 le plus authentique : « Que servirait à un homme de gagner le monde, s’il perdait son âme ? » ⁂ J’admets ici, comme hypot
1990 rdait son âme ? » ⁂ J’admets ici, comme hypothèse de base, qu’il faut sauver l’Europe et sauver la culture. Si je pensais,
1991 ou je me ferais Américain. Mais il est impossible de sauver l’Europe si l’on ne sauve pas en même temps sa culture ; ou de
1992 i l’on ne sauve pas en même temps sa culture ; ou de sauver la culture occidentale si l’on ne sauve pas en même temps sa p
1993 e sauve pas en même temps sa patrie. Rien ne sert de faire durer, de conserver la créature, si l’on tarit les sources de s
1994 ême temps sa patrie. Rien ne sert de faire durer, de conserver la créature, si l’on tarit les sources de sa recréation per
1995 conserver la créature, si l’on tarit les sources de sa recréation perpétuelle. Et rien ne sert non plus d’entretenir le d
1996 recréation perpétuelle. Et rien ne sert non plus d’ entretenir le désir créateur, si on le prive des possibilités de s’acc
1997 e désir créateur, si on le prive des possibilités de s’accomplir dans une libre communauté. Si l’Europe est réduite à l’im
1998 e serait alors notre dernier refuge, qu’on ferait de l’Europe un musée dans les ruines, pour l’agrément des millionnaires
1999 ovistes en troupeaux. Mais un musée, ce n’est pas de la culture. Je ne vois pas d’exemple historique d’une culture qui ait
2000 musée, ce n’est pas de la culture. Je ne vois pas d’ exemple historique d’une culture qui ait encore créé dans une nation p
2001 e la culture. Je ne vois pas d’exemple historique d’ une culture qui ait encore créé dans une nation privée de son indépend
2002 ulture qui ait encore créé dans une nation privée de son indépendance. L’Europe est encore le foyer de la civilisation occ
2003 de son indépendance. L’Europe est encore le foyer de la civilisation occidentale, la seule qui ait su couvrir toute la pla
2004 , car la puissance est mère des utopies exaltées, de la confiance en soi, du gaspillage des forces, et aussi du sens de la
2005 n soi, du gaspillage des forces, et aussi du sens de la mesure, toutes choses sans lesquelles on ne crée rien de grand. La
2006 re, toutes choses sans lesquelles on ne crée rien de grand. La peinture ne se fait pas dans les musées, mais dans les vill
2007 dans une société qui ne risque ou ne conçoit plus d’ aventure ; et la science s’arrête quand l’audace est un crime. Si l’Eu
2008 mondiales, personne ne pourra remplacer cette âme d’ une civilisation qui avait su remplacer toutes les autres. Le secret d
2009 i avait su remplacer toutes les autres. Le secret de ses mesures vivantes sera perdu. Mais en retour, sans une culture act
2010 unie, c’est même plus que probable, par les soins d’ experts étrangers ou d’une police qui a fait ses preuves ailleurs. Mai
2011 ue probable, par les soins d’experts étrangers ou d’ une police qui a fait ses preuves ailleurs. Mais elle aura perdu le re
2012 preuves ailleurs. Mais elle aura perdu le ressort de son pouvoir transformateur du monde, ce pouvoir qui avait fait sa gra
2013 e, ce pouvoir qui avait fait sa grandeur à partir d’ un médiocre destin. Que servirait à l’Europe de recevoir une unité, si
2014 ir d’un médiocre destin. Que servirait à l’Europe de recevoir une unité, si ce n’était pas celle de son choix ? Et si cett
2015 pe de recevoir une unité, si ce n’était pas celle de son choix ? Et si cette unité signifiait sa défaite, non point sa con
2016 l’Asie — et l’Asie n’a jamais passé pour la terre de la liberté. Certes, on peut disputer sur les concepts, mais je parle
2017 on peut disputer sur les concepts, mais je parle de réalités : l’Europe et la culture universelle qu’elle a produite sont
2018 et la culture universelle qu’elle a produite sont deux réalités coextensives. Elles naissent et meurent du même mouvement. Q
2019 issent et meurent du même mouvement. Qu’en est-il de ce mouvement, au milieu de notre siècle ? Va-t-il vers la renaissance
2020 été donnée une fois pour toutes par la sentinelle d’ Isaïe : « Le matin vient, et la nuit aussi ! » Cette fin de non-recevo
2021 « Le matin vient, et la nuit aussi ! » Cette fin de non-recevoir, lyrique et ironique, nous renvoie proprement à notre af
2022 otre affaire. Et notre affaire me paraît être ici d’ apprécier tout d’abord l’état de nos forces, en vue d’agir. Entre les
2023 e paraît être ici d’apprécier tout d’abord l’état de nos forces, en vue d’agir. Entre les deux colosses russe et américain
2024 précier tout d’abord l’état de nos forces, en vue d’ agir. Entre les deux colosses russe et américain, l’Europe qui vient d
2025 rd l’état de nos forces, en vue d’agir. Entre les deux colosses russe et américain, l’Europe qui vient de perdre la guerre f
2026 re fait actuellement ce qu’on appelle une névrose d’ infériorité. Pourtant, les faits ne justifient pas le désespoir, mais
2027 ifient pas le désespoir, mais seulement un effort de redressement. Entre deux-cents-millions de Russes et cent-cinquante-m
2028 effort de redressement. Entre deux-cents-millions de Russes et cent-cinquante-millions d’Américains, nous sommes ici, à l’
2029 nts-millions de Russes et cent-cinquante-millions d’ Américains, nous sommes ici, à l’ouest du rideau de fer, près de trois
2030 ’Américains, nous sommes ici, à l’ouest du rideau de fer, près de trois-cents-millions d’Européens. Nous disposons de plus
2031 st du rideau de fer, près de trois-cents-millions d’ Européens. Nous disposons de plus d’un quart du charbon, de près d’un
2032 ents-millions d’Européens. Nous disposons de plus d’ un quart du charbon, de près d’un tiers de l’électricité que produit a
2033 ns. Nous disposons de plus d’un quart du charbon, de près d’un tiers de l’électricité que produit aujourd’hui la planète.
2034 disposons de plus d’un quart du charbon, de près d’ un tiers de l’électricité que produit aujourd’hui la planète. Nous dis
2035 de plus d’un quart du charbon, de près d’un tiers de l’électricité que produit aujourd’hui la planète. Nous disposons surt
2036 it aujourd’hui la planète. Nous disposons surtout de ressources humaines qui n’ont pas leurs égales ailleurs : une main-d’
2037 ont les traditions ne s’imitent pas, une capacité d’ invention que le monde entier peut nous envier. Qu’avons-nous inventé,
2038 Qu’avons-nous inventé, nous les Européens, depuis cent ans ? Je répondrai : que n’avons-nous pas inventé ? Je cite pêle-mêle
2039 re : presque tous leurs grands noms sont des noms de l’Europe, et les très rares qui n’en sont pas ont appris leur métier
2040 ès rares qui n’en sont pas ont appris leur métier de nos maîtres, dans nos écoles, aux terrasses des cafés de Paris, ou pa
2041 maîtres, dans nos écoles, aux terrasses des cafés de Paris, ou par nos livres. Je dirai plus. Le monde moderne tout entier
2042 e à la fois nos mœurs et nos objets, nos procédés d’ art et de construction, de transport et de gouvernement, d’industrie e
2043 is nos mœurs et nos objets, nos procédés d’art et de construction, de transport et de gouvernement, d’industrie et de méde
2044 os objets, nos procédés d’art et de construction, de transport et de gouvernement, d’industrie et de médecine, et nos arme
2045 rocédés d’art et de construction, de transport et de gouvernement, d’industrie et de médecine, et nos armes. Les Hindous,
2046 de construction, de transport et de gouvernement, d’ industrie et de médecine, et nos armes. Les Hindous, les Chinois, les
2047 , de transport et de gouvernement, d’industrie et de médecine, et nos armes. Les Hindous, les Chinois, les Noirs copient l
2048 ous, nous copions tout au plus quelques citations de leurs sages, quelques statues de leurs dieux, ou quelques rythmes de
2049 elques citations de leurs sages, quelques statues de leurs dieux, ou quelques rythmes de leurs danses. Finalement, que son
2050 lques statues de leurs dieux, ou quelques rythmes de leurs danses. Finalement, que sont les empires qui prétendent partage
2051 du Nord et la Russie de Staline sont des produits de notre culture, l’une dès ses origines, et l’autre en ce qu’elle a de
2052 ’une dès ses origines, et l’autre en ce qu’elle a de moderne justement. Calvin et le puritanisme, d’un côté, plus les grat
2053 a de moderne justement. Calvin et le puritanisme, d’ un côté, plus les gratte-ciel, le système Taylor-Bedaux à tous les deg
2054 partout, qui sont des inventions européennes ; et de l’autre côté, Marx et notre industrie, plus l’instruction publique et
2055 nstruction publique et l’athéisme, l’hypertrophie de l’appareil étatique, et des copies de l’art officiel de nos grands-pè
2056 ypertrophie de l’appareil étatique, et des copies de l’art officiel de nos grands-pères. Caricatures évidemment ; mais ce
2057 ppareil étatique, et des copies de l’art officiel de nos grands-pères. Caricatures évidemment ; mais ce n’est point par ha
2058 idemment ; mais ce n’est point par hasard que ces deux grands pays semblent appeler ce procédé de description : leurs traits
2059 ces deux grands pays semblent appeler ce procédé de description : leurs traits les plus frappants, et qu’ils croient spéc
2060 Mais s’il en est ainsi, si tels sont nos atouts, d’ où vient notre faiblesse et notre angoisse ? D’où vient que nous ayons
2061 s, d’où vient notre faiblesse et notre angoisse ? D’ où vient que nous ayons perdu, ou que nous croyions avoir perdu la pui
2062 du la puissance et l’initiative, dès qu’il s’agit d’ autre chose que de peinture, de parfums, ou de vins du cru ? J’ai dit
2063 l’initiative, dès qu’il s’agit d’autre chose que de peinture, de parfums, ou de vins du cru ? J’ai dit que nous sommes tr
2064 , dès qu’il s’agit d’autre chose que de peinture, de parfums, ou de vins du cru ? J’ai dit que nous sommes trois-cents-mil
2065 git d’autre chose que de peinture, de parfums, ou de vins du cru ? J’ai dit que nous sommes trois-cents-millions à l’ouest
2066 s sommes trois-cents-millions à l’ouest du rideau de fer. C’est vrai en fait, mais nous ne le sentons pas. Car je parlais
2067 des Grecs, c’est-à-dire comme s’ils n’étaient que quarante millions, soixante millions ou trois millions. Nous parlons, nous ima
2068 , c’est-à-dire comme s’ils n’étaient que quarante millions , soixante millions ou trois millions. Nous parlons, nous imaginons, n
2069 dire comme s’ils n’étaient que quarante millions, soixante millions ou trois millions. Nous parlons, nous imaginons, nous craign
2070 e s’ils n’étaient que quarante millions, soixante millions ou trois millions. Nous parlons, nous imaginons, nous craignons donc,
2071 aient que quarante millions, soixante millions ou trois millions. Nous parlons, nous imaginons, nous craignons donc, comme de
2072 que quarante millions, soixante millions ou trois millions . Nous parlons, nous imaginons, nous craignons donc, comme des peuples
2073 our le monde où ils vivent. J’ai dressé une liste de nos créations les plus connues, celles qui ont fixé le visage du mond
2074 e orgueil, encore faut-il qu’ils aient conscience d’ appartenir à la famille européenne. Sinon, chacun d’entre eux va compt
2075 re eux va compter dans ma liste les quelques noms de son pays et n’en tirera qu’une raison de plus de se sentir minoritair
2076 de son pays et n’en tirera qu’une raison de plus de se sentir minoritaire, ou pauvre. Il en va de même sur tous les plans
2077 s tous trop petits et nous avons, par conséquent, de bonnes raisons d’être angoissés pour notre avenir immédiat. Presque t
2078 et nous avons, par conséquent, de bonnes raisons d’ être angoissés pour notre avenir immédiat. Presque toutes ces raisons
2079 rontières tombaient. Certes, il y a des symptômes de crise moins contingents, dans notre civilisation : conflits sociaux,
2080 conflits ne seront pas résolus par la seule grâce de notre union. Mais sans elle sera supprimée la possibilité de les réso
2081 ion. Mais sans elle sera supprimée la possibilité de les résoudre un jour. Je ne dirai pas que la division de l’Europe en
2082 résoudre un jour. Je ne dirai pas que la division de l’Europe en vingt nations, chacune trop petite, rend compte de tous l
2083 r. Je ne dirai pas que la division de l’Europe en vingt nations, chacune trop petite, rend compte de tous les maux dont nous
2084 n vingt nations, chacune trop petite, rend compte de tous les maux dont nous pouvons souffrir. Mais elle rend compte de no
2085 dont nous pouvons souffrir. Mais elle rend compte de nos faiblesses, et de notre démission sur le plan de l’Histoire. Et e
2086 frir. Mais elle rend compte de nos faiblesses, et de notre démission sur le plan de l’Histoire. Et elle rend compte de la
2087 nos faiblesses, et de notre démission sur le plan de l’Histoire. Et elle rend compte de la névrose d’infériorité que j’ai
2088 on sur le plan de l’Histoire. Et elle rend compte de la névrose d’infériorité que j’ai dite. La division de l’Europe nous
2089 de l’Histoire. Et elle rend compte de la névrose d’ infériorité que j’ai dite. La division de l’Europe nous prive de la pu
2090 névrose d’infériorité que j’ai dite. La division de l’Europe nous prive de la puissance dont tous les éléments sont pourt
2091 que j’ai dite. La division de l’Europe nous prive de la puissance dont tous les éléments sont pourtant parmi nous, mais di
2092 pourtant parmi nous, mais dispersés. La division de l’Europe paralyse notre culture aussi, puisqu’il n’est pas de culture
2093 paralyse notre culture aussi, puisqu’il n’est pas de culture sans libre échange des idées, des personnes et des œuvres, et
2094 ndition nécessaire, sinon suffisante, du maintien de l’Europe au rang des grandes puissances, c’est son union. Telle est a
2095 n union. Telle est aussi la condition du maintien de ce foyer de création et de liberté que représente l’Europe dans le mo
2096 le est aussi la condition du maintien de ce foyer de création et de liberté que représente l’Europe dans le monde, et que
2097 condition du maintien de ce foyer de création et de liberté que représente l’Europe dans le monde, et que rien ne peut re
2098 t une. Nous verrons ce qu’elle vaut, avant la fin de l’année. Dans le domaine économique, nous avons le plan Schuman, qui
2099 ous avons le plan Schuman, qui peut être un début de mise en commun de nos ressources matérielles. Et maintenant, dans le
2100 Schuman, qui peut être un début de mise en commun de nos ressources matérielles. Et maintenant, dans le domaine de cette c
2101 urces matérielles. Et maintenant, dans le domaine de cette culture dont on ne saurait trop répéter qu’elle est le vrai, le
2102 trop répéter qu’elle est le vrai, le seul secret de notre puissance, il est temps de proposer un autre Plan, qui consiste
2103 , le seul secret de notre puissance, il est temps de proposer un autre Plan, qui consisterait dans la mise en commun, au s
2104 i consisterait dans la mise en commun, au service de l’Europe entière, de nos ressources scientifiques, éducatrices et cré
2105 a mise en commun, au service de l’Europe entière, de nos ressources scientifiques, éducatrices et créatrices en général. C
2106 en général. Cette entreprise viendrait répondre à trois nécessités urgentes, qui en indiquent tout naturellement les trois ch
2107 urgentes, qui en indiquent tout naturellement les trois chapitres principaux. Premièrement, nous avons besoin d’un inventaire
2108 itres principaux. Premièrement, nous avons besoin d’ un inventaire des forces culturelles du continent. Cette nécessité dev
2109 u’on entreprend des recherches sur l’état présent d’ une question scientifique, sur les déficiences et les avantages cultur
2110 e, sur les déficiences et les avantages culturels de l’Europe par rapport aux autres continents, sur les forces disponible
2111 , sur les réformes à introduire. Il y a donc lieu d’ envisager la création d’une sorte d’Institut de la conjoncture culture
2112 roduire. Il y a donc lieu d’envisager la création d’ une sorte d’Institut de la conjoncture culturelle en Europe. Deuxièmem
2113 y a donc lieu d’envisager la création d’une sorte d’ Institut de la conjoncture culturelle en Europe. Deuxièmement, nous av
2114 eu d’envisager la création d’une sorte d’Institut de la conjoncture culturelle en Europe. Deuxièmement, nous avons besoin
2115 urelle en Europe. Deuxièmement, nous avons besoin d’ une coordination des efforts dispersés entre nos vingt nations. Partou
2116 ’une coordination des efforts dispersés entre nos vingt nations. Partout, l’on voit surgir des instituts13 dont les programme
2117 qui restent insolubles dans le cadre trop étroit de chaque nation et de chaque budget national : problèmes des recherches
2118 les dans le cadre trop étroit de chaque nation et de chaque budget national : problèmes des recherches atomiques, du ciném
2119  : problèmes des recherches atomiques, du cinéma, de la télévision, des intellectuels réfugiés, de la révision des manuels
2120 ma, de la télévision, des intellectuels réfugiés, de la révision des manuels d’histoire, des échanges… Ainsi apparaît la n
2121 ntellectuels réfugiés, de la révision des manuels d’ histoire, des échanges… Ainsi apparaît la nécessité d’un lieu de confr
2122 stoire, des échanges… Ainsi apparaît la nécessité d’ un lieu de confrontation permanente et d’un instrument d’action concer
2123 s échanges… Ainsi apparaît la nécessité d’un lieu de confrontation permanente et d’un instrument d’action concertée à l’éc
2124 écessité d’un lieu de confrontation permanente et d’ un instrument d’action concertée à l’échelle du continent, quelque cho
2125 eu de confrontation permanente et d’un instrument d’ action concertée à l’échelle du continent, quelque chose comme un Chat
2126 à résoudre. Troisièmement, l’on constate qu’aucun de nos instituts culturels nationaux ne peut parler, actuellement, au no
2127 rope dans son ensemble alors que c’est l’ensemble de l’Europe qui se voit attaqué par les propagandes que l’on sait. La né
2128 s que l’on sait. La nécessité se fait donc sentir d’ un organisme dont la raison d’être principale soit de pouvoir prendre
2129 se fait donc sentir d’un organisme dont la raison d’ être principale soit de pouvoir prendre certaines initiatives et de pa
2130 n organisme dont la raison d’être principale soit de pouvoir prendre certaines initiatives et de parler au nom de l’Europe
2131 soit de pouvoir prendre certaines initiatives et de parler au nom de l’Europe comme unité, dans le plan de la culture et
2132 rler au nom de l’Europe comme unité, dans le plan de la culture et de la morale publique, de même que seule une Autorité p
2133 Europe comme unité, dans le plan de la culture et de la morale publique, de même que seule une Autorité politique supranat
2134 ne Autorité politique supranationale sera capable de traiter au nom de trois-cents-millions d’Européens avec les Russes ou
2135 capable de traiter au nom de trois-cents-millions d’ Européens avec les Russes ou les Américains. L’action dont je viens d’
2136 Russes ou les Américains. L’action dont je viens d’ esquisser les trois chapitres principaux, ce n’est rien d’autre, en fa
2137 méricains. L’action dont je viens d’esquisser les trois chapitres principaux, ce n’est rien d’autre, en fait, que le programm
2138 ser les trois chapitres principaux, ce n’est rien d’ autre, en fait, que le programme du Centre européen de la culture, qui
2139 de la culture, qui s’est ouvert à Genève au mois de septembre sur l’initiative du Mouvement européen, et auquel le Consei
2140 européen, et auquel le Conseil de l’Europe vient d’ accorder son patronage officiel. M. Winston Churchill a proposé, devan
2141 sé, devant l’Assemblée de Strasbourg, la création d’ une armée de l’Europe. Que cette armée soit nécessaire, c’est la déplo
2142 ’Assemblée de Strasbourg, la création d’une armée de l’Europe. Que cette armée soit nécessaire, c’est la déplorable éviden
2143 e ne sert à rien, si l’homme qui la reçoit refuse de s’en servir, parce qu’il ignore ce qui est en jeu, ce qui vaut d’être
2144 parce qu’il ignore ce qui est en jeu, ce qui vaut d’ être défendu. La défense effective de l’Europe doit commencer dans les
2145 ce qui vaut d’être défendu. La défense effective de l’Europe doit commencer dans les cerveaux et dans les cœurs. Elle sup
2146 suppose une prise de conscience. Et toute volonté de réveil de la conscience commune européenne, dans nos élites et dans n
2147 e prise de conscience. Et toute volonté de réveil de la conscience commune européenne, dans nos élites et dans nos peuples
2148 es et dans nos peuples, suppose la reconnaissance de deux réalités qu’oublient généralement nos « réalistes ». La premièr
2149 et dans nos peuples, suppose la reconnaissance de deux réalités qu’oublient généralement nos « réalistes ». La première, c’
2150 on préfère) ou n’est qu’un appendice insignifiant de l’Asie. Et cela veut dire que la vraie source de la puissance europée
2151 de l’Asie. Et cela veut dire que la vraie source de la puissance européenne est sa culture, et qu’il serait absurde et va
2152 e est sa culture, et qu’il serait absurde et vain d’ essayer de sauver l’une sans l’autre. La seconde, c’est que le ressort
2153 ulture, et qu’il serait absurde et vain d’essayer de sauver l’une sans l’autre. La seconde, c’est que le ressort intime, m
2154 st que le ressort intime, mais aussi le but final de la culture occidentale, consistent en une seule et même chose : la li
2155 onsistent en une seule et même chose : la liberté de la personne. Et cela veut dire que les chances de l’Europe se confond
2156 de la personne. Et cela veut dire que les chances de l’Europe se confondent aujourd’hui avec les chances de l’homme. C’est
2157 Europe se confondent aujourd’hui avec les chances de l’homme. C’est pourquoi nous voulons sauver l’Europe. Non point pour
2158 du continent, non par orgueil ou par satisfaction de nous-mêmes, et encore moins avec le fol espoir d’apaiser à jamais tou
2159 de nous-mêmes, et encore moins avec le fol espoir d’ apaiser à jamais tous nos conflits, mais, au contraire pour maintenir
2160 ts, mais, au contraire pour maintenir les risques de la liberté, qui ont fait la vraie grandeur de l’homme européen, et po
2161 ues de la liberté, qui ont fait la vraie grandeur de l’homme européen, et pour sauver en face de la terre des masses, et d
2162 et pour sauver en face de la terre des masses, et de la terre des machines, et des terres immenses de la fatalité, une Eur
2163 de la terre des machines, et des terres immenses de la fatalité, une Europe qui demeure la terre des hommes. 12. Ici ce
2164 té, une Europe qui demeure la terre des hommes. 12. Ici cependant, point de malentendu ! Ne nous laissons jamais tenter p
2165 e la terre des hommes. 12. Ici cependant, point de malentendu ! Ne nous laissons jamais tenter par la plus fausse des sy
2166 celle qui mettrait les USA et l’URSS dans le rôle de Charybde et de Scylla. Entre les Américains et nous, Européens, il y
2167 ait les USA et l’URSS dans le rôle de Charybde et de Scylla. Entre les Américains et nous, Européens, il y a en commun les
2168 ls, l’usage présent, et l’idéal sans cesse élargi de la liberté de pensée, qui est une garantie des autres libertés. Entre
2169 ésent, et l’idéal sans cesse élargi de la liberté de pensée, qui est une garantie des autres libertés. Entre les stalinist
2170 politique. Nous ne sommes donc point en situation de neutralité. Nous savons où sont nos alliances. 13. Tels que le Collè
2171 e neutralité. Nous savons où sont nos alliances. 13. Tels que le Collège d’Autriche, la Deutsche Europa Akademie, le Centr
2172 s où sont nos alliances. 13. Tels que le Collège d’ Autriche, la Deutsche Europa Akademie, le Centro di Studi Europei, les
2173 Schools of European Studies, et enfin le Collège d’ Europe, inauguré à Bruges le 12 octobre, et qui peut devenir l’École d
2174 t enfin le Collège d’Europe, inauguré à Bruges le 12 octobre, et qui peut devenir l’École des sciences politiques du conti
2175 ces politiques du continent. g. Rougemont Denis de , « L’Europe et sa culture », La Revue de Paris, Paris, novembre 1950,
2176 nt Denis de, « L’Europe et sa culture », La Revue de Paris, Paris, novembre 1950, p. 79-90.
2177 sa culture », La Revue de Paris, Paris, novembre 1950, p. 79-90.
7 1951, La Revue de Paris, articles (1937–1969). Inde 1951 (décembre 1951)
2178 Inde 1951 (décembre 1951)h i Les États neufs ont des douaniers nerveux, mais
2179 Inde 1951 (décembre 1951 )h i Les États neufs ont des douaniers nerveux, mais ceux de l’Inde
2180 États neufs ont des douaniers nerveux, mais ceux de l’Inde se dominent : ils ont gardé cela des Anglais. Il leur faut cep
2181 rdé cela des Anglais. Il leur faut cependant plus d’ une heure pour nous administrer les preuves méticuleuses d’une souvera
2182 re pour nous administrer les preuves méticuleuses d’ une souveraineté que nul ne songe à contester. On nous demande pourquo
2183 n a beaucoup. — Le Congrès indien pour la liberté de la culture. — Qui l’organise ? — La revue Thought, qui est publiée à
2184 ité, il s’est borné à le déplacer, par un décret, de la capitale à Bombay.) L’officier n’est pas bien convaincu : il voudr
2185 Où habiterez-vous ? — Au Taj Mahal Hôtel. Sourire de soulagement. — Au Taj ? OK. OK ? On le dirait à moins. Plus qu’un hôt
2186 rait à moins. Plus qu’un hôtel, c’est un quartier de ville en un seul bâtiment surmonté d’une coupole. À l’intérieur, deux
2187 un quartier de ville en un seul bâtiment surmonté d’ une coupole. À l’intérieur, deux rues de boutiques de luxe, de cafés e
2188 l bâtiment surmonté d’une coupole. À l’intérieur, deux rues de boutiques de luxe, de cafés et de librairies aboutissent dans
2189 surmonté d’une coupole. À l’intérieur, deux rues de boutiques de luxe, de cafés et de librairies aboutissent dans le hall
2190 ne coupole. À l’intérieur, deux rues de boutiques de luxe, de cafés et de librairies aboutissent dans le hall central ouve
2191 e. À l’intérieur, deux rues de boutiques de luxe, de cafés et de librairies aboutissent dans le hall central ouvert sur un
2192 ieur, deux rues de boutiques de luxe, de cafés et de librairies aboutissent dans le hall central ouvert sur un vaste patio
2193 voitures se succèdent sans relâche. Ma chambre a dix mètres sur cinq, et cinq de haut. Du plafond pend une grande hélice à
2194 ccèdent sans relâche. Ma chambre a dix mètres sur cinq , et cinq de haut. Du plafond pend une grande hélice à quatre pales, q
2195 ans relâche. Ma chambre a dix mètres sur cinq, et cinq de haut. Du plafond pend une grande hélice à quatre pales, qu’un bout
2196 elâche. Ma chambre a dix mètres sur cinq, et cinq de haut. Du plafond pend une grande hélice à quatre pales, qu’un bouton
2197 cinq de haut. Du plafond pend une grande hélice à quatre pales, qu’un bouton électrique met en marche : trois vitesses. Sol de
2198 re pales, qu’un bouton électrique met en marche : trois vitesses. Sol de dalles grises polies, murs jaunes et beaucoup de meu
2199 on électrique met en marche : trois vitesses. Sol de dalles grises polies, murs jaunes et beaucoup de meubles. Quand je so
2200 rs jaunes et beaucoup de meubles. Quand je sonne, trois serviteurs paraissent au fond de la pièce, devant une tenture sombre,
2201 and je sonne, trois serviteurs paraissent au fond de la pièce, devant une tenture sombre, sans nul bruit. Il m’est arrivé
2202 e tenture sombre, sans nul bruit. Il m’est arrivé de sonner à nouveau n’entendant rien venir, et de m’apercevoir ensuite q
2203 vé de sonner à nouveau n’entendant rien venir, et de m’apercevoir ensuite qu’ils étaient là déjà depuis un long moment. Po
2204 s étaient là déjà depuis un long moment. Pourquoi trois  ? Je me dis que le premier prend les ordres, que le second probableme
2205 s exécute. Mais non, tout simplement, il y a trop de gens en Inde. J’ai sommeillé sous le ronron lent de l’hélice. Je sonn
2206 gens en Inde. J’ai sommeillé sous le ronron lent de l’hélice. Je sonne pour demander du thé. Les trois formes blanches na
2207 t de l’hélice. Je sonne pour demander du thé. Les trois formes blanches naissent dans l’ombre. Je me rendors. Le thé est là,
2208 mbre. Je me rendors. Le thé est là, et de nouveau trois hommes en blanc près de la table. Je leur demande du sucre. Ils souri
2209 inent. Ils ont des crayons à la main et des blocs de papier. Ils attendent. Je leur dis que c’est tout ce que je désire. M
2210 quelques questions. Mon opinion sur la neutralité de l’Inde ? Sur Nehru ? Éclair de magnésium. Aveuglé, je comprends, et m
2211 sur la neutralité de l’Inde ? Sur Nehru ? Éclair de magnésium. Aveuglé, je comprends, et m’efforce de donner des réponses
2212 de magnésium. Aveuglé, je comprends, et m’efforce de donner des réponses attendues, soudain frappé par la similitude entre
2213 à l’arrivant l’architecture et le puissant trafic d’ une grande cité de l’Occident comme on en voit en Amérique du Sud : pl
2214 hitecture et le puissant trafic d’une grande cité de l’Occident comme on en voit en Amérique du Sud : plus uniformément mo
2215 nes que les nôtres. Notons une légère frustration de notre sens de l’exotisme. Cette espèce de curiosité, toujours au bord
2216 tres. Notons une légère frustration de notre sens de l’exotisme. Cette espèce de curiosité, toujours au bord de la ferveur
2217 tration de notre sens de l’exotisme. Cette espèce de curiosité, toujours au bord de la ferveur, qu’évoque le terme d’exoti
2218 oujours au bord de la ferveur, qu’évoque le terme d’ exotisme : rien de plus typiquement européen. Parmi les peuples de la
2219 n de plus typiquement européen. Parmi les peuples de la terre, seuls les Européens recherchent l’étranger, le dépaysement
2220 nger, le dépaysement pour lui-même, et sont déçus de ne le point trouver aussi pur et déconcertant qu’ils le rêvaient. Pou
2221 nois, l’Arabe, l’étranger n’a jamais été un sujet de littérature, de nostalgie consciente et cultivée. Il peut bien être l
2222 ’étranger n’a jamais été un sujet de littérature, de nostalgie consciente et cultivée. Il peut bien être le plus fort, il
2223 encore dans nos campagnes et derrière les rideaux de nos provinces, est répudiée depuis longtemps par nos élites voyageuse
2224 l semble qu’au regard de la « hideuse vulgarité » de l’Occident, dont parlait récemment André Gide, toute la noblesse des
2225 uge en Orient, en Afrique, en Océanie… Incapables de croire en rien, nous courons admirer ceux qui vénèrent les vaches. L’
2226 illeurs comment on croit, mais sans désir sérieux de partager la foi de ceux dont il admire qu’ils en aient une. Ceci dit,
2227 croit, mais sans désir sérieux de partager la foi de ceux dont il admire qu’ils en aient une. Ceci dit, je n’aurai de cess
2228 admire qu’ils en aient une. Ceci dit, je n’aurai de cesse que je n’aie découvert, à mon tour, derrière l’immense façade d
2229 quais synthétiquement occidentale, tout éclatante d’ ocres, de briques vernies, de blancs bleutés et de luxueux reflets aux
2230 thétiquement occidentale, tout éclatante d’ocres, de briques vernies, de blancs bleutés et de luxueux reflets aux vitres d
2231 tale, tout éclatante d’ocres, de briques vernies, de blancs bleutés et de luxueux reflets aux vitres de milliers de bow-wi
2232 d’ocres, de briques vernies, de blancs bleutés et de luxueux reflets aux vitres de milliers de bow-windows, la Sombre Chos
2233 e blancs bleutés et de luxueux reflets aux vitres de milliers de bow-windows, la Sombre Chose, grouillante et mystérieuse,
2234 lancs bleutés et de luxueux reflets aux vitres de milliers de bow-windows, la Sombre Chose, grouillante et mystérieuse, tapie to
2235 utés et de luxueux reflets aux vitres de milliers de bow-windows, la Sombre Chose, grouillante et mystérieuse, tapie tout
2236 nous envoie, mêlés à la circulation bien ordonnée de ces quartiers, des signes brefs et toujours inquiétants, le cri préci
2237 urs inquiétants, le cri précipité et comme rageur d’ un corbeau maigre à ma fenêtre, une ombre nette de vautour traversant
2238 d’un corbeau maigre à ma fenêtre, une ombre nette de vautour traversant lentement la chaussée, des crachats rouges de béte
2239 ersant lentement la chaussée, des crachats rouges de bétel sur le trottoir, et ces moignons de bras charmants et menaçants
2240 rouges de bétel sur le trottoir, et ces moignons de bras charmants et menaçants… Sur le port et devant les grands hôtels,
2241 ls, des fillettes aux yeux sans sourire, au corps d’ une insensée gracilité, à peine vêtues d’un lambeau de coton, glissent
2242 au corps d’une insensée gracilité, à peine vêtues d’ un lambeau de coton, glissent dans les grosses voitures américaines, a
2243 e insensée gracilité, à peine vêtues d’un lambeau de coton, glissent dans les grosses voitures américaines, au moment de c
2244 et guttural, pareil à celui des corbeaux, le cri de la misère sauvage qui seule, dans cette fournaise humide, fouette enc
2245 cette fournaise humide, fouette encore l’énergie de l’animal humain. ⁂ Aborder l’Inde par Bombay, ou par son intelligents
2246 ce que nous connaissions, avec la seule surprise de n’en pas avoir d’autres. Dès les premières heures de débats, il devie
2247 n’en pas avoir d’autres. Dès les premières heures de débats, il devient évident que leurs problèmes s’énoncent dans les mê
2248 refusent à choisir entre le Coca-Cola et le camp de Kolyma ; ceux qui invoquent la morale et Gandhi pour justifier le neu
2249 d la liberté, sans laquelle il n’est pas question de réformes humainement valables ; ceux enfin qui se frappent la poitrin
2250 ui se frappent la poitrine en déclarant qu’il y a de l’indécence à venir parler de culture dans un pays où des millions so
2251 déclarant qu’il y a de l’indécence à venir parler de culture dans un pays où des millions sont affamés. Ce dernier argumen
2252 nce à venir parler de culture dans un pays où des millions sont affamés. Ce dernier argument, lancé d’abord par l’un des délégué
2253 main dans les éditoriaux, les jours suivants dans mille échos, lettres à l’éditeur, et commentaires critiques sur le Congrès.
2254 x eux-mêmes avaient déclaré en leur temps : point de culture tant qu’il subsiste de la misère et de la famine, il n’y aura
2255 leur temps : point de culture tant qu’il subsiste de la misère et de la famine, il n’y aurait point de civilisation ; s’il
2256 nt de culture tant qu’il subsiste de la misère et de la famine, il n’y aurait point de civilisation ; s’il n’y avait point
2257 de la misère et de la famine, il n’y aurait point de civilisation ; s’il n’y avait point de civilisation, nous serions san
2258 rait point de civilisation ; s’il n’y avait point de civilisation, nous serions sans moyens techniques pour remédier à la
2259 e. J’en trouve une preuve de plus dans le journal de ce matin. C’est un savant indien, D. R. Sethi, qui inventa le procédé
2260 s le journal de ce matin. C’est un savant indien, D. R. Sethi, qui inventa le procédé pour détruire les racines d’une herb
2261 qui inventa le procédé pour détruire les racines d’ une herbe nommée kans, fléau des riches vallées à blé de l’Inde centra
2262 herbe nommée kans, fléau des riches vallées à blé de l’Inde centrale. Avec l’aide des tracteurs américains qui avaient con
2263 ute birmane, il vient de rendre, en quelques mois d’ essais, cent-mille tonnes de blé aux Indiens. Mais je me tairai. « Ven
2264 dre, en quelques mois d’essais, cent-mille tonnes de blé aux Indiens. Mais je me tairai. « Ventre affamé n’a point d’oreil
2265 ens. Mais je me tairai. « Ventre affamé n’a point d’ oreilles », et qui suis-je pour lutter ici contre la force d’un prover
2266 », et qui suis-je pour lutter ici contre la force d’ un proverbe, si convaincu que je sois qu’il dit faux, que ce sont les
2267 st mère des civilisations, comme l’angoisse l’est de la pensée. ⁂ — Que cherchez-vous ? me dit Raja Rao, que je rencontre
2268 que je rencontre dans le hall du Taj. (Il a l’air d’ un Gitan avec ses boucles noires, il est brahmine, et par un choix dél
2269 n choix délibéré, très orthodoxe, donc très libre d’ esprit.) — Je cherche l’Inde. La trouverai-je à Bombay ? Il appelle un
2270 à partis. Nous avons quitté la voiture à l’entrée d’ une ruelle étroite que nous descendons lentement jusqu’à des escaliers
2271 ’à des escaliers très raides et compliqués, entre de hautes façades peintes en jaune. Statuettes vêtues de soie et de fleu
2272 autes façades peintes en jaune. Statuettes vêtues de soie et de fleurs dans des niches, comme à Naples. Il y a bien, assis
2273 es peintes en jaune. Statuettes vêtues de soie et de fleurs dans des niches, comme à Naples. Il y a bien, assises sur les
2274 rches, ces fillettes en sari aux narines cloutées d’ un diamant, aux chevilles surchargées d’anneaux et de grelots, mais le
2275 cloutées d’un diamant, aux chevilles surchargées d’ anneaux et de grelots, mais le décor est italien. (Et ce même rose trè
2276 n diamant, aux chevilles surchargées d’anneaux et de grelots, mais le décor est italien. (Et ce même rose très pâle et un
2277 r une place irrégulière, en terre battue, plantée d’ arbres au tronc pelé. Un désordre de maisons inégales sur la gauche. À
2278 ttue, plantée d’arbres au tronc pelé. Un désordre de maisons inégales sur la gauche. À droite s’étend un long bassin recta
2279 roite s’étend un long bassin rectangulaire, empli d’ une eau verte et profonde. Tout autour du bassin, et sur l’îlot qui en
2280 t qui en occupe le centre, s’élèvent des colonnes de pierre noire, hérissées de demi-soucoupes : ce sont des lampes, et to
2281 s’élèvent des colonnes de pierre noire, hérissées de demi-soucoupes : ce sont des lampes, et tout s’allume les soirs de fê
2282  : ce sont des lampes, et tout s’allume les soirs de fête. Nous entrons dans une rue sinueuse, bordée de petites maisons à
2283 fête. Nous entrons dans une rue sinueuse, bordée de petites maisons à un ou deux étages, cages à oiseaux cubiques et mal
2284 e rue sinueuse, bordée de petites maisons à un ou deux étages, cages à oiseaux cubiques et mal superposées, de cafés minuscu
2285 ges, cages à oiseaux cubiques et mal superposées, de cafés minuscules dont les balcons surplombent le bassin, et d’espèces
2286 scules dont les balcons surplombent le bassin, et d’ espèces de garages ou étables, on ne sait, aux larges portes à barreau
2287 t les balcons surplombent le bassin, et d’espèces de garages ou étables, on ne sait, aux larges portes à barreaux : les te
2288 x larges portes à barreaux : les temples. Au fond de l’ombre, un autel s’illumine. Étoffes rouge et or derrière la statuet
2289 t, sans un geste. Parfois le prêtre en pagne sort d’ un coin noir, et vient planter autour d’une fontaine basse, dans la co
2290 agne sort d’un coin noir, et vient planter autour d’ une fontaine basse, dans la courette, deux minces baguettes d’encens s
2291 er autour d’une fontaine basse, dans la courette, deux minces baguettes d’encens surmontées d’une flammèche. Tout ceci s’ouv
2292 ne basse, dans la courette, deux minces baguettes d’ encens surmontées d’une flammèche. Tout ceci s’ouvrant sur la rue, à q
2293 urette, deux minces baguettes d’encens surmontées d’ une flammèche. Tout ceci s’ouvrant sur la rue, à quelques pas des homm
2294 passants à pieds nus qui circulent sans nous voir de leurs yeux fixes et ardents. Nous croise un être demi-nu, très vieux,
2295 oise un être demi-nu, très vieux, le crâne tondu, deux mamelles pendant jusqu’au ventre. Des femmes aux membres incroyableme
2296 ieux. Peu de bruits, et pas un sourire. La cloche d’ un temple tinte, sans musique. On entend le frottement des pieds nus,
2297 un mur. Il règne dans tout le quartier une espèce de solennité énigmatique et insidieuse, qui tient du rêve et de la vie a
2298 é énigmatique et insidieuse, qui tient du rêve et de la vie animale. Tout est menu, félin, misérable et précieux à la fois
2299 éclaire, vers les roches noires et plates du bord de mer, des hommes assis en groupe écoutent une lecture à haute voix. Ac
2300 gros in-quarto relié. Homme encore jeune, massif, de peau très noire, aux gros yeux blancs, sérieux et lent. Raja Rao lui
2301 ’ai rien vu de plus touchant, ni jamais un groupe d’ hommes plus dignes et candides dans l’acte d’entendre un poème. Plus t
2302 oupe d’hommes plus dignes et candides dans l’acte d’ entendre un poème. Plus tard, comme nous remontions les pentes de Mala
2303 oème. Plus tard, comme nous remontions les pentes de Malabar Hill par des chemins encaissés entre les murs de parc des gra
2304 bar Hill par des chemins encaissés entre les murs de parc des grandes demeures luxueuses, un saint nous a croisés. Comme j
2305 s, un saint nous a croisés. Comme je l’apercevais de loin : — Qui est-ce ? ai-je demandé à mon ami. — Un holy man, a-t-il
2306 chait lentement, à grands pas importants, précédé d’ un énorme ventre bien bronzé, vêtu d’une barbe rousse en éventail jusq
2307 nts, précédé d’un énorme ventre bien bronzé, vêtu d’ une barbe rousse en éventail jusqu’aux épaules, d’un cordon autour du
2308 d’une barbe rousse en éventail jusqu’aux épaules, d’ un cordon autour du cou pendant jusqu’au nombril, et d’un pagne. Il ry
2309 cordon autour du cou pendant jusqu’au nombril, et d’ un pagne. Il rythmait ses lentes et grandes enjambées en frappant le s
2310 es lentes et grandes enjambées en frappant le sol d’ un bâton. Derrière lui se pressaient trois hommes plus petits, l’un su
2311 ant le sol d’un bâton. Derrière lui se pressaient trois hommes plus petits, l’un sur les talons de l’autre, le premier très g
2312 ent trois hommes plus petits, l’un sur les talons de l’autre, le premier très gros et court, le second décharné, les tendo
2313 es, et le troisième trapu, crâne tondu, une sorte de queue de cheval surgissant du sommet de l’occiput. Le saint homme dép
2314 troisième trapu, crâne tondu, une sorte de queue de cheval surgissant du sommet de l’occiput. Le saint homme déployait so
2315 une sorte de queue de cheval surgissant du sommet de l’occiput. Le saint homme déployait son importance, les trois suiveur
2316 put. Le saint homme déployait son importance, les trois suiveurs semblaient vouloir montrer avec insistance qu’ils suivaient.
2317 t saints, plus ils sont nus, et non pas chamarrés de robes et surplis à l’instar des princes ou des rois, et comme le sont
2318 s gravissent la hiérarchie sacrée. Nos mouvements de réforme religieuse n’ont-ils pas toujours commencé par revenir avec p
2319 ? Parfois même ils l’ont physiquement manifestée, de saint François aux Doukhobors. ⁂ Dans le salon d’une vaste résidence,
2320 de saint François aux Doukhobors. ⁂ Dans le salon d’ une vaste résidence, vidé de ses meubles, le mur du fond tendu d’un se
2321 bors. ⁂ Dans le salon d’une vaste résidence, vidé de ses meubles, le mur du fond tendu d’un seul voile de soie noir chargé
2322 idence, vidé de ses meubles, le mur du fond tendu d’ un seul voile de soie noir chargé de larges signes d’or, Çakuntala dan
2323 ses meubles, le mur du fond tendu d’un seul voile de soie noir chargé de larges signes d’or, Çakuntala dansait des danses
2324 du fond tendu d’un seul voile de soie noir chargé de larges signes d’or, Çakuntala dansait des danses classiques de l’Inde
2325 n seul voile de soie noir chargé de larges signes d’ or, Çakuntala dansait des danses classiques de l’Inde ancienne. Deux p
2326 nes d’or, Çakuntala dansait des danses classiques de l’Inde ancienne. Deux petits groupes de musiciens l’accompagnaient, a
2327 dansait des danses classiques de l’Inde ancienne. Deux petits groupes de musiciens l’accompagnaient, assis à terre de chaque
2328 lassiques de l’Inde ancienne. Deux petits groupes de musiciens l’accompagnaient, assis à terre de chaque côté de la pièce.
2329 upes de musiciens l’accompagnaient, assis à terre de chaque côté de la pièce. La subtile dissymétrie de ses gestes, soulig
2330 ns l’accompagnaient, assis à terre de chaque côté de la pièce. La subtile dissymétrie de ses gestes, soulignée par des ava
2331 e chaque côté de la pièce. La subtile dissymétrie de ses gestes, soulignée par des avancements obliques du menton, en liai
2332 parfois curieusement affectées, sont des figures de la danse de Shiva, langage rituel absolument exact, interprétant le d
2333 ieusement affectées, sont des figures de la danse de Shiva, langage rituel absolument exact, interprétant le devenir cosmi
2334 des couleurs, des bijoux, je songeais que l’idée de « mauvais goût » devient inconcevable en Inde, alors qu’un tel excès
2335 vient inconcevable en Inde, alors qu’un tel excès de richesses combinées n’eût pas manqué de l’évoquer dans nos pays. C’es
2336 tel excès de richesses combinées n’eût pas manqué de l’évoquer dans nos pays. C’est qu’ici, rien ne relève du « goût », ma
2337 t chaque geste sont dictés par le rite et revêtus de son autorité. Pourtant ce qui a suivi m’a troublé davantage et j’en p
2338 et j’en parlerai plus longuement. Devant la soie de fond viennent d’apparaître deux hercules au visage rond barré d’énorm
2339 plus longuement. Devant la soie de fond viennent d’ apparaître deux hercules au visage rond barré d’énormes moustaches noi
2340 ent. Devant la soie de fond viennent d’apparaître deux hercules au visage rond barré d’énormes moustaches noires, et d’une p
2341 t d’apparaître deux hercules au visage rond barré d’ énormes moustaches noires, et d’une placidité d’expression qui surpren
2342 visage rond barré d’énormes moustaches noires, et d’ une placidité d’expression qui surprend. Vêtus de blouses bleues et de
2343 é d’énormes moustaches noires, et d’une placidité d’ expression qui surprend. Vêtus de blouses bleues et de longues culotte
2344 d’une placidité d’expression qui surprend. Vêtus de blouses bleues et de longues culottes blanches serrées aux mollets, c
2345 pression qui surprend. Vêtus de blouses bleues et de longues culottes blanches serrées aux mollets, chacun d’eux porte un
2346 ues culottes blanches serrées aux mollets, chacun d’ eux porte un bâton blanc semblable à celui de nos agents. L’introducte
2347 acun d’eux porte un bâton blanc semblable à celui de nos agents. L’introducteur annonce une « danse des sticks » symbolisa
2348 once une « danse des sticks » symbolisant le duel de dieux jumeaux. La musique commence doucement, batterie soutenant deux
2349 La musique commence doucement, batterie soutenant deux ou trois notes toujours pareilles. D’abord couchés à terre, dos à dos
2350 ue commence doucement, batterie soutenant deux ou trois notes toujours pareilles. D’abord couchés à terre, dos à dos, les dan
2351 t sa plus intense animation, frappant devant eux, de côté, derrière leur dos, les bras levés, avec une violence inouïe — s
2352 aient raides — le fracas des bâtons devient celui d’ une dure mêlée de chevaliers, cependant que la musique monotone rythme
2353 fracas des bâtons devient celui d’une dure mêlée de chevaliers, cependant que la musique monotone rythme les coups avec u
2354 es voici de nouveau presque assis, appuyés au sol d’ une main, frappant de l’autre ; puis ils se couchent, frappent encore
2355 resque assis, appuyés au sol d’une main, frappant de l’autre ; puis ils se couchent, frappent encore faiblement, s’immobil
2356 s’arrête sans conclusion, comme n’importe où. Les deux géants aux faces placides se relèvent et s’en vont s’asseoir parmi le
2357 es musiciens. « Est-ce beau, ou grotesque, ou les deux  ? », me souffle à l’oreille mon voisin. Ce qui m’a le plus surpris, c
2358 ris, c’est l’inhumanité (à notre sens occidental) de ces deux êtres absolument pareils et dénués de toute expression, leur
2359 est l’inhumanité (à notre sens occidental) de ces deux êtres absolument pareils et dénués de toute expression, leur naïveté
2360 l) de ces deux êtres absolument pareils et dénués de toute expression, leur naïveté inquiétante et opaque, leur animalité
2361 ps décochés à intervalles précis, par une détente d’ une vigueur folle, sans la moindre trace de passion. Non, ni « beau »
2362 étente d’une vigueur folle, sans la moindre trace de passion. Non, ni « beau » ni « grotesque » n’ont rien à voir ici. La
2363 « grotesque » n’ont rien à voir ici. La danse des deux hercules moustachus et puérils, surgis peut-être d’un passé moghol, m
2364 hercules moustachus et puérils, surgis peut-être d’ un passé moghol, me fait entrer dans une compréhension bien autrement
2365 dans une compréhension bien autrement inquiétante de l’Asie. Comment dire ce que l’on sent être à ce point étranger aux co
2366 rer dans son obscurité le sentiment, mal distinct d’ une angoisse, qu’ici le Moi, l’ego central, n’existe pas ? Ces danseur
2367 ans conscience propre et séparée. Je serais tenté d’ imaginer à la limite qu’ils ne sont rien que chair opaque, virilité à
2368 atterie des instruments et les figures dynamiques de la danse que l’animal par ses instincts. Sans problèmes, sans contrad
2369 alité dans la conscience, donc sans aucune espèce de liberté possible, s’il est vrai que toute liberté suppose quelque hia
2370 tre le Moi et le destin. Il me semble qu’au seuil de comprendre, je viens de sentir au moins pourquoi l’Asie peut connaîtr
2371 ignorer entièrement la personne, faire bon marché de l’individu, de ses souffrances, de sa vie même, et pourquoi ses grand
2372 ment la personne, faire bon marché de l’individu, de ses souffrances, de sa vie même, et pourquoi ses grandeurs anciennes
2373 ire bon marché de l’individu, de ses souffrances, de sa vie même, et pourquoi ses grandeurs anciennes nous semblent tour à
2374 uelles, hideuses ou fascinantes comme les figures d’ un rêve, intensément précises mais sans échelle, chargées d’une indici
2375 intensément précises mais sans échelle, chargées d’ une indicible signification, mais capables à chaque instant de se muer
2376 ble signification, mais capables à chaque instant de se muer totalement l’une dans l’autre, tels les animaux et les dieux
2377 animaux et les dieux dans la métamorphose infinie de la Fable. ⁂ Chaque nuit, je sors de mon hôtel pour aller respirer l’a
2378 phose infinie de la Fable. ⁂ Chaque nuit, je sors de mon hôtel pour aller respirer l’air de la mer. Les corridors et les g
2379 t, je sors de mon hôtel pour aller respirer l’air de la mer. Les corridors et les galeries de boutiques sont jonchés de co
2380 er l’air de la mer. Les corridors et les galeries de boutiques sont jonchés de corps endormis. (Quand je passe devant eux,
2381 rridors et les galeries de boutiques sont jonchés de corps endormis. (Quand je passe devant eux, mes serviteurs se lèvent
2382 nt à demi.) Dehors, dans l’ombre des arcades, des milliers de dormeurs sans mouvement. Sur le dos, bouche ouverte, à même le sol
2383 .) Dehors, dans l’ombre des arcades, des milliers de dormeurs sans mouvement. Sur le dos, bouche ouverte, à même le sol da
2384 e ou sur le côté, recroquevillés, nus ou couverts d’ un drap. Certains se font un lit d’une table à fruits, d’autres de l’e
2385 us ou couverts d’un drap. Certains se font un lit d’ une table à fruits, d’autres de l’embrasure d’une vitrine de boutique.
2386 ins se font un lit d’une table à fruits, d’autres de l’embrasure d’une vitrine de boutique. Leur immobilité parfaite me fa
2387 lit d’une table à fruits, d’autres de l’embrasure d’ une vitrine de boutique. Leur immobilité parfaite me fascine. (Nous bo
2388 e à fruits, d’autres de l’embrasure d’une vitrine de boutique. Leur immobilité parfaite me fascine. (Nous bougeons presque
2389 s presque tous en dormant. Mais je ne connais pas d’ Indien nerveux, même parmi les intellectuels.) Près du port, des gamin
2390 « english girls », sans doute les plus avouables de la liste. Il fait déjà trente-trois degrés, à deux heures du matin :
2391 oute les plus avouables de la liste. Il fait déjà trente-trois degrés, à deux heures du matin : l’été approche. ⁂ Accroupis au bord
2392 de la liste. Il fait déjà trente-trois degrés, à deux heures du matin : l’été approche. ⁂ Accroupis au bord du chemin, on n
2393 s au bord du chemin, on ne sait jamais, me disait M …, s’ils sont dans la posture de l’adoration ou celle de la défécation
2394 jamais, me disait M…, s’ils sont dans la posture de l’adoration ou celle de la défécation. Il y a bien moins d’irrévérenc
2395 ’ils sont dans la posture de l’adoration ou celle de la défécation. Il y a bien moins d’irrévérence dans cette remarque qu
2396 tion ou celle de la défécation. Il y a bien moins d’ irrévérence dans cette remarque qu’un Occidental ne le pensera, ignora
2397 se des vaches sacrées, dont ils enduisent le four de leur cuisine, ou qu’ils s’appliquent sur les cheveux et sur le front
2398 e front en triples traits, non sans l’avoir mêlée d’ un colorant jaune d’or ou vermillon. ⁂ Quartier purement indien du cen
2399 raits, non sans l’avoir mêlée d’un colorant jaune d’ or ou vermillon. ⁂ Quartier purement indien du centre de Bombay : comm
2400 u vermillon. ⁂ Quartier purement indien du centre de Bombay : comment font les autos pour traverser sans semer la mort à c
2401 sans semer la mort à chaque instant, cette foule d’ hommes en blanc qui marchent en tous sens entre les deux trottoirs, qu
2402 mmes en blanc qui marchent en tous sens entre les deux trottoirs, quand il faut encore contourner sans les frôler les vaches
2403 croupies ou couchées sur le flanc en plein milieu de la chaussée. Mieux vaut aller à pied le long des étalages, lentement
2404 long des étalages, lentement à travers les odeurs d’ huile brûlée, d’encens ou de pétales de fleurs emplissant des corbeill
2405 s, lentement à travers les odeurs d’huile brûlée, d’ encens ou de pétales de fleurs emplissant des corbeilles si fraîches à
2406 à travers les odeurs d’huile brûlée, d’encens ou de pétales de fleurs emplissant des corbeilles si fraîches à voir. Dans
2407 les odeurs d’huile brûlée, d’encens ou de pétales de fleurs emplissant des corbeilles si fraîches à voir. Dans la fournais
2408 corbeilles si fraîches à voir. Dans la fournaise d’ une petite place, vers midi, j’hésitais entre trois ruelles. J’entrevo
2409 e d’une petite place, vers midi, j’hésitais entre trois ruelles. J’entrevois par une porte cochère une cour ombreuse, où mon
2410 ne cour ombreuse, où mon premier mouvement serait d’ entrer. Mon guide me retient par la manche : lieu sacré. Un homme, sur
2411 dès l’entrée dans l’ombre et le silence. Essayer de se rappeler le plus grand nombre possible des objets livrés à ma vue,
2412 ux hostiles et insistants. Sur les grandes dalles de pierre, l’urine des vaches sacrées se répand lentement en larges napp
2413 . À gauche, un énorme pipal — c’est l’arbre sacré de Vishnu — dont le feuillage couvre la cour entière. Dans la torsade de
2414 feuillage couvre la cour entière. Dans la torsade de racines grises formant le tronc, des fleurs roses et violettes, piqué
2415 lques marches conduisent à une terrasse surélevée d’ un mètre. Des hommes assis sur le rebord, jambes pendantes, me regarde
2416 e rebord, jambes pendantes, me regardent. Au pied de l’arbre, une petite fontaine et un autel, chargé de fleurs et d’offra
2417 l’arbre, une petite fontaine et un autel, chargé de fleurs et d’offrandes. Un homme prie debout, puis se tourne à demi en
2418 petite fontaine et un autel, chargé de fleurs et d’ offrandes. Un homme prie debout, puis se tourne à demi en remuant les
2419 ne à demi en remuant les lèvres vers l’autre côté de la cour. Je suis son regard et découvre en retrait, au-delà de l’abre
2420 e suis son regard et découvre en retrait, au-delà de l’abreuvoir, un bâtiment peint en bleu-vert, chargé de clochetons et
2421 abreuvoir, un bâtiment peint en bleu-vert, chargé de clochetons et de reliefs rococo, qui évoque un pavillon de foire et q
2422 iment peint en bleu-vert, chargé de clochetons et de reliefs rococo, qui évoque un pavillon de foire et qui est un temple.
2423 tons et de reliefs rococo, qui évoque un pavillon de foire et qui est un temple. En réalité toute cette cour, avec les vac
2424 uets, forme l’antichambre ou le parvis du temple. D’ où l’impression de solennité, dès le premier regard jeté de la rue. Au
2425 chambre ou le parvis du temple. D’où l’impression de solennité, dès le premier regard jeté de la rue. Au fond, dans le pro
2426 pression de solennité, dès le premier regard jeté de la rue. Au fond, dans le prolongement de la terrasse, on distingue en
2427 ard jeté de la rue. Au fond, dans le prolongement de la terrasse, on distingue entre les feuillages des maisons, des enfan
2428 que, « arrêtée » en plein cœur du désordre éperdu de la ville. L’ombre, l’absence de paroles, de mouvements. Et la composi
2429 u désordre éperdu de la ville. L’ombre, l’absence de paroles, de mouvements. Et la composition compliquée de l’ensemble, c
2430 perdu de la ville. L’ombre, l’absence de paroles, de mouvements. Et la composition compliquée de l’ensemble, comme une mis
2431 oles, de mouvements. Et la composition compliquée de l’ensemble, comme une mise en scène pleine de sous-entendus. J’attend
2432 uée de l’ensemble, comme une mise en scène pleine de sous-entendus. J’attends un geste, un cri. Rien ne se passe. Ou plutô
2433 se passe. Ou plutôt, je ne saurai jamais ce qui, de toute évidence envoûtante, se passe ici, sans manifestation. ⁂ Hindo
2434 e ici, sans manifestation. ⁂ Hindouisme. — Point d’ Église, ni de hiérarchie, ni de paroisses, ni d’organisation ; point d
2435 anifestation. ⁂ Hindouisme. — Point d’Église, ni de hiérarchie, ni de paroisses, ni d’organisation ; point de croyance en
2436 indouisme. — Point d’Église, ni de hiérarchie, ni de paroisses, ni d’organisation ; point de croyance en Dieu, ni de théol
2437 t d’Église, ni de hiérarchie, ni de paroisses, ni d’ organisation ; point de croyance en Dieu, ni de théologie, de credo ni
2438 rchie, ni de paroisses, ni d’organisation ; point de croyance en Dieu, ni de théologie, de credo ni de catéchisme ; point
2439 ni d’organisation ; point de croyance en Dieu, ni de théologie, de credo ni de catéchisme ; point de liturgie non plus pui
2440 ion ; point de croyance en Dieu, ni de théologie, de credo ni de catéchisme ; point de liturgie non plus puisqu’il n’exist
2441 de croyance en Dieu, ni de théologie, de credo ni de catéchisme ; point de liturgie non plus puisqu’il n’existe pas de cul
2442 i de théologie, de credo ni de catéchisme ; point de liturgie non plus puisqu’il n’existe pas de culte public, ni même de
2443 point de liturgie non plus puisqu’il n’existe pas de culte public, ni même de rites communautaires ; à part les procession
2444 s puisqu’il n’existe pas de culte public, ni même de rites communautaires ; à part les processions et fêtes périodiques ;
2445  ; enfin, peu de respect pour les prêtres, sortes de domestiques des temples, utiles par leur savoir des rites de la naiss
2446 ues des temples, utiles par leur savoir des rites de la naissance et de la mort, mais fort inférieurs aux brahmines. Comme
2447 iles par leur savoir des rites de la naissance et de la mort, mais fort inférieurs aux brahmines. Comment cette religion s
2448 s. Comment cette religion subsiste-t-elle, privée de toute espèce d’institutions et de disciplines collectives ? Elle se t
2449 religion subsiste-t-elle, privée de toute espèce d’ institutions et de disciplines collectives ? Elle se transmet par la f
2450 -t-elle, privée de toute espèce d’institutions et de disciplines collectives ? Elle se transmet par la famille, par le res
2451 ? Elle se transmet par la famille, par le respect de la caste, par l’étude des Vedas, surtout par les écoles de Maîtres. L
2452 te, par l’étude des Vedas, surtout par les écoles de Maîtres. Les rites sont familiaux, ou même individuels. Dans ce pays
2453 grouillent jusqu’au délire, où l’on multiplie par trois , par dix, par cent le nombre des individus jugés nécessaires chez nou
2454 jusqu’au délire, où l’on multiplie par trois, par dix , par cent le nombre des individus jugés nécessaires chez nous pour un
2455 délire, où l’on multiplie par trois, par dix, par cent le nombre des individus jugés nécessaires chez nous pour une tâche dé
2456 ous pour une tâche déterminée, où j’ai vu jusqu’à cinq personnes sur une bicyclette — le père, la mère, et trois enfants — o
2457 rsonnes sur une bicyclette — le père, la mère, et trois enfants — où enfin, d’une manière générale, il y a partout trop de ge
2458 — le père, la mère, et trois enfants — où enfin, d’ une manière générale, il y a partout trop de gens ; dans ce pays qui n
2459 nfin, d’une manière générale, il y a partout trop de gens ; dans ce pays qui ne croit pas à l’absolu de la personne et qui
2460 e gens ; dans ce pays qui ne croit pas à l’absolu de la personne et qui semble voué au collectif, la dévotion et le culte
2461 -nus, traversant à grands pas les rues encombrées de piétons, de vaches, de zébus et d’autos, allant ailleurs, on ne sait
2462 sant à grands pas les rues encombrées de piétons, de vaches, de zébus et d’autos, allant ailleurs, on ne sait où, mais on
2463 ds pas les rues encombrées de piétons, de vaches, de zébus et d’autos, allant ailleurs, on ne sait où, mais on ne peut s’e
2464 ues encombrées de piétons, de vaches, de zébus et d’ autos, allant ailleurs, on ne sait où, mais on ne peut s’empêcher de s
2465 lleurs, on ne sait où, mais on ne peut s’empêcher de se le demander, et d’eux seuls dans la foule infinie, car eux seuls s
2466 mais on ne peut s’empêcher de se le demander, et d’ eux seuls dans la foule infinie, car eux seuls sont vraiment distincts
2467 ’espèce, la caste… ⁂ Grand dîner chez le ministre de l’Alimentation : bouillons de légumes, légumes hachés, curries, galet
2468 er chez le ministre de l’Alimentation : bouillons de légumes, légumes hachés, curries, galettes, fruits doux-amers, jus de
2469 hachés, curries, galettes, fruits doux-amers, jus de fruits et glaces, servis dans de petits bols que l’on dépose sans rel
2470 doux-amers, jus de fruits et glaces, servis dans de petits bols que l’on dépose sans relâche et sans ordre sur le pourtou
2471 dépose sans relâche et sans ordre sur le pourtour d’ un grand plateau d’argent, devant chaque convive. La conversation s’en
2472 et sans ordre sur le pourtour d’un grand plateau d’ argent, devant chaque convive. La conversation s’engage entre Stephen
2473 et Parsis. Stephen déplore la condition présente de l’homme occidental, tourmenté comme on sait par mille complexes, sexu
2474 e l’homme occidental, tourmenté comme on sait par mille complexes, sexuels surtout. Qu’en est-il en Inde ? Les Indiens échang
2475 doute, et disent enfin que non, qu’ils n’ont pas de complexes, surtout pas de complexes sexuels. Spender insiste, interro
2476 e non, qu’ils n’ont pas de complexes, surtout pas de complexes sexuels. Spender insiste, interroge anxieusement, se plaint
2477 pender insiste, interroge anxieusement, se plaint de notre sens du péché. Les Indiens continuent de sourire : non vraiment
2478 nt de notre sens du péché. Les Indiens continuent de sourire : non vraiment, ils n’ont pas ce sens-là… Il y a beaucoup à d
2479 ité. Je reviens à ce que j’écrivais sur l’absence de contradiction dans l’être intime de l’Asiatique : c’est une autre man
2480 sur l’absence de contradiction dans l’être intime de l’Asiatique : c’est une autre manière d’exprimer qu’il n’a pas le sen
2481 e intime de l’Asiatique : c’est une autre manière d’ exprimer qu’il n’a pas le sens du péché ; et par suite, qu’il n’a pas
2482 hé ; et par suite, qu’il n’a pas non plus le sens de la révolte, ni celui de l’humour, ni même celui de l’originalité, éta
2483 n’a pas non plus le sens de la révolte, ni celui de l’humour, ni même celui de l’originalité, étant l’homme du Karma, et
2484 e la révolte, ni celui de l’humour, ni même celui de l’originalité, étant l’homme du Karma, et d’une caste. La suppression
2485 elui de l’originalité, étant l’homme du Karma, et d’ une caste. La suppression des castes, admise en droit, si elle devenai
2486 , si elle devenait jamais effective, entraînerait d’ infinies conséquences dans tous ces ordres. Elle créerait un champ lib
2487 aux problèmes personnels, aux risques permanents de la personne, à ses échecs dans la névrose ou l’insanité collective, b
2488 des choses, on comprend fort bien que notre idée de l’originalité (dans les arts ou dans la conduite) ne signifie rien de
2489 ns les arts ou dans la conduite) ne signifie rien de raisonnable pour l’Asiatique en tant que tel14. Il est d’une caste, d
2490 nnable pour l’Asiatique en tant que tel14. Il est d’ une caste, d’une secte religieuse, d’une voie spirituelle définie, d’u
2491 ’Asiatique en tant que tel14. Il est d’une caste, d’ une secte religieuse, d’une voie spirituelle définie, d’une école ou d
2492 el14. Il est d’une caste, d’une secte religieuse, d’ une voie spirituelle définie, d’une école ou d’une profession. La vari
2493 secte religieuse, d’une voie spirituelle définie, d’ une école ou d’une profession. La variation, l’innovation individuelle
2494 e, d’une voie spirituelle définie, d’une école ou d’ une profession. La variation, l’innovation individuelle ne sont pas vu
2495 t pas vues, ou bien ne sont qu’erreurs. Le besoin d’ être original, et dans un autre ordre l’humour, expriment notre notion
2496 s un autre ordre l’humour, expriment notre notion de l’individu : isolé, désacralisé, en révolte ouverte ou sournoise cont
2497 , en révolte ouverte ou sournoise contre un ordre de choses par essence discutable, c’est-à-dire affecté dès l’origine, co
2498 est-à-dire affecté dès l’origine, comme en chacun de ses états, par un principe d’injustice, de malheur, d’incomplétude in
2499 ne, comme en chacun de ses états, par un principe d’ injustice, de malheur, d’incomplétude inéluctable. D’où le sens du péc
2500 chacun de ses états, par un principe d’injustice, de malheur, d’incomplétude inéluctable. D’où le sens du péché, d’où la r
2501 s états, par un principe d’injustice, de malheur, d’ incomplétude inéluctable. D’où le sens du péché, d’où la révolte, d’où
2502 njustice, de malheur, d’incomplétude inéluctable. D’ où le sens du péché, d’où la révolte, d’où l’idée d’un progrès nécessa
2503 ’incomplétude inéluctable. D’où le sens du péché, d’ où la révolte, d’où l’idée d’un progrès nécessaire, absolument liés da
2504 luctable. D’où le sens du péché, d’où la révolte, d’ où l’idée d’un progrès nécessaire, absolument liés dans notre histoire
2505 où le sens du péché, d’où la révolte, d’où l’idée d’ un progrès nécessaire, absolument liés dans notre histoire et dans not
2506 surde ou la médiocrité. Chez l’Indien donc, point de révolte. À ce qui menacerait de le dénaturer, il résiste en collant à
2507 ndien donc, point de révolte. À ce qui menacerait de le dénaturer, il résiste en collant à son identité, qui est celle d’u
2508 résiste en collant à son identité, qui est celle d’ un ordre et non pas d’un ego, d’un être différent qui ne vivra qu’une
2509 son identité, qui est celle d’un ordre et non pas d’ un ego, d’un être différent qui ne vivra qu’une fois. Il résiste sans
2510 té, qui est celle d’un ordre et non pas d’un ego, d’ un être différent qui ne vivra qu’une fois. Il résiste sans contre-att
2511 violente et non rituelle il y a le risque insane de changer le réel et de blesser l’ordre du monde. De là, sans doute, l’
2512 lle il y a le risque insane de changer le réel et de blesser l’ordre du monde. De là, sans doute, l’idée de non-violence,
2513 e changer le réel et de blesser l’ordre du monde. De là, sans doute, l’idée de non-violence, forme de résistance la plus p
2514 esser l’ordre du monde. De là, sans doute, l’idée de non-violence, forme de résistance la plus profonde à l’étrangeté néfa
2515 De là, sans doute, l’idée de non-violence, forme de résistance la plus profonde à l’étrangeté néfaste de l’ennemi, puisqu
2516 résistance la plus profonde à l’étrangeté néfaste de l’ennemi, puisqu’elle met à l’abri du danger de communier avec lui da
2517 e de l’ennemi, puisqu’elle met à l’abri du danger de communier avec lui dans la lutte et d’en sortir contaminé. ⁂ Nehru.
2518 du danger de communier avec lui dans la lutte et d’ en sortir contaminé. ⁂ Nehru. — L’un de ses anciens amis m’a mis en g
2519 lutte et d’en sortir contaminé. ⁂ Nehru. — L’un de ses anciens amis m’a mis en garde. « Nehru, me disait-il, suit en tou
2520 ligne approuvée par les Russes. Prenez l’affaire de la Corée : il propose un plébiscite “démocratique”, qui ne peut tourn
2521 s prenez l’affaire du Kashmir : là, plus question de plébiscite, idée quantitative et bien américaine ; il s’agit au contr
2522 ine ; il s’agit au contraire de sauver les droits de la minorité, seule responsable et progressiste, et qui est hindoue. N
2523 olitique, on les rend hésitants et l’on se plaint de leur retard, mais si l’URSS nous envoie deux wagons de céréales, on s
2524 plaint de leur retard, mais si l’URSS nous envoie deux wagons de céréales, on salue la grandeur du geste. Nehru, qui a visit
2525 ur retard, mais si l’URSS nous envoie deux wagons de céréales, on salue la grandeur du geste. Nehru, qui a visité la Russi
2526 . Nehru, qui a visité la Russie soviétique il y a vingt ans, la tient pour le pays de l’avenir. Cependant il déteste les comm
2527 oviétique il y a vingt ans, la tient pour le pays de l’avenir. Cependant il déteste les communistes indiens, fait emprison
2528 s’en moque, pourvu que l’Inde appuie la Chine. Et cinq des grands ambassadeurs de l’Inde sont communistes ou fellow-travelle
2529 appuie la Chine. Et cinq des grands ambassadeurs de l’Inde sont communistes ou fellow-travellers… » Un diplomate : « Nul
2530 sait ce qu’il va faire. Il suit surtout la ligne de ses humeurs. L’autre jour, au banquet des grands industriels, il s’es
2531 re le machinisme, inutile selon lui. Or il s’agit d’ équiper l’Inde, pour la sauver de la misère. » Beaucoup enfin de ceux
2532 ui. Or il s’agit d’équiper l’Inde, pour la sauver de la misère. » Beaucoup enfin de ceux qui l’aiment et qui l’admirent :
2533 de, pour la sauver de la misère. » Beaucoup enfin de ceux qui l’aiment et qui l’admirent : « Ah ! s’il était resté notre l
2534 on m’a confiées depuis que je suis dans ce pays — douze jours seulement — et je n’en prends aucune à mon compte, mais comment
2535 ds aucune à mon compte, mais comment cesserais-je d’ y penser, tandis que nous parlons, à New Delhi, au cours d’un déjeuner
2536 r, tandis que nous parlons, à New Delhi, au cours d’ un déjeuner auquel il m’a convié, entouré de sa fille, de sa nièce, et
2537 cours d’un déjeuner auquel il m’a convié, entouré de sa fille, de sa nièce, et de quelques familiers de sa maison. Dans le
2538 jeuner auquel il m’a convié, entouré de sa fille, de sa nièce, et de quelques familiers de sa maison. Dans le salon où je
2539 m’a convié, entouré de sa fille, de sa nièce, et de quelques familiers de sa maison. Dans le salon où je l’attendais, ava
2540 e sa fille, de sa nièce, et de quelques familiers de sa maison. Dans le salon où je l’attendais, avant le repas, je n’étai
2541 étais pas sans inquiétude. J’arrivais à l’instant de Bombay, où notre Congrès s’était clos sur une résolution condamnant l
2542 rentrer ce matin même du Kashmir, après une nuit de voyage. On le disait fort irritable. J’étais en train d’admirer des j
2543 dmirer des jonquilles, rapportées toutes fraîches de son pays natal. Il est entré sans bruit, d’un pas rapide. Un peu voût
2544 îches de son pays natal. Il est entré sans bruit, d’ un pas rapide. Un peu voûté, l’air sérieux et distant. Il porte une lo
2545 air sérieux et distant. Il porte une longue veste de soie d’un violet sombre, semée de fleurs gris-clair et jaunes. Pantal
2546 eux et distant. Il porte une longue veste de soie d’ un violet sombre, semée de fleurs gris-clair et jaunes. Pantalons blan
2547 ne longue veste de soie d’un violet sombre, semée de fleurs gris-clair et jaunes. Pantalons blancs étroits, souliers de so
2548 air et jaunes. Pantalons blancs étroits, souliers de soie noire, tête nue. Un prince d’Orient, aussi beau qu’on le dit. Lé
2549 ’est un autre homme. Souriant et détendu, curieux de tout, connaissant bien les écrivains qui participèrent au congrès, ma
2550 lutôt du cinéma indien qui, m’apprend-il, le cède de peu à Hollywood quant au volume de production, mais qu’il juge pire e
2551 nd-il, le cède de peu à Hollywood quant au volume de production, mais qu’il juge pire encore quant à la qualité ; parlant
2552 juge pire encore quant à la qualité ; parlant des douze grandes langues indiennes qui remplaceront de plus en plus l’anglais
2553 able mais inévitable ; parlant des fruits confits de vingt sortes diverses posés devant nous, et guettant si je les aime ;
2554 e mais inévitable ; parlant des fruits confits de vingt sortes diverses posés devant nous, et guettant si je les aime ; parla
2555 devant nous, et guettant si je les aime ; parlant de tout pour ne parler de rien peut-être, s’amusant à ce jeu où je m’amu
2556 t si je les aime ; parlant de tout pour ne parler de rien peut-être, s’amusant à ce jeu où je m’amuse à le suivre. Enfin j
2557 e à le suivre. Enfin je pousse un pion, profitant d’ un silence. Je lui dis que Madariaga, dans la séance de clôture du con
2558 silence. Je lui dis que Madariaga, dans la séance de clôture du congrès, s’est écrié : « Votre Nehru, c’est l’un des six o
2559 grès, s’est écrié : « Votre Nehru, c’est l’un des six ou sept qui dirigent aujourd’hui le monde et qui forment déjà, de fai
2560 irigent aujourd’hui le monde et qui forment déjà, de fait sinon de droit, une sorte de cabinet mondial : en tant que tel i
2561 d’hui le monde et qui forment déjà, de fait sinon de droit, une sorte de cabinet mondial : en tant que tel il doit prêter
2562 i forment déjà, de fait sinon de droit, une sorte de cabinet mondial : en tant que tel il doit prêter l’oreille à l’opinio
2563 i… » Mais sans me laisser achever ma citation : «  Six ou sept ? me dit-il. Quels sont les autres ? » — No others ! tranche
2564 mplicité. (Nous laissons sans réponse la question de savoir s’ils devraient être des Staline ou des Einstein, des Nehrus p
2565 s mon étonnement à découvrir que l’intelligentsia de son pays présente avec la nôtre tant d’analogies, non seulement par s
2566 ligentsia de son pays présente avec la nôtre tant d’ analogies, non seulement par sa situation entre l’URSS et les USA, mai
2567 tion entre l’URSS et les USA, mais par sa manière d’ assumer ou de refuser cette situation. Approuverait-il un plan d’échan
2568 URSS et les USA, mais par sa manière d’assumer ou de refuser cette situation. Approuverait-il un plan d’échanges suivis, s
2569 refuser cette situation. Approuverait-il un plan d’ échanges suivis, sur un axe culturel Inde-Europe ? Nos plus grands ind
2570 ollèges anglais, et d’autre part, elle est tentée de juger l’Occident tout entier à travers l’Amérique ; or l’Europe est p
2571 y a du vrai là-dedans… » J’ai pris congé au haut de l’escalier. Mais il me rejoint sur le seuil du palais. « N’oubliez pa
2572 e rejoint sur le seuil du palais. « N’oubliez pas de dire à Madariaga que je l’attends. Ou plutôt non, je lui téléphonerai
2573 urire un peu grave et charmeur. Un adieu familier de la main. J’essaie maintenant de recomposer ce que l’on m’a dit de lui
2574 Un adieu familier de la main. J’essaie maintenant de recomposer ce que l’on m’a dit de lui et ce que j’ai vu de l’homme, p
2575 saie maintenant de recomposer ce que l’on m’a dit de lui et ce que j’ai vu de l’homme, pendant une entrevue « banale », et
2576 oser ce que l’on m’a dit de lui et ce que j’ai vu de l’homme, pendant une entrevue « banale », et c’est son prix. Nehru es
2577 t vers le socialisme, et dont le destin, complice de sa nature intime plutôt que de ses idées, a fait un prince. Que ce pa
2578 e destin, complice de sa nature intime plutôt que de ses idées, a fait un prince. Que ce pandit soit devenu Premier minist
2579 pandit soit devenu Premier ministre, il s’agit là d’ un caprice de l’Histoire. Il y a beaucoup de caprice chez Nehru. À l’i
2580 evenu Premier ministre, il s’agit là d’un caprice de l’Histoire. Il y a beaucoup de caprice chez Nehru. À l’inverse d’un S
2581 l y a beaucoup de caprice chez Nehru. À l’inverse d’ un Staline, d’un Hitler, mais peut-être aussi d’un Gandhi, il reste co
2582 de caprice chez Nehru. À l’inverse d’un Staline, d’ un Hitler, mais peut-être aussi d’un Gandhi, il reste comme distinct d
2583 e d’un Staline, d’un Hitler, mais peut-être aussi d’ un Gandhi, il reste comme distinct de son rôle historique. On dirait q
2584 t-être aussi d’un Gandhi, il reste comme distinct de son rôle historique. On dirait qu’il le voit avec quelque distance. U
2585 ela, plus impatient qu’autoritaire, plus soucieux de noblesse morale que de logique. Son dédain mal dissimulé pour la cult
2586 autoritaire, plus soucieux de noblesse morale que de logique. Son dédain mal dissimulé pour la culture américaine est celu
2587 al dissimulé pour la culture américaine est celui d’ un brahmine pour une caste inférieure (il l’a écrit), non pas celui d’
2588 ne caste inférieure (il l’a écrit), non pas celui d’ un Marx pour le capitalisme promis à des crises fatales. Les mesures q
2589 nt de prendre contre la presse, au nom d’un idéal de « propreté morale », sont en fait ressenties comme traduisant sa colè
2590 entouré du respect général. Cela tient à son rôle de chef libérateur, mais non moins à sa grande séduction personnelle. To
2591 grande séduction personnelle. Tout le monde parle de sa beauté. Et il est vrai que son visage et son maintien expriment un
2592 son visage et son maintien expriment une harmonie de l’âme hindoue que la plupart des corps, dans ce pays, cachent et même
2593 es et brillants, nous apparaît plus près que nous de l’animal, ou soudain plus près de l’esprit. (Le businessman occidenta
2594 aisant oublier l’un comme l’autre.) Sur le visage de Nehru, l’âme affleure et vient en surface. Mais dans son être intime,
2595 en surface. Mais dans son être intime, le regard de l’esprit trouverait-il encore ce mystère primitif qui lie l’homme à s
2596 nuit ? Ne trouverait-il pas au contraire ce signe d’ inquiétude et de contradiction, cette petite cicatrice secrète qui tra
2597 rait-il pas au contraire ce signe d’inquiétude et de contradiction, cette petite cicatrice secrète qui trahit l’arrachemen
2598 petite cicatrice secrète qui trahit l’arrachement de l’individu à l’inconscient sacré, au corps magique d’une race ? L’ind
2599 ’individu à l’inconscient sacré, au corps magique d’ une race ? L’individualité n’est jamais née qu’en rupture de magie. Ce
2600  ? L’individualité n’est jamais née qu’en rupture de magie. Cette crise profonde de l’Inde se résume en Nehru. J’en suis s
2601 née qu’en rupture de magie. Cette crise profonde de l’Inde se résume en Nehru. J’en suis sûr maintenant : ce grand Indien
2602 lais. ⁂ Délivrée des Moghols par l’Occident, puis de l’Occident par l’action combinée de Gandhi, de nos faiblesses et de n
2603 ccident, puis de l’Occident par l’action combinée de Gandhi, de nos faiblesses et de nos idéaux, l’Inde va-t-elle enfin se
2604 is de l’Occident par l’action combinée de Gandhi, de nos faiblesses et de nos idéaux, l’Inde va-t-elle enfin se retrouver
2605 l’action combinée de Gandhi, de nos faiblesses et de nos idéaux, l’Inde va-t-elle enfin se retrouver elle-même ? Six siècl
2606 , l’Inde va-t-elle enfin se retrouver elle-même ? Six siècles de tutelle, presque « d’occupation », ne l’ont-ils pas profon
2607 t-elle enfin se retrouver elle-même ? Six siècles de tutelle, presque « d’occupation », ne l’ont-ils pas profondément déna
2608 ver elle-même ? Six siècles de tutelle, presque «  d’ occupation », ne l’ont-ils pas profondément dénaturée ? Certes, mais l
2609 eut plus ressembler qu’à ce qu’elle deviendra. En six siècles, le monde a changé ; une Inde indépendante eût changé elle au
2610 c’est qu’elle n’a pu le faire au rythme accéléré de notre histoire. Elle a manqué la Renaissance, les Lumières, le romant
2611 , on la réveille au siècle américain et russe. Ni d’ un côté ni de l’autre, elle ne peut se reconnaître. Elle se dit neutre
2612 lle au siècle américain et russe. Ni d’un côté ni de l’autre, elle ne peut se reconnaître. Elle se dit neutre, comme quelq
2613 l est trompeuse. Je n’ai pas senti là-bas l’essor d’ un peuple jeune, sa confiance dans l’avenir, ses projets excessifs. Au
2614 milieu d’une partie serrée, l’Inde se voit sommée de jouer. Elle n’est pas équipée, ni entraînée. Elle ne sait pas quel ca
2615 plan international, ne soit tenté que par le rôle d’ arbitre ! Admettons que l’Amérique représente aujourd’hui le monde des
2616 olitique ? Au nom de quelle fidélité profonde, ou de quel idéal nouveau repoussera-t-il longtemps la double tentation ? L’
2617 pouvoir est aux « sécularistes » qui se détachent d’ elle ou la renient. L’évolution normale que provoquerait une suppressi
2618 le des castes rapprocherait l’Inde de l’Occident, de l’Europe en particulier. Mais elle n’affecte encore que l’intelligent
2619 deur, et un avenir encore épidermique, le présent de l’Inde paraît manquer de consistance. Nous avons des problèmes, l’Ind
2620 épidermique, le présent de l’Inde paraît manquer de consistance. Nous avons des problèmes, l’Inde est problèmes. Je n’ai
2621 entre eux, tel que j’ai cru le pressentir : celui de l’homme entre le mythe et la personne. Les autres sont assez connus.
2622 et la personne. Les autres sont assez connus. Des milliers de vaches sacrées, d’ailleurs malades, embarrassent la circulation. D
2623 sonne. Les autres sont assez connus. Des milliers de vaches sacrées, d’ailleurs malades, embarrassent la circulation. Des
2624 illeurs malades, embarrassent la circulation. Des millions de singes sacrés pillent les champs rendus à la culture par les tract
2625 alades, embarrassent la circulation. Des millions de singes sacrés pillent les champs rendus à la culture par les tracteur
2626 us à la culture par les tracteurs. La production, d’ une désastreuse insuffisance, s’accroît moins vite que la population,
2627 borde la nuit sur les trottoirs. (Un lit pour des centaines de personnes à Bombay.) Neuf hommes sur dix sont illettrés, dans un r
2628 uit sur les trottoirs. (Un lit pour des centaines de personnes à Bombay.) Neuf hommes sur dix sont illettrés, dans un régi
2629 Un lit pour des centaines de personnes à Bombay.) Neuf hommes sur dix sont illettrés, dans un régime officiellement démocrat
2630 centaines de personnes à Bombay.) Neuf hommes sur dix sont illettrés, dans un régime officiellement démocratique. Les fonct
2631 serait impuissante devant une invasion. Et ainsi de suite… Presque tous ces problèmes me semblent insolubles. Il faut don
2632 iquement. Elle doit trouver maintenant les formes d’ une présence désintéressée, fraternelle. 14. Je ne parle pas des jeu
2633 rmes d’une présence désintéressée, fraternelle. 14. Je ne parle pas des jeunes intellectuels, formés aux disciplines occi
2634 lines occidentales, à l’anarchie qui les résume. 15. Pandit veut dire sage, docte — un peu comme notre « docteur » mais sa
2635 un peu comme notre « docteur » mais sans brevet. 16. C’est dans cette intelligentsia de formation occidentale que se recru
2636 sans brevet. 16. C’est dans cette intelligentsia de formation occidentale que se recrutent les staliniens de l’Inde et le
2637 ation occidentale que se recrutent les staliniens de l’Inde et leurs alliés. Le communisme, comme idéal et doctrine révolu
2638 révolutionnaire, n’a guère touché que les milieux d’ étudiants et les populations très anciennement chrétiennes du Malabar.
2639 soit chrétien, rationaliste. h. Rougemont Denis de , « Inde 1951 », La Revue de Paris, Paris, décembre 1951, p. 56-69. i
2640 en, rationaliste. h. Rougemont Denis de, « Inde 1951  », La Revue de Paris, Paris, décembre 1951, p. 56-69. i. Introduit p
2641 h. Rougemont Denis de, « Inde 1951 », La Revue de Paris, Paris, décembre 1951, p. 56-69. i. Introduit par la note suiv
2642 « Inde 1951 », La Revue de Paris, Paris, décembre 1951, p. 56-69. i. Introduit par la note suivante : « Ces tableaux de l’In
2643 . Introduit par la note suivante : « Ces tableaux de l’Inde que Denis de Rougemont rapporte d’un récent voyage forment un
2644 ableaux de l’Inde que Denis de Rougemont rapporte d’ un récent voyage forment un curieux contraste avec les pages de Somers
2645 oyage forment un curieux contraste avec les pages de Somerset Maugham que nous avons publiées dans notre précédente livrai
2646 Inde religieuse, voici l’Inde des foules — l’Inde de 390 millions d’habitants — la vie de la rue — et aussi les préoccupat
2647 e religieuse, voici l’Inde des foules — l’Inde de 390 millions d’habitants — la vie de la rue — et aussi les préoccupations
2648 ligieuse, voici l’Inde des foules — l’Inde de 390 millions d’habitants — la vie de la rue — et aussi les préoccupations nouvelle
2649 voici l’Inde des foules — l’Inde de 390 millions d’ habitants — la vie de la rue — et aussi les préoccupations nouvelles n
2650 les — l’Inde de 390 millions d’habitants — la vie de la rue — et aussi les préoccupations nouvelles nées de l’indépendance
2651 rue — et aussi les préoccupations nouvelles nées de l’indépendance, les soucis de la jeune intelligentsia… ses réactions
2652 ions nouvelles nées de l’indépendance, les soucis de la jeune intelligentsia… ses réactions en face de l’URSS… et un portr
2653 éactions en face de l’URSS… et un portrait nuancé de Nehru. »
8 1965, La Revue de Paris, articles (1937–1969). Le Suisse moyen et quelques autres (mai 1965)
2654 Le Suisse moyen et quelques autres (mai 1965 )j k Portrait du Suisse moyen Les Suisses sont plus réellement
2655 es statistiques. Voilà qui surprendra, s’agissant d’ un pays exceptionnellement composite : vingt-cinq États distincts (quo
2656 agissant d’un pays exceptionnellement composite : vingt-cinq États distincts (quoique sans frontières sensibles), quatre langues,
2657 ts distincts (quoique sans frontières sensibles), quatre langues, deux confessions majeures et trente-six sectes, je ne sais c
2658 oique sans frontières sensibles), quatre langues, deux confessions majeures et trente-six sectes, je ne sais combien de race
2659 es), quatre langues, deux confessions majeures et trente-six sectes, je ne sais combien de races variablement mêlées et de dialect
2660 majeures et trente-six sectes, je ne sais combien de races variablement mêlées et de dialectes jalousement cultivés — et c
2661 e ne sais combien de races variablement mêlées et de dialectes jalousement cultivés — et cela fait beaucoup de combinaison
2662 coup de combinaisons possibles. (J’en ai dénombré cinquante-deux actuellement existantes.) Que deviennent nos fameuses diversités dans
2663 les nier ? Réponse : cette moyenne n’est pas née de la fusion des diversités, encore moins de leur mélange dans chaque in
2664 pas née de la fusion des diversités, encore moins de leur mélange dans chaque individu, mais de leur libre multiplicité, d
2665 moins de leur mélange dans chaque individu, mais de leur libre multiplicité, distribuée sur tout le territoire, et d’une
2666 ltiplicité, distribuée sur tout le territoire, et d’ une même attitude d’intime approbation à l’égard d’un régime qui perme
2667 ée sur tout le territoire, et d’une même attitude d’ intime approbation à l’égard d’un régime qui permet à chacun de rester
2668 obation à l’égard d’un régime qui permet à chacun de rester soi-même où qu’il vive, à droits égaux mais à charge de respec
2669 -même où qu’il vive, à droits égaux mais à charge de respect pour les coutumes locales et leurs compartimentages. La moyen
2670 partimentages. La moyenne suisse est l’expression d’ un contentement presque unanime, d’une longue absence de conflits dram
2671 t l’expression d’un contentement presque unanime, d’ une longue absence de conflits dramatiques et de la prospérité qui en
2672 ontentement presque unanime, d’une longue absence de conflits dramatiques et de la prospérité qui en a pu résulter. Pas de
2673 , d’une longue absence de conflits dramatiques et de la prospérité qui en a pu résulter. Pas de moyenne réelle dans les pa
2674 ues et de la prospérité qui en a pu résulter. Pas de moyenne réelle dans les pays où une faction, une Église, une classe a
2675 ys où une faction, une Église, une classe a tenté d’ imposer ses règles, provoquant la violence et fixant pour longtemps d’
2676 , provoquant la violence et fixant pour longtemps d’ irréductibles discordances et des disparités extrêmes dans les manière
2677 nces et des disparités extrêmes dans les manières de vivre et de juger. La liberté de rester divers rapproche, les décrets
2678 disparités extrêmes dans les manières de vivre et de juger. La liberté de rester divers rapproche, les décrets d’uniformit
2679 ans les manières de vivre et de juger. La liberté de rester divers rapproche, les décrets d’uniformité divisent. On parle
2680 a liberté de rester divers rapproche, les décrets d’ uniformité divisent. On parle toujours de la Suisse comme d’une nation
2681 décrets d’uniformité divisent. On parle toujours de la Suisse comme d’une nation « une et diverse ». Il faut voir qu’elle
2682 té divisent. On parle toujours de la Suisse comme d’ une nation « une et diverse ». Il faut voir qu’elle est une parce qu’e
2683 du juste milieu, le sens du compromis, l’attrait de la moyenne et son revers qui est la peur de différer, le conformisme,
2684 trait de la moyenne et son revers qui est la peur de différer, le conformisme, sont les vertus et les défauts typiques qu’
2685 rance fédéraliste. Enquêtes sociologiques, études d’ opinion et analyse des votations se recoupent d’une manière remarquabl
2686 s d’opinion et analyse des votations se recoupent d’ une manière remarquable, et toutes nous donnent du Suisse moyen un por
2687 ontre à l’étranger, livrés aux joies inépuisables de la comparaison des niveaux de vie. Ce sont des réalistes sans cynisme
2688 joies inépuisables de la comparaison des niveaux de vie. Ce sont des réalistes sans cynisme. Ils acceptent leur condition
2689 ion, parce qu’ils en connaissent bien les données de fait et les impératifs concrets, et qu’ils la jugent au surplus satis
2690 uête conduite par l’institut Gallup pendant l’été de 1963, dans six pays d’Europe et aux États-Unis, montre qu’ils sont « 
2691 e conduite par l’institut Gallup pendant l’été de 1963, dans six pays d’Europe et aux États-Unis, montre qu’ils sont « en têt
2692 par l’institut Gallup pendant l’été de 1963, dans six pays d’Europe et aux États-Unis, montre qu’ils sont « en tête des gen
2693 titut Gallup pendant l’été de 1963, dans six pays d’ Europe et aux États-Unis, montre qu’ils sont « en tête des gens heureu
2694 x », comme l’écrit un journal français. Alors que 48  % seulement des Français se disent contents de leur niveau de vie, ta
2695 ue 48 % seulement des Français se disent contents de leur niveau de vie, tandis que 38 % s’en plaignent et que 14 % n’en p
2696 disent contents de leur niveau de vie, tandis que 38  % s’en plaignent et que 14 % n’en pensent rien, une majorité écrasant
2697 eau de vie, tandis que 38 % s’en plaignent et que 14  % n’en pensent rien, une majorité écrasante de 88 % des Suisses trouv
2698 ue 14 % n’en pensent rien, une majorité écrasante de 88 % des Suisses trouvent que cela va très bien ainsi. Mais il y a mi
2699 14 % n’en pensent rien, une majorité écrasante de 88  % des Suisses trouvent que cela va très bien ainsi. Mais il y a mieux
2700 mieux. À la question posée par un autre institut de sondage de l’opinion publique : « D’une manière générale, diriez-vous
2701 a question posée par un autre institut de sondage de l’opinion publique : « D’une manière générale, diriez-vous que vous ê
2702 tre institut de sondage de l’opinion publique : «  D’ une manière générale, diriez-vous que vous êtes très heureux, plutôt h
2703 rès heureux, plutôt heureux, pas très heureux ? » 42  % répondent très heureux, 51 plutôt heureux, et 6 % seulement pas trè
2704 pas très heureux ? » 42 % répondent très heureux, 51 plutôt heureux, et 6 % seulement pas très heureux. (Reste 1 % pour le
2705 2 % répondent très heureux, 51 plutôt heureux, et 6  % seulement pas très heureux. (Reste 1 % pour les désespérés ou ceux
2706 eureux, et 6 % seulement pas très heureux. (Reste 1  % pour les désespérés ou ceux que la question laisse froids.) Ce n’es
2707 ecettes du passé (sauf en politique étrangère) ou de se battre pour une utopie. Rien de moins révolutionnaire, mais rien n
2708 étrangère) ou de se battre pour une utopie. Rien de moins révolutionnaire, mais rien non plus de moins réactionnaire que
2709 Rien de moins révolutionnaire, mais rien non plus de moins réactionnaire que le Suisse moyen. Réformiste conservateur, il
2710 ervateur, il évolue avec ténacité vers des formes d’ organisation de l’économie et de la distribution des revenus que les s
2711 olue avec ténacité vers des formes d’organisation de l’économie et de la distribution des revenus que les socialistes d’an
2712 é vers des formes d’organisation de l’économie et de la distribution des revenus que les socialistes d’antan revendiquaien
2713 e la distribution des revenus que les socialistes d’ antan revendiquaient sans trop oser y croire, et que les patrons moder
2714 s chefs syndicalistes très avertis des conditions de la productivité. Le fonds commun sur lequel peuvent compter syndicali
2715 est « le mode existentiel des Suisses », la base de leurs rapports sociaux et souvent le sens même de leur vie. Dans le c
2716 de leurs rapports sociaux et souvent le sens même de leur vie. Dans le canton de Neuchâtel de mon enfance, combien de fois
2717 souvent le sens même de leur vie. Dans le canton de Neuchâtel de mon enfance, combien de fois n’ai-je pas lu cette devise
2718 ens même de leur vie. Dans le canton de Neuchâtel de mon enfance, combien de fois n’ai-je pas lu cette devise gravée sur u
2719 ns le canton de Neuchâtel de mon enfance, combien de fois n’ai-je pas lu cette devise gravée sur une pierre tombale ou imp
2720 pierre tombale ou imprimée au bas d’un faire-part de décès, en lieu et place de l’habituel verset biblique : « Le travail
2721 ravail fut sa vie. » C’est aussi « leur seul mode de promotion »17, dit-on et sans doute en va-t-il vraiment ainsi pour l’
2722 vie. » C’est aussi « leur seul mode de promotion » 17, dit-on et sans doute en va-t-il vraiment ainsi pour l’immense majorit
2723 majorité. La coutume patricienne n’a guère laissé de traces que dans quelques banques privées ; le parti radical a perdu l
2724 erdu la puissance qu’il exerçait jusqu’aux débuts de ce siècle sur les nominations dans la fonction publique, et nul autre
2725 et nul autre parti ne l’a remplacé ; peu ou point de grandes fortunes fondées sur un coup de chance ; et les fils à papa n
2726 ou point de grandes fortunes fondées sur un coup de chance ; et les fils à papa ne se contentent pas de poser comme aille
2727 chance ; et les fils à papa ne se contentent pas de poser comme ailleurs aux progressistes, mais travaillent dur et passe
2728 atrie facilement18 et passe sans nulle difficulté d’ une commune ou d’un canton à l’autre, mais reste en général fidèle à s
2729 8 et passe sans nulle difficulté d’une commune ou d’ un canton à l’autre, mais reste en général fidèle à son métier. Dire d
2730 , mais reste en général fidèle à son métier. Dire d’ un homme qu’il a fait beaucoup de métiers est un éloge banal en Amériq
2731 en Amérique (ou versatile veut dire habile, doué de nombreux talents, polyvalent) mais n’éveille guère en Suisse que de s
2732 s, polyvalent) mais n’éveille guère en Suisse que de sérieux soupçons sur la valeur morale du personnage. Les loisirs eux-
2733 . Les loisirs eux-mêmes sont marqués par l’esprit d’ efficacité qui fait du Suisse un type extrême d’Occidental. « Toutes l
2734 t d’efficacité qui fait du Suisse un type extrême d’ Occidental. « Toutes les activités culturelles du Suisse, très importa
2735 âtre, écouter des conférences est un devoir avant d’ être un plaisir : devoir envers soi-même, car « il faut se cultiver »,
2736 l faut se maintenir en forme en faisant du ski ou de la gymnastique. Le plaisir pur, la gratuité ne s’avouent guère, se ch
2737 guère, se cherchent des prétextes et en trouvent d’ excellents, mais il n’y a plus de gratuité. Dans L’Annuaire statistiqu
2738 s et en trouvent d’excellents, mais il n’y a plus de gratuité. Dans L’Annuaire statistique de la Suisse, publication très
2739 y a plus de gratuité. Dans L’Annuaire statistique de la Suisse, publication très officielle, sous la rubrique « Budget de
2740 cation très officielle, sous la rubrique « Budget de ménages », je trouve ce poste : « Instruction, distraction. » C’est «
2741 rance, la nuance est significative. Quant au goût de la simplicité, affiché jusqu’à la manie ou au défi, il caractérisait
2742 utant qu’il explique leur succès dans la majorité de nos cantons. « Simplifions », « C’est plus simple ainsi », « Rassurez
2743 assurez-vous, ce sera très simple » sont des mots de passe de la vie quotidienne du bourgeois et surtout de son épouse. To
2744 ous, ce sera très simple » sont des mots de passe de la vie quotidienne du bourgeois et surtout de son épouse. Tout ce qui
2745 sse de la vie quotidienne du bourgeois et surtout de son épouse. Tout ce qui est compliqué est vaguement immoral : l’art b
2746 œuvre, pourtant, comme l’immense abbaye princière d’ Einsiedeln, la cathédrale de Saint-Gall et les églises de la campagne
2747 ense abbaye princière d’Einsiedeln, la cathédrale de Saint-Gall et les églises de la campagne lucernoise, Beromünster, Ett
2748 edeln, la cathédrale de Saint-Gall et les églises de la campagne lucernoise, Beromünster, Ettiswil et Sursee, font une des
2749 münster, Ettiswil et Sursee, font une des gloires de ce pays. C’est la Suisse primitive qui a produit tout cela, pendant l
2750 a Suisse moderne, puritaine et technique, ennemie de la dépense autant que de l’apparat, et même des majuscules typographi
2751 ne et technique, ennemie de la dépense autant que de l’apparat, et même des majuscules typographiques (voir l’école graphi
2752 majuscules typographiques (voir l’école graphique de Zurich) se sent complètement dépaysée dans ces sanctuaires où l’or es
2753 aspillé sur des stucs boursouflés et qui manquent de sérieux… Et cela conduit à poser la question des critères moraux du S
2754 ères moraux du Suisse moyen. Sont-ils encore ceux de sa religion, ou déjà ceux de l’utilitarisme que certains jugent inhér
2755 Sont-ils encore ceux de sa religion, ou déjà ceux de l’utilitarisme que certains jugent inhérent à la nouvelle civilisatio
2756 rtains jugent inhérent à la nouvelle civilisation de l’Occident, — celle que le monde entier lui attribue désormais, lui r
2757 sormais, lui reproche vertueusement et s’empresse d’ imiter ? La tournure d’esprit sociologique du xxe siècle multiplie le
2758 ertueusement et s’empresse d’imiter ? La tournure d’ esprit sociologique du xxe siècle multiplie les questions de ce genre
2759 ciologique du xxe siècle multiplie les questions de ce genre. Il est peut-être encore plus difficile d’y répondre dans le
2760 ce genre. Il est peut-être encore plus difficile d’ y répondre dans le cas de la Suisse que dans celui des États-Unis par
2761 re encore plus difficile d’y répondre dans le cas de la Suisse que dans celui des États-Unis par exemple19. Car la Suisse
2762 Car la Suisse reste tributaire dans son ensemble d’ une certaine éthique protestante, qui ne sépare point la vertu de l’ef
2763 éthique protestante, qui ne sépare point la vertu de l’effort ni la valeur d’une action du mérite moral de son auteur. D’o
2764 ne sépare point la vertu de l’effort ni la valeur d’ une action du mérite moral de son auteur. D’où il résulte, par exemple
2765 ’effort ni la valeur d’une action du mérite moral de son auteur. D’où il résulte, par exemple, que le goût du travail corr
2766 aleur d’une action du mérite moral de son auteur. D’ où il résulte, par exemple, que le goût du travail correspond chez le
2767 yen à une exigence morale plutôt qu’au seul désir de gagner davantage. La paresse est une déficience, et non le signe éven
2768 esse est une déficience, et non le signe éventuel d’ une sagesse libérée des contingences. Je ne connais pas d’autre pays o
2769 gesse libérée des contingences. Je ne connais pas d’ autre pays où l’on pourrait poser au citoyen moyen cette question qui
2770 -vous qu’on peut être un bon Suisse et se lever à 9 heures ? » À l’origine du devoir et du goût de se lever tôt pour trav
2771 r à 9 heures ? » À l’origine du devoir et du goût de se lever tôt pour travailler, il y a la Bible autant que la coutume p
2772 rd. Mais qu’en est-il d’autres domaines critiques de l’existence morale en Occident : la sexualité, le mariage ? Les ancie
2773 igues, n’étaient pas moins connus pour la licence de leurs mœurs que pour l’austérité patriarcale de leurs principes. Les
2774 e de leurs mœurs que pour l’austérité patriarcale de leurs principes. Les chroniques illustrées d’Urs Graf, les descriptio
2775 ale de leurs principes. Les chroniques illustrées d’ Urs Graf, les descriptions des bains de Bade, « jardin de volupté de l
2776 illustrées d’Urs Graf, les descriptions des bains de Bade, « jardin de volupté de l’Europe », les récits de Casanova, les
2777 raf, les descriptions des bains de Bade, « jardin de volupté de l’Europe », les récits de Casanova, les lettres de Roussea
2778 scriptions des bains de Bade, « jardin de volupté de l’Europe », les récits de Casanova, les lettres de Rousseau, et plus
2779 de, « jardin de volupté de l’Europe », les récits de Casanova, les lettres de Rousseau, et plus tard les indignations de J
2780 e l’Europe », les récits de Casanova, les lettres de Rousseau, et plus tard les indignations de Jeremias Gotthelf contre l
2781 ettres de Rousseau, et plus tard les indignations de Jeremias Gotthelf contre les mœurs des paysans bernois (qui, loin d’e
2782 f contre les mœurs des paysans bernois (qui, loin d’ exiger d’une jeune fille la preuve de sa virginité, attendaient au con
2783 les mœurs des paysans bernois (qui, loin d’exiger d’ une jeune fille la preuve de sa virginité, attendaient au contraire, p
2784 s (qui, loin d’exiger d’une jeune fille la preuve de sa virginité, attendaient au contraire, pour l’épouser, la preuve qu’
2785 l’épouser, la preuve qu’elle pouvait être mère), cent témoignages concordants décrivent une Suisse gaillarde, rustique et s
2786 veil religieux succédant au piétisme, l’avènement de la bourgeoisie et l’école ont changé tout cela. Comme partout en Euro
2787 out en Europe, pendant le xixe siècle, la notion de péché s’est vue assimilée avant tout à celle de luxure, ou, pour rest
2788 n de péché s’est vue assimilée avant tout à celle de luxure, ou, pour rester conforme au langage des pasteurs, à l’« impur
2789 ssombrit la prédication pendant un siècle. Il est d’ autant plus remarquable que le Suisse moyen formé à cette école ne soi
2790 ne soit pas devenu le révolté qu’on serait tenté d’ imaginer, et que les Églises soient aujourd’hui plus vivantes qu’hier.
2791 générations me paraissent tranquillement libérées de la hantise du « péché », et les pasteurs actuels aussi. D’où l’on po
2792 ise du « péché », et les pasteurs actuels aussi. D’ où l’on pourrait déduire d’une part que les exigences de la chair étai
2793 ’on pourrait déduire d’une part que les exigences de la chair étaient bien fortes en ce pays pour que la religion dût cons
2794 n ce pays pour que la religion dût consacrer tant d’ efforts à les réfréner ; d’autre part, que la religion devait exercer
2795 s aussi communément et sans plus de rébellion que de désaffection. D’autres indices viennent-ils corroborer cette conclusi
2796 ns doute dans les enquêtes en cours sur le régime de la censure et l’état du mariage en Suisse. La censure des publication
2797 ment exercée qu’aux frontières du pays. La pudeur de la jeunesse suisse est ainsi protégée par les douaniers, fonctionnair
2798 uels peuvent bien être leurs critères du moral et de l’immoral ? Je n’en ai découvert qu’un seul : « La discipline, un poi
2799 un point c’est tout ! », me criait hier encore un de ces « gardiens du seuil », parce que j’avais dévié de quelques centim
2800 es « gardiens du seuil », parce que j’avais dévié de quelques centimètres hors de la file des voitures qu’il lui avait plu
2801 s du seuil », parce que j’avais dévié de quelques centimètres hors de la file des voitures qu’il lui avait plu d’organiser devant l
2802 hors de la file des voitures qu’il lui avait plu d’ organiser devant le poste, — souvenir de l’école enfantine où il align
2803 avait plu d’organiser devant le poste, — souvenir de l’école enfantine où il alignait des bâtonnets pendant des heures et
2804 iste (Sade, Henry Miller, etc.). Or, les critères d’ un tel office ne sauraient être, évidemment, que ceux de la banalité m
2805 el office ne sauraient être, évidemment, que ceux de la banalité morale la plus plate et la plus résiduelle. On interdit l
2806 plate et la plus résiduelle. On interdit l’entrée de tout écrit, de toute image ou œuvre d’art « où un particulier non ave
2807 s résiduelle. On interdit l’entrée de tout écrit, de toute image ou œuvre d’art « où un particulier non averti ne chercher
2808 ut-il penser que les Suisses bénéficient vraiment d’ une sensualité si violente qu’un rien, la moindre négligence risquerai
2809 ente qu’un rien, la moindre négligence risquerait de la porter aux pires excès ? Comme la censure des films (cantonale ou
2810 sures restrictives ne provoquent plus ni sursauts de révolte ni farouches approbations ; on les considère pour ce qu’elles
2811 on les considère pour ce qu’elles sont : résidus de préjugés sociaux ou religieux qui n’ont plus beaucoup d’importance, l
2812 ugés sociaux ou religieux qui n’ont plus beaucoup d’ importance, la jeunesse étant suffisamment avertie pour excuser, voire
2813 pour excuser, voire pour « comprendre » ce genre de routines officielles que les vieux se croient obligés de cultiver, ma
2814 ines officielles que les vieux se croient obligés de cultiver, mais cela changera bientôt, « on n’arrête pas le progrès… »
2815 conceptions du mariage, quel est le sens général de leur évolution ? Autrefois, on se mariait dans la tribu : la commune,
2816 L’humoriste Georges Mikes affirme qu’un habitant de l’Obwald lui a dit : « Je préférerais donner ma fille à un homme de W
2817 dit : « Je préférerais donner ma fille à un homme de Winterthour plutôt qu’à quelqu’un de Nidwald » (canton voisin). En re
2818 e à un homme de Winterthour plutôt qu’à quelqu’un de Nidwald » (canton voisin). En revanche, raconte-t-il : « J’ai connu u
2819 ffhouse dont le fils avait épousé une jeune fille de la ville de Winterthour, distante d’une vingtaine de kilomètres. Elle
2820 le fils avait épousé une jeune fille de la ville de Winterthour, distante d’une vingtaine de kilomètres. Elle en avait le
2821 jeune fille de la ville de Winterthour, distante d’ une vingtaine de kilomètres. Elle en avait le cœur brisé, bien entendu
2822 la ville de Winterthour, distante d’une vingtaine de kilomètres. Elle en avait le cœur brisé, bien entendu, et m’expliqua
2823 t m’expliqua en grande confidence qu’elle faisait de grands efforts pour traiter sa bru ‟comme si elle était l’une des nôt
2824 le voyait dans son attitude un exemple miraculeux de sacrifice personnel et une manifestation presque surhumaine de contrô
2825 personnel et une manifestation presque surhumaine de contrôle de soi22 ». Tout cela appartient au passé, mais les statisti
2826 une manifestation presque surhumaine de contrôle de soi22 ». Tout cela appartient au passé, mais les statistiques récente
2827 a proportion des divorces, depuis que la mobilité de sa population d’un canton à l’autre a entraîné un accroissement corre
2828 divorces, depuis que la mobilité de sa population d’ un canton à l’autre a entraîné un accroissement correspondant des mari
2829 urtout par d’autres causes. Il n’est pas le signe d’ un quelconque « relâchement moral » (comparé à la Suisse patriarcale),
2830 uisse patriarcale), mais au contraire, dirais-je, d’ une exigence accrue à l’égard du mariage et de ce qu’il peut représent
2831 je, d’une exigence accrue à l’égard du mariage et de ce qu’il peut représenter pour le développement personnel de chacun d
2832 peut représenter pour le développement personnel de chacun des conjoints et pour leur intégration en tant que couple dans
2833 e la Suisse, c’est plutôt une espèce particulière de conformisme raisonné, adopté après mûr examen, et surtout : moralemen
2834 ises que le poste « divers et imprévu » au budget de la petite famille ne suffiront pas à couvrir, peut-être. Et certaines
2835 rtaines questions qu’on se pose sur le sens final de tout cela… ⁂ Ce portrait, garanti conforme aux mensurations scientifi
2836 ls qu’ils sont et se veulent. Ceux qui refuseront de s’y reconnaître ne seront sans doute pas les derniers à y reconnaître
2837 son régime politique et acclame son niveau de vie neuf fois sur dix, qu’il n’est pas révolutionnaire mais résolument réformi
2838 itique et acclame son niveau de vie neuf fois sur dix , qu’il n’est pas révolutionnaire mais résolument réformiste, et qu’il
2839 solument réformiste, et qu’il n’aime pas les jeux d’ idées ni la spéculation dans aucun ordre, enfin que le travail est sa
2840 autre, selon le signe dont on affecte les notions de révolte, ou d’intégration sociale, de contestation ou de satisfaction
2841 signe dont on affecte les notions de révolte, ou d’ intégration sociale, de contestation ou de satisfaction, de gratuité o
2842 les notions de révolte, ou d’intégration sociale, de contestation ou de satisfaction, de gratuité ou d’efficacité, etc., e
2843 lte, ou d’intégration sociale, de contestation ou de satisfaction, de gratuité ou d’efficacité, etc., et selon qu’on préfè
2844 tion sociale, de contestation ou de satisfaction, de gratuité ou d’efficacité, etc., et selon qu’on préfère ceux qui s’eng
2845 e contestation ou de satisfaction, de gratuité ou d’ efficacité, etc., et selon qu’on préfère ceux qui s’engagent dans les
2846 u’on préfère ceux qui s’engagent dans les guerres d’ idéologies à ceux qui signent des contrats de « paix de travail ». (Il
2847 rres d’idéologies à ceux qui signent des contrats de « paix de travail ». (Il n’est pas interdit de se former des jugement
2848 ologies à ceux qui signent des contrats de « paix de travail ». (Il n’est pas interdit de se former des jugements plus nua
2849 ts de « paix de travail ». (Il n’est pas interdit de se former des jugements plus nuancés ou dialectiques.) Mais quoi qu’o
2850 s nuancés ou dialectiques.) Mais quoi qu’on pense de ce portrait du Suisse moyen, ce n’est pas encore un portrait de la Su
2851 du Suisse moyen, ce n’est pas encore un portrait de la Suisse. L’enquête la plus intelligente et la statistique la plus f
2852 ue la plus fine peuvent montrer les traits acquis de la physionomie d’un peuple, mais non les forces qui l’ont configurée.
2853 uvent montrer les traits acquis de la physionomie d’ un peuple, mais non les forces qui l’ont configurée. Un Mozart, un Des
2854 n’auraient jamais été décelés par quelque sondage d’ opinion sur les « attitudes culturelles » de l’Autrichien, du Français
2855 ndage d’opinion sur les « attitudes culturelles » de l’Autrichien, du Français ou de l’Anglais, et ce sont pourtant de tel
2856 des culturelles » de l’Autrichien, du Français ou de l’Anglais, et ce sont pourtant de tels hommes qui donnent à un pays c
2857 du Français ou de l’Anglais, et ce sont pourtant de tels hommes qui donnent à un pays ce qu’on appelle son visage, visage
2858  traditionnel ». On répète qu’ils expriment l’âme de leur patrie, mais on oublie qu’ils l’ont créée d’abord (bien que dans
2859 une nation, dans une communauté humaine bien plus de choses que nos instruments d’analyse des consciences actuelles n’en p
2860 é humaine bien plus de choses que nos instruments d’ analyse des consciences actuelles n’en peuvent compter et indexer : il
2861 sément parce qu’il en vit ? Et ce sont des hommes d’ exception qui les révèlent dans leurs œuvres, même s’ils croyaient y e
2862 ’il entendait dire que la Suisse n’a produit rien de grand, hommes, idées ou objets, comme l’Italie a produit Dante, la Fr
2863 remier venu, tandis que les grandeurs éventuelles de la Suisse restent quelque peu mystérieuses, même aux yeux des Europée
2864 u mystérieuses, même aux yeux des Européens dotés d’ une bonne culture générale. Le statut du « grand homme » en Suisse le
2865 ion mondiale, il ne trouvera pas une personne sur mille , prise dans la rue, qui ait jamais entendu ce nom-là ; en revanche, l
2866 du canton. La Suisse résulte, l’ai-je assez dit, de l’agrégation d’innombrables compartiments. Si bien que l’homme de poi
2867 uisse résulte, l’ai-je assez dit, de l’agrégation d’ innombrables compartiments. Si bien que l’homme de poids y sera surtou
2868 d’innombrables compartiments. Si bien que l’homme de poids y sera surtout local. Il sera le grand homme d’une vallée, d’un
2869 oids y sera surtout local. Il sera le grand homme d’ une vallée, d’une cité, plus rarement d’un canton, presque jamais celu
2870 rtout local. Il sera le grand homme d’une vallée, d’ une cité, plus rarement d’un canton, presque jamais celui de la nation
2871 and homme d’une vallée, d’une cité, plus rarement d’ un canton, presque jamais celui de la nation entière. D’autre part, le
2872 , plus rarement d’un canton, presque jamais celui de la nation entière. D’autre part, le réflexe antihégémonique s’oppose
2873 exe antihégémonique s’oppose à toute prédominance d’ un canton ou d’un homme qui le représente. D’où les conséquences qu’on
2874 ique s’oppose à toute prédominance d’un canton ou d’ un homme qui le représente. D’où les conséquences qu’on a vues dans le
2875 ance d’un canton ou d’un homme qui le représente. D’ où les conséquences qu’on a vues dans le domaine de la vie publique :
2876 ’où les conséquences qu’on a vues dans le domaine de la vie publique : tout se ligue instantanément contre celui qui ferai
2877 ligue instantanément contre celui qui ferait mine de dépasser la mesure commune et d’être un chef. Un Führer suisse est im
2878 qui ferait mine de dépasser la mesure commune et d’ être un chef. Un Führer suisse est impensable, et même l’essai d’insti
2879 Un Führer suisse est impensable, et même l’essai d’ instituer un Landammann de Suisse échoua très vite, vers 1800. Un Coll
2880 er un Landammann de Suisse échoua très vite, vers 1800. Un Collège peu voyant administre l’État, on ne saurait dire qu’il gou
2881 Suisses, et c’est très bien. Mais dans le domaine de la culture, cet égalitarisme jaloux et tatillon présente les plus sér
2882 e, un public alerté, un snobisme, les libéralités d’ un mécène ou d’une cour. C’est tout cela qu’interdisent moralement nos
2883 erté, un snobisme, les libéralités d’un mécène ou d’ une cour. C’est tout cela qu’interdisent moralement nos principes, et
2884 mpartiments. Que fera dans ces conditions l’homme de talent ou d’ambition ? Il a trois possibilités : essayer de se rendre
2885 Que fera dans ces conditions l’homme de talent ou d’ ambition ? Il a trois possibilités : essayer de se rendre invisible — 
2886 conditions l’homme de talent ou d’ambition ? Il a trois possibilités : essayer de se rendre invisible — tenter de se rendre u
2887 ou d’ambition ? Il a trois possibilités : essayer de se rendre invisible — tenter de se rendre utile — ou courir loin de l
2888 bilités : essayer de se rendre invisible — tenter de se rendre utile — ou courir loin de la Suisse son aventure. De là peu
2889 utile — ou courir loin de la Suisse son aventure. De là peut-être certains traits communs aux Suisses qui se sont illustré
2890 lle-même contradictoire) il me paraît intéressant de définir certaines conduites spécifiques que lui imposent les petites
2891 écifiques que lui imposent les petites dimensions de notre État et les conditions de sa paix. Se rendre invisible : pass
2892 etites dimensions de notre État et les conditions de sa paix. Se rendre invisible : passer inaperçu. — Il y a ceux qui n
2893 ieu. Albert Bitzius était un jeune Bernois, épris de littérature et d’idées libertaires. Il devint cependant pasteur à 25
2894 s était un jeune Bernois, épris de littérature et d’ idées libertaires. Il devint cependant pasteur à 25 ans et passa le re
2895 ’idées libertaires. Il devint cependant pasteur à 25 ans et passa le reste de sa vie dans la cure du village de Lützelflüh
2896 vint cependant pasteur à 25 ans et passa le reste de sa vie dans la cure du village de Lützelflüh. À quarante ans il se mi
2897 passa le reste de sa vie dans la cure du village de Lützelflüh. À quarante ans il se mit à écrire et, sous le nom de Jere
2898 e sa vie dans la cure du village de Lützelflüh. À quarante ans il se mit à écrire et, sous le nom de Jeremias Gotthelf (Jérémie 
2899 À quarante ans il se mit à écrire et, sous le nom de Jeremias Gotthelf (Jérémie : le prophète ; Gotthelf : « Dieu aide ! »
2900 ieu aide ! »), publia coup sur coup une quinzaine de romans tragiques, éducatifs, épiques et religieux, fantastiques à la
2901 fin (L’Araignée noire), que Thomas Mann qualifie d’ homériques. Toutes les familles l’ont lu, en Suisse alémanique. Il s’é
2902 uisse alémanique. Il s’était occupé sa vie durant de l’administration locale, du secours des pauvres et de la commission s
2903 ’administration locale, du secours des pauvres et de la commission scolaire. Henri-Frédéric Amiel n’eut même pas à choisi
2904 me pas à choisir un pseudonyme. Quelques recueils de poésies médiocres, un chant patriotique encore très populaire (« Roul
2905 tons, chaque enfant naît soldat ! ») et des cours de philosophie dont l’ennui seul est resté mémorable ont camouflé le pas
2906 rable ont camouflé le passage parmi nous du génie de l’introspection. Dix-sept-mille pages de Journal furent écrites dans
2907 du génie de l’introspection. Dix-sept-mille pages de Journal furent écrites dans l’ombre d’une carrière assez terne pour ê
2908 ille pages de Journal furent écrites dans l’ombre d’ une carrière assez terne pour être acceptée sans histoires. « En épous
2909 « En épousant Genève, j’ai épousé la mort — celle de mon talent et de ma joie. » Je crois que c’est Paul Bourget qui a dit
2910 ève, j’ai épousé la mort — celle de mon talent et de ma joie. » Je crois que c’est Paul Bourget qui a dit que « Paris en e
2911 eût fait un dieu ». Mais ce n’eût été qu’un dieu de salons, un dieu causeur. Jacob Burckhardt à sa manière fut aussi un
2912 ère fut aussi un grand homme invisible ; refusant de succéder à Ranke dans la chaire d’histoire de Berlin, il se fit accep
2913 ble ; refusant de succéder à Ranke dans la chaire d’ histoire de Berlin, il se fit accepter dans sa cité natale selon son r
2914 ant de succéder à Ranke dans la chaire d’histoire de Berlin, il se fit accepter dans sa cité natale selon son rang social
2915 he au contraire à s’imposer en tant que différent de ses données natives et par une volonté de rupture. On ne saurait lui
2916 fférent de ses données natives et par une volonté de rupture. On ne saurait lui reprocher cette nouvelle tactique conformi
2917 n travail humain bien concerté, la Suisse est née de la coopération. Un pour tous, tous pour un, c’est moins un idéal qu’u
2918 un, c’est moins un idéal qu’une vitale obligation de solidarité pratique. Quand un Suisse entreprend de créer quelque chos
2919 e solidarité pratique. Quand un Suisse entreprend de créer quelque chose, tout se passe comme s’il avait à se faire pardon
2920 souvent dépassait leur pays) plutôt que créateurs d’ art ou de pensée pure. Médecins praticiens, guérisseurs d’âmes, mystiq
2921 épassait leur pays) plutôt que créateurs d’art ou de pensée pure. Médecins praticiens, guérisseurs d’âmes, mystiques inter
2922 de pensée pure. Médecins praticiens, guérisseurs d’ âmes, mystiques intervenant pour sauver la cité, réformateurs politiqu
2923 éformateurs politiques ou religieux, négociateurs de grandes affaires publiques à l’échelle de l’Europe et du monde, théol
2924 iateurs de grandes affaires publiques à l’échelle de l’Europe et du monde, théologiens ou pédagogues, savants du premier r
2925 savants du premier rang mais qui restent soucieux d’ applications humanitaires ou techniques, nous les voyons tous assurer
2926 viques, éducatifs ou spirituels, comme si le fait d’ être utiles excusait leurs grands dons aux yeux de leur conscience hel
2927 ds dons aux yeux de leur conscience helvétique et de leur peuple. Point de spéculation sur l’Être en soi, mais seulement
2928 r conscience helvétique et de leur peuple. Point de spéculation sur l’Être en soi, mais seulement sur les relations entre
2929 , entre des entités moralement définies. Le salut de l’homme ou sa santé, plutôt que sa définition, préoccupent les meille
2930 lus grand théologien et le plus grand psychologue de ce siècle, jusqu’ici, soient deux Suisses : Karl Barth et C. G. Jung.
2931 grand psychologue de ce siècle, jusqu’ici, soient deux Suisses : Karl Barth et C. G. Jung. En eux la Suisse excelle et se dé
2932 e, jusqu’ici, soient deux Suisses : Karl Barth et C. G. Jung. En eux la Suisse excelle et se dépasse, mais dans le seul se
2933 ens qu’elle ait jamais voulu se permettre : celui de la cure d’âme et d’esprit, et non de la spéculation abstraite. Tous d
2934 ait jamais voulu se permettre : celui de la cure d’ âme et d’esprit, et non de la spéculation abstraite. Tous deux fils de
2935 is voulu se permettre : celui de la cure d’âme et d’ esprit, et non de la spéculation abstraite. Tous deux fils de pasteurs
2936 ttre : celui de la cure d’âme et d’esprit, et non de la spéculation abstraite. Tous deux fils de pasteurs bâlois, de haute
2937 ’esprit, et non de la spéculation abstraite. Tous deux fils de pasteurs bâlois, de haute taille et de robuste carrure, fumeu
2938 t non de la spéculation abstraite. Tous deux fils de pasteurs bâlois, de haute taille et de robuste carrure, fumeurs de pi
2939 ion abstraite. Tous deux fils de pasteurs bâlois, de haute taille et de robuste carrure, fumeurs de pipe et d’humeur malic
2940 deux fils de pasteurs bâlois, de haute taille et de robuste carrure, fumeurs de pipe et d’humeur malicieuse, et pas du to
2941 s, de haute taille et de robuste carrure, fumeurs de pipe et d’humeur malicieuse, et pas du tout « intellectuels » ni par
2942 taille et de robuste carrure, fumeurs de pipe et d’ humeur malicieuse, et pas du tout « intellectuels » ni par l’allure ni
2943 Romains qui produit dans les milieux théologiques de langue allemande une révolution comparable à celle du freudisme ou du
2944 ns nationales-socialistes, il dresse un manifeste de l’« Église confessante », première affirmation, fondamentale, de la R
2945 onfessante », première affirmation, fondamentale, de la Résistance européenne. On lui fait un procès à Bonn. Il n’attaque
2946 dès lors, revenu à Bâle, il édifie une Dogmatique de l’Église qui est le monument théologique le plus hardi et dur d’arête
2947 est le monument théologique le plus hardi et dur d’ arêtes de l’ère moderne. On n’avait pas été moins conformiste depuis L
2948 onument théologique le plus hardi et dur d’arêtes de l’ère moderne. On n’avait pas été moins conformiste depuis Luther dan
2949 ins conformiste depuis Luther dans la réinvention de l’orthodoxie. Jamais voix plus autoritaire après un siècle de libéral
2950 xie. Jamais voix plus autoritaire après un siècle de libéralisme, plus humaine et plus réaliste après un siècle de formali
2951 me, plus humaine et plus réaliste après un siècle de formalisme puritain et sentimental, ne s’était élevée dans les Église
2952 les protestants aux grandes options spirituelles de la Réforme, Karl Barth ne les a pas du tout éloignés de l’époque prés
2953 Réforme, Karl Barth ne les a pas du tout éloignés de l’époque présente, bien au contraire, il a même précédé, en fait, la
2954 ntraire, il a même précédé, en fait, la tentative d’ aggiornamento de l’Église initiée par le pape Jean XXIII. Ce n’est pas
2955 me précédé, en fait, la tentative d’aggiornamento de l’Église initiée par le pape Jean XXIII. Ce n’est pas le moindre para
2956 pape Jean XXIII. Ce n’est pas le moindre paradoxe de sa carrière, pleine de surprises pour ses disciples. Pendant la guerr
2957 st pas le moindre paradoxe de sa carrière, pleine de surprises pour ses disciples. Pendant la guerre, ce contempteur de to
2958 ses disciples. Pendant la guerre, ce contempteur de toute espèce de « politique chrétienne » s’engage comme simple soldat
2959 Pendant la guerre, ce contempteur de toute espèce de « politique chrétienne » s’engage comme simple soldat dans l’armée su
2960 ure une religion. Après la guerre, ce contempteur de la neutralité, « péché des Suisses », s’élève sans relâche contre la
2961 elâche contre la guerre froide, et se voit accusé de neutralisme par les bourgeois anticommunistes. Zwinglien par sa méfia
2962 Zwinglien par sa méfiance à l’égard des rites et de toute religion spontanée, luthérien par sa doctrine de la grâce mais
2963 ute religion spontanée, luthérien par sa doctrine de la grâce mais aussi du péché radical détruisant toute « analogie de D
2964 ussi du péché radical détruisant toute « analogie de Dieu » en l’homme, calviniste par son sens civique et communautaire,
2965 nautaire, mais kierkegaardien par son affirmation d’ un Dieu totaliter aliter et sans commune mesure avec les intérêts de l
2966 r aliter et sans commune mesure avec les intérêts de la tribu, essentiellement protestant par sa dialectique du oui et du
2967 en Amérique comme en Europe, et que les docteurs de Rome respectent et commentent. Carl Gustav Jung, dans le même temps
2968 , ethnographiques, évolutives, en deçà et au-delà de toute dogmatique. Alors que Barth veut définir ce qui est vrai « en D
2969 finir ce qui est vrai « en Dieu » selon la Parole de Dieu, Jung recherche ce qui se passe en l’homme, selon les mythes uni
2970 t du dogme, l’autre à l’appropriation personnelle de réalités animiques, collectives (qu’on lui reproche de mal définir) e
2971 alités animiques, collectives (qu’on lui reproche de mal définir) et qu’il a détectées dans la grande nuit des âges. Autan
2972 veut s’ouvrir aux messages chiffrés des religions de toute la terre. L’un procède par exclusion, l’autre par inclusion. À
2973 rites et des symboles et il est tout le contraire d’ un iconoclaste — mais quand il déclare, dans sa Réponse à Job, que la
2974 ns sa Réponse à Job, que la proclamation du dogme de l’Assomption de la Vierge en 1950 marque la date la plus importante d
2975 Job, que la proclamation du dogme de l’Assomption de la Vierge en 1950 marque la date la plus importante de l’histoire rel
2976 lamation du dogme de l’Assomption de la Vierge en 1950 marque la date la plus importante de l’histoire religieuse depuis la
2977 Vierge en 1950 marque la date la plus importante de l’histoire religieuse depuis la Réforme, Pie XII n’a pas lieu de s’en
2978 eligieuse depuis la Réforme, Pie XII n’a pas lieu de s’en réjouir : car l’hommage de Jung est rendu à la Sophia æterna de
2979 XII n’a pas lieu de s’en réjouir : car l’hommage de Jung est rendu à la Sophia æterna de la mythologie gnostique. Barth s
2980 ar l’hommage de Jung est rendu à la Sophia æterna de la mythologie gnostique. Barth se veut strictement « canonique » dans
2981 strictement « canonique » dans son interprétation de la Bible, mais Jung se réfère aux livres apocryphes, non moins qu’à l
2982 ne réalité psychique. Le théologien n’a que faire de la psychologie. Il la met entre parenthèses pour ne considérer que la
2983 re parenthèses pour ne considérer que la totalité de l’existence « en tant qu’objet soumis à la détermination de la Parole
2984 ence « en tant qu’objet soumis à la détermination de la Parole de Dieu24 ». En revanche, le psychologue n’a que faire des
2985 t qu’objet soumis à la détermination de la Parole de Dieu24 ». En revanche, le psychologue n’a que faire des dogmes, sauf
2986 dogmes, sauf s’ils sont l’expression cristallisée d’ un mythe, d’une situation archétypique, donc d’une réalité de l’âme, —
2987 s’ils sont l’expression cristallisée d’un mythe, d’ une situation archétypique, donc d’une réalité de l’âme, — et c’est pr
2988 ée d’un mythe, d’une situation archétypique, donc d’ une réalité de l’âme, — et c’est précisément dans la mesure où ils ser
2989 d’une situation archétypique, donc d’une réalité de l’âme, — et c’est précisément dans la mesure où ils seraient un mythe
2990 que Barth les rejetterait. Le dialogue entre ces deux hommes n’était même pas concevable, et de fait il n’a pas eu lieu. Le
2991 e ces deux hommes n’était même pas concevable, et de fait il n’a pas eu lieu. Leurs disciples (pasteurs et théologiens d’u
2992 eu lieu. Leurs disciples (pasteurs et théologiens d’ un côté, médecins psychiatres et philosophes des religions de l’autre)
2993 médecins psychiatres et philosophes des religions de l’autre) coexistent sans se rencontrer, et aucune tentative d’intégra
2994 oexistent sans se rencontrer, et aucune tentative d’ intégration ou de synthèse même très partielle n’a été entreprise jusq
2995 rencontrer, et aucune tentative d’intégration ou de synthèse même très partielle n’a été entreprise jusqu’ici, que je sac
2996 i, que je sache. (Un jour, peut-être, j’essaierai de me rendre compte de ce que je dois à l’un autant qu’à l’autre de ces
2997 jour, peut-être, j’essaierai de me rendre compte de ce que je dois à l’un autant qu’à l’autre de ces maîtres incompatible
2998 aîtres incompatibles.) Nous n’avons pas en Suisse de poètes de génie, ni de peintres qui aient fait époque, ni de composit
2999 ompatibles.) Nous n’avons pas en Suisse de poètes de génie, ni de peintres qui aient fait époque, ni de compositeurs du pl
3000 Nous n’avons pas en Suisse de poètes de génie, ni de peintres qui aient fait époque, ni de compositeurs du plus haut rang.
3001 e génie, ni de peintres qui aient fait époque, ni de compositeurs du plus haut rang. Hölderlin ou Racine, Mozart ou Rubens
3002 Une certaine démesure, un grand théâtre, un sens de la pompe et du style, libre de tout souci d’application « morale », l
3003 d théâtre, un sens de la pompe et du style, libre de tout souci d’application « morale », leur eussent été formellement re
3004 sens de la pompe et du style, libre de tout souci d’ application « morale », leur eussent été formellement refusés par nos
3005 à eux que la Suisse, en retour, doit une densité de conscience communautaire, mais aussi d’efficacité transformatrice don
3006 e densité de conscience communautaire, mais aussi d’ efficacité transformatrice dont on trouvera difficilement l’équivalent
3007 ement l’équivalent dans une autre région du monde d’ étendue à peu près comparable. S’expatrier. — Les acheteurs de pendu
3008 u près comparable. S’expatrier. — Les acheteurs de pendules à coucou et de montres miniaturisées ignorent en général que
3009 xpatrier. — Les acheteurs de pendules à coucou et de montres miniaturisées ignorent en général que le plus grand dôme du m
3010 n Inde ; qu’un troisième a donné à l’Amérique les deux ponts les plus longs du monde, le Golden Gate et le Washington Bridge
3011 Le Corbusier, l’Alémanique Othmar Ammann, autant de Suisses qui ont su voir grand — mais pas chez eux. Lucien Febvre, adm
3012 pas chez eux. Lucien Febvre, admirable historien de la culture, écrivait à propos de la Suisse : « Pays de gens moyens, o
3013 culture, écrivait à propos de la Suisse : « Pays de gens moyens, oui. Mais quand ils réussissent à se dégager de leur can
3014 ens, oui. Mais quand ils réussissent à se dégager de leur canton — alors pas de milieu, ils atteignent l’universel. Au fon
3015 ussissent à se dégager de leur canton — alors pas de milieu, ils atteignent l’universel. Au fond de son trou l’homme de Di
3016 as de milieu, ils atteignent l’universel. Au fond de son trou l’homme de Disentis, de Goeschenen, de Viège, entre les haut
3017 teignent l’universel. Au fond de son trou l’homme de Disentis, de Goeschenen, de Viège, entre les hautes parois de sa pris
3018 iversel. Au fond de son trou l’homme de Disentis, de Goeschenen, de Viège, entre les hautes parois de sa prison. Mais s’il
3019 d de son trou l’homme de Disentis, de Goeschenen, de Viège, entre les hautes parois de sa prison. Mais s’il monte sur la m
3020 de Goeschenen, de Viège, entre les hautes parois de sa prison. Mais s’il monte sur la montagne… Alors cette ivresse des s
3021 gne… Alors cette ivresse des sommets. L’intuition de la grandeur. Et plus d’obstacles devant la pensée. Le Suisse s’appell
3022 des sommets. L’intuition de la grandeur. Et plus d’ obstacles devant la pensée. Le Suisse s’appelle Jean-Jacques. Il s’app
3023 partiment natal, iront chercher dans les vertiges de la synthèse et dans les larges vues panoramiques les grandes dimensio
3024 éenne. Paracelse quitta très tôt son canton natal de Schwyz, Euler vécut dans les Allemagnes et à la cour de Russie, Jean
3025 wyz, Euler vécut dans les Allemagnes et à la cour de Russie, Jean de Müller à Vienne et à Berlin, Jean-Jacques, Mme de Sta
3026 ant à un Jung, à un Ramuz, à un Barth, qui, après de longs séjours loin du pays, ont fait le principal de leur carrière en
3027 longs séjours loin du pays, ont fait le principal de leur carrière en Suisse, ce n’est pas la Suisse qui a découvert et pr
3028 ntraire de l’étranger, des grands pays voisins ou de l’Amérique, que leur réputation nous est revenue, comme importée. « S
3029 », c’est la formule parfaite. Ainsi, pour l’homme de culture en tant que tel, le stade national est sauté. Cas unique, dan
3030 que sorte ; non, bien plutôt libres pour elle… 17. Cf. l’enquête Un jour en Suisse, 1964. 18. 300 000 Suisses vivent à
3031 our elle… 17. Cf. l’enquête Un jour en Suisse, 1964. 18. 300 000 Suisses vivent à l’étranger, soit 5 % de la population.
3032 e… 17. Cf. l’enquête Un jour en Suisse, 1964. 18. 300 000 Suisses vivent à l’étranger, soit 5 % de la population. Cette
3033 17. Cf. l’enquête Un jour en Suisse, 1964. 18. 300  000 Suisses vivent à l’étranger, soit 5 % de la population. Cette pro
3034 . Cf. l’enquête Un jour en Suisse, 1964. 18. 300  000 Suisses vivent à l’étranger, soit 5 % de la population. Cette proport
3035 4. 18. 300 000 Suisses vivent à l’étranger, soit 5  % de la population. Cette proportion est décroissante : 10 % avant 19
3036 18. 300 000 Suisses vivent à l’étranger, soit 5 % de la population. Cette proportion est décroissante : 10 % avant 1914, 7
3037 a population. Cette proportion est décroissante : 10  % avant 1914, 7,5 % en 1945. 19. Je pense à des ouvrages tels que Th
3038 n. Cette proportion est décroissante : 10 % avant 1914, 7,5 % en 1945. 19. Je pense à des ouvrages tels que The Lonely Crowd
3039 te proportion est décroissante : 10 % avant 1914, 7,5  % en 1945. 19. Je pense à des ouvrages tels que The Lonely Crowd, de
3040 tion est décroissante : 10 % avant 1914, 7,5 % en 1945. 19. Je pense à des ouvrages tels que The Lonely Crowd, de David Ries
3041 t décroissante : 10 % avant 1914, 7,5 % en 1945. 19. Je pense à des ouvrages tels que The Lonely Crowd, de David Riesman.
3042 e pense à des ouvrages tels que The Lonely Crowd, de David Riesman. 20. Déclaration d’un chef du service juridique au Min
3043 ges tels que The Lonely Crowd, de David Riesman. 20. Déclaration d’un chef du service juridique au Ministère public, recue
3044 Lonely Crowd, de David Riesman. 20. Déclaration d’ un chef du service juridique au Ministère public, recueillie par Franc
3045 public, recueillie par Franck Jotterand au cours d’ une enquête sur la censure en Suisse. 21. « Le canton — ou l’Europe »
3046 au cours d’une enquête sur la censure en Suisse. 21. « Le canton — ou l’Europe », comme disait Lucien Febvre. À la sixième
3047 cien Febvre. À la sixième génération des ancêtres de mon père, dont pourtant les parents et trois des grands-parents étaie
3048 ncêtres de mon père, dont pourtant les parents et trois des grands-parents étaient de Neuchâtel, je trouve 32 Neuchâtelois et
3049 t les parents et trois des grands-parents étaient de Neuchâtel, je trouve 32 Neuchâtelois et 32 Européens surtout Français
3050 es grands-parents étaient de Neuchâtel, je trouve 32 Neuchâtelois et 32 Européens surtout Français, mais pas un seul Suiss
3051 taient de Neuchâtel, je trouve 32 Neuchâtelois et 32 Européens surtout Français, mais pas un seul Suisse d’un autre canton
3052 ropéens surtout Français, mais pas un seul Suisse d’ un autre canton. 22. Georges Mikes, Switzerland for beginners, 1962.
3053 çais, mais pas un seul Suisse d’un autre canton. 22. Georges Mikes, Switzerland for beginners, 1962. 23. Cf. Un jour en S
3054 n. 22. Georges Mikes, Switzerland for beginners, 1962. 23. Cf. Un jour en Suisse. 24. Dogmatik der Kirche, I, i, 6, 3. 2
3055 Georges Mikes, Switzerland for beginners, 1962. 23. Cf. Un jour en Suisse. 24. Dogmatik der Kirche, I, i, 6, 3. 25. Sy
3056 for beginners, 1962. 23. Cf. Un jour en Suisse. 24. Dogmatik der Kirche, I, i, 6, 3. 25. Synthèse des sciences médicale
3057 Cf. Un jour en Suisse. 24. Dogmatik der Kirche, I , i, 6, 3. 25. Synthèse des sciences médicales et d’une écologie euro
3058 jour en Suisse. 24. Dogmatik der Kirche, I, i, 6, 3. 25. Synthèse des sciences médicales et d’une écologie européenne
3059 ur en Suisse. 24. Dogmatik der Kirche, I, i, 6, 3. 25. Synthèse des sciences médicales et d’une écologie européenne ava
3060 n Suisse. 24. Dogmatik der Kirche, I, i, 6, 3. 25. Synthèse des sciences médicales et d’une écologie européenne avant la
3061 i, 6, 3. 25. Synthèse des sciences médicales et d’ une écologie européenne avant la lettre : Paracelse. Théorie générale
3062 que générale : Ferdinand de Saussure. Psychologie de l’inconscient collectif, à l’échelle mondiale : C. G. Jung. j. Roug
3063 e l’inconscient collectif, à l’échelle mondiale : C. G. Jung. j. Rougemont Denis de, « Le Suisse moyen et quelques autre
3064 helle mondiale : C. G. Jung. j. Rougemont Denis de , « Le Suisse moyen et quelques autres », La Revue de Paris, Paris, ma
3065 « Le Suisse moyen et quelques autres », La Revue de Paris, Paris, mai 1965, p. 53-64. k. Suivi de la notice suivante : «
3066 quelques autres », La Revue de Paris, Paris, mai 1965, p. 53-64. k. Suivi de la notice suivante : « Ces pages paraîtront da
3067 ue de Paris, Paris, mai 1965, p. 53-64. k. Suivi de la notice suivante : « Ces pages paraîtront dans La Suisse ou l’hist
3068 es pages paraîtront dans La Suisse ou l’histoire d’ un peuple heureux chez Hachette. »
9 1969, La Revue de Paris, articles (1937–1969). L’avenir du fédéralisme (septembre 1969)
3069 L’avenir du fédéralisme (septembre 1969 )l En 1863 paraissait le dernier grand ouvrage de Proudhon, Du Prin
3070 L’avenir du fédéralisme (septembre 1969)l En 1863 paraissait le dernier grand ouvrage de Proudhon, Du Principe fédérati
3071 )l En 1863 paraissait le dernier grand ouvrage de Proudhon, Du Principe fédératif, où l’on pouvait lire cette phrase de
3072 rations, ou l’humanité recommencera un purgatoire de mille ans. » Dans quelle voie sommes-nous engagés après un siècle ? C
3073 ions, ou l’humanité recommencera un purgatoire de mille ans. » Dans quelle voie sommes-nous engagés après un siècle ? Celle d
3074 ngagés après un siècle ? Celle des fédérations et de l’harmonie des peuples, ou celle d’une renaissance des particularisme
3075 édérations et de l’harmonie des peuples, ou celle d’ une renaissance des particularismes nationaux ? Je répondrai : dans le
3076 rticularismes nationaux ? Je répondrai : dans les deux à la fois, et cela n’est pas contradictoire. Un phénomène très généra
3077 est pas contradictoire. Un phénomène très général de convergence inspire les mouvements d’union continentale qui créent le
3078 rès général de convergence inspire les mouvements d’ union continentale qui créent le Conseil de l’Europe et le Marché comm
3079 e et en Amérique latine, cependant qu’une volonté d’ union mondiale anime les Nations unies et l’Unesco, le Conseil œcuméni
3080 en sens inverse, un phénomène tout aussi général d’ affirmation des diversités, des autonomies et des volontés d’indépenda
3081 on des diversités, des autonomies et des volontés d’ indépendance, inspire les mouvements de résurgences communalistes, rég
3082 s volontés d’indépendance, inspire les mouvements de résurgences communalistes, régionalistes et nationalistes, qu’on voit
3083 qu’on voit partout en plein essor, qu’il s’agisse de Nations en instance de divorce avec l’OTAN ou avec le Pacte de Varsov
3084 lein essor, qu’il s’agisse de Nations en instance de divorce avec l’OTAN ou avec le Pacte de Varsovie, ou de nations au se
3085 instance de divorce avec l’OTAN ou avec le Pacte de Varsovie, ou de nations au sens ancien du mot, régions ou ethnies en
3086 orce avec l’OTAN ou avec le Pacte de Varsovie, ou de nations au sens ancien du mot, régions ou ethnies en révolte plus ou
3087 re leur imposa l’élément formateur ou hégémonique de chacun de nos États unitaires. Renaissance donc des micronationalisme
3088 posa l’élément formateur ou hégémonique de chacun de nos États unitaires. Renaissance donc des micronationalismes locaux,
3089 evendiquent leur autonomie au nom de leur langue, de leurs coutumes, ou des nécessités économiques nouvelles, et qui enfiè
3090 infranationales, solidarités et autonomies : ces deux mouvements contraires se prononcent en même temps, résultent en parti
3091 effets complémentaires, j’entends le dépassement de l’État-nation à la fois par en haut et par en bas, d’une part, vers d
3092 re part, vers un fédéralisme régional. La victime de ce double mouvement contradictoire, c’est l’État-nation, tel qu’il es
3093 radictoire, c’est l’État-nation, tel qu’il est né de la Révolution et du Premier Empire, produit de la confiscation d’une
3094 né de la Révolution et du Premier Empire, produit de la confiscation d’une mystique — la nation — par un appareil administ
3095 et du Premier Empire, produit de la confiscation d’ une mystique — la nation — par un appareil administratif et policier —
3096 esque toute l’Europe — et au xxe siècle, par une centaine de nations nouvelles. Centralisé, atomisé et trituré par les dynamism
3097 te l’Europe — et au xxe siècle, par une centaine de nations nouvelles. Centralisé, atomisé et trituré par les dynamismes
3098 ion européen nous apparaît, tel que les accidents de l’Histoire nous l’ont laissé, à la fois trop petit et grand. Il est t
3099 endance et sa souveraineté absolue : car nul pays de notre Europe n’est plus en mesure de jouer un rôle mondial, d’assurer
3100 car nul pays de notre Europe n’est plus en mesure de jouer un rôle mondial, d’assurer seul sa défense, de se nourrir seul,
3101 pe n’est plus en mesure de jouer un rôle mondial, d’ assurer seul sa défense, de se nourrir seul, au spirituel comme au phy
3102 jouer un rôle mondial, d’assurer seul sa défense, de se nourrir seul, au spirituel comme au physique. Et en même temps pre
3103 r la vie économique culturelle et surtout civique de leurs régions : celles-ci se sentent exploitées par l’État, ses burea
3104 État, ses bureaux ou sa capitale, et les accusent de colonialisme. Il est certain que la prétention à une politique indépe
3105 S et surtout les USA, s’ils acceptaient toutefois d’ en payer le prix, lequel serait celui d’une autarcie presque totale ou
3106 toutefois d’en payer le prix, lequel serait celui d’ une autarcie presque totale ou d’une sorte d’isolation paranoïaque. En
3107 uel serait celui d’une autarcie presque totale ou d’ une sorte d’isolation paranoïaque. En fait, les États-Unis, quoique de
3108 elui d’une autarcie presque totale ou d’une sorte d’ isolation paranoïaque. En fait, les États-Unis, quoique de loin les pl
3109 ion paranoïaque. En fait, les États-Unis, quoique de loin les plus forts, dépendent autant de l’opinion mondiale que celle
3110 quoique de loin les plus forts, dépendent autant de l’opinion mondiale que celle-ci du dollar ou de la télévision. Une in
3111 t de l’opinion mondiale que celle-ci du dollar ou de la télévision. Une interdépendance universelle dans tous ordres tend
3112 le dans tous ordres tend à réduire l’indépendance d’ un État à une certaine liberté dans le choix de ses dépendances, à un
3113 ce d’un État à une certaine liberté dans le choix de ses dépendances, à un certain jeu dans l’aménagement de ses réseaux d
3114 dépendances, à un certain jeu dans l’aménagement de ses réseaux de relations plus ou moins contraignantes. Au surplus je
3115 un certain jeu dans l’aménagement de ses réseaux de relations plus ou moins contraignantes. Au surplus je ne vois guère d
3116 moins contraignantes. Au surplus je ne vois guère d’ État-nation de type unitaire que ce double mouvement de convergence mo
3117 nantes. Au surplus je ne vois guère d’État-nation de type unitaire que ce double mouvement de convergence mondiale et de d
3118 t-nation de type unitaire que ce double mouvement de convergence mondiale et de diversification locale ne mette en crise p
3119 ue ce double mouvement de convergence mondiale et de diversification locale ne mette en crise permanente. 855 votes en que
3120 ersification locale ne mette en crise permanente. 855 votes en quelques années à la Chambre italienne sur le règlement du s
3121 règlement du statut des régions autonomes. Risque d’ éclatement de la Belgique. En France, floraison de projets officiels o
3122 statut des régions autonomes. Risque d’éclatement de la Belgique. En France, floraison de projets officiels ou révolutionn
3123 d’éclatement de la Belgique. En France, floraison de projets officiels ou révolutionnaires tendant à régionaliser l’Hexago
3124 iplication des jumelages européens entre communes de ces mêmes régions, créations d’organismes de coopérations multination
3125 ns entre communes de ces mêmes régions, créations d’ organismes de coopérations multinationales du type de la Regio Basilie
3126 unes de ces mêmes régions, créations d’organismes de coopérations multinationales du type de la Regio Basiliensis, unions
3127 rganismes de coopérations multinationales du type de la Regio Basiliensis, unions professionnelles et industrielles tendan
3128 qui perd. Il ne correspond plus ni aux conditions de liberté et de participation civique, apanage des communautés ou cités
3129 e correspond plus ni aux conditions de liberté et de participation civique, apanage des communautés ou cités libres, comme
3130 e Rousseau l’avait si bien vu ; ni aux conditions de développement, de rentabilité et de sécurité, auxquelles ne peuvent r
3131 si bien vu ; ni aux conditions de développement, de rentabilité et de sécurité, auxquelles ne peuvent répondre que de gra
3132 ux conditions de développement, de rentabilité et de sécurité, auxquelles ne peuvent répondre que de grands espaces économ
3133 t de sécurité, auxquelles ne peuvent répondre que de grands espaces économiques constitués à la mesure des possibilités et
3134 itués à la mesure des possibilités et des besoins de l’ère scientifico-technique. Cet échec de la politique centralisatric
3135 besoins de l’ère scientifico-technique. Cet échec de la politique centralisatrice et unitaire, secrètement obsédée par un
3136 rice et unitaire, secrètement obsédée par un rêve d’ autarcie, et cette mise en question, voire en accusation, de la formul
3137 , et cette mise en question, voire en accusation, de la formule stato-nationale élaborée par le xixe siècle, nous renvoie
3138 nous renvoient l’un comme l’autre à des formules de type fédéraliste. À la question que je me posais sur la prophétie pro
3139 e réponse : oui, nous sommes bel et bien au seuil d’ une ère potentiellement fédéraliste. Peut-on dire plus ? Sur les quelq
3140 i divisent notre humanité, je ne compte guère que deux douzaines d’États fédératifs, mais ils regroupent 40 % de la populati
3141 e humanité, je ne compte guère que deux douzaines d’ États fédératifs, mais ils regroupent 40 % de la population du globe,
3142 douzaines d’États fédératifs, mais ils regroupent 40  % de la population du globe, et il est frappant de constater qu’on tr
3143 ines d’États fédératifs, mais ils regroupent 40 % de la population du globe, et il est frappant de constater qu’on trouve
3144 0 % de la population du globe, et il est frappant de constater qu’on trouve parmi eux les plus grands États des cinq conti
3145 qu’on trouve parmi eux les plus grands États des cinq continents et les plus modernes — ainsi les États-Unis, le Mexique et
3146 les États-Unis, le Mexique et le Brésil pour les trois Amériques, le Nigéria en Afrique, l’Allemagne pour l’Europe de l’Oues
3147 l’Europe de l’Ouest et la Yougoslavie pour celle de l’Est, et au-delà, l’URSS, l’Inde et l’Australie. Voilà qui réfute le
3148 Mais l’étiquette fédérale couvre des marchandises de qualités pour le moins diverses selon qu’il s’agit par exemple de l’e
3149 le moins diverses selon qu’il s’agit par exemple de l’empire soviétique, du Nigéria, ou de la Confédération suisse. Car l
3150 ar exemple de l’empire soviétique, du Nigéria, ou de la Confédération suisse. Car la double exigence antinomique de la con
3151 ration suisse. Car la double exigence antinomique de la convergence et de la diversification n’est pas tellement mieux sat
3152 double exigence antinomique de la convergence et de la diversification n’est pas tellement mieux satisfaite dans ces troi
3153 ion n’est pas tellement mieux satisfaite dans ces trois États officiellement fédératifs que dans les nations unitaires : en U
3154 oqué (non sans paradoxe d’ailleurs), pour refuser de se laisser entraîner par des mouvements de convergence européenne et
3155 efuser de se laisser entraîner par des mouvements de convergence européenne et mondiale, même s’ils disent s’inspirer du p
3156 e, même s’ils disent s’inspirer du propre exemple de la fédération des cantons suisses ! Il est certain que dans ces trois
3157 des cantons suisses ! Il est certain que dans ces trois cas, c’est moins le fédéralisme qu’on est en droit d’incriminer que s
3158 as, c’est moins le fédéralisme qu’on est en droit d’ incriminer que sa trahison pure et simple, ou son usage mal compris, o
3159 mal compris, ou son blocage délibéré aux limites d’ un État fédéral. Il ne s’agit pas d’un défaut du fédéralisme, mais d’u
3160 é aux limites d’un État fédéral. Il ne s’agit pas d’ un défaut du fédéralisme, mais d’un défaut de fédéralisme. Et l’on est
3161 Il ne s’agit pas d’un défaut du fédéralisme, mais d’ un défaut de fédéralisme. Et l’on est en droit de penser que l’applica
3162 pas d’un défaut du fédéralisme, mais d’un défaut de fédéralisme. Et l’on est en droit de penser que l’application correct
3163 d’un défaut de fédéralisme. Et l’on est en droit de penser que l’application correcte de la méthode fédéraliste rétablira
3164 est en droit de penser que l’application correcte de la méthode fédéraliste rétablirait bientôt ce double mouvement de dia
3165 déraliste rétablirait bientôt ce double mouvement de diastole et de systole, vers des autonomies plus locales et vers des
3166 lirait bientôt ce double mouvement de diastole et de systole, vers des autonomies plus locales et vers des unions plus vas
3167 ns plus vastes, qui est le battement même du cœur d’ un régime sain, j’entends immunisé contre le virus totalitaire. Mais s
3168 il faudrait avant de le prescrire, être très sûr de sa formule. Or je ne vois pas terme du langage politique qui prête à
3169  fédération », c’est simplement « union politique d’ États » (mais on a soin de préciser qu’en vers, cela fait cinq syllabe
3170 ement « union politique d’États » (mais on a soin de préciser qu’en vers, cela fait cinq syllabes). Cette définition est a
3171 (mais on a soin de préciser qu’en vers, cela fait cinq syllabes). Cette définition est assurément moins éclairante que les d
3172 éfinition est assurément moins éclairante que les deux citations qui l’illustrent : 1) « Le fédéralisme était une des formes
3173 airante que les deux citations qui l’illustrent : 1 ) « Le fédéralisme était une des formes politiques les plus communes e
3174 auvages. » Chateaubriand, Amérique, Gouvernement. 2 ) « Pendant la Révolution, projet attribué aux girondins de rompre l’u
3175 dant la Révolution, projet attribué aux girondins de rompre l’unité nationale et de transformer la France en une fédératio
3176 ibué aux girondins de rompre l’unité nationale et de transformer la France en une fédération de petits États. » Pour le Fr
3177 ale et de transformer la France en une fédération de petits États. » Pour le Français cultivé, donc, la cause est jugée. I
3178 çais cultivé, donc, la cause est jugée. Il s’agit d’ un système qui est bon pour les sauvages, et qui semble n’avoir été pr
3179 à la République… Il est vrai que mon Littré date de 1865 : « fédéralisme » y est encore qualifié de « néologisme ». C’éta
3180 la République… Il est vrai que mon Littré date de 1865  : « fédéralisme » y est encore qualifié de « néologisme ». C’était de
3181 e de 1865 : « fédéralisme » y est encore qualifié de « néologisme ». C’était deux ans après le livre de Proudhon. Depuis l
3182 y est encore qualifié de « néologisme ». C’était deux ans après le livre de Proudhon. Depuis lors, les centaines d’études e
3183 e « néologisme ». C’était deux ans après le livre de Proudhon. Depuis lors, les centaines d’études et de gros volumes paru
3184 ans après le livre de Proudhon. Depuis lors, les centaines d’études et de gros volumes parus sur le sujet auraient dû suffire, s
3185 le livre de Proudhon. Depuis lors, les centaines d’ études et de gros volumes parus sur le sujet auraient dû suffire, semb
3186 Proudhon. Depuis lors, les centaines d’études et de gros volumes parus sur le sujet auraient dû suffire, semble-t-il, à c
3187 tout : le malheur congénital du fédéralisme reste d’ être un concept dialectique, ambigu, et qui autorise — ou incite en to
3188 vraisemblables pataquès conceptuels. J’en citerai trois exemples. Il y a quelques années, je suggérai au comité directeur d’u
3189 quelques années, je suggérai au comité directeur d’ un congrès européen qu’une journée fût réservée à des travaux sur le f
3190 de l’Europe tint à déclarer aussitôt que le terme de fédéralisme étant tabou à Strasbourg, il se verrait obligé de quitter
3191 me étant tabou à Strasbourg, il se verrait obligé de quitter le comité si l’on adoptait ma proposition. Je compris par la
3192 nctionnaire tenait le fédéralisme pour un système d’ unification intégrale, sans respect pour les diversités et les autonom
3193 embres, c’est-à-dire très exactement le contraire de ce qu’il est. À l’inverse, le fédéralisme est assimilé par beaucoup à
3194 éralisme est assimilé par beaucoup à une attitude de suspicion envers tout pouvoir central, et à la défense ombrageuse des
3195 l y a quelques années, on put entendre le recteur d’ une de nos universités cantonales condamner le principe d’une subventi
3196 quelques années, on put entendre le recteur d’une de nos universités cantonales condamner le principe d’une subvention féd
3197 nos universités cantonales condamner le principe d’ une subvention fédérale « parce qu’ici, disait-il, nous sommes fédéral
3198 ralistes ! » Si pareils malentendus sont le fait d’ Européens professionnels ou de gardiens jaloux des traditions helvètes
3199 tendus sont le fait d’Européens professionnels ou de gardiens jaloux des traditions helvètes, que sera-ce ailleurs ? Le fé
3200 ni ceci, ni cela, mais la coexistence en tension de ceci et de cela, il semble que le danger d’interprétations partielles
3201 i cela, mais la coexistence en tension de ceci et de cela, il semble que le danger d’interprétations partielles, donc ruin
3202 nsion de ceci et de cela, il semble que le danger d’ interprétations partielles, donc ruineuses dans son cas, lui soit pour
3203 nsi dire congénital. Or s’il est vrai que l’union de l’Europe est l’entreprise capitale de siècle, et s’il est vraisemblab
3204 que l’union de l’Europe est l’entreprise capitale de siècle, et s’il est vraisemblable que cette union sera fédérale ou ne
3205 que j’ai dits, et par suite l’importance pratique de tout effort de clarification des concepts de fédération et de fédéral
3206 et par suite l’importance pratique de tout effort de clarification des concepts de fédération et de fédéralisme. Pour ma p
3207 ique de tout effort de clarification des concepts de fédération et de fédéralisme. Pour ma part, je voudrais maintenant pr
3208 rt de clarification des concepts de fédération et de fédéralisme. Pour ma part, je voudrais maintenant proposer quelques d
3209 politiques au sens étroit du mot. ⁂ Tout d’abord, trois définitions. Je propose d’appeler problème fédéraliste une situation
3210 ot. ⁂ Tout d’abord, trois définitions. Je propose d’ appeler problème fédéraliste une situation dans laquelle s’affrontent
3211 éraliste une situation dans laquelle s’affrontent deux réalités humaines antinomiques mais également valables et vitales, de
3212 antinomiques mais également valables et vitales, de telle sorte que la solution ne puisse être cherchée, ni dans la réduc
3213 ion ne puisse être cherchée, ni dans la réduction de l’un des termes, ni dans la subordination de l’un à l’autre, mais seu
3214 tion de l’un des termes, ni dans la subordination de l’un à l’autre, mais seulement dans une création qui englobe, satisfa
3215 i englobe, satisfasse et transcende les exigences de l’un et de l’autre. J’appellerai donc solution fédéraliste toute solu
3216 satisfasse et transcende les exigences de l’un et de l’autre. J’appellerai donc solution fédéraliste toute solution qui pr
3217 n fédéraliste toute solution qui prend pour règle de respecter les deux termes antinomiques en conflit tout en les composa
3218 te solution qui prend pour règle de respecter les deux termes antinomiques en conflit tout en les composant de telle manière
3219 mes antinomiques en conflit tout en les composant de telle manière que la résultante de leur tension soit positive. (On di
3220 les composant de telle manière que la résultante de leur tension soit positive. (On dirait, dans le langage de la théorie
3221 ension soit positive. (On dirait, dans le langage de la théorie des jeux de von Neumann et Morgenstern, qu’il s’agit de dé
3222 On dirait, dans le langage de la théorie des jeux de von Neumann et Morgenstern, qu’il s’agit de déterminer l’optimum en l
3223 jeux de von Neumann et Morgenstern, qu’il s’agit de déterminer l’optimum en lequel se concilient deux maxima contradictoi
3224 t de déterminer l’optimum en lequel se concilient deux maxima contradictoires, — comme l’offre et la demande dans un prix.)
3225 lus large du terme. Avant de chercher à quel type d’ homme correspond une telle politique, et quel type d’homme elle entend
3226 omme correspond une telle politique, et quel type d’ homme elle entend préparer ou éduquer, constatons qu’elle traduit une
3227 ou éduquer, constatons qu’elle traduit une forme de pensée, une structure de relations bipolaires dont le « modèle » nous
3228 u’elle traduit une forme de pensée, une structure de relations bipolaires dont le « modèle » nous est connu : c’est celui
3229 connu : c’est celui qu’ont élaboré les fondateurs de la philosophie occidentale dans le dialogue opposant les éléates aux
3230 aux ioniens au sujet de l’antinomie fondamentale de l’Un et du Divers, ou encore de la permanence et du changement. Paral
3231 omie fondamentale de l’Un et du Divers, ou encore de la permanence et du changement. Parallèlement se constituaient les pr
3232 lement se constituaient les premières définitions de l’homme comme individu distinct, et de la cité ou auto-nomie (littéra
3233 éfinitions de l’homme comme individu distinct, et de la cité ou auto-nomie (littéralement auto-réglage) comme cellule de b
3234 -nomie (littéralement auto-réglage) comme cellule de base des ligues et fédérations. Voilà qui est proprement occidental :
3235 t proprement occidental : devant ce même problème de l’Un et du divers, les métaphysiques orientales prennent le parti de
3236 s, les métaphysiques orientales prennent le parti de supprimer le conflit en réduisant l’un de ses termes — le Divers — au
3237 e parti de supprimer le conflit en réduisant l’un de ses termes — le Divers — au prix d’une longue ascèse exténuante. Pour
3238 éduisant l’un de ses termes — le Divers — au prix d’ une longue ascèse exténuante. Pour le brahmane, pour le bouddhiste, le
3239 Pour le brahmane, pour le bouddhiste, le but est d’ effacer l’individu, la différence, de tout fondre dans l’Un sans disti
3240 , le but est d’effacer l’individu, la différence, de tout fondre dans l’Un sans distinction. Mais l’Occident, dès l’aube g
3241 dent, dès l’aube grecque, cherche à maintenir les deux termes non pas en équilibre neutre, mais bien en tension créatrice, e
3242 ais bien en tension créatrice, et c’est le succès de cet effort toujours renouvelé toujours menacé, qui dénote la santé de
3243 rs renouvelé toujours menacé, qui dénote la santé de la pensée européenne, sa justesse, sa mesure conquise sur le chaos de
3244 nne, sa justesse, sa mesure conquise sur le chaos de la masse indistincte autant que sur l’anarchie des individus isolés,
3245 r l’anarchie des individus isolés, qu’il s’agisse de réalités métaphysiques ou physiques, esthétiques ou politiques. Ce qu
3246 tiques ou politiques. Ce qui s’oppose coopère, et de la lutte des contraires procède la plus belle harmonie, dit un fragme
3247 e la plus belle harmonie, dit un fragment célèbre d’ Héraclite. L’art et la science de cette mise en tension, de cette comp
3248 fragment célèbre d’Héraclite. L’art et la science de cette mise en tension, de cette composition de réalités contraires ma
3249 te. L’art et la science de cette mise en tension, de cette composition de réalités contraires mais également valables, voi
3250 ce de cette mise en tension, de cette composition de réalités contraires mais également valables, voilà je crois ce qui dé
3251 is ce qui définit l’apport original et spécifique de la pensée occidentale ; or cette définition vaut également et intégra
3252 r la Grèce des grands siècles avec sa dialectique de l’individu et de la cité, conciliée dans la notion de citoyen. Mais l
3253 ands siècles avec sa dialectique de l’individu et de la cité, conciliée dans la notion de citoyen. Mais le moment crucial
3254 ’individu et de la cité, conciliée dans la notion de citoyen. Mais le moment crucial de toute l’évolution spécifiquement o
3255 dans la notion de citoyen. Mais le moment crucial de toute l’évolution spécifiquement occidentale vers l’approfondissement
3256 conciles. À Nicée, puis à Chalcédoine, plusieurs centaines d’évêques et de docteurs se mettent d’accord pour définir en grec la
3257 À Nicée, puis à Chalcédoine, plusieurs centaines d’ évêques et de docteurs se mettent d’accord pour définir en grec la nat
3258 s à Chalcédoine, plusieurs centaines d’évêques et de docteurs se mettent d’accord pour définir en grec la nature à la foi
3259 nt-Esprit, et la personne à la fois une et double de Jésus-Christ. Et ils écrivent : « Nous enseignons un seul et même Sei
3260 s-Christ, vrai Dieu et vrai homme… fils unique en deux natures, sans confusion (ni) séparation. L’union n’a pas supprimé la
3261 res, mais plutôt elle a sauvegardé les propriétés de chaque nature, qui se rencontrent dans une seule personne… » Abstract
3262 rent dans une seule personne… » Abstraction faite de la foi que l’on accorde ou non à la substance de ces énoncés, je reti
3263 de la foi que l’on accorde ou non à la substance de ces énoncés, je retiens que leurs formes et structures posent un cert
3264 leurs formes et structures posent un certain type de relations, posent donc une société et une politique. De même que le m
3265 u devenir historico-politique — source principale de la méthode marxienne — de même le modèle de la co-existence des deux
3266 ipale de la méthode marxienne — de même le modèle de la co-existence des deux natures sans confusion ni séparation et de l
3267 xienne — de même le modèle de la co-existence des deux natures sans confusion ni séparation et de l’union qui loin de suppri
3268 des deux natures sans confusion ni séparation et de l’union qui loin de supprimer la différence des natures sauvegarde le
3269 ifférence des natures sauvegarde leurs propriétés 26 sera repris par tous les penseurs occidentaux respectueux du réel et
3270 occidentaux respectueux du réel et des conditions de la vie, qui sont : antinomies, oppositions, lutte des contraires « d’
3271 : antinomies, oppositions, lutte des contraires «  d’ où procède la plus belle harmonie ». Je pense d’abord, bien sûr, aux e
3272 ville et Proudhon, mais aussi aux écoles récentes de physiciens et de logiciens pour lesquels la complémentarité de phénom
3273 , mais aussi aux écoles récentes de physiciens et de logiciens pour lesquels la complémentarité de phénomènes, définis com
3274 et de logiciens pour lesquels la complémentarité de phénomènes, définis comme exclusifs l’un de l’autre, a cessé d’être u
3275 arité de phénomènes, définis comme exclusifs l’un de l’autre, a cessé d’être un scandale, est même devenu principe fondame
3276 définis comme exclusifs l’un de l’autre, a cessé d’ être un scandale, est même devenu principe fondamental d’interprétatio
3277 un scandale, est même devenu principe fondamental d’ interprétation du réel. (Je pense notamment aux théories de L. de Brog
3278 étation du réel. (Je pense notamment aux théories de L. de Broglie sur la lumière, faite de vrais corpuscules mais aussi d
3279 tion du réel. (Je pense notamment aux théories de L. de Broglie sur la lumière, faite de vrais corpuscules mais aussi de v
3280 n du réel. (Je pense notamment aux théories de L. de Broglie sur la lumière, faite de vrais corpuscules mais aussi de vrai
3281 x théories de L. de Broglie sur la lumière, faite de vrais corpuscules mais aussi de vraies ondes…) ⁂ Notre modèle de pens
3282 la lumière, faite de vrais corpuscules mais aussi de vraies ondes…) ⁂ Notre modèle de pensée fédéraliste ainsi posé à la c
3283 cules mais aussi de vraies ondes…) ⁂ Notre modèle de pensée fédéraliste ainsi posé à la clé de l’histoire européenne, il r
3284 modèle de pensée fédéraliste ainsi posé à la clé de l’histoire européenne, il reste à repérer les principaux domaines de
3285 éenne, il reste à repérer les principaux domaines de la réalité moderne où l’on retrouve les structures typiques d’un prob
3286 moderne où l’on retrouve les structures typiques d’ un problème fédéraliste. À la base de notre analyse, plaçons une conce
3287 res typiques d’un problème fédéraliste. À la base de notre analyse, plaçons une conception de l’homme analogue au modèle b
3288 la base de notre analyse, plaçons une conception de l’homme analogue au modèle bipolaire posé par le concile de Chalcédoi
3289 analogue au modèle bipolaire posé par le concile de Chalcédoine. La personne humaine, notion déduite des dogmes relatifs
3290 e humaine, notion déduite des dogmes relatifs aux trois Personnes divines, et surtout à la deuxième, va nous servir de module
3291 divines, et surtout à la deuxième, va nous servir de module. La personne humaine, c’est l’homme considéré dans sa double r
3292 e, c’est l’homme considéré dans sa double réalité d’ individu distinct et de citoyen engagé dans la société. Pourvu de libe
3293 éré dans sa double réalité d’individu distinct et de citoyen engagé dans la société. Pourvu de libertés mais de responsabi
3294 inct et de citoyen engagé dans la société. Pourvu de libertés mais de responsabilités, solitaire et solidaire (selon le mo
3295 n engagé dans la société. Pourvu de libertés mais de responsabilités, solitaire et solidaire (selon le mot de Victor Hugo
3296 onsabilités, solitaire et solidaire (selon le mot de Victor Hugo repris par Camus), distingué du troupeau par cette vocati
3297 n mieux : l’un — la solidarité — sera la garantie de l’autre — l’autonomie. Quelques exemples : 1. Le problème des univers
3298 tie de l’autre — l’autonomie. Quelques exemples : 1. Le problème des universités résulte d’un couple d’exigences contradic
3299 exemples : 1. Le problème des universités résulte d’ un couple d’exigences contradictoires, qui paraissent exclusives l’une
3300 . Le problème des universités résulte d’un couple d’ exigences contradictoires, qui paraissent exclusives l’une de l’autre,
3301 contradictoires, qui paraissent exclusives l’une de l’autre, quoique indispensables l’une à l’autre : la spécialisation e
3302 autre : la spécialisation et la culture générale. 2. Les problèmes actuels de l’habitat et de l’urbanisme résultent de la
3303 et la culture générale. 2. Les problèmes actuels de l’habitat et de l’urbanisme résultent de la croissante difficulté de
3304 énérale. 2. Les problèmes actuels de l’habitat et de l’urbanisme résultent de la croissante difficulté de satisfaire les e
3305 actuels de l’habitat et de l’urbanisme résultent de la croissante difficulté de satisfaire les exigences, également valab
3306 l’urbanisme résultent de la croissante difficulté de satisfaire les exigences, également valables mais également frustrées
3307 is également frustrées dans les grands ensembles, de solitude et de sociabilité, de recueillement et de communication avec
3308 ustrées dans les grands ensembles, de solitude et de sociabilité, de recueillement et de communication avec les autres. 3.
3309 grands ensembles, de solitude et de sociabilité, de recueillement et de communication avec les autres. 3. Au niveau de la
3310 e solitude et de sociabilité, de recueillement et de communication avec les autres. 3. Au niveau de la vie civique et poli
3311 ecueillement et de communication avec les autres. 3. Au niveau de la vie civique et politique, tout le problème revient à
3312 nt à concilier les besoins contraires mais vitaux d’ autonomie locale et de grands espaces communs, de participation effica
3313 oins contraires mais vitaux d’autonomie locale et de grands espaces communs, de participation efficace à la vie d’un group
3314 d’autonomie locale et de grands espaces communs, de participation efficace à la vie d’un groupe concret et d’horizons ouv
3315 paces communs, de participation efficace à la vie d’ un groupe concret et d’horizons ouverts, d’adhésion à des communautés
3316 cipation efficace à la vie d’un groupe concret et d’ horizons ouverts, d’adhésion à des communautés plus vastes, de cadres
3317 la vie d’un groupe concret et d’horizons ouverts, d’ adhésion à des communautés plus vastes, de cadres qui rassurent, d’enr
3318 uverts, d’adhésion à des communautés plus vastes, de cadres qui rassurent, d’enracinement et de mobilité… La situation de
3319 communautés plus vastes, de cadres qui rassurent, d’ enracinement et de mobilité… La situation de l’homme qui veut à la foi
3320 astes, de cadres qui rassurent, d’enracinement et de mobilité… La situation de l’homme qui veut à la fois sa vie privée et
3321 rent, d’enracinement et de mobilité… La situation de l’homme qui veut à la fois sa vie privée et une vie sociale est homol
3322 e et une vie sociale est homologue à la situation de la région qui veut à la fois son autonomie et sa participation à un p
3323 ipation à un plus grand ensemble, en association. 4. Enfin, le problème général de l’œcuménisme n’est-il pas le même en sa
3324 le, en association. 4. Enfin, le problème général de l’œcuménisme n’est-il pas le même en sa forme que ceux que nous venon
3325 pas le même en sa forme que ceux que nous venons d’ évoquer, puisqu’il consiste à concilier des confessions distinctes dan
3326 concilier des confessions distinctes dans l’unité de l’Église, c’est-à-dire en dernière analyse, des vocations particulièr
3327 es vocations particulières au sein de l’Être même de l’Universel, source et fin de toute communauté. Dans tous ces domaine
3328 sein de l’Être même de l’Universel, source et fin de toute communauté. Dans tous ces domaines d’existence, quels seront le
3329 t fin de toute communauté. Dans tous ces domaines d’ existence, quels seront les principes de méthode dictés par le souci f
3330 domaines d’existence, quels seront les principes de méthode dictés par le souci fédéraliste de respect des diversités, de
3331 ncipes de méthode dictés par le souci fédéraliste de respect des diversités, des conditions contradictoires de la vie, com
3332 ct des diversités, des conditions contradictoires de la vie, comme la liberté des personnes et la force de la communauté ?
3333 a vie, comme la liberté des personnes et la force de la communauté ? L’analyse fédéraliste d’une situation part du concret
3334 la force de la communauté ? L’analyse fédéraliste d’ une situation part du concret, en ce sens que d’abord elle considère l
3335 , en ce sens que d’abord elle considère la nature d’ une tâche ou d’une fonction particulière dont on aura reconnu la néces
3336 e d’abord elle considère la nature d’une tâche ou d’ une fonction particulière dont on aura reconnu la nécessité ou l’agrém
3337 euxième étape : elle évalue les dimensions optima de l’aire d’exécution requise et elle le fait en fonction des trois fact
3338 ape : elle évalue les dimensions optima de l’aire d’ exécution requise et elle le fait en fonction des trois facteurs suiva
3339 exécution requise et elle le fait en fonction des trois facteurs suivants : possibilités de participation (civique, intellect
3340 nction des trois facteurs suivants : possibilités de participation (civique, intellectuelle, économique), efficacité, écon
3341 lon les cas), il ne reste qu’à désigner le niveau de compétence où seront prises les décisions relatives à cette tâche. Il
3342 che. Il peut y avoir d’ailleurs plusieurs niveaux de décisions, hiérarchisés. Séparer les pouvoirs, les disperser, les rép
3343 selon le bon sens, voilà le programme proudhonien de division fédéraliste de l’État, inverse exact de l’utopie totalitaire
3344 le programme proudhonien de division fédéraliste de l’État, inverse exact de l’utopie totalitaire. De plus, les aires d’o
3345 de division fédéraliste de l’État, inverse exact de l’utopie totalitaire. De plus, les aires d’opération peuvent et doive
3346 exact de l’utopie totalitaire. De plus, les aires d’ opération peuvent et doivent différer selon les tâches, j’entends selo
3347 ntends selon qu’elles intéressent tous les hommes de toutes les régions, certains hommes de toutes les régions, certains h
3348 les hommes de toutes les régions, certains hommes de toutes les régions, certains hommes de certaines régions, tous les ho
3349 ins hommes de toutes les régions, certains hommes de certaines régions, tous les hommes de quelques régions, ou d’une seul
3350 ains hommes de certaines régions, tous les hommes de quelques régions, ou d’une seule. Je conviendrai que le nombre des co
3351 régions, tous les hommes de quelques régions, ou d’ une seule. Je conviendrai que le nombre des combinaisons auxquelles pe
3352 inaisons auxquelles peut conduire cette méthode a de quoi donner le vertige aux fonctionnaires de tradition unitaire. Mais
3353 de a de quoi donner le vertige aux fonctionnaires de tradition unitaire. Mais les ordinateurs vont prendre la relève. Léni
3354 s ordinateurs, c’est-à-dire le respect du réel et de ses infinies complexités enfin rendu possible par la technique modern
3355 ble par la technique moderne. (Ce débat n’est pas d’ aujourd’hui. Aux projets de découpage géométrique de la France en carr
3356 e. (Ce débat n’est pas d’aujourd’hui. Aux projets de découpage géométrique de la France en carrés réguliers de dix-huit li
3357 aujourd’hui. Aux projets de découpage géométrique de la France en carrés réguliers de dix-huit lieues de côté, comme le pr
3358 page géométrique de la France en carrés réguliers de dix-huit lieues de côté, comme le proposait Sieyès sous prétexte de s
3359 e géométrique de la France en carrés réguliers de dix-huit lieues de côté, comme le proposait Sieyès sous prétexte de simplifier
3360 la France en carrés réguliers de dix-huit lieues de côté, comme le proposait Sieyès sous prétexte de simplifier les contr
3361 u répondait déjà par cette grande phrase : Le but de la société n’est pas que l’administration soit facile, mais qu’elle s
3362 airée.) Nous allons voir, enfin, que nos critères d’ évaluation des dimensions et d’attribution des niveaux décisionnels —
3363 , que nos critères d’évaluation des dimensions et d’ attribution des niveaux décisionnels — la participation, l’efficacité
3364 nt en interdépendance générale. Prenons l’exemple de l’habitat : le gigantisme des villes, l’entassement dans les grands e
3365 conçus pour rapporter, ont produit une situation de crise dont l’acuité se mesure notamment par le chiffre élevé des suic
3366 le anonyme… Mais c’est une mauvaise solitude, née de l’absence de communication avec ceux que l’on côtoie comme s’ils n’ét
3367 ais c’est une mauvaise solitude, née de l’absence de communication avec ceux que l’on côtoie comme s’ils n’étaient pas là.
3368 La solution consisterait à recréer les conditions de communauté, et tout d’abord certaines dimensions et structures archit
3369 nsions et structures architecturales : des unités d’ habitation de 5000 à 25 000 habitants, dotées non seulement d’espaces
3370 uctures architecturales : des unités d’habitation de 5000 à 25 000 habitants, dotées non seulement d’espaces verts mais de
3371 ures architecturales : des unités d’habitation de 5000 à 25 000 habitants, dotées non seulement d’espaces verts mais de rues
3372 chitecturales : des unités d’habitation de 5000 à 25  000 habitants, dotées non seulement d’espaces verts mais de rues rése
3373 tecturales : des unités d’habitation de 5000 à 25  000 habitants, dotées non seulement d’espaces verts mais de rues réservée
3374 de 5000 à 25 000 habitants, dotées non seulement d’ espaces verts mais de rues réservées aux seuls piétons et d’une place
3375 itants, dotées non seulement d’espaces verts mais de rues réservées aux seuls piétons et d’une place remplissant la foncti
3376 verts mais de rues réservées aux seuls piétons et d’ une place remplissant la fonction de l’agora ou du forum dans la cité
3377 ls piétons et d’une place remplissant la fonction de l’agora ou du forum dans la cité antique : place délimitée par tous l
3378 lace délimitée par tous les bâtiments symboliques de la vie communautaire, églises, mairie, marchés, cafés, lieu de rencon
3379 munautaire, églises, mairie, marchés, cafés, lieu de rencontres, d’intrigues, de flirts, de criée des journaux et de manif
3380 ises, mairie, marchés, cafés, lieu de rencontres, d’ intrigues, de flirts, de criée des journaux et de manifestations. La p
3381 marchés, cafés, lieu de rencontres, d’intrigues, de flirts, de criée des journaux et de manifestations. La possibilité ph
3382 afés, lieu de rencontres, d’intrigues, de flirts, de criée des journaux et de manifestations. La possibilité physique et m
3383 d’intrigues, de flirts, de criée des journaux et de manifestations. La possibilité physique et morale de participation à
3384 manifestations. La possibilité physique et morale de participation à la vie communale dépend de tels aménagements. Les dim
3385 morale de participation à la vie communale dépend de tels aménagements. Les dimensions, d’ailleurs, peuvent être numérique
3386 re générale au sens traditionnel et l’acquisition d’ un savoir professionnel souvent d’autant plus rentable qu’il est plus
3387 t l’acquisition d’un savoir professionnel souvent d’ autant plus rentable qu’il est plus étroitement spécialisé ; mais la r
3388 é ; mais la révolte actuelle des étudiants, sorte de tourbillon dans l’égarement, est aussi le résultat mécanique de l’exp
3389 dans l’égarement, est aussi le résultat mécanique de l’explosion des effectifs. Multipliez par dix les dimensions des marc
3390 ique de l’explosion des effectifs. Multipliez par dix les dimensions des marches d’un escalier, il devient impraticable. De
3391 fs. Multipliez par dix les dimensions des marches d’ un escalier, il devient impraticable. De même, le décuplement des effe
3392 n réelle à la recherche et compromet l’efficacité de l’enseignement. Remède fédéraliste : commencer par réévaluer les dime
3393 éraliste : commencer par réévaluer les dimensions d’ une université digne du nom, ménageant des possibilités de recherches
3394 iversité digne du nom, ménageant des possibilités de recherches très spécialisées et de travail interdisciplinaire. L’anal
3395 s possibilités de recherches très spécialisées et de travail interdisciplinaire. L’analyse conduit à souhaiter l’adoption,
3396 yse conduit à souhaiter l’adoption, comme module, de petits groupes ou unités de base de douze à quinze étudiants autour d
3397 option, comme module, de petits groupes ou unités de base de douze à quinze étudiants autour d’un enseignant (c’étaient le
3398 comme module, de petits groupes ou unités de base de douze à quinze étudiants autour d’un enseignant (c’étaient les dimens
3399 me module, de petits groupes ou unités de base de douze à quinze étudiants autour d’un enseignant (c’étaient les dimensions d
3400 e, de petits groupes ou unités de base de douze à quinze étudiants autour d’un enseignant (c’étaient les dimensions d’un studi
3401 unités de base de douze à quinze étudiants autour d’ un enseignant (c’étaient les dimensions d’un studium de la Sorbonne au
3402 autour d’un enseignant (c’étaient les dimensions d’ un studium de la Sorbonne au xiiie siècle) puis une fédération de ces
3403 enseignant (c’étaient les dimensions d’un studium de la Sorbonne au xiiie siècle) puis une fédération de ces petites unit
3404 la Sorbonne au xiiie siècle) puis une fédération de ces petites unités en départements, et je retrouve ici les solutions
3405 les solutions préconisées lors du fameux colloque de Caen, en 1966, mais aussi les conclusions de mon discours de Goetting
3406 s préconisées lors du fameux colloque de Caen, en 1966, mais aussi les conclusions de mon discours de Goettingen aux recteurs
3407 oque de Caen, en 1966, mais aussi les conclusions de mon discours de Goettingen aux recteurs européens en 1964m. L’univers
3408 1966, mais aussi les conclusions de mon discours de Goettingen aux recteurs européens en 1964m. L’université fut une comm
3409 discours de Goettingen aux recteurs européens en 1964m . L’université fut une commune libre au Moyen âge. Toute vie civique,
3410 ique du fédéralisme : comment assurer la cohésion d’ un ensemble assez vaste pour pouvoir se charger de tâches communes (te
3411 d’un ensemble assez vaste pour pouvoir se charger de tâches communes (telles que la défense, les affaires étrangères et la
3412 r les droits essentiels et l’autonomie des unités de base ? Comment devenir assez grand pour être fort, tout en restant as
3413 ssez petit pour être libre ? Ce n’est pas le vote d’ une constitution, de type plus ou moins fédéral qui peut résoudre une
3414 libre ? Ce n’est pas le vote d’une constitution, de type plus ou moins fédéral qui peut résoudre une fois pour toutes ce
3415 ntreprendre, répartir en conséquence les pouvoirs de décision, opérer les concentrations de forces proportionnées à la pui
3416 s pouvoirs de décision, opérer les concentrations de forces proportionnées à la puissance que l’on veut obtenir et en même
3417 ir et en même temps multiplier les petites unités de base, de manière à maintenir ou renforcer les possibilités de partici
3418 manière à maintenir ou renforcer les possibilités de participation civiques, intellectuelles et affectives. C’est dans ce
3419 fectives. C’est dans ce double dynamisme créateur d’ unions plus vastes à proportion de tâches nouvelles, mais aussi de com
3420 amisme créateur d’unions plus vastes à proportion de tâches nouvelles, mais aussi de communautés plus petites correspondan
3421 stes à proportion de tâches nouvelles, mais aussi de communautés plus petites correspondant aux exigences de l’habitat, de
3422 munautés plus petites correspondant aux exigences de l’habitat, de la formation des esprits et de l’exercice du civisme, c
3423 petites correspondant aux exigences de l’habitat, de la formation des esprits et de l’exercice du civisme, c’est dans cett
3424 nces de l’habitat, de la formation des esprits et de l’exercice du civisme, c’est dans cette dialectique concrète que sont
3425 train de se former sous nos yeux, en Europe, plus d’ une centaine de régions à métropole destinées à devenir — à plus ou mo
3426 de se former sous nos yeux, en Europe, plus d’une centaine de régions à métropole destinées à devenir — à plus ou moins long ter
3427 mer sous nos yeux, en Europe, plus d’une centaine de régions à métropole destinées à devenir — à plus ou moins long terme
3428 devenir — à plus ou moins long terme — les unités de base de la future fédération continentale, en lieu et place des États
3429 — à plus ou moins long terme — les unités de base de la future fédération continentale, en lieu et place des États-nations
3430 ssiques, n’était en réalité qu’un cas particulier d’ une conception beaucoup plus large des relations humaines dans la cité
3431 clos, lorsqu’il relevait que « le fédéralisme vit d’ une vie que la forme institutionnelle dénommée État ne suffit pas à qu
3432 ridique ou politique : il est un des grands types d’ aménagement du rapport politique et peut-être plus encore, un des gran
3433 ue et peut-être plus encore, un des grands styles de vie et de civilisation, capable, au même titre que le libéralisme, le
3434 -être plus encore, un des grands styles de vie et de civilisation, capable, au même titre que le libéralisme, le socialism
3435 e le libéralisme, le socialisme ou la démocratie, d’ alimenter la pensée des sociétés et de dicter aux hommes ces “images d
3436 démocratie, d’alimenter la pensée des sociétés et de dicter aux hommes ces “images de comportement” dont Bertrand de Jouve
3437 des sociétés et de dicter aux hommes ces “images de comportement” dont Bertrand de Jouvenel a si justement mis en vedette
3438 stitutionnelles du xixe . Nous voici sur le seuil de l’ère des grandes unions et des petites unités fonctionnelles, et l’o
3439 e trouver, dans les techniques avancées, le moyen de leur composition. En tant que méthode générale d’aménagement des rela
3440 de leur composition. En tant que méthode générale d’ aménagement des relations humaines, le fédéralisme tel que j’ai tenté
3441 tions humaines, le fédéralisme tel que j’ai tenté de le définir ne fait que commencer. Il n’est pas matière historique, ma
3442 s matière historique, mais prospective. Il a plus d’ avenir que de passé. 26. Pierre Duclos écrivait, en 1962, dans son e
3443 torique, mais prospective. Il a plus d’avenir que de passé. 26. Pierre Duclos écrivait, en 1962, dans son excellent ouvr
3444 s prospective. Il a plus d’avenir que de passé. 26. Pierre Duclos écrivait, en 1962, dans son excellent ouvrage en collab
3445 ir que de passé. 26. Pierre Duclos écrivait, en 1962, dans son excellent ouvrage en collaboration avec Henri Brugmans Le Fé
3446 ans confusion ni disparition des spécificités. » 27. H. Brugmans et P. Duclos, Le Fédéralisme contemporain, Paris, 1963, p
3447 et P. Duclos, Le Fédéralisme contemporain, Paris, 1963, p. 151. l. Rougemont Denis de, « L’avenir du fédéralisme », La Revu
3448 porain, Paris, 1963, p. 151. l. Rougemont Denis de , « L’avenir du fédéralisme », La Revue de Paris, Paris, septembre 196
3449 t Denis de, « L’avenir du fédéralisme », La Revue de Paris, Paris, septembre 1969, p. 1-10. m. Le texte est paru dans La
3450 édéralisme », La Revue de Paris, Paris, septembre 1969, p. 1-10. m. Le texte est paru dans La Revue de Paris de novembre 196
3451 969, p. 1-10. m. Le texte est paru dans La Revue de Paris de novembre 1965. Nous donnons en ligne les versions publiées e
3452 -10. m. Le texte est paru dans La Revue de Paris de novembre 1965. Nous donnons en ligne les versions publiées en septemb
3453 texte est paru dans La Revue de Paris de novembre 1965. Nous donnons en ligne les versions publiées en septembre 1964 dans la
3454 nnons en ligne les versions publiées en septembre 1964 dans la Gazette de Lausanne (version partielle), et en décembre 1964
3455 rsions publiées en septembre 1964 dans la Gazette de Lausanne (version partielle), et en décembre 1964 dans le Bulletin d
3456 de Lausanne (version partielle), et en décembre 1964 dans le Bulletin du Centre européen de la culture (version la plus c