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instituteur dans la salle de l’école des garçons.
Il
me tardait de voir une fois les habitants du village réunis, leur faç
2
inaire invisible, au point que je doutais même qu’
elle
existât. Elle était là. Elle occupait les longs bancs rangés en chevr
3
le, au point que je doutais même qu’elle existât.
Elle
était là. Elle occupait les longs bancs rangés en chevrons derrière l
4
e je doutais même qu’elle existât. Elle était là.
Elle
occupait les longs bancs rangés en chevrons derrière le petit apparei
5
sés à tendre les bobines de film à l’instituteur.
Il
fallut un certain temps pour mettre au point la projection. Les jeune
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t les mêmes éphèbes grecs, porteurs de torches qu’
ils
se passent avec des gestes lents, hallucinants, à grands sauts ralent
7
me. L’instituteur monte à sa chaire et annonce qu’
il
va prononcer, comme chaque semaine désormais, un petit discours. « Je
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ge intelligent, la chevelure noire en bataille qu’
il
saisit à pleines mains dans les moments pathétiques. Il annonce le su
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sit à pleines mains dans les moments pathétiques.
Il
annonce le sujet de ce soir : Qu’est-ce qu’être laïque ? — « Messieur
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à Paris. Eh bien ! citoyens, lors de ce congrès,
il
a été stipulé qu’à l’avenir… » La fin de la phrase étant particulière
11
je les respecte toutes, les religions, sauf quand
elles
viennent m’attaquer dans mon activité professionnelle, que je considè
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même crié : Très bien ! Les jeunes trouvent qu’«
il
cause bien ». Pour terminer la soirée, on passe un dessin animé, le P
13
i comme d’habitude d’une bande de petits garçons.
Il
n’a pas répondu à mon salut. 12 décembre 1933 Tout à l’heure, en déch
14
rendre que l’orateur est le pasteur du chef-lieu.
Il
paraît qu’il cause très bien — lui aussi — mais elle ne l’a jamais en
15
orateur est le pasteur du chef-lieu. Il paraît qu’
il
cause très bien — lui aussi — mais elle ne l’a jamais entendu. Elle e
16
l paraît qu’il cause très bien — lui aussi — mais
elle
ne l’a jamais entendu. Elle est catholique, en effet, comme d’ailleur
17
en — lui aussi — mais elle ne l’a jamais entendu.
Elle
est catholique, en effet, comme d’ailleurs tout le monde au village,
18
protestant est mort l’été dernier, âgé de 93 ans.
Il
s’était converti à soixante-dix ans « et il avait toujours tenu ! » C
19
ans. Il s’était converti à soixante-dix ans « et
il
avait toujours tenu ! » Catholique, antifasciste, laïque, protestant,
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capables de lire le journal, et j’ai remarqué qu’
ils
achètent absolument au hasard ceux qu’ils trouvent en dépôt chez la m
21
rqué qu’ils achètent absolument au hasard ceux qu’
ils
trouvent en dépôt chez la mère Renaud : l’Ami du Peuple ou la France
22
uille locale des curés ou celle des républicains.
Il
est à peu près impossible de savoir s’ils font une distinction quelco
23
licains. Il est à peu près impossible de savoir s’
ils
font une distinction quelconque entre les opinions, pourtant bien tra
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chées, que ces journaux leur servent. Je crois qu’
ils
n’y pensent même pas. Peut-être que la discussion annoncée après la c
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les épaules pour s’excuser de se mettre en avant.
Ils
gravissent la scène, enlèvent leur casquette à visière cirée, et s’in
26
M. Palut, n’est-ce pas, c’est la première fois qu’
il
vient à A…, mais certainement qu’il va nous intéresser, et je lui don
27
mière fois qu’il vient à A…, mais certainement qu’
il
va nous intéresser, et je lui donne la parole. » M. Palut sourit cord
28
ai ? Il y a plusieurs églises, et malheureusement
elles
ne s’entendent pas toujours. La primitive église était constituée par
29
res. Depuis lors il y a eu des églises de riches.
Elles
ont trahi l’Évangile. Un philosophe français, M. Julien Benda, a dit
30
nous aime. Si tous les hommes étaient chrétiens,
il
n’y aurait plus d’exploitation ni de guerre !… La péroraison a été él
31
n type se lève au fond de la salle et demande « s’
il
n’y a pas des contradictions dans la Bible ». Suit une petite discuss
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fait confuse et sans aucun rapport avec le sujet.
Il
n’y a pas d’autre question. Le président fait alors un bref remerciem
33
dent fait alors un bref remerciement à l’orateur.
Il
s’excuse encore de ne pas s’y connaître assez en religion, mais assur
34
s s’y connaître assez en religion, mais assure qu’
il
a été bien intéressé. On se lève, et les langues se délient. « Il a b
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téressé. On se lève, et les langues se délient. «
Il
a bien parlé, hein ? », me dit mon voisin, pendant que je lui donne d
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ne devaient pas être d’accord ? « Ben quoi, fait-
il
, convaincu, c’est la vérité ce qu’il a dit ! » Comment donc ? Ai-je a
37
n quoi, fait-il, convaincu, c’est la vérité ce qu’
il
a dit ! » Comment donc ? Ai-je affaire à un chrétien ou même à un pro
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mais tout le monde ne pense pas comme ça ici ? »
Il
me regarde un peu étonné à son tour : « Qu’est-ce que vous voulez, il
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étonné à son tour : « Qu’est-ce que vous voulez,
il
n’y a rien à répondre, c’est juste, ce qu’il a dit ! Il connaît bien
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lez, il n’y a rien à répondre, c’est juste, ce qu’
il
a dit ! Il connaît bien son affaire. C’est bien comme ça que c’est éc
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a rien à répondre, c’est juste, ce qu’il a dit !
Il
connaît bien son affaire. C’est bien comme ça que c’est écrit dans la
42
’est bien comme ça que c’est écrit dans la Bible,
il
n’a pas dit de mensonges, quoi ! Mais ici ils ne savent pas discuter.
43
ble, il n’a pas dit de mensonges, quoi ! Mais ici
ils
ne savent pas discuter. Si vous alliez à F…2 alors, c’est autre chose
44
réunions ! Mais ici, qu’est-ce que vous voulez ?
Ils
sont comme ça… » Je vais me présenter au conférencier, et nous sorton
45
s rejoint : c’est celui qui a présidé la réunion.
Il
veut encore remercier M. Palut. Enfin il veut lui demander « si ce se
46
réunion. Il veut encore remercier M. Palut. Enfin
il
veut lui demander « si ce serait possible de se procurer une Bible po
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important de s’y connaître dans ces questions ».
Il
s’exprime avec tant de prudence qu’on a peine à comprendre ses intent
48
udence qu’on a peine à comprendre ses intentions.
Il
a un oncle qui est curé, mais je ne saisis pas bien si ce curé lui a
49
rdit la lecture de la Bible, ou si, au contraire,
il
pourrait lui en prêter une. Quoi qu’il en soit, le pasteur note le no
50
contraire, il pourrait lui en prêter une. Quoi qu’
il
en soit, le pasteur note le nom du « président » et promet de lui env
51
sur la place. M. Palut sait que je suis écrivain.
Il
a lu un de mes articles. Je le sens inquiet de mon opinion d’« intell
52
ne l’est jamais assez ! — Oh ! vous savez, — dit-
il
— je n’y mets pas d’amour-propre, vous pouvez me dire franchement ce
53
e : — Eh bien ! si vous voulez mon opinion, ou si
elle
peut vous être utile… je crois que vous êtes encore trop compliqué po
54
e vous êtes encore trop compliqué pour ce public.
Il
me semble qu’on pourrait leur parler plus directement, les interpelle
55
les interpeller, enfin quoi, les secouer un peu !
Ils
sont là à vous écouter sans bouger, comme ils ont écouté les autres q
56
u ! Ils sont là à vous écouter sans bouger, comme
ils
ont écouté les autres qui disaient le contraire, et pas moyen de savo
57
ent le contraire, et pas moyen de savoir avec qui
ils
sont d’accord. Il ne faut pas oublier que nous vivons à une époque de
58
t pas moyen de savoir avec qui ils sont d’accord.
Il
ne faut pas oublier que nous vivons à une époque de propagande forcen
59
ur. Mais c’est plus difficile que vous ne croyez.
Il
faut que je vous dise que c’est la première fois que je parle ici, c’
60
use du curé qui s’y opposait par tous les moyens.
Ils
sont difficiles à prendre, ici. Surtout il ne faut pas les brusquer !
61
yens. Ils sont difficiles à prendre, ici. Surtout
il
ne faut pas les brusquer ! Ce soir, il s’agissait de gagner leur conf
62
i. Surtout il ne faut pas les brusquer ! Ce soir,
il
s’agissait de gagner leur confiance, et ensuite on verra si on peut a
63
nde électorale. — Oui, oui, mais… je les connais.
Ils
aiment qu’on leur fasse un beau discours. Ah ! c’est terrible, je vou
64
s. Ah ! c’est terrible, je vous assure. Bien sûr,
il
faudrait parler autrement. Mais qu’est-ce qu’ils comprennent ? Allez
65
, il faudrait parler autrement. Mais qu’est-ce qu’
ils
comprennent ? Allez le savoir, avec eux. On prêche pendant six ans la
66
vec eux. On prêche pendant six ans la même chose,
ils
vous remercient, on croit qu’ils ont compris, et puis un beau jour on
67
s la même chose, ils vous remercient, on croit qu’
ils
ont compris, et puis un beau jour on s’aperçoit que… rien, rien et ri
68
s’aperçoit que… rien, rien et rien ! Et pourtant
il
faut bien continuer, même si on a envie de tout plaquer, certains jou
69
me si on a envie de tout plaquer, certains jours…
Il
faudra reparler de tout cela. M. Palut n’a jamais l’occasion de discu
70
cela. M. Palut n’a jamais l’occasion de discuter,
il
se sent terriblement isolé au milieu de cette population bigote ou in
71
ais. « Le peuple, me disais-je en pédalant, ce qu’
ils
appellent le peuple… » ; je revoyais cette centaine d’hommes dans la
72
avail. Mais beaucoup ne font plus rien en hiver ?
Ils
sont venus pour tuer le temps, au lieu d’aller au café. Cette inertie
73
s, au lieu d’aller au café. Cette inertie, dès qu’
il
ne s’agit plus d’argent ! À moins que ce ne soit le langage, la diffi
74
ontre le vent dans l’obscurité. Mais le lendemain
il
n’en reste rien qu’un peu de courbature dans les jambes. 16 décembre
75
r, de Colette. Je n’avais pas encore lu ce livre.
Il
est exactement de l’espèce que j’aime, et l’un des plus charmants dan
76
édition que j’ai sous les yeux, je lis ceci : « …
ils
déménagent… comme les puces d’un hérisson mort. » Cette phrase a fait
77
e cherchâmes pas plus loin la cause du phénomène.
Il
est vrai qu’on a beau porter un nombre excessif de jupons, cela ne de
78
plate-bande qui borde la maison, sous ma fenêtre.
Il
soufflait très vite, il avait l’air malade. Le lendemain nous le trou
79
maison, sous ma fenêtre. Il soufflait très vite,
il
avait l’air malade. Le lendemain nous le trouvions mort. Et je l’avai
80
e de Colette. Je rapporte cette anecdote parce qu’
elle
comporte une conclusion qui la dépasse d’ailleurs notablement et qui
81
me improbables ou excessifs, des inquiétudes dont
ils
n’ont même pas l’air d’être vraiment inquiets, des indiscrétions gêna
82
on ne sait trop que faire, ou des doctrines dont
ils
négligent de nous dire s’ils les ont essayées sur le vif, dans le dét
83
u des doctrines dont ils négligent de nous dire s’
ils
les ont essayées sur le vif, dans le détail de la vie quotidienne. Il
84
sur le vif, dans le détail de la vie quotidienne.
Ils
nous donnent très rarement des réponses, ou alors, par malchance, ce
85
n n’avait pas l’idée de se poser ; et c’est là qu’
ils
croient voir leur astuce. Astuces, petites secousses, grandes secouss
86
ette littérature est sans doute pleine de talent,
elle
est même littéralement sensationnelle, mais que veulent-ils qu’on en
87
me littéralement sensationnelle, mais que veulent-
ils
qu’on en fasse ? Nous avons tout à rapprendre de Goethe. Non seulemen
88
s du Journal de voyage en Italie où, par exemple,
il
rapporte à madame de Stein comment les habitants de Ferrare utilisent
89
rir les routes et les allées de leurs jardins. Et
il
ajoute : « Dès mon retour à la maison, j’essaierai cela. La Toscane m
90
sse de repenser à la conférence d’avant-hier à A…
Il
me semble qu’elle m’apprend sur « le peuple » davantage que toutes me
91
à la conférence d’avant-hier à A… Il me semble qu’
elle
m’apprend sur « le peuple » davantage que toutes mes expériences préc
92
davantage que toutes mes expériences précédentes.
Il
me semble même qu’elle m’a fait voir « le peuple » pour la première f
93
mes expériences précédentes. Il me semble même qu’
elle
m’a fait voir « le peuple » pour la première fois de ma vie. Première
94
nérale, aussi bien à A… qu’à la séance de cinéma.
Il
n’y aurait là rien d’étonnant, si l’on ne nous rebattait les oreilles
95
ssion du peuple. On a beau se méfier des phrases,
il
faut se trouver placé soudain devant les êtres en chair et en os dont
96
é soudain devant les êtres en chair et en os dont
elles
parlent, pour comprendre à quel point elles mentent. Mais alors on co
97
dont elles parlent, pour comprendre à quel point
elles
mentent. Mais alors on comprend aussi pourquoi elles mentent, et quel
98
es mentent. Mais alors on comprend aussi pourquoi
elles
mentent, et quel immense désir de réveiller le peuple elles traduisen
99
ent, et quel immense désir de réveiller le peuple
elles
traduisent chez certains qui les prononcent de bonne foi. Elles le tr
100
nt chez certains qui les prononcent de bonne foi.
Elles
le trahissent d’ailleurs, ce désir, en essayant de le faire passer d’
101
et déjà pour une réalité. Deuxième constatation :
il
est très difficile d’aimer des hommes qui ne nous sont rien, qui ne n
102
aide (nous égalent les intellectuels bourgeois).
Il
est très difficile d’aimer ces hommes, et cependant ils sont la réali
103
t très difficile d’aimer ces hommes, et cependant
ils
sont la réalité vivante et présente du « peuple ». Par contre, il est
104
té vivante et présente du « peuple ». Par contre,
il
est très facile de haïr et de condamner un certain ordre de choses qu
105
e choses qui nous vexe et dont nous souffrons. Et
il
est très tentant d’appeler cette haine : amour du peuple. Troisième c
106
eur citât Ernest Lavisse, ou le pasteur M. Benda.
Il
est généralement admis en France qu’un orateur dit un tas de choses q
107
t en mauvaise posture pour agir sur le peuple. Qu’
ils
disent des vérités ou des mensonges, on n’applaudira guère que le son
108
le son de leur voix, ou le parti qui les délègue.
Il
resterait à expliquer cet état de choses, qui voue les « clercs » à s
109
autrement que par des violences maladroites, dont
il
ne sera pas le dernier à pâtir. Impuissance de l’« esprit », bêtise d
110
bêtise de l’action : ces deux misères n’auraient-
elles
pas une origine commune ? Il m’a semblé que j’entrevoyais cette origi
111
isères n’auraient-elles pas une origine commune ?
Il
m’a semblé que j’entrevoyais cette origine dans les propos de mon voi
112
au sortir de la conférence. Cet homme trouvait qu’
il
n’y avait rien à « discuter » dans les paroles de l’orateur, parce qu
113
tenait en soi, et qu’au surplus c’était bien dit.
Il
ne lui est pas venu à l’esprit que la vérité est quelque chose qui pe
114
té est quelque chose qui peut être réalisé. Et qu’
il
s’agit de prendre position effectivement. S’il s’était senti interpel
115
qu’il s’agit de prendre position effectivement. S’
il
s’était senti interpellé personnellement, invité à choisir, sommé d’a
116
ense pas très différemment. Peuple ou « clercs »,
ils
estiment également que la « vérité » n’engage à rien. Ils bornent le
117
ment également que la « vérité » n’engage à rien.
Ils
bornent le rôle de l’esprit à la constatation de l’exactitude objecti
118
es faits ou des raisonnements que l’on allègue. «
Il
a raison » ne signifie pas pour eux : « Donc je dois régler ma condui
119
eux : « Donc je dois régler ma conduite sur ce qu’
il
dit », mais simplement : « Étant donné ses prémisses ou ses préjugés,
120
commode. Quant au peuple, il y a belle lurette qu’
il
sait ce qu’on doit penser des gens instruits. La plupart sont des égo
121
espèces d’aristos qui ne vont qu’avec les riches.
Il
y en a certes qui font progresser la science, et cela c’est bien. On
122
c’est bien. On va les écouter avec plaisir quand
ils
viennent faire une conférence instructive avec projections lumineuses
123
s les philosophes3, par exemple, à quoi cela sert-
il
? D’ailleurs, on n’en a jamais vu. Quant à la politique, c’est tout à
124
oir un député instruit. Mais ce n’est pas pour qu’
il
dise des choses intelligentes, ou nouvelles. C’est surtout parce qu’u
125
arler au peuple, on l’écoutera bien patiemment, s’
il
a su se rendre sympathique et surtout s’il a l’air « sincère », mais
126
ent, s’il a su se rendre sympathique et surtout s’
il
a l’air « sincère », mais on n’aura jamais l’idée de mettre en pratiq
127
n’aura jamais l’idée de mettre en pratique ce qu’
il
dit. Il reste dans son rôle en s’agitant sur l’estrade et en lançant
128
jamais l’idée de mettre en pratique ce qu’il dit.
Il
reste dans son rôle en s’agitant sur l’estrade et en lançant des appe
129
e dirigeant d’après mes intérêts. Cela va de soi.
Il
est probable qu’aucun homme du peuple ne s’est jamais dit cela comme
130
e s’est jamais dit cela comme je le dis ici. Mais
il
me paraît clair que la plupart font comme s’ils le pensaient. D’autre
131
is il me paraît clair que la plupart font comme s’
ils
le pensaient. D’autre part, il est trop certain que les intellectuels
132
part font comme s’ils le pensaient. D’autre part,
il
est trop certain que les intellectuels professent depuis longtemps en
133
gtemps en toute conscience une doctrine analogue.
Il
est normal que les hommes sans culture se trompent sur la nature et s
134
sur la nature et sur le rôle de la culture. Mais
il
est inquiétant que les hommes cultivés, au lieu de s’efforcer, comme
135
les hommes cultivés, au lieu de s’efforcer, comme
ils
devraient, de combattre activement cette erreur, en tirent au contrai
136
respecter la vérité, en montrant par l’exemple qu’
elle
implique des actes, ils la disqualifient et ils s’en moquent agréable
137
ontrant par l’exemple qu’elle implique des actes,
ils
la disqualifient et ils s’en moquent agréablement, ils la réduisent à
138
’elle implique des actes, ils la disqualifient et
ils
s’en moquent agréablement, ils la réduisent à un ensemble de phrases
139
a disqualifient et ils s’en moquent agréablement,
ils
la réduisent à un ensemble de phrases correctes, quelquefois ingénieu
140
eut réellement conduire un homme à un but défini,
il
faut avant tout se préoccuper de le prendre là où il est, et commence
141
faut avant tout se préoccuper de le prendre là où
il
est, et commencer là. Voilà le secret de tout secours… Pour aider rée
142
de tout secours… Pour aider réellement un homme,
il
faut que j’en sache davantage que lui, mais il faut avant tout que je
143
e, il faut que j’en sache davantage que lui, mais
il
faut avant tout que je sache ce qu’il sait. Sinon mon savoir supérieu
144
e lui, mais il faut avant tout que je sache ce qu’
il
sait. Sinon mon savoir supérieur ne lui servira de rien. Si je persis
145
que de Kierkegaard me frappe aujourd’hui comme si
elle
avait été écrite exprès pour moi, dans ma situation actuelle. Elle co
146
rite exprès pour moi, dans ma situation actuelle.
Elle
contient un double avertissement. D’une part, elle m’invite à regarde
147
lle contient un double avertissement. D’une part,
elle
m’invite à regarder plus objectivement ceux qui m’entourent, ce « peu
148
ectivement ceux qui m’entourent, ce « peuple » qu’
il
s’agit d’aider, et que je vois encore si mal. (Ce qui ne m’a pas empê
149
e de « doctrinaire », à cet égard.) D’autre part,
elle
m’aide à distinguer l’un des motifs au moins de ma gêne, quand je con
150
motifs au moins de ma gêne, quand je constate qu’
ils
ne comprennent pas de quoi je m’occupe. C’est peut-être un secret dés
151
t ce que Kierkegaard appelle vanité. Cependant, s’
il
est des plus probables que j’ai, comme un chacun, mon amour-propre, j
152
ux de ces paysans, ne signifie proprement rien. S’
ils
ont un peu de respect pour moi, c’est parce qu’on raconte dans le pay
153
ues très simples méritent chacune un commentaire.
Elles
résument en deux images exactes les conditions morales et économiques
154
e des machines agricoles. Pourquoi ne s’entendent-
ils
pas entre eux pour grouper leurs lopins ? Je me suis renseigné. Il pa
155
pour grouper leurs lopins ? Je me suis renseigné.
Il
paraît bien qu’un maire avait proposé la réforme, avant la guerre. Ma
156
’est que les paysans travaillent beaucoup plus qu’
il
ne serait nécessaire à leur subsistance si la répartition des terres
157
lturel » de cette population abrutie de fatigue ?
Il
faudrait d’abord réformer les conditions matérielles. Mais précisémen
158
’a que trop bien convenu à leur penchant naturel.
Il
faudrait donc d’abord réformer leur mentalité pour rendre possible un
159
nfluencer cette mentalité, c’est l’instituteur. S’
il
leur donnait une éducation non plus égalitaire, mais communautaire, b
160
ne fait rien par le moyen normal de l’éducation,
il
n’y a plus d’autre solution que la contrainte. La dictature est un mo
161
ui n’empêcheront rien, c’est l’évidence, parce qu’
elles
n’exigent rien de positif, ne construisent rien, n’animent rien, s’ép
162
. Cela provient évidemment de leur position quand
ils
travaillent aux champs. Et cette position provient de la forme de leu
163
te position provient de la forme de leurs outils.
Ils
n’utilisent guère que des « bouelles » au manche très court, recourbé
164
xclusif de cette bouelle. Je les ai questionnés :
ils
ont eu l’air plutôt surpris. « On a toujours fait comme ça. » Un jour
165
es outils à long manche qui sont dans le chai, et
il
a refusé. « On n’a pas l’habitude. » Contre-épreuve : un petit propri
166
s et qui utilise des outils ordinaires, me dit qu’
il
a tout de suite obtenu des résultats supérieurs à ceux de ses voisins
167
Je n’ai jamais retrouvé ce ton dans le peuple. S’
il
en paraît parfois, par accident, quelques traces ici ou là, c’est que
168
u les paysans aiment à se faire dire, me semble-t-
il
. D’ailleurs il y a peu de nouvelles du monde dans leurs colonnes. Les
169
réunir, d’être ensemble pour causer. Le dimanche,
ils
« font la partie » chez l’un ou l’autre, à quatre ou cinq. On boit et
170
treprendre. Le village comptait autrefois, paraît-
il
, cinq ou six Sociétés de caractère utilitaire ou récréatif. La plus f
171
er, on fait venir l’orchestre-jazz du chef-lieu :
il
arrive dans un somptueux car d’excursion capitonné de velours violet,
172
é principale se manifeste lors des enterrements :
elle
assure à chacun de ses membres une nombreuse suite pour leur dernier
173
premières. Pour la vie, l’homme debout et actif,
il
faut le pain. Pour la mort, l’homme qui se recouche, il faut la tombe
174
t le pain. Pour la mort, l’homme qui se recouche,
il
faut la tombe. Il y a toujours quelque grandeur dans les choses simpl
175
et ces femmes accrochés à cette terre pauvre, qu’
ils
grattent lentement pour en tirer tout juste de quoi vivre, j’hésite à
176
aux prises avec les éléments hostiles. En vérité,
ils
vivent à peine. Ils subsistent. À la fois aux limites du continent et
177
éléments hostiles. En vérité, ils vivent à peine.
Ils
subsistent. À la fois aux limites du continent et aux limites de l’hu
178
imites du continent et aux limites de l’humanité.
Ils
n’attaquent plus, ils se cramponnent. Ce ne sont pas des colons, des
179
aux limites de l’humanité. Ils n’attaquent plus,
ils
se cramponnent. Ce ne sont pas des colons, des défricheurs, mais de p
180
re ingrate, dans sa courette pleine de fleurs. Qu’
ils
n’aient pas de vie communautaire, cela ne signifie pas nécessairement
181
unautaire, cela ne signifie pas nécessairement qu’
ils
aient perdu le sentiment de leur commune condition. Ils sont peut-êtr
182
ent perdu le sentiment de leur commune condition.
Ils
sont peut-être trop pareils pour éprouver le besoin de s’unir. Ils n’
183
e trop pareils pour éprouver le besoin de s’unir.
Ils
n’ont pas à faire face à des menaces extérieures. Et surtout ils n’on
184
faire face à des menaces extérieures. Et surtout
ils
n’ont nulle envie d’entreprendre une conquête quelconque, matérielle
185
ations ou camps de travail. Mais ici que feraient-
ils
de tout cela ? Ils ont la liberté, et cela leur suffit, depuis cent-c
186
travail. Mais ici que feraient-ils de tout cela ?
Ils
ont la liberté, et cela leur suffit, depuis cent-cinquante ans. Ils n
187
, et cela leur suffit, depuis cent-cinquante ans.
Ils
ne songent pas à en tirer le moindre profit positif. Ils se nourrisse
188
songent pas à en tirer le moindre profit positif.
Ils
se nourrissent mal (légumes, soupes, fruits de mer, seiches, et poiss
189
c’est à peu près tout) ; mais pourquoi vivraient-
ils
autrement ? Bien entendu, certains d’entre eux sont morts ou vont mou
190
uvait accorder aux idéologies et aux politiciens.
Il
faut vivre à Paris pour y croire. Réveillez ce peuple, il sera peut-ê
191
vivre à Paris pour y croire. Réveillez ce peuple,
il
sera peut-être capable de grandes choses — c’est son mystère — mais n
192
ites pas que vous le faites pour son bonheur, car
il
est plus « heureux » que vous. Il faudrait croire fanatiquement à une
193
on bonheur, car il est plus « heureux » que vous.
Il
faudrait croire fanatiquement à une vérité absolue, qui vaille mieux
194
je crois d’autant plus utile de les consigner qu’
elles
modifient sensiblement certains jugements auxquels m’avait amené la c
195
xquels m’avait amené la considération de mon île.
Il
faut parler d’abord des autocars. Je ne sais si l’on se doute à Paris
196
importance des autocars et des transformations qu’
ils
sont en train de causer dans la vie provinciale. Je n’ai pas compté l
197
tater, dans plusieurs départements de l’Ouest, qu’
il
n’est plus guère de « pays » qui ne soit desservi par une ou deux ou
198
errée était une sorte d’insulte à la vie locale :
elle
la traversait abstraitement, sans la voir, sans tenir compte de ses c
199
unifiée ? La ligne d’autocar fait partie du pays.
Elle
en épouse la géographie physique, mais aussi humaine. Elle quitte à t
200
pouse la géographie physique, mais aussi humaine.
Elle
quitte à tout propos la route nationale pour des chemins secondaires
201
es à peine plus larges que la voiture. Mais aussi
elle
tient compte des rythmes de la vie locale, du calendrier des marées,
202
t avec toutes sortes d’habitudes locales. D’abord
il
faut aller dans deux ou trois cafés pour obtenir un minimum de précis
203
e a sa tête de ligne chez un bistro différent, et
il
est rare qu’on puisse trouver l’horaire ailleurs. Parfois le bistro v
204
r la concurrente qui a fait baisser les prix. Car
il
est de règle qu’au début deux Compagnies se disputent le parcours, ju
205
ers margoulins, topazes, etc. Si l’on a le temps,
il
n’est pas impossible de pousser la « discussion » sur un plan supérie
206
onfient au départ avec force recommandations ; et
ils
sont rares, ceux qui n’ont pas deux mots à dire par la portière entro
207
une belle révolution, qui rajeunisse la France :
ils
ont la bonne humeur, le dynamisme, le sens pratique et la rapidité d’
208
général. Sans compter les moyens techniques dont
ils
disposent et qui seraient décisifs lors d’une action rapide. Mais loi
209
qu’un écrivain, et chômeur par-dessus le marché,
il
s’écria : — Ah ! cher monsieur, je vous envie ! Vous avez un rôle ma
210
umaine, quel luxe d’énergie ou d’invention qui, s’
ils
les possédaient vraiment, feraient de leurs détenteurs non point des
211
condition… 16 mars 1934 D’un autre « peuple ». —
Il
faut encore que je revienne sur mon séjour vendéen. J’avais à donner
212
rs. Eux-mêmes avaient fixé la liste des sujets qu’
ils
désiraient étudier au cours de l’hiver, avec l’aide de plusieurs orat
213
1905 et de 1917, et de l’état actuel de l’URSS.
Ils
étaient venus par groupes, à bicyclette ou en charrettes, de tous les
214
ourrait faire la même chose ici ? » Pour sa part,
il
était sceptique. Il pensait qu’en Vendée les choses ne seraient pas s
215
e chose ici ? » Pour sa part, il était sceptique.
Il
pensait qu’en Vendée les choses ne seraient pas si simples, que la si
216
ouverner sans être un monsieur en haut de forme ?
Il
a l’air d’un brave type comme nous autres. Rêverie des jeunes cultiva
217
clusions que j’avais tirées de la conférence à A…
Elles
sont également vraies. Ce qui est faux, c’est de parler du peuple en
218
eux, un peu lent de geste et de parole ; prudent.
Il
se plaint de son isolement. « On nous laisse seuls, sans direction. N
219
ne savons pas que lire. Le travail est dur, ici.
Il
faut lutter contre les parents, contre la concurrence de l’école libr
220
la foi. J’aimais aussi Romain Rolland. Est-ce qu’
il
est mort ? Vous ne pourriez pas me dire ce qu’il y aurait d’intéressa
221
aux politiques ? — Ce n’est pas ce qu’on cherche.
Il
faudrait en lire deux au moins pour corriger les mensonges. Ce qu’ils
222
deux au moins pour corriger les mensonges. Ce qu’
ils
peuvent tous mentir ! On ne peut plus avoir confiance dans les partis
223
si à cause de cette centralisation : qu’est-ce qu’
ils
savent de notre situation à Paris ? Est-ce qu’il n’y aurait pas moyen
224
ils savent de notre situation à Paris ? Est-ce qu’
il
n’y aurait pas moyen de faire un mouvement politique en dehors des pa
225
r place, dans chaque commune ? On sent bien ce qu’
il
faudrait. Mais qu’est-ce qu’on peut, tout seuls dans ce coin ?… » J’a
226
d’écrivains français aient passé au communisme :
il
leur fallait cela sans doute pour oser parler de nouveau une langue l
227
u une langue large, utile et humaine… Auparavant,
ils
croyaient comme les autres que c’était plutôt ridicule. Telle est la
228
elle est la pauvre chance des « intellectuels » :
il
a fallu un nouveau conformisme pour les libérer de l’ancien ; — et l’
229
; — et l’alibi d’une action politique à laquelle
ils
n’entendent goutte. 1. Deux petits journaux paraissent dans l’île.
230
rrain sablonneux ». Reste la question de savoir s’
il
est normal de se déformer le corps pour gagner un peu plus. Or ils y
231
se déformer le corps pour gagner un peu plus. Or
ils
y sont, pour la plupart, contraints. 5. J’ai appris que, dans certai
232
de lignes » exploitent systématiquement ce filon.
Ils
arrivent à se faire de grosses fortunes en très peu de temps, parfois
233
ans dépenser un seul bidon d’essence. Simplement,
ils
vendent la menace d’utiliser le parcours d’une Compagnie en exercice.
234
sens le plus pénétrant de ce terme. Et pourtant,
il
faut bien le dire : cette révélation du romantisme allemand dans ce q
235
ette révélation du romantisme allemand dans ce qu’
il
eut d’audacieux et de tragique ne présente pas seulement un intérêt l
236
ent un intérêt littéraire de tout premier ordre ;
elle
revêt une portée proprement religieuse. Et par là même — car nous viv
237
iques tels que le national-socialisme. Peu à peu,
elle
dévoile à nos yeux une sorte d’unité profonde sous-jacente aux tourme
238
eulement coïncidents. Ce n’est point du hasard qu’
ils
sont nés. Et si tout nous invite à rechercher leur secrète complicité
239
sur le chaos panique. Mais cette victoire, lorsqu’
elle
est trop complète, lorsqu’elle est devenue trop ancienne et facile, l
240
e victoire, lorsqu’elle est trop complète, lorsqu’
elle
est devenue trop ancienne et facile, laisse l’homme sur un sentiment
241
aires après un siècle de science positiviste. Est-
il
vrai que la nuit et le rêve n’ont rien à révéler qui importe au jour
242
ve n’ont rien à révéler qui importe au jour ? Est-
il
vrai que la passion, l’angoisse et la folie sont moins réelles que no
243
« Songe est mensonge », décrétait la raison. Mais
elle
nous a laissés sur notre faim. Le songe, au contraire, nous propose d
244
t des terreurs d’une intensité séduisante. Serait-
il
le signe, ou l’entrée, d’une Vérité supérieure ? Telle est la questio
245
ue posèrent les premiers romantiques allemands. «
Ils
admettent tous, écrit M. Béguin, que la vie obscure est en incessante
246
r romantisme, Ignaz Troxler. Mais encore : s’agit-
il
vraiment des choses qui sont hors de nous, ou bien seulement de chose
247
ience ? Tieck pose très nettement la question : «
Il
faudrait savoir jusqu’à quel point nos songes nous appartiennent. » Q
248
e nous-mêmes, ou bien une main d’en haut brasse-t-
elle
les cartes ? » Déjà E. T. A. Hoffmann insinue la réponse : « Et si un
249
à penser que le rêve est « un vestige du divin »,
il
n’y a que l’épaisseur d’un scrupule d’orthodoxie, d’une dernière crai
250
e qui rêve en nous, c’est l’Esprit à l’instant où
il
descend dans la matière », mais c’est aussi « la Matière, à l’instant
251
», mais c’est aussi « la Matière, à l’instant où
elle
s’élève jusqu’à l’Esprit ». Voilà bien la profonde ambiguïté où naît
252
profonde ambiguïté où naît le romantisme, et dont
il
vit ! Croire que le rêve ne révèle rien que nos secrets, ce serait to
253
ce serait tomber dans la psychanalyse. Croire qu’
il
révèle aussi un monde supérieur, c’est entrer dans la voie mystique.
254
extes cités par Béguin nous inclinent à penser qu’
ils
sont plus proches des mystiques que des psychanalystes. Au fond, lors
255
mystiques que des psychanalystes. Au fond, lorsqu’
ils
se demandent si le rêve est connaissance ou illusion, et si c’est « l
256
néant, que l’on atteint au fond de l’inconscient,
ils
formulent le problème crucial qui se pose à tous les mystiques. Albe
257
es plus furtives promesses de bonheur, surtout si
elles
sont assez obscures et ambiguës pour échapper au froid contrôle de la
258
dans un langage métaphorique et régulier, comme s’
il
était soumis, en ce domaine, à des lois plus précises et plus constan
259
e part, l’on sait bien que les mystiques, fussent-
ils
de religions différentes — hindous, musulmans ou chrétiens — ont de t
260
s figures de langage pour traduire l’ineffable qu’
ils
vivaient. Et ceci nous amène au problème central : celui de l’express
261
e central : celui de l’expression d’un indicible.
Il
nous faut dépasser ici le domaine circonscrit du rêve. Les romantique
262
e ont l’ambition de communiquer par l’écrit ce qu’
ils
ne cessent de définir comme l’indicible. Dès lors, la plainte sera la
263
’indicible. Dès lors, la plainte sera la même, qu’
il
s’agisse d’une Thérèse d’Avila ou simplement du bonhomme Tieck : Donn
264
littéraire. « Où trouver des mots ? », gémissent-
ils
. La plainte est sincère et tragique. Mais combien de mots leur fera-t
265
ère et tragique. Mais combien de mots leur fera-t-
elle
accumuler pour dire que rien ne saurait être dit… Et pourtant si, rom
266
uissance à traduire l’inconscient ou l’indicible,
ils
ont entendu quelque chose. « Je crois avoir fait une découverte impor
267
mystique : « Le poète et le rêveur sont passifs ;
ils
écoutent le langage d’une voix qui leur est intérieure et pourtant ét
268
s’élève dans les profondeurs d’eux-mêmes sans qu’
ils
puissent faire autre chose que de saluer là l’écho d’un discours divi
269
ous les jours. Pour rejoindre le Tout et l’Unité,
il
s’agit donc de perdre le Divers, de perdre le réel, de se perdre soi-
270
la « contemplation sans objet ». Je pense donc qu’
il
est légitime de suivre Albert Béguin dans cette conclusion : « La gra
271
xpériences mystiques les plus diverses, d’où naît-
il
, dans quel souvenir d’une patrie heureuse et perdue ? On aura bientôt
272
main, qui est l’engagement sur la via mystica ? S’
il
est permis — comme on l’admet un peu trop facilement de nos jours — d
273
out premiers à se tourner vers l’étude des rêves.
Il
s’y trouvait prédisposé par l’habitude de l’examen de conscience en p
274
l’intimité d’une expérience prémystique (ou faut-
il
dire d’une expérience mystique privée de la grâce, réduite à ses aspe
275
point de départ paraît bien être une blessure qu’
il
reçut de la vie, un choc qui l’a laissé béant sur une contradiction i
276
avec le fait de vivre en général. D’où l’idée qu’
il
doit « expier la faute qu’il n’a commise que par son existence même »
277
éral. D’où l’idée qu’il doit « expier la faute qu’
il
n’a commise que par son existence même ». Un philosophe mystique tel
278
me si le poids de son existence l’eût accablé. Qu’
il
dût, jour pour jour, se lever avec lui-même, se coucher avec lui-même
279
ner après lui, à chaque pas, son moi détesté…, qu’
il
dût désormais, inexorablement, être lui-même… cette idée le plongea p
280
’accepter soi-même — à cause de cette blessure qu’
il
s’agit d’oublier si l’on ne parvient pas à l’expier. Et en effet, à l
281
ritz décrit ainsi le héros d’un de ses romans : «
Il
lui parut qu’il s’était échappé entièrement à lui-même et qu’il lui f
282
i le héros d’un de ses romans : « Il lui parut qu’
il
s’était échappé entièrement à lui-même et qu’il lui fallait avant tou
283
u’il s’était échappé entièrement à lui-même et qu’
il
lui fallait avant toute démarche se rechercher lui-même dans la série
284
chercher lui-même dans la série de ses souvenirs.
Il
sentait que l’existence n’a d’appui ferme que dans la chaîne ininterr
285
e plus de saisir la pensée salvatrice ». C’est qu’
il
est un souvenir interdit, trop douloureux pour être revécu. Le moi ma
286
uisque la cause de sa maladie est justement ce qu’
il
ne peut se remémorer, cette lacune qui est à l’origine de la conscien
287
as, dans la prison du moi coupable et douloureux.
Il
faudra donc chercher au-delà. Et nous avons vu que le rêve, ou la des
288
ont des moyens de récupérer le monde perdu. Ce qu’
il
faut souligner ici, c’est que la tendance à la dilatation panthéiste
289
s indique une réponse. En effet, la blessure dont
ils
souffrent est presque toujours symbolisée par la perte d’un être aimé
290
le héros de Moritz) la fait dès l’enfance, lorsqu’
il
s’interroge sur ce qu’est devenue sa petite sœur : le vœu de retrouve
291
personne du Christ crucifié — ou se confond avec
elle
indiscernablement. Les romantiques n’ont pas été si loin dans la voie
292
blimations — sauf peut-être Jean-Paul et Novalis.
Ils
n’arrivent pas à retrouver dans leur au-delà une Présence qui pardonn
293
réel. La « contemplation sans objet » à laquelle
ils
parviennent en de très rares instants n’est plus alors qu’un moyen de
294
de revivre sa blessure, ou plutôt l’élan même qu’
elle
a brisé, mais sans se l’avouer et sans pouvoir la reconnaître ou l’ex
295
nir une équivoque dont il y a lieu de craindre qu’
elle
soit intéressée. Au contraire, s’exprimer, c’est toujours s’avouer, c
296
nt on ne peut rien dire. D’où encore le besoin qu’
ils
éprouvent d’affirmer surabondamment que l’on n’en peut rien dire que
297
e naissance à la plus émouvante littérature. Mais
il
faut reconnaître aussi que s’y révèle une maladie de la personne. Le
298
celui du Créateur. Créer, c’est donner forme, et
ils
voudraient nier les formes ; c’est limiter, et ils aspirent à l’expan
299
ls voudraient nier les formes ; c’est limiter, et
ils
aspirent à l’expansion indéfinie ; c’est définir par la parole et l’a
300
finie ; c’est définir par la parole et l’acte, et
ils
recherchent le silence passif. Aussi n’ont-ils laissé pour la plupart
301
et ils recherchent le silence passif. Aussi n’ont-
ils
laissé pour la plupart que des fragments, des allusions, des éclats f
302
s aux souvenirs d’un rêve qui s’efface. Cela dont
ils
voulaient parler, cet Indicible ou ce discours sans mots entendu dans
303
u dans la nuit de la passivité, comment l’eussent-
ils
pu rendre au jour sans le trahir, et se trahir ? Ainsi leur œuvre est
304
vre est à l’image de la contradiction vitale dont
ils
souffraient et d’où naissait leur désir angoissé de perdre leur moi p
305
l’espèce, le milieu, l’histoire, les richesses qu’
il
a héritées et les blessures qu’il a subies. Il est emprisonné dans ce
306
es richesses qu’il a héritées et les blessures qu’
il
a subies. Il est emprisonné dans ces données, et c’est en vain qu’il
307
qu’il a héritées et les blessures qu’il a subies.
Il
est emprisonné dans ces données, et c’est en vain qu’il chercherait à
308
emprisonné dans ces données, et c’est en vain qu’
il
chercherait à y échapper par des sublimations : au fond de la nuit et
309
la nuit et de l’inconscient, c’est encore lui qu’
il
retrouvera sous des espèces méconnaissables et qu’il sera tenté de cr
310
retrouvera sous des espèces méconnaissables et qu’
il
sera tenté de croire divines. Et il est juste que les premières touch
311
ssables et qu’il sera tenté de croire divines. Et
il
est juste que les premières touches de l’esprit rendent le moi sensib
312
is seule une vocation lui en donnera la force. Qu’
il
la reçoive et qu’il l’accepte consciemment, ce sera pour lui l’introd
313
n lui en donnera la force. Qu’il la reçoive et qu’
il
l’accepte consciemment, ce sera pour lui l’introduction à une liberté
314
tion à une liberté toute nouvelle. Dès ce moment,
il
accomplit en apparences une évolution fort semblable à celle de ces p
315
o ou prémystiques que furent les poètes du rêve :
il
se dévoue à quelque chose qui le dépasse, il se donne à une réalité q
316
ve : il se dévoue à quelque chose qui le dépasse,
il
se donne à une réalité qui, souvent, ne tient pas compte de nos raiso
317
qui, souvent, ne tient pas compte de nos raisons,
il
s’impose une sorte d’ascèse qui le libère des servitudes naturelles.
318
cette ascèse n’aboutit pas à la négation du réel.
Elle
transforme et oriente à nouveau les forces de l’individu, plutôt qu’e
319
nte à nouveau les forces de l’individu, plutôt qu’
elle
ne veut les détruire. Elle engage dans le monde actif, au lieu que le
320
l’individu, plutôt qu’elle ne veut les détruire.
Elle
engage dans le monde actif, au lieu que le romantique voulait s’en év
321
f, au lieu que le romantique voulait s’en évader.
Elle
nous rend enfin responsables vis-à-vis de notre prochain, et c’est à
322
du renoncement au moi tourmenté par son égoïsme.
Elle
ne prend pas la mort pour but, mais bien la vie, et cette vie-ci. Ell
323
mort pour but, mais bien la vie, et cette vie-ci.
Elle
accepte le moi et toutes ses servitudes en vertu de sa vocation, c’es
324
e échappatoire dans l’indicible et l’inconscient.
Il
ose enfin parler et témoigner au nom d’une Vérité qui le dépasse. Et
325
nt promises aux vrais croyants, mais au contraire
il
leur est demandé d’agir et d’annoncer leur foi. « C’est en confessant
326
au-delà ne prend son sens et sa vertu que lorsqu’
elle
nous ramène au jour de l’activité quotidienne — de même nos incursion
327
sus fort analogues à ceux que nous avons décrits.
Il
ne s’agit pas d’influences, il ne s’agit que de reviviscences — vulga
328
ous avons décrits. Il ne s’agit pas d’influences,
il
ne s’agit que de reviviscences — vulgaires et simplistes, bien sûr —
329
e peut pas être celle qui a subi la « blessure ».
Il
faut donc la chercher ailleurs : dans un rêve de puissance et de libé
330
des tambours pendant des heures… On lui a dit qu’
il
ne compte pas en tant qu’individu conscient ; on lui a dit que sa vra
331
ns du parti, d’un démiurge anonyme et obscur dont
il
n’a plus qu’à recevoir les ordres, sans trop chercher à les comprendr
332
e d’une ascèse du moi : les renoncements mêmes qu’
elle
impose deviennent les preuves de sa transcendante vérité. Et c’est ai
333
enonce à se justifier aux yeux du monde, parce qu’
il
trouve dans sa passion une espèce d’innocence exaltante, une occasion
334
au peuple des opinions diverses entre lesquelles
il
devrait choisir : le peuple n’aime pas à choisir, il aime qu’on lui p
335
devrait choisir : le peuple n’aime pas à choisir,
il
aime qu’on lui présente une opinion juste… D’ailleurs, notre politiqu
336
gueur, qui est de vingt-cinq kilomètres environ —
elles
figurent assez bien les ascenseurs d’un grand building — et deux-cent
337
a mer et la montagne se ressemblent partout. Ici,
elles
se rejoignent et se mêlent. Les grands souffles océaniques, chargés d
338
t. Autrefois, les glaciers sont venus jusqu’ici !
Ils
couvraient la moitié de l’île, et la moraine s’étendait bien plus ava
339
umanité que revêtent ici les rapports quotidiens.
Ils
pensent, dans leur ignorance, que c’est une ville « trop européenne »
340
sans me déranger dans la lecture de mon journal.
Il
n’y a que deux classes en Amérique : l’une où les fauteuils au dossie
341
dignes de ce que le cinéma nous en promet — mais
il
suffit de trois ou quatre beautés saines ou frappantes, sur cinquante
342
’on ne remarque pas, pour qu’on s’écrie : « Comme
elles
sont belles dans ce pays ! » Soudain, je n’ai plus vu les gens. Le tr
343
our un homme qui est seul, Manhattan est sublime.
Il
n’a qu’à s’oublier dans l’énergie fusante de cette capitale du matin.
344
randes maisons les mettent mal à l’aise, parce qu’
ils
pensent tout de suite à l’usage physique, non point à ces symboles de
345
nt, ce vide est encore un appel ; ce désespoir, s’
il
est conscient, un dernier signe de la vie… Non, j’ai surtout senti le
346
ici seulement, sur le papier, que je comprends qu’
il
faut pousser plus loin. On se demande parfois : qu’est-ce, en somme,
347
à angle droit. Hors série, modèle de grand luxe,
elle
s’orne d’arbres, de silence et de grands portiers galonnés. Une buée
348
xilé s’écrie : « Mais c’est l’Europe ! » parce qu’
il
y trouve un charme, simplement. Mais quand je la vois du haut de mon
349
où circulent de jeunes femmes en maillot de bain.
Elles
se penchent sur leurs géraniums, elles ajustent des lunettes noires…
350
t de bain. Elles se penchent sur leurs géraniums,
elles
ajustent des lunettes noires… Quelques jeunes gens viennent boire un
351
gidaire, sort de la glace, ôte enfin le peignoir,
il
fait trop chaud. Des rires viennent d’une terrasse obscure, un clique
352
a Soixante-quinzième rue n’a rien de particulier.
Elle
part luxueusement de la Cinquième avenue et de Central Park, traverse
353
k après Lexington avenue, perd toute tenue dès qu’
elle
a traversé les piliers du métro aérien qui longe encore la Troisième
354
ule dans cette ville, je n’ai jamais été touché ;
ils
sont d’une folle brutalité, mais surpassée par leur adresse — allumen
355
ort étroite se dresse sur quatre pieds de fonte :
il
faudrait monter sur une chaise pour y entrer. De la cuisine, on passe
356
s journaux : « Cinq pièces, eau chaude et bain. »
Il
en existe dans Manhattan des centaines de milliers construits sur ce
357
ans all ! de vrais Américains moyens », concluent-
ils
en souriant. Nous leur avons offert des boissons, et nous nous appelo
358
e connaît notre ville, me dit Robert, et pourtant
elle
avait les plus grandes filatures du monde avant l’autre guerre, j’ent
359
rre, j’entends pour la longueur des bâtiments. » (
Il
est peu de villes américaines qui ne réussissent à se vanter de quelq
360
unique au monde, compensant ainsi l’impression qu’
elles
sont interchangeables à tant d’autres égards.) Le paysage pourrait bi
361
ancêtres quittèrent l’Allemagne en 1848, parce qu’
ils
étaient républicains. Cette vague d’émigration germanique, libérale e
362
ous roulons vers Albany. À la sortie de la ville,
il
me montre un terrain d’aviation : — C’est moi qui ai fondé notre Air
363
s pas de petits bourgeois pieux et honnêtes, mais
ils
n’ont pas le sens du risque et de la vitesse. Nous avons bien des fan
364
et de week-ends paisibles au bord d’un lac. Mais
il
ne serait guère plus facile de comparer cette vie, cette ville aux im
365
lywood, l’Amérique nous propose d’elle-même et qu’
elle
s’efforce d’imiter. Souvenir d’un orage en Virginie Grands plat
366
re des barrières blanches. — Et vous verrez ce qu’
elle
en a fait ! C’est sa manière de se venger de W…, car c’était la maiso
367
W…, car c’était la maison de ses ancêtres, à lui.
Elle
la déteste. Elle n’aime vraiment que ses chevaux… L’auto s’arrête dev
368
a maison de ses ancêtres, à lui. Elle la déteste.
Elle
n’aime vraiment que ses chevaux… L’auto s’arrête devant un haut porti
369
iles noires. Je n’en ai jamais vu d’aussi grands,
ils
montent jusqu’aux fenêtres du deuxième étage. Une odeur écœurante vie
370
. Une servante les poursuit armée d’une cravache.
Elle
crie qu’ils viennent encore de manger les bougies du carrosse de Geor
371
e les poursuit armée d’une cravache. Elle crie qu’
ils
viennent encore de manger les bougies du carrosse de George Washingto
372
. Entrée de l’automne ! The Fall, la Chute, comme
ils
l’appellent… Premiers éclairs sur les prairies. Par la charmille, où
373
rs éclairs sur les prairies. Par la charmille, où
il
fait presque nuit — mais on devine encore quelques statues décapitées
374
d’une colline, nous voyons deux chevaux au galop.
Ils
disparaissent dans un vallonnement et maintenant remontent vers nous
375
tir. Une femme en jaune, suivie d’un homme. Comme
ils
s’approchent, on voit qu’elle tient la bride d’une main, et de l’autr
376
ie d’un homme. Comme ils s’approchent, on voit qu’
elle
tient la bride d’une main, et de l’autre porte à sa bouche une pomme
377
ain, et de l’autre porte à sa bouche une pomme qu’
elle
mord en galopant. Nouveaux éclairs. Tous les chiens du chenil se sont
378
tissent et s’arrêtent devant la barre du portail.
Elle
pousse son cheval, le portail cède et lui livre passage. C’est une gr
379
et son torse paraît nu dans un fin sweater jaune.
Elle
rit, jette la pomme et nous salue de la main. Le jeune homme mince, i
380
le sur son cheval, nous considère avec hostilité.
Il
a les yeux d’un bleu très pâle et dur. Il n’a pas salué. Son silence
381
tilité. Il a les yeux d’un bleu très pâle et dur.
Il
n’a pas salué. Son silence nous supprime. C’est sans doute le nouvel
382
ndant. « Je vous retrouve à la maison ! », crie-t-
elle
. Et piquant son cheval, penchée sur l’encolure, elle disparaît dans l
383
e. Et piquant son cheval, penchée sur l’encolure,
elle
disparaît dans le tunnel de la charmille, tandis qu’une meute de chie
384
rose. « Je ne trouve pas les prises ! explique-t-
elle
, je ne mets jamais les pieds dans ce dégoûtant salon ! » Des éclairs
385
boiseries. Le lustre, enfin, s’allume par degrés.
Elle
court aux fenêtres et ferme avec fracas des volets intérieurs, en chê
386
racas des volets intérieurs, en chêne clair, puis
elle
tire encore les rideaux. « Les orages me rendent folle, j’ai tellemen
387
des verres et des bouteilles. Qui sont ces gens ?
Elle
dit : — Je ne le sais pas plus que vous. Ils sont dans la maison dep
388
? Elle dit : — Je ne le sais pas plus que vous.
Ils
sont dans la maison depuis deux ou trois jours et se disent les amis
389
mis de Jim. — Mais où est Jim ? — Je ne sais pas.
Il
est parti. Jim était l’intendant, une sorte de géant toujours en bott
390
tendant, une sorte de géant toujours en bottes qu’
elle
emmenait partout avec elle. Je pense au regard d’acier du jeune homme
391
toujours en bottes qu’elle emmenait partout avec
elle
. Je pense au regard d’acier du jeune homme silencieux de tout à l’heu
392
tremblants. « Mais je ne sais pas recevoir ! dit-
elle
moqueuse. Voulez-vous que je vous joue du piano ? Pour faire croire q
393
e en décade, à travers le Far West, jusqu’à ce qu’
ils
eussent rejoint les terres du Pacifique. On ne pouvait plus rien ajou
394
reignait l’âme américaine, prise de nausée dès qu’
elle
ressent l’approche d’une limite infranchissable. Où s’élancer encore
395
r de cet embouteillage de richesses matérielles ?
Il
restait à construire des routes. Depuis dix ans, les autostrades amér
396
même un expédient pour lutter contre le chômage.
Elles
sont le produit du rêve et de la vitalité inépuisable d’un peuple lib
397
neaux de toutes formes et couleurs. Sans relâche,
ils
croissent en gros plan et disparaissent en coup de vent, jusqu’à ce q
398
ut-être alors les masses elles-mêmes comprendront-
elles
qu’il n’est qu’un seul infini véritable : celui que chacun porte en s
399
lors les masses elles-mêmes comprendront-elles qu’
il
n’est qu’un seul infini véritable : celui que chacun porte en soi, ce
400
in déclare que votre idée est généreuse, c’est qu’
il
est ému : il va vous aider. Quand un Européen vous dit : l’Europe uni
401
e votre idée est généreuse, c’est qu’il est ému :
il
va vous aider. Quand un Européen vous dit : l’Europe unie, oui, c’est
402
est une belle idée, une idée généreuse…, c’est qu’
il
n’a pas envie d’y croire, qu’il ne fera rien, qu’il pense qu’il est s
403
éreuse…, c’est qu’il n’a pas envie d’y croire, qu’
il
ne fera rien, qu’il pense qu’il est sérieux et que vous rêvez. C’est
404
n’a pas envie d’y croire, qu’il ne fera rien, qu’
il
pense qu’il est sérieux et que vous rêvez. C’est ainsi qu’une certain
405
ie d’y croire, qu’il ne fera rien, qu’il pense qu’
il
est sérieux et que vous rêvez. C’est ainsi qu’une certaine bourgeoisi
406
le grand style se perd et Staline est aux portes.
Il
s’agit en réalité de la vie ou de la mort d’une civilisation. Fédérer
407
eule chance de salut. On se demande en vain ce qu’
il
peut y avoir de « généreux » dans une opération de ce genre. Qu’il su
408
e « généreux » dans une opération de ce genre. Qu’
il
suffise de rappeler les données qui en déterminent exactement l’urgen
409
sont en train de s’observer par-dessus nos têtes.
Ils
n’ont pas envie de se battre, affirment-ils. Ils proclament au contra
410
êtes. Ils n’ont pas envie de se battre, affirment-
ils
. Ils proclament au contraire leur amour de la paix, et ils le prouven
411
Ils n’ont pas envie de se battre, affirment-ils.
Ils
proclament au contraire leur amour de la paix, et ils le prouvent, l’
412
proclament au contraire leur amour de la paix, et
ils
le prouvent, l’un en relevant nos ruines, et l’autre en annexant 700
413
res. Si bien qu’on ne voit plus très clairement s’
il
s’agit de poser les bases de la paix ou de s’assurer des bases pour f
414
de s’assurer des bases pour faire la guerre, mais
il
reste évident que si les deux Grands continuent à se déclarer la paix
415
Mais l’Europe n’est plus une puissance, parce qu’
elle
est divisée en vingt nations dont aucune, isolée, n’a plus la taille
416
ations dont aucune, isolée, n’a plus la taille qu’
il
faut pour parler et se faire entendre dans le monde dominé par les de
417
agique simplicité. Si les choses continuent comme
elles
vont : 1° les différents pays de l’Europe seront annexés ou colonisés
418
cette guerre, dont quel que soit le vainqueur — s’
il
en est un — c’est l’humanité tout entière qui sortira vaincue. Si nou
419
incue. Si nous voulons sauver chacun de nos pays,
il
faut donc commencer par les unir. Et si nous voulons sauver la paix,
420
voulons sauver la paix, ou plutôt faire la paix,
il
nous faut commencer par faire l’Europe, c’est-à-dire cette troisième
421
320 millions d’habitants faisaient bloc, soit qu’
ils
se déclarent neutres, soit qu’ils menacent de porter tout leur poids
422
t bloc, soit qu’ils se déclarent neutres, soit qu’
ils
menacent de porter tout leur poids d’un seul côté, ils seraient en me
423
enacent de porter tout leur poids d’un seul côté,
ils
seraient en mesure d’agir, de faire réfléchir l’agresseur, et de sauv
424
te Il y eut Sully, qu’aime à citer Churchill :
il
rêvait d’une coalition. Il y eut Montesquieu, premier critique du nat
425
SDN. On en était aux constructions diplomatiques.
Elles
s’écroulèrent à la première épreuve. Aux yeux des jeunes gens de l’ép
426
re épreuve. Aux yeux des jeunes gens de l’époque,
il
fallait quelque chose de plus profond, de plus prégnant, pour donner
427
nt en France les premiers groupes personnalistes.
Ils
réunirent quelques centaines d’adhérents, quelques milliers de lecteu
428
ste, au soldat politique sans droits. Mais puisqu’
il
s’agissait de s’engager, on s’appliquait à tirer de la doctrine ses c
429
e personnaliste dans la genèse de nos mouvements.
Il
est vrai que beaucoup de petits groupes qui se formèrent spontanément
430
es maquis ne devaient rien à cette doctrine. Mais
il
est non moins vrai que les grands thèmes et le vocabulaire personnali
431
luences conjuguées, celle-ci demeure, me semble-t-
il
, la plus constante et la plus aisément discernable. De Montreux à
432
ntention de convoquer un « Congrès de l’Europe ».
Il
ne s’agissait pas, dans son esprit, d’une entreprise « fédéraliste »
433
urope dressait les plans de travail pour La Haye.
Il
groupait les quatre organisations suivantes : Union européenne des fé
434
ès de La Haye. Par l’intermédiaire de M. Bidault,
il
fut présenté à la réunion des ministres des Affaires étrangères des c
435
appeler des utopistes et des rêveurs ! s’écria-t-
il
. En réalité, vous êtes, nous sommes, la vérité en marche. » Et finale
436
arlements, les ministères, comme quelque chose qu’
il
faut réaliser d’urgence, et qui a les plus grandes chances de se réal
437
e. Les Britanniques respectent leur gouvernement.
Ils
pensent que les ministres sont là pour gouverner, ce qui paraît étran
438
rner, ce qui paraît étrange à beaucoup de Latins.
Ils
pensent donc, tout naturellement, que l’Europe sera faite par des min
439
e fédération, mais à quelques mesures empiriques (
ils
disent : pratiques) qui ne porteront aucune atteinte aux souveraineté
440
s : « Vous ne pouvez franchir un abîme pas à pas,
il
faut sauter. » Le saut, dans ce cas, consistera à transformer le « Co
441
droits de l’homme vient d’être adoptée par l’ONU.
Elle
restera malheureusement inopérante tant que les États resteront souve
442
onne et des droits des minorités contre l’État qu’
il
s’agit de sauvegarder aujourd’hui. Et cela suppose l’institution d’un
443
meraient le noyau d’un véritable pouvoir fédéral.
Il
me paraît clair qu’ils impliquent la création d’une force de police f
444
véritable pouvoir fédéral. Il me paraît clair qu’
ils
impliquent la création d’une force de police fédérale. Car enfin, de
445
rce de police fédérale. Car enfin, de quoi s’agit-
il
, sinon de créer un tribunal devant lequel puisse être déféré, le cas
446
farce rééditée chaque jour avec tant de gravité.
Il
se dit naïvement que toute exportation devient importation chez le vo
447
ons de notre section économique, si l’on songe qu’
elle
a pu réunir, sous le signe de l’Europe, des hommes aussi divers que l
448
ux. Centre européen de la culture. — Finalement,
il
nous paraît clair que toutes les mesures économiques et politiques qu
449
le Mouvement européen resteraient lettre morte, s’
il
n’existait, en deçà et au-delà des divisions qu’il nous faut surmonte
450
l n’existait, en deçà et au-delà des divisions qu’
il
nous faut surmonter, une entité européenne bien vivante, un sentiment
451
ropéenne bien vivante, un sentiment commun auquel
il
soit possible de faire appel dès maintenant, une civilisation occiden
452
tout, la vocation de notre Mouvement européen. S’
il
ne mettait la culture à sa place, qui est à la fois primordiale et fi
453
a place, qui est à la fois primordiale et finale,
il
cesserait de mériter l’adjectif de son titre. C’est pourquoi le congr
454
l’Europe et des peuples qui lui sont associés ».
Il
ne s’agit nullement de fomenter on ne sait quel nationalisme européen
455
de la culture qui s’ouvrira bientôt en Suisse. ⁂
Il
n’est point d’ordre économique possible sans une volonté préalable de
456
une volonté préalable de mise en ordre politique.
Il
n’est point d’ordre politique qui serve l’homme, s’il n’est orienté d
457
’est point d’ordre politique qui serve l’homme, s’
il
n’est orienté dès le départ par une vision libératrice et fascinante.
458
ent à la fatalité — l’auront vue et marchent vers
elle
. Il se peut que la vision qui les guide, éclairant le chemin sous leu
459
la fatalité — l’auront vue et marchent vers elle.
Il
se peut que la vision qui les guide, éclairant le chemin sous leurs p
460
et marées, contre tous les experts de son équipe,
il
se mit en route pour la joindre. Mais nous, quel continent nouveau, t
461
risquons-nous d’aborder ? Et quel bonheur, auquel
il
suffirait peut-être d’oser croire ? Se peut-il que ce soit tout simpl
462
el il suffirait peut-être d’oser croire ? Se peut-
il
que ce soit tout simplement l’Europe, redécouverte à la faveur de son
463
Découverte de l’Europe (octobre 1949)f
Il
n’est pas facile d’être actuel. Il y faut parfois du génie. Goethe éc
464
obre 1949)f Il n’est pas facile d’être actuel.
Il
y faut parfois du génie. Goethe écrit à Valmy : « De ce lieu, de ce j
465
, sera datée une ère nouvelle. » Mais ce jour-là,
il
est le seul à s’en douter. Cette histoire n’est pas bien nouvelle, il
466
visite de Bartali, coureur cycliste, au Vatican.
Il
serait donc vain de s’étonner que le Tour de France ait damé le pion
467
les journalistes étaient présents. On dit même qu’
ils
furent plus de cinq-cents. Et bien d’autres ont jugé Strasbourg dans
468
riaux du monde entier, d’autant plus librement qu’
ils
n’y étaient pas allés. L’événement s’est donc vu noyé sous un déluge
469
ce sont eux qui la déterminent en bonne partie. S’
il
leur faut tant de mots pour expliquer que le sujet n’intéresse person
470
ugement doit chercher d’autres sources. Que s’est-
il
passé à Strasbourg ? Quelque chose d’assez neuf, il faut le croire, p
471
passé à Strasbourg ? Quelque chose d’assez neuf,
il
faut le croire, pour que la presse n’ait pas su l’enregistrer, sinon
472
d’avril — le vrai début de la bataille décisive.
Il
était raisonnable de prévoir que la première session serait consacrée
473
atif son minimum vital d’autonomie. Avant d’agir,
il
fallait mettre en place un dispositif de combat, tout d’abord obtenir
474
ar ordre alphabétique, non par groupes nationaux.
Ils
votent individuellement. Et l’on n’a pas remarqué qu’un mot d’ordre n
475
n n’a pas remarqué qu’un mot d’ordre national — s’
il
en fut jamais donné — ait été suivi même par les Britanniques. Ces de
476
ien sûr. Mais pas trop vite, ni trop précisément…
Ils
parlent de prudence, d’étapes préparatoires. Step by step reste leur
477
différents ou hostiles aux travaux de Strasbourg,
il
faut éviter à tout prix de se porter en avant sans leur soutien. On s
478
es prudents de scepticisme impénitent. En vérité,
ils
me semblent pécher, bien au contraire, par optimisme. Et les fédérali
479
enaces de guerre sont là. Demandez à l’opinion si
elle
est mûre pour la guerre ! Elle hésite à vous suivre à cause de vos pr
480
dez à l’opinion si elle est mûre pour la guerre !
Elle
hésite à vous suivre à cause de vos prudences. Elle suivra ceux qui m
481
le hésite à vous suivre à cause de vos prudences.
Elle
suivra ceux qui marchent, ceux qui ont su voir le but et qui ont osé
482
la Commission, M. Bidault, peut déjà déclarer qu’
il
s’orientera nettement vers une fédération finale. Il est clair qu’une
483
s’orientera nettement vers une fédération finale.
Il
est clair qu’une formule fédérale implique certaines limitations préc
484
oir bien réel, dans le Conseil de l’Europe tel qu’
il
existe. Certes. Mais, si le Conseil existe, n’est-ce point précisémen
485
nationaux, leur addition ou juxtaposition n’irait-
elle
point créer, sur le plan de l’Europe, un danger pire que l’absence de
486
frein automatique, un véritable anti-pouvoir, qu’
il
s’agirait alors de renverser pour établir l’union réelle ? La seconde
487
’on peut voir dès maintenant dans le seul fait qu’
il
ait lieu, la preuve d’une très rapide évolution. Les dirigeants de no
488
t tout naturellement, dans un délai aussi réduit.
Ils
sont en droit de montrer quelque fierté, lorsqu’ils passent en revue
489
s sont en droit de montrer quelque fierté, lorsqu’
ils
passent en revue les objectifs qu’ils désignaient dans leurs mémorand
490
rté, lorsqu’ils passent en revue les objectifs qu’
ils
désignaient dans leurs mémorandums, et les confrontent avec les résul
491
t d’abord la liberté de fixer ses ordres du jour.
Elle
a voté, malgré l’opposition du Comité ministériel la création d’une C
492
s droits de l’homme, pouvoir supérieur aux États.
Elle
a créé plusieurs commissions permanentes pour étudier l’instauration
493
son d’être suffisante au Mouvement européen, ou s’
il
devait passer la main à l’Assemblée. C’est peut-être chanter victoire
494
C’est peut-être chanter victoire un peu trop tôt.
Il
reste encore à faire entrer dans la réalité le principal : la Constit
495
ces divers pouvoirs, sinon l’opinion générale, qu’
il
s’agit maintenant d’alerter, d’informer, et de faire peser de tout so
496
hanger le nom de l’Assemblée consultative pour qu’
elle
devienne en fait constituante, mais bien d’agir en sorte que ses vœux
497
ict populaire. ⁂ Nous sommes en pleine action, et
il
est clair qu’il s’est fait de l’Histoire à Strasbourg, mais nous n’en
498
Nous sommes en pleine action, et il est clair qu’
il
s’est fait de l’Histoire à Strasbourg, mais nous n’en connaissons enc
499
s résultats pourront être jugés d’ici deux ans. S’
il
n’y en a pas à ce moment-là, nous serons Russes ou colonisés, ou simp
500
éfiantes, amazing things for us, Americans !… Car
elles
se font sans moyens “mesurables”, sans organisations “solides” à la y
501
ès petit nombre d’hommes qui ont su voir juste… »
Il
venait de découvrir l’Europe, ses limitations, son génie. f. Rouge
502
lités ? À la fois dans l’espace et dans le temps,
elles
sont mouvantes et complexes. (Ce qui peut signifier d’ailleurs qu’ell
503
t complexes. (Ce qui peut signifier d’ailleurs qu’
elles
sont vivantes.) Elles apparaissent en partie problématiques, en parti
504
eut signifier d’ailleurs qu’elles sont vivantes.)
Elles
apparaissent en partie problématiques, en partie définies par des car
505
en partie définies par des caractères permanents.
Elles
apparaissent, surtout, liées de telle manière que l’on ne peut défini
506
resqu’île de l’Asie. Second caractère permanent :
elle
est nettement divisée en compartiments par des chaînes de montagnes e
507
mitée de trois côtés par les mers et par l’Océan.
Elle
rappelle une Grèce agrandie. Mais voici le caractère problématique de
508
de l’Europe en compartiments relativement isolés,
il
faut rattacher les diversités nationales, dont nous avons tiré si gra
509
phique du découpage des côtes par plusieurs mers,
il
faut rattacher les approches différentes du monde par les Espagnols e
510
5 % des terres de la planète. D’où vient alors qu’
elle
ait dominé le monde entier pendant des siècles ? À l’origine de toute
511
alement exceptionnelles pouvons-nous distinguer ?
Il
serait superflu de chercher ici autre chose que ce que tout le monde
512
eulement donné conscience d’elle-même une fois qu’
elle
existait déjà, mais bien dans le complexe de tensions entrecroisées d
513
olue, non mesurable. À partir de ces trois pôles,
il
est possible d’interpréter les principales structures dynamiques de l
514
produite par les familles connues de la planète.
Il
ne pouvait faire autrement. Je parle des derniers mille ans. Mais com
515
mme du xixe ou du xxe siècle ? Cela ne prouve-t-
il
pas que j’aurais oublié quelques éléments décisifs, qui ne sont nés n
516
t mariées, ont divorcé, ont conclu des alliances.
Elles
se sont combinées au sens chimique, et non pas seulement mécanique. A
517
me paraissent typiquement d’Europe, en ce sens qu’
elles
ne pouvaient naître que du complexe que je viens de décrire. Ce sont
518
es idées de révolution, de passion et de progrès.
Elles
sont nées toutes les trois de la révélation chrétienne, analysée et d
519
est inconcevable pour un Asiatique ou un Noir, s’
ils
n’ont pas eu de contact avec notre civilisation. Car cette idée, en v
520
individuelles, nous disons même individualistes.
Elle
n’apparaît qu’au xiie siècle, sous l’influence de l’hérésie manichée
521
iècle, sous l’influence de l’hérésie manichéenne.
Elle
suppose la croyance chrétienne, personnaliste, en la valeur infinie d
522
tionner d’autres — suffiront à titre d’exemples :
elles
nous font pressentir la nature et les causes d’une capacité spécifiqu
523
t ce qui a fait de l’Europe autre chose que ce qu’
elle
est physiquement, autre chose qu’un petit cap de l’Asie, pour reprend
524
ement détrônée, il y a cinq ans, en même temps qu’
elle
était libérée dans ses ruines. Elle avait représenté un quart, puis u
525
même temps qu’elle était libérée dans ses ruines.
Elle
avait représenté un quart, puis un cinquième de la population du glob
526
art, puis un cinquième de la population du globe.
Elle
n’en sera dans cinquante ans plus qu’un dixième probablement. Elle ne
527
ns cinquante ans plus qu’un dixième probablement.
Elle
ne sait pas encore. Mais ce qu’elle voit très bien, c’est qu’elle n’e
528
probablement. Elle ne sait pas encore. Mais ce qu’
elle
voit très bien, c’est qu’elle n’est plus le centre du monde, sur le p
529
encore. Mais ce qu’elle voit très bien, c’est qu’
elle
n’est plus le centre du monde, sur le plan de la puissance politique.
530
du monde, sur le plan de la puissance politique.
Elle
se sent « mise à pied » par l’Histoire, au profit de deux empires neu
531
ire n’a pas moins horreur que la Nature. De plus,
elle
se voit amputée, pour le moment, d’un quart de sa population à l’Est,
532
400e de cette somme. L’idée de progrès a émigré ;
elle
est devenue américaine et russe. Mais ici, nous touchons déjà au dram
533
nsure politique est si parfaitement préventive qu’
elle
peut s’offrir le luxe de disparaître en tant qu’activité distincte de
534
ître en tant qu’activité distincte de répression.
Elle
est partout et nulle part. C’est ainsi qu’un ancien ministre bulgare
535
émocraties dites populaires. Cependant, qu’en est-
il
chez nous de la liberté et de la censure ? Allons tout de suite à un
536
atomiques nous donne un inquiétant avertissement,
il
suggère que si la culture reste encore libre en Occident, c’est peut-
537
estige mondial de l’Europe, on pourrait croire qu’
elle
n’est plus aujourd’hui qu’un appendice aux déclarations officielles,
538
enue périphérique. Comment expliquer autrement qu’
il
soit admis sans question, de nos jours, que l’esprit subordonne ses i
539
onale ? Et que personne ne s’avise de soutenir qu’
il
faudrait inverser cette hiérarchie ? Rendue matériellement dépendante
540
ndue matériellement dépendante de l’État, plus qu’
elle
ne le fut jamais du mécénat privé, notre culture se voit contrainte d
541
ssités » qui lui sont étrangères et la dégradent.
Elle
perd ainsi sa fonction directrice. Et la séparation s’aggrave entre l
542
bien vu l’importance primordiale de la culture qu’
ils
l’ont immédiatement étatisée. Ils lui ont rendu officiellement sa pla
543
e la culture qu’ils l’ont immédiatement étatisée.
Ils
lui ont rendu officiellement sa place centrale, et ils l’y tiennent e
544
ui ont rendu officiellement sa place centrale, et
ils
l’y tiennent emprisonnée. Elle est reine de nouveau, mais elle ne rec
545
place centrale, et ils l’y tiennent emprisonnée.
Elle
est reine de nouveau, mais elle ne reconnaît plus sa propre voix prof
546
nent emprisonnée. Elle est reine de nouveau, mais
elle
ne reconnaît plus sa propre voix proférant des aveux spontanés, crian
547
ant sur tous les modes l’éloge de ses bourreaux :
elle
est devenue la Propagande. Les conditions morales de la vie de l’espr
548
ôle central, la dénaturent et l’asservissent. Or,
il
est évident que ces conditions sont particulièrement graves pour l’Eu
549
ont particulièrement graves pour l’Europe, puisqu’
elles
brisent dans un cas et, dans l’autre, détendent les ressorts de la cr
550
de la primauté dans nos vies nationales, soit qu’
elle
se laisse subordonner aux intérêts économiques ou politiques, soit qu
551
r aux intérêts économiques ou politiques, soit qu’
elle
se contente d’une liberté honoraire, sans responsabilité, et d’un rôl
552
« Que servirait à un homme de gagner le monde, s’
il
perdait son âme ? » ⁂ J’admets ici, comme hypothèse de base, qu’il fa
553
e ? » ⁂ J’admets ici, comme hypothèse de base, qu’
il
faut sauver l’Europe et sauver la culture. Si je pensais, comme certa
554
ver la culture. Si je pensais, comme certains, qu’
il
est trop tard, je me tairais, ou je me ferais Américain. Mais il est
555
d, je me tairais, ou je me ferais Américain. Mais
il
est impossible de sauver l’Europe si l’on ne sauve pas en même temps
556
’Europe est réduite à l’impuissance politique, si
elle
est colonisée par l’Amérique — ce qu’elle désire parfois — ou envahie
557
que, si elle est colonisée par l’Amérique — ce qu’
elle
désire parfois — ou envahie par la Russie, certains pensent que notre
558
icacité, l’Europe ne peut recouvrer la puissance.
Elle
sera peut-être unie, c’est même plus que probable, par les soins d’ex
559
’une police qui a fait ses preuves ailleurs. Mais
elle
aura perdu le ressort de son pouvoir transformateur du monde, ce pouv
560
berté ? L’Europe sans sa culture, réduite à ce qu’
elle
est, ne serait plus qu’un cap de l’Asie — et l’Asie n’a jamais passé
561
réalités : l’Europe et la culture universelle qu’
elle
a produite sont deux réalités coextensives. Elles naissent et meurent
562
’elle a produite sont deux réalités coextensives.
Elles
naissent et meurent du même mouvement. Qu’en est-il de ce mouvement,
563
naissent et meurent du même mouvement. Qu’en est-
il
de ce mouvement, au milieu de notre siècle ? Va-t-il vers la renaissa
564
de ce mouvement, au milieu de notre siècle ? Va-t-
il
vers la renaissance ou vers la décadence ? Je crois que la sublime ré
565
ation européenne. Pour le bien comme pour le mal,
il
imite à la fois nos mœurs et nos objets, nos procédés d’art et de con
566
ture, l’une dès ses origines, et l’autre en ce qu’
elle
a de moderne justement. Calvin et le puritanisme, d’un côté, plus les
567
cription : leurs traits les plus frappants, et qu’
ils
croient spécifiques, ne sont souvent que des emprunts à notre fonds,
568
uement, parfois jusqu’à la monstruosité12. Mais s’
il
en est ainsi, si tels sont nos atouts, d’où vient notre faiblesse et
569
avoir perdu la puissance et l’initiative, dès qu’
il
s’agit d’autre chose que de peinture, de parfums, ou de vins du cru ?
570
ds, des Danois ou des Grecs, c’est-à-dire comme s’
ils
n’étaient que quarante millions, soixante millions ou trois millions.
571
c, comme des peuples trop petits pour le monde où
ils
vivent. J’ai dressé une liste de nos créations les plus connues, cell
572
Et cette liste est impressionnante. Mais pour qu’
elle
rassure un Français, un Allemand, un Danois, un Grec, et pour qu’ils
573
çais, un Allemand, un Danois, un Grec, et pour qu’
ils
en tirent quelque orgueil, encore faut-il qu’ils aient conscience d’a
574
our qu’ils en tirent quelque orgueil, encore faut-
il
qu’ils aient conscience d’appartenir à la famille européenne. Sinon,
575
’ils en tirent quelque orgueil, encore faut-il qu’
ils
aient conscience d’appartenir à la famille européenne. Sinon, chacun
576
ison de plus de se sentir minoritaire, ou pauvre.
Il
en va de même sur tous les plans. Divisés, enfermés dans nos États-na
577
olus par la seule grâce de notre union. Mais sans
elle
sera supprimée la possibilité de les résoudre un jour. Je ne dirai pa
578
de tous les maux dont nous pouvons souffrir. Mais
elle
rend compte de nos faiblesses, et de notre démission sur le plan de l
579
de notre démission sur le plan de l’Histoire. Et
elle
rend compte de la névrose d’infériorité que j’ai dite. La division de
580
de l’Europe paralyse notre culture aussi, puisqu’
il
n’est pas de culture sans libre échange des idées, des personnes et d
581
, des personnes et des œuvres, et l’on sait ce qu’
il
en est aujourd’hui à cet égard. La condition nécessaire, sinon suffis
582
e promesse, mais c’en est une. Nous verrons ce qu’
elle
vaut, avant la fin de l’année. Dans le domaine économique, nous avons
583
cette culture dont on ne saurait trop répéter qu’
elle
est le vrai, le seul secret de notre puissance, il est temps de propo
584
e est le vrai, le seul secret de notre puissance,
il
est temps de proposer un autre Plan, qui consisterait dans la mise en
585
it nécessaire, c’est la déplorable évidence. Mais
elle
ne sera pas suffisante. Une mitrailleuse ne sert à rien, si l’homme q
586
mme qui la reçoit refuse de s’en servir, parce qu’
il
ignore ce qui est en jeu, ce qui vaut d’être défendu. La défense effe
587
it commencer dans les cerveaux et dans les cœurs.
Elle
suppose une prise de conscience. Et toute volonté de réveil de la con
588
de la puissance européenne est sa culture, et qu’
il
serait absurde et vain d’essayer de sauver l’une sans l’autre. La sec
589
bertés. Entre les stalinistes et nous, Européens,
il
n’y a qu’un mot : démocratie. Pour eux, cela veut dire dictature. Pou
590
aniers nerveux, mais ceux de l’Inde se dominent :
ils
ont gardé cela des Anglais. Il leur faut cependant plus d’une heure p
591
nde se dominent : ils ont gardé cela des Anglais.
Il
leur faut cependant plus d’une heure pour nous administrer les preuve
592
s venons ici. — Pour un congrès. — Quel congrès ?
Il
y en a beaucoup. — Le Congrès indien pour la liberté de la culture. —
593
New Dehli. — Alors, pourquoi le Congrès se tient-
il
à Bombay ? — Parce que M. Nehru le veut ainsi. (Réponse propre à fair
594
ehru qui patronne le Congrès, alors qu’en vérité,
il
s’est borné à le déplacer, par un décret, de la capitale à Bombay.) L
595
à Bombay.) L’officier n’est pas bien convaincu :
il
voudrait obtenir des réponses qu’il connaît. Finalement : — Où habite
596
n convaincu : il voudrait obtenir des réponses qu’
il
connaît. Finalement : — Où habiterez-vous ? — Au Taj Mahal Hôtel. Sou
597
pièce, devant une tenture sombre, sans nul bruit.
Il
m’est arrivé de sonner à nouveau n’entendant rien venir, et de m’aper
598
tendant rien venir, et de m’apercevoir ensuite qu’
ils
étaient là déjà depuis un long moment. Pourquoi trois ? Je me dis que
599
blanc près de la table. Je leur demande du sucre.
Ils
sourient et s’inclinent. Ils ont des crayons à la main et des blocs d
600
ur demande du sucre. Ils sourient et s’inclinent.
Ils
ont des crayons à la main et des blocs de papier. Ils attendent. Je l
601
ont des crayons à la main et des blocs de papier.
Ils
attendent. Je leur dis que c’est tout ce que je désire. Mais eux voud
602
ne le point trouver aussi pur et déconcertant qu’
ils
le rêvaient. Pour l’Indien, le Chinois, l’Arabe, l’étranger n’a jamai
603
littérature, de nostalgie consciente et cultivée.
Il
peut bien être le plus fort, il le fut en effet pendant des siècles,
604
ente et cultivée. Il peut bien être le plus fort,
il
le fut en effet pendant des siècles, mais il a tort, essentiellement.
605
ort, il le fut en effet pendant des siècles, mais
il
a tort, essentiellement. Cette conviction, vivante encore dans nos ca
606
, chez lesquelles une croyance inverse prédomine.
Il
semble qu’au regard de la « hideuse vulgarité » de l’Occident, dont p
607
ans désir sérieux de partager la foi de ceux dont
il
admire qu’ils en aient une. Ceci dit, je n’aurai de cesse que je n’ai
608
ieux de partager la foi de ceux dont il admire qu’
ils
en aient une. Ceci dit, je n’aurai de cesse que je n’aie découvert, à
609
briser cela, on leur jette quelques pièces, mais
elles
reviennent toujours, avec cette insistance presque féroce des gens du
610
oir d’autres. Dès les premières heures de débats,
il
devient évident que leurs problèmes s’énoncent dans les mêmes termes
611
veulent sauver d’abord la liberté, sans laquelle
il
n’est pas question de réformes humainement valables ; ceux enfin qui
612
déclaré en leur temps : point de culture tant qu’
il
subsiste de la misère et de la famine, il n’y aurait point de civilis
613
tant qu’il subsiste de la misère et de la famine,
il
n’y aurait point de civilisation ; s’il n’y avait point de civilisati
614
a famine, il n’y aurait point de civilisation ; s’
il
n’y avait point de civilisation, nous serions sans moyens techniques
615
méricains qui avaient construit la Route birmane,
il
vient de rendre, en quelques mois d’essais, cent-mille tonnes de blé
616
force d’un proverbe, si convaincu que je sois qu’
il
dit faux, que ce sont les repus qui n’écoutent pas, et que la disette
617
Raja Rao, que je rencontre dans le hall du Taj. (
Il
a l’air d’un Gitan avec ses boucles noires, il est brahmine, et par u
618
. (Il a l’air d’un Gitan avec ses boucles noires,
il
est brahmine, et par un choix délibéré, très orthodoxe, donc très lib
619
) — Je cherche l’Inde. La trouverai-je à Bombay ?
Il
appelle un taxi, et nous voilà partis. Nous avons quitté la voiture à
620
Çà et là, un homme prie, accroupi contre un mur.
Il
règne dans tout le quartier une espèce de solennité énigmatique et in
621
ancs, sérieux et lent. Raja Rao lui demande ce qu’
il
lit. C’est un chant du Mahabharata. Ils écoutent sans bouger, jeunes
622
ande ce qu’il lit. C’est un chant du Mahabharata.
Ils
écoutent sans bouger, jeunes et vieux, le livre dont Gandhi chaque so
623
-ce ? ai-je demandé à mon ami. — Un holy man, a-t-
il
répondu distraitement. — Mais un vrai ou un charlatan ? — Comment peu
624
vrai ou un charlatan ? — Comment peut-on savoir.
Il
y en a tant. Il marchait lentement, à grands pas importants, précédé
625
latan ? — Comment peut-on savoir. Il y en a tant.
Il
marchait lentement, à grands pas importants, précédé d’un énorme vent
626
r du cou pendant jusqu’au nombril, et d’un pagne.
Il
rythmait ses lentes et grandes enjambées en frappant le sol d’un bâto
627
urs semblaient vouloir montrer avec insistance qu’
ils
suivaient. ⁂ Le prêtre, le swami, le holy man : plus ils sont saints,
628
vaient. ⁂ Le prêtre, le swami, le holy man : plus
ils
sont saints, plus ils sont nus, et non pas chamarrés de robes et surp
629
e swami, le holy man : plus ils sont saints, plus
ils
sont nus, et non pas chamarrés de robes et surplis à l’instar des pri
630
ues, toujours plus lourdement revêtus à mesure qu’
ils
gravissent la hiérarchie sacrée. Nos mouvements de réforme religieuse
631
acrée. Nos mouvements de réforme religieuse n’ont-
ils
pas toujours commencé par revenir avec passion vers la nudité spiritu
632
passion vers la nudité spirituelle ? Parfois même
ils
l’ont physiquement manifestée, de saint François aux Doukhobors. ⁂ Da
633
dos, les bras levés, avec une violence inouïe — s’
ils
venaient à rater un seul croisement des armes et se touchaient la têt
634
ul croisement des armes et se touchaient la tête,
ils
tomberaient raides — le fracas des bâtons devient celui d’une dure mê
635
yés au sol d’une main, frappant de l’autre ; puis
ils
se couchent, frappent encore faiblement, s’immobilisent et la musique
636
éparée. Je serais tenté d’imaginer à la limite qu’
ils
ne sont rien que chair opaque, virilité à l’état pur. Aussi tyranniqu
637
e, donc sans aucune espèce de liberté possible, s’
il
est vrai que toute liberté suppose quelque hiatus intime entre le Moi
638
quelque hiatus intime entre le Moi et le destin.
Il
me semble qu’au seuil de comprendre, je viens de sentir au moins pour
639
rls », sans doute les plus avouables de la liste.
Il
fait déjà trente-trois degrés, à deux heures du matin : l’été approch
640
ord du chemin, on ne sait jamais, me disait M…, s’
ils
sont dans la posture de l’adoration ou celle de la défécation. Il y a
641
énèrent jusqu’à la bouse des vaches sacrées, dont
ils
enduisent le four de leur cuisine, ou qu’ils s’appliquent sur les che
642
dont ils enduisent le four de leur cuisine, ou qu’
ils
s’appliquent sur les cheveux et sur le front en triples traits, non s
643
hent en tous sens entre les deux trottoirs, quand
il
faut encore contourner sans les frôler les vaches accroupies ou couch
644
de catéchisme ; point de liturgie non plus puisqu’
il
n’existe pas de culte public, ni même de rites communautaires ; à par
645
aux brahmines. Comment cette religion subsiste-t-
elle
, privée de toute espèce d’institutions et de disciplines collectives
646
ce d’institutions et de disciplines collectives ?
Elle
se transmet par la famille, par le respect de la caste, par l’étude d
647
t par mille complexes, sexuels surtout. Qu’en est-
il
en Inde ? Les Indiens échangent un sourire, hésitent un peu, par poli
648
politesse sans doute, et disent enfin que non, qu’
ils
n’ont pas de complexes, surtout pas de complexes sexuels. Spender ins
649
Les Indiens continuent de sourire : non vraiment,
ils
n’ont pas ce sens-là… Il y a beaucoup à dire sur ce dialogue, ainsi r
650
Asiatique : c’est une autre manière d’exprimer qu’
il
n’a pas le sens du péché ; et par suite, qu’il n’a pas non plus le se
651
qu’il n’a pas le sens du péché ; et par suite, qu’
il
n’a pas non plus le sens de la révolte, ni celui de l’humour, ni même
652
e. La suppression des castes, admise en droit, si
elle
devenait jamais effective, entraînerait d’infinies conséquences dans
653
ait d’infinies conséquences dans tous ces ordres.
Elle
créerait un champ libre aux problèmes personnels, aux risques permane
654
e raisonnable pour l’Asiatique en tant que tel14.
Il
est d’une caste, d’une secte religieuse, d’une voie spirituelle défin
655
le. Alors la vocation vient remplacer le rôle. Qu’
elle
fasse défaut, et nous vivons dans l’incertain, l’absurde ou la médioc
656
de révolte. À ce qui menacerait de le dénaturer,
il
résiste en collant à son identité, qui est celle d’un ordre et non pa
657
go, d’un être différent qui ne vivra qu’une fois.
Il
résiste sans contre-attaque, sans chercher à détruire un ennemi étran
658
rofonde à l’étrangeté néfaste de l’ennemi, puisqu’
elle
met à l’abri du danger de communier avec lui dans la lutte et d’en so
659
anciens amis m’a mis en garde. « Nehru, me disait-
il
, suit en toute occasion la ligne approuvée par les Russes. Prenez l’a
660
ée par les Russes. Prenez l’affaire de la Corée :
il
propose un plébiscite “démocratique”, qui ne peut tourner qu’à l’avan
661
lébiscite, idée quantitative et bien américaine ;
il
s’agit au contraire de sauver les droits de la minorité, seule respon
662
ans, la tient pour le pays de l’avenir. Cependant
il
déteste les communistes indiens, fait emprisonner leurs leaders. Stal
663
-travellers… » Un diplomate : « Nul ne sait ce qu’
il
va faire. Il suit surtout la ligne de ses humeurs. L’autre jour, au b
664
» Un diplomate : « Nul ne sait ce qu’il va faire.
Il
suit surtout la ligne de ses humeurs. L’autre jour, au banquet des gr
665
L’autre jour, au banquet des grands industriels,
il
s’est lancé dans un discours fort irrité contre le machinisme, inutil
666
rrité contre le machinisme, inutile selon lui. Or
il
s’agit d’équiper l’Inde, pour la sauver de la misère. » Beaucoup enfi
667
de ceux qui l’aiment et qui l’admirent : « Ah ! s’
il
était resté notre leader moral, au lieu de devenir Premier ministre…
668
rlons, à New Delhi, au cours d’un déjeuner auquel
il
m’a convié, entouré de sa fille, de sa nièce, et de quelques familier
669
es, rapportées toutes fraîches de son pays natal.
Il
est entré sans bruit, d’un pas rapide. Un peu voûté, l’air sérieux et
670
s rapide. Un peu voûté, l’air sérieux et distant.
Il
porte une longue veste de soie d’un violet sombre, semée de fleurs gr
671
ussi beau qu’on le dit. Légèrement boudeur, m’a-t-
il
semblé d’abord. (À la première mention que je risque du Congrès, bais
672
is pourquoi je me suis demandé, à ce moment-là, s’
il
pensait en hindi ou en anglais.) Mais à table, c’est un autre homme.
673
; parlant plutôt du cinéma indien qui, m’apprend-
il
, le cède de peu à Hollywood quant au volume de production, mais qu’il
674
Hollywood quant au volume de production, mais qu’
il
juge pire encore quant à la qualité ; parlant des douze grandes langu
675
t, une sorte de cabinet mondial : en tant que tel
il
doit prêter l’oreille à l’opinion mondiale qui parle ici… » Mais sans
676
sser achever ma citation : « Six ou sept ? me dit-
il
. Quels sont les autres ? » — No others ! tranche la nièce avec simpli
677
ous laissons sans réponse la question de savoir s’
ils
devraient être des Staline ou des Einstein, des Nehrus politiques ou
678
sumer ou de refuser cette situation. Approuverait-
il
un plan d’échanges suivis, sur un axe culturel Inde-Europe ? Nos plus
679
pe que par les collèges anglais, et d’autre part,
elle
est tentée de juger l’Occident tout entier à travers l’Amérique ; or
680
l’Amérique ; or l’Europe est plus près de l’Inde…
Il
s’est donné une petite tape sur le genou. « C’est vrai, cela ! me dit
681
te tape sur le genou. « C’est vrai, cela ! me dit-
il
, il y a du vrai là-dedans… » J’ai pris congé au haut de l’escalier. M
682
ns… » J’ai pris congé au haut de l’escalier. Mais
il
me rejoint sur le seuil du palais. « N’oubliez pas de dire à Madariag
683
ince. Que ce pandit soit devenu Premier ministre,
il
s’agit là d’un caprice de l’Histoire. Il y a beaucoup de caprice chez
684
e, d’un Hitler, mais peut-être aussi d’un Gandhi,
il
reste comme distinct de son rôle historique. On dirait qu’il le voit
685
mme distinct de son rôle historique. On dirait qu’
il
le voit avec quelque distance. Un moraliste en somme, mais sans foi r
686
st celui d’un brahmine pour une caste inférieure (
il
l’a écrit), non pas celui d’un Marx pour le capitalisme promis à des
687
lisme promis à des crises fatales. Les mesures qu’
il
vient de prendre contre la presse, au nom d’un idéal de « propreté mo
688
personnelle. Tout le monde parle de sa beauté. Et
il
est vrai que son visage et son maintien expriment une harmonie de l’â
689
son être intime, le regard de l’esprit trouverait-
il
encore ce mystère primitif qui lie l’homme à ses dieux comme une ombr
690
s dieux comme une ombre à la nuit ? Ne trouverait-
il
pas au contraire ce signe d’inquiétude et de contradiction, cette pet
691
, de nos faiblesses et de nos idéaux, l’Inde va-t-
elle
enfin se retrouver elle-même ? Six siècles de tutelle, presque « d’oc
692
es de tutelle, presque « d’occupation », ne l’ont-
ils
pas profondément dénaturée ? Certes, mais l’Inde en soi n’existe pas
693
lleurs que dans nos idées vagues sur son mystère.
Elle
ne peut plus ressembler qu’à ce qu’elle deviendra. En six siècles, le
694
mystère. Elle ne peut plus ressembler qu’à ce qu’
elle
deviendra. En six siècles, le monde a changé ; une Inde indépendante
695
monde a changé ; une Inde indépendante eût changé
elle
aussi. Le fait certain, c’est qu’elle n’a pu le faire au rythme accél
696
eût changé elle aussi. Le fait certain, c’est qu’
elle
n’a pu le faire au rythme accéléré de notre histoire. Elle a manqué l
697
pu le faire au rythme accéléré de notre histoire.
Elle
a manqué la Renaissance, les Lumières, le romantisme et les révolutio
698
e américain et russe. Ni d’un côté ni de l’autre,
elle
ne peut se reconnaître. Elle se dit neutre, comme quelqu’un qui voudr
699
côté ni de l’autre, elle ne peut se reconnaître.
Elle
se dit neutre, comme quelqu’un qui voudrait bien se rendormir. Mais l
700
ne partie serrée, l’Inde se voit sommée de jouer.
Elle
n’est pas équipée, ni entraînée. Elle ne sait pas quel camp choisir.
701
e de jouer. Elle n’est pas équipée, ni entraînée.
Elle
ne sait pas quel camp choisir. Comme on comprend que Nehru, qui doit
702
me on comprend que Nehru, qui doit « jouer » pour
elle
sur le plan international, ne soit tenté que par le rôle d’arbitre !
703
hénomène des « masses », ni l’individualisme dont
il
est la rançon. Cependant l’Inde, en tant qu’État, doit voter pour ou
704
on. Mais sur quelles valeurs positives Nehru peut-
il
fonder le double refus qui paraît inspirer sa politique ? Au nom de q
705
é profonde, ou de quel idéal nouveau repoussera-t-
il
longtemps la double tentation ? L’Inde antique, religieuse, hindoue,
706
uvoir est aux « sécularistes » qui se détachent d’
elle
ou la renient. L’évolution normale que provoquerait une suppression r
707
e de l’Occident, de l’Europe en particulier. Mais
elle
n’affecte encore que l’intelligentsia16. Celle-ci d’ailleurs rejoint
708
resque tous ces problèmes me semblent insolubles.
Il
faut donc aider l’Inde, mais qui le peut ? L’Amérique lui fournit des
709
ffert. (Qui, d’ailleurs, l’eût fait en son nom ?)
Elle
s’est bornée à se retirer politiquement. Elle doit trouver maintenant
710
?) Elle s’est bornée à se retirer politiquement.
Elle
doit trouver maintenant les formes d’une présence désintéressée, frat
711
ais un Hindou ne peut devenir « collectiviste » s’
il
n’a passé d’abord par l’individualisme, soit chrétien, rationaliste.
712
gime qui permet à chacun de rester soi-même où qu’
il
vive, à droits égaux mais à charge de respect pour les coutumes local
713
la Suisse comme d’une nation « une et diverse ».
Il
faut voir qu’elle est une parce qu’elle est diverse. Le goût du juste
714
d’une nation « une et diverse ». Il faut voir qu’
elle
est une parce qu’elle est diverse. Le goût du juste milieu, le sens d
715
diverse ». Il faut voir qu’elle est une parce qu’
elle
est diverse. Le goût du juste milieu, le sens du compromis, l’attrait
716
veaux de vie. Ce sont des réalistes sans cynisme.
Ils
acceptent leur condition, parce qu’ils en connaissent bien les donnée
717
s cynisme. Ils acceptent leur condition, parce qu’
ils
en connaissent bien les données de fait et les impératifs concrets, e
718
données de fait et les impératifs concrets, et qu’
ils
la jugent au surplus satisfaisante. Une enquête conduite par l’instit
719
ns six pays d’Europe et aux États-Unis, montre qu’
ils
sont « en tête des gens heureux », comme l’écrit un journal français.
720
ire que le Suisse moyen. Réformiste conservateur,
il
évolue avec ténacité vers des formes d’organisation de l’économie et
721
, c’est le goût du travail dont on a pu écrire qu’
il
est « le mode existentiel des Suisses », la base de leurs rapports so
722
de de promotion »17, dit-on et sans doute en va-t-
il
vraiment ainsi pour l’immense majorité. La coutume patricienne n’a gu
723
rivées ; le parti radical a perdu la puissance qu’
il
exerçait jusqu’aux débuts de ce siècle sur les nominations dans la fo
724
n général fidèle à son métier. Dire d’un homme qu’
il
a fait beaucoup de métiers est un éloge banal en Amérique (ou versati
725
d’être un plaisir : devoir envers soi-même, car «
il
faut se cultiver », comme il faut se maintenir en forme en faisant du
726
vers soi-même, car « il faut se cultiver », comme
il
faut se maintenir en forme en faisant du ski ou de la gymnastique. Le
727
t des prétextes et en trouvent d’excellents, mais
il
n’y a plus de gratuité. Dans L’Annuaire statistique de la Suisse, pub
728
simplicité, affiché jusqu’à la manie ou au défi,
il
caractérisait les Suisses bien avant l’ère industrielle-utilitaire, e
729
e-utilitaire, et même bien avant la Réforme, mais
il
est en symbiose avec elles, et s’en nourrit autant qu’il explique leu
730
en avant la Réforme, mais il est en symbiose avec
elles
, et s’en nourrit autant qu’il explique leur succès dans la majorité d
731
en symbiose avec elles, et s’en nourrit autant qu’
il
explique leur succès dans la majorité de nos cantons. « Simplifions »
732
uestion des critères moraux du Suisse moyen. Sont-
ils
encore ceux de sa religion, ou déjà ceux de l’utilitarisme que certai
733
xxe siècle multiplie les questions de ce genre.
Il
est peut-être encore plus difficile d’y répondre dans le cas de la Su
734
d’une action du mérite moral de son auteur. D’où
il
résulte, par exemple, que le goût du travail correspond chez le Suiss
735
une mauvaise langue, le Suisse se lève tôt, mais
il
se réveille tard. Mais qu’en est-il d’autres domaines critiques de l’
736
ève tôt, mais il se réveille tard. Mais qu’en est-
il
d’autres domaines critiques de l’existence morale en Occident : la se
737
daient au contraire, pour l’épouser, la preuve qu’
elle
pouvait être mère), cent témoignages concordants décrivent une Suisse
738
dante assombrit la prédication pendant un siècle.
Il
est d’autant plus remarquable que le Suisse moyen formé à cette école
739
on que de désaffection. D’autres indices viennent-
ils
corroborer cette conclusion ? Nous en trouverons sans doute dans les
740
lques centimètres hors de la file des voitures qu’
il
lui avait plu d’organiser devant le poste, — souvenir de l’école enfa
741
vant le poste, — souvenir de l’école enfantine où
il
alignait des bâtonnets pendant des heures et il fallait surtout que r
742
ù il alignait des bâtonnets pendant des heures et
il
fallait surtout que rien ne dépasse. Ce qui dépasse aux yeux de la ce
743
cherait qu’une excitation pour les sens20 ». Faut-
il
penser que les Suisses bénéficient vraiment d’une sensualité si viole
744
ouches approbations ; on les considère pour ce qu’
elles
sont : résidus de préjugés sociaux ou religieux qui n’ont plus beauco
745
Nidwald » (canton voisin). En revanche, raconte-t-
il
: « J’ai connu une dame de Schaffhouse dont le fils avait épousé une
746
terthour, distante d’une vingtaine de kilomètres.
Elle
en avait le cœur brisé, bien entendu, et m’expliqua en grande confide
747
en entendu, et m’expliqua en grande confidence qu’
elle
faisait de grands efforts pour traiter sa bru ‟comme si elle était l’
748
t de grands efforts pour traiter sa bru ‟comme si
elle
était l’une des nôtres”, tout en sachant fort bien que ‟ces mariages
749
que ‟ces mariages mixtes ne réussissent jamais”.
Elle
voyait dans son attitude un exemple miraculeux de sacrifice personnel
750
e divorce s’explique surtout par d’autres causes.
Il
n’est pas le signe d’un quelconque « relâchement moral » (comparé à l
751
exigence accrue à l’égard du mariage et de ce qu’
il
peut représenter pour le développement personnel de chacun des conjoi
752
tant que couple dans la vie sociale…23 Au total,
il
ne semble pas que « l’immoralité » progresse notablement dans les can
753
é » progresse notablement dans les cantons, comme
elle
le fait dans les trop vastes sociétés mal structurées ou les grands e
754
moralement assumé. Le niveau de vie, une fois qu’
il
est bien assuré, c’est la vie elle-même qui devient le danger, ses su
755
xpérience quotidienne, montre les Suisses tels qu’
ils
sont et se veulent. Ceux qui refuseront de s’y reconnaître ne seront
756
uisse moyen est sérieux mais heureux (j’ajoute qu’
il
rit beaucoup et facilement), qu’il est réaliste sans cynisme, qu’il a
757
x (j’ajoute qu’il rit beaucoup et facilement), qu’
il
est réaliste sans cynisme, qu’il accepte sa condition comme il approu
758
facilement), qu’il est réaliste sans cynisme, qu’
il
accepte sa condition comme il approuve son régime politique et acclam
759
te sans cynisme, qu’il accepte sa condition comme
il
approuve son régime politique et acclame son niveau de vie neuf fois
760
t acclame son niveau de vie neuf fois sur dix, qu’
il
n’est pas révolutionnaire mais résolument réformiste, et qu’il n’aime
761
révolutionnaire mais résolument réformiste, et qu’
il
n’aime pas les jeux d’idées ni la spéculation dans aucun ordre, enfin
762
ail est sa vie, est-ce le vanter ou le dénigrer ?
Il
est clair que c’est l’un et l’autre, selon le signe dont on affecte l
763
qui signent des contrats de « paix de travail ». (
Il
n’est pas interdit de se former des jugements plus nuancés ou dialect
764
ge, visage bientôt « traditionnel ». On répète qu’
ils
expriment l’âme de leur patrie, mais on oublie qu’ils l’ont créée d’a
765
expriment l’âme de leur patrie, mais on oublie qu’
ils
l’ont créée d’abord (bien que dans un langage donné, qui existait ava
766
dans un langage donné, qui existait avant eux, qu’
ils
renouvellent seulement). Il y a dans une patrie, dans une nation, dan
767
s que l’homme moyen ne peut pas exprimer, bien qu’
il
en vive, — ou faut-il dire précisément parce qu’il en vit ? Et ce son
768
peut pas exprimer, bien qu’il en vive, — ou faut-
il
dire précisément parce qu’il en vit ? Et ce sont des hommes d’excepti
769
l en vive, — ou faut-il dire précisément parce qu’
il
en vit ? Et ce sont des hommes d’exception qui les révèlent dans leur
770
eption qui les révèlent dans leurs œuvres, même s’
ils
croyaient y exprimer tout autre chose, ou peut-être précisément parce
771
né au monde que la pendule à coucou. J’imagine qu’
il
entendait dire que la Suisse n’a produit rien de grand, hommes, idées
772
mérique, cette dernière Orson Welles et la Bombe.
Il
faut admettre que notre aurea mediocritas saute aux yeux du premier v
773
anger vient chez nous et cite l’un des Suisses qu’
il
connaît par sa réputation mondiale, il ne trouvera pas une personne s
774
Suisses qu’il connaît par sa réputation mondiale,
il
ne trouvera pas une personne sur mille, prise dans la rue, qui ait ja
775
i bien que l’homme de poids y sera surtout local.
Il
sera le grand homme d’une vallée, d’une cité, plus rarement d’un cant
776
u voyant administre l’État, on ne saurait dire qu’
il
gouverne les Suisses, et c’est très bien. Mais dans le domaine de la
777
nvénients. Car pour qu’un grand art s’épanouisse,
il
faut un milieu, une école, un public alerté, un snobisme, les libéral
778
ces conditions l’homme de talent ou d’ambition ?
Il
a trois possibilités : essayer de se rendre invisible — tenter de se
779
moyen » (expression en elle-même contradictoire)
il
me paraît intéressant de définir certaines conduites spécifiques que
780
ois, épris de littérature et d’idées libertaires.
Il
devint cependant pasteur à 25 ans et passa le reste de sa vie dans la
781
la cure du village de Lützelflüh. À quarante ans
il
se mit à écrire et, sous le nom de Jeremias Gotthelf (Jérémie : le pr
782
utes les familles l’ont lu, en Suisse alémanique.
Il
s’était occupé sa vie durant de l’administration locale, du secours d
783
éder à Ranke dans la chaire d’histoire de Berlin,
il
se fit accepter dans sa cité natale selon son rang social et en tant
784
t la même conduite à Genève comme par instinct, s’
il
est un instinct patricien. (L’intellectuel du xxe siècle cherche au
785
ette nouvelle tactique conformiste, puisque c’est
elle
qui se voit dorénavant « admise », comme l’était la conduite inverse
786
end de créer quelque chose, tout se passe comme s’
il
avait à se faire pardonner sa turbulence créatrice ou son génie indiv
787
éatrice ou son génie individuel, en démontrant qu’
il
fait une œuvre utile au bien commun. Et c’est pourquoi les Suisses qu
788
excelle et se dépasse, mais dans le seul sens qu’
elle
ait jamais voulu se permettre : celui de la cure d’âme et d’esprit, e
789
freudisme ou du léninisme dans d’autres domaines.
Il
est nommé professeur en Allemagne. Devant les prétentions nationales-
790
e. Devant les prétentions nationales-socialistes,
il
dresse un manifeste de l’« Église confessante », première affirmation
791
istance européenne. On lui fait un procès à Bonn.
Il
n’attaque pas le régime en soi, mais ses complices dans l’Église. On
792
Église. On l’expulse. Et dès lors, revenu à Bâle,
il
édifie une Dogmatique de l’Église qui est le monument théologique le
793
éloignés de l’époque présente, bien au contraire,
il
a même précédé, en fait, la tentative d’aggiornamento de l’Église ini
794
’engage comme simple soldat dans l’armée suisse :
il
faut résister à Hitler au nom de la foi, parce qu’il instaure une rel
795
faut résister à Hitler au nom de la foi, parce qu’
il
instaure une religion. Après la guerre, ce contempteur de la neutrali
796
rhétorique du « tout cela et rien que cela » (qu’
il
a puisée dans saint Paul), il est le seul théologien depuis Calvin qu
797
rien que cela » (qu’il a puisée dans saint Paul),
il
est le seul théologien depuis Calvin qui ait influencé l’ensemble des
798
ectives (qu’on lui reproche de mal définir) et qu’
il
a détectées dans la grande nuit des âges. Autant Barth refuse le phén
799
uel et spirituel des Églises romaine et grecque —
il
connaît et il redécouvre la valeur des rites et des symboles et il es
800
el des Églises romaine et grecque — il connaît et
il
redécouvre la valeur des rites et des symboles et il est tout le cont
801
redécouvre la valeur des rites et des symboles et
il
est tout le contraire d’un iconoclaste — mais quand il déclare, dans
802
t tout le contraire d’un iconoclaste — mais quand
il
déclare, dans sa Réponse à Job, que la proclamation du dogme de l’Ass
803
e. Le théologien n’a que faire de la psychologie.
Il
la met entre parenthèses pour ne considérer que la totalité de l’exis
804
, le psychologue n’a que faire des dogmes, sauf s’
ils
sont l’expression cristallisée d’un mythe, d’une situation archétypiq
805
e l’âme, — et c’est précisément dans la mesure où
ils
seraient un mythe fixé que Barth les rejetterait. Le dialogue entre c
806
ux hommes n’était même pas concevable, et de fait
il
n’a pas eu lieu. Leurs disciples (pasteurs et théologiens d’un côté,
807
a Suisse : « Pays de gens moyens, oui. Mais quand
ils
réussissent à se dégager de leur canton — alors pas de milieu, ils at
808
se dégager de leur canton — alors pas de milieu,
ils
atteignent l’universel. Au fond de son trou l’homme de Disentis, de G
809
ège, entre les hautes parois de sa prison. Mais s’
il
monte sur la montagne… Alors cette ivresse des sommets. L’intuition d
810
vant la pensée. Le Suisse s’appelle Jean-Jacques.
Il
s’appelle Germaine de Staël. Il s’appelle Burckhardt ou, dans un autr
811
lle Jean-Jacques. Il s’appelle Germaine de Staël.
Il
s’appelle Burckhardt ou, dans un autre domaine, Karl Barth. Son canto
812
maine, Karl Barth. Son canton — ou l’Europe. » Et
il
est vrai que nos meilleurs esprits, hors de l’étroit compartiment nat
813
es : quelle que soit leur petite patrie locale, s’
ils
la dépassent c’est pour rejoindre immédiatement les grands courants c
814
e en quelque sorte ; non, bien plutôt libres pour
elle
… 17. Cf. l’enquête Un jour en Suisse, 1964. 18. 300 000 Suisses v
815
ionalistes, qu’on voit partout en plein essor, qu’
il
s’agisse de Nations en instance de divorce avec l’OTAN ou avec le Pac
816
ement contradictoire, c’est l’État-nation, tel qu’
il
est né de la Révolution et du Premier Empire, produit de la confiscat
817
nous l’ont laissé, à la fois trop petit et grand.
Il
est trop petit pour assurer ce qu’on persiste à nommer son indépendan
818
us nos États centralisés — dans la mesure même où
ils
sont centralisés — se révèlent trop grands pour animer la vie économi
819
ou sa capitale, et les accusent de colonialisme.
Il
est certain que la prétention à une politique indépendante, au plein
820
ur que par la Chine, l’URSS et surtout les USA, s’
ils
acceptaient toutefois d’en payer le prix, lequel serait celui d’une a
821
ous les coups, c’est donc l’État-nation qui perd.
Il
ne correspond plus ni aux conditions de liberté et de participation c
822
guère que deux douzaines d’États fédératifs, mais
ils
regroupent 40 % de la population du globe, et il est frappant de cons
823
ils regroupent 40 % de la population du globe, et
il
est frappant de constater qu’on trouve parmi eux les plus grands État
824
dises de qualités pour le moins diverses selon qu’
il
s’agit par exemple de l’empire soviétique, du Nigéria, ou de la Confé
825
nts de convergence européenne et mondiale, même s’
ils
disent s’inspirer du propre exemple de la fédération des cantons suis
826
re exemple de la fédération des cantons suisses !
Il
est certain que dans ces trois cas, c’est moins le fédéralisme qu’on
827
n blocage délibéré aux limites d’un État fédéral.
Il
ne s’agit pas d’un défaut du fédéralisme, mais d’un défaut de fédéral
828
comme le remède spécifique au stato-nationalisme,
il
faudrait avant de le prescrire, être très sûr de sa formule. Or je ne
829
ur le Français cultivé, donc, la cause est jugée.
Il
s’agit d’un système qui est bon pour les sauvages, et qui semble n’av
830
é préconisé que par des traîtres à la République…
Il
est vrai que mon Littré date de 1865 : « fédéralisme » y est encore q
831
parus sur le sujet auraient dû suffire, semble-t-
il
, à clarifier un terme que le problème européen et nos situations nati
832
le terme de fédéralisme étant tabou à Strasbourg,
il
se verrait obligé de quitter le comité si l’on adoptait ma propositio
833
’est-à-dire très exactement le contraire de ce qu’
il
est. À l’inverse, le fédéralisme est assimilé par beaucoup à une atti
834
d’une subvention fédérale « parce qu’ici, disait-
il
, nous sommes fédéralistes ! » Si pareils malentendus sont le fait d’
835
ais la coexistence en tension de ceci et de cela,
il
semble que le danger d’interprétations partielles, donc ruineuses dan
836
on cas, lui soit pour ainsi dire congénital. Or s’
il
est vrai que l’union de l’Europe est l’entreprise capitale de siècle,
837
’Europe est l’entreprise capitale de siècle, et s’
il
est vraisemblable que cette union sera fédérale ou ne sera pas, on se
838
héorie des jeux de von Neumann et Morgenstern, qu’
il
s’agit de déterminer l’optimum en lequel se concilient deux maxima co
839
respond une telle politique, et quel type d’homme
elle
entend préparer ou éduquer, constatons qu’elle traduit une forme de p
840
me elle entend préparer ou éduquer, constatons qu’
elle
traduit une forme de pensée, une structure de relations bipolaires do
841
utant que sur l’anarchie des individus isolés, qu’
il
s’agisse de réalités métaphysiques ou physiques, esthétiques ou polit
842
sonne à la fois une et double de Jésus-Christ. Et
ils
écrivent : « Nous enseignons un seul et même Seigneur Jésus-Christ, v
843
s supprimé la différence des natures, mais plutôt
elle
a sauvegardé les propriétés de chaque nature, qui se rencontrent dans
844
ste ainsi posé à la clé de l’histoire européenne,
il
reste à repérer les principaux domaines de la réalité moderne où l’on
845
caractère va se transmettre à tous les groupes qu’
il
formera avec d’autres hommes, ses semblables. Ces groupes devront êtr
846
Enfin, le problème général de l’œcuménisme n’est-
il
pas le même en sa forme que ceux que nous venons d’évoquer, puisqu’il
847
forme que ceux que nous venons d’évoquer, puisqu’
il
consiste à concilier des confessions distinctes dans l’unité de l’Égl
848
situation part du concret, en ce sens que d’abord
elle
considère la nature d’une tâche ou d’une fonction particulière dont o
849
onnu la nécessité ou l’agrément. Deuxième étape :
elle
évalue les dimensions optima de l’aire d’exécution requise et elle le
850
imensions optima de l’aire d’exécution requise et
elle
le fait en fonction des trois facteurs suivants : possibilités de par
851
ionale, continentale ou mondiale, selon les cas),
il
ne reste qu’à désigner le niveau de compétence où seront prises les d
852
ont prises les décisions relatives à cette tâche.
Il
peut y avoir d’ailleurs plusieurs niveaux de décisions, hiérarchisés.
853
ent différer selon les tâches, j’entends selon qu’
elles
intéressent tous les hommes de toutes les régions, certains hommes de
854
est pas que l’administration soit facile, mais qu’
elle
soit juste et éclairée.) Nous allons voir, enfin, que nos critères d’
855
e communication avec ceux que l’on côtoie comme s’
ils
n’étaient pas là. La solution consisterait à recréer les conditions d
856
n tous pays et tous régimes politico-économiques.
Ils
ont pour motif profond l’antinomie entre la culture générale au sens
857
r professionnel souvent d’autant plus rentable qu’
il
est plus étroitement spécialisé ; mais la révolte actuelle des étudia
858
par dix les dimensions des marches d’un escalier,
il
devient impraticable. De même, le décuplement des effectifs estudiant
859
soudre une fois pour toutes ce conflit permanent.
Il
y faut une méthode vivante, celle que j’ai dite : sans cesse évaluer
860
u’avait bien vu le regretté Pierre Duclos, lorsqu’
il
relevait que « le fédéralisme vit d’une vie que la forme institutionn
861
t pas à qualifier et moins encore à épuiser »… Et
il
ajoutait : « Le fédéralisme est autre chose qu’une simple recette jur
862
se qu’une simple recette juridique ou politique :
il
est un des grands types d’aménagement du rapport politique et peut-êt
863
e j’ai tenté de le définir ne fait que commencer.
Il
n’est pas matière historique, mais prospective. Il a plus d’avenir qu
864
l n’est pas matière historique, mais prospective.
Il
a plus d’avenir que de passé. 26. Pierre Duclos écrivait, en 1962,
865
reconnaissables — dont se compose la fédération.
Il
est une symbiose sans confusion ni disparition des spécificités. » 2