1 1937, La Revue de Paris, articles (1937–1969). Paysans de l’Ouest (15 juin 1937)
1 instituteur dans la salle de l’école des garçons. Il me tardait de voir une fois les habitants du village réunis, leur faç
2 inaire invisible, au point que je doutais même qu’ elle existât. Elle était là. Elle occupait les longs bancs rangés en chevr
3 le, au point que je doutais même qu’elle existât. Elle était là. Elle occupait les longs bancs rangés en chevrons derrière l
4 e je doutais même qu’elle existât. Elle était là. Elle occupait les longs bancs rangés en chevrons derrière le petit apparei
5 sés à tendre les bobines de film à l’instituteur. Il fallut un certain temps pour mettre au point la projection. Les jeune
6 t les mêmes éphèbes grecs, porteurs de torches qu’ ils se passent avec des gestes lents, hallucinants, à grands sauts ralent
7 me. L’instituteur monte à sa chaire et annonce qu’ il va prononcer, comme chaque semaine désormais, un petit discours. « Je
8 ge intelligent, la chevelure noire en bataille qu’ il saisit à pleines mains dans les moments pathétiques. Il annonce le su
9 sit à pleines mains dans les moments pathétiques. Il annonce le sujet de ce soir : Qu’est-ce qu’être laïque ? — « Messieur
10 à Paris. Eh bien ! citoyens, lors de ce congrès, il a été stipulé qu’à l’avenir… » La fin de la phrase étant particulière
11 je les respecte toutes, les religions, sauf quand elles viennent m’attaquer dans mon activité professionnelle, que je considè
12 même crié : Très bien ! Les jeunes trouvent qu’«  il cause bien ». Pour terminer la soirée, on passe un dessin animé, le P
13 i comme d’habitude d’une bande de petits garçons. Il n’a pas répondu à mon salut. 12 décembre 1933 Tout à l’heure, en déch
14 rendre que l’orateur est le pasteur du chef-lieu. Il paraît qu’il cause très bien — lui aussi — mais elle ne l’a jamais en
15 orateur est le pasteur du chef-lieu. Il paraît qu’ il cause très bien — lui aussi — mais elle ne l’a jamais entendu. Elle e
16 l paraît qu’il cause très bien — lui aussi — mais elle ne l’a jamais entendu. Elle est catholique, en effet, comme d’ailleur
17 en — lui aussi — mais elle ne l’a jamais entendu. Elle est catholique, en effet, comme d’ailleurs tout le monde au village,
18 protestant est mort l’été dernier, âgé de 93 ans. Il s’était converti à soixante-dix ans « et il avait toujours tenu ! » C
19 ans. Il s’était converti à soixante-dix ans « et il avait toujours tenu ! » Catholique, antifasciste, laïque, protestant,
20 capables de lire le journal, et j’ai remarqué qu’ ils achètent absolument au hasard ceux qu’ils trouvent en dépôt chez la m
21 rqué qu’ils achètent absolument au hasard ceux qu’ ils trouvent en dépôt chez la mère Renaud : l’Ami du Peuple ou la France
22 uille locale des curés ou celle des républicains. Il est à peu près impossible de savoir s’ils font une distinction quelco
23 licains. Il est à peu près impossible de savoir s’ ils font une distinction quelconque entre les opinions, pourtant bien tra
24 chées, que ces journaux leur servent. Je crois qu’ ils n’y pensent même pas. Peut-être que la discussion annoncée après la c
25 les épaules pour s’excuser de se mettre en avant. Ils gravissent la scène, enlèvent leur casquette à visière cirée, et s’in
26 M. Palut, n’est-ce pas, c’est la première fois qu’ il vient à A…, mais certainement qu’il va nous intéresser, et je lui don
27 mière fois qu’il vient à A…, mais certainement qu’ il va nous intéresser, et je lui donne la parole. » M. Palut sourit cord
28 ai ? Il y a plusieurs églises, et malheureusement elles ne s’entendent pas toujours. La primitive église était constituée par
29 res. Depuis lors il y a eu des églises de riches. Elles ont trahi l’Évangile. Un philosophe français, M. Julien Benda, a dit
30 nous aime. Si tous les hommes étaient chrétiens, il n’y aurait plus d’exploitation ni de guerre !… La péroraison a été él
31 n type se lève au fond de la salle et demande « s’ il n’y a pas des contradictions dans la Bible ». Suit une petite discuss
32 fait confuse et sans aucun rapport avec le sujet. Il n’y a pas d’autre question. Le président fait alors un bref remerciem
33 dent fait alors un bref remerciement à l’orateur. Il s’excuse encore de ne pas s’y connaître assez en religion, mais assur
34 s s’y connaître assez en religion, mais assure qu’ il a été bien intéressé. On se lève, et les langues se délient. « Il a b
35 téressé. On se lève, et les langues se délient. «  Il a bien parlé, hein ? », me dit mon voisin, pendant que je lui donne d
36 ne devaient pas être d’accord ? « Ben quoi, fait- il , convaincu, c’est la vérité ce qu’il a dit ! » Comment donc ? Ai-je a
37 n quoi, fait-il, convaincu, c’est la vérité ce qu’ il a dit ! » Comment donc ? Ai-je affaire à un chrétien ou même à un pro
38 mais tout le monde ne pense pas comme ça ici ? » Il me regarde un peu étonné à son tour : « Qu’est-ce que vous voulez, il
39 étonné à son tour : « Qu’est-ce que vous voulez, il n’y a rien à répondre, c’est juste, ce qu’il a dit ! Il connaît bien
40 lez, il n’y a rien à répondre, c’est juste, ce qu’ il a dit ! Il connaît bien son affaire. C’est bien comme ça que c’est éc
41 a rien à répondre, c’est juste, ce qu’il a dit ! Il connaît bien son affaire. C’est bien comme ça que c’est écrit dans la
42 ’est bien comme ça que c’est écrit dans la Bible, il n’a pas dit de mensonges, quoi ! Mais ici ils ne savent pas discuter.
43 ble, il n’a pas dit de mensonges, quoi ! Mais ici ils ne savent pas discuter. Si vous alliez à F…2 alors, c’est autre chose
44 réunions ! Mais ici, qu’est-ce que vous voulez ? Ils sont comme ça… » Je vais me présenter au conférencier, et nous sorton
45 s rejoint : c’est celui qui a présidé la réunion. Il veut encore remercier M. Palut. Enfin il veut lui demander « si ce se
46 réunion. Il veut encore remercier M. Palut. Enfin il veut lui demander « si ce serait possible de se procurer une Bible po
47 important de s’y connaître dans ces questions ». Il s’exprime avec tant de prudence qu’on a peine à comprendre ses intent
48 udence qu’on a peine à comprendre ses intentions. Il a un oncle qui est curé, mais je ne saisis pas bien si ce curé lui a
49 rdit la lecture de la Bible, ou si, au contraire, il pourrait lui en prêter une. Quoi qu’il en soit, le pasteur note le no
50 contraire, il pourrait lui en prêter une. Quoi qu’ il en soit, le pasteur note le nom du « président » et promet de lui env
51 sur la place. M. Palut sait que je suis écrivain. Il a lu un de mes articles. Je le sens inquiet de mon opinion d’« intell
52 ne l’est jamais assez ! — Oh ! vous savez, — dit- il — je n’y mets pas d’amour-propre, vous pouvez me dire franchement ce
53 e : — Eh bien ! si vous voulez mon opinion, ou si elle peut vous être utile… je crois que vous êtes encore trop compliqué po
54 e vous êtes encore trop compliqué pour ce public. Il me semble qu’on pourrait leur parler plus directement, les interpelle
55 les interpeller, enfin quoi, les secouer un peu ! Ils sont là à vous écouter sans bouger, comme ils ont écouté les autres q
56 u ! Ils sont là à vous écouter sans bouger, comme ils ont écouté les autres qui disaient le contraire, et pas moyen de savo
57 ent le contraire, et pas moyen de savoir avec qui ils sont d’accord. Il ne faut pas oublier que nous vivons à une époque de
58 t pas moyen de savoir avec qui ils sont d’accord. Il ne faut pas oublier que nous vivons à une époque de propagande forcen
59 ur. Mais c’est plus difficile que vous ne croyez. Il faut que je vous dise que c’est la première fois que je parle ici, c’
60 use du curé qui s’y opposait par tous les moyens. Ils sont difficiles à prendre, ici. Surtout il ne faut pas les brusquer !
61 yens. Ils sont difficiles à prendre, ici. Surtout il ne faut pas les brusquer ! Ce soir, il s’agissait de gagner leur conf
62 i. Surtout il ne faut pas les brusquer ! Ce soir, il s’agissait de gagner leur confiance, et ensuite on verra si on peut a
63 nde électorale. — Oui, oui, mais… je les connais. Ils aiment qu’on leur fasse un beau discours. Ah ! c’est terrible, je vou
64 s. Ah ! c’est terrible, je vous assure. Bien sûr, il faudrait parler autrement. Mais qu’est-ce qu’ils comprennent ? Allez
65 , il faudrait parler autrement. Mais qu’est-ce qu’ ils comprennent ? Allez le savoir, avec eux. On prêche pendant six ans la
66 vec eux. On prêche pendant six ans la même chose, ils vous remercient, on croit qu’ils ont compris, et puis un beau jour on
67 s la même chose, ils vous remercient, on croit qu’ ils ont compris, et puis un beau jour on s’aperçoit que… rien, rien et ri
68 s’aperçoit que… rien, rien et rien ! Et pourtant il faut bien continuer, même si on a envie de tout plaquer, certains jou
69 me si on a envie de tout plaquer, certains jours… Il faudra reparler de tout cela. M. Palut n’a jamais l’occasion de discu
70 cela. M. Palut n’a jamais l’occasion de discuter, il se sent terriblement isolé au milieu de cette population bigote ou in
71 ais. « Le peuple, me disais-je en pédalant, ce qu’ ils appellent le peuple… » ; je revoyais cette centaine d’hommes dans la
72 avail. Mais beaucoup ne font plus rien en hiver ? Ils sont venus pour tuer le temps, au lieu d’aller au café. Cette inertie
73 s, au lieu d’aller au café. Cette inertie, dès qu’ il ne s’agit plus d’argent ! À moins que ce ne soit le langage, la diffi
74 ontre le vent dans l’obscurité. Mais le lendemain il n’en reste rien qu’un peu de courbature dans les jambes. 16 décembre
75 r, de Colette. Je n’avais pas encore lu ce livre. Il est exactement de l’espèce que j’aime, et l’un des plus charmants dan
76 édition que j’ai sous les yeux, je lis ceci : « … ils déménagent… comme les puces d’un hérisson mort. » Cette phrase a fait
77 e cherchâmes pas plus loin la cause du phénomène. Il est vrai qu’on a beau porter un nombre excessif de jupons, cela ne de
78 plate-bande qui borde la maison, sous ma fenêtre. Il soufflait très vite, il avait l’air malade. Le lendemain nous le trou
79 maison, sous ma fenêtre. Il soufflait très vite, il avait l’air malade. Le lendemain nous le trouvions mort. Et je l’avai
80 e de Colette. Je rapporte cette anecdote parce qu’ elle comporte une conclusion qui la dépasse d’ailleurs notablement et qui
81 me improbables ou excessifs, des inquiétudes dont ils n’ont même pas l’air d’être vraiment inquiets, des indiscrétions gêna
82 on ne sait trop que faire, ou des doctrines dont ils négligent de nous dire s’ils les ont essayées sur le vif, dans le dét
83 u des doctrines dont ils négligent de nous dire s’ ils les ont essayées sur le vif, dans le détail de la vie quotidienne. Il
84 sur le vif, dans le détail de la vie quotidienne. Ils nous donnent très rarement des réponses, ou alors, par malchance, ce
85 n n’avait pas l’idée de se poser ; et c’est là qu’ ils croient voir leur astuce. Astuces, petites secousses, grandes secouss
86 ette littérature est sans doute pleine de talent, elle est même littéralement sensationnelle, mais que veulent-ils qu’on en
87 me littéralement sensationnelle, mais que veulent- ils qu’on en fasse ? Nous avons tout à rapprendre de Goethe. Non seulemen
88 s du Journal de voyage en Italie où, par exemple, il rapporte à madame de Stein comment les habitants de Ferrare utilisent
89 rir les routes et les allées de leurs jardins. Et il ajoute : « Dès mon retour à la maison, j’essaierai cela. La Toscane m
90 sse de repenser à la conférence d’avant-hier à A… Il me semble qu’elle m’apprend sur « le peuple » davantage que toutes me
91 à la conférence d’avant-hier à A… Il me semble qu’ elle m’apprend sur « le peuple » davantage que toutes mes expériences préc
92 davantage que toutes mes expériences précédentes. Il me semble même qu’elle m’a fait voir « le peuple » pour la première f
93 mes expériences précédentes. Il me semble même qu’ elle m’a fait voir « le peuple » pour la première fois de ma vie. Première
94 nérale, aussi bien à A… qu’à la séance de cinéma. Il n’y aurait là rien d’étonnant, si l’on ne nous rebattait les oreilles
95 ssion du peuple. On a beau se méfier des phrases, il faut se trouver placé soudain devant les êtres en chair et en os dont
96 é soudain devant les êtres en chair et en os dont elles parlent, pour comprendre à quel point elles mentent. Mais alors on co
97 dont elles parlent, pour comprendre à quel point elles mentent. Mais alors on comprend aussi pourquoi elles mentent, et quel
98 es mentent. Mais alors on comprend aussi pourquoi elles mentent, et quel immense désir de réveiller le peuple elles traduisen
99 ent, et quel immense désir de réveiller le peuple elles traduisent chez certains qui les prononcent de bonne foi. Elles le tr
100 nt chez certains qui les prononcent de bonne foi. Elles le trahissent d’ailleurs, ce désir, en essayant de le faire passer d’
101 et déjà pour une réalité. Deuxième constatation : il est très difficile d’aimer des hommes qui ne nous sont rien, qui ne n
102 aide (nous égalent les intellectuels bourgeois). Il est très difficile d’aimer ces hommes, et cependant ils sont la réali
103 t très difficile d’aimer ces hommes, et cependant ils sont la réalité vivante et présente du « peuple ». Par contre, il est
104 té vivante et présente du « peuple ». Par contre, il est très facile de haïr et de condamner un certain ordre de choses qu
105 e choses qui nous vexe et dont nous souffrons. Et il est très tentant d’appeler cette haine : amour du peuple. Troisième c
106 eur citât Ernest Lavisse, ou le pasteur M. Benda. Il est généralement admis en France qu’un orateur dit un tas de choses q
107 t en mauvaise posture pour agir sur le peuple. Qu’ ils disent des vérités ou des mensonges, on n’applaudira guère que le son
108 le son de leur voix, ou le parti qui les délègue. Il resterait à expliquer cet état de choses, qui voue les « clercs » à s
109 autrement que par des violences maladroites, dont il ne sera pas le dernier à pâtir. Impuissance de l’« esprit », bêtise d
110 bêtise de l’action : ces deux misères n’auraient- elles pas une origine commune ? Il m’a semblé que j’entrevoyais cette origi
111 isères n’auraient-elles pas une origine commune ? Il m’a semblé que j’entrevoyais cette origine dans les propos de mon voi
112 au sortir de la conférence. Cet homme trouvait qu’ il n’y avait rien à « discuter » dans les paroles de l’orateur, parce qu
113 tenait en soi, et qu’au surplus c’était bien dit. Il ne lui est pas venu à l’esprit que la vérité est quelque chose qui pe
114 té est quelque chose qui peut être réalisé. Et qu’ il s’agit de prendre position effectivement. S’il s’était senti interpel
115 qu’il s’agit de prendre position effectivement. S’ il s’était senti interpellé personnellement, invité à choisir, sommé d’a
116 ense pas très différemment. Peuple ou « clercs », ils estiment également que la « vérité » n’engage à rien. Ils bornent le
117 ment également que la « vérité » n’engage à rien. Ils bornent le rôle de l’esprit à la constatation de l’exactitude objecti
118 es faits ou des raisonnements que l’on allègue. «  Il a raison » ne signifie pas pour eux : « Donc je dois régler ma condui
119 eux : « Donc je dois régler ma conduite sur ce qu’ il dit », mais simplement : « Étant donné ses prémisses ou ses préjugés,
120 commode. Quant au peuple, il y a belle lurette qu’ il sait ce qu’on doit penser des gens instruits. La plupart sont des égo
121 espèces d’aristos qui ne vont qu’avec les riches. Il y en a certes qui font progresser la science, et cela c’est bien. On
122 c’est bien. On va les écouter avec plaisir quand ils viennent faire une conférence instructive avec projections lumineuses
123 s les philosophes3, par exemple, à quoi cela sert- il  ? D’ailleurs, on n’en a jamais vu. Quant à la politique, c’est tout à
124 oir un député instruit. Mais ce n’est pas pour qu’ il dise des choses intelligentes, ou nouvelles. C’est surtout parce qu’u
125 arler au peuple, on l’écoutera bien patiemment, s’ il a su se rendre sympathique et surtout s’il a l’air « sincère », mais
126 ent, s’il a su se rendre sympathique et surtout s’ il a l’air « sincère », mais on n’aura jamais l’idée de mettre en pratiq
127 n’aura jamais l’idée de mettre en pratique ce qu’ il dit. Il reste dans son rôle en s’agitant sur l’estrade et en lançant
128 jamais l’idée de mettre en pratique ce qu’il dit. Il reste dans son rôle en s’agitant sur l’estrade et en lançant des appe
129 e dirigeant d’après mes intérêts. Cela va de soi. Il est probable qu’aucun homme du peuple ne s’est jamais dit cela comme
130 e s’est jamais dit cela comme je le dis ici. Mais il me paraît clair que la plupart font comme s’ils le pensaient. D’autre
131 is il me paraît clair que la plupart font comme s’ ils le pensaient. D’autre part, il est trop certain que les intellectuels
132 part font comme s’ils le pensaient. D’autre part, il est trop certain que les intellectuels professent depuis longtemps en
133 gtemps en toute conscience une doctrine analogue. Il est normal que les hommes sans culture se trompent sur la nature et s
134 sur la nature et sur le rôle de la culture. Mais il est inquiétant que les hommes cultivés, au lieu de s’efforcer, comme
135 les hommes cultivés, au lieu de s’efforcer, comme ils devraient, de combattre activement cette erreur, en tirent au contrai
136 respecter la vérité, en montrant par l’exemple qu’ elle implique des actes, ils la disqualifient et ils s’en moquent agréable
137 ontrant par l’exemple qu’elle implique des actes, ils la disqualifient et ils s’en moquent agréablement, ils la réduisent à
138 ’elle implique des actes, ils la disqualifient et ils s’en moquent agréablement, ils la réduisent à un ensemble de phrases
139 a disqualifient et ils s’en moquent agréablement, ils la réduisent à un ensemble de phrases correctes, quelquefois ingénieu
140 eut réellement conduire un homme à un but défini, il faut avant tout se préoccuper de le prendre là où il est, et commence
141 faut avant tout se préoccuper de le prendre là où il est, et commencer là. Voilà le secret de tout secours… Pour aider rée
142 de tout secours… Pour aider réellement un homme, il faut que j’en sache davantage que lui, mais il faut avant tout que je
143 e, il faut que j’en sache davantage que lui, mais il faut avant tout que je sache ce qu’il sait. Sinon mon savoir supérieu
144 e lui, mais il faut avant tout que je sache ce qu’ il sait. Sinon mon savoir supérieur ne lui servira de rien. Si je persis
145 que de Kierkegaard me frappe aujourd’hui comme si elle avait été écrite exprès pour moi, dans ma situation actuelle. Elle co
146 rite exprès pour moi, dans ma situation actuelle. Elle contient un double avertissement. D’une part, elle m’invite à regarde
147 lle contient un double avertissement. D’une part, elle m’invite à regarder plus objectivement ceux qui m’entourent, ce « peu
148 ectivement ceux qui m’entourent, ce « peuple » qu’ il s’agit d’aider, et que je vois encore si mal. (Ce qui ne m’a pas empê
149 e de « doctrinaire », à cet égard.) D’autre part, elle m’aide à distinguer l’un des motifs au moins de ma gêne, quand je con
150 motifs au moins de ma gêne, quand je constate qu’ ils ne comprennent pas de quoi je m’occupe. C’est peut-être un secret dés
151 t ce que Kierkegaard appelle vanité. Cependant, s’ il est des plus probables que j’ai, comme un chacun, mon amour-propre, j
152 ux de ces paysans, ne signifie proprement rien. S’ ils ont un peu de respect pour moi, c’est parce qu’on raconte dans le pay
153 ues très simples méritent chacune un commentaire. Elles résument en deux images exactes les conditions morales et économiques
154 e des machines agricoles. Pourquoi ne s’entendent- ils pas entre eux pour grouper leurs lopins ? Je me suis renseigné. Il pa
155 pour grouper leurs lopins ? Je me suis renseigné. Il paraît bien qu’un maire avait proposé la réforme, avant la guerre. Ma
156 ’est que les paysans travaillent beaucoup plus qu’ il ne serait nécessaire à leur subsistance si la répartition des terres
157 lturel » de cette population abrutie de fatigue ? Il faudrait d’abord réformer les conditions matérielles. Mais précisémen
158 ’a que trop bien convenu à leur penchant naturel. Il faudrait donc d’abord réformer leur mentalité pour rendre possible un
159 nfluencer cette mentalité, c’est l’instituteur. S’ il leur donnait une éducation non plus égalitaire, mais communautaire, b
160 ne fait rien par le moyen normal de l’éducation, il n’y a plus d’autre solution que la contrainte. La dictature est un mo
161 ui n’empêcheront rien, c’est l’évidence, parce qu’ elles n’exigent rien de positif, ne construisent rien, n’animent rien, s’ép
162 . Cela provient évidemment de leur position quand ils travaillent aux champs. Et cette position provient de la forme de leu
163 te position provient de la forme de leurs outils. Ils n’utilisent guère que des « bouelles » au manche très court, recourbé
164 xclusif de cette bouelle. Je les ai questionnés : ils ont eu l’air plutôt surpris. « On a toujours fait comme ça. » Un jour
165 es outils à long manche qui sont dans le chai, et il a refusé. « On n’a pas l’habitude. » Contre-épreuve : un petit propri
166 s et qui utilise des outils ordinaires, me dit qu’ il a tout de suite obtenu des résultats supérieurs à ceux de ses voisins
167 Je n’ai jamais retrouvé ce ton dans le peuple. S’ il en paraît parfois, par accident, quelques traces ici ou là, c’est que
168 u les paysans aiment à se faire dire, me semble-t- il . D’ailleurs il y a peu de nouvelles du monde dans leurs colonnes. Les
169 réunir, d’être ensemble pour causer. Le dimanche, ils « font la partie » chez l’un ou l’autre, à quatre ou cinq. On boit et
170 treprendre. Le village comptait autrefois, paraît- il , cinq ou six Sociétés de caractère utilitaire ou récréatif. La plus f
171 er, on fait venir l’orchestre-jazz du chef-lieu : il arrive dans un somptueux car d’excursion capitonné de velours violet,
172 é principale se manifeste lors des enterrements : elle assure à chacun de ses membres une nombreuse suite pour leur dernier
173 premières. Pour la vie, l’homme debout et actif, il faut le pain. Pour la mort, l’homme qui se recouche, il faut la tombe
174 t le pain. Pour la mort, l’homme qui se recouche, il faut la tombe. Il y a toujours quelque grandeur dans les choses simpl
175 et ces femmes accrochés à cette terre pauvre, qu’ ils grattent lentement pour en tirer tout juste de quoi vivre, j’hésite à
176 aux prises avec les éléments hostiles. En vérité, ils vivent à peine. Ils subsistent. À la fois aux limites du continent et
177 éléments hostiles. En vérité, ils vivent à peine. Ils subsistent. À la fois aux limites du continent et aux limites de l’hu
178 imites du continent et aux limites de l’humanité. Ils n’attaquent plus, ils se cramponnent. Ce ne sont pas des colons, des
179 aux limites de l’humanité. Ils n’attaquent plus, ils se cramponnent. Ce ne sont pas des colons, des défricheurs, mais de p
180 re ingrate, dans sa courette pleine de fleurs. Qu’ ils n’aient pas de vie communautaire, cela ne signifie pas nécessairement
181 unautaire, cela ne signifie pas nécessairement qu’ ils aient perdu le sentiment de leur commune condition. Ils sont peut-êtr
182 ent perdu le sentiment de leur commune condition. Ils sont peut-être trop pareils pour éprouver le besoin de s’unir. Ils n’
183 e trop pareils pour éprouver le besoin de s’unir. Ils n’ont pas à faire face à des menaces extérieures. Et surtout ils n’on
184 faire face à des menaces extérieures. Et surtout ils n’ont nulle envie d’entreprendre une conquête quelconque, matérielle
185 ations ou camps de travail. Mais ici que feraient- ils de tout cela ? Ils ont la liberté, et cela leur suffit, depuis cent-c
186 travail. Mais ici que feraient-ils de tout cela ? Ils ont la liberté, et cela leur suffit, depuis cent-cinquante ans. Ils n
187 , et cela leur suffit, depuis cent-cinquante ans. Ils ne songent pas à en tirer le moindre profit positif. Ils se nourrisse
188 songent pas à en tirer le moindre profit positif. Ils se nourrissent mal (légumes, soupes, fruits de mer, seiches, et poiss
189 c’est à peu près tout) ; mais pourquoi vivraient- ils autrement ? Bien entendu, certains d’entre eux sont morts ou vont mou
190 uvait accorder aux idéologies et aux politiciens. Il faut vivre à Paris pour y croire. Réveillez ce peuple, il sera peut-ê
191 vivre à Paris pour y croire. Réveillez ce peuple, il sera peut-être capable de grandes choses — c’est son mystère — mais n
192 ites pas que vous le faites pour son bonheur, car il est plus « heureux » que vous. Il faudrait croire fanatiquement à une
193 on bonheur, car il est plus « heureux » que vous. Il faudrait croire fanatiquement à une vérité absolue, qui vaille mieux
194 je crois d’autant plus utile de les consigner qu’ elles modifient sensiblement certains jugements auxquels m’avait amené la c
195 xquels m’avait amené la considération de mon île. Il faut parler d’abord des autocars. Je ne sais si l’on se doute à Paris
196 importance des autocars et des transformations qu’ ils sont en train de causer dans la vie provinciale. Je n’ai pas compté l
197 tater, dans plusieurs départements de l’Ouest, qu’ il n’est plus guère de « pays » qui ne soit desservi par une ou deux ou
198 errée était une sorte d’insulte à la vie locale : elle la traversait abstraitement, sans la voir, sans tenir compte de ses c
199 unifiée ? La ligne d’autocar fait partie du pays. Elle en épouse la géographie physique, mais aussi humaine. Elle quitte à t
200 pouse la géographie physique, mais aussi humaine. Elle quitte à tout propos la route nationale pour des chemins secondaires
201 es à peine plus larges que la voiture. Mais aussi elle tient compte des rythmes de la vie locale, du calendrier des marées,
202 t avec toutes sortes d’habitudes locales. D’abord il faut aller dans deux ou trois cafés pour obtenir un minimum de précis
203 e a sa tête de ligne chez un bistro différent, et il est rare qu’on puisse trouver l’horaire ailleurs. Parfois le bistro v
204 r la concurrente qui a fait baisser les prix. Car il est de règle qu’au début deux Compagnies se disputent le parcours, ju
205 ers margoulins, topazes, etc. Si l’on a le temps, il n’est pas impossible de pousser la « discussion » sur un plan supérie
206 onfient au départ avec force recommandations ; et ils sont rares, ceux qui n’ont pas deux mots à dire par la portière entro
207 une belle révolution, qui rajeunisse la France : ils ont la bonne humeur, le dynamisme, le sens pratique et la rapidité d’
208 général. Sans compter les moyens techniques dont ils disposent et qui seraient décisifs lors d’une action rapide. Mais loi
209 qu’un écrivain, et chômeur par-dessus le marché, il s’écria : — Ah ! cher monsieur, je vous envie ! Vous avez un rôle ma
210 umaine, quel luxe d’énergie ou d’invention qui, s’ ils les possédaient vraiment, feraient de leurs détenteurs non point des
211 condition… 16 mars 1934 D’un autre « peuple ». — Il faut encore que je revienne sur mon séjour vendéen. J’avais à donner
212 rs. Eux-mêmes avaient fixé la liste des sujets qu’ ils désiraient étudier au cours de l’hiver, avec l’aide de plusieurs orat
213 1905 et de 1917, et de l’état actuel de l’URSS. Ils étaient venus par groupes, à bicyclette ou en charrettes, de tous les
214 ourrait faire la même chose ici ? » Pour sa part, il était sceptique. Il pensait qu’en Vendée les choses ne seraient pas s
215 e chose ici ? » Pour sa part, il était sceptique. Il pensait qu’en Vendée les choses ne seraient pas si simples, que la si
216 ouverner sans être un monsieur en haut de forme ? Il a l’air d’un brave type comme nous autres. Rêverie des jeunes cultiva
217 clusions que j’avais tirées de la conférence à A… Elles sont également vraies. Ce qui est faux, c’est de parler du peuple en
218 eux, un peu lent de geste et de parole ; prudent. Il se plaint de son isolement. « On nous laisse seuls, sans direction. N
219 ne savons pas que lire. Le travail est dur, ici. Il faut lutter contre les parents, contre la concurrence de l’école libr
220 la foi. J’aimais aussi Romain Rolland. Est-ce qu’ il est mort ? Vous ne pourriez pas me dire ce qu’il y aurait d’intéressa
221 aux politiques ? — Ce n’est pas ce qu’on cherche. Il faudrait en lire deux au moins pour corriger les mensonges. Ce qu’ils
222 deux au moins pour corriger les mensonges. Ce qu’ ils peuvent tous mentir ! On ne peut plus avoir confiance dans les partis
223 si à cause de cette centralisation : qu’est-ce qu’ ils savent de notre situation à Paris ? Est-ce qu’il n’y aurait pas moyen
224 ils savent de notre situation à Paris ? Est-ce qu’ il n’y aurait pas moyen de faire un mouvement politique en dehors des pa
225 r place, dans chaque commune ? On sent bien ce qu’ il faudrait. Mais qu’est-ce qu’on peut, tout seuls dans ce coin ?… » J’a
226 d’écrivains français aient passé au communisme : il leur fallait cela sans doute pour oser parler de nouveau une langue l
227 u une langue large, utile et humaine… Auparavant, ils croyaient comme les autres que c’était plutôt ridicule. Telle est la
228 elle est la pauvre chance des « intellectuels » : il a fallu un nouveau conformisme pour les libérer de l’ancien ; — et l’
229  ; — et l’alibi d’une action politique à laquelle ils n’entendent goutte. 1. Deux petits journaux paraissent dans l’île.
230 rrain sablonneux ». Reste la question de savoir s’ il est normal de se déformer le corps pour gagner un peu plus. Or ils y
231 se déformer le corps pour gagner un peu plus. Or ils y sont, pour la plupart, contraints. 5. J’ai appris que, dans certai
232 de lignes » exploitent systématiquement ce filon. Ils arrivent à se faire de grosses fortunes en très peu de temps, parfois
233 ans dépenser un seul bidon d’essence. Simplement, ils vendent la menace d’utiliser le parcours d’une Compagnie en exercice.
2 1939, La Revue de Paris, articles (1937–1969). L’Âme romantique et le rêve (15 août 1939)
234 sens le plus pénétrant de ce terme. Et pourtant, il faut bien le dire : cette révélation du romantisme allemand dans ce q
235 ette révélation du romantisme allemand dans ce qu’ il eut d’audacieux et de tragique ne présente pas seulement un intérêt l
236 ent un intérêt littéraire de tout premier ordre ; elle revêt une portée proprement religieuse. Et par là même — car nous viv
237 iques tels que le national-socialisme. Peu à peu, elle dévoile à nos yeux une sorte d’unité profonde sous-jacente aux tourme
238 eulement coïncidents. Ce n’est point du hasard qu’ ils sont nés. Et si tout nous invite à rechercher leur secrète complicité
239 sur le chaos panique. Mais cette victoire, lorsqu’ elle est trop complète, lorsqu’elle est devenue trop ancienne et facile, l
240 e victoire, lorsqu’elle est trop complète, lorsqu’ elle est devenue trop ancienne et facile, laisse l’homme sur un sentiment
241 aires après un siècle de science positiviste. Est- il vrai que la nuit et le rêve n’ont rien à révéler qui importe au jour 
242 ve n’ont rien à révéler qui importe au jour ? Est- il vrai que la passion, l’angoisse et la folie sont moins réelles que no
243 « Songe est mensonge », décrétait la raison. Mais elle nous a laissés sur notre faim. Le songe, au contraire, nous propose d
244 t des terreurs d’une intensité séduisante. Serait- il le signe, ou l’entrée, d’une Vérité supérieure ? Telle est la questio
245 ue posèrent les premiers romantiques allemands. «  Ils admettent tous, écrit M. Béguin, que la vie obscure est en incessante
246 r romantisme, Ignaz Troxler. Mais encore : s’agit- il vraiment des choses qui sont hors de nous, ou bien seulement de chose
247 ience ? Tieck pose très nettement la question : «  Il faudrait savoir jusqu’à quel point nos songes nous appartiennent. » Q
248 e nous-mêmes, ou bien une main d’en haut brasse-t- elle les cartes ? » Déjà E. T. A. Hoffmann insinue la réponse : « Et si un
249 à penser que le rêve est « un vestige du divin », il n’y a que l’épaisseur d’un scrupule d’orthodoxie, d’une dernière crai
250 e qui rêve en nous, c’est l’Esprit à l’instant où il descend dans la matière », mais c’est aussi « la Matière, à l’instant
251  », mais c’est aussi « la Matière, à l’instant où elle s’élève jusqu’à l’Esprit ». Voilà bien la profonde ambiguïté où naît
252 profonde ambiguïté où naît le romantisme, et dont il vit ! Croire que le rêve ne révèle rien que nos secrets, ce serait to
253 ce serait tomber dans la psychanalyse. Croire qu’ il révèle aussi un monde supérieur, c’est entrer dans la voie mystique.
254 extes cités par Béguin nous inclinent à penser qu’ ils sont plus proches des mystiques que des psychanalystes. Au fond, lors
255 mystiques que des psychanalystes. Au fond, lorsqu’ ils se demandent si le rêve est connaissance ou illusion, et si c’est « l
256 néant, que l’on atteint au fond de l’inconscient, ils formulent le problème crucial qui se pose à tous les mystiques. Albe
257 es plus furtives promesses de bonheur, surtout si elles sont assez obscures et ambiguës pour échapper au froid contrôle de la
258 dans un langage métaphorique et régulier, comme s’ il était soumis, en ce domaine, à des lois plus précises et plus constan
259 e part, l’on sait bien que les mystiques, fussent- ils de religions différentes — hindous, musulmans ou chrétiens — ont de t
260 s figures de langage pour traduire l’ineffable qu’ ils vivaient. Et ceci nous amène au problème central : celui de l’express
261 e central : celui de l’expression d’un indicible. Il nous faut dépasser ici le domaine circonscrit du rêve. Les romantique
262 e ont l’ambition de communiquer par l’écrit ce qu’ ils ne cessent de définir comme l’indicible. Dès lors, la plainte sera la
263 ’indicible. Dès lors, la plainte sera la même, qu’ il s’agisse d’une Thérèse d’Avila ou simplement du bonhomme Tieck : Donn
264 littéraire. « Où trouver des mots ? », gémissent- ils . La plainte est sincère et tragique. Mais combien de mots leur fera-t
265 ère et tragique. Mais combien de mots leur fera-t- elle accumuler pour dire que rien ne saurait être dit… Et pourtant si, rom
266 uissance à traduire l’inconscient ou l’indicible, ils ont entendu quelque chose. « Je crois avoir fait une découverte impor
267 mystique : « Le poète et le rêveur sont passifs ; ils écoutent le langage d’une voix qui leur est intérieure et pourtant ét
268 s’élève dans les profondeurs d’eux-mêmes sans qu’ ils puissent faire autre chose que de saluer là l’écho d’un discours divi
269 ous les jours. Pour rejoindre le Tout et l’Unité, il s’agit donc de perdre le Divers, de perdre le réel, de se perdre soi-
270 la « contemplation sans objet ». Je pense donc qu’ il est légitime de suivre Albert Béguin dans cette conclusion : « La gra
271 xpériences mystiques les plus diverses, d’où naît- il , dans quel souvenir d’une patrie heureuse et perdue ? On aura bientôt
272 main, qui est l’engagement sur la via mystica ? S’ il est permis — comme on l’admet un peu trop facilement de nos jours — d
273 out premiers à se tourner vers l’étude des rêves. Il s’y trouvait prédisposé par l’habitude de l’examen de conscience en p
274 l’intimité d’une expérience prémystique (ou faut- il dire d’une expérience mystique privée de la grâce, réduite à ses aspe
275 point de départ paraît bien être une blessure qu’ il reçut de la vie, un choc qui l’a laissé béant sur une contradiction i
276 avec le fait de vivre en général. D’où l’idée qu’ il doit « expier la faute qu’il n’a commise que par son existence même »
277 éral. D’où l’idée qu’il doit « expier la faute qu’ il n’a commise que par son existence même ». Un philosophe mystique tel
278 me si le poids de son existence l’eût accablé. Qu’ il dût, jour pour jour, se lever avec lui-même, se coucher avec lui-même
279 ner après lui, à chaque pas, son moi détesté…, qu’ il dût désormais, inexorablement, être lui-même… cette idée le plongea p
280 ’accepter soi-même — à cause de cette blessure qu’ il s’agit d’oublier si l’on ne parvient pas à l’expier. Et en effet, à l
281 ritz décrit ainsi le héros d’un de ses romans : «  Il lui parut qu’il s’était échappé entièrement à lui-même et qu’il lui f
282 i le héros d’un de ses romans : « Il lui parut qu’ il s’était échappé entièrement à lui-même et qu’il lui fallait avant tou
283 u’il s’était échappé entièrement à lui-même et qu’ il lui fallait avant toute démarche se rechercher lui-même dans la série
284 chercher lui-même dans la série de ses souvenirs. Il sentait que l’existence n’a d’appui ferme que dans la chaîne ininterr
285 e plus de saisir la pensée salvatrice ». C’est qu’ il est un souvenir interdit, trop douloureux pour être revécu. Le moi ma
286 uisque la cause de sa maladie est justement ce qu’ il ne peut se remémorer, cette lacune qui est à l’origine de la conscien
287 as, dans la prison du moi coupable et douloureux. Il faudra donc chercher au-delà. Et nous avons vu que le rêve, ou la des
288 ont des moyens de récupérer le monde perdu. Ce qu’ il faut souligner ici, c’est que la tendance à la dilatation panthéiste
289 s indique une réponse. En effet, la blessure dont ils souffrent est presque toujours symbolisée par la perte d’un être aimé
290 le héros de Moritz) la fait dès l’enfance, lorsqu’ il s’interroge sur ce qu’est devenue sa petite sœur : le vœu de retrouve
291 personne du Christ crucifié — ou se confond avec elle indiscernablement. Les romantiques n’ont pas été si loin dans la voie
292 blimations — sauf peut-être Jean-Paul et Novalis. Ils n’arrivent pas à retrouver dans leur au-delà une Présence qui pardonn
293 réel. La « contemplation sans objet » à laquelle ils parviennent en de très rares instants n’est plus alors qu’un moyen de
294 de revivre sa blessure, ou plutôt l’élan même qu’ elle a brisé, mais sans se l’avouer et sans pouvoir la reconnaître ou l’ex
295 nir une équivoque dont il y a lieu de craindre qu’ elle soit intéressée. Au contraire, s’exprimer, c’est toujours s’avouer, c
296 nt on ne peut rien dire. D’où encore le besoin qu’ ils éprouvent d’affirmer surabondamment que l’on n’en peut rien dire que
297 e naissance à la plus émouvante littérature. Mais il faut reconnaître aussi que s’y révèle une maladie de la personne. Le
298 celui du Créateur. Créer, c’est donner forme, et ils voudraient nier les formes ; c’est limiter, et ils aspirent à l’expan
299 ls voudraient nier les formes ; c’est limiter, et ils aspirent à l’expansion indéfinie ; c’est définir par la parole et l’a
300 finie ; c’est définir par la parole et l’acte, et ils recherchent le silence passif. Aussi n’ont-ils laissé pour la plupart
301 et ils recherchent le silence passif. Aussi n’ont- ils laissé pour la plupart que des fragments, des allusions, des éclats f
302 s aux souvenirs d’un rêve qui s’efface. Cela dont ils voulaient parler, cet Indicible ou ce discours sans mots entendu dans
303 u dans la nuit de la passivité, comment l’eussent- ils pu rendre au jour sans le trahir, et se trahir ? Ainsi leur œuvre est
304 vre est à l’image de la contradiction vitale dont ils souffraient et d’où naissait leur désir angoissé de perdre leur moi p
305 l’espèce, le milieu, l’histoire, les richesses qu’ il a héritées et les blessures qu’il a subies. Il est emprisonné dans ce
306 es richesses qu’il a héritées et les blessures qu’ il a subies. Il est emprisonné dans ces données, et c’est en vain qu’il
307 qu’il a héritées et les blessures qu’il a subies. Il est emprisonné dans ces données, et c’est en vain qu’il chercherait à
308 emprisonné dans ces données, et c’est en vain qu’ il chercherait à y échapper par des sublimations : au fond de la nuit et
309 la nuit et de l’inconscient, c’est encore lui qu’ il retrouvera sous des espèces méconnaissables et qu’il sera tenté de cr
310 retrouvera sous des espèces méconnaissables et qu’ il sera tenté de croire divines. Et il est juste que les premières touch
311 ssables et qu’il sera tenté de croire divines. Et il est juste que les premières touches de l’esprit rendent le moi sensib
312 is seule une vocation lui en donnera la force. Qu’ il la reçoive et qu’il l’accepte consciemment, ce sera pour lui l’introd
313 n lui en donnera la force. Qu’il la reçoive et qu’ il l’accepte consciemment, ce sera pour lui l’introduction à une liberté
314 tion à une liberté toute nouvelle. Dès ce moment, il accomplit en apparences une évolution fort semblable à celle de ces p
315 o ou prémystiques que furent les poètes du rêve : il se dévoue à quelque chose qui le dépasse, il se donne à une réalité q
316 ve : il se dévoue à quelque chose qui le dépasse, il se donne à une réalité qui, souvent, ne tient pas compte de nos raiso
317 qui, souvent, ne tient pas compte de nos raisons, il s’impose une sorte d’ascèse qui le libère des servitudes naturelles.
318 cette ascèse n’aboutit pas à la négation du réel. Elle transforme et oriente à nouveau les forces de l’individu, plutôt qu’e
319 nte à nouveau les forces de l’individu, plutôt qu’ elle ne veut les détruire. Elle engage dans le monde actif, au lieu que le
320 l’individu, plutôt qu’elle ne veut les détruire. Elle engage dans le monde actif, au lieu que le romantique voulait s’en év
321 f, au lieu que le romantique voulait s’en évader. Elle nous rend enfin responsables vis-à-vis de notre prochain, et c’est à
322 du renoncement au moi tourmenté par son égoïsme. Elle ne prend pas la mort pour but, mais bien la vie, et cette vie-ci. Ell
323 mort pour but, mais bien la vie, et cette vie-ci. Elle accepte le moi et toutes ses servitudes en vertu de sa vocation, c’es
324 e échappatoire dans l’indicible et l’inconscient. Il ose enfin parler et témoigner au nom d’une Vérité qui le dépasse. Et
325 nt promises aux vrais croyants, mais au contraire il leur est demandé d’agir et d’annoncer leur foi. « C’est en confessant
326 au-delà ne prend son sens et sa vertu que lorsqu’ elle nous ramène au jour de l’activité quotidienne — de même nos incursion
327 sus fort analogues à ceux que nous avons décrits. Il ne s’agit pas d’influences, il ne s’agit que de reviviscences — vulga
328 ous avons décrits. Il ne s’agit pas d’influences, il ne s’agit que de reviviscences — vulgaires et simplistes, bien sûr —
329 e peut pas être celle qui a subi la « blessure ». Il faut donc la chercher ailleurs : dans un rêve de puissance et de libé
330 des tambours pendant des heures… On lui a dit qu’ il ne compte pas en tant qu’individu conscient ; on lui a dit que sa vra
331 ns du parti, d’un démiurge anonyme et obscur dont il n’a plus qu’à recevoir les ordres, sans trop chercher à les comprendr
332 e d’une ascèse du moi : les renoncements mêmes qu’ elle impose deviennent les preuves de sa transcendante vérité. Et c’est ai
333 enonce à se justifier aux yeux du monde, parce qu’ il trouve dans sa passion une espèce d’innocence exaltante, une occasion
334 au peuple des opinions diverses entre lesquelles il devrait choisir : le peuple n’aime pas à choisir, il aime qu’on lui p
335 devrait choisir : le peuple n’aime pas à choisir, il aime qu’on lui présente une opinion juste… D’ailleurs, notre politiqu
3 1946, La Revue de Paris, articles (1937–1969). Tableaux américains (décembre 1946)
336 gueur, qui est de vingt-cinq kilomètres environ — elles figurent assez bien les ascenseurs d’un grand building — et deux-cent
337 a mer et la montagne se ressemblent partout. Ici, elles se rejoignent et se mêlent. Les grands souffles océaniques, chargés d
338 t. Autrefois, les glaciers sont venus jusqu’ici ! Ils couvraient la moitié de l’île, et la moraine s’étendait bien plus ava
339 umanité que revêtent ici les rapports quotidiens. Ils pensent, dans leur ignorance, que c’est une ville « trop européenne »
340 sans me déranger dans la lecture de mon journal. Il n’y a que deux classes en Amérique : l’une où les fauteuils au dossie
341 dignes de ce que le cinéma nous en promet — mais il suffit de trois ou quatre beautés saines ou frappantes, sur cinquante
342 ’on ne remarque pas, pour qu’on s’écrie : « Comme elles sont belles dans ce pays ! » Soudain, je n’ai plus vu les gens. Le tr
343 our un homme qui est seul, Manhattan est sublime. Il n’a qu’à s’oublier dans l’énergie fusante de cette capitale du matin.
344 randes maisons les mettent mal à l’aise, parce qu’ ils pensent tout de suite à l’usage physique, non point à ces symboles de
345 nt, ce vide est encore un appel ; ce désespoir, s’ il est conscient, un dernier signe de la vie… Non, j’ai surtout senti le
346 ici seulement, sur le papier, que je comprends qu’ il faut pousser plus loin. On se demande parfois : qu’est-ce, en somme,
347 à angle droit. Hors série, modèle de grand luxe, elle s’orne d’arbres, de silence et de grands portiers galonnés. Une buée
348 xilé s’écrie : « Mais c’est l’Europe ! » parce qu’ il y trouve un charme, simplement. Mais quand je la vois du haut de mon
349 où circulent de jeunes femmes en maillot de bain. Elles se penchent sur leurs géraniums, elles ajustent des lunettes noires…
350 t de bain. Elles se penchent sur leurs géraniums, elles ajustent des lunettes noires… Quelques jeunes gens viennent boire un
351 gidaire, sort de la glace, ôte enfin le peignoir, il fait trop chaud. Des rires viennent d’une terrasse obscure, un clique
352 a Soixante-quinzième rue n’a rien de particulier. Elle part luxueusement de la Cinquième avenue et de Central Park, traverse
353 k après Lexington avenue, perd toute tenue dès qu’ elle a traversé les piliers du métro aérien qui longe encore la Troisième
354 ule dans cette ville, je n’ai jamais été touché ; ils sont d’une folle brutalité, mais surpassée par leur adresse — allumen
355 ort étroite se dresse sur quatre pieds de fonte : il faudrait monter sur une chaise pour y entrer. De la cuisine, on passe
356 s journaux : « Cinq pièces, eau chaude et bain. » Il en existe dans Manhattan des centaines de milliers construits sur ce
357 ans all ! de vrais Américains moyens », concluent- ils en souriant. Nous leur avons offert des boissons, et nous nous appelo
358 e connaît notre ville, me dit Robert, et pourtant elle avait les plus grandes filatures du monde avant l’autre guerre, j’ent
359 rre, j’entends pour la longueur des bâtiments. » ( Il est peu de villes américaines qui ne réussissent à se vanter de quelq
360 unique au monde, compensant ainsi l’impression qu’ elles sont interchangeables à tant d’autres égards.) Le paysage pourrait bi
361 ancêtres quittèrent l’Allemagne en 1848, parce qu’ ils étaient républicains. Cette vague d’émigration germanique, libérale e
362 ous roulons vers Albany. À la sortie de la ville, il me montre un terrain d’aviation : — C’est moi qui ai fondé notre Air
363 s pas de petits bourgeois pieux et honnêtes, mais ils n’ont pas le sens du risque et de la vitesse. Nous avons bien des fan
364 et de week-ends paisibles au bord d’un lac. Mais il ne serait guère plus facile de comparer cette vie, cette ville aux im
365 lywood, l’Amérique nous propose d’elle-même et qu’ elle s’efforce d’imiter. Souvenir d’un orage en Virginie Grands plat
366 re des barrières blanches. — Et vous verrez ce qu’ elle en a fait ! C’est sa manière de se venger de W…, car c’était la maiso
367 W…, car c’était la maison de ses ancêtres, à lui. Elle la déteste. Elle n’aime vraiment que ses chevaux… L’auto s’arrête dev
368 a maison de ses ancêtres, à lui. Elle la déteste. Elle n’aime vraiment que ses chevaux… L’auto s’arrête devant un haut porti
369 iles noires. Je n’en ai jamais vu d’aussi grands, ils montent jusqu’aux fenêtres du deuxième étage. Une odeur écœurante vie
370 . Une servante les poursuit armée d’une cravache. Elle crie qu’ils viennent encore de manger les bougies du carrosse de Geor
371 e les poursuit armée d’une cravache. Elle crie qu’ ils viennent encore de manger les bougies du carrosse de George Washingto
372 . Entrée de l’automne ! The Fall, la Chute, comme ils l’appellent… Premiers éclairs sur les prairies. Par la charmille, où
373 rs éclairs sur les prairies. Par la charmille, où il fait presque nuit — mais on devine encore quelques statues décapitées
374 d’une colline, nous voyons deux chevaux au galop. Ils disparaissent dans un vallonnement et maintenant remontent vers nous
375 tir. Une femme en jaune, suivie d’un homme. Comme ils s’approchent, on voit qu’elle tient la bride d’une main, et de l’autr
376 ie d’un homme. Comme ils s’approchent, on voit qu’ elle tient la bride d’une main, et de l’autre porte à sa bouche une pomme
377 ain, et de l’autre porte à sa bouche une pomme qu’ elle mord en galopant. Nouveaux éclairs. Tous les chiens du chenil se sont
378 tissent et s’arrêtent devant la barre du portail. Elle pousse son cheval, le portail cède et lui livre passage. C’est une gr
379 et son torse paraît nu dans un fin sweater jaune. Elle rit, jette la pomme et nous salue de la main. Le jeune homme mince, i
380 le sur son cheval, nous considère avec hostilité. Il a les yeux d’un bleu très pâle et dur. Il n’a pas salué. Son silence
381 tilité. Il a les yeux d’un bleu très pâle et dur. Il n’a pas salué. Son silence nous supprime. C’est sans doute le nouvel
382 ndant. « Je vous retrouve à la maison ! », crie-t- elle . Et piquant son cheval, penchée sur l’encolure, elle disparaît dans l
383 e. Et piquant son cheval, penchée sur l’encolure, elle disparaît dans le tunnel de la charmille, tandis qu’une meute de chie
384 rose. « Je ne trouve pas les prises ! explique-t- elle , je ne mets jamais les pieds dans ce dégoûtant salon ! » Des éclairs
385 boiseries. Le lustre, enfin, s’allume par degrés. Elle court aux fenêtres et ferme avec fracas des volets intérieurs, en chê
386 racas des volets intérieurs, en chêne clair, puis elle tire encore les rideaux. « Les orages me rendent folle, j’ai tellemen
387 des verres et des bouteilles. Qui sont ces gens ? Elle dit : — Je ne le sais pas plus que vous. Ils sont dans la maison dep
388  ? Elle dit : — Je ne le sais pas plus que vous. Ils sont dans la maison depuis deux ou trois jours et se disent les amis
389 mis de Jim. — Mais où est Jim ? — Je ne sais pas. Il est parti. Jim était l’intendant, une sorte de géant toujours en bott
390 tendant, une sorte de géant toujours en bottes qu’ elle emmenait partout avec elle. Je pense au regard d’acier du jeune homme
391 toujours en bottes qu’elle emmenait partout avec elle . Je pense au regard d’acier du jeune homme silencieux de tout à l’heu
392 tremblants. « Mais je ne sais pas recevoir ! dit- elle moqueuse. Voulez-vous que je vous joue du piano ? Pour faire croire q
393 e en décade, à travers le Far West, jusqu’à ce qu’ ils eussent rejoint les terres du Pacifique. On ne pouvait plus rien ajou
394 reignait l’âme américaine, prise de nausée dès qu’ elle ressent l’approche d’une limite infranchissable. Où s’élancer encore 
395 r de cet embouteillage de richesses matérielles ? Il restait à construire des routes. Depuis dix ans, les autostrades amér
396 même un expédient pour lutter contre le chômage. Elles sont le produit du rêve et de la vitalité inépuisable d’un peuple lib
397 neaux de toutes formes et couleurs. Sans relâche, ils croissent en gros plan et disparaissent en coup de vent, jusqu’à ce q
398 ut-être alors les masses elles-mêmes comprendront- elles qu’il n’est qu’un seul infini véritable : celui que chacun porte en s
399 lors les masses elles-mêmes comprendront-elles qu’ il n’est qu’un seul infini véritable : celui que chacun porte en soi, ce
4 1949, La Revue de Paris, articles (1937–1969). Le Mouvement européen (avril 1949)
400 in déclare que votre idée est généreuse, c’est qu’ il est ému : il va vous aider. Quand un Européen vous dit : l’Europe uni
401 e votre idée est généreuse, c’est qu’il est ému : il va vous aider. Quand un Européen vous dit : l’Europe unie, oui, c’est
402 est une belle idée, une idée généreuse…, c’est qu’ il n’a pas envie d’y croire, qu’il ne fera rien, qu’il pense qu’il est s
403 éreuse…, c’est qu’il n’a pas envie d’y croire, qu’ il ne fera rien, qu’il pense qu’il est sérieux et que vous rêvez. C’est
404 n’a pas envie d’y croire, qu’il ne fera rien, qu’ il pense qu’il est sérieux et que vous rêvez. C’est ainsi qu’une certain
405 ie d’y croire, qu’il ne fera rien, qu’il pense qu’ il est sérieux et que vous rêvez. C’est ainsi qu’une certaine bourgeoisi
406 le grand style se perd et Staline est aux portes. Il s’agit en réalité de la vie ou de la mort d’une civilisation. Fédérer
407 eule chance de salut. On se demande en vain ce qu’ il peut y avoir de « généreux » dans une opération de ce genre. Qu’il su
408 e « généreux » dans une opération de ce genre. Qu’ il suffise de rappeler les données qui en déterminent exactement l’urgen
409 sont en train de s’observer par-dessus nos têtes. Ils n’ont pas envie de se battre, affirment-ils. Ils proclament au contra
410 êtes. Ils n’ont pas envie de se battre, affirment- ils . Ils proclament au contraire leur amour de la paix, et ils le prouven
411 Ils n’ont pas envie de se battre, affirment-ils. Ils proclament au contraire leur amour de la paix, et ils le prouvent, l’
412 proclament au contraire leur amour de la paix, et ils le prouvent, l’un en relevant nos ruines, et l’autre en annexant 700
413 res. Si bien qu’on ne voit plus très clairement s’ il s’agit de poser les bases de la paix ou de s’assurer des bases pour f
414 de s’assurer des bases pour faire la guerre, mais il reste évident que si les deux Grands continuent à se déclarer la paix
415 Mais l’Europe n’est plus une puissance, parce qu’ elle est divisée en vingt nations dont aucune, isolée, n’a plus la taille
416 ations dont aucune, isolée, n’a plus la taille qu’ il faut pour parler et se faire entendre dans le monde dominé par les de
417 agique simplicité. Si les choses continuent comme elles vont : 1° les différents pays de l’Europe seront annexés ou colonisés
418 cette guerre, dont quel que soit le vainqueur — s’ il en est un — c’est l’humanité tout entière qui sortira vaincue. Si nou
419 incue. Si nous voulons sauver chacun de nos pays, il faut donc commencer par les unir. Et si nous voulons sauver la paix,
420 voulons sauver la paix, ou plutôt faire la paix, il nous faut commencer par faire l’Europe, c’est-à-dire cette troisième
421 320 millions d’habitants faisaient bloc, soit qu’ ils se déclarent neutres, soit qu’ils menacent de porter tout leur poids
422 t bloc, soit qu’ils se déclarent neutres, soit qu’ ils menacent de porter tout leur poids d’un seul côté, ils seraient en me
423 enacent de porter tout leur poids d’un seul côté, ils seraient en mesure d’agir, de faire réfléchir l’agresseur, et de sauv
424 te Il y eut Sully, qu’aime à citer Churchill : il rêvait d’une coalition. Il y eut Montesquieu, premier critique du nat
425 SDN. On en était aux constructions diplomatiques. Elles s’écroulèrent à la première épreuve. Aux yeux des jeunes gens de l’ép
426 re épreuve. Aux yeux des jeunes gens de l’époque, il fallait quelque chose de plus profond, de plus prégnant, pour donner
427 nt en France les premiers groupes personnalistes. Ils réunirent quelques centaines d’adhérents, quelques milliers de lecteu
428 ste, au soldat politique sans droits. Mais puisqu’ il s’agissait de s’engager, on s’appliquait à tirer de la doctrine ses c
429 e personnaliste dans la genèse de nos mouvements. Il est vrai que beaucoup de petits groupes qui se formèrent spontanément
430 es maquis ne devaient rien à cette doctrine. Mais il est non moins vrai que les grands thèmes et le vocabulaire personnali
431 luences conjuguées, celle-ci demeure, me semble-t- il , la plus constante et la plus aisément discernable. De Montreux à
432 ntention de convoquer un « Congrès de l’Europe ». Il ne s’agissait pas, dans son esprit, d’une entreprise « fédéraliste »
433 urope dressait les plans de travail pour La Haye. Il groupait les quatre organisations suivantes : Union européenne des fé
434 ès de La Haye. Par l’intermédiaire de M. Bidault, il fut présenté à la réunion des ministres des Affaires étrangères des c
435 appeler des utopistes et des rêveurs ! s’écria-t- il . En réalité, vous êtes, nous sommes, la vérité en marche. » Et finale
436 arlements, les ministères, comme quelque chose qu’ il faut réaliser d’urgence, et qui a les plus grandes chances de se réal
437 e. Les Britanniques respectent leur gouvernement. Ils pensent que les ministres sont là pour gouverner, ce qui paraît étran
438 rner, ce qui paraît étrange à beaucoup de Latins. Ils pensent donc, tout naturellement, que l’Europe sera faite par des min
439 e fédération, mais à quelques mesures empiriques ( ils disent : pratiques) qui ne porteront aucune atteinte aux souveraineté
440 s : « Vous ne pouvez franchir un abîme pas à pas, il faut sauter. » Le saut, dans ce cas, consistera à transformer le « Co
441 droits de l’homme vient d’être adoptée par l’ONU. Elle restera malheureusement inopérante tant que les États resteront souve
442 onne et des droits des minorités contre l’État qu’ il s’agit de sauvegarder aujourd’hui. Et cela suppose l’institution d’un
443 meraient le noyau d’un véritable pouvoir fédéral. Il me paraît clair qu’ils impliquent la création d’une force de police f
444 véritable pouvoir fédéral. Il me paraît clair qu’ ils impliquent la création d’une force de police fédérale. Car enfin, de
445 rce de police fédérale. Car enfin, de quoi s’agit- il , sinon de créer un tribunal devant lequel puisse être déféré, le cas
446 farce rééditée chaque jour avec tant de gravité. Il se dit naïvement que toute exportation devient importation chez le vo
447 ons de notre section économique, si l’on songe qu’ elle a pu réunir, sous le signe de l’Europe, des hommes aussi divers que l
448 ux. Centre européen de la culture. — Finalement, il nous paraît clair que toutes les mesures économiques et politiques qu
449 le Mouvement européen resteraient lettre morte, s’ il n’existait, en deçà et au-delà des divisions qu’il nous faut surmonte
450 l n’existait, en deçà et au-delà des divisions qu’ il nous faut surmonter, une entité européenne bien vivante, un sentiment
451 ropéenne bien vivante, un sentiment commun auquel il soit possible de faire appel dès maintenant, une civilisation occiden
452 tout, la vocation de notre Mouvement européen. S’ il ne mettait la culture à sa place, qui est à la fois primordiale et fi
453 a place, qui est à la fois primordiale et finale, il cesserait de mériter l’adjectif de son titre. C’est pourquoi le congr
454 l’Europe et des peuples qui lui sont associés ». Il ne s’agit nullement de fomenter on ne sait quel nationalisme européen
455 de la culture qui s’ouvrira bientôt en Suisse. ⁂ Il n’est point d’ordre économique possible sans une volonté préalable de
456 une volonté préalable de mise en ordre politique. Il n’est point d’ordre politique qui serve l’homme, s’il n’est orienté d
457 ’est point d’ordre politique qui serve l’homme, s’ il n’est orienté dès le départ par une vision libératrice et fascinante.
458 ent à la fatalité — l’auront vue et marchent vers elle . Il se peut que la vision qui les guide, éclairant le chemin sous leu
459 la fatalité — l’auront vue et marchent vers elle. Il se peut que la vision qui les guide, éclairant le chemin sous leurs p
460 et marées, contre tous les experts de son équipe, il se mit en route pour la joindre. Mais nous, quel continent nouveau, t
461 risquons-nous d’aborder ? Et quel bonheur, auquel il suffirait peut-être d’oser croire ? Se peut-il que ce soit tout simpl
462 el il suffirait peut-être d’oser croire ? Se peut- il que ce soit tout simplement l’Europe, redécouverte à la faveur de son
5 1949, La Revue de Paris, articles (1937–1969). Découverte de l’Europe (octobre 1949)
463 Découverte de l’Europe (octobre 1949)f Il n’est pas facile d’être actuel. Il y faut parfois du génie. Goethe éc
464 obre 1949)f Il n’est pas facile d’être actuel. Il y faut parfois du génie. Goethe écrit à Valmy : « De ce lieu, de ce j
465 , sera datée une ère nouvelle. » Mais ce jour-là, il est le seul à s’en douter. Cette histoire n’est pas bien nouvelle, il
466 visite de Bartali, coureur cycliste, au Vatican. Il serait donc vain de s’étonner que le Tour de France ait damé le pion
467 les journalistes étaient présents. On dit même qu’ ils furent plus de cinq-cents. Et bien d’autres ont jugé Strasbourg dans
468 riaux du monde entier, d’autant plus librement qu’ ils n’y étaient pas allés. L’événement s’est donc vu noyé sous un déluge
469 ce sont eux qui la déterminent en bonne partie. S’ il leur faut tant de mots pour expliquer que le sujet n’intéresse person
470 ugement doit chercher d’autres sources. Que s’est- il passé à Strasbourg ? Quelque chose d’assez neuf, il faut le croire, p
471 passé à Strasbourg ? Quelque chose d’assez neuf, il faut le croire, pour que la presse n’ait pas su l’enregistrer, sinon
472 d’avril — le vrai début de la bataille décisive. Il était raisonnable de prévoir que la première session serait consacrée
473 atif son minimum vital d’autonomie. Avant d’agir, il fallait mettre en place un dispositif de combat, tout d’abord obtenir
474 ar ordre alphabétique, non par groupes nationaux. Ils votent individuellement. Et l’on n’a pas remarqué qu’un mot d’ordre n
475 n n’a pas remarqué qu’un mot d’ordre national — s’ il en fut jamais donné — ait été suivi même par les Britanniques. Ces de
476 ien sûr. Mais pas trop vite, ni trop précisément… Ils parlent de prudence, d’étapes préparatoires. Step by step reste leur
477 différents ou hostiles aux travaux de Strasbourg, il faut éviter à tout prix de se porter en avant sans leur soutien. On s
478 es prudents de scepticisme impénitent. En vérité, ils me semblent pécher, bien au contraire, par optimisme. Et les fédérali
479 enaces de guerre sont là. Demandez à l’opinion si elle est mûre pour la guerre ! Elle hésite à vous suivre à cause de vos pr
480 dez à l’opinion si elle est mûre pour la guerre ! Elle hésite à vous suivre à cause de vos prudences. Elle suivra ceux qui m
481 le hésite à vous suivre à cause de vos prudences. Elle suivra ceux qui marchent, ceux qui ont su voir le but et qui ont osé
482 la Commission, M. Bidault, peut déjà déclarer qu’ il s’orientera nettement vers une fédération finale. Il est clair qu’une
483 s’orientera nettement vers une fédération finale. Il est clair qu’une formule fédérale implique certaines limitations préc
484 oir bien réel, dans le Conseil de l’Europe tel qu’ il existe. Certes. Mais, si le Conseil existe, n’est-ce point précisémen
485 nationaux, leur addition ou juxtaposition n’irait- elle point créer, sur le plan de l’Europe, un danger pire que l’absence de
486 frein automatique, un véritable anti-pouvoir, qu’ il s’agirait alors de renverser pour établir l’union réelle ? La seconde
487 ’on peut voir dès maintenant dans le seul fait qu’ il ait lieu, la preuve d’une très rapide évolution. Les dirigeants de no
488 t tout naturellement, dans un délai aussi réduit. Ils sont en droit de montrer quelque fierté, lorsqu’ils passent en revue
489 s sont en droit de montrer quelque fierté, lorsqu’ ils passent en revue les objectifs qu’ils désignaient dans leurs mémorand
490 rté, lorsqu’ils passent en revue les objectifs qu’ ils désignaient dans leurs mémorandums, et les confrontent avec les résul
491 t d’abord la liberté de fixer ses ordres du jour. Elle a voté, malgré l’opposition du Comité ministériel la création d’une C
492 s droits de l’homme, pouvoir supérieur aux États. Elle a créé plusieurs commissions permanentes pour étudier l’instauration
493 son d’être suffisante au Mouvement européen, ou s’ il devait passer la main à l’Assemblée. C’est peut-être chanter victoire
494 C’est peut-être chanter victoire un peu trop tôt. Il reste encore à faire entrer dans la réalité le principal : la Constit
495 ces divers pouvoirs, sinon l’opinion générale, qu’ il s’agit maintenant d’alerter, d’informer, et de faire peser de tout so
496 hanger le nom de l’Assemblée consultative pour qu’ elle devienne en fait constituante, mais bien d’agir en sorte que ses vœux
497 ict populaire. ⁂ Nous sommes en pleine action, et il est clair qu’il s’est fait de l’Histoire à Strasbourg, mais nous n’en
498 Nous sommes en pleine action, et il est clair qu’ il s’est fait de l’Histoire à Strasbourg, mais nous n’en connaissons enc
499 s résultats pourront être jugés d’ici deux ans. S’ il n’y en a pas à ce moment-là, nous serons Russes ou colonisés, ou simp
500 éfiantes, amazing things for us, Americans !… Car elles se font sans moyens “mesurables”, sans organisations “solides” à la y
501 ès petit nombre d’hommes qui ont su voir juste… » Il venait de découvrir l’Europe, ses limitations, son génie. f. Rouge
6 1950, La Revue de Paris, articles (1937–1969). L’Europe et sa culture (novembre 1950)
502 lités ? À la fois dans l’espace et dans le temps, elles sont mouvantes et complexes. (Ce qui peut signifier d’ailleurs qu’ell
503 t complexes. (Ce qui peut signifier d’ailleurs qu’ elles sont vivantes.) Elles apparaissent en partie problématiques, en parti
504 eut signifier d’ailleurs qu’elles sont vivantes.) Elles apparaissent en partie problématiques, en partie définies par des car
505 en partie définies par des caractères permanents. Elles apparaissent, surtout, liées de telle manière que l’on ne peut défini
506 resqu’île de l’Asie. Second caractère permanent : elle est nettement divisée en compartiments par des chaînes de montagnes e
507 mitée de trois côtés par les mers et par l’Océan. Elle rappelle une Grèce agrandie. Mais voici le caractère problématique de
508 de l’Europe en compartiments relativement isolés, il faut rattacher les diversités nationales, dont nous avons tiré si gra
509 phique du découpage des côtes par plusieurs mers, il faut rattacher les approches différentes du monde par les Espagnols e
510 5 % des terres de la planète. D’où vient alors qu’ elle ait dominé le monde entier pendant des siècles ? À l’origine de toute
511 alement exceptionnelles pouvons-nous distinguer ? Il serait superflu de chercher ici autre chose que ce que tout le monde
512 eulement donné conscience d’elle-même une fois qu’ elle existait déjà, mais bien dans le complexe de tensions entrecroisées d
513 olue, non mesurable. À partir de ces trois pôles, il est possible d’interpréter les principales structures dynamiques de l
514 produite par les familles connues de la planète. Il ne pouvait faire autrement. Je parle des derniers mille ans. Mais com
515 mme du xixe ou du xxe siècle ? Cela ne prouve-t- il pas que j’aurais oublié quelques éléments décisifs, qui ne sont nés n
516 t mariées, ont divorcé, ont conclu des alliances. Elles se sont combinées au sens chimique, et non pas seulement mécanique. A
517 me paraissent typiquement d’Europe, en ce sens qu’ elles ne pouvaient naître que du complexe que je viens de décrire. Ce sont
518 es idées de révolution, de passion et de progrès. Elles sont nées toutes les trois de la révélation chrétienne, analysée et d
519 est inconcevable pour un Asiatique ou un Noir, s’ ils n’ont pas eu de contact avec notre civilisation. Car cette idée, en v
520 individuelles, nous disons même individualistes. Elle n’apparaît qu’au xiie siècle, sous l’influence de l’hérésie manichée
521 iècle, sous l’influence de l’hérésie manichéenne. Elle suppose la croyance chrétienne, personnaliste, en la valeur infinie d
522 tionner d’autres — suffiront à titre d’exemples : elles nous font pressentir la nature et les causes d’une capacité spécifiqu
523 t ce qui a fait de l’Europe autre chose que ce qu’ elle est physiquement, autre chose qu’un petit cap de l’Asie, pour reprend
524 ement détrônée, il y a cinq ans, en même temps qu’ elle était libérée dans ses ruines. Elle avait représenté un quart, puis u
525 même temps qu’elle était libérée dans ses ruines. Elle avait représenté un quart, puis un cinquième de la population du glob
526 art, puis un cinquième de la population du globe. Elle n’en sera dans cinquante ans plus qu’un dixième probablement. Elle ne
527 ns cinquante ans plus qu’un dixième probablement. Elle ne sait pas encore. Mais ce qu’elle voit très bien, c’est qu’elle n’e
528 probablement. Elle ne sait pas encore. Mais ce qu’ elle voit très bien, c’est qu’elle n’est plus le centre du monde, sur le p
529 encore. Mais ce qu’elle voit très bien, c’est qu’ elle n’est plus le centre du monde, sur le plan de la puissance politique.
530 du monde, sur le plan de la puissance politique. Elle se sent « mise à pied » par l’Histoire, au profit de deux empires neu
531 ire n’a pas moins horreur que la Nature. De plus, elle se voit amputée, pour le moment, d’un quart de sa population à l’Est,
532 400e de cette somme. L’idée de progrès a émigré ; elle est devenue américaine et russe. Mais ici, nous touchons déjà au dram
533 nsure politique est si parfaitement préventive qu’ elle peut s’offrir le luxe de disparaître en tant qu’activité distincte de
534 ître en tant qu’activité distincte de répression. Elle est partout et nulle part. C’est ainsi qu’un ancien ministre bulgare
535 émocraties dites populaires. Cependant, qu’en est- il chez nous de la liberté et de la censure ? Allons tout de suite à un
536 atomiques nous donne un inquiétant avertissement, il suggère que si la culture reste encore libre en Occident, c’est peut-
537 estige mondial de l’Europe, on pourrait croire qu’ elle n’est plus aujourd’hui qu’un appendice aux déclarations officielles,
538 enue périphérique. Comment expliquer autrement qu’ il soit admis sans question, de nos jours, que l’esprit subordonne ses i
539 onale ? Et que personne ne s’avise de soutenir qu’ il faudrait inverser cette hiérarchie ? Rendue matériellement dépendante
540 ndue matériellement dépendante de l’État, plus qu’ elle ne le fut jamais du mécénat privé, notre culture se voit contrainte d
541 ssités » qui lui sont étrangères et la dégradent. Elle perd ainsi sa fonction directrice. Et la séparation s’aggrave entre l
542 bien vu l’importance primordiale de la culture qu’ ils l’ont immédiatement étatisée. Ils lui ont rendu officiellement sa pla
543 e la culture qu’ils l’ont immédiatement étatisée. Ils lui ont rendu officiellement sa place centrale, et ils l’y tiennent e
544 ui ont rendu officiellement sa place centrale, et ils l’y tiennent emprisonnée. Elle est reine de nouveau, mais elle ne rec
545 place centrale, et ils l’y tiennent emprisonnée. Elle est reine de nouveau, mais elle ne reconnaît plus sa propre voix prof
546 nent emprisonnée. Elle est reine de nouveau, mais elle ne reconnaît plus sa propre voix proférant des aveux spontanés, crian
547 ant sur tous les modes l’éloge de ses bourreaux : elle est devenue la Propagande. Les conditions morales de la vie de l’espr
548 ôle central, la dénaturent et l’asservissent. Or, il est évident que ces conditions sont particulièrement graves pour l’Eu
549 ont particulièrement graves pour l’Europe, puisqu’ elles brisent dans un cas et, dans l’autre, détendent les ressorts de la cr
550 de la primauté dans nos vies nationales, soit qu’ elle se laisse subordonner aux intérêts économiques ou politiques, soit qu
551 r aux intérêts économiques ou politiques, soit qu’ elle se contente d’une liberté honoraire, sans responsabilité, et d’un rôl
552 « Que servirait à un homme de gagner le monde, s’ il perdait son âme ? » ⁂ J’admets ici, comme hypothèse de base, qu’il fa
553 e ? » ⁂ J’admets ici, comme hypothèse de base, qu’ il faut sauver l’Europe et sauver la culture. Si je pensais, comme certa
554 ver la culture. Si je pensais, comme certains, qu’ il est trop tard, je me tairais, ou je me ferais Américain. Mais il est
555 d, je me tairais, ou je me ferais Américain. Mais il est impossible de sauver l’Europe si l’on ne sauve pas en même temps
556 ’Europe est réduite à l’impuissance politique, si elle est colonisée par l’Amérique — ce qu’elle désire parfois — ou envahie
557 que, si elle est colonisée par l’Amérique — ce qu’ elle désire parfois — ou envahie par la Russie, certains pensent que notre
558 icacité, l’Europe ne peut recouvrer la puissance. Elle sera peut-être unie, c’est même plus que probable, par les soins d’ex
559 ’une police qui a fait ses preuves ailleurs. Mais elle aura perdu le ressort de son pouvoir transformateur du monde, ce pouv
560 berté ? L’Europe sans sa culture, réduite à ce qu’ elle est, ne serait plus qu’un cap de l’Asie — et l’Asie n’a jamais passé
561 réalités : l’Europe et la culture universelle qu’ elle a produite sont deux réalités coextensives. Elles naissent et meurent
562 ’elle a produite sont deux réalités coextensives. Elles naissent et meurent du même mouvement. Qu’en est-il de ce mouvement,
563 naissent et meurent du même mouvement. Qu’en est- il de ce mouvement, au milieu de notre siècle ? Va-t-il vers la renaissa
564 de ce mouvement, au milieu de notre siècle ? Va-t- il vers la renaissance ou vers la décadence ? Je crois que la sublime ré
565 ation européenne. Pour le bien comme pour le mal, il imite à la fois nos mœurs et nos objets, nos procédés d’art et de con
566 ture, l’une dès ses origines, et l’autre en ce qu’ elle a de moderne justement. Calvin et le puritanisme, d’un côté, plus les
567 cription : leurs traits les plus frappants, et qu’ ils croient spécifiques, ne sont souvent que des emprunts à notre fonds,
568 uement, parfois jusqu’à la monstruosité12. Mais s’ il en est ainsi, si tels sont nos atouts, d’où vient notre faiblesse et
569 avoir perdu la puissance et l’initiative, dès qu’ il s’agit d’autre chose que de peinture, de parfums, ou de vins du cru ?
570 ds, des Danois ou des Grecs, c’est-à-dire comme s’ ils n’étaient que quarante millions, soixante millions ou trois millions.
571 c, comme des peuples trop petits pour le monde où ils vivent. J’ai dressé une liste de nos créations les plus connues, cell
572 Et cette liste est impressionnante. Mais pour qu’ elle rassure un Français, un Allemand, un Danois, un Grec, et pour qu’ils
573 çais, un Allemand, un Danois, un Grec, et pour qu’ ils en tirent quelque orgueil, encore faut-il qu’ils aient conscience d’a
574 our qu’ils en tirent quelque orgueil, encore faut- il qu’ils aient conscience d’appartenir à la famille européenne. Sinon,
575 ’ils en tirent quelque orgueil, encore faut-il qu’ ils aient conscience d’appartenir à la famille européenne. Sinon, chacun
576 ison de plus de se sentir minoritaire, ou pauvre. Il en va de même sur tous les plans. Divisés, enfermés dans nos États-na
577 olus par la seule grâce de notre union. Mais sans elle sera supprimée la possibilité de les résoudre un jour. Je ne dirai pa
578 de tous les maux dont nous pouvons souffrir. Mais elle rend compte de nos faiblesses, et de notre démission sur le plan de l
579 de notre démission sur le plan de l’Histoire. Et elle rend compte de la névrose d’infériorité que j’ai dite. La division de
580 de l’Europe paralyse notre culture aussi, puisqu’ il n’est pas de culture sans libre échange des idées, des personnes et d
581 , des personnes et des œuvres, et l’on sait ce qu’ il en est aujourd’hui à cet égard. La condition nécessaire, sinon suffis
582 e promesse, mais c’en est une. Nous verrons ce qu’ elle vaut, avant la fin de l’année. Dans le domaine économique, nous avons
583 cette culture dont on ne saurait trop répéter qu’ elle est le vrai, le seul secret de notre puissance, il est temps de propo
584 e est le vrai, le seul secret de notre puissance, il est temps de proposer un autre Plan, qui consisterait dans la mise en
585 it nécessaire, c’est la déplorable évidence. Mais elle ne sera pas suffisante. Une mitrailleuse ne sert à rien, si l’homme q
586 mme qui la reçoit refuse de s’en servir, parce qu’ il ignore ce qui est en jeu, ce qui vaut d’être défendu. La défense effe
587 it commencer dans les cerveaux et dans les cœurs. Elle suppose une prise de conscience. Et toute volonté de réveil de la con
588 de la puissance européenne est sa culture, et qu’ il serait absurde et vain d’essayer de sauver l’une sans l’autre. La sec
589 bertés. Entre les stalinistes et nous, Européens, il n’y a qu’un mot : démocratie. Pour eux, cela veut dire dictature. Pou
7 1951, La Revue de Paris, articles (1937–1969). Inde 1951 (décembre 1951)
590 aniers nerveux, mais ceux de l’Inde se dominent : ils ont gardé cela des Anglais. Il leur faut cependant plus d’une heure p
591 nde se dominent : ils ont gardé cela des Anglais. Il leur faut cependant plus d’une heure pour nous administrer les preuve
592 s venons ici. — Pour un congrès. — Quel congrès ? Il y en a beaucoup. — Le Congrès indien pour la liberté de la culture. —
593 New Dehli. — Alors, pourquoi le Congrès se tient- il à Bombay ? — Parce que M. Nehru le veut ainsi. (Réponse propre à fair
594 ehru qui patronne le Congrès, alors qu’en vérité, il s’est borné à le déplacer, par un décret, de la capitale à Bombay.) L
595 à Bombay.) L’officier n’est pas bien convaincu : il voudrait obtenir des réponses qu’il connaît. Finalement : — Où habite
596 n convaincu : il voudrait obtenir des réponses qu’ il connaît. Finalement : — Où habiterez-vous ? — Au Taj Mahal Hôtel. Sou
597 pièce, devant une tenture sombre, sans nul bruit. Il m’est arrivé de sonner à nouveau n’entendant rien venir, et de m’aper
598 tendant rien venir, et de m’apercevoir ensuite qu’ ils étaient là déjà depuis un long moment. Pourquoi trois ? Je me dis que
599 blanc près de la table. Je leur demande du sucre. Ils sourient et s’inclinent. Ils ont des crayons à la main et des blocs d
600 ur demande du sucre. Ils sourient et s’inclinent. Ils ont des crayons à la main et des blocs de papier. Ils attendent. Je l
601 ont des crayons à la main et des blocs de papier. Ils attendent. Je leur dis que c’est tout ce que je désire. Mais eux voud
602 ne le point trouver aussi pur et déconcertant qu’ ils le rêvaient. Pour l’Indien, le Chinois, l’Arabe, l’étranger n’a jamai
603 littérature, de nostalgie consciente et cultivée. Il peut bien être le plus fort, il le fut en effet pendant des siècles,
604 ente et cultivée. Il peut bien être le plus fort, il le fut en effet pendant des siècles, mais il a tort, essentiellement.
605 ort, il le fut en effet pendant des siècles, mais il a tort, essentiellement. Cette conviction, vivante encore dans nos ca
606 , chez lesquelles une croyance inverse prédomine. Il semble qu’au regard de la « hideuse vulgarité » de l’Occident, dont p
607 ans désir sérieux de partager la foi de ceux dont il admire qu’ils en aient une. Ceci dit, je n’aurai de cesse que je n’ai
608 ieux de partager la foi de ceux dont il admire qu’ ils en aient une. Ceci dit, je n’aurai de cesse que je n’aie découvert, à
609 briser cela, on leur jette quelques pièces, mais elles reviennent toujours, avec cette insistance presque féroce des gens du
610 oir d’autres. Dès les premières heures de débats, il devient évident que leurs problèmes s’énoncent dans les mêmes termes
611 veulent sauver d’abord la liberté, sans laquelle il n’est pas question de réformes humainement valables ; ceux enfin qui
612 déclaré en leur temps : point de culture tant qu’ il subsiste de la misère et de la famine, il n’y aurait point de civilis
613 tant qu’il subsiste de la misère et de la famine, il n’y aurait point de civilisation ; s’il n’y avait point de civilisati
614 a famine, il n’y aurait point de civilisation ; s’ il n’y avait point de civilisation, nous serions sans moyens techniques
615 méricains qui avaient construit la Route birmane, il vient de rendre, en quelques mois d’essais, cent-mille tonnes de blé
616 force d’un proverbe, si convaincu que je sois qu’ il dit faux, que ce sont les repus qui n’écoutent pas, et que la disette
617 Raja Rao, que je rencontre dans le hall du Taj. ( Il a l’air d’un Gitan avec ses boucles noires, il est brahmine, et par u
618 . (Il a l’air d’un Gitan avec ses boucles noires, il est brahmine, et par un choix délibéré, très orthodoxe, donc très lib
619 ) — Je cherche l’Inde. La trouverai-je à Bombay ? Il appelle un taxi, et nous voilà partis. Nous avons quitté la voiture à
620 Çà et là, un homme prie, accroupi contre un mur. Il règne dans tout le quartier une espèce de solennité énigmatique et in
621 ancs, sérieux et lent. Raja Rao lui demande ce qu’ il lit. C’est un chant du Mahabharata. Ils écoutent sans bouger, jeunes
622 ande ce qu’il lit. C’est un chant du Mahabharata. Ils écoutent sans bouger, jeunes et vieux, le livre dont Gandhi chaque so
623 -ce ? ai-je demandé à mon ami. — Un holy man, a-t- il répondu distraitement. — Mais un vrai ou un charlatan ? — Comment peu
624 vrai ou un charlatan ? — Comment peut-on savoir. Il y en a tant. Il marchait lentement, à grands pas importants, précédé
625 latan ? — Comment peut-on savoir. Il y en a tant. Il marchait lentement, à grands pas importants, précédé d’un énorme vent
626 r du cou pendant jusqu’au nombril, et d’un pagne. Il rythmait ses lentes et grandes enjambées en frappant le sol d’un bâto
627 urs semblaient vouloir montrer avec insistance qu’ ils suivaient. ⁂ Le prêtre, le swami, le holy man : plus ils sont saints,
628 vaient. ⁂ Le prêtre, le swami, le holy man : plus ils sont saints, plus ils sont nus, et non pas chamarrés de robes et surp
629 e swami, le holy man : plus ils sont saints, plus ils sont nus, et non pas chamarrés de robes et surplis à l’instar des pri
630 ues, toujours plus lourdement revêtus à mesure qu’ ils gravissent la hiérarchie sacrée. Nos mouvements de réforme religieuse
631 acrée. Nos mouvements de réforme religieuse n’ont- ils pas toujours commencé par revenir avec passion vers la nudité spiritu
632 passion vers la nudité spirituelle ? Parfois même ils l’ont physiquement manifestée, de saint François aux Doukhobors. ⁂ Da
633 dos, les bras levés, avec une violence inouïe — s’ ils venaient à rater un seul croisement des armes et se touchaient la têt
634 ul croisement des armes et se touchaient la tête, ils tomberaient raides — le fracas des bâtons devient celui d’une dure mê
635 yés au sol d’une main, frappant de l’autre ; puis ils se couchent, frappent encore faiblement, s’immobilisent et la musique
636 éparée. Je serais tenté d’imaginer à la limite qu’ ils ne sont rien que chair opaque, virilité à l’état pur. Aussi tyranniqu
637 e, donc sans aucune espèce de liberté possible, s’ il est vrai que toute liberté suppose quelque hiatus intime entre le Moi
638 quelque hiatus intime entre le Moi et le destin. Il me semble qu’au seuil de comprendre, je viens de sentir au moins pour
639 rls », sans doute les plus avouables de la liste. Il fait déjà trente-trois degrés, à deux heures du matin : l’été approch
640 ord du chemin, on ne sait jamais, me disait M…, s’ ils sont dans la posture de l’adoration ou celle de la défécation. Il y a
641 énèrent jusqu’à la bouse des vaches sacrées, dont ils enduisent le four de leur cuisine, ou qu’ils s’appliquent sur les che
642 dont ils enduisent le four de leur cuisine, ou qu’ ils s’appliquent sur les cheveux et sur le front en triples traits, non s
643 hent en tous sens entre les deux trottoirs, quand il faut encore contourner sans les frôler les vaches accroupies ou couch
644 de catéchisme ; point de liturgie non plus puisqu’ il n’existe pas de culte public, ni même de rites communautaires ; à par
645 aux brahmines. Comment cette religion subsiste-t- elle , privée de toute espèce d’institutions et de disciplines collectives 
646 ce d’institutions et de disciplines collectives ? Elle se transmet par la famille, par le respect de la caste, par l’étude d
647 t par mille complexes, sexuels surtout. Qu’en est- il en Inde ? Les Indiens échangent un sourire, hésitent un peu, par poli
648 politesse sans doute, et disent enfin que non, qu’ ils n’ont pas de complexes, surtout pas de complexes sexuels. Spender ins
649 Les Indiens continuent de sourire : non vraiment, ils n’ont pas ce sens-là… Il y a beaucoup à dire sur ce dialogue, ainsi r
650 Asiatique : c’est une autre manière d’exprimer qu’ il n’a pas le sens du péché ; et par suite, qu’il n’a pas non plus le se
651 qu’il n’a pas le sens du péché ; et par suite, qu’ il n’a pas non plus le sens de la révolte, ni celui de l’humour, ni même
652 e. La suppression des castes, admise en droit, si elle devenait jamais effective, entraînerait d’infinies conséquences dans
653 ait d’infinies conséquences dans tous ces ordres. Elle créerait un champ libre aux problèmes personnels, aux risques permane
654 e raisonnable pour l’Asiatique en tant que tel14. Il est d’une caste, d’une secte religieuse, d’une voie spirituelle défin
655 le. Alors la vocation vient remplacer le rôle. Qu’ elle fasse défaut, et nous vivons dans l’incertain, l’absurde ou la médioc
656 de révolte. À ce qui menacerait de le dénaturer, il résiste en collant à son identité, qui est celle d’un ordre et non pa
657 go, d’un être différent qui ne vivra qu’une fois. Il résiste sans contre-attaque, sans chercher à détruire un ennemi étran
658 rofonde à l’étrangeté néfaste de l’ennemi, puisqu’ elle met à l’abri du danger de communier avec lui dans la lutte et d’en so
659 anciens amis m’a mis en garde. « Nehru, me disait- il , suit en toute occasion la ligne approuvée par les Russes. Prenez l’a
660 ée par les Russes. Prenez l’affaire de la Corée : il propose un plébiscite “démocratique”, qui ne peut tourner qu’à l’avan
661 lébiscite, idée quantitative et bien américaine ; il s’agit au contraire de sauver les droits de la minorité, seule respon
662 ans, la tient pour le pays de l’avenir. Cependant il déteste les communistes indiens, fait emprisonner leurs leaders. Stal
663 -travellers… » Un diplomate : « Nul ne sait ce qu’ il va faire. Il suit surtout la ligne de ses humeurs. L’autre jour, au b
664 » Un diplomate : « Nul ne sait ce qu’il va faire. Il suit surtout la ligne de ses humeurs. L’autre jour, au banquet des gr
665 L’autre jour, au banquet des grands industriels, il s’est lancé dans un discours fort irrité contre le machinisme, inutil
666 rrité contre le machinisme, inutile selon lui. Or il s’agit d’équiper l’Inde, pour la sauver de la misère. » Beaucoup enfi
667 de ceux qui l’aiment et qui l’admirent : « Ah ! s’ il était resté notre leader moral, au lieu de devenir Premier ministre… 
668 rlons, à New Delhi, au cours d’un déjeuner auquel il m’a convié, entouré de sa fille, de sa nièce, et de quelques familier
669 es, rapportées toutes fraîches de son pays natal. Il est entré sans bruit, d’un pas rapide. Un peu voûté, l’air sérieux et
670 s rapide. Un peu voûté, l’air sérieux et distant. Il porte une longue veste de soie d’un violet sombre, semée de fleurs gr
671 ussi beau qu’on le dit. Légèrement boudeur, m’a-t- il semblé d’abord. (À la première mention que je risque du Congrès, bais
672 is pourquoi je me suis demandé, à ce moment-là, s’ il pensait en hindi ou en anglais.) Mais à table, c’est un autre homme.
673  ; parlant plutôt du cinéma indien qui, m’apprend- il , le cède de peu à Hollywood quant au volume de production, mais qu’il
674 Hollywood quant au volume de production, mais qu’ il juge pire encore quant à la qualité ; parlant des douze grandes langu
675 t, une sorte de cabinet mondial : en tant que tel il doit prêter l’oreille à l’opinion mondiale qui parle ici… » Mais sans
676 sser achever ma citation : « Six ou sept ? me dit- il . Quels sont les autres ? » — No others ! tranche la nièce avec simpli
677 ous laissons sans réponse la question de savoir s’ ils devraient être des Staline ou des Einstein, des Nehrus politiques ou
678 sumer ou de refuser cette situation. Approuverait- il un plan d’échanges suivis, sur un axe culturel Inde-Europe ? Nos plus
679 pe que par les collèges anglais, et d’autre part, elle est tentée de juger l’Occident tout entier à travers l’Amérique ; or
680 l’Amérique ; or l’Europe est plus près de l’Inde… Il s’est donné une petite tape sur le genou. « C’est vrai, cela ! me dit
681 te tape sur le genou. « C’est vrai, cela ! me dit- il , il y a du vrai là-dedans… » J’ai pris congé au haut de l’escalier. M
682 ns… » J’ai pris congé au haut de l’escalier. Mais il me rejoint sur le seuil du palais. « N’oubliez pas de dire à Madariag
683 ince. Que ce pandit soit devenu Premier ministre, il s’agit là d’un caprice de l’Histoire. Il y a beaucoup de caprice chez
684 e, d’un Hitler, mais peut-être aussi d’un Gandhi, il reste comme distinct de son rôle historique. On dirait qu’il le voit
685 mme distinct de son rôle historique. On dirait qu’ il le voit avec quelque distance. Un moraliste en somme, mais sans foi r
686 st celui d’un brahmine pour une caste inférieure ( il l’a écrit), non pas celui d’un Marx pour le capitalisme promis à des
687 lisme promis à des crises fatales. Les mesures qu’ il vient de prendre contre la presse, au nom d’un idéal de « propreté mo
688 personnelle. Tout le monde parle de sa beauté. Et il est vrai que son visage et son maintien expriment une harmonie de l’â
689 son être intime, le regard de l’esprit trouverait- il encore ce mystère primitif qui lie l’homme à ses dieux comme une ombr
690 s dieux comme une ombre à la nuit ? Ne trouverait- il pas au contraire ce signe d’inquiétude et de contradiction, cette pet
691 , de nos faiblesses et de nos idéaux, l’Inde va-t- elle enfin se retrouver elle-même ? Six siècles de tutelle, presque « d’oc
692 es de tutelle, presque « d’occupation », ne l’ont- ils pas profondément dénaturée ? Certes, mais l’Inde en soi n’existe pas
693 lleurs que dans nos idées vagues sur son mystère. Elle ne peut plus ressembler qu’à ce qu’elle deviendra. En six siècles, le
694 mystère. Elle ne peut plus ressembler qu’à ce qu’ elle deviendra. En six siècles, le monde a changé ; une Inde indépendante
695 monde a changé ; une Inde indépendante eût changé elle aussi. Le fait certain, c’est qu’elle n’a pu le faire au rythme accél
696 eût changé elle aussi. Le fait certain, c’est qu’ elle n’a pu le faire au rythme accéléré de notre histoire. Elle a manqué l
697 pu le faire au rythme accéléré de notre histoire. Elle a manqué la Renaissance, les Lumières, le romantisme et les révolutio
698 e américain et russe. Ni d’un côté ni de l’autre, elle ne peut se reconnaître. Elle se dit neutre, comme quelqu’un qui voudr
699 côté ni de l’autre, elle ne peut se reconnaître. Elle se dit neutre, comme quelqu’un qui voudrait bien se rendormir. Mais l
700 ne partie serrée, l’Inde se voit sommée de jouer. Elle n’est pas équipée, ni entraînée. Elle ne sait pas quel camp choisir.
701 e de jouer. Elle n’est pas équipée, ni entraînée. Elle ne sait pas quel camp choisir. Comme on comprend que Nehru, qui doit
702 me on comprend que Nehru, qui doit « jouer » pour elle sur le plan international, ne soit tenté que par le rôle d’arbitre !
703 hénomène des « masses », ni l’individualisme dont il est la rançon. Cependant l’Inde, en tant qu’État, doit voter pour ou
704 on. Mais sur quelles valeurs positives Nehru peut- il fonder le double refus qui paraît inspirer sa politique ? Au nom de q
705 é profonde, ou de quel idéal nouveau repoussera-t- il longtemps la double tentation ? L’Inde antique, religieuse, hindoue,
706 uvoir est aux « sécularistes » qui se détachent d’ elle ou la renient. L’évolution normale que provoquerait une suppression r
707 e de l’Occident, de l’Europe en particulier. Mais elle n’affecte encore que l’intelligentsia16. Celle-ci d’ailleurs rejoint
708 resque tous ces problèmes me semblent insolubles. Il faut donc aider l’Inde, mais qui le peut ? L’Amérique lui fournit des
709 ffert. (Qui, d’ailleurs, l’eût fait en son nom ?) Elle s’est bornée à se retirer politiquement. Elle doit trouver maintenant
710  ?) Elle s’est bornée à se retirer politiquement. Elle doit trouver maintenant les formes d’une présence désintéressée, frat
711 ais un Hindou ne peut devenir « collectiviste » s’ il n’a passé d’abord par l’individualisme, soit chrétien, rationaliste.
8 1965, La Revue de Paris, articles (1937–1969). Le Suisse moyen et quelques autres (mai 1965)
712 gime qui permet à chacun de rester soi-même où qu’ il vive, à droits égaux mais à charge de respect pour les coutumes local
713 la Suisse comme d’une nation « une et diverse ». Il faut voir qu’elle est une parce qu’elle est diverse. Le goût du juste
714 d’une nation « une et diverse ». Il faut voir qu’ elle est une parce qu’elle est diverse. Le goût du juste milieu, le sens d
715 diverse ». Il faut voir qu’elle est une parce qu’ elle est diverse. Le goût du juste milieu, le sens du compromis, l’attrait
716 veaux de vie. Ce sont des réalistes sans cynisme. Ils acceptent leur condition, parce qu’ils en connaissent bien les donnée
717 s cynisme. Ils acceptent leur condition, parce qu’ ils en connaissent bien les données de fait et les impératifs concrets, e
718 données de fait et les impératifs concrets, et qu’ ils la jugent au surplus satisfaisante. Une enquête conduite par l’instit
719 ns six pays d’Europe et aux États-Unis, montre qu’ ils sont « en tête des gens heureux », comme l’écrit un journal français.
720 ire que le Suisse moyen. Réformiste conservateur, il évolue avec ténacité vers des formes d’organisation de l’économie et
721 , c’est le goût du travail dont on a pu écrire qu’ il est « le mode existentiel des Suisses », la base de leurs rapports so
722 de de promotion »17, dit-on et sans doute en va-t- il vraiment ainsi pour l’immense majorité. La coutume patricienne n’a gu
723 rivées ; le parti radical a perdu la puissance qu’ il exerçait jusqu’aux débuts de ce siècle sur les nominations dans la fo
724 n général fidèle à son métier. Dire d’un homme qu’ il a fait beaucoup de métiers est un éloge banal en Amérique (ou versati
725 d’être un plaisir : devoir envers soi-même, car «  il faut se cultiver », comme il faut se maintenir en forme en faisant du
726 vers soi-même, car « il faut se cultiver », comme il faut se maintenir en forme en faisant du ski ou de la gymnastique. Le
727 t des prétextes et en trouvent d’excellents, mais il n’y a plus de gratuité. Dans L’Annuaire statistique de la Suisse, pub
728 simplicité, affiché jusqu’à la manie ou au défi, il caractérisait les Suisses bien avant l’ère industrielle-utilitaire, e
729 e-utilitaire, et même bien avant la Réforme, mais il est en symbiose avec elles, et s’en nourrit autant qu’il explique leu
730 en avant la Réforme, mais il est en symbiose avec elles , et s’en nourrit autant qu’il explique leur succès dans la majorité d
731 en symbiose avec elles, et s’en nourrit autant qu’ il explique leur succès dans la majorité de nos cantons. « Simplifions »
732 uestion des critères moraux du Suisse moyen. Sont- ils encore ceux de sa religion, ou déjà ceux de l’utilitarisme que certai
733 xxe siècle multiplie les questions de ce genre. Il est peut-être encore plus difficile d’y répondre dans le cas de la Su
734 d’une action du mérite moral de son auteur. D’où il résulte, par exemple, que le goût du travail correspond chez le Suiss
735 une mauvaise langue, le Suisse se lève tôt, mais il se réveille tard. Mais qu’en est-il d’autres domaines critiques de l’
736 ève tôt, mais il se réveille tard. Mais qu’en est- il d’autres domaines critiques de l’existence morale en Occident : la se
737 daient au contraire, pour l’épouser, la preuve qu’ elle pouvait être mère), cent témoignages concordants décrivent une Suisse
738 dante assombrit la prédication pendant un siècle. Il est d’autant plus remarquable que le Suisse moyen formé à cette école
739 on que de désaffection. D’autres indices viennent- ils corroborer cette conclusion ? Nous en trouverons sans doute dans les
740 lques centimètres hors de la file des voitures qu’ il lui avait plu d’organiser devant le poste, — souvenir de l’école enfa
741 vant le poste, — souvenir de l’école enfantine où il alignait des bâtonnets pendant des heures et il fallait surtout que r
742 ù il alignait des bâtonnets pendant des heures et il fallait surtout que rien ne dépasse. Ce qui dépasse aux yeux de la ce
743 cherait qu’une excitation pour les sens20 ». Faut- il penser que les Suisses bénéficient vraiment d’une sensualité si viole
744 ouches approbations ; on les considère pour ce qu’ elles sont : résidus de préjugés sociaux ou religieux qui n’ont plus beauco
745 Nidwald » (canton voisin). En revanche, raconte-t- il  : « J’ai connu une dame de Schaffhouse dont le fils avait épousé une
746 terthour, distante d’une vingtaine de kilomètres. Elle en avait le cœur brisé, bien entendu, et m’expliqua en grande confide
747 en entendu, et m’expliqua en grande confidence qu’ elle faisait de grands efforts pour traiter sa bru ‟comme si elle était l’
748 t de grands efforts pour traiter sa bru ‟comme si elle était l’une des nôtres”, tout en sachant fort bien que ‟ces mariages
749 que ‟ces mariages mixtes ne réussissent jamais”. Elle voyait dans son attitude un exemple miraculeux de sacrifice personnel
750 e divorce s’explique surtout par d’autres causes. Il n’est pas le signe d’un quelconque « relâchement moral » (comparé à l
751 exigence accrue à l’égard du mariage et de ce qu’ il peut représenter pour le développement personnel de chacun des conjoi
752 tant que couple dans la vie sociale…23 Au total, il ne semble pas que « l’immoralité » progresse notablement dans les can
753 é » progresse notablement dans les cantons, comme elle le fait dans les trop vastes sociétés mal structurées ou les grands e
754 moralement assumé. Le niveau de vie, une fois qu’ il est bien assuré, c’est la vie elle-même qui devient le danger, ses su
755 xpérience quotidienne, montre les Suisses tels qu’ ils sont et se veulent. Ceux qui refuseront de s’y reconnaître ne seront
756 uisse moyen est sérieux mais heureux (j’ajoute qu’ il rit beaucoup et facilement), qu’il est réaliste sans cynisme, qu’il a
757 x (j’ajoute qu’il rit beaucoup et facilement), qu’ il est réaliste sans cynisme, qu’il accepte sa condition comme il approu
758 facilement), qu’il est réaliste sans cynisme, qu’ il accepte sa condition comme il approuve son régime politique et acclam
759 te sans cynisme, qu’il accepte sa condition comme il approuve son régime politique et acclame son niveau de vie neuf fois
760 t acclame son niveau de vie neuf fois sur dix, qu’ il n’est pas révolutionnaire mais résolument réformiste, et qu’il n’aime
761 révolutionnaire mais résolument réformiste, et qu’ il n’aime pas les jeux d’idées ni la spéculation dans aucun ordre, enfin
762 ail est sa vie, est-ce le vanter ou le dénigrer ? Il est clair que c’est l’un et l’autre, selon le signe dont on affecte l
763 qui signent des contrats de « paix de travail ». ( Il n’est pas interdit de se former des jugements plus nuancés ou dialect
764 ge, visage bientôt « traditionnel ». On répète qu’ ils expriment l’âme de leur patrie, mais on oublie qu’ils l’ont créée d’a
765 expriment l’âme de leur patrie, mais on oublie qu’ ils l’ont créée d’abord (bien que dans un langage donné, qui existait ava
766 dans un langage donné, qui existait avant eux, qu’ ils renouvellent seulement). Il y a dans une patrie, dans une nation, dan
767 s que l’homme moyen ne peut pas exprimer, bien qu’ il en vive, — ou faut-il dire précisément parce qu’il en vit ? Et ce son
768 peut pas exprimer, bien qu’il en vive, — ou faut- il dire précisément parce qu’il en vit ? Et ce sont des hommes d’excepti
769 l en vive, — ou faut-il dire précisément parce qu’ il en vit ? Et ce sont des hommes d’exception qui les révèlent dans leur
770 eption qui les révèlent dans leurs œuvres, même s’ ils croyaient y exprimer tout autre chose, ou peut-être précisément parce
771 né au monde que la pendule à coucou. J’imagine qu’ il entendait dire que la Suisse n’a produit rien de grand, hommes, idées
772 mérique, cette dernière Orson Welles et la Bombe. Il faut admettre que notre aurea mediocritas saute aux yeux du premier v
773 anger vient chez nous et cite l’un des Suisses qu’ il connaît par sa réputation mondiale, il ne trouvera pas une personne s
774 Suisses qu’il connaît par sa réputation mondiale, il ne trouvera pas une personne sur mille, prise dans la rue, qui ait ja
775 i bien que l’homme de poids y sera surtout local. Il sera le grand homme d’une vallée, d’une cité, plus rarement d’un cant
776 u voyant administre l’État, on ne saurait dire qu’ il gouverne les Suisses, et c’est très bien. Mais dans le domaine de la
777 nvénients. Car pour qu’un grand art s’épanouisse, il faut un milieu, une école, un public alerté, un snobisme, les libéral
778 ces conditions l’homme de talent ou d’ambition ? Il a trois possibilités : essayer de se rendre invisible — tenter de se
779 moyen » (expression en elle-même contradictoire) il me paraît intéressant de définir certaines conduites spécifiques que
780 ois, épris de littérature et d’idées libertaires. Il devint cependant pasteur à 25 ans et passa le reste de sa vie dans la
781 la cure du village de Lützelflüh. À quarante ans il se mit à écrire et, sous le nom de Jeremias Gotthelf (Jérémie : le pr
782 utes les familles l’ont lu, en Suisse alémanique. Il s’était occupé sa vie durant de l’administration locale, du secours d
783 éder à Ranke dans la chaire d’histoire de Berlin, il se fit accepter dans sa cité natale selon son rang social et en tant
784 t la même conduite à Genève comme par instinct, s’ il est un instinct patricien. (L’intellectuel du xxe siècle cherche au
785 ette nouvelle tactique conformiste, puisque c’est elle qui se voit dorénavant « admise », comme l’était la conduite inverse
786 end de créer quelque chose, tout se passe comme s’ il avait à se faire pardonner sa turbulence créatrice ou son génie indiv
787 éatrice ou son génie individuel, en démontrant qu’ il fait une œuvre utile au bien commun. Et c’est pourquoi les Suisses qu
788 excelle et se dépasse, mais dans le seul sens qu’ elle ait jamais voulu se permettre : celui de la cure d’âme et d’esprit, e
789 freudisme ou du léninisme dans d’autres domaines. Il est nommé professeur en Allemagne. Devant les prétentions nationales-
790 e. Devant les prétentions nationales-socialistes, il dresse un manifeste de l’« Église confessante », première affirmation
791 istance européenne. On lui fait un procès à Bonn. Il n’attaque pas le régime en soi, mais ses complices dans l’Église. On
792 Église. On l’expulse. Et dès lors, revenu à Bâle, il édifie une Dogmatique de l’Église qui est le monument théologique le
793 éloignés de l’époque présente, bien au contraire, il a même précédé, en fait, la tentative d’aggiornamento de l’Église ini
794 ’engage comme simple soldat dans l’armée suisse : il faut résister à Hitler au nom de la foi, parce qu’il instaure une rel
795 faut résister à Hitler au nom de la foi, parce qu’ il instaure une religion. Après la guerre, ce contempteur de la neutrali
796 rhétorique du « tout cela et rien que cela » (qu’ il a puisée dans saint Paul), il est le seul théologien depuis Calvin qu
797 rien que cela » (qu’il a puisée dans saint Paul), il est le seul théologien depuis Calvin qui ait influencé l’ensemble des
798 ectives (qu’on lui reproche de mal définir) et qu’ il a détectées dans la grande nuit des âges. Autant Barth refuse le phén
799 uel et spirituel des Églises romaine et grecque — il connaît et il redécouvre la valeur des rites et des symboles et il es
800 el des Églises romaine et grecque — il connaît et il redécouvre la valeur des rites et des symboles et il est tout le cont
801 redécouvre la valeur des rites et des symboles et il est tout le contraire d’un iconoclaste — mais quand il déclare, dans
802 t tout le contraire d’un iconoclaste — mais quand il déclare, dans sa Réponse à Job, que la proclamation du dogme de l’Ass
803 e. Le théologien n’a que faire de la psychologie. Il la met entre parenthèses pour ne considérer que la totalité de l’exis
804 , le psychologue n’a que faire des dogmes, sauf s’ ils sont l’expression cristallisée d’un mythe, d’une situation archétypiq
805 e l’âme, — et c’est précisément dans la mesure où ils seraient un mythe fixé que Barth les rejetterait. Le dialogue entre c
806 ux hommes n’était même pas concevable, et de fait il n’a pas eu lieu. Leurs disciples (pasteurs et théologiens d’un côté,
807 a Suisse : « Pays de gens moyens, oui. Mais quand ils réussissent à se dégager de leur canton — alors pas de milieu, ils at
808 se dégager de leur canton — alors pas de milieu, ils atteignent l’universel. Au fond de son trou l’homme de Disentis, de G
809 ège, entre les hautes parois de sa prison. Mais s’ il monte sur la montagne… Alors cette ivresse des sommets. L’intuition d
810 vant la pensée. Le Suisse s’appelle Jean-Jacques. Il s’appelle Germaine de Staël. Il s’appelle Burckhardt ou, dans un autr
811 lle Jean-Jacques. Il s’appelle Germaine de Staël. Il s’appelle Burckhardt ou, dans un autre domaine, Karl Barth. Son canto
812 maine, Karl Barth. Son canton — ou l’Europe. » Et il est vrai que nos meilleurs esprits, hors de l’étroit compartiment nat
813 es : quelle que soit leur petite patrie locale, s’ ils la dépassent c’est pour rejoindre immédiatement les grands courants c
814 e en quelque sorte ; non, bien plutôt libres pour elle … 17. Cf. l’enquête Un jour en Suisse, 1964. 18. 300 000 Suisses v
9 1969, La Revue de Paris, articles (1937–1969). L’avenir du fédéralisme (septembre 1969)
815 ionalistes, qu’on voit partout en plein essor, qu’ il s’agisse de Nations en instance de divorce avec l’OTAN ou avec le Pac
816 ement contradictoire, c’est l’État-nation, tel qu’ il est né de la Révolution et du Premier Empire, produit de la confiscat
817 nous l’ont laissé, à la fois trop petit et grand. Il est trop petit pour assurer ce qu’on persiste à nommer son indépendan
818 us nos États centralisés — dans la mesure même où ils sont centralisés — se révèlent trop grands pour animer la vie économi
819 ou sa capitale, et les accusent de colonialisme. Il est certain que la prétention à une politique indépendante, au plein
820 ur que par la Chine, l’URSS et surtout les USA, s’ ils acceptaient toutefois d’en payer le prix, lequel serait celui d’une a
821 ous les coups, c’est donc l’État-nation qui perd. Il ne correspond plus ni aux conditions de liberté et de participation c
822 guère que deux douzaines d’États fédératifs, mais ils regroupent 40 % de la population du globe, et il est frappant de cons
823 ils regroupent 40 % de la population du globe, et il est frappant de constater qu’on trouve parmi eux les plus grands État
824 dises de qualités pour le moins diverses selon qu’ il s’agit par exemple de l’empire soviétique, du Nigéria, ou de la Confé
825 nts de convergence européenne et mondiale, même s’ ils disent s’inspirer du propre exemple de la fédération des cantons suis
826 re exemple de la fédération des cantons suisses ! Il est certain que dans ces trois cas, c’est moins le fédéralisme qu’on
827 n blocage délibéré aux limites d’un État fédéral. Il ne s’agit pas d’un défaut du fédéralisme, mais d’un défaut de fédéral
828 comme le remède spécifique au stato-nationalisme, il faudrait avant de le prescrire, être très sûr de sa formule. Or je ne
829 ur le Français cultivé, donc, la cause est jugée. Il s’agit d’un système qui est bon pour les sauvages, et qui semble n’av
830 é préconisé que par des traîtres à la République… Il est vrai que mon Littré date de 1865 : « fédéralisme » y est encore q
831 parus sur le sujet auraient dû suffire, semble-t- il , à clarifier un terme que le problème européen et nos situations nati
832 le terme de fédéralisme étant tabou à Strasbourg, il se verrait obligé de quitter le comité si l’on adoptait ma propositio
833 ’est-à-dire très exactement le contraire de ce qu’ il est. À l’inverse, le fédéralisme est assimilé par beaucoup à une atti
834 d’une subvention fédérale « parce qu’ici, disait- il , nous sommes fédéralistes ! » Si pareils malentendus sont le fait d’
835 ais la coexistence en tension de ceci et de cela, il semble que le danger d’interprétations partielles, donc ruineuses dan
836 on cas, lui soit pour ainsi dire congénital. Or s’ il est vrai que l’union de l’Europe est l’entreprise capitale de siècle,
837 ’Europe est l’entreprise capitale de siècle, et s’ il est vraisemblable que cette union sera fédérale ou ne sera pas, on se
838 héorie des jeux de von Neumann et Morgenstern, qu’ il s’agit de déterminer l’optimum en lequel se concilient deux maxima co
839 respond une telle politique, et quel type d’homme elle entend préparer ou éduquer, constatons qu’elle traduit une forme de p
840 me elle entend préparer ou éduquer, constatons qu’ elle traduit une forme de pensée, une structure de relations bipolaires do
841 utant que sur l’anarchie des individus isolés, qu’ il s’agisse de réalités métaphysiques ou physiques, esthétiques ou polit
842 sonne à la fois une et double de Jésus-Christ. Et ils écrivent : « Nous enseignons un seul et même Seigneur Jésus-Christ, v
843 s supprimé la différence des natures, mais plutôt elle a sauvegardé les propriétés de chaque nature, qui se rencontrent dans
844 ste ainsi posé à la clé de l’histoire européenne, il reste à repérer les principaux domaines de la réalité moderne où l’on
845 caractère va se transmettre à tous les groupes qu’ il formera avec d’autres hommes, ses semblables. Ces groupes devront êtr
846 Enfin, le problème général de l’œcuménisme n’est- il pas le même en sa forme que ceux que nous venons d’évoquer, puisqu’il
847 forme que ceux que nous venons d’évoquer, puisqu’ il consiste à concilier des confessions distinctes dans l’unité de l’Égl
848 situation part du concret, en ce sens que d’abord elle considère la nature d’une tâche ou d’une fonction particulière dont o
849 onnu la nécessité ou l’agrément. Deuxième étape : elle évalue les dimensions optima de l’aire d’exécution requise et elle le
850 imensions optima de l’aire d’exécution requise et elle le fait en fonction des trois facteurs suivants : possibilités de par
851 ionale, continentale ou mondiale, selon les cas), il ne reste qu’à désigner le niveau de compétence où seront prises les d
852 ont prises les décisions relatives à cette tâche. Il peut y avoir d’ailleurs plusieurs niveaux de décisions, hiérarchisés.
853 ent différer selon les tâches, j’entends selon qu’ elles intéressent tous les hommes de toutes les régions, certains hommes de
854 est pas que l’administration soit facile, mais qu’ elle soit juste et éclairée.) Nous allons voir, enfin, que nos critères d’
855 e communication avec ceux que l’on côtoie comme s’ ils n’étaient pas là. La solution consisterait à recréer les conditions d
856 n tous pays et tous régimes politico-économiques. Ils ont pour motif profond l’antinomie entre la culture générale au sens
857 r professionnel souvent d’autant plus rentable qu’ il est plus étroitement spécialisé ; mais la révolte actuelle des étudia
858 par dix les dimensions des marches d’un escalier, il devient impraticable. De même, le décuplement des effectifs estudiant
859 soudre une fois pour toutes ce conflit permanent. Il y faut une méthode vivante, celle que j’ai dite : sans cesse évaluer
860 u’avait bien vu le regretté Pierre Duclos, lorsqu’ il relevait que « le fédéralisme vit d’une vie que la forme institutionn
861 t pas à qualifier et moins encore à épuiser »… Et il ajoutait : « Le fédéralisme est autre chose qu’une simple recette jur
862 se qu’une simple recette juridique ou politique : il est un des grands types d’aménagement du rapport politique et peut-êt
863 e j’ai tenté de le définir ne fait que commencer. Il n’est pas matière historique, mais prospective. Il a plus d’avenir qu
864 l n’est pas matière historique, mais prospective. Il a plus d’avenir que de passé. 26. Pierre Duclos écrivait, en 1962,
865 reconnaissables — dont se compose la fédération. Il est une symbiose sans confusion ni disparition des spécificités. » 2